(1889) Nouvelle iconographie de la Salpétrière [Tome 02] : clinique des maladies du système nerveux
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(1889) Nouvelle iconographie de la Salpétrière [Tome 02] : clinique des maladies du système nerveux

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

DE i :

LA SALPÊTRIÈRE

CLINIQUE DES MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX

3873. - Imprimeries réunies, B, rue Mignon, 2.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

DE LA

SALPÊTRIÈRE

CLINIQUE DES MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX

PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION

Du Professeur CHARCOT (DE l'institut)

PAR

PAUL RICHER GILLES DE la TOURETTE

CHEF DU LABORATOIRE ANCIEN CHEF DE CLINIQUE

ALBERT LONDE

DIRECTEUR DU SERVICE PHOTOGRAPHIQUE

TOME DEUXIÈME

A\ec 102 ligures intercalées dans le texte et 58 planches

PARIS

LECROSNIER et BABÉ, LIBRAIRES-ÉDITEURS

' PLACE DE L'ÉCOLE- DE-MÉDECINE

1889

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

A 'q

DE LA SALPÊTRIÈRE

D'UNE FORME PARTICULIÈRE DE TROUBLES

NERVEUX DES EXTRÉMITÉS SUPÉRIEURES

. 1

Dans le cours de l'année d'internat que j'ai eu l'honneur de passer

dans le service de M. le professeur Charcot à la Salpêtrière, j'ai observé

un certain nombre de malades ne présentant uniquement que de la

paralysie atrophique et des altérations de la sensibilité des extrémités

supérieures, troubles généralement symétriques, et paraissant occuper

assez exactement le territoire musculo-cutané innervé par le nerf

cubital.

La réunion de ces faits assez semblables entre eux militerait en

faveur de l'existence d'une forme particulière d'affection névritique,

mais, seul dans la circonstance, l'examen anatomique autoriserait une

affirmation à cet égard, et, comme je n'ai pu trouver l'occasion de

faire des recherches dans cette direction, je me bornerai dans ce tra-

vail à un simple exposé de documents cliniques.

Aussi est-ce sous le titre qu'on a lu, qui ne préjuge en rien de la

nature de l'appareil symptomatique, que je relate ces observations,

sans toutefois négliger d'indiquer le lien de parenté qui les unit et qui

paraît leur mériter, sinon' une place à part dans les cadres nosogra-

phiques, du moins une description spéciale.

Ces. Isba..., employé de banque, âgé de trente-six ans, entre le 25 octobre

1887. à l'hospice de la Salpêtrière, et occupe le lit 8 de la salle Prüss dans le

service de M. Charcot.

Antécédents héréditaires. - Il n'a pas connu ses grands parents. Son

il. i

2 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.'

père était habituellement bien portant; sa mère est migraineuse. Il ne con-

naît d'affection nerveuse chez aucun des membres de la famille.

Antécédents personnels. Il a souffert pendant sa première enfance de

divers accidents strumeux sans gravité. Il a eu la fièvre typhoïde à l'âge de

quatorze ans et demi. Vers l'âge de dix-sept ans, une légère déviation delà

colonne vertébrale le frappa insidieusement sans douleur, et cette scoliose a

persisté depuis sans modifications. Il n'a pas eu la syphilis; il avoue quelques

excès alcooliques. En 1880, à la suite d'une chute, il eut un traumatisme de

la hanche, et depuis il boite de la jambe droite.

Début. - L'affection actuelle a débuté sournoisement au milieu d'une

bonne santé habituelle. Ba... ressentit d'abord des phénomènes douloureux

dans la main droite. C'étaient d'abord des sensations de froid, puis de véri-

tables picotements qui apparaissaient par accès, et quelquefois duraient pen-

dant quelques jours, toujours localisés au petit doigt et à l'annulaire. Bien-

tôt la main devint de plus en plus faible, puis l'amaigrissement apparut,

cependant que les picotements douloureux persistaient. Au bout de sept à

huit mois, ce fut le tour de la main gauche : de ce côté également se mon-

trèrent des sensations pénibles dans la même sphère, sensations qui s'accom-

pagnèrent en peu de temps de faiblesse et d'amaigrissement.

L'impotence fonctionnelle des membres supérieurs résultant de ces symp-

tômes devint telle que depuis six mois le malade dut abandonner son travail.

Pendant tout ce temps ne se manifestèrent aucun signe autre, soit du côté

du système nerveux, soit du côté des appareils splanchniques. La santé géné-

rale restait bonne, et il ne survenait ni troubles des sens, ni altération des

sphincters, ni gène de la marche, etc.

Étal actuel (décembre 1887). - A première vue, on est frappé de l'ap-

parence tout à fait spéciale de déformations portant sur les

mains. A droite, la main vue par sa face palmaire, pré-

sente un aplatissement extrêmement prononcé de l'émi-

nence hypothénar; le creux de la main est très exagéré et

les lendons y font saillie. L'éminence thénar et le pouce

ne sont pas déformés. Tous les autres doigts sont varia-

Olcmeul fléchis, le petit doigt l'étant au maximum, l'index

au minimum. Le petit doigt (fig. 1) est : "1 ce point rétracté

qu'on ne peut l'étendre complètement. La phalange est

en extension sur le dos de la main, la phalangine et la

phalangette sont en flexion sur la paume de la main. L'an-

nulaire est déformé de la môme façon, mais son attitude

vicieuse esi moins accusée : eue est a peine marquée sur le memu5 CL

sur l'index. Sur la face dorsale de la même main on remarque l'atrophie con-

sidérahle, et môme le creux des espaces interosseux : la déformation des

doigts est moins bien visible qu'en regardant la main par la face palmaire.

Sur la main gauche on constate des déformations tout à fait semblables/mais

moins accentuées.

t'ic. 1.

UNE FORME PARTICULIÈRE DE TROUBLES NERVEUX. 3

Au point de vue de la motilité : à droite on constate que le tendon du cubi-

tal ne fait pas saillie dans les efforts de flexion; à la main, les mouvements

de l'annulaire et du petit doigt sont impossibles; les mouvements de rappro-

chementdes doigts ne peuvent s'effectuer, pas plus que l'adduction du pouce. A

gauche les mouvements des muscles de l'hypothénar sont encore possibles

dans de faibles limites, seuls ceux des interosseux sont complètement abolis.

Il existe des troubles de la sensibilité très caractérisés. A droite le con-

tact et la piqûre ne sont pas percus dans le tiers interne de la face palmaire

de la main et de l'avant-bras : dans les mêmes limites la sensibilité ther-

mique est abolie. La limitation de l'anesthésie n'est pas brusque et il existe

entre la partie insensible et les parties saines une sorte de zone intermé-

diaire où les troubles sont moins marqués. (Fig. 2, 3.)

A gauche on constate les mêmes troubles, mais l'anesthésie aux divers

modes n'est pas aussi prononcée.

Les réflexes tendineux sont abolis des deux côtés.

Les interosseux n'ont pas de réaction électrique, ni à droite ni à gauche,

sauf le premier interosseux gauche lequel présente la réaction de dégéné-

rescence à forme mixte.

Il n'y a pas de secousses fibrillaires. 11 n'existe pas d'autres troubles tro-

phiques que l'atrophie musculaire.

. Ons. II. Paul S..., emballeur, âgé de quarante-deux ans, entre le 24 mai

1886, salle Andral, n° 8, à l'hôpital Tenon, service de M. le professeur Straus.

Antécédents héréditaires. Le père du malade est mort de pneumonie à

Fic. 2.

Fic. 3.

\ NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALI1'sTlil$IUI;.

de quarante-six ans. La mère est actuellement bien portante, de même

que sa soeur. Il connaît trop peu les autres membres de sa famille pour nous

renseigner au sujet des phénomènes pathologiques qui ont pu s'y présenter.

Antécédents personnels. - Il no se souvient pas d'avoir jamais été malade,

si l'on en excepte quelques poussées furonculeuses. Il n'est ni syphilitique

ni alcoolique.

Début. L'affection actuelle aurait commencé il la suite d'une attaque de

rhumatisme polyarticulaire aigu, il y a quatre ans. Il eut il cette époque la

plupart des articulations prises, et dut s'aliter de ce fait pendant six mois. Il

souffrit aussi d'une sciatique droile. Lorsqu'il put se relever et se remettre

au travail, il remarqua que les mouvements des deux derniers doigts de sa

main droite étaient difficiles. Cette gêne progressa lentement, puis se montra

du côté gauche; des déformations se pioduisircnl et devinrent plus mani-

festes à la suite d'une nouvelle atteinte de rhumatisme qui le prit deux ans

après et dura six semaines. Enfin, l'an dernier, la parésie et la déformation

en vinrent à empêcher le travail il la suite d'une nouvelle attaque qui dura

deux mois. Cette fois, il remarqua qu'il avait des troubles de la sensibilité.

Étal actuel. - C'est pour une dernière atteinte rhumatismale des articu-

lations des pieds, des genoux et des poignets, qu'il demande son entrée à

l'hôpital. Il s'agit de rhumatisme subaigu, non déformant. L'attention est

surtout attirée par les déformations des mains. La main droite vue par sa

face dorsale présente une saillie exagérée des métacarpiens, due à l'atrophie

des interosseux; vue par sa face palmaire, elle offre une exagération consi-

dérabledu creux de la main avec la saillie des tendons en relief. L'émincncohypo-

thénar a presque complètement disparu, l'éminence thénarest un peu aplatie.

Tous les doigts sont en flexion, mais surtout l'annulaire et le petit doigt,

les premières phalanges seules étant dans l'extension. On ne peut que très

difficilement réaliser l'extension des deux derniers doigts, mais on détermine

aisément l'extension du médium el de l'index. Le pouce seul ne participe

pas à la déformation. La main gauche ne parait pas déformée vue par sa face

dorsale, mais examinée par sa face palmaire, elle présente une excavation

marquée du creux de la main. L'éminence hypothénar est très atrophiée,

l'éminence thénar est indemne. Les deux derniers doigts seuls sont rétractés

dans la même situation que du côté opposé.

Les mouvements de rapprochement des doigts et d'adduction du pouce

sont difficiles à gauche, impossibles il droite. Des deux côtés le malade ne

peut exécuter de mouvement d'opposition du petit doigt.

Sensibilité. Le malade se plaint de picotements presque continus dans

la partie interne des deux mains. La sensibilité au contact et à la piqûre est

abolie sur la face interne des avant-bras et dans les deux derniers doigts des

mains; sur la main elle-même les limites de l'anesthésie sont d'à peu près

la moitié de celte extrémité.

Autres appareils. - Le malade offre les signes de l'insuffisance mitrale ;

les autres appareils sont sains.

[, : il; FORME PARTICULIÈRE DE TROUBLES NERVEUX. 5

Ces. 111. - Lucie L..., âgée de vingt-huit ans, modiste, est entrée il la

Salpètrière en mars 1887, et occupe le lit nez 1 salle Rayer, dans le service

de M. le professeur Charcot. ,

Antécédents héréditaires. - Son grand-père maternel est mort d'un cancer

du larynx, sa grand'mère maternelle de sénilité. Du côté parternel rien il

noter sur les grands parents. Le père de la malade est alcoolique, sa mère

a été prise de crises vraisemblablement hystériques (accès de raideur généra-

lisée, et grands mouvements convulsifs durant deux heures) pendant une

dizaine d'années; un seul frère, mort en bas âge.

Antécédents personnels. - Lucie a toujours été faible de constitution

étant enfant. Elle a eu la scarlatine à l'âge de sept ans. Elle a été réglée à dix-

huitans, irrégulièrement depuis.

Début. L'affection actuelle a débuté il y a quatre ans par de l'affaiblis-

sement et de l'amaigrissement de la main droite, puis la main gauche a été

prise peu de temps après, sans l'empêcher absolument de travailler. Il y a

un an, elle s'est aperçue qu'elle ne sentait pas au niveau de la partie interne

de la main droite, s'étant faite àceniveau une brûlure dont ellene futinformée

que par l'apparition d'une phlyctène. Il y a un mois elle éprouva desdoulcurs

dans la continuité des membres supérieurs, et vint pour ce motif réclamer

des soins. ,

État actuel (mars 1887). - Les deux mains vues par leur face dorsale

ont le type de la main de singe,' vues par leur face palmaire les paumes sont 1

excavées, les phalangettes fléchies sur les phalangines. Les saillies des mi-

nences hypothénar ont fait place à des creux, les éminences thénarsont, elles

aussi, aplaties. Les espaces interosseux sont très déprimés. (Fig. 4.)

La partie interne des avant-bras parait atrophiée. L'amaigrissement est

plus marqué à droite. A part les mouvements du pouce, tous les mouvements

des doigts sont gênés, et ceux des deux derniers doigts sont impossibles.

La sensibilité au contact, à la piqûre, il la température, est abolie sur la

moitié des deux mains, et le tiers interne des avant-bras, ainsi que sur les

Ftc.4. 4.

6 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

deux derniers doigts. Les limites de l'anesthésie ne sont pas tranchées, mais

l'insensibilité va en s'atténuant.

Les réflexes tendineux sont conservés. A la main droite la peau pré-

sente un état lisse au petit doigt. Il y a des sueurs exagérées dans les deux

mains.

L'examen électrique fait par M. Vigouroux montre que les seuls muscles

atteints électriquement sont les interosseux, et les muscles de l'éminence

hypothénar qui présentent la réaction complète de dégénérescence.

Rien à noter du côté des autres appareils.

OBs. IV. Mme Hub..., âgée de quarante et un ans, femme de ménage,

venue il la consultation externe de la Clinique en janvier 1888.

Antécédents héréditaires. Son père est mort hémiplégique, sa mère est

actuellement bien portante. Elle ne connaît pas d'affections nerveuses dans sa

famille.

Antécédents personnels . Mme IL.. n'a jamais été malade. Elle n'est ni

rhumatisante, ni syphilitique, ni alcoolique.

Début. L'affection actuelle a débuté insidieusement il y a un an par de l'a-

maigrissement et de l'affaiblissement de la main droite, la main gauche s'est

prise peu de temps après. En même temps la malade ressentait des dou-

leurs comparables à des élancements dans la main.

Étal actuel. - La main droite présente des déformations considérables.

Vue par la face dorsale elle offre les saillies accentuées des métacarpiens par

la disparition des espaces interosseux. A la face palmaire la concavité du

creux de la main est très exagérée, les tendons fléchisseurs y font saillie.

L'éminence hypothénar est déprimée, la région thénar est moins accusée que

normalement. Les deux derniers doigts ont la phalangine et la phalangette

fléchie. A la main gauche il existe des déformations semblables mais beau-

coup moins accusées.

Les mouvements d'abduction et d'adduction des doigts ne s'exécutent plus,

de même la flexion des premières phalanges, et l'extension des deuxièmes

et troisièmes ne sont plus possibles à l'auriculaire et à l'annulaire de la main

droite, et sont gênés à la main gauche. Le pouce s'oppose des deux côtés mais

en tournant sur son axe.

La sensibilité au tact est abolie sur le bord interne des deux mains, mais

il n'existe pas d'autres troubles.

Les réflexestendineux sont faibles d es deux rôlts.

La contractilité faradique est abolie des deux côtés pour les interosseux, et

les muscles de l'éminence hypothénar.

A la main gauche on observe une cicatrice au niveau du premier espace

interosseux. Il serait survenu la, sans cause appréciable, une phlyctène compa-

rable à celle que produit une brulûre, au dire de la malade, bulle à laquelle

aurait succédé une plaie indolore de l'étendue d'une pièce de 50 centimes

qui aurait guéri au bout d'un mois.

Rien il noter du côté des autres appareils.

UNE FORME PARTICULIÈRE DE TROUBLES NERVEUX 7

II

Relevons tout d'abord les particularités les plus notables de ces

observations. Le premier de nos malades ne présente pas d'antécédents

héréditaires intéressants : si l'on excepte la mère migraineuse, on ne

découvre aucune tare arthritique ou nerveuse dans sa famille. On ne

trouve non plus aucune cause de quelque vraisemblance à l'origine de

son affection. La profession d'employé de banque n'avait rien de bien

pénible et ne nécessitait pas d'excès fonctionnels des membres supé-

rieurs, Il été pris à droite d'abord, àgauche ensuite, des mêmes acci-

dents de parésie, d'amyotrophie, et de troubles de la sensibilité can-

tonnés dans la zone du nerf cubital.

Dans notre observation II, on est frappé de la relation qui paraît

exister entre le début de l'affection paralytique el une attaque de rhu-

matisme ; il semble de même que la succession des invasions rhuma-

tismales aient augmenté chaque fois l'intensité du processus. Celui-ci,

du reste, est assez semblable au cas précédent : c'est de même par la

main droite que la maladie a débuté, elle a gagné ensuite la main

gauche, occasionnant symétriquement des troubles paralytiques et

atrophiques, et des altérations de la sensibilité qui restent localisés au

territoire desservi par le nerf cubital.

La troisième de nos malades, elle, a des antécédents nerveux bien

caractérisés : un père alcoolique, une mère hystérique. Son affection

a de même débuté sans cause occasionnelle, et encore par le côté droit.

Ce sont toujours de la paralysie, de l'atrophie, et des troubles de la

sensibilité symétriques, et répondant presque absolument à la distri-

bution anatomique du nerf cubital.

Enfin la dernière de nos malades a vu son affection s'installer insi-

dieusement, sans cause apparente, et occuper aussi la main droite en

premier lieu. Les lésions sont moins avancées, elles ne datent, du reste,

que d'un an, mais ont les mêmes caractères et la même topographie

que dans les cas précédents.'

Nous avons trouvé une observation analogue aux noires où l'influence

étiologique de la fièvre typhoïde est incriminée '. Il s'agissait d'un ta-

pissier âgé de vingt et un ans, convalescent d'une fièvre typhoïde qui

seplainait surtout de douleurs aux deux avant-bras qui s'étendaientle

long du cubitus jusqu'à la main. Les douleurs étaient plus prononcées

1. Deutsch. Arch. sur med. Klin., 1878, p. 363.

8 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTHIÈRE.

à droite, mais les trois premiers doigts des deux côtés en étaient

exempts. Tous les mouvements des extrémités supérieures, même ceux

de l'articulation du coude et ceux qui sont sous la dépendance du nerf

radial, étaient faciles. Tous les espaces interosseux, surtout de la main

droite, étaient profondément déprimés; des deux côtés, les deuxièmes

et troisièmes phalanges se trouvaient en flexion, le quatrième et le cin-

quième doigts étaient même courbés en griffe.

Les éminences thénar et hypothénar étaient amaigries et la peau qui

les couvre était lisse. Les tendons des fléchisseurs se voyaient très distinc-

tement dans la paume de la main. Les bouts des doigts avaient une

apparence polie et luisante. L'excitabilité faradique des muscles in-

terosseux du côté droit et des muscles de l'éminence thénar et hypo-

thénar du même côté était considérablementdiminuée ; du côté gauche

elle l'était un peu moins Les muscles interosseux droits ne réagissaient

que très peu à l'emploi des courants très forts. La secousse d'anode la

fermeture du courant était semblable à la secousse du cathode ou plus

forte. On n'obtenait pas de secousses à la fermeture du courant.

La sensibilité de la peau du dos de la main était altérée au niveau

des trois derniers espaces interosseux. Le malade ne sentait pas la

pression ni les excitations produites par les courants électriques.

La sensibilité tactile et thermique n'était presque pas atteinte.

L'auteur conclut qu'il s'agit très vraisemblablemement d'un trouble

nutritif (névrite), à la suite de la lièvre typhoïde, limité à la région du

nerf cubital.

Si l'on fait abstraction de l'évolution plus rapide, presque aiguë

dans le cas de l'auteur allemand, on \oit que cette observation est

tout à fait analogue à celles que nous relatons, même quant à celte

particularité du début par le côté droit.

Que si maintenant nous coordonnons en une description clinique les

traits primordiaux fournis par le tableau symptomatique si semblable

dans chacun de ces cas, il en ressortira mieux la spécificité dece groupe,

si tant est qu'elle existe.

L'affection débute insidieusement, sans cause occasionnelle apparente,

au milieu d'un état général satisfaisant, par des troubles de la sensi-

bilité dans la main droite. Les malades se plaignent de sensations'

douloureuses, ou plutôt de fournillemcnts ou de picotements, enfin

d'un engourdissement dans le petit doigt, l'annulaire et le côté cubital

de la main. Le plus souvent les phénomènes de cet ordre sont peu

marqués, il n'est pas rare que les malades ne s'en préoccupent pas;

ils ne tardent pas à être suivis de parésie de certains groupes de

muscles, et c'est en général à cette période de la maladie que la main

UNE FORME PARTICULIÈRE DE TROUBLES NERVEUX.

gauche, jusque-là plus ou moins indemne, se prend. Dès lors, les troubles

'progressent parallèlement, mais le côté gauche étant ordinairement

moins affecté que l'autre côté.

Les accidents qui se présentent alors sont d'abord la paralysie

atrophique des interosseux : les deuxième et troisième phalanges des

doigts sont maintenues fléchies alors que le malade ne peut pas fléchir

les premières qui restent dans l'extension. Puis la main faiblit et

maigrit, les muscles de l'éminence hypothénar disparaissent et sa

saillie est remplacée par un méplat; l'éminence thénar s'aplatit. Enfin

la main prend la forme dégriffé, la situation vicieuse des doigts étant

surtout accusée sur les deux derniers. Les fonctions du membre sont

en conséquence singulièrement gênées, et le malade, tout en se servant

encore de ses mains, peut rarement se livrer à ses occupations habi-

tuelles. Les mouvements du petit doigt sont impossibles, et ceux des

"autres doigts sont lents et peu énergiques. L'adduction et l'abduction

des doigts ne peut se faire, de même l'adduction du pouce est em-

pêchée.

Les troubles de la sensibilité sont constants, mais plus ou moins

profonds. L'anesthésie occupe à la face palmaire de la main le petit

doigtet la moitié de l'annulaire, à la face dorsale lasurface cutanée de

ces deux doigts; au-dessus du poignet le tiers interne de l'avant-bras

dans son quart inférieur. L'anesthésie existe au contact, à la piqûre,

à la température ; elle n'offre pas de limites très tranchées, mais va

en diminuant progressivement. Elle dépasse habituellement les zones

anatomiques rigoureuses de l'innervation cubitale, quoiqu'elle ne soit

jamais absolue que dans ces mêmes limites.

Surviennent en dernier lieu des troubles plus profonds, rétractions

et troubles trophiques, qui augmentent les déformations, et les

rendent pour ainsi dire indélébiles. Les derniers dnigts sont rétractés

dans la paume et ne peuvent plus être fléchis, le creux de la main est

extrêmement accusé, les saillies tendineuses s'y dessinent nettement. Il

peut y avoir des sueurs, des sensations de froid au Loucher, de l'état

lisse de la peau.

Electriquement, on constate de la diminution de la contractilité

faradique, et souvent de la réaction de dégénérescence soit dans tous

les muscles, soit seulement dans quelques-uns parmi lesquels le pre-

mier interosseux le plus ordinairement.

On pourrait, en somme,distinguer trois périodes dans cette évolulion,

l'une de début caractérisée par des troubles de la sensibilité, la seconde

~ d'état avec de la paralysie atrophique, la troisième terminale avec des

rétractions et des troubles trophiques; ces accidents se développant en

10 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE..

tous ces cas symétriquement, quoique prépondérants, d'un côté et se

limitant au domaine du nerf cubital, enfin ne s'accompagnant d'aucun'

. autre symptôme.

III

Avant que de formuler les réflexions que suggère le rapprochement

de ces observations, nous rapportons ici quelque cas de névrite cubitale

unilatérale que notre attention, éveillée dans cette direction, nous a

permis de recueillir.

Outre l'intérêt particulier qui s'attache à chacun d'eux, ils offrent,

considérés ensemble et comparativement avec les précédents, des

points de similitude clinique importants à relever, ainsi que des par-

ticularités étiologiques notables, en vertu desquelles nous les pré-

sentons dans un certain ordre. Enfin leur complexité moindre pourra

nous permettre de concevoir peut-être plus aisément l'évolution des

* précédents.

Ons. V. -- Mme Lef..., âgée de quarante-neuf ans, sans profession, se pré-

sente, le 7 mars 1887, à la consultation externe de la Salpêtrière, service de

M. le professeur Charcot.

Elle demande nos soins pour divers troubles survenus dans sa main gauche.

Il ya six ans, à la suite d'un panaris, elle eut, dit-elle, une arthrite de l'articu-

lation pUalanino-ptalâniniennc de l'annulaire de la main gauche. Elle

entra à cette époque à la maison de santé dans le service de M. Marc Sée.

Ce chirurgien pratiqua l'ablation de la phalangine. C'est très peu de temps

après cette opération qu'apparurent les divers troubles de la main.

; Insensiblement, et sans douleurs marquées, la main devint de plus en

plus faible, surtout les deux derniers doigts. Puis avec l'affaiblissement sur-

vint de l'amaigrissement, et bientôt des déformations qui s'accentuèrent de

plus en plus, jusqu'à produire l'état actuel.

Pendant le cours de celte évolution, aucun autre trouble ne se produisit

dans la santé générale, ni sur les autres membres.

État actuel(7 mars 1887). - La main vue par sa face dorsale présente une

v saillie notable des métacarpiens, due à l'amaigrissement des interosseux ; -,

on y remarque aussi la flexion générale des doigts, surtout prononcée

sur les deux derniers. Vue par sa face palmaire, la main offre une excavation

exagérée du creux de la main, une saillie prononcée des têtes des métacar-

piens. L'éminence hypothénar est très atrophiée, l'éminence thénar est un

peu aplatie. L'avant-bras est un peu atrophié à sa partie interne. Les deux

derniers doigts sont rétractés dans la flexion et ne peuvent être que difficile-

ment étendus. La première phalange est étendue, et les deux dernières sont

NOUVELLE TC01OOR4PII1T : T. Il. PL. 1

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OBS. V

L'RCnOSNtRR ET DA13(, ÉDITEURS

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UNE FORME PARTICULIÈRE DE TROUBLES NERVEUX. 11

fléchies. Les autres doigts un peu écartés présentent la même déformation

mais à un faible degré (pl. I).

Les mouvements de flexion ou d'extension des deux derniers doigts sont

impossibles : de même les mouvements de rapprochement et d'écartement

des doigts.

Les deux derniers doigts, le tiers interne de la main, et le bord interne de

l'avant-bras dans souliers inférieur sont complètement insensibles à tous les

modes d'exploration.

La malade porte des cicatrices de brûlures et, lors des accidents qui les ont

occasionnées, elle n'a pas souffert. La peau des mêmes doigts est lisse, paraît

épaissie et rétractée. Les ongles sont sains. Il n'y a pas d'autres trpubles

trophiques- . ' ' ' '' ,. I . . :

L'examen électrique a été faitpar'M. Vigouroux, qui m'aremis'la note sui-

vante : Absence totale de réaction (faradique et galvanique) dans les.muscles

innervés par le cubital. Les autres sont sains. ' ' z -'

Dans le cas qu'on vient de lire le traumatisme paraît avoir-joué'un

rôle prépondérant quoique indirect dans la genèse des accidents.- - ' '

On peut rappeler à cette, occasion que M. Joffroy.1 a-rapporté des-

faits cliniques analogues; et a montré, entré autres, qu'après un trau-

matisme ayant porté .sur les* jointures' dii poignet ? et du "pouce du

côté droit il pouvait se développer une'névrite dans le nerf radial ? ' `

Mais dans' l'observation suivante, le rôle`dti traumâtismédévi'e,n>;,

beaucoup moins évident, et prête même à la discussion. Un autre.fac

teur apparaît, l'hérédité nerveuse, et on devra rechercher, quelle part

revient à-chacune de ces causes dans la production de l'affection-. ; "

- ' ' . . 'j , i a i . .

Op1¡.. VI 2. - 'Du ! ) ? âgé de quarante-deux ans, forgeron, est entre .le 2 dé-

cembre ·1887à la Salpêtrière, dans le service.de I. le professeur,Charcot,

Antécédents .héréditaires ? 'IL'lra : pas. conllu ses grands .parenls,-> et ne

peut donner aucun renseignement sur-eux. Son père est mort à la. Suite, d'un

accident ; sa mère a succombé à une phtisie pulmonaire. Une tante mater-

nelle a été folle. Il ne connaît pas d'autres nerveux dans sa famille.

Antécédents personnels. - Il ne se souvient pas d'avoir fait aucune autre

.maladie qu'un rhumatisme articulaire aigu polyarticulaire il y a dix-sept

ans, qui le tint au lit pendant six semaines. Il a fait des excès vénériens pen-

dant sa jeunesse : il n'a pas eu la syphilis et n'est pas alcoolique.

' Il a eu le bras gauche fracturé à l'âge de huit ans (il y a trente-quatre ans)

.au niveau du coude, et les fonctions de ce membre n'ont jamais été égales il

celles du bras droit, depuis cet accident.

Début. L'affection actuelle a débuté il y a sept mois (en mai). A cette

1. Archives de physiologie, 1879.

2. Cette observation a été présentée à la Société clinique à la séance du 8 novembre 1888.

1 : ! NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.

époque apparurent des sensations pénibles de fourmillement et d'engourdis-

sement du petit doigt de la main gauche. Les douleurs gagnent bientôt l'an-

nulaire, puis de la faiblesse et de l'amaigrissement apparaissent dans la

main et s'accusent insensiblement jusqu'à produire les déformalions pour

lesquelles il est venu à l'hôpital.

État actuel (2 décembre 1887). L'éminence hypothénar et les inter-

osseux de la main gauche sont très atrophiés. Les deux derniers doigts de

la main sont rétractés en flexion, el la rétraction est plus prononcée sur le

petit doigt. L'éminence thénar est aplatie. Il n'existe pas de tremblement

fibrillaire. Le malade ne peut résister quand on tente d'écarter son pouce.

Il ne peut écarte les : ;doits- lui'sonl, légèrement rapprochés, les uns' des z

'autres; il ne peut faire aucun mouvement du petit doigt. 11 existe en

somme .une. paralysie ehune-atropliielde tous'les, muscles innervés par le

cuhital(P1; Il) ? , ' ? > ? ? ' . ' ? , , .. , . v

La pression du nerf dans la gouttière et tout, le long de. son .trajet esl.doiir

- loureuse. Dans tout le domaine du nerf la sensibilité au tact est diminuée,

.elle; est 'abolie pour la piqûre..et. pour la température. Le sens, musculaire

est conservé. Ilasensilililé. articulaire est;abolie seulement.dans les,artüw-

lations du petit doigt. : , 1 ? ' ; , ' ,, ; " ; ' ., !

. L'examen de-la,région du coude- montre que l'articulation est augmentée

de volume dans son diamètre transversal, les mouvements d'extension seuls

.sont limites. 'L;é'piCii(1 vi 1 e (' nÓtÓil'éÎlièJt 'IJlus' ? l11111ÍI;eux', mais dans la

régiol(épitrochléenÍ1e 'OlÍ né perçoit pas de déformation à proprement parler;

peut-être, ependayt,'lcnêrf ést-il'niôins,'profoidément situé dans la gôuf-

tl8uç etüur suilenplns accessible a l'exploration 'qui le montre'douloureux

li1àls' nOIÍ : (léfÓrmé. ? ''' '' ..... " , . !

Il n'existe pas d'autres trouilles, trophiques. - -' ' c : .. ? j ? 't 1

Examen électrique (note due a l'obligeance de 11. Vigoureux). j\évrite

dûcûhitàl.7auchë : Aucune réaction 'des iutcrosséw : imii;enée tléïiar ? illduc-

ÚJlÎI' ët : opposal1t normaux, 'court. fléchisseur- et' adducteur présentant la réac-

tjbri) C,Oil1plèt 'de : : dégélfér'escence..CclleCi est- plus facile 'à 'constater pour

l'hypothénar qui la : présente dans toutes ses'parties.' \ 1 : ' ., ' ' ''

- ' L'excitation galvanique du cubital' au-dessus du poignet détermine une

faible contraction du court fléchisseur du petit Iloi1 el rien de plus.

La réaction de dégénérescence est bien complète. l'as de réaction faradique

et réaction galvanique avec l'anode bien plus forte qu'avec le cathode. Celle-

ci est douteuse.

Il s'agit d'une névrite cubitale dont le diagnostic est indiscutable,

survenue sans autre causeapparente qu'une fracture du coude remon-

tant à trente-quatre ans. L'influence de ce traumatisme m'avait paru,

a priori, très contestable : il est peu admissible, en effet, qu'un

intervalle d'intégrité du membre aussi considérable sépare l'accident t

de sa conséquence. J'ai retrouvé toutefois une observation de M. le

NOUVELLE ICONOGRAPHIE T. II. PL. Il

Cliché A. Lande

OBS. VI

LECROSNIER ET Barye, ÉDITEURS

UNE FORME PARTICULIÈRE DE TROUBLES NERVEUX. la

professeur Panas qui m'apermis d'envisager cette hypothèse avec moins

d'appréhensions.

M. Panas ' a relaté l'observation d'un malade atteint d'une paralysie

du nerf cubital se montrant douze ans et demi après la consolidation

d'une fracture du coude. Il s'agissait d'un cordonnier âgé de quarante

ans qui se plaignait d'avoir perdu depuis six mois la force et la pré-

cision de sa main droite et en était gêné pour son travail. L'examen

permit de constater les signes d'une paralysie du cubital; griffe carac-

téristique, atrophie des interosseux, en particulier du premier,

parésie du cubital antérieur. Il existait de plus des troubles de la

sensibilité, fourmillement et engourdissements, diminution de la sen-

sibilité tactile dans la zone du nerf.

On notait une augmentation du diamètre transversal du coude,

l'effacement de la gouttière de réception du nerf cubital qui était

remplacée par une saillie. Le nerf pouvait être senti immédiatement

sous la peau comme un cordon volumineux, dur, et qui glissait libre-

ment d'un côté à l'autre sur la surface bombée de l'épitrochlée; il était

d'autre part augmenté de volume et présentait une nodosité fusiforme

offrant tous les caractères d'un névrome. Le nerf, dans la flexion du

coude, se portait de plus en plus en dedans jusqu'au contact de l'épi-

trochlée, et devenu ainsi superficiel se trouvait presque fatalement

exposé à des traumatismes, pressions ou chocs venus du dehors.

Le malade, interrogé alors sur ses antécédents, apprenait que treize

ans auparavant il était tombé sur le coude et fut, à la suite de cet

accident, qu'on traita pour une luxation, trois mois à recouvrer les

mouvements de celte articulation. Depuis, jusqu'à il y avait six mois,

il avait pu continuer son travail.

M. Panas pense que la gouttière trochléale s'étant trouvée comblée,

le nerf devint superficiel, et fut exposé, privé ainsi de toute protec-

tion, à des pressions et des' chocs réitérés, d'où état irritatif et névrite.

Quoique, dans notre cas, les constatations anatomiques soient moins

favorables il l'hypothèse invoquée par M. Panas, nous ne doutons pas

qu'il ne doive s'agir de circonstances pathogéniques analogues.

Cependant, ce long intervalle de trente-quatre ans d'une part, la pro-

fession de forgeron qu'exerçait notre malade d'autre part, ne laissent

pas que de nous inspirer quelques nouveaux doutes à l'endroit de cette

relation causale. ' '

Aussi, étant données les conceptions dès longtemps formulées par le

professeur Charcot sur le rôle prépondérant de l'hérédité dans la pro-

1. Sur une cause peu connue de paralysie du nerf cubital {Archives générales de mé-

decine, 1878).

H NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

duction des affections nerveuses, conceptions récemment démontrées,

en particulier par M. Neumann, en ce qui concerne tout un groupe de

paralysies périphériques, les paralysies faciales dites a friore 1, serions-

nous presque tenté, dans le cas actuel, d'invoquer d'un côté la pré-

disposition générale héréditaire notée chez notre malade, et de l'autre

l'effet localisateur occasionnel du traumatisme ancien, pour inter-

préter pathogéniquement celte observation.

Le malade, prédisposé par ses antécédents héréditaires à une affec-

tion nerveuse, en raison du locits minoris resislentiæ, occasionné par

la fracture du coude, aurait vu cette affection se réaliser sous la forme

d'une névrite cubitale.

Dans l'observation suivante, le rôle du traumatisme n'existe plus,

et nous sommes en présence d'une affection qu'on pourrait dire

spontanée.

OBs. VII. Mme lier..., trente-quatre ans, femme de ménage, se pré-

sente à la consultation externe du service de M. Charcot, le 7 décembre 1887.

Antécédents héréditaires. - Ne connaît pas ses parents. Une soeur

comitiale, une autre soeur comitiale, pas d'autres parents nerveux à sa con-

naissance.

Antécédents personnels. - A toujours été de constitution délicate, mais

jamais malade. A beaucoup souffert de misère physiologique. Mariée à vingt-

sept ans, a eu six enfants, dont quatre morts (convulsions), deux bien por-

tants. Pas d'alcoolisme ni de syphilis.

Début. - Souffre depuis longtemps de son bras droit. Il y a cinq ans déjà

ressentait des douleurs dans la partie interne de ce membre, douleurs qui

revenaient par accès. La faiblesse et l'atrophie ne se sont déclarées qu'il y a

cinq mois. N'a jamais rien ressenti de semblable dans l'autre bras.

Etat actuel, déformation. - La main droite vue par sa face palmaire pré-

sente une atrophie très-marquée des éminences thénar et hypothénar dont

les saillies sont remplacées par des méplats. Les doigts ne sont pas déformés

mais écartés légèrement les uns des autres. Par la face dorsale presque pas

de déformation, sinon creux des espaces interosseux.

Mobilité. - La force dynamométrique est extrêmement diminuée, l'exten-

sion et la flexion de la main sont possibles; la malade ne peut pas rappro-

cher ses doigts les uns des autres; l'abduction de la main en pronation

posée à plat est presque impossible.

Sensibilité. Douleurs dans la partie interne comparée à des fourmille-

ments et à des engourdissements jusqu'au bout du petit doigt : l'engour-

dissement esl constant, mais les picotements reviennent par accès. Pas de

douleur à la pression.

1. Du rôle de la prédisposition nerveuse dans l'étiologie de la paralysie faciale {Archives

de neurologie, juillet). - Nouvelles études {Archives de neurologie, 1888).

UNE FORME PARTICULIÈRE DE TROUBLES NERVEUX. 15

La sensibilité au tact, à la piqûre, à la température est diminuée dans la.

zone innervée par le cubital.

L'examen électrique fait constater la réaction de dégénérescence type pour

le premier interosseux seulement.

Les réflexes tendineux sont abolis à droite. 11 n'existe pas de troubles

trophiques.

Si dans ce cas l'influence de causes occasionnelles n'est pas mani-

feste, il serait difficile de contester une tare héréditaire nerveuse

ignorée dans son origine, mais attestée par les deux soeurs épileptiques

de la malade.

Dans cette seconde série de faits il s'agit donc de névrites cubitales

sinon démontrées par l'examen anatomique, du moins presque indé-

niables par l'exploration clinique, névrites unilatérales à l'appari-

tion desquelles on a vu présider un traumatisme presque exclusif dans

un cas, l'hérédité nerveuse discutable dans le second, cette seule

cause enfin dans le dernier.

On concevra par suite d'autant mieux la liaison qui existe entre ces

observations et les précédentes où l'affection se présente avec des

caractères cliniques semblables, mais cette fois symétrique. Si l'affec-

tion est née spontanément en apparence dans le cas d'unilatéralité, on

pensera qu'elle peut se montrer symétriquement.

' IV

Les relations qui unissent les diverses observations que nous avons

rapportées apparaissent avec assez d'évidence pour qu'il soit inutile d'y

insister davantage. Il semble, en conséquence, qu'elles forment, grâce

à leurs caractères cliniques et à leur évolution toujours semblables, un

véritable groupe autonome qu'il serait difficile de confondre avec les

espèces nosologiques connues. Ni l'atrophie musculaire progressive

mopatlique ou myélopathique, ni la sclérose latérale amyotrophique

ne présentent des localisations aussi accentuées, et il n'y a pas lieu de

discuter un diagnostic différentiel que cette seule particularité tranche

dès l'abord.

Mais sont-ce là seulement des accidents semblables réalisés par des

causes différentes qui sont unis par un appareil symptomatique

commun, ou bien ces signes se rapportent-ils à une maladie spéciale ?

En un mot, s'agit-il d'un syndrome ou d'une espèce morbide ?

' Ainsi que nous l'avons fait prévoir, nous ne prétendons pas donner

une solution pour laquelle les notions anatomo-pathologiques qui nous

113 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SAL1LTItIRI's.

manquent sont indispensables. En l'absence de ces arguments décisifs,

nous établirons toutefois les inductions que nous paraît autoriser la

seule étude clinique sur la nature de ces faits.

Il semble bien qu'on ait affaire à une névrite cubitale périphérique.

Il n'existe pas eu effet de signes de participation des centres nerveux, et

le domaine du nerf est atteint et seul atteint de troubles que nous

sommes habitués à rencontrer lors des inflammations chroniques des

nerfs. De plus, quelque peu acceptable que paraisse ci priori l'hypo-

thèse de névrite symétrique périphérique, il n'en existerait pas moins

des faits à l'appui. On sait qu'hiscnlohr a publié des cas de névrites

parenchymateuses spontanées symétriques du sciatique, et que des

exemples du même ordre ont été fournis par M. Joffroy. '

Ne s'agissait-il pas là, selon la réserve exprimée par cet observa-

teur, de manifestations premières d'altérations de la moelle et de ses

racines ? A l'appui de ces réserves, M. Grimodie 1, dans un travail

récent sur l'origine et la nature des névrites périphériques, a cherché,

à l'aide d'expériences sur les animaux, à démontrer que la grande

majorité des névrites prétendues primitives ne seraient rien moins

que le retentissement périphérique de lésions des méninges et des

racines rachidiennes, et ne devraient alors être considérées que

comme secondaires.

Aussi, en l'état de la question en général, est-il permis d'hésiter

avant que d'affirmer l'existence d'une névrite primitive, et dans notre

cas en particulier, malgré les présomptions que nous avons indiquées,

cette réserve est-elle plus encore de mise. Cela d'autant plus qu'on

sait que des phénomènes symptomatiques de même ordre peuvent être

sous la dépendance de localisations médullaires, telles que les réa-

lisent parfois les lésions de la pachyméningite cervicale hypertro-

phique et de la syringo-myélie; que de plus, ainsi que M. Charcot l'a

fait observer, dans l'ataxie locomotrice, le domaine des nerfs cubitaux

est souvent affecté symétriquement.

C'est pourquoi, quelque caractéristique que paraisse le tableau

clinique si uniforme dans chacune de nos observations, nous ne

croyons pas pouvoir déterminer la nature de l'affection que nous

avons décrite, et il nous suffira d'avoir mis en relief une forme patho-

logique, syndrome ou espèce morbide, qui nous semble mériter une

place spéciale dans 1 es cadres nosographiques.

PAUL BLOCQ,

Ancien interne de la clinique des maladies

du s)slème nervoux.

1. Contribution à l'étude de la pathogénie des névrites périphériques, par Grimodie.

- tel. Paris, 1887.

GONFLEMENT DU COU CHEZ UN HYSTÉRIQUE

Le gonflement du cou est un phénomène vulgaire dans la grande

attaque hystérique.

Par contre, il est rarement donné, pensons-nous, de le voir, dans

les intervalles interparoxystiques, s'établir à l'état de symptôme per-

manent. Nous avons eu l'occasion d'en observer un exemple dans le

service de M. le professeur Charcot, à la Salpêtrière, et nous avons

pensé intéressant d'en publier les dessins accompagnés de quelques

courtes observations.

Mais il est utile auparavant de rappeler le rôle du gonflement du

cou dans la grande attaque.

Il se produit au début, pendant la phase tonique de la période épilep-

toïde. 11 suit la perte de connaissance et accompagne l'arrêt de la res-

piration qui semble être, avec le spasme musculaire généralisé, un de

ses principaux facteurs.

En effet, sur des tracés que j'ai pris lors de mes recherches sur la

grande attaque hystérique et dont l'un se trouve publié dans mon livre : "Ul' la Grande Hystérie, on peut constater que le gonflement du cou se

développe tout d'un coup, en même temps que survient l'arrêt de la

respiration provoqué par la tétanisation des muscles thoraciques;

puis on le voit se modifier à chaque mouvement respiratoire et cesser

définitivement avec le spasme de la respiration.

On devine aisément par quel mécanisme survient dans de telles cir-

constances l'augmentation du volume du cou.

Il est le résultat immédiat de- la stase sanguine occasionnée elle-

même par le spasme respiratoire et musculaire. L'arrêt de la respira-

tion supprime l'appel du sang veineux qui se produit, à chaque mou-

vement d'inspiration, vers la cage thoracique; en second lieu, les

muscles contracturés compriment directement les gros troncs veineux

du cou à leur entrée dans le thorax et interrompent plus ou moins

complètement le cours du sang. On voit, en effet, en même temps que

le cou augmente de volume, les téguments se congestionner, les veines

superficielles se dessiner gonflées sous la peau; la turgescence ne

il.

18 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

reste pas limitée au cou, elle gagne toute la face, les lèvres sont bour-

souflées, les yeux injectés, etc., etc. 1

Ces phénomènes varient beaucoup d'intensité suivant les sujets. Ils

acquièrent parfois une telle importance qu'ils impriment à eux seuls

un caractère spécial à l'attaque hystérique.

Une malade dont j'ai publié ailleurs l'observation', les présentait

accentués à un tel degré, que ses crises convulsives revêtaient un aspect

particulièrement eflrayant et bien propre à faire comprendre comment

les anciens démonographes avaient rangé le gonflement du cou parmi

les signes de possession démoniaque. M. le professeur Charcots a fait

connaître, à ce propos, un document artistique fort intéressant dont

nous avons donné la reproduction dans un ouvrage spécial. Il s'agit

d'une esquisse de Rubens, étude pour la tête de la démoniaque du

tableau du musée de- Vienne, 'Saint Ignace de Loyola délivrant les

possédés, et sur laquelle on peut voir fort exactement représentée l'aug-

mentation de volume du coudontil s'agit. '

Ces quelques mots suffisent pour signaler la place vraiment impor-

tante que tient; dans- la grande, crise cohvulsive hystérique, le gonfle-

ment du cou. Mais alors, comme les autres phénomènes de l'attaque, il

est' transitoire, il ne dure que quelques instants et cesse avec la crise

elle-même.' -

Le -malade3 qui fait l'objet de cette note a vu au contraire une aug-

mentation de volume du cou survenir en dehors des crises convulsives

et persister sans interruption pendant plusieurs mois. Son observation

a été prise par M. lluet, interne des hôpitaux, et publiée 'in extenso

dans lalfhèse de M..Batault (1'IIyslérie chez l'homme).

Nous n'avons donc pas à la reproduire et nous y renvoyons le lec-

teur. C'est dd reste un : cas fort intéressant et fort complet, avec crises

convulsives, anesthésie, dyschromatopsie, rétrécissement du champ

\isuel, accidents d'aphasie, de surdité, de paralysie, etc., etc. Nous

n'en voulons retenir pour l'instant que ce phénomène singulier du

gonflement du cou survenu pendant le cours d'un tremblement qui,

d'abord localisé aux membres, avait envahi la tête agitée dès lors de

petits mouvements d'oscillation d'avant en arrière. Les deux dessins

ci-joints (pl. III et IV) en disent plus qu'une longue description. Au

premier abord rien ne ressemblait plus au gonflement du cou de la

grande attaque que celui que nous présentait notre malade. Mais, en y

regardant de plus près, il n'était pas difficile de découvrir des différences

1. Etudes cliniques sur la grande hystérie.

2. Les Démoniaques dans l'art, par Charcot et Il. lticlicr.

inuitjiné Lips...

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

T. Il. PL. III

GONFLEMENT DU COU

CHEZ UN HYSTÉRIQUE

LËCROSXÏER ET BASÉ, EDITEURS

NOUVELLE ICONOGRAPHIE T. 11. PL. 1V

GONFLEMENT DU COU

CHEZ UN HYSTÉRIQUE £

LECROSNIER ET BA13É, EDITEURS

GONFLEMENT DU COU CHEZ UN HYSTÉRIQUE. lu

fondamentales et de relever chez Lips... un certain nombre de signes

qui permettent d'assigner au gonflement du cou dont il était porteur un

mécanisme bien différent de celui sur lequel nous avons insistéplus haut.

Ce qu'il importe de faire ressortir à ce propos, c'est que l'augmen-

tation de volume du cou portait principalement sur le diamètre trans-

versal et qu'elle était accompagnée d'un renversement exagéré de la

tête en arrière. Cette extension de la tête et du cou était telle que, pour

regarder en face, le malade était obligé d'incliner fortement le tronc en

avant comme le montre bien le dessin de profil; d'autre part, on n'ob-

servait aucun arrêt de la respiration, aucune congestion notable ni

stase sanguine de la face et du cou, point de gonflement du corps

thyroïde.

A quoi donc fallait-il attribuer ce gonflement permanent du cou ?

C'est ici le lieu de faire intervenir les études d'anatomie morpholo-

gique et nous trouvons là un nouvel exemple de l'importance qu'elles

acquièrent dans l'interprétation d'un grand nombre de phénomènes

pathologiques.

Nous avons noté, dans le cours de travaux entrepris sur ces matières,

que chez tout individu l'extension du cou s'accompagne d'une aug-

mentation de volume en rapport avec le degré de l'extension et d'ail-

leurs variable, suivant les individus. Le phénomène est facile à cons-

tater et à mesurer même à l'aide d'un lien circulaire ; on verra alors

que la circonférence du cou augmente dans ces circonstances de cinq

à six centimètres en moyenne. L'augmentation de volume est donc

réelle, mais elle est aussi apparente, car, portant particulièrement sur

le diamètre transversal, elle donne au cou, vu de face, l'apparence d'un

volume plus considérable encore que celui qui existe réellement.

Cette augmentation de volume est surtout accentuée chez les indivi-

dus qui ont le cou long et la colonne cervicale mobile. En outre de la

part qui revient aux masses musculaires de la nuque dont l'état de

contraction ou de raccourcissement augmente l'épaisseur, elle est due

particulièrement à la saillie de toute la partie antérieure du cou repor-

tée en avant par la convexité exagérée de la colonne cervicale et au

déplacement sur les côtés des corps charnus des muscles sterno-cléido-

mastoïdiens soulevés par les apophyses transverses des vertèbres

cervicales et par les muscles profonds qui viennent s'y attacher.

Nous retrouvons chez notre malade tous ces caractères, auxquels

nous pouvons ajouter encore un gonflement, avec durcissement, du corps

charnu des sterno-mastoïdiens eux-mêmes, parfaitement appréciable à

la main, et occasionné par l'état de contracture dans lequel se trouvaient

ces muscles.

3U NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

Faut-il conclure de là que le gonflement du cou chez les hystériques,

en dehors des crises convulsives, ne puisse relever d'autres causes que

celles que nous venons de signaler ? Evidemment non.

Mais le fait que nous avons rapporté prouve au moins la part qui

dans ces sortes d'accidents peut revenir à la seule attitude d'extension

forcée. Chez Lips..., en effet, le gonflement du cou n'était en réalité

qu'un phénomène secondaire, une conséquence nécessaire pour ainsi

dire de la contracture des muscles extenseurs du cou et de la tête. Il

n'en est pas moins vrai qu'au premier abord, c'est ce changement de

volume du cou qui retenait l'attention de l'observateur.

- On a pu remarquer, pendant les quatre mois qu'a durés cet accident

chez notre malade, que le degré du gonflement variait avec le degré

de l'extension du cou qui se modifiait un peu dans le courant de la

journée, augmentant avec la fatigue, et toujours plus accentué dans la

station de boutque dans le décubitus dorsal. On vit, à la fin, le gonflement

diminuer à mesure que le cou reprenait progressivement sa position

normale, et les deux phénomènes cessèrent en même temps.

PAUL RICIIER,

Chef du laboratoire des maladies du système nerveux.

DES SUITES ELOIGNEES DES TRAUMATISMES

DE LA MOELLE, EN PARTICULIER DANS LES FRACTURES

DU RACHIS S

(Suite ')

Les trois observations que nous avons déjà présentées se rappor-

taient à des fractures des régions dorsale inférieure et lombaire

supérieure; aussi les phénomènes nerveux étaient-ils localisés dans

les membres abdominaux. Le fait suivant nous montre une lésion de la

colonne cervicale. Les quatre membres sont atteints, et les troubles

prédominent dans les membres supérieurs.

Observation IV. - Fracture du rachis au niveau de la septième vertèbre

cervicale remontant à neuf mois.- Contracture en voie de diminution.

- Déformation des mains. Troubles trophiques ( ? ) de la main

droite.

Le nommé D..., Frédéric, âgé de cinquante-cinq ans, cocher, est entré le

le` novembre 1887, il 1'llôtel-Dicti-aniiexe, salle Saint-Antoine, lit n° 1-2,

dans le service de M. le professeur Coruil.

Notre ami M. Bouel, interne du service, a bien voulu nous le présenter et

nous l'avons examiné le 18 juin dernier. '

D... est un homme fort et vigoureux qui ne présente dans ses antécédents

aucun fait digne de remarque. Sa santé a toujours été parfaite, et il ne

présente aucun stigmate de syphilis ou d'alcoolisme.

Le 15 octobre 1887, cocher au service de la préfecture de police, il con-

duisait une voiture cellulaire. Le siège de ces voitures étant très haut, la

porte de la préfecture de police très basse, les cochers doivent, pour franchir

celle-ci, se baisser énormément. Les chevaux de D..., arrêtés devant la porte,

partirent à l'improviste. D... se baissa aussitôt, mais trop peu. La tête passa

bien sous la voûte de la porte sans s'y heurter, le rachis au contraire n'était

pas assez fortement incliné; la voûte heurta violemment la région cervicale

postérieure, puis le reste du dos passa à frottement dur.

1. Voy. le n° 6, t. I, 188s.

21 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTI\IÈIlE,

D... ressentit un choc violent, une vive douleur, puis ses idées se trou-

blèrent sans qu'il perdit complètement connaissance. Il se rappelle bien qu'il

ne pouvait remuer ni bras ni jambes, que ses membres, soulevés par le

médecin appelé aussitôt, retombaient flasques et inertes; ce même médecin le

piqua en divers endroits sans provoquer aucune sensation. D... raconte qu'on

le ramena chez lui en voiture, sa tête retombait sur sa poitrine sans qu'il lui

fut possible de la maintenir.

Il demeura chez lui dix-sept jours, puis entra le 1 cr novembre 1887 à

l'hôpital.

Dès le lendemain de l'accident, les membres supérieurs et inférieurs se

seraient contractures, ceux-ci en extension, ceux-là en flexion. Les mains

reposaient sur la partie antérieure et supérieure du thorax, la main droite

était complètement fermée; les doigts de la main gauche étaient à demi

fléchis. Celte attitude ne pouvait être en aucune façon modifiée par le malade,

elles tentatives de mouvements communiqués étaient inutiles et douloureuses.

C'est seulement à la fin du troisième mois que les membres inférieurs, puis les

membres supérieurs, purent exécuter quelques mouvements volontaires.

Ni le cou ni le tronc n'étaient rigides. Le lendemain de l'accident, à l'aues-

thésie avait succédé une hyperesthésie excessive de tout le corps; on ne pouvait

loucher D... sans lui arracher des plaintes. Cette hyperesthésie dura environ

trois semaines. Des « crampes » très douloureuses, apparues vers le deuxième

ou troisième jour, tourmentèrent le malade pendant le même temps. Elles sur-

venaient exclusivement la nuit, et seulement dans les membres inférieurs.

Elles firent place au phénomène suivant, qui subsiste encore aujourd'hui, bien

qu'atténué. Pendant une heure, une heure et demie, quelquefois davantage,

il éprouve dans les membres inférieurs et supérieurs comme des secousses

produites par la fermeture ou l'ouverture d'un courant électrique; chaque

secousse s'accompagne d'une légère douleur.

Depuis le traumatisme, le malade est constipé et use de lavements quoti-

diens. Une seule fois on l'a sondé pour rétention d'urine, cela six semaines

environ après l'accidenl. Inappétence génitale.

Vers la troisième semaine apparaît, sans cause appréciable, un oedème

considérable de la main droite, avec coloration violacée de la peau. Peu après

se montra il l'annulaire de cette main la lésion qu'on y constate aujourd'hui,

et qui fut considérée, à son début, comme un trouble trophique. L'oedème

de la main a disparu depuis six semaines.

Du côté du cou, le malade signale les douleurs extrêmement vives qu'il

éprouvait aux moindres mouvements de la tête, douleurs qui furent soulagées

par l'application de ventouses scarifiées.

Pas de troubles de la respiration, pas de palpitations. D... éprouva une

inappétence complète pendant deux mois et s'amaigrit considérablement.

Lors de notre examen, le 18 juin 1888, la santé générale de D... était

bonne.

L'exploration du rachis montrait une déviation très nette de la ligne

1, t

t r

, , "bZ41 ? A & t

DES SUITES ÉLOIGNÉES DES TRAUMATISEES DE LA )IOELL23;

épineuse à l'union de la colonne cervicale et de la colonne dorsale. Là, cette

ligne se dirigeait non plus verticalement, mais un peu obliquement à droite

et en bas sur une étendue de 4 centimètres. Cette partie du rachis formait en

outre, sous la peau, une saillie exagérée. Sur toute la longueur de la colonne

vertébrale, la palpation était douloureuse, surtout dans la région lombaire

et dans la région cervicale. Le malade se tient fortement courbé en avant

dans la station debout. Celle-ci, comme la marche, ne tarde pas à provoquer

une sensation douloureuse dans la région dorso-lombaire; le malade se

repose en s'asseyant dans un fauteuil, le dos appuyé.

Les avant-bras se tiennent légèrement fléchis sur les bras. L'extension

complète, soit spontanée, soit provoquée, est impossible. On sent, dans cette

dernière tentative, le tendon du biceps se tendre fortement. La résistance

perçue est un peu élastique.

Les mains présentent les déformations suivantes. A la main gauche : les

quatre derniers doigts, étendus, sont déjetés vers le bord cubital; la flexion

des premières phalanges se fait normalement, mais celle des deuxièmes pha-

langes est très incomplète et celle des troisièmes presque nulle. Le malade

fait remarquer que la première phalange du pouce peut être mise en exten-

sion très forcée, ce qui n'existait pas avant l'accident, et ce qu'on ne trouve

pas au pouce de l'autre main. A la main droite. mêmes phénomènes, mais

moins accentués, surtout pour l'index. Aux deux mains, D... ne peut

écarter les doigts que dans une mesure très limitée.

La motilité est très affaiblie dans tous les membres. Le malade porte assez

difficilement la main droite sur la tète, il y porte très difficilement et avec

quelques saccades la main gauche. Ces mouvements provoquent une certaine

douleur dans la partie antérieure du bras. D... peut à peine tenir son verre

et le porter à sa bouche. Du côté des jambes tous les mouvements sont

possibles, mais sans force. Aussi la marche est-elle très pénible. Le malade

marche à petits pas, les pieds écartés, sans traîner la semelle. Il se fatigue

vite. Il regrette de ne pouvoir, en marchant, s'aider de ses bras, trop faibles

pour se fixer à un appui. La jambe gauche est, dit-il, plus faible que la

droite. Ajoutons que les jambes deviennent rapidement bleuâtres pendant la

marche.

Les réflexes sont conservés, sinon légèrement exagérés. Pas de trépidation

épileptoïde. On remarque, en piquant la jambe et surtout la cuisse gauches,

que la contraction réflexe se 'produit plus intense, dans le membre infé-

rieur du côté opposé, que dans le membre excité lui-même.

La sensibilité est intacte à la piqûre, au contact, au chatouillement;

la sensibilité au froid est exagérée. Le malade dit qu'il est très péniblement

impressionné par le froid, alors qu'il y était auparavant très peu sensible.

Enfin D... se plaint des secousses légèrement douloureuses qu'il éprouve.par

séries, et qui surviennent surtout le soir. Nous en avons parlé plus haut.

Quant aux troubles d'ordre trophique, on peut sans doute ranger sous ce

chef (bien qu'avec certaines réserves), outre l'oedème de la main droite

;24 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALY1'I.IÈHE.

actuellement effacé, une lésion du médius droit qui est apparue peu de temps

après l'oedème et qui persiste depuis environ six mois. Très douloureuse,

cette lésion présente actuellement l'aspect d'un panaris. Le pus soulève

l'épiderme vers la base de l'ongle : l'ongle lui-même est soulevé. La rougeur

s'étend jusque sur la deuxième phalange. L'articulation phalangino-phalan-

gettienne présente des mouvements de latéralité assez prononcés.

La peau de la cuisse gauche se montre beaucoup plus épaisse, quand on la

pince entre deux doigts, que la peau des régions correspondantes de la cuisse

droite.

Il n'y a pas d'atrophie musculaire, ou du moins, si les muscles se sont

atrophiés, c'est des deux côtés et d'une façon symétrique.

Cette observation serait sans doute plus intéressante, au point de

vue qui nous préoccupe, si elle se rapportait à un cas plus ancien de

fracture du rachis. Toutefois, elle permet de voir comment les phéno-

mènes de contracture, si intenses pourtant dans les premiers temps

qui suivirent l'accident, s'amendèrent progressivement jusqu'à sub-

sister à peine aujourd'hui. Il y a lieu de se demander si les défor-

mations des doigts sont destinées à persister indéfiniment. Il est pro-

bable que, tenant à la contracture musculaire, elles tendront, comme

cette dernière, à disparaître peu à peu.

Un cas observé par Jordison (The Lancet, 21 oct. '1882) montre une

guérison complète des troubles nerveux graves, six mois après une

fracture des cinquième et sixième vertèbres cervicales (sauf un peu de

faiblesse du bras gauche). Une guérison complète est relatée parKùster

dans un cas analogue (Archiv. sur klin. Chir., 1884, p. 218).

Cette sorte de panaris du médius qui présente une persistance si

remarquable, esta rapprocher des lésions tenaces produites parlefroid

sur des orteils que des troubles nerveux préalables avaient mis en état

d'infériorité nutritive. Nous allons d'ailleurs retrouver ce dernier

phénomène dans une observation que M. le docteur Maygrier a bien

voulu nous permettre de prendre dans son service de la Pitié. Il s'agit

d'un cas de fracture du sacrum, la moelle. n'a donc pas été intéressée,

au moins directement. Cependant, nous constaterons ici les mêmes

symptômes que nous avons vus se dérouler dans l'histoire des PréCé7

dents malades.

Observation V. Fracture de sacrum remontant à cinq ans. Paralysie.

z Crampes. Douleurs. Atrophie musculaire. Troubles tro-

phiques cutanés. Engelures.. Ces phénomènes sont bilatéraux. -

Accouchement.

Il s'agit d'une femme de trente-quatre ans, qui ne présente, ni dans ses

DES SUITES ÉLOIGNÉES DES TRAUMATISMES DE LA MOELLE. 2.

antécédents héréditaires, ni dans ses antécédents personnels, rien à noter

de particulier. Elle a eu, antérieurement à sa fracture, deux enfants bien

portants.

En 1883, elle tomba du quatrième étage dans une cour très irrégu-

lièrement pavée. Les pieds, puis le siège, puis la nuque touchèrent successi-

vement le sol.

La malade ne perdit pas un instant connaissance. Voulant se relever, elle

s'aperçut que ses deux jambes étaient incapables de se mouvoir. On la

transporta à l'hôpital. Là, elle fut simplement placée dans le décubitus

dorsal, sans appareil d'immobilisation. On constata au niveau de l'extrémité

inférieure du sacrum l'existence d'une plaie par laquelle s'éliminèrent par la

suite deux fragments d'os assez volumineux, au dire de la malade. Pendant

les premiers jours, elle fut en proie a une dyspnée très intense, avec accélé-

ration de la respiration. Deux heures après la chute, se serait montrée une

extinction de voix qui dura peu de temps. Le pouls était très ralenti, dit-elle.

Un peu plus tard, palpitations. Du côté des membres inférieurs, paralysie

complète et anesthésie telle que la malade a été, sans s'en apercevoir, forte-

ment brûlée aux pieds par une bouillotte trop chaude ; lésion qui a laissé

quelques cicatrices. Il y eut, pendant un an et demi environ, de la rétention

d'urine qui exigea le cathétérisme ; le passage de la sonde dans l'urèthre n'était

point perçu. Pendant à peu près le même temps, constipation opiniâtre avec

ballonnement excessif du ventre. La défécation ne s'accompagnait d'aucune

sensation. La vue fut affaiblie pendant plusieurs mois, puis redevint normale.

Il se produisit, au bout d'un certain temps que la malade ne peut préciser,

une atrophie musculaire des deux membres inférieurs. Pas de troubles

trophiques cutanés. Enfin, environ huit mois après l'accident primitif, sur-

vinrent des phénomènes douloureux et spasmodiques prédominant dans le

membre droit et consistant en élancements douloureux, crampes, mouve-

ments involontaires des orteils.

Au bout de seize mois, la malade quitta l'hôpital. Ses deux membres

inférieurs demeuraient à peu près complètement paralysés. atrophiés,

anesthésiés et présentaient de temps en temps. avec des alternatives d'amé-

lioration et d'exacerbation, les douleurs et les crampes signalées ci-dessus.

Depuis lors, la paralysie s'est fort amendée; deux années après l'accidenl,

la malade commençait à pouvoir marcher. Elle en est arrivée à marcher avec

le secours d'une canne. , .

Elle devint enceinte l'année dernière, et la grossesse ne présenta pas de

phénomènes spéciaux, si ce n'est, au dire de la malade, un volume du ventre

beaucoup plus considérable que dans les précédentes grossesses. Elle est

entrée à l'hôpital de la Pitié pour y accoucher. L'accouchement a en lieu le

5 mars dernier; il a nécessité l'emploi du forceps : la durée totale du travail

a été de trente-six heures. L'enfant se porte bien.

Nous examinons la malade le in mars. ' .

Elle a les apparences d'une bonne santé; elle ne présente d'ailleurs aucun

26 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

trouble fonctionnel notable, en dehors des symptômes que son ancienne

fracture a développés dans les membres inférieurs.

Au niveau de l'extrémité inférieure du sacrum existe une cicatrice étroite

qui, partant du coccyx, se porte en haut et un peu à droite. Sa longueur est

d'environ deux centimètres. Par la palpation, on constate que le sacrum

fait, dans la partie inférieure, une saillie plus faible à gauche qu'à droite de

la ligne médiane. Le toucher vaginal a donné les renseignements suivants.

On tombe tout d'abord sur une tumeur osseuse faisant saillie sur la face anté-

rieure du sacrum. Ce serait comme un prisme triangulaire, transversalement

dirigé, dont une face s'appliquerait au sacrum, tandis que l'arête opposée

ferait dans l'excavation une saillie de deux centimètres. Du sommet du col

au bord inférieur de la symphyse : 105 millimètres. Angle sacro-vertébral

accessible.

Les troubles nerveux consécutifs à cette lésion du sacrum sont localisés

aux deux membres inférieurs.

La malade marche difficilement et les mouvements des membres inférieurs

manquent de force; ceux qui s'accomplissent dans l'articulation du genou

sont plus faibles que ceux que la malade peut produire dans la hanche. Elle

accuse, comme autre trouble moteur, des mouvements involontaires des

orteils qui coïncideraient avec les phénomènes douloureux et dont elle ne

précise pas nettement le mode. Crampes fréquentes.

Ce sont les douleurs qui la tourmentent surtout. Elles sont variées. C'est

tantôt une douleur continue avec des exacerbations dont les unes durent une

minute, les autres un seul instant; tantôt ce sont de simples élancements.

Elles siègent dans les membres inférieurs; elles seraient influencées de la

façon la plus nette par les variations atmosphériques; c'est ainsi qu'elles sont

plus pénibles l'hiver, par les temps humides, par la neige surtout; elles sont

aussi bien plus intenses la nuit que dans la journée. Le rachis est un peu

douloureux à la pression dans la région dorso-lombaire et surtout dans la

région sacrée. Il y aurait parfois des douleurs spontanées dans le dos, surtout,

dit la malade, quand elle reste trop longtemps assise.

L'exploration de la sensibilité donne les résultats suivants :

Le sol n'est pas senti pendant la marche. Au lit, la situation des jambes

est nettement perçue. Il existe de l'anesthésie à la piqûre dans les points

suivants : face postérieure des cuisses; moitié inférieure des faces externe et

antéro-externe des jambes; face dorsale du pied jusqu'au voisinage de son

bord interne; bord externe du pied et moitié externe de sa face plantaire. Ces

troubles sont symétriques. La sensibilité au contact,tla sensibilité au froid et

au chatouillement sont altérées dans les mêmes points que la sensibilité à la

piqûre.

Les troubles trophiques sont les suivants : atrophie sensiblement symé-

trique des deux membres inférieurs. Les jambes sont plus atrophiées que les

cuisses. Le triceps fémoral est bien conservé, le gros orteil de chaque pied est

déforme de la façon suivante : la première phalange est redressée; elle forme

DES SUITES ÉLOIGNÉES DES THAUMATISMES DE LA MOELLE. 27

avec le premier métacarpien un angle presque droit, ouvert en haut, et avec

la deuxième phalange un angle égal ouvert en bas.

Les ongles et les poils ne sont pas altérés ; la partie inférieure des deux

jambes et la face dorsale des pieds sont tachetées de petites macules rouges

irrégulièrement réparties. En divers points on trouve des lésions que la

malade attribue à l'action du froid et qu'elle dit être des engelures. (Il est à

noter qu'elle n'eut jamais d'engelures antérieurement à son accident.) Ces

lésions sont les suivantes : sur la face supérieure du gros orteil du pied droit,

la peau présente une légère tuméfaction, d'un rouge foncé, ressemblant en

effet il une engelure. Sur la face antéro-externe de la jambe droite, deux

taches d'un rouge violacé, régulièrement arrondies, à bords peu nets; l'une a

les dimensions d'une pièce de cinq francs ; l'autre, située en arrière de celle-

là, et confondue avec elle sur un point de son contour, est de la grandeur

d'une pièce de deux francs; chacune d'elles est le siège d'une desquamation

furfuracée; au centre de chacune est une petite ulcération recouverte d'une

croûte. En arrière du talon, du même côte, se trouve une phlyctène d'un

centimètre et demi de diamètre due, dit la malade, au frottement de cette

partie contre les draps. Une ulcération en voie de cicatrisation s'observe sur

la plante du pied gauche, au niveau de la tête du cinquième métatarsien. La

malade dit que ses pieds enflent pour peu qu'elle marche. Enfin, signalons ce

fait, qu'au moment de notre examen, il existait de la rougeur au niveau du

sacrum. Nous avons appris qu'une eschare s'était formée en. cet endroit, les

jours suivants.

Ainsi donc, paraplégie, anesthésie, douleurs, atrophie musculaire,

troubles trophiques des extrémités inférieures que la malade attribue

à l'action du froid (celui-ci n'ayant été probablement qu'une cause

surajoutée), eschare sacrée dont le décubitus dorsal observé à la

suite de l'accouchement a été sans doute la cause occasionnelle, tels

sont les phénomènes les plus saillants que nous avons notés à la suite

d'une fracture du sacrum.

On remarquera que l'anesthésie n'occupe aucune des régions

innervées par des branches du plexus lombaire, mais seulement des

points desservis par les nerfs grand et petit sciatiques.

Il est à noter également que l'atrophie musculaire s'est manifestée,

elle aussi, exclusivement dans le domaine du plexus sacré.

Dans les deux observations qu'il nous reste à transcrire, nous aurons

affaire à des plaies pénétrantes du canal rachidien. En somme, la cause

seule du traumatisme médullaire différera, les résultats de celui-ci

seront évidemment du même ordre que dans les faits déjà rapportés.

Notre ami, M. le docteur Gilles de la Tourette, chef de clinique des

maladies du système nerveux à la Salpêtrière, a bien voulu nous

montrer la malade dont il va être question, et nous en transmettre

-28 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

l'observation complète jusque-là inédite. Il en a l'ait récemment

l'objet d'une présentation à la Société de médecine légale. (Voy. Bull,

méd., 17 juin l8ss.>

OBs. VI. - Plaie par arme à feu. Paraplégie flasque puis spasmodique.

Subluxation consécutive de la hanche. Amélioration progressive.

Marie D..., dix ans, est entrée il la clinique des maladies du sytème ner-

veux, service de M. le professeur Charcot, salle Duchenne de Boulogne, le

Il mai 1888.

Pas d'antécédents héréditaires; un frère mort à six ans et demi d'une

méningite tuberculeuse. Elle aurail eu, vers l'âge de deux ans, des convul-

sions légères qui n'ont laissé aucune trace durable après elles.

Bien portante, se développant normalement, elle partait de chez elle le

Il, janvier 1884, pour aller jouer dans un terrain vague où se trouvait un

individu qui essayait un revolver, lorsqu'elle fut frappée d'une balle par

ricochet, à 3 centimètres en dehors et en avant de l'angle de l'omoplate

droite. Il existe encore en cet endroit une cicatrice blanchâtre ovoïde, longue

de 2 centimètres dans son plus grand diamètre, se dirigeant obliquement

de bas en haut et de dehors en dedans.

La plaie donna lieu immédiatement à un écoulement sanguin assez consi-

dérable, mais qui s'arrêta bientôt; au bout de quelques jours, elle était cica-

trisée. La mère 'qui nous donne ces renseignements dit que les investigations

les plus minutieuses ne permirent pas de constater un orifice de sortie.

Aussitôt frappée, l'enfant s'affaissa sur le sol, les jambes paralysées refu-

sant tout service.

On la transporta immédiatement il l'hôpital Trousseau, dans le service de

M. le professeur Lannelonguc, qui constata une paralysie flasque des

membres inférieurs avec insensibilité complète au froid, à la piqûre, etc.

Cette anesthésie remontait en ceinture et envahissait tout le tronc jusqu'au

niveau d'une ligne circulaire s'arrêtant en haut au niveau de la plaie

d'entrée de la balle.

Il est à noter qu'il ne se produisit, ni le premier jour, ni les jours suivants,

de phénomènes inflammatoires pleuro-pulmonaires ni à droite, ni à gauche

et que l'inspection actuelle de la poitrine ne révèle la présence d'aucuns

reliquats de cette nature.

Les phénomènes précédemment rapportés ne s'accompagnèrent pas de

douleurs, ni localement, ni dans un point plus ou moins éloigné. Avec la

paraplégie coexista immédiatement une rétention complète d'urine et des

matières fécales contre laquelle on lutta par le cathétérisme et des lavements

évacuateurs.

Au bout d'un mois. l'incontinence fit place à la rétention, el, en même

temps, peu à peu, de flasques les jambes devinrent raides.

De plus, quelques jours après l'accident, se développeront des eschares qui

évoluèrent jusqu'à la cicatrisation dans l'espace de trois mois et demi à quatre

DES SUITES ÉLOIGNÉES DES TRAUMATISMES DE LA MOELLE. 29

mois. L'examen actuel de la malade permet de préciser leur siège exact.

Il existe en effet de chaque côté du pli interfessier, à sa partie supérieure,

à gauche, une cicatrice blanche dirigée de bas en haut, longue verticalement L

de 5 centimètres, large transversalement de 3 centimètres. Au-dessus de

cette eschare, séparée par un intervalle de peau saine d'un centimètre,

une cicatrice arrondie, d'un centimètre; un peu en dehors, une cicatrice de la

largeur d'une lentille.

A droite et en haut du pli interfessier, une cicatrice irrégulière d'un centi-

mètre et demi de haut et d'un centimètre de large.

Un peu plus tard que les eschares que nous venons de décrire, il en

survint une autre qui se produisit dans les circonstances suivantes. Les

membres inférieurs, avons-nous dit, étaient devenus raides, spasmodiques ; -,

ils se placèrent en adduction forcée et il devint très difficile de les écarter

l'nn de l'autre. Bientôt la jambe droite se mit en demi-flexion, la cuisse

se portant en adduction et en légère rotation en dedans, de telle façon que

la face plantaire des orteils droits vint se mettre en contact direct avec la

face dorsale du pied gauche, et le condyle interne du fémur droit se

mettre en rapport avec la tubérosité interne du tibia gauche. Au niveau de

cette tubérosité, point exact de l'accolement forcé, il se produisit, postérieu-

rement aux autres, une eschare ovalaire mesurant un centimètre et demi

dans son plus grand diamètre. L'enfant reproduit très bien devant nous

aujourd'hui cette situation particulière des membres inférieurs. On peut

ainsi voir que, grâce à la demi-flexion du membre droit, les deux malléoles

internes se trouvaient sur le même plan horizontal, mais le condyle interne du

fémur droit était en rapport avec la tubérosité du tibia gauche, ce qui indique

que, dès cette époque, du deuxième au quatrième mois après le début de

l'accident, coïncidant avec la période la plus forte de l'état spasmodique des

muscles, il s'était produit un raccourcissement du membre dont nous allons

bientôt parler.

Au bout de quatre mois, Marie D... sortit de l'hôpital Trousseau; la sensi-

bilité commençait à reparaître; l'incontinence était moins complète; les

jambes restaient toujours raides, en adduction forcée.

Au bout d'un an, la sensibilité avait complètement reparu; de même, les

fonctions vésicales et rectales étaient devenues volontaires, les derniers

phénomènes d'incontinence ayant consisté dans l'émission involontaire de

l'urine, en rêvant, pendant la nuit. ,

Vers cette époque, Marie D... commença également à pouvoir écarter

volontairement les jambes l'une de l'autre, mais ce ne fut qu'au bout de

dix-huit mois environ qu'il lui fut possible de mettre pied à terre et de faire

quelques pas rendus plus difficiles par ce fait que la jambe gauche, qui était

toujours plus raide que la droite, était raccourcie et que le talon ne pouvait

loucher le sol que lorsque l'enfant inclinait le tronc à gauche et mettait la

jambe droite en demi-flexion.

Lentement, peu à peu, les phénomènes spasmodiques s'amendèrent, la

30 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTHIÈRE.

malade put s'asseoir et actuellement elle offre ce qui suit à notre examen.

État actuel. -Enfant de dix ans bien développée physiquement; muscu-

lature des membres inférieurs et supérieurs au-dessus de la moyenne, présen-

tant partout une réaction électrique normale ainsi qu'il résulte de l'examen

de M. Vigouroux. Intelligence vive ; bonne santé ordinaire ; pas de douleurs;

pas de troubles de la sensibilité; intégrité des fonctions vésicales et rectales.

Cicatrices laissées par la balle et les eschares telles que nous les avons

précédemment décrites. ,

Lorsqu'on examine l'enfant au lit dans le décubitus dorsal, on observe

qu'alors que la jambe droite est dans la rectitude, la jambe gaucheest légère-

ment fléchie et portée en adduction et rotation en dedans, les deux premiers

orteils gauches reposant sur la face dorsale du pied droit par leur face plantaire,

la malléole interne . gauche étant située 3 centimètres plus haut que la

malléole interne droite. L'épine iliaque antérieure et supérieure gauche est

également située un peu plus haut que l'épine iliaque droite.

La malade est endormie, le 4 juin, avec l'aide du docteur Tuffier, chirurgien

des hôpitaux, qui constate une subluxation en haut de la tête du fémur gauche.

Cette subluxation met obstacle à l'allongement du membre dont le raccourcis-

sement est réel. L'articulation est saine.

Si, avant de faire lever la malade on examine les réflexes rotuliens; on

constate que ceux-ci sont très exagérés des deux côtés, surtout à gauche, où

le redressement de la pointe du pied détermine la trépidation spinale qui

existe aussi très légère à droite. -

Lorsque Marie D... se tient debout appuyée sur ses béquilles, le pied

gauche ne vient en contact avec le sol que par le gros orteil, le pied étant en

équin direct. De plus, le membre inférieur gauche est porté en adduction et eu

rotation en dedans.

Si elle abandonne ses béquilles (pl. V) le pied gauche peut porter à plat

sur le sol, mais alorsle membre inférieur droit se met en demi-flexion, les

deux genoux s'arc-boulant l'un contre l'autre, la jambe droite rejetée en

dehors pour élargir la base de sustentation, et pour satisfaire à.la demi-flexion

nécessaire pour l'appui du pied gauche. - - - - , -

Vue du tlos(pl. VI), on constate une enselluro lombaire, une saillie globulaire

de la fessé gauche qui est plus élevée que la fesse droite et une disparition

du pli fessier à gauche...... '

Lorsque la malade veut marcher sans béquilles, le corps se porté "alterna-

tivement de droileà- gauche et de gauche à droite, les genoux frottent l'un

contre l'autre, passant ainsi alternativement l'un devant l'autre, et la jambe

gauche, qui est plus spasmodique que la droite, décrit un mouvement de

circumduction, en même temps que, pendant la première partie de ce mou-

vement la pointe du pied frotte sur le sol, faisant entendre un bruit de frot-

tement caractéristique.

Il n'existe aucune saillie anormale de la colonne vertébrale; les corps

vertébraux examinés et percutés un à un ne sont nulle part douloureux.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE T. 11, PL. V

CncHr A. LONDE

PHOTO"l,"PIE Berthaud

Plaie DE la MOELLE par Arme A FEU

I-CROS-t-R h BAB ? ¡ ? DtTEU"

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

T. 11, PL. VI

Cliché A. LONDE

PHOT09YP1 £ BERTHAVD

Plaie DE la MOELLE par Arme A FEU

LECROSNIER d BAB} 1* . ÉDITEUR !

DES SUITES ÉLOIGNÉES DES TRAUMATISMES DE LA MOELLE. 31

9 juin. - La mère de la malade nous dit que, depuis un mois, il s'est t

produit une amélioration sensible dans l'état de sa fille; celle-ci, tout en

boitanl et en prenant la position indiquée plus haut, peut faire seule quelques

pas; lesjambes sont moins raides et se laissent écarter facilement l'une de l'autre.

On voit en somme, chez cette dernière malade, les phénomènes

s'amender progressivement jusqu'à l'époque actuelle. Les troubles

recto-vésicaux, rétention d'urine et de matières, puis incontinence

d'urine, sont nuls aujourd'hui. La contracture, qui avait succédé à la

paraplégie flasque, persiste encore, mais elle est en voie de décrois-

sance. Cette diminution progressive dans l'intensité des troubles

nerveux se poursuivra peut-être jusqu'à leur complète disparition.

Serait-ce que la balle aurait causé par elle-même peu de dégâts dans

la moelle et aurait plutôt déterminé des lésions inflammatoires des

méninges, lésions susceptibles d'une plus facile régression que les

altérations dues aux plaies dunévraxe ?

M. Gilies de la Tourette faisait observer, quand il présenta cette

malade à la Société de médecine légale, qu'un médecin, appelé à for-

muler un pronostic à son sujet, eût été peut-être, en présence des

accidents nerveux si intenses des quatre premiers mois, porté à

assombrir ce pronostic plus qu'il n'était de droit. Il concluait qu'en

présence d'un traumatisme de la moelle, il convient de ne pas émettre

un avis prématuré.

A ce propos, M. Valude rappela un fait qu'il avait observé dans le

service de M. Verneuil et qui se rapprochait du précédent. Uu coup de

couteau pénétra dans le canal vertébral. Paraplégie flasque qui devint

spasmodique, eschares qui guérirent. Le malade quitta l'hôpital avec

de la paraplégie spasmodique.

Quoi qu'il en soit, chez la malade de M. Gilles de la Tourette, il s'est

développé, consécutivement à la contracture spasmodique des muscles

et à l'attitude vicieuse imposée à la cuisse gauche, une subluxation en

haut de la tête du fémur gauche. Cette lésion assombrit assurément le

pronostic, malgré l'espoir qu'on peut conserver de voir les phéno-

mènes nerveux guérir définitivement.

L'observation qui va suivre a trait, comme la précédente, à une bles-

sure par arme à feu.

OBs. VII. Blessure par arme à feu de la région de la nuque. Syndrome

de jSroM'K-SeMa'rd,/tëM<e : e droite. Congestion pulmonaire droite. Con-

tractures légères de la jambe droite. Amendement de tous les phénomènes

en un mois, sauf pour l'hémiplégie qui persiste, quoique diminuée. Réac-

tion de la pilucarpine.

R..., Pierre, âgé de dix-huit ans, brocanteur, entre le 24 novembre 1881, à

32 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

l'hôpital Cochin, salle Saint-Jacques, lit ne 29, dans le service de M. Théo-

phile Anger.

, Il a reçu le 20 novembre dans la région de la nuque, une charge de plomb

n° 8; le coup de fnsil avait été tiré à une distance de 8 à 10 pas. Perte de

connaissance qui persiste pendant une heure environ.

Le 24 novembre, c'est-à-dire qualre jours après, on constate ce qui suit :

La région de la nuque, à droite de la ligne médiane, est criblée de trous

de profondeur variable. Derrière l'oreille droite existe une large ecchymose

qui s'étend vcrs la région slerno-mastoïdiennc. De vasles épanchements san-

guins, profondément situés, occupent toute la région latérale du cou.

- Le malade n'a pas présenté un état de shok très prononcé. Céphalalgie.

Le facial est intact. Les pupilles sont égales.

Ce qui frappe surtout, c'est l'existence du syndrome de Brown-Séquard :

hémiplégie droite presque complète, sauf il la cuisse pour les mouvements

associés. Il faut noter que celte paralysie hémilatérale atteint aussi la moitié

du diaphragme, qui est, sinon complètement privée de mouvements actifs, du

moins notablement parésiée.

La jambe gauche présente une certaine diminution de la contractilité

volontaire. Réflexes exagérés à droite. Paralysie vésicale.

Le côté paralysé est le siège d'une hyperesthésie bien nette, quoique légère.

Anesthésie assez marquée du côté gauche.

Coeur normal.

On constate l'existence dans le poumon droit d'une congestion pulmonaire

tants. On trouve aussi quelques râles fins à gauche.

(Il est à noter que le malade, antérieurement à l'accident, n'avait jamais

toussé.)

La température s'est maintenue depuis l'accident aux environs de 38".

Hier soir, 39°,3.

25 novembre. -Matin, 39° 6; soir, 38° 9, même étal.

26 novembre. -Ce malin, 37° 8; ce soir, 38° 2, amélioration.

27 novembre. La température s'est maintenue aux environs de 38°.

Le souffle persisle au niveau du poumon droit, lequel présente en oulre

des râles sibilants et ronflants dans toute son étendue. A peine quelques râles

il gauche. Amélioration des signes fonctionnels.

1er décembre. - Même état au point de vue des phénomènes médullaires :

les réflexes au chatouillement restent exagérés du côté droit. Le phénomène

du genou est aboli. Râles sous-crépitanls et râles sonores dans les deux pou-

mons, surtout dans le droit.

2 décembre. - Le malade accuse de la douleur dans le membre inférieur

droit. La toux et l'oppression ont de nouveau acqnis une notable intensité. La

température s'est élevée hier soir à 39° 2. Ce malin, 37° i,.

Congestion intense du poumon droil; souffle, râles sous-crépitauls. Cra-

chats muco-purulents.

Le diaphragme n'est pas complètement paralysé, ainsi que le prouve la

persistance du bruit respiratoire, bien que les espaces intercostaux ne soient

pas soulevés.

4 décembre. - Température prise dans l'aisselle droite : 37° 5 ; dans l'ais-

selle gauche, 37° 3.

DES SUITES ÉLOIGNÉES DES TRAUMATISEES DE LA MOELLE. à

7 décembre. -Atrophie du membre inférieur droit. Du côté de la plaie,

bon état. Coloration ccchymotique de tout le cou et d'une partie de la poi-

trine.

10 décembre. Un peu de contracture de la jambe droite. La motilité

volontaire revient un peu dans ce membre; elle reste abolie dans le membre

supérieur. - La sensibilité tend à devenir égale des deux côtés.

Les signes de congestion pulmonaire persistent à droite.

27 décembre. Le malade quitte l'hôpital. Il subsiste une paralysie du

membre supérieur droit et de l'épaule correspondante; les muscles paralysés

réagissent bien sous l'influence de l'électricité galvanique. Le malade marche

assez facilement, il traîne légèrement la jambe droite. Les signes pulmo-

naires ont beaucoup diminué........ .

Des injections de pilocarpine, pratiquées de chaque côté du corps, ont donné

les résultats. suivants : , » 1 1 .

4 décembre. - On injecte de chaque côté du thorax 3 milligrammes de

pilocarpine; et, dans le segment inférieur du tronc, 2 milligrammes de chaque

côté. Au bout de deux minutes, sudation très abondante. -

La sudation locale met à se manifester : .

