ARCHIVES
nE E
NEUROLOGIE
ÉVREUX, IMPRIMERIE DE CHARLES HËRISSEY
ARCHIVES
DE
NEUROLOGIE
REVUE
DES MALADIES NERVEUSES ET MENTALES
PUBLIEE sous LA DllIgCT¡ON 01 :
c il A il c 0 lu
MM. BABINSKI, BALLET, BAUDOUIN ( : IAIICRLI, ltl'f0'f (l ? A.),
BLANCHARD, BLOCQ, 110,'îNAlItl (li.), Ii0Uf.111tI.AlI,
BIIIAND (11.), BItISSAUl7 (l : .), BItOIIAItU(rl. (P.), CA TSAllAS, CHAMBARD,
CHARPENTIER, CIIASLtiN, CIIRISTIAN,
DBB01'R (1VL), DI.LASIAUVI : , DI : NY, DUVAL (IATIlIAS), FEllllrEII,
GILLES DE LA TOUIOETTR, GOMBAULT, GIUSSET, JOFI'IIO\' (A.),
1(EItA\'AL (P.), LA : I)OUGY, IAGNAN, MARIE, MIEIIZEJI¡WSK\"
111NOR, 111liSGItAVI : -I : LA)', PARIS, PARINAliD, P1LI.IET, l'IEIIIIET, l'ITIIES
l'0 ! 'OFF, L(AOULT, ltA1'1110YU IF.), Itl'sI.NAItU (A.),
](EGNAIII) (P.). ! lICHER (P.), 1101lBlNOVITCH, W. ItOT11,
SÉGLAS, SEGUIN (IS.-l : .), SOLI,1111, SOIIl\\' (J.), TEINTURIER (l;.),
TIIULIK (II.), TIIOI<;lIm (1(.), VIGOlJIIOlJY (11.1,
VOISIN (J.).
Rédacteur en chef : ISOUItNI : ViLLI.
Secrétaires de la rédaction : J.-Il. CHARCOT FILS et G. GUINON
Tome XVIII. 1889.
Avec 1 planche et 10 figures dans le texte.
PARIS
BU 1\ EAU DU U P 110 ¡; IUt : j MÉDICAL 1,
1 rue des Carmes.
1889
Vol. XVII. Juillet 1889.. Nu 52.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
PATHOLOGIE MENTALE
DES TRAUMATISEES DU CRANE DANS LEURS RAPPORTS
AVEC [/ALIÉNATION MENTALE;
Par le D' J. CHRISTIAN,
Médecin de la Maison nationale de Charenton.
Quand on nous présente un aliéné, et que nous
interrogeons son entourage sur les causes présumées
de la maladie mentale, il est de règle que l'on invo-
que une de ces causes banales, chagrin, perte d'argent,
ambition déçue, amour contrarié, auxquelles nul
dans la vie ne saurait se flatter d'échapper, et dont,
pour cette raison, l'influence peut sembler douteuse.
Que si, au lieu de nous contenter de ces assertions
vagues, nous pouvons faire une enquête sérieuse, que
de fois n'apprenons-nous pas, qu'à une époque.plus
ou moins lointaine, cet aliéné, dont nous cherchons à
reconstituer l'existence pathologique, a reçu un coup
sur la tête, qu'il a fait une chûte, qu'il a éprouvé un
traumatisme grave du crâne ! La famille en avait perdu
le souvenir. C'est que les accidents avaient été de
courte durée ; ils s'étaient dissipés sans laisser de
traces apparentes. Le blessé avait repris ses occupa-
.\.RCIII\'ES, l. X\ïII. I
2 PATHOLOGIE MENTALE.
tions, était retourné à ses affaires. S'il y avait eu quel-
que chose de changé en lui, c'était si peu, que personne
ne s'en était inquiété.
Et quand d'aventure, cinq, dix, vingt ans après
l'accident, la folie- éclate, est-il légitime de rattacher
cette folie au traumatisme, de la considérer comme
un effet éloigné de la lésion crânienne, comme le
dernier chaînon d'une trame dont la blessure du crâne
serait le premier ?
Telle est la question que je me suis proposé d'exa-
miner. Il m'a semblé qu'elle a, non seulement un inté-
rêt scientifique assez considérable pour mériter une
étude approfondie, mais qu'elle est encore d'une haute
importance pratique. Je suis journellement appelé
à donner mon avis sur la situation de malades, et
particulièrement de militaires ou de marins, qui, de-
venus aliénés et réformés du service, ont à faire valoir
leurs droits à une retraite ou à un secours. Très sou-
vent ces malades ont dans leur passé un trauma-
tisme du crâne, chute de cheval, coup de sabre, éclat
d'obus, etc. Faut-il incriminer le traumatisme ? De la
réponse à cette question dépendra la valeur du secours
ou de la pension de retraite. Or je suis convaincu que,
dans une foule de cas, la réponse doit être affirma-
tive. Mais il importe d'établir scientifiquement cette
corrélation, car, pour tous les médecins elle n'est pas
évidente; et, quand nous l'invoquons, il ne faut pas
qu'on puisse croire qu'elle sert à déguiser un certi-
ficat de complaisance.
J'ajouterai que le problème se pose également, et
dans les circonstances les plus variées, au médecin
légiste, soit qu'il ait à apprécier le préjudice causé
DES TRAUMATISMES DU CRANE. 3
aux victimes d'un événement tel que explosion de
mine, explosion de machine à vapeur, accident de
chemin de fer, soit qu'il doive établir le degré de
responsabilité d'un individu accusé d'un crime ou d'un
délit.
I.
Les traumatismes du crâne, considérés au point de
vue de leurs effets éloignés, ont une légende. Il fut un
temps où les coups, les blessures graves à la tête,
pouvaient, non seulement ne pas causer dédommage,
mais au contraire, développer des aptitudes nouvelles,
changer en intelligence supérieure des facultés qui,
jusque-là, étaient restées au-dessous de la moyenne.
Ou lit dans Hippocrate (trad. Littré, V, p. 223),
l'histoire d'un malade âgé de douze à treize ans,
atteint de rigidité des membres et des mâchoires, avec
impossibilité de les étendre ou de les fléchir : il guérit
subitement après une chûte sur la tête.
C'est donc une opinion ancienne que celle qui
admet que les coups sur la tête puissent exercer une
influence favorable. Et il ne serait sans doute pas dif-
ficile de trouver des faits analogues dans les vieux
auteurs, si friands de singularités et de cas rares. Je me
bornerai à relater ceux que Gall a recueillis.
Le premier a trait à Grétry, « qui (c'est lui-même
qui le dit dans ses Mémoires), ne dut le développe-
ment de son génie pour la musique qu'à une violente
contusion qu'il reçut à la tête par la chûte d'une forte
pièce de bois. » (Gall, Fonctions du cerveau, Paris,
185, I, p. 411.)
4 PATHOLOGIE MENTALE.
Ailleurs (Anat. et Physiol. du syst. nerveux en gé-
néral et du cerveau en particulier, Paris, 1810, II,
p. 32), nous lisons l'histoire d'un « jeune homme,
qui, jusqu'à treize ans, n'avait pu réussir à rien. Il
tomba du haut d'un escalier, se fit plusieurs trous à
la tête, et, après sa guérison, il poursuivit ses études
avec la distinction la plus marquée ».
A la même page, nous apprenons ce qui advint au
Père Mabillon, « qui n'avait dans son enfance que les
facultés les plus bornées : mais au milieu de sa mé-
diocrité, il reçut à la tête une blessure des plus fortes,
et, dès ce moment, il déploya des talents supérieurs».
Et l'aventure devient encore bien plus étonnante,
avec les détails que Gall y ajoute à la page 264 du
même volume : le Mabillon, y est-il dit, jusqu'à dix-
huit ans, ne savait ni lire, ni écrire, et à peine parler.
A la suite d'une chute, il fallut le trépaner; pendant
la convalescence, il lui tomba entre les mains un
Euclide, et il fit des progrès très rapides dans les
mathématiques. »
Il est impossible de discuter un fait aussi miracu-
leux. Je citerai encore l'observation suivante, que
Gall emprunte à Haller : « Haller, dit-il (ibid., p. 32),
parle d'un idiot, qui, ayant eu une forte blessure à
la tête, eut du bon sens tant que la plaie dura; mais
qui retomba dans l'imbécillité aussitôt que sa blessure
fut guérie. »
Mais ici nous avons le texte même de Haller, qui
dit simplement : « Homo parvi ingenii, dum sanus
fuerat, ingeniosus ex ictu in crânio accepto, sanatus
ad priorem simplicitatem rediit» (.E7e. physiol. corp.
humant, IV, p. 294, édit. Lausanne, 17G2). Ce qui,
DES TRAUMATISMES DU CRANU. 5
dans sa forte concision, est tout différent. Car si,
avec Haller, il est admissible qu'une blessure du crâne
produise une certaine excitation cérébrale chez un
individu parvi in,c/ezü, on ne saurait comprendre
qu'elle donne du bon sens, même pour un temps, à
un idiot.
Quoi qu'il en soit, on a admis comme vraies les
histoires de Gall, et l'on s'est même ingénié à les
commenter et à les expliquer.
Gama (Traité des plaies de tête et de l'encéphalite,
2e édit., 1835, p. 146), s'en rend compte « par un
heureux changement dû à une stimulation du cerveau
produite par la commotion». Mathey (Noucellesl'eelter-
ches sur les maladies de l'esprit, Paris et Genève, 1816),
avait été encore plus catégorique : « Les coups sur la
tête, dit-il (p. 280), occasionnent et guérissent aussi
la manie : nous le concevons aisément ! »
De nos jours, les choses ne se passent plus ainsi ;
les traumatismes du crâne, quand nous les observons,
ne produisent plus ni mathématiciens, ni musiciens,
ni facultés hors ligne; mais souvent au contraire des
imbéciles, des idiots, des épileptiques, des déments,
des aliénés. Bien rares sont ceux qui guérissent sans
laisser de traces.
II.
Si, sortant de ce que j'appellerai volontiers la
légende, nous entrons dans le domaine de l'observa-
tion scientifique précise, nous constatons, non sans
surprise, la rareté des documents. Ce n'est pas que,
6 PATHOLOGIE MENTALE.
dans l'histoire pathologique d'un individu, les trau-
matismes du crâne aient jamais été considérés comme
une quantité négligeable ; au contraire. Chaque fois
que l'occasion s'en est présentée, ils ont été soigneu-
sement notés. Mais, quant à l'influence de ces trau-
matismes sur la production des maladies mentales,
nous devons reconnaître qu'elle ne paraît pas avoir été
étudiée avec le soin désirable. Il faut en accuser sur-
tout la difficulté et l'obscurité du problème; puis cette
circonstance, qu'il est très rare de voir la folie succé-
der directement aux accidents traumatiques.
Il est une autre raison, encore plus générale, c'est
que, depuis Pinel, et pour tous les aliénistes de l'Ecole
psychologique, c'est un véritable dogme que de croire
à la prédominance des causes morales sur les causes
physiques dans la génération de la folie. Cela est si
vrai que Moreau (de Tours), étudiant les causes de
l'épilepsie, et rencontrant un certain nombre de cas
où la maladie paraissait due à des coups sur la tête,
ajoute ces réflexions significatives : « Dans la plupart
des cas (causes physiques) on pourrait tout aussi bien
les comprendre parmi les causes morales; il est diffi-
cile en effet de séparer de l'effet physique, de l'ébran-
lement, de la lésion d'organes produite par ces causes,
l'émotion, le trouble, la perturbation morale instan-
tanée, qui en ont été le résultat non moins immédiat.
Les malades, au reste, ne s'y trompent guère : « Ce
n'est pas le mal que cela m'a fait, disent-ils, mais
c'est la peur que j'en ai eue. » (Mém. de l'Acad. de
médecine, t. XVIII, 1854, p. 120.)
Je trouve cette opinion formulée, presque dans les
mêmes termes, par l'un de nos confrères les plus dis-
DES TRAUMATISMES DU CRANE. 7
tingués, récemment enlevé à la science, le regretté
Dr Foville. Rendant compte du mémoire du Dr Azam,
il croit qu'il ne faut admettre l'influence des trauma-
tismes du crâne qu'avec une grande réserve; et,
venant à parler de l'altération du caractère et des
sentiments affectifs, qui succède si fréquemment aux
coups sur la tête, il se demande « si ces changements
de caractère, qui souvent ne sont que passagers, ne
peuvent pas s'expliquer par le chagrin, l'inquiétude de
l'avenir, l'affaiblissement lié à la convalescence ? » u
(Ann. nzécl. psychol, mai 1881, p. 3591.)
Et, quelques lignes plus loin, à propos de la folie
épileptique qui succède à certaines lésions crâniennes,
« pour cette catégorie de faits, dit-il, on peut parfois
se demander si l'épilepsie n'est pas consécutive à
l'impression morale déterminée par l'accident plutôt
que symptomatique de la lésion crânienne elle-même. »
Il n'y a donc pas lieu de s'étonner, qu'avec des
opinions pareilles, universellement adoptées, l'étude
des causes physiques de la folie ait été longtemps
négligée et réléguée à l'arrière-plan. Cependant
Esquirol avait écrit : « Les chûtes sur la tête, même
1 Il est des cas qui peuvent être interprétés aussi bien dans un sens
que dans l'autre. Comme exemple je citerai le fait suivant : Un officier
de santé, très occupé, se fatiguant beaucoup, est victime d'un premier
accident : il tombe de cheval sur le visage et se fracture le nez. Guéri de
cette chute, il en fait une beaucoup plus grave un an après : renversé
de voiture, il est grièvement blessé à la tête, présente des accidents de
méningite dont il ne se remet qu'après plusieurs semaines, et en restant
sourd. La folie survient progressivement (manie avec hallucinations). Il
est évident qu'il y a deux hypothèses à faire : 1° la folie est due aux
lésions traumatiques du cerveau, qui ont également déterminé la surdité;
2° elle est le résultat du chagrin d'un homme qui se sent devenir
sourd, et qui voit qu'il va perdre son gagne-pain et celui de sa famille.
Chacune peut se défendre par d'excellentes raisons. Pour moi, j'incrimine
avant tout la lésion du cerveau.
8 PATHOLOGIE MENTALE.
dès la première enfance, prédisposent à la folie et
en sont quelquefois la cause excitante. Ces chûtes,
ou les coups sur la tête, précèdent de plusieurs
années l'explosion du délire (1, p. 35). »
Cet ordre de causes n'avait pas non plus échappé
aux auteurs qui s'étaient plus spécialement occupés
des maladies inflammatoires du cerveau, et en parti-
culier de la paralysie générale. « Les violences exté-
rieures exercées sur la tête, dit Bayle, peuvent dispo-
ser à l'espèce d'aliénation mentale que nous décri-
vons, en imprimant au cerveau des commotions plus
ou moins fortes, qui peuvent à leur tour déterminer
des congestions sanguines dans les vaisseaux de la
pie-mère, etc. » (Maladies du cerveau et de ses mem-
branes, Paris, 1826, p. 409).
Calmeil également signale ces lésions traumatiques
chaque fois qu'il les rencontre dans les antécédents de
ses malades (111al. inflam. du cerveau, 2 vol. Paris 1859,
oBS. 82, 114, 118, 119, etc.).
Il n'en reste pas moins établi que, pendant fort
longtemps, la folie de cause traumatique n'a guère
attiré l'attention, et que More ! était en droit de dire
que « le nombre de ces faits serait plus considérable,
si les tendances scientifiques de notre époque n'avaient
pas accordé aux causes dites morales une trop grande
prédominance dans la pathogénie des maladies men-
tales ». (Morel, Traité des maladies mentales, p. 144.)
Griesinger est un de ceux qui ont le plus insisté
sur la grande importance de cet élément étiologique :
« Toutes les plaies de tête graves, dit-il, ont une
influence considérable sur le développement de la
folie, soit qu'il y ait simplement commotion du cer-
DES TRAUMATISMKS DU CRANE. 9
veau, soit qu'elles s'accompagnent de fractures du
crâne, d'épanchement sanguin, ou de perte de subs-
tance cérébrale, etc...; dans d'autres cas au contraire,
ce n'est que longtemps après la blessure, un an,
deux ans, six ans, quelquefois même dix ans après,
que l'on voit éclater la maladie mentale. » (Traité des
mal. mentales, trad. Doumic, Paris, 1865, p. 211.)
C'est Schlager, de Vienne, (Zeitsch2,ift de)' Gesellsch.
de}' Wiener Aerzte, VIII, p. 454), qui, le premier,
est sorti des généralités, et a essayé de porter dans le
débat quelques données précises. Sur 500 aliénés qu'il
a examinés, Schlager a trouvé 49 cas (42 hommes,
7 femmes) de folie traumatique. Dans 19 cas, la maladie
mentale éclata moins de 1 an après l'accident; mais
très souvent beaucoup plus tard, et 4 fois après plus
de dix ans. Schlager semble disposé à admettre que le
traumatisme imprime à la folie un certain cachet,
qui se manifeste par une grande tendance aux con-
gestions après de minimes ingestions d'alcool, une
émotivité exagérée, des hypéresthésies oculaires, etc.
Le pronostic lui paraît défavorable : 7 fois il observa
la paralysie générale. Enfin l'autopsie, qu'il put pra-
tiquer 10 fois, lui permit de constater l'existence de
cicatrices osseuses, d'adhérences de la dure-mère au
crâne, etc...
Si, comme je viens de le dire, Schlager a la ten-
dance de faire de la folie consécutive au traumatisme
une forme particulière, une folie traumatique, avec
ses caractères spéciaux, cette tendance est encore bien
plus accusée dans le travail publié par Skae. Cet au-
teur, se basant sur 10 observations seulement (dont
4 suile d'insolation), conclut d'abord à l'identité
10 PATHOLOGIE MENTALE.
d'effet des coups sur la tête et de l'insolation, puis
à l'existence d'un genre de folie qu'il appelle la folie
traumatique, et dont il cherche à établir la symptoma-
tologie. Ce travail soulève bien des objections; il a le
grand tort de ne s'appuyer que sur un nombre de
faits insignifiant , et de confondre dans la même
description des faits dissemblables, tels que insolation
et traumatisme. (Skae, Ann. mu. psychol. 1867, X,
p. 568, anal. par Dumesnil.)
Je citerai encore un intéressant mémoire de Krafft-
Ebing (Ueber die durci 6'e/ ? er. ? cMn/M<y und
Kopfverletzung Ilerforgerufenen psyclliscllen I'2,ctîzkbei-
ten, )Jrlangen 1868). Cet auteur distingue trois cas :
1° Ceux dans lesquels la folie est la conséquence
directe, unique, et immédiate du traumatisme; 2° ceux
dans lesquels la folie ne survient qu'après une période
prodromique plus ou moins longue, caractérisée par
des modifications de l'humeur, des habitudes, du
caractère; 3° ceux enfin dans lesquels le traumatisme
ne crée qu'une prédisposition à la folie, celle-ci n'écla-
tant que plus tard, sous l'influence d'une cause
occasionnelle.
J'écarte de mon travail les faits que Krafft-Ii : bin a
rangés dans la première catégorie; ils ne sauraient
soulever aucune difficulté. Il s'agit d'une affection
cérébrale qui débute par le traumatisme, et se poursuit
sans aucune interruption. Chose singulière, ce sont là
des cas relativement rares, et ils ne doivent être
admis qu'à bon escient. Bien souvent les traumatismes
auxquels on attribue la folie (chûtes de cheval, etc.),
bien loin d'être la cause, ne sont au contraire que
l'effet d'une maladie cérébrale déjà existante.
DES TRAUMATISMES DU CRANE. 'I1
Les auteurs les plus récents admettent tous que la
folie peut être l'une des suites éloignées d'un trauma-
tisme du crâne. Mais leur attention me paraît s'être
portée trop exclusivement sur la paralysie générale et
l'épilepsie.
En 1853, dans sa thèse d'agrégation, Lasègue écri-
vait : « Je ne mets pas en doute qu'un certain nombre
d'affections et de lésions cérébrales ne soient l'origine
de la paralysie générale... Tantôt▶ c'est une chûte
grave, ◀tantôt▶ une blessure causée par le choc sur la
tête d'un corps pesant (p. 67). »
Bien souvent, depuis cette époque, le regretté maître
a développé et généralisé cette idée, en l'appuyant de
nombreux exemples. C'est en s'inspirant de ses leçons
qu'Azam a publié en 1881 son intéressant mémoire
(Arcla. de Illéd. février et mars 1881).
Je signalerai enfin la thèse de Vallon (de la para-
lysie générale et du traumatisme dans leurs rapports
réciproques, Paris 1882); puis un très grand nombre
d'observations isolées, éparses dans les journaux de
médecine ou dans les Recueils des Sociétés savantes ;
et, pour terminer, un travail qui vient de paraître (Ch.
Vibert (élude médico-légale sur les blessures produites
par les accidents de chemin de fer), Paris, 1888), dans
lequel sont relatés plusieurs faits, absolument sem-
blables à ceux que j'étudie.
III.
Lorsqu'une violence extérieure agit sur le crâne, il
va sans dire que les effets produits varient singulière-
12 9 PATHOLOGIE MENTALE.
ment, suivant la nature et le mode d'action de l'agent
vulnérant. Plaies, contusions, déchirure des parties
molles, hémorrhagies, fracture des os, pénétration de
corps étrangers dans la cavité crânienne, etc., toutes
ces lésions peuvent exister. Elles sont du domaine de
la chirurgie, et il suffit de les énumérer pour montrer
quelle variété de pronostic elles comportent. Elles ont
leur gravité intrinsèque, et celles, même en apparence
les plus insignifiantes, peuvent entraîner les consé-
quences les plus fâcheuses.
Mais, en dehors de cette gravité chirurgicale, elles
en ont une autre, toute spéciale, qui tient au voisinage
du cerveau. Le choc, venu du dehors, ne s'épuise pas
à la périphérie du crâne; il ébranle le cerveau dans
sa masse, et cet ébranlement, cette commotion, se
traduit par des symptômes immédiats que l'on peut
considérer comme les phénomènes nerveux primaires
ou primitifs des traumatismes du crâne.
1° Symptômes primaires. Ils apparaissent dès
l'instant du choc, et beaucoup sont d'observation vul-
gaire : douleur plus ou moins vive, étincelles, lueurs,
globes lumineux; bourdonnements, tintements
d'oreilles; bruits de cloches; quelquefois des hallucina-
tions de l'odorat, comme j'en ai rapporté ailleurs quel-
ques exemples (art. Hallucination du Dict. ecyc/o ?
Voilà pour les troubles sensitifs.
Des troubles de la motilité peuvent également se
manifester : engourdissement du bras ou de la jambe,
hémiplégies ou monoplégies passagères, convulsions ;
quand il y a fracture du crâne, avec enfoncement des
os, épanchement et compression du cerveau, l'hémi-
plégie peut être complète et permanente, comme dans
DES TRAUMATISMES DU CRANE. '13
les cas d'hémorrhagie cérébrale, et ne se dissiper qu'à
la suite d'une opération qui fait disparaître la com-
pression.
Quant aux troubles intellectuels, ils peuvent aller
du simple vertige, ou de l'étourdissement, jusqu'à la
perte de connaissance complète, avec résolution des
membres.
Tous ces symptômes sensitifs, moteurs, intellectuels,
peuvent se combiner de mille façons différentes, et,
comme le fait remarquer Lasègue, « l'ictus chirur-
gical, comme l'ictus cérébral non traumatique, est
susceptible de revêtir d'emblée les formes les plus
variées, comateuse, épileptique., hémiplégique passa-
gère, intellectuelle cérébrale , forme avec céphalée,
vomissements, etc. » (Revue médicale, 1880, et oeuvres
complètes).
Enfin, il peut arriver que le choc soit assez violent
pour déterminer une mort brusque, alors même qu'il
n'existe pas de lésion extérieure. Si le blessé ne suc-
combe pas, il recouvre en général plus ou moins
rapidement l'intégrité de ses facultés. Il est cependant
un symptôme, qui fréquemment persiste, pendant
plusieurs heures, ou même plusieurs jours, et qui, à
lui seul, prouve combien le cerveau a été profondé-
ment ébranlé, c'est l'amnésie traumatique.
On a souvent cité une observation de Félix Plater
se rapportant à un savant, qui avait possédé la con-
naissance du grec et du latin, et qui avait été forcé
de se remettre à l'étude de l'alphabet, après avoir été
guéri d'une blessure profonde de l'orbite (Calmeil,
de la Folie, I, p. 363).
Les choses ne vont généralement pas jusque-là : la
14 PATHOLOGIE MENTALE.
perte de la mémoire se borne d'ordinaire aux faits
contemporains de l'accident. Il arrive en outre assez
souvent qu'il s'y joint une sorte d'amnésie ? '<o7'a<7e.
une perte de souvenir de tout ce qui s'est passé pen-
dant un temps plus ou moins long, antérieur à l'ac-
cident. ,-
De toutes les observations d'amnésie traumatique,
l'une des plus célèbres est celle de Kaempfen, insérée
dans les Mémoires de l'Académie de médecine, 1835.
Il s'agit d'un officier, âgé de vingt-huit ans, qui fait
une chûte de cheval dans un manège, tombe sur le
pariétal droit, et perd absolument la mémoire de tout
ce qui s'est passé pendant vingt-quatre heures à partir
du moment de la chute. e
Motet a observé un fait presque semblable : un jeune
officier saute à cheval une barrière ; le cheval s'abat ;
le cavalier est lancé en avant, pique une tête, et reste
étendu sans mouvement : amnésie complète (Ann.
méd.psych., 1886, III, p. 127).
Un jeune homme, maçon, monte une augée de plâtre
sur une échelle. Arrivé à la hauteur du deuxième étage,
un échelon se brise, il est précipité dans la cave : frac-
ture de la jambe droite, de la cuisse gauche, et dévia-
tion de la colonne vertébrale; il reste huit jours dans
un état comateux. Pendant des mois, l'amnésie a été
complète; la mémoire s'est rétablie progressivement
jusqu'à la minute même de l'accident; il se souvient
maintenant du bruit que l'échelon a produit en se
brisant (Motet, ibid.).
C'est là le fait le plus généralement observé : le
souvenir s'arrête au moment même de l'accident. Un
jeune homme de dix-neuf ans reçoit un coup de pied
DES TRAUMATISMES DU CRANE. 15
de cheval à la tête : fracture du crâne, enfoncement
des fragments, perte de connaissance. Le blessé ne
revint à lui que trois heures après l'accident; il n'avait
aucune conscience d'avoir été frappé par sa jument.
La dernière chose qu'il se rappelât, c'est que la jument
exécutait un mouvement de rotation et baissait les
oreilles en arrière (lllaudsley, Pathol. de l'Esprit,
trad. Germont, Paris, 1883, p. 9 (note).
B..., robuste paysan, travaillant au pied du clocher
de son village, fut atteint à la tête par une tuile tom-
bant d'une hauteur de quatorze mètres. Il tomba sur
le sol, foudroyé. Quand il revint à lui, il ne se sou-
venait de rien, sinon d'avoir reçu un coup à la tête.
Le souvenir le plus lointain se reportait à l'instant qui
précédait le coup (Mosso, de la Peur, trad. Hément,
Paris, 1886, p. 53).
, Parallèlement à cette amnésie, il peut se manifester
un autre phénomène fort remarquable. Le blessé ne
perd pas connaissance, ou revient très rapidement à
lui ; alors, pendant un temps plus ou moins long, il
continue à agir, à accomplir des actes souvent très
compliqués, à terminer ou à continuer ce qu'il avait
projeté avant l'accident. Mais tout cela se fait dans un
état d'automatisme inconscient, dans une sorte de
demi-stupeur, et sans qu'il reste aucun souvenir des
actes ainsi accomplis.
Vibert a observé cet automatisme chez plusieurs des
blessés échappés à la catastrophe de Charenton. Motet
a vu une jeune femme qui part avec son mari pour
Versailles, où elle doit assister à un enterrement. En
descendant de wagon, elle tombe sur la région fessière,
est étourdie un instant, mais se relève aussitôt, donne
16 Ô PATHOLOGIE MENTALE.
"-
le bras à son mari et sort de la gare avec lui jusqu'à
une assez grande distance. Mais elle avait complète-
ment oublié pourquoi elle était venue à Versailles, et
cette amnésie persista quatre jours entiers (loc. cit.).
Rouillard a raconté à la Sociétézzédicopsychologique
la curieuse histoire d'une sage-femme, qui, appelée
la nuit pour faire un accouchement, tombe dans son
escalier, se fait une forte contusion à la tête, et perd
connaissance pendant près d'un quart d'heure. Puis
elle se remet, va chez sa cliente, fait l'accouchement
(au bout de deux heures), emmaillotte l'enfant, pra-
tique la délivrance, etc., le tout avec la dextérité
d'une vieille praticienne. Et cependant elle n'avait
aucune conscience de ce qu'elle faisait; elle agissait
automatiquement, et elle n'avait le souvenir ni de sa
chûte, ni des événements qui l'avaient suivie (Ann.
221é(l. psychol., 1886, p. 39).
A ces faits, qu'il m'eût été facile de multiplier, je
n'ajouterai que le suivant :
Observation I. D... reçoit on 187 : i, à l'âge de vingt-trois ans,
des coups de bâton sur la têle. Il tombe tout étourdi, mais se
relève aussitôt, rentre chez lui sans proférer une parole, se met à
table, dine de bon appétit, mais toujours sans parler et d'une
façon si singulière, que sa famille en est frappée. Au sortir de
table, il va se coucher, et s'endort profondément jusqu'au lende-
main matin à une heure avancée. Quand il se réveille, il est tout
surpris de se trouver au lit, et, ne se rappelant rien de ce qui lui
était arrivé la veille, il fait venir sa soeur et lui demande des expli-
cations. Il ne se souvenait ni des coups qu'il avait reçus, ni d'être
rentré chez lui, ni d'avoir diné. Les suites immédiates de cet
accident furent des plus simples. Mais au bout de quelques mois,
on s'aperçut que D... n'avait plus de goût au travail, qu'il deve-
nait distrait, irritable, qu'il se mettait à fréquenter les cafés. On
essaya d'un voyage, mais l'intelligence s'altéra de plus en plus,
et en 1878 il fallut le placer dans une maison de santé. Il y vit en-
core dans un état de complète démence, traversée par de fréquenls
accès d'agitation maniaque. Jusqu'au jour où il avait reçu des
DES TRAUMATISMES DU CRANE. I i
coups à la tête, il avait fait d'une façon brillante ses études en
droit, et il venait d'être reçu avocat. Il n'existe aucun antécédent
héréditaire; cependant, depuis que D... est à Charentou, sa mère
a été frappée d'hémiplégie.
On voit qu'en général les symptômes primaires des
traumatismes du crâne sont des phénomènes de courte
durée, qui disparaissent sans laisser de trace apparente.
Le blessé paraît complètement revenu à son état de
santé antérieur à l'accident.
Il n'est pas hors de propos d'ajouter ici, que, dans
la production de ces phénomènes, il est impossible de
faire jouer aucun rôle à la frayeur, à l'émotion morale :
le blessé est frappé à l'improviste; il perd connais-
sance aussitôt qu'il est atteint, et avant qu'il ait eu le
temps de s'effrayer, ni de prévoir le danger.
2° Les accidents secondaires sont d'une autre na-
ture. Ils ont leur point de départ dans la réaction
inflammatoire excitée par les lésions produites au sein
des centres nerveux par la violence extérieure; ils
n'apparaissent guère avant le second ou le troisième
jour, et ils se manifestent sous forme de méningite,
d'encéphalite, d'abcès cérébraux, etc.
Ce sont les faits de ce genre qui ont été le plus et
le mieux étudiés, et sur lesquels on trouve le plus de
documents à toutes les périodes de l'histoire de la
médecine. Les ouvrages de Bouillaud, de Gama, de
Lallemand, d'Abercrombie, etc., leur sont consacrés,
presque exclusivement.
Je n'ai pas ici à décrire tous ces troubles inflamma-
toires. Ceux-là seuls m'intéressent qui ont guéri. Et
il est certain que les accidents secondaires, même les
plus graves, ont pu guérir. On a vu des blessés
Archives, t. XVIII. 2
18 PATHOLOGIE MENTALE.
survivre à des fractures du crâne, à des pertes de subs-
tance des os, ou même de la substance cérébrale.
D'autres ont vécu, gardant dans leur cerveau un pro-
jectile ou un corps étranger. Si de tels succès ont pu
être obtenus autrefois, combien ils deviendront plus
fréquents, avec les hardiesses sans cesse croissantes de
la chirurgie aidée de l'antisepsie !
Il serait facile de reproduire un grand nombre de cas
de guérison des accidents secondaires, mais à toutes
ces observations, je serais obligé de faire la même
objection ; la guérison a-t-elle été complète et défini-
tive ? Comment fonctionnait le cerveau après la guéri-
son ? Qu'étaient devenus et l'intelligence, et le carac-
tère, et la sensibilité morale ? .
Combien mon travail aurait gagné en précision,
combien il eût été rendu plus facile, si j'avais pu
suivre quelques-uns de ces blessés, réchappés d'une
fracture ou d'une contusion du crâne, guéris d'une
opération du trépan ! Malheureusement, à ces ques-
tions j'ai trop rarement trouvé une réponse, et il n'y a
pas lieu de s'en étonner. Les accidents primitifs et
secondaires sont du domaine de la chirurgie : si le
blessé guérit, le chirurgien le perd de vue, et ce n'est
plus lui qui est consulté, quand d'aventure, après un
temps plus ou moins long, surviennent des troubles
nerveux. Le malade finit, alors son existence dans un
hospice, dans un asile d'aliénés, et trop souvent l'on
reste dans l'ignorance de son passé.
3° Les accidents tertiaires sont ceux qui surviennent,
après un temps souvent fort long, chez les individus
qui ont eu, à un moment donné, les accidents pri-
mitifs ou secondaires dont je viens de parler, et qui
DES TRAUMATISMES DU CRANE. 19
en ont paru définitivement guéris. Ces accidents-
tertiaires, qui se manifestent principalement sous la
forme de troubles cérébraux chroniques, appartien-
nent-ils à la même série pathologique que les autres ? 2
Pour moi cela n'est pas douteux, et je vais essayer de
le démontrer.
IV.
Tout d'abord, il faut reconnaître que la guérison des
accidents primaires et secondaires peut être définitive,
et telle qu'aucun trouble cérébral, imputable au trauma-
tisme, ne se manifeste plus jusqu'à la fin de l'exis-
tence. Tous nous avons connu dans notre entourage
des gens, qui avaient été plus ou moins grièvement
blessés au crâne, qui en avaient gardé des traces bien
évidentes (cicatrices, etc.), et qui cependant, avaient
pu sans encombre atteindre la vieillesse.
« En 1807, dans une reconnaissance qu'il faisait des
positions de l'ennemi, sur les bords de la Passarge, le
prince de Ponte-Corvo reçut un coup de feu... La
balle le frappa derrière et au-dessus de l'apophyse
mastoïde gauche, déchira les téguments et le péri-
crâne, et eut assez de violence pour occasionner une
commotion qui fit pencher le blessé sur la tête de son
cheval, sans cependant lui faire perdre entièrement
connaissance. Il se remit presque aussitôt, et put con-
tinuer à donner ses ordres... » (Gama, loc. cit.)
Il est évident que dans ce cas, il y a eu commotion
cérébrale, mais qui n'a pas laissé de traces. On sait
que Bernadotte est mort octogénaire en 1844, et que,
40 PATHOLOGIE MENTALE.
jusqu'à la fin de sa vie, il a conservé toute la pléni-
tude de son intelligence'.
Ce sont les faits de ce genre qu'il importerait de
recueillir, mais qu'on ne trouve guère dans les auteurs.
Des guérisons qui datent de quelques mois, de quel-
ques années, tous les traités de chirurgie en donnent;
mais, je le répète, elles ne prouvent rien, parce qu'on
ne peut jamais affirmer qu'elles aient été définitives 2.
Prenons en effet le cas le plus simple, celui d'un corps
étranger accidentellement introduit dans l'intérieur du
crâne. Il est certain que la présence de ce corps
étranger n'entraîne pas nécessairement des troubles
1 Un exemple tout à fait extraordinaire se trouve dans Ferrier (Loca-
lisation des maladies cérébrales, trad. Varigny, Paris, 1879, p. 15) : Un
jeune homme de vingt-cinq ans, Phineas P. Gage, bourrait un trou de
mine dans un rocher, d'une matière explosible, au moyen d'une barre
de fer pointue, longue de trois pieds sept pouces, large de un pouce un
quart, et pesant treize livres un quart; la charge éclata tout à coup. La
barre de fer, lancée la pointe en avant, pénétra par l'angle gauche de la
mâchoire du patient, traversa net le sommet du crâne, dans la région
frontale, près de la suture sagittale, et fut ramassée à quelque distance,
couverte de « sang et de cervelle ».
Le patient fut d'abord étourdi; mais moins d'une heure après l'acci-
dent, il put monter un long étage d'escaliers et raconta au chirurgien,
d'une manière intelligible, ce qui lui était arrivé. - Il vécut encore
douze ans et demi !
Autre fait. Un combattant de Juillet avait eu le crâne haché de coups
de sabre, les os fracturés, la dure-mère mise à nu. Il guérit. Dupuytren
le présenta à sa clinique un an après sa grave blessure (Vidal, de Cassis),
Pathol., ext. il édit. 1885, II, p. 706).
- Je trouve dans l'Histoire d'Ecosse, de Walter Scott, I, chapitre xn,
l'amusante histoire que voici : « Dans un tournoi, un chevalier écossais,
nommé William Ramsay, eut son casque traversé par une lance, dont un
éclat lui entra dans le crâne, et lui cloua son casque sur la tête. Comme
on croyait qu'il allait mourir sur l'heure, on envoya chercher un prêtre
qui lui administra les derniers sacrements, sans que le casque eût été
été. Aussitôt après, un parent du malade, homme vigoureux, appliqua
son pied contre la tête de son ami, tandis que, réunissant toutes ses
forces, il tirait le morceau de lance du casque, et en même temps de la
blessure Aussitôt William Ramsay se leva, et dit, en se frottant la tète :
« Cela ira ! » On ne sait pas, ajoute l'historien, si le patient vécut. Mais
que de faits semblables ont dû se produire é l'époque où l'on ne se
battait qu'à l'arme blanche ! »
DES TRAUMATISMES DU CRANE. - )Il
cérébraux, qu'elle peut se concilier avec le fonction-
nement normal du cerveau'. Mais il est également
démontré qu'il n'y a jamais de sécurité complète :
qu'après un temps, souvent fort long, des accidents
formidables éclatent, qui emportent le blessé qu'on
croyait hors d'affaire.
Je n'en veux citer comme exemple que l'observa-
tion récemment produite par Berger à la Société de
chirurgie. Une fille publique reçoit un coup de revolver
à la tête; la balle se perd dans le crâne. Après quel-
ques symptômes passagers d'hémiplégie, la fille guérit,
et, pendant quatre ans, elle jouit d'une santé parfaite.
Tout à coup accidents de méningite, qui l'emportent
en quelques jours, A l'autopsie, on trouva la balle
enkystée sous la dure-mère, et à peine quelques
rougeurs dans les méninges.
Qu'au lieu d'un corps étranger, d'une balle de revol-
ver, d'un fragment de lame de couteau ou de pointe
de fleuret, il s'agisse d'une production accidentelle,
telle que bride cicatricielle, ou ossification, ou cica-
trice de foyer hémorrhagique, n'est-on pas autorisé à
supposer que les choses se passent de même ? Et si
alors on voit survenir des accidents cérébraux, n'est-il
pas légitime de les rapporter cette épine restée dans
le cerveau ? 2
Bouillaud ne s'y était pas trompé : « Les diverses
productions accidentelles indiquent, comme nous
venons de le voir, qu'il a existéautrefoisuneiuflamma-
1 Une statistique de H. R. Warthon, de Philadelphie, publiée en 18î9
(Phil, < ? ! ex ? Times) et citée dans l'Union médicale (19 avril 1887), donne
les chiffres suivants : Sur 316 cas de corps étrangers s'étant logés dans
le cerveau, ICO furent suivis de guérison. Le corps vulnérant a été extrait
dans 106 cas, dont 72 ont guéri. Mais pour combien de temps ?
22 PATHOLOGIE MENTALE.
tion dans le tissu qu'elles occupent; mais elles n'an-
noncent point toujours, elles ne constituent point une
inflammation actuelle. Filles de l'inflammation, si j'ose
m'exprimer ainsi, elles peuvent persister après qu'elle
a disparu elle-même, et survivre en quelque sorte à
leur mère : jouant alors le rôle de corps étrangers,
elles déterminent les mêmes accidents, les mêmes
effets , que ceux-ci pourraient produire, et, après
avoir dû leur naissance aune inflammation il n'est pas
rare que, à leurtour, elles deviennent la source d'une
nouvelle phlegmasie. » (Traité de l'encéphalite, 1825,
p. 5.)
Deux cas peuvent se présenter. Si le crâne a été
entamé, s'il y a eu fracture osseuse, il restera des
traces extérieures, visibles, du traumatisme : cicatrices,
perte de substance, etc. ; et on devra nécessairement
conclure qu'à la cicatrice externe, profonde, corres-
pond une altération interne : fausse membrane, ad-
hérence, ostéophyte, etc. Si, au contraire, le crâne
est resté intact, il est moins aisé de se rendre compte
de ce qui a dû se passer dans l'intérieur. Qu'arrive-
t-il quand il y a eu simple commotion ?
Cette question avait déjà préoccupé Morgagni :
« Bérenger, dit-il, soupçonne que la sanie peut passer
d'une plaie externe à travers les pores du crâne, et
ce fait est possible. Mais le plus souvent, l'os entier
restant intact, quelque veine rompue en dedans, à la
suite d'un coup, dans la membrane du cerveau, répand
quelque peu de sang, et cette veine se rompt par la
secousse violente du crâne. » (De sedibus et callsis
morborum, lettre LI, t. III.)
On voit que, dans la commotion du crâne, Morgagni
DES TRAUMATISMES DU CRANE. 23
croit à une rupture vasculaire intra-crânienne1. Les
expériences de Duret démontrent qu'il en est souvent
ainsi (Duret, Traumatismes cérébraux, Paris, 1878).
Mais ce n'est pas par une rupture vasculaire que
l'on peut toujours expliquer les phénomènes da la
commotion cérébrale. 11 y a plus et il y a autre chose :
il y a un trouble profond porté dans la trame même
de l'organe cérébral, et, s'il n'est pas possible de dire
exactement en quoi ce trouble consiste, il faut néan-
moins l'admettre.
Stan. Laugier (art. Encéphale du Dict. de Jaccoud) dé-
finit la commotion cérébrale : « Une lésion de fonction qui
résulte de l'ébranlement du cerveau, et dont un caractère e
essentiel est l'absence de toute altération de tissu visible
par les moyens d'investigation employés jusqu'ici. »
Verneuil (art. Commotion du Dict. encyclop. des
Sciences méd.) donne une définition également vague,
dans laquelle il fait entrer cependant « les change-
ments anatomiques semblables à ceux qu'on observe
normalement dans les phases successives d'activité ou
de repos fonctionnels ».
Duret (loc. cit.) a précisé davantage : « Au moment
d'une chute sur la tête, ou par un coup sur le crâne,
un flot de liquide est formé autour des hémiphères et
dans les ventricules, qui répercute la violence subie
en un point, dans toutes les régions des centres ner-
veux... » (p. 153).
C'est aussi l'opinion de Bryant, le chirurgien de Guy's Ilospital.
D'après les faits observés dans cet hôpital pendant une longue série
d'années, il conclut que, dans les cas graves, il y a toujours contusion
ou lacération du cerveau, avec hémorrhagie plus ou moins abondante.
Bryant fait remarquer aussi que souvent la lésion se produit par contre-
coup dans un point opposé à celui sur lequel le choc a porté (Sem. méd.,
1888, p. 251).
24 PATHOLOGIE MENTALE.
De toutes façons, il faut admettre que, chaque fois
qu'il y a eu traumatisme du crâne, que les enve-
loppes du cerveau aient été lésées ou qu'elles soient
restées intactes, le tissu cérébral subit dans sa
structure intime une modification profonde, indélébile.
Mais il ne suffit pas de cette conviction pour établir
le diagnostic de folie due au traumatisme du crâne :
il faut rechercher avec soin les restes visibles de ce
traumatisme. Il y a toute une série de témoignages indi-
rects qu'il convient de noter avec le plus grand soin : ce
sont les preuves anatomiques et les preuves cliniques.
Preuves anatomiques. a). Lésions constatées il
l'autopsie. Elles sont extrêmement variables, de
siège, d'étendue, de nature. L'une des plus fréquentes
consiste dans les adhérences de la dure-mère au crâne.
Observation Il. - 1... commis-greffier au tribunal de commerce,
trente-six ans. Dans l'enfance avait fait une chute violente sur la
tête; l'intelligence s'était fort peu développée. Paralysie générale :
mort de péritonite. A l'autopsie, adhérences extrêmement éten-
dues de la dure-mère au crâne dans toute la longueur de la faux
du cerveau.
Observation III. M..., soixante-huit ans. Manie chronique.
A passé huit ans à Charenton. Mort en 1885 de congestion pulmo-
naire. Quelques années avant son admission avait fait une chute
effroyable dans les Pyrénées. Adhérences très étendues de la dure-
mère au crâne, principalement dans la région fronto-pariétale.
Ces adhérences indiquent évidemment qu'il y a eu
irritation et travail phlegmasique à la face externe de
la dure-mère. Ce peut être au contraire la face interne
de la membrane qui subite l'irritation, et c'est alors
une pachyméningite que nous constatons.
Observation IV. F..., capitaine de dragons, trente-sept ans.
A la bataille de Woerth, coups de sabre et de crosse de fusil sur
la tête; laissé pour mort sur le champ de bataille. Paralysie géné-
rale. Mort à Charenton après quatre ans de séjour, en 1881. Pa-
chyméningite sur toute la surface des deux hémisphères; fausse
DES TRAUMATISMES DU CRANE. 25
membrane, épaisse, ancienne, bien organisée, avec foyers hémor-
rhagiques nombreux d'âges différents.
Observation V. R..., cinquante-deux ans, capitaine d'infanterie
en retraite. En 1870, à l'armée de la Loire, chute de cheval; ses
soldats le relèvent privé de connaissance. Démence apoplectique.
Entré à Charenton en novembre 1879, mort en mars 1880. Pa-
chyméningite ancienne; fausse membrane très épaisse recouvrant
la convexité des deux hémisphères cérébraux.
. Observation VJ. M..., lieutenant d'infanterie, quarante-huit
ans. Violent coup de sabre sur la tête en 1870. Paralysie générale.
Meurt à Charenton en septembre 1883, après un séjour de deux
ans environ. Pachyméningite localisée à gauche.
Le traumatisme a toujours été considéré comme
l'une des causes de la pachyméningite : dans les.trois
observations qui précèdent, cette étiologie m'a paru
évidente. Je vois du reste que Vibert (loc. cit., p. 46)
partage cette opinion, car il rapporte l'exemple d'une
vieille femme morte quelques mois après reçu un
violent coup de bâton sur la tête. Elle avait une pachy-
méningite tout à fait typique.
Les ossifications de la dure-mère', qu'il n'est pas rare
de rencontrer chez les aliénés, ne peuvent-elles avoir
la même origine ? Et je ne parle pas seulement des
ostéophytes prenant naissance au point même où a
porté le choc, mais de ces concrétions osseuses qui
siègent généralement dans les replis de la faux ? Je
n'ai malheureusement pas étudié à ce point de vue les
' Je ne parle pas des esquilles qui ont pu se détacher du crâne, et qui
jouent le rôle de corps étrangers, comme dans le fait suivant :
Un homme avait eu, pendant son service d'artilleur, une fracture du
crâne avec enfoncement par un coup d'écouvillon; il en avait guéri,
mais en restant épileptique. Malgré cette infirmité, il se fit garçon ici
brasseur : un jour, durant une attaque, il tomba dans la chaudière en
ébullition, et fut apporté couvert de brûlures, à la clinique du professeur
Ehrmann. Il y mourut de tétanos. A l'autopsie on trouva une esquille
longue de quinze millimètres, qui avait perforé la dure-mère et pénétré
dans le cerveau. (Schutzenberger, in Gaz. ceci. de Strasbourg, 7 mai 1878,
p. 60.) ,
26 PATHOLOGIE MENTALE.
faits, assez nombreux, où jai trouvé ces lésions à l'au-
topsie ; et, dans mes observations actuelles, le hasard
a fait que je n'en ai point vu. Mais l'analogie m'autorise
certainement à conclure que les productions osseuses
dont je m'occupe^peuvent avoir pour cause un trau-
matisme du crâne.
b). Les lésions externes, visibles pendant la vie, sont.
fréquentes : cicatrices plus ou moins profondes, plus
ou moins étendues, exostoses, pertes de substance
osseuse, ce sont là des faits d'une constatation banale.
Ils peuvent se compliquer, suivant le siège de la bles-
sure, de paralysies musculaires, de perte d'un organe
(oeil, nez, etc.) d'atrophie, etc., suivant qu'un nerf a été
coupé, que le coup a atteint l'organe de la vision, etc.
Observation VII. G..., architecte, quarante-huit ans. Para-
lysie générale, qui l'emporte au bout de quinze mois. A l'âge de
neuf ans, chute sur la tête du haut d'un trapèze : il lui resta une
paralysie incomplète avec atrophie des muscles du côté gauche
de la face. Vie accidentée, chagrins, revers de fortune. A qua-
rante-six ans perte de connaissance, puis délire ambitieux.
Observation VIII. L..., capitaine de cuirassiers, quarante-
neuf ans. A la bataille de Sedan, tête hachée de coups de sabre.
Il guérit, mais avec un strabisme divergent de l'oeil gauche, qui
est à peu près perdu. Cinq ans après, premiers signes de déran-
gement mental, puis paralysie générale qui nécessite son place-
ment dans un asile.
Observation IX. V..., marchand de" vins, soixante et un ans.
Entré à Charenton en 1886 pour un delirium tremens. Vingt ans
auparavant, V... avait été assailli par deux voltigeurs de la garde
(qui furent exécutés pour ce crime) qui avaient voulu le tuer pour
le voler; il n'avait guéri qu'après de longs mois de traitement des
graves blessures qu'ils lui avaient faites. V... porte au côté gauche
de la face trois profondes cicatrices parallèles, deux au-dessus de
l'oeil, l'autre au-dessous; l'oeil gauche est perdu : 'ces cicatrices
proviennent de coups de sabre qui entamèrent profondément les
os. Le délire alcoolique guérit rapidement, mais il lui succéda un
délire chronique avec tendance à la démence, et V... peut être
considéré comme incurable.
DES TRAUMATISMES DU CRANE. 27 -1
Observation X. Ve..., quarante ans, officier retraité. Pendant
la campagne du Mexique, il fut atteint d'une balle qui pénétra
au-dessous de l'oeil gauche et ressortit dans la région temporale;
oeil perdu. A la suite de cette blessure, l'intelligence a faibli gra-
duellement : irritabilité excessive, tendance au vol, actes incons-
cients ; dut être placé à Maréville en 1876.
Observation XI. F..., chef d'escadron, quarante-neuf ans. A
l'âge de douze ans, chute. sur la tête, fracture et enfoncement des
os du nez. Paralysie générale à la suite d'un séjour prolongé en
Algérie.
Ce sont, bien entendu, les traumatismes de la face et
de la partie antérieure du crâne, qui risquent le plus de
laisser après eux ces lésions graves. Bien plus souvent,
on ne rencontre que de simples sillons cicatriciels.
Observation XII. S..., vingt-sept ans, arpenteur. Persécuté
dangereux. Enfant naturel. A dix ans, chute sur la tête qui laisse
au front une profonde cicatrice triangulaire.
OBSLRVATI0 : 1 XIII. K..., mécanicien, trente-quatre ans; para-
lysie générale; entré à Maréville en 1876. A l'armée de la Loire,
K... avait reçu à l'occiput'un violent coup de sabre, dont la cica-
trice était restée très apparente.
Observation XIV. V..., vingt-neuf ans, épileptique. Entré
en 1877. En 1870, éclat d'obus qui lui laboure profondément le
crâne, et laisse une énorme cicatrice au-dessus de l'oreille droite.
Il n'y aurait pas grand profit à multiplier ces
exemples : ils se ressemblent tous. Plus la cicatrice,
externe est profonde, plus il est probable qu'il y a
une lésion correspondante intra-cranienne. Cependant
ce n'est pas toujours le cas; très souvent ce n'est que
la table externe de l'os qui est entamée : la table
interne est restée indemne. En voici un exemple :
Observation XV. M..., soixante-neuf ans, mécanicien de chemin
de fer. Entré en 1884. Vingt-deux ans auparavant, dans une ren-
contre de deux trains, il est grièvement blessé à la tête, guérit,
mais en restant épileptique. Il dut prendre sa retraite en 1872,
et se retirer chez son frère. Les attaques convulsives étaient rares,
mais l'intelligence s'affaiblit progressivement, et il fallut enfin
placer le malade à Charenton. Il y succomba dans le marasme,
28 PHYSIOLOGIE.
au bout de neuf mois. Chez ce malade, il existait à la partie pos-
téro-supérieure gauche du frontal, une cicatrice longue de 5 cen-
timètres environ, assez profonde pour loger un porte-plume.
Cependant l'autopsie que je pratiquai avec le plus grand soin,
me démontra que la plaie osseuse n'intéressait que la table externe
du frontal : aucune altération n'était visible à la face interne. Je
ne découvris d'ailleurs dans le cerveau aucune lésion localisée
qui pût être attribuée au choc extérieur.
Dans l'observation suivante, le résultat du coup a
été le développement d'une exostose.
Observation XVI. - F..., journalier, trente-cinq ans. A l'âge de
quatre ans, coup de hoyau sur le crâne, d'où exostose de la
grosseur d'une petite orange, sur le pariétal droit. F... qui a une
soeur aliénée, a toujours été bizarre, peu intelligent : premier
accès de manie vers l'âge de trente ans. L'accès actuel est le
second : il guérit assez rapidement.
J'ai vu à l'asile de Montdevergues une jeune fille,
démente épileptique, qui, à l'âge de cinq ans, avait fait
une chûte sur l'angle d'un meuble. Le résultat de cette
blessure avait été une exostose énorme développée aux
dépens du frontal, et qui affectait la forme bizarre
d'une sorte de casque. (A suivre.)
PHYSIOLOGIE
LES FONCTIONS DU CERVEAU'
doctrines DE L'ECOLH italienne;
Par Jules SOURY,
Maître de conférences à l'Ecole pratique des Hautes-Etudes.
CENTRES CORTICAUX DES SENS SPÉCIFIQUES.
Vision. Panizza est enfin entré dans cette sorte
d'immortalité qu'une découverte scientifique assure à
'Voy. drch. de Neurologie, n° 51, p. 337.
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 29 9
l'homme. Longtemps oubliée, cette découverte n'est
rien de moins que celle du centre cortical de la vision.
Après Tamburini ' et Verga, Luciani et Seppilli ont
rapelé comment, au cours d'une étude à la fois ana-
tomique, expérimentale et clinique, sur les origines
centrales du nerf optique et sur les rapports de ce
nerf avec le cerveau, Panizza avait démontré, dès 1855,
que, chez les mammifères, outre les tubercules quadri-
jumeaux, les couches optiques, etc., « les faisceaux
de fibres issus des circonvolutions cérébrales posté-
rieures » concourent à la formation des nerfs optiques.
La lecture du mémoire de Panizza peut seule donner
une idée de l'étendue et de la pénétration de cette
rare intelligence 2.
Bien des années avant Hitzig, Huguenin, Gudden,
Monakow, Vulpian, Panizza avait constaté au point de
vue expérimental, non seulement qu'une lésion inté-
ressant les faisceaux qui, du pulvinar de la couche
optique, viennent s'épanouir dans les « circonvolutions
postérieures », détermine toujours la cécité de l'oeil
opposé, et, si la lésion est bilatérale, la cécité com-
plète, « sans qu'il en résulte aucun désordre dans les
autres fonctions cérébrales » : il notait, chez un oiseau
dont un oeil avait été énucléé dès la naissance, une
hypertrophie compensatrice du cerveau et du crâne du
côté de l'oeil détruit 3. C'est ainsi que la figure 3 de
Tamburini. Rivelldicazione al Panizza délia scoperta del centro
visivo corticale, en appendice au grand mémoire de Tamburini sur la
genèse des hallucinations (Rivisla sperintentale di freniatria, 1880, 153).
° Osservazioni sul nervo ottico. Memoria di Bartolomeo Panizza 19
aprile 1855. Dans : jVemone dell' J. R. Istituto Lombardo di scienze,
littere ed arti. Milano, 1856, V, 375-390.
' Cf. Gudden. Recherches expérimentales sur la croissance du crâne.
Trad. de l'allemand par Aug. Forel. Paris, 1876, 57 sq.
30 PHYSIOLOGIE.
la Planche IX représente cette hypertrophie dévelop-
pée surtout « à la partie postérieure latérale » du
crâne d'un chien, du côté correspondant à la destruc-
tion de l'oeil, hypertrophie qui s'était étendue, toujours
du même côté, à la couche optique, au corps ge-
nouillé externe et aux tubercules quadrijumeaux an-
térieurs ! Quant aux faits pathologiques, Panizza a
bien vu les atrophies secondaires du nerf optique,
des circonvolutions du « cerveau pariéto-occipital » etdu
crâne, chez des sujets devenus aveugles depuis nombre
d'années. Ainsi, chez un individu, mort à dix-huit
ans, dont l'oeil gauche était atrophié par suite d'une
blessure reçue à l'âge de trois ans, la région pariéto-
occipitale de l'hémisphère droit et le thalamus du
même côté étaient atrophiés. Bref, Panizza savait
qu'une lésion unilatérale d'une partie de la substance
cérébrale des lobes postérieurs produit, sur l'oeil du
côté opposé, des phénomènes de cécité, comme Hitzig
l'observa en 1874, et que la perte d'un oeil détermine
une atrophie ascendante des tubercules quadrijumeaux
antérieurs, des corps genouillés externes, de la couche
optique, et des faisceaux qui s'irradient dans le lobe
occipital. Je dois ajouter que, comme les premiers
expérimentateurs qui ont inauguré de nos jours la
science nouvelle des localisations cérébrales, comme
Munk lui-même au début, du moins quant au chien ',
Panizza n'admettait pas la décussation partielle des
nerfs optiques dans le chiasma. Il croyait que l'entre-
croisement de ces fibres était complet, chez l'homme
même, « opinion, écrivait-il, qui rend facilement rai-
' Munk. Ueber die Functionen der G,'osshiI'111'inde, 1881, 39.
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 31
son d'un phénomène pathologique bien connu de tous,
qu'après un désordre cérébral il y a souvent cécité
complète d'un oeil, l'autre restant tout à fait indemne
(illeso), phénomène qui serait inexplicable si l'on ad-
mettait la décussation partielle. »
C'est en 1879 que Luciani et Tamburini, aidés de
Seppilli et de Maragliano, médecins du manicome de
Reggio, publièrent leurs premières recherches expéri-
mentales sur les centres psycho-sensoriels de l'écorce
cérébrale, en particulier sur les centres de la vision et
de l'audition. Les résultats de ces premières expériences
s'accordaient en partie avec ceux de Ferrier, mais ne
s'accordaient point avec ceux de Munk. Le centre cor-
tical de la vision, loin d'être circonscrit à la région
moyenne ou pariétale de la deuxième circonvolution
externe du chien, où l'avait situé Ferrier, s'étendait
fort en avant, comprenant presque toute la partie an-
térieure ou frontale de cette circonvolution. Le centre
visuel du chien était ainsi représenté par une longue
zone d'écorce qui s'étendait, sur la seconde circonvo-
lution externe, de la région frontale au commence-
ment de la région occipitale. Ils niaient par conséquent
que la sphère visuelle fût confinée dans le lobe occi-
"pital, comme l'enseignait Munk. Frappés du change-
ment de caractère et des façons d'être et d'agir des
chiens opérés de la région occipitale, ces auteurs italiens
inclinaient à y voir un centre de « fonctions psychiques » ,
où les perceptions des sens s'élaboraient en idées.
Ils combattaient aussi la doctrine, alors toute récente,
de Munk (1877-1878), sur la cécité psychique. Ils ne
pouvaient comprendre comment, si le siège des per-
ceptions visuelles est identique avec celui des images-
32 PHYSIOLOGIE.
souvenirs, nées de ces perceptions, les images ou
représentations visuelles peuvent être abolies sans
que les perceptions de la vue le soient aussi, après
l'ablation d'une partie des sphères visuelles. Selon
eux, la doctrine de Munk ne pouvait s'entendre qu'en
admettant que le siège des images de la vision mentale
était distinct de celui des perceptions visuelles. « La
cécité consécutive à l'extirpation des centres corticaux
de la vision n'est pas seulement psychique, disaient-
ils expressément; elle consiste dans l'abolition, plus
ou moins complète, des perceptions de la vue. » Munk
avait pourtant montré, dans sa troisième communica-
tion (15 mars 1878), que, si l'ablation du point de
l'écorce correspondant à la tache jaune de la rétine,
abolit, en ce point, les images mentales de l'animal,
ainsi que la possibilité de nouvelles perceptions vi-
suelles, les fonctions du reste de la sphère visuelle
corticale, en rapporf avec le reste de la rétine, ex-
pliquent assez et que l'animal continue à voir et qu'il ¡
acquière de nouvelles notions sur l'existence, la forme
et les rapports des objets du monde extérieur.
Ce qui est plus important, les auteurs italiens,
ignorant encore les travaux de Munk à ce sujet, arri-
vaient à constater, au cours de leurs expériences sur
la décortication du gyrus angulaire et du lobe occipi-
tal des singes, qu'une lésion unilatérale du centre de
la vision détermine, non une cécité complète de l'oeil
opposé, comme le voulait Ferrier, mais une cécité
partielle des deux rétines correspondant au côté opéré,
une hémianopsie bilatérale homonyme. « Nous fûmes
les premiers à 'démontrer, disent-ils, que, non seule-
ment chez les singes, mais aussi chez le chien, la
LÈS FONCTIONS DU CERVEAU. ' 33
sphère visuelle d'un côté est en rapport avec les deux
rétines, et non uniquement avec la rétine de l'oeil du
côté opposé, les faisceaux croisés des nerfs optiques
l'emportant seulement en quantité sur les faisceaux
directs. » Ainsi, une destruction unilatérale de la
zone visuelle du chien provoquait une amaurose presque
complète de l'oeil opposé à la lésion et une légère
amblyopie de l'oeil du côté correspondant. Il fallait
donc admettre, contrairement aux idées qu'avaient
partagées Goltz, Ferrier et Munk lui-même, que la
décussation des fibres du nerf optique est incom-
plète chez ce mammifère, comme venaient d'ailleurs
de le démontrer, pour le chat, les belles recherches ana-
tomiques et expérimentales de Nicati '. « Si les re-
cherches ultérieures confirment ces faits, écrivaient
alors les auteurs italiens, l'hypothèse d'un second en-
tre-croisement des fibres optiques, outre celui du chias-
ma, dans un point plus central, deviendra inutile. »
Quant à cette hémianopsie qu'ils avaient si bian
observée chez le singe, ils la considéraient, encore
avec Ferrier contre111unk, comme la conséquence de
la destruction du gyrus angulaire, non du lobe occi-
pital : « Le centre visuel du singe ne peut être confiné
dans le lobe occipital ; il doit comprendre encore tout
le gyrus angulaire. » Toutefois, fidèles à leur humeur
éclectique, ils ne tiennent pas le gyrus angulaire pour
le centre exclusif de la vision, et lui associent « une
grande partie, sinon toute la convexité du lobe occipi-
tal ». Mais ils croient encore à l'existence d'autres
centres de la vision. Car, rappelant que- dans les cas
' C. R. de I'Àcad. des sciences, 10 juin 1878; Arch. de phys. norm. et
pathol., 1878, 2. sér., V, 658.
Archives, t. XVIII. 3
34 PHYSIOLOGIE.
de destruction unilatérale d'une sphère visuelle, la
suppléance ou le retour de la fonction est dû au centre
visuel du côté opposé, et, dans les cas de destruction
bilatérale incomplète, aux parties de ces centres de-
meurées indemnes, ils se demandent comment on
pourrait expliquer ces phénomènes de restitution fonc-
tionnelle, si la destruction bilatérale, au lieu d'être
incomplète, avait été complète ? Il faudrait « logique-
ment » admettre que cette restitution a lieu par les
ganglions de labase, c'est-à-dire par les couches optiques
et les tubercules quadrijumeaux. Or le cas s'est pré-
senté : ils ont enlevé successivement à un singe l'écorce
des deux plis courbes et celle du lobe occipital, bref,
les centres de la vision selon Ferrier et selon Munk.
La vision de ce singe fut pourtant en partie conservée
et rapidement rétablie ! Voilà donc qui démontrait,
suivant ces auteurs, que, outre les centres corticaux,
on devait admettre des centres basilaires de la vision,
localisés sans doute dans les tubercules quadrijumeaux
.
et les thalami, capables de suppléer, en vertu d'une
sorte d'exaltation fonctionnelle, les centres corticaux
détruits dans toute leur étendue.
Les nouvelles recherches de Luciani et de Seppilli
sur le sens de la vue, telles qu'elles sont exposées dans
les Localizzazioni funzionali ciel cervello (1885), sont
précédées de considérations bien propres à intéresser
les physiologistes et les psychologues, touchant les
différents modes d'examen de ce sens chez les animaux.
Nous ne mentionnerons, en passant, que la meilleure
épreuve, au dire des auteurs, pour découvrir les
troubles partiels ou généraux de la vision, la prova
dell'alirnentazione, avec occlusion d'un des deux yeux.
LES FONCTIONS DU CERVEAU.. 35
L'oeil gauche étant bandé, par exemple, on jette au
chien, sans bruit, un fragment de nourriture devant
le museau, à gauche, puis à droite, pour que l'image
s'en peigne sur le segment externe et interne de la
rétine droite. Si la partie de la rétine sur laquelle
tombe l'image est normale, le chien se tourne du côté
du petit morceau de viande pour s'en emparer; sinon,
c'est qu'il ne le voit pas : la région correspondante de
la rétine est aveugle. Enfin il peut arriver que l'ani-
mal distingue le fragment d'aliment, mais, qu'au lieu
d'aller en droiture le saisir, il hésite incertain sur la
direction à suivre, soit parce que l'image ne se pré-
sente pas à sa conscience avec des contours assez
nets, soit parce que le sens des couleurs ou le sens de
l'espace est lésé (Goltz) : le segment correspondant de
la rétine, ou la rétine tout entière, est amblyopique.
On distingue ainsi, avec plus ou moins de difficulté,
la cécité partielle de l'amblyopie partielle, l'amblyopie
de la cécité psychique. Dans l'amblyopie, si le chien
a de la peine à voir la nourriture, dès qu'il l'a vue,
il la reconnaît ; dans la cécité psychique, au con-
traire, il la voit, mais il ne la reconnaît pas et passe
à côté sans y toucher.
Pour supprimer l'intervention possible des autres
sens dans cet acte de la reconnaissance, Luciani mé-
lange aux petits morceaux de viande des morceaux
de liège d'égal volume : s'il est simplement amblyo-
pique, le chien ou le singe reconnaîtra par la vue et
distinguera les morceaux de liège des morceaux de
viande, sans avoir besoin de les flairer ni de les goû-
ter ; s'il est frappé de cécité psychique, l'olfaction, le
goût et le toucher devront intervenir pour faire ce dé-
36 PHYSIOLOGIE.
part. De même s'il est aveugle. Car, à son tour, la
cécité psychique devrait être distinguée de la cécité
absolue ou « corticale (Munk). Mais cette cécité ab-
solue, expérimentale, existe-t-elle chez le chien ou
chez le singe ? demande Luciani. S'agit-il en réalité
d'une cécité complète, ou d'une cécité psychique très
accusée ? Dans un jardin, ce chien réputé « aveugle »
suit les voies tracées et évite les obstacles; dès qu'on
lui bande les yeux, il se comporte tout autrement : il
va lentement, avec précaution, et se heurte du museau
au premier obstacle. Enfin, en quoi consiste cette cé-
cité corticale ? Dans la perte des images mentales ou
dans celle des sensations brutes de la vue ? Avant de
répondre à ces questions, Luciani nous convie à exa-
miner les faits, j'entends les expériences originales
qu'il a instituées sur des séries de chiens et de singes,
expériences dont les protocoles font le principal attrait,
selon nous, des dernières recherches de ce physiologiste.
Trois questions ont été surtout ici bien étudiées :
Dans quelles régions du cerveau doit-on localiser les
centres de la vision ? Quels rapports existent entre le
champ rétinien de chaque oeil et les sphères visuelles
de l'écorce ? Quelle est la nature des centres visuels de
l'écorce ?
1. Au premier abord, et si l'on considère comme
faisant partie de la sphère visuelle toutes les aires
cérébrales dont la destruction provoque des troubles de
la vision, cette sphère paraît s'étendre à toute la con-
vexité de l'écorce chez le chien, puisque les lésions
destructives des lobes temporaux et frontaux ont
déterminé des troubles de ce genre, comme celles des
lobes pariétaux et occipitaux. Peut-être l'écorce de la
LES FONCTIONS DU CERVEAU. j ?
face inférieure et de la face interne du cerveau reste-
t-elle étrangère à cette fonction, se demandait Luciani,
car ces régions n'avaient guère été explorées par l'ex-
périmentation 1. Toutefois, si l'on y regarde de plus
près, on constate que, parmi ces lésions, les unes dif-
fèrent des autres quant au degré et à la persistance
des effets qu'elles produisent. Tandis que les désordres
de la vision consécutifs à l'ablation uni ou bilatérale
de parties plus ou moins étendues des lobes frontaux
ou des lobes temporaux sont transitoires , ceux que
détermine l'extirpation bilatérale des lobes occipitaux
et pariétaux sont permanents. En outre, alors que les
lésions peu étendues des lobes frontaux ou tem-
poraux peuvent ne donner lieu à aucune altération
appréciable de la vision , les lésions, même limi-
tées, des lobes pariéto-occipitaux, déterminent tou-
jours des troubles évidents de cette fonction. Faut-
il en conclure que les centres de la vision sont
exclusivement localisés, chez les chiens, dans les lobes
occipito-pariétaux, si bien qu'on devrait attribuer à
des effets à distance du traumatisme les troubles
1 Cette tendance à étendre ou même à supprimer les frontières des
sphères sensorielles est générale chez les Italiens. Bianchi, le célèbre
professeur de l'Université de Naples, considère non seulement toute la
deuxième circonvolution externe du chien, mais aussi une partie de la
première et de la troisième, comme le centre cortical de la vision. Dans
la partie antérieure de la deuxième circonvolution seraient déposées les
impressions lumineuses et chromatiques, dans la partie moyenne celles
de la forme et de la dimension des corps, dans la partie postérieure,
enfin, « ces facteurs élémentaires de la perception optique » seraient
coordonnés. V. Conlribuzione sperimentale alli compensazioni fulnzionali
corticali del cervelle, dans la lüv. speriment. di freniatria, 1882, 431 sq.
Cette note préventive, assez étendue, que j'ai lue, et dont je reparlerai en
traitant des fonctions motrices du cerveau, est devenue un mémoire
publié à Naples, en 1883, que je ne connais que par ce qu'en a cité Chris-
tiani Zur Physiologie des Gehirnes (Berlm, 1SS5, p. 120), au chapitre
consacré par cet auteur à Luciani et il Tamburuni.
38 PHYSIOLOGIE.
visuels, transitoires, il est vrai, mais constants, consé-
cutifs aux lésions destructives des lobes frontaux et
temporo-sphénoïdaux ? Mais, dans les troubles de la
vision observés par Hitzig après l'ablation de la pointe
d'un lobe frontal, on ne peut arguer de la proximité
de ce lobe avec les régions occipito-pariétales. D'autre
part, chez la chienne S et chez le chien X, après
l'extirpation de l'écorce des lobes temporaux, les trou-
bles visuels ont persisté bien après la cessation des
effets du traumatisme. Luciani s'arrête donc à l'hypo-
thèse suivante : la sphère visuelle a bien son centre
fonctionnel, sa localisation centrale, dans la zone
occipito-pariétale des hémisphères du chien, mais elle
n'y est point circonscrite : elle s'engrène avec d'au ?
tres sphères, avec d'autres centres corticaux, et, en
rayonnant vers les lobes frontaux et les lobes temporo- Il
sphénoïdaux, elle se trouve être en rapport anatomique
direct avec ces centres.
Cette conception d'un « engrenage » du centre
fonctionnel de la vision mentale, et de tout centre
sensoriel ou sensitivo-moteur, avec les autres centres
de l'écorce, supprime toute limite précise entre ces
régions. Ces centres se confondent aux vagues confins
de leurs limites. L'idée de 1' « engrenage » des cen-
tres corticaux du cerveau fut exposée par Luciani
dans le troisième congrès de phréniatrie italien de
Reggio d'Emilie (septembre 1880), au cours d'une
discussion de ce savant, avec Vizioli et 111orselli, sur
la pathogénie de l'épilepsie 2. « Il n'est pas connu
' Ingranaôgio, parziale confusione, conglobazione.
' Archivio italiano par le malatie nervose 1881. A part, 1881, Mi-
lano, in-8°.
LES FONCTIONS DU CERVEAU.. 39
que d'autres aient exprimé la même idée auparavant,
écrivait Luciani en 1885. Toutefois nous pouvons
assurer le lecteur que nous tenons beaucoup moins à
la priorité de l'hypothèse qu'à sa vérification expéri-
mentale. » Evidemment la pensée fondamentale de
Luciani, comme celle de Seppilli, de Tamburini et de
la plupart des auteurs italiens, est celle-ci : « Aujour-
d'hui, la solution de la question des localisations céré-
brales ne consiste pas dans la confection d'une carte
du cerveau, sur laquelle cet organe serait divisé en un
certain nombre de provinces aux confins nettement
arrêtés, chacune représentant le territoire exclusif de
fonctions psychiques distinctes sensorio-motrices'. »
L'oeuvre consiste, au contraire, à rechercher et à
établir quelles fonctions différentes ont les diverses
parties du cerveau, et à indiquer l' « engrenage »
réciproque des sphères sensorielles et sensitivo-motri-
ces, - ce qui correspond, dans l'ordre des faits
physiologiques, à l'association des perceptions, des
idées et des impulsions volontaires dans l'ordre des
faits psychologiques.
De ces données de l'expérimentation physiologique,
il résultait que, chez le chien, d'après la dernière ma-
nière de voir de Luciani, les lobes occipitaux et parié-
taux représentent, en somme, le centre fonctionnel de
la vision, et que ce centre n'est en rapport anatomique
direct avec les autres lobes du cerveau que par les
irradiations décroissantes qu'il leur envoie. De même
pour les singes. «.Nul doute que l'écorce des lobes
occipitaux des singes ne représente la partie centrale
, Le localizz. fans., p. 88.
40 PHYSIOLOGIE
essentielle de la sphère visuelle de ces animaux. »
Voilà donc une nouvelle confirmation de la doctrine
de Munk à ce sujet'. Car, quoique les anciennes
recherches de Luciani et de Tamburini, d'une part,
celles de Ferrier et de Yeo d'autre part, aient prétendu
démontrer que les sphères visuelles du singe s'irradient
vers les lobes pariétaux, en particulier vers l'écorce
des plis courbes, la décortication isolée de ces cir-
convolutions ne produit que des troubles légers et
transitoires de la vision (singe E). « Il paraît donc
juste d'en conclure que les irradiations des centres de
la vision du singe dans l'écorce des lobes pariétaux
n'ont point, pour ces animaux, une plus grande im-
portance que les irradiations des centres visuels du
chien dans les lobes frontaux et temporaux 2. » Il res-
tait encore à rechercher si la décortication étendue du
lobe temporo-sphénoïdal du singe donnerait lieu,
comme chez le chien, à des troubles transitoires de la
vision, ce qui paraissait probable à Luciani.
On le voit, dans ces nouvelles recherches expéri-
mentales comme dans les premières, ce physiologiste
a peu varié. Il localise toujours, d'une manière géné-
rale, chez les animaux, le centre cortical de la vision
dans la région pariéto-occipitale. Il a vu d'ailleurs la
1 Munk attribue l'hémiopie transitoire consécutive à l'extirpation d'un
gyrus angulaire, à la réaction inflammatoire du lobe occipital, surtout à
la lésion des faisceaux optiques qui, des ganglions d'origine des tractus
optiques, gagnent les lobes occipitaux en passant sous l'écorce du pli
courbe. Ueber die Functionen der Grossltirnrinde (Berlin, 1881), p. 125,
et la note, inspirée par Wernicke. Cf. Seguin, de New- York, Contribution
à l'étude de l'hémianopsie d'origine centrale. Arch. de neU1'ol., 1886,
206 sq.
2 Le localizz. funz., p. 155. Plus loin, Luciani maintient que, chez le
singe aussi, les sphères visuelles s'étendent sur une aire considérable de
l'écorce, et s'irradient dans les régions pariéto-frontales et temporo-
sphénoïdales.
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 41
confirmation de sa doctrine à cet égard dans les beaux
travaux d'anatomie fine du système nerveux et de
physiologie expérimentale de Ferruccio Tartuferi 1 :
Luciani l'a déclaré dans la discussion qui suivit deux
communications de ce savant (27 sept. 1881) sur les
centres visuels mésencéphaliques et corticaux.
II. Quels rapports existent entre le champ réti-
nien de chaque oeil et les deux sphères visuelles de
l'écorce ? Les belles recherches périmétriques de
Foerster ont établi que, des deux parties de la rétine
divisée par la ligne qui traverse verticalement le point
de fixation, le centre de la tache jaune, la partie
externe ou latérale est plus petite que la partie interne;
on a pu en conclure que chaque centre visuel cortical
soutient des rapports plus étendus avec le faisceau
croisé qu'avec le faisceau direct. On connaît la doc-
trine de Munk sur ce sujet. Les auteurs italiens se
félicitent d'être d'accord avec le physiologiste allemand
sur un point : chaque sphère visuelle est en rapport
direct, chez le chien, avec le segment interne (les
2/3) de la rétine de l'oeil du côté opposé, et avec le
segment externe (1/3) de la rétine de l'oeil du côté
correspondant. Chez les singes, comme chez l'homme,
le faisceau direct serait presque aussi fort que le fais-
ceau croisé. L'extirpation d'un lobe occipital produit
donc une hémianopsie bilatérale homonyme. Mais
Munk soutient, en outre, que les faisceaux optiques
' I corpi gellicolati dei mammiferi studiali nei loro rapporti colle fibre
del lratlo ottico e nelle loro forme cellulari. - Il tratto ottico ed i centri
visivi niesencefalici e corticali. Dal laboratorio del prof. Bizzorero. -
Ar,chivio ital. per le malatiè nervose, 1881, 47, 53, 58. Cf. du même au-
teur, ibid, 1885, p. 3 : Sull'anatomia minuta dell' eminenze biyenzine
anteriori dell' uomo, etc.
42 PHYSIOLOGIE.
directs et croisés conservent, dans leur distribution
ultime dans l'écorce, l'individualité qu'ils ont au sortir
des deux segments interne et externe de la rétine, si
bien que chaque point de la rétine soutiendrait, avec
un point correspond de l'écorce cérébrale, un rapport
constant et fixe. Les éléments rétiniens de la tache jaune,
par exemple, ne seraient associés qu'avec une région
distincte de l'écorce du lobe occipital (le point A).
L'ablation d'un point déterminé des sphères visuelles
frapperait donc de cécité le point correspondant de la
rétine et produirait à volonté un nouveau punctum
coecum. Cette cécité partielle, résultant d'une destruc-
tion partielle bilatérale de l'écorce, serait naturelle-
ment permanente.
A ces thèses, les auteurs italiens opposent trois
groupes de faits : 1° on réalise une hémianopsie bila-
térale, homonyme au côté opéré, non pas seulement
après l'extirpation d'un lobe occipital, mais après
l'ablation étendue d'un lobe pariétal ou d'un lobe
temporal; 2° les extirpations partielles bilatérales des
lobes occipitaux, c'est-à-dire des sphères visuelles de
Munk, ne produisent jamais de cécité partielle corres-
pondante bien nette; on n'observe alors que des
troubles diffus des deux rétines; 3° enfin, les phéno-
mènes d'hémianopsie consécutifs aux larges extirpa-
tions unilatérales 'des lobes occipital, pariétal ou
temporal, sont aussi peu permanents que ces troubles
diffus de tout le champ rétinien : les uns et les autres
sont plus ou moins transitoires. Il en est de même
chez les singes après l'extirpation d'un lobe occipital
entier. Il faut donc admettre, dit Luciani, que la
sphère visuelle du singe s'étend, elle aussi, au delà
LES FONCTIONS DU CERVEAU.. 43
des limites du lobe occipital, et que chaque partie du
centre de la vision mentale y est en rapport avec les
fibres des faisceaux croisés et des faisceaux directs du
nerf optique. Loin de conserver leur individualité, les
faisceaux optiques se confondraient dans leurs trajets
vers les centres; ils y contracteraient sans distinction
des rapports avec les cellules nerveuses des différentes
parties des sphères visuelles.
Ce schéma de Luciani (fig. 1) montre bien quel se-
rait ce mode de distribution des faisceaux croisés et
directs de l'écorce. Les points noirs, surtout nombreux
dans larégion occipito-pariétale de l'hémisphère repré-
senté ici, font voir quel rapport les fibres optiques du
faisceau croisé, issues du segment interne de la rétine
de l'oeil opposé, soutiennent avec l'écorce du centre
visuel; les points hachés, plus clair-semés, indiquent
les rapports des fibres optiques du faisceau direct ,
issues du segment externe de la rétine de tau corres-
pondant, avec les mêmes régions centrales.
On conçoit ainsi comment l'extirpation d'un lobe
occipital, pariétal ou temporal, causera de l'hémiop.,ie
Fig. I.
44 PHYSIOLOGIE,
bilatérale, car les éléments nerveux de l'aire corticale
détruite se trouvaient à la fois en rapport, dans chaque
hémisphère, avec les deux rétines.
III. La troisième question, celle de la nature des
centres corticaux de la vision, a plus.de portée qu'au-
cune autre pour la psychologie physiologique, puisqu'il
s'agit de savoir si l'écorce est le siège des sensations
en même temps que des perceptions et des images,
ou si les sensations ont pour siège, en dehors des
hémisphères cérébraux, le mésocéphale, les couches
optiques, les tubercules quadrijumeaux, etc., voire la
protubérance annulaire, ainsi que l'ont admis les suc-
cesseurs de Flourens.
Il est certain que les poissons et les batraciens,
après l'ablation des hémisphères cérébraux, continuent
de voir avec conscience : ils ne sont aveugles, ni
psychiquement, ni absolument (Blaschko). Les sensa-
tions, les perceptions et les images visuelles n'ont pas
encore pour siège les hémisphères, mais le mésocé-
phale. De même, étudiant au laboratoire de Florence,
sur des tortues terrestres et palustres, les effets de l'ex-
tirpation des hémisphères cérébraux seulement, en
respectant les thalami et les lobi optici, Fano a cons-
taté que, quant à la vue et aux autres organes des
sens, ces tortures ne présentaient guère de différence
appréciable qui permît de les distinguer à cet égard
des tortures normales'. Mais, chez les oiseaux, si l'ex-
tirpation des lobes cérébraux est complète des deux
côtés, la cécité est absolue (Flourens, Munk) : les sen-
sations brutes, les sensations élémentaires, ont donc
' Pubblicazioni del R. Ist. di studt super... in Firenze, 188'r, p. 41 sq.
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 45
chez ces vertébrés le même siège que les perceptions
distinctes et les images mentales. De même chez les
mammifères. Cette doctrine permet de comprendre
comment chaque sens peut être isolément aboli par
la destruction du centre cortical correspondant. Si les
perceptions et les images mentales étaient seules loca-
lisées dans l'écorce, l'ablation des centres de la
vision ne déterminerait qu'une cécité psychique,
jamais une cécité absolue. L'animal perdrait ainsi la
mémoire des images perçues ; il conserverait encore la
possibilité d'éprouver des sensations visuelles. Munk,
après Flourens, prétend réaliser à volonté (chez le
chien) la cécité psychique et la cécité corticale', c'est-
à-dire absolue, permanente : il tient donc l'écorce des
centres visuels pour le siège et des images et des sen-
sations. Luciani n'a pu produire que de la cécité psy-
chique, d'abord complète, puis incomplète, mais
durable, permanente ; il admet donc l'opinion opposée
et n'attribue au centre cortical de la vision que l'éla-
boration psychique des sensations visuelles, dont le
siège serait situé dans les noyaux gris du mésencé-
phale, dans les tubercules quadrijumeaux antérieurs.
Les auteurs italiens vont même jusqu'à supposer
que la cécité absolue, que Munk prétend réaliser, ne
serait qu'une cécité psychique très accusée 2, ou résul-
4 Au lieu de « cécité corticale », il vaudrait mieux dire sans doute
« amaurose cérébrale >, car les deux sortes de cécité décrites par Munk,
en tant qu'elles résultent d'une lésion de l'écorce, sont, comme le dit
Stenger, des « cécités corticales ». (Die cerebralen Sehstcerungen de,'
Pa ! '< ? < ! 7eer. - Arch. sur Psych., XIII, 1882.) David Ferrier a fait exacte-
ment la même remarque dans la seconde édition des Functions of the
Brain (1886), p. 429, mais sur un ton que nous ne pouvons nous em-
pêcher de trouver, avec Hitzig, d'assez mauvais goût.
° Cf. l'observation de la chienne W., p. 117 et suiv. des Localizzazioni
funz., etc.
4G PHYSIOLOGIE.
terait d'une action à distance, d'une dégénération
secondaire descendante, d'une atrophie des ganglions
du mésocéphale consécutive à une large destruction de
l'écorce. Si Munk n'a jamais pu, comme il le déclare,
produire la cécité absolue chez le singe, ce n'est pas,
comme il le croit, parce que l'extirpation des deux
sphères visuelles a été incomplète : la vraie raison de
cet insuccès serait que, chez le singe aussi, les centres
corticaux de la vision ne sont que le siège des percep-
tions et des images, non des sensations élémentaires
de la vue. Chez deux singes, dont l'extirpation des
centres corticaux de la vision a d'ailleurs été incomplète,
Luciani a pu constater que les sensations de la vue
étaient redevenues parfaites : ces animaux distinguaient
les plus petits objets, mais n'en reconnaissaient pas la
nature. Pour distinguer, par exemple, des morceaux
de liège mêlés à des morceaux de figues, ils devaient
recourir aux sens du goût et du toucher. Bref, ces
singes avaient perdu les représentations mentales des
objets.
Quant auxétudescliniques et anatomo-pathologiques
sur les centres fonctionnels de la vision, il est certain
que, après Panizza, l'honneur de les voir inaugurées
paraît bien revenir à Luciani et à Tamburini. L'opus-
cule que ses savants publièrent, en 1879, sous ce
titre : Studi clinici sui centri sensorj corticali 1, est peu
connu. Ils s'étaient proposé de rechercher si l'examen
des faits cliniques confirme, ou contredit les résultats
expérimentaux auxquels ils étaient arrivés, après Fer-
' Dans les Alinali universali di medicina e chirurgie. Parte originale,
vol. 247, fasc. 742. Aprile 1879.
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 47
rier (1876) et après Munk (1877-1878), touchant le
siège et la nature des centres sensoriels de l'écorce.
Admirant « quelle splendide confirmation » avait
apportée à la théorie des centres psychomoteurs de
l'écorce, au point de vue clinique, les Leçons de
Charcot sur les localisations dans les maladies du
" cerveau (1875), les articles de Charcot et de Pitres
dans la Revue mensuelle de médecine et de chirurgie
(1877-1879), le mémoire de Dario Maragliano sur les
localisations motrices dans l'écorce cérébrale 1, ils
avaient voulu tenter une entreprise du même genre
pour les centres sensoriels.
De tout temps on a noté la rencontre d'altérations
de la vision avec des lésions des hémisphères céré-
braux. Mais le vague et l'inexactitude des indications
relatives au siège anatomique de ces lésions rendent,
on le sait, les anciennes observations à peu près inu-
tiles pour l'étude scientifique des localisations céré-
brales. Tout était à refaire. Sur quarante cas cliniques,
accompagnés d'un examen anatomo-pathologique, que
Luciani et Tamburini recueillirent, trente-quatre étaien t
relatifs à des lésions de la vue, trois à des lésions de
la vue et de l'audition. Tout d'abord, ils furent frappés
de la fréquence des altérations fonctionnelles bilaté-
rales avec une seule lésion en foyer de l'écorce, ce
qui était conforme aux résultats de leurs recherches
expérimentales. Les lésions étaient localisées dans les
lobes pariétal, occipital, ou dans les deux, pariétal et
temporal, occipital et frontal. Tamburini et Luciani
Le localizzazioni motrici nella corteccia cérébrale, studiate special-
mente dal lato clinico. Ric. serina, di frenialria, 1878.
48 PHYSIOLOGIE.
furent donc aussi amenés à conclure, sur le terrain de
l'observation clinique et de l'examen anatomo-patho-
logique, que les centres psycho-sensoriels de la vision
ne sont ni dans le gyrus angulaire (Ferrier) ni dans le
lobe occipital (Munk), considérés isolément, mais dans
ces deux régions. « Nous ne pouvons dissimuler,
ajoutaient-ils, qu'on rencontre en clinique un grand
nombre de faits négatifs relativement à la zone senso-
rielle de l'écorce. » Ces cas, ils les expliquaient : 4° par
l'extension considérable de la zone visuelle corticale ;
2° par la difficulté que présente la constatation des
phénomènes ; 3° par la possibilité des suppléances
quand la lésion a évolué lentement, suppléances dues
soit aux régions symétriques de l'hémisphère opposé,
soit aux centres secondaires de la base (tubercules
quadrijumeaux et couches optiques).
Sans parler ici des cliniciens allemands tels que
Fürstner et Nothnagel, qui, vers cette époque, indi-
quaient nettement l'importance des lésions des régions
occipitales dans la production des troubles de la vision,
et avant Wilbrand, Mauthner et Exner, Angelucci, du
manicome de Macerata, publiait un mémoire remar-
quable sur les lésions de la circonvolution pariétale
inférieure (lobule du pli courbe) relativement à la théo-
rie des localisations cérébrales ' . Ce médecin partit de
cette vue, profonde selon nous (que lui avait inspirée
le professeur Morselli, directeur de l'asile), que la con-
tiguïté anatomique du lobule pariétal inférieur avec le
lobe occipital, doit correspondre à des rapports physio-
1 Giovanni Angelucci. Szclle lesione delta cÍ1>convol¡¿ione pariétale in-
eriore (lobulo della piega cw'va) in rnpporto alla teoria delle localizzazioni
cerebrali. (Archivio italiano par le malatie nervose, 1880, 74 suiv.)
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 49
logiques et fonctionnels de ces deux régions du cer-
veau, en d'autres termes, que les centres moteurs des
bulbes oculaires et des paupières doivent être aussi
intimement associés au centre sensoriel de la vision,
que l'est, par exemple, le centre du langage articulé
aux centres moteurs des lèvres et de la langue. Les
réactions synergiques des muscles de l'oeil aux di-
verses impressions lumineuses ou à cet état de la vision
intérieure qu'on appelle l'attention, le confirmaient
dans cette conception, qui représente comme un
couple anatomique et physiologique les centres mo-
teurs et les centres sensoriels de l'oeil et de la vision.
Les fonctions du lobe pariétal, en dehors de la pa-
riétale ascendante, étaient et sont encore bien peu
connues, on le sait. Des centres sensoriels, sensitifs et
moteurs de l'oeil et de la vision ont été, entre autres,
localisés sur le lobe pariétal, mais aucune de ces loca-
lisations n'a encore, il me semble, conquis sa place
au soleil. Selon Angelucci, qui montre bien les habi-
tudes de latitudinarisme si communes, en pareille ma-
tière, aux savants italiens, le centre « oculo-visuel »,
comme il l'appelle, s'étendrait, chez l'homme, sur tout
le bobule pariétal inférieur, relié, en avant, par les
frontale et pariétale ascendantes, aux mouvements de
la face, de la bouche et des lèvres; en arrière, aux ré-
gions psycho-sensorielles du lobe occipital. La partie an-
térieure du lobule pariétal inférieur lui paraissant être
le siège du centre des mouvements oculo-palpébraux,
la partie postérieure, ou pli courbe, serait le centre, ou
du moins une partie intégrante du centre de la vision,
car. Angelucci admet que, chez l'homme, ce centre est
surtout localisé dans les régions occipitales du cerveau.
Archives, t. XVIII. 4
00 PHYSIOLOGIE.
Dans les nouvelles recherches anatomo-cliuiques
qu'il publie avec Luciani, Seppilli a rassemblé trente-
six cas, dont deux lui sont personnels, les autres étant
empruntés à Nothnagel, Westphal, Wernicke, Hugue-
nin, h'ürster, Monakow, Petrina, Dejerine, Heilly et
- Chantemesse, Giovanardi, Gowers, Bernard, etc. Dans
un premier groupe (cas 1-18), Seppilli a rangé les cas
d'hémianopsie bilatérale homonyme dans lesquels on
trouve, comme caractères commun, une lésion du
lobe occipital : dans cinq cas même, la lésion est exclu-
sivement limitée à ce lobe. Dès que l'examen du fond
de l'oeil n'a révélé durant la vie aucune altération,
lorsqu'aucun indice de compression des bandelettes
optiques ou du chiasma, aucune lésion des tubercules
quadrijumeaux ni des corps genouillés, du pulvinar
de la couche optique, du lobule pariétal inférieur, etc.,
n'apparaît à l'autopsie, force est bien d'établir une
relation entre l'hémiauopsie et les lésions du lobe
occipital, que le processus se limite à l'écorce céré- ,
brale (5 cas), à la substance blanche (2 cas), ou inté-
resse à la fois l'écorce et les faisceaux sous-jacents
(6 cas). Le pli courbe n'a été trouvé lésé en toute
évidence qu'une seule fois (dans un cas de Westphal),
et il existait en même temps une lésion du lobe occi-
pital. , ,
- Les conclusions que Seppilli tire de ces faits sont
naturellement semblables à celles de Luciani, quoique
plus fermes et décidément en faveur de la doctrine
qui, chez l'homme, considère les lobes occipitaux
comme les organes, non pas exclusifs, sans doute,
mais essentiels de la vision mentale. L'hémianopsie
bilatérale homonyme, consécutive à la lésion d'u lobe
LES FONCTIONS DU CERVEAU. SI
occipital démontre que chacun de ces lobes est en rapport
avec la moitié homonyme de chacune des deux rétines.
La méthode anatomo-clinique, comme la méthode
physiologique, établit donc que chaque hémisphère
cérébral a des fonctions visuelles bilatérales. Et, pour
le dire en passant, cette bilatéralité fonctionnelle, pro-
pre à chaque moitié des centres nerveux, pour être
plus évidente dans les centres sensoriels, n'en existe
pas moins à un certain degré dans les centres sen-
sitivo-moteurs, en dépit de l'importance incontesta-
blement plus considérable des effets croisés. Il suffira
de noter avec une exactitude toujours plus grande les
troubles de la motilité et de la sensibilité dans l'hémi-
plégie et l'hémianesthésie d'origine corticale pour
constater, avec Hitzig, Exner, Landoltet tant d'autres,
l'existence de ces troubles bilatéraux, d'intensité iné-
gale, mais réels, déterminés par une lésion unila-
térale des centres nerveux.
L'esprit critique de Seppilli excelle à dissiper les
contradictions et, en dépit des apparences contraires,
à toujours faire pressentir l'unité des lois naturelles
de l'organisation, j'entends la constance et l'unifor-
mité des phénomènes que présentent les êtres vivants
dont la structure et les fonctions sont comparables
entre elles. Un seul exemple de cette sûreté d'analyse.
On se rappelle l'attention qu'excita le grand travail
de Fùrstner sur un trouble particulier de la vision
chez les paralytiques \ Au cours de la paralysie pro-
gressive, après une attaque épileptiforme ou apoplecti-
1 Uebu eine eigenlhumllche S,hsloei,u7eg bei PaI'alytikel'¡¡. (,11-chie. ?
Psych. Vlll^ et IX" vol., 1877-78.)
M PHYSIOLOGIE.
forme, l'oeil du côté hémiplégie, d'ailleurs intact à
l'examen ophthalmoscopique, semblait frappé quel-
quefois de cécité pure et simple, quelquefois de
cécité psychique. Voilà donc des troubles unilatéraux
et croisés de la vision .consécutifs à une lésion de
l'hémisphère opposé ! En outre, dans deux cas, ce n'était
pas le lobe occipital, mais le lobe frontal et le lobe tem-
poral qui étaient trouvés atteints. « Ces cas, on pourrait
les expliquer, disait Seppilli, en disant que le lobe
frontal et le lobe temporal reçoivent des irradiations des
nerfs optiques, comme nous l'avons noté chez les chiens.
Biais l'observation clinique n'appuie en rien ce mode
d'explication : les affections exactement limitées aux
lobes frontaux ou aux lobes temporaux ne provoquent
point de troubles visuels permanents avec le carac-
tère de cécité psychique. » A la rigueur, ce trouble de
la vision devrait donc être attribué à une action
exercée à distance sur le lobe occipital par les régions
encéphaliques malades. Puis, comme on rencontre
des variétés cliniques qui s'écartent des formes con-
nues, il n'est pas invraisemblable que le mode d'entre-
croisement des fibres optiques varie parfois comme
celui des faisceaux moteurs des pyramides, ainsi que
l'ont montré les recherches anatomiques de Flechsig
et les belles études anatomo-cliniques de Pitres. Mais
que doit-on penser d'abord, avant tout essai d'inter-
prétation, de la réalité de ces troubles unilatéraux et
croisés de la vision ? Ces observations sont en bien
petit nombre au regard des cas d'hémianopsie bila-
térale homonyme consécutifs à la lésion d'un seul lobe
occipital. Elles ont été faites sur des malades dont
l'état de l'intelligence, surtout aux périodes avancées
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 53
de la maladie, ne permet guère de renseigner exacte-
ment le médecin sur les fonctions de la sensibilité ni
d'instituer des expériences à cet effet. Entre temps,
comme il est arrivé pour l'amblyopie croisée dans
l'hémianesthésie hystérique 4 , Stenger et d'autres
auteurs ont établi que, chez les paralytiques généraux
aussi, ces troubles de la vue étaient en réalité bila-
téraux.
Nous n'insisterons pas sur ce que dit Seppilli de la
cécité verbale, qu'il considère comme une variété de
la cécité psychique, et dont il situe le siège, avec les
auteurs français, dans le lobule pariétal inférieur,
dont fait partie le pli courbe. Quoique la cécité verbale
s'accompagne souvent d'hémianopsie 2, la localisation
de ces deux affections n'est pourtant pas identique.
Seppilli veut seulement retenir de ces faits que, chez
l'homme comme chez les singes, les centres de la
vision ne sont pas limités aux lobes occipitaux, mais
s'irradient dans les circonvolutions du pli courbe.
Aucun doute sur ce point chez les auteurs italiens.
L'étude des centres nerveux dans les cas d'ano-
phthalmie congénitale serait aussi très utile pour
l'anatomie et la physiologie des centres de la vue.
Parmi les cas publiés jusqu'ici, on ne connaît guère
que celui de Giovanardi, professeur de l'Université de
'Charcot. - Leçons sur les localisations dans les maladies du cerveau,
p. 119.
. Tous les faits connus et bien observés nous montrent jusqu'ici
l'hémianopsie accompagnant toujours la cécité verbale.
Cf. Bernard. De l'aphasie et de ses diverses formes (1885) : « Ni
l'hémiopie ni, en son absence, un symptôme équivalent, tel que le ré-
trécissement contentrique du champ visuel, n'ont encore fait défaut dans
aucun des cas de cécité verbale où l'examen de la vue a été convenable-
ment pratiqué. » P. 133. ·
84 PHYSIOLOGIE.
Modène, où il ait été tenu compte de l'état du cerveau'.
Chez une fille de quatorze mois, aveugle-née et man-
quant des deux globes oculaires, les nerfs optiques, le
chiasma et les bandeleltes faisaient entièrement défaut,
et les circonvolutions occipitales étaient atrophiées
des deux côtés. Giovanardi, qui rappelle avec une
joie bien légitime que la découverte du centre cor-
tical de la vision est due à Bartolomeo Panizza, et que
cette observation d'anophthalmie congénitale, où les
lobes occipitaux ont été trouvés atrophiés, confirme le
fait que « ces lobes sont bien une des origines réelles
des nerfs optiques », ajoute, en terminant sa com-
munication : « Il est très probable que les circonvolu-
tions occipitales étaient peu développées déjà à l'époque
de la naissance de l'enfant, mais il est certain que,
durant les quatorze mois qu'elle a vécu, ces circonvo-
lutions ont dû s'atrophier » , atrophie résultant de
l'inactivité fonctionnelle de ces lobes par suite d'a-
bsence complète de la vue. Tartuferi aussi a signalé
ces atrophies des corps genouillés, des tubercules
quadrijumeaux et de la pointe du lobe occipital chez
de jeunes lapins dont il avait énucléé un oeil six ou
sept mois auparavant 2.
Inversement, dans un cas de porencéphalie portant
sur les deux lobes occipitaux, publié par Monakow ?
' Eugenio Giovanardi ? lzzloinzo ad un caso dianoftalmia doppiacon-
genita (mancanza dei nervi ollici, alrofia dei lobi occipituli). Riv.
speriment. di freniatria, 1881, 2li-ùO.)
. AltI dell' Academia di merl. di 1'ol'ino, 1881.
3 Experimenlelle und pathologisch-anatomische Unlersctchungect àber
die Beziehungen der sogenallnten Seftsphael'e u der infracorlicalen
Opticuscentren und zvnz J\'el'vlls opticus. Arch. f. Psychiatrie, XIV,
1883, 699 sq. Il s'agit d'un foetus humain de huit mois environ auquel
manquaient tout le lobe occipital des deux côtés et une partie du lobe
pariétal.
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 3
atrophie descendantedégénérative bilatérale des tuber-
cules quadrijumeaux antérieurs, des corps genouillés
externes, du pulvinar, des tractus et des nerfs opti-
ques, comme chez les mammifères (chats, lapins) dont
on extirpe les lobes occipitaux les premiers jours
après la naissance. Monakow témoigne, dans cette
observation, contre Meynert et Huguenin, que les
centres optiques infracorticaux n'envoient de radiations
que dans le lobe occipital, non dans le lobe temporal
aussi, et que le corps genouillé interne n'est pas en rap-
port avec le lobe occipital, mais avec le lobe temporal.
Tout ce qu'ont écrit Luciani et Seppilli sur ces altéra-
tions dégénératives, descendantes ou ascendantes,
consécutives aux destructions centrales ou périphéri-
ques de l'organe de la vue, prouve qu'ils ont bien
compris la haute portée de ces expériences, d'ailleurs
en si profond accord avec les observations cliniques.
C'est grâce à ces recherches des physiologistes, unies
à celles des embryogénistes, que le parcours des fais-
ceaux nerveux a pu être suivi dans tant de régions du
système nerveux central et que le trajet intra-cépha-
lique des nerfs optiques, en particulier, a été assez
nettement tracé, de station en station, à travers les
centres visuels infracorticaux ou basilaires, depuis la
rétine jusqu'au lobe occipital. ·
Nous terminerons ce chapitre, consacré à l'étude ex-
périmentale et anatomo-clinique de la vision, par quel-
ques vues d'ensemble sur la théorie des hallucinations
de la vue.
Tamburini ' 1 reconnaît expressément que cette
Sulla gellesi delle Allucinasioni. (Htu. sperim. di (l'enial1'ia,
1880,1215 sq.)
56 PHYSIOLOGIE.
théorie n'a pu acquérir quelque solidité que du jour
où la terminaison centrale, dans l'écorce cérébrale et
non ailleurs, des appareils périphériques des sens, a
été connue, où les centres psycho-sensoriels de l'écorce
ont été découverts, bref,~où les régions des transfor-
mations des sensations en perceptions et en images
mentales ont pu être étudiées par la méthode expéri-
mentale et par la méthode anatomo-clinique. Dès 1878,
Luciani et Tamburini avaient considéré ces centres
sensoriels de l'écorce comme étant à la fois de vrais
centres de perceptions élémentaires des sensations
et des dépôts d'images mentales. Dès l'origine, ils ont
défini l'hallucination une excitation morbide des cen-
tres sensoriels de l'écorce, analogue à celle qui, pour
les centres moteurs, produit l'épilepsie d'origine cor-
ticale. L'irritation qui, ici, détermine des convulsions,
évoque là de fausses sensations, ressuscite des per-
ceptions, des images qui, si l'intensité est suffisante,
s'imposent à la conscience avec tous les caractères de
la réalité extérieure. « Les hallucinations sont aux
centres sensoriels et à leurs lésions ce que l'épilepsie
est aux centres moteurs » (p. 151). Elles constituent
une sorte d' « épilepsie des centres sensoriels ». Les
hallucinations sont d'ailleurs assez fréquentes chez les
épileptiques l'accès est souvent précédé, accompagné
ou suivi d'hallucinations. Le même processus irritatif
qui envahit les centres moteurs de l'écorce, atteint
les centres sensoriels et y suscite les sensations ou les
images intenses de l'hallucination'. Hitzig, Ferrier et
' K Une image mentale, quand elle est suffisamment intense, est
perçue comme si c'était une sensation ; cette image visuelle est projetée
au dehors comme une sensation extérieure... L'image mentale est perçue
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 57
Munk n'avaient-ils pas montré que l'excitation élec-
trique qui, dans de certaines conditions de durée et
d'intensité, détermine, appliquée aux centres moteurs,
des convulsions épileptiformes, appliquée aux cen-
tres sensoriels fait naître des sensations subjectives
de la vue, de l'ouïe, etc., que manifestent les animaux
par des mouvements correspondants ? Dans les deux
cas, l'excitation électrique, substituée à l'irritation
morbide, détermine, ici l'épilepsie, là l'hallucination
expérimentale. Enfin, l'ablation des centres sensoriels
abolit également ces deux formes de réactions ner-
veuses.
Les observations cliniques et anatomo-patholo-
giques établissaient-elles le même rapport entre les
hallucinations et les lésions de la zone sensorielle de
l'écorce ? Il ne fallait pas s'attendre à recueillir une
riche moisson de faits. Voici pourquoi. Les halluci-
nations, dit Tamburini, ne se manifestent guère qu'à
la période irritative des affections cérébrales; elles
cèdent d'ordinaire en partie devant l'envahissement
des phénomènes de dégénérescence psychique. Si la
mort survient quand les hallucinations sont dans
toute leur force, les lésions irritatives de l'hallucina-
tion ne laissent pas plus de trace appréciable que les
lésions irritatives de l'épilepsie corticale. On ne les a
guère recherchées d'ailleurs; c'est toute une étude à
faire. Les cas de lésion destructive du lobe occipital
ont souvent été précédés de processus irritatifs qui ont
déterminé des hallucinations de la vue. Charcot, Fer-
et interprétée comme si elle était une sensation rétinienne. On perçoit
une image comme on perçoit une sensation. » Alfred Binet, La vision
mentale. (Re ? philos., avril 1889,)
00 PHYSIOLOGIE.
rier, Gowers, etc., l'ont noté expressément. Seppilli a
cité trois cas d'hallucinations de la vue empruntées a
Westphal, à Gowers, à Monakow, où existaient, à
l'autopsie des lésions du lobe occipital. Tamburini et
Riva, dans un récent travail sur l'anatomie patholo-
gique de la paralysie progressive des aliénés, ont
trouvé, sur seize cas d'hallucinations de la vue ou de
l'ouïe (laplupart de concert), quatorze fois les sphères
sensorielles respectives lésées'. Il y a plus; les hallu-
cinations de -la vue peuvent servir à déterminer le
point circonscrit de l'écorce cérébrale où siège la lé-
sion dont elles sont le symptôme. Seppilli rapporte,
d'après Pick, le cas d'un homme de vingt-huit ans,
atteint de délire de persécution qui, le soir, avant de
s'endormir, voyait de l'oeil droit des personnes à lui
connues, de grandeur naturelle : mais la tête et le^
buste de ces hommes lui apparaissaient seuls le plus
souvent. De même, si dans son hallucination il voyait
une forêt, il ne distinguait que la cime des arbres, les
parties inférieures restant dans l'ombre. Le périmètre
indiqua un rétrécissement considérable du champ
visuel de l'oeil droit, en haut et un peu en dedans,
c'est-à-dire une cécité du segment inférieur et externe
de la rétine droite. Seppilli estime que la meilleure
hypothèse qu'on puisse proposer pour expliquer la
pathogénie de celle cécité partielle de la rétine droite
et le caractère incomplet de ces hallucinations, c'est
d'admettre l'arrêt ou l'abolition fonctionnelle d'une
partie seulement des éléments nerveux de la sphère
1 71 ! ferc/'e sulla anatomie patologica délia paralisi progressive ! ... Atli
del congresso de Sociela {1'cniatl'. Vogliera, 10-22 septembre 1883. Milano,
1883, p. 8, 10.
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 59
visuelle corticale droite. Quant à cette partie même du
centre visuel, quelque délicate et subtile que puisse
paraître une pareille tentative de localisation céré-
brale, Munk, on le sait, la verrait dans la moitié
postérieure de la portion latérale de la sphère vi-
suelle. Mais, à l'exemple de Luciani, Seppilli estime
contradictoire aux faits la' doctrine si hardie de Munk,
d'après laquelle il existerait un rapport fixe et déter-
miné, au moyen des faisceaux du nerf optique, entre
» chaque segment de la rétine et chaque territoire cor-
respondant des centres corticaux de la vision.
Quoi qu'il en soit, la conclusion à tirer de ces faits
expérimentaux et anatomo-cliniques est, à coup sûr,
fort importante : de même que le diagnostic topogra-
phique des lésions motrices de l'écorce, soit irritatives,
soit destrutrives, et déterminant les épilepsies ou les
paralysies corticales, est aujourd'hui assez sûr pour
que le siège exact en puisse être circonscrit, il devient
possible également de délimiter la région cérébrale
des lésions, soit irritatives, soit destructives, des
divers centres sensoriels, déterminant soit la produc-
tion des hallucinations, soit l'abolition fonctionnelle
de tel ou tel sens.
L'hallucination est simple ou composée. Ainsi, elle
peut n'intéresser qu'un seul sens et être unilatérale,
si l'excitation est limitée à un territoire cortical res-
treint d'un seul centre sensoriel et d'uu seul hémi-
sphère. Mais l'hallucination peut résulter aussi de la
synergie morbide de plusieurs zones sensorielles. Dans
le premier cas, on s'explique jusqu'à un certain point
que l'hallucination soit compatible avec ce qu'on
appelle la santé de l'esprit. Les forces psychiques de-
60 PHYSIOLOGIE.
meurées intactes suffisent, en effet, d'ordinaire pour
faire échec à cette force isolée, et pour neutraliser en
quelque sorte les effets de ce foyer limité d'irritation.
Encore tout dépend-il du degré d'intensité de cette
force perturbatrice que le reste de l'encéphale peut
être impuissant à enrayer. L'hallucination nous domine
alors complètement; nous croyons fatalement à la
réalité des sensations ou des visions qu'elle suscite en
nous, et aucun raisonnement ne saurait prévaloir con-
le témoignage de notre conscience. Voilà, du moins,
comment on peut se représenter la pathogénie des hal-
lucinations dans les centres sensoriels de l'écorce céré-
brale. Mais Tamburini a inutilement ici compliqué les
choses en évoquant, au-dessus des centres sensoriels,
on ne sait quels centres d'idéation (centri della idea-
zione), si bien que l'hallucination dériverait de quatre
sources appareils périphériques des sens, voies ner-
veuses centripètes, centres sensoriels, centres d'idéa-
tion.-Naturellement, plus la lésion initiale sera pé-
riphérique, plus les hallucinations de la vue, etc.,
seront de nature élémentaire (étincelles, globes de
feu, etc.); plus elle sera centrale, plus les hallu-
cinations seront complexes (figures, paysages, ta-
bleaux, etc.). Mais, quel que soit le point de départ de
l'hallucination, l'intervention du centre sensoriel cor-
tical du sens considéré est indispensable pour que
l'hallucination se produise dans la conscience avec
tous les caractères de la réalité objective.
L'hypothèse d'un ou de plusieurs centres d'idéation
cérébraux est une simple vue de l'esprit, de tous
points arbitraire; elle paraît chère à beaucoup de
médecins qui se sont occupés des diverses formes de
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 61
l'aphasie, voire à des physiologistes : elle nous semble
être une survivance des vagues notions traditionnelles
d'esprit et d'intelligence considérés comme des êtres
réels, et non comme de simples résultantes des fonc-
tions du cerveau. Il faut très résolument exorciser
tous ces fantômes. J'estime, avec David Ferrier lui-
même, qui se sépare ici de son maître Ffughlings
Jackson, qu'il est inutile d'imaginer une sorte d'Olympe
où seraient représentées, sous une forme supé-
rieure, les fonctions sensorielles et sensitivo-motrices
de l'écorce, substratum des opérations de l'intelli-
gence. « Cette hypothèse, a écrit D. Ferrier, ne reçoit
aucune confirmation des faits expérimentaux, et elle
ne paraît pas du tout nécessaire pour expliquer les
faits de mentation normale ou anormale *. » Les centres
moteurs, sensitifs et sensoriels constituant l'écorce
cérébrale sont les seuls substrata connus des sensa-
tions, perceptions, idéations, volitions, émotions.
Qu'il y ait des degrés de complexité et d'évolution
dans ces centres, cela est possible : mais ce n'est pas
une raison pour créer de toutes pièces des centres su-
périeurs d'idéation dont rien jusqu'ici n'a révélé
l'existence ni au physiologiste ni au clinicien.
Audition. Lorsque Luciani et Tamburini entre-
prirent leurs premières recherches expérimentales sur
le centre cortical de l'audition, c'est-à-dire, d'après
eux, sur les régions pariéto-occipitales de la troisième
circonvolution externe du chien (et sans doute au delà
de ces limites), et, chez le singe, sur les première et
' l'lie Funclions of the 73nain, 2* édit. 460.
62 PHYSIOLOGIE.
deuxième circonvolutions temporo-sphénoïdales, ils
s'étaient proposé d'étudier, de plus près que ne l'avait
fait David Ferrier, les effets de la destruction de ce
centre sensoriel. Les résultats de leurs expériences à
ce sujet, publiés en 187-9 ', établissaient qu'après la
destruction unilatérale de la sphère auditive du chien,
survenait immédiatement une surdité des deux oreilles,
mais plus accusée sur l'oreille du côté opposé à la
lésion. Puis cette différence dans la sensibilité de l'ouïe
des deux oreilles diminuait progressivement et dispa-
raissait, ou du moins semblait disparaître, quelques
jours après l'opération. Une lésion destructive sem-
blable sur la région homonyme de l'autre hémisphère
déterminait une surdité presque absolue et sensible-
ment égale des deux côtés. Cette surdité allait d'ailleurs,
elle aussi, en diminuant, sans qu'on pût dire si, avec
le temps, elle devait s'amender complètement.
Mais un autre problème préoccupait alors ces au-
teurs, et si la solution, aussi profonde qu'ingénieuse,
qu'ils en faisaient entrevoir, n'a pas prévalu, on ne
saurait affirmer qu'elle n'a point pour elle l'avenir.
Une excitation électrique, portée sur Ti du singe, dé-
termine un mouvement de l'oreille du côté opposé,
qui se dresse ; les yeux s'ouvrent tout grands, les pu-
pilles se dilatent, la tête se tourne elle aussi du côté
opposé. Ces mouvements d'étonnement et de surprise
qui ressemblent à ceux que provoque, chez l'animal,
un bruit violent ou insolite, Ferrier les interprétait
comme l'effet d'une sensation auditive subjective.
Cette sensation provoquait, par action réflexe, les
1 Sui cenlri psico-sensori corticali. (riz, spernnenl. di /<'6 ! t : 'a't<f,
1879, V, 1 sq.). '
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 63
mouvements observés. Sans nier absolument que ces
réaclions représentent des mouvements réflexes consé-
cutifs à des sensations subjectives, les auteurs italiens
'inclinaient bien plutôt à croire qu'elles dépendaient de
l'excitation directe de centres moteurs siégeant dans
la zone corticale du centre de l'audition.
Cette hypothèse appartient tout entière à Tamburini,
qui l'avait proposée, dès 1876, à propos des centres
psycho-moteurs de l'écorce, et de tous les centres cor-
ticaux en général, dans un beau mémoire sur la phy-
siologie et la pathologie du langage '. Voici comment
Tamburini avait formulé cette hypothèse : « Chacun
de ces centres est en même temps le foyer de réception
* et de perception des excitations sensorielles provenant
d'une partie donnée du corps, et le point de départ de
l'excitation volitive centrifuge pour les muscles de
cette partie. » Ainsi, dans les centres sensoriels cor-
ticaux de l'audition, de la vision, etc., existeraient,
mêlés aux éléments sensoriels, ou isolés en îlots, des
éléments moteurs des muscles des organes périphériques
des sens correspondants, du pavillon de l'oreille, par
exemple, pour le centre cortical de l'audition, des
muscles oculo-palpébraux pour le centre cortical de
la vision, etc. Tous les centres de l'écorce seraient
donc mixtes, à la fois sensoriels (ou sensitifs) et mo-
teurs.
En quoi les effets de l'électrisation des centres sen-
soriels diffèrent-ils de ceux qu'on observe en excitant
la zone motrice de Hitzig ? Les auteurs italiens ne le
' Aug. Tamburini, Co&KZMMe sM /tSto/oM e pao'a c ! e/ < : M-
' Aug. Tamburini, Contribuzione alla flsiologia e patologia del liu-
gua,qglO. (Riv. spei,inz. di {renia tria, 1876.) - .1 part : Reggiù-Emilia,
1876, p. 33.
64 PHYSIOLOGIE.
voyaient pas. En électrisant le centre de l'audition, ils
déterminaient une attaque d'épilepsie générale : les
convulsions débutaient par le pavillon de l'oreille du
côté opposé. Enfin l'hypothèse de Tamburini présentait
certaines affinités avec la théorie de la sphère sensi-
live de Munk. Cette idée, quelle qu'elle soit, de la
constitution élémentaire de l'écorce, devait précisé-
ment trouver en Italie une base scientifique dans les
études de Golgi, le célèbre professeur de Pavie, sur
l'histologie des centres nerveux. La thèse principale
de ce savant anatomiste, qui ne dédaigne pas les ré-
sultats de la physiologie expérimentale, de la clinique
et de l'anatomie pathologique, et qui invoque surtout
les noms de Tamburini et de Luciani, c'est que les
centres fonctionnels de la sensibilité- et de la motilité,
loin d'être absolument séparés, se mêlent dans l'écorce
et ont un siège anatomique commun \ D'autres Ita-
liens, tels qu'Albertoni, se sont aussi sentis attirés
vers ces idées, bien avant que l'histologie des centres
nerveux leur eût prêté quelque fondement. Le chapitre
de ce travail consacré aux localisations sensitivo-mo-
trices ramènera notre attention sur Golgi et sur ces
auteurs. Mais, sans vouloir insister, il était peut-être
utile de signaler ici cette conception de Tamburini
comme une' preuve nouvelle du tour subtil et ingé-
nieux, surtout éclectique, de l'esprit scientifique ita-
lien.
Il y a peu de choses à dire des recherches récentes
' Cette thèse de Golgi est particulièrement bien exposée dans le mé-
moire suivant : Considérations anatomiques sur la doctrine des localisa-
tions cérébrales, publiée dans la Gazzelta degli ospilali, 3° année(1882),
et, en français, dans les Archives italiennes de biologie, Il,. 236 suiv.
LES FONCTIONS bU CERVEAU. 6u
de Luciani sur le centre cortical de l'audition, dont
les limites lui semblent bien dépasser aujourd'hui
celles du lobe temporal : ce centre enverrait des irra-
diations dans le lobe pariétal, le lobe frontal, la cir-
convolution de l'hippocampe et la corne d'Ammon.
Comme, suivant Luciani, il est extrêmement probable
a priori, que les centres corticaux des différents
sens spécifiques sont construits sur le même plan et
d'après la même loi générale que celui de la vision, il
insiste sur les rapports de chaque oreille avec les deux
hémisphères cérébraux au moyen d'un faisceau croisé
et d'un faisceau direct. Quoiqu'on ne sache encore
rien du mode et du lieu d'un entre-croisement partiel
des nerfs acoustiques, il faudrait admettre pour les
nerfs acoustiques ce qui a éte démontré pour les nerfs
optiques. Les expériences démontreraient, avec la
même clarté, que ce qui est vrai pour les uns doit
l'être aussi pour les autres. Le physiologiste pose un
problème à l'anatomiste. Que celui-ci parvienne à
suivre les faisceaux de l'acoustique dans leur trajet
vers les centres corticaux de l'audition, et il découvrira
sûrement, chemin faisant, le lieu et le mode de cet
entre-croisement. « C'est ainsi, écrit Luciani, si ]),-(),Va
licet componere li(teiis , que l'astronome Galle a
découvert Neptune dont, par le calcul, Leverrier
avait démontré l'existence. »
Il suffit de superposer sur le schéma de la sphère
visuelle, ce schéma (fig. 2) de la sphère auditive,
où les points noirs et les points hachés indiquent le
mode supposé de distribution des faisceaux croisés et
directs du nerf acoustique dans l'écorce, pour voir
comment ces deux sphères sensorielles, aux vagues
Archives, t. XVIII. a
66 PHYSIOLOGIE.
confins, se confondent en partie, se pénètrent et
s' « engrènent », suivant les doctrines localisatrices
de l'École italienne.
De même que pour le centre cortical de la vision,
Luciani s'est demandé quelle est la nature fonction-
nelle du centre cortical de l'audition. Est-ce à la fois,
comme le soutient Munk, un centre de perceptions
auditives, d'images mentales de l'audition, et de sen-
sations simples, élémentaires, de ce sens ? Voyons les
nouvelles expériences. Après l'ablation unilatérale
d'une sphère auditive, il existe une obtusion plus ou
moins accusée de l'ouïe, mais point de surdité com-
plète ; ces troubles s'amendent bientôt avec les effets
du traumatisme, et il ne subsiste et persiste que des
signes de surdité psychique. En d'autres termes, l'ani-
mal ne comprend plus la signification des sons ou des
bruits, tels que l'appel de son nom, le claquement du
fouet, etc., mais il entend. Les effets de l'ablation
bilatérale, même incomplète, sont toujours plus graves :
le trouble auditif peut atteindre d'emblée le degré de
la surdité absolue; puis celle-ci diminue peu à peu, et
il ne reste encore que des signes de surdité psychique.
Fig. 2.
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 67
Encore ceux-ci vont-ils s'atténuant si l'animal survit
assez longtemps. Mais les sensations brutes de l'ouïe
redeviennent toujours parfaites comme devant. Luciani
tire donc de ces faits la même conclusion que pour la
sphère visuelle : le centre cortical de l'audition est
uniquement destiné aux perceptions et aux images
acoustiques; les sensations simples de l'ouïe par-
viennent ailleurs, mais Luciani ne désigne point ces
centres infracorticaux ou basilaires de l'audition, assez
bien connus aujourd'hui.
L'étude clinique et anatomo-pathologique du centre
cortical de l'ouïe, considérée comme fonction générale,
n'est pas plus avancée en Italie que dans le reste de
l'Europe. Pas plus que Ferrier ou Nothnagel, Seppilli
n'a pu trouver une observation clinique décisive de
surdité par lésion corticale du lobe temporal. Ce qu'il
a surtout étudié avec prédilection, on sait avec quel
succès ', c'est l'affection décrite d'abord parAVernicke
(1874), puis par Kussmaul (1876), dans laquelle les
malades, tout en distinguant les plus légers bruits,
sont incapables de comprendre la signification de la
parole entendue, le sens des mots mêmes qu'ils enten-
dent. C'est là un véritable phénomène de surdité psy-
chique, de tous points comparable à ceux que Luciani
a réalisés expérimentalement sur les animaux par la
destruction des sphères auditives, alors que l'animal,
qui entend les moindres bruits, les sons qui composent
son nom, le claquement du fouet, etc., ne comprend
4 Giuseppe Seppilli, Sulla sordita verbale. Alti de) IV congressd
freniatrico italiauo, 1883.
La Sordità verbale ed a fasiu sensoriale. Studio clinico ed anatomo-
putotogio ? <n)..< ! er;n ! eK<.< ? )'e ? a : )')'a, 'Jf-1 ? 8.
68 PHYSIOLOGIE.
plus la signification de ces bruits ou de ces sons. C'est
bien l'idée, la représentation mentale auditive du mot,
qui est effacée dans la surdité verbale, la sensation
élémentaire des sons ou des bruits demeurant intacte.
La lésion amnésique porterait essentiellement sur
les'centres d'élaboration psychique de ces sensations,
non sur les centres des perceptions ou des sensations
brutes, si toutefois on inclinait encore à admettre, avec
les auteurs italiens, que ces centres sont distincts et
ont pour substratum anatomique, les uns l'écorce cé-
rébrale, les autres les ganglions de la base. Mais les
expériences de Munk nous paraissent avoir décidément
ruiné cette manière de voir.
Après Wernicke, Kahler et Pick, Nothnagel, etc.,
Seppilli, qui a pu rassembler des cas plus nombreux de
surdité verbale, situe la lésion de cette affection dans
le lobe temporal gauche, surtout dans la Ti, mais il
étend le siège anatomique de l'audition verbale à laTs.
Seppilli connaît et loue à son habitude les travaux
français sur cette matière, surtout ceux de Charcot,
« qui a traité ce sujet, dit Seppilli, avec sa finesse
d'observation ordinaire, avec cette pénétration que
l'on rencontre dans tous ses travaux de pathologie
nerveuse. » Il est juste de reconnaître que, dès 1883,
Seppilli avait montré, avec une largeur de vue bien re-
marquable, toute l'importance de la surdité verbale pour
la localisation et le diagnostic exact du siège des affec-
tions cérébrales. Voici le tableau où le savant médecin
du manicome d'lmola présenté les résultats des vingt
observations de surdité verbale qu'il rapporte :
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 69
70 PHYSIOLOGIE.
pli courbe, mais aussi celles des circonvolutions du
lobe occipital. Quoique considérée généralement comme
un symptôme de lésion en foyer, soit de l'écorce, soit
des faisceaux sous-jacents, bref, comme un phénomène
de déficit (Ausfallserscheinung), la surdité verbale peut
n'être qu'un symptôme indirect, un effet secondaire
(Nebenwirkung), et résulter d'une action à distance
exercée sur le lobe temporal gauche par un processus
morbide d'une région quelconque du cerveau : il peut
exister alors une surdité verbale sans lésion appré-
ciable des Tl et T2 gauches.
Quant au mécanisme des lésions qui produisent la
surdité verbale, Seppilli rappelle naturellement ce que
nous a appris l'anatomie de la circulation cérébrale
(Duret, Heubner) sur la distribution de l'artère syl-
vienne aux r3, FA, PA et Tl. On comprend ainsi
pourquoi, dans les lésions destructives résultant d'un
foyer de ramollissement hémorrhagique ou ischémique,
par thrombose ou embolie, la surdité verbale apparaît
◀tantôt▶ seule, ◀tantôt▶ associée à l'aphasie motrice, ou à
des troubles paralytiques de la motilité et de la sen-
sibilité générale du facial et des extrémités. Seppilli
réfute l'opinion de ceux qui voient dans la surdité
verbale, lion un symptôme d'une lésion en foyer, mais
un symptôme d'affaiblissement intellectuel, hypothèse
que contredit suffisamment, en effet, et l'observation
des cas de surdité verbale sans altération notable de
l'intelligence, et celle des déments qui, en dépit d'une
amnésie générale souvent si étendue, d'une ruine si
profonde de l'intelligence, comprennent encore pour-
tant les questions qu'on leur adresse.
Enfin, on sait que l'amnésie vertébrale peut exis-
LES FONCTIONS DU CERVEAU. -il 1
ter sans aucun symptôme de surdité verbale, et
que celle-ci peut également exister sans celle-là,
quoique ces deux affections aillent souvent de com-
pagnie. Si, en effet, comme l'admet Wernicke, les
circonvolutions temporales sont les centres des images
acoustiques des mots, on conçoit que, dans le cas de
lésions destructives des T' et T2, la perte de ces images
verbales, qui entrent dans la constitution si complexe
de nos concepts, ne nous permet plus ni de comprendre
la signification des mots entendus, ni d'exprimer nos
propres idées au moyen de ces symboles ou images
acoustiques verbales. Un cas de Cattani ', où un homme
de soixante-un ans, 'atteint d'amnésie verbale, avait
l'ouïe intacte et répondait « aussi bien que possible »
aux questions, a même inspiré à Seppilli une hypo-
thèse originale sur les localisations fonctionnelles des
T 1 et T, hypothèse en accord d'ailleurs avec les idées
dualistes de Luciani sur l'espèce de hiérarchie des
éléments constitutifs des centres sensoriels.
° ° Chez le malade de Cattani, atteint d'amnésie verbale
° et ne disposant plus qu'en partie des images verbales
acoustiques nécessaires à l'expression des idées par la
parole, un foyer de ramollissement occupait la moitié
antérieure du lobe temporal gauche, mais la T était
' Cattani a publié une étude comprenant vingt-quatre observations
rassemblées dans la littérature, sur les localisations pathologiques des
lobes temporo-sphénoïdaux (Le localiaioni delle malade nei lobai
temporo-sfenoidali del c'ervello). Les conclusions, assez négatives, de ce
clinicien, disent entre autres que ces lobes peuvent être lésés sans
donner heu à aucun symptôme appréciable, que les phénomènes les plus
fréquemment observés (aphasie) dérivent de l'abolition ou de l'affaiblisse-
ment de la mémoire, et que les altérations de la sensibilité spécifique de
celte région, qui ne sont rien moins que constantes, sont loin de con-
firmer les résultats de l'expérimentation physiologique. L')'e/t ! )' ! 0
italiano per le malulie nerv. (1881, p. 353), qui rapporte ces conclusions,
renvoie à la Gazzeltu degliOspitali (1880), que je n'ai pu consulter.
7'1. PHYSIOLOGIE.
intacte. Or les sensations acoustiques verbales étaient
perçues et comprises : le malade n'était pas sourd, et
il répondait tant bien que mal, mais avec justesse.
« Ces faits portent à croire, dit Seppilli, que les points
où sont perçues les paroles comme images verbales
sonores, ne sont pas identiques avec ceux où se forment
les images sonores des paroles correspondantes aux
idées... On pourrait donc admettre, si l'on voulait
faire une hypothèse, que la perception acoustique des
mots a surtout pour siège la Ti gauche, tandis que les
autres circonvolutions temporales du même côté au-
raient pour fonction de conserver les images acous-
tiques verbales indispensables à l'expression des
idées. »
Voilà ce que la physiologie et la clinique ont trouvé
touchant les fonctions et les rapports du lobe temporal
avec les nerfs acoustiques '. Quant à l'anatomie, elle
aurait «vainement tenté jusqu'ici de découvrir le par-
cours intracéphalique et l'origine de ces nerfs ».
