(1889) Archives de neurologie [Tome 18, n° 52-54] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales
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(1889) Archives de neurologie [Tome 18, n° 52-54] : revue mensuelle des maladies nerveuses et mentales

ARCHIVES

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NEUROLOGIE

ÉVREUX, IMPRIMERIE DE CHARLES HËRISSEY

ARCHIVES

DE

NEUROLOGIE

REVUE

DES MALADIES NERVEUSES ET MENTALES

PUBLIEE sous LA DllIgCT¡ON 01 :

c il A il c 0 lu

MM. BABINSKI, BALLET, BAUDOUIN ( : IAIICRLI, ltl'f0'f (l ? A.),

BLANCHARD, BLOCQ, 110,'îNAlItl (li.), Ii0Uf.111tI.AlI,

BIIIAND (11.), BItISSAUl7 (l : .), BItOIIAItU(rl. (P.), CA TSAllAS, CHAMBARD,

CHARPENTIER, CIIASLtiN, CIIRISTIAN,

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GILLES DE LA TOUIOETTR, GOMBAULT, GIUSSET, JOFI'IIO\' (A.),

1(EItA\'AL (P.), LA : I)OUGY, IAGNAN, MARIE, MIEIIZEJI¡WSK\"

111NOR, 111liSGItAVI : -I : LA)', PARIS, PARINAliD, P1LI.IET, l'IEIIIIET, l'ITIIES

l'0 ! 'OFF, L(AOULT, ltA1'1110YU IF.), Itl'sI.NAItU (A.),

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SÉGLAS, SEGUIN (IS.-l : .), SOLI,1111, SOIIl\\' (J.), TEINTURIER (l;.),

TIIULIK (II.), TIIOI<;lIm (1(.), VIGOlJIIOlJY (11.1,

VOISIN (J.).

Rédacteur en chef : ISOUItNI : ViLLI.

Secrétaires de la rédaction : J.-Il. CHARCOT FILS et G. GUINON

Tome XVIII. 1889.

Avec 1 planche et 10 figures dans le texte.

PARIS

BU 1\ EAU DU U P 110 ¡; IUt : j MÉDICAL 1,

1 rue des Carmes.

1889

Vol. XVII. Juillet 1889.. Nu 52.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

PATHOLOGIE MENTALE

DES TRAUMATISEES DU CRANE DANS LEURS RAPPORTS

AVEC [/ALIÉNATION MENTALE;

Par le D' J. CHRISTIAN,

Médecin de la Maison nationale de Charenton.

Quand on nous présente un aliéné, et que nous

interrogeons son entourage sur les causes présumées

de la maladie mentale, il est de règle que l'on invo-

que une de ces causes banales, chagrin, perte d'argent,

ambition déçue, amour contrarié, auxquelles nul

dans la vie ne saurait se flatter d'échapper, et dont,

pour cette raison, l'influence peut sembler douteuse.

Que si, au lieu de nous contenter de ces assertions

vagues, nous pouvons faire une enquête sérieuse, que

de fois n'apprenons-nous pas, qu'à une époque.plus

ou moins lointaine, cet aliéné, dont nous cherchons à

reconstituer l'existence pathologique, a reçu un coup

sur la tête, qu'il a fait une chûte, qu'il a éprouvé un

traumatisme grave du crâne ! La famille en avait perdu

le souvenir. C'est que les accidents avaient été de

courte durée ; ils s'étaient dissipés sans laisser de

traces apparentes. Le blessé avait repris ses occupa-

.\.RCIII\'ES, l. X\ïII. I

2 PATHOLOGIE MENTALE.

tions, était retourné à ses affaires. S'il y avait eu quel-

que chose de changé en lui, c'était si peu, que personne

ne s'en était inquiété.

Et quand d'aventure, cinq, dix, vingt ans après

l'accident, la folie- éclate, est-il légitime de rattacher

cette folie au traumatisme, de la considérer comme

un effet éloigné de la lésion crânienne, comme le

dernier chaînon d'une trame dont la blessure du crâne

serait le premier ?

Telle est la question que je me suis proposé d'exa-

miner. Il m'a semblé qu'elle a, non seulement un inté-

rêt scientifique assez considérable pour mériter une

étude approfondie, mais qu'elle est encore d'une haute

importance pratique. Je suis journellement appelé

à donner mon avis sur la situation de malades, et

particulièrement de militaires ou de marins, qui, de-

venus aliénés et réformés du service, ont à faire valoir

leurs droits à une retraite ou à un secours. Très sou-

vent ces malades ont dans leur passé un trauma-

tisme du crâne, chute de cheval, coup de sabre, éclat

d'obus, etc. Faut-il incriminer le traumatisme ? De la

réponse à cette question dépendra la valeur du secours

ou de la pension de retraite. Or je suis convaincu que,

dans une foule de cas, la réponse doit être affirma-

tive. Mais il importe d'établir scientifiquement cette

corrélation, car, pour tous les médecins elle n'est pas

évidente; et, quand nous l'invoquons, il ne faut pas

qu'on puisse croire qu'elle sert à déguiser un certi-

ficat de complaisance.

J'ajouterai que le problème se pose également, et

dans les circonstances les plus variées, au médecin

légiste, soit qu'il ait à apprécier le préjudice causé

DES TRAUMATISMES DU CRANE. 3

aux victimes d'un événement tel que explosion de

mine, explosion de machine à vapeur, accident de

chemin de fer, soit qu'il doive établir le degré de

responsabilité d'un individu accusé d'un crime ou d'un

délit.

I.

Les traumatismes du crâne, considérés au point de

vue de leurs effets éloignés, ont une légende. Il fut un

temps où les coups, les blessures graves à la tête,

pouvaient, non seulement ne pas causer dédommage,

mais au contraire, développer des aptitudes nouvelles,

changer en intelligence supérieure des facultés qui,

jusque-là, étaient restées au-dessous de la moyenne.

Ou lit dans Hippocrate (trad. Littré, V, p. 223),

l'histoire d'un malade âgé de douze à treize ans,

atteint de rigidité des membres et des mâchoires, avec

impossibilité de les étendre ou de les fléchir : il guérit

subitement après une chûte sur la tête.

C'est donc une opinion ancienne que celle qui

admet que les coups sur la tête puissent exercer une

influence favorable. Et il ne serait sans doute pas dif-

ficile de trouver des faits analogues dans les vieux

auteurs, si friands de singularités et de cas rares. Je me

bornerai à relater ceux que Gall a recueillis.

Le premier a trait à Grétry, « qui (c'est lui-même

qui le dit dans ses Mémoires), ne dut le développe-

ment de son génie pour la musique qu'à une violente

contusion qu'il reçut à la tête par la chûte d'une forte

pièce de bois. » (Gall, Fonctions du cerveau, Paris,

185, I, p. 411.)

4 PATHOLOGIE MENTALE.

Ailleurs (Anat. et Physiol. du syst. nerveux en gé-

néral et du cerveau en particulier, Paris, 1810, II,

p. 32), nous lisons l'histoire d'un « jeune homme,

qui, jusqu'à treize ans, n'avait pu réussir à rien. Il

tomba du haut d'un escalier, se fit plusieurs trous à

la tête, et, après sa guérison, il poursuivit ses études

avec la distinction la plus marquée ».

A la même page, nous apprenons ce qui advint au

Père Mabillon, « qui n'avait dans son enfance que les

facultés les plus bornées : mais au milieu de sa mé-

diocrité, il reçut à la tête une blessure des plus fortes,

et, dès ce moment, il déploya des talents supérieurs».

Et l'aventure devient encore bien plus étonnante,

avec les détails que Gall y ajoute à la page 264 du

même volume : le Mabillon, y est-il dit, jusqu'à dix-

huit ans, ne savait ni lire, ni écrire, et à peine parler.

A la suite d'une chute, il fallut le trépaner; pendant

la convalescence, il lui tomba entre les mains un

Euclide, et il fit des progrès très rapides dans les

mathématiques. »

Il est impossible de discuter un fait aussi miracu-

leux. Je citerai encore l'observation suivante, que

Gall emprunte à Haller : « Haller, dit-il (ibid., p. 32),

parle d'un idiot, qui, ayant eu une forte blessure à

la tête, eut du bon sens tant que la plaie dura; mais

qui retomba dans l'imbécillité aussitôt que sa blessure

fut guérie. »

Mais ici nous avons le texte même de Haller, qui

dit simplement : « Homo parvi ingenii, dum sanus

fuerat, ingeniosus ex ictu in crânio accepto, sanatus

ad priorem simplicitatem rediit» (.E7e. physiol. corp.

humant, IV, p. 294, édit. Lausanne, 17G2). Ce qui,

DES TRAUMATISMES DU CRANU. 5

dans sa forte concision, est tout différent. Car si,

avec Haller, il est admissible qu'une blessure du crâne

produise une certaine excitation cérébrale chez un

individu parvi in,c/ezü, on ne saurait comprendre

qu'elle donne du bon sens, même pour un temps, à

un idiot.

Quoi qu'il en soit, on a admis comme vraies les

histoires de Gall, et l'on s'est même ingénié à les

commenter et à les expliquer.

Gama (Traité des plaies de tête et de l'encéphalite,

2e édit., 1835, p. 146), s'en rend compte « par un

heureux changement dû à une stimulation du cerveau

produite par la commotion». Mathey (Noucellesl'eelter-

ches sur les maladies de l'esprit, Paris et Genève, 1816),

avait été encore plus catégorique : « Les coups sur la

tête, dit-il (p. 280), occasionnent et guérissent aussi

la manie : nous le concevons aisément ! »

De nos jours, les choses ne se passent plus ainsi ;

les traumatismes du crâne, quand nous les observons,

ne produisent plus ni mathématiciens, ni musiciens,

ni facultés hors ligne; mais souvent au contraire des

imbéciles, des idiots, des épileptiques, des déments,

des aliénés. Bien rares sont ceux qui guérissent sans

laisser de traces.

II.

Si, sortant de ce que j'appellerai volontiers la

légende, nous entrons dans le domaine de l'observa-

tion scientifique précise, nous constatons, non sans

surprise, la rareté des documents. Ce n'est pas que,

6 PATHOLOGIE MENTALE.

dans l'histoire pathologique d'un individu, les trau-

matismes du crâne aient jamais été considérés comme

une quantité négligeable ; au contraire. Chaque fois

que l'occasion s'en est présentée, ils ont été soigneu-

sement notés. Mais, quant à l'influence de ces trau-

matismes sur la production des maladies mentales,

nous devons reconnaître qu'elle ne paraît pas avoir été

étudiée avec le soin désirable. Il faut en accuser sur-

tout la difficulté et l'obscurité du problème; puis cette

circonstance, qu'il est très rare de voir la folie succé-

der directement aux accidents traumatiques.

Il est une autre raison, encore plus générale, c'est

que, depuis Pinel, et pour tous les aliénistes de l'Ecole

psychologique, c'est un véritable dogme que de croire

à la prédominance des causes morales sur les causes

physiques dans la génération de la folie. Cela est si

vrai que Moreau (de Tours), étudiant les causes de

l'épilepsie, et rencontrant un certain nombre de cas

où la maladie paraissait due à des coups sur la tête,

ajoute ces réflexions significatives : « Dans la plupart

des cas (causes physiques) on pourrait tout aussi bien

les comprendre parmi les causes morales; il est diffi-

cile en effet de séparer de l'effet physique, de l'ébran-

lement, de la lésion d'organes produite par ces causes,

l'émotion, le trouble, la perturbation morale instan-

tanée, qui en ont été le résultat non moins immédiat.

Les malades, au reste, ne s'y trompent guère : « Ce

n'est pas le mal que cela m'a fait, disent-ils, mais

c'est la peur que j'en ai eue. » (Mém. de l'Acad. de

médecine, t. XVIII, 1854, p. 120.)

Je trouve cette opinion formulée, presque dans les

mêmes termes, par l'un de nos confrères les plus dis-

DES TRAUMATISMES DU CRANE. 7

tingués, récemment enlevé à la science, le regretté

Dr Foville. Rendant compte du mémoire du Dr Azam,

il croit qu'il ne faut admettre l'influence des trauma-

tismes du crâne qu'avec une grande réserve; et,

venant à parler de l'altération du caractère et des

sentiments affectifs, qui succède si fréquemment aux

coups sur la tête, il se demande « si ces changements

de caractère, qui souvent ne sont que passagers, ne

peuvent pas s'expliquer par le chagrin, l'inquiétude de

l'avenir, l'affaiblissement lié à la convalescence ? » u

(Ann. nzécl. psychol, mai 1881, p. 3591.)

Et, quelques lignes plus loin, à propos de la folie

épileptique qui succède à certaines lésions crâniennes,

« pour cette catégorie de faits, dit-il, on peut parfois

se demander si l'épilepsie n'est pas consécutive à

l'impression morale déterminée par l'accident plutôt

que symptomatique de la lésion crânienne elle-même. »

Il n'y a donc pas lieu de s'étonner, qu'avec des

opinions pareilles, universellement adoptées, l'étude

des causes physiques de la folie ait été longtemps

négligée et réléguée à l'arrière-plan. Cependant

Esquirol avait écrit : « Les chûtes sur la tête, même

1 Il est des cas qui peuvent être interprétés aussi bien dans un sens

que dans l'autre. Comme exemple je citerai le fait suivant : Un officier

de santé, très occupé, se fatiguant beaucoup, est victime d'un premier

accident : il tombe de cheval sur le visage et se fracture le nez. Guéri de

cette chute, il en fait une beaucoup plus grave un an après : renversé

de voiture, il est grièvement blessé à la tête, présente des accidents de

méningite dont il ne se remet qu'après plusieurs semaines, et en restant

sourd. La folie survient progressivement (manie avec hallucinations). Il

est évident qu'il y a deux hypothèses à faire : 1° la folie est due aux

lésions traumatiques du cerveau, qui ont également déterminé la surdité;

2° elle est le résultat du chagrin d'un homme qui se sent devenir

sourd, et qui voit qu'il va perdre son gagne-pain et celui de sa famille.

Chacune peut se défendre par d'excellentes raisons. Pour moi, j'incrimine

avant tout la lésion du cerveau.

8 PATHOLOGIE MENTALE.

dès la première enfance, prédisposent à la folie et

en sont quelquefois la cause excitante. Ces chûtes,

ou les coups sur la tête, précèdent de plusieurs

années l'explosion du délire (1, p. 35). »

Cet ordre de causes n'avait pas non plus échappé

aux auteurs qui s'étaient plus spécialement occupés

des maladies inflammatoires du cerveau, et en parti-

culier de la paralysie générale. « Les violences exté-

rieures exercées sur la tête, dit Bayle, peuvent dispo-

ser à l'espèce d'aliénation mentale que nous décri-

vons, en imprimant au cerveau des commotions plus

ou moins fortes, qui peuvent à leur tour déterminer

des congestions sanguines dans les vaisseaux de la

pie-mère, etc. » (Maladies du cerveau et de ses mem-

branes, Paris, 1826, p. 409).

Calmeil également signale ces lésions traumatiques

chaque fois qu'il les rencontre dans les antécédents de

ses malades (111al. inflam. du cerveau, 2 vol. Paris 1859,

oBS. 82, 114, 118, 119, etc.).

Il n'en reste pas moins établi que, pendant fort

longtemps, la folie de cause traumatique n'a guère

attiré l'attention, et que More ! était en droit de dire

que « le nombre de ces faits serait plus considérable,

si les tendances scientifiques de notre époque n'avaient

pas accordé aux causes dites morales une trop grande

prédominance dans la pathogénie des maladies men-

tales ». (Morel, Traité des maladies mentales, p. 144.)

Griesinger est un de ceux qui ont le plus insisté

sur la grande importance de cet élément étiologique :

« Toutes les plaies de tête graves, dit-il, ont une

influence considérable sur le développement de la

folie, soit qu'il y ait simplement commotion du cer-

DES TRAUMATISMKS DU CRANE. 9

veau, soit qu'elles s'accompagnent de fractures du

crâne, d'épanchement sanguin, ou de perte de subs-

tance cérébrale, etc...; dans d'autres cas au contraire,

ce n'est que longtemps après la blessure, un an,

deux ans, six ans, quelquefois même dix ans après,

que l'on voit éclater la maladie mentale. » (Traité des

mal. mentales, trad. Doumic, Paris, 1865, p. 211.)

C'est Schlager, de Vienne, (Zeitsch2,ift de)' Gesellsch.

de}' Wiener Aerzte, VIII, p. 454), qui, le premier,

est sorti des généralités, et a essayé de porter dans le

débat quelques données précises. Sur 500 aliénés qu'il

a examinés, Schlager a trouvé 49 cas (42 hommes,

7 femmes) de folie traumatique. Dans 19 cas, la maladie

mentale éclata moins de 1 an après l'accident; mais

très souvent beaucoup plus tard, et 4 fois après plus

de dix ans. Schlager semble disposé à admettre que le

traumatisme imprime à la folie un certain cachet,

qui se manifeste par une grande tendance aux con-

gestions après de minimes ingestions d'alcool, une

émotivité exagérée, des hypéresthésies oculaires, etc.

Le pronostic lui paraît défavorable : 7 fois il observa

la paralysie générale. Enfin l'autopsie, qu'il put pra-

tiquer 10 fois, lui permit de constater l'existence de

cicatrices osseuses, d'adhérences de la dure-mère au

crâne, etc...

Si, comme je viens de le dire, Schlager a la ten-

dance de faire de la folie consécutive au traumatisme

une forme particulière, une folie traumatique, avec

ses caractères spéciaux, cette tendance est encore bien

plus accusée dans le travail publié par Skae. Cet au-

teur, se basant sur 10 observations seulement (dont

4 suile d'insolation), conclut d'abord à l'identité

10 PATHOLOGIE MENTALE.

d'effet des coups sur la tête et de l'insolation, puis

à l'existence d'un genre de folie qu'il appelle la folie

traumatique, et dont il cherche à établir la symptoma-

tologie. Ce travail soulève bien des objections; il a le

grand tort de ne s'appuyer que sur un nombre de

faits insignifiant , et de confondre dans la même

description des faits dissemblables, tels que insolation

et traumatisme. (Skae, Ann. mu. psychol. 1867, X,

p. 568, anal. par Dumesnil.)

Je citerai encore un intéressant mémoire de Krafft-

Ebing (Ueber die durci 6'e/ ? er. ? cMn/M<y und

Kopfverletzung Ilerforgerufenen psyclliscllen I'2,ctîzkbei-

ten, )Jrlangen 1868). Cet auteur distingue trois cas :

1° Ceux dans lesquels la folie est la conséquence

directe, unique, et immédiate du traumatisme; 2° ceux

dans lesquels la folie ne survient qu'après une période

prodromique plus ou moins longue, caractérisée par

des modifications de l'humeur, des habitudes, du

caractère; 3° ceux enfin dans lesquels le traumatisme

ne crée qu'une prédisposition à la folie, celle-ci n'écla-

tant que plus tard, sous l'influence d'une cause

occasionnelle.

J'écarte de mon travail les faits que Krafft-Ii : bin a

rangés dans la première catégorie; ils ne sauraient

soulever aucune difficulté. Il s'agit d'une affection

cérébrale qui débute par le traumatisme, et se poursuit

sans aucune interruption. Chose singulière, ce sont là

des cas relativement rares, et ils ne doivent être

admis qu'à bon escient. Bien souvent les traumatismes

auxquels on attribue la folie (chûtes de cheval, etc.),

bien loin d'être la cause, ne sont au contraire que

l'effet d'une maladie cérébrale déjà existante.

DES TRAUMATISMES DU CRANE. 'I1

Les auteurs les plus récents admettent tous que la

folie peut être l'une des suites éloignées d'un trauma-

tisme du crâne. Mais leur attention me paraît s'être

portée trop exclusivement sur la paralysie générale et

l'épilepsie.

En 1853, dans sa thèse d'agrégation, Lasègue écri-

vait : « Je ne mets pas en doute qu'un certain nombre

d'affections et de lésions cérébrales ne soient l'origine

de la paralysie générale... Tantôt c'est une chûte

grave, tantôt une blessure causée par le choc sur la

tête d'un corps pesant (p. 67). »

Bien souvent, depuis cette époque, le regretté maître

a développé et généralisé cette idée, en l'appuyant de

nombreux exemples. C'est en s'inspirant de ses leçons

qu'Azam a publié en 1881 son intéressant mémoire

(Arcla. de Illéd. février et mars 1881).

Je signalerai enfin la thèse de Vallon (de la para-

lysie générale et du traumatisme dans leurs rapports

réciproques, Paris 1882); puis un très grand nombre

d'observations isolées, éparses dans les journaux de

médecine ou dans les Recueils des Sociétés savantes ;

et, pour terminer, un travail qui vient de paraître (Ch.

Vibert (élude médico-légale sur les blessures produites

par les accidents de chemin de fer), Paris, 1888), dans

lequel sont relatés plusieurs faits, absolument sem-

blables à ceux que j'étudie.

III.

Lorsqu'une violence extérieure agit sur le crâne, il

va sans dire que les effets produits varient singulière-

12 9 PATHOLOGIE MENTALE.

ment, suivant la nature et le mode d'action de l'agent

vulnérant. Plaies, contusions, déchirure des parties

molles, hémorrhagies, fracture des os, pénétration de

corps étrangers dans la cavité crânienne, etc., toutes

ces lésions peuvent exister. Elles sont du domaine de

la chirurgie, et il suffit de les énumérer pour montrer

quelle variété de pronostic elles comportent. Elles ont

leur gravité intrinsèque, et celles, même en apparence

les plus insignifiantes, peuvent entraîner les consé-

quences les plus fâcheuses.

Mais, en dehors de cette gravité chirurgicale, elles

en ont une autre, toute spéciale, qui tient au voisinage

du cerveau. Le choc, venu du dehors, ne s'épuise pas

à la périphérie du crâne; il ébranle le cerveau dans

sa masse, et cet ébranlement, cette commotion, se

traduit par des symptômes immédiats que l'on peut

considérer comme les phénomènes nerveux primaires

ou primitifs des traumatismes du crâne.

1° Symptômes primaires. Ils apparaissent dès

l'instant du choc, et beaucoup sont d'observation vul-

gaire : douleur plus ou moins vive, étincelles, lueurs,

globes lumineux; bourdonnements, tintements

d'oreilles; bruits de cloches; quelquefois des hallucina-

tions de l'odorat, comme j'en ai rapporté ailleurs quel-

ques exemples (art. Hallucination du Dict. ecyc/o ?

Voilà pour les troubles sensitifs.

Des troubles de la motilité peuvent également se

manifester : engourdissement du bras ou de la jambe,

hémiplégies ou monoplégies passagères, convulsions ;

quand il y a fracture du crâne, avec enfoncement des

os, épanchement et compression du cerveau, l'hémi-

plégie peut être complète et permanente, comme dans

DES TRAUMATISMES DU CRANE. '13

les cas d'hémorrhagie cérébrale, et ne se dissiper qu'à

la suite d'une opération qui fait disparaître la com-

pression.

Quant aux troubles intellectuels, ils peuvent aller

du simple vertige, ou de l'étourdissement, jusqu'à la

perte de connaissance complète, avec résolution des

membres.

Tous ces symptômes sensitifs, moteurs, intellectuels,

peuvent se combiner de mille façons différentes, et,

comme le fait remarquer Lasègue, « l'ictus chirur-

gical, comme l'ictus cérébral non traumatique, est

susceptible de revêtir d'emblée les formes les plus

variées, comateuse, épileptique., hémiplégique passa-

gère, intellectuelle cérébrale , forme avec céphalée,

vomissements, etc. » (Revue médicale, 1880, et oeuvres

complètes).

Enfin, il peut arriver que le choc soit assez violent

pour déterminer une mort brusque, alors même qu'il

n'existe pas de lésion extérieure. Si le blessé ne suc-

combe pas, il recouvre en général plus ou moins

rapidement l'intégrité de ses facultés. Il est cependant

un symptôme, qui fréquemment persiste, pendant

plusieurs heures, ou même plusieurs jours, et qui, à

lui seul, prouve combien le cerveau a été profondé-

ment ébranlé, c'est l'amnésie traumatique.

On a souvent cité une observation de Félix Plater

se rapportant à un savant, qui avait possédé la con-

naissance du grec et du latin, et qui avait été forcé

de se remettre à l'étude de l'alphabet, après avoir été

guéri d'une blessure profonde de l'orbite (Calmeil,

de la Folie, I, p. 363).

Les choses ne vont généralement pas jusque-là : la

14 PATHOLOGIE MENTALE.

perte de la mémoire se borne d'ordinaire aux faits

contemporains de l'accident. Il arrive en outre assez

souvent qu'il s'y joint une sorte d'amnésie ? '<o7'a<7e.

une perte de souvenir de tout ce qui s'est passé pen-

dant un temps plus ou moins long, antérieur à l'ac-

cident. ,-

De toutes les observations d'amnésie traumatique,

l'une des plus célèbres est celle de Kaempfen, insérée

dans les Mémoires de l'Académie de médecine, 1835.

Il s'agit d'un officier, âgé de vingt-huit ans, qui fait

une chûte de cheval dans un manège, tombe sur le

pariétal droit, et perd absolument la mémoire de tout

ce qui s'est passé pendant vingt-quatre heures à partir

du moment de la chute. e

Motet a observé un fait presque semblable : un jeune

officier saute à cheval une barrière ; le cheval s'abat ;

le cavalier est lancé en avant, pique une tête, et reste

étendu sans mouvement : amnésie complète (Ann.

méd.psych., 1886, III, p. 127).

Un jeune homme, maçon, monte une augée de plâtre

sur une échelle. Arrivé à la hauteur du deuxième étage,

un échelon se brise, il est précipité dans la cave : frac-

ture de la jambe droite, de la cuisse gauche, et dévia-

tion de la colonne vertébrale; il reste huit jours dans

un état comateux. Pendant des mois, l'amnésie a été

complète; la mémoire s'est rétablie progressivement

jusqu'à la minute même de l'accident; il se souvient

maintenant du bruit que l'échelon a produit en se

brisant (Motet, ibid.).

C'est là le fait le plus généralement observé : le

souvenir s'arrête au moment même de l'accident. Un

jeune homme de dix-neuf ans reçoit un coup de pied

DES TRAUMATISMES DU CRANE. 15

de cheval à la tête : fracture du crâne, enfoncement

des fragments, perte de connaissance. Le blessé ne

revint à lui que trois heures après l'accident; il n'avait

aucune conscience d'avoir été frappé par sa jument.

La dernière chose qu'il se rappelât, c'est que la jument

exécutait un mouvement de rotation et baissait les

oreilles en arrière (lllaudsley, Pathol. de l'Esprit,

trad. Germont, Paris, 1883, p. 9 (note).

B..., robuste paysan, travaillant au pied du clocher

de son village, fut atteint à la tête par une tuile tom-

bant d'une hauteur de quatorze mètres. Il tomba sur

le sol, foudroyé. Quand il revint à lui, il ne se sou-

venait de rien, sinon d'avoir reçu un coup à la tête.

Le souvenir le plus lointain se reportait à l'instant qui

précédait le coup (Mosso, de la Peur, trad. Hément,

Paris, 1886, p. 53).

, Parallèlement à cette amnésie, il peut se manifester

un autre phénomène fort remarquable. Le blessé ne

perd pas connaissance, ou revient très rapidement à

lui ; alors, pendant un temps plus ou moins long, il

continue à agir, à accomplir des actes souvent très

compliqués, à terminer ou à continuer ce qu'il avait

projeté avant l'accident. Mais tout cela se fait dans un

état d'automatisme inconscient, dans une sorte de

demi-stupeur, et sans qu'il reste aucun souvenir des

actes ainsi accomplis.

Vibert a observé cet automatisme chez plusieurs des

blessés échappés à la catastrophe de Charenton. Motet

a vu une jeune femme qui part avec son mari pour

Versailles, où elle doit assister à un enterrement. En

descendant de wagon, elle tombe sur la région fessière,

est étourdie un instant, mais se relève aussitôt, donne

16 Ô PATHOLOGIE MENTALE.

"-

le bras à son mari et sort de la gare avec lui jusqu'à

une assez grande distance. Mais elle avait complète-

ment oublié pourquoi elle était venue à Versailles, et

cette amnésie persista quatre jours entiers (loc. cit.).

Rouillard a raconté à la Sociétézzédicopsychologique

la curieuse histoire d'une sage-femme, qui, appelée

la nuit pour faire un accouchement, tombe dans son

escalier, se fait une forte contusion à la tête, et perd

connaissance pendant près d'un quart d'heure. Puis

elle se remet, va chez sa cliente, fait l'accouchement

(au bout de deux heures), emmaillotte l'enfant, pra-

tique la délivrance, etc., le tout avec la dextérité

d'une vieille praticienne. Et cependant elle n'avait

aucune conscience de ce qu'elle faisait; elle agissait

automatiquement, et elle n'avait le souvenir ni de sa

chûte, ni des événements qui l'avaient suivie (Ann.

221é(l. psychol., 1886, p. 39).

A ces faits, qu'il m'eût été facile de multiplier, je

n'ajouterai que le suivant :

Observation I. D... reçoit on 187 : i, à l'âge de vingt-trois ans,

des coups de bâton sur la têle. Il tombe tout étourdi, mais se

relève aussitôt, rentre chez lui sans proférer une parole, se met à

table, dine de bon appétit, mais toujours sans parler et d'une

façon si singulière, que sa famille en est frappée. Au sortir de

table, il va se coucher, et s'endort profondément jusqu'au lende-

main matin à une heure avancée. Quand il se réveille, il est tout

surpris de se trouver au lit, et, ne se rappelant rien de ce qui lui

était arrivé la veille, il fait venir sa soeur et lui demande des expli-

cations. Il ne se souvenait ni des coups qu'il avait reçus, ni d'être

rentré chez lui, ni d'avoir diné. Les suites immédiates de cet

accident furent des plus simples. Mais au bout de quelques mois,

on s'aperçut que D... n'avait plus de goût au travail, qu'il deve-

nait distrait, irritable, qu'il se mettait à fréquenter les cafés. On

essaya d'un voyage, mais l'intelligence s'altéra de plus en plus,

et en 1878 il fallut le placer dans une maison de santé. Il y vit en-

core dans un état de complète démence, traversée par de fréquenls

accès d'agitation maniaque. Jusqu'au jour où il avait reçu des

DES TRAUMATISMES DU CRANE. I i

coups à la tête, il avait fait d'une façon brillante ses études en

droit, et il venait d'être reçu avocat. Il n'existe aucun antécédent

héréditaire; cependant, depuis que D... est à Charentou, sa mère

a été frappée d'hémiplégie.

On voit qu'en général les symptômes primaires des

traumatismes du crâne sont des phénomènes de courte

durée, qui disparaissent sans laisser de trace apparente.

Le blessé paraît complètement revenu à son état de

santé antérieur à l'accident.

Il n'est pas hors de propos d'ajouter ici, que, dans

la production de ces phénomènes, il est impossible de

faire jouer aucun rôle à la frayeur, à l'émotion morale :

le blessé est frappé à l'improviste; il perd connais-

sance aussitôt qu'il est atteint, et avant qu'il ait eu le

temps de s'effrayer, ni de prévoir le danger.

2° Les accidents secondaires sont d'une autre na-

ture. Ils ont leur point de départ dans la réaction

inflammatoire excitée par les lésions produites au sein

des centres nerveux par la violence extérieure; ils

n'apparaissent guère avant le second ou le troisième

jour, et ils se manifestent sous forme de méningite,

d'encéphalite, d'abcès cérébraux, etc.

Ce sont les faits de ce genre qui ont été le plus et

le mieux étudiés, et sur lesquels on trouve le plus de

documents à toutes les périodes de l'histoire de la

médecine. Les ouvrages de Bouillaud, de Gama, de

Lallemand, d'Abercrombie, etc., leur sont consacrés,

presque exclusivement.

Je n'ai pas ici à décrire tous ces troubles inflamma-

toires. Ceux-là seuls m'intéressent qui ont guéri. Et

il est certain que les accidents secondaires, même les

plus graves, ont pu guérir. On a vu des blessés

Archives, t. XVIII. 2

18 PATHOLOGIE MENTALE.

survivre à des fractures du crâne, à des pertes de subs-

tance des os, ou même de la substance cérébrale.

D'autres ont vécu, gardant dans leur cerveau un pro-

jectile ou un corps étranger. Si de tels succès ont pu

être obtenus autrefois, combien ils deviendront plus

fréquents, avec les hardiesses sans cesse croissantes de

la chirurgie aidée de l'antisepsie !

Il serait facile de reproduire un grand nombre de cas

de guérison des accidents secondaires, mais à toutes

ces observations, je serais obligé de faire la même

objection ; la guérison a-t-elle été complète et défini-

tive ? Comment fonctionnait le cerveau après la guéri-

son ? Qu'étaient devenus et l'intelligence, et le carac-

tère, et la sensibilité morale ? .

Combien mon travail aurait gagné en précision,

combien il eût été rendu plus facile, si j'avais pu

suivre quelques-uns de ces blessés, réchappés d'une

fracture ou d'une contusion du crâne, guéris d'une

opération du trépan ! Malheureusement, à ces ques-

tions j'ai trop rarement trouvé une réponse, et il n'y a

pas lieu de s'en étonner. Les accidents primitifs et

secondaires sont du domaine de la chirurgie : si le

blessé guérit, le chirurgien le perd de vue, et ce n'est

plus lui qui est consulté, quand d'aventure, après un

temps plus ou moins long, surviennent des troubles

nerveux. Le malade finit, alors son existence dans un

hospice, dans un asile d'aliénés, et trop souvent l'on

reste dans l'ignorance de son passé.

3° Les accidents tertiaires sont ceux qui surviennent,

après un temps souvent fort long, chez les individus

qui ont eu, à un moment donné, les accidents pri-

mitifs ou secondaires dont je viens de parler, et qui

DES TRAUMATISMES DU CRANE. 19

en ont paru définitivement guéris. Ces accidents-

tertiaires, qui se manifestent principalement sous la

forme de troubles cérébraux chroniques, appartien-

nent-ils à la même série pathologique que les autres ? 2

Pour moi cela n'est pas douteux, et je vais essayer de

le démontrer.

IV.

Tout d'abord, il faut reconnaître que la guérison des

accidents primaires et secondaires peut être définitive,

et telle qu'aucun trouble cérébral, imputable au trauma-

tisme, ne se manifeste plus jusqu'à la fin de l'exis-

tence. Tous nous avons connu dans notre entourage

des gens, qui avaient été plus ou moins grièvement

blessés au crâne, qui en avaient gardé des traces bien

évidentes (cicatrices, etc.), et qui cependant, avaient

pu sans encombre atteindre la vieillesse.

« En 1807, dans une reconnaissance qu'il faisait des

positions de l'ennemi, sur les bords de la Passarge, le

prince de Ponte-Corvo reçut un coup de feu... La

balle le frappa derrière et au-dessus de l'apophyse

mastoïde gauche, déchira les téguments et le péri-

crâne, et eut assez de violence pour occasionner une

commotion qui fit pencher le blessé sur la tête de son

cheval, sans cependant lui faire perdre entièrement

connaissance. Il se remit presque aussitôt, et put con-

tinuer à donner ses ordres... » (Gama, loc. cit.)

Il est évident que dans ce cas, il y a eu commotion

cérébrale, mais qui n'a pas laissé de traces. On sait

que Bernadotte est mort octogénaire en 1844, et que,

40 PATHOLOGIE MENTALE.

jusqu'à la fin de sa vie, il a conservé toute la pléni-

tude de son intelligence'.

Ce sont les faits de ce genre qu'il importerait de

recueillir, mais qu'on ne trouve guère dans les auteurs.

Des guérisons qui datent de quelques mois, de quel-

ques années, tous les traités de chirurgie en donnent;

mais, je le répète, elles ne prouvent rien, parce qu'on

ne peut jamais affirmer qu'elles aient été définitives 2.

Prenons en effet le cas le plus simple, celui d'un corps

étranger accidentellement introduit dans l'intérieur du

crâne. Il est certain que la présence de ce corps

étranger n'entraîne pas nécessairement des troubles

1 Un exemple tout à fait extraordinaire se trouve dans Ferrier (Loca-

lisation des maladies cérébrales, trad. Varigny, Paris, 1879, p. 15) : Un

jeune homme de vingt-cinq ans, Phineas P. Gage, bourrait un trou de

mine dans un rocher, d'une matière explosible, au moyen d'une barre

de fer pointue, longue de trois pieds sept pouces, large de un pouce un

quart, et pesant treize livres un quart; la charge éclata tout à coup. La

barre de fer, lancée la pointe en avant, pénétra par l'angle gauche de la

mâchoire du patient, traversa net le sommet du crâne, dans la région

frontale, près de la suture sagittale, et fut ramassée à quelque distance,

couverte de « sang et de cervelle ».

Le patient fut d'abord étourdi; mais moins d'une heure après l'acci-

dent, il put monter un long étage d'escaliers et raconta au chirurgien,

d'une manière intelligible, ce qui lui était arrivé. - Il vécut encore

douze ans et demi !

Autre fait. Un combattant de Juillet avait eu le crâne haché de coups

de sabre, les os fracturés, la dure-mère mise à nu. Il guérit. Dupuytren

le présenta à sa clinique un an après sa grave blessure (Vidal, de Cassis),

Pathol., ext. il édit. 1885, II, p. 706).

- Je trouve dans l'Histoire d'Ecosse, de Walter Scott, I, chapitre xn,

l'amusante histoire que voici : « Dans un tournoi, un chevalier écossais,

nommé William Ramsay, eut son casque traversé par une lance, dont un

éclat lui entra dans le crâne, et lui cloua son casque sur la tête. Comme

on croyait qu'il allait mourir sur l'heure, on envoya chercher un prêtre

qui lui administra les derniers sacrements, sans que le casque eût été

été. Aussitôt après, un parent du malade, homme vigoureux, appliqua

son pied contre la tête de son ami, tandis que, réunissant toutes ses

forces, il tirait le morceau de lance du casque, et en même temps de la

blessure Aussitôt William Ramsay se leva, et dit, en se frottant la tète :

« Cela ira ! » On ne sait pas, ajoute l'historien, si le patient vécut. Mais

que de faits semblables ont dû se produire é l'époque où l'on ne se

battait qu'à l'arme blanche ! »

DES TRAUMATISMES DU CRANE. - )Il

cérébraux, qu'elle peut se concilier avec le fonction-

nement normal du cerveau'. Mais il est également

démontré qu'il n'y a jamais de sécurité complète :

qu'après un temps, souvent fort long, des accidents

formidables éclatent, qui emportent le blessé qu'on

croyait hors d'affaire.

Je n'en veux citer comme exemple que l'observa-

tion récemment produite par Berger à la Société de

chirurgie. Une fille publique reçoit un coup de revolver

à la tête; la balle se perd dans le crâne. Après quel-

ques symptômes passagers d'hémiplégie, la fille guérit,

et, pendant quatre ans, elle jouit d'une santé parfaite.

Tout à coup accidents de méningite, qui l'emportent

en quelques jours, A l'autopsie, on trouva la balle

enkystée sous la dure-mère, et à peine quelques

rougeurs dans les méninges.

Qu'au lieu d'un corps étranger, d'une balle de revol-

ver, d'un fragment de lame de couteau ou de pointe

de fleuret, il s'agisse d'une production accidentelle,

telle que bride cicatricielle, ou ossification, ou cica-

trice de foyer hémorrhagique, n'est-on pas autorisé à

supposer que les choses se passent de même ? Et si

alors on voit survenir des accidents cérébraux, n'est-il

pas légitime de les rapporter cette épine restée dans

le cerveau ? 2

Bouillaud ne s'y était pas trompé : « Les diverses

productions accidentelles indiquent, comme nous

venons de le voir, qu'il a existéautrefoisuneiuflamma-

1 Une statistique de H. R. Warthon, de Philadelphie, publiée en 18î9

(Phil, < ? ! ex ? Times) et citée dans l'Union médicale (19 avril 1887), donne

les chiffres suivants : Sur 316 cas de corps étrangers s'étant logés dans

le cerveau, ICO furent suivis de guérison. Le corps vulnérant a été extrait

dans 106 cas, dont 72 ont guéri. Mais pour combien de temps ?

22 PATHOLOGIE MENTALE.

tion dans le tissu qu'elles occupent; mais elles n'an-

noncent point toujours, elles ne constituent point une

inflammation actuelle. Filles de l'inflammation, si j'ose

m'exprimer ainsi, elles peuvent persister après qu'elle

a disparu elle-même, et survivre en quelque sorte à

leur mère : jouant alors le rôle de corps étrangers,

elles déterminent les mêmes accidents, les mêmes

effets , que ceux-ci pourraient produire, et, après

avoir dû leur naissance aune inflammation il n'est pas

rare que, à leurtour, elles deviennent la source d'une

nouvelle phlegmasie. » (Traité de l'encéphalite, 1825,

p. 5.)

Deux cas peuvent se présenter. Si le crâne a été

entamé, s'il y a eu fracture osseuse, il restera des

traces extérieures, visibles, du traumatisme : cicatrices,

perte de substance, etc. ; et on devra nécessairement

conclure qu'à la cicatrice externe, profonde, corres-

pond une altération interne : fausse membrane, ad-

hérence, ostéophyte, etc. Si, au contraire, le crâne

est resté intact, il est moins aisé de se rendre compte

de ce qui a dû se passer dans l'intérieur. Qu'arrive-

t-il quand il y a eu simple commotion ?

Cette question avait déjà préoccupé Morgagni :

« Bérenger, dit-il, soupçonne que la sanie peut passer

d'une plaie externe à travers les pores du crâne, et

ce fait est possible. Mais le plus souvent, l'os entier

restant intact, quelque veine rompue en dedans, à la

suite d'un coup, dans la membrane du cerveau, répand

quelque peu de sang, et cette veine se rompt par la

secousse violente du crâne. » (De sedibus et callsis

morborum, lettre LI, t. III.)

On voit que, dans la commotion du crâne, Morgagni

DES TRAUMATISMES DU CRANE. 23

croit à une rupture vasculaire intra-crânienne1. Les

expériences de Duret démontrent qu'il en est souvent

ainsi (Duret, Traumatismes cérébraux, Paris, 1878).

Mais ce n'est pas par une rupture vasculaire que

l'on peut toujours expliquer les phénomènes da la

commotion cérébrale. 11 y a plus et il y a autre chose :

il y a un trouble profond porté dans la trame même

de l'organe cérébral, et, s'il n'est pas possible de dire

exactement en quoi ce trouble consiste, il faut néan-

moins l'admettre.

Stan. Laugier (art. Encéphale du Dict. de Jaccoud) dé-

finit la commotion cérébrale : « Une lésion de fonction qui

résulte de l'ébranlement du cerveau, et dont un caractère e

essentiel est l'absence de toute altération de tissu visible

par les moyens d'investigation employés jusqu'ici. »

Verneuil (art. Commotion du Dict. encyclop. des

Sciences méd.) donne une définition également vague,

dans laquelle il fait entrer cependant « les change-

ments anatomiques semblables à ceux qu'on observe

normalement dans les phases successives d'activité ou

de repos fonctionnels ».

Duret (loc. cit.) a précisé davantage : « Au moment

d'une chute sur la tête, ou par un coup sur le crâne,

un flot de liquide est formé autour des hémiphères et

dans les ventricules, qui répercute la violence subie

en un point, dans toutes les régions des centres ner-

veux... » (p. 153).

C'est aussi l'opinion de Bryant, le chirurgien de Guy's Ilospital.

D'après les faits observés dans cet hôpital pendant une longue série

d'années, il conclut que, dans les cas graves, il y a toujours contusion

ou lacération du cerveau, avec hémorrhagie plus ou moins abondante.

Bryant fait remarquer aussi que souvent la lésion se produit par contre-

coup dans un point opposé à celui sur lequel le choc a porté (Sem. méd.,

1888, p. 251).

24 PATHOLOGIE MENTALE.

De toutes façons, il faut admettre que, chaque fois

qu'il y a eu traumatisme du crâne, que les enve-

loppes du cerveau aient été lésées ou qu'elles soient

restées intactes, le tissu cérébral subit dans sa

structure intime une modification profonde, indélébile.

Mais il ne suffit pas de cette conviction pour établir

le diagnostic de folie due au traumatisme du crâne :

il faut rechercher avec soin les restes visibles de ce

traumatisme. Il y a toute une série de témoignages indi-

rects qu'il convient de noter avec le plus grand soin : ce

sont les preuves anatomiques et les preuves cliniques.

Preuves anatomiques. a). Lésions constatées il

l'autopsie. Elles sont extrêmement variables, de

siège, d'étendue, de nature. L'une des plus fréquentes

consiste dans les adhérences de la dure-mère au crâne.

Observation Il. - 1... commis-greffier au tribunal de commerce,

trente-six ans. Dans l'enfance avait fait une chute violente sur la

tête; l'intelligence s'était fort peu développée. Paralysie générale :

mort de péritonite. A l'autopsie, adhérences extrêmement éten-

dues de la dure-mère au crâne dans toute la longueur de la faux

du cerveau.

Observation III. M..., soixante-huit ans. Manie chronique.

A passé huit ans à Charenton. Mort en 1885 de congestion pulmo-

naire. Quelques années avant son admission avait fait une chute

effroyable dans les Pyrénées. Adhérences très étendues de la dure-

mère au crâne, principalement dans la région fronto-pariétale.

Ces adhérences indiquent évidemment qu'il y a eu

irritation et travail phlegmasique à la face externe de

la dure-mère. Ce peut être au contraire la face interne

de la membrane qui subite l'irritation, et c'est alors

une pachyméningite que nous constatons.

Observation IV. F..., capitaine de dragons, trente-sept ans.

A la bataille de Woerth, coups de sabre et de crosse de fusil sur

la tête; laissé pour mort sur le champ de bataille. Paralysie géné-

rale. Mort à Charenton après quatre ans de séjour, en 1881. Pa-

chyméningite sur toute la surface des deux hémisphères; fausse

DES TRAUMATISMES DU CRANE. 25

membrane, épaisse, ancienne, bien organisée, avec foyers hémor-

rhagiques nombreux d'âges différents.

Observation V. R..., cinquante-deux ans, capitaine d'infanterie

en retraite. En 1870, à l'armée de la Loire, chute de cheval; ses

soldats le relèvent privé de connaissance. Démence apoplectique.

Entré à Charenton en novembre 1879, mort en mars 1880. Pa-

chyméningite ancienne; fausse membrane très épaisse recouvrant

la convexité des deux hémisphères cérébraux.

. Observation VJ. M..., lieutenant d'infanterie, quarante-huit

ans. Violent coup de sabre sur la tête en 1870. Paralysie générale.

Meurt à Charenton en septembre 1883, après un séjour de deux

ans environ. Pachyméningite localisée à gauche.

Le traumatisme a toujours été considéré comme

l'une des causes de la pachyméningite : dans les.trois

observations qui précèdent, cette étiologie m'a paru

évidente. Je vois du reste que Vibert (loc. cit., p. 46)

partage cette opinion, car il rapporte l'exemple d'une

vieille femme morte quelques mois après reçu un

violent coup de bâton sur la tête. Elle avait une pachy-

méningite tout à fait typique.

Les ossifications de la dure-mère', qu'il n'est pas rare

de rencontrer chez les aliénés, ne peuvent-elles avoir

la même origine ? Et je ne parle pas seulement des

ostéophytes prenant naissance au point même où a

porté le choc, mais de ces concrétions osseuses qui

siègent généralement dans les replis de la faux ? Je

n'ai malheureusement pas étudié à ce point de vue les

' Je ne parle pas des esquilles qui ont pu se détacher du crâne, et qui

jouent le rôle de corps étrangers, comme dans le fait suivant :

Un homme avait eu, pendant son service d'artilleur, une fracture du

crâne avec enfoncement par un coup d'écouvillon; il en avait guéri,

mais en restant épileptique. Malgré cette infirmité, il se fit garçon ici

brasseur : un jour, durant une attaque, il tomba dans la chaudière en

ébullition, et fut apporté couvert de brûlures, à la clinique du professeur

Ehrmann. Il y mourut de tétanos. A l'autopsie on trouva une esquille

longue de quinze millimètres, qui avait perforé la dure-mère et pénétré

dans le cerveau. (Schutzenberger, in Gaz. ceci. de Strasbourg, 7 mai 1878,

p. 60.) ,

26 PATHOLOGIE MENTALE.

faits, assez nombreux, où jai trouvé ces lésions à l'au-

topsie ; et, dans mes observations actuelles, le hasard

a fait que je n'en ai point vu. Mais l'analogie m'autorise

certainement à conclure que les productions osseuses

dont je m'occupe^peuvent avoir pour cause un trau-

matisme du crâne.

b). Les lésions externes, visibles pendant la vie, sont.

fréquentes : cicatrices plus ou moins profondes, plus

ou moins étendues, exostoses, pertes de substance

osseuse, ce sont là des faits d'une constatation banale.

Ils peuvent se compliquer, suivant le siège de la bles-

sure, de paralysies musculaires, de perte d'un organe

(oeil, nez, etc.) d'atrophie, etc., suivant qu'un nerf a été

coupé, que le coup a atteint l'organe de la vision, etc.

Observation VII. G..., architecte, quarante-huit ans. Para-

lysie générale, qui l'emporte au bout de quinze mois. A l'âge de

neuf ans, chute sur la tête du haut d'un trapèze : il lui resta une

paralysie incomplète avec atrophie des muscles du côté gauche

de la face. Vie accidentée, chagrins, revers de fortune. A qua-

rante-six ans perte de connaissance, puis délire ambitieux.

Observation VIII. L..., capitaine de cuirassiers, quarante-

neuf ans. A la bataille de Sedan, tête hachée de coups de sabre.

Il guérit, mais avec un strabisme divergent de l'oeil gauche, qui

est à peu près perdu. Cinq ans après, premiers signes de déran-

gement mental, puis paralysie générale qui nécessite son place-

ment dans un asile.

Observation IX. V..., marchand de" vins, soixante et un ans.

Entré à Charenton en 1886 pour un delirium tremens. Vingt ans

auparavant, V... avait été assailli par deux voltigeurs de la garde

(qui furent exécutés pour ce crime) qui avaient voulu le tuer pour

le voler; il n'avait guéri qu'après de longs mois de traitement des

graves blessures qu'ils lui avaient faites. V... porte au côté gauche

de la face trois profondes cicatrices parallèles, deux au-dessus de

l'oeil, l'autre au-dessous; l'oeil gauche est perdu : 'ces cicatrices

proviennent de coups de sabre qui entamèrent profondément les

os. Le délire alcoolique guérit rapidement, mais il lui succéda un

délire chronique avec tendance à la démence, et V... peut être

considéré comme incurable.

DES TRAUMATISMES DU CRANE. 27 -1

Observation X. Ve..., quarante ans, officier retraité. Pendant

la campagne du Mexique, il fut atteint d'une balle qui pénétra

au-dessous de l'oeil gauche et ressortit dans la région temporale;

oeil perdu. A la suite de cette blessure, l'intelligence a faibli gra-

duellement : irritabilité excessive, tendance au vol, actes incons-

cients ; dut être placé à Maréville en 1876.

Observation XI. F..., chef d'escadron, quarante-neuf ans. A

l'âge de douze ans, chute. sur la tête, fracture et enfoncement des

os du nez. Paralysie générale à la suite d'un séjour prolongé en

Algérie.

Ce sont, bien entendu, les traumatismes de la face et

de la partie antérieure du crâne, qui risquent le plus de

laisser après eux ces lésions graves. Bien plus souvent,

on ne rencontre que de simples sillons cicatriciels.

Observation XII. S..., vingt-sept ans, arpenteur. Persécuté

dangereux. Enfant naturel. A dix ans, chute sur la tête qui laisse

au front une profonde cicatrice triangulaire.

OBSLRVATI0 : 1 XIII. K..., mécanicien, trente-quatre ans; para-

lysie générale; entré à Maréville en 1876. A l'armée de la Loire,

K... avait reçu à l'occiput'un violent coup de sabre, dont la cica-

trice était restée très apparente.

Observation XIV. V..., vingt-neuf ans, épileptique. Entré

en 1877. En 1870, éclat d'obus qui lui laboure profondément le

crâne, et laisse une énorme cicatrice au-dessus de l'oreille droite.

Il n'y aurait pas grand profit à multiplier ces

exemples : ils se ressemblent tous. Plus la cicatrice,

externe est profonde, plus il est probable qu'il y a

une lésion correspondante intra-cranienne. Cependant

ce n'est pas toujours le cas; très souvent ce n'est que

la table externe de l'os qui est entamée : la table

interne est restée indemne. En voici un exemple :

Observation XV. M..., soixante-neuf ans, mécanicien de chemin

de fer. Entré en 1884. Vingt-deux ans auparavant, dans une ren-

contre de deux trains, il est grièvement blessé à la tête, guérit,

mais en restant épileptique. Il dut prendre sa retraite en 1872,

et se retirer chez son frère. Les attaques convulsives étaient rares,

mais l'intelligence s'affaiblit progressivement, et il fallut enfin

placer le malade à Charenton. Il y succomba dans le marasme,

28 PHYSIOLOGIE.

au bout de neuf mois. Chez ce malade, il existait à la partie pos-

téro-supérieure gauche du frontal, une cicatrice longue de 5 cen-

timètres environ, assez profonde pour loger un porte-plume.

Cependant l'autopsie que je pratiquai avec le plus grand soin,

me démontra que la plaie osseuse n'intéressait que la table externe

du frontal : aucune altération n'était visible à la face interne. Je

ne découvris d'ailleurs dans le cerveau aucune lésion localisée

qui pût être attribuée au choc extérieur.

Dans l'observation suivante, le résultat du coup a

été le développement d'une exostose.

Observation XVI. - F..., journalier, trente-cinq ans. A l'âge de

quatre ans, coup de hoyau sur le crâne, d'où exostose de la

grosseur d'une petite orange, sur le pariétal droit. F... qui a une

soeur aliénée, a toujours été bizarre, peu intelligent : premier

accès de manie vers l'âge de trente ans. L'accès actuel est le

second : il guérit assez rapidement.

J'ai vu à l'asile de Montdevergues une jeune fille,

démente épileptique, qui, à l'âge de cinq ans, avait fait

une chûte sur l'angle d'un meuble. Le résultat de cette

blessure avait été une exostose énorme développée aux

dépens du frontal, et qui affectait la forme bizarre

d'une sorte de casque. (A suivre.)

PHYSIOLOGIE

LES FONCTIONS DU CERVEAU'

doctrines DE L'ECOLH italienne;

Par Jules SOURY,

Maître de conférences à l'Ecole pratique des Hautes-Etudes.

CENTRES CORTICAUX DES SENS SPÉCIFIQUES.

Vision. Panizza est enfin entré dans cette sorte

d'immortalité qu'une découverte scientifique assure à

'Voy. drch. de Neurologie, n° 51, p. 337.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 29 9

l'homme. Longtemps oubliée, cette découverte n'est

rien de moins que celle du centre cortical de la vision.

Après Tamburini ' et Verga, Luciani et Seppilli ont

rapelé comment, au cours d'une étude à la fois ana-

tomique, expérimentale et clinique, sur les origines

centrales du nerf optique et sur les rapports de ce

nerf avec le cerveau, Panizza avait démontré, dès 1855,

que, chez les mammifères, outre les tubercules quadri-

jumeaux, les couches optiques, etc., « les faisceaux

de fibres issus des circonvolutions cérébrales posté-

rieures » concourent à la formation des nerfs optiques.

La lecture du mémoire de Panizza peut seule donner

une idée de l'étendue et de la pénétration de cette

rare intelligence 2.

Bien des années avant Hitzig, Huguenin, Gudden,

Monakow, Vulpian, Panizza avait constaté au point de

vue expérimental, non seulement qu'une lésion inté-

ressant les faisceaux qui, du pulvinar de la couche

optique, viennent s'épanouir dans les « circonvolutions

postérieures », détermine toujours la cécité de l'oeil

opposé, et, si la lésion est bilatérale, la cécité com-

plète, « sans qu'il en résulte aucun désordre dans les

autres fonctions cérébrales » : il notait, chez un oiseau

dont un oeil avait été énucléé dès la naissance, une

hypertrophie compensatrice du cerveau et du crâne du

côté de l'oeil détruit 3. C'est ainsi que la figure 3 de

Tamburini. Rivelldicazione al Panizza délia scoperta del centro

visivo corticale, en appendice au grand mémoire de Tamburini sur la

genèse des hallucinations (Rivisla sperintentale di freniatria, 1880, 153).

° Osservazioni sul nervo ottico. Memoria di Bartolomeo Panizza 19

aprile 1855. Dans : jVemone dell' J. R. Istituto Lombardo di scienze,

littere ed arti. Milano, 1856, V, 375-390.

' Cf. Gudden. Recherches expérimentales sur la croissance du crâne.

Trad. de l'allemand par Aug. Forel. Paris, 1876, 57 sq.

30 PHYSIOLOGIE.

la Planche IX représente cette hypertrophie dévelop-

pée surtout « à la partie postérieure latérale » du

crâne d'un chien, du côté correspondant à la destruc-

tion de l'oeil, hypertrophie qui s'était étendue, toujours

du même côté, à la couche optique, au corps ge-

nouillé externe et aux tubercules quadrijumeaux an-

térieurs ! Quant aux faits pathologiques, Panizza a

bien vu les atrophies secondaires du nerf optique,

des circonvolutions du « cerveau pariéto-occipital » etdu

crâne, chez des sujets devenus aveugles depuis nombre

d'années. Ainsi, chez un individu, mort à dix-huit

ans, dont l'oeil gauche était atrophié par suite d'une

blessure reçue à l'âge de trois ans, la région pariéto-

occipitale de l'hémisphère droit et le thalamus du

même côté étaient atrophiés. Bref, Panizza savait

qu'une lésion unilatérale d'une partie de la substance

cérébrale des lobes postérieurs produit, sur l'oeil du

côté opposé, des phénomènes de cécité, comme Hitzig

l'observa en 1874, et que la perte d'un oeil détermine

une atrophie ascendante des tubercules quadrijumeaux

antérieurs, des corps genouillés externes, de la couche

optique, et des faisceaux qui s'irradient dans le lobe

occipital. Je dois ajouter que, comme les premiers

expérimentateurs qui ont inauguré de nos jours la

science nouvelle des localisations cérébrales, comme

Munk lui-même au début, du moins quant au chien ',

Panizza n'admettait pas la décussation partielle des

nerfs optiques dans le chiasma. Il croyait que l'entre-

croisement de ces fibres était complet, chez l'homme

même, « opinion, écrivait-il, qui rend facilement rai-

' Munk. Ueber die Functionen der G,'osshiI'111'inde, 1881, 39.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 31

son d'un phénomène pathologique bien connu de tous,

qu'après un désordre cérébral il y a souvent cécité

complète d'un oeil, l'autre restant tout à fait indemne

(illeso), phénomène qui serait inexplicable si l'on ad-

mettait la décussation partielle. »

C'est en 1879 que Luciani et Tamburini, aidés de

Seppilli et de Maragliano, médecins du manicome de

Reggio, publièrent leurs premières recherches expéri-

mentales sur les centres psycho-sensoriels de l'écorce

cérébrale, en particulier sur les centres de la vision et

de l'audition. Les résultats de ces premières expériences

s'accordaient en partie avec ceux de Ferrier, mais ne

s'accordaient point avec ceux de Munk. Le centre cor-

tical de la vision, loin d'être circonscrit à la région

moyenne ou pariétale de la deuxième circonvolution

externe du chien, où l'avait situé Ferrier, s'étendait

fort en avant, comprenant presque toute la partie an-

térieure ou frontale de cette circonvolution. Le centre

visuel du chien était ainsi représenté par une longue

zone d'écorce qui s'étendait, sur la seconde circonvo-

lution externe, de la région frontale au commence-

ment de la région occipitale. Ils niaient par conséquent

que la sphère visuelle fût confinée dans le lobe occi-

"pital, comme l'enseignait Munk. Frappés du change-

ment de caractère et des façons d'être et d'agir des

chiens opérés de la région occipitale, ces auteurs italiens

inclinaient à y voir un centre de « fonctions psychiques » ,

où les perceptions des sens s'élaboraient en idées.

Ils combattaient aussi la doctrine, alors toute récente,

de Munk (1877-1878), sur la cécité psychique. Ils ne

pouvaient comprendre comment, si le siège des per-

ceptions visuelles est identique avec celui des images-

32 PHYSIOLOGIE.

souvenirs, nées de ces perceptions, les images ou

représentations visuelles peuvent être abolies sans

que les perceptions de la vue le soient aussi, après

l'ablation d'une partie des sphères visuelles. Selon

eux, la doctrine de Munk ne pouvait s'entendre qu'en

admettant que le siège des images de la vision mentale

était distinct de celui des perceptions visuelles. « La

cécité consécutive à l'extirpation des centres corticaux

de la vision n'est pas seulement psychique, disaient-

ils expressément; elle consiste dans l'abolition, plus

ou moins complète, des perceptions de la vue. » Munk

avait pourtant montré, dans sa troisième communica-

tion (15 mars 1878), que, si l'ablation du point de

l'écorce correspondant à la tache jaune de la rétine,

abolit, en ce point, les images mentales de l'animal,

ainsi que la possibilité de nouvelles perceptions vi-

suelles, les fonctions du reste de la sphère visuelle

corticale, en rapporf avec le reste de la rétine, ex-

pliquent assez et que l'animal continue à voir et qu'il ¡

acquière de nouvelles notions sur l'existence, la forme

et les rapports des objets du monde extérieur.

Ce qui est plus important, les auteurs italiens,

ignorant encore les travaux de Munk à ce sujet, arri-

vaient à constater, au cours de leurs expériences sur

la décortication du gyrus angulaire et du lobe occipi-

tal des singes, qu'une lésion unilatérale du centre de

la vision détermine, non une cécité complète de l'oeil

opposé, comme le voulait Ferrier, mais une cécité

partielle des deux rétines correspondant au côté opéré,

une hémianopsie bilatérale homonyme. « Nous fûmes

les premiers à 'démontrer, disent-ils, que, non seule-

ment chez les singes, mais aussi chez le chien, la

LÈS FONCTIONS DU CERVEAU. ' 33

sphère visuelle d'un côté est en rapport avec les deux

rétines, et non uniquement avec la rétine de l'oeil du

côté opposé, les faisceaux croisés des nerfs optiques

l'emportant seulement en quantité sur les faisceaux

directs. » Ainsi, une destruction unilatérale de la

zone visuelle du chien provoquait une amaurose presque

complète de l'oeil opposé à la lésion et une légère

amblyopie de l'oeil du côté correspondant. Il fallait

donc admettre, contrairement aux idées qu'avaient

partagées Goltz, Ferrier et Munk lui-même, que la

décussation des fibres du nerf optique est incom-

plète chez ce mammifère, comme venaient d'ailleurs

de le démontrer, pour le chat, les belles recherches ana-

tomiques et expérimentales de Nicati '. « Si les re-

cherches ultérieures confirment ces faits, écrivaient

alors les auteurs italiens, l'hypothèse d'un second en-

tre-croisement des fibres optiques, outre celui du chias-

ma, dans un point plus central, deviendra inutile. »

Quant à cette hémianopsie qu'ils avaient si bian

observée chez le singe, ils la considéraient, encore

avec Ferrier contre111unk, comme la conséquence de

la destruction du gyrus angulaire, non du lobe occi-

pital : « Le centre visuel du singe ne peut être confiné

dans le lobe occipital ; il doit comprendre encore tout

le gyrus angulaire. » Toutefois, fidèles à leur humeur

éclectique, ils ne tiennent pas le gyrus angulaire pour

le centre exclusif de la vision, et lui associent « une

grande partie, sinon toute la convexité du lobe occipi-

tal ». Mais ils croient encore à l'existence d'autres

centres de la vision. Car, rappelant que- dans les cas

' C. R. de I'Àcad. des sciences, 10 juin 1878; Arch. de phys. norm. et

pathol., 1878, 2. sér., V, 658.

Archives, t. XVIII. 3

34 PHYSIOLOGIE.

de destruction unilatérale d'une sphère visuelle, la

suppléance ou le retour de la fonction est dû au centre

visuel du côté opposé, et, dans les cas de destruction

bilatérale incomplète, aux parties de ces centres de-

meurées indemnes, ils se demandent comment on

pourrait expliquer ces phénomènes de restitution fonc-

tionnelle, si la destruction bilatérale, au lieu d'être

incomplète, avait été complète ? Il faudrait « logique-

ment » admettre que cette restitution a lieu par les

ganglions de labase, c'est-à-dire par les couches optiques

et les tubercules quadrijumeaux. Or le cas s'est pré-

senté : ils ont enlevé successivement à un singe l'écorce

des deux plis courbes et celle du lobe occipital, bref,

les centres de la vision selon Ferrier et selon Munk.

La vision de ce singe fut pourtant en partie conservée

et rapidement rétablie ! Voilà donc qui démontrait,

suivant ces auteurs, que, outre les centres corticaux,

on devait admettre des centres basilaires de la vision,

localisés sans doute dans les tubercules quadrijumeaux

.

et les thalami, capables de suppléer, en vertu d'une

sorte d'exaltation fonctionnelle, les centres corticaux

détruits dans toute leur étendue.

Les nouvelles recherches de Luciani et de Seppilli

sur le sens de la vue, telles qu'elles sont exposées dans

les Localizzazioni funzionali ciel cervello (1885), sont

précédées de considérations bien propres à intéresser

les physiologistes et les psychologues, touchant les

différents modes d'examen de ce sens chez les animaux.

Nous ne mentionnerons, en passant, que la meilleure

épreuve, au dire des auteurs, pour découvrir les

troubles partiels ou généraux de la vision, la prova

dell'alirnentazione, avec occlusion d'un des deux yeux.

LES FONCTIONS DU CERVEAU.. 35

L'oeil gauche étant bandé, par exemple, on jette au

chien, sans bruit, un fragment de nourriture devant

le museau, à gauche, puis à droite, pour que l'image

s'en peigne sur le segment externe et interne de la

rétine droite. Si la partie de la rétine sur laquelle

tombe l'image est normale, le chien se tourne du côté

du petit morceau de viande pour s'en emparer; sinon,

c'est qu'il ne le voit pas : la région correspondante de

la rétine est aveugle. Enfin il peut arriver que l'ani-

mal distingue le fragment d'aliment, mais, qu'au lieu

d'aller en droiture le saisir, il hésite incertain sur la

direction à suivre, soit parce que l'image ne se pré-

sente pas à sa conscience avec des contours assez

nets, soit parce que le sens des couleurs ou le sens de

l'espace est lésé (Goltz) : le segment correspondant de

la rétine, ou la rétine tout entière, est amblyopique.

On distingue ainsi, avec plus ou moins de difficulté,

la cécité partielle de l'amblyopie partielle, l'amblyopie

de la cécité psychique. Dans l'amblyopie, si le chien

a de la peine à voir la nourriture, dès qu'il l'a vue,

il la reconnaît ; dans la cécité psychique, au con-

traire, il la voit, mais il ne la reconnaît pas et passe

à côté sans y toucher.

Pour supprimer l'intervention possible des autres

sens dans cet acte de la reconnaissance, Luciani mé-

lange aux petits morceaux de viande des morceaux

de liège d'égal volume : s'il est simplement amblyo-

pique, le chien ou le singe reconnaîtra par la vue et

distinguera les morceaux de liège des morceaux de

viande, sans avoir besoin de les flairer ni de les goû-

ter ; s'il est frappé de cécité psychique, l'olfaction, le

goût et le toucher devront intervenir pour faire ce dé-

36 PHYSIOLOGIE.

part. De même s'il est aveugle. Car, à son tour, la

cécité psychique devrait être distinguée de la cécité

absolue ou « corticale (Munk). Mais cette cécité ab-

solue, expérimentale, existe-t-elle chez le chien ou

chez le singe ? demande Luciani. S'agit-il en réalité

d'une cécité complète, ou d'une cécité psychique très

accusée ? Dans un jardin, ce chien réputé « aveugle »

suit les voies tracées et évite les obstacles; dès qu'on

lui bande les yeux, il se comporte tout autrement : il

va lentement, avec précaution, et se heurte du museau

au premier obstacle. Enfin, en quoi consiste cette cé-

cité corticale ? Dans la perte des images mentales ou

dans celle des sensations brutes de la vue ? Avant de

répondre à ces questions, Luciani nous convie à exa-

miner les faits, j'entends les expériences originales

qu'il a instituées sur des séries de chiens et de singes,

expériences dont les protocoles font le principal attrait,

selon nous, des dernières recherches de ce physiologiste.

Trois questions ont été surtout ici bien étudiées :

Dans quelles régions du cerveau doit-on localiser les

centres de la vision ? Quels rapports existent entre le

champ rétinien de chaque oeil et les sphères visuelles

de l'écorce ? Quelle est la nature des centres visuels de

l'écorce ?

1. Au premier abord, et si l'on considère comme

faisant partie de la sphère visuelle toutes les aires

cérébrales dont la destruction provoque des troubles de

la vision, cette sphère paraît s'étendre à toute la con-

vexité de l'écorce chez le chien, puisque les lésions

destructives des lobes temporaux et frontaux ont

déterminé des troubles de ce genre, comme celles des

lobes pariétaux et occipitaux. Peut-être l'écorce de la

LES FONCTIONS DU CERVEAU. j ?

face inférieure et de la face interne du cerveau reste-

t-elle étrangère à cette fonction, se demandait Luciani,

car ces régions n'avaient guère été explorées par l'ex-

périmentation 1. Toutefois, si l'on y regarde de plus

près, on constate que, parmi ces lésions, les unes dif-

fèrent des autres quant au degré et à la persistance

des effets qu'elles produisent. Tandis que les désordres

de la vision consécutifs à l'ablation uni ou bilatérale

de parties plus ou moins étendues des lobes frontaux

ou des lobes temporaux sont transitoires , ceux que

détermine l'extirpation bilatérale des lobes occipitaux

et pariétaux sont permanents. En outre, alors que les

lésions peu étendues des lobes frontaux ou tem-

poraux peuvent ne donner lieu à aucune altération

appréciable de la vision , les lésions, même limi-

tées, des lobes pariéto-occipitaux, déterminent tou-

jours des troubles évidents de cette fonction. Faut-

il en conclure que les centres de la vision sont

exclusivement localisés, chez les chiens, dans les lobes

occipito-pariétaux, si bien qu'on devrait attribuer à

des effets à distance du traumatisme les troubles

1 Cette tendance à étendre ou même à supprimer les frontières des

sphères sensorielles est générale chez les Italiens. Bianchi, le célèbre

professeur de l'Université de Naples, considère non seulement toute la

deuxième circonvolution externe du chien, mais aussi une partie de la

première et de la troisième, comme le centre cortical de la vision. Dans

la partie antérieure de la deuxième circonvolution seraient déposées les

impressions lumineuses et chromatiques, dans la partie moyenne celles

de la forme et de la dimension des corps, dans la partie postérieure,

enfin, « ces facteurs élémentaires de la perception optique » seraient

coordonnés. V. Conlribuzione sperimentale alli compensazioni fulnzionali

corticali del cervelle, dans la lüv. speriment. di freniatria, 1882, 431 sq.

Cette note préventive, assez étendue, que j'ai lue, et dont je reparlerai en

traitant des fonctions motrices du cerveau, est devenue un mémoire

publié à Naples, en 1883, que je ne connais que par ce qu'en a cité Chris-

tiani Zur Physiologie des Gehirnes (Berlm, 1SS5, p. 120), au chapitre

consacré par cet auteur à Luciani et il Tamburuni.

38 PHYSIOLOGIE.

visuels, transitoires, il est vrai, mais constants, consé-

cutifs aux lésions destructives des lobes frontaux et

temporo-sphénoïdaux ? Mais, dans les troubles de la

vision observés par Hitzig après l'ablation de la pointe

d'un lobe frontal, on ne peut arguer de la proximité

de ce lobe avec les régions occipito-pariétales. D'autre

part, chez la chienne S et chez le chien X, après

l'extirpation de l'écorce des lobes temporaux, les trou-

bles visuels ont persisté bien après la cessation des

effets du traumatisme. Luciani s'arrête donc à l'hypo-

thèse suivante : la sphère visuelle a bien son centre

fonctionnel, sa localisation centrale, dans la zone

occipito-pariétale des hémisphères du chien, mais elle

n'y est point circonscrite : elle s'engrène avec d'au ?

tres sphères, avec d'autres centres corticaux, et, en

rayonnant vers les lobes frontaux et les lobes temporo- Il

sphénoïdaux, elle se trouve être en rapport anatomique

direct avec ces centres.

Cette conception d'un « engrenage » du centre

fonctionnel de la vision mentale, et de tout centre

sensoriel ou sensitivo-moteur, avec les autres centres

de l'écorce, supprime toute limite précise entre ces

régions. Ces centres se confondent aux vagues confins

de leurs limites. L'idée de 1' « engrenage » des cen-

tres corticaux du cerveau fut exposée par Luciani

dans le troisième congrès de phréniatrie italien de

Reggio d'Emilie (septembre 1880), au cours d'une

discussion de ce savant, avec Vizioli et 111orselli, sur

la pathogénie de l'épilepsie 2. « Il n'est pas connu

' Ingranaôgio, parziale confusione, conglobazione.

' Archivio italiano par le malatie nervose 1881. A part, 1881, Mi-

lano, in-8°.

LES FONCTIONS DU CERVEAU.. 39

que d'autres aient exprimé la même idée auparavant,

écrivait Luciani en 1885. Toutefois nous pouvons

assurer le lecteur que nous tenons beaucoup moins à

la priorité de l'hypothèse qu'à sa vérification expéri-

mentale. » Evidemment la pensée fondamentale de

Luciani, comme celle de Seppilli, de Tamburini et de

la plupart des auteurs italiens, est celle-ci : « Aujour-

d'hui, la solution de la question des localisations céré-

brales ne consiste pas dans la confection d'une carte

du cerveau, sur laquelle cet organe serait divisé en un

certain nombre de provinces aux confins nettement

arrêtés, chacune représentant le territoire exclusif de

fonctions psychiques distinctes sensorio-motrices'. »

L'oeuvre consiste, au contraire, à rechercher et à

établir quelles fonctions différentes ont les diverses

parties du cerveau, et à indiquer l' « engrenage »

réciproque des sphères sensorielles et sensitivo-motri-

ces, - ce qui correspond, dans l'ordre des faits

physiologiques, à l'association des perceptions, des

idées et des impulsions volontaires dans l'ordre des

faits psychologiques.

De ces données de l'expérimentation physiologique,

il résultait que, chez le chien, d'après la dernière ma-

nière de voir de Luciani, les lobes occipitaux et parié-

taux représentent, en somme, le centre fonctionnel de

la vision, et que ce centre n'est en rapport anatomique

direct avec les autres lobes du cerveau que par les

irradiations décroissantes qu'il leur envoie. De même

pour les singes. «.Nul doute que l'écorce des lobes

occipitaux des singes ne représente la partie centrale

, Le localizz. fans., p. 88.

40 PHYSIOLOGIE

essentielle de la sphère visuelle de ces animaux. »

Voilà donc une nouvelle confirmation de la doctrine

de Munk à ce sujet'. Car, quoique les anciennes

recherches de Luciani et de Tamburini, d'une part,

celles de Ferrier et de Yeo d'autre part, aient prétendu

démontrer que les sphères visuelles du singe s'irradient

vers les lobes pariétaux, en particulier vers l'écorce

des plis courbes, la décortication isolée de ces cir-

convolutions ne produit que des troubles légers et

transitoires de la vision (singe E). « Il paraît donc

juste d'en conclure que les irradiations des centres de

la vision du singe dans l'écorce des lobes pariétaux

n'ont point, pour ces animaux, une plus grande im-

portance que les irradiations des centres visuels du

chien dans les lobes frontaux et temporaux 2. » Il res-

tait encore à rechercher si la décortication étendue du

lobe temporo-sphénoïdal du singe donnerait lieu,

comme chez le chien, à des troubles transitoires de la

vision, ce qui paraissait probable à Luciani.

On le voit, dans ces nouvelles recherches expéri-

mentales comme dans les premières, ce physiologiste

a peu varié. Il localise toujours, d'une manière géné-

rale, chez les animaux, le centre cortical de la vision

dans la région pariéto-occipitale. Il a vu d'ailleurs la

1 Munk attribue l'hémiopie transitoire consécutive à l'extirpation d'un

gyrus angulaire, à la réaction inflammatoire du lobe occipital, surtout à

la lésion des faisceaux optiques qui, des ganglions d'origine des tractus

optiques, gagnent les lobes occipitaux en passant sous l'écorce du pli

courbe. Ueber die Functionen der Grossltirnrinde (Berlin, 1881), p. 125,

et la note, inspirée par Wernicke. Cf. Seguin, de New- York, Contribution

à l'étude de l'hémianopsie d'origine centrale. Arch. de neU1'ol., 1886,

206 sq.

2 Le localizz. funz., p. 155. Plus loin, Luciani maintient que, chez le

singe aussi, les sphères visuelles s'étendent sur une aire considérable de

l'écorce, et s'irradient dans les régions pariéto-frontales et temporo-

sphénoïdales.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 41

confirmation de sa doctrine à cet égard dans les beaux

travaux d'anatomie fine du système nerveux et de

physiologie expérimentale de Ferruccio Tartuferi 1 :

Luciani l'a déclaré dans la discussion qui suivit deux

communications de ce savant (27 sept. 1881) sur les

centres visuels mésencéphaliques et corticaux.

II. Quels rapports existent entre le champ réti-

nien de chaque oeil et les deux sphères visuelles de

l'écorce ? Les belles recherches périmétriques de

Foerster ont établi que, des deux parties de la rétine

divisée par la ligne qui traverse verticalement le point

de fixation, le centre de la tache jaune, la partie

externe ou latérale est plus petite que la partie interne;

on a pu en conclure que chaque centre visuel cortical

soutient des rapports plus étendus avec le faisceau

croisé qu'avec le faisceau direct. On connaît la doc-

trine de Munk sur ce sujet. Les auteurs italiens se

félicitent d'être d'accord avec le physiologiste allemand

sur un point : chaque sphère visuelle est en rapport

direct, chez le chien, avec le segment interne (les

2/3) de la rétine de l'oeil du côté opposé, et avec le

segment externe (1/3) de la rétine de l'oeil du côté

correspondant. Chez les singes, comme chez l'homme,

le faisceau direct serait presque aussi fort que le fais-

ceau croisé. L'extirpation d'un lobe occipital produit

donc une hémianopsie bilatérale homonyme. Mais

Munk soutient, en outre, que les faisceaux optiques

' I corpi gellicolati dei mammiferi studiali nei loro rapporti colle fibre

del lratlo ottico e nelle loro forme cellulari. - Il tratto ottico ed i centri

visivi niesencefalici e corticali. Dal laboratorio del prof. Bizzorero. -

Ar,chivio ital. per le malatiè nervose, 1881, 47, 53, 58. Cf. du même au-

teur, ibid, 1885, p. 3 : Sull'anatomia minuta dell' eminenze biyenzine

anteriori dell' uomo, etc.

42 PHYSIOLOGIE.

directs et croisés conservent, dans leur distribution

ultime dans l'écorce, l'individualité qu'ils ont au sortir

des deux segments interne et externe de la rétine, si

bien que chaque point de la rétine soutiendrait, avec

un point correspond de l'écorce cérébrale, un rapport

constant et fixe. Les éléments rétiniens de la tache jaune,

par exemple, ne seraient associés qu'avec une région

distincte de l'écorce du lobe occipital (le point A).

L'ablation d'un point déterminé des sphères visuelles

frapperait donc de cécité le point correspondant de la

rétine et produirait à volonté un nouveau punctum

coecum. Cette cécité partielle, résultant d'une destruc-

tion partielle bilatérale de l'écorce, serait naturelle-

ment permanente.

A ces thèses, les auteurs italiens opposent trois

groupes de faits : 1° on réalise une hémianopsie bila-

térale, homonyme au côté opéré, non pas seulement

après l'extirpation d'un lobe occipital, mais après

l'ablation étendue d'un lobe pariétal ou d'un lobe

temporal; 2° les extirpations partielles bilatérales des

lobes occipitaux, c'est-à-dire des sphères visuelles de

Munk, ne produisent jamais de cécité partielle corres-

pondante bien nette; on n'observe alors que des

troubles diffus des deux rétines; 3° enfin, les phéno-

mènes d'hémianopsie consécutifs aux larges extirpa-

tions unilatérales 'des lobes occipital, pariétal ou

temporal, sont aussi peu permanents que ces troubles

diffus de tout le champ rétinien : les uns et les autres

sont plus ou moins transitoires. Il en est de même

chez les singes après l'extirpation d'un lobe occipital

entier. Il faut donc admettre, dit Luciani, que la

sphère visuelle du singe s'étend, elle aussi, au delà

LES FONCTIONS DU CERVEAU.. 43

des limites du lobe occipital, et que chaque partie du

centre de la vision mentale y est en rapport avec les

fibres des faisceaux croisés et des faisceaux directs du

nerf optique. Loin de conserver leur individualité, les

faisceaux optiques se confondraient dans leurs trajets

vers les centres; ils y contracteraient sans distinction

des rapports avec les cellules nerveuses des différentes

parties des sphères visuelles.

Ce schéma de Luciani (fig. 1) montre bien quel se-

rait ce mode de distribution des faisceaux croisés et

directs de l'écorce. Les points noirs, surtout nombreux

dans larégion occipito-pariétale de l'hémisphère repré-

senté ici, font voir quel rapport les fibres optiques du

faisceau croisé, issues du segment interne de la rétine

de l'oeil opposé, soutiennent avec l'écorce du centre

visuel; les points hachés, plus clair-semés, indiquent

les rapports des fibres optiques du faisceau direct ,

issues du segment externe de la rétine de tau corres-

pondant, avec les mêmes régions centrales.

On conçoit ainsi comment l'extirpation d'un lobe

occipital, pariétal ou temporal, causera de l'hémiop.,ie

Fig. I.

44 PHYSIOLOGIE,

bilatérale, car les éléments nerveux de l'aire corticale

détruite se trouvaient à la fois en rapport, dans chaque

hémisphère, avec les deux rétines.

III. La troisième question, celle de la nature des

centres corticaux de la vision, a plus.de portée qu'au-

cune autre pour la psychologie physiologique, puisqu'il

s'agit de savoir si l'écorce est le siège des sensations

en même temps que des perceptions et des images,

ou si les sensations ont pour siège, en dehors des

hémisphères cérébraux, le mésocéphale, les couches

optiques, les tubercules quadrijumeaux, etc., voire la

protubérance annulaire, ainsi que l'ont admis les suc-

cesseurs de Flourens.

Il est certain que les poissons et les batraciens,

après l'ablation des hémisphères cérébraux, continuent

de voir avec conscience : ils ne sont aveugles, ni

psychiquement, ni absolument (Blaschko). Les sensa-

tions, les perceptions et les images visuelles n'ont pas

encore pour siège les hémisphères, mais le mésocé-

phale. De même, étudiant au laboratoire de Florence,

sur des tortues terrestres et palustres, les effets de l'ex-

tirpation des hémisphères cérébraux seulement, en

respectant les thalami et les lobi optici, Fano a cons-

taté que, quant à la vue et aux autres organes des

sens, ces tortures ne présentaient guère de différence

appréciable qui permît de les distinguer à cet égard

des tortures normales'. Mais, chez les oiseaux, si l'ex-

tirpation des lobes cérébraux est complète des deux

côtés, la cécité est absolue (Flourens, Munk) : les sen-

sations brutes, les sensations élémentaires, ont donc

' Pubblicazioni del R. Ist. di studt super... in Firenze, 188'r, p. 41 sq.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 45

chez ces vertébrés le même siège que les perceptions

distinctes et les images mentales. De même chez les

mammifères. Cette doctrine permet de comprendre

comment chaque sens peut être isolément aboli par

la destruction du centre cortical correspondant. Si les

perceptions et les images mentales étaient seules loca-

lisées dans l'écorce, l'ablation des centres de la

vision ne déterminerait qu'une cécité psychique,

jamais une cécité absolue. L'animal perdrait ainsi la

mémoire des images perçues ; il conserverait encore la

possibilité d'éprouver des sensations visuelles. Munk,

après Flourens, prétend réaliser à volonté (chez le

chien) la cécité psychique et la cécité corticale', c'est-

à-dire absolue, permanente : il tient donc l'écorce des

centres visuels pour le siège et des images et des sen-

sations. Luciani n'a pu produire que de la cécité psy-

chique, d'abord complète, puis incomplète, mais

durable, permanente ; il admet donc l'opinion opposée

et n'attribue au centre cortical de la vision que l'éla-

boration psychique des sensations visuelles, dont le

siège serait situé dans les noyaux gris du mésencé-

phale, dans les tubercules quadrijumeaux antérieurs.

Les auteurs italiens vont même jusqu'à supposer

que la cécité absolue, que Munk prétend réaliser, ne

serait qu'une cécité psychique très accusée 2, ou résul-

4 Au lieu de « cécité corticale », il vaudrait mieux dire sans doute

« amaurose cérébrale >, car les deux sortes de cécité décrites par Munk,

en tant qu'elles résultent d'une lésion de l'écorce, sont, comme le dit

Stenger, des « cécités corticales ». (Die cerebralen Sehstcerungen de,'

Pa ! '< ? < ! 7eer. - Arch. sur Psych., XIII, 1882.) David Ferrier a fait exacte-

ment la même remarque dans la seconde édition des Functions of the

Brain (1886), p. 429, mais sur un ton que nous ne pouvons nous em-

pêcher de trouver, avec Hitzig, d'assez mauvais goût.

° Cf. l'observation de la chienne W., p. 117 et suiv. des Localizzazioni

funz., etc.

4G PHYSIOLOGIE.

terait d'une action à distance, d'une dégénération

secondaire descendante, d'une atrophie des ganglions

du mésocéphale consécutive à une large destruction de

l'écorce. Si Munk n'a jamais pu, comme il le déclare,

produire la cécité absolue chez le singe, ce n'est pas,

comme il le croit, parce que l'extirpation des deux

sphères visuelles a été incomplète : la vraie raison de

cet insuccès serait que, chez le singe aussi, les centres

corticaux de la vision ne sont que le siège des percep-

tions et des images, non des sensations élémentaires

de la vue. Chez deux singes, dont l'extirpation des

centres corticaux de la vision a d'ailleurs été incomplète,

Luciani a pu constater que les sensations de la vue

étaient redevenues parfaites : ces animaux distinguaient

les plus petits objets, mais n'en reconnaissaient pas la

nature. Pour distinguer, par exemple, des morceaux

de liège mêlés à des morceaux de figues, ils devaient

recourir aux sens du goût et du toucher. Bref, ces

singes avaient perdu les représentations mentales des

objets.

Quant auxétudescliniques et anatomo-pathologiques

sur les centres fonctionnels de la vision, il est certain

que, après Panizza, l'honneur de les voir inaugurées

paraît bien revenir à Luciani et à Tamburini. L'opus-

cule que ses savants publièrent, en 1879, sous ce

titre : Studi clinici sui centri sensorj corticali 1, est peu

connu. Ils s'étaient proposé de rechercher si l'examen

des faits cliniques confirme, ou contredit les résultats

expérimentaux auxquels ils étaient arrivés, après Fer-

' Dans les Alinali universali di medicina e chirurgie. Parte originale,

vol. 247, fasc. 742. Aprile 1879.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 47

rier (1876) et après Munk (1877-1878), touchant le

siège et la nature des centres sensoriels de l'écorce.

Admirant « quelle splendide confirmation » avait

apportée à la théorie des centres psychomoteurs de

l'écorce, au point de vue clinique, les Leçons de

Charcot sur les localisations dans les maladies du

" cerveau (1875), les articles de Charcot et de Pitres

dans la Revue mensuelle de médecine et de chirurgie

(1877-1879), le mémoire de Dario Maragliano sur les

localisations motrices dans l'écorce cérébrale 1, ils

avaient voulu tenter une entreprise du même genre

pour les centres sensoriels.

De tout temps on a noté la rencontre d'altérations

de la vision avec des lésions des hémisphères céré-

braux. Mais le vague et l'inexactitude des indications

relatives au siège anatomique de ces lésions rendent,

on le sait, les anciennes observations à peu près inu-

tiles pour l'étude scientifique des localisations céré-

brales. Tout était à refaire. Sur quarante cas cliniques,

accompagnés d'un examen anatomo-pathologique, que

Luciani et Tamburini recueillirent, trente-quatre étaien t

relatifs à des lésions de la vue, trois à des lésions de

la vue et de l'audition. Tout d'abord, ils furent frappés

de la fréquence des altérations fonctionnelles bilaté-

rales avec une seule lésion en foyer de l'écorce, ce

qui était conforme aux résultats de leurs recherches

expérimentales. Les lésions étaient localisées dans les

lobes pariétal, occipital, ou dans les deux, pariétal et

temporal, occipital et frontal. Tamburini et Luciani

Le localizzazioni motrici nella corteccia cérébrale, studiate special-

mente dal lato clinico. Ric. serina, di frenialria, 1878.

48 PHYSIOLOGIE.

furent donc aussi amenés à conclure, sur le terrain de

l'observation clinique et de l'examen anatomo-patho-

logique, que les centres psycho-sensoriels de la vision

ne sont ni dans le gyrus angulaire (Ferrier) ni dans le

lobe occipital (Munk), considérés isolément, mais dans

ces deux régions. « Nous ne pouvons dissimuler,

ajoutaient-ils, qu'on rencontre en clinique un grand

nombre de faits négatifs relativement à la zone senso-

rielle de l'écorce. » Ces cas, ils les expliquaient : 4° par

l'extension considérable de la zone visuelle corticale ;

2° par la difficulté que présente la constatation des

phénomènes ; 3° par la possibilité des suppléances

quand la lésion a évolué lentement, suppléances dues

soit aux régions symétriques de l'hémisphère opposé,

soit aux centres secondaires de la base (tubercules

quadrijumeaux et couches optiques).

Sans parler ici des cliniciens allemands tels que

Fürstner et Nothnagel, qui, vers cette époque, indi-

quaient nettement l'importance des lésions des régions

occipitales dans la production des troubles de la vision,

et avant Wilbrand, Mauthner et Exner, Angelucci, du

manicome de Macerata, publiait un mémoire remar-

quable sur les lésions de la circonvolution pariétale

inférieure (lobule du pli courbe) relativement à la théo-

rie des localisations cérébrales ' . Ce médecin partit de

cette vue, profonde selon nous (que lui avait inspirée

le professeur Morselli, directeur de l'asile), que la con-

tiguïté anatomique du lobule pariétal inférieur avec le

lobe occipital, doit correspondre à des rapports physio-

1 Giovanni Angelucci. Szclle lesione delta cÍ1>convol¡¿ione pariétale in-

eriore (lobulo della piega cw'va) in rnpporto alla teoria delle localizzazioni

cerebrali. (Archivio italiano par le malatie nervose, 1880, 74 suiv.)

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 49

logiques et fonctionnels de ces deux régions du cer-

veau, en d'autres termes, que les centres moteurs des

bulbes oculaires et des paupières doivent être aussi

intimement associés au centre sensoriel de la vision,

que l'est, par exemple, le centre du langage articulé

aux centres moteurs des lèvres et de la langue. Les

réactions synergiques des muscles de l'oeil aux di-

verses impressions lumineuses ou à cet état de la vision

intérieure qu'on appelle l'attention, le confirmaient

dans cette conception, qui représente comme un

couple anatomique et physiologique les centres mo-

teurs et les centres sensoriels de l'oeil et de la vision.

Les fonctions du lobe pariétal, en dehors de la pa-

riétale ascendante, étaient et sont encore bien peu

connues, on le sait. Des centres sensoriels, sensitifs et

moteurs de l'oeil et de la vision ont été, entre autres,

localisés sur le lobe pariétal, mais aucune de ces loca-

lisations n'a encore, il me semble, conquis sa place

au soleil. Selon Angelucci, qui montre bien les habi-

tudes de latitudinarisme si communes, en pareille ma-

tière, aux savants italiens, le centre « oculo-visuel »,

comme il l'appelle, s'étendrait, chez l'homme, sur tout

le bobule pariétal inférieur, relié, en avant, par les

frontale et pariétale ascendantes, aux mouvements de

la face, de la bouche et des lèvres; en arrière, aux ré-

gions psycho-sensorielles du lobe occipital. La partie an-

térieure du lobule pariétal inférieur lui paraissant être

le siège du centre des mouvements oculo-palpébraux,

la partie postérieure, ou pli courbe, serait le centre, ou

du moins une partie intégrante du centre de la vision,

car. Angelucci admet que, chez l'homme, ce centre est

surtout localisé dans les régions occipitales du cerveau.

Archives, t. XVIII. 4

00 PHYSIOLOGIE.

Dans les nouvelles recherches anatomo-cliuiques

qu'il publie avec Luciani, Seppilli a rassemblé trente-

six cas, dont deux lui sont personnels, les autres étant

empruntés à Nothnagel, Westphal, Wernicke, Hugue-

nin, h'ürster, Monakow, Petrina, Dejerine, Heilly et

- Chantemesse, Giovanardi, Gowers, Bernard, etc. Dans

un premier groupe (cas 1-18), Seppilli a rangé les cas

d'hémianopsie bilatérale homonyme dans lesquels on

trouve, comme caractères commun, une lésion du

lobe occipital : dans cinq cas même, la lésion est exclu-

sivement limitée à ce lobe. Dès que l'examen du fond

de l'oeil n'a révélé durant la vie aucune altération,

lorsqu'aucun indice de compression des bandelettes

optiques ou du chiasma, aucune lésion des tubercules

quadrijumeaux ni des corps genouillés, du pulvinar

de la couche optique, du lobule pariétal inférieur, etc.,

n'apparaît à l'autopsie, force est bien d'établir une

relation entre l'hémiauopsie et les lésions du lobe

occipital, que le processus se limite à l'écorce céré- ,

brale (5 cas), à la substance blanche (2 cas), ou inté-

resse à la fois l'écorce et les faisceaux sous-jacents

(6 cas). Le pli courbe n'a été trouvé lésé en toute

évidence qu'une seule fois (dans un cas de Westphal),

et il existait en même temps une lésion du lobe occi-

pital. , ,

- Les conclusions que Seppilli tire de ces faits sont

naturellement semblables à celles de Luciani, quoique

plus fermes et décidément en faveur de la doctrine

qui, chez l'homme, considère les lobes occipitaux

comme les organes, non pas exclusifs, sans doute,

mais essentiels de la vision mentale. L'hémianopsie

bilatérale homonyme, consécutive à la lésion d'u lobe

LES FONCTIONS DU CERVEAU. SI

occipital démontre que chacun de ces lobes est en rapport

avec la moitié homonyme de chacune des deux rétines.

La méthode anatomo-clinique, comme la méthode

physiologique, établit donc que chaque hémisphère

cérébral a des fonctions visuelles bilatérales. Et, pour

le dire en passant, cette bilatéralité fonctionnelle, pro-

pre à chaque moitié des centres nerveux, pour être

plus évidente dans les centres sensoriels, n'en existe

pas moins à un certain degré dans les centres sen-

sitivo-moteurs, en dépit de l'importance incontesta-

blement plus considérable des effets croisés. Il suffira

de noter avec une exactitude toujours plus grande les

troubles de la motilité et de la sensibilité dans l'hémi-

plégie et l'hémianesthésie d'origine corticale pour

constater, avec Hitzig, Exner, Landoltet tant d'autres,

l'existence de ces troubles bilatéraux, d'intensité iné-

gale, mais réels, déterminés par une lésion unila-

térale des centres nerveux.

L'esprit critique de Seppilli excelle à dissiper les

contradictions et, en dépit des apparences contraires,

à toujours faire pressentir l'unité des lois naturelles

de l'organisation, j'entends la constance et l'unifor-

mité des phénomènes que présentent les êtres vivants

dont la structure et les fonctions sont comparables

entre elles. Un seul exemple de cette sûreté d'analyse.

On se rappelle l'attention qu'excita le grand travail

de Fùrstner sur un trouble particulier de la vision

chez les paralytiques \ Au cours de la paralysie pro-

gressive, après une attaque épileptiforme ou apoplecti-

1 Uebu eine eigenlhumllche S,hsloei,u7eg bei PaI'alytikel'¡¡. (,11-chie. ?

Psych. Vlll^ et IX" vol., 1877-78.)

M PHYSIOLOGIE.

forme, l'oeil du côté hémiplégie, d'ailleurs intact à

l'examen ophthalmoscopique, semblait frappé quel-

quefois de cécité pure et simple, quelquefois de

cécité psychique. Voilà donc des troubles unilatéraux

et croisés de la vision .consécutifs à une lésion de

l'hémisphère opposé ! En outre, dans deux cas, ce n'était

pas le lobe occipital, mais le lobe frontal et le lobe tem-

poral qui étaient trouvés atteints. « Ces cas, on pourrait

les expliquer, disait Seppilli, en disant que le lobe

frontal et le lobe temporal reçoivent des irradiations des

nerfs optiques, comme nous l'avons noté chez les chiens.

Biais l'observation clinique n'appuie en rien ce mode

d'explication : les affections exactement limitées aux

lobes frontaux ou aux lobes temporaux ne provoquent

point de troubles visuels permanents avec le carac-

tère de cécité psychique. » A la rigueur, ce trouble de

la vision devrait donc être attribué à une action

exercée à distance sur le lobe occipital par les régions

encéphaliques malades. Puis, comme on rencontre

des variétés cliniques qui s'écartent des formes con-

nues, il n'est pas invraisemblable que le mode d'entre-

croisement des fibres optiques varie parfois comme

celui des faisceaux moteurs des pyramides, ainsi que

l'ont montré les recherches anatomiques de Flechsig

et les belles études anatomo-cliniques de Pitres. Mais

que doit-on penser d'abord, avant tout essai d'inter-

prétation, de la réalité de ces troubles unilatéraux et

croisés de la vision ? Ces observations sont en bien

petit nombre au regard des cas d'hémianopsie bila-

térale homonyme consécutifs à la lésion d'un seul lobe

occipital. Elles ont été faites sur des malades dont

l'état de l'intelligence, surtout aux périodes avancées

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 53

de la maladie, ne permet guère de renseigner exacte-

ment le médecin sur les fonctions de la sensibilité ni

d'instituer des expériences à cet effet. Entre temps,

comme il est arrivé pour l'amblyopie croisée dans

l'hémianesthésie hystérique 4 , Stenger et d'autres

auteurs ont établi que, chez les paralytiques généraux

aussi, ces troubles de la vue étaient en réalité bila-

téraux.

Nous n'insisterons pas sur ce que dit Seppilli de la

cécité verbale, qu'il considère comme une variété de

la cécité psychique, et dont il situe le siège, avec les

auteurs français, dans le lobule pariétal inférieur,

dont fait partie le pli courbe. Quoique la cécité verbale

s'accompagne souvent d'hémianopsie 2, la localisation

de ces deux affections n'est pourtant pas identique.

Seppilli veut seulement retenir de ces faits que, chez

l'homme comme chez les singes, les centres de la

vision ne sont pas limités aux lobes occipitaux, mais

s'irradient dans les circonvolutions du pli courbe.

Aucun doute sur ce point chez les auteurs italiens.

L'étude des centres nerveux dans les cas d'ano-

phthalmie congénitale serait aussi très utile pour

l'anatomie et la physiologie des centres de la vue.

Parmi les cas publiés jusqu'ici, on ne connaît guère

que celui de Giovanardi, professeur de l'Université de

'Charcot. - Leçons sur les localisations dans les maladies du cerveau,

p. 119.

. Tous les faits connus et bien observés nous montrent jusqu'ici

l'hémianopsie accompagnant toujours la cécité verbale.

Cf. Bernard. De l'aphasie et de ses diverses formes (1885) : « Ni

l'hémiopie ni, en son absence, un symptôme équivalent, tel que le ré-

trécissement contentrique du champ visuel, n'ont encore fait défaut dans

aucun des cas de cécité verbale où l'examen de la vue a été convenable-

ment pratiqué. » P. 133. ·

84 PHYSIOLOGIE.

Modène, où il ait été tenu compte de l'état du cerveau'.

Chez une fille de quatorze mois, aveugle-née et man-

quant des deux globes oculaires, les nerfs optiques, le

chiasma et les bandeleltes faisaient entièrement défaut,

et les circonvolutions occipitales étaient atrophiées

des deux côtés. Giovanardi, qui rappelle avec une

joie bien légitime que la découverte du centre cor-

tical de la vision est due à Bartolomeo Panizza, et que

cette observation d'anophthalmie congénitale, où les

lobes occipitaux ont été trouvés atrophiés, confirme le

fait que « ces lobes sont bien une des origines réelles

des nerfs optiques », ajoute, en terminant sa com-

munication : « Il est très probable que les circonvolu-

tions occipitales étaient peu développées déjà à l'époque

de la naissance de l'enfant, mais il est certain que,

durant les quatorze mois qu'elle a vécu, ces circonvo-

lutions ont dû s'atrophier » , atrophie résultant de

l'inactivité fonctionnelle de ces lobes par suite d'a-

bsence complète de la vue. Tartuferi aussi a signalé

ces atrophies des corps genouillés, des tubercules

quadrijumeaux et de la pointe du lobe occipital chez

de jeunes lapins dont il avait énucléé un oeil six ou

sept mois auparavant 2.

Inversement, dans un cas de porencéphalie portant

sur les deux lobes occipitaux, publié par Monakow ?

' Eugenio Giovanardi ? lzzloinzo ad un caso dianoftalmia doppiacon-

genita (mancanza dei nervi ollici, alrofia dei lobi occipituli). Riv.

speriment. di freniatria, 1881, 2li-ùO.)

. AltI dell' Academia di merl. di 1'ol'ino, 1881.

3 Experimenlelle und pathologisch-anatomische Unlersctchungect àber

die Beziehungen der sogenallnten Seftsphael'e u der infracorlicalen

Opticuscentren und zvnz J\'el'vlls opticus. Arch. f. Psychiatrie, XIV,

1883, 699 sq. Il s'agit d'un foetus humain de huit mois environ auquel

manquaient tout le lobe occipital des deux côtés et une partie du lobe

pariétal.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 3

atrophie descendantedégénérative bilatérale des tuber-

cules quadrijumeaux antérieurs, des corps genouillés

externes, du pulvinar, des tractus et des nerfs opti-

ques, comme chez les mammifères (chats, lapins) dont

on extirpe les lobes occipitaux les premiers jours

après la naissance. Monakow témoigne, dans cette

observation, contre Meynert et Huguenin, que les

centres optiques infracorticaux n'envoient de radiations

que dans le lobe occipital, non dans le lobe temporal

aussi, et que le corps genouillé interne n'est pas en rap-

port avec le lobe occipital, mais avec le lobe temporal.

Tout ce qu'ont écrit Luciani et Seppilli sur ces altéra-

tions dégénératives, descendantes ou ascendantes,

consécutives aux destructions centrales ou périphéri-

ques de l'organe de la vue, prouve qu'ils ont bien

compris la haute portée de ces expériences, d'ailleurs

en si profond accord avec les observations cliniques.

C'est grâce à ces recherches des physiologistes, unies

à celles des embryogénistes, que le parcours des fais-

ceaux nerveux a pu être suivi dans tant de régions du

système nerveux central et que le trajet intra-cépha-

lique des nerfs optiques, en particulier, a été assez

nettement tracé, de station en station, à travers les

centres visuels infracorticaux ou basilaires, depuis la

rétine jusqu'au lobe occipital. ·

Nous terminerons ce chapitre, consacré à l'étude ex-

périmentale et anatomo-clinique de la vision, par quel-

ques vues d'ensemble sur la théorie des hallucinations

de la vue.

Tamburini ' 1 reconnaît expressément que cette

Sulla gellesi delle Allucinasioni. (Htu. sperim. di (l'enial1'ia,

1880,1215 sq.)

56 PHYSIOLOGIE.

théorie n'a pu acquérir quelque solidité que du jour

où la terminaison centrale, dans l'écorce cérébrale et

non ailleurs, des appareils périphériques des sens, a

été connue, où les centres psycho-sensoriels de l'écorce

ont été découverts, bref,~où les régions des transfor-

mations des sensations en perceptions et en images

mentales ont pu être étudiées par la méthode expéri-

mentale et par la méthode anatomo-clinique. Dès 1878,

Luciani et Tamburini avaient considéré ces centres

sensoriels de l'écorce comme étant à la fois de vrais

centres de perceptions élémentaires des sensations

et des dépôts d'images mentales. Dès l'origine, ils ont

défini l'hallucination une excitation morbide des cen-

tres sensoriels de l'écorce, analogue à celle qui, pour

les centres moteurs, produit l'épilepsie d'origine cor-

ticale. L'irritation qui, ici, détermine des convulsions,

évoque là de fausses sensations, ressuscite des per-

ceptions, des images qui, si l'intensité est suffisante,

s'imposent à la conscience avec tous les caractères de

la réalité extérieure. « Les hallucinations sont aux

centres sensoriels et à leurs lésions ce que l'épilepsie

est aux centres moteurs » (p. 151). Elles constituent

une sorte d' « épilepsie des centres sensoriels ». Les

hallucinations sont d'ailleurs assez fréquentes chez les

épileptiques l'accès est souvent précédé, accompagné

ou suivi d'hallucinations. Le même processus irritatif

qui envahit les centres moteurs de l'écorce, atteint

les centres sensoriels et y suscite les sensations ou les

images intenses de l'hallucination'. Hitzig, Ferrier et

' K Une image mentale, quand elle est suffisamment intense, est

perçue comme si c'était une sensation ; cette image visuelle est projetée

au dehors comme une sensation extérieure... L'image mentale est perçue

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 57

Munk n'avaient-ils pas montré que l'excitation élec-

trique qui, dans de certaines conditions de durée et

d'intensité, détermine, appliquée aux centres moteurs,

des convulsions épileptiformes, appliquée aux cen-

tres sensoriels fait naître des sensations subjectives

de la vue, de l'ouïe, etc., que manifestent les animaux

par des mouvements correspondants ? Dans les deux

cas, l'excitation électrique, substituée à l'irritation

morbide, détermine, ici l'épilepsie, là l'hallucination

expérimentale. Enfin, l'ablation des centres sensoriels

abolit également ces deux formes de réactions ner-

veuses.

Les observations cliniques et anatomo-patholo-

giques établissaient-elles le même rapport entre les

hallucinations et les lésions de la zone sensorielle de

l'écorce ? Il ne fallait pas s'attendre à recueillir une

riche moisson de faits. Voici pourquoi. Les halluci-

nations, dit Tamburini, ne se manifestent guère qu'à

la période irritative des affections cérébrales; elles

cèdent d'ordinaire en partie devant l'envahissement

des phénomènes de dégénérescence psychique. Si la

mort survient quand les hallucinations sont dans

toute leur force, les lésions irritatives de l'hallucina-

tion ne laissent pas plus de trace appréciable que les

lésions irritatives de l'épilepsie corticale. On ne les a

guère recherchées d'ailleurs; c'est toute une étude à

faire. Les cas de lésion destructive du lobe occipital

ont souvent été précédés de processus irritatifs qui ont

déterminé des hallucinations de la vue. Charcot, Fer-

et interprétée comme si elle était une sensation rétinienne. On perçoit

une image comme on perçoit une sensation. » Alfred Binet, La vision

mentale. (Re ? philos., avril 1889,)

00 PHYSIOLOGIE.

rier, Gowers, etc., l'ont noté expressément. Seppilli a

cité trois cas d'hallucinations de la vue empruntées a

Westphal, à Gowers, à Monakow, où existaient, à

l'autopsie des lésions du lobe occipital. Tamburini et

Riva, dans un récent travail sur l'anatomie patholo-

gique de la paralysie progressive des aliénés, ont

trouvé, sur seize cas d'hallucinations de la vue ou de

l'ouïe (laplupart de concert), quatorze fois les sphères

sensorielles respectives lésées'. Il y a plus; les hallu-

cinations de -la vue peuvent servir à déterminer le

point circonscrit de l'écorce cérébrale où siège la lé-

sion dont elles sont le symptôme. Seppilli rapporte,

d'après Pick, le cas d'un homme de vingt-huit ans,

atteint de délire de persécution qui, le soir, avant de

s'endormir, voyait de l'oeil droit des personnes à lui

connues, de grandeur naturelle : mais la tête et le^

buste de ces hommes lui apparaissaient seuls le plus

souvent. De même, si dans son hallucination il voyait

une forêt, il ne distinguait que la cime des arbres, les

parties inférieures restant dans l'ombre. Le périmètre

indiqua un rétrécissement considérable du champ

visuel de l'oeil droit, en haut et un peu en dedans,

c'est-à-dire une cécité du segment inférieur et externe

de la rétine droite. Seppilli estime que la meilleure

hypothèse qu'on puisse proposer pour expliquer la

pathogénie de celle cécité partielle de la rétine droite

et le caractère incomplet de ces hallucinations, c'est

d'admettre l'arrêt ou l'abolition fonctionnelle d'une

partie seulement des éléments nerveux de la sphère

1 71 ! ferc/'e sulla anatomie patologica délia paralisi progressive ! ... Atli

del congresso de Sociela {1'cniatl'. Vogliera, 10-22 septembre 1883. Milano,

1883, p. 8, 10.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 59

visuelle corticale droite. Quant à cette partie même du

centre visuel, quelque délicate et subtile que puisse

paraître une pareille tentative de localisation céré-

brale, Munk, on le sait, la verrait dans la moitié

postérieure de la portion latérale de la sphère vi-

suelle. Mais, à l'exemple de Luciani, Seppilli estime

contradictoire aux faits la' doctrine si hardie de Munk,

d'après laquelle il existerait un rapport fixe et déter-

miné, au moyen des faisceaux du nerf optique, entre

» chaque segment de la rétine et chaque territoire cor-

respondant des centres corticaux de la vision.

Quoi qu'il en soit, la conclusion à tirer de ces faits

expérimentaux et anatomo-cliniques est, à coup sûr,

fort importante : de même que le diagnostic topogra-

phique des lésions motrices de l'écorce, soit irritatives,

soit destrutrives, et déterminant les épilepsies ou les

paralysies corticales, est aujourd'hui assez sûr pour

que le siège exact en puisse être circonscrit, il devient

possible également de délimiter la région cérébrale

des lésions, soit irritatives, soit destructives, des

divers centres sensoriels, déterminant soit la produc-

tion des hallucinations, soit l'abolition fonctionnelle

de tel ou tel sens.

L'hallucination est simple ou composée. Ainsi, elle

peut n'intéresser qu'un seul sens et être unilatérale,

si l'excitation est limitée à un territoire cortical res-

treint d'un seul centre sensoriel et d'uu seul hémi-

sphère. Mais l'hallucination peut résulter aussi de la

synergie morbide de plusieurs zones sensorielles. Dans

le premier cas, on s'explique jusqu'à un certain point

que l'hallucination soit compatible avec ce qu'on

appelle la santé de l'esprit. Les forces psychiques de-

60 PHYSIOLOGIE.

meurées intactes suffisent, en effet, d'ordinaire pour

faire échec à cette force isolée, et pour neutraliser en

quelque sorte les effets de ce foyer limité d'irritation.

Encore tout dépend-il du degré d'intensité de cette

force perturbatrice que le reste de l'encéphale peut

être impuissant à enrayer. L'hallucination nous domine

alors complètement; nous croyons fatalement à la

réalité des sensations ou des visions qu'elle suscite en

nous, et aucun raisonnement ne saurait prévaloir con-

le témoignage de notre conscience. Voilà, du moins,

comment on peut se représenter la pathogénie des hal-

lucinations dans les centres sensoriels de l'écorce céré-

brale. Mais Tamburini a inutilement ici compliqué les

choses en évoquant, au-dessus des centres sensoriels,

on ne sait quels centres d'idéation (centri della idea-

zione), si bien que l'hallucination dériverait de quatre

sources appareils périphériques des sens, voies ner-

veuses centripètes, centres sensoriels, centres d'idéa-

tion.-Naturellement, plus la lésion initiale sera pé-

riphérique, plus les hallucinations de la vue, etc.,

seront de nature élémentaire (étincelles, globes de

feu, etc.); plus elle sera centrale, plus les hallu-

cinations seront complexes (figures, paysages, ta-

bleaux, etc.). Mais, quel que soit le point de départ de

l'hallucination, l'intervention du centre sensoriel cor-

tical du sens considéré est indispensable pour que

l'hallucination se produise dans la conscience avec

tous les caractères de la réalité objective.

L'hypothèse d'un ou de plusieurs centres d'idéation

cérébraux est une simple vue de l'esprit, de tous

points arbitraire; elle paraît chère à beaucoup de

médecins qui se sont occupés des diverses formes de

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 61

l'aphasie, voire à des physiologistes : elle nous semble

être une survivance des vagues notions traditionnelles

d'esprit et d'intelligence considérés comme des êtres

réels, et non comme de simples résultantes des fonc-

tions du cerveau. Il faut très résolument exorciser

tous ces fantômes. J'estime, avec David Ferrier lui-

même, qui se sépare ici de son maître Ffughlings

Jackson, qu'il est inutile d'imaginer une sorte d'Olympe

où seraient représentées, sous une forme supé-

rieure, les fonctions sensorielles et sensitivo-motrices

de l'écorce, substratum des opérations de l'intelli-

gence. « Cette hypothèse, a écrit D. Ferrier, ne reçoit

aucune confirmation des faits expérimentaux, et elle

ne paraît pas du tout nécessaire pour expliquer les

faits de mentation normale ou anormale *. » Les centres

moteurs, sensitifs et sensoriels constituant l'écorce

cérébrale sont les seuls substrata connus des sensa-

tions, perceptions, idéations, volitions, émotions.

Qu'il y ait des degrés de complexité et d'évolution

dans ces centres, cela est possible : mais ce n'est pas

une raison pour créer de toutes pièces des centres su-

périeurs d'idéation dont rien jusqu'ici n'a révélé

l'existence ni au physiologiste ni au clinicien.

Audition. Lorsque Luciani et Tamburini entre-

prirent leurs premières recherches expérimentales sur

le centre cortical de l'audition, c'est-à-dire, d'après

eux, sur les régions pariéto-occipitales de la troisième

circonvolution externe du chien (et sans doute au delà

de ces limites), et, chez le singe, sur les première et

' l'lie Funclions of the 73nain, 2* édit. 460.

62 PHYSIOLOGIE.

deuxième circonvolutions temporo-sphénoïdales, ils

s'étaient proposé d'étudier, de plus près que ne l'avait

fait David Ferrier, les effets de la destruction de ce

centre sensoriel. Les résultats de leurs expériences à

ce sujet, publiés en 187-9 ', établissaient qu'après la

destruction unilatérale de la sphère auditive du chien,

survenait immédiatement une surdité des deux oreilles,

mais plus accusée sur l'oreille du côté opposé à la

lésion. Puis cette différence dans la sensibilité de l'ouïe

des deux oreilles diminuait progressivement et dispa-

raissait, ou du moins semblait disparaître, quelques

jours après l'opération. Une lésion destructive sem-

blable sur la région homonyme de l'autre hémisphère

déterminait une surdité presque absolue et sensible-

ment égale des deux côtés. Cette surdité allait d'ailleurs,

elle aussi, en diminuant, sans qu'on pût dire si, avec

le temps, elle devait s'amender complètement.

Mais un autre problème préoccupait alors ces au-

teurs, et si la solution, aussi profonde qu'ingénieuse,

qu'ils en faisaient entrevoir, n'a pas prévalu, on ne

saurait affirmer qu'elle n'a point pour elle l'avenir.

Une excitation électrique, portée sur Ti du singe, dé-

termine un mouvement de l'oreille du côté opposé,

qui se dresse ; les yeux s'ouvrent tout grands, les pu-

pilles se dilatent, la tête se tourne elle aussi du côté

opposé. Ces mouvements d'étonnement et de surprise

qui ressemblent à ceux que provoque, chez l'animal,

un bruit violent ou insolite, Ferrier les interprétait

comme l'effet d'une sensation auditive subjective.

Cette sensation provoquait, par action réflexe, les

1 Sui cenlri psico-sensori corticali. (riz, spernnenl. di /<'6 ! t : 'a't<f,

1879, V, 1 sq.). '

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 63

mouvements observés. Sans nier absolument que ces

réaclions représentent des mouvements réflexes consé-

cutifs à des sensations subjectives, les auteurs italiens

'inclinaient bien plutôt à croire qu'elles dépendaient de

l'excitation directe de centres moteurs siégeant dans

la zone corticale du centre de l'audition.

Cette hypothèse appartient tout entière à Tamburini,

qui l'avait proposée, dès 1876, à propos des centres

psycho-moteurs de l'écorce, et de tous les centres cor-

ticaux en général, dans un beau mémoire sur la phy-

siologie et la pathologie du langage '. Voici comment

Tamburini avait formulé cette hypothèse : « Chacun

de ces centres est en même temps le foyer de réception

* et de perception des excitations sensorielles provenant

d'une partie donnée du corps, et le point de départ de

l'excitation volitive centrifuge pour les muscles de

cette partie. » Ainsi, dans les centres sensoriels cor-

ticaux de l'audition, de la vision, etc., existeraient,

mêlés aux éléments sensoriels, ou isolés en îlots, des

éléments moteurs des muscles des organes périphériques

des sens correspondants, du pavillon de l'oreille, par

exemple, pour le centre cortical de l'audition, des

muscles oculo-palpébraux pour le centre cortical de

la vision, etc. Tous les centres de l'écorce seraient

donc mixtes, à la fois sensoriels (ou sensitifs) et mo-

teurs.

En quoi les effets de l'électrisation des centres sen-

soriels diffèrent-ils de ceux qu'on observe en excitant

la zone motrice de Hitzig ? Les auteurs italiens ne le

' Aug. Tamburini, Co&KZMMe sM /tSto/oM e pao'a c ! e/ < : M-

' Aug. Tamburini, Contribuzione alla flsiologia e patologia del liu-

gua,qglO. (Riv. spei,inz. di {renia tria, 1876.) - .1 part : Reggiù-Emilia,

1876, p. 33.

64 PHYSIOLOGIE.

voyaient pas. En électrisant le centre de l'audition, ils

déterminaient une attaque d'épilepsie générale : les

convulsions débutaient par le pavillon de l'oreille du

côté opposé. Enfin l'hypothèse de Tamburini présentait

certaines affinités avec la théorie de la sphère sensi-

live de Munk. Cette idée, quelle qu'elle soit, de la

constitution élémentaire de l'écorce, devait précisé-

ment trouver en Italie une base scientifique dans les

études de Golgi, le célèbre professeur de Pavie, sur

l'histologie des centres nerveux. La thèse principale

de ce savant anatomiste, qui ne dédaigne pas les ré-

sultats de la physiologie expérimentale, de la clinique

et de l'anatomie pathologique, et qui invoque surtout

les noms de Tamburini et de Luciani, c'est que les

centres fonctionnels de la sensibilité- et de la motilité,

loin d'être absolument séparés, se mêlent dans l'écorce

et ont un siège anatomique commun \ D'autres Ita-

liens, tels qu'Albertoni, se sont aussi sentis attirés

vers ces idées, bien avant que l'histologie des centres

nerveux leur eût prêté quelque fondement. Le chapitre

de ce travail consacré aux localisations sensitivo-mo-

trices ramènera notre attention sur Golgi et sur ces

auteurs. Mais, sans vouloir insister, il était peut-être

utile de signaler ici cette conception de Tamburini

comme une' preuve nouvelle du tour subtil et ingé-

nieux, surtout éclectique, de l'esprit scientifique ita-

lien.

Il y a peu de choses à dire des recherches récentes

' Cette thèse de Golgi est particulièrement bien exposée dans le mé-

moire suivant : Considérations anatomiques sur la doctrine des localisa-

tions cérébrales, publiée dans la Gazzelta degli ospilali, 3° année(1882),

et, en français, dans les Archives italiennes de biologie, Il,. 236 suiv.

LES FONCTIONS bU CERVEAU. 6u

de Luciani sur le centre cortical de l'audition, dont

les limites lui semblent bien dépasser aujourd'hui

celles du lobe temporal : ce centre enverrait des irra-

diations dans le lobe pariétal, le lobe frontal, la cir-

convolution de l'hippocampe et la corne d'Ammon.

Comme, suivant Luciani, il est extrêmement probable

a priori, que les centres corticaux des différents

sens spécifiques sont construits sur le même plan et

d'après la même loi générale que celui de la vision, il

insiste sur les rapports de chaque oreille avec les deux

hémisphères cérébraux au moyen d'un faisceau croisé

et d'un faisceau direct. Quoiqu'on ne sache encore

rien du mode et du lieu d'un entre-croisement partiel

des nerfs acoustiques, il faudrait admettre pour les

nerfs acoustiques ce qui a éte démontré pour les nerfs

optiques. Les expériences démontreraient, avec la

même clarté, que ce qui est vrai pour les uns doit

l'être aussi pour les autres. Le physiologiste pose un

problème à l'anatomiste. Que celui-ci parvienne à

suivre les faisceaux de l'acoustique dans leur trajet

vers les centres corticaux de l'audition, et il découvrira

sûrement, chemin faisant, le lieu et le mode de cet

entre-croisement. « C'est ainsi, écrit Luciani, si ]),-(),Va

licet componere li(teiis , que l'astronome Galle a

découvert Neptune dont, par le calcul, Leverrier

avait démontré l'existence. »

Il suffit de superposer sur le schéma de la sphère

visuelle, ce schéma (fig. 2) de la sphère auditive,

où les points noirs et les points hachés indiquent le

mode supposé de distribution des faisceaux croisés et

directs du nerf acoustique dans l'écorce, pour voir

comment ces deux sphères sensorielles, aux vagues

Archives, t. XVIII. a

66 PHYSIOLOGIE.

confins, se confondent en partie, se pénètrent et

s' « engrènent », suivant les doctrines localisatrices

de l'École italienne.

De même que pour le centre cortical de la vision,

Luciani s'est demandé quelle est la nature fonction-

nelle du centre cortical de l'audition. Est-ce à la fois,

comme le soutient Munk, un centre de perceptions

auditives, d'images mentales de l'audition, et de sen-

sations simples, élémentaires, de ce sens ? Voyons les

nouvelles expériences. Après l'ablation unilatérale

d'une sphère auditive, il existe une obtusion plus ou

moins accusée de l'ouïe, mais point de surdité com-

plète ; ces troubles s'amendent bientôt avec les effets

du traumatisme, et il ne subsiste et persiste que des

signes de surdité psychique. En d'autres termes, l'ani-

mal ne comprend plus la signification des sons ou des

bruits, tels que l'appel de son nom, le claquement du

fouet, etc., mais il entend. Les effets de l'ablation

bilatérale, même incomplète, sont toujours plus graves :

le trouble auditif peut atteindre d'emblée le degré de

la surdité absolue; puis celle-ci diminue peu à peu, et

il ne reste encore que des signes de surdité psychique.

Fig. 2.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 67

Encore ceux-ci vont-ils s'atténuant si l'animal survit

assez longtemps. Mais les sensations brutes de l'ouïe

redeviennent toujours parfaites comme devant. Luciani

tire donc de ces faits la même conclusion que pour la

sphère visuelle : le centre cortical de l'audition est

uniquement destiné aux perceptions et aux images

acoustiques; les sensations simples de l'ouïe par-

viennent ailleurs, mais Luciani ne désigne point ces

centres infracorticaux ou basilaires de l'audition, assez

bien connus aujourd'hui.

L'étude clinique et anatomo-pathologique du centre

cortical de l'ouïe, considérée comme fonction générale,

n'est pas plus avancée en Italie que dans le reste de

l'Europe. Pas plus que Ferrier ou Nothnagel, Seppilli

n'a pu trouver une observation clinique décisive de

surdité par lésion corticale du lobe temporal. Ce qu'il

a surtout étudié avec prédilection, on sait avec quel

succès ', c'est l'affection décrite d'abord parAVernicke

(1874), puis par Kussmaul (1876), dans laquelle les

malades, tout en distinguant les plus légers bruits,

sont incapables de comprendre la signification de la

parole entendue, le sens des mots mêmes qu'ils enten-

dent. C'est là un véritable phénomène de surdité psy-

chique, de tous points comparable à ceux que Luciani

a réalisés expérimentalement sur les animaux par la

destruction des sphères auditives, alors que l'animal,

qui entend les moindres bruits, les sons qui composent

son nom, le claquement du fouet, etc., ne comprend

4 Giuseppe Seppilli, Sulla sordita verbale. Alti de) IV congressd

freniatrico italiauo, 1883.

La Sordità verbale ed a fasiu sensoriale. Studio clinico ed anatomo-

putotogio ? <n)..< ! er;n ! eK<.< ? )'e ? a : )')'a, 'Jf-1 ? 8.

68 PHYSIOLOGIE.

plus la signification de ces bruits ou de ces sons. C'est

bien l'idée, la représentation mentale auditive du mot,

qui est effacée dans la surdité verbale, la sensation

élémentaire des sons ou des bruits demeurant intacte.

La lésion amnésique porterait essentiellement sur

les'centres d'élaboration psychique de ces sensations,

non sur les centres des perceptions ou des sensations

brutes, si toutefois on inclinait encore à admettre, avec

les auteurs italiens, que ces centres sont distincts et

ont pour substratum anatomique, les uns l'écorce cé-

rébrale, les autres les ganglions de la base. Mais les

expériences de Munk nous paraissent avoir décidément

ruiné cette manière de voir.

Après Wernicke, Kahler et Pick, Nothnagel, etc.,

Seppilli, qui a pu rassembler des cas plus nombreux de

surdité verbale, situe la lésion de cette affection dans

le lobe temporal gauche, surtout dans la Ti, mais il

étend le siège anatomique de l'audition verbale à laTs.

Seppilli connaît et loue à son habitude les travaux

français sur cette matière, surtout ceux de Charcot,

« qui a traité ce sujet, dit Seppilli, avec sa finesse

d'observation ordinaire, avec cette pénétration que

l'on rencontre dans tous ses travaux de pathologie

nerveuse. » Il est juste de reconnaître que, dès 1883,

Seppilli avait montré, avec une largeur de vue bien re-

marquable, toute l'importance de la surdité verbale pour

la localisation et le diagnostic exact du siège des affec-

tions cérébrales. Voici le tableau où le savant médecin

du manicome d'lmola présenté les résultats des vingt

observations de surdité verbale qu'il rapporte :

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 69

70 PHYSIOLOGIE.

pli courbe, mais aussi celles des circonvolutions du

lobe occipital. Quoique considérée généralement comme

un symptôme de lésion en foyer, soit de l'écorce, soit

des faisceaux sous-jacents, bref, comme un phénomène

de déficit (Ausfallserscheinung), la surdité verbale peut

n'être qu'un symptôme indirect, un effet secondaire

(Nebenwirkung), et résulter d'une action à distance

exercée sur le lobe temporal gauche par un processus

morbide d'une région quelconque du cerveau : il peut

exister alors une surdité verbale sans lésion appré-

ciable des Tl et T2 gauches.

Quant au mécanisme des lésions qui produisent la

surdité verbale, Seppilli rappelle naturellement ce que

nous a appris l'anatomie de la circulation cérébrale

(Duret, Heubner) sur la distribution de l'artère syl-

vienne aux r3, FA, PA et Tl. On comprend ainsi

pourquoi, dans les lésions destructives résultant d'un

foyer de ramollissement hémorrhagique ou ischémique,

par thrombose ou embolie, la surdité verbale apparaît

tantôt seule, tantôt associée à l'aphasie motrice, ou à

des troubles paralytiques de la motilité et de la sen-

sibilité générale du facial et des extrémités. Seppilli

réfute l'opinion de ceux qui voient dans la surdité

verbale, lion un symptôme d'une lésion en foyer, mais

un symptôme d'affaiblissement intellectuel, hypothèse

que contredit suffisamment, en effet, et l'observation

des cas de surdité verbale sans altération notable de

l'intelligence, et celle des déments qui, en dépit d'une

amnésie générale souvent si étendue, d'une ruine si

profonde de l'intelligence, comprennent encore pour-

tant les questions qu'on leur adresse.

Enfin, on sait que l'amnésie vertébrale peut exis-

LES FONCTIONS DU CERVEAU. -il 1

ter sans aucun symptôme de surdité verbale, et

que celle-ci peut également exister sans celle-là,

quoique ces deux affections aillent souvent de com-

pagnie. Si, en effet, comme l'admet Wernicke, les

circonvolutions temporales sont les centres des images

acoustiques des mots, on conçoit que, dans le cas de

lésions destructives des T' et T2, la perte de ces images

verbales, qui entrent dans la constitution si complexe

de nos concepts, ne nous permet plus ni de comprendre

la signification des mots entendus, ni d'exprimer nos

propres idées au moyen de ces symboles ou images

acoustiques verbales. Un cas de Cattani ', où un homme

de soixante-un ans, 'atteint d'amnésie verbale, avait

l'ouïe intacte et répondait « aussi bien que possible »

aux questions, a même inspiré à Seppilli une hypo-

thèse originale sur les localisations fonctionnelles des

T 1 et T, hypothèse en accord d'ailleurs avec les idées

dualistes de Luciani sur l'espèce de hiérarchie des

éléments constitutifs des centres sensoriels.

° ° Chez le malade de Cattani, atteint d'amnésie verbale

° et ne disposant plus qu'en partie des images verbales

acoustiques nécessaires à l'expression des idées par la

parole, un foyer de ramollissement occupait la moitié

antérieure du lobe temporal gauche, mais la T était

' Cattani a publié une étude comprenant vingt-quatre observations

rassemblées dans la littérature, sur les localisations pathologiques des

lobes temporo-sphénoïdaux (Le localiaioni delle malade nei lobai

temporo-sfenoidali del c'ervello). Les conclusions, assez négatives, de ce

clinicien, disent entre autres que ces lobes peuvent être lésés sans

donner heu à aucun symptôme appréciable, que les phénomènes les plus

fréquemment observés (aphasie) dérivent de l'abolition ou de l'affaiblisse-

ment de la mémoire, et que les altérations de la sensibilité spécifique de

celte région, qui ne sont rien moins que constantes, sont loin de con-

firmer les résultats de l'expérimentation physiologique. L')'e/t ! )' ! 0

italiano per le malulie nerv. (1881, p. 353), qui rapporte ces conclusions,

renvoie à la Gazzeltu degliOspitali (1880), que je n'ai pu consulter.

7'1. PHYSIOLOGIE.

intacte. Or les sensations acoustiques verbales étaient

perçues et comprises : le malade n'était pas sourd, et

il répondait tant bien que mal, mais avec justesse.

« Ces faits portent à croire, dit Seppilli, que les points

où sont perçues les paroles comme images verbales

sonores, ne sont pas identiques avec ceux où se forment

les images sonores des paroles correspondantes aux

idées... On pourrait donc admettre, si l'on voulait

faire une hypothèse, que la perception acoustique des

mots a surtout pour siège la Ti gauche, tandis que les

autres circonvolutions temporales du même côté au-

raient pour fonction de conserver les images acous-

tiques verbales indispensables à l'expression des

idées. »

Voilà ce que la physiologie et la clinique ont trouvé

touchant les fonctions et les rapports du lobe temporal

avec les nerfs acoustiques '. Quant à l'anatomie, elle

aurait «vainement tenté jusqu'ici de découvrir le par-

cours intracéphalique et l'origine de ces nerfs ».