: il ' NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA S.1L1'$TRIUIIE.

le traumatisme ait créé la lésion médullaire par l'intermédiaire d'une

fracture du rachis, dans tous les cas, nous avons constaté, comme

conséquences éloignées des troubles nerveux d'abord observés, des

désordres durables, plus ou moins graves.

Nos cinq observations de fractures anciennes du rachis sont très

démonstratives, ce nous semble, à ce point de vue. Dans un de ces cas,

il est vrai, nous avons eu affaire à une fracture remontant seulement

à huit mois; mais dans les autres, cet accident datait de plusieurs

années. Or, dans tous, nous avons relevé des troubles persistants de

l'innervation. '

S'il est permis de fonder une induction sur un nombre de faits aussi

restreint, nous pouvons tirer de nos cinq observations les conclusions

suivantes :

Les fractures de la colonne vertébrale entraînent après elles, outre

les troubles nerveux qui les suivent immédiatement, des désordres per-

sistants de l'innervation sensitive, motrice, vaso-motrice ou trophique.

Ces désordres, variables suivant les cas, sont les suivants :

Troubles de la sensibilité. - Les membres atteints sont souvent le

siège de douleurs très variables comme mode et comme intensité,

pouvant rappeler les douleurs fulgurantes de l'ataxie locomotrice

progressive.

Les crampes douloureuses sont fréquentes.

La sensibilité cutanée est souvent altérée. Dans un cas (observa-

tion I) l'anesthésie paraissait nettement limitée aux filets descendants

du fémoro-cutané droit (la fracture siégeait au niveau des douzième

vertèbre dorsale et première lombaire). Dans deux autres cas il

existait des zones étendues d'anesthésie. La délimitation scrupuleuse

des régions anesthésiées n'a pu être faite, le temps nous ayant manqué;

mais on peut remarquer que : 1° dans les deux cas, la répartition

était sensiblement symétrique. Tandis que la fracture ancienne du

sacrum avait entraîné une anesthésie qui ne débordait pas le domaine

des nerfs grand et petit sciatiques (branches du plexus sacré), la

fracture de la colonne dorsale avait déterminé en outre des troubles

sensitifs de la région antérieure de la cuisse, dont l'innervation ne

relève pas du plexus sacré : - .

Troubles de la motilité. - Dans tous les cas, il avait subsisté de la

paralysie musculaire, variable comme intensité et comme siège.

' Dans le cas le plus récent, datant de huit mois, nous avons observé

de la contracture, mais cette contracture était en voie de décroissance.

Elle avait déterminé des altitudes vicieuses des doigts.

Troubles vaso-moteurs. - Dans plusieurs cas, il y avait une ten-

DES SUITES ÉLOIGNÉES DES TRAUMATISEES DE LA MOELLE. 3.,

dance marquée à la vaso-dilatation des capillaires cutanés des extré-

mités inférieures (antérieurement atteintes par les troubles nerveux

.primitifs).

Troubles trophiques. - Ils n'ont manqué dans aucun cas.

Le plus souvent, il existait de l'atrophie musculaire, généralement

asymétrique. '

. Comme troubles trophiques cutanés, on trouvait : de l'épaississement

de la peau de l'une des cuisses, des lésions érythémateuses et ulcé-

ratives des extrémités. Dans une observation, oedème des extrémités

inférieures pendant la marche (observation V). Deux fois, nous avons

rencontré des lésions que les malades attribuaient à l'action du froid,

et qui paraissaient être en effet des gelures, mais celles-ci avaient sans

doute trouvé dans l'altération de la nutrition locale une cause prédis-

posante à leur développement. Une de ces gelures avait nécessité l'abla-

tion de la première phalange d'un gros orteil mortifié.

Enfin, signalons un arrêt de développement du pied chez un sujet

dont la croissance n'était pas terminée à l'époque de l'accident.

Les troubles génito-uriaaioes et les troubles de la défécation,

constants chez tous nos malades à la suite de la fracture, n'avaient-

persisté chez aucun d'eux.

Des lésions médullaires à marche ascendante se sont montrées chez

un de nos malades. Du moins c'est ce que semble démontrer la

marche des phénomènes : signes de lésion uni-latérale droite de Ja

moelle lombaire, développement de douleurs fulgurantes dans la

jambe droite, plus tard dans le membre supérieur du même côté, et

inégalité pupillaire intermittente.

Nous avons exposé, à propos de l'observation III, pourquoi nous

n'osons attribuer nettement à la fracture du rachis le développement

d'accidents épileptiformes présentés par un de nos malades.

Telle est l'énumération des phénomènes que nous avons observés.

Leur localisation était très variable suivant les cas. ·

Ils se manifestèrent dans les membres où avait retenti primiti-

vement la lésion médullaire, à savoir : les membres inférieurs dans

les quatre cas où la fracture occupait les régions dorsale, lombaire et

sacrée, les membres supérieurs plus que les inférieurs dans le cas

unique de fracture de la colonne cervicale.

Dans un des cas (observation I) la lésion était nettement unilatérale

et sa propagation ascendante fut également bornée à un seul côté, le

côté droit. Dans les autres observations, les lésions sont bilatérales,

mais toujours il y a prédominance de certains symptômes- : paralysie,

atrophie musculaire, troubles trophiques cutanés, surun côté du corps.

36 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA 6ALPÈTK1ÈRE.

En somme, l'existence constante, à la suite des fractures de la

colonne vertébrale, de troubles nerveux tardifs, entraîne pour ces

fractures, même après que la malade a échappé aux premiers acci-

dents, un pronostic assez sévère. Ils créent en effet pour le malade une

infirmité définitive, plus ou moins grave. Ce fait est des plus impor-

tants au point de vue médico-légal.

Jurlt (loc. cit.) avait déjà tiré, des documents qu'il avait réunis, des

conclusions analogues. Voici, en substance, comment il décrit l'évolu-

tion des accidents nerveux consécutifs aux fractures vertébrales.

- Dans les cas favorables comme dans les cas mortels les symptômes

nerveux qui suivent immédiatement et même pendant un certain temps

la fracture du rachis peuvent être identiques. Si la maladie évolue

vers la guérison, l'amendement des phénomènes se produit habituel-

lement dans l'ordre suivant. Les fonctions de la vessie et du rectum

se régularisent, l'eschare se modifie favorablement et peut se cicatri- '-

ser d'une façon complète. Les troubles de la sensibité et de la motricité

s'atténuent et se circonscrivent; ceux-là d'abord, ceux-ci plus tardive-

ment. Très souvent la disparition de la paralysie musculaire est an-

noncée par des secousses volontaires, très douloureuses, par des dou-

leurs soudaines semblables à celles que produiraient des décharges

électriques, enfin par l'apparition d'une hyperesthésie cutanée accom-

pagnée de fourmillements insupportables. Cette hyperesthésieest étroi-

tement liée au retour de l'excitabilité réflexe. Les fonctions sensitives

et motrices des membres inférieurs se rétablissent tantôt de bas en

haut en commençant par les orteils ; tantôt, surtout pour la sensibilité,en

sens inverse. Les membres supérieurs sont rarement pris sans que la

respiration soit gravement compromise et la mort inévitable, aussi ne

peut-on guère étudier sur eux l'évolution des symptômes. - Cepen-

dant quelques blessés ont survécu, parfois même avec des troubles paré-

tiques peu marqués, à des fractures de la colonne cervicale. Dans un de

ces cas on a vu apparaître l'épilepsie, et à la suite, la démence. Les trou-

bles nerveux peuvent rester prédominants dans un des deux membres.

Il ne faut pas considérer comme étant à l'abri de tout accident les

sujets même complètement guéris en apparence, à plus forte raison

ceux qui le sont imparfaitement. Parfois il suffira d'un léger trauma-

tisme pour rompre le cal, amener une récidive de la fracture avec

déplacement considérable des fragments et accidents paralytiques

mortels (après treize ans de guérison apparente dans un cas). L'anes-

thésie qui persiste dans les membres peut s'étendre; la vessie se para-

lyse, un calcul vésical peut être la conséquence de la rétention plus ou

moins complète des urines. L'incontinence des matières fécales s'ob-

DES SUITES ÉLOIGNÉES DES TRAUMATISMES DE LA MOELLE. ' : 37

serve. Elle est moins fâcheuse encore que la constipation opiniâtre

dont souffrent certains sujets. La puissance génitale peut renaître en

même temps que disparaître la paralysie. L'atrophie des membres in-

férieurs est fréquente. »

Les désordres nerveux nous ont surtout préoccupés. Indépen-

damment de ces troubles, il existe, par le fait même de la lésion

osseuse et de la déformation qu'elle a constituée, une certaine gêne

dans les mouvements du rachis, un léger endolorissement de- la

région, que la moindre fatigue provoque ou exagère; mais ces phéno-

mènes gênaient peu les malades que nous avons observés.

Resterait à savoir au point de vue pratique si ces accidents dépendent t

de la lésion médullaire primitive ou de la compression par le cal de

lafracture. Lecomplexus symptomatique qui accompagne ces fractures

au début et l'immobilisation prolongée dont elles sont l'objet rendent

bien difficile une conclusion. Il serait cependant, à l'avenir, très im-

portant de démêler ce qui est dû à l'un et à l'autre de ces deux pro-

cessus car une thérapeutique active par la trépanation serait indiquée

s'il s'agissait d'une compression.

Telles sont les conclusions qui ressortent de notre étude sur les

fractures du rachis. Ces conclusions s'appliquent également, pour

la plupart, aux lésions traumatiques de la moelle reconnaissant toute

autre cause, à celles, par exemple, qui résultent de plaies péné-

trantes du canal rachidien, comme dans les deux dernières obser-

vations de notre travail.

Toutefois il nous semble nécessaire de faire à ce sujet quelques ré-

. serves. Peut-on assimiler une lésion limitée à la moelle, lésion suscep-

tible d'une réparation souvent assez facile et assez complète, à une

lésion de la moelle produite au niveau d'une fracture vertébrale, cette

dernière déterminant, par le déplacement des os et par le développe-

ment du col, une déformation permanente du canal rachidien ? Il nous

semble (mais nos observations ne sont pas assez nombreuses pour nous

permettre d'y chercher une confirmation nette de cette idée) que la

fracture constitue un accident plus grave au point de vue de la perma-

nence des accidents nerveux.

Signalons, à propos de l'observation VI, ce fait intéressant d'une

subluxation de la hanche consécutive à la contracture qu'avait amenée

le traumatisme médullaire. Ainsi peuvent se constituer, par le fait des

troubles nerveux, des lésions permanentes du squelette, qui survi-

vraient aux troubles nerveux eux-mêmes, si ces derniers venaient à

disparaître entièrement.

TUFFIER, HALLION, .

Chirurgien des hôpitaux. Interne îles hôpitaux.

NOTE SUR L'ÉTAT DES FORCES

ET SUR LE TREMBLEMENT CHEZ LES ÉPILEPTIQUES

APRÈS LES ATTAQUES

Dans une note antérieure' j'ai montré par les chiffres indiqués par

le dynamomètre qu'il existe à la suite des accès d'épilepsie, chez un

grand nombre de malades du moins, un affaiblissement musculaire qui

prédomine du côté où les convulsions ont été le plus marquées. Cet

affaiblissement s'accompagne en général, ajoutais-je, d'un tremblement

qui prédomine aussi du même côté, et est souvent proportionnel à la

dépression des forces; ce tremblement s'étend à tous les muscles et est

capable de déterminer des troubles du langage. On en retrouve la

trace lorsque l'on écrit les mouvements du thorax2. La dépression de

la force dynamométrique peut être rendue plus sensible à l'aide du

dynamographe de Verdin, et le tremblement à l'aide d'un tambour à

1. Note sur l'état des forces chez les épileptiques (Bull. Soc. biol., 1888).

2. Note sur les phénomènes mécaniques de la respiration chez les épileptiques(Nour.

Icon. de la Salp., t. I, p. 170, 1888).

Flic. 5. - Courbe dynamographique de la main droite l'élat normal (le tracé se lit de droite à gauche).

. NOTE SUR L'ÉTAT DES FORCES. 3 ! )

réaction chargé de poids que l'on fait tenir à la main, le membre

supérieur étant étendu.

Les deux premières figures représentent les courbes dynamogra-

phiques d'un malade à une époque éloignée des accès; le malade est

gaucher. La courbé (fig. 5), se lisantde droite à gauche, qui représente

0 , D ., D

la pression de la main gauche indique une ascension à la fois plus

brusque et plus.élevée = 52 kil., tandis que la courbe de la main

droite (fig. 6) est moins élevée et un-peu hésitante= 48 kil. La figure 7

montre la stabilité des mains du sujet, l'avant-bras en demi-flexion,

aussi à l'état normal; la ligne supérieure fournie par la main droite

la plus faible, est plus tremblée que l'inférieure qui correspond à la

main gauche la plus forte.

Les figures 8 et 9 reproduisent les tracés dynamographiques du

même malade une demi-heure après un accès. On voit que l'affaiblis-

sement est plus marqué par la courbe moins élevée de la main droite,

FIG. 6. - Courbe dynamographique de la main gauche à l'état normal

(le tracé se lit de droite à gauche).

FIG. 7. -a. 1remb[emeul de la main droite à l'état normal; b. tremblement de la main gauche.

.10 . NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA 6.1L1'L'l'RILRE.

courbe à la fois moins brusquement ascendante et tremblée = 16 kit. -

La courbe delà main gauche = 28 kil., est plus brusque et plus élevée.

. La figure 10 reproduit le tremblement des deux mains une demi-

heure après un autre accès; on voit que les oscillations sont beaucoup

plus étendues que sur la figure 7 qui représente le tremblement z

l'état normal. Les oscillations de la main droite, la plus faible, sont

les plus étendues. On voit sur la même figure 10 la courbe thoracique

qui est aussi saccadée, principalement pendant l'expiration, comme

nous l'avons ui précédemment'. 1. - -

Il n'était pas sans intérêt d'objectiver les rapports qui existent entre

1. Les modifications de la force musculaire et le tremblement consécutif aux attaques

déterminent chez les épilepliques des modifications de l'écriture portant surtout sur les

dimensions des caractères qui sont généralement moins- considérables dans les périodes

d'épuisement; mais la formede chaquelettre n'est pas modifiée. C'est du reste une remarque

que l'on peut appliquée à tous les aliénés et aux hypnotiques pendant leur changement de

personnalité, les dimensions et l'allure générale peuvent être profondément altérées; mais

si on considère chaque lettre en particulier on peut aisément reconnaît ! sa forme dans

les, différentes écritures du même individu dans ses divers états : 'les fioritures, les traits ter-

minaux, etc., sont plus ou moins atténués ou exagérés dans tel état de dépression ou d'excita-

tion, mais ils persistent pour aflirmer, malgré les apparences; l'identité du sujet. C'est un

fait assez important au point de vue médico-légal. '

L Fin. 8. Courbe dynamogrnphiquc de la main droite une demi-heure après un accès.

lIe Iracé se iii de droile : , g : l1lche).

1

Fig 9. - Courbe démographique de la main gauche une demi-heure après un accès

(le trace se lit de dioite a gauche).

NOTE SUR L'ETAT DES FORCES.

l'intensité des tremblements et l'affaiblissement des mouvements vo-

lontaires. Cette connexité vient en effet à l'appui de la théorie qui fait

de ces deux phénomènes les indices de l'épuisement des centres mo-

teurs. Lorsque les décharges des cellules motrices s'éloignent et s'af-

faiblissent, les contractions musculaires qui en résultent s'affaiblissent

et s'éloignentaussi, de sorte que, en même temps qu'elle devient moins

énergique, la tension des muscles au lieu d'être continue devient ré-

mittente ; plus les intervalles des décharges se 'prolongent et s'affai-

blissent, plus les mouvements volontaires sont faibles.

Chez plusieurs épileptiques atteints d'hémiplégie avec hémichorée,

j'ai étudié les mouvements anormaux comparativement à l'état normal

et à la suite des attaques, àl'aided'un tambour myographique appliqué

sur les muscles des membres supérieurs et en particulier sur le biceps.

La figure 11 a donne un tracé de ce genre à l'état normal, la figure 12

donne deux tracés du même muscle chez le même malade deux et trois

heures après une attaque d'épilepsie; on voit qu'il reste encore après

trois heures une exagération des mouvements qui est beaucoup plus

forte à une époque plus rapprochée du paroxysme. Cette exagération

Fic. 10 - a. tremblement de la main droite; b. tremblement de la main gauche; i

c. courbe pneumographique une demi-heure après un accès.

12 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTtUËRE.

des mouvements choréiques peut être exagérée dans d'autres circon-

stances. C'est ainsi que dix minutes après le choc du tendon du triceps

(ng. 11, b) les mouvements sont encore exagères en intensité et en

fréquence. Cette observation met bien en lumière la possibilité de

mettre en évidence par les irritations périphériques les tendances spas-

modiques latentes et en particulier la contracture latente'. Ce ne sont

1. Ch. Féré, Note sur un cas d'hémiplégie avec paraplégie spasmodique (ilrch, de neu-

rologie, 1882).

Fin. 11. - Courbe myographiquo du biceps gaucho chez G. atteint d'hémiathatose gauche.

a. à l'état normal ; b. dix minutes après un choc sur le tendon du triceps.

Fig. 12. - Courbe myographique du biceps gauche, a. deux heures

et b. trois heures après un accès d'épilepsie chez G..., atteint d'hémiathétose gaucho.

' , NOTE SUIt L'ÉTAT DES FORCE ? -13 111

pas seulement d'ailleurs les irritations portées sur les membres du côté

choréique qui sont capables d'exciter les mouvements anormaux; les

efforts même peu violents faits avec les membres du côté opposé

peuvent produire le même résultat. J'ai déjà cilé un malade qui, sous '

l'influence d'un effort léger de la main droite, est pris de tremblement

dans son côté gauche hémiplégique, tremblement bientôt suivi d'une

attaque épileptique avec perte de connaissance si l'effort continue.

1 ic. 13. - Courbes myographiques chez un sujet hémichoréique.

a. à l'état normal; b. sous l'influence d'une excitation auditive. '

t Fig. 14. - Courbe pneumographiquo et courbe myographique du biceps brachial gauche

chez B... atteint d'hémiathétose gauche. -

44 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

Chez d'autres malades du même genre, il suffit d'une excitation senso-

rielle pour produire le même résultat; Bravais' a rapporté l'histoire

d'un malade qui était pris d'un accès d'épilepsie hémiplégique sous

l'influence d'une excitation visuelle. Il n'est pas rare de voir des ma-

lades prendre des accès à propos d'un examen ophtalmoscopique,

de l'examen de l'acuité visuelle, de la vision chromatique, etc. D'autres

malades ont des accès chaque fois que leur attention est fortement

fixée par une excitation quelconque. La figure 13 donne la courbe

myographique d'un hémichoréique à l'état normal (a), et (b) sous l'in-

fluence d'une excitation auditive produite par la vibration d'un dia-

pason. Chez ce dernier malade comme chez le premier, et comme

chez celui de Bravais, si l'excitation esl prolongée, il se produit un

accès d'épilepsie, à moins toutefois que le' malade n'ait été déchargé

par un accès récente.

Je ferai encore remarquer que les mouvements hémichoréiques spon-

tanés ou provoqués ne sont pas exclusivement limités aux membres,

en général ils s'étendent au thorax, et se traduisent par des saccades

de l'expiration (fig. 1).

. Cii. FEUE,

Médecin de Bicêtre.

1. Bravais, Recherches sur les symptômes et le traitement de l'épilepsie hémiplégique.

Th. je7, p. 19.

2. Ces faits méritent d'être rapprochés de ceux que j'ai signalés ailleurs (Bull. Soc. biol.,

1885, p. 590; - Sensation et mouvement, Bibliothèque de philosophie contemporaine,

1887, p. 70; - Bull. Soc. biol., 1888, p. 15) et relatif aux effets généraux des excitations

locales.

L'ACROMÉGALIE

(Suite 1)

uns. XII. « mye C.; âgée de quarante-deux ans, femme forte et bien

bâtie, s'adresse à moi, au Boston City Hospital, le 27 juin 1884, à cause de la

diminution de sa vision. Elle était dans d'assez bonnes conditions, et depuis-

la rougeole,quand elle avait quatorze ans, elle n'avait jamais été malade. Elle

1. Voy. les n" 5 et 6, t. I, 1888. -

2. 0. F. lVadswortl. case ontj/tEoeaems witla atrophy of'tlae optic nerues - Boston

medical and surgical Journal, 1° janvier 1885. (L'indication de l'existence de cette

observation et d'un rapport possible entre elle et l'acromégalie se trouve dans la commu-

nication de MM. Haddcn et Ball,lIlce à la Société clinique de Londres, 1888.)

FIG. 15 (Obs. XII).

16 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

avait été mariée douze ou quinze ans, mais n'availpas eu d'enfants. Ses mens-

trues avaient été régulières jusqu'à il y a trois ans. époque à laquelle elles

cessèrent. - Il y a environ sept ans, ses doigts et ses mains, deux ou trois ans

plus tard ses pieds et la partie inférieure de son visage, lèvres, nez et pau-

pières commencèrent à augmenter de taille. Cette augmentation s'accrut

progressivement, etdepuis longtemps elle était obligée de faire faire ses souliers

tout exprès, étant incapable d'en trouver d'assez larges. Sa parole devint un

peu épaisse el lente, ses mouvements plus lents qu'auparavant. Excepté des

sensations transitoires d'engourdissement dans les parties affectées et de

brûlure dans les pieds et les jambes, elle n'avait rien éprouvé de vraiment

pénible. Récemment, cependant, elle avait ressenti une légère»dyspnée après

un exercice actif. La diminution de la vision ne fut remarquée qu'il y a un

an el demi environ, et avait constamment progressé. Une enquête soigneuse

près d'elle et près de son mari ne permit de retrouver l'existence d'aucune

douleur. Elle n'avait jamais eu de céphalalgie. Il n'y avait aucune diminu-

tion de l'intelligence ni de la mémoire. L'appétit était bon, les fonctions in-

testinales un peu paresseuses, la miction normale, le sommeil lourd.

« La partie inférieure de la face était pleine, pesante, d'une teinte cireuse,

les plis naturels avaient disparu (fig. 15, 16, 17, 18). Les lèvres étaient

grosses, le nez grand, ses ailes larges et épaisses, les paupières gonflées en

sacs. - Les mains et les doigts étaient grossiers et carrés, l'épaississement

étant surtout prononcé à la face palmaire où les tissus pouvaient être pincés

en plis épais, et donnant la sensation d'un développement excessif du tissu

adipeux sous-cutané. Les pieds étaient très gros et très larges, le gonflement

(swelling) ne s'étendait pas au-dessus des malléoles, et quoiqu'il y eût à la

jambe droite de grosses veines variqueuses, il n'y avait de dépression oedéma-

teuse (pitting) ni la ni ailleurs. La langue était grosse et plutôt pâle. La peau

n'était pas sèche au toucher, mais la malade affirmait qu'elle ne transpirait

jamais. La thyroïde était d'un volume normal. L'auscultation ne révélait rien

d'anormal au coeur ni aux poumons. La température et le pouls étaient nor-

maux. Le réflexe rotulien existait. Pas d'anesthésie de la peau. Urine nor-

male il tous les points de vue.

« L'examen des yeux montra que la conjonctive, la cornée et l'iris étaient

dans un état normal. Les mouvements des yeux étaient bons. A droite la

lumière seule était perçue. A gauche la vision était de 20 : 40 (P. contracled

in aU directions, but Io much greater degree upward and ou6wa°d). Les

milieux étaient transparents. Dans les deuxyenx les papilles étaient nettement

limitées, grises avec une légère teinte bleuâtre, sans vascularisation; les

vaisseaux centraux, artères et veines, étaient grêles, il tout autre égard le fond

de l'oeil était normal. » J

OBs. XIIII. - Femme mariée de trente-cinq ans. Elle avait cutroisenf'ants

1. Charles A. Rallance et W. B. lladden. Cas d'hypertrophie des tissus sous-cutanés de

la face, des mains et des pieds. - Communiqué à la Société clinique de Londres le

23 janvier 1885. Clinical Societg's Transactions, vol. XVtlt. -Voir aussi ClinicaiSociely's

'L'ACRO111 : GA1.11's. 47

en dix ans, pas de fausses couches. Rien il noter au point de vue delà famille.

Jusqu'à ces dernières deux années et demie elle n'avait jamais été malade. A

celte époque la scarlatine éclata dans la maison, un de ses enfants en mourut.

La malade elle-même eut mal à la gorge et de l'oedème des pieds, mais pas

d'éruption. Elle affirme qu'il exista aussi à cette époque de l'oedème des

mains, mais non de la face, ce fait n'est d'ailleurs pas signalé dans une lettre

du médecin traitant qui la vit à cette époque; a la suite de la scarlatine elle

eut un gonflement douloureux des deux genoux, il semble bien s'être agi

d'une attaque de rhumatisme. - Celte femme attribue son état actuel à la

fièvre scarlatine, bien qu'elle reconnaisse qu'elle avait des picotements dans

les mains auparavant.

Les règles cessèrent quelques mois avant la scarlatine et ne reparurent

plus depuis.

Lors de l'examen on constate que la face est large et bouffie et diffère

d'une façon frappante d'une photographie faite quelques mois avant la scar-

latine. Le nez est large et les ailes épaissies. Les maxillaires supérieurs et

inférieurs sont augmentés de volume d'une façon uniforme. La lèvre infé-

rieure est épaisse, rosée et renversée. Les glandes sous-maxillaires étaient

aisément senties, mais non hypertrophiées d'une façon certaine. Le cou

était plein, court, et les tissus sous-cutanés semblaient y être trop abondants.

Les dimensions du corps thyroïde étaient normales; il y avait peu de proé-

minence au-dessus des clavicules. Les clavicules elles-mêmes étaient très

incurvées et distinctement plus larges et plus épaisses que normalement.

Les mains étaient remarquablement larges, leur augmentation de volume

étant due à un épaississement des tissus sous-cutanés qui était particulière-

ment évident au bord interne de la main. La peau était moite, il existait des

plis sur le dos des doigts. Les ongles étaient larges mais, d'ailleurs, parais-

saient sains. Les phalanges et lès métacarpiens n'étaient pas élargis.

La circonférence de chaque main faite à la région moyenne est de 9

pouces; autrefois la malade faisait usage de gants n° 7.

Les pieds étaient plus affectés que les mains; la circonférence il la partie

moyenne est de 12 pouces; avant la maladie cette femme portait des

souliers n° i large, puis elle prit du 6 large, et maintenant il lui faut du

8 large. Il y a un épaississement sous-cutané très marqué au bord externe du

pied, il la face plantaire et au dessous de la malléole interne, mais très peu

sur le dos du pied. Les parties épaissies forment des masses qui pourraient

aisément être prises entre le pouce et l'index. Les cheveux sont doux et

d'aspect naturel, ils n'ont pas de tendance à tomber. Le coeur et les poumons

o n été trouvés sains, l'urine non albumineuse.

La parole n'était pas lente, mais nettement gutturale, ce qui était attribué a

une hypertrophie inusitée des amygdales, celle-ci gênant la parole, la dégluti-

tion et la respiration. En fait, c'est pour cette affection que la malade demanda

Transactions, 1888, séance du 13 avril, une communication complémentaire de MM. Bal-

lance et Hadden au sujet de cette même malade. .

48 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.

les soins du D'Ballance qui enleva les amygdales. Celle femme jouissait d'une

assez grande activité physique el psychique. La peau du corps était natu-

relie ainsi que lasécrétiou de la sueur; pas d'aneslhésie.

- A la séance de la Société clinique de Londres, le 13 avril 1888,

MM. IIadden et Ballance complétèrent sur quelques autres points l'observation

de cette malade, ces nouveaux renseignements proviennent d'un examen de

cette femme fait dix-huit mois après le premier.

Le corps thyroïde ne peut être senti par la palpalion, mais on ne peut af-

firmer avec certitude qu'il soit atrophié, par suite delà difficulté qu'apporte à

cette exploration l'épaisseur du cou.

Il n'y avait pas de signe d'hypertrophie du thymus, notamment pas [de ma-

tité derrière la partie supérieure du sternum ; il existe un peu de gonflement

au-dessus des clavicules, ces os sont très incurvés cl distinctement plus

grands et plus épais que normalement.

Circonférence de la main au niveau des articulations métacarpo-pha-

Fia. tr., n, 18 (Ob.. XII).

L'ACROMÉGALIE. 49

langiennes : main droite 9 pouces ? main gauche 9 pouces i/2. Le médius

droit est long de 4 pouces Il ? le gauche de 4 pouces ils; en gros, on peut

dire que l'augmentation de circonférence de la main est de 2 pouces i/2 ; i

aucun affaiblissement de la force musculaire, la malade se sert de ses mains

aussi bien qu'auparavant.

Circonférence du pied droit à la racine des orteils, 10 pouces 1/2;

au niveau du milieu de la plante du pied 11 pouces ? - Les avant-

bras et les jambes ne montrent aucune augmentation de volume.

La parole n'est pas lente, mais très nettement gutturale. - La langue est

large, probablement hypertrophiée.

Nous avons récemment découvert que la malade est presque complète-

ment, aveugle de l'oeil droit. La date de la diminution de la vue est incertaine,

mais la malade croit que .sa vue a été trouble depuis qu'elle a eu ce qu'elle

appelait sa diphtérie, il y a trois ans. Quatre mois plus tard, elle découvrit t

qu'elle ne voyait presque .pas. 1

Il n'y a aucun commémoratif de mal de tête du côté droit. M. Nettleship

fit l'examen ophtalmoscopique et nota ce qui suit : « Il y a peu d'action di-

recte à la lumière de la pupille droite, mais l'action indirecte est bonne. Il y

aune atrophie blanc bleuâtre de la pupille droite, ses veines sont très tor-

tueuses, et il y a un peu de « tissu » au centre de celle-ci. Il existe une petite

tache de pigment sur la choroïde un peu au-dessus de la papille. Les artères

sont normales. Il n'y a pas d'autres apparences de névrite. La pupille op-

tique gauche est normale. »,-111. Nettleship était de l'opinion qu'il y avait

probablement eu de la névrite du .nerf optique droit.

L'intelligence était bonne. , ,

. Pas de sudation excessive, ni de soif exagérée.

Pas de courbure du rachis, la tête ne tombe pas sur le sternum.

Le crâne n'avait pas subi de modification. dans ses dimensions; la malade

n'a, notamment, jamais été obligée de modifier la largeur de ses bonnets.

OBs. Xi. Musicien russe, âgé de trente-huit ans, pas d'antécédents

héréditaires; marié à l'âge de vingt ans, a eu huit enfants qui sont bien déve-

loppés quoique un peu faibles. , , .

En 1877, à l'âge de vingt-huit ans, il sembla au malade que ses doigts com-

mençaient à devenir plus épais; il fut forcé de quitter une bague qu'il avait

l'habitude de porter, parce que cele-ci lui était devenue trop étroite. Il n'y

fit d'ailleurs pas plus attention. Une couple d'années plus tard, douleurs de

tête continues. Bientôt il remarqua que ses pieds commençaient à devenir plus

gros. Ses bottes devinrent trop étroites, et, au lieu du n°9, il arrive à chausser

des caoutchoucs n° 10, 11 et enfin 12. Les mains augmentèrent aussi d'épais-

seur de plus en plus, de telle sorte que le malade ne put bientôt plus jouer

du violon, étant dans l'impossibilité de donner des notes pures. Il commença

1. O. Minkowski, Ueber einen 1%all von Akromegalie (Berlin, klin. Wochensclar., 1887,

u· 21 ).

u. i-

50 NOUVELLE IGONOGRAP111E.DE LA SALPÊTRIÈRE.

à jouer du cornet à pistons et se vit bientôt forcé d'employer une embouchure

plus grande, parce que les lèvres étaient, elles aussi, devenues plus épaisses. De

même, au nez et aux oreilles, il constata dans les derniers temps un épaissis-

sement notable, la forme générale du visage aurait changé dans les dernières

années. Aggravation des douleurs de tête qui, bien que continues, présentent

des paroxysmes très violents dans la moitié gauche de la tête. Dans l'été de

188G, diminution de la vue, d'abord dans

l'oeil gauche, puis dans le droit; cette dimi-

nution devint telle qu'en jouant le malade

ne pouvait plus lire les notes. L'ouïe semble

aussi être diminuée dans l'oreille gauche.

(État actuel) 1er novembre 1886 (fig. 19).

- Le malade est de moyenne grandeur

(104 centimètres), paraît anémique, se trouve

dans un état de nutrition satisfaisant. Dès le

premier coup d'oeil, on est surpris par la gros-

seur extraordinaire des mains. Celles-ci pa-

raissent absolument élargies et épaissies, un

peu courtes par rapport à leur épaisseur et

à leur largeur. Les doigts sont également

énormément épaissis. L'augmentation de vo-

lume est manifestement due en partie à un

épaississement des os, mais l'hypertrophie

des parties molles joue encore un plus

grand rôle, de sorte que les saillies normales

au niveau des extrémités articulaires sont

peu marquées. Le tissu cellulaire sous-cutané,

de même que la peau, est dans toute sa pro-

fondeur hypertrophié, mais semble d'ail-

leurs, à part cela, présenter un aspect nor-

mal, sauf que les plis de la peau et les bulbes

pileux semblent s'être un peu écartés les

uns des autres. L'épiderme est complète-

ment normal et tendre, les ongles sont

élargis, un peu aplatis, et montrent une

striation longitudinale nette ; en comparai-

son avec les doigts ils paraissent un peu

petits.

Les avant-bras paraissent aussi un peu épaissis, quoique a une lapon moins

marquée que les mains; en tout cas il semble exister un certain désaccord

entre eux et les bras dont les dimensions laissent un peu à désirer. L'extré-

mité supérieure toute entière offre l'image d'une hypertrophie allant en aug-

mentant de la racine vers la périphérie.

Aux extrémités inférieures, il en est de même que pour les supérieures. Ici

Fir. 19 (Obs. XIV).

L'ACROMÉGALIE. 51

encore existe d'une façon non douteuse une hypertrophie qui est plus pro-

noncée dans les parties périphériques. Les cuisses paraissent tout à fait nor-

males ; les jambes présentent une augmentation de volume modérée; quant

à celle du pied elle est énorme, et ici encore ce sont les parties les plus péri-

phériques, les orteils et le talon, qui mbntrent la plus grande augmentation de

volume; les gros orteils ont vraiment un aspect presque gigantesque. La

rotule semble aussi un peu grosse et massive, comme du reste toutl e genou

qui est assez volumineux.

Aussi au visage on remarque une hypertrophie notable, surtout accentuée

au nez, aux lèvres et au menton. Aunez, en particulier, la pointe et le septum

sont très augmentés de volume comme le montre la figure 20. Le maxillaire

inférieur, surtout au niveau du menton, est manifestement épaissi, un peu

élargi et considérablement allongé, de sorte que les dents du maxillaire in-

férieur se trouvent placées un peu en avant de celles du maxillaire supérieur;

les parties molles également sont épaissies au niveau du menton qui proé-

mine' fortement. Les os zygomatiques et les rebords orbitaires du frontal

sont aussi assez fortement proéminents. La tête toute entière a une forme

particulière d'ovale allongé qui répond entièrement à celle que P. Marie donne

comme caractéristique de l'acromégalie. Les oreilles, elles aussi, sont remar-

quablement grosses et difformes, on sent très nettement que les cartilages

sont d'une épaisseur et d'une résistance anormales, et on n'arrive pas à plier

complètement en avant le pavillon de l'oreille.

Les yeux font une saillie assez singulière, à gauche surtout semble exister

une véritable exophtalmie, cependant la fente palpétrale n'est pas dilatée,

les cartilages tarses semblent un peu élargis. Les pupilles sont des deux côtés

également étroites, réagissent également à la lumière et à la convergence mais

d'une façon un peu paresseuse; les mouvements des yeux se font aisément.

. La langue est grosse et massive, la muqueuse des joues et du palais par-

tout hypertrophiée.

Les cartilages du larynx paraissent peut-être un peu volumineux, surtout

FIG. 20 (Obs. XIV). Nez du malade vu par en bas.

M 12 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

à l'image laryngoscopique, mais sans qu'on puisse constater une véritable

hypertrophie.

Le corps thyroïde semble nettement atrophique, c'est à peine si par la pal-

pation on arrive à le sentir.

La colonne vertébrale présente dans la partie supérieure de la région dor-

sale une cyphose plane; la tête est fortement courbée en avant, les parties

molles de la nuque un peu épaissies. Les côtes ne semblent pas être élargies,

les espaces intercostaux peuvent être nettement sentis; le sternum lui non

plus n'est pas hypertrophié, seul, l'appendice xiphoïde est notablement

élargi et épaissi. '- .

La musculature est, dans le corps entier, assez pauvrement développée et

' un peu molle. Il n'existe aucune manifestation paralytique, mais la force dont

dispose le malade est en général assez faible. Pression de la main au dynamo-

mètre gauche, 20 k. ; droite 23 k. La démarche est un peu lourde, surtout

semble-t-il parce que la pointe du pied a une tendance à tomber un peu en

bas. Rien de particulier à remarquer aux jointures.

La sensibilité est partout normale, de même que les réflexes cutanés et ten-

dineux. Il n'existe pas de troubles de l'urine ou de la miction.

L'examen minutieux de la vision donne une diminution assez considérable

de l'acuité visuelle, surtout pour l'oeil gauche (les doigts ne sont reconnus

que lorsque l'éloignement ne dépasse pas 5c.1. Le champ visuel est pour l'oeil

droit rétréci de tous les côtés ; il existe de plus une abolition totale pour le

segment supéro-externe; pour l'oeil droit également, abolition complète de

la vision dans le segment supéro-externe allant jusqu'à 15° du point de fixa-

tion. Le champ visuel pour les couleurs n'a pas été recherché d'une façon

spéciale; le malade reconnaissait le vert des deux yeux et centralement.

L'examen ophtalmoscopique donne des résultats normaux sans. aucune dif-

férence entre l'oeil droit et le gauche.

L'acuité auditive est aussi plus atteinte il gauche qu'à droite. Le malade

entend, le tic-tac, d'une montre à droite à une distance de 20 centimètres,

à gauche seulement aune distance de 5 centimètres. Le goût et l'odorat

sont normaux.

L'examen des organes internes ne donne rien d'anormal ; l'urine présente

une composition et une abondance ordinaires. Pas d'augmentation de la

sensation de la soif. '

L'intelligence du malade est libre; la parole est lente, un peu monotone,

mais ne présente aucune anomalie.

Le malade est d'une humeur un peu triste, ce qui s'explique d'ailleurs par

la céphalalgie persistante, par la diminution progressive des sens de la vue et

de l'audition, ainsi que par le trouble que tout cela a apporté à l'exercice de

sa profession. ' '

OBs. XV ? Femme de cinquante-huit ans; pas d'antécédents héréditaires;

1. W. Erh, Ueber Alcromegalie (krankha[ten lüescuwuchs). - Deutsche Arch. f. hlin

Med., 1888, L. XLII, fuse..1, p. 29G.

L'ACROMÉGALIE. M

aucune affection analogue non plus chez ses enfants ou chez ses collatéraux.

Début à l'âge de quarante-huit ans. - De quarante à quarante-huit ans

fréquentes attaques de migraine.

Avec l'apparition de la ménopause à l'âge de quarante-huit ans se montre

l'augmentation de volume du visage et des mains, et presque en même

temps aussi des pieds et du tronc. En trois à six mois cette augmentation

atteignit un haut degré, puis, pendant les trois ou quatre années suivantes, ses

progrès furent lents; depuis les six dernières années l'augmentation de vo-

lume s'est arrêtée, et même, depuis un an, la lèvre inférieure auraitperdu un

peu en grandeur et en épaisseur.

L'augmentation de volume s'accompagna de fourmillements et d'engour-

dissement.

Accroissement et projection en avant du maxillaire inférieur, de sorte que

les dents ne pouvaient plus s'appliquer l'une sur l'autre. La langue devint

plus épaisse, la voix prit un timbre plus bas; le visage devint plus brun, la

tète toujours plus grosse.

Les mains et les pieds se montrèrent bleuis, froids, épais et sans formes,

les ongles plus larges, mais moins longs que normalement; maladresse des

mains.

Depuis quatre ans, disparition des douleurs dans les bras et les jambes.

Dès le début de la maladie, faiblesse générale, somnolence, tendance à

oublier, difficulté pour penser, céphalalgie de quatre à huit heures du matin-

La vision n'est pas bonne, un peu nuageuse.

Grande impressionnabilité au froid, sécrétion sudorale abondante.

Pas de traumatisme antérieur, rien qui indique l'existence de la

syphilis.

État actuel. - Taille 152 centimètres; poids 87,3 kilogrammes.

Parole un peu lente. Les fonctions cérébrales ne sont pas sensiblement

Iroublées.

La tête est épaisse, le visage grand et large, mais sa forme générale est

plutôt ovale. Le nez très large et puissant. La lèvre inférieure très épaisse,

un peu pendante. La peau du visage est épaissie et montre une coloration

d'un brun jaunâtre. Sillons profonds sur le front, paupières plus volumi-

neuses que d'habitude. Pas de développement notable du tissu conjonctif

sous-cutané. Aucune trace d'oe,dème. Peau souple. Oreilles normales comme

dimensions et coloration (fig. 21).

Cheveux et sourcils bien développés.

La région malaire fait une saillie notable; les os malaires sont devenus

plus massifs et plus longs. Pas d'altération bien marquée au maxillaire supé-

rieur ; la plupart des dents manquent, les processus alvéolaires sont

atrophiés.

Le maxillaire inférieur est allongé et épaissi considérablement surtout dans

les deux tiers inférieurs. La rangée des dents de ce maxillaire est à en-

viron un centimètre en avant de celle du maxillaire supérieur.

54 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

Largeur du nez à l'entrée des narines, 5 centimètres. Langue très volumi-

neuse, faisant saillir le plancher buccal quand la bouche est fermée; largeur

4 centimètres près de la pointe, 7 centimètres 11 la partie moyenne, la langue

étant tirée. '

Le palais et la luette paraissent manifestement volumineux, cette dernière

1"1(;. 21 (01 ? XV).

L'ACROMÉGALIE. 55

est au moins le double de largeur de ce qu'elle est à l'état sain. Amygdales

larges, crevassées.

Larynx assez large. Le corps thyroïde semble manquer complètement.

Epaississement et élargissement très marqués de l'extrémité interne des

clavicules; la partie sternale des côtes estaussi notablement élargie.

La nuque et le dos sont très larges, ce dernier est cyphotique dans la région

dorsale. '

Thorax grand, large, rigide. Circonférence 100 centimètres environ; ma-

melles flasques et pendantes.

L'acromion est peut-être un peu épaissi, l'humérus ne semblé l'être en

aucun point. Les os de l'avant-bras sont élargis et épaissis surtout vers leur

extrémité périphérique. De même pour ceux de la main et des doigts. Les

parties molles sont, elles aussi, hypertrophiées; aux mains, c'est surtout le tissu

sous-cutané, aux avant-bras les muscles.

Les doigts sont très déformés, surtout au niveau des dernières phalanges,

principalement par suite de l'épaississement de la pulpe (diamètre de la

dernière phalange du pouce, 2 cent. 75 du médius, 2 cent. 25).

Les sillons entre la dernière et la moyenne phalange ont presque disparu.

Les ongles sont'tous striés en long, très courts (6 à 9 mm.) et très larges

(15 à 25 mm). '

La musculature de l'épaule et du bras est en bon état, au contraire les flé-

chisseurs et les extenseurs à l'avant-bras, muscles dont le volume est exa-

géré, paraissent plutôt affaiblis. - Dynamomètre à droite 12°; à gauche 11°

(au lieu de 30°-50° chiffre normal). '

Les petits muscles des mains exécutent tous les mouvements; quoiqu'un

peu faibles, ils sont assez volumineux.

Excitabilité mécanique des muscles normale, le réflexe tendineux du'triceps

existe. ' ,

Légers troubles de la sensibilité surtout au contact sur les avant-bras, les

mains, les dernières phalanges. ' . '

Suit une série de mensurations dont nous extrayons les suivantes :

5(i NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALIIÈTRIÈIIE.

L'ACROMÉGALIE.

Pas d'anomalies qui puissent être constatées sur le foie, la rate et les pou-

mons. Urine contenant une très faible quantité d'albumine, avec quelques-

cylindres hyalins et granuleux.

Grandes lèvres assez grandes, le col de l'utérus ne peut être atteint par

suite de l'épaisseur des parties molles des organes génitaux externes.

Température du corps complètement normale.

Rien à signaler du côté du système nerveux central, non plus que du côté

des organes des sens. Pour l'oeil S = 6/12, le cristallin est un peu scléreux,

quelques flocons dans la partie antérieure du corps vitré. Pas d'altérations

notables du fond de l'oeil, les vaisseaux rétiniens ne sont pas dilatés ; au-

cune affection rétinienne.

La recherche de la sensibilité farado-cutanée par la méthode de Erb donna

à la face, aux membres supérieurs et inférieurs des chiffres normaux, sauf

au niveau de quelques points sur la cuisse droite, où les plus forts courants

faradiques ne pouvaient provoquer aucune douleur, tandis que les sensations-

minima étaient produites avec l'écartement habituel des bobines.

Ici M. Erb donne un tableau des diverses réactions électriques. Le ré-

sumé des résultats obtenus est formulé par lui de la façon suivante : la

peau présentait une résistance électrique extraordinairement faible; d'autre-

part les intensités des courants minima nécessaires à l'excitation des nerfs et

des muscles étaient extraordinairement grandes : pour la Ka SZ dans les dif-

férents nerfs 4,5-6,0 MA, tandis que chez les hommes sains, vigoureux

d'âge moyen, la moyenne est de 0,5-2. - lI. Erb ne veut pas affirmer

qu'il s'agisse là de quelque chose de pathologique, étant donné l'âge de la

malade, l'épaisseur de la peau et celle de la couche adipeuse sous-cutanée,

mais croit, qu'en tout cas, le fait vaut la peine d'être signalé.

Pendant son séjour à la clinique, la malade eut deux accès de migraine

avec vomissements fréquents et abondants. Le traitement employé pendant

ce séjour, traitement d'essai, dit M. Erb, consista en galvanisation de la tête,

de la nuque et du grand sympathique, bains tièdes lactate, de fer, extrait

de quinquina.

Lorsque la malade sortit, elle paraissait notablement améliorée, elle se-

servait plus aisément de ses mains, et celles-ci étaient plus molles et sem-

blaient moins gigantesques.

En octobre 1887, M. Erb fit revenir cette malade pour rechercher s'il trou-

verait chez elle la matité de la région supérieure du sternum qu'il avait cons-

tatée chez les deux frères Hagner (observations publiées antérieurement par

Friedreich et dont il sera question plus loin dans ce travail). Voici quels furent

les résultats de sonexamen : la moitié supérieure du sternum et les parties du

thorax immédiatement contiguës à celle-ci sont à la percussion notablement

moins sonores ; larégion où l'on constate cette diminution de la sonorité a la

. l'orme d'un trapèze dont la base supérieure mesure environ 12 cent., la

base inférieure 8 cent., les bords latéraux 9 cent. La matité cardiaque

. par sa partie supérieure se confond avec la limite inférieure de la zone qui

58 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

vient d'ûtrc décrite ; elle dépasse à droite le bord droit du sternum. - A

l'auscultation, souffle systolique intense s'étendant de la partie moyenne de

la région occupée par la matité cardiaque jusque vers les clavicules. Les bat-

tements sont assez irréguliers, le pouls intermittent et largement tendu; on

ne constate pas d'artério-sclérose.

Une surveillance attentive des urines permit de fixer la quantité rendue

dans les vingt-quatre heures à environ 1300-2250 centimètres cubes. Poids

spécifique 1017-1023, très légères traces d'albumine, phosphates abondants.

Assez souvant gêne respiratoire, la malade a éprouvé une fois encore. des

douleurs de tète avec vomissements.

Au bout de dix à douze jours, les battements cardiaques s'étaient régula-

risés, le bruit de souffle systolique était devenu plus faible.

PIERRE Marie.

(A suivre.)

NOUVELLE ICONOGRAPHIE T II, PL. VII

CLICHÉ A. LONDE JlHOTOTYPIK BEWHAUD

LECROGNIER & BABÉ, ÉDITEURS

DOCUMENTS SATIRIQUES SUR MESMER

l I

, . Le voilà ce mortel dont le siècle s'honore

Par qui sont' replongés au séjour infernal ,

- Tous ces Iléaux vengeurs que déchaîna Pandore,

Dans son art bienfaisant il n',i point (le rival

Et la Grèce l'eût pris pour le Dieu d'Épidaure. -

. - , '

Qu'étaitle M. Pallissot qui signa des vers aussi dithyrambiques (pi.VII) ?

Nous n'en'savons'-rien : : - peut-être un malade guéri par Mesmer;

à coup sûr un enthousiaste de ses doctrines, car Mesmer avait des doc-

trines et lesquelles 1 ' 1

Traduisait-il l'opinion publique ? Dans la circonstance, oui et non,

et cela se comprend. ' , .

La science de Mesmer paraissait en effet si merveilleuse, les effets

qu'il obtenait si singuliers, que cet apôtre, ce rénovateur, cet exploiteur

du magnétisme, qu'on lui donne les noms qu'on voudra, il les mérite

un peu tous, devait fatalement soulever autour de lui et des enthou-

siasmes et des dénigrements peut-être systématiques.

Jamais homme en effet, de son temps même, ne fut plus discuté; et

véritablement, ce fut avec raison qu'on jeta la pierre à ce personnage

cupide qui, sous le fatras et l'obscurité de ses doctrines, cachait tous

les appétits d'un ambitieux sans vergogne. - "*

Une seule chose plaidera cependant pour lui devant la postérité :

c'est d'avoir inspiré, bien involontairement d'ailleurs, les recherches

' qui amenèrent Puységur à la découverte du somnambulisme artificiel.

Si donc Mesmer eut ses apologistes, les détracteurs ne lui firent pas

défaut et, à une époque où on aiguisait si finement l'épigramme, il se

vit raillé de toutes parts; sur le théâtre on parodia ses séances, en même

temps que les caricaturistes ridiculisaient le fameux baquet et les

pratiques absurdes du médecin viennois.

Parmi ces allégories satiriques, il en est quelques-unes de fort inté-

ressantes ; de plus, notre mâître,M.le professeur Charcot, a bien voulu

60 ' NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

avec sa libéralité ordinaire, nous communiquer une aquarelle inédite

dont nous avons pu reconstituer l'histoire.

Nous avons pensé qu'à une époque où le magnétisme est l'objet de

tant de discussions - encore passionnées - il pourraitêtreintéressant

de faire, dans ce Recueil, une place à l'allégorie satirique si chère à nos

pères et qui, en somme, mère de la caricature d'aujourd'hui, n'était

pas inférieure à sa fille.

Mais pour qu'on pût interpréter avec nous les pièces que nous repro-

duisons, également, il nous a semblé nécessaire de dire quelques mots

'du séjour de Mesmer à Paris. "-

C'est en février 1778 que Mesmer, Allemand d'origine - on ne

s'étonnera plus de sa cupidité - se rendit dans la capitale pour se

consoler des déboires qu'il avait subis à Vienne d'où il avait été à peu

près expulsé après une aventure scandaleuse. Il était âgé de 45 ans, étant

né le 23 mai '1733 à Weill, près de Stein, sur le Rhin.

A vraiment dire ce n'était pas un inconnu qui arrivait, car Paris avait

eu l'écho des discussions qu'il avait soutenues contre les médecins de

Vienne où il avait publiéen 1766 sa fameuse Dissertation sur l'influence

des planètes sur le corps humain.

On trouvait, entre autres choses, dans cette mémorable brochure, les

fameuses propositions qui, certainement à cause de leur obscurité

même, servirent pendant si longtemps de catéchisme aux magnétiseurs,

propositions dont nous devons rapporter quelques-unes pour l'éclair-

cissement des documents que nous publions.

« 1° Il existe une influence mutuelle entre les corps célestes, la

terre et les corps animés.

« 10° La propriété du corps animal qui le rend susceptible de l'in-

fluence des corps célestes et de l'action réciproque de ceux qui l'en-

vironnent, manifestée par son analogie avec l'aimant, m'a déterminé à

le nommer magnétisme animal.

« 11° L'action et les vertus du magnétisme animal ainsi caractérisées

. peuvent être communiquées à d'autres corps animés ou inanimés.

« 15° On observe à l'expérience l'écoulement d'une matière dont la sub -

tilité pénètre tous les corps sans perdre notablement de son activité.

« 23° On reconnaîtra par ces faits, d'après les règles pratiques que

j'établirai, que ce principe peut guérir médiatement les maladies de

nerfs et immédiatement les autres.

« z4' Qu'avec son concours le médecin est éclairé sur l'usage des médi-

caments ; qu'il perfectionne leur action et qu'il provoque et dirige les

crises salutaires de façon à s'en rendre maître.

« ? 5° En communiquant ma méthode je démontrerai, par une théorie

DOCUMENTS SATIRIQUES SUR MESMER. 61

nouvelle des -maladies, l'utilité universelle du principe que je leur,

oppose. nez -

Mesmer inventait-il donc quelque chose, pour nous parler de sa'

méthode, de sa théorie nouvelle. En aucune façon ; il ravivait sim-

plement, à son bénéfice du reste, la doctrine de l'attraction universelle.

Comme le magnétisme de Mesmer, lavis naccgr7etica des vieux alchimistes

n'est que la force agissant à distance. Ces elle qui détermine l'influence

des corps célestes les uns sur les autres, leur action sur notre globe et

les influences réciproques de tous les corps célestes et terrestres. Mais

il n'était pas homme à s'èmbarrasser des travaux de ses devanciers .

dans ses revendications personnelles.

Le voici donc modestement installé place Vendôme, quartier qui

était loin alors de l'élégance architecturale et du renom aristocratique

qu'il possède aujourd'hui. Ses confrères de Paris le viennent aussitôt

visiter. Riant sous cape de la singularité et de l'obscurité de ce qu'il

appelle pompeusement ses doctrines, ils le mettent au pied du mur en

lui envoyant des malades à traiter, espérant ainsi le discréditerauxyeux

du public par les insuccès qu'il devait, suivant eux, infailliblement

remporter. Ce en quoi ils se trompèrent singulièremen 1. Le merveilleux,

sous toutes ses formes, jouit en effet d'une vertu fascinatricesans égale

et la génération présente avait été bercée par le récit des miracles

- opérés sur le tombeau du diacre Paris. La chambre des crises allait

devenir le rendez-vous des nouveaux convulsionnaires.

Aussi arriva-t-il, qu'après quelques cures heureuses, bien difficiles

d'ailleurs à apprécier, Mesmer se trouva tout à coup célèbre.

La Faculté se fâcha, et elle eut tort, car ses bonnes raisons ne pou-

vaient passer que pour des méchancetés jalouses vis-à-vis le public

d'hallucinés qui se pressait déjà autour du mystérieux baquet d'où s'é-

coulait la vie.

Phénomène singulier, le clergé lui-même - certains membres tout

au moins - apportait son appui au grand-prêtre de la place Vendôme

bientôt somptueusement installé dans le grand bâtiment qui porte

encore aujourd'hui le nom d'Hôtel Bnllion. Le père Gérard, procureur

général de l'ordre religieux de la Charité, lui amenait des malades et pro-

clamait les bienfaits de la nouvelle science ; en 1784, un moine augustin

fort éloquent, le P. Hervier descendra de la chaire, en pleine basilique

de Saint-André, à Bordeaux, pour magnétiser une jeune fille que sa

terrible peinture de la damnation n'avait pas peu contribué, d'ailleurs,

à jeter dans une crise d'hystérie convulsive. '

. La Faculté était toujours dissidente, niais l'un de ses docteurs-régents

Deslon, premier médecin du comte d'Artois, l'un des frères' du roi,

62 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

prenait ouvertement parti pour Mesmer et se rendait à l'hôtel Billion

exploiter avec lui les malades qui venaient réclamer un soulagement à

des maux souvent imaginaires.

Ce fut la belle période, celle des grosses recettes, celle où les

sociétés élégantes avaient leur'jour de « baquet » comme on avait

son jour à l'Opéra, celle où Mesmer entouré de nombreux élèves qui

payaient fort cher pour connaître une doctrine qu'il refusa toujours de

leurdivulgeret pour cause, -et ne pouvant suffire à tous les traite-

ments, magnétisait un arbre situé au haut de la rue de Bondy où les

malades, désireux de bénéficier du précieux fluide, s'attachaient par une

corde.

Mais les plus belles médailles ont leur revers. Mesmer, pour payer

d'audace, ayant sollicité près du roi l'examen de ses doctrines, il s'en

suivit un rapport extrêmement substantiel et des plus sages de Bailly

qui, sans nier, bien au contraire, les effets du magnétisme animal, s'ef-

forçait de mettre en lumière le danger des convulsions, des crises qui

formaient le fond du traitement.

« Ces convulsions, disaient en 1784 les commissaires du roi, sont

caractérisées par des mouvements précipités, involontaires de tous les

membres et du corps entier, par le resserrement à la gorge, par des

soubresauts des hypocondres et de l'épigastre, par le trouble et l'éga-

rement des yeux, par des cris perçants, des pleurs, des hoquets, et des

cris immodérés... Il y a une salle matelassée et destinée primitive-

ment aux malades tourmentés de ces convulsions, une salle nommée des

crises... » Quelle meilleure description pourrait-on donner aujourd'hui

de l'attaque d'hystérie ?

Aussi les commissaires rejetèrent-ils comme funeste la pratique du

magnétisme animal. Et ils allèrent plus loin encore, car, à ce rapport

destiné à être rendu public, ils en ajoutètrent un second qui resta long-

temps secret. Il avait spécialement trait aux dangers que couraient

les bonnes moeurs dans la maison du sieur Mesmer.

En effet, outre les émotions d'un genre spécial qu'éveillaient les

passes et les attouchements dans le coeur des femmes soumises au trai-

tement magnétique, il se passait des choses plus graves encore qui

amenèrent l'intervention de la justice.

« M. le lieutenant de police, disent-ils, a fait quelques questions à

cet égard à M. Deslon-l'acolyte de Mesmer, - il lui a dit : « Je vous,

demande, en qualité de lieutenant général de police, si, lorsqu'une

femme est magnétisée ou en crise, il ne serait pas facile d'en abuser. »

M. Deslon a répondu affirmativement, et il faut rendre justice à ce mé-

decin qu'il, a toujours insisté pour que ses confrères, voués à l'honnê-

DOCUMENTS SATIRIQUES SUR MESMER. 63'

teté par leur état, eussent seuls le droit et le privilège d'exercer le ma-

gnétisme. On peut dire encore que, quoiqu'il eût chez lui une chambre

primitivement destinée aux crises, il ne se permet pas d'en faire usage; -,

mais, malgré cette décence observée, le danger n'en subsiste pas moins

dès que le médecin peut, s'il le veut, abuser de sa malade. Les occa-

sions renaissent tous lesjours, àtoutmoment; il est exposé quelquefois

pendant deux ou trois heures. Qui peut répondre qu'il sera toujours

le maître de ne pas vouloir ? Et même, en lui supposant une vertu plus

qu'humaine, lorsqu'il a en tête des émotions qui établissent des besoins,

la loi impérieuse de la nature appellera quelqu'un à son refus; et il ré-

pond du mal qu'il n'aura pas commis mais qu'il aura fait commettre. »

Les commissaires étaient durs pour Mesmer qui, certainement, tenait

plus à l'argent qu'aux faveurs de ses clientes.

Quelques jours plus tard paraissait un autre rapport de la Société

royale de médecine qui concluait, comme le précédent, « que ces traite-

ments faits en public par les procédés du magnétisme animal joi-

gnent à tous les inconvénients indiqués ci-dessus, celui d'exposer un

grand nombre de personnes, bien constituées d'ailleurs, à contracter

une habitude spasmodique et convulsive qui peut devenirla source des

plus grands maux. »

En même temps, on faisait venir de Vienne une jeune pianiste avec

laquelle Mesmer avait eu une aventure plus que suspecte; qu'il préten-

dait avoir guérie d'une cécité ancienne et qui se trouva aveugle comme

devant.

Les satires commencèrent à pleuvoir dru et ferme, la Comédie ita-

lienne donna les Docteurs modernes où Mesmer était ridiculisé de la

belle manière.

Bien plus, ses élèves eux-mêmes, membres de la Société de l'Harmo-

nie qu'il avait fondée, se révoltèrent contre celui qui, sous le fallacieux

prétexte de les initier à de prétendus secrets, se contentait de leur

soutirer des sommes considérables.

Aussi, en 1785, conspué de toutes parts, Mesmer, qui emportait d'ail-

leurs, avec lui, une grosse fortune, fut-il obligé de quitter la France.

Après avoir voyagé quelque temps en Angleterre sous un nom supposé,

il se retira près du lac de Constance, à Mersburg où il mourut tout à

fait ignoré, le 15 mars 181 5, âgé de quatre-vingt et un ans.

II

Parmi les allégories satiriques qui ne contribuèrent pas peu à sa chute

il en est quelques-unes qui sont véritablement du plus haut intérêt.

64 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

La première que nous reproduisons (pl. VIII) représente l'apothéose

burlesque de Mesmer.

Sur une sphère gonflée par trois personnages, parmi lesquels il est

permis de reconnaître le P. Gérard, son thuriféraire, Mesmer se trouve

placé, couronnépar la Folie soutenue dans les airs par une montgolfière,

invention alors récente, et qui d'un coup de marotte l'a démasqué.

De la main droite il magnétise la lune, ce qu'il s'était, paraît-il,

vanté de pouvoir faire. La lune, à son tour, en astre obéissant, envoie

son fluide sur une femme placée devant le fameux baquet.

- Allusion transparente aux questions indiscrètes du préfet de police,

un jeune satyre amoureux^ les yeux bandés, le carquois en bandoulière,

explore les richesses d'un corsage qui semble ne demander qu'à

s'entr'ouvrir. ,

Derrière le fauteuil sur lequel il s'appuie, un spectateur paraît

beaucoup plus s'intéresser aux tentations du satyre qu'aux investiga-

tions des ses voisins qui suivent avec intérêt les oscillations de l'aiguille

aimantée, le fluide magnétique ayant de grandes analogies avec l'aimant.

Sur la table, le chien de Mesmer que nous allons bientôt voir exer-

cer sur ses semblables l'action du magnétisme... animal.

Au fond et à droite, le P. Hèrvier, le fougueux apologiste de Mesmer

dans la cathédrale de Bordeaux, qui descendait de sa chaire pour

magnétiser une convulsionnaire de son auditoire. Derrière lui, le valet

magnétiseur, à l'air narquois, que nous retrouverons dans la comédie

des Docteurs modernes.

Enfin, au fond et à gauche, le fameux arbre de la rue de Bondy avec

sa corde à laquelle s'attachaient les fidèles, puis divers ustensiles

parmi lesquels nous croyons reconnaître une machine électrique.

Telle est cette composition qui, comme on le voit, rappelle aussi com-

plètement que possible les faits les plus saillants,de l'épopée mesmé-

rique. / z . ?

GILLES de la TOURETTE, ·

Chef de-clinique dos maladies du syetème non eux.

(A suivre.)

Le gérant : Emile LECIIOS\Ifilt.

MoTTEHOZ. Imprimeries réunies, B, ruo Mignon, 2.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE T. II, PLI111

CLICHÉ A. LONDE Pyerorrnns 'SBoRTHAun

Apothéose BURLESQUE DE MESMER

S : CIt06NIJI : A BABÉ, ÉDITEURS

.Il NOUVELLE ICONOGRAPHIE

DE LA SALPÊTRIÈRE

UNE OBSERVATION

DE MÉLANCOLIE CATALEPTIQUE ! .. 1 ." q . f n : - . 1

, , '.

. Il s'agit d'une jeune fille du Tyrol autrichien, Antonia E..., qui arriva

à,l'aris en décembre 1887 pour entrer dans un couvent. Une personne

qui l'a connue dans cet établissement n'a pu nous donner que quelques

renseignements sur son état à ce moment. On ne connaît que très peu

de chose sur ses antécédents; son père et sa mère sont vivants, ainsi

que plusieurs frères et soeurs; l'une de celles-ci est entrée en religion.

Au couvent, la malade était gaie et assez causeuse; peut-être avait-elle

les.yeux un peu fixes. Elle fut en 1888 atteinte d'un phlegmon de la

main, dont l'ouverture au bistouri ne causa pas,- paraît-il, de douleur

apparente. Elle tomba à ce moment dans une phase de tristesse, cessant

de travailler, gardant les yeux très fixes; huit jours après, période

d'excitation pendant laquelle la malade cherche a fuir et, profitant un

jour d'un manque de surveillance, saute par une fenêtre et gagne la

rue où on la rattrappe. Elle se mit alors à s'accuser de tous les crimes,

d'avoir volé chez ses maîtres à Méran (dans le Tyrol), d'avoir crucifié

Jésus-Christ, etc. Un jour elle détacha le crucifix, le mit par terre et

en frappa ses compagnes. Elle se montrait si violente, résistant si éner-

giquement à toutes les représentations, qu'on se décida à la mènera la

Préfecture où M. Garnier délivra le certificat suivant : « Délire mélan-

colique. Hallucinations de la vue. Idées de persécution. Crises d'anxiété

et d'affolement avec fuite précipitée pour échapper à des ennemis ima-

ginaires. Embarras gastrique. Etat subfébrile. Phlegmon récent de la

il. 5

66 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

main gauche (9'J février 1888). » Elle fut envoyée à Sainte-Anne et

y resta vingt jours; M. Pichon la considéra comme atteinte de

« Délire mélancolique; idées de culpabilité imaginaire, de damnation

et de suicide ». Elle 'entre il la Salpêtrière (service de M. Fluet) le

20 mars 1888. ,

La malade est une jeune fille de vingt ans, aux traits réguliers, au

teint coloré; elle a des cicatrices de variole qu'elle dit avoir eue à l'âge

de six ans. Elle répond d'ailleurs à peine à nos questions, et ne parle

que le patois tyrolien. Elle reste immobile sur son siège, la tête pen-

chée, semblant réfléchir profondément, pleurant par intervalles. Ses

mains sont froides, violettes, un peu gonflées. Parfois elle rit quand on

lui parle, puis retombe dans son mutisme; de temps à autre elle tra-

vaille un peu à la couture.

On institue un traitement tonique et on lui donne une douche quo-

tidienne. Dans le courant d'avril, elle se sauve vers la chaise percée et

boit par deux fois de l'urine «pour mourir », dit-elle; elle dit aussi

qu'elle ne sait pas « si elle sera sauvée ». Au commencement de mai,

elle tombe clans la stupeur (pl. IX), travaille à peine, reste immobile

ou se sauve tout d'un coup en chemise dans la cour en cherchant la

porte de sortie. La malade étant au lit, nous constatons à la face plan-

taire de ses deux pieds de larges phlyctènes qui viennent de s'y former :

l'une siège à droite au niveau du talon antérieur; les deux autres à

gauche, au milieu de la concavité de la voûte plantaire, et sur le bord

interne du pied. Chacune de ces phlyctènes est large de quatre centi-

mètres environ (fin. 22). Nous nous informons : la malade ne porte

que des chaussons, elle a frotté un jour le plancher de la salle mais

avec beaucoup de mollesse et très peu de temps; encore ne l'a-t-elle

fait que du pied droit; elle n'a pu non plus se frotter les pieds sur les

barreaux du lit. Son état indique d'ailleurs nettement un ralentisse-

ment de la circulation; la cyanose des extrémités est des plus évidentes.

Le pouls petit, mais régulier, est à 52. La température est au-dessous

de 37°. La malade ne répond que par monosyllabes, elle affirme ci

plusieurs reprises qu'elle ne sent aucune douleur. Plusieurs fois, elle

s'échappe de son lit pour aller boire au seau de la garde-robe, toujours

« pour mourir ». Les phlyctènes sont percées et couvertes d'un panse-

ment; elles mettent quinze jours environ à se cicatriser; il ne s'en

l'orme pas d'autres. Pendant ce temps, le pouls reste lent, la teinte

cyanique persiste et l'état mental reste le même; alternatives d'hébé-

tude et de rire sans fin.

- Elle voudrait être morte, nous dit-elle; mange à contre-coeur, n'a

néanmoins formellement refusé de manger qu'une fois; la menace de

NOUVELLE ICONOGRAPHIE T. II. PL. IX,

CLICHÉ A. LONDB PHOTOTYPIE BERTHAUD

MELANCOLIE CATALEPTIQUE

(stupeur)

LECROSNIBR ET BABÉ, ÉDITEURS

UNE OBSERVATION DE MÉLANCOLIE CATALEPTIQUE. G7

la sonde oesophagienne suffit à la décider à s'alimenter. Dans le cou-

rant du mois de juin, nous recherchons les stigmates hystériques : là

malade, qui, à aucun moment, n'a pris de bromure, a l'anesthésie pha-

ringée complète et persistante; la sensibilité cutanée et muqueuse, nor-

male au contactet au froid, semble diminuée à la douleur; pas de zones

douloureuses; la malade voit les couleurs (violet, bleu, jaune, etc.),

mais son champ visuel parait rétréci des deux côtés, surtout à gauche.

La malade dit n'avoir jamais eu d'attaques de nerfs autrefois.

En juin, même état : tantôt se cache dans un coin, résiste éncrgi-

quement quand on. la tire, .vous regarde en riant ou en pleurant, tantôt

se sauve, déshabillée, dans la cour; le 30 juin, nous la trouvons les

yeux couverts d'un bandeau qn'elle maintient avec sa main ; elle paraît

terrifiée et nous avoue qu'elle a vu depuis trois jours et hier encore

des yeux de /eu; elle assure ne pas entendre de voix.

En juillet, elle continue de rester inactive et triste, pense, dit-elle,

aux péchés qu'elle a commis; elle se coupe de temps à autre de grandes

mèches de. cheveux; reste au lit la face ensevelie dans l'oreiller;

mange et boit les yeux fermés; demande parfois à travailler avec les

autres, puis s'interrompt. to.ut à. coup pour se sauver dans la cour.

L'idée d'aller boire de l'urine. revient assez souvent; elle n'en peut

donner d'explication, sinon que « l'idée lui en est venue ». Elle rappelle

FIL;. o.o - l'lil3LLeiie, tliiib un eus do luolaiiculie c;Oalcpiyu0.. 1

68 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPËTIUËRE.

les fautes qu'elle a commises autrefois quand elle habitait Méran, dit

qu'elle n'aurait pas dû boire de bouillon le vendredi. Elle ne parle

d'ailleurs jamais de son pays, ni de sa famille et n'écrit- à celle-ci

qu'une fois, sur notre conseil. r .

Elle présente aux ordres qu'on veul lui faire exécuter une résistance

systématique ; se couche alors par terre, le front dans la poussière,

sous un lit ou au milieu de la cour et se cramponne de toutes ses forces

au premier objet qu'elle trouve et on peut à peine vaincre la raideur

de ses membres.. ' , !

Le 28 juillet nous nous apercevons pour la première fois que lorsque

l'on écarte les bras d'Antonia E... dans Imposition horizontale, elle lesy

laisse pendant un temps plus ou moins long; c'est ainsi qu'après lui

avoir à deux reprises fait prendre celte position, nous réussissons il

lalui faire garder plus de quinze minutes; au bout de ce temps, le bras

tombe peu il peu, sans secousse, ni tremblement. Il n'existe d'ailleurs

ni contracture, ni raideur. L'attention paraît jouer dans le phénomène

un rôle important, car si on interpelle la malade, les bras étant ainsi

placés, ceux-ci retombent pendant qu'elle répond.

Son état général reste d'ailleurs le même; ses mains sont froides et

violettes; elle tient la tête penchée, se bandant quelquefois les yeux,

avec des éclats de rire explosifs par moments. Quand on lui en demande

la raison, u Je ne puis faire autrement» répond-elle (l' kann nil

cca clcs) .

Le lendemain, cet état cataleptoïde persiste (pi. X).

Le 30 juillet, Anlonia est violente; elle mord les infirmières et se

mord les mains, change continuellement de place ou reste debout la

face contre le mur, pleurant par intervalles et se plaignant d'être

entourée de « sauvages » parce qu'on lui a mis la camisole de force.

Dans l'après-midi, elle prend un bain et cherche à plusieurs reprises

à s'enfoncer la tête sous l'eau.- Esprit d'opposition très arrêté; se

cramponne aux barreaux dés fenêtres et aux meubles, quand on veut t

la faire changer de pièce et surtout l'amener au réfectoire. Pendant '

tout ce mois de juillet, sa température n'a atteint que trois fois 37°.

Son intestin fonctionne mal; on a dû faire une fois le curage du rec- z

tum.

Le 31 juillet, la malade recommence ses plaintes, elle prie qu'on lui

pardonne ce qu'elle a fait dans le Tyrol, les vols commis, etc.

Le sens musculaire, la notion de position de ses doigts, la notion

des poids, de leur différence, est conservée. L'état cataleptoïde peut

être provoqué et si, par exemple, on lui commande de mettre l'index

sur sonnez, elle s'immobilise dans cette altitude.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE T. II. PL. X.

Cliché A. LONDE

PHOTOTYPfE BER7HAU0

MELANCOLIE CATALEPTIQUE

(état CATALEPTOtDE)

.... S.I...1 BABÉ, ÉctTb.tJRS S

UNE OBSERVATION DE MÉLANCOLIE CATALEPTIQUE. 69' ? Le.4 août, on note que la malade semble présenter des phases régu-

lières; elle aurait deux jours de stupeur consécutifs pendant lesquels

elle présenterait l'aptitude il l'état cataleptoïde, et un troisième (phase

d'activité) pendant lequel elle travaille, sans mot dire, à divers ouvrages

fatigants, et ne conserve pas les altitudes qu'on imprime à ses bras.

croyant se faire mourir, boire dans les seaux à urine. Elle cherche

dans les armoires' le vinaigre de Pennés pour en avaler. Elle ne tra-

vaille pas, résiste quand on veut lui imprimer certaines attitudes et ne

les. garde' pas. Elle se cache dans les cours, ramasse par terre des

croûtes de pain et les trempe dans de l'eau de la fontaine, sans préju-

dice de la nourriture de la maison. Parfois elle se cache derrière les

portes, le visage contre le mur; ou reste immobile sur sa chaise, la

tête fléchie, les yeux fermés.

Le 13, l'état cataleptoïde reparaît. Le 18 il cesse, pour reparaître

qu'elques'jours après. Le 22 août, elle se jette aux genoux de M. Faire t

et lui embrasse les mains.

" Le 23, on provoque les attitudes horizontales des bras; la malade

les modifie rapidement quand on lui parle. On peut communiquer de

même des attitudes bizarres au tronc, lui faire tenir la t(''te fléchie ou

étendue, etc. Les poses plastiques ne suggèrent aucun jeu de physio-

nomie correspondant, comme cela arrive chez les hystériques hypno-

tiques.

. Le 8 octobre, on la trouve à plat ventre par terre, toute raide, les bras

et les jambes étendus, une main étendue, l'autre fermée. En même

temps elle bave; puis elle se relève, se déshabille et se sauve dans la

cour sans chemise. Cette scène dure environ dix minutes. C'estl'époquc

de ses règles. ,

, '15 octobre : crachottement continuel. -

Décembre : même état; alternatives d'excitation plus fréquentes

avec rires explosifs sans motif et de dépression avec aptitude il 'l'état

cataleptiforme, mais moins prononcé qu'autrefois. Par intervalles,

marmottement inintelligible; parfois se-balance comme les idiots.

. II

. 1 L'observation de cette malade présente plusieurs particularités inté-

ressantes. Nous allons les examiner successivement.

1° jd quel type appartient l'affection vésanique qu'elle présente et de

quelle dénomination la désigner ?

70 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

Dans un précédent travail, en collaboration avec le D'Chaslin ', nous

avons exposé longuement et discuté des tentatives faites dans les der-

nières années en Allemagne pour distraire du cadre nosologique des

vésanies certains cas particuliers constituant une nouvelle forme

pathologique désignée du nom de catatonie. Nous n'exposerons pas

ici l'historique de la question que nous avons donné déjà dans tous

ses détails, mais comme les exemples que nous avons pu recueillir de

catatonie ressemblent, au moins par certains côtés, à ce que nous'

avons observé chez notre malade, nous résumerons brièvement les

traits principaux assignés à cette affection par ceux qui l'ont décrite.

D'après Kahlbaum2, dont le travail sur ce sujet est le premier en

date et le plus complet, la catatonie serait, une maladie cérébrale à

marche changeant d'une façon cyclique et présentant comme phéno-

mène capital des troubles du système nerveux moteur ayant le carac-

tère général de la crampe.

Le stade initial est un stade de dépression mélancolique à marche

lente, ne différant guère de la mélancolie commune. Au début, il y a

souvent des mouvements spasmodiques, convulsifs, arrivant par

attaques.

Puis vient un stade d'excitation, qui peut cependant manquer; en

général il est assez court. Comme ensemble, c'est ou bien de la mélan-

colie agitée, anxieuse, ou bien l'excitation maniaque la plus violente,

on bien un délire systématisé (Wahnsinn) plus fixe. On rencontre alors

quelques symptômes qui seraient particuliers à la catatonie. C'est

d'abord le caractère pathétique sous forme d'exaltation théâtrale,

d'extase tragico-religieuse que révèlent les paroles et les actes des

malades; puis la verbigération ou répétition de mots et de phrases

sans aucun sens ou ne se suivant pas, mais prononcés comme si le

malade faisait un discours; les gestes stéréotypés, les attitudes bizarres,

les grimaces spéciales.

Dans le stade suivant, stade catalonique, la maladie revêt toutes les

apparences de la mélancolie avec stupeur. C'est là que l'on rencontre

les phénomènes moteurs caractéristiques sous forme de convulsions

toniques ou cloniques, ou sous forme de raideurs musculaires, ou sous

forme d'états cataleptoïdes. Il faut noter aussi le mutisme, des rires

subits, la monotonie des actes, la résistance systématique, le refus

d'aliments. Ce stade peut durer des semaines ou des mois.

Le stade suivant, d'une durée souvent plus longue encore, consiste

surtout en des alternatives d'excitation ou de stupeur avec leurs phé-

1. d. Seglas et Pli. Cltaslin, la Catatonie (Arch. neur., 1888).

2. Kahlbaum, Die Xalalonie, l3erlin, 1874.

UNE OBSERVATION DE MÉLANCOLIE CATALEPTIQUE. 71

nomènes particuliers que nous venons de décrire. Les idées religieuses

et érotiques sont très fréquentes.

Quand la maladie ne guérit pas, elle passe au stade terminal, celui

de démence. Ce serait la terminaison la plus fréquente.

Au point de vue physique, en dehors des phénomènes neuro-

moteurs, on trouve dans les stades les plus graves de la maladie, des

troubles vaso-moteurs, de l'oedème, de la cyanose des extrémités, de

l'anorexie, des troubles de la défécation, des congestions viscérales,

la tuberculose pulmonaire, etc...

Si à cet exposé rapide nous comparons l'observation de notre malade,

nous constaterons de nombreux points communs. Nous retrouverons

chez elle les phases successives de la catatonie de Kahlbaum, phase de

mélancolie, phase d'excitation, phase de stupeur, phase d'alternatives

d'excitation etde dépression. Dans les deux dernières phases, les seules

que nous avons pu observer, nous rencontrons aussi, de la façon la

plus nette, les idées délirantes mystiques, les rires explosifs, le mu-

tisme, la résistance systématique, une attaque de raideurs, l'état cata-

leptoïde, et du côté physique des troubles vaso-moteurs 1 rès accentués.

En revanche, d'autres symptômes, auxquels Kahlbaum attache de

l'importance, semblent ici moins évidents ou même font défaut. C'est

ainsi que les attitudes bizarres, les gestes stéréotypés pourraient peut-

être trouver leur équivalent dans l'habitude qu'a la malade de tenir

obstinément les yeux fermés, de se cacher par moments derrière les

portes, de fuir en chemise dans les cours, de s'asseoir sur les chaises

de gâteuses, dans le balancement intermittent.

Quant au caractère pathétique des paroles et des actes, il semble

manquer complètement et on ne pourrait guère invoquer dans ce sens

que l'acte de s'être précipitée aux genoux du chef de service et de lui

embrasser les mains. Enfin il n'y a pas chez notre malade de verbigé-

ration ; elle marmotte souvent, il est vrai, à voix basse, dans son

patois, des mots incompréhensibles, mais c'est tout.

Que pouvons-nous conclure de tout cela au point de vue du dia-

gnostic ? 10 Il est incontestable' que la marche de la maladie est ici aussi

conforme que possible à la description de Kahlbaum et que, en plus,

nous retrouvons dans ces périodes successives denombreuxsymptômes,

entre autres les phénomènes neuro-moteurs, qu'il attribue à ses catato-

niques. Mais d'un autre côté, étant donné ici l'absence du caractère

pathétique des idées et des actes et l'absence de la verbigél'alion, phé-

. nomènes que Kahlbaum considère aussi comme particuliers à la cata-

, tonie, il nous semble qu'on n'est pas en droit d'affirmer que notre

malade soit une catatonique. Tout au plus pourrait-on la classer dans

72 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

ce qu'il appelle la catatonie mitis. Il est bon toutefois de faire remar-

quer à ce propos que bon nombre des observations que nous avons pu

lire dans les ouvrages allemands sur la catatonie, ne sont pas plus

caractéristiques que la nôtre et ne présentent pas, tant s'en faut; tous

les phénomènes prétendus caractéristiques de la maladie. On trouve

aussi, d'ailleurs, cités par eux comme des cas de catatonie méconnue,

des observations rapportées par des auteurs français tels que Baillar-

gel' \ ' Cullerre2, Lagardellea, qui cependant ne rappellent, comme

' nous l'avons dit dans notre précédeiittrivai 14 , que de bien loin la cata-

tonie de Kahlbaum et dans lesquelles il est bien difficile de retrouver

seulement quelques-uns des traits qu'il assigne à la forme vésanique

qu'il veut isoler. En face d'elles, notre observation serait presque un

cas de catatonie typique. , , :

De tout cela nous laisserons nos lecteurs juges, nous contentant

de rappeler ici ce que nous disions en terminant notre précédent tra-

vail, que ni la marche ni les symptômes de la catatonie de Kahlbaum

ne nous semblaient pas devoir être caractéristiques d'une formé patho-

logique distincte; mais que ces faits nous semblaient plutôt, jusqu'à

nouvel ordre, devoir simplement être considérés comme des variétés

d'étals mélancoliques, simples ou symptomatiques, avec, stupeur plus

ou moins accentuée, variétés qui seraient peut-être en rapport plus

étroit avec un terrain hystérique. ' ;

Cette existence chez les malades de ce genre du tempérament hysté-

rique, qui ressort de la lecture d'un certain nombre d'observations, a

été complètement laissée de côté par les auteurs allemands. Schuele

est le seul qui s'en soit préoccupé et ses recherches l'ont amené il créer

une variété hystérique de la catatonie, dans la description générale de

cette maladie, différant d'ailleurs notablement de celle qu'avait donnée

Kahlbaum. Dans l'observation que nous venons de rapporter, cette

existence de l'hystérie nous semble mise en évidence par l'anesthésie

pharyngée, les troubles de la sensibilité générale, le rétrécissement

bilatéral' du champ visuel.

2° Un second point sur lequel nous désirons attirer l'attention c'est

la présence de certains symptômes de la période de stupeur. A dif-

férentes reprises Marcéb a insisté sur l'état des fonctions circulatoires

et respiratoires chez les mélancoliques et signalé une notable pertur-

1. Baillargel', Ann. 21étl. psych. , 1813 et 1853.

2. Cullerre, Ann. méd. psych., 1877, ]l, 177. : 1. Lagardclle, Ann. méd. psych., 1871, p. '18.

4. Séglas et Cliasliii, loc. cil., p. 17.

5. Marcé, Arch. de mef ? 1855, et Traité des maladies mentales. 1862.

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u.yr, oBSLavarioa D , .... - ! fI

U.NE OBSERVATION DE MCLANCOLII; CATALEPTIQUE.

UNI : : OBSl : RVATION DE Mr : LAl'\COLlr : CATALEPTIQUE : " .

bation dans leur rythme et leur fréquence relative. Ces faits sont très

évidents chez notre malade. - '¡

Dans sa période de stupeur la respiration est superficielle et peu

profonde : le thorax se soulève à peine et le murmure vésiculaire-est

parfois tellement affaibli qu'on l'entend difficilement. En se reportant

aux tracés que nous donnerons plus loin, on verra que les respirations,

un nombre de 90 par minutes, ne sont pas toutes régulières ; et sur-

tout que' leur ampleur a notablement. diminué; la ligne d'inspiration

est très courte, peu profonde et le tracé général de la respiration

- semble y dénoter un caractère saccadé que révèlent les irrégularités

des lignes d'expiration et d'inspiration qui sont légèrement tremblées.

, Le pouls ? petit mais régulier, était souvent au-dessous de la normale,

ne donnant que 52 pulsations ? ,. " ' .

La température axillaire pendant plus d'un mois n'a atteint que trois

lois 37° et est même souvent descendue au-dessous de 36°. Cet abais-

sement de la température est encore plus sensible il la périphérie. Les

extrémités, mains et pieds, sont froides, cyanosées, présentant des

troubles vaso-moteurs très accentués.

Dans le même ordre d'idées rappelons l'apparit'on de phlyctènes aux

extrémités inférieures, et qui, dans les circonstances où elles se sont

produites, ne nous paraissent pouvoir être considérées que comme des

troubles trophiques, marchant, de pair avec le ralentissement de la cir-

culation périphérique. Ces phénomènes d'ailleurs, quoique rares, ne

sont pas cependant exceptionnels ; et M. Bail', qui attache avec raison

une grande importance il l'étude des symptômes physiques chez les

mélancoliques, asignalé chez certains d'entre eux l'existence de plaques

de sphacèle sur la peau.

, 3° Un dernier point nous reste à étudier, ce sont les phénomènes

calaleptoïdes présentés par notre malade. Nous avons déjà signalé

chemin faisant plusieurs de leurs caractères. C'est ainsi que nous

avons vu que les attitudes cataleptiformes n'étaient pas spontanées

chez' elle; mais qu'il fallait les provoquer. Alors elle s'immobilisait

dans la position qu'on donnait aux différentes parties de son corps,

même les plus fatigantes et cela pendant un temps assez long (15 à

90 minutes). Les membres immobilisés dans ces poses cataleptoïdes

ne se contracturaient pas, mais conservaient une certaine flexibilité.

D'un autre côté l'attention semblait jouer un certain rôle dans ces atti-

tudes, car sitôt qu'on fixait l'attention de la malade sur un point quel-

conque, de quelque façon que ce fut, l'état cataleptoïde cessait immé-

1 : Rail. Leçons sur les maladies mentales, 1880-1883.

74

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

diatement. Dans un mémoire récent, MM. Binet et Féré1 ont rapporté

des faits analogues et nous en avons de notre côté publié un semblable

dans notre premier travail sur la catatonie2.

Mais si l'attention joue un rôle dans ces états cataleptoïdes s'en suit-

il qu'il y ait un effort appréciable ? C'est ce qu'il nous faut examiner.

Nous savons par les expériences de M. Charcot et de ses élèves les diffé-

rences profondes qui séparent l'attitude cataleptique des mêmes atti-

tudes gardées volontairement. Si sur une cataleptique et sur un

simulateur on place un tambour à réaction sur le bras étendu et un

pneumographe sur la poitrine, voici ce qu'on observe3 : chez la cata-

leptique le membre catalepsié ne tremble pas; il descend lentement

sans secousses et la plume qui correspond au membre étendu trace

une ligne droite parfaitement régulière. En même temps le tracé du

pneumographe donne une respiration rare, superficielle, pendant toute

la durée de l'expérience. Le simulateur au contraire ne tarde pas à se

fatiguer; sa main tremble, la- respiration devient irrégulière et les

deux tracés par leurs accidents, leurs oscillations, décèlent à la fois

la fatigue musculaire et l'effort destiné à en compenser les effets.

En appliquant à la fois à notre malade et à un sujet sain les mêmes

1. Binet et Féré, Recherches expérimentales sur la physiologie des mouvements chez les

hystériques (Arch. de Physiologie, 1887, p. 323).