Nous avons assez loué l'érudition étendue et de bon
aloi des auteurs italiens, celle en particulier de Luciani
et de Seppilli, dans leur domaine respectif, pour qu'il
nous soit permis de nous étonner un peu ici de les
entendre parler ainsi. En 1884, quand ces auteurs
présentèrent leur grand travail à l'Institut royal lom-
bard des sciences et lettres, M. M. Duval avait indiqué
la racine postérieure du nerf acoustique comme le
1 Tamburim et Riva (llicerche sulla anatomisa patologica délia paralisi
progressiva, etc.)0)it constaté des lésions du lobe temporal, de la T, eu
particulier, dans des cas d'hallucinations de l'ouïe. Dans un cas d'liallll-
cination unilatérale de l'ouïe, la lésion était limitée a la TI du côté
opposé. ,
2 Le localizzazioni (alla, del cervello, p. 234.
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 7H ai
nerf véritable de l'audition, et Monakow, 1 avait cons-
taté que le corps genouillé interne s'atrophie secondai-
rement après extirpation du lobe temporal, ce qui
montrait assez, les fonctions de ce lobe étant connues,
que le nerf acoustique proprement dit, « le nerf du
limaçon » (Flourens), se trouvait en rapport avec le
corps genouillé interne. Les auteurs italiens n'ont pu
connaître les travaux postérieurs à la publication de
leur livre en langue italienne; mais, si l'on remarque
que la partie clinique et anatomo-pathologique du
travail de Seppilli, consacré au centre cortical de l'au-
dition a paru avec des additions considérables dans
l'édition allemande de 1886, en même temps que les
recherches physiologiques de Luciani sur le même
sujet, pourquoi ni les auteurs italiens ni le traducteur
allemand, M. 0. Fraenkel, n'ont-ils au moins signalé
ni les études de Flechsig, ni celles de Bechterew, faites
au laboratoires de Flechsig et publiées, en 1885, dans
le l'erologi.sclre.s Centnalblatt de lleudel, ni les études
de Forel et d'Onufrowic 2 : sur le trajet et l'origine
centrale du nerf acoustique, en particulier sur les
rapports de ce nerf avec les tubercules quadrijumeaux
postérieurs (Flechsig, Bechterew) ? Les belles études
postérieures de Baginsky (1886) et de Spitzka (188G),
que nos auteurs n'ont pu connaître, n'ont guère modi-
fié ce que l'on savait dès lors. Mais on en savait assez,
on l'avouera, pour suivre le parcours intracéphalique
du nerf acoustique, depuis le limaçon jusqu'à l'écorce
du lobe temporal, à travers quelques-unes des princi-
pales stations intermédiaires de ce nerf dans les tuber-
Archiv. sur psychiatrie, 1882.
' Archiv f. psych" 1885. -
i le PHYSIOLOGIE.
cules quadrijumeaux postérieurs, les corps genouillés
internes et la couronne rayonnante. On en sait davan-
tage, sans doute, sur le trajet et l'origine des nerfs
optiques. Mais l'analogie si nette entre le parcours de
ces deux espèces de nerfs aurait déjà dû frapper des
esprits pénétrants.
Nous ne voulons pas terminer ce chapitre sans faire
remarquer de quelle importance capitale serait, pour
la physiologie et l'anatomie pathologique de l'audition,
l'étude des cerveaux de sourds-muets '. Il n'existe
pourtant pas de recherches d'ensemble sur ce sujet.
A l'autopsie, les médecins s'appliquent d'ordinaire à
constater les lésions de l'oreille interne, les malforma-
tions de l'organe périphérique de l'audition, etc. Mais
l'examen du cerveau n'a pas encore assez attiré leur
attention. Aussi bien, la connaissance de la structure
et des fonctions des centres corticaux et infracorticaux
de l'audition, nécessaire pour un examen scientifique
de ce genre, a fait longtemps défaut. On doit précisé-
ment à Seppilli une bonne étude de deux cerveaux
de sourds-muets de naissance : l'un appartenait à une
femme de trente-six ans, l'autre à un homme de qua-
rante ans. Dans les deux cas, il existe un arrêt de
développement des lobes temporaux au regard des
autres régions cérébrales, en particulier une atrophie
marquée, sur l'un de ces cerveaux, de la T i gauche.
Goût et olfaction. Les résultats auxquels sont
arrivés les Italiens dans l'étude expérimentale et ana-
Silvio Venturi a publié une note clinique intéressante sur l'Audition
chez les épileptiques (Suif ¡¡dzto degli epileilici. - Arch. di psichiatrin,
1886). L'acuité de l'ouïe serait très notablement abaissée, surtout du côté
opposé à la plagiocéphalie, que l'auteur a constatée 30 fois sur 'z0 épi-
leptiques hommes, et 26 fois sur 35 épileptiques femmes.
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 73 ;i
tomo-clinique du centre cortical de l'odorat ne laissent,
pas d'offrir quelque intérêt. Au cours de ses expé-
riences (chiens et singes), Luciani a noté que ce centre
s'irradie certainement dans le lobe pariétal, moins
dans le lobe temporal, et que, sur la face externe des
hémisphères, il siège surtout sur la quatrième circon-
volution externe ou périsylvienne, en avant et au-dessus
de la scissure de Sylvius, et, sur la face interne, vers
la partie postérieure de la circonvolution de l'hippo-
campe, dans la corne d'Ammon. Par exemple, chez
un chien auquel il avait enlevé, dans une première
opération, une portion considérable de la corne d'Am-
mon gauche, il observa des phénomènes très nets
d'obtusion de l'odorat, probablement bilatéraux,
mais surtout dans la narine gauche ». Quand ces phé-
nomènes eurent progressivement disparu, on fit la
même opération sur la corne d'Ammon du côté droit
(l'extirpation fut moins étendue qu'à gauche.) Les
mêmes phénomènes se montrèrent des deux côtés,
mais plus intenses et plus persistants qu'après la pre-
mière opération. Ces faits sont bien connus depuis
Ferrier, et, avant Ferrier, l'anatomie comparée eût seule
presque permis de les prédire. Je ne les rapporte que
parce que Luciani croit pouvoir en conclure que les
fibres du nerf olfactif, comme celles du nerf optique
et du nerf acoustique, subissent une décussation par-
tielle dans leur parcours intracéphalique. Toutefois les
faisceaux directs seraient ici plus forts que les fais-
ceaux croisés. Ce n'est d'ailleurs qu'une simple hypo-
thèse ; mais elle permettrait de comprendre pourquoi
Ferrier, dans ses premières expériences, fut conduit
à admettre que l'action des centres corticaux de l'ol-
"6 PHYSIOLOGIE.
faction était directe et unilatérale, en d'autres termes,
que les nerfs olfactifs gagnaient directement leur
centre respectif du côté correspondant, sans subir
d'entrecroisement. L'activité prépondérante du faisceau
olfactif direct sur le faisceau croisé aurait créé cette
illusion. C'est ainsi que dans ses expériences sur les
centres corticaux de la vision et de l'audition, trompé
cette fois par la prédominance fonctionnelle des fais-
ceaux croisés sur les faisceaux directs, il avait d'abord
cru' à l'activité croisée et unilatérale de ces centres.
Dans ce schéma de Luciani (fg. 12), qui ne représente
que les irradiations de la sphère olfactive sur la con-
vexité de l'hémisphère gauche, les points hachés, les
plus nombreux, indiquent les rapports du faisceau
olfactif direct avec l'écorce cérébrale, les points noirs,
moins nombreux, ceux du faisceau croisé avec les
mêmes régions.
Giuseppe Fasola a fait récemment, au laboratoire de
physiologie comparée de l'Institut royal de Florence,
et sous la direction même du professeur Luciani,
quelques recherches expérimentales sur la physiologie
du grand hippocampe. En dehors de leur valeur in-
1';11. 3.
LES FONCTIONS DU CERVEAU. -1 'l
trinsèque, ces recherches présentent un air de famille
bien frappant avec tous les travaux de l'École italienne
sur les localisations cérébrales '. Après un aperçu
historique des théories de Golgi, de Giacomini, de
AI. Duval, entre autres, sur l'anatomie et la physiologie
de la corne d'Ammon, l'auteur tire les conclusions
suivantes, assez inattendues, de ses essais d'extirpa-
tion totale ou partielle, uni ou bilatérale du grand
hippocampe : 1° la corne d'Ammon prend une part
importante aux fonctions de la vue et de l'odorat,
moindre aux fonctions de l'audition; il y aurait là une
sorte de zone commune où seraient en parties confon-
dues ces trois sphères de sensibilité spécifique; 2° les
fibres optiques issues des éléments nerveux du grand
hippocampe subiraient, comme celles qui émanent du
lobe occipital, une décussation partielle avant de se
distribuer aux territoires rétiniens, avec prévalence du
faisceau croisé sur le faisceau direct; 3° de même pour
les fibres acoustiques issues de la même région; 4° enfin,
les fibres olfactives issues des régions ammoniques
ne subiraient pas d'entre-croisement, ou du moins ces
libres se trouveraient également réparties des deux
côtés. Quant aux altérations de la sensibilité générale
qui, selon Ferrier, seraient consécutives aux lésions
de la région hippocampale, Fasola non plus que Lu-
ciani n'en ont point trouvé trace.
Les cliniciens se plaignent de la rareté et de l'insi-
gnifiance des matériaux. « Un groupe d'observations
permet toutefois d'admettre, écrit Seppilli, que dans
la zone frontière de la scissure de Sylvius il existe
G. Fasola, S alla fisiologia del grande hippocampo. liieci-che speni-
mentali. [¡il'. sperinaeol, di /'reniatria, 1885, 'r3É suiv.
78 PHYSIOLOGIE.
une région en rapport avec l'odorat. Cela résulte des
cas d'embolie de l'artère sylvienne gauche dans les-
quels, en même temps que de l'hémiplégie droite et
de l'aphasie, on a aussi observé de l'anosmie sur la
narine gauche (Ogle, Notta). Ces faits prouvent l'im-
portance de cette région comme partie de la sphère
olfactive ; ils semblent aussi indiquer qu'il existe un
rapport direct entre la scissure de Sylvius et les fais-
ceaux du nerf olfactif. En outre, si l'on réfléchit que
dans l'hémianesthésie (sensitivo-sensorielle) par lésion
de la capsule interne, l'affaiblissement ou la perte
complète de l'odorat a lieu du côté opposé à l'affection
cérébrale, et si l'on cherche l'explication de ce fait,
force est bien d'admettre que les nerfs olfactifs d'un
côté subissent un entre-croisement avec les nerfs olfac-
tifs de l'autre côté avant de pénétrer dans la capsule
interne \ »
Tous les autres faits anatomiques connus sur le par-
cours intracéphalique et la distribution ultime des
trois racines du nerf olfactif, en particulier dans la
circonvolution de l'hippocampe et le subiculum de la
corne d'Ammon, s'accordent du reste avec les-obser-
vations de Ferrier, de Munk et de Luciani touchant
les rapports fonctionnels du lobe et du bulbe olfactif
avec ces régions. Au congrès des médecins italiens de
Pavie, de 1887, Frigerio a rapporté une observation
d'atrophie de la corne d'Ammon gauche dans un cas
d'hallucination de l'odorat.
Les auteurs italiens, dont nous avons exposé les
doctrines sur les centres sensoriels de l'écorce céré-
' Le localizzazioni funs. clel ceruello, p. 237 de l'édition allemande
seulement.
LES FONCTIONS DU CERVEAU. Í9
brale, auraient pu trouver dans Golgi, pour la corne
d'Ammon aussi, une confirmation de leurs vues sur
la coexistence des éléments sensoriels et moteurs,
partant des fonctions de la sensibilité et de la motilité,
dans le centre cortical de l'olfaction, comme dans ceux
des autres sens spécifiques : ainsi, les fibres nerveuses
à myéline de la lamina medullaris involuta, perdues
dans le réseau nerveux diffus, appartiendraient, sui-
vant Golgi, à la sphère sensitive ; les fibres de l'alveus
et de la fimbria, en communication directe avec les
cellules du stratum convolutum et de la fascia dentata,
à la sphère motrice ou pshyco-motrice 1.
Quant au centre cortical du sens du goût, dont les
affinités profondes avec le sens de l'odorat ne sont
pas douteuses, c'est encore un pays à peu près in-
connu à la physiologie expérimentale : la situation peu
accessible de ce centre (sans doute à la base et à la
face interne des hémisphères) et l'insuffisance des
moyens de diagnostic des lésions du goût chez l'animal,
en sont, suivant Luciani, la principale cause. « On
sait d'ailleurs, écrit-il, d'après les recherches classi-
ques de B. Panizza (1884), de Biffi et de Morganti
(1846), de Lussana et d'lnzani (1862), que, même
après l'abolition complète du sens du goût par la sec-
tion et la dégénération des nerfs du goût, l'animal
continue à manger avec un appétit visible, ce qui ne
s'explique que par l'intégrité des autres en sens parti-
culier de l'odorat. »
Ce sont surtout des anatomistes, tels que Meynert,
Caiiiillû Golgi, SItUa fina anatonzia degli organi centrait del sistema
neruoso (Milauo, 1886). Sulla fina anatomia del grande piede d'hip-
pocampo, p. 81-110.
SI) PHYSIOLOGIE.
Broca, Golgi, qui, pour l'étude des centres corticaux
de l'olfaction et du goût, ont indiqué et largement
ouvert les voies où les physiologistes et les cliniciens
entreront quelque jour. Quelque rudimentaires que
soient encore nos connaissances en ce domaine, peu
d'études ont autant d'attrait que celle delà localisation
centrale du sens de l'odorat, entré depuis si long-
temps en involution chez les primates et chez les
cétacés. De grandes ruines attestent seules, chez
l'homme, l'importance de ce sens dans la longue série
ancestrale des vertébrés. Si notre conception actuelle
du monde est surtout saturée d'images visuelles, celle
du reste des mammifères l'est certainement d'images
olfactives, et quoique la théorie de la connaissance
n'en puisse pas être aussi profondément modifiée que
l'admettait Broca, il est vrai cependant que le monde
doit apparaître un peu différemment aux carnivores,
aux pachydermes et aux ruminants, qu'aux singes
anthropoïdes et à l'homme. (A suivre.)
CLINIQUE NERVEUSE
RECHERCHES CLINIQUES ET 1 ? XPÉit LES SUR LES ACCI-
DENTS SURVENANT PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES';
Par M. le Dr MICIIEL CATSARAS,
Professeur agrégé de la Faculté d'Athénes; Médecin de l'asile de Uromocaitis;
Membre de la Société hiedico-psychalogique de Paris.
III. Patuogénie.
Si la partie clinique de ces accidents était une terre
1 Voir Archives de Neurologie, n° 17, p. 1 i,'j; n° 18, p. 216; il,) 19, p. 22 :
u° 5U, p. 22 ? n" ;)1, p. a ! l2.
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 81
inexplorable, il n'en est pas de même pour leur
pathogénie. En général, il n'y a pas, dans la noso-
graphie, de maladies dont la pathogénie soit mieux
connue, mieux éclaircie que celle des accidents surve-
nant par l'emploi des scaphandres ou d'autres ap-
pareils à air comprimé. Il n'y a pas un seul point de
leur pathogénie qui n'eût été étudié à fond et qui n'ait
été brillamment élucidé grâce à notre regretté et illustre
maître Paul Bert, qui a fait sur cette question des re-
cherches si belles, si étendues, et qui les a toutes
développées avec une clarté admirable dans son ma-
gnifique ouvrage intitulé : « De la pression baromé-
tique. » Là, nous trouvons les nombreuses théories qui
ont été émises sur la question qui nous occupe, théories
que nous allons retracer et que l'ou pourrait ramener
à quatre.
1° Théorie de la compression physique des tissus exté-
rieurs, ainsi appelée par Paul Bert. Cette théorie
appartient à MM. Pol et Watelle qui l'ont émise dans
leur mémoire sur les effets de la compression de l'air
appliquée au creusement des puits à houille. Ces au-
teurs pensent que pendant le séjour dans l'air com-
primé, la compression jouant le rôle d'agent mécanique
repousse le sang des tissus périphériques comprimés,
qui se porte au centre et s'accumule de cette fa-
çon aux cavités profondes. Cet influx central du
sang donne naissance à des congestions viscérales qui
restent masquées durant la compression pour n'être
démasquées qu'au moment de la décompression. La
clinique de ces accidents ne concorde nullement avec
Annales d'hygiène et de médecine légale, 1° série, t. I, p. 2Íl-27 ! J
1851. 1.
Archives, t. XVIII. 6
8 : l CLINIQUE NERVEUSE.
cette théorie : on a certes été frappé en lisant nos
observations d'un fait d'une importance capitale que
tous les accidents survenant par l'emploi des scaphan-
dres n'éclatent et ne doivent éclater qu'après la dé-
compression et l'enlèvement du casque ou, s'il s'agit
d'autres appareils à air comprimé, à la sortie de ces
appareils et qu'aucun accident ne se produit pendant
la compression. D'ailleurs, ce moment de l'explosion
des accidents a été déterminé pour la première fois
par MM. Pol et Watelle eux-mêmes. Or, ce refoule-
ment du sang, d'après cette théorie, ayant lieu aussi
bien pendant la compression que pendant la décom-
pression, nous ne concevons pas pourquoi ces conges-
tions doivent éclater seulement lors de la décompression
et non pas aussi durant la compression, ce qui serait
même beaucoup plus naturel. A cette objection qui
suffirait amplement à elle seule pour faire rejeter cette
théorie, ces deux médecins de Douchy n'ont pas man-
qué de répondre que le peu de nocuité des congestions
pendant la compression doit être attribuée à la ruti-
lance du sang veineux, à la suroxgénation. Voici leur
réponse détaillée, que nous insérons à titre de curio-
sité :
« Rasori pensait que les congestions sont constam-
ment veineuses, et cela est hors de doute quand c'est
un obstacle au retour du sang qui les occasionne. Mais
en est-il de même lorsqu'elles sont sous la dépendance
d'un afflux artériel; alors aussi l'arrêt circulatoire qui
les constitue résiderait-il exclusivement dans les ca-
pillaires veineux; le sang noir, en un mot, comme le
veut le médecin italien, serait-il en toute circonstance
l'agent des congestions ? `I
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 83
« Les observations de M. Andral ne contredisent
point cette opinion; elles l'autorisent, au contraire,
puisqu'il en résulte que les tissus hypérémiés rouges
au premier degré qui, selon M. Dubois, d'Amiens,
n'est autre chose qu'un mouvement fluxionnaire pré-
curseur de la congestion, sont bruns au deuxième degré
et noirs au troisième.
« Or, que, par hypothèse, on veuille bien admettre
que c'est plutôt à l'action stupéfiante du sang noir
qu'elles doivent d'être pernicieuses qu'à la compression
provenant d'un abord exagéré, et il s'ensuivra que
si l'inspiration d'un excès d'oxygène artérialisait le
sang veineux, les congestions, selon le quantum, de-
vraient perdre tout ou partie de leur nocuité.
« Eh bien, c'est précisément ce qui est arrivé chez
nos mineurs; d'une part congestion sans accident
aucun, d'autre part sang veineux rutilant.
« Et comme contre-épreuve, quand l'agent de la
rutilance était soustrait et son action atteinte ou
amoindrie dans une certaine mesure, ce qui prenait
un temps variable, accidents graves pouvant s'élever
jusqu'au foudroiement. Ainsi, les congestions qui ré-
sultent de la compression de l'air ne révèlent pas leur
existence, tant que cette compression s'exerce. La
compression par conséquent porte en soi son cor-
rectif. '
« La décompression démasque en quelque sorte les
congestions, on pourrait dire que de latentes, de vir-
tuelles, elle les rend effectives. Partant de là, on con-
çoit qu'elle doit se montrer d'autant plus redoutable
qu'elle est plus rapide, et qu'il suffirait probablement
pour qu'elle devînt inoffensive de la pratiquer avec
84 CLINIQUE NERVEUSE.
une grande lenteur, beaucoup plus lentement qu'il n'a
été fait, la plupart du temps. »
La physiologie vient à son tour donner le coup de
grâce à cette théorie. Elle nous enseigne que la pression
barométrique n'a pas d'influence directe sur les liquides
de l'organisme, l'équilibre de la pression existe
dans toute la masse sanguine. L'incompressibilité
absolue de nos liquides nous met donc à l'abri de cette
compression physique des tissus extérieurs.
M. Guérard, dans son travail' se borne à commen-
ter les notes de Pol et Watelle sans y ajouter rien de
nouveau; c'est un travail de compilation privé de
toute originalité. Il adopte cette fausse doctrine.
La théorie si erronée de Pol et Watelle a été adoptée
plus tard par le D1' Bucquoy qui fit ses recherches
sur les ouvriers au pont de Kehl. Cet auteur,
malgré les vues physiologiques si remarquables
qui sont développées dans son travail (de l'air com-
primé. Strasbourg, 1886) et dont nous donnons ici un
extrait, arrive à une conclusion inacceptable. Si l'on
pénètre dans l'air comprimé, l'oxygène, l'acide car-
bonique et l'azote, tenus en simple dissolution dans
le sang, doivent augmenter avec la pression, et si la
compression a duré suffisamment longtemps, la loi de
Dalton veut que la quantité de chacun de ces gaz
absorbée par le sang soit proportionnelle à sa pression
dans l'air condensé où l'on respire. Dans l'état ordi-
naire l'acide carbonique et l'azote du sang ne sont
pas puisés dans l'air inspiré, ils sont engendrés par
les phénomènes physiques de la vie. Par suite de leur
1 Notes sur les effets physiologiques de l'air comprimé (A unalcs d'hy-
giène, 2e série, 1. 1, année 1854.)
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 8D
origine ces deux gaz ne suivent sans doute pas rigou-
reusement, la loi de Dalton, mais leur quantité pon-
dérante dans le sang varie nécessairement dans le sens
indiqué par cette loi.
« Ceci posé, que doit-il advenir, lorsqu'on sort des appareils à
l'air comprimé ? Pendant et après la décompression, tous les gaz
dissous en excès dans le sang par suite de la condensation de
l'air, tendront à s'échapper de ce liquide avec un effort d'autant
plus grand, à séjour égal dans l'air comprimé, que la pression
qu'on aura subie était plus considérable. C'est là une conséquence
forcée des lois physiques sur la dissolution des gaz dans les liquides,
et l'on en a un exemple commun et fréquent dans la rapidité et
dans la force avec lesquelles l'acide carbonique s'échappe d'une
eau gazeuse, quand on enlève le bouchon de la bouteille qui la
contient (p. 58).
« Les particules des gaz qui ont repris l'état aériforme dans
toute l'étendue du système sanguin, restent mécaniquement mê-
lées aux molécules liquides, qui auparavant les dissolvaient; il
s'ensuit que le sans devient un mélange expansible qui fait sans
cesse effort pour distendre ces vaisseaux et pour augmenter de
volume. Le résultat définitif est une turgescence générale plus ou
moins considérable des vaisseaux sanguins et une imminence hé-
morrhagique plus ou moins menaçante. Et comme les gaz dissous
en excès se séparent des humeurs comme du sang, il en résultera
une tendance générale à l'emphysème. -
« Attribuons maintenant à la force expansive des gaz devenus
libres une intensité suffisante et il n'est pas nécessaire qu'elle soit
considérable, si elle est favorisée par des dispositions individuelles;
alors l'imminence hémorrhagique et la tendance à l'emphysème
se traduiront en faits. Nous aurons tous les cas d'hémorrhagie et
d'emphysème observés, soit dans les ascensions sur les hautes
montagnes, soit dans les voyages aérostatiques, soit dans des ate-
liers à air comprimé (p. 59). »
C'est à l'oxygène aussi que cet auteur fait jouer le
rôle le plus important dans les phénomènes d'héma-
tose observés dans ces cas-là. Je le répète, malgré ces
vues si ingénieuses, l'auteur reprend la théorie de la
compression physique des tissus extérieurs qu'il expose
ainsi : « L'accroissement de pression du milieu nm-
86 . CLINIQUE NERVEUSE.
biant produit son maximum d'effet sur les tissus de la
périphérie. Ces tissus se condensent, mais ils résistent
dans une certaine mesure à la pression extérieure, et
en neutralisent une fraction. La pression subsistante
condense les couches placées au-dessous des premières,
mais elle éprouve de leur part une nouvelle résistance
qui diminue encore son intensité, et ainsi de suite. De
sorte que, à mesure qu'on s'avance de la surface vers
les parties centrales, les tissus sont de moins en moins
condensés, et les pressions de plus en plus affaiblies.
Mais le sang contenu dans les tissus superficiels trans-
met à toute la masse sanguine, dans tous les sens, à
toutes les profondeurs et presque également, la pression
extérieure, Par conséquent, dans tous les points de
l'économie le liquide sanguin exerce contre les parois
de ses vaisseaux de dedans en dehors, et tendant à les
dilater, une pression presque égale à la pression qu'il
supporte extérieurement.
« Pour résister à cette dilatation de vaisseaux,
chaque tissu a sa résistance propre, et la fraction de
pression extérieure qui a pu se propager jusqu'à lui à
travers les couches les plus superficielles. Il en résulte
que les différents tissus résistent très inégalement à
cette dilatation des vaisseaux, et que celle-ci est d'au-
tant plus grande que les tissus sont plus profonds,
puisque la pression extérieure transmise aux tissus par
les tissus diminue avec la profondeur. Par conséquent,
dilatation des vaisseaux dans les tissus profonds, où
la pression venant de l'extérieur est faible; diminution
du calibre des vaisseaux dans les couches superfi-
cielles où la pression extérieure est forte, tout cela
dans une mesure convenable, jusqu'à ce que l'équi-
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 87 I
libre soit partout rétabli. A chaque nouvel accroisse-
ment de pression; il se produit un effet analogue; une
nouvelle distribution du sang et un nouvel équilibre
s'établissent. L'effet total est une plus grande masse
du sang dans les tissus et les organes profondes ; on a
en un mot, les congestions viscérales et leshypérémies
dont parlent tous les auteurs » (p. 52).
2° Théorie vasculo-mécanique. Cette théorie,
ainsi appelée par M. Alphonse Febvre dans son excel-
lente thèse, a été exprimée par Babington et Cuthbert,
.Ces auteurs anglais, qui ont été témoins des accidents
du pont de Londonderry, s'appuyant sur le fait, que
les accidents n'éclatent qu'au moment de la décom-
pression, supposent que « la transition soudaine d'un
air condensé à l'air libre occasionne tous ces symptômes
graves ». Ces auteurs ont voulu expliquer la prédilec-
tion avec laquelle les accidents frappent le cerveau et
la moelle, enfermés qu'ils sont dans leurs cavités
osseuses, et ayant leurs vaisseaux protégés de même,
ne peuvent pas céder à la pression atmosphérique,
aussi facilement que les parties les plus élastiques.
Ainsi le cerveau, quand l'ouvrier est sous une pression
excessive, ne peut, si cette pression est enlevée de la
surface, s'accommoder à cette modification aussi rapi-
dement que les autres organes ; l'excès de pression sur
le cerveau et la moelle doit s'en aller par les passages
étroits par où le sang sort de ces organes. Les canaux
osseux dans lesquels les vaisseaux sanguins sont
creusés rend cette issue plus pénible, et l'excès de
pression se porte sur les délicates parties nerveuses, '
Expériences comparatives sur la décompression brusque et sur l'iiijec-
lion d'air dans le artères. Nancy, 1879.
88 CLINIQUE NERVEUSE.
brisant les petits vaisseaux, et produisant la série des
redoutables accidents que nous avons rapportés ? »
Il est au moins inutile de remarquer que c'est une
doctrine erronée, car si l'on examine un peu plus pro-
fondément on ne tarde pas de voir que cette théorie
vasculo-mécanique n'est autre chose que la théorie de
la compression physique des tissus extérieurs formulée
d'une autre façon.
3. Théorie du développement des gaz intestinaux.
Cette théorie a été exposée par M. Mouchard'. Cet
éminent maître considère les accidents de la compres-
sion et de la décompression comme dus à des conges-
tions et a deshémorrhagies abdominables médullaires
et cérébrales. Mais le mode de production, dit-il, de
ces congestions pendant la compression est inverse à
celui des congestions et des hémorrhagies lors de la
décompression. Voici la manière dont il conçoit leur
mode de production pendant la compression. « L'air
comprimé pénétrant dans les poumons, le vide n'a
plus aucune tendance à se faire dans la poitrine,
comme chez les pécheurs à nu, les congestions pulmo-
naires ne sont plus à craindre. Toutefois, l'abdomen
est normalement distendu par des gaz ; l'air extérieur
ne pénétrant pas dans l'intestin, ces gaz se compriment
et occupent un volume qui est en raison inverse de
l'intensité de la compression. Le volume de l'abdomen
deviendra quatre fois moindre, si la pression est de
quatre atmosphères. Alors la paroi est de toute part
refoulée contre la colonne vertébrale et forme ainsi
une concavité antérieure. Mais cette paroi n'est pas
' l'ulhogéuie des hémorrhagies. Taris, 18G ! J.
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 89
inerte, elle tend à se redresser grâce à sa tonicité et
même à sa contractilité et, par suite, à diminuer dans
l'abdomen la pression qui avait été équilibrée par ce
refoulement de la paroi, elle agit à la façon d'une
ventouse monstre, qui chercherait à accumuler dans
l'abdomen le sang des autres organes, et en effet l'allé-
mie générale se produit. « Cette réplétion des organes
abdominaux par le sang n'est cependant pas l'occasion
d'hémorrhagies, excepté peut-être dans la rate. »
En ce qui concerne les congestions et les hémorrha-
gies qui se produisent lors de la décompression voici
comment il conçoit leur mode de production. Il se
passe précisément un phénomène inverse.
« C'esl, dit-il. au moment de la décompression qu'arrivent les
hémorrhagies, au moment où les gaz intestinaux reprenant leur
volume et distendant la paroi abdominale en sens inverse, vont
faire subir aux organes du ventre une pression positive qui expul-
sera le sang emmagasiné dans leur intérieur et le lancera subite-
ment vers les autres organes dont les vaisseaux qui ont perdu
leur tonus,... ne s'accommodent pas subitement à cette irruption
soudaine. C'est alors que se produisent les épislaxis, les hémop. z
tysies, quelquefois des apoplexies passagères ou mortelles, accom-
pagnées, dans certains cas d'hémiplégies momentanées ou durables,
et enfin ces paraplégies fugaces ou persistantes que M. Barelle
signale chez les ouvriers qui travaillent dans les puits tubulaires,
et qui, d'après M. Leroy de Méricourt, seraient l'une des causes
de mort les plus fréquentes chez les pêcheurs d'épongés. »
Il faut cependant reconnaître que cette explication
paraît insuffisante à ce savant maître qui recourt aux
idées de MM. Rameaux et Bucquoy sur les gaz du
sang, comme on peut le constater au passage sui-
vant :
g Mais cette congestion subite, et comme par contre-coup, au
moment où le sang reflue de l'abdomen vers les autres organes,
n'est peut-être pas la seule ni la véritable cause de ces hémorrha-
90 CLINIQUE NERVEUSE.
gie8, ou du moins d'un certain nombre d'entre elles : de celles
par exemple qui se font dans les cavités incompressibles, le crâne et
le'rachis. Une autre interprétation a été donnée qui ne manque
pas de vraisemblance. Les gaz se dissolvent dans les liquides
proportionnellement à leur tension; le sang d'un homme qui est
resté pendant plusieurs heures sous une pression de quatre atmos-
plières doit donc renfermer une proportion d'acide carbonique
beaucoup plus forte qu'à l'état normal; et cet acide carbonique
dissous reviendra à l'état gazeux dès que la pression extérieure
diminuera. Si la décompression se fait lentement, le sang en pas-
sant par les poumons, pourra exhaler le trop-plein d'acide carbo-
nique, et aucun accident ne se manifestera; mais si la décom-
pression est brusque, l'acide carbonique tendra à faire irruption
sous forme gazeuse, même dans les vaisseaux, et par sa brusque
expansion, ou par l'oblitération de petits ^ aisseaux dans lesquels
il ne peut pas circuler, amènera des ruptures et des extravasations
(p. 39). » .
Un peu plus plus loin, M. Bouchard fait l'explica-
tion de ces données pour expliquer la formation de
tumeurs musculaires douloureuses décrites par MM.
Rameaux et Bucquoy.
« Ces tumeurs ne sunt pas inflammatoires, ce ne sont point des
exsudats ni des extravasations. Elles disparaissent immédiatement
par le seul fait de la rentrée dans l'air comprimé, et ne sont
jamais suivies de taches ecchymotiques. Au moment où la tumeur
existe, elle ne s'accompagne ni de battements, ni de rougeur, ce
qui ne permet guète de l'attribuer à une dilatation artérielle exa-
gérée, comme l'a fait M. Foley. S'il est vrai que le travail muscu..
laire est une source importante d'acide carbonique, ne pourrait-
on pas supposer que les muscles qui ont le plus fonctionné sont
chargés d'acide carbonique dissous dans les tissus même, et
qu'au moment de la décompression, cet acide devient libre à l'étal
gazeux, pour se redissoudre par une compression nouvelle
(pu 101). »
Cette théorie est tout aussi erronée que les deux
autres exposées, pour deux importantes raisons; il
suffit de jeter un coup d'oeil sur nos observations pour
remarquer que les développements de gaz intestinaux
n'est point constant, il n'arrive que de temps en temps.
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 91
Comment donc expliquer un si grand nombre d'acci-
dents où le développement de gaz n'a pas lieu, au
moins en quantité appréciable ? Ensuite, quelque
excessif que soit ce développement de gaz intestinaux,
ces gaz trouvent une issue par les deux orifices intes-
tinaux qu'ils franchissent très facilement. Même chez
les animaux morts, en mettant un tube bien appliqué
à la partie inférieure du canal digestif, on voit qu'au
sur et à mesure que l'animal est soumis à une pression
de moins en moins forte, des bulles de gaz s'échappent
de l'orifice inférieur de ce canal; c'est seulement par
l'orifice supérieur que les gaz ne peuvent trouver une
issue, le pylore et le cardia formant une barrière qui
ne peut être franchie que chez les animaux vivants où
les réflexes existent.
4° Théorie du refroidissement et de la fatigue Cette
théorie a été formulée par M. Lampadarios (loc. cit.),
qui, repoussant la théorie du développement de gaz
dans le sang attribue la genèse des accidents en ques-
tion au refroidissement et à la fatigue. Le professeur
Caramitsas a vivement combattu cette théorie dans sa
belle critique publiée dans les fascicules 1 et II de
l'Esculape. Nous croyons inutile d'insister pour réfu-
terune théorie pathogénique absolument insoutenable.
5° Théorie du développement des gaz dans le sang.
En voici la vraie théorie, la théorie qui a été sura-
bondamment démontrée et qui va recevoir aussi une
nouvelle confirmation par nos expériences sur les
chiens, qui ont ceci d'original d'avoir été faites exacte-
ment dans les mêmes conditions de compression et de
décompression que celles du travail dans l'air com-
primé des plongeurs à scaphandre.
92 CLINIQUE NERVEUSE.
Il est vraiment curieux de trouver cette théorie
développée déjà vers 1855 par Musschenbroeck 1, qui,
dans ses notes relatives aux phénomènes présentés
par un animal soumis au vide, interprétant les causes
de la mort, dit : « Mais' avant .que la circulation du
sang cessât entièrement dans les poumons, l'air qui
est mêlé dans le sang se dégageait des interstices, se
rassemblait, se raréfiait, et était poussé ainsi au cerveau,
causant çà et là des obstructions. De là, sécrétion mal
ordonnée des esprits animaux, dans le cerveau, et de
là leur inégale influence dans les muscles, ce qui
était cause des convulsions et retardait la .mort. » Ce
passage remarquable nous fait clairement voir que cet
auteur avait déjà depuis plus d'un siècle remarqué et
le développement de gaz dans le sang comme agent
pathogène et les embolies gazeuses.
Robert Boyle 2, le célèbre physicien anglais du
xvue siècle dans les recherches remarquables qu'il
avait faites sur les animaux soumis à l'action du vide
avait aussi constaté très nettement la formation des
bulles dans le sang, dans les autres liquides et dans
les parties molles, quand l'air ambiant est supprimé.
En faisant ses expériences, cet expérimentateur sagace
avait l'intention de reconnaître.
« Ce qui, joint au défaut de respiration, pouvait contribuer à
faire mourir les animaux dans le vide de la machine pneuma-
tique ; en eflet, il paraît que les bulles, qui, lorsque l'air ambiant
est suprimé, se forment dans le sang, dans les autres liqueurs et
dans les parties molles du corps, peuvent par leur multitude et
leur distension gonfler en quelques endroits et en d'autres, res-
serrer les vaisseaux qui portent dans tout le sang et la nourriture,
Collection académique, 1755.
* Boyle li. New. Pneunzalical Expérimente) about Respiration. Phi-
losophical Transaction, t. V, p. 2011-2058, 1070.
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 93
surtout les plus petits de ces vaisseaux, boucher les passages ou
changer leur figure, enfin, arrêter ou troubler la circulation en
mille manières. Ajoutez à cela l'irritation causée dans les nerfs
et les parties membraneuses par ces distensions forcées : irritation
qui produit les convulsions et occasionne une mort plus prompte
que n'aurait fait la simple privation de l'air. Cette formation des
bulles a lieu même dans les petites parties du corps, car j'ai vu
une bulle très apparente se mouvoir de côté et d'autre dans l'hu-
meur aqueuse de l'oeil d'une vipère à l'instant où cet animal pa-
raissait violemment tourmenté dans le récipient d'air épuisé
(p. 47). »
Cet auteur dans un autre travail, faisant remarquer
de nouveau la formation des bulles d'air dans les li-
quides organiques placés dans le vide, il attribue ex-
plicitement au dégagement de ces bulles les accidents
dus à la diminution de pression. Oh ne peut en effet
qu'admirer le passage suivant :
a Lorsque je me rappelle, dit-il, combien notre machine (la
machine pneumatique) fait paraitre d'air invisiblement retenu
dans les pores non seulement de l'eau, mais du sang, du sérum,
do l'urine, de la bile et des autres liquides du corps humain;
quand je réfléchis que (comme je l'ai démontré expérimentale-
ment ailleurs) la pression de l'atmosphère et l'élasticité de l'air
agissent sur les liquides et sur les corps immergés dans ces liqui-
des, et aussi sur les corps solides immédiatement exposés à l'air,
je penche à croire que les simples altérations de l'atmosphère au
point de vue du poids peuvent dans quelques cas, avoir une in-
fluence sensible même sur l'état de santé ou de maladie de l'homme.
Lorsque l'air ambiant, par exemple, devient subitement plus léger
qu'auparavant ou qu'habituellement, les particules spiritieuses ou
aériennes, qui sont retenues en abondance dans la masse du sang,
gonfleront naturellement ce liquide, pouvant ainsi distendre les
gros vaisseaux, et changer notablement la rapidité de la circula-
tion du sang dans les artères capillaires et les veines. Que par cetle
altération, plusieurs changements puissent survenir dans le corps,
cela ne semblera point improbable à ceux qui savent en général
combien est important le rythme de la circulation du sang, quoi-
que, quant à ses effets particuliers, je les laisse à la spéculation des
médecins. » '
Cette hypothèse de l'influence funeste des gaz du
Ut CLINIQUE NERVEUSE.
sang puissamment combattue par le travail de M. Gi-
raud-Teulou en 1857 a été à la même époque éner-
giquement défendue par le chimiste Hoppe -, qui,
après avoir fait un grand nembre d'expériences sur
des pressions de moins en moins fortes afin d'expli-
quer les accidents des ouvriers qui travaillent sous
l'air comprimé est arrivé à la conclusion, que voici :
« Chez les animaux à sang chaud, il se dégage du gaz
dans l'intérieur des vaisseaux par une rapide diminution
de pression. Il n'en est pas de même chez les amphi-
bies. » Non seulement cet auteur a confirmé le dégage-
ment de gaz de sang, mais c'est à l'obstruction du vais-
seau par les gaz devenus libres qu'il attribue la mort
instantanée. « Celle-ci (la mort), dit-il ne peut être causée
que part l'obstruction des capillaires des poumons par
les bulles d'air, d'où l'arrêt de la circulation. »
M. Leroy de Méricourt dans son article publié en
1869, émet à son tour sous forme d'hypothèse la dé.
gagement du gaz dans le sang lors de la décompression,
ce qui a été ultérieurement démontré d'une manière
péremptoire par les auteurs qui ont écrit en dernier
lieu sur la question. Voici son remarquable passage
que nous reproduisons en entier.
« Après mûre réflexion, répond-il, nous sommes portés à croire
qu'elle (l'hémorrhagie médullaire) eut le résultat de la tension
exagérée des gaz libres, en dissolution dans le sang, par suite de
la pression considérable à laquelle les plongeurs peuvent être
soumis. Dans le scaphandre, comme on le sait, l'homme est
complètement isolé de l'eau à l'aide d'un habit en forte toile im-
perméable et d'un casque métallique fixé sur la collerette de
' Mémoire sur la pression atmosphérique, dans ses rapports avec l'or-
nanisme vivant (Cp. li. Acad. des scient, t. XLIV, p. 233, 1857).
'Ueber detlïinjluss, welchen der Weohsel des LIl{tlinlcloes au{ des lilut
(ittsïtli \MÜllel"s A7-chiv., 1817), p. 63-73.
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 95
l'habit. L'air lui est envoyé dans cette enveloppe, à l'aide d'une
pompe qui communique avec elle par un tuyau flexible aboutis-
sant à l'arrière du casque. Rien ne règle ni le débit, ni la pression
de l'air injecté dans l'enveloppe. Il en résulte que l'ouvrier reçoit
souvent ou trop ou trop peu d'air; il est obligé pour remédier, en
partie, à la gêne de la respiration qu'il éprouve, d'être constam-
ment en rapport avec les pompeurs, au moyen des signaux consis-
tant en un certain nombre de coups donnés à une corde d'appel.
Néanmoins, grâce à cette atmosphère que l'homme conserve
autour de lui, il peut entretenir sa respiration et séjourner des
heures entières au fond de l'eau. Mais plus la profondeur est
considérable, plus la durée du séjour se prolonge, plus le sang
doit se charger d'un excès de gaz libres à l'état de solution,
l'absence de régulateur de la pression doit même souvent faire
que l'atmosphère de l'enveloppe soit à une pression, plus grande
qu'il n'est nécessaire. L'homme est réellement au point de vue
physique dans la situation d'une bouteille d'eau que l'on charge
de gaz d'acide carbonique pour obtenir de l'eau de Seltz arti-
ficielle.
« Lorsqu'il remonte à la surface, si la décompression est trop
peu graduée, les gaz dont le sang est sursaturé tendent à se dé-
goger avec effervescence. Or, les expérimentateurs qui font des
injections dans le système veineux des chevaux, par exemple,
savent que si l'on laisse à dessein pénétrer, avec le liquide injecté
une fine bulle d'air, au moment où cette bulle d'air pénètre dans
la circulation cérébrale, l'animal en expérience tombe comme
sidéré. Cette sidération, dans ce cas, n'est que momentanée, mais
si la quantité des bulles d'air introduites est considérble, la mort
survient d'une manière très rapide. »
Cet auteur après une courte description des paraly-
sies survenant par l'emploi des scaphandres, les attri-
bue à des hémorrhagies médullaires, comme on peut
le constater par le passage suivant. « Nous croyons
qu'il est possible d'admettre que dans ces cas il se
produit une lésion de la moelle, et que cette lésion a
dû être une hémorrhagie. Suivant le siège et l'inten-
sité de cette hémorrhagie, la mort est survenue très
promptement, comme cela a lieu pour trois sujets,
ou n'est survenue qu'après un temps variable, comme
chez les sept autres. » Tout naturellement, et pour être
96 CLINIQUE NERVEUSE.
conséquent avec lui-même, notre savant confrère de-
vait rapporter directement ces accidents à des obstruc-
tions gazeuses intravasculaires et ne pas s'attacher à
l'hypothèse deshémorrhagies qui seraient causées, dit-il,
par les refoulements sanguins. Dominé par les idées
erronnées sur l'influence mécanique de la dépression
il se demande pourquoi « elles se produisent plutôt
dans le centre nerveux spécial que dans la masse céré-
brale » et voici sa réponse.
« La boîte crânienne et la colonne vertébrale forment
deux enveloppes également incompressibles ; par con-
séquent, le sang refoulé de la surface entière du corps
et des cavités splanchniques compressibles, doit tendre
à congestionner l'axe cérébro-spinal. Le système cir-
culatoire de la moelle, comparé à celui du cerveau,
est infiniment plus riche, comme le démontrent les
injections ; enfin, chez le pêcheur d'éponges, ce sont
les jambes qui fatiguent le plus, attendu que pendant
le séjour sous l'eau il a constamment à marcher, à
monter, à descendre le long des roches. Telles sont
peut-être les causes qui rendent compte du siège de
prédilection des accidents du côté de la moelle. Nous
donnons cette explication, bien entendu, avec la plus
grande réserve. »
C'est surtout Paul Bert; qui est venu avec son im-
posante autorité confirmer par de nombreuses expé-
riences cette théorie. Cet illustre maître ayant démontré
péremptoirement par la voie expérimentale la présence
du sang mousseux dans les veines, le système porte,
les artères, même dans les vaisseaux du placenta et des
foetus, lorsque l'animal est en gestation, il dé-
clare :
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 97 Î
« Le gaz repasse à l'état libre dans les vaisseaux, les divers
liquides, l'épaisseur même des tissus, et il peut ainsi, suivant les
cas, arrêter la circulation pulmonaire, anémier et amener au
ramollissement certaines régions des centres nerveux et particu-
lièrement le renflement lombaire de la moelle, dilater les tissus,
produire des tumeurs et un enphysème plus ou moins étendu,
La gravité des accidents dépend à la fois du siège et de l'étendue
de ces désordres mulliples. »
Alphonse Febvré dans sa thèse, que nous avons
déjà citée, a lui aussi pratiqué sur des souris soumises
à la décompression brusque, un certain nombre d'ex-
périences, qui ont établi la présence des bulles de gaz
dans le sang en cas de diminution rapide de la pres-
sion. Voici sa conclusion :
« Dans la décompression brusque, il y a développe-
ment de bulles gazeuses et dans le système veineux et
dans le système artériel. » .
- Nous autres aussi nous avons fait un grand
nombre d'expériences en reproduisant exactement les
mêmes conditions de travail des ouvriers sous l'air
comprimé. Les préparatifs sont d'une simplicité remar-
quable, car ils consistent tout simplement à mettre
l'animal en expérience dans le scaphandre après avoir
antérieurement diminué la capacité de l'instrument,
ensuite on n'a plus qu'à appliquer le casque et attacher
au scaphandre des poids afin de faciliter la descente
pour procéder aux expériences. Des nombreuses ex-
périences que nous avons faites, nous nous contente-
rons de rapporter les six suivantes.
Expérience I (10 juillet 1886). Chien pesant 11 kilogrammes.
A 9 h. 24, première immersion; 29 brasses de profondeur, vingt-
cinq minutes de séjour, une minute de décompression. c
A 9 h. 51, enlèvement du casque, l'animal tombe foudroyé,
ayant la langue mordue et les pattes fortement tendues. Ses yeux x
sont très rouges, les petits vaisseaux de la conjonctive injectés;
Archives, t. XVIII. 7
98 CLINIQUE NERVEUSE.
même à l'oeil nu, on voit des bullettes d'air intra-vasculaires. Une
grande quantité d'écume s'écoule de sa bouche. Relâchement du
sphincter anal. Vessie paralysée. Pas de respiration. Le coeur bat
très irrégulièrement. A l'auscultation, on entend un fort gazouille-
ment à la région cardiaque; on peut d'ailleurs aisément s'en
apercevoir par la palpation.
" Autopsie. - Nous procédons à l'ouverture du thorax. Nous
constatons aussi bien dans le coeur gauche que dans le coeur
droit une immense quantité de perles gazeuses de grosseur dif-
férente. Ce qui nous frappe surtout, c'est la présence de 10
thrombus, 4 au coeur droit et 6 au coeur gauche, la plupart sont
attachés aux valvules, un thrombus, qui s'est intriqué à la valvule
tricuspide, a la grosseur d'une muscade, les autres ne sont guère
moindres.
Dans le système artériel, l'artère qu'on pique, quelle qu'elle soit,
laisse sourdre du sang mélangé de bulles gazeuses en quantité
vraiment considérable. Dans les veines à l'ouverture on voit bien
du sang mousseux, mais la quantité de bullettes est moindre que
celle des artères.
Cerveau. - L'enlèvement de la boite crânienne et la fente des
méninges ayant été fait avec beaucoup de soin, j'ai été étonné de
constater plusieurs foyers hémorrhagiques. Deux grands infarc-
tus hémorrhagiques existant à chaque lobe occipital, plus étendus
à celui du côté droit. - Ils sont de forme triangulaire et corres-
pondent à des branches artérielles qui sont oblitérées par des
embolies de 1 et demi à 2 centimètres de longueur constiuées par
un sang coagulé et intimement battu avec des bulles d'air. Un
cinquième et grand infarctus hémorrhagique occupe les deux
premières circonvolutions frontales gauches, auxquelles corres-
pond une branche artérielle oblitérée par une embolie. Au gyrus
angularis droit, on distingue un petit foyer hémorrhagique de la
grosseur d'une lentille. Il y a aussi au lobe pariétal droit trois
petits foyers.-Enfin un grand infarctus hémorrhagique déforme
triangulaire siège au lobe temporal gauche : la branche artérielle
qui y correspond est oblitérée par une embolie de même nature.
Dans tous les vaisseaux artériels qui rampent sur la surface encé-
phalique on voit une quantité considérable de petites perles
gazeuses ; elles sont innombrables dans les vaisseaux qui avoisinent
les foyers. Ayant fait des coupes régulières du cerveau, je n'ai
pas constaté le moindre foyer hémorrhagique dans son centre.
Cervelet. - 11 n'y a aucune trace de foyer hémorrhagique.
Nous remarquons dans ses vaisseaux, sur plusieurs points, des
bulles d'air en nombre moindre qu'au cerveau.
Bulbe. - Il n'y a ça et là que quelques rares bullettes.
Moelle épinière. - On voit une grande quantité de bullettes
dans ses vaisseaux. Le liquide céphalo-rachidien contient du gaz.
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 99
Foie. Rate. Reins. - A la suite des sections diverses, ces organes
laissent sourdre du sang mélangé d'une quantité considérable de
bulles gazeuses très petites. Pas de foyers hémorrhagiques.
Poumons. - Cet organe sectionné à son tour nous fournit un
sang mousseux. Nous constatons un infarctus hémorrhagique
vers le milieu de la surface externe du poumon gauche, la branche
artérielle qui y correspond, disséquée avec beaucoup de soin, aété
trouvée oblitérée par une embolie de même nature avec les autres.
L'estomac et l'intestin ne sont pas dilatés de gaz.
Tissu cellulaire sous-cutané. - Il y a çà et là quelques petites
bulles d'air.
Expérience Il (6 juillet 1886). Chien pesant 8 kil. 350. A
9 heures du matin, première immersion; 28 brasses de profon-
deur ; une demi-heure de séjour; 40 secondes de décompression.
A 9 h. 32, enlèvement du casque, l'animal saute seul du
scaphandre et cherche à s'enfuir bien portant.
A 9 h. z, le chien se met à tituber.
A 9 h. 50, le train postérieur commence à se paralyser.
7 juillet. Paraplégie complète du train postérieur. Sensibilité
complètement abolie ; ses pattes et sa queue sont insensibles. Con-
servation relative des mouvements réflexes de la queue. Paralysie
véscale et anale. Température, 39°,2.
8 juillet, 7 heures du matin, l'animal est dans le même état.
Contractilité faradique un peu diminuée, je tue l'animal en lui
ouvrant le thorax.
Autopsie. - Moelle. - Nous trouvons un ramollissement très.
avancé de cet organe à la région du renflement lombaire. Les
cordons antéro-latéraux et postérieurs, surtout les droits, sont
colorés en gris jaunâtre. Un peu au-dessous de cette région, les
coupes transversales nous montrent la substance grise rouge :
pointillé rouge à lacorne grise postérieure gauche. Au-dessus de
cette région on voit un aspect uniformément rouge de la substance
grise. Pas de ramollisement de la substance blanche. Le reste de la
moelle est ferme; pas d'injection. A l'aide, de la loupe on aperçoit
quelques bulles de gaz au milieu de la région ramollie. Il sort de
l'air aussi des vaisseaux, qui entourent le processus de nécrobiooe.
Nous n'avons pu constater de gaz ailleurs.
expérience III (8 juillet 1886). Chien pesant 9 kil. .00.
A 10 h. 5, première immersion, 25 brasses de profondeur ;
une heure de séjour : 50 secondes de décompression.
A 11 h. 7, enlèvement du casque, l'animal saute du scaphandre
et il s'enfuit.
Ail h. 20, il commence à traîner la patte postérieure gauche.
A Il h. 25, paralysie complète de la molilité de cette patte.
OO CLINIQUE NERVEUSE.
Sensibilité conservée à la patte paralysée, très obtuse à celle du
côté droit. Pas de relàchement du sphincter anal, pas de para-
lysie de la vessie. Les muscles de la patte gauche exigent un
courant faradique un peu plus fort pour se contracter. L'estomac
et l'intestin sont chargés et distendus de gaz qui trouvent une
issue facile par les deux orifices du canal digestif.
A. midi, l'animal commence à récupérer la motilité de sa patte.
La sensibilité commence à revenir à celle du côté droit.
A midi 20, l'animal a récupéré presque complètement la motilité
de sa patte gauche. A ce moment je tue l'animal par l'ouverture'
du thorax, dont la cavité est immédiatement remplie d'eau. La
ponction du ventricule gauche fait sortir du sang mélangé d'un
certain nombre de petites bullettes. Après avoir vidé la cavité
thoracique de l'eau qu'elle contenait et l'avoir remplie de nouveau
d'eau fraîche, je ponctionne le ventricule droit qui laisse sourdre
du sang battu de bullettes, mais en bien moindre quantité. On
rencontre ça et là aussi bien dans les artères que dans les veines
de fines bullettes d'air.
Moelle. - lies coupes transversales montrent à la moitié gauche
de la moitié du renflement lombaire, surtout à sa partie supérieure,
des bullettes de gaz que l'on voit surtout à l'aide de la loupe
oblitérer les vaisseaux. On en trouve aussi dans l'épaisseur du
tissu myélitique. On n'en voit que très peu à la moitié droite de
cette région. Nous n'en avons pu trouver aux autres régions de la
moelle.
Expérience IV (6 juillet 1886). - Chien 7 kilogrammes.
A 11 h. 30, première immersion, 23 brasses de profondeur,
1 h. 30 de séjour; une minute de décompression.
A 1 h. 2 du soir, enlèvement du casque.
Aucun accident jusqu'à 7 h. 30 du soir. A ce moment, je tue
l'animal. Je constate à l'aide de la loupe de fines bullettes de gaz
intimement mêlés avec du sang sur plusieurs points du système
Expérience V (7 juillet 1886). - Chien de même taille et
presque de même poids que celui de l'expérience IV, 7 kil. 50.
A 10 heures, première immersion; 23 brasses de profondeur;
une heure trente' de séjour; une minute de décompression.
A H h. 32, enlèvement du casque. A 11 h. 45, l'animal est
paralysé de ses paltes postérieures qu'il traîne. Sensibilité abolie.
Amidi, je tue l'animal par l'ouverture du thorax. Sang mousseux
aussi bien dans le coeur que dans les artères et dans les veines.
Moelle. - Oblitérations gazeuses intravasculaires à la région
lombaire. Dans les mailles du tissu myélitique, on distingue des
perles de gaz qui distendent et dilatent les fibres nerveuses.
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. ton
Expérience VI (9 juillet 1880). - Chien pesant 9 kilogrammes.
A 10 heures du matin, première immersion; 32 brasses de profon-
deur ; une demi-heure de séjour; une minute de décompression.
A 10 h. 32, l'animal paraît bien portant. A 10 h. 37. Raideur et
immobilité soudaine du train postérieur. L'animal ne voit pas.
Ventre énormément distendu de gaz. A 10 h. 42 le train antérieur
se raidit et s'immobilise à son lour. Immobilité des côtes et
grande angoisse respiratoire. Gargouillements au coeur dont les
battements sont petits, rares et irréguliers. Le sphincter anal est
relâché. Vessie paralysée. A 10 h. 50. Mort. Autopsie.
L'ouverture du ventre laisse sortir de l'air qui s'en échappe en
sifflant. Le coeur, aussi bien le gauche que le droit, est plein de
sang mélangé d'une énorme quantité d'air; pas de thrombus. Il
en est de même pour les artères et les veines.
Nous enlevons ensuite avec beaucoup de soin la boîte crânienne
et nous fendons les méninges. Tous les petits vaisseaux qui ram-
pent sur la surface de l'encéphale contiennent sur plusieurs
points des perles gazeuses très petites qui y sont enclavées. Pas
d'infarctus hémorrhagiques. Le liquide céphalo-rachidien contient
du gaz.
La chambre antérieure de l'oeil enferme elle aussi des bulles
d'air, on trouve aussi des perles gazeuses dans l'artère centrale
qui en est oblitérée,
Moelle. - Il y a des bulles de gaz aussi bien dans ses vaisseaux
que dans l'épaisseur de son tissu que dissocient les fibres ner-
veuses ; il n'y a aucune trace d'hémorrhagie.
Viscères. - Sang mousseux, pas d'hémorrhagie; il n'y a pas de
gaz dans le tube digestif.
Ces expériences établissent, elles aussi, d'une
manière évidente le développement de gaz dans le
sang aussi bien dans le système veineux que dans le
système artériel en cas de changements brusques de
pression.
Maintenant nous arrivons à une deuxième question
non moins intéressante. Est-ce à la présence de gaz
dans le système artériel ou bien dans le système vei-
neux que doivent être attribués les accidents que nous
avons déjà si longuement décrits ?
La clinique déjà seule suffit simplement à y répondre :
c'est bien le dégagement de gaz dans le système artériel
')02 CLINIQUE NERVEUSE.
qui est la cause prochaine, immédiate, directe des
accidents survenant par l'emploi des scaphandres ou
des cloches à aircomprimé. En effet, nous savons déjà fort
bien que, dans l'immense majorité des cas, ces accidents
frappent le système nerveux central que, suivant la partie
affectée de ce système, ce sont des accidents spinaux, cé-
rébraux, ou cérébro-spinaux, et qu'enfin selon la loca-
lisation de l'agent pathogène à tel ou tel territoire
vasculaire, et par suite à telle ou telle région, ces
accidents revêtent telle ou telle forme clinique. Les
expériences de Paul Bert, de Feltz, de A. Febvre, et
les nôtres qui ont la grande valeur d'avoir été faites
exactement dans les mêmes conditions que celles des
ouvriers des travaux sous l'air comprimé, sont venus
nous dévoiler le mode d'action de l'agent pathogène
du gaz, en démontrant qu'il agit par embolie et que
l'embolie suivant le territoire vasculaire dans lequel
elle s'est engagée, fait arrêter tout à coup la circulation
de la région correspondante. Une ischémie subite con-
sécutive survient, venant engendrer les désordres dont
la gravité varie, selon l'importance physiologique de
cette région. Nous aurons lieu plus tard, au chapitre
de la physiologie pathologique de revenir sur cet impor-
tant point de nos recherches.
Par contre, si on recherche quels sont les accidents
que la présence de l'air dans les veines peut occasion-
ner, on verra qu'ils sont tout à fait opposés. Le
Dr Magnin, qui a si bien étudié cette question dans sa
thèse inaugurale ', a fait remarquer que ce sont tou-
jours des accidents cardiaques et pulmonaires. Je n'ai
Etude expérimentale sur l'introduction forcée et sur l'introduction
spontanée de l'air dans les veines. Thèse de Nancy, l819.
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI CES SCAPHANDRES. 103
pas oublié que le tableau clinique d'un certain nombre
de mes observations contient, il est vrai, des phéno-
mènes cardiaques et surtout pulmonaires, mais je me
souviens aussi, et cela n'est pas moins vrai, que c'est
toujours à titre de symptôme de la période du début
d'une importance secondaire. Ces symptômes sont en
outre transitoires et fugitifs.
Il y a donc une différence énorme entre les accidents
survenant par l'emploi des scaphandres ou des cloches
à air comprimé et ceux qui résultent de l'injection
d'air dans les veines, ce qui certes n'arriverait pas si
l'injection physiologique spontanée de l'air dans le
système veineux lors de la décompression était bien
la cause directe et immédiate des accidents en ques-
tion. Or la clinique, à qui il faut toujours laisser dire le
dernier mot, nous donne le droit de repousser la pré-
sence de l'air dans les veines comme cause des accidents
que nous traitons ici, et de considérer au contraire le
dégagement de gaz dans les artères comme le seul
facteur qui peut engendrer ces accidents. La pathologie
expérimentale vient à son tour confirmer ce que la
clinique a fait si justement observer. Par une réflexion
toute naturelle, on est amené à penser que si c'est le
dégagement de gaz dans le système artériel, si juste-
ment appelé injection physiologique ou spontanée,
qui est la cause immédiate des accidents, l'injection
artificielle d'air dans les artères doit nécessairement
donner lieu à des accidents analogues.
Plusieurs auteurs ont fait des injections d'air dans
les artères. Ainsi M. Petit ' est arrivé à la conclusion
suivante :
' Sociél. de biol., 187a, iio 1. page 58. ,
'104 CLINIQUE NERVEUSE.
« A dose très forte, l'injection d'air dans le système aortique
produit la syncope, des convulsions, symptômes résultant de
l'arrêt de l'ondée aortique. 4
a L'arrêt du coeur se produit après l'arrêt de la circulation, et
celui-ci n'est pas dû à la présence de l'air dans l'artère pulmo-
naire car les branches de ce vaisseau ne contiennent pas d'air en
cas de mort prompte. » -
M. Couty, ayant institué des expériences sur les
effets des gaz artériels généralisés, dit : ' 1
« L'air peut être injecté directement dans l'aorte ou
poussé dans le bout périphérique de la carotide, il
reflue alors dans le tronc aortique par les anastomoses
artérielles (hexagone cérébral), à cause de la résis-
tance opposée par les capillaires. Une fois dans l'aorte,
l'air produit soit un arrêt brusque et primitif du coeur
dû probablement à l'excitation anémique du myélen-
céphale, soit une mort plus lente dont il énumère les
conditions.
« Dans ce dernier ordre, l'air passe des artères dans les veines,
s'accumule dans le coeur droit, et produit de la systolie par dis-
tension. D'autres bulles restant dans les capillaires y ralentissent
le sang plus directement, enfin, les centres myélencéphaliques
étant anémiés par ces embolies, les vaisseaux et les vaso-moteurs
sont d'abord excités puis paralysés. Tous ces troubles s'unissent
pour produire une chute complète de la tension; les fonctions
cérébrales et respiratoires s'arrêtent et le coeur enfin cesse de se
contracter cinq à quinze minutes après l'injection. »
Le savant professeur de Nancy, Feltz, dans son re-
marquable travail 2 communiqué à l'Académie des
sciences et basé sur de nombreuses expériences rela-
tives à la décompression brusque et le rôle de l'air
introduit dans les systèmes veineux et artériels émet les
conclusions suivantes :
1 Gaz. hebd. de n ! ed. et de chir. Année 1817, t. XI\-, p. 720.
* M. V. Felz. - Expériences démontrant te rôle de l'air introduit dans
les systèmes veineux et artériels.
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. '10¡)
« 1° La présence d'air gazeux dans le système aortique pro-
voque des accidents dont la gravité varie selon les territoires vas-
culaires dans lesquels s'engagent les embolies gazeuses; c'est ce
qui me fait penser que les troubles et les lésions qui caractérisent
la décompression brusque tiennent à des embolies gazeuses arté-
rielles.
« 2° Les embolies veineuses sont pour bien peu de chose dans les
accidents dus à la décompression brusque. »
M. Paul Bert pense aussi que, lorsque les gaz ne se
produisent que dans le système veineux le danger est
relativement moindre '.
Enfin, M. Alphonse Febvré ayant institué des expé-
riences bien dirigées à ce sujet, qui ont établi positi-
vement que l'injection artificielle d'air dans les artères
produit toujours des accidents comparables, autrement
dit des phénomènes morbides comparables à ceux qui
surviennent par l'injection physiologique, spontanée,
qui a lieu lors de la décompression, et tout différents
de ceux qui sont dus à la présence d'air dans les veines,
il conclut : « Il est possible d'attribuer les accidents
principaux de la décompression à la présence de bulles
gazeuses dans les veines. »
La cause des désordres qui éclatent lors de la dé-
compression brusque doit être rapportée aux lésions
déterminées par les bulles gazeuses arrêtées dans les
artérioles et les systèmes capillaires. C'est l'expé-
rience aussi qui nous a mis en lumière les faits sui-
vants :
1° Pour que la mort arrive par l'introduction forcée
d'air dans le système veineux, il faut nécessairement
une quantité d'air énorme, afin de produire par son
accumulation dans le coeur droit une asystolie par
' Gaz hebd. de méd. et de chir., t. XII, 21 série, 1875.
'106 CLINIQUE NERVEUSE.
distension, chose dont la possibilité est niée par quel-
ques expérimentateurs même à l'aide de l'injection
d'air artificielle, je le répète à dessein; à plus forte
raison, cela ne peut arriver dans le cas d'une injection
physiologique, spontanée, qui est incapable de pro-
duire une quantité d'air si colossale.
2° Quand on injecte de l'air dans les veines lente-
ment et progressivement, on peut arriver à des quantités
énormes d'air de 750 à 1200 centimètres cubes sans
même produire de syncope. Prenant donc ces faits en
considération, nous sommes forcé de conclure que
la présence de l'air dans les veines est pour bien peu
de chose dans les accidents en question.
Or, la clinique, non moins que l'expérience établis-
sent d'une manière positive, incontestable, que les
accidents principaux survenant par l'emploi des sca-
phandres ou des cloches à air comprimé ne peuvent
être attribués à la présence des bulles gazeuses dans
les veines et qu'ils sont, au contraire, directement dus
à la présence des bulles d'air dans le système aortique,
lesquelles, selon les territoires vasculaires dans lesquels
elles s'engagent, provoquent telle ou telle forme cli-
nique. En conséquence, ces accidents sont légers ou
graves. Tout naturellement, nous sommes amené
à l'étude d'une quatrième question.
Est-ce tous ou un seul des trois gaz du sang qui
redeviennent aériformes lors de la décompression
brusque ?
Avant d'y répondre, il nous faut préalablement rap-
peler quelques notions sur la constitution de l'air
atmosphérique et sur la loi de Dalton. Les gaz qui
constituent en grande partie l'air atmosphérique sont
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 107
au nombre de deux qui existent à l'état de mélange
dans les proportions que voici :
En poids : oxygène. 23 En volume : oxygène. 20.8
- azote.... 77 - azote.... 79.2
L'acide carbonique n'y figure que dans une très
faible proportion variant de 0,0004 à 0,0006 en poids,
et de 0,0003 à 0,0004 en volume.
Nous laisserons bien entendu de côté les quantités
insignifiantes de vapeur d'eau, d'ammoniaque et de
carbure d'hydrogène.
Ces gaz de l'air se trouvant en présence de l'air
doivent se conformer et se conforment en réalité aux
lois de la solubilité des gaz. Ces lois découvertes au
commencement de ce siècle sont les suivantes :
1° L'eau mise en contact avec une atmosphère indé-
finie d'un gaz quelconque en dissout un volume qui,
ramené à la pression de cette atmosphère, est pour une
température donnée dans un rapport constant avec
le volume du liquide.
Il s'ensuit que « le poids du gaz dissous pour un
volume donné de liquide est proportionnel à la pression
que le gaz non dissous exerce sur le liquide ».
2° En présence d'une atmosphère formée de plu-
sieurs gaz, l'eau dissout chacun d'eux comme s'il était
isolé avec la pression qu'il possède dans le mélange.
Mais lorsque ces gaz se trouvent en présence du
sang, le phénomène est plus multiple et plus com-
plexe qu'on a pu le supposer de prime abord. C'est
ainsi que l'oxygène n'obéit pas aux lois énoncées de
solubilité des gaz, car jusqu'à une certaine pression,
il se combine avec l'hémoglobine et, à des pressions
108 CLINIQUE NERVEUSE.
plus élevées, la proportion de l'oxygène dissous dans
le sérum loin d'être en rapport avec les pressions ex-
térieures augmente à peine, avec une extrême lenteur
et d'une façon variable pour une même pression.
-«Un ouvrier, dit Paul Bert, qui travaille à la pression de 2 à
5 atmosphères n'a pas beaucoup^ plus d'oxygène dans son sang
qu'à la pression normale.
« Si cependant la pression est suffisante, l'augmentation de
l'oxygène aboutit à un effet curieux et redoutable.
« L'empoisonnement alors par l'oxygène, si funeste à tous les
êtres organiques, éclate avec tout son étrange et terrible spec-
tacle, la possibilité des oxydations interstitielles étant gravement
compromise,
« La proportion de l'acide carbonique, en cas d'augmentation
de la pression barométrique, peut augmenter parfois, mais dans
l'immense majorité des cas, elle diminue. Cela se conçoit facile-
ment quand on songe que la production de ce gaz ne provenant
pas de l'air atmosphérique est directement en rapport avec l'acti-
vité des oxydations interstitielles et de la ventilation pulmo-
naire.
« L'azote est le seul gaz qui « augmente plus vite mais pas au-
tant que le voudraitla loi de Dalton ». Mais enfin, c'est lui qui se
conforme le plus aux lois. de l'équilibre et subit en conséquence
les changements de pression extérieure. »
Donc il est bien établi que la plus grande partie du
gaz libre est constituée par de l'azote qui, dissous dans
le sang et dans les divers liquides de l'organisme en
excès pendant la compression, suivant les lois de la
solubilité des gaz repasse à l'état libre lors des change-
ments brusques de pression.
Cette conclusion est confirmée aussi par le fait sui-
vant. Paul Bert a pu extraire les gaz qui étaient em-
magasinés dans le coeur en grande quantité et en faire
l'analyse. Il a trouvé la plus grande partie de ces gaz
constituée par de l'azote (voir Expériences DXXVIII,
DLVIII, DLXIX et DLXXX, loç. cit.).
Or, de tout ce qui précède il ressort évidemment une
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 109
conséquence pratique qu'on peut formuler de la ma-
nière suivante :
Dans la genèse des accidents survenant chez les ouvriers
des travaux sous l'air comprimé, l'oxygène est pour bien
peu de chose, l'acide carbonique n'est pour rien et c'est
l'azote qui est l'agent pathogène essentiel et principal.
Cette conclusion a reçu aussi une preuve négative.
Etant donné que la plus grande partie du gaz libre
est constituée par de l'azote, si on soumet des animaux
à des pressions élevées d'un air très pauvre en azote
et qu'on décomprime ensuite brusquement, le sang
de ces animaux ne doit contenir que peu ou pas de
gaz et, par une conséquence toute naturelle, aucun
accident en pareil cas ne doit survenir. C'est ce qui
arrive en réalité. Paul Bert, ayant institué des expé-
riences dans cet ordre d'idées, conclut :
« Aucun accident n'est survenu, aucune bulle de
gaz n'a paru à l'état libre dans les vaisseaux, parce
que l'air que respiraient les animaux était très pauvre
en azote. On préférerait de beaucoup que l'azote ne
fût pas l'agent pathogène, car la redissolution de ce
gaz étant extrêmement difficile, il en résulte un danger
considérable, tandis que, si le gaz libre était constitué
par de l'acide carbonique, de l'oxygène même, le
danger serait bien moins grand, car ces gaz pour-
raient se redissoudre rapidement. » (A suivre.)
RECUEIL DE FAITS
IMBÉCILLITÉ LÉGÈRE. INSTABILITÉ MENTALE AVEC PER-
VERSION DES INSTINCTS ET IMPULSIONS GÉNITALES (IClep-
tomanie, onanisme, sodomie, syphilis);
Par BOURNEVILLE et KAOULT.
Observation. - Grand-père paternel alcoolique. - Cousine pater-
nelle idiote et épileptique. - Mère nerveuse, névralgies, céphal-
algies. - Grand'mère maternelle, paralysie faciale. - Tante ma-
ternelle et arrière-grand-père aliénés. Frères et soeurs morts
de convulsions. - Pas de consanguinité. - Inégalité d'âge d'un an.
Impression maternelle. - Iléntorrhagie du cordon. - Parole et
marche vers dix-huit mois. - Incontinence d'urine jusqu'à quatre
ans. - Défécation involontaire jusqu'à douze ans. - Arrêt de
développement intellectuel. - Instabilité mentale. Lymphatisme ;
salacité. - Idées de moquerie. - Actes de violences envers les
autres enfants. Mise en correction. Tremblement léger des
mains. - Crises nerveuses, épileptiques (1). Accès de colère. -
Impulsions génitales.
Etat du malade en 1881. - Nystagmus; léger tremblement des
paupières; hypospadias. - Sodomie : syphilis; balano-postlvite;
adénite suppurée.
Evasion; réintégration. Caractère violent, grossier. Ùna-
nisme, actes et paroles obscènes; I)é(lé,astie. - Kleptomanie.
Plaie de la cuisse; érysipèle, phlegmon. - Développement du
poids, de la taille, de la puberté. - Excès. Actes de violences,
placements divers, impulsions génitales pendant sa mise en liberté.
- Réintégration. - État au commencement de 1887.
Court ? (Charles), né le 28 janvier 1867, est entré le 24 juin 1881
à l'Hospice de Bicêtre (service de M. BOURNEVILLE).
Renseignements fournis par sa mère. -Père, trente-six ans, garde
républicain, grand, fort, bien portant d'ordinaire, sans aucun
accident nerveux; rhumatisant. [Père, nombreux excès de bois-
son, surtout d'absinthe et d'eau-de-vie. Mère, d'habitude bien
portante a seulement des douleurs rhumatismales; elle est ner-
veuse mais n'a jamais eu d'attaques. - Grand-père, mort d'un
IMBÉCILLITÉ ET INSTABILITÉ MENTALE. '111
cancer de la face. - Cousine, idiote épileptique, gâteuse, morte en
1880, âgée de 36 ans, à l'Asile de Dôle. - Pas d'aliénés, pas
d'aulres épileptiques, ni de paralytiques, etc., dans la famille. J
Mère, trente-cinq ans, assez grande, brune intelligente ; se plaint
de névralgies intercostales, sujette de temps en temps à des céphal-
algies. Pas de migraines, pas d'attaques nerveuses. [Père, soixante-
six ans, cultivateur, n'a jamais eu d'accidents nerveux et jouit
d'une bonne santé. - Mère, a eu il y a trois ans une paralysie faciale
unilatérale, qui persiste, à la suite d'un voyage, durant lequel elle
aurait eu froid. - 3 soeU1'S dont l'une, aliénée, est à l'Asile de Dôle
depuis 4 ans (lypémame avec hallucinations, idées d'empoisonne-
ment). Cette femme a un fils jusqu'ici bien portant. Un grand-
père serait devenu fou au dire de la mère de l'enfant. Pas d'au-
tres aliénés, pas d'épileptiques, etc., dans la famille.] Pas de con-
sanguinité.
Sept enfants : 1° garçon, né avant terme (forceps), mort à
deux jours après avoir eu quelques convulsions-; 2° fille morte à
trois ans de convulsions; - 3° notre malade ; - 4° garçon né
à terme, chétif, mort à six semaines on ne sait de quoi ; -
5° garçon âgé de onze ans, bien portant, n'a jamais eu de convul-
sions, intelligent; - 6° garçon mort à l'âge de huit jours;
7° fille bien portante, intelligente, âgée de six ans et demi pas du
convulsions.
Notre malade. - La grossesse a été accompagnée de maux de
reins très douloureux. Durant tout ce temps la mère habitait la
même maison que sa cousine idiote et épileptique. Celle-ci venait
sans cesse la trouver en poussant des cris. C'était toujours avec
déplaisir qu'elle la voyait, et elle craignait de contrarier ses parents
en la repoussant. Pendant les autres grossesses, les mêmes faits ne se
seraient pas présentés. Accouchement à terme, naturel, sans chloro-
forme'. Rien de particulier à la naissance si ce n'est unehémor1'lwgie te
abondante du cordon qui avait été mal lié, et qui s'est produite
une heure après la délivrance. L'enfant a été élevé au sein par sa
mère jusqu'à neuf mois seulement, elle a été obligée alors de
cesser parce qu'il était fort et la fatiguait beaucoup. C... a com-
mencé à parler et à marcher à l'àge de dix-huit mois. Mais ce
n'est qu'à deux ans qu'il a réellement parlé. A quatre ans, il
cessa d'uriner au lit ou dans son pantalon, mais jusqu'à douze
ans il a toujours laissé aller sous lui ses matières fécales. A quatre
ans il fut envoyé à l'école où il apprit difficilement à lire et à
écrire et d'où il fut renvoyé à différentes reprises. De quatre à
' Nous avons toujours eu soin de noter ce détail, parce que des auteurs
ont pensé, a tort suivant nous, que l'administration du chloroforme pen-
dant l'accouchement exerce une inlluence an point de vue de la pru-
ductlon de l'idiotie. B.) .
1 ils RECUEIL DE FAITS.
sept ans il fut placé à l'asile de llfont-sous-Vaudrey : on le ren-
voya parce qu'il était sale, turbulent, agaçait ses camarades, fai-
sait des grimaces et des contorsions. Deux fois il s'est enfui de
l'école, mais il rentrait deux heures après.
A dix ans, il fut placé aux enfants de troupe à Argentan. Il y
resta onze mois. Au bout de ce temps on le renvoya, parce qu'il
faisait encore sous lui. Là, lorsqu'il avait été sale, on le faisait
déshabiller et les autres enfants allaient, sur l'ordre de leur gar-
dien, lui donner chacun un coup de martinet. Puis il était mis au
cachot, au pain et à l'eau.
Ensuite il alla chez un oncle dans le Jura, il y resta deux
mois : il avait, dit sa mère, mis toute la ville en révolution
par ses excentricités. Il injuriait tout le monde, criait, accusait
son oncle de le battre. Il fut alors pris par son grand-père pater-
nel, qui le garda six semaines, là il eut de grandes crises pour la
première fois, crises qu'un médecin aurait qualifiées d'épileptiques.
Revenu à Paris, il retourna à l'école, puis fut placé en appren-
tissage chez un cordonnier. Il y resta peu de temps, il perdit pour
soixante francs de marchandises à son patron : quand on l'en-
voyait faire des commissions, il ne revenait que le soir. Il fut mis
chez un autre cordonnier où il ne resta que trois ou quatre jours,
puis chez un robinetier qui ne le garda que deux jours. Partout il se
montrait maladroit et ne pouvait supporter aucune observation,
croyant qu'on se moquait de lui. Dans l'intervalle de ces essais d'ap-
prentissage il restait chez ses parents où il faisait les commis-
sions. ,
En janvier 1881, il fut chassé de la caserne parce qu'il avait
battu des enfants de quatre à six ans, il les bousculait sans motif,
leur disait des grossièretés. Placé chez sa tante il y est resté trois
semaines, il faisait du tapage, criait. Il fut mis chez des amis qui
ne le gardèrent qu'un mois et demi. Plus tard il fut envoyé à
Villepreux où il resta six semaines et d'où il fut rendu, parce
qu'il s'était masturbé avec d'autres enfants. Ensuite, il entra en
correction à la petite Roquette ; il y est resté un mois, il s'y trou-
vait bien traité. A sa sortie des Jeunes Détenus, il fut placé chez
un marchand de vins : il donnait à boire aux clients sans se faire
payer. Il laissait tomber les bouteilles qu'il tenait à la main à
cause du léger tremblement dont il est atteint. Il n'aurait pas eu
d'accès d'épilepsie depuis son retour de Mont-sous-Vaudrey; mais
il était sujet à des crises nerveuses pendant lesquelles il étend les
bras, crie, à les yeux saillants, et qui ressemblent plutôt à des
accès de colère, il ne tombe pas par terre. Souvent, C... ne voulait
pas faire certaines choses, prétendant qu'on se moquait de lui. Il
n'a guère d'affection que pour sa mère; il déteste son père qui
bien des fois l'a corrigé. Ses accès de colère le prenaient quand il
était contrarié et surtout quand on le battait.
IMBÉCILLITÉ ET INSTABILITÉ MENTALE. 1 13
Sa mère pense qu'à la maison il ne se masturbait pas. On a
prétendu à la caserne qu'il avait essayé d'avoir des rapports avec
une petite fille de six ans ; il n'a jamais essayé d'en avoir avec
sa soeur.
Cour... était indifférent à tout, se moquait des reproches qu'on
lui faisait. Si on l'envoyait faire une commission, il se trompait',
ne rendait pas compte de l'argent qu'on lui avait donné, il laissait
la monnaie chez le marchand, on était obligé de lui écrire les
commissions à faire. - Le sommeil est assez bon et lourd. C...
s'endort de suite, il est difficile à réveiller. Il n'est pas peureux et
ne semble pas se rendre compte du danger. Il mange seul, mais
malproprement; pas de vomissements, pas de salacité : à l'âge de
six ans on l'a vu toutefois à plusieurs reprises manger des escar-
gots vivants.
A quatre ans, une scarlatine, avec otite consécutive; - à huit ans,
rougeole. Pas d'autres maladies, sauf quelquefois des croûtes
dans les cheveux avec des adénites cervicales et un écoulement
léger de l'oreille gauche.
Etat actuel. - Tête assez forte, haute, en forme de toit, sans
saillies exagérées. La région occipitale est aplatie. Inclinaison
très rapide du vertex au front. La bosse pariétale gauche semble
plus proéminente et située plus en arrière que la droite. -Front
bas, déprimé latéralement, sans saillie des bosses frontales.
Saillie assez prononcée des arcades sourcilières. -- Léger nys-
tagmus et léger tremblement des paupières; pas de strabisme; iris
brun, pupilles égales; cils longs, pas de lésions oculaires. Régions
malaires symétriques, cependant la joue gauche est un peu plus
creuse que l'autre. Ne : : assez volumineux, aquilin. Narine gauche
un peu relevée. Menton en pointe, à fossette un peu déprimée à
gauche. - Face triangulaire. - Regard terne, sans expression.
Diamètre occipito-frontal... 17 centimètres.
Diamètre transverse 4 centimètres.
Circonférence horizontale... 53 centimètres.
Lèvres épaisses; arcade dentaire inférieure complète, régulière.
Au niveau de l'arcade clentai1 supérieure, les deux incisives laté-
rales manquent, les incisives médianes sont larges et séparées
l'une de l'autre par un intervalle de deux millimètres; entre elles
et les canines existe aussi un espace. - Voûte palatine profonde,
ogivale, symétrique. - Luette, piliers, amygdales, langue nor-
maux. - Fondions digestives normales. Rien du côté de la
respiration, de la circulation, ni du coeur.
Cheveux châtains, abondants, sourcils et cils un peu plus foncés.
Le corps est complètement glabre.
Organes génitaux et puberté. Poils naissant au niveau des
organes génitaux. Testicules descendus. Verge assez' volumi-
neuse. Le gland est en partie découvert. Le méat semble s'ouvrir
Archives, t. XVIII. S
114 RECUEIL DE FAITS.
au sommet du gland mais en l'entr'ouvrant, on remarque qu'il
est ouvert à la face inféro-postérieure un peu en bec de fhîte
{hypospadias). La partie antérieure du sillon est un trou borgne.
Sensibilité générale normale.- Réflexe tendineux à peu près nul.
- Odorat, légère perversion, ainsi il trouve que l'asa-foetida sent
bon. - Vue, ouïe et goût normaux.
- La parole est libre, relativement facile avec un léger zézaiement.
Il lit bien, écrit assez facilement, sait ses quatre règles, le sys-
tème métrique. L'orthographe est assez bonne.
Dynamomètre à droite, 33, à gauche 32. Poids : 44 kilogr. 700.
Taille lm,48.
1881. Six jours après son entrée, il a été pris masturbant un
enfant : envoyé vingt-quatre heures à la Sûreté'. 11 est peu
docile à l'école. Il se développe bien. A la fin de juillet : poids,
44 kil. 85 ; taille, 1m,50. ,
4 or octobre. - L'enfant avoue avoir eu des rapports n posteriori
avec un infirmier renvoyé il y a quatre jours pour sodomie
exercée sur plusieurs autres enfants de la section. L'enfant pré-
tend que ces rapports n'ont eu lieu pour la première fois que le
25 septembre. Certainement ils ont dû être commis déjà aupara-
vant, car l'enfant présente à la région anale une exulcération de
la largeur d'une pièce de 0 fr. 50 allongée entourée d'une plaque
d'érythème de la largeur d'une pièce de 5 francs. Le sphincter est
resté intact. Voici, d'après ce que raconte C..., comment les
choses se sont passées. Vers 11 heures et demie du soir le garçon,
rentrant de permission, se déshabillait au dortoir lorsque l'enfant
revint des cabinets ; il le prit à bras le corp s, et le coucha dans
son lit. D'après ce que dit C..., sur trois tentatives une seule fut
couronnée de succès. Il ne resta qu'un quart d'heure dans le lit
lu garçon ( ? ). Quinze jours auparavant, ce dernier aurait essayé
d'avoir des rapports avec lui dans les circonstances suivantes : il
était monté pour changer de linge au dortoir, quand il fut tout nu
l'infirmier sortit sa verge et l'embrassa. Cet individu donnait à
C... et aux enfants, du chocolat, du fromage, des fruits, etc. C...,
pour s'excuser, dit que c'est par crainte qu'il n'a pas dénoncé la
première tentative, l'infirmier menaçant les enfants de les battre
s'ils en parlaient.
13 octobre.- L'ulcération anale s'améliore peu, elle est entourée
d'une vive inflammation surélevée et ressemble à une plaque
muqueuse. Douleur vive. -Traitement : onguent styrax, cautérisa-
tion au nitrate d'argent.
14 octobre. - Suppression du nitrate d'argent, rien au cuir
chevelu. Polyadénite inguinale. c
Il n'y a pas de cellules ou de chambre d'isolement dans la section.
IMBÉCILLITÉ ET INSTABILITÉ MENTALE. 115
21 octobre. - Roséole à l'état naissant. L'ulcération anale a
toujours le même aspect, elle est peu indurée. Erythème de la
gorge.
4 novembre. - Quelques croûtes dans les cheveux. Pâleur très
prononcée. Une petite ulcération à fond jaunâtre sur l'amygdale
droite. L'éruption papuleuse a augmenté. Quelques petits gan-
glions dans les aines. Syphilides plus nombreuses à la partie
antérieure du tronc qu'à la face postérieure. La plaque végétante
de l'anus a environ quatre centimètres de diamètre, elle occupe
la moitié droite de l'anus dans ses deux tiers inférieurs. - Une
autre plaque végétante existe du côté gauche. Traitement :
pilules de Sédillot, sirop d'iodure de potassium, vin de gentiane,
cautérisation des plaques muqueuses avec une solution de nitrate
d'argent à 1/30.
14. - Pas de croûtes dans les cheveux ; petites adénites cer-
vicales ; larges plaques muqueuses sur les deux amygdales.
L'éruption cutanée a un peu diminué; les papules sont moins
nombreuses. Les plaques anales s'améliorent ; la défécation est
moins douloureuse. Même traitement; gargarisme au chlorate de
potasse.
25. - La peau reste marbrée; les adénites inguinales persis-
tent. La marge de l'anus présente toujours une ulcération végé-
tante, surélevée, d'un rose clair, baignée par un peu de pus
sanieux, blanchâtre. Il n'y a plus rien à la gorge.
27.- A la surface du tronc et sur les cuisses, éruption dis-
crète de papules arrondies, un peu surélevées, de teinte chair de.
saumon. Cette éruption est plus accusée à la partie antérieure de
la poitrine, qu'en arrière. Sur l'amygdale gauche, petite plaque.
idée. Pas de croûtes dans les cheveux. Quelques ganglions cer-
vicaux. Quelques macules sur la peau. Les plaques muqueuses de
l'anus ont bien diminué d'étendue. Petite plaque muqueuse
opaline sur l'amygdale droite. C... continue toujours à se mas-
turber, et à exciter les autres à la masturbation.
13. - Il continue à attirer près de lui les autres enfants, les
embrasse, et cherche à les toucher et à se faire toucher par eux.
Il est insolent, méchant, se mêle à toutes les discussions entre
les enfants. - A l'école, il est dans la première classe, mais fait
peu de progrès.
1882. - 6 janvier. - La veille, il s'est couché avec mal de tête,
frissons, courbature, raideur du cou. Ce matin il présente des
plaques d'un aspect rubéolique sur la face ; les bras, le dos, et
surtout les jambes. Pas de bronchites, ni de coryza, ni de lar-
moiement. Rougeur de la gorge, mais à peine marquée. Déglu-
tition un peu douloureuse. Langue saburrale. Rien à l'auscultation
de la poitrine. Soif, anorexie, diarrhée. Traitement ; infusion
116 , RECUEIL DE FAITS.
de 4 grammes de jaborandi; limonade vineuse. T. R. 40°, 2.
Soir : T. R. 39°, 2.
7. - Les plaques ont presque disparu; il n'en reste que quel-
ques-unes dans le dos, et sur les avant-bras. Un peu de desqua-
mation à la face. T. R. 38°,2. - Soir : T. R. 39.
8. - T. R. 38°, 5. SoH : T. R. 38°, 6.
- 9. - T. R. 38°, 4.- Soil : : T. R. 38°.
10. - Encore quelques rougeurs sur les avant-bras ayant l'as-
pect de la roséole syphilitique. T. R. 38°. - Soir : T. R. 38°, 8.
13. - Syphilides des lèvres en diminution. Petite plaque mu-
queuse sur le pilier antérieur droit du voile du palais. Stomatite
mercurielle. Grandes plaques de roséole sur les lèvres, les régions
scapulaires ; aspect marbré de la poitrine; quelques plaques
dans le sillon interfessier. Quelques croûtes dans les cheveux.
Syphilides anales ulcérées, persistantes (plaque muqueuse hyper-
trophique). - Traitement : suppression des pilules de Sédillot, à
cause de la stomatite ; sirop d'iodure de fer; douches; chlorate
de potasse; cautérisation au nitrate d'argent.
17. - Cautérisation des plaques de la gorge. Même état de la
gingivite. Les syphilides de la face diminuent d'étendue.
27. - Syphilides pustulo-crustacées, très confluentes du cuir
chevelu; syphilides squameuses cuivrées, par larges plaques sur
le front, le pourtour des narines, les commissures palpébrales,
le menton. Rien sur le tronc. - Sur les bras, syphilides papulo-
squameuses, surtout près des coudes. Papules de 8 millimètres
de diamètre avec collerette. Plaques muqueuses ulcérées de
5 millimètres de diamètre environ à la face interne de la joue
gauche, au niveau des dernières molaires, sur la lèvre inférieure,
en dedans de la commissure et sur la lèvre supérieure en face de
la canine gauche. D'autres plaques muqueuses sur la voûte pala-
tine en arrière de la dernière molaire gauche, sur la luette et sur
les amygdales. Paroi postérieure du pharynx rouge. Gencives fon-
gueuses, saignantes, avec un liséré rouge. Les syphilides anales
persistent; syphilides papuleuses du scrotum.
2 février. La bouche va mieux. A la suite de masturbations
énergiques, l'enfant a été pris d'une balano-posthite intense, avec
oedème du prépuce. Injections entre le gland et le prépuce
avec de l'eau phéniquée, puis du vin aromatique.
10 mars. - Rien au cuir chevelu. Adénites cervicales. Papules
brunâtres sur les bras, les avant-bras, le tronc, les membres infé-
rieurs. Elles prédominent entre les seins et à la face interne des
genoux. Petites adénites inguinales. Gingivite encore assez pro-
noncée, haleine fétide. Ulcération superficielle sur la face interne
de la joue gauche entre les deux arcades dentaires ; langue
gonflée ulcération superficielle du pilier antérieur droit du voile
du palais ; le reste du voile est rouge, comme oedématié. Exulcé-
IMBÉCILLITÉ ET INSTABILITÉ MENTALE. z17 7
ration de la partie inférieure du gland et dans le sillon balano-
préputial. Syphilide fissurée à l'anus. Même traitement; cautérisa-
tion à l'acide chlorhydrique.
17. - Amélioration notable de la stomatite et de la balano-
posthile.
28. La balano-posthite est guérie. Hier C... a volé à un autre
enfant une tablette de chocolat et bien qu'on en trouve la moitié
encore dans sa poche, il nie son vol. A la suite de cette décou-
verte, il a été pris d'un accès de colère, a cassé deux carreaux à
coups de poing, et fendu une porte à coups de pied, adressant en
même temps des expressions obscènes aux infirmières, et mena-
çant de poursuivre ses dévastations. - On le prive de vin et on
l'envoie à la Sûreté pendant vingt-quatre heures.
13. - Guérison complète de la bouche et de la gorge. C... re-
tourne en classe.
21. - Adénite axillaire douloureuse.
29. - Fluctuation au niveau de l'aisselle : incision, drainage.
Mai. - Les notes de classe sont meilleures, il devient docile,
attentif, la lecture est bonne ainsi que l'écriture. Mémoire a<sez
facile.
16. - Il existe encore de l'alopécie, plusieurs taches brunâtres
dans les cheveux ; quelques ganglions cervicaux ; une légère éro-
sion du pilier antérieur gauche du voile du palais, deux rhagades
à l'anus. - Traitement : Continuer le sirop d'iodure de fer et les
douches.
7 juin. - C... s'est enfui Je 4 juin avec six autres de ses cama-
rades. L'un d'eux Filf ? ayant été puni avait formé le projet de
s'évader; il avait entraîné dans son complot, Court... ainsi que
Fer... et Auch... Après le dîner ils ont préparé des échelles pour
s'enfuir. A ce moment Lem... et Goux... sont venus les rejoindre
et plus tard Gauh... qui était couché dans la cour, les apercevant
est venu avec eux. Après être sortis, ils se sont séparés en deux
bandes. La première composée de Filh... Auch... Ferr... et Cour-
tois a traversé Pari ? , est allée à Pantin chez le parrain d'Auch...
qui l'a gardé, et a renvoyé les trois autres. Ceux-ci ont pris le
tramway car ils disposaient à eux trois de deux francs. Ils sont
allés chez le père de Ferr..., se sont cachés dans une cave où ils
auraient passé la nuit. Le lendemain matin, le père de Ferr... les
a trouvés, a gardé son fils et renvoyé les deux autres. Ceux-ci ont
bu du vin chez le « troquet », acheté du pain et fumé des ciga-
rettes. lisse sont séparés boulevard Sébastopol. Alors Court...
serait allé chez son père qui l'aurait fait manger puis lui aurait
intimé l'ordre de rentrer à Bicêtre. Il est revenu seul le 5 à une
heure.
17. - Aujourdhui il avoue qu'il a menti, qu'il n'est pas allé
chez son père, mais est revenu spontanément il Bicêtre.
H8 RECUEIL DE FAITS.
25 juillet. Refuse de travailler au dortoir, sous prétexte que
sa mère le lui a défendu.
26. -- Injures grossières contre ses maîtres. Privation de vin
et de promenade. -
31 aotît. - Quelques ganglions cervicaux et inguinaux. Rien aux
organes génitaux, ni dans la gorge.
22 novembre ? Encore quelques ganglions cervicaux à gauche.
- Aucune syphilide. Prend régulièrement ses douches.
D'après les notes de classe, Court... se montre assez intelligent,
mais est très emporté, colère, grossier; son jugement est
erroné. Il travaille assez bien, devient plus docile. Il fait des pro-
grès en gymnastique. Le développement physique s'opère régu-
lièrement, Le poids de Cour ? qui était de 44 kilog. 700 à l'entrée
est actuellement de 51 kilog. 80. Sa taille de lm48 en 1881, est à
la fin de 1882 de 1 m 55. Il a cessé les douches le 30 novembre.
1883. -- 2 janvier. - Frisson violent avec fièvre. T. R. 40°, 7.
Soir : T. R. 38°, 5.
3. - T. R. 37°, 7. - Soir : T. R. 41°.
4. - Langue sale, nausées. Rate grosse. Rien à l'auscultation
de la poitrine. T. R. 38°, 1. Traitement : Eau de sedlitz ; sulfate
de quinine, 1 gramme. - Soir : T. R. 37°, 3.
3. - T. R. 30°, 3. -Soir : 38°, 4.
6. T. R. 37°, 3. - Soir : 37". Langue toujours sale; pas de
selle depuis la purgation ; deux verres d'eau de sedlitz.
7. - Amélioration, appétit. T. R. 37°, 2. - Soir : T. R. 37°.
Exeat le 8 janvier.
9 juillet. -Court... est en punition à l'infirmerie, faute de cellules
et par manque de places à la Sûreté pour avoir battu des enfants
plus jeunes que lui. Selon son habitude, Court... est allé dans les
cabinets avec Rem... et Vign... et a essayé d'avoir des rapports a
posteriori avec le premier.
22 août. - Pas d'accidents syphilitiques nouveaux. Verge volu-
mineuse ; testicules bien développés. Maslurbateur effréné ; il dit
qu'il ne peut s'en dispenser. On est obligé de lui mettre le manchon
la nuit. - Traitement : Hydrothérapie qui a commencé au mois
d'avril et se continuera jusqu'au mois de février 1884.
26 décembre. - Les notes de classe nous apprennent que Court...
s'est amélioré, qu'il est moins emporté, qu'il devient courageux et
docile. De même, au point de vue physique, il s'est developpé; son
poids a augmenté de 9 kilogrammes (60 kilogr. 900) en un an et sa
taille de 8 centimètres CI m. 63). Au dynamomètre Mathieu :
35 kilogrammes à droite et 20 à gauche.
Puberté. Il porte de nombreux poils noirs frisés abondants
au pénil, à la racine des bourses, à l'anus. Il avoue se masturber
mais moins fréquemment.
IMBÉCILLITÉ ET INSTABILITÉ MENTALE. " 119 9
1884. 27 février. Eruption pustulo-crustacée au visage qui
disparaît vers le milieu d'avril sans traitement général.
3 avril. - On l'a pris la main dans la braguette d'un enfant. On
l'interroge et il répond qu'il demande à passer aux adultes, qu'il
ne peut rester aux enfants et qu'avec eux rc il ne pense qu'à ça ».
Depuis quelque temps, on était assez content de lui, de son travail
et de sa conduite. Il a obtenu le certificat d'études primaires, il
commence à apprendre sérieusement son métier de cordonnier.
Décembre. - Les notes de classe et d'atelier sont bonnes ;
l'écriture devient courante. A la gymnastique, il est docile et est
moniteur d'un groupe d'idiots. Il fait presque seul un soulier.
188. Janvier. - La taille a augmenté de deux centimètres
(4m,G5) en un an. Il présente des moustaches naissantes. Il a l'in-
tention de s'engager comme soldat.
6 mat. - Ses parents ont rempli les formalités nécessaires pour
son engagement. Refusé à la revision parce qu'il a un léger trem-
blement des paupières.
21 juillet. - Il est souvent brutal avec les enfants, surtout à la
gymnastique où il est moniteur. Hier il a bousculé l'enfant Carl...
qui ne voulait pas se mettre en rang. Les impulsions génitales ont
diminué. Il ne met plus les autres enfants sur ses genoux pour
s'entre-masturber. Parfois encore il lui arrive d'embrasser, en le
mordant légèrement à la nuque, l'enfant Leu... Lorsqu'il bruta-
lise les autres, ceux-ci lui disent des injures et font allusion à ses
anciennes histoires.
26 août. - Hier, ayant été privé de vin pour avoir fumé, C... a
cassé son verre à boire, puis trois carreaux et s'est blessé légère-
ment à l'avant-bras. Consigné pour deux mois; huit jours à.la .
Sûreté.
\S octobre. - Accès de violence parce qu'on l'avait fouillé pour
trouver le tabac qu'il cachait. Il a dit des grossièretés et a refusé
de travailler.
30 novembre. Embarras gastrique avec courbature.
14 décembre. - Il y a quatre jours les enfants étant réunis au
gymnase le soir, à une séance de lanterne magique, C... a attiré
l'enfant Leu..., l'a embrassé, l'a masturbé et s'est fait masturber
par lui. Il continue à embrasser les autres enfants. Il assure ne pas
avoir de rapports sodomiques ( ? ).
Puberté. - La moustache est encore naissante. Les poils com-
mencent à gagner la partie interne des cuisses et sont abondants
à l'anus. Les testicules, égaux, sont de la dimension d'un gros
oeuf de pigeon. La verge a 95 mm. de circonférence et î5 mm.
de longueur. La taille n'a pas augmenté depuis l'an dernier(lm,65),
mais le poids est de 5 kilogrammes en plus (64 kiwi.) (janvier 1886).
Au dynamomètre 55 kilogrammes des deux côtés.
120 RECUEIL DE FAITS.
488fi. 1cJ jcatauie·.- C... avoue avoir volé 25 francs à ses parenls,
lors de sa dernière sortie et les avoir dépensés avec des amis et
des femmes.
4 février. - C... se plaint de faiblesse générale et de maux de
tête; remis après quelques jours de repos.
24 juin.- Il travaille à la cordonnerie où on est contentde lui, et
va à l'école des adultes'. Son caractère devient meilleur, il est
poli; pas de plaintes, ni d'impulsions.
1" décembre. - C... s'est piqué il y a quatre jours avec une
alêne, à la partie supérieure et externe de la jambe gauche.
2. Plaque érysipélateuse s'étendant depuis la plaie jusqu'à la
partie moyenne du mollet. Inappétence.
4. La jambe est très enflée; la rougeur érysipélateuse qui a
disparu au-dessus du genou, s'élend de la partie supérieure du
creux poplité jusqu'au tiers inférieur de la jambe. Douleurs vives
la nuit avec élancements. La palpation est très douloureuse au
niveau de la saphène externe, surtout vers la malléole externe;
langue sale, anorexie, nausées. Pouls rapide. - Traitement : appli-
cation d'onguent mercuriel; eau-de-vie allemande 15 grammes;
sirop de morphine ; sulfate de quinine.
6. - P. 88. Aspect général meilleur, C... mange avec assez
d'appétit. La jambe est tuméfiée; l'empâtement s'est étendu de
haut en bas. La peau a toujours une teinte érysipélateuse, pas de
bourrelet; phlyctène. La jambe est moins douloureuse; à la pal-
pation, sensation de fausse fluctuation. Deux incisions sont faites
à la partie interne et à la partie externe de la jambe jusqu'à l'apo-
névrose. Il ne sort pas de pus; mais le tissu cellulaire sous-cutané
est infiltré, dur, lardacé. Pansement phéniqué. '
7. - La température est toujours élevée. L'état général reste le
même. On trouve un peu de pus dans la partie interne de la
plaie qu'on fait sourdre par la pression. Le pus siège évidemment
sous l'aponévrose celle-ci est incisée et laisse écouler une grande
quantité de pus. Drainage ; pansement phéniqué'.
10. - Pas de fièvre, la douleur a disparu, la peau ne se recolle
pas.
12. La fièvre reparaît ainsi que la douleur de la jambe. Rou-
geur et douleur à la pression au niveau du creux poplité. Issue
abondante de pus.
14. - Fièvre. Etat général mauvais. Douleurs vives et empâte-
ment au niveau du creux poplité.
15. - On chloroformise le malade, le sommeil se produit facile-
ment sans période d'excitation. On constate qu'il existe un clapier
rempli de pus au niveau du creux poplité, et un décollement se
dirigeant en bas vers le tiers inférieur de la jambe, profond et
* J'avais alors organisé des cours pour les épileptiques adultes (B.).
IMBÉCILLITÉ ET INSTABILITÉ MENTALE. d21
long de 25 centimètres environ. On fait une contre-ouverture au
niveau du premier, mais on ne peut le faire pour le second,
qu'on se borne à drainer. Au bout de vingt-cinq minutes, le
malade se réveille. Il est loquace, parle avec vivacité et même une
certaine éloquence. Il demande qu'on l'achève « pour qu'il puisse
aller rejoindre ses vieux camarades, dont il a vu la tête au
musée, etc. b.
23. - Un peu de diarrhée, coliques assez violentes. Potion avec
extrait de thébaïque.
26. - Guérison complète du phlegmon de la jambe.
1887. Janvier. - A l'école, C... devient plus docile. Il travaille
assez bien à la cordonnerie. Il est toujours emporté mais plus
poli. Poids : 64 kil. 200 ; taille : dn,G7à.
Puberté : Moustache assez fournie, duvet assez abondant sur les
joues; bouquet de poils de chaque côté du menton. Poils moyen-
nement abondants sous les aisselles; poils très rares autour des
seins. Rien sur la poitrine ni sur le ventre. Poils longs, châtains,
bouclés, abondants sur le pénil et à la racine des bourses. Quelques-
uns seulement sur les aines et à la partie supérieure des cuisses.
Verge : circonférence 95 millimètres; longueur 95 millimètres.
Gland découvert. Testicules dn volume d'un petit oeuf de poule.
Poils assez abondants à l'anus et à la partie inférieure des fesses.
Février. - Quoique étant aux adultes, il continue à venir tra-
vailler à l'atelier de cordonnerie des enfants. Le 5 avril il quitte
son atelier dans l'après-midi, vers une heure et demie, et entraîne
le petit Via... dans les cabinets et le déculotte. Il y a quelques
jours, il a fait des propositions du même genre à un autre
enfant. Ces impulsions génésiques ne s'étaient pas manifestées
depuis longtemps. Il cherche le plus possible à rester avec les
enfants; mais il ne se précipite plus sur eux comme autrefois,
pour les embrasser jusqu'à les mordre aux joues et au cou.
21 avril. - il. Féré, qui a pris le service des adultes au mois de
février, renvoie C... Il revient nous voir à ce moment, il cherche
s'occuper non comme cordonnier, mais comme homme de
peine.
Puberté. Moustaches fines, assez fournies; un bouquet de
poils de chaque côté du menton; duvet peu abondant aux joues.
Poils moyennement abondants sous les aisselles; une dizaine
autour des mamelons. Rien sur la poitrine ni sur le ventre. Poils
longs châtains, bouclés, abondants sur le pénil et à la racine des
bourses; quelques-uns seulement sur les aines et à la partie supé-
rieure des cuisses. La circonférence de la verge et sa longueur
sont de 95 mm. Gland découvert. Bourses rétractées. Testicules du
volume d'un petit oeuf de poule. Poils assez nombreux à l'anus et
a la partie inférieure des fesses.
C juillet. Nous voyons la mère du'malade ; elle nous raconte
122 RECUEIL DE FAITS.
que son fils n'a pu rester à la caserne où son père est maréchal
des logis, parce qu'on l'en avait expulsé jadis (à quatorze ans).
Elle l'a placé chez sa soeur à llfontreuil ; il faisait les commissions
de sa tante. Il lui arrivait parfois de refuser de se lever et de
l'aider aux soins du ménage. Il battait les poules, les enfermait
dans la cave, adressait des injures à sa tante. Il avait là deux
cousines, l'une de vingt, l'autre de vingt-un ans, il n'a pas essayé
d'avoir des rapports avec elle, et il n'a pas même, dit-il, été tenté
d'en avoir. Celles-ci le craignaient, le fuyaient, car il les insultait.
11 cachait les objets appartenant à sa tante, pour le plaisir de la
faire chercher. Une de ses cousines a prétendu qu'il lui avait volé
une bague, ce qu'il nie formellement. Cette histoire l'aurait fait
renvoyer par sa tante. Cette dernière a dit à sa mère, qu'il pas-
sait son temps fréquemment dans le bois de Vincennes, et elle
croit qu'il était accompagné d'une femme. Quant à lui, il nie ce
fait, et prétend qu'il allait dans les bois pour lire, dessiner, et
qu'il était toujours seul.
De Montreuil, il est revenu à Paris; sa mère a tenté de le gar-
der près d'elle, essayant en même temps de le placer. Dans toutes
les maisons de cordonnerie, où l'avait envoyé son chef d'atelier
de Bicêtre, il n'a pu entrer, car il n'avait pas les capacités pro-
portionnées à ses prétentions Il a ensuite cherché une place de
garçon marchand de vins ; il a échoué, parce qu'il n'avait pas de
certificat ; il en a été de même pour des emplois de courtier,
d'homme de peine. D'après sa mère, on ne peut lui confieraucun
paquet, il l'oublie, où le laisse sur un banc, ou sur l'omnibus.
Elle prétend qu'en trois ou quatre endroits, où il a été présenté
pour faire des courses, on en a pas voulu, « quand on a vu la
façon dont il tourne les yeux ». Pendant tout ce temps il est allé
plusieurs fois avec des femmes. Il nous dit lui-même : « Quand je
suis seul, que j'ai de l'argent, je vais avec des femmes ; mais
quand je suis renfermé, je suis porté pour les petits garçons.
Néammoins, cette excitation a bien diminué. » Pourtant sa mère
nous dit qu'il embrasse toujours violemment les enfants.
Sa mère se décida à l'envoyer à l'Orphelinat de Saint-Fiacre,
près de Meaux, où on le prit à l'essai, pour le faire travailler à la
terre ! Le directeur en avait fait un moniteur, et lui avait confié
vingt enfants, il s'est fait masturber par trois ou quatre d'entre
eux, mais il nous assure n'avoir pas essayé de se livrer sur eux,
à des actes de pédérastie. Les enfants questionnés ont fait des
aveux, et il a été renvoyé le 26 juin. Depuis ce temps sa mère le
loge dans une petite chambre de la rue Geoffro -Lasnier. Il se
. Il est difficile de faire comprendre aux parents que leurs enfants, étant
des malades, sont au-dessous des apparences ordinaires. De là, des
obstacles à leur placements.
IMBÉCILLITÉ ET INSTABILITÉ MENTALE. -123
lève tard, sous prétexte qu'il est fatigué, et il ne fait rien ; il reste
dans les escaliers, sans se préoccuper s'il gêne le passage, ce qui
fait crier les voisins; ou bien il s'assied sur le trottoir, rassemble
des enfants autour de lui. Il nie ce fait, et nous assure ne s'être
porté sur aucun enfant à des « actes malpropres », mais il aime
toujours à les embrasser. Sa mère craint qu'il ne se rende cou-
pable de quelque délit contre les moeurs. La logeuse trouve qu'il
est malade, indolent, et que souvent il répond d'une façon inco-
liérente. 11 ne fait rien, cherche de l'ouvrage, aux Halles, à la
voirie, au débardage, dans plusieurs hôpitaux, et ne peut rien
trouver. Son linge est toujours taché, dit sa mère; si on lui en
fait la remarque, il répond qu'il ne peut faire autrement. Il est
insolent, grossier à la moindre observation. 0
Il porte quelques ganglions indurés dans les aisselles et dans les
aines,-et quelques taches pigmentées à la région lombaire gauche.
Taille : 4 m 67 ; poids : 60 kilogrammes.
11 juillet. - Rentre à Sainte-Anne d'où il est envoyé le
13 juillet dans le service de M. Féré, à Bicêtre.
4 août. - Mis en liberté. Pendant son séjour dans le service de
M. Féré, il a été soigné pour une blerm01'l'hagie.
13 octobre. - Depuis son départ de Bicêtre, il a remplacé un de
ses amis, garçon de magasin chez un teinturier, pendant trois
semaines. A partir de là il travaille aux Halles; où il fait des cor-
vées. Il arrive à gagner de 1 franc 50 à 3 francs. L'après-midi, il
« camelotte », vend des épingles, des indicateurs. Il n'a pas
essayé de continuer'son métier, on ne trouve rien, dit-il. Il n'a pas
tenté de se livrer à des actes de pédérastie, ni de se faire mas-
turber par des enfants. Il va souvent avec des femmes « pour
trente sous, pour un demi-setier quelquefois ». Il n'est pas assez
bon ouvrier, pour exercer le métier de cordonnier, et « je n'ai,
dit-il, d'autre certificat que celui de sortie de Bicêtre ».
Réflexions. - I. -L' ! té1'édité nous paraîtpouvoir être invo-
quée avec raison : du côté paternel nous trouvons l'alcoolisme
et l'idiotie compliquée d'épilepsie; du côté maternel, le ner-
vosisme et l'aliénation mentale. Notons aussi la mort par
convulsions de plusieurs frères et soeurs.
II. - Dans les antécédents personnels, nous devons relever
en premier lieu l'impression pénible et persistante éprouvée
par sa mère durant la grossesse et occasionnée par la vue d'une
parente idiote et épileptique. C'est là une cause dont l'influence
est difficile à apprécier, mais que nous avons soin de toujours
mentionner dans nos observations, espérant pouvoir plus tard
faire la part de la réalité et de l'exagération. Notons ensuite une
12't RECUEIL DE FAITS.
hémorrhagie abondante du cordon, l'incontinence d'urine jus-
qu'à quatre ans et celle des matières fécales jusqu'à douze ans.
III. C'est à partir de son envoi à l'école qu'on s'aperçut
que son intelligence n'était pas aussi développée que celle des
enfants de son âge. Il apprit difficilement à lire et à écrire; sa
turbulence, ses taquineries, ses grimaces, ses contorsions, le
font renvoyer successivement de plusieurs écoles. On ne se
rendait pas compte qu'il était malade. Il en fut de même d'ail-
leurs à l'Ecole d'enfants de troupes où l'on attribuait son
incontinence des selles à sa malpropreté volontaire. Pour l'en
corriger, on exerça sur lui des sévices blâmables, pratique
malheureusement trop fréquente et qui n'a d'autre résultat
que d'aggraver l'état mental.
IV. - Placé à quatorze ans en apprentissage, son instabi-
lité mentale devint de plus en plus évidente : il fut renvoyé
successivement de plusieurs maisons. Au lieu de le faire soi-
gner, ses parents le mirent en correction. C'est là une mesure
qui ne devrait être prise qu'après réflexion et après un examen
médical sérieux. Si les médecins de ces établissements exami-
naient avec soin cette catégorie d'enfants, ils s'apercevraient
bien vite qu'ils ont affaire à des malades et ne les garderaient
pas en prison, mais les feraient diriger sur les hôpitaux spé-
ciaux. Ajoutons qu'à son imbécillité et à son instabilité men-
tale, se joignaient des troubles psychiques consistant en des
interprétations erronées : il s'imaginait qu'on se moquait de
lui. Rappelons en passant que, à une époque, vers douze ans,
il fut atteint de crises convulsives qu'un médecin aurait quali-
fiées d'épileptiques. Jamais ses parents ni nous-mêmes, durant
son séjour à Bicêtre n'avons constaté d'accidents comitiaux.
En revanche, nous avons observé assez fréquemment de violents
accès de colère.
V. - Les accidents dont nous venons de parler et la perver-
sion des instincts sur laquelle nous allons revenir tout à
l'heure étaient compliqués de stigmates physiques multiples
que nous nous bornerons à énumérer : Nystagmus, tremble-
ment des paupières et des mains, irrégularité de la voûte pala-
tine qui est ogivale à un degré prononcé, vice de la prononciation
(zézaiement), malformation des organes génitaux(hypospadias).
VI. - Nous devons tout particulièrement insister sur les
impulsions génitales très accusées chez ce malade. De bonne
IMBÉCILLITÉ ET INSTABILITÉ MENTALE. Il-)5
heure il se livra à l'onanisme, et essaya d'avoir des rapports
avec des petites filles, puis il excita les autres enfants à se livrer
à la masturbation personnelle ou réciproque. Pendant son
séjour à Bicêtre, nous avons observé des périodes de calme et
des périodes durant lesquelles ces impulsions devenaient vio-
lentes. Alors il cherchait sans cesse à attirer les autres enfants
vers lui, à les toucher, à se faire toucher, à pratiquer sur eux
la pédérastie, les embrassant sur la bouche, leur mordant le
cou. Aussi n'y a-t-il rien d'étonnant qu'il ait été une des pre-
mières victimes de l'infirmier pédéraste qui lui communiqua
la syphilis.
Il ne s'agit pas ici d'une véritable inversion du sens sexuel.
En effet, contrairement aux malades types de cette catégorie,
avant son entrée à Bicêtre et après sa sortie, il rechercha les
femmes et vola de l'argent à ses parents pour avoir des rapports
avec elles et contracta même une blennorrhagie.
Vit. - Nous avons cru devoir réunir dans le tableau suivant
le développement du poids et de la taille de notre malade,
de 4881 à 1888.
126 RECUEIL DE FAITS.
HOSPICE DE LA SALPÈTRIÈRE
Service de M. CHARCOT.
DIMINUTION ET CESSATION- DE L'USAGE HABITUEL DE LA
MORPHINE CHEZ DEUX TABÉTIQUES TRAITÉS PAR LA
SUSPENSION;
Par GILLES DE LA TOURETTE, chef de clinique, et S.-C. L.1OU1).IhIS,
externe de la Clinique des malades du système nerveux.
Dans sa Policlinique du 1 mai 1889, M. le professeur Char-
cot présentait trois malades atteints à divers degrés d'ataxie
locomotrice, tous les trois très notablement améliorés par la
suspension.
Depuis deux ans, l'un de ces malades prenait par jour un
centigramme et demi de morphine en injection hypodermique.
Les douleurs fulgurantes ayant disparu sous l'influence du
traitement il avait pu supprimer complètement l'usage du mé-
dicament.
M. Charcot insistait à ce propos sur les difficultés considé-
rables qu'on éprouve d'ordinaire à c démorphiniser » les
malades et considérait le résultat obtenu comme un véritable
succès à porter à l'actif de la suspension.
Ces considérations nous ont engagé à rapporter cette obser-
vation résumée. Nous y avons joint celle d'un autre ataxique
chez lequel la suspension eut pour effet de faire diminuer con-
sidérablement la dose de morphine. Ce dernier cas est incom-
plet le malade sous l'influence de l'amélioration obtenue ayant
acheté un appareil et n'ayant plus été revu à la clinique
Observation I. - Model, cinquante-un ans. - A ntécédcnts héré-
ditaires : père, quatre-vingt ans, bien portant. Mère morte à cin-
quante-cinq ans d'une affection du coeur. Pas d'hérédité appré-
ciable. - Antécédents personnels : rougeole à quatre ans ; pas
d'autres maladies, pas de syphilis. Marié, une fille de seize
ans bien portante.
En 1873, début de la maladie par des douleurs fulgurantes
dans les membres inférieurs. En 1883, ces douleurs apparaissent
avec une grande intensité daus les membres supérieurs; douleurs
en ceinture. La peau est le siège d'une vive hyperesthésie, le
simple frôlement des vêtements détermine de vives douleurs super-
ficielles.
TABES ET MORPHINOMANIE : SUSPENSION. 127
En 1875, diplopie qui dure six mois.
En 1888, sensation de coton sous les pieds, la marche devient
très difficile dans l'obscurité, en même temps que les jambes sont
projetées en avant d'une façon caractéristique.
Etal actuel (3 mai 1889). Démarche caractéristique; est
obligé de s'appuyer sur deux cannes ; ne peut sortir sans être
accompagné. Signe de Romberg très accentué ; abolition des
réflexes rotuliens ; signe d'A. Robertson. Troubles vésicaux.
Difficultés considérables pour uriner pendant le jour; inconti-
nence d'urine pendant la nuit. Douleurs fulgurantes très vives
dans les membres supérieurs et inférieurs survenant par
accès lors des changements de temps.
Depuis deux ans le malade absorbe tous les jours par voie
hypodermique un centigramme et demi de morphine. Le ma-
lade s'est soumis à dater du 3 avril au traitement par la
suspension dont il subit dix-neuf séances jusqu'au 17 mai 1889.
Les bénéfices du traitement se font sentir vers la douzième
séance, ils ont été en s'accentuant jusqu'à cette dernière date.
Sous son influence les douleurs fulgurantes se sont atténuées
en fréquence et en intensité. Aussi a-t-il pu progressivement se
débarrasser complètement de l'usage de la morphine. Les troubles
vésicaux et sexuels sont restés stationnaires. La marche a été
très améliorée : il a quitté ses cannes et désormais il vient seul
de la rue de Seine alors qu'auparavant il ne pouvait faire un
pas sans être accompagné. Il continue l'usage du traitement
par la suspension qui, du jour où il a été institué, n'a été accom-
pagné d'aucune autre médication.
Observation IL - Hag. Stephen, quarante-neuf ans. - Antè-'
cédenls héréditaires : Père et mère vifs, emportés. Antécédents
personnels nuls, pas de syphilis.
En 1879, début de la maladie par des faiblesses dans les mem-
bres inférieurs qui se dérobaient sous lui. En 1881, impuissance.
En 1882, le malade eut pour la première fois des crises gastri-
ques d'une grande intensité. Ces crises revenaient périodiquement
tous les mois et s'accompagnaient de vomissements alimentaires.
Chaque crise durait huit jours; pour les calmer Hag. faisait usage
de la morphine; 30 à 35 piqûres par jour renfermant, deux centi-
grammes par piqûre, parvenaient à peine à le calmer. Pendant
deux ans ces crises furent à peu près le seul symptôme appré-
ciable de sa maladie. En 1884, douleurs fulgurantes dans les
membres inférieurs auxquels elles se sont limitées jusqu'à ce
jour. Sensation de constriction thoracique et lombaire.
128 RECUEIL' DE FAITS. TA13ES ET MORPHINOMANIE.
En 1885, il a commencé à marcher difficilement surtout dans
l'obscurité; à cette époque'il entre à la maison Dubois où il est
soumis sans succès au traitement par les pointes de feu le long
de la colonne vertébrale. Pendant tout ce temps il continue à se
faire 30 piqûres de morphine par jour.
A la même époque début des troubles vésicaux; difficulté, irré-
gularité dans la miction, incontinence nocturne passagère. Défé-
cations involontaires; ces derniers troubles ont disparu il y a trois
ans, et depuis un an les troubles vésicaux se sont aussi amendés
spontanément. Mais la marche devenait, au contraire, de plus en
plus difficile; à peine le malade faisait-il quelques pas à l'aide de
deux cannes. Il diminuait également les.piqûres qui tombaient au
chiffre de 16 à 25 par jour. En 1884, à la suite d'une chute, l'arti-
culation tibio-tarsie : me gauche s'est déformée et est restée dé-
formée depuis. Depuis 1887, tous les six mois, l'ongle du gros
orteil tombe spontanément.
Etat actuel (11 mars 1889). - Incoordination motrice très
marquée : Le malade peut à peine marcher à l'aide de deux
cannes; signe de Romberg très accentué. Signe de Westphall ;
myosis ; il y a quelques jours H... a vu double.
Amaigrissement considérable : del20 livresle malade estdes-
cenduà 98. Douleurs fulgurantes très vives.-Soumisle 11 mars
au traitement par la suspension à l'exclusion de tout autre.
Dès la sixième séance grande amélioration de la marche ; à la
neuvième les douleurs fulgurantes sont moins intenses et moins
fréquentes, Le malade ne fait plus que treize piqûres de mor-
phine au lieu de seize.
Le 24 avril, jour de la vingtième suspension, le malade ne se
fait plus que dix piqûres. Les douleurs ont considérablement
diminué. La marche ne ressemble plus à ce qu'elle était au
début du traitement. Alors qu'il pouvait faire à peine quelques
pas soutenu par deux cannes, il peut maintenant faire de
longues courses, aller de l'Arc de Triomphe à la Bourse, sans
inconvénients en se reposant de temps en temps sur les bancs.
Le malade achète alors un appareil et depuis il n'a pas été
revu.
REVUE CRITIQUE
TRAITEMENT DE L'ATAXIE LOCOMOTRICE, ET DE QUELQUES
AUTRES MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX PAR LA SUS-
PENSION ; ,
Par A. RAOULT, interne des hôpitaux.
1
I. De la suspension dans le traitement du tabes. C'est
en 1882 que le D'' Motchoutkowsky 1 (d'Odessa), après s'être
servi de l'appareil de Sa;r, pour redresser la colonne verté-
brale d'un ataxique, s'aperçut au bout de quelques jours de
l'amélioration présentée par ce malade du côté des douleurs et
des symptômes d'incoordination. M. Raymond 2, professeur
agrégé de la faculté de Paris rapporta de son voyage en Russie,
les notions de ce traitement. En 1887, M. le Dr John Marshall,
professeur à l'University Collège de Londres, y faisait allu-
sion 3 dans un mémoire.
Mais c'est seulement depuis la leçon de M. le Pr Charcot à
la Salpêtrière 1, que s'est faite la renommée de ce traitement
et que son application s'est étendue. En effet, de nombreux
médecins en France et à l'étranger ont pratiqué la suspension
non seulement dans les cas de tabes, mais encore dans d'autres
affections nerveuses. Dans la plupart des services hospitaliers
de Paris, où l'on s'occupe d'affections nerveuses, on a employé
ce mode de traitement, et dans nombre de cas, les médecins
ont obtenu des résultats satisfaisants. Sur ce point, MM. les
prs Vergely et Picot (de Bordeaux) ont été des premiers à se
servir de cette méthode. MM. Abadie, Darier et Desnos en ont
1 Vracha. Saint-Pétersbourg 1883.
' Voir Dict. encyclopédique art. Tabès et Compte rendu de l'enseigne'
ment dans les universités de médecine russes {Archives de Neurologie,
1888, p. ).
3 Neul'ectasy ofNeuue Stretching for 1'elief of pain 1888.
4 Voir Progrès médical 23 janv. et 23 fév. 1889; leçon résumée par
M. Gilles de Tcurette et Leçons du Mardi, n° X, 1889.
Archives, t. iVllI. 9
- 130 REVUE CRITIQUE.
tiré de bons effets dans les paralysies oculaires. En Amérique,
MM. Dana, Hammond, Morton s'en sont occupés, ainsi que
M. le Dr Althaus en Angleterre. En Allemagne, M. Veir
Mitchell a modifié l'appareil primitivement employé.
Procédé opératoire. Voici tel qu'il a été décrit par M. le
..professeur Charcot dans sa leçon du 'le janvier :
La suspension se fait à l'aide de l'appareil imaginé par Sayre
(de New-York) pour placer le corset qui porte son nom et qui est
appliqué. pour le redressement des diverses déviations de la colonne
vertébrale. Il se compose d'une tige de fer horizontale, de 45
centimètres de longueur, portant en son milieu un anneau dans
lequel passera le crochet d'une moufle par l'intermédiaire de
laquelle s'effectueront les tractions.
La tige porte à chacune de ses extrémité un crochet, auquel
s'adapteront par une boucle, les pièces destinées à être placées
sous les aisselles du patient. Le bord supérieur de la tige présente
llig. 4. - Appareil suspenseur. ,
Suspension dans l'ataxie locomotrice. 131
de chaque côté, trois encoches dont on dira bientôt l'utilité. En
outre de la tige de fer, l'appareil comprend deux pièces latérales
pour les aisselles, une pièce médiane composée de deux pièces
secondaires servant de soutien à la tête pendant l'opération.
Ces deux parties de la pièce médiane sont de forme triangu-
laire allongée, et sensiblement pareilles; l'antérieure se place
sous le menton, la postérieure au niveau de la nuque sous l'occi-
put. On reconnaîtra la pièce antérieure à ce fait qu'elle porte
latéralement une pelte noucie
qui sert, lorsque l'appareil est
en place, à réunir les deux pièces
entre elles à l'aide d'une petite
courroie qui empêchera le collier
de glisser lorsque le malade sera
suspendu. L'application de cette
petite courroie joue d'ailleurs un
rôle assez important; il importe
en effet qu'elle soit assez serrée
pour empêcher le glissement et
qu'elle ne le soit pas trop cepen-
dant parce que dans ce dernier
cas, la compression des jugulaires
aurait pour effet de provoquer
une stase veineuse susceptible
d'amener des accidents. A cet
effet, la courroie est percée de
huit à dix trous, et l'ardillon de
la boucle se fixera du deuxième
au cinquième environ, suivant la
grosseur du cou du malade.
Il est rare qu'on soit obligé
d'interposer entre cette courroie
et la peau un corps mou, un
mouchoir, de l'ouate, de façon à
- - ? 1 -" Il n ? .1 1 -- -- ?
amwumu 1 la.LCIo uc Ja. UU 11 I ^ 1 C331U II UtICUlC. Li appil^ailUli UC3
pièces de la nuque et du menton est assez délicate et exige,
quelques soins. Elle devra varier quelque peu suivant la grosseur
de la tête et du cou du sujet.
En ce qui regarde la grosseur de la tête, on fera varier les di-
mensions du collier en plaçant la boucle supérieure de la pièce
dans le premier, le deuxième, ou le troisième des crans ou en-
coches qui se trouvent sur le bord supérieur de la tige de fer ; plus
la tête est volumineuse plus la boucle doit être placée en
dehors.
Il est parfois nécessaire, lors des premières séances, chez les
individus sensibles, trop gros ou trop maigres, d'interposer un
Fiy. a. - Appareil en place
pour la tète.
132 REVUE CRITIQUE.
corps mou entre le menton et la pièce qui est destinée à le sou-
tenir.
Voici donc la tête en place. Il reste encore à placer les pièces
des aisselles; au premier abord, elles pourraient sembler de peu
d'importance ; cependant elles doivent en réalité être considérées
comme les véritables régulateurs de la suspension. Il est nécessaire
en effet que pendant l'élévation, la traction ne porte pas unique-
ment sur la tête et sur le cou, car en pareil cas la suspension ne
serait pas tolérée; il faut donc que le corps trouve quelque part
un appui, mais d'un autre côté, il ne faut pas que ce point d'appui
empêche l'élongation de la colonne vertébrale de se faire. En vue
de cela, les pièces des aisselles, qui présentent la forme d'un
ovoïde matelassé à son extrémité inférieure, sont munies en haut
d'une courroie qui peut s'allonger ou se raccourcir à volouté sui-
vant la taille ou le poids du malade.
Le jeu de cette courroie, on le comprend, est très important.
En effet, lorsque la pièce axillaire est trop courte, il peut se pro-
duire une compression des troncs nerveux susceptible de détermi-
ner des fourmillements, des engourdissements, nécessitant l'inter-
ruption de la séance. Lorsque la pièce est trop longue, au contraire,
le tiraillement des muscles de la nuque devient intolérable, le
corps ne trouvant pas un point d'appui suffisant.
On devra donc, chez chaque nouveau sujet, procéder par tâton-
nements, et, au bout de deux ou trois séances en général, on sera
fixé sur le cran où s'appuiera par en haut la pièce de la tête, sur
la longueur qui devra être donnée à la courroie destinée à unir
les pièces du menton et de la nuque, et à celles qui attachent à
la tige de fer les pièces axillaires.
L'appareil étant bien disposé, le médecin commande à un aide
de tirer sur la corde qui passe sur la poulie de la moufle, douce-
ment, progressivement, sans secousses, évitant une élévation trop
brusque afin d'habituer peu à peu en quelque sorte les muscles du
cou à la traction qu'ils vont supporter. On doit engager le malade
à éviter autant que possible les mouvements qui se produisent
instinctivement, au moment où il sent qu'il quitte le sol; on devra
éviter aussi les déplacements latéraux, les mouvements de torsion
qui pourraient se produire.
Le malade ayant quitté le sol, de telle façon que la pointe des
pieds ne puisse Je rencontrer, l'opérateur le soutient légèrement
afin d'empêcher les oscillations. Dans le même temps, il fixe les
yeux sur une montre à secondes pour régler minutieusement la
durée de la séance. Pendant que le patient est ainsi suspendu, on
lui commande de temps en temps d'élever les bras doucement
vers l'horizontale de façon à rendre, si celte pratique est tolérée,
la suspension et la traction plus effectives.
Nous pensons que la plus longue séance ne doit pas dépasser
SUSPENSION DANS L'ATAXIE LOCOMOTRICE. '133
- Fig. 6. Le malade s21sl)e7z(lii : mouvements latéraux des bras. -
trois ou quatre minutes; ce chiffre de trois minutes étant pris
134 ' REVUE CRITIQUE.
comme moyen terme. On commence le traitement par des séances
de une demi-minute à une minute, et progressivement, on arrive
au chiffre supérieur indiqué, lequel ne doit généralement pas être
alteint avant la sixième ou la huitième séance.
A cet égard encore, il faut tenir compte de certaines suscepti-
bilités individuelles et de particularités inhérentes, surtout au poids
~du malade. Alors par exemple qu'on n'éprouve aucune difficulté à
faire tolérer d'emblée deux minutes de suspension à des malades
pesant de 60 à 70 kilog., il n'en est plus de même chez des sujets
qui pèsent 80, 90 kilog., et plus. Chez ces derniers, la traction qui
s'exerce sur les muscles de la nuque est très forte, douloureuse
même par fois, pendant toute la journée qui suit la séance, ce
qui ne doit pas être quand l'opération est bien conduite. Il est des
malades chez lesquels le désir d'être soulagé est si impérieux qu'ils
se croient en quelque sorte obligés de tout supporter sans se
plaindre : mais en réalité l'opération ne doit entraîner ni douleur.
ni fatigue, sous peine d'être inefficace.