Nous avons assez loué l'érudition étendue et de bon

aloi des auteurs italiens, celle en particulier de Luciani

et de Seppilli, dans leur domaine respectif, pour qu'il

nous soit permis de nous étonner un peu ici de les

entendre parler ainsi. En 1884, quand ces auteurs

présentèrent leur grand travail à l'Institut royal lom-

bard des sciences et lettres, M. M. Duval avait indiqué

la racine postérieure du nerf acoustique comme le

1 Tamburim et Riva (llicerche sulla anatomisa patologica délia paralisi

progressiva, etc.)0)it constaté des lésions du lobe temporal, de la T, eu

particulier, dans des cas d'hallucinations de l'ouïe. Dans un cas d'liallll-

cination unilatérale de l'ouïe, la lésion était limitée a la TI du côté

opposé. ,

2 Le localizzazioni (alla, del cervello, p. 234.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 7H ai

nerf véritable de l'audition, et Monakow, 1 avait cons-

taté que le corps genouillé interne s'atrophie secondai-

rement après extirpation du lobe temporal, ce qui

montrait assez, les fonctions de ce lobe étant connues,

que le nerf acoustique proprement dit, « le nerf du

limaçon » (Flourens), se trouvait en rapport avec le

corps genouillé interne. Les auteurs italiens n'ont pu

connaître les travaux postérieurs à la publication de

leur livre en langue italienne; mais, si l'on remarque

que la partie clinique et anatomo-pathologique du

travail de Seppilli, consacré au centre cortical de l'au-

dition a paru avec des additions considérables dans

l'édition allemande de 1886, en même temps que les

recherches physiologiques de Luciani sur le même

sujet, pourquoi ni les auteurs italiens ni le traducteur

allemand, M. 0. Fraenkel, n'ont-ils au moins signalé

ni les études de Flechsig, ni celles de Bechterew, faites

au laboratoires de Flechsig et publiées, en 1885, dans

le l'erologi.sclre.s Centnalblatt de lleudel, ni les études

de Forel et d'Onufrowic 2 : sur le trajet et l'origine

centrale du nerf acoustique, en particulier sur les

rapports de ce nerf avec les tubercules quadrijumeaux

postérieurs (Flechsig, Bechterew) ? Les belles études

postérieures de Baginsky (1886) et de Spitzka (188G),

que nos auteurs n'ont pu connaître, n'ont guère modi-

fié ce que l'on savait dès lors. Mais on en savait assez,

on l'avouera, pour suivre le parcours intracéphalique

du nerf acoustique, depuis le limaçon jusqu'à l'écorce

du lobe temporal, à travers quelques-unes des princi-

pales stations intermédiaires de ce nerf dans les tuber-

Archiv. sur psychiatrie, 1882.

' Archiv f. psych" 1885. -

i le PHYSIOLOGIE.

cules quadrijumeaux postérieurs, les corps genouillés

internes et la couronne rayonnante. On en sait davan-

tage, sans doute, sur le trajet et l'origine des nerfs

optiques. Mais l'analogie si nette entre le parcours de

ces deux espèces de nerfs aurait déjà dû frapper des

esprits pénétrants.

Nous ne voulons pas terminer ce chapitre sans faire

remarquer de quelle importance capitale serait, pour

la physiologie et l'anatomie pathologique de l'audition,

l'étude des cerveaux de sourds-muets '. Il n'existe

pourtant pas de recherches d'ensemble sur ce sujet.

A l'autopsie, les médecins s'appliquent d'ordinaire à

constater les lésions de l'oreille interne, les malforma-

tions de l'organe périphérique de l'audition, etc. Mais

l'examen du cerveau n'a pas encore assez attiré leur

attention. Aussi bien, la connaissance de la structure

et des fonctions des centres corticaux et infracorticaux

de l'audition, nécessaire pour un examen scientifique

de ce genre, a fait longtemps défaut. On doit précisé-

ment à Seppilli une bonne étude de deux cerveaux

de sourds-muets de naissance : l'un appartenait à une

femme de trente-six ans, l'autre à un homme de qua-

rante ans. Dans les deux cas, il existe un arrêt de

développement des lobes temporaux au regard des

autres régions cérébrales, en particulier une atrophie

marquée, sur l'un de ces cerveaux, de la T i gauche.

Goût et olfaction. Les résultats auxquels sont

arrivés les Italiens dans l'étude expérimentale et ana-

Silvio Venturi a publié une note clinique intéressante sur l'Audition

chez les épileptiques (Suif ¡¡dzto degli epileilici. - Arch. di psichiatrin,

1886). L'acuité de l'ouïe serait très notablement abaissée, surtout du côté

opposé à la plagiocéphalie, que l'auteur a constatée 30 fois sur 'z0 épi-

leptiques hommes, et 26 fois sur 35 épileptiques femmes.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 73 ;i

tomo-clinique du centre cortical de l'odorat ne laissent,

pas d'offrir quelque intérêt. Au cours de ses expé-

riences (chiens et singes), Luciani a noté que ce centre

s'irradie certainement dans le lobe pariétal, moins

dans le lobe temporal, et que, sur la face externe des

hémisphères, il siège surtout sur la quatrième circon-

volution externe ou périsylvienne, en avant et au-dessus

de la scissure de Sylvius, et, sur la face interne, vers

la partie postérieure de la circonvolution de l'hippo-

campe, dans la corne d'Ammon. Par exemple, chez

un chien auquel il avait enlevé, dans une première

opération, une portion considérable de la corne d'Am-

mon gauche, il observa des phénomènes très nets

d'obtusion de l'odorat, probablement bilatéraux,

mais surtout dans la narine gauche ». Quand ces phé-

nomènes eurent progressivement disparu, on fit la

même opération sur la corne d'Ammon du côté droit

(l'extirpation fut moins étendue qu'à gauche.) Les

mêmes phénomènes se montrèrent des deux côtés,

mais plus intenses et plus persistants qu'après la pre-

mière opération. Ces faits sont bien connus depuis

Ferrier, et, avant Ferrier, l'anatomie comparée eût seule

presque permis de les prédire. Je ne les rapporte que

parce que Luciani croit pouvoir en conclure que les

fibres du nerf olfactif, comme celles du nerf optique

et du nerf acoustique, subissent une décussation par-

tielle dans leur parcours intracéphalique. Toutefois les

faisceaux directs seraient ici plus forts que les fais-

ceaux croisés. Ce n'est d'ailleurs qu'une simple hypo-

thèse ; mais elle permettrait de comprendre pourquoi

Ferrier, dans ses premières expériences, fut conduit

à admettre que l'action des centres corticaux de l'ol-

"6 PHYSIOLOGIE.

faction était directe et unilatérale, en d'autres termes,

que les nerfs olfactifs gagnaient directement leur

centre respectif du côté correspondant, sans subir

d'entrecroisement. L'activité prépondérante du faisceau

olfactif direct sur le faisceau croisé aurait créé cette

illusion. C'est ainsi que dans ses expériences sur les

centres corticaux de la vision et de l'audition, trompé

cette fois par la prédominance fonctionnelle des fais-

ceaux croisés sur les faisceaux directs, il avait d'abord

cru' à l'activité croisée et unilatérale de ces centres.

Dans ce schéma de Luciani (fg. 12), qui ne représente

que les irradiations de la sphère olfactive sur la con-

vexité de l'hémisphère gauche, les points hachés, les

plus nombreux, indiquent les rapports du faisceau

olfactif direct avec l'écorce cérébrale, les points noirs,

moins nombreux, ceux du faisceau croisé avec les

mêmes régions.

Giuseppe Fasola a fait récemment, au laboratoire de

physiologie comparée de l'Institut royal de Florence,

et sous la direction même du professeur Luciani,

quelques recherches expérimentales sur la physiologie

du grand hippocampe. En dehors de leur valeur in-

1';11. 3.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. -1 'l

trinsèque, ces recherches présentent un air de famille

bien frappant avec tous les travaux de l'École italienne

sur les localisations cérébrales '. Après un aperçu

historique des théories de Golgi, de Giacomini, de

AI. Duval, entre autres, sur l'anatomie et la physiologie

de la corne d'Ammon, l'auteur tire les conclusions

suivantes, assez inattendues, de ses essais d'extirpa-

tion totale ou partielle, uni ou bilatérale du grand

hippocampe : 1° la corne d'Ammon prend une part

importante aux fonctions de la vue et de l'odorat,

moindre aux fonctions de l'audition; il y aurait là une

sorte de zone commune où seraient en parties confon-

dues ces trois sphères de sensibilité spécifique; 2° les

fibres optiques issues des éléments nerveux du grand

hippocampe subiraient, comme celles qui émanent du

lobe occipital, une décussation partielle avant de se

distribuer aux territoires rétiniens, avec prévalence du

faisceau croisé sur le faisceau direct; 3° de même pour

les fibres acoustiques issues de la même région; 4° enfin,

les fibres olfactives issues des régions ammoniques

ne subiraient pas d'entre-croisement, ou du moins ces

libres se trouveraient également réparties des deux

côtés. Quant aux altérations de la sensibilité générale

qui, selon Ferrier, seraient consécutives aux lésions

de la région hippocampale, Fasola non plus que Lu-

ciani n'en ont point trouvé trace.

Les cliniciens se plaignent de la rareté et de l'insi-

gnifiance des matériaux. « Un groupe d'observations

permet toutefois d'admettre, écrit Seppilli, que dans

la zone frontière de la scissure de Sylvius il existe

G. Fasola, S alla fisiologia del grande hippocampo. liieci-che speni-

mentali. [¡il'. sperinaeol, di /'reniatria, 1885, 'r3É suiv.

78 PHYSIOLOGIE.

une région en rapport avec l'odorat. Cela résulte des

cas d'embolie de l'artère sylvienne gauche dans les-

quels, en même temps que de l'hémiplégie droite et

de l'aphasie, on a aussi observé de l'anosmie sur la

narine gauche (Ogle, Notta). Ces faits prouvent l'im-

portance de cette région comme partie de la sphère

olfactive ; ils semblent aussi indiquer qu'il existe un

rapport direct entre la scissure de Sylvius et les fais-

ceaux du nerf olfactif. En outre, si l'on réfléchit que

dans l'hémianesthésie (sensitivo-sensorielle) par lésion

de la capsule interne, l'affaiblissement ou la perte

complète de l'odorat a lieu du côté opposé à l'affection

cérébrale, et si l'on cherche l'explication de ce fait,

force est bien d'admettre que les nerfs olfactifs d'un

côté subissent un entre-croisement avec les nerfs olfac-

tifs de l'autre côté avant de pénétrer dans la capsule

interne \ »

Tous les autres faits anatomiques connus sur le par-

cours intracéphalique et la distribution ultime des

trois racines du nerf olfactif, en particulier dans la

circonvolution de l'hippocampe et le subiculum de la

corne d'Ammon, s'accordent du reste avec les-obser-

vations de Ferrier, de Munk et de Luciani touchant

les rapports fonctionnels du lobe et du bulbe olfactif

avec ces régions. Au congrès des médecins italiens de

Pavie, de 1887, Frigerio a rapporté une observation

d'atrophie de la corne d'Ammon gauche dans un cas

d'hallucination de l'odorat.

Les auteurs italiens, dont nous avons exposé les

doctrines sur les centres sensoriels de l'écorce céré-

' Le localizzazioni funs. clel ceruello, p. 237 de l'édition allemande

seulement.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. Í9

brale, auraient pu trouver dans Golgi, pour la corne

d'Ammon aussi, une confirmation de leurs vues sur

la coexistence des éléments sensoriels et moteurs,

partant des fonctions de la sensibilité et de la motilité,

dans le centre cortical de l'olfaction, comme dans ceux

des autres sens spécifiques : ainsi, les fibres nerveuses

à myéline de la lamina medullaris involuta, perdues

dans le réseau nerveux diffus, appartiendraient, sui-

vant Golgi, à la sphère sensitive ; les fibres de l'alveus

et de la fimbria, en communication directe avec les

cellules du stratum convolutum et de la fascia dentata,

à la sphère motrice ou pshyco-motrice 1.

Quant au centre cortical du sens du goût, dont les

affinités profondes avec le sens de l'odorat ne sont

pas douteuses, c'est encore un pays à peu près in-

connu à la physiologie expérimentale : la situation peu

accessible de ce centre (sans doute à la base et à la

face interne des hémisphères) et l'insuffisance des

moyens de diagnostic des lésions du goût chez l'animal,

en sont, suivant Luciani, la principale cause. « On

sait d'ailleurs, écrit-il, d'après les recherches classi-

ques de B. Panizza (1884), de Biffi et de Morganti

(1846), de Lussana et d'lnzani (1862), que, même

après l'abolition complète du sens du goût par la sec-

tion et la dégénération des nerfs du goût, l'animal

continue à manger avec un appétit visible, ce qui ne

s'explique que par l'intégrité des autres en sens parti-

culier de l'odorat. »

Ce sont surtout des anatomistes, tels que Meynert,

Caiiiillû Golgi, SItUa fina anatonzia degli organi centrait del sistema

neruoso (Milauo, 1886). Sulla fina anatomia del grande piede d'hip-

pocampo, p. 81-110.

SI) PHYSIOLOGIE.

Broca, Golgi, qui, pour l'étude des centres corticaux

de l'olfaction et du goût, ont indiqué et largement

ouvert les voies où les physiologistes et les cliniciens

entreront quelque jour. Quelque rudimentaires que

soient encore nos connaissances en ce domaine, peu

d'études ont autant d'attrait que celle delà localisation

centrale du sens de l'odorat, entré depuis si long-

temps en involution chez les primates et chez les

cétacés. De grandes ruines attestent seules, chez

l'homme, l'importance de ce sens dans la longue série

ancestrale des vertébrés. Si notre conception actuelle

du monde est surtout saturée d'images visuelles, celle

du reste des mammifères l'est certainement d'images

olfactives, et quoique la théorie de la connaissance

n'en puisse pas être aussi profondément modifiée que

l'admettait Broca, il est vrai cependant que le monde

doit apparaître un peu différemment aux carnivores,

aux pachydermes et aux ruminants, qu'aux singes

anthropoïdes et à l'homme. (A suivre.)

CLINIQUE NERVEUSE

RECHERCHES CLINIQUES ET 1 ? XPÉit LES SUR LES ACCI-

DENTS SURVENANT PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES';

Par M. le Dr MICIIEL CATSARAS,

Professeur agrégé de la Faculté d'Athénes; Médecin de l'asile de Uromocaitis;

Membre de la Société hiedico-psychalogique de Paris.

III. Patuogénie.

Si la partie clinique de ces accidents était une terre

1 Voir Archives de Neurologie, n° 17, p. 1 i,'j; n° 18, p. 216; il,) 19, p. 22 :

u° 5U, p. 22 ? n" ;)1, p. a ! l2.

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 81

inexplorable, il n'en est pas de même pour leur

pathogénie. En général, il n'y a pas, dans la noso-

graphie, de maladies dont la pathogénie soit mieux

connue, mieux éclaircie que celle des accidents surve-

nant par l'emploi des scaphandres ou d'autres ap-

pareils à air comprimé. Il n'y a pas un seul point de

leur pathogénie qui n'eût été étudié à fond et qui n'ait

été brillamment élucidé grâce à notre regretté et illustre

maître Paul Bert, qui a fait sur cette question des re-

cherches si belles, si étendues, et qui les a toutes

développées avec une clarté admirable dans son ma-

gnifique ouvrage intitulé : « De la pression baromé-

tique. » Là, nous trouvons les nombreuses théories qui

ont été émises sur la question qui nous occupe, théories

que nous allons retracer et que l'ou pourrait ramener

à quatre.

1° Théorie de la compression physique des tissus exté-

rieurs, ainsi appelée par Paul Bert. Cette théorie

appartient à MM. Pol et Watelle qui l'ont émise dans

leur mémoire sur les effets de la compression de l'air

appliquée au creusement des puits à houille. Ces au-

teurs pensent que pendant le séjour dans l'air com-

primé, la compression jouant le rôle d'agent mécanique

repousse le sang des tissus périphériques comprimés,

qui se porte au centre et s'accumule de cette fa-

çon aux cavités profondes. Cet influx central du

sang donne naissance à des congestions viscérales qui

restent masquées durant la compression pour n'être

démasquées qu'au moment de la décompression. La

clinique de ces accidents ne concorde nullement avec

Annales d'hygiène et de médecine légale, 1° série, t. I, p. 2Íl-27 ! J

1851. 1.

Archives, t. XVIII. 6

8 : l CLINIQUE NERVEUSE.

cette théorie : on a certes été frappé en lisant nos

observations d'un fait d'une importance capitale que

tous les accidents survenant par l'emploi des scaphan-

dres n'éclatent et ne doivent éclater qu'après la dé-

compression et l'enlèvement du casque ou, s'il s'agit

d'autres appareils à air comprimé, à la sortie de ces

appareils et qu'aucun accident ne se produit pendant

la compression. D'ailleurs, ce moment de l'explosion

des accidents a été déterminé pour la première fois

par MM. Pol et Watelle eux-mêmes. Or, ce refoule-

ment du sang, d'après cette théorie, ayant lieu aussi

bien pendant la compression que pendant la décom-

pression, nous ne concevons pas pourquoi ces conges-

tions doivent éclater seulement lors de la décompression

et non pas aussi durant la compression, ce qui serait

même beaucoup plus naturel. A cette objection qui

suffirait amplement à elle seule pour faire rejeter cette

théorie, ces deux médecins de Douchy n'ont pas man-

qué de répondre que le peu de nocuité des congestions

pendant la compression doit être attribuée à la ruti-

lance du sang veineux, à la suroxgénation. Voici leur

réponse détaillée, que nous insérons à titre de curio-

sité :

« Rasori pensait que les congestions sont constam-

ment veineuses, et cela est hors de doute quand c'est

un obstacle au retour du sang qui les occasionne. Mais

en est-il de même lorsqu'elles sont sous la dépendance

d'un afflux artériel; alors aussi l'arrêt circulatoire qui

les constitue résiderait-il exclusivement dans les ca-

pillaires veineux; le sang noir, en un mot, comme le

veut le médecin italien, serait-il en toute circonstance

l'agent des congestions ? `I

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 83

« Les observations de M. Andral ne contredisent

point cette opinion; elles l'autorisent, au contraire,

puisqu'il en résulte que les tissus hypérémiés rouges

au premier degré qui, selon M. Dubois, d'Amiens,

n'est autre chose qu'un mouvement fluxionnaire pré-

curseur de la congestion, sont bruns au deuxième degré

et noirs au troisième.

« Or, que, par hypothèse, on veuille bien admettre

que c'est plutôt à l'action stupéfiante du sang noir

qu'elles doivent d'être pernicieuses qu'à la compression

provenant d'un abord exagéré, et il s'ensuivra que

si l'inspiration d'un excès d'oxygène artérialisait le

sang veineux, les congestions, selon le quantum, de-

vraient perdre tout ou partie de leur nocuité.

« Eh bien, c'est précisément ce qui est arrivé chez

nos mineurs; d'une part congestion sans accident

aucun, d'autre part sang veineux rutilant.

« Et comme contre-épreuve, quand l'agent de la

rutilance était soustrait et son action atteinte ou

amoindrie dans une certaine mesure, ce qui prenait

un temps variable, accidents graves pouvant s'élever

jusqu'au foudroiement. Ainsi, les congestions qui ré-

sultent de la compression de l'air ne révèlent pas leur

existence, tant que cette compression s'exerce. La

compression par conséquent porte en soi son cor-

rectif. '

« La décompression démasque en quelque sorte les

congestions, on pourrait dire que de latentes, de vir-

tuelles, elle les rend effectives. Partant de là, on con-

çoit qu'elle doit se montrer d'autant plus redoutable

qu'elle est plus rapide, et qu'il suffirait probablement

pour qu'elle devînt inoffensive de la pratiquer avec

84 CLINIQUE NERVEUSE.

une grande lenteur, beaucoup plus lentement qu'il n'a

été fait, la plupart du temps. »

La physiologie vient à son tour donner le coup de

grâce à cette théorie. Elle nous enseigne que la pression

barométrique n'a pas d'influence directe sur les liquides

de l'organisme, l'équilibre de la pression existe

dans toute la masse sanguine. L'incompressibilité

absolue de nos liquides nous met donc à l'abri de cette

compression physique des tissus extérieurs.

M. Guérard, dans son travail' se borne à commen-

ter les notes de Pol et Watelle sans y ajouter rien de

nouveau; c'est un travail de compilation privé de

toute originalité. Il adopte cette fausse doctrine.

La théorie si erronée de Pol et Watelle a été adoptée

plus tard par le D1' Bucquoy qui fit ses recherches

sur les ouvriers au pont de Kehl. Cet auteur,

malgré les vues physiologiques si remarquables

qui sont développées dans son travail (de l'air com-

primé. Strasbourg, 1886) et dont nous donnons ici un

extrait, arrive à une conclusion inacceptable. Si l'on

pénètre dans l'air comprimé, l'oxygène, l'acide car-

bonique et l'azote, tenus en simple dissolution dans

le sang, doivent augmenter avec la pression, et si la

compression a duré suffisamment longtemps, la loi de

Dalton veut que la quantité de chacun de ces gaz

absorbée par le sang soit proportionnelle à sa pression

dans l'air condensé où l'on respire. Dans l'état ordi-

naire l'acide carbonique et l'azote du sang ne sont

pas puisés dans l'air inspiré, ils sont engendrés par

les phénomènes physiques de la vie. Par suite de leur

1 Notes sur les effets physiologiques de l'air comprimé (A unalcs d'hy-

giène, 2e série, 1. 1, année 1854.)

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 8D

origine ces deux gaz ne suivent sans doute pas rigou-

reusement, la loi de Dalton, mais leur quantité pon-

dérante dans le sang varie nécessairement dans le sens

indiqué par cette loi.

« Ceci posé, que doit-il advenir, lorsqu'on sort des appareils à

l'air comprimé ? Pendant et après la décompression, tous les gaz

dissous en excès dans le sang par suite de la condensation de

l'air, tendront à s'échapper de ce liquide avec un effort d'autant

plus grand, à séjour égal dans l'air comprimé, que la pression

qu'on aura subie était plus considérable. C'est là une conséquence

forcée des lois physiques sur la dissolution des gaz dans les liquides,

et l'on en a un exemple commun et fréquent dans la rapidité et

dans la force avec lesquelles l'acide carbonique s'échappe d'une

eau gazeuse, quand on enlève le bouchon de la bouteille qui la

contient (p. 58).

« Les particules des gaz qui ont repris l'état aériforme dans

toute l'étendue du système sanguin, restent mécaniquement mê-

lées aux molécules liquides, qui auparavant les dissolvaient; il

s'ensuit que le sans devient un mélange expansible qui fait sans

cesse effort pour distendre ces vaisseaux et pour augmenter de

volume. Le résultat définitif est une turgescence générale plus ou

moins considérable des vaisseaux sanguins et une imminence hé-

morrhagique plus ou moins menaçante. Et comme les gaz dissous

en excès se séparent des humeurs comme du sang, il en résultera

une tendance générale à l'emphysème. -

« Attribuons maintenant à la force expansive des gaz devenus

libres une intensité suffisante et il n'est pas nécessaire qu'elle soit

considérable, si elle est favorisée par des dispositions individuelles;

alors l'imminence hémorrhagique et la tendance à l'emphysème

se traduiront en faits. Nous aurons tous les cas d'hémorrhagie et

d'emphysème observés, soit dans les ascensions sur les hautes

montagnes, soit dans les voyages aérostatiques, soit dans des ate-

liers à air comprimé (p. 59). »

C'est à l'oxygène aussi que cet auteur fait jouer le

rôle le plus important dans les phénomènes d'héma-

tose observés dans ces cas-là. Je le répète, malgré ces

vues si ingénieuses, l'auteur reprend la théorie de la

compression physique des tissus extérieurs qu'il expose

ainsi : « L'accroissement de pression du milieu nm-

86 . CLINIQUE NERVEUSE.

biant produit son maximum d'effet sur les tissus de la

périphérie. Ces tissus se condensent, mais ils résistent

dans une certaine mesure à la pression extérieure, et

en neutralisent une fraction. La pression subsistante

condense les couches placées au-dessous des premières,

mais elle éprouve de leur part une nouvelle résistance

qui diminue encore son intensité, et ainsi de suite. De

sorte que, à mesure qu'on s'avance de la surface vers

les parties centrales, les tissus sont de moins en moins

condensés, et les pressions de plus en plus affaiblies.

Mais le sang contenu dans les tissus superficiels trans-

met à toute la masse sanguine, dans tous les sens, à

toutes les profondeurs et presque également, la pression

extérieure, Par conséquent, dans tous les points de

l'économie le liquide sanguin exerce contre les parois

de ses vaisseaux de dedans en dehors, et tendant à les

dilater, une pression presque égale à la pression qu'il

supporte extérieurement.

« Pour résister à cette dilatation de vaisseaux,

chaque tissu a sa résistance propre, et la fraction de

pression extérieure qui a pu se propager jusqu'à lui à

travers les couches les plus superficielles. Il en résulte

que les différents tissus résistent très inégalement à

cette dilatation des vaisseaux, et que celle-ci est d'au-

tant plus grande que les tissus sont plus profonds,

puisque la pression extérieure transmise aux tissus par

les tissus diminue avec la profondeur. Par conséquent,

dilatation des vaisseaux dans les tissus profonds, où

la pression venant de l'extérieur est faible; diminution

du calibre des vaisseaux dans les couches superfi-

cielles où la pression extérieure est forte, tout cela

dans une mesure convenable, jusqu'à ce que l'équi-

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 87 I

libre soit partout rétabli. A chaque nouvel accroisse-

ment de pression; il se produit un effet analogue; une

nouvelle distribution du sang et un nouvel équilibre

s'établissent. L'effet total est une plus grande masse

du sang dans les tissus et les organes profondes ; on a

en un mot, les congestions viscérales et leshypérémies

dont parlent tous les auteurs » (p. 52).

2° Théorie vasculo-mécanique. Cette théorie,

ainsi appelée par M. Alphonse Febvre dans son excel-

lente thèse, a été exprimée par Babington et Cuthbert,

.Ces auteurs anglais, qui ont été témoins des accidents

du pont de Londonderry, s'appuyant sur le fait, que

les accidents n'éclatent qu'au moment de la décom-

pression, supposent que « la transition soudaine d'un

air condensé à l'air libre occasionne tous ces symptômes

graves ». Ces auteurs ont voulu expliquer la prédilec-

tion avec laquelle les accidents frappent le cerveau et

la moelle, enfermés qu'ils sont dans leurs cavités

osseuses, et ayant leurs vaisseaux protégés de même,

ne peuvent pas céder à la pression atmosphérique,

aussi facilement que les parties les plus élastiques.

Ainsi le cerveau, quand l'ouvrier est sous une pression

excessive, ne peut, si cette pression est enlevée de la

surface, s'accommoder à cette modification aussi rapi-

dement que les autres organes ; l'excès de pression sur

le cerveau et la moelle doit s'en aller par les passages

étroits par où le sang sort de ces organes. Les canaux

osseux dans lesquels les vaisseaux sanguins sont

creusés rend cette issue plus pénible, et l'excès de

pression se porte sur les délicates parties nerveuses, '

Expériences comparatives sur la décompression brusque et sur l'iiijec-

lion d'air dans le artères. Nancy, 1879.

88 CLINIQUE NERVEUSE.

brisant les petits vaisseaux, et produisant la série des

redoutables accidents que nous avons rapportés ? »

Il est au moins inutile de remarquer que c'est une

doctrine erronée, car si l'on examine un peu plus pro-

fondément on ne tarde pas de voir que cette théorie

vasculo-mécanique n'est autre chose que la théorie de

la compression physique des tissus extérieurs formulée

d'une autre façon.

3. Théorie du développement des gaz intestinaux.

Cette théorie a été exposée par M. Mouchard'. Cet

éminent maître considère les accidents de la compres-

sion et de la décompression comme dus à des conges-

tions et a deshémorrhagies abdominables médullaires

et cérébrales. Mais le mode de production, dit-il, de

ces congestions pendant la compression est inverse à

celui des congestions et des hémorrhagies lors de la

décompression. Voici la manière dont il conçoit leur

mode de production pendant la compression. « L'air

comprimé pénétrant dans les poumons, le vide n'a

plus aucune tendance à se faire dans la poitrine,

comme chez les pécheurs à nu, les congestions pulmo-

naires ne sont plus à craindre. Toutefois, l'abdomen

est normalement distendu par des gaz ; l'air extérieur

ne pénétrant pas dans l'intestin, ces gaz se compriment

et occupent un volume qui est en raison inverse de

l'intensité de la compression. Le volume de l'abdomen

deviendra quatre fois moindre, si la pression est de

quatre atmosphères. Alors la paroi est de toute part

refoulée contre la colonne vertébrale et forme ainsi

une concavité antérieure. Mais cette paroi n'est pas

' l'ulhogéuie des hémorrhagies. Taris, 18G ! J.

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 89

inerte, elle tend à se redresser grâce à sa tonicité et

même à sa contractilité et, par suite, à diminuer dans

l'abdomen la pression qui avait été équilibrée par ce

refoulement de la paroi, elle agit à la façon d'une

ventouse monstre, qui chercherait à accumuler dans

l'abdomen le sang des autres organes, et en effet l'allé-

mie générale se produit. « Cette réplétion des organes

abdominaux par le sang n'est cependant pas l'occasion

d'hémorrhagies, excepté peut-être dans la rate. »

En ce qui concerne les congestions et les hémorrha-

gies qui se produisent lors de la décompression voici

comment il conçoit leur mode de production. Il se

passe précisément un phénomène inverse.

« C'esl, dit-il. au moment de la décompression qu'arrivent les

hémorrhagies, au moment où les gaz intestinaux reprenant leur

volume et distendant la paroi abdominale en sens inverse, vont

faire subir aux organes du ventre une pression positive qui expul-

sera le sang emmagasiné dans leur intérieur et le lancera subite-

ment vers les autres organes dont les vaisseaux qui ont perdu

leur tonus,... ne s'accommodent pas subitement à cette irruption

soudaine. C'est alors que se produisent les épislaxis, les hémop. z

tysies, quelquefois des apoplexies passagères ou mortelles, accom-

pagnées, dans certains cas d'hémiplégies momentanées ou durables,

et enfin ces paraplégies fugaces ou persistantes que M. Barelle

signale chez les ouvriers qui travaillent dans les puits tubulaires,

et qui, d'après M. Leroy de Méricourt, seraient l'une des causes

de mort les plus fréquentes chez les pêcheurs d'épongés. »

Il faut cependant reconnaître que cette explication

paraît insuffisante à ce savant maître qui recourt aux

idées de MM. Rameaux et Bucquoy sur les gaz du

sang, comme on peut le constater au passage sui-

vant :

g Mais cette congestion subite, et comme par contre-coup, au

moment où le sang reflue de l'abdomen vers les autres organes,

n'est peut-être pas la seule ni la véritable cause de ces hémorrha-

90 CLINIQUE NERVEUSE.

gie8, ou du moins d'un certain nombre d'entre elles : de celles

par exemple qui se font dans les cavités incompressibles, le crâne et

le'rachis. Une autre interprétation a été donnée qui ne manque

pas de vraisemblance. Les gaz se dissolvent dans les liquides

proportionnellement à leur tension; le sang d'un homme qui est

resté pendant plusieurs heures sous une pression de quatre atmos-

plières doit donc renfermer une proportion d'acide carbonique

beaucoup plus forte qu'à l'état normal; et cet acide carbonique

dissous reviendra à l'état gazeux dès que la pression extérieure

diminuera. Si la décompression se fait lentement, le sang en pas-

sant par les poumons, pourra exhaler le trop-plein d'acide carbo-

nique, et aucun accident ne se manifestera; mais si la décom-

pression est brusque, l'acide carbonique tendra à faire irruption

sous forme gazeuse, même dans les vaisseaux, et par sa brusque

expansion, ou par l'oblitération de petits ^ aisseaux dans lesquels

il ne peut pas circuler, amènera des ruptures et des extravasations

(p. 39). » .

Un peu plus plus loin, M. Bouchard fait l'explica-

tion de ces données pour expliquer la formation de

tumeurs musculaires douloureuses décrites par MM.

Rameaux et Bucquoy.

« Ces tumeurs ne sunt pas inflammatoires, ce ne sont point des

exsudats ni des extravasations. Elles disparaissent immédiatement

par le seul fait de la rentrée dans l'air comprimé, et ne sont

jamais suivies de taches ecchymotiques. Au moment où la tumeur

existe, elle ne s'accompagne ni de battements, ni de rougeur, ce

qui ne permet guète de l'attribuer à une dilatation artérielle exa-

gérée, comme l'a fait M. Foley. S'il est vrai que le travail muscu..

laire est une source importante d'acide carbonique, ne pourrait-

on pas supposer que les muscles qui ont le plus fonctionné sont

chargés d'acide carbonique dissous dans les tissus même, et

qu'au moment de la décompression, cet acide devient libre à l'étal

gazeux, pour se redissoudre par une compression nouvelle

(pu 101). »

Cette théorie est tout aussi erronée que les deux

autres exposées, pour deux importantes raisons; il

suffit de jeter un coup d'oeil sur nos observations pour

remarquer que les développements de gaz intestinaux

n'est point constant, il n'arrive que de temps en temps.

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 91

Comment donc expliquer un si grand nombre d'acci-

dents où le développement de gaz n'a pas lieu, au

moins en quantité appréciable ? Ensuite, quelque

excessif que soit ce développement de gaz intestinaux,

ces gaz trouvent une issue par les deux orifices intes-

tinaux qu'ils franchissent très facilement. Même chez

les animaux morts, en mettant un tube bien appliqué

à la partie inférieure du canal digestif, on voit qu'au

sur et à mesure que l'animal est soumis à une pression

de moins en moins forte, des bulles de gaz s'échappent

de l'orifice inférieur de ce canal; c'est seulement par

l'orifice supérieur que les gaz ne peuvent trouver une

issue, le pylore et le cardia formant une barrière qui

ne peut être franchie que chez les animaux vivants où

les réflexes existent.

4° Théorie du refroidissement et de la fatigue Cette

théorie a été formulée par M. Lampadarios (loc. cit.),

qui, repoussant la théorie du développement de gaz

dans le sang attribue la genèse des accidents en ques-

tion au refroidissement et à la fatigue. Le professeur

Caramitsas a vivement combattu cette théorie dans sa

belle critique publiée dans les fascicules 1 et II de

l'Esculape. Nous croyons inutile d'insister pour réfu-

terune théorie pathogénique absolument insoutenable.

5° Théorie du développement des gaz dans le sang.

En voici la vraie théorie, la théorie qui a été sura-

bondamment démontrée et qui va recevoir aussi une

nouvelle confirmation par nos expériences sur les

chiens, qui ont ceci d'original d'avoir été faites exacte-

ment dans les mêmes conditions de compression et de

décompression que celles du travail dans l'air com-

primé des plongeurs à scaphandre.

92 CLINIQUE NERVEUSE.

Il est vraiment curieux de trouver cette théorie

développée déjà vers 1855 par Musschenbroeck 1, qui,

dans ses notes relatives aux phénomènes présentés

par un animal soumis au vide, interprétant les causes

de la mort, dit : « Mais' avant .que la circulation du

sang cessât entièrement dans les poumons, l'air qui

est mêlé dans le sang se dégageait des interstices, se

rassemblait, se raréfiait, et était poussé ainsi au cerveau,

causant çà et là des obstructions. De là, sécrétion mal

ordonnée des esprits animaux, dans le cerveau, et de

là leur inégale influence dans les muscles, ce qui

était cause des convulsions et retardait la .mort. » Ce

passage remarquable nous fait clairement voir que cet

auteur avait déjà depuis plus d'un siècle remarqué et

le développement de gaz dans le sang comme agent

pathogène et les embolies gazeuses.

Robert Boyle 2, le célèbre physicien anglais du

xvue siècle dans les recherches remarquables qu'il

avait faites sur les animaux soumis à l'action du vide

avait aussi constaté très nettement la formation des

bulles dans le sang, dans les autres liquides et dans

les parties molles, quand l'air ambiant est supprimé.

En faisant ses expériences, cet expérimentateur sagace

avait l'intention de reconnaître.

« Ce qui, joint au défaut de respiration, pouvait contribuer à

faire mourir les animaux dans le vide de la machine pneuma-

tique ; en eflet, il paraît que les bulles, qui, lorsque l'air ambiant

est suprimé, se forment dans le sang, dans les autres liqueurs et

dans les parties molles du corps, peuvent par leur multitude et

leur distension gonfler en quelques endroits et en d'autres, res-

serrer les vaisseaux qui portent dans tout le sang et la nourriture,

Collection académique, 1755.

* Boyle li. New. Pneunzalical Expérimente) about Respiration. Phi-

losophical Transaction, t. V, p. 2011-2058, 1070.

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 93

surtout les plus petits de ces vaisseaux, boucher les passages ou

changer leur figure, enfin, arrêter ou troubler la circulation en

mille manières. Ajoutez à cela l'irritation causée dans les nerfs

et les parties membraneuses par ces distensions forcées : irritation

qui produit les convulsions et occasionne une mort plus prompte

que n'aurait fait la simple privation de l'air. Cette formation des

bulles a lieu même dans les petites parties du corps, car j'ai vu

une bulle très apparente se mouvoir de côté et d'autre dans l'hu-

meur aqueuse de l'oeil d'une vipère à l'instant où cet animal pa-

raissait violemment tourmenté dans le récipient d'air épuisé

(p. 47). »

Cet auteur dans un autre travail, faisant remarquer

de nouveau la formation des bulles d'air dans les li-

quides organiques placés dans le vide, il attribue ex-

plicitement au dégagement de ces bulles les accidents

dus à la diminution de pression. Oh ne peut en effet

qu'admirer le passage suivant :

a Lorsque je me rappelle, dit-il, combien notre machine (la

machine pneumatique) fait paraitre d'air invisiblement retenu

dans les pores non seulement de l'eau, mais du sang, du sérum,

do l'urine, de la bile et des autres liquides du corps humain;

quand je réfléchis que (comme je l'ai démontré expérimentale-

ment ailleurs) la pression de l'atmosphère et l'élasticité de l'air

agissent sur les liquides et sur les corps immergés dans ces liqui-

des, et aussi sur les corps solides immédiatement exposés à l'air,

je penche à croire que les simples altérations de l'atmosphère au

point de vue du poids peuvent dans quelques cas, avoir une in-

fluence sensible même sur l'état de santé ou de maladie de l'homme.

Lorsque l'air ambiant, par exemple, devient subitement plus léger

qu'auparavant ou qu'habituellement, les particules spiritieuses ou

aériennes, qui sont retenues en abondance dans la masse du sang,

gonfleront naturellement ce liquide, pouvant ainsi distendre les

gros vaisseaux, et changer notablement la rapidité de la circula-

tion du sang dans les artères capillaires et les veines. Que par cetle

altération, plusieurs changements puissent survenir dans le corps,

cela ne semblera point improbable à ceux qui savent en général

combien est important le rythme de la circulation du sang, quoi-

que, quant à ses effets particuliers, je les laisse à la spéculation des

médecins. » '

Cette hypothèse de l'influence funeste des gaz du

Ut CLINIQUE NERVEUSE.

sang puissamment combattue par le travail de M. Gi-

raud-Teulou en 1857 a été à la même époque éner-

giquement défendue par le chimiste Hoppe -, qui,

après avoir fait un grand nembre d'expériences sur

des pressions de moins en moins fortes afin d'expli-

quer les accidents des ouvriers qui travaillent sous

l'air comprimé est arrivé à la conclusion, que voici :

« Chez les animaux à sang chaud, il se dégage du gaz

dans l'intérieur des vaisseaux par une rapide diminution

de pression. Il n'en est pas de même chez les amphi-

bies. » Non seulement cet auteur a confirmé le dégage-

ment de gaz de sang, mais c'est à l'obstruction du vais-

seau par les gaz devenus libres qu'il attribue la mort

instantanée. « Celle-ci (la mort), dit-il ne peut être causée

que part l'obstruction des capillaires des poumons par

les bulles d'air, d'où l'arrêt de la circulation. »

M. Leroy de Méricourt dans son article publié en

1869, émet à son tour sous forme d'hypothèse la dé.

gagement du gaz dans le sang lors de la décompression,

ce qui a été ultérieurement démontré d'une manière

péremptoire par les auteurs qui ont écrit en dernier

lieu sur la question. Voici son remarquable passage

que nous reproduisons en entier.

« Après mûre réflexion, répond-il, nous sommes portés à croire

qu'elle (l'hémorrhagie médullaire) eut le résultat de la tension

exagérée des gaz libres, en dissolution dans le sang, par suite de

la pression considérable à laquelle les plongeurs peuvent être

soumis. Dans le scaphandre, comme on le sait, l'homme est

complètement isolé de l'eau à l'aide d'un habit en forte toile im-

perméable et d'un casque métallique fixé sur la collerette de

' Mémoire sur la pression atmosphérique, dans ses rapports avec l'or-

nanisme vivant (Cp. li. Acad. des scient, t. XLIV, p. 233, 1857).

'Ueber detlïinjluss, welchen der Weohsel des LIl{tlinlcloes au{ des lilut

(ittsïtli \MÜllel"s A7-chiv., 1817), p. 63-73.

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 95

l'habit. L'air lui est envoyé dans cette enveloppe, à l'aide d'une

pompe qui communique avec elle par un tuyau flexible aboutis-

sant à l'arrière du casque. Rien ne règle ni le débit, ni la pression

de l'air injecté dans l'enveloppe. Il en résulte que l'ouvrier reçoit

souvent ou trop ou trop peu d'air; il est obligé pour remédier, en

partie, à la gêne de la respiration qu'il éprouve, d'être constam-

ment en rapport avec les pompeurs, au moyen des signaux consis-

tant en un certain nombre de coups donnés à une corde d'appel.

Néanmoins, grâce à cette atmosphère que l'homme conserve

autour de lui, il peut entretenir sa respiration et séjourner des

heures entières au fond de l'eau. Mais plus la profondeur est

considérable, plus la durée du séjour se prolonge, plus le sang

doit se charger d'un excès de gaz libres à l'état de solution,

l'absence de régulateur de la pression doit même souvent faire

que l'atmosphère de l'enveloppe soit à une pression, plus grande

qu'il n'est nécessaire. L'homme est réellement au point de vue

physique dans la situation d'une bouteille d'eau que l'on charge

de gaz d'acide carbonique pour obtenir de l'eau de Seltz arti-

ficielle.

« Lorsqu'il remonte à la surface, si la décompression est trop

peu graduée, les gaz dont le sang est sursaturé tendent à se dé-

goger avec effervescence. Or, les expérimentateurs qui font des

injections dans le système veineux des chevaux, par exemple,

savent que si l'on laisse à dessein pénétrer, avec le liquide injecté

une fine bulle d'air, au moment où cette bulle d'air pénètre dans

la circulation cérébrale, l'animal en expérience tombe comme

sidéré. Cette sidération, dans ce cas, n'est que momentanée, mais

si la quantité des bulles d'air introduites est considérble, la mort

survient d'une manière très rapide. »

Cet auteur après une courte description des paraly-

sies survenant par l'emploi des scaphandres, les attri-

bue à des hémorrhagies médullaires, comme on peut

le constater par le passage suivant. « Nous croyons

qu'il est possible d'admettre que dans ces cas il se

produit une lésion de la moelle, et que cette lésion a

dû être une hémorrhagie. Suivant le siège et l'inten-

sité de cette hémorrhagie, la mort est survenue très

promptement, comme cela a lieu pour trois sujets,

ou n'est survenue qu'après un temps variable, comme

chez les sept autres. » Tout naturellement, et pour être

96 CLINIQUE NERVEUSE.

conséquent avec lui-même, notre savant confrère de-

vait rapporter directement ces accidents à des obstruc-

tions gazeuses intravasculaires et ne pas s'attacher à

l'hypothèse deshémorrhagies qui seraient causées, dit-il,

par les refoulements sanguins. Dominé par les idées

erronnées sur l'influence mécanique de la dépression

il se demande pourquoi « elles se produisent plutôt

dans le centre nerveux spécial que dans la masse céré-

brale » et voici sa réponse.

« La boîte crânienne et la colonne vertébrale forment

deux enveloppes également incompressibles ; par con-

séquent, le sang refoulé de la surface entière du corps

et des cavités splanchniques compressibles, doit tendre

à congestionner l'axe cérébro-spinal. Le système cir-

culatoire de la moelle, comparé à celui du cerveau,

est infiniment plus riche, comme le démontrent les

injections ; enfin, chez le pêcheur d'éponges, ce sont

les jambes qui fatiguent le plus, attendu que pendant

le séjour sous l'eau il a constamment à marcher, à

monter, à descendre le long des roches. Telles sont

peut-être les causes qui rendent compte du siège de

prédilection des accidents du côté de la moelle. Nous

donnons cette explication, bien entendu, avec la plus

grande réserve. »

C'est surtout Paul Bert; qui est venu avec son im-

posante autorité confirmer par de nombreuses expé-

riences cette théorie. Cet illustre maître ayant démontré

péremptoirement par la voie expérimentale la présence

du sang mousseux dans les veines, le système porte,

les artères, même dans les vaisseaux du placenta et des

foetus, lorsque l'animal est en gestation, il dé-

clare :

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 97 Î

« Le gaz repasse à l'état libre dans les vaisseaux, les divers

liquides, l'épaisseur même des tissus, et il peut ainsi, suivant les

cas, arrêter la circulation pulmonaire, anémier et amener au

ramollissement certaines régions des centres nerveux et particu-

lièrement le renflement lombaire de la moelle, dilater les tissus,

produire des tumeurs et un enphysème plus ou moins étendu,

La gravité des accidents dépend à la fois du siège et de l'étendue

de ces désordres mulliples. »

Alphonse Febvré dans sa thèse, que nous avons

déjà citée, a lui aussi pratiqué sur des souris soumises

à la décompression brusque, un certain nombre d'ex-

périences, qui ont établi la présence des bulles de gaz

dans le sang en cas de diminution rapide de la pres-

sion. Voici sa conclusion :

« Dans la décompression brusque, il y a développe-

ment de bulles gazeuses et dans le système veineux et

dans le système artériel. » .

- Nous autres aussi nous avons fait un grand

nombre d'expériences en reproduisant exactement les

mêmes conditions de travail des ouvriers sous l'air

comprimé. Les préparatifs sont d'une simplicité remar-

quable, car ils consistent tout simplement à mettre

l'animal en expérience dans le scaphandre après avoir

antérieurement diminué la capacité de l'instrument,

ensuite on n'a plus qu'à appliquer le casque et attacher

au scaphandre des poids afin de faciliter la descente

pour procéder aux expériences. Des nombreuses ex-

périences que nous avons faites, nous nous contente-

rons de rapporter les six suivantes.

Expérience I (10 juillet 1886). Chien pesant 11 kilogrammes.

A 9 h. 24, première immersion; 29 brasses de profondeur, vingt-

cinq minutes de séjour, une minute de décompression. c

A 9 h. 51, enlèvement du casque, l'animal tombe foudroyé,

ayant la langue mordue et les pattes fortement tendues. Ses yeux x

sont très rouges, les petits vaisseaux de la conjonctive injectés;

Archives, t. XVIII. 7

98 CLINIQUE NERVEUSE.

même à l'oeil nu, on voit des bullettes d'air intra-vasculaires. Une

grande quantité d'écume s'écoule de sa bouche. Relâchement du

sphincter anal. Vessie paralysée. Pas de respiration. Le coeur bat

très irrégulièrement. A l'auscultation, on entend un fort gazouille-

ment à la région cardiaque; on peut d'ailleurs aisément s'en

apercevoir par la palpation.

" Autopsie. - Nous procédons à l'ouverture du thorax. Nous

constatons aussi bien dans le coeur gauche que dans le coeur

droit une immense quantité de perles gazeuses de grosseur dif-

férente. Ce qui nous frappe surtout, c'est la présence de 10

thrombus, 4 au coeur droit et 6 au coeur gauche, la plupart sont

attachés aux valvules, un thrombus, qui s'est intriqué à la valvule

tricuspide, a la grosseur d'une muscade, les autres ne sont guère

moindres.

Dans le système artériel, l'artère qu'on pique, quelle qu'elle soit,

laisse sourdre du sang mélangé de bulles gazeuses en quantité

vraiment considérable. Dans les veines à l'ouverture on voit bien

du sang mousseux, mais la quantité de bullettes est moindre que

celle des artères.

Cerveau. - L'enlèvement de la boite crânienne et la fente des

méninges ayant été fait avec beaucoup de soin, j'ai été étonné de

constater plusieurs foyers hémorrhagiques. Deux grands infarc-

tus hémorrhagiques existant à chaque lobe occipital, plus étendus

à celui du côté droit. - Ils sont de forme triangulaire et corres-

pondent à des branches artérielles qui sont oblitérées par des

embolies de 1 et demi à 2 centimètres de longueur constiuées par

un sang coagulé et intimement battu avec des bulles d'air. Un

cinquième et grand infarctus hémorrhagique occupe les deux

premières circonvolutions frontales gauches, auxquelles corres-

pond une branche artérielle oblitérée par une embolie. Au gyrus

angularis droit, on distingue un petit foyer hémorrhagique de la

grosseur d'une lentille. Il y a aussi au lobe pariétal droit trois

petits foyers.-Enfin un grand infarctus hémorrhagique déforme

triangulaire siège au lobe temporal gauche : la branche artérielle

qui y correspond est oblitérée par une embolie de même nature.

Dans tous les vaisseaux artériels qui rampent sur la surface encé-

phalique on voit une quantité considérable de petites perles

gazeuses ; elles sont innombrables dans les vaisseaux qui avoisinent

les foyers. Ayant fait des coupes régulières du cerveau, je n'ai

pas constaté le moindre foyer hémorrhagique dans son centre.

Cervelet. - 11 n'y a aucune trace de foyer hémorrhagique.

Nous remarquons dans ses vaisseaux, sur plusieurs points, des

bulles d'air en nombre moindre qu'au cerveau.

Bulbe. - Il n'y a ça et là que quelques rares bullettes.

Moelle épinière. - On voit une grande quantité de bullettes

dans ses vaisseaux. Le liquide céphalo-rachidien contient du gaz.

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 99

Foie. Rate. Reins. - A la suite des sections diverses, ces organes

laissent sourdre du sang mélangé d'une quantité considérable de

bulles gazeuses très petites. Pas de foyers hémorrhagiques.

Poumons. - Cet organe sectionné à son tour nous fournit un

sang mousseux. Nous constatons un infarctus hémorrhagique

vers le milieu de la surface externe du poumon gauche, la branche

artérielle qui y correspond, disséquée avec beaucoup de soin, aété

trouvée oblitérée par une embolie de même nature avec les autres.

L'estomac et l'intestin ne sont pas dilatés de gaz.

Tissu cellulaire sous-cutané. - Il y a çà et là quelques petites

bulles d'air.

Expérience Il (6 juillet 1886). Chien pesant 8 kil. 350. A

9 heures du matin, première immersion; 28 brasses de profon-

deur ; une demi-heure de séjour; 40 secondes de décompression.

A 9 h. 32, enlèvement du casque, l'animal saute seul du

scaphandre et cherche à s'enfuir bien portant.

A 9 h. z, le chien se met à tituber.

A 9 h. 50, le train postérieur commence à se paralyser.

7 juillet. Paraplégie complète du train postérieur. Sensibilité

complètement abolie ; ses pattes et sa queue sont insensibles. Con-

servation relative des mouvements réflexes de la queue. Paralysie

véscale et anale. Température, 39°,2.

8 juillet, 7 heures du matin, l'animal est dans le même état.

Contractilité faradique un peu diminuée, je tue l'animal en lui

ouvrant le thorax.

Autopsie. - Moelle. - Nous trouvons un ramollissement très.

avancé de cet organe à la région du renflement lombaire. Les

cordons antéro-latéraux et postérieurs, surtout les droits, sont

colorés en gris jaunâtre. Un peu au-dessous de cette région, les

coupes transversales nous montrent la substance grise rouge :

pointillé rouge à lacorne grise postérieure gauche. Au-dessus de

cette région on voit un aspect uniformément rouge de la substance

grise. Pas de ramollisement de la substance blanche. Le reste de la

moelle est ferme; pas d'injection. A l'aide, de la loupe on aperçoit

quelques bulles de gaz au milieu de la région ramollie. Il sort de

l'air aussi des vaisseaux, qui entourent le processus de nécrobiooe.

Nous n'avons pu constater de gaz ailleurs.

expérience III (8 juillet 1886). Chien pesant 9 kil. .00.

A 10 h. 5, première immersion, 25 brasses de profondeur ;

une heure de séjour : 50 secondes de décompression.

A 11 h. 7, enlèvement du casque, l'animal saute du scaphandre

et il s'enfuit.

Ail h. 20, il commence à traîner la patte postérieure gauche.

A Il h. 25, paralysie complète de la molilité de cette patte.

OO CLINIQUE NERVEUSE.

Sensibilité conservée à la patte paralysée, très obtuse à celle du

côté droit. Pas de relàchement du sphincter anal, pas de para-

lysie de la vessie. Les muscles de la patte gauche exigent un

courant faradique un peu plus fort pour se contracter. L'estomac

et l'intestin sont chargés et distendus de gaz qui trouvent une

issue facile par les deux orifices du canal digestif.

A. midi, l'animal commence à récupérer la motilité de sa patte.

La sensibilité commence à revenir à celle du côté droit.

A midi 20, l'animal a récupéré presque complètement la motilité

de sa patte gauche. A ce moment je tue l'animal par l'ouverture'

du thorax, dont la cavité est immédiatement remplie d'eau. La

ponction du ventricule gauche fait sortir du sang mélangé d'un

certain nombre de petites bullettes. Après avoir vidé la cavité

thoracique de l'eau qu'elle contenait et l'avoir remplie de nouveau

d'eau fraîche, je ponctionne le ventricule droit qui laisse sourdre

du sang battu de bullettes, mais en bien moindre quantité. On

rencontre ça et là aussi bien dans les artères que dans les veines

de fines bullettes d'air.

Moelle. - lies coupes transversales montrent à la moitié gauche

de la moitié du renflement lombaire, surtout à sa partie supérieure,

des bullettes de gaz que l'on voit surtout à l'aide de la loupe

oblitérer les vaisseaux. On en trouve aussi dans l'épaisseur du

tissu myélitique. On n'en voit que très peu à la moitié droite de

cette région. Nous n'en avons pu trouver aux autres régions de la

moelle.

Expérience IV (6 juillet 1886). - Chien 7 kilogrammes.

A 11 h. 30, première immersion, 23 brasses de profondeur,

1 h. 30 de séjour; une minute de décompression.

A 1 h. 2 du soir, enlèvement du casque.

Aucun accident jusqu'à 7 h. 30 du soir. A ce moment, je tue

l'animal. Je constate à l'aide de la loupe de fines bullettes de gaz

intimement mêlés avec du sang sur plusieurs points du système

Expérience V (7 juillet 1886). - Chien de même taille et

presque de même poids que celui de l'expérience IV, 7 kil. 50.

A 10 heures, première immersion; 23 brasses de profondeur;

une heure trente' de séjour; une minute de décompression.

A H h. 32, enlèvement du casque. A 11 h. 45, l'animal est

paralysé de ses paltes postérieures qu'il traîne. Sensibilité abolie.

Amidi, je tue l'animal par l'ouverture du thorax. Sang mousseux

aussi bien dans le coeur que dans les artères et dans les veines.

Moelle. - Oblitérations gazeuses intravasculaires à la région

lombaire. Dans les mailles du tissu myélitique, on distingue des

perles de gaz qui distendent et dilatent les fibres nerveuses.

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. ton

Expérience VI (9 juillet 1880). - Chien pesant 9 kilogrammes.

A 10 heures du matin, première immersion; 32 brasses de profon-

deur ; une demi-heure de séjour; une minute de décompression.

A 10 h. 32, l'animal paraît bien portant. A 10 h. 37. Raideur et

immobilité soudaine du train postérieur. L'animal ne voit pas.

Ventre énormément distendu de gaz. A 10 h. 42 le train antérieur

se raidit et s'immobilise à son lour. Immobilité des côtes et

grande angoisse respiratoire. Gargouillements au coeur dont les

battements sont petits, rares et irréguliers. Le sphincter anal est

relâché. Vessie paralysée. A 10 h. 50. Mort. Autopsie.

L'ouverture du ventre laisse sortir de l'air qui s'en échappe en

sifflant. Le coeur, aussi bien le gauche que le droit, est plein de

sang mélangé d'une énorme quantité d'air; pas de thrombus. Il

en est de même pour les artères et les veines.

Nous enlevons ensuite avec beaucoup de soin la boîte crânienne

et nous fendons les méninges. Tous les petits vaisseaux qui ram-

pent sur la surface de l'encéphale contiennent sur plusieurs

points des perles gazeuses très petites qui y sont enclavées. Pas

d'infarctus hémorrhagiques. Le liquide céphalo-rachidien contient

du gaz.

La chambre antérieure de l'oeil enferme elle aussi des bulles

d'air, on trouve aussi des perles gazeuses dans l'artère centrale

qui en est oblitérée,

Moelle. - Il y a des bulles de gaz aussi bien dans ses vaisseaux

que dans l'épaisseur de son tissu que dissocient les fibres ner-

veuses ; il n'y a aucune trace d'hémorrhagie.

Viscères. - Sang mousseux, pas d'hémorrhagie; il n'y a pas de

gaz dans le tube digestif.

Ces expériences établissent, elles aussi, d'une

manière évidente le développement de gaz dans le

sang aussi bien dans le système veineux que dans le

système artériel en cas de changements brusques de

pression.

Maintenant nous arrivons à une deuxième question

non moins intéressante. Est-ce à la présence de gaz

dans le système artériel ou bien dans le système vei-

neux que doivent être attribués les accidents que nous

avons déjà si longuement décrits ?

La clinique déjà seule suffit simplement à y répondre :

c'est bien le dégagement de gaz dans le système artériel

')02 CLINIQUE NERVEUSE.

qui est la cause prochaine, immédiate, directe des

accidents survenant par l'emploi des scaphandres ou

des cloches à aircomprimé. En effet, nous savons déjà fort

bien que, dans l'immense majorité des cas, ces accidents

frappent le système nerveux central que, suivant la partie

affectée de ce système, ce sont des accidents spinaux, cé-

rébraux, ou cérébro-spinaux, et qu'enfin selon la loca-

lisation de l'agent pathogène à tel ou tel territoire

vasculaire, et par suite à telle ou telle région, ces

accidents revêtent telle ou telle forme clinique. Les

expériences de Paul Bert, de Feltz, de A. Febvre, et

les nôtres qui ont la grande valeur d'avoir été faites

exactement dans les mêmes conditions que celles des

ouvriers des travaux sous l'air comprimé, sont venus

nous dévoiler le mode d'action de l'agent pathogène

du gaz, en démontrant qu'il agit par embolie et que

l'embolie suivant le territoire vasculaire dans lequel

elle s'est engagée, fait arrêter tout à coup la circulation

de la région correspondante. Une ischémie subite con-

sécutive survient, venant engendrer les désordres dont

la gravité varie, selon l'importance physiologique de

cette région. Nous aurons lieu plus tard, au chapitre

de la physiologie pathologique de revenir sur cet impor-

tant point de nos recherches.

Par contre, si on recherche quels sont les accidents

que la présence de l'air dans les veines peut occasion-

ner, on verra qu'ils sont tout à fait opposés. Le

Dr Magnin, qui a si bien étudié cette question dans sa

thèse inaugurale ', a fait remarquer que ce sont tou-

jours des accidents cardiaques et pulmonaires. Je n'ai

Etude expérimentale sur l'introduction forcée et sur l'introduction

spontanée de l'air dans les veines. Thèse de Nancy, l819.

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI CES SCAPHANDRES. 103

pas oublié que le tableau clinique d'un certain nombre

de mes observations contient, il est vrai, des phéno-

mènes cardiaques et surtout pulmonaires, mais je me

souviens aussi, et cela n'est pas moins vrai, que c'est

toujours à titre de symptôme de la période du début

d'une importance secondaire. Ces symptômes sont en

outre transitoires et fugitifs.

Il y a donc une différence énorme entre les accidents

survenant par l'emploi des scaphandres ou des cloches

à air comprimé et ceux qui résultent de l'injection

d'air dans les veines, ce qui certes n'arriverait pas si

l'injection physiologique spontanée de l'air dans le

système veineux lors de la décompression était bien

la cause directe et immédiate des accidents en ques-

tion. Or la clinique, à qui il faut toujours laisser dire le

dernier mot, nous donne le droit de repousser la pré-

sence de l'air dans les veines comme cause des accidents

que nous traitons ici, et de considérer au contraire le

dégagement de gaz dans les artères comme le seul

facteur qui peut engendrer ces accidents. La pathologie

expérimentale vient à son tour confirmer ce que la

clinique a fait si justement observer. Par une réflexion

toute naturelle, on est amené à penser que si c'est le

dégagement de gaz dans le système artériel, si juste-

ment appelé injection physiologique ou spontanée,

qui est la cause immédiate des accidents, l'injection

artificielle d'air dans les artères doit nécessairement

donner lieu à des accidents analogues.

Plusieurs auteurs ont fait des injections d'air dans

les artères. Ainsi M. Petit ' est arrivé à la conclusion

suivante :

' Sociél. de biol., 187a, iio 1. page 58. ,

'104 CLINIQUE NERVEUSE.

« A dose très forte, l'injection d'air dans le système aortique

produit la syncope, des convulsions, symptômes résultant de

l'arrêt de l'ondée aortique. 4

a L'arrêt du coeur se produit après l'arrêt de la circulation, et

celui-ci n'est pas dû à la présence de l'air dans l'artère pulmo-

naire car les branches de ce vaisseau ne contiennent pas d'air en

cas de mort prompte. » -

M. Couty, ayant institué des expériences sur les

effets des gaz artériels généralisés, dit : ' 1

« L'air peut être injecté directement dans l'aorte ou

poussé dans le bout périphérique de la carotide, il

reflue alors dans le tronc aortique par les anastomoses

artérielles (hexagone cérébral), à cause de la résis-

tance opposée par les capillaires. Une fois dans l'aorte,

l'air produit soit un arrêt brusque et primitif du coeur

dû probablement à l'excitation anémique du myélen-

céphale, soit une mort plus lente dont il énumère les

conditions.

« Dans ce dernier ordre, l'air passe des artères dans les veines,

s'accumule dans le coeur droit, et produit de la systolie par dis-

tension. D'autres bulles restant dans les capillaires y ralentissent

le sang plus directement, enfin, les centres myélencéphaliques

étant anémiés par ces embolies, les vaisseaux et les vaso-moteurs

sont d'abord excités puis paralysés. Tous ces troubles s'unissent

pour produire une chute complète de la tension; les fonctions

cérébrales et respiratoires s'arrêtent et le coeur enfin cesse de se

contracter cinq à quinze minutes après l'injection. »

Le savant professeur de Nancy, Feltz, dans son re-

marquable travail 2 communiqué à l'Académie des

sciences et basé sur de nombreuses expériences rela-

tives à la décompression brusque et le rôle de l'air

introduit dans les systèmes veineux et artériels émet les

conclusions suivantes :

1 Gaz. hebd. de n ! ed. et de chir. Année 1817, t. XI\-, p. 720.

* M. V. Felz. - Expériences démontrant te rôle de l'air introduit dans

les systèmes veineux et artériels.

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. '10¡)

« 1° La présence d'air gazeux dans le système aortique pro-

voque des accidents dont la gravité varie selon les territoires vas-

culaires dans lesquels s'engagent les embolies gazeuses; c'est ce

qui me fait penser que les troubles et les lésions qui caractérisent

la décompression brusque tiennent à des embolies gazeuses arté-

rielles.

« 2° Les embolies veineuses sont pour bien peu de chose dans les

accidents dus à la décompression brusque. »

M. Paul Bert pense aussi que, lorsque les gaz ne se

produisent que dans le système veineux le danger est

relativement moindre '.

Enfin, M. Alphonse Febvré ayant institué des expé-

riences bien dirigées à ce sujet, qui ont établi positi-

vement que l'injection artificielle d'air dans les artères

produit toujours des accidents comparables, autrement

dit des phénomènes morbides comparables à ceux qui

surviennent par l'injection physiologique, spontanée,

qui a lieu lors de la décompression, et tout différents

de ceux qui sont dus à la présence d'air dans les veines,

il conclut : « Il est possible d'attribuer les accidents

principaux de la décompression à la présence de bulles

gazeuses dans les veines. »

La cause des désordres qui éclatent lors de la dé-

compression brusque doit être rapportée aux lésions

déterminées par les bulles gazeuses arrêtées dans les

artérioles et les systèmes capillaires. C'est l'expé-

rience aussi qui nous a mis en lumière les faits sui-

vants :

1° Pour que la mort arrive par l'introduction forcée

d'air dans le système veineux, il faut nécessairement

une quantité d'air énorme, afin de produire par son

accumulation dans le coeur droit une asystolie par

' Gaz hebd. de méd. et de chir., t. XII, 21 série, 1875.

'106 CLINIQUE NERVEUSE.

distension, chose dont la possibilité est niée par quel-

ques expérimentateurs même à l'aide de l'injection

d'air artificielle, je le répète à dessein; à plus forte

raison, cela ne peut arriver dans le cas d'une injection

physiologique, spontanée, qui est incapable de pro-

duire une quantité d'air si colossale.

2° Quand on injecte de l'air dans les veines lente-

ment et progressivement, on peut arriver à des quantités

énormes d'air de 750 à 1200 centimètres cubes sans

même produire de syncope. Prenant donc ces faits en

considération, nous sommes forcé de conclure que

la présence de l'air dans les veines est pour bien peu

de chose dans les accidents en question.

Or, la clinique, non moins que l'expérience établis-

sent d'une manière positive, incontestable, que les

accidents principaux survenant par l'emploi des sca-

phandres ou des cloches à air comprimé ne peuvent

être attribués à la présence des bulles gazeuses dans

les veines et qu'ils sont, au contraire, directement dus

à la présence des bulles d'air dans le système aortique,

lesquelles, selon les territoires vasculaires dans lesquels

elles s'engagent, provoquent telle ou telle forme cli-

nique. En conséquence, ces accidents sont légers ou

graves. Tout naturellement, nous sommes amené

à l'étude d'une quatrième question.

Est-ce tous ou un seul des trois gaz du sang qui

redeviennent aériformes lors de la décompression

brusque ?

Avant d'y répondre, il nous faut préalablement rap-

peler quelques notions sur la constitution de l'air

atmosphérique et sur la loi de Dalton. Les gaz qui

constituent en grande partie l'air atmosphérique sont

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 107

au nombre de deux qui existent à l'état de mélange

dans les proportions que voici :

En poids : oxygène. 23 En volume : oxygène. 20.8

- azote.... 77 - azote.... 79.2

L'acide carbonique n'y figure que dans une très

faible proportion variant de 0,0004 à 0,0006 en poids,

et de 0,0003 à 0,0004 en volume.

Nous laisserons bien entendu de côté les quantités

insignifiantes de vapeur d'eau, d'ammoniaque et de

carbure d'hydrogène.

Ces gaz de l'air se trouvant en présence de l'air

doivent se conformer et se conforment en réalité aux

lois de la solubilité des gaz. Ces lois découvertes au

commencement de ce siècle sont les suivantes :

1° L'eau mise en contact avec une atmosphère indé-

finie d'un gaz quelconque en dissout un volume qui,

ramené à la pression de cette atmosphère, est pour une

température donnée dans un rapport constant avec

le volume du liquide.

Il s'ensuit que « le poids du gaz dissous pour un

volume donné de liquide est proportionnel à la pression

que le gaz non dissous exerce sur le liquide ».

2° En présence d'une atmosphère formée de plu-

sieurs gaz, l'eau dissout chacun d'eux comme s'il était

isolé avec la pression qu'il possède dans le mélange.

Mais lorsque ces gaz se trouvent en présence du

sang, le phénomène est plus multiple et plus com-

plexe qu'on a pu le supposer de prime abord. C'est

ainsi que l'oxygène n'obéit pas aux lois énoncées de

solubilité des gaz, car jusqu'à une certaine pression,

il se combine avec l'hémoglobine et, à des pressions

108 CLINIQUE NERVEUSE.

plus élevées, la proportion de l'oxygène dissous dans

le sérum loin d'être en rapport avec les pressions ex-

térieures augmente à peine, avec une extrême lenteur

et d'une façon variable pour une même pression.

-«Un ouvrier, dit Paul Bert, qui travaille à la pression de 2 à

5 atmosphères n'a pas beaucoup^ plus d'oxygène dans son sang

qu'à la pression normale.

« Si cependant la pression est suffisante, l'augmentation de

l'oxygène aboutit à un effet curieux et redoutable.

« L'empoisonnement alors par l'oxygène, si funeste à tous les

êtres organiques, éclate avec tout son étrange et terrible spec-

tacle, la possibilité des oxydations interstitielles étant gravement

compromise,

« La proportion de l'acide carbonique, en cas d'augmentation

de la pression barométrique, peut augmenter parfois, mais dans

l'immense majorité des cas, elle diminue. Cela se conçoit facile-

ment quand on songe que la production de ce gaz ne provenant

pas de l'air atmosphérique est directement en rapport avec l'acti-

vité des oxydations interstitielles et de la ventilation pulmo-

naire.

« L'azote est le seul gaz qui « augmente plus vite mais pas au-

tant que le voudraitla loi de Dalton ». Mais enfin, c'est lui qui se

conforme le plus aux lois. de l'équilibre et subit en conséquence

les changements de pression extérieure. »

Donc il est bien établi que la plus grande partie du

gaz libre est constituée par de l'azote qui, dissous dans

le sang et dans les divers liquides de l'organisme en

excès pendant la compression, suivant les lois de la

solubilité des gaz repasse à l'état libre lors des change-

ments brusques de pression.

Cette conclusion est confirmée aussi par le fait sui-

vant. Paul Bert a pu extraire les gaz qui étaient em-

magasinés dans le coeur en grande quantité et en faire

l'analyse. Il a trouvé la plus grande partie de ces gaz

constituée par de l'azote (voir Expériences DXXVIII,

DLVIII, DLXIX et DLXXX, loç. cit.).

Or, de tout ce qui précède il ressort évidemment une

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 109

conséquence pratique qu'on peut formuler de la ma-

nière suivante :

Dans la genèse des accidents survenant chez les ouvriers

des travaux sous l'air comprimé, l'oxygène est pour bien

peu de chose, l'acide carbonique n'est pour rien et c'est

l'azote qui est l'agent pathogène essentiel et principal.

Cette conclusion a reçu aussi une preuve négative.

Etant donné que la plus grande partie du gaz libre

est constituée par de l'azote, si on soumet des animaux

à des pressions élevées d'un air très pauvre en azote

et qu'on décomprime ensuite brusquement, le sang

de ces animaux ne doit contenir que peu ou pas de

gaz et, par une conséquence toute naturelle, aucun

accident en pareil cas ne doit survenir. C'est ce qui

arrive en réalité. Paul Bert, ayant institué des expé-

riences dans cet ordre d'idées, conclut :

« Aucun accident n'est survenu, aucune bulle de

gaz n'a paru à l'état libre dans les vaisseaux, parce

que l'air que respiraient les animaux était très pauvre

en azote. On préférerait de beaucoup que l'azote ne

fût pas l'agent pathogène, car la redissolution de ce

gaz étant extrêmement difficile, il en résulte un danger

considérable, tandis que, si le gaz libre était constitué

par de l'acide carbonique, de l'oxygène même, le

danger serait bien moins grand, car ces gaz pour-

raient se redissoudre rapidement. » (A suivre.)

RECUEIL DE FAITS

IMBÉCILLITÉ LÉGÈRE. INSTABILITÉ MENTALE AVEC PER-

VERSION DES INSTINCTS ET IMPULSIONS GÉNITALES (IClep-

tomanie, onanisme, sodomie, syphilis);

Par BOURNEVILLE et KAOULT.

Observation. - Grand-père paternel alcoolique. - Cousine pater-

nelle idiote et épileptique. - Mère nerveuse, névralgies, céphal-

algies. - Grand'mère maternelle, paralysie faciale. - Tante ma-

ternelle et arrière-grand-père aliénés. Frères et soeurs morts

de convulsions. - Pas de consanguinité. - Inégalité d'âge d'un an.

Impression maternelle. - Iléntorrhagie du cordon. - Parole et

marche vers dix-huit mois. - Incontinence d'urine jusqu'à quatre

ans. - Défécation involontaire jusqu'à douze ans. - Arrêt de

développement intellectuel. - Instabilité mentale. Lymphatisme ;

salacité. - Idées de moquerie. - Actes de violences envers les

autres enfants. Mise en correction. Tremblement léger des

mains. - Crises nerveuses, épileptiques (1). Accès de colère. -

Impulsions génitales.

Etat du malade en 1881. - Nystagmus; léger tremblement des

paupières; hypospadias. - Sodomie : syphilis; balano-postlvite;

adénite suppurée.

Evasion; réintégration. Caractère violent, grossier. Ùna-

nisme, actes et paroles obscènes; I)é(lé,astie. - Kleptomanie.

Plaie de la cuisse; érysipèle, phlegmon. - Développement du

poids, de la taille, de la puberté. - Excès. Actes de violences,

placements divers, impulsions génitales pendant sa mise en liberté.

- Réintégration. - État au commencement de 1887.

Court ? (Charles), né le 28 janvier 1867, est entré le 24 juin 1881

à l'Hospice de Bicêtre (service de M. BOURNEVILLE).

Renseignements fournis par sa mère. -Père, trente-six ans, garde

républicain, grand, fort, bien portant d'ordinaire, sans aucun

accident nerveux; rhumatisant. [Père, nombreux excès de bois-

son, surtout d'absinthe et d'eau-de-vie. Mère, d'habitude bien

portante a seulement des douleurs rhumatismales; elle est ner-

veuse mais n'a jamais eu d'attaques. - Grand-père, mort d'un

IMBÉCILLITÉ ET INSTABILITÉ MENTALE. '111

cancer de la face. - Cousine, idiote épileptique, gâteuse, morte en

1880, âgée de 36 ans, à l'Asile de Dôle. - Pas d'aliénés, pas

d'aulres épileptiques, ni de paralytiques, etc., dans la famille. J

Mère, trente-cinq ans, assez grande, brune intelligente ; se plaint

de névralgies intercostales, sujette de temps en temps à des céphal-

algies. Pas de migraines, pas d'attaques nerveuses. [Père, soixante-

six ans, cultivateur, n'a jamais eu d'accidents nerveux et jouit

d'une bonne santé. - Mère, a eu il y a trois ans une paralysie faciale

unilatérale, qui persiste, à la suite d'un voyage, durant lequel elle

aurait eu froid. - 3 soeU1'S dont l'une, aliénée, est à l'Asile de Dôle

depuis 4 ans (lypémame avec hallucinations, idées d'empoisonne-

ment). Cette femme a un fils jusqu'ici bien portant. Un grand-

père serait devenu fou au dire de la mère de l'enfant. Pas d'au-

tres aliénés, pas d'épileptiques, etc., dans la famille.] Pas de con-

sanguinité.

Sept enfants : 1° garçon, né avant terme (forceps), mort à

deux jours après avoir eu quelques convulsions-; 2° fille morte à

trois ans de convulsions; - 3° notre malade ; - 4° garçon né

à terme, chétif, mort à six semaines on ne sait de quoi ; -

5° garçon âgé de onze ans, bien portant, n'a jamais eu de convul-

sions, intelligent; - 6° garçon mort à l'âge de huit jours;

7° fille bien portante, intelligente, âgée de six ans et demi pas du

convulsions.

Notre malade. - La grossesse a été accompagnée de maux de

reins très douloureux. Durant tout ce temps la mère habitait la

même maison que sa cousine idiote et épileptique. Celle-ci venait

sans cesse la trouver en poussant des cris. C'était toujours avec

déplaisir qu'elle la voyait, et elle craignait de contrarier ses parents

en la repoussant. Pendant les autres grossesses, les mêmes faits ne se

seraient pas présentés. Accouchement à terme, naturel, sans chloro-

forme'. Rien de particulier à la naissance si ce n'est unehémor1'lwgie te

abondante du cordon qui avait été mal lié, et qui s'est produite

une heure après la délivrance. L'enfant a été élevé au sein par sa

mère jusqu'à neuf mois seulement, elle a été obligée alors de

cesser parce qu'il était fort et la fatiguait beaucoup. C... a com-

mencé à parler et à marcher à l'àge de dix-huit mois. Mais ce

n'est qu'à deux ans qu'il a réellement parlé. A quatre ans, il

cessa d'uriner au lit ou dans son pantalon, mais jusqu'à douze

ans il a toujours laissé aller sous lui ses matières fécales. A quatre

ans il fut envoyé à l'école où il apprit difficilement à lire et à

écrire et d'où il fut renvoyé à différentes reprises. De quatre à

' Nous avons toujours eu soin de noter ce détail, parce que des auteurs

ont pensé, a tort suivant nous, que l'administration du chloroforme pen-

dant l'accouchement exerce une inlluence an point de vue de la pru-

ductlon de l'idiotie. B.) .

1 ils RECUEIL DE FAITS.

sept ans il fut placé à l'asile de llfont-sous-Vaudrey : on le ren-

voya parce qu'il était sale, turbulent, agaçait ses camarades, fai-

sait des grimaces et des contorsions. Deux fois il s'est enfui de

l'école, mais il rentrait deux heures après.

A dix ans, il fut placé aux enfants de troupe à Argentan. Il y

resta onze mois. Au bout de ce temps on le renvoya, parce qu'il

faisait encore sous lui. Là, lorsqu'il avait été sale, on le faisait

déshabiller et les autres enfants allaient, sur l'ordre de leur gar-

dien, lui donner chacun un coup de martinet. Puis il était mis au

cachot, au pain et à l'eau.

Ensuite il alla chez un oncle dans le Jura, il y resta deux

mois : il avait, dit sa mère, mis toute la ville en révolution

par ses excentricités. Il injuriait tout le monde, criait, accusait

son oncle de le battre. Il fut alors pris par son grand-père pater-

nel, qui le garda six semaines, là il eut de grandes crises pour la

première fois, crises qu'un médecin aurait qualifiées d'épileptiques.

Revenu à Paris, il retourna à l'école, puis fut placé en appren-

tissage chez un cordonnier. Il y resta peu de temps, il perdit pour

soixante francs de marchandises à son patron : quand on l'en-

voyait faire des commissions, il ne revenait que le soir. Il fut mis

chez un autre cordonnier où il ne resta que trois ou quatre jours,

puis chez un robinetier qui ne le garda que deux jours. Partout il se

montrait maladroit et ne pouvait supporter aucune observation,

croyant qu'on se moquait de lui. Dans l'intervalle de ces essais d'ap-

prentissage il restait chez ses parents où il faisait les commis-

sions. ,

En janvier 1881, il fut chassé de la caserne parce qu'il avait

battu des enfants de quatre à six ans, il les bousculait sans motif,

leur disait des grossièretés. Placé chez sa tante il y est resté trois

semaines, il faisait du tapage, criait. Il fut mis chez des amis qui

ne le gardèrent qu'un mois et demi. Plus tard il fut envoyé à

Villepreux où il resta six semaines et d'où il fut rendu, parce

qu'il s'était masturbé avec d'autres enfants. Ensuite, il entra en

correction à la petite Roquette ; il y est resté un mois, il s'y trou-

vait bien traité. A sa sortie des Jeunes Détenus, il fut placé chez

un marchand de vins : il donnait à boire aux clients sans se faire

payer. Il laissait tomber les bouteilles qu'il tenait à la main à

cause du léger tremblement dont il est atteint. Il n'aurait pas eu

d'accès d'épilepsie depuis son retour de Mont-sous-Vaudrey; mais

il était sujet à des crises nerveuses pendant lesquelles il étend les

bras, crie, à les yeux saillants, et qui ressemblent plutôt à des

accès de colère, il ne tombe pas par terre. Souvent, C... ne voulait

pas faire certaines choses, prétendant qu'on se moquait de lui. Il

n'a guère d'affection que pour sa mère; il déteste son père qui

bien des fois l'a corrigé. Ses accès de colère le prenaient quand il

était contrarié et surtout quand on le battait.

IMBÉCILLITÉ ET INSTABILITÉ MENTALE. 1 13

Sa mère pense qu'à la maison il ne se masturbait pas. On a

prétendu à la caserne qu'il avait essayé d'avoir des rapports avec

une petite fille de six ans ; il n'a jamais essayé d'en avoir avec

sa soeur.

Cour... était indifférent à tout, se moquait des reproches qu'on

lui faisait. Si on l'envoyait faire une commission, il se trompait',

ne rendait pas compte de l'argent qu'on lui avait donné, il laissait

la monnaie chez le marchand, on était obligé de lui écrire les

commissions à faire. - Le sommeil est assez bon et lourd. C...

s'endort de suite, il est difficile à réveiller. Il n'est pas peureux et

ne semble pas se rendre compte du danger. Il mange seul, mais

malproprement; pas de vomissements, pas de salacité : à l'âge de

six ans on l'a vu toutefois à plusieurs reprises manger des escar-

gots vivants.

A quatre ans, une scarlatine, avec otite consécutive; - à huit ans,

rougeole. Pas d'autres maladies, sauf quelquefois des croûtes

dans les cheveux avec des adénites cervicales et un écoulement

léger de l'oreille gauche.

Etat actuel. - Tête assez forte, haute, en forme de toit, sans

saillies exagérées. La région occipitale est aplatie. Inclinaison

très rapide du vertex au front. La bosse pariétale gauche semble

plus proéminente et située plus en arrière que la droite. -Front

bas, déprimé latéralement, sans saillie des bosses frontales.

Saillie assez prononcée des arcades sourcilières. -- Léger nys-

tagmus et léger tremblement des paupières; pas de strabisme; iris

brun, pupilles égales; cils longs, pas de lésions oculaires. Régions

malaires symétriques, cependant la joue gauche est un peu plus

creuse que l'autre. Ne : : assez volumineux, aquilin. Narine gauche

un peu relevée. Menton en pointe, à fossette un peu déprimée à

gauche. - Face triangulaire. - Regard terne, sans expression.

Diamètre occipito-frontal... 17 centimètres.

Diamètre transverse 4 centimètres.

Circonférence horizontale... 53 centimètres.

Lèvres épaisses; arcade dentaire inférieure complète, régulière.

Au niveau de l'arcade clentai1 supérieure, les deux incisives laté-

rales manquent, les incisives médianes sont larges et séparées

l'une de l'autre par un intervalle de deux millimètres; entre elles

et les canines existe aussi un espace. - Voûte palatine profonde,

ogivale, symétrique. - Luette, piliers, amygdales, langue nor-

maux. - Fondions digestives normales. Rien du côté de la

respiration, de la circulation, ni du coeur.

Cheveux châtains, abondants, sourcils et cils un peu plus foncés.

Le corps est complètement glabre.

Organes génitaux et puberté. Poils naissant au niveau des

organes génitaux. Testicules descendus. Verge assez' volumi-

neuse. Le gland est en partie découvert. Le méat semble s'ouvrir

Archives, t. XVIII. S

114 RECUEIL DE FAITS.

au sommet du gland mais en l'entr'ouvrant, on remarque qu'il

est ouvert à la face inféro-postérieure un peu en bec de fhîte

{hypospadias). La partie antérieure du sillon est un trou borgne.

Sensibilité générale normale.- Réflexe tendineux à peu près nul.

- Odorat, légère perversion, ainsi il trouve que l'asa-foetida sent

bon. - Vue, ouïe et goût normaux.

- La parole est libre, relativement facile avec un léger zézaiement.

Il lit bien, écrit assez facilement, sait ses quatre règles, le sys-

tème métrique. L'orthographe est assez bonne.

Dynamomètre à droite, 33, à gauche 32. Poids : 44 kilogr. 700.

Taille lm,48.

1881. Six jours après son entrée, il a été pris masturbant un

enfant : envoyé vingt-quatre heures à la Sûreté'. 11 est peu

docile à l'école. Il se développe bien. A la fin de juillet : poids,

44 kil. 85 ; taille, 1m,50. ,

4 or octobre. - L'enfant avoue avoir eu des rapports n posteriori

avec un infirmier renvoyé il y a quatre jours pour sodomie

exercée sur plusieurs autres enfants de la section. L'enfant pré-

tend que ces rapports n'ont eu lieu pour la première fois que le

25 septembre. Certainement ils ont dû être commis déjà aupara-

vant, car l'enfant présente à la région anale une exulcération de

la largeur d'une pièce de 0 fr. 50 allongée entourée d'une plaque

d'érythème de la largeur d'une pièce de 5 francs. Le sphincter est

resté intact. Voici, d'après ce que raconte C..., comment les

choses se sont passées. Vers 11 heures et demie du soir le garçon,

rentrant de permission, se déshabillait au dortoir lorsque l'enfant

revint des cabinets ; il le prit à bras le corp s, et le coucha dans

son lit. D'après ce que dit C..., sur trois tentatives une seule fut

couronnée de succès. Il ne resta qu'un quart d'heure dans le lit

lu garçon ( ? ). Quinze jours auparavant, ce dernier aurait essayé

d'avoir des rapports avec lui dans les circonstances suivantes : il

était monté pour changer de linge au dortoir, quand il fut tout nu

l'infirmier sortit sa verge et l'embrassa. Cet individu donnait à

C... et aux enfants, du chocolat, du fromage, des fruits, etc. C...,

pour s'excuser, dit que c'est par crainte qu'il n'a pas dénoncé la

première tentative, l'infirmier menaçant les enfants de les battre

s'ils en parlaient.

13 octobre.- L'ulcération anale s'améliore peu, elle est entourée

d'une vive inflammation surélevée et ressemble à une plaque

muqueuse. Douleur vive. -Traitement : onguent styrax, cautérisa-

tion au nitrate d'argent.

14 octobre. - Suppression du nitrate d'argent, rien au cuir

chevelu. Polyadénite inguinale. c

Il n'y a pas de cellules ou de chambre d'isolement dans la section.

IMBÉCILLITÉ ET INSTABILITÉ MENTALE. 115

21 octobre. - Roséole à l'état naissant. L'ulcération anale a

toujours le même aspect, elle est peu indurée. Erythème de la

gorge.

4 novembre. - Quelques croûtes dans les cheveux. Pâleur très

prononcée. Une petite ulcération à fond jaunâtre sur l'amygdale

droite. L'éruption papuleuse a augmenté. Quelques petits gan-

glions dans les aines. Syphilides plus nombreuses à la partie

antérieure du tronc qu'à la face postérieure. La plaque végétante

de l'anus a environ quatre centimètres de diamètre, elle occupe

la moitié droite de l'anus dans ses deux tiers inférieurs. - Une

autre plaque végétante existe du côté gauche. Traitement :

pilules de Sédillot, sirop d'iodure de potassium, vin de gentiane,

cautérisation des plaques muqueuses avec une solution de nitrate

d'argent à 1/30.

14. - Pas de croûtes dans les cheveux ; petites adénites cer-

vicales ; larges plaques muqueuses sur les deux amygdales.

L'éruption cutanée a un peu diminué; les papules sont moins

nombreuses. Les plaques anales s'améliorent ; la défécation est

moins douloureuse. Même traitement; gargarisme au chlorate de

potasse.

25. - La peau reste marbrée; les adénites inguinales persis-

tent. La marge de l'anus présente toujours une ulcération végé-

tante, surélevée, d'un rose clair, baignée par un peu de pus

sanieux, blanchâtre. Il n'y a plus rien à la gorge.

27.- A la surface du tronc et sur les cuisses, éruption dis-

crète de papules arrondies, un peu surélevées, de teinte chair de.

saumon. Cette éruption est plus accusée à la partie antérieure de

la poitrine, qu'en arrière. Sur l'amygdale gauche, petite plaque.

idée. Pas de croûtes dans les cheveux. Quelques ganglions cer-

vicaux. Quelques macules sur la peau. Les plaques muqueuses de

l'anus ont bien diminué d'étendue. Petite plaque muqueuse

opaline sur l'amygdale droite. C... continue toujours à se mas-

turber, et à exciter les autres à la masturbation.

13. - Il continue à attirer près de lui les autres enfants, les

embrasse, et cherche à les toucher et à se faire toucher par eux.

Il est insolent, méchant, se mêle à toutes les discussions entre

les enfants. - A l'école, il est dans la première classe, mais fait

peu de progrès.

1882. - 6 janvier. - La veille, il s'est couché avec mal de tête,

frissons, courbature, raideur du cou. Ce matin il présente des

plaques d'un aspect rubéolique sur la face ; les bras, le dos, et

surtout les jambes. Pas de bronchites, ni de coryza, ni de lar-

moiement. Rougeur de la gorge, mais à peine marquée. Déglu-

tition un peu douloureuse. Langue saburrale. Rien à l'auscultation

de la poitrine. Soif, anorexie, diarrhée. Traitement ; infusion

116 , RECUEIL DE FAITS.

de 4 grammes de jaborandi; limonade vineuse. T. R. 40°, 2.

Soir : T. R. 39°, 2.

7. - Les plaques ont presque disparu; il n'en reste que quel-

ques-unes dans le dos, et sur les avant-bras. Un peu de desqua-

mation à la face. T. R. 38°,2. - Soir : T. R. 39.

8. - T. R. 38°, 5. SoH : T. R. 38°, 6.

- 9. - T. R. 38°, 4.- Soil : : T. R. 38°.

10. - Encore quelques rougeurs sur les avant-bras ayant l'as-

pect de la roséole syphilitique. T. R. 38°. - Soir : T. R. 38°, 8.

13. - Syphilides des lèvres en diminution. Petite plaque mu-

queuse sur le pilier antérieur droit du voile du palais. Stomatite

mercurielle. Grandes plaques de roséole sur les lèvres, les régions

scapulaires ; aspect marbré de la poitrine; quelques plaques

dans le sillon interfessier. Quelques croûtes dans les cheveux.

Syphilides anales ulcérées, persistantes (plaque muqueuse hyper-

trophique). - Traitement : suppression des pilules de Sédillot, à

cause de la stomatite ; sirop d'iodure de fer; douches; chlorate

de potasse; cautérisation au nitrate d'argent.

17. - Cautérisation des plaques de la gorge. Même état de la

gingivite. Les syphilides de la face diminuent d'étendue.

27. - Syphilides pustulo-crustacées, très confluentes du cuir

chevelu; syphilides squameuses cuivrées, par larges plaques sur

le front, le pourtour des narines, les commissures palpébrales,

le menton. Rien sur le tronc. - Sur les bras, syphilides papulo-

squameuses, surtout près des coudes. Papules de 8 millimètres

de diamètre avec collerette. Plaques muqueuses ulcérées de

5 millimètres de diamètre environ à la face interne de la joue

gauche, au niveau des dernières molaires, sur la lèvre inférieure,

en dedans de la commissure et sur la lèvre supérieure en face de

la canine gauche. D'autres plaques muqueuses sur la voûte pala-

tine en arrière de la dernière molaire gauche, sur la luette et sur

les amygdales. Paroi postérieure du pharynx rouge. Gencives fon-

gueuses, saignantes, avec un liséré rouge. Les syphilides anales

persistent; syphilides papuleuses du scrotum.

2 février. La bouche va mieux. A la suite de masturbations

énergiques, l'enfant a été pris d'une balano-posthite intense, avec

oedème du prépuce. Injections entre le gland et le prépuce

avec de l'eau phéniquée, puis du vin aromatique.

10 mars. - Rien au cuir chevelu. Adénites cervicales. Papules

brunâtres sur les bras, les avant-bras, le tronc, les membres infé-

rieurs. Elles prédominent entre les seins et à la face interne des

genoux. Petites adénites inguinales. Gingivite encore assez pro-

noncée, haleine fétide. Ulcération superficielle sur la face interne

de la joue gauche entre les deux arcades dentaires ; langue

gonflée ulcération superficielle du pilier antérieur droit du voile

du palais ; le reste du voile est rouge, comme oedématié. Exulcé-

IMBÉCILLITÉ ET INSTABILITÉ MENTALE. z17 7

ration de la partie inférieure du gland et dans le sillon balano-

préputial. Syphilide fissurée à l'anus. Même traitement; cautérisa-

tion à l'acide chlorhydrique.

17. - Amélioration notable de la stomatite et de la balano-

posthile.

28. La balano-posthite est guérie. Hier C... a volé à un autre

enfant une tablette de chocolat et bien qu'on en trouve la moitié

encore dans sa poche, il nie son vol. A la suite de cette décou-

verte, il a été pris d'un accès de colère, a cassé deux carreaux à

coups de poing, et fendu une porte à coups de pied, adressant en

même temps des expressions obscènes aux infirmières, et mena-

çant de poursuivre ses dévastations. - On le prive de vin et on

l'envoie à la Sûreté pendant vingt-quatre heures.

13. - Guérison complète de la bouche et de la gorge. C... re-

tourne en classe.

21. - Adénite axillaire douloureuse.

29. - Fluctuation au niveau de l'aisselle : incision, drainage.

Mai. - Les notes de classe sont meilleures, il devient docile,

attentif, la lecture est bonne ainsi que l'écriture. Mémoire a<sez

facile.

16. - Il existe encore de l'alopécie, plusieurs taches brunâtres

dans les cheveux ; quelques ganglions cervicaux ; une légère éro-

sion du pilier antérieur gauche du voile du palais, deux rhagades

à l'anus. - Traitement : Continuer le sirop d'iodure de fer et les

douches.

7 juin. - C... s'est enfui Je 4 juin avec six autres de ses cama-

rades. L'un d'eux Filf ? ayant été puni avait formé le projet de

s'évader; il avait entraîné dans son complot, Court... ainsi que

Fer... et Auch... Après le dîner ils ont préparé des échelles pour

s'enfuir. A ce moment Lem... et Goux... sont venus les rejoindre

et plus tard Gauh... qui était couché dans la cour, les apercevant

est venu avec eux. Après être sortis, ils se sont séparés en deux

bandes. La première composée de Filh... Auch... Ferr... et Cour-

tois a traversé Pari ? , est allée à Pantin chez le parrain d'Auch...

qui l'a gardé, et a renvoyé les trois autres. Ceux-ci ont pris le

tramway car ils disposaient à eux trois de deux francs. Ils sont

allés chez le père de Ferr..., se sont cachés dans une cave où ils

auraient passé la nuit. Le lendemain matin, le père de Ferr... les

a trouvés, a gardé son fils et renvoyé les deux autres. Ceux-ci ont

bu du vin chez le « troquet », acheté du pain et fumé des ciga-

rettes. lisse sont séparés boulevard Sébastopol. Alors Court...

serait allé chez son père qui l'aurait fait manger puis lui aurait

intimé l'ordre de rentrer à Bicêtre. Il est revenu seul le 5 à une

heure.

17. - Aujourdhui il avoue qu'il a menti, qu'il n'est pas allé

chez son père, mais est revenu spontanément il Bicêtre.

H8 RECUEIL DE FAITS.

25 juillet. Refuse de travailler au dortoir, sous prétexte que

sa mère le lui a défendu.

26. -- Injures grossières contre ses maîtres. Privation de vin

et de promenade. -

31 aotît. - Quelques ganglions cervicaux et inguinaux. Rien aux

organes génitaux, ni dans la gorge.

22 novembre ? Encore quelques ganglions cervicaux à gauche.

- Aucune syphilide. Prend régulièrement ses douches.

D'après les notes de classe, Court... se montre assez intelligent,

mais est très emporté, colère, grossier; son jugement est

erroné. Il travaille assez bien, devient plus docile. Il fait des pro-

grès en gymnastique. Le développement physique s'opère régu-

lièrement, Le poids de Cour ? qui était de 44 kilog. 700 à l'entrée

est actuellement de 51 kilog. 80. Sa taille de lm48 en 1881, est à

la fin de 1882 de 1 m 55. Il a cessé les douches le 30 novembre.

1883. -- 2 janvier. - Frisson violent avec fièvre. T. R. 40°, 7.

Soir : T. R. 38°, 5.

3. - T. R. 37°, 7. - Soir : T. R. 41°.

4. - Langue sale, nausées. Rate grosse. Rien à l'auscultation

de la poitrine. T. R. 38°, 1. Traitement : Eau de sedlitz ; sulfate

de quinine, 1 gramme. - Soir : T. R. 37°, 3.

3. - T. R. 30°, 3. -Soir : 38°, 4.

6. T. R. 37°, 3. - Soir : 37". Langue toujours sale; pas de

selle depuis la purgation ; deux verres d'eau de sedlitz.

7. - Amélioration, appétit. T. R. 37°, 2. - Soir : T. R. 37°.

Exeat le 8 janvier.

9 juillet. -Court... est en punition à l'infirmerie, faute de cellules

et par manque de places à la Sûreté pour avoir battu des enfants

plus jeunes que lui. Selon son habitude, Court... est allé dans les

cabinets avec Rem... et Vign... et a essayé d'avoir des rapports a

posteriori avec le premier.

22 août. - Pas d'accidents syphilitiques nouveaux. Verge volu-

mineuse ; testicules bien développés. Maslurbateur effréné ; il dit

qu'il ne peut s'en dispenser. On est obligé de lui mettre le manchon

la nuit. - Traitement : Hydrothérapie qui a commencé au mois

d'avril et se continuera jusqu'au mois de février 1884.

26 décembre. - Les notes de classe nous apprennent que Court...

s'est amélioré, qu'il est moins emporté, qu'il devient courageux et

docile. De même, au point de vue physique, il s'est developpé; son

poids a augmenté de 9 kilogrammes (60 kilogr. 900) en un an et sa

taille de 8 centimètres CI m. 63). Au dynamomètre Mathieu :

35 kilogrammes à droite et 20 à gauche.

Puberté. Il porte de nombreux poils noirs frisés abondants

au pénil, à la racine des bourses, à l'anus. Il avoue se masturber

mais moins fréquemment.

IMBÉCILLITÉ ET INSTABILITÉ MENTALE. " 119 9

1884. 27 février. Eruption pustulo-crustacée au visage qui

disparaît vers le milieu d'avril sans traitement général.

3 avril. - On l'a pris la main dans la braguette d'un enfant. On

l'interroge et il répond qu'il demande à passer aux adultes, qu'il

ne peut rester aux enfants et qu'avec eux rc il ne pense qu'à ça ».

Depuis quelque temps, on était assez content de lui, de son travail

et de sa conduite. Il a obtenu le certificat d'études primaires, il

commence à apprendre sérieusement son métier de cordonnier.

Décembre. - Les notes de classe et d'atelier sont bonnes ;

l'écriture devient courante. A la gymnastique, il est docile et est

moniteur d'un groupe d'idiots. Il fait presque seul un soulier.

188. Janvier. - La taille a augmenté de deux centimètres

(4m,G5) en un an. Il présente des moustaches naissantes. Il a l'in-

tention de s'engager comme soldat.

6 mat. - Ses parents ont rempli les formalités nécessaires pour

son engagement. Refusé à la revision parce qu'il a un léger trem-

blement des paupières.

21 juillet. - Il est souvent brutal avec les enfants, surtout à la

gymnastique où il est moniteur. Hier il a bousculé l'enfant Carl...

qui ne voulait pas se mettre en rang. Les impulsions génitales ont

diminué. Il ne met plus les autres enfants sur ses genoux pour

s'entre-masturber. Parfois encore il lui arrive d'embrasser, en le

mordant légèrement à la nuque, l'enfant Leu... Lorsqu'il bruta-

lise les autres, ceux-ci lui disent des injures et font allusion à ses

anciennes histoires.

26 août. - Hier, ayant été privé de vin pour avoir fumé, C... a

cassé son verre à boire, puis trois carreaux et s'est blessé légère-

ment à l'avant-bras. Consigné pour deux mois; huit jours à.la .

Sûreté.

\S octobre. - Accès de violence parce qu'on l'avait fouillé pour

trouver le tabac qu'il cachait. Il a dit des grossièretés et a refusé

de travailler.

30 novembre. Embarras gastrique avec courbature.

14 décembre. - Il y a quatre jours les enfants étant réunis au

gymnase le soir, à une séance de lanterne magique, C... a attiré

l'enfant Leu..., l'a embrassé, l'a masturbé et s'est fait masturber

par lui. Il continue à embrasser les autres enfants. Il assure ne pas

avoir de rapports sodomiques ( ? ).

Puberté. - La moustache est encore naissante. Les poils com-

mencent à gagner la partie interne des cuisses et sont abondants

à l'anus. Les testicules, égaux, sont de la dimension d'un gros

oeuf de pigeon. La verge a 95 mm. de circonférence et î5 mm.

de longueur. La taille n'a pas augmenté depuis l'an dernier(lm,65),

mais le poids est de 5 kilogrammes en plus (64 kiwi.) (janvier 1886).

Au dynamomètre 55 kilogrammes des deux côtés.

120 RECUEIL DE FAITS.

488fi. 1cJ jcatauie·.- C... avoue avoir volé 25 francs à ses parenls,

lors de sa dernière sortie et les avoir dépensés avec des amis et

des femmes.

4 février. - C... se plaint de faiblesse générale et de maux de

tête; remis après quelques jours de repos.

24 juin.- Il travaille à la cordonnerie où on est contentde lui, et

va à l'école des adultes'. Son caractère devient meilleur, il est

poli; pas de plaintes, ni d'impulsions.

1" décembre. - C... s'est piqué il y a quatre jours avec une

alêne, à la partie supérieure et externe de la jambe gauche.

2. Plaque érysipélateuse s'étendant depuis la plaie jusqu'à la

partie moyenne du mollet. Inappétence.

4. La jambe est très enflée; la rougeur érysipélateuse qui a

disparu au-dessus du genou, s'élend de la partie supérieure du

creux poplité jusqu'au tiers inférieur de la jambe. Douleurs vives

la nuit avec élancements. La palpation est très douloureuse au

niveau de la saphène externe, surtout vers la malléole externe;

langue sale, anorexie, nausées. Pouls rapide. - Traitement : appli-

cation d'onguent mercuriel; eau-de-vie allemande 15 grammes;

sirop de morphine ; sulfate de quinine.

6. - P. 88. Aspect général meilleur, C... mange avec assez

d'appétit. La jambe est tuméfiée; l'empâtement s'est étendu de

haut en bas. La peau a toujours une teinte érysipélateuse, pas de

bourrelet; phlyctène. La jambe est moins douloureuse; à la pal-

pation, sensation de fausse fluctuation. Deux incisions sont faites

à la partie interne et à la partie externe de la jambe jusqu'à l'apo-

névrose. Il ne sort pas de pus; mais le tissu cellulaire sous-cutané

est infiltré, dur, lardacé. Pansement phéniqué. '

7. - La température est toujours élevée. L'état général reste le

même. On trouve un peu de pus dans la partie interne de la

plaie qu'on fait sourdre par la pression. Le pus siège évidemment

sous l'aponévrose celle-ci est incisée et laisse écouler une grande

quantité de pus. Drainage ; pansement phéniqué'.

10. - Pas de fièvre, la douleur a disparu, la peau ne se recolle

pas.

12. La fièvre reparaît ainsi que la douleur de la jambe. Rou-

geur et douleur à la pression au niveau du creux poplité. Issue

abondante de pus.

14. - Fièvre. Etat général mauvais. Douleurs vives et empâte-

ment au niveau du creux poplité.

15. - On chloroformise le malade, le sommeil se produit facile-

ment sans période d'excitation. On constate qu'il existe un clapier

rempli de pus au niveau du creux poplité, et un décollement se

dirigeant en bas vers le tiers inférieur de la jambe, profond et

* J'avais alors organisé des cours pour les épileptiques adultes (B.).

IMBÉCILLITÉ ET INSTABILITÉ MENTALE. d21

long de 25 centimètres environ. On fait une contre-ouverture au

niveau du premier, mais on ne peut le faire pour le second,

qu'on se borne à drainer. Au bout de vingt-cinq minutes, le

malade se réveille. Il est loquace, parle avec vivacité et même une

certaine éloquence. Il demande qu'on l'achève « pour qu'il puisse

aller rejoindre ses vieux camarades, dont il a vu la tête au

musée, etc. b.

23. - Un peu de diarrhée, coliques assez violentes. Potion avec

extrait de thébaïque.

26. - Guérison complète du phlegmon de la jambe.

1887. Janvier. - A l'école, C... devient plus docile. Il travaille

assez bien à la cordonnerie. Il est toujours emporté mais plus

poli. Poids : 64 kil. 200 ; taille : dn,G7à.

Puberté : Moustache assez fournie, duvet assez abondant sur les

joues; bouquet de poils de chaque côté du menton. Poils moyen-

nement abondants sous les aisselles; poils très rares autour des

seins. Rien sur la poitrine ni sur le ventre. Poils longs, châtains,

bouclés, abondants sur le pénil et à la racine des bourses. Quelques-

uns seulement sur les aines et à la partie supérieure des cuisses.

Verge : circonférence 95 millimètres; longueur 95 millimètres.

Gland découvert. Testicules dn volume d'un petit oeuf de poule.

Poils assez abondants à l'anus et à la partie inférieure des fesses.

Février. - Quoique étant aux adultes, il continue à venir tra-

vailler à l'atelier de cordonnerie des enfants. Le 5 avril il quitte

son atelier dans l'après-midi, vers une heure et demie, et entraîne

le petit Via... dans les cabinets et le déculotte. Il y a quelques

jours, il a fait des propositions du même genre à un autre

enfant. Ces impulsions génésiques ne s'étaient pas manifestées

depuis longtemps. Il cherche le plus possible à rester avec les

enfants; mais il ne se précipite plus sur eux comme autrefois,

pour les embrasser jusqu'à les mordre aux joues et au cou.

21 avril. - il. Féré, qui a pris le service des adultes au mois de

février, renvoie C... Il revient nous voir à ce moment, il cherche

s'occuper non comme cordonnier, mais comme homme de

peine.

Puberté. Moustaches fines, assez fournies; un bouquet de

poils de chaque côté du menton; duvet peu abondant aux joues.

Poils moyennement abondants sous les aisselles; une dizaine

autour des mamelons. Rien sur la poitrine ni sur le ventre. Poils

longs châtains, bouclés, abondants sur le pénil et à la racine des

bourses; quelques-uns seulement sur les aines et à la partie supé-

rieure des cuisses. La circonférence de la verge et sa longueur

sont de 95 mm. Gland découvert. Bourses rétractées. Testicules du

volume d'un petit oeuf de poule. Poils assez nombreux à l'anus et

a la partie inférieure des fesses.

C juillet. Nous voyons la mère du'malade ; elle nous raconte

122 RECUEIL DE FAITS.

que son fils n'a pu rester à la caserne où son père est maréchal

des logis, parce qu'on l'en avait expulsé jadis (à quatorze ans).

Elle l'a placé chez sa soeur à llfontreuil ; il faisait les commissions

de sa tante. Il lui arrivait parfois de refuser de se lever et de

l'aider aux soins du ménage. Il battait les poules, les enfermait

dans la cave, adressait des injures à sa tante. Il avait là deux

cousines, l'une de vingt, l'autre de vingt-un ans, il n'a pas essayé

d'avoir des rapports avec elle, et il n'a pas même, dit-il, été tenté

d'en avoir. Celles-ci le craignaient, le fuyaient, car il les insultait.

11 cachait les objets appartenant à sa tante, pour le plaisir de la

faire chercher. Une de ses cousines a prétendu qu'il lui avait volé

une bague, ce qu'il nie formellement. Cette histoire l'aurait fait

renvoyer par sa tante. Cette dernière a dit à sa mère, qu'il pas-

sait son temps fréquemment dans le bois de Vincennes, et elle

croit qu'il était accompagné d'une femme. Quant à lui, il nie ce

fait, et prétend qu'il allait dans les bois pour lire, dessiner, et

qu'il était toujours seul.

De Montreuil, il est revenu à Paris; sa mère a tenté de le gar-

der près d'elle, essayant en même temps de le placer. Dans toutes

les maisons de cordonnerie, où l'avait envoyé son chef d'atelier

de Bicêtre, il n'a pu entrer, car il n'avait pas les capacités pro-

portionnées à ses prétentions Il a ensuite cherché une place de

garçon marchand de vins ; il a échoué, parce qu'il n'avait pas de

certificat ; il en a été de même pour des emplois de courtier,

d'homme de peine. D'après sa mère, on ne peut lui confieraucun

paquet, il l'oublie, où le laisse sur un banc, ou sur l'omnibus.

Elle prétend qu'en trois ou quatre endroits, où il a été présenté

pour faire des courses, on en a pas voulu, « quand on a vu la

façon dont il tourne les yeux ». Pendant tout ce temps il est allé

plusieurs fois avec des femmes. Il nous dit lui-même : « Quand je

suis seul, que j'ai de l'argent, je vais avec des femmes ; mais

quand je suis renfermé, je suis porté pour les petits garçons.

Néammoins, cette excitation a bien diminué. » Pourtant sa mère

nous dit qu'il embrasse toujours violemment les enfants.

Sa mère se décida à l'envoyer à l'Orphelinat de Saint-Fiacre,

près de Meaux, où on le prit à l'essai, pour le faire travailler à la

terre ! Le directeur en avait fait un moniteur, et lui avait confié

vingt enfants, il s'est fait masturber par trois ou quatre d'entre

eux, mais il nous assure n'avoir pas essayé de se livrer sur eux,

à des actes de pédérastie. Les enfants questionnés ont fait des

aveux, et il a été renvoyé le 26 juin. Depuis ce temps sa mère le

loge dans une petite chambre de la rue Geoffro -Lasnier. Il se

. Il est difficile de faire comprendre aux parents que leurs enfants, étant

des malades, sont au-dessous des apparences ordinaires. De là, des

obstacles à leur placements.

IMBÉCILLITÉ ET INSTABILITÉ MENTALE. -123

lève tard, sous prétexte qu'il est fatigué, et il ne fait rien ; il reste

dans les escaliers, sans se préoccuper s'il gêne le passage, ce qui

fait crier les voisins; ou bien il s'assied sur le trottoir, rassemble

des enfants autour de lui. Il nie ce fait, et nous assure ne s'être

porté sur aucun enfant à des « actes malpropres », mais il aime

toujours à les embrasser. Sa mère craint qu'il ne se rende cou-

pable de quelque délit contre les moeurs. La logeuse trouve qu'il

est malade, indolent, et que souvent il répond d'une façon inco-

liérente. 11 ne fait rien, cherche de l'ouvrage, aux Halles, à la

voirie, au débardage, dans plusieurs hôpitaux, et ne peut rien

trouver. Son linge est toujours taché, dit sa mère; si on lui en

fait la remarque, il répond qu'il ne peut faire autrement. Il est

insolent, grossier à la moindre observation. 0

Il porte quelques ganglions indurés dans les aisselles et dans les

aines,-et quelques taches pigmentées à la région lombaire gauche.

Taille : 4 m 67 ; poids : 60 kilogrammes.

11 juillet. - Rentre à Sainte-Anne d'où il est envoyé le

13 juillet dans le service de M. Féré, à Bicêtre.

4 août. - Mis en liberté. Pendant son séjour dans le service de

M. Féré, il a été soigné pour une blerm01'l'hagie.

13 octobre. - Depuis son départ de Bicêtre, il a remplacé un de

ses amis, garçon de magasin chez un teinturier, pendant trois

semaines. A partir de là il travaille aux Halles; où il fait des cor-

vées. Il arrive à gagner de 1 franc 50 à 3 francs. L'après-midi, il

« camelotte », vend des épingles, des indicateurs. Il n'a pas

essayé de continuer'son métier, on ne trouve rien, dit-il. Il n'a pas

tenté de se livrer à des actes de pédérastie, ni de se faire mas-

turber par des enfants. Il va souvent avec des femmes « pour

trente sous, pour un demi-setier quelquefois ». Il n'est pas assez

bon ouvrier, pour exercer le métier de cordonnier, et « je n'ai,

dit-il, d'autre certificat que celui de sortie de Bicêtre ».

Réflexions. - I. -L' ! té1'édité nous paraîtpouvoir être invo-

quée avec raison : du côté paternel nous trouvons l'alcoolisme

et l'idiotie compliquée d'épilepsie; du côté maternel, le ner-

vosisme et l'aliénation mentale. Notons aussi la mort par

convulsions de plusieurs frères et soeurs.

II. - Dans les antécédents personnels, nous devons relever

en premier lieu l'impression pénible et persistante éprouvée

par sa mère durant la grossesse et occasionnée par la vue d'une

parente idiote et épileptique. C'est là une cause dont l'influence

est difficile à apprécier, mais que nous avons soin de toujours

mentionner dans nos observations, espérant pouvoir plus tard

faire la part de la réalité et de l'exagération. Notons ensuite une

12't RECUEIL DE FAITS.

hémorrhagie abondante du cordon, l'incontinence d'urine jus-

qu'à quatre ans et celle des matières fécales jusqu'à douze ans.

III. C'est à partir de son envoi à l'école qu'on s'aperçut

que son intelligence n'était pas aussi développée que celle des

enfants de son âge. Il apprit difficilement à lire et à écrire; sa

turbulence, ses taquineries, ses grimaces, ses contorsions, le

font renvoyer successivement de plusieurs écoles. On ne se

rendait pas compte qu'il était malade. Il en fut de même d'ail-

leurs à l'Ecole d'enfants de troupes où l'on attribuait son

incontinence des selles à sa malpropreté volontaire. Pour l'en

corriger, on exerça sur lui des sévices blâmables, pratique

malheureusement trop fréquente et qui n'a d'autre résultat

que d'aggraver l'état mental.

IV. - Placé à quatorze ans en apprentissage, son instabi-

lité mentale devint de plus en plus évidente : il fut renvoyé

successivement de plusieurs maisons. Au lieu de le faire soi-

gner, ses parents le mirent en correction. C'est là une mesure

qui ne devrait être prise qu'après réflexion et après un examen

médical sérieux. Si les médecins de ces établissements exami-

naient avec soin cette catégorie d'enfants, ils s'apercevraient

bien vite qu'ils ont affaire à des malades et ne les garderaient

pas en prison, mais les feraient diriger sur les hôpitaux spé-

ciaux. Ajoutons qu'à son imbécillité et à son instabilité men-

tale, se joignaient des troubles psychiques consistant en des

interprétations erronées : il s'imaginait qu'on se moquait de

lui. Rappelons en passant que, à une époque, vers douze ans,

il fut atteint de crises convulsives qu'un médecin aurait quali-

fiées d'épileptiques. Jamais ses parents ni nous-mêmes, durant

son séjour à Bicêtre n'avons constaté d'accidents comitiaux.

En revanche, nous avons observé assez fréquemment de violents

accès de colère.

V. - Les accidents dont nous venons de parler et la perver-

sion des instincts sur laquelle nous allons revenir tout à

l'heure étaient compliqués de stigmates physiques multiples

que nous nous bornerons à énumérer : Nystagmus, tremble-

ment des paupières et des mains, irrégularité de la voûte pala-

tine qui est ogivale à un degré prononcé, vice de la prononciation

(zézaiement), malformation des organes génitaux(hypospadias).

VI. - Nous devons tout particulièrement insister sur les

impulsions génitales très accusées chez ce malade. De bonne

IMBÉCILLITÉ ET INSTABILITÉ MENTALE. Il-)5

heure il se livra à l'onanisme, et essaya d'avoir des rapports

avec des petites filles, puis il excita les autres enfants à se livrer

à la masturbation personnelle ou réciproque. Pendant son

séjour à Bicêtre, nous avons observé des périodes de calme et

des périodes durant lesquelles ces impulsions devenaient vio-

lentes. Alors il cherchait sans cesse à attirer les autres enfants

vers lui, à les toucher, à se faire toucher, à pratiquer sur eux

la pédérastie, les embrassant sur la bouche, leur mordant le

cou. Aussi n'y a-t-il rien d'étonnant qu'il ait été une des pre-

mières victimes de l'infirmier pédéraste qui lui communiqua

la syphilis.

Il ne s'agit pas ici d'une véritable inversion du sens sexuel.

En effet, contrairement aux malades types de cette catégorie,

avant son entrée à Bicêtre et après sa sortie, il rechercha les

femmes et vola de l'argent à ses parents pour avoir des rapports

avec elles et contracta même une blennorrhagie.

Vit. - Nous avons cru devoir réunir dans le tableau suivant

le développement du poids et de la taille de notre malade,

de 4881 à 1888.

126 RECUEIL DE FAITS.

HOSPICE DE LA SALPÈTRIÈRE

Service de M. CHARCOT.

DIMINUTION ET CESSATION- DE L'USAGE HABITUEL DE LA

MORPHINE CHEZ DEUX TABÉTIQUES TRAITÉS PAR LA

SUSPENSION;

Par GILLES DE LA TOURETTE, chef de clinique, et S.-C. L.1OU1).IhIS,

externe de la Clinique des malades du système nerveux.

Dans sa Policlinique du 1 mai 1889, M. le professeur Char-

cot présentait trois malades atteints à divers degrés d'ataxie

locomotrice, tous les trois très notablement améliorés par la

suspension.

Depuis deux ans, l'un de ces malades prenait par jour un

centigramme et demi de morphine en injection hypodermique.

Les douleurs fulgurantes ayant disparu sous l'influence du

traitement il avait pu supprimer complètement l'usage du mé-

dicament.

M. Charcot insistait à ce propos sur les difficultés considé-

rables qu'on éprouve d'ordinaire à c démorphiniser » les

malades et considérait le résultat obtenu comme un véritable

succès à porter à l'actif de la suspension.

Ces considérations nous ont engagé à rapporter cette obser-

vation résumée. Nous y avons joint celle d'un autre ataxique

chez lequel la suspension eut pour effet de faire diminuer con-

sidérablement la dose de morphine. Ce dernier cas est incom-

plet le malade sous l'influence de l'amélioration obtenue ayant

acheté un appareil et n'ayant plus été revu à la clinique

Observation I. - Model, cinquante-un ans. - A ntécédcnts héré-

ditaires : père, quatre-vingt ans, bien portant. Mère morte à cin-

quante-cinq ans d'une affection du coeur. Pas d'hérédité appré-

ciable. - Antécédents personnels : rougeole à quatre ans ; pas

d'autres maladies, pas de syphilis. Marié, une fille de seize

ans bien portante.

En 1873, début de la maladie par des douleurs fulgurantes

dans les membres inférieurs. En 1883, ces douleurs apparaissent

avec une grande intensité daus les membres supérieurs; douleurs

en ceinture. La peau est le siège d'une vive hyperesthésie, le

simple frôlement des vêtements détermine de vives douleurs super-

ficielles.

TABES ET MORPHINOMANIE : SUSPENSION. 127

En 1875, diplopie qui dure six mois.

En 1888, sensation de coton sous les pieds, la marche devient

très difficile dans l'obscurité, en même temps que les jambes sont

projetées en avant d'une façon caractéristique.

Etal actuel (3 mai 1889). Démarche caractéristique; est

obligé de s'appuyer sur deux cannes ; ne peut sortir sans être

accompagné. Signe de Romberg très accentué ; abolition des

réflexes rotuliens ; signe d'A. Robertson. Troubles vésicaux.

Difficultés considérables pour uriner pendant le jour; inconti-

nence d'urine pendant la nuit. Douleurs fulgurantes très vives

dans les membres supérieurs et inférieurs survenant par

accès lors des changements de temps.

Depuis deux ans le malade absorbe tous les jours par voie

hypodermique un centigramme et demi de morphine. Le ma-

lade s'est soumis à dater du 3 avril au traitement par la

suspension dont il subit dix-neuf séances jusqu'au 17 mai 1889.

Les bénéfices du traitement se font sentir vers la douzième

séance, ils ont été en s'accentuant jusqu'à cette dernière date.

Sous son influence les douleurs fulgurantes se sont atténuées

en fréquence et en intensité. Aussi a-t-il pu progressivement se

débarrasser complètement de l'usage de la morphine. Les troubles

vésicaux et sexuels sont restés stationnaires. La marche a été

très améliorée : il a quitté ses cannes et désormais il vient seul

de la rue de Seine alors qu'auparavant il ne pouvait faire un

pas sans être accompagné. Il continue l'usage du traitement

par la suspension qui, du jour où il a été institué, n'a été accom-

pagné d'aucune autre médication.

Observation IL - Hag. Stephen, quarante-neuf ans. - Antè-'

cédenls héréditaires : Père et mère vifs, emportés. Antécédents

personnels nuls, pas de syphilis.

En 1879, début de la maladie par des faiblesses dans les mem-

bres inférieurs qui se dérobaient sous lui. En 1881, impuissance.

En 1882, le malade eut pour la première fois des crises gastri-

ques d'une grande intensité. Ces crises revenaient périodiquement

tous les mois et s'accompagnaient de vomissements alimentaires.

Chaque crise durait huit jours; pour les calmer Hag. faisait usage

de la morphine; 30 à 35 piqûres par jour renfermant, deux centi-

grammes par piqûre, parvenaient à peine à le calmer. Pendant

deux ans ces crises furent à peu près le seul symptôme appré-

ciable de sa maladie. En 1884, douleurs fulgurantes dans les

membres inférieurs auxquels elles se sont limitées jusqu'à ce

jour. Sensation de constriction thoracique et lombaire.

128 RECUEIL' DE FAITS. TA13ES ET MORPHINOMANIE.

En 1885, il a commencé à marcher difficilement surtout dans

l'obscurité; à cette époque'il entre à la maison Dubois où il est

soumis sans succès au traitement par les pointes de feu le long

de la colonne vertébrale. Pendant tout ce temps il continue à se

faire 30 piqûres de morphine par jour.

A la même époque début des troubles vésicaux; difficulté, irré-

gularité dans la miction, incontinence nocturne passagère. Défé-

cations involontaires; ces derniers troubles ont disparu il y a trois

ans, et depuis un an les troubles vésicaux se sont aussi amendés

spontanément. Mais la marche devenait, au contraire, de plus en

plus difficile; à peine le malade faisait-il quelques pas à l'aide de

deux cannes. Il diminuait également les.piqûres qui tombaient au

chiffre de 16 à 25 par jour. En 1884, à la suite d'une chute, l'arti-

culation tibio-tarsie : me gauche s'est déformée et est restée dé-

formée depuis. Depuis 1887, tous les six mois, l'ongle du gros

orteil tombe spontanément.

Etat actuel (11 mars 1889). - Incoordination motrice très

marquée : Le malade peut à peine marcher à l'aide de deux

cannes; signe de Romberg très accentué. Signe de Westphall ;

myosis ; il y a quelques jours H... a vu double.

Amaigrissement considérable : del20 livresle malade estdes-

cenduà 98. Douleurs fulgurantes très vives.-Soumisle 11 mars

au traitement par la suspension à l'exclusion de tout autre.

Dès la sixième séance grande amélioration de la marche ; à la

neuvième les douleurs fulgurantes sont moins intenses et moins

fréquentes, Le malade ne fait plus que treize piqûres de mor-

phine au lieu de seize.

Le 24 avril, jour de la vingtième suspension, le malade ne se

fait plus que dix piqûres. Les douleurs ont considérablement

diminué. La marche ne ressemble plus à ce qu'elle était au

début du traitement. Alors qu'il pouvait faire à peine quelques

pas soutenu par deux cannes, il peut maintenant faire de

longues courses, aller de l'Arc de Triomphe à la Bourse, sans

inconvénients en se reposant de temps en temps sur les bancs.

Le malade achète alors un appareil et depuis il n'a pas été

revu.

REVUE CRITIQUE

TRAITEMENT DE L'ATAXIE LOCOMOTRICE, ET DE QUELQUES

AUTRES MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX PAR LA SUS-

PENSION ; ,

Par A. RAOULT, interne des hôpitaux.

1

I. De la suspension dans le traitement du tabes. C'est

en 1882 que le D'' Motchoutkowsky 1 (d'Odessa), après s'être

servi de l'appareil de Sa;r, pour redresser la colonne verté-

brale d'un ataxique, s'aperçut au bout de quelques jours de

l'amélioration présentée par ce malade du côté des douleurs et

des symptômes d'incoordination. M. Raymond 2, professeur

agrégé de la faculté de Paris rapporta de son voyage en Russie,

les notions de ce traitement. En 1887, M. le Dr John Marshall,

professeur à l'University Collège de Londres, y faisait allu-

sion 3 dans un mémoire.

Mais c'est seulement depuis la leçon de M. le Pr Charcot à

la Salpêtrière 1, que s'est faite la renommée de ce traitement

et que son application s'est étendue. En effet, de nombreux

médecins en France et à l'étranger ont pratiqué la suspension

non seulement dans les cas de tabes, mais encore dans d'autres

affections nerveuses. Dans la plupart des services hospitaliers

de Paris, où l'on s'occupe d'affections nerveuses, on a employé

ce mode de traitement, et dans nombre de cas, les médecins

ont obtenu des résultats satisfaisants. Sur ce point, MM. les

prs Vergely et Picot (de Bordeaux) ont été des premiers à se

servir de cette méthode. MM. Abadie, Darier et Desnos en ont

1 Vracha. Saint-Pétersbourg 1883.

' Voir Dict. encyclopédique art. Tabès et Compte rendu de l'enseigne'

ment dans les universités de médecine russes {Archives de Neurologie,

1888, p. ).

3 Neul'ectasy ofNeuue Stretching for 1'elief of pain 1888.

4 Voir Progrès médical 23 janv. et 23 fév. 1889; leçon résumée par

M. Gilles de Tcurette et Leçons du Mardi, n° X, 1889.

Archives, t. iVllI. 9

- 130 REVUE CRITIQUE.

tiré de bons effets dans les paralysies oculaires. En Amérique,

MM. Dana, Hammond, Morton s'en sont occupés, ainsi que

M. le Dr Althaus en Angleterre. En Allemagne, M. Veir

Mitchell a modifié l'appareil primitivement employé.

Procédé opératoire. Voici tel qu'il a été décrit par M. le

..professeur Charcot dans sa leçon du 'le janvier :

La suspension se fait à l'aide de l'appareil imaginé par Sayre

(de New-York) pour placer le corset qui porte son nom et qui est

appliqué. pour le redressement des diverses déviations de la colonne

vertébrale. Il se compose d'une tige de fer horizontale, de 45

centimètres de longueur, portant en son milieu un anneau dans

lequel passera le crochet d'une moufle par l'intermédiaire de

laquelle s'effectueront les tractions.

La tige porte à chacune de ses extrémité un crochet, auquel

s'adapteront par une boucle, les pièces destinées à être placées

sous les aisselles du patient. Le bord supérieur de la tige présente

llig. 4. - Appareil suspenseur. ,

Suspension dans l'ataxie locomotrice. 131

de chaque côté, trois encoches dont on dira bientôt l'utilité. En

outre de la tige de fer, l'appareil comprend deux pièces latérales

pour les aisselles, une pièce médiane composée de deux pièces

secondaires servant de soutien à la tête pendant l'opération.

Ces deux parties de la pièce médiane sont de forme triangu-

laire allongée, et sensiblement pareilles; l'antérieure se place

sous le menton, la postérieure au niveau de la nuque sous l'occi-

put. On reconnaîtra la pièce antérieure à ce fait qu'elle porte

latéralement une pelte noucie

qui sert, lorsque l'appareil est

en place, à réunir les deux pièces

entre elles à l'aide d'une petite

courroie qui empêchera le collier

de glisser lorsque le malade sera

suspendu. L'application de cette

petite courroie joue d'ailleurs un

rôle assez important; il importe

en effet qu'elle soit assez serrée

pour empêcher le glissement et

qu'elle ne le soit pas trop cepen-

dant parce que dans ce dernier

cas, la compression des jugulaires

aurait pour effet de provoquer

une stase veineuse susceptible

d'amener des accidents. A cet

effet, la courroie est percée de

huit à dix trous, et l'ardillon de

la boucle se fixera du deuxième

au cinquième environ, suivant la

grosseur du cou du malade.

Il est rare qu'on soit obligé

d'interposer entre cette courroie

et la peau un corps mou, un

mouchoir, de l'ouate, de façon à

- - ? 1 -" Il n ? .1 1 -- -- ?

amwumu 1 la.LCIo uc Ja. UU 11 I ^ 1 C331U II UtICUlC. Li appil^ailUli UC3

pièces de la nuque et du menton est assez délicate et exige,

quelques soins. Elle devra varier quelque peu suivant la grosseur

de la tête et du cou du sujet.

En ce qui regarde la grosseur de la tête, on fera varier les di-

mensions du collier en plaçant la boucle supérieure de la pièce

dans le premier, le deuxième, ou le troisième des crans ou en-

coches qui se trouvent sur le bord supérieur de la tige de fer ; plus

la tête est volumineuse plus la boucle doit être placée en

dehors.

Il est parfois nécessaire, lors des premières séances, chez les

individus sensibles, trop gros ou trop maigres, d'interposer un

Fiy. a. - Appareil en place

pour la tète.

132 REVUE CRITIQUE.

corps mou entre le menton et la pièce qui est destinée à le sou-

tenir.

Voici donc la tête en place. Il reste encore à placer les pièces

des aisselles; au premier abord, elles pourraient sembler de peu

d'importance ; cependant elles doivent en réalité être considérées

comme les véritables régulateurs de la suspension. Il est nécessaire

en effet que pendant l'élévation, la traction ne porte pas unique-

ment sur la tête et sur le cou, car en pareil cas la suspension ne

serait pas tolérée; il faut donc que le corps trouve quelque part

un appui, mais d'un autre côté, il ne faut pas que ce point d'appui

empêche l'élongation de la colonne vertébrale de se faire. En vue

de cela, les pièces des aisselles, qui présentent la forme d'un

ovoïde matelassé à son extrémité inférieure, sont munies en haut

d'une courroie qui peut s'allonger ou se raccourcir à volouté sui-

vant la taille ou le poids du malade.

Le jeu de cette courroie, on le comprend, est très important.

En effet, lorsque la pièce axillaire est trop courte, il peut se pro-

duire une compression des troncs nerveux susceptible de détermi-

ner des fourmillements, des engourdissements, nécessitant l'inter-

ruption de la séance. Lorsque la pièce est trop longue, au contraire,

le tiraillement des muscles de la nuque devient intolérable, le

corps ne trouvant pas un point d'appui suffisant.

On devra donc, chez chaque nouveau sujet, procéder par tâton-

nements, et, au bout de deux ou trois séances en général, on sera

fixé sur le cran où s'appuiera par en haut la pièce de la tête, sur

la longueur qui devra être donnée à la courroie destinée à unir

les pièces du menton et de la nuque, et à celles qui attachent à

la tige de fer les pièces axillaires.

L'appareil étant bien disposé, le médecin commande à un aide

de tirer sur la corde qui passe sur la poulie de la moufle, douce-

ment, progressivement, sans secousses, évitant une élévation trop

brusque afin d'habituer peu à peu en quelque sorte les muscles du

cou à la traction qu'ils vont supporter. On doit engager le malade

à éviter autant que possible les mouvements qui se produisent

instinctivement, au moment où il sent qu'il quitte le sol; on devra

éviter aussi les déplacements latéraux, les mouvements de torsion

qui pourraient se produire.

Le malade ayant quitté le sol, de telle façon que la pointe des

pieds ne puisse Je rencontrer, l'opérateur le soutient légèrement

afin d'empêcher les oscillations. Dans le même temps, il fixe les

yeux sur une montre à secondes pour régler minutieusement la

durée de la séance. Pendant que le patient est ainsi suspendu, on

lui commande de temps en temps d'élever les bras doucement

vers l'horizontale de façon à rendre, si celte pratique est tolérée,

la suspension et la traction plus effectives.