2. Séglas et Chaslin, loc. cit., obs. IV.

3. P. Richer, la Grande Hystérie, 1885, p. 615.

Fiv. 3. - Tracé obtenu sur la malade Ant. E... par le tambour à réaction placé sur la face dorsale de

la main droite, le bras étendu Iorizoutalement. - Chaque ligne icpi-ésente une fraction de

Seize secondes et demie de 10 minutes consécufivos.

UNE OBSERVATION DE MÉLANCOLIE CATALEPTIQUE. 75

procédés d'investigation, voici ce que nous avons constaté'. Les bras

de la malade sont étendus horizontalement, un tambour à réaction

placé sur la main droite. Le tracé, pris pendant10 minutes, nous donne

une ligne droite parfaitement régulière tout le temps de l'expérience

(fig. 3).

Un tracé semblable pris dans les mêmes conditions sur un sujet

sain nous donne au contraire, dès la première minute, des lignes irré-

gulières et légèrement tremblées (fig. 24).

Ces différences sont rendues encore plus évidentes par les tracés

myographiques, obtenus en plaçant le myographe sur les extenseurs

de l'avant-bras droit, les deux sujets étant dans la même position. Sur

le tracé obtenu sur la malade pendant 15 minutes (et dont la figure 5

reproduit les fractions des 11 dernières minutes), on voit que les

lignes sont régulières, bien que présentant de petites ondulations.

Au contraire, sur le tracé pris dans les mêmes conditions sur le

sujet sain (et dont la figure 2G reproduit une fraction des premières

minutes), on voit que les lignes sont absolument irrégulières et les

oscillations très accentuées.

Les tracés pneumographiques ne sont pas moins significatifs. Sur un

sujet normal, dont la respiration est figurée à l'état de repos dans la

figure27, nous voyons, si les bras sont étendus horizontalement, le tracé

1. Les tracés ont été pris au laboratoire de M. le professeur Charcot avec le concours de

M. Il net, interne du senice.

24. - Tracé obtenu sur un sujet sain dans les mêmes conditions que le tracé de la figure 23.

76 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

se modifier' dès la première minute. La respiration devient irrégulière

dans son 'rythme et dans son étendue, et en même temps il y a des

chutes brusques, marquant des inspirations profondes, indice de

fatigué et d'effort. On en voit un exemple dans la figure 28, tracé pris

pendant la deuxième minute, '

'. 'Rien de tout cehin'existe chez notre malade. La figure 29 nous montre

sa respiration à l'état normal : c'est un type de respiration de mélan-

colique, dont on appréciera bien les caractères en la comparant à la

ligure 27 qui donne le tracé delarespiration d'un sujet sain. On retrou-

.vera ]à;cc que nous avons déjà signalé chez elle : une respiration

.superficielle, la brièveté delà ligne d'inspiration, le caractère irrégu-

lier des lignes d'inspiration et d'expiration. Si l'on fait tenir horizon-

talement les bras de celte malade pendant, plusieurs minutes, ces

caractères de la respiration ne se modifient pas : elle reste toujours

\( ., i ., ?

Fin. 5. - 'fla.ce obtenu sur la malade .\111..., E... p'¡l"le mjor..IJ'¡1C placé sur les cWensems, : 1 ? 1'y,ml-liraulroil, le bras 'étendu horizontalement pendant 1 : minutés.' - Chaque Ij*II("rl'llI'c('ntc

une fraction de lli minutes et : dcmiependa nt les 11 dernières minute ? , ,. 1 .. z

UNE OBSERVATION DE MÉLANCOLIE CATALEPTIQUE. 71'

identique à elle-mènio, comme on peut le voir dans la ligure 30, tracé -

pris à la huitième minute. Le rythme, l'étendue des respirations est .

resté toujours le même. Il n'y a pas chez elle de ces inspirations pro-

fondes, qui décèlent la fatigue et l'effort chez le sujet sain. ,

Il y a plus; nous avons noté chez notre malade des rires subits, s

explosifs; ces rires qui la prennent aussi pendant les attiludes calalep- ,

toïdes provoquées, se traduisent sur les tracés par une ascension z

reproduisant une expiration, brusque, plus ou moins prolongée. Nous \

, ,

en donnons un exemple dans la figure 31. Malgré cela, cette expiration, "

plus ou moins longue, n'est pas suivie, comme on peut le voir, d'une - ';

chute brusque en sens inverse, trahissant une inspiration compensa- '

trice ; mais la respiration reprend tout de suite les mêmes caractères \

qu'elle avait avant le rire. Ces rires se présentent toutes les minutes à

rnc. £ 0. Tracé obtenu sur un sujet sain dans les mêmes conditions que le tracé de la figure : ! 5, mai'

pendant les 7 premières minutes.

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r-

Fis. 37 ? Respiration (costale supciieurc) d'un sujet sain à l'élat de repos pendant 27 secondes. (Ce tracé a été pris pendant 3 minutes consécutives.)

... ? 1 ' " z

Fie. 28. - Respiration du même sujet les bras étendus horizontalement. (Ce tracé reproduit 27 secondes de la deuxième minute.)

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FiG. 29. Respiration (costale supérieure) de la malade Ant. E... à l'étal de repos pendant 27 secondes. (Ce trace a été pris pondant 3 minutes consécutives.)

' Etc. 30. - Respiration de la même malade'les bia étendus horizontalement. (Ce tracé reproduit 7 secondes de la huitième minute.) ; ; ' .

80 . NOUVELLE ICONOGRAPHIE. DE LA S1LP'PRIÈRE. -li

peu près, isolés et brusques ; ou rapprochés, ou prolongés comme dans

la figure 3 ? ; mais dans aucun cas il n'y a ensuite de chute brusque au-

dessous delà ligne ordinaire de la respiration qui reprend tout de suite

ses caractères sans qu'il y ait de large inspiration compensatrice.

Il résulte en somme de l'examen de ces tracés que cet état catalep-

toïde provoqué chez notre malade ne trahit pas chez elle d'effort appré-

ciable et sous ce rapport sc rapproche beaucoup de ce qu'on observe

dans la catalepsie provoquée des hypnotiques.

J. S1;GL.1S, P. 13CZ.1Nç0

l\IédcLln-adJoilll de la Salpèll iùre * Interne des hôpitaux.

Fig. 31. - Exemple d'un lire isolé chez la malade .\nl. E..., les bras étemlus hOlizonlalcll1ont. (fraie

réduit de moitié.)

Inc. 3 ? . - Gvemples de plusieurs rires, consécutifs Ou prolungvs, cLez la malae .\nl E..., Ics luraa

élcndua Itoriconlalcmcnt. (1'iacé ruuil de moW.)

DE LA SUSPENSION' DANS LE .TRAITEMENT- - .

DE L'ATAXIE LOCOMOTRICE PROGRESSIVE

ET DE QUELQUES AUTRES MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX'.

Pendant les trois derniers mois de l'année 1888, nous avons expé-

rimenté un procédé nouveau de traitement du tabes, qui nous a fourni

dés résultats assez satisfaisants pour que nous' ayons cru devoir en. 1

l'aire l'objet d'une leçon. L'idée de ce traitement appartient alllD"'Mot-.

choukowsky, d'Odessa, qui l'a fait. connaître' en 1883, dans une bro-

chure jusqu'ici passée inaperçue. En 1888, 111.. Raymônd; professeur',

agrégé, eut l'occasion, étant en missionscientifique en Russie, d'apuré

cier les résultats obtenus par M. Motchoukowsky, résultats que voulut

bien nous faire connaître, avec le mode opératoire, M. le D Onanoff,

élève de la Clinique, son compagnon de voyage.

Le traitement a été mis en oeuvre par M. Gilles de la Tourette, chef

de clinique, qui a surveillé toutes les opérations et recueilli les obser-

vations.

Dans sa brochure de 1883, M. Motchoukowsky dit avoir traité etcon-

sidérablement amélioré douze tabétiques en même temps qu'il réta-

blissait, par le même procédé opératoire, les fonctions sexuelles

d'autres malades atteints d'impuissance sexuelle d'origine nerveuse

indépendante du tabes.

Le traitement consiste uniquement dans des séances de suspension

d'une durée progressive de une demi à trois minutes de durée, quatre

minutes maximum, suivant les cas, il l'aide de l'appareil employé par

Sayre, de New-York, pour placer le corset qui porte son nom.

La durée de la suspension est, avons-nous dit, progressive ; on

commence par une demi-minute et on augmente progressivement d'une

demi-minute environ à chaque séance. Celles-ci ont lieu tous les deux

jours, la suspension quotidienne ne nous ayant pas donné des résultats

sensiblement meilleurs. Comme détail de technique, nous ajouterons

qu'il est nécessaire de faire, toutes les quinze ou vingt secondes,

1. Résumé de la leçon du 15 janvier 1889, par M. Gilles de la Tourette, chef de clinique.

- Cet article a paru dans le Progrei médical, n° du 19 janvier 1889.

n. 6

82 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPËTRIËUE.

soulever les bras du malade afin que la traction qui s'exerce sur la

colonne vertébrale soit plus effective.

Nous avons dans ces conditions traité dix-huit tabétiques, four-

nissant un ensemble de quatre cents séances environ de supension. Sur

ces dix-huit tabétiques, il est nécessaire d'en éliminer quatre, qui

n'ont pas été suspendus plus de trois fois, et ne sont pas revenus pour

des causes variées, dont l'éloignement et la difficulté de se faire

conduire à l'hôpital nous ont paru surtout à invoquer.

Les quatorze autres ont ressenti, à des degrés variables, une amé-

lioration qui chez huit, en particulier, a été tout à fait remarquable.

Trois d'entre eux ont été présentés à la leçon du 15 janvier.

Nous allons succinctement analyser les résultats obtenus. Ajoutons

que nos malades étaient tous des tabétiques a, ères ; la plupart venaient

ordinairement à la Salpêtrière suivre le traitement par les pointes de

feu le long de la colonne vertébrale.

Au début du traitement, l'amélioration porte presque toujours sur

la marche, sur l'incoordination lorsqu'elle existe; elle se fait sentir

dès les premières séances. Les malades disent qu'aussitôt après la

séance la marche est plus facile, plus assurée; cette amélioration ne

dure d'abord que deux à trois heures, puis, après huit ou dix séances,

elle devient continue.

Les malades se tiennent beaucoup plus facilement debout; ils

peuvent marcher sans aide, faire des courses assez longues, ce qui a

été très appréciable chez nos malades de la Salpêtrière, obligés de

venir de loin pour suivre le traitement, en empruntant les voitures

publiques qui, le plus souvent, ne les déposaient pas à la porte de

l'hôpital.

Au bout de vingt à trente séances le signe de Romberg disparaît.

Par ordre chronologique l'amélioration porte ensuite sur les divers

troubles vésicaux si fréquents chez les tabétiques. La miction se

régularise, devient plus facile, l'incontinence disparaît ou s'atténue

considérablement; chez quelques-uns les fontions vésicales sont

redevenues normales.

Les douleurs fulgurantes semblent également tirer bénéfice du

traitement; elles reviennent à intervalles plus éloignés, s'atténuent

considérablement et disparaissent même complètement. Nous n'avons

sur ce sujet qu'une expérience de trois mois ; toutefois, sous ce

rapport, les affirmations des malades ne nous ont pas semblé moins

catégoriques que sur l'amélioration des autres symptômes précé-

demment signalés.

Enfin, sous l'influence de la suspension, l'impuissance complète,

DE LA SUSPENSION DANS LE TRAITEMENT DE L'ATAXIE. 83

qui est si souvent une manifestation du tabes, fait place aux, désirs

sexuels et aux érections. Il est à noter que des expériences faites par

M. Onanofssur des individus sains, ont prouvé l'influence de ce mode

opératoire sur l'exagération de la virilité.

Comme corollaire des phénomènes signalés, nous dirons que la

sensation d'engourdissement des pieds s'atténue ou disparaît; chez

deux malades, des plaques d'anesthésie plantaire redevinrent sen-

sibles. Enfin, l'état général s'améliore, le sommeil devient meilleur,

ce qui ne nous a pas paru devoir être uniquement attribué à la

disparition des douleurs fulgurantes.

En résumé, tous les malades que nous avons traités ont été améliorés

à des degrés divers, l'amélioration nous ayant paru en rapport avec

la durée du traitement

Un seul a fait excentiol, un tabétique jeune de trente-deux ans,

à hérédité très chargée, chez lequel, en six mois, les accidents de la

série tabétique avaient presque atteint leur apogée. Pendant le

premier mois il y eut une amélioration marquée portant sur la

marche et sur la miction , puis survint une rechute caractérisée par

une crise de douleurs fulgurantes et la chute de la paupière supérieure

gauche. Depuis cette crise, toutefois, le traitement semble devoir

à nouveau amener une amélioration des phénomènes.

Chez aucun de nos malades, même chez les plus améliorés, au bont

de trois mois, les réflexes rotuliens n'ont reparu ; de même, les signes

pupillaires ont persisté tels quels. 1

Nous avons essayé la suspension dans le traitement de quelques

autres affections nerveuses indépendantes du tabes.

M. P. Blocq a ainsi traité une jeune fille de treize ans atteinte de

maladie de Friedreich. Cette malade qui avait subi trente séances a été

également présentée à la leçon. Sa mère qui l'accompagnait a qualifié

« d'extraordinaires » les résultats obtenus : ils portaient sur le signe

de Romberg, la titubation et le tremblement, qui avaient été consi-

dérablement améliorés.

Chez deux malades neurasthésiques et impuissants, les fonctions

sexuelles revinrent à nouveau. Il y a lieu, croyons-nous, de pousser

plus loin les recherches dans les cas d'impuissance, ainsi que Motchou-

kowsky lui-même l'avait remarqué.

Par contre, un malade atteint de sclérose en plaques avec exagération

considérable des réflexes rotuliens, ayant été soumis au traitement, il

survint chez lui, après deux séances, une paraplégie spasmodique qui

disparut au bout de trois jours.

Il est incontestable qu'il est encore nécessaire d'expérimenter pour

84 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPËT1HERE.

être définitivement fixé sur la valeur du traitement par la suspension

dans le tabes. Mais il faut aussi constater que les résultats que nous

avons obtenus en trois mois sont des plus encourageants dans une

maladie qui, jusqu'ici, semble avoir défié toute thérapeutique. Dans

tous les cas, le traitement peut être institué avec confiance, car il

nous a paru toujours, lorsqu'il est convenablement appliqué, être

totalement inoffensifl.

J.-M. CIIARCOT

- (de l'Institut).

1. Depuis que cette leçon a été publiée, M. le professeur Charcot a eu l'occasion dans une

de ses conférences du vendredi (39 mars 1889) de revenir sur le traitement par la suspen-

sion. Avec d'autres malades plus récemment améliorés, il a présenté à nouveau les ataxiques

qui ont servi de thème à sa première leçon; l'amélioration non seulement se maintenait chez

eux, mais encore faisait des progrès croissants.

De plus, les craintes qu'avaient fait naitre les premiers essais chez les spasmodiques (sclé-

rose eu plaques, myélite transverse, etc.) ont dû être écartées. Chez ces malades, la sus-

pension doit être surveillée de très près, mais elle produit également des améliorations

moins constantes à la vérité que dans le tabès, mais qui toutefois méritent d'être prises en

sérieuse considération.

Enfin, la suspension a donné des résultats très appréciables chez plusieurs malades atteints

de paralysie agitante, en calmant les contractures, la sensation de chaleur nocturne, en

procurant en un mot aux paralytiques agitants le repos qui leur fait si ordinairement défaut.

(N. D. L. 1\.)

DE LA TECHNIQUE A SUIVRE

DANS LE TRAITEMENT PAR LA SUSPENSION DE L'ATAXIE LO-

COMOTRICE PROGRESSIVE ET DE QUELQUES AUTRES MALA-

DIES DU SYSTÈME NERVEUX).

Depuis que M. le professeur Charcot a publié les résultats intéres-

sants qu'il a obtenus dans le traitement de l'ataxie locomotrice et de

quelques autres maladies du système nerveux, à l'aide de la suspen-

sion =, il n'est pas de jour où il ne reçoive des demandes de renseigne-

ments sur l'application de ce procédé thérapeutique, mis en oeuvre

pour la première fois, en 1883, par le D' Motchoukowsky, d'Odessa.

Le résumé, que nous avons donné de la leçon de notre maître, con-

tenait en effet peu de détails à ce point de vue spécial2. Aussi, quelques

auteurs, reprenant de deuxième ou de troisième main l'article précité,

se sont-ils cru obligés d'innover, parlant par exemple de l'application

d'un corset qui est au moins inutile dans la circonstance.

C'est pourquoi nous croyons indispensable d'entrer aujourd'hui

dans quelques détails de technique qui nous sont suggérés par la pra-

tique d'environ 800 suspensions dont nous avons surveillé l'applica-

tion chez un total de 40 malades.

L'opération en elle-même est chose des plus simples, mais encore

nécessite-t-elle un certain modus faciendi, à la vérité facile ;t acqué-

rir, mais qui, dans tous les cas, ne saurait s'inventer.

La suspension se fait à l'aide de l'appareil imaginé par Sayre (de

New-York), pour placer le corset qui porte son nom et qui est spécia-

lement appliqué pour le redressement des diverses déviations de la

colonne vertébrale. Bien que cet appareil soit connu, il nous a semblé

utile d'en donner la description (fit. 33).

Il se compose d'une lige de fer horizontale de 45 centimètres de

longueur, portant, en son milieu, un anneau dans lequel passera le

1. Cet article zut été publié dans le Progrès médical, n° du 23 février 1SSJ.

2. J.-M. Charcot, De la suspension dans le traitement de l'ataxie locomotrice pro-

agressive el de quelques autres maladies du système nerveux, in Progrès médical, III jar.-

Nier IH8 ?

86 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE..

crochet d'un mouffle par l'intermédiaire duquel s'effectueront les

tractions.

La tige porte à chacune des extrémités un crochet auquel s'adapte-

ront, par une boucle, les pièces destinées à être placées sous les ais-

selles du patient.

Le bord supérieur de la tige présente, de chaque côté, trois enco-

ches dont nous allons bientôt voir l'utilité. En outre de la Lige de fer,

l'appareil comprend : deux pièces latérales pour les aisselles, une

pièce médiane subdivisable en deux parties, servant de soutien à la

tête pendant l'opération.

Ces deux parties de la pièce médiane sont de forme triangulaire al-

longée et sensiblement pareilles ; l'antérieure se place sous le menton,

la postérieure au niveau de la nuque. Comme elles se ressemblent, on

reconnaîtra néanmoins la pièce antérieure à ce fait qu'elle porte laté-

ralement une petite boucle qui sert, lorsque l'appareil est en place

(fig. 34) à réunir les deux pièces entre elles à l'aide d'une petite

courroie qui empêchera le collier de glisser lorsque le malade sera sus-

pendu.

Fin. 33. - Appareil do Sayre (do New-York).

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

T. II. PL. ^1. c.

TRAITEMENT DE L'ATAXIE LOCOMOTRICE

, PAR LA SUSPENSION

LECROSNJRR ET BABt, ÉDITRURS S

DE LA TECHNIQUE A SUIVRE. 87

L'application de cette petite courroie joue un rôle assez considé-

rahle dans l'espèce; il importe, en effet, qu'elle soit assez serrée pour

empêcher le glissement, et qu'elle

ne le soit pas trop, parce que, dans

ce dernier cas, la compression des

jugulaires pourrait provoquer une-

stase veineuse susceptible d'aboutir

il la syncope. °

A cet effet, la courroie est percée *

de 8 il 10 trous, et l'ardillon de la

boucle se fixera du 2° au 5° environ,

suivant la grosseur du cou du pa-

tient.

Il est rare qu'on soit obligé d'in-

terposer, entre cette courroie et la

peau, un corps mou,'un mouchoir,

de l'ouate, de façon à empêcher la.

compression de se produire. L'appli-

cation des pièces de la nuque et du

menton est assez délicate : elle dé-

pend de la grosseur et de la forme

de la tête et du cou du sujet.

En ce qui regarde la grosseur- de'la tête,, on fera varier les dimen-

sions du collier en plaçant la boucle supérieure de la- pièce dans le

premier, le deuxième ou le troisième des crans ou encoches qui se

trouvent sur le bord supérieur de la tige dé fer ; plus la' tête est volu-

mineuse, plus la boucle doit être placée en dehors. ' :

Il est parfois, nécessaire, lors des premières séances/chez les indivi-

dus sensibles, trop gros ou trop maigres, d'interposer un corps mou

entre le menton et la pièce, qui est' destinée ne soutenir. U

Voici donc la "tête en place, toute harnachée pour' ainsi dire. Reste

maintenant il placer les 'pièces' des aisselles. Au premier. abord, elles

semblent de peu d'importance, et cependant, il faut bien dire que ce

sont elles les véritables régulateurs de. la suspeiision'(ijl.'X[).

Il est nécessaire en effet que, pendant l'élévation, la traction ne porte 1

pas uniquement sur la tète et' sur le cou, car la suspension ne serait t

pas tolérée ; il faut que le corps trouve quelque part un point d'appui,

et, d'autre part, il ne faut pas que ce point d'appui soit tellement effec-

tif qu'il empêche l'élongation de la colonne vertébrale de se faire.

Pour cela, les pièces des aisselles, qui ont la forme d'un ovoïde ma-

telassé il son extrémité inférieure, sont munies en haut d'une courroie

Fin. 3.t, - Appareil vu en place.

88 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPËTUIËRË.

pouvant s'allonger ou se raccourcir à volonté suivant la taille ou le

poids du malade.

Le jeu de cette courroie est très important. En effet, lorsque la

pièce axillaire est trop courte, il se produit une compression du

plexus brachial susceptible de déterminer des fourmillements, des

engourdissements nécessitant l'interruption de la séance. Lorsque la

pièce est trop longue, le tiraillement des muscles de la nuque devient t

intolérable, le corps ne trouvant pas un point d'appui suffisant.

On procédera donc par tâtonnements, et, au bout de trois ou quatre

séances, on sera fixé sur le cran où s'appuiera supérieurement la pièce

de la tête, sur la largeur de la courroie unissant les pièces du menton

et de la nuque, sur la longueur de la courroie des pièces axillaires.

L'appareil est en place et bien disposé. Le médecin commande à un

aide - avec un peu d'habitude il peut s'en passer - de tirer sur la

corde doucement, progressivement, afin d'éviter une élévation trop

brusque et d'habituer les muscles du cou à la traction qu'ils vont sup-

porter. Il engage le malade à ne pas faire de mouvements, souvent in-

volontaires, quand il sentira qu'il quitte le sol, de façon à éviter les

déplacements latéraux, les mouvements de torsion.

Le malade a quitté le sol, de telle façon que la pointe des pieds ren-

versée en bas ne puisse le rencontrer; l'opérateur le soutient légère-

ment, de manière empêcher qu'il oscille, en même temps qu'il fixe

ses yeux sur une montre à secondes pour régler minutieusement la

durée de chaque séance' (pi. XII).' - ,

Pendant que le patient 'est ainsi suspendu, il lui commande de temps

en temps de lever les bras, doucement et verticalement, de manière à

rendre, si cette pratique est tolérée, la suspension et la traction encore

plus effectives (fig : 33) ? , ?

D'une façon générale,. la plus longue séance ne doit pas dépasser

trois à quatre minutes;. ce'chiffre. de trois minutes étant pris comme

moyen terme. On commence'par une demi-minute et on arrive ainsi

progressivement au chiffre supérieur indiqué, lequel est atteint vers la

sixième ou huitième séance. "

Là encore, il faut 'tenir compte de certaines susceptibilités indivi-

duelles et de particularités inhérentes surtout au poids du patient.

Alors, par exemple, qu'on' n'éprouve aucune difficulté à faire tolérer

d'emblée deux minutes. 'de' suispeii'sioii ? t des malades pesant 60 1

70 kilogr., il n'en.est pas de même chez les sujets qui pèsent 80,

90 kilogr. et plus.

Chez ces derniers, la traction qui s'opère sur les muscles de la

nuque est très forte, douloureuse, même parfois pendant toute la

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

T. II. PL. )-CI 1

TRAITEMENT DE L'ATAXIE LOCOMOTRICE

PAR LA SUSPENSION

. LFCROSNIRR FT RABÉ ÉD17FUR5

DE LA TECHNIQUE A SUIVRE. 89

journée qui suit la séance, ce qui ne doit pas être quand l'opération

est bien faite.

Il est des malades chez lesquels le désir de guérir - bien légitime

d'ailleurs est si fort, qu'ils se croient obligés de tout supporter sans

se plaindre, ce qui évidemment est fort nuisible à l'obtention de bons

Fic.. 35. - Le malade sllsprn'It'.

9U NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.

résultats. L'opération ne doit entraîner ni douleur, ni fatigue, sous

peine d'être inefficacc.

Aussi, alors que des malades de poids faible (60-70 kilogr.) pourront

parfaitement tolérer trois minutes et demie de suspension, est-il inutile

de dépasser trois minutes chez ceux d'un poids plus élevé. Chez ces

derniers, du reste, la traction, on le comprend, est très effective.

Les séances doivent être faites tous les deux jours; l'expérience

ayant démontré que les séances quotidiennes étaient plus nuisibles

qu'utiles. L'heure paraît importer peu; la régularité dans les séances

est indispensable. Lorsque les trois minutes, par exemple, sont

écoulées, le médecin commande de lâcher peu à peu la corde, de façon

à ce que le patient touche le sol lentement, sans secousses. On le sou-

tient alors pendant qu'on enlève les diverses pièces et on l'asseoit

immédiatement pour quelques minutes dans un fauteuil préparé à cet

effet, afin qu'il se repose un instant.

Donnons encore quelques détails, qui, quoique secondaires, ne

manquent pas d'un certain intérêt. Le malade doit quitter son vête-

ment de dessus de façon à avoir les bras libres ; le cou doit être nu,

ou du moins ne pas être serré dans un col étroit, car des phénomènes

de compression seraient à craindre.

L'appareil imaginé par Sayre comporte, outre les pièces indiquées,

un trépied portatif à branches démontables, muni à sa partie supé-

rieure d'un crochet auquel se fixe le moufle supérieur duquel doit par-

tir (et non de celui d'en bas) la corde de traction.

L'usage de ce trépied peut être bon pour appliquer un corset chez

les personnes dont la station debout est parfaite, mais il n'en est plus

de même chez les ataxiques qui oscillent si souvent sur leurs jambes,

et qui, de peur de perdre l'équilibre, saisissent parfois convulsivement

les branches du trépied qu'ils pourraient renverser.

Nous n'insisterons pas sur les résultats jusqu'à présent obtenus à la

Clinique, résultats consignés dans la leçon que nous avons analysée

dans le Progrès médical du 19 janvier 1889. Ces résultats ont été sur-

tout remarquables dans l'ataxie locomotrice; dans un cas de maladie

de Friedreich (avec corset pour redresser la déviation de la colonne

vertébrale); chez deux neurasthéniques impotence génitale marquée

ils ont été satisfaisants. Par contre, la suspension a plutôt exagéré les

symptômes de paraplégie spasmodique dans un cas de sclérose en

plaques. -

Deux malades atteints de paralysie agitante, et qui y sont actuelle-

ment soumis, semblent également en avoir retiré quelques bénéfices.

Cependant, en ce qui regarde l'ataxie locomotrice progressive, en

DE LA TECHNIQUE A SUIVRE. 91

particulier, il est difficile de formuler encore très exactement les indi-

cations du traitement; le nombre des cas est encore trop restreint

pour que l'on puisse porter un jugement définitif.

Il est probable, il est certain, qu'il ne pourrait s'appliquer indis-

tinctement à tous les cas; les tabétiques jeunes semblent en retirer

peu de bénéfices, de même que certains symptômes du tabes sont plus

particulièrement ' influencés d'une façon heureuse. Cette sélection

même est une preuve de la valeur thérapeutique du procédé qui n'a

nulle prétention au titre de panacée.

Ce que nous pouvons dire, c'est que, grâce à lui, M. Charcot aobtenu

chez des rnalades, qui, depuis plusieurs années déjà, venaient à la Sal-

pêtrière, des améliorations des plus encourageantes, étant donné

surtout que l'ataxie semble jusqu'à présent avoir défié les efforts de

la thérapeutique.

De même est-il difficile de se prononcer sur la durée du traitement;

les premiers ataxiques qui ont été soumis à la suspension, à la Salpê-

trière, y viennent encore depuis quatre mois et semblent s'améliorer

d'une façon progressive.

Dans tous les cas, comme le disait M. Charcot, « le traitement peut

être institué avec confiance, car il nous a paru toujours, lorsqu'il est

' convenablement appliqué, être totalement inoffensif. »

GILLES DE la TOURETTE,

, Chef de clinique des maladies du système nerveux.

NOTE SUR UNE ANOMALIE MUSCULAIRE

CHEZ DEUX ÉPILEPTIQUES..

L'étude des anomalies morphologiques des dégénérés a pris dans ces

dernières années une grande importance, surtout depuis que l'on con-

naît mieux la valeur étiologiquedç l'hérédité; ces anomalies donnent

en effet en quelque sorte la mesure de la prédisposition. Les anomalies

du crâne, de la dentition, des oreilles, des organes génitaux, des

extrémités ont surtout frappe l'attention. Les anomalies viscérales

doivent échapper à peu près fatalement sur le vivant. Quand aux ano-

malies musculaires elles ne paraissent pas avoir attiré l'attention

même sur les cadavres. Quelques-unes ne sont pourtant pas sans inté-

rêt, tant au point de vue des déformations et des troubles fonctionnels

qu'elles peuvent entraîner qu'au point de vue des indications qu'elles

peuvent fournir sur la localisation des lésions foetales du système ner-

veux avec lesquelles elles peuvent être en rapport.

Observation. A. V. E..., âgé de 18 ans, sans profession, est entré à

Bicêtre le 7 juillet 1888. Son père, âgé de 46 ans, peintre en bâti-

ments, se porte bien, n'a jamais été malade, n'a jamais eu d'accidents

saturnins. Deux oncles paternels sont bien portants, l'aîné n'a jamais

eu d'enfants, l'autre en a eu trois qui sont morts dans les deux ou trois

premiers mois. - La mère a 44 ans; se porte bien, mais très impres-

sionnable. Une tante maternelle, religieuse, a eu la danse de Saint-

Guy : un oncle a sept enfants vivants et bien portants. - Pas d'alcoo-

lisme ni du côté du père, ni du côté de la mère. Pas d'accidents connus

de la grossesse. A. V. E... a un frère âgé de '12 ans qui n'a jamais eu

aucune maladie, ni convulsions.

A. V. E... a eu de fréquentes et violentes convulsions au moment de

la première dentition. A 7 ans il a une grande attaque convulsive géné-

ralisée avec perle de connaissance et suivie d'un sommeil profond qui

dura quatre heures. Les mains seraient restées raides pendant un jour

ou deux. Depuis il a de temps en temps des crises convulsives du même

genre; en outre il a quelquefois des sensations d'étouffement suivies

NOUVELLE ICONOGRAPHIE T. II PL XIII

CLICHÉ A. LONDE PHQTOTVPIf-. Bl : .R'THAUD

Anomalie Musculaire chez un Épileptique

Lecrosnier et BA717 . Éditeurs

NOTE SUR UNE ANOMALIE MUSCULAIRE. "" -~â3lJl

de perte de la parole, puis de perte de connaissance et de chute avec

morsure de la langue. Il a aussi des crises dans lesquelles il marche

au hasard sans conscience, et à la suite desquelles il conserve de l'hé-

bétude pendant vingt-quatre ou quarante-huit heures.

Le 1er mars 188G, il a eu une attaque très violente qui l'a laissé trois

ou quatre jours sans connaissance. Dans un certain nombre d'accès il

perd ses urines. Quelquefois ces paroxysmes convulsifs débutent par

un cri. Quelquefois les attaques ou les vertiges sont annoncés par une

violente douleur de tête du côté droit. Depuis son entrée jusqu'au

let janvier 1889 il n'a eu que deux crises convulsives qui n'ont pu être

observées, et 34 vertiges qui paraissent varier considérablement, tan-

tôt il tourne sur l'une ou sur l'autre jambe, tantôt il marmotte des

mots inintelligibles parmi lesquels on distingue « les blancs ! les

blancs ! » D'aulres fois il cherche à saisir des objets imaginaires avec

sa main droite, à enlever ses vêtements. Il lui est d'ailleurs arrivé plu-

sieurs fois de se déshabiller dans la rue à la suite de ses attaques ou

de ses vertiges.

Ce malade est sujet à se faire des luxations en dehors des deux ro-

tules, il avait déjà eu cinq luxations de ce genre avant son entrée;

l'accident s'est reproduit une fois du côté gauche : la luxation était

à peu près complète.

Examen physique. - Taille, '1 m. 60. -Poids : 58 kil. 30. -Pres-

sion dynamométrique : main droite 35, 'main gauche 30.

La tête ne présente pas de déformation notable. ' L'oreille gauche

est un peu plus écartée. - Les dents, les voûtes palatines sont régu-

lières. -L'iris droit est plus foncé que le gauche. La pupille droite

est plus petite. Les deux sont déviées en haut et en dedans'. - Il

existe un double tourbillon des cheveux 2.

La poitrine présente une forte dépression du côté gauche. Il existe

une série de saillies au niveau des articulations chondro-costales en

dehors desquelles les côtes sont légèrement- déprimées.' Lorsque le

sujet est debout les membres supérieurs allongés le long du corps

(pl. XIII), on voit du côté gauche au-dessous de '-la 'clavicule 'une

dépression qui n'existe pas du côté opposé. On ne sent entre la peau

et les côtes aucun faisceau musculaire : du reste l'aisselle n'est

limitée en avant par aucune saillie,- par1aucÍ.lli tendon.' Le -grand

pectoral paraît donc absent. Cependant il est représenté par un fais-

1. Cri. Férié, De l'asymétrie chromatique de l'iris considérée comme stigmate névro-

pathique (stigmate indien) (Progrès médical, 1886, p. 802).

2. Ch. Fere, Nouvelles Recherches sur la topographie cranio-cérébrale (Revue d'an-

thropologie, 1881, p. 483).

ü4 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALI·I : 'l'111E1.>;.

ceau claviculaire. Lorsque le sujet a les bras étendus horizontale-

menton peut constater encore (pl. XIV) l'absence de la saillie sur le

bord de l'aisselle de la portion costale du grand pectoral gauche. On ne

sent pas non plus de petit pectoral. Le malade ne sent pas de gêne

dans les mouvements d'adduction; mais il n'en est pas de même lors-

qu'il s'agit de grimper. r, ,

La clavicule droite a 195 millimètres la gauche seulement 185. La

main droite a une longeur de 182 millimètres, la gauche 170 seule-

ment. Le médius droit a 8 millimètres de plus que le gauche. Les deux

cubitus paraissent égaux. La demi-envergure mesurée de la ligne

médiane du sternum est de 85 centimètres à droite et de 82 à gau-

che. La masse sacro-lombaire est plus dévelopée à droite qu'à gauche.

Le développement des deux membres inférieurs semble égal à pre-

mière vue. Mais le membre inférieur droit est de 2 centimètres plus

court; et les deux pieds sont inégaux : le droit n'a que 225 millimè-

tres de long, tandis que le gauche en a 245. Cet allongement du

pied droit coïncide avec un aplatissement de la voûte plantaire.

Aucune anomalie génitale, sauf que les testicules sont petits.

Il n'existe pas de troubles évidents de la sensibilité générale ou spé-

ciale.

L'étude du temps de réaction aux excitations cutanées (les yeux clos)

donne les résultats suivants :

Réaction de la main droite : .'

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

T. II PL. XIV

CLICHt7 A. LONDE PHOTOTYPIE BEHTHAUD

Anomalie Musculaire chez un EPILEPTIQUE

L6ChOSNIFR hT HAH1. Énrllo.uPs

NOTE SUR UNE ANOMALIE MUSCULAIRE.

une moindre abondance des poils sur tout le corps du côté droit; dans

la moustache, du côté droit, existe une tache de vitiligo couverte de

poils complètement décolorés. Il existe du même côté droit un affai-

blissement de la sensibilité générale et spéciale et une augmentation

de la durée du temps de réaction. '

L'absence du grand- pectoral n'est pas une anomalie très rare :

M. Testut, en cite une vingtaine d'exemples. Elle a quelquefois été

reconnue sur le vivante et elle a même été utilisée pour l'étude de

l'action physiologique des muscles intercostaux 3. `

Cil. Féré,

Médecin de Bicêtre.

1. 'l'estut, les Anomalies musculaires chez l'homme, expliquées par l'anatomie com-

parée, 1884, p. 29.

2. Deshayes, Bull. Soc. anat., 1873, 20).

3. Von Noorden, Zwei Falle von angeborenem Jla>agel der Pecloralmuskeln nebst

Bemerkung über die Wirkung de;' Intercostalmuskeln (Deulsch. med. Woch., 1885,

il, 39).

L'ACROMÉGALIE

(Suite ')

OBS. XVI2. - Femme de quarante et un ans, avait demandé les soins du

docteur Godlee pour une augmentation de volume du corps thyroïde datant de

neuf ans; un kyste s'y était formé qui avait amené une névralgie par compres

sion des branches du plexus cervical. M. Godlee ouvrit et draina ce kyste avec

amélioration des symptômes. La malade, qui auparavant avait été plutôt

mince (had been of a slight figure) et possédait une bonne voix, constata

d'abord la disparition des notes les plus élevées, puis le gonflement du cou

et l'arrêt subit des règles à l'âge de trente-six ans. Depuis cette époque était

survenu un accroissement graduel du corps thyroïde accompagné par une

augmentation de volume des os de la face et des membres, et spécialement

de la mâchoire inférieure, des mains et des pieds.

La malade était issue d'une famille de goutteux et de rhumatisants, el

avait été sujette au rhumatisme avant la maladie, mais non depuis.

Quant à l'état actuel : mâchoire inférieure très augmentée de volume, de

sorte que les dents de celle-ci ne pouvaient s'adapter à celles de la mâchoire

supérieure. Les lignes de la tête étaient peu ou pas altérées, de façon que la

face avait la forme d'un oeuf avec le gros bout en bas, différant ainsi beaucoup

de l'aspect qu'elle prend dans l'ostéite déformante. La clavicule et les extré-

mités des côtes étaient massives, de sorte que le sternum semblait enfoncé.

Les os des membres n'étaient généralement pas épaissis, mais toutes leurs

proéminences naturelles étaient très exagérées et les petits os des mains et

des pieds très augmentés de volume; aussi les extrémités étaient-elles deve-

nues larges et en forme de bêches. Cyphose marquée, faisant penser' à une

carie vertébrale et produisant une diminution considérable de hauteur. Car-

tilages des oreilles et probablement du nez et du larynx épais et résistants.

Peau grossière et avec de larges glandes sébacées à la face, naturelle ailleurs.

Tissu cellulaire sous-cutané normal, mais insuffisant comme quantité par

( suite de l'émaciation. Sueurs profuses ; auparavant la peau ne présentait pas

d'humidité anormale. Muscles très atrophiés. Ouïe normale, odorat très

affecté, spécialement pour les odeurs délicates, de même pour le goût; la

1. Voy. les nO' 5, 6, t. I, 1888 et le n' 1, t. II, 1889.

2. Rickman J. Godlee,1 case of acî,oi71egaly (Clinical Sodetyof London, 13 avril 1888),

dans Médical Press and CirculaI', 18 avril 1888.

L'ACROMÉGALIE. U7

langue était très épaisse et large; vision bonne; toucher normal; la malade

jouait encore de l'orgue aussi bien qu'auparavant. Voix rude, métallique et

monotone. Un peu de dyspnée due évidemment en partie fi. l'augmentation de

volume du corps thyroïde. - L'aspect général est celui d'une faiblesse

marquée et en voie d'augmentation ; la malade marche en traînant les

jambes comme une vieille femme. Appétit petit, mais soif excessive. Pouls

rapide. Température normale. L'urine ne contient ni albumine ni sucre.

Intelligence parfaite et humeur placide.

Ons. XVII1 . Le 25 mars 1 872, l'auteur vit entrer dans son cabinet une femme

de taille moyenne, fortement courbée en avant, marchant lourdement, dont

la tête était extraordinairement grande et mal conformée; son chapeau, qui

semblait tout d'abord un chapeau d'enfant, était cependant analogue à ceux

qu'on portait alors. Ses mains gigantesques croisées au-dessus de la ceinture

étaient à moitié enfoncées dans des gants non boulonnés; les vêtements sem-

blaient n'aller de nulle part. M. Freund eut cette sensation qu'il avait devant

lui une sorte de singe anthropomorphe habillé de vêtements humains et

prenant pour marcher l'attitude bipède. Cette femme était âgée de trente-

quatre ans, elle raconta que ses parents étaient bien conformés, ainsi que

ses frères et soeurs. Jusqu'à sa septième année, elle était plutôt petite, et

même mignonne, comme on disait dans sa famille. A partir de celte

époque elle a grandi assez rapidement, sa seconde dentition s'est faite

de bonne heure et promptement. Dans les années qui suivirent (une esti-

mation plus exacte du temps n'a pas été possible), la grandeur des mains

et des pieds fut remarquée à propos dit choix des vêtements, mais elle

se tenait parfaitement bien. Au visage, il n'y avait non plus dans ce temps-là

rien d'anormal. Mais vers l'âge de quatorze ans, la menstruation s'établit ;

tout d'abord les périodes se montrèrent un peu en avance, puis ensuite en

retard, elles duraient de quatre à cinq jours avec écoulement d'intensité

variable, sans douleurs ; il quinze ans, suppression des règles pendant quel-

ques mois, alors la jeune fille et son entourage remarquèrent une augmenta-

lion de la circonférence des pieds, des mains et du visage, augmentation qui

fut d'abord mise sur le compte de la croissance générale et de l'adipose. Puis

les règles se montrèrent de plus en plus rarement, elles firent défaut pendant

des intervalles de six mois ou plus encore, et enfin disparurent complète-

ment il l'âge de vingt ans. Elle se maria à vingt-deux ans, avec un homme

sain jusqu'alors, elle n'eut pas d'enfants, et plus tard devint tout à fait indif-

férente aux rapprochements sexuels; impossible de rien savoir sur ce point,

pour ce qui a trait aux premiers temps de son mariage. Alors « la chair »

aux mains, aux pieds, à la face, aurait épaissi de plus en plus ; alors aussi

auraient commencé les difficultés avec la couturière, la modiste, le cordon-

nier, le gantier. Peu à peu sa tète lui devint trop lourde à porter, de sorte

1. W. A. Fi,ciiiid, Ueber Akromegalie (Volkmann's Salllllllung klinischer 0 ! '<t'e,

n° 320-30, 10),

il, 7

98 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SAL1'1;'l'T,lliltl ?

qu'elle ne pouvait plus la tenir droite comme auparavant. Les travaux manuels

ne tardèrent pas à devenir impossibles parce que les mains massives ne pou-

vaient plus tenir ni diriger l'aiguille, et que par suite de leur poids les bras

se fatiguaient rapidement; la marche serait devenue lourde et sans élasticité.

Une sensation presque permanente de pesanteur et d'épuisement l'envahil,

se transformant quelquefois en douleurs lancinantes pénibles dans la nuque

et les membres. De sorte que de vive et active qu'elle était autrefois, elle

devint mal il l'aise et chagrine, et la déformation de son corps ne faisant que

s'accentuer, elle tomba dans la tristesse et la misanthropie, fuyant la vue

des autres personnes.

L'examen donna les résultats suivants : femme blonde, de constitution

vigoureuse, musculature molle. On est frappé de la maigreur des bras et des

jambes que rend d'autant plus saillante la différence de volume des différents

segments des membres. Au contraire, les parties molles des mains et des

pieds ont éprouvé un développement massif, de sorte que le squelette de ces

parties n'est que difficilement accessible à la palpation. La peau est partout

molle et élastique, non oedémateuse, et aux mains et aux pieds sillonnée en

tous sens de plis massifs. La couleur de la peau est celle ordinaire chez les

blondes pâles. Il n'y a nulle pari de varices visibles. Les muqueuses sont

pâles. L'expression du visage est triste et honteuse. La parole est un peu

embarrassée. Les fonctions des organes des sens complètement normales.

Les facultés mentales ne sont pas troublées. Le sommeil généralement bon.

Appétit peu vif. Un peu de constipation. La langue ne présente rien d'a-

normal.

La déformation du corps est principalement due à la cyphose arciforme de

la partie supérieure de la région dorsale du rachis et à l'attitude particulière

déterminée par cette cyphose, notamment pour le bassin et les extrémités

inférieures; la déformation est due en outre à ce que les épaules sont forte-

ment tombantes en avant et en bas.

Une autre chose qui saute aux yeux, surtout dans la position de profil,

c'est le développement tout à fait disproportionné, et presque gigantesque,

des quatres extrémités et de la ceinture qui rattache au tronc chacune des

deux paires de membres. La face tout entière (fig. 3G), d'une façon prédo-

minante dans sa partie inférieure régie par le maxillaire inférieur, fait, par ses

dimensions colossales, paraître le crâne proprement dit trop petit, elle

est fortement projetée en avant et en bas. Le cuir chevelu d'une épais-

seur normale semble avoir des limites plus étroites que normalement. t.

C'est surtout le maxillaire inférieur qui fait saillie dans toutes les direc-

tions,puis la région des tempes et des oreilles. La partie de la région du maxillaire

supérieur proche du nez est également anormalement développée, et donne

l'impression d'avoir obéi à une traction ou à une poussée venue du dehors

qui l'aurait fait sortir de ses limites ordinaires. La lèvre inférieure est un peu

plus grosse que la supérieure. L'arcade dentaire inférieure dépasse en avant

la supérieure du 5 millimètres.

L'ACROMÉGALIE.

99

Les bras étant pendants, l'extrémité des doigts arrive jusqu'à centimètres

au dessus du condyle externe. Le premier coup d'oeil montre que la maiu et

l'avant-bras sont d'une longueur disproportionnée, et que la main est en

outre démesurément large et massive. La clavicule et le scapulum sont aussi

de dimensions énormes.

Pour ce qui est des longues jambes, ou remarque tout d'abord le dévelop-

pement exagéré des pieds qui ont l'apparence de pieds-plats, sur leurs bords

quand la malade est debout, les chairs sous la pression rebroussent sous forme

d'un large bourrelet (iig. 37). Les jambes certainement trop longues sont assez

maigres, les mollets sont flasques. La région du bassin paraît plus large que

normalement. Le mont de Vénus très développé fait une trop forte saillie eu

avant et en haut; les fesses sont flasques et pendantes. La région lombaire du

rachis est anormalement aplatie ; la région sacrée se rapproche de la direc-

tion verticale.

Au cou on ne remarque que le grand développement des sterno-mastoï-

diens, a la nuque celui des trapèzes. Au niveau du corps thyroïde aucune

altération appréciable. La partie supérieure du thorax est déprimée, l'infé-

rieure élargie. Les mamelles sont molles, cela près normales. Au ventre

rien d'anormal a signaler.

Les organes génitaux externes présentent un développement complet. Le

clitoris est certainement trop volumineux et montre un prépuceépais. Autour

delà couronne du clitoris adhèrent de nombreuses masses de sébum à demi

l'w. 36. -.lcromegalic(obs. XVII).

lUU NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA S : 1L11 : 'l'lIl$lil :

desséchées. Les petites lèvres ont une muqueuse très épaisse, rugueuse, d'un

Ijrtin jaunâtre. Le vagin remarquablement large présente peu de plis et se

termine dans un cul-de-sac postérieur large et flasque. L'utérus en situation

normale est longue 7. 5 centimètres et porte d'ailleurs tous les caractères de

l'atrophie sénile au début; on remarque surtout la flaccidité el la minceur de

ses parois. Les ovaires faciles à sentir par la palpation sont très plats, résis-

tants et leur surface un peu irrégulière.

L'ACROMEGALIE. 101

102 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALI'ÈTHIBHE.

NOUVIÎLLC ICONOGRAPHIE T. II. PL. XV

LES EFFETS DU MAGNÉTISME... ANIMAL

cecnoswen ET SAIIÈ, ÉDITr(InS

1-i

NOUVELLE ICONOGRAPHIE T. II. Pu. xi

UNE Scène DES DOCTEURS MODERNES

(l784.)

D'APRÈS UNE AQUARELLE DE LA COLLECTION DE M. CHARCOT.

DOCUMENTS SATIRIQUES SUR MESMER

(Suite 1) .

Les deux pièces qui suivent (pl. XV et XVI) datent de 1784 et toutes

deux semblent avoir été inspirées, en partie au moins, par cette

comédie des Docteurs modernes qui ridiculisa si vigoureusement

Mesmer.

Ce fut le '16 novembre 1784 que les comédiens italiens donnèrent

pour la première fois cette « comédie-parade en un acte suivie

du Baquet de santé, divertissement analogue mêlé de couplets ».

Naturellement la pièce était conçue dans le goût de l'époque.

Cassandre qui représente Mesmer explique à Pierrot, le valet magné-

tiseur, sur l'air des Portraits à la mode, quels sont ses projets :

Saigner et purger dans tous événements, .

Employer en vain de noirs médicaments

Et sans les guérir rebuter tous les gens

Des autres c'est la méthode.

Suppléer à cela par un tact vainqueur

Flatter et les sens et l'esprit et le coeur

Tel est, mon ami, le remède enchanteur

Que je prétends mettre à la mode.

Pierrot, en valet bien appris, opine du bonnet et Cassandre, dont il a

gagné la confiance, veut bien lui dire en confidence :

Mon enfant, conçois mon dessein,

' Peu m'importe que l'on m'affiche

Partout pour pauvre médecin

Si je deviens médecin riche.

Tout est disposé pour recevoir les clients, le baquet est tout préparé.

Survient alors un Gascon qui raconte à Cassandre qu'ayant reçu une

maîtresse gifle il s'est battu en duel, mais qu'à la première passe est

tombé « à jambes rebindaines » comme eût dit Rabelais. Naturelle-

ment le Gascon ne peut douter de sa propre bravoure et l'effet désas-

treux qu'il a ressenti au simple froissement du fer de son adversaire

1. w3·. le Il'1, lsss, p. 59.

104 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

vient évidemment de ce que celui-ci tenait en main une épée magné-

tisée : « Magnétisez donc aussi la mienne s'écrie-t-il afin que je

punisse ce faquin. »

Très bien, dit Cassandre : '

Mais avant que je commence

Il me faudrait vingt louis.

LE GASCON.

Je n'ai pas une pistole

Mon banquier se trome absent

Mais je donné ma parole.

CASSANDRE.

J'y croirais sans \otre accent.

Et le Gascon est éconduit.

Cependant Cassandre n'ignore pas que la Faculté réprouve hautement

ses pratiques. Il lui faudrait un Docteur pour répondre aux critiques qui

le poursuivent de toutes parts. Afin de se l'attacher complètement il

lui donnera sa fille Isabelle en mariage et une bonne part du gâteau.

Mais à l'instar de toute ingénue qui se. respecte, Isabelle ne se soucie

pas d'épouser un barbon, elle aime en secret le beau Léandre. Comme

il est un dieu pour les amoureux, même chez les magnétiseurs, Pierrot,

en bon valet de comédie, se charge de tout arranger pour le mieux, ce

qui lui est d'autant plus facile que Léandre se trouve être par hasard le

propre neveu du Docteur (qui représente Deslon). Les bénéfices qui

menacent d'être considérables ne sortiront pas ainsi de la famille.

Naturellement l'intrigue principale est entrecoupée par des intrigues

secondaires qui se passent entre un certain Mondor et la belle Agiaé

auprès de laquelle ce dernier paraît devoir être supplanté par un jeune

abbé fort galant.

Aglaé a la plus grande envie de ressentir les effets du magnétisme.

L'abbé lui propose ses services : « Je m'estimerais bien heureux, lui

dit-il, si je pouvais contribuer à la guérison d'une aussi jolie per-

sonne. »

Cassandre intervient alors comme le Deus ex machina. Mondor

s'assied devant l'harmonica, et c'est au son de cette musique céleste

qu'Aglaé entre en des pâmoisons qui vont se terminer dans la salle des

crises où l'emporte le fidèle Pierrot.

L'aquarelle qui appartient il M. Charcot et que nous reproduisons

(pl. XVI) semble bien avoir été inspirée par cette scène des Docteurs

modernes. Elle présente de plus, au point de vue médical, ceci d'intéres-

sant que le magnétiseur appuie directement sur la région ovarienne,

région qui, comme on le sait, estle siège de la plus fréquente des zones

DOCUMENTS SATIRIQUES SUR MESMER. 105

hystérogènes. Ce n'est donc pas sans intention que sa main se porte

en cet endroit, car c'est là qu'il doit appuyer pour produire la crise.

Ali ! je conçois qu'il n'est rien tel

Que ce fluide universel

J'aime fort qu'on me magnétise

Appuyez, docteur, j'entre en crise.

Notre artiste inconnu était incontestablement doublé d'un excellent

observateur.

L'aquarelle, comme la pièce des Docteurs modernes, date de 1784.

Au-dessus des lignes qui nous l'apprennent on remarquera deux chats

qui eux aussi commencent à ressentir les effets du magnétisme...

animal. '

D'ailleurs, comme nous l'avons dit, rien ne résistait au fluide de

Mesmer. D'un coup de baguette il magnétisait les arbres, la lune elle-

même et son chien fidèle ne pouvait sortir dans la rue sans qu'à son

approche tous les autres animaux fussent magnétisés !

Et les effets qui se produisaient alors n'étaient, paraît-il, guère plus

anodins que ceux que l'on observait dans la salle des crises, si nous en

jugeons par la planche XV qui date également de 1784, alors que les

Italiens jouaient les Docteurs modernes dont on peut voir l'affiche

placardée sur le mur de droite.

Le caniche de Mesmer qui porte sur son collier le nom de son maître,

a voulu lui aussi essayer lapuissance de son fluide. Il est tombé à point

au beau milieu d'une meule conduite par un piqueur. Aussitôt les con-

vulsions d'éclater suivies bientôt de vomissements et d'émissions de

toute nature. Le piqueur lui-même est touché et abandonne ses

chiens qui ont rompu leur laisse. Seul un pauvre diable de violoneux

aveugle continue à racler son instrument, se faisant ainsi le complice

inconscient du caniche par les accords harmonieux qu'il tire de son

violon remplaçant dans la circonstance l'harmonica de Mesmer.

Ces accords troublent profondément un Aliboron envahi par le

fluide, et qui non seulement ne se contente pas de braire à l'unisson,

mais encore lance mille pétarades et ruades qui ont pour effet immé-

diat de désarçonner une jeune et jolie laitière qu'il porte en croupe.

Et toujours, comme dans la salle des crises (pl. VIII), il se trouve là un

amateur sur lequel les charmes de la laitière ont beaucoup plus de

prise que les effets du magnétisme.

Les Docteurs modernes eurent un grand succès : les amis et les

ennemis de Mesmer se donnèrent rendez-vous à la première représen-

tation pour applaudir et siffler de concert. Mais les applaudissements

106 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

remportèrent, et comme en France rien ne tue plus sûrement que le

ridicule, quelques mois plus tard Mesmer quittait Paris. z

« Adieu baquet, vendanges sont faites, » lit-on au-dessous d'une autre

pièce satirique, et cette locution est devenue proverbiale.

Mais les vendanges avaient été grasses et Mesmer, en quittant Paris

pour son opulente retraite de Mersburg, pouvait répéter avec une

variante les paroles qu'il adressait à Pierrot :

Peu m'importe que l'on m'afliche

Ilti-tolit polir 1)tu 1-0 médecin..

11 était devenu riche.

Gilles de la TOURETTE,

Chef de clinirluc (le mal.ultCs du sjstùinc ri,iveii\.

Le gérant : ';\111,1; LECH0bMi : n.

,rOrll;n07.. - Imprimerie lé11111r5 U, me Mignon, 2.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

DE LA SALPÊTRIÈRE

DE LA SUPERPOSITION DES TROUBLES

DE LA SENSIBILITÉ ET DES SPASMES DE LA FACE

ET DU COU CHEZ LES HYSTÉRIQUES

En prenant, à la Salpêtrière, au mois de novembre 1887, nos fonc-

tions de chef de clinique de M. le professeur Charcot, nous avons

trouvé dans la salle Duchenne, de Boulogne, une jeune fille hystérique,

présentant, entre autres accidents variés de la névrose, une contrac-

ture de l'orbiculaire des paupières gauches, dont l'étude a été l'origine

du présent travail.

Ce travail qui, dans le principe, portait uniquement sur le blépharo-

spasme hystérique a pris peu à peu des proportions plus considérables.

En effet, par la nature même de nos recherches nous avons été conduit

insensiblement à passer en revue les autres spasmes de même ordre,

des muscles de la face et du cou, y compris le spasme glosso-labié,

dont la récente découverte comptera certainement parmi les plus

intéressantes dans le domaine de l'hystérie. On verra que nos investi-

gations n'ont pas tout à fait été infructueuses, puisqu'elles nous ont

permis de relier tous ces spasmes par un lien commun que, nous

l'espérons, de nouvelles observations ne feront que resserrer.

Cette étude est donc un chapitre détaché de la pathologie générale

de l'hystérie : toutefois, pour les raisons précédemment énoncées, on

ne s'étonnera pas d'y voir le blépharospasme y occuper une place pré-

dominante. Sa description méritait, en effet, d'être traitée plus lar-

gement qu'on ne l'avait fait jusqu'ici. Notre but aura été atteint si, de

l'ensemble des faits particuliers que nous allons exposer, se dégage,

Il. . 7

108 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA 511.1'LI'Itll.lil ?

d'une façon précise, cette notion générale, du lien commun tiré de

l'état des troubles de sensibilité - qui réunit les spasmes des diffé-

rents muscles de la face et du cou chez les hystériques.

Otso. 1 s. - llorteuse J..., couturière, âgée de seize an el demi, entre à

' la Salpètrière, salle Duchenne, de Boulogne, service de M. le professeur

Charcot, le 22 septembre 1887.

Antécédents héréditaires. - Père rhumatisant ; mère morte d'une

maladie de coeur. La malade n'a pas connu ses grands parents paternels ni

maternels. Un frère, bien portant, qui a eu des douleurs rhumatismales. Une

soeur a des attaques d'hystérie.

Antécédents personnels. Rougeole dans l'enfance. A l'âge de sept ans,

choréc de Sydenham qui a duré cinq ans : trois ans de suite, un an de repos,

puis une récidive. A l'âge de neuf ans, bubon strumes de l'aine droite.

Réglée à quinze ans, l'a toujours été assez régulièrement.

Le 1" juillet 1887, à la suite d'un refroidissement, elle fut prise d'un mal

de gorge et commença à ressentir de la raideur dans le cou. Le lendemain

matin, elle était devenue aphone et ne pouvait plus avaler, parce que, dit-

elle, la déglutition était douloureuse et que, probablement, les amygdales

étaient gonflées. Elle entre alors à l'hôpital Beaujon. Au bout de huit jours,

elle n'avait plus mal à-la gorge, mais l'aphonie persistait. Elle commença

alors à souffrir dans le genou et surtout dans la hanche du côté gauche. Elle

sortit de l'hôpital Beaujon, où elle avait eu trois ou quatre crises convulsives.

Son aphonie et sa coxalgie persistant, le médecin de sa famille l'envoya con-

sulter à la Salpêtrière, et elle entra daus le service de M. le professeur

Charcot au mois de septembre 1887.

On remarqua alors que l'on pouvait, parla pression sur les globes oculaires,

la mettre dans l'état désigné sous le nom de petit hypnotisme. Dans cet état

on pouvait, par suggestion, calmer pour un moment ses douleurs de la

hanche et du genou, et la faire parler à haute voix; mais l'aphonie revenait

au bout de quelques heures. Le transfert avec une grande hypnotique fut

pratiqué plusieurs fois et donna les mêmes résultats que la suggestion dans

le petit hypnotisme.

A la suite d'une attaque survenue dans le mois de novembre 1887, l'oeil

gauche est resté fermé. Dès le premier jour, il l'a été assez fortement; puis il

sembla à la malade qu'il tendait à se fermer cncore davantage les jours sui-

vants. Ilortense J... n'avait jamais vu de malade atteint de blépharospasme.

Elle avait été hypnotisée à la Salpêtrière bien avant la localisation de cette

affection sur son oeil gauche; mais elle n'avait jamais été suggérée dans ce

sens. Les suggestions et le transfert avaient eu simplement pour but de faire

disparaître son aphonie et sa coxalgie hystériques.

État actuel (27 novembre 1887). = La malade a toujours son aphonie,

sa coxalgie hystérique à gauche et son blépharospasme de l'oeil gauche.

l. Cette observation a été recueillie par M. Daniayc, externe du service.

DE LA SUPERPOSITION DES 'l'IIUIiI>LIsS. JOU

Elle présente les troubles suivants de la sensibilité générale (fig. 38, 3J) :

Sensibilité complète à la piqûre, au froid et au contact dans tout le

côté droit du corps, sauf une diminution très marquée pour la main droite :

cette zone d'anesthésie et d'analgésie, qui occupe toute celte main, remonte

en manchon jusqu'à quatre travers de doigt au-dessus du poignet'.

D'une façon générale, tout le côté gauche sent beaucoup moins la piqûre,

le froid et le contact que le cùté droit(hémiliypoestfusie gauche). 11 existe une

zone où l'anesthésie et l'analgésie sont complètes : cette zone occupe tout le

membre supérieur gauche et se termine en manchon sur l'épaule.

Rien de particulier pour la sensibilité des membres inférieurs, si ce n'est

que le gauche est un peu moins sensible que le droit.

1. Cette dernière disposition n'est pas indiquée sur les figures : 3$et et 39.

110 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTH1ÈHL.

A la lète. une héinicalotte d'aneslhésie du côlé gauche.

La pression de l'ovaire gauche est douloureuse et détermine une attaquc

oenvulsive (zone hyslérogèlle).

NOUVELLE ICONOGRAPHIE T. II. PL. XVII

BLEPHAROSPASME HYSTÉRIQUE

.C.0 SN i.R ET PAPI', EDITEURS

DE LA SUPERPOSITION DES TROUBLES. 111

Réflexes tendineux normaux, réflexe pharyngien conservé. Aucun trouble

du goût, ni de l'odorat.

Diminution de l'acuité auditive de l'oreille gauche.

Vision (fig. 40). OEil gauche. - Amaurose de cet oeil ; rien dans le fond

de l'oeil ; pupille réagissant à la lumière.

OEil droit. - Champ visuel un pou rétréci (30-50); pas de dysclroma-

lopsie.

La malade présente la diathèse de contracture, caractérisée par ce fail,

que l'application de la bande d'Esmarch sur le poignet contracture la main en

flexion; de même, si l'on étend brusquement l'un des membres supérieurs,

celui-ci reste ainsi fixé en extension. -

Elle a une ou deux attaques d'hystérie par semaine : elle a eu la première à

l'hôpital Beaujon, au mois de juillet 1887. L'attaque dure en moyenne quinze

à vingt minutes; elle est précédée d'une aura, qui consiste en une sensation

de constriction épigastrique. Elle est à prédominance clonique et a lieu avec

de grands mouvements : il y a projection du bassin en avant, mais sans arc

de cercle bien net.

De temps à autre, la malade qui est complètement aphone est prise d'une

toux rauque, sans expectoration, toux de nature manifestement hystérique.

IIortense J. est hypnotisable par pression sur les globes oculaires. Elle ne

présentait d'abord que les phénomènes du petit hypnotisme et elle fut, avons-

nous dit, plongée dans cet élat pour la première fois à la Salpètrière. Hyp-

notisée depuis presque tous les jours dans un but thérapeutique, elle présente

désormais deux phases du grand hypnotisme : la pression sur les yeux la

met en léthargie et elle a alors de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire; puis

de légères frictions du vertex la font passer en somnambulisme, elle a alors

les yeux ouverts et présente également les phénomènes de l'hyperexcitabilité

musculaire. Pendant qu'elle est hypnotisée, elle est fréquemment prise de sa

toux rauque.

Lorsqu'on examine la face de la malade à l'état de veille, on remarque que

l'ceil gauche est complètement fermé par une contraction active de l'orbicu-

laire. Cette contracture plisse fortement la paupière supérieure, ainsi qu'il

est facile de le voir sur la planche XVII. Lorsqu'on commande à II. J. d'ouvrir

cet oeil, on remarque que tous ses efforts n'arrivent qu'à déterminer de lé-

gères contractions de l'orbiculaire qui accentuent encore l'occlusion. Du

reste, de temps en temps, la paupière supérieure est animée de mouvements

convulsifs spontanés, de frémissements qui s'affirment encore lorsqu'elle es-

saye d'ouvrir l'oeil. Celui-ci reste encore fermé lorsque la malade est couchée

sur le dos et que la tète repose sur un plan inférieur il celui du tronc. Du

reste, l'occlusion de l'oeil n'est pas seulement complète; mais encore la pau-

pière supérieure empiète sur l'inférieure. ce qui indique nettement une par-

ticipation active de l'orbiculaire. Lorsque, d'ailleurs, on cherche à relever la

paupière, on sent une résistance qui, pour ne pas être considérable, est

néanmoins très appréciable.

112 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE. '

Les mouvements dévolus aux muscles extrinsèques de l'oeil s'effectuent

normalement. t. , ,

Il existe une amaurose absolue de l'oeil gauche : lorsqu'on relève de force

la paupière supérieure de cet oeil, et que l'on ferme l'oeil droit, la malade

ne voit rien. L'usage du prisme et des images colorées montre que cette

amaurose est bien réelle.

La conjonctive gauche esl insensible dans son segment interne; la cornée

du même côté est également insensible dans son segment interne et infé-

rieur. La sensibilité est en outre diminuée sur toutes les autres parties' de la

cornée et de la conjonctive de l'oeil gauche.

En promenant un papier sur la cornée, on détermine des mouvements

réflexes et du larmoiement, sans qu'il y ait de sensation douloureuse perçue

par la malade.

Autour de l'oeil gauche il y a une zone d'aneslhésie légumentaire, com-

prenant les paupières supérieure et inférieure, el s'étendanl dans une zone '

périorbitaire d'environ deux centimètres.

L'aphonie de la malade persiste toujours. Depuis son entrée à la Salpè-

trière, on lui enlève tous les matins cette aphonie par suggestion dans l'état

somnambulique, et elle peut alors parler à haute voix jusqu'au soir, au mo-

ment où elle s'endort; mais le matin, au réveil, l'aphonie est revenue. Ce

n'est d'ailleurs que depuis quelques jours que l'effet de la suggestion per-

siste ainsi jusqu'au soir; au début, il ne durail que quelques heures, puis la

durée a augmenté peu il peu.

Dès le 27 novembre 1887, on commence il traiter le blépharospasme de la

malade par suggestion, en même temps qu'on continue à traiter son aphonie

par le môme moyen.

La malade étant hypnotisée par pression sur les globes oculaires, puis

mise dans la phase somnambulique, on lui suggère qu'elle peut parler il

haute voix : elle est alors prise d'une toux rauque, puis répète à haute voix

les mots qu'on lui fait dire. On lui suggère ensuite qu'elle peut ouvrir l'oeil

gauche, ce qu'elle l'ait lorsque l'on a insisté pendant quelques minutes. Mais

le blépharospasme reparaît peu à peu au bout de quelques minutes. L'apho-

nie ne reparait que le lendemain au réveil.

Les jours suivants (28, 29 et 30 novembre), on fait les mêmes suggestions

et l'on obtient les mêmes résultats; on essaie en outre, lorsque l'oeil reste

ouvert aussitôt après la suggestion, de faire disparaître l'amaurose par

le même procédé, en fermant l'oeil droit de la malade et en lui suggé-

qu'elle peut voir avec l'oeil gauche; mais celle suggestion reste sans

effet.

Le 1"' décembre 1887, on fait les mêmes suggestions à neuf heures et demi

du matin : on réussit ainsi à faire parler la malade à haute voix, -il lui faire

ouvrir l'oeil gauche, et, pour la première fois, à faire disparaître l'amaurose

de cet oeil. Après la suggestion, la malade voit donc avec son oeil gauche;

néanmoins, l'acuité visuelle do cet oeil, comparée à celle de l'oeil droit, est

DE LA SUPERPOSITION DES TROUBLES. 11 Il;

bien faible. On prend immédiatement le champ visuel de la malade, celle-ci

étant toujours en somnambulisme, et l'on trouve :

114 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALP);TltIl`sTtl's.

Mais les suggestions faites pour faire cesser le blépharospasme et l'amau-

rose de l'oeil gauche donnent de bons résultats, et l'on voit chaque jour aug-

menter la durée pendant laquelle ces résultats persistent. ,

Les 8 et 9. décembre, l'oeil gauche reste ouvert jusqu'à huit heures et demie

du soir; la vision avec cet oeil persisle, avec une acuité assez faible, il est

vrai, pendant les trois heures qui suivent la suggestion. L'aphonie ne repa-

raît plus jamais dans la journée, mais seulement le lendemain matin au ré-

veil.

Les 10 et 11 décembre, le temps pendant lequel durent les effets des sug-

gestions faites le matin augmente encore un peu : la vision avec l'oeil gauche

persiste pendant quatre heures et cet oeil ne se ferme que le soir neuf

heures et demie, heure il laquelle la malade s'endort.

Le 12 décembre, il neuf heures et demie du matin, mêmes suggestions effi-

caces ; mais on ne parvient toujours pas à rendre à la cornée et à la conjonc-

tive leur sensibilité. Ce jour-là, à six heures et quarl du soir, la malade a

une attaque d'hystérie qui dure environ une demi-heure. Après cette at-

taque, elle est redevenue aphone et son oeil gauche reste fermé. Elle avait

vu, avec cet oeil, jusqu'à trois heures de l'après-midi.

Les jours suivants (du 13 au 20 décembre 1887), les mêmes suggestions

sont faites le matin vers neuf heures et demie; après quoi la vision avec l'oeil

gauche persiste pendant quatre ou cinq heures et cet oeil reste ouvert jus-

qu'à ce que la malade s'endorme le soir, de même qu'elle peut parler à

haute voix jusqu'à ce moment.

On remarque que l'hypnotisme de la malade s'est pour ainsi dire perfec-

tionné : elle présentait déjà depuis quelque temps les phases léthargique et

somnambulique du grand hypnotisme; le 13 décembre, elle commence à

avoirquelques-unsdes caractères de la phase cataleptique : si, pendant qu'elle

est en léthargie, on tient les paupières relevées, alors les membres restent

dans l'attitude qu'on leur imprime; mais, dès qu'on cesse de tenir les pau-

pières relevées, elles retombent d'elles-mêmes cl la malade reliasse dans la

phase léthargique.

Quelques jours plus tard, la malade présente la phase cataleptique bien

nette : lorsqu'on relève ses paupières, celles-ci- ne retombent plus d'elles-

mêmes, et la malade reste dans toutes les attitudes qu'on lui imprime alors.

Lorsqu'on ferme les paupières, elle repasse dans la phase léthargique.

On remarque aussi que la malade accepte de plus en plus facilement les

suggestions qu'on lui fait tous les jours : on n'a plus besoin d'insister pour lui

persuader qu'elle peut parler à haute voix, qu'elle peut ouvrir l'oeil gauche

et voir avec cet oeil.

Les suggestions se font d'ailleurs tout aussi bien dans la phase léthargique :

il suffit alors de répéter plusieurs fois à l'oreille de la malade que, dès

qu'elle sera réveillée, elle pourra parler à haute voix, ouvrir son oeil gauche

et voir avec cet oeil, pour que ces suggestions aieut leur effet immédiat dès

qu'on la réveille.

. r

DE LA SUPERPOSITION DES TROUBLES.

Dans la dernière quinzaine du mois de décembre 1887, l'état de la malade

est toujours sensiblement le même. Tous les matins, vers neuf heures ou dix

heures, on l'hypnotise et l'on fait alors disparaître par suggestion l'aphonie,

le blépharospasme et l'amaurose de l'oeil gauche, sans jamais pouvoir rendre

par suggestion la sensibilité à cet oeil. La malade parle alors à haute voix et

son oeil gauche reste ouvert toute la journée, jusqu'au moment où elle se

couche et s'endort, vers neuf heures et demie ou dix heures du soir. Mais

l'amaurose de l'oeil gauche reparaît plus tôt, et la malade cesse de voir avec

cet oeil vers six heures et demie ou sept heures du soir. 4

Deux fois par semaine en moyenne, vers cinq ou six heures du soir, la

malade a une attaque convulsive : alors, immédiatement après l'attaque,

l'aphonie el le blépharospasme reparaissent, ainsi que d'autres contractures

des muscles des membres supérieurs et inférieurs, qu'on enlève ensuite faci-

lement par suggestion dans l'état hypnotique.

Le 18 décembre 1887, on constate une certaine modification dans la distri-

bution de l'anesthésie et de l'analgésie à la surface du tégument externe de

la malade : elles sont complètes dans tout le segment supérieur de la moitié '

gauche du corpsy compris le bras; le segment supérieur de la moitié droite ,

est bypoesthésique, la main droite est anesthésique, le segment inférieur

gauche est hypoesthésique.

Le 21 décembre 1887, à neuf heures et demie du matin, comme d'habitude,

on enlève à la malade, par suggestion en somnambulisme, son aphonie, son

blépharospasme et son amaurose de l'oeil gauche.

A dix heures, l'examen des yeux est fait par M. le De' Parinaud :

Acuité visuelle de l'oeil gauche = 1/3. Diplopie monoculaire de l'oeil

gauche. L'oeil gauche distingue toutes les couleurs; le champ visuel du bleu

est plus rétréci que celui du rouge. Champ visuel de l'oeil gauche : en dehors

30, en dedans 20. Pas de lésion du fond de l'oeil gauche. Rien dans l'oeil

droit. Les pupilles des deux yeux réagissent normalement. ,

Ce même jour, la malade a une attaque à cinq heures du soir : après

l'attaque, l'aphonie elle blépharospasme ont reparu.

Le 27 décembre 1887, la malade a une attaque convulsive à six heures du

soir avec grands mouvements et très vive agitation. Après cette attaque, elle

se plaint de ressentir des douleurs dans l'épaule et dans le bras du côté droit

et un peu aussi dans l'avant-bras et la main du même côté. Le lendemain

(28 décembre), les douleurs augmentent d'intensité : le moindre mouvement

des articulations de l'épaule et du coude et la moindre pression, le plus léger

frôlement de la peau à leur niveau provoquent une douleur assez intense et

font crier la malade; l'articulation du poignet est également douloureuse.

En même temps, on constate un changement dans l'état de la sensibilité

cutanée de la malade : il y a toujours hémianesthésie et hémianalgésic du

côté gauche; l'anesthésie et l'analgésie sont complètes pour l'hémicalotte

crânienne, la zone périorbitaire, la cornée et la conjonctive et le membre supé-

rieur gauches, un peu moindres pour le côté gauche du tronc, el peu accentuées

116 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA Salpêtrière.

pour le membre inférieur gauche. Le côté droit du tronc et le membre infé-

rieur droit ont leur sensibilité normale. Mais le membre supérieur droit, y

compris l'épaule, est hyperesthésié et hyperalgésié, sauf au niveau des deux

dernières phalanges des doigts qui ont leur sensibilité normale, de même

que deux zones qui ont la forme de manchons d'une hauteur de sept ou huit

centimètres et qui sont situées : l'une, à trois travers du doigt au-dessus du pli

du coude, et l'autre, il trois travers de doigt au-dessus du pli articulaire du

poignet.

On constate aussi que tous les muscles de l'épaule droite et du membre

supérieur droit sont en imminence de contracture : celle-ci est provoquée par

une très faible excitation, telle qu'une légère traction, une légère pression ou

percussion.

Le 29 décembre, même état.

Le 30 décembre, l'hyperalgésie persiste toujours sans modifications : ce

jour-là, à midi, des contractures se produisent spontanément dans le membre

supérieur droit : le bras est en adduction contre le tronc, l'avant-bras fléchi

à angle droit sur le bras, la main fléchie sur l'avant-bras et les doigts forte-

ment fléchis dans la paume de la main. La malade étant hypnotisée, on

peut lui enlever ces contractures par suggestion et par des frictions sur les

muscles antagonistes; mais elles se reproduisent aussitôt après le réveil ou

quelques minutes après. Les douleurs arthralgiques ne peuvent être calmées

par suggestion; elles persistent non seulement dans la phase somnambu-

lique, mais encore dans les phases léthargique et cataleptique du grand

hypnotisme; lorsque la malade est dans l'une de ces dernières phases et que

l'on presse sur l'une de ses articulations douloureuses ou que l'on frôle,

même légèrement, la peau qui les recouvre, son faciès exprime la douleur

et elle laisse échapper quelques plaintes. On remarque même que pendant

la période somnambulique ces douleurs provoquées sont plus vires

qu'à l'état de veille alors que la sensibilité a disparu dans tout le reste

du corps, ainsi que cela s'observe ordinairement pendant cet état hypno-

tique.

Dans les premiers jours du mois de janvier 1888, on remarque que l'étal

de la sensibilité cutanée de la malade s'est encore une fois modifié : il est

resté le même dans la moitié droite du corps, et la moitié gauche est tou-

jours hyperesthésique; mais, de ce côté, les zones d'aneslhésie et d'analgésie

complètes ne sont plus aussi étendues et n'occupent plus que l'hémiralolle

crânienne, la périphérie de l'oeil gauche et toute la main gauche jusqu'à

quatre travcrs de doigt au-dessus du poignet.

Pendant tout le cours du mois de janvier 1888, l'état de la malade reste

sensiblement le même : il y a persistance de son aphonie, de son blépharos-

pasme avec amaurose et de ses arlbralgies avec contracture du membre

supérieur droit. Tous les matins, on fait disparaître ces accidents par sug-

gestion, sauf les douleurs arthralgiques qui persistent, même pendant toutes

les phases de l'état hypnotique* Les autres accidents se reproduisent d'ail-

: DE LA SUPERPOSITION DES TROUBLES. 117

leurs au bout d'un certain temps après que la suggestion les a fait disparaître :

les contractures des muscles entourant les articulations douloureuses repa-

raissent au bout de quinze ou vingt minutes; l'amaurose de l'oeil gauche

reparaît le soir, vers six ou sept heures; seuls, le blépharospasme et l'aphonie

ne se reproduisent pas le môme jour (à moins que la malade n'ait une

attaque), et ne reparaissent que le lendemain matin au réveil.

Il 1 mars 1888. - Le blépharospasme et l'aphonie ont maintenant complè-

tement disparu; mais les arthralgies et les contractures du membre supé-

rieur droit persistent toujours avec les mêmes caractères.

Le blépharospasme persistait encore avec tous ses caractères dans les

premiers jours du mois de février : on le faisait disparaître alors tous

les matins par suggestion; mais il se reproduisait tous les soirs. Enfin, le

10 février, lorsque la malade s'est réveillée, elle put ouvrir Son oeil gauche

et voir avec cet oeil, quoique l'acuité visuelle n'en fut pas encore bien grande.

Les jours suivants, le blépharospasme ne se reproduisit plus et l'acuité

visuelle redevint peu à peu normale. Mais la cornée, la conjonctive et les

téguments périorbitaires sont toujours restés insensibles il la piqûre et au

contact, et ils le sont encore aujourd'hui.

L'aphonie persistait aussi au début du mois de février et on la faisait dispa-

raître chaque matin par suggestion, mais elle reparaissait le lendemain au

réveil. Le 8 février, à la suite d'un refroidissement, la malade fut atteinte

d'une légère angine catarrhale, qui persista huit jours pendant lesquels la

suggestion fut impuissante à faire disparaitre l'aphonie. Mais, dès que la

rougeur de la gorge eut complètement disparu, on put de nouveau faire dis-

paraître l'aphonie par suggestion pendant l'état hypnotique; dès lors, cette

aphonie ne se reproduisit plus et ne s'est plus reproduite depuis.

Les arthralgies du membre supérieur droit et les contractures qui les accom-

pagnent n'ont subi aucune modification, non plus que l'état de la sensibilité.

La malade a toujours en moyenne une attaque convulsive par semaine.

Le 10 mars, à quatre heures de l'après-midi, un nouvel accident de nature

hystérique est venu s'ajouter aux arthralgies du membre supérieur droit : ce

membre est incessamment agité de mouvements malléatoires de chorée

rhythmée. L'état de la sensibilité de ce membre n'est aucunement modifié

par l'adjonction de ce nouvel accident.

Nous résumerons maintenant, en quelques mots, les faits saillants de

cette longue observation qui nous restent à exposer.

Les accidents choréiques ont persisté jusqu'à la fin de juin 1888. Ils dispa-

raissaient subitement et revenaient sous forme d'attaques. On peut dire

néanmoins que la malade n'en a jamais été complètement indemne, car

jusqu'au mois de juillet, le bras gauche a été animé de mouvements involon-

taires, en l'absence des attaques de chorée rlythmée. Celle-ci existait, pour

ainsi dire, en puissance.

118 \OUVI'sLl.l; ICONOG1L1111lE DL L.\ sALI ? l'ItT;ltl : . \

De môme en ce qui regarde le blépharospasme qui est revenu et a disparu

diverses reprises sans jamais cesser, en somme, d'une façon durable.- C'est

NOUVELLE ICONOGRAPHIE T. II. PL. XVIII

BLEPHAROSPASME HYSTERIQUE GUERI

LECROSNIER 6T BABÉ, ÉDITEURS

DL LA SUPERPOSITION DES TROUBLES. 119

du reste, toujours par suggestion qu'on le fait disparaître : ou peul dire que,

jusqu'à ces derniers temps, jamais il ne s'en est allé spontanément. En son

absence la vision a toujours été absente de l'oeil gauche, la cornée et la con-

jonctive restant anesthésiques ainsi que la zone périorbitaire.

Le 23 novembre '1 888, M. Charcot la présente à ses auditeurs pour une attaque

de sommeil hystérique avec raideur qui dure depuis deux jours. Réveillée

par pression de la zone hystérogène qu'elle porte dans le flanc gauche, elle

\ oit revenir après une attaque convulsive le blépharospasme qui l'avait quittée

depuis quelques jours.

Le 25,on lui enlève le blépharospasme par suggestion sans que la vision et

la sensibilité de l'oeil gauche et des parties périphériques se rétablissent.

Le 26 au soir, elle a une violenteattaque convulsive à la suite de laquelle elle

vient nous déclarer spontanément (27 au matin) que la vision s'est rétablie

dans l'oeil gauche. C'est la première fois depuis son entrée à l'hôpital que la

vue se rétablit ainsi d'une façon spontanée, naturelle (PI. XVIII).

L'examen des yeux fait immédiatement donne ce qui suit (fig. 41) : acuité

visuelle normale à droite; 1/3 il gauche. Rétrécissement concentrique il

droite = 55°, à gauche = 35° en dehors, 30 en dedans, en haut et en bas.

Dyschromatopsie pour le bleu et pour le violet à gauche.

Pour la première fois, la sensibilité est revenue sur la cornée et la conjonc-

tive de l'oeil gauche; de même dans la zone périorhitaire. Là face et la tête

sont en effet sensibles, faisant en cela exception à l'insensibilité qui existe sur

tout le côté gauche (fin. 42, 43). Le goût,'l'ouïe et l'odorat sont normaux.

Le 11 décembre la malade demande son exeal. Persistance du même état.

Cette observation présente, en dehors du blépharospasme, plusieurs

points intéressants qui mériteraient mieux qu'une simple menlion.

Nous avons nommé l'aphonie et les variations de la sensibilité dans ses

rapports particuliers avecles arthralgies elles contractures consécutives.

Mais nous ne pouvons nous étendre et nous devons nous borner à

l'étude du seul blépharospasme présenté par notre malade.

Cet accident n'est pas rare dans l'hystérie. Dans son mémoire inédit

sur les Paralysies et les contractures hytériques couronné par l'Acadé-

mie de médecine (prix Civrieuxl883) M. Paul Richer en rapporte plu-

sieurs cas revêtant des formes différentes.

. Tantôt il s'agit d'un, blépharospasme clonique caractérisé par des

clignements plus ou moins répétés des., paupières s'accompagnant

presque toujours d'une photophobie plus ou moins prononcée.

Dans d'autres cas, le blépharospasme est tonique et se caractérise,

comme dans notre observation, par une contracture énergique

et permanente des paupières ; dans celte forme comme dans la pré-

cédente la photophobie peut exister, ce qui n'avait pas lieu chez

notre malade. De plus la contracture de l'orbiculaire s'accompagne

1Z0 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA : -0 A Ll'ÈTIIIÈHI'.

assez fréquemment d'un spasme des autres muscles de la face, du

même côté.

M. P. Richer décrit encore une troisième forme de blépharospasme

hystérique qu'il dénomme avec M. Parinaud` blépharplose pseudo-

paralytique. Dans cette forme, les deux muscles antagonistes, le rele-

veur de la paupière et l'orbiculaire, paraissent intéressés par suite d'un

trouble complexe difficile à analyser.

Dans un récent mémoire fort intéressant sur les Affections hystéri-

ques des muscles oculaires2, M. le Dr Borel, chef de clinique de

1. Archives d'ophtalmologie, iioveml)re-décembrel886. janvier-février, juillet-août J887,

Ce mémoire renferme une bibliographie très complète de la question.

2. Parinaud, Anesthésie de la rétine. Contribution à l'élude de la sensibilité visuelle.

Annales d'oculislique, août 1886. - Spasmes et paralysies des muscles de l'oeil. Gazette

hebdomadaire de médecine, 1877, n°° 4G et A7.

DE LA SUPERPOSITION DES TROUBLES. I°31 1

M. Landolt, a rapporté un certain nombre de cas de blépharospasme

de nature hystérique. « Parmi les spasmes des muscles extrinsèques

de l'oeil, dit-il, ceux des paupières sont de beaucoup les plus fré-

quents. «Beaucoup de ces cas ont vu leur origine méconnue, et M. Bo-

rel en a réuni un certain nombre dans lesquels le diagnostic avait été

attribué la plupart du temps à une cause réflexe, alors que les stigmates

concomitants donnaient, pour un observateur expérimenté, la signa-

ture typique de l'affection originelle.

Le blépharospasme qui existe chez 1l0rtense.J. est un blépharos-

pasme tonique. Il suffit, outre les caractères que nous lui avons assi-

gnés dans l'observation, de considérer la planche XVII pour comprendre

que les plis que l'on observe sur la paupière supérieure ne peuvent

être attribués qu'à une contracture de l'orbiculaire. De plus, il s'ac-

compagnait de troubles particuliers, capitaux dans l'espèce, car ce sont

eux surtout qui permettraient, le cas échéant, au diagnostic différentiel

de s'établir. Il existait en effet une amaurose complète de l'oeil gauche,

une anesthésie comprenant la presque totalité de la cornée et de la

conjonctive, anesthésie qui envahissait également, en cercle, toute la

région périorhitaire, y compris les paupières.-

L'amaurose complète ou incomplète est notée dans la presque tota-

lité des observations de blépharospasme hystérique; c'est un phéno-

mène sur lequel le malade lui-même ne tarde pas à attirer l'attention.

Mais il n'en est pas toujours ainsi en ce qui regarde les troubles de la

sensibilité oculaire ou cutanée qui nous semblent, au moins aussi,

sinon plus importants que l'amaurose, car ils sont presque spécifiques.

Il est vrai que l'examen ophtalmoscopique démontrant qu'il n'existe

pas de lésion papillaire appréciable, le diagnostic se trouve de ce fait

môme singulièrement guidé vers l'existence de la névrose.

Cette omission involontaire de la part du malade de l'existence des

troubles sensitifs tient à plusieurs causes. D'abord ces troubles veulent

être cherchés avec soin; ensuite le blépharospasme peut siéger du côté

de l'hémianesthésie phénomène si fréquent chez les hystériques

et alors ils semblent perdre tout caractère de spécificité; enfin il est

des cas où la contracture de l'orbiculaire n'apparaît qu'accessoirement

pour ainsi dire dans l'évolution d'un syndrome prédominant - le

spasme glosso-labié par exemple et alors ce phénomène est relégué

lotit à fait au deuxième plan et étudié partant d'une fauon peu appro-

fondie. Nous reparlerons du reste bientôt de celte dernière variété,

nous limitant pour le moment à l'étude du blépharospasme isolé, de

la contracture unique de l'orbiculaire des paupières.