Les séances ont été faites tous les deux jours, l'expérience ayant
démontré que les séances quotidiennes étaient moins favorables.
L'heure paraît importer peu. Lorsque le nombre des minutes fixé
à l'avance s'est écoulé, le médecin commande de lâcher peu à peu
la corde, de façon à ce que le patient descende lentement sans
secousses. Lorsqu'il a touché le sol, on le soutient un instant pendant
qu'on enlève les diverses pièces de l'appareil, et on l'asseoit en-
suite, pendant quelque minutes, dans un fauteuil où il prend du
repos.
Quelques détails d'ordre secondaire méritent d'être signalés en-
core. Le malade doit, au moment d'être suspendu, quitter son
vêtement de dessus, de façon à avoir les bras libres ; le cou doit
être à nu, ou du moins ne pas être serré dans un col étroit, afin
d'éviter une compression qui pourrait avoir des effets fâcheux.
L'appareil de Sayre comporte, outre les pièces indiquées, un
trépied portatif à branches démontables muni à sa partie supé-
rieure d'un crochet auquel se fixe la moufle sur laquelle passe la
corde de traction. L'usage de ce trépied peut être excellent pour
appliquer un corset chez les personnes dont la station debout est
normale ; mais il n'en est plus de même chez les ataxiques qui
souvent oscillent sur leurs jambes et qui, menacés de perdre l'équi-
libre saisissent parfois convulsivement, dans le but d'y trouver un
appui, les branches du trépied qu'ils pourraient renverser.
Tous les médecins ne se sont pas servis du même appareil.
D'après M. Lespinasse ', * le système actuellement en vigueur
à l'hôpital Saint-André, de Bordeaux, dans les services de
'.Gazette itebd. des sc. med. de Bordeaux, 24 fév. 1889. p. 98.
SUSPENSION DANS 1/ATAXIE LOCOMOTRICE. '135
les PI-3 Vergely et Picot est encore plus économique. Il se
réduit à nne traverse en bois s'appuyant sur deux lits. Deux
linges roulés en cylindres, placés aux extrémités servent de
brassières, et au milieu, une double cravate en toile assure le
maintien du menton et de la nuque. L'appareil deM.Hammond 1,
était, à l'origine, semblable à celui de M. Charcot; depuis, il l'a
modifié. C'est ainsi qu'il ne porte la traction que sur le men-
ton et l'occiput, attachant les deux frondes qui soutiennent ces
deux parties à l'extrémité du fléau d'une balance, afin de con-
naître le poids utilisé pour la traction. Au début, il n'utilise
qu'un poids de 75 à 80 livres, en ne soulevant pas entièrement
le malade de terre. Chaque jour, on augmente la traction,
jusqu'à ce que les pieds du malade ne portent plus à terre. Les
résultats seraient plus rapides qu'en attachant en même temps
la racine des bras.
M. Veir Mitchell 2 a modifié l'appareil de Sayre comme suit :
les pièces axillaires sont remplacées par des sortes d'écharpes
qui s'adaptent aux coudes fléchis par lesquels les malades sont
maintenus. De plus, l'appareil est muni d'un double système
de moufles, l'un pour l'élévation du corps par les coudes
collés au corps, l'autre pour la traction par la tète seule. Cet
appareil réaliserait ces avantages : de ne pas comprimer les
vaisseaux et nerfs du creux axillaire, et de graduer l'intensité
de l'extension de la tête, permettant ainsi de donner à la sus-
pension telle durée que l'on voudrait, sans inconvénient
immédiat.
Le traitement, qui ne saurait avoir la prétention de guérir
l'ataxie, enraye manifestement les symptômes douloureux et
la plupart des troubles moteurs du tabes. Chaque suspension a
lieu, nous l'avons vu tous les jours, durant 1/2 minute ou une
minute au plus, et augmentant de durée chaque jour, mais ne
dépassant jamais 8 à 10 minutes. L'amélioration manifeste des'
troubles ataxiques se produitrarement avant la 8°ou'10° séance;
quelquefois il faut arriver à la 20e avant que les malades ne
ressentent quelque amendement. Ce dernier porte dès les pre-
miers effets de la suspension, sur l'incoordination motrice,'
puis sur les douleurs fulgurantes, l'anesthésie plantaire, sur les'
troubles viscéraux et l'impuissanee sexuelle. M. le l'r Charcot
' New-York, mtid. journal. 12 mai 1889, p. 510. z
' Voir art. Biocq, in Bulletin médical,' 9 juin 1889, p : 'i28." - .. ' ?
13G REVUE CRITIQUE.
n'a jamais observé le retour des réflexes rotuliens. Voici dn
reste comment il s'exprime à ce sujet :
Nous rappelons que tous ces malades étaient des tabétiques
avérés, déjà avancés dans le mal, et chez lesquels, par conséquent,
le diagnostic avait pu être nettement établi. Chez presque tous,
l'amélioration a commencé d'abord à porter sur la marche, sur
'l'incoordination. Elle s'est fait sentir dès les premières séances.
Les malades nous ont dit souvent qu'aussitôt après la séance la
marche est plus facile, plus assurée. Cette amélioration ne dure
d'abord que deux ou trois heures ; mais après un certain nombre
de séances, elle se prononce et devient permanente. Les malades
se tiennent beaucoup plus facilement debout, ils peuvent marcher
sans aide, sans cannes, faire des courses assez longues, etc. La
disparition du signe de Romberg, lorsqu'elle a eu lieu, a été
presque toujours un phénomène tardif. Dans aucun cas, nous
n'avons vu reparaître les réflexes rotuliens. Les troubles vésicaux
ont été modifiés heureusement dans la plupart des cas, à la vérité
souvent d'une façon tardive. La miction s'est régularisée, elle est
devenue plus facile. L'incontinence a disparu, ou s'est pour le
moins considérablement atténuée. Chez quelques malades, les
fonctions vésicales sont redevenues normales. Il en a été quelque-
fois de même de l'impuissance, cette manifestation si fréquente
du tabes et qui impressionne si fâcheusement les malades.
Les douleurs fulgurantes doivent être citées parmi les symptômes
qui ont semblé le plus souvent bénéficier du traitement par la
suspension ; ce résultat a été souvent obtenu dès les premières
séances. Il a été facile à apprécier dans plusieurs cas où les dou-
leurs étaient devenues presque continues et empêchaient le som-
meil. Nous ne devons pas oublier que, plusieurs fois, la sensation
d'engourdissement des pieds s'est atténuée ou a disparu et que,
chez deux malades, des plaques d'anesthésie plantaire sont deve-
nues sensibles. Enfin il nous a semblé que l'état général lui aussi
s'est le plus souvent amélioré et que le sommeil, fréquemment,
est devenu meilleur, circonstance qui ne nous a pas paru devoir
être uniquement attribuée à la disparition des douleurs fulgurantes.
Les cas de M. Motchoutkowsky cités par M. Charcot, sont au
nombre de quinze. Chez l'un d'eux, la marche s'exécutait plus
facilement au bout de 29 séances, les douleurs fulgurantes
étaient devenues plus rares. Lorsque le traitement fut terminé
(97 suspensions) :
c 1° Les douleurs fulgurantes avaient complètement cessé d'exis-
ter ; 2° diminution extrêmement remarquable de l'incoordination
motrice pendant la marche. Le malade, sans ca,nne, peut monter
suspension dans l'ataxie LOCOMOTRICE. 137
facilement un deuxième étage; 3" les troubles permanents de la
sensibilité qui existaient aux membres inférieurs, et en particulier
les sensations de froid et les fourmillements qui étàient très pé-
nibles ont complètement disparu. Disparition des douleurs en
ceinture. Retour de la sensibilité normale; 4° le signe de Romberg '-
n'existe plus; 5° augmentation légère du volume des muscles des
membres inférieurs qui commençaient à s'atrophier.
Le traitement n'a pas eu d'effet sur le poids du corps, non plus
que sur l'état des réflexes rotuliens qui restent toujours absents.
Aucune modification n'est survenue dans le myosis. Par contre,
retour des fonctions sexuelles autrefois complètement abolies.
Dans une lettre qu'il a bien voulu m'adresser récemment, M. le
Dr Motchoutkowsky m'apprend que ce malade qui, depuis près de
cinq ans, a cessé tout traitement, exerce actuellement à Odessa
les fonctions de chef de la station des voitures publiques ; il est
obligé de faire tous les jours des courses de 3 à 5 kilomètres. Les
douleurs fulgurantes n'ont pas reparu. »
Chez les autres malades, les résultats ont été excellents, et
l'amélioration semblait surtout porter sur la diminution des
douleurs et le retour des fonctions sexuelles. M. le Pl' Charcot
a cité dans sa leçon cinq observations. Chez le premier malade
dont l'ataxie remonte à cinq ans, avec crises de douleurs ful-
gurantes très vives, incoordination motrice, marche et miction
difficiles, signe de Romberg, impuissance sexuelle depuis un
an, absence de réflexes rotuliens; dès la 2" séance, l'améliora-
tion s'est manifestée dans la marche et dans la miction. Depuis
les douleurs fulgurantes ont à peine reparu. Après la '18° séance,
le signe de Romberg et l'incoordination ont disparu. Après la
23°, le malade a eu pour la première fois depuis longtemps une
érection, lesréflexes après la 33° suspension manquent toujours.
Le second malade était atteint d'ataxie depuis cinq ou six
ans, avec douleurs fréquentes, démarche tabétique depuisun an,
absence des réflexes rotuliens, signe de Romberg, signe d'Argyl
Robertson, difficulté de la miction, et impuissance. Après
la 2e séance, la marche paraît plus facile : après la huitième,
celle-ci se fait mieux dans l'obscurité, la miction est moins
lente ; après la 20° on note le retour des érections. Après la 36°
le malade peut faire de longues courses à pied, les douleurs
fulgurantes sont toujours absentes. Le signe de Bomberg est
presque disparu, mais les réflexes ne sont pas revenus. - Le
troisième malade depuis deux ans avait du dérobement des
des membres inférieurs, des douleurs fulgurantes depuis un an,
138 REVUE CRITIQUE.
des mictions fréquentes avec incontinence parfois, sensation
de coton dans les membres inférieurs, absence de réflexes
rotuliens, érections rares et imparfaites. La marche s'est amé-
liorée après la 4° séance et le besoin d'uriner est devenu moins
fréquent; après la 7° le malade sent mieux le sol, marche mieux;
-enfin après la 24°, il fait d'assez longues courses, sans se servir
de canne, les douleurs vives ont disparu, l'engourdissement
des membres a cessé, il n'y a plus d'incontinence d'urine, et
les érections sont plus fortes et plus durables. L'amélioration
se fait de même dans les deux dernières observations.
Depuis sa leçon du 18 janvier, M. Charcot a donné la statis-
tique des faits du tabes qu'il a traités par la suspension.
Le 15 mars 1889, il compte z114 cas dont trois femmes;
64 doivent être éliminés, parce qu'on ne les a pas suivis assez
longtemps. Il reste 50 cas sur lesquels on peut compter
38 améliorations notables, 9 échecs après 15 à 20 suspensions et
plus, et 5 accidents divers, pour lesquels on a interrompu les
séances.- M. Abadie 1 a pratiqué plusieurs fois la suspension
chez les tabétiques : dans un cas, les troubles de la miction ont
cessé rapidement, et il a obtenu des résultats encourageants au
point de vue des troubles visuels. Les remarques de M. Desnos
concordent avec ces observations de M. Abadie. Les observa-
tions de M. Lespinasse (loc. cit.) sont au nombre de deux. Chez
le premier malade, la diminution des douleurs s'est faite au
bout de la 4° séance; après la 5°, le signe de Romberg existait à
peine; et après la 6°, l'incoordination a complètement cessé et
les désirs génésiques sont revenus. La seconde malade, qui ne
pouvait se lever de son lit, a pu se tenir debout quelques ins-
tants après la 6° suspension, et après la 7°, les douleurs fulgu-
rantes ont disparu. Nous n'avons pas trouvé en France, d'autres
statistiques publiées sur ce sujet; nous pouvons seulement dire
que dans la plupart des services hospitaliers de Paris, où on
pratique la suspension, on a reconnu des améliorations réelles
dans les symptômes présentés par les ataxiques. Signalons
parmi ces services, ceux de M. le P'' Damaschino à l'hôpital
Laënnec, de MM. Raymond et Moutard-Martin à Saint-Antoine,
Un cas assez curieux a été noté dans les salles de ce dernier
médecin : c'est celui d'un tabétique atteint de troubles moteurs
oculaires chez lequel ceux-ci ont diminué depuis qu'on l'a
soumis à la suspension. Chez un autre malade, les crises gas-
1 Voir Progrès médical 27 avril 1889, p. 320.
SUSPENSION DANS L'ATAXIE LOCOMOTRICE. '
triques sont devenues bien moins fréquentes. Dans les jour-
naux américains, nous avons pu récolter un certain nombre
d'observations du mode de traitement dont il s'agit. M. le
D'' W.-J. Morton ' a soigné six ataxiques par ce procédé
(200 suspensions en tout) et obtenu de bons résultats; il donne
l'observation d'un malade, chez lequel l'incoordinatian a beau-
coup diminué, qui marche fort bien, et ne ressent plus aucune
douleur. - M. le D'' Dana 2 cite 6 cas d'ataxie traités; chez un
ataxique, après 16 séances, les douleurs ont diminué dans le
membre inférieur, et la marche est devenue plus facile. Chez
un second, après 10 suspensions il y a eu soulagement léger.
Enfin, chez un troisième, après 7 séances, on n'observait pas
encore de diminution des douleurs. Il signale ce fait, déjà
mentionné par M. Charcot, c'est que : la sensation de soulage-
ment et le retour de la coordination motrice se font sentir
aussitôt après chaque séance et durent plusieurs heures après
celle-ci, quelquefois une journée, pour cesser ou toutaumoins
être moins sensibles la journée écoulée. M. le D'' W.-A. Ham-
mond 3 a employé la suspension dans 5 cas, tous les malades
en ont retiré un bénéfice très marqué. Les douleurs fréquentes,
l'impotence sexuelle ont disparu : l'incoordination motrice, le
signe de Romberg ont cessé d'exister. Un malade atteint d'in-
continence d'urine a vu cesser cette dernière après 3 séances.
Un autre, souffrant de vertiges et de douleurs céphaliques con-
tinuelles, a été soulagé de ces phénomènes douloureux. Un
troisième, soigné depuis 6 semaines, ne présente plus que de
la contraction pupillaire, l'absence du réflexe patellaire, et un
peu d'incontinence d'urine, qui disparaît progressivement. M. le
D'' Simpson4 a soigné deux malades par la suspension; l'un
d'eux confiné antérieurement au lit, marche sans l'aide d'une
canne, et n'a plus de douleurs fulgurantes; l'autre, qui depuis
six mois avait été obligé de cesser toute occupation, se sent fort
et capable de travailler sous peu de temps. M. le Dl' E. Wartz-
felder 5 a traité cinq ataxiques par la méthode; tous en ont
retiré de bons résultats; un seulement n'a pas en d'améliora-
tion du côté des douleurs fulgurantes au bout de 24 séances.
'Médical Record N-. Y. 13 avril. - Voir Progrès médical, 27 avril 1889. ! Médical Record, N.-Y. 13 avril.- Voir Progrès médical, 21 avril 1889.
3 New-York Médical Journal, 12 mai 1889, p. 510.
. Canadien pl'actitionel', 1" juin 1889, p. 213.
s.llecl.·ecord., 8 juin 188l1, p. 629.
140 REVUE CRITIQUE.
II. De la suspension dans les maladies nerveuses autres que
le tabes. Dans ses expériences sur le tabes. M. Motchout-
kowsky avait remarqué l'action de la suspension sur le retour
de l'activité sexuelle, fait, dit M. le P'' Charcot, déjà connu et
utilisé dans certains lieux peu recommandables, par des indi-
vidus épuisés ou âgés, cherchant à retrouver quelque semblant
de jeunesse passagère. Le D'' Motchoutkowsky a obtenu de
bons résultats de la méthode dans plusieurs cas d'impuissance
sexuelle chez de jeunes sujets. Dans le service deM. le P'' Char-
cot, la méthode a été appliquée à 8 sujets atteints de paralysie
spasmodique, à 3 affectés de maladie de Friedreich, et à 4 cas
de paralysie agitante. Les malades atteints deparaplégie spas-
modique ont bien supporté la suspension; et chez plusieurs
d'entre eux la rigidité des membres inférieurs est devenue
moindre; dans un seul cas de sclérose en plaques sont sur-
venus des accidents. Les malades atteints de maladie de
Freidreich n'ont tiré aucun bénéfice appréciable de la suspen-
sion, sauf dans le cas d'unejeune fille de treize ans, soignée
par M. Blocq. Dans le cas de paralysie agitante, après l'appli-
cation du traitement (7 à 23 séances), le sommeil est devenu
meilleur, la sensation de chaleur a diminué, la rigidité des
membres et les douleurs se sont atténuées; chez une malade,
le phénomène d'antépulsion a disparu; mais le tremblement
a subi peu de modifications. Des effets favorables se sont pré-
sentés dans deux cas d'impuissance liés à la neurasthénie.
L'amélioration dans les cas de paralysie agitante, de myélite
transverse, d'hémiplégie cérébrale, de maladie de Freidreich,
a été aussi notée par le Dl' Dana.
M. le Dr Hammond a noté aussi de l'amélioration dans un cas
de sclérose médullaire antéro-latérale, et, dans deux cas, d'im-
potence fonctionnelle. M. le Dr E. de Rienzi 1 a soigné, par la
suspension, une malade atteinte de méningo-my élite chro-
nique ; au bout de quelques séances les douleurs ont disparu,
la malade a pu commencer à marcher. Citons encore les expé-
riences de M. le Dr Darier 2, qui aurait obtenu de bons résul-
tats dans des cas d'atrophie du nerf optique, par la suspension.
On ne peut se rendre compte dans certains cas de cette affec-
tion, notamment dans ceux dus à de la compression, comment
peut agir cette méthode de traitement.
' lievista clinica et therapeutiea, mars 1889, p. 163.
' Revue d'ophtalmologie et We/tp)' med. prep.
SUSPENSION DANS L'ATAXIE LOCOMOTRICE. il 41
III. - Mode d'action de la suspension. On ne peut encore
savoir réellement quel est le mode d'action de la suspension
dans le tabes et les autres affections médullaires; on ne peut
encore qu'émettre des hypothèses. M. Charcot, avec M. Mot-
choutkowski, compare cet effet à l'élongation des nerfs telle
qu'on l'a pratiquée dans les névralgies sciatiques; il s'y ajou-
terait des modifications dans la circulation sanguine spinale.
« Il est bon de rappeler que la suspension a pour effet, en
dehors de tout état morbide d'augmenter le nombre des respi-
rations par minute en même temps que l'amplitude et la force
tant des inspirations que des expirations sont diminuées. Le
pouls devient plus fréquent, et la pression artérielle paraît
plus élevée qu'à l'état normal. » Pour M. Althaus ', la suspen-
sion déchire les adhérences méningitiques qui entourent les
cordons postérieurs, ce qui rend aux tubes nerveux une con-
ductibilité meilleure, surtout aux plus superficiels. Cette
théorie semblerait trouver un appui dans ce fait que la suspen-
sion agit mieux dans les cas anciens que dans les cas récents,
et que dans ceux-ci elle produit des phénomènes inflamma-
toires. La suspension agirait, d'autre part, sur la névroglie
scléreuse et dense, fibreuse, en la relâchant et la rompant, d'où
diminution de la compression des tubes nerveux subsistants.
M. Althaus pense, en outre, que la méthode a souvent une
grande influence sur le bulbe, stimule les centres vaso-moteurs,
cardiaque et digestif.
IV. - Dangers et contre-indications . - Depuis que les tra-
vaux que M. le Pr Charcot ont tiré de l'oubli la suspension, la
presse même extra-médicale s'est emparée du fait; la renom-
mée de ce traitement s'est propagée rapidement, et nombre de
malades le réclament. Il est donc nécessaire que le médecin
sache quand il faut l'appliquer, et se rende compte de ses con-
tre-indications. Il paraît maintenant prudent pour le moins,
dit M. le D'' Blocq e, que l'application de ce traitement soit tou-
jours confiée à un médecin, ou à un aide expérimenté.
M. Charcot, dans sa leçon, signalait déjà un certain nombre
de malades, qui venaient apprendre dans son service, le Modus
fasciendi de la suspension, et qu'on ne revoyait plus, conti-
nuant sans doute le traitement chez eux. En effet, déjà plu-
z Lancet 13 avril 1889 p. 760. Voir Prog.' médical, 27 avril, p. 13U.
'Blocq. Bulletin médical, 9 juin 1889. P. 727.
.142 REVUE CRITIQUE.
-sieurs accidents mortels ont été mentionnés, qui pour la plupart,
ne se seraient pas produits si un médecin eût été présent.
Un cas a été relaté dans the Lancet ', celui d'une femme
s'étant étranglée dans ces mêmes conditions. Même cas est
celui d'un jeune médecin de New-York 2, le Du Vincent,
qui se suspendait lui-même. M. le D'' Blocq signale aussi
un accident dont il tient la relation du Du E. Bloch ; il
s'est produit chez un tabétique présentant des signes de para-
lysie générale. Le médecin, après avoir pratiqué les premières
séances, laissa le malade continuer le traitement sans sa sur-
veillance. Il apprit à quelque temps de là, qu'il s'étant
suspendu lui-même, était tombé dans une sorte de coma
et mort au bout de 24 heures. Le D'' Gorechi' 3 relate un
cas de mort chez un tabétique avec paraplégie, qui, ayant lu
dans le Petit Journal un article sur la méthode, se faisait sus-
pendre tous les jours par son domestique pendant 2 ou 3 mi-
nutes. Il succomba, dans les 24 heures, à la suite d'une séance.
Outre ces accidents mortels, des phénomènes plus ou moins
graves peuvent s'observer 4. M. Charcot en a publié plusieurs
dans sa leçon : z10 un oedème des membres inférieurs sans
lésion orificielle du coeur à la suite de la 17e séance chez un
ataxique athéromateux; po des crises laryngées avec lipothymie,
et même une fois une véritable syncope chez un tabétique âgé
de cinquante et un ans; 3° une syncope chez un autre malade;
4° des symptômes parétiques aggravés à la suite du traitement;
5° une paralysie radiale, passagère sans doute due à la com-
pression ; 6° rupture d'une artériole athéromateuse due à la
compression exercée sur l'aisselle. M. le D'' Hammond a observé,
'à la suite de la suspension : des vertiges, de la parésie passa-
gère des membres supérieurs.
Nous le répétons, la suspension doit être surveillée avec soin
par le médecin. et celui-ci doit se rendre compte des contre-indi-
cations. Avecle Du Blocq3, nous les rangerons soustrois chefs :
1° modalités particulières à l'état général ; 2° affections des sys-
tèmes cardio-vasculaire et nerveux ; 3° certaines lésions locales.
1 The Lancet, juin 1889, p, 119. ? 1'ctu-I-or/ : mctl. joumu., 18 mai l8S;l, Il, : )\0 et British ilied. journ.,
1" juin 1889, p. ]2îi, et Bulletin médical, juin 1889. p. 718.
3 Le Praticien.
1 Voir Revue dlt ! l ! /iènc thérapeutique, nif.i 1889, n" ? p. 150.
5 Bulletin, méd. loc. cif.
SUSPENSION DANS L'ATAXIE LOCOMOTRICE. 143
t° La débilité organique, quelle qu'en soit la cause, eL défavo-
rable à la suspension. Il en est de même de l'anémie, de l'oedème,
de l'obésité ; dans ce cas, il serait préférable de se servir d'un appa-
reil analogue à celui de M. Weir Mitchell.
2° L'emphysème, la phtisie pulmonaire, surtout lorsque ces affec-
tions s'accompagnent d'oppression.
La suspension entraînant une plus grande fréquence respiratoire.
Les troubles cardio-vasculaires sont une contre-indication ; tels
sont : l'athéi,onie très prononcé, pouvant entraîner la rupture des
vaisseaux axillaires par les courroies, des congestions, l'apoplexie
cérébrale ; les lésions valvulaires du coeur, la sclérose du myocarde
pouvant influencer la dyspnée, la tendance syncopale. Du côté
des troubles nerveux, on n'est pas encore bien fixé quant aux
contre-indications qu'ils fournissent. On ne peut' affirmer que les
phénomènes spasmodiques chez les névropathes puissent s'aggraver
par la suspension. Les vertiges qui s'observent chez certains ma-
lades pendant les séances, se dissipent d'après M. Motchoutkowsky,
quand on les fait causer pendant la durée de la suspension.
3° Enfin, il est bon d'examiner l'état des dents qui, lorsqu'elles
sont trop ébranlées, peuvent empêcher l'application de la fronde.
D'autre part, il faut interroger le malade, au point de vue de la
tendance aux fractures spontanées qui pourraient se produire du
côté du maxillaire inférieur.
En l'état actuel de nos connaissances sur la suspension, on
ne peut encore se prononcer d'une façon définitive sur les
avantages réels de ce traitement, les accidents, nous l'avons
vu, peuvent être évités par une surveillance soigneuse du
malade pendant les séances et la connaissance des contre-indi-
cations que l'on peut rencontrer. La suspension améliore cer-
, tainement les ataxiques et certains autres individus atteints
d'affections nerveuses diverses; mais guérit-elle les tabétiques ?
Ou tout au moins l'amélioration est-elle durable ? On ne pos-
sède pas encore assez d'observations pour pouvoir se prononcer
sur ce point. Toutefois, M. Charcot a mentionné le cas d'un
malade observé par M. Motchoutkowsky, qui depuis près de
cinq ans a cessé tout traitement, et qui fait tous les jours des
courses de 3 à 5 kilomètres. Il faut espérer que, avec le temps,
ne cesseront pas les améliorations manifestes déjà observées,
et que des cas semblables pourront être encore réunis.
REVUE DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE
I. ETUDE analytique au MOYEN DE l'excitation ÉLECTRIQUE DES
RÉGIONS MOTRICES DU CERVEAU DU SINGE (MACACUS SINICUS);
par Ch. BEEVOR et V- HORSLEY (Philosopla. Transact. of. the
royal Soc. of. London).
Il faudrait, pour analyser cet important travail, le citer
mot pour mot, car c'est l'exposé succinct de chacune des ex-
périences de l'auteur. On en aura une plus juste idée en consi-
dérant la figure ci-jointe qui montre le point exact de l'exci-
tation produisant les différents mouvements des membres ou
de la face, et de plus l'ordre de succession dans ces mouve-
ments.
H. LES LOBES occipitaux dans LEURS rapports avec LES fonctions
0CUL0-M0TR1CES CHEZ LES ANIMAUX NOUVL.%U-NS OU TRÈS JEUNES ; i
Fig. 7. Montrant la marche et la succession de la contraction mus-
culaire aux points qui paraissent être le plus constamment l'origine
de cette succession. Les lettres indiquant les parties mises en mou-
vement sont placées dans l'ordre des mouvements successifs.
c, cheville. Y, 'eu'\ : . - y. yeux ouverts. C. coude. D, tous les doigts.
1. index. T, tète tournant du côté opposé. H, hanche. 0, 0, gros orteil.
G, genou. E, épaule. p, pouce, t, tous les orteil. o, petits orteils.
Y, poignet.
REVUE DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE. 145
par M. D\nillo (du labora'oire de M. llierziejewshy) W¡'atseh,
1888, ni 48. .
On connaît déjà les expériences de Luciani, Tamburini, Ferrier
et d'autres sur la région de la sphère optique de Munk chez les
animaux adultes. M. Danillo a entrepris une série d'expériences
analogues sur de petits chats et de petits chiens âgés de un à cinq .
mois. La première expérience portait sur un de ces animaux
avant le troisième mois de la vie extra-utérine : on a soumis la
subslance corticale de ses lobes occipitaux à une excitation par
un courant induit fort et prolongé ; comme résultat : absence
complète de réactions motrices du côté des membres et des yeux. '.
Ce n'est que plus tard, au début du cinquième mois que l'auteur a
pu obtenir par l'excitation de la substance corticale du milieu des
circonvolutions occipitales une déviation conjuguée des yeux du
côté opposé à l'hémisphère excité, avec cette remarque, cepen-
dant, que la force du courant et la durée de l'excitation doivent
être beaucoup plus considérables pour cette région que pour la
zone psychomotrice. Pour la substance blanche des lobes occipi-
taux, les résultats diffèrent. Ainsi, l'excitation de cette substance
détermine à partir du second mois une déviation conjuguée des
yeux. Celle déviation s'obtient soit après avoir enlevé la couche
corticale, soit par des électrodes isolés, introduits à un centimètre
de profondeur, et, dans ce dernier cas, elle est d'autant plus pro-
noncée que l'on enfonce plus profondément les électrodes dans
la substance blanche. Quand on produit une excitation bi-latérale
et simultanée, la déviation se manifeste du côté de l'hémisphère
soumis à l'action du courant le plus fort, et on n'obtient aucune
déviation si, dans ces conditions, les courants sont de force égale.
Mais on pouvait se demander si la substance corticale de la région
psychomotrice ne joue pas un rôle important dans la production
des phénomènes résultant de l'excitation de la substance blanche
des lobes occipitaux : Dans ce but, l'expérimentateur excise la
substance grise de la région psychomotrice et excite ensuite la
substance blanche des lobes occipitaux : la déviation des yeux appa-
rait avec ses caractères habituels. Elle apparaît encore lorsqu'on
excite la substance blanche des lobes occipitaux après avoir fait une
section transversale de un centimètre et demi de profondeur, sépa-
rant les lobes antérieurs des lobes postérieurs ou après avoir pra-
tiqué des sections longitudinales de même profondeur le long de la
première circonvolution occipitale ou de la circonvolution an-
gulaire, parallèlement à la scissure interhémisphérique. Enfin ,
quand on met à nu la substance blanche de la région psychomo-
trice et quand on l'excite par des courants même très forts et
très prolongés, on n'obtient aucune déviation oculaire.
Ces expériences parlent, d'après M. Danillo, en faveur des
Archives, t. XVIII. 10
146 REVUE DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
conclusions suivantes : Les lobes occipitaux paraissent dépourvus
de centres analogues à ceux de la région psychomotrice. L'opi-
nion de Ferrier d'après laquelle les mouvements oculaires
observés dans l'excitation du lobe occipital sont le résultat de
sensations optiques subjectives ne peut être considérée comme
exacte, car après la suppression totale de la substance grise, ces
mouvements se produisent, avec une identité parfaite, sous l'in-
lluence de l'excilation de la substance blanche. Les résultais
obtenus après les sections transversales et longitudinales de même
qu'après l'enlèvement total de la substance grise montrent que
les centres de la déviation conjuguée des yeux doivent se trouver
non pas dans les régions psychomotrice et occipitale, mais plus
bas. Enfin, chez les animaux âgés de moins de cinq mois, la
région psychomotrice est dépourvue de la zone des mouvements
oculaires J. HOUlll : -10VITCII.
III. Sur LES troubles DES sensualités générale et spéciales dans
CERTAINES FORMES DES MALADIES MENTALES, par M. fI`7FELSTEI\.
, (W1'atsch, 1888, 31, 36, 37,.lui6 et 48.)
L'auteur a étudié 24 aliénés au point de vue de leurs sensibilités
générale et spéciales. Il est arrivé aux conclusions suivantes : Les
troubles de la sensibilité générale et leur durée se trouvent sous
la dépendance de l'état psychique du malade. Si l'état psychique
est stationnaire, les troubles de la sensibilité générale le sont
également et peuvent exister pendant des années. Mais, qu'il
survienne une modification dans l'état psychique du malade,
immédiatement l'état de la sensibilité change. Quant aux troubles
fonctionnels des organes des sens, la première place appartient
à l'appareil oculaire qui présente très souvent du rétrécissement
du champ visuel. On observe aussi, mais moins fréquemment,
des troubles gustatifs, acoustiques et olfactifs. J. RoumnoYiTcn.
]V. MÉMOIRE sur l'arrêt DES hémorrhagies DE l'artère cérébrale
MOYENNE ET DE SES BRANCHES PAR LA COMPRESSION DE L'ARTÈRE
carotide primitive; par WALTEII G. Spencer, chirurgien, assistant
de Vi'estminster hospilal et VicLor Horsley, professeur de
pathologie à University Collège de Londres.
Les auteurs rangent les hémorrhagies sous trois chefs : a, l'hé-
morrhagie est assez abondante pour amener une mort subite ;
b, l'hémorthagie est très minime et s'arrête immédiatement;
e, l'hémorrhagie continue pendant un temps plus ou moins long.
Ils pensent qu'on peut tenter un traitement actif contre la troi-
sième catégorie.
REVUE DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE. 147
Au point de vue anatomiqne, ils font remarquer que l'artère
sylvienne et ses branches, principalement l'artère de l'hémor-
rhagie cérébrale de Charcot, sont sous la dépendance directe du
courant sanguin de l'artère carotide. Et ils ont entrepris des expé-
riences sur les singes (macacus sinicus) pour vérifier cette donnée
généralement admise. ,
Après avoir éthérisé un singe, ils mettent à nu le territoire de
l'artère cérébrale moyenne et noient J'état de la circulation de la
branche qui monte sur la pariétale ascendante en se distribuant
aux centres corticaux de la face et du bras. Alors ils compriment
la carotide primitive de chaque côté contre les vertèbres et
aussitôt les pulsations cessent dans l'artère sylvienne; l'écorce de
ce territoire devient plus pâle. En supprimant la compression, on
voit les pulsations reparaître et la couleur normale de l'écorce se
reproduire. - Ces expériences furent répétées plusieurs fois avec
le même résultat. Si on enlève une assez grande surface du crâne
pour pouvoir voir les territoires des cérébrales antérieures et
postérieures, on note aucun changement dans ces zones pendant
la compression.
Dans une seconde série d'expériences, les auteurs ont cherché
à se rendre compte des effets produits par la compression de la
carotide.
En excitant un point situé à la partie inférieure de la circonvo-
lution frontale ascendante, on obtient en plaçant la seconde
bobine à 1-I centimètres de la première, un mouvement de l'angle
de la bouche. En excitant ce point après la compression de la
carotide, on obtient un résultat immédiat ; la seconde bobine
,étant placée à 8 centimètres ; deux à quatre secondes après, on
-n'obtient plus de mouvement, même lorsque la deuxième bobine
recouvre la première. Lorsqu'on cesse la compression, on obtient
un mouvement, la bobine étant à 9 centimètres, mais après un
certain laps de temps. Donc pratiquement la compression de la
carotide faisait perdre l'excitation électrique immédiatement ; et
,cette excitabilité ne revient, après le rétablissement du courant,
que graduellement. En liant la carotide, les auteurs ont remarqué
que le courant était complètement rétabli après deux heures par
les anastomoses.
Ces expériences expliquent les paralysies de courte durée que
certains chirurgiens ont vues se produire immédiatement après
la ligature de la carotide primitive.
En faisant une section horizontale d'un hémisphère MM. Spencer
et Horsley ont vu les hémorrhagies de la sylvienne, de l'artère
lenticulo-striée, s'arrêter complètement après une compression
de la carotide primitive de 30 à 45 secondes pour la cérébrale
moyenne et immédiatement pour Tarière lenticulo-striée.
Les auteurs concluent de leurs expériences que dans les cas
ils8 REVUE DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.
..d'attaques d'apoplexie, le premier soin des médecins devrait
être de comprimer la carotide primitive sur les vertèbres pour
arrêter immédiatement l'lié iiio ie et limiter ainsi la com-
pression produite par le caillot. (Analyse du British médical
Journal, 2 mars 1889.) lloberl SonEl..
- V. Rapport sur LES expériences au sujet des fonctions DE l'écorce
cérébrale; par LIOllSU : , ET SCII.lOEll. (Philusophical tmnsaet, of the
royal Soc. of London, 1888.)
Le début de ces expériences remonte à trois ans et les auteurs
se sont servis à la fois de l'excitation électrique et de l'ablation
des régions cérébrales dans leurs recherches. Les expériences sur
l'extrémité antérieure du lobe frontal n'ont donné aucun résultat,
mais en arrière de l'extrémité antérieure du sillon précentral, les
mouvements latéraux de la tête et des yeux, décrits par Fcrrier,
commencent nettement. L'ablation du tiers ou du quart antétieur
des deux lobes frontaux n'a amené aucune paralysie, ni aucun
trouble delà sensibilité, ni modification de l'intelligence chez trois
singes. Ceci est en contradiction avec les résultats de Munk, mais
d'accord avec ceux de Perrier et Yeo. Il est probable que Munck
a constaté des phénomènes qui tenaient à la suppuration par
défaut d'antisepsie.
L'excitation de la région motrice leur a donné les mêmes résul-
tats que ceux de Ferrier; mais cette région motrice peut être
divisée en un certain nombre de départements qui sont chacun en
rapport avec les mouvements d'une partie spéciale d'un membre.
L'aire du bras comprend plus de la moitié supérieure de la parié-
tale ascendante et de la frontale ascendante, ainsi qu'une partie du
lobe frontal adjacent. Sur une grande partie de cette aire, on
obtient l'élévation et la projection en avant du bras et de la main.
C'est surtout l'excitation de la partie supérieure qui met en jeu les
muscles de l'épaule; celle des parties moyennes et inférieures des
muscles de l'avant-bras et du poignet; celle de la partie posté-
rieure des muscles du poignet et des doigts. L'excitation de la
partie supérieure de l'aire près de la scissure de Rolando donne la
rétraction de l'épaule et du bras.
L'aire de la face donne les mouvements non seulement de la face,
mais de toute la partie supérieure du tube digestif (bouche, pha-
rynx et larynx). Elle comprend toute la pariétale et la frontale
ascendantes au-dessous de l'aire du bras. L'excitation du tiers ou
de la moitié supérieure produit l'occlusion des yeux, la dilatation
de l'aile du nez, la rétraction et l'élévation de la commissure la-
biale. L'excitation du tiers inférieur s'accompagne de mouve-
ments des lèvres et de la langue comme pour la mastication.
L'aire de la tête ou de la direction visuelle comprend une longue;
REVUE DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE. 149
portion de la surface du lobe frontal au niveau de son bord supé-
rieur. Les effets produits par l'excitation sont ceux décrits par Fer-
rier : ouverture des yeux, dilatation des pupilles, rotation de la tête
du côté opposé, avec déviation conjuguée des yeux du même côté.
En arrière, sur le bord supérieur del'hémisplièrese trouve l'aire
du tronc, et au-dessous et en arrière, celle du membre inférieur,
l'excitation de la partie la plus reculée, près de la scissure intra-
pariétale produisant les mouvements du pied et des orteils.
Sur le gyrus marginal, les aires sont disposées au-dessous du
sillon calloso-marginal, allant d'avant en arrière dans l'ordre sui-
vant : tête, bras, tronc, membre inférieur. Les expériences entre-
prises sur ces aires sont confirmatives sur celles de Ferrier. Elles
montrent en outre que pour l'hémiplégie ou la paraplégie pro-
duites par l'ablation de l'écorce soit complète, il est nécesaire de
comprendre l'aire du gyrus marginal correspondant aux aires
excitables de la face externe, et que la paralysie produite par
l'ablation' des gyrus marginaux seuls est aussi marquée ou même
plus que celle causée par l'ablation des aires externes. Mais d'autre
part, la complexité des mouvements gouvernés par les aires
externes est beaucoup plus grande que celle des aires marginales.
Leurs expériences sur la région occipitale, quoique peu nom-
breuses, concordent avec celles de Munk et de Ferrier et Yeo.
Les deux lobes occipitaux et les gyrus angulaires sont en rapport
avec les perceptions visuelles, de telle sorte que chaque région
occipitale est en rapport avec la moitié correspondante de cliaque
rétine et qu'une partie seulement de l'écorce occipitale est capable
de remplir presque complètement les fonctions du tout. Ce sont là
aussi les résultats de Luciani. Leurs observations corroborent les
assertions de Munie que la lésion des lobes occipitaux produit
l'liémiauopsieï.Afaisla vision imparfaite qui subsiste aprèsl'ablation
des deux lobes occipitaux fait penser que l'aire de la conscience
visuelle n'est pas confinée à ces lobes, comme le pensait Munk,
mais s'étend au gyrus angulaire, l'hémiopie permanente étant
produite par l'ablation subséquente de cette circonvolution.
Leurs expériences sur le lobe temporo-sphénoïdal prouvent enfin
qu'il est en rapport en grande partie, sinon exclusivement, avec
les sensations douloureuses et tactiles. C'est une extension des
vues de Ferrier qui les limitaient à la région de l'hippocampe.
P. S.
VI. Des racines du trijumeau; par W. BECSTEREN.
(neural. Centralbl., 1887.)
Les fibres de la grande racine ascendante de ce nerf prennent
naissance au niveau de l'entre-croisement des pyramides, de cellu-
les qui avoisinent la base de la corne postérieure. Elles s'en vont
transversalement ou obliquement, à travers la substance gélati-
'150 ` SOCIÉTÉS savantes.
lieuse, gagner la périphérie du bulbe où elles constituent leur fais-
ceau en demi-lune dès lors ascendant. Cette racine se développe
un peu plus tard que les autres fibres du même nerf. - Quant à
la petite portion du trijumeau, à peine entrées dans la protubé-
rance la plupart des fibres s'arrêtent au noyau moteur; quelques-
unes cependant, sous la forme radiculaire, vont au raphé où
elles s'entrecroisent avec celles du côté opposé, mais sans des-
cendre, sans s'aboucher avec les fibres mêmes du pédoncule, ni de
la substance ferrugineuse, de l'autre côté. 11 est probable cepen-
dant que cette racine-là est en relations avec le noyau moteur
du côté opposé. Le trijumeau n'a pas de relations avec le cer-
velet. P. KERAYAL.
VII. Contribution A la physiologie des ganglions spinaux;
par M. Joseph. (Neui,ol. Ceatralbl., 1887.)
Expériences sur des chats de trois à six mois. Conclusions : Les
fibres motrices ont leur centre dans la moelle même. Quant à la
raison de l'intercalation des ganglions spinaux sur le trajet, dans
la continuité des racines postérieures ; A, les expériences de Wal-
er, CI. Bernard et de l'auteur, démontrent simplement que le
ganglion en question possède une certaine puissance trophique-
autonome qui lui permet, sans demeurer en relation avec le centre,
de régulariser les échanges nutritifs des nerfs périphériques et de
leur assurer la santé; B, mais est-il pour ces nerfs un vrai centre
trophique ? Sectionnant un nerf entre le ganglion et la périphérie,
Joseph a vu que le gros de la racine postérieure demeurait nor-
mal, une petite partie dégénérait, qu'il y avait, autrement dit, des
fibres directes traversant le ganglion sans prendre d'attache avec
les cellules et puisant la vie dans la moelle même, et qu'ainsi s'ex-
plique que la section même de la racine postérieure n'entraîne
pas la dégénérescence de tout le bout central, tandis qu'elle n'en-
traîne que la dégénérescence partielle du bout périphérique. P. K..
SOCIÉTÉS SAVANTES
SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE.
Séance du 29 avril 1889. - Présidence de M. FALRET.
Prix Esquirol. - Un seul mémoire avait été présenté. Sur le
rapport de M. Pichon, le prix est accordé à M. Thivet, interne à
Charenton. Son travail a pour titre : La Folie chez les Vieillards.
M. RITH, secrétaire général, prononce l'éloge de Déchambre.
Marcel BMAND.
SOCIÉTÉS savantes. loi
Séance du 27 mai 1889. - Présidence de M. Falret.
Classification des maladies mentales (suile de la discussion). -
M. RALL estime que, vivant dans une époque de transformation, le
moment n'est pas venu pour nous, de faire une classification. Il
est tombé toutefois dans même péché. La classification de ses cours
est basée sur l'étiologie. Quand on soupçonne les causes d'une ma-
ladie, on la connaît mieux que si l'on voyait des lésions qui sont
souvent secondaires. Il se rattache aux idées de More ! . D'ailleurs,
la classification proposée par la commission prête aux équivoques :
les deux expressions délire aigu et délire chronique lui semblent
faciliter une confusion regrettable. La folie des dégénérés est mal
définie. Enfin, comment peut-on espérer, si l'un n'est pas d'accord
à Paris, sur une classification, vuir l'accord régner à l'étranger ?
Comme programme, il propose trois grands groupes : les folies,
les démences et les arrêts de développement. 1
M. LEG ! \AI1< communique, au nom de M. Brusque, deux observa-
tions de dégénérés que l'on peut ainsi résumer : La première est
celle d'une malade ayant présenté un délire mélancolique au
cours duquel on a vu surgir, tout à coup, un syndrome (la capra-
lalie) révélateur, d'un état mental défectueux antérieurement. Ces
deux manifestations de la dégénérescence coïncident ou alternent,
sans jamais se mélanger, pendant des mois entiers, simulant à s'y
méprendre une folie à double forme.
La deuxième observation est-celle d'une autre dégénérée ayant t
présenté un délire polymorphe (idées mystiques, ambitieuses et
de persécution) au milieu duquel on voit aussi tout à coup surgir
deux syndromes (la capralalie et l'incoordination motrice) témoins
à leur tour de dégénérescence mentale de la malade. Il manquerai t
le syndrome ectrololie pour constituer le type décrit par M. Gilles
de la Tourelle et qui n'est lui-même qu'une des nombreuses obses-
sions de la dégénérescence menlale. )
M. SKGLAs se demande si la capralalie ne serait pas, dans l'es-
pèce, une conséquence du délire de la malade. '
M. Legrain croit qu'il n'y a aucun rapport de cause à effet entre
le délire mélancolique et le syndrome capralalie. L'un et l'autre
relèvent d'une même cause : la dégénérescence mentale. J
M. A. Voisin qui fait des recherches sur l'action thérapeutique
du sulfonal, n'a jamais constaté aucun des accidents qui ont été
signalés dans la dernière séance ; mais il ajoute qu'il n'emploie
que des doses de 50 centigrammes à 1 gramme..\larct'll3l\IAND.
152 SOCIÉTÉS SAVANTES.
SOCIÉTÉ DE PSYCHIATRIE ET MALADIES NERVEUSES
DE BERLIN.
Séance du 11 juin 1888'. Présidence de M. W. Sander.
à propos du fait communiqué dans la dernière séance par
M. Bernhardt, M. OPPENIIEIM décrit une observation accompagnée
de pièces microscopiques à l'appui, relative à une paralysie de la
vessie et du rectum après une précipitation d'un endroit élevé. On
constatait en outre de l'anesthésie des régions innervées par le
plexus honteux et hémorrhoidal, tandis que les extrémités infé-
rieures avaient presque complètement conservé leur motilité et
leur sensibilité. La lésion consistait en une fraction de la pre-
mière lombaire, avec myélite et hématomyélio, presque absolu-
ment limitée au cône médullaire; le renflement lombaire témoi-
gnait d'une dégénérescence ascendante des cordons de Goll.
M. REMAK rappelle l'histoire d'une méningite gommeuse occupant
le canal sacré chez une femme syphilitique dont M. Westphal a pu-
blié l'observation. On trouvait une incontinence de l'urine et des
matières absolues, et une cuillerée du plexus honteux et coccy-
gien exactement répartie comme celle de l'observation précé-
dente. La tumeur englobait les filets émanés de la queue de
cheval, au-dessous du premier trou sacré, après l'émission des
racines du plexus scialique. Par conséquent, on pourrait penser,
dans les traumatiques dont il vient d'être question, non plus à
des troubles émanés du cerveau, mais à une bémorrhagie dans le
canal sacré.
. M. Bernhardt présente un homme de .trente-six ans atteint de
..tabes. C'est à sa profession de confiseur (séjour dans les eaux)
qu'il convient d'attribuer sa maladie. Il accuse actuellement
(après avoir vu double pendant l'été de 1886) une sensation d'op-
pression dans la région stomacale, des nausées, de temps à autre
des vomissements. Pas d'atrésie. Il oscille simplement un peu
quand on lui fait rapprocher les pieds sur la même ligne et qu'on
lui ferme les yeux. Sensation toute subjective d'engourdissement
dans les extrémités inférieures. Il se fatigue plus facilement que
jadis. Absence, même par la manoeuvre de Jendrassik, des réflexes
patellaires. Les mains sont fortement engourdies; il lui est diffi-
cile de boutonner ses vêtements, et cependant la perception de
la position n'est pas compromise non plus que de celle des petits
objets et des piqûres. De temps à autre quelque dysurie, sans in-
continence ; diminution des rapports sexuels. Inégalité des pu-
' Voyez Archives de Neurologie. Séance du mois de mai.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 153
pilles. Mydriase bilatérale plus accusée à droite; réaction à la
lumière paresseuse. Il semble au malade que son visage, principa-
lement les lèvres et les joues, soit plus épais que normalement et
tuméfié; il a la sensation du masque tabétique des Italiens; et
cependant, la sensibilité y est demeurée intacte, dans tous ses
modes. Il prétend néanmoins que ses lèvres sont inhabiles à sen-
tir les bords d'une tasse remplie d'un liquide chaud et qu'il est
incapable d'articuler les labiales. Il lui arrivait souvent de laisser
tomber les morceaux d'aliments de sa bouche, car il ne se rend
pas compte de la position qu'ils occupent dans sa bouche. Le
compas de Weber décèle l'obligation d'en écarter les points bien
plus qu'à l'état normal pour que le malade les perçoive toutes
deux; il en est ainsi pour la pulpe des doigts, la muqueuse décou-
verte des lèvres, le lobule du nez, le dos de la langue, la face
externe des paupières, la gencive. Par conséquent, il y a altéra-
tion fonctionnelle des nerfs sensitifs, céphaliques et faciaux ,
principalement dans le domaine du trijumeau, d'origine centrale
ou périphérique.
M. REMAK. Observation d'athétose post-hémiplégique avéc convul- .
sions 1'hytltlniques du peaucier du cou. - Son originalité consiste
en ce que les convulsions ne sont pas limitées aux extrémités des
membres. En effet, la participation du peaucier est bien spéciale,
d'autant plus que l'hémLatl1étose exclusivement unilatérale de ce
muscle se limite rigoureusement aux deux tiers inférieurs de son
étendue; les convulsions ◀tantôt▶ cloniques, tantôt'toniques, y
demeurent localisées sans atteindre en quoi que ce soit le terri-
toire du facial. Cette remarque fournit des présomptions en
faveur de l'innervation du muscle en question; elle prouve en
tout cas que tout le peaucier n'est pas animé par le facial, à
moins qu'on n'admette que l'excitation choisit la portion du
centre cortical du facial ou du système central des fibres du facial
qui commande au peaucier.
M. WOLLE1VDEItG. De l'infection psychique. Ce mémoire sera pu-
blié in extenso '.
Séance du 9 juillet 1888. - Présidence DE M. Westphal.
M. MENDEL présente à la Société deux garçons de douze et
treize ans dont la grand'mère et l'oncle paternels ont été aliénés.
Absence de syphilis ou d'alcoolisme chez les parents; six frères et
soeurs bien portants; un frère plus âgé mort à l'âge de huit
jours de convulsions. Depuis l'âge de deux ans, ces jeunes gar-
çons sont atteints d'atrophie du nerf optique, avec nystagmus,
mouvements ehoréiformes du côté de la face et des extrémités,
1 Voyez Revues analytiques, in Archives de Neurologie
'154 SOCIÉTÉS SAVANTES.
de la langue. Diminution de la force motrice. Mouvements et dé-
marche incertains. Persistance normale des réflexes patellaires.
Ni ataxie, ni troubles de la sensibilité. Diagnostic encore
impossible. 1
' M. 1h'sTexar.. D'une lésion anatomique des muscles des yeux dans
l'ophthalmoplégie. Il s'agit d'une observation caractérisée par
- de l'hypertrophie musculaire; les faisceaux primitifs n'occupent
cependant que le milieu des enveloppes du sarcolemme; ils sont
entourés par un anneau clair dont on n'a pu découvrir la nature.
M. Benda croit que cet anneau est du plasma musculaire avec
ses noyaux, ainsi qu'on l'observe sur les queues de larves de gre-
nouilles en état de dégénérescence.
M. Westphal n'a pu voir de noyaux.
M. 13Fnn. D'un nouveau procédé de durcissement du système ner-
veux central avec démonstration. Voyez le Centrait ! . f. dir; mendie.
iVisseztsch., 1888, no 26. Ce procédé n'est pas utilisable pour les
coupes en séries. Il ne fait pas ressortir non plus les fibres de
Weigest. (Du reste, rritscli dit que ces fibres ne sont pas des fibres
nerveuses.) Mais il révèle les cellules chromophiles et les cellules
chromopholes.
MM. GLUCK et Bernhardt. Un cas de paralysie traumatique du
radial guérie par une suture secondaire {suture à distance) du tronc
nerveux. Voyez Berlin. Klin. Wochenschrift, 1888, no 45. (AI'clt. f. f.
Psych., XX, 2.) . P. KEKAYAL.
CONGRÈS DES ALIÉNISTES DE L'EST DE L'ALLEMAGNE.
, Session de BUN7LAU, 188s p. 2.
Séance du ier juillet 1888. - PnÉSIDE1\CE de M. WcnmcxE.
M. SIOLI. Des systèmes de fibres qui occupent le pied du pédoncule
cérébral et de leur dégénérescence. - Après avoir résumé les ma-
nières de voir de Flecl1sig, Wernicke, l3echterew, M. Sioli s'occupe
d'un fait capable dejeter une vraie lumière sur les fibres latérales
de cette région. 11 s'agit d'un homme de quarante trois ans, suc-
cessivement atteint de séries d'accidents apoplectiformes, qui
finalement était devenu complètement aveugle, complètement
sourd, complètement hémiplégique du côté gauche. Intégrité de
la sensibilité et de la parole. A l'autopsie, on rencontre de la
pachyméningite hémorrhagique bilatérale avec un ramollissement
t Voy. Archives de Neurologie, session de Breslau, 1888. 0 :
SOCIÉTÉS SAVANTES. 155
étendu de l'hémisphère cérébral droit qui, à première vue, portait
sur les ascendants l'insula et la région qui entoure la scissure de
Sylvius. La base des hémisphères une fois dégagée on vit, après
durcissement, quel ramollissement pénétrant jusque dans la cou-
che blanche du manteau des circonvolutions et que toutes fibres
rayonnantes qui rejoignent le lobe frontal et le lobe pariétal au
tronc, ont subi une telle dégénérescence que la couche optique
droite est atrophiée de plus de moitié par rapport à celle de gau-
che, tandis que le lobe occipital et le lobe temporal sont demeurés
presque intacts. l.a couche optique droite est coquillée et mame-
lonnée, le corps strié a subi peu d'altération. L'analyse histologique
d'après la méthode de Weigert, montre que la partie latérale du
pied du pédoncule cérébral contient des trousseaux de fibres issue
du lobe temporal et des régions du lobe pariétal, en arrière de
circonvolutions ascendantes. Toutes les fibres convergent sur un
triangle de substance blanche, en dedans du noyau lenticulaire,
pour de ce rendez-vous gagner ensemble le pied du pédoncule.
Le lobe occipital n'envoie pas de faisceaux directs dans le pied du
pédoncule; c'est au pulvinar de la couche optique et aux ganglions
de la bandelette optique qu'il se rend.
M. PETERSSEN-13011STI : L. Des paralysies générales qui tiennent aux
campagnes militaires. L'orateur en décrit trois observations
caractérisées par plusieurs années de symptômes prodromiques.
C'est bien immédiatement après la guerre de 1870-1871 que ces
patients éprouvèrent une série d'altérations psychiques et de mani-
festations somatiques (modifications de l'humeur, légère irritabi-
lité, tendance à la violence et à des accès de colère, moments de
dépression, de découragement, d'angoisse, affaiblissement de la
volonté, perte de l'énergie), mais ce n'est qu'au bout de neuf à
quinze ans que se déclare la paralysie générale classique. Absence
de syphilis. Deux de ces malades furent déclaréspar rapport médico-
légal invalides et pensionnés comme tels. Le troisième mourut
pendant son instance.
M. Wernicke. De l'assistance des aliénés de la ville de Breslau. -
L'hôpital connu sous le nom d'Allerheiligen-Hospital se trouvant
encombré d'aliénés dont le nombre croissait sans cesse, on fut
forcé en 1881 d'installerà l'hôpital Wenzal-llanhe une 'succursale
de cette section de l'hôpital en question ; on y trouve actuellement
90 malades. Le chiffre de population ayant depuis onze ans triplé,
le nombre des admissions à opérer ayant doublé et l'ensemble de
mouvements de chiffres révélant une progression géométrique,
il est évident qu'il convenait, comme l'a fait la direction de
l'hôpital et comme l'a également conseillé le Dr Jung, de proposer
la construction d'un asile capable actuellement d'hospitaliser
400 malades, sauf à en aménager l'agrandissement éventuel pour
156 SOCIÉTÉS SAVANTES.
un supplément de 200 aliénés, ce qui porte le chiffre de popul.ition
prévue à 600. Quand nous primes en 1885 la direction du quartier
d'aliénés du Allerheiligen-Hospital, on avait déjà commencé la
construction du nouvel asile de la ville, mais il était question de
ne l'élever que par annuités. Et cependant, notre chiffre de popu-
lation était de 171 ; il y avait 765 demandes d'admission.
Quels étaient les motifs de ce rapide accroissement du nombre
des aliénés ? La ville de Breslau n'avait de 1872 à 1885 augmenté
que de 2/o, tandis qu'elle fournissait trois fois plus d'aliénés et au
delà (76 à 253). Mais en vertu d'une loi sur le domicile de secours
du 8 mars 1871, la ville de Breslau était tenue à prêter son concours
à la province entière non plus à proportion du chiffre de ses habi-
tants mais proportionnellement à ses revenus fiscaux.
Quoi qu'il en soit de ces considérations et d'autres particularités
administratives d'ordre local, le nouvel asile contient actuelle-
ment de la place pour 200 aliénés. Cent cinquante appartiennent
à un nombre égal de malades actuellement hospitalisés au
Allerheiligen-Hospital; trente seront occupé par trente aliénés de
l'hôpital Wenzel-Hanke. Ce sont les psychopathes les plus dan-
gereux qu'évacue d'abord M. Buchwald sur notre asile. Vingt
places sont réservés au jeu des événements. Il est d'ailleurs pro-
bable que les 30 aliénés empruntés à l'hôpital Wenzel-Hanke sont
de la catégorie des malades incurables et par suite, ne devront
séjourner que temporairement dans le nouvel établissement; il
faudra les transférer dans les hospices d'aliénés de la province. Il
est vrai qu'ils seront remplacés par toutes autres du même hôpital,
ceux-là trop gênants pour un établissement d'infirmes du dépôt de
mendicité. Nous ferons aussi remarquer qu'il ne serait pas prudent
d'amalgamer d'un seul jet tous ces facteurs de désordre au début
de l'organisation d'un nouvel organe.
Voici donc quelle sera la première population de l'asile :
1 1° Environ 60 incurables attendant pendant six mois l'emplace-
ment dans les hospices d'aliénés de la province;
2° 30 incurables de l'hôpital Wenzel-Hanke;
3° 30 épileptiques ou délirants chroniques;
4° 60 aliénés curables, capables d'amélioration.
Cela fait 180 malades. Les plus libres qui restent seront consa-
crées aux cas imprévues proportionnellement à la progression
énoncée du chiffre de la population de la ville. 0
Comme il est supposable que le stock des malades de la seconde
catégorie se trouvera tout à fait épuisé en dix-huit mois, les lits
vacants suffiront aux besoins de,la ville pendant au moins dix
ans.
Les sacrifices qu'on se sera imposés tant pour construire et
installer l'asile que pour subvenir à ses besoins, n'auront leur pleine
BIBLIOGRAPHIE. 1S7 1
efficacité que lorsque les malades trouveront à l'établissement,
qui devra représenter le,type d'un asile de traitement, toutes les
ressources de la science moderne ' et qu'ils en bénéficieront.
Naturellement, il faut y comprendre le personnel médical et le
nombre rationnel d'infirmiers. Ce n'est qu'alors que le nombre de
guérisons marchera de pair avec celui de vieux asiles bien aménagés
bien armés, conduits par un chef éprouvé.
M. Sioli, directeur de l'asile del3unlarc, en fait les honneurs à la
Société. Il montre aussi l'assistance des aliénés dans les familles à
Looswitz. (alla. Zcitsch. f. psych.,XLXV, 4.) P. K¡;;I1.AVAL.
BIBLIOGRAPHIE.
1. Les agents provocateurs de l'hystérie; par Georges GUINON (Paris
aux bureaux du Progrès médical et chez Lecrosnier et Babé).
La grande clarté et l'esprit de méthode qui ont présidé à cet
important travail en rendant le résumé aussi facile que la lecture.
Le procédé de l'auteur est le suivant : énumérer et classer les
agents provocateurs de l'hystérie : émotions morales scliock
nerveux, maladies générales et infectueuses, états pathologiques
se traduisant par un affaiblissement général, intoxications chro-
niques et aiguës, maladies de l'appareil génital, constituent autant
de chapitres distincts contenant une observation puisée chez
les auteurs anciens, antérieure à chaque sujet en discussion et
des observations soit inédites, soit empruntées à la clinique du
professeur Charcot ou à ses élèves. Toutes ces observations prouvent
que l'agent provocateur n'a jamais que provoqué l'hystérie laquelle
était à l'état latent chez le sujet, ou s'était déjà manifestée ou
encore avait disparu avant l'intervention de l'agent provocateur
pour reparaître à son occasion.
Elles prouvent aussi que la maladie provoquée par ces agents
est bien l'hystérie et rien autre chose ; ce qui n'empêche pas
les agents chez d'autres sujets de produire d'autres troubles mor-
bides.
1 Cela veut dire que M. Wernicke ne se trouve pas encore dans son
élément. Questions de budget et d'administration probablement (Red.).
158 BIBLIOGRAPHIE.
C'est bien de l'hystérie et non des états mal nommés hystéroides
ni des hystéries ayant une physionomie prétendue spéciale à l'agent
provocateur; et, à ce propos, l'auteur blâme avec juste raison les
mauvaises expressions d'hystérie alcoolique, d'hystérie saturnine,
mercurielle, traumalique proposant de remplacer ces dénomina-
tions par celles d'hystéro-traumatisme, d'hystéro-salurnisme, d'hys-
téro-alcoolisme. Parfois néammoins les agents provocateurs peuvent
imprimer un certain cachet aux manifestations de l'hystérie, mais
toujours d'une manière accessoire.
La confusion faite par les contradictions contre l'hystérie et la
neurasthénie, surtout en Allemagne à propos de l'hystéro-trauma-
tisme, l'ignorance de quelques autres à l'égard de l'hystérie mas-
culine bien faite pour dérouter quand elle ressemble plus par son
état mental sombre à l'alcoolisme qu'à celui des hystériques
coquettes gaies et frivoles, de telles considérations permettent
d'expliquer et le nombre des dissidents au début de chacune des
recherches du professeur Charcot et aussi l'évanouissement graduel
des opposants à mesure que la neurasthénie et l'hystérie masculine
ont été mieux étudiées et par suite mieux connues.
Parmi les plus intéressants de ces agents provocateurs nous
énumérons : l'éducation, les tentatives d'hypnotisme, les tremble-
ments de terre, le choc de la foudre, le traumatisme, la fièvre
typhoïde, la pneumonie, la scarlatine, le rhumatisme articulaire
aigu ; le diabète, le paludisme et la syphilis (l'étude des troubles
de la sensibilité dans la syphilis mérite une mention spéciale) ; les
intoxications par plomb, alcool, mercure et sulfure de carbone; -,
la grossesse et l'accouchement : enfin les maladies de la moelle
telles que sclérose en plaques, tabes, maladie de Friedreich, la
myopathie progressive, la compression par Mal de Bott. ' »
Tous ces agents produisent l'hystérie ou bien par auto-sugges-
tion ou bien par troubles de la nutrition générale se confinant
de préférence sur le système nerveux.
Ce travail est, on le voit, le remède le plus complet de toutes
les questions relatives à l'étiologie de l'hystérie. Charpentier.
IL Lell1'bueh de)' Psychiatrie par de Krafft-Ebing. - 3° édition,
Stuttgart, in-8°, 1888 ll. Enke, édit.).
Nous ne connaissons pas de meilleur livre d'enseignement que ce
Traité de psychiatrie. Grâce aux cent dix-huit observations à
l'appui des descriptions du savant professeur allemand, on ne ren-
contre aucune ambiguïté. Les doctrines de M. Krafft-Ebing appa-
raissent nettes et précises; son style simple et sobre rend son
ouvrage agréable. Nous en résumerons la classification. C'est le
BIBLIOGRAPHIE. 189
meilleur moyen, en médecine mentale, de présenter, fidèlement
les manières de voir des auteurs : P. 11GR : VL. ,
'160 BIBLIOGRAPHIE.
elle comporte des incursions dans l'anatomie pathologique. Avant
de suivre ces systèmes, en remontant dans l'encéphale jusqu'à
l'écorce, il pratique des coupes classiques à diverses hauteurs,
du bulbe au centre ovale; ce temps d'arrêt constitue ce que nous
appellerons une précaution topographique qui met en évidence
les points de repère anatomiques destinées à l'orientation. Il
aborde enfin, désormais sans crainte de s'égarer, méthodique-
ment, l'étude des cordons médullaires, des nerfs craniens, des
ganglions, de la couronne rayonnante, des fibres corticales, etc.;
il trace par là même les- dispositions de leurs relations : tel est
le sujet du sixième segment de l'ouvrage également complété par
des considérations d'analomie pathologique. Un dernier cha-
pitre traite des méninges et des gros vaisseaux de l'axe cérébro-
spinal.
On conçoit, puisqu'il s'agit d'enseignement, que le professeur
ait à coeur de répéter les mêmes descriptions, sous des formes
différentes, que les mêmes jalons reparaissent dans plusieurs
sections, qu'à tout instant l'esprit de l'étudiant doive trouver un
repos nécessaire dans de didactiques résumés. Et c'est en effet ce
quita lieu : soixante-dix-huit figures animent les tableaux les plus
arides, et dissipent toute obscurité; nous recommandons tout
spécialement celles qui présentent en même temps les organes
tels qu'ils sont, en même temps leur schéma ou leurs contours
abstraits. Livre des plus clairs. P. KEIIA VAL.
IV. Les enfants criminels. {Élude sur la criminalité humaine, ses
différents facteurs, et sur les moyens de lutter contre elle, par
M. Dimitri Drill. - Première partie : La Psychologie de la cri-
minalité, 254 pages in-8°, Moscou, 1888.
Ce travail présente un intérêt, non seulement pour le juriscon-
sulte, mais aussi pour le médeciu-aliéniste. Les ouvrages de ce
genre, dont la caractéristique est de se trouver sur la limite de la
psychiatrie et du droit, manquaient absolument à la littérature
russe, et M. Drill a été très bien inspiré lorsqu'il a voulu combler
cette importante lacune. Le volume de 251 pages que nous nous
proposons d'analyser ne constitue qu'une faible partie dn travail
entrepris par l'auteur. Cette partie traite de la psychologie de la
criminalité.
Dans sa préface, l'auteur expose sa profession de foi dujuriseon-
suite-psychologue. Il dit que pour devenir criminel il faut, à côté
des conditions internes tenant au vice d'organisation psycho-phy-
sique de l'homme, encore des conditions externes indépendantes
de cette organisation.
Nous allons résumer rapidement les six chapitres qui composent
ce premier volume.. ...
BIBLIOGRAPHIE 161
Le premer chapitre est une introduction dans laquelle l'auteur
expose les résultais des recherches sur l'influence de l'hérédité,
du milieu, des mauvaises conditions hygiéniques, etc., sur la
genèse de la criminalité. Le seul remède logique contre les mau-
vaises tendances innées ou acquises créées par ces facteurs, c'est
évidemment l'éducation qui est destinée à jouer un rôle énorme
dans la question des enfants criminels.
11 aborde ensuite, dans lesecond chapitre, l'étude du rapport qui
existe entre le développement des différents centres nerveux et les
phénomènes de la vie psychique. Ace propos, il expose brièvement
la structure et les fonctions du système nerveux en donnant un
coup d'oeil d'ensemble sur l'arrangement des éléments de cet
admirable appareil psycho-physique où les différentes parties qui
le composent se développent et fonctionnent d'une façon solidaire
en subissant en même temps d'un commun accord l'influence
directrice des centres intellectuels.
Mais que l'influence de ces centres supérieurs faiblisse ou dispa-
raisse complètement, combien de manifestations morbides et des
plus variées observe-t-ou alors ? L'auteur analyse cette question
avec beaucoup de détail. Il prend dans ce but divers échantillons
pathologiques, tels que les alcooliques, les épileptiques, les idiots,
les imbéciles et les enfants criminels. L'état psychique de ces ma-
nifestations morbides se caractérise principalement par la prédo-
minance des instincts et des impulsions et par l'affaiblissement
de la faculté modératrice et directrice des centres supérieurs.
Le problème de l'éducation des enfants criminels se trouve donc
nettement formulé : pour rendre l'homme maître de ses passions.
il faut développer, et c'est parfaitement réalisable, tout ce qui
reste des centres intellectuels, la force de la volonté, et affaiblir,
au contraire, la prédominance des centres inférieurs.
Dans le troisième chapitre, l'auteur, en étudiant les trajets ner-
veux, les divise en deux catégories : les uns sont des voies habi-
tuelles pour le passage et la transmission des sensations; les autres
sont des voies pour ainsi dire neuves qui n'ont encore jamais ou
rarement servi à cette fonction. Ces voies de passage, des commu-
nications des trajets nerveux jouent un rôle important dans la
formation du caractère de l'homme, telle est l'idée que l'auteur
développe dans ce chapitre. L'énergie nerveuse, dit-il, n'est qu'une
forme de mouvement; elle obéit donc à la loi commune d'aprèb
laquelle tout mouvement se propage suivant la ligne delà moindre
résistance en écartant ou en faisant disparaitre les différents obs-
tacles qu'il peut rencontrer dans son trpjet. Supposons, par con-
séquent, chez un individu donné une série spéciale des trajets ner-
veux d'après lesquels s'effectue, grâce à cette loi, le passage d'un
groupe particulier de sensations toujours les mêmes nous
aurons alors l'explication du mécanisme qui préside à la forma-
Àrciuves, t. XVIII. il t
1612 BIBLIOGRAPHIE.
tion de la personnalité psychique, de lous ses mouvements sim-
ples ou compliqués, de tous ses modes de raisonnement et de
toutes ses passions.
Mais quelle est la conclusion pratique de cette considération
psychologique ? C'est toujours le grand devoir de l'éducation de
rendre, pour ainsi dire, praticable» aux sensations morales et
utiles certains trajets nerveux restés jusqu'alors fermés et de faire
disparaître, au contraire, ceux qui n'étaient que des portes d'en-
trée pour les sensations basses et nuisibles. Or, pour donner nais-
sance à une sensation, il faut faire intervenir une excitation. Les
excitations peuvent être d'origine extérieure ou d'origine inté-
rieure. C'est l'étude de l'influence immédiate de ces excitations
sur les manifestations psychiques qui fait l'objet du quatrième cha-
pitre.
L'auteur prend d'abord les excitations simples pratiquées sur
les terminaisons nerveuses et il étudie les mouvements réflexes
(inconscients). Il fait ensuite l'élude des actes et des mouvements
conscients. Il analyse, en outre, un troisième type de mouve-
ments, type mixte et compliqué dont le processus est, en somme,
le suivant : l'excitation primitive prend naissance dans le domaine
du grand sympathique; de là elle passe par les centres automa-
tiques en se transformant en mouvement inconscient qui ne de-
vient conscient que plus tard après avoir été déjà accompli. C'est
ce qu'on appelle vulgairement les mouvements et les actes 11'I'éflé-
chis ; notre conscience ne fait que les constater, mais elle n'est
nullement en pouvoir de les maîtriser par les procédés du raison-
nement. On comprend l'importance que présentent les mouve-
ments da ce dernier type dans l'examen des actes de l'homme en
général et des actes criminels en particulier.
Passant ensuite aux conditions nécessaires pour la transforma-
tion d'une excitation en acte réflexe ou en mouvement conscient,
l'auteur observe qu'il existe relativement très peu d'excitants exlé-
rieurs dont nous nous rendons compte et, cependant, c'est juste-
ment l'ensemble de ces excitations venues du dehors qui impres-
sionne nos centres nerveux et obligent ceux-ci à réagir d'une
certaine façon, exemple : telle ou telle disposition de notre âme
sous l'influence des conditions atmosphériques. Or, si l'influence
des excitations extérieures se dérobe à notre conscience, celle
des excitations venant de notre organisme lui-même est encore
plus masquée, plus insaisissable. Avec un grand nombre d'obser-
vations cliniques à l'appui, tirées des travaux de Pinel, Legrand du
Saulle, Magnan, Auguste Voisin, Luys, Laboulbène, Wundt,
Kraft-Ebing, etc., l'auteur démontre comment, sous l'influence de
ces excitations internes, naît telle ou telle disposition qui provoque
une série particulière d'idées, de passions, et, finalement, d'actes.
Ne nous arrive-t-il pas très souvent, en effet, de considérer en
BIBLIOGRAPHIE. 163
toute conscience certains actes comme absolument spontanés
alors qu'en réalité ils ne sont que l'effet de certaines causes pro-
fondément cachées dans notre organisme ?
Le cinquième chapitre est consacré aux perceptions dans le sens
de ces phénomènes psychiques élémentaires dont parle CL. Ilicliet
dans son « Essai de psychologie générale » et Wundt dans sa
« Psychologie physiologique ». Il décrit les différentes modifica-
lions que peut subir la perception au point de vue de son intensité
et de sa tonalité et l'influence de ces modifications sur les phéno-
mènes de la vie psychique. Les exemples cliniques prouvent, en
effet, d'une façon formelle, que sous l'influence des perceptions
fausses et illusoires l'homme peut commettre des actes les plus
dangereux. Falret, dans son travail « De l'hypocondrie et du
suicide », en a donné une observation très démonstrative. Cepen-
dant, cette inlluence peut, dans certaines conditions, être soumise
à l'action modératrice des centres supérieurs. Ces conditions sont :
la nutrition régulière des centres nerveux et le fonctionnement
normal de tous les autres organes de l'économie. La déduction
est facile à faire : dans la lutte contre la criminalité et les crimi-
nels chez lesquels la plupart du temps le mécanisme des percep-
tions se fait d'une façon anormale, il faut tout d'abord étudier les
causes qui ont créé le crime; et, très souvent, on verra que cer-
taines de ces causes se cachent dans les mauvaises conditions
hygiéniques du sujet.
Dans le sixième et dernier chapitre, l'auteur étudie l'influence
du sang et de la circulation sur les phénomènes de la vie psy-
chique. Toujours avec des faits nombreux à l'appui, il arrive
facilement à démontrer les rapports intimes qui unissent la circu-
lation en général et la circulation cérébro-spinale en particulier
avec les fonctions de la cellule nerveuse.
Là finit cette première partie du travail entrepris par M. Drill
sur les enfants criminels. L'étude consciencieuse à laquelle il s'est
livré, les observations nombreuses qu'il présente dans cette publi-
cation et les méditations poursuivies pendant de longues années
sont la meilleure garantie du succès qu'aura son ouvrage auprès
du public instruit. J. Roubinovitcu.
V. Les criminels. - Caractères physiques et psychologiques;
par le Dol CaRRE. - (0. Doin, Paris, 1880.)
Ce travail tire son principal intérêt de l'excellent exposé docu-
mentaire qui en forme la plus grande partie. On y trouve résumées
et bien ordonnées les plus récentes 'acquisitions des représentants
.de l'anthropologie criminelle. L'auteur y a groupé, en divers cha-
pitres, l'énoncé trop peu critique, à notre avis, des caractère»
physiques et psychiques attribués aux criminels, et a reprodu.t
IGI· BIBLIOGRAPHIE.
sous forme d'appendice les opinions émises sur les divers types
par les plus éminents maîtres de l'école italienne, Lombroso,
llarro, Ferri, etc.
Il serait téméraire de tenter une analyse de ce livre qui n'est
guère rempli que de faits, il nous suffira d'ajouter qu'il ne se
contente pas de reproduire, mais qu'il précise et complète les
descriptions des criminalistes que nous avons cités. Paul Blocq.
VI. Les anesthésies hystériques des muqueuses et des organes des
sens, et les zones htéroèrlPS des muqueuses; recherches clinique*;
par le Dr L. Lichtviiz (Paris 1887).
Dans ce travail inspiré par M. le professeur Pitres, l'auteur s'est
proposé l'étude des anesthésies hystériques de quelques muqueuses
(muqueuse des voies aériennes supérieures, conjonctive et tympan)
et de plusieurs organes des sens (goût, odorat, ouïe), à l'aide des
procédés d'exploration spéciaux à l'emploi desquels ses recherches
antérieures l'avaient familiarisé, et, au cours de ses observations
il a été amené à découvrir des zones hystérogènes qu'on n'avait
pas encore signalées. L'anesthésie des muqueuses est très fréquente
et rarement totale. Le champ gustatif est presque constammenl
diminué, souvent il est aboli pour une des sensations gustative*
fondamentales à l'exclusion des autres, et en tous cas l'anesthésie
spéciale n'est pas absolument liée à l'anesthésie générale de l'or-
gane. L'odorat peut être tout à fait aboli ou seulement diminué.
La surdité unilatérale est également variable. Il est intéressant de
remarquer que, dans la plupart des observations, les anesthésies
des sens ne sont pas commandées par la topographie de l'anes-
thésie cutanée, ni même par celle de l'anesthésie de la muqueuse.
Ainsi, par exemple, il y avait surdité d'une oreille dont le conduit
et le tympan étaient sensibles et réciproquement.
Les zones hétérogènes des muqueuses seraient ordinaires chez
les hystériques à zones extérieures ; elles siègent d'habitude sur
les muqueuses sensibles : muqueuses nasale, laryngée, pharyn-
gée buccale, ainsi que sur le conduit auditif externe et le tympan,
la trompe, la conjonctive, la cornée et le conduit lacrymal inférieur.
La connaissance de l'existence de ces zones explique certains phé-
nomènes qu'on a observés chez des personnes névropathiques, et
permettra d'éviter les accidents qui peuvent survenir dans les opé-
rations pratiquées sur les muqueuses des hystériques ; ces zones-
ont enfin une importance diagnostique qu'il était utile de remettre
en relief. Paul BLOCQ.
VII. Là le1'aIJCutiea s21gqe,,titit ; par le D1' Raitacue V1ZIOLI.
La suggestion existe de fait en thérapeutique depuis l'antiquité
la plus reculée, mais elle a pour promoteur scientifique réel 1\1. le-
CORRESPONDANCE. 1611
iD Charcot. De quelques observations personnelles ayant trait à
des guérisons survenues sous l'influence de la suggestion à l'état
de veille l'auteur conclut que toutes les guérisons qui ont été ob-
tenues depuis les temps les plus anciens et attribuée-; divers
agents plus ou moins mystérieux sont du même ordre. La sugges-
tion forme en somme un chapitre important de la thérapeutique,
quoique ses applications soient limitées aux affections d'ordre dy-
namique : c'est en particulier dans les cas de phénomènes hysté-
riques qu'on trouvera des indications. Peut-être serait-il permis de
réutiliser ou chirurgie l'anesthésie hypnotique. Toutefois ces pro-
cédés ne seront utiles et sans dangers qu'autant qu'ils seront appli-
qués par un médecin prudent, intelligent et consciencieux. P. B.
VIII. Manuel de métcallutlzérapie et de métallos copie ;
par le 01' 10nICOU[\T.
Le début de l'ouvrage n'est pas heureux : l'auteur nous cite
comme précurseur de Burq, Moïse ! qui arrêta, dit-il, une épidémie
avec un serpent d'airain ? ? On aurait tort cependant de ne pas
poursuivre la lecture de ce travail où se trouvent consignés beau-
coup de faits intéressants et d'une rigueur réellement scientifique,
mêlés malheureusement à des assertions hasardeuses et à des ra-
contars sans fondement. Tout ce qui concerne la métalloscopie
proprement dite, origine, manuel opératoire, procédés, thermo-
métalloscopie.. etc., est particulièrement digne d'attirer l'atten-
tion ; ainsi en est-il encore de quelques chapitres consacrés à la
métallothéiMpie externe.
Quant aux derniers chapitres consacrés aux observations en
particulier et à un parallèle entre le magnétisme animal et la
métaitothérapie, ils contiennent un trop grand nombre d'exposés
moins que scientifiques pour se prêter à une analyse de ce nom.
P. B.
CORRESPONDANCE
LE QUARTIER DE SUREl'É DE L'ASILE D'ALIENES DI, S.41VT-RODERT (ISÈRE)
(PAVILLON P.1RCIL11'l ?
Monsieur et très honoré confrère,
A la suite d'une visite à Saint-Robertl. vous m'avez fait l'honneur
de me demander pour les Archives de Neurologie, une note au
'Nous avons visité le bel asile de Saint-Robert en septembre 1888 (B.)
166" CORRESPONDANCE.
sujet du quartier de sûreté qui a été établi sur mes indications.
Je vous adresse les plans de ce pavillon et sa description som-
maire. La création d'un quartier de ce genre répond à un double
besoin : t° nécessité de posséder, pour les hommes surtout, un
ensemble de dispositions, dans les bâtiments, augmentant les
garanties qu'un asile doit offrir à la sécurité publique, au per-
sonnel des malades et des employés, en ce qui concerne les
aliénés dangereux, impulsifs ou évadeurs ; 2° ces garanties trouvées,
possibilité d'assurer aux autres malades une claustration moins
sévère et une liberté relative plus grande.
Les principes qui nous ont guidé dans l'élaboration du pro-
gramme réalisé à Saint-Robert, ont donc été d'accroître les faci-
lités de surveillance, de diminuer les chances d'évasion, et d'en-
lever, autant que possible, aux aliénés, les moyens de nuire ou
de s'évader.
Dans cet ordre d'idées, le nombre des portes extérieures du
bâtiment principal a été réduit à une, au lieu de trois qui existent
dans les autres pavillons ; le réfectoire et la salle de réunion, qui
sont ailleurs séparés par un vestibule, ont été placés, l'un à côté
de l'autre ; les poêles, qui, par les instruments nécessaires à leur
fonctionnement fournissent parfois des armes dangereuses, ont
été supprimés et remplacés par un calorifère. Le promenoir cou-
vert est constitué d'habitude par une simple galerie extérieure,
recouverte par un toit en appentis, sur lequel les malades peuvent
grimper au moyen des colonnes, ou accéder par les fenêtres du
premier élage, de là, gagner les murs d'enceinte et se laisser
glisser au dehors ; il a été remplacé par une galerie faisant partie
intégrante du bâtiment, qui supprime tous ces inconvénients et
accroît d'autre part la surface des dortoirs. Les lieux d'aisances
qui, généralement, sont adossés au mur des préaux et facilitent les
évasions, ont été eux-mêmes placés à une extrémité de la galerie
sans qu'il en soit résulté jusqu'à présent de trop grands inconvé-
nients, grâce aux soins constanls de propreté dont ils sont l'objet.
Les murs d'enceinte ont quatre mètres de haut, au lieu de trois
qu'ils ont ailleurs, - avec un saut-de-loup de un mètre ; de cette
façon, il existe encore des vues supérieures suffisantes.
Les fenêtres du rez-de-chaussée sont, comme toutes celles de
l'asile, en bois et fer, fermées à clef, avec croisillons, ne per-
mettant pas le passage d'un homme ; leurs matériaux ont été
doublés de force ; à la partie supérieure de chacune d'elles, un
imposte permet d'opérer la ventilation à volonté. Celles de l'étage
.sont du type dit « à balcons » savoir : une partie supérieure dans
les conditions ordinaires, fixe ou ordinairement close, fermant
les deux tiers de l'ouverture, le tiers inférieur étant clos par une
autre fenêtre s'ouvrant à volonté, au-devant de laquelle se trouve
extérieurement un balcon en fer forgé, formant grillage. Cette
CORRESPONDANCE. '167 1
disposition, qui est élégante, donne toute sécurité au point de
vue des évasions et des accidents ; elle permet d'aérer largement
les dortoirs, qui sont en outre pourvus de gaines de ventilation,
où sont placées des veilleuses pendant la nuit.
Il sera facile de se rendre compte, par l'examen du plan, de
l'ensemble de ces dispositions et des dimensions des locaux.
Au rez-de-chaussée, les tables du réfectoire sont élroiles, et
ne servent que d'un côté, pour faciliter la surveillance et éviter
les rixes au moment des repas.
Au premier étage, il existe sur le palier une chambre d'isole-
ment ou de surveillance, deux dortoirs de huit à dix lits séparés
par la chambre des gardiens, en face de laquelle se trouve une
chambre d'isolement et de surveillance réservée d'habitude aux
criminels en observation. Enfin, deux autres chambres d'isole-
ment se trouvent encore à l'extrémité du bâtiment.
Il a été établi, pour ce service sur nos indications, un type de
lit en tôle et fer, avec sommier, donl toutes les parties se tiennent
solidement et ne peuvent être démontées qu'à l'aide d'instruments
spéciaux. Quelques-uns de ces lits sont fixés au parquet.
Le bâtiment, sauf dans la partie qui contient le calorifère, est
établi sur voûlains, avec ouverture, de chaque côté, pour l'isoler
du sol et aérer le dessous du rez-de-chaussée; ses dimensions
sont de 2o mètres sur 9m50 ; sa hauteur d'un étage; son coût
44,000 francs.
Il a été relié aux anciennes cellules, avec lesquelles il forme
l'ensemble de la section de sûreté.
Ces dernières, au nombre dehuit, construites par M. le D''Evrat,
médecin directeur et fondateur de l'asile de Saint-Robert, suffisaient
pour les besoins de l'époque; toutefois elles laissaient à désirer
comme nombre, et sous le rapport du chauffage et de la ventilation.
Quatre cellules nouvelles ont été construites, dont deux avec
préau d'isolement; un système de chauffage à eau chaude y a été
installé; enfin, des gaines de ventilation communiquant avec deux,
cheminées d'appel spéciales ont été établies également dans le
dessus des cellules; en même temps que des ouvertures étaient
pratiquées dans la toiture du bâtimeut, munies de tuyaux d'éva-
cuation et de mitres aspiratrices, au-dessus de chacune d'elles-
pour la ventilation d'été.
Le calorifère, dont l'accès est extérieur, est placé au-dessous-
d'une des extrémitées du bâtiment. - Il est formé par un thermo
syphon, avec poêle à eau et chambre d'air particulière à chaque
cellule, dans le sous-sol ; des prises extérieures amènent l'air du-
dehors, dans lesdites chambres, d'où il monte dans les cellules
et de là dans les gaines de ventilation. Nous avons constaté que,
pendant des froids extérieurs de 12 degrés, il existait une tempe-
168 VARIA.
rature de 18 à 19 degrés dans les cellules el un fort courant h
leur partie supérieure.
Cette amélioration nous a aidé considérablement dans le»
efforts que nous faisons depuis longtemps pour supprimer la
contrainte. Vous avez pu voir, en effet, dans votre visite, qu'il
n'existait pas un aliéné avec la camisole à l'asile de Saint-Robert.
Les malades déchirer ? bruyants, peuvent être, en tout temps,
isolés dans d'excellentes conditions, au lieu d'être, comme autre-
fois, enserrés dans une camisole de force.
Si l'on jette un coup d'oeil d'ensemble sur ce service, on ren-
contre en avant le quartier neuf de sûreté,'son préau, un petit
préau, les cellules, enfin leurs préaux spéciaux; le' tout contigu
et de communication facile.
Il y a là une réunion de di-positions qui sont assurément très
commodes à tous les points de vue. Ce quartier fonctionne depuis
quatre ans, nous n'y avons jamais eu d'accidents ni d'évasion=,
le service y est fait par quatre infirmiers. Le jour il renferme
60 malades, dont 20 sont reconduits la nuit dans d'autres sections,
attendu qu'il n'y a place que pour 41 lits au maximum et encore
les prévisions du début étaient-elles au-dessous de ce chiffre.
Disons, pour compléter ces renseignements, que la population
totale de l'asile est, à ce jour, de 848 malades, dont 41G hommes.
C'est donc environ le dixième des lits des hommes que complet
notre quartier de sûrelé.
Pour répondre à une autre de vos questions, les pavillons avec
noms laïques, ont élé ainsi dénommés sous l'administration de
M. le Dr Evrat, lors de l'ouverture des nouveaux services dès 1862
et ultérieurement au sur et à mesure de l'agrandissement de
de l'asile. - '
Veuillez agréer, monsieur et très honoré confrère, l'expression
de mes meilleurs sentiments. 1
Asile de Saint-Robert, le 31 jamier J889. -
Dr E. DUFOUR.
Médecin -directeur,
Ancien membre du Coiucil général de l'ibèiô.
VARIA
APPAREIL HYDROTHÉRAPIQUE POUR LES ALIÉNÉS RÉCALCITRANTS
Les visites que nous avons faites dans un grand nombre
d'asiles d'aliénés nous ont permis de constater que dans la
VARIA. ï69
très grande majorité de ces asiles les installations hydrothéra-
piques sont tout à fait défectueuses sinon tout à fait mau-
vaises. Les administrateurs, les architectes n'ont aucune notion
précise des conditions que doivent réaliser ces installations
pour donner de bons résultats thérapeutiques. Il y aurait un
grand intérêt pour les malades à ce que des instructions très
nettes soient données dans tous les asiles afin de remédier à
une situation aussi déplorable. Il serait bon de soumettre la
question au Conseil supérieur de l'assistance publique qui éla-
borerait un projet qui, une fois adopté, serait adressé à tous
les établissements par l'intermédiaire de M. Monod, directeur
de la Santé publique.
Les Inspecteurs généraux, dans leurs tournées, donneraient
des explications complémentaires et s'assureraient chaque
année des améliorations réalisées.
Parmi les mauvaises installations que nous avons vues nous
n(\l1 h(\rnp.r(\n à it.p.r 1'.p.llp.ÚIp. 1' : Jilp./ll1 Pnv
extérieure, ouvre le robinet d'une doucheen arrosoirou comme
cela se fait ailleurs verse des seaux d'eau froide. C'est là un trai-
tement hydrothérapique qui se passe de tout commentaire.
En revanche, nous avons trouvé à l'asile de Privas, qui
170 VARIA.
appartient à la même congrégation une organisation bien
entendue : elle n'appartient ni aux soeurs, ni aux frères, elle
est due à un de nos confrères, le D'' Benoit, maire de Privas.
Nous n'avons pu dissimuler notre surprise, une bonne instal-,
lation étant si rare, mais après explication notre élonnement
a cessé : en effet le D'' Benoît est un ancien élève lu D'' L.1 leury,
le-maUre à tous en hydrothérapie.
M. Benoit nous a montré une installation très ingénieuse
oui permet de donner de véritables douches thérapeutiques aux
malades récalcitrants. La tribune
du médecin doucheur est munie
d'une poignée fixée sur une tige
verticale descendant au-dessous
du sol et terminée par une roue
d'engrenage, laquelle correspond
à une autre roue d'où part une tige
horizontale aboutissant à une
plaque tournante {fig. 8).
De la plaque tournante s'élèvent t
trois tiges verticales dont l'une,
recourbée, est terminée par une
pomme d'arrosoirs'élevant il 2 ? 43
au-dessus de la plaque tournante;
les trois tiges montantes sont ré-
unies par des cercles en fer incorr.-
plets, dont le reste est complet;
par des courroies en cuir (fig. 9).
Voilà l'appareil. Examinons le
fonctionnement. Le malade est
placé sur la plaque tournante, les
courroiessont bouclées. Immédia-
tement, avec la manivelle de la
tribune, on imprime un mouve-
ment à la plaque tournante, le
malade surpris, ne bouge plus et
la douche est donnée, avant que le
malade n'ait pensé à résister de
nouveau. Nousnensonsou'il s'azit
là d'un appareil qui mérite desfélicitations à son inventeur et
qui doit attirer sérieusement l'attention de tous ceux qui s'occu-
pent de l'organisation des hôpitaux et des asiles. Bourneville.
Fig. 9.
FAITS DIVERS
Asiles d'aliénés. Promotion. Par arrêlé en date du 5 juin,
le Dr Hormery, directeur-médecin de l'asile public de Quimper
est promu à la classe exceptionnelle à partir du ICI' juin.
Séances publiques d'hypnotisme. - Le conseil départemental
d'hygiène publique et de salubrité de la Vienne ayant émis le
voeu que les séances d'hypnotisme soient interdites en raison des
accidents qu'elles provoquent, le recteur de l'Académie de l'oitiers
vient de défendre toute représentation de ce genre dans les éta-
blissements d'instruction placés sous sa surveillance.
- Les maires de Marseille et de Bordeaux viennent également
de prononcer la même interdiction. z
- Un arrêté du Gouvernement grand-ducal de Mecklembourg-
Schwerin a interdit les représentations d'hypnotisme que voulait
donner à à Bostocca un magnétiseur de profession, annonçant sur
les affiches l'hypnotisme comme une méthode naturelle de guéri-
son des maladies.
La police de Genève a pris enfin une mesure analogue. Il y a là
une véritable question d'hygiène publique. On attend toujours à
Paris qu'on se décide à en venir là. Les magnétiseurs chassés de
province et de l'étranger viennent se réfugier -ici' et infecter notre
ville. Le saltimbanque de Marseille s'intitulait successeur de
Donato. Nous en avons deux ou trois actuellement à Paris, dont
' les affiches s'étalent à côlé de celles de nos grands théâtres sur
les colonnes Morris. Tous les gens compétents réclament la
suppression de ces exhibitions malsaines dont le danger pour le
public a été maintes fois signalé et démontré. Mais cette fois c'est
la province et l'étranger qui donnent l'exemple à Paris. 1
i
Congrès d'anthropologie criminelle de Paris en 1889. - Par-
ticipation de l'Italie. - On : -ait que les questions d'anthropologie
criminelle sont à l'ordre du jour en Italie, où M. le professeur
Lombroso s'est occupé de ce sujet avec prédilection. Une com-
mission vient d'être nommée pour représenter l'Italie au Congrès
d'anthropologie criminelle qui doit se tenir à Paris cette année à
l'occasion de l'Exposition Universelle. Elle se compose de
MM, Alolesclrolt, C. Lombroso, E. Ferri, Il. Gurofalo, G. Sergi.et
17 faits DIVERS
Mayor. Parmi les questions proposées, nous relevons les suivantes :
stigmates de dégénérescence et anomalies biologiques chez les
femmes aliénées et criminelles. - Organes et fonctions des sens
chez les criminels. - Applications de l'anthropologie aux recher-
ches de la police (on sait que cette question est entrée à notie e
préfecture de police dans une-phase tout à fait pratique et les
résultats merveilleux qui ont été obtenus sont connus du publie).
- Le délit politique au point de vue anthropologique, etc.
Concours de l'agrégation de médecine - Nous enregistrons avec
le plus grand plaisir parmi les noms des agrégés nommés au der-
nier concours le nom de M. Pierre Marie. Nos plus sincères félicita-
tions à notre distingué collaborateur.
Spécialisation des .GRÎ : f,I : S ? \TOUS aV011SOmiS d'annoncer précé-
demment que nos deux collaborateurs, 111\l. Bri,saud et Ballet se
sont spécialisés ainsi qu'il est d'usage depuis peu à la Faculté do
médecine, le premier dans la chaire des maladies du Système
nerveux, le second dans celle des maladies mentales.
La LOI sur les aliénés en ITALIR. M. A. Verga constate dans ? 4)'c/t<010 italiano per le nzalvltie nelvose, que depuis 1876, l'Italie
atlend vainement cette loi des divers ministres de l'intérieur,
Nicotera, Depretis, qui se sont succédé depuis lors. Le dernier,
11. Crispi, a promis de s'en occuper, mais on attend toujours.
LE sixième congrès DE la SOCIET.1 PRI : \L1TRIC1 1 ITALI lN,\. Ce
congrès doit se tenir l'automne prochain, à une date encore à
déterminer, à Novare. Les questions proposées, qui ont été fixées
à Sienne, sont les suivantes : 1° Caractères pouvant servir au dia-
gnostic différentiel des divers étais dégénératifs (commission :
Seppili, Regerio, Toussini, rapporteur); 2° Diagnostic de la simu-
lation de la folie (commission : Gonzalès, Anâlucvi, Venturi, rap-
porteur) ; 3° La physiologie dans ses rapports avec les dernières
notions d'anatomie et de physiologie cérébrales (commission :
G.-B. Vergen, Tanzi, Bianchi, rapporteur); 4° Application de la
thérapeutique suggestive aux maladies mentales et plus parlicu-
lièrement : Peut-on instituer une thérapeutique suggestive sérieuse
des maladies mentales ? Peut-elle être mise en oeuvre seulement au
moyen de l'hypnotisme ? Quelles doivent être les méthodes, les
limites, les indications d'une pareille thérapeutique (commission :
huuapoli, Bianchi, Seppili, rapporteur). Les communications
doivent être adressées à la présidence (Milan, via Durini, 31).
Asile d'aliénés Du C.IIIOE.-Nous trouvons dans le numéro de jan-
vier de « The journal of mental science » l'historique de cet asile
ce mis son origine, qui a été des plus modestesjusqu'aujourd'hui où
il peut être considéré sinon comme un établissement modèle, du
faits DIVERS. 173 a
moins comme une maison fort bien tenue pour le budget minime
dont il dispose. Il contient en effet près de trois cents malades
bien installés, jouissant du 110-¡'estmint le plus complet, compte
deux médecins résidents, une sage-femme et cinquante servi-
teurs ou infirmiers, le tout avec un budget annuel de 7,8t)0 li-
vres (195,000 francs). On doit dire d'ailleurs que ce résultat est dû
surtout aux efforts des médecins, qui ont eu à lutter contre l'indiffé-
rence absolue de l'administration.
Placement des aliénés chez les particuliers en Ecosse. Ce
mode de placement des aliénés est fort usité en Ecosse, et
M. Hack Tuke en a étudié le fonctionnement d'une façon fort comt
plète, en même temps qu'il en a montré les desiderata nombreux
de la façon dont il est appliqué aujourd'hui. C'est un procédé qui
présenterait de nombreux avantages à tous les points de vue et
surtout au point de vue pécuniaire si l'on apportait plus de soin
au choix tant des malades auxquels on l'applique que des per-
sonnes à qui on les confie, si les inspections étaient faites plus
régulièrement. Sans quoi, c'est un système qui peut présenter do
graves dangers aussi bien pour le malade que pour ceux qui lo
reçoivent. (The. joitri ? . of. ment, se., janv. 1889.)
Ouverture nu premier asile d'aliénés en Grèce. - Il n'y a pas
encore bien longtemps les aliénés en Grèce étaient enfermés dans
les couvents. Ce n'est que tout récemment que l'on vient de mettre
un terme à ce régime, au moins partiellement. Il vient en effet de
s'ouvrir dans ce pays le premier asile d'aliénés qui y ait jamais
existé.
Les Rapports des Commissions des aliénés pour L'ANGLETERRE,
l'Ecosse ET L 'IRLINDE. En Angleterre, le nombre des aliénés a
augmenté notablement depuis les dernières années, surtout en ce
qui concerne le sexe masculin. Cette augmentation vient en partie
d'une diminution dans le nombre des malades placés au dehors,
ou traités chez leurs parents et qui ne sont pas sous la juridiction
de la commission, et aussi du faible nombre des morts et de.,
sorties pour cause de guérisons. Il en est à peu près de même en
Ecosse, quoique à un moindre degré. Cette augmentation est
beaucoup plus accentuée en Irlande aussi bien parmi les pauvres
que parmi les malades payants. Les inspecteurs signalent l'al-
coolisme comme une des causes les plus fréquentes de l'aliéna-
tion.
L'hystérie mâle A l'étranger. - Nous voyons avec plaisir la
connaissance de l'hystérie virile, partie de France, faire tous les
jours de plus en plus de progrès à l'étranger, après n'y avoir
rencontré pendant longtemps que le plus absolu scepticisme. En
Amérique les cas abondent. En Angleterre, on y vient assez faci-
174 FAITS DIVERS.
leinent et le récent mémoire de Thorburn {M anches med.
Chron. 1889) contient un exposé assez net de la question, bien que
le terme d'hystérie se fasse bien difficilement accepter. En Belgi-
que, si l'hystérie mâle compte des réfractaires, elle a cependant
bon nombre de partisans. Enfin en Allemagne, cette question se
met peu à peu à l'ordre du jour : Leyden, Oppenheim, Slrùmpell
admettent volontiers l'hystérie virile, bien que pas encore dans
tous les cas que l'on considère comme tels en France. MM. André
et Knoblazck viennent de publier récemment (mars 1889) dans le
« Berlirzen Klinische Wochensch1'i(t, » la relation d'un cas parfai-
tement typique de cette maladie.
L'observation du malade est accompagnée de figures que l'on
croirait calquées sur celles qui se trouvent dans les leçons de
M. le Professeur Charcot publiées en 1885 dans le Progrès médical.
c'est-à-dire il y a plus de quatre ans. Il y a là dans des quelques
figures un véritable triomphe pour les idées émises depuis long-
temps par notre éminent directeur et si vaillamment défendues
par lui et toute son école. A signaler aussi parmi d'autres travaux
la communication de M. Schwarz au Congrès des médecins de
Budapesth, qui a trait ainsi que le faisait remarquer M. Jendrassik
dans la discussion qui suivit, à un cas de chorée rhythmique
. hystérique.
Epidémie de méningite CEIII : EIio-SPI\.1LE en Amérique. Nous lisons
dans le '< New-York médical Record » qu'une épidémie très intense
de méningite cérébro-spinale sévit en ce moment dans le Sud du
Texas. La maladie est très grave et se manifeste souvent par une
éruption purpurique très marquée.
Ouverture automatique des portes par l'électricité dans les
asiles d'aliénés. - M.J.White a fait installer dans l'asile de mille-
vankec (Etats-Unis) dont est superintendant un système d'ouver-
ture automatique simultané de toutes les portes, par l'électricité.
Un ingénieux mécanisme permet en cas d'incendie, de panique,
d'ouvrir à la fois toutes les portes des salles dans lesquelles les
aliénés sont enfermés. Ce système permet en même temps de ras-
surer les malades sur leur sort dans un cas semblable et de leur
enlever cette crainte continuelle qui peut être quelquefois chez
eux un obstacle à la guérison, dès ce sens qu'elle devient une idée
fixe et obsédante. (Am. J. of. Insan. avril 1889.)
InI-XUENCES DE L'APPAREIL GÉNiTAL SUR LE DÉVELOPPEMENT DES MALA-
DIES mentales. - La Société médico-légale de New-York vient de
nommer une commission qu'elle a chargée de rechercher dans
quelle mesure la folie peut être due à des causes sexuelles.
Les buveurs n'ITIOER en IRL.1NDE. - Cette funeste habitude tend
à se généraliser en Irlande de telle façon que le synode de l'église
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE- 17o
Irlandaise, a adressé au Parlement une pétition tendant à régle-
menter le trafic de ce produit.
NÉCROLOGIE. - James W. Ranney, commissaire en aliénation de
New-York - W. Il. 0. Sankey. propriétaire de l'asile d'aliénés de
Boreatton-Park et piofesseur de maladies mentales à l'Universily *y
Collège de Londres - J. Maclaren, directeur de l'asile d'aliénés
de Larbert (Ecosse) mort de pleurésie à l'âge de 32 ans.
G. GCIG\UV.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
Blocq (P.). Des contractures. Contractures en général, la COlltl'ac-
ture spasmodique, les pseudo-contractures. Un beau volume in-8 de
216 pages, avec 8 figures dans le texte, une planche chrotnolitltogra
phique et trois phototypies. - Prix : 5 il. - Pour nos abonnés : 4 fur.
BOUR : 'OEVILLE, COlllt]3AtIF,.N, RAOULT et SaLUER. - Recherches cliniques
et thérapeutiques sur l'épilepsie, l'hystérie et l'idiolie. Compte rendu du
service des enfants de Bicêtre pour 1888. In-S° de w.vu-80 pages.
(Tome IX de ta Collection.)
DUTLIN (Il.-T.). - Maladies de la langue. Traduit de l'anglais par le
D' Douglas Aigre. Volume in-8 de \. : 30 pages. Prix : 8 fr. Pour nos
abonnés : (i fr.
Charcot (.1.-)1.). Maladies des vieillards, goutte et rhumatisme. Un
beau volume in-8 de J2J pages avec 19 ligures dans le texte et pianches
en chromolithographie (Tome Vif des OEuvres complètes). Prix : 12 fr.
Pour nos abonnés : 8 fr.
Cuancor(.1.-lL). Maladies infectieuses, affections de la peau, kystes
hydatiques, thérapeutique (Tome VIII des OEuures complètes). - Un
beau volume iii- Il de 112 pages, prix 10 fr.; pour nos abonnés, 7 francs.
Cornet (P.). -1'raitetaezt de l'épilepsie par le bromure d'or, le bromure
de camphre et la picrotoxine. - Prix : 2 fur. Pour nos abonnés : 1 fr. : 1 : ).
Costc. L'inconscient. Elude sur l'hypnotisme. Volume in-18 de 159
pages. Prix, 2 fr.
Descouiitis (G.). - Note sur l'alimentation forcée des aliénés au
moyen de la sonde oesophagienne et sur la façon d'empêcher l'inl1'odw : -
tion des liquides dans les voies aériennes. Brochure in-8" de 12 pages.
- Paris, 1888. - Bureaux de l'Encéphale.
Durourt (et Asile public d'aliénés de Saint-Robert. - Compte rendu
statistique et compte moral administratif pour l'aimée 1887. Brochure
in-8", (le 58 pages. - Grenoble, 1888. - Allier père et fils.
FDl4.WlD3 (B.-A.). De l'hémiplégie dans quelques affections nerveuses
{ataxie locomotrice progressive, sclérose en plaques, hystérie, paralysie
agitante). Volume in-8 de 1G9 pages, a\ec 1 figures. -- Prix : fur. -
Pour nos abonnés : 2 fur. 71.
176 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
GOUIIERT (E.). - Nouveau trailemtnl de l'épilepsie; sa guérison possible.
Brochure in-8o de 16 pages. - Paris 1889. - Lecrosnier et Babé.
GELLÉ. - Eludes d'otologie. - De l'oreille (anatomie normale et cam-
parée, embryologie, développement, physiologie, pathologie, hygiène).
Palhogénie et traitement de la surdité (1880-1888;. Tome Il. - Yolul\1c
in-8» de 279 pages. -Paris, 1888. - Librairie Lecrosnier et Babé.
- . ! ASICCYICL (J.).- Quelques considérations sur les causes de l'imnzrtrzilé rre-
qlâlie contre les maladies infectieuses. - Paris, 1889. -Imprimerie A. Uei ! I.
Lombroso (G.). - Sulla cattafoi-esi eleclrica clO1'of01'mica. Brochure
in-S" de 8 pages. Lnorno, 1s89, - Chez l'auteur : 31, Via Ricasoli,
Liégeois (.1.). - De la suggestion et du somnambulisme dans leurs rap-
ports avec la jurisprudence et la médecine légale. Volume in-12 de
7)8 pages. - Paris, 1889. 0. Doin.
Orrr.wem (IL). - Die lnaumatischen Xfurosen naclr de7e 17l (let- ! l'el'-
vcrlelnit. der Charité in tien tellzen a Jahl'en gesammelten IiecGcrclrlurrgen.
Brochure in-80 de 116 pages. - Berlin, 1889. -- Yel'lag \"011 A. Ilirs-
chwald.
fiOUILLARD. - La discussion sur le délire chronique ri la Société
mcdico-jisychologique. Brochure in-8o de la pages. - Paris, 1888. -
Bureaux de l'Encéphale.
SIZ\RET (rapport de NI. le D). - Asile public d'aliénés de blaréville.
1887. Brochure in-8° de 19 pages. - Nancy, 1888. - Imprimerie Berge r-
Levrault.
STETTEN. - I'ierzigsler Jahres-3ericht £ le}' Ileil- und Pflegeallslalt sur
Schwachsinnige und Epileplische. Brochure in-8 de 63 pages. - 13clwl'll-
dorf, 1888. - Iaher'schell Buchdruckprei.
SOLIIFR (P.). - Du rôle de l'hérédité dans l'alcoolisme Volume iu-18
jésus de 213 pages. - Prix : 2 fr. 19. - l'our nos abonnés : 1 fr. 7a.
Avis A Messieurs li.s Auteurs et Editeurs. La Direction de»
Archives de Neurologie rappelle à Messieurs les auteurs et édi-
teurs, que les ouvrages dont il sera reçu deux exemplaires seront
annoncés au Bulletin bibliographique et analysés; ceux dont il m :
sera reçu qu'un seul exemplaire seront simplement annoncés.
Le ·édaclcr<r-yénant. 13001t\E1'ILLN.
tvreux, Ch. lliialsssr, imp ? 789.
Vol. XVIII. Septembre 1889. Nu 53.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
ANATOMIE PATHOLOGIQUE
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES LÉSIONS HISTOLOGIQUES DE
LA SUBSTANCE GRISE DANS LES ENCÉPHALITES CHRO-
NIQUES DE L'ENFANCE.
Par A. PILLIET
Interne des Hôpitaux, aide-préparateur d'histologie à la Faculté de médecine.
L'histoire des lésions chroniques de l'encéphale a
été très longue à établir au point de vue histologique
à cause des difficultés de technique que l'on renon-
trait d'une part et surtout à cause de la difficulté de
rencontrer un assez grand nombre de pièces compa-
rables ; les malades étant presque tous hospitalisés
dans des asiles spéciaux. Aussi avons-nous été heureux
de pouvoir passer une année comme interne dans le
service de M. le D' Bourneville à Bicêtre et de pou-
voir, grâce à son obligeance, mettre à profit sa col-
lection où tous les cerveaux sont gardés dans uu état
suffisant de conservation. C'est une partie du résultat
des recherches ainsi faites, que nous apportons au-
jourd'hui. ·
Nous ne parlerons que des lésions de l'enfance, et
Archives, L. XVIII. 12 2
178 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
parmi celles-ci, des plus accentuées, telles que la
méningo-encéphalite ou l'atrophie des circonvolu-
tions. Et parmi celles-ci nous laisserons de côté les
scléroses lobaires, les -scléroses tubéreuses, étudiées
dans ces derniers temps par Bourneville et Brissaud,
Jendrassick et Marie, Pozzi, Richardière. Nous nous
sommes en effet attachés aux lésions qui laissent en
place les circonvolutions, et se traduisent à l'oeil nu par
les adhérences méningées plus ou moins fortes; l'amai-
grissement des circonvolutions ; leur état chagriné et
ratatiné, marronne, même, la présence de petits
kystes à leur surface et dans leur épaisseur.
Ces lésions se traduisent cliniquement par l'idiotie,
le gâtisme, les tics, les convulsions dans les premières
années de la vie et, très souvent, l'épilepsie dès quatre
ou cinq ans. C'est à ce type que peuvent se rattacher
le plus grand nombre des malades de Bicêtre.
Aussi, renvoyant aux descriptions classiques de
Falret, Delasiauve, Bourneville, pour la partie cli-
nique, nous nous bornerons à indiquer sommairement
le diagnostic du malade et son âge. Les observations
conservées à Bicêtre seront facilement retrouvées
avec ces renseignements; nous nous bornerons ici à
l'anatomie pathologique. Quelques-uns des examens
qui suivent ont, d'ailleurs, été publiés à la suite des
observations cliniques correspondantes dans les Bul-
letins de la Société anatomique.
Nous n'avons pas fait non plus un travail de topo-
graphie cérébrale; et cela pour deux raisons; la pre-
mière et la plus importante c'est que les lésions étant
absolument diffuses, comme dans les démences où la
paralysie générale a son terme, une telle recherche
DE LA SUBSTANCE GRISE. '1 ï9
serait impossible; la seconde, c'est que tous les cer-
veaux du service du D1' Bourneville sont fixés dans
l'alcool, ce qui présente de grands avantages au point
de vue de la longue conservation des pièces et de leur
reproduction photographiques. Mais dans ces pièces,
les fibres à myéline de la surface de l'écorce et celles
de la substance ne sont plus décelables par les réactifs
ordinaires, chlorure d'or, ou hématoxyline de Weigert,
on ne peut donc faire l'étude des filets nerveux; on est
réduit à celle de la substance grise en général, que
l'alcool fixe assez bien. Nous nous sommes assuré par
un certain nombre d'examens comparatifs que les cer-
veaux traités par l'alcool bien que ne valant pas ceux
qui sortent des bichromates alcalins permettent cepen-
dant l'étude de l'écorce, à part quelques points sur
lesquels nous reviendrons. L'alcool, comme les autres
réactifs, détermine deux réactions distinctes dans les
cellules pyramidales de l'écorce ; les unes s'entourent
d'un large cercle clair; les autres se resserrent et se
contractent. Le rapport de ces deux ordres d'éléments
est un peu différent dans le traitement par l'alcool que
dans le traitement par le bichromate, les cellules va-
cuolisées seraient un peu plus abondantes. Mais tous
les cerveaux que nous décrivons étant traités de même,
sont comparables entre eux.
Il est donc bien entendu que nous parlerons seule-
ment des encéphalites chroniques à petits signes ma·
croscopiques, et que dans ces cas nous envisagerons,
sans nous occuper de topographie, les lésions de
l'écorce grise seulement; celles du moins que nous
pourrons apercevoir, étant donnés les réactifs employés.
Les différents procédés techniques auxquels nous avons
180 ANATOMIE PATIIOLOCIQZ1E.
eu recours ont été les plus simples possibles; ils seront
indiqués chacun à sa place.
N'ayant pas fait d'étude clinique, et apportant sim-
plement quelques faits, nous n'avons pas cru devoir
allonger par un historique ce mémoire; nous indique-
rons seulement à sa suite une liste des principaux ou-
vrages d'anatomie normale et pathologique dont nous
avons eu à nous servir; ce sont surtout, en pathologie,
les mémoires ayant trait à la paralysie générale pro-
gressive qui nous ont servi, cette maladie étant ac-
tuellement la mieux étudiée au point de vue anatomo-
pathologique, de toutes les maladies de l'encéphale.
Il ne nous reste plus maintenant qu'à exposer com-
ment on arrive à lire une coupe de l'écorce grise, et
c'est là un point d'une extrême importance. En effet,
sans repères précis, il est impossible de reconnaître
une lésion diffuse même étendue; et, ces repères, il
les faut chercher dans la structure normale de l'écorce.
On n'en peut trouver de comparables à l'espace porte
pour le foie, à la bronche centrale d'un acinus pour
le poumon, mais pourtant il est possible de se retrou-
ver assez bien dans les différentes couches de la subs-
tance grise, surtout si l'on emploie dès le début les
faibles grossissements. Nous indiquons tous ces détails
parce qu'ils peuvent avoir leur importance dans la
constitution d'une méthode d'examen de l'écorce, ce
qui manque actuellement.
On peut considérer l'écorce grise sous deux plans,
le premier parallèle à la surface des cironvolutions,
le second perpendiculaire au premier. Dans le pre-
mier plan, les couches sont étagées au nombre de
cinq, d'après le schéma donné il y a dix-huit ans par
DE LA SUBSTANCE GRISE. 181 t
Meynert dans le manuel de Stricker. Malgré les tra-
vaux de quelques auteurs qui battent en brèche ce
schéma (Luys, Golgi), nous l'adopterons comme le
plus commode et le plus universellement adopté
(Bevan Lewis, Ch. Bastian, H. Clarke, Ranvier).
On sait, et nous le résumons ici d'après la psychia-
trie de Meynert, que les cinq couches de l'écorce sont
les suivantes : La première composée du tissu fonda-
mental névroglique, avec ses éléments cellulaires,
parsemé de petites cellules nerveuses peu abon-
dantes, présente par le procédé à ! Ex71er (acide os-
mique et ammoniaque) de très fines fibres à myéline,
sans étranglements annulaires, d'après Ranvier. Ce
réseau de fibres est altéré dans la paralysie générale,
au dire de Tuczek, confirmé par les recherches sui-
vantes, celles de L. Edinger entre autres. Nous n'avons
pu rechercher cette lésion qui pourtant existe presque
à coup sûr dans les cas de méningo-encéphalite avec
adhérences. Cette couche est, surtout chez les jeunes
sujets, séparée de la suivante par une ligne de dé-
marcation extrêmement nette; nous verrons qu'il n'en
est pas toujours de même dans les faits que nous avons
regardés. Celle-ci est la couche des petites cellules
pyramidales qui sont serrées, à pointe dirigée vers la
surface corticale.
Dans la couche suivante, les cellules pyramidales
sont moyennes (40p.) elles ne sont plus serrées, mais
orientées en colonne, les unes au-dessus des autres,
parce que les faisceaux de fibres de la couronne de
Reil qui vont jusqu'à la couche supérieure s'inter-
posent entre elles et les séparent. Ces éléments font
place à une couche distincte, celle des grandes cellules
182 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
pyramidales; visibles surtout dans les régions motrices
et dans la corne d'Ammon où elles sont énormes,
mais existant dans toute l'écorce. Meynert ne fait
qu'une même couche de la zone des cellules pyrami-
dates moyennes et de celle des grandes cellules ;
pourtant nous les avons séparées dans les descriptions
qui suivent, à cause de la grande hauteur de la cou-
che des cellules moyennes, qui occupe près du tiers de
la substance grise, et s'accroît encore dans le lobe occi-
pital par l'interposition d'une couche de cellules.
Puis viennent les quatrième et cinquième couches
de Meynert que l'on peut facilement réunir en une;
c'est la zone de transition entre la substance grise
la substance blanche, assez difficile à débrouiller à
cause de l'épanouissement des faisceaux de fibres et
de la substance blanche, qui s'écartent les uns des
autres à ce niveau pour pénétrer dans la substance
grise. Elle renferme à sa partie supérieure de petites
cellules rondes qui n'ont pas encore été comme les
cellules correspondantes de la même couche du cer-
velet divisées en deux espèces, c'est la couche grau-
.leuse ; à sa partie inférieure des éléments fusi-
formes.
Voici donc l'écorce étagée pour nous. Mais ce n'est
pas assez pour la topographie des lésions; et il faut
pouvoir donner ces cinq nappes superposées dans le
sens vertical, pour diviser l'écorce en autant de
petites cases qui fourniront des points de repère fixes.
Pour cela, nous n'avons qu'à profiter de la disposition
normale des faisceaux de fibres qui montent dans la
substance grise, et qui s'aperçoivent très suffisamment
sur les pièces traitées par l'alcool. Ces faisceaux se
DE LA SUBSTANCE GRISE. 183
divisent, au niveau de la cinquième couche, comme
ceux d'un goupillon d'église, et montent en s'amincis-
sant jusqu'à la deuxième couche. Ils forment autant
de colonnes fibrillaires qui séparent les éléments de la
substance grise, qui, eux, s'organisent naturellement
dans les intervalles en colonne de cellules; en voyant
leurs fibres aux faisceaux qui leurs sont contigus.
Cette disposition est plus marquée naturellement dans
la profondeur de la substance grise, là où les faisceaux
sont plus gros, et c'est pourquoi les grandes cellules
pyramidales se présentent souvent, comme l'a vu Betz,
en îlots, ou nids séparés les uns des autres par les fais-
ceaux blancs. Mais dans le sens de la hauteur, ces îlots ne
sont que le terme d'une colonnette de cellules rangées
les unes au-dessus des autres et se continuant jusqu'à
la couche des petites cellules pyramidales. Dans les
couches superficielles, les capillaires pénétrant per-
pendiculairement à la surface de l'écorce ne troublent
nullement cette sériation longitudinale, ils l'accen-
tuent même puisqu'ils lui sont parallèles. On comprend
d'après cet exposé, qu'après l'examen d'un très petit
nombre de coupes, à l'aide d'un faible grossissement
qui permette d'avoir sous l'oeil toute l'épaisseur de
la substance grise, on la verra décomposé en un véri-
table quadrillage, formée par les plans des cinq cou-
ches dans le sens horizontale, par la sériation des
cellules et les travées des faisceaux dans le sens ver-
tical. Il sera donc presque aussi aisé de préciser une
lésion diffuse et vague, caractérisée seulement par un
changement de couleur ou d'opacité de la névroglie,
qui l'est d'indiquer la place d'un pâté d'encre fait sur
une table de Pythagore. De plus, la disparition de
184 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
cette sériation dans le sens longitudinal indiquera soit
une diminution des faisceaux blancs, soit un morcel-
lement des couches, par un développement exagéré
des capillaires par exemple. Aussi avons-nous tenu
grand comptede cet aspect, que l'on nous verra souvent
indiquer. La seule chose qui le puisse troubler c'est
la présence de faisceaux blancs coupés obliquement,
mais leurs surfaces de section étagées se reconnaissent
facilement, et présentent toujours la même image.
Les premières observations que nous rapportons
sont relatives à des idiots de quatre ou sept ans; avec
les lésions de méningo-ellcéphalite plus ou moins pro-
noncées. Les suivantes portent sur les idiots plus âgés
atteints de plus d'épilepsie vraie, la coexistence des
deux états est d'ailleurs fréquente. Enfin nous rap-
porterons une observation de sclérose à petits foyers
miliaires, chez un épileptique dément, et une de
kystes celluleux avec épanchements sanguins chez
un idiot; car ces lésions peuvent servir à établir une
transition entre l'atrophie de la substance grise que
nous étudions et les états plus marqués de kystes, et
de sclérose lobaires, de porencéphalies que l'on voit
également dans la catégorie de malades que nous
avons en vue.
OUS6SV.\TION I. - Reb..., 1874-I88C, est un enfant qui à l'âge
de dix ans ne pouvait ni marcher,, ni parler, poussait seulement
des cris inarticulés passait ses journées assis sur une chaise ou
couché, ne pouvait manger seul, était gâteux, il présentait des
convulsions allant jusqu'à un véritable état de mal. Il mourut
dans un de ces états de mal; de broncho-pneumonie comme la
plupart des épileptiques. La congestion pulmonaire intense, le
long coma pendant lequel les malades respirent la bouche
ouverte, dans un air nosocomial sont sans aucun doute la cause
de la fréquence de cette broncho-pneumonie, qui chez un autre
DE LA SUBSTANCE GRISE. 185
de nos malades mort dans le même cas présentait le caractère
hémorrhagique, avec un petit foyer gangreneux au centre de
chaque tache sanguine péribronchique, nous signalons ce fait en
passant, parce qu'il est comparable aux lésions expérimentale
des poumons déterminées par Traube, Schiff, etc., par la lésion
du bulbe et des pédoncules cérébraux, et parce que récemment,
MM. Bianchi et Armanni ont signalé la même broncho-pneu-
monie, coexistant avec des lésions du pneumogastrique chez les
paralytiques généraux déments. La décortication des deux hémis-
phères fut assez facile; il existait quelques taches laiteuses de la
pie-mère; un grand nombre de circonvoultions étaient étroites
et amaigries.
L'examen histologique a été fait au laboratoire des travaux pra-
tiques de la faculté. Le cerveau avait été durci par l'alcool, la
moelle par le liquide de Muller; des coupes ont été faites en di/ré-
rentes régions, tant à gauche qu'à droite, sur chaque hémisphère.
On s'est trouvé bien de passer quelques fragments trop mous du
cerveau dans de la gomme glycérinée et de les durcir ensuite à
l'alcool.
La première frontale gauche, à sa naissance, montre un certain
nombre de corps granuleux répandus dans la substance blanche
et qni se colorent en noir sur une coupe exposée aux vapeurs
d'acide osmique. On voit aussi de fines gouttelettes graisseuses
- exister dans la substance grise. Sur des coupes colorées, on cons-
tate que la vascularisation paraît normale; les cellules nerveuses
sont nombreuses, disposées en séries; beaucoup ont leur forme
pyramidale et des prolongements nets. En somme, les cinq
couches de la substance grise ne présentent pas des lésions
nettes; la substance blanche offre des lésions de désintégration.
Sur le milieu de cette première frontale gauche, la substance
blanche a le même aspect; les corps granuleux y sont nombreux
le tissu est sillonné par des bandes fibrillaires nombreuses qui
rayonnent dans la substance grise. Du côté de celle-ci, les lésions
sont les mêmes pour les cinq couches; la vascularisation est exa-
gérée ;. les capillaires au lieu de s'enfoncer tout droit dans la
substance grise s'y ramifient, la morcellent; l'aspect normal des
cellules nerveuses placées bout à bout n'existe plus dans les
couches moyennes; les cellules nerveuses, surtout dans la couche'
de petites cellules pyramidales (2° couche de Meynert), sont
devenues rares ; pourtant les grandes cellules existent encore,
mais nulle part elles ne sont groupées par nids comme on les
trouve à l'état normal dans les régions motrices, ainsi que l'a
indiqué Betz; elles sont, au contraire, assez clair-semées. D'autre
part, les cellules interstitielles à petits noyaux sphériques ne pa-
raissent pas multipliées dans la substance grise, mais le sont évi-
demment dans la substance blanche.
186 PATHOLOGIE MENTALE.
La coupe d'une circonvolution du lobe occipital gauche à la
face externe de l'hémisphère montre la substance grise un peu
réduite d'épaisseur, mais avec ses couches reconnaissables. Il
existe un certain nombre de foyers de désintégration assez pauvres
en cellules, où presque toute la trame de l'écorce grise s'est en-
levée avec les méninges, ou est tombée. Le réseau fibrillaire de la
'névroglie y est apparent mais les mailles très larges de la né-
vroglie circonscrivent un grand nombre de vacuoles, d'espaces
vides, qui constituent de véritables pertes de substance. Ces foyers
interrompant la disposition des fibres nerveuses qui gagnent la
substance blanche, comprennent en général les trois premières
couches de l'écorce. On les trouve dans la plupart des cerveaux
d'idiots; ils paraissent un début microscopique, de ce qu'ont décrit
MM. Bizzozero et Golgi sous le nom de porose cérébrale. Dans la
substance blanche, il n'y a que peu ou pas de corps granuleux,
mais une quantité considérable de petites cellules intersti-
tielles.
L'hippocampe du côté gauche a les mômes lésions que la pre-
mière frontale. Il existe des foyers de désintégration dans la
substance grise, des amas considérables de corps granuleux dans
la blanche. Les cellules géantes de la région sont éparses au
milieu de la névroglie, leurs dimensions sont au-dessous de celles
qu'on s'attend à rencontrer là; la ligne de grandes cellules du
corps bordant ne parait pas altérée.
La lèvre inférieure de la scissure de Sylvius droile a aussi une
vascularisation très prononcée, beaucoup plus accusée que partout
ailleurs; les cellules interstitielles paraissent abondantes; à part
cela l'aspect est le même que dans les régions motrices gauches.
La première frontale et le lobe occipital droits sont à peu près
semblables aux parties gauches sur les points correspondants. Sur
le cervelet, examiné du côté gauche, on trouve une raréfaction des
éléments nerveux de la couche des myélocytes, et un certain degré
de fibrillation de la substance blanche, parsemée de corps gra-
nuleux. Il est assez difficile sur nos pièces de faire la distinction
entre les deux espèces de cellules de la couche granuleuse.
(A suivre.)
PATHOLOGIE MENTALE
DES TRAUMATISMES DU CRANE DANS LEURS RAPPORTS
AVEC L'ALIÉNATION MENTALE » ;
PAR LE 1)' J. CIIRTSTIA\
Médecin de la Maison nationale de Cliaretitoti.
V.
Preuves cliniques. et). Troubles des facultés
intellectuelles (arrêt de développement, abolition,
perversion, etc.). - L'arrêt de développement de
l'intelligence est fréquent, quand l'accident se produit
dans l'enfance.
Fabrice de Hilden (cent. III, obs. XXI, édit. 1641)
rapporte l'observation d'un enfant, qui jusqu'à l'âge
de dix ans, avait fait preuve de l'intelligence la plus
éveillée. A partir de cet âge, il perdit la mémoire, puis
les autres facultés, et tomba dans une démence com-
plète. La cause de ces accidents avait été un coup à la
tête, qui avait déterminé un enfoncement du crâne au
niveau de la suture lambdoïde.
On doit trouver bon nombre de cas semblables dans
les asiles d'enfants arriérés ou idiots : peut-être n'en
ai-je pas moi-même rencontré plus souvent, parce que
la majeure partie de ces enfants n'arrive pas à l'âge
adulte, à l'âge de la folie. Cependant l'enfant dont
parle Fabrice de llilden, vécut jusqu'à quarante ans.
1 Voir le 11- 52, p. 1.
88 PATHOLOGIE MENTALE.
Observation XVII. - B..., trente-quatre ans, commis au minis-
tère de la guerre. Paralysie générale à forme démente. Entré en
janvier 1879, mort au bout de huit mois, de convulsions épilep-
tiformes. B... avait deux ans, quand sa bonne le laissa tomber
dans l'escalier; il fut grièvement blessé à la tête, qui avait porté
sur l'angle d'une marche. B... est resté faible d'intelligence, il a
~été incapable de suivre les classes du collège. A peine a-t-il pu
faire un copiste passable dans les bureaux de la guerre.
Quelquefois ce n'est pas l'ensemble des facultés qui
est frappé d'arrêt de développement; mais l'intelli-
gence se développe d'une façon irrégulière, qui rap-
pelle celle des dégénérés héréditaires. Les individus
restent bizarres, mal équilibrés, impulsifs, incapables
d'un travail suivi ou d'un effort soutenu : ils ren-
trent dans la grande catégorie des cérébraux de
Lasègue. Ces cas sont fréquents.
Observation XVIII. C..., jeune homme de la campagne, sans
antécédent héréditaire, présente depuis plusieurs années et à in-
tervalles variables, des accès de délire, qui durent de quelques
semaines à [quelques mois, et pour lesquels il a été plusieurs fois
interné soit à Charenton, soit dans d'autres asiles. Ces accès sont
caractérisés par des impulsions violentes, des idées de grandeur
et de satisfaction, etc. Dans l'intervalle, il est laborieux, tran-
quille, mais toujours en gardant une haute idée de son intelli-
gence et de son instruction, et en se montrant assez arrogant pour
son entourage. A l'âge de quatorze ans ce malade avait fait une
grave chute sur la tête.
Observation XIX. - V..., vingt-neuf ans, entré à Charenton en
1874. Jusqu'à l'âge de treize ans, c'était un élève brillant dans le
lycée où il avait été placé. 11 fit alors une chute sur la tête, en
tombant d'un trapèze. Les accidents immédiats se dissipèrent
assez rapidement, mais il se plaignit de fréquents maux de tête,
devint distrait, paresseux; puis il fit des extravagances de toutes
'sortes. Il arriva rapidement à la démence.
Observation XX. -1L ? soixante ans, berger. A l'âge de quatre
ans, il avait reçu un violent coup de serpe sur la tête; la cicatrice
en est manifeste. Cet homme a été de tout temps regardé comme
un cerveau fêlé, et dans son village, il était l'objet des moqueries
et des mauvais tours de chacun. Vers l'àge de vingt ans, il com-
mença à montrer de l'exaltation religieuse, s'attribua le don de
DES TRAUMATISMES DU CRANE. 189
prophétie, se mit à prêcher, laissant pousser ses cheveux et sa
barbe, s'affublant d'un costume bizarre. Cela ne l'empêchait pas
de gagner sa vie en gardant les troupeaux. Avec les progrès de
l'âge, le délire s'accentuant, M... devint dangereux et il fallut le
séquestrer.
Dans le même ordre d'idées il faut citer les chan-
gements d'humeur et de caractère. Un enfant studieux
et discipliné recul à l'école un coup de règle sur la tête.