Nous pensons que la plus longue séance ne doit pas dépasser

SUSPENSION DANS L'ATAXIE LOCOMOTRICE. '133

- Fig. 6. Le malade s21sl)e7z(lii : mouvements latéraux des bras. -

trois ou quatre minutes; ce chiffre de trois minutes étant pris

134 ' REVUE CRITIQUE.

comme moyen terme. On commence le traitement par des séances

de une demi-minute à une minute, et progressivement, on arrive

au chiffre supérieur indiqué, lequel ne doit généralement pas être

alteint avant la sixième ou la huitième séance.

A cet égard encore, il faut tenir compte de certaines suscepti-

bilités individuelles et de particularités inhérentes, surtout au poids

~du malade. Alors par exemple qu'on n'éprouve aucune difficulté à

faire tolérer d'emblée deux minutes de suspension à des malades

pesant de 60 à 70 kilog., il n'en est plus de même chez des sujets

qui pèsent 80, 90 kilog., et plus. Chez ces derniers, la traction qui

s'exerce sur les muscles de la nuque est très forte, douloureuse

même par fois, pendant toute la journée qui suit la séance, ce

qui ne doit pas être quand l'opération est bien conduite. Il est des

malades chez lesquels le désir d'être soulagé est si impérieux qu'ils

se croient en quelque sorte obligés de tout supporter sans se

plaindre : mais en réalité l'opération ne doit entraîner ni douleur.

ni fatigue, sous peine d'être inefficace.

Les séances ont été faites tous les deux jours, l'expérience ayant

démontré que les séances quotidiennes étaient moins favorables.

L'heure paraît importer peu. Lorsque le nombre des minutes fixé

à l'avance s'est écoulé, le médecin commande de lâcher peu à peu

la corde, de façon à ce que le patient descende lentement sans

secousses. Lorsqu'il a touché le sol, on le soutient un instant pendant

qu'on enlève les diverses pièces de l'appareil, et on l'asseoit en-

suite, pendant quelque minutes, dans un fauteuil où il prend du

repos.

Quelques détails d'ordre secondaire méritent d'être signalés en-

core. Le malade doit, au moment d'être suspendu, quitter son

vêtement de dessus, de façon à avoir les bras libres ; le cou doit

être à nu, ou du moins ne pas être serré dans un col étroit, afin

d'éviter une compression qui pourrait avoir des effets fâcheux.

L'appareil de Sayre comporte, outre les pièces indiquées, un

trépied portatif à branches démontables muni à sa partie supé-

rieure d'un crochet auquel se fixe la moufle sur laquelle passe la

corde de traction. L'usage de ce trépied peut être excellent pour

appliquer un corset chez les personnes dont la station debout est

normale ; mais il n'en est plus de même chez les ataxiques qui

souvent oscillent sur leurs jambes et qui, menacés de perdre l'équi-

libre saisissent parfois convulsivement, dans le but d'y trouver un

appui, les branches du trépied qu'ils pourraient renverser.

Tous les médecins ne se sont pas servis du même appareil.

D'après M. Lespinasse ', * le système actuellement en vigueur

à l'hôpital Saint-André, de Bordeaux, dans les services de

'.Gazette itebd. des sc. med. de Bordeaux, 24 fév. 1889. p. 98.

SUSPENSION DANS 1/ATAXIE LOCOMOTRICE. '135

les PI-3 Vergely et Picot est encore plus économique. Il se

réduit à nne traverse en bois s'appuyant sur deux lits. Deux

linges roulés en cylindres, placés aux extrémités servent de

brassières, et au milieu, une double cravate en toile assure le

maintien du menton et de la nuque. L'appareil deM.Hammond 1,

était, à l'origine, semblable à celui de M. Charcot; depuis, il l'a

modifié. C'est ainsi qu'il ne porte la traction que sur le men-

ton et l'occiput, attachant les deux frondes qui soutiennent ces

deux parties à l'extrémité du fléau d'une balance, afin de con-

naître le poids utilisé pour la traction. Au début, il n'utilise

qu'un poids de 75 à 80 livres, en ne soulevant pas entièrement

le malade de terre. Chaque jour, on augmente la traction,

jusqu'à ce que les pieds du malade ne portent plus à terre. Les

résultats seraient plus rapides qu'en attachant en même temps

la racine des bras.

M. Veir Mitchell 2 a modifié l'appareil de Sayre comme suit :

les pièces axillaires sont remplacées par des sortes d'écharpes

qui s'adaptent aux coudes fléchis par lesquels les malades sont

maintenus. De plus, l'appareil est muni d'un double système

de moufles, l'un pour l'élévation du corps par les coudes

collés au corps, l'autre pour la traction par la tète seule. Cet

appareil réaliserait ces avantages : de ne pas comprimer les

vaisseaux et nerfs du creux axillaire, et de graduer l'intensité

de l'extension de la tête, permettant ainsi de donner à la sus-

pension telle durée que l'on voudrait, sans inconvénient

immédiat.

Le traitement, qui ne saurait avoir la prétention de guérir

l'ataxie, enraye manifestement les symptômes douloureux et

la plupart des troubles moteurs du tabes. Chaque suspension a

lieu, nous l'avons vu tous les jours, durant 1/2 minute ou une

minute au plus, et augmentant de durée chaque jour, mais ne

dépassant jamais 8 à 10 minutes. L'amélioration manifeste des'

troubles ataxiques se produitrarement avant la 8°ou'10° séance;

quelquefois il faut arriver à la 20e avant que les malades ne

ressentent quelque amendement. Ce dernier porte dès les pre-

miers effets de la suspension, sur l'incoordination motrice,'

puis sur les douleurs fulgurantes, l'anesthésie plantaire, sur les'

troubles viscéraux et l'impuissanee sexuelle. M. le l'r Charcot

' New-York, mtid. journal. 12 mai 1889, p. 510. z

' Voir art. Biocq, in Bulletin médical,' 9 juin 1889, p : 'i28." - .. ' ?

13G REVUE CRITIQUE.

n'a jamais observé le retour des réflexes rotuliens. Voici dn

reste comment il s'exprime à ce sujet :

Nous rappelons que tous ces malades étaient des tabétiques

avérés, déjà avancés dans le mal, et chez lesquels, par conséquent,

le diagnostic avait pu être nettement établi. Chez presque tous,

l'amélioration a commencé d'abord à porter sur la marche, sur

'l'incoordination. Elle s'est fait sentir dès les premières séances.

Les malades nous ont dit souvent qu'aussitôt après la séance la

marche est plus facile, plus assurée. Cette amélioration ne dure

d'abord que deux ou trois heures ; mais après un certain nombre

de séances, elle se prononce et devient permanente. Les malades

se tiennent beaucoup plus facilement debout, ils peuvent marcher

sans aide, sans cannes, faire des courses assez longues, etc. La

disparition du signe de Romberg, lorsqu'elle a eu lieu, a été

presque toujours un phénomène tardif. Dans aucun cas, nous

n'avons vu reparaître les réflexes rotuliens. Les troubles vésicaux

ont été modifiés heureusement dans la plupart des cas, à la vérité

souvent d'une façon tardive. La miction s'est régularisée, elle est

devenue plus facile. L'incontinence a disparu, ou s'est pour le

moins considérablement atténuée. Chez quelques malades, les

fonctions vésicales sont redevenues normales. Il en a été quelque-

fois de même de l'impuissance, cette manifestation si fréquente

du tabes et qui impressionne si fâcheusement les malades.

Les douleurs fulgurantes doivent être citées parmi les symptômes

qui ont semblé le plus souvent bénéficier du traitement par la

suspension ; ce résultat a été souvent obtenu dès les premières

séances. Il a été facile à apprécier dans plusieurs cas où les dou-

leurs étaient devenues presque continues et empêchaient le som-

meil. Nous ne devons pas oublier que, plusieurs fois, la sensation

d'engourdissement des pieds s'est atténuée ou a disparu et que,

chez deux malades, des plaques d'anesthésie plantaire sont deve-

nues sensibles. Enfin il nous a semblé que l'état général lui aussi

s'est le plus souvent amélioré et que le sommeil, fréquemment,

est devenu meilleur, circonstance qui ne nous a pas paru devoir

être uniquement attribuée à la disparition des douleurs fulgurantes.

Les cas de M. Motchoutkowsky cités par M. Charcot, sont au

nombre de quinze. Chez l'un d'eux, la marche s'exécutait plus

facilement au bout de 29 séances, les douleurs fulgurantes

étaient devenues plus rares. Lorsque le traitement fut terminé

(97 suspensions) :

c 1° Les douleurs fulgurantes avaient complètement cessé d'exis-

ter ; 2° diminution extrêmement remarquable de l'incoordination

motrice pendant la marche. Le malade, sans ca,nne, peut monter

suspension dans l'ataxie LOCOMOTRICE. 137

facilement un deuxième étage; 3" les troubles permanents de la

sensibilité qui existaient aux membres inférieurs, et en particulier

les sensations de froid et les fourmillements qui étàient très pé-

nibles ont complètement disparu. Disparition des douleurs en

ceinture. Retour de la sensibilité normale; 4° le signe de Romberg '-

n'existe plus; 5° augmentation légère du volume des muscles des

membres inférieurs qui commençaient à s'atrophier.

Le traitement n'a pas eu d'effet sur le poids du corps, non plus

que sur l'état des réflexes rotuliens qui restent toujours absents.

Aucune modification n'est survenue dans le myosis. Par contre,

retour des fonctions sexuelles autrefois complètement abolies.

Dans une lettre qu'il a bien voulu m'adresser récemment, M. le

Dr Motchoutkowsky m'apprend que ce malade qui, depuis près de

cinq ans, a cessé tout traitement, exerce actuellement à Odessa

les fonctions de chef de la station des voitures publiques ; il est

obligé de faire tous les jours des courses de 3 à 5 kilomètres. Les

douleurs fulgurantes n'ont pas reparu. »

Chez les autres malades, les résultats ont été excellents, et

l'amélioration semblait surtout porter sur la diminution des

douleurs et le retour des fonctions sexuelles. M. le Pl' Charcot

a cité dans sa leçon cinq observations. Chez le premier malade

dont l'ataxie remonte à cinq ans, avec crises de douleurs ful-

gurantes très vives, incoordination motrice, marche et miction

difficiles, signe de Romberg, impuissance sexuelle depuis un

an, absence de réflexes rotuliens; dès la 2" séance, l'améliora-

tion s'est manifestée dans la marche et dans la miction. Depuis

les douleurs fulgurantes ont à peine reparu. Après la '18° séance,

le signe de Romberg et l'incoordination ont disparu. Après la

23°, le malade a eu pour la première fois depuis longtemps une

érection, lesréflexes après la 33° suspension manquent toujours.

Le second malade était atteint d'ataxie depuis cinq ou six

ans, avec douleurs fréquentes, démarche tabétique depuisun an,

absence des réflexes rotuliens, signe de Romberg, signe d'Argyl

Robertson, difficulté de la miction, et impuissance. Après

la 2e séance, la marche paraît plus facile : après la huitième,

celle-ci se fait mieux dans l'obscurité, la miction est moins

lente ; après la 20° on note le retour des érections. Après la 36°

le malade peut faire de longues courses à pied, les douleurs

fulgurantes sont toujours absentes. Le signe de Bomberg est

presque disparu, mais les réflexes ne sont pas revenus. - Le

troisième malade depuis deux ans avait du dérobement des

des membres inférieurs, des douleurs fulgurantes depuis un an,

138 REVUE CRITIQUE.

des mictions fréquentes avec incontinence parfois, sensation

de coton dans les membres inférieurs, absence de réflexes

rotuliens, érections rares et imparfaites. La marche s'est amé-

liorée après la 4° séance et le besoin d'uriner est devenu moins

fréquent; après la 7° le malade sent mieux le sol, marche mieux;

-enfin après la 24°, il fait d'assez longues courses, sans se servir

de canne, les douleurs vives ont disparu, l'engourdissement

des membres a cessé, il n'y a plus d'incontinence d'urine, et

les érections sont plus fortes et plus durables. L'amélioration

se fait de même dans les deux dernières observations.

Depuis sa leçon du 18 janvier, M. Charcot a donné la statis-

tique des faits du tabes qu'il a traités par la suspension.

Le 15 mars 1889, il compte z114 cas dont trois femmes;

64 doivent être éliminés, parce qu'on ne les a pas suivis assez

longtemps. Il reste 50 cas sur lesquels on peut compter

38 améliorations notables, 9 échecs après 15 à 20 suspensions et

plus, et 5 accidents divers, pour lesquels on a interrompu les

séances.- M. Abadie 1 a pratiqué plusieurs fois la suspension

chez les tabétiques : dans un cas, les troubles de la miction ont

cessé rapidement, et il a obtenu des résultats encourageants au

point de vue des troubles visuels. Les remarques de M. Desnos

concordent avec ces observations de M. Abadie. Les observa-

tions de M. Lespinasse (loc. cit.) sont au nombre de deux. Chez

le premier malade, la diminution des douleurs s'est faite au

bout de la 4° séance; après la 5°, le signe de Romberg existait à

peine; et après la 6°, l'incoordination a complètement cessé et

les désirs génésiques sont revenus. La seconde malade, qui ne

pouvait se lever de son lit, a pu se tenir debout quelques ins-

tants après la 6° suspension, et après la 7°, les douleurs fulgu-

rantes ont disparu. Nous n'avons pas trouvé en France, d'autres

statistiques publiées sur ce sujet; nous pouvons seulement dire

que dans la plupart des services hospitaliers de Paris, où on

pratique la suspension, on a reconnu des améliorations réelles

dans les symptômes présentés par les ataxiques. Signalons

parmi ces services, ceux de M. le P'' Damaschino à l'hôpital

Laënnec, de MM. Raymond et Moutard-Martin à Saint-Antoine,

Un cas assez curieux a été noté dans les salles de ce dernier

médecin : c'est celui d'un tabétique atteint de troubles moteurs

oculaires chez lequel ceux-ci ont diminué depuis qu'on l'a

soumis à la suspension. Chez un autre malade, les crises gas-

1 Voir Progrès médical 27 avril 1889, p. 320.

SUSPENSION DANS L'ATAXIE LOCOMOTRICE. '

triques sont devenues bien moins fréquentes. Dans les jour-

naux américains, nous avons pu récolter un certain nombre

d'observations du mode de traitement dont il s'agit. M. le

D'' W.-J. Morton ' a soigné six ataxiques par ce procédé

(200 suspensions en tout) et obtenu de bons résultats; il donne

l'observation d'un malade, chez lequel l'incoordinatian a beau-

coup diminué, qui marche fort bien, et ne ressent plus aucune

douleur. - M. le D'' Dana 2 cite 6 cas d'ataxie traités; chez un

ataxique, après 16 séances, les douleurs ont diminué dans le

membre inférieur, et la marche est devenue plus facile. Chez

un second, après 10 suspensions il y a eu soulagement léger.

Enfin, chez un troisième, après 7 séances, on n'observait pas

encore de diminution des douleurs. Il signale ce fait, déjà

mentionné par M. Charcot, c'est que : la sensation de soulage-

ment et le retour de la coordination motrice se font sentir

aussitôt après chaque séance et durent plusieurs heures après

celle-ci, quelquefois une journée, pour cesser ou toutaumoins

être moins sensibles la journée écoulée. M. le D'' W.-A. Ham-

mond 3 a employé la suspension dans 5 cas, tous les malades

en ont retiré un bénéfice très marqué. Les douleurs fréquentes,

l'impotence sexuelle ont disparu : l'incoordination motrice, le

signe de Romberg ont cessé d'exister. Un malade atteint d'in-

continence d'urine a vu cesser cette dernière après 3 séances.

Un autre, souffrant de vertiges et de douleurs céphaliques con-

tinuelles, a été soulagé de ces phénomènes douloureux. Un

troisième, soigné depuis 6 semaines, ne présente plus que de

la contraction pupillaire, l'absence du réflexe patellaire, et un

peu d'incontinence d'urine, qui disparaît progressivement. M. le

D'' Simpson4 a soigné deux malades par la suspension; l'un

d'eux confiné antérieurement au lit, marche sans l'aide d'une

canne, et n'a plus de douleurs fulgurantes; l'autre, qui depuis

six mois avait été obligé de cesser toute occupation, se sent fort

et capable de travailler sous peu de temps. M. le Dl' E. Wartz-

felder 5 a traité cinq ataxiques par la méthode; tous en ont

retiré de bons résultats; un seulement n'a pas en d'améliora-

tion du côté des douleurs fulgurantes au bout de 24 séances.

'Médical Record N-. Y. 13 avril. - Voir Progrès médical, 27 avril 1889. ! Médical Record, N.-Y. 13 avril.- Voir Progrès médical, 21 avril 1889.

3 New-York Médical Journal, 12 mai 1889, p. 510.

. Canadien pl'actitionel', 1" juin 1889, p. 213.

s.llecl.·ecord., 8 juin 188l1, p. 629.

140 REVUE CRITIQUE.

II. De la suspension dans les maladies nerveuses autres que

le tabes. Dans ses expériences sur le tabes. M. Motchout-

kowsky avait remarqué l'action de la suspension sur le retour

de l'activité sexuelle, fait, dit M. le P'' Charcot, déjà connu et

utilisé dans certains lieux peu recommandables, par des indi-

vidus épuisés ou âgés, cherchant à retrouver quelque semblant

de jeunesse passagère. Le D'' Motchoutkowsky a obtenu de

bons résultats de la méthode dans plusieurs cas d'impuissance

sexuelle chez de jeunes sujets. Dans le service deM. le P'' Char-

cot, la méthode a été appliquée à 8 sujets atteints de paralysie

spasmodique, à 3 affectés de maladie de Friedreich, et à 4 cas

de paralysie agitante. Les malades atteints deparaplégie spas-

modique ont bien supporté la suspension; et chez plusieurs

d'entre eux la rigidité des membres inférieurs est devenue

moindre; dans un seul cas de sclérose en plaques sont sur-

venus des accidents. Les malades atteints de maladie de

Freidreich n'ont tiré aucun bénéfice appréciable de la suspen-

sion, sauf dans le cas d'unejeune fille de treize ans, soignée

par M. Blocq. Dans le cas de paralysie agitante, après l'appli-

cation du traitement (7 à 23 séances), le sommeil est devenu

meilleur, la sensation de chaleur a diminué, la rigidité des

membres et les douleurs se sont atténuées; chez une malade,

le phénomène d'antépulsion a disparu; mais le tremblement

a subi peu de modifications. Des effets favorables se sont pré-

sentés dans deux cas d'impuissance liés à la neurasthénie.

L'amélioration dans les cas de paralysie agitante, de myélite

transverse, d'hémiplégie cérébrale, de maladie de Freidreich,

a été aussi notée par le Dl' Dana.

M. le Dr Hammond a noté aussi de l'amélioration dans un cas

de sclérose médullaire antéro-latérale, et, dans deux cas, d'im-

potence fonctionnelle. M. le Dr E. de Rienzi 1 a soigné, par la

suspension, une malade atteinte de méningo-my élite chro-

nique ; au bout de quelques séances les douleurs ont disparu,

la malade a pu commencer à marcher. Citons encore les expé-

riences de M. le Dr Darier 2, qui aurait obtenu de bons résul-

tats dans des cas d'atrophie du nerf optique, par la suspension.

On ne peut se rendre compte dans certains cas de cette affec-

tion, notamment dans ceux dus à de la compression, comment

peut agir cette méthode de traitement.

' lievista clinica et therapeutiea, mars 1889, p. 163.

' Revue d'ophtalmologie et We/tp)' med. prep.

SUSPENSION DANS L'ATAXIE LOCOMOTRICE. il 41

III. - Mode d'action de la suspension. On ne peut encore

savoir réellement quel est le mode d'action de la suspension

dans le tabes et les autres affections médullaires; on ne peut

encore qu'émettre des hypothèses. M. Charcot, avec M. Mot-

choutkowski, compare cet effet à l'élongation des nerfs telle

qu'on l'a pratiquée dans les névralgies sciatiques; il s'y ajou-

terait des modifications dans la circulation sanguine spinale.

« Il est bon de rappeler que la suspension a pour effet, en

dehors de tout état morbide d'augmenter le nombre des respi-

rations par minute en même temps que l'amplitude et la force

tant des inspirations que des expirations sont diminuées. Le

pouls devient plus fréquent, et la pression artérielle paraît

plus élevée qu'à l'état normal. » Pour M. Althaus ', la suspen-

sion déchire les adhérences méningitiques qui entourent les

cordons postérieurs, ce qui rend aux tubes nerveux une con-

ductibilité meilleure, surtout aux plus superficiels. Cette

théorie semblerait trouver un appui dans ce fait que la suspen-

sion agit mieux dans les cas anciens que dans les cas récents,

et que dans ceux-ci elle produit des phénomènes inflamma-

toires. La suspension agirait, d'autre part, sur la névroglie

scléreuse et dense, fibreuse, en la relâchant et la rompant, d'où

diminution de la compression des tubes nerveux subsistants.

M. Althaus pense, en outre, que la méthode a souvent une

grande influence sur le bulbe, stimule les centres vaso-moteurs,

cardiaque et digestif.

IV. - Dangers et contre-indications . - Depuis que les tra-

vaux que M. le Pr Charcot ont tiré de l'oubli la suspension, la

presse même extra-médicale s'est emparée du fait; la renom-

mée de ce traitement s'est propagée rapidement, et nombre de

malades le réclament. Il est donc nécessaire que le médecin

sache quand il faut l'appliquer, et se rende compte de ses con-

tre-indications. Il paraît maintenant prudent pour le moins,

dit M. le D'' Blocq e, que l'application de ce traitement soit tou-

jours confiée à un médecin, ou à un aide expérimenté.

M. Charcot, dans sa leçon, signalait déjà un certain nombre

de malades, qui venaient apprendre dans son service, le Modus

fasciendi de la suspension, et qu'on ne revoyait plus, conti-

nuant sans doute le traitement chez eux. En effet, déjà plu-

z Lancet 13 avril 1889 p. 760. Voir Prog.' médical, 27 avril, p. 13U.

'Blocq. Bulletin médical, 9 juin 1889. P. 727.

.142 REVUE CRITIQUE.

-sieurs accidents mortels ont été mentionnés, qui pour la plupart,

ne se seraient pas produits si un médecin eût été présent.

Un cas a été relaté dans the Lancet ', celui d'une femme

s'étant étranglée dans ces mêmes conditions. Même cas est

celui d'un jeune médecin de New-York 2, le Du Vincent,

qui se suspendait lui-même. M. le D'' Blocq signale aussi

un accident dont il tient la relation du Du E. Bloch ; il

s'est produit chez un tabétique présentant des signes de para-

lysie générale. Le médecin, après avoir pratiqué les premières

séances, laissa le malade continuer le traitement sans sa sur-

veillance. Il apprit à quelque temps de là, qu'il s'étant

suspendu lui-même, était tombé dans une sorte de coma

et mort au bout de 24 heures. Le D'' Gorechi' 3 relate un

cas de mort chez un tabétique avec paraplégie, qui, ayant lu

dans le Petit Journal un article sur la méthode, se faisait sus-

pendre tous les jours par son domestique pendant 2 ou 3 mi-

nutes. Il succomba, dans les 24 heures, à la suite d'une séance.

Outre ces accidents mortels, des phénomènes plus ou moins

graves peuvent s'observer 4. M. Charcot en a publié plusieurs

dans sa leçon : z10 un oedème des membres inférieurs sans

lésion orificielle du coeur à la suite de la 17e séance chez un

ataxique athéromateux; po des crises laryngées avec lipothymie,

et même une fois une véritable syncope chez un tabétique âgé

de cinquante et un ans; 3° une syncope chez un autre malade;

4° des symptômes parétiques aggravés à la suite du traitement;

5° une paralysie radiale, passagère sans doute due à la com-

pression ; 6° rupture d'une artériole athéromateuse due à la

compression exercée sur l'aisselle. M. le D'' Hammond a observé,

'à la suite de la suspension : des vertiges, de la parésie passa-

gère des membres supérieurs.

Nous le répétons, la suspension doit être surveillée avec soin

par le médecin. et celui-ci doit se rendre compte des contre-indi-

cations. Avecle Du Blocq3, nous les rangerons soustrois chefs :

1° modalités particulières à l'état général ; 2° affections des sys-

tèmes cardio-vasculaire et nerveux ; 3° certaines lésions locales.

1 The Lancet, juin 1889, p, 119. ? 1'ctu-I-or/ : mctl. joumu., 18 mai l8S;l, Il, : )\0 et British ilied. journ.,

1" juin 1889, p. ]2îi, et Bulletin médical, juin 1889. p. 718.

3 Le Praticien.

1 Voir Revue dlt ! l ! /iènc thérapeutique, nif.i 1889, n" ? p. 150.

5 Bulletin, méd. loc. cif.

SUSPENSION DANS L'ATAXIE LOCOMOTRICE. 143

t° La débilité organique, quelle qu'en soit la cause, eL défavo-

rable à la suspension. Il en est de même de l'anémie, de l'oedème,

de l'obésité ; dans ce cas, il serait préférable de se servir d'un appa-

reil analogue à celui de M. Weir Mitchell.

2° L'emphysème, la phtisie pulmonaire, surtout lorsque ces affec-

tions s'accompagnent d'oppression.

La suspension entraînant une plus grande fréquence respiratoire.

Les troubles cardio-vasculaires sont une contre-indication ; tels

sont : l'athéi,onie très prononcé, pouvant entraîner la rupture des

vaisseaux axillaires par les courroies, des congestions, l'apoplexie

cérébrale ; les lésions valvulaires du coeur, la sclérose du myocarde

pouvant influencer la dyspnée, la tendance syncopale. Du côté

des troubles nerveux, on n'est pas encore bien fixé quant aux

contre-indications qu'ils fournissent. On ne peut' affirmer que les

phénomènes spasmodiques chez les névropathes puissent s'aggraver

par la suspension. Les vertiges qui s'observent chez certains ma-

lades pendant les séances, se dissipent d'après M. Motchoutkowsky,

quand on les fait causer pendant la durée de la suspension.

3° Enfin, il est bon d'examiner l'état des dents qui, lorsqu'elles

sont trop ébranlées, peuvent empêcher l'application de la fronde.

D'autre part, il faut interroger le malade, au point de vue de la

tendance aux fractures spontanées qui pourraient se produire du

côté du maxillaire inférieur.

En l'état actuel de nos connaissances sur la suspension, on

ne peut encore se prononcer d'une façon définitive sur les

avantages réels de ce traitement, les accidents, nous l'avons

vu, peuvent être évités par une surveillance soigneuse du

malade pendant les séances et la connaissance des contre-indi-

cations que l'on peut rencontrer. La suspension améliore cer-

, tainement les ataxiques et certains autres individus atteints

d'affections nerveuses diverses; mais guérit-elle les tabétiques ?

Ou tout au moins l'amélioration est-elle durable ? On ne pos-

sède pas encore assez d'observations pour pouvoir se prononcer

sur ce point. Toutefois, M. Charcot a mentionné le cas d'un

malade observé par M. Motchoutkowsky, qui depuis près de

cinq ans a cessé tout traitement, et qui fait tous les jours des

courses de 3 à 5 kilomètres. Il faut espérer que, avec le temps,

ne cesseront pas les améliorations manifestes déjà observées,

et que des cas semblables pourront être encore réunis.

REVUE DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE

I. ETUDE analytique au MOYEN DE l'excitation ÉLECTRIQUE DES

RÉGIONS MOTRICES DU CERVEAU DU SINGE (MACACUS SINICUS);

par Ch. BEEVOR et V- HORSLEY (Philosopla. Transact. of. the

royal Soc. of. London).

Il faudrait, pour analyser cet important travail, le citer

mot pour mot, car c'est l'exposé succinct de chacune des ex-

périences de l'auteur. On en aura une plus juste idée en consi-

dérant la figure ci-jointe qui montre le point exact de l'exci-

tation produisant les différents mouvements des membres ou

de la face, et de plus l'ordre de succession dans ces mouve-

ments.

H. LES LOBES occipitaux dans LEURS rapports avec LES fonctions

0CUL0-M0TR1CES CHEZ LES ANIMAUX NOUVL.%U-NS OU TRÈS JEUNES ; i

Fig. 7. Montrant la marche et la succession de la contraction mus-

culaire aux points qui paraissent être le plus constamment l'origine

de cette succession. Les lettres indiquant les parties mises en mou-

vement sont placées dans l'ordre des mouvements successifs.

c, cheville. Y, 'eu'\ : . - y. yeux ouverts. C. coude. D, tous les doigts.

1. index. T, tète tournant du côté opposé. H, hanche. 0, 0, gros orteil.

G, genou. E, épaule. p, pouce, t, tous les orteil. o, petits orteils.

Y, poignet.

REVUE DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE. 145

par M. D\nillo (du labora'oire de M. llierziejewshy) W¡'atseh,

1888, ni 48. .

On connaît déjà les expériences de Luciani, Tamburini, Ferrier

et d'autres sur la région de la sphère optique de Munk chez les

animaux adultes. M. Danillo a entrepris une série d'expériences

analogues sur de petits chats et de petits chiens âgés de un à cinq .

mois. La première expérience portait sur un de ces animaux

avant le troisième mois de la vie extra-utérine : on a soumis la

subslance corticale de ses lobes occipitaux à une excitation par

un courant induit fort et prolongé ; comme résultat : absence

complète de réactions motrices du côté des membres et des yeux. '.

Ce n'est que plus tard, au début du cinquième mois que l'auteur a

pu obtenir par l'excitation de la substance corticale du milieu des

circonvolutions occipitales une déviation conjuguée des yeux du

côté opposé à l'hémisphère excité, avec cette remarque, cepen-

dant, que la force du courant et la durée de l'excitation doivent

être beaucoup plus considérables pour cette région que pour la

zone psychomotrice. Pour la substance blanche des lobes occipi-

taux, les résultats diffèrent. Ainsi, l'excitation de cette substance

détermine à partir du second mois une déviation conjuguée des

yeux. Celle déviation s'obtient soit après avoir enlevé la couche

corticale, soit par des électrodes isolés, introduits à un centimètre

de profondeur, et, dans ce dernier cas, elle est d'autant plus pro-

noncée que l'on enfonce plus profondément les électrodes dans

la substance blanche. Quand on produit une excitation bi-latérale

et simultanée, la déviation se manifeste du côté de l'hémisphère

soumis à l'action du courant le plus fort, et on n'obtient aucune

déviation si, dans ces conditions, les courants sont de force égale.

Mais on pouvait se demander si la substance corticale de la région

psychomotrice ne joue pas un rôle important dans la production

des phénomènes résultant de l'excitation de la substance blanche

des lobes occipitaux : Dans ce but, l'expérimentateur excise la

substance grise de la région psychomotrice et excite ensuite la

substance blanche des lobes occipitaux : la déviation des yeux appa-

rait avec ses caractères habituels. Elle apparaît encore lorsqu'on

excite la substance blanche des lobes occipitaux après avoir fait une

section transversale de un centimètre et demi de profondeur, sépa-

rant les lobes antérieurs des lobes postérieurs ou après avoir pra-

tiqué des sections longitudinales de même profondeur le long de la

première circonvolution occipitale ou de la circonvolution an-

gulaire, parallèlement à la scissure interhémisphérique. Enfin ,

quand on met à nu la substance blanche de la région psychomo-

trice et quand on l'excite par des courants même très forts et

très prolongés, on n'obtient aucune déviation oculaire.

Ces expériences parlent, d'après M. Danillo, en faveur des

Archives, t. XVIII. 10

146 REVUE DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

conclusions suivantes : Les lobes occipitaux paraissent dépourvus

de centres analogues à ceux de la région psychomotrice. L'opi-

nion de Ferrier d'après laquelle les mouvements oculaires

observés dans l'excitation du lobe occipital sont le résultat de

sensations optiques subjectives ne peut être considérée comme

exacte, car après la suppression totale de la substance grise, ces

mouvements se produisent, avec une identité parfaite, sous l'in-

lluence de l'excilation de la substance blanche. Les résultais

obtenus après les sections transversales et longitudinales de même

qu'après l'enlèvement total de la substance grise montrent que

les centres de la déviation conjuguée des yeux doivent se trouver

non pas dans les régions psychomotrice et occipitale, mais plus

bas. Enfin, chez les animaux âgés de moins de cinq mois, la

région psychomotrice est dépourvue de la zone des mouvements

oculaires J. HOUlll : -10VITCII.

III. Sur LES troubles DES sensualités générale et spéciales dans

CERTAINES FORMES DES MALADIES MENTALES, par M. fI`7FELSTEI\.

, (W1'atsch, 1888, 31, 36, 37,.lui6 et 48.)

L'auteur a étudié 24 aliénés au point de vue de leurs sensibilités

générale et spéciales. Il est arrivé aux conclusions suivantes : Les

troubles de la sensibilité générale et leur durée se trouvent sous

la dépendance de l'état psychique du malade. Si l'état psychique

est stationnaire, les troubles de la sensibilité générale le sont

également et peuvent exister pendant des années. Mais, qu'il

survienne une modification dans l'état psychique du malade,

immédiatement l'état de la sensibilité change. Quant aux troubles

fonctionnels des organes des sens, la première place appartient

à l'appareil oculaire qui présente très souvent du rétrécissement

du champ visuel. On observe aussi, mais moins fréquemment,

des troubles gustatifs, acoustiques et olfactifs. J. RoumnoYiTcn.

]V. MÉMOIRE sur l'arrêt DES hémorrhagies DE l'artère cérébrale

MOYENNE ET DE SES BRANCHES PAR LA COMPRESSION DE L'ARTÈRE

carotide primitive; par WALTEII G. Spencer, chirurgien, assistant

de Vi'estminster hospilal et VicLor Horsley, professeur de

pathologie à University Collège de Londres.

Les auteurs rangent les hémorrhagies sous trois chefs : a, l'hé-

morrhagie est assez abondante pour amener une mort subite ;

b, l'hémorthagie est très minime et s'arrête immédiatement;

e, l'hémorrhagie continue pendant un temps plus ou moins long.

Ils pensent qu'on peut tenter un traitement actif contre la troi-

sième catégorie.

REVUE DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE. 147

Au point de vue anatomiqne, ils font remarquer que l'artère

sylvienne et ses branches, principalement l'artère de l'hémor-

rhagie cérébrale de Charcot, sont sous la dépendance directe du

courant sanguin de l'artère carotide. Et ils ont entrepris des expé-

riences sur les singes (macacus sinicus) pour vérifier cette donnée

généralement admise. ,

Après avoir éthérisé un singe, ils mettent à nu le territoire de

l'artère cérébrale moyenne et noient J'état de la circulation de la

branche qui monte sur la pariétale ascendante en se distribuant

aux centres corticaux de la face et du bras. Alors ils compriment

la carotide primitive de chaque côté contre les vertèbres et

aussitôt les pulsations cessent dans l'artère sylvienne; l'écorce de

ce territoire devient plus pâle. En supprimant la compression, on

voit les pulsations reparaître et la couleur normale de l'écorce se

reproduire. - Ces expériences furent répétées plusieurs fois avec

le même résultat. Si on enlève une assez grande surface du crâne

pour pouvoir voir les territoires des cérébrales antérieures et

postérieures, on note aucun changement dans ces zones pendant

la compression.

Dans une seconde série d'expériences, les auteurs ont cherché

à se rendre compte des effets produits par la compression de la

carotide.

En excitant un point situé à la partie inférieure de la circonvo-

lution frontale ascendante, on obtient en plaçant la seconde

bobine à 1-I centimètres de la première, un mouvement de l'angle

de la bouche. En excitant ce point après la compression de la

carotide, on obtient un résultat immédiat ; la seconde bobine

,étant placée à 8 centimètres ; deux à quatre secondes après, on

-n'obtient plus de mouvement, même lorsque la deuxième bobine

recouvre la première. Lorsqu'on cesse la compression, on obtient

un mouvement, la bobine étant à 9 centimètres, mais après un

certain laps de temps. Donc pratiquement la compression de la

carotide faisait perdre l'excitation électrique immédiatement ; et

,cette excitabilité ne revient, après le rétablissement du courant,

que graduellement. En liant la carotide, les auteurs ont remarqué

que le courant était complètement rétabli après deux heures par

les anastomoses.

Ces expériences expliquent les paralysies de courte durée que

certains chirurgiens ont vues se produire immédiatement après

la ligature de la carotide primitive.

En faisant une section horizontale d'un hémisphère MM. Spencer

et Horsley ont vu les hémorrhagies de la sylvienne, de l'artère

lenticulo-striée, s'arrêter complètement après une compression

de la carotide primitive de 30 à 45 secondes pour la cérébrale

moyenne et immédiatement pour Tarière lenticulo-striée.

Les auteurs concluent de leurs expériences que dans les cas

ils8 REVUE DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE.

..d'attaques d'apoplexie, le premier soin des médecins devrait

être de comprimer la carotide primitive sur les vertèbres pour

arrêter immédiatement l'lié iiio ie et limiter ainsi la com-

pression produite par le caillot. (Analyse du British médical

Journal, 2 mars 1889.) lloberl SonEl..

- V. Rapport sur LES expériences au sujet des fonctions DE l'écorce

cérébrale; par LIOllSU : , ET SCII.lOEll. (Philusophical tmnsaet, of the

royal Soc. of London, 1888.)

Le début de ces expériences remonte à trois ans et les auteurs

se sont servis à la fois de l'excitation électrique et de l'ablation

des régions cérébrales dans leurs recherches. Les expériences sur

l'extrémité antérieure du lobe frontal n'ont donné aucun résultat,

mais en arrière de l'extrémité antérieure du sillon précentral, les

mouvements latéraux de la tête et des yeux, décrits par Fcrrier,

commencent nettement. L'ablation du tiers ou du quart antétieur

des deux lobes frontaux n'a amené aucune paralysie, ni aucun

trouble delà sensibilité, ni modification de l'intelligence chez trois

singes. Ceci est en contradiction avec les résultats de Munk, mais

d'accord avec ceux de Perrier et Yeo. Il est probable que Munck

a constaté des phénomènes qui tenaient à la suppuration par

défaut d'antisepsie.

L'excitation de la région motrice leur a donné les mêmes résul-

tats que ceux de Ferrier; mais cette région motrice peut être

divisée en un certain nombre de départements qui sont chacun en

rapport avec les mouvements d'une partie spéciale d'un membre.

L'aire du bras comprend plus de la moitié supérieure de la parié-

tale ascendante et de la frontale ascendante, ainsi qu'une partie du

lobe frontal adjacent. Sur une grande partie de cette aire, on

obtient l'élévation et la projection en avant du bras et de la main.

C'est surtout l'excitation de la partie supérieure qui met en jeu les

muscles de l'épaule; celle des parties moyennes et inférieures des

muscles de l'avant-bras et du poignet; celle de la partie posté-

rieure des muscles du poignet et des doigts. L'excitation de la

partie supérieure de l'aire près de la scissure de Rolando donne la

rétraction de l'épaule et du bras.

L'aire de la face donne les mouvements non seulement de la face,

mais de toute la partie supérieure du tube digestif (bouche, pha-

rynx et larynx). Elle comprend toute la pariétale et la frontale

ascendantes au-dessous de l'aire du bras. L'excitation du tiers ou

de la moitié supérieure produit l'occlusion des yeux, la dilatation

de l'aile du nez, la rétraction et l'élévation de la commissure la-

biale. L'excitation du tiers inférieur s'accompagne de mouve-

ments des lèvres et de la langue comme pour la mastication.

L'aire de la tête ou de la direction visuelle comprend une longue;

REVUE DE PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUE. 149

portion de la surface du lobe frontal au niveau de son bord supé-

rieur. Les effets produits par l'excitation sont ceux décrits par Fer-

rier : ouverture des yeux, dilatation des pupilles, rotation de la tête

du côté opposé, avec déviation conjuguée des yeux du même côté.

En arrière, sur le bord supérieur del'hémisplièrese trouve l'aire

du tronc, et au-dessous et en arrière, celle du membre inférieur,

l'excitation de la partie la plus reculée, près de la scissure intra-

pariétale produisant les mouvements du pied et des orteils.

Sur le gyrus marginal, les aires sont disposées au-dessous du

sillon calloso-marginal, allant d'avant en arrière dans l'ordre sui-

vant : tête, bras, tronc, membre inférieur. Les expériences entre-

prises sur ces aires sont confirmatives sur celles de Ferrier. Elles

montrent en outre que pour l'hémiplégie ou la paraplégie pro-

duites par l'ablation de l'écorce soit complète, il est nécesaire de

comprendre l'aire du gyrus marginal correspondant aux aires

excitables de la face externe, et que la paralysie produite par

l'ablation' des gyrus marginaux seuls est aussi marquée ou même

plus que celle causée par l'ablation des aires externes. Mais d'autre

part, la complexité des mouvements gouvernés par les aires

externes est beaucoup plus grande que celle des aires marginales.

Leurs expériences sur la région occipitale, quoique peu nom-

breuses, concordent avec celles de Munk et de Ferrier et Yeo.

Les deux lobes occipitaux et les gyrus angulaires sont en rapport

avec les perceptions visuelles, de telle sorte que chaque région

occipitale est en rapport avec la moitié correspondante de cliaque

rétine et qu'une partie seulement de l'écorce occipitale est capable

de remplir presque complètement les fonctions du tout. Ce sont là

aussi les résultats de Luciani. Leurs observations corroborent les

assertions de Munie que la lésion des lobes occipitaux produit

l'liémiauopsieï.Afaisla vision imparfaite qui subsiste aprèsl'ablation

des deux lobes occipitaux fait penser que l'aire de la conscience

visuelle n'est pas confinée à ces lobes, comme le pensait Munk,

mais s'étend au gyrus angulaire, l'hémiopie permanente étant

produite par l'ablation subséquente de cette circonvolution.

Leurs expériences sur le lobe temporo-sphénoïdal prouvent enfin

qu'il est en rapport en grande partie, sinon exclusivement, avec

les sensations douloureuses et tactiles. C'est une extension des

vues de Ferrier qui les limitaient à la région de l'hippocampe.

P. S.

VI. Des racines du trijumeau; par W. BECSTEREN.

(neural. Centralbl., 1887.)

Les fibres de la grande racine ascendante de ce nerf prennent

naissance au niveau de l'entre-croisement des pyramides, de cellu-

les qui avoisinent la base de la corne postérieure. Elles s'en vont

transversalement ou obliquement, à travers la substance gélati-

'150 ` SOCIÉTÉS savantes.

lieuse, gagner la périphérie du bulbe où elles constituent leur fais-

ceau en demi-lune dès lors ascendant. Cette racine se développe

un peu plus tard que les autres fibres du même nerf. - Quant à

la petite portion du trijumeau, à peine entrées dans la protubé-

rance la plupart des fibres s'arrêtent au noyau moteur; quelques-

unes cependant, sous la forme radiculaire, vont au raphé où

elles s'entrecroisent avec celles du côté opposé, mais sans des-

cendre, sans s'aboucher avec les fibres mêmes du pédoncule, ni de

la substance ferrugineuse, de l'autre côté. 11 est probable cepen-

dant que cette racine-là est en relations avec le noyau moteur

du côté opposé. Le trijumeau n'a pas de relations avec le cer-

velet. P. KERAYAL.

VII. Contribution A la physiologie des ganglions spinaux;

par M. Joseph. (Neui,ol. Ceatralbl., 1887.)

Expériences sur des chats de trois à six mois. Conclusions : Les

fibres motrices ont leur centre dans la moelle même. Quant à la

raison de l'intercalation des ganglions spinaux sur le trajet, dans

la continuité des racines postérieures ; A, les expériences de Wal-

er, CI. Bernard et de l'auteur, démontrent simplement que le

ganglion en question possède une certaine puissance trophique-

autonome qui lui permet, sans demeurer en relation avec le centre,

de régulariser les échanges nutritifs des nerfs périphériques et de

leur assurer la santé; B, mais est-il pour ces nerfs un vrai centre

trophique ? Sectionnant un nerf entre le ganglion et la périphérie,

Joseph a vu que le gros de la racine postérieure demeurait nor-

mal, une petite partie dégénérait, qu'il y avait, autrement dit, des

fibres directes traversant le ganglion sans prendre d'attache avec

les cellules et puisant la vie dans la moelle même, et qu'ainsi s'ex-

plique que la section même de la racine postérieure n'entraîne

pas la dégénérescence de tout le bout central, tandis qu'elle n'en-

traîne que la dégénérescence partielle du bout périphérique. P. K..

SOCIÉTÉS SAVANTES

SOCIÉTÉ MÉDICO-PSYCHOLOGIQUE.

Séance du 29 avril 1889. - Présidence de M. FALRET.

Prix Esquirol. - Un seul mémoire avait été présenté. Sur le

rapport de M. Pichon, le prix est accordé à M. Thivet, interne à

Charenton. Son travail a pour titre : La Folie chez les Vieillards.

M. RITH, secrétaire général, prononce l'éloge de Déchambre.

Marcel BMAND.

SOCIÉTÉS savantes. loi

Séance du 27 mai 1889. - Présidence de M. Falret.

Classification des maladies mentales (suile de la discussion). -

M. RALL estime que, vivant dans une époque de transformation, le

moment n'est pas venu pour nous, de faire une classification. Il

est tombé toutefois dans même péché. La classification de ses cours

est basée sur l'étiologie. Quand on soupçonne les causes d'une ma-

ladie, on la connaît mieux que si l'on voyait des lésions qui sont

souvent secondaires. Il se rattache aux idées de More ! . D'ailleurs,

la classification proposée par la commission prête aux équivoques :

les deux expressions délire aigu et délire chronique lui semblent

faciliter une confusion regrettable. La folie des dégénérés est mal

définie. Enfin, comment peut-on espérer, si l'un n'est pas d'accord

à Paris, sur une classification, vuir l'accord régner à l'étranger ?

Comme programme, il propose trois grands groupes : les folies,

les démences et les arrêts de développement. 1

M. LEG ! \AI1< communique, au nom de M. Brusque, deux observa-

tions de dégénérés que l'on peut ainsi résumer : La première est

celle d'une malade ayant présenté un délire mélancolique au

cours duquel on a vu surgir, tout à coup, un syndrome (la capra-

lalie) révélateur, d'un état mental défectueux antérieurement. Ces

deux manifestations de la dégénérescence coïncident ou alternent,

sans jamais se mélanger, pendant des mois entiers, simulant à s'y

méprendre une folie à double forme.

La deuxième observation est-celle d'une autre dégénérée ayant t

présenté un délire polymorphe (idées mystiques, ambitieuses et

de persécution) au milieu duquel on voit aussi tout à coup surgir

deux syndromes (la capralalie et l'incoordination motrice) témoins

à leur tour de dégénérescence mentale de la malade. Il manquerai t

le syndrome ectrololie pour constituer le type décrit par M. Gilles

de la Tourelle et qui n'est lui-même qu'une des nombreuses obses-

sions de la dégénérescence menlale. )

M. SKGLAs se demande si la capralalie ne serait pas, dans l'es-

pèce, une conséquence du délire de la malade. '

M. Legrain croit qu'il n'y a aucun rapport de cause à effet entre

le délire mélancolique et le syndrome capralalie. L'un et l'autre

relèvent d'une même cause : la dégénérescence mentale. J

M. A. Voisin qui fait des recherches sur l'action thérapeutique

du sulfonal, n'a jamais constaté aucun des accidents qui ont été

signalés dans la dernière séance ; mais il ajoute qu'il n'emploie

que des doses de 50 centigrammes à 1 gramme..\larct'll3l\IAND.

152 SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ DE PSYCHIATRIE ET MALADIES NERVEUSES

DE BERLIN.

Séance du 11 juin 1888'. Présidence de M. W. Sander.

à propos du fait communiqué dans la dernière séance par

M. Bernhardt, M. OPPENIIEIM décrit une observation accompagnée

de pièces microscopiques à l'appui, relative à une paralysie de la

vessie et du rectum après une précipitation d'un endroit élevé. On

constatait en outre de l'anesthésie des régions innervées par le

plexus honteux et hémorrhoidal, tandis que les extrémités infé-

rieures avaient presque complètement conservé leur motilité et

leur sensibilité. La lésion consistait en une fraction de la pre-

mière lombaire, avec myélite et hématomyélio, presque absolu-

ment limitée au cône médullaire; le renflement lombaire témoi-

gnait d'une dégénérescence ascendante des cordons de Goll.

M. REMAK rappelle l'histoire d'une méningite gommeuse occupant

le canal sacré chez une femme syphilitique dont M. Westphal a pu-

blié l'observation. On trouvait une incontinence de l'urine et des

matières absolues, et une cuillerée du plexus honteux et coccy-

gien exactement répartie comme celle de l'observation précé-

dente. La tumeur englobait les filets émanés de la queue de

cheval, au-dessous du premier trou sacré, après l'émission des

racines du plexus scialique. Par conséquent, on pourrait penser,

dans les traumatiques dont il vient d'être question, non plus à

des troubles émanés du cerveau, mais à une bémorrhagie dans le

canal sacré.

. M. Bernhardt présente un homme de .trente-six ans atteint de

..tabes. C'est à sa profession de confiseur (séjour dans les eaux)

qu'il convient d'attribuer sa maladie. Il accuse actuellement

(après avoir vu double pendant l'été de 1886) une sensation d'op-

pression dans la région stomacale, des nausées, de temps à autre

des vomissements. Pas d'atrésie. Il oscille simplement un peu

quand on lui fait rapprocher les pieds sur la même ligne et qu'on

lui ferme les yeux. Sensation toute subjective d'engourdissement

dans les extrémités inférieures. Il se fatigue plus facilement que

jadis. Absence, même par la manoeuvre de Jendrassik, des réflexes

patellaires. Les mains sont fortement engourdies; il lui est diffi-

cile de boutonner ses vêtements, et cependant la perception de

la position n'est pas compromise non plus que de celle des petits

objets et des piqûres. De temps à autre quelque dysurie, sans in-

continence ; diminution des rapports sexuels. Inégalité des pu-

' Voyez Archives de Neurologie. Séance du mois de mai.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 153

pilles. Mydriase bilatérale plus accusée à droite; réaction à la

lumière paresseuse. Il semble au malade que son visage, principa-

lement les lèvres et les joues, soit plus épais que normalement et

tuméfié; il a la sensation du masque tabétique des Italiens; et

cependant, la sensibilité y est demeurée intacte, dans tous ses

modes. Il prétend néanmoins que ses lèvres sont inhabiles à sen-

tir les bords d'une tasse remplie d'un liquide chaud et qu'il est

incapable d'articuler les labiales. Il lui arrivait souvent de laisser

tomber les morceaux d'aliments de sa bouche, car il ne se rend

pas compte de la position qu'ils occupent dans sa bouche. Le

compas de Weber décèle l'obligation d'en écarter les points bien

plus qu'à l'état normal pour que le malade les perçoive toutes

deux; il en est ainsi pour la pulpe des doigts, la muqueuse décou-

verte des lèvres, le lobule du nez, le dos de la langue, la face

externe des paupières, la gencive. Par conséquent, il y a altéra-

tion fonctionnelle des nerfs sensitifs, céphaliques et faciaux ,

principalement dans le domaine du trijumeau, d'origine centrale

ou périphérique.

M. REMAK. Observation d'athétose post-hémiplégique avéc convul- .

sions 1'hytltlniques du peaucier du cou. - Son originalité consiste

en ce que les convulsions ne sont pas limitées aux extrémités des

membres. En effet, la participation du peaucier est bien spéciale,

d'autant plus que l'hémLatl1étose exclusivement unilatérale de ce

muscle se limite rigoureusement aux deux tiers inférieurs de son

étendue; les convulsions tantôt cloniques, tantôt'toniques, y

demeurent localisées sans atteindre en quoi que ce soit le terri-

toire du facial. Cette remarque fournit des présomptions en

faveur de l'innervation du muscle en question; elle prouve en

tout cas que tout le peaucier n'est pas animé par le facial, à

moins qu'on n'admette que l'excitation choisit la portion du

centre cortical du facial ou du système central des fibres du facial

qui commande au peaucier.

M. WOLLE1VDEItG. De l'infection psychique. Ce mémoire sera pu-

blié in extenso '.

Séance du 9 juillet 1888. - Présidence DE M. Westphal.

M. MENDEL présente à la Société deux garçons de douze et

treize ans dont la grand'mère et l'oncle paternels ont été aliénés.

Absence de syphilis ou d'alcoolisme chez les parents; six frères et

soeurs bien portants; un frère plus âgé mort à l'âge de huit

jours de convulsions. Depuis l'âge de deux ans, ces jeunes gar-

çons sont atteints d'atrophie du nerf optique, avec nystagmus,

mouvements ehoréiformes du côté de la face et des extrémités,

1 Voyez Revues analytiques, in Archives de Neurologie

'154 SOCIÉTÉS SAVANTES.

de la langue. Diminution de la force motrice. Mouvements et dé-

marche incertains. Persistance normale des réflexes patellaires.

Ni ataxie, ni troubles de la sensibilité. Diagnostic encore

impossible. 1

' M. 1h'sTexar.. D'une lésion anatomique des muscles des yeux dans

l'ophthalmoplégie. Il s'agit d'une observation caractérisée par

- de l'hypertrophie musculaire; les faisceaux primitifs n'occupent

cependant que le milieu des enveloppes du sarcolemme; ils sont

entourés par un anneau clair dont on n'a pu découvrir la nature.

M. Benda croit que cet anneau est du plasma musculaire avec

ses noyaux, ainsi qu'on l'observe sur les queues de larves de gre-

nouilles en état de dégénérescence.

M. Westphal n'a pu voir de noyaux.

M. 13Fnn. D'un nouveau procédé de durcissement du système ner-

veux central avec démonstration. Voyez le Centrait ! . f. dir; mendie.

iVisseztsch., 1888, no 26. Ce procédé n'est pas utilisable pour les

coupes en séries. Il ne fait pas ressortir non plus les fibres de

Weigest. (Du reste, rritscli dit que ces fibres ne sont pas des fibres

nerveuses.) Mais il révèle les cellules chromophiles et les cellules

chromopholes.

MM. GLUCK et Bernhardt. Un cas de paralysie traumatique du

radial guérie par une suture secondaire {suture à distance) du tronc

nerveux. Voyez Berlin. Klin. Wochenschrift, 1888, no 45. (AI'clt. f. f.

Psych., XX, 2.) . P. KEKAYAL.

CONGRÈS DES ALIÉNISTES DE L'EST DE L'ALLEMAGNE.

, Session de BUN7LAU, 188s p. 2.

Séance du ier juillet 1888. - PnÉSIDE1\CE de M. WcnmcxE.

M. SIOLI. Des systèmes de fibres qui occupent le pied du pédoncule

cérébral et de leur dégénérescence. - Après avoir résumé les ma-

nières de voir de Flecl1sig, Wernicke, l3echterew, M. Sioli s'occupe

d'un fait capable dejeter une vraie lumière sur les fibres latérales

de cette région. 11 s'agit d'un homme de quarante trois ans, suc-

cessivement atteint de séries d'accidents apoplectiformes, qui

finalement était devenu complètement aveugle, complètement

sourd, complètement hémiplégique du côté gauche. Intégrité de

la sensibilité et de la parole. A l'autopsie, on rencontre de la

pachyméningite hémorrhagique bilatérale avec un ramollissement

t Voy. Archives de Neurologie, session de Breslau, 1888. 0 :

SOCIÉTÉS SAVANTES. 155

étendu de l'hémisphère cérébral droit qui, à première vue, portait

sur les ascendants l'insula et la région qui entoure la scissure de

Sylvius. La base des hémisphères une fois dégagée on vit, après

durcissement, quel ramollissement pénétrant jusque dans la cou-

che blanche du manteau des circonvolutions et que toutes fibres

rayonnantes qui rejoignent le lobe frontal et le lobe pariétal au

tronc, ont subi une telle dégénérescence que la couche optique

droite est atrophiée de plus de moitié par rapport à celle de gau-

che, tandis que le lobe occipital et le lobe temporal sont demeurés

presque intacts. l.a couche optique droite est coquillée et mame-

lonnée, le corps strié a subi peu d'altération. L'analyse histologique

d'après la méthode de Weigert, montre que la partie latérale du

pied du pédoncule cérébral contient des trousseaux de fibres issue

du lobe temporal et des régions du lobe pariétal, en arrière de

circonvolutions ascendantes. Toutes les fibres convergent sur un

triangle de substance blanche, en dedans du noyau lenticulaire,

pour de ce rendez-vous gagner ensemble le pied du pédoncule.

Le lobe occipital n'envoie pas de faisceaux directs dans le pied du

pédoncule; c'est au pulvinar de la couche optique et aux ganglions

de la bandelette optique qu'il se rend.

M. PETERSSEN-13011STI : L. Des paralysies générales qui tiennent aux

campagnes militaires. L'orateur en décrit trois observations

caractérisées par plusieurs années de symptômes prodromiques.

C'est bien immédiatement après la guerre de 1870-1871 que ces

patients éprouvèrent une série d'altérations psychiques et de mani-

festations somatiques (modifications de l'humeur, légère irritabi-

lité, tendance à la violence et à des accès de colère, moments de

dépression, de découragement, d'angoisse, affaiblissement de la

volonté, perte de l'énergie), mais ce n'est qu'au bout de neuf à

quinze ans que se déclare la paralysie générale classique. Absence

de syphilis. Deux de ces malades furent déclaréspar rapport médico-

légal invalides et pensionnés comme tels. Le troisième mourut

pendant son instance.

M. Wernicke. De l'assistance des aliénés de la ville de Breslau. -

L'hôpital connu sous le nom d'Allerheiligen-Hospital se trouvant

encombré d'aliénés dont le nombre croissait sans cesse, on fut

forcé en 1881 d'installerà l'hôpital Wenzal-llanhe une 'succursale

de cette section de l'hôpital en question ; on y trouve actuellement

90 malades. Le chiffre de population ayant depuis onze ans triplé,

le nombre des admissions à opérer ayant doublé et l'ensemble de

mouvements de chiffres révélant une progression géométrique,

il est évident qu'il convenait, comme l'a fait la direction de

l'hôpital et comme l'a également conseillé le Dr Jung, de proposer

la construction d'un asile capable actuellement d'hospitaliser

400 malades, sauf à en aménager l'agrandissement éventuel pour

156 SOCIÉTÉS SAVANTES.

un supplément de 200 aliénés, ce qui porte le chiffre de popul.ition

prévue à 600. Quand nous primes en 1885 la direction du quartier

d'aliénés du Allerheiligen-Hospital, on avait déjà commencé la

construction du nouvel asile de la ville, mais il était question de

ne l'élever que par annuités. Et cependant, notre chiffre de popu-

lation était de 171 ; il y avait 765 demandes d'admission.

Quels étaient les motifs de ce rapide accroissement du nombre

des aliénés ? La ville de Breslau n'avait de 1872 à 1885 augmenté

que de 2/o, tandis qu'elle fournissait trois fois plus d'aliénés et au

delà (76 à 253). Mais en vertu d'une loi sur le domicile de secours

du 8 mars 1871, la ville de Breslau était tenue à prêter son concours

à la province entière non plus à proportion du chiffre de ses habi-

tants mais proportionnellement à ses revenus fiscaux.

Quoi qu'il en soit de ces considérations et d'autres particularités

administratives d'ordre local, le nouvel asile contient actuelle-

ment de la place pour 200 aliénés. Cent cinquante appartiennent

à un nombre égal de malades actuellement hospitalisés au

Allerheiligen-Hospital; trente seront occupé par trente aliénés de

l'hôpital Wenzel-Hanke. Ce sont les psychopathes les plus dan-

gereux qu'évacue d'abord M. Buchwald sur notre asile. Vingt

places sont réservés au jeu des événements. Il est d'ailleurs pro-

bable que les 30 aliénés empruntés à l'hôpital Wenzel-Hanke sont

de la catégorie des malades incurables et par suite, ne devront

séjourner que temporairement dans le nouvel établissement; il

faudra les transférer dans les hospices d'aliénés de la province. Il

est vrai qu'ils seront remplacés par toutes autres du même hôpital,

ceux-là trop gênants pour un établissement d'infirmes du dépôt de

mendicité. Nous ferons aussi remarquer qu'il ne serait pas prudent

d'amalgamer d'un seul jet tous ces facteurs de désordre au début

de l'organisation d'un nouvel organe.

Voici donc quelle sera la première population de l'asile :

1 1° Environ 60 incurables attendant pendant six mois l'emplace-

ment dans les hospices d'aliénés de la province;

2° 30 incurables de l'hôpital Wenzel-Hanke;

3° 30 épileptiques ou délirants chroniques;

4° 60 aliénés curables, capables d'amélioration.

Cela fait 180 malades. Les plus libres qui restent seront consa-

crées aux cas imprévues proportionnellement à la progression

énoncée du chiffre de la population de la ville. 0

Comme il est supposable que le stock des malades de la seconde

catégorie se trouvera tout à fait épuisé en dix-huit mois, les lits

vacants suffiront aux besoins de,la ville pendant au moins dix

ans.

Les sacrifices qu'on se sera imposés tant pour construire et

installer l'asile que pour subvenir à ses besoins, n'auront leur pleine

BIBLIOGRAPHIE. 1S7 1

efficacité que lorsque les malades trouveront à l'établissement,

qui devra représenter le,type d'un asile de traitement, toutes les

ressources de la science moderne ' et qu'ils en bénéficieront.

Naturellement, il faut y comprendre le personnel médical et le

nombre rationnel d'infirmiers. Ce n'est qu'alors que le nombre de

guérisons marchera de pair avec celui de vieux asiles bien aménagés

bien armés, conduits par un chef éprouvé.

M. Sioli, directeur de l'asile del3unlarc, en fait les honneurs à la

Société. Il montre aussi l'assistance des aliénés dans les familles à

Looswitz. (alla. Zcitsch. f. psych.,XLXV, 4.) P. K¡;;I1.AVAL.

BIBLIOGRAPHIE.

1. Les agents provocateurs de l'hystérie; par Georges GUINON (Paris

aux bureaux du Progrès médical et chez Lecrosnier et Babé).

La grande clarté et l'esprit de méthode qui ont présidé à cet

important travail en rendant le résumé aussi facile que la lecture.

Le procédé de l'auteur est le suivant : énumérer et classer les

agents provocateurs de l'hystérie : émotions morales scliock

nerveux, maladies générales et infectueuses, états pathologiques

se traduisant par un affaiblissement général, intoxications chro-

niques et aiguës, maladies de l'appareil génital, constituent autant

de chapitres distincts contenant une observation puisée chez

les auteurs anciens, antérieure à chaque sujet en discussion et

des observations soit inédites, soit empruntées à la clinique du

professeur Charcot ou à ses élèves. Toutes ces observations prouvent

que l'agent provocateur n'a jamais que provoqué l'hystérie laquelle

était à l'état latent chez le sujet, ou s'était déjà manifestée ou

encore avait disparu avant l'intervention de l'agent provocateur

pour reparaître à son occasion.

Elles prouvent aussi que la maladie provoquée par ces agents

est bien l'hystérie et rien autre chose ; ce qui n'empêche pas

les agents chez d'autres sujets de produire d'autres troubles mor-

bides.

1 Cela veut dire que M. Wernicke ne se trouve pas encore dans son

élément. Questions de budget et d'administration probablement (Red.).

158 BIBLIOGRAPHIE.

C'est bien de l'hystérie et non des états mal nommés hystéroides

ni des hystéries ayant une physionomie prétendue spéciale à l'agent

provocateur; et, à ce propos, l'auteur blâme avec juste raison les

mauvaises expressions d'hystérie alcoolique, d'hystérie saturnine,

mercurielle, traumalique proposant de remplacer ces dénomina-

tions par celles d'hystéro-traumatisme, d'hystéro-salurnisme, d'hys-

téro-alcoolisme. Parfois néammoins les agents provocateurs peuvent

imprimer un certain cachet aux manifestations de l'hystérie, mais

toujours d'une manière accessoire.

La confusion faite par les contradictions contre l'hystérie et la

neurasthénie, surtout en Allemagne à propos de l'hystéro-trauma-

tisme, l'ignorance de quelques autres à l'égard de l'hystérie mas-

culine bien faite pour dérouter quand elle ressemble plus par son

état mental sombre à l'alcoolisme qu'à celui des hystériques

coquettes gaies et frivoles, de telles considérations permettent

d'expliquer et le nombre des dissidents au début de chacune des

recherches du professeur Charcot et aussi l'évanouissement graduel

des opposants à mesure que la neurasthénie et l'hystérie masculine

ont été mieux étudiées et par suite mieux connues.

Parmi les plus intéressants de ces agents provocateurs nous

énumérons : l'éducation, les tentatives d'hypnotisme, les tremble-

ments de terre, le choc de la foudre, le traumatisme, la fièvre

typhoïde, la pneumonie, la scarlatine, le rhumatisme articulaire

aigu ; le diabète, le paludisme et la syphilis (l'étude des troubles

de la sensibilité dans la syphilis mérite une mention spéciale) ; les

intoxications par plomb, alcool, mercure et sulfure de carbone; -,

la grossesse et l'accouchement : enfin les maladies de la moelle

telles que sclérose en plaques, tabes, maladie de Friedreich, la

myopathie progressive, la compression par Mal de Bott. ' »

Tous ces agents produisent l'hystérie ou bien par auto-sugges-

tion ou bien par troubles de la nutrition générale se confinant

de préférence sur le système nerveux.

Ce travail est, on le voit, le remède le plus complet de toutes

les questions relatives à l'étiologie de l'hystérie. Charpentier.

IL Lell1'bueh de)' Psychiatrie par de Krafft-Ebing. - 3° édition,

Stuttgart, in-8°, 1888 ll. Enke, édit.).

Nous ne connaissons pas de meilleur livre d'enseignement que ce

Traité de psychiatrie. Grâce aux cent dix-huit observations à

l'appui des descriptions du savant professeur allemand, on ne ren-

contre aucune ambiguïté. Les doctrines de M. Krafft-Ebing appa-

raissent nettes et précises; son style simple et sobre rend son

ouvrage agréable. Nous en résumerons la classification. C'est le

BIBLIOGRAPHIE. 189

meilleur moyen, en médecine mentale, de présenter, fidèlement

les manières de voir des auteurs : P. 11GR : VL. ,

'160 BIBLIOGRAPHIE.

elle comporte des incursions dans l'anatomie pathologique. Avant

de suivre ces systèmes, en remontant dans l'encéphale jusqu'à

l'écorce, il pratique des coupes classiques à diverses hauteurs,

du bulbe au centre ovale; ce temps d'arrêt constitue ce que nous

appellerons une précaution topographique qui met en évidence

les points de repère anatomiques destinées à l'orientation. Il

aborde enfin, désormais sans crainte de s'égarer, méthodique-

ment, l'étude des cordons médullaires, des nerfs craniens, des

ganglions, de la couronne rayonnante, des fibres corticales, etc.;

il trace par là même les- dispositions de leurs relations : tel est

le sujet du sixième segment de l'ouvrage également complété par

des considérations d'analomie pathologique. Un dernier cha-

pitre traite des méninges et des gros vaisseaux de l'axe cérébro-

spinal.

On conçoit, puisqu'il s'agit d'enseignement, que le professeur

ait à coeur de répéter les mêmes descriptions, sous des formes

différentes, que les mêmes jalons reparaissent dans plusieurs

sections, qu'à tout instant l'esprit de l'étudiant doive trouver un

repos nécessaire dans de didactiques résumés. Et c'est en effet ce

quita lieu : soixante-dix-huit figures animent les tableaux les plus

arides, et dissipent toute obscurité; nous recommandons tout

spécialement celles qui présentent en même temps les organes

tels qu'ils sont, en même temps leur schéma ou leurs contours

abstraits. Livre des plus clairs. P. KEIIA VAL.

IV. Les enfants criminels. {Élude sur la criminalité humaine, ses

différents facteurs, et sur les moyens de lutter contre elle, par

M. Dimitri Drill. - Première partie : La Psychologie de la cri-

minalité, 254 pages in-8°, Moscou, 1888.

Ce travail présente un intérêt, non seulement pour le juriscon-

sulte, mais aussi pour le médeciu-aliéniste. Les ouvrages de ce

genre, dont la caractéristique est de se trouver sur la limite de la

psychiatrie et du droit, manquaient absolument à la littérature

russe, et M. Drill a été très bien inspiré lorsqu'il a voulu combler

cette importante lacune. Le volume de 251 pages que nous nous

proposons d'analyser ne constitue qu'une faible partie dn travail

entrepris par l'auteur. Cette partie traite de la psychologie de la

criminalité.

Dans sa préface, l'auteur expose sa profession de foi dujuriseon-

suite-psychologue. Il dit que pour devenir criminel il faut, à côté

des conditions internes tenant au vice d'organisation psycho-phy-

sique de l'homme, encore des conditions externes indépendantes

de cette organisation.

Nous allons résumer rapidement les six chapitres qui composent

ce premier volume.. ...

BIBLIOGRAPHIE 161

Le premer chapitre est une introduction dans laquelle l'auteur

expose les résultais des recherches sur l'influence de l'hérédité,

du milieu, des mauvaises conditions hygiéniques, etc., sur la

genèse de la criminalité. Le seul remède logique contre les mau-

vaises tendances innées ou acquises créées par ces facteurs, c'est

évidemment l'éducation qui est destinée à jouer un rôle énorme

dans la question des enfants criminels.

11 aborde ensuite, dans lesecond chapitre, l'étude du rapport qui

existe entre le développement des différents centres nerveux et les

phénomènes de la vie psychique. Ace propos, il expose brièvement

la structure et les fonctions du système nerveux en donnant un

coup d'oeil d'ensemble sur l'arrangement des éléments de cet

admirable appareil psycho-physique où les différentes parties qui

le composent se développent et fonctionnent d'une façon solidaire

en subissant en même temps d'un commun accord l'influence

directrice des centres intellectuels.

Mais que l'influence de ces centres supérieurs faiblisse ou dispa-

raisse complètement, combien de manifestations morbides et des

plus variées observe-t-ou alors ? L'auteur analyse cette question

avec beaucoup de détail. Il prend dans ce but divers échantillons

pathologiques, tels que les alcooliques, les épileptiques, les idiots,

les imbéciles et les enfants criminels. L'état psychique de ces ma-

nifestations morbides se caractérise principalement par la prédo-

minance des instincts et des impulsions et par l'affaiblissement

de la faculté modératrice et directrice des centres supérieurs.

Le problème de l'éducation des enfants criminels se trouve donc

nettement formulé : pour rendre l'homme maître de ses passions.

il faut développer, et c'est parfaitement réalisable, tout ce qui

reste des centres intellectuels, la force de la volonté, et affaiblir,

au contraire, la prédominance des centres inférieurs.

Dans le troisième chapitre, l'auteur, en étudiant les trajets ner-

veux, les divise en deux catégories : les uns sont des voies habi-

tuelles pour le passage et la transmission des sensations; les autres

sont des voies pour ainsi dire neuves qui n'ont encore jamais ou

rarement servi à cette fonction. Ces voies de passage, des commu-

nications des trajets nerveux jouent un rôle important dans la

formation du caractère de l'homme, telle est l'idée que l'auteur

développe dans ce chapitre. L'énergie nerveuse, dit-il, n'est qu'une

forme de mouvement; elle obéit donc à la loi commune d'aprèb

laquelle tout mouvement se propage suivant la ligne delà moindre

résistance en écartant ou en faisant disparaitre les différents obs-

tacles qu'il peut rencontrer dans son trpjet. Supposons, par con-

séquent, chez un individu donné une série spéciale des trajets ner-

veux d'après lesquels s'effectue, grâce à cette loi, le passage d'un

groupe particulier de sensations toujours les mêmes nous

aurons alors l'explication du mécanisme qui préside à la forma-

Àrciuves, t. XVIII. il t

1612 BIBLIOGRAPHIE.

tion de la personnalité psychique, de lous ses mouvements sim-

ples ou compliqués, de tous ses modes de raisonnement et de

toutes ses passions.

Mais quelle est la conclusion pratique de cette considération

psychologique ? C'est toujours le grand devoir de l'éducation de

rendre, pour ainsi dire, praticable» aux sensations morales et

utiles certains trajets nerveux restés jusqu'alors fermés et de faire

disparaître, au contraire, ceux qui n'étaient que des portes d'en-

trée pour les sensations basses et nuisibles. Or, pour donner nais-

sance à une sensation, il faut faire intervenir une excitation. Les

excitations peuvent être d'origine extérieure ou d'origine inté-

rieure. C'est l'étude de l'influence immédiate de ces excitations

sur les manifestations psychiques qui fait l'objet du quatrième cha-

pitre.

L'auteur prend d'abord les excitations simples pratiquées sur

les terminaisons nerveuses et il étudie les mouvements réflexes

(inconscients). Il fait ensuite l'élude des actes et des mouvements

conscients. Il analyse, en outre, un troisième type de mouve-

ments, type mixte et compliqué dont le processus est, en somme,

le suivant : l'excitation primitive prend naissance dans le domaine

du grand sympathique; de là elle passe par les centres automa-

tiques en se transformant en mouvement inconscient qui ne de-

vient conscient que plus tard après avoir été déjà accompli. C'est

ce qu'on appelle vulgairement les mouvements et les actes 11'I'éflé-

chis ; notre conscience ne fait que les constater, mais elle n'est

nullement en pouvoir de les maîtriser par les procédés du raison-

nement. On comprend l'importance que présentent les mouve-

ments da ce dernier type dans l'examen des actes de l'homme en

général et des actes criminels en particulier.

Passant ensuite aux conditions nécessaires pour la transforma-

tion d'une excitation en acte réflexe ou en mouvement conscient,

l'auteur observe qu'il existe relativement très peu d'excitants exlé-

rieurs dont nous nous rendons compte et, cependant, c'est juste-

ment l'ensemble de ces excitations venues du dehors qui impres-

sionne nos centres nerveux et obligent ceux-ci à réagir d'une

certaine façon, exemple : telle ou telle disposition de notre âme

sous l'influence des conditions atmosphériques. Or, si l'influence

des excitations extérieures se dérobe à notre conscience, celle

des excitations venant de notre organisme lui-même est encore

plus masquée, plus insaisissable. Avec un grand nombre d'obser-

vations cliniques à l'appui, tirées des travaux de Pinel, Legrand du

Saulle, Magnan, Auguste Voisin, Luys, Laboulbène, Wundt,

Kraft-Ebing, etc., l'auteur démontre comment, sous l'influence de

ces excitations internes, naît telle ou telle disposition qui provoque

une série particulière d'idées, de passions, et, finalement, d'actes.

Ne nous arrive-t-il pas très souvent, en effet, de considérer en

BIBLIOGRAPHIE. 163

toute conscience certains actes comme absolument spontanés

alors qu'en réalité ils ne sont que l'effet de certaines causes pro-

fondément cachées dans notre organisme ?

Le cinquième chapitre est consacré aux perceptions dans le sens

de ces phénomènes psychiques élémentaires dont parle CL. Ilicliet

dans son « Essai de psychologie générale » et Wundt dans sa

« Psychologie physiologique ». Il décrit les différentes modifica-

lions que peut subir la perception au point de vue de son intensité

et de sa tonalité et l'influence de ces modifications sur les phéno-

mènes de la vie psychique. Les exemples cliniques prouvent, en

effet, d'une façon formelle, que sous l'influence des perceptions

fausses et illusoires l'homme peut commettre des actes les plus

dangereux. Falret, dans son travail « De l'hypocondrie et du

suicide », en a donné une observation très démonstrative. Cepen-

dant, cette inlluence peut, dans certaines conditions, être soumise

à l'action modératrice des centres supérieurs. Ces conditions sont :

la nutrition régulière des centres nerveux et le fonctionnement

normal de tous les autres organes de l'économie. La déduction

est facile à faire : dans la lutte contre la criminalité et les crimi-

nels chez lesquels la plupart du temps le mécanisme des percep-

tions se fait d'une façon anormale, il faut tout d'abord étudier les

causes qui ont créé le crime; et, très souvent, on verra que cer-

taines de ces causes se cachent dans les mauvaises conditions

hygiéniques du sujet.

Dans le sixième et dernier chapitre, l'auteur étudie l'influence

du sang et de la circulation sur les phénomènes de la vie psy-

chique. Toujours avec des faits nombreux à l'appui, il arrive

facilement à démontrer les rapports intimes qui unissent la circu-

lation en général et la circulation cérébro-spinale en particulier

avec les fonctions de la cellule nerveuse.

Là finit cette première partie du travail entrepris par M. Drill

sur les enfants criminels. L'étude consciencieuse à laquelle il s'est

livré, les observations nombreuses qu'il présente dans cette publi-

cation et les méditations poursuivies pendant de longues années

sont la meilleure garantie du succès qu'aura son ouvrage auprès

du public instruit. J. Roubinovitcu.

V. Les criminels. - Caractères physiques et psychologiques;

par le Dol CaRRE. - (0. Doin, Paris, 1880.)

Ce travail tire son principal intérêt de l'excellent exposé docu-

mentaire qui en forme la plus grande partie. On y trouve résumées

et bien ordonnées les plus récentes 'acquisitions des représentants

.de l'anthropologie criminelle. L'auteur y a groupé, en divers cha-

pitres, l'énoncé trop peu critique, à notre avis, des caractère»

physiques et psychiques attribués aux criminels, et a reprodu.t

IGI· BIBLIOGRAPHIE.

sous forme d'appendice les opinions émises sur les divers types

par les plus éminents maîtres de l'école italienne, Lombroso,

llarro, Ferri, etc.

Il serait téméraire de tenter une analyse de ce livre qui n'est

guère rempli que de faits, il nous suffira d'ajouter qu'il ne se

contente pas de reproduire, mais qu'il précise et complète les

descriptions des criminalistes que nous avons cités. Paul Blocq.

VI. Les anesthésies hystériques des muqueuses et des organes des

sens, et les zones htéroèrlPS des muqueuses; recherches clinique*;

par le Dr L. Lichtviiz (Paris 1887).

Dans ce travail inspiré par M. le professeur Pitres, l'auteur s'est

proposé l'étude des anesthésies hystériques de quelques muqueuses

(muqueuse des voies aériennes supérieures, conjonctive et tympan)

et de plusieurs organes des sens (goût, odorat, ouïe), à l'aide des

procédés d'exploration spéciaux à l'emploi desquels ses recherches

antérieures l'avaient familiarisé, et, au cours de ses observations

il a été amené à découvrir des zones hystérogènes qu'on n'avait

pas encore signalées. L'anesthésie des muqueuses est très fréquente

et rarement totale. Le champ gustatif est presque constammenl

diminué, souvent il est aboli pour une des sensations gustative*

fondamentales à l'exclusion des autres, et en tous cas l'anesthésie

spéciale n'est pas absolument liée à l'anesthésie générale de l'or-

gane. L'odorat peut être tout à fait aboli ou seulement diminué.

La surdité unilatérale est également variable. Il est intéressant de

remarquer que, dans la plupart des observations, les anesthésies

des sens ne sont pas commandées par la topographie de l'anes-

thésie cutanée, ni même par celle de l'anesthésie de la muqueuse.

Ainsi, par exemple, il y avait surdité d'une oreille dont le conduit

et le tympan étaient sensibles et réciproquement.

Les zones hétérogènes des muqueuses seraient ordinaires chez

les hystériques à zones extérieures ; elles siègent d'habitude sur

les muqueuses sensibles : muqueuses nasale, laryngée, pharyn-

gée buccale, ainsi que sur le conduit auditif externe et le tympan,

la trompe, la conjonctive, la cornée et le conduit lacrymal inférieur.

La connaissance de l'existence de ces zones explique certains phé-

nomènes qu'on a observés chez des personnes névropathiques, et

permettra d'éviter les accidents qui peuvent survenir dans les opé-

rations pratiquées sur les muqueuses des hystériques ; ces zones-

ont enfin une importance diagnostique qu'il était utile de remettre

en relief. Paul BLOCQ.

VII. Là le1'aIJCutiea s21gqe,,titit ; par le D1' Raitacue V1ZIOLI.

La suggestion existe de fait en thérapeutique depuis l'antiquité

la plus reculée, mais elle a pour promoteur scientifique réel 1\1. le-

CORRESPONDANCE. 1611

iD Charcot. De quelques observations personnelles ayant trait à

des guérisons survenues sous l'influence de la suggestion à l'état

de veille l'auteur conclut que toutes les guérisons qui ont été ob-

tenues depuis les temps les plus anciens et attribuée-; divers

agents plus ou moins mystérieux sont du même ordre. La sugges-

tion forme en somme un chapitre important de la thérapeutique,

quoique ses applications soient limitées aux affections d'ordre dy-

namique : c'est en particulier dans les cas de phénomènes hysté-

riques qu'on trouvera des indications. Peut-être serait-il permis de

réutiliser ou chirurgie l'anesthésie hypnotique. Toutefois ces pro-

cédés ne seront utiles et sans dangers qu'autant qu'ils seront appli-

qués par un médecin prudent, intelligent et consciencieux. P. B.

VIII. Manuel de métcallutlzérapie et de métallos copie ;

par le 01' 10nICOU[\T.

Le début de l'ouvrage n'est pas heureux : l'auteur nous cite

comme précurseur de Burq, Moïse ! qui arrêta, dit-il, une épidémie

avec un serpent d'airain ? ? On aurait tort cependant de ne pas

poursuivre la lecture de ce travail où se trouvent consignés beau-

coup de faits intéressants et d'une rigueur réellement scientifique,

mêlés malheureusement à des assertions hasardeuses et à des ra-

contars sans fondement. Tout ce qui concerne la métalloscopie

proprement dite, origine, manuel opératoire, procédés, thermo-

métalloscopie.. etc., est particulièrement digne d'attirer l'atten-

tion ; ainsi en est-il encore de quelques chapitres consacrés à la

métallothéiMpie externe.

Quant aux derniers chapitres consacrés aux observations en

particulier et à un parallèle entre le magnétisme animal et la

métaitothérapie, ils contiennent un trop grand nombre d'exposés

moins que scientifiques pour se prêter à une analyse de ce nom.

P. B.

CORRESPONDANCE

LE QUARTIER DE SUREl'É DE L'ASILE D'ALIENES DI, S.41VT-RODERT (ISÈRE)

(PAVILLON P.1RCIL11'l ?

Monsieur et très honoré confrère,

A la suite d'une visite à Saint-Robertl. vous m'avez fait l'honneur

de me demander pour les Archives de Neurologie, une note au

'Nous avons visité le bel asile de Saint-Robert en septembre 1888 (B.)

166" CORRESPONDANCE.

sujet du quartier de sûreté qui a été établi sur mes indications.

Je vous adresse les plans de ce pavillon et sa description som-

maire. La création d'un quartier de ce genre répond à un double

besoin : t° nécessité de posséder, pour les hommes surtout, un

ensemble de dispositions, dans les bâtiments, augmentant les

garanties qu'un asile doit offrir à la sécurité publique, au per-

sonnel des malades et des employés, en ce qui concerne les

aliénés dangereux, impulsifs ou évadeurs ; 2° ces garanties trouvées,

possibilité d'assurer aux autres malades une claustration moins

sévère et une liberté relative plus grande.

Les principes qui nous ont guidé dans l'élaboration du pro-

gramme réalisé à Saint-Robert, ont donc été d'accroître les faci-

lités de surveillance, de diminuer les chances d'évasion, et d'en-

lever, autant que possible, aux aliénés, les moyens de nuire ou

de s'évader.

Dans cet ordre d'idées, le nombre des portes extérieures du

bâtiment principal a été réduit à une, au lieu de trois qui existent

dans les autres pavillons ; le réfectoire et la salle de réunion, qui

sont ailleurs séparés par un vestibule, ont été placés, l'un à côté

de l'autre ; les poêles, qui, par les instruments nécessaires à leur

fonctionnement fournissent parfois des armes dangereuses, ont

été supprimés et remplacés par un calorifère. Le promenoir cou-

vert est constitué d'habitude par une simple galerie extérieure,

recouverte par un toit en appentis, sur lequel les malades peuvent

grimper au moyen des colonnes, ou accéder par les fenêtres du

premier élage, de là, gagner les murs d'enceinte et se laisser

glisser au dehors ; il a été remplacé par une galerie faisant partie

intégrante du bâtiment, qui supprime tous ces inconvénients et

accroît d'autre part la surface des dortoirs. Les lieux d'aisances

qui, généralement, sont adossés au mur des préaux et facilitent les

évasions, ont été eux-mêmes placés à une extrémité de la galerie

sans qu'il en soit résulté jusqu'à présent de trop grands inconvé-

nients, grâce aux soins constanls de propreté dont ils sont l'objet.

Les murs d'enceinte ont quatre mètres de haut, au lieu de trois

qu'ils ont ailleurs, - avec un saut-de-loup de un mètre ; de cette

façon, il existe encore des vues supérieures suffisantes.

Les fenêtres du rez-de-chaussée sont, comme toutes celles de

l'asile, en bois et fer, fermées à clef, avec croisillons, ne per-

mettant pas le passage d'un homme ; leurs matériaux ont été

doublés de force ; à la partie supérieure de chacune d'elles, un

imposte permet d'opérer la ventilation à volonté. Celles de l'étage

.sont du type dit « à balcons » savoir : une partie supérieure dans

les conditions ordinaires, fixe ou ordinairement close, fermant

les deux tiers de l'ouverture, le tiers inférieur étant clos par une

autre fenêtre s'ouvrant à volonté, au-devant de laquelle se trouve

extérieurement un balcon en fer forgé, formant grillage. Cette

CORRESPONDANCE. '167 1

disposition, qui est élégante, donne toute sécurité au point de

vue des évasions et des accidents ; elle permet d'aérer largement

les dortoirs, qui sont en outre pourvus de gaines de ventilation,

où sont placées des veilleuses pendant la nuit.

Il sera facile de se rendre compte, par l'examen du plan, de

l'ensemble de ces dispositions et des dimensions des locaux.

Au rez-de-chaussée, les tables du réfectoire sont élroiles, et

ne servent que d'un côté, pour faciliter la surveillance et éviter

les rixes au moment des repas.

Au premier étage, il existe sur le palier une chambre d'isole-

ment ou de surveillance, deux dortoirs de huit à dix lits séparés

par la chambre des gardiens, en face de laquelle se trouve une

chambre d'isolement et de surveillance réservée d'habitude aux

criminels en observation. Enfin, deux autres chambres d'isole-

ment se trouvent encore à l'extrémité du bâtiment.

Il a été établi, pour ce service sur nos indications, un type de

lit en tôle et fer, avec sommier, donl toutes les parties se tiennent

solidement et ne peuvent être démontées qu'à l'aide d'instruments

spéciaux. Quelques-uns de ces lits sont fixés au parquet.

Le bâtiment, sauf dans la partie qui contient le calorifère, est

établi sur voûlains, avec ouverture, de chaque côté, pour l'isoler

du sol et aérer le dessous du rez-de-chaussée; ses dimensions

sont de 2o mètres sur 9m50 ; sa hauteur d'un étage; son coût

44,000 francs.

Il a été relié aux anciennes cellules, avec lesquelles il forme

l'ensemble de la section de sûreté.

Ces dernières, au nombre dehuit, construites par M. le D''Evrat,

médecin directeur et fondateur de l'asile de Saint-Robert, suffisaient

pour les besoins de l'époque; toutefois elles laissaient à désirer

comme nombre, et sous le rapport du chauffage et de la ventilation.

Quatre cellules nouvelles ont été construites, dont deux avec

préau d'isolement; un système de chauffage à eau chaude y a été

installé; enfin, des gaines de ventilation communiquant avec deux,

cheminées d'appel spéciales ont été établies également dans le

dessus des cellules; en même temps que des ouvertures étaient

pratiquées dans la toiture du bâtimeut, munies de tuyaux d'éva-

cuation et de mitres aspiratrices, au-dessus de chacune d'elles-

pour la ventilation d'été.

Le calorifère, dont l'accès est extérieur, est placé au-dessous-

d'une des extrémitées du bâtiment. - Il est formé par un thermo

syphon, avec poêle à eau et chambre d'air particulière à chaque

cellule, dans le sous-sol ; des prises extérieures amènent l'air du-

dehors, dans lesdites chambres, d'où il monte dans les cellules

et de là dans les gaines de ventilation. Nous avons constaté que,

pendant des froids extérieurs de 12 degrés, il existait une tempe-

168 VARIA.

rature de 18 à 19 degrés dans les cellules el un fort courant h

leur partie supérieure.

Cette amélioration nous a aidé considérablement dans le»

efforts que nous faisons depuis longtemps pour supprimer la

contrainte. Vous avez pu voir, en effet, dans votre visite, qu'il

n'existait pas un aliéné avec la camisole à l'asile de Saint-Robert.

Les malades déchirer ? bruyants, peuvent être, en tout temps,

isolés dans d'excellentes conditions, au lieu d'être, comme autre-

fois, enserrés dans une camisole de force.

Si l'on jette un coup d'oeil d'ensemble sur ce service, on ren-

contre en avant le quartier neuf de sûreté,'son préau, un petit

préau, les cellules, enfin leurs préaux spéciaux; le' tout contigu

et de communication facile.

Il y a là une réunion de di-positions qui sont assurément très

commodes à tous les points de vue. Ce quartier fonctionne depuis

quatre ans, nous n'y avons jamais eu d'accidents ni d'évasion=,

le service y est fait par quatre infirmiers. Le jour il renferme

60 malades, dont 20 sont reconduits la nuit dans d'autres sections,

attendu qu'il n'y a place que pour 41 lits au maximum et encore

les prévisions du début étaient-elles au-dessous de ce chiffre.

Disons, pour compléter ces renseignements, que la population

totale de l'asile est, à ce jour, de 848 malades, dont 41G hommes.

C'est donc environ le dixième des lits des hommes que complet

notre quartier de sûrelé.

Pour répondre à une autre de vos questions, les pavillons avec

noms laïques, ont élé ainsi dénommés sous l'administration de

M. le Dr Evrat, lors de l'ouverture des nouveaux services dès 1862

et ultérieurement au sur et à mesure de l'agrandissement de

de l'asile. - '

Veuillez agréer, monsieur et très honoré confrère, l'expression

de mes meilleurs sentiments. 1

Asile de Saint-Robert, le 31 jamier J889. -

Dr E. DUFOUR.

Médecin -directeur,

Ancien membre du Coiucil général de l'ibèiô.

VARIA

APPAREIL HYDROTHÉRAPIQUE POUR LES ALIÉNÉS RÉCALCITRANTS

Les visites que nous avons faites dans un grand nombre

d'asiles d'aliénés nous ont permis de constater que dans la

VARIA. ï69

très grande majorité de ces asiles les installations hydrothéra-

piques sont tout à fait défectueuses sinon tout à fait mau-

vaises. Les administrateurs, les architectes n'ont aucune notion

précise des conditions que doivent réaliser ces installations

pour donner de bons résultats thérapeutiques. Il y aurait un

grand intérêt pour les malades à ce que des instructions très

nettes soient données dans tous les asiles afin de remédier à

une situation aussi déplorable. Il serait bon de soumettre la

question au Conseil supérieur de l'assistance publique qui éla-

borerait un projet qui, une fois adopté, serait adressé à tous

les établissements par l'intermédiaire de M. Monod, directeur

de la Santé publique.

Les Inspecteurs généraux, dans leurs tournées, donneraient

des explications complémentaires et s'assureraient chaque

année des améliorations réalisées.

Parmi les mauvaises installations que nous avons vues nous

n(\l1 h(\rnp.r(\n à it.p.r 1'.p.llp.ÚIp. 1' : Jilp./ll1 Pnv

extérieure, ouvre le robinet d'une doucheen arrosoirou comme

cela se fait ailleurs verse des seaux d'eau froide. C'est là un trai-

tement hydrothérapique qui se passe de tout commentaire.

En revanche, nous avons trouvé à l'asile de Privas, qui

170 VARIA.

appartient à la même congrégation une organisation bien

entendue : elle n'appartient ni aux soeurs, ni aux frères, elle

est due à un de nos confrères, le D'' Benoit, maire de Privas.

Nous n'avons pu dissimuler notre surprise, une bonne instal-,

lation étant si rare, mais après explication notre élonnement

a cessé : en effet le D'' Benoît est un ancien élève lu D'' L.1 leury,

le-maUre à tous en hydrothérapie.

M. Benoit nous a montré une installation très ingénieuse

oui permet de donner de véritables douches thérapeutiques aux

malades récalcitrants. La tribune

du médecin doucheur est munie

d'une poignée fixée sur une tige

verticale descendant au-dessous

du sol et terminée par une roue

d'engrenage, laquelle correspond

à une autre roue d'où part une tige

horizontale aboutissant à une

plaque tournante {fig. 8).

De la plaque tournante s'élèvent t

trois tiges verticales dont l'une,

recourbée, est terminée par une

pomme d'arrosoirs'élevant il 2 ? 43

au-dessus de la plaque tournante;

les trois tiges montantes sont ré-

unies par des cercles en fer incorr.-

plets, dont le reste est complet;

par des courroies en cuir (fig. 9).

Voilà l'appareil. Examinons le

fonctionnement. Le malade est

placé sur la plaque tournante, les

courroiessont bouclées. Immédia-

tement, avec la manivelle de la

tribune, on imprime un mouve-

ment à la plaque tournante, le

malade surpris, ne bouge plus et

la douche est donnée, avant que le

malade n'ait pensé à résister de

nouveau. Nousnensonsou'il s'azit

là d'un appareil qui mérite desfélicitations à son inventeur et

qui doit attirer sérieusement l'attention de tous ceux qui s'occu-

pent de l'organisation des hôpitaux et des asiles. Bourneville.

Fig. 9.

FAITS DIVERS

Asiles d'aliénés. Promotion. Par arrêlé en date du 5 juin,

le Dr Hormery, directeur-médecin de l'asile public de Quimper

est promu à la classe exceptionnelle à partir du ICI' juin.

Séances publiques d'hypnotisme. - Le conseil départemental

d'hygiène publique et de salubrité de la Vienne ayant émis le

voeu que les séances d'hypnotisme soient interdites en raison des

accidents qu'elles provoquent, le recteur de l'Académie de l'oitiers

vient de défendre toute représentation de ce genre dans les éta-

blissements d'instruction placés sous sa surveillance.

- Les maires de Marseille et de Bordeaux viennent également

de prononcer la même interdiction. z

- Un arrêté du Gouvernement grand-ducal de Mecklembourg-

Schwerin a interdit les représentations d'hypnotisme que voulait

donner à à Bostocca un magnétiseur de profession, annonçant sur

les affiches l'hypnotisme comme une méthode naturelle de guéri-

son des maladies.

La police de Genève a pris enfin une mesure analogue. Il y a là

une véritable question d'hygiène publique. On attend toujours à

Paris qu'on se décide à en venir là. Les magnétiseurs chassés de

province et de l'étranger viennent se réfugier -ici' et infecter notre

ville. Le saltimbanque de Marseille s'intitulait successeur de

Donato. Nous en avons deux ou trois actuellement à Paris, dont

' les affiches s'étalent à côlé de celles de nos grands théâtres sur

les colonnes Morris. Tous les gens compétents réclament la

suppression de ces exhibitions malsaines dont le danger pour le

public a été maintes fois signalé et démontré. Mais cette fois c'est

la province et l'étranger qui donnent l'exemple à Paris. 1

i

Congrès d'anthropologie criminelle de Paris en 1889. - Par-

ticipation de l'Italie. - On : -ait que les questions d'anthropologie

criminelle sont à l'ordre du jour en Italie, où M. le professeur

Lombroso s'est occupé de ce sujet avec prédilection. Une com-

mission vient d'être nommée pour représenter l'Italie au Congrès

d'anthropologie criminelle qui doit se tenir à Paris cette année à

l'occasion de l'Exposition Universelle. Elle se compose de

MM, Alolesclrolt, C. Lombroso, E. Ferri, Il. Gurofalo, G. Sergi.et

17 faits DIVERS

Mayor. Parmi les questions proposées, nous relevons les suivantes :

stigmates de dégénérescence et anomalies biologiques chez les

femmes aliénées et criminelles. - Organes et fonctions des sens

chez les criminels. - Applications de l'anthropologie aux recher-

ches de la police (on sait que cette question est entrée à notie e

préfecture de police dans une-phase tout à fait pratique et les

résultats merveilleux qui ont été obtenus sont connus du publie).

- Le délit politique au point de vue anthropologique, etc.

Concours de l'agrégation de médecine - Nous enregistrons avec

le plus grand plaisir parmi les noms des agrégés nommés au der-

nier concours le nom de M. Pierre Marie. Nos plus sincères félicita-

tions à notre distingué collaborateur.

Spécialisation des .GRÎ : f,I : S ? \TOUS aV011SOmiS d'annoncer précé-

demment que nos deux collaborateurs, 111\l. Bri,saud et Ballet se

sont spécialisés ainsi qu'il est d'usage depuis peu à la Faculté do

médecine, le premier dans la chaire des maladies du Système

nerveux, le second dans celle des maladies mentales.

La LOI sur les aliénés en ITALIR. M. A. Verga constate dans ? 4)'c/t<010 italiano per le nzalvltie nelvose, que depuis 1876, l'Italie

atlend vainement cette loi des divers ministres de l'intérieur,

Nicotera, Depretis, qui se sont succédé depuis lors. Le dernier,

11. Crispi, a promis de s'en occuper, mais on attend toujours.

LE sixième congrès DE la SOCIET.1 PRI : \L1TRIC1 1 ITALI lN,\. Ce

congrès doit se tenir l'automne prochain, à une date encore à

déterminer, à Novare. Les questions proposées, qui ont été fixées

à Sienne, sont les suivantes : 1° Caractères pouvant servir au dia-

gnostic différentiel des divers étais dégénératifs (commission :

Seppili, Regerio, Toussini, rapporteur); 2° Diagnostic de la simu-

lation de la folie (commission : Gonzalès, Anâlucvi, Venturi, rap-

porteur) ; 3° La physiologie dans ses rapports avec les dernières

notions d'anatomie et de physiologie cérébrales (commission :

G.-B. Vergen, Tanzi, Bianchi, rapporteur); 4° Application de la

thérapeutique suggestive aux maladies mentales et plus parlicu-

lièrement : Peut-on instituer une thérapeutique suggestive sérieuse

des maladies mentales ? Peut-elle être mise en oeuvre seulement au

moyen de l'hypnotisme ? Quelles doivent être les méthodes, les

limites, les indications d'une pareille thérapeutique (commission :

huuapoli, Bianchi, Seppili, rapporteur). Les communications

doivent être adressées à la présidence (Milan, via Durini, 31).

Asile d'aliénés Du C.IIIOE.-Nous trouvons dans le numéro de jan-

vier de « The journal of mental science » l'historique de cet asile

ce mis son origine, qui a été des plus modestesjusqu'aujourd'hui où

il peut être considéré sinon comme un établissement modèle, du

faits DIVERS. 173 a

moins comme une maison fort bien tenue pour le budget minime

dont il dispose. Il contient en effet près de trois cents malades

bien installés, jouissant du 110-¡'estmint le plus complet, compte

deux médecins résidents, une sage-femme et cinquante servi-

teurs ou infirmiers, le tout avec un budget annuel de 7,8t)0 li-

vres (195,000 francs). On doit dire d'ailleurs que ce résultat est dû

surtout aux efforts des médecins, qui ont eu à lutter contre l'indiffé-

rence absolue de l'administration.

Placement des aliénés chez les particuliers en Ecosse. Ce

mode de placement des aliénés est fort usité en Ecosse, et

M. Hack Tuke en a étudié le fonctionnement d'une façon fort comt

plète, en même temps qu'il en a montré les desiderata nombreux

de la façon dont il est appliqué aujourd'hui. C'est un procédé qui

présenterait de nombreux avantages à tous les points de vue et

surtout au point de vue pécuniaire si l'on apportait plus de soin

au choix tant des malades auxquels on l'applique que des per-

sonnes à qui on les confie, si les inspections étaient faites plus

régulièrement. Sans quoi, c'est un système qui peut présenter do

graves dangers aussi bien pour le malade que pour ceux qui lo

reçoivent. (The. joitri ? . of. ment, se., janv. 1889.)

Ouverture nu premier asile d'aliénés en Grèce. - Il n'y a pas

encore bien longtemps les aliénés en Grèce étaient enfermés dans

les couvents. Ce n'est que tout récemment que l'on vient de mettre

un terme à ce régime, au moins partiellement. Il vient en effet de

s'ouvrir dans ce pays le premier asile d'aliénés qui y ait jamais

existé.

Les Rapports des Commissions des aliénés pour L'ANGLETERRE,

l'Ecosse ET L 'IRLINDE. En Angleterre, le nombre des aliénés a

augmenté notablement depuis les dernières années, surtout en ce

qui concerne le sexe masculin. Cette augmentation vient en partie

d'une diminution dans le nombre des malades placés au dehors,

ou traités chez leurs parents et qui ne sont pas sous la juridiction

de la commission, et aussi du faible nombre des morts et de.,

sorties pour cause de guérisons. Il en est à peu près de même en

Ecosse, quoique à un moindre degré. Cette augmentation est

beaucoup plus accentuée en Irlande aussi bien parmi les pauvres

que parmi les malades payants. Les inspecteurs signalent l'al-

coolisme comme une des causes les plus fréquentes de l'aliéna-

tion.

L'hystérie mâle A l'étranger. - Nous voyons avec plaisir la

connaissance de l'hystérie virile, partie de France, faire tous les

jours de plus en plus de progrès à l'étranger, après n'y avoir

rencontré pendant longtemps que le plus absolu scepticisme. En

Amérique les cas abondent. En Angleterre, on y vient assez faci-

174 FAITS DIVERS.

leinent et le récent mémoire de Thorburn {M anches med.

Chron. 1889) contient un exposé assez net de la question, bien que

le terme d'hystérie se fasse bien difficilement accepter. En Belgi-

que, si l'hystérie mâle compte des réfractaires, elle a cependant

bon nombre de partisans. Enfin en Allemagne, cette question se

met peu à peu à l'ordre du jour : Leyden, Oppenheim, Slrùmpell

admettent volontiers l'hystérie virile, bien que pas encore dans

tous les cas que l'on considère comme tels en France. MM. André

et Knoblazck viennent de publier récemment (mars 1889) dans le

« Berlirzen Klinische Wochensch1'i(t, » la relation d'un cas parfai-

tement typique de cette maladie.

L'observation du malade est accompagnée de figures que l'on

croirait calquées sur celles qui se trouvent dans les leçons de

M. le Professeur Charcot publiées en 1885 dans le Progrès médical.

c'est-à-dire il y a plus de quatre ans. Il y a là dans des quelques

figures un véritable triomphe pour les idées émises depuis long-

temps par notre éminent directeur et si vaillamment défendues

par lui et toute son école. A signaler aussi parmi d'autres travaux

la communication de M. Schwarz au Congrès des médecins de

Budapesth, qui a trait ainsi que le faisait remarquer M. Jendrassik

dans la discussion qui suivit, à un cas de chorée rhythmique

. hystérique.

Epidémie de méningite CEIII : EIio-SPI\.1LE en Amérique. Nous lisons

dans le '< New-York médical Record » qu'une épidémie très intense

de méningite cérébro-spinale sévit en ce moment dans le Sud du

Texas. La maladie est très grave et se manifeste souvent par une

éruption purpurique très marquée.

Ouverture automatique des portes par l'électricité dans les

asiles d'aliénés. - M.J.White a fait installer dans l'asile de mille-

vankec (Etats-Unis) dont est superintendant un système d'ouver-

ture automatique simultané de toutes les portes, par l'électricité.

Un ingénieux mécanisme permet en cas d'incendie, de panique,

d'ouvrir à la fois toutes les portes des salles dans lesquelles les

aliénés sont enfermés. Ce système permet en même temps de ras-

surer les malades sur leur sort dans un cas semblable et de leur

enlever cette crainte continuelle qui peut être quelquefois chez

eux un obstacle à la guérison, dès ce sens qu'elle devient une idée

fixe et obsédante. (Am. J. of. Insan. avril 1889.)

InI-XUENCES DE L'APPAREIL GÉNiTAL SUR LE DÉVELOPPEMENT DES MALA-

DIES mentales. - La Société médico-légale de New-York vient de

nommer une commission qu'elle a chargée de rechercher dans

quelle mesure la folie peut être due à des causes sexuelles.

Les buveurs n'ITIOER en IRL.1NDE. - Cette funeste habitude tend

à se généraliser en Irlande de telle façon que le synode de l'église

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE- 17o

Irlandaise, a adressé au Parlement une pétition tendant à régle-

menter le trafic de ce produit.

NÉCROLOGIE. - James W. Ranney, commissaire en aliénation de

New-York - W. Il. 0. Sankey. propriétaire de l'asile d'aliénés de

Boreatton-Park et piofesseur de maladies mentales à l'Universily *y

Collège de Londres - J. Maclaren, directeur de l'asile d'aliénés

de Larbert (Ecosse) mort de pleurésie à l'âge de 32 ans.

G. GCIG\UV.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

Blocq (P.). Des contractures. Contractures en général, la COlltl'ac-

ture spasmodique, les pseudo-contractures. Un beau volume in-8 de

216 pages, avec 8 figures dans le texte, une planche chrotnolitltogra

phique et trois phototypies. - Prix : 5 il. - Pour nos abonnés : 4 fur.

BOUR : 'OEVILLE, COlllt]3AtIF,.N, RAOULT et SaLUER. - Recherches cliniques

et thérapeutiques sur l'épilepsie, l'hystérie et l'idiolie. Compte rendu du

service des enfants de Bicêtre pour 1888. In-S° de w.vu-80 pages.

(Tome IX de ta Collection.)

DUTLIN (Il.-T.). - Maladies de la langue. Traduit de l'anglais par le

D' Douglas Aigre. Volume in-8 de \. : 30 pages. Prix : 8 fr. Pour nos

abonnés : (i fr.

Charcot (.1.-)1.). Maladies des vieillards, goutte et rhumatisme. Un

beau volume in-8 de J2J pages avec 19 ligures dans le texte et pianches

en chromolithographie (Tome Vif des OEuvres complètes). Prix : 12 fr.

Pour nos abonnés : 8 fr.

Cuancor(.1.-lL). Maladies infectieuses, affections de la peau, kystes

hydatiques, thérapeutique (Tome VIII des OEuures complètes). - Un

beau volume iii- Il de 112 pages, prix 10 fr.; pour nos abonnés, 7 francs.

Cornet (P.). -1'raitetaezt de l'épilepsie par le bromure d'or, le bromure

de camphre et la picrotoxine. - Prix : 2 fur. Pour nos abonnés : 1 fr. : 1 : ).

Costc. L'inconscient. Elude sur l'hypnotisme. Volume in-18 de 159

pages. Prix, 2 fr.

Descouiitis (G.). - Note sur l'alimentation forcée des aliénés au

moyen de la sonde oesophagienne et sur la façon d'empêcher l'inl1'odw : -

tion des liquides dans les voies aériennes. Brochure in-8" de 12 pages.

- Paris, 1888. - Bureaux de l'Encéphale.

Durourt (et Asile public d'aliénés de Saint-Robert. - Compte rendu

statistique et compte moral administratif pour l'aimée 1887. Brochure

in-8", (le 58 pages. - Grenoble, 1888. - Allier père et fils.

FDl4.WlD3 (B.-A.). De l'hémiplégie dans quelques affections nerveuses

{ataxie locomotrice progressive, sclérose en plaques, hystérie, paralysie

agitante). Volume in-8 de 1G9 pages, a\ec 1 figures. -- Prix : fur. -

Pour nos abonnés : 2 fur. 71.

176 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

GOUIIERT (E.). - Nouveau trailemtnl de l'épilepsie; sa guérison possible.

Brochure in-8o de 16 pages. - Paris 1889. - Lecrosnier et Babé.

GELLÉ. - Eludes d'otologie. - De l'oreille (anatomie normale et cam-

parée, embryologie, développement, physiologie, pathologie, hygiène).

Palhogénie et traitement de la surdité (1880-1888;. Tome Il. - Yolul\1c

in-8» de 279 pages. -Paris, 1888. - Librairie Lecrosnier et Babé.

- . ! ASICCYICL (J.).- Quelques considérations sur les causes de l'imnzrtrzilé rre-

qlâlie contre les maladies infectieuses. - Paris, 1889. -Imprimerie A. Uei ! I.

Lombroso (G.). - Sulla cattafoi-esi eleclrica clO1'of01'mica. Brochure

in-S" de 8 pages. Lnorno, 1s89, - Chez l'auteur : 31, Via Ricasoli,

Liégeois (.1.). - De la suggestion et du somnambulisme dans leurs rap-

ports avec la jurisprudence et la médecine légale. Volume in-12 de

7)8 pages. - Paris, 1889. 0. Doin.

Orrr.wem (IL). - Die lnaumatischen Xfurosen naclr de7e 17l (let- ! l'el'-

vcrlelnit. der Charité in tien tellzen a Jahl'en gesammelten IiecGcrclrlurrgen.

Brochure in-80 de 116 pages. - Berlin, 1889. -- Yel'lag \"011 A. Ilirs-

chwald.

fiOUILLARD. - La discussion sur le délire chronique ri la Société

mcdico-jisychologique. Brochure in-8o de la pages. - Paris, 1888. -

Bureaux de l'Encéphale.

SIZ\RET (rapport de NI. le D). - Asile public d'aliénés de blaréville.

1887. Brochure in-8° de 19 pages. - Nancy, 1888. - Imprimerie Berge r-

Levrault.

STETTEN. - I'ierzigsler Jahres-3ericht £ le}' Ileil- und Pflegeallslalt sur

Schwachsinnige und Epileplische. Brochure in-8 de 63 pages. - 13clwl'll-

dorf, 1888. - Iaher'schell Buchdruckprei.

SOLIIFR (P.). - Du rôle de l'hérédité dans l'alcoolisme Volume iu-18

jésus de 213 pages. - Prix : 2 fr. 19. - l'our nos abonnés : 1 fr. 7a.

Avis A Messieurs li.s Auteurs et Editeurs. La Direction de»

Archives de Neurologie rappelle à Messieurs les auteurs et édi-

teurs, que les ouvrages dont il sera reçu deux exemplaires seront

annoncés au Bulletin bibliographique et analysés; ceux dont il m :

sera reçu qu'un seul exemplaire seront simplement annoncés.

Le ·édaclcr<r-yénant. 13001t\E1'ILLN.

tvreux, Ch. lliialsssr, imp ? 789.

Vol. XVIII. Septembre 1889. Nu 53.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

ANATOMIE PATHOLOGIQUE

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES LÉSIONS HISTOLOGIQUES DE

LA SUBSTANCE GRISE DANS LES ENCÉPHALITES CHRO-

NIQUES DE L'ENFANCE.

Par A. PILLIET

Interne des Hôpitaux, aide-préparateur d'histologie à la Faculté de médecine.

L'histoire des lésions chroniques de l'encéphale a

été très longue à établir au point de vue histologique

à cause des difficultés de technique que l'on renon-

trait d'une part et surtout à cause de la difficulté de

rencontrer un assez grand nombre de pièces compa-

rables ; les malades étant presque tous hospitalisés

dans des asiles spéciaux. Aussi avons-nous été heureux

de pouvoir passer une année comme interne dans le

service de M. le D' Bourneville à Bicêtre et de pou-

voir, grâce à son obligeance, mettre à profit sa col-

lection où tous les cerveaux sont gardés dans uu état

suffisant de conservation. C'est une partie du résultat

des recherches ainsi faites, que nous apportons au-

jourd'hui. ·

Nous ne parlerons que des lésions de l'enfance, et

Archives, L. XVIII. 12 2

178 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

parmi celles-ci, des plus accentuées, telles que la

méningo-encéphalite ou l'atrophie des circonvolu-

tions. Et parmi celles-ci nous laisserons de côté les

scléroses lobaires, les -scléroses tubéreuses, étudiées

dans ces derniers temps par Bourneville et Brissaud,

Jendrassick et Marie, Pozzi, Richardière. Nous nous

sommes en effet attachés aux lésions qui laissent en

place les circonvolutions, et se traduisent à l'oeil nu par

les adhérences méningées plus ou moins fortes; l'amai-

grissement des circonvolutions ; leur état chagriné et

ratatiné, marronne, même, la présence de petits

kystes à leur surface et dans leur épaisseur.

Ces lésions se traduisent cliniquement par l'idiotie,

le gâtisme, les tics, les convulsions dans les premières

années de la vie et, très souvent, l'épilepsie dès quatre

ou cinq ans. C'est à ce type que peuvent se rattacher

le plus grand nombre des malades de Bicêtre.

Aussi, renvoyant aux descriptions classiques de

Falret, Delasiauve, Bourneville, pour la partie cli-

nique, nous nous bornerons à indiquer sommairement

le diagnostic du malade et son âge. Les observations

conservées à Bicêtre seront facilement retrouvées

avec ces renseignements; nous nous bornerons ici à

l'anatomie pathologique. Quelques-uns des examens

qui suivent ont, d'ailleurs, été publiés à la suite des

observations cliniques correspondantes dans les Bul-

letins de la Société anatomique.

Nous n'avons pas fait non plus un travail de topo-

graphie cérébrale; et cela pour deux raisons; la pre-

mière et la plus importante c'est que les lésions étant

absolument diffuses, comme dans les démences où la

paralysie générale a son terme, une telle recherche

DE LA SUBSTANCE GRISE. '1 ï9

serait impossible; la seconde, c'est que tous les cer-

veaux du service du D1' Bourneville sont fixés dans

l'alcool, ce qui présente de grands avantages au point

de vue de la longue conservation des pièces et de leur

reproduction photographiques. Mais dans ces pièces,

les fibres à myéline de la surface de l'écorce et celles

de la substance ne sont plus décelables par les réactifs

ordinaires, chlorure d'or, ou hématoxyline de Weigert,

on ne peut donc faire l'étude des filets nerveux; on est

réduit à celle de la substance grise en général, que

l'alcool fixe assez bien. Nous nous sommes assuré par

un certain nombre d'examens comparatifs que les cer-

veaux traités par l'alcool bien que ne valant pas ceux

qui sortent des bichromates alcalins permettent cepen-

dant l'étude de l'écorce, à part quelques points sur

lesquels nous reviendrons. L'alcool, comme les autres

réactifs, détermine deux réactions distinctes dans les

cellules pyramidales de l'écorce ; les unes s'entourent

d'un large cercle clair; les autres se resserrent et se

contractent. Le rapport de ces deux ordres d'éléments

est un peu différent dans le traitement par l'alcool que

dans le traitement par le bichromate, les cellules va-

cuolisées seraient un peu plus abondantes. Mais tous

les cerveaux que nous décrivons étant traités de même,

sont comparables entre eux.

Il est donc bien entendu que nous parlerons seule-

ment des encéphalites chroniques à petits signes ma·

croscopiques, et que dans ces cas nous envisagerons,

sans nous occuper de topographie, les lésions de

l'écorce grise seulement; celles du moins que nous

pourrons apercevoir, étant donnés les réactifs employés.

Les différents procédés techniques auxquels nous avons

180 ANATOMIE PATIIOLOCIQZ1E.

eu recours ont été les plus simples possibles; ils seront

indiqués chacun à sa place.

N'ayant pas fait d'étude clinique, et apportant sim-

plement quelques faits, nous n'avons pas cru devoir

allonger par un historique ce mémoire; nous indique-

rons seulement à sa suite une liste des principaux ou-

vrages d'anatomie normale et pathologique dont nous

avons eu à nous servir; ce sont surtout, en pathologie,

les mémoires ayant trait à la paralysie générale pro-

gressive qui nous ont servi, cette maladie étant ac-

tuellement la mieux étudiée au point de vue anatomo-

pathologique, de toutes les maladies de l'encéphale.

Il ne nous reste plus maintenant qu'à exposer com-

ment on arrive à lire une coupe de l'écorce grise, et

c'est là un point d'une extrême importance. En effet,

sans repères précis, il est impossible de reconnaître

une lésion diffuse même étendue; et, ces repères, il

les faut chercher dans la structure normale de l'écorce.

On n'en peut trouver de comparables à l'espace porte

pour le foie, à la bronche centrale d'un acinus pour

le poumon, mais pourtant il est possible de se retrou-

ver assez bien dans les différentes couches de la subs-

tance grise, surtout si l'on emploie dès le début les

faibles grossissements. Nous indiquons tous ces détails

parce qu'ils peuvent avoir leur importance dans la

constitution d'une méthode d'examen de l'écorce, ce

qui manque actuellement.

On peut considérer l'écorce grise sous deux plans,

le premier parallèle à la surface des cironvolutions,

le second perpendiculaire au premier. Dans le pre-

mier plan, les couches sont étagées au nombre de

cinq, d'après le schéma donné il y a dix-huit ans par

DE LA SUBSTANCE GRISE. 181 t

Meynert dans le manuel de Stricker. Malgré les tra-

vaux de quelques auteurs qui battent en brèche ce

schéma (Luys, Golgi), nous l'adopterons comme le

plus commode et le plus universellement adopté

(Bevan Lewis, Ch. Bastian, H. Clarke, Ranvier).

On sait, et nous le résumons ici d'après la psychia-

trie de Meynert, que les cinq couches de l'écorce sont

les suivantes : La première composée du tissu fonda-

mental névroglique, avec ses éléments cellulaires,

parsemé de petites cellules nerveuses peu abon-

dantes, présente par le procédé à ! Ex71er (acide os-

mique et ammoniaque) de très fines fibres à myéline,

sans étranglements annulaires, d'après Ranvier. Ce

réseau de fibres est altéré dans la paralysie générale,

au dire de Tuczek, confirmé par les recherches sui-

vantes, celles de L. Edinger entre autres. Nous n'avons

pu rechercher cette lésion qui pourtant existe presque

à coup sûr dans les cas de méningo-encéphalite avec

adhérences. Cette couche est, surtout chez les jeunes

sujets, séparée de la suivante par une ligne de dé-

marcation extrêmement nette; nous verrons qu'il n'en

est pas toujours de même dans les faits que nous avons

regardés. Celle-ci est la couche des petites cellules

pyramidales qui sont serrées, à pointe dirigée vers la

surface corticale.

Dans la couche suivante, les cellules pyramidales

sont moyennes (40p.) elles ne sont plus serrées, mais

orientées en colonne, les unes au-dessus des autres,

parce que les faisceaux de fibres de la couronne de

Reil qui vont jusqu'à la couche supérieure s'inter-

posent entre elles et les séparent. Ces éléments font

place à une couche distincte, celle des grandes cellules

182 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

pyramidales; visibles surtout dans les régions motrices

et dans la corne d'Ammon où elles sont énormes,

mais existant dans toute l'écorce. Meynert ne fait

qu'une même couche de la zone des cellules pyrami-

dates moyennes et de celle des grandes cellules ;

pourtant nous les avons séparées dans les descriptions

qui suivent, à cause de la grande hauteur de la cou-

che des cellules moyennes, qui occupe près du tiers de

la substance grise, et s'accroît encore dans le lobe occi-

pital par l'interposition d'une couche de cellules.

Puis viennent les quatrième et cinquième couches

de Meynert que l'on peut facilement réunir en une;

c'est la zone de transition entre la substance grise

la substance blanche, assez difficile à débrouiller à

cause de l'épanouissement des faisceaux de fibres et

de la substance blanche, qui s'écartent les uns des

autres à ce niveau pour pénétrer dans la substance

grise. Elle renferme à sa partie supérieure de petites

cellules rondes qui n'ont pas encore été comme les

cellules correspondantes de la même couche du cer-

velet divisées en deux espèces, c'est la couche grau-

.leuse ; à sa partie inférieure des éléments fusi-

formes.

Voici donc l'écorce étagée pour nous. Mais ce n'est

pas assez pour la topographie des lésions; et il faut

pouvoir donner ces cinq nappes superposées dans le

sens vertical, pour diviser l'écorce en autant de

petites cases qui fourniront des points de repère fixes.

Pour cela, nous n'avons qu'à profiter de la disposition

normale des faisceaux de fibres qui montent dans la

substance grise, et qui s'aperçoivent très suffisamment

sur les pièces traitées par l'alcool. Ces faisceaux se

DE LA SUBSTANCE GRISE. 183

divisent, au niveau de la cinquième couche, comme

ceux d'un goupillon d'église, et montent en s'amincis-

sant jusqu'à la deuxième couche. Ils forment autant

de colonnes fibrillaires qui séparent les éléments de la

substance grise, qui, eux, s'organisent naturellement

dans les intervalles en colonne de cellules; en voyant

leurs fibres aux faisceaux qui leurs sont contigus.

Cette disposition est plus marquée naturellement dans

la profondeur de la substance grise, là où les faisceaux

sont plus gros, et c'est pourquoi les grandes cellules

pyramidales se présentent souvent, comme l'a vu Betz,

en îlots, ou nids séparés les uns des autres par les fais-

ceaux blancs. Mais dans le sens de la hauteur, ces îlots ne

sont que le terme d'une colonnette de cellules rangées

les unes au-dessus des autres et se continuant jusqu'à

la couche des petites cellules pyramidales. Dans les

couches superficielles, les capillaires pénétrant per-

pendiculairement à la surface de l'écorce ne troublent

nullement cette sériation longitudinale, ils l'accen-

tuent même puisqu'ils lui sont parallèles. On comprend

d'après cet exposé, qu'après l'examen d'un très petit

nombre de coupes, à l'aide d'un faible grossissement

qui permette d'avoir sous l'oeil toute l'épaisseur de

la substance grise, on la verra décomposé en un véri-

table quadrillage, formée par les plans des cinq cou-

ches dans le sens horizontale, par la sériation des

cellules et les travées des faisceaux dans le sens ver-

tical. Il sera donc presque aussi aisé de préciser une

lésion diffuse et vague, caractérisée seulement par un

changement de couleur ou d'opacité de la névroglie,

qui l'est d'indiquer la place d'un pâté d'encre fait sur

une table de Pythagore. De plus, la disparition de

184 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

cette sériation dans le sens longitudinal indiquera soit

une diminution des faisceaux blancs, soit un morcel-

lement des couches, par un développement exagéré

des capillaires par exemple. Aussi avons-nous tenu

grand comptede cet aspect, que l'on nous verra souvent

indiquer. La seule chose qui le puisse troubler c'est

la présence de faisceaux blancs coupés obliquement,

mais leurs surfaces de section étagées se reconnaissent

facilement, et présentent toujours la même image.

Les premières observations que nous rapportons

sont relatives à des idiots de quatre ou sept ans; avec

les lésions de méningo-ellcéphalite plus ou moins pro-

noncées. Les suivantes portent sur les idiots plus âgés

atteints de plus d'épilepsie vraie, la coexistence des

deux états est d'ailleurs fréquente. Enfin nous rap-

porterons une observation de sclérose à petits foyers

miliaires, chez un épileptique dément, et une de

kystes celluleux avec épanchements sanguins chez

un idiot; car ces lésions peuvent servir à établir une

transition entre l'atrophie de la substance grise que

nous étudions et les états plus marqués de kystes, et

de sclérose lobaires, de porencéphalies que l'on voit

également dans la catégorie de malades que nous

avons en vue.

OUS6SV.\TION I. - Reb..., 1874-I88C, est un enfant qui à l'âge

de dix ans ne pouvait ni marcher,, ni parler, poussait seulement

des cris inarticulés passait ses journées assis sur une chaise ou

couché, ne pouvait manger seul, était gâteux, il présentait des

convulsions allant jusqu'à un véritable état de mal. Il mourut

dans un de ces états de mal; de broncho-pneumonie comme la

plupart des épileptiques. La congestion pulmonaire intense, le

long coma pendant lequel les malades respirent la bouche

ouverte, dans un air nosocomial sont sans aucun doute la cause

de la fréquence de cette broncho-pneumonie, qui chez un autre

DE LA SUBSTANCE GRISE. 185

de nos malades mort dans le même cas présentait le caractère

hémorrhagique, avec un petit foyer gangreneux au centre de

chaque tache sanguine péribronchique, nous signalons ce fait en

passant, parce qu'il est comparable aux lésions expérimentale

des poumons déterminées par Traube, Schiff, etc., par la lésion

du bulbe et des pédoncules cérébraux, et parce que récemment,

MM. Bianchi et Armanni ont signalé la même broncho-pneu-

monie, coexistant avec des lésions du pneumogastrique chez les

paralytiques généraux déments. La décortication des deux hémis-

phères fut assez facile; il existait quelques taches laiteuses de la

pie-mère; un grand nombre de circonvoultions étaient étroites

et amaigries.

L'examen histologique a été fait au laboratoire des travaux pra-

tiques de la faculté. Le cerveau avait été durci par l'alcool, la

moelle par le liquide de Muller; des coupes ont été faites en di/ré-

rentes régions, tant à gauche qu'à droite, sur chaque hémisphère.

On s'est trouvé bien de passer quelques fragments trop mous du

cerveau dans de la gomme glycérinée et de les durcir ensuite à

l'alcool.

La première frontale gauche, à sa naissance, montre un certain

nombre de corps granuleux répandus dans la substance blanche

et qni se colorent en noir sur une coupe exposée aux vapeurs

d'acide osmique. On voit aussi de fines gouttelettes graisseuses

- exister dans la substance grise. Sur des coupes colorées, on cons-

tate que la vascularisation paraît normale; les cellules nerveuses

sont nombreuses, disposées en séries; beaucoup ont leur forme

pyramidale et des prolongements nets. En somme, les cinq

couches de la substance grise ne présentent pas des lésions

nettes; la substance blanche offre des lésions de désintégration.

Sur le milieu de cette première frontale gauche, la substance

blanche a le même aspect; les corps granuleux y sont nombreux

le tissu est sillonné par des bandes fibrillaires nombreuses qui

rayonnent dans la substance grise. Du côté de celle-ci, les lésions

sont les mêmes pour les cinq couches; la vascularisation est exa-

gérée ;. les capillaires au lieu de s'enfoncer tout droit dans la

substance grise s'y ramifient, la morcellent; l'aspect normal des

cellules nerveuses placées bout à bout n'existe plus dans les

couches moyennes; les cellules nerveuses, surtout dans la couche'

de petites cellules pyramidales (2° couche de Meynert), sont

devenues rares ; pourtant les grandes cellules existent encore,

mais nulle part elles ne sont groupées par nids comme on les

trouve à l'état normal dans les régions motrices, ainsi que l'a

indiqué Betz; elles sont, au contraire, assez clair-semées. D'autre

part, les cellules interstitielles à petits noyaux sphériques ne pa-

raissent pas multipliées dans la substance grise, mais le sont évi-

demment dans la substance blanche.

186 PATHOLOGIE MENTALE.

La coupe d'une circonvolution du lobe occipital gauche à la

face externe de l'hémisphère montre la substance grise un peu

réduite d'épaisseur, mais avec ses couches reconnaissables. Il

existe un certain nombre de foyers de désintégration assez pauvres

en cellules, où presque toute la trame de l'écorce grise s'est en-

levée avec les méninges, ou est tombée. Le réseau fibrillaire de la

'névroglie y est apparent mais les mailles très larges de la né-

vroglie circonscrivent un grand nombre de vacuoles, d'espaces

vides, qui constituent de véritables pertes de substance. Ces foyers

interrompant la disposition des fibres nerveuses qui gagnent la

substance blanche, comprennent en général les trois premières

couches de l'écorce. On les trouve dans la plupart des cerveaux

d'idiots; ils paraissent un début microscopique, de ce qu'ont décrit

MM. Bizzozero et Golgi sous le nom de porose cérébrale. Dans la

substance blanche, il n'y a que peu ou pas de corps granuleux,

mais une quantité considérable de petites cellules intersti-

tielles.

L'hippocampe du côté gauche a les mômes lésions que la pre-

mière frontale. Il existe des foyers de désintégration dans la

substance grise, des amas considérables de corps granuleux dans

la blanche. Les cellules géantes de la région sont éparses au

milieu de la névroglie, leurs dimensions sont au-dessous de celles

qu'on s'attend à rencontrer là; la ligne de grandes cellules du

corps bordant ne parait pas altérée.

La lèvre inférieure de la scissure de Sylvius droile a aussi une

vascularisation très prononcée, beaucoup plus accusée que partout

ailleurs; les cellules interstitielles paraissent abondantes; à part

cela l'aspect est le même que dans les régions motrices gauches.

La première frontale et le lobe occipital droits sont à peu près

semblables aux parties gauches sur les points correspondants. Sur

le cervelet, examiné du côté gauche, on trouve une raréfaction des

éléments nerveux de la couche des myélocytes, et un certain degré

de fibrillation de la substance blanche, parsemée de corps gra-

nuleux. Il est assez difficile sur nos pièces de faire la distinction

entre les deux espèces de cellules de la couche granuleuse.

(A suivre.)

PATHOLOGIE MENTALE

DES TRAUMATISMES DU CRANE DANS LEURS RAPPORTS

AVEC L'ALIÉNATION MENTALE » ;

PAR LE 1)' J. CIIRTSTIA\

Médecin de la Maison nationale de Cliaretitoti.

V.

Preuves cliniques. et). Troubles des facultés

intellectuelles (arrêt de développement, abolition,

perversion, etc.). - L'arrêt de développement de

l'intelligence est fréquent, quand l'accident se produit

dans l'enfance.

Fabrice de Hilden (cent. III, obs. XXI, édit. 1641)

rapporte l'observation d'un enfant, qui jusqu'à l'âge

de dix ans, avait fait preuve de l'intelligence la plus

éveillée. A partir de cet âge, il perdit la mémoire, puis

les autres facultés, et tomba dans une démence com-

plète. La cause de ces accidents avait été un coup à la

tête, qui avait déterminé un enfoncement du crâne au

niveau de la suture lambdoïde.

On doit trouver bon nombre de cas semblables dans

les asiles d'enfants arriérés ou idiots : peut-être n'en

ai-je pas moi-même rencontré plus souvent, parce que

la majeure partie de ces enfants n'arrive pas à l'âge

adulte, à l'âge de la folie. Cependant l'enfant dont

parle Fabrice de llilden, vécut jusqu'à quarante ans.

1 Voir le 11- 52, p. 1.

88 PATHOLOGIE MENTALE.

Observation XVII. - B..., trente-quatre ans, commis au minis-

tère de la guerre. Paralysie générale à forme démente. Entré en

janvier 1879, mort au bout de huit mois, de convulsions épilep-

tiformes. B... avait deux ans, quand sa bonne le laissa tomber

dans l'escalier; il fut grièvement blessé à la tête, qui avait porté

sur l'angle d'une marche. B... est resté faible d'intelligence, il a

~été incapable de suivre les classes du collège. A peine a-t-il pu

faire un copiste passable dans les bureaux de la guerre.

Quelquefois ce n'est pas l'ensemble des facultés qui

est frappé d'arrêt de développement; mais l'intelli-

gence se développe d'une façon irrégulière, qui rap-

pelle celle des dégénérés héréditaires. Les individus

restent bizarres, mal équilibrés, impulsifs, incapables

d'un travail suivi ou d'un effort soutenu : ils ren-

trent dans la grande catégorie des cérébraux de

Lasègue. Ces cas sont fréquents.

Observation XVIII. C..., jeune homme de la campagne, sans

antécédent héréditaire, présente depuis plusieurs années et à in-

tervalles variables, des accès de délire, qui durent de quelques

semaines à [quelques mois, et pour lesquels il a été plusieurs fois

interné soit à Charenton, soit dans d'autres asiles. Ces accès sont

caractérisés par des impulsions violentes, des idées de grandeur

et de satisfaction, etc. Dans l'intervalle, il est laborieux, tran-

quille, mais toujours en gardant une haute idée de son intelli-

gence et de son instruction, et en se montrant assez arrogant pour

son entourage. A l'âge de quatorze ans ce malade avait fait une

grave chute sur la tête.