En raison de toutes ces considérations on comprend que les obser-

H2 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SaLI'L'fI.IGRE. ,

vations publiées de blépharospasme hystérique réunissant toutes les

conditions d'étude que nous désirons ne soient pas très nombreuses,

bien que cependant nombre d'entre elles renferment des détails assez

explicites pour nous montrer que notre observation n'est pas isolée,

bien au contraire.

Toutefois, étant donné que, même à l'époque où nous faisions ces

recherches, ces observations nous fissent complètement défaut, nous

avions encore à notre disposition un procédé d'investigation et d'étude

qui devait nous fournir des résultats du plus haut intérêt dans l'espèce.

On connaît la méthode expérimentale nouvelle inaugurée par M. le

professeur Charcot. Dans ses leçons des deux dernières années sur les

paralysies elles contractures hystériques, notre maître a montré qu'on

pouvait faire naître ces affections dans la période somnambulique du

grand hypnotisme, soit à l'aide de la suggestion, soit par d'autres pro-

cédés. « On peut, dit-il', créer ainsi artificiellement des étals patholo-

giques qui sont, en tous points, semblables aux affections hystériques

spontanées, et il serait impossible d'établir une distinction symptoma-

tiquequelcondue entre ces deux ordres d'accidents. Or, mon expérience

sur ce sujet me semble prouver que les manifestations hystériques ont

seules le privilège de pouvoir être ainsi reproduites expérimentale-

ment avec rigueur. En effet, si l'on peut arriver ainsi à faire imiter à

l'hypnotique une affection nerveuse indépendante de l'hystérie, on n'a

devant les yeux qu'une copie imparfaite qui ne peut guère être confon-

due avec l'original. Nous avons donc là une méthode d'investigation

qui peut permettre de déterminer si un syndrome clinique est oui ou

non sous la dépendance de l'hystérie. »

C'est cette méthode spéciale d'investigation qui a donné de si bons

résultats à notre éminent maître que nous avons mise en oeuvre.

Le 29 novembre z nous avons opéré sur une première malade,

la nommée CI..., atteinte d'hystéro-épilepsie, hémianesthésique droite'

et susceptible d'être mise dans l'état appelé grand hypnotisme.

L'ayant fait passer dans la phase somnambulique de cet état nous lui

suggérons que son oeil gauche se ferme, qu'elle ne peut plus ouvrir sa

paupière et, qu'une fois réveillée, cet oeil restera encore fermé. Puis

nous la réveillons en lui soufflant sur le visage.

1..1.-itl. Charcot, Spasme glosso-labié unilatéral des hystériques. Leçon clinique in

Semaine médicale, 2 février 1887.

2. Cette expérience est rapportée par M. Itorel : Affections hystériques des muscles ocu-

laires et leur reproduction artificielle par la suggestion hypnotique. Annales d'oculistique,

novembre-décembre 1880; janvier-février, juillct-aoùt, 1887.

3. La malade étant hémianu5tliésiquc droite, nous expérimentons sur l'oeil gauche pour les

raisons précédemment indiquées.

DE LA SUPERPOSITION DES TROUBLES. 123

L'oeil gauche reste alors fermé par une contracture énergique et

permanente de l'orbiculaire', à tel point que la peau des paupières

et de la région péripalpébrale est fortement plissée.

Si l'on essaie alors de découvrir le globe oculaire, on perçoit une

résistance très appréciable dans l'action d'écarter les paupières. Si on

les tient écartées, on constate que l'oeil est frappé d'amaurose complète ;

la malade ne peut même plus distinguer avec cet oeil la lumière de

l'obscurité. En outre, la conjonctive et la cornée sont devenues com-

plètement insensibles.

Autour de l'oeil existe une zone d'anesthésie tégumentaire; elle com-

prend les paupières supérieure et inférieure et forme une bande

circulaire de un centimètre et demi de largeur autour du rebord orbi-

taire. Il y a persistance des réflexes cornéen et conjonctival ; une tête

d'épingle mise en contact avec la cornée ou la conjonctive n'est pas

sentie, mais produit du larmoiement et de légers mouvements palpé-

braux.

Ces constatations faites à l'état de veille, nous remettons la malade

en somnambulisme et nous lui suggérons qu'elle peut maintenant

ouvrir son oeil et qu'elle pourra le tenir ouvert après son réveil; puis

nous la réveillons : son oeil s'ouvre et l'amaurose disparaît; la cornée,

la conjonctive et les téguments périphériques ont recouvré leur sen-

sibilité normale.

Nous avons répété la même expérience sur une autre malade,

Louise Rich..., atteinte elle aussi d'hystéro-épilepsie et présentant

également les phénomènes du grand hypnotisme ; comme cette

malade est hémianesthésique du côté gauche, nous avons déter-

miné un blépharospasme de son oeil droit, et nous avons obtenu les

mêmes résultats que chez le premier sujet : en même temps que le

blépharospasme de l'oeil droit, il y avait amaurose de cet oeil, anes-

thésie et analgésie de la cornée et delà conjonctive, zone d'anesthésie

tégumentaire périphérique.

Nous avons donc reproduit artificiellement, sur deux sujets mis

dans l'état hypnotique, un étal pathologique en tous points semblable

à celui qui s'était développé spontanément chez la malade hystérique

qui l'ait l'objet de notre observation.

1. On .ait, d'après M. Charcot, que la parahsie hystérique n'affecle jamais les muscles de

la face. M. Bore) a confirmé ce fait pour les muscles des paupières : lorsqu'on suggère a

une malade, qui est en somnambulisme, l'idée de ne pouvoir ouvrir l'oeil, il se produit une

contracture do l'orbiculaire, mais non une paralysie du releveur de la paupière. « La dis-

sociation du ptosis paralytique, dit M. Borel, ne peut être faite par la suggestion, car on

ne peut inculquer a la malade que le fait de ne pouvoir owrir focs); c'est telle d'en trou-

ver le processus naturel pour réaliser la suggestion. »

Il. 8

121 1 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA S.\Ll'l : CI.ILILE.

Telle est la première série de faits que nous avions observés dès les

mois de novembre-décembre '1887; ils nous permettaient de penser

qu'un des bons symptômes du blépharospasme hystérique consistait

dans les troubles de sensibilité qui se superposaient au spasme.

L'étude de cette longue observation poursuivie pendant plus d'une

année nous a montré encore et nous a permis de prédire à plusieurs

reprises que, même en l'absence du symptôme spasme, l'affection blé-

pharospasme hystérique ne pouvait être considérée comme non suscep-

tible de retour, tant que l'anesthésie cornéenne conjonctivale et péri-

orbitaire existait encore. Et, de fait, tant que cette anesthésie a

existé, nos efforts aidés surtout par la suggestion ont bien pu faire dis-

paraître momentanément le spasme, mais jamais d'une façon défini-

tive. Spontanément, un jour, le blépharospasme a disparu comme il

était né, à la-suite d'une attaque, et avec lui s'en est allée l'anesthé-

sie qui se superposait au spasme. A ce moment seul on pouvait consi-

dérer la guérison comme durable.

Il semble donc bien qu'il y ait là une association de phénomènes

Suffisants pour forcer l'attention. Nous insistons déjà sur leur valeur

diagnostique, valeur que nous allons voir se généraliser bientôt en ce

qui regarde les spasmes des autres muscles de la face et du cou chez

les hystériques.

Nous l'avons dit en commençant, le présent mémoire est bien

plus un chapitre détaché de la pathologie générale de l'hystérie qu'une

monographie des spasmes de la face et du cou chez les hystériques,

aussi ne nous attarderons nous pas à tracer plus complètement l'his-

toire clinique et thérapeutique du blépharospasme. Nous avons bien

mieux à faire en rapportant l'observation suivante qui montrera en

toute évidence combien les troubles de sensibilité sont liés aux phé-

nomènes hystériques localisés. Cette fois l'hyperesthésie a remplacé

l'anesthésie, ce qui n'a pas lieu de nous surprendre, car l'hyperes-

thésie, pour être un peu moins fréquente, n'en est pas moins un phéno-

mène de premier ordre comme accompagnement des manifestations

hystériques. Il nous suffira de rappeler le signe de Brodie constitué

par la douleur exquise au simple frôlement qui accompagne les con-

tractures des muscles fessiers réalisant le syndrome connu sous le nom

de coxalgie hystérique. C'est là un phénomène absolument de même

ordre, de superposition des troubles de sensibilité à la contracture des

muscles sous-jacents.

Faisons remarquer, pour insister encore sur l'importance de ce

signe, que si le médecin consulté par la malade de l'observation II

en avait connu la valeur, il n'eut prohahlement pas, dans un but eu-

DE LA SUPERPOSITION DES TROUBLES. 125

ratif, sectionné les deux nerfs sus-orbitaires pour vaincre un spasme

qui relevait non d'une lésion locale mais de la diathèse de contrac-

ture que présentent si fréquemment les hystériques. Il est vrai qu'il eût

pu s'excuser en disant que dans de semblables cas, et lors de pareilles

erreurs de diagnostic, certains chirurgiens n'avaient pas craint d'aller

jusqu'à la dissection de l'orbiculaire (Borel).

Ons. II'. Jeanne Ag..., vingt-six ans, employée de commerce, entrée à la

Salpêtrière le 6 juin 1888, salle Duchenne de Boulogne. Pas d'antécédents

héréditaires. Réglée il treize ans, régulièrement depuis. A cette époque,

apparitions de malaises indéfinissables, de fréquents torticolis qui surve-

naient et s'en allaient de même. De quatorze il vingt ans, bien portante.

A cette époque, elle ressent une douleur très vive dans la jambe, puis dans

la fesse gauche, douleur qui s'accompagne bientôt d'une fatigue excessive

du membre. Elle s'alite alors (janvier 1882), la hanche se tuméfie, le médecin

appelé croit à l'apparition prochaine d'un abcès qui ne s'est du reste jamais

montré.

La jambe devient raide (comme un morceau de bois) et se place dans

l'extension directe.

Les téguments cutanés sont extrêmement douloureux au plus simple frôle-

ment. Ces souffrances sont tellement intolérables qu'on est obligé de se servir l'

d'un appareil très compliqué pour effectuer le changement des draps, la

malade restant au lit en permanence.

On lui applique alors des appareils silicates, pointes de feu, vésicatoires,

tant au pli de l'aine qu'au genou. Les articulations étaient beaucoup moins

douloureuses que le tégument cutané.

Au bout de vingl mois (septembre. 1883), la malade restant toujours

couchée, on s'aperçoit que la jambe est raccourcie et que le pied se met

en équin direct.

Au bout de quarante mois (avril 1885), on essaye de la lever et on lui donne

des béquilles; elle ne marchait tout d'abord qu'avec la jambe droite, puis peu

à peu, grâce, suivant elle, à un appareil à extension continue, le talon gauche

finit par arriver à loucher la terre.

A vingt-quatre ans, quatre ans après le début de l'affection, elle pcut

quitter ses béquilles et marcher à l'aide de deux cannes.

Après son alitement, on constata qu'elle avait grandi de six il sept centi-

mètres.

Au mois de janvier 1884, vive contrariété; son frère auquel elle est très

attachée ne lui aurait pas dit bonjour. Elle était alors dans une période cala-

méniale; les règles se suppriment, elle ressent un malaise général et prend le

lit. Aussitôt, hoquet violent, vomissements incoercibles, gonflement du ventre

qui est très douloureux. Application de glace, le médecin diagnostique. une

1. Cette observation a été recueillie par M. Carre], externe du en ¡cc.

120 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.

péritonite compliquée do lésions pulmonaires. Le pouls se serait élevé u 1 U°.

fendant deux mois, hallucinations et délire, chute des cheveux.

Elle se remet peu il peu, les cheveux repoussent, quand subitement, un

jour, étant sur le bassin, elle ressent de telles douleurs dans l'abdomen qu'on

diagnostique une rupture de l'intestin ; mais ces douleurs étaient simplement

prémonitoires des règles qui réapparaissent quelques jours plus tard.

On lui fait alors des pointes de feu le long du rachis et, pour sa déformation

de la hanche et sou torticolis intermittent, on lui applique une véritable

cuirasse comprenant une minerve, un corset avec attelles de fer, un appareil

il coxalgie et un appareil à extension du pied. Elle se couche tous les soirs

ainsi armée de pied en (- : il) pendant deux ans et demi.

- La jambe droite semblant se fatiguer beaucoup, on y applique également

un appareil que la malade a porté dix-huit mois.

.En décembre 1887, vive rougcur des yeux survenant subitement, dit la

malade, dans l'espace d'une heure.

Violentes douleurs alee photophobie. Dès le soir même, elle sent qu'elle

ne petit ouvrir les deux yeux. Pendant huit jours, les douleurs persistent;

l'oeil gauche est fermé complètement et amaurolique, l'oeil droit peut à peine

s'elitr'ouvrir et garde encore un peu de son acuité visuelle.

La malade s'est aperçue tlès le premier jour que les frictions les plus

légères sur les paupières étaient extrêmement douloureuses. Puis le blepha-

rospasme se calme un peu, mais le 5 janvier 1888, devant un redoublement de

souffrance, elle se rend il Paris consulter le docteur X... qui diagnostique

une hyperesthésie des zones sus-orbitaires et propose l'extraction de dix-

huit mauvaises dénis. 11 fait placer des emplâtres au niveau de l'émergence

des nerfs sus- et sous-orbitaires.

En février, elle revient voir ce docteur qui déclare ne plus vouloir lui

continuer ses soins tant qu'elle ne se sera pas fait arracher ses mauvaises

dents..... -

Elle se rend alors chez le docteur Y..., qui, après avoir essayé en vain des

frictions locales de baume de Fioravenli'et des injections sous-cutanées

de pilocarpine, lui sectionne les nerfs sus-orbitaires des deux côtés

(20 mai 1888).'

Chaque jour on explore, en faisant le pansement, la sensibilité locale dans

le domaine des nerfs sectionnés. A la suite de la destruction du tronc ner-

veux il s'est produit une anesthésie il la piqûre, le blépharospasme a légère-

ment diminué; les douleurs spontanées sonl moindres, mais elles ne lardent

pas à reparaître, de même du reste que les douleurs provoquées dans le

domaine des 'nerfs sectionnés, et la malade est admise le 5 juin il la

8alpclriérc. ·

J. A... porte la cuirasse dont nous avons parlé et s'en enserre le cou, la

taille et le membre inférieur gauche. Elle appuie à peine sur le talon de ce

côté, bien qu'elle ait 8 centimètres de liège au fond de sa bottine d'une

construction tout il rait spéciale. En effet, outre une contracture toute parti-

culière du gros orteil qui est fortement redressé en extension (PI. XX), il

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

T. 11. PL. XX

CLICHÉ A. towne

PHOTOTYPIE BERTHAUD

CONTRACTURE HYSTERIQUE DU GROS ORTEIL

LECROSNtEPETBABt, ÉDITEURS

DE LA SUPERPOSITION DES THOUBLES. 127

existe un raccourcissement de 8 ou 10 centimètres du membre inférieur

gauche par suite d'une contracture très appréciable des fessiers (coxalgie

hystérique), l'épine iliaque gauche étant beaucoup plus élevée que l'épine

iliaque droite. La mensuration montre que le raccourcissement n'est qu'appa-

rent. t.

Les muscles du cou il gauche paraissent raides et tendus sans que cette

contracture occasionne toutefois de déviation notable.

'l'out le côté gauche dans son ensemble est le siège d'une hypcreslhésie très

marquée (fig. 41, 45), la pression, même légère, est douloureuse, le plus

léger frôlement est extrêmement pénible. Toutefois celle hypereslhésie est

particulièrement très marquée : 1° à l'extrémité du gros orteil contracture dont

il est impossible de vaincre la contracture; 2° au pourtour de la hanche gauche

(signe de l3rolie).

De pins, les yeux sont fermés par une contracture spasmodique des orbicu-

1-28 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALI)ÈTRIÊRE.

laires (I'1. XIX); le droit s'eulr'onvre toulefoislégèremenl el c'est avec celui-ci

qu'elle peut encore se guider. Il présente un rétrécissement à GO avec dys-

chromatopsie spéciale (1 iâ, 40). Conservation unique du bleu et du rouge, oc

NOUVELLE ICONOGRAPHIE T. fI PL. XXX

BLÉPHAROSPASME HYSTÉRIQUE

(SECTION DES NERFS sus-orbitaires)

L6GROSNI6P ET BABÉ, ÉDITEURS

DE LA SUPERPOSITION DES S 'f no II Il L Il ? lit)

dernier étant situé en dehors. Toutes ces contractures cèdent pendant le som-

meil chloroformique qui permet de constater en particulier qu'il n'existe

aucune altération osseuse de l'articulation coxo-fémorale gauche. L'oeil gauche

est complètement fermé; la malade peut toutefois faire mouvoir un peu sa

paupière supérieure, mais sans réussir à romprelespasmc. Lorsqu'on lui ren-

verse la tête en arrière, l'occlusion se maintient. On a, du reste, en essayant

de l'ouvrir, la sensation nette d'un obstacle actif. La vision est complètement

abolie de ce côté.

La malade porte des lunettes à verres fumés, car il existe une photophobie

intense.

De plus, les paupières et les régions périorhilaircs droites et gauches,

sont le siège d'une hyperesthésie exquise; le simple frôlement provoque à ce

niveau une douleur extrêmement vive en tout comparable à celle que l'on

provoque en passant le doigt sur l'extrémité du gros orteil gauche contracturé.

Ces phénomènes d'hyperesthésie sont surtout marqués au niveau de l'oeil

gauche.

A son entrée à l'hôpital, la malade est soumise à l'usage quotidien des

douches, de l'électricité, du fer et d'un régime reconstituant. De plus, on lui

fait quitter immédiatement la cuirasse qu'elle porte depuis quatre ans. Tous

les jours une séance de massage (effleurage) d'un quart d'heure en trois

reprises sur le côté gauche coulracturé en insistant sur le membre inférieur

et le cou. De même effleurage des régions périorhitaires.

Sous cette influence, il survient un amendement rapide et progressif.

Aujourd'hui, 15 décembre 1888, la malade qui depuis sept ans était

contractnréc au point que nous avons indiqué, peut aller et venir sans canne.

La contracture du gros orteil gauche a cédé; le talon touche presque la terre

mais il y a encore un certain degré de contracture des muscles qui entourent

l'articulation de la hanche.

L'état de santé général est devenu très satisfaisant. -

Le blépharospasme s'est également amendé en ce qui regarde l'oeil droit.

La photophobie est moins intense, l'oeil s'ouvre plus facilement, mais le

rétrécissement concentrique et la dyschromatopsie persistent. Le spasme

de l'orhiculaire de l'oeil gauche reste toujours très accentué, la malade ne

peut ouvrir l'oeil. L'hylereslhésic de la zone périorhitaire est toujours très

marquée au simple frôlement.

(A suture.)

Gilles DE la Tourette,

Chef de -Iiiiiitie tics maladies du sctùme ucrtcw.

ANOMALIES DES ORGANES GÉNITAUX

ET DU SENS GÉNITAL CHEZ UN ÉPILEPTIQUE

Les anomalies du sens génital ne sont pas très rares chez les épi-

leptiques et la coïncidence d'un défaut de développement organique

avec un défaut de développement de la fonction serait vraisembla-

blement la règle, si l'on était en mesure de faire un examen complet;

toutefois cette observation nous a paru digne d'être signalée, parce

qu'il s'agit d'une anomalie peu fréquente. Le malade qui en est l'objet

présente d'ailleurs quelques troubles mentaux intéressants.

Boul... (Louis-Jacques-Marie), 32 ans, entré le 14 juin 1888 il l'hospice de

Bicêtre (service de M. Féré).

Antécédents héréditaires (renseignements fournis par la mère du ma-

lade) : Père.- Mort en 188J, âgé de 52 ans, d'une affection cardio-hépatique,

n'a jamais eu aucune maladie nerveuse; mais après avoir éprouvé des pertes

d'argent et des chagrins domestiques, s'adonna il la boisson. Obèse et deconsli-

tution pléthorique, il était sujet à des phénomènes congestifs du côté du

cerveau qui nécessitèrent souvent la saignée. La grand' mère . paternelle,

âgée de 88 ans, vit encore; elle fut atteinte à G ou 8 ans d'une affection

osseuse de la jambe, qui entraîna une longue suppuration. Elle avait deux

frères, dont l'un devint fou à la suite de pertes d'argent; on l'enferma dans

un asile d'aliénés; il s'améliora, mais ne recouvra jamais complètement son

intelligence. L'autre mourut soldat en Algérie. Le grand-père paternel était

un buveur endurci, qui mourut goutteux. Le frère de ce dernier se suicida il

39 ans, après des pertes considérables d'argent.

Mère. 54 ans, bonne santé habituelle, brune, ni migraineuse, ni ner-

veuse ; mariée à 18 ans, eut à 19 ans une variole légère. A la môme époque elle

fit une fausse couche à lasuite d'une chute - Grand' mère maternelle, morte

à 81 ans, de vieillesse; n'a jamais présenté aucun symptôme de nervosisme,

a toujours joui d'une excellente santé. - Grand-père paternel, mort il

79 ans, toujours bien portant. Un frère de ce dernier, également bien por-

tant, marié, a eu 5 enfants en parfaite santé.

Pas de consanguinité. Les parents de B... ont eu G enfants. L'aîné est

le malade qui nous occupe. Le second, âgé de 31 ans, célibataire, s'est

ANOMALIES DES ORGANES GÉNITAUX CHEZ UN ÉPILEPTIQUE. 13t

toujours bien porté. Le troisième est une fille de 30 ans. A 10 ans elle eut

une fièvre typhoïde, quitta sa famille à 20 ans pour vivre avec un amant,

dont elle eut un enfant, âgé aujourd'hui de 7 ans et très bien portant. C'est

une personne coléreuse, nerveuse, qui cependant n'a jamais eu d'accès con-

vulsifs. Le quatrième enfant est une fille, qui a eu dans son enfance quel-

ques attaques convulsives; elle a toujours été nerveuse. Mariée elle a eu un

enfant débile et chétif. Le cinquième enfant est un garçon, mort à 17 ans

d'un accident de voiture. Le sixième est une fille, morte à,") o ans; pendant la

convalescence d'une scarlatine, de « fièvre cérébrale ».

Antécédents personnels. - Pendant la conception et la grossesse, rien de

particulier il signaler. - L'accouchement s'est fait il terme; il a été naturel,

sans chloroforme, et le travail a duré 8 heures. A sa naissance, l'enfaut était t

bien portant, ne présentait pas de cyanose, pas d'asphyxie.

Il passa sa première enfance à la campagne, élevé au sein, par une nourrice

qui avait un enfant choréique. Il se développa rapidement; il fut toujours fort

et vigoureux. A un an, il commença il marcher, à 15 mois il était propre.

La dentition se fil il un an, et l'apparition des premières dents ne fut accom-

pagnée d'aucun trouble ; mais les molaires percèrent difficilement, on fut

obligé d'inciser les gencives, et c'est à ce moment qu'il eut quelques attaques

convulsives. Le malade était alors âgé de 16 mois. Précoce au point de vue

intellectuel, notre malade connaissait ses lettres à 18 mois; il deux ans, il

savait lire. Mis à 3 ans comme externe dans un collège, il apprit rapidement,

était doué d'une excellente mémoire. C'est à cet époque qu'apparaissent les

premiers accès. A 4 ans il eut la variole, à 5 ans la rougeole, ces deux maladies

guérirent rapidement et sans complications. - A 7 ans, on fut obligé de le

retirer de pension, il cause de la fréquence des accès; il continua néanmoins

ses études, fut remis et repris plusieurs fois de pension, et rentra définitive-

ment dans sa famille il l'âge de 17 ans. - Là il travailla avec son père comme

chemisier et s'acquitta toujours fort bien de son travail. On ne retrouve dans

ses antécédents ni masturbation, ni excès vénériens, ni alcoolisme. - Il

évitait d'ailleurs de boire des liqueurs, car le plus petit excès lui « troublait la

tôle ».

Début de la maladie. - Les premiers accès convulsifs observés chez notre

malade remontent à la première dentition, à l'âge de 15-16 mois. Il eut il

cette époque une seuleatlaque convulsive, qui ne dura que quelques secondes

et fut caractérisée par un début brusque en pleine santé. Les jeux étaient

convulsés en haut, la face grimaçante, les membres étaient agités de petits

mouvements de flexion et d'extension. La sensibilité et l'intelligence

étaient complètement abolies, puis tout rentra dans l'ordre, et la santé parut

être aussi parfaite qu'avant l'accès.

A trois ans, il la suite d'une frayeur, le malade a un nouvel accès. Il poussa

un cri «maman, maman », et tomba à terre sans connaissance, les yeux sont

fermés, les membres raidis; il n'y a pas de convulsion, pas de mouvement.

La respiration est pénible, l'inspiralion sifflante, la face violacée. Perte com-

1312 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

plète de l'intelligence et de la sensibilité. Pas d'écume à la bouche, pas de

morsure de la langue, pas de miction. L'accès dure ainsi une ou deux minutes

et le malade reprend connaissance; la raideur disparaît; il subsiste de 1'liélié-

tude et le retour à l'intelligence ne se fait que 2-3 jours après.

Pendant les six mois qui suivent, la santé fut parfaite; alors survient un

nouvel accès. Le malade pousse un cri et tombe à lerre. Tous les membres

sont raidis, les bras en croix, les jambes légèrement écartées, le pouce serré

dans la main fermée, pas de mouvement, ni écume, ni morsure de la langue;

l'urine s'écoule au dehors pendant l'accès. Après quelques secondes tout

rentre dans l'ordre, et le malade recouvre immédiatement son intelli-

gence.

Jusqu'à l'âge de 7 ans, les accès se renouvellent tous les 3-4 mois, toujours

avec le même caractère.

A 7 ans il y a une série d'accès qui font croire il une « fièvre cérébrale ».

Après avoir été fouetté publiquement par son maître de pension pour « polis-

sonneries», les accès apparaissent. Ces accès se succèdent à 8-10 heures

d'intervalles; ils se répètent au nombre de 6 ;i 7, avec les mêmes caractères

que les précédents. Entre les accès, l'intelligence esl troublée, la sensibilité

obtuse. Pendant 12 jours le malade a le délire, il déraisonne complètement,

ne reconnaît personne, a une fièvre intense, refuse de prendre la nourriture

qu'on lui présente. Cependant, peu à peu l'intelligence revient, l'appétit

reparaît etle malade recouvre la santé.

Les accès ne reparurent plus alors pendant 18 mois, puis bientôt ils se

répètent il peu près tous les mois.

De li- à 18 ans, les accès augmentent de fréquence et d'intensité; l'intelli-

gence cependant est toujours très nette, et ce jour le malade n'a pris

comme traitement que, de temps à autre, du bromure.

. A 18 ans les accès se répètent tous les quinze jours, et pendant cette année

il a une période d'une semaine environ pendant laquelle ils apparaissent

tous les jours plus ou moins nombreux. Quatre ou cinq fois il en eut jusqu'à

seize en vingt-quatre heures. Pendant toutes ces périodes il fut surexcité :

tantôt il se jetait contre les murs, entrait dans des moments de fureur, ou

bien tantôt il se croyait fils de Mac-Mahon et appelé à faire de grandes choses.

Malgré cela l'appétit est conservé, il mange beaucoup à tous ses repas, et ne

présente aucun trouble digestif. La nuit, en dehors des accès, la phase d'exci-

tation paraît se calmer et il dort d'un profond sommeil.

Peu dt peu les accès paraissent diminuer de fréquence, et ils ne se

montrent bientôt que toutes les trois semaines.

A partir de 19 à 20 ans, les accès se sont toujours répétés à des intervalles

plus ou moins réguliers et toujours avec les mêmes caractères ; il n'a plus eu

des séries d'accès; mais, quelques jours avant le paroxysme, son caractère

change, il devient maussade, colère, sombre, et l'accès une Ibis passé il a

souvent des phases d'excitation qui durent plus. ou moins longtemps. Quel-

quefois elles n'apparaissent pas immédiatement après l'accès, mais vingt-

ANOMALIES DES ORGANES GÉNITAUX CHEZ UN ÉPILePTIQUE. 133

quatre à trente-six heures après. Jamais il n'aurait eu de phases d'excitation

sans accès.

L'intelligence aurait diminué progressivement depuis l'âge de 18 ans. A

partir de cette époque jusqu'à son entrée à l'hospice il aurait pris tous les

jours de G à 7 grammes de bromure.

Etat actuel. - Le malade entre le 14 juin 1888 à l'hospice. Le facies

exprime l'hébétude, son regard est froid, furtif, il baisse les yeux quand on

lui parle, il y a de l'égarement daus sa physionomie.

D'apparence robuste, il a 1m70 de hauteur et lm7G d'envergure. Le sys-

tème pileux est très développé sur la face, le crâne et les membres infé-

rieurs ; le thorax et les membres supérieurs sont presque complètement

glabres.

La tète est régulièrement conformée. Les cheveux noirs, crépus, abondants,

frisés, rappellent un peu ceux du nègre. La ligne d'implantation s'arrête en

avant à G centimètres au-dessus de la hosse nasale, laissant le front découvert;

en arrière le tourbillon se trouve fortement rejeté vers la droite et un peu

en haut. Les bosses pariétales, frontales et la protubérance occipitale sont

saillantes.

Les diamètres de la tête sont :

131 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPI : ;TIl¡InE.

en arrière la cavité de l'hélix fait défaut. L'anthélix est saillant, sa fossette

profonde. Le tragus et l'antitmgus son[ régulièrement conformés. Le lobule

est adhérent. Quanl à la conque, elle n'existe réellement du'1 la partie supé-

rieure, où elle a sa profondeur normale; il la partie inférieure elle est rejetée

en dehors, de sorte que sa cavité n'existe plus et que son fond se trouve

presque sur le même plan que l'antitragus. Il en résulte que l'orifice du con-

duit auditif externe a la forme d'une fente de 5 millimétrés de largeur dirigée

obliquement de haut en bas et d'arrière en avant. Malgré cela, pas de

troubles dé l'audition.

Le thorax est normal, on ne trouve aucun signe de rachitisme. Le système

pileux y est peu développé, à peine rcncontre-t-on quelques poils aulour du

mamelon. En arrière, on constate sur la peau une légère éruption d'acné.

La colonne vertébrale est déviée, il y a une légère courbure latérale à concavité

gauche, courbure portant surtout sur la région dorsale. Cette déformation,

d'ailleurs peu accusée, n'enlraîne aucune gène fonctionnelle.

Aux membres supérieurs, même absence de poils que sur le thorax. Le

muscles y sont bien développés et paraissent puissants; cependant la pres-

sion d'un dynamomètre par la main droite ne fait avancer l'aiguille que

jusqu'au 39 de l'échelle et celle de la main gauche jusqu'au 32. La longueur

du membre supérieur prise de l'acr4miou .u.l'elrémité du médius est de

70 centimètres.

L'abdomen ne présente rien d'anormal, les poils du pubis sont abondants,

mais leur ligne d'implantation s'arrête brusquement et ils ne se continuent

pas sur l'abdomen. Quant au pénis, il est le siège d'une malformation congé-

nitale consistant en une torsion sur son axe et en un changement de direction.

De forme cylindrique la est terminée à son extrémité antérieure par

un gland conoïde que ne recouvre pas le prépuce à l'état normal. Au sommet

du gland on aperçoit le méat urinaire dirigé transversalement de droite à

gauche, le frein du prépuce se trouve ainsi situé sur face gauche. La verge

a subi un mouvement de torsion qui fart que sa face inférieure regarde il

gauche (I'1. XXI); cette torsion portant seulement sur la moitié antérieure

de l'organe ne disparaît pas dans l'érection.

Outre cétte torsion suivant l'axe, il existe encore un changement de direc-

tion longitudinale. La partie postérieure de la verge a sa direction normale,

mais toute, cette portion qui a subi le mouvement de torsion se porte oblique-

mont, droite de façon à faire avec la première un angle obtus ouvert à droite,

et, au niveau de la couronne, existe un nouvel angle obtus, mais ouvert à

gauche, le gland tendant à prendre la direction normale. 11 en résulte qne la

verge présente une déviation en baïonnette peu accusée à l'état de repos,

mais devenant très manifeste pendant l'érection.

L'urètre participe à la déviation de la verge. Pour nous en rendre compte,

nous avons introduit une sonde en gomme n° 17. Le cathélérismc a été très

facile, la sonde n'a rencontré aucun obstacle; son introduction fait en

partie disparaître la déviation longitudinale et, à travers les parois du canal,

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

. Il. PL. XXr

CL1CHÉ A. LONDR

PHOTOTYPIE BERTHAUD

ANOMALIE DES ORGANES GÉNITAUX

CHEZ UN ÉPILEPTIQUE

L6CA05NIBP &T BAHi7 ÉDITEURS

ANOMALIES DES ORGANES GÉNITAUX CHEZ UN J : l'11.E1'l'IQUE. 135

nous avons pu en suivre le trajet. L'urètre occupe d'abord la face latérale

gauche de la verge dans loute sa moitié antérieure. A partir de ce point, il

descend, toujours sur le côté gauche du pénis, obliquement en bas et en

arrière de façon à se trouver il sa face inférieure au niveau de la racine des

bourses. A partir de ce point, la direction de la sonde sentie à travers le périnée

parait être normale.

A l'étal de repos, la longueur de la verge est de 8 centimètres sur la face

supérieure. La circonférence prise au niveau du gland est de 8 centimètres, la

longueur de ce dernier de 2 ccut, 3.

Au moment de l'examen, les bourses étaientrétractéesetlaissaient percevoir

il la palpation deux testicules dont le volume égalait à peine celui d'une

petite noix. Le testicule droit paraît être plus élevé et situé sur un plan plus

antérieur que le gauche.

Malgré les changements de direction portant sur le pénis et l'urètre,

l'évacuation de l'urine et du sperme se fail bien, le malade a des éjaculations

nocturnes et involontaires.

Quant aux membres inférieurs, ils sont régulièrement conformés. Les

poils y sont très abondants. La voûte plantaire est bien accentuée, le gros

orteil n'est pas rejeté en dedans.

Les fonctions digestives s'accomplissent parfaitement.

La motilité et la sensibilité ne sonl pas altérées ; on ne trouve ni anesthésie

ni hyporesthésie.

Aucun trouble du coté des organes sensoriels; il entend, ,oit, seul, per-

çoit les saveurs dans dos conditions en apparence normales.

L'intelligence est un peu obtuse, même en dehors des accès ; il répond aux

questions qu'on lui pose avec un air embarrassé, une certaine timidité, il

donne des explications fantaisistes aux faits qu'il observe. Il insiste parti-

culièrement sur l'influence que les changements de lune ont sur l'appari-

tion des accès. Très docile en dehors des accès, on l'emploie à des travaux

pénibles dont il s'acquitte parfaitement.

Quant au sens génésique, il paraît complètement aboli. Jamais d'érection

en dehors des accès ou des rêves, il ne se masturbe pas, ne s'est jamais livré

au coït et les femmes lui causent de la répulsion. Cependant il dit avoir

éprouvé, il la vue de certaines femmes, une « sensation spéciale », un trouble

qu'il ne peut définir, mais qui est plutôt pénible. Il s'en écarte instinctive-

ment.

Il a cependant des rèws de femmes quelquefois c'cL a la suite de ces

rêves qu'il a des pollutions nocturnes, d'autres fois celles-ci apparaissent

pendant l'accès mais toujours sans aucun plaisir.

Description d'un accès. Prodromes. La veille ou l'avant-veille de

ses crises, le caractère du malade change brusquement, il devient agacé,

maussade ou d'autres fois il rit continuellement et sans cause.

Aura. Au moment de l'accès, il paraît avoir de l'hyperacousie, il prétend

qu'il entend beaucoup mieux, et il sent autour de lui des odeurs agréables.

]86 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.

Accès. - Le malade pousse un cri et tombe à terre. Les yeux se ferment,

la figure devient rouge, les dents claquent, la langue est mordue quelque-

fois, les bras sont agités de petits mouvements de peu d'étendue ; les jambes

légèrement écartées sont contracturées dans l'extension et complètement

immobiles. Une écume blanchâtre apparaît sur les lèvres. La respiration est

rapide et sifflante, mais il n'y a pas de tremblement.

La verge est en demi-érection, il y a écoulement de sperme.

L'accès dure sept à huit minutes, et le malade se relève ; il accuse un vio-

lent mal de tête pendant toute la journée et ses idées restent confuses.

15 juin. Pendant toute la journée le malade rit sans cause et à chaque

instant.

10 juin. - Série de cinq accès dans la journée, à la suite desquels il reste

hébété.

17 jllin. - Deux accès et un vertige.

18 juin. - Deux accès et un vertige.

19 juin. Un accès et un vertige.

23 juin. - Le malade, dont l'intelligence élail restée obtuse à la suite de

cette série d'accès, re\ient complètement à lui.

26 juin. Un accès de jour.

3 juillet. Un accès dans la journée.

4 juillet. - On ordonne 4 grammes de bromure par jour.

Il a eu huit accès et un vertige en juillet ; sept accès et un vertige en août.

Un accès le 4 septembre.

6 septembre. -Accès pendant la nuit.

A son réveil, le malade commence à déraisonner, il se figure issu d'une

famille princière d'Allemagne. Il écrit deux lettres dans lesquelles règne

la plus grande incohérence; l'idée dominante est qu'il se croit appelé à régé-

nérer la France. A certains moments il se figure èlre « le général Boulan-

ger » devant bientôt jouer un rôle politique.

7 septembre. - Pendant la nuit il a dormi quelques heures, puis à son

réveil il a repris ses idées de grandeur.

8 septembre. - Le délire persisle toujours, il prétend que sa mère des-

cend de Bismarck, se croit prophète destiné a accomplir de hauts faits, se

ligure avoir de l'influence sur la famille Bonaparte.

10 septembre. - L'état s'est amélioré. L'excitation est moins forte, il

raconte que, depuis qu'il est entré à la section, il lui « semble » que tous les

faits qui s'y sont accomplis, toutes personnes qu'il y voit, il les avait déjà vus

antérieurement en rêve à la suite d'accès. Aujourd'hui le malade paraît

ne pas être certain de ce qu'il avance ; il répète toujours « il semble » mais

jamais il n'affirme.

'Il septembre. Un accès de nuit, un verlige.

12 septembre. - Un accès de jour.

13 septembre. - Pas d'accès, le délire continue toujours avec la même

forme.

ANOMALIES DES ORGANES GÉNITAUX CHEZ UN ÉPILEPTIQUE. 137

14 septembre. - A eu des cauchemars pendant la nuit, mais est beaucoup

moins surexcité.

16 septembre. - Le malade est revenu il son état normal.

j, 20, 21, 24 septembre. - Un accès par jour, mais les idées de gran-

deur n'ont pas reparu.

8 octobre. - Trois accès do jour. 9, Un accès de nuit. - 10, Un accès

de jour.

15 octobre. Les idées de grandeurs reparaissent quoique depuis quatre

jours il n'ait pas eu d'accès.

Il se croit appelé il faire de grandes choses. Il a confiance en de' certaines

prédictions qu' « on » lui aurait laites. 11 parle beaucoup de certaines per-

sonnes qui conduisent les événements, lui font fréquenter des personnages,

tout cela dans une direction de grandeur. Ces certaines personnes, il ne les

désigne pas, il les qualifie de « on ».

A certains moments il parait se rendre compte que ce qu'il raconte et que

les explications qu'il donne sont erronées; il appelle cela du « rabâchage »

et déclare qu'il se seul devenir tout à fait « toqué ».

18 octobre. Le délire a cessé complètement, le malade est rentré dans

son état normal.

6 novembre. - Un accès de jour.

8 novembre. - Depuis son dcrnier accès, le maladc a été très agile. Il

prétend que tout ce qu'il a lu lui revient à la mémoire et l'obsède pour ainsi

dire.

Il tousse depuis hier 2 heures et demie. Les dents sont serrées, il semble

avoir un peu de trismus. On augmente de 1 gramme la dose de bromure,

5 grammes.

En décembre. Cinq accès et deux vertiges sans excitation psychique.

En janvier. 1889. - Trois accès.

3 février. Quatre accès de jour; Il est dans une période d'excitation. Il

parle de la France, de Il n'y a aucune suite dans ses idées. Il

écrit une lettre au directeur du Petit journal au sujet de caricatures, et il

lui adresse un carnet qu'il intitule le catalogue de ses caricatures, et qui n'est

que le relevé des différentes gravures reproduites dans les divers journaux.

4 février. - La période d'excitation persiste avec les mêmes caractères.

Aujourd'hui deux ,erliges.

5 février. - Un accès de nuit. Agitation toute la nuit. Ou a été obligé de

le mettre en cellule. Il n'a fait que parler de la France, de l'Angleterre, du

général Boulanger.

6 février. Toujours très agité.

7 février.- L'agitation a diminué considérablement.

La torsion de la verge, qui constitue l'anomalie la plus intéressante

chez ce malade, est une anomalie qui paraît exceptionnelle. Demar-

quay, dans son Traité des maladies du pénis, n'en cite que trois cas, et

]3S NOUVELLE ICONOGRAPHIE UE LA SAL1');'l'III$RE.

ce sont les mêmes qui figurent dans les articles les plus récents sur la

question. Le malade de Godard était monorchide, celui de Verneuil

avait un hypospadias, celui de Guerlain avait une verge très petite.

Notre malade est microrchide. Cette anomalie ne paraît pas exister à

l'état d'isolement, elle est par conséquent moins bénigne qu'on ne

pourrait le croire au premier abord.

G11. Féré, E.-V. PERRUCHET,

Médecin de Uicêll'c Interne lrwisoire.

ANATOMIE PATHOLOGIQUE

DE l'acromégalie l

Après avoir rapporté les observations cliniques et étudié les symp-

tômes et les caractères par lesquels se révèle l'acromégalie, nous al-

lons examiner les lésions anatomiques dont elle s'accompagne. Ici les

documents sont moins abondants et moins complets. Nous n'avons eu

jusqu'ici l'occasion de faire l'autopsie que d'un seul cas, et nous ne

disposons que de rares autres autopsies faites par différents auteurs et

encore quelques-unes de celles-ci contiennent-elles fort peu de détails.

Quoi qu'il en soit, il nous sera facile de montrer, qu'au point de vue

analomo-pathologique, l'acromégalie revêt des caractères qui ne

sont ni moins nets ni moins stables que ceux qui la distinguent au

point de vue clinique.

Autopsie de l'Observation V (Saucerotte). -A la mort de cet individu, sa

femme s'est opposée à ce qu'on fit l'autopsie ; elle poussa môme, comme dit

Saucerotte, le culte pour la mémoire de son mari jusqu'à venir prendre près

du cimetière un logement d'où elle ne perdait point de vue la tombe. Ce n'est

donc que de nombreuses années après, lorsque la femme fut elle-mème

morte, que Saucerotte put se procurer les os de cet homme ; il en envoya à

l'Académie de médecine le sternum, une clavicule, et une côte droite.

(Catalogue, musée Dupuytren, n° 435.) Yoici la description donnée de ces

os par M. IIouel :

Sternum. - La première pièce est détachée de la seconde, mais toutes

les autres sont solidement soudées. La longueur totale de cet os est de 25

centimètres ; la largeur de la poignée prise au niveau des surfaces articu-

laires des cartilages de la première côte est de 9 cenlimètres. L'appendice

xyphoïde a G centimètres de long sur près de 3 de large. Le poids de l'os

entier est de 49 grammes; son épaisseur à la partie moyenne est de 12 cen-

timètres.

Clavicule. - Cet os a 16 centimètres de long; son corps, quoique déve-

loppé, n'a rien d'extraordinaire. C'est principalement sur les extrémités

1. Voy. les n" 5, 6, t. I, 1888 et les Il'' 1, , t. II, in, 1880.

il. 9

HO NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALP £ TI\1 £ nE.

qu'a porté l'hypertrophie. La surface qui s'articule avec le sternum a 3 cen-

timètres de diamètre antéro-postérieur et 4 dans le sens vertical.

Côte. - Elle est grande et forte ; c'est une côte sternale ; sa longueur me-

surée il l'aide d'un fil qui en suit la courbe est de 355 millimètres ; le poids

de cet os est de 35 grammes.

Autopsie de l'Observation VI (Verga). A l'autopsie dont la relation est

due au Dr A Pedretti on trouva un cadavre dont la nutrition avait été bonne

et riche en graisse. Du pus se trouvait encore dans les méats auditifs ex-

ternes.

Lors de l'ouverture du crâne il s'écoula une sérosité sanguinolente. Ce

qu'il y avait de plus notable dans cette cavité était une tumeur du volume

d'une grosse noix étendue sur la selle turcique, comprimant et déplaçant les

nerfs optiques et'les éminences maxillaires, et s'enracinant par des pédon-

cules dans lé corps de sphénoïde. On n'a pas trouvé de glande pituitaire,

de sorte qu'on'ne sait si celle-ci avait disparu sous la pression de la tumeur,

ou si la tumeur n'était pas simplement une dégénération de cet organe. Le

poids de toute la masse encéphalique était de 1,295 grammes.

Dans les poumons on trouva un emphysème périphérique des deux pou-

mons avec deux tubercules crétacés delà grosseur d'un petit pois au sommet

du poumon droit et trois au sommet du gauche; coeur d'un volume double de

ce qu'il est à l'état normal, aorte un peu rétrécie.

Dans le ventre rien à part l'hypertrophie du foie... Le crâne est mal con-

formé, acuminé, mais de dimensions ordinaires, celles au contraire de la

face et spécialement des maxillaires sont évidemment exagérées.

ANATOMIE PATHOLOGIQUE DE L'ACROMÉGALIE. Iit

- Il faut aussi remarquer que le trou occipital est dans son ensemble petit,

son plus grand diamètre est dans le sens traversai, la gouttière basilaire est

plutôt courbe qu'excavée, la selle turcique gravement déformée et altérée.

II ne s'agit ici ni d'hypertrophie vraie, ni d'hyperostose, ni de sclérose, car

il n'y eut pas d'augmentation contemporaine de densité et de poids des os,

et môme les os de ce crâne présentent de l'amincissement; plusieurs des os

sont réellement foliacés et transparents ; seul l'os frontal montre un certain

développement de sa partie spongieuse ; parmi les sutures on ne trouve de

complètement soudées que lazygomatico-temporale droite et la partie gauche

de la lambdoïde, sur aucune d'elles il n'y a de, vestiges de petits os surnumé-

raires ; tout le canal palatin ou incisif est ouvert en bas. Ceci montre que les

os avaient une puissance inférieure qui les portait non à grossir et il durcir,

mais à s'allonger et à se dilater et en même temps à s'éloigner les uns des

autres.

Mais cela, je le répète, est spécial à la face, car le crâne tant par ses

diamètres n'excède pas de beaucoup les mesures ordinaires. Et tandis que

les trous de la face pour le passage des vaisseaux et des nerfs sont amples,

ceux de la base du crâne sont plutôt rétrécis ; en particulier le trou occipital

et les trous déchirés postérieurs dont le gauche est spécialement oblique

et très étroit. C'est pour cela que je considère ce crâne comme un très beau

et très rare exemple de prosopectasie, voulant d'un seul mot indiquer ce

vice de nutrition et de développement général dont le symptôme principal

est « l'agrandissement monstrueux de la face. »

L'auteur ajoute en note : « Si la tendance à l'accroissement avait été plus

précoce et plus générale, il en serait probablement résulté une géante qu'on

aurait pu montrer en public comme un phénomène extraordinaire. Mais la

taille de cette femme ne dépassa pas lm71. Les os en particulier étaient

également de dimensions vulgaires. Nous conservons de son squelette un

radius, un scapulum et une clavicule. Eh bien le radius est mince, long de

330 millimètres; sa plus grande circonférence, à l'endroit où la crête est le

plus prononcée, est de 50 millimètres. Le scapulum est foliacé, semi-trans-

parent, et ne présente de particulier que l'incisure sus-épineuse convertie en

un trou parfait par une languette osseuse qui' passe au-dessus, et un déve-

loppement un peu supérieur à la normale de la cavité glénoïde et de l'acro-

mion. La clavicule a des courbures assez prononcées; en les suivant on

obtient une longueur de 165 millimètres; sa face inférieure vers l'extrémité

humérale est assez rugueuse pour l'attache des ligaments et des muscles

propres ». '

Autopsie de l'Observation IX (Brigidi). La longueur totale du corps

était de 1'" 66. La distance comprise entre le sommet et l'épaule et l'ex-

trémité du doigt médius, de 81 centimètres. L'index il lui seul avait une

longueur de 11 centimètres. Tous les doigts étaient noueux au niveau des

articulations. -

142 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

La distance comprise entre l'épine antéro-supérieure de l'os iliaque et la

face inférieure du talon était de 102 centimètres, dont 53 centimètres entre

l'épine iliaque et le bord inférieur de la rotule à la malléole interne; 4, 5

centimètres entre celle-ci et la face inférieure du talon.

Les pieds étaient gros et présentaient une déviation tenantun peu du varus

et un peu de l'équin. Sur le pied droit on voyait en outre le gros orteil luxé

en dedans de sorte que son extrémité libre reposait sur la racine du médius ;

sur ce gros orteil existait la luxation eu bas et en dedans de la phalangette

sur la phalangine, et cette même altération se retrouvait encore sur le mé-

dius, mais à un degré moins prononcé. Sur le pied gauche on n'appréciait

pas de difformités notables, sinon celles des doigts pliés en marteaux.

La poitrine dont la forme a été décrite plus haut présentait de chaque côté,

au niveau de l'union des cartilages costaux avec les côtes, une série de petits

gonflements ayant beaucoup de ressemblance avec ceux du chapelet rachi-

tique : du bord sternum au sommet de l'appendice ensiforme 14 centimètres;

de la ligne médio-axillaire d'un côté à celle du côté opposé, à la base, 34

centimètres ; - de la colonne vertébrale au sternum, la base de la poitrine,

33 centimètres.

La circonférence de la cavité thoracique au dessous de l'angle des omo-

plates jusqu'au sommet du sternum était de z centimètres.

Mais les plus grandes irrégularités et les plus grandes disproportions se

notent à la tète. ·

Celle-ci considérée en masse était très volumineuse et présentait des

caractères spéciaux soit du côté du crâne, soit du côté de la face. Le crâne

était nettement dolichocéphale; la face présentait un prognathisme très

marqué par suite de l'allongement du maxillaire inférieur.

Au-dessous de l'arcade orbitaire gauche était implanté dans l'épaisseur

de la peau un kyste sébacé du volume d'une noisette.

ANATOMIE.PATHOLOGIQUE DE L'.I.CRO)IÉGALIE. 113

restant de la face externe du crâne on ne constata aucune autre irrégu-

larité.

La cavité crânienne une fois ouverte avec la scie, ce qui frappa tout de

suite l'attention fut la petitesse et la forme du cerveau comparées à la forme

et au volume que présentait extérieurement le crâne. Tandis que celui-ci

paraissait volumineux et allongé dans le sens du diamètre antéro-postérieur;

le cerveau se montrait petil plus qu'à l'ordinaire et avait une forme comme

sphérique. Quelle pouvait être la raison d'une telle disproportion ? Elle

reposait sur deux faits faciles à apprécier. Le premier consiste dans l'ampli-

tude vraiment extraordinaire des sinus frontaux; le second dans l'épaisseur

qu'avait acquise l'occipital au niveau du pressoir d'Hérophile. En fait les

sinus frontaux offrent d'avant en arrière une dimension de 33 millimètres

c'est-à-dire 17 millimètres de plus que la moyenne établie par Parchappe;

l'occipital a une épaisseur de 2G millimètres c'est-à-dire surpasse de

16 millimètres la moyenne fixée par le même auteur.

Sur la face interne de la calotte on ne nota aucune autre particularité sauf

la synostose des sutures et l'augmentation de volume et de vascularisation

des os, tout le long et sur les côtés de la suture sagittale.

A quelle cause fallait-il attribuer la dilatation des tissus ? Principalement

à l'atrophie du cerveau, mais je crois aussi qu'il fallait admettre une autre

cause coefficiente, celle-là même à laquelle est dû le développemenl

extraordinaire des fosses nasales, et dont je me réserve de parler plus loin..

Après avoir incisé la dure-mère, on trouva une pachyméningite hémorra-

gique étendue (que Brigidi pense avoir existé pendant la vie et avoir peut-

être même été la cause des idées de suicide par suite du trouble des facultés

mentales que sa présence avait dû amener).

Le cerveau est petit, sphérique avec la pie-mère opaque et parcourue de

nombreuses arborisations veineuses grandes et petites. Cette membrane, au

niveau de la convexité des hémisphères, avait son tissu infiltré d'une quantité

notable de sérosité limpide, et se laissait sans aucune résistance détacher

des circonvolutions. Mis à découvert, le centre ovale fut trouvé pâle et con-

sistant. Dans les ventricules latéraux et dans le troisième ventricule il y avait

environ 20 grammes de sérum limpide. Pour le reste de l'encéphale rien de

notable, sauf la pâleur et l'augmentation de la consistance. Cette dernière

révélait les habitudes d'intempérance de Ghirlenzoni;. elle provenait de

l'hyperplasie du tissu conjonctif interstitiel. Quelquefois même, on le sait,

chez les ivrognes cette hyperplasie en arrive à mériter le nom de fibrome

diffus, et parfois se termine par la sclérose en plaques... D'ans l'encéphale de

Ghirlenzoni on ne fit pas de recherches microscopiques par suite de la

putréfaction déjà avancée; mais il semble pour les raisons susdites que cette

dureté excessive ne puisse se rapporter à une autre cause.

En enlevant le cerveau, deux faits également surprenants vinrent frapper

l'attention ; le volume hypertrophique de la glande pituitaire et la présence

de deux ostéophytes styliformes, symétriquement disposés sur les parties

944 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

latérales de la selle turcique, dans les fosses médiane et latérale de la hase

du crâne. ,

La glande pituitaire pesait 1 grammes, elle était de forme irrégulière-

ment sphéroïde, avait son diamètre antéro-postérieur de 29 millimètres, le

transverse de 38 millimètres, et son épaisseur variait entre 1` ? et 19 milli-

mètres. La coupe était grisâtre avec des taches jaunâtres çà et là; la consis-

tance était partout assez grande sauf dans le segment supérieur qui offrait

une mollesse à peu près égale à celle de la pulpe cérébrale. L'examen mi-

croscopique de fines parcelles de cet organe montra une texture variée. Dans

quelques endroits la trame conjonctive était développée, tandis que ses

interstices apparaissaient grands et vides, peut-être parce que, contenant une

substance fluide ou semi-fluide, celle-ci s'était dispersée en faisant les prépa-

rations. Dans d'autres places c'était une texture semblable il celle de la

substance médullaire des glandes lymphatiques; les vides ne se montraient

plus, ou bien il n'y en avait que de légères traces, et en revanche le tissu était

tout infiltré d'éléments cellulaires petits et faiblement granuleux. Mais, en

général, la trame conjonctive présentait un développement hypertrophique et

élait parcourue de. vaisseaux sanguins d'un diamètre proportionnellement

considérable.

Les cellules contenues dans les interstices étaient de forme et de volume

très variables; les plus petites mesuraient en moyenne de 8 à 10 p., et les

plus grandes 18 à 25 de diamètre. Quelques-unes avaient un protoplasma

finement granuleux et étaient pourvues d'un ou de plusieurs noyaux, tandis

que d'autres se montraient homogènes, claires, brillantes, en un mot avaient

succombé à une dégénération analogue à la colloïde. Dans certains endroits

où le tissu connectif était plus développé, on ne voyait pas d'éléments globu-

laires, mais les interstices étaient remplis tantôt d'une matière granuleuse

avec quelques gouttelettes de graisse et tantôt d'une substance claire, homo-

gène, identique à celle qui infiltre les cellules dont il a été parlé plus

haut. Quant aux éléments nerveux, fibres et cellules, je n'ai pu en observer

en aucun point de mes nombreuses préparations, de même que je n'ai pu

non plus réussir à voir le canal central revêtu d'épithélium.

Des deux apophyses styloïdes (clinoides) la droite avait une longueur de

11 millimètres, et la gauche de 13 millimètres. Actuellement ces produc-

tions morbides ne s'observent plus car elles se sont rompues pendant la pré-

paration du squeletle, seules leurs bases, de forme pyramidale, subsistent.

Ces apophyses étaient cachées dans les anfractuosités qui séparent la pre-

mière et la seconde circonvolution sphénoïdale, et au moment où le cerveau

fut enlevé, elles se montrèrent dégainées comme une épée hors de son

fourreau.

La masse de l'encéphale entier pesait 1,275 grammes.

La base du crâne se distinguait par (fig. 47) de nombreuses singularités ; elle

élait large et inclinée moins que d'habitude d'avant en arrière, de sorte que

les fosses occipitales paraissent être presque au même niveau que les fosses

ANATOMIE PATHOLOGIQUE DE L'ACROMÉGALIE. il.,

moyennes. Au centre, la fosse pituitaire attirait l'attention par ses dimen-

sions inusitées; de fait le diamètre antéro-postérieur était de 30 millimètres,

le transverse de 40 millimètres, sa profondeur variait entre 18 et 21 milli-

mètres. Du bord postérieur de cette fosse s'élevait perpendiculairement, sur

une hauteur de 14 millimètres, une lame très mince de substance compacte

de forme carrée interrompue seulement à sa partie médiane par une fine

membrane fibreuse. Les autres fosses de la base du crâne se montraient

toutes moins creuses que d'habitude; les fosses sphénoïdales avaient leur

surface irrégulière par suite de diverses proéminences terminées en pointes,

et séparées entre elles par des sillons plus ou moins profonds. De plus, les

os de la base du crâne se montraient assez vascularisés et riches en substance

médullaire.

(A suivre).

PIERRE Marie.

FIG, 47. ' .lcromégalie (Brigidi).

LES MALADES DANS L'ART1

On comprend qu'il n'est pas nécessaire d'être grand clerc en méde-

cine pour juger de l'oeuvre d'un artiste qui aura surtout cherché à

exprimer l'idée générale de la maladie, en peignant l'épuisement,

l'abandon des forces qui font comme le fond commun de tous les

désordres pathologiques, et la douleur qui en est l'accompagnement

le plus fréquent. Mais il n'en est pas de même, en face d'autres oeuvres

plus précises, dans lesquelles l'homme de l'art peut, par ses connais-

sances spéciales, relever certains détails restés inaperçus, donner à

d'autres leur véritable signification, juger en un mot de l'ensemble au

point de vue de la vérité technique.

Nous n'oublions pas que tel est le rôle que nous nous sommes assi-

gnés, bornant nos efforts à fournir à la critique les renseignements

spéciaux que nous sommes à même de lui donner.

Malgré l'inégal intérêt que présentent à nos yeux les deux catégo-

ries de spécimens que nous venons de signaler, nous ne pouvons nous

dispenser néanmoins de citer les uns comme les autres.

Au premier rang, voici plusieurs scènes d'hôpital.

Une fresque de Taddeo di Bartolo (1,363-1 ? ) (PI. XXII) un des

derniers maîtres de l'école, siennoise, nous montre l'intérieur d'une

salle d'hôpital au moment où l'on donne les soins aux malades. La

reproduction au trait que nous en donnons nous dispense de longs

commentaires. Elle a surtout un intérêt au point de vue des moeurs

et des usages hospitaliers de l'époque, et le lecteur pourra y relever

plus d'un détail curieux.

Une miniature du siècle nous montre nne salle de malades

à l'Hôtel-Dieu. Elle provient d'un manuscrit sur vélin com-

posé sur l'ordre et aux frais de maître Jehan Henry, conseiller du roi,

président de la Chambre des enquêtes de la cour du Parlement,

chantre de l'église et proviseur de l'IIôtel-Dieu de Paris, pour célé-

brer les louanges de l'IIôtel-Dieu, et faire connaître l'administra-

tion de cet hôpital au temporel et au spirituel2.

1. Extrait du livre : Les Difformes et les malades dans l'art, par J. M. Charcot (de l'Ins-

titut) et Paul Richer qui \ient de paraître à la librairie Lecrosnier et Babé.

2. Nous avons trouvé l'indication de ce document, en même temps que sa reproduction,

dans le Magasin pittoresque, 1879, p. 141.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

T. Il. PL. X\11 ICI

FRESQUE DE L'HOPITAL DE SIENNE

Pau Tabdeo 01 BAIITIIOLO.

yECltO&NIE6 ET BAIE. .EI>ITEC" S

LES MALADES DANS L'ART. 147

Cette peinture a surtout un intérêt historique. On y voit les malades

couchés à deux dans un lit ? recouverts jusqu'au cou par des draps

bien tendus, ou passant au dehors leurs bras nus. L'un boit une tasse

de tisane, l'autre tient sa joue de la main gauche. Tous ont des airs

plus ou moins piteux. Sur le devant, quatre ligures allégoriques,

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LIS NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA W1L1'1 : 'l'IIll : l2l : .

d'une haute stature, la Prudence, la Tempérance (modération de pas-

sions), la Force, la Justice. Près d'elles sont les soeurs professes et les

novices.

Parmi les magnifiques bas-reliei's'en'tëïTe cuite émaillés, de Lucca

della Bobbia, qui ornent la façade de l'hôpital de Pistoia et représeu-

tent les OEuvres de miséricorde, le segment, consacré aux soins prodi- ,

gués aux malades, regros curare, est un morceau exquis, d'ailleurs bien

connu (Fig. 48). Les deux extrémités sont occupées par deux malade ? <

couchés dans leur lit. Celui de gauche est un fébricitant. Il se soulève

avec peine, la tête retombe en avant, la figure exprime la souffrance

et l'épuisement, la bouche entr'ouverte marque l'oppression. Nous

reconnaissons cette physionomie pour l'avoir rencontrée pour ainsi

dire, à chaque pas dans nos salles d'hôpitaux. Près de lui, le médecin

vêtu encore de son manteau lui tâte le pouls dans une attitude supé-

rieurement rendue de calme, de dignité et de recueillement. Il a dû

retirer pour cette opération ses gants, qu'il tient de la main gauche.

Au pied du lit, un aide soulève un vase à large encolure qui pour; 1

rait bien être un urinal. Le même vase se retrouve dans la fresque de

Taddeo di Bartholo, signalée plus haut. Le malade de l'angle de

droite appartient à une autre catégorie. Egalement dans son lit,1

comme doit être tout malade au moment de la visite, il est assis plus

franchement sur son séant. Là, pas de fièvre, ni d'épuisement général.

L'affection est toute locale, elle siège au cuir chevelu. Deux person-,

nages regardent de près et se livrent à un examen qui n'est pas sans'

douleur, ainsi que le témoigne le geste si bien observé que le patient)

fait de la main droite. Près d'eux un aide tient un plat avec des médi-

caments. î

Dans le bréviaire Grimani, conservé à la Bibliothèque Saint-Marc à '¡

Venise, il existe, parmi les illustrations qui entourent le calendrier,

une petite miniature des plus intéressantes pour nous, au bas de la

page consacrée au mois de septembre. C'est une scène de petite chia

rurgie très finement interprétée (Fig. z.9). Elle se passe dans la boutique 1

duchirurgien, ou mieux du barbier. L'opérateur, qui porte sa trousse a

sa ceinture, s'apprête, la lancette à la main, à pratiquer la saignée. Il

s'y prend de la bonne façon, et l'attention qu'il y apporte nous assure (

de la réussite de l'opération. Le patient d'ailleurs paraît peu inquiet; - : .

il lui abandonne son bras droit pendant que, de la main gauche, il

tient lui-même le bassin destiné à recevoir le sang. On voit, au-dessus

du pli du coude, le lien destiné à interrompre le cours du sang, et le

gros bâton que l'opéré serre de la main droite a un double but; il

sert de point d'appui pour le soulien du membre tout entier, en même

LES MALADES UAPi5 L'ali'l'. 119

temps que par la pression dont il est l'objet, il fait refluer le sang des

parties profondes vers la veine ouverte. C'est une manoeuvre encore

usitée aujourd'hui, et tous les traités de petite chirurgie conseillent,

en semblable occurence, de placer dans la main du bras qui doit être

saigné un objet quelconque, le plus souvent un petit rouleau de

bandes, pour faciliter la contraction musculaire dont le but est d'acti-

ver le cours du sang en vidant les veines profondes.

Un bas-relief tumulaire en marbre (au Musée national, à Florence)

de Verrochio. représente une scène émouvante, la mort de la femme

FIG. 19. I'ic. fJ. - L\ S,¡r.\l;E. -

Mineure du bréviaiio Gilmani, conservé à la bibliothèque Saint-Marc, a Venise. ? =-=-

lnc. 50 ? vunr ue ? rr.nue ne, ronw;uow.

· H,I ? J'l'hcf ll1llllllairc CIl mitl'lJI'c, do \"cl'l'orhio. tll...ée n,llioua ! tic Flol'pnce.

1 : 0 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

de F. Tornabuoni (Fig. 50). La mourante succombe aux suites d'un

accouchement. L'enfant, entouré de bandelettes, est sur les genoux

d'une femme assise à terre près du lit. Et si la douleur qu'éprouvent

les assistants se manifeste par des gestes quelque peu outrés, la malade

est représentée dans une attitude affaissée pleine de vérité.

Nous citerons seulement pour mémoire les figures de malades de

Pesello (Francesco) dit il Pesellino,-dans un fragment de rétable, au

musée du Louvre, représentant saint Côme et saint Damien s'aidant

fraternellement à panser un malade; de Ricci de Lorenzo dans un

tableau aux Offices à Florence, Saint Côme et saint Damien enlevant

une jambe gangrenée et toute noire à un malade; de Andréa Pisano

dans un losange du Campanile de Giotto, l'Extrême onction; de

Andréa Riccio dans un bas-relief en bronze du musée du Louvre, la

Maladie, etc.. Nous ferons, remarquer, à propos de malades alités, que

les patients étaient couchés complètement nus dans leurs lits.

Nous ne pouvons, en vérité, passer sous silence les petits chefs-

d'oeuvre des peintres hollandais et flamands du XLII' siècle, dans les-

quels la maladie a servi de prétexte à des scènes d'intérieur pleines de

charme et d'intimité.

C'est dans une chaumière, au milieu des paysans, que nous conduit

A. Brauwer dans son tableau du musée de Vienne, intitulé Opération

chirurgicale. Cette opération consiste en un simple pansement. Le

patient est un pauvre hère qui ne retient point ses cris de douleur,

pendant que le médecin retire avec précaution cependant le linge qui

recouvre une plaie du dos du pied. Dans le fond, près d'une table,

une femme découpe avec des ciseaux un nouvel emplâtre. Près de là,

un homme appuyé sur un bâton montre une compassion pleine de

bonhomie, tandis qu'un farceur qui entr'ouvre la porte rit des plaintes

du malheureux.

Il existe du même peintre au musée de Munich un tableau intitulé

le Pédicure. L'opérateur procède avec un soin qui mérite les plus

grands éloges, et toute l'attention nécessaire, au succès de son opéra-

tion.

,Le tableau dont nous donnons la gravure (fig. 51) se trouve égale-

ment au musée de Munich. C'est aussi une scène de pansement.

Enfin- le musée du Louvre (collection La Caze) possède également

un petit tableau de Brauwer, consacré à la chirurgie. Assis sur le

rebord d'une table, un paysan, l'épaule nue, les traits contractés par

la douleur,' pousse des cris perçants, pendant que le chirurgien sonde

la plaie. Sur la droite, un élève prépare une compresse.

LES MALADES DANS L'ART. 151

C'est ici que nous devons citer le tableau si connu de Gérard Dow,

la Femme hydropique, également au musée du Louvre. La scène se'

passe dans un riche intérieur dont les détails d'ameublement ont été

souvent relevés. La malade, renversée dans son fauteuil dans une pose

languissante pleine de naturel, porte bien les marques de l'affection

dont elle est atteinte. Toutefois, sous ses vêtements lâchement serrés

à la taille, on ne peut que deviner l'oedèm,e qui a envahi toute la partie

inférieure du corps, suivant la règle. Seul le pied droit que la robe

découvre apparaît manifestement gonflé. Sa fille est en larmes à ses

genoux et lui tient la main, tandis qu'une servante lui offre une cuil-

lerée de potion. Son médecin, debout, considère avec attention le con-

tenu de l'urinai qu'il expose au jour. Ce détail a son intérêt : on sait

de quelle importance est l'examen des urines dans les affections qui

produisent t'hydropisie, et la manière dont s'y prend le médecin est

d'une observation fort juste.

FIG. 51. -I.E MÉDECIN DE \ILL\l.E, PAn 111111E\ ]R %t %NE Il.

Musée (le Il1nidl.

J59 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DELA W11.1'1 : 'l'lill;lil;.

Cette même attitude du médecin qui examine attentivement l'urinai

en le plaçant à contre-jour a été reproduite par Gérard Dow dans un

autre tableau du musée de Vienne.

Il existe aussi au musée du Louvre un tableau du même peintre

représentant un arracheur de dents.

Le même sujet a été traité également par Van Ostade.

Un élève de Gérard Dow, qui fut, lui aussi, le peintre des intérieurs

et des occupations ménagères, Quiryng 13rel : elenl : ,im, a peint un

excellent petit tableau intitulé la Consultation, le seul de ce maître

que possède le musée du Louvre (galerie La Caze). Deux personnages

seulement : une femme assise et devant elle un médecin debout qui

lui tâte le pouls. Rien de plus simple ni de plus naturel que le geste

du médecin, si ce n'est l'expression de la malade et le regard interro-

gateur qu'elle lève sur lui.

Cette attitude du médecin occupé à tater le pouls du patient a été

deux fois reproduite par un des maîtres les plus renommés de l'école

hollandaise, Jan Steen, dont la verve s'est plu à opposer le person-

nage sévère et morose du médecin aux jeunes et jolies malades.

Dans la Malade d'amour, du musée de la Haye, une jeune femme

assise présente son bras au médecin qui lui tâte le pouls et paraît fort

perplexe. Jan Steen, pour aider au spectateur à comprendre la cause

de la maladie, a placé sur la cheminée une statue de l'amour tenanl

une flèche.

Un second tableau de Jan Steen sur le même sujet se trouve au

musée de Munich; nous en donnons la gravure. (Fig. 52).

Un autre tableau où Jan Steen nous montre un médecin également l

occupé à tâter le pouls d'une jolie malade est la Femme malade, de la

collection Van der Sloop, à Amsterdam. La physionomie de l'homme de

l'art est pleine de douce gravité et de bonhomie charmante. Son geste

très naturel est en même temps plein de déférence. La jeune malade

est assise, la tête enveloppée d'un foulard blanc et appuyée sur un

oreiller posé sur une table. Les yeux brillants, la face un peu vul-

tueuse annoncent de l'émoi ou un petit train de lièvre; mais elle sou-

rit, et si elle ne raille, la jolie malade, son mal ne doit pas être bien

sérieux.

Dans un autre tableau du musée de la Haye, Jan Steen met égale-

ment en scène un médecin. Il est intitulé la Consultation.

La malade est au lit, près d'elle le médecin est assis, tenant encore

à la main les gants qu'il a retirés pour procéder, selon toutes les règles

de l'art, à l'examen de la patiente. Mais la consultation doit être finie,

car son attention est dirigée sur une femme qui arrive tenant un broc

.. LES MALADES DANS L'ART. 153

d'une main'et un verre plein de l'autre et marche vers le )iL C'est le

traitement qui commence. '

Citons encore de Jan Steen nn tableau du musée d'Amsterdam

intitulé la Femme malade. Deux ligures coupées il mi-corps forment

toute la composition. Une femme assise, la tête enveloppée, boit une

liqueur que vient de lui verser un homme qui lient encore le broc, et

qui attend avec anxiété le résultat du remède. C'est d'un cordial que

paraît avoir besoin la malade, dont les traits sont bien languissants et

qui, par le geste de la main gauche placée sur sa poitrine, semble

indiquer le siège du mal.

Fic,. 52. - 1.\ fE\n1E 'IAI.\I1E, I\It 1\\ steen.

- .Musée .le .Munich.

loi NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALI'ÈTI11El\I.

Frans Van Mieris le Vieux, le peintre des élégances néerlandaises,

a mis en scène les jolies malades vêtues de Satin et de velours. La Con-

wltation, du musée de Vienne, est considérée comme une de ses

meilleures toiles. Un autre au musée de Munich, nous montre

une jeune femme renversée, dans la pose flaccide de 'l'évanouisse-

ment. Elle est soutenue par une grosse commère. Plus loin un méde-

cin, dans une attitude que nous avons déjà vue plusieurs fois bien

observée, regarde l'urinai qu'il élève en l'air.

La malade de Van der Neer au môme musée est également pâmée.

Plusieurs personnes s'empressent autour d'elle. L'une approche de

son visage un linge imprégné de fortes senteurs. L'autre soutient le

bras sur lequel un tout petit bandage, appliqué au niveau du coude,

nous révèle la cause de la pamoison. La malade vient d'être saignée et

le sang remplit encore un petit bassin posé à terre, sur la gauche du

tableau, à côté d'une éponge.

Nous citerons encore deux gravures d'un élève de Van Ostade, Cor-

nélius Dusart, dont les eaux-forles ne sont pas moins prisées que les

tableaux. Dans un genre pittoresque, et presque caricatural, elles

représentent des scènes médicales très finement observées.

La première (PI. XX III) nous montre la ventouseuse occupéeàplacer

les ventouses sur le pied d'une commère, pendant qu'un compagnon,

quepréoccupentpeu les gémissements de la patiente, nous semble aigui-

ser la lancette destinée à faire les scarifications. Il porte la seringue à

la ceinture, et est coiffé d'un panier d'osier dont le couvercle retombe

sur l'épaule pendant que la ventouseuse elle-même porte un entonnoir

renversé comme coiffure,

La seconde gravure est consacrée -IL une opération chirurgicale plus

élevée (PI. XXIV). Armée de la sonde cannelée, l'opérateur explore

une plaie de la région du coude. Le patient qui pousse les hauts cris,

émeut de compassion une femme qui assiste à l'opération, mais ne

trouble point le chirurgien dont le calme et le sang- froid sont admira-

blement rendus.

J.-M. Charcot (de l'Institut).

. P. BICIlER.

Le gérant : Emile Lecnosutcn.

11OTTEIVOZ. - IlI1primcIics réunies, B, rue Mignon, 2.

NOUVELLE ICONOGRAPIIIE

T. Il. PL. XXIII

LA VENTOUSEUSE

Eau-forte de COR1\ÉLIUS 1)eswr.

LECROSNIER ET BABÉ, ÉDITEURS

110GVf.LLG ICONOGRAPHIE

T. 11. PI.. XXIV

LE CHIRURGIEN

Eau-forte de Cornélius DUSART.

LECROSNIER ET 8ADl ÉDITEURS

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

DE LA SALPÊTRIÈRE

FAITS POUR SERVIR A L'HISTOIRE

DES TROUBLES TROPHIQUES

DANS LA PARALYSIE GÉNÉRALE DES ALIÉNÉS

Nous ne sommes plus au temps où l'histoire de la paralysie générale

des aliénés paraissait faite et parfaite, où ce groupe symptomatique

paraissait nettement constitué en une maladie à types fixes avec

une marche prévue et fatale conduisant à la découverte certaine de

lésions caractéristiques et toujours les mêmes. Cette construction qui

semblait le premier pas, mais un pas définitif, fait par la psychiatrie

pour sortir de la période métaphysique de son histoire, est retombée

dans le chaos ; autant au point de vue anatomique qu'au point de vue

clinique elle a perdu son autonomie. Mais même pour ceux qui regar-

dent la désagrégation, comme achevée, le travail considérable de ceux

qui ont construit l'édifice n'est pas perdu, les matériaux solides, les

faits bien observés restent, et pourront servir à une restauration ou à

des constructions nouvelles. Les faits relatifs aux troubles somatiques

sont particulièrement précieux parce qu'ils ont moins de chances d'être

entachés d'erreurs d'observation. C'est à titre de documents à con-

sulter que je rapporte les faits suivants où on trouve quelques

troubles trophiques qui m'ont paru dignes d'intérêt, mais dont la

cause anatomique reste indéterminée, faute d'autopsie.

Les troubles trophiques attribués à la paralysie générale sont déjà

nombreux. La prédisposition particulière aux hématomes de l'oreille

est attribuée depuis longtemps à un trouble de nutrition. La friabilité

des os, admise par Foville, a aussi été rangée dans le même ordre de

Il. 10

150 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LAS1LPI\THIÈHE.

faits : une observation de Biture et Bonnet a eu la bonne fortune

de paraître très démonstrative à cet égard; mais ce n'est pas sans

raison que M. Christian a fait ses réserves sur l'évidence de ces troubles

de nutrition des os.

Les troubles trophiques de la peau et de ses annexes sont mieux

établis. Les accidents du décubitus sont fréquents, le zona n'est pas

rare ? MM. Christian et Ritti, dans leur article du Dictionnaire encyclo-

pédique, en rapprochent le pemphigus, le purpura, le mal perforant

du pied observé pour la première fois par M. Christian 3. L'observation

suivante présente un nouvel exemple de mai perforant, et on y trou-

vera en outre les lésions de l'ichtyose qui n'ont guère encore été

signalées, je crois, dans la paralysie générale : Scinde dit pourtant que

dans les dernières périodes la peau devient sèche, cassante et squa-

meuse '. Ce même malade présente, en outre, une arthropathie d'un

doigt qui présente de grandes analogies avec les arthropathics tabé-

tiques qui d'ailleurs, comme on le sait, sont rare$aux' petites articula-

lions 1. 6..

uns. 1 (recueillie par M. Pcrruchct, interne du .service). - Paralysie

générale. - Troubles trophiques. -1JI a 1 perforant plantaire. - ] chlyose.

- Arthropathie.

Gucsdon; Arthur; Jean, âgé de 43 ans, percepteur. Kntre le -26 mai 1880

(Hospice de Bicêtre, service du docteur Féré).

Antécédents héréditaires (récit de l'oncle).

Père. Asthmatique, nerveux, irritable, mort à GO ans. Pas d'alcoolisme.

Pas d'aliénés dans la famille.

Mère. Impressionnable, eut beaucoup de chagrins pendant sa vie, aurait

toujours souffert d'une mauvaise santé. Eut cinq grossesses toutes à terme :

Des cinq enfants nés de ce mariage quatre sont morts, le seul survivant est

le malade qui nous occupe ; tous ont eu des convulsions dans leur enfance.

Antécédents personnels. - A part des convulsions Arthur U... a toujours

joui d'une santé excellente. Il lit au Mans ses études classiques, s'est toujours

montré intelligent, mais paresseux. J8 ans, il était bachelier es lettres

(1801).

A celte époque il vient à Paris pour faire son droit, mais passe ses soirées

au café, « fait la noce » et ne travaille pas.

1. Christian, Sur la' prétendue fragilité îles os chez les paralytiques généraux (Ann.

méd. I)silcii., 1885, uov. p. 'il : ').

2. L. Gniuict, Quelques Cas de zona chez les paralytiques généraux, th. 1889.

y. Christian, Jlal perforant du pied dans lu paralysie générale (Ann. méd. psych., 1882,

t. 1111, p. 230). '

4, Traité clinique des maladies mentales, p. 3.t3,

5. Charcot et réré, Affections osseuses el articulaires du pied chez les tabétiques (Arch.

de Neurologie, ]883. I. VI, p. 305)

FAITS POUR SERVIR A L'HISTOIRE DES TROUBLES TROPHIQUES..157

- En 1866, il avait alors' 23 ans, il entre à la Ville de Paris n'ayant pu ter-

miner ses études de droit ; là encore, il travaillait avec intelligence et facilité,

mais toujours très inexact il finit par se faire renvoyer.

Pendant la période de temps qu'il passa à Paris de 1861 à 1877, il fit des

excès de toutes sortes, vénériens et alcooliques ; il joua aux courses, se lança

dans des spéculations hasardeuses auxquelles sa fortune ne pouvait pas parer

et finit par ruiner sa mère, montrant en toutes circonstances une incapacité

absolue à gérer ses affaires. 11 se rendait à peine compte de sa maladresse,

et malgré des pertes considérables et les remontrances qu'on lui adressait, l,

recommençait toujours.

Excessivement orgueilleux, il se vantait continuellement de sa fortune, de

ses maitresses, etc.

En 1878, après avoir été remercié de la Ville de Paris, il entre aux per-

ceptions. Il avait alors 32 ans. Il s'y montre encore négligent et inexact.

En 1880, il se marie, eut deux enfants vivants, et jouissant toujours d'une

bonne santé. Il continue néanmoins sa vie de débauches, passant tout son temps

au café ou avec des maitresses, s'occupant toujours de jeu, de courses, con-

traclant des dettes et n'ayant même pas conscience de sa ruine. Peu à peu les

troubles intellectuels s'accentuent. A cet orgueil qu'il manifeste en toutes

circonstances fait place un véritable délire des grandeurs, et son état mental

s'aggravant de jour en jour, on se décide à le faire entrer à l'hospice. Depuis

quelques mois il avait été révoqué de ses fonctions de percepteur.

Pas de syphilis dans les antécédents. Examen du malade. - C'est

un individu d'apparence robuste ; taille 1^.G i.. Son regard exprime l'hébé-

tude. Les doigts sont animés d'un léger tremblement; la force est conservée

et énergique, il fait dévier l'aiguille d'un dynamomètre jusqu'au 60 de

l'échelle par pression de la main droite et jusqu'au z0 par la main gauche.

La langue est animée d'un léger tremblement, cependant la prononciation

est peu altérée, le malade ne bredouille pas.

Ce qui frappe dans sa conversation ce sont des idées de grandeurs sans

aucune suite. « Il est fils de rois ou d'empereurs, il a dia-liuit cents femmes,

de beaux enfants, on lui a élevé une statue dans son pays, etc.; et si on vient il

lui demander ce qu'il fait, il vous répond : « Je suis percepteur. »

Pendant près d'un an les symptômes ne changent pas, la maladie paraît

rester stationnaire.

1,t mai 1887. Le malade a du délire mélancolique et est triste, anxieux,

« il a perdu toute sa fortune, sa santé ne va pas, il a la névrose il la tète ».

11 juin. Le délire mélancolique continue toujours; l'état de sa santé paraît

surtout le préoccuper, il se plaint continuellement « il est malade de par-

tout ». Le malade s'exprime difficilement ; la parole est hésitante, traînante

tremblante.

25 octobre. Le malade s'affaiblit, il se plaint de fatigue au moindre exer-

cice; il devient sale dans sa tenue et en mangeant.

Les troubles de la parole s'accentuent de plus en plus.

158.. NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

9 juillet 1888. La parole est devenue impossible, le malade ne peut pro-

noncer un seul mot, il fait entendre un bredouillement absolument inintelli-

gible.

De plus la santé générale s'est altérée, l'appétit a diminué. II n'a pas eu

d'accès apoplectiforme, cependant, depuis quelques jours, il fait sous lui et

ne paraît pas avoir conscience de son état.

Poids riz Idiogr. 500.

8 décembre. On remarque sur la peau du thorax et des membres une des-

quamation de l'épiderme sous formes d'écailles rappelant l'ichtyose.

Sous la tète du 3" métatarsien droit existe un durillon de la largeur d'une

pièce de 50 centimes, de consistance cornée, séparé par un sillon humide

des parties voisines.

25 février 1889. L'état ichtyoique de la peau est de plus en plus marqué,

il se fait sur tout le corps une desquamation abondante sous forme d'écailles

blanches transparentes. Pour peu que le malade s'agite, sa respiration de-

vient haletante et une sueur abondante couvre son front et mouille ses che-

veux, mais tout le reste du corps est sec.

Le durillon qui existe sous le troisième métatarsien s'est fendillé, la pas-

sion n'y réveille aucune douleur.

23 avril. Le faciès du malade exprime l'hébétude, il paraît indifférent il

tout ce qui se passe autour de lui, il fait à peine attention aux questions

qu'on lui pose. Il marche la tête penchée en avant, le dos arrondi, les

jambes écartées, appuyant surtout le talon sur le sol, il cherche à augmenter

sa base de sustentation, et avance cependant avec lenteur et hésitation.

Noire malade a une asymétrie faciale assez prononcée ; le côté gauche est

plus petit que le droit, la pommette est moins saillantect paraît aplatie. Le nez

est dévié vers la gauche, le front fuyant.

On ne constate pas de mouvements fibrillaires de la face, si ce n'est au

niveau de l'insertion supérieure du petit zygomatique du côté droit.

Les lèvres à l'état de repos ne sont le siège d'aucun mouvement, mais dès

qu'il veut les remuer pour parler ou siffler, immédiatement elles sont prises

d'un frémissement des plus marqués.

La langue n'est pas déviée, elle est agitée d'un tremblement vermiculaire

continuel, appréciable sur toute la surface de l'organe mais prononcé surtout

sur les bords. Ce tremblement augmente encore lorsqu'on dit au malade de

projeter l'organe hors des arcades dentaires, mouvement qu'il accomplit

d'ailleurs avec la plus grande difficulté.

La parole se ressent de ces troubles moteurs; 1... est incapable de pro-

noncer une parole, si ce n'est les mots « oui, non » ; veut-il essayer de parler,

il bredouille alors des phrases absolument inintelligibles.

Du côté des membres supérieurs, le tremblement est peu accusé lorsqu'on

fait tendre le bras du malade et qu'on lui fait écarter les doigts, cependant il

arrive difficilement à accomplir un acte nécessitant quelque adresse. C'est

avec lenteur et difficulté qu'il boutonne sa chemise ou saisit une épingle sur

NOUVELLE ICONOGRAPHIE T. II PL. XXV

Cliché HU8 £ RT

Phototypie BER1'HAUn

TROUBLES TROPHIQUES DANS LA PARALYSIE GENERALE

(ÉTAT ICHTHYOSIQUE DE LA PEAu)

E C n OS NIMR & ÉDIEURS

FAITS POUR SERVIR A, L'HISTOIRE DES TROUBLES TROPHIQUES. , 159

une table. L'écriture est absolument impossible, c'est avec peine que G... ar-

' rive il tracer quelques caractères tremblés absolument indéchiffrables. '

Pas plus dans les membres supérieurs qu'inférieurs nous ne constatons s

de tremblements fibrillaires, mais, dans les mouvements de ces derniers, nous

notons un certain degré d'incoordination qui rend la marche lente et hé-

sitante. Les réflexes rotuliens sont complètement abolis. ,

Les mictions et les défécations involontaires qui avaient cessé pendant

quelque temps reparaissent; le malade souille ses vêtements et son lit sans

en avoir conscience.

Chez G... l'intelligence est presque complètement abolie; il comprend à

peine les questions qu'on lui pose, et y répond indifféremment par un oui

ou un non, les deux seuls mots qu'il puisse prononcer distinctement. Il passe

toutes ses journées à se promener seul dans les cours, ou assis dans un coin,

les yeux fixes et sans expression. Il est dans l'incapacité de mettre ses vê-

tement, non seulement à cause des troubles moteurs, mais aussi par perte

d'intelligence; il ne sait plus s'habiller. Ne se livrant jamais à des violences,

il ne sort presque jamais de la torpeur dans laquelle il est plongé; quelque-

fois cependant on le voit sourire lorsqu'on lui parle de ses enfants. '

Vu l'état mental de notre malade, l'examen de la sensibilité est presque

impossible. Il paraît cependant réagir à la douleur lorsqu'on le pique avec

une aiguille. Quanta la sensibilité tactile, au goût, à l'ouïe, on ne sait s'ils

sont altérés. L'odorat paraît notablement affaibli ; un flacon d'ammoniaque

placé sous le nez ne paraît occasionner aucune sensation pénible.

On ne peut dire quel est l'état de la vision. La pupille est contractée, petite,

égale des deux côtés, réagissant à peine à l'accommodation ou à la lumière.

La respiration est normale. Le pouls a Ci pulsations par minute.

Le malade mange avec un appétit poussé quelquefois jusqu'à la voracité.

La digestion est bonne. On ne note ni constipation ni diarrhée'.

Urines normales, ni sucre ni albumine. ; ,

La peau est le siège d'une desquamation spéciale rappelant l'ichtyose

congénitale. On trouve la des écailles de dimensions variables, atteignant

jusqu'à un centimètre carré, adhérentes par toute leur surface, ou détachées

à l'une de leurs extrémités. Ces écailles juxtaposées, de couleur blanchâtre,

grisâtres en certains points, sont séparées par des sillons s'entrecroisant en

tous' sens. Ces "écailles sont assez volumineuses pour être représentées très

nettement sur plusieurs points dans la planche XXV.' ' ' ' .