Depuis ce fait son caractère changea complètement,
il devint méchant et paresseux (Wigan, cité par Bail,
in France méd., 11 nov. 1884). - Gall (loc. cit., II,
p. 199) raconte qu'un jeune homme, ayant reçu une
blessure considérable dans le voisinage de l'os tem-
poral, fut trépané par Acrell. Quand la blessure fut
guérie, il ne put s'empêcher de voler, quoique, aupa-
ravant, il n'eût pas ce penchant. Acrell reconnut qu'il
ne fallait l'attribuer qu'à la blessure de la tête, et il
le fit sortir de prison'.
Parmi les changements qui offrent un intérêt spé-
cial, je signalerai ceux qui ont trait au genre de vie,
et surtout à l'appétence pour l'alcool.
Stalpart van der Wiel raconte l'histoire du comte
Philippe de Nassau-Weichheim, qui, après une chute
de cheval qui détermina une grave contusion du
crâne, fut trépané 27 fois( ! ), avant qu'on pût décou-
vrir l'épanchement. Guéri, il put boire plus de vin
qu'auparavant, sans que l'ivresse s'accrût, « proba-
« blement, ajoute l'auteur, en raison de la plus facile
« expansion du cerveau ». (Franck (Pi ? txeos),, III,
p. 359, [noté) trad. Bayle.) Par contre, l'un des blessés
'Un enfant, âgé de quinze ans, donnait également peu d'espérance. Il
tomba il Copenhague, du quatrième étage d'un escalier, et, depuis cette
chute, il déploya de grandes facultés intellectuelles... Mais après la même
chute, il manifeste aussi un très mauvais caractère. (Gall, loc. cil., p. 32.)
190 PATHOLOGIE MENTALE.
de Krafft-Ebing ne supportait plus même de minimes
quantités d'alcool : un verre de vin le grisait. Plusieurs
des malades que j'ai connus n'étaient devenus alcoo-
liques qu'après leur accident, de telle sorte que l'on
peut supposer que celui-ci doit être incriminé.
Observation XXI. - II..., quarante-sept ans, était peintre en
bâtiments, quand, en 1871, il fit, du haut d'un échafaudage, une
chute très grave sur la tête. Il guérit, mais abandonna sa profes-
sion, et trois ans après, se fit marchand de vins. Dès lors il com-
mença à boire, et, en 1879, il dut être conduit à Charenton, en
proie à une attaque de delirium tremens. Il succomba le jour
même de son entrée : hémorrhagie sous-méningée, coeur grais-
seux.
Observation XXII. T..., cultivateur, quarante-cinq ans. Jus-
qu'à l'âge de trente ans, était sobre et rangé. A cette époque, il
tomba dans une carrière et se blessa grièvement à la tête. Depuis
lors il se mit à boire ; il a eu déjà plusieurs atteintes de délire al-
coolique.
Observation XXIII. - B..., trente-six ans, cultivateur. Un cou-
sin paralytique général. Il y a douze ans chute très grave sur la
tête, et deux ans après, accès de dipsomanie qui revient à chaque
printemps et dure quelques semaines.
b). Troubles pathologiques permanents. - Ces trou-
bles sont très variables, et dépendent des circons-
tances, spéciales à chaque cas, dans lesquelles le trau-
matisme s'est produit. C'est ainsi qu'un oeil, ou même
les deux yeux, peuvent être perdus, que l'ouïe peut
être abolie ; qu'un muscle ou un groupe de muscles
peuvent rester paralysés et s'atrophier consécutive-
ment. Dans les observations qui précèdent, il y a des
exemples de toutes ces lésions, et il n'est pas néces-
saire d'insister sur leur fréquence et leur impor-
tance.
Je connais le fils d'un paralytique général actuel-
lement dans mou service ; ce jeune homme, âgé de
DES TRAUMATISMES DU CRANE. 191
dix-huit ans aujourd'hui, est tombé sur la tête du haut
d'un trapèze, lorsqu'il avait douze ans : il en est resté
complètement sourd, et je me suis souvent demandé
quel est l'avenir réservé à cet infortuné'.
Gama (loc. cil., p. 461) cite un homme qui, après
une chute sur la tète, resta sourd. Il mourut après 6 ans
de souffrances.
Dans le numéro du 1 el' avril 1882 du Cenlrcll3lalt.
f. 7Ve/'M ? e'«f/e, on trouve l'histoire d'une jeune
fille de vingt-deux ans, qui, à la suite d'une chute sur
l'occiput, perdit le sens du goût et de l'odorat 2.
Observation XXIV. - J'ai vu mourir à Charenton un persécuté,
âgé de cinquante-quatre ans ; à l'âge de sept ans, il avait été vic-
time d'un grave accident; il avait été grièvement blessé au som-
met de la tête, vers la suture fronto-pariétale. Peu après, sa vue
avait commencé à faiblir, et malgré tous les traitements, il était
complètement aveugle à quinze ans. Vers l'âge de vingt ans, idées
de persécution et hallucinations multiples, qui persistèrent jus-
qu'à la mort. B... était affecté d'une prédisposition héréditaire;
sa mère et sa soeur étaient aliénées.
Fréquemment persistent des douleurs, soit sous
forme de névralgies s'irradiant à partir du point
atteint, soit sous celle de douleurs sourdes, obtuses,
s'accompagnant, ou non, de bourdonnements ou de
sifflements d'oreilles.
Une demoiselle reçoit, à l'âge de quinze ans, un léger coup sur
le côté droit de la tête. Elle resta, depuis ce temps, et pendant
trente ans, sujette il une violente céphalalgie, qu'elle rapportait
constamment au point où elle avait reçu le coup. Au bout de ce
temps sa santé s'altéra ; elle tomba dans l'assoupissement, sa vue
s'affaiblit, et elle périt dans le coma à l'âge de cinquante ans. L'os
du crâne, dans le lieu où le coup avait porté, était aminci par
' Observations semblables dans Fabrice de Hilden, cent. 3, On5. VII : c.r,
Casn al) alto surdilas seeula..
2 On sait qu'Urnla enfant (il avait huit ans), la suite d'une violente et
brutale correction de son père, resta bègue pendant plusieurs mois.
(Dubois (d'Amiens), Eloge (1'01 filzi.)
'H) : 2 PATHOLOGIE MENTALE.
l'absorption, au point d'être transparent dans l'étendue d'un
écu.
Cette observation est tirée d'Abercrombie (p. 264),
qui l'emprunte à Howship. Le même auteur (p. 59)
rapporte l'histoire, bien plus curieuse encore, d'un
capitaine, qui, au siège d'une place, tomba tout d'un
coup sans parole, par suite du passage d'un boulet,
qui lui effleura la tête. Revenu à lui, ce malade se
plaignit toujours d'une douleur obtuse à la tête et
d'un tintement d'oreilles. Six ans après, il devint épi-
leptique, et mourut en peu de temps. A l'autopsie,
dure-mère gangrenée auprès de la suture coronale.
Sur le milieu du cerveau, près de la faux, existait uu .
os très aigu qui pénétrait dans la dure-mère. Il u'exis-
tait aucune cicatrice ni aucune trace de fracture du
crâne. (Cas. tirée des missel. nat. curios., an IV,
Cas. XCV, Ant. Pozzis.)
J'ai connu un malade qui avait été victime d'un
accident absolument semblable : il était capitaine, au
siège de Metz en 1870, quand il fut renversé sans z
connaissance par un boulet qui lui rasa la tête, d'ail-
leurs, sans aucune lésion apparente. Il reprit son ser-
vice, mais souffrant beaucoup de céphalalgies : en 1880,
il mourait de paralysie générale. L'autopsie ne me
révéla aucune particularité pouvant se rapporter à
l'accident.
Observation XXV. Un ancien sous-officier, qui avait fait la
campagne de Crimée, et avait été blessé à la jambe, était devenu,
après sa libération du service, employé des ponts et chaussées. En
1811, à l'âge de trente-huit ans, il tomba accidentellement du
haut d'un mûrier, et se contusionna la tête. Il eut un mal de tête
afl'reux; pendant vingt jours, il ne put ni marcher, ni tenir un
objet quelconque, la main étant paralysée. Au bout de vingt jours
seulement, il put s'habiller seul. Les douleurs de tête persistèrent
DES TRAUMATISMES DU CRANE. 193
quoique moins violentes, mais l'intelligence s'affaiblit, lamémoirp.
se perdit, et le malade, atteint de paralysie générale, dut être
placé dant un asile, où il mourut subitement en 1874, de la rup-
ture d'un anévrisme de l'aorte.
Mais une des conséquences les plus fréquentes des
traumatismes crâniens, c'est incontestablement l'épi-
lepsie ou du moins l'attaque épileptiforme. Dans les
observations qui précèdent (Cas. XIV, XV) je l'ai notée
plusieurs fois ; il n'est pas d'ouvrage consacré à
l'épilepsie, dans lequel on n'ait fait figurer les coups et
blessures à la tête parmi les causes déterminantes.
Enfin, il n'est pas rare de voir à la suite du trauma-
tisme survenir l'épilepsie d'abord, la folie plus tard.
Calmeil enciteuuexempleremarquable(llTal. iujlam.
du cerveau, II, p. 85, OBS. CXIX) : un charpentier,
âgé de cinquante-trois ans, avait reçu dans l'enfance un
coup violent sur le pariétal gauche : fracture et perte
de substance de l'os. Devenu militaire, il est effrayé
une nuit par des coups de pistolet tirés, à son oreille,
et des cris que l'ennemi approche : il devient épilep-
tique, mais les attaques sont rares. A cinquante-deux
ans, délire ambitieux, paralysie générale. A l'autopsie,
vaste dépression sur le pariétal gauche, perte de subs-
tance de l'os; la dure-mère est appliquée sur l'orifice et
forme un tampon membraneux.
Dans la fameuse observation de Quesnay (J.11ém. de
l'Acad. royale de chirurgie, I) rapportée par Bouillaud
(OBS. L), il s'agit d'un laquais âgé de quinze àseize ans.
Un coup de pierre au milieu du pariétal droit, produisit
une fracture de l'os, à travers laquelle le cerveau,
faisant hernie, se gangrena dans une étendue consi-
dérable. Le jeune homme guérit, mais en restant
Archives, t. XVIII. 13
194 PATHOLOGIE MENTALE.
paralysé du côté droit; il eut des mouvements épilep-
tiques, mais l'esprit se rétablit entièrement.
Observation XXVI. L..., journalier, vingt ans. A dix ans coup
de pied de cheval qui laisse sur le front une profonde cicatrice;
trois ans après, première attaque d'épilepsie. L'intelligence s'af-
faiblît graduellement, la parole devint difficile et pénible.
Observation XXVII. Th..., dix-huit ans, sans profession. A
dix ans chute sur la tête du haut d'une maison en construction :
coma, délire ; gravement malade pendant six semaines. Peu de
temps après, première attaque d'épilepsie, puis démence.
VI.
Dans les observations que j'ai recueillies, je me
suis appliqué à relever avec le plus grand soin
les particularités suivantes : 1° quelles ont été la
nature et la gravité du traumatisme ? A-t-il été suivi
d'accidents primaires ou secondaires, et de quelle im-
portance ? 2° Ces accidents ont-ils laissé après eux des
traces visibles (cicatrices, pertes de substance, para-
lysies, atrophies,, etc.) ? 3° Y a-t-il eu, consécutive-
ment, une altération dans le fonctionnement du cer-
veau (intelligence, caractère, humeur, aptitudes, etc.) ?
4° Enfin, quand l'occasion s'en est présentée, l'au-
topsie a-t-elle donné quelque résultat ?
Il est bien rare qne tous les éléments du diagnostic
se soient trouvés réunis chez le même malade; on ne
rencontre généralement que les uns ou les autres,
groupés d'une façon variable, mais suffisants cepen-
dant pour permettre de conclure à l'action réelle du
traumatisme. Eu procédant ainsi à mon enquête, j'ai
recueilli, soit à Maréville, soit à Charenton, un très
DES TRAUMATISMES DU CRANE. 193
grand nombre de faits, parmi lesquels j'en ai retenu
Il cent des plus probants, et c'est de l'analyse de ces
cent observations que je vais essayer de tirer quelques
données générales. 11 est inutile d'ajouter que tous
les malades ont passé par mon service et ont été
observés par moi.
J'ai pu ainsi, tout d'abord, constater une extrême
variété dans la nature même des traumatismes : on en
jugera par le tableau suivant :
196 PATHOLOGIE MENTALE.
d'un arbre, dans une cave, ou une carrière, etc.
- Dans les coups par instrument contondant, j'ai
dû ranger un nombre infini de variétés, telles que
bille de bois lancée avec violence, câble échappé
d'une transmission, - coups de pied de cheval, coups
de bâton, de pommeau de sabre, de crosse de fusil,
passage de la roue d'une voiture, explosion de
mine. masses tombées sur la tête, telles que bottes
de foin, coupons de drap, ballot de laine.
J'ai mis à part les blessures par armes à feu (balles,
éclats d'obus) ; elles ont en effet quelque chose de spé-
cial. Quant aux plaies par instrument tranchant, elles
en comprennent par coups de sabre, coups de hache,
de serpe, de hoyau. Un seul malade a été victime
d'un contre-coup : il est tombé dans une cave, d'une
hauteur de 2 à 3 mètres, sur les pieds. De cette chute
il est resté tout étourdi pendant quelques heures, et à
partir de cette époque il n'a cessé d'éprouver dans la
tête de violentes douleurs : il a fini par la paralysie
générale. J'ai eu, depuis, l'occasion d'observer un cas
presque identique chez un militaire.
Une question d'une grande importance est celle de
l'âge auquel a eu lieu l'accident. Il est évident que,
toutes choses égales d'ailleurs, un traumatisme quel-
conque agit différemment sur le crâne de l'adulte et
sur celui de l'enfant. Dans l'enfance, les os, et parti-
culièrement ceux du crâne, sont relativement mous,
élastiques, la non-ossification des sutures leur donne
une souplesse et une élasticité, qui n'existent pas
chez l'adulte. Il faut bien en outre que les chutes
soient moins dangereuses pour l'enfant, car c'est à
cet âge qu'elles sont les plus fréquentes, et il n'est
DES TRAUMATISMES DU CRANE. W I
assurément personne, qui, dans les jeux propres à
l'enfance, n'ait gardé le souvenir de maints horions
accidentellement reçus sur la tête, et n'ayant laissé
aucune trace.
198 PATHOLOGIE MENTALE.
folie est nettement déclarée : c'est le temps écoulé
entre ce moment et celui de l'accident que j'ai noté.
DES TRAUMATISMES DU CRANE. 199
résultats prochains. Il n'est même pas possible de
savoir exactement quelle est la partie de l'encéphale
définitivement atteinte. Du point externe directement
atteint, l'ébranlement se transmet à toute la masse
cérébrale, et qui pourrait dire où aboutit la résultante
finale ?
Il faut réfléchir ensuite que la vie cérébrale est in-
finiment complexe, que le traumatisme n'agit jamais
seul, enfin qu'il n'agit pas autrement que toutes les
causes que nous invoquons dans l'étiologie des mala-
dies mentales : ◀tantôt▶ il intervient comme cause déter-
minante ; bien plus souvent comme cause prédispo-
sante. Il suffira d'un ou deux exemples pour montrer
combien les appréciations doivent différer suivant les
cas.
z Un homme, dont la mère a été aliénée, arrive jus-
qu'à l'âge de 30 ans, en présentant tous les signes
d'une intelligence parfaitement équilibrée : à cet âge
il fait une chute, se blesse grièvement à la tête, gué-
rit, et reprend ses affaires. Mais on s'aperçoit qu'il
n'est plus le même, et quelques années après il estem-
porté par une paralysie générale. Dans ce cas, n'est-
on pas autorisé à dire que la chute sur la tête a été
la cause déterminante de la paralysie générale, à la-
quelle le sujet avait toute chance d'échapper, malgré
sa prédisposition héréditaire ?
Autre exemple : un homme de 40 ans, sans aucune
prédisposition héréditaire, et qui a toujours joui
d'une excellente santé, reçoit des coups de bâton à
la tête; il guérit de ses blessures et n'en garde au-
cune trace. Deux ans après, il perd son fils unique,
tombe dans une profonde mélancolie, et meurt para-
200 PATHOLOGIE MENTALE.
lytique général. Est-il téméraire de supposer que cet
homme aurait eu la force de supporter son chagrin, si
antérieurement son cerveau n'avait été ébranlé par le
traumatisme !
Assurément il y à là matière à discussion, et l'on
pourrait faire bien d'autres hypothèses; je veux seu-
lement établir que le traumatisme ne saurait, en gé-
néral, imprimer à la folie aucun caractère spécial, -
qu'il n'intervient qu'en lésant, plus ou moins grave-
ment, le cerveau dont il fait l'organe nzinoris resis-
tentiæ, quand il n'existait aucune prédisposition anté-
rieure, ou, tout au contraire, il met en jeu les
prédispositions latentes. Et c'est ainsi que l'on peut
voir survenir l'une ou l'autre des maladies mentales :
manie, délire de persécutions, folie circulaire, ou dé-
mence, épilepsie, paralysie générale', non pas indiffé-
remment, mais suivant la nature et le mode d'action
des autres causes qui sont également intervenues'.
Il n'est qu'une série de cas, où il semble que le
traumatisme imprime à la maladie mentale un cachet
spécial, c'est quand il a été la cause directe, immé-
diate, de la folie. Un officier reçoit des coups de
sabre à la tête à la bataille de Sedan; il guérit, et
reprend son service; mais il ne cesse de présenter
1 Je devrais signaler aussi les manifestations de l'hystérie, qui peu-
vent ètre la conséquence du traumatisme, comme le professeur Charcot
l'a démontré; il en a été publié de nombreux exemples, mais ce sont des
faits que je n'ai guère chance de rencontrer parmi mes malades, et je
devais me borner à en noter la possibilité.
2 Outre la prédisposition, cet x que nous sommes toujours obligés d'in-
voquer, il y a encore des causes accidentelles dont on ne saurait néglt-
ger l'importance : les excès de table, les excès alcooliques, les veillées,
les fatigues, l'abus du coït, les secousses morales, etc... Toutes ces
causes doivent intervenir dans la forme de la maladie mentale.
DES TRAUMATISMES DU CRANE. 201
des troubles cérébraux, céphalalgie, vertiges, éclipses
de mémoire. Ces symptômes s'aggravent progressive-
ment, se compliquent de délire, et il faut placer le
malade dans un asile d'aliénés. Au début il présente
une excitation maniaque, avec des idées de grandeur,
qui peut faire croire à une paralysie générale. Mais il
n'y a pas de tremblement manifeste de la parole, il
n'y a pas le caractère si expansif du paralytique, mais
plutôt un état de torpeur , enfin la marche de la mala-
die n'est pas celle de la paralysie générale : depuis
plus de 7 ans le malade reste dans un état à peu près
stationnaire, et ce n'est pas ainsi que les choses se
passent chez le paralytique.
J'ai plusieurs cas de ce genre dans mon service, et
se ressemblant tous d'une manière frappante : je les ai
compris dans mes cas de démence. Mais cette démence
a quelque chose de spécial, et, s'il me fallait trouver
un diagnostic plus précis, je crois que je m'arrête-
rais à celui d'encéphalite chronique de cause trauma-
tique.
S'il n'existe pas un ensemble de symptômes propres
à la folie due au traumatisme, il est clair que lé dia-
gnostic ne pourra se baser que sur les antécédents du
malade, et sur le mode d'évolution de la maladie. De
tout ce qui précède, ressort, dans chaque cas particulier,
la nécessité d'une enquête minutieuse : et je me suis
efforcé de montrer quels sont les éléments multiples
qu'il faut recueillir et contrôler avec soin, pour arriver,
sinon à une conviction entière, du moins à une très
grande probabilité. Je ne veux pas répéter tout ce que j'ai i
dit plus haut; cependant pour mettre en garde contre
des erreurs qu'il serait facile de commettre, je citerai
202 PATHOLOGIE MENTALE.
les faits suivants : ils semblent démontrer qu'il faut
d'autant plus hésiter à attribuer les accidents observés
au traumatisme, que le temps écoulé entre eux est plus
court :
Un capitaine d'infanterie, atteint de paralysie générale, est
placé à Charenton. La famille, les chefs, le malade lui-même, dans
certains moments de lucidité elative, expliquent l'apparition des
premiers accidents par une chute sur la tête, que cet officier a
faite six semaines avant son admission, en tombant de cheval.
Une enquête plus approfondie démontra que, depuis de longs
mois le malade avait eu des alternatives de mélancolie profonde
et d'excitation cérébrale ; que dans sa période d'excitation, il avait
fait des achats inconsidérés, hors de proportion avec ses res-
sources, et d'objets dont il n'avait nua besoin. Entre autres, lui qui
n'avait aucune habitude de l'équitation, avait acheté un cheval
d'une taille gigantesque, sur lequel il se livrait à des courses dé-
sordonnées, et c'est dans une de ces crises qu'il avait été jeté à
bas de sa monture. « N'est-il pas' évident, dit Foville, à qui j'em-
prunte cette observation, que la chute, au lieu d'être la cause, a
été le résultat d'un trouble mental déjà bien prononcé et qui doit
être rattaché au début de la folie paralytique ? » (Ann. mêd. psy-
chat., ils6\), I, p. 447.)
Un homme d'une soixantaine d'années et amené dans un état
comateux auquel il succombe quelques jours après son entrée. On
incrimine une chute sur la tête, faite la veille de son admission.
L'autopsie fait découvrir un énorme hématome de la dure-mère,
dont certainement le début remontait à une époque éloignée; la
chute n'avait été qu'un des effets de la lésion cérébrale.
Féré a raconté l'histoire d'un ouvrier qui tombe d'un
échafaudage et reste étendu mort : l'autopsie fit dé-
couvrir une hémorrhagie cérébrale considérable, et
c'est elle qui avait occasionné la chute. Je termine par
l'exemple suivant :
Un vieux mendiant se trouve sur une route au moment où ar-
rive au grand trot un escadron de cavalerie; il veut se garer, mais
tombe, et les chevaux lancés passent sur son corps. Quand on le
releva, il était mort. Evidemment il avait été écrasé ! L'autopsie
médico-légale démontra que le vieillard n'avait sur le corps que
des contusions sans gravité; il avait succombé à une hémorrhagie
cérébrale toute récente et très abondante. Il était donc évident
DES TRAUMATISMES DU CRANE. 203
que, par une singulière coïncidence, le mendiant avait été fou-
droyé par son hémorrhagie cérébrale au moment même où arri-
vaient les cavaliers, et ceux-ci n'avaient passé que sur un ca-
davre.
Cette observation, quoique s'éloignant un peu de
mon sujet, m'a paru cependant intéressante à rappor-
ter : elle vient à l'appui de ce que j'ai dit sur l'impor-
tance qu'il y a de ne pas baser le diagnostic sur de
simples apparences.
Le pronostic, et tous les auteurs sont d'accord sur
ce point, est toujours grave. Quand la folie survient il
la suite d'un traumatisme du crâne, je crois qu'on peut
la considérer toujours comme incurable, et cela s'ex-
plique, puisqu'on ne saurait la rattacher qu'à une
altération plus ou moins profonde, et plus ou moins
étendue de la substance cérébrale.
Traitement. Je n'ai rien à dire ici du traitement
par lequel on essayera de combattre les accidents
primaires ou secondaires des traumatismes crâniens :
ce traitement est principalement du domaine de la chi-
rurgie. Si le blessé échappe à ces accidents, il est con-
sidéré comme guéri et il l'est en effet; mais il reste
un cérébral, pour employer l'expression de Lasègue,
- il garde une tare indélébile du cerveau.
Peut-on, chez un pareil individu, espérer d'empê-
cher l'explosion ultérieure de la folie ? Nous retom-
bons ici dans les recommandations banales : suivre
une bonne hygiène, éviter les excès, les fatigues, les
émotions, etc. De traitement spécial, il n'en existe
pas. La raison en est simple : à côté de la lésion di-
recte, mécanique en quelque sorte, qui résulte du
traumatisme (fracture du crâne, épanchement de sang,
204 PATHOLOGIE MENTALE.
esquilles, etc.), - il en est une autre bien plus im-
portante ; c'est la modification moléculaire que le
choc a déterminée dans la trame nerveuse, dans la
cellule cérébrale. De cette modification, nous ne savons
- absolument rien, et nous sommes complètement
désarmés contre elle. Mais ce n'est pas une raison de
négliger l'autre élément du problème, et, chaque fois
que l'on constatera l'existence d'un foyer d'irritation
permanent (cicatrice, corps étranger, etc.), l'inter-
vention chirurgicale active me paraît absolument
indiquée. ,
C'est presque toujours la question du trépan qui se
pose dans ce cas. Or, avec les progrès de la chirurgie
contemporaine, avec l'antisepsie rigoureusement pra-
tiquée, l'opération du trépan est devenue absolument
inoffensive, et c'est un devoir d'en faire bénéficier le
blessé chaque fois que l'indication se pose.
Le trépan est d'autant plus indiqué qu'il existe dans
la science des faits authentiques de guérison d'acci-
dents graves, tels que l'épilepsie, dix, vingt ans, et
plus, après le trauma. Même quand l'affection céré-
brale a terminé son évolution et a abouti à la folie,
quelle qu'en soit d'ailleurs la forme symptomatique,
même alors je crois qu'il y a lieu d'examiner et de
peser mûrement les chances d'une opération. Si mi-
nimes qu'elles puissent être, j'estime qu'on peut, et
même qu'on doit y revenir.
Médecine légale. Tout problème médico-légal est
une question d'espèce, il demande à être étudié en
lui-même. Il n'est pas possible de tracer une règle gé-
nérale applicable à tous les cas. Si je disais que tout
DES TRAUMATISMES DU CRANE. 205
traumatisme du crâne doit nécessairement entraîner de
graves conséquences, on m'objecterait aussitôt dix,
vingt cas authentiques, où il n'y a eu aucune suite
fâcheuse. Et inversement, si j'affirmais que le pronos-
tic est en général favorable, on ne manquerait pas
de me citer des exemples nombreux où l'on a vu les
lésions les plus insignifiantes en apparence suivies
d'accidents formidables.
Le plus souvent, l'expert est appelé à apprécier le
préjudice causé aux victimes d'un accident (explosion
de mine, de machine à vapeur, rencontre de chemin
de fer, écroulement d'un échafaudage, etc.), et le de-
gré de responsabilité qui incombe à la compagnie, au
patron, au constructeur. Si, après l'accident, il s'est
produit des lésions secondaires durables, permanentes ;
si, par exemple, la fracture du crâne guérie, le blessé
est resté hémiplégique, s'il y a eu perte d'un oeil, ou
surdité, en un mot si le résultat a été une infirmité
incurable, la tâche de l'expert est singulièrement fa-
cilitée, puisqu'il n'a à se prononcer que sur un fait
tangible, évident, dont il lui sera très aisé d'établir la
filiation.
Où commencera la difficulté, c'est dans les cas, et
ce sont les plus fréquents, - où, après les symptômes
immédiats, plus ou moins graves, le blessé paraîtra
revenu, et définitivement revenu à son état normal.
Pourra-t-on affirmer que tout se bornera aux trou-
bles passagers de quelques jours ou quelques heures,
que la guérison sera certaine et durable ? ' ?
Bien téméraire serait le médecin qui se montrerait
trop afiirmatif ! Quelle que soit l'apparente insigni-
fiance des accidents de début, l'expert devra toujours
6 PATHOLOGIE MENTALE. - DES TRAUMATISMES DU CRANE.
montrer la plus grande réserve pour l'avenir : c'est
une règle dont il ne faut jamais se départir. Ce n'est
guère que pour des questions de responsabilité civile
que le médecin légiste est consulté dans la période qui
~~suit immédiatement le traumatisme. Il pourrait se faire
cependant qu'il eût à se prononcer sur des actes dé-
lictueux ou même criminels, commis par le blessé dans
cette période somnambulique qui succède au choc, et
qui peut durer vingt-quatre heures et plus. Dans cette
période, le blessé continue à agir comme s'il était dan s
son état normal, et cependant, il est absolument in-
conscient : c'est à l'expert à bien mettre ce fait en évi-
dence, et à montrer que, malgré toutes les appa-
rences, les actes sont automatiques, non raisonnés,
soustraits à la volonté de l'individu. C'est une sorte de
somnambulisme traumatique analogue au somnambu-
lisme comitial (vertige épileptique), au somnambu-
lisme naturel, etc.
Le plus fréquemment, le médecin est appelé dans
les circonstances suivantes : on lui demande si une
affection cérébrale chronique (folie, démence, para-
lysie générale, etc.), qui est survenue un an, deux
ans, dix ans..., après un traumatisme comme ceux
- que j'ai étudiés, peut légitimement être attribuée à ce
traumatisme.
D'une façon générale, je crois que l'on peut affir-
mer la possibilité du fait; mais je n'oserais aller au
delà. Chaque cas particulier demande une étude spé-
ciale ; c'est une démonstration qu'il faut recommencer
à chaque fois, et à laquelle il convient de procéder
avec une grande rigueur.
L'expert doit, en effet, bien se rendre compte, qu'a-
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. zou
près l'accident auquel il a réchappé, l'individu est
rentré dans les conditions de la vie commune; il a eu,
comme si rien ne lui était survenu, sa part de cha-
grins, de fatigues, de préoccupations, d'excès. Au
médecin il appartient de démêler la part exacte qui
revient à chacun de ces éléments étiologiques', de re-
connaître si, à côté de ces causes accidentelles, il n'en
existe'pas d'autres constitutionnelles (hérédité, etc.).
C'est toujours une question de diagnostic médical, et
j'ai essayé de montrer, dans tout le cours de ce tra-
vail, à quels points de repère il faut se rattacher pour
avoir chance de trouver la vérité.
CLINIQUE NERVEUSE.
RECHERCHES CLINIQUES ET EXPÉRIMENTALES SUR LES ACCI-
DENTS SURVENANT PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES';
Par M. le Dr MICHEL CATSARAS,
Professeur agrégé de la Faculté d'Athènes, Médecin de l'asile de 1)romocaitis.
IV. ETIOLOGIE.
Dans le chapitre précédent, nous avons longuement
étudié quel est l'agent pathogène des accidents sur-
venant par l'emploi des scaphandres ou des cloches
à air comprimé et quel est son mode d'action. Main-
' Les causes des maladies mentales sont toujours complexes et mul-
tiples, même dans les cas en apparence les plus simples. C'est à déterminer
l'élément étiologique essentiel que se réduit tout le problème.
e Voir Archives de Neurologie, n° -17, p. 1 F.ï; no -18, p. 2-16; n° 49, p. 22 j
n° 50, p. 225; n° 51, p. 392; n° 52, p. 80.
208 CLINIQUE NERVEUSE.
tenant, nous entrons en plein dans l'étiologie de ces
accidents, c'est-à-dire que nous allons étudier quelles
sont les causes de la production nocive de cet agent
pathogène. -
- Ici encore, nous puiserons les éléments de notre
étude à deux sources intarissables dont l'une qui a,
pour nous du moins, une importance vraiment incom-
parable, est la clinique, l'observation chez l'homme,
et l'autre qui contribue à son tour à éclaircir d'une vive
lumière l'étiologie des accidents en question, est l'ex-
périence. Or, grâce à ces deux sources dont nous avons
largement profité, notre chapitre de l'étiologie ne
sera pas moins étudié, moins élucidé que les autres.
Pour faciliter l'étude et la conception de toutes les
données étiologiques qui doivent être tirées de nos
observations, nous avons fait le tableau ci-contre.
L'étude attentive des conditions étiologiques des
accidents des malades de nos observations nous rué-
vèle trois catégories de causes. La première catégorie
est constituée par ces accidents qui produisent les ac-
cidents en favorisant le développement de l'agent
pathogène, en augmentant ainsi directement la quan-
tité de gaz dans le sang. La seconde catégorie est
constituée par les causes qui agissent en s'opposant à
l'élimination de l'excès de gaz par l'entrave au fonc-
tionnement régulier des voies éliminatrices, de la peau,
des poumons et de l'appareil digestif. Mais soit que
les causes agissent directement sur la production de
l'agent pathogène, soit qu'elles agissent en s'opposant
à l'élimination de l'excès de cet agent, le résultat
final, nous l'avons déjà dit, sera le même, l'augmen-
DES ACCIDENTS PAR- L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 201) lui
tation de la quantité des gaz dans le sang, qui fera
éclater toute l'Iliade de maux dont deviennentvictimes
les malheureux ouvriers des travaux sous l'air com-
primé. La troisième c'est les fatigues.
A. Causes favorisant LE DÉVELOPPEMENT DE l'agent
PATHOGÈNE PAR LEUR ACTION DIRECTE SUR SA PRODUCTION.
Ces causes relèvent toutes des conditions qui pré-
sident au travail lui-même. Elles sont au nombre
de quatre : 1° la profondeur; 2° la durée du séjour;
3° la rapidité de la décompression et 4° le nombre des
immersions. Toutes ces causes sont d'une importance
vraiment considérable et par cela même, d'une gravité
presque égale. Discutons la valeur de chacune de ces
conditions causales à part.
Il importe avant tout de remarquer les différences
fort importantes, en effet, qui ont été constatées chez
les animaux de différentes espèces, soumis à de fortes
pressions. C'est ainsi que les oiseaux peuvent supporter
les changements brusques de pressions excessivement
fortes bien mieux que les mammifères. La connais-
sance de ces faits si importants nous a été léguée
comme tant d'autres par Paul Bert, comme on le voit
dans le passage suivant :
« Chez les oiseaux, la décompression brusque est beaucoup moins
à redouter que chez ces mammifères. Un moineau, en effet
(exp. DX), avait survécu à la décompression à partir de dix atmos-
phères. Un autre (exp. DXUi) n'est mort que longtemps après une
décompression de quatorze atmosphères.
« Au contraire, chez les mammifères, les accidents ont com-
mencé à se manifester dès six atmosphères (exp. DXXX); la mort
a frappé presque tous les animaux ramenés de huit atmosphères
et tous ceux qui l'étaient de neuf. Le» chiens et les chais ont en-
iIiCHIVF.S, t. XVIII. 1 ¡,
: : J10 CLINIQUE NERVEUSE.
core paru plus susceptibles que les lapins; les expériences DXX
et DXXVI faites simultanément sur un chat qui a péri et un lapin
qui a survécu sont caractéristiques, réserve faite des différences
individuelles. »
Vu donc ces différences considérables qui sont pré-
sentées par les animaux des différentes espèces soumis
à de hautes pressions, c'est principalement sur l'ob-
servation chez l'homme qu'il faut nous appuyer pour
faire une étude complète et précise de cette question
qui est au fond si pratique et si intéressante, sans
négliger toutefois de recourir à l'expérience qui est en
effet un moyen auxiliaire d'étude éminemment ins-
tructif.
Fort heureusement, les accidents par l'emploi des
scaphandres nous fournissent un si grand nombre de
cas que nous avons eu l'embarras du choix. 'Les faits
insérés dans le tableau précédent suffisent pour établir
d'une manière évidente les différents éléments étiolo-
giques. En suivant toujours la même méthode, nous
allons choisir parmi les accidents de notre tableau
ceux qui sont d'une simplicité et d'une pureté remar-
quables, ceux dont l'accident ne doit être attribué qu'à
un seul et unique élément étiologique et en faire l'ana-
lyse, afin de mettre en relief l'action de chaque élément
étiologique, isolée, pure et dégagée de tout mélange.
Cela fait, il est extrêmement facile d'analyser les
accidents dont l'étiologie a été complexe, plusieurs
éléments étiologiques ayant concouru pour faire éclater
l'accident. Discutons un à un ces éléments.
1. Profondeur ou degré de compression. - Cet
élément étiologique est trop connu pour que nous y
insistions beaucoup. On conçoit facilement en effet
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 1-) 11 1
que plus la profondeur est grande, autrement dit, plus
la pression est forte, plus de gaz d'après la loi de
Dalton sera dissous et par une conséquence toute na-
turelle plus de gaz deviendra libre, se dégagera dans
le sang lors de la décompression. La profondeur ayant
une influence considérable et directe sur la production
de gaz constitue donc un élément étiologique d'une
importance capitale.
Outre un grand nombre d'accidents qui admettent
une étiologie complexe où la profondeur est un des
premiers éléments étiologiques ; nous citerons spécia-
lement l'accident de I'Orservation XXXIII qui montre
à l'évidence le rôle causal que joue la profondeur
dans la production des accidents survenant par l'emploi
des scaphandres. L'intérêt de cette observation con-
siste dans l'action causale de la profondeur isolée et
dégagée de tous les autres éléments étiologiques. En
effet, la profondeur a été de 32 brasses ; la durée du
séjour ne peut être incriminée dans ce cas, parce qu'elle
n'a pas dépassé les 4 minutes; la rapidité de la dé-
compression ne peut pas être considérée ici à titre
d'élément étiologique, car le même temps de décom-
pression a été employé par ce plongeur pour toutes
les profondeurs au-dessous de 32 brasses sans accident,
ce qui veut dire que, si ce n'était la grande profondeur
en d'autres termes la très forte pression, la décom-
pression brusque ne jouerait pas son rôle pathogénique
au point de devenir redoutable ; et pour parler dans
le sens de la loi daltonienne, s'il ne s'était pas dissous
une grande quantité de gaz pendant la forte pression
de 32 brasses, il ne se serait pas dégagé pendant la
décompression tant de gaz au point de faire éclater
: 21'2 CLINIQUE NERVEUSE.
l'accident. Le nombre des immersions ne peut non
plus être pris en considération, car cet homme n'avait
fait qu'une seule immension. Enfin, il n'y a pas eu
d'entrave au fonctionnement libre, régulier de la peau,
des poumons, ou des voies digestives, car il n'y a pas
eu de refroidissement, ni d'affections pulmonaires, ni
de repas avant l'immersion.
Le minimum de profondeur dans les accidents de
nos malades est de 16 brasses, et le maximum de 32
brasses. D'ailleurs les scaphandriers ne descendent
presque jamais à des profondeurs au-dessus de 32
brasses. Je n'ai observé qu'une seule fois chez les plon-
geurs à scaphandre des accidents à des profondeurs
au-dessous de 16 brasses. Passons maintenant à l'étude
d'un autre élément étiologique, de la durée du séjour
dont l'importance ne cède en rien à celle de la pro-
fondeur ou du degré de compression.
2. Durée du séjour. Afin d'établir la grande
fréquence aussi bien que la gravité de cette cause, nous
allons analyser tous les accidents de notre tableau, qui
n'admettent comme élément étiologique que l'action
isolée de la durée du séjour. Ces accidents sont au
nombre de treize dont dix appartiennent à des
plongeurs égaux en nombre (Ons. XIX, XXI, XXII,
XXV, XXVI, XXVIII, XXX, XXXVI, XXXVII et XLI
et trois à un seul plongeur à scaphandre, qui a
été atteint à différentes époques de son travail (OBs.
LVIII).
Maintenant, il est temps de procéder à l'étude spé-
ciale de chacun de ces accidents au point de vue étio-
logique. A 10 brasses de profondeur, est survenu
l'accident cérébral de l'OBs. XXXVI ayant revêtu la
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 213 3
forme aphasique, et plus spécialement le type d'apha-
sie complexe. Il est de toute évidence que cet accident
admet exclusivement la durée du séjour comme cause
unique; en effet ce plongeur a prolongé son séjour à
une heure et demie, et la preuve flagrante c'est que
le plongeur à scaphandre qui fait le sujet de cette
observation avait déjà antérieurement fait un grand
nombre d'immersions à la profondeur de 16 brasses
et bien au-dessus sans accident, de sorte que la pro-
fondeur ou le degré de compression n'est pour rien
dans la production de cet accident ; la rapidité de la
décompression non plus, car elle était tout à fait égale
en durée aux immersions antérieures à son accident;
il ne peut être question du nombre des immersions
comme cause de l'accident, car celui-ci est survenu à
la suite de la première immersion. Enfin, les causes
qui agissent en s'opposant à l'élimination de l'excès
de gaz devenus libres pendant la décompression ne
peuvent être ici invoquées, car le fonctionnement
libre de la peau des poumons et des voies digestives
n'a été nullement entravé; il est expressément noté
dans l'histoire de l'observation de cet homme qu'il
n'y a eu ni refroidissement, ni affections pulmonaires,
ni repas avant l'immersion. Il est donc évident que
l'heure et demie de séjour a été ici la seule cause,
l'élément étiologique unique dans la production de
l'accident en question. Jamais ce scaphandrier à cette
profondeur n'a demeuré plus de 15 à 20 minutes.
A la profondeur de 17 brasses a eu lieu l'accident
cérébral de l'OBSERVATION XXXVII sous la forme sen-
sorielle (variété oculaire, cécité). Il est de toute évi-
dence aussi que la seule et unique cause de, cet ac
cl Il CLINIQUE NERVEUSE.
cident est la durée prolongée du séjour au fond de la
mer, qui a été de une heure et trois quarts. Pour
preuve nous allons extraire et citer textuellement le
passage suivant emprunté à l'histoire de notre malade,
« Notons bien, dis-je, que ce plongeur était déjà an-
térieurement descendu un grand nombre de fois à cette
profondeur et bien au-dessus et il se faisait toujours brus-
quement, parfois décomprimer, en quelques secondes,
mais jamais, jamais, je le répète à dessein, il n'avait
dépassé les 20 minutes de séjour au fond. » Donc, la
profondeur et la rapidité de la décompression ne peu-
vent être invoquées en aucune façon comme causes
de cet accident; le nombre des immersions y est aussi
pour rien, car c'était à la suite de la première im-
mersion que l'accident avait éclaté. Enfin, le passage
suivant, emprunté aussi à l'histoire de la même obser-
vation, suffit à rejeter dans le cas en question l'action
étiologique des causes qui agissent en s'opposant à
l'élimination des gaz par la peau, les poumons et les
voies digestives. Le voici :
« Il importe en outre de remarquer que cet homme
n'était pas refroidi, il ne toussait pas et il n'avait pas
mangé avant son immersion. »
Il ressort clairement de cette analyse que le seul
élément étiologique dans la production de cet accident
a été la durée du séjour.
A la profondeur de 18 brasses est arrivé l'accident
de l'OBSERVATION XXV présenté cliniquement sous la
forme spinale unilatérale et plus spécialement sous
la variété intramyélitique. Cet accident doit être attri-
bué exclusivement et uniquement à la durée du séjour
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 2 Il Il
au fond qui a été d'une heure. A preuve nous insérons
le passage suivant de son histoire clinique :
« Il avait fait plusieurs immersions à la même pro-
fondeur et bien au-dessus jusqu'à 23, 25 brasses sans
accident, mais il n'avait jamais prolongé son séjour
plus de 10, 15 minutes et c'est la première fois qu'il
est resté au fond plus d'une heure. Inutile d'ajouter
que la décompression était toujours brusque. Pas de
refroidissement, pas de toux, pas de repas avant l'im-
mersion qui a causé l'accident. »
Ce passage prouve d'une manière on ne peut plus
claire que la profondeur, la rapidité de la décompres-
sion, le nombre des immersions (c'est à la suite de la
première immersion que l'accident est survenu), le
refroidissement, les affections pulmonaires, les repas
avant l'éclusement ne sont absolument pour rien dans
la production de cet accident.
Pour ne pas fatiguer l'attention du lecteur par
l'analyse de chaque accident particulier en répétant
toujours la même chose, nous dirons que tous les au-
tres accidents, Observations XIX, XXI, XXII, XXVI,
XXVIII, XXX, XLI et LVIII ont été exclusivement et
uniquement causés par la durée du séjour. A preuve
les immersions antérieures faites dans les mêmes con-
ditions de travail, sauf bien entendu la durée du séjour,
sans accident et la non-possibilité d'invoquer les
causes qui agissent par l'entrave au fonctionnement
régulier des voies éliminatrices de l'excès de gaz.
De l'analyse de ces faits il ressort d'une manière on
ne peut plus claire que bien des fois les accidents sur-
venant par l'emploi des scaphandres sont dus à la
durée du séjour.
216 CLINIQUE NERVEUSE.
Pour surcroît de preuves de ce fait nous avons ins-
titué, en imitant exactement les conditions du travail
des plongeurs il scaphandre, un certain nombre d'ex-
périences dont les résultats concordent parfaitement
bien avec les données de la clinique. Je me contenterai
de rapporter les suivantes, qui sont très concluantes
dans l'espèce :
Expérience VII (2 mars 1885). Pirée. - Chien. Première immer-
sion à 8 heures, 18 brasses de profondeur. Durée de séjour 16 mi-
nutes, de 8 h. 1 m. à 8 h. 17 m.; décompression 40 secondes.
Pas d'accident.
Expérience VIII (2 mars). Chien. Première immersion à 8 h.
30 m., 18 brasses de profondeur; durée de séjour de 8 h. 34 m. à
8 h. 41 m., décompression 50 secondes. Aucun accident.
EXPÉRIENCE IX (2 mars). - Chien. Première immersion, 9 heures,
profondeur 20 brasses; séjour de 9 h. et demie à 9 h. 9 m., dé-
compression 1 minute. Aucun accident.
Expérience X (2 mars). - Chienne. Première immersion 10 heu-
res, profondeur 21 brasses; séjour de 10 h. 2 m. à 10 h. 8 m.,
décompression 1 minute. Pas d'accident.
Expérience XI (2 mars). - Chien. Première immersion 10 h.
35 m., profondeur 23 brasses; durée de séjour de 10 h. 36 m. à
10 h. 40 m., décompression 1 minute. Aucun accident.
EXPÉRIENCE XII (3 mars 1885). Chien de l'expérience VII. Pre-
mière immersion à 8 heures, 18 brasses de profondeur; durée du
séjour de 8 h. 1 m. à 10 h. 31 m., décompression 40 secondes.
A 10 h. 42 m., l'animal commence a traîner ses pattes posté-
rieures ; à 10 h. 50 m. il ne peut plus marcher, ses pattes posté-
rieures sont en extension complètement paralytiques et insensi-
bles ; à 11 h. 15 m. l'animal excité se met à marcher en traînant
ses pattes et peu après il se recouche; à 11 h. et demie guérison
complète. ,
EXPÉRIENCE XIII. - Chier : de l'expérience VIII. Première im-
mersion à 1 I h. 45 m.; profondeur de 19 brasses, durée du séjour
de 11 h. 46 à 1 h. 46, décompression brusque 50 secondes. A 1 h.
51 m., paralysie transitoire de la patte postérieure gauche ayant
disparu à 2 h. 15 m.. ·
Expérience XIV. -Chien de l'expérience IX. Première immer-
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 217 ï
sion à h. 3 m.; profondeur 20 brasses; durée de séjour de 3 lui.
3 m. à 4 h. 48 m., Décompression 1 minute. A 4 h. 33 ni.. l'animal
tombe en convulsions suivies bientôt de coma. Mort à 5 heures,
fiaz en abondance partout, pas de foyers d'hémorrhagie.
Expérience XV (4 mars). Chienne de l'expérience X. Première
immersion à 8 heures du matin, profondeur 21 brasses ; durée du
séjour de 8 h. 2 ni. à 9 h. 3 m., décompression 1 minute. A 10 h. '
48 m., paralysie du train postérieur qui rapidement ascendante
produit la mort le troisième jour. Ramollissement ischémique,
petites taches hémorrhagiques.
Expérience XVI. Chien de l'expérience Xi. Première immer-
sion il 11 heures. Profondeur de 23 brasses; durée du séjour
de 11 h. 1 m. à 12 h. 1 ni ? -décompression 1 minute. A 12 h. 9 : i m.
cris, titubation. Angoisse respiratoire; à 12 h. 40 m. l'animal com-
mence à se remettre, à t heure guérison.
Certes, les accidents qui sont arrivés aux chiens,
(Exp. XII, XIII, XIV, XV -et XVI), n'admettent qu'une
seule cause exclusive, la durée prolongée du séjour.
La profondeur aussi bien que la rapidité de la décom-
pression ne peuvent être acriminées en aucune façon,
car les chiens des Expériences VII, VIII, IX, X et XI,
sont plongés à la même profondeur et la décompres-
sion a été absolument égale en durée sans aucun ac-
cident. Vu les grandes différences individuelles de
susceptibilité aux accidents qui ont été observés chez
les différents animaux de la même espèce, on aurait
peut-être le droit de discuter la valeur de ces expé-
riences et on pourrait expliquer par ce fait l'invasion
des accidents chez les uns et leur absence chez les
autres. Ici il est absolument impossible d'invoquer
cette individualité, car nous avons expérimenté sur
les mêmes chiens.
Le nombre des immersions n'y est aussi pour rien,
car c'est à la suite de la première immersion que les
accidents sont survenus. Les accidents de nos
218 CLINIQUE NERVEUSE.
chiens doivent donc être directement attribués à la
durée du séjour.
Cette cause a été confirmée aussi expérimentalement
par Paul Bert, comme on peut le voir en lisant le
-passage suivant :
« Un des éléments les plus importants à considérer relative-
ment à l'apparition des phénomènes morbides consécutifs à la dé-
compression est la durée du séjour dans l'air comprimé. Après
(suivant nous au même titre) le degré de la compression, après le
degré de la décompression, c'est lui qui joue le rôle principal.
Ainsi, tandis que pour les chiens décomprimés immédiatement
après que le degré voulu avait été atteint, on n'a pas d'accidents
graves, comme le montre le tableau XVIII avant d'avoir atteint
sept atmosphères, nous voyons dans l'expérience DL\Ill un chien
périr assez rapidement en sortant de l'appareil où la pression de
six atmosphères avait été entretenue pendant 3 h. et demie. »
Il est extrêmement facile de concevoir le pourquoi
de la gravité de la durée du séjour. Qu'on veuille
bien se rappeler les lois de l'équilibre des gaz et on
comprendra aisément que plus grande est la durée du
séjour au fond de la mer, en d'autres termes plus la
compression dure, plus de gaz sera dissous dans le
sang et en conséquence plus de gaz deviendra libre, et
sera dégagé dans le sang; d'où l'imminence morbide, qui
dans l'immense majorité des cas porte tôt ou tard ses
coups aux malheureux plongeurs à scaphandre.
Procédons maintenant à l'étude d'une troisième
cause aussi importante et aussi grave que le degré de
compression et la durée du séjour, c'est la rapidité de
la décompression. Je ne m'y arrêterai pas longtemps,
car l'importance en a été reconnue par tous les au-
teurs.
3. Rapidité de la décompression. Il importe, avant
d'étudier la gravité de cette cause, de fixer l'attention
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 219 a
du lecteur sur un fait très intéressant que voici. Il faut
faire une distinction nette et claire entre le rôle pa-
thogénique et le rôle étiologique de la décompression,
qui sont généralement confondus. Le rôle pathogé-
nique consiste en ce que c'est toujours la décompres-
sion et elle seule qui donne naissance à l'agent pa-
thogène, le gaz. Le rôle étiologique consiste en ce que
la rapidité de la décompression est en raison directe
de la production du gaz, en d'autres termes plus la
décompression est rapide plus de gaz deviendra libre,
durant l'action du rôle pathogénique de la décompres-
sion, ce qui fait l'imminence morbide.
La rapidité de la décompression est donc au même
titre que le degré de compression et la durée du sé-
jour, une cause qui produit des accidents favorisant
le développement de l'agent pathogène par son action
directe sur la production de cet agent, le gaz.
Comme nous l'avons fait pour la démonstration des
autres causes, nous allons choisir parmi les observa-
tions de notre tableau celles dont les accidents recon-
naissent comme seul et unique élément étiologique la
rapidité de la décompression. Ces accidents sont au
nombre de cinq. (OBs. XX, XLIV, XLIX, LUI et LV.)
(1.. L'accident extra-nerveux du plongeur de rOnSER-
Ovation LV, beau spécimen d'emphysème sous-cutané,
n'a certainement été causé ni par la profondeur de 20
brasses, ni par la durée du séjour de quelques mi-
nutes, car le même scaphandrier qui a été atteint avait
déjà fait antérieurement un grand nombre d'immer-
sions à la même profondeur et plus; le séjour étant
égal en durée, sans ancun accident. Il ne peut être
question du nombre des immersions comme cause de
220 CLINIQUE NERVEUSE.
l'accident, car c'est à la suite de la première immer-
sion que l'accident était arrivé. Le plongeur n'étant
pas indisposé et n'ayant pas l'estomac chargé avant
l'immersion on ne peut naturellement invoquer ni le
'refroidissement, ni les affections pulmonaires, ni les
repas avant l'immersion dans l'étiologie de cet acci-
dent. Enfin, si l'on songe qu'il n'était pas du tout fa-
tigué, on est forcément obligé de reconnaître comme
seule et unique cause la rapidité de la décompression
qui a été ici soudaine. En effet, tout d'un coup le tube
en caoutchouc s'est rompu sans solution complète de
continuité en deux points différents dont l'un était à
la partie du tube submergée et l'autre à celle qui se
trouvait dans le bateau.
). Gromillet ne doit certes son accident (OBs. XX)
ni à la profondeur de 22 mètres, ni à la durée du
séjour, car il était déjà descendu en scaphandre le
29 janvier, c'est-à-dire la veille du jour de son acci-
dent, pour reconnaître l'état du chaland à la même
profondeur de 22 mètres environ et il était resté sous
l'eau non pas trois minutes, durée du séjour de l'im-
mersion qui a causé l'accident mais bien trois quarts
d'heure, sans accident. Le nombre des immersions
n'étant aussi pour rien dans l'étiologie de cet acci-
dent, Gromillet doit exclusivement et uniquement son
accident à la décompression instantanée consécutive à
la rupture soudaine de la colerette du scaphandre.
y). Les accidents des Observations XLIV et XLIX ne
peuvent être attribués ni à la profondeur ni à la durée
du séjour, car les deux plongeurs avaient déjà an-
térieurement fait bien des immersions dans les mêmes
conditions de travail comme profondeur et comme
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 221 1
durée du séjour, sans accident, mais ils ne s'étaient
jamais décomprimés si brusquement. Comme il est
formellement noté dans l'histoire de ces observations
que les plongeurs n'étaient pas refroidis, qu'ils ne
toussaient pas et qu'ils n'avaient pas chargé leur
estomac avant l'immersion, il ne peut être question
dans l'étiologie de ces accidents des causes qui agissent
par l'entrave à l'élimination de l'excès de gaz.
Le nombre des immersions et la fatigue ne peuvent
être pris en considération, parce que c'était à la suite
de la première immersion que l'accident survint et
les plongeurs n'avaient pas été fatigués au fond de la
mer. La décompression est donc la seule et unique
cause de ces accidents, car elle n'aurait pas duré plus
de trois à quatre secondes. Tous les deux avaient
fermé la soupape pour se faire instantanément re-
monter.
3). L'accident cérébral de l'OBSERVATION LUI pour
les mêmes raisons que les précédents, admet comme
seul et unique élément étiologique la décompression
instantanée, en effet, le scaphandrier qui a été affecté
de cet accident ne sachant pas bien manier la soupape
la ferme et se fait instantanément décomprimer.
L'étude étiologique de ces faits a établi d'une ma-
nière positive qu'un certain nombre d'accidents
survenant par l'emploi des scaphandres sont causés
exclusivement et uniquement par la rapidité de la
décompression.
Passons maintenant à l'étude d'une autre cause de ces
accidents, qui n'a pas été étudiée et qui cependant est
d'une importance et d'une gravité considérables. Elle
est, en outre, d'une très grande fréquence. Ce nouvel
222 CLINIQUE NERVEUSE.
élément étiologique c'est le nombre des immersions.
C'est ici qu'il faut particulièrement s'appliquer à
choisir des cas également remarquables par leur sim-
plicité et par leur pureté, c'est-à-dire qu'il faut consi-
dérer les accidents dont l'analyse sert à démontrer
qu'ils sont dus à l'action causale isolée du nombre des
immersions.
4° Nombre des immersions successives. Si l'on
jette un coup d'ceil sur notre tableau, on peut déjà
vaguement concevoir la fréquence et la gravité de cet
élément étiologique dans la production de ces acci-
dents. Cette conception vague devient une conviction
formelle, si l'on étudie à fond les conditions causales
d'un certain nombre d'accidents dont l'analyse suffit
amplement à démontrer d'une manière certaine et
indiscutable la part considérable de cette cause dans la
production de ces accidents. Vu les conséquences pra-
tiques très importantes, en effet, qui doivent être
tirées de cet élément étiologique, je vais examiner et
analyser longuement, un à un, ces accidents, afin de
faire ressortir l'influence funeste de l'action causale
du nombre des immersions successives, simple, pure,
isolée, dégagée de tout mélange.
Ces accidents sont au nombre de seize, dont dix
appartiennent à des scaphandriers égaux en nombre
(Cas. VI, X, XI, XIV, XVI, XVIII, XXXIV, XL, XLII
et XLV), deux au plongeur de l'OBSERVATION XV et
quatre à celui de l'OI35ERVATION LX.
11.). Accident de /'Observation VI. Il est évident
que cet accident est dû au nombre des immersions, car
le plongeur à scaphandre de cette observation ayant
déjà fait quatre immersions précédentes dans les
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 223
mêmes conditions de travail à savoir 20 brasses de
profondeur, dix minutes de séjour, même durée de
décompression sans accident, il est naturellement
impossible d'attribuer cet accident soit au degré de
compression, soit à la durée du séjour, soit à la rapi-
dité de la décompression. Les causes qui agissent en
s'opposant à l'élimination de l'excès de gaz ne peu-
vent pas être prises en considération, car ce plongeur
n'était pas refroidi, il ne toussait pas, et il n'avait pas
mangé avant l'éclusement, enfin ce plongeur n'ayant
pas été fatigué on doit rejeter la fatigue comme cause
de cet accident.
). Accident de /'Observation X.- Il est absolument
impossible de considérer dans l'étiologie de cet acci-
dent, soit le degré de compression, soit la durée du
séjour, soit la rapidité de la décompression, car le
patient aussi bien que ses compagnons affirment que
l'immersion qui lui a causé l'accident a été faite exac-
tement dans les mêmes conditions que les quatre pré-
cédentes non suivies d'accident, à savoir même pro-
fondeur de 25 brasses, même durée du séjour douze
minutes et même temps de décompresion. Enfin, si
l'on songe qu'il n'y a eu ni refroidissement, ni affec-
tions pulmonaires, le plongeur étant parfaitement bien
portant avant son accident, ni repas copieux avant
l'éclusement, le plongeur ayant très peu mangé, il
y avait déjà deux heures, et ayant fait après quatre
immersions successives sans accident, ni enfin de fa-
tigue, on est forcément obligé de reconnaître comme
seul et unique élément étiologique le nombre des im-
mersions successives.
y). Accident de /'Observation XI. - La seule et
14 t. CLINIQUE NERVEUSE.
unique cause de cet accident est le nombre des im-
mersions successives, car le scaphandrier qui fait le
sujet de cette observation avait fait quatre immersions
antérieures dans les mêmes conditions de travail, à
savoir même profondeur 24 à 27 brasses, même durée
du séjour huit à dix minutes, même temps de décom-
pression sans accident, de sorte que ces trois élé-
ments étiologiques ne sont pour rien dans l'étiologie
de cet accident. Il en est de même en ce qui concerne
les causes qui agissent en s'opposant à l'élimination
de l'excès de gaz, car le plongeur était parfaitement
bien portant, et il n'avait pas fait de repas avant son
éclusement, enfin, ajoutons qu'il n'a pas été fatigué.
). Accident de /'Observation XIV. Cet accident
étant arrivé à la suite de la troisième immersion faite
à la même profondeur de 24 à 25 brasses, même
durée du séjour et même temps de décompression
que les deux précédentes, il serait absurde de consi-
dérer le degré de compresion, la durée du séjour et la
rapidité de la décompression comme causes de cet
accident. Impossible aussi d'invoquer soit le refroi-
dissement, soit les affections pulmonaires, soit les repas
avant l'éclusement, soit la fatigue dans l'étiologie de
cet accident, car l'existence de ces éléments a été
parfaitement niée par l'histoire de cette observation. Il
est donc clair que c'est uniquement au nombre des
immersions successives que cet accident est dû.
). Accidents de /'Observation XV. Les accidents
dont le scaphandrier de cette observation a été vic-
time à différentes époques au cours de son travail
admettent tous les deux un seul élément étiologique,
le nombre des immersions successives, parce que
\
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. ? 2ú
d'une part le scaphandrier de cette observation étant
descendu quatre fois avant l'immersion du premier
accident et trois fois avant celle du second, les condi-
tions du travail étant exactement les mêmes, c'est-à-
dire même degré de compression 25-26 brasses de
profondeur pour le premier accident, 27 pour le
second, même durée de séjour 5 minutes pour le pre-
mier, 5 à 6 minutes pour le second et même temps
de décompression sans accident, il est illogique d'in-
criminer ces trois causes dans la production de cet
accident. L'histoire de son observation d'autre part
nous faisant remarquer nettement que notre plongeur
n'était pas refroidi, qu'il ne toussait pas, qu'il était à
jeun avant son éclusement et qu'il n'avait pas été
fatigué, il va sans dire que les causes qui agissent en
s'opposant à l'élimination de l'excès de gaz aussi bien
que la fatigue ne sont pour rien dans l'étiologie de
cet accident.
c). Accident de /'Observation XVIII. II est hors
de doute que cet accident aussi est dû au nombre des
immersions successives. Le degré de compression, la
durée de séjour et la rapidité de la décompression ne
sont pas à considérer, car le plongeur eu question a
été atteint à la suite de la troisième immersion faite
dans les mêmes conditions que les deux précédentes,
16 à 17 brasses de profondeur, une demi-heure de
séjour et même temps de décompression; les refroi-
dissements, les affections pulmonaires, les repas avant
l'éclusement, enfin la fatigue ne sont ici pour rien, car
il n'y en a pas eu.
). Accident de /'Observation XXXIV. - Cet acci-
dent est arrivé à une profondeur de 22 à 24 brasses,
Archives, t. XVI 11. 15
226 CLINIQUE NERVEUSE.
la durée du séjour n'ayant pas dépassé les 4 à 5 mi-
nutes et la décompression étant de 1 minute. Ces trois
éléments étiologiques ne sont pas à considérer, car il
. avait fait quatre immersions précédentes dans des
conditions tout à fait identiques, sans aucun accident.
Ajoutons qu'il ne peut pas être question des causes
qui agissent en s'opposant à l'élimination de l'excès
de gaz, et on sera convaincu que la seule et unique
cause de cet accident est le nombre des immersions
p
successives.
vj. Accident de /'Observation XL. Il n'est pas
moins évident que cet accident a été causé aussi par le
nombre des immersions; en effet le plongeur de cette
observation, après avoir fait six immersions successives
à une profondeur de 23 à 24 brasses, 10 à 12 minutes
de séjour et d'une décompression brusque, redescend
pour le septième fois dans les mêmes conditions
comme profondeur, comme durée du séjour et comme
décompression; on ne peut donc pas incriminer ces
trois éléments étiologiques dans la production de cet
accident. L'absence du refroidissement, des affections
pulmonaires et des repas avant l'éclusement aussi
bien que de la fatigue, étant expressément signalée
dans l'histoire de cette observation, il n'est certes pas
possible de rapporter cet accident à ces causes.
). Accident de /'Observation XLII. 11 est clair
comme le jour que cet accident admet le nombre des
immersions successives comme le seul et unique élé-
ment étiologique, car le degré de compression, 20 à 22
brasses de profondeur, la durée du séjour de 13 mi-
nutes, la rapidité de la décompression, 1 minute
environ, étaient exactement les mêmes aux cinq.im-
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. zizi
mersions antérieures à celle qui a causé l'accident
sans aucune suite, et il n'y a eu ni refroidissement,
ni affections pulmonaires, ni repas, ni fatigue. ! ). Accident de /'Observation XLV. - Pour peu
qu'on fixe son attention sur les conditions de travail
du plongeur de cette observation, on ne tarde pas à
se convaincre que cet accident est uniquement pro-
voqué par le nombre des immersions successives. Cet
accident en effet est survenu à la suite de la septième
immersion, qui a été faite de 20 à 21 brasses de pro-
fondeur, 15 minutes de séjour et 1 minute de décom-
pression, et cependant les six immersions antérieures
qui ont été faites dans les mêmes conditions ne furent
pas suivies d'accident. Quant aux refroidissements,
aux affections pulmonaires, aux repas avant les im-
mersions et enfin à la fatigue, ces éléments n'ont pas
existé du tout; de sorte que c'est le nombre des im-
mersions successives qui est la seule cause de cet
accident.
tri.). Accident de /'Observation LX. Le scaphan-
drier qui fait le sujet de cette observation a été atteint
à différentes époques au cours de son travail de quatre
accidents qui tous sont dus à une seule cause, le
nombre des immersions successives. En effet, les deux
premiers sont arrivés à la suite de la septième immer-
sion et les deux derniers à la suite de la troisième. Le
degré de compression, la durée du séjour, la rapidité
de la décompression ne peuvent pas être mis en
compte pour la raison bien simple que ce plongeur
était déjà descendu avant les immersions qui ont été
suivies d'accidents dans les mêmes conditions de tra-
vail sans accident. Etant donné en outre que ce plon-
238 8 CLINIQUE NERVEUSE.
geur était parfaitement bien portant, qu'il n'avait pas
fait de repas avant son éclusement et qu'enfin il n'a-
vait pas été fatigué, on ne peut pas penser aux causes
qui agissent en s'opposant à l'élimination de l'excès
de gaz et à la fatigue. L'analyse, un peu longue et
fatigante, monotone, mais nécessaire des conditions
causales au milieu desquelles sont arrivés les accidents
précédents, a servi à mettre en relief la gravité et la
fréquence de cet élément étiologique, à savoir le
nombre des immersions successives.
Nous sommes tout naturellement amené à nous
demander le pourquoi de la gravité et de la fréquence
de ce nouvel élément causal. La première idée qui
viendrait à l'esprit, serait d'expliquer par la fatigue
l'action nocive de cette cause. Mais ayant demandé»
aux plongeurs qui font l'objet des observations pré-
cédentes, s'ils avaient été fatigués, ils m'ont donné
une réponse négative.
Cette cause exclue, nous croyons pouvoir nous
permettre l'explication suivante, ayant la valeur d'une
hypothèse qui peut être vérifiée ou réfutée au contraire
par l'expérimentation. Il est possible que la quantité
du gaz dégagé pendant la décompression ne soit pas
absolument égale à celle qui s'est dissoute durant la
compression. Supposons, par exemple, qu'à 26 brasses
de profondeur, il s'est dissous durant une compres-
sion de douze minutes, une quantité de gaz A, la
quantité de gaz devenus libres pendant la décompres-
sion ne sera pas A, mais A, soit à savoir moindre
que celle des gaz dissous. D'autre part, comme il
est parfaitement démontré que le rôle pathogénique
de la décompression est en raison directe du
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 229
degré de compression, c'est-à-dire que plus il
sera dissous de gaz, plus il en sera dégagé, il
s'ensuit qu'à la deuxième décompression faite dans
les mêmes conditions, à savoir même profondeur et
même durée de séjour, il sera dissous A + une cer-
taine quantité de gaz en dissolution déjà lors de la
compression de l'immersion précédente, quantité qui
n'a pas été dégagée. Tout naturellement la quantité
de gaz qui deviendra libre lors de la décompression
de la seconde immersion ne sera pas A, mais bien A +.
En d'autres termes et pour être synoptique, il faut
compter la quantité du gaz dégagée pendant la dé-
compression et voir si elle augmente à chaque immer-
sion successive faite dans les mêmes conditions de
travail, à savoir : même degré de compression, même
durée de séjour et même temps de décompression que
la précédente. Dans ces conditions le nombre des
immersions successives agirait au même titre que les
trois autres déjà décrites, c'est-à-dire en favorisant le
développement de l'agent pathogène par leur action
directe sur sa production. Ce sont des expériences
à faire dans un laboratoire de physiologie, ce qui
m'est impossible à moi qui ai- toujours expérimenté
dans les barques des scaphandriers et qui n'ai jamais
eu d'autre laboratoire.
B'. Causes QUI agissent, EN s'opposant A l'élimination
DE L'EXCÈS DE GAZ DEVENUS LIBRES LORS DE LA DÉCOM-
PRESSION.
Les quatre éléments étiologiques que nous venons
d'étudier, agissent, nous l'avons déjà démontré, en
280 CLINIQUE NERVEUSE.
favorisant le développement de l'agent pathogène,. le
gaz par leur action directe sur sa production. Les
causes dont nous nous occuperons à l'instant même,
agissent d'une manière absolument opposée c'est-à-
dire en s'opposant à l'élimination de l'excès de gaz,
qui s'effectue progressivement au furet à mesure que
la pression devient de moins en moins forte. Cette
élimination se fait par les poumons, par la peau et
peut-être par le tube digestif.
, Eh bien, maintenant supposons qu'il y ait un dé-
rangement fonctionnel de ces voies, quelle en sera la
conséquence ? Il n'est pas difficile de concevoir que,
l'élimination de l'excès de gaz étant complètement
ou au moins fortement entravée par le dérangement
fonctionnel des voies susmentionnées, le résultat final
serait l'augmentation de la quantité de gaz dans le
sang, c'est-à-dire que ces causes aboutissent en fin de
compte au même effet que celles dont il a été question
précédemment, seulement par une voie différente :
celles-ci agissent directement sur la production du
gaz en augmentant ainsi la quantité de cet agent patho-
gène ; tandis que celles-là n'ayant aucune influence
sur la production de gaz, s'opposent à son élimination,
soit par la peau, soit par les poumons, soit par l'in-
testin, en augmentant ainsi indirectement sa quantité
dans le sang; en d'autres termes, dans le premier cas,
le gaz est augmenté parce qu'il est produit en plus
grande quantité; dans le second, le gaz produit lors
de la décompression est en plus grande quantité dans
le sang parce que son élimination a été entravée ou
même complètement compromise.
Comme il y a trois voies par lesquelles l'élimination
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 231
de l'excès de gaz s'effectue, il y a aussi trois éléments
étiologiques dont le premier agit en mettant des
entraves au fonctionnement régulier de la peau et
par suite en bourrant cette voie d'élimination; le
second agit en interceptant les fonctions pulmonaires
et par cela même en s'opposant à l'élimination de
l'excès de gaz par cette voie; enfin le troisième qui
agit par l'entrave des voies digestives.
Pour mieux faire ressortir toute l'importance de
ces trois éléments causaux, il nous faut les étudier
séparément en choisissant les cas dont les accider's
sont dus uniquement à une seule de ces trois causes.
Commençons par celle qui agit en mettant des en-
traves au fonctionnement libre de la peau et par
suite en s'opposant à l'élimination de l'excès de
gaz par cette voie. Cette cause, qui pour être rare n'est
pas moins réelle, c'est le refroidissement.
1. Refroidissement. Parmi le grand nombre
d'accidents qui figurent à notre tableau, il n'y en a
guère que deux qui doivent être attribués à l'action
causale de cet élément étiologique. Ce sont les acci-
dents des Observations XXXI et XLIII.
a). Accident de /'Observation XXXI. - Il est im-
possible de considérer soit le degré de compression,
soit la durée de séjour, soit la rapidité de la décom-
pression comme causes possibles de cet accident, car
le plongeur de cette observation serait descendu un
grand nombre de fois dans les mêmes conditions de
travail, comme profondeur pas au delà de 22 brasses,
comme durée de séjour, pas plus de dix minutes et
avec une rapidité de décompression tout à fait égale
232 CLINIQUE NERVEUSE.
en durée à celle de l'immersion qui a causé l'accident.
Impossible non plus de mettre en ligne de compte le
nombre des immersions successives dans l'étiologie
de cet accident, car-c'était à la suite de la première
immersion que l'accident était arrivé. Si l'on consi-
dère que cet homme était descendu à jeun et qu'il
n'avait rien du côté de la poitrine, qu'il ne toussait
pas, on ne saurait attribuer aux affections pulmo-
naires et aux repas copieux avant l'éclusement, les
causes de cet accident. Etant noté que ce plongeur
n'était pas fatigué, nous sommes donc amenés par la
voie d'exclusion à nous demander si le refroidisse-
ment n'a pas été la cause de cet accident, c'est ce
qui est arrivé en effet : cet homme, la veille de son
accident, le 15 mai 1886, s'est levé le matin pas bien
portant : toute la journée il avait eu des frissons accom-
pagnés d'un malaise général tel qu'il n'a pas voulu
travailler. La nuit du 15 au 20 mai fut agitée, il n'a
pu fermer l'oeil. Le lendemain matin, 20 mai, cet
homme faisant bon marché de cette indisposition, est
descendu pour pêcher des éponges. Il est donc clair,
croyons-nous, que la seule et unique cause de cet
accident est le refroidissement.
). Accident de /'Observation XL ! If. Cet accident
n'est certes pas dû ni au degré de compression c'est-à-
dire à la profondeur de 23 brasses, ni à la durée du
séjour de dix minutes, ni à la rapidité de décom-
pression de 1 minute. Un coup d'oeil en effet, jeté
sur l'histoire de cette observation suffit à prouver
ce fait. Voici ce que nous lisons :
« Ce scaphandrier, notons-le bien, aurait déjà an-
térieurement fait un grand nombre d'immersions dans
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 233
les mêmes conditions comme profondeur, comme
durée du séjour et comme rapidité de décompres-
sion, sans avoir jamais eu d'accidents. »
L'immersion à la suite de laquelle l'accident est
survenu étant la première, le nombre des immersions
successives comme élément étiologique tombe de lui-
même. Enfin, du moment que cet homme ne tous-
sait pas, qu'il était descendu à jeun et qu'il n'avait
pas été fatigué, on est forcément obligé de chercher
ailleurs la véritable cause de l'accident en question,
qui n'est autre que le refroidissement; en effet l'ac-
cident de cet homme est survenu dans les circons-
tances suivantes : le 12 juin 1880, ce plongeur s'é-
tait levé indisposé ayant des frissons, mal à la tête
et une lassitude générale, il n'a pas voulu travailler.
La nuit du 12 au 13 juin fut très mauvaise, fièvre,
céphalalgie intense, insomnie. Le 13 juin, son état
n'avait pas changé, il avait des frissons. Cependant,
malgré son indisposition, il se décida à travailler.
C'est dans ces conditions qu'il était descendu, et
c'est ce qui lui a causé l'accident.
Passons maintenant à l'étude d'une autre cause, qui
elle aussi n'est pas fréquente, mais qui n'en est pas
moins effective; c'est celle qui agit en interceptant
les fonctions pulmonaires et par cela même en les
opposant à l'élimination de l'excès de gaz par cette
voie. Nous entendons les affections pulmonaires.
2° Affections pulmonaires. Il n'y a guère dans
notre tableau que deux accidents dont le seul et
unique élément étiologique soit l'affection pulmonaire;
ce sont les accidents des Observations XXIX et LXI.
234 CLINIQUE NERVEUSE.
a). Accident de /'Observation XXIX. Cet acci-
dent ne peut en aucune façon être attribué ni au
degré de compression, 24 brasses de profondeur; ni
à la durée de-séjour, dix minutes; ni à la rapidité
de la décompression,-1 mètre environ, pour la simple
raison que le plongeur de cette observation avait fait
déjà antérieurement un grand nombre d'immersions
à la même profondeur, le séjour et la rapidité de la
décompression étant égal, en durée, sans aucun ac-
cident. Etant donné en outre que cet accident avait
suivi la première immersion, on ne peut penser au
nombre des immersions successives. Enfin, si l'on
songe : l°que le libre fonctionnement de la peau de
ce plongeur n'était pas entravé, car aucun symptôme
ne trahissait un dérangement de ce genre; 2° qu'il
n'avait pas pris de repas avant son éclusement;
3° qu'il n'avait pas du tout été fatigué, on arrive par la
voie d'exclusion à supposer la possibilité d'un déran-
gement dans les fonctions pulmonaires comme cause
de cet accident.
Cette hypothèse se transforme en certitude si l'on
apprend que l'accident est survenu dans les circons-
tances suivantes : du 2 au 3 juin, il avait passé une
nuit d'agitation, d'inquiétude sans avoir pu fermer
l'oeil. Le 3 juin, le matin, le malade s'était levé ayant
la voix rauque et toussant. A dix heures, il fait sa
première immersion dont il a été affecté.
Accident de /'Observation LXI. Cet accident éta-
blit d'une manière bien plus évidente encore que les
affections pulmonaires peuvent produire un certain
nombre d'accidents survenant par l'emploi de sca-
phandres. Comme pour l'accident précédent, le degré
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. zips
de compression, la durée du séjour, la rapidité de la
décompression et le nombre des immersions ne sont
pour rien dans la production de cet accident, parce
que le plongeur à scaphandre de cette observation
était bien des fois descendu à la même profondeur, à
savoir 23 brasses, le séjour et la décompression étant
égaux en durée et parce que c'était à la suite de la
première immersion que l'accident était arrivé. Si
l'on considère aussi qu'aucun symptôme ne dénotait
la moindre entrave au fonctionnement régulier de la
peau et qu'il n'avait pas chargé son estomac, on doit
naturellement repousser les refroidissements et les
repas copieux avant l'éclusement dans la produc-
tion de cet accident. Enfin, étant noté que cet homme
n'avait pas été fatigué, on est en droit de songer
à la possibilité d'une entrave au fonctionnement
régulier des poumons qui s'oppose à l'élimination de
l'excès du gaz par cette voie. C'est ce qui est arrivé
en effet. Cet homme avait attrapé un catarrhe bron-
chique, l'hiver de 1885, qui faute d'un traitement
approprié et par suite d'intempérances du malade
avait passé à l'état chronique. C'est dans cet état que
ce plongeur s'est décidé à faire sa campagne d'été ;
les derniers jours même de son départ il avait une in-
crudescence de son catarrhe, car, d'après l'habitude
de la majorité de ces gens, il s'est enivré d'une façon
effrénée quelques jours avant son départ (il y en a
même qu'on met dans le bateau dans un état d'ivresse
qui va jusqu'à les rendre insensibles). Le 5 mai, mal-
gré sa toux et sa dyspnée, il descendit pour la pre-
mière fois et fut attaqué.
Pour finir avec les causes qui agissent en s'opposant
236 CLINIQUE NERVEUSE.
à l'élimination de l'excès des gaz devenus libres lors
de la décompression, nous n'avons plus qu'à décrire
celle qui agit, suivant toute probabilité, dans le même
sens par l'entrave au fonctionnement régulier des
voies digestives à savoir les repas copieux avant l'im-
mersion.
3° Repas copieux avant l'immersion. Nous laisse-
rons de côté l'analyse de l'accident XIII dont l'étiolo-
gie est complexe, car, sauf les autres éléments étiolo-
giques, par exemple le degré de compression et la
durée du séjour, le repas copieux avant l'immersion
a joué aussi son rôle causal dans la production de cet
accident, mais un sceptique pourrait même discuter
ici la part qui convient à cet élément étiologique. Il
n'en est pas de même en ce qui concerne l'accident de
l'OBSERVATION LXII. Cet accident ne peut être consi-
déré comme causé par le degré de compression, ou
par la durée du séjour, ou parla rapidité de la décom-
pression, car le plongeur à scaphandre qui en a été
atteint serait antérieurement descendu plusieurs fois il
la même profondeur, c'est-à-dire 22 brasses; il aurait
fait un séjour égal en durée, à savoir 10 minutes et il
s'était fait décomprimer au même temps, 1 minute en-
viron, sans jamais avoir eu d'accidents. L'immersion
qui a occasionné l'accident étant la première, on ne
peut naturellement penser au nombre des immersions
successives. Etant aussi expressément noté dans l'his-
toire de cet accident qu'il n'était pas refroidi et qu'il ne
toussait pas, il est de toute évidence que le refroidis-
sement aussi bien que les affections pulmonaires n'ont
été pour rien dans la production de cet accident. En-
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 237 7
fin, si l'on considère que cet homme n'avait pas été
fatigué, on est forcément obligé de songer au repas
copieux avant l'immersion provocatrice de l'accident,
ce qui a eu lieu en effet, il avait mangé trop avant son
éclusement.
4° Fatigue. L'existence de cette cause est indubi-
table. Parmi les accidents contenus dans ces travaux, il
y en a deux qui admettent comme seul et unique élé-
ment étiologique, la fatigue, ce sont les accidents des
Observations XXXV et XXXVIII. En ce qui concerne
l'étiologie des accidents des OBSERVATIONS LVI et LVI I,
la fatigue est à coup sûr pour beaucoup dans la pro-
duction de ces accidents; mais nous verrons dans la
suite que ce n'est pas la seule cause.
Il nous faut donc analyser les deux premiers acci-
dents, qui ont été produits par l'action causale de la
fatigue, isolée et dégagée de tout autre élément étiolo-
gique.
Accidents des Observations XXXV et XXXVIII.
Il est certes illogique d'attribuer ces accidents aux
causes favorisant le développement de l'agent patho-
gène, le gaz, par leur action directe sur leur produc-
tion à savoir le degré de compression, la durée du
séjour, la rapidité de la décompression et le nombre
des immersions successives, car les scaphandriers qui
l'ont le sujet de ces observations étaient déjà anté-
rieurement descendus un grand nombre de fois dans
les mêmes conditions de travail, sans aucun accident
et c'était à la suite de la première immersion de la
journée que l'accident avait eu lieu.
Encore bien moins peut-on considérer dans l'étiolo-
1238 CLINIQUE NERVEUSE.
gie de ces accidents les causes qui agissent en s'op-
posant à l'élimination de l'excès de gaz devenus libres
lors de la décompression par l'entrave au fonctionne-
ment régulier de la peau, des poumons et des voies
digestives, ces hommes étant parfaitement bien por-
tants avant l'immersion et étant descendus à jeun.
Or, ces scaphandriers ayant été très fatigués parce
qu'ils étaient obligés de marcher et de lutter contre
un courant de mer très fort, etc., ces deux accidents
sont attribuables à l'action causale de la fatigue.
Quant au mécanisme de son action, nous n'avons
que des hypothèses à émettre, nous laissons aux phy-
siologistes l'explication de cette influence nocive que
la fatigue exerce sur l'agent pathogène pour produire
l'accident.
Après avoir longuement analysé un à un les acci-
dents qui sont dus à un seul élément étiologique et
avoir mis en relief l'action causale de chacun d'eux
isolée et dégagée de tout mélange, rien n'est plus fa-
cile de concevoir ceux du tableau, dont l'étiologie est
complexe, à savoir dont la production est due à la
contribution simultanée de plusieurs causes. Ainsi les
accidents des Observations VIII, XVI, XXIII, XXXII,
XLVI et LI, ont été causés par trois éléments, qui
sont : le degré de compression, la durée du séjour et le
nombre des immersions; parmi ces trois éléments,
c'est surtout le nombre des immersions qui a dominé
l'étiologie de l'accident XXXII, et la durée du séjour,
celle de l'accident XLVI. Les accidents des Observa-
TIONS XIII et LIV, reconnaissent comme causes les
mêmes éléments étiologiques, qui sont au nombre de
deux : le degré de compression et la durée du séjour.
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 239
Ceux des Observations XVII, XXIV sont dus à l'ac-
tion causale de la durée du séjour et du nombre des
immersions. Quant à l'accident de i'OBSERVA'riON LIX,
c'est la rapidité de la décompression et surtout la du-
rée du séjour qu'on doit incriminer; enfin les acci-
dents des Observations LVI et LVII ont été provoqués
par le nombre des immersions aussi bien que par la
fatigue.
Avant de finir notre chapitre d'étiologie, nous de-
vons appeler l'attention sur deux faits d'une haute
importance clinique : si l'on étudie un peu à fond
le tableau précédent, on arrivera à cette conclusion,
qu'il n'y a pas du tout de relation entre les différentes
formes cliniques de ces accidents et les conditions
causales de leur production; en d'autres termes, qu'il
n'y a pas de rapport entre la cause et son effet , les
mêmes éléments étiologiques pouvant donner lieu à
des formes cliniques les plus différentes; cela indique
qu'il n'y a pas du tout de subordination de la localisa-
tion de l'agent pathogène à ses causes et que par con-
séquent i) n'ya aucune loi qui oblige l'agent pathogène,
le gaz, à se localiser à telle ou telle partie du système
nerveux, par exemple. La localisation se fait donc au
hasard. Si l'on veut une preuve plus palpable de ce
fait, je rapporterai les accidents des Observations
XLVII et LII. : : 1.) Accident de /'Observation XLVII. - Le scaphan-
drier en question a été atteint dans les circonstances
suivantes : le 13 juillet (après une année de travail
sous-marin sans accident), il fait sa première immersion
à la profondeur de 23 brasses, 12 minutes de séjour,
décompression brusque et il est attaqué; notons bien
240 CLINIQUE NERVEUSE.
qu'il est déjà antérieurement descendu exactement
dans les mêmes conditions de profondeur, de séjour
et de décompression sans aucun accident. Pourquoi
donc l'immersion du 13 juillet a-t-elle produit l'acci-
dent et les autres faites sous les mêmes conditions de
travail sont-elles restées sans effet ? Est-ce qu'il y a eu
d'autres éléments étiologiques ? Non, pas du tout; à
preuve le passage suivant emprunté à son histoire :
« Il n'a pas été fatigué et il n'aurait pas mangé avant
son éclusement, pas de refroidissement, pas de toux. »
L'accident est donc arrivé uniquement par le fait
d'une localisation faite au hasard d'un certain nombre
de gaz à un des rameaux que la sylvienne fournit aux
régions psycho-motrices.
(3). Accident de /'Observation Lff. - C'est la locali-
sation seule qui peut expliquer le pourquoi de l'acci-
dent de t'OcsERVATtON LU après une immersion de
28 brasses de profondeur, cinq minutes à peine de
séjour et une décompression toujours brusque, tandis
que le plongeur en question a fait dans le cours de
son travail un grand nombre d'immersions il la même
profondeur, même durée de séjour et même temps de
décompression sans accident.
De l'analyse de ces deux accidents ressort évidem-
ment la conclusion suivante : toutes les conditions du
travail en scaphandre étant les mêmes et étant donné
le même individu, une immersion donnée peut ou ne
peut pas déterminer des accidents; cela dépend du
goût de la localisation. Mais pour montrer d'une ma-
nière péremptoire la puissance de ce fait clinique,
il suffit de rapporter l'observation suivante :
Georges N. Tsirigotachis, âgé de vingt-trois ans.
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. -),Il
Pas d'antécédents héréditaires ou personnels. Il a com-
mencé à travailler dans l'air comprimé en 1878 et il a
travaillé durant quatre ans sans accident. Le 27 juin
1882, parfaitement bien portant et n'ayant pas son
estomac chargé, à la suite de la cinquième immersion
faite à 2 heures et demie 11 peu près dans les mêmes
conditions que les quatre précédentes comme profons
deur, 22-25 brasses, et comme rapidité dedécompres-
sion, la durée du séjour étant moindre' que celle des
autres; pas de fatigue. Un quart d'heure après la dé-
compression le plongeur a été pris d'un malaise gé-
néral, rapidement suivi d'une perte de connaissance
complété jusqu'à minuit, incomplète jusqu'au matin.
A 7 heures du matin, le malade revient ayant les mem-
bres inférieurs complètement paralysés et insensibles;
la vessie était légèrement prise. Pas d'autres troubles.
Cet état paralytique a disparu au bout de trois jours.
C'est un accident mixte, cérébro-spinal, tenant à la fois
à la forme spinale paralytique transitoire et à celle de
perte de connaissance dont la cause a été le nombre
des immersions. Mais ce qui nous importe c'est
l'accident suivant, dont le même plongeur a été la
victime.
' Le Il,' août, 1887, il 3 heures du soir, ce scaphan-
drier bien portant et il jeun fait la première immersion
de sa journée à une profondeur de 10 à 12 brasses
seulement et après avoir séjourné une demi-heure, il
se fait décomprimer; pas de fatigue. Immédiatement
après la décompression et l'enlèvement du casque, à
4 heures, il est pris d'un vertige gyratoire; les mon-
tagnes lui semblaient tourner autour de lui, pendant
une dizaine de minutes, au bout desquelles son esto-
AIICIIIVC<, t. XVI11. 16
.) If il, CLINIQUE NERVEUSE.
mac se gonfla faisant saillie; en même temps sur-
vinrent des douleurs très fortes avec des troubles
respiratoires consécutifs. Ces symptômes ont duré
jusqu'à 4 heures et demie. Quand ils disparaissaient,
- c'était pour faire placera des douleurs lombaires, une
demi-heure de durée. Aussitôt après la disparition des
douleurs lombaires, le malade fut atteint d'une para-
lysie complète aussi bien de la sensibilité que de la
motilité des membres inférieurs et du supérieur
gauche.
A 6 heures environ, la paralysie disparaît avec le
développement d'une sensation de picotements d'ai-
guille. De 6 à 7 heures le plongeur se porte parfaite-
ment bien, quand au bout de ce temps la paralysie
commence à revenir peu à peu aux mêmes membres
et vers minuit elle devient complète. La sensibilité
n'aurait pas été abolie. Rétention d'urines suivie,
après vingt-quatre heures d'incontinence. Rétention
de selles qui a duré huit jours.
Le 2 juillet, c'est-à-dire un mois après l'accident,
ce scaphandrier a pu marcher à l'aide d'un appui.
Plus de paralysie du membre supérieur. A ce moment,
les membres inférieurs commencent à se fléchir et à
s'étendre tout d'un coup. Plus de troubles de la vessie.
Un peu plus tard, son membre inférieur gauche a com-
mencé à s'agiter surtout au réveil et après un peu de
fatigue d'un tremblement rythmique.
État du plongeur (le 4 août 1887). Il marche avec
un appui. Syndrome spasmodique bien plus prononcé
au membre inférieur gauche. Sensibilité normale. Pas
de troubles vésico-recto-génitaux. Pas de symptômes
céphaliques. Rien du côté des autres organes. L'ac-
DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI bES SCAPHANDRES. 243
cident du le'' août, cliniquement revêtant la forme
C. S. latérale est particulièrement intéressant par son
étiologie. On voit en effet un accident grave survenir
dans des conditions de travail exceptionnellement
favorables : ainsi le scaphandrier, a été atteint à une
profondeur de 10 à 12 brasses seulement, c'est inouï,
et il n'est demeuré- qu'une demi-heure, ce qui est très
peu pour une profondeur de 10 à 12 brasses. Ce fait
démontre, on ne peut plus clairement, la puissance de
la loi de la localisation de l'agent pathogène. Un cer-
tain nombre de bulles gazeuses bien dirigées, bien
localisées aux vaisseaux qui se rendent aux cordons
latéraux et au centre de la moelle, ont pu produire par
embolies capillaires l'ischémie et la nécrobiose de ces
régions de la moelle.
C'est donc le hasard de la localisation qui donne la
raison de l'inégalité qui existe au point de vue des
effets de la décompression aussi bien entre les divers
individus que chez la même personne. 1
Le second fait clinique c'est une prédiposition incon-
testable à être atteint d'accidents cz la fin de chaque
campagne toutes les conditions du travail dans l'air com-
primé étant égales . Cette prédisposition acquise est due
à l'amaigrissement survenant aux scaphandriers au bout
de quelque temps de travail continu, qui a été constaté
du reste par tous les médecins des ouvriers tubistes et
des plongeurs. L'organisme et surtout son système
nerveux perd de sa vitalité et résiste moins à l'in-
fluence nocive de l'agent pathogène.
(Lu fil prochainement.)
RECUEIL DE FAITS
EPILEPSIE SO\1NA11l3ULIQUE AVEC ACCIDENTS
CAT ALEpTlFOnOES' ·
Par le D' AI.8XAXDI\C PARIS
Médecin ? doiot de l'asile d'aliénés de Chàlous-sur-Slarne.
J... (Edouard-Onésime), âgé de vingt-trois ans, garçon de cul-
turc, célibataire, entre à l'asile le ` ? S décembre 1887.
Un de ses oncles paternels est mort aliéné.
Son caractère a toujours été inquiet, sournois et taciturne. Vers
l'âge de quatre ans, il a été atteint de convulsions qui ont marqué
le début de l'épilepsie; les accès étaient d'abord assez rares, sans
caractère de périodicité. Il a pu apprendre à lire, à écrire et à
compter, mais son instruction est très bornée. J... était somnam-
]iule, il se levait au milieu de la nuit et inconsciemment, auto-
matiquement, il faisait certains travaux dans la campagne. Le
lendemain, il ne se souvenait de rien.
Incorporé, pour cinq ans, dans l'infanterie de marine, il a été
réformé, pour épilepsie, peu de temps après son arrivée au corps.
Les accès sont devenus de plus en plus nombreux, parfois plu-
sieurs attaques éclatent en quelques heures.
Le malade présente habituellement une obnubilation profonde
des facultés intellectuelles, cependant il répond aux questions qui
lui sont adressées et, souvent, d'une façon assez convenable. A la
suite des crises, il est difficile à diriger, il ne peut éviter volon-
tairement aucun danger, il ne prête aucune attention aux obser-
vations qui lui sont faites; au dehors, il quittait la maison pater-
nelle, errait à l'aventure et vagabondait, il refusait de travailler et
se trouvait dans un état de torpeur intellectuelle qui ne lui per-
mettait plus la moindre conversation. Le crâne est étroit, assez
irrégulièrement conformé. Les bords de la langue ont été dentelés
par de nombreuses morsures.
A l'asile, J... n'a guère que des accès nocturnes, accusés, le
matin, parla miction dans le lit et par des traces de morsures
récentes sur les bords de la langue; les accès diurnes sont relati-
vement très rares.
Habituellement ce malade s'éveille et se lève, comme les autres,
à six heures du matin. Le 2o janvier, à l'heure du lever, il est im-
ÉPILEPSIE SOMNAMBULIQUE. 245
possible d'interrompre son sommeil; le surveillant l'appelle, le
remue, sans aucun résultat. Au moment de notre visite, à huit
heures et demie, il dort encore. Son sommeil parait tout à fait
naturel, la température est normale, la respiration calme, le
pouls régulier, la sensibilité cutanée (piqûre, brûlure, chatouil-
lement, etc.), est nulle; j'écarte ses paupières, elles restent ou-
vertes, mais sont animées d'un léger tremblement, les pupilles sont
égales, mais très dilatées; lorsqu'on approche le doigt de l'oeil,
les paupières se referment, mais le lobe oculaire est complètement t
immobile. Si l'on place une allumette en ignition tout près de
l'oeil, les paupières ne se ferment pas et les pupilles restent dila-
tées au même point.
Les membres ne conservent pas les diverses positions qui leur
sont données, mais ils ne reprennent pas celles qu'ils avaient, la
résolution musculaire paraît complète.
La projection d'air froid sur le visage, et surtout sur les yeux, ne
change rien. La bouche.est fermée; j'abaisse le maxillaire inférieur,
elle reste béante et il m'est impossible de la refermer; ce maxil-
laire, relevé, retombe immédiatement. Ne pouvant mettre fin à ce
sommeil, nous quittons le malade après avoir constaté qu'il a eu
pendant la nuit, un accès d'épilepsie. Je lui fais une nouvelle visite
à dix heures un quart et je le trouve dans les mêmes conditions.
11 me vient à l'idée de lui comprimer un testicule et je prends le
testicule gauche; à peine est-il serré légèrement que J..., comme
mu par un ressort, s'assied sur son lit, il se frotte les yeux, se lève
et s'habille, sans mot dire, et très rapidement. Les idées sont
confuses, comme de coutume, et nous ne remarquons aucun phé-
iioinèjie nouveau.
Le ? si janvier : même sommeil, même impossibilité de l'inter-
rompre même par une forte compression du testicule gauche,
mais réveil instantané par la compression du testicule droit.
Les jours suivants, nous ne constatons rien de particulier, le
malade s'éveille facilement et, cependant, il a encore des accès
d'épilepsie pendant la nuit.
Nous n'avons pas été le jouet d'une supercherie puisque
les pupilles, dilatées, n'étaient pas du tout influencées lorsque
nous placions, à quelques millimètres seulement de l'oeil,
une allumette en ignition et puisqu'une compression forte du
testicule gauche n'a pas amené, le second jour, le moindre
phénomène appréciable.
Voilà deux indices remarquables qui, en beaucoup de cir-
constances, pourront être utilisés pour mettre fin aux ruses des
simulateurs; peut-être pourrons-nous aussi, par la compression
des testicules, arrêter les attaques d'épilepsie de certains su-
2 if) REVUE CRITIQUE.
jets. Nous tenterons quelques recherches dans ce sens, mais
il est important d'ajouter que, chez l'individu dont nous par-
lons et qui n'est ni masturbateur, ni érotique, les organes
génitaux ne sont le siège d'aucune aura. Enfin, la compression
des testicules ou des ovaires devrait être utilisée, dans certains
cas, chez les cataleptiques et les somnambules. S'il y a lieu,
nous compléterons plus tard cette observation.
REVUE CRITIQUE
MYXOEDÈME OU CACHEXIE PACHYDEXMtQUE (CHARCOT);
Par P. KOVALEVSKI
Professeur de maladies mentales et nerveuses a l'inisersité de KharcofT'.
L'histoire de cette maladie n'est pas bien ancienne. Son
étude ne compte que près de douze ans, mais fut quand même
assez profonde pour la poser non seulement comme maladie
indépendante, mais encore pour occasionner un changement en
fait de point de vue à l'égard d'autres maladies. La base de
cette doctrine fut donnée par les savants anglais, après quoi
une quantité de travaux traitant de cette question parut en
France et en Amérique. La littérature allemande ne donna
que quelques observations et recherches durant cette dernière
année. La Russie présenta deux travaux expérimentaux sur
le rôle de la glande thyroïde.
Cette étude du myxoedème se propagea aussi promptement
grâce à ce que les explorations furent faites en trois directions
différentes. La clinique des maladies internes, traitant le
myxoedème même, donnale fruitdeses observations; les chirur-
giens y ajoutèrent nombre des leurs fondées sur des thyroïdec-
tomies. Enfin les physiologistes expérimentateurs couron-
nèrent l'étude par leurs données, plus ou moins précises, sur
la fonction de la glande thyroïde, qui, à ce qu'il paraît, est en
1 Ce mémoire nous a été adressé en juin 1888. L'abondance des
matières nous a empêché, a notre vifregret, de le publier plus tôt.
MYXOEDÈME OU CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 247
relation intime avec les phénomènes du myxoedème. Il serait
injuste de passer sous silence le travail du D'' Bourneville,
qui en rattachant la question du myxoedème à l'idiotie, change
et élargit la doctrine de cette dernière. Nous nous permettrons
de mentionner brièvement les donnéespubliées parlesauteurs,
savoir : 1° les données cliniques sur les symptômes du myx-
oedème; po les données des chirurgiens sur le développement
du myxoedème à la suite de thyroïdectomies, et 3° les données
des physiologistes expérimentateurs sur la destination de la
glande thyroïde dans l'économie de l'organisme et sur les
suites de son extirpation.
I. La première description des symptômes de cette maladie
fut faite, à ce qu'il parait, par William Gull', qui, en l'an
1873, rapporta devant la Société clinique de Londres l'histoire
de cinq cas de cette maladie observés par lui; maladie qu'il ne
trouva décrite nulle part et qui s'exprimait surtout dans deux
régions : la peau et les fonctions psychiques. L'état morbide
de la peau consistait dans un gonflement général, très différent
d'un anasarque ordinaire, l'intensité de cegonflement était sur-
tout remarquable aux mains et aux pieds. L'état psychique de
ces malades présentait tous les symptômes de la démence, très
proche, en fait de grade, de la démencedes crétins. Ce qui frap-
pait surtout l'auteur c'est que cette démence, quoique bien.
ressemblante à celle des crétins, n'existait pas depuis l'enfance
et parut à l'âge mur. C'est pourquoi l'auteur proposa de bap-
tiser cette maladie du nom d'état crétinoïde. En outre l'auteur
fit la remarque que tous ses malades étaient du sexe féminin.
Quatre ans plus tard, un autre médecin anglais, Ord 1, publia
deux nouveaux cas de cette maladie, dont l'un fut suivi de
mort et d'autopsie. L'autopsie constata que l'infiltration cuta-
née et sous-cutanée consistait dans une substance gélatineuse
appartenant par ses qualités physiques et chimiques aux mu-
queuses. L'auteur observa, outre les symptômes décrits par
Gull, encore les symptômes suivants : chute des cheveux,
amoindrissement des sécrétions sébacées et sudorales, tempé-
rature basse du corpsetaffaiblissementdelasensibilité cutanée.
Ord explique tous ces phénomènes par la pression du liquide
muqueux sur les racines des cheveux, sur les glandes sudori-
pares et sébacées, sur le réseau des vaisseaux capillaires et
' fiiill. Transac. of the clinic. Society. London, vol. VII, p. 188.
Ord. Cliiiical lect2t,e 0 ! <M ? T;OK/MM. (l3rit. med. Journal, 1878.)
248 REVUE CRITIQUE.
sur les extrémités des nerfs, ce qui donne comme résultat une
atrophie de toutes ces parties. L'auteur rapporte la paresse et
l'hébétude psychique de ces malades au manque d'intensité
des impulsions passées au centre de la conscience par des or-
ganes à demi anesthésiés. La base de cette souffrance, d'après
Ord, consiste en un développement exagéré de la substance
intracellulaire contenant la mucine, substance se développant
non seulement dans la peau et le tissu cellulaire sous-cutané,
mais même dans les muqueuses, empêchant de cette manière
les fonctions de ces dernières.
Bientôt après, le D'' Olive * déclara que cette maladie était
connue bien avant du professeur Lasègue, qui en avait mon-
tré un cas classique chez une femme. Depuis lors parut une
quantité d'observations cliniques du myxoedème, que nous
tàcherons de rapporter en ordre chronologique autant que
possible.
Savage 2 décrivit un cas de myxoedème chez un homme,
accompagné de dépression visible de la région psychique. Cet
auteur suppose le point de départ de cette maladie dans une
lésion du système nerveux central.
Goodhart publia l'observation d'un cas de myxoedème chez
un enfant ; il émit l'opinion que l'altération mentale chez les
adultes dépendait d'un procès pathologique dans le cerveau,
égal à celui qui évoluait dans les téguments du corps. En
même temps apparut le travail de Hadden 1 qui nous démontre
que cette maladie fut étudiée, à la même époque que l'étudia
Ord, par le célèbre savant français le professeur Charcot, qui
avait déjà étudié une quantité de cas de cette maladie, qu'il se
proposait de publier sous le nom de cachexie pachydermique.
Mais ce travail fut devancé par celui d'Ord. D'après Hadden,
l'altération mentale de ces maladies dépendait des troubles
du système sympathique ayant pour résultat l'altération de la
nutrition du cerveau, ainsi que celle de toutes les autres par-'
ties de l'organisme et sa fonction défectueuse en forme d'im-
bécillité. L'état de ces malades est proche de celui des animaux
à sang froid' dont la circulation est soumise à un mécanisme
vaso-moteur particulier.
4 Olive. -Arcleiues yvaér. de méclec., 1879, p. 677. ,
°- Savage.- The Journal of mental Science, 1880.
3 Goodhart. Médical Time.9 and Gaz., 1880.
' Le Progrès médical, 1880. n0' 30 et 31. 1.
111Y\iIDLIE OU CACHEXIE PACHYDERMIQUE. '2 li IJ
De même que Savage le D'' Ballet' publia l'observation d'un
cas de myxoedème chez un homme. 1 la même époque le
Dr Thaon décrivit un cas de myxoedème chez une dame qui
lui fut recommandée parle professeur Charcot. Ne partageant
pas la théorie d'Ord sur l'origine du myxoedème, l'auteur sup-
pose trois agents à la base de cette souffrance : une profonde
anémie, une lésion cutanée et sous-cutanée et une altération
mentale. Il traite la maladie de souffrance constitutionnelle
présentant un genre spécial de cachexie de l'organisme entier.
LeD'' Bourneville", qui a enrichi parses remarquables travaux
la neuro-pathologie et surtout les articles de l'épilepsie, de
l'hystérie et de l'idiotie, participa à l'éclaircissement de cette
question. Il publia d'abord, avec d'Olier, un cas remarquable
de myxoedème avec crétinisme. Ce cas présente d'autant plus
d'intérêt qu'il fut suivi d'une amélioration considérable obte-
nue à l'aide de bains chauds, de ferrugineux et de neurotoni-
ques.
Ensuite Inglis et Duckworth " publièrent l'observation de
leurs cas; celui d'Inglis présente en fait d'anomalie psy-
chique la particularité suivante : l'état dépressif avec symp-
tômes de démence passa en fureur accompagnée du délire de
grandeur.
En z1881 parut le travail de Hammond e ; le cas rapporté par
lui présentait les symptômes suivants : oedème de tout le
corps, émoussement notable de la sensibilité cutanée, pares-
thésie des extrémités inférieures, démarche vacillante, altéra-
tion de la coordination des extrémités supérieures et alaxie
des extrémités inférieures, neuroretinitis utriusque, altération
de l'ouïe, de l'odorat et du goût; - avec cela hallucinations de
la vue et de l'ouïe, affaiblissement de l'activité mentale, de la
mémoire, difficulté du langage, un sommeil agité, le pouls
lent et faible, constipations constantes, urine contenant une
quantité exagérée d'urates et enfin température cutanée
abaissée. L'auteur suppose'que les anomalies de la région psy-
chique proviennent de l'accumulation de la substance muqueuse
' Ballet. Le Progr. médit, 1880.
q 1'haon.- Revue mensuelle démence. et de chirurg., 1880.
2 Bournevilleet d'Olier.- Le Progrès médical, 1880.
4 Illglis.- The Lancet, 1880, t. Il, p. 49G.
" Duckworth. The Lanret, 1880, v. 2.
" Hammond. Ncurologiral 188 t. I, n° 3.
250 REVUE CRITIQUE.
autour des cellules nerveuses ayant pour suite l'altération de
leurs fonctions.
Le Dr Mahomed 4 observa vingt-sept cas de myxoedème entre
lesquels quinze présentaient une affection chronique des reins;
il admet en général une relation entre ces deux maladies. Il
expliquelaprésencede la m-ucine par l'analogie de l'état embryo-
logique des tissus : de même que dans les tissus de l'em-
bryon, la mucine se retrouve dans les éléments se formant
dans le myxoedème. Il rapporte les symptômes nerveux à la
compression des éléments nerveux par l'infiltration. C'est dans
l'inclination particulière de l'organisme féminin, aux altéra-
tions du système sympathique, que l'auteur voit la raison pour-
quoi les femmes surtout tombent victimes du myxoedème.
Morvan 2 fit attention à l'étiologie du myxoedème et trouva
que le refroidissement y joue un rôle important. Sur quinze
cas observés par lui il ne se trouvait qu'un seul homme sur
quatorze femmes. Morvan émit l'opinion que le myxoedème
n'apparaît jamais avant la période de la puberté; la gravidité
paraît ne pas influencer la maladie, mais en revanche le myx-
oedème empêche la conception. Dans les cas décrits il observa
les symptômes suivants : gonflement de la face ôtant toute
expression à la physionomie , la peau par elle-même ne chan-
geait pas et présentait seulement un léger écaillement, la colo-
ration de la peau restait normale, mais les lèvres et les mains
restaient livides, surtout lorsqu'elles étaient froides. Les mou-
vements se faisaient avec fatigue et lenteur; la sensibilité
restait intacte, les malades se plaignaient d'une sensation de
froid, de langue lourde, gênant la parole; voix voilée.
Lunn 3 décrit deux cas de myxoedème, dans l'un desquels le
malade, homme de cinquante-trois ans, présenta en outre des
idées délirantes. Cet auteur n'admet pas la dépendance du
myxoedème d'une affection chronique des reins et s'il trouve
un point commun à ces deux maladies ce n'est que la sclérose
artério-eapillaire, qu'on rencontre souvent ici et là.
En 1882 apparut le travail du D'' Biaise 4. La seconde partie
de ce travail contient le rapport du cas suivant : la malade,
âgée de trente-quatre ans, sans hérédité neurasthénique, d'un
' Ialioirip(l.- 1lieLtiticet, 1881, 21, XII. I. ! -Morvan. Gazette hebdom. de Paris, 1881, VIII, 28.
3 Lunn.- BrÍl. med, .l01lrnal, 1881. Dec.
. Bluise.- Archives de Neurologie, 11°' 7 et 8.
)IYXOEDÈ) ! E OU CACHEXIE PACHYDERMIQUE. .)1
tempérament lymphatique, a présenté dans son enfance des
engorgements ganglionnaires au cou et des croûtes dans les.
cheveux. Pendant sa jeunesse son intelligence paraissait vive
et sa parole était rapide, à tel point que souvent on ne saisis-
sait pas ce qu'elle disait. A. vingt et un ans, elle eut une ébul-
lition quelconque suivie de la chute des cheveux ; cette chute
se prolongea pendant neuf mois environ, s'accompagnant de
celle des cils et des poils dans toutes les régions qui en sont
pourvues. En même temps, elle souffrait de fortes douleurs
au niveau des pommettes et de gastralgie avec vomissements
fréquents de matières alimentaires survenant assez loin des
repas. A l'aide d'un traitement tonique, ces phénomènes dis-
parurent presque entièrement vers l'âge de vingt-sept ans;
mais à cette époque la maladie se répéta avec association des
symptômes suivants : anesthésie et hallucinations des organes
sensoriels; affaiblissement des facultés mentales avec délire
de persécution et agitation qui prit des dimensions considé-
rables ; avec cela il existait une altération de la parole.
Le Dr Hadden 1 pose comme symptômes cardinaux du myx-
oedème les phénomènes suivants : lenteur des mouvements,
altération des facultés mentales, température constamment
sous-normale, diminution de la quantité d'urine, oedème isolé
de la peau et du tissu sous-cutané, diminution de la glande
thyroïde. L'auteur voit la base de la maladie dans l'angio-
spasme. Il explique la présence de l'oedème par des arrêts
spastiques dans les conduits lymphatiques. D'après l'avis du
Dr Hadden, le myxoedème est en relation génésique avec le cré-
tinisme et la sclérodermie.
A une époque antérieure, le Dr de Ranse2 publia une leçon
du professeur Charcot dans laquelle le célèbre professeur
traite la question de la thérapie du myxoedème; il nomme,
comme agents thérapeutiques, la diète lactée, les bains sulfu-
reux, le massage, le séjour dans un climat sec, et dit qu'il lui
semble, en manière générale, devoir plus compter sur les
moyens hygiéniques que sur l'action des médicaments, ceux-
ci sont fréquemment mal tolérés, par suite de l'entrave que
l'infiltration de la peau et des muqueuses apporte aux fonc-
tions d'excrétion.
1 Hadden. Brain, 1882, 3.
* De Ranse. Gazette médie., 1880-81.
2M REVUE CRITIQUE.
En 1882 apparut le travail du Dr Bail' sur un cas de cré-
.tinismo sporadique, que le D1' Bourneville traite d'idiotie cré-
tinoïde avec cachexie pachydermique. Ce cas, de même que
ceux de Bouchaud 2, Charpentier 3, Cowell 1, Ruth 5, Elisa-
beth Cushier 6, Groco r, Campana", etc., sont surtout intéres-
sants parce que, outre l'union de tous les symptùmes psychi-
ques du myxoedème, les malades présentaient tous un manque
total ou bien une diminution notable du volume de la glande
thyroïde.
Un cas bien intéressant de myxoedème fut décrit par IIamil-
ton. Le malade avait une hérédité psycho-pathologique des
plus notables. Les symptômes du myxoedème s'exprimèrent de
la manière suivante : à la suite d'un violent refroidissement
de fortes douleurs apparurent dans les épaules, la face était
bouffie, les lèvres pâles et gonflées, les yeux ternes, les che-
veux et la barbe du malade, entièrement gris avant la maladie,
furent entresemés de cheveux noirs, et devinrent presque en-
tièrement noirs dans quelque temps, la langue devint épaisse
et ne se mouvait qu'avec lenteur, les rides cutanés présen-
taient un certain gonflement et épaississement, les deux mains,
considérablement oedématisées, étaient gonflées et dures au
toucher, les doigts raides, ne se courbant qu'à grand'peine,
les ongles se cassaient facilement, les cuisses peu mobiles,
oedème des pieds ne conservant pas de trace de pression, la
peau pâle, à teinte gris-blanchâtre, même une irritation mé-
canique de la peau ne produit pas de rougeur à sa surface,
hyperesthésie des extrémités inférieures, cutis ansérina,
absence presque totale de transpiration. La peau de la région
inférieure de l'abdomen prit une teinte bronzée, croissance inten-
sive depoils aux épaules etsur la poitrine, les quelques endroits
chauves de la tête se couvrirent de cheveux. En fait d'état
mental dépression profonde, irritabilité, mauvaise humeur,
' 13a11. - L'Encéphale, 1882.
= 13ouchau ? Journal des scienc. méd. de Lille, 1883.
3 Charpentier. Le Progrès méd., 1882.
' Coxwell. The Bril. med. Journal, 1883.
''Ruth ? eca/Pi'eM, 1881.
° Cushier. Archiv. of medic., 1882.
, (iroco. Annali univers . di rnedicina, 1883, I.
Campana. Ilalia medica, 188Ô.
! YXOEDÈ)m OU CACHEXIE PACHYDERMIQUE. e7J
taciturnité; absence de réflexibilité des tendons, réllexibilité
cutanée exagérée, urine normale. La bouche constamment t
remplie de salive gélatineuse, qu'on est obligé d'éloigner à
l'aide du doigt, la parole lente, légèrement ataxique. Le malade
est très frileux. L'auteur rattache cet état à celui de crétinisme.
En 1886, à paru le travail de MM. Bourneville etBricon', 1,
qui traite d'un autre point de vue, la question du myxoedème.
Ce travail a pour but de prouver l'existence d'un lien intime
entre le myxoedème et la lésion de la glande thyroïde; et que
la cachexie était toujours accompagnée d'une diminution de
volume ou bien d'absence totale de la glande thyroïde. Le
D'' Bourneville dit que ce phénomène ne présente rien de com-
parable au crétinisme et propose en conséquence de nommer
cette forme : idiotie avec cachexie pachydermique. Les auteurs
donnent à l'appui de leurs opinions la description de cas ana-
logues observés par Curling'Hilton Fagge 2, Fletcher Beach 3 et
deux cas observés par les auteurs personnellement. Outre cela,
pour confirmer le lien génésique entre le myxoedème et la
lésion de la glande thyroïde, les auteurs s'adressent à la chi-
rurgie et à la physiologie expérimentale et y trouvent des
faits qui confirment leurs suppositions. Le mérite principal du
D'' Bourneville consiste en ce que d'un côté il est le premier à
lier les phénomènes, traités jusque-là isolément, du myxoe-
dème à la pathologie de l'idiotie ; d'un autre côté, à chercher
un soutien à sa manière de voir dans les faits des auteurs an-
glais qu'il a groupés le premier et dans les faits donnés par la
chirurgie et la pathologie expérimentale.
C'est à la même époque qu'apparurent les travaux des au-
teurs allemands. Riess 4 après un aperçu de l'histoire de cette
maladie donne la description d'un cas observé par lui-même ;
ce cas n'appartenait pas aux plus intenses, ne présentait pas
d'altération intellectuelle et se distinguait par une particula-
rité : la glande thyroïde était parfaitement intacte.
lin 1887, Erb publia l'observation de deux cas de myxoe-
dème, qui présentaient les symptômes suivants : gonflement
1 Bourneville et Bricon. Archives de Neurologie, n"' 3j et : 30.
' Fagge. 0)t sporaclic crétinisme occuring in England.
3 Fletcher Beach. The Journal of mental science, 1870, n" 2h
. Riess. Bedinei' kt. Wochenschrift, 1880, n° a.
» Erb. Berlin, kl. lVochensch¡'if1, 1887, n04.
2ot Il. REVUE CRITIQUE.
général de la peau, pâleur, cyanose, physionomie à expression
stupide, bouffissure des paupières et des lèvres, langue épaisse,
sensation de froid, cyanose et lourdeur des bras et des jambes,
lenteur du pouls, voix basse et voilée, parole lente et difficile,
idéation ralentie, affaiblissement de la mémoire et des facultés
intellectuelles, irritabilité psychique et altération de l'humeur,
taciturnité, douleurs à la tête et au dos, atrophie et absence de
la glande thyroïde, anémie générale, cachexie.
Ensuite Senator et Landau publièrent deux observations
du myxoedème ; le dernier de ces auteurs, Landau, lie le myx-
oedème aux affections de l'appareil sexuel des femmes. Outre
cela l'histoire de cette maladie possède des travaux physiolo-
giques, expérimentaux et pathologiques d'Ewald, de Virchow,
etc., dont nous reparlerons.
En z1888 parut la description d'un cas de myxoedème observé
par Hirsch avec analyse microscopique de la peau qui donna
quantité exagérée des fibres élastiques et des leucocytes, sur-
tout dans le voisinage des vaisseaux. Warfwing décrivit un
cas de myxadème où le malade se remit entièrement. Voici
toutes les descriptions cliniques que je connais.
II. A l'époque où le myxoedème commençait à intéresser les
neuro-pathologistes et le monde médical en général, la chirur-
gie lui vint en aide d'une manière inattendue dans l'étude et
l'éclaircissement de cette maladie. J. Reverdin ', en octobre
1882, fit connaître que l'extirpation totale de la glande thy-
roïde a pour suite le développement du myxoedème. Peu après,
Kocher fit part de la même observation, ainsi que J. et A.
Reverdin 3. De cette manière la cachexie strumipriva servit de
base expérimentale à l'éclaircissement des phénomènes du
myxoedème et de la relation de cette maladie avec les change-
ments de la glande thyroïde. Ces expériences, opérées sur des
hommes, par les chirurgiens déjà nommés, ainsi que par
Julliard ', Baumgartner 5, Koënig 6, Bruns', KÜsler 8, Gor-
1 J. Reverdin. Revue médicale de la Suisse romande, 1882.
" Kocher. Arckiv. fier /il. Chirurgie, Bd. XXIX, H. 2.
.1. Reverdin et A. Reverdin. Revue mérl, de la Saisie romande, 1883.
lievite de Chirurgie, 1883.
5 Baump;ærlner.- Bealage : 1l1' CeM'aM. Chir., 1881, n" 23, p. 27.
0 Koenig. Beilag. : 111' Cenl/'a/6l. f. Chirurgie, 188\, Il'' 3.
1 Bruns,- Beilrage zttr Ici. Cltir., 188.'i, 1. l, p. 120.
. K lister. Berlin, klin. lVuchensclrri/l, 1880.
MYXOEDÈME OU CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 12 5 à
don', Pietrzycowski 2, Stokes 3, démontrèrent que l'extirpa-
tion de la glande thyroïde provoque une cachexie générale de
l'organisme avec les particularités propres à cet état et parfai-
tement analogues à celui que les neuro-pathologistesconnais-
saient sous le nom de myxoedème. Au congrès des Chirurgiens
italiens l'opinion concernant l'extirpation de la struma se di-
visa. On en émit autant en faveur de cette opération (From-
betta, Caselli et d'autres) que contre cette dernière (Riaggi,
Occhini, Fassi et d'autres). Au vingt-cinquième Congrès des
chirurgiens allemands, Kocher émit l'avis que cette opération
ne doit pas être faite à des sujets n'ayant pas atteint le terme
de plein développement, car autrement l'opération provoque
infailliblement le crétinisme. Au quarante-neuvième Congrès
des naturalistes et médecins allemands Schmid 4 montra un
petit garçon chez lequel le crétinisme apparut à la suite de
l'extirpation de la glande thyroïde; plusieurs chirurgiens se
prononcèrent contre l'extirpation totale de la glande thyroïde,
surtout en bas âge (Küster).
Les phénomènes myxoedémateux ont lieu surtout lorsque l'on
extirpe la glande thyroïde entière. L'extirpation même totale
de la glande thyroïde n'a pas toujours pour résultat de pro-
voquer les phénomènes myxoedémateux ; il y a des cas où le
myxoedème ne se présente pas. Ainsi, par exemple, entre les
vingt-quatre extirpations faites par Kocher, il n'y en a eu que
dix-huit suivies de myxoedème.
Ce pourcentage énorme de cachexie strumipriva comme
suite d'extirpation totale de la glande thyroïde fit que les
chirurgiens se décidérent à ne pas faire l'opération totale. Mais
cette décision ne sauva pas les chirurgiens des suites désagréa-
bles, car parfois l'extirpation même partielle de la glande
thyroïde provoque également la cachexie strumipriva. Et c'est
parfaitement naturel : les parties non extirpées de la glande
thyroïde ne peuvent remplacer la fonction de la glande entière
que si ces parties sont saines; mais si ces parties sont altérées
par un processus pathologique il est clair qu'elles ne rem-
pliront aucun rôle; l'extirpation partielle aura donc le même
elfet que l'extirpation totale.
' Gordon.- The Lance ! , 188G, n" 11.
" Pietrzicowhkt.F/'ao' lVocheztscleri/'l, 1881.
3 Stokes. The BrÏl. med. Journal, 1886,
* Sclimid. Iterlitter klin. Woclienschrijt, 1886.
c7G REVUE CRITIQUE.
, En étudiant les cas de myxoedème opératoire, nous nous
trouvons en présence du fait suivant bien intéressant : l'ex-
tirpation, opérée dans l'âge adulte, est suivie de myxoedème
avec tous ses symptômes, cependant l'activité psychique et
mentale ne s'altère que médiocrement; cette altération s'ex-
prime en démence peu intense. Il n'en est pas de même en
jeune âge ou l'activité psychique s'altère profondément et va
toujours jusqu'à l'état d'idiotie. Kocher propose de ne pas du
tout risquer cette opération chez les sujets n'ayant pas atteint
le plem développement physique. Cette question provoqua une
polémique animée autant entre chirurgiens que médecins en
général. On appela l'attention sur la possibilité de ce que
l'état crétinoïde, apparaissant après l'extirpation de la glande
thyroïde, s'attribuait injustement à l'absence de la glande, car
il y a des cas ou l'altération de l'activité mentale, du moins le
premier grade de cette attération, précède l'opération. Mais au
fond cette objection n'est qu'un jeu de mots. L'extirpation de
la glande thyroïde ne se fait que lorsque cette dernière n'est
pas saine, conséquemment, si l'altération de l'activité mentale
précède l'opération, on peut supposer que c'est à cause de
l'état pathologique de la glande. Dans de pareils cas l'auto-
extirpation de la glande thyroïde précède l'extirpation faite
par le chirurgien. La maladie de cette glande l'extirpe de l'éco-
nomie de la vie de l'organisme avant que l'instrument du
chirurgien le fasse; donc rien d'étonnant que l'altération des
facultés mentales chez les sujets soumis à l'extirpation de la
glande thyroïde précède l'opération. L'état de crétinisme nous
en donne le meilleur exemple.
Concernant le côté pathologique de la question nous devons
rappeler qu'on s'intéressait sérieusement, il y a vingt et vingt-
cinq ans de cela, à la question de la dyscrasie crétinoïde, et
qu'on tâchait de traiter la struma à grande quantité d'iode.
Cette méthode avait beaucoup d'adeptes et beaucoup d'adver-
saires. Quantité de travaux apparut, entre lesquels on peut
citer les travaux sérieux de Rilliet et Rosch, pour le moment
oubliés et délaissés par tout le monde. Ce traitement à grande
dose d'iode provoquait une résorption considérable de la
struma; mais avec cela on remarquait une cachexie pas
moindre de l'organisme et des symptômes menaçant la vie des
malades. Il y eut des auteurs qui expliquèrent ces phénomènes
par la grande quantité d'iode introduite dans l'organisme des
MYXOEDÈME OU CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 7 I
malades. D'après d'autres opinions, ces phénomènes étaient
dus à une autre raison : la substance de la glande thyroïde
passant dans le sang, par suite de sa résorption, intoxiquait
tout l'organisme. De cette manière cette question fut mise de
côté sans être éclaircie et décidée. Ce qui est important
c'est que l'on avait remarqué déjà alors un état général
dyscrasique comme suite de l'extirpation thérapeutique de la
glande thyroïde.
3° La physiologie expérimentale de la glande thyroïde a
donné lieu à bien des travaux, autant dans le domaine de la
physiologie que dans celui de l'anatomie et de la chirurgie.
Ainsi nous pouvons citer les travaux de Schreger, Warton,
Schmidmüller, Ropp, Luschka, Merkel, Martyn, Forneris,
Hofrichter, Rusch, Bardeleben et d'autres. Mais la physiologie
de la glande thyroïde a surtout été éclairée par les expériences
de Horsley' qui fit sur des chiens et autres animaux infé-
rieurs et enfin sur des singes. Les expériences les plus réussies
furent celles entreprises sur les singes. L'extirpation de la
glande thyroïde provoquait chez ces animaux primates une
maladie qu'on pourrait diviser en trois états successifs :
.¡ 0 pérl'ode nerveuse; 2° période mucinoïde; 3° période atro-
hlaique. La période nerveuse présentait des symptômes ner-
veux, comme du tremblement, des mouvements convulsifs, des
contractures temporaires, des convulsions et une altération
des fonctions des organes en général. Les animaux jeunes ne
survivaient guère à cette période. La période mucinoïde consiste
dans l'accumulation de la mucine dans les tissus, sans ménager
les tissus nerveux, et se traduit par l'hébétude mentale et le
ralentissement de la motilité en général ; mais entre les ani-
maux cet état n'apparaît clairement que chez les singes.
Si l'animal survitàcette période, il passe au troisième, à l'état
atrophique, qui finit en marasme et mort.
Dans ses recherches suivantes, Horsley réunit les trois
maladies : crétinisme, cachexie strumiprive et le myxoedème
congénital ou acquis, et les fait dépendre toutes de l'altération
ou de l'ablation de la glande thyroïde. Voici ses conclusions :
La glande thyroïde consiste en deux parties physiologiquement
et anatomiquement différentes l'une, appartenant au type
1 Horsley.- The Lanccl, H ! 86, I .
Horsley.- The Brit. med. Journal, 1885.
AlICH1VE", t. XVIII. 17
3S8 REVUE CRITIQUE.
des glandes acineuses et produisant la mucine, et l'autre, du
type des glandes lymphatiques ayant une destination hémato-
gène. L'extirpation de la glande thyroïde produit l'accumula-
tion d'une quantité exagérée de mucine dans les tissus. Les
analyses des muscles, des cartilages, des glandes, du sang- 0
faites par Halliberton ont- démontré qu'à la suite de l'extir-
pation de la glande thyroïde la quantité de mucine dans les
tissus et le sang s'agrandit considérablement, et nous voyons
apparaître un état de dyscrasie mucineuse ou de myxoedème.
Horsley suppose que dans son état normal la glande thyroïde
présente une sorte de régulateur des échanges nutritifs et que
sa destination spéciale est de contrôler la métamorphose des
albuminates en produits de transformation finale. Donc, après
extirpation de la glande thyroïde, les albuminates n'atteignent
pas leur transformation finale et s'arrêtent dans l'état
mucoïde. De cette manière le sang changé ne donne plus la
nutrition indispensable au cerveau et aux autres tissus de
l'organisme ce qui provoque une altération des fonctions du
système nerveux central aussi bien que de celui des autres
organes. Outre cela l'extirpation de la glande thyroïde provoque
une activité plus grande des organes produisant la mucine,
surtout celle du parotis. Quant à la seconde partie de la glande
thyroïde, son extirpation a pour résultat d'amoindrir la quan-
tité de corpuscules rouges dans le sang; Ilorsley trouva que la
quantité de corpuscules blanches dans la veine qui quitte la
glande thyroïde est de 7 p. z100 plus considérable que celle de
l'artère. Kocher dit la même chose. Sous l'influence de ces
changements, la myxoedémie et l'anémie, le système nerveux
central subit de même des changements : ri., les centres mo-
teurs inférieurs les expriment en tremblement, rigidité légère
et paralysie; b, les centres psycho-corticaux supérieurs, en
hébétude, état comateux avec exitus lelhalis.
Les recherches expérimentales de Schiff et celles d'Ewald' 1
font supposer que la glande thyroïde produit une substance
indispensable à la nutrition du système nerveux central. Les
animaux survivent à l'extirpation de l'une des glandes, mais
l'extirpation de toutes les deux a pour suite la mort. Mais en
maintenant l'animal dans un milieu porté artificiellement à
une température élevée, on peut obtenir une survie de longue
' Ewald. Berlin. Min. Wochensclcrift, 1887, n° 11. 1.
MYXOEDIm : OU CACHEXIE PACHYDERM1QUE. 59
durée et même sauver l'animal opéré, c'est-à-dire qu'il conti-
nuera de vivre. Donc, si la glande thyroïde a une destination
particulière, il parait qu'elle n'est pas seule et unique à l'a-
voir et à la remplir, car si l'animal opéré survit un certain
espace de temps après l'extirpation, l'organisme s'y conforme.
Deux raisons peuvent être cause de la mort des animaux
opérés : ou bien la glande thyroïde produit une substance
indispensable à la nutrition du système nerveux central, donc
après l'extirpation le cerveau est privé de cette substance, ou
bien la glande thyroïde sert à neutraliser un produit toxique
inconnu de la métamorphose normale, qui, après l'extirpation
de la glande thyroïde, empoisonne librement le cerveau.
Dans tous les cas, cette question resta non décidée et donna
naissance à une série de nouvelles recherches. En même temps
apparurent les recherches expérimentales de Golzi', Zesas 2,
Canalis 3 etFuhr*, qui n'éclairèrent cependant que fort peu
la fonction de la glande thyroïde.
Entre autres s'y trouvent les recherches expérimentales
du Dl' Rogowitch°. Il fit ses expériences sur des chats, des
chiens et des lapins et trouva que l'extirpation de la glande
thyroïde provoque dans quelques cas des symptômes d'irrita-
tion ; dans d'autres, ceux de dépression. Ce qui saute surtout
et premièrement aux yeux, c'est la faiblesse, l'insûreté et la
vacillation de la marche et une apathie complète. Cet état
apathique fait place parfois à des accès d'excitation et d'irrita-
tion qui s'expriment en convulsions des différents groupes de
muscles. Dans quelques cas, ces convulsions se localisent, dans
d'autres elles passent même en tétanos général. La sensibilité
cutanée était toujours affaiblie. Les animaux qui avaient
survécu à cet état passaient à un état paralytique qui finissait
par la mort. La transfusion du sang de ces animaux malades à
d'autres, donna des résultats négatifs. De scrupuleuses recher-
ches et explorations du système nerveux central des animaux
opérés démontrèrent que le plus de changements avait lieu
1 Golzi. Lo Sperimenlale, 1881.
- Zesas. 1171eizei-. medic. Wor,henschrift, 1881, 52.
, Canalis.- Cenlralb. med. 1T'issea.sch., 188b.
' Fuhr.- Arch. expér. fa</to/oy., 1886.
5 Rogowitch. - Travaux du second Congrès des médecins russes, t. II,
p. 22.
260 REVUE CRITIQUE.
dans la substance corticale de la moelle allongée. Ce procès por-
taitles symptômes d'une inflammation subaiguë de la substance
cérébrale, ce qui expliquerait tous les phénomènes du système
nerveux central. L'auteur suppose que l'extirpation de la
glande thyroïde a pour suite une activité exagérée vicariée
du hypophysis-cerebri dans la production de la substance
colloïde, d'où résulte la métamorphose colloïde exagérée de
l'organisme.
A l'occasion de cette étude, mon célèbre compatriote, le pro-
fesseur Paschoutin' émit l'avis que la raison de l'altération des
fonctions du système nerveux central peut être expliquée avec le
plus de probabilité par la destruction de la faculté de neu-
tralisation propre à la glande thyroïde, des produits toxiques
inconnus de la métamorphose du sang et sous ce rapport le
professeur Paschoutin est enclin à admettre une certaine
analogie dans l'activité de la glande thyroïde et celle des reins,
la paralysie ou un affaiblissement de l'activité des reins, en
qualité d'organe neutralisant les produits toxiques de la
métamorphose, peut être l'une des plus importantes raisons du
développement des phénomènes urémiques dans l'organisme.