Observation XIX. - V..., vingt-neuf ans, entré à Charenton en

1874. Jusqu'à l'âge de treize ans, c'était un élève brillant dans le

lycée où il avait été placé. 11 fit alors une chute sur la tête, en

tombant d'un trapèze. Les accidents immédiats se dissipèrent

assez rapidement, mais il se plaignit de fréquents maux de tête,

devint distrait, paresseux; puis il fit des extravagances de toutes

'sortes. Il arriva rapidement à la démence.

Observation XX. -1L ? soixante ans, berger. A l'âge de quatre

ans, il avait reçu un violent coup de serpe sur la tête; la cicatrice

en est manifeste. Cet homme a été de tout temps regardé comme

un cerveau fêlé, et dans son village, il était l'objet des moqueries

et des mauvais tours de chacun. Vers l'àge de vingt ans, il com-

mença à montrer de l'exaltation religieuse, s'attribua le don de

DES TRAUMATISMES DU CRANE. 189

prophétie, se mit à prêcher, laissant pousser ses cheveux et sa

barbe, s'affublant d'un costume bizarre. Cela ne l'empêchait pas

de gagner sa vie en gardant les troupeaux. Avec les progrès de

l'âge, le délire s'accentuant, M... devint dangereux et il fallut le

séquestrer.

Dans le même ordre d'idées il faut citer les chan-

gements d'humeur et de caractère. Un enfant studieux

et discipliné recul à l'école un coup de règle sur la tête.

Depuis ce fait son caractère changea complètement,

il devint méchant et paresseux (Wigan, cité par Bail,

in France méd., 11 nov. 1884). - Gall (loc. cit., II,

p. 199) raconte qu'un jeune homme, ayant reçu une

blessure considérable dans le voisinage de l'os tem-

poral, fut trépané par Acrell. Quand la blessure fut

guérie, il ne put s'empêcher de voler, quoique, aupa-

ravant, il n'eût pas ce penchant. Acrell reconnut qu'il

ne fallait l'attribuer qu'à la blessure de la tête, et il

le fit sortir de prison'.

Parmi les changements qui offrent un intérêt spé-

cial, je signalerai ceux qui ont trait au genre de vie,

et surtout à l'appétence pour l'alcool.

Stalpart van der Wiel raconte l'histoire du comte

Philippe de Nassau-Weichheim, qui, après une chute

de cheval qui détermina une grave contusion du

crâne, fut trépané 27 fois( ! ), avant qu'on pût décou-

vrir l'épanchement. Guéri, il put boire plus de vin

qu'auparavant, sans que l'ivresse s'accrût, « proba-

« blement, ajoute l'auteur, en raison de la plus facile

« expansion du cerveau ». (Franck (Pi ? txeos),, III,

p. 359, [noté) trad. Bayle.) Par contre, l'un des blessés

'Un enfant, âgé de quinze ans, donnait également peu d'espérance. Il

tomba il Copenhague, du quatrième étage d'un escalier, et, depuis cette

chute, il déploya de grandes facultés intellectuelles... Mais après la même

chute, il manifeste aussi un très mauvais caractère. (Gall, loc. cil., p. 32.)

190 PATHOLOGIE MENTALE.

de Krafft-Ebing ne supportait plus même de minimes

quantités d'alcool : un verre de vin le grisait. Plusieurs

des malades que j'ai connus n'étaient devenus alcoo-

liques qu'après leur accident, de telle sorte que l'on

peut supposer que celui-ci doit être incriminé.

Observation XXI. - II..., quarante-sept ans, était peintre en

bâtiments, quand, en 1871, il fit, du haut d'un échafaudage, une

chute très grave sur la tête. Il guérit, mais abandonna sa profes-

sion, et trois ans après, se fit marchand de vins. Dès lors il com-

mença à boire, et, en 1879, il dut être conduit à Charenton, en

proie à une attaque de delirium tremens. Il succomba le jour

même de son entrée : hémorrhagie sous-méningée, coeur grais-

seux.

Observation XXII. T..., cultivateur, quarante-cinq ans. Jus-

qu'à l'âge de trente ans, était sobre et rangé. A cette époque, il

tomba dans une carrière et se blessa grièvement à la tête. Depuis

lors il se mit à boire ; il a eu déjà plusieurs atteintes de délire al-

coolique.

Observation XXIII. - B..., trente-six ans, cultivateur. Un cou-

sin paralytique général. Il y a douze ans chute très grave sur la

tête, et deux ans après, accès de dipsomanie qui revient à chaque

printemps et dure quelques semaines.

b). Troubles pathologiques permanents. - Ces trou-

bles sont très variables, et dépendent des circons-

tances, spéciales à chaque cas, dans lesquelles le trau-

matisme s'est produit. C'est ainsi qu'un oeil, ou même

les deux yeux, peuvent être perdus, que l'ouïe peut

être abolie ; qu'un muscle ou un groupe de muscles

peuvent rester paralysés et s'atrophier consécutive-

ment. Dans les observations qui précèdent, il y a des

exemples de toutes ces lésions, et il n'est pas néces-

saire d'insister sur leur fréquence et leur impor-

tance.

Je connais le fils d'un paralytique général actuel-

lement dans mou service ; ce jeune homme, âgé de

DES TRAUMATISMES DU CRANE. 191

dix-huit ans aujourd'hui, est tombé sur la tête du haut

d'un trapèze, lorsqu'il avait douze ans : il en est resté

complètement sourd, et je me suis souvent demandé

quel est l'avenir réservé à cet infortuné'.

Gama (loc. cil., p. 461) cite un homme qui, après

une chute sur la tète, resta sourd. Il mourut après 6 ans

de souffrances.

Dans le numéro du 1 el' avril 1882 du Cenlrcll3lalt.

f. 7Ve/'M ? e'«f/e, on trouve l'histoire d'une jeune

fille de vingt-deux ans, qui, à la suite d'une chute sur

l'occiput, perdit le sens du goût et de l'odorat 2.

Observation XXIV. - J'ai vu mourir à Charenton un persécuté,

âgé de cinquante-quatre ans ; à l'âge de sept ans, il avait été vic-

time d'un grave accident; il avait été grièvement blessé au som-

met de la tête, vers la suture fronto-pariétale. Peu après, sa vue

avait commencé à faiblir, et malgré tous les traitements, il était

complètement aveugle à quinze ans. Vers l'âge de vingt ans, idées

de persécution et hallucinations multiples, qui persistèrent jus-

qu'à la mort. B... était affecté d'une prédisposition héréditaire;

sa mère et sa soeur étaient aliénées.

Fréquemment persistent des douleurs, soit sous

forme de névralgies s'irradiant à partir du point

atteint, soit sous celle de douleurs sourdes, obtuses,

s'accompagnant, ou non, de bourdonnements ou de

sifflements d'oreilles.

Une demoiselle reçoit, à l'âge de quinze ans, un léger coup sur

le côté droit de la tête. Elle resta, depuis ce temps, et pendant

trente ans, sujette il une violente céphalalgie, qu'elle rapportait

constamment au point où elle avait reçu le coup. Au bout de ce

temps sa santé s'altéra ; elle tomba dans l'assoupissement, sa vue

s'affaiblit, et elle périt dans le coma à l'âge de cinquante ans. L'os

du crâne, dans le lieu où le coup avait porté, était aminci par

' Observations semblables dans Fabrice de Hilden, cent. 3, On5. VII : c.r,

Casn al) alto surdilas seeula..

2 On sait qu'Urnla enfant (il avait huit ans), la suite d'une violente et

brutale correction de son père, resta bègue pendant plusieurs mois.

(Dubois (d'Amiens), Eloge (1'01 filzi.)

'H) : 2 PATHOLOGIE MENTALE.

l'absorption, au point d'être transparent dans l'étendue d'un

écu.

Cette observation est tirée d'Abercrombie (p. 264),

qui l'emprunte à Howship. Le même auteur (p. 59)

rapporte l'histoire, bien plus curieuse encore, d'un

capitaine, qui, au siège d'une place, tomba tout d'un

coup sans parole, par suite du passage d'un boulet,

qui lui effleura la tête. Revenu à lui, ce malade se

plaignit toujours d'une douleur obtuse à la tête et

d'un tintement d'oreilles. Six ans après, il devint épi-

leptique, et mourut en peu de temps. A l'autopsie,

dure-mère gangrenée auprès de la suture coronale.

Sur le milieu du cerveau, près de la faux, existait uu .

os très aigu qui pénétrait dans la dure-mère. Il u'exis-

tait aucune cicatrice ni aucune trace de fracture du

crâne. (Cas. tirée des missel. nat. curios., an IV,

Cas. XCV, Ant. Pozzis.)

J'ai connu un malade qui avait été victime d'un

accident absolument semblable : il était capitaine, au

siège de Metz en 1870, quand il fut renversé sans z

connaissance par un boulet qui lui rasa la tête, d'ail-

leurs, sans aucune lésion apparente. Il reprit son ser-

vice, mais souffrant beaucoup de céphalalgies : en 1880,

il mourait de paralysie générale. L'autopsie ne me

révéla aucune particularité pouvant se rapporter à

l'accident.

Observation XXV. Un ancien sous-officier, qui avait fait la

campagne de Crimée, et avait été blessé à la jambe, était devenu,

après sa libération du service, employé des ponts et chaussées. En

1811, à l'âge de trente-huit ans, il tomba accidentellement du

haut d'un mûrier, et se contusionna la tête. Il eut un mal de tête

afl'reux; pendant vingt jours, il ne put ni marcher, ni tenir un

objet quelconque, la main étant paralysée. Au bout de vingt jours

seulement, il put s'habiller seul. Les douleurs de tête persistèrent

DES TRAUMATISMES DU CRANE. 193

quoique moins violentes, mais l'intelligence s'affaiblit, lamémoirp.

se perdit, et le malade, atteint de paralysie générale, dut être

placé dant un asile, où il mourut subitement en 1874, de la rup-

ture d'un anévrisme de l'aorte.

Mais une des conséquences les plus fréquentes des

traumatismes crâniens, c'est incontestablement l'épi-

lepsie ou du moins l'attaque épileptiforme. Dans les

observations qui précèdent (Cas. XIV, XV) je l'ai notée

plusieurs fois ; il n'est pas d'ouvrage consacré à

l'épilepsie, dans lequel on n'ait fait figurer les coups et

blessures à la tête parmi les causes déterminantes.

Enfin, il n'est pas rare de voir à la suite du trauma-

tisme survenir l'épilepsie d'abord, la folie plus tard.

Calmeil enciteuuexempleremarquable(llTal. iujlam.

du cerveau, II, p. 85, OBS. CXIX) : un charpentier,

âgé de cinquante-trois ans, avait reçu dans l'enfance un

coup violent sur le pariétal gauche : fracture et perte

de substance de l'os. Devenu militaire, il est effrayé

une nuit par des coups de pistolet tirés, à son oreille,

et des cris que l'ennemi approche : il devient épilep-

tique, mais les attaques sont rares. A cinquante-deux

ans, délire ambitieux, paralysie générale. A l'autopsie,

vaste dépression sur le pariétal gauche, perte de subs-

tance de l'os; la dure-mère est appliquée sur l'orifice et

forme un tampon membraneux.

Dans la fameuse observation de Quesnay (J.11ém. de

l'Acad. royale de chirurgie, I) rapportée par Bouillaud

(OBS. L), il s'agit d'un laquais âgé de quinze àseize ans.

Un coup de pierre au milieu du pariétal droit, produisit

une fracture de l'os, à travers laquelle le cerveau,

faisant hernie, se gangrena dans une étendue consi-

dérable. Le jeune homme guérit, mais en restant

Archives, t. XVIII. 13

194 PATHOLOGIE MENTALE.

paralysé du côté droit; il eut des mouvements épilep-

tiques, mais l'esprit se rétablit entièrement.

Observation XXVI. L..., journalier, vingt ans. A dix ans coup

de pied de cheval qui laisse sur le front une profonde cicatrice;

trois ans après, première attaque d'épilepsie. L'intelligence s'af-

faiblît graduellement, la parole devint difficile et pénible.

Observation XXVII. Th..., dix-huit ans, sans profession. A

dix ans chute sur la tête du haut d'une maison en construction :

coma, délire ; gravement malade pendant six semaines. Peu de

temps après, première attaque d'épilepsie, puis démence.

VI.

Dans les observations que j'ai recueillies, je me

suis appliqué à relever avec le plus grand soin

les particularités suivantes : 1° quelles ont été la

nature et la gravité du traumatisme ? A-t-il été suivi

d'accidents primaires ou secondaires, et de quelle im-

portance ? 2° Ces accidents ont-ils laissé après eux des

traces visibles (cicatrices, pertes de substance, para-

lysies, atrophies,, etc.) ? 3° Y a-t-il eu, consécutive-

ment, une altération dans le fonctionnement du cer-

veau (intelligence, caractère, humeur, aptitudes, etc.) ?

4° Enfin, quand l'occasion s'en est présentée, l'au-

topsie a-t-elle donné quelque résultat ?

Il est bien rare qne tous les éléments du diagnostic

se soient trouvés réunis chez le même malade; on ne

rencontre généralement que les uns ou les autres,

groupés d'une façon variable, mais suffisants cepen-

dant pour permettre de conclure à l'action réelle du

traumatisme. Eu procédant ainsi à mon enquête, j'ai

recueilli, soit à Maréville, soit à Charenton, un très

DES TRAUMATISMES DU CRANE. 193

grand nombre de faits, parmi lesquels j'en ai retenu

Il cent des plus probants, et c'est de l'analyse de ces

cent observations que je vais essayer de tirer quelques

données générales. 11 est inutile d'ajouter que tous

les malades ont passé par mon service et ont été

observés par moi.

J'ai pu ainsi, tout d'abord, constater une extrême

variété dans la nature même des traumatismes : on en

jugera par le tableau suivant :

196 PATHOLOGIE MENTALE.

d'un arbre, dans une cave, ou une carrière, etc.

- Dans les coups par instrument contondant, j'ai

dû ranger un nombre infini de variétés, telles que

bille de bois lancée avec violence, câble échappé

d'une transmission, - coups de pied de cheval, coups

de bâton, de pommeau de sabre, de crosse de fusil,

passage de la roue d'une voiture, explosion de

mine. masses tombées sur la tête, telles que bottes

de foin, coupons de drap, ballot de laine.

J'ai mis à part les blessures par armes à feu (balles,

éclats d'obus) ; elles ont en effet quelque chose de spé-

cial. Quant aux plaies par instrument tranchant, elles

en comprennent par coups de sabre, coups de hache,

de serpe, de hoyau. Un seul malade a été victime

d'un contre-coup : il est tombé dans une cave, d'une

hauteur de 2 à 3 mètres, sur les pieds. De cette chute

il est resté tout étourdi pendant quelques heures, et à

partir de cette époque il n'a cessé d'éprouver dans la

tête de violentes douleurs : il a fini par la paralysie

générale. J'ai eu, depuis, l'occasion d'observer un cas

presque identique chez un militaire.

Une question d'une grande importance est celle de

l'âge auquel a eu lieu l'accident. Il est évident que,

toutes choses égales d'ailleurs, un traumatisme quel-

conque agit différemment sur le crâne de l'adulte et

sur celui de l'enfant. Dans l'enfance, les os, et parti-

culièrement ceux du crâne, sont relativement mous,

élastiques, la non-ossification des sutures leur donne

une souplesse et une élasticité, qui n'existent pas

chez l'adulte. Il faut bien en outre que les chutes

soient moins dangereuses pour l'enfant, car c'est à

cet âge qu'elles sont les plus fréquentes, et il n'est

DES TRAUMATISMES DU CRANE. W I

assurément personne, qui, dans les jeux propres à

l'enfance, n'ait gardé le souvenir de maints horions

accidentellement reçus sur la tête, et n'ayant laissé

aucune trace.

198 PATHOLOGIE MENTALE.

folie est nettement déclarée : c'est le temps écoulé

entre ce moment et celui de l'accident que j'ai noté.

DES TRAUMATISMES DU CRANE. 199

résultats prochains. Il n'est même pas possible de

savoir exactement quelle est la partie de l'encéphale

définitivement atteinte. Du point externe directement

atteint, l'ébranlement se transmet à toute la masse

cérébrale, et qui pourrait dire où aboutit la résultante

finale ?

Il faut réfléchir ensuite que la vie cérébrale est in-

finiment complexe, que le traumatisme n'agit jamais

seul, enfin qu'il n'agit pas autrement que toutes les

causes que nous invoquons dans l'étiologie des mala-

dies mentales : tantôt il intervient comme cause déter-

minante ; bien plus souvent comme cause prédispo-

sante. Il suffira d'un ou deux exemples pour montrer

combien les appréciations doivent différer suivant les

cas.

z Un homme, dont la mère a été aliénée, arrive jus-

qu'à l'âge de 30 ans, en présentant tous les signes

d'une intelligence parfaitement équilibrée : à cet âge

il fait une chute, se blesse grièvement à la tête, gué-

rit, et reprend ses affaires. Mais on s'aperçoit qu'il

n'est plus le même, et quelques années après il estem-

porté par une paralysie générale. Dans ce cas, n'est-

on pas autorisé à dire que la chute sur la tête a été

la cause déterminante de la paralysie générale, à la-

quelle le sujet avait toute chance d'échapper, malgré

sa prédisposition héréditaire ?

Autre exemple : un homme de 40 ans, sans aucune

prédisposition héréditaire, et qui a toujours joui

d'une excellente santé, reçoit des coups de bâton à

la tête; il guérit de ses blessures et n'en garde au-

cune trace. Deux ans après, il perd son fils unique,

tombe dans une profonde mélancolie, et meurt para-

200 PATHOLOGIE MENTALE.

lytique général. Est-il téméraire de supposer que cet

homme aurait eu la force de supporter son chagrin, si

antérieurement son cerveau n'avait été ébranlé par le

traumatisme !

Assurément il y à là matière à discussion, et l'on

pourrait faire bien d'autres hypothèses; je veux seu-

lement établir que le traumatisme ne saurait, en gé-

néral, imprimer à la folie aucun caractère spécial, -

qu'il n'intervient qu'en lésant, plus ou moins grave-

ment, le cerveau dont il fait l'organe nzinoris resis-

tentiæ, quand il n'existait aucune prédisposition anté-

rieure, ou, tout au contraire, il met en jeu les

prédispositions latentes. Et c'est ainsi que l'on peut

voir survenir l'une ou l'autre des maladies mentales :

manie, délire de persécutions, folie circulaire, ou dé-

mence, épilepsie, paralysie générale', non pas indiffé-

remment, mais suivant la nature et le mode d'action

des autres causes qui sont également intervenues'.

Il n'est qu'une série de cas, où il semble que le

traumatisme imprime à la maladie mentale un cachet

spécial, c'est quand il a été la cause directe, immé-

diate, de la folie. Un officier reçoit des coups de

sabre à la tête à la bataille de Sedan; il guérit, et

reprend son service; mais il ne cesse de présenter

1 Je devrais signaler aussi les manifestations de l'hystérie, qui peu-

vent ètre la conséquence du traumatisme, comme le professeur Charcot

l'a démontré; il en a été publié de nombreux exemples, mais ce sont des

faits que je n'ai guère chance de rencontrer parmi mes malades, et je

devais me borner à en noter la possibilité.

2 Outre la prédisposition, cet x que nous sommes toujours obligés d'in-

voquer, il y a encore des causes accidentelles dont on ne saurait néglt-

ger l'importance : les excès de table, les excès alcooliques, les veillées,

les fatigues, l'abus du coït, les secousses morales, etc... Toutes ces

causes doivent intervenir dans la forme de la maladie mentale.

DES TRAUMATISMES DU CRANE. 201

des troubles cérébraux, céphalalgie, vertiges, éclipses

de mémoire. Ces symptômes s'aggravent progressive-

ment, se compliquent de délire, et il faut placer le

malade dans un asile d'aliénés. Au début il présente

une excitation maniaque, avec des idées de grandeur,

qui peut faire croire à une paralysie générale. Mais il

n'y a pas de tremblement manifeste de la parole, il

n'y a pas le caractère si expansif du paralytique, mais

plutôt un état de torpeur , enfin la marche de la mala-

die n'est pas celle de la paralysie générale : depuis

plus de 7 ans le malade reste dans un état à peu près

stationnaire, et ce n'est pas ainsi que les choses se

passent chez le paralytique.

J'ai plusieurs cas de ce genre dans mon service, et

se ressemblant tous d'une manière frappante : je les ai

compris dans mes cas de démence. Mais cette démence

a quelque chose de spécial, et, s'il me fallait trouver

un diagnostic plus précis, je crois que je m'arrête-

rais à celui d'encéphalite chronique de cause trauma-

tique.

S'il n'existe pas un ensemble de symptômes propres

à la folie due au traumatisme, il est clair que lé dia-

gnostic ne pourra se baser que sur les antécédents du

malade, et sur le mode d'évolution de la maladie. De

tout ce qui précède, ressort, dans chaque cas particulier,

la nécessité d'une enquête minutieuse : et je me suis

efforcé de montrer quels sont les éléments multiples

qu'il faut recueillir et contrôler avec soin, pour arriver,

sinon à une conviction entière, du moins à une très

grande probabilité. Je ne veux pas répéter tout ce que j'ai i

dit plus haut; cependant pour mettre en garde contre

des erreurs qu'il serait facile de commettre, je citerai

202 PATHOLOGIE MENTALE.

les faits suivants : ils semblent démontrer qu'il faut

d'autant plus hésiter à attribuer les accidents observés

au traumatisme, que le temps écoulé entre eux est plus

court :

Un capitaine d'infanterie, atteint de paralysie générale, est

placé à Charenton. La famille, les chefs, le malade lui-même, dans

certains moments de lucidité elative, expliquent l'apparition des

premiers accidents par une chute sur la tête, que cet officier a

faite six semaines avant son admission, en tombant de cheval.

Une enquête plus approfondie démontra que, depuis de longs

mois le malade avait eu des alternatives de mélancolie profonde

et d'excitation cérébrale ; que dans sa période d'excitation, il avait

fait des achats inconsidérés, hors de proportion avec ses res-

sources, et d'objets dont il n'avait nua besoin. Entre autres, lui qui

n'avait aucune habitude de l'équitation, avait acheté un cheval

d'une taille gigantesque, sur lequel il se livrait à des courses dé-

sordonnées, et c'est dans une de ces crises qu'il avait été jeté à

bas de sa monture. « N'est-il pas' évident, dit Foville, à qui j'em-

prunte cette observation, que la chute, au lieu d'être la cause, a

été le résultat d'un trouble mental déjà bien prononcé et qui doit

être rattaché au début de la folie paralytique ? » (Ann. mêd. psy-

chat., ils6\), I, p. 447.)

Un homme d'une soixantaine d'années et amené dans un état

comateux auquel il succombe quelques jours après son entrée. On

incrimine une chute sur la tête, faite la veille de son admission.

L'autopsie fait découvrir un énorme hématome de la dure-mère,

dont certainement le début remontait à une époque éloignée; la

chute n'avait été qu'un des effets de la lésion cérébrale.

Féré a raconté l'histoire d'un ouvrier qui tombe d'un

échafaudage et reste étendu mort : l'autopsie fit dé-

couvrir une hémorrhagie cérébrale considérable, et

c'est elle qui avait occasionné la chute. Je termine par

l'exemple suivant :

Un vieux mendiant se trouve sur une route au moment où ar-

rive au grand trot un escadron de cavalerie; il veut se garer, mais

tombe, et les chevaux lancés passent sur son corps. Quand on le

releva, il était mort. Evidemment il avait été écrasé ! L'autopsie

médico-légale démontra que le vieillard n'avait sur le corps que

des contusions sans gravité; il avait succombé à une hémorrhagie

cérébrale toute récente et très abondante. Il était donc évident

DES TRAUMATISMES DU CRANE. 203

que, par une singulière coïncidence, le mendiant avait été fou-

droyé par son hémorrhagie cérébrale au moment même où arri-

vaient les cavaliers, et ceux-ci n'avaient passé que sur un ca-

davre.

Cette observation, quoique s'éloignant un peu de

mon sujet, m'a paru cependant intéressante à rappor-

ter : elle vient à l'appui de ce que j'ai dit sur l'impor-

tance qu'il y a de ne pas baser le diagnostic sur de

simples apparences.

Le pronostic, et tous les auteurs sont d'accord sur

ce point, est toujours grave. Quand la folie survient il

la suite d'un traumatisme du crâne, je crois qu'on peut

la considérer toujours comme incurable, et cela s'ex-

plique, puisqu'on ne saurait la rattacher qu'à une

altération plus ou moins profonde, et plus ou moins

étendue de la substance cérébrale.

Traitement. Je n'ai rien à dire ici du traitement

par lequel on essayera de combattre les accidents

primaires ou secondaires des traumatismes crâniens :

ce traitement est principalement du domaine de la chi-

rurgie. Si le blessé échappe à ces accidents, il est con-

sidéré comme guéri et il l'est en effet; mais il reste

un cérébral, pour employer l'expression de Lasègue,

- il garde une tare indélébile du cerveau.

Peut-on, chez un pareil individu, espérer d'empê-

cher l'explosion ultérieure de la folie ? Nous retom-

bons ici dans les recommandations banales : suivre

une bonne hygiène, éviter les excès, les fatigues, les

émotions, etc. De traitement spécial, il n'en existe

pas. La raison en est simple : à côté de la lésion di-

recte, mécanique en quelque sorte, qui résulte du

traumatisme (fracture du crâne, épanchement de sang,

204 PATHOLOGIE MENTALE.

esquilles, etc.), - il en est une autre bien plus im-

portante ; c'est la modification moléculaire que le

choc a déterminée dans la trame nerveuse, dans la

cellule cérébrale. De cette modification, nous ne savons

- absolument rien, et nous sommes complètement

désarmés contre elle. Mais ce n'est pas une raison de

négliger l'autre élément du problème, et, chaque fois

que l'on constatera l'existence d'un foyer d'irritation

permanent (cicatrice, corps étranger, etc.), l'inter-

vention chirurgicale active me paraît absolument

indiquée. ,

C'est presque toujours la question du trépan qui se

pose dans ce cas. Or, avec les progrès de la chirurgie

contemporaine, avec l'antisepsie rigoureusement pra-

tiquée, l'opération du trépan est devenue absolument

inoffensive, et c'est un devoir d'en faire bénéficier le

blessé chaque fois que l'indication se pose.

Le trépan est d'autant plus indiqué qu'il existe dans

la science des faits authentiques de guérison d'acci-

dents graves, tels que l'épilepsie, dix, vingt ans, et

plus, après le trauma. Même quand l'affection céré-

brale a terminé son évolution et a abouti à la folie,

quelle qu'en soit d'ailleurs la forme symptomatique,

même alors je crois qu'il y a lieu d'examiner et de

peser mûrement les chances d'une opération. Si mi-

nimes qu'elles puissent être, j'estime qu'on peut, et

même qu'on doit y revenir.

Médecine légale. Tout problème médico-légal est

une question d'espèce, il demande à être étudié en

lui-même. Il n'est pas possible de tracer une règle gé-

nérale applicable à tous les cas. Si je disais que tout

DES TRAUMATISMES DU CRANE. 205

traumatisme du crâne doit nécessairement entraîner de

graves conséquences, on m'objecterait aussitôt dix,

vingt cas authentiques, où il n'y a eu aucune suite

fâcheuse. Et inversement, si j'affirmais que le pronos-

tic est en général favorable, on ne manquerait pas

de me citer des exemples nombreux où l'on a vu les

lésions les plus insignifiantes en apparence suivies

d'accidents formidables.

Le plus souvent, l'expert est appelé à apprécier le

préjudice causé aux victimes d'un accident (explosion

de mine, de machine à vapeur, rencontre de chemin

de fer, écroulement d'un échafaudage, etc.), et le de-

gré de responsabilité qui incombe à la compagnie, au

patron, au constructeur. Si, après l'accident, il s'est

produit des lésions secondaires durables, permanentes ;

si, par exemple, la fracture du crâne guérie, le blessé

est resté hémiplégique, s'il y a eu perte d'un oeil, ou

surdité, en un mot si le résultat a été une infirmité

incurable, la tâche de l'expert est singulièrement fa-

cilitée, puisqu'il n'a à se prononcer que sur un fait

tangible, évident, dont il lui sera très aisé d'établir la

filiation.

Où commencera la difficulté, c'est dans les cas, et

ce sont les plus fréquents, - où, après les symptômes

immédiats, plus ou moins graves, le blessé paraîtra

revenu, et définitivement revenu à son état normal.

Pourra-t-on affirmer que tout se bornera aux trou-

bles passagers de quelques jours ou quelques heures,

que la guérison sera certaine et durable ? ' ?

Bien téméraire serait le médecin qui se montrerait

trop afiirmatif ! Quelle que soit l'apparente insigni-

fiance des accidents de début, l'expert devra toujours

6 PATHOLOGIE MENTALE. - DES TRAUMATISMES DU CRANE.

montrer la plus grande réserve pour l'avenir : c'est

une règle dont il ne faut jamais se départir. Ce n'est

guère que pour des questions de responsabilité civile

que le médecin légiste est consulté dans la période qui

~~suit immédiatement le traumatisme. Il pourrait se faire

cependant qu'il eût à se prononcer sur des actes dé-

lictueux ou même criminels, commis par le blessé dans

cette période somnambulique qui succède au choc, et

qui peut durer vingt-quatre heures et plus. Dans cette

période, le blessé continue à agir comme s'il était dan s

son état normal, et cependant, il est absolument in-

conscient : c'est à l'expert à bien mettre ce fait en évi-

dence, et à montrer que, malgré toutes les appa-

rences, les actes sont automatiques, non raisonnés,

soustraits à la volonté de l'individu. C'est une sorte de

somnambulisme traumatique analogue au somnambu-

lisme comitial (vertige épileptique), au somnambu-

lisme naturel, etc.

Le plus fréquemment, le médecin est appelé dans

les circonstances suivantes : on lui demande si une

affection cérébrale chronique (folie, démence, para-

lysie générale, etc.), qui est survenue un an, deux

ans, dix ans..., après un traumatisme comme ceux

- que j'ai étudiés, peut légitimement être attribuée à ce

traumatisme.

D'une façon générale, je crois que l'on peut affir-

mer la possibilité du fait; mais je n'oserais aller au

delà. Chaque cas particulier demande une étude spé-

ciale ; c'est une démonstration qu'il faut recommencer

à chaque fois, et à laquelle il convient de procéder

avec une grande rigueur.

L'expert doit, en effet, bien se rendre compte, qu'a-

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. zou

près l'accident auquel il a réchappé, l'individu est

rentré dans les conditions de la vie commune; il a eu,

comme si rien ne lui était survenu, sa part de cha-

grins, de fatigues, de préoccupations, d'excès. Au

médecin il appartient de démêler la part exacte qui

revient à chacun de ces éléments étiologiques', de re-

connaître si, à côté de ces causes accidentelles, il n'en

existe'pas d'autres constitutionnelles (hérédité, etc.).

C'est toujours une question de diagnostic médical, et

j'ai essayé de montrer, dans tout le cours de ce tra-

vail, à quels points de repère il faut se rattacher pour

avoir chance de trouver la vérité.

CLINIQUE NERVEUSE.

RECHERCHES CLINIQUES ET EXPÉRIMENTALES SUR LES ACCI-

DENTS SURVENANT PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES';

Par M. le Dr MICHEL CATSARAS,

Professeur agrégé de la Faculté d'Athènes, Médecin de l'asile de 1)romocaitis.

IV. ETIOLOGIE.

Dans le chapitre précédent, nous avons longuement

étudié quel est l'agent pathogène des accidents sur-

venant par l'emploi des scaphandres ou des cloches

à air comprimé et quel est son mode d'action. Main-

' Les causes des maladies mentales sont toujours complexes et mul-

tiples, même dans les cas en apparence les plus simples. C'est à déterminer

l'élément étiologique essentiel que se réduit tout le problème.

e Voir Archives de Neurologie, n° -17, p. 1 F.ï; no -18, p. 2-16; n° 49, p. 22 j

n° 50, p. 225; n° 51, p. 392; n° 52, p. 80.

208 CLINIQUE NERVEUSE.

tenant, nous entrons en plein dans l'étiologie de ces

accidents, c'est-à-dire que nous allons étudier quelles

sont les causes de la production nocive de cet agent

pathogène. -

- Ici encore, nous puiserons les éléments de notre

étude à deux sources intarissables dont l'une qui a,

pour nous du moins, une importance vraiment incom-

parable, est la clinique, l'observation chez l'homme,

et l'autre qui contribue à son tour à éclaircir d'une vive

lumière l'étiologie des accidents en question, est l'ex-

périence. Or, grâce à ces deux sources dont nous avons

largement profité, notre chapitre de l'étiologie ne

sera pas moins étudié, moins élucidé que les autres.

Pour faciliter l'étude et la conception de toutes les

données étiologiques qui doivent être tirées de nos

observations, nous avons fait le tableau ci-contre.

L'étude attentive des conditions étiologiques des

accidents des malades de nos observations nous rué-

vèle trois catégories de causes. La première catégorie

est constituée par ces accidents qui produisent les ac-

cidents en favorisant le développement de l'agent

pathogène, en augmentant ainsi directement la quan-

tité de gaz dans le sang. La seconde catégorie est

constituée par les causes qui agissent en s'opposant à

l'élimination de l'excès de gaz par l'entrave au fonc-

tionnement régulier des voies éliminatrices, de la peau,

des poumons et de l'appareil digestif. Mais soit que

les causes agissent directement sur la production de

l'agent pathogène, soit qu'elles agissent en s'opposant

à l'élimination de l'excès de cet agent, le résultat

final, nous l'avons déjà dit, sera le même, l'augmen-

DES ACCIDENTS PAR- L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 201) lui

tation de la quantité des gaz dans le sang, qui fera

éclater toute l'Iliade de maux dont deviennentvictimes

les malheureux ouvriers des travaux sous l'air com-

primé. La troisième c'est les fatigues.

A. Causes favorisant LE DÉVELOPPEMENT DE l'agent

PATHOGÈNE PAR LEUR ACTION DIRECTE SUR SA PRODUCTION.

Ces causes relèvent toutes des conditions qui pré-

sident au travail lui-même. Elles sont au nombre

de quatre : 1° la profondeur; 2° la durée du séjour;

3° la rapidité de la décompression et 4° le nombre des

immersions. Toutes ces causes sont d'une importance

vraiment considérable et par cela même, d'une gravité

presque égale. Discutons la valeur de chacune de ces

conditions causales à part.

Il importe avant tout de remarquer les différences

fort importantes, en effet, qui ont été constatées chez

les animaux de différentes espèces, soumis à de fortes

pressions. C'est ainsi que les oiseaux peuvent supporter

les changements brusques de pressions excessivement

fortes bien mieux que les mammifères. La connais-

sance de ces faits si importants nous a été léguée

comme tant d'autres par Paul Bert, comme on le voit

dans le passage suivant :

« Chez les oiseaux, la décompression brusque est beaucoup moins

à redouter que chez ces mammifères. Un moineau, en effet

(exp. DX), avait survécu à la décompression à partir de dix atmos-

phères. Un autre (exp. DXUi) n'est mort que longtemps après une

décompression de quatorze atmosphères.

« Au contraire, chez les mammifères, les accidents ont com-

mencé à se manifester dès six atmosphères (exp. DXXX); la mort

a frappé presque tous les animaux ramenés de huit atmosphères

et tous ceux qui l'étaient de neuf. Le» chiens et les chais ont en-

iIiCHIVF.S, t. XVIII. 1 ¡,

: : J10 CLINIQUE NERVEUSE.

core paru plus susceptibles que les lapins; les expériences DXX

et DXXVI faites simultanément sur un chat qui a péri et un lapin

qui a survécu sont caractéristiques, réserve faite des différences

individuelles. »

Vu donc ces différences considérables qui sont pré-

sentées par les animaux des différentes espèces soumis

à de hautes pressions, c'est principalement sur l'ob-

servation chez l'homme qu'il faut nous appuyer pour

faire une étude complète et précise de cette question

qui est au fond si pratique et si intéressante, sans

négliger toutefois de recourir à l'expérience qui est en

effet un moyen auxiliaire d'étude éminemment ins-

tructif.

Fort heureusement, les accidents par l'emploi des

scaphandres nous fournissent un si grand nombre de

cas que nous avons eu l'embarras du choix. 'Les faits

insérés dans le tableau précédent suffisent pour établir

d'une manière évidente les différents éléments étiolo-

giques. En suivant toujours la même méthode, nous

allons choisir parmi les accidents de notre tableau

ceux qui sont d'une simplicité et d'une pureté remar-

quables, ceux dont l'accident ne doit être attribué qu'à

un seul et unique élément étiologique et en faire l'ana-

lyse, afin de mettre en relief l'action de chaque élément

étiologique, isolée, pure et dégagée de tout mélange.

Cela fait, il est extrêmement facile d'analyser les

accidents dont l'étiologie a été complexe, plusieurs

éléments étiologiques ayant concouru pour faire éclater

l'accident. Discutons un à un ces éléments.

1. Profondeur ou degré de compression. - Cet

élément étiologique est trop connu pour que nous y

insistions beaucoup. On conçoit facilement en effet

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 1-) 11 1

que plus la profondeur est grande, autrement dit, plus

la pression est forte, plus de gaz d'après la loi de

Dalton sera dissous et par une conséquence toute na-

turelle plus de gaz deviendra libre, se dégagera dans

le sang lors de la décompression. La profondeur ayant

une influence considérable et directe sur la production

de gaz constitue donc un élément étiologique d'une

importance capitale.

Outre un grand nombre d'accidents qui admettent

une étiologie complexe où la profondeur est un des

premiers éléments étiologiques ; nous citerons spécia-

lement l'accident de I'Orservation XXXIII qui montre

à l'évidence le rôle causal que joue la profondeur

dans la production des accidents survenant par l'emploi

des scaphandres. L'intérêt de cette observation con-

siste dans l'action causale de la profondeur isolée et

dégagée de tous les autres éléments étiologiques. En

effet, la profondeur a été de 32 brasses ; la durée du

séjour ne peut être incriminée dans ce cas, parce qu'elle

n'a pas dépassé les 4 minutes; la rapidité de la dé-

compression ne peut pas être considérée ici à titre

d'élément étiologique, car le même temps de décom-

pression a été employé par ce plongeur pour toutes

les profondeurs au-dessous de 32 brasses sans accident,

ce qui veut dire que, si ce n'était la grande profondeur

en d'autres termes la très forte pression, la décom-

pression brusque ne jouerait pas son rôle pathogénique

au point de devenir redoutable ; et pour parler dans

le sens de la loi daltonienne, s'il ne s'était pas dissous

une grande quantité de gaz pendant la forte pression

de 32 brasses, il ne se serait pas dégagé pendant la

décompression tant de gaz au point de faire éclater

: 21'2 CLINIQUE NERVEUSE.

l'accident. Le nombre des immersions ne peut non

plus être pris en considération, car cet homme n'avait

fait qu'une seule immension. Enfin, il n'y a pas eu

d'entrave au fonctionnement libre, régulier de la peau,

des poumons, ou des voies digestives, car il n'y a pas

eu de refroidissement, ni d'affections pulmonaires, ni

de repas avant l'immersion.

Le minimum de profondeur dans les accidents de

nos malades est de 16 brasses, et le maximum de 32

brasses. D'ailleurs les scaphandriers ne descendent

presque jamais à des profondeurs au-dessus de 32

brasses. Je n'ai observé qu'une seule fois chez les plon-

geurs à scaphandre des accidents à des profondeurs

au-dessous de 16 brasses. Passons maintenant à l'étude

d'un autre élément étiologique, de la durée du séjour

dont l'importance ne cède en rien à celle de la pro-

fondeur ou du degré de compression.

2. Durée du séjour. Afin d'établir la grande

fréquence aussi bien que la gravité de cette cause, nous

allons analyser tous les accidents de notre tableau, qui

n'admettent comme élément étiologique que l'action

isolée de la durée du séjour. Ces accidents sont au

nombre de treize dont dix appartiennent à des

plongeurs égaux en nombre (Ons. XIX, XXI, XXII,

XXV, XXVI, XXVIII, XXX, XXXVI, XXXVII et XLI

et trois à un seul plongeur à scaphandre, qui a

été atteint à différentes époques de son travail (OBs.

LVIII).

Maintenant, il est temps de procéder à l'étude spé-

ciale de chacun de ces accidents au point de vue étio-

logique. A 10 brasses de profondeur, est survenu

l'accident cérébral de l'OBs. XXXVI ayant revêtu la

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 213 3

forme aphasique, et plus spécialement le type d'apha-

sie complexe. Il est de toute évidence que cet accident

admet exclusivement la durée du séjour comme cause

unique; en effet ce plongeur a prolongé son séjour à

une heure et demie, et la preuve flagrante c'est que

le plongeur à scaphandre qui fait le sujet de cette

observation avait déjà antérieurement fait un grand

nombre d'immersions à la profondeur de 16 brasses

et bien au-dessus sans accident, de sorte que la pro-

fondeur ou le degré de compression n'est pour rien

dans la production de cet accident ; la rapidité de la

décompression non plus, car elle était tout à fait égale

en durée aux immersions antérieures à son accident;

il ne peut être question du nombre des immersions

comme cause de l'accident, car celui-ci est survenu à

la suite de la première immersion. Enfin, les causes

qui agissent en s'opposant à l'élimination de l'excès

de gaz devenus libres pendant la décompression ne

peuvent être ici invoquées, car le fonctionnement

libre de la peau des poumons et des voies digestives

n'a été nullement entravé; il est expressément noté

dans l'histoire de l'observation de cet homme qu'il

n'y a eu ni refroidissement, ni affections pulmonaires,

ni repas avant l'immersion. Il est donc évident que

l'heure et demie de séjour a été ici la seule cause,

l'élément étiologique unique dans la production de

l'accident en question. Jamais ce scaphandrier à cette

profondeur n'a demeuré plus de 15 à 20 minutes.

A la profondeur de 17 brasses a eu lieu l'accident

cérébral de l'OBSERVATION XXXVII sous la forme sen-

sorielle (variété oculaire, cécité). Il est de toute évi-

dence aussi que la seule et unique cause de, cet ac

cl Il CLINIQUE NERVEUSE.

cident est la durée prolongée du séjour au fond de la

mer, qui a été de une heure et trois quarts. Pour

preuve nous allons extraire et citer textuellement le

passage suivant emprunté à l'histoire de notre malade,

« Notons bien, dis-je, que ce plongeur était déjà an-

térieurement descendu un grand nombre de fois à cette

profondeur et bien au-dessus et il se faisait toujours brus-

quement, parfois décomprimer, en quelques secondes,

mais jamais, jamais, je le répète à dessein, il n'avait

dépassé les 20 minutes de séjour au fond. » Donc, la

profondeur et la rapidité de la décompression ne peu-

vent être invoquées en aucune façon comme causes

de cet accident; le nombre des immersions y est aussi

pour rien, car c'était à la suite de la première im-

mersion que l'accident avait éclaté. Enfin, le passage

suivant, emprunté aussi à l'histoire de la même obser-

vation, suffit à rejeter dans le cas en question l'action

étiologique des causes qui agissent en s'opposant à

l'élimination des gaz par la peau, les poumons et les

voies digestives. Le voici :

« Il importe en outre de remarquer que cet homme

n'était pas refroidi, il ne toussait pas et il n'avait pas

mangé avant son immersion. »

Il ressort clairement de cette analyse que le seul

élément étiologique dans la production de cet accident

a été la durée du séjour.

A la profondeur de 18 brasses est arrivé l'accident

de l'OBSERVATION XXV présenté cliniquement sous la

forme spinale unilatérale et plus spécialement sous

la variété intramyélitique. Cet accident doit être attri-

bué exclusivement et uniquement à la durée du séjour

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 2 Il Il

au fond qui a été d'une heure. A preuve nous insérons

le passage suivant de son histoire clinique :

« Il avait fait plusieurs immersions à la même pro-

fondeur et bien au-dessus jusqu'à 23, 25 brasses sans

accident, mais il n'avait jamais prolongé son séjour

plus de 10, 15 minutes et c'est la première fois qu'il

est resté au fond plus d'une heure. Inutile d'ajouter

que la décompression était toujours brusque. Pas de

refroidissement, pas de toux, pas de repas avant l'im-

mersion qui a causé l'accident. »

Ce passage prouve d'une manière on ne peut plus

claire que la profondeur, la rapidité de la décompres-

sion, le nombre des immersions (c'est à la suite de la

première immersion que l'accident est survenu), le

refroidissement, les affections pulmonaires, les repas

avant l'éclusement ne sont absolument pour rien dans

la production de cet accident.

Pour ne pas fatiguer l'attention du lecteur par

l'analyse de chaque accident particulier en répétant

toujours la même chose, nous dirons que tous les au-

tres accidents, Observations XIX, XXI, XXII, XXVI,

XXVIII, XXX, XLI et LVIII ont été exclusivement et

uniquement causés par la durée du séjour. A preuve

les immersions antérieures faites dans les mêmes con-

ditions de travail, sauf bien entendu la durée du séjour,

sans accident et la non-possibilité d'invoquer les

causes qui agissent par l'entrave au fonctionnement

régulier des voies éliminatrices de l'excès de gaz.

De l'analyse de ces faits il ressort d'une manière on

ne peut plus claire que bien des fois les accidents sur-

venant par l'emploi des scaphandres sont dus à la

durée du séjour.

216 CLINIQUE NERVEUSE.

Pour surcroît de preuves de ce fait nous avons ins-

titué, en imitant exactement les conditions du travail

des plongeurs il scaphandre, un certain nombre d'ex-

périences dont les résultats concordent parfaitement

bien avec les données de la clinique. Je me contenterai

de rapporter les suivantes, qui sont très concluantes

dans l'espèce :

Expérience VII (2 mars 1885). Pirée. - Chien. Première immer-

sion à 8 heures, 18 brasses de profondeur. Durée de séjour 16 mi-

nutes, de 8 h. 1 m. à 8 h. 17 m.; décompression 40 secondes.

Pas d'accident.

Expérience VIII (2 mars). Chien. Première immersion à 8 h.

30 m., 18 brasses de profondeur; durée de séjour de 8 h. 34 m. à

8 h. 41 m., décompression 50 secondes. Aucun accident.

EXPÉRIENCE IX (2 mars). - Chien. Première immersion, 9 heures,

profondeur 20 brasses; séjour de 9 h. et demie à 9 h. 9 m., dé-

compression 1 minute. Aucun accident.

Expérience X (2 mars). - Chienne. Première immersion 10 heu-

res, profondeur 21 brasses; séjour de 10 h. 2 m. à 10 h. 8 m.,

décompression 1 minute. Pas d'accident.

Expérience XI (2 mars). - Chien. Première immersion 10 h.

35 m., profondeur 23 brasses; durée de séjour de 10 h. 36 m. à

10 h. 40 m., décompression 1 minute. Aucun accident.

EXPÉRIENCE XII (3 mars 1885). Chien de l'expérience VII. Pre-

mière immersion à 8 heures, 18 brasses de profondeur; durée du

séjour de 8 h. 1 m. à 10 h. 31 m., décompression 40 secondes.

A 10 h. 42 m., l'animal commence a traîner ses pattes posté-

rieures ; à 10 h. 50 m. il ne peut plus marcher, ses pattes posté-

rieures sont en extension complètement paralytiques et insensi-

bles ; à 11 h. 15 m. l'animal excité se met à marcher en traînant

ses pattes et peu après il se recouche; à 11 h. et demie guérison

complète. ,

EXPÉRIENCE XIII. - Chier : de l'expérience VIII. Première im-

mersion à 1 I h. 45 m.; profondeur de 19 brasses, durée du séjour

de 11 h. 46 à 1 h. 46, décompression brusque 50 secondes. A 1 h.

51 m., paralysie transitoire de la patte postérieure gauche ayant

disparu à 2 h. 15 m.. ·

Expérience XIV. -Chien de l'expérience IX. Première immer-

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 217 ï

sion à h. 3 m.; profondeur 20 brasses; durée de séjour de 3 lui.

3 m. à 4 h. 48 m., Décompression 1 minute. A 4 h. 33 ni.. l'animal

tombe en convulsions suivies bientôt de coma. Mort à 5 heures,

fiaz en abondance partout, pas de foyers d'hémorrhagie.

Expérience XV (4 mars). Chienne de l'expérience X. Première

immersion à 8 heures du matin, profondeur 21 brasses ; durée du

séjour de 8 h. 2 ni. à 9 h. 3 m., décompression 1 minute. A 10 h. '

48 m., paralysie du train postérieur qui rapidement ascendante

produit la mort le troisième jour. Ramollissement ischémique,

petites taches hémorrhagiques.

Expérience XVI. Chien de l'expérience Xi. Première immer-

sion il 11 heures. Profondeur de 23 brasses; durée du séjour

de 11 h. 1 m. à 12 h. 1 ni ? -décompression 1 minute. A 12 h. 9 : i m.

cris, titubation. Angoisse respiratoire; à 12 h. 40 m. l'animal com-

mence à se remettre, à t heure guérison.

Certes, les accidents qui sont arrivés aux chiens,

(Exp. XII, XIII, XIV, XV -et XVI), n'admettent qu'une

seule cause exclusive, la durée prolongée du séjour.

La profondeur aussi bien que la rapidité de la décom-

pression ne peuvent être acriminées en aucune façon,

car les chiens des Expériences VII, VIII, IX, X et XI,

sont plongés à la même profondeur et la décompres-

sion a été absolument égale en durée sans aucun ac-

cident. Vu les grandes différences individuelles de

susceptibilité aux accidents qui ont été observés chez

les différents animaux de la même espèce, on aurait

peut-être le droit de discuter la valeur de ces expé-

riences et on pourrait expliquer par ce fait l'invasion

des accidents chez les uns et leur absence chez les

autres. Ici il est absolument impossible d'invoquer

cette individualité, car nous avons expérimenté sur

les mêmes chiens.

Le nombre des immersions n'y est aussi pour rien,

car c'est à la suite de la première immersion que les

accidents sont survenus. Les accidents de nos

218 CLINIQUE NERVEUSE.

chiens doivent donc être directement attribués à la

durée du séjour.

Cette cause a été confirmée aussi expérimentalement

par Paul Bert, comme on peut le voir en lisant le

-passage suivant :

« Un des éléments les plus importants à considérer relative-

ment à l'apparition des phénomènes morbides consécutifs à la dé-

compression est la durée du séjour dans l'air comprimé. Après

(suivant nous au même titre) le degré de la compression, après le

degré de la décompression, c'est lui qui joue le rôle principal.

Ainsi, tandis que pour les chiens décomprimés immédiatement

après que le degré voulu avait été atteint, on n'a pas d'accidents

graves, comme le montre le tableau XVIII avant d'avoir atteint

sept atmosphères, nous voyons dans l'expérience DL\Ill un chien

périr assez rapidement en sortant de l'appareil où la pression de

six atmosphères avait été entretenue pendant 3 h. et demie. »

Il est extrêmement facile de concevoir le pourquoi

de la gravité de la durée du séjour. Qu'on veuille

bien se rappeler les lois de l'équilibre des gaz et on

comprendra aisément que plus grande est la durée du

séjour au fond de la mer, en d'autres termes plus la

compression dure, plus de gaz sera dissous dans le

sang et en conséquence plus de gaz deviendra libre, et

sera dégagé dans le sang; d'où l'imminence morbide, qui

dans l'immense majorité des cas porte tôt ou tard ses

coups aux malheureux plongeurs à scaphandre.

Procédons maintenant à l'étude d'une troisième

cause aussi importante et aussi grave que le degré de

compression et la durée du séjour, c'est la rapidité de

la décompression. Je ne m'y arrêterai pas longtemps,

car l'importance en a été reconnue par tous les au-

teurs.

3. Rapidité de la décompression. Il importe, avant

d'étudier la gravité de cette cause, de fixer l'attention

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 219 a

du lecteur sur un fait très intéressant que voici. Il faut

faire une distinction nette et claire entre le rôle pa-

thogénique et le rôle étiologique de la décompression,

qui sont généralement confondus. Le rôle pathogé-

nique consiste en ce que c'est toujours la décompres-

sion et elle seule qui donne naissance à l'agent pa-

thogène, le gaz. Le rôle étiologique consiste en ce que

la rapidité de la décompression est en raison directe

de la production du gaz, en d'autres termes plus la

décompression est rapide plus de gaz deviendra libre,

durant l'action du rôle pathogénique de la décompres-

sion, ce qui fait l'imminence morbide.

La rapidité de la décompression est donc au même

titre que le degré de compression et la durée du sé-

jour, une cause qui produit des accidents favorisant

le développement de l'agent pathogène par son action

directe sur la production de cet agent, le gaz.

Comme nous l'avons fait pour la démonstration des

autres causes, nous allons choisir parmi les observa-

tions de notre tableau celles dont les accidents recon-

naissent comme seul et unique élément étiologique la

rapidité de la décompression. Ces accidents sont au

nombre de cinq. (OBs. XX, XLIV, XLIX, LUI et LV.)

(1.. L'accident extra-nerveux du plongeur de rOnSER-

Ovation LV, beau spécimen d'emphysème sous-cutané,

n'a certainement été causé ni par la profondeur de 20

brasses, ni par la durée du séjour de quelques mi-

nutes, car le même scaphandrier qui a été atteint avait

déjà fait antérieurement un grand nombre d'immer-

sions à la même profondeur et plus; le séjour étant

égal en durée, sans ancun accident. Il ne peut être

question du nombre des immersions comme cause de

220 CLINIQUE NERVEUSE.

l'accident, car c'est à la suite de la première immer-

sion que l'accident était arrivé. Le plongeur n'étant

pas indisposé et n'ayant pas l'estomac chargé avant

l'immersion on ne peut naturellement invoquer ni le

'refroidissement, ni les affections pulmonaires, ni les

repas avant l'immersion dans l'étiologie de cet acci-

dent. Enfin, si l'on songe qu'il n'était pas du tout fa-

tigué, on est forcément obligé de reconnaître comme

seule et unique cause la rapidité de la décompression

qui a été ici soudaine. En effet, tout d'un coup le tube

en caoutchouc s'est rompu sans solution complète de

continuité en deux points différents dont l'un était à

la partie du tube submergée et l'autre à celle qui se

trouvait dans le bateau.

). Gromillet ne doit certes son accident (OBs. XX)

ni à la profondeur de 22 mètres, ni à la durée du

séjour, car il était déjà descendu en scaphandre le

29 janvier, c'est-à-dire la veille du jour de son acci-

dent, pour reconnaître l'état du chaland à la même

profondeur de 22 mètres environ et il était resté sous

l'eau non pas trois minutes, durée du séjour de l'im-

mersion qui a causé l'accident mais bien trois quarts

d'heure, sans accident. Le nombre des immersions

n'étant aussi pour rien dans l'étiologie de cet acci-

dent, Gromillet doit exclusivement et uniquement son

accident à la décompression instantanée consécutive à

la rupture soudaine de la colerette du scaphandre.

y). Les accidents des Observations XLIV et XLIX ne

peuvent être attribués ni à la profondeur ni à la durée

du séjour, car les deux plongeurs avaient déjà an-

térieurement fait bien des immersions dans les mêmes

conditions de travail comme profondeur et comme

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 221 1

durée du séjour, sans accident, mais ils ne s'étaient

jamais décomprimés si brusquement. Comme il est

formellement noté dans l'histoire de ces observations

que les plongeurs n'étaient pas refroidis, qu'ils ne

toussaient pas et qu'ils n'avaient pas chargé leur

estomac avant l'immersion, il ne peut être question

dans l'étiologie de ces accidents des causes qui agissent

par l'entrave à l'élimination de l'excès de gaz.

Le nombre des immersions et la fatigue ne peuvent

être pris en considération, parce que c'était à la suite

de la première immersion que l'accident survint et

les plongeurs n'avaient pas été fatigués au fond de la

mer. La décompression est donc la seule et unique

cause de ces accidents, car elle n'aurait pas duré plus

de trois à quatre secondes. Tous les deux avaient

fermé la soupape pour se faire instantanément re-

monter.

3). L'accident cérébral de l'OBSERVATION LUI pour

les mêmes raisons que les précédents, admet comme

seul et unique élément étiologique la décompression

instantanée, en effet, le scaphandrier qui a été affecté

de cet accident ne sachant pas bien manier la soupape

la ferme et se fait instantanément décomprimer.

L'étude étiologique de ces faits a établi d'une ma-

nière positive qu'un certain nombre d'accidents

survenant par l'emploi des scaphandres sont causés

exclusivement et uniquement par la rapidité de la

décompression.

Passons maintenant à l'étude d'une autre cause de ces

accidents, qui n'a pas été étudiée et qui cependant est

d'une importance et d'une gravité considérables. Elle

est, en outre, d'une très grande fréquence. Ce nouvel

222 CLINIQUE NERVEUSE.

élément étiologique c'est le nombre des immersions.

C'est ici qu'il faut particulièrement s'appliquer à

choisir des cas également remarquables par leur sim-

plicité et par leur pureté, c'est-à-dire qu'il faut consi-

dérer les accidents dont l'analyse sert à démontrer

qu'ils sont dus à l'action causale isolée du nombre des

immersions.

4° Nombre des immersions successives. Si l'on

jette un coup d'ceil sur notre tableau, on peut déjà

vaguement concevoir la fréquence et la gravité de cet

élément étiologique dans la production de ces acci-

dents. Cette conception vague devient une conviction

formelle, si l'on étudie à fond les conditions causales

d'un certain nombre d'accidents dont l'analyse suffit

amplement à démontrer d'une manière certaine et

indiscutable la part considérable de cette cause dans la

production de ces accidents. Vu les conséquences pra-

tiques très importantes, en effet, qui doivent être

tirées de cet élément étiologique, je vais examiner et

analyser longuement, un à un, ces accidents, afin de

faire ressortir l'influence funeste de l'action causale

du nombre des immersions successives, simple, pure,

isolée, dégagée de tout mélange.

Ces accidents sont au nombre de seize, dont dix

appartiennent à des scaphandriers égaux en nombre

(Cas. VI, X, XI, XIV, XVI, XVIII, XXXIV, XL, XLII

et XLV), deux au plongeur de l'OBSERVATION XV et

quatre à celui de l'OI35ERVATION LX.

11.). Accident de /'Observation VI. Il est évident

que cet accident est dû au nombre des immersions, car

le plongeur à scaphandre de cette observation ayant

déjà fait quatre immersions précédentes dans les

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 223

mêmes conditions de travail à savoir 20 brasses de

profondeur, dix minutes de séjour, même durée de

décompression sans accident, il est naturellement

impossible d'attribuer cet accident soit au degré de

compression, soit à la durée du séjour, soit à la rapi-

dité de la décompression. Les causes qui agissent en

s'opposant à l'élimination de l'excès de gaz ne peu-

vent pas être prises en considération, car ce plongeur

n'était pas refroidi, il ne toussait pas, et il n'avait pas

mangé avant l'éclusement, enfin ce plongeur n'ayant

pas été fatigué on doit rejeter la fatigue comme cause

de cet accident.

). Accident de /'Observation X.- Il est absolument

impossible de considérer dans l'étiologie de cet acci-

dent, soit le degré de compression, soit la durée du

séjour, soit la rapidité de la décompression, car le

patient aussi bien que ses compagnons affirment que

l'immersion qui lui a causé l'accident a été faite exac-

tement dans les mêmes conditions que les quatre pré-

cédentes non suivies d'accident, à savoir même pro-

fondeur de 25 brasses, même durée du séjour douze

minutes et même temps de décompresion. Enfin, si

l'on songe qu'il n'y a eu ni refroidissement, ni affec-

tions pulmonaires, le plongeur étant parfaitement bien

portant avant son accident, ni repas copieux avant

l'éclusement, le plongeur ayant très peu mangé, il

y avait déjà deux heures, et ayant fait après quatre

immersions successives sans accident, ni enfin de fa-

tigue, on est forcément obligé de reconnaître comme

seul et unique élément étiologique le nombre des im-

mersions successives.

y). Accident de /'Observation XI. - La seule et

14 t. CLINIQUE NERVEUSE.

unique cause de cet accident est le nombre des im-

mersions successives, car le scaphandrier qui fait le

sujet de cette observation avait fait quatre immersions

antérieures dans les mêmes conditions de travail, à

savoir même profondeur 24 à 27 brasses, même durée

du séjour huit à dix minutes, même temps de décom-

pression sans accident, de sorte que ces trois élé-

ments étiologiques ne sont pour rien dans l'étiologie

de cet accident. Il en est de même en ce qui concerne

les causes qui agissent en s'opposant à l'élimination

de l'excès de gaz, car le plongeur était parfaitement

bien portant, et il n'avait pas fait de repas avant son

éclusement, enfin, ajoutons qu'il n'a pas été fatigué.

). Accident de /'Observation XIV. Cet accident

étant arrivé à la suite de la troisième immersion faite

à la même profondeur de 24 à 25 brasses, même

durée du séjour et même temps de décompression

que les deux précédentes, il serait absurde de consi-

dérer le degré de compresion, la durée du séjour et la

rapidité de la décompression comme causes de cet

accident. Impossible aussi d'invoquer soit le refroi-

dissement, soit les affections pulmonaires, soit les repas

avant l'éclusement, soit la fatigue dans l'étiologie de

cet accident, car l'existence de ces éléments a été

parfaitement niée par l'histoire de cette observation. Il

est donc clair que c'est uniquement au nombre des

immersions successives que cet accident est dû.

). Accidents de /'Observation XV. Les accidents

dont le scaphandrier de cette observation a été vic-

time à différentes époques au cours de son travail

admettent tous les deux un seul élément étiologique,

le nombre des immersions successives, parce que

\

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. ? 2ú

d'une part le scaphandrier de cette observation étant

descendu quatre fois avant l'immersion du premier

accident et trois fois avant celle du second, les condi-

tions du travail étant exactement les mêmes, c'est-à-

dire même degré de compression 25-26 brasses de

profondeur pour le premier accident, 27 pour le

second, même durée de séjour 5 minutes pour le pre-

mier, 5 à 6 minutes pour le second et même temps

de décompression sans accident, il est illogique d'in-

criminer ces trois causes dans la production de cet

accident. L'histoire de son observation d'autre part

nous faisant remarquer nettement que notre plongeur

n'était pas refroidi, qu'il ne toussait pas, qu'il était à

jeun avant son éclusement et qu'il n'avait pas été

fatigué, il va sans dire que les causes qui agissent en

s'opposant à l'élimination de l'excès de gaz aussi bien

que la fatigue ne sont pour rien dans l'étiologie de

cet accident.

c). Accident de /'Observation XVIII. II est hors

de doute que cet accident aussi est dû au nombre des

immersions successives. Le degré de compression, la

durée de séjour et la rapidité de la décompression ne

sont pas à considérer, car le plongeur eu question a

été atteint à la suite de la troisième immersion faite

dans les mêmes conditions que les deux précédentes,

16 à 17 brasses de profondeur, une demi-heure de

séjour et même temps de décompression; les refroi-

dissements, les affections pulmonaires, les repas avant

l'éclusement, enfin la fatigue ne sont ici pour rien, car

il n'y en a pas eu.

). Accident de /'Observation XXXIV. - Cet acci-

dent est arrivé à une profondeur de 22 à 24 brasses,

Archives, t. XVI 11. 15

226 CLINIQUE NERVEUSE.

la durée du séjour n'ayant pas dépassé les 4 à 5 mi-

nutes et la décompression étant de 1 minute. Ces trois

éléments étiologiques ne sont pas à considérer, car il

. avait fait quatre immersions précédentes dans des

conditions tout à fait identiques, sans aucun accident.

Ajoutons qu'il ne peut pas être question des causes

qui agissent en s'opposant à l'élimination de l'excès

de gaz, et on sera convaincu que la seule et unique

cause de cet accident est le nombre des immersions

p

successives.

vj. Accident de /'Observation XL. Il n'est pas

moins évident que cet accident a été causé aussi par le

nombre des immersions; en effet le plongeur de cette

observation, après avoir fait six immersions successives

à une profondeur de 23 à 24 brasses, 10 à 12 minutes

de séjour et d'une décompression brusque, redescend

pour le septième fois dans les mêmes conditions

comme profondeur, comme durée du séjour et comme

décompression; on ne peut donc pas incriminer ces

trois éléments étiologiques dans la production de cet

accident. L'absence du refroidissement, des affections

pulmonaires et des repas avant l'éclusement aussi

bien que de la fatigue, étant expressément signalée

dans l'histoire de cette observation, il n'est certes pas

possible de rapporter cet accident à ces causes.

). Accident de /'Observation XLII. 11 est clair

comme le jour que cet accident admet le nombre des

immersions successives comme le seul et unique élé-

ment étiologique, car le degré de compression, 20 à 22

brasses de profondeur, la durée du séjour de 13 mi-

nutes, la rapidité de la décompression, 1 minute

environ, étaient exactement les mêmes aux cinq.im-

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. zizi

mersions antérieures à celle qui a causé l'accident

sans aucune suite, et il n'y a eu ni refroidissement,

ni affections pulmonaires, ni repas, ni fatigue. ! ). Accident de /'Observation XLV. - Pour peu

qu'on fixe son attention sur les conditions de travail

du plongeur de cette observation, on ne tarde pas à

se convaincre que cet accident est uniquement pro-

voqué par le nombre des immersions successives. Cet

accident en effet est survenu à la suite de la septième

immersion, qui a été faite de 20 à 21 brasses de pro-

fondeur, 15 minutes de séjour et 1 minute de décom-

pression, et cependant les six immersions antérieures

qui ont été faites dans les mêmes conditions ne furent

pas suivies d'accident. Quant aux refroidissements,

aux affections pulmonaires, aux repas avant les im-

mersions et enfin à la fatigue, ces éléments n'ont pas

existé du tout; de sorte que c'est le nombre des im-

mersions successives qui est la seule cause de cet

accident.

tri.). Accident de /'Observation LX. Le scaphan-

drier qui fait le sujet de cette observation a été atteint

à différentes époques au cours de son travail de quatre

accidents qui tous sont dus à une seule cause, le

nombre des immersions successives. En effet, les deux

premiers sont arrivés à la suite de la septième immer-

sion et les deux derniers à la suite de la troisième. Le

degré de compression, la durée du séjour, la rapidité

de la décompression ne peuvent pas être mis en

compte pour la raison bien simple que ce plongeur

était déjà descendu avant les immersions qui ont été

suivies d'accidents dans les mêmes conditions de tra-

vail sans accident. Etant donné en outre que ce plon-

238 8 CLINIQUE NERVEUSE.

geur était parfaitement bien portant, qu'il n'avait pas

fait de repas avant son éclusement et qu'enfin il n'a-

vait pas été fatigué, on ne peut pas penser aux causes

qui agissent en s'opposant à l'élimination de l'excès

de gaz et à la fatigue. L'analyse, un peu longue et

fatigante, monotone, mais nécessaire des conditions

causales au milieu desquelles sont arrivés les accidents

précédents, a servi à mettre en relief la gravité et la

fréquence de cet élément étiologique, à savoir le

nombre des immersions successives.

Nous sommes tout naturellement amené à nous

demander le pourquoi de la gravité et de la fréquence

de ce nouvel élément causal. La première idée qui

viendrait à l'esprit, serait d'expliquer par la fatigue

l'action nocive de cette cause. Mais ayant demandé»

aux plongeurs qui font l'objet des observations pré-

cédentes, s'ils avaient été fatigués, ils m'ont donné

une réponse négative.

Cette cause exclue, nous croyons pouvoir nous

permettre l'explication suivante, ayant la valeur d'une

hypothèse qui peut être vérifiée ou réfutée au contraire

par l'expérimentation. Il est possible que la quantité

du gaz dégagé pendant la décompression ne soit pas

absolument égale à celle qui s'est dissoute durant la

compression. Supposons, par exemple, qu'à 26 brasses

de profondeur, il s'est dissous durant une compres-

sion de douze minutes, une quantité de gaz A, la

quantité de gaz devenus libres pendant la décompres-

sion ne sera pas A, mais A, soit à savoir moindre

que celle des gaz dissous. D'autre part, comme il

est parfaitement démontré que le rôle pathogénique

de la décompression est en raison directe du

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 229

degré de compression, c'est-à-dire que plus il

sera dissous de gaz, plus il en sera dégagé, il

s'ensuit qu'à la deuxième décompression faite dans

les mêmes conditions, à savoir même profondeur et

même durée de séjour, il sera dissous A + une cer-

taine quantité de gaz en dissolution déjà lors de la

compression de l'immersion précédente, quantité qui

n'a pas été dégagée. Tout naturellement la quantité

de gaz qui deviendra libre lors de la décompression

de la seconde immersion ne sera pas A, mais bien A +.

En d'autres termes et pour être synoptique, il faut

compter la quantité du gaz dégagée pendant la dé-

compression et voir si elle augmente à chaque immer-

sion successive faite dans les mêmes conditions de

travail, à savoir : même degré de compression, même

durée de séjour et même temps de décompression que

la précédente. Dans ces conditions le nombre des

immersions successives agirait au même titre que les

trois autres déjà décrites, c'est-à-dire en favorisant le

développement de l'agent pathogène par leur action

directe sur sa production. Ce sont des expériences

à faire dans un laboratoire de physiologie, ce qui

m'est impossible à moi qui ai- toujours expérimenté

dans les barques des scaphandriers et qui n'ai jamais

eu d'autre laboratoire.

B'. Causes QUI agissent, EN s'opposant A l'élimination

DE L'EXCÈS DE GAZ DEVENUS LIBRES LORS DE LA DÉCOM-

PRESSION.

Les quatre éléments étiologiques que nous venons

d'étudier, agissent, nous l'avons déjà démontré, en

280 CLINIQUE NERVEUSE.

favorisant le développement de l'agent pathogène,. le

gaz par leur action directe sur sa production. Les

causes dont nous nous occuperons à l'instant même,

agissent d'une manière absolument opposée c'est-à-

dire en s'opposant à l'élimination de l'excès de gaz,

qui s'effectue progressivement au furet à mesure que

la pression devient de moins en moins forte. Cette

élimination se fait par les poumons, par la peau et

peut-être par le tube digestif.

, Eh bien, maintenant supposons qu'il y ait un dé-

rangement fonctionnel de ces voies, quelle en sera la

conséquence ? Il n'est pas difficile de concevoir que,

l'élimination de l'excès de gaz étant complètement

ou au moins fortement entravée par le dérangement

fonctionnel des voies susmentionnées, le résultat final

serait l'augmentation de la quantité de gaz dans le

sang, c'est-à-dire que ces causes aboutissent en fin de

compte au même effet que celles dont il a été question

précédemment, seulement par une voie différente :

celles-ci agissent directement sur la production du

gaz en augmentant ainsi la quantité de cet agent patho-

gène ; tandis que celles-là n'ayant aucune influence

sur la production de gaz, s'opposent à son élimination,

soit par la peau, soit par les poumons, soit par l'in-

testin, en augmentant ainsi indirectement sa quantité

dans le sang; en d'autres termes, dans le premier cas,

le gaz est augmenté parce qu'il est produit en plus

grande quantité; dans le second, le gaz produit lors

de la décompression est en plus grande quantité dans

le sang parce que son élimination a été entravée ou

même complètement compromise.

Comme il y a trois voies par lesquelles l'élimination

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 231

de l'excès de gaz s'effectue, il y a aussi trois éléments

étiologiques dont le premier agit en mettant des

entraves au fonctionnement régulier de la peau et

par suite en bourrant cette voie d'élimination; le

second agit en interceptant les fonctions pulmonaires

et par cela même en s'opposant à l'élimination de

l'excès de gaz par cette voie; enfin le troisième qui

agit par l'entrave des voies digestives.

Pour mieux faire ressortir toute l'importance de

ces trois éléments causaux, il nous faut les étudier

séparément en choisissant les cas dont les accider's

sont dus uniquement à une seule de ces trois causes.

Commençons par celle qui agit en mettant des en-

traves au fonctionnement libre de la peau et par

suite en s'opposant à l'élimination de l'excès de

gaz par cette voie. Cette cause, qui pour être rare n'est

pas moins réelle, c'est le refroidissement.

1. Refroidissement. Parmi le grand nombre

d'accidents qui figurent à notre tableau, il n'y en a

guère que deux qui doivent être attribués à l'action

causale de cet élément étiologique. Ce sont les acci-

dents des Observations XXXI et XLIII.

a). Accident de /'Observation XXXI. - Il est im-

possible de considérer soit le degré de compression,

soit la durée de séjour, soit la rapidité de la décom-

pression comme causes possibles de cet accident, car

le plongeur de cette observation serait descendu un

grand nombre de fois dans les mêmes conditions de

travail, comme profondeur pas au delà de 22 brasses,

comme durée de séjour, pas plus de dix minutes et

avec une rapidité de décompression tout à fait égale

232 CLINIQUE NERVEUSE.

en durée à celle de l'immersion qui a causé l'accident.

Impossible non plus de mettre en ligne de compte le

nombre des immersions successives dans l'étiologie

de cet accident, car-c'était à la suite de la première

immersion que l'accident était arrivé. Si l'on consi-

dère que cet homme était descendu à jeun et qu'il

n'avait rien du côté de la poitrine, qu'il ne toussait

pas, on ne saurait attribuer aux affections pulmo-

naires et aux repas copieux avant l'éclusement, les

causes de cet accident. Etant noté que ce plongeur

n'était pas fatigué, nous sommes donc amenés par la

voie d'exclusion à nous demander si le refroidisse-

ment n'a pas été la cause de cet accident, c'est ce

qui est arrivé en effet : cet homme, la veille de son

accident, le 15 mai 1886, s'est levé le matin pas bien

portant : toute la journée il avait eu des frissons accom-

pagnés d'un malaise général tel qu'il n'a pas voulu

travailler. La nuit du 15 au 20 mai fut agitée, il n'a

pu fermer l'oeil. Le lendemain matin, 20 mai, cet

homme faisant bon marché de cette indisposition, est

descendu pour pêcher des éponges. Il est donc clair,

croyons-nous, que la seule et unique cause de cet

accident est le refroidissement.

). Accident de /'Observation XL ! If. Cet accident

n'est certes pas dû ni au degré de compression c'est-à-

dire à la profondeur de 23 brasses, ni à la durée du

séjour de dix minutes, ni à la rapidité de décom-

pression de 1 minute. Un coup d'oeil en effet, jeté

sur l'histoire de cette observation suffit à prouver

ce fait. Voici ce que nous lisons :

« Ce scaphandrier, notons-le bien, aurait déjà an-

térieurement fait un grand nombre d'immersions dans

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 233

les mêmes conditions comme profondeur, comme

durée du séjour et comme rapidité de décompres-

sion, sans avoir jamais eu d'accidents. »

L'immersion à la suite de laquelle l'accident est

survenu étant la première, le nombre des immersions

successives comme élément étiologique tombe de lui-

même. Enfin, du moment que cet homme ne tous-

sait pas, qu'il était descendu à jeun et qu'il n'avait

pas été fatigué, on est forcément obligé de chercher

ailleurs la véritable cause de l'accident en question,

qui n'est autre que le refroidissement; en effet l'ac-

cident de cet homme est survenu dans les circons-

tances suivantes : le 12 juin 1880, ce plongeur s'é-

tait levé indisposé ayant des frissons, mal à la tête

et une lassitude générale, il n'a pas voulu travailler.

La nuit du 12 au 13 juin fut très mauvaise, fièvre,

céphalalgie intense, insomnie. Le 13 juin, son état

n'avait pas changé, il avait des frissons. Cependant,

malgré son indisposition, il se décida à travailler.

C'est dans ces conditions qu'il était descendu, et

c'est ce qui lui a causé l'accident.

Passons maintenant à l'étude d'une autre cause, qui

elle aussi n'est pas fréquente, mais qui n'en est pas

moins effective; c'est celle qui agit en interceptant

les fonctions pulmonaires et par cela même en les

opposant à l'élimination de l'excès de gaz par cette

voie. Nous entendons les affections pulmonaires.

2° Affections pulmonaires. Il n'y a guère dans

notre tableau que deux accidents dont le seul et

unique élément étiologique soit l'affection pulmonaire;

ce sont les accidents des Observations XXIX et LXI.

234 CLINIQUE NERVEUSE.

a). Accident de /'Observation XXIX. Cet acci-

dent ne peut en aucune façon être attribué ni au

degré de compression, 24 brasses de profondeur; ni

à la durée de-séjour, dix minutes; ni à la rapidité

de la décompression,-1 mètre environ, pour la simple

raison que le plongeur de cette observation avait fait

déjà antérieurement un grand nombre d'immersions

à la même profondeur, le séjour et la rapidité de la

décompression étant égal, en durée, sans aucun ac-

cident. Etant donné en outre que cet accident avait

suivi la première immersion, on ne peut penser au

nombre des immersions successives. Enfin, si l'on

songe : l°que le libre fonctionnement de la peau de

ce plongeur n'était pas entravé, car aucun symptôme

ne trahissait un dérangement de ce genre; 2° qu'il

n'avait pas pris de repas avant son éclusement;

3° qu'il n'avait pas du tout été fatigué, on arrive par la

voie d'exclusion à supposer la possibilité d'un déran-

gement dans les fonctions pulmonaires comme cause

de cet accident.

Cette hypothèse se transforme en certitude si l'on

apprend que l'accident est survenu dans les circons-

tances suivantes : du 2 au 3 juin, il avait passé une

nuit d'agitation, d'inquiétude sans avoir pu fermer

l'oeil. Le 3 juin, le matin, le malade s'était levé ayant

la voix rauque et toussant. A dix heures, il fait sa

première immersion dont il a été affecté.

Accident de /'Observation LXI. Cet accident éta-

blit d'une manière bien plus évidente encore que les

affections pulmonaires peuvent produire un certain

nombre d'accidents survenant par l'emploi de sca-

phandres. Comme pour l'accident précédent, le degré

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. zips

de compression, la durée du séjour, la rapidité de la

décompression et le nombre des immersions ne sont

pour rien dans la production de cet accident, parce

que le plongeur à scaphandre de cette observation

était bien des fois descendu à la même profondeur, à

savoir 23 brasses, le séjour et la décompression étant

égaux en durée et parce que c'était à la suite de la

première immersion que l'accident était arrivé. Si

l'on considère aussi qu'aucun symptôme ne dénotait

la moindre entrave au fonctionnement régulier de la

peau et qu'il n'avait pas chargé son estomac, on doit

naturellement repousser les refroidissements et les

repas copieux avant l'éclusement dans la produc-

tion de cet accident. Enfin, étant noté que cet homme

n'avait pas été fatigué, on est en droit de songer

à la possibilité d'une entrave au fonctionnement

régulier des poumons qui s'oppose à l'élimination de

l'excès du gaz par cette voie. C'est ce qui est arrivé

en effet. Cet homme avait attrapé un catarrhe bron-

chique, l'hiver de 1885, qui faute d'un traitement

approprié et par suite d'intempérances du malade

avait passé à l'état chronique. C'est dans cet état que

ce plongeur s'est décidé à faire sa campagne d'été ;

les derniers jours même de son départ il avait une in-

crudescence de son catarrhe, car, d'après l'habitude

de la majorité de ces gens, il s'est enivré d'une façon

effrénée quelques jours avant son départ (il y en a

même qu'on met dans le bateau dans un état d'ivresse

qui va jusqu'à les rendre insensibles). Le 5 mai, mal-

gré sa toux et sa dyspnée, il descendit pour la pre-

mière fois et fut attaqué.

Pour finir avec les causes qui agissent en s'opposant

236 CLINIQUE NERVEUSE.

à l'élimination de l'excès des gaz devenus libres lors

de la décompression, nous n'avons plus qu'à décrire

celle qui agit, suivant toute probabilité, dans le même

sens par l'entrave au fonctionnement régulier des

voies digestives à savoir les repas copieux avant l'im-

mersion.

3° Repas copieux avant l'immersion. Nous laisse-

rons de côté l'analyse de l'accident XIII dont l'étiolo-

gie est complexe, car, sauf les autres éléments étiolo-

giques, par exemple le degré de compression et la

durée du séjour, le repas copieux avant l'immersion

a joué aussi son rôle causal dans la production de cet

accident, mais un sceptique pourrait même discuter

ici la part qui convient à cet élément étiologique. Il

n'en est pas de même en ce qui concerne l'accident de

l'OBSERVATION LXII. Cet accident ne peut être consi-

déré comme causé par le degré de compression, ou

par la durée du séjour, ou parla rapidité de la décom-

pression, car le plongeur à scaphandre qui en a été

atteint serait antérieurement descendu plusieurs fois il

la même profondeur, c'est-à-dire 22 brasses; il aurait

fait un séjour égal en durée, à savoir 10 minutes et il

s'était fait décomprimer au même temps, 1 minute en-

viron, sans jamais avoir eu d'accidents. L'immersion

qui a occasionné l'accident étant la première, on ne

peut naturellement penser au nombre des immersions

successives. Etant aussi expressément noté dans l'his-

toire de cet accident qu'il n'était pas refroidi et qu'il ne

toussait pas, il est de toute évidence que le refroidis-

sement aussi bien que les affections pulmonaires n'ont

été pour rien dans la production de cet accident. En-

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 237 7

fin, si l'on considère que cet homme n'avait pas été

fatigué, on est forcément obligé de songer au repas

copieux avant l'immersion provocatrice de l'accident,

ce qui a eu lieu en effet, il avait mangé trop avant son

éclusement.

4° Fatigue. L'existence de cette cause est indubi-

table. Parmi les accidents contenus dans ces travaux, il

y en a deux qui admettent comme seul et unique élé-

ment étiologique, la fatigue, ce sont les accidents des

Observations XXXV et XXXVIII. En ce qui concerne

l'étiologie des accidents des OBSERVATIONS LVI et LVI I,

la fatigue est à coup sûr pour beaucoup dans la pro-

duction de ces accidents; mais nous verrons dans la

suite que ce n'est pas la seule cause.

Il nous faut donc analyser les deux premiers acci-

dents, qui ont été produits par l'action causale de la

fatigue, isolée et dégagée de tout autre élément étiolo-

gique.

Accidents des Observations XXXV et XXXVIII.

Il est certes illogique d'attribuer ces accidents aux

causes favorisant le développement de l'agent patho-

gène, le gaz, par leur action directe sur leur produc-

tion à savoir le degré de compression, la durée du

séjour, la rapidité de la décompression et le nombre

des immersions successives, car les scaphandriers qui

l'ont le sujet de ces observations étaient déjà anté-

rieurement descendus un grand nombre de fois dans

les mêmes conditions de travail, sans aucun accident

et c'était à la suite de la première immersion de la

journée que l'accident avait eu lieu.

Encore bien moins peut-on considérer dans l'étiolo-

1238 CLINIQUE NERVEUSE.

gie de ces accidents les causes qui agissent en s'op-

posant à l'élimination de l'excès de gaz devenus libres

lors de la décompression par l'entrave au fonctionne-

ment régulier de la peau, des poumons et des voies

digestives, ces hommes étant parfaitement bien por-

tants avant l'immersion et étant descendus à jeun.

Or, ces scaphandriers ayant été très fatigués parce

qu'ils étaient obligés de marcher et de lutter contre

un courant de mer très fort, etc., ces deux accidents

sont attribuables à l'action causale de la fatigue.

Quant au mécanisme de son action, nous n'avons

que des hypothèses à émettre, nous laissons aux phy-

siologistes l'explication de cette influence nocive que

la fatigue exerce sur l'agent pathogène pour produire

l'accident.

Après avoir longuement analysé un à un les acci-

dents qui sont dus à un seul élément étiologique et

avoir mis en relief l'action causale de chacun d'eux

isolée et dégagée de tout mélange, rien n'est plus fa-

cile de concevoir ceux du tableau, dont l'étiologie est

complexe, à savoir dont la production est due à la

contribution simultanée de plusieurs causes. Ainsi les

accidents des Observations VIII, XVI, XXIII, XXXII,

XLVI et LI, ont été causés par trois éléments, qui

sont : le degré de compression, la durée du séjour et le

nombre des immersions; parmi ces trois éléments,

c'est surtout le nombre des immersions qui a dominé

l'étiologie de l'accident XXXII, et la durée du séjour,

celle de l'accident XLVI. Les accidents des Observa-

TIONS XIII et LIV, reconnaissent comme causes les

mêmes éléments étiologiques, qui sont au nombre de

deux : le degré de compression et la durée du séjour.

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. 239

Ceux des Observations XVII, XXIV sont dus à l'ac-

tion causale de la durée du séjour et du nombre des

immersions. Quant à l'accident de i'OBSERVA'riON LIX,

c'est la rapidité de la décompression et surtout la du-

rée du séjour qu'on doit incriminer; enfin les acci-

dents des Observations LVI et LVII ont été provoqués

par le nombre des immersions aussi bien que par la

fatigue.

Avant de finir notre chapitre d'étiologie, nous de-

vons appeler l'attention sur deux faits d'une haute

importance clinique : si l'on étudie un peu à fond

le tableau précédent, on arrivera à cette conclusion,

qu'il n'y a pas du tout de relation entre les différentes

formes cliniques de ces accidents et les conditions

causales de leur production; en d'autres termes, qu'il

n'y a pas de rapport entre la cause et son effet , les

mêmes éléments étiologiques pouvant donner lieu à

des formes cliniques les plus différentes; cela indique

qu'il n'y a pas du tout de subordination de la localisa-

tion de l'agent pathogène à ses causes et que par con-

séquent i) n'ya aucune loi qui oblige l'agent pathogène,

le gaz, à se localiser à telle ou telle partie du système

nerveux, par exemple. La localisation se fait donc au

hasard. Si l'on veut une preuve plus palpable de ce

fait, je rapporterai les accidents des Observations

XLVII et LII. : : 1.) Accident de /'Observation XLVII. - Le scaphan-

drier en question a été atteint dans les circonstances

suivantes : le 13 juillet (après une année de travail

sous-marin sans accident), il fait sa première immersion

à la profondeur de 23 brasses, 12 minutes de séjour,

décompression brusque et il est attaqué; notons bien

240 CLINIQUE NERVEUSE.

qu'il est déjà antérieurement descendu exactement

dans les mêmes conditions de profondeur, de séjour

et de décompression sans aucun accident. Pourquoi

donc l'immersion du 13 juillet a-t-elle produit l'acci-

dent et les autres faites sous les mêmes conditions de

travail sont-elles restées sans effet ? Est-ce qu'il y a eu

d'autres éléments étiologiques ? Non, pas du tout; à

preuve le passage suivant emprunté à son histoire :

« Il n'a pas été fatigué et il n'aurait pas mangé avant

son éclusement, pas de refroidissement, pas de toux. »

L'accident est donc arrivé uniquement par le fait

d'une localisation faite au hasard d'un certain nombre

de gaz à un des rameaux que la sylvienne fournit aux

régions psycho-motrices.

(3). Accident de /'Observation Lff. - C'est la locali-

sation seule qui peut expliquer le pourquoi de l'acci-

dent de t'OcsERVATtON LU après une immersion de

28 brasses de profondeur, cinq minutes à peine de

séjour et une décompression toujours brusque, tandis

que le plongeur en question a fait dans le cours de

son travail un grand nombre d'immersions il la même

profondeur, même durée de séjour et même temps de

décompression sans accident.

De l'analyse de ces deux accidents ressort évidem-

ment la conclusion suivante : toutes les conditions du

travail en scaphandre étant les mêmes et étant donné

le même individu, une immersion donnée peut ou ne

peut pas déterminer des accidents; cela dépend du

goût de la localisation. Mais pour montrer d'une ma-

nière péremptoire la puissance de ce fait clinique,

il suffit de rapporter l'observation suivante :

Georges N. Tsirigotachis, âgé de vingt-trois ans.

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI DES SCAPHANDRES. -),Il

Pas d'antécédents héréditaires ou personnels. Il a com-

mencé à travailler dans l'air comprimé en 1878 et il a

travaillé durant quatre ans sans accident. Le 27 juin

1882, parfaitement bien portant et n'ayant pas son

estomac chargé, à la suite de la cinquième immersion

faite à 2 heures et demie 11 peu près dans les mêmes

conditions que les quatre précédentes comme profons

deur, 22-25 brasses, et comme rapidité dedécompres-

sion, la durée du séjour étant moindre' que celle des

autres; pas de fatigue. Un quart d'heure après la dé-

compression le plongeur a été pris d'un malaise gé-

néral, rapidement suivi d'une perte de connaissance

complété jusqu'à minuit, incomplète jusqu'au matin.

A 7 heures du matin, le malade revient ayant les mem-

bres inférieurs complètement paralysés et insensibles;

la vessie était légèrement prise. Pas d'autres troubles.

Cet état paralytique a disparu au bout de trois jours.

C'est un accident mixte, cérébro-spinal, tenant à la fois

à la forme spinale paralytique transitoire et à celle de

perte de connaissance dont la cause a été le nombre

des immersions. Mais ce qui nous importe c'est

l'accident suivant, dont le même plongeur a été la

victime.

' Le Il,' août, 1887, il 3 heures du soir, ce scaphan-

drier bien portant et il jeun fait la première immersion

de sa journée à une profondeur de 10 à 12 brasses

seulement et après avoir séjourné une demi-heure, il

se fait décomprimer; pas de fatigue. Immédiatement

après la décompression et l'enlèvement du casque, à

4 heures, il est pris d'un vertige gyratoire; les mon-

tagnes lui semblaient tourner autour de lui, pendant

une dizaine de minutes, au bout desquelles son esto-

AIICIIIVC<, t. XVI11. 16

.) If il, CLINIQUE NERVEUSE.

mac se gonfla faisant saillie; en même temps sur-

vinrent des douleurs très fortes avec des troubles

respiratoires consécutifs. Ces symptômes ont duré

jusqu'à 4 heures et demie. Quand ils disparaissaient,

- c'était pour faire placera des douleurs lombaires, une

demi-heure de durée. Aussitôt après la disparition des

douleurs lombaires, le malade fut atteint d'une para-

lysie complète aussi bien de la sensibilité que de la

motilité des membres inférieurs et du supérieur

gauche.

A 6 heures environ, la paralysie disparaît avec le

développement d'une sensation de picotements d'ai-

guille. De 6 à 7 heures le plongeur se porte parfaite-

ment bien, quand au bout de ce temps la paralysie

commence à revenir peu à peu aux mêmes membres

et vers minuit elle devient complète. La sensibilité

n'aurait pas été abolie. Rétention d'urines suivie,

après vingt-quatre heures d'incontinence. Rétention

de selles qui a duré huit jours.

Le 2 juillet, c'est-à-dire un mois après l'accident,

ce scaphandrier a pu marcher à l'aide d'un appui.

Plus de paralysie du membre supérieur. A ce moment,

les membres inférieurs commencent à se fléchir et à

s'étendre tout d'un coup. Plus de troubles de la vessie.

Un peu plus tard, son membre inférieur gauche a com-

mencé à s'agiter surtout au réveil et après un peu de

fatigue d'un tremblement rythmique.

État du plongeur (le 4 août 1887). Il marche avec

un appui. Syndrome spasmodique bien plus prononcé

au membre inférieur gauche. Sensibilité normale. Pas

de troubles vésico-recto-génitaux. Pas de symptômes

céphaliques. Rien du côté des autres organes. L'ac-

DES ACCIDENTS PAR L'EMPLOI bES SCAPHANDRES. 243

cident du le'' août, cliniquement revêtant la forme

C. S. latérale est particulièrement intéressant par son

étiologie. On voit en effet un accident grave survenir

dans des conditions de travail exceptionnellement

favorables : ainsi le scaphandrier, a été atteint à une

profondeur de 10 à 12 brasses seulement, c'est inouï,

et il n'est demeuré- qu'une demi-heure, ce qui est très

peu pour une profondeur de 10 à 12 brasses. Ce fait

démontre, on ne peut plus clairement, la puissance de

la loi de la localisation de l'agent pathogène. Un cer-

tain nombre de bulles gazeuses bien dirigées, bien

localisées aux vaisseaux qui se rendent aux cordons

latéraux et au centre de la moelle, ont pu produire par

embolies capillaires l'ischémie et la nécrobiose de ces

régions de la moelle.

C'est donc le hasard de la localisation qui donne la

raison de l'inégalité qui existe au point de vue des

effets de la décompression aussi bien entre les divers

individus que chez la même personne. 1

Le second fait clinique c'est une prédiposition incon-

testable à être atteint d'accidents cz la fin de chaque

campagne toutes les conditions du travail dans l'air com-

primé étant égales . Cette prédisposition acquise est due

à l'amaigrissement survenant aux scaphandriers au bout

de quelque temps de travail continu, qui a été constaté

du reste par tous les médecins des ouvriers tubistes et

des plongeurs. L'organisme et surtout son système

nerveux perd de sa vitalité et résiste moins à l'in-

fluence nocive de l'agent pathogène.

(Lu fil prochainement.)

RECUEIL DE FAITS

EPILEPSIE SO\1NA11l3ULIQUE AVEC ACCIDENTS

CAT ALEpTlFOnOES' ·

Par le D' AI.8XAXDI\C PARIS

Médecin ? doiot de l'asile d'aliénés de Chàlous-sur-Slarne.

J... (Edouard-Onésime), âgé de vingt-trois ans, garçon de cul-

turc, célibataire, entre à l'asile le ` ? S décembre 1887.

Un de ses oncles paternels est mort aliéné.

Son caractère a toujours été inquiet, sournois et taciturne. Vers

l'âge de quatre ans, il a été atteint de convulsions qui ont marqué

le début de l'épilepsie; les accès étaient d'abord assez rares, sans

caractère de périodicité. Il a pu apprendre à lire, à écrire et à

compter, mais son instruction est très bornée. J... était somnam-

]iule, il se levait au milieu de la nuit et inconsciemment, auto-

matiquement, il faisait certains travaux dans la campagne. Le

lendemain, il ne se souvenait de rien.

Incorporé, pour cinq ans, dans l'infanterie de marine, il a été

réformé, pour épilepsie, peu de temps après son arrivée au corps.

Les accès sont devenus de plus en plus nombreux, parfois plu-

sieurs attaques éclatent en quelques heures.

Le malade présente habituellement une obnubilation profonde

des facultés intellectuelles, cependant il répond aux questions qui

lui sont adressées et, souvent, d'une façon assez convenable. A la

suite des crises, il est difficile à diriger, il ne peut éviter volon-

tairement aucun danger, il ne prête aucune attention aux obser-

vations qui lui sont faites; au dehors, il quittait la maison pater-

nelle, errait à l'aventure et vagabondait, il refusait de travailler et

se trouvait dans un état de torpeur intellectuelle qui ne lui per-

mettait plus la moindre conversation. Le crâne est étroit, assez

irrégulièrement conformé. Les bords de la langue ont été dentelés

par de nombreuses morsures.

A l'asile, J... n'a guère que des accès nocturnes, accusés, le

matin, parla miction dans le lit et par des traces de morsures

récentes sur les bords de la langue; les accès diurnes sont relati-

vement très rares.

Habituellement ce malade s'éveille et se lève, comme les autres,

à six heures du matin. Le 2o janvier, à l'heure du lever, il est im-

ÉPILEPSIE SOMNAMBULIQUE. 245

possible d'interrompre son sommeil; le surveillant l'appelle, le

remue, sans aucun résultat. Au moment de notre visite, à huit

heures et demie, il dort encore. Son sommeil parait tout à fait

naturel, la température est normale, la respiration calme, le

pouls régulier, la sensibilité cutanée (piqûre, brûlure, chatouil-

lement, etc.), est nulle; j'écarte ses paupières, elles restent ou-

vertes, mais sont animées d'un léger tremblement, les pupilles sont

égales, mais très dilatées; lorsqu'on approche le doigt de l'oeil,

les paupières se referment, mais le lobe oculaire est complètement t

immobile. Si l'on place une allumette en ignition tout près de

l'oeil, les paupières ne se ferment pas et les pupilles restent dila-

tées au même point.

Les membres ne conservent pas les diverses positions qui leur

sont données, mais ils ne reprennent pas celles qu'ils avaient, la

résolution musculaire paraît complète.

La projection d'air froid sur le visage, et surtout sur les yeux, ne

change rien. La bouche.est fermée; j'abaisse le maxillaire inférieur,

elle reste béante et il m'est impossible de la refermer; ce maxil-

laire, relevé, retombe immédiatement. Ne pouvant mettre fin à ce

sommeil, nous quittons le malade après avoir constaté qu'il a eu

pendant la nuit, un accès d'épilepsie. Je lui fais une nouvelle visite

à dix heures un quart et je le trouve dans les mêmes conditions.

11 me vient à l'idée de lui comprimer un testicule et je prends le

testicule gauche; à peine est-il serré légèrement que J..., comme

mu par un ressort, s'assied sur son lit, il se frotte les yeux, se lève

et s'habille, sans mot dire, et très rapidement. Les idées sont

confuses, comme de coutume, et nous ne remarquons aucun phé-

iioinèjie nouveau.

Le ? si janvier : même sommeil, même impossibilité de l'inter-

rompre même par une forte compression du testicule gauche,

mais réveil instantané par la compression du testicule droit.

Les jours suivants, nous ne constatons rien de particulier, le

malade s'éveille facilement et, cependant, il a encore des accès

d'épilepsie pendant la nuit.

Nous n'avons pas été le jouet d'une supercherie puisque

les pupilles, dilatées, n'étaient pas du tout influencées lorsque

nous placions, à quelques millimètres seulement de l'oeil,

une allumette en ignition et puisqu'une compression forte du

testicule gauche n'a pas amené, le second jour, le moindre

phénomène appréciable.

Voilà deux indices remarquables qui, en beaucoup de cir-

constances, pourront être utilisés pour mettre fin aux ruses des

simulateurs; peut-être pourrons-nous aussi, par la compression

des testicules, arrêter les attaques d'épilepsie de certains su-

2 if) REVUE CRITIQUE.

jets. Nous tenterons quelques recherches dans ce sens, mais

il est important d'ajouter que, chez l'individu dont nous par-

lons et qui n'est ni masturbateur, ni érotique, les organes

génitaux ne sont le siège d'aucune aura. Enfin, la compression

des testicules ou des ovaires devrait être utilisée, dans certains

cas, chez les cataleptiques et les somnambules. S'il y a lieu,

nous compléterons plus tard cette observation.

REVUE CRITIQUE

MYXOEDÈME OU CACHEXIE PACHYDEXMtQUE (CHARCOT);

Par P. KOVALEVSKI

Professeur de maladies mentales et nerveuses a l'inisersité de KharcofT'.

L'histoire de cette maladie n'est pas bien ancienne. Son

étude ne compte que près de douze ans, mais fut quand même

assez profonde pour la poser non seulement comme maladie

indépendante, mais encore pour occasionner un changement en

fait de point de vue à l'égard d'autres maladies. La base de

cette doctrine fut donnée par les savants anglais, après quoi

une quantité de travaux traitant de cette question parut en

France et en Amérique. La littérature allemande ne donna

que quelques observations et recherches durant cette dernière

année. La Russie présenta deux travaux expérimentaux sur

le rôle de la glande thyroïde.

Cette étude du myxoedème se propagea aussi promptement

grâce à ce que les explorations furent faites en trois directions

différentes. La clinique des maladies internes, traitant le

myxoedème même, donnale fruitdeses observations; les chirur-

giens y ajoutèrent nombre des leurs fondées sur des thyroïdec-

tomies. Enfin les physiologistes expérimentateurs couron-

nèrent l'étude par leurs données, plus ou moins précises, sur

la fonction de la glande thyroïde, qui, à ce qu'il paraît, est en

1 Ce mémoire nous a été adressé en juin 1888. L'abondance des

matières nous a empêché, a notre vifregret, de le publier plus tôt.

MYXOEDÈME OU CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 247

relation intime avec les phénomènes du myxoedème. Il serait

injuste de passer sous silence le travail du D'' Bourneville,

qui en rattachant la question du myxoedème à l'idiotie, change

et élargit la doctrine de cette dernière. Nous nous permettrons

de mentionner brièvement les donnéespubliées parlesauteurs,

savoir : 1° les données cliniques sur les symptômes du myx-

oedème; po les données des chirurgiens sur le développement

du myxoedème à la suite de thyroïdectomies, et 3° les données

des physiologistes expérimentateurs sur la destination de la

glande thyroïde dans l'économie de l'organisme et sur les

suites de son extirpation.

I. La première description des symptômes de cette maladie

fut faite, à ce qu'il parait, par William Gull', qui, en l'an

1873, rapporta devant la Société clinique de Londres l'histoire

de cinq cas de cette maladie observés par lui; maladie qu'il ne

trouva décrite nulle part et qui s'exprimait surtout dans deux

régions : la peau et les fonctions psychiques. L'état morbide

de la peau consistait dans un gonflement général, très différent

d'un anasarque ordinaire, l'intensité de cegonflement était sur-

tout remarquable aux mains et aux pieds. L'état psychique de

ces malades présentait tous les symptômes de la démence, très

proche, en fait de grade, de la démencedes crétins. Ce qui frap-

pait surtout l'auteur c'est que cette démence, quoique bien.

ressemblante à celle des crétins, n'existait pas depuis l'enfance

et parut à l'âge mur. C'est pourquoi l'auteur proposa de bap-

tiser cette maladie du nom d'état crétinoïde. En outre l'auteur

fit la remarque que tous ses malades étaient du sexe féminin.

Quatre ans plus tard, un autre médecin anglais, Ord 1, publia

deux nouveaux cas de cette maladie, dont l'un fut suivi de

mort et d'autopsie. L'autopsie constata que l'infiltration cuta-

née et sous-cutanée consistait dans une substance gélatineuse

appartenant par ses qualités physiques et chimiques aux mu-

queuses. L'auteur observa, outre les symptômes décrits par

Gull, encore les symptômes suivants : chute des cheveux,

amoindrissement des sécrétions sébacées et sudorales, tempé-

rature basse du corpsetaffaiblissementdelasensibilité cutanée.

Ord explique tous ces phénomènes par la pression du liquide

muqueux sur les racines des cheveux, sur les glandes sudori-

pares et sébacées, sur le réseau des vaisseaux capillaires et

' fiiill. Transac. of the clinic. Society. London, vol. VII, p. 188.

Ord. Cliiiical lect2t,e 0 ! <M ? T;OK/MM. (l3rit. med. Journal, 1878.)

248 REVUE CRITIQUE.

sur les extrémités des nerfs, ce qui donne comme résultat une

atrophie de toutes ces parties. L'auteur rapporte la paresse et

l'hébétude psychique de ces malades au manque d'intensité

des impulsions passées au centre de la conscience par des or-

ganes à demi anesthésiés. La base de cette souffrance, d'après

Ord, consiste en un développement exagéré de la substance

intracellulaire contenant la mucine, substance se développant

non seulement dans la peau et le tissu cellulaire sous-cutané,

mais même dans les muqueuses, empêchant de cette manière

les fonctions de ces dernières.

Bientôt après, le D'' Olive * déclara que cette maladie était

connue bien avant du professeur Lasègue, qui en avait mon-

tré un cas classique chez une femme. Depuis lors parut une

quantité d'observations cliniques du myxoedème, que nous

tàcherons de rapporter en ordre chronologique autant que

possible.

Savage 2 décrivit un cas de myxoedème chez un homme,

accompagné de dépression visible de la région psychique. Cet

auteur suppose le point de départ de cette maladie dans une

lésion du système nerveux central.

Goodhart publia l'observation d'un cas de myxoedème chez

un enfant ; il émit l'opinion que l'altération mentale chez les

adultes dépendait d'un procès pathologique dans le cerveau,

égal à celui qui évoluait dans les téguments du corps. En

même temps apparut le travail de Hadden 1 qui nous démontre

que cette maladie fut étudiée, à la même époque que l'étudia

Ord, par le célèbre savant français le professeur Charcot, qui

avait déjà étudié une quantité de cas de cette maladie, qu'il se

proposait de publier sous le nom de cachexie pachydermique.

Mais ce travail fut devancé par celui d'Ord. D'après Hadden,

l'altération mentale de ces maladies dépendait des troubles

du système sympathique ayant pour résultat l'altération de la

nutrition du cerveau, ainsi que celle de toutes les autres par-'

ties de l'organisme et sa fonction défectueuse en forme d'im-

bécillité. L'état de ces malades est proche de celui des animaux

à sang froid' dont la circulation est soumise à un mécanisme

vaso-moteur particulier.

4 Olive. -Arcleiues yvaér. de méclec., 1879, p. 677. ,

°- Savage.- The Journal of mental Science, 1880.

3 Goodhart. Médical Time.9 and Gaz., 1880.

' Le Progrès médical, 1880. n0' 30 et 31. 1.

111Y\iIDLIE OU CACHEXIE PACHYDERMIQUE. '2 li IJ

De même que Savage le D'' Ballet' publia l'observation d'un

cas de myxoedème chez un homme. 1 la même époque le

Dr Thaon décrivit un cas de myxoedème chez une dame qui

lui fut recommandée parle professeur Charcot. Ne partageant

pas la théorie d'Ord sur l'origine du myxoedème, l'auteur sup-

pose trois agents à la base de cette souffrance : une profonde

anémie, une lésion cutanée et sous-cutanée et une altération

mentale. Il traite la maladie de souffrance constitutionnelle

présentant un genre spécial de cachexie de l'organisme entier.

LeD'' Bourneville", qui a enrichi parses remarquables travaux

la neuro-pathologie et surtout les articles de l'épilepsie, de

l'hystérie et de l'idiotie, participa à l'éclaircissement de cette

question. Il publia d'abord, avec d'Olier, un cas remarquable

de myxoedème avec crétinisme. Ce cas présente d'autant plus

d'intérêt qu'il fut suivi d'une amélioration considérable obte-

nue à l'aide de bains chauds, de ferrugineux et de neurotoni-

ques.

Ensuite Inglis et Duckworth " publièrent l'observation de

leurs cas; celui d'Inglis présente en fait d'anomalie psy-

chique la particularité suivante : l'état dépressif avec symp-

tômes de démence passa en fureur accompagnée du délire de

grandeur.

En z1881 parut le travail de Hammond e ; le cas rapporté par

lui présentait les symptômes suivants : oedème de tout le

corps, émoussement notable de la sensibilité cutanée, pares-

thésie des extrémités inférieures, démarche vacillante, altéra-

tion de la coordination des extrémités supérieures et alaxie

des extrémités inférieures, neuroretinitis utriusque, altération

de l'ouïe, de l'odorat et du goût; - avec cela hallucinations de

la vue et de l'ouïe, affaiblissement de l'activité mentale, de la

mémoire, difficulté du langage, un sommeil agité, le pouls

lent et faible, constipations constantes, urine contenant une

quantité exagérée d'urates et enfin température cutanée

abaissée. L'auteur suppose'que les anomalies de la région psy-

chique proviennent de l'accumulation de la substance muqueuse

' Ballet. Le Progr. médit, 1880.

q 1'haon.- Revue mensuelle démence. et de chirurg., 1880.

2 Bournevilleet d'Olier.- Le Progrès médical, 1880.

4 Illglis.- The Lancet, 1880, t. Il, p. 49G.

" Duckworth. The Lanret, 1880, v. 2.

" Hammond. Ncurologiral 188 t. I, n° 3.

250 REVUE CRITIQUE.

autour des cellules nerveuses ayant pour suite l'altération de

leurs fonctions.

Le Dr Mahomed 4 observa vingt-sept cas de myxoedème entre

lesquels quinze présentaient une affection chronique des reins;

il admet en général une relation entre ces deux maladies. Il

expliquelaprésencede la m-ucine par l'analogie de l'état embryo-

logique des tissus : de même que dans les tissus de l'em-

bryon, la mucine se retrouve dans les éléments se formant

dans le myxoedème. Il rapporte les symptômes nerveux à la

compression des éléments nerveux par l'infiltration. C'est dans

l'inclination particulière de l'organisme féminin, aux altéra-

tions du système sympathique, que l'auteur voit la raison pour-

quoi les femmes surtout tombent victimes du myxoedème.

Morvan 2 fit attention à l'étiologie du myxoedème et trouva

que le refroidissement y joue un rôle important. Sur quinze

cas observés par lui il ne se trouvait qu'un seul homme sur

quatorze femmes. Morvan émit l'opinion que le myxoedème

n'apparaît jamais avant la période de la puberté; la gravidité

paraît ne pas influencer la maladie, mais en revanche le myx-

oedème empêche la conception. Dans les cas décrits il observa

les symptômes suivants : gonflement de la face ôtant toute

expression à la physionomie , la peau par elle-même ne chan-

geait pas et présentait seulement un léger écaillement, la colo-

ration de la peau restait normale, mais les lèvres et les mains

restaient livides, surtout lorsqu'elles étaient froides. Les mou-

vements se faisaient avec fatigue et lenteur; la sensibilité

restait intacte, les malades se plaignaient d'une sensation de

froid, de langue lourde, gênant la parole; voix voilée.

Lunn 3 décrit deux cas de myxoedème, dans l'un desquels le

malade, homme de cinquante-trois ans, présenta en outre des

idées délirantes. Cet auteur n'admet pas la dépendance du

myxoedème d'une affection chronique des reins et s'il trouve

un point commun à ces deux maladies ce n'est que la sclérose

artério-eapillaire, qu'on rencontre souvent ici et là.

En 1882 apparut le travail du D'' Biaise 4. La seconde partie

de ce travail contient le rapport du cas suivant : la malade,

âgée de trente-quatre ans, sans hérédité neurasthénique, d'un

' Ialioirip(l.- 1lieLtiticet, 1881, 21, XII. I. ! -Morvan. Gazette hebdom. de Paris, 1881, VIII, 28.

3 Lunn.- BrÍl. med, .l01lrnal, 1881. Dec.

. Bluise.- Archives de Neurologie, 11°' 7 et 8.

)IYXOEDÈ) ! E OU CACHEXIE PACHYDERMIQUE. .)1

tempérament lymphatique, a présenté dans son enfance des

engorgements ganglionnaires au cou et des croûtes dans les.

cheveux. Pendant sa jeunesse son intelligence paraissait vive

et sa parole était rapide, à tel point que souvent on ne saisis-

sait pas ce qu'elle disait. A. vingt et un ans, elle eut une ébul-

lition quelconque suivie de la chute des cheveux ; cette chute

se prolongea pendant neuf mois environ, s'accompagnant de

celle des cils et des poils dans toutes les régions qui en sont

pourvues. En même temps, elle souffrait de fortes douleurs

au niveau des pommettes et de gastralgie avec vomissements

fréquents de matières alimentaires survenant assez loin des

repas. A l'aide d'un traitement tonique, ces phénomènes dis-

parurent presque entièrement vers l'âge de vingt-sept ans;

mais à cette époque la maladie se répéta avec association des

symptômes suivants : anesthésie et hallucinations des organes

sensoriels; affaiblissement des facultés mentales avec délire

de persécution et agitation qui prit des dimensions considé-

rables ; avec cela il existait une altération de la parole.

Le Dr Hadden 1 pose comme symptômes cardinaux du myx-

oedème les phénomènes suivants : lenteur des mouvements,

altération des facultés mentales, température constamment

sous-normale, diminution de la quantité d'urine, oedème isolé

de la peau et du tissu sous-cutané, diminution de la glande

thyroïde. L'auteur voit la base de la maladie dans l'angio-

spasme. Il explique la présence de l'oedème par des arrêts

spastiques dans les conduits lymphatiques. D'après l'avis du

Dr Hadden, le myxoedème est en relation génésique avec le cré-

tinisme et la sclérodermie.

A une époque antérieure, le Dr de Ranse2 publia une leçon

du professeur Charcot dans laquelle le célèbre professeur

traite la question de la thérapie du myxoedème; il nomme,

comme agents thérapeutiques, la diète lactée, les bains sulfu-

reux, le massage, le séjour dans un climat sec, et dit qu'il lui

semble, en manière générale, devoir plus compter sur les

moyens hygiéniques que sur l'action des médicaments, ceux-

ci sont fréquemment mal tolérés, par suite de l'entrave que

l'infiltration de la peau et des muqueuses apporte aux fonc-

tions d'excrétion.

1 Hadden. Brain, 1882, 3.

* De Ranse. Gazette médie., 1880-81.

2M REVUE CRITIQUE.

En 1882 apparut le travail du Dr Bail' sur un cas de cré-

.tinismo sporadique, que le D1' Bourneville traite d'idiotie cré-

tinoïde avec cachexie pachydermique. Ce cas, de même que

ceux de Bouchaud 2, Charpentier 3, Cowell 1, Ruth 5, Elisa-

beth Cushier 6, Groco r, Campana", etc., sont surtout intéres-

sants parce que, outre l'union de tous les symptùmes psychi-

ques du myxoedème, les malades présentaient tous un manque

total ou bien une diminution notable du volume de la glande

thyroïde.

Un cas bien intéressant de myxoedème fut décrit par IIamil-

ton. Le malade avait une hérédité psycho-pathologique des

plus notables. Les symptômes du myxoedème s'exprimèrent de

la manière suivante : à la suite d'un violent refroidissement

de fortes douleurs apparurent dans les épaules, la face était

bouffie, les lèvres pâles et gonflées, les yeux ternes, les che-

veux et la barbe du malade, entièrement gris avant la maladie,

furent entresemés de cheveux noirs, et devinrent presque en-

tièrement noirs dans quelque temps, la langue devint épaisse

et ne se mouvait qu'avec lenteur, les rides cutanés présen-

taient un certain gonflement et épaississement, les deux mains,

considérablement oedématisées, étaient gonflées et dures au

toucher, les doigts raides, ne se courbant qu'à grand'peine,

les ongles se cassaient facilement, les cuisses peu mobiles,

oedème des pieds ne conservant pas de trace de pression, la

peau pâle, à teinte gris-blanchâtre, même une irritation mé-

canique de la peau ne produit pas de rougeur à sa surface,

hyperesthésie des extrémités inférieures, cutis ansérina,

absence presque totale de transpiration. La peau de la région

inférieure de l'abdomen prit une teinte bronzée, croissance inten-

sive depoils aux épaules etsur la poitrine, les quelques endroits

chauves de la tête se couvrirent de cheveux. En fait d'état

mental dépression profonde, irritabilité, mauvaise humeur,

' 13a11. - L'Encéphale, 1882.

= 13ouchau ? Journal des scienc. méd. de Lille, 1883.

3 Charpentier. Le Progrès méd., 1882.

' Coxwell. The Bril. med. Journal, 1883.

''Ruth ? eca/Pi'eM, 1881.

° Cushier. Archiv. of medic., 1882.

, (iroco. Annali univers . di rnedicina, 1883, I.

Campana. Ilalia medica, 188Ô.

! YXOEDÈ)m OU CACHEXIE PACHYDERMIQUE. e7J

taciturnité; absence de réflexibilité des tendons, réllexibilité

cutanée exagérée, urine normale. La bouche constamment t

remplie de salive gélatineuse, qu'on est obligé d'éloigner à

l'aide du doigt, la parole lente, légèrement ataxique. Le malade

est très frileux. L'auteur rattache cet état à celui de crétinisme.

En 1886, à paru le travail de MM. Bourneville etBricon', 1,

qui traite d'un autre point de vue, la question du myxoedème.

Ce travail a pour but de prouver l'existence d'un lien intime

entre le myxoedème et la lésion de la glande thyroïde; et que

la cachexie était toujours accompagnée d'une diminution de

volume ou bien d'absence totale de la glande thyroïde. Le

D'' Bourneville dit que ce phénomène ne présente rien de com-

parable au crétinisme et propose en conséquence de nommer

cette forme : idiotie avec cachexie pachydermique. Les auteurs

donnent à l'appui de leurs opinions la description de cas ana-

logues observés par Curling'Hilton Fagge 2, Fletcher Beach 3 et

deux cas observés par les auteurs personnellement. Outre cela,

pour confirmer le lien génésique entre le myxoedème et la

lésion de la glande thyroïde, les auteurs s'adressent à la chi-

rurgie et à la physiologie expérimentale et y trouvent des

faits qui confirment leurs suppositions. Le mérite principal du

D'' Bourneville consiste en ce que d'un côté il est le premier à

lier les phénomènes, traités jusque-là isolément, du myxoe-

dème à la pathologie de l'idiotie ; d'un autre côté, à chercher

un soutien à sa manière de voir dans les faits des auteurs an-

glais qu'il a groupés le premier et dans les faits donnés par la

chirurgie et la pathologie expérimentale.

C'est à la même époque qu'apparurent les travaux des au-

teurs allemands. Riess 4 après un aperçu de l'histoire de cette

maladie donne la description d'un cas observé par lui-même ;

ce cas n'appartenait pas aux plus intenses, ne présentait pas

d'altération intellectuelle et se distinguait par une particula-

rité : la glande thyroïde était parfaitement intacte.

lin 1887, Erb publia l'observation de deux cas de myxoe-

dème, qui présentaient les symptômes suivants : gonflement

1 Bourneville et Bricon. Archives de Neurologie, n"' 3j et : 30.

' Fagge. 0)t sporaclic crétinisme occuring in England.

3 Fletcher Beach. The Journal of mental science, 1870, n" 2h

. Riess. Bedinei' kt. Wochenschrift, 1880, n° a.

» Erb. Berlin, kl. lVochensch¡'if1, 1887, n04.

2ot Il. REVUE CRITIQUE.

général de la peau, pâleur, cyanose, physionomie à expression

stupide, bouffissure des paupières et des lèvres, langue épaisse,

sensation de froid, cyanose et lourdeur des bras et des jambes,

lenteur du pouls, voix basse et voilée, parole lente et difficile,

idéation ralentie, affaiblissement de la mémoire et des facultés

intellectuelles, irritabilité psychique et altération de l'humeur,

taciturnité, douleurs à la tête et au dos, atrophie et absence de

la glande thyroïde, anémie générale, cachexie.

Ensuite Senator et Landau publièrent deux observations

du myxoedème ; le dernier de ces auteurs, Landau, lie le myx-

oedème aux affections de l'appareil sexuel des femmes. Outre

cela l'histoire de cette maladie possède des travaux physiolo-

giques, expérimentaux et pathologiques d'Ewald, de Virchow,

etc., dont nous reparlerons.

En z1888 parut la description d'un cas de myxoedème observé

par Hirsch avec analyse microscopique de la peau qui donna

quantité exagérée des fibres élastiques et des leucocytes, sur-

tout dans le voisinage des vaisseaux. Warfwing décrivit un

cas de myxadème où le malade se remit entièrement. Voici

toutes les descriptions cliniques que je connais.

II. A l'époque où le myxoedème commençait à intéresser les

neuro-pathologistes et le monde médical en général, la chirur-

gie lui vint en aide d'une manière inattendue dans l'étude et

l'éclaircissement de cette maladie. J. Reverdin ', en octobre

1882, fit connaître que l'extirpation totale de la glande thy-

roïde a pour suite le développement du myxoedème. Peu après,

Kocher fit part de la même observation, ainsi que J. et A.

Reverdin 3. De cette manière la cachexie strumipriva servit de

base expérimentale à l'éclaircissement des phénomènes du

myxoedème et de la relation de cette maladie avec les change-

ments de la glande thyroïde. Ces expériences, opérées sur des

hommes, par les chirurgiens déjà nommés, ainsi que par

Julliard ', Baumgartner 5, Koënig 6, Bruns', KÜsler 8, Gor-

1 J. Reverdin. Revue médicale de la Suisse romande, 1882.

" Kocher. Arckiv. fier /il. Chirurgie, Bd. XXIX, H. 2.

.1. Reverdin et A. Reverdin. Revue mérl, de la Saisie romande, 1883.

lievite de Chirurgie, 1883.

5 Baump;ærlner.- Bealage : 1l1' CeM'aM. Chir., 1881, n" 23, p. 27.

0 Koenig. Beilag. : 111' Cenl/'a/6l. f. Chirurgie, 188\, Il'' 3.

1 Bruns,- Beilrage zttr Ici. Cltir., 188.'i, 1. l, p. 120.

. K lister. Berlin, klin. lVuchensclrri/l, 1880.

MYXOEDÈME OU CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 12 5 à

don', Pietrzycowski 2, Stokes 3, démontrèrent que l'extirpa-

tion de la glande thyroïde provoque une cachexie générale de

l'organisme avec les particularités propres à cet état et parfai-

tement analogues à celui que les neuro-pathologistesconnais-

saient sous le nom de myxoedème. Au congrès des Chirurgiens

italiens l'opinion concernant l'extirpation de la struma se di-

visa. On en émit autant en faveur de cette opération (From-

betta, Caselli et d'autres) que contre cette dernière (Riaggi,

Occhini, Fassi et d'autres). Au vingt-cinquième Congrès des

chirurgiens allemands, Kocher émit l'avis que cette opération

ne doit pas être faite à des sujets n'ayant pas atteint le terme

de plein développement, car autrement l'opération provoque

infailliblement le crétinisme. Au quarante-neuvième Congrès

des naturalistes et médecins allemands Schmid 4 montra un

petit garçon chez lequel le crétinisme apparut à la suite de

l'extirpation de la glande thyroïde; plusieurs chirurgiens se

prononcèrent contre l'extirpation totale de la glande thyroïde,

surtout en bas âge (Küster).

Les phénomènes myxoedémateux ont lieu surtout lorsque l'on

extirpe la glande thyroïde entière. L'extirpation même totale

de la glande thyroïde n'a pas toujours pour résultat de pro-

voquer les phénomènes myxoedémateux ; il y a des cas où le

myxoedème ne se présente pas. Ainsi, par exemple, entre les

vingt-quatre extirpations faites par Kocher, il n'y en a eu que

dix-huit suivies de myxoedème.

Ce pourcentage énorme de cachexie strumipriva comme

suite d'extirpation totale de la glande thyroïde fit que les

chirurgiens se décidérent à ne pas faire l'opération totale. Mais

cette décision ne sauva pas les chirurgiens des suites désagréa-

bles, car parfois l'extirpation même partielle de la glande

thyroïde provoque également la cachexie strumipriva. Et c'est

parfaitement naturel : les parties non extirpées de la glande

thyroïde ne peuvent remplacer la fonction de la glande entière

que si ces parties sont saines; mais si ces parties sont altérées

par un processus pathologique il est clair qu'elles ne rem-

pliront aucun rôle; l'extirpation partielle aura donc le même

elfet que l'extirpation totale.

' Gordon.- The Lance ! , 188G, n" 11.

" Pietrzicowhkt.F/'ao' lVocheztscleri/'l, 1881.

3 Stokes. The BrÏl. med. Journal, 1886,

* Sclimid. Iterlitter klin. Woclienschrijt, 1886.

c7G REVUE CRITIQUE.

, En étudiant les cas de myxoedème opératoire, nous nous

trouvons en présence du fait suivant bien intéressant : l'ex-

tirpation, opérée dans l'âge adulte, est suivie de myxoedème

avec tous ses symptômes, cependant l'activité psychique et

mentale ne s'altère que médiocrement; cette altération s'ex-

prime en démence peu intense. Il n'en est pas de même en

jeune âge ou l'activité psychique s'altère profondément et va

toujours jusqu'à l'état d'idiotie. Kocher propose de ne pas du

tout risquer cette opération chez les sujets n'ayant pas atteint

le plem développement physique. Cette question provoqua une

polémique animée autant entre chirurgiens que médecins en

général. On appela l'attention sur la possibilité de ce que

l'état crétinoïde, apparaissant après l'extirpation de la glande

thyroïde, s'attribuait injustement à l'absence de la glande, car

il y a des cas ou l'altération de l'activité mentale, du moins le

premier grade de cette attération, précède l'opération. Mais au

fond cette objection n'est qu'un jeu de mots. L'extirpation de

la glande thyroïde ne se fait que lorsque cette dernière n'est

pas saine, conséquemment, si l'altération de l'activité mentale

précède l'opération, on peut supposer que c'est à cause de

l'état pathologique de la glande. Dans de pareils cas l'auto-

extirpation de la glande thyroïde précède l'extirpation faite

par le chirurgien. La maladie de cette glande l'extirpe de l'éco-

nomie de la vie de l'organisme avant que l'instrument du

chirurgien le fasse; donc rien d'étonnant que l'altération des

facultés mentales chez les sujets soumis à l'extirpation de la

glande thyroïde précède l'opération. L'état de crétinisme nous

en donne le meilleur exemple.

Concernant le côté pathologique de la question nous devons

rappeler qu'on s'intéressait sérieusement, il y a vingt et vingt-

cinq ans de cela, à la question de la dyscrasie crétinoïde, et

qu'on tâchait de traiter la struma à grande quantité d'iode.

Cette méthode avait beaucoup d'adeptes et beaucoup d'adver-

saires. Quantité de travaux apparut, entre lesquels on peut

citer les travaux sérieux de Rilliet et Rosch, pour le moment

oubliés et délaissés par tout le monde. Ce traitement à grande

dose d'iode provoquait une résorption considérable de la

struma; mais avec cela on remarquait une cachexie pas

moindre de l'organisme et des symptômes menaçant la vie des

malades. Il y eut des auteurs qui expliquèrent ces phénomènes

par la grande quantité d'iode introduite dans l'organisme des

MYXOEDÈME OU CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 7 I

malades. D'après d'autres opinions, ces phénomènes étaient

dus à une autre raison : la substance de la glande thyroïde

passant dans le sang, par suite de sa résorption, intoxiquait

tout l'organisme. De cette manière cette question fut mise de

côté sans être éclaircie et décidée. Ce qui est important

c'est que l'on avait remarqué déjà alors un état général

dyscrasique comme suite de l'extirpation thérapeutique de la

glande thyroïde.

3° La physiologie expérimentale de la glande thyroïde a

donné lieu à bien des travaux, autant dans le domaine de la

physiologie que dans celui de l'anatomie et de la chirurgie.

Ainsi nous pouvons citer les travaux de Schreger, Warton,

Schmidmüller, Ropp, Luschka, Merkel, Martyn, Forneris,

Hofrichter, Rusch, Bardeleben et d'autres. Mais la physiologie

de la glande thyroïde a surtout été éclairée par les expériences

de Horsley' qui fit sur des chiens et autres animaux infé-

rieurs et enfin sur des singes. Les expériences les plus réussies

furent celles entreprises sur les singes. L'extirpation de la

glande thyroïde provoquait chez ces animaux primates une

maladie qu'on pourrait diviser en trois états successifs :

.¡ 0 pérl'ode nerveuse; 2° période mucinoïde; 3° période atro-

hlaique. La période nerveuse présentait des symptômes ner-

veux, comme du tremblement, des mouvements convulsifs, des

contractures temporaires, des convulsions et une altération

des fonctions des organes en général. Les animaux jeunes ne

survivaient guère à cette période. La période mucinoïde consiste

dans l'accumulation de la mucine dans les tissus, sans ménager

les tissus nerveux, et se traduit par l'hébétude mentale et le

ralentissement de la motilité en général ; mais entre les ani-

maux cet état n'apparaît clairement que chez les singes.

Si l'animal survitàcette période, il passe au troisième, à l'état

atrophique, qui finit en marasme et mort.

Dans ses recherches suivantes, Horsley réunit les trois

maladies : crétinisme, cachexie strumiprive et le myxoedème

congénital ou acquis, et les fait dépendre toutes de l'altération

ou de l'ablation de la glande thyroïde. Voici ses conclusions :

La glande thyroïde consiste en deux parties physiologiquement

et anatomiquement différentes l'une, appartenant au type

1 Horsley.- The Lanccl, H ! 86, I .

Horsley.- The Brit. med. Journal, 1885.

AlICH1VE", t. XVIII. 17

3S8 REVUE CRITIQUE.

des glandes acineuses et produisant la mucine, et l'autre, du

type des glandes lymphatiques ayant une destination hémato-

gène. L'extirpation de la glande thyroïde produit l'accumula-

tion d'une quantité exagérée de mucine dans les tissus. Les

analyses des muscles, des cartilages, des glandes, du sang- 0

faites par Halliberton ont- démontré qu'à la suite de l'extir-

pation de la glande thyroïde la quantité de mucine dans les

tissus et le sang s'agrandit considérablement, et nous voyons

apparaître un état de dyscrasie mucineuse ou de myxoedème.

Horsley suppose que dans son état normal la glande thyroïde

présente une sorte de régulateur des échanges nutritifs et que

sa destination spéciale est de contrôler la métamorphose des

albuminates en produits de transformation finale. Donc, après

extirpation de la glande thyroïde, les albuminates n'atteignent

pas leur transformation finale et s'arrêtent dans l'état

mucoïde. De cette manière le sang changé ne donne plus la

nutrition indispensable au cerveau et aux autres tissus de

l'organisme ce qui provoque une altération des fonctions du

système nerveux central aussi bien que de celui des autres

organes. Outre cela l'extirpation de la glande thyroïde provoque

une activité plus grande des organes produisant la mucine,

surtout celle du parotis. Quant à la seconde partie de la glande

thyroïde, son extirpation a pour résultat d'amoindrir la quan-

tité de corpuscules rouges dans le sang; Ilorsley trouva que la

quantité de corpuscules blanches dans la veine qui quitte la

glande thyroïde est de 7 p. z100 plus considérable que celle de

l'artère. Kocher dit la même chose. Sous l'influence de ces

changements, la myxoedémie et l'anémie, le système nerveux

central subit de même des changements : ri., les centres mo-

teurs inférieurs les expriment en tremblement, rigidité légère

et paralysie; b, les centres psycho-corticaux supérieurs, en

hébétude, état comateux avec exitus lelhalis.

Les recherches expérimentales de Schiff et celles d'Ewald' 1

font supposer que la glande thyroïde produit une substance

indispensable à la nutrition du système nerveux central. Les

animaux survivent à l'extirpation de l'une des glandes, mais

l'extirpation de toutes les deux a pour suite la mort. Mais en

maintenant l'animal dans un milieu porté artificiellement à

une température élevée, on peut obtenir une survie de longue

' Ewald. Berlin. Min. Wochensclcrift, 1887, n° 11. 1.

MYXOEDIm : OU CACHEXIE PACHYDERM1QUE. 59

durée et même sauver l'animal opéré, c'est-à-dire qu'il conti-

nuera de vivre. Donc, si la glande thyroïde a une destination

particulière, il parait qu'elle n'est pas seule et unique à l'a-

voir et à la remplir, car si l'animal opéré survit un certain

espace de temps après l'extirpation, l'organisme s'y conforme.

Deux raisons peuvent être cause de la mort des animaux

opérés : ou bien la glande thyroïde produit une substance

indispensable à la nutrition du système nerveux central, donc

après l'extirpation le cerveau est privé de cette substance, ou

bien la glande thyroïde sert à neutraliser un produit toxique

inconnu de la métamorphose normale, qui, après l'extirpation

de la glande thyroïde, empoisonne librement le cerveau.

Dans tous les cas, cette question resta non décidée et donna

naissance à une série de nouvelles recherches. En même temps

apparurent les recherches expérimentales de Golzi', Zesas 2,

Canalis 3 etFuhr*, qui n'éclairèrent cependant que fort peu

la fonction de la glande thyroïde.