Cet état squameux de la peau donne au toucher une sensation de rugosité;

il existe sur toute la surface du corps, mais est. beaucoup plus développé en

certains points qu'en d'autres. C'est ainsi qu'a la partie externe des bras, au

niveau des pectoraux, sur la partie antérieure de la jambe, la partie forte

des épaules, à la région lombaire, les écailles ont des dimensions considérables

atteignant la plupart un centimètre de côté. Ailleurs il n'existe que dominées

squames de peu d'étendue, analogues'à celles du pityriasis. ' ' ' -

Sur les mains, absence- complète d'écaillés, mais la. peau a. perdu sa

160 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTHIÈIUI.

souplesse et son élasticité, elle est sèche, de coloration bleuâtre, parcourue

par des sillons et des plis nombreux donnant à cette région un aspect ridé

(pl. XXVI).

A la région plantaire la peau a le même aspect; mais, en outre, on constate

au niveau du troisième métatarsien gauche l'existence d'un durillon formé

par une série de lamelles épidermiques superposées, qu'on peut parvenir à

détacher, en partie, et qui présente les caractères du mal perforant plantaire

au début (pl. XXVII). Rien de semblable au pied droit.

.Cet état. ichtyosique de la peau s'accompagne d'une absence complète de

sécrétion sudorale. Il n'y a que sous les aisselles qu'on constate une légère

moiteur; partout ailleurs la peau est absolument sèche.

Les masses musculaires des cuisses et des bras paraissent diminuées de

volume, même à l'état de contraction, elles présentent un certain degré de

mollesse. Il paraît y avoir un léger degré d'atrophie.

L'articulation phalango-phalanginienne du médius droit est le siège d'une

tuméfaction considérable. Le doigt élargi à sa base rappelle le doigt en

radis. La peau a sa coloration normale, on ne constate à la palpalion ni

chaleur, ni fluctuation, mais un empâtement de la région. Cette augmentation

de volume paraît porter sur les extrémités articulaires des deux os, phalange

et phalangine'. Les mouvements volontaires ou provoqués sont possibles et

n'éveillent aucune douleur.

4- juin. Le malade maigrit. Poids G3 kg. 500.

L'appétit est cependant conservé et les digestions bonnes.

L'arthrite de la phalange parait augmentée de volume.

Toujours même état de la peau.

Même'état mental.

Mendel * signale à côté de la sclérodermie, du glossy skin, certaines

altérations de coloration : la nigritie, la coloration bronzée ; mais il

ne fait pas mention du vitiligo dont l'existence, assez souvent notée

dans l'ataxie locomotrice, n'a pas non plus été signalée par les auteurs

qui se.sont particulièrement occupés de cette lésion trophique de la

peau (Leloir) ·. Le fait suivant que j'ai observé à la Salpêtrière lorsque

j'étais chargé de la consultation externe,, suppléant M. Falret, m'a

paru digne d'être rapporté tel qu'il a été résumée par M. Chaslin

qui l'a-utilisé pour son mémoire du concours des internes (188G).

Obus. II. - Paralysie générale, vitiligo.

Mme II... 39 ans. Kcmme de ménage ; consultation externe do la

Salpêtrière.

Le début de la maladie de Mme II... paraît remonter il un an. A celte

époque la malade dit avoir ressenti de violents maux de tête qui ont continué

1. Die progressive Paralyse der Irren, Ilorl., 1880, p. 20,

2. Lebrun, Du vitiligo d'origine nerveuse, Thèse de Lille, 1886, p. G2.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

T. Il. PL. XXVI

TROUBLES TROPHIQUES DANS LA PARALYSIE GÉNÉRALE

LBCROSNIE ET BABÉ, ÉDITEURS

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

T. Il. PL XXVII

TROUBLES TROPHIQUES DANS LA PARALYSIE GÉNÉRALE

LECROSNIER ET BABÉ, EDITEURS

FAITS POUR SERVIR A L'HISTOIRE DES TROUBLES TROPHIQUES. Ici

depuis. C'est il peu près de ce moment que datent des absences de mémoire

dont elle se rend parfaitement compte. Depuis trois mois il y a de la difficulté

de la parole. '

Actuellement la parole est traînante et tremblotante d'une manière carac-

téristique ; la malade s'exprime difficilement.

La langue est tremblotante.

Les mains sont prises d'un léger tremblement lorsque le bras est étendu.

La force musculaire paraît conservée.

Les pupilles sont également et moyennement dilatées; elles sont sensibles il

l'action de la lumière. Pas d'idées de grandeur ou de satisfaction; la malade

est dans un état de tristesse assez marquée sans délire ni hallucination.

Depuis trois semaines la malade s'est aperçue qu'elle avait au niveau des

mains des plaques brunâtres sur l'apparition desquelles elle est peu à même

de fournir des renseignements.

Ces plaques, à son dire, se seraient montrées une première fois, puis

auraient disparu peu près complètement, pour reparaître il nouveau et s'ac-

centuer de plus en plus. '

Les modifications pigmentaires qu'on peut constater son les suivantes.

Du côté droil est une plaque pigmentée, haute d'environ quatre centimètres,

occupant le dos du poignet et s'étendant un peu sur les parties latérales de

celui-ci. En haut, cette plaque se confond insensiblement avec la coloration

du reste de l'avant-bras; en bas, elle se termine brusquement à l'union du

tiers supérieur et du tiers moyen du dos de la main, au niveau d'une zone

décolorée, manifestement moins foncée que les doigts qui ont conservé leur

couleur normale.

Quelques îlots pigmentaires de la largeur d'une lentille se voient dans

cette zone décolorée. La partie inférieure du dos de la main a gardé sa cou-

leur normale très bistrée (la malade est femme de ménage), ainsi que le reste

des doigts. Pas de troubles du côté des ongles.

Du côté gauche, une plaque plus colorée encore que la plaque à peu près

symétrique du côté opposé, plaque à bords plus irréguliers, haute d'environ

G centimètres, occupe la région dorsale du poignet.

La dispostion est la môme que celle du côté opposé.

Au-dessus de cette zone brun-rougeâtre est une plaque décolorée répon-

dant à la moitié supérieure du dos de la main, plaque parsemée de quelques

îlots de couleur brunâtre d'une nuance plus foncée que le reste de la main

el des doigts qui sont normaux.

Le front a gardé sa couleur normale, il l'exception d'une zone d'environ

2 centimètres qui s'étend au ras des cheveux et qui offre une décoloration

assez marquée. Pas de troubles du système pileux à ce niveau.

Au niveau du cou, sur les parties latérales, on voit avec un peu d'attention

un tacheté pigmentaire peu marqué, à peu prés symétrique des deux côtés.

Ce tacheté est caractérisé par un certain nombre de petites taches brunâtres

un peu plus foncées que le reste de la peau.

162 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA,5.\ LPt,TI\I I\E.

Des troubles trophiques de la peau on peut rapprocher la décolo-

ration rapide et précoce des cheveux qui est assez fréquente, et les

dystrophies des ongles signalées par M. Régis '.

L'existence de l'atrophie musculaire dans la paralysie générale a

été contestée, sauf comme coïncidence (atrophie musculaire progres-

sive, Baillarger). Pourtant l'atrophie musculaire peut se présenter

sous forme épisodique, comme le montre la troisième observation : -.

Ons. 111 (recueillie par M. Ch. Simon) 2. Paralysie générale, hémia-

trophie de la langue.

Le nommé B., 39 ans, maraîcher, se présente le 28 février 1888 à la

consultation de M. Féré. Il ne peut donner aucun renseignement sur les

antécédents pathologiques de sa famille. Il se livre à des interprétations

enfantines sur les causes de la mort de ses parents, et sa femme n'est pas à

même de rectifier ses dires. La même incertitude règne sur ses antécédents

personnels. Il est marié depuis 15 ans ; sa femme n'avait jamais rien remar-

qué chez lui de particulier, sauf une émotivité excessive, et une tendance

à se livrer aux excès alcooliques, se manifestant en quelque sorte par accès

et à de longs intervalles. 11 a eu trois enfants qui sont morts en bas âge de

convulsions; mais sa femme est une hystérique ovarienne.

En juin 1885, à la suite de pertes d'argent, son émotivité habituelle s'é-

tait exagérée, il passait des jours dans les larmes, et souvent il se lamentait

toute la nuit. Il a été deux ou trois mois à ne dormir que quatre ou cinq

heurespar nuit. Puis il est devenu d'une indifférence complète pour ses affaires ;

on ne pouvait plus arriver il le faire lever, ni à le mettre en mouvemen

pour ses travaux ordinaires. Au mois de septembre, il s'était remonté, avait

repris son travail, mais se plaignait souvent de courbatures. Il conservait la

même indifférence pour ses affaires qui allaient de plus en plus mal.

C'est seulement au mois de juin 1886 que B... a commencé à éprouver des

troubles de la parole. En même temps son émotivité était revenue, il passait

de nouveau des semaines dans les larmes. De temps en lemps, il refusait de

manger, disant que c'était inutile, que ses boyaux étaient percés. Sa mé-

moire offrait des lacunes, il répétait souvent la même chose, oubliait ses

vêtements, sa coiffure, ses instruments de travail. De temps en temps, sa

marche était titubante, mais il ne s'est jamais plaint de douleurs.

Le 15 janvier 4887, il a eu un accès apoplectiforme qui l'a laissé sans

connaissance pendant vingt-quatre heures. Il en est sorti avec une hémiplégie

droite incomplète et une aphasie complexe. Il ne pouvait proférer aucun son,

paraissait écouter ce que l'on disait, se retournait au bruit, mais ne com-

prenait rien. On ne sait pas s'il aurait été capable de lire. En quelques jours»

hémiplégie et aphasie ont il peu près complètement disparu. L'embarras de

1. Régis, Vote sur la dyslrophie et la chute spontanée des ongles dans la paralysie gé-

nérale (Gazette médicale, Paris, 1884).

2. Cli. Simon, La langue névropalhique, Thèse 1889, p. 48.

1 1. 1 ,

FAITS POUR SERVIR A L'HISTOIRE DES TROUBLES TROPHIQUES"'1

la parole, qui avait commencé depuis plusieurs mois déjà, resta plus accentué.

On eut alors l'occasion de constater des troubles de l'écriture qui était trem-

blée. En outre, la plupart des mots manquaient d'une lettre ou d'une syllabe,

et des mots entiers manquaient dans certaines phrases.

Au printemps de 1887, B... semble éprouver une nouvelle amélioration; il

put reprendre son travail qu'il avait dû cesser pendant deux mois; les troubles

de la parole eux-mêmes s'étaient atténués, et dans plusieurs circonstances,

il écrivit des lettres assez correctes. L'amélioration dura jusqu'à la fin de

juin. A celle époque, étant en train de charger du foin sur une voiture, il

reçut une botte pesant une douzaine de livres sur la tète. Il fut étourdi du

coup, et on le releva sans connaissance. Il se remit cependant au bout de

quelques minutes, mais on dut le reconduire chez lui, il chancelait.

Le soir, il fut pris d'une excitation extraordinaire, se mit il chanter et à

raconter des histoires absurdes dans lesquelles il parlait de brigands qu'il .

avait massacrés, grâce à sa force extraordinaire.

Le lendemain, ayant passé la nuit sans sommeil, racontant les mêmes his-

toires de brigands, il refuse de travailler. Il pouvait marcher à peu près

comme d'ordinaire; mais l'exaltation persistait, il manifestait des idées de

satisfaction absurdes qu'il exprimait avec une monotonie assez spéciale : sa

femme est magnifique, « elle a eu cinq pieds six pouces » ; il a une blouse en

drap d'or qui « a cinq pieds six pouces » ; il a des choux qui ont « cinq pieds

six pouces », etc. Ses idées délirantes se manifestèrent quelquefois sous

d'autres formes : il resta, vers la fin d'août, i.8 heures sans vouloir uriner,

prétendant qu'il inonderait Ivry.

Le 2 septembre, il a eu une nouvelle attaque apoplectiforme qui l'a laissé

hémiplégique du côté droit pendant huit jours et aphasique. Comme la pre-

mière fois, il ne comprenait rien de ce qui se passait autour de lui. La parole

est revenue encore plus altérée qu'après la première attaque. Depuis, ces at-

taques apoplectiformcs se sont renouvelées presque tous les quinze jours.

L'intelligence s'est dégradée peu il peu d'ailleurs, depuis le mois de décembre.

Il ne peut plus proférer aucune parole ; il est à peu près complètement para-

lysé de la main droite depuis l'attaque du 6 janvier 1888.

État actuel (28 février). - B... marche encore passablement en traînant

la jambe droite, il est venu à pied d'Ivry il l'hospice de Bicêtre et pourra y

retourner. Le membre supérieur droit pend flasque le long du corps;. il ne

reste que quelques légers mouvements dans le pouce. Il existe de la paraly-

sie faciale à droite. Les pupilles sont punctiformes et immobiles. La main

gauche est tremblante et incapable de tenir de menus objets : les lèvres sont

aussi, sans cesse, agitées de petits mouvements convulsifs que l'on voit quel-

quefois aussi autour des paupières. L'expression du visage est complètement

hébétée. B... ne se meut que quand on le pousse, ne répond que par un

grognement inintelligible. L'inspection de la langue montre une atrophie con-

sidérable limitée au côté droit. La muqueuse est plissée et chagrinée de ce

côté. Cette moitié de la langue n'a guère que 1 centimètre 1/2 de large tandis

161 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA S,AL1 ? fRII.IiE,

quel'autre en a 3 ; elle présente une consistance cotonneuse comme si les mus-

cles étaient complètement absents. L'atrophie est surtout marquée vers la

pointe, elle l'est beaucoup moins à la base. Malgré cette atrophie, la déviation

de la langue est nulle. Les mouvements de déglutition se font assez réguliè-

rement. Ce malade devait être soumis il un examen plus minutieux, mais on

a appris qu'il avait succombé à une nouvelle attaque apoplectiforme quelques

jours après sa visite. , -

Il n'est pas sans exemple de voir l'atrophie de la langue se développer

en conséquence de lésions cérébrales, c'est ainsi que dans la paralysie

pseudo-bulbaire signalée par M. Lépine et dont on a rapporté d'assez

nombreux exemples depuis, on peut trouver cette atrophie très mani-

feste '.L'interprétation de l'atrophie dans ce cas de paralysie générale

est donc assez difficile en l'absence d'autopsie. En ce qui concerne les

troubles trophiques cutanés la détermination de la localisation anato-

mique n'est pas encore définitivement tranchée. Si MM. Leloir et Dé-

jerine ont pu constater des lésions des nerfs périphériques, Radcliff

Croekerg pense que cependant il est difficile d'affirmer que le système

nerveux central n'ait rien à faire avec les lésions de la peau.

. Cit. Féré,

Mdo'in tic tticuti'c.

1. Ch. Féré, Paralysie pseutlo-Gul6nire par lésion cérébrale bilatéJltle (Revue de Mé-

decine, 1882, p. 8a8).

2. Lésions of the nervolls system eliologically related Io culaneous diseuses (Drain,

vol. VII, p. 3G3).

SUR UN CAS DE PARALYSIE AGITANTE

A 1·'OIiIfE HÉMIPLÉGIQUE AVEC ATTITUDE ANORMALE DE LA TÈTE

ET DU TRONC (EXTENSION)

Le faciès et l'habitus extérieur du corps tiennent, on le sait, une

place fort importante dans le tableau clinique de la maladie de Par-

kinson. Peu d'affections du système nerveux possèdent un côté plas-

tique aussi arrêté, aussi personnel, si l'on peut ainsi dire, que la

paralysie agitante. Elle compose aux sujets qu'elle frappe une physio-

nomie, une attitude générale, une démarche si spéciales que tout

médecin quelque peu expérimenté la reconnaît dès l'abord, la diagnos-

tique à distance. Le type vulgaire est si connu qu'il nous suffira de le

rappeler en quelques mots.

Dans la station debout, la tête est fortement inclinée en avant : le

tronc est lui-même penché dans le même sens. Les membres sont

fléchis dans toutes leurs jointures; les coudes sont tenus faiblement

écartés du tronc, les avant-bras étant légèrement fléchis sur les bras ;

les mains fléchies sur les avant-bras reposent sur la ceinture; elles

sont généralement déformées et la plupart du temps cette déformation

est telle que le pouce et l'index se tiennent allongés et rapprochés l'un

de l'autre, comme pour tenir une plume à écrire; les doigts inclinés

vers la paume de la main sont déviés en masse vers le bord cubital. Les

genoux sont aussi légèrement fléchis. La raideur musculaire, perma-

nente, impose cette attitude aux différents segments du corps; elle est

la cause de cette immobilité impassible des malades, de la lenteur de

leurs mouvements, de leur allure raidie et scandée qui les fait ressem-

bler, lorsqu'ils se mettent en marche, à des automates en mouvement.

Ils vont ainsi, à petits pas, avec une tendance à courir parfois irrésis-

tible. Telle est résumée, dans ses traits essentiels, la description

aujourd'hui classique, qu'en a donnée M. le professeur Charcot et

cette description n'est certes pas à refaire, elle subsiste toute entière,

toujours exacte et'vraie pour la grande généralité des cas.

Mais à côté de la forme commune, où la flexion l'emporte dans

l'altitude des diverses parties du corps, on peut observer des cas dans

Ifi6 NOUVELLE DE LA S,ll'ÈTRILPE.

lesquels l'extension prédominant dans les membres, sur la flexion,

imprime aux malades un aspect très différent et capable d'induire en

erreur un esprit non prévenu. Cette variété d'attitude a été observée

par M. Charcot chez un paralytique agitant qu'il présenta, l'an dernier,

dans une de ses cliniques du mardi '. Il proposa de la désigner sous le

nom de type d'extension. M. P. Richer a publié ici même 3 plusieurs

dessins-représentant ce malade dans la station debout et pendant la

marche. Il suffit de jeter un coup d'oeil sur ces figures pour se rendre

compte que si, par l'inclinaison en avant de la tête et du tronc, ce sujet

appartient au type vulgaire, il s'en éloigne singulièrement par l'atti-

tude des membres. Les avant-bras sont étendus sur les bras, les jambes

sur les cuisses, de telle sorte que les quatre membres forment comme

des barres rigides. Pendant la marche, cet état d'extension persiste;

. les membres supérieurs restent droits; les mains ne quittent guère le

contact des cuisses et les genoux se fléchissent à peine, ce qui force le

.malade à faire de grandes enjambées. De fait, dans le cas que nous

venons de citer, cette posture anormale des membres, jointe à l'absence

de tremblement, avait été la cause d'une erreur de diagnostic. Il y a

donc quelque intérêt, au point de vue pratique, à bien connaître les

attitudes diverses que la maladie de Parkinson peut imprimer aux

individus qu'elle frappe.

La malade dont nous allons rapporter l'observation appartient, elle

aussi, au type d'extension. Elle a été présentée par M. Charcot à ses

; auditeurs dans la conférence clinique du 19 juillet. Il s'agit d'un cas

de paralysie agitante à forme hémiplégique. Le membre supérieur pré-

sente l'attitude fléchie et le tremblement caractéristiques, tandis que la

tète et le tronc se trouvent fortement rejetés en arrière au lieu d'être

penchés en avant comme il est de règle.

Ons. I. Maladie de Parkinson à forme hémiplégique. Attitude

anormale. - Extension excessive de la tête et du tronc.

Pauline Dro... âgée de 50 ans, plumassière, entre à la Salpètrière, dans le

service de M. le professeur Charcot, le 18 juin 1889.

Antécédents héréditaires. - Côté maternel : Rien qui mérite d'être

relevé. Sa mère vit encore; elle est âgée de 87 ans, elle ne tremble pas, elle

a toujours été bien portante. - Deux oncles encore vivants et en bonne santé;

l'un est âgé de 81 ans, l'autre de 85. Un troisième oncle mort v 8` ans

d'une maladie de coeur. Les enfants de ces oncles jouissent d'une santé par-

faite. La malade n'a pas connu ses grands-parents.C< patent Père mort

à 48 ans d'une fluxion de poitrine, il était alcoolique. Une tante morte il

1. Leçons du mardi. Policlinique, 1887-1888, p. 43'J.

2. Nouvelle Iconographie de la Salpètrière, novembre et décembre 1888.

SUR UN CAS DE PARALYSIE AGITANTE. - 167

00 ans, après avoir été paralysée pendant 10 ans, elle bavait et bredouillait

en parlant.

La malade a eu un frère qui est mort à 33 ans à la suite d'excès de boissons.

Elle a eu cinq enfants, quatre sont morts en bas âge. Il lui reste une fille'

âgée de seize ans et demi qui a eu plusieurs attaques d'hystérie entre 8 et.

12 ans. Et c'est tout.

Antécédents personnels. Cette femme a toujours été d'une santé irrépro-

chable jusqu'à l'apparition des premiers troubles qui marquèrent le début

de la maladie actuelle. Elle était d'un tempérament calme, mais très impres-

sionnable. Elle s'émotionnait et pleurait souvent pour des motifs futiles. -

Son mari emporté, coléreux, adonné à la boisson, rentrait chez lui à toute

heure de nuit et de jour, ivre et toujours furieux. Il l'accablait de reproches.

et d'injures, la menaçait, etc. Ces scènes de ménage se renouvelaient

fréquemment et c'est aux émotions violentes, aux transes par lesquelles

elle passait, que la malade attribue ce qu'elle appelle sa paralysie.

Histoire de la maladie. Il y a deux ans environ la malade commença à

éprouver une sorte « d'énervement » dans le poignet gauche. Peu à peu,-

lentement, le bras devint maladroit, sujet à des raideurs; elle avait parfois

de la peine à étendre l'avant-bras; les doigts et le pouce s'allongeaient

continuellement et sa main prenait à chaque instant « l'attitude pour

écrire ». Bientôt elle remarqua que ses doigts tremblaient de temps à autre.

Au début, ce tremblement n'était que passager, il n'apparaissait qu'à l'occa-

sion d'une émotion, d'une contrariété ou bien après un effort musculaire,

puis il finit par s'installer définitivement et devint à peu près continuel. Ces

divers troubles s'accentuèrent progressivement et dans les premiers jours de

l'année 1888, cinq mois, environ, après l'apparition des premiers symptômes,

elle dut renoncer à son métier de plumassière. ·

Déjà à cette époque elle avait remarqué chez elle une certaine tendance à

courir. lui arrivait fréquemment, quand elle se mettait en marche, de se

sentir comme poussée en avant, ses pas se précipitaient de plus en plus mal-

gré elle et il lui est arrivé à plusieurs reprises de tomber sans pouvoir se

retenir. En mars 1888, le membre inférieur gauche fut affecté à son tour. Il

lui paraissait lourd et comme engourdi, dès lors elle commença à boiter.

Elle entra à l'hôpital Cochin; elle y passa trois mois et demi. Là, elle fut

soumise à un massage méthodique. Ce traitement produisait une certaine

amélioration. Après chaque séance, le bras et la jambe malades étaient

moins engourdis, plus souples; mais la raideur ne tardait pas à reparaître

et quelques jours après sa sortie elle était, dit-elle, aussi impotente de son

bras et de sa jambe gauches que lors de son entrée à l'hôpital.

En juin 1888, elle éprouva pour la première fois des tiraillements, des rai-

deurs dans la nuque. A partir de cette époque, les mouvements de la tête et

du cou devinrent difficiles; peu à peu sa tète se renversa en arrière prit

insensiblement l'attitude qu'elle présente encore aujourd'hui.

État actuel (5 juillet 1889). - Dans la station debout, l'attitude de la

168 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

malade est la suivante (pi. XXVIII, XXIX) : la tête est rejetée directement

en arrière, en extension forcée, sans inclinaison latérale. Le tronc est, lui

aussi, penché en arrière, dans une attitude qui exagère notablement la cam-

brure dorso-lombaire ; mais il est en môme temps légèrement incliné à droite,

de telle sorte que la colonne vertébrale décrit une double courbure latérale,

concave à droite, au niveau de sa portion dorsale supérieure, et concave à

gauche dans la- portion lombaire. L'épaule' gauche est surélevée, comme

là hanche du même côlé. Le membre inférieur est en extension, le pied

est légèrement abaissé, do manière que le talon touche à peine le sol,

l'avant-pied appuyant surtout sur le sol. '

' Par contre, la position du membre supérieur gauche ne diffère en rien de

l'attitude classique de ce membre dans la paralysie agitante. Le coude est un

peu écarté du tronc, l'avant-bras modérément fléchi est en pronation. La

déformation de la main est typique. Le pouce et l'index allongés l'un contre

l'autre sont animés d'un tremblement il oscillations lentes, tandis que les

autres doigts inclinés vers la paume de la main sont déviés en masse vers le

bord cubital. Ce tremblement n'existe qu'à la main gauche; 'il n'apparaît

jamais au membre supérieur.

Les membres du côté droit sont indemnes de tout trouble fonctionnel.

Leurs mouvements sont rapides cl'précis, tandis que les bras et la jambe du

côté gauche raidis et comme soudés dans l'attitude que nous venons do décrire

ne se meuvent que lentement, péniblement cl par un effort soutenu.

La tête et le tronc restent également figés en extension. Les mouvements

de latéralité, de rotation, de flexion sont lents, difficiles et très limités.

; La physionomie est impassible; le front ridé transversalement, les sourcils

élevés, les. yeux immobiles; le clignement des paupières très peu fréquent. 1.

Ce facics associé au redressement de la tête el du tronc donne à la malade

un air de majesté très singulier. '

Pendant la marche, toute cette altitude persiste cl, comme le membre infé-

rieur est maintenu en extension par la rigidité musculaire, la malade avance

en balançant ses hanches et décrivant à chaque pas un mouvement de faux

avec sa jambe gauche; elle frotte le sol de la pointe du pied a la façon des

sujets atteints d'hémiplégie cérébrale avec contracture secondaire.

Les réflexes tendineux ne 'sont nullement exagérés.' · . -

' La sensibilité est intacte à lous les modes d'exploration. '

' Par contre, la malade se plaint avec insistance d'une certaine lourdeur et

d'une sensation d'engourdissement dans tout le côté gaucho. Elle accuse aussi

dans'tout ce côté une sensation de chaleur excessive. Elle. n'a jamais éprouvé

de véritables douleurs.- ' .

Il n'y a aucun trouble du côté des sphinclers.

L'intelligence et la mémoire sont parfaitement conservées. La parole est

un peu monotone. II est à remarquer, qu'en dépit de l'altitude permanente

de la tète el du tronc, l'antépulsion persiste et que la l'éll'opubiull faitcomplè-

tement défaut. ·

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

T. II. PL XXVIII

ATTITUDE ANORMALE DANS LA PARALYSIE AGITANTE

(type d'extension)

LfiCNOSNIHN 6T BABÉ. ÉDITEURS

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

T. II. PL. XXIX

Cliché A. LONDE

PNOTOTYPIE BERTHAUD

ATTITUDE ANORMALE DANS LA PARALYSIE AGITANTE

(TYPE D'EXTENSION)

LECROSNIER ET BABÉ, ÉDITEURS

SUR UN CAS DE PARALYSIE acornwre. 169

Bien que la paralysie agitante se présente, dans le cas qui précède,

sous la l'orme hémiplégique, le diagnostic n'en est pas moins, il nous

semble, hors de toute contestation. Le début insidieux, le développement

lentement progressif, la raideur musculaire sans paralysie proprement

dite, l'attitude du membre supérieur gauche, la déformation de la

main, le tremblement dont elle est animée, le faciès, enfin l'antépul-

sion et les autres symptômes subjectifs accusés par la malade, sont

autant de signes qui ne laissent aucune place au doute.

M. Westphal a publié dans les Annales de la Charité de Berlin, en

1877, l'observation d'un cas de paralysie agitante dans lequel il exis-

tait, comme chez la malade dont nous venons de rapporter l'histoire,

un redressement excessif de la tête. Cette observation et la nôtre sont,

du moins à notre connaissance, les seuls exemples de cette anomalie

d'attitude qui aient été jusqu'ici mentionnés.

A. Dutil,

Interne de la Clinique des maladies du 5%stèitic nerveux.

DE LA SUPERPOSITION DES TROUBLES

DE LA SENSIBILITÉ. ET DES SPASMES DE LA FACE

ET DU COU CHEZ LES HYSTÉRIQUES

{Fini).

il- Il

Les phénomènes constatés, particulièrement chez notre première

malade d'une part, les expériences concordantes faites chez deux hys-

tériques hypnotisables d'autre part, nous incitaient à rechercher si les

autres spasmes localisés de la face de même nature, ne se comportaient

pas d'une façon analogue par rapport aux troubles de sensibilité

locale.

En premier lieu, notre attention était directement appelée du côté

du spasme glosso-labié si magistralement décrit par 11111. Charcot,

Brissaud et Marie et dont la découverte fut, avons-nous dit, une véritable

révélation.

Nous avions alors dans le service deux malades atteints de ce spasme

qu'il nous était loisible d'étudier au point de vue particulier qui nous

intéressait.

Le premier (Obs. lit), qui est encore à la Salpêtrière, n'est autre que

le nommé Cl..., dont on trouvera l'histoire dans le mémoire de

1111. illarie et Brissaud ? Ses traits ont été reproduits dans ce ltecueil'.

Chez lui le spasme glosso-labié est très marqué; la langue est forte-

ment déviée du côté droit. Comme il est hémianesthésique droit, nous

pouvions supposer que son étude ne nous permettrait pas - pour les

raisons données - de constater rien de particulier au point de vue

spécial qui nous intéressait. Cela était d'autant plus regrettable,

à priori, que le malade était, au moins d'une façon intermittente,

atteint de blépharospasme, car lorsque nous lui ordonnions de tirer

1. Voy. le Il' 3, t. III, 1889.

2. De la déviation faciale dans l'hémiplégie livstérique (Progrès médical, il,, 5 et 7,

1887). '

3. Nouvelle Iconogarphie, t. I, ,,1. XIV, 1688.

SUPERPOSITION DES TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ. 171

la langue, nous voyions bientôt, par généralisation, la contracture se

produire également du côté de l'orbiculaire. En tout temps, du reste,

la cornée et la conjonctive droites étaient totalement anesthésiques et

le rétrécissement concentrique dû champ visuel de l'oeil droit si étroit

que l'oeil pouvait être considéré comme totalement amaurotique.Mais

l'amaurose et l'anesthésie de la cornée et de la conjonctive s'observent

parfois sans coïncidence de contracture de l'orbiculaire, du côté

anesthésique.

Toutefois, l'inspecta attentive de la langue nous montrait que

celle-ci était pour ainsi dire tordue sur son axe de gauche à droite,

qu'elle était recroquevillée et que partant, autant du moins qu'il pou-

vait sembler, la musculature linguale participait toute entière, à droite

et il gauche, au spasme.

L'examen minutieux de la sensibilité nous montra alors, que tandis

que l'hémianesthésie tégumentaire siégeait uniquement à droite, que

la muqueuse et le plancher de laboitche étaient parfaitement sensibles

à gauche, la partie gauche de la langue sur toutes ses faces était

comme la partie droite, totalement anesthésique (fig. 53). De même,

la sensibilité spéciale avait disparu, car le goût était totalement aboli,

alors que les autres sens spéciaux : odorat, ouïe, vision étaient con-

. 11. 11

172 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

serves à gauche. Il nous était donc permis, encore une fois, de conclure

que là encore l'anesthésie s'était nettement superposée au spasme.

L'examen 'du second malade (Obs. IV), le nommé Lelog..., devait

nous donner des résultats encore plus intéressants. Chez lui, en effet,

l'anesthésie semblait atteindre seulement le segment inférieur du

tronc se limitant au-dessous de l'ombilic par une zone transversale

figurée dans l'observation rapportée par M. Charcot dans le troisième

volume de ses Leçons sur les maladies du, système nerveux (p. 441)

(fig. 54 et 55).

A l'époque où fut publiée cette observation, l'hémispasme glosso-

labié qui existe aujourd'liui, n'était pas complet : « En examinant la

face, est-il dit, on remarque que la commissure labiale gauche est

SUPERPOSITION DES TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ. 173

élevée et de ce côté la bouche entr'ouverte. Cela avait fait penser

d'abord qu'il y avait là, à droite, paralysie du facial inférieur. Mais

avec plus d'attention on reconnaît qu'il s'agit d'un spasme dans le

domaine du facial gauche se traduisant par des secousses tantôt

lentes, tantôt précipitées, dont la commissure labiale de ce côté est le

siège. La langue tirée hors de la bouche n'est pas déviée. »

Depuis, l'hémispasme s'est complété et intéresse aussi la langue qui

est fortement déviée à gauche*.

Il était intéressant de voir comment se comportait la sensibilité à la

face, particulièrement du côté gauche, siège de l'hémispasme glosso-

labié. Cet examen nous a donné (2G février 1888), les résultats sui-

vants qui, à notre avis, sont de la plus haute importance.

Il y a anesthésie et analgésie complète de toute la moitié gauche de

la face, respectant toutefois l'aile du nez; cette anesthésie envahit non

seulement la face mais encore la moitié gauche du front, de la tête, en

avant et en arrière et elle se limite en bas et en avant au niveau et un

peu au-dessous du bord inférieur de la clavicule, et en arrière par une

ligne transversale située un peu au-dessus de l'épine de l'omoplate.

1. Nouvelle Iconographie, t. I, Pl. XV, 1888.

171 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SaLl'1 : 'l'I.IÈIiE.

La sensibilité cornéenne et conjonctivale paraissent normales ; la

langue est insensible dans sa totalité, alors que l'anesthésie de la mu-

queuse : I)Liccale est limitée a la partie gauche de la bouche (fig. 50).

Le rétrécissement du champ visuel est'également marqué des deux

côtés : L'acuité visuelle,' qui est de 1 [10, est modifiée aussi bilaté-

ralement ' - 1

Sans chercher le pourquoi des limiles'bizarres au premier abord de

cette distribution de l'insensibilité, un fait était il retenir : dans un cas

de .spasme glosso-labié hystérique il existait une anesthésie et une

analgésie très marquées dans le domaine des muscles contracturés. A

la vérité, cette anesthésie s'irradiait au delà de la zone d'action de ces

muscles, mais non dans des proportions telles qu'on ne fût fondé

à croire qu'elle pouvait bien être en relation directe avec la contrac-

ture des muscles de la face, et très probablement sous sa dépendance.

Ces faits nous paraissaient intéressants et nous allions àla recherche

d'autres semblables, lorsque M. P. Richer nous dit avoir noté une dis-

position assez semblable à celle de l'anesthésie. observée sur Lelog...

chez une jeune Russe admise dans le service de la Clinique, en 18882,

pour une contracture des muscles de la face accompagnée de blépharo-

spasme. Cherchant dans ses notes, il nous communiqua l'observation

suivante, et, comme à cette époque, et bien avant encore, M. Charcot

faisait reproduire dans son service les particularités qui l'infères

saient, nous avons été assez heureux pour retrouver les clichés de

cette malade que la planche XXX représente sous ses divers aspects.

Olss. V. Mile Al... ,jeunc Busse, 1 anis. - Mère très nerveuse. La maladc

a antérieurement joui d'une bonne santé. '

En mai 1881, sans cause connue, elle a été prise d'un spasme tonique du

muscle orbiculaire des paupières de l'oeil droit qui augmenta peu à peu

d'intensité et gagna avec le temps presque tous les muscles innervés par le

facial droit, et passa même du côlé gauche. Mais là, il n'était jamais aussi

fort.- Ce" spasme cessait pendant le sommeil et sous l'inlluencc de la lires-

sion sur certains rameaux du nerf facial.

Plus tard, il se développa une anesthésie du visage du celé droit qui aug-

menta peu à peu, et, au mois de mars 1882, elle occupait les deux tiers infé-

rieurs du visage, le cou, l'épaule et la partie supérieure de la poitrine : \

droite. ,

Il faut ajouter que dans le cours de celte maladie il y a eu plusieurs at-

taques d'hystéro-épilepsic.

L'aspect de la physionomie (pl. XXX) est normal quand la malade porte

un bandeau maintcuant sur l'ocil droit un petit coussin compresseur. Mais si

elle l'enlève, on voit survenir aussitôt un spasme qui lui défigure le visage

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

T. II. PL. XXX

Cliché A. TONDU

PHOTOTYPIE BERTHAUD

SPASME DE LA FACE ET DU COU D'ORIGINE HYSTÉRIQUE

LECROSNIER ET DA13, ÉDITEURS

SUPERPOSITION DES TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ. 175

et qui consiste en une contracture de tous les muscles de la face el du cou,

à droite.

La compression du globe oculaire pratiquée par une autre personne que

la malade n'amène pas la cessation du spasme : la jeune fille elle-même

met son bandeau, et tout rentre dans l'ordre.

La malade entre à la Salpêtrière dans le service de M. Charcot, le 27 mai

1882. Jusqu'au 18 juin, elle a des attaques caractérisées par des cris très

aigus et quelques contorsions, le corps se tournant toujours il droite (côlé

du spasme). A plusieurs reprises, elle a les mêmes attaques.

Dans le mois de juillet, le 22, les attaques coïncident avec les règles.

Le 1` avril, la malade fut placée sur le tabouret isolant d'une machine

électrique. L'intensité du spasme diminua graduellement. En même temps.

apparaissent des efforts expirateurs, un léger tremblement et finalement un

étai demi-syncopal avec arrêt de la respiration el sans pâleur durable de la

face.

Cet élat syncopal se dissipe spontanément, et la malade se trouve dans le

même état qu'avant. Pendant l'état syncopal, la déviation faciale persista.

Durant un mois et demi (fin juin) on place des aimants du côté de la con-

tracture (deux heures par jour). La contracture du cou a disparu dès le début.

Le spasme de la face a diminué insensiblement. Le 20 juillet, le spasme de

la bouche a disparu.

Le 27, l'oeil s'est ouvert. A la suite de la disparition du spasme de l'orbi-

culaire, la malade a été prise de diplopie. A ce sujet, M. le D' Parinaud nous

communique la note suivante : « Celte diplopie était caractéristique de la

paralysie incomplète de la sixième paire droite (oeil atteint de blépharo-

spasme). »

L'écartement des images restait régulièrement le môme pour une égale

distance de la bougie et, aucun caractère du trouble oculaire n'autorisait un

autre diagnotic el permettait d'écarter la simulation. Considérant néanmoins

la rareté des paralysies oculaires dans l'hystérie, et d'attiré part la contracture

dont cet oeil avait été atteint, je rapportai la diplopie non il la paralysie du

droit externe mais à la contracture du droit interne ou à une simple rétrac-

tion de ce muscle consécutive à cette contracture et à l'occlusion permanente

de l'oeil pendant plusieurs mois.

La diplopie s'améliore progressivement et disparaît au bout d'une dizaine

de jours. Aujourd'hui 29 juillet, les attaques sont plus fortes. La malade fait

de grands mouvcmenls pendant une minute à une minute et demie. Entre

chaque attaque, la malade reprend connaissance. La compression de l'ovaire

droit arrête les attaques mais non les cris.

Le spasme n'a pas reparu.

L'observation de M. P. llicher n'est-elle pas très intéressante au

point de vue particulier qui nous occupe ? Que dire en effet de cette

anesthésie du côté droit du visage - siège du spasme qui augmen-

1-16 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

tant peu à peu occupait, au mois de mars 1882, les deux tiers infé-

rieurs de la face, le cou, l'épaule et la partie supérieure de la poi-

trine à droite ? ' ?

La distribution de l'insensibilité ne mérite-t-elle pas d'être rappro-

chée de celle observée chez notre malade Lelog... ? Il est vrai qu'il est dit

dans l'observation de M. Richer que la contracture envahissait égale-

ment les muscles du coït à droile.

- Cette ressemblance de deux territoires anesthésiés devait nous

engager à rechercher s'il n'existait pas chez Lelog... une contracture

des muscles du cou, et nous n'avons pas été peu surpris de reconnaî-

tre qu'en effet, chez lui, il existait une contracture très manifeste du

peaucier, contracture très visible surtout au moment des efforts faits

par le malade pour tirer au dehors la langue contracturée. Or, en exami-

nant la figure 56, on verra que la ligne d'anesthésie se termine en bas

au niveau de la ligne d'insertion des fibres du peaucier. Chez Leiog...,

comme chez la malade de M. P. Richer, l'anesthésie et le spasme

se superposaient, chez tous les deux le spasme étant glosso-labio-

peaucier, au lieu d'être simplement glosso-labié, ainsi qu'on eût

pu le croire à un premier examen chez Lelog...

Toutefois, on voudra bien remarquer que chez celui-ci l'anesthésie

envahit la totalité de la face ainsi que la région postérieure de la tête

et du cou; pour interpréter cette insensibilité dans le sens de notre hy-

pothèse il faut donc admettre que l'orbiculaire palpébral, le frontal,

l'occipital, en un mot les muscles peauciers de la région, à droite,

étaient en contracture. Pour le premier, la vérification n'est pas

difficile, l'oeil se ferme à moitié, spasdomiquement, dans les efforts

faits pour tirer la langue au dehors; pour les autres, la constatation

est plus difficile.

. Il était donc nécessaire de s'appuyer sur de nouvelles observations et

aussi sur de nouvelles expériences.

Ces observations ne devaient pas tarder à se produire.

Déjà en l 887, Clés..., hystéro-épileptique dont nous avons déjà parlé,

avait été spontanément atteinte, à la suite d'une attaque, d'un spasme

de la face analogue à celui d'Alex... représenté par la planche XXX. L'ob-

servation n'avait pas été recueillie en détails et l'anesthésie n'avait pas

été notée.

Le 11 mars 1888, Clés..., qui, rappelons-le, est hémianesthésique

droite, est prise à huit heures et demie du soir des prodrômes d'une

attaque : battements dans les tempes, boule, bourdonnements d'oreilles,

etc. A dix heures et demie, attaque de grande hystérie qui dure deux

heures.

SUPERPOSITION DES TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ. 177

Le lendemain matin, 12 mai, nous la trouvons à notre visite avec un

spasme des muscles de la face, de l'orbiculaire des paupières et du

peaucier, du cou du côté gauche, absolument analogue il celui d'Alex...

Comme cette malade,Clés... appuie fortement sur son oeil pour rompre le

spasme sans qu'il nous soit possible, du reste, de donner une interpré-

tation du résultat ainsi obtenu. Le spasme reparaît aussitôt que cesse la

compression. La langue ne participe pas au spasme. Il existe un sen-

timent de tension nettement accusé par la malade dans la région

frontale gauche.

L'examen minutieux de la sensibilité montre qu'il y a anesthésie

complète de la moitié gauche de la face (la moitié droite étant normale-

ment insensible), et que cette anesthésie se limite à gauche : en bas,

au niveau de l'insertion du peaucier, en haut, sur les limites supérieures

de la région fronto-pariétale; en dehors, le pavillon de l'oreille est

insensible. Toute la partie postérieure de la tête et du cou, est restée

sensible de même que la moitié gauche de la langue. La cornée et la

conjonctive sont insensibles. La doublure muqueuse de la joue est

également anesthésique. L'orne, la vue et l'odorat à gauche ont disparu.

Rappelons à propos de cette anesthésie sensorielle, que M. Féré a a

très nettement signalée, que dans « l'hémianesthésie hystérique il y a

un rapport constant entre l'insensibilité cutanée et l'insensibilité sen-

sorielle ».

Pour terminer ce qui a trait Clés...,. nous dirons que la malade, grande

hypnotique, est immédiatement mise en somnambulisme. Dans cet état

nous ne tardons pas à lui enlever par suggestion le spasme qui s'est

développé à la suite de son attaque. A son réveil, nous pouvons con-

stater que le spasme est disparu avec l'anesthésie que nous avons

signalée; la vue, d'odorat, l'ouïe, sont revenus à gauche.

En mai 1888, nous avons, laissant intentionnellement écouler un

certain laps de temps entre l'expérience spontanée et celle que nous

voulions effectuer, reproduit chez elle par suggestion cette variété

de spasme. Il nous suffit de lui présenter en somnambulisme la

planche XXX pour produire le spasme de la face et du cou. Il nous fut

alors donné, il son réveil, de constater les mêmes modification que

celles précédemment notées du côté de la sensibilité localisée et de

faire cesser ces modifications avec le spasme. L'expérience était donc

concluante. Nous l'avons renouvelée à plusieurs reprises, toujours

avec le même succès.

Depuis cette époque, du reste, nous avons pu recueillir à la Salué-

9. Notes pO\1l'scn ir il 1'liistoii,e(le t'hystro-epitepsic(.t)'c/t ! MSf) ! eKro/f)< ? e,S82, p. 283).

178 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPËTRIËHH.

triera trois nouvelles observations qui, comme on va le voir, n'ont

fait que nous confirmer dans notre opinion sur la superposition des

spasmes de la face et du cou et des troubles localisés de la sensibilité.

La première (Obs. VI) est particulièrement remarquable en ce que

nous avons w le spasme naître sous nos yeux, se localiser d'abord à

la partie droite de la langue, puis envahir la partie gauche, et enfin

réaliser le type du spasme, glosso-facio-peaucier, et l'anesthésie se

superposer immédiatement au spasme des muscles qui venaient de se

contracturer. Cette observation est donc éminemment démonstrative,

d'autant que nous avons aussi assisté à la disparition du spasme et à

l'effacement spontané de l'anesthésie.

Ors. Vit Blanch..., 27 ans, lingère, hystéro-épileptique a crises séparées,

entrée à la Salpêtrière, service de M. le professeur Charcot, en 1878; sortie,

puis entrée de nouveau en 1879 et 1884. Mère épileptique.

Coléreuse pendant son enfance; fièvre typhoïde a 14 ans. A 12 ans, début des

attaques d'hystérie, à 13ans début des accès d'épilepsie nettement caractérisés.

IIémianesthésie gauche; goût complètement aboli des deux côtés depuis le

début des attaques d'hystérie.

Dans la nuit du 10 au 17 juin 1888 débute un état de mal hystérique pré-

sentant ceci de particulier que les attaques sont uniquement représentées

par une phase d'épilepsie partielle. Du 1G il minuit et demi à 9 heures du

soir le 17, elle a cent cinquante accès; la température vaginale donne 38°.

Du dimanche 9 heures au lundi 3 heures, nombre sensiblement égal d'at-

taques de même nature, la langue n'est pas mordue; on sonde la malade

toutes les quatre heures. Pendant toute celte période il est impossible, dans

le but de la tirer de cet état, de déterminer une attaque complète (ordinai-

rement présentée par la malade) par la pression des deux zones hystérogénes

habituelles situées au-dessous du sein et au-dessous de l'omoplate gauches.

Le lundi 18 juin, à 4 heures du soir, la malade semblant moins absorbée,

nous déterminons une attaque complète avec un arc de cercle, altitudes

passionnelles, en pressant la zone liystérogèiio située au niveau de l'angle de

l'omoplate. Puis nous arrêtons celle attaque par la pression de l'ovaire

gauche et l'inhalation de 60 grammes d'éther.

Elle sort de cette attaque avec une hémiplégie droite, flasque, accompagnée

d'hémianesthésie scnsitivo-sensorielle.

Pendant toute la durée de l'état de mal, le côté droit n'avait pas semblé

paralysé, les convulsions épileptoïdes prédominant à gauche d'une façon

permanente très marquée.

Nous explorons la sensibilité aussitôt l'attaque arrêtée et l'hémiplégie

constatée : tout le corps est anesthésique. Une demi-heure plus tard, le coté

gauche habituellement anesthésique est redevenu sensible.

Nous constatons en même temps que la langue est fortement déviée il

SUPERPOSITION DES TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ. 179

droite; la moitié droite de la langue est diminuée de volume, dure au tou-

cher, revenue sur elle-même; la moitié gauche est large et souple. La com-

missure gauche est normale, elle paraît toutefois légèrement entr'ouverte,

mais par opposition avec la commissure droite qui est fermée activement

et légèrement abaissée, car la malade ne fume pas la pipe de ce côté.

L'exploration minutieuse de la sensibilité montre que la partie droite

contractl1l'ée de la langue est insensible, la moitié gauche restant sensible.

Dans les jours qui suivent, on note, qu'a son tour, la moitié gauche de la

langue durcit; d'aplatie, de mobile, elle prend un aspect en dos d'une et

devient dure au toucher.

Le 20 juin, M. Charcot s'exprimait ainsi en présentant la malade à sa

Policlinique 1 : « Nous allons ordonner à la malade de tirer la langue. Vous

la voyez ouvrir la bouche démesurément, faire effort, mais la langue ne sort

point. Vous voyez cet organe ramassé vers le côté droit de la bouche, dur au

toucher, évidemment contracture, et bien qu'il soit attiré en masse vers la

droile, formant un crochet dont la concavité regarde à gauche. »

Les jours qui suivent, la malade va au traitement électrique et l'hémi-

plégie disparaît peu à peu; en même temps, l'insensibilité disparaît à droite

pour revenir gauche, où elle siège habituellement, mais le spasme lingual

persiste avec anesthésie tolale de la langue.

Le 31 juillet, attaque hystéro-épileptique qui dure de 8 heures à 9 heures

et demie du matin; au sortir de celle attaque nous l'examinons et constatons

chez elle un spasme de toute la moitié droite de la face comprenant l'orbi-

culaire des paupières et le peaucier qui est nettement contracture (l'aspect

de la malade esl identiyuc à celui d'Alex... que représente la planche XXX). La

pression oculaire fait cesser momentanément le spasme. L'examen de la sen-

sibilité montre, outre une hémianesthésie gauche, une zone d'anesthésie

comprenant toute la moitié droite de la face siège du spasme, se limitant en

haut à deux travers de doigt au-dessus de l'arcade sourcilière, en dehors

par une ligne passant au devant de l'oreille, suivant la branche montante du

masséter, et se terminant en bas transversalement un peu au-dessous de la

clavicule. La langue est toujours contracturée dans la même situation.

Une séance de suggestion chez la malade qui est facilement hypnotisable

suffit pour enlever le spasme des muscles de la face et du cou. Au réveil, là

contracture a disparu et avec elle la zone d'anesthésie circonscrite qui l'ac-

compagnait. Le spasme et l'anesthésie de la langue persistent; la suggestion

plusieurs fois répétée des intervalles éloignés est impuissante à les faire

disparaître.

Jusqu'au mois de décembre, Bl... est sujette à des attaques hystéro-épilep-

tiques; il plusieurs reprises il se fait un transfert de l'anesthésie de gauche à

droite, cette anesthésie revenant toujours en fin de compte se fixer il gauche.

La contracture de la langue est permanente.

1. M. Charcot a présente cette malade à sa Policlinique du 2G juin 1888. 1`n ? Leçons du

Mardi, ù la Salpètrière, p. 182 et seq. 1888.

180 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

Le 20 décembre, nouvelle attaque : au sortir de celle-ci, la malade est

toute étonnée de mouvoir sa langue qui était contracturée et anesthésique en

totalité depuis le 18 juin. Nous l'examinons le 21 et constatons que la langue

est redevenue souple; la moitié droite est désormais sensible, la moitié gauche

participe à l'hémianesthésie dont ce côte est habituellement le siège. Le goût

est complètement aboli; la malade, avons-nous dit, a toujours présenté ces

derniers phénomènes depuis le début de ses attaques d'hystérie.

L'observation VII est intéressante en ce qu'elle réalise le type du

spasme facio-peaucier sans participation de la langue et avec super-

position de l'anesthésie au spasme.

OBs. VII. Mlle Desg..., 22 ans, est couchée, à la date du 9 avril 1888,

salle Rayer n° 15, à la Salpêtrière, pour une arthralgie hystero-traumatique

du genou gauche qui a fait le sujet d'une leçon de M.Charcot, le23 décembre

18871. Nous ne rapporterons de cette observation que ce qui a trait au spasme

de la face et du cou. ,

Le bras droit est anesthésique; la jambe droite l'est également, sauf au

niveau du genou gauche dont les téguments sont llyperesthésiés. Zone hystéro-

gène au niveau des 3°, 4., 51 et 6a vertèbres dorsales.

Amaurose à droite; rétrécissement du champ visuel, à gauche, à 10.

Lorsqu'on examine attentivement la face, on constate que la moitié droite

de la lèvre supérieure est animée de petites secousses qui se répètent fré-

quemment : de plus, il existe là une contracture permanente, car la lèvre

est tirée en haut en dehors et il droite, le sillon naso-labial étant beaucoup

plus accentué qu'à gauche. La spasme labial aurait débuté, il y a huit ou

dix jours, en même temps que des douleurs névralgiques de ce côté de la face.

La langue n'est pas déviée. L'oeil droit est amaurotique.

Il existe une anesthésie complète de toute la moitié droite de la face

envahissant également le cou et se terminant en bas au niveau de la clavicule.

En dehors, elle est limitée par le bord postérieur du sterno-cléido-mastoï-

dien; en haut, elle gagne la région fronto-pariétale et se termine par une

ligne elliptique située à quatre travers de doigt au-dessus de l'oreille droite.

La partie postérieure de la tête est insensible. La cornée et la conjonctive

sont privées de sensibilité. La muqueuse buccale est insensible à droite.

Dans l'observation VIII nous notons, avec une hémiplégie gauche

sensitivo-sensoriellc d'origine hystérique, un spasme total de la langue

coïncidant avec une anesthésie totale de l'organe superposée au

spasme.

Ons. VII. - Le F..., 48 ans, plombier, entre il la Salpètrière le 19 dé-

1. Recueillie par M llacq (Progrès médical, 28 janvier 1888).

SUPERPOSITION DES TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ. 181

cembre 1888. Pas d'antécédents héréditaires. Depuis l'âge de 12 ans, il tra-

vaille dans le plomb. A cinq reprises, il a eu des coliques, la dernière fois en

1875. Actuellement, pas de liséré spécial.

Il y a un mois environ, il s'est aperçu que le côté gauche devenait faible,

que le bras et la jambe n'avaient pas leur vigueur ordinaire. Quelques jours

plus tard, la langue « devenait raide »; il éprouvait de la difficulté pour

parler vite et bégayait.

Peu il peu, cette faiblesse s'est accentuée, et sans qu'il lui,soit possible

de trouver une cause quelconque à ce qui lui est arrivé, aujourd'hui le

bras et la jambe gauche sont complètement paralysés, Le F... est hémiplé-

gique.

Toutefois il peut encore marcher, mais c'est en tirant avec peine après lui

sa jambe gauche qui traîne sur le sol. IIémianesthésie gauche sensitivo

sensorielle avec peite du sens musculaire.

Rétrécissement concentrique du champ visuel, il gauche à 40, à droite à 70.

Réflexe rotulien droit normal; réflexe gauche très diminué.

En examinant attentivement la face on remarque que la commissure

gauche est très nettement tirée en haut et en dehors.

La langue est très légèrement déviée à gauche, mais le malade éprouve une

grande difficulté à la tirer hors de la bouche, ce qu'il ne peut faire complè-

tement, la pointe dépassant seulement de quelques centimètres les arcades

dentaires. « Ma langue est raide, répète-t-il, je ne puis la mouvoir comme je

veux, c'est cela qui me fait mal parler. » Pourtant la parole semble normale-

ment exprimée. La langue présente encore cette particularité que les bords

en sont fortement relevés; elle a la forme d'un bateau et le malade ne peut

ni la mettre à plat, ni encore la mettre en dôme. Les deux bords étant égale-

ment relevés, la contracture semble donc envahir toute sa musculature, à

droite comme à gauche.

La langue est insensible dans sa totalité, alors que le malade est seule-

ment hémianesthésique à gauche. Toute la portion droite de la muqueuse

buccale qui ne recouvre pas la langue a conservé sa sensibilité, qu'elle a

perdue à gauche, côté de l'hémianesthésie; le goût est totalement aboli.

Le malade n'a jamais eu de crises nerveuses.

III

Aux précédentes observations qui toutes réalisent le type, soit du

blépharospasme, soit du spasme lingual, glosso-labié, ou glosso-

facio-peaucier, et que nous aurions pu multiplier, viennent s'en

joindre deux autres qui, à notre avis, présentent également, au point

de vue clinique, pour le diagnostic différentiel, un intérêt de premier

ordre.

Ces observations ont trait à la contracture hystérique du sterno-

182 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

cléido-mastoïdien (Obs. IX), d'une part, et de la portion cervicale du

trapèze d'autre part (Obs. X) associée ou non avec la contracture du

sterno-mastoïdien. Dans ce dernier cas l'apparition de la contracture

avait été précédée de douleurs qui eussent pu faire penser à une patho-

génie toute autre, rhumatismale par exemple, que celle à incriminer

dans l'espèce.

Or dans ces deux cas (fig. 57 et 58) il existait une bande d'anesthésie

se superposant exactement au muscle sous-jaccnt contracture. Phéno-

mène accessoire, mais qui se montre souvent dans les contractures

hystériques, dans les deux cas il s'était fait du côté opposé au spasme,

normalement anesthésique chez les deux malades, un transfert de la

sensibilité dans des limites identiques à celles de la bande d'anesthé-

sie superposée à la contracture.

L'anesthésie limitée était bien sous la dépendauce du spasme puis-

qu'elle disparut avec elle; conjointement, tout rentra dans l'ordre

du côté hémaniesthésique à l'état normal.

OBs. IX. - Clés..., 20 ans, hystéro-épileptique à crises séparées, hémia-

- neslhésique droite, se met dans une violente colère il 5 heures du soir,

le 'il décembre 1888. Au cours de la discussion elle tourne violemment la

tète à gauche. Aussitôt elle sent son cou se contracturer de ce côté.

A 6 heures, nous l'examinons et conslalons ce qui suit. Le chef claviculaire

du sterno-cléido mastoïdien gauche fait une forte saillie sous la peau, sous

forme d'une corde rigide. La tète est légèrement inclinée à gauche sans rota-

tion. '

Sur toute l'étendue et dans les limites de cette corde, en haut jusqu'à

l'apophyse mastoïde et un peu au-dessus, en bas jusqu'à la clavicule et un peu

au-dessous, existe une zone d'anesthésie totale à la piqûre (fig. 57).

Dans une même zone adroite (côte liémianesthésique) il s'est fait un léger

transfert de la sensibilité.

La malade, d'habitude très facilement hypnotisable, n'est endormie qu'avec

peine, ainsi qu'il arrive lorsqu'elle se trouve plongée dans cet état d'excita-

tion assez souvent prémonitoire des attaques. Pendant la période somnam-

bulique, tant par suggestion que par production d'une contracture du côté

opposé que nous faisons ensuite disparaître, nous obtenons la résolution de

la contracture du sterno-mastoidien, résolution qui persiste au réveil. Nous

constatons alors que la sensibilité a reparu à gauche dans la zone sus-

indiquée, alors que le côté droit du cou est devenu, comme tout ce côté, tota-

lement insensible.

Ons. X. Lav..., 19 ans, myopathique héréditaire (type Duchenne, de

Boulogne), hystéro-épileptique droite, est sujette à de fréquentes contrac-

tures des muscles du cou siégeant toujours à gauche. Nous avons observé à

SUPERPOSITION DES TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ.

183

plusieurs reprises ces contractures le plus souvent douloureuses et avons

alors constaté ce qui suit.

Le z10 mars 1888, douleurs vives siégeant dans les muscles du cou des

deux côtés; le 11, les douleurs se localisent à gauche; le 1` ? , la contracture se

produit; le 13, au matin, nous l'examinons. La tête est en rotation à droite :

le sterno-cléido-mastoïdien gauche est contracture et forme une, corde rigide

sous la peau. Il existe à gauche une zone d'anesthésie cutanée à base triangu-

laire se limitant en avant par le bord antérieur contracture du steruo-mastoï-

dieu, en bas par la clavicule, en dehors par le hord antérieur du trapèze dans

sa partie cervicale, en haut se terminant en avant du pavillon de l'oreille qui

est sensible (fin. 58).

La malade qui est facilement hypnolisable est plongée dans l'état sonlnaul-

Indique pendant lequel nous faisons disparaître la contracture. Au réveil, la

sensibilité a reparu dans la zone anesthésique.

Le 18 avril, mêmes phénomènes survenus après une attaque; outre la zone

d'anesthésie gauche, il s'est fait un transfert de la sensibilité il droite (côté

anesthésique) dans les régions correspondantes. Guérison de la contracture

par suggestion, retour de la sensibilité à gauche, et de l'insensibilité à droite

dans la zone indiquée. ·

181.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA S.\ L l' t T n 1 È It g,

Le 31 mai, se plaint au réveil d'un contracture du cou du côté gauche. La

portion cervicale du trapèze, à gauche, fait une furie saillie sous la peau. A ce

moment il existe une bande d'aneslhésie large de 2 centimètres environ se

terminant horizontalement en bas au niveau de l'omoplate, et en haut, dans

la région occipitale, au niveau des insertions du trapèze. La sensibilité est-

revenue à droite dans les mêmes régions. Une séance d'hypnotisation fait

disparaître la contracture et avec elle les troubles de la sensibilité.

Les faits que nous avons rapportés, scrupuleusement observés, avec

contrôle expérimental, se passcraicnt de commentaires s'il n'était né-

cessaire d'insister encore sur tout le parti que le clinicien, après le

nosographe, pourra tirer des indications diagnostiques fournies par

l'anesthésie localisée (ou l'hyperesthésie, phénomène de même nature)

dans les diverses contractures que nous avons décrites.

Rappelons-nous que les muscles de la face et du cou jouissent beau-

coup plus que les autres muscles du corps d'une individualité qui fait

que leur contracture isolée est envisagée, pour ainsi dire, sous autant de

formes, d'entités morbides particulières qu'il y a de spasmes. Le blé-

pharospasme est décrit à part dans les Traités, de même le torticolis;

l'ic. 58. - (Obs. X),

SUPERPOSITION DES TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ. 185

et si le spasme glosso-labié n'a pas exercé davantage la verve des écri-

vains médicaux, c'est que sa découverte est de date relativement toute

récente. En ce qui regarde le spasme du peaucier nous croyons avoir

été le premier à le signaler. Il coïncidait du reste avec le spasme

glosso-labié dans les cas que nous avons observés.

Aussi, étant donné l'importance qui s'attache à la contracture des

muscles delà face et du cou et au diagnostic pathogénique différentiel

de ces contractures, pensons-nous qu'il importe désormais de mettre

en valeur le signe que nous avons découvert, car lorsqu'il existera il

ne sera plus permis plus au diagnostic d'hésiter.

Et ce diagnostic dans l'espèce est d'une singulière importance, car il

entraîne avec lui un pronostic qui pourra varier du tout au tout suivant

la nature du spasme, et fairc repousser ou accepter une intervention

chirurgicale d'une gravité considérable.

Combien de fois n'a-t-on pas fait la section des nerfs sus-orbitaires

dans les cas de blépharospasme hystérique, à commencer par notre

malade de l'observation II, quand on n'a pas cru devoir pousser jusqu'à

la dissection dé l'orbiculaire (Borel). Si l'on s'étonne, nous dirons que

l'hystérie locale n'est pas encore tellement bien connue dans toutes ses

expressions symptomatiques qu'il ne reste plus rien à glaner dans son

champ d'opérations. Noire malade n'avait jamais eu de crises, et mal-

heureusement, pour beaucoup de médecins, les attaques sont encore

le critérium de l'hystérie.

Pour ce qui est du torticolis, en présence de sa ténacité - et l'on sait

si les contractures hystériques sont parfois tenaces - si l'on ne com-

mence pas par une section musculaire ou nerveuse, on est trop souvent

porté à placer des appareils contentifs qui, non seulement sont inutiles,

mais encore sont dangereux, car ils entretiennent singulièrement les

contractures.

M. Charcot n'a-t-il pas montré, en effet, que le meilleur moyen

d'éterniser les contractures hystériques était de placer les parties du

corps contracturées dans un appareil, mème lorsque l'appareil est

posé après résolution de la contracture et pendant le sommeil chloro-

formique. A peine l'appareil est-il enlevé que la contracture se montre

il nouveau et plus tenace encore qu'auparavant.

Enfin, on pourra s'en étonner, ce sont peut-être les troubles de sen-

sibilité de la langue qui permettront parfois d'éviter l'erreur la plus

grave au point de vue du pronostic à porter.

On sait en effet qu'il existe des hémiplégies accompagnées d'hémia-

nesthésie d'origine organique sur lesquelles M. Charcot a récemment

appelé de nouveau l'attention dans une de ses remarquables Leçons du

18G NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPETiMËRE.

Mardi ¡, rapportant une observation suivie d'autopsie. Ces hémianes-

thésies organiques qui peuvent s'accompagner d'un rétrécissement

double du champ visuel, ne diffèrent que bien peu des hémianesthésie

hystériques, si ce n'est par la perte toujours incomplète du sens mus-

culaire et de la sensibilité articulaire. N'aura-t-on pas, alors que

l'évolution clinique a été douteuse, un bon point de repère pour le

diagnostic si l'on constate par exemple que la langue déviée parfois

comme dans l'hémiplégie organique est anesthésique totale alors

qu'un seul côté du corps est privé de sensibilité. Il faut avoir été aux

prises avec la difficulté pour bien apprécier le secours précieux qu'un

stigmate peut apporter.

Dans la circonstance, il est du plus haut intérêt d'être fixé le plus tôt

possible sur la nature d'une hémiplégie qui, dans un cas sera incurable,

et dans l'autre se terminera certainement par la guérison.

A la vérité, on pourra nous répondre que ces superpositions des

troubles de sensibilité et du spasme ne sont pas d'une constance abso-

lue, mais est-celàune raison pour en méconnaître la valeur lorsqu'elles

existent et, en tous cas, négliger leur recherche ? .

Si maintenant nous cherchons à interpréter lesphénomènes que nous

avons observés, nous dirons qu'ils ne diffèrent en aucune façon de

ceux qui ont été notés pour les autres contractures hystériques, en

particulier par Brodie dans la coxalgie due à la névrose. -

Précisant davantage, M. Charcot adcpuis longtemps montré, au point

de vue de leur topographie, que les troubles de la sensibilité dans l'hys-

térie ne se superposent pas à l'innervation de l'organe, mais qu'ils

suivent bien plutôt la fonction qui est dévolue à celui-ci.

L'anesthésie et l'hyperesthésie sont corticales et non médullaires.

Dans la monoplégie brachiale hystérique l'anesthésie se limite en

manchon à la racine du membre, elle est bien différente de celle que

l'on observe dans l'arrachement du plexus brachial par exemple, réa-

lisant le même symptôme monoplégie".

L'anesthésie ou l'hyperesthésie au niveau d'une articulation immu-

bilisée par contracture hystérique ont des limites précises, indépen-

dantes de la distributions des filets nerveux qui sensibilisent la région

contracturéc.

- Dans les cas que nous avons décrits, les troubles de sensibilité sont in-

dépendants topographiquenient de l'innervation, ils se superposent à la

fonction. Cette disposition indique que la section, dans les cas de

blépharospasme par exemple, est au moins inutile, caria contrac-

1. Levons du Mardi ù la Salpètrière, 1888, p. 288, et appendice, p ? 8G.

2. Leçons sur les maladies du système nerveux, t. III, p. 290 et suiv.

SUPERPOSITION DES TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ. 187

turc est d'origine purement psychique et c'est surles centres corticaux

et non localement qu'il faudra agir par un traitement approprié.

Notre travail est donc, en résumé, une simple contribution apportée

aux idées que notre maître a émises sur la pathologie générale de

l'hystérie. En précisant certains points, il enrichira le chapitre des

découvertes qu'il a faites dans ce domaine resté si longtemps inexploré,

et, fournissant des bases plus' larges pour le diagnostic de certaines

manifestations locales de l'hystérie, il mettra peut-être un frein à

des interventions intempestives, pour le plus grand honneur de la

pathologie et pour le plus grand bien des malades.

Gilles DE la TOURETTE,

Clii-f de clinique deb maladies du système nerveux.

Il. 11

A.AT01111E PATHOLOGIQUE DE L'ACROMÉGALIE

(Suite 1).

Passons maintenant à la description de la langue. Comme je l'ai dit, cet

organe chez Ghirlenzoni était très développé; conséquemment il importait

de l'examiner dans toutes ses plus menues particularités, pour arriver

il nous rendre compte de son volume extraordinaire. Elle fut enlevée avec le

larynx et les premiers anneaux de la trachée.

Posée sur la table d'autopsie, la langue était longue, large, massive; toutes

les papilles (coniques, fongiformes, caliciformes) étaient augmentées de

volume, hypertrophiées. Quelques-unes des papilles caliciformes les plus

volumineuses avaient 4 millimètres de large sur 3 millimètres de haut.

Le trou borgne était agrandi tellement qu'on aurait pu y introduire un gros

pois. Voici les trois principales dimensions de la langue :

ANATOMIE PATHOLOGIQUE DE L'ACROMÉGALIE. 189

seul élément ni le plus essentiel. En général, les auteurs se montrent

enclins à assimiler la macroglossite congénitale à l'éléphantiasis, puisque,

dans celle-ci comme dans celle-là, il y a dans l'organe une prédominance de

tissu conjonctif simple ou mélangé à du tissu lymphatique ou à des cavités

lympathiques, comme Virchow en a rapporté un exemple. De là résultent

deux variétés qui pourraient être désignées sous le nom, l'une de sclél'osique,

l'aulre de lymphatique. Quant au tissu musculaire, tous sont d'accord pnur

dire qu'il n'est pas facile d'en déterminer la quantité. Burk a décrit un cas

de macroglossile dans lequel il a réussi à constater une prédominance du

tissu musculaire; mais cette altération était limitée à quelques points seule-

ment, tandis que dans d'autres existait un état tout opposé. Weber est le

seul auteur qui dans la macroglossite ait décrit des couches de fibres muscu-

laires de récente formation.

Notre cas diffère donc grandement de tous les autres déjà connus dans la

science, puisqu'il ne peut se rapporter ni à la macroglossite congénitale ni à

la macroglossile acquise.

Un léger allongement de la langue souvent lié à un égal allongement de la

mâchoire inférieure se rencontre fréquemment chez les monstres anencé-

phales. De même, chez les crétins, il n'est pas rare d'observer l'hypertrophie

de la langue avec procidence de l'organe. C'est principalement sur ces faits

qu'est fondée l'ancienne opinion qu'une langue épaisse et large annonce un

faible degré d'intelligence.

Brigidi se demande si, chez Ghirlenzoni, il n'en était pas de même, et si, en

même temps que les progrès de la maladie amenaient l'augmentation de

volume de la langue, ils ne produisaient pas aussi un affaiblissement de l'in-

telligence. Ce fait lui semble d'autant plus probable que, d'après lui, le

cerveau de cet homme avait subi une notable atrophie.

Le larynx était grand, l'épiglotte large; cette dernière avait32 millimètres

de haut, 3G de large, et 3 d'épaisseur. Les sinus glosso-épiglottiques étaient

transformés en deux larges sacoches dont chacune aurait été capable de

contenir une noisette ou même une aveline; celle de gauche était un peu

plus large que celle de droite.

Les organes respiratoires remplissaient complètement les deux moitiés de

la poitrine; ils étaient libres d'adhérences.

Le coeur fut trouvé augmenté de volume, verticalement dirigé et très rap-

proché de la base du sternum; les deux ventricules étaient agrandis par

l'atrophie du tissu musculaire; ces faits semblaient être en rapport de causa-

lité avec l'insuffisance des sigmoïdes tant de l'artère pulmonaire que de

l'aorte; insuffisance qui, pour les premières, était causée par une réticu-

lation étendue des minces membranes qui composent ces valvules; pour les

secondes, par un premier degré de sclérose ayant succédé à l'endocardite. Les

cavités droites du coeur étaient, en outre, remplies de caillots cruoriques de

couleur de poix et de sang noir et diffluent.

Quanta l'examen des vicbre contenus dans la cavité abdominale, on n'y

190 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.

trouva rien qui méritât d'être noté; seul, l'estomac avait une amplitude nota- .

ble qui, d'ailleurs, ne dépendait d'aucun obstacle mécanique au passage des

aliments, le pylore étant parfaitement normal.

Squelette (pl. XXXI). - Tous ceux qui, ayant présentes il la pensée les

formes des squelettes des premiers spécimens du grand arbre généalogique,

jetteraient ensuite les yeux sur le squelette de Ghirlenzoni, n'hésiteraient

pas un instant il déclarer que ce dernier a plus d'analogie avec le squelette

de l'orang-outang qu'avec celui de l'homme. En fait, dans le squelette de

Ghirlenzoni, le crâne est peu développé dans le sens vertical, et les maxil-

laires sont proéminents en dehors, et forment une espèce de museau. Le

maxillaire inférieur a ses angles presque complètement effacés et dépasse le

maxillaire supérieur de 2 centimètres et demi. Celui-ci, à son tour, pré-

sente les fosses canines très marquées; son arcade alvéolaire est épaisse,

large et tournée en avant. Les dents incisives sont, dans les deux mâchoires,

dirigées obliquement en avant comme justement cela s'observe dans les

espèces inférieures. L'examen du tronc n'offre pas de moindres analogies.

Tout d'abord il se montre incliné en avant au delà de toute mesure, telle- Kt. r.

ment que le centre de gravité vient à tomber au-devant des pieds. Par suite

de cela, 1 ..talion debout avec les talons au contact l'un de l'autre n'aurait

pas été possible pendant longtemps; et môme, dans la déambulation, devait,

se faire sentir le besoin d'un appui. Pour ce motif, il est à croire que Ghir-

lenzoni, dans les dernières années de sa vie, courait au moyen d'un solide

bâton.

Comme pour le squelette de l'orang-outang, dans celui de Ghirlenzoni le

thorax a son diamètre antéro-postérieur très grand, aussi les côtes sont-elles

toutes d'une longueur excessive : la cinquième côte sternale du squelette de

Ghirlenzoni mesure, du côté droit398 millimèlres, du côté gauche 401 milli-

mètres ; mesurée comme terme de comparaison, la même côte d'un autre

squelette humain de bonnes proportions ne mesurait d'un côté comme de

l'autre que 290 millimètres. 1

Par l'inclinaison du tronc en avant, le bassin a subi une rotation sur la

tête des fémurs, rotation par laquelle la symphyse pubienne au lieu de

regarder vers le plan antérieur du corps est t'ornée presque entièrement en

bas, et le sacrum vient former avec la colonne vertébrale un angle d'en-

viron 110 degrés.

Les membres ne présentent pas de moindres analogies avec les squelettes

d'animaux; les inférieurs apparaissent, toute proportion gardée, longs et

extrêmement droits. En fait, si on mesure la distance entre la symphyse

pubienne et le calcanéum, distance qui d'après les observations d'Orfila et

de Devergie représente la longueur de ces membres, on obtient 9l centi-

mètres. Cette longueur étant considérée par les auteurs comme la moitié de

la longueur totale du corps, il en résulte que le squelette de Ghirlenzoni

aurait dû mesurer dans le sens longitudinal 1,820 millimètres, tandis qu'en

réalité il n'en compte que 1,G50. Ce qui revient à dire que les membres infé-

NOUVELLE ICONOGRAPIIIK '1'. II, PL. XXXI

SQUELETTE D'ACROMÉGALIE

vccnosxicn c, u.\I1L LUf7CUi8 S

ANATOMIE PATHOLOGIQUE DE L'ACROMÉGALIE 191

rieurs par rapport au tronc avaient un excès de longueur de 8 centimètres.

Mais je ne voudrais pas que l'on crût que je donne à ce chiffre une

valeur réelle, parce que je sais bien que si, par la pensée, on redressait le

rachis, la disproportion cesserait presque entièrement et le milieu du corps

se trouverait, comme d'habitude, à peu près au pubis.

Les membres supérieurs se montrent également excessivement longs.

Laissant il part les petites différences qu'il n'est pas difficile de rencontrer

dans de telles mensurations, et qui, en partie, dépendent de la façon dont

celles-ci sont prises, on peut considérer comme établi que le membre supé-

rieur entre deux fois et un quart (Devergie et Orfila), ou tout au plus deux

fois et un tiers (Giosué Marcacci) dans la mesure du squelette entier. Or

les membres supérieurs de Ghirlenzoni ont une longueur de 810 millimètres.

En établissant les proportions, la hauteur du squelette se trouverait portée,

suivant les premiers auteurs à 1,822 millimètres, suivant Marcacci à t

1,892 millimètres, de là résulte que le membre supérieur serait, par rapport

au tronc, plus long de 100 à 230 millimètres : Mais, vis-à-vis de ces résultats,

on doit faire valoir les mêmes considérations qui ont été exposées plus haut

relativement à la disproportion des membres inférieurs.

Voyons maintenant quelles modifications de forme et de texture sont sur-

venues dans les divers os du squelette. Avant tout, notons quelques-uns de

leurs caractères généraux pour entrer ensuite dans les particularités. Ces os

se présentent sur certains points très minces et atrophiés, sur d'autres assez

épais et compacts. Dans quelques endroits on trouve leur substance spon-

gieuse augmentée, tandis que dans d'autres on n'en trouve plus trace. En

général, les trous qui donnent passage, soit aux vaisseaux, soit aux nerfs, sonl

agrandis. Les sillons sont plus profonds et les sinuosités et les fossettes plus

larges que d'habitude. Les lignes, les crêtes, les apophyses sont très saillantes

et leur surface fortement rugueuse fait naître l'idée que, dans une période

de ramollissement, le tissu osseux aurait cédé aux tractions musculaires.

Les'têtes articulaires des os longs, et plus encore celles des os courts du

tarse, sont volumineuses et plus ou moins déformées. De plus, tous ces os,

par rapport à leur volume, sont légers.

Parmi les différents os du squelette qui méritent d'être particulièrement

décrits, en commençant par la tête, on trouve ceux du crâne. Mais pour nepas

tomber dans d'inutiles répétitions je me limiterai seulement à noter que l'oc-

cipital sur la ligne médiane présente un développement extraordinaire du

diploé, développement auquel participent aussi les pariétaux le long et sur les

bords de la suture sagittale; tandis que, dans toutes les autres parties de la

voûte crânienne manque le tissu spongieux, et même dans certains points,

comme par exemple au niveau des bosses pariétales, ces os sont si minces

qu'en les regardant à contre-jour ils sont transparents. L'occipital présente

en outre une apophyse basilaire assez courte, ce qui, en grande partie, est dû

à l'agrandissement en arrière de la fosse pituitaire.

Quant aux os de la face, le maxillaire inférieur est celui qui offre les plus

192 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA 8ALPÈT IUËRK.

grandes déviations du type normal. Outre son excessive longueur et le manque e

des angles, il se montre très élargi au niveau des incisives et plus étroit que

de coutume au niveau des dernières molaires. Son épaisseur en général est

diminuée, mais en certains endroits, comme au niveau des apophyses géni,

elle est au contraire augmentée, car avec le compas d'épaisseur elle ne

mesure pas moins de 18 millimètres. Son bord inférieur n'est plus lisse et

rond, mais large, déformé, et laisse facilement distinguer deux lèvres, l'une

antérieure, l'autre postérieure, toutes deux plus ou moins sinueuses tant dans

le sens vertical que dans le transversal.

La colonne vertébrale se trouve coudée à angle presque droit entre le

point d'union de la cinquième avec la sixième vertèbre dorsale ; mais cette

déviation, avant de se faire sur la ligne médiane, s'est produite latéralement à

droite; aussi, en est-il résulté une scoliose assez notable. La portion supérieure

du coude ainsi formé est dirigée horizontalement en avant et un peu vers le

côté gauche jusqu'à la septième cervicale; là elle se redresse de nouveau mais

non pas autant que normalement, de sorte que toute la partie cervicale du

rachis présente une obliquité antérieure en même temps que la torsion est

prédominante vers le côté gauche. Au-dessous du coude angulaire commence

peu à peu à se dessiner une nouvelle courbure, à convexité du côté gauche,

destinée à rétablir le centre de gravité perdu; cette courbe, au niveau de la

neuvième vertèbre dorsale, est déjà bien manifeste et se poursuit en bas

jusqu'au coccyx.

Si on examine attentivement le rachis au niveau de la gibbosité, on voit

clairement que les vertèbres dorsales, de la troisième à la septième, se trouvent

ankylosées entre elles et ont perdu un peu de leur hauteur naturelle. Ce

dernier fait parait très évident surtout pour la troisième et la quatrième

vertèbre dont les corps réduits d'un tiers de leur hauteur se sont réunis de

façon qu'il en résulte une légère saillie en avant. Toutes les autres vertèbres

prises indistinctement présentent leurs trous nourriciers larges, leurs apophyses

épineuses minces et leurs masses apophysaires plus ou moins déformées.

Les côtes, outre qu'elles sont, comme je l'ai déjà dit, très longues, sont

minces et aplaties près de leur extrémité antérieure, tandis qu'au voisinage

de leur angle elles sont grêles et de forme prismatique.

Le bassin présente des trous obturateurs assez larges et les crêtes des os

iliaques sont renversées en dehors avec leurs trois lèvres plus saillantes el

plus rugueuses que d'habitude; les lignes semi-circulaires de la face externe

de l'os iliaque se montrent très apparentes.

Aux membres supérieurs, les phalanges méritent une mention tant pour

leur longueur que pour leur circonférence; voici les mesures du doigt médius

de la main droite chez Ghirlenzoni :

I

.INATlIMIE Y.lTIfOLOCIyUE DE ,L'.SçROJIl;CrlLIls.

Sur un antre homme bien proportionné les mômes mensurations ont donné 1 :

les résultais suivants : - t

191 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPETRIERE.

tandis que d'autres out un diamètre deux ou trois fois plus grand..\.l'entour,

on note les lames concentriques ordinaires formant gaine aux vaisseaux san-

guins. Mais ce qui, plus que toute autre chose, arrête l'attention de ceux qui

observent ces préparations, c'est que, à la périphérie de ces gaines, se voient

un certain nombre de segments de cercle formés de lames concentriques avec

leurs extrémités tronquées appuyées sur les lames les plus périphériques

décolles appartenant aux gaines complètes. Quant aux corpuscules osseux,

ceux-ci, en général, se montrent volumineux avec des canaliculcs courts en

forme d'épines; quelques-uns de ces corpuscules, mais peu nombreux, ont les

canalicules d'apparence chevelue et plus grands que normalement. Une

autre particularité à noler, c'est que la subslance fondamentale n'est plus

transparente, claire et homogène comme d'ordinaire, mais très finement

ponctuée, ce qui donne aux préparations une moindre transparence. Toutes

ces altérations concordent, semble-t-il, à indiquer les phases du processus

morbide telles qu'elles ont été décrites plus haut.

Au point de vue de la cause de ces altérations, l'auteur arrive aux con-

clusions suivantes : la diathèse rhumatismale peut exercer son action sur

le système osseux et de différentes manières. Consécutivement aux lésions

des articulations (synovites, chrondrites), le tissu osseux peut s'altérer dans

le sens de l'atrophie ou de l'hypertrophie. Primitivement, il peut exister l'

des phénomènes d'ostéite aiguë ou chronique, et alors les lésions articu-

laires n'ont qu'une importance secondaire. L'hyperostose rhumatismale

primitive présente des analogies trompeuses avec les lésions syphilitiques,

scrofuleuses, rachitiques el autres, et ne peut être distinguée sur le vivant

que moyennant un examen très soigneux, et précisément avec "aide des

antécédents personnels et héréditaires.

Quel lien existe entre les différentes difformités qui viennent d'être

signalées ? Je considère, dit-il, comme bien établi que la maladie de Ghir-

lenzoni a commencé par le squelette; je ne saurais dire dans quelle partie,

mais je pense que jusqu'à ce que le rachis et les côtes fussent envahis par le

processus morbide, la régularité des formes ne devait pas avoir été altérée.

Puis, lorsque par suite des lésions survenues à la colonne vertébrale celle-

ci se fut pliée en formant un angle, et que les côtes se furent allongées par

suite de l'affection inflammatoire, les viscères contenus dans le thorax (par

eux-mêmes volumineux et fonctionnant avec beaucoup d'énergie), ne trouvant

plus dans les parties dures une résistance proportionnée, acquirent peu àpeu

un développement insolite. Et vice versa, les côtes sous cette incessante

pression produite par les viscères durent s'allonger davantage et s'aplatir

près de leur extrémité antérieure, comme nous le voyons dans ce squelette;

tandis que, d'autre part, la colonne vertébrale sous le poids du corps et par

suite des tractions des côtes en avant devait s'incurver de plus en plus. En

invoquant ce manque d'équilibre eutre les forces internes et le manque de

résistance qui leur est opposée par la cage thoracique, on arrive, il mesemble,

à se rendre assez bien compte de la double gibbosité, ou pour mieux dire de

ANATOJIIE PATHOLOGIQUE DE L'ACROMÉGALIE. 19'.

la forme très singulière qu'avait acquise le thorax de Ghirlenzoni, en même

temps qu'on a un moyen pour expliquer d'autres faits en rapport avec les

plus grandes déformations du squelette.

Par la déviation en avant de la portion cervicale de la colonne vertébrale,

l'espace compris entre le jugulum et le menton se trouvait diminué d'un

tiers et plus ; le larynx devait aussi se trouver repoussé en haut, et venir au

contact de l'isthme du gosier et se trouver ainsi porté au niveau auquel

il arrive dans les actes de la déglutition.

En conséquence de cela, la langue ne pouvait faire moins que de se

trouver gênée dans ses mouvements et de réagir sur les os maxillaires cl

principalement sur- l'inférieur, ayant avec celui-ci les plus étroits rapports.

Les incessants efforts faits par la langue pour vaincre la résistance des

maxillaires, conformément aux lois physiologiques, devaient rendre la

nutrition plus active dans cet organe, aussi n'est-il pas étonnant si ses

muscles ont acquis un développement hypertrophique.

Pour rendre plus plausible l'explication donnée de la macroglossite il faut

noter les conditions spéciales des organes circulatoires. Le coeur, accom-

pagnant le sternum, s'était éloigné du rachis, et, par suite du dévelop-

pement extraordinaire des poumons, avait perdu sa direction habituelle

pour en prendre une nettement verticale; tandis que l'arc aortique avait

éprouvé un agrandissement, spécialement dans sa portion qui se trouve

au delà de l'origine des gros vaisseaux. Par suite des conditions susdites, il

s'était produit un rapprochement du centre cardiaque vers la tète, et l'impul-

sion du coeur se faisait particulièrement sentir sur les artères qui se distri-

buent aux parties supérieures du tronc (cou et tête), aussi ces artères devaient-

elles s'agrandir d'une façon consécutive, comme, en fait, elles furent trouvées

il l'autopsie. A tout cela, il faut ajouter (s'il est vrai que Ghirlenzoni fût

adonné aux plaisirs de Bacclus) la stimulation que les spiritueux détermi-

nent sur la libre musculaire et par laquelle se produisent des altérations

plus ou moins considérables. Et nous avons, en effet, à l'autopsie, trouvé dans

le coeur des lésions assez marquées, ce qui coïnciderait avec les inductions

qui précèdent.

Pierre Marie.

(A suivre.)

LE MASQUE DE PASCAL

« Parmi les hommes qui dans les deux derniers siècles, en France,

ont porté si haut la gloire des sciences et des lettres, il en est un cer-

tain nombre qui, après avoir autant que Pascal excité l'admiration de

leurs contemporains, n'ont pas obtenu une part moins grande que la

sienne dans le culte de la postérité. Peut-être n'en est-il aucun dont

le génie, par ses singularités, ait fait naître autant d'étonnement et soit

de nature à provoquer encore autant de curiosité.

a Dans son enfance, presque indifférent aux jeux de son âge, il

inventait dans les siens les sciences de l'âge mûr. Plus tard, c'est

en se jouant encore qu'il en reculait les limites et s'y montrait au

premier rang. Géomètre, physicien, philosophe, il ne se laissa dé-

passer dans toutes ces carrières que parce qu'il cessa d'y marcher.

Écrivain, à peine avait-il publié sa première Provinciale, qu'il fut un

auteur sans rival et ne pouvait plus reconnaître que des égaux dans

cette langue qu'il a fixée...