Munk 2 extirpa la glande thyroïde chez six singes et trouva
que cette opération provoque des spasmes fibrillaires et des
convulsions toniques et cloniques. Quant au myxoedème et à
l'état crétinoïde, Munk les traite de symptômes accidentels.
En ce dernier temps a paru une communication préliminaire <e
du travail du Dl' Avtokratoff qui arrive à la conclusion que
la glande thyroïde a pour destination une fonction spéciale,
dont l'absence a pour suite une série d'altérations nerveuses.
Une des malades d'Ord consentit à se faire couper un petit
morceau de peau qui fut analysé mycroscopiquement. Peu de
temps après on fit quelques autopsies de ces malades, ce qui
permit d'étudier plus profondément le côté anatomique et
chimique de cette maladie. Le résultat de ces autopsies fut de
démontrer que le myxoedème contient non pas un simple
liquide d'albuminate, comme c'est le cas avec l'oedème et
l'anasarque, mais un liquide muqueux contenant de la mucine.
' Prof. V. Paschoutin, Travaux du second Congrès des médecins russes,
t. Il, p. 2L 1.
' Munk. Neurolog. Ceiitralblati, 1887, n°22.
' Avtokratoll ? lYralch, 1887, 110. îù et 17.
DU CHLORAL ET DE SES dérivés. 261
De sorte que le point de différence le plus important entre
l'anasarque et le myxcedème consiste en ce que le dernier con-
tient de la mucine. (A suivre.)
DU CHLORAL ET DE SES DÉRIVÉS AU POINT DE VUE
CHIMIQUE, THÉRAPEUTIQUE ET PHARMACEUTIQUE.
Par YVON.
Le chloral été découvert en 1832 par Liebig : il prend nais-
sance par suite de l'action prolongée du chlore sur l'alcool et
certains corps tels que l'amidon et le sucre; ses synomymes
sont les suivants : 7V ! c/o ? Y ! MeAy6fe, aldéhyde trichloré,
hydrure de trichlor acétyle qui indiquent sa composition
chimique; il répond à la formule CHC1OQ. Le chloral an-
hydre, celui dont nous venons de parler, n'est pas employé
en médecine ; il ne pourrait être utilisé que comme caustique;
on fait usage de l'hydrate de chloral ou chloral hydraté, con-
tenant deux équivalents d'eau, C'HCP022HO, et que par abré-
viation on désigne sous le nom de chloral.
Préparation. Pour obtenir le chloral soit dans les labora-
toires, soit dans l'industrie, on fait passer jusqu'à cessation
d'action un courant de chlore sec dans de l'alcool absolu ou
au moins très concentré, 96, 98 degrés centésimaux. Lorsque
la réaction est terminée, l'alcool se sépare en deux couches;
la couche inférieure se prend le plus souvent en masse par
refroidissement; elle est constituée par un mélange d'alcoo-
late et d'hydrate de chloral, imprégné de chloral liquide. On
la sépare et on l'agite avec trois à quatre fois son volume
d'acide sulfurique concentré, cet acide décompose les hydrate
et alcoolate de chloral et ce dernier vient surnager : on le
sépare et on le purifie par distillation soit sur de l'acide sul-
furique concenlré, soit sur de la chaux vive. On le rectifie en
le distillant une seconde fois et en recueillant la partie qui
passe entre 94 et 99 degrés. C'est un liquide caustique,
incolore, de consistance huileuse, à odeur pénétrante. Il fume
légèrement à l'air, irrite fortement les yeux et provoque la
toux. Il est très soluble dans l'eau, soluble dans l'alcool et
l'éther. Nous ne signalerons qu'une seule de ses propriétés
262 REVUE CRITIQUE.
chimiques, la plus importante au point de vue de son action
physiologique : celle qu'il présente de se transformer, au
contact des alcalis, en chloroforme et en formiate alcalin.
Ainsi que nous l'avons dit, le chloral anhydre n'est pas em-
ployé en thérapeutique, on fait usage des dérivés suivants :
- Métachloral ou chloral insoluble, c'est une modification
isomérique du chloral anhydre. Lorsque l'on conserve long-
temps du chloral anhydre dans un tube scellé, il se transforme
peu à peu en une poudre blanche que l'on isole en traitant
par l'eau dans laquelle elle est insoluble ; cette poudre blanche
est le métachloral. On l'obtient plus facilement en laissant
assez longtemps le chloral en contact avec une quantité d'eau
insuffisante pour le transformer complètement en hydrate,
soit, au contraire, en le mettant en présence d'une assez
grande quantité d'acide sulfurique concenlré. Le métachloral
chauffé vers 200° redevient chloral ordinaire (Regnault); il
donne du chloroforme lorsqu'on le met en contact avec les
alcalis.
hydrate de chloral ou chloral hydraté. -Le chloral anhydre
est très avide d'eau, et, mis en contact avec une petite quan-
tité de ce liquide, il s'y combine et se transforme en hydrate
contenant deux équivalents d'eau, C'IIC102 HO, soit en-
viron 11 p. 100. Ainsi obtenu, l'hydrate de chloral est
acide; on le purifie en le faisant fondre au bain-marie, le
mélangeant avec du carbonate de chaux en poudre fine, en
laissant digérer, puis distillant. Le liquide condensé cristallise
par refroidissement et constitue Y hydrate de chloral saccha-
roïde, en masses blanches composées d'aiguilles fines entre-
lacées de manière à former une masse compacte, attirant
facilement l'humidité.
On obtient également l'hydrate de chloral en cristaux isolés,
peu déliquescents, et auxquels il faut donner la préférence
pour l'usage médical. Voici, d'après le Codex, les caractères
que doit présenter l'hydrate de chloral : masses saccharoïdes
ou petits cristaux prismatiques, rhomboïdaux, blancs ; odeur
chloroformée piquante, saveur amère, un peu âcre et per-
.sistante. Il fond à 47°, bout à 98° et est volatil sans résidu.
Il est soluble dans le quart de son poids d'eau froide, très
soluble dans l'alcool, l'éther et le chloroforme. 11 ne doit pas
rougir le papier de tournesol, ne doit pas précipiter par l'azo-
tate d'argent ni dégager de fumées blanches à l'approche d'une
DU CHLORAL ET DE SES DÉRIVÉS. 263
baguette trempée dans l'ammoniaque. Traité par un alcali fixe,
il se décompose en donnant 22 pour 100 de son poids de
chloroforme. C'est ainsi que l'on prépare le chloroforme dit
de chloral. Il faut donc dans une formul éviter d'associer
l'hydrate de chloral aux carbonates ou bicarbonates alcalins.
Alcoolate de chloral. Le chloral anhydre se combine avec
l'alcool pour former un alcoolate : la combinaison se fait à
équivalents égaux et répond à la formule C4HCP02, Ci601,
elle renferme 23,77 d'alcool p. 100. Cet alcoolate découvert
par Roussin, puis étudié par Personne, cristallise facilement en
aiguilles blanches assez volumineuses, s'enchevêtrant pour
former une masse compacte : l'odeur est moins piquante que
celle de l'hydrate de chloral et la saveur moins acre. Ces
cristaux fondent vers 5-il et le liquide qui en résulte
bout vers 116°. Ils sont solubles dans l'eau, l'alcool et l'éther
et ne sont pas déliquescents. De même que l'hydrate, ils se
transforment sous l'influence des alcalis en formiate et en
chloroforme. -
Chloral croton/'que, anhydre ou hydraté, ou mieux chloral
butylique, C·H5C10. - Le chloral, avons-nous dit, est de
l'aldéhyle trichloré ou hydrure de trichloracétyde : le chloral
crotonique est l'hydrure de trichlorocrotonyle : l'aldéhyde cro-
tonique résulte de la condensation de l'aldéhyde ordinaire avec
élimination d'eau. On obtient le croton-chloral en faisant pas-
ser un courant prolongé de chlore dans de l'aldéhyde contenu
dans un appareil à reflux suffisamment refroidi. Lorsque l'action
est à peu près terminée, on chauffe à 100 degrés. Le chloral
crotonique forme avec l'eau un hydrate peu soluble dans
l'eau froide, plus soluble dans l'eau chaude et l'alcool. C'est
une poudre blanche formée par de petites paillettes dont
l'odeur et la saveur rappellent celles de l'hydrate de chloral,
les propriétés thérapeutiques sont bien moins accentuées : il
est à peu près inusité aujourd'hui.
L'action physiologique du chloral a été découverte en 1869,
par Liebreich qui songea à utiliser le dédoublement de ce
corps en chloroforme et en chloral au contact des liquides
alcalins; il pensait surtout à l'utiliser comme anesthésique ;
mais les recherches de Richardson, de Demarquay et Labbé, en
France, ont fait voir que le chloral était surtout un hypnoti-
que lorsqu'on l'administre à la dose moyenne de 1 à 4 gram-
mes. A doses plus élevées 6 à 10 grammes il commence à
264 REVUE CRITIQUE.
agir comme anesthésique, mais ne le devient réellement qu'à
des doses dangereuses, et par suite il ne peut être employé à
ce titre. Il y a toutefois exception pour les enfants qui le sup-
portent facilement et chez lesquels on peut l'employer comme
léger anesthésique lorsqu'il s'agit d'opérations de courte durée
telles que l'ouverture d'un-abcès, l'avnlsion d'une dent. C'est
donc comme hypnotique que le chloral doit être utilisé. Il
produit un sommeil calme et régulier qui survient plus ou
moins longtemps, en moyenne une demi-heure après l'inges-
tion, et dont la durée dépend de la dose absorbée. Au réveil, le
patient n'éprouve aucun phénomène de narcotisme ; il n'a ni
malaise ni céphalée; le réveil ne diffère pas de celui qui suc-
cède au sommeil naturel.
Comment agit le chloral ? La théorie de Liebreich a été
vérifiée, notamment par Personne, qui a montré en 1874, que
le chloral, facilement décomposé par les alcalis forts, l'était aussi
par les alcalis faibles, par les sels alcalins et par les liquides
animaux alcalins tels que le sang. Il l'est également par l'albu-
mine avec laquelle il se combine pour former un composé
imputrescible. On sait que la propriété antiseptique du chloral
est très utilisée. Cette production de chloroforme au sein de
de l'économie, production qui est toujours très faible explique-
rait l'action anesthésique du chloral à hautes doses ; mais
elle ne rend pas compte de son pouvoir hypnotique lorsqu'il
est administré à doses moyennes.
Cette dose moyenne, pour adulte, varie de 2 à 5 grammes
que l'on fait prendre une ou deux fois aune demi-heure d'inter-
valle ; parfois une dose faible suffit, chez l'enfant le sommeil
peut être obtenu avec 0gr 50. Chez l'adulte il ne faut pas
oublier que le chloral, exerçant une action dépressive très
marquée sur les fonctions du coeur, il y a des contre-indications
à son emploi.
Nous allons passer en revue les divers modes d'administra-
tion du chloral. Il faut nous souvenir que ce corps étant irri-
tant et caustique exerce toujours une action locale. Mis en
contact avec les muqueuses ou l'épiderme, il peut même, sui-
vant le mode de la durée d'application, produire de la vésica-
tion ou de la brûlure. En solution, ce pouvoir caustique est
très amoindri ; mais il existe encore, et il est nécessaire d'ad-
ministrer le chloral en solution étendue, et parfois d'ajouter
un correctif.
DU CHLORAL ET DE SES DÉRIVÉS. 265
Pour l'administration stomachale, en solution, potion,
sirop, la dose de chloral ne devra pas dépasser ·1 gramme
pour 15 (par cuillerée à bouche). C'est là le maximum de con-
centration pour que le médicament puisse être ingéré facile-
ment et supporté par l'estomac, encore est-il utile de faire
mélanger avec un peu d'eau au moment de l'absorption. En
lavement la proportion de chloral peut varier de 1 à 3 p. 100
de véhicule qui de préférence doit être adoucissant; eau de
guimauve, de graine de lin, lait, émulsion de jaune d'oeuf ; au
besoin on ajoute quelques gouttes de laudanum. Les supposi-
toires au chloral exercent souvent une action locale à laquelle
il est difficile de remédier; on associe au chloral une petite
quantité d'extrait narcotique; opium, belladone ou surtout
jusquiame. Il ne faut avoir recours aux suppositoires que si
les autres modes d'administration ne peuvent être employés.
On prépare aussi des perles ou des dragées de chloral ; dans
les premières, l'enveloppe gélatineuse renferme une solution
éthérée d'hydrate de chloral ; les dragées contiennent chacune
0,25 de médicament : ce mode d'administration est commode
au point de vue de l'ingestion; mais le chloral arrivant dans
l'estomac soit en nature soit en solution éthérée et concentrée
irrite cet organe, et il faut, comme pour les suppositoires,
n'avoir recours à ce mode d'administration que si l'on ne peut
faire autrement.
Formules relatives à l'administration du chloral et de ses dérivés.
Hydrate DE chloral.
266 REVUE CRITIQUE.
DU CHLORAL ET DE SES DÉRIVÉS. 267 -1
Sirop de chloral : Celui du codex contient 1 gramme d'hydrate
de chloral pour 20, et est aromatisé à la menthe. La préparation
est plus agréable lorsqu'on se sert comme véhicule de sirop de
cerises ou de groseilles. On peut le prendre dans un peu d'eau de
Seltz ou d'eau de Saint-Galmier.
268 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. z69
s'améliora tellement, que l'on put croire qu'elle allait guérir. Il y
a probablement là un phénomène analogue à ces opérations tem-
poraires et parfois même définitives que l'on voit fréquemment
coïncider avec l'apparition d'inflammations locales.
4° Bien que la malade soit à l'heure actuelle incurablement
aliénée, il convient de remarquer que les hallucinations de l'odorat
ont entièrement disparu chez elle. Or, le Dr Savage a souvent
signalé à l'auteur l'existence d'hallucinations de l'odorat chez les
malades dont les idées délirantes sont surtout d'ordre sexuel : la
disparition de ces hallucinations chez la malade dont il s'agit,
consécutivement à l'ablation de l'ovaire malade peut, à la vérité, ,
n'être qu'une coïncidence, mais elle doit engager à rechercher de
plus près les rapports qui peuvent exister entre cette forme d'hal-
lucination et les modifications pathologiques de l'appareil génital.
R. M. C.
IL Guérison DE la folie consécutivement A l'ablation DE la barbe
chez une femme; par Geo. H. SAVAGE. (The Journal of Mental
Science, juillet 1886.)
On sait comment certaines difformités peuvent agir sur le
moral des femmes et déterminer parfois des troubles de l'intelli-
gence. Dans le cas actuel, il s'agit d'une femme qui fut atteinte de
mélancolie profonde avec tendance au suicide, consécutivement à
l'apparition sur le menton de poils assez nombreux pour consti-
tuer une véritable barbe. On résolut de débarrasser la malade de
ces poils, en détruisant le bulbe pileux au moyen de la galvano-
puncture. Cette idée parut sourire à la malade qui accepta ce
lraitement, lequel, d'ailleurs dans les commencements, ne parut
donner que des résultats assez peu satisfaisants au point de vue de
l'état mental. Mais lorsque l'on eut enlevé près d'un millier de
poils, et que le menton fut presque débarrassé de cet appendice
d'un autre sexe, la malade donna des signes évidents de salisfac-
tion, et dans un délai assez court, la guérison complète fut ob-
tenue. R. M. C.
III. Une OBSEItV.W'f0 ? d'accumulation DE cheveux, etc., dans
l'estomac, avec commentaire; par C. S. W. CUBBOLU. (The Journal
of mental Science, avril 1886).
Cetle observation est relative à un malade qui mourut à la suite
de vomissements rebelles et d'indigestion chronique reconnaissant
pour cause une accumulation de cheveux et de fibres ligneuses
dans l'estomac. L'habitude qu'avait le malade d'avaler ces subs-
tances étant demeurée ignorée, le diagnostic ne put être fait en
temps utile; l'incapacité mentale où se trouvait d'ailleurs cet
aliéné de rendre compte des symptômes subjectifs, l'absence de
tout gonflement abdominal appréciable jusqu'au moment où l'in-
12-io REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
tetisité de la tympanite rendit impossible le recours utile à la pal-
pation, constituèrent des éléments très défavorables à l'exactitude
du diagnostic. La difficulté que l'on éprouve à avaler isolément
des cheveux ou des fibres ligneuses a conduit l'auteur à penser
que le malade accumulait ces substances dans sa bouche pour les
avaler en même temps que ses aliments.
A la suite de cette observation,- l'auteur en rapporte une autre,
assez analogue et due au Dr Bucknill, mais dans laquelle le méca-
nisme de la mort fut tout à fait différent ; dans ce cas, en effet,
l'accumulation de matières étrangères dans l'estomac aboutit à la
formation d'un petit ulcère chronique qui finit par causer la mort
en déterminant une perforation de la paroi stomacale.
L'auteur conclut en signalant la nécessité d'examiner avant
chaque repas la bouche des malades chez lesquels on peut soup-
çonner l'habitude de mâcher ou d'introduire volontairement et de
garder dans la cavité buccale des substances non alimentaires.
R. M. C.
IV. DES névroses et psychoses causées par l'abstinence sexuelle;
par A. KI\ \FFT-EDING (7a/t)'&KC/to ? Psychiatrie, VIII, 1. 2)
L'abstinence en question n'est nuisible que chez les névropathes
à besoins exagérés ou chez les héréditaires pour le même motif. Il
en résulte de la surexcitation des centres et des nerfs sensoriels,
des accidents neurasthéniques, du satyriasis et finalement un dé-
lire érotique, hallucinatoire qui se systématise. Le mécanisme
est exactement le même que celui des affections nerveuses et men-
tales dues aux excès et surtout à l'onanisme. P. K.
V. - DES quartiers DE surveillance continue dans LES asiles
d'aliénés; par SCIIOLZ (Allg. Zcitschit, f. Psych. XIV. 1. 2)
Tout en réclamant la priorité de l'invention que s'attribue
M. Poetz, l'auteur expose qu'il l'applique à l'aliénation récente qui,
de même que la fièvre typhoïde, exige le lit : c'est le seul moyen
de régulariser la circulation, de diminuer les excitations senso-
rielles, de calmer les cellules nerveuses excitées, d'arrêter la dé-
chéance organique. De là ce groupe des malades alités pour
faciliter le service en installant l'isolement méthodique. Il compte
que 18 p. 100 des aliénés réclament au moins la surveillance con-
tinue ainsi organisée : le type a été réalisé par lui à Brème.
P. K.
VI. Intoxication saturnine avec TROUBLES DE L'INTELLI-
GENCE ET DU système nerveux; par Alex. ROBERTSON. (The
Journal of mental Science, juillet 1886.)
L'auteur rapporte deux observations dont la seconde surtout
est intéressante : 'en effet, chez la jeune fille de quatorze ans
REVUE DE pathologie mentale. 27l 1
dont il s'agit, le trouble mental avait plutôt la forme du délire
que celle de la folie véritable. Toutefois, il n'y avait pas de
fièvre, et en présence d'une température normale, il faut bien
rejeter l'hypothèse d'un état inflammatoire du cerveau, au
moins sous la forme aiguë : l'auteur admettrait plus volontiers
l'irritation directe de la substance cérébrale par les parcelles de
plomb entraînées dans le torrent circulatoire. D'autre part, on
constate chez les deux malades une atrophie blanche de la
pupille. On peut se demander jusqu'à quel point l'état des
nerfs optiques peut ici être considéré comme révélation de l'état
du cerveau et spécialement des circonvolutions. Les altéra-
tions du fond de l'oeil ne permettraient guère chez l'une ou l'au-
tre des malades d'admettre l'existence soit actuelle, soit anté-
rieure d'une névro-rétinite; chez la première, l'aspect de la
papille faisait plutôt penser une atrophie primitive des nerfs
optiques. Toutefois, plus de trois semaines s'étant écoulées
entre le début des troubles cérébraux et le moment où l'exa-
men ophthalmoscoque devint possible, ilse peut qu'une inflam-
ait existé et disparu, et que les produits inflammatoires s'étant
résorbés, il ne soit resté qu'une atrophie progressive. En sup-
posant l'atrophie primitive, on peut se demander si elle doit
être considérée comme une lésion descendante émanant, des
centres cérébraux avec lesquels le nerf optique est en relation.
S'il en était ainsi, il se passerait en ce cas quelque chose d'ana-
logue à ce que l'on observe dans l'atrophie musculaire pro-
gressive où l'on voit se développer, parallèlement aux lésions
des cellules multipolaires des cornes antérieures de la moelle,
une atrophie des fibres du nerf moteur et des muscles auxquels
ces fibres se distribuent. La guérison des troubles intellectuels
conduit à penser que les ganglions hémisphériques n'ont pas
été intéressés, et que la lésion centrale avait probablement
son siège dans la couche optique et dans d'autres parties des
ganglions d'ordre inférieur avec lesquels le nerf optique est en
relation. Un dernier point à noter : le retour à l'intégrilé
intellectuelle et le rétablissement de la fonction auditive ont
progressé d'une façon presque parallèle. R. M. C.
VII. UN cas DE folie mentale ou DE défectuosité morale
congénitale, avec remarques; par D. RACK 'l'UICE (The
Journal of mental Science, octobre 1885).
L'auteur rapporte avec soin l'observation d'un homme qui
272 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.
ne parait avoir été qu'un malade, - bien qu'il n'ait jamais eu
d'accès de manie aiguë, et qui, à plusieurs reprises s'était
attiré des démêlés avec la justice par suite de la singulière
volupté qu'il éprouvait à voir couler le sang : c'est ainsi qu'il
prenait plaisir à couper la gorge à un cheval ou à d'autres
animaux. Condamné à être pendu pour crime de viol, il vit sa
peine commuée en celle de la réclusion à vie, puis fut gracié,
tua de nouveau un cheval, et cette fois fut acquitté comme
aliéné et interné dans un asile. Il réussit à s'évader, commit
une nouvelle tentative de viol presque sous les yeux des gar-
diens qui le poursuivaient; on s'empara de lui avant qu'il eût
pu accomplir son crime, et il fut remis aux mains de l'autorité
et condamné cette fois à six mois de prison, peine qu'il accom-
plit actuellement.
Il n'est pas douteux qu'à sa sortie il commettra de nouveaux
crimes, si l'on ne parvient à l'en empêcher par un interne-
ment opportun.
On nous permettra de faire remarquer ici combien il est
étrange de voir un tribunal condamner à six mois de prison,
le tenant évidemment pour responsable de ses actes,
un homme qui a commis la tentative criminelle que la justice
lui reproche moins d'une heure après son évasion de l'asile
d'aliénés où il.était interné. R. xi. C.
VIII. 0))SER\AT)OXS DE SIMULATION DE L'ALIÉNATION Ml'Nt'ALH AVEC UNE
véritable affection PSYCHIQUE; par J. Feritscii ( Jnhrüi(Ch. f.
Psych., VIII, 1-2).
Sur deux cents individus en observation médico-légale, l'auteur
n'a, pendanthuit années d'exercice, vu que dix cas de simulation
authentique, et sur ces dix simulations, il n'y en avait que deux
qui fussent absolument indemnes de toute anomalie mentale.
Inversement, on voit des aliénés réels, amplifier, exagérer leur
délire, avoir l'air de simuler; les symptômes observés ne rentrent
pas exactement dans le cadre du type que l'on est habitué à voir,
ils ont une physionomie spéciale qui rend l'appréciation délicate
(V. l'OBS. 1). En tout onze observations, dont dix numérotées, à
l'appui de l'étude clinique. P. ICEaavaL.
IX. LES psychoses dans LES pénitenciers, au POINT DE vue étiole-
GIQUE, clinique, MÉDICO-LGAL; par ICoIN(All3. Zeitsch. f. Psych.,
XLV, 1-2).
Ce mémoire est le résultat d'études faites à la prison cellulaire
REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 273
de Eribourg, construite d'après les nouveaux modèles hygiéniques
de 1878. A partir du 1Cl'janvier 1879 l'établissement contenait 400
prisonniers. D'après ce travail, on rencontrerait dix fois plus d'alié-
nés chez les délinquants qu'au sein des populations ordinaires.
Cette fréquence tient d'ailleurs moins à la séquestration qu'à
d'autres facteurs psycho-pathogénétiques, tels que les causes
mêmes de la criminalité. Quinze seulement de ces malheureux
doivent à la séquestration seule la genèse de la folie, et encore
faut-il en défalquer trois qui, ignorant la langue allemande, se
trouvaient doublement et par trop isolés. L'isolement tel qu'il est
pratiqué aujourd'hui n'est du reste dangereux à cet égard que
dans le premier semestre ; les chances de maladie, minimes dès
le second semestre, deviennent très faibles quand la première
année est terminée. Les modalités morbides engendrées sont sur-
tout mélancoliques et généralement aiguës, sans qu'on puisse rat-
tacher leur espèce au genre de délit commis. La guérison se pro-
duit dans 69 p. 100 des faits, par la suppression de l'isolement. Ce
qu'il y a de plus pratique et de plus efficace, c'est d'installer en
dehors de la prison, mais auprès d'elle, un petit asile bien amé-
nagé et dans lequel les malades se croient absolument libres.
P. K.
X. UN CAS DE MUTILATION VOLONTAIRE AVEC PERSISTANCE ; par ERIC
SINCLAIE. (The Journal of mental Science, avril 1886.)
Il s'agit d'un homme, atteint de manie d'origine probablement
alcoolique, qui pratiqua sur lui-même, à l'aide des plus grossiers
instruments, l'ablation du testicule gauche d'abord, puis du testi-
cule droit cinq mois après. Ces deux plaies guérirent : on ne nota
chez le malade, consécutivement à la castration, aucune amélio-
ration de l'état mental. Quelque temps après, ce malade réussit
à s'introduire un clou dans la région temporale par un singulier
procédé; ayant appliqué le clou sur la tempe, perpendiculaire-
ment, il réussit à le faire pénétrer dans le crâne en se heurtant la
tête contre le mur. On constata bien à cette époque une petite
plaie de la région, suivie d'un gonflement assez considérable;
mais le malade donna à cette plaie une origine plausible, et d'au-
tre part le gonflement ne permit pas de reconnaître la présence
d'un corps étranger, présence d'ailleurs que l'on était loin de
soupçonner ; cette plaie ne tarda pas à guérir complètement ;
mais au bout d'un certain temps il se produisit à la tempe une
petite grosseur du volume d'un pois, qui, incisée, permit de re-
connaître la présence du clou : celui-ci fut enlevé, mais le malade
ne tarda ras à succomber. A l'autopsie, on constata que le clou,
après avoir perforé le crâne, avait pénétré dans la circonvolution
frontale moyenne pour se diriger ensuite horizontalement en
Archives, t. XVIII. 18
2-.4 4 SOCIÉTÉS SAVANTES.
arrière et en dedans et aboutir exactement au-devant de l'extré-
mité antérieure du corps strié. L'auteur termine son travail
par la relation d'un cas de mutilation volontaire chez une lionne;
ce cas a été communiqué par M. Abraham à la Section de patho-
logie de l'Académie de médecine d Irlande, et publié dans le
volume de 1885 des Transactions de cette Académie. R. M. C.
SOCIÉTÉS SAVANTES
CONGRÈS INTERNATIONAL DE MÉDECINE MENTALE
Tenu à Paris du 5 au 10 août 1889.
Séance du 5 août (soir). - Présidence DE M. J. FALRET.
M. fALBET présente sur les obsessions avec CONSCIENCE (INTEL-
LECTUELLES, ÉMOTIVES ET instinctives) un travail dont la discussion
est renvoyée, sur la proposition de M. SE : \l,\L (de Mons), à une
séance ultérieure et dont les conclusions peuvent être ainsi résu-
mées : les obsessions sont toutes accompagnées de la conscience
de l'état de maladie; elles sont héréditaires, rémittentes, pério-
diques ou intermittentes; elles s'accompagnent toujours d'anxiété,
d'angoisse, d'hésitation dans la pensée et dans les actes, de symp-
tômes émotifs plus ou moins accentués ; elles ne s'accompagnent
jamais d'hallucinations ; elles ne se transforment pas en d'autres
maladies mentales et n'aboutissent jamais à la démence ; elles
peuvent quelquefois se compliquer du délire de persécution ou
mélancolique, mais tout en conservant leurs caractères propres.
M. Camuset présente DEUX observations, chez DEUX dégénérés,
d'impulsions conscientes A DES actes VIOLENTS VIS-1-VIS d'eux-
mêmes. La première malade, âgée de trente-huit ans, d'une famille
d'alienés, a de l'asymétrie faciale et a eu des tics convulsifs. Son
état est caractérisé par des accès de fureur conscients, pendant
lesquels elle cherche à se faire le plus de mal possible, à se casser
la tête contre les murs. Elle est tellement consciente de ses impul-
sions qu'elle demande qu'on l'attache, pour éviter de s'y laisser
aller. Le deuxième malade est calqué sur la précédente, avec
cette différence que c'est un garçon de onze ans, véritable imbé-
cile avec malformations crâniennes.
M. J. MOREL (de Gand) propose, au nom de la Société de méde-
cine mentale de Belgique, un projet de statistique internationale
DES maladies MENTALES : 1° manie (délire aigu) ; 2° mélancolie ; 3° fo-
lie périodique (folie à double forme, etc.) ; 4° folie systématisée pro-
gressive ; 5° démence vésanique ; 6° démence organique et sénile ;
sociétés savantes. 275
7° paralysie générale ; 8° Folies névrosiques (hystérie, épilepsie,
hypocondrie ; 9° folies toxiques; 10° folie morale et impulsive; 11°
idiotie, etc. Dans la discussion qui suit ce projet de statistique,
MM. GARNIER d'une part et BRIAND d'autre part proposent de subs-
tituer au terme de folie morale, l'un celui de folie héréditaire,
l'autre celui de folie des dégénérés, que M. HALL repousse énergi-
quement. Finalement le projet présenté par la Société de méde-
cine mentale de Belgique est adopté sans modifications.
Séance du 6 août (matin). PRÉSIDENCE DE M. BE,tEDIxT (de Vienne).
M. RITTI lit au nom de M. CoTARD une note sur l'ORIGINE PYCIIO-
motrice du délire. D'après cet auteur, c'est de la suractivité motrice
que dans la manie, par exemple, naîtraient les idées de force, de
talent, de grandeur. De même, dans la mélancolie dépressive,
c'est par suite de la dépression de l'énergie motrice, que le malade
se trouve consécutivement séparé psychiquement du monde exté-
rieur. Cela résulte de la corrélation admise par tout le monde
entre les éléments moteur et psychique. Les hallucinations seraient
aussi, d'après M. Cotard, secondaires et subordonnées à l'automa-
tisme moteur.
M. GaRNIER fait observer que dans la deuxième ou troisième pé-
riode de la paralysie générale, alors que l'énergie motrice est
souvent fort déprimée, les idées de grandeur, de force se ren-
contrent fréquemment. A quoi M. RITTI répond qu'elles se
montrent toujours alors à une période antérieure où elles sont
nées lorsque l'activité motrice était accrue.
M. Soutzo (de Bucharest) réclame pour cette théorie l'appui de
l'anatomie pathologique. Mais ainsi que le fait remarquer M. Ballet,
beaucoup parmi les maladies mentales ne s'accompagnent pas de
lésions matérielles dont la constatation puisse venir étayer la
théorie de M. Cotard. Bien plus, parmi les nombreuses autopsies
de paralytiques généraux qu'il a eu l'occasion de faire, M. Ballet
n'a jamais rencontré, quoi qu'on en ait dit, de concordance entre
les lésions cérébrales et la forme du délire observé pendant la
vie. Quelque ingénieuse que soit la théorie de M. Cotard, il est
bon de ne la considérer encore que comme une simple hypo-
thèse.
M. CHARPENTIER demande que dans toute théorie de l'origine du
délire, on fasse toujours une grande part à l'affaiblisse ni en du
moi, qui constitue à l'état normal, le véritable régulateur entre
les sensations, les mouvements et les actes psychiques purs.
M. KORSAKOFF (de Moscou) communique un travail sur UNE FORME
particulière DE maladie mentale COMBINÉE avec la NÉVRITE MULTIPLE
276 SOCIÉTÉS savantes.
dégénérative et à laquelle il propose de donner le nom de cérébro-
pathia psychica toxoemica ou psychose polynévrilique.
M. Régis (de Bordeaux), à propos de quatre cas DE lypémanie
hypocondriaque, présente des considérations fort intéressantes,
touchant le diagnostic de cette affection d'avec la paralysie géné-
rale. On peut ainsi résumerrapidement les quelques signes sur
lesquels on peut se fonder pour les distinguer : 1° le délire hypo-
condriaque de la paralysie générale a un caractère de soudaineté,
d'incohérence et d'inconsistance qui n'existe pas dans le délire
lypémaniaque qui est moins absurbe, beaucoup plus empreint
d'une conviction que le malade cherche à faire partager à son
entourage; 2° les idées ambitieuses n'appartiennent qu'à la para-
lysie générale; 3° le délire lypémaniaque est heureusement modifié
par la morphine (Voisin); 4° l'hérédité est moins manifeste dans
la paralysie générale, qui débute de trente-cinq à quarante-cinq
ans, ne s'accompagne d'aucun trouble objectif normal, et aboutit
à la démence paralytique. La lypémanie au contraire comporte
des idées de suicide ou de mutilations volontaires et aboutit au
délire des négations ou au dédoublement de la personnalité. De
plus (Régis et Cotard), la lypémanie ne s'observe guère que de
quarante-cinq à soixante ans, plus fréquente chez la femme (à
l'encontre de la paralysie générale) ; le délire hypocondriaque
dans la lypémanie n'est pas soudain, mais succède au délire ha-
bituel de cette maladie, surtout celui de culpabilité imaginaire,
et s'accompagne rarement d'hallucinations; dans la lypémanie
hypocondriaque, on constate souvent de l'état saburral, de l'inertie
gastrique, suivis fréquemment d'amaigrissement progressif pou-
vant aboutir à la cachexie; la lypémanie est guérissable; la mort
peut survenir par suicide ou par cachexie ; à la période ultime,
on observe souvent le dèlire des négations.
Séance du 6 août (soir). Présidence DE M. SOUTZO (de Bucharest).
M. SÉGLAS présente sur le dédoublement DE la personnalité un
intéressant travail. Ses malades entendaient des voix extérieures
et des voix intérieures, ces dernières généralement attribuées à
ceux qui les persécutaient. Selon M. Séglas, ces voix intérieures,
hallucinations psychiques de Baillarger, ne sont autre chose que
des phénomènes d'articulation mentale inconsciente rapportés
par les malades à des personnes étrangères. D'où le nom de psycho-
motrices qu'il propose de leur donner. 11 conclut que if l'halluci-
nation psychique de Baillarger est avant tout un trouble fonc-
tionnel des centres moteurs du langage articulé ; 2° elle tient à la
fois de l'hallucination sensorielle et de l'impulsion,' d'où le nom
d'hallucination psycho-7notrice; 3° l'élément moteur qu'elle
sociétés savantes. 277 7
renferme est une cause puissante du dédoublement de la per-
sonnalité.
M. SETMAL (de Mons) communique au sujet des FOLIES PÉNITEN-
TIARES, un travail qui repose sur les bases les plus solides. Il a
trouvé que la proportion des aliénés est moindre chez les détenus
que dans la population belge. De plus, l'immense majorité des
fous étaient déjà malades avant d'entrer en prison (129 sur 161).
Les autres étaient, pour un bon nombre, des cas accidentels et
dans lesquels la détention n'avait rien à voir. Parmi le petit
nombre restant, il a trouvé quelques héréditaires chez qui le ré-
gime cellulaire a pu à la rigueur jouer le rôle d'agent provocateur
de la folie, mais peut-être pas tant que la condamnation elle-même,
dont l'effet moral est beaucoup plus intense et beaucoup plus ra-
pide. lI. Seinal fait ensuite voter par le Congrès un voeu tendant
à ce que la question de l'aliénation des détenus fasse l'objet d'une
enquête officielle et que les résultats en soient consignés dans une
publication régulière.
M. Voisin (Jules) lit une note sur cinq cas DE FUGUES INCONSCIENTES
chez DES HYSTÉRIQUES chez lesquelles, à raison même de ces fugues,
existe un véritable dédoublement de la personnalité. Dans cer-
tains cas, ces fugues sont précédées des phénomènes de l'aura
hystérique, strangulation, vertige, et quelquefois d'une ébauche
de la phase convulsive de la grande attaque. Elles se terminent
quelquefois par des convulsions, d'autres fois par une attaque de
sommeil. Le souvenir complètement aboli au réveil, peut être ra-
mené pendant l'hypnose où les malades semblent revivre leur
état second. Ces fugues diffèrent notablement des crises ambula-
toires épileptiques en ce que tout d'abord l'hypnotisme ne peut
raviver le souvenir de ces dernières. La pâleur, l'hébétement au
début de la fugue comitiale sont typiques ; de plus, celle-ci se ter-
mine souvent par une attaque épileptique vraie. Enfin pendant la
fugue, les épileptiques sont hébétés, enent sans but, quelquefois
délirent, loin de présenter la précision, la coordonnation appa-
rente et la vraisemblance dans les actes qui caractérisent l'hysté-
rique. Au dire de M. Voisin, les fugues qui se produisent au cours
de certaines intoxications pourraient bien être de nature hystérique,
car on sait que les intoxications sont souvent des agents provoca-
teurs de la névrose. M. Tissié (de Bordeaux) rappelle qu'il a déjà
parlé de ces fugues hystériques dans sa thèse sur les aliénés
voyageurs.
M. Ladame (de Genève) présente une observation d'INVERSIONS
sexuelle chez UN dégénéré, guérie par la SUGGESTION hypnotique.
Il a fallu vingt-cinq séances pour obtenir un résultat qui n'est pas
encore complet aujourd'hui, bien qu'on repète les séances de
temps en temps. A propos de l'innocuité du traitement par l'hyp-
278 8 SOCIÉTÉS SAVANTES.
notisme, une courte discussion s'engage, dans laquelle M. DEXTE-
RERO (de Pétersbourg) rapporte un nouveau méfait d'un magnéti-
seur de foire, qui rendit malade un de ses sujets de passage,
homme du monde bien portant auparavant.
Séance du 7 août (soir). Présidence DE M. FALRET.
M. BALL donne lecture d'un rapport concernant la législation
comparée, sur LE placement DES aliénés. A signaler dans la discus-
sion qui suit cette communication, l'intervention d'un magistrat,
M. Barbier, premier président de la Cour de cassation, qui regiette
que dans la loi votée dernièrement au Sénat, on donne une aussi
grande importance dans cette question de l'internement des fous
à l'élément administratif, reconnaissant lui-même que les magis-
trats manquent absolument de compétence en la matière, et que
sur ces sujets, le dernier mot devrait toujours rester à la
médecine.
M. LEUOINE (de Lille) rapporte le résultat de ses recherches com-
paratives sur les EFFETS HYPNOTIQUES DE L'HYOSCIAMI ! OE ET DE L'HYOS-
CINE CHEZ LES aliénés. La première de ces deux substances, à la
dose de un demi àun milligramme, produit un sommeil calme de
plusieurs heures, sans autres effets fâcheux. Il n'en et pas de
même de l'hvoseine qui n'amène le sommeil que très irréguliè-
rement et toujours après une période d'excitation fâcheuse.
MM. Séglas d'une part, et Brouillard d'autre part, ont observé
les mêmes inconvénients en ce qui concerne l'hyoscine.
M. BRIAND lit un travail sur les TROUBLES DE la mémoire dans L'IN-
T031C : 1TION par L'OXYDE DE carbone.
Séance du 8 août (matin). Présidence DE M. Falret.
M. BRUNET (delà Charité) traite de la spécificité DE la paralysie
générale ou PÉRICÉRÉBRITÉ, suivant le nom qu'il adopte.
M. Ladame (de Genève) lit une note sur un cas d'ÉRYTHnorsIE chez
un paralytique général.
M. Llmoinf. (de Lille) communique un travail sur l'arthritisme
comme cause DE la paralysie générale. Le rapport intime qui
existe entre les maladies nerveuses et l'arthritisme, déjà depuis
longtemps signalé par M. Charcot, se remarque aussi en ce qui
concerne la paralysie générale. Sur 30 paralytiques généraux,
M. Lemoine en a trouvé au moins 10 chez lesquels il était impos-
sible de relever aucun autre élément étiologique. Rhumatisme
proprement dit ou manifestations arthritiques telles que bron-
chites à répétition, migraines, eczéma, etc., se rencontraient
SOCIÉTÉS SAVANTES. 279
chez eux. Dans un cas, l'alternance entre les manifestations céré-
brales et une affection cutanée a même été notée. Les arthritiques
étant sujets aux poussées congestives, c'est surtout sous cette
forme que la paralysie générale se manifeste chez eux. Aussi
M. Lemoine conseille-t-il de se méfier de tout migraineux, par
exemple, présentant des poussées congestives du côté de la face.
Chez un pareil sujet, il suffit souvent d'une cause occasionnelle,
excès d'alcool, excès vénériens, pour faire éclore la paralysie'
générale, et cela souvent d'une façon précoce.
M. Charpentier fait remarquer que l'arthritisme étant très fré-
quent, il pourrait s'agir là d'une simple coïncidence. L'othéma-
tome est fréquent chez les paralytiques généraux arthritiques.
M. DOUTREBENTE confirme les idées de M. Lemoine. La tendance
aux poussées congestives des arthritiques constitue pour eux une
manière spéciale d'être paralytiques généraux.
M. Tissié (de Bordeaux) présente une observation d'obsession
INTELLECTUELLE ET ÉMOTIVE GUÉRIE PAR LA SUGGESTION RENFORCÉE PAR
UN parfum, l'isolement ET l'hydrothérapie. Il s'agit d'une femme
de vingt-trois ans, atteinte d'une véritable anarchie psychique,
aboulie, idées de mort, vide cérébral, alternatives de dépression
et d'excitation, angoisse précordiale, etc., et venant s'ajouter à
tout cela un commencement de morphinomanie. M. Tissié détruit
toutes les obsessions par la suggestion, en même temps qu'il fait
respirer à la malade un parfum dont l'action, lui suggère-t-il,
devra se manifester sur son cerveau, sa volonté, etc. L'interrup-
tion de-- séances d'hypnotisation ayant amené un retour des
accidents, M. Tissié fit enfermer la malade dans une maison de
santé pour la soustraire à toute influence extérieure, et là reprit
l'emploi de la suggestion auquel il adjoignit l'hydrothérapie. La
guérison se maintient complète depuis six mois.
Séance du 8 août (soir). Présidence DE M. DELASIAUVE.
M. GARNIER lit un travail sur la PROGRESSION corrélative DE la
FOLIE ALCOOLIQUE ET DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE ( voir plus haut le
Congrès international de l'alcoolisme). De la statistique générale de
la préfecture de police il appert que le nombre des cas de folie
alcoolique a plus que doublé depuis quinze ans. Il en est de même
des cas de paralysie générale. D'où l'auteur conclut à l'influence
nocive de l'alcoolisme sur le développement de l'encéphalite chro-
nique.
M. HALL conteste absolument la conclusion de M. Garnier.
L'examen des statistiques conduit souvent à des résultats faux.
A celle de M. Garnier on peut opposer celles d'Ecosse, d'Irlande,
280 sociétés savantes.
de Suisse, où l'alcoolisme fait des ravages effrayants et où la para-
lysie générale est à peu près inconnue.
M. Régis émet quelques doutes sur la statistique de la préfecture
de police, où les diagnostics ne peuvent pas toujours être établis
d'une façon bien irrévocable.
M. PIERRET (de Lyon) parlant de L'ÉTIOLOGIE DE la paralysie
générale confirme et complète dans une certaine mesure la com-
munication précédente de M. Lemoine (voir plus haut, séance du
6 août matin). Outre l'hérédité arthritico-nerveuse, il y a à consi-
dérer les formes aiguës ou subaiguës du rhumatisme cérébral et
en outre les troubles de la nutrition des arthritiques. Ceux-ci
sont des ralentis et souvent des dyspeptiques, d'où mauvaise
nutrition primordiale et ensuite possibilité d'intoxications secon-
daires. Tout cela peut aboutir à des troubles psychiques dont l'in-
terprétation causale est singulièrement rendue difficile par la
multiplicité des facteurs étiologiques.
M. CAMESCASSK présente, au nom de M. BouRNEVILLE et au sien,
des moulages et des photographies de cerveaux de microcéphales.
Les lésions qui produisent la microcéphalie sont très variables.
Quant aux sujets eux-mêmes, ils sont loin d'être toujours nains.
Leurs fonctions sexuelles, ainsi que leurs organes génitaux, sont
assez développés en général. De plus, ils sont susceptibles d'édu-
cation dans une certaine mesure.
M. SoLLIER communique, au nom de \l. Bourneville et au sien, un
travail sur la PORENCÉPR.1LIE ET la PSEUDO-PORENCÉPIIALIE. La pre-
mière, due à un arrêt de développement consécutif à un processus
destructif d'origine circulatoire survenu avant ou après la naissance,
est caractérisée anatomiquement par ce fait que les circonvolu-
tions, au niveau du trou, se dévient de leur direction et plongent
dans ce trou où elles se continuent. Dans la pseudo-porencéphalie
au contraire, les circonvolutions s'arrêtent nettement au bord du
trou dont le fond est constitué par la substance blanche. Quoique
cette dernière soit souvent beaucoup plus étendue, elle s'accom-
pagne cliniquement de troubles moins accentués que la poren-
céphalie vraie qui se manifeste presque toujours par de l'idiotie.
Le diagnostic de cette dernière est beaucoup plus difficile que
celui de la pseudo-porencéphalie.
M. LE ! lf0lNE fait adopter par les membres français du Congrès
la proposition suivante : 1° un Congrès des médecins aliénistes
français aura lieu chaque aimée ; 2° ce Congrès, qui aura lieu chaque
année dans une ville différente, tiendra sa première session l'année
prochaine ci Rouen.
SOCIÉTÉS savantes. 281
Séance du 9 août (soir). - Présidence DE M. FALRET.
M. Motet fait une communication sur la responsabilité des
alcooliques (voir plus haut la communication analogue du même
auteur au Congrès de l'alcoolisme).
M. CHRISTIAN lit un travail sur les rapports DE LI syphilis et de
la paralysie générale. Ces rapports sont nuls selon lui. Tout d'a-
bord, d'après ses recherches, à peine 15 p. 100 des paralytiques
généraux sont d'anciens syphilitiques. Au point de vue anatomo-
pathologique, il n'y a aucune relation entre les diverses formes
de syphilis cérébrale et les lésions de la périencéphalite chro-
nique. Cliniquement, il n'existe pas non plus de paralysie géné-
rale syphilitique et en outre, à ce point de vue, on ne peut tirer
aucune conclusion de l'emploi du traitement spécifique qui icste
toujours inactif.
M. Ballet fait observer que dans cette question on ne peut se
baser sur l'anatomie pathologique, laquelle n'est pas encore assez
précise pour nous donner des caractères différentiels, ni sur les
effets du traitement, puisque dans les deux cas il s'agit de lésions
destructives probablement irréparables. La statistique seule peut
donner des résultats et pour cela M. Ballet propose qu'une com-
mission internationale compose un questionnaire qui sera envoyé
à tous les médecins des asiles publics ou privés. (Cette pruposi-
tion est adoptée à l'unanimité.)
M. 10,NOD, directeur des services d'hygiène à l'Assistance publi-
que, lit un rapport sur la situation DES aliénés dans LES quartiers
d'hospice. Il résulte de son enquête que nombre de ces quartiers
sont installés d'une façon tout à fait défectueuse. Il propose en
conséquence que tous les aliénés soient dirigés sur les asiles.
(Adopté.) (Voir aux Varia.)
Séance du 10 août. Présidence de M. Si'.MAL (de )Ions).
M. Charpentier combat les conclusions du rapport de 11. Falret
sur les obsessions avec conscience (voir plus haut, séance du 5 août,
soir). Il y en a qui ne sont pas héréditaires. Elles s'accompagnent
quelquefois d'hallucinations, par exemple les hallucinations noc-
turnes qui peuvent aboutir à un véritable état de mélancolie ou
d'excitation. De plus, elles peuvent parfaitement bien se transfor-
mer en d'autres maladies mentales (paralysie générale par exem-
ple) et aboutir à la démence. Il en résulte que les obsessions avec
conscience ne doivent pas être bornées au domaine de la folie des
dégénérés, du moins dans le sens beaucoup trop exclusif où l'en-
tend 111. Ianan.
282 sociétés savantes.
M. FALRET répond qu'il n'existe entre M. Charpentier et lui
qu'une divergence apparente. Il y a des degrés dans l'obsession,
depuis l'obsession presque physiologique survenant chez un indi-
vidu fatigué jusqu'aux obsessions véritablement pathologiques.
M. SAuRY rapporte l'histoire d'un cas de délires multiples. Un
homme de quarante-huit ans, héréditaire dégénéré, fait, à la
suite d'un accès mélancolique, usage immodéré de la morphine.
Puis il la remplace un jour par la cocaïne qu il porte en peu de
temps à la dose de deux grammes par jour. Alors pour la pre-
mière fois apparaît un délire toxique avec hallucinations de la
sensibilité générale et des sens avec les autres manifestations du
cocamisme. A côté de ce délire on note des idées ambitieuses, de
persécution, hypocondriaques avec alternance de crises d'excita-
tion maniaque et de dépression mélancolique. Il y a là évidem-
ment deux espèces de délires bien distincts, coexistants, mais non
confondus; l'un dû à l'état mental préexistant, l'autre à l'intoxi-
cation cocamique. Celui-ci en effet disparut par la suppression
de la cocaïne.
M, LAURENT présente, au sujet d'une observation de paralysie
générale, quelques considérations sur la genèse des tendances
ÉROTIQUES dans la PllIaLYSIEG1 : NÉR1LE. Son malade, habituellement
doux et tranquille, présenta subitement, au sortir d'une poussée
congeslive suivie d'hémiplégie, des idées et des impulsions éro-
tiques extrêmement violentes et fut un jour condamné pour atten-
tat à la pudeur. M. Laurent signale l'influence probable de celte
poussée congestive sur la transformation que subit le délire de
son malade.
CONGRÈS INTERNATIONAL DE PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE
Tenu à Paris du 6 au 10 août 1889.
Les membres de ce Congrès se sont divisés en trois sections
pour l'étude : la première, des hallucinations ; la deuxième, de
l'hérédité ; la troisième, de l'hypnotisme. Nous ne rendrons
compte que des communications ayant trait à la médecine.
M. LIARILLIER donne connaissance des éléments d'une étude
statistique sur LES hallucinations, qu'il a commencée au mois de
mars 1889. Pour cela il envoie à un grand nombre de personnes
un questionnaire dans lequel il leur demande d'interroger quel-
ques autres personnes et de consigner leurs réponses à ces deux
questions : 1° Avez-vous eu des hallucinations ? 2° Si oui, veuillez
les décrire. De cette façon on pourrait se rendre compte de la
fréquence des hallucinations chez les personnes saines et surtout
sociétés savantes. 283 IL
de la réalité des hallucinations dites télépathiques, qui ont pour
caractère de correspondre exactement à un fait réel se passant à
une distance plus ou moins grande du sujet halluciné.
M. Pierre JANET (du Havre) demande qui sera juge de l'état de
santé des sujets observés. Pour arriver à ce résultat, il faut n'en-
voyer les questionnaires qu'à des médecins ou à des psychologues
absolument compétents. De plus, il seraitbon d'être plus large au
point de vue de la santé et examiner même des malades, quitte à
noter en regard de l'observation la maladie dont ils sont atteints,
Ces deux propositions sont adoptées par le Congrès.
M. Cil. RICHET présente un cas de cécité expérimentale chez un
chien, produite par ablation des deux lobes occipitaux. Cet ani-
mal voit encore pour se conduire, il marche avec la plus parfaite
sécurité, évitant les moindres obstacles. Mais il semble ne pas
reconnaître la nature des objets. C'est ainsi que si on lui présente
un lapin, il semble ne pas le voir. Guidé par son odorat, il saute
à droite et à gauche, mais n'arrive pas à se saisir du lapin. Il
existe là une véritable cécité psychique.
,NI. BINER lit un travail sur l'acuité SENSITI1'o-SENSOItIELLE DES HYS-
STéRIQUES. Lorsqu'il existe chez ces malades un dédoublement de
la personnalité dont l'une est consciente et l'autre inconsciente,
cette dernière recueille des perceptions basées sur des impressions
seusitmo-seusurielles bien plus faibles. Par exemple, si chez une
hystérique la personnalité consciente a une acuité visuelle de 1/2,
l'inconscient consulté au moyen de l'écriture automatique pré-
sente une acuité visuelle de 3/4. De même la personnalité cons-
ciente ne verra qu'un papier rouge de 4 millimètres, tandis que
l'inconscient en percevra un autre de 2 millimètres.
111. Pierre JANET pense qu'il n'existe pas à ce sujet de loi aussi
formelle. Chaque état prend la sensation qui lui est le plus utile
et rien de plus.
11. OcHORowicz conteste le rôle exclusif que l'on veut faire jouer
à LA SUGGESTION DANS LE DÉVELOPPEMENT DE L'HYPNOSE. M. BERNHEIM
(de Nancy) affirme que tout dans l'hypnotisme n'est que sugges-
tion et prétend que bon nombre d'agents physiques, aimants,
métaux, etc., n'agissent pas autrement (voir Congrès de l'hypno-
tisme, séance du 9 août, soir). Les enfants à la mamelle eux-
mêmes comprennent qu'on veut les hypnotiser et se laissent
endormir par suggestion. Aux arguments péremptoires que lui
opposent MAI. Ballet et Pierre Jaunet, à savoir l'existence de ma-
lades qui s'hypnotisent sous l'influence d'un coup de tam-tam,
d'un coup de tonnerre ou d'un éclair, M. Bernheim répond que
ou bien il ne s'agit pas d'hypnotisme, ou bien les malades ont été
endormis précédemment par ces procédés. M, CH. Richet s'élève
284 SOCIÉTÉS savantes.
contre l'attribution d'un rôle aussi prépondérant à la suggestion.
A force d'y croire, le médecin pourrait bien finir par en être
victime lui-même.
nI. DANILEWSKY (de Karkhoff) communique les résultats de ses
recherches sur l'hypnotisme CHFZ les animaux. Il a réussi à hypno-
tiser les espèces les plus diverses : poules, grenouilles, cobayes,
serpent, écrevisse, langouste, crocodile. L'hypnose chez eux con-
siste en une sorte d'annihilation de la volonté, et plus celle-ci est
développée, c'est-à-dire plus l'animal est haut placé dans l'é-
chelle des êtres au point de vue de la conformation cérébrale,
plus l'hypnose est profonde.
As. GALTON (de Londres) traite DE l'hérédité, et mentionne un
certain nombre de recherches qui devraient être faites à ce sujet,
en particulier en ce qui concerne la transmission par l'hérédité
de tendances acquises chez un animal et contraires aux instincts
et aux habitudes de sa race.
AI. HEHZEN (de Lausanne), à propos du RÔLE DES centres moteurs,
montre qu'en cas d'ablation d'un centre moteur chez un animal
nouveau-né, ce n'est pas le centre du côté opposé qui le supplée,
mais bien un centre secondaire du même côté. Ses expériences
ont porté sur le gyrus sigmoide.
Après la lecture d'un rapport de 1f. CH. Ricult sur l'intéressante
question de la TERMINOLOGIE DE l'hypnotisme, le Congrès décide
qu'il y a lieu de réserver le terme de magnétisme à l'étude des
faits anciens où dominait la théorie fluidique, et celui d'hypno-
tisme aux faits plus modernes et plus scientifiques où intervient
la suggestion,
1. Babinski communique un travail sur le RÔLE DE la suggestion
DANS L'HYPNOTISME ET LES RAPPORTS DE CELUI-CI AVEC L'HYSTÉRIE. La
suggestion, à son avis, est loin de jouer le seul rôle dans le déve-
loppement des phénomènes de l'hypnose. Des actions mécaniques
peuvent produire certains phénomènes hypnotiques, par exemple la
pression des muscles ou des nerfs produisant la contracture pen-
dant la léthargie et cela chez des sujets absolument vierges de
toute tentative antérieure. Il en est de même de l'anesthésie, que
Ai. Bernheim avoue avoir obtenue sans le secours de la sugges-
tion. De plus l'hypnotisme, dans ses formes les plus parfaites,
présente des caractères qui le rapprochent beaucoup de l'hystérie :
au point de vue de ses périodes il peut être comparé à l'attaque
hystérique; il existe quelquefois un certain balancement entr.e
des phénomènes hypnotiques et hystériques, tout comme entre
certaines manifestations purement hystériques. Tout ceia a été
autrefois établi par 11. Charcot et subsiste encore aujourd'hui.
M. Cu, RICHET piésente un travail concernant l'inconscience de
SOCIÉTÉS SAVANTES. 285
CERTAINS MOUVEMENTS ET EN PARTICULIER DE L'ÉCRITURE AUTOMATIQUE
Il rappelle les anciens faits de tables tournantes et rapproche
avec M. Myers (de Londres) les cas de médiums écrivains des faits
de ce genre les mouvements de l'écriture automatique étant seu-
lement plus intelligents et plus compliqués.
M. BLNET a pu constater par lui-même la réalité des mouvements
automatiques de l'écriture en conduisant la main d'une hystérique
pour lui faire tracer le commencement d'un mot qu'elle conti-
nuait ensuite à écrire automatiquement avec un écran interposé
entre la main et les yeux.
M. ! lhERS (de Londres) croit à la possibilité de la transmission
DE la PENSÉE sans l'intermédiaire des sens. Il hypnotise un sujet,
lui bande les yeux et se sépare de lui par un écran. Il tire alors
un numéro d'un sac de lotos et quelquefois l'hypnotique devine
le numéro tiré.
M. Richet a vu des faits semblables. Cependant il avoue que tous
ne sont pas encore à l'abri de la critique.
M. SIDGWICK est encore plus affirmatif que 11. Richet au sujet de
la réalité de ces faits. ! IL GLEY lit un travail sur le sens musculaire qui consiste, selon
lui, dans la conscience de la situation de notre corps par rapport
à lui-même et aux objets extérieurs. Ce prétendu sens musculaire
pourrait bien ne résulter que de sensations multiples purement
centripètes, c'est-à-dire vulgaires, dont une part revient aux sen-
sations cutanées, une autre aux sensations articulaires, musculaires
proprement dites, etc. Si l'on ne connaît pas explicitement la sen-
sation de l'innervation motrice centrifuge, il n'en est pas moins
vrai que tout mouvement est précédé d'une représentation men-
tale de ce mouvement, ce qui permet aux anésthésiques d'exé-
cuter encore des mouvements volontaires.
ni. DE VAIiIGNYdonne lecture d'un cas d'AUDITION COLORÉE.
M. GpuBER (de Jassy) rapproche de celui-là un autre cas bien plus
complexe dans lequel l'évocation des images graphiques des let-
tres amenait des sensations diverses de tact, de goût, de sens
musculaire. Par exemple l'O est noir pour la vue et s'accompagne
d'une sensation de chaleur étouffante, de chute dans un précipice
et de frayeur. L'audition colorée des chiffres permet à ce malade
de faire des opérations d'arithmétique avec des combinaisons de
couleurs.
286 sociétés savantes.
CONGRÈS INTERNATIONAL DE L'ALCOOLISME
Tenu il Paris du 29 juillet au 1" àoùt 1889.
Trois questions étaient posées : 1° alcool, criminalité et folie ;
influence du nombre des cabarets sur l'alcoolisme; -2° Respon-
sabilité des alcooliques : 3° Boissons saines à donner aux popu-
lations.
Alcool, criminalité ET FOLIE. M. YVERNÈS, chef de la statis-
tique au ministère de la justice, montre qu'il existe un rapport
très net entre l'augmentation de la consommation de l'alcool et
l'augmentation du nombre des crimes et des cas d'aliénation
mentale. En France, de 1873 à 1877 la quantité moyenne annuelle
d'alcool consommé par habitant a été de 2 l'1, 92 ; de 1878 à 1882
de 3 lit" 53 ; de 1883 à 1887 de 3 111-1 83. Pendant ce temps le nom-
bre des crimes montait de 172,000 à 195,000 et celui des aliénés,
qui était de 37,000 en 1872, passait à 52,000 en 1885. En Belgique,
de 1868 à 1882 la consommation annuelle par habitant passe de
7 à 9 litres ; le nombre des crimes par 100.000 habitants s'élève
de 1,900 à 2,877; celui des aliénés de 8,240 à 10,020 (1878). En
Italie, de 1872 à 1885 la consommation de l'alcool monte de 2 hot.
et demi à 5 litres par habitant ; de 1879 à 1885 le nombre des
crimes monte de 1,400 à 1,500, celui des aliénés de 15,000 à
22,000.
A l'appui de ces données, M, Cauderlier montre que si la pro-
gression ascendante est vraie, la progression descendante ne fait
que la confirmer. C'est ainsi qu'en Norwège, la consommation
annuelle de l'alcool, qui était de 10 litres par habitant en 18H,
tombe à 5 litres en 1871, et à 4 litres en 1875. Pendant ce temps,
la criminalité descendait par 100,000 habitants de 249 à 207 et à
180. Même progression décroissante pour la folie.
D'après des statistiques empruntées aux Compagnies d'assu-
rances sur la vie, M. DRYSDALE (de Londres) affirme que l'absti-
nence de l'alcool augmente en moyenne de six ans la durée de
la vie.
Parmi les moyens qui peuvent aider à faire décroître la con-
sommation de l'alcool, la diminution du nombre des cabarets ne
semble pas toujours efficace. Elle est néanmoins réclamée par le
Congrès, à l'unanimité moins une voix.
Responsabilité DES alcooliques. 111, MOTET montre qu'il y a,
à ce point de vue, une véritable lacune dans nos lois. En matière
criminelle, un homme ivre est-il responsable ? Là-dessus, point
SOCIÉTÉS SAVANTES. 287
de doctrine et point de jurisprudence fixe. En matière civile,
un individu qui a contracté un engagement étant sous l'in-
fluence de l'alcool, n'est pas lié par cet engagemeut, attendu qu'il
n'était pas alors doué de capacité de contracter. Au point de vue
de la responsabilité on peut diviser les alcooliques en plusieurs
groupes : l'ivresse simple accidentelle ou habituelle ; l'ivresse pa-
thologique, c'est-à-dire d'une part les troubles mentaux aigus ou
chroniques dus à l'intoxication, d'autre part les actes impulsifs
réveillés chez les dégénérés par l'ivresse passagère. Dans ces con-
ditions, l'ivresse est punissable quand on aurait pu l'éviter, quand
l'excitation qu'elle fournit a été recherchée dans le but de se
donner le courage de l'initiative du crime. La responsabilité est
atténuée quand l'ivrogne est un faible d'esprit, à moins toutefois
qu'il ne sache auparavant, ce qui est assez fréquent, à quoi l'i-
vresse peut l'entraîner. A un autre point de vue, le crime commis
pendant la période délirante d'un accès d'alcoolisme ne peut être
puni, pas plus que lorsque l'alcoolisme chronique a produit des
lésions cérébrales définitives. Dans la discussion qui suivit l'ex-
posé de AI. Motet, AI. Decroix a émis une opinion un peu radicale,
qui n'a d'ailleurs rencontré que peu d'approbation parmi les
membres du Congrès. Il faut tuer, selon lui, tout alcoolique qui
tue, absolument comme lui-même tuait, lorsqu'il était vétéri-
naire, les chiens enragés ou les chevaux morveux.
Puis \I. DUVERGER étudie les MOYENS DE prévenir LES malheurs
causés par l'alcoolisme et eu particulier l'internement, volontaire
ou non, des alcooliques dans certaines maisons de retraite, à
l'étranger. A cette question peut se rattacher la suivante : DES
boissons saines A DONNER aux classes POl'UL111SES, qui a été traitée
par AI. GONZE, conseiller à la Cour de cassation.
CONGRÈS INTERNATIONAL DE L'HYPNOTISME EXPÉRIMENTAL
ET THÉRAPEUTIQUE
Tenu à Paris du 8 au 12 août 1889.
M. Ladame (de Genève) lit un rapport concernant l'INTERDICTION
DES séances PUBLIQUES d'hypnotisme et l'intervention DES POUVOIRS
publics dans la réglementation DE l'hypnotisme. Il signale les dan-
hers immédiats de l'hypnotisme (réveil incomplet et perte plus ou
moins prolongée du libre arbitre), et les dangers consécutifs parmi
lesquels il insiste sur : les épidémies de psychoses et de névroses;
les suggestions qui peuvent aboutir à des scandales; la possibilité
pour un criminel d'apprendre dans ces séances publiques les pro-
288 sociétés savantes.
rédés en usage pour s'en servir ensuite dans un but criminel.
111. Ladame soumet ensuite au vote du Congrès les trois proposi-
tions suivantes : 1° les séances publiques d'hypnotisme et de
magnétisme doivent être interdites; 2° la pratique de l'hypnotisme
doit être soumise aux mêmes règles que l'exercice de la médecine;
3a l'enseignement de l'hypnotisme et de ses applications thérapeu-
tiques doit être introduit dans le programme des cliniques de
psychiatrie et des connaissances en la matière exigée de tout can-
didat en médecine.
MM. Bourdon (de Méru), G. Ballet et Bechtereff (de Saint-
Pétersbourg) appuient la première proposition. Ce dernier rap-
pelle que le dernier Congrès de psychiatrie russe a aussi voté
l'interdiction.
111. G. Ballet d'accord avec Ai. 1\1.\GNIN considère comme vexatoire
la troisième proposition du rapporteur. Selon eux, le professeur
est maître de son programme et personne ne peut lui imposer
tel ou tel sujet.
VAU RENTERGHEM et VAN EEDEN (d'Amsterdam) donnent les
résultats qu'ils ont obtenu dans le traitement DE certaines AFFEC-
TIONS nerveuses par l'hypnotisme.
M. Bernheim (de Nancy) traite de la valeur relative au POINT DE
VUE thérapeutique, DES divers procédés destinés A provoquer L'IIYP-
NOSE ET augmenter la suggestibilité. Pour lui, l'état hypnotique
n'est pas le sommeil, mais un état psychique particulier qui aug-
mente la suggestibilité. Plus le sujet dort profondément, plus il
est suggestible. De là, plusieurs catégories dans les hypnotiques,
suivant que le sommeil est plus ou moins profond. Le sommeil
ne se produisant que par suggestion (tous les procédés en usage,
fixation du regard, tam-tam, zones hypnogènes se ramenant à la
suggestion du sommeil), la méthode verbale, persuasive ou impé-
rative est le meilleur moyen à employer. Les hésitations de l'opé-
rateur constituent pour l'opéré des contre-suggestions qui l'em-
pêchent de s'endormir et c'est de là que viennent les insuccès qui
ne devraient presque jamais se produire, la presque totalité des
sujets étant hypnolisable. D'ailleurs, la suggestion peut se faire
aussi à l'état de veille. Quant au rôle thérapeutique de la sugges-
tion, il est très considérable et a toujours été mis à contribution
quoique souvent inconsciemment par les médecins. Suivant
M. Bernheim, l'hydrothérapie, la métallothérapie, l'aimantation,
l'électrothérapie n'agissent pas autrement.
M. Gilles DE la TOURETTE fait observer qu'il n'y a pas d'hypno-
tisme sans signes physiques. Quant à admettre que l'aimantation,
par exemple, n'agit que par suggestion, cela est impossible, attendu
qu'il a été démontré que des aimants en bois ou en fer doux
étaient absolument sans action.
SOCIÉTÉS savantes. 28H
M. GUERIONPREZ (de Lille) demande à M. Bernheim quel rôle
peut bien jouer la suggestion dans l'hypnose chez les animaux et
dans les cas d'hypnose subite par coup de tonnerre, coup de fusil,
traumatisme.
M. Pierre JANET (du Havre) qualifie d'antiscientifiques les affir-
mations de AI. Bernheim et rappelle que la psychologie a ses lois
comme la physiologie.
1\1. Bernheim répond qu'il existe une loi : toute cellule cérébrale
impressionnée par une idée tend à la transformer en acte. Cette
transformation est d'autant plus facile quand on a pour ainsi dire
paralysé les facultés supérieures (attention, perception, etc.). z
111. FoNTAN (de Toulon) lit une note sur les EFFETS DE la SUGGES-
TION HYPNOTIQUE DANS LES AFFECTIONS « CUM MATERIA » DU SYSTÈME
nerveux. Il a pu guérir des hémiplégies cérébrales ainsi que des
myélites et des scléroses en'plaques.
AI. GASCARD étudie l'INFLUENCE DE la SUGGESTION sur certains
TROUBLES delà menstruation. Il a pu guérir par l'hypnotisme deux
cas de métrorrhagie.
AI. FORE (de Zurich) lit un travail sur les hallucinations NÉGA-
TIVES chez LES aliénés ET sur LES différences QUI LES distinguent
CHEZ LES HYPNOTISÉS ET LES aliénés. Il a observé que les aliénés
présentent aussi ces hallucinations négatives qui consistent, étant
donné une hallucination positive, à neutraliser autour d'eux tout
ce qui n'est pas cette dernière. Seulement, chez l'hypnotisé, l'hal-
lucination négative dépend de la suggestion, tandis que chez
l'aliéné, elle est spontanée et se répète constamment avec les
caractères propres à ceux de son délire (triste chez les mélan-
coliques, etc.).
III. BRIAND présente une NOTE POUR SERVIR A l'histoire DES APPLt-
cations thérapeutiques DE la SUGGESTION. Il a guéri par ce procédé
des accidents graves chez des hystériques, soit pendant l'hypnose,
soit à l'étal de veille. Selon lui, les aliénés hystériques ne peuvent
être endormis; quand ils semblent l'être, ils simulent.
- AI. LAURENT communique un travail sur Faction SUGGESTIVE DES
milieux pénitentiaires SUR LES hystériques. Ceux-ci peuvent
subir une véritable contagion du crime, et il y aurait lieu,
dans les prisons, de les isoler et de les mettre sous la dépendance
du médecin.
AI. AuG. Voisin lit son rapport sur les indications DE L'HYPNO-
T1S31E ET DE la suggestion dans LE traitement DES maladies MEN-
tales. Dans 10 p. 100 des cas environ, il obtient l'hypnose qu'il
emploie à combattre la plupart des symptômes et même à mora-
liser des enfants dégénérés et vicieux. La pratique est souvent
Archives, t. XVIII. 19
290 SOCIÉTÉS SAVANTES.
difficile; il ne faut s'attaquer qu'à un symptôme à la fois, une hal-
lucination, par exemple, et les détruire toutes une à une succes-
sivement. Les bons résultats ainsi obtenus ne sont pas d'ailleurs
immuables, et souvent on observe des rechutes, mais même sans
cela il faut reprendre le traitement de temps en temps.
M. DE JONC (de la Haye) fait une communication sur le même
sujet et relate des cas de mélancolie surtout, d'agoraphobie, de
folie du doute, qu'il a guéris par suggestion.
M. BÉRILLON lit son rapport sur les applications DE la SUGGESTION
A LA PÉDIATRIE ET A L'ÉDUCATION MENTALE DES ENFANTS VICIEUX ET
dégénérés et conclut ainsi : 1° la suggestion employée par les
médecins constitue un agent thérapeutique utile en pédiatrie;
2° des résultats favorables ont été constatés dans l'incontinence
nocturne d'urine, des matières fécales, dans les tics nerveux, les
terreurs nocturnes, la chorée rythmique, l'onanisme, le blépharo-
spasme, les attaques hystériques et les troubles sine materia du
système nerveux; 3° aucun résultat n'a encore été observé duns
l'idiotie ou le crétinisme; 4° la suggestion au point de vue péda-
gogique constitue un auxiliaire précieux dans l'éducation des en-
fants vicieux ou dégénérés; 5° elle n'est indiquée que quand les
moyens pédagogiques ordinaires ont échoué contre les insticts
vicieux, vols, mensonges, cruauté, etc...; 6° son application est
exclusivement, comme son indication, dévolue au médecin.
M. Fort lit une observation d'ABLATION DE LOUPE DU cuir CHE-
velu pendant L'HYPNOSE. Ai. BOURDON (de Méru) lit une NOTE sur
L'UTILITÉ DE L'HYPNOSE ET DE LA SUGGESTION EN PRATIQUE COURANTE.
A1111. BOURRU et BUROT (de Rochefort) présentent une observa-
tion de NEURASTHÉNIE HYSTÉRIQUE AVEC DÉDOUBLEMENT DE LA PERSON-
NALITÉ, GUÉRIE PAR LA SUGGESTION.
M. LIÉGEOIS, professeur de droit à Nancy, lit son rapport sur la
question suivante : des rapports DE la SUGGESTION ET DU SOMNAM-
BULISME AVEC LA JURISPRUDENCE ET LA MÉDECINE LÉGALE ; LA RESPON-
SABILITÉ CHEZ LES HYPNOTIQUES. En ce qui concerne les suggestions
criminelles, contrairement à l'avis émis par 111. Brouardel et AI. Gilles
de la Tourette, M. Liégeois pense qu'un hypnotique peut parfaite-
ment mettre en oeuvre une suggestion criminelle pour les résultats
de laquelle il est évidemment irresponsable. Pour arriver, dans
un cas semblable, à trouver le vrai coupable par les expertises
médico-légales, en essayant d'hypnotiser le coupable, on se heurte
à des difficultés de toutes sortes (suggestions d'impossibilité de
s'endormir, amnésie rétrograde suggérée, etc...) provoquées par
le coupable. Mais il n'aura pas toujours pensé à tout et en suivant
une voie contraire à la sienne, dans l'emploi de la suggestion, on
pourra arriver à faire révéler son nom par l'hypnotisé. Quant à la
SOCIÉTÉS SAVANTES. 291
jurisprudence, elle est pleine de faits montrant l'influence nocive
de la suggestion et la possibilité de commettre des crimes sous'son
influence. M. Liégeois en cite un certain nombre et appelle en
outre l'attention du Congrès sur quelques questions connexes, telles
que les fausses accusations des hystériques, l'accouchement pen-
dant l'hypnose, qui peut favoriser des substitutions d'enfant, les
faux témoignages suggérés, etc., etc..
M. Gilles DE la TOURETTE réfute une par une toutes les affirma-
tions de M. Liégeois, au point de vue historique, théorique et pra-
tique. En ce qui concerne la jurisprudence, il montre que les faits
invoqués par 11f. Liégeois ont trait à des hystériques ou à des
hypnotiques spontanés, et que la suggestion n'a rien à faire avec
eux non plus que dans les cas, les seuls réels, de crimes perpétrés
contre une hypnotique où il s'agit toujours de viols. Quant au
danger que peut faire courir à la société un hypnotique entre les
mains d'un criminel, il est nul, ce moyen est beaucoup trop diffi-
cile à employer; les criminels le savent bien, car ils ne l'emploient
pas et on ne cite aucun cas semblable bien nettement établi.
L'hypnotisme ne présente de danger qu'entre les mains des magné-
tiseurs de foire ou des expérimentateurs qui ne savent pas établir
ses indications et ses contre-indications.
CONGRÈS INTERNATIONAL D'ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE
Tenu à Paris du 10 au 17 août 1889.
A la question posée : existe-t-il un TYPE de l'homme criminel ?
111. 11lANOUVRlER répond par la négative. Il peut exister des carac-
tères anormaux chez chacun d'entre les criminels, mais il est
impossible de faire une moyenne de ces caractères et d'établir un
type de l'homme criminel.
Tel n'est pas l'avis de AI. LOMBROSO qui a vu relativement peu
de criminels d'occasion, chez qui cependant il a pu quelquefois
découvrir les caractères de l'homme criminel, en comparaison
du nombre des criminels-nés. Il ne nie pas d'ailleurs l'influence
de l'occasion même chez ces derniers. -
MM. FRIGERIO (d'Alexandrie) et OTTOLENGHI (de Turin) ont cons-
taté que les sens de la vue et de l'ouïe prenaient chez les cri-
minels un développement presque anormal, comparativement
au peu d'acuité, chez ceux, des autres sens.
111. Tarde (de Sarlat) fait remarquer que la femme porte, à
l'état normal, les caractères de l'homme criminel. Et cependant,
elle est huit fois moins criminelle que l'homme. Comment expli-
292 sociétés savantes.
quer ce fait ? à moins d'indiquer comme argument, la fréquence
de la prostitution chez la femme, qui constituerait la délictuosité
de ce type.
Mli. BENEDIHT (de Vienne), LACASSAGNE (de Lyon), MOLESCHOTT (de
Rome) demandeut que l'on accorde dans le développement des
crimes, plus d'influence au milieu, à l'éducation, à la physiologie
des criminels et à leur état psychique.
M. BxouanDEL met les anomalies sur le compte du développe-
ment. Certaines autres, les troubles de la sensibilité par exemple,
si fréquents chez les criminels, sont peut-être d'origine toxique.
Des analyses d'urine ont montré la présence, chez des dégénérés
ou des épileptiques, de ptomaïnes spéciales, à action convulsivante
ou déprimante.
Le Congrès émet le voeu que les prisons soient ouvertes aux
.médecins et, sur la proposition de M. LACASSAGNE, que les cadavres
des suppliciés soient régulièrement remis entre leurs mains.
M. COUTAGNE (de Lyon) pose la question de l'INFLUENCE DES PRO-
FESSIONS sur la criminalité. Pour lui, il a remarqué d'après une
longue statistique, que les crimes étaient plus fréquents chez les
agriculteurs et les ouvriers d'industrie et des transports.
11f. LASCIII (de Vérone) lit un travail sur le CRIME POLITIQUE au
POINT DE vue anthropologique. Il a constaté que les révolution-
naires ardents (larat), sontbrachicépliales (20 sur 89), tandis que
les révolutionnaires lents et posés' sont dolichocéphales (Voltaire,
Diderot). De même, les seconds en France et en Italie, sont en
majorité conservateurs. Ce fait est facile à constater suivant cer-
taines régions où des races à type connu dominent. A un autre
point de vue, les grands bouleversements politiques favorisent l'éclo-
sion du génie.
111. Brouardel appelle l'attention sur l'INFANTILISME ou féminisme
DES enfants DES grands CENTRES (Paris, Lyon, etc.). A ce propos,
M. BÉRILLON rappelle qu'il a traité un grand nombre d'enfants vi-
cieux ou dégénérés par la suggestion et qu'il a obtenu de bons
résultats.
111. SEMAL (de Mons) insiste sur la nécessité d'une INSPECTION MÉ-
DICALE dans LES PRISONS. La médecine et la justice ont de tels
rapports ensemble, surtout depuis que l'on a signalé les connexions
qui existent entre le crime et la folie, que l'une et l'autre ne
peuvent que gagner à mêler leurs efforts. Les prisons sont le
champ où elles pourront diriger leurs recherches. Plusieurs
membres du Congrès s'associent pour demander que l'enseigne-
.ment de la médecine légale soit officiellement professée dans les
facultés de Droit.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 293
(D'autres questions fort importantes ont encore été traitées à ce
Congrès. Mais comme elles ont moins de rapports avec la neuro-
logie proprement dite, nous les laisserons de côté.)
CONGRÈS INTERNATIONAL DE MÉDECINE LÉGALE
Tenu à Paris du 19 au 21 août 1889.
Parmi les divers sujets qui ont fait l'objet de communications à
ce Congrès, nous n'en retiendrons qu'une seule qui nous intéresse
au premier chef, car il s'agit là d'une question encore très contro-
versée tant en France qu'à l'étranger. Nous voulons parler de
l'INFLUENCE DES TRAUMATISMES SUR LE DÉVELOPPEMENT DES MALADIES
NERVEUSES.
1\l. VIrrERT, dans un travail sur ce sujet, constate en bloc l'exis-
tence de troubles nerveux cérébraux ou médullaires, sans les
classifier. Il estime que la prédisposition joue, chez ces malades,
un rôle tout à fait secondaire.
M. Gilles DE la TOURETTE appelle l'attention en particulier sur
ce qu'on a appelé le rail2ua-spine ou )'o ! Mn/-6)'a : H. Il décrit
brièvement les symptômes que l'on observe cbez les traumatisés.
Considérés par certains auteurs comme constituant une névrose
traumatique générale, ils sont rapportés par 111. Charroi à la
neurasthénie et à l'hystérie, quelquefois à une combinaison de
ces deux élats, déduction faite, bien entendu, des autres maladies
dans lesquelles le traumatisme peut jouer aussi un rôle étiolo-
logtque (maladies mentales, paralysie agitante, etc.). Dans les
cas de 7,Étilway-spiiie, la prédisposition semble jouer un grand
rôle, contrairement à l'affirmation de 111. Vibert.
M. Vibert répondant à 111. Gilles de la Tourette, nie formelle-
ment l'influence de la prédisposition et cite à l'appui de cette
négation, le cas d'une hystérique qui vit cesser ces attaques à la
suite de l'émotion que lui causa l'écroulement de la maison où
elle habitait. L'émotion qui aurait dû aggraver l'état de cette
prédisposition, l'a au contraire amélioré. Donc de l'avis deM.Vtbert,
la prédisposition ne signifie rien. L'émotion d'ailleurs ne signifie
grand'chose de plus que la prédisposition. Des gens frappés de
coups de couteau, et bien plus émus que les sinistrés de chemins
de fer, ne sont pas atteints des mêmes phénomènes. Enfin 111. Vi-
bert croyant que l'hystérie de l'homme diffère de celle de la
femme, se demande pourquoi, si le railway-brain n'est que de
l'hystérie, il présente toujours les mêmes allures dans les deux
sexes.
294 .SOCIÉTÉS SAVANTES.
M. Gilles DE la TouRETTE répond que la prédisposition est plus
facile à constater à l'hôpital que dans une expertise médico-légale
où le malade a tout intérêt à la laisser dans l'ombre, attendu
qu'elle pourrait diminuer son droit à l'indemnité. Quant à la plus
grande fréquence du milway-bmin chez l'homme, elle peut pro-
venir de ce fait que les femmes voyagent moins. En ce qui con-
cerne le rôle de l'émotion, il suffit de rappeler les cas d'hystérie,
provoqués par elle seule, et qu'on ne peut révoquer en doute,
pour juger de l'importance qu'elle doit avoir dans la question.
M. LACASSAGNE (de Lyon) demande si ce qu'il appelle les symp-
tômes procéduriers font partie du tableau clinique de l'hystérie.
Un ouvrier traumatisé conserve son appétit, devient paresseux,
simule une affection qu'il n'a pas ou n'a plus, et le jour ou l'in-
demnité est obtenue, la guérison suit immédiatement. Est-ce là
aussi de l'hystérie ?
M. Motet croit que si les cas légers peuvent appartenir à l'hys-
térie, les plus graves se rapppochent beaucoup plus des grands
processus cérébraux et en particulier de la paralysie générale.
111. DUPONCHEL fait entrevoir certaines difficultés au point de vue
militaire. Si la prédisposition est admise, la loi n'accorde pas de
pension. Si la guérison est possible, le blessé n'a ordinairement
droit qu'a la gratification renouvelable. Mais il semble qu'il y ait
lieu d'accorder souvent la pension de retraite. la guérison parais-
sant, dans de nombreux cas, bien problématique.
1\i. GARNIER se basant sur l'état mental des traumatisés, les fait
renlrer daus la catégorie des cérébraux de Lasègue.
nI. Gilles DE la TouRETTE répond qu'il ne nie nullement que des
maladies mentales et d'autres puissent être provoquées par le
traumatisme. Mais il y a des cas d'hystérie incontestahles même
dans Lasègue. .
M. Christian considère que le traumatisme joue un rôle évi-
dent, mais qu'il ne produit que des affections bien connues,
pour lesquelles il est inutile d'inventer une terminologie nou
velle.
M. Brouardel considère que le terme d'hystérie tel que l'em-
ploie l'École de la Salpêtrière, est beaucoup trop compréhensif.
Il y a des troubles semblables aux symptômes décrits chez les
traumatisés et que l'on rencontre fréquemment chez les prisonniers
soumis au repos après une vie active. D'après des recherches por-
tant sur les urines de ces individus, il semble qu'il y ait chez eux
un trouble de la nutrition par suite d'une véritable auto-intoxica-
tion. Ce groupe de faits serait donc à distraire de l'hystérie.
Quand au rôle joué par la prédisposition, on l'exagère, et si l'on
s'en rapporte aux expertises, on ne trouve pas beaucoup de pré-
disposés. Georges Guignon.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 295
SOCIÉTÉ \IÉDfCO-PSYCIIOLOGIQUE.
Séance du 29 juillet 1889. - Présidence de NI. Falret.
Automatisme ambulatoire chez une hystérique. - zani. J. Voisin
communique une intéressante observation de fugue inconsciente
chez une hystérique, laquelle fugue est toujours suivie d'un som-
meil léthargique lucide. La malade entend tout ce qui se passe
autour d'elle dans le sommeil, mais elle n'a aucun souvenir de ce
qui s'est passé dans sa fugue et elle ne sait comment cette fugue
s'est produite. C'est par le sommeil provoqué que notre confrère
est parvenu à connaître tous les détails de celte scène ambula-
toire et a pu se rendre compte du dédoublement de la personnalité
de sa malade. 11 pense, comme MM. Charcot, Binet et P. Janet que
ce somnambulisme naturel est dû à des modifications de la sensi-
bilité générale et spéciale qui engendrent des images dans le cer-
veau et que l'oubli de tout ce qui s'est fait pendant le somnambu-
lisme est du à la disparition de ces troubles de la sensibilité et des
images qu'ils auraient engendrés. L'auteur montre, en outre, la
corrélation qui existe entre ce somnambulisme naturel et les
rêves bruyants de la malade. Il pense que beaucoup de fugues in-
conscientes relatées dans la science sous le nom d'épilepsie larvée
sont des cas d'altération de la conscience chez les hystériques ou
de dédoublement de la personnalité. Et termine son observation
en attirant l'attention sur l'efficacité du traitement hypnotique.
Note sur le sulfonal. M. Febvré qui a expérimenté l'action du
sulfonal chez les aliénées arrive à des conclusions en opposition
avec celles formulées dans une précédente séance par M. Marandon
de Alontyel. Il pense que le sulfonal est un précieux agent narco-
tique ; quelques essais malheureux de ce médicament ne doivent
pas, à son avis, le faire rejeter de la thérapeutique. Il conseille
d'administrer le sulfonal loin des repas afin d'éviter les troubles
gastriques qui ont été signalés.
M. Marandon DE hIONTYEL. La communication de AI. Febvré est
d'autant plus intéressante que nous avons employé l'un et l'autre
un sulfonal sortant de chez le même fabricant. Il ne croit pas
qu'il faille toujours mettre les manifestations, que j'ai signalées,
sur le mode d'ingestion du médicament. Je crois plutôt qu'il faut
les attribuer à des susceptibilités individuelles.
M. Vallon n'a jamais observé d'accidents sur les quelques ma-
lades auxquels il a administré du sulfonal. Mar el Bhund.
296 SOCIÉTÉS SAVANTES.'
SOCIÉTÉ DE PSYCHIATRIE. ET I)IALADIES NERVEUSES
' DE BERLIN.
Séance du 9 janvier 1888 '. Présidence DE M. Westphal.
M. Thomson communique à la Société un exemple de psychose
réflexe traumatique dont voici le résumé. Le 5 septembre 1887, on
reçoit à la Charité de Berlin un homme de quarante-cinq ans qui,
depuis le mois de février précédent, était atteint d'hallucinations
et manifestait des idées délirantes. Hérédité névropathique très
chargée. En 1870, un coup de feu lui brisa le bras droit. Mais ce
n'est que depuis 1884 que ce bras est le siège d'accès douloureux,
qui se sont compliqués de dépression et finalement, de troubles
psychiques graves. Les accès sont ainsi constitués. Les douleurs du
bras droit s'exaspèrent et dégénèrent pour ainsi dire en des hallu-
cinations terrifiantes; comme on lui veut faire du mal, il s'excite
et se livre à des violences. Les jours suivants sont marqués par
des dépressions, des idées de suicide ; puis tout s'efface et le ma-
lade reprend possession de lui-même. C'est en 1887 que ces acci-
cidents se sont multipliés, se sont prolongés et sont devenus plus
graves en ce sens que la lucidité intervallaire s'est considérable-
ment obscurcie. Cet homme vigoureux est porteur d'une cicatrice
large de quatre travers de doigt, au niveau de l'olécrane, et d'une
autre en arrière de la cavité axillaire ; quelques callosités osseuses.
Intégrité des muscles et des nerfs. On constate aussi chez lui de la
parésie de la jambe droite du même côté, ainsi qu'une hémianes-
thésie totale qui ne dépasse pas ia ligne médiane, si ce n'est au
sinciput où elle empiète un peu sur la gauche ; cette anesthésie
comprend aussi la cornée, les muqueuses nasale, buccale et pha-
ryngienne, la peau du conduit auditif externe, et les sens spéciaux
du goût et de l'odorat de ce côié seul. Il accuse encore une odeur
et une saveur cadavériques. Le champ visuel est rétréci des deux
côtés, mais surtout à droite. L'ouïe, parfaite à droite, a presque
disparu à gauche. Dyschromatopsie. Il faut noter que la dysacou-
sie du côté gauche n'est pas stable. Les accès se répétant à l'hô-
pital, 11. Bardeleben pratique l'excision de la cicatrice d'ailleurs
libre de toute adhérence. Cinq jours après, il se produit un léger
accès qui dure vingt-quatre heures ; puis le malade récupère un
parfait état de santé psychique et physique, y compris la sensi-
bilité, qui ne s'est pas démenti jusqu'ici.
1 Voyez Archives de Neurologie. Séance du 12 décembre 1887.
sociétés savantes. 297
Ri. REOnx raconte les derniers' moments d'une femme de qua-
rante-huit ans, atteinte de paralysie Labio-glosso-p7aaz°yngée, dont
111. Oppenheim a pratiqué l'autopsie et dont il apporte les pièces
anatomiques. L'affection avait présenté une certaine acuité, puis-
qu'elle tua la malade en quatre mois. Les symptômes constatés
furent les suivants : Paralysie avec atrophie des muscles des lèvres
et diminution considérable de l'excitabilité électrique, paralysie
de l'orbiculaire des paupières (lésions du facial) et blépharoptose.
Intégrité de la langue. On constata au microscope des altérations
scléreuses ayant déterminé l'atrophie des cellules du noyau de
l'hypoglosse, du facial, et des groupes intermédiaires ; mais le
noyau de f'oculo-moteur commun qui prend naissance au-dessous
d'eux est demeuré intact.
Séance du 9 avril 1888. -- Présidence DE M. WESTPHAL.
Au Moll. De l'hypnotisme, avec démonstration. Pour lui, l'hyp-
nose est avant tout la manifestation de phénomènes psychiques ;
elle n'émane pas le moins du monde de modifications soma-
tiques. Sans doute il peut se faire, par exception, que l'on y cons-
tate des symptômes objectifs; mais ce n'est pas la loi. Rien ne
nous prouve que l'état d'hypnotisme s'annonce fatalement par un
signe physique qui le décèle sûrement : rien ne nous prouve que
l'absence de ce signe se doive énoncer par la non-existence de
l'hypnose Et nous le regrettons; et c'est justement pour cela
qu'il y faut regarder à deux fois avant de prononcer le mot de
simulation. Que deviendrait le diagnostic des psychoses, des acci-
dents nerveux consécutifs aux accidents de chemins de fer, et tant
d'autres manifestations morbides, si la première condition du dia-
gnostic était de trouver un signe objectif 2 ? C'est parce qu'on perd
de vue cette vérité qu'il n'est pas rare de voir méconnaître les états
les plus fréquents, les plus légers d'hypnotisme, tandis qu'on accu-
sera de simulation des malades justement affectés d'hypnose véri-
table. Contrairement aux assertions de 11. Mendei, il est rare
dans l'hypnotisme pur de constater la disparition de la conscience,
la flexibilitas cerea, les convulsions générales ou locales, l'anal-
gésie, l'amnésie relative à ce qui s'est passé pendant la durée de
l'hypnotisme.
M. Atoll endort devant la société un certain nombre de sujets,
en leur faisant fixer son doigt et en leur ordonnant de dormir
1 Nous ne pouvons laisser passer cette opinion sans signaler au lec-
teur l'étude des faits bien et dûment classés par : Il. Babinski dans les
Archives de Neurologie., t. XVII, p. 92 (P. K.).
' Nous avouons préférer la médecine des faits à la médecine des idées.
Et c'est là l'honneur de l'Ecole de la Salpêtrière (P. K.).
é)ô SOCIÉTÉS PAYANTES.
(suggestion). Il insiste sur lesphénomènes qu'il détermine du côté
des yeux, lesquels finissent par se fermer tout à fait. Quant à la
catalepsie qui se montre, dit-il, quand l'hypnose est plus pro-
fonde, elle est l'effet d'une pure suggestion; c'est simplement
parce que le sujet croit que l'hypnoptiseur la lui ordonne, qu'il 1
tend à garder la situation imprimée à ses membres ou à son corps
entier; le sujet aurait beau vouloir modifier cette position, il ne
le pourrait tant que l'hypnotiseur s'y opposerait '. Sans doute une
telle catalepsie procède de la contraction musculaire, mais dans
des conditions physiologiques ; le travail fonctionnel du muscle
peut être exagéré, mais il n'est pas forcément exagéré. Il suffit
d'ailleurs du moindre excitant inopinément intervenu (une minime
piqûre de puce) pour troubler soudain l'équilibre de la pose. Si
l'opérateur oublie sa suggestion verbale, il voit se défaire la posi-
tion cataleptique. Il y a en revanche des cas dans lesquels, sans
cause perceptible, tout à coup, la suggestion demeure inactive.
Enfin, si la contraction musculaire cataleptique ne s'alimente pas
à un foyer physiologique occupant les organes du système ner-
veux central, l'hypnotisme n'aboutit pas à la catalepsie. Quoi qu'il
en soit, les état hypnotiques les plus communs ne s'accompagnent
ni de perte de connaissance, ni d'analgésie, ni d'amnésie.
Quant aux formes dans lesquelles surviennent ou semblent sur-
venir les hallucinations ou les illusions bien connues, il en faut dis-
tinguer deux espèces. Il n'est pas rare que le sujet vous annonce
l'hallucination que vous lui suggérez, tandis qu'elle ne se produit
pas. C'est la réponse qu'on lui suggère, et non l'hallucination.
Tous ses actes sont empreints d'un complet automatisme; l'hallu-
cination n'est pas du tout provoquée. On pourrait croire, en pareil
cas, à une simulation, par suite de l'absence d'émotivité. Et cepen-
dant, c'est de l'hypnotisme pur. La forme toute particulière de cet
hypnotisme, se montre ◀tantôt▶ légère, ◀tantôt▶ grave. Il n'est pas
rare de constater sur le visage du sujet en expérience, la trace du
combat qui se livre en lui avant qu'il ne se résolve à formuler la
réponse qu'on lui suggère, sans qu'elle corresponde à ce qu'il
ressent; ses traits et son corps entier en témoignent. On sent qu'il
va répondre non; si, à ce moment, l'hypnotiseur qui lui suggère la
réponse « oui » imprime à sa tête l'inclinaison positive, il n'en
faut pas plus pour obtenir l'affirmative. On voit que cela ne res-
semble pas à la suggestion hallucinatoire véritable, à l'incarnation
supposée du sujet en expérience, dans le personnage de Frédéric
le Grand, de Napoléon, etc.
Il n'y a pas de symptôme qui par lui-même prouve la simula-
tion. L'ensemble seul des tableaux en fournit la certitude à l'ex-
périmentateur exercé. Le rire même de la personne hypnotisée
' Cette interprétation nous éloigne delà médecine positive (P.-K.).
SOCIÉTÉS SAVANTES. 299
ne saurait servir de signe à cet égard. Il est une foule d'hypno-
tisés à qui leur situation paraît des plus ridicules. On ne saurait
non plus attacher d'importance au tremblement du sujet en expé-
rience au moment où on essaie de lui suggérer la catalepsie, ni à
la trop courte durée de cette période. C'est en vain encore que le
sujet vous avouera après coup qu'il a simulé; cela ne prouve pas
que cette assertion soit exacte. Il est surtout impossible que l'indi-
vidu le plus intelligent, le mieux éduqué, juge sainement de ses
conceptions et du mode de son activité psychique; que d'illusions
morales ne se fait-on pas sur soi-même ! On peut au surplus simuler
certains phénomènes pendant l'hypnose même, et continuer à si-
muler une fois réveillé des phénomènes hypnotiques dont les pre-
miers actes étaient réellement produits par l'hypnose (Archiv.
f. Psychiat., XX, 2.) P. Iien ? ·aL.
SOCIÉTÉ DE PSYCHIATRIE ET MALADIES NERVEUSES
DE BERLIN.
Séance du 14 mai 1888. - Présidence de M. 'VsSTPIiaL.
M. KnoNTHAL présente une piéce anatomique de syringomyélie
de la moelle compliquant une tumeur de cet organe. On en fera des
coupes après durcissement et on la décrira en détail.
M. S1GMERLING. Etude clinique et statistique sur la paralysie pro-
gressive chez la femme. Le nombre des femmes qui, affectées de
paralysie générale, ont été admises à la Charité de Berlin de 1880
à 1886 est par rapport à celui des hommes admis pour la même
maladie pendant le même laps de temps comme 1 est à 3,3. Si
l'on tient compte de l'augmentation de la population féminine,
à Berlin, on constate que l'on a moins admis que jadis de para-
lytiques femmes des classes sociales moyennes et inférieures. La
paralysie générale liante la femme surtout entre trente-six et
quarante ans. C'est de 1882 à 1886 que l'on vit le plus de paraly-
tiques générales femmes, et elles étaient plus jeunes que celles
que l'on avait dû recevoir de 1877 à 1881. Ce sont les femmes
mariées qui paient à cette maladie le plus lourd tribut. Parmi les
femmes célibataires, les filles publiques ne figurent qu'avec le
coefficient de 6 p. 100 ; les femmes entretenues sont plus souvent
affectées, quel que soit le temps pendant lequel elles aient été
entretenues, que la fille publique.
Etiologie. - Les facteurs pathogénétiques ne sont, dans l'es-
1 Renvoyons de nouveau aux Archives de Neurologie, t. XVII, p. 92.
300 SOCIÉTÉS SAVANTES.
pèce, ni la multiplicité des couches, ni leur gravité, ni les irré-
gularités de la menstruation, ni la ménopause. Ce sont, en pre-
mière ligne, les agents nocifs provoqués par la rigueur des
conditions sociales, et les difficultés du combat pour l'existence.
Après eux, il convient d'inscrire la syphilis et l'hérédité.
Symptomatologie. La fixité réilexe de la pupille, et les allures
du phénomène du genou constituent les symptômes précoces de
la maladie suffisant, en l'absence de troubles de la parole et de
démence trop accusés, pour établir le diagnostic. Le signe de
Westphal s'est montré seul dans 20 p. 100 des cas; il accompa-
gnait la fixité pupillaire chez 25 p. 100 des malades.
L'évolution en est plus placide chez la femme que chez l'homme.
On a surtout affaire à de la démence apathique avec humeur
mobile. La durée comporte pour 101 cas de mort : un an quatre
dixièmes en ce qui concerne le séjour à l'asile, deux ans et demi
en ce qui a Irait à la maladie tout entière.
Discussion :
M. JENSEN. A Allenberg (Est de la Prusse), on a reçu 22 paraly-
tiques générales femmes pour 208 hommes; sur ces 22 femmes,
il n'y en avait qu'une qui fût relativement jeune.
M. 1lILt est surpris de la courte durée de la maladie indiquée
par M. Siemerting.
M. Mendel s'étonne de la rareté de la syphilis. Il a vu cinq fois
le mari et la femme être simultanément affectés de paralysie géné-
rale ; tous deux étaient syphilitiques.
M. Siesierling fournit les chiffres exacts que voici : Dans le
même espace de temps, on a reçu 1,262 paralytiques généraux
hommes et 347 paralytiques générales femmes : le rapport est
donc bien de 1 à 3,5.
M. WESTPIIIL a vu trois fois la paralysie générale atteindre le
mari et la femme ; dans un seul cas il constata la syphilis, les
deux autres exemples témoignaient des conditions sociales les plus
lamentables.
AI. BERNHARDT présente un malade qui, à la suite d'une chute
sur le siège, est atteint d'une paralysie complète de la vessie et du
rectum avec anesthésie de ces organes et de toute la région inner-
vée par les troisième, quatrième et cinquième paires sacrées.
Intégrité parfaite de la motilité, de la sensibilité, de l'activité
réilexe des extrémités inférieures. Persistance des désirs amou-
reux et des sensations agréables de l'orgasme vénérien, persis-
tance de l'érection, mais impossibilité d'éjaculer, par suite de la
paralysie des bulbo.et ischio-caverneux.
M. OPPENIIEIM. Contributions à la pathologie du tabès dorsal.- Il
s'agit de deux cas observés par l'orateur. Le premier se traduisit,
d'abord par les symptômes accoutumés, puis par des accidents
imputables à la cinquième paire, au nerf vague, à l'accessoire, au
SOCIÉTÉS SAVANTES. 301
glosso-pharyngien. On constata des paresthésies et des troubles
de la sensibilité sur la face, des difficultés de la mastication et de
la déglutition, des accès de vomissement et de toux convulsifs,
de la paralysie des cordes vocales, des contractions spasmodiques
de l'oesophage, de l'accélération du pouls. L'autopsie révéla :
Atrophie des racines ascendantes du trijumeau des deux côtés,
sur toute leur étendue, du faisceau solitaire (racine ascendante du
système mixte) également des deux côtés; intégrité, par contre,
des noyaux du nerf vague et de l'accessoire. Atrophie des fais-
ceaux radiculaires intra-bulbaires du pneumo-gastrique, de l'ac-
cessoire, du glosso-pharyngien. Cette atrophie se poursuit sur les
racines émergentes de ces nerfs; on constate en outre une forte
dégénérescence des rameaux périphériques, et, en particulier,
des récurrents et du glosso-pharyngien (périnévrite), tandis que
le laryngé supérieur est demeuré intact.
Le second fait est surtout remarquable par des troubles mar-
qués dans le territoire des deux trijumeaux ainsi que par uneataxie
notable des muscles de la face. A l'autopsie, on trouve une dégé-
nérescence marquée des racines ascendantes de la cinquième
paire et des corps restiformes.
A l'appui sont présentées des pièces microscopiques. (Archiv.
f. Psyc%., XX. 2.) P. KEHAVAL.
SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE DE BERLIN
Séance du 10 juillet 1888 '. Présidence de M. LOEIIR aîné.
M. Liebe complète la communication qu'il a faite à la séance
précédente sur le diabète chez les aliénés, par quelques indications
relatives à l'élimination du sucre contrastant avec l'équilibre
mental. Il rappelle à ce propos la communication de la Société
médico-psychologique (séance du 27 février dernier).
Discussion :
M. MENDEL résume, l'observation d'un homme qui, à la suite d'une
glycosurie persistante (proportion, 5 p. 100), fut atteint de troubles
psychiques (folie systématique hallucinatoire aiguë) ; à ce moment
l'urine ne contenait pas du tout de sucre; la glycosurie reparut au
moment de la convalescense.
M. LOEHR ci le l'histoire d'un malade chez lequel les préoccupa-
tions déterminaient invariablement un excès de glycosurie.
M. MINDEL : Les aliénés daiis le projet de Code civil de l'Empire
allemand. L'orateur, commentant le paragraphe 28, relatif à
' Voy. Archives de Neurologie. Séance de décembre 1887.
302 SOCIÉTÉS SAVANTES.
l'interdiction, propose d'inscrire ces deux phrases dans le texte :
Toute personne qui souffre d'une maladie mentale pourra être inter-
dite. Toute personne qui, du fait de l'aliénation mentale, n'est
pas en état de veiller sur elle ou sur sa fortune, pourraêtre interdite.
Passant aux paragraphes 1739 et 28 qu'il rapproche l'un de
l'autre à dessein, M. Mendel fait remarquer qu'il ne faut pas con-
fondre l'affaiblissement des facultés intellectuelles avec l'insuffisant
développement de ces facultés. Dans le premier cas, on a affaire à
une maladie mentale; le second état peut être compatihle avec le
fonctionnement physiologique du cerveau et de l'activité men-
tale quand, par exemple, on n'a pas soumis l'individu à l'ensei-
gnement scolaire. En tous cas, les malheureux atteints de débilité
mentale, quelle qu'en soit la cause, exigent plus que tous les autres
aliénés, l'assistance prévoyante de l'État et la tutelle. L'hospitali-
sation n'est pas constamment obligatoire.
Le paragraphe 64 dispose que, de même que l'enfant, toute per-
sonne qui ne jouit pas de l'usage de la raison, même passagèrement,
est incapable de s'occuper de ses affaires ; il en est de même de toute
personne interdite pour maladie mentale tant que l'interdiction
continue à avoir plein effet. M. Mendel propose le texte suivant :
Il en est de même de toute personne qui se trouve, quoique passa-
gèrement, dans un état d'inconscience, ou qui traverse une période
de perturbation morbide de l'activité mentale; la loi recevra alors
son application pour la durée de cet état ou de cette phase.
Ce même paragraphe prévoit les intervalles lucides. M. Mendel
en approuve les motifs. Mais il existe une sorte de contradiction
entre l'interprétation en question et le paragraphe 708 qui attribue
une responsabilité aux malades interdits pendant leurs intervalles
lucides aussi bien que s'ils étaient guéris, tandis que la loi pro-
clame que, pendant toute la durée de l'interdiction, l'aliéné est
incapable de s'occuper de ses affaires.
M. GUTTSTADT. - Contribution à la statistique relative aux in-
culpés qui ont été, par arrêtés des tribunaux prussiens, mis en obser-
vation dans les asiles publics d'aliénés. Des documents qu'il a pu
recueillir au Bureau de statistique (ltmtiglisc7tes statistisches Bu-
reatt), 51. Guttstadt dresse une série de tableaux très utiles à consulter.
En somme, en Prusse, de 1877 à 1887, 446 inculpés (357 hommes,
89 femmes) ont été séquestrés par la justice afin d'être observés
de près. Il n'a cependant pas été possible d'établir les faits relatifs
à l'hôpital de la Charité de Berlin, de sorte que ce quartier
d'aliénés n'a pu être analysé à ce point de vue. On peut néanmoins
formuler que les tribunaux du nord et de l'ouest sont plus enclins
que ceux de l'est à employer ce procédé d'enquête. Il y a aussi
bien des raisons de croire que les magistrats se rendent à l'avis
exprimé par le rapport médico-légal des directeurs des asiles.
Ainsi qu'on le pouvait prévoir, parmi les inculpés observés, dans
SOCIÉTÉS SAVANTES. 303
un but médico-légal, dans les asiles d'aliénés, il s'est également
rencontré des individus non aliénés. Sur les 446 expertises, on en
a déclaré 62 indemnes d'aliénation mentale (52 hommes, 10
femmes), soit 14 p. 100 d'hommes, 10 p. 100 des femmes, en tout
24 p. 100. En aucun cas d'ailleurs, il n'a été constaté que le séjour
à l'asile leur eût été nuisible. M. Noetel, dont les études constituent
un modèle de précision, insiste sur la détermination relativement
aisée des éléments psychopathiques. Si l'on ne peut, conclut-il, inva-
riablement s'opposer aux accidents dont les aliénés sont les fau-
teurs, on en évitera incontestablement une grande partie, quand
le public et les fonctionnaires, se préoccupant davantage des cas
d'aliénation mentale douteux ou non, qu'il leur est donné de voir
de près, s'habitueront à demander en lemps opportun les conseils
des spécialistes compétents.
M. OTTO. Du sulfonal. -C'est décidément un narcotique et un
calmant. Administré par fractions de 50 centigrammes, à plusieurs
reprises dans la journée, il agit très favorablement (dose totale
2 gr. 50 à 3 grammes). Ses effets se. font sentir dès le premier ou le
second jour de l'administration. Les seuls inconvénients qu'il pro-
duise sont des vertiges, des étourdissements, mais sans consé-
quences plus graves.
Discussion :
M. Mendel Sans dépasser la dose de 1 gr. 50, l'orateur ob-
tient un sommeil ou un assoupissement profond dès le second
jour de l'administration. Il n'a vu survenir de malaises (vomisse-
ments) qu'en un cas. Dans les cas de douleurs névralgiques, il lui
est souvent arrivé de n'en obtenir aucun effet.
M. 111mLL. - Il excelle chez les paralytiques généraux présentant
du désordre dans les idées, à petites doses fréquentes que l'on a
soin de diminuer dès que le calme survient. L'action calmante est
ici d'autant plus évidente, qu'il n'exerce chez ces malheureux, pas
d'action psychique.
M. OTTO. Pour faire dormir les malades, il faut l'administrer
tard dans l'après-midi.
M. J. JENSEN. - Observation de trois lacunes dans la substance céré-
brale des lobes pariétal et frontal de l'hémisphère gauche, chez un
dément n'ayant présenté pendant la vie aucun phénomène morbide du
côté des fonctions motrices ou sensorielles. Ces lacunes, occasionnées
par des attaques d'apoplexie répétées (hémorrhagies cérébrales),
occupent la face médiane du lobe frontal et la convexité du lobe
pariétal. Elles ne se sont traduites par aucun symptôme. L'orateur
croit à un remplacement fonctionnel de l'hémisphère droit dont
les circonvolutions sont très développées. Des dessins viennent à
l'appui de la description. (Allg. Zeitsch. f. Psych. XLV, 4.)
P. KEHAVAL.
VARIA
Les CELLULES d'observation des aliénés dans LES hospices ; par
M. Monos, directeur de l'Assistance et de l'hygiène publiques
en France 1.
Messieurs,
L'attention de l'administration avait été appelée par M. le
or Bourneville2 sur les conditions défectueuses dans lesquelles
étaient souvent placés les indigents présumés aliénés et mis en
observation dans les hospices. Une circulaire ministérielle du
1er avril 1887 recommandait aux préfets d'empêcher qu'un malade
présumé aliéné fût inutilement transféré d'un hospice à l'autre
ét surtout de veiller à ce que son séjour dans l'hospice fût limité
au temps indispensable pour constater son état. Dès que l'aliéna-
tion mentale est reconnue, le malade doit être placé dans un éta-
blissement spécial. ;
Une nouvelle circulaire, en date du 11 février dernier, signalait
aux préfets l'installation défectueuse des cellules destinées, dans
les hôpitaux, à recevoir les aliénés de passage ou les malades mis
en observation; elle rappelait celle du 1er août 1887; enfin, en vue
de renseigner l'administration à la fois sur la manière dont ses
instructions avaient été suivies et sur l'état des cellules destinées
au dépôt provisoire des aliénés, elle prescrivait qu'à un jour donné,
dont elle fixait la date, le 19 février, les secrétaires généraux et les
sous-préfets ou à leur défaut des conseillers de préfecture délé-
gués par le préfet, se rendraient dans les hôpitaux et hospices des
chef-lieux de département et d'arrondissement et constateraient
le nombre des aliénés en observation, la date de leur entrée à
l'hôpital, et les conditions matérielles des cellules où sont reçus
ces malades.
. Une telle enquête faite simultanément dans toute la France ne
pouvait manquer de fournir d'utiles renseignements. Les rapports
des préfets sont tous parvenus, sauf un; ils ont été dépouillés avec
soin. S'ils ne sont pas tous également instructifs, si aux questions
précises qui avaient été posées ils ne répondent pas toujours, il
1 Communication faite au Congrès de médecine mentale, danssa séance
du 9 août 1889. r
2 Voir Archives, 1887, n° 40, p. 172. - 1888, n° 46, p. progrès
médical, 1889, ix, p. 31.
VARIA. 305
s'y trouve cependant assez de documents pour montrer d'une part
que ce n'est pas sans raison que l'attention avait été attirée sur
les installations défectueuses des cellules dans les hospices et
d'autre part, que les instructions données par la circulaire du
4raoût 1887 sont encore parfois mal comprises. Il m'a paru que
le résultat de cette enquête offrirait quelque intérêt pour le
congrès.
Sur 121 aliénés en observation dans les hospices à la date du
19 février :
40 s'y trouvaient depuis moins de 5 jours;
28 depuis plus de 5 jours et moins de 10 ;
53 depuis plus de 10 jours, et sur ces derniers 25, soit près de la
moitié, étaient à l'hospice depuis plus d'un mois.
La période d'observation est parfois très longue encore.
C'est ce qui arrive à l'hospice de T ? où le préfet a décidé de
faire placer en observation tous les aliénés du département.
Dans le rapport fait à propos de la présente enquête par
M. R..., conseiller de préfecture, il est dit qu'antérieurement à
cette mesure, les aliénes étaient conduits directement dans les
asiles spéciaux et que « si l'aliéné envoyé à l'asile n'était pas
q reconnu comme tel, l'administration, trop confiante ou abusée
« par des certificats un peu forcés, supportait la responsabilité
a morale d'une mesure de séquestration temporaire injustifiée ».
Ces raisons ont leur valeur et l'intérêt de l'administration est évi-
dent dans cette mesure; mais l'on peut se demander si l'intérêt
des malades est également sauvegardé. Or, le même rapport nous
apprend que les trois cellules destinées aux aliénés sont situées à
vingt mètres des bâtiments, entre cour et jardin; que la supé-
rieure de l'établissement, qui occupe un logement dans une aile,
domine de ses fenêtres lesdites cellules et que c'est ainsi que la sur-
veillance peut s'exercer pendant la nuit. « Les trois cellules, dit le
« rapporteur, sonl surveillées lejourparlesinfirmierset infirmières
« et la nuit par la supérieure dont les fenêtres, comme je l'ai dit,
c ont une vue sur les cellules a S'il est admis desormaisque l'obser-
vation des aliénés du département se fera seulement à l'hospice,
ce ne peut être qu'à la condition que les cellules soient conve-
nablement installées et surveillées. En outre, sous aucun prétexte,
cette mesure ne doit être prise dans le but de prolonger la période
d'observation contrairement aux instructions de la circulaire du
1er août 1887. Or il a été placé à cet hospice, en 1888, 40 aliénés
en observation et un tableau joint au rapport de M. le conseil-
ler R... montre que dix-neuf fois la période d'observation a dé-
passé 15 jours et que dix fois elle a été de plus de 30 : un aliéné a
été gardé en observation 30 jours, un 32, un 35, un 34, un 36,
un 39, un 40, un 41, un 68, un 72 jours. Si l'on n'y prend garde,
il se formera à cet hospice un véritable quartier d'aliénés non
Archives, t. XY111. 20
306 VARIA.
autorisé et dans les conditions fâcheuses où se trouvent la plupart
des quartiers d'hospice.
Voici quelques autres exemples de la durée prolongée du séjour
des aliénés dans les hospices :
A C..., il existait le 19 février « quatre malades qu'on peut con-
« sidérer comme aliénés, quoique leur folie soit tranquille et que
« les médecins n'aient pas cru devoir les envoyer à l'asile, parce
« qu'ils ne sont pas dangereux ». Ces malades étaient à l'hôpital
depuis le 27 janvier 1887, le 21 juillet 1887, le 22 mai 1888 et
même l'un d'eux, une femme de quarante-neuf ans, est à l'hô-
pital depuis le 21 janvier 1866.
A T..., une femme aliénée est à l'hôpital depuis sept mois
(28 juin 1888). A B..., une femme aliénée est l'hôpital depuis
deux mois (18 décembre 1888). A T..., il y avait au moment de la
visite du sous-préfet trois aliénés. L'un d'eux, un enfant, s'y trou-
vait depuis près d'une année. Le rapport du sous-préfet au
préfet s'exprime ainsi relativement à cet enfant : « A...,
entré le 21 mai 1888, enfant de huit à neuf ans, idiot et épilep-
tique, qui a fait l'objet d'un arrêté préfectoral du 4 juin 1888 or-
donnant sa séquestration à l'asile d'aliénés. Cette décision est
restée sans effet malgré la communication d'une lettre du direc-
teur de l'asile des aliénés et d'une lettre des hospices civils que
j'ai eu l'honneur de vous transmettre à la date du 9 juillet dernier »
Enfin à R..., 111. le sous-préfet a trouvé une femme qui y était
depuis huit années. Je citerai un extrait intéressant du rapport
du sous-préfet : « La nommée L ? âgée de trente ans,
atteinte d'hysléro-épilepsie, est actuellement à l'hospice de R...,
où elle est entrée le 19 novembre 1880. Cette malheureuse fille
passe ses journées au milieu des autres malades, mais la nuit, on
est obligé de l'isoler, sans surveillance aucune, dans un cabanon,
afin que ses cris n'empêchent pas les malades de reposer. Je ne
puis que regretter que la situation digne d'intérêt de la fille
L... n'ait été signalée ni par la supérieure de l'hôpital, ni par les
médecins, ni par la municipalité de R.... Je n'ai pas à rechercher
à qui incombe la responsabilité d'une semblable négligence, mon
devoir consiste à trouver le moyen le plus pratique et le plus
prompt de faire cesser cette situation. Cette fille restant parfois
huit jours sans prendre de nourriture et étant prise en ce moment
de folie presque furieuse, je ne puis que vous proposer, Monsieur
le Préfet, de vouloir bien ordonner son internement à l'asile, i
Le préfet a été, Messieurs, invité par le ministre de l'intérieur à
faire cesser cet état de choses et cet état de choses a cessé :
Quant aux cellules où les aliénés sont placés dans les hospices,
nous n'ignorions pas que beaucoup d'entre elles sont installées dans
des conditions très défectueuses. La circulaire du 11 février 1889 or-
donnant l'enquête pouvait déjà dire que « beaucoup de ces cellules
VARIA. 307 Î
sont privées d'air, de chauffage et du mobilier le plus indispen-
sable. Placés près du dépôt des morts ou relégués dans les dépen-
dances à côte des étables, plusieurs Je ces cabanons sont dépour-
vus, la nuit, de toute surveillance ». Les résultats de l'enquête
ont malheureusement confirmé les termes de la circulaire.
Dans.le rapport du sous-préfet de R..., que je citais tout à
l'heure, il est dit : « La cellule occupée actuellement par la fille
L... (c'est celle qui est restée huit années à l'hospice) mesure à
peu près quatre mètres carrés; elle est absolument privée de l'air
nécessaire, la porte étant close pendant la nuit. La lumière n'y
arrive que par un verre dormant et le chauffage y est impossible.,
Cette cellule est d'ailleurs attenante à la salle des morts, et le
sous-préfet estime « qu'il ne peut y avoir d'installation plus défa-
vorable et plus préjudiciable à la santé des malades ». Cette suppo-
sition est malheureusement inexacte ; je vais avoir à signaler des
installations plus déplorables encore.
« La cellule affectée aux hommes, dit le sous-préfet de T...,
me paraît complètement impropre à sa destination. Des angles
saillants qui se rencontrent presque sur toutes les faces de cette
pièce présentent un très grand danger pour certains aliénés; en
outre la fenêtre grillée laisse le malade exposé au froid pendant
les nuits d'hiver. J'ajoute que le lit de fer fixé au sol est garni
simplement de paille et d'une couverture au lieu de renfermer la
literie qu'on rencontre même dans les prisons..... En dehors de
ces inconvénients il convient de remarquer que les cellules, éta-
blies au niveau du sol, sans plancher ni boiseries, paraissent trop
froides et trop humides pour être habitables. »
A. B..., il y a deux cabanons qui ne sontaérés que par des judas
pratiqués dans la porte, les murs sont blanchis à la chaux. Ces
cabanons cubent à peine quinze mètres. L'un est meublé d'unlit;
dans l'autre on se contente de répandre un peu de paille sur le
sol bitumé.
Voici un rapport du sous-préfet de S... : < A l'aspect de ces
cellules, je devrais dire de ces étables combien mon coeur
s'est serré à la pensée que des hommes pouvaient se trouver plus
abandonnés et plus maltraités que ne le sont, quand ils sont
malades, des animaux domestiques. Ces deux cabanons sont situés
derrière le corps principal de l'hospice, dans une grange où l'on
emmagasine carottes, pommes de terre et betteraves; à droite et
à gauche de la porte d'entrée, trois ou quatre mètres carrés ont
été pris et séparés par des planches, le sol a été planchéié tant
bien que mal, et une grosse botte de paille a été jetée dans un
coin en guise de lit... »
Si le Sous-Préfet de S... compare les cellules qu'il a visitées
à des étables. le Sous-Préfet de P... s'écrie en visitant celles de
cette ville : « C'est pire qu'un chenil ! . x '
308 VARIA.
A A..., la visite des cellules a été faite par le secrétaire général,
qui s'exprime ainsi dans son' rapport : « Deux cellules sont réser-
vées à l'hospice d'A... pour les aliénés; elles sont installées dans
une dépendance de cet établissement, d'assez chétive apparence
et avoisinant le quartier des incurables indigents. Déjà en 1887,
leur état défectueux frappait M. l'inspecteur générai Fovillé, qui les
signalait comme de véritables cachots du moyen Re, horribles et
dangereux. Il est difficile, avec là meilleure volonté possible, de ne
pas partager encore aujourd'hui une telle appréciation quoique
depuis cette époque les cellules aient subi diverses modifications;
les murs notamment ont été récrépis à la chaux vive et un plan-
cher de sapin a remplacé le carrelage primitif..... Une certaine
quantité de paille constitue le mobilier de ces tristes réduits ».
Cette appréciation est à rapprocher de celle du sous-préfet
de B..., qui a trouvé dans cette ville deux cellules en sous-sol où
l'on accède par un escalier extrêmement étroit; «ces cellules, dit-il;
rappellent les plus mauvais cachots des anciennes prisons. »
A M.... il n'y a à l'hospice qu'un seul cabanon dont le sous-
préfet dit : a Très-humide, privé d'air et de lumière, dépourvu de
tout mobilier et de tout appareil de chauffage, il ressemble, avec
ses quatre murs noirs, à un véritable cachot; on ne peut, sans un
saisissement, y pénétrer et on ressent un profond sentiment de
tristesse quand on songe que ce réduit, tout au plus bon pour
recevoir de vulgaires malfaiteurs, est destiné à de pauvres déshé-
rités, dignes de toute pitié et de tout intérêt. »
Le plus grand nombre de ces cellules est sans aucun moyen de
chauffage. A B..., le sous-préfet remarque que les ouvertures
ne peuvent se fermer et qu'il n'y a d'ailleurs aucun moyen de
chauffage; la supérieure de l'hospice le rassure en lui affirmant
que les fous ont toujours trop chaud.
A C..., les cellules sont également mal closes et non chauffées; or
la ville est à 720 mètres d'altitude et il y fait, en hiver, un froid
intense. De la paille jetée sur le plancher constitue tout le
mobilier.
A L..., la cellule est située au fond de la cour des communs de
l'hospice, dans la partie où se trouvent encore les restes d'un an-
cien château, à côté des écuries, contre le mur extérieur; elle est
dallée en pierre, éclairée par une fenêtre grillée sans vitre et dé-
nuée de tout mobilier, c J'étais accompagné dans cetie visite, dit
le sous-préfet, par Mme la supérieure et une soeur de l'hospice.
Je ne pus m'empêcher de leur manifester mon étonnement au su-
jet de l'absence d'un mobilier quelconque ; il me fut répondu que
c'était dans l'intérêt même des aliénés qui pouvaient être mis en
observation; qu'il en avait toujours été ainsi, pour éviter qu'à
l'aide des objets qui constituent ordinairement un mobilier ils ne
puissent attenter à leurs jours. Leur ayant fait observer que je ne
. VARIA. 309
comprenais pas que l'unique fenêtre de cette cellule'ne fût pas vi-
trée, il me fut répondu que les aliénés, si un vitrage avait été
placé, pourraient se blesser dangereusement avec le verre. La li-
terie est remplacée par quelques brassées de paille. »
Il est difficile de ne pas remarquer que les malades qui sont
dans un état tel qu'on ne peut laisser aucun objet mobilier à leur
portée, n'ont que faire d'être mis en observation, et doivent être
immédiatement dirigés sur un asile.
Le secrétaire général du département de ..., après avoir visité
l'hospice de M..., rapporte que : « Les cellules affectées aux aliénés
en observation sont dans une arrière-cour; elles forment le pre-
mier étage d'une petite construction dont le rez-de-chauseée sert
de salle des morts et au-dessus duquel il y a un séchoir et un char-
nier pour les viandes de conserve. Il n'y a d'autre mode d'aéra-
tion et d'éclairage qu'un vasistas au-dessus de la porte. Rien n'est
prévu pour le chauffage. Les aliénés en observation ont
comme couchage de la paille et des couvertures... Ils re-
çoivent leurs aliments par un guichet pratiqué dans la porte. »
A M..., la cellule pour les aliénés est placée dans les dépendances
de l'hospice, entre la vacherie et une écurie à porcs. Cette cellule
a 3 mètres et demi de long, 2 mètres et demi de large et 3 mètres
de hauteur (soit un cube de 26m 23). Elle n'est pas chauffée et ne
reçoit le jour et l'air que par une petite imposte garnie de bar-
reaux de fer et non munie d'un châssis fermant. Or, dans ce dé-
partement la température est rude en hiver, et il est bien probable
qu'au mois de janvier il serait plus confortable d'habiter la vacherie
que la cellule.
Dans le département de ..., il n'y a de cellules pour les aliénés
en observation qu'à l'hospice du chef-lieu. « Ces cellules, dit le
rapport, sont au nombre de deux. Elles sont constituées par deux
chambres carrées de 3m 50 environ, aux murs blanchis a la chaux,
à l'aire bitumée. Ces deux pièces contiguës sont établies sur un
canal aux eaux stagnantes. Aucun appareil de chauffage n'y est
installé et pour aérer ces pièces il faut tenir les fenêtres continuel-
lement ouvertes. En outre, dans un coin de chacune de ces cellules,
on a installé une garde-robe constituée simplement par un orifice
qui communique avec le canal, d'où s'exhalent des émanations
pestilentielles continuelles. La couchette du malade se compose
d'une paillasse renfermée entre quatre planches. Pour éviter que
les autres malades n'entendent les cris poussés par les aliénés, ces
cellules ont été placées à 200 mètres environ des bâtiments, mais
il n'y a aucun poste de surveillance. Aussi la supérieure attachée
à l'établissement m'a-t-elle avoué que souvent ces malheureux,
pris pendant la nuit d'accès de folie furieuse, étaient retrouvés le
lendemain absolument mutilés. »
A diverses reprises, il a été signalé que les cabanons des hos-
310 VARIA. »
pices sont contigus aux dépôts des morts. C'est un point sur lequel
a été souvent attirée l'attention de l'administration, qui n'est pas
suffisamment armée par la loi pour faire cesser de tels abus.
L'enquête du 19 février a fourni de ce voisinage des cabanons et
des dépôts mortuaires des exemples singuliers.
A S..., d'après le rapport du sous-préfet, les trois cabanons
sont privés d'air, de lumière et de chauffage, ils sont de plus con-
tigus au dépôt des morts où se font les autopsies; enfin la sur-
veillance n'est pas possible pendant la nuit.
A A...,.les cellules ont lm 75 de largeur, 2m 20 de longueur et
de hauteur, soit environ 8 mètres cubes et demi. Elles sont éclai-
rées et aérées par une ouverture en losange pratiquée dans la porte
qui donne dans la salle des morts. Il n'y a aucun moyen de chauf-
fage ni aucune surveillance.
On retrouve encore çà et là, dans les cellules des hospices, les
moyens de contrainte barbare qui ont depuis longtemps disparu
des asiles.
Le sous-préfet de S..., parlant des cellules des hospices de
cette ville, dit : « Elles sont installées dans un petit bâtiment suffi-
samment isolé du corps principal de l'établissement, c'est-à-dire
des quartiers des malades, pour que ceux-ci ne soient pas incom-
modés par le voisinage des aliénés agités... Les cellules sont dallées,
et quatre anneaux de fer, scellés dans la pierre, permettent au be-
soin de maintenir l'aliéné s'il est en état de démence furieuse ».
A D..., le secrétaire général a trouvé dans une cellule un car-
can de fer fixé à une chaîne dont l'extrémité était scellée dans le
mur. Le préfet a immédiatement fait supprimer cet engin de
torture.
Un carcan du même genre se trouvait aussi à l'hôpital-hospico
de C...
Les commissions administratives des hospices ont été souvent
informées, à la suite des inspections générales, du mauvais état
des cabanons d'aliénés. Il faut bien reconnaître que quelques-unes
d'entre elles ne tiennent pas volontiers compte des observations
qui leur sont faites soit par l'administration supérieure, soit par
le corps médical.
Le sous-préfet de R... dit dans son rapport : « Le quartier affecté
aux aliénés en observation ne comprend que quatre cabanons hu-
mides, malsains, dépourvus de tout appareil de chauffage, et dans
lesquels les malades sont abandonnés la nuit sans aucune sur-
veillance. M. le Dr... et AI-0 la supérieure m'ont dit avoir ap-
pelé à diverses reprises l'attention des membres de la commission
administrative des hospices sur cette organisation absolument dé-
fectueuse. Aucune amélioration n'a pu être obtenue malgré leurs
instances réitérées. »
Parmi les rapports présentés au conseil général du département
VARIA. 311 1
de ..., en 1888, par le préfet, se trouva un rapport du secré-
taire général qui, parlant des cellules d'observation de l'hospice
de P..., les qualifiait de tristes prisons. Le conseil général s'émut
de cette situation ; il fit visiter les lieux par une commission
spéciale ; les membres du conseil général qui faisaient partie de
cette commission rendirent compte de leur mission dans la séance
du 22 août 1888. Us disaient : « Nous nous sommes rendus hier à
l'hospice et, nous devons le déclarer, c'est avec un profond senti-
ment de tristesse que nous avons constaté l'état pitoyable dans
lequel se trouvent les malheureux aliénés. Sur cinq cabanons,
quatre sont occupés, l'un depuis le 11 août, les autres depuis le 14.
Ces malheureux sont couchés sur la paille, quelques-uns tout
nus. Ils ne reçoivent l'air et la lumière que par une étroite ouver-
ture absolument insuffisante. Des odeurs infectes dues aux excré-
tions, à l'insuffisance des lavages, vicient l'air qu'il est impossible
de renouvelle ! - et l'un de nos malheureux aliénés est renfermé là
depuis douze jours. » Mais la commission administrative se montra
très peu disposée à remédier à cet état de choses et à se rendre
aux voeux légitimes du conseil général. Je ne sais pas si, depuis,
elle a pris les mesures que lui commandait l'humanité.
Il résulte de ce qui précède que la situation est triste; indigne
d'une démocratie où les questions d'assistance préoccupent si jus-
tement le parlement et l'administration; indigne du pays qui a
vu naître Pinel et qui a donné l'exemple de la réforme que ce
siècle a réalisée dans les établissements d'aliénés. Il semble que les
vieux abus, les errements anciens les plus regrettables, proscrits
des asiles, aient continué de fleurir dans certains hospices, et c'est
un exemple qui s'ajoute à beaucoup d'autres pour montrer la né-
cessité d'étendre les droits de surveillance de l'Etat sur les établis-
sements hospitaliers et de lui donner lepouvoird'intervenir effica-
cement en faveur des pauvres et des malades. Certes, les cota missions
administratives sont en général pleines de bon vouloir. Mais com-
ment ne pas reconnaître que quelquefois elles sont ignorantes,
attachées à des pratiques routinières dont elles ne comprennent
pas les dangers ? Elles manquent d'ailleurs souvent de termes de
comparaison. La plupart des administrateurs de nos hospices n'ont
sans doute pas le loisir de visiter d'autres établissements que le leur;
ils sont venus en très petit nombre assister aux séances du Congrès
international d'assistance publique. C'est que leur intérêt n'a pas
été jusqu'ici suffisamment appelé sur les progrès de l'hygiène gé-
nérale. Aussi ont-ils une certaine tendance à tenir en suspicion
les avis des médecins, et lorsque ceux-ci réclament ◀tantôt▶ une
étuve à désinfection, ◀tantôt▶ une salle d'opération où puisse être pra-
tiquée l'autopsie, ◀tantôt▶ telle autre amélioration nécessitant une
dépense, l'utilité de la dépense parait facilement douteuse à la
commission administrative. ,
31 VARIA. 8
Si, pour des questions qui se rattachent directement à leurs
fonctions, les commissions opposent ces résistances,' comment'
serait-on surpris de les rencontrer en une affaire qui' sort
du cercle habituel, régulier de leurs préoccupations, dont le
souci est pour elles une anomalie et le fonctionnement'un em-
barras ? Comment être surpris que les commissions fassent passer
en première ligne leurs malades, que, par exemple, l'espace dont
elles disposent étant limité, les dépôts mortuaires devant être pla-
cés hors de la vue, et les cellules d'aliénés hors de l'ouïe des ma-
lades. elles soient conduites à placer ces cellules près de ces
dépôts ? Comment espérer que l'on pourrait utilement leur
demander de construire et d'installer des cellules convena-
bles ? Elles allégueraient, parfois non sans raison, le manque de
ressources. D'ailleurs, fussent-elles disposées à satisfaire aune aussi
juste exigence, elles n'ont à leur disposition aucun personnel
expérimenté pour le traitement des aliénés. Les infirmiers de la
plupart des hospices sont recrutés au hasard; ils ne savent même
pas mettre une camisole de force à l'aliéné qu'ils songent quelque-
fois moins à soigner qu'à mettre hors d'état de leur nuire. Il serait
difficile, d'autre part, d'imposer à un hôpital une grosse dépense
pour la construction, le chauffage, la garde de cellules qui ne
serviront peut-être pas deux fois par an.