Entre autres s'y trouvent les recherches expérimentales

du Dl' Rogowitch°. Il fit ses expériences sur des chats, des

chiens et des lapins et trouva que l'extirpation de la glande

thyroïde provoque dans quelques cas des symptômes d'irrita-

tion ; dans d'autres, ceux de dépression. Ce qui saute surtout

et premièrement aux yeux, c'est la faiblesse, l'insûreté et la

vacillation de la marche et une apathie complète. Cet état

apathique fait place parfois à des accès d'excitation et d'irrita-

tion qui s'expriment en convulsions des différents groupes de

muscles. Dans quelques cas, ces convulsions se localisent, dans

d'autres elles passent même en tétanos général. La sensibilité

cutanée était toujours affaiblie. Les animaux qui avaient

survécu à cet état passaient à un état paralytique qui finissait

par la mort. La transfusion du sang de ces animaux malades à

d'autres, donna des résultats négatifs. De scrupuleuses recher-

ches et explorations du système nerveux central des animaux

opérés démontrèrent que le plus de changements avait lieu

1 Golzi. Lo Sperimenlale, 1881.

- Zesas. 1171eizei-. medic. Wor,henschrift, 1881, 52.

, Canalis.- Cenlralb. med. 1T'issea.sch., 188b.

' Fuhr.- Arch. expér. fa</to/oy., 1886.

5 Rogowitch. - Travaux du second Congrès des médecins russes, t. II,

p. 22.

260 REVUE CRITIQUE.

dans la substance corticale de la moelle allongée. Ce procès por-

taitles symptômes d'une inflammation subaiguë de la substance

cérébrale, ce qui expliquerait tous les phénomènes du système

nerveux central. L'auteur suppose que l'extirpation de la

glande thyroïde a pour suite une activité exagérée vicariée

du hypophysis-cerebri dans la production de la substance

colloïde, d'où résulte la métamorphose colloïde exagérée de

l'organisme.

A l'occasion de cette étude, mon célèbre compatriote, le pro-

fesseur Paschoutin' émit l'avis que la raison de l'altération des

fonctions du système nerveux central peut être expliquée avec le

plus de probabilité par la destruction de la faculté de neu-

tralisation propre à la glande thyroïde, des produits toxiques

inconnus de la métamorphose du sang et sous ce rapport le

professeur Paschoutin est enclin à admettre une certaine

analogie dans l'activité de la glande thyroïde et celle des reins,

la paralysie ou un affaiblissement de l'activité des reins, en

qualité d'organe neutralisant les produits toxiques de la

métamorphose, peut être l'une des plus importantes raisons du

développement des phénomènes urémiques dans l'organisme.

Munk 2 extirpa la glande thyroïde chez six singes et trouva

que cette opération provoque des spasmes fibrillaires et des

convulsions toniques et cloniques. Quant au myxoedème et à

l'état crétinoïde, Munk les traite de symptômes accidentels.

En ce dernier temps a paru une communication préliminaire <e

du travail du Dl' Avtokratoff qui arrive à la conclusion que

la glande thyroïde a pour destination une fonction spéciale,

dont l'absence a pour suite une série d'altérations nerveuses.

Une des malades d'Ord consentit à se faire couper un petit

morceau de peau qui fut analysé mycroscopiquement. Peu de

temps après on fit quelques autopsies de ces malades, ce qui

permit d'étudier plus profondément le côté anatomique et

chimique de cette maladie. Le résultat de ces autopsies fut de

démontrer que le myxoedème contient non pas un simple

liquide d'albuminate, comme c'est le cas avec l'oedème et

l'anasarque, mais un liquide muqueux contenant de la mucine.

' Prof. V. Paschoutin, Travaux du second Congrès des médecins russes,

t. Il, p. 2L 1.

' Munk. Neurolog. Ceiitralblati, 1887, n°22.

' Avtokratoll ? lYralch, 1887, 110. îù et 17.

DU CHLORAL ET DE SES dérivés. 261

De sorte que le point de différence le plus important entre

l'anasarque et le myxcedème consiste en ce que le dernier con-

tient de la mucine. (A suivre.)

DU CHLORAL ET DE SES DÉRIVÉS AU POINT DE VUE

CHIMIQUE, THÉRAPEUTIQUE ET PHARMACEUTIQUE.

Par YVON.

Le chloral été découvert en 1832 par Liebig : il prend nais-

sance par suite de l'action prolongée du chlore sur l'alcool et

certains corps tels que l'amidon et le sucre; ses synomymes

sont les suivants : 7V ! c/o ? Y ! MeAy6fe, aldéhyde trichloré,

hydrure de trichlor acétyle qui indiquent sa composition

chimique; il répond à la formule CHC1OQ. Le chloral an-

hydre, celui dont nous venons de parler, n'est pas employé

en médecine ; il ne pourrait être utilisé que comme caustique;

on fait usage de l'hydrate de chloral ou chloral hydraté, con-

tenant deux équivalents d'eau, C'HCP022HO, et que par abré-

viation on désigne sous le nom de chloral.

Préparation. Pour obtenir le chloral soit dans les labora-

toires, soit dans l'industrie, on fait passer jusqu'à cessation

d'action un courant de chlore sec dans de l'alcool absolu ou

au moins très concentré, 96, 98 degrés centésimaux. Lorsque

la réaction est terminée, l'alcool se sépare en deux couches;

la couche inférieure se prend le plus souvent en masse par

refroidissement; elle est constituée par un mélange d'alcoo-

late et d'hydrate de chloral, imprégné de chloral liquide. On

la sépare et on l'agite avec trois à quatre fois son volume

d'acide sulfurique concentré, cet acide décompose les hydrate

et alcoolate de chloral et ce dernier vient surnager : on le

sépare et on le purifie par distillation soit sur de l'acide sul-

furique concenlré, soit sur de la chaux vive. On le rectifie en

le distillant une seconde fois et en recueillant la partie qui

passe entre 94 et 99 degrés. C'est un liquide caustique,

incolore, de consistance huileuse, à odeur pénétrante. Il fume

légèrement à l'air, irrite fortement les yeux et provoque la

toux. Il est très soluble dans l'eau, soluble dans l'alcool et

l'éther. Nous ne signalerons qu'une seule de ses propriétés

262 REVUE CRITIQUE.

chimiques, la plus importante au point de vue de son action

physiologique : celle qu'il présente de se transformer, au

contact des alcalis, en chloroforme et en formiate alcalin.

Ainsi que nous l'avons dit, le chloral anhydre n'est pas em-

ployé en thérapeutique, on fait usage des dérivés suivants :

- Métachloral ou chloral insoluble, c'est une modification

isomérique du chloral anhydre. Lorsque l'on conserve long-

temps du chloral anhydre dans un tube scellé, il se transforme

peu à peu en une poudre blanche que l'on isole en traitant

par l'eau dans laquelle elle est insoluble ; cette poudre blanche

est le métachloral. On l'obtient plus facilement en laissant

assez longtemps le chloral en contact avec une quantité d'eau

insuffisante pour le transformer complètement en hydrate,

soit, au contraire, en le mettant en présence d'une assez

grande quantité d'acide sulfurique concenlré. Le métachloral

chauffé vers 200° redevient chloral ordinaire (Regnault); il

donne du chloroforme lorsqu'on le met en contact avec les

alcalis.

hydrate de chloral ou chloral hydraté. -Le chloral anhydre

est très avide d'eau, et, mis en contact avec une petite quan-

tité de ce liquide, il s'y combine et se transforme en hydrate

contenant deux équivalents d'eau, C'IIC102 HO, soit en-

viron 11 p. 100. Ainsi obtenu, l'hydrate de chloral est

acide; on le purifie en le faisant fondre au bain-marie, le

mélangeant avec du carbonate de chaux en poudre fine, en

laissant digérer, puis distillant. Le liquide condensé cristallise

par refroidissement et constitue Y hydrate de chloral saccha-

roïde, en masses blanches composées d'aiguilles fines entre-

lacées de manière à former une masse compacte, attirant

facilement l'humidité.

On obtient également l'hydrate de chloral en cristaux isolés,

peu déliquescents, et auxquels il faut donner la préférence

pour l'usage médical. Voici, d'après le Codex, les caractères

que doit présenter l'hydrate de chloral : masses saccharoïdes

ou petits cristaux prismatiques, rhomboïdaux, blancs ; odeur

chloroformée piquante, saveur amère, un peu âcre et per-

.sistante. Il fond à 47°, bout à 98° et est volatil sans résidu.

Il est soluble dans le quart de son poids d'eau froide, très

soluble dans l'alcool, l'éther et le chloroforme. 11 ne doit pas

rougir le papier de tournesol, ne doit pas précipiter par l'azo-

tate d'argent ni dégager de fumées blanches à l'approche d'une

DU CHLORAL ET DE SES DÉRIVÉS. 263

baguette trempée dans l'ammoniaque. Traité par un alcali fixe,

il se décompose en donnant 22 pour 100 de son poids de

chloroforme. C'est ainsi que l'on prépare le chloroforme dit

de chloral. Il faut donc dans une formul éviter d'associer

l'hydrate de chloral aux carbonates ou bicarbonates alcalins.

Alcoolate de chloral. Le chloral anhydre se combine avec

l'alcool pour former un alcoolate : la combinaison se fait à

équivalents égaux et répond à la formule C4HCP02, Ci601,

elle renferme 23,77 d'alcool p. 100. Cet alcoolate découvert

par Roussin, puis étudié par Personne, cristallise facilement en

aiguilles blanches assez volumineuses, s'enchevêtrant pour

former une masse compacte : l'odeur est moins piquante que

celle de l'hydrate de chloral et la saveur moins acre. Ces

cristaux fondent vers 5-il et le liquide qui en résulte

bout vers 116°. Ils sont solubles dans l'eau, l'alcool et l'éther

et ne sont pas déliquescents. De même que l'hydrate, ils se

transforment sous l'influence des alcalis en formiate et en

chloroforme. -

Chloral croton/'que, anhydre ou hydraté, ou mieux chloral

butylique, C·H5C10. - Le chloral, avons-nous dit, est de

l'aldéhyle trichloré ou hydrure de trichloracétyde : le chloral

crotonique est l'hydrure de trichlorocrotonyle : l'aldéhyde cro-

tonique résulte de la condensation de l'aldéhyde ordinaire avec

élimination d'eau. On obtient le croton-chloral en faisant pas-

ser un courant prolongé de chlore dans de l'aldéhyde contenu

dans un appareil à reflux suffisamment refroidi. Lorsque l'action

est à peu près terminée, on chauffe à 100 degrés. Le chloral

crotonique forme avec l'eau un hydrate peu soluble dans

l'eau froide, plus soluble dans l'eau chaude et l'alcool. C'est

une poudre blanche formée par de petites paillettes dont

l'odeur et la saveur rappellent celles de l'hydrate de chloral,

les propriétés thérapeutiques sont bien moins accentuées : il

est à peu près inusité aujourd'hui.

L'action physiologique du chloral a été découverte en 1869,

par Liebreich qui songea à utiliser le dédoublement de ce

corps en chloroforme et en chloral au contact des liquides

alcalins; il pensait surtout à l'utiliser comme anesthésique ;

mais les recherches de Richardson, de Demarquay et Labbé, en

France, ont fait voir que le chloral était surtout un hypnoti-

que lorsqu'on l'administre à la dose moyenne de 1 à 4 gram-

mes. A doses plus élevées 6 à 10 grammes il commence à

264 REVUE CRITIQUE.

agir comme anesthésique, mais ne le devient réellement qu'à

des doses dangereuses, et par suite il ne peut être employé à

ce titre. Il y a toutefois exception pour les enfants qui le sup-

portent facilement et chez lesquels on peut l'employer comme

léger anesthésique lorsqu'il s'agit d'opérations de courte durée

telles que l'ouverture d'un-abcès, l'avnlsion d'une dent. C'est

donc comme hypnotique que le chloral doit être utilisé. Il

produit un sommeil calme et régulier qui survient plus ou

moins longtemps, en moyenne une demi-heure après l'inges-

tion, et dont la durée dépend de la dose absorbée. Au réveil, le

patient n'éprouve aucun phénomène de narcotisme ; il n'a ni

malaise ni céphalée; le réveil ne diffère pas de celui qui suc-

cède au sommeil naturel.

Comment agit le chloral ? La théorie de Liebreich a été

vérifiée, notamment par Personne, qui a montré en 1874, que

le chloral, facilement décomposé par les alcalis forts, l'était aussi

par les alcalis faibles, par les sels alcalins et par les liquides

animaux alcalins tels que le sang. Il l'est également par l'albu-

mine avec laquelle il se combine pour former un composé

imputrescible. On sait que la propriété antiseptique du chloral

est très utilisée. Cette production de chloroforme au sein de

de l'économie, production qui est toujours très faible explique-

rait l'action anesthésique du chloral à hautes doses ; mais

elle ne rend pas compte de son pouvoir hypnotique lorsqu'il

est administré à doses moyennes.

Cette dose moyenne, pour adulte, varie de 2 à 5 grammes

que l'on fait prendre une ou deux fois aune demi-heure d'inter-

valle ; parfois une dose faible suffit, chez l'enfant le sommeil

peut être obtenu avec 0gr 50. Chez l'adulte il ne faut pas

oublier que le chloral, exerçant une action dépressive très

marquée sur les fonctions du coeur, il y a des contre-indications

à son emploi.

Nous allons passer en revue les divers modes d'administra-

tion du chloral. Il faut nous souvenir que ce corps étant irri-

tant et caustique exerce toujours une action locale. Mis en

contact avec les muqueuses ou l'épiderme, il peut même, sui-

vant le mode de la durée d'application, produire de la vésica-

tion ou de la brûlure. En solution, ce pouvoir caustique est

très amoindri ; mais il existe encore, et il est nécessaire d'ad-

ministrer le chloral en solution étendue, et parfois d'ajouter

un correctif.

DU CHLORAL ET DE SES DÉRIVÉS. 265

Pour l'administration stomachale, en solution, potion,

sirop, la dose de chloral ne devra pas dépasser ·1 gramme

pour 15 (par cuillerée à bouche). C'est là le maximum de con-

centration pour que le médicament puisse être ingéré facile-

ment et supporté par l'estomac, encore est-il utile de faire

mélanger avec un peu d'eau au moment de l'absorption. En

lavement la proportion de chloral peut varier de 1 à 3 p. 100

de véhicule qui de préférence doit être adoucissant; eau de

guimauve, de graine de lin, lait, émulsion de jaune d'oeuf ; au

besoin on ajoute quelques gouttes de laudanum. Les supposi-

toires au chloral exercent souvent une action locale à laquelle

il est difficile de remédier; on associe au chloral une petite

quantité d'extrait narcotique; opium, belladone ou surtout

jusquiame. Il ne faut avoir recours aux suppositoires que si

les autres modes d'administration ne peuvent être employés.

On prépare aussi des perles ou des dragées de chloral ; dans

les premières, l'enveloppe gélatineuse renferme une solution

éthérée d'hydrate de chloral ; les dragées contiennent chacune

0,25 de médicament : ce mode d'administration est commode

au point de vue de l'ingestion; mais le chloral arrivant dans

l'estomac soit en nature soit en solution éthérée et concentrée

irrite cet organe, et il faut, comme pour les suppositoires,

n'avoir recours à ce mode d'administration que si l'on ne peut

faire autrement.

Formules relatives à l'administration du chloral et de ses dérivés.

Hydrate DE chloral.

266 REVUE CRITIQUE.

DU CHLORAL ET DE SES DÉRIVÉS. 267 -1

Sirop de chloral : Celui du codex contient 1 gramme d'hydrate

de chloral pour 20, et est aromatisé à la menthe. La préparation

est plus agréable lorsqu'on se sert comme véhicule de sirop de

cerises ou de groseilles. On peut le prendre dans un peu d'eau de

Seltz ou d'eau de Saint-Galmier.

268 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. z69

s'améliora tellement, que l'on put croire qu'elle allait guérir. Il y

a probablement là un phénomène analogue à ces opérations tem-

poraires et parfois même définitives que l'on voit fréquemment

coïncider avec l'apparition d'inflammations locales.

4° Bien que la malade soit à l'heure actuelle incurablement

aliénée, il convient de remarquer que les hallucinations de l'odorat

ont entièrement disparu chez elle. Or, le Dr Savage a souvent

signalé à l'auteur l'existence d'hallucinations de l'odorat chez les

malades dont les idées délirantes sont surtout d'ordre sexuel : la

disparition de ces hallucinations chez la malade dont il s'agit,

consécutivement à l'ablation de l'ovaire malade peut, à la vérité, ,

n'être qu'une coïncidence, mais elle doit engager à rechercher de

plus près les rapports qui peuvent exister entre cette forme d'hal-

lucination et les modifications pathologiques de l'appareil génital.

R. M. C.

IL Guérison DE la folie consécutivement A l'ablation DE la barbe

chez une femme; par Geo. H. SAVAGE. (The Journal of Mental

Science, juillet 1886.)

On sait comment certaines difformités peuvent agir sur le

moral des femmes et déterminer parfois des troubles de l'intelli-

gence. Dans le cas actuel, il s'agit d'une femme qui fut atteinte de

mélancolie profonde avec tendance au suicide, consécutivement à

l'apparition sur le menton de poils assez nombreux pour consti-

tuer une véritable barbe. On résolut de débarrasser la malade de

ces poils, en détruisant le bulbe pileux au moyen de la galvano-

puncture. Cette idée parut sourire à la malade qui accepta ce

lraitement, lequel, d'ailleurs dans les commencements, ne parut

donner que des résultats assez peu satisfaisants au point de vue de

l'état mental. Mais lorsque l'on eut enlevé près d'un millier de

poils, et que le menton fut presque débarrassé de cet appendice

d'un autre sexe, la malade donna des signes évidents de salisfac-

tion, et dans un délai assez court, la guérison complète fut ob-

tenue. R. M. C.

III. Une OBSEItV.W'f0 ? d'accumulation DE cheveux, etc., dans

l'estomac, avec commentaire; par C. S. W. CUBBOLU. (The Journal

of mental Science, avril 1886).

Cetle observation est relative à un malade qui mourut à la suite

de vomissements rebelles et d'indigestion chronique reconnaissant

pour cause une accumulation de cheveux et de fibres ligneuses

dans l'estomac. L'habitude qu'avait le malade d'avaler ces subs-

tances étant demeurée ignorée, le diagnostic ne put être fait en

temps utile; l'incapacité mentale où se trouvait d'ailleurs cet

aliéné de rendre compte des symptômes subjectifs, l'absence de

tout gonflement abdominal appréciable jusqu'au moment où l'in-

12-io REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

tetisité de la tympanite rendit impossible le recours utile à la pal-

pation, constituèrent des éléments très défavorables à l'exactitude

du diagnostic. La difficulté que l'on éprouve à avaler isolément

des cheveux ou des fibres ligneuses a conduit l'auteur à penser

que le malade accumulait ces substances dans sa bouche pour les

avaler en même temps que ses aliments.

A la suite de cette observation,- l'auteur en rapporte une autre,

assez analogue et due au Dr Bucknill, mais dans laquelle le méca-

nisme de la mort fut tout à fait différent ; dans ce cas, en effet,

l'accumulation de matières étrangères dans l'estomac aboutit à la

formation d'un petit ulcère chronique qui finit par causer la mort

en déterminant une perforation de la paroi stomacale.

L'auteur conclut en signalant la nécessité d'examiner avant

chaque repas la bouche des malades chez lesquels on peut soup-

çonner l'habitude de mâcher ou d'introduire volontairement et de

garder dans la cavité buccale des substances non alimentaires.

R. M. C.

IV. DES névroses et psychoses causées par l'abstinence sexuelle;

par A. KI\ \FFT-EDING (7a/t)'&KC/to ? Psychiatrie, VIII, 1. 2)

L'abstinence en question n'est nuisible que chez les névropathes

à besoins exagérés ou chez les héréditaires pour le même motif. Il

en résulte de la surexcitation des centres et des nerfs sensoriels,

des accidents neurasthéniques, du satyriasis et finalement un dé-

lire érotique, hallucinatoire qui se systématise. Le mécanisme

est exactement le même que celui des affections nerveuses et men-

tales dues aux excès et surtout à l'onanisme. P. K.

V. - DES quartiers DE surveillance continue dans LES asiles

d'aliénés; par SCIIOLZ (Allg. Zcitschit, f. Psych. XIV. 1. 2)

Tout en réclamant la priorité de l'invention que s'attribue

M. Poetz, l'auteur expose qu'il l'applique à l'aliénation récente qui,

de même que la fièvre typhoïde, exige le lit : c'est le seul moyen

de régulariser la circulation, de diminuer les excitations senso-

rielles, de calmer les cellules nerveuses excitées, d'arrêter la dé-

chéance organique. De là ce groupe des malades alités pour

faciliter le service en installant l'isolement méthodique. Il compte

que 18 p. 100 des aliénés réclament au moins la surveillance con-

tinue ainsi organisée : le type a été réalisé par lui à Brème.

P. K.

VI. Intoxication saturnine avec TROUBLES DE L'INTELLI-

GENCE ET DU système nerveux; par Alex. ROBERTSON. (The

Journal of mental Science, juillet 1886.)

L'auteur rapporte deux observations dont la seconde surtout

est intéressante : 'en effet, chez la jeune fille de quatorze ans

REVUE DE pathologie mentale. 27l 1

dont il s'agit, le trouble mental avait plutôt la forme du délire

que celle de la folie véritable. Toutefois, il n'y avait pas de

fièvre, et en présence d'une température normale, il faut bien

rejeter l'hypothèse d'un état inflammatoire du cerveau, au

moins sous la forme aiguë : l'auteur admettrait plus volontiers

l'irritation directe de la substance cérébrale par les parcelles de

plomb entraînées dans le torrent circulatoire. D'autre part, on

constate chez les deux malades une atrophie blanche de la

pupille. On peut se demander jusqu'à quel point l'état des

nerfs optiques peut ici être considéré comme révélation de l'état

du cerveau et spécialement des circonvolutions. Les altéra-

tions du fond de l'oeil ne permettraient guère chez l'une ou l'au-

tre des malades d'admettre l'existence soit actuelle, soit anté-

rieure d'une névro-rétinite; chez la première, l'aspect de la

papille faisait plutôt penser une atrophie primitive des nerfs

optiques. Toutefois, plus de trois semaines s'étant écoulées

entre le début des troubles cérébraux et le moment où l'exa-

men ophthalmoscoque devint possible, ilse peut qu'une inflam-

ait existé et disparu, et que les produits inflammatoires s'étant

résorbés, il ne soit resté qu'une atrophie progressive. En sup-

posant l'atrophie primitive, on peut se demander si elle doit

être considérée comme une lésion descendante émanant, des

centres cérébraux avec lesquels le nerf optique est en relation.

S'il en était ainsi, il se passerait en ce cas quelque chose d'ana-

logue à ce que l'on observe dans l'atrophie musculaire pro-

gressive où l'on voit se développer, parallèlement aux lésions

des cellules multipolaires des cornes antérieures de la moelle,

une atrophie des fibres du nerf moteur et des muscles auxquels

ces fibres se distribuent. La guérison des troubles intellectuels

conduit à penser que les ganglions hémisphériques n'ont pas

été intéressés, et que la lésion centrale avait probablement

son siège dans la couche optique et dans d'autres parties des

ganglions d'ordre inférieur avec lesquels le nerf optique est en

relation. Un dernier point à noter : le retour à l'intégrilé

intellectuelle et le rétablissement de la fonction auditive ont

progressé d'une façon presque parallèle. R. M. C.

VII. UN cas DE folie mentale ou DE défectuosité morale

congénitale, avec remarques; par D. RACK 'l'UICE (The

Journal of mental Science, octobre 1885).

L'auteur rapporte avec soin l'observation d'un homme qui

272 REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE.

ne parait avoir été qu'un malade, - bien qu'il n'ait jamais eu

d'accès de manie aiguë, et qui, à plusieurs reprises s'était

attiré des démêlés avec la justice par suite de la singulière

volupté qu'il éprouvait à voir couler le sang : c'est ainsi qu'il

prenait plaisir à couper la gorge à un cheval ou à d'autres

animaux. Condamné à être pendu pour crime de viol, il vit sa

peine commuée en celle de la réclusion à vie, puis fut gracié,

tua de nouveau un cheval, et cette fois fut acquitté comme

aliéné et interné dans un asile. Il réussit à s'évader, commit

une nouvelle tentative de viol presque sous les yeux des gar-

diens qui le poursuivaient; on s'empara de lui avant qu'il eût

pu accomplir son crime, et il fut remis aux mains de l'autorité

et condamné cette fois à six mois de prison, peine qu'il accom-

plit actuellement.

Il n'est pas douteux qu'à sa sortie il commettra de nouveaux

crimes, si l'on ne parvient à l'en empêcher par un interne-

ment opportun.

On nous permettra de faire remarquer ici combien il est

étrange de voir un tribunal condamner à six mois de prison,

le tenant évidemment pour responsable de ses actes,

un homme qui a commis la tentative criminelle que la justice

lui reproche moins d'une heure après son évasion de l'asile

d'aliénés où il.était interné. R. xi. C.

VIII. 0))SER\AT)OXS DE SIMULATION DE L'ALIÉNATION Ml'Nt'ALH AVEC UNE

véritable affection PSYCHIQUE; par J. Feritscii ( Jnhrüi(Ch. f.

Psych., VIII, 1-2).

Sur deux cents individus en observation médico-légale, l'auteur

n'a, pendanthuit années d'exercice, vu que dix cas de simulation

authentique, et sur ces dix simulations, il n'y en avait que deux

qui fussent absolument indemnes de toute anomalie mentale.

Inversement, on voit des aliénés réels, amplifier, exagérer leur

délire, avoir l'air de simuler; les symptômes observés ne rentrent

pas exactement dans le cadre du type que l'on est habitué à voir,

ils ont une physionomie spéciale qui rend l'appréciation délicate

(V. l'OBS. 1). En tout onze observations, dont dix numérotées, à

l'appui de l'étude clinique. P. ICEaavaL.

IX. LES psychoses dans LES pénitenciers, au POINT DE vue étiole-

GIQUE, clinique, MÉDICO-LGAL; par ICoIN(All3. Zeitsch. f. Psych.,

XLV, 1-2).

Ce mémoire est le résultat d'études faites à la prison cellulaire

REVUE DE PATHOLOGIE MENTALE. 273

de Eribourg, construite d'après les nouveaux modèles hygiéniques

de 1878. A partir du 1Cl'janvier 1879 l'établissement contenait 400

prisonniers. D'après ce travail, on rencontrerait dix fois plus d'alié-

nés chez les délinquants qu'au sein des populations ordinaires.

Cette fréquence tient d'ailleurs moins à la séquestration qu'à

d'autres facteurs psycho-pathogénétiques, tels que les causes

mêmes de la criminalité. Quinze seulement de ces malheureux

doivent à la séquestration seule la genèse de la folie, et encore

faut-il en défalquer trois qui, ignorant la langue allemande, se

trouvaient doublement et par trop isolés. L'isolement tel qu'il est

pratiqué aujourd'hui n'est du reste dangereux à cet égard que

dans le premier semestre ; les chances de maladie, minimes dès

le second semestre, deviennent très faibles quand la première

année est terminée. Les modalités morbides engendrées sont sur-

tout mélancoliques et généralement aiguës, sans qu'on puisse rat-

tacher leur espèce au genre de délit commis. La guérison se pro-

duit dans 69 p. 100 des faits, par la suppression de l'isolement. Ce

qu'il y a de plus pratique et de plus efficace, c'est d'installer en

dehors de la prison, mais auprès d'elle, un petit asile bien amé-

nagé et dans lequel les malades se croient absolument libres.

P. K.

X. UN CAS DE MUTILATION VOLONTAIRE AVEC PERSISTANCE ; par ERIC

SINCLAIE. (The Journal of mental Science, avril 1886.)

Il s'agit d'un homme, atteint de manie d'origine probablement

alcoolique, qui pratiqua sur lui-même, à l'aide des plus grossiers

instruments, l'ablation du testicule gauche d'abord, puis du testi-

cule droit cinq mois après. Ces deux plaies guérirent : on ne nota

chez le malade, consécutivement à la castration, aucune amélio-

ration de l'état mental. Quelque temps après, ce malade réussit

à s'introduire un clou dans la région temporale par un singulier

procédé; ayant appliqué le clou sur la tempe, perpendiculaire-

ment, il réussit à le faire pénétrer dans le crâne en se heurtant la

tête contre le mur. On constata bien à cette époque une petite

plaie de la région, suivie d'un gonflement assez considérable;

mais le malade donna à cette plaie une origine plausible, et d'au-

tre part le gonflement ne permit pas de reconnaître la présence

d'un corps étranger, présence d'ailleurs que l'on était loin de

soupçonner ; cette plaie ne tarda pas à guérir complètement ;

mais au bout d'un certain temps il se produisit à la tempe une

petite grosseur du volume d'un pois, qui, incisée, permit de re-

connaître la présence du clou : celui-ci fut enlevé, mais le malade

ne tarda ras à succomber. A l'autopsie, on constata que le clou,

après avoir perforé le crâne, avait pénétré dans la circonvolution

frontale moyenne pour se diriger ensuite horizontalement en

Archives, t. XVIII. 18

2-.4 4 SOCIÉTÉS SAVANTES.

arrière et en dedans et aboutir exactement au-devant de l'extré-

mité antérieure du corps strié. L'auteur termine son travail

par la relation d'un cas de mutilation volontaire chez une lionne;

ce cas a été communiqué par M. Abraham à la Section de patho-

logie de l'Académie de médecine d Irlande, et publié dans le

volume de 1885 des Transactions de cette Académie. R. M. C.

SOCIÉTÉS SAVANTES

CONGRÈS INTERNATIONAL DE MÉDECINE MENTALE

Tenu à Paris du 5 au 10 août 1889.

Séance du 5 août (soir). - Présidence DE M. J. FALRET.

M. fALBET présente sur les obsessions avec CONSCIENCE (INTEL-

LECTUELLES, ÉMOTIVES ET instinctives) un travail dont la discussion

est renvoyée, sur la proposition de M. SE : \l,\L (de Mons), à une

séance ultérieure et dont les conclusions peuvent être ainsi résu-

mées : les obsessions sont toutes accompagnées de la conscience

de l'état de maladie; elles sont héréditaires, rémittentes, pério-

diques ou intermittentes; elles s'accompagnent toujours d'anxiété,

d'angoisse, d'hésitation dans la pensée et dans les actes, de symp-

tômes émotifs plus ou moins accentués ; elles ne s'accompagnent

jamais d'hallucinations ; elles ne se transforment pas en d'autres

maladies mentales et n'aboutissent jamais à la démence ; elles

peuvent quelquefois se compliquer du délire de persécution ou

mélancolique, mais tout en conservant leurs caractères propres.

M. Camuset présente DEUX observations, chez DEUX dégénérés,

d'impulsions conscientes A DES actes VIOLENTS VIS-1-VIS d'eux-

mêmes. La première malade, âgée de trente-huit ans, d'une famille

d'alienés, a de l'asymétrie faciale et a eu des tics convulsifs. Son

état est caractérisé par des accès de fureur conscients, pendant

lesquels elle cherche à se faire le plus de mal possible, à se casser

la tête contre les murs. Elle est tellement consciente de ses impul-

sions qu'elle demande qu'on l'attache, pour éviter de s'y laisser

aller. Le deuxième malade est calqué sur la précédente, avec

cette différence que c'est un garçon de onze ans, véritable imbé-

cile avec malformations crâniennes.

M. J. MOREL (de Gand) propose, au nom de la Société de méde-

cine mentale de Belgique, un projet de statistique internationale

DES maladies MENTALES : 1° manie (délire aigu) ; 2° mélancolie ; 3° fo-

lie périodique (folie à double forme, etc.) ; 4° folie systématisée pro-

gressive ; 5° démence vésanique ; 6° démence organique et sénile ;

sociétés savantes. 275

7° paralysie générale ; 8° Folies névrosiques (hystérie, épilepsie,

hypocondrie ; 9° folies toxiques; 10° folie morale et impulsive; 11°

idiotie, etc. Dans la discussion qui suit ce projet de statistique,

MM. GARNIER d'une part et BRIAND d'autre part proposent de subs-

tituer au terme de folie morale, l'un celui de folie héréditaire,

l'autre celui de folie des dégénérés, que M. HALL repousse énergi-

quement. Finalement le projet présenté par la Société de méde-

cine mentale de Belgique est adopté sans modifications.

Séance du 6 août (matin). PRÉSIDENCE DE M. BE,tEDIxT (de Vienne).

M. RITTI lit au nom de M. CoTARD une note sur l'ORIGINE PYCIIO-

motrice du délire. D'après cet auteur, c'est de la suractivité motrice

que dans la manie, par exemple, naîtraient les idées de force, de

talent, de grandeur. De même, dans la mélancolie dépressive,

c'est par suite de la dépression de l'énergie motrice, que le malade

se trouve consécutivement séparé psychiquement du monde exté-

rieur. Cela résulte de la corrélation admise par tout le monde

entre les éléments moteur et psychique. Les hallucinations seraient

aussi, d'après M. Cotard, secondaires et subordonnées à l'automa-

tisme moteur.

M. GaRNIER fait observer que dans la deuxième ou troisième pé-

riode de la paralysie générale, alors que l'énergie motrice est

souvent fort déprimée, les idées de grandeur, de force se ren-

contrent fréquemment. A quoi M. RITTI répond qu'elles se

montrent toujours alors à une période antérieure où elles sont

nées lorsque l'activité motrice était accrue.

M. Soutzo (de Bucharest) réclame pour cette théorie l'appui de

l'anatomie pathologique. Mais ainsi que le fait remarquer M. Ballet,

beaucoup parmi les maladies mentales ne s'accompagnent pas de

lésions matérielles dont la constatation puisse venir étayer la

théorie de M. Cotard. Bien plus, parmi les nombreuses autopsies

de paralytiques généraux qu'il a eu l'occasion de faire, M. Ballet

n'a jamais rencontré, quoi qu'on en ait dit, de concordance entre

les lésions cérébrales et la forme du délire observé pendant la

vie. Quelque ingénieuse que soit la théorie de M. Cotard, il est

bon de ne la considérer encore que comme une simple hypo-

thèse.

M. CHARPENTIER demande que dans toute théorie de l'origine du

délire, on fasse toujours une grande part à l'affaiblisse ni en du

moi, qui constitue à l'état normal, le véritable régulateur entre

les sensations, les mouvements et les actes psychiques purs.

M. KORSAKOFF (de Moscou) communique un travail sur UNE FORME

particulière DE maladie mentale COMBINÉE avec la NÉVRITE MULTIPLE

276 SOCIÉTÉS savantes.

dégénérative et à laquelle il propose de donner le nom de cérébro-

pathia psychica toxoemica ou psychose polynévrilique.

M. Régis (de Bordeaux), à propos de quatre cas DE lypémanie

hypocondriaque, présente des considérations fort intéressantes,

touchant le diagnostic de cette affection d'avec la paralysie géné-

rale. On peut ainsi résumerrapidement les quelques signes sur

lesquels on peut se fonder pour les distinguer : 1° le délire hypo-

condriaque de la paralysie générale a un caractère de soudaineté,

d'incohérence et d'inconsistance qui n'existe pas dans le délire

lypémaniaque qui est moins absurbe, beaucoup plus empreint

d'une conviction que le malade cherche à faire partager à son

entourage; 2° les idées ambitieuses n'appartiennent qu'à la para-

lysie générale; 3° le délire lypémaniaque est heureusement modifié

par la morphine (Voisin); 4° l'hérédité est moins manifeste dans

la paralysie générale, qui débute de trente-cinq à quarante-cinq

ans, ne s'accompagne d'aucun trouble objectif normal, et aboutit

à la démence paralytique. La lypémanie au contraire comporte

des idées de suicide ou de mutilations volontaires et aboutit au

délire des négations ou au dédoublement de la personnalité. De

plus (Régis et Cotard), la lypémanie ne s'observe guère que de

quarante-cinq à soixante ans, plus fréquente chez la femme (à

l'encontre de la paralysie générale) ; le délire hypocondriaque

dans la lypémanie n'est pas soudain, mais succède au délire ha-

bituel de cette maladie, surtout celui de culpabilité imaginaire,

et s'accompagne rarement d'hallucinations; dans la lypémanie

hypocondriaque, on constate souvent de l'état saburral, de l'inertie

gastrique, suivis fréquemment d'amaigrissement progressif pou-

vant aboutir à la cachexie; la lypémanie est guérissable; la mort

peut survenir par suicide ou par cachexie ; à la période ultime,

on observe souvent le dèlire des négations.

Séance du 6 août (soir). Présidence DE M. SOUTZO (de Bucharest).

M. SÉGLAS présente sur le dédoublement DE la personnalité un

intéressant travail. Ses malades entendaient des voix extérieures

et des voix intérieures, ces dernières généralement attribuées à

ceux qui les persécutaient. Selon M. Séglas, ces voix intérieures,

hallucinations psychiques de Baillarger, ne sont autre chose que

des phénomènes d'articulation mentale inconsciente rapportés

par les malades à des personnes étrangères. D'où le nom de psycho-

motrices qu'il propose de leur donner. 11 conclut que if l'halluci-

nation psychique de Baillarger est avant tout un trouble fonc-

tionnel des centres moteurs du langage articulé ; 2° elle tient à la

fois de l'hallucination sensorielle et de l'impulsion,' d'où le nom

d'hallucination psycho-7notrice; 3° l'élément moteur qu'elle

sociétés savantes. 277 7

renferme est une cause puissante du dédoublement de la per-

sonnalité.

M. SETMAL (de Mons) communique au sujet des FOLIES PÉNITEN-

TIARES, un travail qui repose sur les bases les plus solides. Il a

trouvé que la proportion des aliénés est moindre chez les détenus

que dans la population belge. De plus, l'immense majorité des

fous étaient déjà malades avant d'entrer en prison (129 sur 161).

Les autres étaient, pour un bon nombre, des cas accidentels et

dans lesquels la détention n'avait rien à voir. Parmi le petit

nombre restant, il a trouvé quelques héréditaires chez qui le ré-

gime cellulaire a pu à la rigueur jouer le rôle d'agent provocateur

de la folie, mais peut-être pas tant que la condamnation elle-même,

dont l'effet moral est beaucoup plus intense et beaucoup plus ra-

pide. lI. Seinal fait ensuite voter par le Congrès un voeu tendant

à ce que la question de l'aliénation des détenus fasse l'objet d'une

enquête officielle et que les résultats en soient consignés dans une

publication régulière.

M. Voisin (Jules) lit une note sur cinq cas DE FUGUES INCONSCIENTES

chez DES HYSTÉRIQUES chez lesquelles, à raison même de ces fugues,

existe un véritable dédoublement de la personnalité. Dans cer-

tains cas, ces fugues sont précédées des phénomènes de l'aura

hystérique, strangulation, vertige, et quelquefois d'une ébauche

de la phase convulsive de la grande attaque. Elles se terminent

quelquefois par des convulsions, d'autres fois par une attaque de

sommeil. Le souvenir complètement aboli au réveil, peut être ra-

mené pendant l'hypnose où les malades semblent revivre leur

état second. Ces fugues diffèrent notablement des crises ambula-

toires épileptiques en ce que tout d'abord l'hypnotisme ne peut

raviver le souvenir de ces dernières. La pâleur, l'hébétement au

début de la fugue comitiale sont typiques ; de plus, celle-ci se ter-

mine souvent par une attaque épileptique vraie. Enfin pendant la

fugue, les épileptiques sont hébétés, enent sans but, quelquefois

délirent, loin de présenter la précision, la coordonnation appa-

rente et la vraisemblance dans les actes qui caractérisent l'hysté-

rique. Au dire de M. Voisin, les fugues qui se produisent au cours

de certaines intoxications pourraient bien être de nature hystérique,

car on sait que les intoxications sont souvent des agents provoca-

teurs de la névrose. M. Tissié (de Bordeaux) rappelle qu'il a déjà

parlé de ces fugues hystériques dans sa thèse sur les aliénés

voyageurs.

M. Ladame (de Genève) présente une observation d'INVERSIONS

sexuelle chez UN dégénéré, guérie par la SUGGESTION hypnotique.

Il a fallu vingt-cinq séances pour obtenir un résultat qui n'est pas

encore complet aujourd'hui, bien qu'on repète les séances de

temps en temps. A propos de l'innocuité du traitement par l'hyp-

278 8 SOCIÉTÉS SAVANTES.

notisme, une courte discussion s'engage, dans laquelle M. DEXTE-

RERO (de Pétersbourg) rapporte un nouveau méfait d'un magnéti-

seur de foire, qui rendit malade un de ses sujets de passage,

homme du monde bien portant auparavant.

Séance du 7 août (soir). Présidence DE M. FALRET.

M. BALL donne lecture d'un rapport concernant la législation

comparée, sur LE placement DES aliénés. A signaler dans la discus-

sion qui suit cette communication, l'intervention d'un magistrat,

M. Barbier, premier président de la Cour de cassation, qui regiette

que dans la loi votée dernièrement au Sénat, on donne une aussi

grande importance dans cette question de l'internement des fous

à l'élément administratif, reconnaissant lui-même que les magis-

trats manquent absolument de compétence en la matière, et que

sur ces sujets, le dernier mot devrait toujours rester à la

médecine.

M. LEUOINE (de Lille) rapporte le résultat de ses recherches com-

paratives sur les EFFETS HYPNOTIQUES DE L'HYOSCIAMI ! OE ET DE L'HYOS-

CINE CHEZ LES aliénés. La première de ces deux substances, à la

dose de un demi àun milligramme, produit un sommeil calme de

plusieurs heures, sans autres effets fâcheux. Il n'en et pas de

même de l'hvoseine qui n'amène le sommeil que très irréguliè-

rement et toujours après une période d'excitation fâcheuse.

MM. Séglas d'une part, et Brouillard d'autre part, ont observé

les mêmes inconvénients en ce qui concerne l'hyoscine.

M. BRIAND lit un travail sur les TROUBLES DE la mémoire dans L'IN-

T031C : 1TION par L'OXYDE DE carbone.

Séance du 8 août (matin). Présidence DE M. Falret.

M. BRUNET (delà Charité) traite de la spécificité DE la paralysie

générale ou PÉRICÉRÉBRITÉ, suivant le nom qu'il adopte.

M. Ladame (de Genève) lit une note sur un cas d'ÉRYTHnorsIE chez

un paralytique général.

M. Llmoinf. (de Lille) communique un travail sur l'arthritisme

comme cause DE la paralysie générale. Le rapport intime qui

existe entre les maladies nerveuses et l'arthritisme, déjà depuis

longtemps signalé par M. Charcot, se remarque aussi en ce qui

concerne la paralysie générale. Sur 30 paralytiques généraux,

M. Lemoine en a trouvé au moins 10 chez lesquels il était impos-

sible de relever aucun autre élément étiologique. Rhumatisme

proprement dit ou manifestations arthritiques telles que bron-

chites à répétition, migraines, eczéma, etc., se rencontraient

SOCIÉTÉS SAVANTES. 279

chez eux. Dans un cas, l'alternance entre les manifestations céré-

brales et une affection cutanée a même été notée. Les arthritiques

étant sujets aux poussées congestives, c'est surtout sous cette

forme que la paralysie générale se manifeste chez eux. Aussi

M. Lemoine conseille-t-il de se méfier de tout migraineux, par

exemple, présentant des poussées congestives du côté de la face.

Chez un pareil sujet, il suffit souvent d'une cause occasionnelle,

excès d'alcool, excès vénériens, pour faire éclore la paralysie'

générale, et cela souvent d'une façon précoce.

M. Charpentier fait remarquer que l'arthritisme étant très fré-

quent, il pourrait s'agir là d'une simple coïncidence. L'othéma-

tome est fréquent chez les paralytiques généraux arthritiques.

M. DOUTREBENTE confirme les idées de M. Lemoine. La tendance

aux poussées congestives des arthritiques constitue pour eux une

manière spéciale d'être paralytiques généraux.

M. Tissié (de Bordeaux) présente une observation d'obsession

INTELLECTUELLE ET ÉMOTIVE GUÉRIE PAR LA SUGGESTION RENFORCÉE PAR

UN parfum, l'isolement ET l'hydrothérapie. Il s'agit d'une femme

de vingt-trois ans, atteinte d'une véritable anarchie psychique,

aboulie, idées de mort, vide cérébral, alternatives de dépression

et d'excitation, angoisse précordiale, etc., et venant s'ajouter à

tout cela un commencement de morphinomanie. M. Tissié détruit

toutes les obsessions par la suggestion, en même temps qu'il fait

respirer à la malade un parfum dont l'action, lui suggère-t-il,

devra se manifester sur son cerveau, sa volonté, etc. L'interrup-

tion de-- séances d'hypnotisation ayant amené un retour des

accidents, M. Tissié fit enfermer la malade dans une maison de

santé pour la soustraire à toute influence extérieure, et là reprit

l'emploi de la suggestion auquel il adjoignit l'hydrothérapie. La

guérison se maintient complète depuis six mois.

Séance du 8 août (soir). Présidence DE M. DELASIAUVE.

M. GARNIER lit un travail sur la PROGRESSION corrélative DE la

FOLIE ALCOOLIQUE ET DE LA PARALYSIE GÉNÉRALE ( voir plus haut le

Congrès international de l'alcoolisme). De la statistique générale de

la préfecture de police il appert que le nombre des cas de folie

alcoolique a plus que doublé depuis quinze ans. Il en est de même

des cas de paralysie générale. D'où l'auteur conclut à l'influence

nocive de l'alcoolisme sur le développement de l'encéphalite chro-

nique.

M. HALL conteste absolument la conclusion de M. Garnier.

L'examen des statistiques conduit souvent à des résultats faux.

A celle de M. Garnier on peut opposer celles d'Ecosse, d'Irlande,

280 sociétés savantes.

de Suisse, où l'alcoolisme fait des ravages effrayants et où la para-

lysie générale est à peu près inconnue.

M. Régis émet quelques doutes sur la statistique de la préfecture

de police, où les diagnostics ne peuvent pas toujours être établis

d'une façon bien irrévocable.

M. PIERRET (de Lyon) parlant de L'ÉTIOLOGIE DE la paralysie

générale confirme et complète dans une certaine mesure la com-

munication précédente de M. Lemoine (voir plus haut, séance du

6 août matin). Outre l'hérédité arthritico-nerveuse, il y a à consi-

dérer les formes aiguës ou subaiguës du rhumatisme cérébral et

en outre les troubles de la nutrition des arthritiques. Ceux-ci

sont des ralentis et souvent des dyspeptiques, d'où mauvaise

nutrition primordiale et ensuite possibilité d'intoxications secon-

daires. Tout cela peut aboutir à des troubles psychiques dont l'in-

terprétation causale est singulièrement rendue difficile par la

multiplicité des facteurs étiologiques.

M. CAMESCASSK présente, au nom de M. BouRNEVILLE et au sien,

des moulages et des photographies de cerveaux de microcéphales.

Les lésions qui produisent la microcéphalie sont très variables.

Quant aux sujets eux-mêmes, ils sont loin d'être toujours nains.

Leurs fonctions sexuelles, ainsi que leurs organes génitaux, sont

assez développés en général. De plus, ils sont susceptibles d'édu-

cation dans une certaine mesure.

M. SoLLIER communique, au nom de \l. Bourneville et au sien, un

travail sur la PORENCÉPR.1LIE ET la PSEUDO-PORENCÉPIIALIE. La pre-

mière, due à un arrêt de développement consécutif à un processus

destructif d'origine circulatoire survenu avant ou après la naissance,

est caractérisée anatomiquement par ce fait que les circonvolu-

tions, au niveau du trou, se dévient de leur direction et plongent

dans ce trou où elles se continuent. Dans la pseudo-porencéphalie

au contraire, les circonvolutions s'arrêtent nettement au bord du

trou dont le fond est constitué par la substance blanche. Quoique

cette dernière soit souvent beaucoup plus étendue, elle s'accom-

pagne cliniquement de troubles moins accentués que la poren-

céphalie vraie qui se manifeste presque toujours par de l'idiotie.

Le diagnostic de cette dernière est beaucoup plus difficile que

celui de la pseudo-porencéphalie.

M. LE ! lf0lNE fait adopter par les membres français du Congrès

la proposition suivante : 1° un Congrès des médecins aliénistes

français aura lieu chaque aimée ; 2° ce Congrès, qui aura lieu chaque

année dans une ville différente, tiendra sa première session l'année

prochaine ci Rouen.

SOCIÉTÉS savantes. 281

Séance du 9 août (soir). - Présidence DE M. FALRET.

M. Motet fait une communication sur la responsabilité des

alcooliques (voir plus haut la communication analogue du même

auteur au Congrès de l'alcoolisme).

M. CHRISTIAN lit un travail sur les rapports DE LI syphilis et de

la paralysie générale. Ces rapports sont nuls selon lui. Tout d'a-

bord, d'après ses recherches, à peine 15 p. 100 des paralytiques

généraux sont d'anciens syphilitiques. Au point de vue anatomo-

pathologique, il n'y a aucune relation entre les diverses formes

de syphilis cérébrale et les lésions de la périencéphalite chro-

nique. Cliniquement, il n'existe pas non plus de paralysie géné-

rale syphilitique et en outre, à ce point de vue, on ne peut tirer

aucune conclusion de l'emploi du traitement spécifique qui icste

toujours inactif.

M. Ballet fait observer que dans cette question on ne peut se

baser sur l'anatomie pathologique, laquelle n'est pas encore assez

précise pour nous donner des caractères différentiels, ni sur les

effets du traitement, puisque dans les deux cas il s'agit de lésions

destructives probablement irréparables. La statistique seule peut

donner des résultats et pour cela M. Ballet propose qu'une com-

mission internationale compose un questionnaire qui sera envoyé

à tous les médecins des asiles publics ou privés. (Cette pruposi-

tion est adoptée à l'unanimité.)

M. 10,NOD, directeur des services d'hygiène à l'Assistance publi-

que, lit un rapport sur la situation DES aliénés dans LES quartiers

d'hospice. Il résulte de son enquête que nombre de ces quartiers

sont installés d'une façon tout à fait défectueuse. Il propose en

conséquence que tous les aliénés soient dirigés sur les asiles.

(Adopté.) (Voir aux Varia.)

Séance du 10 août. Présidence de M. Si'.MAL (de )Ions).

M. Charpentier combat les conclusions du rapport de 11. Falret

sur les obsessions avec conscience (voir plus haut, séance du 5 août,

soir). Il y en a qui ne sont pas héréditaires. Elles s'accompagnent

quelquefois d'hallucinations, par exemple les hallucinations noc-

turnes qui peuvent aboutir à un véritable état de mélancolie ou

d'excitation. De plus, elles peuvent parfaitement bien se transfor-

mer en d'autres maladies mentales (paralysie générale par exem-

ple) et aboutir à la démence. Il en résulte que les obsessions avec

conscience ne doivent pas être bornées au domaine de la folie des

dégénérés, du moins dans le sens beaucoup trop exclusif où l'en-

tend 111. Ianan.

282 sociétés savantes.

M. FALRET répond qu'il n'existe entre M. Charpentier et lui

qu'une divergence apparente. Il y a des degrés dans l'obsession,

depuis l'obsession presque physiologique survenant chez un indi-

vidu fatigué jusqu'aux obsessions véritablement pathologiques.

M. SAuRY rapporte l'histoire d'un cas de délires multiples. Un

homme de quarante-huit ans, héréditaire dégénéré, fait, à la

suite d'un accès mélancolique, usage immodéré de la morphine.

Puis il la remplace un jour par la cocaïne qu il porte en peu de

temps à la dose de deux grammes par jour. Alors pour la pre-

mière fois apparaît un délire toxique avec hallucinations de la

sensibilité générale et des sens avec les autres manifestations du

cocamisme. A côté de ce délire on note des idées ambitieuses, de

persécution, hypocondriaques avec alternance de crises d'excita-

tion maniaque et de dépression mélancolique. Il y a là évidem-

ment deux espèces de délires bien distincts, coexistants, mais non

confondus; l'un dû à l'état mental préexistant, l'autre à l'intoxi-

cation cocamique. Celui-ci en effet disparut par la suppression

de la cocaïne.

M, LAURENT présente, au sujet d'une observation de paralysie

générale, quelques considérations sur la genèse des tendances

ÉROTIQUES dans la PllIaLYSIEG1 : NÉR1LE. Son malade, habituellement

doux et tranquille, présenta subitement, au sortir d'une poussée

congeslive suivie d'hémiplégie, des idées et des impulsions éro-

tiques extrêmement violentes et fut un jour condamné pour atten-

tat à la pudeur. M. Laurent signale l'influence probable de celte

poussée congestive sur la transformation que subit le délire de

son malade.

CONGRÈS INTERNATIONAL DE PSYCHOLOGIE PHYSIOLOGIQUE

Tenu à Paris du 6 au 10 août 1889.

Les membres de ce Congrès se sont divisés en trois sections

pour l'étude : la première, des hallucinations ; la deuxième, de

l'hérédité ; la troisième, de l'hypnotisme. Nous ne rendrons

compte que des communications ayant trait à la médecine.

M. LIARILLIER donne connaissance des éléments d'une étude

statistique sur LES hallucinations, qu'il a commencée au mois de

mars 1889. Pour cela il envoie à un grand nombre de personnes

un questionnaire dans lequel il leur demande d'interroger quel-

ques autres personnes et de consigner leurs réponses à ces deux

questions : 1° Avez-vous eu des hallucinations ? 2° Si oui, veuillez

les décrire. De cette façon on pourrait se rendre compte de la

fréquence des hallucinations chez les personnes saines et surtout

sociétés savantes. 283 IL

de la réalité des hallucinations dites télépathiques, qui ont pour

caractère de correspondre exactement à un fait réel se passant à

une distance plus ou moins grande du sujet halluciné.

M. Pierre JANET (du Havre) demande qui sera juge de l'état de

santé des sujets observés. Pour arriver à ce résultat, il faut n'en-

voyer les questionnaires qu'à des médecins ou à des psychologues

absolument compétents. De plus, il seraitbon d'être plus large au

point de vue de la santé et examiner même des malades, quitte à

noter en regard de l'observation la maladie dont ils sont atteints,

Ces deux propositions sont adoptées par le Congrès.

M. Cil. RICHET présente un cas de cécité expérimentale chez un

chien, produite par ablation des deux lobes occipitaux. Cet ani-

mal voit encore pour se conduire, il marche avec la plus parfaite

sécurité, évitant les moindres obstacles. Mais il semble ne pas

reconnaître la nature des objets. C'est ainsi que si on lui présente

un lapin, il semble ne pas le voir. Guidé par son odorat, il saute

à droite et à gauche, mais n'arrive pas à se saisir du lapin. Il

existe là une véritable cécité psychique.

,NI. BINER lit un travail sur l'acuité SENSITI1'o-SENSOItIELLE DES HYS-

STéRIQUES. Lorsqu'il existe chez ces malades un dédoublement de

la personnalité dont l'une est consciente et l'autre inconsciente,

cette dernière recueille des perceptions basées sur des impressions

seusitmo-seusurielles bien plus faibles. Par exemple, si chez une

hystérique la personnalité consciente a une acuité visuelle de 1/2,

l'inconscient consulté au moyen de l'écriture automatique pré-

sente une acuité visuelle de 3/4. De même la personnalité cons-

ciente ne verra qu'un papier rouge de 4 millimètres, tandis que

l'inconscient en percevra un autre de 2 millimètres.

111. Pierre JANET pense qu'il n'existe pas à ce sujet de loi aussi

formelle. Chaque état prend la sensation qui lui est le plus utile

et rien de plus.

11. OcHORowicz conteste le rôle exclusif que l'on veut faire jouer

à LA SUGGESTION DANS LE DÉVELOPPEMENT DE L'HYPNOSE. M. BERNHEIM

(de Nancy) affirme que tout dans l'hypnotisme n'est que sugges-

tion et prétend que bon nombre d'agents physiques, aimants,

métaux, etc., n'agissent pas autrement (voir Congrès de l'hypno-

tisme, séance du 9 août, soir). Les enfants à la mamelle eux-

mêmes comprennent qu'on veut les hypnotiser et se laissent

endormir par suggestion. Aux arguments péremptoires que lui

opposent MAI. Ballet et Pierre Jaunet, à savoir l'existence de ma-

lades qui s'hypnotisent sous l'influence d'un coup de tam-tam,

d'un coup de tonnerre ou d'un éclair, M. Bernheim répond que

ou bien il ne s'agit pas d'hypnotisme, ou bien les malades ont été

endormis précédemment par ces procédés. M, CH. Richet s'élève

284 SOCIÉTÉS savantes.

contre l'attribution d'un rôle aussi prépondérant à la suggestion.

A force d'y croire, le médecin pourrait bien finir par en être

victime lui-même.

nI. DANILEWSKY (de Karkhoff) communique les résultats de ses

recherches sur l'hypnotisme CHFZ les animaux. Il a réussi à hypno-

tiser les espèces les plus diverses : poules, grenouilles, cobayes,

serpent, écrevisse, langouste, crocodile. L'hypnose chez eux con-

siste en une sorte d'annihilation de la volonté, et plus celle-ci est

développée, c'est-à-dire plus l'animal est haut placé dans l'é-

chelle des êtres au point de vue de la conformation cérébrale,

plus l'hypnose est profonde.

As. GALTON (de Londres) traite DE l'hérédité, et mentionne un

certain nombre de recherches qui devraient être faites à ce sujet,

en particulier en ce qui concerne la transmission par l'hérédité

de tendances acquises chez un animal et contraires aux instincts

et aux habitudes de sa race.

AI. HEHZEN (de Lausanne), à propos du RÔLE DES centres moteurs,

montre qu'en cas d'ablation d'un centre moteur chez un animal

nouveau-né, ce n'est pas le centre du côté opposé qui le supplée,

mais bien un centre secondaire du même côté. Ses expériences

ont porté sur le gyrus sigmoide.

Après la lecture d'un rapport de 1f. CH. Ricult sur l'intéressante

question de la TERMINOLOGIE DE l'hypnotisme, le Congrès décide

qu'il y a lieu de réserver le terme de magnétisme à l'étude des

faits anciens où dominait la théorie fluidique, et celui d'hypno-

tisme aux faits plus modernes et plus scientifiques où intervient

la suggestion,

1. Babinski communique un travail sur le RÔLE DE la suggestion

DANS L'HYPNOTISME ET LES RAPPORTS DE CELUI-CI AVEC L'HYSTÉRIE. La

suggestion, à son avis, est loin de jouer le seul rôle dans le déve-

loppement des phénomènes de l'hypnose. Des actions mécaniques

peuvent produire certains phénomènes hypnotiques, par exemple la

pression des muscles ou des nerfs produisant la contracture pen-

dant la léthargie et cela chez des sujets absolument vierges de

toute tentative antérieure. Il en est de même de l'anesthésie, que

Ai. Bernheim avoue avoir obtenue sans le secours de la sugges-

tion. De plus l'hypnotisme, dans ses formes les plus parfaites,

présente des caractères qui le rapprochent beaucoup de l'hystérie :

au point de vue de ses périodes il peut être comparé à l'attaque

hystérique; il existe quelquefois un certain balancement entr.e

des phénomènes hypnotiques et hystériques, tout comme entre

certaines manifestations purement hystériques. Tout ceia a été

autrefois établi par 11. Charcot et subsiste encore aujourd'hui.

M. Cu, RICHET piésente un travail concernant l'inconscience de

SOCIÉTÉS SAVANTES. 285

CERTAINS MOUVEMENTS ET EN PARTICULIER DE L'ÉCRITURE AUTOMATIQUE

Il rappelle les anciens faits de tables tournantes et rapproche

avec M. Myers (de Londres) les cas de médiums écrivains des faits

de ce genre les mouvements de l'écriture automatique étant seu-

lement plus intelligents et plus compliqués.

M. BLNET a pu constater par lui-même la réalité des mouvements

automatiques de l'écriture en conduisant la main d'une hystérique

pour lui faire tracer le commencement d'un mot qu'elle conti-

nuait ensuite à écrire automatiquement avec un écran interposé

entre la main et les yeux.

M. ! lhERS (de Londres) croit à la possibilité de la transmission

DE la PENSÉE sans l'intermédiaire des sens. Il hypnotise un sujet,

lui bande les yeux et se sépare de lui par un écran. Il tire alors

un numéro d'un sac de lotos et quelquefois l'hypnotique devine

le numéro tiré.

M. Richet a vu des faits semblables. Cependant il avoue que tous

ne sont pas encore à l'abri de la critique.

M. SIDGWICK est encore plus affirmatif que 11. Richet au sujet de

la réalité de ces faits. ! IL GLEY lit un travail sur le sens musculaire qui consiste, selon

lui, dans la conscience de la situation de notre corps par rapport

à lui-même et aux objets extérieurs. Ce prétendu sens musculaire

pourrait bien ne résulter que de sensations multiples purement

centripètes, c'est-à-dire vulgaires, dont une part revient aux sen-

sations cutanées, une autre aux sensations articulaires, musculaires

proprement dites, etc. Si l'on ne connaît pas explicitement la sen-

sation de l'innervation motrice centrifuge, il n'en est pas moins

vrai que tout mouvement est précédé d'une représentation men-

tale de ce mouvement, ce qui permet aux anésthésiques d'exé-

cuter encore des mouvements volontaires.

ni. DE VAIiIGNYdonne lecture d'un cas d'AUDITION COLORÉE.

M. GpuBER (de Jassy) rapproche de celui-là un autre cas bien plus

complexe dans lequel l'évocation des images graphiques des let-

tres amenait des sensations diverses de tact, de goût, de sens

musculaire. Par exemple l'O est noir pour la vue et s'accompagne

d'une sensation de chaleur étouffante, de chute dans un précipice

et de frayeur. L'audition colorée des chiffres permet à ce malade

de faire des opérations d'arithmétique avec des combinaisons de

couleurs.

286 sociétés savantes.

CONGRÈS INTERNATIONAL DE L'ALCOOLISME

Tenu il Paris du 29 juillet au 1" àoùt 1889.

Trois questions étaient posées : 1° alcool, criminalité et folie ;

influence du nombre des cabarets sur l'alcoolisme; -2° Respon-

sabilité des alcooliques : 3° Boissons saines à donner aux popu-

lations.

Alcool, criminalité ET FOLIE. M. YVERNÈS, chef de la statis-

tique au ministère de la justice, montre qu'il existe un rapport

très net entre l'augmentation de la consommation de l'alcool et

l'augmentation du nombre des crimes et des cas d'aliénation

mentale. En France, de 1873 à 1877 la quantité moyenne annuelle

d'alcool consommé par habitant a été de 2 l'1, 92 ; de 1878 à 1882

de 3 lit" 53 ; de 1883 à 1887 de 3 111-1 83. Pendant ce temps le nom-

bre des crimes montait de 172,000 à 195,000 et celui des aliénés,

qui était de 37,000 en 1872, passait à 52,000 en 1885. En Belgique,

de 1868 à 1882 la consommation annuelle par habitant passe de

7 à 9 litres ; le nombre des crimes par 100.000 habitants s'élève

de 1,900 à 2,877; celui des aliénés de 8,240 à 10,020 (1878). En

Italie, de 1872 à 1885 la consommation de l'alcool monte de 2 hot.

et demi à 5 litres par habitant ; de 1879 à 1885 le nombre des

crimes monte de 1,400 à 1,500, celui des aliénés de 15,000 à

22,000.

A l'appui de ces données, M, Cauderlier montre que si la pro-

gression ascendante est vraie, la progression descendante ne fait

que la confirmer. C'est ainsi qu'en Norwège, la consommation

annuelle de l'alcool, qui était de 10 litres par habitant en 18H,

tombe à 5 litres en 1871, et à 4 litres en 1875. Pendant ce temps,

la criminalité descendait par 100,000 habitants de 249 à 207 et à

180. Même progression décroissante pour la folie.

D'après des statistiques empruntées aux Compagnies d'assu-

rances sur la vie, M. DRYSDALE (de Londres) affirme que l'absti-

nence de l'alcool augmente en moyenne de six ans la durée de

la vie.

Parmi les moyens qui peuvent aider à faire décroître la con-

sommation de l'alcool, la diminution du nombre des cabarets ne

semble pas toujours efficace. Elle est néanmoins réclamée par le

Congrès, à l'unanimité moins une voix.

Responsabilité DES alcooliques. 111, MOTET montre qu'il y a,

à ce point de vue, une véritable lacune dans nos lois. En matière

criminelle, un homme ivre est-il responsable ? Là-dessus, point

SOCIÉTÉS SAVANTES. 287

de doctrine et point de jurisprudence fixe. En matière civile,

un individu qui a contracté un engagement étant sous l'in-

fluence de l'alcool, n'est pas lié par cet engagemeut, attendu qu'il

n'était pas alors doué de capacité de contracter. Au point de vue

de la responsabilité on peut diviser les alcooliques en plusieurs

groupes : l'ivresse simple accidentelle ou habituelle ; l'ivresse pa-

thologique, c'est-à-dire d'une part les troubles mentaux aigus ou

chroniques dus à l'intoxication, d'autre part les actes impulsifs

réveillés chez les dégénérés par l'ivresse passagère. Dans ces con-

ditions, l'ivresse est punissable quand on aurait pu l'éviter, quand

l'excitation qu'elle fournit a été recherchée dans le but de se

donner le courage de l'initiative du crime. La responsabilité est

atténuée quand l'ivrogne est un faible d'esprit, à moins toutefois

qu'il ne sache auparavant, ce qui est assez fréquent, à quoi l'i-

vresse peut l'entraîner. A un autre point de vue, le crime commis

pendant la période délirante d'un accès d'alcoolisme ne peut être

puni, pas plus que lorsque l'alcoolisme chronique a produit des

lésions cérébrales définitives. Dans la discussion qui suivit l'ex-

posé de AI. Motet, AI. Decroix a émis une opinion un peu radicale,

qui n'a d'ailleurs rencontré que peu d'approbation parmi les

membres du Congrès. Il faut tuer, selon lui, tout alcoolique qui

tue, absolument comme lui-même tuait, lorsqu'il était vétéri-

naire, les chiens enragés ou les chevaux morveux.

Puis \I. DUVERGER étudie les MOYENS DE prévenir LES malheurs

causés par l'alcoolisme et eu particulier l'internement, volontaire

ou non, des alcooliques dans certaines maisons de retraite, à

l'étranger. A cette question peut se rattacher la suivante : DES

boissons saines A DONNER aux classes POl'UL111SES, qui a été traitée

par AI. GONZE, conseiller à la Cour de cassation.

CONGRÈS INTERNATIONAL DE L'HYPNOTISME EXPÉRIMENTAL

ET THÉRAPEUTIQUE

Tenu à Paris du 8 au 12 août 1889.

M. Ladame (de Genève) lit un rapport concernant l'INTERDICTION

DES séances PUBLIQUES d'hypnotisme et l'intervention DES POUVOIRS

publics dans la réglementation DE l'hypnotisme. Il signale les dan-

hers immédiats de l'hypnotisme (réveil incomplet et perte plus ou

moins prolongée du libre arbitre), et les dangers consécutifs parmi

lesquels il insiste sur : les épidémies de psychoses et de névroses;

les suggestions qui peuvent aboutir à des scandales; la possibilité

pour un criminel d'apprendre dans ces séances publiques les pro-

288 sociétés savantes.

rédés en usage pour s'en servir ensuite dans un but criminel.

111. Ladame soumet ensuite au vote du Congrès les trois proposi-

tions suivantes : 1° les séances publiques d'hypnotisme et de

magnétisme doivent être interdites; 2° la pratique de l'hypnotisme

doit être soumise aux mêmes règles que l'exercice de la médecine;

3a l'enseignement de l'hypnotisme et de ses applications thérapeu-

tiques doit être introduit dans le programme des cliniques de

psychiatrie et des connaissances en la matière exigée de tout can-

didat en médecine.

MM. Bourdon (de Méru), G. Ballet et Bechtereff (de Saint-

Pétersbourg) appuient la première proposition. Ce dernier rap-

pelle que le dernier Congrès de psychiatrie russe a aussi voté

l'interdiction.

111. G. Ballet d'accord avec Ai. 1\1.\GNIN considère comme vexatoire

la troisième proposition du rapporteur. Selon eux, le professeur

est maître de son programme et personne ne peut lui imposer

tel ou tel sujet.

VAU RENTERGHEM et VAN EEDEN (d'Amsterdam) donnent les

résultats qu'ils ont obtenu dans le traitement DE certaines AFFEC-

TIONS nerveuses par l'hypnotisme.

M. Bernheim (de Nancy) traite de la valeur relative au POINT DE

VUE thérapeutique, DES divers procédés destinés A provoquer L'IIYP-

NOSE ET augmenter la suggestibilité. Pour lui, l'état hypnotique

n'est pas le sommeil, mais un état psychique particulier qui aug-

mente la suggestibilité. Plus le sujet dort profondément, plus il

est suggestible. De là, plusieurs catégories dans les hypnotiques,

suivant que le sommeil est plus ou moins profond. Le sommeil

ne se produisant que par suggestion (tous les procédés en usage,

fixation du regard, tam-tam, zones hypnogènes se ramenant à la

suggestion du sommeil), la méthode verbale, persuasive ou impé-

rative est le meilleur moyen à employer. Les hésitations de l'opé-

rateur constituent pour l'opéré des contre-suggestions qui l'em-

pêchent de s'endormir et c'est de là que viennent les insuccès qui

ne devraient presque jamais se produire, la presque totalité des

sujets étant hypnolisable. D'ailleurs, la suggestion peut se faire

aussi à l'état de veille. Quant au rôle thérapeutique de la sugges-

tion, il est très considérable et a toujours été mis à contribution

quoique souvent inconsciemment par les médecins. Suivant

M. Bernheim, l'hydrothérapie, la métallothérapie, l'aimantation,

l'électrothérapie n'agissent pas autrement.

M. Gilles DE la TOURETTE fait observer qu'il n'y a pas d'hypno-

tisme sans signes physiques. Quant à admettre que l'aimantation,

par exemple, n'agit que par suggestion, cela est impossible, attendu

qu'il a été démontré que des aimants en bois ou en fer doux

étaient absolument sans action.

SOCIÉTÉS savantes. 28H

M. GUERIONPREZ (de Lille) demande à M. Bernheim quel rôle

peut bien jouer la suggestion dans l'hypnose chez les animaux et

dans les cas d'hypnose subite par coup de tonnerre, coup de fusil,

traumatisme.

M. Pierre JANET (du Havre) qualifie d'antiscientifiques les affir-

mations de AI. Bernheim et rappelle que la psychologie a ses lois

comme la physiologie.

1\1. Bernheim répond qu'il existe une loi : toute cellule cérébrale

impressionnée par une idée tend à la transformer en acte. Cette

transformation est d'autant plus facile quand on a pour ainsi dire

paralysé les facultés supérieures (attention, perception, etc.). z

111. FoNTAN (de Toulon) lit une note sur les EFFETS DE la SUGGES-

TION HYPNOTIQUE DANS LES AFFECTIONS « CUM MATERIA » DU SYSTÈME

nerveux. Il a pu guérir des hémiplégies cérébrales ainsi que des

myélites et des scléroses en'plaques.

AI. GASCARD étudie l'INFLUENCE DE la SUGGESTION sur certains

TROUBLES delà menstruation. Il a pu guérir par l'hypnotisme deux

cas de métrorrhagie.

AI. FORE (de Zurich) lit un travail sur les hallucinations NÉGA-

TIVES chez LES aliénés ET sur LES différences QUI LES distinguent

CHEZ LES HYPNOTISÉS ET LES aliénés. Il a observé que les aliénés

présentent aussi ces hallucinations négatives qui consistent, étant

donné une hallucination positive, à neutraliser autour d'eux tout

ce qui n'est pas cette dernière. Seulement, chez l'hypnotisé, l'hal-

lucination négative dépend de la suggestion, tandis que chez

l'aliéné, elle est spontanée et se répète constamment avec les

caractères propres à ceux de son délire (triste chez les mélan-

coliques, etc.).

III. BRIAND présente une NOTE POUR SERVIR A l'histoire DES APPLt-

cations thérapeutiques DE la SUGGESTION. Il a guéri par ce procédé

des accidents graves chez des hystériques, soit pendant l'hypnose,

soit à l'étal de veille. Selon lui, les aliénés hystériques ne peuvent

être endormis; quand ils semblent l'être, ils simulent.

- AI. LAURENT communique un travail sur Faction SUGGESTIVE DES

milieux pénitentiaires SUR LES hystériques. Ceux-ci peuvent

subir une véritable contagion du crime, et il y aurait lieu,

dans les prisons, de les isoler et de les mettre sous la dépendance

du médecin.

AI. AuG. Voisin lit son rapport sur les indications DE L'HYPNO-

T1S31E ET DE la suggestion dans LE traitement DES maladies MEN-

tales. Dans 10 p. 100 des cas environ, il obtient l'hypnose qu'il

emploie à combattre la plupart des symptômes et même à mora-

liser des enfants dégénérés et vicieux. La pratique est souvent

Archives, t. XVIII. 19

290 SOCIÉTÉS SAVANTES.

difficile; il ne faut s'attaquer qu'à un symptôme à la fois, une hal-

lucination, par exemple, et les détruire toutes une à une succes-

sivement. Les bons résultats ainsi obtenus ne sont pas d'ailleurs

immuables, et souvent on observe des rechutes, mais même sans

cela il faut reprendre le traitement de temps en temps.

M. DE JONC (de la Haye) fait une communication sur le même

sujet et relate des cas de mélancolie surtout, d'agoraphobie, de

folie du doute, qu'il a guéris par suggestion.

M. BÉRILLON lit son rapport sur les applications DE la SUGGESTION

A LA PÉDIATRIE ET A L'ÉDUCATION MENTALE DES ENFANTS VICIEUX ET

dégénérés et conclut ainsi : 1° la suggestion employée par les

médecins constitue un agent thérapeutique utile en pédiatrie;

2° des résultats favorables ont été constatés dans l'incontinence

nocturne d'urine, des matières fécales, dans les tics nerveux, les

terreurs nocturnes, la chorée rythmique, l'onanisme, le blépharo-

spasme, les attaques hystériques et les troubles sine materia du

système nerveux; 3° aucun résultat n'a encore été observé duns

l'idiotie ou le crétinisme; 4° la suggestion au point de vue péda-

gogique constitue un auxiliaire précieux dans l'éducation des en-

fants vicieux ou dégénérés; 5° elle n'est indiquée que quand les

moyens pédagogiques ordinaires ont échoué contre les insticts

vicieux, vols, mensonges, cruauté, etc...; 6° son application est

exclusivement, comme son indication, dévolue au médecin.

M. Fort lit une observation d'ABLATION DE LOUPE DU cuir CHE-

velu pendant L'HYPNOSE. Ai. BOURDON (de Méru) lit une NOTE sur

L'UTILITÉ DE L'HYPNOSE ET DE LA SUGGESTION EN PRATIQUE COURANTE.

A1111. BOURRU et BUROT (de Rochefort) présentent une observa-

tion de NEURASTHÉNIE HYSTÉRIQUE AVEC DÉDOUBLEMENT DE LA PERSON-

NALITÉ, GUÉRIE PAR LA SUGGESTION.

M. LIÉGEOIS, professeur de droit à Nancy, lit son rapport sur la

question suivante : des rapports DE la SUGGESTION ET DU SOMNAM-

BULISME AVEC LA JURISPRUDENCE ET LA MÉDECINE LÉGALE ; LA RESPON-

SABILITÉ CHEZ LES HYPNOTIQUES. En ce qui concerne les suggestions

criminelles, contrairement à l'avis émis par 111. Brouardel et AI. Gilles

de la Tourette, M. Liégeois pense qu'un hypnotique peut parfaite-

ment mettre en oeuvre une suggestion criminelle pour les résultats

de laquelle il est évidemment irresponsable. Pour arriver, dans

un cas semblable, à trouver le vrai coupable par les expertises

médico-légales, en essayant d'hypnotiser le coupable, on se heurte

à des difficultés de toutes sortes (suggestions d'impossibilité de

s'endormir, amnésie rétrograde suggérée, etc...) provoquées par

le coupable. Mais il n'aura pas toujours pensé à tout et en suivant

une voie contraire à la sienne, dans l'emploi de la suggestion, on

pourra arriver à faire révéler son nom par l'hypnotisé. Quant à la

SOCIÉTÉS SAVANTES. 291

jurisprudence, elle est pleine de faits montrant l'influence nocive

de la suggestion et la possibilité de commettre des crimes sous'son

influence. M. Liégeois en cite un certain nombre et appelle en

outre l'attention du Congrès sur quelques questions connexes, telles

que les fausses accusations des hystériques, l'accouchement pen-

dant l'hypnose, qui peut favoriser des substitutions d'enfant, les

faux témoignages suggérés, etc., etc..

M. Gilles DE la TOURETTE réfute une par une toutes les affirma-

tions de M. Liégeois, au point de vue historique, théorique et pra-

tique. En ce qui concerne la jurisprudence, il montre que les faits

invoqués par 11f. Liégeois ont trait à des hystériques ou à des

hypnotiques spontanés, et que la suggestion n'a rien à faire avec

eux non plus que dans les cas, les seuls réels, de crimes perpétrés

contre une hypnotique où il s'agit toujours de viols. Quant au

danger que peut faire courir à la société un hypnotique entre les

mains d'un criminel, il est nul, ce moyen est beaucoup trop diffi-

cile à employer; les criminels le savent bien, car ils ne l'emploient

pas et on ne cite aucun cas semblable bien nettement établi.

L'hypnotisme ne présente de danger qu'entre les mains des magné-

tiseurs de foire ou des expérimentateurs qui ne savent pas établir

ses indications et ses contre-indications.

CONGRÈS INTERNATIONAL D'ANTHROPOLOGIE CRIMINELLE

Tenu à Paris du 10 au 17 août 1889.

A la question posée : existe-t-il un TYPE de l'homme criminel ?

111. 11lANOUVRlER répond par la négative. Il peut exister des carac-

tères anormaux chez chacun d'entre les criminels, mais il est

impossible de faire une moyenne de ces caractères et d'établir un

type de l'homme criminel.

Tel n'est pas l'avis de AI. LOMBROSO qui a vu relativement peu

de criminels d'occasion, chez qui cependant il a pu quelquefois

découvrir les caractères de l'homme criminel, en comparaison

du nombre des criminels-nés. Il ne nie pas d'ailleurs l'influence

de l'occasion même chez ces derniers. -

MM. FRIGERIO (d'Alexandrie) et OTTOLENGHI (de Turin) ont cons-

taté que les sens de la vue et de l'ouïe prenaient chez les cri-

minels un développement presque anormal, comparativement

au peu d'acuité, chez ceux, des autres sens.

111. Tarde (de Sarlat) fait remarquer que la femme porte, à

l'état normal, les caractères de l'homme criminel. Et cependant,

elle est huit fois moins criminelle que l'homme. Comment expli-

292 sociétés savantes.

quer ce fait ? à moins d'indiquer comme argument, la fréquence

de la prostitution chez la femme, qui constituerait la délictuosité

de ce type.

Mli. BENEDIHT (de Vienne), LACASSAGNE (de Lyon), MOLESCHOTT (de

Rome) demandeut que l'on accorde dans le développement des

crimes, plus d'influence au milieu, à l'éducation, à la physiologie

des criminels et à leur état psychique.

M. BxouanDEL met les anomalies sur le compte du développe-

ment. Certaines autres, les troubles de la sensibilité par exemple,

si fréquents chez les criminels, sont peut-être d'origine toxique.

Des analyses d'urine ont montré la présence, chez des dégénérés

ou des épileptiques, de ptomaïnes spéciales, à action convulsivante

ou déprimante.

Le Congrès émet le voeu que les prisons soient ouvertes aux

.médecins et, sur la proposition de M. LACASSAGNE, que les cadavres

des suppliciés soient régulièrement remis entre leurs mains.

M. COUTAGNE (de Lyon) pose la question de l'INFLUENCE DES PRO-

FESSIONS sur la criminalité. Pour lui, il a remarqué d'après une

longue statistique, que les crimes étaient plus fréquents chez les

agriculteurs et les ouvriers d'industrie et des transports.

11f. LASCIII (de Vérone) lit un travail sur le CRIME POLITIQUE au

POINT DE vue anthropologique. Il a constaté que les révolution-

naires ardents (larat), sontbrachicépliales (20 sur 89), tandis que

les révolutionnaires lents et posés' sont dolichocéphales (Voltaire,

Diderot). De même, les seconds en France et en Italie, sont en

majorité conservateurs. Ce fait est facile à constater suivant cer-

taines régions où des races à type connu dominent. A un autre

point de vue, les grands bouleversements politiques favorisent l'éclo-

sion du génie.

111. Brouardel appelle l'attention sur l'INFANTILISME ou féminisme

DES enfants DES grands CENTRES (Paris, Lyon, etc.). A ce propos,

M. BÉRILLON rappelle qu'il a traité un grand nombre d'enfants vi-

cieux ou dégénérés par la suggestion et qu'il a obtenu de bons

résultats.

111. SEMAL (de Mons) insiste sur la nécessité d'une INSPECTION MÉ-

DICALE dans LES PRISONS. La médecine et la justice ont de tels

rapports ensemble, surtout depuis que l'on a signalé les connexions

qui existent entre le crime et la folie, que l'une et l'autre ne

peuvent que gagner à mêler leurs efforts. Les prisons sont le

champ où elles pourront diriger leurs recherches. Plusieurs

membres du Congrès s'associent pour demander que l'enseigne-

.ment de la médecine légale soit officiellement professée dans les

facultés de Droit.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 293

(D'autres questions fort importantes ont encore été traitées à ce

Congrès. Mais comme elles ont moins de rapports avec la neuro-

logie proprement dite, nous les laisserons de côté.)

CONGRÈS INTERNATIONAL DE MÉDECINE LÉGALE

Tenu à Paris du 19 au 21 août 1889.

Parmi les divers sujets qui ont fait l'objet de communications à

ce Congrès, nous n'en retiendrons qu'une seule qui nous intéresse

au premier chef, car il s'agit là d'une question encore très contro-

versée tant en France qu'à l'étranger. Nous voulons parler de

l'INFLUENCE DES TRAUMATISMES SUR LE DÉVELOPPEMENT DES MALADIES

NERVEUSES.

1\l. VIrrERT, dans un travail sur ce sujet, constate en bloc l'exis-

tence de troubles nerveux cérébraux ou médullaires, sans les

classifier. Il estime que la prédisposition joue, chez ces malades,

un rôle tout à fait secondaire.

M. Gilles DE la TOURETTE appelle l'attention en particulier sur

ce qu'on a appelé le rail2ua-spine ou )'o ! Mn/-6)'a : H. Il décrit

brièvement les symptômes que l'on observe cbez les traumatisés.

Considérés par certains auteurs comme constituant une névrose

traumatique générale, ils sont rapportés par 111. Charroi à la

neurasthénie et à l'hystérie, quelquefois à une combinaison de

ces deux élats, déduction faite, bien entendu, des autres maladies

dans lesquelles le traumatisme peut jouer aussi un rôle étiolo-

logtque (maladies mentales, paralysie agitante, etc.). Dans les

cas de 7,Étilway-spiiie, la prédisposition semble jouer un grand

rôle, contrairement à l'affirmation de 111. Vibert.

M. Vibert répondant à 111. Gilles de la Tourette, nie formelle-

ment l'influence de la prédisposition et cite à l'appui de cette

négation, le cas d'une hystérique qui vit cesser ces attaques à la

suite de l'émotion que lui causa l'écroulement de la maison où

elle habitait. L'émotion qui aurait dû aggraver l'état de cette

prédisposition, l'a au contraire amélioré. Donc de l'avis deM.Vtbert,

la prédisposition ne signifie rien. L'émotion d'ailleurs ne signifie

grand'chose de plus que la prédisposition. Des gens frappés de

coups de couteau, et bien plus émus que les sinistrés de chemins

de fer, ne sont pas atteints des mêmes phénomènes. Enfin 111. Vi-

bert croyant que l'hystérie de l'homme diffère de celle de la

femme, se demande pourquoi, si le railway-brain n'est que de

l'hystérie, il présente toujours les mêmes allures dans les deux

sexes.

294 .SOCIÉTÉS SAVANTES.

M. Gilles DE la TouRETTE répond que la prédisposition est plus

facile à constater à l'hôpital que dans une expertise médico-légale

où le malade a tout intérêt à la laisser dans l'ombre, attendu

qu'elle pourrait diminuer son droit à l'indemnité. Quant à la plus

grande fréquence du milway-bmin chez l'homme, elle peut pro-

venir de ce fait que les femmes voyagent moins. En ce qui con-

cerne le rôle de l'émotion, il suffit de rappeler les cas d'hystérie,

provoqués par elle seule, et qu'on ne peut révoquer en doute,

pour juger de l'importance qu'elle doit avoir dans la question.

M. LACASSAGNE (de Lyon) demande si ce qu'il appelle les symp-

tômes procéduriers font partie du tableau clinique de l'hystérie.

Un ouvrier traumatisé conserve son appétit, devient paresseux,

simule une affection qu'il n'a pas ou n'a plus, et le jour ou l'in-

demnité est obtenue, la guérison suit immédiatement. Est-ce là

aussi de l'hystérie ?

M. Motet croit que si les cas légers peuvent appartenir à l'hys-

térie, les plus graves se rapppochent beaucoup plus des grands

processus cérébraux et en particulier de la paralysie générale.

111. DUPONCHEL fait entrevoir certaines difficultés au point de vue

militaire. Si la prédisposition est admise, la loi n'accorde pas de

pension. Si la guérison est possible, le blessé n'a ordinairement

droit qu'a la gratification renouvelable. Mais il semble qu'il y ait

lieu d'accorder souvent la pension de retraite. la guérison parais-

sant, dans de nombreux cas, bien problématique.

1\i. GARNIER se basant sur l'état mental des traumatisés, les fait

renlrer daus la catégorie des cérébraux de Lasègue.

nI. Gilles DE la TouRETTE répond qu'il ne nie nullement que des

maladies mentales et d'autres puissent être provoquées par le

traumatisme. Mais il y a des cas d'hystérie incontestahles même

dans Lasègue. .

M. Christian considère que le traumatisme joue un rôle évi-

dent, mais qu'il ne produit que des affections bien connues,

pour lesquelles il est inutile d'inventer une terminologie nou

velle.

M. Brouardel considère que le terme d'hystérie tel que l'em-

ploie l'École de la Salpêtrière, est beaucoup trop compréhensif.

Il y a des troubles semblables aux symptômes décrits chez les

traumatisés et que l'on rencontre fréquemment chez les prisonniers

soumis au repos après une vie active. D'après des recherches por-

tant sur les urines de ces individus, il semble qu'il y ait chez eux

un trouble de la nutrition par suite d'une véritable auto-intoxica-

tion. Ce groupe de faits serait donc à distraire de l'hystérie.

Quand au rôle joué par la prédisposition, on l'exagère, et si l'on

s'en rapporte aux expertises, on ne trouve pas beaucoup de pré-

disposés. Georges Guignon.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 295

SOCIÉTÉ \IÉDfCO-PSYCIIOLOGIQUE.

Séance du 29 juillet 1889. - Présidence de NI. Falret.

Automatisme ambulatoire chez une hystérique. - zani. J. Voisin

communique une intéressante observation de fugue inconsciente

chez une hystérique, laquelle fugue est toujours suivie d'un som-

meil léthargique lucide. La malade entend tout ce qui se passe

autour d'elle dans le sommeil, mais elle n'a aucun souvenir de ce

qui s'est passé dans sa fugue et elle ne sait comment cette fugue

s'est produite. C'est par le sommeil provoqué que notre confrère

est parvenu à connaître tous les détails de celte scène ambula-

toire et a pu se rendre compte du dédoublement de la personnalité

de sa malade. 11 pense, comme MM. Charcot, Binet et P. Janet que

ce somnambulisme naturel est dû à des modifications de la sensi-

bilité générale et spéciale qui engendrent des images dans le cer-

veau et que l'oubli de tout ce qui s'est fait pendant le somnambu-

lisme est du à la disparition de ces troubles de la sensibilité et des

images qu'ils auraient engendrés. L'auteur montre, en outre, la

corrélation qui existe entre ce somnambulisme naturel et les

rêves bruyants de la malade. Il pense que beaucoup de fugues in-

conscientes relatées dans la science sous le nom d'épilepsie larvée

sont des cas d'altération de la conscience chez les hystériques ou

de dédoublement de la personnalité. Et termine son observation

en attirant l'attention sur l'efficacité du traitement hypnotique.

Note sur le sulfonal. M. Febvré qui a expérimenté l'action du

sulfonal chez les aliénées arrive à des conclusions en opposition

avec celles formulées dans une précédente séance par M. Marandon

de Alontyel. Il pense que le sulfonal est un précieux agent narco-

tique ; quelques essais malheureux de ce médicament ne doivent

pas, à son avis, le faire rejeter de la thérapeutique. Il conseille

d'administrer le sulfonal loin des repas afin d'éviter les troubles

gastriques qui ont été signalés.

M. Marandon DE hIONTYEL. La communication de AI. Febvré est

d'autant plus intéressante que nous avons employé l'un et l'autre

un sulfonal sortant de chez le même fabricant. Il ne croit pas

qu'il faille toujours mettre les manifestations, que j'ai signalées,

sur le mode d'ingestion du médicament. Je crois plutôt qu'il faut

les attribuer à des susceptibilités individuelles.

M. Vallon n'a jamais observé d'accidents sur les quelques ma-

lades auxquels il a administré du sulfonal. Mar el Bhund.

296 SOCIÉTÉS SAVANTES.'

SOCIÉTÉ DE PSYCHIATRIE. ET I)IALADIES NERVEUSES

' DE BERLIN.

Séance du 9 janvier 1888 '. Présidence DE M. Westphal.

M. Thomson communique à la Société un exemple de psychose

réflexe traumatique dont voici le résumé. Le 5 septembre 1887, on

reçoit à la Charité de Berlin un homme de quarante-cinq ans qui,

depuis le mois de février précédent, était atteint d'hallucinations

et manifestait des idées délirantes. Hérédité névropathique très

chargée. En 1870, un coup de feu lui brisa le bras droit. Mais ce

n'est que depuis 1884 que ce bras est le siège d'accès douloureux,

qui se sont compliqués de dépression et finalement, de troubles

psychiques graves. Les accès sont ainsi constitués. Les douleurs du

bras droit s'exaspèrent et dégénèrent pour ainsi dire en des hallu-

cinations terrifiantes; comme on lui veut faire du mal, il s'excite

et se livre à des violences. Les jours suivants sont marqués par

des dépressions, des idées de suicide ; puis tout s'efface et le ma-

lade reprend possession de lui-même. C'est en 1887 que ces acci-

cidents se sont multipliés, se sont prolongés et sont devenus plus

graves en ce sens que la lucidité intervallaire s'est considérable-

ment obscurcie. Cet homme vigoureux est porteur d'une cicatrice

large de quatre travers de doigt, au niveau de l'olécrane, et d'une

autre en arrière de la cavité axillaire ; quelques callosités osseuses.

Intégrité des muscles et des nerfs. On constate aussi chez lui de la

parésie de la jambe droite du même côté, ainsi qu'une hémianes-

thésie totale qui ne dépasse pas ia ligne médiane, si ce n'est au

sinciput où elle empiète un peu sur la gauche ; cette anesthésie

comprend aussi la cornée, les muqueuses nasale, buccale et pha-

ryngienne, la peau du conduit auditif externe, et les sens spéciaux

du goût et de l'odorat de ce côié seul. Il accuse encore une odeur

et une saveur cadavériques. Le champ visuel est rétréci des deux

côtés, mais surtout à droite. L'ouïe, parfaite à droite, a presque

disparu à gauche. Dyschromatopsie. Il faut noter que la dysacou-

sie du côté gauche n'est pas stable. Les accès se répétant à l'hô-

pital, 11. Bardeleben pratique l'excision de la cicatrice d'ailleurs

libre de toute adhérence. Cinq jours après, il se produit un léger

accès qui dure vingt-quatre heures ; puis le malade récupère un

parfait état de santé psychique et physique, y compris la sensi-

bilité, qui ne s'est pas démenti jusqu'ici.

1 Voyez Archives de Neurologie. Séance du 12 décembre 1887.

sociétés savantes. 297

Ri. REOnx raconte les derniers' moments d'une femme de qua-

rante-huit ans, atteinte de paralysie Labio-glosso-p7aaz°yngée, dont

111. Oppenheim a pratiqué l'autopsie et dont il apporte les pièces

anatomiques. L'affection avait présenté une certaine acuité, puis-

qu'elle tua la malade en quatre mois. Les symptômes constatés

furent les suivants : Paralysie avec atrophie des muscles des lèvres

et diminution considérable de l'excitabilité électrique, paralysie

de l'orbiculaire des paupières (lésions du facial) et blépharoptose.

Intégrité de la langue. On constata au microscope des altérations

scléreuses ayant déterminé l'atrophie des cellules du noyau de

l'hypoglosse, du facial, et des groupes intermédiaires ; mais le

noyau de f'oculo-moteur commun qui prend naissance au-dessous

d'eux est demeuré intact.

Séance du 9 avril 1888. -- Présidence DE M. WESTPHAL.

Au Moll. De l'hypnotisme, avec démonstration. Pour lui, l'hyp-

nose est avant tout la manifestation de phénomènes psychiques ;

elle n'émane pas le moins du monde de modifications soma-

tiques. Sans doute il peut se faire, par exception, que l'on y cons-

tate des symptômes objectifs; mais ce n'est pas la loi. Rien ne

nous prouve que l'état d'hypnotisme s'annonce fatalement par un

signe physique qui le décèle sûrement : rien ne nous prouve que

l'absence de ce signe se doive énoncer par la non-existence de

l'hypnose Et nous le regrettons; et c'est justement pour cela

qu'il y faut regarder à deux fois avant de prononcer le mot de

simulation. Que deviendrait le diagnostic des psychoses, des acci-

dents nerveux consécutifs aux accidents de chemins de fer, et tant

d'autres manifestations morbides, si la première condition du dia-

gnostic était de trouver un signe objectif 2 ? C'est parce qu'on perd

de vue cette vérité qu'il n'est pas rare de voir méconnaître les états

les plus fréquents, les plus légers d'hypnotisme, tandis qu'on accu-

sera de simulation des malades justement affectés d'hypnose véri-

table. Contrairement aux assertions de 11. Mendei, il est rare

dans l'hypnotisme pur de constater la disparition de la conscience,

la flexibilitas cerea, les convulsions générales ou locales, l'anal-

gésie, l'amnésie relative à ce qui s'est passé pendant la durée de

l'hypnotisme.

M. Atoll endort devant la société un certain nombre de sujets,

en leur faisant fixer son doigt et en leur ordonnant de dormir

1 Nous ne pouvons laisser passer cette opinion sans signaler au lec-

teur l'étude des faits bien et dûment classés par : Il. Babinski dans les

Archives de Neurologie., t. XVII, p. 92 (P. K.).

' Nous avouons préférer la médecine des faits à la médecine des idées.

Et c'est là l'honneur de l'Ecole de la Salpêtrière (P. K.).

é)ô SOCIÉTÉS PAYANTES.

(suggestion). Il insiste sur lesphénomènes qu'il détermine du côté

des yeux, lesquels finissent par se fermer tout à fait. Quant à la

catalepsie qui se montre, dit-il, quand l'hypnose est plus pro-

fonde, elle est l'effet d'une pure suggestion; c'est simplement

parce que le sujet croit que l'hypnoptiseur la lui ordonne, qu'il 1

tend à garder la situation imprimée à ses membres ou à son corps

entier; le sujet aurait beau vouloir modifier cette position, il ne

le pourrait tant que l'hypnotiseur s'y opposerait '. Sans doute une

telle catalepsie procède de la contraction musculaire, mais dans

des conditions physiologiques ; le travail fonctionnel du muscle

peut être exagéré, mais il n'est pas forcément exagéré. Il suffit

d'ailleurs du moindre excitant inopinément intervenu (une minime

piqûre de puce) pour troubler soudain l'équilibre de la pose. Si

l'opérateur oublie sa suggestion verbale, il voit se défaire la posi-

tion cataleptique. Il y a en revanche des cas dans lesquels, sans

cause perceptible, tout à coup, la suggestion demeure inactive.

Enfin, si la contraction musculaire cataleptique ne s'alimente pas

à un foyer physiologique occupant les organes du système ner-

veux central, l'hypnotisme n'aboutit pas à la catalepsie. Quoi qu'il

en soit, les état hypnotiques les plus communs ne s'accompagnent

ni de perte de connaissance, ni d'analgésie, ni d'amnésie.

Quant aux formes dans lesquelles surviennent ou semblent sur-

venir les hallucinations ou les illusions bien connues, il en faut dis-

tinguer deux espèces. Il n'est pas rare que le sujet vous annonce

l'hallucination que vous lui suggérez, tandis qu'elle ne se produit

pas. C'est la réponse qu'on lui suggère, et non l'hallucination.

Tous ses actes sont empreints d'un complet automatisme; l'hallu-

cination n'est pas du tout provoquée. On pourrait croire, en pareil

cas, à une simulation, par suite de l'absence d'émotivité. Et cepen-

dant, c'est de l'hypnotisme pur. La forme toute particulière de cet

hypnotisme, se montre tantôt légère, tantôt grave. Il n'est pas

rare de constater sur le visage du sujet en expérience, la trace du

combat qui se livre en lui avant qu'il ne se résolve à formuler la

réponse qu'on lui suggère, sans qu'elle corresponde à ce qu'il

ressent; ses traits et son corps entier en témoignent. On sent qu'il

va répondre non; si, à ce moment, l'hypnotiseur qui lui suggère la

réponse « oui » imprime à sa tête l'inclinaison positive, il n'en

faut pas plus pour obtenir l'affirmative. On voit que cela ne res-

semble pas à la suggestion hallucinatoire véritable, à l'incarnation

supposée du sujet en expérience, dans le personnage de Frédéric

le Grand, de Napoléon, etc.

Il n'y a pas de symptôme qui par lui-même prouve la simula-

tion. L'ensemble seul des tableaux en fournit la certitude à l'ex-

périmentateur exercé. Le rire même de la personne hypnotisée

' Cette interprétation nous éloigne delà médecine positive (P.-K.).

SOCIÉTÉS SAVANTES. 299

ne saurait servir de signe à cet égard. Il est une foule d'hypno-

tisés à qui leur situation paraît des plus ridicules. On ne saurait

non plus attacher d'importance au tremblement du sujet en expé-

rience au moment où on essaie de lui suggérer la catalepsie, ni à

la trop courte durée de cette période. C'est en vain encore que le

sujet vous avouera après coup qu'il a simulé; cela ne prouve pas

que cette assertion soit exacte. Il est surtout impossible que l'indi-

vidu le plus intelligent, le mieux éduqué, juge sainement de ses

conceptions et du mode de son activité psychique; que d'illusions

morales ne se fait-on pas sur soi-même ! On peut au surplus simuler

certains phénomènes pendant l'hypnose même, et continuer à si-

muler une fois réveillé des phénomènes hypnotiques dont les pre-

miers actes étaient réellement produits par l'hypnose (Archiv.

f. Psychiat., XX, 2.) P. Iien ? ·aL.

SOCIÉTÉ DE PSYCHIATRIE ET MALADIES NERVEUSES

DE BERLIN.

Séance du 14 mai 1888. - Présidence de M. 'VsSTPIiaL.

M. KnoNTHAL présente une piéce anatomique de syringomyélie

de la moelle compliquant une tumeur de cet organe. On en fera des

coupes après durcissement et on la décrira en détail.

M. S1GMERLING. Etude clinique et statistique sur la paralysie pro-

gressive chez la femme. Le nombre des femmes qui, affectées de

paralysie générale, ont été admises à la Charité de Berlin de 1880

à 1886 est par rapport à celui des hommes admis pour la même

maladie pendant le même laps de temps comme 1 est à 3,3. Si

l'on tient compte de l'augmentation de la population féminine,

à Berlin, on constate que l'on a moins admis que jadis de para-

lytiques femmes des classes sociales moyennes et inférieures. La

paralysie générale liante la femme surtout entre trente-six et

quarante ans. C'est de 1882 à 1886 que l'on vit le plus de paraly-

tiques générales femmes, et elles étaient plus jeunes que celles

que l'on avait dû recevoir de 1877 à 1881. Ce sont les femmes

mariées qui paient à cette maladie le plus lourd tribut. Parmi les

femmes célibataires, les filles publiques ne figurent qu'avec le

coefficient de 6 p. 100 ; les femmes entretenues sont plus souvent

affectées, quel que soit le temps pendant lequel elles aient été

entretenues, que la fille publique.

Etiologie. - Les facteurs pathogénétiques ne sont, dans l'es-

1 Renvoyons de nouveau aux Archives de Neurologie, t. XVII, p. 92.

300 SOCIÉTÉS SAVANTES.

pèce, ni la multiplicité des couches, ni leur gravité, ni les irré-

gularités de la menstruation, ni la ménopause. Ce sont, en pre-

mière ligne, les agents nocifs provoqués par la rigueur des

conditions sociales, et les difficultés du combat pour l'existence.

Après eux, il convient d'inscrire la syphilis et l'hérédité.

Symptomatologie. La fixité réilexe de la pupille, et les allures

du phénomène du genou constituent les symptômes précoces de

la maladie suffisant, en l'absence de troubles de la parole et de

démence trop accusés, pour établir le diagnostic. Le signe de

Westphal s'est montré seul dans 20 p. 100 des cas; il accompa-

gnait la fixité pupillaire chez 25 p. 100 des malades.

L'évolution en est plus placide chez la femme que chez l'homme.

On a surtout affaire à de la démence apathique avec humeur

mobile. La durée comporte pour 101 cas de mort : un an quatre

dixièmes en ce qui concerne le séjour à l'asile, deux ans et demi

en ce qui a Irait à la maladie tout entière.

Discussion :

M. JENSEN. A Allenberg (Est de la Prusse), on a reçu 22 paraly-

tiques générales femmes pour 208 hommes; sur ces 22 femmes,

il n'y en avait qu'une qui fût relativement jeune.

M. 1lILt est surpris de la courte durée de la maladie indiquée

par M. Siemerting.

M. Mendel s'étonne de la rareté de la syphilis. Il a vu cinq fois

le mari et la femme être simultanément affectés de paralysie géné-

rale ; tous deux étaient syphilitiques.

M. Siesierling fournit les chiffres exacts que voici : Dans le

même espace de temps, on a reçu 1,262 paralytiques généraux

hommes et 347 paralytiques générales femmes : le rapport est

donc bien de 1 à 3,5.

M. WESTPIIIL a vu trois fois la paralysie générale atteindre le

mari et la femme ; dans un seul cas il constata la syphilis, les

deux autres exemples témoignaient des conditions sociales les plus

lamentables.

AI. BERNHARDT présente un malade qui, à la suite d'une chute

sur le siège, est atteint d'une paralysie complète de la vessie et du

rectum avec anesthésie de ces organes et de toute la région inner-

vée par les troisième, quatrième et cinquième paires sacrées.

Intégrité parfaite de la motilité, de la sensibilité, de l'activité

réilexe des extrémités inférieures. Persistance des désirs amou-

reux et des sensations agréables de l'orgasme vénérien, persis-

tance de l'érection, mais impossibilité d'éjaculer, par suite de la

paralysie des bulbo.et ischio-caverneux.

M. OPPENIIEIM. Contributions à la pathologie du tabès dorsal.- Il

s'agit de deux cas observés par l'orateur. Le premier se traduisit,

d'abord par les symptômes accoutumés, puis par des accidents

imputables à la cinquième paire, au nerf vague, à l'accessoire, au

SOCIÉTÉS SAVANTES. 301

glosso-pharyngien. On constata des paresthésies et des troubles

de la sensibilité sur la face, des difficultés de la mastication et de

la déglutition, des accès de vomissement et de toux convulsifs,

de la paralysie des cordes vocales, des contractions spasmodiques

de l'oesophage, de l'accélération du pouls. L'autopsie révéla :

Atrophie des racines ascendantes du trijumeau des deux côtés,

sur toute leur étendue, du faisceau solitaire (racine ascendante du

système mixte) également des deux côtés; intégrité, par contre,

des noyaux du nerf vague et de l'accessoire. Atrophie des fais-

ceaux radiculaires intra-bulbaires du pneumo-gastrique, de l'ac-

cessoire, du glosso-pharyngien. Cette atrophie se poursuit sur les

racines émergentes de ces nerfs; on constate en outre une forte

dégénérescence des rameaux périphériques, et, en particulier,

des récurrents et du glosso-pharyngien (périnévrite), tandis que

le laryngé supérieur est demeuré intact.

Le second fait est surtout remarquable par des troubles mar-

qués dans le territoire des deux trijumeaux ainsi que par uneataxie

notable des muscles de la face. A l'autopsie, on trouve une dégé-

nérescence marquée des racines ascendantes de la cinquième

paire et des corps restiformes.

A l'appui sont présentées des pièces microscopiques. (Archiv.

f. Psyc%., XX. 2.) P. KEHAVAL.

SOCIÉTÉ PSYCHIATRIQUE DE BERLIN

Séance du 10 juillet 1888 '. Présidence de M. LOEIIR aîné.

M. Liebe complète la communication qu'il a faite à la séance

précédente sur le diabète chez les aliénés, par quelques indications

relatives à l'élimination du sucre contrastant avec l'équilibre

mental. Il rappelle à ce propos la communication de la Société

médico-psychologique (séance du 27 février dernier).

Discussion :

M. MENDEL résume, l'observation d'un homme qui, à la suite d'une

glycosurie persistante (proportion, 5 p. 100), fut atteint de troubles

psychiques (folie systématique hallucinatoire aiguë) ; à ce moment

l'urine ne contenait pas du tout de sucre; la glycosurie reparut au

moment de la convalescense.

M. LOEHR ci le l'histoire d'un malade chez lequel les préoccupa-

tions déterminaient invariablement un excès de glycosurie.

M. MINDEL : Les aliénés daiis le projet de Code civil de l'Empire

allemand. L'orateur, commentant le paragraphe 28, relatif à

' Voy. Archives de Neurologie. Séance de décembre 1887.

302 SOCIÉTÉS SAVANTES.

l'interdiction, propose d'inscrire ces deux phrases dans le texte :

Toute personne qui souffre d'une maladie mentale pourra être inter-

dite. Toute personne qui, du fait de l'aliénation mentale, n'est

pas en état de veiller sur elle ou sur sa fortune, pourraêtre interdite.

Passant aux paragraphes 1739 et 28 qu'il rapproche l'un de

l'autre à dessein, M. Mendel fait remarquer qu'il ne faut pas con-

fondre l'affaiblissement des facultés intellectuelles avec l'insuffisant

développement de ces facultés. Dans le premier cas, on a affaire à

une maladie mentale; le second état peut être compatihle avec le

fonctionnement physiologique du cerveau et de l'activité men-

tale quand, par exemple, on n'a pas soumis l'individu à l'ensei-

gnement scolaire. En tous cas, les malheureux atteints de débilité

mentale, quelle qu'en soit la cause, exigent plus que tous les autres

aliénés, l'assistance prévoyante de l'État et la tutelle. L'hospitali-

sation n'est pas constamment obligatoire.

Le paragraphe 64 dispose que, de même que l'enfant, toute per-

sonne qui ne jouit pas de l'usage de la raison, même passagèrement,

est incapable de s'occuper de ses affaires ; il en est de même de toute

personne interdite pour maladie mentale tant que l'interdiction

continue à avoir plein effet. M. Mendel propose le texte suivant :

Il en est de même de toute personne qui se trouve, quoique passa-

gèrement, dans un état d'inconscience, ou qui traverse une période

de perturbation morbide de l'activité mentale; la loi recevra alors

son application pour la durée de cet état ou de cette phase.

Ce même paragraphe prévoit les intervalles lucides. M. Mendel

en approuve les motifs. Mais il existe une sorte de contradiction

entre l'interprétation en question et le paragraphe 708 qui attribue

une responsabilité aux malades interdits pendant leurs intervalles

lucides aussi bien que s'ils étaient guéris, tandis que la loi pro-

clame que, pendant toute la durée de l'interdiction, l'aliéné est

incapable de s'occuper de ses affaires.

M. GUTTSTADT. - Contribution à la statistique relative aux in-

culpés qui ont été, par arrêtés des tribunaux prussiens, mis en obser-

vation dans les asiles publics d'aliénés. Des documents qu'il a pu

recueillir au Bureau de statistique (ltmtiglisc7tes statistisches Bu-

reatt), 51. Guttstadt dresse une série de tableaux très utiles à consulter.

En somme, en Prusse, de 1877 à 1887, 446 inculpés (357 hommes,

89 femmes) ont été séquestrés par la justice afin d'être observés

de près. Il n'a cependant pas été possible d'établir les faits relatifs

à l'hôpital de la Charité de Berlin, de sorte que ce quartier

d'aliénés n'a pu être analysé à ce point de vue. On peut néanmoins

formuler que les tribunaux du nord et de l'ouest sont plus enclins

que ceux de l'est à employer ce procédé d'enquête. Il y a aussi

bien des raisons de croire que les magistrats se rendent à l'avis

exprimé par le rapport médico-légal des directeurs des asiles.

Ainsi qu'on le pouvait prévoir, parmi les inculpés observés, dans

SOCIÉTÉS SAVANTES. 303

un but médico-légal, dans les asiles d'aliénés, il s'est également

rencontré des individus non aliénés. Sur les 446 expertises, on en

a déclaré 62 indemnes d'aliénation mentale (52 hommes, 10

femmes), soit 14 p. 100 d'hommes, 10 p. 100 des femmes, en tout

24 p. 100. En aucun cas d'ailleurs, il n'a été constaté que le séjour

à l'asile leur eût été nuisible. M. Noetel, dont les études constituent

un modèle de précision, insiste sur la détermination relativement

aisée des éléments psychopathiques. Si l'on ne peut, conclut-il, inva-

riablement s'opposer aux accidents dont les aliénés sont les fau-

teurs, on en évitera incontestablement une grande partie, quand

le public et les fonctionnaires, se préoccupant davantage des cas

d'aliénation mentale douteux ou non, qu'il leur est donné de voir

de près, s'habitueront à demander en lemps opportun les conseils

des spécialistes compétents.

M. OTTO. Du sulfonal. -C'est décidément un narcotique et un

calmant. Administré par fractions de 50 centigrammes, à plusieurs

reprises dans la journée, il agit très favorablement (dose totale

2 gr. 50 à 3 grammes). Ses effets se. font sentir dès le premier ou le

second jour de l'administration. Les seuls inconvénients qu'il pro-

duise sont des vertiges, des étourdissements, mais sans consé-

quences plus graves.

Discussion :

M. Mendel Sans dépasser la dose de 1 gr. 50, l'orateur ob-

tient un sommeil ou un assoupissement profond dès le second

jour de l'administration. Il n'a vu survenir de malaises (vomisse-

ments) qu'en un cas. Dans les cas de douleurs névralgiques, il lui

est souvent arrivé de n'en obtenir aucun effet.

M. 111mLL. - Il excelle chez les paralytiques généraux présentant

du désordre dans les idées, à petites doses fréquentes que l'on a

soin de diminuer dès que le calme survient. L'action calmante est

ici d'autant plus évidente, qu'il n'exerce chez ces malheureux, pas

d'action psychique.

M. OTTO. Pour faire dormir les malades, il faut l'administrer

tard dans l'après-midi.

M. J. JENSEN. - Observation de trois lacunes dans la substance céré-

brale des lobes pariétal et frontal de l'hémisphère gauche, chez un

dément n'ayant présenté pendant la vie aucun phénomène morbide du

côté des fonctions motrices ou sensorielles. Ces lacunes, occasionnées

par des attaques d'apoplexie répétées (hémorrhagies cérébrales),

occupent la face médiane du lobe frontal et la convexité du lobe

pariétal. Elles ne se sont traduites par aucun symptôme. L'orateur

croit à un remplacement fonctionnel de l'hémisphère droit dont

les circonvolutions sont très développées. Des dessins viennent à

l'appui de la description. (Allg. Zeitsch. f. Psych. XLV, 4.)

P. KEHAVAL.

VARIA

Les CELLULES d'observation des aliénés dans LES hospices ; par

M. Monos, directeur de l'Assistance et de l'hygiène publiques

en France 1.

Messieurs,

L'attention de l'administration avait été appelée par M. le

or Bourneville2 sur les conditions défectueuses dans lesquelles

étaient souvent placés les indigents présumés aliénés et mis en

observation dans les hospices. Une circulaire ministérielle du

1er avril 1887 recommandait aux préfets d'empêcher qu'un malade

présumé aliéné fût inutilement transféré d'un hospice à l'autre

ét surtout de veiller à ce que son séjour dans l'hospice fût limité

au temps indispensable pour constater son état. Dès que l'aliéna-

tion mentale est reconnue, le malade doit être placé dans un éta-

blissement spécial. ;

Une nouvelle circulaire, en date du 11 février dernier, signalait

aux préfets l'installation défectueuse des cellules destinées, dans

les hôpitaux, à recevoir les aliénés de passage ou les malades mis

en observation; elle rappelait celle du 1er août 1887; enfin, en vue

de renseigner l'administration à la fois sur la manière dont ses

instructions avaient été suivies et sur l'état des cellules destinées

au dépôt provisoire des aliénés, elle prescrivait qu'à un jour donné,

dont elle fixait la date, le 19 février, les secrétaires généraux et les

sous-préfets ou à leur défaut des conseillers de préfecture délé-

gués par le préfet, se rendraient dans les hôpitaux et hospices des

chef-lieux de département et d'arrondissement et constateraient

le nombre des aliénés en observation, la date de leur entrée à

l'hôpital, et les conditions matérielles des cellules où sont reçus

ces malades.

. Une telle enquête faite simultanément dans toute la France ne

pouvait manquer de fournir d'utiles renseignements. Les rapports

des préfets sont tous parvenus, sauf un; ils ont été dépouillés avec

soin. S'ils ne sont pas tous également instructifs, si aux questions

précises qui avaient été posées ils ne répondent pas toujours, il

1 Communication faite au Congrès de médecine mentale, danssa séance

du 9 août 1889. r

2 Voir Archives, 1887, n° 40, p. 172. - 1888, n° 46, p. progrès

médical, 1889, ix, p. 31.

VARIA. 305

s'y trouve cependant assez de documents pour montrer d'une part

que ce n'est pas sans raison que l'attention avait été attirée sur

les installations défectueuses des cellules dans les hospices et

d'autre part, que les instructions données par la circulaire du

4raoût 1887 sont encore parfois mal comprises. Il m'a paru que

le résultat de cette enquête offrirait quelque intérêt pour le

congrès.

Sur 121 aliénés en observation dans les hospices à la date du

19 février :

40 s'y trouvaient depuis moins de 5 jours;

28 depuis plus de 5 jours et moins de 10 ;

53 depuis plus de 10 jours, et sur ces derniers 25, soit près de la

moitié, étaient à l'hospice depuis plus d'un mois.

La période d'observation est parfois très longue encore.

C'est ce qui arrive à l'hospice de T ? où le préfet a décidé de

faire placer en observation tous les aliénés du département.

Dans le rapport fait à propos de la présente enquête par

M. R..., conseiller de préfecture, il est dit qu'antérieurement à

cette mesure, les aliénes étaient conduits directement dans les

asiles spéciaux et que « si l'aliéné envoyé à l'asile n'était pas

q reconnu comme tel, l'administration, trop confiante ou abusée

« par des certificats un peu forcés, supportait la responsabilité

a morale d'une mesure de séquestration temporaire injustifiée ».

Ces raisons ont leur valeur et l'intérêt de l'administration est évi-

dent dans cette mesure; mais l'on peut se demander si l'intérêt

des malades est également sauvegardé. Or, le même rapport nous

apprend que les trois cellules destinées aux aliénés sont situées à

vingt mètres des bâtiments, entre cour et jardin; que la supé-

rieure de l'établissement, qui occupe un logement dans une aile,

domine de ses fenêtres lesdites cellules et que c'est ainsi que la sur-

veillance peut s'exercer pendant la nuit. « Les trois cellules, dit le

« rapporteur, sonl surveillées lejourparlesinfirmierset infirmières

« et la nuit par la supérieure dont les fenêtres, comme je l'ai dit,

c ont une vue sur les cellules a S'il est admis desormaisque l'obser-

vation des aliénés du département se fera seulement à l'hospice,

ce ne peut être qu'à la condition que les cellules soient conve-

nablement installées et surveillées. En outre, sous aucun prétexte,

cette mesure ne doit être prise dans le but de prolonger la période

d'observation contrairement aux instructions de la circulaire du

1er août 1887. Or il a été placé à cet hospice, en 1888, 40 aliénés

en observation et un tableau joint au rapport de M. le conseil-

ler R... montre que dix-neuf fois la période d'observation a dé-

passé 15 jours et que dix fois elle a été de plus de 30 : un aliéné a

été gardé en observation 30 jours, un 32, un 35, un 34, un 36,

un 39, un 40, un 41, un 68, un 72 jours. Si l'on n'y prend garde,

il se formera à cet hospice un véritable quartier d'aliénés non

Archives, t. XY111. 20

306 VARIA.

autorisé et dans les conditions fâcheuses où se trouvent la plupart

des quartiers d'hospice.

Voici quelques autres exemples de la durée prolongée du séjour

des aliénés dans les hospices :

A C..., il existait le 19 février « quatre malades qu'on peut con-

« sidérer comme aliénés, quoique leur folie soit tranquille et que

« les médecins n'aient pas cru devoir les envoyer à l'asile, parce

« qu'ils ne sont pas dangereux ». Ces malades étaient à l'hôpital

depuis le 27 janvier 1887, le 21 juillet 1887, le 22 mai 1888 et

même l'un d'eux, une femme de quarante-neuf ans, est à l'hô-

pital depuis le 21 janvier 1866.

A T..., une femme aliénée est à l'hôpital depuis sept mois

(28 juin 1888). A B..., une femme aliénée est l'hôpital depuis

deux mois (18 décembre 1888). A T..., il y avait au moment de la

visite du sous-préfet trois aliénés. L'un d'eux, un enfant, s'y trou-

vait depuis près d'une année. Le rapport du sous-préfet au

préfet s'exprime ainsi relativement à cet enfant : « A...,

entré le 21 mai 1888, enfant de huit à neuf ans, idiot et épilep-

tique, qui a fait l'objet d'un arrêté préfectoral du 4 juin 1888 or-

donnant sa séquestration à l'asile d'aliénés. Cette décision est

restée sans effet malgré la communication d'une lettre du direc-

teur de l'asile des aliénés et d'une lettre des hospices civils que

j'ai eu l'honneur de vous transmettre à la date du 9 juillet dernier »

Enfin à R..., 111. le sous-préfet a trouvé une femme qui y était

depuis huit années. Je citerai un extrait intéressant du rapport

du sous-préfet : « La nommée L ? âgée de trente ans,

atteinte d'hysléro-épilepsie, est actuellement à l'hospice de R...,

où elle est entrée le 19 novembre 1880. Cette malheureuse fille

passe ses journées au milieu des autres malades, mais la nuit, on

est obligé de l'isoler, sans surveillance aucune, dans un cabanon,

afin que ses cris n'empêchent pas les malades de reposer. Je ne

puis que regretter que la situation digne d'intérêt de la fille

L... n'ait été signalée ni par la supérieure de l'hôpital, ni par les

médecins, ni par la municipalité de R.... Je n'ai pas à rechercher

à qui incombe la responsabilité d'une semblable négligence, mon

devoir consiste à trouver le moyen le plus pratique et le plus

prompt de faire cesser cette situation. Cette fille restant parfois

huit jours sans prendre de nourriture et étant prise en ce moment

de folie presque furieuse, je ne puis que vous proposer, Monsieur

le Préfet, de vouloir bien ordonner son internement à l'asile, i

Le préfet a été, Messieurs, invité par le ministre de l'intérieur à

faire cesser cet état de choses et cet état de choses a cessé :

Quant aux cellules où les aliénés sont placés dans les hospices,

nous n'ignorions pas que beaucoup d'entre elles sont installées dans

des conditions très défectueuses. La circulaire du 11 février 1889 or-

donnant l'enquête pouvait déjà dire que « beaucoup de ces cellules

VARIA. 307 Î

sont privées d'air, de chauffage et du mobilier le plus indispen-

sable. Placés près du dépôt des morts ou relégués dans les dépen-

dances à côte des étables, plusieurs Je ces cabanons sont dépour-

vus, la nuit, de toute surveillance ». Les résultats de l'enquête

ont malheureusement confirmé les termes de la circulaire.

Dans.le rapport du sous-préfet de R..., que je citais tout à

l'heure, il est dit : « La cellule occupée actuellement par la fille

L... (c'est celle qui est restée huit années à l'hospice) mesure à

peu près quatre mètres carrés; elle est absolument privée de l'air

nécessaire, la porte étant close pendant la nuit. La lumière n'y

arrive que par un verre dormant et le chauffage y est impossible.,

Cette cellule est d'ailleurs attenante à la salle des morts, et le

sous-préfet estime « qu'il ne peut y avoir d'installation plus défa-

vorable et plus préjudiciable à la santé des malades ». Cette suppo-

sition est malheureusement inexacte ; je vais avoir à signaler des

installations plus déplorables encore.

« La cellule affectée aux hommes, dit le sous-préfet de T...,

me paraît complètement impropre à sa destination. Des angles

saillants qui se rencontrent presque sur toutes les faces de cette

pièce présentent un très grand danger pour certains aliénés; en

outre la fenêtre grillée laisse le malade exposé au froid pendant

les nuits d'hiver. J'ajoute que le lit de fer fixé au sol est garni

simplement de paille et d'une couverture au lieu de renfermer la

literie qu'on rencontre même dans les prisons..... En dehors de

ces inconvénients il convient de remarquer que les cellules, éta-

blies au niveau du sol, sans plancher ni boiseries, paraissent trop

froides et trop humides pour être habitables. »

A. B..., il y a deux cabanons qui ne sontaérés que par des judas

pratiqués dans la porte, les murs sont blanchis à la chaux. Ces

cabanons cubent à peine quinze mètres. L'un est meublé d'unlit;

dans l'autre on se contente de répandre un peu de paille sur le

sol bitumé.

Voici un rapport du sous-préfet de S... : < A l'aspect de ces

cellules, je devrais dire de ces étables combien mon coeur

s'est serré à la pensée que des hommes pouvaient se trouver plus

abandonnés et plus maltraités que ne le sont, quand ils sont

malades, des animaux domestiques. Ces deux cabanons sont situés

derrière le corps principal de l'hospice, dans une grange où l'on

emmagasine carottes, pommes de terre et betteraves; à droite et

à gauche de la porte d'entrée, trois ou quatre mètres carrés ont

été pris et séparés par des planches, le sol a été planchéié tant

bien que mal, et une grosse botte de paille a été jetée dans un

coin en guise de lit... »

Si le Sous-Préfet de S... compare les cellules qu'il a visitées

à des étables. le Sous-Préfet de P... s'écrie en visitant celles de

cette ville : « C'est pire qu'un chenil ! . x '

308 VARIA.

A A..., la visite des cellules a été faite par le secrétaire général,

qui s'exprime ainsi dans son' rapport : « Deux cellules sont réser-

vées à l'hospice d'A... pour les aliénés; elles sont installées dans

une dépendance de cet établissement, d'assez chétive apparence

et avoisinant le quartier des incurables indigents. Déjà en 1887,

leur état défectueux frappait M. l'inspecteur générai Fovillé, qui les

signalait comme de véritables cachots du moyen Re, horribles et

dangereux. Il est difficile, avec là meilleure volonté possible, de ne

pas partager encore aujourd'hui une telle appréciation quoique

depuis cette époque les cellules aient subi diverses modifications;

les murs notamment ont été récrépis à la chaux vive et un plan-

cher de sapin a remplacé le carrelage primitif..... Une certaine

quantité de paille constitue le mobilier de ces tristes réduits ».

Cette appréciation est à rapprocher de celle du sous-préfet

de B..., qui a trouvé dans cette ville deux cellules en sous-sol où

l'on accède par un escalier extrêmement étroit; «ces cellules, dit-il;

rappellent les plus mauvais cachots des anciennes prisons. »

A M.... il n'y a à l'hospice qu'un seul cabanon dont le sous-

préfet dit : a Très-humide, privé d'air et de lumière, dépourvu de

tout mobilier et de tout appareil de chauffage, il ressemble, avec

ses quatre murs noirs, à un véritable cachot; on ne peut, sans un

saisissement, y pénétrer et on ressent un profond sentiment de

tristesse quand on songe que ce réduit, tout au plus bon pour

recevoir de vulgaires malfaiteurs, est destiné à de pauvres déshé-

rités, dignes de toute pitié et de tout intérêt. »

Le plus grand nombre de ces cellules est sans aucun moyen de

chauffage. A B..., le sous-préfet remarque que les ouvertures

ne peuvent se fermer et qu'il n'y a d'ailleurs aucun moyen de

chauffage; la supérieure de l'hospice le rassure en lui affirmant

que les fous ont toujours trop chaud.

A C..., les cellules sont également mal closes et non chauffées; or

la ville est à 720 mètres d'altitude et il y fait, en hiver, un froid

intense. De la paille jetée sur le plancher constitue tout le

mobilier.

A L..., la cellule est située au fond de la cour des communs de

l'hospice, dans la partie où se trouvent encore les restes d'un an-

cien château, à côté des écuries, contre le mur extérieur; elle est

dallée en pierre, éclairée par une fenêtre grillée sans vitre et dé-

nuée de tout mobilier, c J'étais accompagné dans cetie visite, dit

le sous-préfet, par Mme la supérieure et une soeur de l'hospice.

Je ne pus m'empêcher de leur manifester mon étonnement au su-

jet de l'absence d'un mobilier quelconque ; il me fut répondu que

c'était dans l'intérêt même des aliénés qui pouvaient être mis en

observation; qu'il en avait toujours été ainsi, pour éviter qu'à

l'aide des objets qui constituent ordinairement un mobilier ils ne

puissent attenter à leurs jours. Leur ayant fait observer que je ne

. VARIA. 309

comprenais pas que l'unique fenêtre de cette cellule'ne fût pas vi-

trée, il me fut répondu que les aliénés, si un vitrage avait été

placé, pourraient se blesser dangereusement avec le verre. La li-

terie est remplacée par quelques brassées de paille. »

Il est difficile de ne pas remarquer que les malades qui sont

dans un état tel qu'on ne peut laisser aucun objet mobilier à leur

portée, n'ont que faire d'être mis en observation, et doivent être

immédiatement dirigés sur un asile.

Le secrétaire général du département de ..., après avoir visité

l'hospice de M..., rapporte que : « Les cellules affectées aux aliénés

en observation sont dans une arrière-cour; elles forment le pre-

mier étage d'une petite construction dont le rez-de-chauseée sert

de salle des morts et au-dessus duquel il y a un séchoir et un char-

nier pour les viandes de conserve. Il n'y a d'autre mode d'aéra-

tion et d'éclairage qu'un vasistas au-dessus de la porte. Rien n'est

prévu pour le chauffage. Les aliénés en observation ont

comme couchage de la paille et des couvertures... Ils re-

çoivent leurs aliments par un guichet pratiqué dans la porte. »

A M..., la cellule pour les aliénés est placée dans les dépendances

de l'hospice, entre la vacherie et une écurie à porcs. Cette cellule

a 3 mètres et demi de long, 2 mètres et demi de large et 3 mètres

de hauteur (soit un cube de 26m 23). Elle n'est pas chauffée et ne

reçoit le jour et l'air que par une petite imposte garnie de bar-

reaux de fer et non munie d'un châssis fermant. Or, dans ce dé-

partement la température est rude en hiver, et il est bien probable

qu'au mois de janvier il serait plus confortable d'habiter la vacherie

que la cellule.

Dans le département de ..., il n'y a de cellules pour les aliénés

en observation qu'à l'hospice du chef-lieu. « Ces cellules, dit le

rapport, sont au nombre de deux. Elles sont constituées par deux

chambres carrées de 3m 50 environ, aux murs blanchis a la chaux,

à l'aire bitumée. Ces deux pièces contiguës sont établies sur un

canal aux eaux stagnantes. Aucun appareil de chauffage n'y est

installé et pour aérer ces pièces il faut tenir les fenêtres continuel-

lement ouvertes. En outre, dans un coin de chacune de ces cellules,

on a installé une garde-robe constituée simplement par un orifice

qui communique avec le canal, d'où s'exhalent des émanations

pestilentielles continuelles. La couchette du malade se compose

d'une paillasse renfermée entre quatre planches. Pour éviter que

les autres malades n'entendent les cris poussés par les aliénés, ces

cellules ont été placées à 200 mètres environ des bâtiments, mais

il n'y a aucun poste de surveillance. Aussi la supérieure attachée

à l'établissement m'a-t-elle avoué que souvent ces malheureux,

pris pendant la nuit d'accès de folie furieuse, étaient retrouvés le

lendemain absolument mutilés. »

A diverses reprises, il a été signalé que les cabanons des hos-

310 VARIA. »

pices sont contigus aux dépôts des morts. C'est un point sur lequel

a été souvent attirée l'attention de l'administration, qui n'est pas

suffisamment armée par la loi pour faire cesser de tels abus.

L'enquête du 19 février a fourni de ce voisinage des cabanons et

des dépôts mortuaires des exemples singuliers.

A S..., d'après le rapport du sous-préfet, les trois cabanons

sont privés d'air, de lumière et de chauffage, ils sont de plus con-

tigus au dépôt des morts où se font les autopsies; enfin la sur-

veillance n'est pas possible pendant la nuit.

A A...,.les cellules ont lm 75 de largeur, 2m 20 de longueur et

de hauteur, soit environ 8 mètres cubes et demi. Elles sont éclai-

rées et aérées par une ouverture en losange pratiquée dans la porte

qui donne dans la salle des morts. Il n'y a aucun moyen de chauf-

fage ni aucune surveillance.

On retrouve encore çà et là, dans les cellules des hospices, les

moyens de contrainte barbare qui ont depuis longtemps disparu

des asiles.

Le sous-préfet de S..., parlant des cellules des hospices de

cette ville, dit : « Elles sont installées dans un petit bâtiment suffi-

samment isolé du corps principal de l'établissement, c'est-à-dire

des quartiers des malades, pour que ceux-ci ne soient pas incom-

modés par le voisinage des aliénés agités... Les cellules sont dallées,

et quatre anneaux de fer, scellés dans la pierre, permettent au be-

soin de maintenir l'aliéné s'il est en état de démence furieuse ».

A D..., le secrétaire général a trouvé dans une cellule un car-

can de fer fixé à une chaîne dont l'extrémité était scellée dans le

mur. Le préfet a immédiatement fait supprimer cet engin de

torture.

Un carcan du même genre se trouvait aussi à l'hôpital-hospico

de C...

Les commissions administratives des hospices ont été souvent

informées, à la suite des inspections générales, du mauvais état

des cabanons d'aliénés. Il faut bien reconnaître que quelques-unes

d'entre elles ne tiennent pas volontiers compte des observations

qui leur sont faites soit par l'administration supérieure, soit par

le corps médical.