« Mais ce qui, dans le génie de Pascal, a dû étonner bien plus-encore

que sa précocité et son étendue, c'est sa nature même si pleine d'op-

positions et de misères. Ce sont les souffrances et les variations de

cette vie commencée dans l'heureuse paix de la famille et achevée dans

les austérités de la religion. C'est ce soudain abandon de toutes les

sciences de la part d'un homme qui les avait si puissamment em-

brassées et dont l'esprit original pouvait les rendre si fécondes. C'est

ce dédain de toute philosophie chez un philosophe qui avait jeté dans

les replis du coeur humain un regard si profond et si clair. Ce sont

enfin les phases toujours croissantes d'une mélancolie presque in-

sensée, mère pourtant de tant de pages admirables où elle a laissé

une si forte empreinte. »

Les lignes précédentes empruntées au travail très intéressant et très

substantiel que Lélut, médecin de la Salpêtrière, a consacré à Pascal,

nous montre que cet auteur avait adopté vis-à-vis d'un des plus grands

génies du xviie siècle, l'opinion que Voltaire déjà avait émise, en qua-

1. L'Amulette de Pascal, pour servir à l'histoire des hallucinations. Paris, 1846.

LE MASQUE DE PASCAL. 197

lifiant quelques-unes des Pensées, d'oe't somnia, songes d'un ma-

lade. Pour corroborer son opinion, Lélut étudie de la façon la plus

complète la vie pathologique de Pascal que nous résumerons succinc-

tement, d'après lui, ainsi qu'il suit :

De ses antécédents héréditaires nous connaissons peu de choses.

Son père et sa mère,. toutefois, ainsi que cela était d'ailleurs fréquent

à cette époque, accordaient une grande créance aux pratiques de sor-

cellerie. « A l'âge d'un an Pascal - c'est Marguerite Périer, sa nièce,

qui parle -- tomba dans une langueur semblable à ce que l'on appelle

à Paris tomber en chartre; mais cette langueur était accompagnée de

deux circonstances qui ne sont point ordinaires : l'une, qu'il ne pouvait

souffrir de voir de l'eau sans tomber dans des transports d'emporte-

ment très grands; et l'autre, bien plus étonnante, c'est qu'il ne pouvait

souffrir de voir son père et sa mère proche l'un de l'autre. Il souffrait

les caresses de l'un et de l'autre en particulier avec plaisir, mais aus-

sitôt qu'ils s'approchaient ensemble il criait et se débattait avec une

violence excessive. Tout cela dura plus d'un an durant lequel le mal

s'augmentait. Il tomba dans une telle extrémité qu'on le regardait

comme prêt à mourir. »

Il guérit cependant, mais après une séance d'incantation, sur laquelle

nous ne pouvons insister davantage, que firent exécuter son père et

sa mère.

Rien de particulier à noter durant le reste de son enfance et les

premières années de son adolescence, si ce n'est une précocité d'es-

prit vraiment extraordinaire. « A dix ans, à propos du bruit d'une

assiette, il crée une sorte de théorie acoustique; à douze, il découvre

la géométrie qu'on lui cachait; à quinze, il compose un Traité des

sections coniques où Descartes refusa de voir l'oeuvre d'un esprit aussi

jeune... C'est ainsi que, dès ses premiers pas dans la vie, emporté par

l'irrésistible instinct du génie et par la passion du travail qui en est

inséparable, il énervait en l'exaltant cette constitution déjà si délicate

et si excessive par elle-même et dont les souffrances suprêmes com-

mencèrent pour ne plus finir. »

Aussi à la fin de 1G'aî Pascal était né en 1() ? 1 - après s'être

surmené dans l'invention d'une machine à calculer, tomba-t-il « dans

une espèce de paralysie depuis la ceinture jusqu'en bas, en sorte qu'il

fut réduit à ne marcher qu'avec des potences ; ses jambes et ses pieds

devinrent froids comme du marbre et on était obligé de lui mettre

tous les jours des chaussons trempés dans de l'eau-de-vie pour tâcher

de faire venir la chaleur aux pieds ».

Cette paralysie dura trois mois et finit par guérir complètement.

198 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

A côté des troubles physiques se placent, dès cette époque, les trou-

bles intellectuels. Pascal a des élans de ferveur religieuse extraordi-

naires; il détourne sa soeur d'un mariage honorable et lui fait em-

brasser la vie monastique pour laquelle elle n'avait jusqu'alors

manifesté que de l'éloignement.

Suivent alors des années pendant lesquelles Pascal accumule les

- travaux les plus admirables. Mais il n'en reste pas moins toujours

souffrant; les troubles du système nerveux dominent la scène. La

paralysie a disparu mais « il avait entre autres incommodités celle

de ne pouvoir rien avaler de liquide à moins qu'il ne fût chaud :

encore ne le pouvait-il faire que goutte à goutte : il avait outre cela

une douleur de tête insupportable ». Pascal, hélas ! fut saigné, purgé

à outrance, suivant la déplorable pratique médicale de l'époque.

Un moment on put croire sa vie compromise. Pascal cessa alors de

travailler et s'adonna aux plaisirs mondains. Ce régime lui réussit, il

faut le croire, car, bientôt l'esprit rafraîchi, il put de nouveau se

remettre avec modération toutefois à ses admirables travaux.

En 'l651, il a la douleur de perdre son père; sa santé cependant

continue à être satisfaisante jusqu'en 'IG54., époque à laquelle il lui

arriva un accident qui devait troubler définitivement son esprit.

Etant en promenade au pont de Neuilly, les chevaux attelés à son

carosse prennent le mors aux den ts et lav oiture reste comme suspendue

sur le bord de l'eau. « Cet accident où Pascal s'était vu si près de sa

fin, fit sur lui une impression terrible. Il eut, dit-on, beaucoup de

peine à revenir d'un long évanouissement.

« Arraché par miracle à un tel péril, il réfléchit à tout ce qu'aurait

eu d'affreux pour son salut éternel une mort qui avait failli le sur-

prendre dans un divertissement du monde et tout brillant de ses

stigmates. Son imagination demeura fixée sur ces idées effrayantes :

sa raison fit un retour profond sur elle-même, il prit le parti de

rompre pour jamais avec ces amusements fastueux. Il recommença à

mener une vie plus réservée, plus humble, et crut pouvoir y concilier

l'exercice d'une piété désormais inébranlable et la continuation de

ses anciennes études. »

Alors survient une vision, « le lundi z3 novembre 1654, un mois

environ après l'accident du pont de Neuilly, de dix heures et demie du

soir à minuit et demi. Le détail de ce que Pascal vit et probablement

entendit dans cette circonstance est resté et suivant toute apparence,

restera toujours dans le secret, car Pascal, dit le Recueil d't/<rec ? ne

parla jamais de cette vision à personne, si ce n'est peut-être à son

confesseur. On n'en eut connaissance qu'après sa mort par un écrit

LE MASQUE DE PASCAL 199

tracé de sa main qui fut alors trouvé dans l'épaisseur de son pour-

point. »

Cette pièce que Condorcet appelle l'amulette mystique de Pascal et

que nous ne pouvons reproduire, est le résultat d'une hallucination et

porte la marque d'un trouble intellectuel profond : Pascal y invoque

en termes tout à fait incohérents, Jésus-Christ, le Dieu d'Abraham,

d'Isaac et de Jacob, etc... C'est la première phase du délire mystique

qui désormais ne le quittera plus.

Il multiplie alors ses visites à sa soeur Jacqueline qui est entrée au

monastère de Port-Royal sur ses conseils; il fait lui-même une retraite

dans ce monastère. « Agé de 30 ans, par l'effet de sa maladie, travaux

et triomphes de la science, projets d'établissement et de mariage, il

renonça à tout, oublia tout et, comme il l'a écrit lui-même, ne fit plus

que de se livrer à de petites pratiques, que prendre de l'eau bénite,

faire dire des messes pour se briser et s'abêtir. »

Sorti du couvent, il se revêt d'un cilice, se ceint le corps d'une

ceinture dont il s'enfonçait les pointes acérées dans les chairs lorsqu'il

lui prenait des mouvements de vanité; fait en sorte de goûter le

moins possible les aliments que tolère à peine son estomac abîmé par

les privations.

Cependant la force de son génie reprend le dessus et, à l'instigation

d'Arnaud, il écrit ses terribles et immortelles Lettres provinciales. Mais

ce dernier effort épuise encore sa santé déjà si altérée : il vit dans une

continuelle langueur; il souffre de douleurs de dents qui lui ôtent tout

sommeil; pendant ses insomnies il résout les problèmes ardus relatifs

à la courbe appelée Cycloïde ou Roulette. Un jour, sa névralgie dis-

paraît subitement, mais les maux de tête reprennent de plus belle, les

digestions sont presque impossibles.

Pendant quatre années qu'il réunit des matériaux pour une Apologie

du christianisme, il est si débile « qu'on peut suivre sur ses ébauches

quelquefois pourtant si achevées la faiblesse même de la main qui ne

pouvait plus suffire à les tracer. Ce n'est pas sans une respectable pitié

qu'on voit sur ces papiers informes l'esprit s'arrêter au milieu d'une

idée, la plume au milieu d'une phrase, et quelquefois même au milieu

d'un mot ».

Les douleurs de tête augmentent, il est pris de convulsions qui

durent 24 heures jusqu'à samortqui arrive le 10 août 1662 à une heure

du matin.

Madame Périer, sa nièce, rapporte en ces termes son autopsie :

« Les amis de M. Pascal ayant fait ouvrir son corps, on lui trouva

l'estomac et le foie flétris, et les intestins gangrenés, sans qu'on pût

zut NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA 5.1LP1 : 'l'ItI : ItL.

juger précisément si ç'avait été la cause de cette terrible colique

qu'il souffrait depuis des mois ou si c'en avait été l'effet. A l'ouverture

de la tête, le crâne parut n'avoir aucune suture si ce n'est peut-être

la lambdoïde ou la sagittale, ce qui apparemment lui avait causé les

grands maux de tête auxquels il avait été sujet pendant toute sa vie.

Il est vrai qu'il avait eu autrefois la suture qu'on appelle fontale; mais

comme elleétaitdemeurée ouverte fortlongtemps pendant son enfance,

comme il arrive souvent à cet âge, et qu'elle n'avait pu se refermer,

il s'était formé un calus qui l'avait entièrement couverte et qui était

si considérable qu'on le sentait aisément au doigt. Pour la suture

coronale il n'y en avait aucun vestige. Les médecins observèrent qu'y

ayant une prodigieuse quantité de cervelle dont la substance était fort

solide et fort condensée, c'était la raison pour laquelle, la suture

fontale n'ayant pu se refermer, la nature y avait pourvu par un calus.

Mais ce qu'on remarqua de plus considérable, et à quoi on attribue

particulièrement la mort de M. Pascal et les derniers accidents qui

l'accompagnèrent, c'est qu'il y avait au dedans du crâne, vis-à-vis les

ventricules du cerveau, deux impressions comme d'un doigt dans

la cire; et ces cavités étaient pleines d'un sang caillé et corrompu qui

avait commencé à gangrener la dure-mère. »

Il est difficile d'interpréter les résultats de cette autopsie. Pascal

succomba évidemment à des désordres intestinaux, peut-être à un

étranglement interne; les hémorragies de la dure-mère occasionnèrent t

peut-être ces convulsions ultimes qui ne le quittèrent pas pendant

les 24 heures qui précédèrent sa mort. Mais ce qui nous semble plus

intéressant c'est le calus qui siégeait au niveau de la fontanelle anté-

rieure, l'absence de certaines sutures nettement notée dans la

relation nécropsique, jointe à la persistance trop longtemps prolongée

de cette fontanelle observée pendant la vie.

Il n'est pas douteux que Pascal ne fût atteint de troubles mentaux ;

or, on sait quelle importance attachent aujourd'hui les aliénistes à

ces déformations, à ces arrêts de développement de la boîte cranienne

qui, gênant à leur tour le développement de certaines régions céré-

brales, occasionneraient les troubles intellectuels observés pendant la

vie.

Mais la relation de cette autopsie est très succincte, les détails sont

peu précis et il est difficile de dire comment était exactement conformé

ce crâne qui présentait tant d'anomalies.

Il n'en est pas de même pour les parties osseuses de la face dont les

déformations suivent souvent, comme on le sait, les déformations

crâniennes.. Nous avons en effet en notre possession un document des

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

T. Il. PL.7CXXH

CLICHÉ A. LONDB

PHOTOTYPIB BERTHAUD

LE MASQUE DE PASCAL

LECROSNIER ET BABÉ, ÉDITEURS

LE MASQUE DE PASCAL. AU

plus précieux et dont, à notre connaissance, on n'a encore jamais tiré

parti à ce point de vue particulier.

Ce document, constitué par unmoulage fort bien exécuté dont nous

donnons la reproduction (pl. XXXII), nous a été gracieusement com-

muniqué par M. Dastre, l'éminent professeur de physiologie de la

Sorbonne, auquel nous adressons tous nos remerciements.

M. Dastre Lient lui-même ce moulage de M. A. Gazier,son collègue

à la Sorbonne, possesseur de l'original dont l'authencité se trouve

établie par une note de M. Gazier lui-même jointe au spécimen que

nous avons eu en notre possession.

Cette note est ainsi conçue « Le masque de Pascal dont M. Dastre a

un moulage appartenait avant moi à M. Ravisé, receveur des rentes,

cousin de mon père. M. Ravisé le tenait de l'abbé Soucley, ancien

chartreux mort à 88 ans, en z1836, et c'était le graveur en médailles

Duvivier, « graveur de monnaies sous Louis XVI » qui le lui avait

donné. '

« Les amis de Pascal étaient désolés de n'avoir pas son portrait. Celui

que fit Quesnel et dont on a une belle gravure par Edelinck fut peint

d'après le masque en question dont l'authenticité n'a jamais été mise

en doute. »

Pour déterminer exactement les singularités que présente, dès le

premier aspect, le masque de Pascal, nous ne pouvions mieux faire

que de nous adresser à notre ami Paul Richer, dont les longs et beaux

travaux sur l'anatomie des formes du corps humain vont bientôt t

être réunis etvoir le jour.

M. Paul Richer, mis en possession du précieux moulage, a bien

voulu nous remettre la note suivante. z

« Toute la moitié gauche de la face est le siège d'une atropliie qui

pour n'être pas très accentuée n'en est pas moins très nette et présente

ceci de particulier qu'elle est générale et porte aussi bien sur les os

que sur les parties molles.

« La hauteur du visage est sensiblement moindre à gauche, ce qui

tient plus particulièrement à l'atrophie du maxillaire inférieur. En

l'examinant, on voit, en effet, que le menton, dans sa moitié gauche,

est manifestement plus petit, et que la ligne qui limite en bas l'ovale

du visage est sensiblement plus haute de ce côté que du côté opposé.

La moitié gauche de la bouche est moins grande que la moitié

droite, c'est-à-dire que, le milieu des lèvres tout en restant sur la

ligne médiane, la commissure gauche en est bien moins éloignée

que la commissure droite.

« La narine gauche est plus peti 1 que la droite. La eloisonnasale est

302 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

déviée sur la gauche. La pointe du nez est également légèrement dé-

jetée du même côté.

« Les globes occulaires paraissent égaux et également saillants; mais

l'arcade orbitaire est plus effacée à gauche surtout à son extrémité

externe, où le relief qu'elle forme en avant de la fosse temporale est

bien moindre à gauche qu'à droite. Par contre, à son extrémité interne,

le relief au niveau de la tête du sourcil est plus accusé à gauche qu'à

droite. C'est la seule exception à l'effacement qu'ont subi toutes les

saillies de la partie gauche du visage. Il faut ajouter que le front ne

paraît avoir subi aucune déformation et que son développement est

égal des deux côtés.

« Mais, sur les parties latérales de la face, la même asymétrie déjà

signalée sur le milieu se retrouve. Ainsi l'arcade zygomatique est

bien moins accusée à gauche qu'à droite; de même pour le relief du

masséter, et pour la saillie qui borde en dehors la commissure

labiale. Il existe, en outre, sur la joue droite, une foule de plans acces-

soires, de détails de modelé qui ne se retrouvent à gauche que consi-

dérablement atténués, s'ils n'ont pas complètement disparu.

« En résumé, on peut comparer toute la moitié gauche du visage

aune médaille rendue fmste sous l'injure du temps et dont le t)pc

neuf et complet serait reproduit par la moitié droite. »

Nous n'ajouterons rien à cette description si précise du masque de

Pascal. Rien de ce qui touche à d'aussi grands esprits ne saurait nous

aisser indifférents; les étudier sous quelque forme que ce soit c'est

encore payer leur génie un juste tribut de respectueuse admiration.

GILLES DE la TOURETTE,

Chef de clinique des maladies du système ne) ? )t\.

Le gérant : Emile Lecssosams.

hIOTrFI102. - Imprimeries rcunics, B, rua Mignon, 2.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

DE LA SALPÊTRIÈRE

DES CONTRACTURES SPONTANÉES

'" ET PROVOQUÉES DE LA LANGUE

1 CHEZ LES IIYSTÉItO-ÉPILEPTIQUES

On saitdepuis les travauxde M. leprofesseurCUarcotl, de MM. Bris-

saud et Marie sur le spasme losso-labiédes hystériques, quechezces

malades la langue est assez souvent le siège de contractures spontanées

transitoires ou à caractère permanent.

Ces contractures peuvent être reproduites pendant l'état hypnotique

avec les caractères qu'elles présentent lorsqu'elles apparaissent spon-

tanément. M. Gilles de la Tourette a, de plus, récemment établi que

souvent des troubles de sensibilité se superposaient au spasme, ce qui,

dans la circonstance, a une grande importance au point de vue du

diagnostic différentiel.

^- Dans'Ces dernières années, j'ai eu l'occasion à plusieurs reprises

d'observer des contractures des muscles de la face, du cou et de la

musculature linguale chez les hystériques. Chez plusieurs de mes

malades, susceptibles d'être hypnotisées, je les ai reproduites pendant

le sommeil provoqué. Chez les mêmes j'ai pu, à l'aide de diverses

excitations périphériques, les reproduire à l'état de veille. Ce dernier

fait a son importance. En effet, la musculature linguale étant beaucoup

moins accessible aux divers procédés habituellement employés pour

déterminer la mise en oeuvre de la diathèsede contracture si fréquente

1. Spasme ¡(losso-lauié unilatéral des hystériques. - Leçon clinique in Semaine médi-

cale, 2 février 1887.

2. De la déviation faciale dans l'hémiplégie hystérique. Progrès médical, nOS 5,7,1887.'

3. De la superposition des troubles de la sensibilité et des spasmes de la face et du cou

chez les hystériques. - Nouvelle Iconographie de la Salpètrière, nOS 3 et 4, 1889.

il. 13

? U4 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.

chez les hystériques, l'exposé succinct de mes expériences permettra

d'étudier ces contractures provoquées cc l'état de veille, alors qu'en

dehors des cas spontanés, on avait toujours eu jusqu'à présent recours

à l'hypnotisme pour les déterminer expérimentalement.

Les contractures de la langue chez les hystériques peuvent être

provoquées de deux façons, soit par excitation directe de l'organe, soit

par l'intermédiaire de réflexes d'origine variable, centrale ou périphé-

rique. Il n'est pas rare, d'abord, d'observer l'apparition de la contrac-

ture de la langue, lorsque, par l'excitation, on détermine la contracture

d'un autre muscle de la face ou du cou. Si chez une hystérique qui pré-

sente la diathèse de contracture, on provoque il l'aide de l'excitation

directe l'apparition d'un torticolis ou d'un blépharospasme, il est assez

fréquent de voir la langue se contracturer lorsqu'on ordonne simul-

tanément à la malade de la tirer hors de la bouche.

Mais, comme je l'ai dit, l'excitation directe du muscle est souvent

suffisante : de plus on peut également provoquer la contracture sous

l'influence du diapason par réflexe auriculaire. Dans ce cas intervient

directement une influence psychique déterminant le réflexe central qui

produit la contracture.

C'est en faisant des expériences avecle diapason de Konig que je suis

arrivé à la découverte de ces faits. Étudiant le^ effets de ce diapason sur

le nerf acoustique chez les hystériques, je fus surpris, en ordonnant à

l'une de mes malades de tirer la langue au dehors, de voir celle-ci se

contracturer sans que les autres muscles de la face et du cou partici-

passent à la contracture. Je dois ajouter que les contractures que l'on

produit ainsi sont le plus souvent passagères, mais que parfois elles

' ont de la tendance à durer pendant assez longtemps, quatre à cinq

jours et même plus.

Mes expériences ont plus particulièrement porté sur deux malades

dont je vais résumer rapidement l'histoire pathologique, tout en signa-

lant les observations qu'elles m'ont permis de faire.

OBs. I. - R. L..., vingt-trois ans, célibataire, servante, est entrée

à plusieurs reprises dans mon service, et pour la dernière fois, le

'1ex mars 1889.

Conformation cranienne irrégulière; les oreilles présentent le signe

de Morel. IIémianesthésie complète gauche; rétrécissement du champ

visuel, surdité, ageustie, dysosmie, ovaralgie gauche; hyperexcitabi-

lité nervo-musculaire très marquée s'étendant à tous les muscles du

corps.Accès typiques d'hystéro-épilepsie; mono-contractures fréquentes

et passagères des extrémités supérieures et inférieures gauches. La

malade est facilement hypnotisable.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE.

T. 11, PL. XXXIII.

Phototype Berthoud

CONTRACTURE DE LA LANGUE PROVOQUEE A L'ETAT DE VEILLI

CHEZ UNE HYSTERIQUE PAR REFLEXE AURICULAIRE

IFCROSNIER tT BABI, ÉDITEUR»

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

T. TI. PL. XXXIV.

CONTRACTURE DE LA LANGUE PROVOQUEE A L'ETAT DE V

CHEZ UNE HYSTÉRIQUE

LFCROSNIBN T UADh, 'D1THUI 1

NOUVELLE ICONOGRAPHIE.

T. II. PL. XXXV.

Phototypie Berthaud

CONTRACTURE DE LA LANGUE PROVOQUEE A L'ÉTAT DE VEILLE

CHEZ UNE HYSTÉRIQUE PAR EXCITATION DIRECTE

LECROSNIER ET Bayé, EDITEURS

DES CONTRACTURES SPONTANÉES, 203

Chez R. L..., on peut produire à l'aide de n'importe lequel des dia-

pasons de Kônig, non seulement pendant l'état hypnotique, comme je

l'avais cru tout d'abord, mais encore pendant l'état de veille les phé-

nomènes suivants.

Si l'on tient devant l'oreille droite un diapason vibrant sois, (pl. XXXIII),

la langue normalement tirée hors de la bouche se dévie vers la droite,

se contracture et reste dans cet état pendant 55 à 80 secondes; elle est

dure au toucher, gonflée, bleuâtre. Ce temps passé, les phénomènes

disparaissent d'eux-mêmes. Pendant la contracture, la malade ne peut

pas spontanément rentrer la langue dans la cavité buccale.

Un examen plus attentif permet de noter que les muscles oculaires

participent eux aussi à la contracture. En effet, concurremment avec la

langue, les yeux se sont déviés vers la droite, et, au moment où la con-

tracture de la langue cesse, les globes oculaires reprennent leur situa-

tion normale. Il est donc évident que les muscles des yeux étaient eux

aussi contractés. -

Si l'on tient le diapason vibrant devantl'oreille gauche, la langue

se dévie à gauche. Bien plus, il n'est pas nécessaire que le diapason soit

placé directement devant l'oreille. Si, en effet, on tient le diapason

sous le menton, la langue s'élargit, sort droite hors de la bouche et

bientôt la pointe se tourne contracturée vers le bas. Si l'on tient le dia-

pason au-dessus de la tête ou au niveau du front, la langue se replie

sur elle-même et la pointe se porte en haut, en contracture, venant

toucher la voûte osseuse (pl. XXXIV). Les globes oculaires subissent

les mêmes déviations.

Ces expériences répétées plusieurs fois ayant toujours donné les

mêmes résultats, on peut en conclure que la contracture survient par

suite d'un réflexe de l'excitation du nerf acoustique portée sur le nerf

glosso-pharyngien et les nerfs moteurs de la langue. Quelle que puisse

être d'ailleurs l'interprétation de ces faits, les expériences n'en sont pas

moins démonstratives.

Etant donné ces phénomènes, j'ai essayé avec succès de produire chez

la même malade la contracture de la langue par excitation directe. Par

la simple pression d'une baguette j'ai pu, en touchant le bord droit de

la langue, faire dévier celle-ci du même côté, en contracture (pl. XXXV).

En touchant de la même façon le bord gauche, la face inférieure, la

face supérieure de la langue, j'ai obtenu des contractures dans ces

différents sens. Dans ces cas, les yeux ne participaient pas à ces diverses

déviations.

J'ai observé également. ces phénomènes, mais à un degré encore plus

accentué, si possible, chez une autre malade.

ZM NOUVELLE [ICONOGRAPHIE DE LA SalL1'L'l'IIILiul : .

Obs. II. - ils. M..., vingt-deux ans, célibataire, servante, est entrée

pour la dernière fois dans mon service, le 7 février 1889. Front bas,

resserré vers le haut; tremblement des mains. Ilémianesthésie gauche;

rétrécissement du champ visuel, achromatopsie, surdité, ageustie,

dysosmie, ovaralgie à gauche.

A droite, hyperesthésie avec exagération extraordinaire de tous les

réflexes cutanés; hyperesthésie auditive. Hyperexcitabilité nervo-mus-

culaire généralisée. Accès réguliers d'hystéro-épilepsie ; facilement

hypnotisable.

Chez cette malade on peut déterminer des contractures de la langue

absolument analogues à celles que l'on provoque chez le premier sujet.

Les mêmes contractures et déviations se montrent sous l'influence du

diapason ou de la pression par la baguette (pl. XXXVI). Toutefois, la si-

multanéité de la déviation des globes oculaires est encore plus accen-

tuée. D'ailleurs, pendant une période de la maladie où l'hyperexcita-

bilité neuro-musculaire était singulièrement exagérée, les contractures

semontraient simultanément dans les muscles de la tête et du cou,

de telle façon que la tête prenait la même attitude que la langue, elle

se penchait vers la droite, vers la gauche, en avant ou en arrière.

- J'ai même pu, pendant une expérience avec le diapason-, produire des

contractures de la langue telles qu'il ne m'a pas été donné d'en observer

chez d'autres sujets. En plaçant le diapason vibrant au-dessous du

menton et en lui faisant subir un mouvement de rotation, j'ai pu faire

subir à la langue tirée hors de la bouche un même mouvement de

rotation tel que la langue se plaça de champ dans une situation de

contracture telle qu'un hommebien portant ne pourrait spontanément

la réaliser (pl. XXXVII).

- Du reste, je l'ai dit, la diathèse de contracture est si accentuée chez

cette malade qu'elle ne peut tenir son bras horizontalement pendant

quelques minutes sans qu'il se contracte immédiatement. Si je romps

celte contracture du bras par une friction et une malaxation des mus-

cles, je puis encore le contracturer en le plaçant dans diverses positions.

En même temps, la langue se contracture et se dévie vers le bras

contracture; les contractures du bras et de la langue s'associent donc

chez cette malade.

Me réservant d'insister ultérieurement sur ces divers phénomènes,

je désire seulement présenter quelques conclusions : '

a) On peut chez les hystériques produire des contractures typiques

de la langue, soit à l'état de veille, soit pendant l'état hypnotique, par

l'excitation du nerf acoustique. Ces contractures sont le produit d'un

réflexe central.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE T II. PL. XXXVI

CONTRACTURE DE LA LANGUE PROVOQUEE A L'ETAT DE VEILLE

CHEZ UNE HYSTERIQUE PAR EXCITATION DIRECTE

GFCROST1EF * HABF, ÉDITEURS

NOUVELLE ICONOGRAPHIE.

T. II. PL. XXXVII.

Phototypie Berthaud

CONTRACTURE DE LA LANGUE PROVOQUEE A L'ETAT DE VEILLE

CHEZ UNE HYSTERIQUE

LECROSNIER ET EASÉ, EDITEURS

DES CONTRACTURES SPONTANÉES. 207

b.) Ces contractures se produisent aussi par voie périphérique, par

excitation directe des muscles de la langue.

c) Les contractures de la langue peuvent s'associer avec les contrac-

tures des muscles de la face, du cou, du tronc ou des membres.

d) Les contractures provoquées de la langue ne diffèrent pas de

celles que l'on observe ' spontanément chez les hystériques. Elles

prennent leur source comme ces dernières dans la diathèse de contrac-

ture si bien étudiée par l'École de la Salpêtrière.

Dr Charles LAUFENAUEH,

, Professeur à l'Université de Buda-Pestli.

OBSERVATION DE CONTRACTURE

HYSTÉRIQUE GUÉRIE SUBITEMENT APRÈS UNE DURÉE

DE DEUX ANNÉES

J'ai eu l'occasion de voir, en 1882, avec mon maître, M. le professeur

Charcot, une jeune malade atteinte de contracture hystérique du

membre inférieur droit, remarquable par l'attitude inaccoutumée du

membre, par sa persistance et par la résistance à toute médication.

Elle a été traitée sans succès pendant plusieurs mois par l'hydrothé-

rapie, par les applications aimantées. Puis elle guérit tout à coup vers

1884.

Voici l'observation détaillée.

Ons. I. - A onze ans, contracture des deux membres du côté droit;

guérison du bras droit au bout de dix-huit mois. Le membre inférieur

droit seul demeure contracture. Attitude d'extension. Disparaît la nuit.

Instabilité musculaire. Pas de trouble de la sensibilité. Résiste à toutes

les médications.

Mite X..., de San-Francisco, est âgée de quinze ans (février 1882). Elle a

eu des gourmes dans son enfance, fut couverte d'éruptious jusqu'à sept ans

et eut de fréquentes ophtalmies.

Pas d'antécédents nerveux dans la famille. Elle-même n'a pas eu de con-

vulsions. Elle est grande, blonde, maigre, les lèvres sont un peu épaisses;

elle a l'aspect scrofuleux.

Il y a quatre ans, à l'âge de onze ans, dans un voyage en chemin de fer,

. elle se coucha dans une fausse position, dit-elle, ou eut froid peut-être.

Le lendemain, elle sentit une douleur intense dans la hanche droite. Cette

douleur paraît avoir persisté plusieurs jours. Pendant qu'elle gardait encore

le lit, on s'aperçut que son membre inférieur droit était raide. Peu de

temps après, le bras droit se raidit aussi. Le membre supérieur était

contracture en flexion, les doigts fléchis dans la main, la main sur l'avant-

bras, l'avant-bras sur le bras et porté dans la rotation en dedans et l'adduc-

tion, de sorte que l'avant-bras était placé transversalement derrière le dos.

Le membre inférieur était contracturé en extension : la cuisse étendue

sur la jambe et sur le bassin : le pied en extension (fig. 59, CO).

Au bout de dix-huit mois, le bras s'est guéri graduellement (en plusieurs

semaines) et il n'y reste plus rien d'anormal.

OBSERVATION DE CONTRACTURE HYSTERIQUE. 209

La contracture du membre inférieur persiste, il est impossible il la

malade de s'asseoir : elle mange debout et marche sur le talon, la pointe

du pied relevée.

Pendant la station droite, on voit sur la jambe gauche qui cherche à

conserver l'équilibre, la rotule se soulever de temps il autre et les con-

tractions du jambier antérieur et des jumeau\' : sont très manifestes. Des

phénomènes analogues d'instabilité musculaire s'observent au membre

inférieur droit contracture et sur lequel elle porte par instant tout le poids

du corps. Quand on examine le pied contracturé, pendant un temps assez

long, on remarque des mouvements très lents d'élévation et d'abaissement

de la pointe du pied; la raideur augmente quand on essaye d'abaisser la

pointe du pied, de même quand on essaye de fléchir la jambe sur la cuisse.

En soulevant tout le membre, on entraîne le bassin et le tronc qui

demeure rigide dans l'extension.

Le membre contracturé est amaigri. Voici les mensurations compa-

ratives.

210 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LASALPlTRIÈRE.

Caractère assez égal. Pas de colère. Elle étudie bien.

L'examen électrique révèle une diminution notable de l'excitabilité élec-

trique, tant à la faradisation qu'à la galvanisation, mais sans inversion de la

formule normale.

Cette modification de la contractilité s'observe sur les muscles des jambes

des deux cotes avec une prédominance pour la

jambe contracturée. Mais les réactions des deux

jambes laissent bien moins d'écart entre elles

qu'il n'y en a entre les réactions des deux

jambes d'une part et celles des bras d'autre'

part. Par exemple, l'interruption du courant

galvanique donne des secousses au bras avec

3° du galvanomètre gradué en milliweber,

tandis qu'aux membres inférieurs, il faut de

10 à 15°. Ne s'agit-il ici que d'une différence

entre la résistance électrique des membres su-

périeurs et celle des membres inférieurs ? C'est

probable. Tout ce qu'on peut affirmer, c'est que

la réaction de dégénérescence n'existe pas pour

les muscles diminués de volume de la jambe

. contracturée.

Insuccès de la médication par l'électricité

statique, par les applications aimantées, par

l'hydrothérapie.

Deux ans après, M. Charcot recevait du mé-

decin de la famille la nouvelle de la guérison

qui s'était faite subitement un matin au réveil,

sans émotion particulière, fin septembre 1884,

au.moment de l'apparition des premières règles.

(i J'ai pu constater, dit-il, que sa démarche est

redevenue tout à fait normale et que son pied

ne lui refuse aucun service même pour sauter

et danser. » Mlle X... avait été à Lourdes, où

elle avait bu de l'eau de la grotte miraculeuse,

mais elle n'y avait éprouvé aucun soulage-

ment.

Cette observation, intéressante à plus

d'un titre, est consignée dans mon mé-

moire, encore inédit, sur les contractures et les paralysies hysté-

riques qui a remporté le prix Civrieux en 1883. J'ai pensé utile

de l'en extraire pour la publier ici. C'est sur elle et sur plusieurs

autres que j'appuyais les bases d'une description d'une forme

nouvelle de contracture hystérique, forme que je désignais sous le

Fie. 50.

Contracture du membre inférieur droit.

OBSERVATION DE CONTRACTURE HYSTÉRIQUE. 211

nom de forme cérébrale, pendant que la contracture hystérique vul-

gaire prenait le nom de forme spinale.

Sans entrer ici dans la discussion sur le mécanisme et la pathogé-

nie de ces deux formes de contracture, je rappellerai qu'elles trouvent

leurs analogues dans les états expérimentaux hypnotiques longue-

ment décrits par M. Charcot et par moi sous le nom de contracture

léthargique et contracture somnambulique, et je me contenterai de

donner le résumé du tableau clinique que j'ai tracé de la forme

cérébrale dans le travail cité plus haut.

FiG. 00. - Altitude du pied contracture.

212 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

a) L'immobilité des parties contracturées est généralement moindre

que dans la forme spinale. La raideur varie d'un moment à l'autre, et

l'altitude des membres peut se modifier légèrement. Elle s'exagère

toujours sous l'influence des mouvements communiqués et de l'atten-

tion du sujet.

b) Elle cesse complètement pendant le sommeil, pour reparaître, ce

qui n'a pas lieu dans la forme spinale.

c) Les attitudes variées imprimées aux membres diffèrent d'or-

dinaire de celles décrites généralement dans la forme spinale. Elles

sont étranges, inusitées.

d) Les troubles de la sensibilité, très fréquents dans la forme spi-

nale, n'existent généralement pas.

e) Elle résiste aux esthésiogènes.

f) La diathèse de contracture qui l'accompagne est la forme som-

nambulique, pendant que la diathèse qui accompagne la forme spi-

nale est la diathèse de contracture léthargique.

g) Elle offre des analogies avec la contracture somnambulique, 'et la

forme spinale avec la contracture léthargique.

La forme cérébrale de la contracture hystérique, ainsi que nous

l'entendons ici, se rapproche des contractures que M. Dally désigne

sous le nom de contractures d'appréhension ou d'adaptation. Peut-être

au point de vue clinique y a-t-il similitude complète ; en tous les cas,

nous ne saurions admettre ni la dénomination de M. Dally, ni la rai-

son physiologique qu'il invoque.

M. Dally les désigne également sous le nom de pseudo-contractures.

Elles sont dues à l'appréhension qu'éprouvent les malades à la suite

des tentatives de redressement ou de flexion qui ont été exercées sur

des membres atteints d'une légère arthrite ou périarthrite liée au

traumatisme, au refroidissement ou à toute autre cause.

Le souvenir des douleurs endurées détermine un état de célébra-

tion inconscient qui se traduit par une résistance énergique à'tout

mouvement imprimé au membre malaxé, d'où équilibre musculaire

rompu, sans qu'il y ait pour cela contracture : prédominance tonique

de certains muscles et parésie des autres. La rigidité disparaît pen-

dant le sommeil. Le traitement doit être d'abord mental. Ainsi donc,

suivant M. Dally, la pseudo-contracture est toujours précédée d'ar-

thrite ou de périarthrite, elle a sa source dans les douleurs provo-

quées par les maneuvres thérapeutiques; elle est entretenue par un

état de célébration inconsciente ; l'attitude vicieuse est due à la

prédominance tonique de certains muscles et à la parésie des autres;

OBSERVATION DE CONTRACTURE HYSTÉRIQUE. 213

enfin, un des grands caractères de la pseudo-contracture est de céder

pendant le sommeil.

Suivant nous, la contracture de forme cérébrale n'est pas néces-

sairement liée à une arthrite ou périarthrite : elle existe ayant que

les tentatives de réduction aient été faites. Ces tentatives, il est

vrai, ont pour influence de l'accroître ; enfin c'est une véritable

contracture dans laquelle les antagonistes sont pris au même

degré, comme dans la forme spinale. Pour le reste, nous nous

rapprochons de la description de Il, Dally : siège cérébral et cessation

pendant le sommeil.

PAUL RICI3ER,

Chef du laboratoire de la Clinique dés maladies du système nerveux,

. SUR UN CAS D'ÉPILEPSIE

DONT LES ACCÈS SE MULTIPLIENT SOUS L'INFLUENCE

D'IRRITATIONS PERIPHERIQUES

L'influence des lésions périphériques sur le développement de l'épi-

lepsie est bien connue, notamment depuis les nombreux faits rassem-

blés par M. Brown-Séquard. lais les irritations périphériques n'agissent t

pas seulement en provoquant les premières manifestations convul-

sives ; elles peuvent encore montrer leur action lorsqu'elles se pro-

duisent longtemps après l'apparition des accès en provoquant la répé-

tition plus ou moins fréquente des paroxysmes épileptiques sous toutes

leurs formes. Le fait suivant nous a paru mériter quelque intérêt.

OBS. - Le nommé Arthur, âgé de vingt-huit ans. - Antécédents de fa-

mille. - Parents bien porlants : pas d'épileptiques, d'aliénés, de nerveux

dans ses ascendants.

Le malade est le troisième d'une famille nombreuse; la mère a eu quatre

fausses couches; six enfants sont morts presque tous en bas âge, deux ont eu

des convulsions, et l'un des deux est resté hémiplégique droit; trois autres

enfants sont bien portants.

Antécédents personnels. Convulsions dans l'enfance. Devenu très peureux

à l'âge de onze ans à la suite d'une vive émotion. Trois semaines après il a

son premier accès.

En 1878 (seize ans) premier séjour à Bicêtre : il avait alors un ou deux

accès par mois.

En 1884, second séjour à Bicêtre : il entre dans le service de M. Bourne-

ville ; sept ou huit accès par mois à cette époque; pas d'aura, chute et perte

de connaissance, rigidité, convulsions du côté gauche seulement, ni stertor,

ni écume, ni miction involontaire.

Depuis un an il est sujet à des accès avec propulsion : il se met tout à

coup à courir devant lui à une distance de 50 à 100 mètres puis revient à son

point de départ, la face pâle, livide. Pas de mauvais instincts. Intelligence

affaiblie depuis 1878. Le malade figure à propos de ces accès procursifs dans

le travail de Bourneville et Bricon sur l'épilepsie procursi2e, où on peut

trouver une histoire détaillée de ses antécédents t.

a..trr/t, de Xeurnlngie, 1Rl, f, XIII, 1" 3U.

SUR UN CAS D'ÉPILEPSIE. 215

C'est en 188 que le malade paraît avoir ressenti pour la première fois une

aura précédant les accès. Cette aura part du pied gauche, à la face plantaire

duquel s'est développé récemment un durillon (fig. 61). Le malade ressent un

chatouillement qui, partant de ce point, remonte jusqu'au pli de l'aine.

Elle semble précéder les vertiges procursifs aussi bien que les accès. Pendant

ces accès on note une trépidation clonique dans la jambe gauche qui se géné-

ralise mais reste toujours plus accentuée de ce côté. Le malade réussit quel-

quefois à arrêter l'accès en fléchissant le gros orteil.

En z1885, 193 accès, 1,028 vertiges (comprenant entre autres les vertiges

procursifs).

Le 8 novembre 1886, le durillon du pied s'enflamme et on l'enlève : les

accès avaient été au nombre de 20 pendant le mois précédent; en novembre

ils tombèrent à neuf, en décembre trois, le nombre des vertiges restant à peu

près le. même (54). - En janvier 1887 : 4 accès, 36 vertiges.

En février 1887, le service passe aux soins de M. Féré.

Etat du malade à cette époque. - Poids : 53 kilogr. 500. Côté gauche

de la figure plus petit. - Iris gauche plus coloré. Physionomie un peu

hébétée, parole légèrement bredouillée.

Le malade a encore des vertiges procursifs et des accès avec aura partant

toujours du durillon du pied gauche. Ces accès sont toujours remarquables

par les trépidations prédominant dans tout le côté gauche et en particulier

dans le membre inférieur du même côté.

Il arrive parfois que le malade ne perd pas connaissance. S'il est debout

par exemple, on voit les oscillations débuter par la jambe gauche, d'abord lé-

gères et très rapides; puis elles deviennent plus amples et se généralisent.

Fie. 01.

916 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA 5.1LP1;'l'1t1È111.

Le malade reste souvent debout cependant, le membre inférieur gauche

dans la rectitude. Le malade entend tout ce que l'on dit : il peut même par-

fois répondre aux questions d'une voix entrecoupée par les secousses qui

l'agitent. D'autres fois il tombe et perd connaissance.

Les excitations mécaniques portées sur le durillon peuvent provoquer l'accès

(pression, percussion). Les applications d'acide acétique agissent de même.

D'ailleurs on peut aussi provoquer un accès en percutant le tendon rotulien.

En mars 1887, apparaît sous le pied droit un autre durillon dont l'irrita-

tion provoque aussi des accès avec chute et perte de connaissance parfois.

Ces accès peuvent être arrêtés par la flexion du gros orteil ou la compres-

sion du nerf sous-orbitaire. Le malade, lorsqu'il ne perd pas connaissance,

porte lui-môme la main à son pied gauche et cherche à se déchausser pour

comprimer l'orteil.

Outre ces durillons plantaires il est à noter que la transpiration à la plante

des pieds a toujours été très abondante et détermine souvent des rougeurs de

la peau sans cesse humide.

A la fin de mars 1887, on lui fait faire des chaussures spéciales dont la

semelle présente un creux, grâce auquel le durillon ne porte pas sur le sol,

pendant la marche. On lui fait faire des lotions avec une solutiou de

tannin chaque jour et on veille il ce que ses pieds soient toujours tenus dans

des chaussettes sèches autant que possible.

Pas de modification bien appréciable immédiatement dans le nombre des

accès et vertiges, seulement le malade peut au bout de quelque temps mar-

cher pieds nus et la percussion du lendon rotulien ne provoque plus d'accès.

En avril 1887, on note encore des vertiges procursifs.

En juillet 1887, les durillons sont à peu près guéris, celui de droite tout à

fait. Le malade a cependant encore des secousses, il montre les deux plis in-

guinaux comme point de départ de tiraillements et de chatouillements qui

précèdent l'accès.

On note une recrudescence des accès et vertiges en août et septembre 1887.

Le malade guéri de ses durillons avait cessé momentanément de porter des

chaussures spéciales qu'il a dû reprendre. Il prétend maintenant ressentir

avant ses accès une forte envie d'uriner; s'il peut la satisfaire, l'accès est con-

juré : le jet d'urine est alors très fort.

Depuis celte époque, le malade a changé de caractère; il est devenu que-

relleur, se bat avec les malades et les infirmiers.

Amélioration néanmoins : ses durillons restent guéris : il prend de l'em-

bonpoint et dans les trois derniers mois de l'année, on ilote une diminution

considérable dans le nombre des vertiges.

Les vertiges procursifs ne sont plus mentionnés il celle époque; on note

seulement le fait suivant : souvent le malade au milieu du repos se lève, sort

vivement dans la cour et ne prévient son attaque que s'il urine;

En 1888, nous trouvons 38 accès et 8 vertiges au lieu de 71 accès et 210 ver-

tiges en 1887.

SUR UN CAS D'ÉPILEPSIE. 217

Le malade engraisse, il se sert toujours de ses chaussures spéciales. Les

vertiges procursifs ne sont plus notés, mais le malade devient de plus en plus

méchant et querelleur. Plusieurs fois enfermé à la Sùreté.

En février 1889, le malade a abandonné l'usage de ses chaussures, il ne

reste qu'un léger épaississement épidermique pour marquer la place des an-

ciens durillons. L'état général est excellent, le malade engraisse, et le 23 avril

1889 il pesait 66 kilogr., c'est-à-dire 12 kilogr. 500 déplus qu'en février 188 7.

9 mai 1889, depuis cinq jours le malade ressent de nouveau une aura par-

tant du pied gauche. L'ancien durillon de la plante du pied est tout à fait

guéri : il reste à la place une plaque d'épiderme induré et épaissi, mais tout

à fait insensible à la pression. Seulement le troisième orteil est un peu tu-

méfié et douloureux. Sur la face dorsale il présente des marbrures érythé-

maleuses; et à la lace plantaire, au niveau de la racine de l'orteil, on constate

du gonflement et de la rougeur.

Le malade ne peut appuyer la plante du pied sur le sol en marchant : le

pied porte sur son bord externe. De temps en temps, lorsqu'il pose le pied

par terre, il est pris d'une trépidation de tout le corps, avec larges oscilla-

tions ressemblant à une série de secousses. Ces secousses, partant de la

jambe gauche, se généralisent successivement au bras gauche, au membre

inférieur droit, au bras droit, à la face.

En pressant sur la région tuméfiée de la plante du pied on provoque une

vive douleur, et la trépidation reparaît. Parfois le malade tombe, tandis que

les mouvements oscillatoires recommencent plus forl». On voit alors le tronc

exécuter des mouvements d'oscillation d'avant en arrière comme dans l'attaque

d'hystérie. On peut arrêter l'attaque en pressant le nerf sous-orbitaire. Pas

de perte de connaissance. Le malade continue parfois à parler d'une voix sac-

cadée plus entrecoupée.

13 mai 1889, le gonflement et la rougeur ont augmenté, il semble y avoir

de la fluctuation à la racine du troisième orteil, secousses perpétuelles dans

la journée, trépidation'de tout le corps, mais pas de perte de connaissance.

15 mai 1889, poids : 62 kilogr. 500 (au lieu de 66 il y a quelques jours).

Fluctuation manifeste. Incision dorsale et plantaire sans chloroforme. Le

malade pousse un cri au moment de l'incision, qui donne issue à du pus,

mais n'a pas d'accès. '

Soulagemennt immédiat, nuit bonne, pas de trépidations.

16 mai, les soubresauts reparaissent bien que moins forts, amélioration

sensible : néanmoins quelques accès incomplets sans perte de connaissance

dans la journée.

17 mai, plaie en bon état, trépidations beaucoup moins fortes. Poids :

63 kilogr. Pas de secousses pendant le pansement.

A partir de celle époque, la plaie va rapidement vers la cicatrisation, les

secousses deviennent de plus en plus rares.

Le 29 mai 1889, le malade peut se lever et marcher sur la plante du pied

sans inconvénient : plus de secousses ni d'accès.

218

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALYi : 'l'111ERE.

Actuellement (28 juin 1889, poids : 63 kilogr. 500), le malade est com-

plètement guéri de son phlegmon du pied, et il ne reste qu'un léger épais-

sissement pour inarquer la trace des durillons plantaires. Il n'a eu que deux

accès dans le mois de juin : il n'a plus aucun vertige depuis quatre mois.

Tableau des accès de V..

SUR UN CAS D'ÉPILEPSIE. 1-119

s'est accentuée en 1888 ; pendant cette année, en effet, il n'y a eu que

38 accès et 8 vertiges au lieu de 193 accès et z),8 vertiges en 1885,

136 accès et 497 vertiges en 1887. Enfin, en 1889, sous l'influence

d'une nouvelle irritation locale d'un phlegmon, les spasmes ont subi

une nouvelle recrudescence sous une autre forme. Le succès de mesures

hygiéniques fort simples montre assez que chez les épileptiques comme

chez tous les névropathes en général, on ne doit pas négliger de

faire une recherche soigneuse de toutes les causes d'irritation et s'ap-

pliquer à leur porter remède.

Ch. Féré, IL LA ! 11Y,

Médecin de Bicêtre. Interne des hôpitaux.

il i

NOTE SUR LE PLI FESSIER

On enseigne dans les ouvrages classiques que le muscle grand fessier

forme la saillie de la fesse et se trouve être en même temps, par le

relief de son rebord inférieur, la cause du pli fessier. Il est facile de

constater, cependant, que, dans la saillie de la fesse, il entre un autre

facteur peut-être plus important que le muscle, je veux parler de la

graisse accumulée en ce point sous la peau, et que le pli fessier tient

à d'autres causes tout à fait étrangères au bord inférieur du muscle,

lequel, au contraire, ne pourrait contribuer qu'il l'atténuer et à le faire

disparaître. Quelques mots d'abord sur les formes de la région.

En arrière du bassin proémine la fesse limitée, en dedans, par la

rainure interfessière, en bas, par le sillon courbe du pli fessier qui la

sépare de la cuisse; en dehors, par la saillie du grand trochanter; en

haut, par le sacrum et la partie postérieure du sillon de la hanche.

Ces limites circonscrivent un espace beaucoup plus haut que large

et que la fesse remplit d'un relief inégal. La saillie la plus considérable

occupe la partie inférieure et interne. Elle est arrondie. Elle répond au

grand fessier. En haut et en dehors, la saillie due au relief du moyen

fessier est plus ferme et plus surbaissée. Un sillon peu profond et

oblique sépare quelquefois la région du grand fessier de celle du

moyen.

La graisse qui double toujours la peau de la région, joue un rôle

morphologique important. Elle acquiert son maximum d'épaisseur à

la partie inférieure et interne de la région. Et la saillie de toute la

région estbien souvent beaucoup plus due à l'accumulation graisseuse

qu'au développement musculaire.

La chose est de la dernière évidence chez la femme dont le système

musculaire est généralement peu développé et dont la région fessière

est néanmoins fort saillante. Les fesses fermes et en pointe de la

jeunesse sont dues à un tissu adipeux dur et résistant. Les fesses

aplaties des vieillards sont dues en grande partie il la disparition du

même tissu. On peut remarquer, en outre, que chez les individus qui

présentent un développement musculaire exagéré avec un pannicule

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

T. Il. 1'1.. XXX\'III

PLIS FESSIERS DANS LA STATION DEBOUT

La partie gauche de Il IigUI'3 montre 1..1111'S 1',¡PPOJ'ls ,lvee le muscle grand fessier

dont les limites en haut et en bas sont indiquées par un trait ponctué.

l. E C n 0 B 1 E HT BABÈ, t t 1 T E U n S

Nouvelle ICONOGRAPHE T. H. ('L. XXXIX

PLIS FESSIERS DANS L'ATTITUDE IIANCHÉF, (FEMME)

L I ! i CR 0 fS 11 1 I : nET DA D t, Ê DIT C U R D

NOTE SUR LE PLI FESSIER.

adipeux peu abondant, comme les athlètes et les gymnastes, la saillie

de la fesse n'est relativement pas considérable. Elle est aplatie, et, à

moins que le muscle n'entre en contraction, elle présente une consis-

tance molle et fluctuante que les fesses graisseuses ne présentent pas

toujours au même degré.

La stéatopygie des femmes hoschimanes n'est que le développe-

ment exagéré du pannicule adipeux dont les alvéoles sont distendues

par une série d'amas graisseux volumineux qui donnent à la coupe delà

région l'aspect d'un lipome. Il n'est pas sans intérêt de noter que chez .

les Européennes, le relief des fesses est fort variable et qu'elles

offrent pour ainsi dire tous les degrés d'atténuation de la stéatopygie

des Boschimanes.

En dehors, la saillie de la fesse est séparée du grand trochanter par

une dépression due au mode d'insertion des fibres charnues sur une

large aponévrose d'insertion.

En bas, la fesse est' bornée par le pli fessier, sillon qui est très

profond en dedans et se perd en dehors, ce qui est dû aux fibres

charnues du muscle grand fessier qui descend vers la cuisse à laquelle

appartient véritablement la partie la plus inférieure du muscle.

Ce sillon a une direction horizontale et croise celle du bord inférieur

du muscle grand fessier qui est très oblique en bas et en dehors

(Yoy. pl. XXXVIII).

Il est donc impossible de lui donner, avec la plupart des auteurs, pour

cause, la saillie de ce bord inférieur.

Le simple examen du nu suffit pour se convaincre que le pli fessier

est rattaché aux parties profondes par des adhérences solides. Par

exemple, dans l'attitude hanchée (pl. XXXIX) le pli fessier du côté

de la jambe portante se creuse profondément et forme comme un lien

qui enserre solidement la racine du membre à la partie interne, pen-

dant que, du côté opposé, il suit le mouvement du bassin qui penche,

descend plus bas et tend à s'effacer.

. L'anatomie nous donne la raison de ces apparences. Au niveau du

pli fessier, la face profonde de la peau contracte non seulement des

adhérences avec l'aponévrose fémorale. qui elle-même prend insertion

à l'ischion, mais elle est rattachée à ce même os directement par de

solides trousseaux fibreux découverts dernièrement par mon ami

Paul Poirier, chef des travaux anatomiques à la Faculté (communi-

cation orale). ,

Il en résulte, entre le pli cutané et le bassin, une connexion intime '

qui fait que l'un suit les mouvements de l'autre. On peut constater en

effet que si le bassin s'élève d'un côté, il entraîne avec lui le pli fessier

2±2 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

du même côté qui se trouve alors situé sur un plan plus élevé que celui

du côte opposé et inversement, comme nous venons de le voir dans la

station hanchéc.

Une autre conséquence de cette disposition, c'est que la graisse, de

la région est en quelque sorte contenue dans une espèce de poche

formée inférieurement par les adhérences fibreuses qui vont de la peau à

l'ischion et qui, l'empêchant de descendre versla cuisse, en augmentent

la saillie.

C'est dans cette même poche que se trouve retenue une partie de la

FIG. 02. - Les fesses dans la flexion légère du tronc.

Les muscles fessiers sont contractés.

NOTE SUR LE PLI FESSIER. ? 3

masse charnue du muscle qui, dans le relâchement complet, se trouve

en bas eten dedans sous l'influence de la pesanteur.

Quand le tronc se fléchit en avant, le pli fessier tend à disparaître

et le muscle contracté dessine sa forme très exactement sous la peau

avec son bord inférieur très oblique en bas et en dehors. (Fig. Qg)

Les attaches du pli fessier à l'ischion n'existent que dans sa partie

interne où il est profond; en dehors, ainsi que nous l'avons déjà dit,

le pli fessierse perd avant d'atteindre la face externe de la cuisse, et il

est remplacé par un plan incliné qui descend vers la cuisse et ménage

une transition entre les deux régions voisines. Ce plan incliné est vrai-

ment dû au muscle fessier lui-même.

Il existe quelquefois un second pli fessier un peu au dessous et en

dehors du précédent.

En résumé, le pli fessier est donc un pli permanent maintenu par des

adhérences profondes de la peau au squelette, à l'égal du pli de

l'aisselle. Il augmente la saillie de la fesse qui au-dessus de lui est

surtout formée par le tissu graisseux. La présence du bord inférieur du

muscle fessier le fait disparaître en dehors.

Enfin son union intime avec l'ischion permet de trouver dans sa

direction et sa situation de précieuses indications sur les déviations du

bassin lui-même, comme il arrive dans les affections de l'articulation

de la hanche. C'est à ce titre que nous avons pensé utile de noter ici ces

quelques détails morphologiques.

PAUL RICIIER,

Chef du laboratoire de 1.» Clinique de* maladies du ytemc nonvu-c

ANATOMIE PATHOLOGIQUE DE L'ACROMÉGALIE

(Suite ! ). -

L'hypertrophie de la langue une fois survenue, ses effets devaient se faire

sentir principalement sur les os maxillaires. Cependant, il faut l'avouer, les

difformités de ces os sont trop significatives pour qu'on doive attribuer tout à

la cause susindiquée. Si les os n'avaient pas perdu de leur résistance natu-

relle, il n'y aurait pas eu un allongement aussi notable de la mâchoire infé-

rieure, non plus que la disparition de ses angles, ni la déviation en dehors

des arcades alvéolaiies. On aurait vu plutôt se produire ceci qui a plus d'une

fois été observé dans les cas de macroglossite, je veux dire la procidence de

la langue; mais, par suite de la maladie dont les os étaient atteints, ils n'ont

pu résister à ces efforts incessants dont l'effet était accru par l'hypertrophie

de l'organe, et ont cédé.

Mais cette déviation du type normal des os maxillaires ne pouvait être

l'oeuvre de quelques jours; avant que le prognathisme se prononçât, la langue

qui se trouvait ramassée dans la bouche et la partie supérieure du pharynx

devait avec sa base fermer en grande partie les fosses nasales postérieures et

rendre extrêmement difficile la respiration. C'est pour parer à cet inconvé-

nient que se produisit l'agrandissement des fosses nasales et comme consé-

quence le développement disproportionné du nez. Mais, normalement, toutes

ces déformations ne seraient pas survenues si, à cette époque, ou auparavant,

les os n'avaient pas été malades au point de perdre leur résistance naturelle.

Parles communications existantes entre les fosses nasales et les sinus fron-

taux il est à croire que ces dernières cavités avaient subi aussi un agrandis-

sement qui devint plus grand dans la suite, quand, par l'abus des substances

alcooliques et par l'âge, survint l'atrophie des lobes cérébraux antérieurs :

car alors, comme je l'ai déjà dit, la table interne suivant le cerveau dans les

mouvements s'éloigne de la table externe, produisant l'agrandissement de ces

sinus.

Quant il l'hypertrophie de la lèvre inférieure et de la portion molle du nez,

je crois que, en grande partie, il faut l'attribuer à cel état d'irrigation san-

guine exagérée dans laquelle, pour les raisons signalées plus haut, devait se

trouver la tète. Même ledéveloppcmenthypertrophiquedela glande pituitaire

tenait très probablement à cette cause bien plus qu'à la répercussion sur cet

7. Voir les n" n, G, t. I, 1888 et les n"' 9, 2, 3, 4, t. il, 1889.

AV.1'l'\III : PATHOLOGIQUE DE L'ACROMÉGALIE. 25

organe de l'étal irritatif des os avec lesquels il était en contact. Il resterait

à indiquer les raisons du volume extraordinaire de la verge,mais peut- être

ce phénomène devait-il être rapporté en partie à un développement congé-

nital, et en partie à un développement excessif dans cet organe du système

veineux consécutif principalement à la maladie du coeur... L'auteur

déclare d'ailleurs .qu'il ne tient que médiocrement à toutes ces explica-

tions et est prêt à les abandonner si quelqu'un en trouve de meilleures.

Autopsie de l'Observation XI (IIenrot). - La peau est saine partout, elle

n'est nulle part adhérente aux tissus sous-jacents; celle qui recouvre les

parties hypertrophiées ne présente rien de spécial.

Le corps thyroïde est très développé : il a quatre ou cinq fois son volume

normal.

Les glandes sous-maxillaires sont perdues dans d'immenses masses gan-

glionnaires qui ont renversé le bord libre du maxillaire inférieur, il ce point

que la face antérieure de cet os est devenue presque horizontale; l'os a un

aspect tout particulier; ses déformations symétriques pourraient faire croire

qu'il provient plutôt d'un singe géant que d'un homme.

Les tumeurs sous-maxillaires et péri-parotidiennes sont constituées par

des amas ganglionnaires appliqués les uns contre les autres; elles sont

formées par un tissu homogène, dur. très cohérent, et n'ayant aucune ten-

dance à subir la dégénérescence graisseuse, caséeuse ou tuberculeuse.

La plupart des nerfs, le pneumogastrique, le glosso-pharyngien, le plexus

brachial ont subi une notable augmentation de volume.

Le foie est volumineux, mou, flasque, ne présente rien de spécial à la

coupe. - La rate a au moins le triple de son volume normal, sa consistance

est normale, on trouve dans son épaisseur une petite tumeur du volume

d'une noisette, d'une dureté pierreuse.

Le pancréas, l'estomac, les intestins sont sains, les reins volumineux,

sains.

La langue est hypertrophiée, les papilles gustatives sont très saillantes ; elles

sont manifestement hypertrophiées.

Le coeur est très petit, il a subi un degré d'atrophie considérable, il ne

présente guère que les ` ? /3 du volume de mon poing, et celui-ci ne représente

pas la moitié du poing de notre sujet. - Pas de sérosité dans le péricarde,

quelques plaques laiteuses sur le péricarde, et particulièrement le long de

l'aorte et de l'artère pulmonaire. Les parois du ventricule droit sont très

amincies, celles du ventricule gauche sont peu épaisses; le muscle n'a pas

subi de dégénérescence.

Les parois du crâne ne sont ni épaissies ni déformées ; la base est normale,

sauf au niveau de la selle tnrcique; la nous trouvons des modifications con-

sidérables : la lame quadrilatère du sphénoïde et les apophyses clinoides

postérieures sont très élargies; elles présentent beaucoup moins d'épaisseur

que dans l'état ordinaire, elles sont complètement déjetées en arrière de

£ >l> NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SAL1 ? PliIl.RI ?

façon à agrandir la fosse pituitaire; celle-ci, en effet, au lieu de pouvoir con-

tenir une noisette, a pris des dimensions telles qu'elle peut loger un petit

oeuf de poule. ,

Le paroi antérieure de la fosse au lieu de présenter une saillie est forte-

ment excavée. Quoique amincie, la lame quadrilatère est encore assez solide

pour résister au scalpel. ,

En enlevant le cerveau, M. Leroy, interne du service, éprouve une certaine

difficulté à détacher le corps pituitaire; malgré les précautions qu'il prend,

l'adhérence est telle qu'il coupe la partie la plus saillante de l'hypophyse; il

s'écoule quelques gouttes d'un liquide noirâtre légèrement visqueux.

Sur le maxillaire inférieur, l'os hyoide, le tibia, le péroné, le cubitus, le

radius, en un mot sur tous les fragments d'os qui ont été conservés, nous

trouvons des ostéophytes très développés; sur le maxillaire inférieur, que

nous pouvons prendre pour exemple, les apophyses géni forment des saillies

volumineuses de la grosseur d'un haricot; sur l'os hyoïde, les tubercules qui

donnent inserlion à des muscles et qui habituellement sont à peine marqués,

forment des saillies très manifestes; sur l'extrémité inférieure du libia, dans

les points d'insertion des ligaments, nous constatons également des saillies

osseuses, des bosselures qui donnent à l'os un aspect tout particulier.

Dans d'autres points, sur la face externe de la branche montante du

maxillaire inférieur on trouve des surfaces irrégulièrement circonscrites,

d'un aspect blanc, très dures, éburnées et' parsemées d'une myriade de petits

trous.visibles à l'oeil nu...

L'hypertrophie des mains et des pieds ne porte pas seulement sur les

parties molles, elle atteint aussi les os; nous avons fait sur la main et le pied

conservés, une coupe longitudinale qui permet de ne conserver aucun doute

à cet égard; la même coupe, répétée sur une main et sur un pied d'un

homme de haute stature, nous a permis de constater que l'augmentation de

volume était générale; ainsi, par exemple, le calcanéum mesure au moins

un centimètre et demi de plus chez notre myxoedémateux que chez l'autre

sujet.

Ces ostéophytes, qui se sont développés partout où existe normalement une

saillie, sont plus marqués aux membres intérieurs qu'aux membres supé-

rieurs ; nous ne trouvons d'altération ni dans le canal médullaire, ni dans le

tissu spongieux.

Les cartilages du larynx (thyroïde, cricoïde, aryténoïde) sont ossifiés; les

saillies qu'ils présentent sont beaucoup plus indiquées qu'à l'état normal.

La main et le pied avaient été plongés aussitôt l'autopsie dans une solution

assez faible d'azotate de zinc qui leur avait fait subir une momification spé-

ciale ; depuis cinq ans elles sont placées dans du papier, celui-ci est constam-

ment sali par un liquide visqueux, très gluant, qui n'est pas du gras de ca-

davre, mais quelque matière colloïde, peut-être de la mucine transformée.

Quant au système nerveux, outre la présence de plaques ossiformes dans

les méninges rachidiennes, M. IIenrot constate à la hase de cerveau sur la

W.1'IO\IIC PATHOLOGIQUE DE L'ACROMÉGALIE. 7

ligne médiane aux lieu et place du corps pituitaire une tumeur ovoïde du

volume d'un petit oeuf de poule; le diamètre transversal le plus grand

mesure 42 millimètres, le diamètre longitudinal mesure 30 millimètres; elle

est limitée par les organes suivants (fig. 63, 64) : en avant le chiasma des

nerfs optiques qui est complètement aplati, et forme une large bandelette

rubanée ayant plus d'un centimètre et demi de largeur; son épaisseur est

réduite à 1 ou 2 millimètres; elle forme une vaste concavité en rapport de

configuration avec la tumeur. Sur les côtés, les lobes sphéroidaux du cer-

veau se sont excavés; en arrière, elle repose sur les pédoncules cérébraux.

Quoique régulière dans son ensemble, elle présente en avant et à gauche

une petite saillie arrondie qui semble surajoutée. C'est dans ce point que la

section a laissé une partie de la tumeur adhérente à la selle turcique.

La consistance est demi molle ; il la coupe on constate une partie antérieure

et une postérieure ne présentant pas le même aspect. - En la soulevant

avec précaution on voit ses connexions intimes avec la base du cerveau; elle

se continue directement par l'infundibulum jusqu'au tube cinereum qu'on

tiraille lorsqu'on exerce sur elle une légère traction. L'infundibulum est ré-

sistant, il est beaucoup plus développé que dans l'état normal. La glande

pinéale a au moins le double de son volume ordinaire.

L'examen microscopique a dû être fait au Collège de France, les résultats

n'en étaient pas encore connus lors de la publication de cette observation.

Dans celui fait à Reims, en attendant, on constata que le corps pituitaire

contient de grosses cellules ovalaires il un ou plusieurs noyaux, plus visibles

dans la glycérine et la solution de carmin que dans l'iode, la fuchsine et

l'acide acétique. -- L'hypertrophie du ganglion cervical supérieur du grand

sympathique porte plus sur la gangue crllnlruse que sur les éléments ner-

veux.

Fie. 03.

FIG. 6,

228 NOU'I.LL1. ICOWIGn \l'IIIE DE LA SAI.I'I : TBI1sBls.

Pour le grand sympathique, ce qui frappe tout d'abord, c'est une hyper-

trophie considérable de tous les ganglions et de tous les nerfs qui le constituent.

Portion cervicale. Le ganglion cervical supérieur gauche est très volu-

mineux; il a conservé sa forme, et mesure 45 millimètres de longueur, sur

15 millimètres de largeur.

Le filet carotidien a trois ou quatre fois le volume normal. En avant se

trouvent trois grosses anastomoses avec le pneumogastrique; en arrière trois

gros filets vont se jeter dans l'anse formée par la première et la deuxième

paires cervicales; de l'extrémité inférieure partent plusieurs rameaux : le

plus volumineux aboutit au ganglion moyen qui est placé très bas, immé-

diatement au-dessus du ganglion cervical inférieur; ce dernier étalé transver-

salement mesure 15 millimètres de largeur sur 40 millimètres de longueur.

Portion dorsale. - Le grand sympathique dans toute cette région forme

un cordon présentant au niveau des ganglions de légers renflements; il

mesure 5 millimètres de largeur dans certains points, G millimètres dans

d'autres. En avant on suit parfaitement les branches qui se rendent à l'aorte.

Vers la partie inférieure, il se partage en deux branches qui ont elles-

mêmes la môme importance que le tronc, 6 millimètres; le grand splan-

chnique est la continuation du sympathique. Ces cordons sont plus volumi-

neux que le pneumogastrique dans la région cervicale, ne mesurant que

4 millimètres. Au lieu de trouver une succession de ganglions réunis par des

filcls nerveux plus ou moins importants, nous ne trouvons qu'un gros tronc

nerveux irrégulièrement bosselé.

Portion abdominale. - Le grand nerf splanchnique gauche, après avoir

traversé les piliers du diaphragme, vient se jeter à l'angle supérieur gauche

du ganglion semi-lunaire; il se continue il plein canal à sa sortie du gan-

glion avec une branche volumineuse du pneumogastrique droit.

Le ganglion semi-lunaire et le plexus solaire mesurent 45 millimélres de

largeur sur 30 millimètres de hauteur; ils ne donnent aucune branche par

leur bord supérieur concave, mais par leur bord inférieur convexe ils four-

nissent de nombreux rameaux qui Suivent les arlèrcs mésenlérique supé-

rieure, coronaire stomachique, spléniqnc, etc...

Le grand sympathique du côlé droit quoique n'ayant pas été disséqué avec

le même soin est aussi hypertrophié que celui de gauche dans toutes les

parties que nous examinons.

DESCRIPTION DU 1,' SOUGI1 : 'I"I' D'UN zon AGT1011liGALIQUC

CONSERVÉ AU MUSÉE DE BOLOGNE ('l',\I1.UFFI) 1

l,uï31 Marehetli (squelelte du musée de l3olone) morl en 1808, à 117 ans.

était célèbre comme gros mangeur, aussi sou estomac fut-il conservé.

1. CcsareTaruffi. Délia macrosomia. Arvaali t ! '<;er. ! f[<tt.1MiCttta, 1810, t. CC\1.1 Il

et CCXLIX. 11 s'agit ici de la description d'un spécimen consenti au musée de Bolognc,

ce qui explique l'absence (l'observation clinique et d'examen des viscères, ,

ANATOMIE PATHOLOGIQUE DE L'ACROMÉGALIE. 220

Son squelette a une hauteur de 1 m. 770, soit 1m. 80 de taille de son vivant.

Crâne rétréci latéralement et allongé d'avant en arrière, décrivant une

courbe très régulière, sauf une dépression parsemée de nombreux foramina

au voisinage de la ligne sus-orbitaire.

Toutes les sutures ont disparu, sauf quelques traces de la sagittale et de

la coronaire.

La ligne semi-circulaire de la tempe est très saillante en avant.

Les surfaces d'insertions musculaires sur l'occipital sont très développées.

Les apophyses mastoïdes et styloïdes sont développées.

Les condylcs de l'occipital sont aplatis par suite d'une usure manifeste.

Les sinus frontaux sont extraordinairement dilatés, et la distance entre

l'apophyse crista galli et la glabelle est de deux centimètres.

L'écaille des temporaux est amincie, tandis que les autres os du crâne ont

une épaisseur ordinaire; cependant les bords de la gouttière du sinus longi-

tudinal se montrent surélevés par rapport à l'occipital, et la gouttière elle-

même dans toute son étendue présente de nombreux trous vasculaires; en

somme, tous les points de passage des vaisseaux et des nerfs à la base du crâne

sont notablement larges.

Quoique la face soit extraordinairement longue, elle n'offre pas une largeur

proportionnée, puisque les os zygomatiques ne sont pas plus grands qu'à

l'ordinaire (fig. 65, 66).

Les orbites ont une forme irrégulière, produite par ce fait que l'angle infé-

rieur externe s'abaisse davantage vers l'apophyse orbitaire de l'os malaire.

Les incisures sus-orbitaires sont très profondes, celle de droite est convertie

en un trou.

Les os nasaux sont longs et ont perdu toute trace de suture avec les apo-

physes ascendantes des maxillaires.

La lame perpendiculaire de l'ethmoïde et le septum cartilagineux (ossifié)

vont obliquement à droite jusqu'à la moitié de la cavité. olfactive, puis le

septum et le vomer retournent graduellement sur la ligne 'médiane pour se

soucier avec l'épine nasale, celle-ci fait une saillie notable au-dessus de l'arti-

culation des deux maxillaires entre eux et descend jusqu'à l'origine des

alvéoles.

Les maxillaires supérieurs sent longs de 88 millimètres, soit 22 de plus que

normalement; ils se creusent sous les orbites, se relèvent inférieurement et

sont saillants dans leur région alvéolaire, mais les fosses canines demeurent

très profondes de sorte qu'elles prennent la forme de gouttières.Les proces-

sus alvéolaires et les dents sont dirigés un peu en dehors, cependant leurs cou-

ronnes, particulièrement celles des incisives, au lieu de coïncider avec celles

des dents de la mâchoire inférieure ou de tomber en avant d'elles, se trom ent

placées en arrière, laissant entre elles et ces dernières un intervalle de 2 mill.

La voûte du palais est très haute.

Les apophyses ptérygoïdes ont un développement proportionné à celui des

mâchoires. '

230 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SAI,I)PTI11rRE.

A la mâchoire inférieure les têtes des condyles sont relativement minces

d'avant en arrière (6 très larges dans le sens transversal (22 mill.) et

tournés un peu en avant. Leurs collets présentent des modifications analogues,

et, en outre, leur face antérieure est concave avec un petit tubercule osseux au

bord externe.

Les processus coronoïdes sont amincis, tournés en avant et surpassent on

hauteur le plan des tètes des condyles de 12 mill.

Les deux branches verticales se montrent très agrandies mais plus en lon-

gueurqn'en largeur et leur bord postérieur ne forme pasun angle secontinuant

avec la portion horizontale, mais décrit une courbe qui se rehausse vers la

pointe du menton. Le bord lui-môme, quand il se réunit à la portion horizon-

tale, ne se continue pas avec celle-ci suivant un même plan vertical, mais

présente un accroissement de volume notable limité supérieurement par la

ligne oblique, ce qui, joint à la longueur extraordinaire des 2 branches verti-

cales, contribue à faire saillir le menton de 3 centimètres et demi hors du plan

de la ligne sus-orbitaire (fig. 67, 68).

Le corps du maxillaire inférieur au niveau des incisives a une bailleur de

19 mill., tandis qu'au niveau de la seconde molaire celte hauteur n'est que de

28 mill., d'où il résulte que le plan des incisives est supérieur d'environ

10 mill. à celui des molaires. - Le corps du maxillaire supérieur a en

outre sa face antérieure concave, mais les alvéoles- sont perpendiculaires.

Fin. 6 ? - Crâne normal vu de profil.

ANA'l'0\11G PATHOLOGIQUE DE L'ACROMÉGALIE. 231

Les deux trous mentonniers sont très larges. Les empreintes d'insertion du

digastrique sont très accentuées.

En l'absence de renseignements sur l'état de la face intérieure du crâne

dans la description de M. Taruffi, je m'adressai a mon distingué confrère et

ami le Dr Jules Melotti (de Bologne) et lui demandai s'il ne pourrait combler

cette lacune en examinant lui-môme cette partie du squelette. Voici les

résultats de son examen tels qu'il a bien voulu me les faire connaître en

juillet 1887 : « La selle turcique est considérablement agrandie en longueur,

largeur et profondeur, et cela aux dépens du sinus sphénoïdal qui a presque

entièrement disparu, ainsi que la gouttière qui reçoit l'entrecroisement des

nerfs optiques.

« Les mesures suivantes donnent l'idée de celte augmentation des dimen-

sions de la selle turcique :

232 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

« La distance entre les deux apophyses clinoïdes antérieures est presque le

tiers de la largueur lotale du crâne ; tandis que normalement elle n'en est

que le cinquième.

ANATOMIE PATHOLOGIQUE DE L'ACROIÉGAL E. 233

versai de G centimètres, soit 1 centimètre de plus que la normale pour l'une

et l'autre dimension, tandis que la hauteur est de 2 centimètres, ce qui est à

peu près la mesure ordinaire.

A la première vertèbre cervicale on remarque l'ossification complète des

bords du trou placé à la base de l'apophyse transverse pour le passage de

l'artère vertébrale, ce qui, à la vérité, n'est pas rare; mais en outre on voit

que le sillon supérieur destiné au passage de cette artère est converti en un

trou osseux.

Toutes les autres vertèbres cervicales ont le corps un peu saillant sur la

ligne médiane, les lames de l'arc postérieur raboteuses extérieurement, et les

apophyses épineuses plus ou moins bifides. '

Quant aux'vertèbres dorsales, la face antérieure du corps est poreuse, avec

de petites végétations osseuses au niveau des bords; les apophyses transverses

sont très rugueuses. 1 la douzième dorsale on constate l'existence de deux

tubercules irréguliers qui prolongent en arrière les apophyses articulaires

supérieures, analogues aux tubercules mamillaires de la première lombaire;

Fie. 68. - Crâne d'acromégaliquc vu de face.

"231' i' NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA b'AL1'Is'l'liILILE.

au contraire les apophyses transverses sont plus rudimentaires que normale-

ment.

Pour ce qui est de la colonne vertébrale, l'anomalie la plus importante

consiste dans l'existence d'une vertèbre surnuméraire située au-dessous de la

douzième dorsale. Cette treizième vertèbre dorsale porte à droite deu

facettes articulaires, l'une située sur la partie latérale du corps, l'autre sur

l'apophyse transverse correspondante, elles s'articulent avec la tête et la tubé-

rosité d'une côte surnuméraire longue seulement de 4 centimètres et très

grêle; à gauche il n'y a pas de facette articulaire sur les parties latérales du

corps, mais seulement sur la petite lame qui représente l'apophyse transverse ;

elle s'articule avec une côte rudimentaire longue de 2 centimètres. Cette

treizième vertèbre dorsale diffère de la douzième par le plus grand dévelop-

pement du corps, des tubercules mamillaires et de l'extrémité de l'apophyse

épineuse; celle-ci, outre qu'elle est notablement épaissie, est un peu plus

horizontale que l'apophyse épineuse située au-des&us d'elle; enlin les deux

apophyses transverses sont beaucoup plus étroites que celles de la douzième

dorsale.

Les cinq vertèbres lombaires n'ont de particulier que des dimensions plus

grandes de leurs facettes articulaires, et la présence de végétations sur les

bords de ces facettes. La dernière de ces vertèbres possède, en outre, des

apophyses transverses manifestement plus grosses que les autres, avec les

extrémités bifides, et forme un angle de 110° avec la première vertèbre

sacrée.

Le sacrum, de même que les autres vertèbres, est très gros sans que sa lon-

gueur soit proportionnellement accrue, sa concavité est plus prononcée qu'à

l'ordinaire, sa face convexe est très rugueuse; le coccyx, au contraire, a ses

vertèbres très réduites, et particulièrement la première.

Le thorax est ample et bien conformé ; le corps de la onzième vertèbre

dorsale est distant de l'appendice xyphoïde de 21 centimètres, et, de la moitié

de la huitième côte à la moitié de la même côte du côté opposé, la distance

est de 31 centimètres. La partie postérieure des côtes est grosse, arrondie

avec rehaussement des lignes obliques ; la parlie latérale est aussi plane que

d'habitude, mais beaucoup plus large et plus forte ; la largeur des septième,

huitième, neuvième côtes atteint 2 centimètres. - La portion cartilagineuse

est ossifiée jusqu'à la dixième côte. Le sternum a une longueur de 24 centi-

mètres soit environ 5 centimètres de plus qu'à l'ordinaire, sa grosseur esl pro-

portionnée à celle des côtes; en outre, la poignée est soudée au corps de l'os.

La clavicule et le scapulum sont, eux aussi, proportionnés aux dimensions du

thorax. l'our le second de ces os, la longueur du bord spinal est de 1 centi-

mètres, celle du bord supérieur est de 9 centimètres; en y ajoutant l'apophyse

coracoïde, il atteint 1 1/2; la longueur de l'épine scapulaire jusqu'à

l'extrémité de l'acromion est de 18 centimètres. Cette épine est très déve-

loppée et en partie renversée en bas. Le bord axillaire dans sa partie infé-

rieure s'allonge en forme de lame sur z13 millimètres.

ANATOMIE PATHOLOGIQUE DE L'ACROMÉGALIE. 235

Les os des membres supérieurs n'offrent pas un développement aussi

exubérant que les os du thorax; les humérus sont à peine plus gros (circonf.

8 centimètres) et pas plus longs qu'à l'ordinaire; leur gouttière de torsion

est très large et le tiers inférieur est un peu incurvé avec des bords très

rugueux, ce qui s'oberve aussi pour l'épitrochlée et la cavité coronoïde.

Les os de l'avant-bras sont légèrement plus gros, mais non plus longs que

normalement. Au cubitus, l'apophyse coronoïde est plus saillante, l'olecrane

est gros et rugueux extérieurement; le tiers inférieur dû cubitus présente

au contraire un rétrécissement en guise de col, la surface d'articulation de

sa tète avec le radius est un peu plus haute que d'habitude.

Le radius présente une tubérosité bicipitale concave et rugueuse tandis

qu'elle est ordinairement convexe et assez lisse.

Les os des mains n'offrent de particulier que l'accroissement de leur

volume et le rehaussement des bords des deux premières phalanges à la face

palmaire.

Le pelvis est bien conformé, ses os sont augmentés de volume avec des

rugosités analogues à celles déjà signalées pour d'autres os surtout dans les

points d'insertions musculaires, leurs dimensions sont proportionnelles à

celles des côtes et des vertèbres. La hauteur du bassin mesure 23 centimètres,

sa largeur entre les deux points extrêmes d'une crête iliaque à l'autre 30

centimètres. Le diamètre antéro-postérieur est de 97 millimèlres et le dia-

mètre transversal de 132 millimètres. Le plan du détroit supérieur a une

inclinaison de 32° seulement, ce qui est très inférieur à la moyenne admise

par Naegele (601).

Les fémurs sont très longs et très gros, dans leur tiers moyen ils ont une

circonférence de 105 millimètres (au lieu de 8G millimètres). Pas d'anomalie

dans leur forme, sinon la présence des aspérités déjà signalées. Cependant

l'angle du col avec la diaphyse n'a que 120", soit 51 de moins que la moyenne

(120° à 130°).

Les os de la jambe et du pied sont, eux aussi, volumineux, par exemple le

tibia a une circonférence de 95 millimètres à son tiers moyen, au lieu de

80 millimètres, mais ni le tibia ni le pied ne sont plus longs que normale-

ment.

AUTOPSIE DU MALADE DE L'OBSERVATION XI

('1'1 ès résumée) ' 1

(FnI'1SCIIE ET Bleus)

L'enveloppe cutanée du crâne est uniformément épaissie : 9 mill. il 1 cent.

Le tissu cellulaire sous-cutané est lâche, sans surcharge graisseuse; le

périoste n'est pas épaissi et se détache aisément des os.

1. Il ne sera question ici que de la description macroscopique; nous aurons dans une

autre partie de ce travail à revenir sur la description microscopique donnée par ces autours,

il. lu

z36 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.

La voûte crânienne, d'une forme ovale allongée avec partie frontale étroite,

se montre dans ses parties latérales notablement mince dans la fosse tem-

porale ; son épaisseur en certains points ne dépasse pas 1 mill. (fig. 69).

La partie occipitale, au contraire, est nettement épaissie jusqu'à 10 mill. ;

de même pour le frontal et la partie du pariétal voisine de la suture sagit-

tale; les sinus frontaux sont remarquablement larges. Les sutures sagittale

et frontale sont indistinctes, en partie soudées.

La surface interne des os du crâne se montre dans son entier lisse, mais

coupée par des empreintes vasculaires nombreuses et très profondes. A la

surface interne de la moitié gauche de l'écaille du frontal se trouvent de

nombreux dépôts ostcophytiques aplatis auxquels adhère la dure mère. Les

granulations de Pacchioni ne sont pas particulièrement abondantes.

Le sinus longitudinal est large. La pie-mère est tout à fait lisse et mince.

¡ ! G. (j0.

ANATOMIE PATHOLOGIQUE DE L'ACROMÉGALIE. 237

Les circonvolutions cérébrales sont d'une forme compliquée avec nombreux

plis de passage, le sillon de Rolando ne se montre nellement qu'à l'origine

de la scissure de Sylvius.

Le cerveau tout entier est évidemment augmenté de volume et d'une façon

uniforme. Son poids est de 1,800 grammes. Le pont de Varole mesure en

longueur 3 cent. 2; en largeur, au point d'émergence des nerfs trijumeaux,

4 cent. 5. Les gros ganglions centraux mesurent sur la coupe principale

(45" en arrière et en dehors de l'angle entre le corps calleux et le cerveau

proprement dit) 8 cent. 3, depuis l'extrémité antérieure du noyau caudé

jusqu'à l'extrémité postérieure de la couche optique.

L'écorce cérébrale est mince, en lout cas elle n'est pas épaissie. Les ven-

tricules latéraux, un peu élargis; contiennent un sérum clair.

Les grosses artères de la base du cerveau se montrent notablement larges;

quant aux vertébrales, la droite seule est fort développée. La basilaire est

particulièrement large, ses parois sont uniformément épaissies.

Les nerfs crâniens sont en général plus développés que normalement.

L'augmentation de volume est surtout notable pour la 3e paire et pour les

nerfs optiques. Ces derniers sont comprimés latéralement par une tumeur

de la grosseur d'une noisette qui remplit la selle turcique dilatée et forme

au-dessus de celle-ci une saillie hémisphérique; le nerf optique droit est un

peu plus comprimé que le gauche, il est fortement aplati, et, lorsqu'on le

détache de la tumeur il se présente sous la forme d'un ruban plat d'un cent.

de-largeur; le nerf optique gauche est encore arrondi, son diamètre est de

6 mill. La tige de l'infundibulum est nettement augmentée de volume, elle

se juxtapose comme une large lame jaunâtre à la partie latérale droite de

la tumeur.

La tumeur de l'hypophyse (extirpée avec une partie du sphénoïde) se

présente comme une masse extrêmement molle, liquide à l'intérieur, en-

veloppée d'une membrane mince riche en vaisseaux dans laquelle se prolonge

l'infundibulum. La paroi postérieure de la selle turcique est transformée

eu une laine osseuse mince avec revêtement normal de dure mère. En avant,

la lame non modifiée de l'ctlimo'ide limite la tumeur. Le fond de la selle

lurcique est plus profond, à part cela non modifié; il n'existe aucune com-

munication avec la cavité du sphénoïde. La muqueuse pharyngée est for-

tement tuméfiée, gorgée de sang, couverte d'un mucus visqueux; cette tumé-

faction rétrécit notablement le calibre du pharynx ; les cornets fortement agran-

dis, recouverts d'une muqueuse d'un rouge sombre, y font une saillie assez

marquée. Le revêtement muqueux des fosses nasales ne semble pas modifié.

Le globe de 1 aeil aussi semblait augmenté de volume (diamètre horizontal

2 cent. 5; diamètre longitudinal 2 cent. 4).

Les cartilages costaux sont d'une largeur et d'une épaisseur extraordinaires,

mais d'une forme régulière; au niveau de leur insertion aux os ils sont plus

élargis, ce qui donne un peu l'aspect du chapelet rachitique.

Les pneumogastriques au cou sont régulièrement, épaissis, il peu près du

;¡8 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA S.1L1'GfItIUItE.

wlurnc d'un médian normal. Les sympathiques sont aussi un peu plus gros

que normalement. Les carotides extraordinairement larges, avec des'parois

régulièrement épaissies.

Coeur gros, très mou, la mitrale et la tricuspide admettent 3 doigts; poids

du coeur 550 gr.

Circonférence de la mitrale 1, de la lriscupiùe 11 cent. Longueur du coeur

de sa pointe l'issue de l'artère pulmonaire = 13 cent. 3. Ses cavités sont très

larges, sa musculature vigoureuse, les muscles papillaires fortement allongés.

Les artères ont un diamètre très augmenté (les auteurs insistent beaucoup

sur ce point et entrent dans de grands détails). -

Le thymus 'est remarquablement développé; il forme une masse trian-

gulaire se prolongeant en haut sous l'aspect d'un cordon jusqu'au corps

thyroïde, dont la parlie principale est longue à gauche de 13, il droite de

11 cent. et dont la base mesure 9 cent. ; son épaisseur est d'environ 1 cent.

Le larynx, le corps thyroïde, la langue sont tous trois régulièrement aug-

mentés de volume, mais sans altérations. Les glandes de la racine de la

langue un peu luméfiées.

lutte notablement augmentée de volume; longueur 18, largeur 13, épais-

seur G et demi. Poids 750 gr., consistance ferme.

Rein gauche très gros '1 cent. 0 et 4 cent. 5; poids 325 gr.

Rein droit un peu moins gros, poids 275 gr.

Capsules surrénales très amincies, la substance corticale ne consiste qu'eu

une mince couche jaunâtre; la substance médullaire est un peu plus abondante.