Aussi, Messieurs, ne semble-t-il pas que ce soit de ce côté qu'il
faille chercher la solution du problème.
La loi du 30 juin 1838, art. 24, dit : a Les hospices ou hôpitaux
civils sont tenus de recevoir provisoirement les personnes qui leur
seront adressées en vertu des articles 18 et 19 jusqu'à ce qu'elles
soient dirigées sur l'établissement spécial destiné à les recevoir
aux termes de l'article 1er, ou pendant le trajet qu'elles feront pour
s'y rendre. Dans toutes les communes où il existe des hôpitaux
ou hospices, les aliénés ne pourront être déposés ailleurs que dans
ces hospices ou hôpitaux. Dans les lieux où il n'en existe pas, les
maires devront pourvoir à leur logement soit dans une hôtellerie,
soit dans un local loué à cet effet. »
Cela ne veut pas dire qu'une longue observation de ces malades
sera faite avant de les transporter dans l'établissement spécial des-
tiné à les recevoir. Une telle observation n'est pas possible dans
une « hôtellerie » et il est évident que le législateur songeait sur-
tout à assurer un gîte sur une route qu'en l'absence de chemins
de fer on devait faire par étape.
Aujourd'hui, les moyens de communication sont aisés et ra-
pides ; le transport dans l'établissement spécial peut s'effectuer sans
retard et c'est là seulement qu'une observation peut être pour-
suivie dans de bonnes conditions et par des hommes expérimentés.
N'y a-t-il pas d'ailleurs utilité, au point de vue des chances de
guérison, à ce que la folie puisse être traitée immédiatement ?
VARIA. 313
Le transport immédiat dans l'établissement spécial le plus voi-
sin où un quartier d'observation serait installé à cet effet cons-
tituerait donc la solution vraie; elle ferait disparaître les réduits
dont les rapports administratifs font un si triste . tableau ; elle
mettrait les malades en situation d'être traités au début même de
leur affection avant qu'un état chronique incurable se soit établi.
. Ce n'est pas la.une solution théorique; dans divers départe-
ments elle a été mise en pratique.
' Je prévois et je signale une objection de sentiment qui pourra
être faite. On dira que la personne qui a passé par l'asile, si elle
n'a qu'une folie momentanée, ou si même elle n'est pas aliénée,
gardera toujours de ce passage une sorte de tare. Je ne vois pas
que le fait d'avoir passé par le cabanon de l'hospice soit beaucoup
moins fâcheux à ce point de vue. Et s'il faut absolument choisir
entre cet inconvénient et tous ceux que j'ai indiqués au cours
de cette communication, je préfère le mal futur et hypothétique
au mal actuel et certain.
Si d'ailleurs l'objection s'impose avec une force telle que l'on
doive en tenir compte, qu'alors des hôpitaux spéciaux soient dési-
gnés pour recevoir les présumés aliénés, que ces hôpitaux soient
pourvus de locaux appropriés et d'un personnel expérimenté, que
des mesures soient prises pour que le temps d'observation ne dé-
passe pas les limites indispensables. Les directeurs d'asiles pour-
ront beaucoup pour assurer ce dernier résultat, s'ils ont soin de
tenir les préfets au courant des circonstances dans lesquelles les
aliénés sont confiés à leurs soins. C'est un des motifs qui m'ont
décidé à faire au congrès la présente communication.
En tout cas, il est une chose nécessaire, urgente, c'est d'em-
pêcher que, sous prétexte d'observation, les aliénés soient détenus
10, 15, 20 jours et plus dans les cabanons dont j'ai dû mettre sous
vos yeux les dispositions défectueuses ou dangereuses.
Je l'ai fait sans beaucoup de ménagements, ce qui étonnera
peut-être. Mais je suis de ceux qui pensent que pour préparer uti-
lement le remède, il faut bien connaître le mal; que, lorsque la
guérison de ce mal dépend de plusieurs autorités, il ne faut pas
craindre de crier un peu fort; que, surtout dans les questions d'as-
sistance et d'hygiène, la franchise administrative est le commen-
cement de la sagesse, parce qu'elle est la condition des réformes.
Quelques POINTS de la LOI irlandaise sur LES aliénés ; par CONOLLY y
Norman (The Journal of Mental Science, janvier 1886).
Cette étude de quelques points particuliers de la législation qui
régit les aliénés en Irlande, n'a pour le lecteur français qu un
intérêt très restreint; mais elle \sera consultée avec fruit par tous
ceux qui se livrent à l'étude de la législation comparée des
aliénés. R. M. C.
314 VARIA.
UNE RÉCENTE visite A GHEEL; par D. RACK TUKE (The Journal of
Mental Science, janvier 1886).
La colonie de Gheel a été souvent décrite et nous ne suivrons
pas M. Rack Tuke dans la description détaillée qu'il en donne :
nous chercherons plutôt dansson travailles appréciations que sa
visite a suggérées à cet aliéniste-distingué. L'auteur ne voit ni
inconvénient ni difficulté pratique à installer autour d'un asile,
destiné à recevoir et â enfermer les aliénes dangereux pour les
autres ou pour eux-mêmes, une sorte de colonie où les fous inof-
fensifs vivraient, comme à Gheel, de la vie commune, sous la
surveillance privée des habitants. Il ne pense pas toutefois que
ces colonies doivent être considérées comme susceptibles d'une
grande extension. D'ailleurs, si l'avantage qui en résulte pour les
aliénés tranquilles ne peut guère être contesté, M. Hack Tuke
déclare qu'il ne peut s'empêcher de craindre que le séjour d'un
aliéné dans une famille ne soit pas pour cette famille même aussi
inoffensif qu'on paraît le croire. Si la statistique ne nous montre à
la charge des aliénes de Gheel qu'une très faible proportion
d'actes criminels, il est d'autres actes, aisés à prévoir ou 1l de-
viner, que la statistique ne mentionne naturellement pas, et qui
n'en constituent pas moins un danger pour le voisinage aussi bien
que pour les familles de la colonie. Enfin, M. Hack Tuke, malgré
le succès obtenu par cette colonie, ne peut s'empêcher de trouver
excessive une liberté qui a permis il l'un des aliénés de Gheel de
reconduire les membres de l'Association médico-psychologique
anglaise jusqu'à Anvers et d'offrir au digne président de cetle
association d'être son cicérone dans les quartiers les moins bien
famés de cette ville. R. M. C.
PROJET d'asile PUBLIC pour 310 malades, avec facilité D'ÉTENDRE LES
services jusqu'au chiffre de 450 LITS; par C.-S.-W. COBDGLD
(The Journal of Mental Science, janvier 1886).
Ce plan est. très ingénieusement conçu et il est accompagné 6
de planches qui en facilitent l'intelligence. On conçoit malheureu-
sement que le détail, très complexe, des dispositions qui le cons-
tituent, échappe à l'analyse. Nous nous bornerons à dire que
malgré ses aménagements spéciaux et très perfectionnés un sem-
blable asile, établi pour 310 malades ne dépasserait pas le prix de
3,500 francs par lit, abstraction faite du prix du terrain. z
R. M. C.
Sur LE régime alimentaire dans LES asiles irlandais; par E.
Mazière Couhtenay (The Journal of Mental Science, avril 1886).
Dans ce travail qui contient plusieurs tableaux, l'auteur s'est
varia. 315
proposé de comparer les régimes des divers asiles d'Irlande,
d'abord entre eux, puis avec les principaux asiles d'Angleterre. Il
regrette ue n'avoir pu poursuivre la comparaison avec les asiles
d'Ecosse, ceux-ci ne publiant pas leurs tableaux de régime dans
leurs comptes rendus. R. M. C.
De l'admission DES enfants IDIOTS ET imbéciles dans LES asiles
d'aliénés; par VilliaM-W. IRELAND (The Journal of Mental
Science, juillet 1886). '
L'opinion de l'auteur, basée sur les renseignements qu'il a
recueillis et les faits qu'il a observés dans les asiles d'Angleterre,
est que, pour diverses raisons, les enfants atteints d'idiotie ou
d'imbécillité ne doivent pas être admis et traités dans les asiles
d'aliénés. 11 réclame pour eux des asiles particuliers, qui seront
de véritables écoles, et où ce luxe, trop souvent étalé en Angle-
terre dans les asiles d'aliénés, sera sacrifié au bien-être physique
et moral des jeunes malades. R. M. C.
FAITS DIVERS
Asiles d'aliénés. - Nominations. - Arrêté du ler juillet 1889.
M. le Dr Gilbert Petit, ancien médecin-adjoint à l'asile public
d'Armentières (Nord), nommé aux mêmes fonctions à l'asile public
d'Alençon, est compris dans la 2° classe (poste créé). Arrêté
du 13 août. Sont promus, à partir du 4° juillet 1889, à la classe
exceptionnelle : M. le D'' Tacorr, directeur-médecin de l'asile pu-
blic de Lesuellec (Morbihan) ; M. le Dr DOUTREBENTE, directeur-mé-
decin de l'asile public de Blois. A la lro classe : li. le Dr DUBIEF,
directeur-médecin de l'asile public de Marseille; M. le Dr Maran-
DON de l\IONTYEL, médecin en chef de l'asile public de Ville-Evrard.
A la 2° classe : M. le Dr G.1LLOP.111`I, directeur-médecin de l'asile
public de Fains (Meuse). A partir du 4°r août, à la classe excep-
tionnelle : M. le Dr Ramadier, médecin-adjoint à l'asile public de
Vaucluse. A partir du Icr juillet 1889, à la lt° classe : M. le
Dr DùnicQ, médecin-adjoint à l'asile public de Prérnontré (Aisne) ;
M. le Dr Boiteux, médecin-adjoint à l'asile public de Clermont
(Oise); M. le Dl' 1\lEILHON, médecin-aejoint à l'asile public d'Aix
(Boucbes-du-Rhône). - A partir du le, août, M. le Dr LEGnAIrr,
médecin-adjoint à l'asile public de Vaucluse.-A partir du ler sep-
tembre, M. le Dr VFRNET, médecin-adjoint de l'asile public de
316 FAITS DIVERS.
Saint-Luc (Basses-Pyrénées) ? An'Mtt 16 août. M. le DCAmPON,
directeur-médecin de l'asile public de Rodez, promu à la lre classe P,
à partir du 1e a01lt,
' Faculté de médecine DE Brunn. M. le Dr Pelmann est nommé
professeur ordinaire de psychiatrie.
Faculté de médecine. de YIENNE.-l11. le Dr G. AUTON est nommé
privât docent de neurologie et de psychiatrie.
NEV-YOR6 POLICL1NIC. M. le Dr Sans, de New-York, est
nommé professeur de neurologie et de psychiatrie.
Interdiction des séances publiques d'hypnotisme. Le gouverne-
ment portugais, considérant que la vulgarisation des phénomènes
de suggestion ne peut que faciliter la perpétration de certains
crimes, a interdit les représentations publiques d'hypnotisme qu'il
considère en outre comme dangereuses non seulement pour la
santé des « sujets », mais encore pour celle des spectateurs. On a
vu dans le courant de ce numéro que le Congrès international de
l'hypnotisme s'est aussi prononcé pour l'i nterdiclion de ces séances.
Fâcheux EFFETS DE L'HYPNOTISME.Dansuno discussion qui suivit
il y a quelque temps à la Société império-royale des médecins de
Vienne, une communication de M. Prey sur l'hypnotisme au point
de vue thérapeutique MM. Winlernotz et Aulon entre autres insis-
tèrent sur les fâcheux effets que l'hypnotisme, employé d'une
façon inconsidérée, peut provoquer, réclamant pour ce fait l'inter-
diction des séances publiques.
Intoxication chronique par la P.1RALDÉfIYDE. M. Hughes rap-
porte dans thc Alicnist and Nell1'ologist le cas d'une jeune femme
morphinomane qui cessa la morphine pour la remplacer par la
paraldéhyde, qu'elle absorbait à la dose d'une once et plus par
jour. La privation du médicament produisait de l'insomnie, de
la dépression et des douleurs variées. La désaccoutumance fut
impossible.
La tempérance obligatoire en AMÉtiQUE. La législature de
l'Etat de Connecticut qui a récemment pris des mesures sévères
pour combattre l'emploi précoce du tabac chez les jeunes gens,
vient d'adopter une mesure tendant à faire voler parle peuple de
l'Etat des dispositions qui rendraient la tempérance obligatoire.
Une décision semblable vient d'être prise par la législature de
l'Etat de Massachusetts.
L'alcool ET l'opium aux INDES.- A la Chambre des Communes,
deux députés ont porté à la tribune une plainte concernant l'abus
d'alcool et d'opium qui se fait dans la population indigène, abus
favorisé par le gouvernement local et métropolitain afin de gros-
sir le chiffre des revenus provenant des impôts qui frappent ces
faits divers. 317 ï
substances. Malgré l'intervention de deu 'secrétaires d'Etat pour
l'Inde, la Chambre s'est associée [dans tous ses détails à la plainte
de son membre et a invité le gouvernement à prendre des mesures
pour mettre fin à cette situation.
L'alcool en Nouvelle-Calédonie. Le gouvernement de cette
colonie vient de prendre une décision interdisant de vendre, don-
ner ou procurer des boissons alcooliques aux indigènes. L'alcoo-
lisme fait en effet des ravages lerribles parmi les populations Ca-
naques et il n'était que temps de mettre fin à un pareil état de
choses.
La méningite cérébro-spinale a BERLIN.-Celle maladie qui existe
à Berlin d'une façon épidémiqne est une cause importante de mor-
talité. Une ordonnance de police prescrit, sous peine d'amende et
de prison, la déclaration immédiate de tout cas nouveau. De plus
l'isolement absolu du malade est exigé, ainsi que la désinfection
rigoureuse de tous les objets ayant servi aux malades. Les. enfants
habitant les maisons où existent des cas de méningite cérébro-
spinale, seront exclus temporairement des écoles.
LE REICHST : 1G.1LLElf.IND et l'alcoolisme en Afrique. LeReichstag
a émis récemment une résolution tendant à inviter les gouverne-
ments confédérés à prendre des mesures d'ensemble pour tâcher
de restreindre ou de supprimer le trafic de l'alcool dans les colo-
nies allemandes. Au cours de la discussion un membre a rappelé
que la race nègre est très résistante vis-à-vis des boissons alcoo-
liques. Uu autre a dit que c'était la civilisation européenne qui
était coupable des progrès de l'alcoolisme dans ces régions, en
venant se substituer à une religion qui défend l'usage des boissons
spiritueuses.
L'aliénation mentale en SuissE.-Suivant une statistique dressée
par M. PoREL, professeur de psychiatrie à Zurich, le nombre des
aliénés pour lu canton de Zurich atteindrait le chiffre de 3178
(1,391 hommes et 1,687 femmes), sur une population de 339,000
habitants, soit à peu près 4 p. 100, proportion absolument inouïe.
C'est évidemment à l'alcoolisme qu'il faut attribuer cette progres-
sion de l'aliénation mentale, la Suisse allemande étant un des
pays où les habitudes alcooliques sont les plus développées.
L'aliénation mentale EN RussIE.-Le nombre des cas de mala-
dies mentales augmente graduellement depuis trois ans à Saint-
Pétersbourg, environ de 15 p. 100 pendant ce laps de temps. Ce
plus grand nombre des cas se produit de seize à vingt-deux ans,
surtout dans lés classes élevées et en particulier parmi les jeunes
filles.
Les certificats d'aliéné : , en Amérique. M. Willard Burslett, juge
318 FAITS DIVERS.
à la cour suprême, a communiqué à « The New- 1'01 society of
médical jurisprudence » un travail au cours duquel il affirme avoir
trouvé des certificats d'aliénés établis par des médecins sur de
vagues on-dit. Il s'élève avec raison contre cette manière un peu
trop expéditive de juger un malade et de poser un diagnostic.
UNE LOI sur l'inspection des aliénés en A3fÉRIQUE.-La loi régle-
mentant le fonctionnement de « the State Commission iuEunary»
vient d'être promulguée pour l'Etat de New-York. Cette commis-
sion se compose de trois membres dont un médecin (23,000 francs
plus les frais de déplacement) et de deux autres membres
(15,000 fr. pour le premier et 50 francs par jour de session, plus les
frais de déplacement). Ces commissaires doivent être en rapports
avec l'autorité judiciaire et médicale; contrôler et enregistrer
tout certificat de médecins; tenir la statistique des asiles publics
ou privés et des aliénés en garde; surveiller -et inspecter les asiles
au moins deux fois par an et à tous les points de vue et consigner
sur un livre les résultats de ces inspections; faire de véritables ex-
pertises médico-légales sur l'état d'un séquestré, en cas de procès;
autoriser l'ouverture de tout établissement d'aliénés; etc., etc.
L'hygiène des asiles. M. Rich. Greene a lu récemment devant
« the Hesting's sanitary Congrès » une note sur ce sujet. Il s'occupe
de la situ ation, du chauffage, de la ventilation d'un établisse-
ment modèle de ce genre. Un chapitre particulier est consacré au
drainage et à l'installation balnéaire.
A rapprocher de cette tentative, une lettre de M. Clérenger,
publiée par le Médical Standard, de Chicago, et dans laquelle il
est question de l'hygiène et de l'organisation du « Cook conenty
insane Asylum ». L'incurie est telle dans cet établissement que les
malades qui meurent dans la nuit sont trouvés mangés des rats le
lendemain matin. Les corps portés à l'amphithéâtre sont telle-
ment sales et couverts de vermine qu'on ne peut s'en servir pour la
dissection. De plus les malversations, pots-de-vin, falsifications de
registres, exploitation des malades aisés sont la règle dans cet
asile et s'exercent presque au grand jour.
Les leçons DE POLICLINIQUE.-M. Byrom Bronswell vient de com-
mencer une publication intitulée « Studies in clinical Médecine »
et dont le plan est calqué sur celui des « Leçons du Mardi » de M. le
professeur Charcot. L'auteur dit d'ailleurs dans sa préface que
c'est la lecture des Leçons du mardi qui lui a inspiré l'idée de
cette publication. Cette introduction d'une méthode française à
l'école d'Edimbourg est intéressante à signaler et marque une
extension de notre influence au dehors.
NhcnoLOGOE. DARio l\IARIGLÎANO, directeur de l'asile d'aliénés et
de la clinique psychiatrique de Gênes. - THÉODORE ])moN ancien
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 319
« superintendant of the states Asylum for insane criminals »
en Amérique. P. DjuKow, de Saint-Pétersbourg, directeur de
l'asile d'aliénés de Saint-Nicolas et médecin enchef à la clinique
des maladies mentales. 0. WELLER" directeur de l'asile d'aliénés
de Saint-Pirminsberg. GEORGES GUIGNON.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE
Avis A MM. les Auteurs et Editeurs. La Direction des Archives DE
Neurologie rappelle à MM. les Auteurs et Editeurs, que les ouvrages
dont il sera reçu deux exemplaires seront annoncés au Bulletin BIBLIO-
graphique et analysés; ceux dont il ne sera reçu qu'un seul exemplaire
seront simplement annoncés.
BIAUTE. Etude médico-psychologique sur Shakespeare et ses oeuv>'es,
sur Hamlet en particulier. Brochure in 80, de 21 pages. Nantes, 1889.
Librairie Vier.
Rapport sur le service médical du quartier d'aliénés de t'hospice
général de Nantes pendant l'année 1887. Brochure in-8°, de 32 pages.
Nantes, 1889. Librairie Vier.
Blocq (P.). - Des contractures. Contractures en général, la contrac-
ture spasmodique, lez ;tMeM6h)-fO ! t'ftc<M)'es. Un beau volume in-8 de
216 pages, avec 8 figures dans le texte, une planche chromolithogra-
pique et trois phototypies. Prix : 5 fr. Pour nos abonnés : 4 fr.
nOURlOEVILI.E, COURB.\RlEN, IIAOULT ET Sollier. Recherches cliniques et
thérapeutiques sur l'epilepsie, l'hystérie et l'idiotie. Compte rendu du
service des enfants de Bicêtre pour 1888. In-8 de xLviii-80 pages (t. IX
de la collection).
CHARCOT (J.-M.). Maladies des vieillards, goutte et rhumatisme. Un
beau volume in-8 de 525 pages avec 19 ligures dans le texte et 4 planches
en chromolithographie (t. VU des ouvres complètes). Prix : 12 fr.
Pour nos abonnes : 8 fr.
Cnaacor (J.-i\L). - Maladies infectieuses, affections de la peau, kystes
hydatlques, thérapeutique (t. VU des OEuvl'es complètes). Un beau
volume in-8" de 452 pages. Prix : 10 fr. Pour nos abonnés : prix : 7 fr.
Cornet (P.). Traitement de l'épilepsie par le bromure d'or, le bromure
de camphre et <apt0'oo.t ? tte. -Prix : 2 fr. -Pour nos abonnés : 1 fr. 3a.
EOINGER (Luclwig). -golf Vorlesun,qer ueber der Rau der Nervosert
Centralargant sur Aerzte und Studerende, 2° édition augmentée, 1 vol.
in-8" de 161 pages. Leipsig, 1889. Chez F.-C. W. Vogel. Prix :
6 marks.
EtSENLonp (E.) - Zur Pathologie der syphilitiichen Eritrankung der
Iltnlerstr31l/ge des 7<uc/fetin : c[)'/M. Brochure in-li° de 16 pages, avec une
planche hors-texte. - 1·IamburD, 1889. - Druck der Verlasanstalt und
DI'l1c1.el'ei.
EDWARIIS (B.-A.). De l'hémiplégie dans quelques affections nerveuses
(ataxie locomotrice progressive, sclérose en plaques, hystérie, paralysie
320 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
agitante). Volume in-8 de 169 pages, avec 5 figures. Prix : 4 fr.
Pour nos abonnés : 2 fr. 75.
FÉnÉ (CE) ). Du traitement des aliénés dans les familles. Volume
in-18 de 168 pages. Prix : 2 fr. 50. Paris, 1889. Librairie F. Alcan.
Fo ? '<y-s : </t annual report of the managers of the state lunatic asylum
al Utica for the year ending. Sept. 30, 1888. Brochure in-R° de 66 pages.
- Albany, 1889. - tue Troy Press company.
Guinoh (Georges). - Les agents provocateurs de l'hystérie. 1 vol. in-8°
de 392 pages, Paris, 1889. Publications du Progrès médical de Lecros-
nier et Babé. Prix : 8 fr. Pour nos abonnés, 6 fr.
Muet (E.). De la chorée clwonique. Volume in-81 de 262 pages avec
10 figures dans le texte. Prix : 5 fr. - Pour nos abonnés, i fr. 0
RADZISZE\VSKI (St.). Quelques observations cliniques. (Anoplitalniie,
pustule maligne et gangrène spontanée). Brochure in-8° de 32 pages,
avec 3 planches photographiées Paris, 1889. Librairie Leerosnier
et Babé.
Saenger (A.). - Ueber die Fibringerinnsel und Curschmann' schen
Spiralen im Spuiunz der Pneumoniker. Brochure in-4° de 16 pages, avec
une planche hors texte. Hamburg, 1889. - Druck der Verlagsanstalt
und Druckerei.
SoLUEn (P.). - Du rôle de l hérédité dans l'acoolisme. Volume in-18
jésus de 215 pages. Prix : 2 fr 50. Pour nos abonnés : 1 fr. 75.
UTica. - (forts sixlh annual report of the managers of the statc
lunatic asylum al). Por the year ending seplember 30, 1888. Brochure
in-8° de 66 pages. - Albany, 1889. - The Troy press company, printers.
Le rédacteur- gérant, 130L`nnEVILLE.
f.wem. 1.11 t141ulSHY. nmp. - 989.
Vol. XVIII. Novembre 1889. N" 54.
ARCHIVES DE NEUROLOGIE
PATHOLOGIE NERVEUSE
MIGRAINE OPHTALMIQUE ET PARALYSIE GÉNÉRALE
Par M. le D' Paul BLOCQ,
Chef des travam anatomo-palholo¡{iques de la Clinique
des maladies du svstemc uerveuc.
Constituée par des douleurs de tête et des troubles
visuels dans sa forme simple, par les mêmes symp-
tômes joints à de l'aphasie et à des désordres sensi-
tifs ou moteurs dans sa forme accompagnée, la
migraine ophtalmique a été considérée à juste titre,
comme une entité séméiologique distincte, se diffé-
renciant nettement des autres migraines.
De plus, on envisageait généralement la migraine
ophtalmique comme une affection évoluant pour son
propre compte, la regardant comme une sorte de
manifestation arthritique ou névropathique, quand
ultérieurement, certaines observations où elle appa-
raissait dans le tableau de la paralysie générale et de
l'hystérie, semblèrent indiquer qu'à côté de cette
migraine ophtalmique indépendante, la plus fréquente,
il en existait sans doute une autre qui était celle-ci
symptomatique, qu'en un mot, à côté de la migraine
Archives, t. XVIII. 21
322 PATHOLOGIE NERVEUSE.
ophtalmique maladie, il y avait place pour la migraine
ophtalmique syndrome.
Nous nous proposons ici de tirer parti de la réu-
nion de quelques-unes de ces observations, non pas
seulement pour établir cette démonstration qu'a faite
dès longtemps M. le professeur Charcot, mais pour en
montrer les conséquences intéressantes en ce qui a
trait aux rapports de la migraine opthahnique et de
la paralysie générale.. 1.
Dans les faits auxquels nous faisons allusion, faits
dans lesquelsla migraine ophtalmique n'a plus les allures
d'une maladie isolée, « per se », elle figure alors, soit
un épisode prodromique, soit un syndrome intercurrent.
Elle peut acquérir en raison de cette nouvelle
modalité dans le cas particulier que nous nous propo-
sons d'examiner, au point de vue pathogénique un
grand intérêt pour le-pathologiste et au point de vue
clinique une non moindre valeur pour le médecin.
M. le professeur Charcot a appelé l'attention,
comme nous l'avons dit, sur l'éventualité de cette
combinaison, et a montré que les accidents de la
migraine peuvent appartenir aux prodromes, déjà si
multiples et si variés, de la paralysie générale. Quoi-
qu'en somme, la théorie pathogénique que l'on a
attribuée et qui semble convenir à la migraine ophtal-
mique d'une part, sa parenté bien évidente avec le
syndrôme de l'épilepsie sensitive si fréquemment asso-
ciée elle-même à la méningo-encéphalite, d'autre
part, rendent compte jusqu'à un certain point de
' Un travail prochain de M. le D' Babinski aura pour but de faire voir
les relations du même genre qui existent entre la migraine ophtalmique
et F hystérie.
MIGRAINE OPHTALMIQUE ET PARALYSIE GÉNÉRALE. 323 3
l'existence de cette corrélation, il serait encore permis
de se demander s'il n'y a là qu'une simple coïncidence,
ou si réellement la migraine dépend dans ces cas de
la paralysie générale.
En effet, cette combinaison, pour vraie qu'elle soit
n'en est pas moins assez rare, et après M. Charcot qui
à l'époque où il signala cette particularité en avait
rencontré cinq à six exemples, nous n'avons plus
trouvé eu fait d'observations de ce genre que la rela-
tion de M. Parinaud. C'est pourquoi le cas que nous
rapportons plus loin, cas dans lequel la migraine oph-
talmique est apparue non pas comme signe de début,
ainsi que dans les observations précédentes, maiscomme
accident survenu dans le cours même de la paralysie
générale confirmée, présente un notable intérêt à ce
point de vue, intérêt que 111. Charcot a bien mis en re-
lief dans l'une de ses Policliniques'.
L'ensemble symptomatique qui caractérise la mi-
graine ophtalmique paraît lié à l'altération d'nne partie
localisée du cerveau, et suivant cette hypothèse, des
plus acceptables, ses signes dépendraient de la lésion
de cette région déterminée des centres nerveux quelle
que soit du reste cette lésion : ischémie, inflammation
adhérence, néoplasme etc. Aussi s'expliquerait-on
que ce même appareil clinique soit susceptible de se
montrer au cours de maladies différentes, mais toutes
capables de réaliser la localisation morbide à laquelle
il correspond. Or, la méningo-encéphalite diffuse par
la répartition même des lésions qui lui sont propres,
satisfait évidemment à cette condition.
' Leçons du mardi à la Salpêtrière, 1887-1888. - Vf° Leçon.
: 324 PATHOLOGIE NERVEUSE.
L'observation qu'a tout d'abord rapportée M.
- Charcot est particulièrement instructive, car elle pré-
vient le médecin, qui se basant sur la bénignité habi-
tuelle ou mieux sur la curabilité de la migraine
ophtalmique formulerait en tous les cas où il la constate
un pronostic favorable, d'avoir à réserver son pronos-
tic en vue de l'imminence, encore que rare, de cette : issue fâcheuse. Voici cette observation :
Observation I. Depuis deux ans, M. L... est irritable, méti-
culeux ; cependant, au mois de juillet dernier, il a pu passer avec : succès un examen de droit devant la Faculté de Paris. Les premiers
troubles qui ont surtout frappé l'attention, remontent au mois de
- septembre 1881; il a eu alors une première attaque, accès de mi-
.graine ophtalmique avec scolome scintillant et affaiblissement de
la vue du côté droit, accompagnés d'embarras de la parole, de
parésie et d'engourdissement du membre supérieur droit. Il est
Testé troublé pendant huit jours, puis, tout est rentré dans l'ordre.
illuit jours plus lard, il a eu une deuxième attaque sans perte de
connaissance, avec embarras de la parole. L'intelligence reste
obtuse pendant vingt-quatre heures; il parait se remettre complè-
tement en apparence; mais il est nerveux, irrité, il peut se
'remettre au travail, cependant. Au mois de février 1882, il a une
troisième attaque avec les mêmes symptômes de migraine; mais en
- outre, il a cette fois des secousses convulsives à caractère épilepti-
forme, avec perte de connaissance. Cela a duré deux heures, ce
qui semble indiquer qu'il y a eu une série d'attaques qui ont pré-
senté cette particularité que les secousses prédominaient à droite.
A la suite de cette attaque, l'embarras de la parole a persisté. Huit
jours plus tard, il a eu une quatrième attaque du même genre, avec
recrudescence de l'embarras de la parole, et faiblesse du bras
droit. Enfin, le Li mai, il a eu une cinquième attaque, avec parésie
du bras droit, suivie le lendemain d'une parésie du membre infé-
rieur droit. Pendant les cinq ou six jours qui ont suivi, il ne pou-
vait dire autre chose que : « à cause que ». Le bras droit est resté
paralysé pendant un mois. C'est surtout à partir de ce moment
que le niveau intellectuel baisse; il est devenu très enfant; il est
docile, mais très mobile, pleurant et riant avec une grande faci-
lité. Il ne peut presque pas écrire de lui-même, mais il copie
cependant une page d'une écriture tremblée. La mémoire est
aussi affaiblie que le jugement et la volonté. Il éprouve de temps
.en temps le scotome scintillant. La démarche est titubante les
MIGRAINE OPHTALMIQUE ET PARALYSIE GÉNÉRALE. 325.
mains tremblent, la langue tremble aussi ; sa parole est à peu près-
inintelligible ; sa physionomie est caractéristique : le regard
éteint, les paupières tombantes, etc. La pupille droite est plus-
dilatée que la gauche : elle n'agit que faiblement par excitation,
lumineuse, même par convergence 1.
Le professeur faisait remarquer au sujet de cette-
observation que la plupart des accès congestifs par-
lesquels s'était manifesté le début de la maladie,,
avaient été précédés des symptômes de la migraine..
Le fait de cette association constitue déjà une pré-
somption de réelle valeur en faveur de la corrélation,
du syndrome et de la paralysie générale, et de la.
commune dépendance des deux manifestations. 111.
Charcot insistait aussi sur la bénignité des dehors sous-
lesquels se cachait le début de celle affection grave..
L'observation suivante qu'a publiée M. Parinaud.
n'est pas moins intéressante. -
Observation II. Troubles visuels à forme hémianopsique,.
revenant par accès, avec engourdissement et parésie du bras, et
embarras de la parole; un an plus tard. perte de la mémoire;,
embarras permanent de la parole.
W..., trente-quatre ans, service de M. Millard, salle Sain)*
Louis, n° 32, hôpital l3eaujon. Le malade ne connaît pas d'antécé-
dents nerveux dans sa famille. Sa mère est bien portante. Son.
père est mort d'une pneumouie. Il n'accuse pas de syphilis ni
d'excès alcooliques; il n'est pas sujet aux migraines. Il a trois
enfants bien constitués, sa femme n'a pas fait de fausses-
couches.
En juillet 1881, sans prodromes, il est pris brusquement de-
troubles de la vue avec engourdissement du côté droit et embar-
ras de la parole. Les accidents oculaires sont caractérisés par le-
développement d'un brouillard du côté droit, au milieu duquel
apparaissent des taches diversement colorées et animées d'un.
mouvement continuel que le malade compare à un essaim de-
papillons. Le brouillard n'a pas envahi le côté gauche; le malade
croit qu'il n'existait que dans l'oeil droit; mais il est probable qu'il
1 M. Charcot. Leçons sur les maladies du système nerveux, t. 1ï1, p. 78..
326 PATHOLOGIE NERVEUSE.
occupait les deux moitiés droites du champ visuel comme cela a
lieu ordinairement. L'erreur est fréquente chez les personnes qui
ne sont pas habituées à ce genre d'observation.
Le trouble visuel a duré un quart d'heure environ. L'engourdis-
sement de la face a débuté en même temps que l'amblyopie ; puis,
la langue s'est prise, ensuite le bras et le tronc, en dernier lieu la
jambe. La crise totale a duré une demi-heure. Quand l'engour-
dissement a envahi le membre inférieur, la face était déjà dégagée
et l'amblyopie avait disparu. Le malade n'a pas eu le sentiment
d'une faiblesse musculaire bien caractérisée dans le côté droit, il
a pu marcher pendant la crise. Il n'y a pas eu de vomissements,
ni de céphalalgie consécutive.
Cinq jours après, nouvelle crise en tout semblable à la pre-
mière. Le malade est resté un an sans éprouver d'accidents sem-
blables ; mais dans cet intervalle, il se produit dans son état un
grand changement dont il a conscience. Sa parole devient embar-
rassée d'une façon permanente, il perd la mémoire. Cocher, il
oublie le nom des rues, et il n'aurait pas pu continuer à exercer
sa profession, dit-il, sans l'assistance d'un valet de pied qui lui rap-
pelait les adresses données par ses maîtres.
Forcé de quittersa place, il entre dansle service de M. Millard où
l'on a porté le diagnostic de pachyméningite chronique.
Le 23 juillet 1882, pendant son séjour à l'hôpital, nouvelle crise.
L'amblyopie transitoire et l'engourdissement ont conservé les
mêmes caractères avec quelques modifications dans leur localisa-
tion. Les accidents ont encore débuté par le côté droit, où ils sont
restés prédominants, mais l'engourdissement a aussi envahi le
membre inférieur gauche, et le trouble de la vue s'est généralisé
à tout le champ visuel. La crise a été moins longue que les deux
premières, elle n'a duré qu'une quinzaine de minutes.
Le 31 juillet, je ne constate aucune lésion oculaire. Les pupilles,
en particulier, sont égales et réagissent bien, l'acuité visuelle est
normale '.
Dans ce cas, la migraine ophtalmique a été le pre-
mier et le seul signe de début tout d'abord. Il s'agis-
sait à la vérité de la variété grave, de la migraine
ophtalmique accompagnées. Ce n'est qu'assez long-
temps après qu'ont apparu les signes révélateurs et
caractéristiques de la paralysie générale. Dans notre
' Parinaud. - Migraine ophtalmique au début d'une paralysie gêné
raie. (Arch. Neurologie, 1883, p. 57.)
MIGRAINE OPHTALMIQUE ET PARALYSIE GÉNÉRALE. 327 -i
observation, au contraire, la migraine n'est survenue
qu'au cours de la méningo-encéphalite diffuse.
Observation III. - Paralysie générale. Accès, incidents d'hémi-
paresthésie, et de migraine ophtalmique. (Antécédents nerveux.
Grossesses malheureuses successives./
Henriette For..., âgée de vingt-sept ans, employée, entre le loir dé-
cembre 1887, dans le service de M. le professeur Charcot, à l'hos-
pice de la Salpêtrière, et occupe le lit n° 11 de la salle Rayer.
Antécédents héréditaires. Grands parents : paternels. Grand-
père inconnu; grand'mère, morte à quatre-vingt-seize ans; grand'
tante épileptique. Maternels : grand-père alcoolique, mort à cin-
quante-six ans, d'une congestion; grand'mère, vit, pas nerveuse.
Parents : père rhumatisant; un oncle paternel, mort à quarante-
quatre ans d'affection cérébrale, inconnue; deux autres oncles, bien
portants, ainsi que deux tantes paternelles; pas de cousins ner-
veux. Mère bien portante, goitreuse; un oncle maternel en
bonne santé; pas de cousins nerveux.
Frères : un frère est bègue depuis l'enfance, un autre en bonne
santé.
Antécédents personnels. H. F... est venue à terme et s'est tou-
jours bien portée pendant son enfance. Elle a été réglée il onze ans.
Aucune maladie dans l'adolescence. Pas d'alcoolisme; ni de syphi-
lis caractérisée par des accidents qu'elle ait remarqués. Mariée à
dix-neuf ans, elle a été enceinte presque tous les ans depuis cette
époque. Au bout de la première année, elle accouche à terme d'un
enfant qui meurt au bout de trois semaines (sans éruptions). La
seconde année, elle accouche à terme' d'un enfant bien portant,
qui meurt d'étranglement herniaire au bout de quinze mois. Elle
fait ensuite successivement cinq fausses couches, de deux, trois,
trois et demi et quatre mois. C'est ci la suite de la dernière fausse
couche, il y a un an à peu près, qu'a débuté l'affection actuelle.
Début (Renseignements pris auprès de la mère de la malade). - Ce
furent tout d'abord des modifications de son caractère qui frappèrent t
sa mère et son entourage. A la suite de discussions futiles, elle
était prise d'accès de colère furieuse et de crises de larmes. Peu à
peu, l'intelligence faiblissait, des tendances dépressives et hypo-
chondriaques tout à fait contraires à son naturel, ordinairement
gai, se manifestaient.
Accès hémi-paresthésiques. - Il y a six mois (en juillet), elle fut
prise d'une sorte d'attaque. Elle était dans sa boutique à travailler,
quand elle ressentit une sensation pénible d'engourdissement qui
débuta par la langue, les lèvres et le côté droit de la face, s'élen-
dit au bras droit qui paraissait à la malade lourd et gonflé, puis à
' 328 . pathologie NERVEUSE.
la jambe droite. La parole devint en même temps presque impos-
site. Il n'y eut pas de perte de connaissance.
Ces phénomènes « engourdissement et embarras de la parole,
persistèrent pendant deux mois », tout en s'atténuant, sans s'accom-
. pagner à aucun moment de paralysie. La malade ne boitait pas,
.et se servait de la main, malade aussi bien que de l'autre. Un mé-
- decin appelé à celte époque, aurait constaté de l'anesthésie- du
même côté. - Il la piquait, dit-elle, sans qu'elle sentît. Depuis cet
- temps, les phénomènes d'engourdissement ont disparu ; l'embarras
de la parole ne s'est qu'amélioré, sans que l'élocution revînt à l'état
normal. Les troubles intellectuels et moraux restant en l'état.
. Migraine ophtalmique. Il y a quinze jours, un matin, elle
éprouva des impressions lumineuses dans l'aeil gauche « elle voit
des flammèches » (elle nous représente ses sensatiuns par un dessin),
en mêmé temps « elle n'aperçoit plus que la moitié des figures
pendant qu'elle servait le monde. »; ces sensations durent une
heure ou deux, puis un violent mal de tête leur succède, siégeant
dans la région frontale sus-orbitaire : des vomissements bilieux
terminent la crise à la' suite de laquelle elle s'alite. Le lende-
main le même accès se reproduit, semblable en tout au précédent
(sceostome, hémiopie, céphalalgie, vomissements)sans aphasie, ni
phénomènes moteurs.
Depuis elle ne se plaint plus que d'embarras de la parole; mais
on remarque la faiblesse de ses conceptions, - elle est parfois
comme un enfant- la diminution de sa mémoire, et l'altération
de son caractère, ce pourquoi elle est conduite à la consultation.
Etat actuel (7 décembre 1887). - C'est une femme de moyenne
constitution, au teint assez coloré. Les traits sont contractés, et
elle paraît plus que son âge. L'expression de la physionomie est
insipide.
Troubles psychiques. - Quoique par l'interrogatoire on observe
un affaiblissement de l'intelligence, le jugement est peu affecté.
Elle répond assez précisément, mais comprend souvent difficile-
ment. Elle nous dit s'appliquer avec beaucoup de difficulté. La
mémoire est affaiblie : elle se souvient toutefois des principaux
épisodes de son affection. L'altération de la mémoire porte surtout
sur les faits récents, et en particulier sur les noms propres. Le ca-
ractère de tristesse, d'indifférence de son affectivité, s'est modifié;
actuellement, elle est plus gaie, satisfaite de son sort.
Embarras de lu parole. - L'embarras de la parole est très marqué.
Elle prononce les mots lentement, en scandant, abrège certaines
paroles difliciles. L'embarras de la parole augmente lorsqu'on
fait parler plus longtemps la malade et aboutit presque au bre-
douillement.
L'écriture est tremblée, certaines parties de lettres, ou des lettres
même sont oubliées. L'urbiculaire des lèvres el la langue sont
migraine ophtalmique ET paralysie générale. 329
animés de secousses fibrillaires : le tremblement de la langue est
surtout notable quand la langue est tirée. La force dynamomé-
trique des membres supérieurs est conservée; les doigts sont ani-
més d'un léger tremblement.
Les réflexes rotuliens sont forts à droite. Il n'y a pas de troubles
de la sensibilité; les pupilles sont inégales, la gauche étant plus
grande que la droite. - l'as d'insomnie. Les autres fonctions
s'accomplissent bien : ni troubles digestifs, ni troubles génésiques
ni menstruels.
Quoique notre intention soit de n'insister ici que
sur la combinaison de la migraine ophtalmique avec
la paralysie générale, on nous permettra de faire re-
marquer en passant l'intérêt étiologique que présente
cette dernière observation. Il est rarement donné, en
effet, de pouvoir établir avec autant de netteté l'in-
fluence des causes tant prédisposantes que déterminan-
tes. L'hérédité arthritico-nerveuse de la malade est in-
contestable ; sa grand'tante était épileptique, son
grand-père paternel alcoolique, de plus son père lui-
même est rhumatisant; ajoutons enfin qu'un de ses
frères est bègue.
On peut sans trop préjuger, considérer l'influence
dépressive, physique autant que morale, d'une succes-
sion rapide de couches malheureuses, dont la mort du
dernier enfant a été l'épisode ultime, comme la cause
occasionnelle qui a mis enjeu la tendance héréditaire
ci-dessus justifiée.
Il s'est aussi produit dans ce cas, une attaque d'é-
pilepsie sensitive bien caractérisée, attaque dont la
parenté avec la migraine ophtalmique est établie tant
par la clinique que par la thérapeutique. Ce n'est que
six mois après cet accès, un an après les phénomènes
vagues du début de la paralysie générale que la ma-
lade fut prise d'un accès de migraine que malgré sa
330 pathologie NERVEUSE.
débilité intellectuelle, elle a pu nous décrire avec la
plus grande précision, et qui s'est conformé de tous
points aux descriptions classiques de M. Charcot.
Nous avons eu depuis l'occasion d'observer de nou-
- veaux exemples de migraine ophtalmique suivis de
paralysie générale, et leur nombre joint aux précé-
dentes observations suffit à établir définitivement
l'existence de cette combinaison.
Cette notion de l'apparition de la migraine ophtal-
mique soit au début, soit au cours de la paralysie
générale, n'offre pas la seule valeur théorique d'une
pure combinaison pathologique, mais encore soulève
quelques questions intéressantes à un point de vue
pratique qu'il nous reste à indiquer.
Le syndrome peut, par son ingérence dans le ta-
bleau clinique, donner lieu à de notables difficultés de
diagnostic. M. Charcot a démontré, comme on sait,
qu'il n'est aucun des phénomènes de la migraine
ophtalmique, de ceux qui sont ordinairement transi-
toires, qui ne puisse s'établir à l'état permanent :
tels l'engourdissement de la face et de la main, les
attaques épileptoïdes, l'hémiopie, l'embarras de la
parole... Or, s'il arrive par exemple que ce dernier
signe, l'embarras de la parole vienne à persister chez
une migraineuse, il deviendra très malaisé de déter-
miner la valeur clinique de ce symptôme, connaissant
ces rapports de la migraine et de la paralysie géné-
rale. Cet embarras de la parole n'est-il qu'un résidu
de migraine, ou bien représente-t-il un phénomène
de début d'une méningo-encéphalite commençante,
ou enfin indique-t-il une combinaison des deux affec-
tions ?
migraine ophtalmique ET paralysie générale. 331
Eh bien, précisément la malade dont on a lu l'his-
toire, attirait surtout notre attention sur les phéno-
mènes récents de sa migraine qui l'avaient surtout
frappée, et de plus elle les racontait avec beaucoup de
netteté, de sorte que nous avions pu penser, à un
premier examen, qu'elle n'était atteinte que de mi-
graine ophtalmique accompagnée avec persistance de
l'un des symptômes : l'embarras de la parole.
On concevra, sans qu'il soit besoin d'y insister,
toute l'importance qu'acquiert au point de vue du
pronostic un diagnostic exact dans un cas de ce genre,
en se rappelant que si c'est la seule migraine qui est
en jeu, il ne s'agit que d'une affection assez bénigne
et dont on aura tout lieu d'espérer la guérison à
l'aide du traitement bromure', tandis que si c'est la
paralysie générale qui est en jeu, on devra s'attendre
à l'issue fatale qui est de règle. Dans un cas donc,
pronostic favorable et dans l'autre des plus graves.
La difficulté peut même s'accroître d'autant plus
qu'on aura affaire à une de ces formes de paralysie
générale dite congestive par M. Falret, forme dans
lesquelles, du moins au début, on ne constate pas
d'idées délirantes.
Cette particularité de l'histoire de la migraine oph-
talmique prête ainsi qu'on le voit à des considérations
pronostiques dignes d'attirer l'attention. Il faudra en
tenir sérieusement compte dans les cas de migraine
ophtalmique simple, plus encore dans ceux de migraine
ophtalmique accompagnée, plus enfin si l'un des signes
' Gilles de la Tourette et P. Blocq. Sur le traitement de la migraine
ophthalmique accompagnée. (Progrès médical, 1886, t. V, p. 477.)
332 pathologie nerveuse. -- MIGRAINE ophtalmique.
- de la migraine est devenu permament ; dans cette
constante présomption que l'affection ne soit sympto-
matique, on recherchera des symptômes de paralysie
générale, et en tout cas, même en l'absence de tout
- autre indice de méningo-encéphalite, il sera prudent
de formuler des réserves..
Il nous reste à déterminer la nature de cette rela-
tion de la migraine ophtalmique et de la paralysie
générale. Sans doute, y a-t-il là plus qu'une coïnci-
dence, et existe-t-il des liens anatomiques pour relier
le syndrome à la maladie.
Ainsi que déjà nous l'avons fait pressentir, il ne
saurait y avoir beaucoup de doutes à cet égard. En
effet : au point de vue clinique, les connexions qui
existent entre les phénomènes congestifs sensitifs, et
le mode d'apparition et de succession des accidents de
la migraine et de la paralysie générale, comme au point
de vue anatomique la pathogénie elle-même attribuée
à la migraine, représentent autant d'arguments qui
rendent vraisemblable cette hypothèse, à savoir que
l'apparition de la migraine ophtalmique comme syn-
drome, soit au début, soit au cours de la paralysie
générale, tient à la localisation spéciale qu'affectent
alors les lésions ordinairement diffuses de la méningo-
encéphalite.
La comparaison se ferait assez justement avec ce
qui se passe pour l'épilepsie partielle motrice dont
les accès ne sont eux aussi qu'un syndrome de locali-
sation, et qui par eux-mêmes ne nous renseignent que
sur la région des centres nerveux qui est touchée, ' et
nullement sur la façon dont cette région est atteinte.
Ainsi, si pour une raison que nous ne saurions dé-
DE LA SUBSTANCE GRISE. 333
terminer, les lésions propres à la paralysie générale
viennent à occuper, soit au début, soit ultérieurement,
les zones cérébrales dont l'altération provoque le
syndrome de la migraine, celle-ci précédera ou accom-
pagnera les signes de la méningo-encéphalite.
ANATOMIE PATHOLOGIQUE
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES LÉSIONS IIISTOLOGIQUES DE
LA SUBSTANCE GRISE DANS LES ENCÉPHALITES CHRO-
NIQUES DE L'ENFANCE 1.
Par 1. PILLIET,
Interne des Hôpitaux, aide-préparateur d'histoloêie à la Faculte de médecine.
»
La moelle cervicale a ses parties symétriques, mais il y a dispa-
rition à peu près complète des cellules motrices dans les deux
cornes antérieures. Il existe encore des cellules nerveuses en
assez grand nombre dans les cornes postérieures.
Les cordons blancs de la moelle lombaire et les cornes anté-
rieures, qui sont symétriques, contiennent un certain nombre de
grandes cellules, relativement très peu abondantes, se colorant
mal par le carmin. Il y en a beaucoup moins encore dans les
cornes postérieures.
Sur des fragments du biceps gauche, on voit de l'épaississe-
ment des grosses travées conjonctives qui cloisonnent le muscle,
les petites travées ne sont pas modifiées. Les faisceaux muscu-
laires eux-mêmes ne paraissent pas altérés.
Nous voyons que donc dans l'encéphale, il existe une inflamma-
lion.chronique (encéphalite) à différents degrés; dansla moelle, le
même processus parait plus avancé encore, et l'atrophie des élé-
ments nerveux portée très loin. Ces lésions sont générales et dif-
fuses. Il n'y a nulle part cette dégénérescence pigmentaire que
l'on observe à la période de tuméfaction des cellules dans la para-
lysie générale.
1 Yoy. Arch. de Neurologie, n° J3, p. 177.
334 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
L'atrophie des circonvolutions et de la moelle résulte donc de
la condensation de la névroglie et de l'atrophie des éléments
nerveux eux-mêmes et est masquée en partie à l'oeil nu par la
prolifération scléreuse. Ce processus paraît s'être fait d'une façon
chronique pour l'ensemble et subaiguë sur certains points diffus;
ce qui coïncide avec la prédomidance de quelques symptômes à
gauche. -
Malgré l'atrophie plus marquée du côté gauche du corps, il n'y
a pas de lésions en foyers à droite, ceci n'est pas rare dans les
cas semblables. D'ailleurs les deux hémisphères étaient égaux en
poids. Les lésions assez légères d'ailleurs observées du côté des
méninges, les adhérences de la pie-mère, sont beaucoup trop
faibles pour pouvoir rendre compte des phénomènes observés et
sont évidemment consécutives aux désordres de la substance
grise. (Bourneville et Pilliet, Soc. anat., 1886.)
Disons un mot des lésions de la névroglie, pour
n'avoir plus à y revenir, On sait que, beacoup moins
fibrillaire dans le cerveau que dans la moelle, elle l'est
surtout extrêmement peu en apparence chez le nou-
veau-né, où elle a presque un aspect laiteux, et chez
l'enfant. Pourtant ce que nous observons ici c'est un
aspect plus opaque de cette névroglie, aspect plus
marqué en certains points, à la surface de l'écorce;
puis sur d'autres points on y perçoit nettement des
fibrilles, quoique la pièce n'ait pas été traitée par les
chromates, et ces fibrilles, assez épaisses, s'aperçoivent
surtout parce qu'elles circonscrivent des vacuoles plus
claires et forment un feutrage bien visible. Nous
sommes conduits par analogie d'aspect à appeler sclé-
reux ces foyers, bien qu'il n'y ait pas de tissu con-
jonctif véritable.
L'état actuel de nos connaissances sur la névroglie
normale n'est pas assez avancé pour que nous tentions
d'interpréter ces états et de les rapporter à des modi-
fications des cellules de la névroglie, nous nous bor-
nons à les signaler.
DE LA SUBSTANCE GRISE. 335
Le rôle des vaisseaux dans ces lésions déjà anciennes
paraît peu considérable. Nous verrons chez des idiots
plus jeunes qu'il n'en est pas toujours ainsi et que les
lésions sont plus marquées toujours autour des capil-
laires de l'écorce, quand on a constaté des adhérences
assez nombreuses.
Observation II. L'enfant Enderl., 1881-1886 présentait ce fait
rare, d'alcoolisme chez un sujet Je quatre ans. On pourra se
reporter aux détails de son observation clinique, qui a été publiée.
Il était atteint de convulsions et d'épilepsie a accès rapprochés,
après avoir élé bien portant jusqu'à trois ans. Il était gâteux et
avait des accès de colère. Mort de diphthérie. A l'autopsie mé-
ninges très adhérentes au cerveau.
Examen histologique. a. Lobe frontal de l'hémisphère gauche. -
Les méninges sont restées adhérentes sur les coupes ; et on les
voit constituées surtout par des vaisseaux très dilatés et remplis
de sang; les veines sont particulièrement énormes; les capillaires
qui plongent dans la substance cérébrale sont aussi très gonflés
et parfaitement visibles,, quelques-uns sont rameux.
Dans la substance grise, la couche superficielle de névroglie a
son épaisseur normale, peut-être les noyaux des cellules sont-ils
un peu plus abondants que chez un enfant sain du mime âge. La
seconde couche, celle des petites cellules pyramidales, présente
des altérations dans le nombre de ces éléments qui est extrême-
ment diminué et dans leur disposition réciproque.
Au lieu de former un mur de cellules serrées, visibles au pre-
mier coup d'oeil, elles sont assez dispersées, par groupes, de trois
à cinq, eu sorte qu'on ne retrouve pas à un faible grossissement
l'aspect connu de celte couche, et qu'il en faut chercher les élé-
ments. Dans les deux couches suivantes, couche des cellules pyra-
midales moyennes et couche des grosses cellules, on observe vu la
grosseur des éléments, des lésions plus nettes. Les cellules sont
diminuées de nombre; en revanche les noyaux petits et sphé-
riques qui révèlent les cellules névrogliques sont augmentés et
dispersés. Les cellules au lieu d'être disposées en série régulières,
bout à bout, limitées par les libres d'origine de la substance
blanche, présente ces mêmes séries morcelées par disparition de
cellules intercalaires ; en sorte qu'on ne voit que des groupes con-
tinus de plusieurs cellules en nombre assez restreint, ressemblant
à des capsules allongées de cellules de cartilage. Les cellules
situées à la limite des deux couches intermédiaires, aux grandes
cellules pyramidales et aux moyennes, présentent à son maximum
336 anatomie pathologique.
une altération dont on retrouve des états différents sur toutes les
couches. Elles sont d'abord gonflées, hyalines, avec une accumu-
lation considérable de granules jaune d'ambre autour des
noyaux ; puis restant toujours hyalines, elles sont beaucoup plus
petites, ont une forme en fuseau, et n'offrent pas de prolonge-
ments distincts. Enfin, à un troisième état, on ne voit qu'un
noyau sphérique, avec un- petit amas de granules réfringents
autourde lui. La plupart des cellules sus-mentionnées, présentent
les ditiérents degrés de celt e altération avec cetle particularité que
beaucoup des cellules que l'on voit dans un même champ du mi-
croscope, sont à peu près au même état; tandis que, plus loin, on
rencontre des groupes de cellules à autre état. Les capillaires dans
ces deux couches sont ramifiés et dilatés, mais leur développe-
ment n'est pas excessif.
Dans la couche suivante de la substance grise et dans la subs-
tance blanche, ce qui domine c'est l'accumulation des noyaux des
cellules interstitielles. Il n'y a qu'un petit nombre de corps granu-
leux. En résumé, on constate la congestion vasculaire, la multi-
plication des cellules de la névroglie et la disparition des cellules
nerveuses, disparition qui nous est expliquée par les différents états
aboutissant à l'atrophie que l'on peut observer sur les coupes.
Sur une coupe du lobe pariétal, les lésions sont absolument du
même ordre, mais plus avancées, et paraissent avoir marché du
centre à la périphérie. En effet, si nous reprenons l'étude des
couches en sens inverse, nous voyons d'abord la substance blanche
très vascularisée et présentant les figures connues sous le nom
d'éléments araignées. La couche intermédiaire, couche des fibres
arquées, et la couche des grandes cellules pyramidales ne se com-
posent plus que de faisceaux fibrillaires descendants avec de
nombreuses cellules interstitielles, et c'est dans la couche des
cellules pyramidales moyennes que l'on retrouve l'évolution des
lésions cellulaires telles que nous venons de l'indiquer. Au-dessus,
la sérialion des cellules a tout à fait disparu. La couche la plus
superficielle de la substance grise a été en partie enlevée avec les
méninges, surtout aux points de pénétration des capillaires.
Sur une coupe du lobe occipital, une portion assez considérable
de substance grise a été enlevée avec la pie-mère, ce qui, en
reste présente une diminution portée à l'extrême des éléments
pyramidaux. A la limite de la substance blanche, l'accumulation
des noyaux petits et sphériques des cellules interstitielles est très
marquée. Dans les portions périphériques, au contraire, les élé-
ments cellulaires sont rares et dispersés au milieu d'un tissu
cellulaire abondant.
b). Cervelet, hémisphère droit, rien à noter. Les cellules de
Purkinje, sont admirablement conservées. En résumé, les lésions
paraissent plus marquées sur les régions postérieures de l'hémis-
LÉSIONS DE LA SUBSTANCE GRISE. 337 I
phère et se composent toujours des deux mêmes éléments, sclérose
interstitielle etlésions des cellules pyramidales, évoluantparallèle-
ment.
c). Moelle cervico-dorsale. Les cordons blancs sont, symétri-
ques ; dans la substance grise, tuméfaction hyaline assez peu
accentuée dans les cellules des cornes antérieures; les cornes sont
égales; le canal de l'épendyme est intact.
d). Moelle lombaire. Même aspect, congestion intense des
méninges (Bourneville et Baumgarten, Soc. anatomique, 1888).
Les lésions, dans ce cas, étaient bien celles de la
méningo-encéphalite; presque tout le cerveau, après
décortication, présentait un aspect tomenteux et irré-
gulier ; une portion assez épaisse de la substance grise
avait été enlevée avec la pie-mère. Les lésions de
l'écorce étaient pourtant fort semblables à ce qu'on
voit avec une adhérence moins forte des méninges.
On est ainsi porté à croire que la pièce- examinée pré-
sentait des accidents à leur début; ce qui concorde
avec l'observation clinique. On peut donc ainsi saisir
le stade de néoformation vasculaire, dont l'adhérence
méningée est la preuve. En effet, c'est, comme nous
l'avons vu, parce que les vaisseaux sont épaissis et
rameux qu'ils enlèvent avec eux des portions de
l'écorce. Ce malade était non seulement idiot, mais
épileptique, ce qui s'accorde encore avec une lésion
active, en pleine évolution, déterminant une irritation
assez forte.
On a dit que les vaisseaux paraissaient plus nom-
breux à cause de l'atrophie du cerveau. C'est pour la
paralysie générale que cette opinion a été émise,
quoique cette atrophie soit réelle; et il suffit de com-
parer le cône restreint de substance blanche qu'on
voit sur les coupes de la circonvolution dans ces cas
Archives, t. XVIII. 22
338 8 anatomie pathologique.
et dans les cas normaux pour la constater; le réseau
vasculaire tel que nous l'avons vu et fait dessiner
nous paraît en grande partie néoforme.
Observation III. - Voici maintenant un cas d'idiotie avec
- induration du cerveau, dans -lequel la mort a été précoce; il
n'y avait pas d'altération de la moelle.
Pruvo..., 1877-1885. Idiotie complète, excès de boisson du père ,
mère nerveuse, quatre frères et soeurs mortes de convulsions.
Premières convulsions à six mois, secondes à neuf; puis con-
vulsions tous les mois jusqu'à quatre mois. Succion, gâtisme, etc.,
mort à huit ans; à l'autopsie, induration des hémisphères; les
lésions étant semblables, l'examen n'a porté que sur le côté droit.
Examen U1STOLOG ! QUE. - Coupe d'une circonvolution prise dans le
lobe frontal. - La substance grise est très mince ; on n'y retrouve
qu'avec peine des traces de sériation des éléments soit parallèle,
soit perpendiculaire à la surface de l'hémisphère; quelques foyers
opaques, peu abondants dans les couches superficielles. Dans les
inférieures, rareté des grandes cellules, abondance d'éléments
sphériques de moyen volume, groupés par quatre oa six, nom-
breuses petites cellules dans la substance blanche; vascularisation
relativement peu développée.
On a peine à retrouver une cellule nettement triangulaire dans
n'importe laquelle des couches de la substance grise. - Coupe au
niveau du lobule paracentral. La vascularisation est plus marquée
et morcelle le tissu. La première et la seconde couche ne se peu-
vent distinguer, il n'y a pas de transition nette entre les deux. De
temps en temps existe un groupe de cellules rondes, peu nom-
breuses, sans épaississement de la névroglie, puis des amas plus
volumineux autour desquels le réseau devient opaque, et, par
places des foyers dans lesquels le centre se parsème de fines
vacuoles. L'infiltration de toute la substance grise par les élé-
ments sphériques est nettement accusée. Les cellules des couches
profondes sont groupées par petits îlots, comme dans le lobe
frontal; même rareté des éléments pyramidaux ; cependant on en
retrouve quelques nids, mais elles sont petites et effilées.
La substance blanche est toute parsemée de corps granuleux;
les espaces périvasculaires très dilatés.
Dans une circonvolution prise sur le lobe occipital, les foyers de
désintégration, à centre vacuolaire sont assez étendus pour
qu'on les distingue à l'oeil nu sur les coupes. Ils s'étendent jus-
qu'à la substance blanche. Le centre est occupé par un réseau
à mailles très lâches, à grands interstices. Ces petits points
apparaissent donc comme des taches sombres semblables aux glan-
des qu'on voit sur la coupe d'un zeste de citron ou d'orange, quand
LÉSIONS DE LA SUBSTANCE GRISE. 3391
on pratique une section nette de la circonvolution. Ils sont au
contraire réservés en blanc sur les pièces colorées. Autour d'eux,
la sériation longitudinale, est assez bien conservée; mais les
cellules du parenchyme sont très petites, d'ailleurs l'épaisseur dn
revêtement gris est très faible.
La substance blanche offre l'aspect d'une véritable émuision de
myéline. Cet état, dû à la macération de la pièce dans l'alcool'
empêche qu'on juge des lésions qu'elle peut présenter, même sur
les pièces dégraissées aux essences et montées au baume de
Canada.
Dans le cervelet, la couche névroglique est très aplatie, son-
réseau se voit fort bien, les mailles en étant espacées par un infil-
trât qui devait être assez abondant, à en juger par les vacuoles que
présente cette couche. Les cellules de Purkinje sont rares et très
espacées les unes des autres. Les myélocites sont aussi très peu
serrés dans la couche suivante. Il existe quelques corps granuleux
dans la substance blanche.
La moelle cervicale ne présente pas d'asymétrie ni de sclérose de
la substance blanche, les cornes prises sont régulières, leurs
colonnes cellulaires, surtout les antérieures et la colonne de Clarke
sont bien conservées et présentent des cellules nettes avec pro-
longements normaux. L'épendyme est régulier, son épithélium
est en place.
Dans la moelle dorso-lombaire, il n'y a non plus rien à noter;
l'épendyme est doublé d'une gaine de cellules polygonales; les
cellules sont normales et les tubes sont sains tant la moelle que e
dans les racines coupées avec elle.
Ainsi, avec des lésions étendues de la convexité
des hémisphères, nous trouvons une moelle relative-
ment saine; donc on peut supposer que les lésions
diffuses, si avancées parfois, que l'on trouve dans la
moelle en d'autres cas, ne sont consécutives qu'à l'alté-
ration lente de l'encéphale. Les lésions de la convexité
sont ici très marquées, l'idiotie était profonde, et les s
convulsions étaient précoces et fréquentes.
Notre maître, le Dr Bourneville, pense qu'il faut
faire jouer un grand rôle dans ces cas à l'asphyxie des
nouveau-nés, comme cause de l'idiotie. Nous ne dis-
cuterons point ici la pathogénie des lésions, mais le
340 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
nombre des apoplexies des nouveau-nés est si consi-
dérable dans les autopsies des maternités que cette
opinion nous paraît très plausible. On peut voir sur
ce sujet la thèse du Dl' Hutinel, élève de Parrot, qui
' plaide aussi en ce sens.
Observation IV. Chez un autre idiot de cinq ans : Faur...
(l8î9-1881) atteint d'idiotie complète avec épilepsie, et fils d'un
alcoolique, on trouva de l'hydrocéphalie partielle. Les convulsions
avaient débuté à quatre mois, suivies d'un véritable état de mal
convulsif. On trouve de plus notés des cris, accès de colère, etc.
Examen IIISTOLOGIQUE. -Coupes du lobe paracentral droit. - Les
couches de la substance grise ne sont pas distinctes les unes des
autres; elles ne sont pas encore dessinées, et, à ce point de vue
ce cerveau ressemble à celui d'un nouveau-né. Mais il en diffère
par la rareté des éléments cellulaires étoilés qui sont grêles
et allongés, alignés sur des files qui ne comprennent qu'un seu
rang de cellules mises bout bout, au lieu d'offrir des colonnettes
cellulaires où les éléments se trouvent abondants et côte à côte.
Il existe un certain nombre de foyers plus opaques, plus abon-
dants en noyaux, dans la première et la seconde couche. Sur
quelques-uns on voit nettement un vaisseau occuper le centre de
l'amas. Les dilatations vasculaires sont très nombreuses; les
petits amas de cellules rondes sont abondants entre la première
et la seconde couche, constituant le premier degré de l'altération
en foyer. Ils sont enveloppés d'une atmosphère névroglique plus
opaque, et paraissant plus épaisse que celle qui l'entoure dans
l'épaisseur des couches, on peut voir ça et là quelques rares cel-
lules à contour peu distinct, à noyaux multiples. La paroi des
vaisseaux parait sur certains points épaissie, mais il n'y a pas
d'accumulations de leucocytes dans les gaines. La substance
blanche présente un très grand nombre de corps polycycliques,
réfringents, ressemblant à des corps amyloides et qui paraissent
résulter de la fusion d'anciens corps granuleux.
Dans le lobe paracentral gauche, on constate des lésions exac-
tement semblables.
L'hippocampe gauche a été examiné aussi; il présente des
lésions beaucoup moins avancées que la convexité; les sériations
longitudinales s'y peuvent distinguer; il existe seulement une
vascularisation rameuse assez développée; les grandes cellules
pyramidales de la région sont petites et entourées de myélocytes.
La moelle cervicale présente une disparition à peu près com-
plète des deux groupes latéraux de la corne antérieure. Le
ENCÉPHALITES CHRONIQUES : LÉSIONS DE LA SUBSTANCE GRISE. 341
groupe antérieur de celte corne ainsi que la colonne de Clarhe
sont conservés. Cette lésion est symétrique. La partie du faisceau
latéral comprise dans la concavité des cornes est légèrement
sclérosée, il n'y a rien de plus à noter dans la substance blanche
que des espaces étoilés dépourvus de tubes nerveux, assez nom-
breux dans les cordons postérieurs. Les cellules des cornes posté-
rieures sont très rares. Le canal de l'épendyme est rempli par une
substance grenue où se trouvent en assez grande abondance des
cellules rondes. Le revêtement épithélial est incomplet, ses cel-
lules sont aussi sphériques. Les deux vaisseaux qui accompagnent
le canal sont petits et entourés d'une gaine hyaline asez épaisse.
Les deux substances sont parsemées de corps granuleux. Sur un
fragment de muscle avec son nerf, pris à l'avanl-bras, on constate'
un fort épaississement du périnèvre; la gaine lamellaire et les
cylindres-axes sont normaux; il en est de même des faisceaux
musculaires, qui, sous les coupes transverses, sont serrés et sans
sclérose interstitielle. On note seulement une différence de
volume et de réfringence de leurs tubes semblable à celle qu'on
observe sur les jeunes sujets, dans la langue du nouveau-né, par
exemple. On observe en assez grand nombre les figures signalées
par M. Babinski en 1886 (Soc. biol.), des fibres musculaires jeunes
se montrent enveloppées d'une gaine lamellaire absolument sem-
blable à celle des nerfs. Il nous a même semblé en voir côte à
côte 'avec des tubes nerveux dans la même gaine; mais nous ne
pouvons l'affirmer en l'absence de préparations à l'acide os-
mique.
Nous trouvons donc toujours la même lésion de
l'écorce se produisant toujours au même point; de
plus, ici, les lésions de la moelle existent, portant sur
les cellules nerveuses elles-mêmes, avec très peu de
lésions de la conductibilité. Les symptômes d'idiotie
complète concordent avec les lésions diffuses de la
convexité, comme dans nos autres cas. Seulement ici,
l'examen comparatif de cerveaux de nouveau-nés
nous a été utile pour préciser les lésions, à cause de
l'âge peu avancé du sujet; de même que dans le
cas suivant :
Observation V. - Paugno... (Charles), 1880-1883; grand'père
maternel alcoolique ; mère nerveuse; frères morts de convulsions;
.7342 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
convulsions à six semaines, rougeole, -tubercules ; idiotie com-
plète.
A l'autopsie, un certain degré d'hydrocéphalie, épaississe-
mient et adhérences des méninges par places; état chagriné des
circonvolutions.
Examen iiistologique. Coupes faites à la convexité. L hémis-
phère droit était plus atrophié que le gauche. Du côté droit, vas-
cularisation ramifiée assez marquée; les grandes cellules pyrami-
dales, peu nombreuses, sont à peu près les seuls éléments.
caractéristiques que l'on retrouve dans la hauteur des couches. La
substance blanche présente une grande quantité de corps amyloïdes
très volumineux, qui se colorent assez fortement par. 1'liéma-
toxyline et restent entièrement incolores par le carmin.
L'aspect est à peu près semblable sur les coupes prises dans
l'hémisphère gauche, on ne voit que de l'atrophie simple, sans les
taches de désintégration que nous avons si souvent retrouvées.
C'est donc un exemple de l'atrophie simple, ou
-plutôt du non-développement, sans taches de dégéné-
rescence; soit qu'elles n'existent plus, soit que le
.processus d'atrophie ait été différent, ce que nous ne
(pouvons savoir à cause du très jeune âge du sujet.
Notons que chez les nouveau-nés, sur des coupes
'faites pour pouvoir comparer les deux états, la limite
'entre la première et la seconde couche de l'écorce est
- toujours très marquée, celle-ci bien nette et riche en
- cellules, ainsi que les suivantes, comme chez les ani-
.maux jeunes, chien, chat, lapin, cobaye; les éléments
- vont seulement diminuant de nombre vers la qua-
trième couche de cellules de l'écorce grise :
Observation VI. - Assas..., 1876-1884. Idiotie congénitale
- complète. Père alcoolique, balancement antéro-laléral. grince-
unents de dents fréquents, accès de colère, cris diurnes et noc-
turnes, parole nulle, gâtisme, diarrhée habituelle.
Examen iiistologique. - Coupe au niveau de la première fron-
- tale droite. Vascularisation rameuse très développée dans les
. couches superficielles de la substance grise; beaucoup de foyer. :
.de désintégration assez étendus; quelques-uns sont même formés
Je long des vaisseaux dans la partie profonde de l'écorce. Les
LÉSIONS DE LA SUBSTANCE GRISE.- 33 3
espaces péri-vasculaires sont dilatés; les gaines infiltrées de corpui-
cules de Gtuge, surtout dans la substance blanche. Les cellules
pyramidales ne sont serrées que par place, elles sont peu nom-
breuses et de petit volume. La substance blanche est toute infiltrée
de petites cellules rondes, disposées par places en petits amas
miliaires assez bien circonscrits. Elle présente un grand nombre
de corpuscules de Gliige et de corps amylacés, irréguliers, volu-
mineux. Les plus gros sont creusés d'une cavité remplie de
leucocytes.
Les coupes au niveau du lobule paracentral montrent les mêmes
lésions plus avancées, les foyers de désintégration forment des
taches grises occupant toute la hauteur de la substance grise
dans les intervalles qu'ils laissent entre eux, elle offre les mêmes
caractères que ci-dessus.
Dans le lobe occipital, l'état est le même. Il existe autour de
beaucoup de vaisseaux des taches opaques formées d'amas de
cellules dont les noyaux sont très gros et dont les corps cellulaires
ne paraissent pas distincts les uns des autres.
La moelle cervicale examinée après coloration au picro-carmin
et montage au baume présente des lésions diffuses très mar-
quées dans la substance blanche. Il existe de véritables plaques à
contour irrégulier, foncées, formées de tissu scléreux, contenant
pourtant des tubes par endroits, ces plaques occupent tout le
cordon postérieur et toute la partie des cordons antéro-latéraux
comprise dans les concavités antérieure et latérale de la moelle
grise. Dans celle-ci, les îlots cellulaires sont isolés, peu nombreux
en avant, les cornes postérieures n'offrent qu'une très faible
quantité de cellules. Les parois vasculaires sont épaissies.
On voit que les cerveaux d'idiots ^donnent un cer-
tain nombre de résultats comparables. Mais ces résul-
tats ne sont pas spécifiques, car dans l'idiotie avec
l'épilepsie, ou dans^la démence épileptique, nous les
retrouvons, coïncidant il est vrai, avec les mêmes
lésions d'atrophie et d'état chagriné à l'oeil nu.
L'atrophie et l'état chagriné des circonvolutions se
retrouvent dans l'observation suivante :
Observation VII. - Beno..., né le 3 mai 1873, mort le 12 février
1884. A quatre ans, premiers vertiges, accès d'épilepsie à cinq
ans, gâtisme à la même époque, déchéance intellectuelle à partir
de cinq ans et demi. Salacité, conjonctivite pmalente, varioloido
en 1881. -
344 AMATOMIE PATHOLOGIQUE.
A l'autopsie, on constate que l'épilepsie est symptomatique
d'une atrophie considérable de l'hémisphère droit du cerveau et
de l'hémisphère cérébelleux gauche, atrophie caractérisée par un
amaigrissement profond des circonvolutions.
Examen IIISTOLOGIQLE. - Coiipes du lobe frontal droit. La pre-
mière couche est très réduite, composée d'un réticulum fin où les
^noyaux de cellules sont rares. Entre cette couche et la seconde
existe une bande sombre, régnant tout le long des circonvolutions
coupées et présentant ça et là des points plus épais, lesquels
déterminent de véritables taches grises, visibles à l'oeil nu par
transparence. Cette bande empiète sur la couche des petites cel-
lules pyramidales qu'elle remplace par endroits entièrement,
débordant sur la troisième couche de l'écorce. C'est une nappe
uniforme composée d'un tissu névroglique plus serré, à trame
plus fine, qu'au-dessus, les noyaux cellulaires petits et fixant éner-
giquement les colorants y sont abondants, dispersés par petits
groupes, mais toujours espacés les uns des autres. Les vaisseaux
sont dilatés. Cette bande tranche très visiblement sur les coupes.
Elle interrompt entièrement la sériation des cellules en colonnes
longitudinales. Cette sériation reparait au-dessous. Les cellules
sont abondantes, surtout les éléments nucléaires et fusiformes; il
y a peu d'éléments pyramidaux. En beaucoup d'endroits, sous la
nappe de remaniement indiquée, les colonnes longitudinales ne
se reproduisent pas et l'on a des Ilots irréguliers, circonscrits par
les vaisseaux dilatés et pauvres en cellules, jusqu'au contact de la
substance blanche, où les noyaux sont abondants.
Il existe des corps granuleux se colorant par l'hématoxyline et
non par le carmin : tous les espaces périvasculaires sont très
marqués, et cette dilatation se retrouve sur les pièces montées à
.la glycérine.
Coupes du lobe occipital gauche. Il présente aussi de l'amai-
grissement des circonvolutions. La limite entre la première et la
seconde couche de l'écorce n'est pas nette; il existe là une bande
diffuse intermédiaire aux deux couches et riche en noyaux. Mais
elle est beaucoup moins marquée que dans les préparations précé-
dentes. Le ruban gris de Vicq-d'Azyr constitué par une accumu-
lation de petites cellules rondes dans les colonnettes cellulaires,
entre la couche des cellules moyennes et la couche des grandes
cellules, se voit nettement. Les cellules pyramidales sont fort dis-
tinctes, surtout dans les préparations colorées au picro-carmin et
au vert de méthyle. 11 n'y a pas d'infiltration embryonnaire au-
tour des vaisseaux.
En somme, on voit que le tissu pathologique siège
entre la première et la troisième couche de l'écorce,
LÉSIONS DE LA SUBSTANCE GRISE.. 345
en général , qu'il débute entre la première et la se-
conde, qu'il est caractérisé par la dilatation des vais-
seaux, l'aspect plus serré et plus opaque que prend le
réseau névroglique, le plus grand nombre de petits
noyaux et la disparition des éléments parenchymateux
normaux. Il détruit l'harmonie des couches et les
atrophie d'une façon inégale, puisque ses prolonge-
ments vers la substance blanche sont irréguliers. De
' là l'aspect chagriné du cerveau.
Observation VIII. Schad..., 1864-1886, est un idiot épilep-
tique, qui a eu une période d'amélioration, a appris à parler, puis
est tombé dans la démence la plus profonde à la suite d'accès
répétés, jusqu'à soixante par jour. Les lésions que présente ce
dément, fort jeune il est vrai, ne diffèrent pas sensiblement de
celles qu'on trouve chez les idiots ordinaires. Mort de broncho-
pneumonie gangreneuse diffuse, consécutive à un état de mal.
Examen IIISTOLOGIQUE. - Hémisphère droit, coupe d'une circonvo-
lution frontale. Toute la substance grise est prise en nappe,
toujours au même point, au niveau des trois premières couches et
présente à ce niveau trois ordres de lésions qui se succèdent irré-
gulièrement sur les coupes. Ce sont, d'abord, l'épaississement de
la névroglie et l'accumulation de cellules en îlots circonscrits an-
tour des vaisseaux ramifiés, ensuite l'aspect aréolaire de la névro-
glie, par minces bandes, 'puis la formation de foyers d'inégal
volume, ayant ce même aspect plus accusé encore. Les couches
suivantes sont infiltrées d'un grand nombre de petites cellules,
mais les cellules pyramidales sont entièrement disparues. Les
vaisseaux présentent un épaississement parfois énorme de leur
tunique qui devient hyaline, réfringente et ne se colore que fai-
blement par les réactifs ; ils sont entourés presque tous d'une
atmosphère de corps granuleux à partir d'un certain volume.
On retrouve les mêmes désordres dans les régions motrices, dans
le lobe occipital. Là toutefois, elles sont moins accentuées, et ce
qui se présente le plus souvent, ce sont les taches opaques, riches
en noyaux sur le pourtour des vaisseaux. Nous avons fait dessiner
une des plus petites (fig. 2) et un coup d'oeil sur la figure fera
mieux comprendre qu'une description le siège et l'aspect de cette
lésion.
Dans le cervelet, les éléments de Purkinje sont assez nombreux,
il n'y a pas de corps granuleux.. 1
346 anatomie pathologique.
Observation IX. Le malade suivant nous présente la coexis-
tence de l'aspect dit foetal ou gélatiniforme, et de l'aspect cha-
griné des circonvolutions. Vautr... 1872-1883. Epilepsie avec tour-
noiements, vertiges, secousses, idiotie, parole presque nulle,
gâtisme; mort par obstruction du larynx par un morceau de
viande. A l'autopsie, aspect foetal du cerveau; arrêt de développe-
raient, atrophie et état chagriné de la partie postérieure de l'aé-
misphère droit.
Examen histologique. - Coupes du lobe frontal droit, état géla-
tiniforme. Picro-cazmin et bleu de méthyle. La vascularisation est
très developpée, les cellules pyramidales globuleuses; autour d'elle
existe une large zone claire, même sur les pièces qui, à dessein,
n'ont pas été montées dans le baume de Canada. Il n'y a pas'
d'infiltration embryonnaire récente, mais seulement un grand
nombre de corpuscules amylacés.
Coupes du lobe occipital, atrophié. Même vascularisation ; l'espace
comprenant la deuxième et la troisième couche des cellules de la
substance grise présente de place en place des taches grises de névro-
glie aérolaire qui expliquent l'affaissement de la circonvolution
et l'état chagriné de la surface. Ces lésions sont à leur maximum
au sommet de la circonvolution. Sur une coupe comprenant deux
circonvolutions on voit, en effet, quelles sont très peu marquées
des deux côtés du sillon et dans son fond. Les vaisseaux dans leur
gaine et la substance blanche présentent l'infiltration de corps
granuleux que nous avons si souvent mentionnée.
Observation X. - Gouell..., dix-huit ans, mort eu 1884, atteint t
d'épilepsie vertigineuse et d'hémiplégie droite, présente à l'au-
topsie un arrêt de développement des deux lobes frontaux, et de
la méningo-encéphalite chronique disséminée assez marquée pour
que la substance grise se décortique en totalité sur quelques
points, avec les méninges.
Examen histologique. - Sur les coupes prises au niveau d'une
circonvolution de l'hémisphère droit et traitées successivement
parle picro-carmin et le vert de méthyle, on voit une infiltration
lymphoïde marquée de la gaine des vaisseaux, chacun est entouré
d'un cordon de cellules à gros noyaux, fortement colorés en vert,
on voit autour de quelques-uns de ces vaisseaux des foyers de
désintégration, où la substance grise, rendue plus fragile, est
tombée en partie sur les coupes. La limite des deux substances et
surtout la substance blanche sont parsemées de corps amyloïdes.
L'infiltration de toutes les couches par de petites cellules est assez
marquée. Les cellules pyramidales sont pourtant nombreuses.
Observation XI. Le malade suivant était aussi un épileptique,
atteint d'atrophie cérébrale, mais cette atrophie n'était point la
LÉSIONS DE LA SUBSTANCE GRISE. 347
grande sclérose lobaire, c'était une atrophie partielle et que l'on
peut, jusqu'à un certain point, regarder comme une forme de^
transition entre les scléroses à grand foyer et les écroulements de
la substance grise avec épaississement névroglique, comme nous
venons d'en voir quelques exemples. L'examen de la figure qui se
rapporte à ce cas montre la grande ressemblance qu'il présente
avec ceux de MM. Jendrassick et Marie et de M. Richardière. On
trouve, comme dans les trois faits auxquels nous venons de faire
allusion, une bande de sclérose fournie par du tissu conjonctif
rubané, émané des vaisseaux. 11 n'y a donc plus là de simples
modifications névrogliques discutables et prêtant à différentes
interpellations. On sait que f3atty Tuke ayant décrit une sclérose
miliaire de l'écorce chez les épileptiques, à la suite d'un grand
nombre d'autopsies ; on lui objecta, Plaxton entre autres, que cette
sclérose miliaire n'était qu'une apparence due à l'action de l'alcool
sur les pièces. Ici, rien de pareil, la lésion est évidente et comme
elle est encore petite nous pouvons voir le travail de vascularisation
qui l'accompagne.
Le nommé Maisonh., 1868-1885, hérédité alcoolique et nerveuse,
a eu ses premières convulsions à deux ans. Elles étaient limitées
au côté gauche. A douze ans, premières attaques d'épilepsie, elles
avaient ce caractère d'être précédées d'une courte période pen-
dant laquelle le malade courait droit devant lui (épilepsie pro-
cursive). 11 exislait un léger embarras de la parole, et de la débilité
mentale. A l'autopsie, sclérose cérébrale (les détails de l'obser-
vation ont été publiés par MM. Bourneville et Bricon, dans leur
travail sur l'épilepsie procursive).
Examen histologique. Cet veau et bulbe durcis dans l'alcool.
Moelle durcie dans le liquide de Muller.
Cerveau droit. - Portions atrophiées.
Stibstai2ce grise. - Les membranes n'o nt pas enlevé des portions
de substance cérébrale en se détachant; la première couche de la
.substance grise est confondue avec la seconde; elle présente, comme
cette dernière, une néoformation considérable, les capillaires
appâtassent furies coupes, étoiles, arqués, formant un réseau
séné. L'espace lymphatique est rempli de cellules rondes; autour
d'elles existe un espace clair dû au retrait qu'a subi la pièce dans
l'alcool. Sur des points où la lésion est plus avancée, il existe
autour de ce réseau vasculaire serré des fibrilles conjonctives en
plus ou moins grande épaisseur; plus loin, la lésion est plus avan-
cée encore. Ces fibrilles conjonctives forment un véritable tissu
fibroide de sclérose qui tranche vivement par son aspect sur le
tissu névroglique ambiant. Ainsi sont constituées des bandes sclé-
reuses larges et plates, occupant et remplaçant la deuxième couche
de la substance grise, celle des petites cellules pyramidales. Ces
bandes ne sont pas pures, mais contiennent un certain nombre
348 anatomie pathologique.
d'amas névrogliques et de cellules nerveuses arrondies, granuleuses
et pigmentées; elles empiètent sur la substance grise des deux
couches qui les contiennent par des bandes conjonctives qui suivent
les trajets des vaisseaux; elles ont par conséquent un bord dentelé
et festonné. Au niveau de ces points, la première couche de subs-
tance grise est épaissie, fibrillaire et chargée de noyaux. La troi-
sième couche, celle des grandes cellules, ne présente que des séries
de cellules petites, à fins noyaux sphériques, noyés sans ordre
apparent dans une trame névroglique granuleuse.
Mais la vascularisation exagérée des couches corticales moyennes
et la formation de bandes de tissu scléreux par plaques dans la
même région ne sont que les deux premiers degrés de l'altération.
Sur d'autres points, entre les mailles du tissu conjonctif ainsi
formé, se créent des vides qui étaient remplis par un liquideà l'état
frais. On a sous les yeux des cavités aréolaires, irrégulières, cloi-
sonnées par des travées conjonctives épaisses et par de fines tra-
bécules, le long desquelles sont dispersées de grosses cellules
irrégulières à protoplasma granuleux. L'aspect ressemble beaucoup
sur les coupes à celui du grand épiploon réticulé de certains ron-
geurs. En même temps, la couche corticale qui recouvre ce tissu
aréolaire s'amincit et n'est plus qu'un simple feuillet, et les cavités
s'agrandissent au point de former un tissu aréolaire visible à l'oeil
nu. Ces lésions expliquent l'état chagriné qui résulte de l'effondre-
ment des couches moyennes de la substance grise et l'état kystique
aréolaire qu'on observe, beaucoup plus prononcé d'ailleurs dans
d'autres cas d'idiotie.
Au-dessous de ces points très lésés, il n'existe plus de grandes
cellules nerveuses, mais on en rencontre tout à côté par amas
abondants; elles sont seulement groupées sans ordre apparent, au
lieu d'être disposées en séries verticales comme à l'état normal.
Les couches suivantes de la substance grise et la substance
blanche sont chargées de petites cellules rondes. On y voit, en
grande abondance des blocs volumineux, réfringents, irréguliers,
comme formés de la fusion de plusieurs boules. Malgré le séjour
des pièces dans l'alcool, ces blocs se colorent en noir intense par
l'acide osmique sur les coupes laissées vingt-quatre heures dans
ce réactif.
Lobe occipital droit en dehors de la lésion. Vaisseaux nombreux,
vascularisés, à cavité large, avec infiltration des gaines. Pourtant
la sériation verticale des éléments nerveux à laquelle nous atta-
chons une grande importance est conservée sur la plupart des
points. Si ce n'est dans la couche la plus profonde de la substance
grise où elle est morcelée par le vaisseau vasculaire. A ce point,
ainsi que dans la substance blanche, nombreux corps granuleux
et blocs graisseux semblables à ceux que nous venons d'indiquer.
Cervelet droit. Cellules de Purkinje assez nombreuses. Couche
LÉSIONS DE LA SUBSTANCE GRISE. 349
externe et couche des myélocytes normales. On retrouve un
certain nombre de gros blocs graisseux qui paraissent dus à
l'action de l'alcool sur la pièce.
Cerveau. Hémisphère gauche. - Il existe dans le lobe frontal une
vascularisalion très développée avec diminution de nombre et de
volume des cellules nerveuses qui ont perdu leur sériation dans les
points examinés.
Nombreux corps granuleux dans la substance blanche. Dans le
lobe occipital, on retrouve, à côté de points normaux dans l'écorce,
des taches de désintégration au début. Les coupes du cervelet
droit, examinées comparativement avec celles du côté gauche,
n'ont pas paru présenter de différence sensible. Les coupes du
bulbe à la portion inférieure du quatrième ventricule, au-dessous
des olives, montrent d'abord des lésions péri-vasculaires très
marquées, surtout du côté gauche. Diminution comparative du
volume des noyaux. Du même côté, dans la moelle cemicalu, les
cornes antérieures sont petites mais avec leurs cellules bien nettes,
de même les cordons antérieurs. Ilots de tissu scléreux de dégé-
nérescence descendante, en dehors de la corne supérieure du
côté gauche. Cette corne parait un peu plus volumineuse que
celle du côté opposé. Dans cet ilôt à contours diffus, un certain
nombre de tubes nerveux persistent.
En résumé, les lésions du bulbe et de la moelle sont consécu-
tives, ainsi que celles de la couronne de Reil.
Les lésions de l'écorce sont surtout marquées au niveau de la
deuxième couche de la substance grise et on peut leur distinguer
trois étapes : 1° prolifération vasculaire; 2° sclérose et atrophie
des cellules nerveuses ; 3° formation des cavités.
Ces lésions forment aussi à la surface des hémisphères un certain
nombre de taches diffuses, semblables à celles qu'on trouve dans
la plupart des cerveaux d'idiots 1.
On voit que, dans ce cas, il existe de véritables
bandes de tissu fibrillaire ondulé, ressemblant au tissu
conjonctif ordinaire, dans la zone moyenne de l'écorce.
C'est là une altération fort rare, d'après tout ce que
nous avons regardé jusqu'ici. Résulte-t-elle des lésions
que nous venons de passer en revue ? Est-elle le pre-
mier degré de lésions plus étendues, telle que la sclé-
i Bourneville et Bricon. Epilepsie procursive (Archives de Neurologie,
1888, p. 2G5.)
350 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
rose lobaire de l'enfance ? Ce sont deux questions que
nous ne pouvons trancher. Les scléroses lobaires que
nous avons pu examiner à Bicêtre et que nous ne dé-
crirons pas ici pour ne pas nous écarter de notre su-
- jet, étaient toutes trop anciennes et trop étendues pour
nous permettre de concevoir un rapport entre ces deux
ordres de faits. Il en était de même dans les faits rap-
portés par MM. Jendrassik et Marie et par M. Richar-
dière dans sa thèse. La question du rapport de ces
plaques cicatricielles avec l'épilepsie ne peut aussi
qu'être indiquée. En tout cas, nous possédons des pré-
parations de circonvolutions d'épileptiques où rien de
semblable n'existait.
Observations 1LI-fII. - Les deux observations suivantes ont
trait à des épileptiques aliénés âgés, ayant tous deux dépassé la
quarantaine. Les lésions se rapprochent beaucoup chez ces épilep-
tiques déments, de ce qu'on voit dans les autres formes de
démence. C'est, en effet, un aboutissant commun de lésions
différentes. Mais on retrouve un certain nombre des traits que
nous avons déjà mentionnés.
Examen histologique. - Rente..., soixante-onze ans, épilepsie
tardive. Coupes du para, central gauche. - Les trois premières
couches de l'écorce sont partout envahies et modifiées, la dispo-
sition normale n'existe plus, on voit la névroglie épaissie former
des taches plus foncées que le tissu sain. En beaucoup de points,
ces amas foncés présentent à leur centre un écaitement des
mailles du réseau névroglique et il en résulte un aspect finement
vacuolaire du tissu, c'est au niveau de la seconde couche que cet
aspect est le plus marqué. Les trois couches ainsi envahies sont
parsemées de noyaux petits. très nombreux : la première, la plus
superficielle, ne se distingue plus. Au-dessous de cette bande, la
couche des grandes cellules pyramidales se retrouve, mais avec
une ordonnance très peu nette. Elle présente ses grosses cellules
abondantes encore. Elle est parsemée de corps granuleux ainsi
que la substance blanche. Vaisseaux moyennement abondants, un
peu rameux.
Bonn..., épileptique aliéné âgé. Coupe d'une des circonvolutions
frontales du côté gauche. Les lésions des premières couches de
l'écorce sont comparables, mais beaucoup moins avancées. Au lieu
LÉSIONS DE LA SUBSTANCE CRISE. 351
de former une bande continue, les points atteints ne se présentent
que sous forme de taches plus opaques, parsemées de noyaux plus
abondants, rompant l'ordonnance des séries longitudinales et
prenant les trois premières couches. Elles ne sont pas au contact
les unes des autres et se présentent au contraire comme une série
de points isolés, mais assez rapprochés. Les cellules pyramidales
bien neltes sont rares dans les plans sous-jacents, la plupart des
grosses cellules sont globuleuses. On distingue entre elles des
taches étoilées fixant en particulier le carmin et rappelant la forme
des éléments araignée et la paralysie générale. La substance
blanche est infiltrée d'un grand nombre de noyaux. Dans ces deux
cas, nous relevons l'absence d'accumulation de pigment dans les
grandes cellules de l'écorce. C'est un fait exceptionnel, surtout à
soixante-onze ans, et qui tendrait à établir que les fonctions de
cès éléments sont assez modifiées.
Les foyers de ramollissement, petits et multiples, peuvent se
présenter chez l'enfant. Dans le cas suivant, il s'agit d'un enfant
de trois ans, Porte ? atteint de premières convulsions à trois mois.
Parole et démarche nulles, gâtisme, grimaces, strabisme, balan-
cement, très multiples, etc. A l'autopsie, on trouve un grand
nombre de petits foyers de couleur ocreuse, recouverts par la
couche la plus superficielle du cerveau, sous la forme d'une mem-
brane mince et plissée.
Examen HITOLOG1QUE.- L'hémisphère droit n'a pas été examiné,
les lésions étant d'apparence semblable des deux côtés. Les coupes
ont été colorées à l'hématoxyline et au carmin et montées soit au
baume de Canada. soit à la liqueur de Farrant, pour conserver
les corps granuleux. Sur la première frontale, à sa naissance, en
un point qui ne contient pas de foyer visible à l'oeil nu, il existe une
vascularisation anormale très prononcée dans toute la substance
grise ; les vaisseaux sont ramifiés dans toutes les directions. Le
nombre des éléments parait sensiblement accru et il existe une série
de points ou taches de désintégration se touchant presque et for-
mant une vaste bande entre la première et la troisième couches
de la substance grise, et comprenant ainsi la moitié environ de la
hauteur de la substance grise. Ces foyers sont caractérisés par la
rareté des éléments à leur niveau, l'épaississement du tissu inters-
titiel qui se colore davantage par le carmin et sa friabilité ; car
il tombe assez souvent des portions de tissus sur les coupes, mal-
gré le soin apporté au montage. A un fort grossissement, on
constate que les capillaires sont très nombreux et dilatés, les
cellules nerveuses ne sont pas disposées en séries, mais dispersées
et globuleuses. Celles des couches profondes sont allongées, gra-
nuleuses et fortement colorées. La substance blanche offre une
quantité considérable de petits noyaux sphériques appartenant
3S2 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
aux cellules interstitielles. Sur certains points, il existe des corps
granuleux en assez grande quantité.
La deuxième frontale, à son insertion sur la frontale ascendante,
portaitsur sa partie moyenne un foyer ocreux, allongé, parfaitement
caractérisé. Sur une coupe à ce niveau, on constate une dépres-
sion en entonnoir de la substance grise, une perte de substance
qui s'étend jusqu'à la substance blanche et est recouverte par une
paroi flottante, transformant ce foyer en un petit kyste. L'espace
libre est sillonné par des filaments fibrillaires allant de la paroi
superficielle à la substance grise restante. Cette paroi est composée
de dehors en dedans, de trois couches : la plus superficielle, mince
et homogène, formée de faisceaux parallèles de fibres fines, avec
de pelits noyaux sphériques très peu abondants, s'amincit aux
points extrêmes de la lésion et disparaît dans la couche superfi-
cielle de la substance grise normale. Au-dessous, apparaît une
couche de deux à trois fois plus épaisse. Cette couche est compo-
sée surtout de cellules rondes assez volumineuses, à noyau sphé-
rique, dont la plupart sont remplies de granulations jaunes de
pigment sanguin, à la manière des cellules interstitielles de l'ovaire.
Ce sont elles qui donnent au kyste sa couleur ocreuse ; elles sont
dispersées dans un tissu fibrillaire dont les fibrilles convergent en
bas par des faisceaux distincts. La troisième couche est occupée
par ces faisceaux et un certain nombre de cellules. Ces masses de
faisceaux fibrillaires accompagnent les vaisseaux et forment à la
face interne de la paroi du petit kyste, un certain nombre de
masses pédiculées, composées de ce lissu fibrillaire feutré, de
rares vaisseaux et contenant des cellules à noyaux ronds ou allon-
gés, dont quelques-unes sont encore chargées de granulations
jaunes.
Autour de certains capillaires, la gaine adventice se remplit de
ces cellules, de façon à former des renflements en massue libres
dans la cavité. Si l'on suit cette paroi, ainsi constituée sur les
parties latérales, on voit que les couches se perdent successive-
ment dans la couche externe névroglique de la substance grise;
c'est donc entre cette couche externe et la deuxième couche de
Meynert que s'est opérée la scissure qui a donné lieu à la cavité
que nous étudions. La substance grise qui forme les parois de
l'entonnoir est recouverte par une couche fibrillaire névroglique.
Au-dessous, elle se montre sous deux états différents : sur certains
points, la sériation longitudinale de la substance grise est encore
assez visible, mais ces séries sont occupées par des cellules inters-
titielles en très grande abondance. Sur d'autres points, beaucoup
plus nombreux, le processus est beaucoup plus avancé; les cellules
ne sont plus disposées en séries, mais elles sont dispersées, raré-
fiées et isolées; elles sont petites, globuleuses; on ne peut suivre
leurs prolongements sous la surface libre. Autour de ce foyer, il
ENCÉPHALITES CHRONIQUES : LÉSIONS DE LA SUBSTANCE GRISE. 3Õ3
existe un certain nombre de taches ou points très clairs à un faible
grossissement et qui sont composés uniquement par un réseau
très fin d'une dentelle de fibrilles grêle, avec des cellules à
noyaux sphériques, à corps cellulaires ramifiés aux points nodaux.
Les mailles de ce tissu sont occupées par une substance inter-
cellulaire qui a disparu des coupes. On n'y rencontre pas une seule
cellule nerveuse et cela dans plusieurs champs du microscope. A
la périphérie 'de ces points, on rencontre les corps granuleux,
principalement autour des vaisseaux. Ces vaisseaux sont très ra-
mifiés ; l'espace périvasculaire est largement dilaté autour de la
plupart d'entre eux; ils morcellent la substance grise.
Lésions de la substance blanche. Dans la substance blanche, il
existe une large traînée descendante, correspondant à la perte de
substance, de la substance grise, et dans laquelle les fibres n'existent t
pas; tout autour, ces fibres sont entourées d'une grande quantité
de petites cellules interstitielles, et sur les pièces traitées successi-
vement par l'acide osmique et la liqueur de Farrant, on voit que
la myéline émulsionnée forme un certain nombre de petites gout-
telettes noires et des amas plus gros ayant l'aspect connu des corps
granuleux.
Pariétale ascendante gauche. -Elle porte en son milieu un foyer
plus récent; on voit nettement que le centre de la dépression est
formé par un vaisseau ramifié; les parois sont constituées par les
mêmes tissus fibrillaires que dans la précédente; les lésions de la
substance grise au pourtour du foyer sont moins avancées, quoi-
que très étendues.
La première couche, couche névroglique de Meynert, est très
mince, avec de fins capillaires rameux assez nombreux et, de plus,
sur certains points, des taches grises où la névroglie s'est raréfiée,
qui forment autant d'espaces clairs.
Dans la deuxième couche, celle des petites cellules pyramidales,
on voit que presque toutes ces cellules sont petites et globuleuses,
et qu'elles ne sont plus placées bout à bout, mais dispersées; leurs
rapports normaux sont détruits et leur nombre diminué. Dans la
troisième couche, celle des cellules moyennes, on voit les colon-
nettes que forment ces cellules bout à bout, beaucoup plus dis-
tantes les unes des autres qu'à l'état normal et séparées par du
tissu névroglique, à peu près dépourvu d'éléments interstitiels.
Même vascularisation ramifiée. Les cellules nerveuses sont globu-
leuses, leur noyau volumineux, clair, nucléole, remplit presque
toute la cellule. Le prolongement inférieur est le plus distinct.
Dans la couche suivante des grandes cellules, les altérations
sont les mêmes pour les cellules nerveuses, dont le corps cyto-
plasmique est pâle et effacé, quelques-unes sont atrophiées, pour-
tant elles sont encore en nombre considérable.
Dans les espaces qui séparent ces rangées de cellules, espaces
Archives, t. XVIII. 23
384 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
par où descendent les fibrilles qui vont former la substance grise,
on voit, de plus que dans les couches précédentes, un assez grand
nombre de noyaux de cellules interstitielles, petits, sphériques et
fortement colorés. Dans la substance blanche, on voit les mêmes
lésions que dans les préparations précédentes; les vaisseaux sont
très dilatés, les corps granuleux sont très abondants.
, Lobe occipital. Les coupes du lobe occipital, au niveau d'un
foyer plus étendu que celui que nous avons décrit sur le frontal,
montrent des lésions absolument semblables, mais la traînée des-
cendante dans la substance blanche au-dessous du foyer, est très
large et remplie de globules sanguins avec un certain nombre de
leucocytes et de cellules fusiformes ; au pourtour de ces masses
un grand nombre de capillaires sont aussi remplis de globules
rouges ; il semble donc que l'on ait affaire à de véritables foyers
hémorrhagiques en ce point.
Les lésions d'encéphalite au voisinage présentent les mêmes
caractères que ci-dessus, elles sont seulement plus marquées, avec
des cellules interstitielles très abondantes et des capillaires dont
les plus volumineux sont entourés d'une paroi fibrillaire nette.
Mêmes lésions que plus haut dans la substance grise.
Cervelet. - Dans la substance grise, la couche de névroglie est
fibrillaire dans le sens longitudinal ; les cellules interstitielles y
sont très nombreuses, les cellules de Purkinje sont abondantes,
mais elles se colorent assez inégalement, surtout à l'hématoxyline ;
on peut pourtant suivre très loin les prolongements de la plupart.
La couche des cellules névrogliques n'offre rien de particulier.
Dans la substance blanche, corps granuleux nombreux, aspect
fibrillaire, grosses fibrilles anastomosées.
Moelle cervicale. - La substance grise à des altérations cellu-
laires importantes.
Dans les cornes antérieures, le tissu interstitiel forme des
faisceaux fibrillaires volumineux et entrecroisés autour des cel-
lules nerveuses. Celles-ci, nettement diminuées de nombre, se
colorent bien par le carmin sur certains points, mais beaucoup ne
se colorent que faiblement et présentent un reflet jaunâtre et
hyalin comparable à celui des cellules de la paralysie générale,
elles sont tuméfiées et leurs prolongements n'existent que peu ou
point. Par l'hématoxyline, ces cellules se colorent en gris de lin et
leur refringence apparaît beaucoup plus nettement. Même aspect
des cornes postérieures. Le canal de l'épendyme est conservé. Son
épithélium est intact ; on y distingue sur certains points les cils
des cellules. La trame conjonctive des cordons blancs est notable-
ment épaissie, le nombre des tubes diminué, mais la lésion est la
même sur tous les cordons. Il n'y a pas de systématisation. Les
vaisseaux sont dilatés.
Moelle dorsale. - L'aspect est le même de tout point.
LÉSIONS DE LA SUBSTANCE GRISE. 3bo-
Moelle lombaires Les lésions sont les mêmes, la tuméfaction
des cellules et leur raréfaction sont encore plus visibles, à cause-
du grand nombre des cellules motrices en ce point '. (Bourne-
ville et Pilhet, Soc. anal. 1886.)
Sur un homme de quarante ans, mort dans le ser-
vice du Dr Besnier et atteint depuis longtemps d'hémi-
plégie, nous avons pu voir de petits foyers isolés.
occupant tout un hémisphère et présentant comme-
distribution, la plus grande analogie avec ceux du
malade précédent. Ils étaient seulement plus profonds
et plus accentués. Les lésions histologiques différaient
en un point de celles que nous venons de voir; c'est
dans les couches les plus profondes de la substance
grise, et même au milieu de la substance blanche,
qu'on voyait la névroglie former des filaments nom-
breux et enchevêtrés, chargés de petites cellules rondes
et circonscrivant des aréoles qui étaient assez grandes
pour donner, en quelques points, l'aspect d'un tissu
finement celluleux.
Les plaques jaunes trouvées dans ces cas sont sans-
doute des foyers de ramollissement, car à la coupe,
ils ont tous la forme d'un cône à base périphérique et-
les parois ne sont pas dilacérées. Comme il n'existe
nulle part, dans les autres organes, de point de dé-
part d'embolies multiples, on est conduit à admettre
un ramollissement par thrombose artérielle, comme
celui qu'on peut voir chez certains vieillards déments.
Nous rapportons ces faits à cause de la coexistence de
taches grises d'encéphalite au voisinage des points les
' Les autres organes, larynx, estomac, foie, rate, coeur, ont été exa-
minés sur des coupes et ne présentaient pas d'autres lésions que leur
état légalement atrophique, semblable à celui qu'on trouve dans les lé-
sions de dénutrition.
3S6 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
plus altérés, quoique nous ne puissions indiquer les
relations réciproques de ces deux lésions.
CONCLUSIONS. On voit que les lésions qui ont été
décrites dans les observations qui précèdent portent
sur les vaisseaux, qui sont dilatés, multipliés, avec
gaines épaissies ou infiltrées de leucocytes et de gra-
nulations. Elles portent sur la névroglie qui est épaissie
à noyaux multipliés, opacifiée, puis fibrillaire, puis
enfin vacuolée, et ces lésions se présentent sous la
forme de points, puis de taches qui peuvent devenir
confluentes. Nous avons décrit, en regard de ces alté-
rations névrogliques, la formation de véritables bandes
de sclérose, pour qu'il ne puisse y avoir aucune erreur
sur les faits exposés ; enfin les cellules pyramidales
présentent tous les degrés d'atrophie. Nous n'avons
pas insisté sur leur vacuolisation, qui dépend trop
souvent des réactifs pour qu'on puisse s'y arrêter. Du
côté de la substance blanche, il est facile de voir son
atrophie; la multiplication des noyaux des petites
cellules, l'abondance des corps granuleux, mais non
le reste. Les lésions diffuses que nous avons pu voir
dans la moelle, échappent à tout essai de systématisa-
tion. Ne pouvant rien dire de précis sur la pathogénie
de ces lésions, nous avons préféré n'en pas parler.
Par suite de l'emploi de l'alcool pour fixer les
pièces, il nous était impossible de rechercher les lé-
sions des fibres conductrices. Les fibres fines à myéline
de la couche superficielle des circonvolutions, les fibres
arquées qui relient chaque circonvolution en passant
sous le vallon intermédiaire, le réseau qui occupe la
couche la plus profonde de la substance grise, enfin
les fibres descendantes de la substance blanche de-
LÉSIONS DE LA SUBSTANCE GRISE. 337 1
vaient nous échapper. C'est là une grosse lacune, et
qui laisse fort incomplète cette étude. Il en est une
autre. Comme nous ne pouvions traiter par une série
de réactifs, les pièces que nous possédions, de façon
à débrouiller l'histoire naturelle de la production des
lésions, il s'ensuit que nous n'avons pu les rattacher,
surtout celles de la névroglie, à l'état normal, montrer
quels éléments s'hypertrophiaient, quels s'atrophiaient
et comment s'accomplissait cette évolution. Aussi,
nous sommes-nous bornés à un travail purement des-
criptif, à l'examen d'une série d'aspects. C'est tout ce
que nous a permis de faire la difficulté du sujet, et
ces faits bruts étaient trop incomplets pour que nous
puissions nous en servir pour échafauder les hypothèses
applicables à la clinique et entreprendre d'écrire l'his-
toire de l'anatomie pathologique des cerveaux d'idiots
Cruveilhier disait, il y a déjà bien des années : « De
toutes les maladies dites mentales, il n'en est aucune
sur laquelle l'anatomie pathologique soit appelée à
jeter un plus grand jour que sur l'idiotie. » Le temps
où cette parole du grand anatomiste français se réali-
sera est peut-être encore lointain, nous nous estime-
rons heureux si nous avons contribué, pour la plus
faible part, à le rapprocher.
BIBLIOGRAPHIE.
Cruveilhier. - Traité d'analomie pathologique, t. III, p. 163,1845.
id. Atlas, livre 20, pl. III, livraison ve.
Isambert et Robin. Cas de sclérose du cerveau dans l'idiotie.
Soc. biologie 1851.
Griésinger. = Traité des maladies mentales, édition française,
p. 449, 1865.
Magnan. Thèse, p. 323, 1866.
Cotard. Atrophie partielle du cerveau. Thèse, 1868.
17' ANATOMIE PATHOLOGIQUE.
'Hayem. - Diverses formes d'encéphalites, p. 133, 1868.
'Lépine. - Archives de physiologie, p. 439, 1869.
.Herbert Mayor. - Lésions histologiques de la substance grise, chez
déments, etc. - lVest riding lunatie asylum reports, an-
nées 1872, 1873, t874, 1875.
'Parrot. Ramollissement encéphalique chez les enfants. - Ar-
chives de physiologie, 1873.
Hutinet. Troubles de la circulation veineuse chez les noweau-
nés. - Thèse, p. 25, 1877.
3 ! ierzejewski. Considérations anatomiques sur les cerveaux
d'idiots. Congrès international des sciences médi-
cales, 1878.
Hammond. Maladies du système nerveux, p. 822, 1879.
Leyden. - Maladies de la moelle, p. 56, 1879.
Magnan. Idiotie, mutisme, atrophie scléreuse gauche. Soc.
biologie, 1881.
Bourneville, d'Ollier, Brissaud. - Archives de Neurologie, p. 213,
1880.
- et Brissaud. Archives de Neurologie, p, 391, 1880.
(Bail. Maladies mentales, p. 823, 1880-83.
Cornil et Banvier. - Histologie pathologique, édition 2, t. I.
p. 700, 1881.
Renaut. Recherches sur les centres nerveux amyeiiniques.
Archives physiologie, p. ;i93, 1882.
1 Bewan-Lewis. - Structure comparée de l'écorce. Proced. of
royul Society, p. ? 3f, 98î9.
o Charlon-Baslian. - Le cerveau et la pensée, 1. Il, p. 90, 1882.
.Plaxton. Journal of mentczl Science, p. 27, 1883.
Herbert Mayor. Journal of mrzztul Science, p. 532, 1883. '
o Luys, - Structure de la substance grise. - L'Encéphale, p. 149,
1883.
Ranvier. Névroglie, Archives de physiologie, p. 179, 1883.
(Pozzi. - Cirrhose trophique granuleuse disséminée. L'Encé-
phale, p. 155, 1883.
. Danillo. Encéphalite parenchymateuse avec atrophie partielle.
- Archives de Neurologie , t. Il, p. 217, 1883.
'Witkousky. Archives sur Psychiatrie, 1883. -ln revue de Hayem,
p. 5î, 1885.
' Tnczek. Congrès annuel des aliénistes allemands. A ? -chives
de neurologie, p. 365, 1884.
.' Strumpell. Deutsch médic. \Vochezz.sclz., p. 44, p. 711, 1884.
Jendrassick et Marie. - Scléreuse infantile, Arch. Physiologie,
r p. 51, 1885.
Richardière. - Sclérose de l'encéphale chez les enfants. Thèse
Paris, 1885.
Marie. - Sclérose infantile. Progrès médical, 1885.
LÉSIONS DE LA SUBSTANCE GRISE. 389
Obersteiuer. - Voies sanguines du cerveau ci l'état normal et
pathologique. Anal, in annales médico-psychologiques, mai 1883.
Déjerine. - lIé¡'édité dans les maladies nerveuses, Thèse agrég.,
1886.
Adamkiewicz. - Histogenèse de la sclérose. 59° congrès natu-
raliste des médecins allemands, septembre 1886.
Féré. - Anatomie médicale du système nerveux, p. 238, 1886.
Raymond. - Anatomie pathologique du système nerveux, p. 168,
1886.
Fuerstner et Stuehlinger. Hyperplasie de la névroglie et for-
mation de cavités dans l'écorce, Arch. f. Psychiatrie, XVIII, p. 17,
analyse in Arch. Neurologie, p. 39, 1887.
Duval et Mahoudeau. Groupement des cellules pyramidales.
Soc. anthropologie, Juillet 1888, p. 380.
Rindtleiscli. Traité d'histologie pathologique, traduction fran-
çaise, p. 732, 1888.
Audry. Porencéphalics, revue de médecine, p. 462, 1888.
Lemoino. Pathogénie de l'épilepsie. Progrès médical, 1888.
Meynert. Psychiatrie, traduction Convot, p. 58 et suivantes,
1888.
Ranvier. Traité technique, édition 2, p. 831, 1888.
Edinger (L.). Traduction Suraud; Anatomie des centres ner-
veux, p. 54, 1889.
W. Vignal. Développement des éléments du système nerveux
P. 169, 1889.
Lancereaux. Traité d'anatomie path. t. III, fasc. 2, p. 527, 1889.
On trouvera, en outre, un grand nombre de faits se rapportant
à l'encéphalite chronique dans l'index des chirurgiens américains,
dans l'index médicus ; l'excellent article du Dr Arnozan dans le
dictionnaire encyclopédique, les congrès annuels des aliénistes
allemands et les journaux spéciaux, surtout les Archives de Neu-
rologte.
EXPLICATION DE LA PLANCHE
1° Circonvolution vascularisée anormalement (enter).) Les capil-
laires, au lieu d'être perpendiculaires à la surface (A) de la circonvolu-
tion, sont rameux, anastomosés, et remanient complètement le plan des
trois premières couches de l'écorce, qui ne sont plus reconnaissables (B).
Plus bas (C.), la sécrétion longitudinale commence à reprendre (baume).
2° Lobe occipital (Schad.). De la pie-mère (A) partent des vaisseaux
qu'on voit entourés de masses opaques, contenant beaucoup de no\aux
constituant le premier degré d'une tache de désintégration (B). La limite
360 PHYSIOLOGIE.
entre la première et la seconde couche de l'écorce, très nette d'ordinaire,
' est ici confuse (picro-carmin, baume).
3° Petit foyer sclereux, irrégulier, comprenant la seconde et la troi-
sième couche de la substance grise (A) et donnant il la surface de l'en-
céphale un aspect froncé (Maisonhaute). Tout autour les vaisseaux sont
dilatés et la sériation des couches est troublée et méconnaissable (picro-
carmin, glycérine). -
4° Coupe du lobule paracentral (Robèch...) au niveau de l'union de la
substance grise et de la substance blanche, pour montrer la rareté des
cellules pyramidales à leur lieu d'élection (A) et la vascularisation déve-
loppée jusqu'au niveau de ces couches (hématoxyline, baume de
Canada).
PHYSIOLOGIE
LES FONCTIONS DU CERVEAU'
DOCTRINES DE L'ÉCOLE ITALIENNE,
Par Jules SOURY,
Maître de conférences à l'Ecole pratique des Hautes-Etudes.
CENTRÉS CORTICAUX DE LA SENSIBILITÉ CUTANÉE ET MUSCULAIRE
ET DES MOUVEMENTS VOLONTAIRES.
I.
On convient généralement aujourd'hui queles centres
moteurs ou psycho-moteurs de l'écorce cérébrale,
comme on les appelle, peuvent être déterminés avec
tant de sûreté et de précision par les physiologistes
que, s'il est possible au clinicien de porter un dia-
gnostic régional presque certain de certaines affections
encéphaliques, le chirurgien connaît presque par
millimètre carré les différentes aires corticales sur
lesquelles doit porter son intervention. La zone
. Voy. Arch. de Neurologie, n" .ïl, pag. 337 et n" 52, p. 28.
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 361
motrice a été divisée « en petits carrés de deux milli-
mètres chacun », disaient naguère Horsley et
Beevor devant la Société de biologie de Paris
(12 nov. 1887). Ces résultats de la grande découverte
de Fritsch et Hitzig (1870) étant devenus des vérités
de pratique, personne ne les met plus en doute.
L'ère des discordes et des luttes sur la réalité d'une
localisation des fonctions motrices du cerveau est
fermée; le calme règne dans les esprits pacifiés. Et,
comme s'exprime M. le professeur Charcot, « le temps,
ce juge suprême, équitable entre tous, - paraît
avoir accompli en grande partie son oeuvre de sélec-
tion, rejetant ce qui devait périr, et consacrant ce
qui doit vivre. »
Peut-être même y a-t-il une pointe d'exagération à
considérer cette conquête définitive de la science
comme unique jusqu'ici dans la théorie des localisa-
tions cérébrales. L'étude des centres fonctionnels de
la vision n'est guère moins avancée que celle des
centres moteurs; elle est seulement moins connue, et,
jusqu'ici du moins, elle n'a été que d'une application
pratique assez rare. Mais, là aussi, des physiologistes,
tels que"l\1unk et Monakow, ont déterminé, avec une
admirable précision, la topographie des diverses
régions, fonctionnellement différentes, des centres de
la vision mentale, tandis que des cliniciens, tels que
Nothnagel et Seguin, par la méthode anatomo-clinique,
arrivaient à localiser, et cela avec une étonnante
hardiesse, dans le coin et dans la première cirvonvo-
lution externe du lobe occipital, d'autres fonctions de
la vision que dans le reste de ce lobe. ,
S'il suffit au médecin et au chirurgien de connaître
362 PHYSIOLOGIE.
le point d'où partent les réactions excito-motrices de
l'écorce cérébrale, et auquel les paralysies du mouvement
et de la sensibilité générale doivent être rapportées,
le physiologiste et le psychologue ne sauraient natu-
rellement se contenter de ces données empiriques.
Certaines régions du cerveau sont en rapport avec les
fonctions motrices ou sensitives de telle ou telle partie
du corps : cela suffit, je le répète, à la pathologie
interne et externe. Mais quelle est la nature de ces
centres corticaux, qu'on a appelés « moteurs » parce
que, en effet, leur excitation expérimentale ou leur
irritation pathologique détermine des réactions
motrices, simples ou convulsives, de la face, des
extrémités et du tronc, suivant l'intensité et la durée
de l'excitation des cellules nerveuses de ces centres ?
Rien de plus net que les paralysies motrices qui succè-
dent à l'ablation et aux lésions destructives des
mêmes aires corticales ; mais de quelle nature sont
ces phénomènes de parésie ou de paralysie des
mouvements ? Le chien auquel on a enlevé les deux
gyrus sigmoïdes ne présente point pour cela de para-
lysie motrice proprement dite, si l'on entend par ces
mots un défaut absolu de motilité. Personne, pas
même Munk, n'a jamais soutenu rien de semblable (1).
Si un lapin, dont le cerveau tout entier a été enlevé,
peut encore courir, pourquoi l'ablation des zones
motrices du chien, une fois les effets du traumatisme
opératoire disparus, empêcherait-elle cet animal de
courir, de nager, d'exécuter tous les mouvements
possibles, - à l'exception toutefois de ceux dont les
' Hitzig. - {Mer Funktionen des Gl'osshims (Biologisches Central-
6'art, VI, 188(;, 5(j ! J-70.
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 363
représentations idéales ont été pour toujours détruites
par l'ablation de leur substratum organique, c'est-à-
dire des deux gyrus sigmoïdes ? Ainsi tombent les
arguments spécieux de l'éternelle polémique de
Goltz contre la doctrine nouvelle des localisations
cérébrales. De ce qu'un chien peut marcher, courir,
sauter, éviter les obstacles, broyer et déglutir ses
aliments, bref, exécuter tous les mouvements auto-
matiques et réflexes, tous les mouvements associés et
profondément organisés, dont l'intégrité des centres
bulbo-médullaires est la condition nécessaire et suffi-
sante, il ne suit pas qu'il puisse présenter volontai-
rement la patte, la retirer devant une aiguille
menaçante, ou s'en servir avec adresse pour saisir
un os.
Ces troubles de la motilité volontaire, ni Hitzig,
ni Munk ne les ont jamais vus s'amender et
disparaître quand les régions motrices avaient été
exactement enlevées sur les deux hémisphères; dans
le cas contraire, une portion de ces centres avait
sûrement été épargnée. Aussi tout le monde sera
d'accord avec Goltz, avec l'adversaire le plus déter-
miné que la doctrine scientifique des localisations ait
rencontré, lorsqu'il écrit qu'après une lésion pro-
fonde, bilatérale, du cerveau antérieur, « les chiens
ont perdu la faculté de faire jouer certains groupes
de fibres musculaires d'une manière appropriée dans
certains actes ». Mais encore quelle est la nature de
ces troubles du mouvement volontaire consécutifs aux
destructions de la zone motrice ? « Je les ai considérés,
dit Hitzig, dans deux travaux de 1837 et de 1876,
comme l'expression de troubles de l'activité représen-
364 PHYSIOLOGIE.
tative », c'est-à-dire comme l'effet de la destruction
des images motrices de telles ou telles catégories de
mouvements volontaires. Si donc l'animal opéré
n'exécute plus certains mouvements, ou ne le fait
que d'une façon défectueuse, ce n'est pas
parce que ses muscles sont paralysés : c'est parce
qu'il ne peut plus se représenter idéalement ces
mouvements.
Voilà une solution, mais ce n'est qu'une solution
d'un problème qui en comporte tant d'autres !
A côté, en effet, de la théorie de Fritsch et Hitzig,
de Nothnagel et de Bastian (avec cette réserve, que
celui-ci sépare le sens musculaire des autres éléments
constituants de la kinesthésie), théorie pour laquelle
les centres dits moteurs de l'écorce cérébrale sont les
origines centrales du sens ou de la conscience mus-
culaire, il y a la théorie de Schiff, suivant laquelle les
troubles de la motilité d'origine cérébrale résultent
de la perte de la sensibilité tactile dans les parties
correspondantes du corps, si bien que la zone
motrice ne serait qu'une manière de surface sensible,
dont les réactions provoquées seraient identiques à des
réflexes.
Il y a la théorie de Munk, pour qui la prétendue
zone motrice, subdivisée en « sphères sensibles », où
sont conservées et associées les images nées des
sensations cutanées, musculaires et d'innervation des
régions correspondantes du corps, ne détermine des
mouvements ni directement ni d'une façon réflexe,
mais par évocation de ces images ou représentations
mentales de la sensibilité générale et du mouvement.
Il y a la théorie, absolument motrice, de David Fer-
LES FONCTIONS DU CERVEAU. ' 365
rier, dont les centres moteurs sont tout à fait dis-
tincts anatomiquement des centres de la sensibilité
générale et du sens musculaire. Il y a la théorie de
Charcot, pour qui les centres moteurs corticaux sont
le siège des représentations motrices qui précèdent
nécessairement l'accomplissement d'un mouvement
volontaire, tandis que le sens musculaire, ou plutôt
la sensibilité kinesthésique de Bastian, serait localisé
dans les centres corticaux de la sensibilité, où pour-
rait avoir lieu le rappel idéal de ces images.
Il y a la théorie de François Franck, qui, adversaire
de la théorie de centres moteurs par eux-mêmes,
autonomes, incline décidément vers la théorie de
l'influence réflexe des éléments excitables de l'écorce,
et pour qui la zone motrice, assimilée à une surface
sensible périphérique, n'est que le point de départ
d'incitations motrices volontaires, l'appareil incitateur
de réactions motrices volontaires, dont les véritables
appareils moteurs ou d'exécution sont les cellules
nerveuses du bulbe et de la moelle. « Psychologique-
ment, a écrit M. Gley, ces organes de l'écorce appa-
raissent comme des centres de représentations des
divers mouvements qui déterminent la véritable
action motrice, par un mode assimilable au méca-
nisme purement réflexe. » C'est bien cela. Ces points
de l'écorce sont, pour François Franck, des centres
d'association volontaire, plutôt que des centres moteurs
proprements dits. Ces centres, il les appelle « psycho-
moteurs », parce qu'ils commandent par leur action
toute psychique à de véritables appareils moteurs.
« En envisageant, dit-il, les mouvements produits par
l'excitation de points déterminés de l'écorce céré-
366 PHYSIOLOGIE.
brale comme analogues aux mouvements réflexes, la
différence essentielle entre les mouvements ainsi
provoqués et les réflexes ordinaires consisterait dans
le point de départ, ici cérébral, là cutané, mais en
tout cas périphérique par rapport au centre du mou-
vement (centres médullaires) » (1). Aussi le faisceau
pyramidal, qui transmet aux centres moteurs bulbo-
médullaires les incitations motrices de l'écorce céré-
brale, constitue-t-il, au point de vue physiologique,
un système afférent aux cellules motrices du bulbe et
de la moelle.
Il y a la théorie des confluents. Mais les résultats
contradictoires des expériences de « circonvallations »
ou d' « isolement » (2), instituées par François Franck
Système nerveux. - Physiologie. Dictionnaire des sciences médicales
de Dechambre, 2" série, XII, 577. Cf. Leçons sur les fonctions motrices du
cerveau, 299.
1 Après la section circulaire ou circonvallation d'une région limitée,
éprouvée comme motrice, F. Franck et Pitres ont vu se conserver les
mouvements dépendant de la section corticale circonscrite, et la paralysie
motrice succéder à l'ablation de la même région, si bien que « les
points dits centres moteurs conservent tout au moins une influence
directrice sur le mouvement, malgré leur séparation du reste de
l'écorce ». (Leçons sur les fondions motrices du cerveau, p. 371.) Tout
au contraire, Manque, après l'isolement du gtrus sigmoïde, c'est-à-dire
après la section des fibres d'association qui rattachent ce territoire mo-
teur aux régions voisines (frontale, temporale et pariéto-occipitale),
constate des phénomènes paralytiques, identiques il ceux qui suivent
l'ablation dugyrus sigmoide lui-inètne. 31ariqtie en conclut queles centres
moteurs n'ont point de fonctionnement spontané, autonome, et que
leur mise en activité est subordonnée aux excitations venant des régions
sensorielles voisines, surtout de la région pariéto-occipitale, par un
mécanisme analogue à celui des centres réflexes médullaires (Recherches
expérimentales sur le mécanisme de fonctionnement des centres psycho-
moteurs du cerveau. Bruxelles, 1885, p. 104, 125). Cf. Vareth (sous la
direction d'Exner), Unlersuchung iibei, Lage, Ausdeltnzl11g und Bedeutung
dermotorischen Rindenfelder an elet, Ilimobcrfloeche des lizindes, 1885.
(Congrès des naturalistes et médecins allemands de Strasbourg, 1885).
- Exner et Jos. Paneth. Vcrsuche über die Folgen der DIl1'chsclmeidung
von Associations{asel'1l am Hundehirn (A2ch. f. d. gesamm. Physiologie,
1889, XLIV).
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 367
et Pitres, par Manque, par Vareth, par Exner et
Paneth, ne permettent guère encore de décider si les
« centres moteurs » ont ou n'ont point par eux-mêmes
d'influence directrice sur les mouvements, si leur
activité est subordonnée à celle des autres aires fonc-
tionnelles de l'écorce, des centres de la sensibilité
générale et spéciale, bref, si ces prétendus moteurs
de la machine animale doivent, pour agir, être
actionnés par le reste du cerveau. Que l'on songe
aux cas bien constatés d'aphasie motrice et
d'agraphie consécutifs à des surdités et à des cécités
verbales.
Stricker, qui a tant insisté sur les images motrices,
dit expressément que toute représentation de ce genre
est accompagnée de sensations musculaires, si bien
que la vue seule d'un objet en mouvement ne saurait
faire naître en nous aucune idée motrice : pour qu'elle
naisse, il nous faut reproduire ces mouvements avec
ou sans conscience; les résidus de ces sensations mus-
culaires constituent seuls la condition du réveil de
l'image motrice. Quand il se représente, par exemple,
le vol des nuages, Stricker éprouve dans les muscles
des yeux les mêmes sensations que s'il suivait en réa-
lité les nuages ; s'il cherche à arrêter cette sensation
musculaire, l'image du nuage en mouvement s'arrête
aussitôt : la nuée paraît immobile '.
Enfin, et pour ne rien dire d'autres théories encore
sur la nature probable des fonctions motrices du cer-
veau, il y a celles des auteurs italiens, dont nous de-
vons uniquement nous occuper ici. Ainsi, pour Lus-
o Stricker. - Stlldien übeJ' die Betuegttugseorslellungett. Wien, 1882. A.
§ 1-6.
368 PHYSIOLOGIE.
sana et Lemoigne, « les centres de l'innervation
motrice ont leur siège en dehors des hémisphères cé-
rébraux » : ceux-ci peuvent bien, sous l'influence du
stimulus électrique porté sur certaines régions de
l'écorce, déterminer l'activité volontaire des vrais
centres de l'innervation motrice, mais ils ne le font
qu'à la manière des sensations qui déterminent des
mouvements réflexes '. Quant à la théorie que Tam-
burini, Luciani et Seppilli ont élaborée, depuis 1876,
c'est une théorie mixte, frappée au coin du génie
éclectique des Italiens. Loin de subordonner les
troubles du mouvement aux altérations des organes
centraux de la sensibilité, elle considère la zone mo-
trice comme constituée à la fois par des centres de
sensibilité cutanée et musculaire, d'une part, et, d'autre
part, par des centres d'idéations motrices.
Avant d'indiquer l'évolution de cette doctrine chez
les auteurs italiens eux-mêmes, rappelons que depuis
les expériences de Goltz et de Tripier, les cliniciens
ont ressemblé un nombre toujours croissant de faits
en faveur de la nature mixte des fonctions de la zone
excitable du cerveau. Outre Tripier, Petrina, Kahler
et Pick, Wernicke, Binswanger, Bernhardt, il est peu.
de médecins et de physiologistes qui n'aient recueilli
des cas de paralysie de la sensibilité générale et du
mouvement, ou de la sensibilité générale seule, dans
les lésions destructives des circonvolutions centrales et
pariétales. Dès 1882, Lisso avait réuni 88 cas de
troubles de la sensibilité générale observés dans les
lésions corticales de la zone motrice. C'est cette zone
. 1 Lllssana et Lemoigne, Des centres moteurs encéphaliques (Arch. de
physiol. norm. et p2tlaol., 1877).