Le sous-préfet de R... dit dans son rapport : « Le quartier affecté

aux aliénés en observation ne comprend que quatre cabanons hu-

mides, malsains, dépourvus de tout appareil de chauffage, et dans

lesquels les malades sont abandonnés la nuit sans aucune sur-

veillance. M. le Dr... et AI-0 la supérieure m'ont dit avoir ap-

pelé à diverses reprises l'attention des membres de la commission

administrative des hospices sur cette organisation absolument dé-

fectueuse. Aucune amélioration n'a pu être obtenue malgré leurs

instances réitérées. »

Parmi les rapports présentés au conseil général du département

VARIA. 311 1

de ..., en 1888, par le préfet, se trouva un rapport du secré-

taire général qui, parlant des cellules d'observation de l'hospice

de P..., les qualifiait de tristes prisons. Le conseil général s'émut

de cette situation ; il fit visiter les lieux par une commission

spéciale ; les membres du conseil général qui faisaient partie de

cette commission rendirent compte de leur mission dans la séance

du 22 août 1888. Us disaient : « Nous nous sommes rendus hier à

l'hospice et, nous devons le déclarer, c'est avec un profond senti-

ment de tristesse que nous avons constaté l'état pitoyable dans

lequel se trouvent les malheureux aliénés. Sur cinq cabanons,

quatre sont occupés, l'un depuis le 11 août, les autres depuis le 14.

Ces malheureux sont couchés sur la paille, quelques-uns tout

nus. Ils ne reçoivent l'air et la lumière que par une étroite ouver-

ture absolument insuffisante. Des odeurs infectes dues aux excré-

tions, à l'insuffisance des lavages, vicient l'air qu'il est impossible

de renouvelle ! - et l'un de nos malheureux aliénés est renfermé là

depuis douze jours. » Mais la commission administrative se montra

très peu disposée à remédier à cet état de choses et à se rendre

aux voeux légitimes du conseil général. Je ne sais pas si, depuis,

elle a pris les mesures que lui commandait l'humanité.

Il résulte de ce qui précède que la situation est triste; indigne

d'une démocratie où les questions d'assistance préoccupent si jus-

tement le parlement et l'administration; indigne du pays qui a

vu naître Pinel et qui a donné l'exemple de la réforme que ce

siècle a réalisée dans les établissements d'aliénés. Il semble que les

vieux abus, les errements anciens les plus regrettables, proscrits

des asiles, aient continué de fleurir dans certains hospices, et c'est

un exemple qui s'ajoute à beaucoup d'autres pour montrer la né-

cessité d'étendre les droits de surveillance de l'Etat sur les établis-

sements hospitaliers et de lui donner lepouvoird'intervenir effica-

cement en faveur des pauvres et des malades. Certes, les cota missions

administratives sont en général pleines de bon vouloir. Mais com-

ment ne pas reconnaître que quelquefois elles sont ignorantes,

attachées à des pratiques routinières dont elles ne comprennent

pas les dangers ? Elles manquent d'ailleurs souvent de termes de

comparaison. La plupart des administrateurs de nos hospices n'ont

sans doute pas le loisir de visiter d'autres établissements que le leur;

ils sont venus en très petit nombre assister aux séances du Congrès

international d'assistance publique. C'est que leur intérêt n'a pas

été jusqu'ici suffisamment appelé sur les progrès de l'hygiène gé-

nérale. Aussi ont-ils une certaine tendance à tenir en suspicion

les avis des médecins, et lorsque ceux-ci réclament tantôt une

étuve à désinfection, tantôt une salle d'opération où puisse être pra-

tiquée l'autopsie, tantôt telle autre amélioration nécessitant une

dépense, l'utilité de la dépense parait facilement douteuse à la

commission administrative. ,

31 VARIA. 8

Si, pour des questions qui se rattachent directement à leurs

fonctions, les commissions opposent ces résistances,' comment'

serait-on surpris de les rencontrer en une affaire qui' sort

du cercle habituel, régulier de leurs préoccupations, dont le

souci est pour elles une anomalie et le fonctionnement'un em-

barras ? Comment être surpris que les commissions fassent passer

en première ligne leurs malades, que, par exemple, l'espace dont

elles disposent étant limité, les dépôts mortuaires devant être pla-

cés hors de la vue, et les cellules d'aliénés hors de l'ouïe des ma-

lades. elles soient conduites à placer ces cellules près de ces

dépôts ? Comment espérer que l'on pourrait utilement leur

demander de construire et d'installer des cellules convena-

bles ? Elles allégueraient, parfois non sans raison, le manque de

ressources. D'ailleurs, fussent-elles disposées à satisfaire aune aussi

juste exigence, elles n'ont à leur disposition aucun personnel

expérimenté pour le traitement des aliénés. Les infirmiers de la

plupart des hospices sont recrutés au hasard; ils ne savent même

pas mettre une camisole de force à l'aliéné qu'ils songent quelque-

fois moins à soigner qu'à mettre hors d'état de leur nuire. Il serait

difficile, d'autre part, d'imposer à un hôpital une grosse dépense

pour la construction, le chauffage, la garde de cellules qui ne

serviront peut-être pas deux fois par an.

Aussi, Messieurs, ne semble-t-il pas que ce soit de ce côté qu'il

faille chercher la solution du problème.

La loi du 30 juin 1838, art. 24, dit : a Les hospices ou hôpitaux

civils sont tenus de recevoir provisoirement les personnes qui leur

seront adressées en vertu des articles 18 et 19 jusqu'à ce qu'elles

soient dirigées sur l'établissement spécial destiné à les recevoir

aux termes de l'article 1er, ou pendant le trajet qu'elles feront pour

s'y rendre. Dans toutes les communes où il existe des hôpitaux

ou hospices, les aliénés ne pourront être déposés ailleurs que dans

ces hospices ou hôpitaux. Dans les lieux où il n'en existe pas, les

maires devront pourvoir à leur logement soit dans une hôtellerie,

soit dans un local loué à cet effet. »

Cela ne veut pas dire qu'une longue observation de ces malades

sera faite avant de les transporter dans l'établissement spécial des-

tiné à les recevoir. Une telle observation n'est pas possible dans

une « hôtellerie » et il est évident que le législateur songeait sur-

tout à assurer un gîte sur une route qu'en l'absence de chemins

de fer on devait faire par étape.

Aujourd'hui, les moyens de communication sont aisés et ra-

pides ; le transport dans l'établissement spécial peut s'effectuer sans

retard et c'est là seulement qu'une observation peut être pour-

suivie dans de bonnes conditions et par des hommes expérimentés.

N'y a-t-il pas d'ailleurs utilité, au point de vue des chances de

guérison, à ce que la folie puisse être traitée immédiatement ?

VARIA. 313

Le transport immédiat dans l'établissement spécial le plus voi-

sin où un quartier d'observation serait installé à cet effet cons-

tituerait donc la solution vraie; elle ferait disparaître les réduits

dont les rapports administratifs font un si triste . tableau ; elle

mettrait les malades en situation d'être traités au début même de

leur affection avant qu'un état chronique incurable se soit établi.

. Ce n'est pas la.une solution théorique; dans divers départe-

ments elle a été mise en pratique.

' Je prévois et je signale une objection de sentiment qui pourra

être faite. On dira que la personne qui a passé par l'asile, si elle

n'a qu'une folie momentanée, ou si même elle n'est pas aliénée,

gardera toujours de ce passage une sorte de tare. Je ne vois pas

que le fait d'avoir passé par le cabanon de l'hospice soit beaucoup

moins fâcheux à ce point de vue. Et s'il faut absolument choisir

entre cet inconvénient et tous ceux que j'ai indiqués au cours

de cette communication, je préfère le mal futur et hypothétique

au mal actuel et certain.

Si d'ailleurs l'objection s'impose avec une force telle que l'on

doive en tenir compte, qu'alors des hôpitaux spéciaux soient dési-

gnés pour recevoir les présumés aliénés, que ces hôpitaux soient

pourvus de locaux appropriés et d'un personnel expérimenté, que

des mesures soient prises pour que le temps d'observation ne dé-

passe pas les limites indispensables. Les directeurs d'asiles pour-

ront beaucoup pour assurer ce dernier résultat, s'ils ont soin de

tenir les préfets au courant des circonstances dans lesquelles les

aliénés sont confiés à leurs soins. C'est un des motifs qui m'ont

décidé à faire au congrès la présente communication.

En tout cas, il est une chose nécessaire, urgente, c'est d'em-

pêcher que, sous prétexte d'observation, les aliénés soient détenus

10, 15, 20 jours et plus dans les cabanons dont j'ai dû mettre sous

vos yeux les dispositions défectueuses ou dangereuses.

Je l'ai fait sans beaucoup de ménagements, ce qui étonnera

peut-être. Mais je suis de ceux qui pensent que pour préparer uti-

lement le remède, il faut bien connaître le mal; que, lorsque la

guérison de ce mal dépend de plusieurs autorités, il ne faut pas

craindre de crier un peu fort; que, surtout dans les questions d'as-

sistance et d'hygiène, la franchise administrative est le commen-

cement de la sagesse, parce qu'elle est la condition des réformes.

Quelques POINTS de la LOI irlandaise sur LES aliénés ; par CONOLLY y

Norman (The Journal of Mental Science, janvier 1886).

Cette étude de quelques points particuliers de la législation qui

régit les aliénés en Irlande, n'a pour le lecteur français qu un

intérêt très restreint; mais elle \sera consultée avec fruit par tous

ceux qui se livrent à l'étude de la législation comparée des

aliénés. R. M. C.

314 VARIA.

UNE RÉCENTE visite A GHEEL; par D. RACK TUKE (The Journal of

Mental Science, janvier 1886).

La colonie de Gheel a été souvent décrite et nous ne suivrons

pas M. Rack Tuke dans la description détaillée qu'il en donne :

nous chercherons plutôt dansson travailles appréciations que sa

visite a suggérées à cet aliéniste-distingué. L'auteur ne voit ni

inconvénient ni difficulté pratique à installer autour d'un asile,

destiné à recevoir et â enfermer les aliénes dangereux pour les

autres ou pour eux-mêmes, une sorte de colonie où les fous inof-

fensifs vivraient, comme à Gheel, de la vie commune, sous la

surveillance privée des habitants. Il ne pense pas toutefois que

ces colonies doivent être considérées comme susceptibles d'une

grande extension. D'ailleurs, si l'avantage qui en résulte pour les

aliénés tranquilles ne peut guère être contesté, M. Hack Tuke

déclare qu'il ne peut s'empêcher de craindre que le séjour d'un

aliéné dans une famille ne soit pas pour cette famille même aussi

inoffensif qu'on paraît le croire. Si la statistique ne nous montre à

la charge des aliénes de Gheel qu'une très faible proportion

d'actes criminels, il est d'autres actes, aisés à prévoir ou 1l de-

viner, que la statistique ne mentionne naturellement pas, et qui

n'en constituent pas moins un danger pour le voisinage aussi bien

que pour les familles de la colonie. Enfin, M. Hack Tuke, malgré

le succès obtenu par cette colonie, ne peut s'empêcher de trouver

excessive une liberté qui a permis il l'un des aliénés de Gheel de

reconduire les membres de l'Association médico-psychologique

anglaise jusqu'à Anvers et d'offrir au digne président de cetle

association d'être son cicérone dans les quartiers les moins bien

famés de cette ville. R. M. C.

PROJET d'asile PUBLIC pour 310 malades, avec facilité D'ÉTENDRE LES

services jusqu'au chiffre de 450 LITS; par C.-S.-W. COBDGLD

(The Journal of Mental Science, janvier 1886).

Ce plan est. très ingénieusement conçu et il est accompagné 6

de planches qui en facilitent l'intelligence. On conçoit malheureu-

sement que le détail, très complexe, des dispositions qui le cons-

tituent, échappe à l'analyse. Nous nous bornerons à dire que

malgré ses aménagements spéciaux et très perfectionnés un sem-

blable asile, établi pour 310 malades ne dépasserait pas le prix de

3,500 francs par lit, abstraction faite du prix du terrain. z

R. M. C.

Sur LE régime alimentaire dans LES asiles irlandais; par E.

Mazière Couhtenay (The Journal of Mental Science, avril 1886).

Dans ce travail qui contient plusieurs tableaux, l'auteur s'est

varia. 315

proposé de comparer les régimes des divers asiles d'Irlande,

d'abord entre eux, puis avec les principaux asiles d'Angleterre. Il

regrette ue n'avoir pu poursuivre la comparaison avec les asiles

d'Ecosse, ceux-ci ne publiant pas leurs tableaux de régime dans

leurs comptes rendus. R. M. C.

De l'admission DES enfants IDIOTS ET imbéciles dans LES asiles

d'aliénés; par VilliaM-W. IRELAND (The Journal of Mental

Science, juillet 1886). '

L'opinion de l'auteur, basée sur les renseignements qu'il a

recueillis et les faits qu'il a observés dans les asiles d'Angleterre,

est que, pour diverses raisons, les enfants atteints d'idiotie ou

d'imbécillité ne doivent pas être admis et traités dans les asiles

d'aliénés. 11 réclame pour eux des asiles particuliers, qui seront

de véritables écoles, et où ce luxe, trop souvent étalé en Angle-

terre dans les asiles d'aliénés, sera sacrifié au bien-être physique

et moral des jeunes malades. R. M. C.

FAITS DIVERS

Asiles d'aliénés. - Nominations. - Arrêté du ler juillet 1889.

M. le Dr Gilbert Petit, ancien médecin-adjoint à l'asile public

d'Armentières (Nord), nommé aux mêmes fonctions à l'asile public

d'Alençon, est compris dans la 2° classe (poste créé). Arrêté

du 13 août. Sont promus, à partir du 4° juillet 1889, à la classe

exceptionnelle : M. le D'' Tacorr, directeur-médecin de l'asile pu-

blic de Lesuellec (Morbihan) ; M. le Dr DOUTREBENTE, directeur-mé-

decin de l'asile public de Blois. A la lro classe : li. le Dr DUBIEF,

directeur-médecin de l'asile public de Marseille; M. le Dr Maran-

DON de l\IONTYEL, médecin en chef de l'asile public de Ville-Evrard.

A la 2° classe : M. le Dr G.1LLOP.111`I, directeur-médecin de l'asile

public de Fains (Meuse). A partir du 4°r août, à la classe excep-

tionnelle : M. le Dr Ramadier, médecin-adjoint à l'asile public de

Vaucluse. A partir du Icr juillet 1889, à la lt° classe : M. le

Dr DùnicQ, médecin-adjoint à l'asile public de Prérnontré (Aisne) ;

M. le Dr Boiteux, médecin-adjoint à l'asile public de Clermont

(Oise); M. le Dl' 1\lEILHON, médecin-aejoint à l'asile public d'Aix

(Boucbes-du-Rhône). - A partir du le, août, M. le Dr LEGnAIrr,

médecin-adjoint à l'asile public de Vaucluse.-A partir du ler sep-

tembre, M. le Dr VFRNET, médecin-adjoint de l'asile public de

316 FAITS DIVERS.

Saint-Luc (Basses-Pyrénées) ? An'Mtt 16 août. M. le DCAmPON,

directeur-médecin de l'asile public de Rodez, promu à la lre classe P,

à partir du 1e a01lt,

' Faculté de médecine DE Brunn. M. le Dr Pelmann est nommé

professeur ordinaire de psychiatrie.

Faculté de médecine. de YIENNE.-l11. le Dr G. AUTON est nommé

privât docent de neurologie et de psychiatrie.

NEV-YOR6 POLICL1NIC. M. le Dr Sans, de New-York, est

nommé professeur de neurologie et de psychiatrie.

Interdiction des séances publiques d'hypnotisme. Le gouverne-

ment portugais, considérant que la vulgarisation des phénomènes

de suggestion ne peut que faciliter la perpétration de certains

crimes, a interdit les représentations publiques d'hypnotisme qu'il

considère en outre comme dangereuses non seulement pour la

santé des « sujets », mais encore pour celle des spectateurs. On a

vu dans le courant de ce numéro que le Congrès international de

l'hypnotisme s'est aussi prononcé pour l'i nterdiclion de ces séances.

Fâcheux EFFETS DE L'HYPNOTISME.Dansuno discussion qui suivit

il y a quelque temps à la Société império-royale des médecins de

Vienne, une communication de M. Prey sur l'hypnotisme au point

de vue thérapeutique MM. Winlernotz et Aulon entre autres insis-

tèrent sur les fâcheux effets que l'hypnotisme, employé d'une

façon inconsidérée, peut provoquer, réclamant pour ce fait l'inter-

diction des séances publiques.

Intoxication chronique par la P.1RALDÉfIYDE. M. Hughes rap-

porte dans thc Alicnist and Nell1'ologist le cas d'une jeune femme

morphinomane qui cessa la morphine pour la remplacer par la

paraldéhyde, qu'elle absorbait à la dose d'une once et plus par

jour. La privation du médicament produisait de l'insomnie, de

la dépression et des douleurs variées. La désaccoutumance fut

impossible.

La tempérance obligatoire en AMÉtiQUE. La législature de

l'Etat de Connecticut qui a récemment pris des mesures sévères

pour combattre l'emploi précoce du tabac chez les jeunes gens,

vient d'adopter une mesure tendant à faire voler parle peuple de

l'Etat des dispositions qui rendraient la tempérance obligatoire.

Une décision semblable vient d'être prise par la législature de

l'Etat de Massachusetts.

L'alcool ET l'opium aux INDES.- A la Chambre des Communes,

deux députés ont porté à la tribune une plainte concernant l'abus

d'alcool et d'opium qui se fait dans la population indigène, abus

favorisé par le gouvernement local et métropolitain afin de gros-

sir le chiffre des revenus provenant des impôts qui frappent ces

faits divers. 317 ï

substances. Malgré l'intervention de deu 'secrétaires d'Etat pour

l'Inde, la Chambre s'est associée [dans tous ses détails à la plainte

de son membre et a invité le gouvernement à prendre des mesures

pour mettre fin à cette situation.

L'alcool en Nouvelle-Calédonie. Le gouvernement de cette

colonie vient de prendre une décision interdisant de vendre, don-

ner ou procurer des boissons alcooliques aux indigènes. L'alcoo-

lisme fait en effet des ravages lerribles parmi les populations Ca-

naques et il n'était que temps de mettre fin à un pareil état de

choses.

La méningite cérébro-spinale a BERLIN.-Celle maladie qui existe

à Berlin d'une façon épidémiqne est une cause importante de mor-

talité. Une ordonnance de police prescrit, sous peine d'amende et

de prison, la déclaration immédiate de tout cas nouveau. De plus

l'isolement absolu du malade est exigé, ainsi que la désinfection

rigoureuse de tous les objets ayant servi aux malades. Les. enfants

habitant les maisons où existent des cas de méningite cérébro-

spinale, seront exclus temporairement des écoles.

LE REICHST : 1G.1LLElf.IND et l'alcoolisme en Afrique. LeReichstag

a émis récemment une résolution tendant à inviter les gouverne-

ments confédérés à prendre des mesures d'ensemble pour tâcher

de restreindre ou de supprimer le trafic de l'alcool dans les colo-

nies allemandes. Au cours de la discussion un membre a rappelé

que la race nègre est très résistante vis-à-vis des boissons alcoo-

liques. Uu autre a dit que c'était la civilisation européenne qui

était coupable des progrès de l'alcoolisme dans ces régions, en

venant se substituer à une religion qui défend l'usage des boissons

spiritueuses.

L'aliénation mentale en SuissE.-Suivant une statistique dressée

par M. PoREL, professeur de psychiatrie à Zurich, le nombre des

aliénés pour lu canton de Zurich atteindrait le chiffre de 3178

(1,391 hommes et 1,687 femmes), sur une population de 339,000

habitants, soit à peu près 4 p. 100, proportion absolument inouïe.

C'est évidemment à l'alcoolisme qu'il faut attribuer cette progres-

sion de l'aliénation mentale, la Suisse allemande étant un des

pays où les habitudes alcooliques sont les plus développées.

L'aliénation mentale EN RussIE.-Le nombre des cas de mala-

dies mentales augmente graduellement depuis trois ans à Saint-

Pétersbourg, environ de 15 p. 100 pendant ce laps de temps. Ce

plus grand nombre des cas se produit de seize à vingt-deux ans,

surtout dans lés classes élevées et en particulier parmi les jeunes

filles.

Les certificats d'aliéné : , en Amérique. M. Willard Burslett, juge

318 FAITS DIVERS.

à la cour suprême, a communiqué à « The New- 1'01 society of

médical jurisprudence » un travail au cours duquel il affirme avoir

trouvé des certificats d'aliénés établis par des médecins sur de

vagues on-dit. Il s'élève avec raison contre cette manière un peu

trop expéditive de juger un malade et de poser un diagnostic.

UNE LOI sur l'inspection des aliénés en A3fÉRIQUE.-La loi régle-

mentant le fonctionnement de « the State Commission iuEunary»

vient d'être promulguée pour l'Etat de New-York. Cette commis-

sion se compose de trois membres dont un médecin (23,000 francs

plus les frais de déplacement) et de deux autres membres

(15,000 fr. pour le premier et 50 francs par jour de session, plus les

frais de déplacement). Ces commissaires doivent être en rapports

avec l'autorité judiciaire et médicale; contrôler et enregistrer

tout certificat de médecins; tenir la statistique des asiles publics

ou privés et des aliénés en garde; surveiller -et inspecter les asiles

au moins deux fois par an et à tous les points de vue et consigner

sur un livre les résultats de ces inspections; faire de véritables ex-

pertises médico-légales sur l'état d'un séquestré, en cas de procès;

autoriser l'ouverture de tout établissement d'aliénés; etc., etc.

L'hygiène des asiles. M. Rich. Greene a lu récemment devant

« the Hesting's sanitary Congrès » une note sur ce sujet. Il s'occupe

de la situ ation, du chauffage, de la ventilation d'un établisse-

ment modèle de ce genre. Un chapitre particulier est consacré au

drainage et à l'installation balnéaire.

A rapprocher de cette tentative, une lettre de M. Clérenger,

publiée par le Médical Standard, de Chicago, et dans laquelle il

est question de l'hygiène et de l'organisation du « Cook conenty

insane Asylum ». L'incurie est telle dans cet établissement que les

malades qui meurent dans la nuit sont trouvés mangés des rats le

lendemain matin. Les corps portés à l'amphithéâtre sont telle-

ment sales et couverts de vermine qu'on ne peut s'en servir pour la

dissection. De plus les malversations, pots-de-vin, falsifications de

registres, exploitation des malades aisés sont la règle dans cet

asile et s'exercent presque au grand jour.

Les leçons DE POLICLINIQUE.-M. Byrom Bronswell vient de com-

mencer une publication intitulée « Studies in clinical Médecine »

et dont le plan est calqué sur celui des « Leçons du Mardi » de M. le

professeur Charcot. L'auteur dit d'ailleurs dans sa préface que

c'est la lecture des Leçons du mardi qui lui a inspiré l'idée de

cette publication. Cette introduction d'une méthode française à

l'école d'Edimbourg est intéressante à signaler et marque une

extension de notre influence au dehors.

NhcnoLOGOE. DARio l\IARIGLÎANO, directeur de l'asile d'aliénés et

de la clinique psychiatrique de Gênes. - THÉODORE ])moN ancien

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE. 319

« superintendant of the states Asylum for insane criminals »

en Amérique. P. DjuKow, de Saint-Pétersbourg, directeur de

l'asile d'aliénés de Saint-Nicolas et médecin enchef à la clinique

des maladies mentales. 0. WELLER" directeur de l'asile d'aliénés

de Saint-Pirminsberg. GEORGES GUIGNON.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE

Avis A MM. les Auteurs et Editeurs. La Direction des Archives DE

Neurologie rappelle à MM. les Auteurs et Editeurs, que les ouvrages

dont il sera reçu deux exemplaires seront annoncés au Bulletin BIBLIO-

graphique et analysés; ceux dont il ne sera reçu qu'un seul exemplaire

seront simplement annoncés.

BIAUTE. Etude médico-psychologique sur Shakespeare et ses oeuv>'es,

sur Hamlet en particulier. Brochure in 80, de 21 pages. Nantes, 1889.

Librairie Vier.

Rapport sur le service médical du quartier d'aliénés de t'hospice

général de Nantes pendant l'année 1887. Brochure in-8°, de 32 pages.

Nantes, 1889. Librairie Vier.

Blocq (P.). - Des contractures. Contractures en général, la contrac-

ture spasmodique, lez ;tMeM6h)-fO ! t'ftc<M)'es. Un beau volume in-8 de

216 pages, avec 8 figures dans le texte, une planche chromolithogra-

pique et trois phototypies. Prix : 5 fr. Pour nos abonnés : 4 fr.

nOURlOEVILI.E, COURB.\RlEN, IIAOULT ET Sollier. Recherches cliniques et

thérapeutiques sur l'epilepsie, l'hystérie et l'idiotie. Compte rendu du

service des enfants de Bicêtre pour 1888. In-8 de xLviii-80 pages (t. IX

de la collection).

CHARCOT (J.-M.). Maladies des vieillards, goutte et rhumatisme. Un

beau volume in-8 de 525 pages avec 19 ligures dans le texte et 4 planches

en chromolithographie (t. VU des ouvres complètes). Prix : 12 fr.

Pour nos abonnes : 8 fr.

Cnaacor (J.-i\L). - Maladies infectieuses, affections de la peau, kystes

hydatlques, thérapeutique (t. VU des OEuvl'es complètes). Un beau

volume in-8" de 452 pages. Prix : 10 fr. Pour nos abonnés : prix : 7 fr.

Cornet (P.). Traitement de l'épilepsie par le bromure d'or, le bromure

de camphre et <apt0'oo.t ? tte. -Prix : 2 fr. -Pour nos abonnés : 1 fr. 3a.

EOINGER (Luclwig). -golf Vorlesun,qer ueber der Rau der Nervosert

Centralargant sur Aerzte und Studerende, 2° édition augmentée, 1 vol.

in-8" de 161 pages. Leipsig, 1889. Chez F.-C. W. Vogel. Prix :

6 marks.

EtSENLonp (E.) - Zur Pathologie der syphilitiichen Eritrankung der

Iltnlerstr31l/ge des 7<uc/fetin : c[)'/M. Brochure in-li° de 16 pages, avec une

planche hors-texte. - 1·IamburD, 1889. - Druck der Verlasanstalt und

DI'l1c1.el'ei.

EDWARIIS (B.-A.). De l'hémiplégie dans quelques affections nerveuses

(ataxie locomotrice progressive, sclérose en plaques, hystérie, paralysie

320 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

agitante). Volume in-8 de 169 pages, avec 5 figures. Prix : 4 fr.

Pour nos abonnés : 2 fr. 75.

FÉnÉ (CE) ). Du traitement des aliénés dans les familles. Volume

in-18 de 168 pages. Prix : 2 fr. 50. Paris, 1889. Librairie F. Alcan.

Fo ? '<y-s : </t annual report of the managers of the state lunatic asylum

al Utica for the year ending. Sept. 30, 1888. Brochure in-R° de 66 pages.

- Albany, 1889. - tue Troy Press company.

Guinoh (Georges). - Les agents provocateurs de l'hystérie. 1 vol. in-8°

de 392 pages, Paris, 1889. Publications du Progrès médical de Lecros-

nier et Babé. Prix : 8 fr. Pour nos abonnés, 6 fr.

Muet (E.). De la chorée clwonique. Volume in-81 de 262 pages avec

10 figures dans le texte. Prix : 5 fr. - Pour nos abonnés, i fr. 0

RADZISZE\VSKI (St.). Quelques observations cliniques. (Anoplitalniie,

pustule maligne et gangrène spontanée). Brochure in-8° de 32 pages,

avec 3 planches photographiées Paris, 1889. Librairie Leerosnier

et Babé.

Saenger (A.). - Ueber die Fibringerinnsel und Curschmann' schen

Spiralen im Spuiunz der Pneumoniker. Brochure in-4° de 16 pages, avec

une planche hors texte. Hamburg, 1889. - Druck der Verlagsanstalt

und Druckerei.

SoLUEn (P.). - Du rôle de l hérédité dans l'acoolisme. Volume in-18

jésus de 215 pages. Prix : 2 fr 50. Pour nos abonnés : 1 fr. 75.

UTica. - (forts sixlh annual report of the managers of the statc

lunatic asylum al). Por the year ending seplember 30, 1888. Brochure

in-8° de 66 pages. - Albany, 1889. - The Troy press company, printers.

Le rédacteur- gérant, 130L`nnEVILLE.

f.wem. 1.11 t141ulSHY. nmp. - 989.

Vol. XVIII. Novembre 1889. N" 54.

ARCHIVES DE NEUROLOGIE

PATHOLOGIE NERVEUSE

MIGRAINE OPHTALMIQUE ET PARALYSIE GÉNÉRALE

Par M. le D' Paul BLOCQ,

Chef des travam anatomo-palholo¡{iques de la Clinique

des maladies du svstemc uerveuc.

Constituée par des douleurs de tête et des troubles

visuels dans sa forme simple, par les mêmes symp-

tômes joints à de l'aphasie et à des désordres sensi-

tifs ou moteurs dans sa forme accompagnée, la

migraine ophtalmique a été considérée à juste titre,

comme une entité séméiologique distincte, se diffé-

renciant nettement des autres migraines.

De plus, on envisageait généralement la migraine

ophtalmique comme une affection évoluant pour son

propre compte, la regardant comme une sorte de

manifestation arthritique ou névropathique, quand

ultérieurement, certaines observations où elle appa-

raissait dans le tableau de la paralysie générale et de

l'hystérie, semblèrent indiquer qu'à côté de cette

migraine ophtalmique indépendante, la plus fréquente,

il en existait sans doute une autre qui était celle-ci

symptomatique, qu'en un mot, à côté de la migraine

Archives, t. XVIII. 21

322 PATHOLOGIE NERVEUSE.

ophtalmique maladie, il y avait place pour la migraine

ophtalmique syndrome.

Nous nous proposons ici de tirer parti de la réu-

nion de quelques-unes de ces observations, non pas

seulement pour établir cette démonstration qu'a faite

dès longtemps M. le professeur Charcot, mais pour en

montrer les conséquences intéressantes en ce qui a

trait aux rapports de la migraine opthahnique et de

la paralysie générale.. 1.

Dans les faits auxquels nous faisons allusion, faits

dans lesquelsla migraine ophtalmique n'a plus les allures

d'une maladie isolée, « per se », elle figure alors, soit

un épisode prodromique, soit un syndrome intercurrent.

Elle peut acquérir en raison de cette nouvelle

modalité dans le cas particulier que nous nous propo-

sons d'examiner, au point de vue pathogénique un

grand intérêt pour le-pathologiste et au point de vue

clinique une non moindre valeur pour le médecin.

M. le professeur Charcot a appelé l'attention,

comme nous l'avons dit, sur l'éventualité de cette

combinaison, et a montré que les accidents de la

migraine peuvent appartenir aux prodromes, déjà si

multiples et si variés, de la paralysie générale. Quoi-

qu'en somme, la théorie pathogénique que l'on a

attribuée et qui semble convenir à la migraine ophtal-

mique d'une part, sa parenté bien évidente avec le

syndrôme de l'épilepsie sensitive si fréquemment asso-

ciée elle-même à la méningo-encéphalite, d'autre

part, rendent compte jusqu'à un certain point de

' Un travail prochain de M. le D' Babinski aura pour but de faire voir

les relations du même genre qui existent entre la migraine ophtalmique

et F hystérie.

MIGRAINE OPHTALMIQUE ET PARALYSIE GÉNÉRALE. 323 3

l'existence de cette corrélation, il serait encore permis

de se demander s'il n'y a là qu'une simple coïncidence,

ou si réellement la migraine dépend dans ces cas de

la paralysie générale.

En effet, cette combinaison, pour vraie qu'elle soit

n'en est pas moins assez rare, et après M. Charcot qui

à l'époque où il signala cette particularité en avait

rencontré cinq à six exemples, nous n'avons plus

trouvé eu fait d'observations de ce genre que la rela-

tion de M. Parinaud. C'est pourquoi le cas que nous

rapportons plus loin, cas dans lequel la migraine oph-

talmique est apparue non pas comme signe de début,

ainsi que dans les observations précédentes, maiscomme

accident survenu dans le cours même de la paralysie

générale confirmée, présente un notable intérêt à ce

point de vue, intérêt que 111. Charcot a bien mis en re-

lief dans l'une de ses Policliniques'.

L'ensemble symptomatique qui caractérise la mi-

graine ophtalmique paraît lié à l'altération d'nne partie

localisée du cerveau, et suivant cette hypothèse, des

plus acceptables, ses signes dépendraient de la lésion

de cette région déterminée des centres nerveux quelle

que soit du reste cette lésion : ischémie, inflammation

adhérence, néoplasme etc. Aussi s'expliquerait-on

que ce même appareil clinique soit susceptible de se

montrer au cours de maladies différentes, mais toutes

capables de réaliser la localisation morbide à laquelle

il correspond. Or, la méningo-encéphalite diffuse par

la répartition même des lésions qui lui sont propres,

satisfait évidemment à cette condition.

' Leçons du mardi à la Salpêtrière, 1887-1888. - Vf° Leçon.

: 324 PATHOLOGIE NERVEUSE.

L'observation qu'a tout d'abord rapportée M.

- Charcot est particulièrement instructive, car elle pré-

vient le médecin, qui se basant sur la bénignité habi-

tuelle ou mieux sur la curabilité de la migraine

ophtalmique formulerait en tous les cas où il la constate

un pronostic favorable, d'avoir à réserver son pronos-

tic en vue de l'imminence, encore que rare, de cette : issue fâcheuse. Voici cette observation :

Observation I. Depuis deux ans, M. L... est irritable, méti-

culeux ; cependant, au mois de juillet dernier, il a pu passer avec : succès un examen de droit devant la Faculté de Paris. Les premiers

troubles qui ont surtout frappé l'attention, remontent au mois de

- septembre 1881; il a eu alors une première attaque, accès de mi-

.graine ophtalmique avec scolome scintillant et affaiblissement de

la vue du côté droit, accompagnés d'embarras de la parole, de

parésie et d'engourdissement du membre supérieur droit. Il est

Testé troublé pendant huit jours, puis, tout est rentré dans l'ordre.

illuit jours plus lard, il a eu une deuxième attaque sans perte de

connaissance, avec embarras de la parole. L'intelligence reste

obtuse pendant vingt-quatre heures; il parait se remettre complè-

tement en apparence; mais il est nerveux, irrité, il peut se

'remettre au travail, cependant. Au mois de février 1882, il a une

troisième attaque avec les mêmes symptômes de migraine; mais en

- outre, il a cette fois des secousses convulsives à caractère épilepti-

forme, avec perte de connaissance. Cela a duré deux heures, ce

qui semble indiquer qu'il y a eu une série d'attaques qui ont pré-

senté cette particularité que les secousses prédominaient à droite.

A la suite de cette attaque, l'embarras de la parole a persisté. Huit

jours plus tard, il a eu une quatrième attaque du même genre, avec

recrudescence de l'embarras de la parole, et faiblesse du bras

droit. Enfin, le Li mai, il a eu une cinquième attaque, avec parésie

du bras droit, suivie le lendemain d'une parésie du membre infé-

rieur droit. Pendant les cinq ou six jours qui ont suivi, il ne pou-

vait dire autre chose que : « à cause que ». Le bras droit est resté

paralysé pendant un mois. C'est surtout à partir de ce moment

que le niveau intellectuel baisse; il est devenu très enfant; il est

docile, mais très mobile, pleurant et riant avec une grande faci-

lité. Il ne peut presque pas écrire de lui-même, mais il copie

cependant une page d'une écriture tremblée. La mémoire est

aussi affaiblie que le jugement et la volonté. Il éprouve de temps

.en temps le scotome scintillant. La démarche est titubante les

MIGRAINE OPHTALMIQUE ET PARALYSIE GÉNÉRALE. 325.

mains tremblent, la langue tremble aussi ; sa parole est à peu près-

inintelligible ; sa physionomie est caractéristique : le regard

éteint, les paupières tombantes, etc. La pupille droite est plus-

dilatée que la gauche : elle n'agit que faiblement par excitation,

lumineuse, même par convergence 1.

Le professeur faisait remarquer au sujet de cette-

observation que la plupart des accès congestifs par-

lesquels s'était manifesté le début de la maladie,,

avaient été précédés des symptômes de la migraine..

Le fait de cette association constitue déjà une pré-

somption de réelle valeur en faveur de la corrélation,

du syndrome et de la paralysie générale, et de la.

commune dépendance des deux manifestations. 111.

Charcot insistait aussi sur la bénignité des dehors sous-

lesquels se cachait le début de celle affection grave..

L'observation suivante qu'a publiée M. Parinaud.

n'est pas moins intéressante. -

Observation II. Troubles visuels à forme hémianopsique,.

revenant par accès, avec engourdissement et parésie du bras, et

embarras de la parole; un an plus tard. perte de la mémoire;,

embarras permanent de la parole.

W..., trente-quatre ans, service de M. Millard, salle Sain)*

Louis, n° 32, hôpital l3eaujon. Le malade ne connaît pas d'antécé-

dents nerveux dans sa famille. Sa mère est bien portante. Son.

père est mort d'une pneumouie. Il n'accuse pas de syphilis ni

d'excès alcooliques; il n'est pas sujet aux migraines. Il a trois

enfants bien constitués, sa femme n'a pas fait de fausses-

couches.

En juillet 1881, sans prodromes, il est pris brusquement de-

troubles de la vue avec engourdissement du côté droit et embar-

ras de la parole. Les accidents oculaires sont caractérisés par le-

développement d'un brouillard du côté droit, au milieu duquel

apparaissent des taches diversement colorées et animées d'un.

mouvement continuel que le malade compare à un essaim de-

papillons. Le brouillard n'a pas envahi le côté gauche; le malade

croit qu'il n'existait que dans l'oeil droit; mais il est probable qu'il

1 M. Charcot. Leçons sur les maladies du système nerveux, t. 1ï1, p. 78..

326 PATHOLOGIE NERVEUSE.

occupait les deux moitiés droites du champ visuel comme cela a

lieu ordinairement. L'erreur est fréquente chez les personnes qui

ne sont pas habituées à ce genre d'observation.

Le trouble visuel a duré un quart d'heure environ. L'engourdis-

sement de la face a débuté en même temps que l'amblyopie ; puis,

la langue s'est prise, ensuite le bras et le tronc, en dernier lieu la

jambe. La crise totale a duré une demi-heure. Quand l'engour-

dissement a envahi le membre inférieur, la face était déjà dégagée

et l'amblyopie avait disparu. Le malade n'a pas eu le sentiment

d'une faiblesse musculaire bien caractérisée dans le côté droit, il

a pu marcher pendant la crise. Il n'y a pas eu de vomissements,

ni de céphalalgie consécutive.

Cinq jours après, nouvelle crise en tout semblable à la pre-

mière. Le malade est resté un an sans éprouver d'accidents sem-

blables ; mais dans cet intervalle, il se produit dans son état un

grand changement dont il a conscience. Sa parole devient embar-

rassée d'une façon permanente, il perd la mémoire. Cocher, il

oublie le nom des rues, et il n'aurait pas pu continuer à exercer

sa profession, dit-il, sans l'assistance d'un valet de pied qui lui rap-

pelait les adresses données par ses maîtres.

Forcé de quittersa place, il entre dansle service de M. Millard où

l'on a porté le diagnostic de pachyméningite chronique.

Le 23 juillet 1882, pendant son séjour à l'hôpital, nouvelle crise.

L'amblyopie transitoire et l'engourdissement ont conservé les

mêmes caractères avec quelques modifications dans leur localisa-

tion. Les accidents ont encore débuté par le côté droit, où ils sont

restés prédominants, mais l'engourdissement a aussi envahi le

membre inférieur gauche, et le trouble de la vue s'est généralisé

à tout le champ visuel. La crise a été moins longue que les deux

premières, elle n'a duré qu'une quinzaine de minutes.

Le 31 juillet, je ne constate aucune lésion oculaire. Les pupilles,

en particulier, sont égales et réagissent bien, l'acuité visuelle est

normale '.

Dans ce cas, la migraine ophtalmique a été le pre-

mier et le seul signe de début tout d'abord. Il s'agis-

sait à la vérité de la variété grave, de la migraine

ophtalmique accompagnées. Ce n'est qu'assez long-

temps après qu'ont apparu les signes révélateurs et

caractéristiques de la paralysie générale. Dans notre

' Parinaud. - Migraine ophtalmique au début d'une paralysie gêné

raie. (Arch. Neurologie, 1883, p. 57.)

MIGRAINE OPHTALMIQUE ET PARALYSIE GÉNÉRALE. 327 -i

observation, au contraire, la migraine n'est survenue

qu'au cours de la méningo-encéphalite diffuse.

Observation III. - Paralysie générale. Accès, incidents d'hémi-

paresthésie, et de migraine ophtalmique. (Antécédents nerveux.

Grossesses malheureuses successives./

Henriette For..., âgée de vingt-sept ans, employée, entre le loir dé-

cembre 1887, dans le service de M. le professeur Charcot, à l'hos-

pice de la Salpêtrière, et occupe le lit n° 11 de la salle Rayer.

Antécédents héréditaires. Grands parents : paternels. Grand-

père inconnu; grand'mère, morte à quatre-vingt-seize ans; grand'

tante épileptique. Maternels : grand-père alcoolique, mort à cin-

quante-six ans, d'une congestion; grand'mère, vit, pas nerveuse.

Parents : père rhumatisant; un oncle paternel, mort à quarante-

quatre ans d'affection cérébrale, inconnue; deux autres oncles, bien

portants, ainsi que deux tantes paternelles; pas de cousins ner-

veux. Mère bien portante, goitreuse; un oncle maternel en

bonne santé; pas de cousins nerveux.

Frères : un frère est bègue depuis l'enfance, un autre en bonne

santé.

Antécédents personnels. H. F... est venue à terme et s'est tou-

jours bien portée pendant son enfance. Elle a été réglée il onze ans.

Aucune maladie dans l'adolescence. Pas d'alcoolisme; ni de syphi-

lis caractérisée par des accidents qu'elle ait remarqués. Mariée à

dix-neuf ans, elle a été enceinte presque tous les ans depuis cette

époque. Au bout de la première année, elle accouche à terme d'un

enfant qui meurt au bout de trois semaines (sans éruptions). La

seconde année, elle accouche à terme' d'un enfant bien portant,

qui meurt d'étranglement herniaire au bout de quinze mois. Elle

fait ensuite successivement cinq fausses couches, de deux, trois,

trois et demi et quatre mois. C'est ci la suite de la dernière fausse

couche, il y a un an à peu près, qu'a débuté l'affection actuelle.

Début (Renseignements pris auprès de la mère de la malade). - Ce

furent tout d'abord des modifications de son caractère qui frappèrent t

sa mère et son entourage. A la suite de discussions futiles, elle

était prise d'accès de colère furieuse et de crises de larmes. Peu à

peu, l'intelligence faiblissait, des tendances dépressives et hypo-

chondriaques tout à fait contraires à son naturel, ordinairement

gai, se manifestaient.

Accès hémi-paresthésiques. - Il y a six mois (en juillet), elle fut

prise d'une sorte d'attaque. Elle était dans sa boutique à travailler,

quand elle ressentit une sensation pénible d'engourdissement qui

débuta par la langue, les lèvres et le côté droit de la face, s'élen-

dit au bras droit qui paraissait à la malade lourd et gonflé, puis à

' 328 . pathologie NERVEUSE.

la jambe droite. La parole devint en même temps presque impos-

site. Il n'y eut pas de perte de connaissance.

Ces phénomènes « engourdissement et embarras de la parole,

persistèrent pendant deux mois », tout en s'atténuant, sans s'accom-

. pagner à aucun moment de paralysie. La malade ne boitait pas,

.et se servait de la main, malade aussi bien que de l'autre. Un mé-

- decin appelé à celte époque, aurait constaté de l'anesthésie- du

même côté. - Il la piquait, dit-elle, sans qu'elle sentît. Depuis cet

- temps, les phénomènes d'engourdissement ont disparu ; l'embarras

de la parole ne s'est qu'amélioré, sans que l'élocution revînt à l'état

normal. Les troubles intellectuels et moraux restant en l'état.

. Migraine ophtalmique. Il y a quinze jours, un matin, elle

éprouva des impressions lumineuses dans l'aeil gauche « elle voit

des flammèches » (elle nous représente ses sensatiuns par un dessin),

en mêmé temps « elle n'aperçoit plus que la moitié des figures

pendant qu'elle servait le monde. »; ces sensations durent une

heure ou deux, puis un violent mal de tête leur succède, siégeant

dans la région frontale sus-orbitaire : des vomissements bilieux

terminent la crise à la' suite de laquelle elle s'alite. Le lende-

main le même accès se reproduit, semblable en tout au précédent

(sceostome, hémiopie, céphalalgie, vomissements)sans aphasie, ni

phénomènes moteurs.

Depuis elle ne se plaint plus que d'embarras de la parole; mais

on remarque la faiblesse de ses conceptions, - elle est parfois

comme un enfant- la diminution de sa mémoire, et l'altération

de son caractère, ce pourquoi elle est conduite à la consultation.

Etat actuel (7 décembre 1887). - C'est une femme de moyenne

constitution, au teint assez coloré. Les traits sont contractés, et

elle paraît plus que son âge. L'expression de la physionomie est

insipide.

Troubles psychiques. - Quoique par l'interrogatoire on observe

un affaiblissement de l'intelligence, le jugement est peu affecté.

Elle répond assez précisément, mais comprend souvent difficile-

ment. Elle nous dit s'appliquer avec beaucoup de difficulté. La

mémoire est affaiblie : elle se souvient toutefois des principaux

épisodes de son affection. L'altération de la mémoire porte surtout

sur les faits récents, et en particulier sur les noms propres. Le ca-

ractère de tristesse, d'indifférence de son affectivité, s'est modifié;

actuellement, elle est plus gaie, satisfaite de son sort.

Embarras de lu parole. - L'embarras de la parole est très marqué.

Elle prononce les mots lentement, en scandant, abrège certaines

paroles difliciles. L'embarras de la parole augmente lorsqu'on

fait parler plus longtemps la malade et aboutit presque au bre-

douillement.

L'écriture est tremblée, certaines parties de lettres, ou des lettres

même sont oubliées. L'urbiculaire des lèvres el la langue sont

migraine ophtalmique ET paralysie générale. 329

animés de secousses fibrillaires : le tremblement de la langue est

surtout notable quand la langue est tirée. La force dynamomé-

trique des membres supérieurs est conservée; les doigts sont ani-

més d'un léger tremblement.

Les réflexes rotuliens sont forts à droite. Il n'y a pas de troubles

de la sensibilité; les pupilles sont inégales, la gauche étant plus

grande que la droite. - l'as d'insomnie. Les autres fonctions

s'accomplissent bien : ni troubles digestifs, ni troubles génésiques

ni menstruels.

Quoique notre intention soit de n'insister ici que

sur la combinaison de la migraine ophtalmique avec

la paralysie générale, on nous permettra de faire re-

marquer en passant l'intérêt étiologique que présente

cette dernière observation. Il est rarement donné, en

effet, de pouvoir établir avec autant de netteté l'in-

fluence des causes tant prédisposantes que déterminan-

tes. L'hérédité arthritico-nerveuse de la malade est in-

contestable ; sa grand'tante était épileptique, son

grand-père paternel alcoolique, de plus son père lui-

même est rhumatisant; ajoutons enfin qu'un de ses

frères est bègue.

On peut sans trop préjuger, considérer l'influence

dépressive, physique autant que morale, d'une succes-

sion rapide de couches malheureuses, dont la mort du

dernier enfant a été l'épisode ultime, comme la cause

occasionnelle qui a mis enjeu la tendance héréditaire

ci-dessus justifiée.

Il s'est aussi produit dans ce cas, une attaque d'é-

pilepsie sensitive bien caractérisée, attaque dont la

parenté avec la migraine ophtalmique est établie tant

par la clinique que par la thérapeutique. Ce n'est que

six mois après cet accès, un an après les phénomènes

vagues du début de la paralysie générale que la ma-

lade fut prise d'un accès de migraine que malgré sa

330 pathologie NERVEUSE.

débilité intellectuelle, elle a pu nous décrire avec la

plus grande précision, et qui s'est conformé de tous

points aux descriptions classiques de M. Charcot.

Nous avons eu depuis l'occasion d'observer de nou-

- veaux exemples de migraine ophtalmique suivis de

paralysie générale, et leur nombre joint aux précé-

dentes observations suffit à établir définitivement

l'existence de cette combinaison.

Cette notion de l'apparition de la migraine ophtal-

mique soit au début, soit au cours de la paralysie

générale, n'offre pas la seule valeur théorique d'une

pure combinaison pathologique, mais encore soulève

quelques questions intéressantes à un point de vue

pratique qu'il nous reste à indiquer.

Le syndrome peut, par son ingérence dans le ta-

bleau clinique, donner lieu à de notables difficultés de

diagnostic. M. Charcot a démontré, comme on sait,

qu'il n'est aucun des phénomènes de la migraine

ophtalmique, de ceux qui sont ordinairement transi-

toires, qui ne puisse s'établir à l'état permanent :

tels l'engourdissement de la face et de la main, les

attaques épileptoïdes, l'hémiopie, l'embarras de la

parole... Or, s'il arrive par exemple que ce dernier

signe, l'embarras de la parole vienne à persister chez

une migraineuse, il deviendra très malaisé de déter-

miner la valeur clinique de ce symptôme, connaissant

ces rapports de la migraine et de la paralysie géné-

rale. Cet embarras de la parole n'est-il qu'un résidu

de migraine, ou bien représente-t-il un phénomène

de début d'une méningo-encéphalite commençante,

ou enfin indique-t-il une combinaison des deux affec-

tions ?

migraine ophtalmique ET paralysie générale. 331

Eh bien, précisément la malade dont on a lu l'his-

toire, attirait surtout notre attention sur les phéno-

mènes récents de sa migraine qui l'avaient surtout

frappée, et de plus elle les racontait avec beaucoup de

netteté, de sorte que nous avions pu penser, à un

premier examen, qu'elle n'était atteinte que de mi-

graine ophtalmique accompagnée avec persistance de

l'un des symptômes : l'embarras de la parole.

On concevra, sans qu'il soit besoin d'y insister,

toute l'importance qu'acquiert au point de vue du

pronostic un diagnostic exact dans un cas de ce genre,

en se rappelant que si c'est la seule migraine qui est

en jeu, il ne s'agit que d'une affection assez bénigne

et dont on aura tout lieu d'espérer la guérison à

l'aide du traitement bromure', tandis que si c'est la

paralysie générale qui est en jeu, on devra s'attendre

à l'issue fatale qui est de règle. Dans un cas donc,

pronostic favorable et dans l'autre des plus graves.

La difficulté peut même s'accroître d'autant plus

qu'on aura affaire à une de ces formes de paralysie

générale dite congestive par M. Falret, forme dans

lesquelles, du moins au début, on ne constate pas

d'idées délirantes.

Cette particularité de l'histoire de la migraine oph-

talmique prête ainsi qu'on le voit à des considérations

pronostiques dignes d'attirer l'attention. Il faudra en

tenir sérieusement compte dans les cas de migraine

ophtalmique simple, plus encore dans ceux de migraine

ophtalmique accompagnée, plus enfin si l'un des signes

' Gilles de la Tourette et P. Blocq. Sur le traitement de la migraine

ophthalmique accompagnée. (Progrès médical, 1886, t. V, p. 477.)

332 pathologie nerveuse. -- MIGRAINE ophtalmique.

- de la migraine est devenu permament ; dans cette

constante présomption que l'affection ne soit sympto-

matique, on recherchera des symptômes de paralysie

générale, et en tout cas, même en l'absence de tout

- autre indice de méningo-encéphalite, il sera prudent

de formuler des réserves..

Il nous reste à déterminer la nature de cette rela-

tion de la migraine ophtalmique et de la paralysie

générale. Sans doute, y a-t-il là plus qu'une coïnci-

dence, et existe-t-il des liens anatomiques pour relier

le syndrome à la maladie.

Ainsi que déjà nous l'avons fait pressentir, il ne

saurait y avoir beaucoup de doutes à cet égard. En

effet : au point de vue clinique, les connexions qui

existent entre les phénomènes congestifs sensitifs, et

le mode d'apparition et de succession des accidents de

la migraine et de la paralysie générale, comme au point

de vue anatomique la pathogénie elle-même attribuée

à la migraine, représentent autant d'arguments qui

rendent vraisemblable cette hypothèse, à savoir que

l'apparition de la migraine ophtalmique comme syn-

drome, soit au début, soit au cours de la paralysie

générale, tient à la localisation spéciale qu'affectent

alors les lésions ordinairement diffuses de la méningo-

encéphalite.

La comparaison se ferait assez justement avec ce

qui se passe pour l'épilepsie partielle motrice dont

les accès ne sont eux aussi qu'un syndrome de locali-

sation, et qui par eux-mêmes ne nous renseignent que

sur la région des centres nerveux qui est touchée, ' et

nullement sur la façon dont cette région est atteinte.

Ainsi, si pour une raison que nous ne saurions dé-

DE LA SUBSTANCE GRISE. 333

terminer, les lésions propres à la paralysie générale

viennent à occuper, soit au début, soit ultérieurement,

les zones cérébrales dont l'altération provoque le

syndrome de la migraine, celle-ci précédera ou accom-

pagnera les signes de la méningo-encéphalite.

ANATOMIE PATHOLOGIQUE

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES LÉSIONS IIISTOLOGIQUES DE

LA SUBSTANCE GRISE DANS LES ENCÉPHALITES CHRO-

NIQUES DE L'ENFANCE 1.

Par 1. PILLIET,

Interne des Hôpitaux, aide-préparateur d'histoloêie à la Faculte de médecine.

»

La moelle cervicale a ses parties symétriques, mais il y a dispa-

rition à peu près complète des cellules motrices dans les deux

cornes antérieures. Il existe encore des cellules nerveuses en

assez grand nombre dans les cornes postérieures.

Les cordons blancs de la moelle lombaire et les cornes anté-

rieures, qui sont symétriques, contiennent un certain nombre de

grandes cellules, relativement très peu abondantes, se colorant

mal par le carmin. Il y en a beaucoup moins encore dans les

cornes postérieures.

Sur des fragments du biceps gauche, on voit de l'épaississe-

ment des grosses travées conjonctives qui cloisonnent le muscle,

les petites travées ne sont pas modifiées. Les faisceaux muscu-

laires eux-mêmes ne paraissent pas altérés.

Nous voyons que donc dans l'encéphale, il existe une inflamma-

lion.chronique (encéphalite) à différents degrés; dansla moelle, le

même processus parait plus avancé encore, et l'atrophie des élé-

ments nerveux portée très loin. Ces lésions sont générales et dif-

fuses. Il n'y a nulle part cette dégénérescence pigmentaire que

l'on observe à la période de tuméfaction des cellules dans la para-

lysie générale.

1 Yoy. Arch. de Neurologie, n° J3, p. 177.

334 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

L'atrophie des circonvolutions et de la moelle résulte donc de

la condensation de la névroglie et de l'atrophie des éléments

nerveux eux-mêmes et est masquée en partie à l'oeil nu par la

prolifération scléreuse. Ce processus paraît s'être fait d'une façon

chronique pour l'ensemble et subaiguë sur certains points diffus;

ce qui coïncide avec la prédomidance de quelques symptômes à

gauche. -

Malgré l'atrophie plus marquée du côté gauche du corps, il n'y

a pas de lésions en foyers à droite, ceci n'est pas rare dans les

cas semblables. D'ailleurs les deux hémisphères étaient égaux en

poids. Les lésions assez légères d'ailleurs observées du côté des

méninges, les adhérences de la pie-mère, sont beaucoup trop

faibles pour pouvoir rendre compte des phénomènes observés et

sont évidemment consécutives aux désordres de la substance

grise. (Bourneville et Pilliet, Soc. anat., 1886.)

Disons un mot des lésions de la névroglie, pour

n'avoir plus à y revenir, On sait que, beacoup moins

fibrillaire dans le cerveau que dans la moelle, elle l'est

surtout extrêmement peu en apparence chez le nou-

veau-né, où elle a presque un aspect laiteux, et chez

l'enfant. Pourtant ce que nous observons ici c'est un

aspect plus opaque de cette névroglie, aspect plus

marqué en certains points, à la surface de l'écorce;

puis sur d'autres points on y perçoit nettement des

fibrilles, quoique la pièce n'ait pas été traitée par les

chromates, et ces fibrilles, assez épaisses, s'aperçoivent

surtout parce qu'elles circonscrivent des vacuoles plus

claires et forment un feutrage bien visible. Nous

sommes conduits par analogie d'aspect à appeler sclé-

reux ces foyers, bien qu'il n'y ait pas de tissu con-

jonctif véritable.

L'état actuel de nos connaissances sur la névroglie

normale n'est pas assez avancé pour que nous tentions

d'interpréter ces états et de les rapporter à des modi-

fications des cellules de la névroglie, nous nous bor-

nons à les signaler.

DE LA SUBSTANCE GRISE. 335

Le rôle des vaisseaux dans ces lésions déjà anciennes

paraît peu considérable. Nous verrons chez des idiots

plus jeunes qu'il n'en est pas toujours ainsi et que les

lésions sont plus marquées toujours autour des capil-

laires de l'écorce, quand on a constaté des adhérences

assez nombreuses.

Observation II. L'enfant Enderl., 1881-1886 présentait ce fait

rare, d'alcoolisme chez un sujet Je quatre ans. On pourra se

reporter aux détails de son observation clinique, qui a été publiée.

Il était atteint de convulsions et d'épilepsie a accès rapprochés,

après avoir élé bien portant jusqu'à trois ans. Il était gâteux et

avait des accès de colère. Mort de diphthérie. A l'autopsie mé-

ninges très adhérentes au cerveau.

Examen histologique. a. Lobe frontal de l'hémisphère gauche. -

Les méninges sont restées adhérentes sur les coupes ; et on les

voit constituées surtout par des vaisseaux très dilatés et remplis

de sang; les veines sont particulièrement énormes; les capillaires

qui plongent dans la substance cérébrale sont aussi très gonflés

et parfaitement visibles,, quelques-uns sont rameux.

Dans la substance grise, la couche superficielle de névroglie a

son épaisseur normale, peut-être les noyaux des cellules sont-ils

un peu plus abondants que chez un enfant sain du mime âge. La

seconde couche, celle des petites cellules pyramidales, présente

des altérations dans le nombre de ces éléments qui est extrême-

ment diminué et dans leur disposition réciproque.

Au lieu de former un mur de cellules serrées, visibles au pre-

mier coup d'oeil, elles sont assez dispersées, par groupes, de trois

à cinq, eu sorte qu'on ne retrouve pas à un faible grossissement

l'aspect connu de celte couche, et qu'il en faut chercher les élé-

ments. Dans les deux couches suivantes, couche des cellules pyra-

midales moyennes et couche des grosses cellules, on observe vu la

grosseur des éléments, des lésions plus nettes. Les cellules sont

diminuées de nombre; en revanche les noyaux petits et sphé-

riques qui révèlent les cellules névrogliques sont augmentés et

dispersés. Les cellules au lieu d'être disposées en série régulières,

bout à bout, limitées par les libres d'origine de la substance

blanche, présente ces mêmes séries morcelées par disparition de

cellules intercalaires ; en sorte qu'on ne voit que des groupes con-

tinus de plusieurs cellules en nombre assez restreint, ressemblant

à des capsules allongées de cellules de cartilage. Les cellules

situées à la limite des deux couches intermédiaires, aux grandes

cellules pyramidales et aux moyennes, présentent à son maximum

336 anatomie pathologique.

une altération dont on retrouve des états différents sur toutes les

couches. Elles sont d'abord gonflées, hyalines, avec une accumu-

lation considérable de granules jaune d'ambre autour des

noyaux ; puis restant toujours hyalines, elles sont beaucoup plus

petites, ont une forme en fuseau, et n'offrent pas de prolonge-

ments distincts. Enfin, à un troisième état, on ne voit qu'un

noyau sphérique, avec un- petit amas de granules réfringents

autourde lui. La plupart des cellules sus-mentionnées, présentent

les ditiérents degrés de celt e altération avec cetle particularité que

beaucoup des cellules que l'on voit dans un même champ du mi-

croscope, sont à peu près au même état; tandis que, plus loin, on

rencontre des groupes de cellules à autre état. Les capillaires dans

ces deux couches sont ramifiés et dilatés, mais leur développe-

ment n'est pas excessif.

Dans la couche suivante de la substance grise et dans la subs-

tance blanche, ce qui domine c'est l'accumulation des noyaux des

cellules interstitielles. Il n'y a qu'un petit nombre de corps granu-

leux. En résumé, on constate la congestion vasculaire, la multi-

plication des cellules de la névroglie et la disparition des cellules

nerveuses, disparition qui nous est expliquée par les différents états

aboutissant à l'atrophie que l'on peut observer sur les coupes.

Sur une coupe du lobe pariétal, les lésions sont absolument du

même ordre, mais plus avancées, et paraissent avoir marché du

centre à la périphérie. En effet, si nous reprenons l'étude des

couches en sens inverse, nous voyons d'abord la substance blanche

très vascularisée et présentant les figures connues sous le nom

d'éléments araignées. La couche intermédiaire, couche des fibres

arquées, et la couche des grandes cellules pyramidales ne se com-

posent plus que de faisceaux fibrillaires descendants avec de

nombreuses cellules interstitielles, et c'est dans la couche des

cellules pyramidales moyennes que l'on retrouve l'évolution des

lésions cellulaires telles que nous venons de l'indiquer. Au-dessus,

la sérialion des cellules a tout à fait disparu. La couche la plus

superficielle de la substance grise a été en partie enlevée avec les

méninges, surtout aux points de pénétration des capillaires.

Sur une coupe du lobe occipital, une portion assez considérable

de substance grise a été enlevée avec la pie-mère, ce qui, en

reste présente une diminution portée à l'extrême des éléments

pyramidaux. A la limite de la substance blanche, l'accumulation

des noyaux petits et sphériques des cellules interstitielles est très

marquée. Dans les portions périphériques, au contraire, les élé-

ments cellulaires sont rares et dispersés au milieu d'un tissu

cellulaire abondant.

b). Cervelet, hémisphère droit, rien à noter. Les cellules de

Purkinje, sont admirablement conservées. En résumé, les lésions

paraissent plus marquées sur les régions postérieures de l'hémis-

LÉSIONS DE LA SUBSTANCE GRISE. 337 I

phère et se composent toujours des deux mêmes éléments, sclérose

interstitielle etlésions des cellules pyramidales, évoluantparallèle-

ment.

c). Moelle cervico-dorsale. Les cordons blancs sont, symétri-

ques ; dans la substance grise, tuméfaction hyaline assez peu

accentuée dans les cellules des cornes antérieures; les cornes sont

égales; le canal de l'épendyme est intact.

d). Moelle lombaire. Même aspect, congestion intense des

méninges (Bourneville et Baumgarten, Soc. anatomique, 1888).

Les lésions, dans ce cas, étaient bien celles de la

méningo-encéphalite; presque tout le cerveau, après

décortication, présentait un aspect tomenteux et irré-

gulier ; une portion assez épaisse de la substance grise

avait été enlevée avec la pie-mère. Les lésions de

l'écorce étaient pourtant fort semblables à ce qu'on

voit avec une adhérence moins forte des méninges.

On est ainsi porté à croire que la pièce- examinée pré-

sentait des accidents à leur début; ce qui concorde

avec l'observation clinique. On peut donc ainsi saisir

le stade de néoformation vasculaire, dont l'adhérence

méningée est la preuve. En effet, c'est, comme nous

l'avons vu, parce que les vaisseaux sont épaissis et

rameux qu'ils enlèvent avec eux des portions de

l'écorce. Ce malade était non seulement idiot, mais

épileptique, ce qui s'accorde encore avec une lésion

active, en pleine évolution, déterminant une irritation

assez forte.

On a dit que les vaisseaux paraissaient plus nom-

breux à cause de l'atrophie du cerveau. C'est pour la

paralysie générale que cette opinion a été émise,

quoique cette atrophie soit réelle; et il suffit de com-

parer le cône restreint de substance blanche qu'on

voit sur les coupes de la circonvolution dans ces cas

Archives, t. XVIII. 22

338 8 anatomie pathologique.

et dans les cas normaux pour la constater; le réseau

vasculaire tel que nous l'avons vu et fait dessiner

nous paraît en grande partie néoforme.

Observation III. - Voici maintenant un cas d'idiotie avec

- induration du cerveau, dans -lequel la mort a été précoce; il

n'y avait pas d'altération de la moelle.

Pruvo..., 1877-1885. Idiotie complète, excès de boisson du père ,

mère nerveuse, quatre frères et soeurs mortes de convulsions.

Premières convulsions à six mois, secondes à neuf; puis con-

vulsions tous les mois jusqu'à quatre mois. Succion, gâtisme, etc.,

mort à huit ans; à l'autopsie, induration des hémisphères; les

lésions étant semblables, l'examen n'a porté que sur le côté droit.

Examen U1STOLOG ! QUE. - Coupe d'une circonvolution prise dans le

lobe frontal. - La substance grise est très mince ; on n'y retrouve

qu'avec peine des traces de sériation des éléments soit parallèle,

soit perpendiculaire à la surface de l'hémisphère; quelques foyers

opaques, peu abondants dans les couches superficielles. Dans les

inférieures, rareté des grandes cellules, abondance d'éléments

sphériques de moyen volume, groupés par quatre oa six, nom-

breuses petites cellules dans la substance blanche; vascularisation

relativement peu développée.

On a peine à retrouver une cellule nettement triangulaire dans

n'importe laquelle des couches de la substance grise. - Coupe au

niveau du lobule paracentral. La vascularisation est plus marquée

et morcelle le tissu. La première et la seconde couche ne se peu-

vent distinguer, il n'y a pas de transition nette entre les deux. De

temps en temps existe un groupe de cellules rondes, peu nom-

breuses, sans épaississement de la névroglie, puis des amas plus

volumineux autour desquels le réseau devient opaque, et, par

places des foyers dans lesquels le centre se parsème de fines

vacuoles. L'infiltration de toute la substance grise par les élé-

ments sphériques est nettement accusée. Les cellules des couches

profondes sont groupées par petits îlots, comme dans le lobe

frontal; même rareté des éléments pyramidaux ; cependant on en

retrouve quelques nids, mais elles sont petites et effilées.

La substance blanche est toute parsemée de corps granuleux;

les espaces périvasculaires très dilatés.

Dans une circonvolution prise sur le lobe occipital, les foyers de

désintégration, à centre vacuolaire sont assez étendus pour

qu'on les distingue à l'oeil nu sur les coupes. Ils s'étendent jus-

qu'à la substance blanche. Le centre est occupé par un réseau

à mailles très lâches, à grands interstices. Ces petits points

apparaissent donc comme des taches sombres semblables aux glan-

des qu'on voit sur la coupe d'un zeste de citron ou d'orange, quand

LÉSIONS DE LA SUBSTANCE GRISE. 3391

on pratique une section nette de la circonvolution. Ils sont au

contraire réservés en blanc sur les pièces colorées. Autour d'eux,

la sériation longitudinale, est assez bien conservée; mais les

cellules du parenchyme sont très petites, d'ailleurs l'épaisseur dn

revêtement gris est très faible.

La substance blanche offre l'aspect d'une véritable émuision de

myéline. Cet état, dû à la macération de la pièce dans l'alcool'

empêche qu'on juge des lésions qu'elle peut présenter, même sur

les pièces dégraissées aux essences et montées au baume de

Canada.

Dans le cervelet, la couche névroglique est très aplatie, son-

réseau se voit fort bien, les mailles en étant espacées par un infil-

trât qui devait être assez abondant, à en juger par les vacuoles que

présente cette couche. Les cellules de Purkinje sont rares et très

espacées les unes des autres. Les myélocites sont aussi très peu

serrés dans la couche suivante. Il existe quelques corps granuleux

dans la substance blanche.

La moelle cervicale ne présente pas d'asymétrie ni de sclérose de

la substance blanche, les cornes prises sont régulières, leurs

colonnes cellulaires, surtout les antérieures et la colonne de Clarke

sont bien conservées et présentent des cellules nettes avec pro-

longements normaux. L'épendyme est régulier, son épithélium

est en place.

Dans la moelle dorso-lombaire, il n'y a non plus rien à noter;

l'épendyme est doublé d'une gaine de cellules polygonales; les

cellules sont normales et les tubes sont sains tant la moelle que e

dans les racines coupées avec elle.

Ainsi, avec des lésions étendues de la convexité

des hémisphères, nous trouvons une moelle relative-

ment saine; donc on peut supposer que les lésions

diffuses, si avancées parfois, que l'on trouve dans la

moelle en d'autres cas, ne sont consécutives qu'à l'alté-

ration lente de l'encéphale. Les lésions de la convexité

sont ici très marquées, l'idiotie était profonde, et les s

convulsions étaient précoces et fréquentes.

Notre maître, le Dr Bourneville, pense qu'il faut

faire jouer un grand rôle dans ces cas à l'asphyxie des

nouveau-nés, comme cause de l'idiotie. Nous ne dis-

cuterons point ici la pathogénie des lésions, mais le

340 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

nombre des apoplexies des nouveau-nés est si consi-

dérable dans les autopsies des maternités que cette

opinion nous paraît très plausible. On peut voir sur

ce sujet la thèse du Dl' Hutinel, élève de Parrot, qui

' plaide aussi en ce sens.

Observation IV. Chez un autre idiot de cinq ans : Faur...

(l8î9-1881) atteint d'idiotie complète avec épilepsie, et fils d'un

alcoolique, on trouva de l'hydrocéphalie partielle. Les convulsions

avaient débuté à quatre mois, suivies d'un véritable état de mal

convulsif. On trouve de plus notés des cris, accès de colère, etc.

Examen IIISTOLOGIQUE. -Coupes du lobe paracentral droit. - Les

couches de la substance grise ne sont pas distinctes les unes des

autres; elles ne sont pas encore dessinées, et, à ce point de vue

ce cerveau ressemble à celui d'un nouveau-né. Mais il en diffère

par la rareté des éléments cellulaires étoilés qui sont grêles

et allongés, alignés sur des files qui ne comprennent qu'un seu

rang de cellules mises bout bout, au lieu d'offrir des colonnettes

cellulaires où les éléments se trouvent abondants et côte à côte.

Il existe un certain nombre de foyers plus opaques, plus abon-

dants en noyaux, dans la première et la seconde couche. Sur

quelques-uns on voit nettement un vaisseau occuper le centre de

l'amas. Les dilatations vasculaires sont très nombreuses; les

petits amas de cellules rondes sont abondants entre la première

et la seconde couche, constituant le premier degré de l'altération

en foyer. Ils sont enveloppés d'une atmosphère névroglique plus

opaque, et paraissant plus épaisse que celle qui l'entoure dans

l'épaisseur des couches, on peut voir ça et là quelques rares cel-

lules à contour peu distinct, à noyaux multiples. La paroi des

vaisseaux parait sur certains points épaissie, mais il n'y a pas

d'accumulations de leucocytes dans les gaines. La substance

blanche présente un très grand nombre de corps polycycliques,

réfringents, ressemblant à des corps amyloides et qui paraissent

résulter de la fusion d'anciens corps granuleux.

Dans le lobe paracentral gauche, on constate des lésions exac-

tement semblables.

L'hippocampe gauche a été examiné aussi; il présente des

lésions beaucoup moins avancées que la convexité; les sériations

longitudinales s'y peuvent distinguer; il existe seulement une

vascularisation rameuse assez développée; les grandes cellules

pyramidales de la région sont petites et entourées de myélocytes.

La moelle cervicale présente une disparition à peu près com-

plète des deux groupes latéraux de la corne antérieure. Le

ENCÉPHALITES CHRONIQUES : LÉSIONS DE LA SUBSTANCE GRISE. 341

groupe antérieur de celte corne ainsi que la colonne de Clarhe

sont conservés. Cette lésion est symétrique. La partie du faisceau

latéral comprise dans la concavité des cornes est légèrement

sclérosée, il n'y a rien de plus à noter dans la substance blanche

que des espaces étoilés dépourvus de tubes nerveux, assez nom-

breux dans les cordons postérieurs. Les cellules des cornes posté-

rieures sont très rares. Le canal de l'épendyme est rempli par une

substance grenue où se trouvent en assez grande abondance des

cellules rondes. Le revêtement épithélial est incomplet, ses cel-

lules sont aussi sphériques. Les deux vaisseaux qui accompagnent

le canal sont petits et entourés d'une gaine hyaline asez épaisse.

Les deux substances sont parsemées de corps granuleux. Sur un

fragment de muscle avec son nerf, pris à l'avanl-bras, on constate'

un fort épaississement du périnèvre; la gaine lamellaire et les

cylindres-axes sont normaux; il en est de même des faisceaux

musculaires, qui, sous les coupes transverses, sont serrés et sans

sclérose interstitielle. On note seulement une différence de

volume et de réfringence de leurs tubes semblable à celle qu'on

observe sur les jeunes sujets, dans la langue du nouveau-né, par

exemple. On observe en assez grand nombre les figures signalées

par M. Babinski en 1886 (Soc. biol.), des fibres musculaires jeunes

se montrent enveloppées d'une gaine lamellaire absolument sem-

blable à celle des nerfs. Il nous a même semblé en voir côte à

côte 'avec des tubes nerveux dans la même gaine; mais nous ne

pouvons l'affirmer en l'absence de préparations à l'acide os-

mique.

Nous trouvons donc toujours la même lésion de

l'écorce se produisant toujours au même point; de

plus, ici, les lésions de la moelle existent, portant sur

les cellules nerveuses elles-mêmes, avec très peu de

lésions de la conductibilité. Les symptômes d'idiotie

complète concordent avec les lésions diffuses de la

convexité, comme dans nos autres cas. Seulement ici,

l'examen comparatif de cerveaux de nouveau-nés

nous a été utile pour préciser les lésions, à cause de

l'âge peu avancé du sujet; de même que dans le

cas suivant :

Observation V. - Paugno... (Charles), 1880-1883; grand'père

maternel alcoolique ; mère nerveuse; frères morts de convulsions;

.7342 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

convulsions à six semaines, rougeole, -tubercules ; idiotie com-

plète.

A l'autopsie, un certain degré d'hydrocéphalie, épaississe-

mient et adhérences des méninges par places; état chagriné des

circonvolutions.

Examen iiistologique. Coupes faites à la convexité. L hémis-

phère droit était plus atrophié que le gauche. Du côté droit, vas-

cularisation ramifiée assez marquée; les grandes cellules pyrami-

dales, peu nombreuses, sont à peu près les seuls éléments.

caractéristiques que l'on retrouve dans la hauteur des couches. La

substance blanche présente une grande quantité de corps amyloïdes

très volumineux, qui se colorent assez fortement par. 1'liéma-

toxyline et restent entièrement incolores par le carmin.

L'aspect est à peu près semblable sur les coupes prises dans

l'hémisphère gauche, on ne voit que de l'atrophie simple, sans les

taches de désintégration que nous avons si souvent retrouvées.

C'est donc un exemple de l'atrophie simple, ou

-plutôt du non-développement, sans taches de dégéné-

rescence; soit qu'elles n'existent plus, soit que le

.processus d'atrophie ait été différent, ce que nous ne

(pouvons savoir à cause du très jeune âge du sujet.

Notons que chez les nouveau-nés, sur des coupes

'faites pour pouvoir comparer les deux états, la limite

'entre la première et la seconde couche de l'écorce est

- toujours très marquée, celle-ci bien nette et riche en

- cellules, ainsi que les suivantes, comme chez les ani-

.maux jeunes, chien, chat, lapin, cobaye; les éléments

- vont seulement diminuant de nombre vers la qua-

trième couche de cellules de l'écorce grise :

Observation VI. - Assas..., 1876-1884. Idiotie congénitale

- complète. Père alcoolique, balancement antéro-laléral. grince-

unents de dents fréquents, accès de colère, cris diurnes et noc-

turnes, parole nulle, gâtisme, diarrhée habituelle.

Examen iiistologique. - Coupe au niveau de la première fron-

- tale droite. Vascularisation rameuse très développée dans les

. couches superficielles de la substance grise; beaucoup de foyer. :

.de désintégration assez étendus; quelques-uns sont même formés

Je long des vaisseaux dans la partie profonde de l'écorce. Les

LÉSIONS DE LA SUBSTANCE GRISE.- 33 3

espaces péri-vasculaires sont dilatés; les gaines infiltrées de corpui-

cules de Gtuge, surtout dans la substance blanche. Les cellules

pyramidales ne sont serrées que par place, elles sont peu nom-

breuses et de petit volume. La substance blanche est toute infiltrée

de petites cellules rondes, disposées par places en petits amas

miliaires assez bien circonscrits. Elle présente un grand nombre

de corpuscules de Gliige et de corps amylacés, irréguliers, volu-

mineux. Les plus gros sont creusés d'une cavité remplie de

leucocytes.

Les coupes au niveau du lobule paracentral montrent les mêmes

lésions plus avancées, les foyers de désintégration forment des

taches grises occupant toute la hauteur de la substance grise

dans les intervalles qu'ils laissent entre eux, elle offre les mêmes

caractères que ci-dessus.

Dans le lobe occipital, l'état est le même. Il existe autour de

beaucoup de vaisseaux des taches opaques formées d'amas de

cellules dont les noyaux sont très gros et dont les corps cellulaires

ne paraissent pas distincts les uns des autres.

La moelle cervicale examinée après coloration au picro-carmin

et montage au baume présente des lésions diffuses très mar-

quées dans la substance blanche. Il existe de véritables plaques à

contour irrégulier, foncées, formées de tissu scléreux, contenant

pourtant des tubes par endroits, ces plaques occupent tout le

cordon postérieur et toute la partie des cordons antéro-latéraux

comprise dans les concavités antérieure et latérale de la moelle

grise. Dans celle-ci, les îlots cellulaires sont isolés, peu nombreux

en avant, les cornes postérieures n'offrent qu'une très faible

quantité de cellules. Les parois vasculaires sont épaissies.

On voit que les cerveaux d'idiots ^donnent un cer-

tain nombre de résultats comparables. Mais ces résul-

tats ne sont pas spécifiques, car dans l'idiotie avec

l'épilepsie, ou dans^la démence épileptique, nous les

retrouvons, coïncidant il est vrai, avec les mêmes

lésions d'atrophie et d'état chagriné à l'oeil nu.

L'atrophie et l'état chagriné des circonvolutions se

retrouvent dans l'observation suivante :

Observation VII. - Beno..., né le 3 mai 1873, mort le 12 février

1884. A quatre ans, premiers vertiges, accès d'épilepsie à cinq

ans, gâtisme à la même époque, déchéance intellectuelle à partir

de cinq ans et demi. Salacité, conjonctivite pmalente, varioloido

en 1881. -

344 AMATOMIE PATHOLOGIQUE.

A l'autopsie, on constate que l'épilepsie est symptomatique

d'une atrophie considérable de l'hémisphère droit du cerveau et

de l'hémisphère cérébelleux gauche, atrophie caractérisée par un

amaigrissement profond des circonvolutions.

Examen IIISTOLOGIQLE. - Coiipes du lobe frontal droit. La pre-

mière couche est très réduite, composée d'un réticulum fin où les

^noyaux de cellules sont rares. Entre cette couche et la seconde

existe une bande sombre, régnant tout le long des circonvolutions

coupées et présentant ça et là des points plus épais, lesquels

déterminent de véritables taches grises, visibles à l'oeil nu par

transparence. Cette bande empiète sur la couche des petites cel-

lules pyramidales qu'elle remplace par endroits entièrement,

débordant sur la troisième couche de l'écorce. C'est une nappe

uniforme composée d'un tissu névroglique plus serré, à trame

plus fine, qu'au-dessus, les noyaux cellulaires petits et fixant éner-

giquement les colorants y sont abondants, dispersés par petits

groupes, mais toujours espacés les uns des autres. Les vaisseaux

sont dilatés. Cette bande tranche très visiblement sur les coupes.

Elle interrompt entièrement la sériation des cellules en colonnes

longitudinales. Cette sériation reparait au-dessous. Les cellules

sont abondantes, surtout les éléments nucléaires et fusiformes; il

y a peu d'éléments pyramidaux. En beaucoup d'endroits, sous la

nappe de remaniement indiquée, les colonnes longitudinales ne

se reproduisent pas et l'on a des Ilots irréguliers, circonscrits par

les vaisseaux dilatés et pauvres en cellules, jusqu'au contact de la

substance blanche, où les noyaux sont abondants.

Il existe des corps granuleux se colorant par l'hématoxyline et

non par le carmin : tous les espaces périvasculaires sont très

marqués, et cette dilatation se retrouve sur les pièces montées à

.la glycérine.

Coupes du lobe occipital gauche. Il présente aussi de l'amai-

grissement des circonvolutions. La limite entre la première et la

seconde couche de l'écorce n'est pas nette; il existe là une bande

diffuse intermédiaire aux deux couches et riche en noyaux. Mais

elle est beaucoup moins marquée que dans les préparations précé-

dentes. Le ruban gris de Vicq-d'Azyr constitué par une accumu-

lation de petites cellules rondes dans les colonnettes cellulaires,

entre la couche des cellules moyennes et la couche des grandes

cellules, se voit nettement. Les cellules pyramidales sont fort dis-

tinctes, surtout dans les préparations colorées au picro-carmin et

au vert de méthyle. 11 n'y a pas d'infiltration embryonnaire au-

tour des vaisseaux.

En somme, on voit que le tissu pathologique siège

entre la première et la troisième couche de l'écorce,

LÉSIONS DE LA SUBSTANCE GRISE.. 345

en général , qu'il débute entre la première et la se-

conde, qu'il est caractérisé par la dilatation des vais-

seaux, l'aspect plus serré et plus opaque que prend le

réseau névroglique, le plus grand nombre de petits

noyaux et la disparition des éléments parenchymateux

normaux. Il détruit l'harmonie des couches et les

atrophie d'une façon inégale, puisque ses prolonge-

ments vers la substance blanche sont irréguliers. De

' là l'aspect chagriné du cerveau.

Observation VIII. Schad..., 1864-1886, est un idiot épilep-

tique, qui a eu une période d'amélioration, a appris à parler, puis

est tombé dans la démence la plus profonde à la suite d'accès

répétés, jusqu'à soixante par jour. Les lésions que présente ce

dément, fort jeune il est vrai, ne diffèrent pas sensiblement de

celles qu'on trouve chez les idiots ordinaires. Mort de broncho-

pneumonie gangreneuse diffuse, consécutive à un état de mal.

Examen IIISTOLOGIQUE. - Hémisphère droit, coupe d'une circonvo-

lution frontale. Toute la substance grise est prise en nappe,

toujours au même point, au niveau des trois premières couches et

présente à ce niveau trois ordres de lésions qui se succèdent irré-

gulièrement sur les coupes. Ce sont, d'abord, l'épaississement de

la névroglie et l'accumulation de cellules en îlots circonscrits an-

tour des vaisseaux ramifiés, ensuite l'aspect aréolaire de la névro-

glie, par minces bandes, 'puis la formation de foyers d'inégal

volume, ayant ce même aspect plus accusé encore. Les couches

suivantes sont infiltrées d'un grand nombre de petites cellules,

mais les cellules pyramidales sont entièrement disparues. Les

vaisseaux présentent un épaississement parfois énorme de leur

tunique qui devient hyaline, réfringente et ne se colore que fai-

blement par les réactifs ; ils sont entourés presque tous d'une

atmosphère de corps granuleux à partir d'un certain volume.

On retrouve les mêmes désordres dans les régions motrices, dans

le lobe occipital. Là toutefois, elles sont moins accentuées, et ce

qui se présente le plus souvent, ce sont les taches opaques, riches

en noyaux sur le pourtour des vaisseaux. Nous avons fait dessiner

une des plus petites (fig. 2) et un coup d'oeil sur la figure fera

mieux comprendre qu'une description le siège et l'aspect de cette

lésion.

Dans le cervelet, les éléments de Purkinje sont assez nombreux,

il n'y a pas de corps granuleux.. 1

346 anatomie pathologique.

Observation IX. Le malade suivant nous présente la coexis-

tence de l'aspect dit foetal ou gélatiniforme, et de l'aspect cha-

griné des circonvolutions. Vautr... 1872-1883. Epilepsie avec tour-

noiements, vertiges, secousses, idiotie, parole presque nulle,

gâtisme; mort par obstruction du larynx par un morceau de

viande. A l'autopsie, aspect foetal du cerveau; arrêt de développe-

raient, atrophie et état chagriné de la partie postérieure de l'aé-

misphère droit.

Examen histologique. - Coupes du lobe frontal droit, état géla-

tiniforme. Picro-cazmin et bleu de méthyle. La vascularisation est

très developpée, les cellules pyramidales globuleuses; autour d'elle

existe une large zone claire, même sur les pièces qui, à dessein,

n'ont pas été montées dans le baume de Canada. Il n'y a pas'

d'infiltration embryonnaire récente, mais seulement un grand

nombre de corpuscules amylacés.

Coupes du lobe occipital, atrophié. Même vascularisation ; l'espace

comprenant la deuxième et la troisième couche des cellules de la

substance grise présente de place en place des taches grises de névro-

glie aérolaire qui expliquent l'affaissement de la circonvolution

et l'état chagriné de la surface. Ces lésions sont à leur maximum

au sommet de la circonvolution. Sur une coupe comprenant deux

circonvolutions on voit, en effet, quelles sont très peu marquées

des deux côtés du sillon et dans son fond. Les vaisseaux dans leur

gaine et la substance blanche présentent l'infiltration de corps

granuleux que nous avons si souvent mentionnée.

Observation X. - Gouell..., dix-huit ans, mort eu 1884, atteint t

d'épilepsie vertigineuse et d'hémiplégie droite, présente à l'au-

topsie un arrêt de développement des deux lobes frontaux, et de

la méningo-encéphalite chronique disséminée assez marquée pour

que la substance grise se décortique en totalité sur quelques

points, avec les méninges.

Examen histologique. - Sur les coupes prises au niveau d'une

circonvolution de l'hémisphère droit et traitées successivement

parle picro-carmin et le vert de méthyle, on voit une infiltration

lymphoïde marquée de la gaine des vaisseaux, chacun est entouré

d'un cordon de cellules à gros noyaux, fortement colorés en vert,

on voit autour de quelques-uns de ces vaisseaux des foyers de

désintégration, où la substance grise, rendue plus fragile, est

tombée en partie sur les coupes. La limite des deux substances et

surtout la substance blanche sont parsemées de corps amyloïdes.

L'infiltration de toutes les couches par de petites cellules est assez

marquée. Les cellules pyramidales sont pourtant nombreuses.

Observation XI. Le malade suivant était aussi un épileptique,

atteint d'atrophie cérébrale, mais cette atrophie n'était point la

LÉSIONS DE LA SUBSTANCE GRISE. 347

grande sclérose lobaire, c'était une atrophie partielle et que l'on

peut, jusqu'à un certain point, regarder comme une forme de^

transition entre les scléroses à grand foyer et les écroulements de

la substance grise avec épaississement névroglique, comme nous

venons d'en voir quelques exemples. L'examen de la figure qui se

rapporte à ce cas montre la grande ressemblance qu'il présente

avec ceux de MM. Jendrassick et Marie et de M. Richardière. On

trouve, comme dans les trois faits auxquels nous venons de faire

allusion, une bande de sclérose fournie par du tissu conjonctif

rubané, émané des vaisseaux. 11 n'y a donc plus là de simples

modifications névrogliques discutables et prêtant à différentes

interpellations. On sait que f3atty Tuke ayant décrit une sclérose

miliaire de l'écorce chez les épileptiques, à la suite d'un grand

nombre d'autopsies ; on lui objecta, Plaxton entre autres, que cette

sclérose miliaire n'était qu'une apparence due à l'action de l'alcool

sur les pièces. Ici, rien de pareil, la lésion est évidente et comme

elle est encore petite nous pouvons voir le travail de vascularisation

qui l'accompagne.

Le nommé Maisonh., 1868-1885, hérédité alcoolique et nerveuse,

a eu ses premières convulsions à deux ans. Elles étaient limitées

au côté gauche. A douze ans, premières attaques d'épilepsie, elles

avaient ce caractère d'être précédées d'une courte période pen-

dant laquelle le malade courait droit devant lui (épilepsie pro-

cursive). 11 exislait un léger embarras de la parole, et de la débilité

mentale. A l'autopsie, sclérose cérébrale (les détails de l'obser-

vation ont été publiés par MM. Bourneville et Bricon, dans leur

travail sur l'épilepsie procursive).

Examen histologique. Cet veau et bulbe durcis dans l'alcool.

Moelle durcie dans le liquide de Muller.

Cerveau droit. - Portions atrophiées.

Stibstai2ce grise. - Les membranes n'o nt pas enlevé des portions

de substance cérébrale en se détachant; la première couche de la

.substance grise est confondue avec la seconde; elle présente, comme

cette dernière, une néoformation considérable, les capillaires

appâtassent furies coupes, étoiles, arqués, formant un réseau

séné. L'espace lymphatique est rempli de cellules rondes; autour

d'elles existe un espace clair dû au retrait qu'a subi la pièce dans

l'alcool. Sur des points où la lésion est plus avancée, il existe

autour de ce réseau vasculaire serré des fibrilles conjonctives en

plus ou moins grande épaisseur; plus loin, la lésion est plus avan-

cée encore. Ces fibrilles conjonctives forment un véritable tissu

fibroide de sclérose qui tranche vivement par son aspect sur le

tissu névroglique ambiant. Ainsi sont constituées des bandes sclé-

reuses larges et plates, occupant et remplaçant la deuxième couche

de la substance grise, celle des petites cellules pyramidales. Ces

bandes ne sont pas pures, mais contiennent un certain nombre

348 anatomie pathologique.

d'amas névrogliques et de cellules nerveuses arrondies, granuleuses

et pigmentées; elles empiètent sur la substance grise des deux

couches qui les contiennent par des bandes conjonctives qui suivent

les trajets des vaisseaux; elles ont par conséquent un bord dentelé

et festonné. Au niveau de ces points, la première couche de subs-

tance grise est épaissie, fibrillaire et chargée de noyaux. La troi-

sième couche, celle des grandes cellules, ne présente que des séries

de cellules petites, à fins noyaux sphériques, noyés sans ordre

apparent dans une trame névroglique granuleuse.

Mais la vascularisation exagérée des couches corticales moyennes

et la formation de bandes de tissu scléreux par plaques dans la

même région ne sont que les deux premiers degrés de l'altération.

Sur d'autres points, entre les mailles du tissu conjonctif ainsi

formé, se créent des vides qui étaient remplis par un liquideà l'état

frais. On a sous les yeux des cavités aréolaires, irrégulières, cloi-

sonnées par des travées conjonctives épaisses et par de fines tra-

bécules, le long desquelles sont dispersées de grosses cellules

irrégulières à protoplasma granuleux. L'aspect ressemble beaucoup

sur les coupes à celui du grand épiploon réticulé de certains ron-

geurs. En même temps, la couche corticale qui recouvre ce tissu

aréolaire s'amincit et n'est plus qu'un simple feuillet, et les cavités

s'agrandissent au point de former un tissu aréolaire visible à l'oeil

nu. Ces lésions expliquent l'état chagriné qui résulte de l'effondre-

ment des couches moyennes de la substance grise et l'état kystique

aréolaire qu'on observe, beaucoup plus prononcé d'ailleurs dans

d'autres cas d'idiotie.

Au-dessous de ces points très lésés, il n'existe plus de grandes

cellules nerveuses, mais on en rencontre tout à côté par amas

abondants; elles sont seulement groupées sans ordre apparent, au

lieu d'être disposées en séries verticales comme à l'état normal.

Les couches suivantes de la substance grise et la substance

blanche sont chargées de petites cellules rondes. On y voit, en

grande abondance des blocs volumineux, réfringents, irréguliers,

comme formés de la fusion de plusieurs boules. Malgré le séjour

des pièces dans l'alcool, ces blocs se colorent en noir intense par

l'acide osmique sur les coupes laissées vingt-quatre heures dans

ce réactif.

Lobe occipital droit en dehors de la lésion. Vaisseaux nombreux,

vascularisés, à cavité large, avec infiltration des gaines. Pourtant

la sériation verticale des éléments nerveux à laquelle nous atta-

chons une grande importance est conservée sur la plupart des

points. Si ce n'est dans la couche la plus profonde de la substance

grise où elle est morcelée par le vaisseau vasculaire. A ce point,

ainsi que dans la substance blanche, nombreux corps granuleux

et blocs graisseux semblables à ceux que nous venons d'indiquer.

Cervelet droit. Cellules de Purkinje assez nombreuses. Couche

LÉSIONS DE LA SUBSTANCE GRISE. 349

externe et couche des myélocytes normales. On retrouve un

certain nombre de gros blocs graisseux qui paraissent dus à

l'action de l'alcool sur la pièce.

Cerveau. Hémisphère gauche. - Il existe dans le lobe frontal une

vascularisalion très développée avec diminution de nombre et de

volume des cellules nerveuses qui ont perdu leur sériation dans les

points examinés.

Nombreux corps granuleux dans la substance blanche. Dans le

lobe occipital, on retrouve, à côté de points normaux dans l'écorce,

des taches de désintégration au début. Les coupes du cervelet

droit, examinées comparativement avec celles du côté gauche,

n'ont pas paru présenter de différence sensible. Les coupes du

bulbe à la portion inférieure du quatrième ventricule, au-dessous

des olives, montrent d'abord des lésions péri-vasculaires très

marquées, surtout du côté gauche. Diminution comparative du

volume des noyaux. Du même côté, dans la moelle cemicalu, les

cornes antérieures sont petites mais avec leurs cellules bien nettes,

de même les cordons antérieurs. Ilots de tissu scléreux de dégé-

nérescence descendante, en dehors de la corne supérieure du

côté gauche. Cette corne parait un peu plus volumineuse que

celle du côté opposé. Dans cet ilôt à contours diffus, un certain

nombre de tubes nerveux persistent.

En résumé, les lésions du bulbe et de la moelle sont consécu-

tives, ainsi que celles de la couronne de Reil.

Les lésions de l'écorce sont surtout marquées au niveau de la

deuxième couche de la substance grise et on peut leur distinguer

trois étapes : 1° prolifération vasculaire; 2° sclérose et atrophie

des cellules nerveuses ; 3° formation des cavités.

Ces lésions forment aussi à la surface des hémisphères un certain

nombre de taches diffuses, semblables à celles qu'on trouve dans

la plupart des cerveaux d'idiots 1.

On voit que, dans ce cas, il existe de véritables

bandes de tissu fibrillaire ondulé, ressemblant au tissu

conjonctif ordinaire, dans la zone moyenne de l'écorce.

C'est là une altération fort rare, d'après tout ce que

nous avons regardé jusqu'ici. Résulte-t-elle des lésions

que nous venons de passer en revue ? Est-elle le pre-

mier degré de lésions plus étendues, telle que la sclé-

i Bourneville et Bricon. Epilepsie procursive (Archives de Neurologie,

1888, p. 2G5.)

350 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

rose lobaire de l'enfance ? Ce sont deux questions que

nous ne pouvons trancher. Les scléroses lobaires que

nous avons pu examiner à Bicêtre et que nous ne dé-

crirons pas ici pour ne pas nous écarter de notre su-

- jet, étaient toutes trop anciennes et trop étendues pour

nous permettre de concevoir un rapport entre ces deux

ordres de faits. Il en était de même dans les faits rap-

portés par MM. Jendrassik et Marie et par M. Richar-

dière dans sa thèse. La question du rapport de ces

plaques cicatricielles avec l'épilepsie ne peut aussi

qu'être indiquée. En tout cas, nous possédons des pré-

parations de circonvolutions d'épileptiques où rien de

semblable n'existait.

Observations 1LI-fII. - Les deux observations suivantes ont

trait à des épileptiques aliénés âgés, ayant tous deux dépassé la

quarantaine. Les lésions se rapprochent beaucoup chez ces épilep-

tiques déments, de ce qu'on voit dans les autres formes de

démence. C'est, en effet, un aboutissant commun de lésions

différentes. Mais on retrouve un certain nombre des traits que

nous avons déjà mentionnés.

Examen histologique. - Rente..., soixante-onze ans, épilepsie

tardive. Coupes du para, central gauche. - Les trois premières

couches de l'écorce sont partout envahies et modifiées, la dispo-

sition normale n'existe plus, on voit la névroglie épaissie former

des taches plus foncées que le tissu sain. En beaucoup de points,

ces amas foncés présentent à leur centre un écaitement des

mailles du réseau névroglique et il en résulte un aspect finement

vacuolaire du tissu, c'est au niveau de la seconde couche que cet

aspect est le plus marqué. Les trois couches ainsi envahies sont

parsemées de noyaux petits. très nombreux : la première, la plus

superficielle, ne se distingue plus. Au-dessous de cette bande, la

couche des grandes cellules pyramidales se retrouve, mais avec

une ordonnance très peu nette. Elle présente ses grosses cellules

abondantes encore. Elle est parsemée de corps granuleux ainsi

que la substance blanche. Vaisseaux moyennement abondants, un

peu rameux.

Bonn..., épileptique aliéné âgé. Coupe d'une des circonvolutions

frontales du côté gauche. Les lésions des premières couches de

l'écorce sont comparables, mais beaucoup moins avancées. Au lieu

LÉSIONS DE LA SUBSTANCE CRISE. 351

de former une bande continue, les points atteints ne se présentent

que sous forme de taches plus opaques, parsemées de noyaux plus

abondants, rompant l'ordonnance des séries longitudinales et

prenant les trois premières couches. Elles ne sont pas au contact

les unes des autres et se présentent au contraire comme une série

de points isolés, mais assez rapprochés. Les cellules pyramidales

bien neltes sont rares dans les plans sous-jacents, la plupart des

grosses cellules sont globuleuses. On distingue entre elles des

taches étoilées fixant en particulier le carmin et rappelant la forme

des éléments araignée et la paralysie générale. La substance

blanche est infiltrée d'un grand nombre de noyaux. Dans ces deux

cas, nous relevons l'absence d'accumulation de pigment dans les

grandes cellules de l'écorce. C'est un fait exceptionnel, surtout à

soixante-onze ans, et qui tendrait à établir que les fonctions de

cès éléments sont assez modifiées.

Les foyers de ramollissement, petits et multiples, peuvent se

présenter chez l'enfant. Dans le cas suivant, il s'agit d'un enfant

de trois ans, Porte ? atteint de premières convulsions à trois mois.

Parole et démarche nulles, gâtisme, grimaces, strabisme, balan-

cement, très multiples, etc. A l'autopsie, on trouve un grand

nombre de petits foyers de couleur ocreuse, recouverts par la

couche la plus superficielle du cerveau, sous la forme d'une mem-

brane mince et plissée.

Examen HITOLOG1QUE.- L'hémisphère droit n'a pas été examiné,

les lésions étant d'apparence semblable des deux côtés. Les coupes

ont été colorées à l'hématoxyline et au carmin et montées soit au

baume de Canada. soit à la liqueur de Farrant, pour conserver

les corps granuleux. Sur la première frontale, à sa naissance, en

un point qui ne contient pas de foyer visible à l'oeil nu, il existe une

vascularisation anormale très prononcée dans toute la substance

grise ; les vaisseaux sont ramifiés dans toutes les directions. Le

nombre des éléments parait sensiblement accru et il existe une série

de points ou taches de désintégration se touchant presque et for-

mant une vaste bande entre la première et la troisième couches

de la substance grise, et comprenant ainsi la moitié environ de la

hauteur de la substance grise. Ces foyers sont caractérisés par la

rareté des éléments à leur niveau, l'épaississement du tissu inters-

titiel qui se colore davantage par le carmin et sa friabilité ; car

il tombe assez souvent des portions de tissus sur les coupes, mal-

gré le soin apporté au montage. A un fort grossissement, on

constate que les capillaires sont très nombreux et dilatés, les

cellules nerveuses ne sont pas disposées en séries, mais dispersées

et globuleuses. Celles des couches profondes sont allongées, gra-

nuleuses et fortement colorées. La substance blanche offre une

quantité considérable de petits noyaux sphériques appartenant

3S2 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

aux cellules interstitielles. Sur certains points, il existe des corps

granuleux en assez grande quantité.

La deuxième frontale, à son insertion sur la frontale ascendante,

portaitsur sa partie moyenne un foyer ocreux, allongé, parfaitement

caractérisé. Sur une coupe à ce niveau, on constate une dépres-

sion en entonnoir de la substance grise, une perte de substance

qui s'étend jusqu'à la substance blanche et est recouverte par une

paroi flottante, transformant ce foyer en un petit kyste. L'espace

libre est sillonné par des filaments fibrillaires allant de la paroi

superficielle à la substance grise restante. Cette paroi est composée

de dehors en dedans, de trois couches : la plus superficielle, mince

et homogène, formée de faisceaux parallèles de fibres fines, avec

de pelits noyaux sphériques très peu abondants, s'amincit aux

points extrêmes de la lésion et disparaît dans la couche superfi-

cielle de la substance grise normale. Au-dessous, apparaît une

couche de deux à trois fois plus épaisse. Cette couche est compo-

sée surtout de cellules rondes assez volumineuses, à noyau sphé-

rique, dont la plupart sont remplies de granulations jaunes de

pigment sanguin, à la manière des cellules interstitielles de l'ovaire.

Ce sont elles qui donnent au kyste sa couleur ocreuse ; elles sont

dispersées dans un tissu fibrillaire dont les fibrilles convergent en

bas par des faisceaux distincts. La troisième couche est occupée

par ces faisceaux et un certain nombre de cellules. Ces masses de

faisceaux fibrillaires accompagnent les vaisseaux et forment à la

face interne de la paroi du petit kyste, un certain nombre de

masses pédiculées, composées de ce lissu fibrillaire feutré, de

rares vaisseaux et contenant des cellules à noyaux ronds ou allon-

gés, dont quelques-unes sont encore chargées de granulations

jaunes.

Autour de certains capillaires, la gaine adventice se remplit de

ces cellules, de façon à former des renflements en massue libres

dans la cavité. Si l'on suit cette paroi, ainsi constituée sur les

parties latérales, on voit que les couches se perdent successive-

ment dans la couche externe névroglique de la substance grise;

c'est donc entre cette couche externe et la deuxième couche de

Meynert que s'est opérée la scissure qui a donné lieu à la cavité

que nous étudions. La substance grise qui forme les parois de

l'entonnoir est recouverte par une couche fibrillaire névroglique.

Au-dessous, elle se montre sous deux états différents : sur certains

points, la sériation longitudinale de la substance grise est encore

assez visible, mais ces séries sont occupées par des cellules inters-

titielles en très grande abondance. Sur d'autres points, beaucoup

plus nombreux, le processus est beaucoup plus avancé; les cellules

ne sont plus disposées en séries, mais elles sont dispersées, raré-

fiées et isolées; elles sont petites, globuleuses; on ne peut suivre

leurs prolongements sous la surface libre. Autour de ce foyer, il

ENCÉPHALITES CHRONIQUES : LÉSIONS DE LA SUBSTANCE GRISE. 3Õ3

existe un certain nombre de taches ou points très clairs à un faible

grossissement et qui sont composés uniquement par un réseau

très fin d'une dentelle de fibrilles grêle, avec des cellules à

noyaux sphériques, à corps cellulaires ramifiés aux points nodaux.

Les mailles de ce tissu sont occupées par une substance inter-

cellulaire qui a disparu des coupes. On n'y rencontre pas une seule

cellule nerveuse et cela dans plusieurs champs du microscope. A

la périphérie 'de ces points, on rencontre les corps granuleux,

principalement autour des vaisseaux. Ces vaisseaux sont très ra-

mifiés ; l'espace périvasculaire est largement dilaté autour de la

plupart d'entre eux; ils morcellent la substance grise.

Lésions de la substance blanche. Dans la substance blanche, il

existe une large traînée descendante, correspondant à la perte de

substance, de la substance grise, et dans laquelle les fibres n'existent t

pas; tout autour, ces fibres sont entourées d'une grande quantité

de petites cellules interstitielles, et sur les pièces traitées successi-

vement par l'acide osmique et la liqueur de Farrant, on voit que

la myéline émulsionnée forme un certain nombre de petites gout-

telettes noires et des amas plus gros ayant l'aspect connu des corps

granuleux.

Pariétale ascendante gauche. -Elle porte en son milieu un foyer

plus récent; on voit nettement que le centre de la dépression est

formé par un vaisseau ramifié; les parois sont constituées par les

mêmes tissus fibrillaires que dans la précédente; les lésions de la

substance grise au pourtour du foyer sont moins avancées, quoi-

que très étendues.

La première couche, couche névroglique de Meynert, est très

mince, avec de fins capillaires rameux assez nombreux et, de plus,

sur certains points, des taches grises où la névroglie s'est raréfiée,

qui forment autant d'espaces clairs.

Dans la deuxième couche, celle des petites cellules pyramidales,

on voit que presque toutes ces cellules sont petites et globuleuses,

et qu'elles ne sont plus placées bout à bout, mais dispersées; leurs

rapports normaux sont détruits et leur nombre diminué. Dans la

troisième couche, celle des cellules moyennes, on voit les colon-

nettes que forment ces cellules bout à bout, beaucoup plus dis-

tantes les unes des autres qu'à l'état normal et séparées par du

tissu névroglique, à peu près dépourvu d'éléments interstitiels.

Même vascularisation ramifiée. Les cellules nerveuses sont globu-

leuses, leur noyau volumineux, clair, nucléole, remplit presque

toute la cellule. Le prolongement inférieur est le plus distinct.

Dans la couche suivante des grandes cellules, les altérations

sont les mêmes pour les cellules nerveuses, dont le corps cyto-

plasmique est pâle et effacé, quelques-unes sont atrophiées, pour-

tant elles sont encore en nombre considérable.

Dans les espaces qui séparent ces rangées de cellules, espaces

Archives, t. XVIII. 23

384 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

par où descendent les fibrilles qui vont former la substance grise,

on voit, de plus que dans les couches précédentes, un assez grand

nombre de noyaux de cellules interstitielles, petits, sphériques et

fortement colorés. Dans la substance blanche, on voit les mêmes

lésions que dans les préparations précédentes; les vaisseaux sont

très dilatés, les corps granuleux sont très abondants.

, Lobe occipital. Les coupes du lobe occipital, au niveau d'un

foyer plus étendu que celui que nous avons décrit sur le frontal,

montrent des lésions absolument semblables, mais la traînée des-

cendante dans la substance blanche au-dessous du foyer, est très

large et remplie de globules sanguins avec un certain nombre de

leucocytes et de cellules fusiformes ; au pourtour de ces masses

un grand nombre de capillaires sont aussi remplis de globules

rouges ; il semble donc que l'on ait affaire à de véritables foyers

hémorrhagiques en ce point.

Les lésions d'encéphalite au voisinage présentent les mêmes

caractères que ci-dessus, elles sont seulement plus marquées, avec

des cellules interstitielles très abondantes et des capillaires dont

les plus volumineux sont entourés d'une paroi fibrillaire nette.

Mêmes lésions que plus haut dans la substance grise.

Cervelet. - Dans la substance grise, la couche de névroglie est

fibrillaire dans le sens longitudinal ; les cellules interstitielles y

sont très nombreuses, les cellules de Purkinje sont abondantes,

mais elles se colorent assez inégalement, surtout à l'hématoxyline ;

on peut pourtant suivre très loin les prolongements de la plupart.

La couche des cellules névrogliques n'offre rien de particulier.

Dans la substance blanche, corps granuleux nombreux, aspect

fibrillaire, grosses fibrilles anastomosées.

Moelle cervicale. - La substance grise à des altérations cellu-

laires importantes.

Dans les cornes antérieures, le tissu interstitiel forme des

faisceaux fibrillaires volumineux et entrecroisés autour des cel-

lules nerveuses. Celles-ci, nettement diminuées de nombre, se

colorent bien par le carmin sur certains points, mais beaucoup ne

se colorent que faiblement et présentent un reflet jaunâtre et

hyalin comparable à celui des cellules de la paralysie générale,

elles sont tuméfiées et leurs prolongements n'existent que peu ou

point. Par l'hématoxyline, ces cellules se colorent en gris de lin et

leur refringence apparaît beaucoup plus nettement. Même aspect

des cornes postérieures. Le canal de l'épendyme est conservé. Son

épithélium est intact ; on y distingue sur certains points les cils

des cellules. La trame conjonctive des cordons blancs est notable-

ment épaissie, le nombre des tubes diminué, mais la lésion est la

même sur tous les cordons. Il n'y a pas de systématisation. Les

vaisseaux sont dilatés.

Moelle dorsale. - L'aspect est le même de tout point.

LÉSIONS DE LA SUBSTANCE GRISE. 3bo-

Moelle lombaires Les lésions sont les mêmes, la tuméfaction

des cellules et leur raréfaction sont encore plus visibles, à cause-

du grand nombre des cellules motrices en ce point '. (Bourne-

ville et Pilhet, Soc. anal. 1886.)

Sur un homme de quarante ans, mort dans le ser-

vice du Dr Besnier et atteint depuis longtemps d'hémi-

plégie, nous avons pu voir de petits foyers isolés.

occupant tout un hémisphère et présentant comme-

distribution, la plus grande analogie avec ceux du

malade précédent. Ils étaient seulement plus profonds

et plus accentués. Les lésions histologiques différaient

en un point de celles que nous venons de voir; c'est

dans les couches les plus profondes de la substance

grise, et même au milieu de la substance blanche,

qu'on voyait la névroglie former des filaments nom-

breux et enchevêtrés, chargés de petites cellules rondes

et circonscrivant des aréoles qui étaient assez grandes

pour donner, en quelques points, l'aspect d'un tissu

finement celluleux.

Les plaques jaunes trouvées dans ces cas sont sans-

doute des foyers de ramollissement, car à la coupe,

ils ont tous la forme d'un cône à base périphérique et-

les parois ne sont pas dilacérées. Comme il n'existe

nulle part, dans les autres organes, de point de dé-

part d'embolies multiples, on est conduit à admettre

un ramollissement par thrombose artérielle, comme

celui qu'on peut voir chez certains vieillards déments.

Nous rapportons ces faits à cause de la coexistence de

taches grises d'encéphalite au voisinage des points les

' Les autres organes, larynx, estomac, foie, rate, coeur, ont été exa-

minés sur des coupes et ne présentaient pas d'autres lésions que leur

état légalement atrophique, semblable à celui qu'on trouve dans les lé-

sions de dénutrition.

3S6 ANATOMIE PATHOLOGIQUE.

plus altérés, quoique nous ne puissions indiquer les

relations réciproques de ces deux lésions.

CONCLUSIONS. On voit que les lésions qui ont été

décrites dans les observations qui précèdent portent

sur les vaisseaux, qui sont dilatés, multipliés, avec

gaines épaissies ou infiltrées de leucocytes et de gra-

nulations. Elles portent sur la névroglie qui est épaissie

à noyaux multipliés, opacifiée, puis fibrillaire, puis

enfin vacuolée, et ces lésions se présentent sous la

forme de points, puis de taches qui peuvent devenir

confluentes. Nous avons décrit, en regard de ces alté-

rations névrogliques, la formation de véritables bandes

de sclérose, pour qu'il ne puisse y avoir aucune erreur

sur les faits exposés ; enfin les cellules pyramidales

présentent tous les degrés d'atrophie. Nous n'avons

pas insisté sur leur vacuolisation, qui dépend trop

souvent des réactifs pour qu'on puisse s'y arrêter. Du

côté de la substance blanche, il est facile de voir son

atrophie; la multiplication des noyaux des petites

cellules, l'abondance des corps granuleux, mais non

le reste. Les lésions diffuses que nous avons pu voir

dans la moelle, échappent à tout essai de systématisa-

tion. Ne pouvant rien dire de précis sur la pathogénie

de ces lésions, nous avons préféré n'en pas parler.

Par suite de l'emploi de l'alcool pour fixer les

pièces, il nous était impossible de rechercher les lé-

sions des fibres conductrices. Les fibres fines à myéline

de la couche superficielle des circonvolutions, les fibres

arquées qui relient chaque circonvolution en passant

sous le vallon intermédiaire, le réseau qui occupe la

couche la plus profonde de la substance grise, enfin

les fibres descendantes de la substance blanche de-

LÉSIONS DE LA SUBSTANCE GRISE. 337 1

vaient nous échapper. C'est là une grosse lacune, et

qui laisse fort incomplète cette étude. Il en est une

autre. Comme nous ne pouvions traiter par une série

de réactifs, les pièces que nous possédions, de façon

à débrouiller l'histoire naturelle de la production des

lésions, il s'ensuit que nous n'avons pu les rattacher,

surtout celles de la névroglie, à l'état normal, montrer

quels éléments s'hypertrophiaient, quels s'atrophiaient

et comment s'accomplissait cette évolution. Aussi,

nous sommes-nous bornés à un travail purement des-

criptif, à l'examen d'une série d'aspects. C'est tout ce

que nous a permis de faire la difficulté du sujet, et

ces faits bruts étaient trop incomplets pour que nous

puissions nous en servir pour échafauder les hypothèses

applicables à la clinique et entreprendre d'écrire l'his-

toire de l'anatomie pathologique des cerveaux d'idiots

Cruveilhier disait, il y a déjà bien des années : « De

toutes les maladies dites mentales, il n'en est aucune

sur laquelle l'anatomie pathologique soit appelée à

jeter un plus grand jour que sur l'idiotie. » Le temps

où cette parole du grand anatomiste français se réali-

sera est peut-être encore lointain, nous nous estime-

rons heureux si nous avons contribué, pour la plus

faible part, à le rapprocher.

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On trouvera, en outre, un grand nombre de faits se rapportant

à l'encéphalite chronique dans l'index des chirurgiens américains,

dans l'index médicus ; l'excellent article du Dr Arnozan dans le

dictionnaire encyclopédique, les congrès annuels des aliénistes

allemands et les journaux spéciaux, surtout les Archives de Neu-

rologte.

EXPLICATION DE LA PLANCHE

1° Circonvolution vascularisée anormalement (enter).) Les capil-

laires, au lieu d'être perpendiculaires à la surface (A) de la circonvolu-

tion, sont rameux, anastomosés, et remanient complètement le plan des

trois premières couches de l'écorce, qui ne sont plus reconnaissables (B).

Plus bas (C.), la sécrétion longitudinale commence à reprendre (baume).

2° Lobe occipital (Schad.). De la pie-mère (A) partent des vaisseaux

qu'on voit entourés de masses opaques, contenant beaucoup de no\aux

constituant le premier degré d'une tache de désintégration (B). La limite

360 PHYSIOLOGIE.

entre la première et la seconde couche de l'écorce, très nette d'ordinaire,

' est ici confuse (picro-carmin, baume).

3° Petit foyer sclereux, irrégulier, comprenant la seconde et la troi-

sième couche de la substance grise (A) et donnant il la surface de l'en-

céphale un aspect froncé (Maisonhaute). Tout autour les vaisseaux sont

dilatés et la sériation des couches est troublée et méconnaissable (picro-

carmin, glycérine). -

4° Coupe du lobule paracentral (Robèch...) au niveau de l'union de la

substance grise et de la substance blanche, pour montrer la rareté des

cellules pyramidales à leur lieu d'élection (A) et la vascularisation déve-

loppée jusqu'au niveau de ces couches (hématoxyline, baume de

Canada).

PHYSIOLOGIE

LES FONCTIONS DU CERVEAU'

DOCTRINES DE L'ÉCOLE ITALIENNE,

Par Jules SOURY,

Maître de conférences à l'Ecole pratique des Hautes-Etudes.

CENTRÉS CORTICAUX DE LA SENSIBILITÉ CUTANÉE ET MUSCULAIRE

ET DES MOUVEMENTS VOLONTAIRES.

I.

On convient généralement aujourd'hui queles centres

moteurs ou psycho-moteurs de l'écorce cérébrale,

comme on les appelle, peuvent être déterminés avec

tant de sûreté et de précision par les physiologistes

que, s'il est possible au clinicien de porter un dia-

gnostic régional presque certain de certaines affections

encéphaliques, le chirurgien connaît presque par

millimètre carré les différentes aires corticales sur

lesquelles doit porter son intervention. La zone

. Voy. Arch. de Neurologie, n" .ïl, pag. 337 et n" 52, p. 28.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 361

motrice a été divisée « en petits carrés de deux milli-

mètres chacun », disaient naguère Horsley et

Beevor devant la Société de biologie de Paris

(12 nov. 1887). Ces résultats de la grande découverte

de Fritsch et Hitzig (1870) étant devenus des vérités

de pratique, personne ne les met plus en doute.

L'ère des discordes et des luttes sur la réalité d'une

localisation des fonctions motrices du cerveau est

fermée; le calme règne dans les esprits pacifiés. Et,

comme s'exprime M. le professeur Charcot, « le temps,

ce juge suprême, équitable entre tous, - paraît

avoir accompli en grande partie son oeuvre de sélec-

tion, rejetant ce qui devait périr, et consacrant ce

qui doit vivre. »

Peut-être même y a-t-il une pointe d'exagération à

considérer cette conquête définitive de la science

comme unique jusqu'ici dans la théorie des localisa-

tions cérébrales. L'étude des centres fonctionnels de

la vision n'est guère moins avancée que celle des

centres moteurs; elle est seulement moins connue, et,

jusqu'ici du moins, elle n'a été que d'une application

pratique assez rare. Mais, là aussi, des physiologistes,

tels que"l\1unk et Monakow, ont déterminé, avec une

admirable précision, la topographie des diverses

régions, fonctionnellement différentes, des centres de

la vision mentale, tandis que des cliniciens, tels que

Nothnagel et Seguin, par la méthode anatomo-clinique,

arrivaient à localiser, et cela avec une étonnante

hardiesse, dans le coin et dans la première cirvonvo-

lution externe du lobe occipital, d'autres fonctions de

la vision que dans le reste de ce lobe. ,

S'il suffit au médecin et au chirurgien de connaître

362 PHYSIOLOGIE.

le point d'où partent les réactions excito-motrices de

l'écorce cérébrale, et auquel les paralysies du mouvement

et de la sensibilité générale doivent être rapportées,

le physiologiste et le psychologue ne sauraient natu-

rellement se contenter de ces données empiriques.

Certaines régions du cerveau sont en rapport avec les

fonctions motrices ou sensitives de telle ou telle partie

du corps : cela suffit, je le répète, à la pathologie

interne et externe. Mais quelle est la nature de ces

centres corticaux, qu'on a appelés « moteurs » parce

que, en effet, leur excitation expérimentale ou leur

irritation pathologique détermine des réactions

motrices, simples ou convulsives, de la face, des

extrémités et du tronc, suivant l'intensité et la durée

de l'excitation des cellules nerveuses de ces centres ?

Rien de plus net que les paralysies motrices qui succè-

dent à l'ablation et aux lésions destructives des

mêmes aires corticales ; mais de quelle nature sont

ces phénomènes de parésie ou de paralysie des

mouvements ? Le chien auquel on a enlevé les deux

gyrus sigmoïdes ne présente point pour cela de para-

lysie motrice proprement dite, si l'on entend par ces

mots un défaut absolu de motilité. Personne, pas

même Munk, n'a jamais soutenu rien de semblable (1).

Si un lapin, dont le cerveau tout entier a été enlevé,

peut encore courir, pourquoi l'ablation des zones

motrices du chien, une fois les effets du traumatisme

opératoire disparus, empêcherait-elle cet animal de

courir, de nager, d'exécuter tous les mouvements

possibles, - à l'exception toutefois de ceux dont les

' Hitzig. - {Mer Funktionen des Gl'osshims (Biologisches Central-

6'art, VI, 188(;, 5(j ! J-70.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 363

représentations idéales ont été pour toujours détruites

par l'ablation de leur substratum organique, c'est-à-

dire des deux gyrus sigmoïdes ? Ainsi tombent les

arguments spécieux de l'éternelle polémique de

Goltz contre la doctrine nouvelle des localisations

cérébrales. De ce qu'un chien peut marcher, courir,

sauter, éviter les obstacles, broyer et déglutir ses

aliments, bref, exécuter tous les mouvements auto-

matiques et réflexes, tous les mouvements associés et

profondément organisés, dont l'intégrité des centres

bulbo-médullaires est la condition nécessaire et suffi-

sante, il ne suit pas qu'il puisse présenter volontai-

rement la patte, la retirer devant une aiguille

menaçante, ou s'en servir avec adresse pour saisir

un os.

Ces troubles de la motilité volontaire, ni Hitzig,

ni Munk ne les ont jamais vus s'amender et

disparaître quand les régions motrices avaient été

exactement enlevées sur les deux hémisphères; dans

le cas contraire, une portion de ces centres avait

sûrement été épargnée. Aussi tout le monde sera

d'accord avec Goltz, avec l'adversaire le plus déter-

miné que la doctrine scientifique des localisations ait

rencontré, lorsqu'il écrit qu'après une lésion pro-

fonde, bilatérale, du cerveau antérieur, « les chiens

ont perdu la faculté de faire jouer certains groupes

de fibres musculaires d'une manière appropriée dans

certains actes ». Mais encore quelle est la nature de

ces troubles du mouvement volontaire consécutifs aux

destructions de la zone motrice ? « Je les ai considérés,

dit Hitzig, dans deux travaux de 1837 et de 1876,

comme l'expression de troubles de l'activité représen-

364 PHYSIOLOGIE.

tative », c'est-à-dire comme l'effet de la destruction

des images motrices de telles ou telles catégories de

mouvements volontaires. Si donc l'animal opéré

n'exécute plus certains mouvements, ou ne le fait

que d'une façon défectueuse, ce n'est pas

parce que ses muscles sont paralysés : c'est parce

qu'il ne peut plus se représenter idéalement ces

mouvements.

Voilà une solution, mais ce n'est qu'une solution

d'un problème qui en comporte tant d'autres !

A côté, en effet, de la théorie de Fritsch et Hitzig,

de Nothnagel et de Bastian (avec cette réserve, que

celui-ci sépare le sens musculaire des autres éléments

constituants de la kinesthésie), théorie pour laquelle

les centres dits moteurs de l'écorce cérébrale sont les

origines centrales du sens ou de la conscience mus-

culaire, il y a la théorie de Schiff, suivant laquelle les

troubles de la motilité d'origine cérébrale résultent

de la perte de la sensibilité tactile dans les parties

correspondantes du corps, si bien que la zone

motrice ne serait qu'une manière de surface sensible,

dont les réactions provoquées seraient identiques à des

réflexes.

Il y a la théorie de Munk, pour qui la prétendue

zone motrice, subdivisée en « sphères sensibles », où

sont conservées et associées les images nées des

sensations cutanées, musculaires et d'innervation des

régions correspondantes du corps, ne détermine des

mouvements ni directement ni d'une façon réflexe,

mais par évocation de ces images ou représentations

mentales de la sensibilité générale et du mouvement.

Il y a la théorie, absolument motrice, de David Fer-

LES FONCTIONS DU CERVEAU. ' 365

rier, dont les centres moteurs sont tout à fait dis-

tincts anatomiquement des centres de la sensibilité

générale et du sens musculaire. Il y a la théorie de

Charcot, pour qui les centres moteurs corticaux sont

le siège des représentations motrices qui précèdent

nécessairement l'accomplissement d'un mouvement

volontaire, tandis que le sens musculaire, ou plutôt

la sensibilité kinesthésique de Bastian, serait localisé

dans les centres corticaux de la sensibilité, où pour-

rait avoir lieu le rappel idéal de ces images.

Il y a la théorie de François Franck, qui, adversaire

de la théorie de centres moteurs par eux-mêmes,

autonomes, incline décidément vers la théorie de

l'influence réflexe des éléments excitables de l'écorce,

et pour qui la zone motrice, assimilée à une surface

sensible périphérique, n'est que le point de départ

d'incitations motrices volontaires, l'appareil incitateur

de réactions motrices volontaires, dont les véritables

appareils moteurs ou d'exécution sont les cellules

nerveuses du bulbe et de la moelle. « Psychologique-

ment, a écrit M. Gley, ces organes de l'écorce appa-

raissent comme des centres de représentations des

divers mouvements qui déterminent la véritable

action motrice, par un mode assimilable au méca-

nisme purement réflexe. » C'est bien cela. Ces points

de l'écorce sont, pour François Franck, des centres

d'association volontaire, plutôt que des centres moteurs

proprements dits. Ces centres, il les appelle « psycho-

moteurs », parce qu'ils commandent par leur action

toute psychique à de véritables appareils moteurs.

« En envisageant, dit-il, les mouvements produits par

l'excitation de points déterminés de l'écorce céré-

366 PHYSIOLOGIE.

brale comme analogues aux mouvements réflexes, la

différence essentielle entre les mouvements ainsi

provoqués et les réflexes ordinaires consisterait dans

le point de départ, ici cérébral, là cutané, mais en

tout cas périphérique par rapport au centre du mou-

vement (centres médullaires) » (1). Aussi le faisceau

pyramidal, qui transmet aux centres moteurs bulbo-

médullaires les incitations motrices de l'écorce céré-

brale, constitue-t-il, au point de vue physiologique,

un système afférent aux cellules motrices du bulbe et

de la moelle.

Il y a la théorie des confluents. Mais les résultats

contradictoires des expériences de « circonvallations »

ou d' « isolement » (2), instituées par François Franck

Système nerveux. - Physiologie. Dictionnaire des sciences médicales

de Dechambre, 2" série, XII, 577. Cf. Leçons sur les fonctions motrices du

cerveau, 299.

1 Après la section circulaire ou circonvallation d'une région limitée,

éprouvée comme motrice, F. Franck et Pitres ont vu se conserver les

mouvements dépendant de la section corticale circonscrite, et la paralysie

motrice succéder à l'ablation de la même région, si bien que « les

points dits centres moteurs conservent tout au moins une influence

directrice sur le mouvement, malgré leur séparation du reste de

l'écorce ». (Leçons sur les fondions motrices du cerveau, p. 371.) Tout

au contraire, Manque, après l'isolement du gtrus sigmoïde, c'est-à-dire

après la section des fibres d'association qui rattachent ce territoire mo-

teur aux régions voisines (frontale, temporale et pariéto-occipitale),

constate des phénomènes paralytiques, identiques il ceux qui suivent

l'ablation dugyrus sigmoide lui-inètne. 31ariqtie en conclut queles centres

moteurs n'ont point de fonctionnement spontané, autonome, et que

leur mise en activité est subordonnée aux excitations venant des régions

sensorielles voisines, surtout de la région pariéto-occipitale, par un

mécanisme analogue à celui des centres réflexes médullaires (Recherches

expérimentales sur le mécanisme de fonctionnement des centres psycho-

moteurs du cerveau. Bruxelles, 1885, p. 104, 125). Cf. Vareth (sous la

direction d'Exner), Unlersuchung iibei, Lage, Ausdeltnzl11g und Bedeutung

dermotorischen Rindenfelder an elet, Ilimobcrfloeche des lizindes, 1885.

(Congrès des naturalistes et médecins allemands de Strasbourg, 1885).

- Exner et Jos. Paneth. Vcrsuche über die Folgen der DIl1'chsclmeidung

von Associations{asel'1l am Hundehirn (A2ch. f. d. gesamm. Physiologie,

1889, XLIV).

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 367

et Pitres, par Manque, par Vareth, par Exner et

Paneth, ne permettent guère encore de décider si les

« centres moteurs » ont ou n'ont point par eux-mêmes

d'influence directrice sur les mouvements, si leur

activité est subordonnée à celle des autres aires fonc-

tionnelles de l'écorce, des centres de la sensibilité

générale et spéciale, bref, si ces prétendus moteurs

de la machine animale doivent, pour agir, être

actionnés par le reste du cerveau. Que l'on songe

aux cas bien constatés d'aphasie motrice et

d'agraphie consécutifs à des surdités et à des cécités

verbales.

Stricker, qui a tant insisté sur les images motrices,

dit expressément que toute représentation de ce genre

est accompagnée de sensations musculaires, si bien

que la vue seule d'un objet en mouvement ne saurait

faire naître en nous aucune idée motrice : pour qu'elle

naisse, il nous faut reproduire ces mouvements avec

ou sans conscience; les résidus de ces sensations mus-

culaires constituent seuls la condition du réveil de

l'image motrice. Quand il se représente, par exemple,

le vol des nuages, Stricker éprouve dans les muscles

des yeux les mêmes sensations que s'il suivait en réa-

lité les nuages ; s'il cherche à arrêter cette sensation

musculaire, l'image du nuage en mouvement s'arrête

aussitôt : la nuée paraît immobile '.

Enfin, et pour ne rien dire d'autres théories encore

sur la nature probable des fonctions motrices du cer-

veau, il y a celles des auteurs italiens, dont nous de-

vons uniquement nous occuper ici. Ainsi, pour Lus-

o Stricker. - Stlldien übeJ' die Betuegttugseorslellungett. Wien, 1882. A.

§ 1-6.

368 PHYSIOLOGIE.

sana et Lemoigne, « les centres de l'innervation

motrice ont leur siège en dehors des hémisphères cé-

rébraux » : ceux-ci peuvent bien, sous l'influence du

stimulus électrique porté sur certaines régions de

l'écorce, déterminer l'activité volontaire des vrais

centres de l'innervation motrice, mais ils ne le font

qu'à la manière des sensations qui déterminent des

mouvements réflexes '. Quant à la théorie que Tam-

burini, Luciani et Seppilli ont élaborée, depuis 1876,

c'est une théorie mixte, frappée au coin du génie

éclectique des Italiens. Loin de subordonner les

troubles du mouvement aux altérations des organes

centraux de la sensibilité, elle considère la zone mo-

trice comme constituée à la fois par des centres de

sensibilité cutanée et musculaire, d'une part, et, d'autre

part, par des centres d'idéations motrices.

Avant d'indiquer l'évolution de cette doctrine chez

les auteurs italiens eux-mêmes, rappelons que depuis

les expériences de Goltz et de Tripier, les cliniciens

ont ressemblé un nombre toujours croissant de faits

en faveur de la nature mixte des fonctions de la zone

excitable du cerveau. Outre Tripier, Petrina, Kahler

et Pick, Wernicke, Binswanger, Bernhardt, il est peu.

de médecins et de physiologistes qui n'aient recueilli

des cas de paralysie de la sensibilité générale et du

mouvement, ou de la sensibilité générale seule, dans

les lésions destructives des circonvolutions centrales et

pariétales. Dès 1882, Lisso avait réuni 88 cas de

troubles de la sensibilité générale observés dans les

lésions corticales de la zone motrice. C'est cette zone

. 1 Lllssana et Lemoigne, Des centres moteurs encéphaliques (Arch. de

physiol. norm. et p2tlaol., 1877).

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 369

que Tripier et Gilbert Ballet ont appelée « sensitivo-

motrice ». Exner, enfin, professe, on le sait, que « les

différents centres ou territoires de la sensibilité tactile

des diverses parties du corps se confondent en général

avec les centres ou territoires moteurs de l'écorce cé-

rébrale ». Les temps sont donc loin où de grands cli-

niciens, tels que Nothnagel en 1879, dans son livre

sur le Diagnostic topique des maladies du cerveau, et,

plus tard encore, Charcot, pouvaient passer devant

ces phénomènes sans être frappés de la rencontre fré-

quente des troubles de la sensibilité générale et de la

motilité volontaire dans les lésions des centres moteurs

du cerveau '.

Aujourd'hui Nothnagel ne croit pas encore, non

plus que Charcot, qu'on puisse dire sans réserve que

les lésions des parties de l'écorce qui déterminent des

paralysies motrices entraînent après soi des troubles

de la sensibilité cutanée. Nothnagel incline certaine-

ment à localiser ceux-ci dans les « lobes pariétaux »,

où, depuis longtemps déjà, il a localisé le sens mus-

culaire. Nothnagel dissocie donc les centres de la mo-

t Déjérine. Etude sur l'aphasie. (Rev. de médecine, 1885, p. 183.)