Foie gros, lourd, 2,800 gr., vaisseaux portes larges et remplis de sang

noirâtre. Largeur 32 cent.

Estomac très large, muqueuse très plissée.

Ganglions mésentériques légèrement augmentés de volume, un peu rouges.

Dans l'intestin grêle beaucoup de mucus, follicules tuméfiés.

Vessie et prostate sans modification,

Testicules de volume moyen, pâles et mous.

AUTOPSIE D'UN CAS OBSERVÉ PAR M. LANCER EAUX 1

Aplatissement du front; hypertrophie des os du crâne, cerveau petit,

tumeur du corps pituitaire du volume d'un petit oeuf de poule. Agrandis-

sement de la cavité pituitaire. Selle turcique : communication probable avec

le sinus sphénoïde. Un liquide blanc dû a des éléments altérés s'en écoule;

1. Il s'agit d'une femme qui, pendant sa vie, avait été considérée commc atteinte de

cachexie exophtalmique. Quelques détails de l'autopsie rapportés dans le Traité d'Ana-

tomie pathologique de ,,1. Lanccrcaux (t. 111, 1" partie, p. z0) m'avaient frappé, et j'avais

pensé qu'il pourrait bien s'agir d'un cas le fis part do mes doutes 11. Lau-

cereaux yni, avec une libéralité à laquelle je suis heureux do rendre hommage, voulut mou

rechercher dans ses notes et me donner les renseignements complémentaires consignés

dans cette relation d'autopsie, renseigncmonb qui rendent absolument ccrtain le diagnos-

tic rétrospectif d'acromégalie.

ANATOMIE PATHOLOGIQUE DE L'ACROMÉGALIE. 239

il reste une membrane cellulaire très vasculaire; dépression du cerveau au

niveau de la tige pituitaire; lobes antérieurs petits.

Hypertrophie du tissu cellulaire du fond de l'orbite et de la graisse.

Exophtalmie considérable, yeux assez sains. Hypertrophie du nez, des

paupières, des lèvres surtout, et des principaux os de la face, plus parti-

culièrement du maxillaire inférieur. Les dents sont écartées comme si elles

n'avaient pu suivre le développement de la mâchoire; elles sont assez ré-

gulières il leur extrémité libre. Mamelles très développées. Ossification des

carlillages costaux; qoitrine bombée en avant comme dans les déformations

rachidicnncs. Corps thyroïde : volume hypertrophié renfermant de petites

tumeurs arrondies, les unes jaunâtres et constituées par des éléments glan-

dulaires, ce ne sont probablement que des vésicules closes, les autres ren-

ferment une sérosité comme gélatineuse; enfin on en trouve qui contiennent t

du sang ou mieux un liquide brunâtre sanguinolent.

Voix rauque. Larynx large, ossifié. Quelques lobules des poumons hépatisés

à la base; oedème, liquide dans les plèvres. Hypertrophie avec dilatation con-

sidérable du coeur, cavité ventriculaire gauche très dilatée, paroi un peu

épaissie; coloration jaunâtre; fibre musculaire très granuleuse. On trouve

cependant encore un grand nombre de fibres striées ; cavité droite dilatée ;

orifice droit idem', mais moins que le gauche qui admet les doigts.

Hypertrophie de la paroi des oreillettes. Foie : a son lobe droit doublé ou

triple de volume; il la partie supérieure et moyenne une dépression froncée

capable do contenir un oeuf de pigeon. Lobe gauche très petit, atrophié,

épaississement des cloisons fibreuses, points blanchâtres assez analogues à

des trames d'anciennes tumeurs. Cellules petites granuleuses, quelques-unes

graisseuses. Tissu conjonctif abondant.

Rate, dure, volumineuse 15-18 cent. Reins, augmentés de volume, presque

le double des reins normaux; tunique fibreuse assez adhérente, surface un

peu irrégulière; teinte jaunâtre, consistance très ferme. Altérations grais-

seuses des cellules épithéliales, tissu conjonctif abondant, quelques petits

kystes. Hypertrophie de la paroi de l'estomac. Utérus très petit. Ovaires du

volume d'un petit oeuf de pigeon.

Membres supérieurs et inférieurs normaux; les supérieurs sont plus

volumineux relativement que les inférieurs, de telle sorte que l'excès de

nutrition somblait plutôt appartenir aux parties supérieures.

L'état des dents, de la mâchoire, du foie, semble nous fairc supposer une

syphilis héréditaire qui aurait donné lieu dans ce cas il un excès au lieu

d'un défaut de nutrition.

SQUELETTE D'ACItO\IÎ : GALIC 1

Ce syuclclle est celui de l'obs. II du mémoire de Marie (Héron, veuve

1. A. Broca. - Un squelette d'acromégalie. - Archives générales de médecine, dé-

cembre 1888.

2111 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

Beaufils, 54 ans, lingère). La ilialade-étalit morte, il y a environ deux ans,

dans le service du professeur Charcot, mon excellent ami Marie m'a chargé

d'étudier son squelette, j'en donnerai une description aussi complète que

possible; trop longue sans doute, trop minutieuse et trop ardue. Mais on

n'oubliera pas qu'il s'agit d'une maladie encore mal connue sous beaucoup

de rapports, pour laquelle on en est à la phase d'observation simple. Il est

donc permis de n'omettre aucun détail, au risque de paraître fastidieux.

Face externe du crâne. Les sutures, ne sont nullement ossifiées. Au

niveau de l'occipital, de l'apophyse mastoïde, du rocher, toutes les rugosités

et crêtes musculaires sont très marquées. Les apophyses mastoidesfont un

relief considérable et sont creusées en dedans d'une rainure digastrique très

profonde. Hauteur de la face externe 40 mill., entre le sommet et la ligne

horizontale qui prolonge en arrière la racine transverse de l'apophyse zygo-

malique : 14 mill. au-dessus du bord interne de" la rainure digastrique.

Largeur entre le trou auditif externe et le trou mastoïdien 38 mill. Diamètre

transversal à la base, 2 i. mill. à droite et 22 mill. il gauche.

Les condyles de l'occipital sont à peu près normaux quoiqu'un peu bos-

selés ; ils sont entourés d'élevurcs spongieuses.' ;

La.' cavité gléto'ide dit, temporal a une forme anguleuse, le sommet de

l'angle étant formé par la scissure de Glaser. Le bord inférieur de l'apophyse

vaginale est à 20 mill. au-dessous de cette scissure; la racine transverse, il

15 mill. La dépression située derrière la racine transverse (cavité glénoide

proprement dite) est presque verticale (racine transverse : longueur 33 mill. ;

épaisseur 7 mill.). La paroi supérieure de la fosse zygomatique est plus

ascendante que normalement. Les apophyses stylo'ides dépassent de 25 mill.

le bord inférieur de l'apophyse vaginale; elles ne sont distantes que de 16 mill.

du sommet du crochet de l'aile interne de l'apophyse ptérygoïde. Cette aile

est certainement élargie (25 mill. entre la bifurcation des deux ailes et le

sommet du crochet). Les crêtes des insertions musculaires à ces apophyses

ptérygoïdes sont très marquées.

PIERRE Marie.

(A suivre.)

LE MIRACLE OPÉRÉ

SUR MARIE-ANNE COURONNEAU LE 13 JUIN 1731 1

Les observations que nous ont transmis les anciens auteurs, particu-

lièrement en ce qui regarde les malades du système nerveux, ne sont

pas toujours faciles à utiliser. Les symptômes principaux sont souvent

laissés dans l'ombre, alors que les détails d'un intérêt tout à fait secon-

daire sont placés en pleine lumière et déroutent l'exégèse médicale.

Ce qui nuit encore singulièrement à l'interprétation des faits c'est

que l'observation est dans la grande majorité des cas tellement noyée

au milieu de théories touffues que, si l'on voit bien ce qui appartient

au théoricien suranné, on ne discerne plus par contre ce qui est

l'expression même de la nature toujours une à travers les siècles.

Toutefois, il est des maladies dont certaines manifestations sont si

spéciales, si tranchées, que celui qui les considère est véritablement

forcé « d'observer comme une bête», et de ce nombre bien souvent,

pour ne pas dire toujours, se trouve l'hémiplégie hystérique.

Todd en a donné une description que M. Charcot a rendue classique,

en y ajoutant encore l'étude du spasme glosso-labié qui l'accompagne

si souvent. Nous la reproduirons bientôt sous forme de comparaison

en interprétant le « Miracle opéré sur Marie-Anne Couronneau frappée

de paralysie sur tout le côté gauche... privée de l'usage de la parole,

au point de ne pouvoir prononcer aucun mot bien articulé, guérie en

un moment sur le tombeau de M. de Pâris, le 13 juin 1731 0.

Carré de Montgeron, qui rapporte ce miracle, bien que n'appartenant

pas au corps médical, n'était pas néanmoins un observateur ordinaire.

Il savait solliciter les récits des témoins oculaires, y joignait les certificats

médicaux et entourait chaque relation du fait qu'il considérait comme

miraculeux de pièces justificatives dont la lecture est des plus instruc-

tives. De plus, il est absolument certain que la plupart des magnifiques

planches qui ornent son ouvrage, ne furent pas dessinées, de mémoire,

1. La Vérité des miracles opérés par l'intercession de M. de Paris et autres appelons...

par M. Carré de Montgeron, conseiller au Parlement de Paris, t. 1 ? Nouvelle édition revue

et augmentée par l'auteur. Cologne, 1745.

242 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.

de « chic », comme on dit en style d'atelier, car beaucoup d'entre elles

sont l'expression exacte delà nature prise sur le fait.

De ce nombre est la gravure que nous reproduisons (pl. XL) et qui

seule, en dehors de tout autre document, permettrait presque au diag-

nostic de s'établir sur des bases solides. , '

Aussi, pour toutes ces raisons, suivrons-nous pas à pas, le « récit »

qu'il donne « tiré des pièces justificatives » n'intervenant que pour

interpréter les faits qui s'y trouvent exposés.

«Marie-Anne Couronneau naquit à Saumur en 1063, d'un des plus

riches marchands delà ville, mais malheureusement infecté du venin de

l'hérésie. LaProvidence qui avoit des desseins de miséricorde sur cette

fille,' eut soin de la soustraire à ses parents dès ses plus tendres années

pour la confier à des personnes charitables qui lui firent sucer avec le

lait la doctrine de la vérité, et qui l'élevèrent dans les maximes de la

piété la plus pure.. Cependant, cette main de miséricorde dont rien

n'est digne que ce qui est éternel, en même temps qu'elle répandit sur

elle avec profusion les dons de la grâce, la priva de ceux delà fortune.

La .Couronneau'se soumit volontiers à cette épreuve, aimant mieux

vivre dans la. pauvreté que d'habiter sous le pavillon des pécheurs.

Elle'préféra la condition de servante dans un pays catholique, à celle

de riche bourgeoise dans le sein de l'hérésie, et refusa toujours cons-

tamment d'aller trouver ses parents en Angleterre. »

Il est facile de s'imaginer ce que dut être, dans ces conditions, la vie

physique et l'état mental de cette malheureuse « d'un tempérament

toujours' assez faible et assez infirme dans sa jeunesse », que le fana-

tisme'religieux avait enlevée aux soins et à la tendresse de ses pa-

rents exilés. Nul doute que les souffrances morales qu'elle éprouva

durent influencer défavorablement sa constitution débile et favoriser

l'explosion d'accidents qui à la vérité furent tardifs, car au moment

de leur apparition elle était âgée de soixante-sept ans. Il est vrai que

nous ignorons s'il'n'en avait pas existé antérieurement d'autres de

même nature.

« Le 1" novembre '1730, une attaque d'apoplexie, lui ôtant en un

moment l'usage de la parole, la connaissance et les forces, lui annonce

l'étal fâcheux où elle va bientôt être réduite. Une saignée, l'émétique

et deux autres médecines la soulagent un peu. Le mal ne dominoit pas

encore; l'art et la nature travaillèrent de concert à en retarder la

maligne impression; les forces revinrent mais non en leur entier : sa

parole resta fort engagée, néanmoins elle pouvait encore se faire

entendre. Mais huit jours après, revenant de l'Hôtel-Dieu où elle avait

eu sa première attaque, et passant sous le petit Châtelet, elle est saisie

NOUVELLE cdvoce.»u1r

T. Il, PL. 71. 1

LECnOSNlER ET BADE, ¡;;01T&UnS

MIRACLE OPÉRÉ SUR MARIE-ANNE COURONNEAU. 213

tout à coup d'un froid glaçant et d'un engourdissement sur tout le côté

gauche qui lui laisse à peine le moyen de se traîner jusque dans une

maison voisine où elle a des mouvements convulsifs si violents qu'ils

lui ôtent de nouveau l'usage de la parole. On a toutes les peines

possibles à la ramener chez la demoiselle Jeanne Garnier, sa charitable

maîtresse ; on emploie derechef l'émétique, on a recours il des saignées

du bras et du pied, et à plusieurs autres remèdes qui adoucissent la

violence du mal sans le guérir. Tous ces secours ne peuvent empêcher

que la difficulté à parler et à marcher ne fût encore beaucoup plus

grande qu'après la première attaque... En effet, après quelque temps

la maladie empire à vue d'oeil, le peu de force qui lui reste diminue

tous les jours et semble s'éteindre peu à peu. Enfin, le 19 décembre de

la même année 1730, sa maîtresse s'aperçoitque sa langue est encore

beaucoup plus engagée qu'à l'ordinaire, ce qui la détermine à la faire

conduire à l'Hôtel-Dieu où elle a une soeur religieuse.

« A peine notre malade y est-elle que, sans perdre de lemps, M. Seron,

médecin de cet Hôpital, lui fait prendre l'émétique. Il ajoute coup sur

coup la saignée de la gorge à celles du bras et du pied. Il met tout en

oeuvre pour sa guérison, mais tous ces remèdes n'ont d'autre effet que

de lui ôter le peu de force qu'elle avoit encore. M. Seron est si convaincu

qu'ils ne font que fatiguer la malade en pure perte qu'il les fait tous

cesser, et comme on ne garde point de malades incurables dans cette

maison, le G janvier 1731 on avertit sa maîtresse de venir la reprendre.

« Mais comment Iransporter les membres froids et perclus de cette

impotente ? Les nerfs et les muscles de la jambe gauche se trouvent

tellement relâchés que cette jambe pend beaucoup plus que la droite

et qu'il, ne lui est plus possible, non seulement de s'appuyer dessus,

mais même de la lever; et tout son côté gauche étant en paralysie, elle.

ne peut presque plus tirer aucun secours de sa main. Sa charitable

maîtresse l'embrasse, la soulève, et la malade se soutenant un peu

sur sa jambe droite, se servant d'une canne qu'elle tient du même côté,

se fait ainsi traîner jusqu'au bout de la salle.

« Arrivée au bord du degré, la difficulté devient cncore'beaucoup plus

grande. Le secours de trois personnes suffit à peine pour la transporter

jusqu'à la chaise qui l'attend à la porte ; deux la prenant sous les bras

lui soutiennent tout le corps, et une troisième lui porte en l'air son

pied gauche pour l'empêcher de se briser en tombant sur les degrés

de marche en marche. Sa langue est presque aussi percluse que tout le

côté gauche de son corps : elle ne peut plus former que quelques

demi-mois mal articulés qui, joints à ses gestes et au mouvement de

ses lèvres, donnent plutôt a deviner qu'à entendre ce qu'elle veut dire ;

211 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

et ce peu de syllabes mal prononcées lui coûte encore des efforts si

extraordinaires, qu'elle fait une véritable peine à tous ceux qui la

voient.

«Tel étoit l'état déplorable où la paralysie avoit alors réduit la Cou-

ronneau. Elle étoit complète, disent les maîtres de l'art, sur la cuisse,

la jambe et le pied gauche, et incomplète sur la langue, sur le bras et

sur le reste de ce côté. Aussi conserva-t-elle quelque mouvement dans

le bras gauche qui même se fortifia un peu ; mais elle se trouva dans

l'impuissance absolue de faire aucun, usage de sa jambe qui étoit

toujours d'un froid glaçant et d'une insensibilité entière, et il ne lui

fut plus possible de se faire entendre excepté dans quelques intervalles

passagers, où elle articuloit quelques mots il force d'efforts et de

contorsions... Obligée de rester sans cesse assise dans un lit ou dans

un fauteuil, elle est bientôt toute écorchée par la continuité de cette

situation.

« La nàlme ingénieuse à se procurer les soulagements nécessaires et

la piété de la malade encore plus active que la nature, et qui la portoit

à souhaiter avec ardeur d'aller à l'église, lui firent quelque tems

après trouver des secours que son état lui refusoit... Son génie lui

fournit enfin l'industrie d'une mécanique admirable. Ayant fait

connaître qu'elle souhaitoit des lisières, elle en fait un étrier par lequel

elle soutint en l'air' son pied paralytique. Elle se fait attacher cet

étrier avec des bretelles, qui portant sur ses deux épaules s'accrochoient

à sa ceinture, et soutenoient ainsi son pied gauche, pendant que tout

son corps étoit pendu sur ses deux béquilles; mais, cela ne suffisant

point encore, elle joignit à tout, cet attirail une seconde lisière qui

tenoit à sa jambe gauche et qui étoit passée autour de son bras droit,

par le moyen de laquelle tirant en avant sa jambe gauche de toutes

ses forces avec sa main droite, elle faisait avancer son côté gauche par

une violente secousse. Mais, pour lui donner ce mouvement forcé, elle

étoit obligée de se renverser en arrière, et de faire des contorsions et

des grimaces si affreuses, qu'elles faisoient horreur à tous ceux qui la

voyoient...

« C'est dans ce déplorable état que la Couronneau, mettant toute sa

confiance dans celui qui sait ranimer les morts, prend la résolution, le

26 mars 173 ), de se transporter aSaint-Médard pour demander à Dieu

sa guérison par l'intercession du saint Diacre. »

Elle se met en route, à pied, dès la pointe du jour« avecson attirail

de béquilles et de lisières », refusant une voiture que lui offrait sa

maîtresse, et pensant par cette mortification se rendre le saint plus

propice... «Elle n'arrive à Saint-Médard que vers les dix heures : elle

MIRACLE OPÈRE SUR MARIE-ANNE COURONNEAU. 21

y contente sa ferveur et sa piété par une prière de deux heures. » Mais

l'heure de la guérison n'avait pas encore sonné. Elle revient chez elle

le soir à huit heures exténuée de fatigue. « Sa main droite dont elle

avoitété obligée de se servir sans cesse en est tellement foulée, qu'elle

en perd entièrement la force pendant près de trois semaines. » Elle

modifie son appareil de traction à l'aide d'une nouvelle lisière et à la

fin du mois d'avril entreprend un nouveau voyage.

« Ce second voyage lui procura quelque soulagement : un peu plus

d'action dans son bras paralytique sans cependant aucune sensibilité,

un peu moins de peine à prononcer quelques syllabes, qui ne pouvoient

cependant être entendues que par ceux qui étoient accoutumés à deviner

par signes ce qu'elle vouloit dire... Au reste, sa main et sa jambe

gauche restèrent toujours dans'le même état sans aucun mouvement

et sans aucune sensibilité, jusqu'à ne pas s'en apercevoir quand on y

enfonçoit des épingles... Elle est restée dans ce déplorable état jusqu'au

13 juin suivant. » ,

Sur ces entrefaites sa maîtresse, pour laquelle elle a une profonde

affection, tombe malade. La voici doublement désespérée, incapable

qu'elle est d'être utile à celle qui la comble de bontés. '

Aussi notre paralytique, ce se sentant vivement portée à exécuter son

entreprise, part le 13 juin, de grand matin, munie de ses béquilles et de

tout son équipage. La peine extrême qu'elle eut à se traîner jusqu'à

Saint-Médard ne la rebute point. En arrivant, elle prie par signes et en

bégayant qu'on la soutienne pour baiser la tombe : on s'offre à l'y

coucher, elle accepte avec joie. Aussitôt la froideur de ce marbre

allume en son coeur la ferveur et la confiance ; elle en profite pour

faire une ardente prière à Dieu et à son fidèle serviteur... elle y répand

son coeur avec une effusion sans bornes, elle arrose ce sanctuaire de

bénédictions d'un torrent de larmes.

« Tout à coup, au milieu des transports de son ardente prière elle sent

un serrement et un mouvement dans le talon de sa jambe paralytique

qui est le signe aussi bien que l'impression salutaire de la main de

Dieu sur elle... elle recommence ses prières avec plus de ferveur que

jamais. Dans ce moment, on la retire de dessus le tombeau pour faire

placé à d'autres malades : on l'arrache malgré elle de cet autel déposi-

taire de ses voeux, et on la remet sur ses béquilles dont on présumoit

qu'elle avoit encore besoin...

o A peine notre miraculée a-t-elle fait quelques pas qu'elle sent en

elle-même une légèreté extraordinaire dans tout son corps accompagnée

de frémissements dans tout le côté paralytique ; ce qui,la jette d'abord

dans la surprise et l'étonnement. Elle s'aperçoit peu après qu'elle se

4G NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

soutient sur son pied paralytique qui a recouvré toute son action et

toutes ses forces, elle lève ses béquilles en l'air et avance à grands pas,

elle marche si vite qu'elle eût pu, dit-elle, suivre un carrosse, et, en un

moment elle se trouve à la porte de la maison de sa maîtresse si émue

et si hors d'elle-même qu'elle ne se connaît plus et qu'elle ne peut

comprendre comment elle a pu faire en si peu de temps un si long

trajet... Cette langue quinepouvoit que bégayer s'énonce parfaitement

avec la liberté la plus entière ; ce bras privé de tout sentiment et de

presque tout mouvement agit avec facilité et avec force ; cette cuisse,

cette jambe et ce pied qui n'éloient plus pour elle qu'un poids lourd et

accablant et qui depuis plus de six mois ressembloient mieux aux

membres d'un cadavre qu'à ceux d'un corps animé, se trouvent pleins

d'une vigueur très supérieure à l'âge de notre miraculée, et aux forces

qu'elle avoit avant sa maladie. »

Les médecins qui avaient déclaré la malade incurable quelques

jours auparavant encore « ne peuvent s'empêcher de reconnaître

l'oeuvre de Dieu ». Dès le lendemain, elle se hâte de courir d'un bout .

à l'autre de Paris et de se montrer à toutes les personnes de sa con-

naissance.

« Depuis ce jour elle jouit d'une santé plus forte, plus agile, plus

vigoureuse que jamais et non seulement supérieure à son âge présen-

tement de soixante-seize ans et aux forces de son tempérament qui

avoit toujours été assez faible et assez inférieur dans sa jeunesse,

mais elle est devenue infatigable : elle court depuis le matin jusqu'au

soir pour visiter tous les malades qu'elle peut connaître, et qu'elle

tâche de soulager. Elle en portoit sur ses épaules jusque sur le tom-

beau du saint Diacre, lorsque ce cimetière n'étoit pas encore fermé.

« C'est ainsi que Dieu - ajoute Carré de Montgeron - après avoir

éprouvé la foi de sa servante, a voulu la récompenser d'une manière

magnifique, et nous faire connaître par cet exemple que la foi, la

charité et la reconnaissance, obtiennent tout de sa miséricorde. »

Après la lecture de cette observation si bien exposée dans ses

moindres détails par Carré de Montgeron, il ne faut pas, croyons-nous,

être grand clerc en pathologie nerveuse pour porter chez Marie-

Anne Couronneau le diagnostic d'hémiplégie hystérique. Toutefois, il

nous paraît nécessaire d'insister encore quelque peu pour éclaircir

certaines particularités de ce fait du plus haut intérêt historique et

pathologique.

Nous ne reviendrons pas sur les antécédents héréditaires et pa-

thologiques de la malade, fille d'exilés par fanatisme religieux, fana-

tisée elle-même au point de renier pour ainsi dire ses parents.

MIRACLE OPÉRÉ SUR oI.1li11 ? t\B t;OUllUV\ ? 1U. 217

La voici donc arrivée - sans encombres nous l'ignorons - à l'âge

de soixante-sept ans, et c'est à cet âge relativement avancé que vont sè

montrer les symptômes les plus caractéristiques de l'hystérie.

Ici nous devons nous arrêter quelque peu, car on ne manquera cer-

tainement pas de nous objecter que les manifestations de la névrose

sont rares à cet âge.- Nous souscririons volontiers à cette opinion,

mais pour être rares ces manifestations ne sont pas exceptionnelles

à cette époque de l'existence, et nous observons encore en ce moment

à la Clinique une femme de soixante-dix ans, Aurél... qui, depuis plus

de quarante ans, est porteuse d'une hémianesthésie hystérique. Pour

être rares, nous le répétons, ces faits n'en sont donc que plus inté-

ressants.

Le 'lor novembre 1730 survient une attaque d'apoplexie non suivie

de paralysie, qui laisse la parole embarrassée; huit jours plus tard

nouvelle attaque cette fois accompagnée de « mouvements convulsifs,

très violents'». Puis une hémiplégie gauche se déclare presque instan-

tanément et, de ce fait, elle est transportée à l'IIôtel-Dieu, où l'on con-

state l'état suivant :

Paralysie incomplète du bras gauche ; par contre le membre in-

férieur est tellement atteint « qu'elle le laissoit pendre et traîner le

long des pavés ». Tout ce côté est « sans aucune sensibilité jusqu'à ne

pas s'en appercevoir quand on y enfonçoit des épingles ».

Là langue est prise ; la malade n'est pas muette au vrai sens du

mot, elle peut encore parler mais très difficilement, l'articulation des

mot est surtout difficile. Lorsqu'elle veut communiquer par la parole,

elle fait des efforts sans nombre; de plus, la physionomie est toute

particulière « ayant le visage tout tourné et faisant des contorsions et

grimaces effroyables qui faisoient grande pitié à ceux qui la re-

gardoient ».

En résumé, attaque convulsive violente, suivie d'une hémiplégie

gauche flasque avec hémianesthésie; déviation très accentuée des

traits s'exagérant encore au moment d'émettre un son articulé.

Ces phénomènes, survenus le 1er novembre 1730, sont permanents

le 13 juin 1731 époque à laquelle, remarquons-le, l'hémiplégie est

aussi flasque que le premier jour.

En ce qui regarde les accidents conuilsifs du début, ou ils sont

d'origine purement nerveuse, hystérique, ou ils sont d'origine orga-

nique, sous la dépendance par exemple d'une hémiplégie cérébrale.

Cette dernière hypothèse doit être éliminée, car la clinique nous a

appris depuis longtemps que l'hémorragie cérébrale qui s'accom-

pagne au début de phénomènes convulsifs est presque toujours mors

248 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPls1'RIRE.

telle et à très bref délai. La malade ne reprend .même pas connais-

sance, car dans tous les cas il y a de très larges désordres, inondation

ventriculaire ou irritation des méninges périphériques par. un épan-

chement très abondant. z

L'hémianesthésie s'observe parfois lors de lésions de la partie pos-

térieure de la capsule interne entraînant avec elles l'hémiplégie ;

mais ce sont là des faits rares, dont on cite une à une les observations

suivies d'autopsie. Dans l'hémiplégie hystérique, au contraire, l'hémia-

nesthésie est la règle et non l'exception.

Mais ce qui ne se voit presque jamais nous pouvons dire jamais

- dans l'hémiplégie organique et partant incurable, c'est cette flacci-

dité absolue et permanente du membre inférieur paralysé, dont Marie-

Anne Couronneau présentait un si bel exemple. -

Après le temps ordinairement passé au lit à la suite de l'ictus apo-

plectique, lorsque la malade commence à se lever, déjà la dégéné-

rescence du faisceau pyramidal a commencé, et nous avons démontré

dans notre thèse inaugurale qu'au moment précis où, dans l'hémi-

plégie organique, la marche commençait à pouvoir s'effectuer, le

membre inférieur était déjà, devenu raide par suite de la contracture

fonction de cette dégénérescence. C'est à cette raideur même que les

malades, doivent de trouver un point d'appui, indispensable pour la

progression sur le membre paralysé.

Par contre, la flaccidité absolue du membre inférieur est la caracté-

ristique de l'hémiplégie hystérique et en lisant la description suivante,

empruntée à Todd 2, ne se croit-on pas en présence de l'observation de

M.-A. Couronneau. « La malade, dit le célèbre médecin anglais, traîne

après elle le membre paralysé comme s'il s'agissait d'une pièce de

matière inanimée; pendant qu'elle marche, le pied balaye le sol; cela,

je pense, est caractérisque de la paralysie hystérique ».

N'oublions pas- que le 1 juin 1731, plus de huit mois après le

début de la paralysie, le membre inférieur de M.-A. Couronneau était

aussi llasque que le premier jour et concluons qu'il ne pouvait s'agir là

d'une hémiplégie organique. -

Carré de Montgeron nous apprend encore que la malade « obligée de

rester sans cesse dans un lit ou dans un fauteuil fut bientôt toute

écorchée par la continuité de cette situation ». On ne songera pas qu'il

s'agissait dans la circonstance des eschares du « decubitus acutus »

'ï 1 .

1. hludes cliniques et physiologiques sur la marche. - La marche dans les maladies du

système nerveux étudiée par la méthode des empreintes. Paris, 1885.

2. Clinical lectures ou I)aralyis, 2° éd., Londres 1856, p. 20. Gilles de la Tourette,

L'attitude et la marche dans l'hémiplégie hystérique. Nouvelle Iconographie, 1868, t. 1",

\J. 1.

MIRACLE OPÉRÉ SUR MARIE-ANNE COURONNEAU. 219

indice d'un foyer hémorragique le plus souvent mortel. Ces lésions se

montrèrent peu à peu et si, à la vérité, on les rencontre rarement'

comme cortège de l'hémiplégie hystérique, il faut ajouter immédiate-

ment que M.-A. Couronneau était âgée de soixante-sept ans et que le

simple séjour au lit un peu prolongé à cet âge, à propos de n'importe

quelle maladie, amène rapidement des excoriations par suite de la

faible vitalité des tissus comprimés. '

' Du côté de la face, notre malade présentait encore des phénomènes

du plus haut intérêt. Le certificat du « sieur David, libraire et impri-

meur » nous apprend « qu'étant paralytique de tout son côté gauche

elle avoit le visage tout tourné et faisoit des contorsions et grimaces

effroyables qui faisoient grande pitié à ceux qui la regardoient. »

Lorsqu'elle « vouloit parler - dit Jean Mignot ce n'étoit qu'en

balbutiant et avec des; efforts considérables qui lui faisoient faire des

contorsions de bouche effroyables ». ' t

Elle n'était donc ni muette ni aphasique, puisqu'elle pouvait encore

se faire comprendre à l'aide de la parole. A quoi donc tenait la diffi-

culté qui l'empêchait de s'exprimer librement et les contorsions épou-

vantables dont son visage était le siège lorsqu'elle s'efforçait de parler ?

L'interprétation que nous allons donner eût été impossible à fournir

avant 1887, époque à laquelle M. Charcot décrivit pour lapremière fois

le spasme glosso-labié des hystériques i, spasme que présentait incon-

testablement Marie-Anne Couronneau.

Dans l'hémiplégie organique en effet, le plus souvent la face parti-

cipe à la paralysie. La joue du même côté est flasque et pendante.

C'est un voile inerte que soulèvent les efforts respiratoires; la langue;

elle aussi, est paralysée dans une de ses moitiés, sa pointe est déviée

du même côté que la paralysie. La commissure labiale droite, si

par exemple la paralysie siège à gauche, est plus élevée que la com-

missure gauche par suite de la' rupture d'équilibre entre les deux

moitiés de la face, le tonus musculaire droit n'étant plus contre-

balancé. Mais, nous y insistons, à part la mise en' oeuvre du' tonus

musculaire normal, phénomène de peu 'd'importance, tout est mou;

tout est flasque, tout est passif. La déviation de la face qui résulte de

la déviation des commissures peut s'exagérer lorsque le malade

s'efforce de mouvoir sa langue à demi paralysée, mais la grimace est

peu accentuée; ce n'est jamais la contorsion effroyable, le visage tout

tourné de M.-A. Couronneau.

1. L-t ! . Charcot. Spasme -Iosso-lahié unilatéral des hystériques. Leçon clinique in

Semaine médicale, 2 lévrier 1887. Brissaud et P. Marie. De la déviation faciale dans

l'hémiplégie hystérique. Progrès médical, n" 5 et 7, 1887.

250 NOUVELLE ICONOGRAPHIE UL LA SALPf : TRIf : RE.

Il n'en est plus de même, on le comprend, dans le spasme glosso-

labié hystérique, car ici la contracture, le mouvement actif, a fait

place à la paralysie, à la passivité. C'est dans ce cas qu l'on observe

ces déviations au maximum de tout le côté du visage siège du spasme,

la langue ne se meut, n'est tirée au dehors qu'au prix des plus grands

efforts, car elle aussi est contracturée. C'est à ce moment que se pro-

duisent ces grimaces, ces contorsions effroyables du visage qu'on

n'observe jamais au même degré dans l'hémiplégie organique.

M.-A. Couronneau présentait donc à n'en pas douter tous les signes du

spasme glosso-labié hystérique.

Enfin la disparition soudaine de la paralysie suffirait à elle seule à

en démontrer l'origine.

D'une piété fervente, M.-A. Couronneau qui a mis son seul espoir

pour la guérison d'une paralysie considérée comme incurable par les

médecins, dans l'intervention du bienheureux Fr. de Paris, se rend

une première fois à son tombeau, le 26 mars 1731; elle y retourne une

seconde fois, à la fin d'avril, et obtient quelque soulagement.

C'est alors que sa maîtresse qu'elle chérit vient à tomber malade.

Désespérée d'être elle-même un embarras dans cette maison où ses

services seraient si utiles, sa ferveur, ses prières redoublent. Le 1 : 1 juin,

elle retourne au cimetière, se fait coucher sur le tombeau du saint

quelle arrose de ses larmes.

« Tout à coup, au milieu des transports de son ardente prière, elle

sent un serrement et un mouvement dans le talon de sa jambe paraly-

tique...» La paralysie s'en est allée, Marie-Anne Couronneau est guérie,

elle peut marcher, courir, et parler, chanter les louanges du saint qui

l'a miraculeusement délivrée de ses maux.

« Des accidents de plusieurs mois, d'une année même, dit Briquet,

disparaissent en vingt-quatre heures... Telle est la particularité propre

à l'hystérie et caractéristique de cette maladie, car la mobilité arthri-

tique de la variabilité rhumatismale n'en approchent pas. »

Nous n'irons pas plus loin et nous conclurons que Marie-Anne Cou-

ronneau, guérie le 13 juin 1731 sur le tombeau du diacre Paris, était

atteinte d'une hémiplégie avec hémianesthésie et spasme glosso-labié

de nature hystérique.

GILLES de la Tourette,

Chef de Cliuirluc des maladies du <; ...ti'me nerveux.

Le gérant : Emile Lccuoswu.

>71)ij* MùTiEuoz. luyuunetive jcmiics, B, rue Mignon, 2.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

DE LA SALPÊTRIÈRE

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES TROUBLES TROPHIQUES

DANS L'HYSTÉRIE

ATROPHIE MUSCULAIRE ET OEDÈME

I

Jusqu'à ces derniers temps l'opinion générale était que l'hystérie ne

donnait que très exceptionnellement lieu à des troubles trophiques.

On avait bien la notion d'éruptions cutanées : eczéma, pemphigus,

zona ; de phénomènes vaso-moteurs : asphyxie locale, sueurs de

sang, ecchymoses spontanées, stigmates, etc., mais les observations

étaient peu nombreuses et personne ne songeait à les réunir. Ajou-

tons encore que cette idée préconçue de la simulation qui, ainsi que

l'enseigne M. Charcot, a nui pendant si longtemps il la nosographie de

l'hystérie, faisait rejeter ou tout au moins négliger par certains observa-

teurs des faits de cet ordre du plus haut intérêt : nous pourrions en

citer des exemples.

C'est en 1886 que M. Babinski, chef de clinique, suivant en cela l'en-

seignement de M. le professeur Charcot, rompant pour ainsi dire en

visière avec la tradition, établit nettement dans un excellent mémoire 1

l'existence de troubles trophiques en étudiant l'atrophie musculaire des

hystériques, déjà signalée en 1884 par M. F. Iiallcoff dans sa thèse

inaugurale faite sous l'inspiration de M. Sceligmüller °.

1. De l'atrophie musculaire dans les paralysies hystériques. Archives de neurologie,

n°' : 31 et 35, 1886. - Charcot. Leçons sur les maladies du système nerveux, t. III, p. 170.

2. Beilrdge Nur differential Diagnose der hysterischen und der lia¡JSllldren llemianes-

thesie. Halle, 1884.

n. 16

252 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA Salpêtrière.

Il étudiait quatre malades. « Dans deux de ces cas, dit-il, il s'agit

d'une monoplégie brachiale, dans les deux autres d'une hémiplégie

avec intégrité de la face; dans l'une de ces deux dernières observations

il y a prédominance de la paralysie et de l'atrophie dans le membre

supérieur, dans l'autre, prédominance dans le membre inférieur. »

Puis il donne les caractères de ces troubles nutritifs. « L'atrophie

musculaire se présente sous l'aspect suivant : 1° elle est plus ou moins

considérable, mais il faut savoir qu'elle peut atteindre d'assez fortes

proportions; chez deux malades, il y avait comme différence entre le plus

grand périmètre du bras malade et celui du bras sain, trois centimètres,

et chez un autre malade il y avait entre les deux mains une différence

de cinq centimètres; 2° zl z'y a pas de secousses fibrillaires,. 3° l'excita-

bilité idio-musculaire paraît normale ; /in la contractilité électrique

est diminuée en proportion du degré de l'atrophie musculaire, mais

il n'y a pas de réaction de dégénérescence ; 5° cette atrophie peut se

développer avec une grande rapidité. Chez un malade elle était déjà

appréciable tout au plus quinze jours après le début de la paralysie...

La rétrocession de l'atrophie semble pouvoir être rapide comme son

développement ».

C'est donc d'une atrophie simple qu'il s'agit ; il n'existe pas de

réaction de dégénérescence.

Les faits étudiés par M. Babinski ne restaient pas longtemps

isolés.

Le 44'mai 1886, M. Chauffard rapportait à la Société médicale des

hôpitaux l'histoire d'un jeune malade de treize ans atteint de mono-

plégie brachiale avec atrophie musculaire, ayant duré trois ans et

s'étant terminé par la guérison.

Puis les travaux se succèdent, Massalongo ', Leroux s, Brissaud 3,

P. Blocq', Ballet5, Debove apportent des faits sans ajouter d'éléments

nouveaux à la description de Babinski, tout au moins en ce qui regarde

à proprement parler l'atrophie musculaire.

Dans ses Leçons cliniques du premier semestre de l'année

1. G'atroa musculare nelle paralisi islericlee, Nappes 18SG. Detken éd. Anal, in Giorn.

di Neuropatologia, anno V, l'asc. 1, janv. et lez. 1887, p. 4C.

2. De l'hystérie chez l'homme, monoplégie avec atrophie musculaire (Journal des con-

naissances médicales, Paris, 188G, 3° série, t. VIII, p. 107).

3. Hémiplégie probablement d'origine hystérique avec atrophie musculaire (Archives de

physiologie, 1887, p. 338). ' "

i. Des rétractions fibro-tendineuscs compliquant les contractures spasmodiques. Obs. 111,

p. 35, fig. 19 {Nouvelle Iconographie de la Salpètrière, t. I, 1888). : .J. Coxalgie hystérique avec atrophie musculaire (Société médicale des hôpitaux,

28 juin 188G).

0. Hémiplégie hystérique avec atrophie musculaire survenue la suite d'une diphtérie

(Société médicale des /¡Ûpitallx, il octobre 1889).

ÉTUDE DES TROUBLES TROPHIQUES DANS L'HYSTÉRIE. -253

« ,

1889-1890, M. le professeur Charcot nous a appris que l'atrophie

musculaire hystérique pouvait revêtir certaines modalités différant

un peu de celles qu'il avait étudiées avec M. Babinski, suffi-

samment même pour qu'on pût être exposé à une erreur de dia-

gnostic si l'on ne voulait pas sortir des limites de la description

tracée par cet auteur distingué. Cela prouve probablement qu'il y a.

plusieurs variétés d'atrophies musculaires hystériques, dont toutefois

il serait certainement encore prématuré d'entreprendre la classifi-

cation.

Notre intention est de publier les observations des malades qui ont

servi aux leçons de notre éminent maître, en les faisant suivre des

considérations dont il les a entourées et qui forment le fond de ce

travail.

Ons. I. - Ca..n, Charles, vingt-deux ans, employé de commerce ( ? ),

israélite, entré le 6 juin 1889 salle Prus n° 8, service de M. le professeur

Charcot. t.

Antécédents héréditaires. - Père alcoolique, mère hystérique; cinq

frères dont deux sont névropathes; le premier est hystérique, a eu une con-

tracture à forme hémiplégique qui après avoir duré deux mois a disparu

brusquement; le second est mégalomane, se croit un grand politique

socialiste; sept soeurs : 1 morte de méningite en bas âge; 1 hystérique à

grandes attaques et hypnotisable, a séjourné dans le service de la Clinique

pendant 2 ans, en 1879 et 1880; 1 hystérique à attaques.

Antécédents personnels. ' Santé bonne avant le début de l'affection

actuelle. Rougeole à cinq ans. Scarlatine à huit ans. Pas d'autres maladies.

Début. - L'hystérie s'est revélée chez Cah.. au mois de mai 1885, dans

les circonstances que voici : un soir son père rentra chez lui en état d'ivresse,

furieux, criant et frappant à tort et à travers, Cah.. qui était alors âgé de

dix-sept ans fut très effrayé et se cacha sous son lit. Après cette scène de

colère il passa plusieurs heures dans un état d'agitation très grande. Il

finit cependant par s'endormir. Mais le lendemain en se réveillant il se trouva

tout contracture. Il raconte qu'il avait le cou tout raide; il ne pouvait incli-

ner la tète dans aucun sens. Les quatre membres étaient aussi rigides et

immobilisés en extension par la contracture; les avant-bras étaient fixés en

pronation forcée, les poings fermés, la paume des mains tournée en dehors.

Il ne pouvait qu'incliner le tronc en avant et l'étendre, ce qui lui permettait

de s'asseoir sur son lit et de s'étendre en décubitus dorsal. Il n'avait pas de

force, on était obligé de le faire manger. Il avait toute sa connaissance; il

mangeait, buvait et dormait comme à l'ordinaire. Cet état de contracture

persista pendant trois mois. Un jour, la rigidité des membres et du cou cessa

brusquement et spontanément; ses parcnts qui le croyaient perdu, l'ont fait

photographier dans cet état.

54

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SAH'ËTR ! ËRË.

L'année suivante, en 188(i, après une période de malaise général et de

névralgies faciales pendant laquelle son caractère se modifia profondément

(tristesse, crises de larmes, etc.) il eut sa première attaque d'hystéro-

épilepsie.

Depuis lors, il a eu un grand nombre d'autres attaques revenant à inter-

valles variables, tantôt spontanément, tantôt à la suite de contrariétés'.

En 1887, deuxième attaque de contracture généralisée semblable à la

première mais qui ne dura que huit jours.

En juin 1888, chorée malléatoire du membre supérieur droit qui persista

pendant une dizaine de jours Quelque temps après, apparut le tremblement

de la jambe et du bras droits. Ce tremblement succédait aux attaques et

durait un jour, quelquefois plus; il était intermittent.

ÉTUDE DES TROUBLES TROPHIQUES DANS L'HYSTÉRIE. 2 ?

Le malade après un assez long séjour à 131eêtre est entré dans le service de

la Clinique, le 0 juin 1889.

Il était, alors comme aujourd'hui, dans l'état suivant.

État actuel. 10 juin.- 25 octobre 1889. - Sujet de taille peu élevée mai ?

bien musclé et d'apparence robuste. On constate chez lui (fig. 70, 71) : Une

hémianesthésie droite sensitivo-sensorielle, complète, absolue, pour tous les

modes de la sensibilité, y compris le sens musculaire. t'ouïe, l'odorat, le

goût sont abolis il droite.

Vision.-Double rétrécissement concentrique du champ visuel à 35

pour l'oeil gauche, à 45° pour l'oeil droit. Diplopie monoculaire. Microméga-

lopsie. Pas de dyschromatopsie. Hyperesthésie 'de tout le membre inférieur

gauche (la plante du pied exceptée). Une zone hystérogène très sensible

située au pli de l'aine du côté gauche et s'étendant un peu sur la région atte-

nante de la paroi abdominale. Des attaques d'hystéro-épilepsie bien carac-

térisées. Ces attaques qu'elles surviennent spontanément ou qu'elles soient

provoquées par la pression exercée sur la zone hystérogène sus-indiquée,

offrent il peu près tontes les mêmes caractères. Elles sont précédées des

phénomènes de l'aura classique.

Aura. Sensation de boule partant du pli de l'aine et remontant à la gorge;

sensation de contraction à la gorge; suffocation, palpitations, battements dans

les tempes; bruit dans les oreilles; nuage devant les yeux. Chute et perte de

connaissance. L'aura est souvent de durée très courte, très rapide.

Attaque. - Elle est constituée parles périodes suivantes : 1° Epilepto'ide,

raideur (phase tonique) brève, puis convulsions cloniques généralisées, écume

aux lèvres, congestion intense de la face. 2' Grands mouvements, salutations,

contorsions interrompues de temps en temps par l'arc de cercle. 3° Attitudes

passionnelles, le malade se redresse et s'asseoit sur son lit ou se met à

genoux, visage souriant. Expression de félicité (coït). Quelquefois il chante,

cause avec une de ses maîtresses, l'appelle, etc., après quoi l'attaque recom-

mence soit par la phase épileptoïde, soit par les grands mouvements et ainsi

de suite.

Etat mental. - Le malade est parfois triste, chagrin, maussade, querel-

leur. Mais le plus souvent il est indifférent ou gai. Il est de complexion

amoureuse; il dit qu'il a plusieurs maîlresses; il se vante volontiers de con-

quêtes. Sa mise révèle une certaine coquetterie : casquette bleue à visière

ornée d'une bande marron; grande chaîne de montre en simili-or, etc.

Atrophie .musculaire. Le malade ne peut dire quand a commencé

celle atrophie. Membre-supérieur droit. Elle porte sur les muscles des trois

segments : main, avant-bras, hras; mais c'est à la main qu'elle prédomine

et de beaucoup.

A la main droite, les éminences thénar et hypothénar ont disparu presque

complètement (fig. 72, 73).

Les muscles de l'hypothénar sont un peu moins atteints que ceux

de l'éminence thénar. Il s'ensuit que la main est nettement aplalie : le

256

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPE'l'ItILRE.

pouce est sur le même plan que les autres doigts : c'est la main de singe.

Les interosseux, le premier et le second principalement, participent à

l'atrophie.

Le périmètre de la main pris à la base du pouce mesure :

ÉTUDE DES TROUBLES TROPHIQUES DANS 1.'HI'STIItIE. 257

Le périmètre de la moitié du thorax pris à la hauteur du creux axillaire

est de :

258 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

jours, sans pour cela, paraît-il, se griser outre mesure; travaille régulière-

- mentcomme maçon. -La mère est morteen '187'1 ? L l'âge de vingt-huit ans. Elle

n'avait jamais eu de maladies nerveuses; était faible de tempérament. En

1871, lors de l'occupation de Charleville par les Prussiens, elle fut cacher

loin de chez elle le képi et le fusil de son mari afin que les Prussiens qui

perquisitionnaient ne les trouvassent pas. En revenant, à sou passage sur la

grande place, un obus passa tout près d'elle. Elle fut extrêmement effrayée,

rentra chez elle, s'alita ;quelques jours plus tard, elle accoucha d'un enfant à

terme ( ? ) qui ne vécut qu'un jour. Elle-même succomba le lendemain.

Antécédents personnels. - A douze ans, maladie aiguë avec délire, durée

5 mois, de nature indéterminée. A treize ans, fièvre typhoïde avec délire.

Bien portant ullérieurementjusqu'en 1887.

Le 2 juillet 1887, il travaillait sur un échafaudage élevé de lm,40 à lin,50

du sol, a Mézières (Ardennes), lorsqu'il éprouva un éblouissement bientôt

buivi d'une forte secousse dans tous les membres. Sa main droite se crispa

sur un manche de marteau qu'elle tenait, la main gauche restant ouverte. La

secousse lui ayant fait perdre l'équilibre, il tomba à la renverse, sans perdre

connaissance, puisque, une fois par terre, il continua à fumer un cigare qu'il

avait entre les dents au moment de la chute. Il tomba sur le dos, presque sur

le cou et les épaules. Sa chute fut amortie par une épaisse couche de foin, de

sorte qu'il ne ressentit aucune douleur. Aussitôt la chute, les deux bras se

contracturèrent le long du corps, les avant-bras en flexion sur les bras, les

doigts fléchis, les mains déviées vers leur bord cubital. Les jambes au con-

traire étaient flasques et lui refusaient tout secours. Il resta ainsi sur le sol

pendant trois heures au moins. L'accident étant arrivé à quatre heures et

demie le soir, ce ne fut que vers huit heures qu'on le transporta a l'hôpital ;

des gamins qui passaient avaient été prévenir son hôtesse.

Pendant la matinée du 2 juillet 1887, il s'était déjà senti mal à l'aise,

la tète lourde. Le matin, il était resté couché et avait refusé de se lever pour

déjeuner. Appelé au travail vers quatre heures, il s'y était rendu uniquement

parce qu'il y avait urgence. Une demi-heure plus tard survenait l'accident

que nous avons décrit.

Une fois entré Li l'hôpital, l'état persista tel qu'après la chute; les bras

restèrent contracturés, les jambes flasques. La vessie et le rectum fonction-

naient normalement ; pas d'écorchures au sacrum.

Au bout de quatre mois, les jambes allaient mieux, mais le mouvement ne

revenait que très lentement, au point que, considéré comme incurable, il fut

évacué le 28 avril 1888 sur l'hospice des Incurable de Charleville, d'où il

sortit en mai 1889, pour retourner quelque temps chez lui et entrer ensuite.

à la Salpêtrière.

11 est resté au lit pendant dix mois : un matin, presque brusquement, il put

se lever et marcher. Quelques jours plus tard, la guérison de la contracture

des bras survint plus brusquement encore.

Pendant cette période de dix mois à dater de l'accident, la main droite et

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

T It PL. XLI

Cliché A LONDE

rNOTOTYPth BHHTHAUD un

ATROPHIE MUSCULAIRE DE LA MAIN GAUCHE

D'ORIGINE HYSTÉRIQUE

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ÉTUDE DES TROUBLES TROPHIQUES DAKS L'IIYSTÉ .1 E' Z :

le bras droit, et cela dès le début, commencèrent à s'atrophier, la main droite

se mettant en griffe, le bras droit s'atrophiant dans sa totalité. L'atrophie

débuta par la main, prenant d'emblée tous les muscles, elle gagna le bras;

le malade a nettement remarqué qu'elle était précédée au bras comme à là

main de. secousses fibrillaires...'. il

Au bout de sept ou huit mois, tout était fini ; la main et le bras avaient re-

pris leurs fonctions, l'atrophie avait disparu.. ' ' , ,

C'estalors que la main et le bras gauche commencèrent à être à leur, tour

envahis par l'atrophie. Aujourd'hui (octobre 1889) la main gauche présente

l'aspect suivant (fig. 74, 75). ' ' ' 'l i

FlG, 7>,

Fie 75.

Les deux dernières phalanges. sont fléchies dans la paume de la main; ¡

particulièrement celles de l'index et du médius; le pouce est en extension

(pl. 1LI). La première phalange des quatre doigts est en extension (main en

griffe). , ? . ,

Les sillons des interosseux sont très marqués, vides pour ainsi dire ; le

thénar et l'hypothénar sont plats. Le pouce est agité par des mouvements

fibrillaires surtout marqués il la face externe du thénar. Ces mouvements

fibrillaires se retrouvent sur tout le bras gauche. Le malade qui les a parfai-

tement constatés dit qu'ils ont débuté avec l'atrophie.

260 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

L'atrophie intéresse le bras gauche dans sa totalité ; elle ne dépasse pas

les muscles de l'épaule qu'elle n'atteint pas.

Pendant les six premiers mois qui suivirent l'accident, B... nepouvaitavaler

les liquides et les solides qu'avec la plus grande difficulté : il lui fallait, dit-il,

une demi-journée pour absorber un verre d'eau. Lorsqu'il voulait mettre

pied il lerre et essayer de se soutenir sur ses jambes paralysées, la vue se trou-

blait, il éprouvait des étourdissements, des battements dans les tempes, des

bourdonnements d'oreilles qui lui faisaient presque perdre connaissance.

Depuis, les mêmes symptômes se sont montrés à diverses reprises. Actuel-

lement, B... a encore ce qu'il nomme des secousses, généralisées d'emblée

aux quatre membres; en même temps, la vue se trouble; ces phénomènes

sont surtout accentués lorsqu'il est au lit.

Dans la journée, à intervalles variables, une fois tous les quinze jours,

parfois deux fois dans la même semaine, il a une sensation assez subite

d'étouffement avec battements dans les tempes sans perte de connaissance.

C'est un homme de taille moyenne, blond, d'aspect vigoureux. Pas de

syphilis, pas d'alcoolisme.

Troubles sensitifs. - IIémianesthésie gauche complète à la piqûre, au

froid, à la chaleur avec perte du sens musculaire. Du côté droit, sensibilité

émoussée.

La pression du testicule droit, de la glande et non de la peau, est doulou-

reusement ressentie, elle s'accompagne d'une sensation d'oppression, de

battements dans les tempes; il ? perdrait connaissances ! on insistait. La peau

à ce niveau est insensible.

Goût, odorat abolis à gauche; affaiblis adroite. Ouïe affaiblie à gauche.

A gaucho. A droite.

Rétrécissement concentrique du champ visuel. 40 centimètres. 55 centimètres.

Pas de dyschromatopsie; toutefois il hésite un peu à reconnaître les couleurs.

Ajoutons qu'il existe un très léger tremblement des membres supérieurs qui

s'exagérerait au moment des éblouissements; de plus, au moment de l'examen,

alors que B... est déshabillé, il s'écoule sans cause à trouver dans la température

ambiante, de grosses gouttelettes de sueurs, particulièrement marquées au

niveau des aisselles surtout du côté gauche.

L'examen électrique des muscles atrophiés faite à deux reprises 2C oc-

tobre 1889 et 28 novembre 1889 par M. Vigouroux donne les réactions sui-

vantes : Excitabilité éteinte dans les 3° et4' interosseux dorsaux. Pour le 1°r et

le 2°, pas de contraction faradique ; contraction galvanique très faible. Thénar,

excitabilité faradique conservée. En résumé, réaction de dégénérescence

très nette.

Réflexes rotuliens un peu exagérés à gauche ; forts à droite.

Ons. III. - Corn..., Emilie, vingt-six ans, domestique.

Antécédents héréditaires. - Pas d'antécédents nerveux du côté paternel.

ÉTUDE DES TROUBLES'TROPHIQUES DANS L'HYSTÉRIE. 261

- Mère très nerveuse (hystérique), morte tuberculeuse ; 2 tantes maternelles

très nerveuses; 1 soeur et 1 frère bien portants.

Antécédents personnels. - Rougeole à sept ans; fièvre typhoïde il

seize ans qui dura trois mois.

Réglée à onze ans, toujours régulièrement, si ce n'est il y a six mois époque

à laquelle les règles disparurent pendant trois mois pour revenir ensuite régu-

lièrement. t.

La première manifestation de l'hystérie remonte à l'âge de seize ans pendant

la convalescence de la fièvre typhoïde : sensation de boule sans attaques.

Depuis, jusqu'en 1887, même sensation avant les règles avec battements dans

les tempes. En même temps, cauchemars pendant la nuit (chutedans des pré-

cipices). Pas d'alcoolisme, pas de syphilis.

Depuis 1887, elle a toujours ressenti dans le côté gauche des sensations

douloureuses (fourmillements, piqûres d'aiguilles), qui toutefois ne l'empê-

chaient pas de vaquer à ses occupations.

En janvier 1887, le membre inférieur gauche fut envahi subitement par

un oedème remontant de l'extrémité des orteils jusqu'à la hanche, oedème

considérable non coloré, très douloureux, s'exagérant par la station debout,

avec vive hyperesthésie de la plante du pied.

Le membre inférieur droit était normal. Comme C... ne pouvaitmarcher, on

lui mit au bout de quelque temps un appareil plâtré sur la jambe gauche

remontant à un travers de doigt au-dessus du genou. Le médecin qui avait

diagnostiqué une entorse avait fait placer plusieurs vésicatoires tout le long

de la jambe avant de poser l'appareil qui resta en place pendant un mois.

Quand on l'enleva, l'état du membre inférieur n'avait pas changé.

Depuis cette époque, du reste, l'oedème disparut et reparut à diverses repri-

ses. Il se montre surtout lorsque la malade essaye de s'appuyer pour marcher

sur lajambegauche. Il faut dire d'ailleurs que, depuis le début de son affec-

tion, elle n'a plus marché de ce côté qu'avec une béquille, le membre dans

son entier paraissant diminué de longueur, rigide, en extension, le talon

ne pouvant toucher le sol.

Vers la fin de 1888, la malade a perdu subitement connaissance pendant

plusieurs heures. Une fois sortie de cet état, elle est restée paralysée de tout

le côlé gauche pendant vingt-quatre heures. Deux mois plus tard, retour de la

paralysie avec spasme glosso-labié : durée, trois jours.

Depuis la fin de la fièvre typhoïde qu'elle avait eue à l'âge de seize ans,

C... avait gardé une certaine difficulté à se servir du bras droit, surtout pen-

dant les froids, lorsque, au mois de mars 1889, la malade s'est éveillée un

matin avec le bras droit contracturé, les cinq doigts fléchis dans la paume de

la main. Cette contracture est devenue définitive les jours suivants après des

alternatives d'amélioration et d'exagération. Elle était déjà entrée à la Sal-

pêlrière dans le service de la Clinique. Aussitôt elle remarqua au niveau de

l'éminence thénar droite des mouvements fibrillaires qu'il fut aisé de cons-

tater. M. Vigouroux qui l'examina électriquement donnait la note suivante

362 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

(18 avril) : « Réaction électrique nulle pour le thénar, normale pour les

autres muscles y compris le premier interrosseux. »

Au mois de mai, apparition dans la main droite d'une aura débutant par

l'extrémité des doigts; le bras se soulève horizontalement; puis surviennent

des battements dans les tempes, des bourdonnements dans les oreilles, la

commissure labiale droite est tirée en haut et en dehors; pas de perte de

connaissance. Ces attaques frustes d'hystérie à forme d'épilepsie partielle

reviennent encore aujourd'hui (octobre 1889) tous les huit il dix jours. Par-

fois même, sous l'influence du spasme, la malade se mord légèrement la

langue et les lèvres du côté droit.

État actuel (^8 octobre 1889). - C... marche avec une béquille placée sous

le bras gauche, la jambe gauche paraissant trop courte pour que le talon

touche il terre. Examinée couchée, on constate chez elle lous les signes d'une

coxalgie hystérique avec zone hyperesthésique dans la région externe du pli

de 1 aine empiétant sur la région supéro-externe de

la hanche. Le membre inférieur gauche est en con-

tracture en totalité dans l'extension : il existe un rac-

courcissement apparent de quatre centimètres com-

parativement avec le membre inférieur droit. La

malade étant endormie à l'aide du chloroforme, la

contracture des muscles du membre inférieur se

résont, le raccourcissement disparaît, pour revenir

d'ailleurs aussitôt après le réveil, ou mieux pendant

que celui-ci s'effectue. L'articulation coxo-fémorale

gauche est parfaitement saine, mobile, sans craque-

ments. Il n'existe pas d'atrophie du membre infé-

rieur gauche.

La main droile est toujours contracturée, le pouce

et les quatre doigts étant en flexion dans la paume

de la main; le tliénartrès atrophié (fig. 76). L'avanl-

bras et le bras ne participent pas à l'atrophie. Pas de

(roubles de sensibilité locale. La contracture qui est très prononcée se

résout pendant le sommeil chloroformiquc.

Sensibilité (fig. 77, 78). Côté droit normal.

Côté gauche. Anesthésie à la douleur, au froid, à la chaleur, dans

toute l'étendue de ce côté, sauf dans la région mammaire et axillaire et sur v

la face postérieure du mollet.

Zone (l'hyperesthésie inguinale et fessière.

Perle de sens musculaire du côté gauche.

Goût et odorat intacts; ouïe diminuée il gauche.

rétrécissement concentrique du champ visuel.

ÉTUDE DES TROUBLES TROPHIQUES DANS L'HYSTÉRIE. M3

Ni sucre ni albumine. - État de la nutrition générale suffisant; dort peu;

cauchemars. La malade dit avoir beaucoup perdu la mémoire depuis six

mois.

Il

Dans les cas publiés par M. Babinski et par les auteurs qui l'ont

suivi, l'atrophie a toujours porté sur un membre atteint de paralysie

ou de contracture; c'est également ce que nous voyons exister dans

nos observations II et III.

Le malade de l'observation 1 semble, il la vérité, faire exception à

.cette règle. Plusieurs années avant le début de l'atrophie, il a été

zut NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.

contracturé des quatre membres et l'atrophie porte uniquement sur

le bras droit et le côté droit du tronc, y compris la fesse. Mais il

faut aussi faire remarquer que l'hystérie a toujours porté plus parti-

culièrement ses efforts du côté droit : l'hémianeslhésie du malade

siège à droite; le bras droit a été atteint, à un moment donné,

de chorée malléatoire; il est encore le siège d'un tremblement hysté-

rique très accentué auquel participe également la jambe. De plus, Cah...

ne peut préciser l'époque exacte du début de son atrophie.

L'atrophie, si elle ne se superpose pas toujours à une contracture

ou à une paralysie, semble donc, au moins, se localiser de préférence

sur le membre ou le côté le plus atteint par les diverses manifesta-

tions hystériques présentées antérieurement ou actuellement par le

malade. Parmi celles-ci, les troubles de sensibilité tiennent la princi-

pale place.

Mais ce qui mérite d'attirer particulièrement l'attention, c'est que

nos trois malades, à l'inverse de ceux décrits par M. Babinski, offrent

tous les trois des contractions fibrillaires extrêmement manifestes.

C'est un point sur lequel a particulièrement insisté M. Charcot en les

présentant à ses auditeurs.

Elles sont si accentuées que les trois malades les ont spontanément

remarquées; ils ont tous expressément noté qu'elles avaient débuté

avec l'atrophie. Chez Bill... (Obs. II), elles ont accompagné la marche

ascendante de l'atrophie partant des muscles de la main pour gagner

le bras et l'avant-bras droit. Puis elles ont disparu, la guérison s'est

effectuée, les muscles sont revenus à leur état normal. Quelque temps

après, il a pu prévoir que son membre supérieur gauche allait s'atro-

phier en voyant apparaître ces petites secousses musculaires dont il

avait appris malheureusement à connaitre la fâcheuse signification.

Enfin chez Cah... (Obs. I), il est facile de constater qu'elles se limitent

exactement à la zone atrophiée, bien que celle-ci soit très étendue; il

en est de même d'ailleurs pour les deux autres malades.

Les quatre malades de M. Babinski examinés par M. Vigoureux pré-

sentaient, dans les territoires musculaires atrophiés, la réaction de

l'atrophie simple. Or, le malade de l'observation II, examiné électri-

quement à plusieurs reprises, également par M. Vigouroux, présente

notamment au niveau des interosseux, les caractères les plus nets de la

réaction de dégénérescence; chez les deux autres malades, c'est d'atro-

phie simple qu'il s'agit.

En présence de cette constatation inaccoutumée, devons-nous dire

pour cela que cette paralysie n'est pas hystérique alors que tout plaide

en faveur de la névrose. Évidemment non, et la réaction de dégéné-

ÉTUDE DES TROUBLES TROPHIQUES DANS L'HYSTÉRIE. 265

rescence, pour être rare, - à ce qu'il semble du moins, - n'en doit

pas moins entrer dans la symptomatologie des atrophies musculaires

d'origine hystérique.

En résumé, les notions nouvelles sur lesquelles nous désirons attirer

l'attention sont les suivantes :

'1° L'atrophie musculaire d'origine hystérique peut quelquefois

envahir des membres indemnes de paralysie ou de contracture. Géné-

ralement alors, elle semble envahir de préférence le côté qui a été. le

plus fréquemment le siège de manifestations hystériques, les troubles

de sensibilité en particulier.

2° Il peut exister des secousses fibrillaires dans les territoires mus-

culaires en voie d'atrophie.

3° Dans un cas d'atrophie hystérique des muscles de la main, l'exa-

men électrique pratiqué par M. Vigoureux a démontré très nettement

l'existence de la réaction de dégénérescence.

III

On a pu remarquer, en lisant l'observation III, que le membre inféj

rieur gauche, siège de la contracture, avait été envahi à diverses

reprises par un oedème survenu en dehors de toutes les causes ordi-

nairement invoquées dans l'interprétation de ce phénomène.

Cet oedème, de nature hystérique, constitue, lui aussi, un trouble

trophique très intéressant et encore peu étudié.

Sydenham qui a tant fait pour la névrose l'avait parfaitement remar-

qué, car il le décrit en ces termes 1 :

« L'affection hystérique, dit-il, ne s'en prend pas seulement à

presque toutes les parties internes; elle attaque aussi quelquefois les

parties externes et les muscles, savoir : les mâchoires, les épaules, les

mains, les cuisses, les jambes; elle y cause tantôt une douleur et tantôt

une enflure dont celle des jambes est la plus remarquable. On peut

toujours observer deux choses dans l'enflure des hydropiques, c'est

qu'elle est plus considérable le soir et que, quand on la presse forte-

ment avec le doigt, l'impression y reste comme dans la cire molle. Au

contraire, l'enflure des personnes hystériques est plus grande le matin,

et, quand on la presse avec le doigt, il ne reste aucune marque. Le plus

souvent aussi, l'enflure n'est qu'à une des jambes. Du reste, elle res-

semble tellement à celle des hydropiques, soit par sa grandeur, soit

1. Médecine pratique de Sydenham avec des notes, par feu 11. \. Jault, uouc. édit.,

5« 1),trtie. A%ibiioii, au VIII, 1799, p. 41J.

266 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALP1 : TILI1,RE.

par sa superficie, qu'on a bien de la peine à persuader aux personnes

malades qu'elles ne sont pas hydropiques. »

De l'oedème hystérique, après Sydenham, il n'est fait nulle mention

dans les traités classiques ou dans des mémoires particuliers, et il faut t

arriver en 1880 pour le voir décrit à nouveau dans une remarquable

observation de M. le professeur Damaschino l.

En 1883, A. Fabre9, professeur de clinique à l'Ecole de Marseille,

qui connaît parfaitement la description de Sydenham donne la relation

écourtée de deux nouveaux cas.

En 188 ! k, Weir llitchell rapporte à son tour trois exemples de ce

phénomène pathologique qu'il croit être le premier à décrire.

Le 28 juin 1889, M. le professeur Charcot, dans une de ses Leçons du

mardi4 aétudié« l'oedème bleu des hystériques, à propos d'un cas qui va

être rapporté plus bas (Obs. I). Nous mettrons soigneusement il pro-

fit les considérations dont il l'entourait et qui forment le fond de cette

étude. De plus, notre éminent maître, a bien voulu avec sa libéralité

ordinaire nous en communiquer trois nouvelles observations tirées de

sa pratique.

Nous en donnerons deux autres cas (Corn... et Obs. II) qui, avec les pré-

cédents, constitueront l'ensemble clinique sur lequel devra s'asseoir la

description de l'oedème hystérique. C'est dire que très probablement

cette symptomatologie aura besoin d'être complétée, car nul doute

qu'une fois l'attention attirée sur cet oedème, on ne le rencontre beau-

coup plus souvent que par le passé5.

On voudra bien remarquer que l'observation II nous a été obligeam-

ment communiquée par M. Tuffier, agrégé chirurgien des hôpitaux.

L'oedème hystérique fréquente donc les services de chirurgie, ce qu'il

était important de signaler.

OBs. I. Perr..n, quarante-six ans, ayant exercé la profession de marin,

actuellement veilleur de nuit à l'usine Eiffel, entre le 21 mai 1889, salle

Prus, n° 9, à la Salpêtrière, service de M. le professeur Charcot.

1. Des troubles trophiques dans l'hystérie (Gazette des hôpitaux, 1888, p. 561).

2. Nouveaux Fragments de clinique médicale. - L'hystérie viscérale. Paris, Delahaye

et Lecrosnier, édit., p. 100.

3. Unilatéral sweling of hysterical hémiplégie (The american Journal of mental

sciences, vol. LXXXVIII, Philadelphie, 1881, p. 91.).

4. Leçons du mardi à la Salpêtrière, 1888-1889, 21° lcç., p. 518.

5. On pourra consulter ]bi,iier : Ueber nervose llautscliwcllungcn als Bcgleiterschci-

nunnen der Menstruation und des 1(limtx. Summlung klinischer l'or/rage (Volkmaun),

Il' 31`3, 1888, mais l'auteur est trop préoccupé do rapporter à des troubles menstruels ce

qui appartient peut-être a l'hystérie. - Les cas de Nilowitz : Zwci weitere Fiille cines

neuropatischen OEdems hei Kindern, inJahrlJUch sur Ilinderheillwnde, Bd XXIX, il. 3 et i,

p. 388, 1889, sont des cas d'oedènie par refroidissement chez des enfants.

ÉTUDE DES TROUBLES TROPHIQUES DANS L'HYSTÉRIE. 267

Pas d'antécédents héréditaires.

Antécédents personnels. - A treize ans et demi est entré à l'école des

mousses; a navigué jusqu'en 1879, âgé de trente -six ans comme matelot;

était un peu mauvaise tête. A fait la campagne d'Italie, stationné à

la Martinique; stationné aux Indes; quatre mois au Sénégal; croisière dans

les mers de Chine pendant dix-huit mois. Voyages à Saigon, à la Nouvelle-

Calédonie. Au Sénégal, à l'âge de dix-neuf ans, aurait eu la fièvre jaune ?

Jamais de fièvre intermittente. Il aurait eu deux petites atteintes de scorbut

il vingt ans et à trente-cinq ans.

Depuis qu'il a quitté la marine, en 1870, âgé de trente-six ans, il s'est

marié, a travaillé cinq ans comme garçon de bureau, puis est entré comme

surveillant de nuit à l'usine Eiffel. Pas de syphilis. De vingt-trois à trente-

six ans, il a fait des excès de boisson, il avait des pituites, du tremblement

des mains, des cauchemars pendant la nuit.

Depuis cinq ou six ans il est tout à fait sobre.

Il a perdu sa femme il y a cinq ans; il y a trois ans, a perdu un enfant du

croup; c'est trois mois après qu'il a commencé il avoir des vertiges. Toujours

bien portant depuis 187G.

Début de l'affection actuelle. - II y a trois ans, au mois d'août, il eut

des étourdissemcnts passagers, sept ou huit chaque jour. Il était pris tout

d'un coup; les objets oscillaient devant lui, sa vue se troublait, pas de bruits

dans les oreilles; il ne perdait jamais connaissance, mais il était obligé de se

cramponner pour ne pas tomber. Quand il ne pouvait pas s'accrocher à

quelque objet, n'ayant rien à sa portée, il se laissait aller doucement à terre

pour ne pas se blesser en tombant. Cela durait une minute et tout était fini.

Il travaillait alors comme homme de peine dans une fabrique de produits

chimiques. Comme il était souvent obligé de transporter des bonbonnes

d'acide sulfurique, le contre-maître craignant de le voir tomber et casser ses

bouteilles, vu ses fréquents vertiges, le fit renvoyer de la maison.

En dehors de ses vertiges, il était tout à fait solide, travaillait régulière-

ment, ne souffrant de rien. Ces vertiges se sont atténués progressivement; ils

ont existé pendant huit mois et ont disparu.

Depuis trois ans, il lui arrive aussi très souvent, deux ou trois fois la se-

maine, d'être pris de bouffées de sang à la tète, sans vertiges. Cela vient

aussi bien à jeun qu'après les repas, dans l'après-midi assez fréquemment.

Tout à coup il sent une bouffée de chaleur lui monter à la tête; ses- tempes

battent, il devient très rouge, cramoisi, violacé. Parfois les personnes qui le

voyaient dans cet état croyaient qu'il avait bu. Cet état de congestion à la

face ne s'accompagne pas de vertiges, seulement, s'il baisse la tête dans ces

moments-là, elle lui tourne quand il la relève. Durée, une heure à une

heure et demie. Il a encore ces « congestions » actuellement.

Sa fille lui a dit plusieurs fois que, pendant son sommeil du jour (car il est

veilleur de nuit), surtout lorsqu'il a eu des verliges, il rêve, parle, pleure abon-

damment ; il ne s'éveille jamais dans ces cas.

il. lÎ

2CS NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

Il y a deux ans, le 21 juin 1887, en s'éveillant aune heure de l'après-midi

(il s'était couché à sept heures du matin), il s'est trouvé complètement para-

lysé de la main droite. Il ne pouvait ni fléchir, ni étendre les doigts, ni rele-

ver le poignet, ni le mouvoir dans aucun sens. Sa main était complètement

insensible, même au loucher; il est très affirmatif sur ce point.

La veille, il s'était couché bien portant, il n'avait pas bu, n'était pas plus

fatigué que d'ordinaire, pas l'ombre d'un traumatisme, rien de particulier.

Cette paralysie persistait depuis un mois et demi lorsqu'il entra à l'hôpital

Saint-Antoine, dans le service de M. Troisier (août 1887) où on électrisa sa

main, qui resta insensible aux courants les plus forts. 11 prétend que quand

on plaçait les pôles de la pile à courants interrompus l'un sur le bras, l'autre

sur la face externe de l'avant-bras, au niveau de sa moitié supérieure, il

sentait bien le courant, mais les doigts ne se relevaient pas. « Ça ne répondait

pas », disait l'élève qui l'électrisait. Il était insensible de toute la main

jusqu'au quart inférieur de l'avant-bras. Au bout de quinze jours, il commença

il mouvoir ses doigts; la sensibilité revint petit à petit. Il est sorti de l'hôpital

envoie d'amélioratiou au bout de dix-sept jours.

C'est environ trois mois après qu'il a commencé à se servir de la main; il

pouvait saisir un objet, couper sa viande ; mais il tremblait de cette main

d'un tremblement lent, rythmé. Ce tremblement s'est atténué, mais il a per-

sisté à un certain degré jusqu'à la rechute. Pendant son séjour il l'hôpital on

constata qu'il n'y avait pas de gonflement de la main, mais la coloration en était

violette et la température locale abaissée. M. Troisier constata qu'il y avait

un abaissement local de 3 degrés.

Il reprit son service se sentant très bien, mais la main droite n'était pas

aussi forte que la gauche. Dans ses rondes de nuit, quand il ouvrait une ser-

rure, il était obligé de tou ner la clef à deux mains. Cet état a persisté jus-

qu'en février 1888.

Un matin, vers quatre heures, après avoir dormi une heure et demie envi-

ron sur une paillasse, il s'éveilla complètement paralysé encore de la main

droite. La main était complètement insensible; le contact n'était pas perçu;

le malade qui commençait à bien s'observer est très affirmatif sur ce point.

Cette fois la main était gonflée et violacée. Aucune sensation anormale, ni

douleurs ni fourmillements dans la- main paralysée; donc paralysie absolue de

la main et des doigts, anesthésie complète, gonflement oedématenx et cyanose.

Il est allé 5 ou G fois se faire élcctriser à Lariboisicrc, et puis il s'est con-

tenté de prendre des bains sulfureux. Il continuait son service de veille il

l'usine Eiffel, mais il ne se servait pas du tout de la main. Paralysie, insensi-

bilité, oedème, cyanose ont persiste jusqu'en septembre 1888.

Tout à coup, la veille il n'avait pu saisir un crayon, alors qu'il s'y

attendait le moins, « en voulant involontairement prendre un verre plein», il

fut tout étonné de pouvoir accomplir cet acte et porter le verre a sa bouche.

A partir de ce moment, la guérison fil des progrès très rapides ; sans fourmil-

lements, sans engourdissement, sans douleur, la sensibilité revint et, en huit

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

, T. II PL. XLII

OEDÈME HYSTERIQUE DE L'" MAIN

LkCJI ! OSNIER ET 8ABÉ, tDITbUh$

ÉTUDE DES TROUBLES TROPHIQUES DANS L'HYSTÉRIE. 269

jours, il recouvra l'usage de sa main. Les deux premières fois, quand sa main

était anesthésique dans tous ses modes, il ne savait plus où elle était.

Toutes ses forces étaient revenues; il pouvait porter un seau d'eau au

deuxième étage. « J'aurais été a Lourdes, bien sûr, j'aurais cru a un miracle )J,

dit le malade. La guérison se maintint de septembre en mars 1889.

En mars 1889, vers sept ou huit heures du matin, il ne veillait pas, il avait

dormi toutela nuit; en faisant un inventaire à l'usine, il s'est trouvé paralysé

de la main droite pour la troisième fois. La paralysie était ce qu'elle est au-

jourd'hui (25 mars 1889) complète et flasque; avec anesthésie; mais le tact

était conservé. La chaleur n'était pas perçue ; il se réchauffa près d'un foyer

ardent jusqu'à se brûler pour voir s'il sentirait; mais il ne sentit rien. Il se

pinçait et ne sentait pas davantage. Dès le début, la main, était gonflée, cya-

nosée, oedémateuse.

Il est allé consulter à Tenon où on lui a prescrit du bromure. Il n'est pas

entré à l'hôpital, se contentant de se frictionner la main.

Il est entré à la Salpêtrière le 21 mai 1889.

Etat actuel (25 mai 1889). - Hormis les bouffées de chaleur déjàdécrites

et auxquelles il est encore sujet, pas d'autres troubles fonctionnels à relever

que la paralysie delà main droite.

Description de la paralysie. Tous les mouvements de la main et des

doigts sont abolis. La main pend inerte. Le malade ne peut ni étendre ni

fléchir les doigts et le poignet. Les mouvements d'adduction et d'abduc-

tion du poignet sont supprimés. Lorsqu'on dit à P... de fléchir le poignet, il ne

le peut pas ; s'il plie- l'avant-bras avec effort on a de la peine à étendre le

poignet ; les fléchisseurs du poignet ne sont paralysés que pour le mouvement

de flexion isolé du poignet. Quand le malade fait un effort pour déplacer : Se;'

doigts, on voit quelques légères secousses du petit doigt et de l'index. La pa-

ralysie est flasque ; pas tracés de contracture ou de raideur.. ' ' : '

Sensibilité. Analgésie absolue de la face dorsale de la main se termi-

nant parun manchon circulaire' l'union du tiers inférieur avec les deux tiers

supérieurs de l'avant-bras; analgésie incomplète de la paume do la main ut

de la face palmaire des doigts.. ' ' '

Thermo-anesthésie absolue dans les mêmes régions au froid (glace), à ta

chaleur (100°. et au-dessus). - j

La sensibilité au contact est conservée, inais elle est pervertie; >

Le sens musculaire est aboli, poignet et doigts. -

La main et les doigts sont gonflés, oedémateux; la coloration de la peau

est normale (pl. XLII).

Sens spéciaux. - Rien à noter; seul le goût est obnubilé à droite.

Vers le 10 juin, le malade s'est plaint de crampes dans les membres,

apparaissant seulement la nuit.

21 juin. - La main est dégonflée, les doigts fonctionnent librement sous

l'influence toutefois d'efforts énergiques. Dans la nuit du 22 au 23, sommeil

agité, énervement, crampes dans les bras, épistaxis.

270 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA S.1L1'l : TltII : RE.

23j'm('h. L'état de la main s'est amélioré au point de vne de la sensi-

bilité : Dyn. = 7 Kilos. Elle reste dégonflée mais toujours insensible la dou-

leur et à la température.

Vers six heures du soir, éblouissements, face congestionnée, vertiges subits;

durée, quelques secondes.

Dans la nuit à trois reprises, crise d'étouffement, sensation de serrement

de la gorge il vingt minutes d'intervalle.

24. juin. Le malade se sent courbaturé, il a des élancements dans les

tempes. D,ms l'après-midi, pendant une partie de caries, la main droite qui

était complètement désenflée s'cedématie et se refroidit dans l'espace de

deux heures sous les yeux du malade et des assistants. Les mouvements de-

viennent plus difficiles. Le soir du même jour, nausées.

25 juin. La main est exactement dans le même état de bouffissure et

de paralysie qu'elle présentait avant l'amélioration des jours précédents. P...

se plaint de souffrir dans le côté gauche du ventre. Durant la nuit, il a eu plu-

sieurs étouffements, sensation de boule partant de l'abdomen et remontant

rapidement jusqu'à la gorge, de courte durée.

20 juin. Le malade en s'évcillanl trouve la main complètement dégon-

flée, la peau cependant en est un peu cyanosée; il peut remuer un peu les

doigts. Le soir, à quatre heures, tous les mouvements des doigts s'accom-

plissent rapidement et sans force. Dyn. = 6 kilos.

27 juin. « La guérison » se maintient; le malade peut se déboulonner,

couper sa viande, accomplir presque tous les mouvements usuels. Cependant

il ne faut pas que ces mouvements exigent un certain effort musculaire, car

il ne peut pas, par exemple, porter son verre plein a sa bouche. Les troubles

de la sensibilité restent les mêmes.

28jwùi. Dans la nuit, tremblement dû la jambe et du bras droits : durée :

30 secondes, suivi de crampes dans les membres du même côté. Le gonflement

de la main reparaît, et la paralysie également. Dyn. = 0. Cet état per-

sisle jusqu'au 1" juillet, époque à laquelle la paralysie s'est atténuée.

L'oedème est moins marqué. Le pouce et les deux premiers doigts sont

animésd'un tremblement léger secousses inégales, peu rapide. Dans la nuit,

à la suite d'un accès d'étouffement précédé d'une aura très caractérisée, il a

été pris d'un tremblement très rapide et très fort du bras et de la jambe du

côté droit. Ce tremblement a persisté plus de 5 minutes.

2 juillet. - L'amélioration dans l'état de la main s'est accentuée : Dyn.

= 15 kilos. Tous les mouvements sont possibles.

3-4 juillet. - Même état. Dyn. = 18 kilos.

Le 7 août. - Durant la nuit, vertiges et étouffements; le gonflement et la

paralysie ont reparu le matin. Le lendemain, le malade peut à peine écrire.

L'anesthésie avec dissociation remonte jusqu'au tiers inférieur de l'avant-

bras.

Les 8-9-10-11 août.. Mèmeélal, la main reste bouffie, cyanosée, paralysée

à peu près complètement.

ÉTUDE DES TROUBLES TROPHIQUES DANS L'il STEI'11-l. 'il

Les 12-13-14 août. L'oedème de la main s'atténue, les mouvements rede-

viennent plus libres; le malade est très énervé, de mauvaise humeur. Durant la

nuit, il est agité, il parle tout haut, il a des accès de tremblement.

15 août. - Elancements dans les tempes très douloureux. Epistaxis.

16 août. - Bourdonnements continuels de l'oreille droite, affaiblisse-

ment de l'acuité auditive de ce côté qui a persisté d'ailleurs depuis celle

époque.

17 août. - La main est complètement dégonflée, mais elle reste violacée

et insensible à la douleur et il la température. Les mouvements des doigts

reparaissent. Dyn = 1 i 1 : . La paralysie s'atténue les jours suivants. Le 17,

Dyn. = 18 k. Le 21 = 30 kilos; le 23= 50 kilos ; c'est tout ce qu'il peut

donner lorsque sa main est en pleine force. '

Le mardi 23, à sept heures et demie du soir, vertiges, congestion très vive

de la face, bourdonnements dans les oreilles mais plus marqués a droite,

battements très violents dans les tempes, « énervement général ». Le malade

se couche et tout à coup il tombe pour la première fois en attaque. Il en a une

série de dix ou douze consécutives ; nous avons assisté à deux d'entre

elles. -

Phase épileptoïde. - Le malade commence parfaire des efforts de déglu-

tilion et de respiration bruyante ; la face se congestionne et aussitôt, brus-

quement, les quatre membres se roidissent en extension, les avant-bras en

pronation forcée, les doigsfortement fléchis, les poings fermés, la paume de

la main tournée eu dehors. Les membres sont agités de petites secousses

épileptoïdes très rapides, très brèves. Cette phase dure quelques secondes

pendant lesquelles la face du malade devient rouge, \iolac6a; il n'écume pas

et ne se mord pas la langue.

Grands mouvements. - Puis il jette sa tète à la renverse, et brusquement,

après des mouvements de circumduction des bras, à grande amplitude, il

décrit un arc de cercle, couché sur le flanc droit, le ventre tourné il droite,

les bras et la tête rejetés en arrière. Ces grands mouvements se répètent une

ou deux fois, puis le malade se remet dans le décubitus dorsal, les yeux

fermés, les membres souples. Cet état de calme dure une minute au plus.

Phase de délire. - Puis sans altitudes passionnelles, avec quelques dé-

placements de la tête, quelques mouvements des jambes et des bras d'ordre

banal, il se met à parler à haute voix, questionnant un personnage qui est sa

fille, lui répondant, etc.

« Delphine, Delphine ! va trouver la concierge... tu ne peux pas me garder

toute seule... tu es encore trop jeune pour te marier, tu n'as que seize ans...

que veux-tu que je fasse avec mes deux gosses, toul seul ? Il faut que tu

restes pour m'aider à les élever, etc. »

Nous Interpellons à ce moment le malade qui nous répond : « Je suis

courbaturé, laissez-moi dormir. La main est complètement dégonflée, elle a

toute sa force, et serre énergiquement.

2 ¡, aOlÎt. - Le lendemain, 24 juillet, l'oedème et la paralysie ont reparu

';]72 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

durant lanuit. Lesoir àseptheurcs, nouvelle série d'attaques comme la veille.

Nuit très calme; bon sommeil.

25 août. - Plus de gonflement, plus de paralysie. Dyn. = 60 kilos; elle

est seulement plus froide et un peu cyanosée. L'anesthésie (dissociée) re-

monte jusqu'à deux travers de doigt au-dessus du coude où elle se termine

par une ligne circulaire très nette. Champ visuel rétréci à GO° à droite el à

gauche; goût aboli à droite; ouïe presque abolie à droite, le bruit de

la monlre n'est perçu que si celle-ci est appliquée contre l'oreille. A sept

heures moins le'quart, le soir,P... tombe en a ! laques. Nous arrivons il la fin de

la première attaque. Le malade qui est dans le décubitus dorsal en est à

la phase de délire. Ses veux sont fermés, le visage est très congestionné. Il

parle sans accompagnement de gestes, toujours couché, mais avec des into-

nations, des inflexions de voixpleines de naturel. Nous transcrivons textuelle-

ment ses paroles : « Des médecins, on en a vu des malins, qui se disent t

malins, ou qui paraissent l'être... Il y en a un... on pent bien le nommer

tout de même... C'est l'honorable M. X..., officier de la Légion d'honneur,

s'il vous plaît; il n'en est peut être pas plus brave pour ça. Il a dit à-ces

messieurs, oh jene vais pas vous raconter tout ce qu'il a conte ; je ne vais pas

vous faire le discours. Il a dit que j'étais atteint... d'une névrite du plexus

brachial... et à cet effet, il m'a colloque un boisseau de pointes de feu ! j'en

porte encore les marques... Il y avait dans le service un petit bonhomme qui

avait l'air plus malin il lui tout seul que tous les autres réunis... Il s'appe-

lait ? .. Il a été chef de clinique à la Pitié, je ne sais où, je ne me rappelle plus...

Lui, avait dit que c'était une paralysie hystérique. Il avait dit il un autre : Le

père X... se met le doigt dans l'oeil, c'est un hystérique... Enfin ceci ou ça, ma

main n'allait pas mieux... Après ça, j'ai élé voir le médecin de la boîte

(usine Eiffel, àLevallois-Perret), le père X... pas malin celui-là; c'est un Breton

d'ailleurs. Il croit toujours que c'est un demi-setier de trop quand on est

malade... Il m'a dit : « Paralysie a frigore. » Qu'est-ce que c'est que ça ?