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 369
que Tripier et Gilbert Ballet ont appelée « sensitivo-
motrice ». Exner, enfin, professe, on le sait, que « les
différents centres ou territoires de la sensibilité tactile
des diverses parties du corps se confondent en général
avec les centres ou territoires moteurs de l'écorce cé-
rébrale ». Les temps sont donc loin où de grands cli-
niciens, tels que Nothnagel en 1879, dans son livre
sur le Diagnostic topique des maladies du cerveau, et,
plus tard encore, Charcot, pouvaient passer devant
ces phénomènes sans être frappés de la rencontre fré-
quente des troubles de la sensibilité générale et de la
motilité volontaire dans les lésions des centres moteurs
du cerveau '.
Aujourd'hui Nothnagel ne croit pas encore, non
plus que Charcot, qu'on puisse dire sans réserve que
les lésions des parties de l'écorce qui déterminent des
paralysies motrices entraînent après soi des troubles
de la sensibilité cutanée. Nothnagel incline certaine-
ment à localiser ceux-ci dans les « lobes pariétaux »,
où, depuis longtemps déjà, il a localisé le sens mus-
culaire. Nothnagel dissocie donc les centres de la mo-
t Déjérine. Etude sur l'aphasie. (Rev. de médecine, 1885, p. 183.)
« Ces troubles de la sensibilité cutanée... accompagnent le début de la
paralysie elle-même dans la plupart des cas, quelquefois même ils peu-
vent précéder cette dernière. Ces phénomènes ne sont point rares dans
le cours des hémiplégies d'origine corticale et méritent d'être étudiés
avec soin... » Dans le cas de Déjérine, la zone motrice corticale était
seule lésée; les conducteurs sensitifs étaient indemnes. - Cf. Dupuy,
De la perte de la sensibilité après la destruction des centres moteurs.
L'auteur rappelle que Horsley, au congrès de Brighton (188G), a rapporté
qu'après avoir fait l'ablation des centres moteurs corticaux chez trois
malades qui présentaient des accès épileptiformes symptomatiques de
lésions cérébrales, la sensibilité avait été altérée ou abolie après l'opéra-
tion. Soc. de biologie, 30 oct. 1SSG. Ziehen, Ueber eine frülte Stce)·tl7tg
der SensiGilil.x'l bei Demertlia paralylica. Neurol. Centralblatt, 1886,
480. De même que les fonctions motrices de l'écorce, celles de la sensi-
bilité générale ne laissent pas d'être altérées au début de la paralvsie
générale progressive des aliénés.
Archives, t. XVIII. 24
370 PHYSIOLOGIE.
tilité volontaire, de la sensibilité musculaire et des
autres modes de la sensibilité générale, car s'il existe
souvent des formes mixtes des altérations fonction-
nelles de ces centres, ils sont aussi quelquefois lésés
- isolément. Nothnagel croit donc que l'existence des
paralysies du sens musculaire sans paralysies mo-
trices est d'une importance capitale pour une con-
ception théorique de la nature des paralysies corti-
cales motrices. Selon lui, le lobe pariétal soutiendrait
les mêmes rapports avec les circonvolutions centrales
et le lobe paracentral, que la circonvolution de Broca,
par exemple, avec le centre moteur cortical de l'hy-
poglosse. Une lésion de la circonvolution de Broca
peut produire une aphasie motrice sans paralysie de
l'hypoglosse; d'autre part, une lésion du territoire
cortical de l'hypoglosse peut déterminer une paralysie
pure de l'hypoglosse. De même, une lésion du lobe
pariétal pourrait produire une ataxie pure des extré-
mités sans paralysie motrice, et, d'autre part, une lé-
sion des circonvolutions centrales déterminer une
paralysie motrice sans abolition du sens musculaire '.
Pour localiser dans d'autres régions que D. Ferrier
les centres du sens musculaire et de la sensibilité cu-
tanée, on ne saurait nier que ces vues dernières de
Nothnagel ne nous ramènent aux doctrines du célèbre
physiologiste anglais, pour qui les fonctions de la
zone motrice sont distinctes de celles des centres cor-
ticaux de la sensibilité cutanée et musculaire.
Ce rapide aperçu des principales conceptions théo-
riques de la nature des fonctions motrices de l'écorce
1 Nothnagel . - Weber die Localisation der Gehirnkrankheiten. Wies-
baden, 1887, p. H-18.
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 371
cérébrale, peut donner une idée de la complexité des
problèmes qui restent à résoudre avant de posséder
une connaissance vraiment scientifique, et non pas
purement empirique, de ces phénomènes. Il faut avoir
toujours présentes à l'esprit la plupart de ces difficul-
tés quand on aborde ces hautes questions de physio-
logie cérébrale. La clarté de l'esprit, la beauté des
raisonnements et toutes les subtilités de la dialectique
ne sont ici d'aucun secours pour l'avancement des
questions. Les solutions qu'on serait tenté de propo-
ser n'auraient de valeur qu'autant qu'elles explique-
raient tous les faits connus et ne seraient en contra-
diction avec aucun. Or la seule connaissance de ces
faits, leur classement, leur examen critique exigent
déjà un très long temps. Plus l'enquête aura été éten-
due et sévère , moins le physiologiste sera tenté d'a-
jouter de nouvelles hypothèses à celles qui existent
déjà. Ce qui semble clairement intelligible à des es-
prits novices, lui apparaît souvent fort obscur. Comme
François Franck, qui est peut-être l'homme du inonde
qui a le plus réfléchi sur la nature fonctionnelle des ré-
gions excitables de l'écorce cérébrale, le physiologiste et
le clinicien avoueront sans doute, après bien des années
d'études expérimentales etanatomo-cliniques,qu'ilsont
conscience de leur ignorance des processus cérébraux.
II.
Entre toutes les conceptions théoriques de la nature
des fonctions motrices du cerveau, celle qui domine
et l'emporte chez les physiologistes et chez les clini-
.'372 PHYSIOLOGIE.
,tiens italiens, dans les années qui suivent la décou-
verte de Fritsch et Hitzig, est décidément hostile à
'Hitzig et à Nothnagel comme à Schiff et à Goltz ; elle in-
.c11ne du côté de Ferrier. En d'autres termes, les phéno-
mènes d'ordre moteur, consécutifs aux lésions destruc-
tives, soit expérimentales, soit pathologiques, de la
zone motrice, ne semblent pas être de nature ataxique
ou réflexe. Albertoni et Michiel il, Lussana et Lemoigne 2,
Tamburini, Luciani, Seppilli, Maragliano, Bianchi z,
'Palmerini \ Tonnini, etc., considèrent ces troubles
^moteurs comme parétiques ou paralytiques. Ainsi,
.après avoir déclaré inadmissibles les hypothèses de : Schiff, de Hitzig et de Nothnagel, Dario Maragliano
-écrivait que les points de l'écorce cérébrale dont l'ir- : ritation donne lieu à des phénomènes moteurs, et la
- destruction à des paralysies, doivent être regardés
comme «de vrais centres moteurs volontaires, capables,
sans l'intermédiaire d'aucun autre centre moteur, de
tfaire fonctionner les divers appareils musculaires ae.
Siii centri cerebrali di movimento (Sperintentale, 1876).
' Des centres moteurs encéphaliques. Recherches physio-pathologiques .
Arch. de phys. norm. et patlIol., 1877, 2° sér., iv, 119 et suiv. « La
destruction des centres corticaux entraîne une parésie des mouvements
qui en dépendent habituellement, » p. 135. Les viais centres d'innerva-
rtion motrice ne sont pas d'ailleurs, pour ces auteurs, ainsi que nous
.l'avons déjà rappelé, dans l'écorce cérébrale, mais dans « cet tains centres
pédonclilaires encéphaliques. »
3 Sulsignificato della eccitazione elettrica della zona motrice corticale.
- Archivio ilal, perle malalie nervosc, 1881. « Ces centres sont de
- vrais centres moteurs psychiques... Il n'est pas prouvé que la fonction
dévolue aux centres moteurs volontaires puisse être accomplie par
d'autres contres cérébraux; cela paraît même improbable. »
* Tre casi di 2-ai7vizollinientocei-ebi-ale nell'emisfero sinislro intéressante
la circonvoluzione frontale ascendente. (Anchivio ital. per le mal. nerv.,
1877, XIV, 303.)
, D. Maragliano (di Ileggio). Le localizrizioni mol1'ici nella corleccia
cerebrale sludiate specialmenle del lato clinico. Itivist. speriment. di
.fienial7la, (1878, p. 1 et 307).
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 37
Luciani et Tamburini n'étaient pas moins nets :
après la destruction des centres corticaux des membres,.
ils n'avaient toujours constaté que des phénomènes-
paralytiques ou d'abolition de la motilité, jamais de-
phénomènes ataxiques ou d'incoordination des mouve-
ments'. Ces phénomènes, plutôt parétiques chez les-
chiens, plutôt paralytiques chez le singe, mais toujours-
transitoires, avaient une durée en rapport avec l'éten-
due des aires corticales détruites. Mais ce qu'il im-
porte ici de noter c'est, d'une part, que ces auteurs-
avouent que, longtemps après encore, un examen mi-
nutieux permet de constater des traces de la persis-
tance de ces troubles. D'autre part, ils répètent que-
l'examen des diverses formes de la sensibilité cuta-
née, y compris le sens du toucher, n'a jamais révélé-
aucune altération de cette fonction chez les animaux.
opérés de la zone motrice. Ainsi, les aires excitables-
du cerveau sont des centres moteurs, et ne sont pas-
autre chose. Si, au lieu d'être suivie d'une paralysie,
leur destruction n'entraîne qu'une parésie des muscles-
correspondants, la nature de ces centres n'en appa-
raît pas moins comme motrice. Ce qui est vrai, c'est
que ces aires motrices de l'écorce cérébrale ne sont
pas les seuls et uniques centres des muscles volon-
taires, c'est que les ganglions de la base, les corps-
striés en particulier, sont, eux aussi, des centres mo-
teurs, et non pas seulement des centres de mouve-
ments automatiques (Ferrier), mais de vrais centres-
de mouvements volontaires. Du même coup, ces au-
1 Ricel'che spel'imentali sulle (lInioni del cel'vello. Sui centl'i psico-
motori corticali. Riv, sperinzenlate di freniatria, IV-V, 1878-79. A.
part : Reggio-Emilia, tip. di Stef. Calderini, 1878.
374 4 PHYSIOLOGIE.
teurs italiens expliquaient les suppléances des fonctions
motrices détruites, le caractère transitoire des troubles
moteurs et le retour de la motilité volontaire dans les
parties frappées de paralysie, sans recourir à aucune
des théories proposées jusqu'à eux : ils les répudient
toutes, celles de Flourens et de ses successeurs, tels
que Longet et Vulpian, comme celles de Hitzig, de
Soltmann, de Carville et Duret et de Ferrier lui-
même.
Cela ne laisse pas d'être assez piquant, car cette
théorie de Luciani et de Tamburini porte bien la
marque d'origine du physiologiste anglais. J'estime
même, sans croire pour cela que Ferrier ait raison,
que Luciani aurait sagement fait de ne point dépas-
ser de si haut les vues déjà bien hardies de son de-
vancier. Ferrier, on lésait, voit dans le corps strié un
centre où les mouvements primitivement volontaires et
appris tendent à s'organiser, à devenir automatiques,
si bien que le chien privé de ses centres corticaux
moteurs, de ses « centres de motilité volontaire »,
comme il les nomme après Carville et Duret, peut
continuer à courir, à nager, etc. En réalité, ce chien
a perdu tout ce qu'il y avait de volontaire dans ses
mouvements : il n'a conservé que ce qu'il y avait
encore d'automatique, d'organisé, dans les ganglions
de la base. Ferrier ruine ainsi radicalement la doc-
trine des suppléances fonctionnelles telle que l'ont
admise les auteurs. Mais Luciani n'est pas convaincu
du pur automatisme des mouvements du chien, soit
avant toute éducation, soit après l'ablation bilatérale
des deux gyrus sigmoïdes.
Nous pourrions nous arrêter un moment dans cette
i LES FONCTIONS DU CERVEAU. 37 S
analyse et nous demander comment un physiologiste,
en distinguant ainsi les mouvements volontaires des
mouvements automatiques ou réflexes, peut laisser
croire qu'il les tient en effet pour distincts quant à
leur nature, et contribuer ainsi à perpétuer la doc-
trine équivoque de la volonté. Certes, un pareil re-
proche ne saurait s'adresser à Ferrier, qui, souvent
profond à force de simplicité et de franchise, est
toujours d'une correction parfaite dans les questions
de psychologie physiologique. Par volontaire, il en-
tend naturellement un mouvement qui résulte de l'in-
tensité actuelle d'un groupe d'images prépondérant.
Quand le substratum organique de ces représentations
mentales est détruit, il ne peut plus exister de mou-
vement volontaire. Rien de plus évident.
Luciani l'entend bien ainsi. Les mouvements exci-
tés par les centres corticaux, dit-il, ont le caractère de
mouvements purement volontaires; ils sont l'expres-
sion objective des modifications de la conscience qui,
dans leur ensemble, constituent la volonté. Ces centres
corticaux sont bien des centres de la motilité volon-
taire. « Aussi n'appelons-nous pas ces centres corti-
caux simplement moteurs, mais hsJc7ao-nzotetcrs. »
Toutefois, pour conserver le caractère intentionnel et
voulu aux mouvements des mammifères privés de
leurs centres moteurs corticaux, Luciani et Tamburini
ont admis non seulement des centres moteurs corti-
caux et des centres moteurs basilaires : ils ont doué
ceux-ci des mêmes propriétés psychiques fonda-
mentales que ceux-là, ce que Ferrier n'a point fait.
Tout nous induit à conclure avec nécessité, disent ex-
pressément ces auteurs, que « les ganglions basilaires,
376 PHYSIOLOGIE.
et spécialement les corps striés, peuvent avoir effecti-
vement la valeur physiologique de centres de la
motilité volontaire, ou de centres pouvant être mis
directement en action par des processus psycho-sen-
sitivo-sensoriels ». Cette opinion, ils nous la donnent
comme une manière de voir (concello) qui résulte de
leurs expériences sur les singes. Ainsi, comme l'attri-
bution de fonctions « psycho-motrices », partant vo-
lontaires, aux centres basilaires, implique l'idée
(concetlo) que « ces centres sont en connexion anato-
mique directe avec les centres psychiques et avec les
centres de la sensibilité, et non pas seulement avec
les centres psycho-moteurs de l'écorce, ainsi qu'on
l'admet », on doit supposer que « des fibres intercen-
trales relient les corps striés aux diverses régions de
l'activité cérébrale ». Une excitation partie des
« centres psychiques », par exemple, et constituant
une détermination volitive, pourrait suivre deux voies
pour se transformer en impulsion motrice : 1° celle
des centres psychomoteurs corticaux; 2° celle des
faisceaux blancs qui, sans aucun doute (indubitu-
mente), relient les « centres de l'idéation », comme
toutes les autres régions corticales, aux ganglions
sous-corticaux. Les auteurs italiens se défendent
d'ailleurs d'attribuer une nouvelle fonction - une
fonction psychique- aux ganglions de la base : il leur
suffit, disent-ils, d'avoir démontré (car ils croient
l'avoir fait, et les hypothèses gratuites de tout à
l'heure sont déjà devenues pour eux des faits bien et
dûment prouvés) qu'il existe, entre les ganglions de
la base et les « centres psychiques », des rapports
anatomiques de nature à déterminer directement l'ac-
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 377
tivité des fonctions volontaires des corps striés, et cela
sans que les centres volontaires de l'écorce aient à in-
tervenir.
Puisque Luciani et Tamburini se sont placés, dans
ce premier mémoire, sur le terrain anatomique pour
édifier leur hypothèse des fonctions psycho-motrices
des ganglions de la base, et des corps striés en parti-
culier, restons-y. Sans doute, à l'époque où ils
écrivaient ce travail, ils subissaient l'influence des
doctrines régnantes sur la nature fonctionnelle des
corps striés : pendant plus d'un sièçle, on les a consi-
dérés comme des centres moteurs, et l'on a attribué
l'hémiplégie typique à la lésion de ces ganglions. On
sait aujourd'hui que les paralysies motrices dues aux
hémorrhagies du noyau lenticulaire ou du noyau
caudé résultent simplement d'une action à distance
exercée sur la capsule interne, et que ces paralysies
rétrocèdent, ce qui n'est pas le cas lorsqu'une lésion
destructive intéresse la capsule interne elle-même et a
interrompu la continuité de ses faisceaux'. Lépine,
Bourneville, Bramwell, James Ross. Fùrstner, ont
souvent trouvé le noyau lenticulaire et le noyau
caudé complètement détruits et transformés en kystes
sans qu'il ait existé de paralysie motrice, pourvu que
la capsule interne fût demeurée intacte. Les recherches
expérimentales de François Franck et Pitres, dont on
connaît les résultats contraires à ceux de Ferrier, de
Nothnagel, de Carville et Duret, ont même trouvé
inexcitables les noyaux lenticulaires et caudés.
1 C'est à ces idées que Seppilli se range dans son récent travail sur les
Tumeurs cérébrales, d'une érudition si étendue et d'une doctrine scien-
tifique si élevée. V. Tumori cerebrali, p. 68. In Biblioteca medica con-
tempo de Vallardi, 1889. l'. n.
378 PHYSIOLOGIE.
D'autre part, il y a beau temps qu'on ne fait plus
passer les faisceaux pyramidaux il travers les masses
grises des corps striés, et que les impulsions motrices
volontaires émanant de l'écorce cérébrale prennent
une autre route. De ce que les fonctions motrices, si
longtemps attribuées aux ganglions de la base, doivent
être revendiquées, à titre de simple conduction, il est
vrai, par les faisceaux blancs du tiers postérieur de la
capsule interne, il n'en suit pas, naturellement, que
les corps striés n'aient point de fonctions. Seulement,
à dire le vrai, on .ignore encore quelles sont ces fonc-
tions, et, quelque séduisante que fût l'hypothèse an-
cienne sur la suppléance des fonctions de l'écorce
cérébrale par les corps opto-striés', il n'y a sans
doute plus lieu de s'y arrêter, à moins peut-être qu'on
ne le fasse avec la réserve et la sobriété de David
Ferrier.
Mais que dire de l'hypothèse de Luciani et de Tam-
burini, hypothèse qui repose sur l'existence indémon-
trée de faisceaux de projection reliant directement les
corps striés aux centres corticaux de la sensibilité et à
de prétendus « centres psychiques » ? ?
La masse grise des corps striés ne paraît avoir au-
cune connexion directe avec l'écorce du cerveau. Des
faisceaux de fibres isolées pénètrent bien de la subs-
tance blanche du centre ovale dans le noyau leiitieu-
1 Pour Lussana et Lemoigne, les couches optiques seraient des centres
d'innervation motrice du bras, de la main et des doigts, par conséquent
du membre supérieur. L'extrémité inférieure serait au contraire en
rapport avec le corps strie. Le développement des couches optiques chez
l'homme correspondrait au degré exquis d'innervation motl icr dont jouis-
sent ses doigts et ses mains. Les paralysies produites par les lésions de
ces centres moteurs seraient proportionnelles iL l'étendue des lésions.-
Des centres moteurs encéphaliques, 1877, 1. 1.
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 3ïH )
laire, mais on ignore si ces faisceaux sont en relation
réelle avec la substance grise du cerveau (Flechsig,
Wernicke, Gowers). Même incertitude sur les rapports
anatomiques de la tête du noyau caudé avec diverses
régions de l'écorce. Tout ce qu'il est permis d'affirmer,
c'est que le corps strié est dans les mêmes rapports
avec le pédoncule cérébral (pied et calotte) et avec le
cervelet, que l'est le thalamus avec l'écorce du cer-
veau. Enfin, des récentes recherches de Marchi, dont
nous parlerons, sur la structure histologique des corps
striés et des couches optiques, il résulte que les corps
striés auraient surtout des fonctions sensitives, et non
motrices, mixtes en tout cas '.
A la vérité, les résultats d'une récente étude expé-
rimentale de Baginsky et de Lehmann, sur la Fonction
du corps strié [noyau caudé), seraient en partie favo-
rables aux vues de Luciani 2. -
1 En Italie, Bianchi a soutenu récemment au cours de recherches expé-
rimentales, faites avec d'Abundo, sur les dégénérations descendantes,
que le corps strié, contrairemenc il ce qu'enseigne \Verl1lcke, est en
connexion intime avec l'écorce cérébrateau moyen d'un système défibres
de la couronne rayonnante (distinct du faisceau pyramidal), et s'atrophie
secondairement aux lésions destructives de la zone motrice. Il en résulte-
rait que la restitution partielle des tondions de cette zone après la se-
maine qui suit l'opération, ne peut-être effectuée ni par le noyau caudé
ni par le noyau lenticulaire, « car l'h) perfonction ne saurait aller de
compagnie avec l'hypotrophie et la dégénération ». Blanchi se confirme
donc de plus eu plus dans on idée que la suppléance fonctionnelle ob-
servée est due aux parties restées indemnes de l'écorce cérébrale elle-
même. Die in's Gehil'7l und 7 ! Mc ? e ? : H ! fn'c/f herabsteigenden experimenlalen
Degeneralionen als Beilrag ziiî, Lettre von den cerebralen Localisirungen.
Deutsclie Uehers. von Dr G. d'Abundo. - Neurologisches Centralbl.
1886, 385, sq. Le texte italien est plus développé : Le degenerazioni spe-
rimenlali net ceruello e net midollo spinale. A contributo delta doltrina
delle localizzazioni cerebrali. Per Bianchi e d'Abundo. Estr. dal Giorn.
La Psiçhiatria. Napoli 1886. -
e Ad. Baginsky und Curt Lehmann. Zw' FZl1lction des corpusslrialuna
(nucleus caudatus). Expel'imentelle Sludie. - Arch. f. patliol. Anatomie
und Physiologie. Berlin, 1886, t. 106, p. 258 sq.
380 PHYSIOLOGIE.
Ces auteurs ont trouvé que les troubles du sens
musculaire, la diminution de la tension musculaire,
et même les légers états parétiques de quelques groupes
de muscles, sans paralysie ni anesthésie véritables,
consécutifs aux lésions destructives du noyau caudé,
sont tout à fait de même nature que les altérations de
la motilité qui suivent les mêmes lésions de la zone
motrice corticale. Si l'animal survit assez longtemps
au traumatisme opératoire, tous ces troubles d'inner-
vation motrice, dus aux lésions du noyau caudé, fini-
raient par s'amender, comme ceux qui suivent les
destructions de l'écorce. Tels sont les principaux
troubles, - avec une excitation psychique très vive de
l'animal, qui est pris de peur, d'angoisse, et cherche
à échapper par la fuite, - que la physiologie expéri-
mentale constate aujourd'hui dans les lésions du
noyau caudé. Tous les phénomènes traditionnels dé-
crits par les auteurs, depuis Magendie jusqu'à Noth-
nagel, - l'impulsion irrésistible à courir, à accomplir
des mouvements de manège, les paralysies totales des
extrémités, les contractures des muscles de la nuque,
le ralentissenent de la respiration, la courbure de la
colonne vertébrale, etc. étaient certainement dus à
des lésions qui avaient intéressé en même temps la
capsule interne, le noyau lenticulaire, la couche op-
tique. Il n'y aurait donc pas lieu d'attribuer d'autres
fonctions aux cosps striés qu'aux parties sus-jacentes
de l'écorce cérébrale. « Les corps striés, disent expres-
sément Baginsky et Lehmann, forment une partie in-
tégrante des appareils ganglionnaires de l'écorce
cérébrale située au-dessus. » Mais il existe des faits,
que ces auteurs ont constatés à leur tour, peu conci-
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 381
liables avec cette interprétation de la nature fonction-
nelle des corps striés.
Je veux parler des faits très nets de thermogénèse,
d'hyperthermie, qui suivent les lésions du corps strié,
faits bien démontrés depuis les expériences et les
observations cliniques d'Aronsohn et de Sachs, de
Girard, d'Ott et Colmar, de Sawadowski, de Haie
White, de Horsley, de Guicciardi et de Petrazzani.
Pour ne parler ici que de ces deux auteurs italiens,
qui ont attribué à un petit kyste hémorrhagique,
trouvé dans le noyau caudé gauche, des phénomènes
d'hyperthermie unilatérale observés dans un cas
d'hémiplégie motrice droite, l'observation clinique
et anatomo-pathologique qu'ils rapportent n'est peut-
être pas de nature à bien établir la réalité d'une
localisation de centres thermo-régulateurs dans le corps
strié. Ils conviennent eux-mêmes qu'il ne s'agissait
peut-être que d'un symptôme bien connu de l'hémi-
plégie, de troubles vaso-moteurs locaux, et non d'une
augmentation diffuse de la température, comme dans
les expériences : le siège circonscrit de la lésion, aussi
limitée que Nothnagel et Charcot l'auraient pu sou-
haiter, les a engagés à publier ce cas.
Mais Baginsky et Lehmann, en enfonçant une aiguille
dans la tète du noyau caudé, mis à découvert par l'ouver-
ture des ventricules latéraux, ont aussi constaté une élé-
vation rapide de la température qui, mesurée dans le
rectum, s'éleva en quelques secondes jusqu'à 41°,6C,
et resta quatre jours stationnaire, pour retomber à la
'Délie piurecenli localizzazioni di centri lernzo-regolatori nel corpo
slrialo. Nota clinico-critica. (Dall' Istituto psichiatrico di Heggio). -
- Hiv. sperimezat. di freniatria, 1886, 399 sq.
382 PHYSIOLOGIE. ·
normale. Or, comme ces phénomènes de thermogénèse
se montrent déjà, ainsi qu'on 10 8a't depuis les pre-
mières recherches de Hitzig (1874), dans les lésions
superficielles de l'écorce de la zone motrice ', sans
que les ventricules latéraux aient été ouverts, ni que
le noyau caudé ait par conséquent à intervenir, peut-
être cette hyperthermie consécutive aux lésions du
corps strié pourrait-elle être invoquée comme un nou-
vel argument de l'identité de fonctions des corps striés
et du cerveau. En somme, les résultats de la physio-
logie et de la clinique seraient jusqu'ici plus favo-
rables aux vues de Luciani et de Tamburini que ceux
de l'anatomie.
Quoi qu'il en soit, dans l'état actuel de nos connais-
sances, la route qui, suivant les auteurs italiens, relie-
rait les corps striés aux aires corticales de la sensibilité
et aux «centres psychiques » du cerveau, est au moins
aussi imaginaire que le château de nuages où elle
conduirait. J'appelle ainsi la survivance métaphysique
qui se perpétue dans l'idée, dénuée de tout fondement
expérimental ou clinique, de ces « centres psychiques »,
admis encore par tant de psychologues et de mé-
decins.
Il ne reste donc rien, croyons-nous, de l'hy-
pothèse aventureuse dont nous venons de montrer la
fragilité. Ce qui, dans cette hypothèse, était propre à
Luciani et à Tamburini, - l'attribution de fonctions
psycho-motrices aux corps striés, n'était t point
' C'est ce qui vient d'être encore vérifié au point de vue clinique. V.
Horsley, Clinwat observations during the yast seven ylears on the value of
différences obscrved in the température of the Iwo sides of the body as
symplomalic of cérébral lésions . -1'le Brit. med. Journ. 1889. - .
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 383
supportable, et ce qui s'y trouvait de plausible n'était
point à eux, mais à Ferrier.
Aleurtour, ilsontbienvulesrapports inverses existant
entreledéveloppementdes fonctions des centres moteurs
corticaux et celui des prétendus centres moteurs basi-
laires chez les mammifères. Chez l'homme, avait écrit
Maragliano, « les centres de la base sont tout à fait
dépourvus de fonction psycho-motrice; celle-ci se
développe exclusivement dans les centres corticaux».
Luciani et Tamburini étaient également bien venus,
selon nous, à remplacer l'idée de suppléance fonction-
nelle, au sens ordinaire des auteurs, par celle du
perfectionnement et du développement, au moyen de
l'exercice, d'organes naturellement capables de com-
penser dans une certaine mesure les parties détruites.
Ils avaient raison d'invoquer à ce sujet les vues de
Pflüer sur l'extension des fonctions psychiques à
tout le système nerveux central '. Ils s'acheminaient
ainsi vers l'hypothèse de la suppléance par'perfection-
nement de l'action médullaire, de François Franck
(1877), seule hypothèse scientifique qui rende compte,
selon nous, des phénomènes de suppléance. Si, par
une sorte d'éducation, la moelle épinière devient en
effet capable de suppléer dans une certaine mesure
les centres supérieurs, il n'y a là que « le perfectionne-
ment d'une propriété préexistante, tandis que la
' Cf. OEhl, Sulla probabile dif/'usione dei centri di volontà nel naidollo
spinale dei vertebrati inferiori. - Archivio ital.per 1. mat. nel'v" 188 1, 55.
L'auteur, professeur de physiologie à l'Université de Pavie, a réussi à
provoquer, sur des grenouilles décapitées, des mouvements il tel point
variés et coordonnés, qu'ils revêtent, selon lui, le caractère de la volonté.
D'après ses expériences, OEhl incline à croire que, chez les vertébrés in-
térieurs, les cenlri di volontà ne sont pas limités, comme chez les verté-
brés supérieurs, au cerveau et au bulbe, mais s'étendent aussi à la moelle
épinière.
384 PHYSIOLOGIE.
suppléance des régions corticales enlevées, par
d'autres régions de l'écorce, n'a pour elle aucune
vraisemblance, et a contre elle la persistance de la
paralysie des mouvements volontaires chez l'homme
et chez les animaux- qui s'en rapprochent le plus. »
Ainsi, cette activité supplémentaire de la moelle,
dont l'importance est en raison inverse du développe-
ment des centres moteurs corticaux, et par conséquent
du volume du faisceau pyramidal, a des limites : elle
permet la restitution des mouvements associés des
membres dans la locomotion; « elle ne va pas jusqu'à
la réparation des mouvements compliqués, véritable-
ment volontaires'. »
En regard du grand nombre des physiologistes et
des cliniciens italiens qui tenaient pour la nature pu-
rement motrice, non ataxique ni sensitive, des
phénomènes consécutifs aux lésions destructives de la
zone excitable du cerveau, à peine en citerait-on
quelques-uns qui, comme Silvio Venturi% médecin
de Padoue, croient à la nature ataxique de ces dé-
sordres moteurs et supposent, avec Schiff, qu'une lésion
de la sensibilité tactile peut suffire à les expliquer.
L'illustre prédécesseur de Luciani dans la chaire de
physiologie de Florence, Maurice Schiff, tient une si
grande place dans l'étude de cette question (qu'il a
d'ailleurs traitée à l'origine dans des livres et dans
1 François Franck. Système nerveux. Physiologie. Dictionn. des sciences
médicales de Dechambre, p. 592 ; Leçons sur les fonctions motrices du
cerveau, p. 387. Hitzig aussi s'est rangé il cette doctrine. V. Urger Funk-
lioaen des Grosshiras(188G).Bioloâ. Centralbl., VI, 5G9.
' S. Venturi. Se lo studio délie psicopalie possa venire in appoggio
all'attuale teoria dei centri 11lotol'i e psicomolori. - Archiv. ital. per le
mal. nerv., 1878, t21 sq.
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 38 ?
des recueils savants rédigés en langue italienne), qu'il
nous faut dire ici quelques mots de sa doctrine. Dans
ses Lezioni di fisioloqiti sperimenlale sul sistema
nervoso encefalico (2e édit., Florence, 1873; voir
l'Appendice, 523-540), comme dans ses articles de-
la Rivisla sperimentale di freniatria, de 1876 t,.
Schiff rappelle que, dès 1871, un an après les expé-
riences de Fritsch et Hitzig, le rédacteur d'un journal'
de médecine, V Impartiale medico, de Florence, avait'
écrit, sous son inspiration, que tous les effets immé-
diats de la destruction des prétendus centres moteurs-
(alors considérés comme tels par Hitzig) dérivent de-
lésions de la sensibilité, et sont bornés à cette sphère-
(rimane nella s fera délia sensibilila).
Sans insister sur les arguments tirés par Schiff de l'ab-
sence de réponse aux irritations électriques du gyrussig-
moïde chez l'animal profondément narcotisé, sur la
longue durée du retard des réactions déterminées par
l'excitation de ces régions de l'écorce, ce qui permet de-
les assimiler à des centres d'actions réflexes, non à des.
centres moteurs, etc., le professeur de Florence-
témoignait qu'il suffit d'être familier avec la nature-
des mouvements que présentent les animaux après la-
perte de la sensibilité tactile par section des cordons-
postérieurs de la moelle, pour les reconnaître chér-
les animaux dont les lobes antérieurs du cerveau ont
été extirpés. Ce que le chien a perdu dans les mem-
bres, le tronc ou la face du côté opposé à la lésion,
cérébrale, ce n'est pas l'énergie des mouvements
musculaires, mais, avec les sensations de tact et de
1 Dei ]J1'e/esi cen/I'i motori negli emisferi cerebrnli.-Riu. dik
freniatria, 1876, p. 1 et 265.
Archives, t. XVIII. 2a
386 PHYSIOLOGIE.
contact, la sûreté et l'ajustement exact de ces mou-
vements. Ainsi, le chien court bien et avec énergie, il
saute et s'élance avec les extrémités postérieures,
mais il lui arrive de s'appuyer sur le dos du pied, il
glisse sur un terrain uni, tombe sur les genoux :
c'est qu'avec la perte de la sensibilité tactile, il n'est
plus exactement renseigné sur la position de ses
membres ni sur la qualité du sol qui le porte. Il
mâche bien des deux côtés sa nourriture (avec une
lésion unilatérale du cerveau), et la force des muscles
de la mastication est très grande. Si on lui offre un os
du côté opposé à la lésion, il le prend dans sa gueule et le
brise avec ses dents; mais, après la première bouchée,
il ne sent plus l'os qui touche sa joue et s'arrête. Si
on lui présente l'os du côté sain, il sent au contraire
le contact et continue à manger. « Existe-t-il rien de
plus caractéristique d'une anesthésie tactile ? »
Ajoutez que ce chien ne retire pas sa patte de l'eau et
ne réagit pas au contact d'une plume. C'est donc
bien d'une anesthésie cutanée qu'il s'agit, selon
Schiff. La sensibilité à la douleur et à la pression est
conservée. Cette ataxie motrice des extrémités est
l'effet, non d'une paralysie motrice, mais d'une para-
lysie de la sensibilité tactile. Tous les troubles de la
motilité observés, ceux de la position et des mouve-
ments des membres, dérivent de cette altération de la
sensibilité cutanée et sont purement secondaires.
A l'appui de cette anesthésie de la peau et des mu-
queuses, consécutive aux lésions destructives des
centres dits moteurs, Schiff rapporte qu'il a trouvé un
grand nombre d'insectes parasites sur le côté anes-
ihésié des chiens en expérience.
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 387
Goltz avait noté le même fait après la mutilation d'un
hémisphère cérébral ; seulement, outre la sensibilité
tactile, la sensibilité à la pression, la thermoesthésie, le
sens musculaire, lui avaient parudiminuéducôté opposé
à la lésion, alors qu'aucun muscle de l'animal n'était
paralysé \ Goltz a donc résumé et concilié, comme
l'a fait Munk, les idées de Schiff et de Hitzig sur la
nature de ces troubles, puisqu'il constate à la fois
des lésions de la sensibilité tactile et du sens muscu-
laire. Hitzig, on le sait, n'était pas arrivé du premier
coup à cette dernière interprétation. Le professeur.
Schiff en prend souvent texte pour répéter, à propos
de ce qu'il appelle la « conversion de Hitzig », que
ce physiologiste, « afin de sauver son idée d'un rap-
port existant entre la zone excitable et les organes
du mouvement, avait donné aux phénomènes observés
le nom de désordres de la conscience musculaire :
grâce à cet artifice, Hitzig avait pu abandonner l'idée
de paralysie. » -
Mais, avec son étrange pénétration, Hitzig a appelé
la ruine sur l'édifice si laborieusement élevé, durant
tant d'années, par son adversaire. « S'il s'agissait de
réflexes, dit-il, les contractions ne devraient plus se
produire après l'ablation de l'écorce, puisque l'écorce
représente le centre réflexe, ce qui n'est point-le- cas.
C'est'évidemment pour parer à cette objection que,
dans son hypothèse la plus récente, Schiff a situé ce
centre réflexe ailleurs que dans l'écorce, mais sans
1 Schiff attribue ces troubles des sens de la pression et de la tempéra-
ture, qu'il n'a pas observés, il l'étendue et surtout à la profondeur des
mutilations du cerveau, PflÜger's Al'cltiv f. Phys., XXX, ? lS sq.
388 PHYSIOLOGIE.
désigner autrement le lieu `. » En effet, comme s'il
pénétrait dans un pays inconnu et absolument inex-
ploré, Schiff imagine l'existence d'un centre réflexe
sous-cortical de perceptions tactiles (Tastcentl'll7n),
où monteraient les cordons postérieurs de la moelle
épinière, et d'où decendraient les faisceaux pyrami-
daux, ces deux sortes de fibres, sensitives et motrices,
formant un même système et représentant, les unes,
les voies centripètes, les autres, les voies centrifuges
ou kinésodiques d'un arc réflexe, grâce auquel les
sensations tactiles, qui règlent nos mouvements, pro-
voquent cet ensemble de contractions musculaires
nécessaires à la direction, à la coordination et à
l'équilibre de ces mouvements. Le point où ces deux
faisceaux de fibres ascendantes et descendantes se
rencontrent et coïncident est le centre réflexe de la
sensibilité tactile. Il ne faut plus le chercher dans
l'écorce cérébrale ; il doit siéger quelque part,
dans les parties plus profondes du cerveau. La
lecture du Mémoire où Schiff a traité, sous forme
d'appendice, ce difficile sujet, ainsi que l'étude du
schéma compliqué qu'il y a joint, laisse à la fois une
impression d'admiration pour la grande et forte
culture du physiologiste, el de respectueuse compas-
sion pour la faiblesse de sa logique, que tant de
science n'a pu préserver des paralogismes et de
l'aveuglement systématique le plus extraordinaire.
On songe involontairement à Goltz. Mais Schiff
perd plus complètement de vue la terre et se laisse
1 Hitzig. - Zim Physiologie pes G,'osshil'1ls. - Arch. f. Psych. und
Neruenl,·rankh., XV, 1884, 270 5. Congrès des neurologistes et alié-
nistes de Bade, juin 1883. Cf. Ueber Funhlionen des Grosslvirns (188G).
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 389
décidément emporter sans retour par la chimère.
Il pouvait, comme Munk, qu'il loue fort et admire,
demeurer dans le monde des choses connues ou
connaissables. Si Hitzig a découvert les troubles
moteurs consécutifs aux lésions de la zone excitable,
Schiff nous a révélé ceux de la sensibilité tactile.
Ni l'un ni l'autre ne sont tombés dans l'explication
banale d'une paralysie véritable. Les troubles de la
motilité volontaire, tous deux les ont rapportés à une
altération soit de la conscience musculaire, soit des
représentations centrales de la sensibilité tactile.
L'avenir, à en juger par la doctrine de Munk et par
celle de Luciani et de Seppilli, paraît être à ceux qui
saluent dans Hitzig, comme dans Schiff, des précur-
seuls 1. Mais ces grands inventeurs semblent destinés à
se méconnaître et à se nier, quoique Hitzig ait l'esprit
plus ouvert, et qu'il ne parle qu'avec une ironie de
bon goût des dernières imaginations de Maurice
Schiff. Pourquoi, demande-t-il, ces faisceaux de fibres
se donneraient-ils rendez-vous sous l'écorce, où ils
ne pénètrent -pas ? Comment Schiff pourra-t-il expli-
quer ces désordres de la motilité qui succèdent aux
plus minimes lésions de l'écorce cérébrale ? 2
Schiff a rencontré de plus rudes adversaires, et
1 Pfliiger's Archiv f. Physiol., XXX, 253 sq. « Une seule chose est
sûre : ce ne sont pas des centres corticaux. » V. les savants mémoires du
professeur Schiff, Cebeo die E"I'egbm'keit des Ruckenmarks, dans les Ar-
chives de P ! 1uger : XXVIII (1882), p. 537. XXIX (1882), p. 537. XXX (1883),
p. 199; p. 212 : Anhanguber die angebliche motorische En'egbm'/oeit der
Grosshiirnrirzde, et, p. 267, le schéma qu'a construit Schiff pour montrer
quelles idées théoriques il se fait de la disposition des partiesdu cerveau
dans la région de la zone excitable. Cf. encore XXXIII (188î), p. 201-71, 1,
Ein neuer Versuch an der e2 ? egbai-ez Zone dei, Ili-iii,inde, contre l'article
publié par Bechterew, dans le t'entralblatt de Mendel, sur la localisation
de la sensibilité cutanée dans les hémisphères cérébraux.
390 PllTSIOLOGIE.
des contradicteurs au verbe haut et dur. Je ne parle
pas des Italiens. Lussana lui avait bien adressé cette
objection topique : « Les symptômes de parésie par
ablation des centres cortico-cérébraux sont tout à
fait transitoires, tandis que l'ataxie par destruction
des centres sensitifs est permanente » (1877). Luciani
et Tamburini lui faisaient cette autre critique :
L'hypothèse de « mouvements réflexes » se heurte
contre le fait de la décomposition, de la coordination,
de la constance des mouvements isolés, qu'on obtient
par des excitations localisées de l'écorce. Ni la forme
ni les caractères des mouvements réflexes ne présen-
tent rien de semblable. Au fond, l'hypothèse de Schiff
ne diffère point de celle de Hitzig : tous deux rappor-
tent les altérations du mouvement à des troubles de
la sensibilité générale. On pourrait donc retourner
contre Schiff les critiques qu'il adresse à Hitzig 1.
En Russie, Bechterew a renouvelé contre Schiff la
même critique que Luciani : « Il n'existe, dit-il, aucune
1 Rav. speriment. di J'reniatria, IV, 250 (1878). Cf. Suit' eccitamento
meccanico dei centri 7/l0tOl'¡ corlicali, Milano, 1881. (Extrait des Atti
dei IV Congresso freniatrico ital. tenuto in Voghera nel sett. 1883),
p. 10 : · S'il était vrai que les éléments excitables de l'écorce ne fussent
que les prolongements cérébraux des faisceaux sensitifs des cordons
postérieurs de la moelle, et qu'après l'extirpation des aires excitables
des membres, il n'existât qu'une simple paralysie de la sensibilité tactile
des extrémités, comment expliquer le fait que, dans le cas spécial ici
communiqué, non seulement il n'y eut pas d'anesthésie, mais une
hvperesthésie tactile des membres antérieurs, associée à une parésie des
extrémités ? »
C'est dans ce mémoire que Luciani démontre qu'en excitant mécani-
quement, avec un corps obtus, les parois et le fond du sillon crucial du
chien, on obtient des réactions motrices correspondantes des membres
du côté opposé. En avant comme en arrière de ce sillon, l'écorce a été
trouvée mécaniquement inexcitable.
Cf., pour la question de l'excitabilité de l'écorce cérébrale, en Italie,
les recherches expérimentales de Cipollim et de Vizioli. Giornale di
neuropatologia, de Naples, juillet, 1882. ·
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 391
identité entre les mouvements dus à l'irritation des
cordons postérieurs de la moelle, et ceux qui résultent
de l'excitation de la substance corticale du cerveau.
Dans le premier cas, ce qui se produit, ce sont des
réflexes communs des membres, dans le second, des
mouvements complètement différenciés des différents
groupes musculaires de telle ou telle région '. » Pour
Bechterew, l'aire corticale dont l'excitation détermine
ces mouvements est, on le sait, purement motrice.
Là sont « les centres véritables du mouvement », au
sens de David Ferrier. Jamais il n'a observé un
trouble quelconque de sensibilité dans ses expériences
sur les fonctions de la zone motrice. Il a donc localisé
ailleurs, sur le lobe pariétal, les centres des sensa-
tions tactiles, musculaires, douloureuses 2. Schiff ne
pouvait donc rencontrer un adversaire plus résolu.
Bechterew, par exemple, lui demande : Si un chien,
dont le centre moteur de la patte antérieure droite a
été enlevé, ne tend plus cette patte quand on l'en
prie, parce qu'il aurait perdu les images ou repré-
sentations tactiles (7o/e//<Me) correspondantes,
pourquoi ne se laisse-t-il pas guider par le sens
musculaire et par la vue, puisque, d'après Schiff
lui-même, il n'existe pas de paralysie du mou-
vement 3 ?
Mais c'est des Anglais que sont venues à Schiff les
1 Bechterew. - Physiologie de la région motrice de la substance
corticale du cerveau. (Archives slaves de biologie, III, 1887, p. 189.)
co)'<tcn/e M cet'ueaM. (h'e/tii;es s/au de & : o ? e, lit, 1887, p. 189.)
. Ueber die Localisation der liaiiiseiisibiiiimt (TtlSt-und Schmèrenzp-
findungen) und des Muskelsinnes an der Oberflxche der Grosshirnhe-
naisphxren. - Neurol Centrait))., 1883, n" 18.
3 }l'ie sind die Erscheinungen zu verstehen, die nach Zel'stoerlmg des
motO/'isC/1CI1 ¡¡i¡¡den{e/des an 1'h,ieI'en au{l1'eten ? Arch. f. d. gesamm :
Physiol., XXXV, 1885, 137. 1
392 PHYSIOLOGIE.
,critiques décisives. Dans un article, où il répondait à
Horsley, Maurice Schiff, reproduisant ses thèses bien
-connues, - que l'unique effet de l'ablation de la
.zone excitable est une anesthésie tactile, et,
ajoute-t-il maintenant, l'insensibilité au froid (Herzenl),
répétait que les mêmes troubles ataxiques qu'on
.observe chez le chien après l'ablation de la prétendue
.zone motrice, apparaissent après la section des
.cordons postérieurs de la moelle; mais il ajoutait
que, cinq jours après la section de ces cordons,
l'excitation de la zone motrice demeurait sans effet.
Les résultats contraires de Horsley devaient être
-attribués à l'action des courants induits sur le fameux
.centre réflexe inconnu ! En d'autres termes, la section
des voies de la sensibilité cutanée entraînerait, d'une
'façon quelconque, une dégénération ascendante, qui
se propagerait jusqu'à l'écorce 2; de là l'inexcitabilité
de la « zone motrice ». Suivant Horsley, la perte des
réactions motrices de l'écorce est due à une lésion
'des faisceaux latéraux des pyramides; d'après Schiff,
.la zone motrice ne serait qu'un centre trophique pour
les cordons latéraux : ils n'auraient pas de rapport
'fonctionnel avec cette zone. Si donc Horsley n'a pu
-constater la perte des sensations du tact et du froid
^après la section des cordons postérieurs, c'est que la
' ' Selon Herzen, la même région du cerveau (gyrus sigmoïde chez le
'chien) contient le centre (ou les conducteurs nerveux conduisant au
-centre) des sensations du tact et du froid ; ces deux sensations sont
transmises par les cordons postéiietirs de la moelle épinière. Ueber die
Spaltung des Tenaperatursinnes in zwei gesonderte Sinne. Versamm-
ilung der deutschen Naturforscher ? td & --i-zte in Strassuurg, 18-23
sept. 1885. ! Schiff. On the excitable area of the cortex and ils relations
ito the colizi7ziis of the spinal cord. A ¡'epl ! } to pi-ol. llorsley.
(Brain, 188fui.) .
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 393
section était incomplète ou que la critique de ce
physiologiste est en défaut.
Qu'a répondu Horsley ? Que, sans discuter les opi-
nions de Schiff sur la nature réflexe des effets de
l'excitation de la zone motrice, l'ancien professeur de
physiologie de Florence n'a pas prouvé que les cor-
dons postérieurs de la moelle sont en relation directe
avec la zone motrice corticale, et que, si cette zone
n'est plus excitable cinq jours après la section des
cordons postérieurs, la cause n'en est point dans une
prétendue dégénération ou influence dégénérative
ascendante, car, lorsque le faisceau pyramidal est intact,
les résultats négatifs de Schiff ne se produisent pas :
la raison suffisante de ce fait, c'est que, en même
temps que les cordons postérieurs, Schiff a lésé la
voie motrice des pyramides ' !
III.
Frappé de la force des arguments des deux théo-
ries motrice et sensitive, Tamburini chercha, dès 1876,
dans son mémoire- sur la Physiologie et la Pallaolo-
gie du langage, la conciliation de ces doctrines
contraires sur la nature des centres moteurs corti-
caux. La théorie éclectique qu'il présenta était bien
faite, ce semble, pour rapprocher ces interprétations
' Horsley.- A further and final criticism of Prof. 5'c/i'/y'x experinzen-
tal démonstration of the relation wlllch he belieL'es to exist belween the
poslerior columns of the spinal cord and the excitable area of tlze cortex.
(Brain, 1886.) L'article de Horsley, auquel a répondu Schiff, avait pan.
également dans le Brain (1886, IX, 42 sq.) sous ce titre : On the relation
belween the posterior colzznvzs.of the spinal cord and the excitomotor
area of the cortex, willz especial référence to prof. SC/I1/J's views
on the subject.
394 PHYSIOLOGIE.
divergentes. Déjà, d'ailleurs, Hitzig avait vaguement
indiqué que la zone excitable de l'écorce cérébrale
devait renfermer à la fois des éléments nerveux en
rapport avec les mouvements volontaires des différents
groupes musculaires~et avec la perception des impres-
sions sensibles de la périphérie. « L'âme n'est nulle-
ment, comme le pensait Flourens, une manière de
fonction d'ensemble du cerveau, disait Hitzig ; au
contraire, certaines fonctions psychologiques, vraisem-
blablement toutes, à leur entrée dans la matière ou à
leur sortie de la matière, appartiennent à des centres
circonscrits de l'écorce cérébrale'. » Il est évident,
pour Luciani et Seppilli, que, dans cette sorte de
formule, assez obscure, de la nature fonctionnelle de
la zone excitable, les mots « entrée » et « sortie » de
la matière, ne peuvent désigner que les éléments
moteurs et sensitifs de cette zone 2. Hitzig aurait donc
dû admettre la nature mixte ou sensitivo-motrice de
cette région. Mais on chercherait en vain dans
l'oeuvre du physiologiste allemand la confirmation
explicite de cette interprétation de sa pensée.
La constance des mouvements localisés produits
par l'excitation électrique de régions déterminées de
l'écorce, l'inexcitabilité des zones environnant l'aire
motrice, la localisation des convulsions et des paraly-
sies d'origine corticale, plaidaient fortement, aux yeux
de Tamburini, pour la nature motrice de ces centres.
D'autre part, les phénomènes d'ataxie et d'anesthésie
qui suivent leur ablation ne témoignaient pas moins
1 1870. Uaterstzchungen ÜÚCI' clas Gehirn . Abhaudluxgen...
(Berlin, t87#), p. 31.
* Le localizz. {1t1lzion. dei ceovello, 240-1.
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 395
en faveur de la nature sensitive de ces territoires cor-
ticaux. Dans ce domaine de la sensibilité générale,
quelle est la fonction physiologique des cellules ner-
veuses de l'écorce cérébrale ? Sentir et percevoir les
excitations centripètes, transmises par l'appareil spi-
nal, et les transformer en impulsions motrices volon-
taires. « Il doit donc exister nécessairement, écrivait
Tamburini, des points qui sont le siège primitif où
l'excitation sensitive, devenue perception consciente,
se transforme en impulsion motrice. » Ces points
devaient être en grand nombre et en rapport spécial
'avec les différentes régions du corps. Tamburini admet-
tait donc, comme très probable, que ces « ? oints ? e-
miers de transformation sezsilivo-motrice correspon-
daient précisément aux centres corticaux étudiés »
par les auteurs. Ainsi, « chacun de ces centres serait,
à la fois, un foyer de réception et de perception des
excitations sensitives provenant d'une partie donnée
du corps, et le point de départ du stimulus centrifuge
volontaire, allant aux muscles de cette partie » '. La
production directe de mouvements localisés s'expli-
querait alors aussi bien que la perte de la sensibilité.
Dans le premier cas, le courant électrique serait l'é-
quivalent du courant nerveux; dans l'autre, l'ablation
des centres abolirait la perception des impressions
périphériques.
Mais, dans le mémoire publié avec Luciani sur les
centres corticaux psycho-sensoriels (1879), Tamburini
a étendu aux centres de la vision et de l'audition
l'hypothèse qu'il avait appliquée à ceux de la zone
1 Tamburini.-Cont1'ibu : ione alla fisiologia e patologia dei linguaggio.
Reggio-Emilia, 1876, p. 33.
393 . PHYSIOLOGIE.
excitable. Celle-ci d'ailleurs n'est plus confinée à la
zone motrice. Car les effets de l'électrisation des régions
sensoreilles de l'ouïe et de la vue « ne diffèrent en
rien de ceux qu'on observe en excitant les centres
moteurs de la zone-de Hitzig». Les mouvements du
pavillon de l'oreille et des muscles oculo-palpébraux
qu'on détermine ainsi, ne sont sans doute pas de nature
réflexe (Ferrier), mais impliquent l'existence, dans les
aires sensorielles de l'écorce, d'éléments moteurs,
confondus avec les cellules de sensibilité spéciale, ou
groupés et isolés en nids. Les impressions périphéri-
ques des sens, parvenues à ces centres, s'y transfor-
ment en impulsions motrices volontaires des muscles
des organes de ces sens. On peut également provoquer
un accès d'épilepsie générale en portant sur ces cen-
tres sensoriels un stimulus électrique d'une durée et
d'une intensité suffisantes : si l'on excite la zone
de l'audition, par exemple, les convulsions débuteront
par le pavillon de l'oreille du côté opposé '.
En 1880, Luciani déclarait que l'étude des faits l'avait
amené à une notion peut-être moins précise, mais cer-
tainement plus vraie, moins exclusive, des localisations
cérébrales. Ainsi, la surface du cerveau ne doit pas
être divisée en zones distinctes du mouvement et de la
sensibilité. « Nous croyons que les centres moteurs et
les centres sensoriels qui concourent à l'effectuation
d'une fonction complexe sont confondus (conznzisli) ou
se trouvent très rapprochés (in gran vicinana) dans
l'écorce cérébrale. » Avec Seppilli, Luciani avait cons-
' Luciani et Tamburini. Sui centri psico-sensori cortali. Riv. speri-
naent. di freniatria, V (1879), p. 47 sq.; 70. Luciani. Sulla palo,genesi
clell' epilessia. Comunicazzione... Discussione... Milano, 1881, p. 17.
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 397
talé que les effets qui suivent la destruction d'un cen-
tre moteur cortical ne consistent pas uniquement en
une paralysie ou une parésie du mouvement, mais
aussi en une altération plus ou moins nette des diver-
ses formes de la sensibilité cutanée et musculaire. Il
avait pu vérifier l'existence des phénomènes décrits
par Munk; seulement, ces paralysies de la motilité, il
ne les attribuait pas à des paralysies de la sensibilité
générale, à la perte des images ou représentations
psychiques qui doivent précéder l'exécution de tout
mouvement volontaire ou intentionnel, bref, à des
paralysies psychiques. Luciani soutenait que, mêlés
aux vrais centres moteurs des différents groupes mus-
culaires, et fonctionnant simultanément, il existe dans
l'écorce des centres de sensibilité cutanée et muscu-
laire, des centres sensitivo-moteurs. Et de même qu'il
existerait des centres moteurs confondus avec les cen-
tres sensoriels de la vue et de l'ouïe, il existerait,
confondus avec les centres moteurs de la zone exci-
table, des centres de sensibilité générale. « Les centres
moteurs, disait Luciani, ne se trouvent pas localisés
dans l'aire corticale appelée jusqu'ici « zone motrice »,
dénomination à abandonner, puisque cette zone n'est
pas exclusivement motrice. Toutes les différentes
régions de l'écorce sont, à des degrés divers, semées
de centres moteurs spéciaux. Pour être sûr d'avoir
détruit tous les centres moteurs, il faudrait donc enle-
ver toute l'écorce cérébrale. »
L'expression de pareilles idées chez les auteurs ita-
liens, de 1876 à 1881, nous paraît bien digne d'être
remarquée. Elles n'avaient pas encore de base anato-
mique et manquaient des solides fondements que les
398 PHYSIOLOGIE.
grandes études histologiques de Golgi devaient leur
apporter. Depuis, d'autres physiologistes ont confirmé
ces faits d'une manière indépendante. C'est ainsi que
Bechterew a déterminé, en dehors de la zone motrice
proprement dite, des points aussi constants que ceux
de cette région, dont l'excitation provoque toujours
des mouvements des yeux, des oreilles, du nez et des
joues. L'excitation de la deuxième circonvolution
externe du chien, par exemple, entre le bord postérieur
du gyrus sigmoïde et la pointe du lobe occipital, pro-
duit une déviation conjuguée des yeux du côté opposé,
un rétrécissement des pupilles, une légère occlusion des
paupières; appliquée quelques millimètresenarrière du
gyrus sigmoïde, sur la même circonvolution, le stimu-
lus électrique détermine un plissement du nez et des
joues ; les dents se découvrent ; l'excitation de la
troisième circonvolution, toujours en arrière du gyrus
sigmoïde, est suivie du redressement de l'oreille
opposée, quelquefois aussi du même côté, etc. Quand
Ferrier a décrit ces mouvements, il les attribuait, on
le sait, à des réactions réflexes des centres sensoriels de
l'écorce, interprétation que Bechterew repousse à son
tour, comme l'avaient fait Luciaui et Tamburini,
comme l'a fait Datiillol, parce que ces mouvements,
toujours uniformes et localisés à un groupe de muscles,
' Danillo a prouvé que les mouvements des yeux observés dans l'ex-
citation du lobe occipital ne peuvent être de natuie réflexe, c'est-à-dire
résulter de sensations optiques subjectives, car, après l'ablation totale
de l'écorce du lobe occipital, ces mouvements se produisent avec une
parfaite identité lorsqu'on excite la substance blanche de ce lobe.
Les lobes occipitaux dans leurs rapports avec les fonctions oculo-ntotrices
chez les animaux ? ioiit,eau-71cs ou très jeunes (Laboratoire de
nlierziejewsky), Wratsch, 1888. - Analysé dans les Archives de neuro-
logie, 1889, 1 r i.
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 399
n'ont rien qui ressemble à des mouvements réflexes
généraux. Or ces points excito-moteurs n'appartiennent
pas à la zone motrice, c'est-à-dire au gyrus sigmoïde,
où se distribuent uniquement les fibres du faisceau
pyramidal. Les mouvements que ces centres déterminent
ne sont point dus non plus à la propagation du courant
aux régions motrices, car si on isole ces centres par la
méthode des circonvallations, les mouvements en ré-
ponse persistent. Outre qu'ils sont situés en dehors de
l'aire corticale où s'irradient les fibres du faisceau pyra-
midal, ces centres, pour être excités, exigent l'applica-
tion d'un courant plus fort et d'une plus longue durée;
leur destruction n'entraîne pas de troubles manifestes
de la motilité; enfin, les mouvements qu'ils provoquent
ne sont pas aussi bien différenciés queceux qui résultent
de l'excitation de la zone motrice proprement dite.
Mais, en dépit de ces caractères négatifs, ces centres
disséminés à la surface de l'écorce sont bien, pour
Bechterew, des centres moteurs véritables, des points
d'origine de faisceaux moteurs indépendants, dont les
fibres centrifuges vont innerver des muscles de la
moitié opposée du corps. Le fait que, pour les exciter,
il faut employer des courants plus intenses que pour
les centres de la région motrice, prouverait qu'ils ne
sont pas, comme ceux-ci, unis directement aux racines
antérieures de la moelle épinière, et que, selon toute
apparence, « ils transmettraient aux muscles leur exci-
tation par l'intermédiaire de masses grises situées
profondément dans le cerveau, probablement les
couches optiques'. »
' ' Bechtft'ew. P ? 0 ? <' de s t'to) : ? ob ? ce df a SMance
' ' Bechterew. Physiologie de la région motrice de la substance
.co1,ticale du cerveau. {Archives slaves de biologie, 111, 1887, 177 sq.)
400 PHYSIOLOGIE.
Il existerait donc des centres corticaux moteurs de
deux sortes : les uns facilement excitables, les autres
plus difficilement excitables. Cette distinction, Bech-
terew l'a trouvée également fondée dans ses récentes
expériences sur l'Excitabilité des différents territoires
de l'écorce cérébrale chez les animaux nouveau-nés 1. i.
Ainsi l'excitation des points facilement excitables du
gyrus sigmoïde provoque déjà des mouvements des
membres, alors que celle des centres moteurs difficile-
ment excitables demeure encore sans effet. Les mouve-
ments du pavillon de l'oreille n'ont pu être produits
qu'une semaine environ après l'apparition des réac-
tions motrices des membres, dues à l'excitation du
gyrus sigmoïde. Quant aux mouvements conjugués
des yeux, déterminés par l'excitation de l'écorce du
lobe occipital, ils n'ont apparu qu'après la fin du pre-
mier mois.
Telle est la dernière forme scientifique qu'a revêtue
et que traverse aujourd'hui l'hypothèse générale de
Tamburini.
Quel que soit le centre de la zone motrice extirpé,
les altérations du mouvement et de la sensibilité ne se
limitent pas, suivant Luciani et ses collaborateurs, aux
muscles et au territoire cutané correspondant à ce centre :
elles s'étendent à d'autres régions du même côté.
Ainsi, après l'ablation du centre cortical du membre
postérieur gauche, la paralysie du mouvement et de
la sensibilité s'étendrait plus ou moins au membre
antérieur et à la moitié de la face du même côté.
Qu'en conclure ? Qu'il n'existe pas de limites tranchées
1 Weber die Erregbru'loeit verschiedener lIiI'llúe;Í1'ke bei ncugebo-
renen 1'leieren. (Nell1'ologisches CM/t'aaM, 1889, 15 sept.)
LES FONCTIONS DU CERVEAU. lion
entre les différents centres de l'écorce, que les aires
sensitivo-motrices des extrémités et de la face sont « en-
grenées » entre elles, si bien que l'ablation d'un
centre retentit plus ou moins sur les autres, et cela
abstraction faite des phénomènes bien connus, de
nature transitoire, qui accompagnent et suivent le
traumatisme opératoire.
Les idées théoriques d'Albertoni sur la nature fonc-
tionnelle des « centres moteurs » sont en accord avec
celles de Tamburini, dont il adopte l'hypothèse de la
constitution mixte des centres moteurs et sensoriels. Il
en résulte que la dénomination d'aire psycho-motrice
appliquée, d'une manière spéciale, à la région rolan-
dique, si elle est utile en clinique, ne lui paraît pas
fondée au point de vue physiologique, car le cerveau
tout entier, et non pas seulement une certaine région,
participe plus ou moins à la production des mouve-
ments volontaires. La vie psychique, qui se manifeste
par les mouvements les plus variés, n'a-t-elle pas pour
substratum anatomique toute l'écorce cérébrale ? Tou-
tefois, avec Vulpian, Albertom admettait que, partie
des points les plus différents de l'écorce, l'impulsion
motrice volontaire devait passer par certaines régions
plus particulièrement considérées comme psycho-
motrices, pour atteindre les faisceaux en rapport avec
les noyaux gris moteurs de la moelle épinière. Ces
régions corticales « psycho-motrices ne seraient don
qu'indirectement motrices : elles ne provoqueraient
des mouvements que par l'intermédiaire des centres
directement moteurs'.
' Albertoni.- Le <ocaHz : a ? on ! cere<')'a/ : (/<6['a medica, 1881). Compte
rendu, par Tamburini, dans la Riv. speJ'i11lent. di freniatria, 1881. 3 ? 3.
Archives, t. XVIII. 9Q
402 . PHYSIOLOGIE.
L'exposition des expériences de Raymond Tripier
(1877, 1880) et de Goltz sur les troubles de la motilité
et de la sensibilité générale, consécutifs aux lésions
destructives des régions motrices de l'écorce, nous
mènerait trop loin,- si nous suivions ici les auteurs
italiens. Qu'il nous soit permis de renvoyer à l'étude
que nous en avons déjà faite ailleurs'. Goltz, avec sa
verve éclatante et l'audacieuse indépendance de son
esprit, a toujours exercé une véritable séduction sur les
Italiens. Le physiologiste de Strasbourg a retrouvé la
faveur qu'ils accordaient autrefois à David Ferrier, et
qu'ils n'ont jamais accordée sans réserve ni à Hitzig,
ni à Munk, ni à Exner lui-même. Luciani ne va pourtant
pas jusqu'à admettre que, si les chiens mutilés du cer-
veau antérieur acquièrent ou semblent réacquérir la
sensibilité générale et la motilité volontaire, c'est
que les régions postérieures du cerveau, demeurées
indemnes, suppléent les parties enlevées. Il rappelle
très bien à Goltz qu'il a lui-même reconnu et confessé
que les fonctions des régions occipitales diffèrent de
celles des régions antérieures. Mais c'est pour retomber
dans son ancienne théorie de la suppléance des fonc-
tions psycho-motrices de l'écorce par celles des gan-
glions de la base, des corps striés. Cette compensation,
toutefois, reste toujours incomplète : les troubles per-
sistants de déficit, les altérations résiduelles de la sen-
sibilité tactile et musculaire, ainsi que celles des
« idéations motrices ", représentent pour Luciani ce
minimum de désordre fonctionnel que les centres sous-
corticaux sont impuissants à suppléer. Quant à la
' Jules Soury. - Les fonctions du cerveau. - Doctrines de Fr. GOITI..
Paris, 1880, 30 sq.
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 405
coexistence d'une hypéresthésie de la sensibilité cutanée
(telle que Goltz et Luciani l'ont quelquefois observée
dans des lésions destructives de la zone excitable) avec ¡
une perte partielle des représentations mentales corres-'
pondantes, elle viendrait à l'appui de la théorie, peu
vraisemblable selon nous, qui a été exposée plus haut,
savoir, que l'écorce cérébrale est le siège des idées et
de la mémoire, c'est-à-dire des résidus des perceptions'
antérieures, mais non des sensations.
J'arrive aux résultats des dernières expériences
connues de Luciani sur le sujet de ce chapitre'. Voici
d'abord deux questions qu'il s'était posées et qu'il a-
résolues au point de vue expérimental : 1° Après une'
extirpation partielle ou totale de la zone dite motrice,' ·
les phénomènes de parésie ou de paralysie affectent-'
ils non seulement la motilité volontaire, mais aussi la
sensibilité cutanée et musculaire ? - Oui, car dans'
aucune des expériences les troubles les plus nets de la
sensibilité générale n'ont manqué, associés à ceux de'
la motilité volontaire. La sensibilité tactile s'est tou-
jours montrée la plus altérée ; les sensibilités à la dou-
leur et à la température étaient aussi diminuées et,
dans les premiers jours, quelquefois abolies. Quant au
sens ou à la conscience musculaire, dont le trouble se
manifeste souvent par l'indifférence absolue ou rela-'
tive de l'animal dont on place les membres dans des'
positions anormales (Hitzig, Munk et Nothnagel),
Luciani l'a trouvé aussi souvent altéré ou même aboli, *
et d'une manière peut-être encore plus accusée que la
sensibilité cutanée. La durée de ces désordres fonc-
1 Le locflli; : ll;ioni (lel co't-'e ? o, p. 2;;2. *
404 -il PHYSIOLOGIE.
tionnels varie avec l'étendue de ces lésions. Si toute
la zone motrice des membres est détruite, et si cette
destruction s'étend en profondeur jusqu'aux corps
opto-striés, les phénomènes de déficit persistent natu-
rellement, bien qu'ils s'atténuent avec le temps. -
2° Les phénomènes de déficit consécutifs à l'extirpation
circonscrite de différentes aires corticales motrices
d'un hémisphère sont-ils limités exclusivement, ou de
'préférence, aux parties du corps correspondant au : siège de la lésion centrale, ou s'étendeut-ils unifor-
mément à toute la moitié opposée du corps ? - Non;
'les paralysies sensitivo-motrices qui succèdent à la
.décortication isolée d'une aire motrice quelconque,
s'étendent plus ou moins à d'autres parties du corps,
'quoique les phénomènes soient plus nets et plus
intenses dans la région dont le centre cortical a été
détruit en tout ou en partie.
Il résulte de ces expériences que si, pour délimiter
exactement un centre quelconque de la zone excitable,
'on se fonde, non sur les réactions motrices des excita-
lions électriques, mais sur les effets des destructions
partielles de l'écorce, on échouera. Cette extension des
lésions fonctionnelles du mouvement et de la sensibi-
lité générale dépend-elle de phénomènes d'arrêt ou de
phénomènes de déficit ? En d'autres termes, est-elle
due au retentissement passager des suites du trauma-
tisme opératoire sur les parties voisines de l'aire corti-
cale extirpée, ou à cette circonstance que les différents
centres corticaux sont si étroitement « engrenés »
- entre eux, qu'il est impossible d'en détruire un sans
en léser fatalement plusieurs autres ? La réponse à
cette question ne peut être douteuse chez les auteurs
LES FONCTIONS DU CERVEAU. 40
italiens. Cependant, même dans la dernière hypothèse,,
il faudrait expliquer les phénomènes de suppléance,,
si rapides chez les mammifères inférieurs à l'homme
et au singe. Les centres voisins du point extirpé doi-
vent avoir subi des pertes de substance trop peu éten-
dues, relativement à ce qui eu reste, pour que l'exten-
sion des phénomènes de déficit au delà de la région
du corps dont le centre cortical a été détruit pût être-
permanente. Puis, comme le prouve l'amendement
rapide des troubles fonctionnels, certaines parties du
centre enlevé, qui empiétaient sur les centres voisins,
- ont dû demeurer illésées. Luciani n'a-t-il pas montré-
aussi que les centres des extrémités ne siègent pas
uniquement sur la face externe du gyrus sigmoïde,
qu'ils s'étendent jusque dans le sillon crucial ? Il est
donc bien difficile d'extirper entièrement un seul
centre sensitivo-moteur de l'écorce : voilà pourquoi les-
effets de la stimulation électrique peuvent seuls en
déterminer la topographie fonctionnelle. Mais, forts-
de leur hypothèse de l'identité des fonctions des corps
striés et des régions motrices de l'écorce, Luciani,
Tamburini et Seppilli pourront toujours répondre que
la suppléance des phénomènes de paralysie peut s'ef-
fectuer, au moins en partie, grâce aux ganglions de
la base. Luciani note même que, chez un chien dont le
corps strié avait été détruit avec une portion considé-
rable de la zone excitable de l'écorce, les phénomènes
de déficit sensitivo-moteurs étaient encore très nets
neuf mois après l'opération, contrairement à ce qu'on
observe quand la lésion n'intéresse que l'écorce
cérébrale.
Puisqu'il est impossible, avec la méthode des extir-
- 406 PHYSIOLOGIE.
.pations, de localiser nettement les différents centres
sensitivo-moteurs de la zone excitable, attendu que
ces centres, comme ceux de la sensibilité spécifique,
.sont étroitement unis et engrenés entre eux, voici
comment on peut se représenter, suivant Luciani, la
topographie de l'aire sensitivo-motrice. Toute la partie
antérieure du cerveau fait certainement partie de cette
aire : elle comprend donc le lobe frontal, de la,pointe
des hémisphères jusqu'au sillon crucial, et la moitié
antérieure du lobe pariétal, représentée par la région
postcruciale du gyrus sigmoïde et par les segments cor-
respondants de la deuxième et de la troisième circonvolu-
tion externe. Mais l'aire sensitivo-motrice, en particulier
pour ce qui a trait aux impressions tactiles, n'est pas
circonscrite aux régions antérieures du cerveau : elle
rayonne et s'irradie aux régions postérieures, elle s'unit
et s'engrène avec les centres de sensibilité spéciale,
avec les sphères de la vision, de l'audition et de l'ol-
faction. Ces irradiations des perceptions tactiles n'at-
teignent sans doute ni le lobe occipital, ni le lohe
temporo-sphénoïdal, ni la corne d'Ammon, ainsi qu'en
témoignent les expériences; mais elles s'étendent
sûrement jusqu'aux parties postérieures du lobe parié-
tal (région F. de Munk). '
Voici d'ailleurs la représentation schématique de
l'extension probable, sur l'écorce cérébrale du chien,
de l'aire sensitivo-motrice de Luciani. On remar-
quera qu'il n'y a plus sur ce schéma, de points
hachés, mais des points noirs seulement. La raison
en est que, suivant le physiologiste italien, les expé-
riences d'extirpation unilatérale de l'aire corticale
sensitivo-motrice démontrent l'entrecroisement com-
LES FONCTIONS DU CERVEAU. ils-,
plet des fibres de la sensibilité générale et du mou-
vement. Les phénomènes de déficit, les troubles de la
sensibilité tactile et musculaire, ou les altérations de
la motilité volontaire, se sont montrés du côté opposé
à la lésion cérébrale, non du côté correspondant. Les
fibres nerveuses centripètes et centrifuges seraient
donc toutes croisées, en rapport avec le côté opposé du
corps.
A vrai dire, si cela n'est pas exact même pour le
chien, dont le faisceau pyramidal direct est sans
doute très grêle, cela serait tout à fait erroné pour le
singe et pour l'homme. Ilitzig, Albertoni, François
Frank et Pitres, Exner surtout, ont constaté que l'exci-
tation unilatérale de l'écorce chez le lapin et le chien
est suivie de mouvements bilatéraux, c'est-à-dire du
côté opposé et du côté correspondant, pourvu que
l'excitation ait une intensité suffisante ou que la moelle
soit très excitable. Exner professe que chaque zone
motrice est en rapport avec les mouvements des deux
côtés du corps, doctrine qui est aussi celle de Goltz et
de Brown-Séquard, si l'on applique à chaque hémis-
phère ce qui est dit ici de chaque zone excitable de ? 4.
408 PHYSIOLOGIE.
l'écorce. François Franck a bien établi que la réaction
directe est moins énergique que la réaction croisée, et
que celle-là est en retard sur celle-ci ; selon cet auteur,
l'association se ferait dans la moelle, au niveau des
commissures transversales qui relient les cellules des
nerfs moteurs symétriques : l'impulsion volontaire,
transmise par le faisceau pyramidal croisé, retentirait
là, à un certain niveau de l'axe spinal, sur les cellules
motrices des muscles du côté opposé et sur celles du
côté correspondant. Dario Maragliano avait même
invoqué, chez l'homme, l'action du faisceau pyramidal
direct pour expliquer les suppléances cérébrales'.
Ce faisceau, le faisceau de Tùrck, a d'ailleurs été
trouvé lésé chez les chiens, après des lésions destruc-
tives de la zone motrice, par Bianchi et d'Abunl ! o\
comme par llarchi et Algeri3. Bianchi a puse convaincre
de la bilatéralité des désordres moteurs chez le chien,
consécutifs à une lésion unilatérale de la zone exci-
table ; la paralysie était naturellement plus intense du
côté opposé à la lésion.
Ces résultats expérimentaux concordent avec les
faits cliniques. Chez l'homme, en effet, les troubles de
la motilité volontaire, qui succèdent aux lésions de la
zone motrice ou des faisceaux pyramidaux croisés, ne
sont pas limités au côté opposé : ils affectent aussi le
côté correspondant, considéré comme normal. Parmi
les symptômes bilatéraux de l'hémiplégie, Pitres a
' Le /ou ? molrici nella c-rlcccia cérébrale, in /{if. sperinzeni.
di frein., 1878, 33 sq.
2 Die in's Gehirn und Riickenmark herabstcigenden experinzentalen
IJeyene1'Otionc1l. Neurolog. Cent1'lllbl., 188G, 38 ? ay.
3 Suite degenerazioni c ! )'see)t(<e)[/t consécutive a lesioni sperimenlali in
diverse zone delta corleccia cérébrale. Riv. speiiment. di freniatria,
1886, XI, -992; 1887, XII, ? 08. '
' LES FONCTIONS DU CERVEAU. 409
relevé la diminution de la force musculaire dans les
membres du côté prétendu sain, l'exagération des
réflexes tendineux, la trépidation épileptoïde du pied,
la contracture tardive permanente du membre inférieur,
les troubles de l'équilibration et de la marche : ces
derniers troubles seraient en rapport avec une distri-
bution bilatérale de la dégénération de la moelle. En
tout cas, Pitres les a rencontrés dans les dix observa-
tions de scléroses bilatérales de la moelle épinière,
consécutives à des lésions uuilatérales du cerveau, qui
servent de fondement aux célèbres Recherches analomo-
cliniques qu'il a publiées sur ce sujet, et que nous avons
eu déjà l'occasion de signaler'. I
De son côté, Bianchi a bien démontré qu'on a tort
déjuger de la motilité volontaire par la locomotion :
celle-ci peut être en apparence parfaite chez des ani-
maux qui ont subi des mutilations étendues de la zone
motrice. A les voir, personne ne dirait qu'ils sont
hémiplégiques. Or, il suffit de suspendre par le tronc
l'animal pour qu'apparaisse l'hémiplégie avec tous ses
caractères classiques : la tête et le tronc se courbent
du côté de l'hémisphère mutilé, les deux membres du
côté opposé demeurent inertes et sans mouvement,
tandis que les membres du côté sain s'agitent, fuient
la piqûre menaçante, etc.2. Je ne rappellerai que pour
mémoire les belles expériences semblables de Llitzij.
' V. Arch. dephjsiol., 3° série, Il[, 1884, 176.
= L. Bianchi.- Cozzlribuione sperimenlalealli conzpensaioni fitizzio-
nali cOl'timli del cervello. (Riv. speriment. di fren., 1882, 131, sq.) Cf. le
beau livre du même auteur, hémiplégie, Naples, 1886. Il répète, dans
ces Leçons, que, dans les monoplégies corticales, la paralysie n'est pas
limitée à un membre d'un seul côté ; l'autre membre du même côté
est aussi affaibli, et cette altération de la motilité existe également du
côté opposé.
410 PHYSIOLOGIE.
Bianchi rapporte encore que, chez de jeunes chiens
nouveau-nés, mais capables de marcher, il avait, du
quatorzième au dix-huitième jour, détruit largement le
cerveau antérieur. A sa grande surprise, ces chiens
cheminèrent comme devant. « Il paraît donc bien,
écrit-il, que chez les chiens, et peut-être chez tous les
mammifères, la locomotion peut être considérée
comme un de ces complexus de mouvements coor-
donnés qui, ainsi que la succion, n'ont besoin pour se
manifester que du stimulus adéquat, sans que la volonté
y soit pour rien '. » (A suivre.)
RECUEIL DE FAITS
TROIS NOUVELLES OBSERVATIONS D'HYSTÉRO-ÉPILEPSIE
CHEZ LES JEUNES GARÇONS;
Par BOURNEVILLE -et P. SOLLIER
Bien que, aujourd'hui, il ait été publié un grand nombre
d'observations sur l'hystérie des enfants mâles, et que ce cha-
pitre de pathologie soit bien connu depuis les leçons de notre
maître, M. Charcot, nous croyons utile de rapporter trois nou-
' François Franck et Pitres (1877). qui ont vérifié et précisé les expé-
riences des physiologistes italiens touchant les effets des destructions
partielles ou totales de la zone motrice sur l'excitabilité de la substance*
blanche du centre ovale, rappellent les noms d'Albertoni et Michieli
(1876). La perte de l'excitabilité des faisceaux blancs du centre ovale a
lieu au bout d'un certain temps (96", heure après la lésion destructive
de l'écorce) à pou près exactement égal à celui qui est nécessaire pour
qu'un nerf moteur séparé de la moelle cesse de réagir aux excitations.
« Les physiologistes italiens avaient montré que la substance blanche
du centre ovale cesse d'être excitable dans la portion qui constitue la
gerbe motrice après l'ablation de l'écorce correspondante. » (Leçons sur
les fonctions motrices du cerveau, XXVIII' leçon.)
DE L'HYSTéRO-ÉPILEPSIE. 1'1
velles observations surtout parce que les malades ont pu être
suivis durant plusieurs années.
Observation I. - Père ne1've'IX, sujets ci des névralgies de la face.
Deux grands oncles paternels, excès de boisson. - Mère,
nerveuse, irritable. Grand-père paternel, excès de boisson.
Grand'mè1'e maternelle phthisique, nerveuse, migraineuses Soeurs,
attaques de nerfs. Frère, accès de somnambulisme. - Frère, con-
pulsions de l'enfance, blésité.
Accès de cris de un à cinq mois. Convulsions internes ci trois se-
maines. - Premières dents à huit mois; marche à un an ; blésilé,
fièvre typhoïde à onze ans avec accidents cérébraux. - Fugue ci
douze ans et demi, débutant après un étourdissement et accom-
pagnée d'hallucinations de la vue. Première attaque à quatorze
' ans et demi. Etourdissements, vertiges, attaques fréquentes,
limitées à la phase épileptoide. Stigmates hystériques.
Hypnotisme. Description des attaques : Aura; - altitude du
crucifiement; arc de cercle; délire, hallucinations. Contrac-
ture consécutive des doigts vertiges. - Curactères du sommeil. -
Evasions de Bicêtre. - Fugue de la maison paternelle.
. Lav... (Eugène), né à Ivry, le 10 mai JS70, est entré à l'hospice
de Bicêtre (Service de M. BOUR : 'OEVILLE), le 21 avril 1885.
Renseignements fournis par sa mère. - Père, cinquante-trois ans,
bandagiste, assez fort, marié à vingt-quatre arc, n'a jamais fait
de maladies depuis, n'a que des « douleurs névralgiques dans la
tête », sans vomissements, limitées au côté droit, revenant autre-
fois tous les mois, aujourd'hui tous les deux ou trois mois. Assez
nerveux ; bon caractère... Enfant naturel. Pas de maladie de peau,
pas de trace de syphilis ; pas d'attaques de nerfs. On ne sait s'il a
en des convulsions dans l'enfance. Jamais d'excès de boisson, ne
fume pas. [Père, rentier, sobre, mort vers soixante-dix ans, on ne
sait de quoi. - Mère, morte vers soixante-cinq ans, domestique
dans un château. A eu son enfant vers trente ans alors que son
maître, le père, en avait cinquante-cinq. On ne sait de quoi elle
est morte. - Ni frères, ni soeurs. - Deux oncles militaires faisant
des excès de boisson. - Grands parents paternels et maternels, pas
de détails. Pas d'aliénés, d'épileptiques, de suicidés, etc., etc.]
Mère, quarante-huit ans, couturière, petite, brune, n'aurait pas
eu de convulsions dans l'enfance, pas de migraines ni de névral-
gies. Très nerveuse, très impressionnable, ainsi qu'elle en a donné
la preuve ici même, comme nous le verrons plus loin. Elle assure
n'avoir jamais eu d'attaques. Mariée à dix-huit ans. Aucune mala-
die, sauf des accidents suite de fausses couches. [Père, disparu en
1870, boulanger; nombreux excès de boisson, mais surtout après
la naissance de sa fille. - Mère, morte de phthisie galopante à
ciuquante-sept ans ; nerveuse, mais sans attaques de nerfs, sujette
412 recueil DE faits.
à des migraines avec vomissements. Grand-père paternel, mort
très âgé, on ne sait de quoi. - Grand'mère paternelle, morte très
âgée, pas de détails. - Grands parents maternels, morts à soixante-
dix et soixante-dix-sept ans, on ne sait de quoi. - Soeur morte du
croup, à dix-huit mois. - Pas de frère. Pas d'aliénés, d'épilep-
tiques, etc., dans la famille. - pas de consanguinité. )mga-
lité d'âge de 5 ans.] -
Douze enfants : 1° Garçon de vingt-huit ans ; pas de convulsions,
intelligent ; géologue. Marié, pas d'enfants; très rangé; 2° Fille,
vingt-cinq ans, pas de convulsions; à dix-huit ans, peur, suspen-
sion des règles, peines attaques de nerfs; blanchisseuse, pas d'en-
fants ; - 3° Garçon, mort à sept ou huit mois ; - 4° Garçon,
vingt-quatre ans ; pas de convulsions. Accès de somnambulisme la
nuit, de dix à vingt-deux ans ; le dernier il y a deux ans; le matin
il s'est trouvé couché par terre, la tête penchée en arrière, dans
une malle ouverte, un matelas par-dessus lui; sa chambre en
désordre, son argent disséminé dans la chambre. Il n'avait pas
bu, il ne boit jamais ; - 5° Fille, morte d'une angine couenneuse( ? ),
à quatre mois. Pas de convulsions ; 6° Fille, vingt ans ; pas de
convulsions, pas d'attaques de nerfs ni de migraines ; intelligente;
- - 10 Fille, morte à vingt et un mois, aux Enfants assistés ; -
8° Moire malade; - 9° Fille, douze ans ; pas de convulsions, intel-
ligenle 1 - 10° Garçon, dix ans, aurait eu des convulsions à six
semaines et en aurait eu à diverses reprises jusqu'a sept ou huit
mois ; intelligent, mais il « zozotte un peu en parlant » ;
11° Garçon, huit ans et demi ; pas de convulsions, bien portant,
intelligent; - '12° Fille, morte d'une variolenoireon 1880, à un an.
Notre malade. - Au moment de la conception, les parents étaient
bien portanls,-GI'osscsse bonne, ni traumatismes, uialcoolisuie, etc.
- Accouchement à terme, naturel, sans chloroforme. A la naissance,
bel enfant, pas d'asphyxie. Elevé au sein par sa mère, sevré à
treize mois. D'un à cinq mois, accès de cris attribués par le méde-
cin aux coliques. A trois semaines, petites convulsions internes :
immobilité, occlusion des yeux, pâleur de la face, durée de trois
quarts d'heure. Puis cinq ou six petites crises à partir de là jusqu'à à
quatre mois, mais beaucoup plus courtes, de dix à quinze minutes
au plus. Jamais d'autres convulsions. Première dent vers sept ou
huit mois, puis elles ont poussé vite et il les avait toutes à dix-
"huit mois ; marche à un an ; a commencé à parler vers un au; il
a zozoté. » toujours un peu et encore maintenant. Sa mère nous
dit qu'elle faisait de même, étant jeune. Propre à un au. Envoyé
à l'école à quatre ans, apprenait bien. Fièvre typhoïde à onze ans,
avec accidents cérébraux. Pas de troubles intellectuels consécutifs.
1 Elle a eu depuis ces renseignements des attaques d'hystérie. Nou
y reviendrons plus loin.
DE l'hystéro-épilepsie. 4·I3
Dans son délire, il voyait toujours des hommes avec des fusils qui
voulaient le tuer. Après la fièvre typhoïde, il a grandi beaucoup et
était un peu nerveux. l'lacé comme apprenti imprimeur vers douze
ans et demi, on était content de lui. Il était régulier. Le G jan-
vier 188 ? alors qu'il était employé depuis près de six mois, il est
parti comme d'habitude sans présenter rien de particulier. Le
soir, ne le voyant pas rentrer, son père va à l'atelier. On ne l'y
avait pas vu. On fait des démarches à la préfecture, chez les com-
missaires de police, mais il revient spontanément le 13 janvier
seulement, sept jours après son départ. Le sixième jour, il s'était
rendu à Argenteuil en face de la gendarmerie. Il a demandé où
il était, et il s'imaginait être parti le matin à son travail. Il n'a-
vait pas ou peu mangé, car une partie des aliments qu'il avait
emportés de la maison pour l'atelier était encore intacte.
Il a couché à la gendarmerie et, le lendemain, après l'avoir fait
manger un peu, on l'a renvoyé. Il est rentré chez lui méconnais-
sable, les yeux hagards, le visage décomposé, rompu de fatigue.
Il disait que tout le temps, il voyait quatre pattes de chien et un
grand mur blanc. Place Notre-Dame, il aurait eu comme un étour-
dissement et, à pallir de là, il aurait eu celte vision d'un mur
blanc. Dans sa course, il se rappelle avoir bu souvent de l'eau.
Rentré à la maison, il voyait encore des pattes de chien sur ses
draps. Il est revenu complètement à lui au bout de trois ou quatre
jours. Il retravailla à l'imprimerie jusqu'en mars ; puis eut une
bronchite. Auparavant, il n'avait pas de céphalalgies, pas de
secousses. Parfois il avait des cauchemars la nuit, criait, voyait
quelqu'un qui voulait le tuer. Pas de terreurs, pas d'étourdisse-
ments. Il n'avait jamais fait l'école buissonnière et n'avait pas de
raison de s'en aller. Après sa bronchite, il a décidé qu'il serait
marin. Il est parti le octobre pour Brest, très bien portant,
n'ayant pas eu de nouveaux accidents.
Il était mousse sur le vaisseau-école l'Auslet·lit, à Brest, quand,
à la suite d'une grande colère, causée par les taquineries d'un de
ses ramai ades, et dans laquelle il s'était jeté sur lui et l'avait
battu, il fut pris un quart d'heure après d'une première attaque.
C'était veis le 15 décembre 1884. La seconde attaque eut lieu
quinze jours plus lard. Le médecin de marine aurait alors déclaré
qu'il était atteint d*hystéi,o-épilel)sie, et il fut renvoyé le 4 jan-
vier 1885. Depuis cette époque, il a eu une attaque le 9 janvier, puis
de quinze en quinze jours, la dernière le 15 mars. Il entra à
Sainte-Anne le 14 avril, et le 16, le 17, le 18 et le 19 avril il eut
une attaque chaque jour; le 20 il en eut deux.
23 avril. - Le 21, à son entrée, on lui a retiré du tabac, une
pipe et un conteau qu'il avait dans ses poches, ce dont il fut très
mécontent, prétendant qu'à Sainte-Anne on le laissait fumer et
qu'il n'était pas à Bicêtre dans une prison. Dès son arrivée, il
414 recueil de faits.
s'est mis en rapport avec les plus indociles de ses camarade;, B...
et A... ; B... lui a indiqué les endroits par où il pourrait se sauver.
Ils devaient, avant de s'évader* flanquer une trempe au garçon ».
Ce complot a été révélé le malin par des camarades. Alors qu'il
était au parloir de la section, et pendant qu'il était en conversa-
tion avec sa mère, il désigna du doigt le garçou S..., en disant de
lui : « C'est une vache, une canaille, etc., etc. D Puis il tomba
immédiatement et eut une attaque qui dura trente secondes.
Après cette attaque, il apostropha de nouveau le garçon et essaya
de se livrer sur lui à des actes de violence qu'on eut quelque peine
à empêcher. La mère et ses deux autres enfants âgés de sept il
huit ans ont prêté secours au malade en se jetant sur les gens de
service et en les frappant à coups de parapluie. La mère expulsée
du quartier est revenue aussitôt après plus excitée, et, repoussée
de nouveau, a causé du scandale dans la cour de l'administration ici
en vociférant des injures, se traînant par terre, etc., etc. Lav... a
été camisolé et emporté à l'infirmerie dans un état de grande
surexcitation. On a dû l'attacher une partie de la journée. Vers
deux ou trois heures de l'après-midi, il est devenu raisonnable et
fut maintenu, pour plus de précaution, à l'infirmerie.
Fiat actuel. Mai 1885. - Tête arrondie. Pas de saillies exagérées
des bosses occipitales ni pariétales. Front peu élevé et peu large,
sans saillies frontales. Arcades sourcilières assez saillantes. Yeux
bleus. Nez aquilin. Bouche petite, lèvres épaisses. Menton légère-
ment pointu. Visage ovale. Pas d'asymétrie faciale. Oreilles un
peu écartées, bien ourlées, lobnle a ihérent.
DE L'HYSTÉRO-ÉPILEPSIE. 415
Léger vll1'irocèle à droite. Verge assez développée, gland découvert ;
méat normal. Onanisme il y a deux ans ; moins fréquent aujour-
d'hui. Il assure n'avoir jamais eu de rapports sexuels. Quelques
poils à l'anus.
Sensibilité. La sensibilité au toucher est conservée des deux
côtés sur toute la partie antérieure du tronc, mais elle est atté-
nuée à gauche. Même état de la sensibilité à la partie postérieure
du tronc et sur les membres. La sensibilité y est également un peu
obtuse à gaucho.
Zones hystérogènes . - 10 Point sensible à égale distance du
front et du vertex, un peu à gauche de la ligne médiane. Douleurs
spontanées après les attaques. La pression donne des picotements
sans irradiations ; 2° au niveau du vertex : douleurs spontanées
api les attaques : par la pression, ii radiations douloureuses
vers le front; une pression plus forte détermine des étourdisse-
ments; 3° légère rachialgie au niveau de l'apophyse épineuse
de la troisième dorsale ; parfois douleurs spontanées après les
attaques : par la pression picotements sans irradiations. La sensi-
bilité est conservée ; 4° au niveau de la onzième dorsale point
douloureux. Sensibilité conservée. Après les attaques il dit avoir
une douleur tout le long de la colonne vertébrale.
En avant on trouve : 1° un point sensible au-dessous du point
d'union des deux tiers internes avec le tiers externe de la clavi-
cule ; 30 un autre point au niveau du sixième espace intercostal
des deux côtés près du sternum ;- 3° un autre point des deux côtés
au niveau des flancs. La pression serait plus douloureuse à droite
et déterminerait une sensation d'oppression avec irradiation vers
la base du cou ; - 4° point douloureux dans la région correspon-
dant aux ovaires chez la femme ; la pression détermine une dou-
leur irradiée vers l'épigastre en déterminant une sensation d'op
pression. Le point abdominal est plus douloureux à droite.
La pression des testicules détermine des irradiations doulou-
reuses au niveau des points abdominaux et de l'épigastre.
Sur tous les points hystérogènes, la sensibilité est la même qi e
sur les régions voisines, sauf au niveau des points iliaques où elle
est un peu moins nette que sur les parties voisines.
Sensibilité spéciale. - Vision : 11 distingue nettement toutes les
couleurs des deux yeux. Quand il fixe des objets un peu éloignés,
sa vue se trouble et plus vite à gauche qu'à droite, puis peu après
il voit double. Pupilles égales, normales. Pas de phosphènes.
Ouie conservée et égale des deux côtés. - Odorat conservé aussi
des deux côtés. - Le goût est égal des deux côtés. Pas d'halluci-
nations des divers sens.
Aum. - Une' minute avant les attaques, il se sent mal à l'aise.
Il Il me prend un vertige, je ne sais plus où je suis, il me semble
que tout tourne, la vue se brouille, surtout à gauche. » Sifflements
416 recueil DE faits.
dans les oreilles, surtout à gauche aussi. Puis il éprouve une sen-
sation de constriction à l'estomac, puis à la base du cou. Il pré-
tend que durant cette phase, les phénomènes céphaliques ne sont pas
plus accusés. En même temps, les points douloureux sous-mam-
maires et le clou hystérique sont plus marqués. Il pousse alors un
cri qu'il entend, puis il tombe, sans avoir, d'après lui, le temps
d'avertir. -
5 mai. Le malade a été pris à 10 heures d'une attaque, sans
avoir prévenu, sans pousser de cri. Il est tombé comme une
masse. Rigidité générale, les jambes allongées et écartées et les
bras en -croix, la tête dans l'extension. Puis à six reprises diffé-
rentes il s'est mis en arc de cercle. Nous le voyons à 10 h. 5.
Il est étendu sur le sol dans la situation indiquée plus haut ; puis
arcs de cercle complets durant vingt secondes. Repos. A 10 h. 6,
nouvel arc de cercle, après lequel il retombe. Flexion violente,
puis mouvements désordonnés des jambes, en même temps qu'il
se gratte la poitrine. A 10 h. 7, repos en extension, les membres
inférieurs rigides. Bras rapprochés sur la poitrine. Ecume. Nouvel
arc de cercle durant sept à huit secondes. Il retombe. Corps en
extension, pieds un peu écartés, bras étendus en croix. Cou et
tête en extension, yeux fermés, face colorée, poings fermés. -
A 10 h. 8, arc de cercle passager. Retombe étendu avec même
attitude des bras et des jambes que tout à l'heure. - A 10 h. 9,
tortillements sur place d'abord, puis avec déplacement. A
10 h. 10, le malade revient à lui subitement, ouvre les yeux qui
Fig. 5. - Attitude du crucifiement.
Fig. 6. - Arc de cercle.
DE L 1HYSTÙP.0-ÉPI.LEPSIE. 417 Î
jusqu'alors étaient constamment fermés. Il demande un mouchoir
pour essuyer l'écume qui est abondante. Lucidité complète. La
face, qui était rouge reprend sa coloration habituelle. Les pupil-
les qui étaient moyennement dilatées diminuent à peu près de
moitié. Il se plaint de céphalalgie et de douleurs dans les reins.
La température rectale prise cinq minutes après l'attaque est
de 38° 5. (Fig. 5 et 6.)
11 mai. (10 h. 5). Attaque commencée depuis deux ou trois
minutes, précédée cette fois d'un étourdissement très court de
deux à trois secondes (impression recueillie après l'attaque). Il a
poussé une courte exclamation « Ah ! » et est tombé sur le dos.
Extension, les jambes écartées. Ecume abondante. Sitôt qu'on lui
laisse les bras libres, il déchire sa veste. Arcs de cercle passagers
répétés à deux ou trois reprises. Résolution musculaire. Rigidité
avec légers mouvements convulsifs des mains et des pieds qui
frappent le sol en produisant un bruit assez régulier. Il se soulève
en arc reposant sur les talons et sur la tête, puis sur le genou
gauche, la jambe droite étant étendue et la tête soulevée avec le
tronc en extension. Il retombe du reste presque aussitôt en exten-
sion sur le dos. Mâchonnement.
10 b. 15. Arc de cercle, puis rotation du tronc du côté gau-
che. Face congestionnée, mains fermées, le pouce replié sur la
face dorsale des autres doigts. Ecume abondante. Repos. Arc de
cercle transitoire. Extension, les jambes écartées, les bras en
croix. Yeux légèrement convulsés en haut et en dehors. Difficulté
d'écarter les paupières. Rigidité. Légère plainte ; il se soulève sur
les pieds, puis retombe lourdement en arrière. Extension puis repos.
10 h. 17. - Légers mouvements convulsifs des mains et des
pieds. Quelques arcs de cercle.
10 h. 20. Il se lève seul assez rapidement et répare le désor-
dre de ses vêtements. Il se plaint de douleurs à la tête et aux
reins. Pupilles un peu dilatées, mais égales. Connaissance par-
faite. Pas de morsure de la langue. Pas d'évacuation involontaire.
11 prétend qu'il se mord quelquefois la langue. T. R. après
l'attaque, 3742.
15 mai. - Pris d'une attaque à 9 h. 38. A 9 h. 40, on le trouve
couché sur le parquet, étendu, les jambes allongées et légèrement
écartées. Bras étendus obliquement en haut. Tête dans l'extension.
Mains fermées, les pouces en dessus. Ecume mousseuse, abon-
dante, face légèrement colorée. Paupières closes. Arc de cercle.
Tortillement avec mouvements de translation qui le portent à 2
ou 3 mètres plus loin. Il se remet en X. Bruits buccauxsuivis d'arc
de cercle. Se remet en X; écume abondante ; moiteur froide de la
face. Paupières fermées. Il tapote le parquet avec les mains et
les pieds. Nouvel arc de cercle. Se remet en X. Repos. Il tapote
avec les pieds et les mains, cherche ittse déchirer le cou et la partie
Archives, t. XVIII. 27
418 recueil DE faits.
supérieure de Ja poitrine. Repos. Les épaules sont rapprochées.
Nouvel arc de cercle. Agitation. Repos. Bras et jambes écartées
en X. Pupilles dilatées, égales (9 h. 48. Il se relève à 9 h. 49, sans
rien dire, répare le désordre de ses vêtements. La face qui était
légèrement colorée reprend sa coloration naturelle. A 9 h. 50, les
pupilles ont diminué. Il se plaint de douleur à la tête et aux reins.
T. R., 38,2. -
20 aoÛt, - La veille, il a eu une série d'attaques de 8 à heures
du soir. Dans le délire terminal, il ne parlait que de bâtiments de
guerre et de marine; il commandait en chef; il était continuel-
lement à son poste ; il fallait sabrer et tuer tout ce qui se trouvait
sur son passage. Il paraît qu'il voyait un chien rouge.
21 août. -Il se couche à 6 heures et demie ou 7 heures. Le plus
souvent, il s'endort très lentement, à 11 heures, 11 heures et
demie ; pas d'hallucinations hypnagogiques. Une fois endormi, il
rêve beaucoup. Ainsi, avant-hier, après son attaque, il voyait le
veilleur se promenant sur les toits, sautant d'un toit sur l'autre.
Une fois, il a rêvé qu'il était poursuivi par des sauvages munis de
fusils, tandis qu'il n'avait qu'une arbalète, mais il leur disait que
son arbalète portait plus loin que leurs fusils. En général, pas de
cauchemars. Dans la nuit, son sommeil est profond, mais à
partir de 4 heures du matin, « le moindre bruit le réveille ». S'il
ne se lève pas, il se rendort très vite. Parfois, dans la journée,
il a la tête lourde, et a des envies de dormir. Cela lui arrive, sur-
tout quand il a eu beaucoup de vertiges.
Ces vertiges sont revenus depuis le mois de février, mais il en
avait eu déjà il y a 2 ans environ. La tête lui tourne, et il lâche
ce qu'il a dans les mains. Parfois, il voit noir avec des petits
points rouges et bleus, d'autres couleurs, ou bien des ellipses régu-
lières. Il voit des cercles colorés qui arrivent du côté gauche et
qui, une fois au-devant de l'oeil droit, remontent et disparaissent.
11 ne tombe pas, et reste debout. Il assure ne pas perdre connais-
sance et entendre tout ce qui se dit autour de lui. Il prétend que
parfois il lui arrive de continuer ce qu'il était en train de faire,
mais alors que ce qu'il fait est mal fait. C'est ainsi qu'un jour, à
l'atelier, pris d'un vertige au moment où il taillait un talon. il a
continué à le tailler, mais l'a fait pointu.
Parfois, il aurait une dizainede vertiges dans une journée, d'au-
tres fois, il n'en a pas du tout. C'est surtout avant et après ses atta-
ques qu'il en a le plus.
On essaie d'endormir le malade par le regard. Il est assis ; au
bout d'une à deux minutes les yeux commencent à s'humecter, il
y a quelques palpitations des paupières et il lâche les pouces de
l'expérimentateur qu'il tenait serrés. Les paupières s'abaissent
légèrement, mais il paraît se réveiller. 11 semble imiter les yeux
de l'expérimentateur. Celui-ti, à un moment donné, ayant ouvert
plus largement les yeux, il le fait lui-même aussitôt. Bientôt les
DE L'HYSTERO-ÉPILEPSIE, '1 9
yeux se portent à différentes reprises en haut et en dedans et les
paupières s'abaissent. Il a quelques mouvements de déglutition.
Pas de stertor. La tête elle-même n'est pas tombée. L'excitation
du sterno-masloïdien ou des muscles de l'avant-bras ne déter-
mine pas de contracture. On cherche à ouvrir l'oeil gauche, mais
il ne reste pas ouvert.1 On commande au malade de se lever, ce
qu'il fait. Il suit d'abord assez bien, puis s'arrête un moment. On
lui commande de nouveau, il vient, mais lourdement. On le fait
asseoir et on lui dit de compter ; mais le plus souvent il ne conti-
nue pas spontanément.
Les paupières étant fermées, on soulève le bras droit qui con-
serve l'attitude qu'on lui donne. Le bras gauche soulevé se main-
tient aussi. Au bout d'une minute, on voit le malade se pencher
sur le côté droit et devenir tout raide. Il était pris d'attaque. 11
n'a pas poussé de cris. Tout le corps est rigide. On le couche sur
le parquet et presque aussitôt, sans avoir eu de secousses cloni-
ques, il fait l'arc de cercle. Il est alors 10 h. 7. Il est ensuite éten-
du, les bras au-dessus de la tête, les jambes allongées, les pieds
écartés. Il est alors immobile, la face rouge, les paupières closes,
les pupilles dilatées. Ecume. Deuxième arc de cercle, puis repos.
Troisième arc de cercle, même repos, même attitude, les poings
fermés. Ce repos est plus long, la tête est droite, les doigts fer-
més, le pouce par-dessus; les quatre membres sont raides, les
jambes écartées. Nouvel arc de cercle, après lequel il retombe.
Il fait des grimaces, ouvre largement la bouche, crispe les mains,
se tortille, et se déplace. Il tourne la tête, ouvre et ferme les
mains, cherche à prendre le parquet, qu'il frappe avec le bras.
Quelques secousses des membres inférieurs qui se replient, s'allon-
gent, se soulèvent. Il reprend l'attitude en X, puis reste un peu
immobile. Puis, il ouvre les yeux, regarde d'un air étonné, mâ-
chonne. Interrogé, il dit qu'il a mal à la tête. Les pupilles ont
repris leurs dimensions normales. La durée a été de sept minutes.
21 août. - On l'endort par le regard à 10 h. 37 et on lui fait
exécuter un certain nombre d'ordres les yeux fermés. Par la per-
cussion longtemps répétée des muscles de l'avant-bras, on obtient
une contracture très prononcée des doigts. 11 se réveille sponta-
nément, sans mouvements spasmodiques, sans attaque à 10 h. 50
et parait étonné.
27 août. - A 9 h. 21 l'enfant, qui était assis, se lève et tombe
la face contre terre. Ecume dès le début. Il reste immobile, raide,
puis lait l'arc de cercle. 11 retombe, se place sur le côté gauche,
puis sur le dos, raide, les bras en croix. Arc de cercle, puis attitude
de crucifiement sans raideur des bras, mais avec raideur des jam-
bes et de la tête qui est tournée à gauche. Puis il frappe le sol de
ses deux poings fermés, le pouce en dehors (9 h. 29). Il déboutonne
sa chemise et se gratte le devant de la poitrine. La tête et les
420 RECUEIL DE faits.
jambes sont raides ; la face est tournée à droite, puis à gauche.
Arc de cercle après lequel il retombe et prend l'attitude du cruci-
fiement, les poings fermés. Raideur générale, tête à droite, pieds
à gauche. Il se relève à 9 h. 36. La durée a été d'un quart d'heure.
Ecume pendant toute l'attaque.
A 10 h. 13, il s'endort au bout de trois minutes par le regard.
On lui ordonne de se lever ; il se lève et suit l'expérimentateur
autour d'obstacles divers (chaises et personnes). On lui trace sur
l'avant-bras droit, en avant, un N avec un crayon. On lui dit qu'il
a cette lettre sur le bras et qu'elle doit saigner demain à 9 heures.
On le réveille en lui soufflant sur les yeux.
28 août. - Hier il a eu deux attaques. Après ces attaques, puis
ce matin encore, il se serait plaint de ressentir une brûlure sur
presque toute la face antérieure de l'avant-bras droit, ce qu'il
explique par une fausse position qu'il aurait prise. 11 dit n'avoir
rien ressenti à gauche. Il a eu ce matin une attaque depuis 8 h. 25
jusqu'à 9 h. 20. A 9 heures ni plus tard on ne voit pas trace de
la lettre N sur le bras.
30 août. Congé jusqu'au 3 septembre. A partir du 4 septembre,
douches deux fois par jour.
8 décembre. - A eu deux attaques à la Sûreté où il avait été
envoyé pour sa mauvaise conduite.
1886. 1 8 janvier. - Etant en congé depuis le 27 décembre, il
aurait eu deux attaques très courtes.
11 février. - Il a eu trois attaques depuis le 28 janvier : le 1 cr,
le 2 et le 10 février qui n'ont pas duré plus de deux à trois minutes.
Il travaille chez un cordonnier et sa mère assure qu'on est content t
de lui. Il a suspendu ses douches depuis cinq jours à cause du froid.
25 février. - Puberté : Visage glabre. Poils châtains, assez
abondants à la partie inférieure du pénil et à la racine des bourses
dont le reste est glabre. Testicules égaux, de la grosseur d'un oeuf
de pigeon. Verge bien développée. Gland en partie découvrable,
méat normal. Quelques poils à l'anus et aux aisselles. Sensibilité
au contact, à la douleur, à la température, moins vive à gauche
qu'à droite. A eu une attaque le 24 février. Ne travaille plus a l'ate-
lier faute de cordonnerie, parce qu'on manque de cuir.
5 mars. Il n'avait pas eu d'attaques depuis le 24 février et
n'avait eu que très peu d'étourdissements. quand, ce matin, il
a eu plusieurs vertiges, dont l'un a été très prolongé. 11 voyait
tout trouble : « C'est à peine si j'y voyais assez pour me diriger. »
Après sa douche la faiblesse des jambes et les éblouissements ont
disparu. Mais au bout d'une demi-heure il a été pris d'une grande
attaque qui a duré environ cinq minutes. Traitement : Douches,
tisane de valériane, bromure de camphre.
Etourdissements : La vue devient trouble, tous les objets tournent
DE L'HYSTÉRO-ÉPILEPSIE. 421
sur eux-mêmes, ◀tantôt▶ dans un sens, ◀tantôt▶ dans l'autre. Il voit
des cercles ou des ellipses, verts, bleus, jaunes, qui restent fixes.
Pas de bourdonnements d'oreilles. Faiblesse des jambes. Il laisse
tomber les objets qu'il tient, mais continue à marcher machinale-
ment. Durée de moins d'une minute. Il a de un à trois vertiges par
jour, surtout le matin au réveil. Un jour, il en a eu une trentaine.
1er avril. Depuis la semaine dernière, trois ou quatre vertiges
au plus. Pas d'attaques. Il se sent bien. Même traitement.
15 avril. A eu une attaqne hier, qui a duré dix minutes. Il
est en ce moment placé dans une autre maison.
20 mai. A eu des crises le 28 et le 30 avril et le 3 mai. L'une
d'elles l'a pris dans la rue. Il n'a pas eu d'aura. 11 ne se serait pas
débattu, et elle n'aurait duré que quelques minutes. Les autres
n'auraient pas duré davantage. Il est tranquille et sa mère est
contente de lui. Hier il s'est senti fatigué tout d'un coup en faisant
les courses, s'est assis sur un banc et s'est endormi « d'un coup ».
11 aurait dormi de 10 heures du matin à 11 heures et quart.
18 décembre. - Depuis le mois de juillet, il n'aurait eu que deux
crises. Après avoir travaillé dans une corroirie, qu'il a quittée
parce que le travail était trop dur, il est resté quelque temps sans
place. Ensuite il s'est mis, pour le compte d'un camarade, ven-
deur de « pronostics .. Il n'aurait pas fait d'excès, ni de boisson, ni
de femmes. Il partit avec son ami pour Dieppe, où ils restèrent
trois jours, puis, s'étant trouvés sans argent, ils sont allés à Rouen.
Là, L... écrivit à ses parents qu'il était sans ressources et qu'il les
attendait pour le venir chercher. Ramené par son frère, il resta
trois jours chez ses parents qui le conduisirent à Sainte-Anne.
Pendant son voyage il eut trois attaques.
1887. 3 janvier. - A repris son travail ici et s'est remis aux
douches.
12 avril. - Hier, en sortant du réfectoire, pendant que l'infir-
mier M... était en tram de soigner un malade en accès, L... s'est
précipité sur lui et lui a donné de violents coups de poing sur la
ligure.
8 août. - A eu une attaque ce matin. Il se plaint d'avoir les
mains fermées à la suite de ses accès et ne plus pouvoir les rou-
vrir. Souvent ses doigts se fléchissent maigre lui et il a de la peine
à les étendre.
13 octobre. - Refus d'obéissance. Menaces aux infirmiers. Leva- -
sion le soir.
20 octobre. Réintégré à Bicêtre, promet de ne plus chercher
à s'évader.
1888. 2 janvier. Il prétend qu'à la suite de ses attaques, ses
testicules diminuent un peu. =
422 RECUEIL DE FAITS.
13 janvier. - Parti en congé le 8 janvier, il devait rentrer le 12.
Le 9, toute la journée, il est resté chez lui avec un de ses camara-
des qu'il est allé reconduire le soir à six heures. Il n'est pas rentré
pour diner et sa mère étant allée chez son camarade pour savoir
ce qui était arrivé, apprit qu'ils étaient partis ensemble. Le 10, il
écrivit à sa mère qu'il l'avait quittée pour ne pas lui être à sa
charge et lui demandant pardon. (A suivre^
REVUE CRITIQUE
MYXOEDÈME OU CACHEXIE PACHYDERMIQUE' (Charcot);
Par P. KOVALEVSKI,
Professeur de maladies mentales et nerveuses à l'Université de Kharcoff.
Le professeur Virchow' émit son avis sur le myxoedème en le
basantsur des préparations étudiées et examinées chez Horsley
et d'autres savants anglais; il partage l'opinion de Charcot que
c'est un processus pachydermique. D'abord il conçut l'idée que
cela pourrait être un processus métaplasique de l'oedème sous-
cutané en tissu muqueux. Nous savons que dans la vie
embryonnaire, les tissus graisseux ont le type de tissus mu-
queux. Mais il y a des cas où chez un homme adulte, sous
l'influence de conditions pathologiques, apparaît une méta-
morphose inverse, c'est-à-dire la métamorphose du tissu
graisseux en masse colloïde, par exemple dans les régions des
reins, du coeur, etc. En faisant attention aux endroits où le
myxoedème apparaît le plus souvent, nous remarquerons que
c'est juste aux endroits où se trouve une quantité assez grande
de tissu cellulaire sous-cutané. C'est pourquoi au premier coup
d'oeil l'idée se présente qu'on se trouve en présence d'une méta-
plasie de la graisse sous-cutanée en tissus muqueux.
Mais une étude minutieuse des préparations convainquit le
professeur Virchow que cette supposition n'était pas juste,
1 Voyez Archives de Neurologie, n" 53, p. 246.
* Virchow.-Re ? -li71. Klin. H'ochenscll1'ift, 1887, n° 11.
MYXOEDÈME OU CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 423
car la métaplasie est toujours accompagnée de processus
atrophiques, tandis que dans le myxoedème, il y a proliféra-
tion du tissu interstitiel. Dans le tissu du myxoedème, nous
trouvons une prolifération et une division des cellules, et
non pas leur atrophie, donc nous avons dans ce cas non pas un
processus atrophique, mais un procès actif et irritatif, lié à la
conformation du tissu.
Après avoir étudié plus profondément l'aspect clinique du
mxyaedème et les phénomènes cliniques qui l'accompagnent,
le professeur Virchow trouve une rélation pathogénique
entre le myxoedème d'un côté, et le crétinisme et la cachexie
strumipriva de l'autre côté.
Hirsch analysa mycroscopiquement la peau et trouva une
quantité exagérée de fibres élastiques et de leucocytes, surtout
dans la direction des vaisseaux. Voici plus ou moins toutes les
données que nous avons sur le myxoedème jusqu'à présent.
Prenant pour base les cas de myxoedème décrits et ceux que
nous avons eu l'occasion de voir personnellement, nous pou-
vons donner comme symptômes de cette maladie les suivants :
les pieds et la face, surtout les paupières et les lèvres subissent
un gonflement, très ressemblant à un oedème ordinaire, mais
avec la différence que cette enflure myxoedémateuse ne retient
pas la trace de la pression du doigt, parfois cette trace après
pression du doigt apparaît aux jambes, mais en revanche, il est
impossible de la faire venir aux paupières et aux lèvres. La
peau à ces endroits gonflés devient tirée, livide et luisante; les
sécrétions de sueur et de graisse ne se font pas, ce qui a pour
suite de rendre la peau sèche et parfois écaillée. Les poils, qui
se trouvent sur ces endroits de la peau, tombent de suite et la
peau reste parfaitement à nu. La température de ces endroits
gonflés est abaissée, autant de fait que d'après la sensation des
malades, qui éprouvent un sentiment de froid à ces endroits et
deviennent en général frileux. Peu à peu, le gonflement de la
face s'étend sur le cou, la poitrine et les extrémités supérieures,
l'enflure des pieds monte et il arrive parfois que le gonflement
devient général et envahit tout le corps. Dans ces cas, le malade
a l'air de se trouver dans un sac bien plus large que son corps
et en conséquence la peau pend en gros plis. Mais un développe-
ment aussi intense de la maladie est bien rare, habituellement
la maladie est localisée dans quelques parties du corps. Avec
cela apparaît une sensation de grande fatigue, de faiblesse,
424 REVUE CRITIQUE.*
d'indolence, d'apathie, d'anémie excessive et d'épuisement
de l'organisme, une humeur taciturne et irritable. L'analyse
du contenu de ces gonflements oedémateux montra qu'ils ne
consistent pas en liquide albumineux, mais qu'ils présentent
un tissu muqueux contenant de la mucine. En examinant une
pareille peau microscopiquement, nous trouvons une proli-
fération du tissu intertitiel, une quantité exagérée de fibres
élastiques, une accumulation de leucocytes, surtout dans la
direction des vaisseaux, et un élargissement particulier des
conduits lymphatiques. Le sang de ces malades présente une
quantité amoindrie de corps rouges. Dans quelques cas, le pouls
devient lent, 60', parfois la température tombe j usqu'à 36,5-36°.
Dans quelques cas, nous trouvons une augmentation d'urate
dans l'urine. Le développement de la maladie est accompagné
par la chute complète des cheveux sur la tète, de la barbe, des
moustaches, des poils de tout le corps. Dans un cas seulement,
on observa une augmentation de la croissance des cheveux et le
remplacement des cheveux gris par de noirs (Hamilton). Avec
cela on observe parfois que les dents et les ongles tombent. La
langue enfle et se meut à grand peine ; un ralentissement de
motilité se remarque de même dans tous les muscles moteurs.
La bouche se remplit d'une salive à tel point épaisse qu'on est
obligé de l'éloigner à l'aide du doigt. La voix devient basse et
voilée. Dans quelques cas, on voit apparaître des douleurs
dans différentes parties du corps. A ces symptômes physiques
s'allient des symptômes psychiques. Les malades deviennent
apathiques et indifférents à leur entourage et leur propre per-
sonne. Etant assis le malade s'affaisse, ses membres pendent
et ont l'air d'être inertes. Ils sont négligents dans leur toilette.
Toute initiative disparaît et s'ils font quelque chose, ce n'est
que lorsqu'ils y sont forcés. Leurs pensées ont un cours lent
et faible. Ils gardent le souvenir et la compréhension des faits
journaliers de la vie quotidienne, mais les faits de leur vie
passée disparaissent à peu près tout à fait de leur mémoire.
Les malades ne font aucune attention et ne s'intéressent pas
du tout àleur entourage. La compréhension devient de même
défectueuse, au point qu'ils perdent la faculté d'opérer même
avec des chiffres simples. Dans la période suivante de la maladie,
on voit apparaître les symptômes de démence, et si la maladie
se développe en bas âge, les sujets présentent un état d'idiotie
MYXOEDÈME OU CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 428
plus ou moins complet. Rarement on voit apparaître dans des
cas de myxoedème le délire ou l'état maniaque.
Du côté delà motilité, nous voyons un allanguissement, une
lenteur et la perte du désir de se mouvoir. En plein développe-
ment de cette maladie, la parole des malades présente parfois
des syllabes indistinctes, ce qui dépend en partie de la diffi-
culté de mouvoir la langue, en partie des altérations de la
région mentale. Du côté sensoriel, on observe parfois des
anesthésies et des paresthésies, de même des hallucinations;
les réflexes sont le plus souvent intacts. Dans des cas bien
rares, on voit apparaître des hémiplégies et monoplégies, une
démarche vacillante, une coordination altérée et de l'ataxie
(Hammond) ainsi que des convulsions et des attaques épilepti-
formes.
Dans presque tous les cas de myxoedème, on observe l'ab-
sence de la glande thyroïde ou son altération. La maladie est
surtout propre aux femmes e semble plutôt se développer
dans la jeunesse. L'hérédité pathologique à ce qu'il parait n'est
pas exempte d'influence. Comme éléments étiologiques, on
peut citer le refroidissement et les altérations des organes
sexuels. Quelques auteurs mettent le myxoedème en relation
génésique avec les affections des reins. L'extirpation de la
glande thyroïde est suivie dans bien des cas de myxoedème.
Ma propre expérience, sous ce rapport, consiste dans l'obser-
vation de cinq cas de myxoedème, dont quatre étaient repré-
sentés par des femmes et seulement un par un homme.
Quant à l'âge, l'homme avait vingt-quatre ans, deux femmes,
vingt-deux- vingt-un ans, une trente-sept ans et une quarante-
six ans. Dans les cinq cas, il existat une tare héréditaire
psychopathique. Quatre de ces cas de myxoedème ne présen-
taient pas de déviations particulières du cours habituel de cette
maladie, c'est pourquoi je ne donnerai pas l'histoire de leur
maladie; le cinquième cas me parait être assez intéressant
pour que je me permette de le décrire en détail. Relativement
aux quatre premiers cas, je ferai remarquer seulement que
chez le garçon le myxoedème était accompagné d'un état créti-
noïde des plus marqué; dans les cas des deux jeunes femmes
le myxoedème se développa sur un terrain pathologiquement
prédisposé, sous l'influence de sérieux chocs moraux et de
refroidissement. Dans ces deux cas, le myxoedème était loca-
lisé et occupait les pieds, les mains et la face, l'état mental
426 REVUE CRITIQUE.
présentait les premiers symptômes de démence, ces deux
malades se remirent à force de régime et de traitement neuro-
tonique. La maladie dans ces deux cas fut arrêtée à son début.
Chez la troisième femme, la maladie se développa à l'âge de
trente-cinq ans et s'accompagna de complète démence. Dans ce
dernier cas le traitement ne donna pas de bons résultats.
Le cinquième cas présente une combinaison de symptômes
à tel point intéressante que c'est uniquement ce qui m'encou-
rage à tâcher d'attirer l'attention de mes honorables collègues
sur mon travail.
Jusqu'à présent l'étude clinique et expérimentale du
myxoedème nous démontre son lien génésique avec la cachexie
strumipriva et le crétinisme provoqué par l'éloignement de la
glande thyroïde de l'économie de l'organisme humain. Nous
connaissons encore une maladie présentant une altération de
la glande thyroïde. C'est la maladie de Basedow. La présence
de la struma dans cette maladie forme l'un de ses symptômes
coordinaux. Il est vrai que des cas de maladie de Basedow
sans struma existent, mais ces cas sont tout aussi rares que les
cas de fièvres sans augmentation du volume de la rate. Il est
clair que dans la maladie de Basedow autant la structure que
la fonction de la glande thyroïde sont soumis à un change-
ment ; néanmoins, autant que je sache, on n'y a jamais observé
des phénomènes myxoedémateux. L'union de ces deux maladies
est tellement peu ordinaire, qu'un savant aussi respectable
que Virchow détache la maladie de Basedow de la catégorie
des maladies myxoedémateuses et la déclare sui generis, car
dans la maladie de Basedow non seulement la glande thyroïde
existe, mais encore elle est même hypéreslhésiée, tandis que
dans le myxoedème, on constate l'absence de cette glande. Je
ne suis pas enclin à contester les connaissances et l'expé-
rience d'un savant aussi compétent et de tant d'autorité; mais
ne serait-il pas admissible*que dans quelques cas d'hypéres-
1 hésie pathologique de la glande thyroïde, l'augmentation de
son volume ne provoque pas d'augmentation dans son activité
et on peut même se figurer un état ou le struma serait égal à
l'absence de la fonction de la glande thyroïde, malgré son
volume exagéré. Ce n'est qu'ainsi que je puis m'expliquer le cas
de maladie de Basedow combiné de myxoedème que j'ai observé.
* Virchow.-Berl. Klin. lvochensclirift, 1887, n" 11.
MYXOEDÈME OU CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 427 -j
C'était une femme de quarante-six ans. Son grand-père pater-
nel était ivrogne et finit dans un asile d'aliénés; le père de la
malade se suicida à vingt-cinq ans, en état de mélancolie. Pas de
renseignements sur les parents du côté maternel de la malade; sa
mère était épileptique. Notre malade était fille unique du premier
mariage de sa mère. Dans son enfance, la malade était une fillette
robuste et bien portante, quoique sa mère raconta que jusqu'à à
l'âge de quatorze ans, sa fille se réveillait souvent en sursaut, criait
et causait en rêve et même il n'était pas rare que, s'habillant à
la hâte, elle tâchait de s'enfuir tout en dormant. Certainement
que la malade ne se souvenait de rien de tout cela.
A l'âge de dix-huit ans, notre malade se maria, mais très mal-
heureusement. Son mari buvait et la maltraitait souvent. A cette
époque, elle commença à avoir des attaques d'épilepsie (petit mal).
Les attaques étaient rares, deux ou trois fois par an, et n'avaient
pas de suites particulièrement fâcheuses. A vingt-quatre ans, une
attaque de petit mal fut suivie d'actes automatiques. Elle vaquait
à ses affaires, quittait la maison, faisait des emplettes, etc., et ne
s'en souvenait absolument pas. Ces moments d'absence duraient
de trente à quarante minutes, rarement de une à deux heure'.
Les attaques de ce genre arrivaient une ou deux fois par an. Après
ses trente-deux ans, on remarqua que ces attaques d'automatisme
psychique devinrent de plus longue durée; de huit à dix-huit
heures. Outre cela, la malade devint, durant les attaques, irri-
table, querelleuse et furieuse; elle avait des hallucinations et
éprouvait des accès de terrible angoisse et d'anxiété. L'accès de
fureur une fois passé, la malade ne gardait ancun souvenir de ce
qui s'était passé. Ces attaques étaient toujours précédées d'une
période d'irritabilité qui durait de deux à trois jours. C'est le
cours que la maladie suivit jusqu'à quarante ans. Les chocs mo-
raux et les malheurs ne manquèrent pas à notre malade. Elle
quitta son mari, tomba dans la misère et dut subvenir elle-même
à son existence. A cette époque, elle eut de violentes palpitations
dOtCoeur; ces palpitations étaient périodiques au commencement,
ensuite elles apparurent de plus en plus souvent et devinrent de
plus en plus violentes et continuelles. Enfin ces palpitations ne
discontinuèrent plus, elles duraient jour et nuit, autant lorsque
la malade était en état de repos que lorsqu'elle se mouvait. A cela
s'ajouta, après deux ans, de i'e.cop/tttt<mt6; une demi-année plus
tard, une struma. Durant cette période, l'état de la malade élait
oumis à des changements; ◀tantôt▶ il s'améliorait, ◀tantôt▶ il empi-
rait. Mais la nouvelle maladie n'arrêta pas les attaques de fureur
épileptique. Ces attaques apparaissaient de la même manière et
aussi violemment qu'auparavant, de deux à trois fois par an; j'en
observai quelques-uns personnellement et je remarquai que du-
rant l'attaque de fureur, les phénomènes de la maladie de Basedow
428 8 REVUE CRITIQUE.
s'accentuaient plus, et qu'ils faiblissaient, au contraire, lorsque
l'altaque d'épilepsie psychique passait. Un jour que j'examinais
la malade en paroxysme de fureur, je fus frappé par la vue de
nouveaux symptômes qui ne s'étaient jamais présentés dans le
passé. Les pieds de la malade étaient gonflés dans la répion de la
cheville et plus haut, même jusqu'aux genoux. La peau était tendue,
d'une teinte gris sale, luisante, sèche, et dénuée de tous ses poils.
Les sécrétions sébacées et sudorales ne se voyaient pas. La peau
était froide et sèche au contact. L'enflure cédait à la pression du
doigt, mais dès qu'on ôlait le doigt, toute trace de pression dispa-
raissait de suite. Du côté du coeur, rien, outre accélération du
battement (120-140); l'urine sans albuminat, mais contenant une
quantité considérable d'urates (1015), de réaction aigre, à teinte
claire. Un gonflement, tout pareil à celui des pieds, se présentait
aux joues et aux lèvres, la peau des paupières était très ridée,
mais pas gonflée. Les cheveux sur la tête devinrent rares, les poils
sous les aisselles tombèrent tout à fait. La température était de
30°, 2-36°, c. Avec cela, grande pauvreté de sang, insomnies,
hallucinations de la vue et de l'ouïe, manifestation de peur et de
terreur, état de complète absence, inclination à la fureur. Cet
état dura pendant trois jours, après quoi la malade devint tran-
quille.
Mais cet état de tranquillité n'était pas son état habituel post-
épileptique, dépressif, mais durant lequel la malade était cepen-
dant sur pied, travaillait et causait. Non, cette fois-ci elle était
alitée, faible et tout à fait apathique et indifférente à son entou-
rage. Qu'on lui donnât, ou qu'on ne lui donnât pas à manger ne la
touchait puère; qu'on change ou ne change pas son linge, elle
n'y faisait non plus aucune attention. Cette apathie envers soi et
son entourage était accompagnée d'une extrême lenteur physique
et psychique. Elle était très lente à répondre et cela après avoir
répété plusieurs fois la question « quoi ? qu'est-ce ? » Ce n'est
qu'après maintes répétitions de la question, qu'elle répondait par
monosyllabes et encore pas toujours juste. Elle embrouillait les
jours, les dates et comptait très mal même de tous petits cintires.
La voix était monotone, la. parole indistincte à cause de l'enflure
de la langue. La bouche se remplissait souvent d'une salive épaisse
et collante. Elle restait tout à fait indifférente à mes visites, tandis
qu'avant elle m'exprimait toujours son respect, sa gratitude, etc.
Enfin elle ressemblait à une personne à demi dormante. La phy-
sionomie avait perdu toute expression et était tout a fait stupide.
Les phénomènes de la maladie de Basedow restaient les mêmes.
Mais sous l'influence de bains chauds, de galvanisations (+ sur
N. sympathicus), de vin de quinquina, de petites doses d'arsenic et
d'un traitement énergique, elle commença petit a petit à se re-
mettre autant physiquement que psychiquement; en trois mois,
MYXOEDÈME OU CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 429
les gonflements disparurent complètement et l'état psychique de-
vint normal. Il ne resta que les symptômes d'anémie et de la ma-
ladie de Basedow.
La malade nous raconta alors que cinq ou six mois avant le
dernier paroxysme de sa maladie, elle commença à se sentir si
faible, si brisée et si fatiguée, qu'elle n'avait qu'un seul désir, de
rester constamment couchée. Elle ne se sentait pas malade de
corps physiquement, la température était plus basse que la nor-
male, elle ressentait une fatigue telle qu'elle ne pouvait décidé-
ment ni travailler, ni marcher. Avec cela, il lui était difficile de
penser, ou plutôt elle n'avait pas envie de penser. Elle s'asseyait
dans un endroit quelconque, s'y affaissait et restait ainsi, sans
penser, tout en s'attrappant sur cette absence de pensées. A la
même époque, elle remarqua à ses pieds un étrange gonflement,
pâle et luisant, avec cela les cheveux de la tête, le^ poils des pieds
et sous les bras tombèrent. Le même gonflement parut sur les
mains et la face; mais celui des mains n'était pas continuel. Du-
rant le second et le troisième mois de cette maladie, elle perdit
huit dents, sans aucune raison. Pendant toute la durée de la ma-
ladie, l'appétit et les fonctions de l'estomac restèrent intacts, mais
elle ne transpirait pas et sa peau ne portait pas trace de sécrétion
graisseuse; à la moitié du troisième mois, sa langue enfla et la
parole devint pénible, avec cela,la quantité de salive s'augmenta
et elle devint collante et épaisse. Les palpitations de coeur,
l'exop)ttalm2ts et la struma ne subirent pas de changements. La
malade attribua sa maladie à un refroidissement; elle fut trempée
pendant une froide journée par une violente pluie, et ne changea
pas de suite de linge et d'habits. Le lendemain, elle ressentit déjà
des douleurs et des courbatures dans les pieds, qui passèrent en
quelques jours et furent remplacées par le-gonflement des pieds,
qui se développa petit à petit. La malade se plaignait tout le temps
de sensation de froid, surtout aux endroits gonfles.