« Ces troubles de la sensibilité cutanée... accompagnent le début de la

paralysie elle-même dans la plupart des cas, quelquefois même ils peu-

vent précéder cette dernière. Ces phénomènes ne sont point rares dans

le cours des hémiplégies d'origine corticale et méritent d'être étudiés

avec soin... » Dans le cas de Déjérine, la zone motrice corticale était

seule lésée; les conducteurs sensitifs étaient indemnes. - Cf. Dupuy,

De la perte de la sensibilité après la destruction des centres moteurs.

L'auteur rappelle que Horsley, au congrès de Brighton (188G), a rapporté

qu'après avoir fait l'ablation des centres moteurs corticaux chez trois

malades qui présentaient des accès épileptiformes symptomatiques de

lésions cérébrales, la sensibilité avait été altérée ou abolie après l'opéra-

tion. Soc. de biologie, 30 oct. 1SSG. Ziehen, Ueber eine frülte Stce)·tl7tg

der SensiGilil.x'l bei Demertlia paralylica. Neurol. Centralblatt, 1886,

480. De même que les fonctions motrices de l'écorce, celles de la sensi-

bilité générale ne laissent pas d'être altérées au début de la paralvsie

générale progressive des aliénés.

Archives, t. XVIII. 24

370 PHYSIOLOGIE.

tilité volontaire, de la sensibilité musculaire et des

autres modes de la sensibilité générale, car s'il existe

souvent des formes mixtes des altérations fonction-

nelles de ces centres, ils sont aussi quelquefois lésés

- isolément. Nothnagel croit donc que l'existence des

paralysies du sens musculaire sans paralysies mo-

trices est d'une importance capitale pour une con-

ception théorique de la nature des paralysies corti-

cales motrices. Selon lui, le lobe pariétal soutiendrait

les mêmes rapports avec les circonvolutions centrales

et le lobe paracentral, que la circonvolution de Broca,

par exemple, avec le centre moteur cortical de l'hy-

poglosse. Une lésion de la circonvolution de Broca

peut produire une aphasie motrice sans paralysie de

l'hypoglosse; d'autre part, une lésion du territoire

cortical de l'hypoglosse peut déterminer une paralysie

pure de l'hypoglosse. De même, une lésion du lobe

pariétal pourrait produire une ataxie pure des extré-

mités sans paralysie motrice, et, d'autre part, une lé-

sion des circonvolutions centrales déterminer une

paralysie motrice sans abolition du sens musculaire '.

Pour localiser dans d'autres régions que D. Ferrier

les centres du sens musculaire et de la sensibilité cu-

tanée, on ne saurait nier que ces vues dernières de

Nothnagel ne nous ramènent aux doctrines du célèbre

physiologiste anglais, pour qui les fonctions de la

zone motrice sont distinctes de celles des centres cor-

ticaux de la sensibilité cutanée et musculaire.

Ce rapide aperçu des principales conceptions théo-

riques de la nature des fonctions motrices de l'écorce

1 Nothnagel . - Weber die Localisation der Gehirnkrankheiten. Wies-

baden, 1887, p. H-18.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 371

cérébrale, peut donner une idée de la complexité des

problèmes qui restent à résoudre avant de posséder

une connaissance vraiment scientifique, et non pas

purement empirique, de ces phénomènes. Il faut avoir

toujours présentes à l'esprit la plupart de ces difficul-

tés quand on aborde ces hautes questions de physio-

logie cérébrale. La clarté de l'esprit, la beauté des

raisonnements et toutes les subtilités de la dialectique

ne sont ici d'aucun secours pour l'avancement des

questions. Les solutions qu'on serait tenté de propo-

ser n'auraient de valeur qu'autant qu'elles explique-

raient tous les faits connus et ne seraient en contra-

diction avec aucun. Or la seule connaissance de ces

faits, leur classement, leur examen critique exigent

déjà un très long temps. Plus l'enquête aura été éten-

due et sévère , moins le physiologiste sera tenté d'a-

jouter de nouvelles hypothèses à celles qui existent

déjà. Ce qui semble clairement intelligible à des es-

prits novices, lui apparaît souvent fort obscur. Comme

François Franck, qui est peut-être l'homme du inonde

qui a le plus réfléchi sur la nature fonctionnelle des ré-

gions excitables de l'écorce cérébrale, le physiologiste et

le clinicien avoueront sans doute, après bien des années

d'études expérimentales etanatomo-cliniques,qu'ilsont

conscience de leur ignorance des processus cérébraux.

II.

Entre toutes les conceptions théoriques de la nature

des fonctions motrices du cerveau, celle qui domine

et l'emporte chez les physiologistes et chez les clini-

.'372 PHYSIOLOGIE.

,tiens italiens, dans les années qui suivent la décou-

verte de Fritsch et Hitzig, est décidément hostile à

'Hitzig et à Nothnagel comme à Schiff et à Goltz ; elle in-

.c11ne du côté de Ferrier. En d'autres termes, les phéno-

mènes d'ordre moteur, consécutifs aux lésions destruc-

tives, soit expérimentales, soit pathologiques, de la

zone motrice, ne semblent pas être de nature ataxique

ou réflexe. Albertoni et Michiel il, Lussana et Lemoigne 2,

Tamburini, Luciani, Seppilli, Maragliano, Bianchi z,

'Palmerini \ Tonnini, etc., considèrent ces troubles

^moteurs comme parétiques ou paralytiques. Ainsi,

.après avoir déclaré inadmissibles les hypothèses de : Schiff, de Hitzig et de Nothnagel, Dario Maragliano

-écrivait que les points de l'écorce cérébrale dont l'ir- : ritation donne lieu à des phénomènes moteurs, et la

- destruction à des paralysies, doivent être regardés

comme «de vrais centres moteurs volontaires, capables,

sans l'intermédiaire d'aucun autre centre moteur, de

tfaire fonctionner les divers appareils musculaires ae.

Siii centri cerebrali di movimento (Sperintentale, 1876).

' Des centres moteurs encéphaliques. Recherches physio-pathologiques .

Arch. de phys. norm. et patlIol., 1877, 2° sér., iv, 119 et suiv. « La

destruction des centres corticaux entraîne une parésie des mouvements

qui en dépendent habituellement, » p. 135. Les viais centres d'innerva-

rtion motrice ne sont pas d'ailleurs, pour ces auteurs, ainsi que nous

.l'avons déjà rappelé, dans l'écorce cérébrale, mais dans « cet tains centres

pédonclilaires encéphaliques. »

3 Sulsignificato della eccitazione elettrica della zona motrice corticale.

- Archivio ilal, perle malalie nervosc, 1881. « Ces centres sont de

- vrais centres moteurs psychiques... Il n'est pas prouvé que la fonction

dévolue aux centres moteurs volontaires puisse être accomplie par

d'autres contres cérébraux; cela paraît même improbable. »

* Tre casi di 2-ai7vizollinientocei-ebi-ale nell'emisfero sinislro intéressante

la circonvoluzione frontale ascendente. (Anchivio ital. per le mal. nerv.,

1877, XIV, 303.)

, D. Maragliano (di Ileggio). Le localizrizioni mol1'ici nella corleccia

cerebrale sludiate specialmenle del lato clinico. Itivist. speriment. di

.fienial7la, (1878, p. 1 et 307).

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 37

Luciani et Tamburini n'étaient pas moins nets :

après la destruction des centres corticaux des membres,.

ils n'avaient toujours constaté que des phénomènes-

paralytiques ou d'abolition de la motilité, jamais de-

phénomènes ataxiques ou d'incoordination des mouve-

ments'. Ces phénomènes, plutôt parétiques chez les-

chiens, plutôt paralytiques chez le singe, mais toujours-

transitoires, avaient une durée en rapport avec l'éten-

due des aires corticales détruites. Mais ce qu'il im-

porte ici de noter c'est, d'une part, que ces auteurs-

avouent que, longtemps après encore, un examen mi-

nutieux permet de constater des traces de la persis-

tance de ces troubles. D'autre part, ils répètent que-

l'examen des diverses formes de la sensibilité cuta-

née, y compris le sens du toucher, n'a jamais révélé-

aucune altération de cette fonction chez les animaux.

opérés de la zone motrice. Ainsi, les aires excitables-

du cerveau sont des centres moteurs, et ne sont pas-

autre chose. Si, au lieu d'être suivie d'une paralysie,

leur destruction n'entraîne qu'une parésie des muscles-

correspondants, la nature de ces centres n'en appa-

raît pas moins comme motrice. Ce qui est vrai, c'est

que ces aires motrices de l'écorce cérébrale ne sont

pas les seuls et uniques centres des muscles volon-

taires, c'est que les ganglions de la base, les corps-

striés en particulier, sont, eux aussi, des centres mo-

teurs, et non pas seulement des centres de mouve-

ments automatiques (Ferrier), mais de vrais centres-

de mouvements volontaires. Du même coup, ces au-

1 Ricel'che spel'imentali sulle (lInioni del cel'vello. Sui centl'i psico-

motori corticali. Riv, sperinzenlate di freniatria, IV-V, 1878-79. A.

part : Reggio-Emilia, tip. di Stef. Calderini, 1878.

374 4 PHYSIOLOGIE.

teurs italiens expliquaient les suppléances des fonctions

motrices détruites, le caractère transitoire des troubles

moteurs et le retour de la motilité volontaire dans les

parties frappées de paralysie, sans recourir à aucune

des théories proposées jusqu'à eux : ils les répudient

toutes, celles de Flourens et de ses successeurs, tels

que Longet et Vulpian, comme celles de Hitzig, de

Soltmann, de Carville et Duret et de Ferrier lui-

même.

Cela ne laisse pas d'être assez piquant, car cette

théorie de Luciani et de Tamburini porte bien la

marque d'origine du physiologiste anglais. J'estime

même, sans croire pour cela que Ferrier ait raison,

que Luciani aurait sagement fait de ne point dépas-

ser de si haut les vues déjà bien hardies de son de-

vancier. Ferrier, on lésait, voit dans le corps strié un

centre où les mouvements primitivement volontaires et

appris tendent à s'organiser, à devenir automatiques,

si bien que le chien privé de ses centres corticaux

moteurs, de ses « centres de motilité volontaire »,

comme il les nomme après Carville et Duret, peut

continuer à courir, à nager, etc. En réalité, ce chien

a perdu tout ce qu'il y avait de volontaire dans ses

mouvements : il n'a conservé que ce qu'il y avait

encore d'automatique, d'organisé, dans les ganglions

de la base. Ferrier ruine ainsi radicalement la doc-

trine des suppléances fonctionnelles telle que l'ont

admise les auteurs. Mais Luciani n'est pas convaincu

du pur automatisme des mouvements du chien, soit

avant toute éducation, soit après l'ablation bilatérale

des deux gyrus sigmoïdes.

Nous pourrions nous arrêter un moment dans cette

i LES FONCTIONS DU CERVEAU. 37 S

analyse et nous demander comment un physiologiste,

en distinguant ainsi les mouvements volontaires des

mouvements automatiques ou réflexes, peut laisser

croire qu'il les tient en effet pour distincts quant à

leur nature, et contribuer ainsi à perpétuer la doc-

trine équivoque de la volonté. Certes, un pareil re-

proche ne saurait s'adresser à Ferrier, qui, souvent

profond à force de simplicité et de franchise, est

toujours d'une correction parfaite dans les questions

de psychologie physiologique. Par volontaire, il en-

tend naturellement un mouvement qui résulte de l'in-

tensité actuelle d'un groupe d'images prépondérant.

Quand le substratum organique de ces représentations

mentales est détruit, il ne peut plus exister de mou-

vement volontaire. Rien de plus évident.

Luciani l'entend bien ainsi. Les mouvements exci-

tés par les centres corticaux, dit-il, ont le caractère de

mouvements purement volontaires; ils sont l'expres-

sion objective des modifications de la conscience qui,

dans leur ensemble, constituent la volonté. Ces centres

corticaux sont bien des centres de la motilité volon-

taire. « Aussi n'appelons-nous pas ces centres corti-

caux simplement moteurs, mais hsJc7ao-nzotetcrs. »

Toutefois, pour conserver le caractère intentionnel et

voulu aux mouvements des mammifères privés de

leurs centres moteurs corticaux, Luciani et Tamburini

ont admis non seulement des centres moteurs corti-

caux et des centres moteurs basilaires : ils ont doué

ceux-ci des mêmes propriétés psychiques fonda-

mentales que ceux-là, ce que Ferrier n'a point fait.

Tout nous induit à conclure avec nécessité, disent ex-

pressément ces auteurs, que « les ganglions basilaires,

376 PHYSIOLOGIE.

et spécialement les corps striés, peuvent avoir effecti-

vement la valeur physiologique de centres de la

motilité volontaire, ou de centres pouvant être mis

directement en action par des processus psycho-sen-

sitivo-sensoriels ». Cette opinion, ils nous la donnent

comme une manière de voir (concello) qui résulte de

leurs expériences sur les singes. Ainsi, comme l'attri-

bution de fonctions « psycho-motrices », partant vo-

lontaires, aux centres basilaires, implique l'idée

(concetlo) que « ces centres sont en connexion anato-

mique directe avec les centres psychiques et avec les

centres de la sensibilité, et non pas seulement avec

les centres psycho-moteurs de l'écorce, ainsi qu'on

l'admet », on doit supposer que « des fibres intercen-

trales relient les corps striés aux diverses régions de

l'activité cérébrale ». Une excitation partie des

« centres psychiques », par exemple, et constituant

une détermination volitive, pourrait suivre deux voies

pour se transformer en impulsion motrice : 1° celle

des centres psychomoteurs corticaux; 2° celle des

faisceaux blancs qui, sans aucun doute (indubitu-

mente), relient les « centres de l'idéation », comme

toutes les autres régions corticales, aux ganglions

sous-corticaux. Les auteurs italiens se défendent

d'ailleurs d'attribuer une nouvelle fonction - une

fonction psychique- aux ganglions de la base : il leur

suffit, disent-ils, d'avoir démontré (car ils croient

l'avoir fait, et les hypothèses gratuites de tout à

l'heure sont déjà devenues pour eux des faits bien et

dûment prouvés) qu'il existe, entre les ganglions de

la base et les « centres psychiques », des rapports

anatomiques de nature à déterminer directement l'ac-

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 377

tivité des fonctions volontaires des corps striés, et cela

sans que les centres volontaires de l'écorce aient à in-

tervenir.

Puisque Luciani et Tamburini se sont placés, dans

ce premier mémoire, sur le terrain anatomique pour

édifier leur hypothèse des fonctions psycho-motrices

des ganglions de la base, et des corps striés en parti-

culier, restons-y. Sans doute, à l'époque où ils

écrivaient ce travail, ils subissaient l'influence des

doctrines régnantes sur la nature fonctionnelle des

corps striés : pendant plus d'un sièçle, on les a consi-

dérés comme des centres moteurs, et l'on a attribué

l'hémiplégie typique à la lésion de ces ganglions. On

sait aujourd'hui que les paralysies motrices dues aux

hémorrhagies du noyau lenticulaire ou du noyau

caudé résultent simplement d'une action à distance

exercée sur la capsule interne, et que ces paralysies

rétrocèdent, ce qui n'est pas le cas lorsqu'une lésion

destructive intéresse la capsule interne elle-même et a

interrompu la continuité de ses faisceaux'. Lépine,

Bourneville, Bramwell, James Ross. Fùrstner, ont

souvent trouvé le noyau lenticulaire et le noyau

caudé complètement détruits et transformés en kystes

sans qu'il ait existé de paralysie motrice, pourvu que

la capsule interne fût demeurée intacte. Les recherches

expérimentales de François Franck et Pitres, dont on

connaît les résultats contraires à ceux de Ferrier, de

Nothnagel, de Carville et Duret, ont même trouvé

inexcitables les noyaux lenticulaires et caudés.

1 C'est à ces idées que Seppilli se range dans son récent travail sur les

Tumeurs cérébrales, d'une érudition si étendue et d'une doctrine scien-

tifique si élevée. V. Tumori cerebrali, p. 68. In Biblioteca medica con-

tempo de Vallardi, 1889. l'. n.

378 PHYSIOLOGIE.

D'autre part, il y a beau temps qu'on ne fait plus

passer les faisceaux pyramidaux il travers les masses

grises des corps striés, et que les impulsions motrices

volontaires émanant de l'écorce cérébrale prennent

une autre route. De ce que les fonctions motrices, si

longtemps attribuées aux ganglions de la base, doivent

être revendiquées, à titre de simple conduction, il est

vrai, par les faisceaux blancs du tiers postérieur de la

capsule interne, il n'en suit pas, naturellement, que

les corps striés n'aient point de fonctions. Seulement,

à dire le vrai, on .ignore encore quelles sont ces fonc-

tions, et, quelque séduisante que fût l'hypothèse an-

cienne sur la suppléance des fonctions de l'écorce

cérébrale par les corps opto-striés', il n'y a sans

doute plus lieu de s'y arrêter, à moins peut-être qu'on

ne le fasse avec la réserve et la sobriété de David

Ferrier.

Mais que dire de l'hypothèse de Luciani et de Tam-

burini, hypothèse qui repose sur l'existence indémon-

trée de faisceaux de projection reliant directement les

corps striés aux centres corticaux de la sensibilité et à

de prétendus « centres psychiques » ? ?

La masse grise des corps striés ne paraît avoir au-

cune connexion directe avec l'écorce du cerveau. Des

faisceaux de fibres isolées pénètrent bien de la subs-

tance blanche du centre ovale dans le noyau leiitieu-

1 Pour Lussana et Lemoigne, les couches optiques seraient des centres

d'innervation motrice du bras, de la main et des doigts, par conséquent

du membre supérieur. L'extrémité inférieure serait au contraire en

rapport avec le corps strie. Le développement des couches optiques chez

l'homme correspondrait au degré exquis d'innervation motl icr dont jouis-

sent ses doigts et ses mains. Les paralysies produites par les lésions de

ces centres moteurs seraient proportionnelles iL l'étendue des lésions.-

Des centres moteurs encéphaliques, 1877, 1. 1.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 3ïH )

laire, mais on ignore si ces faisceaux sont en relation

réelle avec la substance grise du cerveau (Flechsig,

Wernicke, Gowers). Même incertitude sur les rapports

anatomiques de la tête du noyau caudé avec diverses

régions de l'écorce. Tout ce qu'il est permis d'affirmer,

c'est que le corps strié est dans les mêmes rapports

avec le pédoncule cérébral (pied et calotte) et avec le

cervelet, que l'est le thalamus avec l'écorce du cer-

veau. Enfin, des récentes recherches de Marchi, dont

nous parlerons, sur la structure histologique des corps

striés et des couches optiques, il résulte que les corps

striés auraient surtout des fonctions sensitives, et non

motrices, mixtes en tout cas '.

A la vérité, les résultats d'une récente étude expé-

rimentale de Baginsky et de Lehmann, sur la Fonction

du corps strié [noyau caudé), seraient en partie favo-

rables aux vues de Luciani 2. -

1 En Italie, Bianchi a soutenu récemment au cours de recherches expé-

rimentales, faites avec d'Abundo, sur les dégénérations descendantes,

que le corps strié, contrairemenc il ce qu'enseigne \Verl1lcke, est en

connexion intime avec l'écorce cérébrateau moyen d'un système défibres

de la couronne rayonnante (distinct du faisceau pyramidal), et s'atrophie

secondairement aux lésions destructives de la zone motrice. Il en résulte-

rait que la restitution partielle des tondions de cette zone après la se-

maine qui suit l'opération, ne peut-être effectuée ni par le noyau caudé

ni par le noyau lenticulaire, « car l'h) perfonction ne saurait aller de

compagnie avec l'hypotrophie et la dégénération ». Blanchi se confirme

donc de plus eu plus dans on idée que la suppléance fonctionnelle ob-

servée est due aux parties restées indemnes de l'écorce cérébrale elle-

même. Die in's Gehil'7l und 7 ! Mc ? e ? : H ! fn'c/f herabsteigenden experimenlalen

Degeneralionen als Beilrag ziiî, Lettre von den cerebralen Localisirungen.

Deutsclie Uehers. von Dr G. d'Abundo. - Neurologisches Centralbl.

1886, 385, sq. Le texte italien est plus développé : Le degenerazioni spe-

rimenlali net ceruello e net midollo spinale. A contributo delta doltrina

delle localizzazioni cerebrali. Per Bianchi e d'Abundo. Estr. dal Giorn.

La Psiçhiatria. Napoli 1886. -

e Ad. Baginsky und Curt Lehmann. Zw' FZl1lction des corpusslrialuna

(nucleus caudatus). Expel'imentelle Sludie. - Arch. f. patliol. Anatomie

und Physiologie. Berlin, 1886, t. 106, p. 258 sq.

380 PHYSIOLOGIE.

Ces auteurs ont trouvé que les troubles du sens

musculaire, la diminution de la tension musculaire,

et même les légers états parétiques de quelques groupes

de muscles, sans paralysie ni anesthésie véritables,

consécutifs aux lésions destructives du noyau caudé,

sont tout à fait de même nature que les altérations de

la motilité qui suivent les mêmes lésions de la zone

motrice corticale. Si l'animal survit assez longtemps

au traumatisme opératoire, tous ces troubles d'inner-

vation motrice, dus aux lésions du noyau caudé, fini-

raient par s'amender, comme ceux qui suivent les

destructions de l'écorce. Tels sont les principaux

troubles, - avec une excitation psychique très vive de

l'animal, qui est pris de peur, d'angoisse, et cherche

à échapper par la fuite, - que la physiologie expéri-

mentale constate aujourd'hui dans les lésions du

noyau caudé. Tous les phénomènes traditionnels dé-

crits par les auteurs, depuis Magendie jusqu'à Noth-

nagel, - l'impulsion irrésistible à courir, à accomplir

des mouvements de manège, les paralysies totales des

extrémités, les contractures des muscles de la nuque,

le ralentissenent de la respiration, la courbure de la

colonne vertébrale, etc. étaient certainement dus à

des lésions qui avaient intéressé en même temps la

capsule interne, le noyau lenticulaire, la couche op-

tique. Il n'y aurait donc pas lieu d'attribuer d'autres

fonctions aux cosps striés qu'aux parties sus-jacentes

de l'écorce cérébrale. « Les corps striés, disent expres-

sément Baginsky et Lehmann, forment une partie in-

tégrante des appareils ganglionnaires de l'écorce

cérébrale située au-dessus. » Mais il existe des faits,

que ces auteurs ont constatés à leur tour, peu conci-

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 381

liables avec cette interprétation de la nature fonction-

nelle des corps striés.

Je veux parler des faits très nets de thermogénèse,

d'hyperthermie, qui suivent les lésions du corps strié,

faits bien démontrés depuis les expériences et les

observations cliniques d'Aronsohn et de Sachs, de

Girard, d'Ott et Colmar, de Sawadowski, de Haie

White, de Horsley, de Guicciardi et de Petrazzani.

Pour ne parler ici que de ces deux auteurs italiens,

qui ont attribué à un petit kyste hémorrhagique,

trouvé dans le noyau caudé gauche, des phénomènes

d'hyperthermie unilatérale observés dans un cas

d'hémiplégie motrice droite, l'observation clinique

et anatomo-pathologique qu'ils rapportent n'est peut-

être pas de nature à bien établir la réalité d'une

localisation de centres thermo-régulateurs dans le corps

strié. Ils conviennent eux-mêmes qu'il ne s'agissait

peut-être que d'un symptôme bien connu de l'hémi-

plégie, de troubles vaso-moteurs locaux, et non d'une

augmentation diffuse de la température, comme dans

les expériences : le siège circonscrit de la lésion, aussi

limitée que Nothnagel et Charcot l'auraient pu sou-

haiter, les a engagés à publier ce cas.

Mais Baginsky et Lehmann, en enfonçant une aiguille

dans la tète du noyau caudé, mis à découvert par l'ouver-

ture des ventricules latéraux, ont aussi constaté une élé-

vation rapide de la température qui, mesurée dans le

rectum, s'éleva en quelques secondes jusqu'à 41°,6C,

et resta quatre jours stationnaire, pour retomber à la

'Délie piurecenli localizzazioni di centri lernzo-regolatori nel corpo

slrialo. Nota clinico-critica. (Dall' Istituto psichiatrico di Heggio). -

- Hiv. sperimezat. di freniatria, 1886, 399 sq.

382 PHYSIOLOGIE. ·

normale. Or, comme ces phénomènes de thermogénèse

se montrent déjà, ainsi qu'on 10 8a't depuis les pre-

mières recherches de Hitzig (1874), dans les lésions

superficielles de l'écorce de la zone motrice ', sans

que les ventricules latéraux aient été ouverts, ni que

le noyau caudé ait par conséquent à intervenir, peut-

être cette hyperthermie consécutive aux lésions du

corps strié pourrait-elle être invoquée comme un nou-

vel argument de l'identité de fonctions des corps striés

et du cerveau. En somme, les résultats de la physio-

logie et de la clinique seraient jusqu'ici plus favo-

rables aux vues de Luciani et de Tamburini que ceux

de l'anatomie.

Quoi qu'il en soit, dans l'état actuel de nos connais-

sances, la route qui, suivant les auteurs italiens, relie-

rait les corps striés aux aires corticales de la sensibilité

et aux «centres psychiques » du cerveau, est au moins

aussi imaginaire que le château de nuages où elle

conduirait. J'appelle ainsi la survivance métaphysique

qui se perpétue dans l'idée, dénuée de tout fondement

expérimental ou clinique, de ces « centres psychiques »,

admis encore par tant de psychologues et de mé-

decins.

Il ne reste donc rien, croyons-nous, de l'hy-

pothèse aventureuse dont nous venons de montrer la

fragilité. Ce qui, dans cette hypothèse, était propre à

Luciani et à Tamburini, - l'attribution de fonctions

psycho-motrices aux corps striés, n'était t point

' C'est ce qui vient d'être encore vérifié au point de vue clinique. V.

Horsley, Clinwat observations during the yast seven ylears on the value of

différences obscrved in the température of the Iwo sides of the body as

symplomalic of cérébral lésions . -1'le Brit. med. Journ. 1889. - .

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 383

supportable, et ce qui s'y trouvait de plausible n'était

point à eux, mais à Ferrier.

Aleurtour, ilsontbienvulesrapports inverses existant

entreledéveloppementdes fonctions des centres moteurs

corticaux et celui des prétendus centres moteurs basi-

laires chez les mammifères. Chez l'homme, avait écrit

Maragliano, « les centres de la base sont tout à fait

dépourvus de fonction psycho-motrice; celle-ci se

développe exclusivement dans les centres corticaux».

Luciani et Tamburini étaient également bien venus,

selon nous, à remplacer l'idée de suppléance fonction-

nelle, au sens ordinaire des auteurs, par celle du

perfectionnement et du développement, au moyen de

l'exercice, d'organes naturellement capables de com-

penser dans une certaine mesure les parties détruites.

Ils avaient raison d'invoquer à ce sujet les vues de

Pflüer sur l'extension des fonctions psychiques à

tout le système nerveux central '. Ils s'acheminaient

ainsi vers l'hypothèse de la suppléance par'perfection-

nement de l'action médullaire, de François Franck

(1877), seule hypothèse scientifique qui rende compte,

selon nous, des phénomènes de suppléance. Si, par

une sorte d'éducation, la moelle épinière devient en

effet capable de suppléer dans une certaine mesure

les centres supérieurs, il n'y a là que « le perfectionne-

ment d'une propriété préexistante, tandis que la

' Cf. OEhl, Sulla probabile dif/'usione dei centri di volontà nel naidollo

spinale dei vertebrati inferiori. - Archivio ital.per 1. mat. nel'v" 188 1, 55.

L'auteur, professeur de physiologie à l'Université de Pavie, a réussi à

provoquer, sur des grenouilles décapitées, des mouvements il tel point

variés et coordonnés, qu'ils revêtent, selon lui, le caractère de la volonté.

D'après ses expériences, OEhl incline à croire que, chez les vertébrés in-

térieurs, les cenlri di volontà ne sont pas limités, comme chez les verté-

brés supérieurs, au cerveau et au bulbe, mais s'étendent aussi à la moelle

épinière.

384 PHYSIOLOGIE.

suppléance des régions corticales enlevées, par

d'autres régions de l'écorce, n'a pour elle aucune

vraisemblance, et a contre elle la persistance de la

paralysie des mouvements volontaires chez l'homme

et chez les animaux- qui s'en rapprochent le plus. »

Ainsi, cette activité supplémentaire de la moelle,

dont l'importance est en raison inverse du développe-

ment des centres moteurs corticaux, et par conséquent

du volume du faisceau pyramidal, a des limites : elle

permet la restitution des mouvements associés des

membres dans la locomotion; « elle ne va pas jusqu'à

la réparation des mouvements compliqués, véritable-

ment volontaires'. »

En regard du grand nombre des physiologistes et

des cliniciens italiens qui tenaient pour la nature pu-

rement motrice, non ataxique ni sensitive, des

phénomènes consécutifs aux lésions destructives de la

zone excitable du cerveau, à peine en citerait-on

quelques-uns qui, comme Silvio Venturi% médecin

de Padoue, croient à la nature ataxique de ces dé-

sordres moteurs et supposent, avec Schiff, qu'une lésion

de la sensibilité tactile peut suffire à les expliquer.

L'illustre prédécesseur de Luciani dans la chaire de

physiologie de Florence, Maurice Schiff, tient une si

grande place dans l'étude de cette question (qu'il a

d'ailleurs traitée à l'origine dans des livres et dans

1 François Franck. Système nerveux. Physiologie. Dictionn. des sciences

médicales de Dechambre, p. 592 ; Leçons sur les fonctions motrices du

cerveau, p. 387. Hitzig aussi s'est rangé il cette doctrine. V. Urger Funk-

lioaen des Grosshiras(188G).Bioloâ. Centralbl., VI, 5G9.

' S. Venturi. Se lo studio délie psicopalie possa venire in appoggio

all'attuale teoria dei centri 11lotol'i e psicomolori. - Archiv. ital. per le

mal. nerv., 1878, t21 sq.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 38 ?

des recueils savants rédigés en langue italienne), qu'il

nous faut dire ici quelques mots de sa doctrine. Dans

ses Lezioni di fisioloqiti sperimenlale sul sistema

nervoso encefalico (2e édit., Florence, 1873; voir

l'Appendice, 523-540), comme dans ses articles de-

la Rivisla sperimentale di freniatria, de 1876 t,.

Schiff rappelle que, dès 1871, un an après les expé-

riences de Fritsch et Hitzig, le rédacteur d'un journal'

de médecine, V Impartiale medico, de Florence, avait'

écrit, sous son inspiration, que tous les effets immé-

diats de la destruction des prétendus centres moteurs-

(alors considérés comme tels par Hitzig) dérivent de-

lésions de la sensibilité, et sont bornés à cette sphère-

(rimane nella s fera délia sensibilila).

Sans insister sur les arguments tirés par Schiff de l'ab-

sence de réponse aux irritations électriques du gyrussig-

moïde chez l'animal profondément narcotisé, sur la

longue durée du retard des réactions déterminées par

l'excitation de ces régions de l'écorce, ce qui permet de-

les assimiler à des centres d'actions réflexes, non à des.

centres moteurs, etc., le professeur de Florence-

témoignait qu'il suffit d'être familier avec la nature-

des mouvements que présentent les animaux après la-

perte de la sensibilité tactile par section des cordons-

postérieurs de la moelle, pour les reconnaître chér-

les animaux dont les lobes antérieurs du cerveau ont

été extirpés. Ce que le chien a perdu dans les mem-

bres, le tronc ou la face du côté opposé à la lésion,

cérébrale, ce n'est pas l'énergie des mouvements

musculaires, mais, avec les sensations de tact et de

1 Dei ]J1'e/esi cen/I'i motori negli emisferi cerebrnli.-Riu. dik

freniatria, 1876, p. 1 et 265.

Archives, t. XVIII. 2a

386 PHYSIOLOGIE.

contact, la sûreté et l'ajustement exact de ces mou-

vements. Ainsi, le chien court bien et avec énergie, il

saute et s'élance avec les extrémités postérieures,

mais il lui arrive de s'appuyer sur le dos du pied, il

glisse sur un terrain uni, tombe sur les genoux :

c'est qu'avec la perte de la sensibilité tactile, il n'est

plus exactement renseigné sur la position de ses

membres ni sur la qualité du sol qui le porte. Il

mâche bien des deux côtés sa nourriture (avec une

lésion unilatérale du cerveau), et la force des muscles

de la mastication est très grande. Si on lui offre un os

du côté opposé à la lésion, il le prend dans sa gueule et le

brise avec ses dents; mais, après la première bouchée,

il ne sent plus l'os qui touche sa joue et s'arrête. Si

on lui présente l'os du côté sain, il sent au contraire

le contact et continue à manger. « Existe-t-il rien de

plus caractéristique d'une anesthésie tactile ? »

Ajoutez que ce chien ne retire pas sa patte de l'eau et

ne réagit pas au contact d'une plume. C'est donc

bien d'une anesthésie cutanée qu'il s'agit, selon

Schiff. La sensibilité à la douleur et à la pression est

conservée. Cette ataxie motrice des extrémités est

l'effet, non d'une paralysie motrice, mais d'une para-

lysie de la sensibilité tactile. Tous les troubles de la

motilité observés, ceux de la position et des mouve-

ments des membres, dérivent de cette altération de la

sensibilité cutanée et sont purement secondaires.

A l'appui de cette anesthésie de la peau et des mu-

queuses, consécutive aux lésions destructives des

centres dits moteurs, Schiff rapporte qu'il a trouvé un

grand nombre d'insectes parasites sur le côté anes-

ihésié des chiens en expérience.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 387

Goltz avait noté le même fait après la mutilation d'un

hémisphère cérébral ; seulement, outre la sensibilité

tactile, la sensibilité à la pression, la thermoesthésie, le

sens musculaire, lui avaient parudiminuéducôté opposé

à la lésion, alors qu'aucun muscle de l'animal n'était

paralysé \ Goltz a donc résumé et concilié, comme

l'a fait Munk, les idées de Schiff et de Hitzig sur la

nature de ces troubles, puisqu'il constate à la fois

des lésions de la sensibilité tactile et du sens muscu-

laire. Hitzig, on le sait, n'était pas arrivé du premier

coup à cette dernière interprétation. Le professeur.

Schiff en prend souvent texte pour répéter, à propos

de ce qu'il appelle la « conversion de Hitzig », que

ce physiologiste, « afin de sauver son idée d'un rap-

port existant entre la zone excitable et les organes

du mouvement, avait donné aux phénomènes observés

le nom de désordres de la conscience musculaire :

grâce à cet artifice, Hitzig avait pu abandonner l'idée

de paralysie. » -

Mais, avec son étrange pénétration, Hitzig a appelé

la ruine sur l'édifice si laborieusement élevé, durant

tant d'années, par son adversaire. « S'il s'agissait de

réflexes, dit-il, les contractions ne devraient plus se

produire après l'ablation de l'écorce, puisque l'écorce

représente le centre réflexe, ce qui n'est point-le- cas.

C'est'évidemment pour parer à cette objection que,

dans son hypothèse la plus récente, Schiff a situé ce

centre réflexe ailleurs que dans l'écorce, mais sans

1 Schiff attribue ces troubles des sens de la pression et de la tempéra-

ture, qu'il n'a pas observés, il l'étendue et surtout à la profondeur des

mutilations du cerveau, PflÜger's Al'cltiv f. Phys., XXX, ? lS sq.

388 PHYSIOLOGIE.

désigner autrement le lieu `. » En effet, comme s'il

pénétrait dans un pays inconnu et absolument inex-

ploré, Schiff imagine l'existence d'un centre réflexe

sous-cortical de perceptions tactiles (Tastcentl'll7n),

où monteraient les cordons postérieurs de la moelle

épinière, et d'où decendraient les faisceaux pyrami-

daux, ces deux sortes de fibres, sensitives et motrices,

formant un même système et représentant, les unes,

les voies centripètes, les autres, les voies centrifuges

ou kinésodiques d'un arc réflexe, grâce auquel les

sensations tactiles, qui règlent nos mouvements, pro-

voquent cet ensemble de contractions musculaires

nécessaires à la direction, à la coordination et à

l'équilibre de ces mouvements. Le point où ces deux

faisceaux de fibres ascendantes et descendantes se

rencontrent et coïncident est le centre réflexe de la

sensibilité tactile. Il ne faut plus le chercher dans

l'écorce cérébrale ; il doit siéger quelque part,

dans les parties plus profondes du cerveau. La

lecture du Mémoire où Schiff a traité, sous forme

d'appendice, ce difficile sujet, ainsi que l'étude du

schéma compliqué qu'il y a joint, laisse à la fois une

impression d'admiration pour la grande et forte

culture du physiologiste, el de respectueuse compas-

sion pour la faiblesse de sa logique, que tant de

science n'a pu préserver des paralogismes et de

l'aveuglement systématique le plus extraordinaire.

On songe involontairement à Goltz. Mais Schiff

perd plus complètement de vue la terre et se laisse

1 Hitzig. - Zim Physiologie pes G,'osshil'1ls. - Arch. f. Psych. und

Neruenl,·rankh., XV, 1884, 270 5. Congrès des neurologistes et alié-

nistes de Bade, juin 1883. Cf. Ueber Funhlionen des Grosslvirns (188G).

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 389

décidément emporter sans retour par la chimère.

Il pouvait, comme Munk, qu'il loue fort et admire,

demeurer dans le monde des choses connues ou

connaissables. Si Hitzig a découvert les troubles

moteurs consécutifs aux lésions de la zone excitable,

Schiff nous a révélé ceux de la sensibilité tactile.

Ni l'un ni l'autre ne sont tombés dans l'explication

banale d'une paralysie véritable. Les troubles de la

motilité volontaire, tous deux les ont rapportés à une

altération soit de la conscience musculaire, soit des

représentations centrales de la sensibilité tactile.

L'avenir, à en juger par la doctrine de Munk et par

celle de Luciani et de Seppilli, paraît être à ceux qui

saluent dans Hitzig, comme dans Schiff, des précur-

seuls 1. Mais ces grands inventeurs semblent destinés à

se méconnaître et à se nier, quoique Hitzig ait l'esprit

plus ouvert, et qu'il ne parle qu'avec une ironie de

bon goût des dernières imaginations de Maurice

Schiff. Pourquoi, demande-t-il, ces faisceaux de fibres

se donneraient-ils rendez-vous sous l'écorce, où ils

ne pénètrent -pas ? Comment Schiff pourra-t-il expli-

quer ces désordres de la motilité qui succèdent aux

plus minimes lésions de l'écorce cérébrale ? 2

Schiff a rencontré de plus rudes adversaires, et

1 Pfliiger's Archiv f. Physiol., XXX, 253 sq. « Une seule chose est

sûre : ce ne sont pas des centres corticaux. » V. les savants mémoires du

professeur Schiff, Cebeo die E"I'egbm'keit des Ruckenmarks, dans les Ar-

chives de P ! 1uger : XXVIII (1882), p. 537. XXIX (1882), p. 537. XXX (1883),

p. 199; p. 212 : Anhanguber die angebliche motorische En'egbm'/oeit der

Grosshiirnrirzde, et, p. 267, le schéma qu'a construit Schiff pour montrer

quelles idées théoriques il se fait de la disposition des partiesdu cerveau

dans la région de la zone excitable. Cf. encore XXXIII (188î), p. 201-71, 1,

Ein neuer Versuch an der e2 ? egbai-ez Zone dei, Ili-iii,inde, contre l'article

publié par Bechterew, dans le t'entralblatt de Mendel, sur la localisation

de la sensibilité cutanée dans les hémisphères cérébraux.

390 PllTSIOLOGIE.

des contradicteurs au verbe haut et dur. Je ne parle

pas des Italiens. Lussana lui avait bien adressé cette

objection topique : « Les symptômes de parésie par

ablation des centres cortico-cérébraux sont tout à

fait transitoires, tandis que l'ataxie par destruction

des centres sensitifs est permanente » (1877). Luciani

et Tamburini lui faisaient cette autre critique :

L'hypothèse de « mouvements réflexes » se heurte

contre le fait de la décomposition, de la coordination,

de la constance des mouvements isolés, qu'on obtient

par des excitations localisées de l'écorce. Ni la forme

ni les caractères des mouvements réflexes ne présen-

tent rien de semblable. Au fond, l'hypothèse de Schiff

ne diffère point de celle de Hitzig : tous deux rappor-

tent les altérations du mouvement à des troubles de

la sensibilité générale. On pourrait donc retourner

contre Schiff les critiques qu'il adresse à Hitzig 1.

En Russie, Bechterew a renouvelé contre Schiff la

même critique que Luciani : « Il n'existe, dit-il, aucune

1 Rav. speriment. di J'reniatria, IV, 250 (1878). Cf. Suit' eccitamento

meccanico dei centri 7/l0tOl'¡ corlicali, Milano, 1881. (Extrait des Atti

dei IV Congresso freniatrico ital. tenuto in Voghera nel sett. 1883),

p. 10 : · S'il était vrai que les éléments excitables de l'écorce ne fussent

que les prolongements cérébraux des faisceaux sensitifs des cordons

postérieurs de la moelle, et qu'après l'extirpation des aires excitables

des membres, il n'existât qu'une simple paralysie de la sensibilité tactile

des extrémités, comment expliquer le fait que, dans le cas spécial ici

communiqué, non seulement il n'y eut pas d'anesthésie, mais une

hvperesthésie tactile des membres antérieurs, associée à une parésie des

extrémités ? »

C'est dans ce mémoire que Luciani démontre qu'en excitant mécani-

quement, avec un corps obtus, les parois et le fond du sillon crucial du

chien, on obtient des réactions motrices correspondantes des membres

du côté opposé. En avant comme en arrière de ce sillon, l'écorce a été

trouvée mécaniquement inexcitable.

Cf., pour la question de l'excitabilité de l'écorce cérébrale, en Italie,

les recherches expérimentales de Cipollim et de Vizioli. Giornale di

neuropatologia, de Naples, juillet, 1882. ·

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 391

identité entre les mouvements dus à l'irritation des

cordons postérieurs de la moelle, et ceux qui résultent

de l'excitation de la substance corticale du cerveau.

Dans le premier cas, ce qui se produit, ce sont des

réflexes communs des membres, dans le second, des

mouvements complètement différenciés des différents

groupes musculaires de telle ou telle région '. » Pour

Bechterew, l'aire corticale dont l'excitation détermine

ces mouvements est, on le sait, purement motrice.

Là sont « les centres véritables du mouvement », au

sens de David Ferrier. Jamais il n'a observé un

trouble quelconque de sensibilité dans ses expériences

sur les fonctions de la zone motrice. Il a donc localisé

ailleurs, sur le lobe pariétal, les centres des sensa-

tions tactiles, musculaires, douloureuses 2. Schiff ne

pouvait donc rencontrer un adversaire plus résolu.

Bechterew, par exemple, lui demande : Si un chien,

dont le centre moteur de la patte antérieure droite a

été enlevé, ne tend plus cette patte quand on l'en

prie, parce qu'il aurait perdu les images ou repré-

sentations tactiles (7o/e//<Me) correspondantes,

pourquoi ne se laisse-t-il pas guider par le sens

musculaire et par la vue, puisque, d'après Schiff

lui-même, il n'existe pas de paralysie du mou-

vement 3 ?

Mais c'est des Anglais que sont venues à Schiff les

1 Bechterew. - Physiologie de la région motrice de la substance

corticale du cerveau. (Archives slaves de biologie, III, 1887, p. 189.)

co)'<tcn/e M cet'ueaM. (h'e/tii;es s/au de & : o ? e, lit, 1887, p. 189.)

. Ueber die Localisation der liaiiiseiisibiiiimt (TtlSt-und Schmèrenzp-

findungen) und des Muskelsinnes an der Oberflxche der Grosshirnhe-

naisphxren. - Neurol Centrait))., 1883, n" 18.

3 }l'ie sind die Erscheinungen zu verstehen, die nach Zel'stoerlmg des

motO/'isC/1CI1 ¡¡i¡¡den{e/des an 1'h,ieI'en au{l1'eten ? Arch. f. d. gesamm :

Physiol., XXXV, 1885, 137. 1

392 PHYSIOLOGIE.

,critiques décisives. Dans un article, où il répondait à

Horsley, Maurice Schiff, reproduisant ses thèses bien

-connues, - que l'unique effet de l'ablation de la

.zone excitable est une anesthésie tactile, et,

ajoute-t-il maintenant, l'insensibilité au froid (Herzenl),

répétait que les mêmes troubles ataxiques qu'on

.observe chez le chien après l'ablation de la prétendue

.zone motrice, apparaissent après la section des

.cordons postérieurs de la moelle; mais il ajoutait

que, cinq jours après la section de ces cordons,

l'excitation de la zone motrice demeurait sans effet.

Les résultats contraires de Horsley devaient être

-attribués à l'action des courants induits sur le fameux

.centre réflexe inconnu ! En d'autres termes, la section

des voies de la sensibilité cutanée entraînerait, d'une

'façon quelconque, une dégénération ascendante, qui

se propagerait jusqu'à l'écorce 2; de là l'inexcitabilité

de la « zone motrice ». Suivant Horsley, la perte des

réactions motrices de l'écorce est due à une lésion

'des faisceaux latéraux des pyramides; d'après Schiff,

.la zone motrice ne serait qu'un centre trophique pour

les cordons latéraux : ils n'auraient pas de rapport

'fonctionnel avec cette zone. Si donc Horsley n'a pu

-constater la perte des sensations du tact et du froid

^après la section des cordons postérieurs, c'est que la

' ' Selon Herzen, la même région du cerveau (gyrus sigmoïde chez le

'chien) contient le centre (ou les conducteurs nerveux conduisant au

-centre) des sensations du tact et du froid ; ces deux sensations sont

transmises par les cordons postéiietirs de la moelle épinière. Ueber die

Spaltung des Tenaperatursinnes in zwei gesonderte Sinne. Versamm-

ilung der deutschen Naturforscher ? td & --i-zte in Strassuurg, 18-23

sept. 1885. ! Schiff. On the excitable area of the cortex and ils relations

ito the colizi7ziis of the spinal cord. A ¡'epl ! } to pi-ol. llorsley.

(Brain, 188fui.) .

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 393

section était incomplète ou que la critique de ce

physiologiste est en défaut.

Qu'a répondu Horsley ? Que, sans discuter les opi-

nions de Schiff sur la nature réflexe des effets de

l'excitation de la zone motrice, l'ancien professeur de

physiologie de Florence n'a pas prouvé que les cor-

dons postérieurs de la moelle sont en relation directe

avec la zone motrice corticale, et que, si cette zone

n'est plus excitable cinq jours après la section des

cordons postérieurs, la cause n'en est point dans une

prétendue dégénération ou influence dégénérative

ascendante, car, lorsque le faisceau pyramidal est intact,

les résultats négatifs de Schiff ne se produisent pas :

la raison suffisante de ce fait, c'est que, en même

temps que les cordons postérieurs, Schiff a lésé la

voie motrice des pyramides ' !

III.

Frappé de la force des arguments des deux théo-

ries motrice et sensitive, Tamburini chercha, dès 1876,

dans son mémoire- sur la Physiologie et la Pallaolo-

gie du langage, la conciliation de ces doctrines

contraires sur la nature des centres moteurs corti-

caux. La théorie éclectique qu'il présenta était bien

faite, ce semble, pour rapprocher ces interprétations

' Horsley.- A further and final criticism of Prof. 5'c/i'/y'x experinzen-

tal démonstration of the relation wlllch he belieL'es to exist belween the

poslerior columns of the spinal cord and the excitable area of tlze cortex.

(Brain, 1886.) L'article de Horsley, auquel a répondu Schiff, avait pan.

également dans le Brain (1886, IX, 42 sq.) sous ce titre : On the relation

belween the posterior colzznvzs.of the spinal cord and the excitomotor

area of the cortex, willz especial référence to prof. SC/I1/J's views

on the subject.

394 PHYSIOLOGIE.

divergentes. Déjà, d'ailleurs, Hitzig avait vaguement

indiqué que la zone excitable de l'écorce cérébrale

devait renfermer à la fois des éléments nerveux en

rapport avec les mouvements volontaires des différents

groupes musculaires~et avec la perception des impres-

sions sensibles de la périphérie. « L'âme n'est nulle-

ment, comme le pensait Flourens, une manière de

fonction d'ensemble du cerveau, disait Hitzig ; au

contraire, certaines fonctions psychologiques, vraisem-

blablement toutes, à leur entrée dans la matière ou à

leur sortie de la matière, appartiennent à des centres

circonscrits de l'écorce cérébrale'. » Il est évident,

pour Luciani et Seppilli, que, dans cette sorte de

formule, assez obscure, de la nature fonctionnelle de

la zone excitable, les mots « entrée » et « sortie » de

la matière, ne peuvent désigner que les éléments

moteurs et sensitifs de cette zone 2. Hitzig aurait donc

dû admettre la nature mixte ou sensitivo-motrice de

cette région. Mais on chercherait en vain dans

l'oeuvre du physiologiste allemand la confirmation

explicite de cette interprétation de sa pensée.

La constance des mouvements localisés produits

par l'excitation électrique de régions déterminées de

l'écorce, l'inexcitabilité des zones environnant l'aire

motrice, la localisation des convulsions et des paraly-

sies d'origine corticale, plaidaient fortement, aux yeux

de Tamburini, pour la nature motrice de ces centres.

D'autre part, les phénomènes d'ataxie et d'anesthésie

qui suivent leur ablation ne témoignaient pas moins

1 1870. Uaterstzchungen ÜÚCI' clas Gehirn . Abhaudluxgen...

(Berlin, t87#), p. 31.

* Le localizz. {1t1lzion. dei ceovello, 240-1.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 395

en faveur de la nature sensitive de ces territoires cor-

ticaux. Dans ce domaine de la sensibilité générale,

quelle est la fonction physiologique des cellules ner-

veuses de l'écorce cérébrale ? Sentir et percevoir les

excitations centripètes, transmises par l'appareil spi-

nal, et les transformer en impulsions motrices volon-

taires. « Il doit donc exister nécessairement, écrivait

Tamburini, des points qui sont le siège primitif où

l'excitation sensitive, devenue perception consciente,

se transforme en impulsion motrice. » Ces points

devaient être en grand nombre et en rapport spécial

'avec les différentes régions du corps. Tamburini admet-

tait donc, comme très probable, que ces « ? oints ? e-

miers de transformation sezsilivo-motrice correspon-

daient précisément aux centres corticaux étudiés »

par les auteurs. Ainsi, « chacun de ces centres serait,

à la fois, un foyer de réception et de perception des

excitations sensitives provenant d'une partie donnée

du corps, et le point de départ du stimulus centrifuge

volontaire, allant aux muscles de cette partie » '. La

production directe de mouvements localisés s'expli-

querait alors aussi bien que la perte de la sensibilité.

Dans le premier cas, le courant électrique serait l'é-

quivalent du courant nerveux; dans l'autre, l'ablation

des centres abolirait la perception des impressions

périphériques.

Mais, dans le mémoire publié avec Luciani sur les

centres corticaux psycho-sensoriels (1879), Tamburini

a étendu aux centres de la vision et de l'audition

l'hypothèse qu'il avait appliquée à ceux de la zone

1 Tamburini.-Cont1'ibu : ione alla fisiologia e patologia dei linguaggio.

Reggio-Emilia, 1876, p. 33.

393 . PHYSIOLOGIE.

excitable. Celle-ci d'ailleurs n'est plus confinée à la

zone motrice. Car les effets de l'électrisation des régions

sensoreilles de l'ouïe et de la vue « ne diffèrent en

rien de ceux qu'on observe en excitant les centres

moteurs de la zone-de Hitzig». Les mouvements du

pavillon de l'oreille et des muscles oculo-palpébraux

qu'on détermine ainsi, ne sont sans doute pas de nature

réflexe (Ferrier), mais impliquent l'existence, dans les

aires sensorielles de l'écorce, d'éléments moteurs,

confondus avec les cellules de sensibilité spéciale, ou

groupés et isolés en nids. Les impressions périphéri-

ques des sens, parvenues à ces centres, s'y transfor-

ment en impulsions motrices volontaires des muscles

des organes de ces sens. On peut également provoquer

un accès d'épilepsie générale en portant sur ces cen-

tres sensoriels un stimulus électrique d'une durée et

d'une intensité suffisantes : si l'on excite la zone

de l'audition, par exemple, les convulsions débuteront

par le pavillon de l'oreille du côté opposé '.

En 1880, Luciani déclarait que l'étude des faits l'avait

amené à une notion peut-être moins précise, mais cer-

tainement plus vraie, moins exclusive, des localisations

cérébrales. Ainsi, la surface du cerveau ne doit pas

être divisée en zones distinctes du mouvement et de la

sensibilité. « Nous croyons que les centres moteurs et

les centres sensoriels qui concourent à l'effectuation

d'une fonction complexe sont confondus (conznzisli) ou

se trouvent très rapprochés (in gran vicinana) dans

l'écorce cérébrale. » Avec Seppilli, Luciani avait cons-

' Luciani et Tamburini. Sui centri psico-sensori cortali. Riv. speri-

naent. di freniatria, V (1879), p. 47 sq.; 70. Luciani. Sulla palo,genesi

clell' epilessia. Comunicazzione... Discussione... Milano, 1881, p. 17.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 397

talé que les effets qui suivent la destruction d'un cen-

tre moteur cortical ne consistent pas uniquement en

une paralysie ou une parésie du mouvement, mais

aussi en une altération plus ou moins nette des diver-

ses formes de la sensibilité cutanée et musculaire. Il

avait pu vérifier l'existence des phénomènes décrits

par Munk; seulement, ces paralysies de la motilité, il

ne les attribuait pas à des paralysies de la sensibilité

générale, à la perte des images ou représentations

psychiques qui doivent précéder l'exécution de tout

mouvement volontaire ou intentionnel, bref, à des

paralysies psychiques. Luciani soutenait que, mêlés

aux vrais centres moteurs des différents groupes mus-

culaires, et fonctionnant simultanément, il existe dans

l'écorce des centres de sensibilité cutanée et muscu-

laire, des centres sensitivo-moteurs. Et de même qu'il

existerait des centres moteurs confondus avec les cen-

tres sensoriels de la vue et de l'ouïe, il existerait,

confondus avec les centres moteurs de la zone exci-

table, des centres de sensibilité générale. « Les centres

moteurs, disait Luciani, ne se trouvent pas localisés

dans l'aire corticale appelée jusqu'ici « zone motrice »,

dénomination à abandonner, puisque cette zone n'est

pas exclusivement motrice. Toutes les différentes

régions de l'écorce sont, à des degrés divers, semées

de centres moteurs spéciaux. Pour être sûr d'avoir

détruit tous les centres moteurs, il faudrait donc enle-

ver toute l'écorce cérébrale. »

L'expression de pareilles idées chez les auteurs ita-

liens, de 1876 à 1881, nous paraît bien digne d'être

remarquée. Elles n'avaient pas encore de base anato-

mique et manquaient des solides fondements que les

398 PHYSIOLOGIE.

grandes études histologiques de Golgi devaient leur

apporter. Depuis, d'autres physiologistes ont confirmé

ces faits d'une manière indépendante. C'est ainsi que

Bechterew a déterminé, en dehors de la zone motrice

proprement dite, des points aussi constants que ceux

de cette région, dont l'excitation provoque toujours

des mouvements des yeux, des oreilles, du nez et des

joues. L'excitation de la deuxième circonvolution

externe du chien, par exemple, entre le bord postérieur

du gyrus sigmoïde et la pointe du lobe occipital, pro-

duit une déviation conjuguée des yeux du côté opposé,

un rétrécissement des pupilles, une légère occlusion des

paupières; appliquée quelques millimètresenarrière du

gyrus sigmoïde, sur la même circonvolution, le stimu-

lus électrique détermine un plissement du nez et des

joues ; les dents se découvrent ; l'excitation de la

troisième circonvolution, toujours en arrière du gyrus

sigmoïde, est suivie du redressement de l'oreille

opposée, quelquefois aussi du même côté, etc. Quand

Ferrier a décrit ces mouvements, il les attribuait, on

le sait, à des réactions réflexes des centres sensoriels de

l'écorce, interprétation que Bechterew repousse à son

tour, comme l'avaient fait Luciaui et Tamburini,

comme l'a fait Datiillol, parce que ces mouvements,

toujours uniformes et localisés à un groupe de muscles,

' Danillo a prouvé que les mouvements des yeux observés dans l'ex-

citation du lobe occipital ne peuvent être de natuie réflexe, c'est-à-dire

résulter de sensations optiques subjectives, car, après l'ablation totale

de l'écorce du lobe occipital, ces mouvements se produisent avec une

parfaite identité lorsqu'on excite la substance blanche de ce lobe.

Les lobes occipitaux dans leurs rapports avec les fonctions oculo-ntotrices

chez les animaux ? ioiit,eau-71cs ou très jeunes (Laboratoire de

nlierziejewsky), Wratsch, 1888. - Analysé dans les Archives de neuro-

logie, 1889, 1 r i.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 399

n'ont rien qui ressemble à des mouvements réflexes

généraux. Or ces points excito-moteurs n'appartiennent

pas à la zone motrice, c'est-à-dire au gyrus sigmoïde,

où se distribuent uniquement les fibres du faisceau

pyramidal. Les mouvements que ces centres déterminent

ne sont point dus non plus à la propagation du courant

aux régions motrices, car si on isole ces centres par la

méthode des circonvallations, les mouvements en ré-

ponse persistent. Outre qu'ils sont situés en dehors de

l'aire corticale où s'irradient les fibres du faisceau pyra-

midal, ces centres, pour être excités, exigent l'applica-

tion d'un courant plus fort et d'une plus longue durée;

leur destruction n'entraîne pas de troubles manifestes

de la motilité; enfin, les mouvements qu'ils provoquent

ne sont pas aussi bien différenciés queceux qui résultent

de l'excitation de la zone motrice proprement dite.

Mais, en dépit de ces caractères négatifs, ces centres

disséminés à la surface de l'écorce sont bien, pour

Bechterew, des centres moteurs véritables, des points

d'origine de faisceaux moteurs indépendants, dont les

fibres centrifuges vont innerver des muscles de la

moitié opposée du corps. Le fait que, pour les exciter,

il faut employer des courants plus intenses que pour

les centres de la région motrice, prouverait qu'ils ne

sont pas, comme ceux-ci, unis directement aux racines

antérieures de la moelle épinière, et que, selon toute

apparence, « ils transmettraient aux muscles leur exci-

tation par l'intermédiaire de masses grises situées

profondément dans le cerveau, probablement les

couches optiques'. »

' ' Bechtft'ew. P ? 0 ? <' de s t'to) : ? ob ? ce df a SMance

' ' Bechterew. Physiologie de la région motrice de la substance

.co1,ticale du cerveau. {Archives slaves de biologie, 111, 1887, 177 sq.)

400 PHYSIOLOGIE.

Il existerait donc des centres corticaux moteurs de

deux sortes : les uns facilement excitables, les autres

plus difficilement excitables. Cette distinction, Bech-

terew l'a trouvée également fondée dans ses récentes

expériences sur l'Excitabilité des différents territoires

de l'écorce cérébrale chez les animaux nouveau-nés 1. i.

Ainsi l'excitation des points facilement excitables du

gyrus sigmoïde provoque déjà des mouvements des

membres, alors que celle des centres moteurs difficile-

ment excitables demeure encore sans effet. Les mouve-

ments du pavillon de l'oreille n'ont pu être produits

qu'une semaine environ après l'apparition des réac-

tions motrices des membres, dues à l'excitation du

gyrus sigmoïde. Quant aux mouvements conjugués

des yeux, déterminés par l'excitation de l'écorce du

lobe occipital, ils n'ont apparu qu'après la fin du pre-

mier mois.

Telle est la dernière forme scientifique qu'a revêtue

et que traverse aujourd'hui l'hypothèse générale de

Tamburini.

Quel que soit le centre de la zone motrice extirpé,

les altérations du mouvement et de la sensibilité ne se

limitent pas, suivant Luciani et ses collaborateurs, aux

muscles et au territoire cutané correspondant à ce centre :

elles s'étendent à d'autres régions du même côté.

Ainsi, après l'ablation du centre cortical du membre

postérieur gauche, la paralysie du mouvement et de

la sensibilité s'étendrait plus ou moins au membre

antérieur et à la moitié de la face du même côté.

Qu'en conclure ? Qu'il n'existe pas de limites tranchées

1 Weber die Erregbru'loeit verschiedener lIiI'llúe;Í1'ke bei ncugebo-

renen 1'leieren. (Nell1'ologisches CM/t'aaM, 1889, 15 sept.)

LES FONCTIONS DU CERVEAU. lion

entre les différents centres de l'écorce, que les aires

sensitivo-motrices des extrémités et de la face sont « en-

grenées » entre elles, si bien que l'ablation d'un

centre retentit plus ou moins sur les autres, et cela

abstraction faite des phénomènes bien connus, de

nature transitoire, qui accompagnent et suivent le

traumatisme opératoire.

Les idées théoriques d'Albertoni sur la nature fonc-

tionnelle des « centres moteurs » sont en accord avec

celles de Tamburini, dont il adopte l'hypothèse de la

constitution mixte des centres moteurs et sensoriels. Il

en résulte que la dénomination d'aire psycho-motrice

appliquée, d'une manière spéciale, à la région rolan-

dique, si elle est utile en clinique, ne lui paraît pas

fondée au point de vue physiologique, car le cerveau

tout entier, et non pas seulement une certaine région,

participe plus ou moins à la production des mouve-

ments volontaires. La vie psychique, qui se manifeste

par les mouvements les plus variés, n'a-t-elle pas pour

substratum anatomique toute l'écorce cérébrale ? Tou-

tefois, avec Vulpian, Albertom admettait que, partie

des points les plus différents de l'écorce, l'impulsion

motrice volontaire devait passer par certaines régions

plus particulièrement considérées comme psycho-

motrices, pour atteindre les faisceaux en rapport avec

les noyaux gris moteurs de la moelle épinière. Ces

régions corticales « psycho-motrices ne seraient don

qu'indirectement motrices : elles ne provoqueraient

des mouvements que par l'intermédiaire des centres

directement moteurs'.

' Albertoni.- Le <ocaHz : a ? on ! cere<')'a/ : (/<6['a medica, 1881). Compte

rendu, par Tamburini, dans la Riv. speJ'i11lent. di freniatria, 1881. 3 ? 3.

Archives, t. XVIII. 9Q

402 . PHYSIOLOGIE.

L'exposition des expériences de Raymond Tripier

(1877, 1880) et de Goltz sur les troubles de la motilité

et de la sensibilité générale, consécutifs aux lésions

destructives des régions motrices de l'écorce, nous

mènerait trop loin,- si nous suivions ici les auteurs

italiens. Qu'il nous soit permis de renvoyer à l'étude

que nous en avons déjà faite ailleurs'. Goltz, avec sa

verve éclatante et l'audacieuse indépendance de son

esprit, a toujours exercé une véritable séduction sur les

Italiens. Le physiologiste de Strasbourg a retrouvé la

faveur qu'ils accordaient autrefois à David Ferrier, et

qu'ils n'ont jamais accordée sans réserve ni à Hitzig,

ni à Munk, ni à Exner lui-même. Luciani ne va pourtant

pas jusqu'à admettre que, si les chiens mutilés du cer-

veau antérieur acquièrent ou semblent réacquérir la

sensibilité générale et la motilité volontaire, c'est

que les régions postérieures du cerveau, demeurées

indemnes, suppléent les parties enlevées. Il rappelle

très bien à Goltz qu'il a lui-même reconnu et confessé

que les fonctions des régions occipitales diffèrent de

celles des régions antérieures. Mais c'est pour retomber

dans son ancienne théorie de la suppléance des fonc-

tions psycho-motrices de l'écorce par celles des gan-

glions de la base, des corps striés. Cette compensation,

toutefois, reste toujours incomplète : les troubles per-

sistants de déficit, les altérations résiduelles de la sen-

sibilité tactile et musculaire, ainsi que celles des

« idéations motrices ", représentent pour Luciani ce

minimum de désordre fonctionnel que les centres sous-

corticaux sont impuissants à suppléer. Quant à la

' Jules Soury. - Les fonctions du cerveau. - Doctrines de Fr. GOITI..

Paris, 1880, 30 sq.

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 405

coexistence d'une hypéresthésie de la sensibilité cutanée

(telle que Goltz et Luciani l'ont quelquefois observée

dans des lésions destructives de la zone excitable) avec ¡

une perte partielle des représentations mentales corres-'

pondantes, elle viendrait à l'appui de la théorie, peu

vraisemblable selon nous, qui a été exposée plus haut,

savoir, que l'écorce cérébrale est le siège des idées et

de la mémoire, c'est-à-dire des résidus des perceptions'

antérieures, mais non des sensations.

J'arrive aux résultats des dernières expériences

connues de Luciani sur le sujet de ce chapitre'. Voici

d'abord deux questions qu'il s'était posées et qu'il a-

résolues au point de vue expérimental : 1° Après une'

extirpation partielle ou totale de la zone dite motrice,' ·

les phénomènes de parésie ou de paralysie affectent-'

ils non seulement la motilité volontaire, mais aussi la

sensibilité cutanée et musculaire ? - Oui, car dans'

aucune des expériences les troubles les plus nets de la

sensibilité générale n'ont manqué, associés à ceux de'

la motilité volontaire. La sensibilité tactile s'est tou-

jours montrée la plus altérée ; les sensibilités à la dou-

leur et à la température étaient aussi diminuées et,

dans les premiers jours, quelquefois abolies. Quant au

sens ou à la conscience musculaire, dont le trouble se

manifeste souvent par l'indifférence absolue ou rela-'

tive de l'animal dont on place les membres dans des'

positions anormales (Hitzig, Munk et Nothnagel),

Luciani l'a trouvé aussi souvent altéré ou même aboli, *

et d'une manière peut-être encore plus accusée que la

sensibilité cutanée. La durée de ces désordres fonc-

1 Le locflli; : ll;ioni (lel co't-'e ? o, p. 2;;2. *

404 -il PHYSIOLOGIE.

tionnels varie avec l'étendue de ces lésions. Si toute

la zone motrice des membres est détruite, et si cette

destruction s'étend en profondeur jusqu'aux corps

opto-striés, les phénomènes de déficit persistent natu-

rellement, bien qu'ils s'atténuent avec le temps. -

2° Les phénomènes de déficit consécutifs à l'extirpation

circonscrite de différentes aires corticales motrices

d'un hémisphère sont-ils limités exclusivement, ou de

'préférence, aux parties du corps correspondant au : siège de la lésion centrale, ou s'étendeut-ils unifor-

mément à toute la moitié opposée du corps ? - Non;

'les paralysies sensitivo-motrices qui succèdent à la

.décortication isolée d'une aire motrice quelconque,

s'étendent plus ou moins à d'autres parties du corps,

'quoique les phénomènes soient plus nets et plus

intenses dans la région dont le centre cortical a été

détruit en tout ou en partie.

Il résulte de ces expériences que si, pour délimiter

exactement un centre quelconque de la zone excitable,

'on se fonde, non sur les réactions motrices des excita-

lions électriques, mais sur les effets des destructions

partielles de l'écorce, on échouera. Cette extension des

lésions fonctionnelles du mouvement et de la sensibi-

lité générale dépend-elle de phénomènes d'arrêt ou de

phénomènes de déficit ? En d'autres termes, est-elle

due au retentissement passager des suites du trauma-

tisme opératoire sur les parties voisines de l'aire corti-

cale extirpée, ou à cette circonstance que les différents

centres corticaux sont si étroitement « engrenés »

- entre eux, qu'il est impossible d'en détruire un sans

en léser fatalement plusieurs autres ? La réponse à

cette question ne peut être douteuse chez les auteurs

LES FONCTIONS DU CERVEAU. 40

italiens. Cependant, même dans la dernière hypothèse,,

il faudrait expliquer les phénomènes de suppléance,,

si rapides chez les mammifères inférieurs à l'homme

et au singe. Les centres voisins du point extirpé doi-

vent avoir subi des pertes de substance trop peu éten-

dues, relativement à ce qui eu reste, pour que l'exten-

sion des phénomènes de déficit au delà de la région

du corps dont le centre cortical a été détruit pût être-

permanente. Puis, comme le prouve l'amendement

rapide des troubles fonctionnels, certaines parties du

centre enlevé, qui empiétaient sur les centres voisins,

- ont dû demeurer illésées. Luciani n'a-t-il pas montré-

aussi que les centres des extrémités ne siègent pas

uniquement sur la face externe du gyrus sigmoïde,

qu'ils s'étendent jusque dans le sillon crucial ? Il est

donc bien difficile d'extirper entièrement un seul

centre sensitivo-moteur de l'écorce : voilà pourquoi les-

effets de la stimulation électrique peuvent seuls en

déterminer la topographie fonctionnelle. Mais, forts-

de leur hypothèse de l'identité des fonctions des corps

striés et des régions motrices de l'écorce, Luciani,

Tamburini et Seppilli pourront toujours répondre que

la suppléance des phénomènes de paralysie peut s'ef-

fectuer, au moins en partie, grâce aux ganglions de

la base. Luciani note même que, chez un chien dont le

corps strié avait été détruit avec une portion considé-

rable de la zone excitable de l'écorce, les phénomènes

de déficit sensitivo-moteurs étaient encore très nets

neuf mois après l'opération, contrairement à ce qu'on

observe quand la lésion n'intéresse que l'écorce

cérébrale.

Puisqu'il est impossible, avec la méthode des extir-

- 406 PHYSIOLOGIE.

.pations, de localiser nettement les différents centres

sensitivo-moteurs de la zone excitable, attendu que

ces centres, comme ceux de la sensibilité spécifique,

.sont étroitement unis et engrenés entre eux, voici

comment on peut se représenter, suivant Luciani, la

topographie de l'aire sensitivo-motrice. Toute la partie

antérieure du cerveau fait certainement partie de cette

aire : elle comprend donc le lobe frontal, de la,pointe

des hémisphères jusqu'au sillon crucial, et la moitié

antérieure du lobe pariétal, représentée par la région

postcruciale du gyrus sigmoïde et par les segments cor-

respondants de la deuxième et de la troisième circonvolu-

tion externe. Mais l'aire sensitivo-motrice, en particulier

pour ce qui a trait aux impressions tactiles, n'est pas

circonscrite aux régions antérieures du cerveau : elle

rayonne et s'irradie aux régions postérieures, elle s'unit

et s'engrène avec les centres de sensibilité spéciale,

avec les sphères de la vision, de l'audition et de l'ol-

faction. Ces irradiations des perceptions tactiles n'at-

teignent sans doute ni le lobe occipital, ni le lohe

temporo-sphénoïdal, ni la corne d'Ammon, ainsi qu'en

témoignent les expériences; mais elles s'étendent

sûrement jusqu'aux parties postérieures du lobe parié-

tal (région F. de Munk). '

Voici d'ailleurs la représentation schématique de

l'extension probable, sur l'écorce cérébrale du chien,

de l'aire sensitivo-motrice de Luciani. On remar-

quera qu'il n'y a plus sur ce schéma, de points

hachés, mais des points noirs seulement. La raison

en est que, suivant le physiologiste italien, les expé-

riences d'extirpation unilatérale de l'aire corticale

sensitivo-motrice démontrent l'entrecroisement com-

LES FONCTIONS DU CERVEAU. ils-,

plet des fibres de la sensibilité générale et du mou-

vement. Les phénomènes de déficit, les troubles de la

sensibilité tactile et musculaire, ou les altérations de

la motilité volontaire, se sont montrés du côté opposé

à la lésion cérébrale, non du côté correspondant. Les

fibres nerveuses centripètes et centrifuges seraient

donc toutes croisées, en rapport avec le côté opposé du

corps.

A vrai dire, si cela n'est pas exact même pour le

chien, dont le faisceau pyramidal direct est sans

doute très grêle, cela serait tout à fait erroné pour le

singe et pour l'homme. Ilitzig, Albertoni, François

Frank et Pitres, Exner surtout, ont constaté que l'exci-

tation unilatérale de l'écorce chez le lapin et le chien

est suivie de mouvements bilatéraux, c'est-à-dire du

côté opposé et du côté correspondant, pourvu que

l'excitation ait une intensité suffisante ou que la moelle

soit très excitable. Exner professe que chaque zone

motrice est en rapport avec les mouvements des deux

côtés du corps, doctrine qui est aussi celle de Goltz et

de Brown-Séquard, si l'on applique à chaque hémis-

phère ce qui est dit ici de chaque zone excitable de ? 4.

408 PHYSIOLOGIE.

l'écorce. François Franck a bien établi que la réaction

directe est moins énergique que la réaction croisée, et

que celle-là est en retard sur celle-ci ; selon cet auteur,

l'association se ferait dans la moelle, au niveau des

commissures transversales qui relient les cellules des

nerfs moteurs symétriques : l'impulsion volontaire,

transmise par le faisceau pyramidal croisé, retentirait

là, à un certain niveau de l'axe spinal, sur les cellules

motrices des muscles du côté opposé et sur celles du

côté correspondant. Dario Maragliano avait même

invoqué, chez l'homme, l'action du faisceau pyramidal

direct pour expliquer les suppléances cérébrales'.

Ce faisceau, le faisceau de Tùrck, a d'ailleurs été

trouvé lésé chez les chiens, après des lésions destruc-

tives de la zone motrice, par Bianchi et d'Abunl ! o\

comme par llarchi et Algeri3. Bianchi a puse convaincre

de la bilatéralité des désordres moteurs chez le chien,

consécutifs à une lésion unilatérale de la zone exci-

table ; la paralysie était naturellement plus intense du

côté opposé à la lésion.

Ces résultats expérimentaux concordent avec les

faits cliniques. Chez l'homme, en effet, les troubles de

la motilité volontaire, qui succèdent aux lésions de la

zone motrice ou des faisceaux pyramidaux croisés, ne

sont pas limités au côté opposé : ils affectent aussi le

côté correspondant, considéré comme normal. Parmi

les symptômes bilatéraux de l'hémiplégie, Pitres a

' Le /ou ? molrici nella c-rlcccia cérébrale, in /{if. sperinzeni.

di frein., 1878, 33 sq.

2 Die in's Gehirn und Riickenmark herabstcigenden experinzentalen

IJeyene1'Otionc1l. Neurolog. Cent1'lllbl., 188G, 38 ? ay.

3 Suite degenerazioni c ! )'see)t(<e)[/t consécutive a lesioni sperimenlali in

diverse zone delta corleccia cérébrale. Riv. speiiment. di freniatria,

1886, XI, -992; 1887, XII, ? 08. '

' LES FONCTIONS DU CERVEAU. 409

relevé la diminution de la force musculaire dans les

membres du côté prétendu sain, l'exagération des

réflexes tendineux, la trépidation épileptoïde du pied,

la contracture tardive permanente du membre inférieur,

les troubles de l'équilibration et de la marche : ces

derniers troubles seraient en rapport avec une distri-

bution bilatérale de la dégénération de la moelle. En

tout cas, Pitres les a rencontrés dans les dix observa-

tions de scléroses bilatérales de la moelle épinière,

consécutives à des lésions uuilatérales du cerveau, qui

servent de fondement aux célèbres Recherches analomo-

cliniques qu'il a publiées sur ce sujet, et que nous avons

eu déjà l'occasion de signaler'. I

De son côté, Bianchi a bien démontré qu'on a tort

déjuger de la motilité volontaire par la locomotion :

celle-ci peut être en apparence parfaite chez des ani-

maux qui ont subi des mutilations étendues de la zone

motrice. A les voir, personne ne dirait qu'ils sont

hémiplégiques. Or, il suffit de suspendre par le tronc

l'animal pour qu'apparaisse l'hémiplégie avec tous ses

caractères classiques : la tête et le tronc se courbent

du côté de l'hémisphère mutilé, les deux membres du

côté opposé demeurent inertes et sans mouvement,

tandis que les membres du côté sain s'agitent, fuient

la piqûre menaçante, etc.2. Je ne rappellerai que pour

mémoire les belles expériences semblables de Llitzij.

' V. Arch. dephjsiol., 3° série, Il[, 1884, 176.

= L. Bianchi.- Cozzlribuione sperimenlalealli conzpensaioni fitizzio-

nali cOl'timli del cervello. (Riv. speriment. di fren., 1882, 131, sq.) Cf. le

beau livre du même auteur, hémiplégie, Naples, 1886. Il répète, dans

ces Leçons, que, dans les monoplégies corticales, la paralysie n'est pas

limitée à un membre d'un seul côté ; l'autre membre du même côté

est aussi affaibli, et cette altération de la motilité existe également du

côté opposé.

410 PHYSIOLOGIE.

Bianchi rapporte encore que, chez de jeunes chiens

nouveau-nés, mais capables de marcher, il avait, du

quatorzième au dix-huitième jour, détruit largement le

cerveau antérieur. A sa grande surprise, ces chiens

cheminèrent comme devant. « Il paraît donc bien,

écrit-il, que chez les chiens, et peut-être chez tous les

mammifères, la locomotion peut être considérée

comme un de ces complexus de mouvements coor-

donnés qui, ainsi que la succion, n'ont besoin pour se

manifester que du stimulus adéquat, sans que la volonté

y soit pour rien '. » (A suivre.)

RECUEIL DE FAITS

TROIS NOUVELLES OBSERVATIONS D'HYSTÉRO-ÉPILEPSIE

CHEZ LES JEUNES GARÇONS;

Par BOURNEVILLE -et P. SOLLIER

Bien que, aujourd'hui, il ait été publié un grand nombre

d'observations sur l'hystérie des enfants mâles, et que ce cha-

pitre de pathologie soit bien connu depuis les leçons de notre

maître, M. Charcot, nous croyons utile de rapporter trois nou-

' François Franck et Pitres (1877). qui ont vérifié et précisé les expé-

riences des physiologistes italiens touchant les effets des destructions

partielles ou totales de la zone motrice sur l'excitabilité de la substance*

blanche du centre ovale, rappellent les noms d'Albertoni et Michieli

(1876). La perte de l'excitabilité des faisceaux blancs du centre ovale a

lieu au bout d'un certain temps (96", heure après la lésion destructive

de l'écorce) à pou près exactement égal à celui qui est nécessaire pour

qu'un nerf moteur séparé de la moelle cesse de réagir aux excitations.

« Les physiologistes italiens avaient montré que la substance blanche

du centre ovale cesse d'être excitable dans la portion qui constitue la

gerbe motrice après l'ablation de l'écorce correspondante. » (Leçons sur

les fonctions motrices du cerveau, XXVIII' leçon.)

DE L'HYSTéRO-ÉPILEPSIE. 1'1

velles observations surtout parce que les malades ont pu être

suivis durant plusieurs années.

Observation I. - Père ne1've'IX, sujets ci des névralgies de la face.

Deux grands oncles paternels, excès de boisson. - Mère,

nerveuse, irritable. Grand-père paternel, excès de boisson.

Grand'mè1'e maternelle phthisique, nerveuse, migraineuses Soeurs,

attaques de nerfs. Frère, accès de somnambulisme. - Frère, con-

pulsions de l'enfance, blésité.

Accès de cris de un à cinq mois. Convulsions internes ci trois se-

maines. - Premières dents à huit mois; marche à un an ; blésilé,

fièvre typhoïde à onze ans avec accidents cérébraux. - Fugue ci

douze ans et demi, débutant après un étourdissement et accom-

pagnée d'hallucinations de la vue. Première attaque à quatorze

' ans et demi. Etourdissements, vertiges, attaques fréquentes,

limitées à la phase épileptoide. Stigmates hystériques.

Hypnotisme. Description des attaques : Aura; - altitude du

crucifiement; arc de cercle; délire, hallucinations. Contrac-

ture consécutive des doigts vertiges. - Curactères du sommeil. -

Evasions de Bicêtre. - Fugue de la maison paternelle.

. Lav... (Eugène), né à Ivry, le 10 mai JS70, est entré à l'hospice

de Bicêtre (Service de M. BOUR : 'OEVILLE), le 21 avril 1885.

Renseignements fournis par sa mère. - Père, cinquante-trois ans,

bandagiste, assez fort, marié à vingt-quatre arc, n'a jamais fait

de maladies depuis, n'a que des « douleurs névralgiques dans la

tête », sans vomissements, limitées au côté droit, revenant autre-

fois tous les mois, aujourd'hui tous les deux ou trois mois. Assez

nerveux ; bon caractère... Enfant naturel. Pas de maladie de peau,

pas de trace de syphilis ; pas d'attaques de nerfs. On ne sait s'il a

en des convulsions dans l'enfance. Jamais d'excès de boisson, ne

fume pas. [Père, rentier, sobre, mort vers soixante-dix ans, on ne

sait de quoi. - Mère, morte vers soixante-cinq ans, domestique

dans un château. A eu son enfant vers trente ans alors que son

maître, le père, en avait cinquante-cinq. On ne sait de quoi elle

est morte. - Ni frères, ni soeurs. - Deux oncles militaires faisant

des excès de boisson. - Grands parents paternels et maternels, pas

de détails. Pas d'aliénés, d'épileptiques, de suicidés, etc., etc.]

Mère, quarante-huit ans, couturière, petite, brune, n'aurait pas

eu de convulsions dans l'enfance, pas de migraines ni de névral-

gies. Très nerveuse, très impressionnable, ainsi qu'elle en a donné

la preuve ici même, comme nous le verrons plus loin. Elle assure

n'avoir jamais eu d'attaques. Mariée à dix-huit ans. Aucune mala-

die, sauf des accidents suite de fausses couches. [Père, disparu en

1870, boulanger; nombreux excès de boisson, mais surtout après

la naissance de sa fille. - Mère, morte de phthisie galopante à

ciuquante-sept ans ; nerveuse, mais sans attaques de nerfs, sujette

412 recueil DE faits.

à des migraines avec vomissements. Grand-père paternel, mort

très âgé, on ne sait de quoi. - Grand'mère paternelle, morte très

âgée, pas de détails. - Grands parents maternels, morts à soixante-

dix et soixante-dix-sept ans, on ne sait de quoi. - Soeur morte du

croup, à dix-huit mois. - Pas de frère. Pas d'aliénés, d'épilep-

tiques, etc., dans la famille. - pas de consanguinité. )mga-

lité d'âge de 5 ans.] -

Douze enfants : 1° Garçon de vingt-huit ans ; pas de convulsions,

intelligent ; géologue. Marié, pas d'enfants; très rangé; 2° Fille,

vingt-cinq ans, pas de convulsions; à dix-huit ans, peur, suspen-

sion des règles, peines attaques de nerfs; blanchisseuse, pas d'en-

fants ; - 3° Garçon, mort à sept ou huit mois ; - 4° Garçon,

vingt-quatre ans ; pas de convulsions. Accès de somnambulisme la

nuit, de dix à vingt-deux ans ; le dernier il y a deux ans; le matin

il s'est trouvé couché par terre, la tête penchée en arrière, dans

une malle ouverte, un matelas par-dessus lui; sa chambre en

désordre, son argent disséminé dans la chambre. Il n'avait pas

bu, il ne boit jamais ; - 5° Fille, morte d'une angine couenneuse( ? ),

à quatre mois. Pas de convulsions ; 6° Fille, vingt ans ; pas de

convulsions, pas d'attaques de nerfs ni de migraines ; intelligente;

- - 10 Fille, morte à vingt et un mois, aux Enfants assistés ; -

8° Moire malade; - 9° Fille, douze ans ; pas de convulsions, intel-

ligenle 1 - 10° Garçon, dix ans, aurait eu des convulsions à six

semaines et en aurait eu à diverses reprises jusqu'a sept ou huit

mois ; intelligent, mais il « zozotte un peu en parlant » ;

11° Garçon, huit ans et demi ; pas de convulsions, bien portant,

intelligent; - '12° Fille, morte d'une variolenoireon 1880, à un an.

Notre malade. - Au moment de la conception, les parents étaient

bien portanls,-GI'osscsse bonne, ni traumatismes, uialcoolisuie, etc.

- Accouchement à terme, naturel, sans chloroforme. A la naissance,

bel enfant, pas d'asphyxie. Elevé au sein par sa mère, sevré à

treize mois. D'un à cinq mois, accès de cris attribués par le méde-

cin aux coliques. A trois semaines, petites convulsions internes :

immobilité, occlusion des yeux, pâleur de la face, durée de trois

quarts d'heure. Puis cinq ou six petites crises à partir de là jusqu'à à

quatre mois, mais beaucoup plus courtes, de dix à quinze minutes

au plus. Jamais d'autres convulsions. Première dent vers sept ou

huit mois, puis elles ont poussé vite et il les avait toutes à dix-

"huit mois ; marche à un an ; a commencé à parler vers un au; il

a zozoté. » toujours un peu et encore maintenant. Sa mère nous

dit qu'elle faisait de même, étant jeune. Propre à un au. Envoyé

à l'école à quatre ans, apprenait bien. Fièvre typhoïde à onze ans,

avec accidents cérébraux. Pas de troubles intellectuels consécutifs.

1 Elle a eu depuis ces renseignements des attaques d'hystérie. Nou

y reviendrons plus loin.

DE l'hystéro-épilepsie. 4·I3

Dans son délire, il voyait toujours des hommes avec des fusils qui

voulaient le tuer. Après la fièvre typhoïde, il a grandi beaucoup et

était un peu nerveux. l'lacé comme apprenti imprimeur vers douze

ans et demi, on était content de lui. Il était régulier. Le G jan-

vier 188 ? alors qu'il était employé depuis près de six mois, il est

parti comme d'habitude sans présenter rien de particulier. Le

soir, ne le voyant pas rentrer, son père va à l'atelier. On ne l'y

avait pas vu. On fait des démarches à la préfecture, chez les com-

missaires de police, mais il revient spontanément le 13 janvier

seulement, sept jours après son départ. Le sixième jour, il s'était

rendu à Argenteuil en face de la gendarmerie. Il a demandé où

il était, et il s'imaginait être parti le matin à son travail. Il n'a-

vait pas ou peu mangé, car une partie des aliments qu'il avait

emportés de la maison pour l'atelier était encore intacte.

Il a couché à la gendarmerie et, le lendemain, après l'avoir fait

manger un peu, on l'a renvoyé. Il est rentré chez lui méconnais-

sable, les yeux hagards, le visage décomposé, rompu de fatigue.

Il disait que tout le temps, il voyait quatre pattes de chien et un

grand mur blanc. Place Notre-Dame, il aurait eu comme un étour-

dissement et, à pallir de là, il aurait eu celte vision d'un mur

blanc. Dans sa course, il se rappelle avoir bu souvent de l'eau.

Rentré à la maison, il voyait encore des pattes de chien sur ses

draps. Il est revenu complètement à lui au bout de trois ou quatre

jours. Il retravailla à l'imprimerie jusqu'en mars ; puis eut une

bronchite. Auparavant, il n'avait pas de céphalalgies, pas de

secousses. Parfois il avait des cauchemars la nuit, criait, voyait

quelqu'un qui voulait le tuer. Pas de terreurs, pas d'étourdisse-

ments. Il n'avait jamais fait l'école buissonnière et n'avait pas de

raison de s'en aller. Après sa bronchite, il a décidé qu'il serait

marin. Il est parti le octobre pour Brest, très bien portant,

n'ayant pas eu de nouveaux accidents.

Il était mousse sur le vaisseau-école l'Auslet·lit, à Brest, quand,

à la suite d'une grande colère, causée par les taquineries d'un de

ses ramai ades, et dans laquelle il s'était jeté sur lui et l'avait

battu, il fut pris un quart d'heure après d'une première attaque.

C'était veis le 15 décembre 1884. La seconde attaque eut lieu

quinze jours plus lard. Le médecin de marine aurait alors déclaré

qu'il était atteint d*hystéi,o-épilel)sie, et il fut renvoyé le 4 jan-

vier 1885. Depuis cette époque, il a eu une attaque le 9 janvier, puis

de quinze en quinze jours, la dernière le 15 mars. Il entra à

Sainte-Anne le 14 avril, et le 16, le 17, le 18 et le 19 avril il eut

une attaque chaque jour; le 20 il en eut deux.

23 avril. - Le 21, à son entrée, on lui a retiré du tabac, une

pipe et un conteau qu'il avait dans ses poches, ce dont il fut très

mécontent, prétendant qu'à Sainte-Anne on le laissait fumer et

qu'il n'était pas à Bicêtre dans une prison. Dès son arrivée, il

414 recueil de faits.

s'est mis en rapport avec les plus indociles de ses camarade;, B...

et A... ; B... lui a indiqué les endroits par où il pourrait se sauver.

Ils devaient, avant de s'évader* flanquer une trempe au garçon ».

Ce complot a été révélé le malin par des camarades. Alors qu'il

était au parloir de la section, et pendant qu'il était en conversa-

tion avec sa mère, il désigna du doigt le garçou S..., en disant de

lui : « C'est une vache, une canaille, etc., etc. D Puis il tomba

immédiatement et eut une attaque qui dura trente secondes.

Après cette attaque, il apostropha de nouveau le garçon et essaya

de se livrer sur lui à des actes de violence qu'on eut quelque peine

à empêcher. La mère et ses deux autres enfants âgés de sept il

huit ans ont prêté secours au malade en se jetant sur les gens de

service et en les frappant à coups de parapluie. La mère expulsée

du quartier est revenue aussitôt après plus excitée, et, repoussée

de nouveau, a causé du scandale dans la cour de l'administration ici

en vociférant des injures, se traînant par terre, etc., etc. Lav... a

été camisolé et emporté à l'infirmerie dans un état de grande

surexcitation. On a dû l'attacher une partie de la journée. Vers

deux ou trois heures de l'après-midi, il est devenu raisonnable et

fut maintenu, pour plus de précaution, à l'infirmerie.

Fiat actuel. Mai 1885. - Tête arrondie. Pas de saillies exagérées

des bosses occipitales ni pariétales. Front peu élevé et peu large,

sans saillies frontales. Arcades sourcilières assez saillantes. Yeux

bleus. Nez aquilin. Bouche petite, lèvres épaisses. Menton légère-

ment pointu. Visage ovale. Pas d'asymétrie faciale. Oreilles un

peu écartées, bien ourlées, lobnle a ihérent.

DE L'HYSTÉRO-ÉPILEPSIE. 415

Léger vll1'irocèle à droite. Verge assez développée, gland découvert ;

méat normal. Onanisme il y a deux ans ; moins fréquent aujour-

d'hui. Il assure n'avoir jamais eu de rapports sexuels. Quelques

poils à l'anus.

Sensibilité. La sensibilité au toucher est conservée des deux

côtés sur toute la partie antérieure du tronc, mais elle est atté-

nuée à gauche. Même état de la sensibilité à la partie postérieure

du tronc et sur les membres. La sensibilité y est également un peu

obtuse à gaucho.

Zones hystérogènes . - 10 Point sensible à égale distance du

front et du vertex, un peu à gauche de la ligne médiane. Douleurs

spontanées après les attaques. La pression donne des picotements

sans irradiations ; 2° au niveau du vertex : douleurs spontanées

api les attaques : par la pression, ii radiations douloureuses

vers le front; une pression plus forte détermine des étourdisse-

ments; 3° légère rachialgie au niveau de l'apophyse épineuse

de la troisième dorsale ; parfois douleurs spontanées après les

attaques : par la pression picotements sans irradiations. La sensi-

bilité est conservée ; 4° au niveau de la onzième dorsale point

douloureux. Sensibilité conservée. Après les attaques il dit avoir

une douleur tout le long de la colonne vertébrale.

En avant on trouve : 1° un point sensible au-dessous du point

d'union des deux tiers internes avec le tiers externe de la clavi-

cule ; 30 un autre point au niveau du sixième espace intercostal

des deux côtés près du sternum ;- 3° un autre point des deux côtés

au niveau des flancs. La pression serait plus douloureuse à droite

et déterminerait une sensation d'oppression avec irradiation vers

la base du cou ; - 4° point douloureux dans la région correspon-

dant aux ovaires chez la femme ; la pression détermine une dou-

leur irradiée vers l'épigastre en déterminant une sensation d'op

pression. Le point abdominal est plus douloureux à droite.

La pression des testicules détermine des irradiations doulou-

reuses au niveau des points abdominaux et de l'épigastre.

Sur tous les points hystérogènes, la sensibilité est la même qi e

sur les régions voisines, sauf au niveau des points iliaques où elle

est un peu moins nette que sur les parties voisines.

Sensibilité spéciale. - Vision : 11 distingue nettement toutes les

couleurs des deux yeux. Quand il fixe des objets un peu éloignés,

sa vue se trouble et plus vite à gauche qu'à droite, puis peu après

il voit double. Pupilles égales, normales. Pas de phosphènes.

Ouie conservée et égale des deux côtés. - Odorat conservé aussi

des deux côtés. - Le goût est égal des deux côtés. Pas d'halluci-

nations des divers sens.

Aum. - Une' minute avant les attaques, il se sent mal à l'aise.

Il Il me prend un vertige, je ne sais plus où je suis, il me semble

que tout tourne, la vue se brouille, surtout à gauche. » Sifflements

416 recueil DE faits.

dans les oreilles, surtout à gauche aussi. Puis il éprouve une sen-

sation de constriction à l'estomac, puis à la base du cou. Il pré-

tend que durant cette phase, les phénomènes céphaliques ne sont pas

plus accusés. En même temps, les points douloureux sous-mam-

maires et le clou hystérique sont plus marqués. Il pousse alors un

cri qu'il entend, puis il tombe, sans avoir, d'après lui, le temps

d'avertir. -

5 mai. Le malade a été pris à 10 heures d'une attaque, sans

avoir prévenu, sans pousser de cri. Il est tombé comme une

masse. Rigidité générale, les jambes allongées et écartées et les

bras en -croix, la tête dans l'extension. Puis à six reprises diffé-

rentes il s'est mis en arc de cercle. Nous le voyons à 10 h. 5.

Il est étendu sur le sol dans la situation indiquée plus haut ; puis

arcs de cercle complets durant vingt secondes. Repos. A 10 h. 6,

nouvel arc de cercle, après lequel il retombe. Flexion violente,

puis mouvements désordonnés des jambes, en même temps qu'il

se gratte la poitrine. A 10 h. 7, repos en extension, les membres

inférieurs rigides. Bras rapprochés sur la poitrine. Ecume. Nouvel

arc de cercle durant sept à huit secondes. Il retombe. Corps en

extension, pieds un peu écartés, bras étendus en croix. Cou et

tête en extension, yeux fermés, face colorée, poings fermés. -

A 10 h. 8, arc de cercle passager. Retombe étendu avec même

attitude des bras et des jambes que tout à l'heure. - A 10 h. 9,

tortillements sur place d'abord, puis avec déplacement. A

10 h. 10, le malade revient à lui subitement, ouvre les yeux qui

Fig. 5. - Attitude du crucifiement.

Fig. 6. - Arc de cercle.

DE L 1HYSTÙP.0-ÉPI.LEPSIE. 417 Î

jusqu'alors étaient constamment fermés. Il demande un mouchoir

pour essuyer l'écume qui est abondante. Lucidité complète. La

face, qui était rouge reprend sa coloration habituelle. Les pupil-

les qui étaient moyennement dilatées diminuent à peu près de

moitié. Il se plaint de céphalalgie et de douleurs dans les reins.

La température rectale prise cinq minutes après l'attaque est

de 38° 5. (Fig. 5 et 6.)

11 mai. (10 h. 5). Attaque commencée depuis deux ou trois

minutes, précédée cette fois d'un étourdissement très court de

deux à trois secondes (impression recueillie après l'attaque). Il a

poussé une courte exclamation « Ah ! » et est tombé sur le dos.

Extension, les jambes écartées. Ecume abondante. Sitôt qu'on lui

laisse les bras libres, il déchire sa veste. Arcs de cercle passagers

répétés à deux ou trois reprises. Résolution musculaire. Rigidité

avec légers mouvements convulsifs des mains et des pieds qui

frappent le sol en produisant un bruit assez régulier. Il se soulève

en arc reposant sur les talons et sur la tête, puis sur le genou

gauche, la jambe droite étant étendue et la tête soulevée avec le

tronc en extension. Il retombe du reste presque aussitôt en exten-

sion sur le dos. Mâchonnement.

10 b. 15. Arc de cercle, puis rotation du tronc du côté gau-

che. Face congestionnée, mains fermées, le pouce replié sur la

face dorsale des autres doigts. Ecume abondante. Repos. Arc de

cercle transitoire. Extension, les jambes écartées, les bras en

croix. Yeux légèrement convulsés en haut et en dehors. Difficulté

d'écarter les paupières. Rigidité. Légère plainte ; il se soulève sur

les pieds, puis retombe lourdement en arrière. Extension puis repos.

10 h. 17. - Légers mouvements convulsifs des mains et des

pieds. Quelques arcs de cercle.

10 h. 20. Il se lève seul assez rapidement et répare le désor-

dre de ses vêtements. Il se plaint de douleurs à la tête et aux

reins. Pupilles un peu dilatées, mais égales. Connaissance par-

faite. Pas de morsure de la langue. Pas d'évacuation involontaire.

11 prétend qu'il se mord quelquefois la langue. T. R. après

l'attaque, 3742.

15 mai. - Pris d'une attaque à 9 h. 38. A 9 h. 40, on le trouve

couché sur le parquet, étendu, les jambes allongées et légèrement

écartées. Bras étendus obliquement en haut. Tête dans l'extension.

Mains fermées, les pouces en dessus. Ecume mousseuse, abon-

dante, face légèrement colorée. Paupières closes. Arc de cercle.

Tortillement avec mouvements de translation qui le portent à 2

ou 3 mètres plus loin. Il se remet en X. Bruits buccauxsuivis d'arc

de cercle. Se remet en X; écume abondante ; moiteur froide de la

face. Paupières fermées. Il tapote le parquet avec les mains et

les pieds. Nouvel arc de cercle. Se remet en X. Repos. Il tapote

avec les pieds et les mains, cherche ittse déchirer le cou et la partie

Archives, t. XVIII. 27

418 recueil DE faits.

supérieure de Ja poitrine. Repos. Les épaules sont rapprochées.

Nouvel arc de cercle. Agitation. Repos. Bras et jambes écartées

en X. Pupilles dilatées, égales (9 h. 48. Il se relève à 9 h. 49, sans

rien dire, répare le désordre de ses vêtements. La face qui était

légèrement colorée reprend sa coloration naturelle. A 9 h. 50, les

pupilles ont diminué. Il se plaint de douleur à la tête et aux reins.

T. R., 38,2. -

20 aoÛt, - La veille, il a eu une série d'attaques de 8 à heures

du soir. Dans le délire terminal, il ne parlait que de bâtiments de

guerre et de marine; il commandait en chef; il était continuel-

lement à son poste ; il fallait sabrer et tuer tout ce qui se trouvait

sur son passage. Il paraît qu'il voyait un chien rouge.

21 août. -Il se couche à 6 heures et demie ou 7 heures. Le plus

souvent, il s'endort très lentement, à 11 heures, 11 heures et

demie ; pas d'hallucinations hypnagogiques. Une fois endormi, il

rêve beaucoup. Ainsi, avant-hier, après son attaque, il voyait le

veilleur se promenant sur les toits, sautant d'un toit sur l'autre.

Une fois, il a rêvé qu'il était poursuivi par des sauvages munis de

fusils, tandis qu'il n'avait qu'une arbalète, mais il leur disait que

son arbalète portait plus loin que leurs fusils. En général, pas de

cauchemars. Dans la nuit, son sommeil est profond, mais à

partir de 4 heures du matin, « le moindre bruit le réveille ». S'il

ne se lève pas, il se rendort très vite. Parfois, dans la journée,

il a la tête lourde, et a des envies de dormir. Cela lui arrive, sur-

tout quand il a eu beaucoup de vertiges.

Ces vertiges sont revenus depuis le mois de février, mais il en

avait eu déjà il y a 2 ans environ. La tête lui tourne, et il lâche

ce qu'il a dans les mains. Parfois, il voit noir avec des petits

points rouges et bleus, d'autres couleurs, ou bien des ellipses régu-

lières. Il voit des cercles colorés qui arrivent du côté gauche et

qui, une fois au-devant de l'oeil droit, remontent et disparaissent.

11 ne tombe pas, et reste debout. Il assure ne pas perdre connais-

sance et entendre tout ce qui se dit autour de lui. Il prétend que

parfois il lui arrive de continuer ce qu'il était en train de faire,

mais alors que ce qu'il fait est mal fait. C'est ainsi qu'un jour, à

l'atelier, pris d'un vertige au moment où il taillait un talon. il a

continué à le tailler, mais l'a fait pointu.

Parfois, il aurait une dizainede vertiges dans une journée, d'au-

tres fois, il n'en a pas du tout. C'est surtout avant et après ses atta-

ques qu'il en a le plus.

On essaie d'endormir le malade par le regard. Il est assis ; au

bout d'une à deux minutes les yeux commencent à s'humecter, il

y a quelques palpitations des paupières et il lâche les pouces de

l'expérimentateur qu'il tenait serrés. Les paupières s'abaissent

légèrement, mais il paraît se réveiller. 11 semble imiter les yeux

de l'expérimentateur. Celui-ti, à un moment donné, ayant ouvert

plus largement les yeux, il le fait lui-même aussitôt. Bientôt les

DE L'HYSTERO-ÉPILEPSIE, '1 9

yeux se portent à différentes reprises en haut et en dedans et les

paupières s'abaissent. Il a quelques mouvements de déglutition.

Pas de stertor. La tête elle-même n'est pas tombée. L'excitation

du sterno-masloïdien ou des muscles de l'avant-bras ne déter-

mine pas de contracture. On cherche à ouvrir l'oeil gauche, mais

il ne reste pas ouvert.1 On commande au malade de se lever, ce

qu'il fait. Il suit d'abord assez bien, puis s'arrête un moment. On

lui commande de nouveau, il vient, mais lourdement. On le fait

asseoir et on lui dit de compter ; mais le plus souvent il ne conti-

nue pas spontanément.

Les paupières étant fermées, on soulève le bras droit qui con-

serve l'attitude qu'on lui donne. Le bras gauche soulevé se main-

tient aussi. Au bout d'une minute, on voit le malade se pencher

sur le côté droit et devenir tout raide. Il était pris d'attaque. 11

n'a pas poussé de cris. Tout le corps est rigide. On le couche sur

le parquet et presque aussitôt, sans avoir eu de secousses cloni-

ques, il fait l'arc de cercle. Il est alors 10 h. 7. Il est ensuite éten-

du, les bras au-dessus de la tête, les jambes allongées, les pieds

écartés. Il est alors immobile, la face rouge, les paupières closes,

les pupilles dilatées. Ecume. Deuxième arc de cercle, puis repos.

Troisième arc de cercle, même repos, même attitude, les poings

fermés. Ce repos est plus long, la tête est droite, les doigts fer-

més, le pouce par-dessus; les quatre membres sont raides, les

jambes écartées. Nouvel arc de cercle, après lequel il retombe.

Il fait des grimaces, ouvre largement la bouche, crispe les mains,

se tortille, et se déplace. Il tourne la tête, ouvre et ferme les

mains, cherche à prendre le parquet, qu'il frappe avec le bras.

Quelques secousses des membres inférieurs qui se replient, s'allon-

gent, se soulèvent. Il reprend l'attitude en X, puis reste un peu

immobile. Puis, il ouvre les yeux, regarde d'un air étonné, mâ-

chonne. Interrogé, il dit qu'il a mal à la tête. Les pupilles ont

repris leurs dimensions normales. La durée a été de sept minutes.

21 août. - On l'endort par le regard à 10 h. 37 et on lui fait

exécuter un certain nombre d'ordres les yeux fermés. Par la per-

cussion longtemps répétée des muscles de l'avant-bras, on obtient

une contracture très prononcée des doigts. 11 se réveille sponta-

nément, sans mouvements spasmodiques, sans attaque à 10 h. 50

et parait étonné.

27 août. - A 9 h. 21 l'enfant, qui était assis, se lève et tombe

la face contre terre. Ecume dès le début. Il reste immobile, raide,

puis lait l'arc de cercle. 11 retombe, se place sur le côté gauche,

puis sur le dos, raide, les bras en croix. Arc de cercle, puis attitude

de crucifiement sans raideur des bras, mais avec raideur des jam-

bes et de la tête qui est tournée à gauche. Puis il frappe le sol de

ses deux poings fermés, le pouce en dehors (9 h. 29). Il déboutonne

sa chemise et se gratte le devant de la poitrine. La tête et les

420 RECUEIL DE faits.

jambes sont raides ; la face est tournée à droite, puis à gauche.

Arc de cercle après lequel il retombe et prend l'attitude du cruci-

fiement, les poings fermés. Raideur générale, tête à droite, pieds

à gauche. Il se relève à 9 h. 36. La durée a été d'un quart d'heure.

Ecume pendant toute l'attaque.

A 10 h. 13, il s'endort au bout de trois minutes par le regard.

On lui ordonne de se lever ; il se lève et suit l'expérimentateur

autour d'obstacles divers (chaises et personnes). On lui trace sur

l'avant-bras droit, en avant, un N avec un crayon. On lui dit qu'il

a cette lettre sur le bras et qu'elle doit saigner demain à 9 heures.

On le réveille en lui soufflant sur les yeux.

28 août. - Hier il a eu deux attaques. Après ces attaques, puis

ce matin encore, il se serait plaint de ressentir une brûlure sur

presque toute la face antérieure de l'avant-bras droit, ce qu'il

explique par une fausse position qu'il aurait prise. 11 dit n'avoir

rien ressenti à gauche. Il a eu ce matin une attaque depuis 8 h. 25

jusqu'à 9 h. 20. A 9 heures ni plus tard on ne voit pas trace de

la lettre N sur le bras.

30 août. Congé jusqu'au 3 septembre. A partir du 4 septembre,

douches deux fois par jour.

8 décembre. - A eu deux attaques à la Sûreté où il avait été

envoyé pour sa mauvaise conduite.

1886. 1 8 janvier. - Etant en congé depuis le 27 décembre, il

aurait eu deux attaques très courtes.

11 février. - Il a eu trois attaques depuis le 28 janvier : le 1 cr,

le 2 et le 10 février qui n'ont pas duré plus de deux à trois minutes.

Il travaille chez un cordonnier et sa mère assure qu'on est content t

de lui. Il a suspendu ses douches depuis cinq jours à cause du froid.

25 février. - Puberté : Visage glabre. Poils châtains, assez

abondants à la partie inférieure du pénil et à la racine des bourses

dont le reste est glabre. Testicules égaux, de la grosseur d'un oeuf

de pigeon. Verge bien développée. Gland en partie découvrable,

méat normal. Quelques poils à l'anus et aux aisselles. Sensibilité

au contact, à la douleur, à la température, moins vive à gauche

qu'à droite. A eu une attaque le 24 février. Ne travaille plus a l'ate-

lier faute de cordonnerie, parce qu'on manque de cuir.

5 mars. Il n'avait pas eu d'attaques depuis le 24 février et

n'avait eu que très peu d'étourdissements. quand, ce matin, il

a eu plusieurs vertiges, dont l'un a été très prolongé. 11 voyait

tout trouble : « C'est à peine si j'y voyais assez pour me diriger. »

Après sa douche la faiblesse des jambes et les éblouissements ont

disparu. Mais au bout d'une demi-heure il a été pris d'une grande

attaque qui a duré environ cinq minutes. Traitement : Douches,

tisane de valériane, bromure de camphre.

Etourdissements : La vue devient trouble, tous les objets tournent

DE L'HYSTÉRO-ÉPILEPSIE. 421

sur eux-mêmes, tantôt dans un sens, tantôt dans l'autre. Il voit

des cercles ou des ellipses, verts, bleus, jaunes, qui restent fixes.

Pas de bourdonnements d'oreilles. Faiblesse des jambes. Il laisse

tomber les objets qu'il tient, mais continue à marcher machinale-

ment. Durée de moins d'une minute. Il a de un à trois vertiges par

jour, surtout le matin au réveil. Un jour, il en a eu une trentaine.

1er avril. Depuis la semaine dernière, trois ou quatre vertiges

au plus. Pas d'attaques. Il se sent bien. Même traitement.

15 avril. A eu une attaqne hier, qui a duré dix minutes. Il

est en ce moment placé dans une autre maison.

20 mai. A eu des crises le 28 et le 30 avril et le 3 mai. L'une

d'elles l'a pris dans la rue. Il n'a pas eu d'aura. 11 ne se serait pas

débattu, et elle n'aurait duré que quelques minutes. Les autres

n'auraient pas duré davantage. Il est tranquille et sa mère est

contente de lui. Hier il s'est senti fatigué tout d'un coup en faisant

les courses, s'est assis sur un banc et s'est endormi « d'un coup ».

11 aurait dormi de 10 heures du matin à 11 heures et quart.

18 décembre. - Depuis le mois de juillet, il n'aurait eu que deux

crises. Après avoir travaillé dans une corroirie, qu'il a quittée

parce que le travail était trop dur, il est resté quelque temps sans

place. Ensuite il s'est mis, pour le compte d'un camarade, ven-

deur de « pronostics .. Il n'aurait pas fait d'excès, ni de boisson, ni

de femmes. Il partit avec son ami pour Dieppe, où ils restèrent

trois jours, puis, s'étant trouvés sans argent, ils sont allés à Rouen.

Là, L... écrivit à ses parents qu'il était sans ressources et qu'il les

attendait pour le venir chercher. Ramené par son frère, il resta

trois jours chez ses parents qui le conduisirent à Sainte-Anne.

Pendant son voyage il eut trois attaques.

1887. 3 janvier. - A repris son travail ici et s'est remis aux

douches.

12 avril. - Hier, en sortant du réfectoire, pendant que l'infir-

mier M... était en tram de soigner un malade en accès, L... s'est

précipité sur lui et lui a donné de violents coups de poing sur la

ligure.

8 août. - A eu une attaque ce matin. Il se plaint d'avoir les

mains fermées à la suite de ses accès et ne plus pouvoir les rou-

vrir. Souvent ses doigts se fléchissent maigre lui et il a de la peine

à les étendre.

13 octobre. - Refus d'obéissance. Menaces aux infirmiers. Leva- -

sion le soir.

20 octobre. Réintégré à Bicêtre, promet de ne plus chercher

à s'évader.

1888. 2 janvier. Il prétend qu'à la suite de ses attaques, ses

testicules diminuent un peu. =

422 RECUEIL DE FAITS.

13 janvier. - Parti en congé le 8 janvier, il devait rentrer le 12.

Le 9, toute la journée, il est resté chez lui avec un de ses camara-

des qu'il est allé reconduire le soir à six heures. Il n'est pas rentré

pour diner et sa mère étant allée chez son camarade pour savoir

ce qui était arrivé, apprit qu'ils étaient partis ensemble. Le 10, il

écrivit à sa mère qu'il l'avait quittée pour ne pas lui être à sa

charge et lui demandant pardon. (A suivre^

REVUE CRITIQUE

MYXOEDÈME OU CACHEXIE PACHYDERMIQUE' (Charcot);

Par P. KOVALEVSKI,

Professeur de maladies mentales et nerveuses à l'Université de Kharcoff.

Le professeur Virchow' émit son avis sur le myxoedème en le

basantsur des préparations étudiées et examinées chez Horsley

et d'autres savants anglais; il partage l'opinion de Charcot que

c'est un processus pachydermique. D'abord il conçut l'idée que

cela pourrait être un processus métaplasique de l'oedème sous-

cutané en tissu muqueux. Nous savons que dans la vie

embryonnaire, les tissus graisseux ont le type de tissus mu-

queux. Mais il y a des cas où chez un homme adulte, sous

l'influence de conditions pathologiques, apparaît une méta-

morphose inverse, c'est-à-dire la métamorphose du tissu

graisseux en masse colloïde, par exemple dans les régions des

reins, du coeur, etc. En faisant attention aux endroits où le

myxoedème apparaît le plus souvent, nous remarquerons que

c'est juste aux endroits où se trouve une quantité assez grande

de tissu cellulaire sous-cutané. C'est pourquoi au premier coup

d'oeil l'idée se présente qu'on se trouve en présence d'une méta-

plasie de la graisse sous-cutanée en tissus muqueux.

Mais une étude minutieuse des préparations convainquit le

professeur Virchow que cette supposition n'était pas juste,

1 Voyez Archives de Neurologie, n" 53, p. 246.

* Virchow.-Re ? -li71. Klin. H'ochenscll1'ift, 1887, n° 11.

MYXOEDÈME OU CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 423

car la métaplasie est toujours accompagnée de processus

atrophiques, tandis que dans le myxoedème, il y a proliféra-

tion du tissu interstitiel. Dans le tissu du myxoedème, nous

trouvons une prolifération et une division des cellules, et

non pas leur atrophie, donc nous avons dans ce cas non pas un

processus atrophique, mais un procès actif et irritatif, lié à la

conformation du tissu.

Après avoir étudié plus profondément l'aspect clinique du

mxyaedème et les phénomènes cliniques qui l'accompagnent,

le professeur Virchow trouve une rélation pathogénique

entre le myxoedème d'un côté, et le crétinisme et la cachexie

strumipriva de l'autre côté.

Hirsch analysa mycroscopiquement la peau et trouva une

quantité exagérée de fibres élastiques et de leucocytes, surtout

dans la direction des vaisseaux. Voici plus ou moins toutes les

données que nous avons sur le myxoedème jusqu'à présent.

Prenant pour base les cas de myxoedème décrits et ceux que

nous avons eu l'occasion de voir personnellement, nous pou-

vons donner comme symptômes de cette maladie les suivants :

les pieds et la face, surtout les paupières et les lèvres subissent

un gonflement, très ressemblant à un oedème ordinaire, mais

avec la différence que cette enflure myxoedémateuse ne retient

pas la trace de la pression du doigt, parfois cette trace après

pression du doigt apparaît aux jambes, mais en revanche, il est

impossible de la faire venir aux paupières et aux lèvres. La

peau à ces endroits gonflés devient tirée, livide et luisante; les

sécrétions de sueur et de graisse ne se font pas, ce qui a pour

suite de rendre la peau sèche et parfois écaillée. Les poils, qui

se trouvent sur ces endroits de la peau, tombent de suite et la

peau reste parfaitement à nu. La température de ces endroits

gonflés est abaissée, autant de fait que d'après la sensation des

malades, qui éprouvent un sentiment de froid à ces endroits et

deviennent en général frileux. Peu à peu, le gonflement de la

face s'étend sur le cou, la poitrine et les extrémités supérieures,

l'enflure des pieds monte et il arrive parfois que le gonflement

devient général et envahit tout le corps. Dans ces cas, le malade

a l'air de se trouver dans un sac bien plus large que son corps

et en conséquence la peau pend en gros plis. Mais un développe-

ment aussi intense de la maladie est bien rare, habituellement

la maladie est localisée dans quelques parties du corps. Avec

cela apparaît une sensation de grande fatigue, de faiblesse,

424 REVUE CRITIQUE.*

d'indolence, d'apathie, d'anémie excessive et d'épuisement

de l'organisme, une humeur taciturne et irritable. L'analyse

du contenu de ces gonflements oedémateux montra qu'ils ne

consistent pas en liquide albumineux, mais qu'ils présentent

un tissu muqueux contenant de la mucine. En examinant une

pareille peau microscopiquement, nous trouvons une proli-

fération du tissu intertitiel, une quantité exagérée de fibres

élastiques, une accumulation de leucocytes, surtout dans la

direction des vaisseaux, et un élargissement particulier des

conduits lymphatiques. Le sang de ces malades présente une

quantité amoindrie de corps rouges. Dans quelques cas, le pouls

devient lent, 60', parfois la température tombe j usqu'à 36,5-36°.

Dans quelques cas, nous trouvons une augmentation d'urate

dans l'urine. Le développement de la maladie est accompagné

par la chute complète des cheveux sur la tète, de la barbe, des

moustaches, des poils de tout le corps. Dans un cas seulement,

on observa une augmentation de la croissance des cheveux et le

remplacement des cheveux gris par de noirs (Hamilton). Avec

cela on observe parfois que les dents et les ongles tombent. La

langue enfle et se meut à grand peine ; un ralentissement de

motilité se remarque de même dans tous les muscles moteurs.

La bouche se remplit d'une salive à tel point épaisse qu'on est

obligé de l'éloigner à l'aide du doigt. La voix devient basse et

voilée. Dans quelques cas, on voit apparaître des douleurs

dans différentes parties du corps. A ces symptômes physiques

s'allient des symptômes psychiques. Les malades deviennent

apathiques et indifférents à leur entourage et leur propre per-

sonne. Etant assis le malade s'affaisse, ses membres pendent

et ont l'air d'être inertes. Ils sont négligents dans leur toilette.

Toute initiative disparaît et s'ils font quelque chose, ce n'est

que lorsqu'ils y sont forcés. Leurs pensées ont un cours lent

et faible. Ils gardent le souvenir et la compréhension des faits

journaliers de la vie quotidienne, mais les faits de leur vie

passée disparaissent à peu près tout à fait de leur mémoire.

Les malades ne font aucune attention et ne s'intéressent pas

du tout àleur entourage. La compréhension devient de même

défectueuse, au point qu'ils perdent la faculté d'opérer même

avec des chiffres simples. Dans la période suivante de la maladie,

on voit apparaître les symptômes de démence, et si la maladie

se développe en bas âge, les sujets présentent un état d'idiotie

MYXOEDÈME OU CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 428

plus ou moins complet. Rarement on voit apparaître dans des

cas de myxoedème le délire ou l'état maniaque.

Du côté delà motilité, nous voyons un allanguissement, une

lenteur et la perte du désir de se mouvoir. En plein développe-

ment de cette maladie, la parole des malades présente parfois

des syllabes indistinctes, ce qui dépend en partie de la diffi-

culté de mouvoir la langue, en partie des altérations de la

région mentale. Du côté sensoriel, on observe parfois des

anesthésies et des paresthésies, de même des hallucinations;

les réflexes sont le plus souvent intacts. Dans des cas bien

rares, on voit apparaître des hémiplégies et monoplégies, une

démarche vacillante, une coordination altérée et de l'ataxie

(Hammond) ainsi que des convulsions et des attaques épilepti-

formes.

Dans presque tous les cas de myxoedème, on observe l'ab-

sence de la glande thyroïde ou son altération. La maladie est

surtout propre aux femmes e semble plutôt se développer

dans la jeunesse. L'hérédité pathologique à ce qu'il parait n'est

pas exempte d'influence. Comme éléments étiologiques, on

peut citer le refroidissement et les altérations des organes

sexuels. Quelques auteurs mettent le myxoedème en relation

génésique avec les affections des reins. L'extirpation de la

glande thyroïde est suivie dans bien des cas de myxoedème.

Ma propre expérience, sous ce rapport, consiste dans l'obser-

vation de cinq cas de myxoedème, dont quatre étaient repré-

sentés par des femmes et seulement un par un homme.

Quant à l'âge, l'homme avait vingt-quatre ans, deux femmes,

vingt-deux- vingt-un ans, une trente-sept ans et une quarante-

six ans. Dans les cinq cas, il existat une tare héréditaire

psychopathique. Quatre de ces cas de myxoedème ne présen-

taient pas de déviations particulières du cours habituel de cette

maladie, c'est pourquoi je ne donnerai pas l'histoire de leur

maladie; le cinquième cas me parait être assez intéressant

pour que je me permette de le décrire en détail. Relativement

aux quatre premiers cas, je ferai remarquer seulement que

chez le garçon le myxoedème était accompagné d'un état créti-

noïde des plus marqué; dans les cas des deux jeunes femmes

le myxoedème se développa sur un terrain pathologiquement

prédisposé, sous l'influence de sérieux chocs moraux et de

refroidissement. Dans ces deux cas, le myxoedème était loca-

lisé et occupait les pieds, les mains et la face, l'état mental

426 REVUE CRITIQUE.

présentait les premiers symptômes de démence, ces deux

malades se remirent à force de régime et de traitement neuro-

tonique. La maladie dans ces deux cas fut arrêtée à son début.

Chez la troisième femme, la maladie se développa à l'âge de

trente-cinq ans et s'accompagna de complète démence. Dans ce

dernier cas le traitement ne donna pas de bons résultats.

Le cinquième cas présente une combinaison de symptômes

à tel point intéressante que c'est uniquement ce qui m'encou-

rage à tâcher d'attirer l'attention de mes honorables collègues

sur mon travail.

Jusqu'à présent l'étude clinique et expérimentale du

myxoedème nous démontre son lien génésique avec la cachexie

strumipriva et le crétinisme provoqué par l'éloignement de la

glande thyroïde de l'économie de l'organisme humain. Nous

connaissons encore une maladie présentant une altération de

la glande thyroïde. C'est la maladie de Basedow. La présence

de la struma dans cette maladie forme l'un de ses symptômes

coordinaux. Il est vrai que des cas de maladie de Basedow

sans struma existent, mais ces cas sont tout aussi rares que les

cas de fièvres sans augmentation du volume de la rate. Il est

clair que dans la maladie de Basedow autant la structure que

la fonction de la glande thyroïde sont soumis à un change-

ment ; néanmoins, autant que je sache, on n'y a jamais observé

des phénomènes myxoedémateux. L'union de ces deux maladies

est tellement peu ordinaire, qu'un savant aussi respectable

que Virchow détache la maladie de Basedow de la catégorie

des maladies myxoedémateuses et la déclare sui generis, car

dans la maladie de Basedow non seulement la glande thyroïde

existe, mais encore elle est même hypéreslhésiée, tandis que

dans le myxoedème, on constate l'absence de cette glande. Je

ne suis pas enclin à contester les connaissances et l'expé-

rience d'un savant aussi compétent et de tant d'autorité; mais

ne serait-il pas admissible*que dans quelques cas d'hypéres-

1 hésie pathologique de la glande thyroïde, l'augmentation de

son volume ne provoque pas d'augmentation dans son activité

et on peut même se figurer un état ou le struma serait égal à

l'absence de la fonction de la glande thyroïde, malgré son

volume exagéré. Ce n'est qu'ainsi que je puis m'expliquer le cas

de maladie de Basedow combiné de myxoedème que j'ai observé.

* Virchow.-Berl. Klin. lvochensclirift, 1887, n" 11.

MYXOEDÈME OU CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 427 -j

C'était une femme de quarante-six ans. Son grand-père pater-

nel était ivrogne et finit dans un asile d'aliénés; le père de la

malade se suicida à vingt-cinq ans, en état de mélancolie. Pas de

renseignements sur les parents du côté maternel de la malade; sa

mère était épileptique. Notre malade était fille unique du premier

mariage de sa mère. Dans son enfance, la malade était une fillette

robuste et bien portante, quoique sa mère raconta que jusqu'à à

l'âge de quatorze ans, sa fille se réveillait souvent en sursaut, criait

et causait en rêve et même il n'était pas rare que, s'habillant à

la hâte, elle tâchait de s'enfuir tout en dormant. Certainement

que la malade ne se souvenait de rien de tout cela.

A l'âge de dix-huit ans, notre malade se maria, mais très mal-

heureusement. Son mari buvait et la maltraitait souvent. A cette

époque, elle commença à avoir des attaques d'épilepsie (petit mal).

Les attaques étaient rares, deux ou trois fois par an, et n'avaient

pas de suites particulièrement fâcheuses. A vingt-quatre ans, une

attaque de petit mal fut suivie d'actes automatiques. Elle vaquait

à ses affaires, quittait la maison, faisait des emplettes, etc., et ne

s'en souvenait absolument pas. Ces moments d'absence duraient

de trente à quarante minutes, rarement de une à deux heure'.

Les attaques de ce genre arrivaient une ou deux fois par an. Après

ses trente-deux ans, on remarqua que ces attaques d'automatisme

psychique devinrent de plus longue durée; de huit à dix-huit

heures. Outre cela, la malade devint, durant les attaques, irri-

table, querelleuse et furieuse; elle avait des hallucinations et

éprouvait des accès de terrible angoisse et d'anxiété. L'accès de

fureur une fois passé, la malade ne gardait ancun souvenir de ce

qui s'était passé. Ces attaques étaient toujours précédées d'une

période d'irritabilité qui durait de deux à trois jours. C'est le

cours que la maladie suivit jusqu'à quarante ans. Les chocs mo-

raux et les malheurs ne manquèrent pas à notre malade. Elle

quitta son mari, tomba dans la misère et dut subvenir elle-même

à son existence. A cette époque, elle eut de violentes palpitations

dOtCoeur; ces palpitations étaient périodiques au commencement,

ensuite elles apparurent de plus en plus souvent et devinrent de

plus en plus violentes et continuelles. Enfin ces palpitations ne

discontinuèrent plus, elles duraient jour et nuit, autant lorsque

la malade était en état de repos que lorsqu'elle se mouvait. A cela

s'ajouta, après deux ans, de i'e.cop/tttt<mt6; une demi-année plus

tard, une struma. Durant cette période, l'état de la malade élait

oumis à des changements; tantôt il s'améliorait, tantôt il empi-

rait. Mais la nouvelle maladie n'arrêta pas les attaques de fureur

épileptique. Ces attaques apparaissaient de la même manière et

aussi violemment qu'auparavant, de deux à trois fois par an; j'en

observai quelques-uns personnellement et je remarquai que du-

rant l'attaque de fureur, les phénomènes de la maladie de Basedow

428 8 REVUE CRITIQUE.

s'accentuaient plus, et qu'ils faiblissaient, au contraire, lorsque

l'altaque d'épilepsie psychique passait. Un jour que j'examinais

la malade en paroxysme de fureur, je fus frappé par la vue de

nouveaux symptômes qui ne s'étaient jamais présentés dans le

passé. Les pieds de la malade étaient gonflés dans la répion de la

cheville et plus haut, même jusqu'aux genoux. La peau était tendue,

d'une teinte gris sale, luisante, sèche, et dénuée de tous ses poils.

Les sécrétions sébacées et sudorales ne se voyaient pas. La peau

était froide et sèche au contact. L'enflure cédait à la pression du

doigt, mais dès qu'on ôlait le doigt, toute trace de pression dispa-

raissait de suite. Du côté du coeur, rien, outre accélération du

battement (120-140); l'urine sans albuminat, mais contenant une

quantité considérable d'urates (1015), de réaction aigre, à teinte

claire. Un gonflement, tout pareil à celui des pieds, se présentait

aux joues et aux lèvres, la peau des paupières était très ridée,

mais pas gonflée. Les cheveux sur la tête devinrent rares, les poils

sous les aisselles tombèrent tout à fait. La température était de

30°, 2-36°, c. Avec cela, grande pauvreté de sang, insomnies,

hallucinations de la vue et de l'ouïe, manifestation de peur et de

terreur, état de complète absence, inclination à la fureur. Cet

état dura pendant trois jours, après quoi la malade devint tran-

quille.

Mais cet état de tranquillité n'était pas son état habituel post-

épileptique, dépressif, mais durant lequel la malade était cepen-

dant sur pied, travaillait et causait. Non, cette fois-ci elle était

alitée, faible et tout à fait apathique et indifférente à son entou-

rage. Qu'on lui donnât, ou qu'on ne lui donnât pas à manger ne la

touchait puère; qu'on change ou ne change pas son linge, elle

n'y faisait non plus aucune attention. Cette apathie envers soi et

son entourage était accompagnée d'une extrême lenteur physique

et psychique. Elle était très lente à répondre et cela après avoir

répété plusieurs fois la question « quoi ? qu'est-ce ? » Ce n'est

qu'après maintes répétitions de la question, qu'elle répondait par

monosyllabes et encore pas toujours juste. Elle embrouillait les

jours, les dates et comptait très mal même de tous petits cintires.

La voix était monotone, la. parole indistincte à cause de l'enflure

de la langue. La bouche se remplissait souvent d'une salive épaisse

et collante. Elle restait tout à fait indifférente à mes visites, tandis

qu'avant elle m'exprimait toujours son respect, sa gratitude, etc.

Enfin elle ressemblait à une personne à demi dormante. La phy-

sionomie avait perdu toute expression et était tout a fait stupide.

Les phénomènes de la maladie de Basedow restaient les mêmes.

Mais sous l'influence de bains chauds, de galvanisations (+ sur

N. sympathicus), de vin de quinquina, de petites doses d'arsenic et

d'un traitement énergique, elle commença petit a petit à se re-

mettre autant physiquement que psychiquement; en trois mois,

MYXOEDÈME OU CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 429

les gonflements disparurent complètement et l'état psychique de-

vint normal. Il ne resta que les symptômes d'anémie et de la ma-

ladie de Basedow.

La malade nous raconta alors que cinq ou six mois avant le

dernier paroxysme de sa maladie, elle commença à se sentir si

faible, si brisée et si fatiguée, qu'elle n'avait qu'un seul désir, de

rester constamment couchée. Elle ne se sentait pas malade de

corps physiquement, la température était plus basse que la nor-

male, elle ressentait une fatigue telle qu'elle ne pouvait décidé-

ment ni travailler, ni marcher. Avec cela, il lui était difficile de

penser, ou plutôt elle n'avait pas envie de penser. Elle s'asseyait

dans un endroit quelconque, s'y affaissait et restait ainsi, sans

penser, tout en s'attrappant sur cette absence de pensées. A la

même époque, elle remarqua à ses pieds un étrange gonflement,

pâle et luisant, avec cela les cheveux de la tête, le^ poils des pieds

et sous les bras tombèrent. Le même gonflement parut sur les

mains et la face; mais celui des mains n'était pas continuel. Du-

rant le second et le troisième mois de cette maladie, elle perdit

huit dents, sans aucune raison. Pendant toute la durée de la ma-

ladie, l'appétit et les fonctions de l'estomac restèrent intacts, mais

elle ne transpirait pas et sa peau ne portait pas trace de sécrétion

graisseuse; à la moitié du troisième mois, sa langue enfla et la

parole devint pénible, avec cela,la quantité de salive s'augmenta

et elle devint collante et épaisse. Les palpitations de coeur,

l'exop)ttalm2ts et la struma ne subirent pas de changements. La

malade attribua sa maladie à un refroidissement; elle fut trempée

pendant une froide journée par une violente pluie, et ne changea

pas de suite de linge et d'habits. Le lendemain, elle ressentit déjà

des douleurs et des courbatures dans les pieds, qui passèrent en

quelques jours et furent remplacées par le-gonflement des pieds,

qui se développa petit à petit. La malade se plaignait tout le temps

de sensation de froid, surtout aux endroits gonfles.

L'intérêt de ce cas consiste en ce que le myxoedème se déve-

loppa lorsque la maladie de Basedow était déjà présente. Non

seulement la glande thyroïde existait, mais encore son volume

était agrandi. Est-ce que cela prouve que la glande thyroïde

était saine et,qu'elle fonctionnait normalement ? Notre malade

resta en vie, la glande ne fut pas extirpée, donc nous ne pou-

vons pas dire positivement que la glande était altérée. Mais si

nous rappelons à notre souvenir les cas de myxoedème chez

les crétins, nous ne nous étonnerons plus de ce que l'augmen-

tation du volume de la glande thyroïde a pour suite le myxoe-

dème. Il est bien difficile de démontrer jusqu'à quel point

l'hyperplasie et l'hypertrophie d'un organe peuvent soutenir

430 0 REVUE CRITIQUE.

l'équilibre normal et dans quel moment la limite sera passée.

Les cas ne sont pas rares où la glande thyroïde agrandie, pré-

sente un état égalant parfaitement son extirpation totale; la

différence est que dans le premier cas l'opération ne se fait pas

par le chirurgien, mais par la nature elle-même, en opérant

dans l'organe des changements qui rendent impossible sa

fonction normale.