L'intérêt de ce cas consiste en ce que le myxoedème se déve-
loppa lorsque la maladie de Basedow était déjà présente. Non
seulement la glande thyroïde existait, mais encore son volume
était agrandi. Est-ce que cela prouve que la glande thyroïde
était saine et,qu'elle fonctionnait normalement ? Notre malade
resta en vie, la glande ne fut pas extirpée, donc nous ne pou-
vons pas dire positivement que la glande était altérée. Mais si
nous rappelons à notre souvenir les cas de myxoedème chez
les crétins, nous ne nous étonnerons plus de ce que l'augmen-
tation du volume de la glande thyroïde a pour suite le myxoe-
dème. Il est bien difficile de démontrer jusqu'à quel point
l'hyperplasie et l'hypertrophie d'un organe peuvent soutenir
430 0 REVUE CRITIQUE.
l'équilibre normal et dans quel moment la limite sera passée.
Les cas ne sont pas rares où la glande thyroïde agrandie, pré-
sente un état égalant parfaitement son extirpation totale; la
différence est que dans le premier cas l'opération ne se fait pas
par le chirurgien, mais par la nature elle-même, en opérant
dans l'organe des changements qui rendent impossible sa
fonction normale.
Dans notre cas, les phénomènes myxoedémateux furent tem-
poraires et passagers, nous supposons donc que la glande
thyroïde de notre malade avait souffert un changement, qui
aura atteint le dernier degré d'altération et peut-être même
un arrêt total de sa fonction. Nous sommes embarrassés de
nommer les conditions qui avaient influé de la sorte. Il est
possible que dans ce cas il y ait eu altération temporaire d'un
organe, vicariant l'activité de la glande thyroïde altérée; l'a-
mendement de cette altération temporaire fit disparaître le
myxoedème.
Mais lorsque, sous l'influence du traitement ou bien de
changements inconnus dans l'organisme, les conditions d'exis-
tence de la glande thyroïde s'améliorèrent, le myxoedème dis-
parut et la malade ne conserva que les symptômes de la maladie
de Basedow.
Pendant tout l'état myxoedémateux, il n'y eut pas de grands
changements, comme volume, de la glande thyroïde de notre
malade. La glande s'était un peu agrandie pendant la période
de fureur épileptique et revint à son volume ordinaire lorsque
la fureur passa.
Quant au rapport entre la maladie de Basedow et le myxoe-
dème, en analysant les symptômes cliniques do ces deux
maladies, nous ne saurions les éloigner l'une de l'autre. Le
myxoedème, autant que la maladie de Basedow, se développe
très souvent sur une base psychopathique et est alliée à beau-
coup d'autres neuroses et psychoses. Le myxoedème, de môme
que la maladie de Basedow, altère très souvent la région psy-
chique ; Eulenburâ 1, en décrivant la maladie de Basedow, dit
que les malades se plaignent de vertiges, de pleine incapacité
de travailler, d'affaiblissement de mémoire et des facultés
mentales, de pénibles insomnies et de la crainte de devenir
fous. Tous ces symptômes approchent de très près ceux que
' EuIe))burg.Z ! 'entïC7 : 'sanfMuc/ 13. XII, h. 2, , 81.
MYXOEDÈME OU CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 431
nous observons dans les premières périodes du myxoedème et
ces symptômes peuvent s'accentuer ou s'atténuer conformé-
ment aux modifications de la maladie. De même la maladie de
Basedow est souvent accompagnée d'altérations cutanées. Ainsi
Leube observa une légère sclérodermie sur la face et le revers
de la main. Reynaud observa dans quatre cas de la leuco-
dermie ou bien duvitiligo. Bartolow4, et Bulhley5 observèrent
la fièvre ortiée et d'autres éruptions. Tout ceci démontre que
dans la maladie de Basedow la peau est aussi soumise à des
changements. Les symptômes psychiques et les altérations
cutanées n'atteignent seulement pas un degré aussi prononcé
que dans le myxoedème, mais cela permet d'admettre que la
glande thyroïde n'atteint non plus, dans la maladie de Basedow,
le degré d'altération qu'elle atteint dans le myxoedème. G'est
pourquoi nous ne saurions nous décider à rejeter tout à fait la
maladie de Basedowdu groupe myxoedémateux, du moins d'au-
tant que dans la maladie de Basedowil se passe une altération
de la glande thyroïde.
Il n'est pas à douter que la glande thyroïde est de grande
importance dans l'organisme humain. Les explorations cli-
niques et expérimentales démontrèrent que l'extirpation, chi-
rurgique ou 'pathologique de cette glande réagit de trois
manières sur l'organisme : elle produit l'anémie et la cachexie,
des changements dans le système nerveux central, pareils aux
changements produits par des intoxications (Rogowitch) et des
changements irritatifs de caractère colloïde. Les altérations
psychiques, qui accompagnent le myxoedème, peuvent être
expliquées par les trois genres de changements : les altéra-
tions nutritives ont pour suite l'affaiblissement du système
nerveux central ; la prolongation de ces altérations peut pro-
duire des changements organiques, de pareils changements
peuvent aussi, peut-être, arriver sous l'influence de l'accumu-
lation d'une substance toxique inconnue, qui dans ce cas ne se
filtre plus par la glande thyroïde non fonctionnante et enfin
ces changements de structure et fonctionnels peuvent être
' Leube. - Clin. Beilage zu dem C01'l'esponden;blllll des allg. arzll.
Inlelligensblatt, 187, n° 16.
. Reynaud.-Arclaiues gen. de méd., p. 7G9.
' Bartolow.-Chicago, Journal of neroous and ment discase, 1875.
* BuUdey.C ? aoyoM)'nn/o/ ? tee,vous. and ment discases, (87.
432 RECUEIL DE FAITS.
produits par le procès colloïde irritatif. Mais ce dernier
point exige surtout des preuves expérimentales.
Note de la rédaction. Ainsi que nous l'avons dit (p. 246), la Revue
de M. Kovaleski nous a été adressée au mois de juin 1888. En raison
du retard de sa publication, elle n'est pas tout à fait au courant de la
littérature médicale. Voici les indications que nous avons pu recueillir.
Nixon. Myxoedema (The Lancet, 1887, I, p. 25) ; - Shelswell (0. B.).
Cases of hémorragie tendency in Myx. (Ibid., p. 675). - Stewart. J)/y.E.
(Canadian Practit., vol. XII, 1887, p. 160). Lloyd. Report of case of
nzolx. (Tians. of the clin, soc., vol. XIV, p. 111). - Ouchterlong. A case
of ltll/x (rite Amer. Pract. and News, vol. V, 1888, p. 141).-\Vatt (A.).
A case of myx. (The mal. Rec" N.-Y. 1888, vol. XXXIII, p. 97). 111e1oy.
Puthology of Myx. (Ibid., p. 223). - J111¡.'f;. in Albaml (lGml., vol XXXIV,
p. 270. An interesling paper on Alyx. (Ibid., 1889, vol. XXXV, p. 610).
- The Rep. of the Clinical Soc. Conz7zitted on Myxoedema, 1888. Hem
(H). 7 ? E. uilh a Reportof the Micl'oscopical exam. (The Arnedcan Journ.
of the rned. Sc., 1888, vol. XC'I, p. 1). Campbell. Myx. and Anoma-
lous cases (The hlorztreal nzed. Journ., 1888, vol. XVII, p. 256). - llyxoe-
clema (Bu/falo rned. and Sll1'q. Journ. 1888, vol. XXVIII, p. 215).- Hub-
hard. Report of a case of Myx. witlz comment. (Saint-Louis med. ancl
Su ? q. Journ., 1889, vol. LVII, p. 10).- Vallas. Le myx. (Province n : e'6t.,
1889, p. 65). - Tessier. Sur un cas de myx. (71<e<. niéd. des Vosges,
1889, p. 18). Romme. De la cachexie pachydermique dans ses relations
avec la physiologie de la glande thyroïde (Tribune méd., 1889, p. 292).
,11yxoederna (l3ritislz nid. Journ., 1889, may, p. 1118). - Citons enfin
une Revue critique très intéressante de M. Lannois, intitulée : De la
cachexie pachydermique. (Archives de rnécl. exyé·izn., 1889.)
Voilà pour le myxoediome en général. Il ne nous reste plus qu'à citer
les publications relatives à l'idiotie myxoedérnateuse .
Bourneville. Notes sommaires sur deux cas d'idiotie avec cachexie
pachydermique (Arch. de Neuz·., 1888, vol. XVI, p. 131). - Régis. Un cas
de crétinisme sporadique (L'Encéphale, 1888, p. 697). - Camuset. Un
cas d'idiotie avec cachexie pac/ ! 1/d. (arcs. de Neur., 1889, vol. XVII,
p. 85).- Bourneville. Notes et réflexions à propos du cas précèdent (Ibid.),
p. 90). Cousat. Idiotie avec ca(-h. paclzrl., Ibid.) p. 179). - Bourne-
ville. De l'idiotie myxrdematezc,se (Assoc. fu. pour l'avancement des
sciences, séance du 11 août 1889; analyse dans le Progrès médical, du
17 août 1889, p. 149). ' Bournlvillk.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE
I. NOTES cliniques SUR LES HÉIIORRHAGIES dans L1 paralysie GÉNÉ-
RALE; par Geo. H. SAmAGE. (The Journal of Mental Science, jan-
vier 1886.)
Tout le monde connaît l'hématome du pavillon de l'oreille chez,
les aliénés, et l'on sait que cette tumeur n'est pas due seulement à
une violence subie, mais encore à l'état particulier soit des vais-
seaux, soit du sang, chez celui qui la subit. Mais en dehors de l'hé-
matome, on peut voir survenir chez les paralytiques généraux, à la
suite de violences insignifiantes, des collections sanguines très
étendues, pouvant aboutir à des abcès, qui d'ailleurs guérissent
ordinairement très bien et très vite, sans récidives : quelquefois-
cependant, ils peuvent donner lieu à des accidents généraux.
Une autre forme d'hémorrhagie, que l'auteur a pu observer deux
ou trois fois d'une façon très nette, c'est l'apparition du sang dans
l'urine sans aucun traumatisme préalable.
Enfin, la dernière forme d'hémorrhagie observée par M. Sauvage.
est à la fois intéressante comme détermination cutanée et comme
indice d'un état général. Chez un homme atteint de paralysie
générale à forme très aiguë, il vit apparaître à la suite d'une chute,
une contusion du bras gauche, bientôt suivie de l'apparition d'une-
vaste collection sanguine. Ces phénomènes suivaient depuis quel-
ques jours leur cours régulier, lorsqu'il observa à la région interne
des deux cuisses, depuis le pli de l'aine presque jusqu'à la che-
ville, et à la région externe des mêmes membres, depuis l'épine-
iliaque jusqu'au genou, une éruption de purpura, constituée par
des centaines de taches. Cette éruption varia d'aspect presque
chaque jour pendant environ une semaine, puis disparut complè-
tement. L'auteur a pensé qu'il était intéressant de relater ce fait
en raison de ses rapports avec les autres hémorrhagies dans la
paralysie générale des aliénés. ' R. M. C.
II. SUR la prétendue fragilité DES OS dans la paralysie générale;
par le Dr T. CURl5TI.\N. (The Journal of Mental science, jan-
vier 1886.)
Exposées au Congrès de Psychologie d'Anvers dans un mémoire
dont celui-ci n'est que la traduction, les idées du médecin de Cha-
Archives, t. XVIII. 28
434 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
renton sur la fragilité des os dans la paralysie générale sont au-
jourd'hui bien connues, sinon généralement acceptées; nous nous
bornerons donc à rappeler que pour M. Christian la paralysie gé-
nérale n'entraîne par elle-même aucun accroissement de la fragi-
lité des os, et que l'ostéomalacie, quand on la rencontre, doit
être reléguée au rang de phénomène purement accidentel et
relevant de causes toutes différentes. R. M. C.
III. Affections cérébrales d'origine traumatique; DEUX observations;
par Julius Mickle. (The Journal of Mental science, octobre 988ï.)
Dans le premier de ces deux cas. on constatait un état d'atro-
phie et de dégénérescence plus accentué dans le lobe frontal gau-
che qu'en tout autre point; il y avait également, des deux côtés,
des adhérences cérébro-méningées au niveau de la circonvolution
marginale : ces adhérences s'observaient encore à la partie infé-
rieure de la circonvolution centrale antérieure gauche et au niveau
de l'insula du môme côté. L'hémisphère cérébral gauche était
atrophié dans son ensemble, mais d'une façon sensiblement plus
marquée dans le lobe frontal; et celte lésion, joinle aux adhé-
rences cérébro-ménlnriées, appréciablessurlout au niveau des cir-
convolutions orbitaires et marginales, et à la dégénérescence de
l'insula du côté gauche, était accompagnée d'amnésie, et, surtout
après les crises convulsives, d'un état voisin de la paraphasie et
(bien qu'à un moindre degré) de la surdité des mots ; toutefois, la
coexistence d'un état de démence rendait l'appréciation de ces
faits obscure et complexe. Ces modifications pathologiques étaient
consécutives à une méningite et à une hémorrhagie traumatiques
localisées, ainsi qu'à un état pachyméningi tique, qui reconnais-
saient à leur tour pour cause une grave lésion cranio-cérébrale
avec perte de substance. Ce premier cas se rattache donc de la
façon la plus nette à l'ensemble des faits dans lesquels une forme
d'aphasie est placée sous la dépendance d'altérations diffuses de
texture siégeant de préférence dans l'écorce grise du lobe frontal
gauche.
Dans le second cas, comme dans le premier, il existait un cer-
tain degré d'atrophie cérébrale, ayant, selon tarègle, comme siège
unique ou principal, les lobes fronto-pariétaux. Les lésions, con-
sistant surtout en adhérences, occupaient la surface de la base et
de la partie moyenne du cerveau : les signes de méningite trau-
matique adhésive étaient très accentués à la base. L'organe céré-
bral lui-même n'avait pas été épargné par le processus morbide
primitif, et l'envahissement des nerfs optiques s'était traduit par
un affaiblissement graduel de la vue.
La forme dépressive des troubles émotifs s'est accusée dans ce
cas avec une netteté peu commune.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 43S
Ce fait est un de ceux qui forment, au point de vue de l'histo-
logie pathologique, une transition entre les lésions les plus carac-
téristiques de la paralysie générale d'une part, et de la méningite
chronique localisée d'autre part, en se rapprochant toutefois da-
vantage de la première de ces deux maladies. Il. M. C.
IV. Deux cas de thrombose DES sinus cérébraux; par Joseph
WIGLESWORTII. (The Journal of Mental Science, octobre 1885.) .
L'observation de ces deux cas est rapportée avec détail et pré-
sente un intérêt d'autant plus réel qu'il ne s'agit pas ici des
thromboses les plus fréquentes, c'est-à-dire de celles qui ont pour
origine une cause locale, une carie osseuse par exemple, mais de
ces formes beaucoup plus rares dans lesquelles la thrombose doit
être rattachée à un état général ou constitutionnel. R. M. C.
V. Trois cas DE suffocation; par David WELSI ! . (The Journal of
Mental Science, juillet 188G.)
Ces trois cas sont intéressants à des litres divers. Dans le pre-
mier cas, on trouvait un amas de lymphe à la bifurcation de la
trachée ; l'étude des faits et du procès-verbal d'autopsie montrent
qu'il faut chercher la cause de ce fait dans l'existence réitérée
d'attaques de bronchite aiguë; ce qui est surtout remarquable,
c'est que la vie ait pu persister, et cela avec aussi peu de symptô-
mes alarmants, alors que l'un des poumons était en état de col-
lapsus et que l'entrée de l'autre poumon était à peu près obstruée.
L'auteur ajoute que les circonstances étaient telles que la tra-
chéotomie, l'eût-on pratiquée au moment même où le bol ali-
mentaire venait de passer dans le larynx, n'aurait pas sauvé le
malade.
Le second cas démontre l'utilité de la trachéotomie immédiate
lorsque l'obstacle n'a pu être enlevé à l'aide des doigts ou de la
pince : l'opération a certainement prolongé la vie du malade, qui
aurait peut-être même survécu s'il n'avait pris une pneumonie,
affection que l'on sait être fatalement mortelle à une période avan-
cée de la paralysie générale.
Enfin, clans le troisième cas, la suffocation n'a été que le pre-
mier anneau dans l'enchaînement des circonstances qui ont
amené la mort. Le malade parait avoir avalé son col de chemise,
lequel est demeuré fixé au niveau ou au voisinage de la glotte, et
les efforts faits en vue de l'expulsion du corps étranger ont provo-
qué une rupture vasculaire dans le corps strié ainsi qu'une rupture
de la veine jugulaire interne. L'épanchement sanguin déterminé
par cette dernière rupture resta d'abord contenu dans la gaine
résistante des gros vaisseaux du cou, donnant ainsi lieu au gonfle-
ment circonscrit qui fut observé pendant la vie; mais la gaine,
436 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
cédant à la pression, ne tarda pas à se rompt et le sang se répan-
dit entre les muscles. Ce cas est un de ceux qui démontrent le
plus nettement la nécessité de l'autopsie pour reconnaître avec
précision la cause de la mort ; dans ce cas, en effet, l'observation
clinique conduisait naturellement à admettre la suffocation pour
cause de la mort : l'autopsie a démontré que la cause immédiate
de la mort était d'un ordre tout à fait différent. R. M. C.
VI. SUR QUELQUES FORMES ANORMALES DE LA RESPIRATION ; par
Julius 1111CIiLE. (The Journal of Mental science, avril ·1ti86.)
La première forme que signale l'auteur n'est autre chose
que le type pur et complet de la respiration de Cheyne-Stokes,
type- qu'il a signalé il y a quelques années chez certains
aliénés. 0
La seconde forme n'est qu'une subdivision de la première ;
elle a pour types les cas où la respiration de Cheyne-Stokes
est modifiée en ce sens qu'on ne peut la constater que sous
une forme et à un degré très atténués, et que plusieurs des
caractères du type complet font entièrement défaut.
Le troisième type présente au point de vue clinique la forme
générale de la respiration de Cheyne-Stokes, moins la phase
apnéique : il est constitué par des périodes successives de
dyspnée, qui sont essentiellement les mêmes que celles du
type Cheyne-Stokes, et les différentes phases de chacune de
ces périodes dyspnéiques constituent dans leur ensemble un
cycle ; c'est la succession de ces cycles qui constitue à son
tour le phénomène que l'auteur a décrit sous le nom de
« rythme respiratoire ascenso-descendant, * dénomination
que l'auteur hésite un peu à employer parce qu'on l'a trop
souvent considérée comme synonyme de respiration de
Cheyne-Stokes et qu'il peut résulter quelque confusion de
cette svnonvmie inexacte.
Le phénomène clinique décrit par l'auteur est le suivant :
la respiration d'abord douce et peu fréquente, devient, par
une gradation régulière, plus pleine, plus énergique, plus
fréquente et elle s'exagère jusqu'à devenir dyspnéique : alors
elle se calme graduellement jusqu'à ce qu'elle ait atteint le
même état qu'au commencement de ce cycle respiratoire :
alors commence une nouvelle période de dyspnée. Dans
certains cas la période descendante est soit considérablement,
soit sensiblement plus courte que la période ascendante.
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 437
L'auteur, quoi qu'il eût constaté des altérations microsco-
piques bien nettes des éléments de la moelle allongée dans
un des cas publiés par lui, ne se croyait pas en droit d'établir
un rapport absolu entre ces altérations et l'existence de la
respiration de Cheyne-Stokes; mais récemment, dans un cas
où ce type respiratoire avait été constaté, Tizzoni a trouvé
des lésions ascendantes d'inflammation chronique le long des
nerfs vagues, avec extravasion sanguine dans les espaces
lymphatiques de périnèvre et de l'endonèvre. Le nerf était
altéré dans toute sa longueur du côté droit, et à sa périphérie
seulement du côté gauche. Dans la moelle allongée, on trouva
des petits foyers, surtout du côté droit et au-dessous de
l'épendyme, au niveau du sillon longitudinal du calamus.
Dans un autre cas (d'origne urémique), des lésions analogues
furent rencontrées dans le segment supérieur de la moelle
allongée; mais dans ce cas l'intégrité des nerfs vagues était
complète. R. M. C.
VII. Note SURCERT1.41 ? S impressions subjectives douloureuses DE
froid; DE la PSYCHft\LG[E crurale; par OI111. POLLOSSOY (Lyon,
méd., 1887, t. 06).
VIII. Angine DE poitrine, GOITRF EXOPIITIIALl11QU; ET hystérie chez
l'homme, par I. GH. AUDRY. (Lyon méd., 1887, t. 5L)
IX. Fibrome DE L1 dure-mère ET epilepsie chez UNE PHTISIQUE,
par M. L.\C1l01X. (Lyon, méd., 1887, t. : i4.)
Il s'agit d'une épileptique phthisique, àl'autopsie de laquelle on
trouva une tumeur fibreuse de la dure-mère, du volume d'une
noix, que comprimait légèrement la partie postérieure du lobe
temporal droit. Pendant la vie, cette tumeur n'avait décelé sa
présence par aucun signe clinique, sans doute parce qu'elle
n'intéressait le cerveau que dans la sphère latente et parce que
très vraisemblablement elle avait dû se développer avec une
extrême lenteur.
S'appuyant d'une part sur ces considéralions, et d'autre part
sur les antécédents héréditaires de la malade (père alcoolique,
mère débauchée), l'auteur pense que le fibrome de la dure-mère
n'a pas été la cause directe de l'épilepsie et n'a joué que le rôle
de cause occasionnelle ayant mis en jeu la prédisposition à une
affection névropathique que présentait cette malade en raison de
ses antécédents. G. D. 1
438 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.
X. Hysiérie chez un homme; par M. Cil. Audry.
L'intérêt de cette observation réside dans ce fait qu'on trouvait
associés chez le même malade les stigmates caractéristiques' de
l'hystérie, des accès d'angine de poitrine et des symptômes de
goilre exophlhalmique.
XI. Pathogénie de la paralysie AGIT.a\TE; par M. J. Teissier.
(Lyon méd., 1888, t. LVIII.)
Tout en admettant que les régions protubérantielles sont cer-
tainement intéressées dans la maladie de Parkinson (Vulpian),
M. J. Teissier pense qu'un certain nombre des grands symptômes
de la maladie, le tremblement et les troubles vaso-moteurs en
particulier, relèvent directement d'une sclérose diffuse des cordons
latéraux de la moelle. Cette sclérose est essentiellement diffuse et
s'étendait dans deux cas jusquau voisinage de la colonne de Clarke e
au niveau du tractus iDlermedio-lateralis précisément dans les
points qu'on est disposé à considérer aujourd'hui comme les régions
d'origine spinale du grand sympathique (Pierrel). résulte de ces
faits : 1° que la paralysie agitant ne doit plus être considérée comme
une névrose ; 2° que tout état constitutionnel susceptible de pro-
duire de la leplo-méninite ou de la sclérose diffuse de la moelle
pourra, dans certaines conditions donner lieu au tableau systéma-
tique de la maladie de Parkinson. G. D.
XII. Vaste ramollissement cortical DU cerveau ayant produit une
rotation EN sens contraire DE LI tête ET DES yeux et une déviation
inégale DES deux yeux ; par M. F. Leclerc. (Lyon méd. 1888,
t. LV).
L'intérêt de cette observation réside dans ce fait qu'une lésion
limitée à la surface convexe des hémisphères cérébraux a été
suffisante pour produire des symptômes oculaires ressemblant à
ceux qu'occasionnent les lésions de la base. L'auteur se déclare
du reste incapable de fournir une explication à cette infraction à
la loi de la déviation conjuguée de la tête et des yeux. Le même
malade présentait un kyste hydatique du psoas-iliaque dont le
contenu s'était transformé en une masse solide à la suite d'une
simple ponction. G. D.
XIII. UN cas d'ataxie locomotrice avec début par DES troubles
trophiques; par 111. II. 111OLLIERG.. (Lyon méd. 1888 t. LV.)
Il s'agit d'un malade chez lequel, contrairement à ce qui s'ob-
serve habituellement, des altérations trophiques variées (maux
perforants, arthropathies du pied, oedèmes locaux, chule des
REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 439
dents, etc.) ont marqué le début d'une atonie locomotrice vraie.
On peut donc supposer que la sclérose a envahi d'emblée dans ce
cas les fibres nerveuses profondes, mais la constatation nécrosco-
pique de cette altération a fait défaut, le malade ayant été très
amélioré par le traitement. G. D.
XIV. Note SUR un C\S de MUTISME HYSTÉRIQUE avec contracture par-
TIELLE DE la langue; par M. A. 1)UTIL. (Gaz. méd. de Paris,
1887.)
XV. Note pour, servir A l'histoire DE l'hystérie et du saturnisme,
par M. A. DuTtL. (Gaz. méd. de Paris, 1887.)
L'observation qui fait l'objet de ce travail est celle d'un homme
qui présenta dans sa jeunesse des crises d'hystérie convulsive bien
caractérisées. Délivré ultérieurement de tout accident hystérique
durant une période de cinq années, il vit ses attaques reparaître
et une hémiplégie avec hémianesthésie survenir sous l'influence
du poison saturnin, à l'occasion de sa première colique de
plomb. Cette observation semble donc favorable à l'interprétation
pathogénique de ceux qui admettent que l'intoxication saturnine
n'agit qu'à titre de cause adjuvante, particulièrement efficace
pour éveiller chez des sujets prédisposés, les manifestations de
l'hystérie restée jusqu'alors latente. G. D,
XVI. HYSTÉRIE mercurielle; par M. L. Guinon. (Gaz. 172é1.
de Paris, 1887.) .
Outre les signes vulgaires de l'hydlargyrisme chronique, le ma-
lade de M. Guinon présentait de l'hémianesthésie sensilivo-sen-
sorielle, du rétrécissement du champ visuel, des attaques convul-
sives, etc. Se fondant d'une part sur ce que son malade n'avait
jamais présenté d'accidents nerveux avant son intoxication et
d'autre part sur la localisation des accidents aux membres en-
contact plus intime et plus répété avec le mercure, l'auteur pense
que chez ce malade l'hystérie était le résultat direct de la seule
intoxication ; qu'elle n'existait que par elle en dehors de toute
prédisposition ; qu'elle était purement toxique, en un mot symp-
tomatique. G. D.
XVII. Maladie DE DUPUYTREN. - Paralysie générale, arthritisme^
par le Dr Régis. (Gaz. méd. de Paris, z1887.)
Le fait relaté dans cette note est intéressant au point de vue-
des rapports encore mal connus de l'arthritisme et de la para-
lysie générale. C'est l'histoire d'un malade pris d'abord de goutte
dans le pied droit, puis de rétraction palmaire dans la main
440 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
droite, enfin de paralysie de l'oeil droit. Atteint bientôt après de
paralysie générale, il présente des convulsions épilepliformes
localisées dans le côté droit, précédées et suivies de sueurs pro-
fuseset de conzestions pulmonaires idenliquesà celles quiselevaient
exclusivement autrefois de son arthritisme. Il est impossible, dit
d'auteur, de ne pas voir dans cette succession de phénomènes, en
particulier dans la réunion chronologique et la localisation des
.deux ordres de symptômes dans un même côté du corps, une con-
Jlexion allant presque jusqu'à la fusion entre les manifestations
goutteuses et celles de la maladie cérébrale.
Il semble donc légitime de conclure des particularités les plus
saillantes de cette observation a la réalité d'une parenté morbide
entre l'arlhritisme et la paralysie générale. G. D.
XVIII. Note sur un cas D'UÉMORRIIAGIE bulbaire ; par M. A. DUTIL,
(Gaz. méd. de Paris, 1887.)
'Observation d'un malade qui présentait une hémiplégie alterne
'du facial gauche et des membres du côté droit avec anesthésie
incomplète et une paralysie des deux nerfs de la (te paire. A l'au-
topsie on trouva dans le bulbe un foyer hémorrhagique qui avait
.détruit : 1° le noyau accessoire et le noyau principal du facial
.gauche ; 2° les deux noyaux d'origine de la 6° paire. Les troubles
fonctionnels observés pendant la vie étaient donc exlactement
supperposables aux lésions constatées à l'autopsie. G. D.
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
T. LE traitement i;L1'CTRIQUE DE la paralysie faciale par REfROI-
DISSEMENT ; par C. EGELiSJOE<.(Ce)<)'<i ? \M ? )/e : 7<[., 1887.)
La paralysie faciale rhumatismale est des plus heureusement
influencée par la faradisation du bulbe : (une électrode à la
muque, l'autre au-dessus du larynx), séance de deux minutes. Gué-
rison de tous les phénomènes douloureux, aneslhésiques, para-
lytiques en peu de jours. Trois observations choisies à l'appui.
,P. K.
ill. A QUEL moment EST-IL INDIQUÉ DE commencer LE traitement
électrique DES maladies inflammatoires aiguës DU système NUIT-
veux ? par R. FaiEDLOENDER. (Ccnlmlhl. f. Nervenheilli, 1887.)
.11 est des cas dans lesquels le courant constant doit être appli-
REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 4 lit Il
que dès le début, pourvu qu'on sache le doser, en localiser les
doses et les séances. Telle cette observations de poliomyélite aiguë.
Chaque séance se compose du placement successif de l'anode
(lame de Sa centimètres carrés) et de la cathode (ovale de
63 centimètres carrés), à trois étages du torse thoraco-spinal, la
première à une partie quelconque des vertèbres cervicales supé-
rieures, la seconde à la poignée du sternum et à l'épigastre. Pour la
station la plus élevée, la force du courant atteindra 2 à 2 milliamp.
1/2, pour la station la plus basse, elle sera de 3 milliamp. (den-
sité de 2 à 3/55). Chaque station sera de 4 secondes. Durée de la
séance : 2 minutes et quelque chose. Une séance par jour. Repos
sans aucun autre traitement. Guérison complète eu 12 semaines.
P. K.
III. DE L'ANTIrÉBRINE comme ANTI-ÉPILEPTIQUE; par A. SALI ! .
(Neu1'ol. Centralbl., 1887.)
Onze malades. On ne peut affirmer que l'action du médicament
soit favorable. Ce qu'on peut affirmer, c'est qu'il provoque une
cyanose qui n'est ni gênante ni inquiétante; coloration foncéede
l'urine. Toutefois l'auteur n'a pas trouvé d'élimination de méthé-
moglobine. P. K.
IV. DE l'action DE l'antipyrine dans l'épilepsie, par M. G. LEJIOINE.
(Gaz. méd. de Paris, 1887.)
Il résulte des observations contenues dans ce travail que si
l'antipyrine est sans l'action sur la majorité des épileptiques, elle
n'en donne pas moins de bons résultats chez ceux qui rentrent
dans l'une des catégories suivantes : 1° Les épileptiques dont les
accès sont influencés par la mensll ualiou ; 2° les épileptiques qui
n'ont que des accès larvés ; 3° les épileptiques migraineux.
Une dose journalièle de 2 grammes sullit dans la majorité des
.cas et son emploi peut être piolonge pendant fort longtemps,
.sans aucun danger pour le malade. G. D.
. Guérison DE contractures hystériques DU jambier antérieur
gauche ET DU TRICEPS crural DROIT, obtenue chez une malade non
IIYPNOTISABLE, par suggestion pendant LE SOMMEIL naturel;
par M. J. JANET. (Gaz. méd. de Paris, 1887.) .
«
- V1. DE QUELQUES modifications QUE subissent LES hallucinations de
l'ouïe sous l'influence du courant galvanique; par F. FiscHER.
(,17 ? h. f. Psych., XVIII, 1.)
Obsel'valion 1 ? Aliéné de quarante-cinq ans; sous l'influence du cou-
Tant galvanique, modification très favorable d'une ancienne cépha-
442 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.
lalgie occipitale et de l'état psychique (idées de persécution avec
agoraphobie et asthme ; puis, à la suite d'une séance de ralvani-
sation, tous ces accidents reparaissent accompagnés cette fois d'hal-
lucinations de l'ouïe. Donc, conclut M. Fischer, dans certaines
conditions, en faisant passer à travers la tête un courant galva-
nique, on peut provoquer des hallucinations de l'ouïe. - Obs. II.
Homme de quarante-deux ans, extrêmement halluciné; ses pen-
sées lui résonnent dans la tête comme autant d'échos ; des voix
lui répondent ; il se voit contraint de les répéter comme si c'était
une musique. Deux mois plus tard, affaissement intellectuel et soma-
tique, pendant lequel les hallucinations deviennent sporadiques,
la mémoire s'affaiblit ainsi que l'ouïe. Le traitement galvanique
entraîne une rapide amélioration ; les hallucinations se sont apai-
sées, le sommeil reparait. Ici la modification du système nerveux
central a favorisé la cessation des hallucinations. Le même trai-
tement a donc, employé de la même façon, produit un effet con-
traire dans les deux cas. P. K.
VI. Traitement DE l'épilepsie par LE bromure d'or; par M. le
Dr EMILE Goubert. (Paris, Lecrusnier et Babé, éditeurs, 1888.)
L'auteur donne le bromure d'or en solution, à la dose
moyenne de 8 milligrammes en vingt-quatre heures pour un
adulte, et de 3 à 6 milligrammes pour un enfant. On peut aug-
menter la dose chez l'adulte au bout de quelques jours, mais
s'arrêter s'il se produit de la céphalée. L'auteur trouve à son
emploi les avantages suivants : 1° la nécessité d'une dose moins
grande de sel, que dans l'emploi des autres bromures, et par là
une tolérance plus grande de l'estomac; 2° pas d'accident de
bromisme (accidents cutanés, psychiques ou génésiques); 3° l'ac-
tion durable de ce sel, certains malades étant restés à la suite de
son emploi plusieurs années sans voir le retour des accidents
épileptiques. Enfin l'auteur dit en avoir éprouvé les hons effets
dans la migraine et le goitre exophtalmique.
Ces résultats ne concordent pas avec ceux des recherches entre-
prises sur le même sujet par MM. Bourneville et Dauge', que
M. Goubert n'a pas mentionnés et auquel il n'a pas accordé la
priorité. Entre leurs mains, le bromure d'or n'a donné aucun
résultat notable '. A. RAOULT.
1 Nous reviendrons prochainement sur cette question.
SOCIÉTÉS SAVANTES.
SOCIÉTÉ IÉDICO-PSYCII 0 LOGIQUE.
Séance du 24 juin 1889. - Présidence de 1. F.ILliET 1
Cocamismc. M. 111,Niti lit une note sur le cocaïnisme.
Classification des maladies mentales. Votes. - Les conclusions
du rapport de la commission chargée d'examiner les diverses
classifications proposées à la Société ne sont pas adoptées. La
commission proposait la classification de M. Magnan.
M. HALL donne lecture d'une classification qu'il a élaborée avec
M. Baillarger. Cette classification de laquelle sont exclues les
dégénérescences mentales, n'est pas acceptee par la Société.
Ordre du jour. M. GARNIER propose l'ordre du jour suivant
qui est voté à une grande majorilé :
La Société médico-psychologique, considérant que dans l'état
actuel de la science, toute tentative à l'effet d'établir une classi-
fication des maladies mentales ne saurait s'appuyer que sur des
données ou trop incomplètes ou trop contestées encore pour
rallier la très grande majorité des suffrages, émet l'avis qu'il y a
lieu de clore la discussion engagée à la demande de la Société de
médecine mentale de Belgique et passe à l'ordre du jour.
M. Dupain lit au nom de M. Déricq une communication sur la
prétendue bienveillance des paralytiques généraux. M. B.
XIII0 CONGRÈS DES NEUROLOGUES ET ALIÉNISTES
DE L'ALLEMAGNE DU SUD-OUEST.
session de fribourg 1888 - ;
Séance dit 9 juin. Présidence DE M. ERLB.
M. Roehlm4NN (de Doi'pat.).D<}Me/KeSMtod ! CM<t07 ! Sd6St)HMSea : fJ;
de la rétine dans /' artériosclérose généralisée. Limitées à certains
' Une erreur dans la mise en pages du dernier numéro a fait passer
avant cette séance, celle du 29 juillet.
1 Voy. Arlaiues de Neurologie, XI LI Congrès, t. XVI, p. 85.
444 14 sociétés savantes.
endroits des vaisseaux, elles affectent, sur les artères, la forme
d'artério-sclérose noueuse, sur les veines, celle de phlébectasie en
foyer. Sur quarante malades examinés, M. Roelumaun a rencontré
ces altérations artérielles ou veineuses de la rétine, presque dans
la moitié des cas. Chez 30 p. 100 d'entre eux, la lumière du
vaisseau, réduite en certains endroits, prenait l'aspect boudiné.
Quant à la paroi même/au niveau de ces rétrécissements, ◀tantôt▶
(c'était le petit nombre de cas) la colonne sanguine avait diminué
de diamètre sans qu'on observât de lésions proprement dites,
◀tantôt▶ le rétrécissement (dans l'immense majorité des faits) tenait
à un épaississement fusiforme, couché suivant l'axe longitudinal
du tuyau vasculaire, et par suite, obstruant, par son étoffe une
partie de la lumière de l'organe. Cet épaississement se révélait il
l'ophthalmoscope sous la forme d'une tache blanc-grisâtre ou
gris-jaunâtre tranchant assez crûment sur le fond de l'oeil. Un
même rameau artériel pouvait porter plusieurs de ces nodosités,
le plus généralement néanmoins isolées. Vingt p. 100 des ma-
lades étaient atteints de rendements variqueux des veines réti-
niennes ; ces ectasies oblongues, ne s'accompagnaient d'aucune
lésion de la paroi vasculaire, ◀tantôt▶ elles transformaient, par leur
multiplicité, une seule et même veine en une sorte de saucisson
ficelé, ◀tantôt▶ elles se montraient isolées sur un même tronc.
Parmi les malades affectés de ces troubles vasculaires, il n'y en
avait que deux qui ne présentassent pas de sclérose des artères
du corps, et, en particulier de la radiale ou de la carotide. Chez
5 p. 100 d'entre eux, il y avait hémiplégie. L'opblhalmoscope,
par les vaisseaux rétiniens, nous permet donc de poser le dia-
gnostic de maladies des vaisseaux de l'économie etnolamment des
d'artères cérébrales.
M. 1l.tuz (de Fribourg). De la névrite optique symptomatiquc.
De Groefe rattachait la névrite optique des affections cérébrales
à une augmentation de la pression intracrânienne qui, compri-
mant les vaisseaux encéphaliques, s'opposerait au retour du sang
de la veine centrale de la rétine. Cette théorie a été renversée par 0
la constatation anatomique d'autres canaux circulatoires. Schmidt-
Rimpler et Manz ont alors émis l'hypothèse de la formation d'un
exsudat pathologique entre les gaines du nerf optique qui agirait
par compression. Ce à quoi MM. Ueutschmann et Leber répliquent
que l'inflammation du nerf optique émane non de la compression
de cet exsudat mais bien de l'action spécifique de substances chi-
miques ou parasites, qu'il contient et qu'il a puisées dans le foyer
cérébral. Passons donc en revue les différentes affections de l'en-
céphale. Dans les tumeurs cérébrales, ce n'est pas à une névrite
que l'on a affaire ; c'est au type le plus beau de papille étranglée.
Dans la méningite, la névrite est rare, et encore afïecte-t-elle
une forme spéciale. Encore plus rare est la papillite dans l'abcès
sociétés savantes. 445
du cerveau, dans l'encéphalite suppurée. Cela ne veut pas dire que
la papille étranglée ne participe pas d'un élément inflammatoire,
mais c'est la pression intracrânienne qui, en déterminant de l'hy-
dropisie de la gaine à l'extrémité du nerf optique a produit les
premiers troubles de circulation générateurs des altérations patho-
logiques (infiltration oedémateuse, tuméfaction, gonflement). De là
les troubles fonctionnels àoscillations multiples coïncidant maintes
fois avec des accidents de même nature (pression) et de même
allure du côté de l'encéphale, et ne pouvant être, comme ceux-
ci, interprétés que par le mécanisme de l'arrêt de la circu-
lation en retour.
M. Rvna (privat-docent). Aspects du fend de l'oeil dans l'épilep-
sie. Examen d'un malade pendant l'accès lui-même; l'orateur
constata (il s'agissait d'un état de mal) dix à vingt secondes avant
chaque accès une brusque contraction des artères de la rétine; ces
vaisseaux demeurèrent rétrécis pendant la phase convulsive et
reprirent, les convulsions terminées, leur allure normale, tandis
que les veines se dilataient très notablement. Cette succession de
phénomènes put être observée douze fois. Elle se combina même,
à plusieurs reprises, à une diminution considérable et brutale de
l'image ophthaLnoscopique par convulsions cloniques du muscle
ciliaire. On en rapprochera une seconde observation relative à des
accès de cécité subite durant pendant quelques minutes, caracté-
risés par une sorte d'occlusion du champ visuel en forme de rideau ; -,
la cécité même ne dépassait pas une minute, puis la vue (il s'agis-
sait de l'oeil droit dans le cas d'épilepsie due à la sypliilis) récu-
pérait en sens inverse ses fonctions normales. Evidemment ces
accidents, qui tiennent à la contraction des artères rétiniennes,
sont l'image de ce qui se passe dans l'écorce du cerveau pendant
l'accès d'épilepsie.
M. Naunyn (de Strasbourg). Le pronostic des affections syphili-
tiques du système nerveux. Il y a une grande importance à le
jauger d'après le traitement mis en oeuvre. Dans la collection des
cas de tabès paralytique syphilitique et de paralysie générale de
même nature traités par lui dans ces quinze dernières années par
les frictions mercurielles, M. Naunyn n'a vu qu'un seul malade
(il était atteint de tabes paralytique) présenter une amélioration
d'ailleurs médiocre. Par conséquent, le pronostic de ces deux
affections ne repose pas le moins du monde sur la constatation de
l'élément syphilitique ; le mercure reste sans action sur l'une et
l'autre. Il en est de même pour la polynévrite. Sans doute, chez
une jeune fille syphilitique, les frictions mercurielles ont guéri
un tabès spasmodique; mais une seule observation permet-elle
des conclusions générales ? Les autres maladies syphilitiques du
système nerveux, sans admettre un pronostic aussi sombre, sont
446 sociétés savantes.
assez sérieuses. La bibliographie ne renferme que peu de cas de
guérisons persistantes par le traitement antisyphilitique. Sur
quatre-vint-treize observations qui lui sont personnelles, M. Nau-
nyn n'a enregistré que huit guérisons durahles (ayant persisté au
bout de cinq ans). Sans doute, les malades qui guérissent sont
perdus de vue par le médecin, mais il n'en est pas moins vrai que
la majorité des affections spécifiques du système nerveux central
présentent une évolution défavorable; parmi elles; on en enre-
gistre pas mal qui, quoique traitées dès le début, ont continué leur
marche. M. Naunyn en comptecluatre-vinât-Imit; dix de ces malades
n'offrirent aucune modification; quarante-neuf furent améliorés ;
cinq moururent à la clinique; vingt-quatre guérirent. Et cepen-
dant, la bibliographie accuse sur 32S faits 1 ? ) (48 p. 100) guéri-
son, 170 (52 p. 100) incurables.
Etudions à présent les éléments du pronostic. Après avoir éliminé
les cas de tabes dorsal paralytique et de paralysie générale, il
nous reste 33 observations dont 290 empruntées à la bibliographie
et45 propres à l'orateur. On trouve ainsi que c'est dans la première
année qui suit l'infection syphilitique que le système nerveux est
le plus souvent atteint (44 p. 100) puis, la fréquence des maladies
nerveuses syphilitiques diminue d'année en année. A partir de la
onzième année consécutive à l'infection, ces maladies sont très
rares; el les sont extraordi nairement rares dans la quinzième année.
- Ou constate dans les deux catégories, vingt à vingt-neuf ans-et
trente à trente-neuf ans, autant de guérisons que d'incurables. Ce
n'est qu'après quarante ans que le pronostic se montre nu peu plus
défavorable. On ne saurait dire que le pronostic soit propor-
tionnel au laps de temps écoulé entre l'apparition de la maladie
nerveuse et l'infection syphilitique. Le pronostic ne dépend pas
non plus du laps de temps écoulé entre le dernier accident syphili-
tique et le début de l'affection nerveuse. Mais il y a une impor-
tance à attacher au temps qui s'est écoulé entre le début du trai-
tement syphilitique et l'apparition de la maladie nerveuse. Le
pronostic est plus favorable quand on s'est mis à traiter la mala-
die immédiatement après son apparition; si l'on a laissé passer
quatre semaines sans agir, on peut attendre pour traiter la mala-
die nerveuse au besoin une année sans que celle-ci subisse de
cette expectation un fâcheux effet. - La forme de la maladie
doit être prise en considération dans le pronostic. Ainsi les accès
épileptoïdes, l'excitation cérébrale (céphalalgie), les vertiges avec
attaques syncopales, les vomissements, le.' névrites (névralgies,
ophthatmoptégies, paralysies des nerfs craniens de la base) témoi-
gnent d'un pronostic beaucoup plus favorable que les monoplégies,
les hémiplégies, les paraplégies, les lésions diffuses et mixtes, géué-
ralement incurables ou peu curables. - Une guérison ou une
amélioration qui la touche de près s'annonce presque toujours
SOCIETES SAVANTES. I. Ik 7
de bonne heure. Sil'iodurede potassium, àla fin de la première se-
maine,n'ariendonué,sil'onn'adefrictions mercurielles énergiques
rien obtenu en deux semaines, il n'y a guère lieu d'espérer. Les
1 oo cas de guérison de l'orateur comprennent 4 cas d'améliora-
tion indubitable dès la première semaine. C'est surtout sur la
santé générale qu'agit favorablement le traitement spécifique,
mais à la condition de procéder avec énergie et de faire absorber
par la peau, progressivement, de cinq à dix grammes d'onguent.
M. FonEL (de Zurich). Contribution à la thérapeutique de l'alcoo-
lisme. Ce sont les sociétés de tempérance qui ont produit les
résultats les meilleurs et les plus étendus. Ainsi on trouve 1,000
alcooliques guéris sur 6,000 membres de la société de tempérance
suisse. Les 10 p. 100 de prime qu'accordent, sur leurs tarifs, aux
individus tempérants les sociétés d'assurances sur la vie anglo-
américaines, montrent encore que la tempérance est éminemment
productive à la- santé de l'homme. Il faut se sevrer au plus vite
des boissons alcooliques, même dans le cas de délirium tremens;
on peut sans danger (statistiques anglaises) en priver ces malades
en quatre ou cinq jours au maximum, mais la nutrilion doit être
entretenue avec le plus-grand soin quand on devrait avoir recours
à la sonde oesophagienne. Le régime de l'eau réussit admirable-
ment aux alcooliques de l'asile d'aliénés de Burhoezli. Bien des
rechutes sont d'ailleurs imputables au médecin qui croit devoir
prescrire pour cause d'affections morbides communes des potions
alcooliques. En revanche, l'hypnotisme rend dans l'espèce de
grands services par le mécanisme de la suggestion dont on entretient
les effets par l'association. L'hypnotisme est encore un bon
moyen pour désaccoutumer les morphinomanes.
M. Enll (d'Heidelberg). De la dystrophie musculaire progressive.
- L'atrophie musculaire progressive se décompose en deux
formes : la forme spinale (amyotrophie spinale progressive) et la
forme myopathique (dystrophie musculaire progressive). Cette
dernière comprend l'atrophie musculaire juvénile (Erb), la pseu-
dohypertrophie de l'enfance, l'atrophie musculaire héréditaire
(Leyden), l'atrophie musculaire progressive infantile de Du-
chenne avec atteinte de la face (Landouzy et Déjerine). Ces quatre
groupes sont empreints de syndromes cliniques univoques; môme
localisation du processus morbide, même allure des muscles,
quant à la convulsibilité fibrillaire, à la palpation, à l'excita-
bilité électrique; ils ne diffèrent que par le volume du muscle,
d'âge auquel apparait la maladie ou l'invasion préférée de la
moitié supérieure ou inférieure du corps. Les espèces de tran-
sition apportent un autre élément de conviction à cette ma-
nière de voir. C'est ainsi qu'il existe : 1° une dystrophie juvénile
avec atteinte de la face (Remak, Mossdorf, Bernhardt, Singer,
448 8 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Marie et Guinon, Landouzy, Déjerine, Duchenne, Friedreich) ;
2° une pseudohypertrophie avec atteinte de la face (Westphal,
Buss, Marie et Guinon; 3° une d3'strophie infantile à type mi-partie
juvénile, mi-partie pseudohypertrophique; 4° une pseudohyper-
trophie à aspect juvénile (Nothnagel, Buss, Marie et Guinon);
5° une pseudohypertrophie de la forme juvénile, chez des indivi-
dus âgés (Erb); 0° des - formes indéterminées (Buss, Marie et
Guinon); 7° un polymorphisme hantant une seule et même fa-
mille (Uuclienne, Landouzy et Déjerine, Zimmerlin, Scbulize). De
même que l'unité clinique, l'unité anatomo-pathologique semble
faite. Les premiers stades des altérations musculaires se traduisent
par de l'hypertrophie ; en même temps les fibres s'altèrent et
l'atrophie graduelle s'accompagne bientôt d'hyperplasie du tissu
conjonctif et de lipomatose.
M. COEUMLKR (de Fribourg) présente un malade atteint de dys-
trophie musculaire progressive assez avancée mais très nette (forme
juvénile), ainsi qu'un aphasique (type Broca).
M. Wiedersiieim (de Fribourg) présente une série de maquettes
en cire de cerveaux de vertébrés, fabriquées par Ziegler, excellentes
pour l'enseignement.
M. ICIIUV (de Fribourg). Des psychoses dues au système cellu-
laire 1.
Séance du 10 juin. - Présidence de M. JOLLY.
M. Euumcaaus`, décrit, pièces et plans en mains, la nouvelle Cli-
nique psychiatrique, ouverte le 1 ? avril 1887.
On choisit Bade-les-Bains pour lieu du prochain congrès, et
l'on charge MM. Erb et Franz Fischer des affaires de la Société.
M. HOFFMANN (privat-docent). Sur un cas d'atrophie musculaire
progressive. - L'orateur le désigne sous le nom de forme tenant
le milieu entre l'atrophie musculaire spinale et l'atrophie muscu-
laire myopathique, à l'exemple des observations de Eulenburg,
Eichhorst, Ormerod, Schultze, Charcot et Marie. Il croit à l'exis-
tence, dans l'espèce, d'une dégénérescence nerveuse multiloculaire
et propose le nom d'atrophie musculaire progressive neurolique
bien que, ainsi que le dit Charcot, la myélopathie constitue e lfac-
cident initial.
M. KPPEN.De l'albuminurie chez les aliénés. -Il faut distinguer
trois groupes de faits : 1° celui des psychoses dues à une néphrite,
probablement urémiques. Dans ces cas, l'aliénation mentale ne se
montre que longtemps après la maladie des reins ; elle se traduit
1 Nous renvoyons t'analyse de son mémoire : les psychoses dans les
pér : iteatiers. (Revues analytiques; in Archives de Neurologie.)
. SOCIÉTÉS SAVANTES. 4f¡.\)
par du désordre avec incohérence dans les idées, et de l'hébétude
entrecoupées par des phases d'agitation. La stupeur et la passivité
du malade croissent avec l'oedème, l'anurie, l'albuminurie. 2° Ce-
lui de la folie artél'io-sclél'euse. I,'artério-sclérose généralisée n'a
pas épargné les vaisseaux encéphaliques et semble, par ce méca-
nisme, avoir engendré l'aliénation mentale. L'albuminurie dé-
pend ici soit de la constitution du système vasculaire, soit d'une
affection rénale de même nature. 3° Albuminurie des centres ner-
veux. Elle concorde avec l'incohérence et l'hébétude psychique dont
elle suit pas à pas les hauts et les bas, quelle que soit la moda-
lité morbide (delirium tremens, délire aigu, manie) dans laquelle
on la constate. Elle se traduit non pas seulement par de "all)umi-
nuiie ordinaire, mais fréquemment par la présence de propeptone
dans l'urine. Si l'on soumet cette humeur à l'action de l'acide
nitrique on remarque en effet que, dans bien des cas, alors que
l'ébullition et l'addition d'acide nitrique sont demeurées sans ac-
tion sur elle, elle se trouble en se refroidissant et précipite. Le
précipité se dissout dans l'eau bouillante. Si l'on a à sa disposition
de grandes quantités d'urine, on obtient par l'acide acétique, le
chlorure de sodium, ou le sulfate d'amoniaque acétifié, un précipité
qui, recueilli sur un filtre, est soluble dans l'eau : cette solution
fournit la réaction de Biuret au froid. Dans le cours de la maladie,
on trouve ◀tantôt▶ du propeptone seul, ◀tantôt▶ d'abord du propeptone'
puis de l'albumine ordinaire, et finalement du propeptone,.
◀tantôt d'abord de l'albumine commune, puis du propeptone.'
En bien des cas, le propeptone est le premier signe d'une influence
exercée par le cerveau sur les reins. Naturellement, on a su faire
abstraction des causes d'albuminurie telles qu'hyperthermie, sur-
menage musculaire, produits de sécrétion du vagin, sperma-
torrhée, catarrhe vésical. La plupart du temps, les urines présentent
un poids spécifique élevé, mais il n'est pas rare d'observer une
densité élevée sans qu'il y ait d'albuminurie : et, d'autre part, ou
trouve des urines à faible densité qui contiennent de l'albumine.
Le microscope ne révèle, même dans les cas d'albuminurie très
prononcée, que des cylindres hyalins, parfois clairsemés, et quel-
ques épithéliums. Ce qui prouve qu'il faut rattacher l'albuminurie
à l'état du cerveau.. `
M. Edinger (de Francfort). Du développement du manteau cérébral
dans la série animale. Comment se comportent l'ensemble des cir-
convolutions cérébrales et les ganglions de la base chez les divers
animaux ? Où commencent à apparaître l'écorce du cerveau et les-
organes qui en accompagnent la formation ? Peut-on constater un
système de fibres qui soit commun au cerveau antérieur de tous
les vertébrés ? Voici les résultats auxquels est arrivé l'observateur.
La trame de ce que l'on appelle cerveau antérieur des Cyclostomeset
des Téléootéens se compose du ganglion de la base et des origines
Archives, t. XVIII. 29
'430 SOCIÉTÉS SAVANTES.
des nerfs olfactifs. Le manteau qui recouvre le ganglion de la base
consiste en une mincelamelle.lmpossibledecomprendrele cerveau
antérieur des Sélaciens sans en suivre le développement; on voit par
exemple que chez les raies, le cerveau antérieur primitif ne déplie
pas devant lui un second bourgeon (cerveau antérieur secondaire) ;
sa paroi antéro-supérieure s'épaissit au point de former un volu-
- mineux cylindre à peine pourvu d'un ventricule : cet organe n'est
pas comparable au cerveau antérieur définitif des autres animaux.
liais chez le requin, ce cylindre épais déroule deux petits hémis-
phères qui représentent un véritable cerveau antérieur secondaire.
Aucune des espèces animales mentionnées ne possède rien qu'on
puisse désigner sous le nom d'écorce. Pas d'écorce non plus sur le
'cerveau antérieur, d'une structure extraordinairement simple, des
amphibies; une couche interne composée de cellules, une couche
externe constituée par des fibres et de la névroglie. La place qui,
- chez les animaux supérieurs, est occupée par la circonvolution de
la corne d'Ammon, se révèle, chez les amphibies, par une couche
- externe comprenautdeux groupes distincts de cellules. Les dipnes,
- chez lesquels Fulliquet a tout récemment décrit quelque chose de
- semblable à une écorce, forment peut-être un type (protoptère) in-
termédiaire à ce que nous venons de signaler et au manteau bien
.organisé. tel que nous le trouvons chez les reptiles. Le cerveau an-
térieur de ces derniers contient tous les éléments caractéristiques
du cerveau des vertébrés élevés en organisation. Le ganglion de la
base, lui-même bien construit (noyau sphérique) est nettement
formé et franchement stylé ; le manteau, pourvu d'une écorce, té-
'moigne de la formation plus accentuée qu'on ne l'avait vue jus-
qu'àlorsd'une couronne rayonnante, de la corned'Ammon(premiers
linéaments), d'une voûte à trois piliers.
Chez les oiseaux, le ganglion de la base a atteint un volume
inconnu chez les autres classes, mais l'écorce du manteau n'a pas
progressé. C'est chez les mammifères que la couche corticale, en-
score si incomplète chez les reptiles, parvient à son apogée, se con-
tourne en replis multiples, et donne naissance à une grande quantité
de fibres, d'association et de rayons en couronne (couronne rayon-
nante). Aussi le manteau forme-t-il la masse fondamentale du
- cerveau antérieur, mais cette perfection ne se produit qu'à une
période relativement avancée du développement de l'animal, et
non dans la phase embryonnaire. Cette fusée de fibres que l'écorce
"vient projeter de haut en bas en tous sens, aboutit à la dissocia-
tion du ganglion de la base; au lieu de l'organe rudimentaire qui,
- chez l'embryon, ressemble beaucoup à celui des autres vertébrés,
on y distingue alors deux parties : le noyau caudé et le pulamen.
Celle progression n'est d'ailleurs pas graduelle. Entre le manteau
purement épithélial du cerveau des poissons osseux, et celui des
.amphibies, on ne connaît pas de types constituant des transitions
SOCIÉTÉS SAVANTES. 451
géométriquement dosées; entre celui des amphibies et celui des rep-
tiles, on constate bien des cases vides. Ce n'est que l'apparition
d'une véritable écorce qui vient annoncer la trame d'où sortira
l'organe parfait des mammifères. "
M. ZIGII6N (privat-docent). Contribution ci la physiologie des gan-
glions sous-corticaux et de leur rapport avec l'accès d'épilepsie.
Expériences tendant à exciter, aprèsavoir réséqué les hémisphères,
le corps strié, le noyau lenticulaire, la couche optique, les tuber-
cules quadrijumeaux. L'auteur s'est borné généralement, chez le
lapin, à toucher ou à altérer superficiellement, à l'aide d'aiguilles
mousses, la substance de ces organes; il a rarement fait intervenir
le courant faradique. Il a combiné ces expériences à de nombreuses
transfixions. En voici les résultats :
1° L'excitation mécanique du noyau caudé et du noyau lenticu-
laire demeure sans effet. Il n'existe pas dans ces organes de centre
d'action. Si l'on transperce le ganglion de la base au milieu du
noyau caudé, on a de la peine à obtenir des réactions qui d'ailleurs
ne durent qu'un moment. En s'adressant au courant faradique (les
deux bobines étant àquinze centimètres de distance l'une de l'autre)
on voit survenir des mouvements de mastication, des contractions
fibrillaires des lèvres, de la rotation de la tête du côté opposé, des
contractions toniques des pattes du côté opposé et même du même
côtéquoiqu'à un moindre degré. Si l'on prolonge l'excitation fara-
dique, on produit un accès convulsif des plus nets, consistant en
contractions toniques. Evidemment ces phénomènes sont dus à
l'irradiation du courant par la capsule interne.
2° L'excitation mécanique superficielle de la couche optique reste
inaclive, de même que l'excitation faradique la plus faible. Si
l'on s'adresse à de forts courants, on entraine l'action de la cap-
sule interne, et l'on obtient des contractions toniques, surtout du
côté opposé, qui progressent d'avant en arrière dans l'ordre sui-
vant : facial inférieur - branche motrice du trijumeau - branche
oculaire du facial -patte antérieure - patte postérieure. Faisons
passer une section à travers la couche optique dans le plan antérieur
nous obtenons un tressaillement musculaire tout momentané; la
même opération dans un plan bien postérieur au premier déter-
mine une brutale et impétueuse agilalion de l'animal, qui se met
à exécuter des mouvements de course excessifs, la locomotion est
des plus accusées. Ces sections passent à la base du cerveau devant
la protubérance; peu importe du reste qu'elles soient plus ou
moins éloignées de cet organe, l'excitation se traduit de la même
façon. Parfois cette course échevelée se termine, après un conrt
temps d'arrêt, par une conversion tonique. Il est probable que
celle-ci est due à l'irritation secondaire d'organes éloignés.
3° L'excitation mécanique et faradique des tubercules qzcccdriju-
meaux antérieurs (ainsi que du corps genouillé externe), produit,
452 SOCIÉTÉS SAVANTES.
de même que la transfixion, les mêmes coLirsespatliolo-1ques, mai £
à un degré encore plus exagéré. Cette procursion s'accompagne
souvent de cris. Elle survit de plusieurs minutes à l'excitation.
Souvent aussi une convulsion tonique termine la scène. Nothnagel
a signalé dans l'écorce du lobe occipital, un endroit dont l'excita-
tion, par des agents chimiques et mécaniques, provoque des symp-
tômes semblables; or l'excitation mécanique n'agit pas sur lui.
4° L'excilation mécanique ou faradique et la transfixion des
tubercules quadrijumeaux postérieurs se traduit par une convulsion
tétanique extrême, qui survit longtemps à l'excitation. On obtient
encore les mêmes résultats quand la section est assez obliquement
dirigée pour passer à la base en avant de la protubérance. La té-
tanisation commence du même côté que celui de lïnterl"en-
tion expérimentale ; la rigidité des memhres s'effectue dans le sens
de l'extension ; la tête subit une rotation qui la porte en arrière et
du même côté. Il est rare d'assister à des mouvements isolés, sur
place, qui figurent la marche et la course.
Par conséquent, la région des couches optiques et des tubercules
quadrijumeaux antérieurs contient des centres moteurs destinés à
des mouvements coordonnés d'une certaine valeur. 11 est probable
que leur genèse est non directe mais réflexe, et que l'intervention
du trajet intracérébral du nerf optique joue dans l'espèce un
rôle fort important. La tétanisation engendrée par les tubercules
quadrijumeaux postérieurs est aussi, suivant toutes probabilités
d'urdre réflexe.
M. Thomas a observé sur lui-même un léger degré d'épreinte
vésicale dû à une excitation mécanique quelconque de la muqueuse
buccale.
M. A. Cramer (de Fribourg). De l'action du sulfonal chez les aliénés.
- Quatre cent sept administrations sur quarante-cinq malades.
Quatre-vingt-douze pour cent d'entre elles ont produit un sommeil
de cinq heures et davantage. Il s'agissait de vingt-quatre mélan-
coliques, neuf hystériques, huit maniaques, quatre paralysies
générales, trois folies systématiques, une hébéphrénie. Dans la
plupart des cas, le sommeil survint de un quart d'heure à une
heure après l'ingestion du médicament soit dans une hostie, soit
mêlé à n'importe quel aliment, à n'importe quelle boisson, voire
à une omelette. Dose : un à trois grammes. Le sulfonal fait
disparaître l'angoisse en procurant un état de somnolence des
plus sédatifs et calme les maniaques sansproduire d'inconvénients.
Comment agissent sur la salive mixte, sur le suc gastrique, sur
le suc pancréatique, le chloral, la paraldéhyde, l'hydrate d'amylène,
le sulfonal ? .
Qu'il y ait ou non un gramme des trois derniers narcotiques
dans de la salive buccale mixte, celle-ci possède le même pouvoir
saccharificaleur sur l'amidon.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 453
Si l'on détermine le temps nécessaire pour que, à une égale
température, le suc gastrique et le suc pancréatique artificiels digèrent l
un gramme de fibrine, avec ou sans addition d'un gramme des
quatre narcotiques en question, on voit que le pouvoir digestif du
suc gastrique est très ralenti par des doses concentrées de chloral,
de paraldéhyde, d'hydrate d'amylène, de sulfonal, que le chloral et
la paraldéhyde entravent, quelque soit le titre de leur solution, la
puissance digestive du suc pancréatique, que l'hydrate d'amylène
agit moins sur ce dernier, que le sulfonal n'exerce sur lui aucune
influence.
M. Kast. Des troubles des facultés musicales chez les aphasiques.
- Il s'agit d'individus bien doués au point de vue musical et ayant
dans cet art reçu une parfaite instruction, qui, de par la maladie,
ont perdu la faculté de rendre leurs conceptions sensorielles rela-
tives aux notes et à leur association, et d'exécuter des impressions
du même ordre qu'on leur transmet, sans cependant qu'ils aient
perdu l'ouie dans le sens technique du mot, ni que leur appareil
moteur soit réduit à l'impuissance.
Kast a jadis publié le cas d'un jeune cultivateur qui, à la suite
d'un traumatisme, était atteint d'hémiplégie droiteet d'une aphasie
du type Broca; il lui était devenu impossible de chanter, même
les plus simples mélodies, ni de se conformer aux plus simples
mesures, alors qu'auparavant il avait un réel talent. Il avait con-
tinué à percevoir correctement, il avait parfaite conscience de son
impuissance. Ces troubles persistèrent alors que la parole s'était
considérablement améliorée.
Voici maintenant l'histoire d'un musicien tout à fait consommé.
C'est un négociant de quarante-cinq ans, atteint de syphilis il
y a vingt ans, qui au printemps de 1887 fut coup sur coup affecté
de deux attaques d'apoplexie. La seconde fut suivie de troubles
très marqués de la parole (type Broca) avec troubles accusés de
l'écriture. La parole s'améliora graduellement en quelques mois,
mais le malade demeura incapable d'émettre les airs, les gammes
les plus simples, et jusqu'aux sons élémentaires; il lui était aussi
impossible de les répéter après les avoir entendus que de les
trouver de lui-même; même incapacité à l'égard du piano, du
violon. Du bon chanteur, de l'excellent instrumentiste qu'il était
avant sa maladie, il ne restait rien. Il avait parfaitement conscience
de cette déchéance, d'autant plus qu'il avait conservé le sens du
rhylhme, et la lecture des notes. Il y a de cela plus d'un an, la
parole a récupéré, a la suite de l'exercice, son activité. L'exécution
musicale, surtout sur le violon, est demeurée altérée. Il est vrai
qu'il s'est surtout appliqué à exercer la parole. (AI'clciv. f. Psychiat.,
XX, 2.) P. I{ERAVAL.
454 SOCIÉTÉS SAVANTES.
XXII0 CONGRÈS DE ,LA SOCIÉTÉ DES ALIEN1STES DE
LA BASSE-SAXE ET DE WESTPI1AL1E.
SESSION DE HANOVRE.
Séance du 1er Mai 1888 1.
M. L. Bruns (de Hanovre). De quelques lésions rares du tronc du
cerveau (avec présentation de malades et de pièces anatomiques).
- L'Observation 1 concerne un cas de paralysie bulbaire aiguë.
L'auteur, après avoir fait la description clinique de son malade,
insiste sur la difficulté de distinguer sûrement entre la paralysie
bulbaire franche et la pseudo-paralysie bulbaire. Les troubles
de la respiration, de la circulation, du larynx sont rattachés par
MM. Siemerling et Oppenheim 2 la première de ces affections. Tel
est dans l'espèce, le symptôme du rire irrésistible à gorge déployée
(irrégularité de la respiration avec hoquet, bâillement, écoulement
de salive) ; telle encore l'absence d'accidents d'hémiplégie à la suite
du second ictus tandis que la première attaque apoplectique se tra-
duisait par une hémiplégie alterne. En conséquence, bien qu'il
n'existe ici ni troubles trophiques, ni troubles de l'excitabilité élec-
trique, les lésionsprincipales doivent occuper le bulbe, le^diagnostic
sera : paralysie bulbaire aiguë vraie. On a affaire à une artérite
syphilitique avec thrombose et ramollissement consécutifs. -
Observation II. Paralysie bulbaire chronique compliquée de para-
lysie bulbaire supérieure et de sclérose des cordons postérieurs.
Cas semblable à ceux de Struempell, Kahler et Pick, Hoss.
Observation III. Ataxie, suite de scarlatine. Tout en réservant la
question de l'ataxie produite par des affections en foyer, 'un tabes,
une névrite périphérique, l'association d'un trouble de la parole
incontestablement bulbaire avec une dysphagie passagère et la
constatation de la bilatcralité des symptômes, nous donnent le
droit de diagnostiquer une ataxie bulbaire postscarlatineuse.
Observation IV. Gliome de la protubérance . La tumeur s'est mani-
festée à la suite d'un traumatisme léger; elle semblait occuper
surtout la moitié droite de l'organe. L'autopsie a en effet confirmé
ce diagnostic. Le gliome occupe, dans le pied de la protubérance
surtout la moitié droite, elle en englobe les deux moitiés au ni-
veau de la calotte, elle envahit encore la moitié droite du bulbe.
' Voy. Archives de Neurologie, XXI* congiès, mai 1887.
= Ia.
SOCIÉTÉS SAVANTES. ? Jc'1·
Elle a, au-dessous du plancher du quatrième ventricule, subi la-
dégénérescence kystique; dans ses parois à ce niveau on trouve des
hémorrhagies anciennes ou récentes. La préparation est soumise
à l'Assemblée. Le diagnostic a été déterminé pendant la vie par
la paralysie associée des yeux, la convergence n'ayant pas subi
d'atteinte, et par l'hémiplégie alterne. Les débuts, la marche et
les symptômes généraux de la tumeur ont permis de reconnaître
la nature de la lésion. 11 faut noter que celle altération isolée, non.
scléreuse, de la protubérance, a déterminé l'ensemble des symp-
tômes fondamentaux de la sclérose multiloculaire : parole scan-
dée, nyslagmus, tremblement à l'occasion des mouvements in-
tentionnels. C'est là cependant des cas de sclérose en plaques,
dans lesquels ces symptômes font totalement défaut ou font défaut
pendant longtemps.
M. ROLLER. De l'action exercée par la morphine et l'opium sur la'
mensliualion. L'auteur a, dans un grand nombre de casd'aliéna-
tion mentale, obsédé qu'un usage prolongé des injections sous-
cutanées de morphine supprime les règles; celles-ci reparaissent
au moment où on en restreint notablement l'usage, ou immédia-
tement après leur complète cessation. L'aménorrhée avait parfois-
duré longtemps, au delà d'une année. 11. Roller n'en a vu que
quatre exemples, qu'il résume, parce qu'il a dès lors usé de la plus
grande prudence; ou plutôt, il n'a diminué les injections qu'avec-
une exlrême précaution parce qu'il ne semble que rarement
opportun'de faire revenir les règles qui avaient cessé. Mais il s'est
depuis peu à peu abstenu des injections hypodermiques de mor-
phine.
Voici maintenant d'autres observations qui prouventque l'opium.
et la morphine associés au repos au lit, à un régime fortifiant
et non excitant, agissent utilement dans la menstruation profuse..
Les auteurs ont employé ces médicaments à l'occasion des hé-
morrhagies utérines, mais non dans les casde profusion des règles..
On sait cependant qu'ils ralentissent le poulsen excitant le centre-
du pneumogastrique et diminuent ainsi la pression sanguine.
M. Bartels. Des néologismes des aliénés. On connaît le jargon-
souvent totalement nouveau que se forgent les aliénés atteints de
délire systématique depuis longtemps; il n'est pas rare qu'on n'en,
puisse faire un vrai dictionnaire portant l'empreinte du malade et
exclusivement propre à son usage. M. Bartels en étudie la génèse-
chez trois d'entre eux.
Le premier cas concerne une demoiselle de soixante-dix ans, at-
teinte de délire systématique constitué par d'idées de grandeur et de-
persécution ; elle attribue à certains vocables une signification qu'ils
n'ont pas, elle en transforme d'autres par assonance, enfin elle en.
invente réellement de toutes pièces. Parmi ceux-là, il en est dont
456 SOCIÉTÉS SAVANTES.
elle ne peut elle-même trouver l'explication; ils sont probable-
ment la résultante d'une ? 'éS011na11ce hallucinatoire. - La seconde
observation est également relative à une femme, mais à une femme
de trente-cinq ans, atteinte, elle aussi, de délire systématique
mégalomaniaque). M. Bartels insiste sur l'origine hallucinatoire
de néologismes inexplicables. 11 en est de même pour le
. troisième, fait ainsi que pour un quatrième exemple cité inci-
demment.
M. BERKHAN distribue parmi ses collègues des exemplaires de
l'ouvrage de M. Oswald Berkhan, intitulé : Contributions à'histoire
de la psychiatrie, leur cahier. L'assistance des aliénés de la ville de
Brunswick dans les siècles précédents.
La prochaine séance de la Société aura lieu le 1 cr mai 1889, à
Hanovre. Kasten's Hôtel. (Allg. Zcilsch. f. Psych., Ils, 5-6.)
P. KERA VAL.
CONGRÈS ANNUEL
DE LA SOCIÉTÉ DES MÉDECINS ALI : N1STES ALLEMANDS.
SESSION DE BONN
Séance du 16 septembre 1888.' -PRÉSIDENCE DE M. iESTPH 1L
Rapport de la Commission sur la question suivante : de l'atté-
nutation de la responsabilité. - A. M. 11ENDEL adopte la manière de
voir suivante :
Il n'existe pas de limites tranchées entre la santé psychique et l'aliéna-
tion mentale. Le code pénal doit donc tenir compte des cas dans lesquels
le crime ou délit se rattache aux frontières de la folie. Or les textes ac-
tuels n'en parlent pas. Les documents que nous possédons ne sont ce-
pendant pas suffisamment démonstratifs pour le moment; il en faut
rassembler d'autres qui mettent clairement en évidence les lacunes de
la loi.
B. M. Grashey traite la question, surlout au point de vue de
l'applicatiou juridique. Sans doute, dit-il, le degré de l'anomalie
psychique doit entrer en ligne de compte, et l'impunité ne saurait
d'affection mentale. D'ailleurs, c'est ce que l'on trouve dans l'esprit
* Voy. Archives de Neurologie. Session DE STRASBOURG, 1887.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 457
du code pénal allemand; si le texte ne spécifie pas la quantité de
la maladie, et en cela il a raison, il en prévoit le degré en se pré-
occupant de l'état de la détermination volontaire et de son fonc-
tionnement chez le sujet examiné, du mécanisme en un mot de son
libre arbitre avant, pendant, après l'acte incriminé. -Quoi qu'en
pense M. Jolly', rien n'est plus simple que d'apprécier et de décrire
la modalité de ce mécanisme. Prenons un inculpé en proie à des
obsessions suivies d'impulsions irrésistibles, ce malade a commis
l'acte délictueux sous l'influence d'une de ces impulsions; le rap-
prochement de ces faits démontre l'absence de libre arbitre. Voici
maintenant une seconde espèce. Un inculpé est le jouet d'obsessions,
mais celles-ci ne provoquent point d'impulsions, et l'acte délictueux
n'a rien à faire avec les obsessions; le médecin établit l'existence
d'une affection mentale sans que le libre arbitre ait été atteint.
Enfin il est possible qu'un inculpé soit affecté de conceplions et
d'impulsions irrésistibles et que, parmi les actes qu'il exécute, les
uns se rattachent à ce trouble morbide, les autres, et parmi eux
celui dont on l'accuse, ne dépendent pas de son affection. Le rôle
du médecin est de faire ressortir ces particularités et les circons-
tances de leur mécanisme. La clarté d'exposition entraînera la
conviction des juges. L'aliéné sera donc étudié en lui-même, mais
chacun de ses actes sera soigneusement pesé. Il est des malades
dont le libre arbitre est en tous cas et toujours lésé; il en est d'aulres
qui jouissent d'une volition ferme dans telles conditions, et sont in-
contestablement irresponsables dans telles autres. En conclure à
l'atténuation de la responsabilité serait tout aussi insoutenable que
de prétendre généraliser la doctrine de la responsabilité mitigée
à raison de ce double courant chez un même malade. Plus la
science progressera, plus nous arriverons, en chaque cas donné,
à réellement voir la vérité. Mais la doctrine de l'atténuation de
la responsabilité ne tend à rien moins qu'à nous mettre dans l'al-
ternative ou d'appliquer une peine trop légère à un individu res-
ponsable, ou de faire condamner un irresponsable. Nous touchons
à la solution la plus importante de l'élément social de ce vaste
problème. Faut-il transférer de l'établissement pénitentiaire à l'é-
tablissement d'aliénés ces malheureux qui, quoiqu'ayant déjà
épuisé le temps de leur pénalité, sont tenus pour dangereux, ou
convient-il de les mettre en liberté ? Eu d'autres termes, la pers-
pective devientpour eux celle de la détention perpétuelle soit dans
un asile d'aliénés, soit dans un établissement pénitentiaire. Le
même acte peut rayer un même individu de la société.
Par suite de ces motifs, il n'y a pas lieu d'introduire dans le
code pénal la théorie de l'atténuation de la responsabilité.
La Commission n'étant pas d'accord, et la discussion révélant un
' Voy. Arch. de Neurologie. Session DE STR.1SBOURG, 1887.
458 SOCIÉTÉS SAVANTES.
désaccord flagrant, M. de Krafft-Ebing est chargé par l'Assemblée
de rassembler des documents qui permettent d'aboutir à une con-
clusion exclusivement basée sur des faits.
Séance du 17 septembre 188S. - Présidence DE M. Westphal.
- Étude du nouveau projet de code civil de l'Empire allemand. liap-
porteui s : MM. MINDEL, Pelman, DE IIItaPrr-EBING. - A. M. Mendel
exprime sur les § 28, 1793 et 65 du projet, les opinions qu'il déjà
émises à la Société psychiat1'ique de Berlin (séance du 10 juillet 1888)'.
B. M. PELMAN traite des paragraphes qui concernent l'ivrogne-
rie. Le § 708 doit être accueilli avec reconnaissance parce qu'il
met la loi au service de la répression d'une passion destructive.
Quelques explications sont cependant nécessaires en ce qui regarde
les expressions d'ccutocotpuGililé de l'ivrognerie et de perte de la rai-
son. L'article premier du paragraphe en question exempte de la
responsabilité l'intoxiqué revenu à la raison, tandis qu'il lui im-
- pute la responsabilité des actes commis par lui pendant un inter-
valle lucide. Or l'aliéné interdit (§ 61) demeure civilement inhabile
tant qu'il est sous le coup de l'interdiction, qu'il traverse une pé-
riode lucide, ou qu'il soit guéri; et cependant lui aussi est dé-
claré capable d'un acte délictueux dans ces deux dernières con-
ditions. Le droit commun et la législation moderne semblent recon-
' naître la responsabilité pleine et entière, même .pendant l'épisode
où cette responsabilité semble absente, de toute personne qui s'est
volontairement placée dans le conditions où elle a commis incon-
sCIemment l'acte délictueux. De là, l'article 2 du §708 : Sera déclarée
responsable toute personne qui aura perdu la raison par suite d'ivro-
gnerie voulue. Les mêmes dispositions s'appliquent à l'ivresse. Sans
doute il n'est pas toujours commode de préciser les caractères du
vice et d'en faire remonter l'origine à l'individu plutôt qu'à la ma-
ladie, puisqu'il existe des ivresses pathologiques; il faut en outre
bien déterminer dans certaines aifectiojs somatiques et mentales
l'influence exercée par l'alcool et non les causes de son ingestion.
C'est affaire d'analyse. - C. M. DE Krafft-Ebing examine la légis-
lation relative au mariage. D après le § 1440, le divorce pour cause
de maladie, même pour cause de maladie mentale, n'est pas admis.
Après avoir tracé l'histoire de cetle question dans les divers pays,
et en avoir disséqué les arguments pour ou contre, aux multiples
points de vue si souvent agités, le rapporteur se résume ainsi :
Le divorce par suite d'une maladie mentale incurable aurait pour objet
d'assurer la prospérité morale et matérielle de celui des conjoints de-
meuré bien portant et le développement de la famille; il est évident que
* Voy. Archives de Neurologie, t. XVIII, p. 301.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 459
aliéné incurable n'existe plus psychiquement, que, les rapprochements
et la communauté conjugaux n'existant plus, le mariage n'existe plus
que de nom : ce qui n'a pas lieu dans le cas de l'infirmité physique.
Aucune des objections formulées par les gardiens des assises
sociales, les protecteurs de la morale et de la philanthropie, les
soutiens de celui des époux atteint de psychopathie, les hommes
politiques et les jurisconsultes, qui craignent qu'on ne spécule sur
les candidats et les candidates à la folie, enfin les raisonneurs qui
arguent de l'impossibilité de préciser la démence, l'incurabilité,
la terminaison, le pronostic de l'affection mentale, ou qui préten-
dent qu'on s'est passé du divorce sans inconvénient, aucune de ces
objections ne tient debout. Toutes ces difficultés sont surmontables
dans l'intérêt justement de la société, des enfants, de la famille, de
la nation, à la condition que le jury, exclusivement composé d'a-
liénistes, effectue son examen avec le plus grand soin; s'il a affaire
à une maladie qui dure depuis plusieurs années, depuis cinq ans,
par exemple, il pourra s'appuyer sur toute l'histoire et la complète
observation anlérieute du malade pour émettre un avis d'incura-
bilité probable. Sans doute toutes les prévisions humaines, en
matière de biologie, sont loin d'être absolument certaines.
Mais peut-on, sous prétexte qu'il existe une toute petite possibi-
lité de guérison, en présence d'une infirmité psychique, condamner
des citoyens valides au célibat, et leur refuser les avantages sociaux,
matériels et moraux d'un divorce leur permettant de se remarier
alors que leur conjoint est, en définitive, mentalement mort ?
Conclusions :
1° Rejeter tout à fait l'aliénation mentale comme cause de divorce,
c'est reculer. - 2° Il eût fallu au moins la conserver comme cause facul
tative et relative. 3° Le droit civil devrait spécifier l'infirmité mentale
ayant déterminé la déchéance de la personnalité, sans espoir de rétablis-
sement, à la condition que la maladie dure depuis cinq ans et que les
aliénistes en déterminent le pronostic exact. - 4° Si le conjoint resté
bien portant est la cause de l'aliénation mentale de l'autre époux, le
divorce ne sera pas prononcé. - 5° Quoiqu'il en soit, le § t4t0 pourrait
mentionner comme motif de divorce, une affection somatique, ce qui
laisseiait la question en suspens.
Discussion .
M. Mcschede. Le divorce est surtout indiqué dans les formes
les plus graves de l'aliénation mentale, dans celles qui sont les
agents u'une infirmité psychique déclarée et totale, qui tuent la
personnalité du malade, soit par la démence, soit par des im-
pulsions pathologiques et qui sont devenues une source de danger
p our les personnes de l'entourage.
M. SCIlOEFk : n. -C'esL surtout la question sociale qui importe ici.
C'est elle qu'il faut résoudre, car il en est de l'aliénation min-
tale à son dernier période comme du tabès, ni plus ni moins.
460 SOCIÉTÉS SAVANTES.
législateur voit dans le divorce plus d'inconvénients sociaux que
d'avantages.
M. DE Krafft-Ebing reprend les paragraphes 1231, 1232, 1259
du projet. Le paragraphe 1231 signifie en réalité que toute per-
sonne interdite pour cause d'aliénation mentale, même pendant
la période d'un intervalle lucide ne pourra contracter mariage.
-- Le paragraphe 64 déclare la nullité d'un mariage contracté par
une personne non interdite, quand son interdiction ultérieure tient
à l'absence de raison. Le paragraphe 1232 réglemente le mode de
contracter mariage des personnes inhabiles, mais non au point de
vue qui nous occupe; il conviendrait qu'une expertise médico-légale
et qu'un rapport psychiatrique précédassent les formalités judiciai-
res. Le paragraphe 1259 prononce le divorce quand le mariage a eu
pour origine la menace ou la fraude ; et ce dernier terme com-
prend des déclarations mensongères ou la dissimulation de con-
ditions de ressources, d'engagements personnels qui eussent pu
empêcher l'un des conjoints de se marier s'il eût eu connaissance
de ces particularités. Citons, sur notre terrain, l'épilepsie, l'alié-
nation mentale à répétition, l'inversion du sens génital. Ran-
geons-y encore la dipsomanie, la folie périodique. Il est évident
que l'appréciation d'un aliéniste est de rigueur. Quant à la folie
bystématique, à l'imbécillité, à la folie morale, l'individu le moins
prévenu peut s'en apercevoir en y faisant quelque attention.
Quoique cela, les articles en question devraient spécifier plus ex-
pressément les divers cas psychopathiques.
Sur la proposition de M. Mendel et à la suite des observations
présentées par MM. SCHUELE, LOEIJR, Jeun, Mesciiede, Hertz, KNECHT,
l'assemblée vote à l'unanimité les décisions suivantes :
«Le bureau est invité à faire progresser la question psychiatrique con-
formément aux opinions émises et à faire les démarches nécessaires
séance tenante dans le cas où il y aurait nécessité d'agir avant la pro-
chaine réunion de la société l'année prochaine. »
M. Pelman. L'ordonnance ministérielle du 19 janvier 1888 relative
à la surveillance en Prusse des asiles d'aliénés privés. -La chambre
médicale de la province du Rhin et du territoire de Hohenzollern,
(16 avril 1888), les autres chambres médicales et la société des
aliénistes allemands, la Société psychiatrique de Berlin (15 dé-
cembre 188G - 4 janvier 1887), la société psychiatrique de la
Basse-Saxe et de Westphalie, la Société psychiatrique de la province
du Rhin, les sociétés médicales de Dusseldorf, Cologne, Coblentz,
Aachen, Trier, les médecins de Westphalie, la chambre médi-
cale de Berlin et du Brandbourg, le comité central des sociétés
médicales du district de Berlin, se sont élevéscontrel'intervention
obligatoire d'un médecin fonctionnaire pour l'admission des alié-
nés dans un asile privé; le besoin n'en est nullement démon-
SOCIÉTÉS SAVANTES 461 l
tré, ni en ce qui concerne les honorables praticiens qui font les
certificats. ni en ce qui regarde les intérêts des malades et des
familles qui sont au contraire lésés par les atermoiements provo-
qués par cette mesure.
Il convient donc d'agir auprès du ministre en lui demandant de
rapporter son décret. Mais on ne saurait espérer l'efficacité de
l'intervention que si l'on appuyait ses réclamations, en les justi-
fiant, sur un aussi grand nombre que possible de cas démontrant
les désavantages du nouveau procédé. C'est, par suite, une en-
quête à laquelle voudront travailler les directeurs de tous les
asiles privés de la Prusse. Dans l'exposé qui sera adressé au mi-
nistre, et tout en insistant sur le monopole au moins inutile des
Kreisphysikus, nous montrerons : 1° qu'un certificat suffit pourvu
qu'il spécifie que l'admission est nécessaire, que le traitement
dans un asile d'aliénés est justifié par l'existence de l'aliénation
mentale, que le malade est atteint de telle ou telle forme de psy-
chopathie ; -2°qu'U n'est pas besoin qu'un individu interdit ait
d'autre pièce qu'un jugement d'interdiction ; 3° que les décla-
rations à la police du lieu d'habitation du malade et de l'asile ne
comportent aucune autre superfétation.
Nous nous occuperons aussi de provoquer les avis des autres
chambres médicales. Quant à savoir s'il convient de communiquer
notre résolution aux chambres médicales de la Prusse et de leur
demander leur avis, la société décidera.
A la suite d'une assez longue discussion, à laquelle prennent
part MM. QËSEKE, SCUOEFKR, DE f.IlIIE : N.1LL, Nasse, SCIIWITZ, Bruns,
Zenkeh, la Société réprouve l'ordonnance ministérielle et se rallie
aux propositions du rapporteur ; la conduite de la question e-t
laissée au bureau.
M. FINKELI\DURG. De la P)arénasthénie. -Les auteurs les plus mar-
quants englobent dans l'asthénie cérébrale toutes les psychoses
possibles. Il conviendrait de distinguer. La neurasthénie se recon-
naît, non pas à l'incapacité d'exécuter un travail, mais à la ra-
pidité avec laquelle les facultés s'arrêtent. C'est la même chose
dans la neurasthénie psychique; celle-ci devient alors le terrain
sur lequel germent d'autres troubles qui affectent un autre déve-
loppement mais ils ne représentent plus de l'asthénie simple. L'as-
thénie cérébrale se complique du trouble de l'énergie de la puis-
sance du travail et de la diminution de l'action des forces d'arrêt.
L'épuisement de l'énergie au travail se traduit par une modalité
torpide; celui de l'action d'arrêt constitue une modalité éréthique
Quant à la symptomatologie, à l'évolution, aux complications,
aux indications thérapeutiques de chacune de ces formes, on les
trouvera comparées dans une mémoire à part. Pour le moment,
il importe de se souvenir d'appliquer à l'asthénie cérébrale la dé-
nomination de phrénasthénie.
462 SOCIÉTÉS SAVANTES.
Discussion.
M. BRosius envoie dans les établissements fermés certaines
formes de phrénasthénie torpide. Il s'agit notamment de malades
ayant le sentiment de leur état mental et qui, par appréhension,
sont bientôt pris d'angoisses et de tendances au suicide.
M. 11L.nDEL.-Eu suivant la voie de M. Finkelnbourg, on revien-
drait au point de départ, on ramènerait les choses en l'état où
l'on était avant l'introduction de la neurasthénie ; on fractionne
rait les névroses fonctionnelles d'antan en des groupes morbides
très différents. -
M. KNECHT. La neurasthénie est bien voisine des psychoses
vraies. Voici l'observation d'un cas qui a exactement suivi l'évo-
lution d'une folie circulaire : on y retrouve l'asthénie torpide de
la phase dépressive, l'éréthisme du stade d'agitation, ces deux
périodes étant closes par un état de bien-être parfait jusqu'à ce
que le cycle recommence de nouveau sans cause apparente.
M. 13m¡ : ,¡, Contribution expérimentale à la connaissance de l'origine
du nerf auditif chez le lapin. Sur 4 lapin ? , âgés de trois jours, on
extirpe le nerf auditif gauche (lapins A et B) ; l'hémisphère
,cérébelleux du même côté (lapin C) ; - le vermis cérébelleux (la-
pin D). Les animaux ont survécu trois semaines (lapins A et B), six
semaines (lapin D), six mois (lapin C) après l'opération. Les lé-
sions que l'on constate montrent que la racine postérieure de l'a-
coustique prend son origine dans le tubercule auditif et le noyau
antérieur de ce nerf; mais ces deux ganglions servent non seule-
ment à cette racine, mais encore au corps trapézoide, au moins
comme station de renforcement. La région qn'occupe la couche
inférieure du noyau de Deilers (iéseau de fibres avec un terri-
toire cellulaire correspondant) est un lieu d'origine de la racine
antérieure de l'acoustique. Entre la racine postérieure et le cervelet,
il n'existe aucune relation conslatable. La racine antérieure pro-
vient en partie du bulbe, en partie du cervelet. Le lien d'origine
du bulbe est le territoire sous-jacent au noyau de Deiters, celui
du cervelet est le vermis (le vermis supérieur, le verrais inférieur,
les deux vermis). Le trousseau bulbaire occupe toute la hauteur sui-
vant laquelle émerge la racine antérieure de l'acoustique; le
trousseau cérébelleux se trouve au niveau des plans d'émergence
inférieur et moyen de cette racine.
M. WILDERMUTII. l1eche ? 'ches sur le sens de la musique chez les
idiots. - On sait combien jusque dans les formes les plus graves de
l'idiotie, le sens musical est conservé, non seulement au point de
vue sensoriel pur, mais au point de vue technique ; ces malheu-
reux entendent juste et sont capables d'exécuter. L'orateur a donc
divisé ses idiots en deux grandes catégories : les imbéciles et les
idiots vrais.
SOCIÉTÉS SAVANTES. 463
Chez les imbéciles. il a fait examiner de concert avec des enfants
normaux, l'étendue de leur voix, sa justesse le sens de l'harmonie
qui consiste à décumposer un accord en ses éléments constitutifs, la
mémoire musicale caractérisée par la justesse des sons reproduits
avec ou sans l'accompagnement instrumental, enfin le temps pen-
dant lequel un ton déterminé peut être soutenu. Sur 150 imbéciles
(102 du sexe masculin, 48 du sexe féminin), on en compte 27 p.
100 possédant dans ces cinq facultés une bonne moyenne ; 1 p.900
seulement ne possédaient aucune aptitude. Or, comparativement,
on rencontre, chez des enfants normaux de 7 à 13 ans, soixante
pour cent des élèves méritant la moyenne en question ; quatre
pour cent n'avaient pas d'aptitudes musicales : il est vrai que le
village de Stetten, où est l'asile est muni de tous les procédés d'en-
seignements de ce genre et que plus de la moitié des enfants, pris
comme termes de comparaison en font partie. Inversement un
grand nombre de nos imbéciles ne sont à l'asile que depuis peu, et ils
y ont pour la première fois été soumis à l'enseignement; par suite
le résultat est encore satisfaisant.
Passons aux idiots qui, sans être tout à fait réduits à l'état végé-
tatif, n'ont guère dépassé le développement intellectuel des en-
fants de deux à quatre ans. Seize pour cent d'entre eux ont mérité
la mention bien, dix-neuf n'ont fait preuve d'aucune aptitude. On
comprend que les enfants normaux de deux à quatre ans n'aient
pu être comparés avec eux.
Les idiots complets, avec complication d'aphasie, ont été sou-
mis également à ce genre d'examen. Seulement on a dû se con-
tenter chez eux de l'appiéciation révélée par leur physionomie et
leurs gestes sous l'influence de la production de certains bruits,
de certaines notes. Quelques-uns d'entre eux furent exposés à des
résonnances désagréables, au battement pendulaire du métronome
aux vibrations du tam-tam, finalement au piano, au carillon. Sur
tienle éprouvés de cette manière, cinq entendaient mais ne mani-
festaient par aucune réaction les perceptions; rien ne trahissait
que l'une quelconque leur fit plaisir ou non. Les vingt-cinq autres
exécutaient quelques mouvements en rapport avec les sollicita-
[toits auditives, mais dans les conditions suivantes. L'immense
majorité d'entre eux révèle une parfaite indolence à l'égard des
bruits qui nous sont pénibles ou désagréables. Il n'est qu'une ma-
lade qui se met à crier et à fondre en larmes; il devient dès lors
difficile de lacalmer. En revanche plusieurs d'entreeux manifestent
de l'antipathie contre certains sons, certains bruits, qui n'ont rien
de désagréable. Le son du tambour fait pleurer une idiote; un
idiot épileptique entre dans une violente colère au son de la cloche il
en est de même d'un idiot hydrocéphale à l'égard des sons de la mu-
sique. Le tic-tac du métronome engendre chez un tiers d'entre eux
une impression de gaité rapidement passagère ; les vibrations du
! ¡6'J, Il SOCIÉTÉS SAVANTES.
tam-tam n'attirent l'attention que d'une petite partie de ces ma-
lades, et encoren'est-elleqne fugitive. A l'unanimité les vingt-cinq
idiots en question jouissent agréablement des variantes du ca-
rillon; mais la sensation, ils la manifestent différemment, seize
d'entre eux sontcalmés par cette succession de tonalités ; quinze
autres témoignent leur joie par de l'agitation qui rappellent t
les démonstrations des sauvages; six tapent des mains exécu-
tent des mouvements de balancement rhythmés, vont et viennent
dans la pièce ou courent en cercles. Et chacun d'eux affecte une
allure qui ne varie ni dans son mode, ni da.is sa compositio n à
chaque séance.
Une analyse clinique consciencieuse a révélé que les accidents con-
sécutifs à l'encéphalite infantile, c'est-à-dire à la cause les plus fré-
quente des affections en foyer de l'enfance, ne se traduisent jamais
par des troubles du sens musical ou des facultés d'exécution quand
l'aphasie n'existe pas.
En somme lé sens musical estrelativementaccusé chez les idiots.
C'est le seul représentant artistique qui existe chez eux. Et d'ail-
leurs remarquons que l'enfant normal manifeste dès l'âge de trois
mois des sentimenls de satisfaction quand il entend de la musique,
certains enfants d'un an-reliennent des mélodies. Quelques mam-
mifères ont indubitablement le sens de la musique.
Il en résulte que dans les asiles d'idiuls il faut cultiver le chant ;
non seulement le chanl, mais la danse qui se joint en l'espèce à la
musique pour exciter la coordination des mouvements.
Enfin l'aphasie motrice, qui généralement n'est pas congéniale,
s'accompagne quand elle se montre dans la première enfance, d'un
trouble ou de la disparition de la faculté d'exécution et même de
l'obnubilation ou de l'extinction des conceptions musicales dans le
sensorium; cet ordre de sensations et d'activité peutau contraire
parfaitement subsister quand il n'existe que de la dysphasie, des
troubles de la parole tendant un développement défectueux de
l'intelligence.
M. JEUN. Etals mentaux douteux à la suite de blessures céphali-
ques, dans leurs rapports avec la question de la responsabilité soli-
daire. - Il s'agit d'observations relatives à des blessés examinés par
des médecins légistes, afin d'établir à qui il faut imputer l'incapa-
cité de travail, le degré de celle-ci et la quotité de la rente à ser-
vir à ces invalides du travail. Leur état mental n'était pas tel qu'on
dût les.envoyer dans les asiles d'aliénés. Mais il y avait bien ano-
malie mentale. M. Jehn insiste sur cette sorte de cachexie, déjà
signalée, sur les crises d'irritation cardiaque, l'organe affolant par
périodes sans effectuer de travail utile ; surles légers accidents de
parésie et d'excitation de la moelle avec troubles de la seiisiblité
atteinte des réflexes tendineux, suppression totale ou exagération
excessive de l'activité sexuelle. Il signale la dystrophie unilatérale
SOCIÉTÉS SAVANTES. 465
des membres, les accès d'albuminurie purement fonctionnelle (une
observation avec invalidité parfaite et épilepsie nocturne pro-
bable).
Tous ces malheureux sont atteints d'hypochondrie profonde ;
profondément affligés de leur accident et de la situation bran-
lante qui leur est faite puisque le nouvel examen qu'on leur fait
subir ne tend à rien moins qu'à leur enlever selon le degré de
capacité de travail constaté, leurs ressources, ils sont sous
l'influence d'une constante préoccupation. De cette surémotivité,
à l'excitabilité générale, à la colère sans freins, il n'y a qu'un pas.
Incapables de se baisser, affectés de vertiges, distraits jusqu'à
l'amnésie, légèrement anxieux, en proie à des terreurs nocturnes,
à des cauchemars terribles, à de l'oppression, à l'insomine, et en
même temps dépourvus d'énergie, ils finissent par nourrir des idées
de persécution. C'est du reste au point de vue mental un sujet qui
demande une observation exacte 'et la publication de tous les cas
que l'on pourra rencontrer, afin de dissiper tous les malentendus
et d'asseoir définitivement le diagnostic des hésitants.
Discussion :
MM. WESTPH.1L et MESCHEDE. En prenant comme type les observa-
tions d'Oppenheim, et en étudiant parallèlemenr les cas de sim-
mulation, on dissipera les ténèbres.
M. FUETII. Des affections symétriques desmembres chez les aliénés.
La première observation concerne un buveur amélioré pour la
seronde fois d'une manie alcoolique qui, il y a peu de temps,
présenta sur les trois derniers doigts de chaque main un trouble
dans la croissance des ongles, ayant débuté au moment où la mala-
die mentale empirait. La seconde observation a trait à un dément
(à la suite de mélancolie avec hallucinations) qui, après avoir été
affecté d'accidents vasomoteurs, et surtout de paralysie vasomo-
trice,estactuellement atteint d'une gangrène symétrique des doigts;
bien qu'il existe une affection organique des artères (le malade a
60 ans), c'estbien une gangrène symétrique et d'origine nerveuse
Bien des motifs militent en faveur de la genèse cérébrale et de la
genèse vasomotrice des altérations organiques des parois arté-
rielles. L'auteur a essayé de produire les mêmes accidents sur des
animaux nourris d'hydrate de chloral ; il n'a jusqu'à ce jour ob-
tenu que de la dégénérescence graisseuse du coeur.
M. Brie. Des cas de mort subite dans les psychoses. - A la suite
d'une revue bibliographique très utile, 1\1. Brie communique quatre
observations personnelles. Il s'agit de malades atteints de diffé-
rentes formes de troubles psychiques (démence à la suite d'un
traumatisme céphalique, - démence après mélancolie, con-
valescence de mélancolie, paralysie générale), qui, sans avoir
jamais présenté d'affection somatique sérieuse, moururent brus-
Archives, t. XVIII. 30 `
466 BIBLIOGRAPHIE.
quement, d'une façon tout inattendue, sans que rien expliquât
cette fin. L'autopsie révéla : des altérations cérébrales insigni-
fiantes. Mais les muscles du coeur avaient subi une dégénérescence
graisseuse telle ou une myocardite si intense que la mort en était
la conséquence. Or, si connue que soit la fréquence de la mort
rapide chez les cardiaques, si insuffisantes que se révèlent nos con-
naissances relatives à la localisation, à l'étendue, à l'intensité de
l'altération du myocarde dans leurs rapports avec l'incapacité
de fonctionnement du coeur, il n'en est pas moins surprenant que
ces lésions ne se soient pendant la vie traduites ni par des symp-
tômes objectifs, ni;pardes symptômes subjectifs. Lescommémoratifs
ne mentionnent aucun facteur capable d'expliquer la pathogénie.
Quelles sont les relations de l'affection psychique avec les lésions
cardiaques ? 11 ne saurait être question ici d'une maladie mentale
occasionnée par une affection organique du coeur. Quant à t'in-
fluence nocive exercée sur l'innervation et la nutrition du coeur
par l'aliénation mentale longtemps prolongée, outre que la phy-
siologie psychologique démontre faction de l'activité cérébrale sur
l'orgaue de la circulation, les auteurs relèvent à l'envi les dégéné-
rescences vasculaires et cardiaques chez les aliénés. Les deux pre-
mières observations constituent des exemples de ces dégénérescen-
ces graisseuses insidieuses qui dans la folie chronique tuent le ma-
lade avant de s'être manifestée par aucune espèce de symptômes
(Mickle). En l'absence de tous points de repère étiologiques venant
expliquer les altérations anatomiques du coeur dans les autres
exemples, nous les considérerons comme l'expression de troubles
d'innervation et de pertubations trophiques produits par.l'altération
cérébrale présidant à la psychose; la myocardite sera tenue pour
l'effet immédiat de la dystrophie cardiaque ou cette dernière sera
envisagée comme prédisposant à la myocardite.
Le temps est trop avancé pour que l'on entende la lecture du
travail de M. BRosus sur la question des gardiens. (Allg . Zeitsch.,
f. Psych., XLV, 5-6.) P. Keraval.
BIBLIOGRAPHIE
IX. De l'hémiplégie dans quelques affections nerveuses; par
Mlle Blanche Edwards. Thèse de doctorat 1889.
Après un tableau succinct de l'hémiplégie vulgaire, l'auleur
éludie l'hémiplégie dans quatre grandes maladies : l'alaxie loco-
motrice progressive, la sclérose en plaques, l'hystérie, la paralysie
agitante; maladies auxquelles on doit toujours penser quand il
1 FAITS DIVERS. 467 I
s'agit de paralysies transitoires ou à répétition ou en dehors de
la zone d'hémiplégie. Le tabes doit être soupçonné chez un
hémiplégique qui présente des troubles oculaires, du pus muscu-
laire, de la sensibilité, l'abolition des réflexes.
L'hémiplégie dans la sclérose en plaques présente des attaques
répétées, transitoires, l'exagération des réflexes, le nystagmus, la
précocité extrême de l'épilepsie spinale, de la contracture et la
démarche spasmodique. L'auteur signale à ce propos l'extrême
difficulté dans certains cas de distinguer l'hémiplégie liée à la
sclérose en plaques d'avec l'hémiplégie liée à la paralysie générale
progressive.
L'hémiplégie hystérique se reconnaît à l'absence ordinaire de
paralysie faciale, à la présence au contraire de l'hémispasme
glosso-lahié concomittant avec tremblement fibrillaire de la lèvre
supérieure, par le mutisme hystérique au lieu d'aphasie, d'anas-
tbésie et d'ographie, par l'héliliclnesthésie habituelle du côté
paralysé et par les stigmates de l'hystérie (troubles de la vision,
zones hystérogènes, plaques d'anesthésie, attaques hystériques,
crises de sommeil).
L'auteur note la fréquence des attaques apoplectiformes dans
l'hystéro-alcoolisme, l'hystéro-saturnisme et l'hystéro-hydron-
gyrisme.
La maladie de Parkinson unilatérale peut simuler l'hémiplégie,
mais n'est pas une hémiplégie ; les mouvements ne sont que
difficiles par la roideur des articulations, mais non abolis; les
réflexes, la sensibilité, le sens musculaire sont intacts; il n'y a pas
de troubles cérébraux. Enfin il y a l'aspect empoté, la propulsion
ou la rétropulsioti, l'agitation nocturne par la sensation de
chaleur, le masque facial propres à la paralysie agitante.
Charpentier.
FAITS DIVERS
Asiles d'aliénés. - Nominations et Mutations. - Arrêté du 20
août 1889 : M. le ))1' Calés, ancien député, nommé directeur de
l'asile public d'aliénés de Bordeaux (il,, classe). - Arrêté du 5 sep-
tembre : M. le Dol' Schils, médecin en chef à l'asile public de
Clermont (Oise), nommé directeur-médecin de l'asile public de
Bourges, maintenu dans la 3° classe. Arrêté du la septembre :
M. le D1' LIZARET, médecin en chef à l'asile public de llaréville
(Meurthe-et-Moselle), nommé aux mêmes fonctions à l'asile public
de Clermont, maintenu dans la classe exceptionnelle. - Arrêté
du 16 octobre : M. le Dl' PARis, directeur-médecin de l'asile public
468 FAITS DIVERS.
d'Alençon, nommé médecin en chef à l'asile public de Marévillet
maintenu dans la 3° classe. - Arrêté du ! octobre : Nomman,
directeur-médecin de l'asile public d'Alençon (3° classe), M. le Dr
Pages, médecin-adjoint à l'asile public de la Roche-Gandon
(moyenne), précédemment nommé médecin en chef à l'asile de
Maréville, par arrêté du 22 septembre et non installé. -Arrête
-du 30 octobre : M. BIIESSON; nommé directeur de l'asile public du
Mans, en remplacement de M. SALVAIRE décédé (2° classe). - z
Arrêté du 19 novembre : M. le Dr COMBE;IALE. professeur agrégé à
la Faculté de médecine de Lille, déclaré admissible au concours
ouvert le 26 décembre 1883, est nommé médecin-adjoint à l'asile
public de Bailleul, en remplacement du Dr LEUCINE, démission-
naire (compris dans la 2° classe).
Accroissement DE la criminalité chez LES enfants mineurs. Il
résulte d'un travail de M. Henry Joly, communiqué à l'Académie
des Sciences morales et politiques, que en moins de seize ans, les
prévenus de moins de seize ans ont augmenté de 140 p. 100, ceux
de seize à vingt et un ans de 240 p. 100. Les adolescents crimi-
nels ont donc relativement beaucoup plus augmenté que les en-
fants proprement dits. La plupart de ces jeunes gens avaient eu
leurs parents en prison.
Anthropologie criminelle. - A la suite d'un voeu émis récem-
ment par le Congrès d'anthropologie criminelle, l'administration
serait décidée à ouvrir les portes des prisons à quelques étudiants
en droit, mais non aux médecins, parce qu'une prison n'est pas
un hôpital et que les détenus pourraient simuler des malaises
pour se rendre intéressants aux yeux des médecins qui viendraient
les examiner. La seule chose qu'on puisse faire pour ces derniers.
c'est de leur donner les autopsies de tous les détenus mourant
pendant la durée de leur peine. Quant à la question de la remi,e
aux médecins des corps des suppliciés, cela ne regarde pas l'dd-
ministration pénitentiaire, à qui le condamné n'appartient plus.
En tout cas, cette remise ne serait faite qu'autant que les condam-
nés ne s'y seraient pas opposés et que l'on prendrait l'engagement
de ne pas faire sur les cadavres des expériences tendant aies rap-
peler momentanément à la vie.
INTERDICTION DES séances publiques d'hypnotisme. Le conseil
général de la Seine-Inférieure a adopté un voeu présenté par
MM. les Drs FauvEL et Lixomte et invitant le préfet à interdire
dans toute l'étendue du département les séances publiques
d'hypnotisme.
L'alcoolisme en NOUVELLE-CALÉDONIE. - Le président de la
République vient de rendre un décret qui interdit d'une manière
absolue sur tout le territoire de la Nouvelle-Calédonie et de la
Guyane la vente du vin et des boissons alcooliques. Ce décret
FAITS DIVERS. 469
était rendu nécessaire par la présence sur le territoire de nos
colonies de marchands ambulants, colporteurs, etc., qui fournis-
saient du vin et des spiritueux aux transportés et aux relégués et
qui n'étaient l'objet d'aucune disposition restrictive dans la légis-
lation actuelle. Celle-ci en effet s'applique uniquement aux éta-
blissements où l'on vend sur place du vin et des liqueurs et ne
permettait pas d'atteindre ceux où l'on vend des liquides de ce
genre à emporter.
L'alcoolisme en (3ELGIQUE. Nous avons parlé d'un projet de
loi pris en considération par le parlement belge, et tendant à
frapper les cabarets d'un droit de licence élevé. Le projet a été
adopté, et le nombre des anciens débits diminuant journellement
(10 p. 100 par an environ) on espère arrêter par ce moyen l'éta-
bllssement de cabarets nouveaux.
Alcoolisme ET criminalité en ALLEMAGNE. - La statistique de la
criminalité pour l'année 1887 démontre le fait suivant : A mesure
que la situation des classes pauvres s'améliore, les crimes contre
la propriété diminuent. Au contraire les attentats contre la vie ne
cessent d'augmenter et cela précisément dans les pays où l'alcoo-
lisme est le plus répandu, par exemple en Prusse ou en Bavière.
Il y a là une corrélation qui ne saurait échapper à personne et
qu'il est bon de noter.
Asile d'aliénés DE YoRx. - A la séance d'ouverture de la section
de psychologie du Congres de l'Association médicale britannique,
M. lince 1'UxE a fait l'exposé des résultats obtenus dans l'hospitali-
sation des aliénés dans le comté d'York. De 1777 (année de safon-
dation) à 1814 (année de sa transformation), l'asile de York
n'avait reçu que 'G3 aliénés. Depuis cette époque, le nombre a
augmenté au point que l'asile, qui contenait autrefois 100 malades
au minimum, en admet aujourd'hui jusqu'à 1316. Voila un résultat
encourageant, bien que l'auteur ne le juge pas encore parfait, un
grand nombre d'aliénés pauvres ne trouvant pas encore d'asiles
dans le comté d'York.
Collège OF P11YS1CIANS AND SURGEONS OF BALTIMORE. - M. le Dr J.
PRESroN est nommé protesseur d'anatomie appliquée au sytème
nerveux, en remplacement de M. le D'' CaAMBEps, qui est attaché
a la chaire de chirurgie opératoire.
Faculté DE MÉDECINE DE BERLIN. M. le Dr KARL VON DEN STEINNE
est nommé privat-docent de psychiatrie.
Faculté DE MÉDECINE DE Klausenbourg. - M. le Dr K. LECHNER .
de Buda-Pesth, est nommé professeur ordinaire de psychiatrie et
de psychologie médico-légale.
Faculté DE MÉDECINE DE GR.\Z. - M. le Dr VoN VARGVE, privat-
docent à la Faculté de médecine de Vienne, est nommé professeur
extraordinaire de neuropathologie et de psychiatrie.
470 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
Nécrologie. Notre dernier numéro était déjà sous presse
lorsque nous avons appris la mort de M. Jules COTARD, médecin
de la maison de santé de M. J. FALRET, à Vanves, décédé le
19 août, à l'âge de quarante-neuf ans. J. CoTARD était ancien in-
terne des hôpitaux. Il passa sa thèse en 1866. Il était membre de
la Société de biologie et l'an dernier président de la Société mé-
dico-psychologique. Il est mort d'une terrible maladie, le croup,
qu'il avait contractée au chevet de sa petite fille, qu'il a eu du
moins le bonheur de sauver. Plusieurs discours ont été prononcés s
sur sa tombe, par M. Gréhant au nom de la Société de biologie,
par M. RITTI au nom de la Société médico-psychologique, par
M. FALRET, etc. 11 est inutile de rappeler ici à nos lecteurs la liste
des travaux de COTARD ; qu'il nous suffise de signaler sa thèse sur
l'Atrophie partielle du cerveau (1866) et quelques communications
importantes : Du délire hypocondriaque dans une forme grave de
mélancolie anxieuse (1880) ; du délire des négations (1882) ; de l'ab-
solu et de l'inhibition en pathologie mentale ; et enfin sa dernière
communication au Congrès de médecine mentale de 1889 sur
l'Origine psycho-motrice du délire. CoTARD ne laisse derrière lui que
des regrets tant parmi ses amis que parmi ceux qui n'ont connu
en lui que le médecin ou l'homme de science.
- M. le f)' Rota, ancien directeur de la maison de santé, sise
à Paris, rue de Picpus, n° 90.
BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.
Avis A MM. les Auteurs ET Editeurs. - La Direction des Archives DE
Neurologie rappelle à< MAL les Auteurs et Editeurs, que les ouvrages
dont il sera reçu deux exemplaires seront annonces au Bulletin Biblio- z
GRAPHIQUE et analyses; ceux dont il ne sera reçu qu'un seul exetnplau e
seront simplement annonces.
BELL (C.) - Yapers 7'ead belofe the medico-legal Society of New- York,
(7'Ù7/ ! ils urganization first séries. Volume in-8" de 572 pages. New-
York, 1889. -'itle Medico-legal Journal association.
Benedikt (AL). Manuel technique et pratique d'anthropométrie cra-
iiiucéphalique (méthode, instrumentation) à l'usage de la clinique, de
remanie avec le concours de l'auteur par le 1)' P. 11EILAVAL. Ouvrage pré-
cédé d'une préface de il. le protchseur CIIAHCOT. Volume m-8 de Wu pages,
avec lU ligures et une planche. Prix .- tr. - Paris, 1889. - Lecrusiiier,
et liabé. '
Bianchi (L.) - Gli orizzonti della psichiatria. - Prclezione al carso si
pszehzat7'ia. Brochure ni-8 de 3U pages. i\apoh, 1889. Nicola
Jovene et 0°.
Le rédacteur-gérant, Bourneville.
TABLE DES MATIÈRES.
Abstinence sexuelle (psychoses et
névroses liées à 1'), par Krafl't-
Ebing, 270.
Agrégation (concours de 1' en
médecine ! , 172 ; (Spécialisation
de l'), 172.
Albuminurie chez les aliénés, par
Hoeppen, 448.
Alcool (crime, folie et), par Yvernès,
286 ; - (et opium), aux Indes.
216 ; - en Nouvelle-Calédonie,
31 i, 468 ; -en Allemagne, en Bel-
gique. 469.
Alcoolique (progression de la folie
et de la paralysie générale),
par Ramier, Ball, Régis, 279 ; -
(responsabilité des), par Motet,
281, 286.
Alcoolisme (congrès de l'), 286 ; (pré-
vention des malheurs causés par
Il -). par Duverger, 287 ; L'-
devant le Reichstag. 317 ; (thé-
rapeutique de l' -), par Forel,
447.
Aliénation mentale (en Suisse, en
Russie), 317.
Aliénés (assistance des de Bres-
lau), par Wernicke, 155 ; - (loi
sur les -, en Italie), 172; - en
Irlande, 313 : - (placement (les)
- chez les particuliers, z
(Commission des)enAngteterre,
t73 ; (législation comparée sur le
placement des -, par Bal : , 278 ;
- ^situation des-dans les quar-
tiers d'hospice, par Mono. 88 ;
(les - devant la loi), par Men-
del,302; -(cellules d'observation
des) dans les hospices par Mo-
nod, 304 ; -(inspection des)- en
Amérique, 318 ; - (néologismes
chez les) par Bartels, 453,
(affections symétriques des mem-
bres chez les) - par Fueth, 165.
Anthropologie criminelle (congrès
d'), 171, 291, 408,
Aphasiques (troubles des facultés
musicales chez les), par Kast,153.
Artério - sclérose généralisée (état
des vaisseaux rétiniens dans l'),
par Roehlmann, 443.
Asiles d'aliénés (quartier de sûreté
de 1' de St-Robert), par Dufour
167 ; - promotions, 171,467 ; ;- du
Caire, 172 ; (ouverture du pre
mier). 173 ; -(ouverture automa-
tique des portes dans les), 174 ;
(quartiers de smveillance con-
tinue dans les) - par Scholz, 270;
(inculpés en observation dans
les)-par Guttstadt, 302 ; (hygiè-
ne des), 318 ; - (surveillance des
- privés en Prusse, par Pelman,
160.
Ataxie locomotrice (traitement de
l'-par la suspension;, par Raoult,
129.
Athétose posthémiplégique, par
Remak, 153.
Audition colorée, par Varigny, 285.
Automatisme ambulatoire chez une
hystérique, par J. Voisin, 295.
Bibliographie : agents provocateurs
de l'hystérie par Guinon, 157 ;
z lerhbuch der Psychiatrie, par
I Krafft-Ebing, 958; - études sur
le système nerveux central, par
Obersteiner, (159; les enfants cri-
mmels. par Drill, 160 ; - les cri-
minels, par Corre, 163 ; - anes-
thésies hystériques desmuqueuses
par Lichtwitz, 164 ; thérapeu -
tique suggestive, par Vizioli, 164 ;
- manuel de métattothérapie, par
Moricourt, 165 ; hémiplégie
dans quelques affections nerveuses,
par Bl. Edwards, 466.
472 TABLE DES MATIÈRES.
Bulletin bibliographique. 175, 319,
471.
Cécité expérimentale chez un chien'
par Richet, 283.
Centres moteurs, par Herzen, 284.
Cérébrale ,arrêt des hémorrhagies
de l'artère --moyenne par la com-
pression de la carotide primitive),
par Horsley, 147.
Cerveau (les fonctions du - d'après
l'Ecole italienne), par Soury, 28,
360, - excitation électrique des
régionsmjtricesdn du singe,par
Beevor et Horsley, 146;-lacunes
du-chez un dément, par Jensen,
303 ; (développement du man-
teau au), par hthnger, 119 ; -
(lésions rares du tronc du), par
Bruns, 454.
Cheveux (accumulation de dans
l'estomac par Cobbold, 269.
Chloral et ses dérivés, par Yvon, 261.
Congrès (des aliénistes de l'Est de
l'Allemagne), 151 ; - du sud-
ouest, 443 ; - de la Basse-Saxe.
454; - des médecins aliénistes,
456; -de médecine mentale, 274.
Coprolalie, par Leerain, ,éâldS, 151.
Crâne (traumatismes du - dans
leurs rapports avec l'aliénation
mentale), par Christian, 1,187 ;
par Jehn, 464.
Crime politique, par Contrigue,292.
Criminel (type de l'homme), par
nouvrier, Lombroso, 291 ; aug-
mentation des- chez les enfants
mineurs, 458.
Délire (origine psycho-motrice du),
par Cotard, Gariiier, ititti, Soutzu,
Ballet. Charpentier, 275 ; - (mul-
tiples), par Saury, 282.
Diabète chez les aliénés, par Liebe,
301.
Dystrophie musculaire progressive,
par Et, 447.
Ecorce cérébrale (fonctions de l'),
par Horsley et hcheefer, 148.
Ecriture automatique, par Richet.
284. '
Encéphalites chroniques de l'enfance
(lésions histologiques des), par
Pilliet, 177,333.
Epilepsie (somnambulique), par Pa-
ris, 244; - (antilibrine dans 1'),
par Salm, 441; (antipyrine
dans l'), par Lemoine, 441'; -
(bromure d'or dans l'), par Gou-
bert, 442 ; - (état du fond de
l'aeil dans l'), par Kuies, 445.
Ether (buveurs d'), Irlande, 174.
Fibrome de la dure mère et épilepsie,
par Lacroix, 437.
Folie (guérison delà) - consécutive
à l'ablation de la barbe chez une
femme), par savane. 2U9 ; -
morale, par Hack Tuke, 271.
Fugues inconscientes chez les hys-
tériques, par .1. Voisin, 277.
Ganglions (physiologie des - spi-
naux), par Joseph, 150 ; physio-
(les - sous-corticaux, et leurs
rapports avec l'épilepsie), par Zie-
hen, 451.
Goitre exophthalmique (angine de
poitrine,- et hystérie chez l'hom-
me), par Au(li,v, 437.
Hallucinations (statistique sur les),
par Marinier, 282; négatives
chez les aliénés, par Forel, 289;
- de l'ouïe modifiées par le trai-
tement galvanique, par Fischer,
441.
Hémorrhagie bulbaire, par Dutil,
440.
Hérédité, par Galton, 284.
Hydrothérapie (appareil d'- pour
"les aliénés récalcitrants), par Bour-
neville, 168.
Hyosccamine et hyoscine chez les
aliénés, par Lemoine. 278.
Hypnose (rôle de la suggestion dans
1 ), par Ochorovicz, 283.
H vpnunsme (interdiction des séances
d'), par Ladame, 171, 287, 316;
chez les animaux, par Danilevski,
284;- (terminologie dansl'-),
par Richet, 284 ; (rôle de la sug-
gestion dans l'-). par Babinski,
284; - (congrès de l'-), 281; -
valeur des procédés d'- pour la
thérapeutique, parBernheim, 288;
(responsabilité dans l'-), par
Liégeois, 2\JU; par Moll, 297 ;
- (effets fâcheux de l'-), 316.
Hystérie (mâle à l'étranger), 173; -
chez les garçons, par Bourneville
et Solfier, 410; - par Audit, 438;
- (et saturnisme), par Outil,
439 ; mercurielle, par Guinon,
439.
Hystériques (acuité sensitivo-sen-
sorielle chez les), par Binet, 283.
TABLE DES MATIÈRES. 473
Idiots (sens de la musique chez les),
par Wilderrmith, 462.
Imbécillité avec perversion des ins-
tincts, par Bourneville et Raoult,
110.
Impulsions conscientes, par Camu-
set, 274.
Intantilismelnnsles grands centres,
par Brouanlel, 292.
Inveision sexuelle guérie parsugges-
tion, par Ladame. 277.
Ivrognerie (auto-culpabilité dans l'),
par Pelman, 458.
Lvpérmanie hypochondriaque, par
"Régis, 276.
Maladies mentales (classification
des), par Bail, 151; - statl>tique
internationale des -, par llurel,
274.
Maladies nerveuses (influence du
traumatisme sur les), par Gilles
deIaTuurette, Vibert etc.,273;-
traumatiques. par llichle,3l; -
débuts du traitement électrique
dans les - aiguës, par Friedlan-
der,4K); - pronostic des -
syphilitiques, par Nannyn, iî5.
Maladie de Dupuvtren et paralysie
OEénerale, par Régis, 439.
Médecine légale (congrès de), 293.
Méningite (gourmeuse du canal sa-
cré), par Hemack, 15 : J; - cérébro-
spinale épidémique, 174.
Microcéphalie, par Bourneville et
Camescasse, 28.
Migraine ophthahmque et paralysie
générale, par Blocq, 321.
Musculaire (dystrophie - progres-
sive, par Erb, r7; - atrophie-
progressive, par Hoffmann, 448.
Mutilation volontaire, par Sinclair,
273.
Mutisme hystérique, par Dutil, 439.
.\Iyxoedème, par Kovalevsky, 246,
't22.
Nécrologie, 175, 318, 470.
Néologismes chez les aliénés, par
Bartels, 455.
Nerf auditif chez le lapin(origine du),
par Bruns, 442.
Névrite (multiple combinée à une
maladie mentale), par Korsakolf,
275; optique symptomatique,
par Manz, 444.
Obsession avec conscience, par Fal-
ret, 274; - par Charpentier,
281 ; guéries par suggestion
hypnotique, par 'Pissié, 279.
Oculaires (mouvements), par Da-
nillo, 445.
Uphthalmoplégie (lésions anatonn-
ques des muscles des yeux dan,
I par Westphal, 151. "
Ovanotomie chez une aliénée, par
Percy : : imita, 268.
Paraldéhyde (intoxication parla),316.
Paralysie ay taute(pathoâénte delà),
par Teissier, 438.
Paralysie de la vessie et du rectum,
par Oppenheim, 152 ; par Bet-
nhardt, 300.
Paralysie (labio ? losso-pharyngée),
nar Remak, 297; traitement
électrique de la faciale, par
Enelsk,joPn, 410.
Paralysie générale (trn mt aux cam-
pagnes militaires), 155; ,pécifi-
cité de la), par 13lunet 270; -
(arthritisme comme cause de la),
par Lemoine, 278 ; (étiologie
de la), par Pierret, 280; - ten-
dances érotiques dans la), par
Laurent, 282; - chez la femme,
par 51emerlina, 299; - (hémorha-
gies dans la), par Savage, 433.
Pédoncule cérébral, par Sioli, 151.
Pénitentiaires (psychoses), pal' Koin,
272; - Semai, 277.
Pensée (transmission de la), par
Jli,jers, 28J.
Personnalité (dédoublement de la),
par Séglas. 276.
Phrénasthénie, par Finkelburg. 461.
Porencéphalie, par Bourneville et
Solfier, 280.
Prisons (inspection médicale des),
par Semai, 292.
Prix Esquirol. 150.
Psvchralgie crurale, par Pollosson,
437.
Psychose (réflexe traumatique), par
Ttomson, 296 ; (cas de mort
dans le-,), par Brie, 465.
Ramollissement cortical du cerveau,
par Leclerc, 438.
Respiration (quelques formes anor-
males de la), par Mickle, 436.
Responsabilité (atténuation de la),
par Mendel. 456 ; - Grashey, 456.
Saturnine (intoxication saturnine
avec troubles de l'intelligence et
474 TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.
du système nerveux), paa Robert-
son, 270.
Scaphandres (accidents de l'emploi
des), par Castaras, 80, 207.
Sens musculaire, par Gley, 285.
Sensibilité (troubles de dans cer-
taines formes de maladies men-
tales), par Furkestein, li6. -
Simulation de la folie, par Feritsch,
272.
Société médico-psychologique, 150,
295, rt3 ; - de psychiatrie de
Berlin, 152, 290;- psychiatrique
de Betlin, 301.
Suffocation, par Welsh, 435.
Suggestion (influence de la - sur
les affections nerveuses organi-
ques), par Fontan 289 ; (in-
fluence de la sur la menstrua-
tion), parGascard, 289 ; (indica-
tions de la - dans le traitement
des maladies mentales), par A.
Voisin, 289; (application de la
- à la pédiatrie), par Bérillon.290;
(contracture hystérique guérie
par la - pendant le sommeil na-
turel), par Janet, 441.
Sulfonal chez les aliénés par
Feboré, 295 ; A. Voisin, 151, 3113 ;
Cramer, 452.
Suspension (cessttion de morphino-
manie chez deux tabétiques Irai-
tés par la), par Gilles de la Tou-
relte et Lagoudakis, 126 ; (ti alte-
ment de l'ataxie locomotrice et de
quelques autres maladies nerveu-
ses par la), par Raoult, 129.
Syphilis (rapports de la- et de la
paralysie générale), par Christian,
281; Ballet, 281.
Syringomyélie, par Kronthal, 297.
Système nerveux central (nouveau
procédé de durcissement du) par
Banda, 151.
Tabès (masque tabétique et), par
Beruhardt, 152; -(pathologie du),
par Oppenheim, 300; - (début
par troubles trophiques du). par
Ioilière, 'r30.
Thrombose des sinus cérébraux, par
Wiglesworth, 135.
Trijumeau (racines du), par Ben-
tham, 150.
TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS
Audry, 437, 438.
Babinski, 281.
Bail, 151, 278.
Ballet, 275, 281.
Bartels, 455.
Beavor, 146.
Bechterew, 150.
Beuda, 154.
Bérillon, 290.
Bernheim, 288.
Bernhardt, 152, 300.
Binet, 283.
Blocq,3 ? 1
Bourneville, 110, 168, 280, 110.
Brie, 465.
Brouardel, 292.
Brunet, 278.
Bruns, 454.
Bumm, 462.
Call,eseasse, 280.
Camuset, 274,
Catsaras, 80, 207.
Charpentier, 27 ! ),467.
Christian, 1, 187, 281.
Cobbold,269.
Corre, 163
Cotard, 275.
Coutague, 292.
Cramer, 452.
Damlewshi, 28 L
Dauillo, 115.
Denv, 440.
Drill, 160.
Dufour, 167.
Dutil, 439, fi0.
Duverger, 286.
Edinger, 449,
TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS. 4î5
Edwards, 466.
Engleskjoen, 440.
Ert, -'f47.
Falret, 271.
Febmé, 295.
Feritscb, 272.
FlIJl,elburg, 461.
Finkelstein, 146.
Fischer, 411.
Fontan, 289.
Fore),289, 447.
Friedlander, 440.
Fueth, 65.
Galton, 284.
liamier, 279.
G;tscard, 289.
Gilles de la Tourelle, 12G, ? 95.
Glev, 285.
Goubert, 442.
Grashey, 450.
Guinon, 157, 439.
Guttstadt, 302.
Hack Tuke, 2ï1.
Herzen, 284.
Hoffmann, 448.
Horsley, 146, 147, 118.
Janet, 441.
Jehn, 461.
Jr.nsen, 303.
Joseph, 150.
Kast, 453.
Keraval, 301, FH2, 413. -
Knies, 410.
Kmppen, 418.
Koin, 272
Korsakotf, 275.
ICovalewski, 216, 422.
Krafft-Ebing, 158, 278.
Kronthal, 299.
Lacroix, 437.
Ladame, 277, 278, 287.
Lagoudakis, 126.
Laurent, 282.
Leclerc, 438.
Legrain, 151.
Lemoine, 278.
Lichtwitz, 164.
Liebe, 301.
Liégeois, 290.
Lombroso, 291.
Alanouvrier, 291.
Manz, 444.
Marinier.
Nendel, 302, 456.
Mickle, f31, f30.
Mol, 297.
Moltière, 438.
Jlonod, 281, 304.
Morel, 274.
Moricourt, 165.
Ioset, 281, 286.
3lijers, 285. r
Naunyn, 445.
Obersteiner, 15\J.
Ocüorowicz, 2a3.
Oppeulieim, 152, 300.
Otto, 303.
Paris, 244.
Pelman, 458, 160.
Percy-mith, 268.
Petersen. 155.
Pierret, 280.
Pilliet, 177, 333.
Pollosson, 437.
Reillak, 152, 153, 297.
Raoult, 110, 129.
Résis, 276, 439.
Richet, 283, 284.
Ritti, 275.
Hobertson, 270.
Rcthlmanii,443. ,
Roller, 455.
Salm, 441.
Saury, 282.
Savage, 269, 433.
Sehaefer, 148.
Scholz, 278.
Semai, 277.
Séglas, 151, 277.
Siemerling, 295.
Sinclair, 273.
Sioli, 1555.
Sollier. 280, 410.
Soury, 28, 360.
Soutzo, 275.
Teissier, 438.
Thomson, 296.
Varigny, 285.
Vibert, 273.
Vizioli, 164.
Voisin (A.), 151, 289.
Voisin (J.), 295.
Welsl, '35.
Wernielie, 155,
Westpbal, 154.
Wilesworth, 435.
Wifdennuth, 462.
Yvernes, 286,
Yvon, 261
Ziehen, 451,
EXPLICATION DE LA PLANCHE.
1° Circonvolution vascularisée anormalement (Enderl.). Les capil-
laires, au lieu d'être perpendiculaires il la surface (A) de la circonvolu-
tion, sont rameux, anastomosés, et remanient complètement le plan des
tiois premières couches de l'écorce, qui ne sont plus reconnaissables (B).
Plus bas (C.), la sécrétion longitudinale commence à reprendre (baume).
2° Lobe occipital (Schad.). De la pie-mère (A) partent des vaisseaux
qu'on voit entourés de masses opaques, contenant beaucoup de noyaux
constituant le premier degré d'une tache de désintégration (B). La limite
entre la première et la seconde couche de l'écorce, très nette d'ordinaire,
est ici confuse (picro-carmin, baume).
3° Petit foyer scléreux, irrégulier, comprenant la seconde et la troi-
sième couche de la substance grise (A) et donnant à la surface de l'en-
céphale un aspect froncé ())aisonbaute). Tout autour, les vaisseaux sont
dilatés et la sériation des couches est troublée et méconnaissable (picro-
carmin, glycérine).
4° Coupe du lobule 7aracezztul (Itobèch...) au niveau de l'union de la
substance grise et de la substance 1>lancle, pour montrer la rareté des
cellules pyramidales a leur lieu d'élection (A) et la vascularisation déve-
loppée jusqu'au 111\eau de ces couches (ltbmatuyliue, baume de
Canada).
KvrCUl, Ch. HSIUSSKY, imp. - 1289.