Dans notre cas, les phénomènes myxoedémateux furent tem-

poraires et passagers, nous supposons donc que la glande

thyroïde de notre malade avait souffert un changement, qui

aura atteint le dernier degré d'altération et peut-être même

un arrêt total de sa fonction. Nous sommes embarrassés de

nommer les conditions qui avaient influé de la sorte. Il est

possible que dans ce cas il y ait eu altération temporaire d'un

organe, vicariant l'activité de la glande thyroïde altérée; l'a-

mendement de cette altération temporaire fit disparaître le

myxoedème.

Mais lorsque, sous l'influence du traitement ou bien de

changements inconnus dans l'organisme, les conditions d'exis-

tence de la glande thyroïde s'améliorèrent, le myxoedème dis-

parut et la malade ne conserva que les symptômes de la maladie

de Basedow.

Pendant tout l'état myxoedémateux, il n'y eut pas de grands

changements, comme volume, de la glande thyroïde de notre

malade. La glande s'était un peu agrandie pendant la période

de fureur épileptique et revint à son volume ordinaire lorsque

la fureur passa.

Quant au rapport entre la maladie de Basedow et le myxoe-

dème, en analysant les symptômes cliniques do ces deux

maladies, nous ne saurions les éloigner l'une de l'autre. Le

myxoedème, autant que la maladie de Basedow, se développe

très souvent sur une base psychopathique et est alliée à beau-

coup d'autres neuroses et psychoses. Le myxoedème, de môme

que la maladie de Basedow, altère très souvent la région psy-

chique ; Eulenburâ 1, en décrivant la maladie de Basedow, dit

que les malades se plaignent de vertiges, de pleine incapacité

de travailler, d'affaiblissement de mémoire et des facultés

mentales, de pénibles insomnies et de la crainte de devenir

fous. Tous ces symptômes approchent de très près ceux que

' EuIe))burg.Z ! 'entïC7 : 'sanfMuc/ 13. XII, h. 2, , 81.

MYXOEDÈME OU CACHEXIE PACHYDERMIQUE. 431

nous observons dans les premières périodes du myxoedème et

ces symptômes peuvent s'accentuer ou s'atténuer conformé-

ment aux modifications de la maladie. De même la maladie de

Basedow est souvent accompagnée d'altérations cutanées. Ainsi

Leube observa une légère sclérodermie sur la face et le revers

de la main. Reynaud observa dans quatre cas de la leuco-

dermie ou bien duvitiligo. Bartolow4, et Bulhley5 observèrent

la fièvre ortiée et d'autres éruptions. Tout ceci démontre que

dans la maladie de Basedow la peau est aussi soumise à des

changements. Les symptômes psychiques et les altérations

cutanées n'atteignent seulement pas un degré aussi prononcé

que dans le myxoedème, mais cela permet d'admettre que la

glande thyroïde n'atteint non plus, dans la maladie de Basedow,

le degré d'altération qu'elle atteint dans le myxoedème. G'est

pourquoi nous ne saurions nous décider à rejeter tout à fait la

maladie de Basedowdu groupe myxoedémateux, du moins d'au-

tant que dans la maladie de Basedowil se passe une altération

de la glande thyroïde.

Il n'est pas à douter que la glande thyroïde est de grande

importance dans l'organisme humain. Les explorations cli-

niques et expérimentales démontrèrent que l'extirpation, chi-

rurgique ou 'pathologique de cette glande réagit de trois

manières sur l'organisme : elle produit l'anémie et la cachexie,

des changements dans le système nerveux central, pareils aux

changements produits par des intoxications (Rogowitch) et des

changements irritatifs de caractère colloïde. Les altérations

psychiques, qui accompagnent le myxoedème, peuvent être

expliquées par les trois genres de changements : les altéra-

tions nutritives ont pour suite l'affaiblissement du système

nerveux central ; la prolongation de ces altérations peut pro-

duire des changements organiques, de pareils changements

peuvent aussi, peut-être, arriver sous l'influence de l'accumu-

lation d'une substance toxique inconnue, qui dans ce cas ne se

filtre plus par la glande thyroïde non fonctionnante et enfin

ces changements de structure et fonctionnels peuvent être

' Leube. - Clin. Beilage zu dem C01'l'esponden;blllll des allg. arzll.

Inlelligensblatt, 187, n° 16.

. Reynaud.-Arclaiues gen. de méd., p. 7G9.

' Bartolow.-Chicago, Journal of neroous and ment discase, 1875.

* BuUdey.C ? aoyoM)'nn/o/ ? tee,vous. and ment discases, (87.

432 RECUEIL DE FAITS.

produits par le procès colloïde irritatif. Mais ce dernier

point exige surtout des preuves expérimentales.

Note de la rédaction. Ainsi que nous l'avons dit (p. 246), la Revue

de M. Kovaleski nous a été adressée au mois de juin 1888. En raison

du retard de sa publication, elle n'est pas tout à fait au courant de la

littérature médicale. Voici les indications que nous avons pu recueillir.

Nixon. Myxoedema (The Lancet, 1887, I, p. 25) ; - Shelswell (0. B.).

Cases of hémorragie tendency in Myx. (Ibid., p. 675). - Stewart. J)/y.E.

(Canadian Practit., vol. XII, 1887, p. 160). Lloyd. Report of case of

nzolx. (Tians. of the clin, soc., vol. XIV, p. 111). - Ouchterlong. A case

of ltll/x (rite Amer. Pract. and News, vol. V, 1888, p. 141).-\Vatt (A.).

A case of myx. (The mal. Rec" N.-Y. 1888, vol. XXXIII, p. 97). 111e1oy.

Puthology of Myx. (Ibid., p. 223). - J111¡.'f;. in Albaml (lGml., vol XXXIV,

p. 270. An interesling paper on Alyx. (Ibid., 1889, vol. XXXV, p. 610).

- The Rep. of the Clinical Soc. Conz7zitted on Myxoedema, 1888. Hem

(H). 7 ? E. uilh a Reportof the Micl'oscopical exam. (The Arnedcan Journ.

of the rned. Sc., 1888, vol. XC'I, p. 1). Campbell. Myx. and Anoma-

lous cases (The hlorztreal nzed. Journ., 1888, vol. XVII, p. 256). - llyxoe-

clema (Bu/falo rned. and Sll1'q. Journ. 1888, vol. XXVIII, p. 215).- Hub-

hard. Report of a case of Myx. witlz comment. (Saint-Louis med. ancl

Su ? q. Journ., 1889, vol. LVII, p. 10).- Vallas. Le myx. (Province n : e'6t.,

1889, p. 65). - Tessier. Sur un cas de myx. (71<e<. niéd. des Vosges,

1889, p. 18). Romme. De la cachexie pachydermique dans ses relations

avec la physiologie de la glande thyroïde (Tribune méd., 1889, p. 292).

,11yxoederna (l3ritislz nid. Journ., 1889, may, p. 1118). - Citons enfin

une Revue critique très intéressante de M. Lannois, intitulée : De la

cachexie pachydermique. (Archives de rnécl. exyé·izn., 1889.)

Voilà pour le myxoediome en général. Il ne nous reste plus qu'à citer

les publications relatives à l'idiotie myxoedérnateuse .

Bourneville. Notes sommaires sur deux cas d'idiotie avec cachexie

pachydermique (Arch. de Neuz·., 1888, vol. XVI, p. 131). - Régis. Un cas

de crétinisme sporadique (L'Encéphale, 1888, p. 697). - Camuset. Un

cas d'idiotie avec cachexie pac/ ! 1/d. (arcs. de Neur., 1889, vol. XVII,

p. 85).- Bourneville. Notes et réflexions à propos du cas précèdent (Ibid.),

p. 90). Cousat. Idiotie avec ca(-h. paclzrl., Ibid.) p. 179). - Bourne-

ville. De l'idiotie myxrdematezc,se (Assoc. fu. pour l'avancement des

sciences, séance du 11 août 1889; analyse dans le Progrès médical, du

17 août 1889, p. 149). ' Bournlvillk.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE

I. NOTES cliniques SUR LES HÉIIORRHAGIES dans L1 paralysie GÉNÉ-

RALE; par Geo. H. SAmAGE. (The Journal of Mental Science, jan-

vier 1886.)

Tout le monde connaît l'hématome du pavillon de l'oreille chez,

les aliénés, et l'on sait que cette tumeur n'est pas due seulement à

une violence subie, mais encore à l'état particulier soit des vais-

seaux, soit du sang, chez celui qui la subit. Mais en dehors de l'hé-

matome, on peut voir survenir chez les paralytiques généraux, à la

suite de violences insignifiantes, des collections sanguines très

étendues, pouvant aboutir à des abcès, qui d'ailleurs guérissent

ordinairement très bien et très vite, sans récidives : quelquefois-

cependant, ils peuvent donner lieu à des accidents généraux.

Une autre forme d'hémorrhagie, que l'auteur a pu observer deux

ou trois fois d'une façon très nette, c'est l'apparition du sang dans

l'urine sans aucun traumatisme préalable.

Enfin, la dernière forme d'hémorrhagie observée par M. Sauvage.

est à la fois intéressante comme détermination cutanée et comme

indice d'un état général. Chez un homme atteint de paralysie

générale à forme très aiguë, il vit apparaître à la suite d'une chute,

une contusion du bras gauche, bientôt suivie de l'apparition d'une-

vaste collection sanguine. Ces phénomènes suivaient depuis quel-

ques jours leur cours régulier, lorsqu'il observa à la région interne

des deux cuisses, depuis le pli de l'aine presque jusqu'à la che-

ville, et à la région externe des mêmes membres, depuis l'épine-

iliaque jusqu'au genou, une éruption de purpura, constituée par

des centaines de taches. Cette éruption varia d'aspect presque

chaque jour pendant environ une semaine, puis disparut complè-

tement. L'auteur a pensé qu'il était intéressant de relater ce fait

en raison de ses rapports avec les autres hémorrhagies dans la

paralysie générale des aliénés. ' R. M. C.

II. SUR la prétendue fragilité DES OS dans la paralysie générale;

par le Dr T. CURl5TI.\N. (The Journal of Mental science, jan-

vier 1886.)

Exposées au Congrès de Psychologie d'Anvers dans un mémoire

dont celui-ci n'est que la traduction, les idées du médecin de Cha-

Archives, t. XVIII. 28

434 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

renton sur la fragilité des os dans la paralysie générale sont au-

jourd'hui bien connues, sinon généralement acceptées; nous nous

bornerons donc à rappeler que pour M. Christian la paralysie gé-

nérale n'entraîne par elle-même aucun accroissement de la fragi-

lité des os, et que l'ostéomalacie, quand on la rencontre, doit

être reléguée au rang de phénomène purement accidentel et

relevant de causes toutes différentes. R. M. C.

III. Affections cérébrales d'origine traumatique; DEUX observations;

par Julius Mickle. (The Journal of Mental science, octobre 988ï.)

Dans le premier de ces deux cas. on constatait un état d'atro-

phie et de dégénérescence plus accentué dans le lobe frontal gau-

che qu'en tout autre point; il y avait également, des deux côtés,

des adhérences cérébro-méningées au niveau de la circonvolution

marginale : ces adhérences s'observaient encore à la partie infé-

rieure de la circonvolution centrale antérieure gauche et au niveau

de l'insula du môme côté. L'hémisphère cérébral gauche était

atrophié dans son ensemble, mais d'une façon sensiblement plus

marquée dans le lobe frontal; et celte lésion, joinle aux adhé-

rences cérébro-ménlnriées, appréciablessurlout au niveau des cir-

convolutions orbitaires et marginales, et à la dégénérescence de

l'insula du côté gauche, était accompagnée d'amnésie, et, surtout

après les crises convulsives, d'un état voisin de la paraphasie et

(bien qu'à un moindre degré) de la surdité des mots ; toutefois, la

coexistence d'un état de démence rendait l'appréciation de ces

faits obscure et complexe. Ces modifications pathologiques étaient

consécutives à une méningite et à une hémorrhagie traumatiques

localisées, ainsi qu'à un état pachyméningi tique, qui reconnais-

saient à leur tour pour cause une grave lésion cranio-cérébrale

avec perte de substance. Ce premier cas se rattache donc de la

façon la plus nette à l'ensemble des faits dans lesquels une forme

d'aphasie est placée sous la dépendance d'altérations diffuses de

texture siégeant de préférence dans l'écorce grise du lobe frontal

gauche.

Dans le second cas, comme dans le premier, il existait un cer-

tain degré d'atrophie cérébrale, ayant, selon tarègle, comme siège

unique ou principal, les lobes fronto-pariétaux. Les lésions, con-

sistant surtout en adhérences, occupaient la surface de la base et

de la partie moyenne du cerveau : les signes de méningite trau-

matique adhésive étaient très accentués à la base. L'organe céré-

bral lui-même n'avait pas été épargné par le processus morbide

primitif, et l'envahissement des nerfs optiques s'était traduit par

un affaiblissement graduel de la vue.

La forme dépressive des troubles émotifs s'est accusée dans ce

cas avec une netteté peu commune.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 43S

Ce fait est un de ceux qui forment, au point de vue de l'histo-

logie pathologique, une transition entre les lésions les plus carac-

téristiques de la paralysie générale d'une part, et de la méningite

chronique localisée d'autre part, en se rapprochant toutefois da-

vantage de la première de ces deux maladies. Il. M. C.

IV. Deux cas de thrombose DES sinus cérébraux; par Joseph

WIGLESWORTII. (The Journal of Mental Science, octobre 1885.) .

L'observation de ces deux cas est rapportée avec détail et pré-

sente un intérêt d'autant plus réel qu'il ne s'agit pas ici des

thromboses les plus fréquentes, c'est-à-dire de celles qui ont pour

origine une cause locale, une carie osseuse par exemple, mais de

ces formes beaucoup plus rares dans lesquelles la thrombose doit

être rattachée à un état général ou constitutionnel. R. M. C.

V. Trois cas DE suffocation; par David WELSI ! . (The Journal of

Mental Science, juillet 188G.)

Ces trois cas sont intéressants à des litres divers. Dans le pre-

mier cas, on trouvait un amas de lymphe à la bifurcation de la

trachée ; l'étude des faits et du procès-verbal d'autopsie montrent

qu'il faut chercher la cause de ce fait dans l'existence réitérée

d'attaques de bronchite aiguë; ce qui est surtout remarquable,

c'est que la vie ait pu persister, et cela avec aussi peu de symptô-

mes alarmants, alors que l'un des poumons était en état de col-

lapsus et que l'entrée de l'autre poumon était à peu près obstruée.

L'auteur ajoute que les circonstances étaient telles que la tra-

chéotomie, l'eût-on pratiquée au moment même où le bol ali-

mentaire venait de passer dans le larynx, n'aurait pas sauvé le

malade.

Le second cas démontre l'utilité de la trachéotomie immédiate

lorsque l'obstacle n'a pu être enlevé à l'aide des doigts ou de la

pince : l'opération a certainement prolongé la vie du malade, qui

aurait peut-être même survécu s'il n'avait pris une pneumonie,

affection que l'on sait être fatalement mortelle à une période avan-

cée de la paralysie générale.

Enfin, clans le troisième cas, la suffocation n'a été que le pre-

mier anneau dans l'enchaînement des circonstances qui ont

amené la mort. Le malade parait avoir avalé son col de chemise,

lequel est demeuré fixé au niveau ou au voisinage de la glotte, et

les efforts faits en vue de l'expulsion du corps étranger ont provo-

qué une rupture vasculaire dans le corps strié ainsi qu'une rupture

de la veine jugulaire interne. L'épanchement sanguin déterminé

par cette dernière rupture resta d'abord contenu dans la gaine

résistante des gros vaisseaux du cou, donnant ainsi lieu au gonfle-

ment circonscrit qui fut observé pendant la vie; mais la gaine,

436 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

cédant à la pression, ne tarda pas à se rompt et le sang se répan-

dit entre les muscles. Ce cas est un de ceux qui démontrent le

plus nettement la nécessité de l'autopsie pour reconnaître avec

précision la cause de la mort ; dans ce cas, en effet, l'observation

clinique conduisait naturellement à admettre la suffocation pour

cause de la mort : l'autopsie a démontré que la cause immédiate

de la mort était d'un ordre tout à fait différent. R. M. C.

VI. SUR QUELQUES FORMES ANORMALES DE LA RESPIRATION ; par

Julius 1111CIiLE. (The Journal of Mental science, avril ·1ti86.)

La première forme que signale l'auteur n'est autre chose

que le type pur et complet de la respiration de Cheyne-Stokes,

type- qu'il a signalé il y a quelques années chez certains

aliénés. 0

La seconde forme n'est qu'une subdivision de la première ;

elle a pour types les cas où la respiration de Cheyne-Stokes

est modifiée en ce sens qu'on ne peut la constater que sous

une forme et à un degré très atténués, et que plusieurs des

caractères du type complet font entièrement défaut.

Le troisième type présente au point de vue clinique la forme

générale de la respiration de Cheyne-Stokes, moins la phase

apnéique : il est constitué par des périodes successives de

dyspnée, qui sont essentiellement les mêmes que celles du

type Cheyne-Stokes, et les différentes phases de chacune de

ces périodes dyspnéiques constituent dans leur ensemble un

cycle ; c'est la succession de ces cycles qui constitue à son

tour le phénomène que l'auteur a décrit sous le nom de

« rythme respiratoire ascenso-descendant, * dénomination

que l'auteur hésite un peu à employer parce qu'on l'a trop

souvent considérée comme synonyme de respiration de

Cheyne-Stokes et qu'il peut résulter quelque confusion de

cette svnonvmie inexacte.

Le phénomène clinique décrit par l'auteur est le suivant :

la respiration d'abord douce et peu fréquente, devient, par

une gradation régulière, plus pleine, plus énergique, plus

fréquente et elle s'exagère jusqu'à devenir dyspnéique : alors

elle se calme graduellement jusqu'à ce qu'elle ait atteint le

même état qu'au commencement de ce cycle respiratoire :

alors commence une nouvelle période de dyspnée. Dans

certains cas la période descendante est soit considérablement,

soit sensiblement plus courte que la période ascendante.

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 437

L'auteur, quoi qu'il eût constaté des altérations microsco-

piques bien nettes des éléments de la moelle allongée dans

un des cas publiés par lui, ne se croyait pas en droit d'établir

un rapport absolu entre ces altérations et l'existence de la

respiration de Cheyne-Stokes; mais récemment, dans un cas

où ce type respiratoire avait été constaté, Tizzoni a trouvé

des lésions ascendantes d'inflammation chronique le long des

nerfs vagues, avec extravasion sanguine dans les espaces

lymphatiques de périnèvre et de l'endonèvre. Le nerf était

altéré dans toute sa longueur du côté droit, et à sa périphérie

seulement du côté gauche. Dans la moelle allongée, on trouva

des petits foyers, surtout du côté droit et au-dessous de

l'épendyme, au niveau du sillon longitudinal du calamus.

Dans un autre cas (d'origne urémique), des lésions analogues

furent rencontrées dans le segment supérieur de la moelle

allongée; mais dans ce cas l'intégrité des nerfs vagues était

complète. R. M. C.

VII. Note SURCERT1.41 ? S impressions subjectives douloureuses DE

froid; DE la PSYCHft\LG[E crurale; par OI111. POLLOSSOY (Lyon,

méd., 1887, t. 06).

VIII. Angine DE poitrine, GOITRF EXOPIITIIALl11QU; ET hystérie chez

l'homme, par I. GH. AUDRY. (Lyon méd., 1887, t. 5L)

IX. Fibrome DE L1 dure-mère ET epilepsie chez UNE PHTISIQUE,

par M. L.\C1l01X. (Lyon, méd., 1887, t. : i4.)

Il s'agit d'une épileptique phthisique, àl'autopsie de laquelle on

trouva une tumeur fibreuse de la dure-mère, du volume d'une

noix, que comprimait légèrement la partie postérieure du lobe

temporal droit. Pendant la vie, cette tumeur n'avait décelé sa

présence par aucun signe clinique, sans doute parce qu'elle

n'intéressait le cerveau que dans la sphère latente et parce que

très vraisemblablement elle avait dû se développer avec une

extrême lenteur.

S'appuyant d'une part sur ces considéralions, et d'autre part

sur les antécédents héréditaires de la malade (père alcoolique,

mère débauchée), l'auteur pense que le fibrome de la dure-mère

n'a pas été la cause directe de l'épilepsie et n'a joué que le rôle

de cause occasionnelle ayant mis en jeu la prédisposition à une

affection névropathique que présentait cette malade en raison de

ses antécédents. G. D. 1

438 REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE.

X. Hysiérie chez un homme; par M. Cil. Audry.

L'intérêt de cette observation réside dans ce fait qu'on trouvait

associés chez le même malade les stigmates caractéristiques' de

l'hystérie, des accès d'angine de poitrine et des symptômes de

goilre exophlhalmique.

XI. Pathogénie de la paralysie AGIT.a\TE; par M. J. Teissier.

(Lyon méd., 1888, t. LVIII.)

Tout en admettant que les régions protubérantielles sont cer-

tainement intéressées dans la maladie de Parkinson (Vulpian),

M. J. Teissier pense qu'un certain nombre des grands symptômes

de la maladie, le tremblement et les troubles vaso-moteurs en

particulier, relèvent directement d'une sclérose diffuse des cordons

latéraux de la moelle. Cette sclérose est essentiellement diffuse et

s'étendait dans deux cas jusquau voisinage de la colonne de Clarke e

au niveau du tractus iDlermedio-lateralis précisément dans les

points qu'on est disposé à considérer aujourd'hui comme les régions

d'origine spinale du grand sympathique (Pierrel). résulte de ces

faits : 1° que la paralysie agitant ne doit plus être considérée comme

une névrose ; 2° que tout état constitutionnel susceptible de pro-

duire de la leplo-méninite ou de la sclérose diffuse de la moelle

pourra, dans certaines conditions donner lieu au tableau systéma-

tique de la maladie de Parkinson. G. D.

XII. Vaste ramollissement cortical DU cerveau ayant produit une

rotation EN sens contraire DE LI tête ET DES yeux et une déviation

inégale DES deux yeux ; par M. F. Leclerc. (Lyon méd. 1888,

t. LV).

L'intérêt de cette observation réside dans ce fait qu'une lésion

limitée à la surface convexe des hémisphères cérébraux a été

suffisante pour produire des symptômes oculaires ressemblant à

ceux qu'occasionnent les lésions de la base. L'auteur se déclare

du reste incapable de fournir une explication à cette infraction à

la loi de la déviation conjuguée de la tête et des yeux. Le même

malade présentait un kyste hydatique du psoas-iliaque dont le

contenu s'était transformé en une masse solide à la suite d'une

simple ponction. G. D.

XIII. UN cas d'ataxie locomotrice avec début par DES troubles

trophiques; par 111. II. 111OLLIERG.. (Lyon méd. 1888 t. LV.)

Il s'agit d'un malade chez lequel, contrairement à ce qui s'ob-

serve habituellement, des altérations trophiques variées (maux

perforants, arthropathies du pied, oedèmes locaux, chule des

REVUE DE PATHOLOGIE NERVEUSE. 439

dents, etc.) ont marqué le début d'une atonie locomotrice vraie.

On peut donc supposer que la sclérose a envahi d'emblée dans ce

cas les fibres nerveuses profondes, mais la constatation nécrosco-

pique de cette altération a fait défaut, le malade ayant été très

amélioré par le traitement. G. D.

XIV. Note SUR un C\S de MUTISME HYSTÉRIQUE avec contracture par-

TIELLE DE la langue; par M. A. 1)UTIL. (Gaz. méd. de Paris,

1887.)

XV. Note pour, servir A l'histoire DE l'hystérie et du saturnisme,

par M. A. DuTtL. (Gaz. méd. de Paris, 1887.)

L'observation qui fait l'objet de ce travail est celle d'un homme

qui présenta dans sa jeunesse des crises d'hystérie convulsive bien

caractérisées. Délivré ultérieurement de tout accident hystérique

durant une période de cinq années, il vit ses attaques reparaître

et une hémiplégie avec hémianesthésie survenir sous l'influence

du poison saturnin, à l'occasion de sa première colique de

plomb. Cette observation semble donc favorable à l'interprétation

pathogénique de ceux qui admettent que l'intoxication saturnine

n'agit qu'à titre de cause adjuvante, particulièrement efficace

pour éveiller chez des sujets prédisposés, les manifestations de

l'hystérie restée jusqu'alors latente. G. D,

XVI. HYSTÉRIE mercurielle; par M. L. Guinon. (Gaz. 172é1.

de Paris, 1887.) .

Outre les signes vulgaires de l'hydlargyrisme chronique, le ma-

lade de M. Guinon présentait de l'hémianesthésie sensilivo-sen-

sorielle, du rétrécissement du champ visuel, des attaques convul-

sives, etc. Se fondant d'une part sur ce que son malade n'avait

jamais présenté d'accidents nerveux avant son intoxication et

d'autre part sur la localisation des accidents aux membres en-

contact plus intime et plus répété avec le mercure, l'auteur pense

que chez ce malade l'hystérie était le résultat direct de la seule

intoxication ; qu'elle n'existait que par elle en dehors de toute

prédisposition ; qu'elle était purement toxique, en un mot symp-

tomatique. G. D.

XVII. Maladie DE DUPUYTREN. - Paralysie générale, arthritisme^

par le Dr Régis. (Gaz. méd. de Paris, z1887.)

Le fait relaté dans cette note est intéressant au point de vue-

des rapports encore mal connus de l'arthritisme et de la para-

lysie générale. C'est l'histoire d'un malade pris d'abord de goutte

dans le pied droit, puis de rétraction palmaire dans la main

440 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

droite, enfin de paralysie de l'oeil droit. Atteint bientôt après de

paralysie générale, il présente des convulsions épilepliformes

localisées dans le côté droit, précédées et suivies de sueurs pro-

fuseset de conzestions pulmonaires idenliquesà celles quiselevaient

exclusivement autrefois de son arthritisme. Il est impossible, dit

d'auteur, de ne pas voir dans cette succession de phénomènes, en

particulier dans la réunion chronologique et la localisation des

.deux ordres de symptômes dans un même côté du corps, une con-

Jlexion allant presque jusqu'à la fusion entre les manifestations

goutteuses et celles de la maladie cérébrale.

Il semble donc légitime de conclure des particularités les plus

saillantes de cette observation a la réalité d'une parenté morbide

entre l'arlhritisme et la paralysie générale. G. D.

XVIII. Note sur un cas D'UÉMORRIIAGIE bulbaire ; par M. A. DUTIL,

(Gaz. méd. de Paris, 1887.)

'Observation d'un malade qui présentait une hémiplégie alterne

'du facial gauche et des membres du côté droit avec anesthésie

incomplète et une paralysie des deux nerfs de la (te paire. A l'au-

topsie on trouva dans le bulbe un foyer hémorrhagique qui avait

.détruit : 1° le noyau accessoire et le noyau principal du facial

.gauche ; 2° les deux noyaux d'origine de la 6° paire. Les troubles

fonctionnels observés pendant la vie étaient donc exlactement

supperposables aux lésions constatées à l'autopsie. G. D.

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

T. LE traitement i;L1'CTRIQUE DE la paralysie faciale par REfROI-

DISSEMENT ; par C. EGELiSJOE<.(Ce)<)'<i ? \M ? )/e : 7<[., 1887.)

La paralysie faciale rhumatismale est des plus heureusement

influencée par la faradisation du bulbe : (une électrode à la

muque, l'autre au-dessus du larynx), séance de deux minutes. Gué-

rison de tous les phénomènes douloureux, aneslhésiques, para-

lytiques en peu de jours. Trois observations choisies à l'appui.

,P. K.

ill. A QUEL moment EST-IL INDIQUÉ DE commencer LE traitement

électrique DES maladies inflammatoires aiguës DU système NUIT-

veux ? par R. FaiEDLOENDER. (Ccnlmlhl. f. Nervenheilli, 1887.)

.11 est des cas dans lesquels le courant constant doit être appli-

REVUE DE THÉRAPEUTIQUE. 4 lit Il

que dès le début, pourvu qu'on sache le doser, en localiser les

doses et les séances. Telle cette observations de poliomyélite aiguë.

Chaque séance se compose du placement successif de l'anode

(lame de Sa centimètres carrés) et de la cathode (ovale de

63 centimètres carrés), à trois étages du torse thoraco-spinal, la

première à une partie quelconque des vertèbres cervicales supé-

rieures, la seconde à la poignée du sternum et à l'épigastre. Pour la

station la plus élevée, la force du courant atteindra 2 à 2 milliamp.

1/2, pour la station la plus basse, elle sera de 3 milliamp. (den-

sité de 2 à 3/55). Chaque station sera de 4 secondes. Durée de la

séance : 2 minutes et quelque chose. Une séance par jour. Repos

sans aucun autre traitement. Guérison complète eu 12 semaines.

P. K.

III. DE L'ANTIrÉBRINE comme ANTI-ÉPILEPTIQUE; par A. SALI ! .

(Neu1'ol. Centralbl., 1887.)

Onze malades. On ne peut affirmer que l'action du médicament

soit favorable. Ce qu'on peut affirmer, c'est qu'il provoque une

cyanose qui n'est ni gênante ni inquiétante; coloration foncéede

l'urine. Toutefois l'auteur n'a pas trouvé d'élimination de méthé-

moglobine. P. K.

IV. DE l'action DE l'antipyrine dans l'épilepsie, par M. G. LEJIOINE.

(Gaz. méd. de Paris, 1887.)

Il résulte des observations contenues dans ce travail que si

l'antipyrine est sans l'action sur la majorité des épileptiques, elle

n'en donne pas moins de bons résultats chez ceux qui rentrent

dans l'une des catégories suivantes : 1° Les épileptiques dont les

accès sont influencés par la mensll ualiou ; 2° les épileptiques qui

n'ont que des accès larvés ; 3° les épileptiques migraineux.

Une dose journalièle de 2 grammes sullit dans la majorité des

.cas et son emploi peut être piolonge pendant fort longtemps,

.sans aucun danger pour le malade. G. D.

. Guérison DE contractures hystériques DU jambier antérieur

gauche ET DU TRICEPS crural DROIT, obtenue chez une malade non

IIYPNOTISABLE, par suggestion pendant LE SOMMEIL naturel;

par M. J. JANET. (Gaz. méd. de Paris, 1887.) .

«

- V1. DE QUELQUES modifications QUE subissent LES hallucinations de

l'ouïe sous l'influence du courant galvanique; par F. FiscHER.

(,17 ? h. f. Psych., XVIII, 1.)

Obsel'valion 1 ? Aliéné de quarante-cinq ans; sous l'influence du cou-

Tant galvanique, modification très favorable d'une ancienne cépha-

442 REVUE DE THÉRAPEUTIQUE.

lalgie occipitale et de l'état psychique (idées de persécution avec

agoraphobie et asthme ; puis, à la suite d'une séance de ralvani-

sation, tous ces accidents reparaissent accompagnés cette fois d'hal-

lucinations de l'ouïe. Donc, conclut M. Fischer, dans certaines

conditions, en faisant passer à travers la tête un courant galva-

nique, on peut provoquer des hallucinations de l'ouïe. - Obs. II.

Homme de quarante-deux ans, extrêmement halluciné; ses pen-

sées lui résonnent dans la tête comme autant d'échos ; des voix

lui répondent ; il se voit contraint de les répéter comme si c'était

une musique. Deux mois plus tard, affaissement intellectuel et soma-

tique, pendant lequel les hallucinations deviennent sporadiques,

la mémoire s'affaiblit ainsi que l'ouïe. Le traitement galvanique

entraîne une rapide amélioration ; les hallucinations se sont apai-

sées, le sommeil reparait. Ici la modification du système nerveux

central a favorisé la cessation des hallucinations. Le même trai-

tement a donc, employé de la même façon, produit un effet con-

traire dans les deux cas. P. K.

VI. Traitement DE l'épilepsie par LE bromure d'or; par M. le

Dr EMILE Goubert. (Paris, Lecrusnier et Babé, éditeurs, 1888.)

L'auteur donne le bromure d'or en solution, à la dose

moyenne de 8 milligrammes en vingt-quatre heures pour un

adulte, et de 3 à 6 milligrammes pour un enfant. On peut aug-

menter la dose chez l'adulte au bout de quelques jours, mais

s'arrêter s'il se produit de la céphalée. L'auteur trouve à son

emploi les avantages suivants : 1° la nécessité d'une dose moins

grande de sel, que dans l'emploi des autres bromures, et par là

une tolérance plus grande de l'estomac; 2° pas d'accident de

bromisme (accidents cutanés, psychiques ou génésiques); 3° l'ac-

tion durable de ce sel, certains malades étant restés à la suite de

son emploi plusieurs années sans voir le retour des accidents

épileptiques. Enfin l'auteur dit en avoir éprouvé les hons effets

dans la migraine et le goitre exophtalmique.

Ces résultats ne concordent pas avec ceux des recherches entre-

prises sur le même sujet par MM. Bourneville et Dauge', que

M. Goubert n'a pas mentionnés et auquel il n'a pas accordé la

priorité. Entre leurs mains, le bromure d'or n'a donné aucun

résultat notable '. A. RAOULT.

1 Nous reviendrons prochainement sur cette question.

SOCIÉTÉS SAVANTES.

SOCIÉTÉ IÉDICO-PSYCII 0 LOGIQUE.

Séance du 24 juin 1889. - Présidence de 1. F.ILliET 1

Cocamismc. M. 111,Niti lit une note sur le cocaïnisme.

Classification des maladies mentales. Votes. - Les conclusions

du rapport de la commission chargée d'examiner les diverses

classifications proposées à la Société ne sont pas adoptées. La

commission proposait la classification de M. Magnan.

M. HALL donne lecture d'une classification qu'il a élaborée avec

M. Baillarger. Cette classification de laquelle sont exclues les

dégénérescences mentales, n'est pas acceptee par la Société.

Ordre du jour. M. GARNIER propose l'ordre du jour suivant

qui est voté à une grande majorilé :

La Société médico-psychologique, considérant que dans l'état

actuel de la science, toute tentative à l'effet d'établir une classi-

fication des maladies mentales ne saurait s'appuyer que sur des

données ou trop incomplètes ou trop contestées encore pour

rallier la très grande majorité des suffrages, émet l'avis qu'il y a

lieu de clore la discussion engagée à la demande de la Société de

médecine mentale de Belgique et passe à l'ordre du jour.

M. Dupain lit au nom de M. Déricq une communication sur la

prétendue bienveillance des paralytiques généraux. M. B.

XIII0 CONGRÈS DES NEUROLOGUES ET ALIÉNISTES

DE L'ALLEMAGNE DU SUD-OUEST.

session de fribourg 1888 - ;

Séance dit 9 juin. Présidence DE M. ERLB.

M. Roehlm4NN (de Doi'pat.).D<}Me/KeSMtod ! CM<t07 ! Sd6St)HMSea : fJ;

de la rétine dans /' artériosclérose généralisée. Limitées à certains

' Une erreur dans la mise en pages du dernier numéro a fait passer

avant cette séance, celle du 29 juillet.

1 Voy. Arlaiues de Neurologie, XI LI Congrès, t. XVI, p. 85.

444 14 sociétés savantes.

endroits des vaisseaux, elles affectent, sur les artères, la forme

d'artério-sclérose noueuse, sur les veines, celle de phlébectasie en

foyer. Sur quarante malades examinés, M. Roelumaun a rencontré

ces altérations artérielles ou veineuses de la rétine, presque dans

la moitié des cas. Chez 30 p. 100 d'entre eux, la lumière du

vaisseau, réduite en certains endroits, prenait l'aspect boudiné.

Quant à la paroi même/au niveau de ces rétrécissements, tantôt

(c'était le petit nombre de cas) la colonne sanguine avait diminué

de diamètre sans qu'on observât de lésions proprement dites,

tantôt le rétrécissement (dans l'immense majorité des faits) tenait

à un épaississement fusiforme, couché suivant l'axe longitudinal

du tuyau vasculaire, et par suite, obstruant, par son étoffe une

partie de la lumière de l'organe. Cet épaississement se révélait il

l'ophthalmoscope sous la forme d'une tache blanc-grisâtre ou

gris-jaunâtre tranchant assez crûment sur le fond de l'oeil. Un

même rameau artériel pouvait porter plusieurs de ces nodosités,

le plus généralement néanmoins isolées. Vingt p. 100 des ma-

lades étaient atteints de rendements variqueux des veines réti-

niennes ; ces ectasies oblongues, ne s'accompagnaient d'aucune

lésion de la paroi vasculaire, tantôt elles transformaient, par leur

multiplicité, une seule et même veine en une sorte de saucisson

ficelé, tantôt elles se montraient isolées sur un même tronc.

Parmi les malades affectés de ces troubles vasculaires, il n'y en

avait que deux qui ne présentassent pas de sclérose des artères

du corps, et, en particulier de la radiale ou de la carotide. Chez

5 p. 100 d'entre eux, il y avait hémiplégie. L'opblhalmoscope,

par les vaisseaux rétiniens, nous permet donc de poser le dia-

gnostic de maladies des vaisseaux de l'économie etnolamment des

d'artères cérébrales.

M. 1l.tuz (de Fribourg). De la névrite optique symptomatiquc.

De Groefe rattachait la névrite optique des affections cérébrales

à une augmentation de la pression intracrânienne qui, compri-

mant les vaisseaux encéphaliques, s'opposerait au retour du sang

de la veine centrale de la rétine. Cette théorie a été renversée par 0

la constatation anatomique d'autres canaux circulatoires. Schmidt-

Rimpler et Manz ont alors émis l'hypothèse de la formation d'un

exsudat pathologique entre les gaines du nerf optique qui agirait

par compression. Ce à quoi MM. Ueutschmann et Leber répliquent

que l'inflammation du nerf optique émane non de la compression

de cet exsudat mais bien de l'action spécifique de substances chi-

miques ou parasites, qu'il contient et qu'il a puisées dans le foyer

cérébral. Passons donc en revue les différentes affections de l'en-

céphale. Dans les tumeurs cérébrales, ce n'est pas à une névrite

que l'on a affaire ; c'est au type le plus beau de papille étranglée.

Dans la méningite, la névrite est rare, et encore afïecte-t-elle

une forme spéciale. Encore plus rare est la papillite dans l'abcès

sociétés savantes. 445

du cerveau, dans l'encéphalite suppurée. Cela ne veut pas dire que

la papille étranglée ne participe pas d'un élément inflammatoire,

mais c'est la pression intracrânienne qui, en déterminant de l'hy-

dropisie de la gaine à l'extrémité du nerf optique a produit les

premiers troubles de circulation générateurs des altérations patho-

logiques (infiltration oedémateuse, tuméfaction, gonflement). De là

les troubles fonctionnels àoscillations multiples coïncidant maintes

fois avec des accidents de même nature (pression) et de même

allure du côté de l'encéphale, et ne pouvant être, comme ceux-

ci, interprétés que par le mécanisme de l'arrêt de la circu-

lation en retour.

M. Rvna (privat-docent). Aspects du fend de l'oeil dans l'épilep-

sie. Examen d'un malade pendant l'accès lui-même; l'orateur

constata (il s'agissait d'un état de mal) dix à vingt secondes avant

chaque accès une brusque contraction des artères de la rétine; ces

vaisseaux demeurèrent rétrécis pendant la phase convulsive et

reprirent, les convulsions terminées, leur allure normale, tandis

que les veines se dilataient très notablement. Cette succession de

phénomènes put être observée douze fois. Elle se combina même,

à plusieurs reprises, à une diminution considérable et brutale de

l'image ophthaLnoscopique par convulsions cloniques du muscle

ciliaire. On en rapprochera une seconde observation relative à des

accès de cécité subite durant pendant quelques minutes, caracté-

risés par une sorte d'occlusion du champ visuel en forme de rideau ; -,

la cécité même ne dépassait pas une minute, puis la vue (il s'agis-

sait de l'oeil droit dans le cas d'épilepsie due à la sypliilis) récu-

pérait en sens inverse ses fonctions normales. Evidemment ces

accidents, qui tiennent à la contraction des artères rétiniennes,

sont l'image de ce qui se passe dans l'écorce du cerveau pendant

l'accès d'épilepsie.

M. Naunyn (de Strasbourg). Le pronostic des affections syphili-

tiques du système nerveux. Il y a une grande importance à le

jauger d'après le traitement mis en oeuvre. Dans la collection des

cas de tabès paralytique syphilitique et de paralysie générale de

même nature traités par lui dans ces quinze dernières années par

les frictions mercurielles, M. Naunyn n'a vu qu'un seul malade

(il était atteint de tabes paralytique) présenter une amélioration

d'ailleurs médiocre. Par conséquent, le pronostic de ces deux

affections ne repose pas le moins du monde sur la constatation de

l'élément syphilitique ; le mercure reste sans action sur l'une et

l'autre. Il en est de même pour la polynévrite. Sans doute, chez

une jeune fille syphilitique, les frictions mercurielles ont guéri

un tabès spasmodique; mais une seule observation permet-elle

des conclusions générales ? Les autres maladies syphilitiques du

système nerveux, sans admettre un pronostic aussi sombre, sont

446 sociétés savantes.

assez sérieuses. La bibliographie ne renferme que peu de cas de

guérisons persistantes par le traitement antisyphilitique. Sur

quatre-vint-treize observations qui lui sont personnelles, M. Nau-

nyn n'a enregistré que huit guérisons durahles (ayant persisté au

bout de cinq ans). Sans doute, les malades qui guérissent sont

perdus de vue par le médecin, mais il n'en est pas moins vrai que

la majorité des affections spécifiques du système nerveux central

présentent une évolution défavorable; parmi elles; on en enre-

gistre pas mal qui, quoique traitées dès le début, ont continué leur

marche. M. Naunyn en comptecluatre-vinât-Imit; dix de ces malades

n'offrirent aucune modification; quarante-neuf furent améliorés ;

cinq moururent à la clinique; vingt-quatre guérirent. Et cepen-

dant, la bibliographie accuse sur 32S faits 1 ? ) (48 p. 100) guéri-

son, 170 (52 p. 100) incurables.

Etudions à présent les éléments du pronostic. Après avoir éliminé

les cas de tabes dorsal paralytique et de paralysie générale, il

nous reste 33 observations dont 290 empruntées à la bibliographie

et45 propres à l'orateur. On trouve ainsi que c'est dans la première

année qui suit l'infection syphilitique que le système nerveux est

le plus souvent atteint (44 p. 100) puis, la fréquence des maladies

nerveuses syphilitiques diminue d'année en année. A partir de la

onzième année consécutive à l'infection, ces maladies sont très

rares; el les sont extraordi nairement rares dans la quinzième année.

- Ou constate dans les deux catégories, vingt à vingt-neuf ans-et

trente à trente-neuf ans, autant de guérisons que d'incurables. Ce

n'est qu'après quarante ans que le pronostic se montre nu peu plus

défavorable. On ne saurait dire que le pronostic soit propor-

tionnel au laps de temps écoulé entre l'apparition de la maladie

nerveuse et l'infection syphilitique. Le pronostic ne dépend pas

non plus du laps de temps écoulé entre le dernier accident syphili-

tique et le début de l'affection nerveuse. Mais il y a une impor-

tance à attacher au temps qui s'est écoulé entre le début du trai-

tement syphilitique et l'apparition de la maladie nerveuse. Le

pronostic est plus favorable quand on s'est mis à traiter la mala-

die immédiatement après son apparition; si l'on a laissé passer

quatre semaines sans agir, on peut attendre pour traiter la mala-

die nerveuse au besoin une année sans que celle-ci subisse de

cette expectation un fâcheux effet. - La forme de la maladie

doit être prise en considération dans le pronostic. Ainsi les accès

épileptoïdes, l'excitation cérébrale (céphalalgie), les vertiges avec

attaques syncopales, les vomissements, le.' névrites (névralgies,

ophthatmoptégies, paralysies des nerfs craniens de la base) témoi-

gnent d'un pronostic beaucoup plus favorable que les monoplégies,

les hémiplégies, les paraplégies, les lésions diffuses et mixtes, géué-

ralement incurables ou peu curables. - Une guérison ou une

amélioration qui la touche de près s'annonce presque toujours

SOCIETES SAVANTES. I. Ik 7

de bonne heure. Sil'iodurede potassium, àla fin de la première se-

maine,n'ariendonué,sil'onn'adefrictions mercurielles énergiques

rien obtenu en deux semaines, il n'y a guère lieu d'espérer. Les

1 oo cas de guérison de l'orateur comprennent 4 cas d'améliora-

tion indubitable dès la première semaine. C'est surtout sur la

santé générale qu'agit favorablement le traitement spécifique,

mais à la condition de procéder avec énergie et de faire absorber

par la peau, progressivement, de cinq à dix grammes d'onguent.

M. FonEL (de Zurich). Contribution à la thérapeutique de l'alcoo-

lisme. Ce sont les sociétés de tempérance qui ont produit les

résultats les meilleurs et les plus étendus. Ainsi on trouve 1,000

alcooliques guéris sur 6,000 membres de la société de tempérance

suisse. Les 10 p. 100 de prime qu'accordent, sur leurs tarifs, aux

individus tempérants les sociétés d'assurances sur la vie anglo-

américaines, montrent encore que la tempérance est éminemment

productive à la- santé de l'homme. Il faut se sevrer au plus vite

des boissons alcooliques, même dans le cas de délirium tremens;

on peut sans danger (statistiques anglaises) en priver ces malades

en quatre ou cinq jours au maximum, mais la nutrilion doit être

entretenue avec le plus-grand soin quand on devrait avoir recours

à la sonde oesophagienne. Le régime de l'eau réussit admirable-

ment aux alcooliques de l'asile d'aliénés de Burhoezli. Bien des

rechutes sont d'ailleurs imputables au médecin qui croit devoir

prescrire pour cause d'affections morbides communes des potions

alcooliques. En revanche, l'hypnotisme rend dans l'espèce de

grands services par le mécanisme de la suggestion dont on entretient

les effets par l'association. L'hypnotisme est encore un bon

moyen pour désaccoutumer les morphinomanes.

M. Enll (d'Heidelberg). De la dystrophie musculaire progressive.

- L'atrophie musculaire progressive se décompose en deux

formes : la forme spinale (amyotrophie spinale progressive) et la

forme myopathique (dystrophie musculaire progressive). Cette

dernière comprend l'atrophie musculaire juvénile (Erb), la pseu-

dohypertrophie de l'enfance, l'atrophie musculaire héréditaire

(Leyden), l'atrophie musculaire progressive infantile de Du-

chenne avec atteinte de la face (Landouzy et Déjerine). Ces quatre

groupes sont empreints de syndromes cliniques univoques; môme

localisation du processus morbide, même allure des muscles,

quant à la convulsibilité fibrillaire, à la palpation, à l'excita-

bilité électrique; ils ne diffèrent que par le volume du muscle,

d'âge auquel apparait la maladie ou l'invasion préférée de la

moitié supérieure ou inférieure du corps. Les espèces de tran-

sition apportent un autre élément de conviction à cette ma-

nière de voir. C'est ainsi qu'il existe : 1° une dystrophie juvénile

avec atteinte de la face (Remak, Mossdorf, Bernhardt, Singer,

448 8 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Marie et Guinon, Landouzy, Déjerine, Duchenne, Friedreich) ;

2° une pseudohypertrophie avec atteinte de la face (Westphal,

Buss, Marie et Guinon; 3° une d3'strophie infantile à type mi-partie

juvénile, mi-partie pseudohypertrophique; 4° une pseudohyper-

trophie à aspect juvénile (Nothnagel, Buss, Marie et Guinon);

5° une pseudohypertrophie de la forme juvénile, chez des indivi-

dus âgés (Erb); 0° des - formes indéterminées (Buss, Marie et

Guinon); 7° un polymorphisme hantant une seule et même fa-

mille (Uuclienne, Landouzy et Déjerine, Zimmerlin, Scbulize). De

même que l'unité clinique, l'unité anatomo-pathologique semble

faite. Les premiers stades des altérations musculaires se traduisent

par de l'hypertrophie ; en même temps les fibres s'altèrent et

l'atrophie graduelle s'accompagne bientôt d'hyperplasie du tissu

conjonctif et de lipomatose.

M. COEUMLKR (de Fribourg) présente un malade atteint de dys-

trophie musculaire progressive assez avancée mais très nette (forme

juvénile), ainsi qu'un aphasique (type Broca).

M. Wiedersiieim (de Fribourg) présente une série de maquettes

en cire de cerveaux de vertébrés, fabriquées par Ziegler, excellentes

pour l'enseignement.

M. ICIIUV (de Fribourg). Des psychoses dues au système cellu-

laire 1.

Séance du 10 juin. - Présidence de M. JOLLY.

M. Euumcaaus`, décrit, pièces et plans en mains, la nouvelle Cli-

nique psychiatrique, ouverte le 1 ? avril 1887.

On choisit Bade-les-Bains pour lieu du prochain congrès, et

l'on charge MM. Erb et Franz Fischer des affaires de la Société.

M. HOFFMANN (privat-docent). Sur un cas d'atrophie musculaire

progressive. - L'orateur le désigne sous le nom de forme tenant

le milieu entre l'atrophie musculaire spinale et l'atrophie muscu-

laire myopathique, à l'exemple des observations de Eulenburg,

Eichhorst, Ormerod, Schultze, Charcot et Marie. Il croit à l'exis-

tence, dans l'espèce, d'une dégénérescence nerveuse multiloculaire

et propose le nom d'atrophie musculaire progressive neurolique

bien que, ainsi que le dit Charcot, la myélopathie constitue e lfac-

cident initial.

M. KPPEN.De l'albuminurie chez les aliénés. -Il faut distinguer

trois groupes de faits : 1° celui des psychoses dues à une néphrite,

probablement urémiques. Dans ces cas, l'aliénation mentale ne se

montre que longtemps après la maladie des reins ; elle se traduit

1 Nous renvoyons t'analyse de son mémoire : les psychoses dans les

pér : iteatiers. (Revues analytiques; in Archives de Neurologie.)

. SOCIÉTÉS SAVANTES. 4f¡.\)

par du désordre avec incohérence dans les idées, et de l'hébétude

entrecoupées par des phases d'agitation. La stupeur et la passivité

du malade croissent avec l'oedème, l'anurie, l'albuminurie. 2° Ce-

lui de la folie artél'io-sclél'euse. I,'artério-sclérose généralisée n'a

pas épargné les vaisseaux encéphaliques et semble, par ce méca-

nisme, avoir engendré l'aliénation mentale. L'albuminurie dé-

pend ici soit de la constitution du système vasculaire, soit d'une

affection rénale de même nature. 3° Albuminurie des centres ner-

veux. Elle concorde avec l'incohérence et l'hébétude psychique dont

elle suit pas à pas les hauts et les bas, quelle que soit la moda-

lité morbide (delirium tremens, délire aigu, manie) dans laquelle

on la constate. Elle se traduit non pas seulement par de "all)umi-

nuiie ordinaire, mais fréquemment par la présence de propeptone

dans l'urine. Si l'on soumet cette humeur à l'action de l'acide

nitrique on remarque en effet que, dans bien des cas, alors que

l'ébullition et l'addition d'acide nitrique sont demeurées sans ac-

tion sur elle, elle se trouble en se refroidissant et précipite. Le

précipité se dissout dans l'eau bouillante. Si l'on a à sa disposition

de grandes quantités d'urine, on obtient par l'acide acétique, le

chlorure de sodium, ou le sulfate d'amoniaque acétifié, un précipité

qui, recueilli sur un filtre, est soluble dans l'eau : cette solution

fournit la réaction de Biuret au froid. Dans le cours de la maladie,

on trouve tantôt du propeptone seul, tantôt d'abord du propeptone'

puis de l'albumine ordinaire, et finalement du propeptone,.

tantôt d'abord de l'albumine commune, puis du propeptone.'

En bien des cas, le propeptone est le premier signe d'une influence

exercée par le cerveau sur les reins. Naturellement, on a su faire

abstraction des causes d'albuminurie telles qu'hyperthermie, sur-

menage musculaire, produits de sécrétion du vagin, sperma-

torrhée, catarrhe vésical. La plupart du temps, les urines présentent

un poids spécifique élevé, mais il n'est pas rare d'observer une

densité élevée sans qu'il y ait d'albuminurie : et, d'autre part, ou

trouve des urines à faible densité qui contiennent de l'albumine.

Le microscope ne révèle, même dans les cas d'albuminurie très

prononcée, que des cylindres hyalins, parfois clairsemés, et quel-

ques épithéliums. Ce qui prouve qu'il faut rattacher l'albuminurie

à l'état du cerveau.. `

M. Edinger (de Francfort). Du développement du manteau cérébral

dans la série animale. Comment se comportent l'ensemble des cir-

convolutions cérébrales et les ganglions de la base chez les divers

animaux ? Où commencent à apparaître l'écorce du cerveau et les-

organes qui en accompagnent la formation ? Peut-on constater un

système de fibres qui soit commun au cerveau antérieur de tous

les vertébrés ? Voici les résultats auxquels est arrivé l'observateur.

La trame de ce que l'on appelle cerveau antérieur des Cyclostomeset

des Téléootéens se compose du ganglion de la base et des origines

Archives, t. XVIII. 29

'430 SOCIÉTÉS SAVANTES.

des nerfs olfactifs. Le manteau qui recouvre le ganglion de la base

consiste en une mincelamelle.lmpossibledecomprendrele cerveau

antérieur des Sélaciens sans en suivre le développement; on voit par

exemple que chez les raies, le cerveau antérieur primitif ne déplie

pas devant lui un second bourgeon (cerveau antérieur secondaire) ;

sa paroi antéro-supérieure s'épaissit au point de former un volu-

- mineux cylindre à peine pourvu d'un ventricule : cet organe n'est

pas comparable au cerveau antérieur définitif des autres animaux.

liais chez le requin, ce cylindre épais déroule deux petits hémis-

phères qui représentent un véritable cerveau antérieur secondaire.

Aucune des espèces animales mentionnées ne possède rien qu'on

puisse désigner sous le nom d'écorce. Pas d'écorce non plus sur le

'cerveau antérieur, d'une structure extraordinairement simple, des

amphibies; une couche interne composée de cellules, une couche

externe constituée par des fibres et de la névroglie. La place qui,

- chez les animaux supérieurs, est occupée par la circonvolution de

la corne d'Ammon, se révèle, chez les amphibies, par une couche

- externe comprenautdeux groupes distincts de cellules. Les dipnes,

- chez lesquels Fulliquet a tout récemment décrit quelque chose de

- semblable à une écorce, forment peut-être un type (protoptère) in-

termédiaire à ce que nous venons de signaler et au manteau bien

.organisé. tel que nous le trouvons chez les reptiles. Le cerveau an-

térieur de ces derniers contient tous les éléments caractéristiques

du cerveau des vertébrés élevés en organisation. Le ganglion de la

base, lui-même bien construit (noyau sphérique) est nettement

formé et franchement stylé ; le manteau, pourvu d'une écorce, té-

'moigne de la formation plus accentuée qu'on ne l'avait vue jus-

qu'àlorsd'une couronne rayonnante, de la corned'Ammon(premiers

linéaments), d'une voûte à trois piliers.

Chez les oiseaux, le ganglion de la base a atteint un volume

inconnu chez les autres classes, mais l'écorce du manteau n'a pas

progressé. C'est chez les mammifères que la couche corticale, en-

score si incomplète chez les reptiles, parvient à son apogée, se con-

tourne en replis multiples, et donne naissance à une grande quantité

de fibres, d'association et de rayons en couronne (couronne rayon-

nante). Aussi le manteau forme-t-il la masse fondamentale du

- cerveau antérieur, mais cette perfection ne se produit qu'à une

période relativement avancée du développement de l'animal, et

non dans la phase embryonnaire. Cette fusée de fibres que l'écorce

"vient projeter de haut en bas en tous sens, aboutit à la dissocia-

tion du ganglion de la base; au lieu de l'organe rudimentaire qui,

- chez l'embryon, ressemble beaucoup à celui des autres vertébrés,

on y distingue alors deux parties : le noyau caudé et le pulamen.

Celle progression n'est d'ailleurs pas graduelle. Entre le manteau

purement épithélial du cerveau des poissons osseux, et celui des

.amphibies, on ne connaît pas de types constituant des transitions

SOCIÉTÉS SAVANTES. 451

géométriquement dosées; entre celui des amphibies et celui des rep-

tiles, on constate bien des cases vides. Ce n'est que l'apparition

d'une véritable écorce qui vient annoncer la trame d'où sortira

l'organe parfait des mammifères. "

M. ZIGII6N (privat-docent). Contribution ci la physiologie des gan-

glions sous-corticaux et de leur rapport avec l'accès d'épilepsie.

Expériences tendant à exciter, aprèsavoir réséqué les hémisphères,

le corps strié, le noyau lenticulaire, la couche optique, les tuber-

cules quadrijumeaux. L'auteur s'est borné généralement, chez le

lapin, à toucher ou à altérer superficiellement, à l'aide d'aiguilles

mousses, la substance de ces organes; il a rarement fait intervenir

le courant faradique. Il a combiné ces expériences à de nombreuses

transfixions. En voici les résultats :

1° L'excitation mécanique du noyau caudé et du noyau lenticu-

laire demeure sans effet. Il n'existe pas dans ces organes de centre

d'action. Si l'on transperce le ganglion de la base au milieu du

noyau caudé, on a de la peine à obtenir des réactions qui d'ailleurs

ne durent qu'un moment. En s'adressant au courant faradique (les

deux bobines étant àquinze centimètres de distance l'une de l'autre)

on voit survenir des mouvements de mastication, des contractions

fibrillaires des lèvres, de la rotation de la tête du côté opposé, des

contractions toniques des pattes du côté opposé et même du même

côtéquoiqu'à un moindre degré. Si l'on prolonge l'excitation fara-

dique, on produit un accès convulsif des plus nets, consistant en

contractions toniques. Evidemment ces phénomènes sont dus à

l'irradiation du courant par la capsule interne.

2° L'excitation mécanique superficielle de la couche optique reste

inaclive, de même que l'excitation faradique la plus faible. Si

l'on s'adresse à de forts courants, on entraine l'action de la cap-

sule interne, et l'on obtient des contractions toniques, surtout du

côté opposé, qui progressent d'avant en arrière dans l'ordre sui-

vant : facial inférieur - branche motrice du trijumeau - branche

oculaire du facial -patte antérieure - patte postérieure. Faisons

passer une section à travers la couche optique dans le plan antérieur

nous obtenons un tressaillement musculaire tout momentané; la

même opération dans un plan bien postérieur au premier déter-

mine une brutale et impétueuse agilalion de l'animal, qui se met

à exécuter des mouvements de course excessifs, la locomotion est

des plus accusées. Ces sections passent à la base du cerveau devant

la protubérance; peu importe du reste qu'elles soient plus ou

moins éloignées de cet organe, l'excitation se traduit de la même

façon. Parfois cette course échevelée se termine, après un conrt

temps d'arrêt, par une conversion tonique. Il est probable que

celle-ci est due à l'irritation secondaire d'organes éloignés.

3° L'excitation mécanique et faradique des tubercules qzcccdriju-

meaux antérieurs (ainsi que du corps genouillé externe), produit,

452 SOCIÉTÉS SAVANTES.

de même que la transfixion, les mêmes coLirsespatliolo-1ques, mai £

à un degré encore plus exagéré. Cette procursion s'accompagne

souvent de cris. Elle survit de plusieurs minutes à l'excitation.

Souvent aussi une convulsion tonique termine la scène. Nothnagel

a signalé dans l'écorce du lobe occipital, un endroit dont l'excita-

tion, par des agents chimiques et mécaniques, provoque des symp-

tômes semblables; or l'excitation mécanique n'agit pas sur lui.

4° L'excilation mécanique ou faradique et la transfixion des

tubercules quadrijumeaux postérieurs se traduit par une convulsion

tétanique extrême, qui survit longtemps à l'excitation. On obtient

encore les mêmes résultats quand la section est assez obliquement

dirigée pour passer à la base en avant de la protubérance. La té-

tanisation commence du même côté que celui de lïnterl"en-

tion expérimentale ; la rigidité des memhres s'effectue dans le sens

de l'extension ; la tête subit une rotation qui la porte en arrière et

du même côté. Il est rare d'assister à des mouvements isolés, sur

place, qui figurent la marche et la course.

Par conséquent, la région des couches optiques et des tubercules

quadrijumeaux antérieurs contient des centres moteurs destinés à

des mouvements coordonnés d'une certaine valeur. 11 est probable

que leur genèse est non directe mais réflexe, et que l'intervention

du trajet intracérébral du nerf optique joue dans l'espèce un

rôle fort important. La tétanisation engendrée par les tubercules

quadrijumeaux postérieurs est aussi, suivant toutes probabilités

d'urdre réflexe.

M. Thomas a observé sur lui-même un léger degré d'épreinte

vésicale dû à une excitation mécanique quelconque de la muqueuse

buccale.

M. A. Cramer (de Fribourg). De l'action du sulfonal chez les aliénés.

- Quatre cent sept administrations sur quarante-cinq malades.

Quatre-vingt-douze pour cent d'entre elles ont produit un sommeil

de cinq heures et davantage. Il s'agissait de vingt-quatre mélan-

coliques, neuf hystériques, huit maniaques, quatre paralysies

générales, trois folies systématiques, une hébéphrénie. Dans la

plupart des cas, le sommeil survint de un quart d'heure à une

heure après l'ingestion du médicament soit dans une hostie, soit

mêlé à n'importe quel aliment, à n'importe quelle boisson, voire

à une omelette. Dose : un à trois grammes. Le sulfonal fait

disparaître l'angoisse en procurant un état de somnolence des

plus sédatifs et calme les maniaques sansproduire d'inconvénients.

Comment agissent sur la salive mixte, sur le suc gastrique, sur

le suc pancréatique, le chloral, la paraldéhyde, l'hydrate d'amylène,

le sulfonal ? .

Qu'il y ait ou non un gramme des trois derniers narcotiques

dans de la salive buccale mixte, celle-ci possède le même pouvoir

saccharificaleur sur l'amidon.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 453

Si l'on détermine le temps nécessaire pour que, à une égale

température, le suc gastrique et le suc pancréatique artificiels digèrent l

un gramme de fibrine, avec ou sans addition d'un gramme des

quatre narcotiques en question, on voit que le pouvoir digestif du

suc gastrique est très ralenti par des doses concentrées de chloral,

de paraldéhyde, d'hydrate d'amylène, de sulfonal, que le chloral et

la paraldéhyde entravent, quelque soit le titre de leur solution, la

puissance digestive du suc pancréatique, que l'hydrate d'amylène

agit moins sur ce dernier, que le sulfonal n'exerce sur lui aucune

influence.

M. Kast. Des troubles des facultés musicales chez les aphasiques.

- Il s'agit d'individus bien doués au point de vue musical et ayant

dans cet art reçu une parfaite instruction, qui, de par la maladie,

ont perdu la faculté de rendre leurs conceptions sensorielles rela-

tives aux notes et à leur association, et d'exécuter des impressions

du même ordre qu'on leur transmet, sans cependant qu'ils aient

perdu l'ouie dans le sens technique du mot, ni que leur appareil

moteur soit réduit à l'impuissance.

Kast a jadis publié le cas d'un jeune cultivateur qui, à la suite

d'un traumatisme, était atteint d'hémiplégie droiteet d'une aphasie

du type Broca; il lui était devenu impossible de chanter, même

les plus simples mélodies, ni de se conformer aux plus simples

mesures, alors qu'auparavant il avait un réel talent. Il avait con-

tinué à percevoir correctement, il avait parfaite conscience de son

impuissance. Ces troubles persistèrent alors que la parole s'était

considérablement améliorée.

Voici maintenant l'histoire d'un musicien tout à fait consommé.

C'est un négociant de quarante-cinq ans, atteint de syphilis il

y a vingt ans, qui au printemps de 1887 fut coup sur coup affecté

de deux attaques d'apoplexie. La seconde fut suivie de troubles

très marqués de la parole (type Broca) avec troubles accusés de

l'écriture. La parole s'améliora graduellement en quelques mois,

mais le malade demeura incapable d'émettre les airs, les gammes

les plus simples, et jusqu'aux sons élémentaires; il lui était aussi

impossible de les répéter après les avoir entendus que de les

trouver de lui-même; même incapacité à l'égard du piano, du

violon. Du bon chanteur, de l'excellent instrumentiste qu'il était

avant sa maladie, il ne restait rien. Il avait parfaitement conscience

de cette déchéance, d'autant plus qu'il avait conservé le sens du

rhylhme, et la lecture des notes. Il y a de cela plus d'un an, la

parole a récupéré, a la suite de l'exercice, son activité. L'exécution

musicale, surtout sur le violon, est demeurée altérée. Il est vrai

qu'il s'est surtout appliqué à exercer la parole. (AI'clciv. f. Psychiat.,

XX, 2.) P. I{ERAVAL.

454 SOCIÉTÉS SAVANTES.

XXII0 CONGRÈS DE ,LA SOCIÉTÉ DES ALIEN1STES DE

LA BASSE-SAXE ET DE WESTPI1AL1E.

SESSION DE HANOVRE.

Séance du 1er Mai 1888 1.

M. L. Bruns (de Hanovre). De quelques lésions rares du tronc du

cerveau (avec présentation de malades et de pièces anatomiques).

- L'Observation 1 concerne un cas de paralysie bulbaire aiguë.

L'auteur, après avoir fait la description clinique de son malade,

insiste sur la difficulté de distinguer sûrement entre la paralysie

bulbaire franche et la pseudo-paralysie bulbaire. Les troubles

de la respiration, de la circulation, du larynx sont rattachés par

MM. Siemerling et Oppenheim 2 la première de ces affections. Tel

est dans l'espèce, le symptôme du rire irrésistible à gorge déployée

(irrégularité de la respiration avec hoquet, bâillement, écoulement

de salive) ; telle encore l'absence d'accidents d'hémiplégie à la suite

du second ictus tandis que la première attaque apoplectique se tra-

duisait par une hémiplégie alterne. En conséquence, bien qu'il

n'existe ici ni troubles trophiques, ni troubles de l'excitabilité élec-

trique, les lésionsprincipales doivent occuper le bulbe, le^diagnostic

sera : paralysie bulbaire aiguë vraie. On a affaire à une artérite

syphilitique avec thrombose et ramollissement consécutifs. -

Observation II. Paralysie bulbaire chronique compliquée de para-

lysie bulbaire supérieure et de sclérose des cordons postérieurs.

Cas semblable à ceux de Struempell, Kahler et Pick, Hoss.

Observation III. Ataxie, suite de scarlatine. Tout en réservant la

question de l'ataxie produite par des affections en foyer, 'un tabes,

une névrite périphérique, l'association d'un trouble de la parole

incontestablement bulbaire avec une dysphagie passagère et la

constatation de la bilatcralité des symptômes, nous donnent le

droit de diagnostiquer une ataxie bulbaire postscarlatineuse.

Observation IV. Gliome de la protubérance . La tumeur s'est mani-

festée à la suite d'un traumatisme léger; elle semblait occuper

surtout la moitié droite de l'organe. L'autopsie a en effet confirmé

ce diagnostic. Le gliome occupe, dans le pied de la protubérance

surtout la moitié droite, elle en englobe les deux moitiés au ni-

veau de la calotte, elle envahit encore la moitié droite du bulbe.

' Voy. Archives de Neurologie, XXI* congiès, mai 1887.

= Ia.

SOCIÉTÉS SAVANTES. ? Jc'1·

Elle a, au-dessous du plancher du quatrième ventricule, subi la-

dégénérescence kystique; dans ses parois à ce niveau on trouve des

hémorrhagies anciennes ou récentes. La préparation est soumise

à l'Assemblée. Le diagnostic a été déterminé pendant la vie par

la paralysie associée des yeux, la convergence n'ayant pas subi

d'atteinte, et par l'hémiplégie alterne. Les débuts, la marche et

les symptômes généraux de la tumeur ont permis de reconnaître

la nature de la lésion. 11 faut noter que celle altération isolée, non.

scléreuse, de la protubérance, a déterminé l'ensemble des symp-

tômes fondamentaux de la sclérose multiloculaire : parole scan-

dée, nyslagmus, tremblement à l'occasion des mouvements in-

tentionnels. C'est là cependant des cas de sclérose en plaques,

dans lesquels ces symptômes font totalement défaut ou font défaut

pendant longtemps.

M. ROLLER. De l'action exercée par la morphine et l'opium sur la'

mensliualion. L'auteur a, dans un grand nombre de casd'aliéna-

tion mentale, obsédé qu'un usage prolongé des injections sous-

cutanées de morphine supprime les règles; celles-ci reparaissent

au moment où on en restreint notablement l'usage, ou immédia-

tement après leur complète cessation. L'aménorrhée avait parfois-

duré longtemps, au delà d'une année. 11. Roller n'en a vu que

quatre exemples, qu'il résume, parce qu'il a dès lors usé de la plus

grande prudence; ou plutôt, il n'a diminué les injections qu'avec-

une exlrême précaution parce qu'il ne semble que rarement

opportun'de faire revenir les règles qui avaient cessé. Mais il s'est

depuis peu à peu abstenu des injections hypodermiques de mor-

phine.

Voici maintenant d'autres observations qui prouventque l'opium.

et la morphine associés au repos au lit, à un régime fortifiant

et non excitant, agissent utilement dans la menstruation profuse..

Les auteurs ont employé ces médicaments à l'occasion des hé-

morrhagies utérines, mais non dans les casde profusion des règles..

On sait cependant qu'ils ralentissent le poulsen excitant le centre-

du pneumogastrique et diminuent ainsi la pression sanguine.

M. Bartels. Des néologismes des aliénés. On connaît le jargon-

souvent totalement nouveau que se forgent les aliénés atteints de

délire systématique depuis longtemps; il n'est pas rare qu'on n'en,

puisse faire un vrai dictionnaire portant l'empreinte du malade et

exclusivement propre à son usage. M. Bartels en étudie la génèse-

chez trois d'entre eux.

Le premier cas concerne une demoiselle de soixante-dix ans, at-

teinte de délire systématique constitué par d'idées de grandeur et de-

persécution ; elle attribue à certains vocables une signification qu'ils

n'ont pas, elle en transforme d'autres par assonance, enfin elle en.

invente réellement de toutes pièces. Parmi ceux-là, il en est dont

456 SOCIÉTÉS SAVANTES.

elle ne peut elle-même trouver l'explication; ils sont probable-

ment la résultante d'une ? 'éS011na11ce hallucinatoire. - La seconde

observation est également relative à une femme, mais à une femme

de trente-cinq ans, atteinte, elle aussi, de délire systématique

mégalomaniaque). M. Bartels insiste sur l'origine hallucinatoire

de néologismes inexplicables. 11 en est de même pour le

. troisième, fait ainsi que pour un quatrième exemple cité inci-

demment.

M. BERKHAN distribue parmi ses collègues des exemplaires de

l'ouvrage de M. Oswald Berkhan, intitulé : Contributions à'histoire

de la psychiatrie, leur cahier. L'assistance des aliénés de la ville de

Brunswick dans les siècles précédents.

La prochaine séance de la Société aura lieu le 1 cr mai 1889, à

Hanovre. Kasten's Hôtel. (Allg. Zcilsch. f. Psych., Ils, 5-6.)

P. KERA VAL.

CONGRÈS ANNUEL

DE LA SOCIÉTÉ DES MÉDECINS ALI : N1STES ALLEMANDS.

SESSION DE BONN

Séance du 16 septembre 1888.' -PRÉSIDENCE DE M. iESTPH 1L

Rapport de la Commission sur la question suivante : de l'atté-

nutation de la responsabilité. - A. M. 11ENDEL adopte la manière de

voir suivante :

Il n'existe pas de limites tranchées entre la santé psychique et l'aliéna-

tion mentale. Le code pénal doit donc tenir compte des cas dans lesquels

le crime ou délit se rattache aux frontières de la folie. Or les textes ac-

tuels n'en parlent pas. Les documents que nous possédons ne sont ce-

pendant pas suffisamment démonstratifs pour le moment; il en faut

rassembler d'autres qui mettent clairement en évidence les lacunes de

la loi.

B. M. Grashey traite la question, surlout au point de vue de

l'applicatiou juridique. Sans doute, dit-il, le degré de l'anomalie

psychique doit entrer en ligne de compte, et l'impunité ne saurait

d'affection mentale. D'ailleurs, c'est ce que l'on trouve dans l'esprit

* Voy. Archives de Neurologie. Session DE STRASBOURG, 1887.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 457

du code pénal allemand; si le texte ne spécifie pas la quantité de

la maladie, et en cela il a raison, il en prévoit le degré en se pré-

occupant de l'état de la détermination volontaire et de son fonc-

tionnement chez le sujet examiné, du mécanisme en un mot de son

libre arbitre avant, pendant, après l'acte incriminé. -Quoi qu'en

pense M. Jolly', rien n'est plus simple que d'apprécier et de décrire

la modalité de ce mécanisme. Prenons un inculpé en proie à des

obsessions suivies d'impulsions irrésistibles, ce malade a commis

l'acte délictueux sous l'influence d'une de ces impulsions; le rap-

prochement de ces faits démontre l'absence de libre arbitre. Voici

maintenant une seconde espèce. Un inculpé est le jouet d'obsessions,

mais celles-ci ne provoquent point d'impulsions, et l'acte délictueux

n'a rien à faire avec les obsessions; le médecin établit l'existence

d'une affection mentale sans que le libre arbitre ait été atteint.

Enfin il est possible qu'un inculpé soit affecté de conceplions et

d'impulsions irrésistibles et que, parmi les actes qu'il exécute, les

uns se rattachent à ce trouble morbide, les autres, et parmi eux

celui dont on l'accuse, ne dépendent pas de son affection. Le rôle

du médecin est de faire ressortir ces particularités et les circons-

tances de leur mécanisme. La clarté d'exposition entraînera la

conviction des juges. L'aliéné sera donc étudié en lui-même, mais

chacun de ses actes sera soigneusement pesé. Il est des malades

dont le libre arbitre est en tous cas et toujours lésé; il en est d'aulres

qui jouissent d'une volition ferme dans telles conditions, et sont in-

contestablement irresponsables dans telles autres. En conclure à

l'atténuation de la responsabilité serait tout aussi insoutenable que

de prétendre généraliser la doctrine de la responsabilité mitigée

à raison de ce double courant chez un même malade. Plus la

science progressera, plus nous arriverons, en chaque cas donné,

à réellement voir la vérité. Mais la doctrine de l'atténuation de

la responsabilité ne tend à rien moins qu'à nous mettre dans l'al-

ternative ou d'appliquer une peine trop légère à un individu res-

ponsable, ou de faire condamner un irresponsable. Nous touchons

à la solution la plus importante de l'élément social de ce vaste

problème. Faut-il transférer de l'établissement pénitentiaire à l'é-

tablissement d'aliénés ces malheureux qui, quoiqu'ayant déjà

épuisé le temps de leur pénalité, sont tenus pour dangereux, ou

convient-il de les mettre en liberté ? Eu d'autres termes, la pers-

pective devientpour eux celle de la détention perpétuelle soit dans

un asile d'aliénés, soit dans un établissement pénitentiaire. Le

même acte peut rayer un même individu de la société.

Par suite de ces motifs, il n'y a pas lieu d'introduire dans le

code pénal la théorie de l'atténuation de la responsabilité.

La Commission n'étant pas d'accord, et la discussion révélant un

' Voy. Arch. de Neurologie. Session DE STR.1SBOURG, 1887.

458 SOCIÉTÉS SAVANTES.

désaccord flagrant, M. de Krafft-Ebing est chargé par l'Assemblée

de rassembler des documents qui permettent d'aboutir à une con-

clusion exclusivement basée sur des faits.

Séance du 17 septembre 188S. - Présidence DE M. Westphal.

- Étude du nouveau projet de code civil de l'Empire allemand. liap-

porteui s : MM. MINDEL, Pelman, DE IIItaPrr-EBING. - A. M. Mendel

exprime sur les § 28, 1793 et 65 du projet, les opinions qu'il déjà

émises à la Société psychiat1'ique de Berlin (séance du 10 juillet 1888)'.

B. M. PELMAN traite des paragraphes qui concernent l'ivrogne-

rie. Le § 708 doit être accueilli avec reconnaissance parce qu'il

met la loi au service de la répression d'une passion destructive.

Quelques explications sont cependant nécessaires en ce qui regarde

les expressions d'ccutocotpuGililé de l'ivrognerie et de perte de la rai-

son. L'article premier du paragraphe en question exempte de la

responsabilité l'intoxiqué revenu à la raison, tandis qu'il lui im-

- pute la responsabilité des actes commis par lui pendant un inter-

valle lucide. Or l'aliéné interdit (§ 61) demeure civilement inhabile

tant qu'il est sous le coup de l'interdiction, qu'il traverse une pé-

riode lucide, ou qu'il soit guéri; et cependant lui aussi est dé-

claré capable d'un acte délictueux dans ces deux dernières con-

ditions. Le droit commun et la législation moderne semblent recon-

' naître la responsabilité pleine et entière, même .pendant l'épisode

où cette responsabilité semble absente, de toute personne qui s'est

volontairement placée dans le conditions où elle a commis incon-

sCIemment l'acte délictueux. De là, l'article 2 du §708 : Sera déclarée

responsable toute personne qui aura perdu la raison par suite d'ivro-

gnerie voulue. Les mêmes dispositions s'appliquent à l'ivresse. Sans

doute il n'est pas toujours commode de préciser les caractères du

vice et d'en faire remonter l'origine à l'individu plutôt qu'à la ma-

ladie, puisqu'il existe des ivresses pathologiques; il faut en outre

bien déterminer dans certaines aifectiojs somatiques et mentales

l'influence exercée par l'alcool et non les causes de son ingestion.

C'est affaire d'analyse. - C. M. DE Krafft-Ebing examine la légis-

lation relative au mariage. D après le § 1440, le divorce pour cause

de maladie, même pour cause de maladie mentale, n'est pas admis.

Après avoir tracé l'histoire de cetle question dans les divers pays,

et en avoir disséqué les arguments pour ou contre, aux multiples

points de vue si souvent agités, le rapporteur se résume ainsi :

Le divorce par suite d'une maladie mentale incurable aurait pour objet

d'assurer la prospérité morale et matérielle de celui des conjoints de-

meuré bien portant et le développement de la famille; il est évident que

* Voy. Archives de Neurologie, t. XVIII, p. 301.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 459

aliéné incurable n'existe plus psychiquement, que, les rapprochements

et la communauté conjugaux n'existant plus, le mariage n'existe plus

que de nom : ce qui n'a pas lieu dans le cas de l'infirmité physique.

Aucune des objections formulées par les gardiens des assises

sociales, les protecteurs de la morale et de la philanthropie, les

soutiens de celui des époux atteint de psychopathie, les hommes

politiques et les jurisconsultes, qui craignent qu'on ne spécule sur

les candidats et les candidates à la folie, enfin les raisonneurs qui

arguent de l'impossibilité de préciser la démence, l'incurabilité,

la terminaison, le pronostic de l'affection mentale, ou qui préten-

dent qu'on s'est passé du divorce sans inconvénient, aucune de ces

objections ne tient debout. Toutes ces difficultés sont surmontables

dans l'intérêt justement de la société, des enfants, de la famille, de

la nation, à la condition que le jury, exclusivement composé d'a-

liénistes, effectue son examen avec le plus grand soin; s'il a affaire

à une maladie qui dure depuis plusieurs années, depuis cinq ans,

par exemple, il pourra s'appuyer sur toute l'histoire et la complète

observation anlérieute du malade pour émettre un avis d'incura-

bilité probable. Sans doute toutes les prévisions humaines, en

matière de biologie, sont loin d'être absolument certaines.

Mais peut-on, sous prétexte qu'il existe une toute petite possibi-

lité de guérison, en présence d'une infirmité psychique, condamner

des citoyens valides au célibat, et leur refuser les avantages sociaux,

matériels et moraux d'un divorce leur permettant de se remarier

alors que leur conjoint est, en définitive, mentalement mort ?

Conclusions :

1° Rejeter tout à fait l'aliénation mentale comme cause de divorce,

c'est reculer. - 2° Il eût fallu au moins la conserver comme cause facul

tative et relative. 3° Le droit civil devrait spécifier l'infirmité mentale

ayant déterminé la déchéance de la personnalité, sans espoir de rétablis-

sement, à la condition que la maladie dure depuis cinq ans et que les

aliénistes en déterminent le pronostic exact. - 4° Si le conjoint resté

bien portant est la cause de l'aliénation mentale de l'autre époux, le

divorce ne sera pas prononcé. - 5° Quoiqu'il en soit, le § t4t0 pourrait

mentionner comme motif de divorce, une affection somatique, ce qui

laisseiait la question en suspens.

Discussion .

M. Mcschede. Le divorce est surtout indiqué dans les formes

les plus graves de l'aliénation mentale, dans celles qui sont les

agents u'une infirmité psychique déclarée et totale, qui tuent la

personnalité du malade, soit par la démence, soit par des im-

pulsions pathologiques et qui sont devenues une source de danger

p our les personnes de l'entourage.

M. SCIlOEFk : n. -C'esL surtout la question sociale qui importe ici.

C'est elle qu'il faut résoudre, car il en est de l'aliénation min-

tale à son dernier période comme du tabès, ni plus ni moins.

460 SOCIÉTÉS SAVANTES.

législateur voit dans le divorce plus d'inconvénients sociaux que

d'avantages.

M. DE Krafft-Ebing reprend les paragraphes 1231, 1232, 1259

du projet. Le paragraphe 1231 signifie en réalité que toute per-

sonne interdite pour cause d'aliénation mentale, même pendant

la période d'un intervalle lucide ne pourra contracter mariage.

-- Le paragraphe 64 déclare la nullité d'un mariage contracté par

une personne non interdite, quand son interdiction ultérieure tient

à l'absence de raison. Le paragraphe 1232 réglemente le mode de

contracter mariage des personnes inhabiles, mais non au point de

vue qui nous occupe; il conviendrait qu'une expertise médico-légale

et qu'un rapport psychiatrique précédassent les formalités judiciai-

res. Le paragraphe 1259 prononce le divorce quand le mariage a eu

pour origine la menace ou la fraude ; et ce dernier terme com-

prend des déclarations mensongères ou la dissimulation de con-

ditions de ressources, d'engagements personnels qui eussent pu

empêcher l'un des conjoints de se marier s'il eût eu connaissance

de ces particularités. Citons, sur notre terrain, l'épilepsie, l'alié-

nation mentale à répétition, l'inversion du sens génital. Ran-

geons-y encore la dipsomanie, la folie périodique. Il est évident

que l'appréciation d'un aliéniste est de rigueur. Quant à la folie

bystématique, à l'imbécillité, à la folie morale, l'individu le moins

prévenu peut s'en apercevoir en y faisant quelque attention.

Quoique cela, les articles en question devraient spécifier plus ex-

pressément les divers cas psychopathiques.

Sur la proposition de M. Mendel et à la suite des observations

présentées par MM. SCHUELE, LOEIJR, Jeun, Mesciiede, Hertz, KNECHT,

l'assemblée vote à l'unanimité les décisions suivantes :

«Le bureau est invité à faire progresser la question psychiatrique con-

formément aux opinions émises et à faire les démarches nécessaires

séance tenante dans le cas où il y aurait nécessité d'agir avant la pro-

chaine réunion de la société l'année prochaine. »

M. Pelman. L'ordonnance ministérielle du 19 janvier 1888 relative

à la surveillance en Prusse des asiles d'aliénés privés. -La chambre

médicale de la province du Rhin et du territoire de Hohenzollern,

(16 avril 1888), les autres chambres médicales et la société des

aliénistes allemands, la Société psychiatrique de Berlin (15 dé-

cembre 188G - 4 janvier 1887), la société psychiatrique de la

Basse-Saxe et de Westphalie, la Société psychiatrique de la province

du Rhin, les sociétés médicales de Dusseldorf, Cologne, Coblentz,

Aachen, Trier, les médecins de Westphalie, la chambre médi-

cale de Berlin et du Brandbourg, le comité central des sociétés

médicales du district de Berlin, se sont élevéscontrel'intervention

obligatoire d'un médecin fonctionnaire pour l'admission des alié-

nés dans un asile privé; le besoin n'en est nullement démon-

SOCIÉTÉS SAVANTES 461 l

tré, ni en ce qui concerne les honorables praticiens qui font les

certificats. ni en ce qui regarde les intérêts des malades et des

familles qui sont au contraire lésés par les atermoiements provo-

qués par cette mesure.

Il convient donc d'agir auprès du ministre en lui demandant de

rapporter son décret. Mais on ne saurait espérer l'efficacité de

l'intervention que si l'on appuyait ses réclamations, en les justi-

fiant, sur un aussi grand nombre que possible de cas démontrant

les désavantages du nouveau procédé. C'est, par suite, une en-

quête à laquelle voudront travailler les directeurs de tous les

asiles privés de la Prusse. Dans l'exposé qui sera adressé au mi-

nistre, et tout en insistant sur le monopole au moins inutile des

Kreisphysikus, nous montrerons : 1° qu'un certificat suffit pourvu

qu'il spécifie que l'admission est nécessaire, que le traitement

dans un asile d'aliénés est justifié par l'existence de l'aliénation

mentale, que le malade est atteint de telle ou telle forme de psy-

chopathie ; -2°qu'U n'est pas besoin qu'un individu interdit ait

d'autre pièce qu'un jugement d'interdiction ; 3° que les décla-

rations à la police du lieu d'habitation du malade et de l'asile ne

comportent aucune autre superfétation.

Nous nous occuperons aussi de provoquer les avis des autres

chambres médicales. Quant à savoir s'il convient de communiquer

notre résolution aux chambres médicales de la Prusse et de leur

demander leur avis, la société décidera.

A la suite d'une assez longue discussion, à laquelle prennent

part MM. QËSEKE, SCUOEFKR, DE f.IlIIE : N.1LL, Nasse, SCIIWITZ, Bruns,

Zenkeh, la Société réprouve l'ordonnance ministérielle et se rallie

aux propositions du rapporteur ; la conduite de la question e-t

laissée au bureau.

M. FINKELI\DURG. De la P)arénasthénie. -Les auteurs les plus mar-

quants englobent dans l'asthénie cérébrale toutes les psychoses

possibles. Il conviendrait de distinguer. La neurasthénie se recon-

naît, non pas à l'incapacité d'exécuter un travail, mais à la ra-

pidité avec laquelle les facultés s'arrêtent. C'est la même chose

dans la neurasthénie psychique; celle-ci devient alors le terrain

sur lequel germent d'autres troubles qui affectent un autre déve-

loppement mais ils ne représentent plus de l'asthénie simple. L'as-

thénie cérébrale se complique du trouble de l'énergie de la puis-

sance du travail et de la diminution de l'action des forces d'arrêt.

L'épuisement de l'énergie au travail se traduit par une modalité

torpide; celui de l'action d'arrêt constitue une modalité éréthique

Quant à la symptomatologie, à l'évolution, aux complications,

aux indications thérapeutiques de chacune de ces formes, on les

trouvera comparées dans une mémoire à part. Pour le moment,

il importe de se souvenir d'appliquer à l'asthénie cérébrale la dé-

nomination de phrénasthénie.

462 SOCIÉTÉS SAVANTES.

Discussion.

M. BRosius envoie dans les établissements fermés certaines

formes de phrénasthénie torpide. Il s'agit notamment de malades

ayant le sentiment de leur état mental et qui, par appréhension,

sont bientôt pris d'angoisses et de tendances au suicide.

M. 11L.nDEL.-Eu suivant la voie de M. Finkelnbourg, on revien-

drait au point de départ, on ramènerait les choses en l'état où

l'on était avant l'introduction de la neurasthénie ; on fractionne

rait les névroses fonctionnelles d'antan en des groupes morbides

très différents. -

M. KNECHT. La neurasthénie est bien voisine des psychoses

vraies. Voici l'observation d'un cas qui a exactement suivi l'évo-

lution d'une folie circulaire : on y retrouve l'asthénie torpide de

la phase dépressive, l'éréthisme du stade d'agitation, ces deux

périodes étant closes par un état de bien-être parfait jusqu'à ce

que le cycle recommence de nouveau sans cause apparente.

M. 13m¡ : ,¡, Contribution expérimentale à la connaissance de l'origine

du nerf auditif chez le lapin. Sur 4 lapin ? , âgés de trois jours, on

extirpe le nerf auditif gauche (lapins A et B) ; l'hémisphère

,cérébelleux du même côté (lapin C) ; - le vermis cérébelleux (la-

pin D). Les animaux ont survécu trois semaines (lapins A et B), six

semaines (lapin D), six mois (lapin C) après l'opération. Les lé-

sions que l'on constate montrent que la racine postérieure de l'a-

coustique prend son origine dans le tubercule auditif et le noyau

antérieur de ce nerf; mais ces deux ganglions servent non seule-

ment à cette racine, mais encore au corps trapézoide, au moins

comme station de renforcement. La région qn'occupe la couche

inférieure du noyau de Deilers (iéseau de fibres avec un terri-

toire cellulaire correspondant) est un lieu d'origine de la racine

antérieure de l'acoustique. Entre la racine postérieure et le cervelet,

il n'existe aucune relation conslatable. La racine antérieure pro-

vient en partie du bulbe, en partie du cervelet. Le lien d'origine

du bulbe est le territoire sous-jacent au noyau de Deiters, celui

du cervelet est le vermis (le vermis supérieur, le verrais inférieur,

les deux vermis). Le trousseau bulbaire occupe toute la hauteur sui-

vant laquelle émerge la racine antérieure de l'acoustique; le

trousseau cérébelleux se trouve au niveau des plans d'émergence

inférieur et moyen de cette racine.

M. WILDERMUTII. l1eche ? 'ches sur le sens de la musique chez les

idiots. - On sait combien jusque dans les formes les plus graves de

l'idiotie, le sens musical est conservé, non seulement au point de

vue sensoriel pur, mais au point de vue technique ; ces malheu-

reux entendent juste et sont capables d'exécuter. L'orateur a donc

divisé ses idiots en deux grandes catégories : les imbéciles et les

idiots vrais.

SOCIÉTÉS SAVANTES. 463

Chez les imbéciles. il a fait examiner de concert avec des enfants

normaux, l'étendue de leur voix, sa justesse le sens de l'harmonie

qui consiste à décumposer un accord en ses éléments constitutifs, la

mémoire musicale caractérisée par la justesse des sons reproduits

avec ou sans l'accompagnement instrumental, enfin le temps pen-

dant lequel un ton déterminé peut être soutenu. Sur 150 imbéciles

(102 du sexe masculin, 48 du sexe féminin), on en compte 27 p.

100 possédant dans ces cinq facultés une bonne moyenne ; 1 p.900

seulement ne possédaient aucune aptitude. Or, comparativement,

on rencontre, chez des enfants normaux de 7 à 13 ans, soixante

pour cent des élèves méritant la moyenne en question ; quatre

pour cent n'avaient pas d'aptitudes musicales : il est vrai que le

village de Stetten, où est l'asile est muni de tous les procédés d'en-

seignements de ce genre et que plus de la moitié des enfants, pris

comme termes de comparaison en font partie. Inversement un

grand nombre de nos imbéciles ne sont à l'asile que depuis peu, et ils

y ont pour la première fois été soumis à l'enseignement; par suite

le résultat est encore satisfaisant.

Passons aux idiots qui, sans être tout à fait réduits à l'état végé-

tatif, n'ont guère dépassé le développement intellectuel des en-

fants de deux à quatre ans. Seize pour cent d'entre eux ont mérité

la mention bien, dix-neuf n'ont fait preuve d'aucune aptitude. On

comprend que les enfants normaux de deux à quatre ans n'aient

pu être comparés avec eux.

Les idiots complets, avec complication d'aphasie, ont été sou-

mis également à ce genre d'examen. Seulement on a dû se con-

tenter chez eux de l'appiéciation révélée par leur physionomie et

leurs gestes sous l'influence de la production de certains bruits,

de certaines notes. Quelques-uns d'entre eux furent exposés à des

résonnances désagréables, au battement pendulaire du métronome

aux vibrations du tam-tam, finalement au piano, au carillon. Sur

tienle éprouvés de cette manière, cinq entendaient mais ne mani-

festaient par aucune réaction les perceptions; rien ne trahissait

que l'une quelconque leur fit plaisir ou non. Les vingt-cinq autres

exécutaient quelques mouvements en rapport avec les sollicita-

[toits auditives, mais dans les conditions suivantes. L'immense

majorité d'entre eux révèle une parfaite indolence à l'égard des

bruits qui nous sont pénibles ou désagréables. Il n'est qu'une ma-

lade qui se met à crier et à fondre en larmes; il devient dès lors

difficile de lacalmer. En revanche plusieurs d'entreeux manifestent

de l'antipathie contre certains sons, certains bruits, qui n'ont rien

de désagréable. Le son du tambour fait pleurer une idiote; un

idiot épileptique entre dans une violente colère au son de la cloche il

en est de même d'un idiot hydrocéphale à l'égard des sons de la mu-

sique. Le tic-tac du métronome engendre chez un tiers d'entre eux

une impression de gaité rapidement passagère ; les vibrations du

! ¡6'J, Il SOCIÉTÉS SAVANTES.

tam-tam n'attirent l'attention que d'une petite partie de ces ma-

lades, et encoren'est-elleqne fugitive. A l'unanimité les vingt-cinq

idiots en question jouissent agréablement des variantes du ca-

rillon; mais la sensation, ils la manifestent différemment, seize

d'entre eux sontcalmés par cette succession de tonalités ; quinze

autres témoignent leur joie par de l'agitation qui rappellent t

les démonstrations des sauvages; six tapent des mains exécu-

tent des mouvements de balancement rhythmés, vont et viennent

dans la pièce ou courent en cercles. Et chacun d'eux affecte une

allure qui ne varie ni dans son mode, ni da.is sa compositio n à

chaque séance.

Une analyse clinique consciencieuse a révélé que les accidents con-

sécutifs à l'encéphalite infantile, c'est-à-dire à la cause les plus fré-

quente des affections en foyer de l'enfance, ne se traduisent jamais

par des troubles du sens musical ou des facultés d'exécution quand

l'aphasie n'existe pas.

En somme lé sens musical estrelativementaccusé chez les idiots.

C'est le seul représentant artistique qui existe chez eux. Et d'ail-

leurs remarquons que l'enfant normal manifeste dès l'âge de trois

mois des sentimenls de satisfaction quand il entend de la musique,

certains enfants d'un an-reliennent des mélodies. Quelques mam-

mifères ont indubitablement le sens de la musique.

Il en résulte que dans les asiles d'idiuls il faut cultiver le chant ;

non seulement le chanl, mais la danse qui se joint en l'espèce à la

musique pour exciter la coordination des mouvements.

Enfin l'aphasie motrice, qui généralement n'est pas congéniale,

s'accompagne quand elle se montre dans la première enfance, d'un

trouble ou de la disparition de la faculté d'exécution et même de

l'obnubilation ou de l'extinction des conceptions musicales dans le

sensorium; cet ordre de sensations et d'activité peutau contraire

parfaitement subsister quand il n'existe que de la dysphasie, des

troubles de la parole tendant un développement défectueux de

l'intelligence.

M. JEUN. Etals mentaux douteux à la suite de blessures céphali-

ques, dans leurs rapports avec la question de la responsabilité soli-

daire. - Il s'agit d'observations relatives à des blessés examinés par

des médecins légistes, afin d'établir à qui il faut imputer l'incapa-

cité de travail, le degré de celle-ci et la quotité de la rente à ser-

vir à ces invalides du travail. Leur état mental n'était pas tel qu'on

dût les.envoyer dans les asiles d'aliénés. Mais il y avait bien ano-

malie mentale. M. Jehn insiste sur cette sorte de cachexie, déjà

signalée, sur les crises d'irritation cardiaque, l'organe affolant par

périodes sans effectuer de travail utile ; surles légers accidents de

parésie et d'excitation de la moelle avec troubles de la seiisiblité

atteinte des réflexes tendineux, suppression totale ou exagération

excessive de l'activité sexuelle. Il signale la dystrophie unilatérale

SOCIÉTÉS SAVANTES. 465

des membres, les accès d'albuminurie purement fonctionnelle (une

observation avec invalidité parfaite et épilepsie nocturne pro-

bable).

Tous ces malheureux sont atteints d'hypochondrie profonde ;

profondément affligés de leur accident et de la situation bran-

lante qui leur est faite puisque le nouvel examen qu'on leur fait

subir ne tend à rien moins qu'à leur enlever selon le degré de

capacité de travail constaté, leurs ressources, ils sont sous

l'influence d'une constante préoccupation. De cette surémotivité,

à l'excitabilité générale, à la colère sans freins, il n'y a qu'un pas.

Incapables de se baisser, affectés de vertiges, distraits jusqu'à

l'amnésie, légèrement anxieux, en proie à des terreurs nocturnes,

à des cauchemars terribles, à de l'oppression, à l'insomine, et en

même temps dépourvus d'énergie, ils finissent par nourrir des idées

de persécution. C'est du reste au point de vue mental un sujet qui

demande une observation exacte 'et la publication de tous les cas

que l'on pourra rencontrer, afin de dissiper tous les malentendus

et d'asseoir définitivement le diagnostic des hésitants.

Discussion :

MM. WESTPH.1L et MESCHEDE. En prenant comme type les observa-

tions d'Oppenheim, et en étudiant parallèlemenr les cas de sim-

mulation, on dissipera les ténèbres.

M. FUETII. Des affections symétriques desmembres chez les aliénés.

La première observation concerne un buveur amélioré pour la

seronde fois d'une manie alcoolique qui, il y a peu de temps,

présenta sur les trois derniers doigts de chaque main un trouble

dans la croissance des ongles, ayant débuté au moment où la mala-

die mentale empirait. La seconde observation a trait à un dément

(à la suite de mélancolie avec hallucinations) qui, après avoir été

affecté d'accidents vasomoteurs, et surtout de paralysie vasomo-

trice,estactuellement atteint d'une gangrène symétrique des doigts;

bien qu'il existe une affection organique des artères (le malade a

60 ans), c'estbien une gangrène symétrique et d'origine nerveuse

Bien des motifs militent en faveur de la genèse cérébrale et de la

genèse vasomotrice des altérations organiques des parois arté-

rielles. L'auteur a essayé de produire les mêmes accidents sur des

animaux nourris d'hydrate de chloral ; il n'a jusqu'à ce jour ob-

tenu que de la dégénérescence graisseuse du coeur.

M. Brie. Des cas de mort subite dans les psychoses. - A la suite

d'une revue bibliographique très utile, 1\1. Brie communique quatre

observations personnelles. Il s'agit de malades atteints de diffé-

rentes formes de troubles psychiques (démence à la suite d'un

traumatisme céphalique, - démence après mélancolie, con-

valescence de mélancolie, paralysie générale), qui, sans avoir

jamais présenté d'affection somatique sérieuse, moururent brus-

Archives, t. XVIII. 30 `

466 BIBLIOGRAPHIE.

quement, d'une façon tout inattendue, sans que rien expliquât

cette fin. L'autopsie révéla : des altérations cérébrales insigni-

fiantes. Mais les muscles du coeur avaient subi une dégénérescence

graisseuse telle ou une myocardite si intense que la mort en était

la conséquence. Or, si connue que soit la fréquence de la mort

rapide chez les cardiaques, si insuffisantes que se révèlent nos con-

naissances relatives à la localisation, à l'étendue, à l'intensité de

l'altération du myocarde dans leurs rapports avec l'incapacité

de fonctionnement du coeur, il n'en est pas moins surprenant que

ces lésions ne se soient pendant la vie traduites ni par des symp-

tômes objectifs, ni;pardes symptômes subjectifs. Lescommémoratifs

ne mentionnent aucun facteur capable d'expliquer la pathogénie.

Quelles sont les relations de l'affection psychique avec les lésions

cardiaques ? 11 ne saurait être question ici d'une maladie mentale

occasionnée par une affection organique du coeur. Quant à t'in-

fluence nocive exercée sur l'innervation et la nutrition du coeur

par l'aliénation mentale longtemps prolongée, outre que la phy-

siologie psychologique démontre faction de l'activité cérébrale sur

l'orgaue de la circulation, les auteurs relèvent à l'envi les dégéné-

rescences vasculaires et cardiaques chez les aliénés. Les deux pre-

mières observations constituent des exemples de ces dégénérescen-

ces graisseuses insidieuses qui dans la folie chronique tuent le ma-

lade avant de s'être manifestée par aucune espèce de symptômes

(Mickle). En l'absence de tous points de repère étiologiques venant

expliquer les altérations anatomiques du coeur dans les autres

exemples, nous les considérerons comme l'expression de troubles

d'innervation et de pertubations trophiques produits par.l'altération

cérébrale présidant à la psychose; la myocardite sera tenue pour

l'effet immédiat de la dystrophie cardiaque ou cette dernière sera

envisagée comme prédisposant à la myocardite.

Le temps est trop avancé pour que l'on entende la lecture du

travail de M. BRosus sur la question des gardiens. (Allg . Zeitsch.,

f. Psych., XLV, 5-6.) P. Keraval.

BIBLIOGRAPHIE

IX. De l'hémiplégie dans quelques affections nerveuses; par

Mlle Blanche Edwards. Thèse de doctorat 1889.

Après un tableau succinct de l'hémiplégie vulgaire, l'auleur

éludie l'hémiplégie dans quatre grandes maladies : l'alaxie loco-

motrice progressive, la sclérose en plaques, l'hystérie, la paralysie

agitante; maladies auxquelles on doit toujours penser quand il

1 FAITS DIVERS. 467 I

s'agit de paralysies transitoires ou à répétition ou en dehors de

la zone d'hémiplégie. Le tabes doit être soupçonné chez un

hémiplégique qui présente des troubles oculaires, du pus muscu-

laire, de la sensibilité, l'abolition des réflexes.

L'hémiplégie dans la sclérose en plaques présente des attaques

répétées, transitoires, l'exagération des réflexes, le nystagmus, la

précocité extrême de l'épilepsie spinale, de la contracture et la

démarche spasmodique. L'auteur signale à ce propos l'extrême

difficulté dans certains cas de distinguer l'hémiplégie liée à la

sclérose en plaques d'avec l'hémiplégie liée à la paralysie générale

progressive.

L'hémiplégie hystérique se reconnaît à l'absence ordinaire de

paralysie faciale, à la présence au contraire de l'hémispasme

glosso-lahié concomittant avec tremblement fibrillaire de la lèvre

supérieure, par le mutisme hystérique au lieu d'aphasie, d'anas-

tbésie et d'ographie, par l'héliliclnesthésie habituelle du côté

paralysé et par les stigmates de l'hystérie (troubles de la vision,

zones hystérogènes, plaques d'anesthésie, attaques hystériques,

crises de sommeil).

L'auteur note la fréquence des attaques apoplectiformes dans

l'hystéro-alcoolisme, l'hystéro-saturnisme et l'hystéro-hydron-

gyrisme.

La maladie de Parkinson unilatérale peut simuler l'hémiplégie,

mais n'est pas une hémiplégie ; les mouvements ne sont que

difficiles par la roideur des articulations, mais non abolis; les

réflexes, la sensibilité, le sens musculaire sont intacts; il n'y a pas

de troubles cérébraux. Enfin il y a l'aspect empoté, la propulsion

ou la rétropulsioti, l'agitation nocturne par la sensation de

chaleur, le masque facial propres à la paralysie agitante.

Charpentier.

FAITS DIVERS

Asiles d'aliénés. - Nominations et Mutations. - Arrêté du 20

août 1889 : M. le ))1' Calés, ancien député, nommé directeur de

l'asile public d'aliénés de Bordeaux (il,, classe). - Arrêté du 5 sep-

tembre : M. le Dol' Schils, médecin en chef à l'asile public de

Clermont (Oise), nommé directeur-médecin de l'asile public de

Bourges, maintenu dans la 3° classe. Arrêté du la septembre :

M. le D1' LIZARET, médecin en chef à l'asile public de llaréville

(Meurthe-et-Moselle), nommé aux mêmes fonctions à l'asile public

de Clermont, maintenu dans la classe exceptionnelle. - Arrêté

du 16 octobre : M. le Dl' PARis, directeur-médecin de l'asile public

468 FAITS DIVERS.

d'Alençon, nommé médecin en chef à l'asile public de Marévillet

maintenu dans la 3° classe. - Arrêté du ! octobre : Nomman,

directeur-médecin de l'asile public d'Alençon (3° classe), M. le Dr

Pages, médecin-adjoint à l'asile public de la Roche-Gandon

(moyenne), précédemment nommé médecin en chef à l'asile de

Maréville, par arrêté du 22 septembre et non installé. -Arrête

-du 30 octobre : M. BIIESSON; nommé directeur de l'asile public du

Mans, en remplacement de M. SALVAIRE décédé (2° classe). - z

Arrêté du 19 novembre : M. le Dr COMBE;IALE. professeur agrégé à

la Faculté de médecine de Lille, déclaré admissible au concours

ouvert le 26 décembre 1883, est nommé médecin-adjoint à l'asile

public de Bailleul, en remplacement du Dr LEUCINE, démission-

naire (compris dans la 2° classe).

Accroissement DE la criminalité chez LES enfants mineurs. Il

résulte d'un travail de M. Henry Joly, communiqué à l'Académie

des Sciences morales et politiques, que en moins de seize ans, les

prévenus de moins de seize ans ont augmenté de 140 p. 100, ceux

de seize à vingt et un ans de 240 p. 100. Les adolescents crimi-

nels ont donc relativement beaucoup plus augmenté que les en-

fants proprement dits. La plupart de ces jeunes gens avaient eu

leurs parents en prison.

Anthropologie criminelle. - A la suite d'un voeu émis récem-

ment par le Congrès d'anthropologie criminelle, l'administration

serait décidée à ouvrir les portes des prisons à quelques étudiants

en droit, mais non aux médecins, parce qu'une prison n'est pas

un hôpital et que les détenus pourraient simuler des malaises

pour se rendre intéressants aux yeux des médecins qui viendraient

les examiner. La seule chose qu'on puisse faire pour ces derniers.

c'est de leur donner les autopsies de tous les détenus mourant

pendant la durée de leur peine. Quant à la question de la remi,e

aux médecins des corps des suppliciés, cela ne regarde pas l'dd-

ministration pénitentiaire, à qui le condamné n'appartient plus.

En tout cas, cette remise ne serait faite qu'autant que les condam-

nés ne s'y seraient pas opposés et que l'on prendrait l'engagement

de ne pas faire sur les cadavres des expériences tendant aies rap-

peler momentanément à la vie.

INTERDICTION DES séances publiques d'hypnotisme. Le conseil

général de la Seine-Inférieure a adopté un voeu présenté par

MM. les Drs FauvEL et Lixomte et invitant le préfet à interdire

dans toute l'étendue du département les séances publiques

d'hypnotisme.

L'alcoolisme en NOUVELLE-CALÉDONIE. - Le président de la

République vient de rendre un décret qui interdit d'une manière

absolue sur tout le territoire de la Nouvelle-Calédonie et de la

Guyane la vente du vin et des boissons alcooliques. Ce décret

FAITS DIVERS. 469

était rendu nécessaire par la présence sur le territoire de nos

colonies de marchands ambulants, colporteurs, etc., qui fournis-

saient du vin et des spiritueux aux transportés et aux relégués et

qui n'étaient l'objet d'aucune disposition restrictive dans la légis-

lation actuelle. Celle-ci en effet s'applique uniquement aux éta-

blissements où l'on vend sur place du vin et des liqueurs et ne

permettait pas d'atteindre ceux où l'on vend des liquides de ce

genre à emporter.

L'alcoolisme en (3ELGIQUE. Nous avons parlé d'un projet de

loi pris en considération par le parlement belge, et tendant à

frapper les cabarets d'un droit de licence élevé. Le projet a été

adopté, et le nombre des anciens débits diminuant journellement

(10 p. 100 par an environ) on espère arrêter par ce moyen l'éta-

bllssement de cabarets nouveaux.

Alcoolisme ET criminalité en ALLEMAGNE. - La statistique de la

criminalité pour l'année 1887 démontre le fait suivant : A mesure

que la situation des classes pauvres s'améliore, les crimes contre

la propriété diminuent. Au contraire les attentats contre la vie ne

cessent d'augmenter et cela précisément dans les pays où l'alcoo-

lisme est le plus répandu, par exemple en Prusse ou en Bavière.

Il y a là une corrélation qui ne saurait échapper à personne et

qu'il est bon de noter.

Asile d'aliénés DE YoRx. - A la séance d'ouverture de la section

de psychologie du Congres de l'Association médicale britannique,

M. lince 1'UxE a fait l'exposé des résultats obtenus dans l'hospitali-

sation des aliénés dans le comté d'York. De 1777 (année de safon-

dation) à 1814 (année de sa transformation), l'asile de York

n'avait reçu que 'G3 aliénés. Depuis cette époque, le nombre a

augmenté au point que l'asile, qui contenait autrefois 100 malades

au minimum, en admet aujourd'hui jusqu'à 1316. Voila un résultat

encourageant, bien que l'auteur ne le juge pas encore parfait, un

grand nombre d'aliénés pauvres ne trouvant pas encore d'asiles

dans le comté d'York.

Collège OF P11YS1CIANS AND SURGEONS OF BALTIMORE. - M. le Dr J.

PRESroN est nommé protesseur d'anatomie appliquée au sytème

nerveux, en remplacement de M. le D'' CaAMBEps, qui est attaché

a la chaire de chirurgie opératoire.

Faculté DE MÉDECINE DE BERLIN. M. le Dr KARL VON DEN STEINNE

est nommé privat-docent de psychiatrie.

Faculté DE MÉDECINE DE Klausenbourg. - M. le Dr K. LECHNER .

de Buda-Pesth, est nommé professeur ordinaire de psychiatrie et

de psychologie médico-légale.

Faculté DE MÉDECINE DE GR.\Z. - M. le Dr VoN VARGVE, privat-

docent à la Faculté de médecine de Vienne, est nommé professeur

extraordinaire de neuropathologie et de psychiatrie.

470 BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Nécrologie. Notre dernier numéro était déjà sous presse

lorsque nous avons appris la mort de M. Jules COTARD, médecin

de la maison de santé de M. J. FALRET, à Vanves, décédé le

19 août, à l'âge de quarante-neuf ans. J. CoTARD était ancien in-

terne des hôpitaux. Il passa sa thèse en 1866. Il était membre de

la Société de biologie et l'an dernier président de la Société mé-

dico-psychologique. Il est mort d'une terrible maladie, le croup,

qu'il avait contractée au chevet de sa petite fille, qu'il a eu du

moins le bonheur de sauver. Plusieurs discours ont été prononcés s

sur sa tombe, par M. Gréhant au nom de la Société de biologie,

par M. RITTI au nom de la Société médico-psychologique, par

M. FALRET, etc. 11 est inutile de rappeler ici à nos lecteurs la liste

des travaux de COTARD ; qu'il nous suffise de signaler sa thèse sur

l'Atrophie partielle du cerveau (1866) et quelques communications

importantes : Du délire hypocondriaque dans une forme grave de

mélancolie anxieuse (1880) ; du délire des négations (1882) ; de l'ab-

solu et de l'inhibition en pathologie mentale ; et enfin sa dernière

communication au Congrès de médecine mentale de 1889 sur

l'Origine psycho-motrice du délire. CoTARD ne laisse derrière lui que

des regrets tant parmi ses amis que parmi ceux qui n'ont connu

en lui que le médecin ou l'homme de science.

- M. le f)' Rota, ancien directeur de la maison de santé, sise

à Paris, rue de Picpus, n° 90.

BULLETIN BIBLIOGRAPHIQUE.

Avis A MM. les Auteurs ET Editeurs. - La Direction des Archives DE

Neurologie rappelle à< MAL les Auteurs et Editeurs, que les ouvrages

dont il sera reçu deux exemplaires seront annonces au Bulletin Biblio- z

GRAPHIQUE et analyses; ceux dont il ne sera reçu qu'un seul exetnplau e

seront simplement annonces.

BELL (C.) - Yapers 7'ead belofe the medico-legal Society of New- York,

(7'Ù7/ ! ils urganization first séries. Volume in-8" de 572 pages. New-

York, 1889. -'itle Medico-legal Journal association.

Benedikt (AL). Manuel technique et pratique d'anthropométrie cra-

iiiucéphalique (méthode, instrumentation) à l'usage de la clinique, de

remanie avec le concours de l'auteur par le 1)' P. 11EILAVAL. Ouvrage pré-

cédé d'une préface de il. le protchseur CIIAHCOT. Volume m-8 de Wu pages,

avec lU ligures et une planche. Prix .- tr. - Paris, 1889. - Lecrusiiier,

et liabé. '

Bianchi (L.) - Gli orizzonti della psichiatria. - Prclezione al carso si

pszehzat7'ia. Brochure ni-8 de 3U pages. i\apoh, 1889. Nicola

Jovene et 0°.

Le rédacteur-gérant, Bourneville.

TABLE DES MATIÈRES.

Abstinence sexuelle (psychoses et

névroses liées à 1'), par Krafl't-

Ebing, 270.

Agrégation (concours de 1' en

médecine ! , 172 ; (Spécialisation

de l'), 172.

Albuminurie chez les aliénés, par

Hoeppen, 448.

Alcool (crime, folie et), par Yvernès,

286 ; - (et opium), aux Indes.

216 ; - en Nouvelle-Calédonie,

31 i, 468 ; -en Allemagne, en Bel-

gique. 469.

Alcoolique (progression de la folie

et de la paralysie générale),

par Ramier, Ball, Régis, 279 ; -

(responsabilité des), par Motet,

281, 286.

Alcoolisme (congrès de l'), 286 ; (pré-

vention des malheurs causés par

Il -). par Duverger, 287 ; L'-

devant le Reichstag. 317 ; (thé-

rapeutique de l' -), par Forel,

447.

Aliénation mentale (en Suisse, en

Russie), 317.

Aliénés (assistance des de Bres-

lau), par Wernicke, 155 ; - (loi

sur les -, en Italie), 172; - en

Irlande, 313 : - (placement (les)

- chez les particuliers, z

(Commission des)enAngteterre,

t73 ; (législation comparée sur le

placement des -, par Bal : , 278 ;

- ^situation des-dans les quar-

tiers d'hospice, par Mono. 88 ;

(les - devant la loi), par Men-

del,302; -(cellules d'observation

des) dans les hospices par Mo-

nod, 304 ; -(inspection des)- en

Amérique, 318 ; - (néologismes

chez les) par Bartels, 453,

(affections symétriques des mem-

bres chez les) - par Fueth, 165.

Anthropologie criminelle (congrès

d'), 171, 291, 408,

Aphasiques (troubles des facultés

musicales chez les), par Kast,153.

Artério - sclérose généralisée (état

des vaisseaux rétiniens dans l'),

par Roehlmann, 443.

Asiles d'aliénés (quartier de sûreté

de 1' de St-Robert), par Dufour

167 ; - promotions, 171,467 ; ;- du

Caire, 172 ; (ouverture du pre

mier). 173 ; -(ouverture automa-

tique des portes dans les), 174 ;

(quartiers de smveillance con-

tinue dans les) - par Scholz, 270;

(inculpés en observation dans

les)-par Guttstadt, 302 ; (hygiè-

ne des), 318 ; - (surveillance des

- privés en Prusse, par Pelman,

160.

Ataxie locomotrice (traitement de

l'-par la suspension;, par Raoult,

129.

Athétose posthémiplégique, par

Remak, 153.

Audition colorée, par Varigny, 285.

Automatisme ambulatoire chez une

hystérique, par J. Voisin, 295.

Bibliographie : agents provocateurs

de l'hystérie par Guinon, 157 ;

z lerhbuch der Psychiatrie, par

I Krafft-Ebing, 958; - études sur

le système nerveux central, par

Obersteiner, (159; les enfants cri-

mmels. par Drill, 160 ; - les cri-

minels, par Corre, 163 ; - anes-

thésies hystériques desmuqueuses

par Lichtwitz, 164 ; thérapeu -

tique suggestive, par Vizioli, 164 ;

- manuel de métattothérapie, par

Moricourt, 165 ; hémiplégie

dans quelques affections nerveuses,

par Bl. Edwards, 466.

472 TABLE DES MATIÈRES.

Bulletin bibliographique. 175, 319,

471.

Cécité expérimentale chez un chien'

par Richet, 283.

Centres moteurs, par Herzen, 284.

Cérébrale ,arrêt des hémorrhagies

de l'artère --moyenne par la com-

pression de la carotide primitive),

par Horsley, 147.

Cerveau (les fonctions du - d'après

l'Ecole italienne), par Soury, 28,

360, - excitation électrique des

régionsmjtricesdn du singe,par

Beevor et Horsley, 146;-lacunes

du-chez un dément, par Jensen,

303 ; (développement du man-

teau au), par hthnger, 119 ; -

(lésions rares du tronc du), par

Bruns, 454.

Cheveux (accumulation de dans

l'estomac par Cobbold, 269.

Chloral et ses dérivés, par Yvon, 261.

Congrès (des aliénistes de l'Est de

l'Allemagne), 151 ; - du sud-

ouest, 443 ; - de la Basse-Saxe.

454; - des médecins aliénistes,

456; -de médecine mentale, 274.

Coprolalie, par Leerain, ,éâldS, 151.

Crâne (traumatismes du - dans

leurs rapports avec l'aliénation

mentale), par Christian, 1,187 ;

par Jehn, 464.

Crime politique, par Contrigue,292.

Criminel (type de l'homme), par

nouvrier, Lombroso, 291 ; aug-

mentation des- chez les enfants

mineurs, 458.

Délire (origine psycho-motrice du),

par Cotard, Gariiier, ititti, Soutzu,

Ballet. Charpentier, 275 ; - (mul-

tiples), par Saury, 282.

Diabète chez les aliénés, par Liebe,

301.

Dystrophie musculaire progressive,

par Et, 447.

Ecorce cérébrale (fonctions de l'),

par Horsley et hcheefer, 148.

Ecriture automatique, par Richet.

284. '

Encéphalites chroniques de l'enfance

(lésions histologiques des), par

Pilliet, 177,333.

Epilepsie (somnambulique), par Pa-

ris, 244; - (antilibrine dans 1'),

par Salm, 441; (antipyrine

dans l'), par Lemoine, 441'; -

(bromure d'or dans l'), par Gou-

bert, 442 ; - (état du fond de

l'aeil dans l'), par Kuies, 445.

Ether (buveurs d'), Irlande, 174.

Fibrome de la dure mère et épilepsie,

par Lacroix, 437.

Folie (guérison delà) - consécutive

à l'ablation de la barbe chez une

femme), par savane. 2U9 ; -

morale, par Hack Tuke, 271.

Fugues inconscientes chez les hys-

tériques, par .1. Voisin, 277.

Ganglions (physiologie des - spi-

naux), par Joseph, 150 ; physio-

(les - sous-corticaux, et leurs

rapports avec l'épilepsie), par Zie-

hen, 451.

Goitre exophthalmique (angine de

poitrine,- et hystérie chez l'hom-

me), par Au(li,v, 437.

Hallucinations (statistique sur les),

par Marinier, 282; négatives

chez les aliénés, par Forel, 289;

- de l'ouïe modifiées par le trai-

tement galvanique, par Fischer,

441.

Hémorrhagie bulbaire, par Dutil,

440.

Hérédité, par Galton, 284.

Hydrothérapie (appareil d'- pour

"les aliénés récalcitrants), par Bour-

neville, 168.

Hyosccamine et hyoscine chez les

aliénés, par Lemoine. 278.

Hypnose (rôle de la suggestion dans

1 ), par Ochorovicz, 283.

H vpnunsme (interdiction des séances

d'), par Ladame, 171, 287, 316;

chez les animaux, par Danilevski,

284;- (terminologie dansl'-),

par Richet, 284 ; (rôle de la sug-

gestion dans l'-). par Babinski,

284; - (congrès de l'-), 281; -

valeur des procédés d'- pour la

thérapeutique, parBernheim, 288;

(responsabilité dans l'-), par

Liégeois, 2\JU; par Moll, 297 ;

- (effets fâcheux de l'-), 316.

Hystérie (mâle à l'étranger), 173; -

chez les garçons, par Bourneville

et Solfier, 410; - par Audit, 438;

- (et saturnisme), par Outil,

439 ; mercurielle, par Guinon,

439.

Hystériques (acuité sensitivo-sen-

sorielle chez les), par Binet, 283.

TABLE DES MATIÈRES. 473

Idiots (sens de la musique chez les),

par Wilderrmith, 462.

Imbécillité avec perversion des ins-

tincts, par Bourneville et Raoult,

110.

Impulsions conscientes, par Camu-

set, 274.

Intantilismelnnsles grands centres,

par Brouanlel, 292.

Inveision sexuelle guérie parsugges-

tion, par Ladame. 277.

Ivrognerie (auto-culpabilité dans l'),

par Pelman, 458.

Lvpérmanie hypochondriaque, par

"Régis, 276.

Maladies mentales (classification

des), par Bail, 151; - statl>tique

internationale des -, par llurel,

274.

Maladies nerveuses (influence du

traumatisme sur les), par Gilles

deIaTuurette, Vibert etc.,273;-

traumatiques. par llichle,3l; -

débuts du traitement électrique

dans les - aiguës, par Friedlan-

der,4K); - pronostic des -

syphilitiques, par Nannyn, iî5.

Maladie de Dupuvtren et paralysie

OEénerale, par Régis, 439.

Médecine légale (congrès de), 293.

Méningite (gourmeuse du canal sa-

cré), par Hemack, 15 : J; - cérébro-

spinale épidémique, 174.

Microcéphalie, par Bourneville et

Camescasse, 28.

Migraine ophthahmque et paralysie

générale, par Blocq, 321.

Musculaire (dystrophie - progres-

sive, par Erb, r7; - atrophie-

progressive, par Hoffmann, 448.

Mutilation volontaire, par Sinclair,

273.

Mutisme hystérique, par Dutil, 439.

.\Iyxoedème, par Kovalevsky, 246,

't22.

Nécrologie, 175, 318, 470.

Néologismes chez les aliénés, par

Bartels, 455.

Nerf auditif chez le lapin(origine du),

par Bruns, 442.

Névrite (multiple combinée à une

maladie mentale), par Korsakolf,

275; optique symptomatique,

par Manz, 444.

Obsession avec conscience, par Fal-

ret, 274; - par Charpentier,

281 ; guéries par suggestion

hypnotique, par 'Pissié, 279.

Oculaires (mouvements), par Da-

nillo, 445.

Uphthalmoplégie (lésions anatonn-

ques des muscles des yeux dan,

I par Westphal, 151. "

Ovanotomie chez une aliénée, par

Percy : : imita, 268.

Paraldéhyde (intoxication parla),316.

Paralysie ay taute(pathoâénte delà),

par Teissier, 438.

Paralysie de la vessie et du rectum,

par Oppenheim, 152 ; par Bet-

nhardt, 300.

Paralysie (labio ? losso-pharyngée),

nar Remak, 297; traitement

électrique de la faciale, par

Enelsk,joPn, 410.

Paralysie générale (trn mt aux cam-

pagnes militaires), 155; ,pécifi-

cité de la), par 13lunet 270; -

(arthritisme comme cause de la),

par Lemoine, 278 ; (étiologie

de la), par Pierret, 280; - ten-

dances érotiques dans la), par

Laurent, 282; - chez la femme,

par 51emerlina, 299; - (hémorha-

gies dans la), par Savage, 433.

Pédoncule cérébral, par Sioli, 151.

Pénitentiaires (psychoses), pal' Koin,

272; - Semai, 277.

Pensée (transmission de la), par

Jli,jers, 28J.

Personnalité (dédoublement de la),

par Séglas. 276.

Phrénasthénie, par Finkelburg. 461.

Porencéphalie, par Bourneville et

Solfier, 280.

Prisons (inspection médicale des),

par Semai, 292.

Prix Esquirol. 150.

Psvchralgie crurale, par Pollosson,

437.

Psychose (réflexe traumatique), par

Ttomson, 296 ; (cas de mort

dans le-,), par Brie, 465.

Ramollissement cortical du cerveau,

par Leclerc, 438.

Respiration (quelques formes anor-

males de la), par Mickle, 436.

Responsabilité (atténuation de la),

par Mendel. 456 ; - Grashey, 456.

Saturnine (intoxication saturnine

avec troubles de l'intelligence et

474 TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS.

du système nerveux), paa Robert-

son, 270.

Scaphandres (accidents de l'emploi

des), par Castaras, 80, 207.

Sens musculaire, par Gley, 285.

Sensibilité (troubles de dans cer-

taines formes de maladies men-

tales), par Furkestein, li6. -

Simulation de la folie, par Feritsch,

272.

Société médico-psychologique, 150,

295, rt3 ; - de psychiatrie de

Berlin, 152, 290;- psychiatrique

de Betlin, 301.

Suffocation, par Welsh, 435.

Suggestion (influence de la - sur

les affections nerveuses organi-

ques), par Fontan 289 ; (in-

fluence de la sur la menstrua-

tion), parGascard, 289 ; (indica-

tions de la - dans le traitement

des maladies mentales), par A.

Voisin, 289; (application de la

- à la pédiatrie), par Bérillon.290;

(contracture hystérique guérie

par la - pendant le sommeil na-

turel), par Janet, 441.

Sulfonal chez les aliénés par

Feboré, 295 ; A. Voisin, 151, 3113 ;

Cramer, 452.

Suspension (cessttion de morphino-

manie chez deux tabétiques Irai-

tés par la), par Gilles de la Tou-

relte et Lagoudakis, 126 ; (ti alte-

ment de l'ataxie locomotrice et de

quelques autres maladies nerveu-

ses par la), par Raoult, 129.

Syphilis (rapports de la- et de la

paralysie générale), par Christian,

281; Ballet, 281.

Syringomyélie, par Kronthal, 297.

Système nerveux central (nouveau

procédé de durcissement du) par

Banda, 151.

Tabès (masque tabétique et), par

Beruhardt, 152; -(pathologie du),

par Oppenheim, 300; - (début

par troubles trophiques du). par

Ioilière, 'r30.

Thrombose des sinus cérébraux, par

Wiglesworth, 135.

Trijumeau (racines du), par Ben-

tham, 150.

TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS

Audry, 437, 438.

Babinski, 281.

Bail, 151, 278.

Ballet, 275, 281.

Bartels, 455.

Beavor, 146.

Bechterew, 150.

Beuda, 154.

Bérillon, 290.

Bernheim, 288.

Bernhardt, 152, 300.

Binet, 283.

Blocq,3 ? 1

Bourneville, 110, 168, 280, 110.

Brie, 465.

Brouardel, 292.

Brunet, 278.

Bruns, 454.

Bumm, 462.

Call,eseasse, 280.

Camuset, 274,

Catsaras, 80, 207.

Charpentier, 27 ! ),467.

Christian, 1, 187, 281.

Cobbold,269.

Corre, 163

Cotard, 275.

Coutague, 292.

Cramer, 452.

Damlewshi, 28 L

Dauillo, 115.

Denv, 440.

Drill, 160.

Dufour, 167.

Dutil, 439, fi0.

Duverger, 286.

Edinger, 449,

TABLE DES AUTEURS ET DES COLLABORATEURS. 4î5

Edwards, 466.

Engleskjoen, 440.

Ert, -'f47.

Falret, 271.

Febmé, 295.

Feritscb, 272.

FlIJl,elburg, 461.

Finkelstein, 146.

Fischer, 411.

Fontan, 289.

Fore),289, 447.

Friedlander, 440.

Fueth, 65.

Galton, 284.

liamier, 279.

G;tscard, 289.

Gilles de la Tourelle, 12G, ? 95.

Glev, 285.

Goubert, 442.

Grashey, 450.

Guinon, 157, 439.

Guttstadt, 302.

Hack Tuke, 2ï1.

Herzen, 284.

Hoffmann, 448.

Horsley, 146, 147, 118.

Janet, 441.

Jehn, 461.

Jr.nsen, 303.

Joseph, 150.

Kast, 453.

Keraval, 301, FH2, 413. -

Knies, 410.

Kmppen, 418.

Koin, 272

Korsakotf, 275.

ICovalewski, 216, 422.

Krafft-Ebing, 158, 278.

Kronthal, 299.

Lacroix, 437.

Ladame, 277, 278, 287.

Lagoudakis, 126.

Laurent, 282.

Leclerc, 438.

Legrain, 151.

Lemoine, 278.

Lichtwitz, 164.

Liebe, 301.

Liégeois, 290.

Lombroso, 291.

Alanouvrier, 291.

Manz, 444.

Marinier.

Nendel, 302, 456.

Mickle, f31, f30.

Mol, 297.

Moltière, 438.

Jlonod, 281, 304.

Morel, 274.

Moricourt, 165.

Ioset, 281, 286.

3lijers, 285. r

Naunyn, 445.

Obersteiner, 15\J.

Ocüorowicz, 2a3.

Oppeulieim, 152, 300.

Otto, 303.

Paris, 244.

Pelman, 458, 160.

Percy-mith, 268.

Petersen. 155.

Pierret, 280.

Pilliet, 177, 333.

Pollosson, 437.

Reillak, 152, 153, 297.

Raoult, 110, 129.

Résis, 276, 439.

Richet, 283, 284.

Ritti, 275.

Hobertson, 270.

Rcthlmanii,443. ,

Roller, 455.

Salm, 441.

Saury, 282.

Savage, 269, 433.

Sehaefer, 148.

Scholz, 278.

Semai, 277.

Séglas, 151, 277.

Siemerling, 295.

Sinclair, 273.

Sioli, 1555.

Sollier. 280, 410.

Soury, 28, 360.

Soutzo, 275.

Teissier, 438.

Thomson, 296.

Varigny, 285.

Vibert, 273.

Vizioli, 164.

Voisin (A.), 151, 289.

Voisin (J.), 295.

Welsl, '35.

Wernielie, 155,

Westpbal, 154.

Wilesworth, 435.

Wifdennuth, 462.

Yvernes, 286,

Yvon, 261

Ziehen, 451,

EXPLICATION DE LA PLANCHE.

1° Circonvolution vascularisée anormalement (Enderl.). Les capil-

laires, au lieu d'être perpendiculaires il la surface (A) de la circonvolu-

tion, sont rameux, anastomosés, et remanient complètement le plan des

tiois premières couches de l'écorce, qui ne sont plus reconnaissables (B).

Plus bas (C.), la sécrétion longitudinale commence à reprendre (baume).

2° Lobe occipital (Schad.). De la pie-mère (A) partent des vaisseaux

qu'on voit entourés de masses opaques, contenant beaucoup de noyaux

constituant le premier degré d'une tache de désintégration (B). La limite

entre la première et la seconde couche de l'écorce, très nette d'ordinaire,

est ici confuse (picro-carmin, baume).

3° Petit foyer scléreux, irrégulier, comprenant la seconde et la troi-

sième couche de la substance grise (A) et donnant à la surface de l'en-

céphale un aspect froncé ())aisonbaute). Tout autour, les vaisseaux sont

dilatés et la sériation des couches est troublée et méconnaissable (picro-

carmin, glycérine).

4° Coupe du lobule 7aracezztul (Itobèch...) au niveau de l'union de la

substance grise et de la substance 1>lancle, pour montrer la rareté des

cellules pyramidales a leur lieu d'élection (A) et la vascularisation déve-

loppée jusqu'au 111\eau de ces couches (ltbmatuyliue, baume de

Canada).

KvrCUl, Ch. HSIUSSKY, imp. - 1289.