Enfin il ne m'a rien fait. »

Deuxième attaque. Phase épileptoïde; grands mouvements, arc de

cercle, le délire continue. « Alors donc une... une paralysie a frigore et patati

et patata. Enfin il me donne un billet et me dit : « Avec ça, tu iras à Tenon

dans mon service, on te mettra des pointes de feu. » Je regarde le billet :

c'était un bon pour GO pointes de feu... Enfin j'y Vais tout de même. Je vois

dans la salle un grand diable d'externe qui avait plutôt l'air d'un chef de cui-

sine que d'un externe. Il'm'en a collé dans le dos... des poinles de feu !

« Ça faisait le deuxième médecin en question.

« Le troisième... Celui-là c'était une paralysie par compression... sur il

ne m'a pas fait de mal, il ne m'a rien prescrit du tout.

« Et le plus drôle c'est que ça a guéri tout seul, deux jours après... oui,

tout d'un coup en buvant un demi-setier... C'aurait été de l'eau de

Lourdes, pour sûr qu'on aurait pu crier au miracle. » Efforts de déglulion

puis...

ÉTUDE DES TROUBLES TROPHIQUES DANS L'11YST$IiIE. 273

Troisième attaque. - ...« Alors je suis resté quatre mois bien tranquille,

ma main fonctionnait bien... Ah ouiche, v'là ma paralysie qui repique un

matin. Ça commençait à ni'emm..... je me dis : le patron, ça va l'embêter, il

va me mettre à laporte.

« Alors je vais retrouver le père X... il me dit-je croisbien qu'il a reconnu

qu'il s'était f.... dedans cette fois - « Je vais te donner une lettre pour

M. Charcot... Des lettres ? j'en avais trois dans ma poche... Une de M. Netier,

une de M. 1\Ioutard-Martin, une de M. Troisier et celle-là ça faisait quatre.

« Enfin j'ai donc été à la Salpêtrière... je n'ai pas montré les lettres... on

m'a bien reçu sans lettre et je n'en suis pas plus fier pour ça. Oh la ! la !

ce qu'il fait chaud ! on étouffe dans c'te cambuse. (Ici, mouvements répétés de

déglution, ébauche d'attaque, efforts respiratoires, les membres se raidissent,

mais l'attaque s'arrête là, et le délire reprend.)

« Ouvre la fenêtre... la porte... il faut de l'air... Ah ! ... un petit zéphyr...

Et puis, tu sais, ne laisse jamais entrer les enfants quand je suis dans cette

tenue là ! non vois-tu, je ne veux pas qu'ils entrent quand je suis f.... comme

ça. » (Après un moment de silence.) « Tout de même, c'est très encourageant

pour le public... cinq médecins, et pas les premiers venus de Paris, qui ne

connaissent pas ma maladie. Je crois que c'est Charcot qui a raison... quand

il m'a vu M. D... lui a dit : « C'est un hystérique, mais il n'a pas eu de crises. »

Le père Charcot a répondu : « S'il n'a pas eu de crises, eh bien ! il en aura. » Si

je savais pas qu'il me... sije croyais qu'il est sorcier je lui enverrais bien un

gnon sur la caboche. Voilà ! ... Vite consolé lui... « S'il n'a pas de crise, eh

«hien, il en aura ! ... » Avec tout ça me propre et, en insistant sur chaque

mot... « Me voi-là passé pensionnaire de M. Charcot. En voilà un

certificat d'idiotie, de crétinisme, de ramollissement ! Si on le savait, aucun

patron ne voudrait me louer; on me f... à la porte de partout. Le fait est que

c'est une population de choix ici. Il y en a quelques-uns qui sont enragés... »

Quatrième attaque. « ...Ah oui ! mais je ne sais pas ce que je vais

devenir, je n'oserai jamais retourner avec mes enfants. Voyez-vous qu'on me

ramène en fiacre entre deux sergents de ville'... Je ne veux pas sortir... ou

si je sors, ce sera pour aller jusqu'au pont d'Austerlilz... voir si la Seine n'a

pas changé de courant... »

Ebauche d'attaque. - Le délire change d'objet, ce qui suit a été débité

vile, avec un ton, des rires canailles, on ne peut plus nature... « Alors c'est

pas une colle que tu me contes-là ? Bien vrai ! LeD... s'est marié avec la E... ?

Ah zut alors ! mais je l'ai connue avant lui, mais c'est une traînée ! tout

l'atelier a... mais il n'y pense pas ! Elle passé une fois quinze jours au corps

de garde sans sortir... Et puis elle se saoule... Eh bien, ils vont faire un joli

couple. La grosse E... c'est pas une femme, c'est un tonneau ! Ce qu'elle a

dû en voir ! Mais ça ferait le tour du monde s'ils étaient au bout les uns des

T. Il faisait allusion dans la circonstance à Cah... (Obs. 1) qui, pris d'une attaque d'hystérie,

sur la place de la Bastille, avait été ramené en fiacre à la Salpètrière par doux' sergents

de ville. 1

271 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPËTRIER) ! .

autres... je n'en voudrais pas quand on me f... dix francs. Oh la ! 1 : 1 ! quel

charivari si j'avais élé lv ! ... on aurait dû lui brûler la paillasse ! »

Cinquième attaque. - Le délire recommençait, nous avons réveillé le

malade en l'interpellant vivement en le secouant; il est revenu à lui puis il

s'est endormi paisiblement.

4 août. - Depuis P... a des attaques à peu près tout les deux ou trois jours,

le soir, toujours vers sept ou huit heures. L'anesthésie remonte jusqu'à In

partie moyenne du bras. Les autres stigmates n'ont suhi aucune modifi-

cation. Le malade a de chaque côté, dans le flanc, une zone hystérogène très

nette, pseudo-ovarienne. La pression de ces zones n'airétc pas les attaques,

mais elle les provoque toujours.

Cette observation nous a été communiquée par M. Truffier, agrégé,

chirurgien des hôpitaux. Elle a été recueillie par M. Vignard, interne

de service.

Ons. II. - Leg..s, Louis, trente-cinq ans, comptable à l'Exposition.

Antécédents héréditaires. - Père mort à soixante-huit ans de la rupture

d'un anévrysme, caractère paisible. Mère morte il soixante-douze ans d'une

hémiplégie gauche pendant le cours d'un cancer du sein ; caractère calme,

non nerveuse. Une soeur très nerveuse, s'est suicidée après avoir perdu du

croup, en quinze jours, son mari et ses trois enfants. Un frère très nerveux,

qui a eu les fièvres au Sénégal, et aurait des attaques d'épilcpsic depuis la

mort de la mère survenue il y a trois ans.

Antécédents personnels. - Marié il vingt-six ans; huit enfants, dont un

est mort il y a trois semaines ; une petite fille un peu nerveuse. Pas de sy-

philis. Fièvre typhoïde à onze ans. Réformé du service militaire pour varices

volumineuses à gauche; ni rhumatismc ni migraine; fracture du radius il y a

, deux ans. Pas d'alcoolisme. Très fort mangeur.

Le mardi 17 septembre, à huit heures du matin, se sentant dans son état

normal et entendant le coup de canon de l'Exposition, il tire sa montre de la

main gauche et la laisse tomber. La main était engourdie, insensible, il y

sentait des fourmillements. Le samedi, il vient à la consultation à l'hôpital

Necker n'ayant encore fait que des frictions à l'alcool camphré et l'envelop-

pement avec l'ouate. 6

La main gauche est très parétir¡uc; elle est analgésique et présente de plus

un dème tout particulier qui ne ressemble en aucune façon ;i celui de l'al-

buminurie; il est dur, sa coloration est rosée; il rappelle les phénomènes

de congestion que l'on peut voir a la suite d'un coup de froid.

Le samedi soir, il prend un bain salé; l'oedèmc disparaît en grande parlie

et ramène un peu de mouvement.

Examiné de nouveau le mardi, on constate que la main gauche qui est

presque entièrement paralysée est insensible jusqu'à 2 ou 3 centimètres au-

dessus 'de l'interligne radio-carpien. La main droile est également plus

ÉTUDE DES [TROUBLES TROPHIQUES DANS l'IIYSTERIE. 275

faible que d'ordinaire, sa sensibilité esl diminuée sauf au niveau du pouce

et de la partie externe de l'index où elle est normale.

La sensibilité générale est diminuée surtout il gauche, y compris la con-

jonctive et la cornée.

De plus, anesthésie complète du pharynx, de la langue des deux côtés ;

plaques d'anesthésie complète il gauche dans la région sous-mammaire dans

une étendue de G à 7 centimètres, et dans la région interne de la cuisse

vers la moitié inférieure; la région symétrique de droite présente également

une grande diminution de la sensibilité.

Il semble qu'il faille un courant électrique plus fort que d'ordinaire pour

faire réagir les muscles de l'avant-bras gauche.

Mercredi 25 septembre. - Le malade remue un peu mieux les doigts de la

main gauche, mais la faiblesse y est toujours aussi grande. L'analgésie est

peut-être un peu moins complète. La main est moins enflée : l'oedème qui

avait presque complètement disparu est revenu les jours précédents. Les

plaques insensibles le sont moins ; mais il existe au niveau de la joue gauche

une anesthésie qui n'existait pas hier.

Jeudi 26. Etai moins satisfaisant. L'oedème de la main gauche a

reparu.

Vendredi 27.' - Les mouvements reviennent dans les deux mains mais

la'force est peu augmentée. Toutefois, les mains ne sont plus analgésiques

comme les jours précédents; il existe seulement des endroits qui sentent

moins bien que normalement.

Samedi 28. - Motilité stationnaire. La sensibilité des mains est revenue.

La sensibité générale reste la même.

Lundi 30. Main droite un peu plus forte. Main gauche état stationnaire.

Elles sont de nouveau anesthésiques.

Le malade est revenu deux ou trois fois en octobre se faire électriser car il

n'était pas hospitalisé ; à chaque fois, l'amélioration s'accentuait ; puis il

a cessé de venir et n'a plus donné de ses nouvelles.

IV

L' oedème hystérique siège généralement sur les membres, parti-

culièrement lorsqu'ils sont en état de contracture ou de paralysie. lien

a été ainsi dans l'une des trois observations suivantes que notre maitre,

IL le professeur Charcot, a bien voulu nous communiquer.

Ons. III. - OEdème, cyanose et contracture hystérique du membre

inférieur gauche. (Observation recueillie par M. le Dr Wallet à l'éta-

blissement hydrothérapique d'Autouil et communiquée par M. le pro-

fesseur Charcol.) - Mlle B..., âgée de dix-sept ans, après avoir présenté

une série d'accidents de nature hystérique (contracture du bras droit,

276 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALl'ETKIËRE.

torticolis, blépharospasme) fut prise le 7 mai dernier des symptômes

que voici :

Le 7 mai, le gros orteil du pied gauche se contracture en extension

et abduction forcée. Le jour suivant, le pied et la partie inférieure de la

jambe sont envahis assez rapidement par un oedème dur, avec coloration

violacée des téguments. Le troisième jour, 9 mai, la contracture d'abord

localisée au gros orteil se généralise il tout le membre inférieur gauche ;

le pied se place dans l'attitude du pied bot talus et la jambe est immo-

bilisée en extension, de telle sorte que la malade marche péniblement

en soulevant son membre tout d'une pièce et en s'appuyant sur le

talon.

L'oedeme qui occupe tout le pied et les deux tiers inférieurs de la

jambe est énorme, donnant aux deux segments du membre une forme

cylindrique. Les saillies et méplats ont disparu; les malléoles ne sont

plus apparentes.

Le gonflement consiste en une infiltration oedémateuse de la peau

et des tissus sous-cutanés. Cet oedème est dur; cependant à lapression,

il garde pendant quelques minutes l'empreinte en godet formée par

la pulpe du doigt.

La peau, au niveau des parties gonflées, est cyanosée; elle a une teinte

générale violacée sur laquelle se dessinent des marbrures d'une colo-

ration plus foncée, lie de vin. Elle est sèche, luisante et froide.

Avec ce gonflement oedémateux qui est allé en augmentant pendant

une semaine environ, il s'est développé au niveau des parties tuméfiées :

il' Une hyperesthésie douloureuse et superficielle des téguments. Les

frôlements, les excitations légères à fleur de peau, y déterminent une

sensation de cuisson insupportable. Par contre, une pression forte

exercée sur une large surface est bien tolérée. La sensibilité thermique

est émoussée. Le contact d'une boule d'eau très chaude ne détermine

qu'une vague sensation de chaleur.

2° Des douleurs spontanées; ces douleurs consistent en tiraillements,

élancements, sensations de brûlure. Elles sont assez intenses pour

empêcher le sommeil.

Tous ces troubles : oedème, cyanose, sensations douloureuses, hy-

peresthésie et contracture ont persisté pendant un mois.

Le 9 juin, après une séance de massage, la contracture a commencé

ü céder, et dès lors, l'oedème, les troubles vaso-moteurs et l'hyperes-

thésie se sont effacés progressivement. Le 10 juin, alors que le volume

du membre avait déjà sensiblement diminué, les chiffres des mensura-

tions faites comparativement au membre inférieur droit et au membre

inférieur gauche, étaient les suivants :

ÉTUDE DES TROUBLES TROPHIQUES DANS L'HYSTÉRIE. 577

278 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE,

son membre inférieur droit en même temps que la peau de la région

tuméfiée prenait une teinte rougeatrc, bleutée. Ce gonflement oedéma-

teux était dur; il ne gardait que peu ou point l'empreinte du doigt. Il

était complètement indolent. L'état général était parfait ; il n'y avait pas

de fièvre; la température relevée à plusieurs reprises pendant deux ou

trois jours consécutifs oscillait entre 37° et 37° 5. Cependant, un chi-

rurgien consulté, croyant se trouver en présence d'un phlegmon profond

ou d'unepriostite, pratiqua, après beaucoup d'hésitations, il est vrai,

au niveau delà cuisse deux longues et profondes incisions ; l'hémorrhagie

fut peu abondante, mais les incisions ne donnèrent issue à aucune

trace de pus. La plaie se cicatrisa en quelques jours : bientôt après, le

gonflement disparut comme il était venu.

Le 7 mars de la même année, pareil accident se produisit à l'autre

jambe. A son tour, le membre inférieur gauche fut envahi spontanément

par un oedème dur, bleu clair, indolent. Cette fois on se borna à exer-

cer une compression élastique des régions gonflées et au bout d'une

semaine la tuméfaction oedémateuse avait disparu.

Le cas est évidemment fort instructif; et la complication chirurgicale

qui vint en traverser l'évolution est bien faite pour montrer jusqu'à

quel point ces gonflements' hystériques, avec l'état congestif, la teinte

violacée de la peau qui presque toujours coïncide, peuvent revêtir une

apparence inflammatoire et faire croire soit à des phlegmons profonds,

soità des suppurations osseuses ? Bien qu'ils soient relativement rares,

ces faits méritent donc d'être connus, on en conviendra, ne fut-ce qu'en

raison de l'intérêt pratique qu'ils comportent. Sans doute, l'absence de

fièvre, l'état général du malade sont en ces circonstances des indices

précieux, presque décisifs, pour le diagnostic. Mais il est incontestable

que les symptômes locaux sont bien faits pour induire en erreur.

L'étendue, l'aspect du gonflement, les douleurs spontanées dont il

est le siège, l'hyperesthésie des téguments, tout cela peut aisément con-

duire à un diagnostic erroné.

Dans l'observation de M. Damaschino que nous résumons à cause

de son importance, il siégeait sur les deux membres inférieurs contrac-

turés et s'accompagnait de phénomènes inflammatoires susceptibles

également de faire hésiter le diagnostic.

Femme de trente-trois ans, père mélancolique. Fièvre typhoïde il dix ans,

à la suite de laquelle chorée rhytltmée des membres inférieurs. A quinze ans,

1. Noire regretté maître voulut bien nous donner sur cette malade des renseignements

complémentaires d'où il résulte qu'ultérieurement, à plusieurs reprises, l'oedème apparut et

disparut, toujours en coïncidence avec l'apparilion et la disparition de manifestations d'hys-

térie locale. (G. T.)

. ÉTUDE DES TROUBLES TROPHIQUES DANS L'111S'l'I : PIC. 279

tentative de suicide, hallucinations de la vue; enfermée comme aliénée, sort

guérie au bout de cinq ans. A vingt-trois ans, douleurs très vives dans les

membres supérieurs qui sont gonflés jusqu'aux épaules sans rougeur vive

ni réaction inflammatoire; impotence. On diagnostique rhumatisme fibreux.

Au bout de six semaines remue les doigts; au bout de six autres semaines

guérison complète. Première grossesse très bonne; deuxième grossesse

très mauvaise; dans les derniers jours crises intenses; accouche, sans con-

naissance, d'un enfant vivant. Etat d'hébétude. Quelques mois plus tard,

hémiplégie hystérique droite avec contracture du membre inférieur droit;

certain degré de parésie du côté gauche.

Entrée en septembre 1889 il l'hôpital Laënnec; au bout de quelques jours,

contracture du membre inférieur gauche : paraplégie complète; l'anesthésie

est remplacée par de l'hyperesthésie : rétention d'urine.

En mars, tuméfaction malléolaire gauche, sensation de froid intense dans la

jambe gauche. En avril, la jambe gauche est envahie tout entière par un oedème

de couleur rosée, elle est très chaude à la palpation et mesurée à 5 centi-

mètres de plus que la jambe droite. Température poplitée : à gauche 37°7,

à droite 35"6 C.

Bientôt l'oedème envahit à son tour la jambe droite. Le ` ? 1 mai, l'cedème dur

persiste des deux côtés. Les jours suivants il domine avec la contracture; il

est plus mou et se localise particulièrement au niveau de la malléole

externe de la jambe gauche. Il subit des alternatives d'augmentation et de

diminution et tend à disparaître.

Les deux observations de Fabre sont très incomplètes : nous les

donnons néanmoins in extenso, car la première surtout fait exception

par la généralisation ou mieux par la dissémination de l'cedème, à celles

rapportées par les autres auteurs.

Une autre hystérique, dit-il, m'a présenté il plusieurs reprises non

plus un amincissement scléreux de la peau, mais un léger soulèvement

de la peau déterminé par un oedème dur, peu abondant, apparaissant comme

un faux embonpoint au visage, aux mains et sur divers points des membres,

particulièrement au voisinage des articulations. Ce phénomène s'est repro-

duit plusieurs fois par périodes dont les unes ne duraient que quelques jours

et les autres se prolongeaient davantage. La malade recevait alors sur sa

bonne mine des compliments qu'elle acceptait avec d'autant plus de mau-

'vaise grâce qu'elle disait éprouver de cet embonpoint simulé une gène dou-

loureuse et hors de proportion avec la bouffissure constatée; c'est que, sans

doute, il ce trouble vaso-moteur se joignaient des troubles de sensibilité.

Un oedème sous-cutané beaucoup plus manifeste occupai ! tout le membre

inférieur droit chez une hystérique observée par nous il y a deux ans; il coïn-

cidait avec des troubles de la circulation pulmonaire, oedème ou congestion du

même côté. Sydenham qui avait signalé cet oedème hystérique avait

remarqué aussi son siège unilatéral.

280 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

C'est peut-être une fluxion analogue avec oedème qu'on observe aux seins

de certaines hystériques. ,

Les trois cas de Weir Mitchell se résument ainsi qu'il suit :

Cas I. Femme de quarante-trois ans, hystérique il attaques, hémiplégie

gauche avec hémianesthésie, conservation du tact; l'oedème siège particu-

lièrement sur le membre inférieur gauche ; il existe également sur le bras

et se montre d'une façon intermittente sur le tronc, sur le sein, toujours il

gauche. OEdème dur, le doigt qui presse laisse très difficilement sa trace. La

température de la jambe gauche est inférieure de un quart à trois quarts F.

comparée à celle de la jambe droite. L'oedème subit des variations il l'ap-

proche des règles, sous l'influence d'une émotion. Le gonflement diminuait

sous l'influence d'un bandage très serré pour reparaître aussitôt le bandage'

enlevé. Il persista au moins un an et demi.

Cas II (très incomplet). Femme trente-sept ans, hystérique; la jambe

gauche est le siège d'un oedème très apparent augmentant beaucoup au

moment des règles; température locale abaissée de deux dixièmes de degré

Fahrenheit.

Cas III. Femme vingt-six ans, hystérique à attaques, hémiparésie et hémi-

anesthésie gauche. OEdème des deux jambes, surtout de la jambe gauche, prin-

cipalement marqué pendant les premiers jours des règles et diminuant avec

leur disparition. Cet oedème très variable n'augmentait ni par la marche ni

par la station debout prolongée; il siégeait quelquefois au bras gauche et

à la main. Les attaques le ramenaient plus considérable. La pression pro-

longée du doigt ne donnait pas, ou donnait très faiblement le godet de

l'oedème. Le tissu aréolaire de la jambe gauche paraissait plus ferme que

celui de la jambe droite.

On le voit, feedème se superpose presque toujours à une contracture

ou à une paralysie d'un membre.

L'aspect de l'oedème hystérique est bien tel que l'avait indiqué

Sydenham, c'est un oedème dur sur lequel la pression prolongée du

doigt ne laisse que peu ou pas d'empreinte. Si l'on voulait conserver

au terme oedème sa véritable signification, on ferait mieux peut-être de

ne pas l'employer dans l'espèce : c'est un gonflement dur; mais l'ex-

pression nous paraît consacrée par l'usage qui a force de loi.

La peau de niveau peut avoir sa coloration normale, mais le plus

souvent aussi elle est violacée ou présente une rougeur inflamma-

toire (Damaschino); la teinte violacée peut persister lorsque l'oedème

a disparu. Elle peut précéder l'apparition de l'oedème. Aussi M. Char-

ÉTUDE DES TROUBLES TROPHIQUES DANS L'HYSTERIE. 281.

cot propose-t-il de donner à cette manifestation le nom d'oedème

bleu des hystériques.

Généralement, la température locale est abaissée; Weir Mitchell a

noté trois quarts de Fahrenheit. Dans notre observation I il y eut un

moment (Troisier) 3 degrés de différence en moins sur la main droite

siège de l'oedèmc; le simple toucher permeLlait d'ailleurs de sentir

cette diminution de la température périphérique.

En un seul cas (Damaschino) il existait de l'élévation locale de la tem-

pérature qui était portée dans le creux poplité gauche siège de l'oedème

à 37° 7, et ne mesurait que 35° G dans le creux poplité droit, côté sain.

Nous savonsquc presque toujours la paralysie, l'anesthésie et l'oedème

se superposent; il existe de plus, souvent, in situ, dans le membre

atteint, des sensations d'engourdissement, de fourmillement, de refroi-

dissement, des douleurs plus ou moins vives qu'il est malaisé de rappor-

ter à l'oedème seul, vu la complexité des symptômes.

Son début est variable; généralement il apparaît avec la contracture

ou la paralysie qu'il peut toutefois précéder ; il s'établit en permanence

avec les troubles moteurs subissant des alternatives fréquentes

d'augmentation ou de diminution. C'est là un de ses caractères les

plus importants. S'il est en effet très tenace, on remarque aussi qu'il

subit des fluctuations très accentuées sous l'influence de l'apparition

ou de la disparition des règles, d'une émotion morale un peu vive, etc.

Il pcut apparaître ou disparaître brusquement à lasuite d'une attaque;

en deux heures le membre qui en était indemne peut mesurer

z ou 5 centimètres de circonférence de plus que son congénère du côté

opposé, maximum de dimensions auquel l'oedème hystérique semble

devoir se limiter.

La station debout prolongée ne paraît pas l'augmenter : dans notre

observation III (Corn...) l'usage du membre inférieur gauche contrac-

turé (coxalgie hystérique) le faisait réapparaître ou mieux l'accen-

tuait davantage.

Sa durée peut être fort longue (deux ans et plus, obs. I) elle paraît

surtout subordonnée à la marche de la paralysie ou de la contracture

sous-jacente.

Quand à sa nature réelle elle estencore hypothétique; les piqûres ne

faisaient pas sourdre de sérosité dans les cas observés. '

En résumé : oedème dur, bleuté, indolent ou douloureux; abaisse-

ment de la température locale, superposition habituelle de l'oedème il

une paralysie ou à une contracture avec troubles de sensibilité.

Dans un cas, rougeur inflammatoire de la peau avec élévation locale

de la température.

2X2 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.

Tels sont les caractères sur lesquels on pourra s'appuyer pour faire

le diagnostic de l'oedème hystérique, caractères qui, bien entendu, ne

devront pas faire' négliger la recherche tant des stigmates que des

troubles urinaires permettant de corroborer le diagnostic, ou d'attri-

buer l'oedème à toute autre cause, l'albuminurie par exemple, com-

binée ou non avec la névrose.

GILLES DE la Tourette, A. DUTIL,

Ancien chef de Clinique Interne de la Cliniquc

deamaladic, du système nerveux. des maladie» du sjslèmc nez \cri

LA DERMOGRAPHIE

On a désigné sous les noms divers d'urticaire provoquée, urticaire

graphique, dermato-neurose stéréographique, unphénomène singulier

dû à une excitabilité spéciale de la peau, qui consiste dans l'apparition

de saillies oedémateuses, entourées de rougeur, semblables aux plaques

ortiées, pouvant former des figures variées à volonté, sous l'influence

des excitations du tégument. Nous préférons la dénomination pure et

simple de dermographie qui ne préjuge en rien de la nature de ce

phénomène.

Les traités classiques de dermatologie signalent bien à propos de

l'urticaire l'excitabilité vaso-motrice que présente parfois la peau des

malades atteints de cette affection. Mais Gull le premier a traité la

question avec quelques détails. Plus tard Zunker a décrit minutieu-

sement le phénomène qui nous occupe à propos de deux jeunes

malades, atteints d'urticaire vraie. Dans la littérature française nous

relevons plusieurs observations touchant le même sujet, faites princi-

palement sur des hystériques. La plus connue est celle de Dujardin-

Beaumetz3 (la femme-cliché). - Le fait a été noté chez deux hysté-

riques du service de M. Charcot par MM. Bourneville et Regnard 1.

Axenfeld° dans son Traité des névroses dit l'avoir observé deux fois.

Enfin plus récemment, M. Chambard' en publiait une intéressante

observation dans les Archives de neurologie et M. Lwoff présentait un

malade à la Société médico-psychologique. Antérieurement, le fait

avait d'ailleurs été remarqué par Lorain, qui aimait, dit M. Rehaut z

(de Lyon), à stigmatiser ses hystériques.

1. \\'. Gull, On fllctitious tsrticaria (Gny's IIosp. Rep., 1859).

2. Zunker, Ueber : ,wei Fille von vasomotorischen Neurosen (Berlitt. Min. Wochen-

sclt rift, 1875).

3. Dujardin-Beaumetz, Note sur les troubles vaso-moteurs de la peau observés chez une

hystérique (Union médicale, décembre 1879).

f.. Bourneville et Regnard, Iconographie de la Salpètrière (1879-1881).

5. Axenfeld, Traité des névroses, Paris, 1883.

fi. Chambard, Dermatoneurose steréographiqlle chezun imbécile alcoolique (Archives de

neurologie, janvier 1889).

7. Annales médico-psychologiques, numéro de novembre 1888.

8. Renaut, Article Dermatose, du Dict. encyclopédique.

il. 18

8.t NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.

La rareté du phénomène a sans doute été exagérée par la plupart

des auteurs qui ont traité de la question; car ayant eu l'occasion de le

rechercher sur cent trente malades, épileptiques ou nerveux, nous

l'avons observé, 7 fois avec une grande intensité, -- '18 fois à un degré

moyen - 21 fois il était très faible - 91 fois il n'a pu être produit.

On peut dire que les conditions auxquelles est liée l'existence de la

dermographie restent jusqu'ici très obscures, car l'attention n'a guère

été attirée de ce côté. Toutefois, en relevant les faits signalés, nous

trouvons une prédominance chez deux catégories de malades : d'une

part, les femmes hystériques; d'autre part, les individus déjà atteints

d'urticaire vraie. Les faits de MM. Chambard et Lwoff; les cas qu'il

nous a été donné à nous-mêmes d'observer se rapportent à des sujets

présentant des tares névropathiques manifestes. Zunlcerl rapporte

l'histoire d'un saturnin qui présenta le phénomène en question d'une

façon passagère, alors seulement qu'il était sous l'influence du poison.

Toutefois, il serait prématuré de rien conclure à cet égard, avant que

la réaction ait été recherchée sur les individus absolument sains;

d'autant plus que Michelson a pu la déterminer chez trois adultes

vigoureux, n'ayant aucune tare névropathique. Un des faits d'txenfeld°- 2

se rapporte aussi à un sujet en pleine santé. Il n'est pas rare d'observer

chez les femmes, au niveau de la taille, chez quelques individus à la

ceinture, aux endroits où les vêtements exercent une pression éner-

gique, un boursoufflement diffus de la peau, avec rougeur et saillies

oedémateuses, ressemblant au premier abord à distance à des verge-

tures, des cicatrices. Il s'agit là d'un fait du même ordre; et c'est ainsi

que nous avons découvert l'excitabilité remarquable de la peau chez le

malade dont nous donnons ici la reproduction.

Toutes les régions du tégument ne sont pas également favorables

à l'expérience. Il faut choisir, dit Gull, une région riche en fibres

lisses. C'est sur la peau du thorax qu'on réussit le mieux à produire le

phénomène, principalement dans la région dorsale. Sur les membres,

l'excitabilité va en décroissant de la racine vers l'extrémité. Nous avons

également pu le produire sur la face, sur la peau du front; M. Cham-

bard sur la muqueuse buccale3. Ajoutons que les excitations méca-

niques sont les plus efficaces.

Pour la description du phénomène de la dermographie, nous ne

saurions mieux faire que de nous rapprocher de celles qu'en ont

1. Zunker, loc. cit., p. 50 ?

2. Axenfeld, loc. cil., p. 1032.

3. Chambard, loc. cit., p. 11. i.

LA DERMOGRAPHIE. 285

données Gull et Zunker. Voici les phases détaillées par lesquelles il

passe successivement :

Aussitôt le passage de l'instrument (tranchant d'un coupe-papier

par exemple) pâleur passagère suivie du phénomène de la 'chair de

poule.

30 secondes : rougeur faible sur la ligne tracée, entourée de deux

zones pâles.

z1 minute 1/2 : troisième zone rouge périphérique, s'étendant au

loin.

Fin de la 2° minute : apparition sur la ligne centrale d'élevures

blanches d'abord isolées et marquées au niveau des follicules pileux.

3' minute : extension de la saillie blanche, qui envahit la première

zone pâle et arrive aux limites de la zone rouge périphérique.

4° ou 5e minute : l'élevure ortiée est complète; les saillies follicu-

laires isolées confondues entre elles, disparues dans l'infiltration

générale.

Seulement sur le bord, on aperçoit quelques bulbes pileux proémi-

nents, donnant à cette partie un aspect grenu, chagriné.

15 à 20 minutes : commencement du déclin. L'aréole rouge se

rétrécit, l'élevure s'affaise et diminue de largeur.

Quelques heures : plus rien.

Ce tableau qui est à peu près exactement celui tracé par Zunker à

propos d'un malade, peut s'appliquer à la généralité des cas avec

quelques modifications. C'est ainsi que l'aspect de la chair de poule

est plus ou moins marqué; la saillie de l'élevure varie de 1 à milli-

mètres et davantage; la zone rouge périphérique s'étend de 2 à 5 cen-

timètres. La persistance du phénomène peut être de 12 heures,

comme dans le cas de M. Dujardin-Beaumetzi. Il existe du reste de

grandes variations individuelles; et l'examen de nos malades nous

a montré que toutes les transitions pouvaient s'observer dans les

degrés que présente le phénomène. D'une façon générale, il est

d'autant plus fort qu'il a été plus long à se produire.

Comme conséquence de la congestion cutanée qui accompagne

l'oedème, il faut noter une élévation de température pouvant dépasser

2°. Suivant Gull, il se produirait, concurremment à la contraction

des fibres lisses du derme et sous l'influence de cette contraction, une

modification dans les dimensions du tégument, un raccourcissement

que l'on peut vérifier en prenant la distance entre deux points marqués

sur la peau. Le fait avancé par Gull n'est pas si facile à vérifier qu'il en

1. Dujardin-Beaumetz, loc. ci ? p. 919.

286 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE,

a l'air si l'on considère que, dans la région sternale par exemple, une

distance verticale longue de 8 centimètres peut augmenter de 1 cen-

timètre quand on porte le cou dans l'extension; et qu'il en est de

même dans le sens transversal si l'on porte les épaules en arrière. Il

faut donc s'assurer d'une immobilité absolue pendant toute la durée

de l'expérience. Or en choisissant pour faire cette recherche la peau

qui recouvre la crête du tibia, nous avons évité cette cause d'erreur.

Mais dans ces conditions, nous n'avons observé aucun changement de

dimension dans la région excitée. Entre deux points distants de 8 cen-

timètres, huit lignes transversales ont été tracées. Mais à aucun mo-

ment du phénomène, et dans aucun sens, il ne nous a été donné

d'observer le retrait du tégument. D'ailleurs la même expérience

pratiquée dans la région sternale, le malade ayant gardé l'immobilité

absolue, les bras croisés, nous a donné le même résultat négatif.

Notons encoreau niveau de l'éruption provoquée, le phénomène du

pouls capillaire déjà observé par M. IIirtz' sur les papules ortiées.

Nous en aurons fini avec cette description quand nous aurons

ajouté que les symptômes subjectifs, dans tous les cas, sont nuls au

niveau de l'éruption. Zunker note seulement une légère sensation de

chaleur chez un de ses malades; mais il y a loin delà au prurit intense,

caractéristique de l'urticaire véritable.

Les phénomènes consécutifs sont nuls : la congestion oedémateuse

disparaît spontanément au bout de 1 à 12 heures. Nous signalerons

cependant, avec toutes réserves, un fait de pigmentation consécutive.

Six petites lignes transversales avaient été tracées voisines l'une de

l'autre, dans la région deltoïdienne droite; l'excitation n'avait pas été

plus violente que d'habitude, et aucune ecchymose n'avait été remar-

quée. Cependant, huit jours plus tard, apparaissait une légère pigmen-

tation brune, qui actuellement, au bout de trois semaines, est manifeste

sur les lignes précédentes. Mais il faut avouer que c'est la seule fois

que pareille chose s'est produite, et que nos tentatives ont échoué

pour obtenir une pigmentation dans la région symétrique, du côté

gauche.

Dans le but d'étudier les circonstances qui font varier le phénomène,

on a fait un certain nombre d'expériences :

1° On a varié les excitants.

Nous n'avons envisagé jusqu'ici que les excitants mécaniques par

pression. Les piqûres d'épingles légères s'entourent d'une petite

macule rouge, qui devient au bout de quelques minutes une papule

I. Ilirtz, Soc. médicale des Hôpitaux, séance du 25 janvier 1889.

LA DERMOGRAPHIE. 287 7

légèrement saillante, de la dimension d'une lentille. Un jet d'eau

compact ou divisé lancé avec force (excitation hydro-mécanique) a pu

produire l'oedème congestif sur le malade de M. Chambard'. Le même

malade, dont l'excitabilité était remarquable, a présenté, sous l'in-

fluence d'une simple aspersion d'eau froide, une roséole, bientôt

suivie de l'apparition de papules d'urticaire typiques.

Une malade de 111. Blachez°- était particulièrement sensible au froid.

L'effigie d'une pièce de monnaie se reproduisait sur sa peau avec un

relief d'une netteté remarquable. ,

Les excitations électriques semblent bien inférieures sous ce rapport

aux excitations mécaniques. Ainsi la {urad isation avec le pinceau n'a fai t

apparaître, sur le malade photographié ici qu'une faible rougeur (au

zéro de l'appareil Dubois-Raymond). Il est vrai que cette rougeur une

fois effacée, nous avons pu voir persister quelques petites papules rou-

ges, semblables à des éléments de varicelle et répondant aux points de

contact des fils du pinceau. Les excitations galvaniques semblent plus

actives. Au bout d'une minute environ, avec i éléments Gaiffe, nous

avons vu se produire aux points de contact du pinceau de petites papules

rouges, saillantes, qui sont devenues oedémateuses, simulantà s'y mé-

prendre un groupe d'éléments de zona. Les résultats se sont montrés

identiques aux deuxpôles avec le pinceau, si ce n'est que, au pôle posi-

tif, l'éruption s'est montrée plus tôt et a été plus forte. Notons encore

l'opposition au pôle négatif d'une belle roséole, étendue à tout le dos,

au moment de l'application du pinceau, phénomène qui n'a pas du

reste été reproduit dans la même séance. Au niveau du tampon, rien

d'appréciable nes'estproduit.

Ces résultats diffèrent de ceux obtenus par M. Chambard auquel la

galvanisation a donné moins que la faradisation. Mais il faut peut-être,

en pareille matière, faire la part de l'excitabilité spéciale du malade. En

tous cas, la différence observée dans les deux modes de réaction, mon-

tre bien qu'il ne s'agit pas d'exciation mécanique pure et simple parles

fils du pinceau.

2° On a cherché à entraver localement la production du phénomène.

Gull et Zunker ont signalé l'action des anesthésiques. L'application

de chloroforme, d'élher, empêchent la formation des élevures ortiées ;

mais il faut que l'anesthésie locale soit complète. Après avoir répété

ces expériences, voici les conclusions auxquelles nous sommes arrivés.

Si l'anesthésie est incomplète (application de chloroforme, de glace

1. Chambard, loc. cil., p. 15.

2. Mâchez, Société médicale des Hôpitaux, 1872.

288 ' NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

pendant 1 ou 2 minutes) une ligne tracée, partie sur la peau intacte,

partie sur la région anesthésiée, devient saillante d'abord dans la

première portion seulement - puis la seconde s'élève à son tour avec

un retard variant de 1 à 3 minutes. Finalement le phénomène acquiert t

une intensité égale sur toute la longueur de la ligne. Unefois la saillie

bien développée, les applications de glace ou de chloroforme ne la

modifient plus. Si maintenant on pulvérise de l'éther jusqu'à l'insensi-

bilité complète, il est impossible en effet de produire le relief ou

même simplement la rougeur avec les excitations les plus fortes. Mais

nous avons pu constater, en examinant la région au bout de deux

heures, l'existence de reliefs bien développés (pl. XLIII). Il n'y a

donc pas obstacle, mais' simplement retard, période latente d'autant

plus longue que l'anesthésie a été plus parfaite.

Le phénomène semble d'ailleurs s'épuiser lui-même par une simple

répétition. Aux endroits précédemment irrités, on constate un retard

dans l'apparition des saillies = hauteur moindre -rougeur moins

étendue. Cet épuisement s'est prolongé jusqu'au lendemain dans une

région fortement irritée à plusieurs reprises, et nous avons noté que

la'ligne en relief produite alors était interrompue par places, les

saillies périfolliculaires restant isolées.

. Il est difficile d'établir l'évolution de ce phénomène singulier chez

les individus qui en sont porteurs, en raison de l'absence d'observa-

tion longtemps poursuivie. La malade de M. Dujardin-Beaumetz, tenue

en observation pendant six mois, n'a pas présenté de modification

appréciable. De notre côté, dans l'espace de z1 à 2 mois, nous n'avons

pas noté sur nos malades de changement important et durable. Il

s'agit vraisemblablement là d'une manière d'être de la peau, d'un état

permanent. Seul, Zunker1 a noté sa disparition chez le saturnin dont

nous avons parlé.

Userait non moins intéressant d'étudier les variations passagères

du phénomène. Chez deux de nos malades, l'un présentant des

poussées d'urticaire°, l'autre ayant une éruption eczémateuse, nous

avons noté que le phénomène était plus intense au moment des

recrudescences de l'affection cutanée. Mais c'est surtout sous l'in-

fluence des accès épileptiques que nous avons pu constater dans

quelques cas des modifications intéressantes3.

1

1. Zunker, loc. cit., p. 505.

2. Ce même malade dont la région dorsale est photographiée ici, présente sur les jambes

quelques pustules d'ecthyma disséminées. Rien qu'il s'agisse là d'ecthyma simple, une d'entre

elles siégeant à la face antérieure de la jambe gauche a déjà provoqué deux hémorrhagies

abondantes en ulcérant une veine superficielle.

3. Ch. Féré, Les épilepsies et les épileptiques, p. 219.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE T. II PL. XLII I.

\

PHOTOTYPifi aL'aTHAVD

DERMOGRAPHIE

L : &.CROSNIB ET BASÉ, ÉDITEURS

LA DERMOGRAPHIE. ' 289

Pendant la stupeur nous n'avons même pas pu produire la simple

raie rouge érythémateuse que l'on obtient sur tout le monde. Après

l'accès, nous avons pu examiner trois des malades qui la présentaient à

un fort degré en temps ordinaire : chez l'un deux (4 heures après) il

ne s'est produit qu'une simple rougeur assez étendue sans saillie ; -

chez les deux autres, saillie très faible. Enfin chez un 4° malade qui

présentait une réaction cutanée d'intensité moyenne, après une série

de cinq accès, les plus fortes excitations n'ont produit qu'une faible

rougeur; et c'est seulement le lendemain que le phénomène com-

mençait à reparaître très léger. L'accès d'épilepsie semble donc épuiser

l'excitabilité cutanée.

Reste à connaître la nature du phénomène qui nous occupe; c'est à

n'en pas douter un phénomène d'ordre musculaire, portant sur les

vaisseaux et sur les' follicules pileux, et passant par les deux phases

successives de contraction et de paralysie. Mais quelle est sa parenté

avec l'urticaire vraie ? La coexistence fréquente chez le même individu,

l'identité des phénomènes objectifs prouvent en faveur de celle-ci.

Mais les arguments opposés ne font pas défaut. D'abord la coexistence

est loin d'être constante. En outre le prurit fait défaut dans cette urti-

caire artificielle. Enfin les substances qui modifient l'urticaire véritable

restent ici sans effet :

/1° L'ingestion des aliments qui produisentl'éruption ortiée a amené

des poussées chez les sujets atteints d'urticaire vraie; mais est restée

sans effet chez ceux où l'on constatait simplement la dermographie, et

ne semble pas avoir exagéré le phénomène.

2° En second lieu, le traitement de, l'urticaire (atropine, ergotine)

tenté par Dujardin-Beaumetz et que nous avons essayé également sur

nos sujets, n'a jamais réussi à modifier le phénomène d'une façon

appréciable.

Cn. Féré, II. LAmy,

Médecin de Bicêtre. Interne des hôpitaux.

CONSIDÉRATIONS SUR LA COURBE DES EXCRÉTIONS

DANS L ATTAQUE DE SOMMEIL HYSTÉRIQUE

- 1

Dans un travail publié en 1888 nous nous efforcions de tracer

l'histoire clinique des attaques de sommeil hystérique. Les faits

que nous avons observés depuis n'ont rien ajouté de bien particulier

il' la physionomie que nous en donnions alors. Toutefois nous avons

observé pendant de longs mois une malade, Biz... (pl. XLIV, XLV) qui,

comme on le verra, fut présentée à plusieurs reprises par M. Charcot

à ses auditeurs des-Leçons du Mardi et dont l'attaque offrait cer-

taines particularités. La plus importante consistait en ce que, bien

souvent, l'attaque de sommeil avait lieu sans aura : la malade tombait

par terre, assommée pour ainsi dire, comme s'il se fût agi d'un accès

d'épilepsie. C'était la une difficulté de plus ajoutée au diagnostic.

Pendant le'sommeil, à intervalles variables, tout d'un coup, les

yeux fermés ou demi-clos, elle se découvrait brusquement, sortait de

son lit.eu.courant, se dirigeait vers la sortie et- allait se frapper avec

violence contre le premier- objet- qui s'opposait' à sa course, porte,

mur, etc. ; : ces fugues représentatives des'attitudes'passionnelles,

comme le faisait remarquer M.' Charcot, sont encore assez particulières,

elles montrent qu'il est nécéssaire, : dàns ces circonstances, de surveiller

très attentivement les malades afin qu'elles ne puissent se nuire. La

violence du, choc ne troublait d'ailleurs en aucune façon le sommeil

qui restait aussi profond que l'instant d'auparavant. Chez cette malade,

la pression seule d'une zone hystérogène était susceptible d'amener

le réveil, à moins que celui-ci ne survint normalement.

Dans le mémoire de 1888, nous donnions l'observation d'une

malade qui intriguait alors surtout le monde extra-scientifique, et

que les journaux politiques avaient baptisée « la dormeuse de

Thenelles ». Cette malade que nous étions allé voir avec le Dr Charlier

[d'Origny Sainte-Benoîte] qui lui donnait ses soins, était alors plongée

1. Gilles de la Tourette. Des attaques de sommeil hystérique. Archives de neurologie,

n°" 43, 44, 1888.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

T. II PL. XLIV.

CLICHÉ A. LONDK

PHOTOTYPIE HiRTHAUD

ATTAQUE DE SOMMEIL HYSTERIQUE

(état normal)

LIi.CROSNI8 ET ¡¡¡ADÉ, ÉDITIiIUJI

NOUVELLE ICONOGRAPHIE T. II PL. XLV.

ATTAQUE DE SOMMEIL HYSTERIQUE

.

/

CONSIDÉRATIONS SUR LA COURBE DES EXCRÉTION ?

\

dans l'état de mal de sommeil hystérique depuis le 31 mais'1883 ^S^ '

é., S zon F ?

Grâce aux notes qui nous avaient été obligeamment communiquées-"

par notre confrère, nous avions pu compléter notre examen du

7 avril 1887 et établir, dans une observation détaillée, que Mlle B...

était bien plongée, à cette époque, dans une période de véritable

sommeil hystérique que le D' Charlier suivait depuis près de trois ans.

Il était intéressant de savoir ce qu'était devenue cette dormeuse.

M. le Dr Charlier a bien voulu, avec son obligeance ordinaire, nous

communiquer la note suivante, pour laquelle nous lui adressons tous

nos remercîments : « La dormeuse de Thenelles que j'ai vue ce matin

(10 décembre 1889) est toujours dans la même situation. Je ne

retrouve plus la zone hystérogène de la région sternale. Les périodes

de grands mouvements qui entrecoupaient le sommeil, sans amener

toutefois le réveil, se font plus rares et moins fortes. La trépidation

spinale et l'exagération du réflexe rotulien sont toujours très marquées

à droite. Le pouls était ce matin, au début de mon examen, à 120.

L'état de contracture est toujours le même, avec anesthésie géné-

rale. L'amaigrissement de la malade ne m'a pas paru beaucoup plus

grand que lorsque vous l'avez vue, mais il m'est difficile de me

prononcer en l'absence de pesées comparatives. La mère m'a appris

que sa fille avait eu' y a quelques jours de la diarrhée. Je n'ai pas

eu le loisir de lui demander plus d'explications, mais je me réserve

de l'interroger a nouveau dans une prochaine visite et de vous faire

part de ce que j'aurai appris. »

Ainsi, le sommeil ayant débuté le 31 mai 1883 et se poursuivant

encore le 10 décembre 1889, nous nous trouvons donc en présence d'un

étatdemal de sommeil de 6 ans, 6 mois eU 0 jours de durée. Cette obser-

vation exceptionnelle doit être placée en dehors de toute contestation,

étant donné la surveillance médicale constante à laquelle a été sou-

mise la malade et le diagnostic indiscutable dans la circonstance.

En 1887, elle était alimentée exclusivement avec des lavements de lait

et de peptones : il est probable - sans que nous puissions l'affirmer

toutefois - que c'est encore de cette façon qu'elle est actuellement

nourrie.

II ' '

La conservation de l'existence pendant ces longues périodes de

sommeil hystérique, dans lesquelles l'alimentation ne devait s'effec-

tuer, pensions-nous, que d'une façon insuffisante et quelquefois tout à

fait négative, nous faisait désirer, en 1887, d'élucider la question des

292 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPêTRIèRE.

excrétions, de la nutrition en un mot, pendant l'attaque de sommeil

hystérique.

Quelques analyses entreprises à Londres et à la Salpêtrière à notre

instigation, n'avaient donné que des résultats absolument insigni-

fiants pour beaucoup de raisons indépendantes de l'investigation

chimique pure.

Pour cela même, l'idée d'étudier la nutrition dans ces cas si parti-

culiers n'avait pas été abandonnée; elle nous a conduit même à

généraliser notre étude à l'hystérie tout entière, normale ou patho-

logique.

Ces recherches qui ont porté sur un;très grand nombre de malades

et ont nécessité une quantité très considérable d'analyses, ont été

faites pendant les années 1888 et 1889, sous la direction et dans le

service de notre éminent maître, M. le professeur Charcot. Elles sont

en cours depublicationdansle Progrès médical, et ont faitl'objet d'une

communication préalable à la Société de biologie (27 juillet 1889).

Pour l'intelligence des faits qui vont suivre, nous reprendrons cette

communication, nous en tenant exclusivement à ce qui regarde

l'attaque et les états de mal.

Nos malades, hommes et femmes à l'encontre de ce qui avait été fait

avant nous, ont été divisés en deux catégories : les hystériques normaux,

les hystériques pathologiques. Les premiers sont ceux qui ne présentent

au moment de l'observation que les stigmates physiques nécessaires

pour établir à l'état permanent le diagnostic de la névrose; les

seconds sont ceux qui, en plus des stigmates permanents, présentent

la série des accidents variés : attaques, états de mal, vomissements,

etc., constituant la pathologie de l'hystérie. Nos recherches qui ont

porlé pour le premier groupe sur dix hystériques normaux,

sept femmes et trois hommes, nous ont conduit à admettre - à

l'encontre de l'opinion de M. Empereur - que chez l'hystérique, en

dehors des manifestations pathologiques de la névrose, autres que les

stigmates permanents, la nutrition s'effectue normalement.

Les phénomènes pathologiques que nous avons plus particulière-

ment étudiés sont, en ce qui regarde l'attaque : 1° l'attaque convulsive

aux quatre périodes; 2° l'attaque bornée à l'une de ces périodes ou

avec prédominance de cette période : forme épileptoïde, léthargique,

etc.; 3° l'attaque à forme d'épilepsie partielle; 4° les attaques de

chorée rhythmée, toux, bâillements, etc.

Dans tous ces cas, les résultats des analyses comprenant la période

des vingt-quatre heures à dater du début de l'attaque nous ont permis

de conclure :

CONSIDÉRATIONS SUR LA COURBE DES EXCRÉTIONS. 293

Que dans l'attaque d'hystérie convulsive et dans toutes les variétés

d'attaques que nous venons d'énumérer il y avait : 1° diminution du

résidu fixe, de l'urée et des phosphates; 2° que le rapport entre les

phosphates terreux et alcalins étant normalement comme 1 est à 3,

dans l'attaque d'hystérie ce rapport devient toujours comme 1 est 2

et souvent comme z1 est à 1. C'est ce que nous avons nommé

l'inversion de la formule des phosphates.

En ce qui regarde le volume de l'urine des vingt-quatre heures,

celui-ci' est le plus souvent diminué; toutefois la première miction

qui suit l'attaque est généralement plus considérable qu'une miction

ordinaire; c'est elle qui crée la polyurie lorsqu'elle existe.

L'étude des états de mal hystérique à forme épileptoïde, à forme

d'épilepsie partielle, cataleptique (attitudes passionnelles), délirante,

nous a démontré, qu'au point de vue chimique, l'état de mal hystérique

n'était autre chose qu'une attaque d'hystérie prolongée avec accen-

tuation des phénomènes que nous avons énumérés.

De plus, l'étude de la courbe des excréta urinaires pendant là durée

de l'état de mal montre qu'au début il y a chute des éléments

urinaires; puis plateau; et relèvement quelques jours avant la sortie

de l'état de mal. Le relèvement des éléments constitutifs, lequel est

susceptible d'atteindre et même de dépasser le taux normal, la veille

et le jour du réveil, est indépendant de l'alimentation, celle-ci ayant été

négative dans la plupart des états de mal que nous avons étudiés. Ce

sont donc bien là des phénomènes dus à l'hystérie et non à l'inanition.

L'étude de la courbe permet donc de prévoir la durée de l'état de mal

et de prédire le retour à l'état normal.

Quel que soit l'état de mal observé, le poids des sujets diminue

journellement d'une quantité variable, suivant la durée de l'état de

mal. Le retour à l'embonpoint est très rapide après le réveil.

Nous voulons démontrer aujourd'hui que l'état de mal léthargique

ne diffère pas des autres états de mal hystérique et que la courbe des

excréta nous permettra encore une fois de prévoir la durée de l'état de

mal et de prédire le retour à l'état normal; ce qui est dans la circon-

stance d'une importance qui n'échappera à personne. Dans l'état de

mal à forme épileptoïde, par exemple, la fréquence des accès, leur

diminution, peuvent faire préjuger la continuation de l'état ou du retour il

a l'état normal; de même a-t-on des indications assez précises dans

l'état de mal délirant par l'état même du sujet. Dans l'état de mal de

sommeil au contraire, rien qui indique le réveil. La clinique a donc

tout à gagner à posséder un procédé permettant d'annoncer quand aura

lieu le réveil. La physiologie générale profitera de nos recherches en

291 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

ce qu'on ne considérera plus désormais les hystériques, comme des

êtres à part, au-dessous encore, biologiquement, des animaux hiber-

nants, vivant et ne déperdant rien, « parce qu'il leur est inutile

binon nuisible de manger. » (Empereur.)

III

Nos expériences, en ce qui regarde l'état de mal léthargique ou

attaque de sommeil, ont porté sur G malades donnant un total de

11 états de mal pour lesquels il a été fait 91 analyses des 2-1. heures

de sommeil sans compter les périodes d'état normal. L'état de mal le

plus court que nous ayons observé a été d'un jour, le plus long de

'15 jours, parmi bien entendu ceux qui ont été soumis à notre

analyse. Il ne faut pas oublier en effet, comme nons l'avons dit, que

l'état de mal de sommeil peut se prolonger pendant beaucoup plus

longtemps.

Pendant cette période, le sujet est susceptible d'absorber une

alimentation restreinte, liquide ou demi-liquide. A ce dernier point

de vue, nous aurons toujours le soin défaire ressortir les particularités

qu'offraient individuellement nos malades. Nous pouvons dire déjà

que chez tous la température est restée normale pendant la durée des

accès; les urines ont été recueillies à l'aide de la sonde.

Négligeant l'ordre chronologique dans lequel ont été faites nos

observations, il nous a paru intéressant de donner tout d'abord

l'analyse d'un état de mal, d'une attaque de sommeil n'ayant pas

dépassé la période de 24 heures.

TABLEAU A. - ATTAQUE DE SOMMEIL HYSTÉRIQUE.

Will, 10 ans.

CONSIDÉRATIONS SUR LA COURBE DES EXCRÉTIONS. 29

Si l'on veut bien considérer le tableau A, on verra que l'attaque de

sommeil bornée à la période de 24 heures se comporte exactement, au

point de vue biologique, comme une attaque convulsive ordinaire.

Elle se juge par l'abaissement du taux de [l'urine, du résidu fixe, de

l'urée et des phosphates avec inversion caractéristique de la formule

de ces derniers. En effet, à l'état normal Will., 19 ans, poids 48 kilo-

grammes, excrète 1,150 centimètres cubes d'urine; 49 gr. 50 de résidu

fixe pour 1,000 centimètres cubes; 22 grammes d'urée; 2 gr. 40

d'acide phosphorique total se décomposant en terreux 0 gr. 66, et

alcalin 1 gr. 74, donnant la proportion normale de 48 à 100.

Le jour de l'attaque de sommeil elle excrète 550 centimètres cubes

d'urine; 34 gr. 10 de résidu fixe; 8 gr. 25 d'urée; 1 gr. 10 d'acide

phosphorique total se décomposant en terreux Ogr. 6G, et alcalin 0 gr. 44

donnant la proportion de 150 à 100 réalisant au suprême degré

l'inversion de la formule des phosphates.

L'attaque de sommeil hystérique, comprenant la période de

24 heures, est donc entièrement assimilable, au point de vue chimique,

à l'attaque convulsive ordinaire.

TABLEAU B. - ÉTAT DE MAL DE SOMMEIL HYSTÉRIQUE

16 ans.

296 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE..

Dans le troisième cas (Mono. femme, 19 ans, 51 kilogrammes) l'état

de mal dure 3 jours et se rapproche à un tel point du précédent qu'il

nous paraît inutile de donner le détail des analyses. Elle maigrit de

960 grammes; car elle ne pèse plus au réveil que 50 kil. 40.

Dans le quatrième cas (Camp. femme, 25 ans) le sommeil dure

4 jours et s'étend du 29 juin au 3 juillet 1888. Les urines ne peuvent

être recueillies, car, ainsi qu'il arrive quelquefois, il y a incontinence

pendant l'état de mal. Nous ne voulons en retenir que ceci : c'est

que la malade, qui n'absorbait absolument rien, pesait 57 kilogrammes

le 29 juin 1888, début de l'état de mal, et 52 kilogrammes le 3 juillet,

jour du réveil. En 5 jours elle avait donc maigri de 5 kilogrammes.

Le 5 juillet, elle s'endort à nouveau, pesant 51 kil. 900, pour se

réveiller le 7 juillet, pesant 51 kil. 420. On voit combien peut être

grande la dénutrition pendant l'état de mal léthargique lorsque les

malades n'absorbent rien.

La cinquième malade (Saint-Denis, 15 ans 1/2) a été présentée par

M. Charcot à sa Leçon du Mardi, 5 février 1889. A cette époque elle

était soumise déjà depuis quelque temps à notre observation pour des

vomissements hystériques qui avaient nécessité son admission à la

Salpêtrière. Une première fois, le 23 janvier 1889, ses vomissements

sont entrecoupés par un état de mal de sommeil qui dure 3 jours, les

23, 24 et 25 du même mois. Nous ne pouvons établir, étant donné les

vomissements, une comparaison avec l'état normal qui n'existait pas à

proprement parler à ce moment, toutefois les analyses de ces 3 jours

ne sont pas moins caractéristiques que celles des cas précédents au point

devue de l'état demal léthargique. Chez Saint-Den., âgée de 15 ans 9 ?

pesant 37 kil. 760 le jour du début de l'attaque de sommeil, les

analyses donnent : urine 750 centimètres cubes ; résidu fixe 20 gr. 60;

urée 11 gr. 85; acide phosphorique total 0 gr. 74, alors que la veille,

malgré les vomissements, elles donnaient : urine 870 centimètres cubes;

résidu fixe 29 gr. 62; urée 15 gr. 92; acide phosphorique total

19 gr. z. Pendant 3 jours de sommeil, les 23, 24, 25 janvier 1889, les

sécrétions se maintiennent à ce taux inférieur. La malade, qui sort le

25 au soir de son état de mal par une attaque convulsive, a maigri de

810 grammes, car elle ne pèse plus que 36 kil. 950 au lieu des

37 kil. 760 du jour du début de l'état de mal léthargique, soit

270 grammes par jour. Pendant ces 3 jours, la température rectale

moyenne a été de 37° 4, C.

Nous empruntons la suite de l'observation à la Leçon du Mardi,

5 février, que notre maître, M. le professeur Charcot a consacrée, en

partie, à ce cas intéressant.

CONSIDÉRATIONS SUR LA COURBE DES EXCRÉTIONS. 297

« Les jours qui suivent l'attaque (précédente) la malade ne vomit

presque plus et elle continue à bien manger; le 31 janvier, son

poids avaitratteint le chiffre de 39 kilos.

« C'est ce jour-là même, le matin à 9 heures, c'est-à-dire il y a juste

5 jours, que s'est déclarée la seconde attaque, celle dont j'ai tenu à

vous rendre témoins aujourd'hui. J'aurais pu dès le début de la crise

craindre à chaque instant de voir la malade se réveiller et de me

trouver par là privé du plaisir de vous démontrer sur nature les détails

d'un cas assez rare en somme et toujours intéressant, si je n'avais été

rassuré par la circonstance que voici. MM. Gilles de la Tourette et

Cathelineau ont démontré, vous ne l'ignorez pas par l'élude de six

cas de sommeil hystérique que, pendant la durée de l'attaque, le poids

du corps diminue rapidement en même temps que l'on constate par

l'analyse des urines une constante diminution qualitative et quanti-

tative de tous les éléments : volume, urée, phosphates, etc. Mais ces

observateurs ont établi, en outre, que régulièrement, 2 ou 3 jours

avant le réveil, on voit le volume de l'urine, le poids de l'urée se

relever progressivement et aller toujours en augmentant; de telle

sorte que l'on peut, en tenant compte de ces données, prévoir jusqu'à

un certain point quelques jours à l'avance l'époque à laquelle la

malade se réveillera. Or, chez notre dormeuse, une analyse, faite le

3, a montré que ce relèvement ne s'était pas encore prononcé; nous

pouvons compter que, si on laisse aller les choses, le réveil se fera

attendre quelques jours encore. »

p Puis M. Charcot analyse devant ses auditeurs les divers phénomènes

présentés par la malade dont le sommeil est entrecoupé pendant la

leçon même par des salutations. « Vous reconnaîtrez - dit M. Charcot

dans ces grands mouvements de salutation un des épisodes les plus

vulgaires de la seconde phase de la grande attaque hystéro-épileptique;

tandis que, d'un autre côté, les tentatives que fait parfois la malade

pour sortir de son lit et s'enfuir en prononçant des paroles dont on ne

peut pas toujours saisir le sens, reproduisent le tableau des attitudes

passionnelles; et ces diverses circonstances sont de nature à justifier

l'opinion que je soutiens à propos du sommeil hystérique : c'est savoir

qu'il n'y faut pas voir autre chose qu'une grande attaque ou mieux

qu'une série de grandes attaques modifiées dans leur forme extérieure.

« Les intéressantes recherches de MM. Gilles de la Tourelle et Cathe-

lineau sont venues d'ailleurs donner à cette hypothèse un solide

appui en montrant que, en ce qui concerne la perte du poids du

1. Leçons du mardi, 1888-1889, 4° lcç., p. 69

298 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPêTRIèRE.

corps, la diminution de l'urine et l'abaissement du taux de l'urée,

l'attaque de sommeil reproduit en tous points ce qui a lieu dans les

séries d'attaques hystéro-épileptiques. »

M. Charcot réveille alors la malade par la pression d'une zone

hystérogène située au niveau de l'ovaire gauche, pression qui déter-

mine une attaque convulsive. Le soir, la malade est pesée et donne

37 kil. 100 gr. En cinq jours de sommeil elle a maigri de '1,900 gr., soit

380 gr. par jour, car elle pesait 39 kil. le 31 janvier, jour du début de

l'attaque. Pendant cette période, elle a excrété en moyenne, par jour,

655 gr. d'urine; 39 gr. de résidu fixe; 19 gr. d'urée; lgr.GO d'acide

phosphorique total. La différenciation des phosphates faite le premier

jour de sommeil donna, ainsi que le montre le tableau C l'inversion de

la formule.

TABLEAU C. - ÉTAT DE JIAL LÉTHARGIQUE

St.-Bon..., le, ans.

CONSIDÉRATIONS SUR LA COURRE DES EXCRÉTIONS. 99

Les phénomènes qui suivent le réveil sont également intéressants à

noter. Le jour du réveil, 5 février, l'attaque convulsive est très nette-

ment indiquée par les excrétions urinaires. Le lendemain, il y a;

comme pour les autres états de mal, oscillation autour de la normale.

L'urée se relève déjà, mais elle n'atteint son taux ordinaire que le 7 et

les jours suivants.

TABLEAU C. MOYENNES DE CINQ ÉTATS DE MAL DE SOMMEIL HYSTÉRIQUE

Biz... 17 ans... Salle Duchenne,'de Boulogne.

: 1UO NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

les premières analyses relatives à ce sujet datent du 27 du même mois.

A partir de cette date, jusqu'en avril 1888, Biz... a eu cinq états de mal

léthargique, pour lesquels M. Charcot l'a présentée plusieurs fois àson

cours. On ne s'étonnera donc pas, étant donné les dates, en considérant

le tableau C, que nous n'ayons pas différencié les phosphates pour

chercher l'inversion de la formule sur laquelle, du reste, après tout

eu que nous venons de dire, il est inutile, croyons-nous, d'insister

désormais. `

Pendant les cinq états, le sommeil fut des plus caractéristiques :

lélhargie profonde entrecoupée d'attitudes passionnelles. La tempé-

rature rectale ne dépassa jamais 37°8. L'alimentation toujours artifi-

cielle fut variable suivant les attaques; dans un même état de mal il

existait des séries de deux ou trois jours pendant lesquels il était

absolument impossible de faire passer quoique ce fut entre les

dents contracturées. Le lendemain, la malade pouvait absorber 5 ou

(i00 grammes de lait avec 2 ou 3 oeufs battus. Pendant le dernier

état de mal, du 23 mars au 1 ? avril 1888, l'alimentation fut abso-

lument nulle.

D'une façon générale, en considérant la totalité des analyses repré-

sentant quarante-neuf jours de sommeil en cinq reprises, on note,

comme précédemment, un abaissement du volume de l'urine, du taux

I.'IG. 79. - Biz. 17 ans. Etat de mal de sommeil hystérique (Les traits pointillés indiquent les période>

d'état normal avant l'attaque. Les traits supérieurs sont relatifs au volume, les inférieurs à l'urée).

1 CONSIDÉRATIONS SUR LA COURRE DES EXCRÉTIONS. 301

du résidu fixe, de l'urée et des phosphates. En effet, à l'état normal,

excrète 1,100 c. c. d'urine, 44gr.50 de résidu fixe pour 1,000,

18 r.10 d'urée, 2gr.10 d'acide phosphorique total. Pendant son som-

meil, elle excrète en moyenne par jour 800 gr. d'urine, 30 gr. de

résidu fixe, 10 gr. d'urée, 1 gr.10 d'acide phosphorique total, résul-

tats sur lesquels il n'est plus besoin d'insister. Elle maigrit en outre

en moyenne de 300 à 500 gr. par jour, suivant les accès, qui eux-

mêmes sont variables par rapport à l'alimentation. Entre les accès,

elle revient rapidement à son poids normal, elle engraisse même,

puisque pour une période de huit jours, du 12 ou 20 janvier 1888,

elle pèse en moyenne 46 kil. 500 ; il est vrai qu'elle sort d'un accès

qui a 'duré treize jours ; et le 37 mars, au début d'une nouvelle

attaque elle pèse 5 kilogrammes.

Outre ces considérations qui se rapportent indifféremment aux cinq

états de mal, l'étude des deux derniers états - pour ne prendre que

ceux-là - est à envisager, car elle va nous permettre encore une

fois, en nous basant sur les excrétions urinaires représentatives de la

nutrition, de prévoir la durée de l'accès et de prédire le retom il

l'état normal. '

Si l'on considère les figures 79 et 80, on note en effet, dès le début

de l'état de mal, la chute du volume de l'urine et de l'urée (et aussi

du résidu fixe et des phosphates qui n'y ont pas été marqués); puis

· Flc. 80. - Biz. 17 ans. Etat de mal de sommeil hystérique (Les traits pointillés indiquent

les périodes d'état normal avant et après l'attaque). ,

302 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

survient un plateau, et enfin ces éléments se relèvent atteignant et

dépassant même le taux normal le jour du réveil. Sur la figure B on

note les oscillations que suivent d'ordinaire le réveil.

On peut donc, dans l'état de mal léthargique, comme dans les autres

états de mal, en se fondant sur le tracé fourni par le volume de l'urine

et le taux de l'urée, prévoir la durée de l'état de niai et prédire le retour

à l'état normal. Plus que dans les autres états de mal hystérique cette

action a une importance capitale dans la circonstance. Dans l'état de

mal épileptoïde, par exemple, on peut voir quelquefois, la veille ou le

jour du réveil, les attaques diminuer de nombre et les intervalles de

calme devenir plus étendus. On pensera alors que le retour à l'état

normal est proche. Il n'en est pas de même, on le comprend, dans

l'état de mal léthargique; le réveil est forcément brusque, le malade,

pour employer une expression aussi vraie que naïve, a seulement fini

de dormir lorsqu'il est réveillé.

Cette courbe particulière des excrétions pendant l'état de mal léthar-

gique et pendant tous les autres états, courbe qui mérite, comme l'a

montré M. Charcot dans sa Leçon du 5 février, d'occuper un rang de

première importance en clinique, n'est pas le simple fait d'une dénu-

trition banale chez des individus plus ou moins privés de nourriture

pendant la durée d'une manifestation pathologique. Ses caractères si

spéciaux appartiennent bien en propre à l'hystérie, tout au moins

jusqu'à ce que des recherches ultérieures nous démontrent qu'on les

rencontre dans d'autres manifestations pathologiques indépendantes

de la névrose.

Elle n'est pas due entièrement à la simple privation des aliments,

à l'inanition par exemple, car celle-ci donne un tracé bien diffé-

rent, à peu près rectiligne pendant le premiers jours, s'abaissant jus-

qu'à la mort, où se relevant à la vérité, mais lorsqu'on donne aies

aliments.

Le relèvement que nous observons et qui nous permet de prédire la

fin de l'état de mal ne se montre pas dans l'espèce sous l'influence de

l'ingestion des aliments. A plusieurs reprises, en effet, nous avons

noté avec insistance que, pendant tout la durée de l'état de mal jusqu'au

moment précis du réveil, l'alimentation avait été absolument nulle.

Qui peut donc ainsi, la malade ne prenant aucune alimentation, in-

fluencer les excrétions urinaires au point d'en doubler ou d'en tripler,

les deux ou trois derniers jours de l'état de mal, le volume et les

matériaux solides, si ce n'est l'affection elle-même.

Désormais, croyons-nous, il faudra compter avec la courbe excré-

toiré de l'hystérie, comme on a appris depuis longtemps à se guider

CONSIDÉRATIONS SUR LA COURRE DES EXCRÉTIONS. 303

sur la courbe thermométrique de la pneumonie ou de la fièvre

typhoïde, par exemple.

Résumant nos recherches sur les différents états de mal hystérique,

nous pouvons donc conclure :

L'état de mal hystérique, quelle que forme qu'il revête, n'est qu'une

attaque d'hystérie prolongée dont il présente tous les caractères chi-

miques. On y observe, en effet, l'abaissement du volume de l'urine, du

taux du résidu fixe, de l'urée et des phosphates avec inversion de la

formule de ces derniers ;

Pendant l'état de mal, les excrétions suivent une marche dont la

courbe permet à elle seule de prévoir la durée de l'état de mal et d'en

prédire la terminaison;

Pendant l'état de mal, l'amaigrissement quotidien est constant. Il

varie de 200 à 300 grammes par jour suivant la durée de l'état de

mal et la quantité des aliments absorbés lorsque l'anorexie n'est pas

absolue. L'opinion de M. Empereur déjà citée « que les hystériques ne

mangent pas parce qu'elles ne déperdent rien et que ne déperdant

rien il leur est inutile sinon nuisible de manger » est aussi radicale-

ment fausse pour les manifestations pathologiques de l'hystérie que z

dans l'hystérie normale.

A ce dernier point de vue, et pour parer il l'objection qu'on

pourrait tirer de la présence possible dans les urines des produits

excrémentiels azotés inférieurs, susceptibles de remplacer les pro-

duits supérieurs, l'urée en particulier, dont la quantité est abaissée,

comme nous l'avons dit, nous avons institué des analyses complémen-

taires dont le résultat, on va le voir, prouvera une fois de plus que nos

conclusions sont exactes.

L'urée on le sait, est accompagnée dans l'urine à l'état normal par

d'autres produits également azotés à savoir : l'acide urique, la créati-

nine, laxanthine, l'llypoaanthine, la paraxanthine, l'acide hippurique,

l'allantoïne, etc. Ces divers corps s'y trouvent pour la plupart en quàn-

tités tellement faibles que pour les déceler il faut opérer sur des

volumes d'urine considérables.

Pour tous nos dosages d'urée, nous nous sommes servis, comme on

le verra lorsque nous exposerons notre technique, de l'appareil d'Yvon

et de l'hypobromitc de soude. Or, nous n'ignorons pas que, si une

partie des produits que nous venons d'énumérer est plus ou moins

décomposable par l'hypobromite de soude, l'autre résiste complète-

ment à son action.

Il était donc nécessaire de voir s'il n'existait pas justement certains

301 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

de ces produits azotés en quantité plus considérable que normalement

dans les divers cas soumis à notre analyse.

Nous avons dû recourir alors, à plusieurs reprises, au dosage de

l'azote total tant à l'état normal hystérique que dans diverses mani-

festations pathologiques de la névrose. Ce dosage de l'azote total nous

a toujours démontré que, dans tous les cas étudiés, les produits azotés

inférieurs précédemment énumérés, ne subissaient pas de variations

susceptibles de faire varier nos analyses. Leur taux n'étant pas anor-

malement élevé, ils ne pouvaient par conséquent compenser la faible

quantité d'urée trouvée dans les analyses des diverses manifestations

pathologiques de l'hystérie que nous avons étudiées et inlirmer par

là même les résultats obtenus.

GILLES DE la TOURETTE, H. CATHELINEAU,

Ancien chef de clinique des maladies nerveuses. Chef du laboratoire de chimie de la Faculté,

à l'hôpital Saint-Louis.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

T. II PL. XLV I.

ERUPTION ECZEMATEUSE PROVOQUEE PAR LE BORAX

L8CGO6NI8R ET BADÉ, ÉDITEURS

DEUX CAS D'ERUPTION ECZÉMATEUSE.

PROVOQUÉE PAR LE BORAX.

On sait très peu de chose sur les éruptions provoquées par le borax

administré à l'intérieur. Gowers ! dit seulement, dans son traité de

l'épilepsie, que l'on a vu, sous l'influence de ce médicament, se pro-

duire, chez trois' malades, une poussée de psoriasis qui aurait guéri

par l'addition de l'arsenic au borax. Nous venons d'observer; chez

deux épileptiques soumis à ce traitement, une poussée d'eczéma dont

la photographié ci-jointe donne une idée suffisante au moins comme

distribution. v

Le borax était donné depuis plusieurs mois à la dose de 2 grammes

dans un cas, 3 grammes dans l'autre. L'éruption n'offrait de particu-

lier que sa localisation, sur les parties latérales du tronc et- sur les

bras. Au point de vue objectif, c'était un eczéma vulgaire, sans poly-

morphisme, caractérisé sur le tronc principalement par de nombreuses

petites vésicules disséminées sans ordre; sur le bras, par des vésicules

et de petits placards arrondis recouverts de croûtes. "" -

Chez le premier malade, l'éruption a duré six semaines. -.Chez le

second (dont nous donnons ici la photographie, pl : XLVI),' après une

durée à peu près égale, elle est actuellement en voie de guérison.' Mais s

dans les deux cas, elle n'a cédé qu'à la suppression du médicament.

Il ne s'agit pas là d'une éruption spéciale au borax, mais vraisem-

blablement d'un eczéma provoqué chez deux sujets prédisposés. -Tous

deux en effet étaient antérieurement atteints de séborrhée du cuir

chevelu; et l'un deux portait à la jambe et sur le pied deux anciens

placards d'eczéma.

Le borax est souvent mal toléré par l'estomac; et il est probable

que les nausées, les troubles gastriques, qu'il a provoqués chez nos

deux malades, ne sont pas étrangers à la pathogénie de leur éruption.

Cit. Féré, II. LA,)iy,

Médecin de Bicêtre. Interne des hôpitaux.

' 1. Gowors, Traduction française de Carrier, p. -138.

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE LA NUTRITION

dans l'état normal

ET dans la FIÈVRE du goitre exophtalmique

Au cours de nos recherches sur la Nutrition dans l'hystérie, entre-

prises dans le service de M. le professeur Charcot, pendant les

années 1888 et 1889, nous avons été conduits, à l'instigation de notre

éminent maître ', à étudier les phénomènes de même ordre dans la

chorée de Sydenham 2 et dans la maladie de Lasedow.

En ce qui regarde cette dernière affection, nous avions tout parti-

culièrement à 'tenir compte des investigations de M. Bertoye, faites sur

« la fièvre du goitre exophtalmique », sous la direction de M. le pro-

fesseur Renaut (de Lyon) 3.

Dans sa thèse inaugurale, M. Bertoye a remarquablement étudié les

manifestations fébriles de la maladie de Basedow, et le tableau qu'il

donne est certainement le plus complet que nous possédions actuel-

lement.

Le premier caractère de la fièvre, dit-il, serait son instabilité. « Le

second est fourni par la dissociation des symptômes qui constituent

d'ordinaire le cornplexus fébrile. Dans certains cas, on peut retrouver ce

syndrome presque en entier..., les urines sont surchargées de matières

extractives, parfois aussi même d'urée... Mais c'est là un tableau dont

il manque presque toujours plusieurs parties... Un fait que nous nous

expliquons assez mal et qui appelle évidemment d'autres recherches,

lesdéchets urinaires peuvent, comme nous l'avons constaté dans notre

observation I; n'être pas augmentés, ou même subir une diminution

plus ou moins considérable. »

Ces dernières considérations relatives à la diminution des déchets

urinaires pendant la période fébrile nous avaient frappés. On pouvait,

1. Leçons du mardi ( ! la Salpêtrière, 1888-89, 11, leçon, p. 235.

2. ]tact. De la chorée chronique. Th. Paris, 1889, p. 174.

3. Étude clinique sur la fièvre du goitre exophtalmique et, comparativement, sur les

formes spéciales ri quelques autres névroses, Lyon, 18S8. ,

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE LA NUTRITION. 307

en effet, y trouver une caractéristique diagnostique importante entre

«.la fièvre nerveuse » du goitre et les accidents fébriles intermittents,

indépendants de l'affection elle-même.

La première question qui se posait était de savoir comment s'effectuait

la nutrition dans le goitre exophtalmique normal, en dehors des com-

plications, la diarrhée en particulier, qui traversent si fréquemment le

cours de cette maladie.

Sous ce rapport, ces recherches de M. Bertoye n'étaient pas très

instructives, ou plutôt elles entraînaient à des déductions que l'auteur

n'avait nullement songé d'ailleurs à tirer de ses analyses.

Voici, du reste, ces analyses in extenso. Elles ont trait à une femme

de trente-six ans, pesant 38 kilogrammes, atteinte de goitre exophtal-

mique.

21 novembre. T. (R ? ) 11T.89 ? 1; S. 38°,2.

Pouls, 160. Respir. ( ? )

Urine, 2 lit. 150.

Urée, 16 gr. 80 par vingt-quatre heures. - ·

7 grammes par litre.

2 novembre. - Urine, '1,200 c. ,c., épaisse.

Urée, 5 gr. 25 par litre.

Anhydride phosphorique, 0 gr. 420 par litre.

T(R. ? )M.38°; S. 38°.

4 décembre. - Urine, 2 litres; claire.

Urée, 2 gr. 50 par litre.

Anhydride phosphorique, 0 gr. 73 par litre.

Pas de sucre.

T. (R ? ) M. 370,li ; S. 37', 3.

Les analyses portent donc sur trois périodes de vingt-quatre heures ;

de ces trois périodes, l'une (21 novembre) est fébrile : T. M. ;9°,4;

S.38°,2. Des deux autres, l'une est apyrétique : T. M. 37°,4; S. 37°, 3

(4 décembre) ou presque apyrétique : T. 38° M. et S., d'autant qu'il

s'agit presque certainement de température rectale.

Or, pendant ces deux périodes apyrétiques, la malade excrète de 5 à

7 grammes d'urée et de 30 à 40 centigrammes d'anhydride phospho-

rique.

Si l'on voulait conclure, ce que n'a pas fait M. Bertoye, on pour-

rait dire que, dans un cas de goitre exophtalmique, pendant deux

périodes d'apyrexiede vingt-quatre heures, les déchets urinaires étaient

singulièrement abaissés, puisque la moyenne d'excrétion normale

308 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.

d'une femme de 38 kilogrammes est environ de 15 à 18 grammes

d'urée et 1 gr. 40 à 1 gr. 60 d'acide phosphorique. ,

La même malade à une poussée fébrile; M. 39°,4; S. S8°,S. Elle

excrète 16 grammes d'urée et 50 centigrammes d'anhydride phospho-

rique par vingt-quatre heures. Ce chiffre de 16 grammes d'urée serait

normal chez une femme de 38 kilogrammes ; quant au chiffre de 50 centi-

grammes d'anhydride phosphorique, il est véritablement bien au-

dessous de la moyenne. En négligeant cette dernière particularité

relative au phosphore, on pourrait donc donner, comme conclusions

finales aux analyses de M. Bertoyc : que le chiffre des déchets uri-

naires est très abaissé dans les périodes apyrétiques du goitre exophtal-

mique par rapport à la moyenne physiologique. Il se relève dans les

périodes fébriles, sans toutefois dépasser cette moyenne physiologique,

ce qui constitue une anomalie par rapport à ce qui se passe ordinai-

rement lorsque la température s'élève.

Évidemment, comme disait M. Bertoye, ces faits appelaient d'autres

recherches.

Nous avions, dans les salles de la Clinique, trois malades atteintes

de goitre exophtalmique à diverses prériodes d'évolution de cette

maladie; nous avons choisi chez elles des périodes apyrétiques dans

l'intervalle de complications, telles que la diarrhée, par exemple.

Ces analyses ont duré huit jours consécutifs pour chaque malade;

le tableau A est le résumé, pour chacune d'elles, de huit analyses.

Or, les chiffres qu'il renferme indiquent que, chez nos trois malades,

les quantités d'excrela, rapportées auldlogramme d'individu sain, sont

normales pour tous les éléments, l'acide phosphorique y compris.

TABLEAU A.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE T. II PL. XLVII.

FACIES DANS LE GOITRE EXOPHTALMIQUE

LIiCROSNIKH ST 8"Bt : , ? DITKURS

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE LA NUTRITION. 309

A ce propos, nous ferons remarquer qu'il est assez difficile, à priori,

de dire si la manifestation fébrile appartient' ou non en propre au

goître, ou bien si elle n'est pas simplement sous la dépendance d'une

complication intercurrente, embarras gastrique, angine légère, etc.. z

Le 11 janvier, l'une de nos malades, Dufr..., vingt-six ans (pl. XLVII)

(39 kilogr. 300 gr.), était prise de douleurs dans le ventre, qui lui sem-

blaient prémonitoires de ses règles, qu'elle n'avait pas eues depuis deux

mois. Ces douleurs s'accompagnaient d'un état gastrique marqué :

inappétence, constipation, soif assez vive, langue saburrale jusqu'au

21 janvier, époque à laquelle tous ces phénomènes disparurent.

Le thermomètre révéla pendant toute-cette période un état fébrile

subcontinu, allant de 89°, 2 maxima à 38° minima, ainsi qu'on peut en

juger par les chiffres suivants :

310 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE..

A l'inverse de ce qui existe dans les urines fébriles, le spectroscope

ne donne pour l'urobiline qu'une très faiblebande d'absorption carac-

téristique. Enfin, nous n'avons jamais rencontré d'éléments anormaux.

D'après ces caractères, il s'agissait donc bien d'une fièvre d'origine ou

d'essence au moins particulière, puisqu'on ne retrouve plus là les signes

lires des excréta urinaires accompagnant d'ordinaire les élévations

thermiques.

En présence de ces faits, notre intention n'est pas de conclure, mais

d'exposer :

1° Que, dans trois cas de goitre exophtalmique, pendant des périodes

apyrétiques de huit jours, les analyses ont montré que les excréta

urinaires, rapportés au kilogramme d'individu sain, ont été trouvés

normaux;

1° Que dans un cas de goitre exophtalmique, pendant une période

fébrile de six jours, allant de 38° il 39°, 2, en dehors de complications

inflammatoires apparentes, susceptibles d'expliquer la genèse des phé-

nomènes fébriles, les excréta urinaires sont restés normaux comme

pendant les périodes apyrétiqnes.

En terminant, nous serions heureux de voir de semblables recher-

ches transportées dans le domaine de la « fièvre hystérique ». A notre

connaissance, aucun des auteurs qui sesont occupés de cette question,

et ils sont nombreux, n'a fait dans ces cas l'analyse des excréta

urinaires.

Peut-être y trouverait-on la caractéristique de cette complication

assez rare de l'hystérie, pour qu'en deux ans, nous n'en ayons pas

observé, à la Salpêtrière, un seul exemple.

Gilles DE la touretTe, II. C.1TIIEL1NEAU,

Ancien chef de Clinique des maladie* Chef du laboratoire de l'1limÏt'

du sysf7·mc ncr\euf. de la Faculté, à l'hôpital S.\inl-Loui...

UN CAS DE SYRINGOMYÉLIE

Le malade dont nous rapportons l'observation a été présenté par

M. le professeur Charcot dans une de ses Leçons cliniques du mois de

novembre 1889.

M. Charcot fit alors remarquer à ses auditeurs tout l'intérêt que

présentait cet homme chez qui le diagnostic avait été longtemps

hésitant, et le serait probablement encore si les dernières recherches

sur la syringomyélie n'étaient venues singulièrement éclairer la scène

morbide.

Plusieurs diagnostics se présentaient en effet à l'esprit. Duchenne

(de Boulogne) qui avait vu le malade en 18G8, dans le service de

Monneret à l'hôpital Necker, avait porté le diagnostic d'atrophie muscu-

- laire progressive. Cependant l'affection avait débuté de bonne heure, ;\

17 ans; de plus cette époque le malade était déjà anesthésique; presque

dès cet âge il se brûlait le pouce avec sa cigarette sans s'en apercevoir.

Mais les troubles de la sensibilité n'étaient pas faits pour embarrasser

outre mesure Duchenne (de Boulogne) qui écrivait en traçant la sym-

ptomatologie de « l'atrophie musculaire de l'adulte ». « L'anesthésie

est quelquefois si grande que les malades ne perçoivent ni les excita-

tions faradiques les plus fortes, ni l'action du feu. J'en ai vu qui

s'étaient laissé brûler profondément les parties anesthésiées parce qu'ils

n'avaient pas perçu l'action des corps incandescents et qu'ils n'avaient

pas été prévenus, par la vue, que ces parties se trouvaient en contact

avec eux. Cette anesthésie s'observe en général au membre supérieur,

et n'est pas toujours en raison directe du degré de l'atrophie ». (De

l'électrisation localisée, 3e édition 1872, p. 493).

, Mais il est' incontestable que Duchenne confondit toujours l'atrophie

musculaire progressive du type qui porte son nom avec la syrin-

gomyélie.

, M. Charcot montrait encore qu'on pouvait porter dans la circons-

tance, le diagnostic de sclérose latérale amyotrophique, étant donné

l'atrophie des membres supérieurs débutant par les mains et l'exagé-

: 11 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE,

ration très considérable des réflexes rotuliens. Mais la seule durée de

l'affection éloignait cette hypothèse beaucoup plus soutenable pour la

sclérose en plaques. L'exagération des réflexes rotuliens jointe au nys-

tagmus plaidait en faveur de cette opinion que ne contredisait pas l'atro-

phie musculaire qu'on observe parfois dans le cours de cette maladie.

Nous ferons encore remarquer, comme particularités, le myosis de

l'oeil gauche, la diminution de la fente palpébrale, et la rétraction du

globe oculaire, tous phénomènes observés d'ordinaire dans les para-

lysies radiculaires du plexus brachial et dus à la paralysie des muscles

lisses de l'orbite, innervés par les filets sympathiques dont l'origine

serait le rameau communicant du premier nerf dorsal. Ces notions sont

intéressantes au point de vue de la localisation exacte du processus

gliomateux (origine médullaire ou réelle du premier nerf dorsal), si la

théorie de l'innervation des muscles orbitaircs par les filets sympathi-

ques nés à ce-niveau, dans la moelle, est exacte. Dans tous les cas leur

notation pendant la vie est précieuse, car ultérieurement permettra-t-

elle peut-être encore une fois à la méthode anatomo-clinique de

résoudre un problème que la physiologie n'a pas encore complètement

élucidé.

Le malade présente donc un cas-type de syringomyélie : début in-

sidieux, à un fige peu avancé, atrophie musculaire à marche lente

et progressive, abolition dans certaines régions des diverses sensibilités

avec dissociation pour la sensibilité tactile conservée dans les mêmes

territoires. Toutefois il faut remarquer encore que l'intégrité du tact

dans les régions anesthésiées n'est pas absolue et qu'il est obtus au

niveau des parties insensibles des mains et des avant-bras et dans une

zone limitée en haut et à droite par une ligne horizontale passant par

l'ombilic, sur la ligne médiane par la ligne blanche, en dehors, par le

bord externe du flanc droit et le bord externe delà cuisse et en bas, par

le genou droit. ,

Pour toutes ces raisons, disons-nous, cette observation nous a paru

intéressante et mériter d'être publiée.

Schweiz... 51 ans, marchand de programmes ¡d'Odéon.

Entré à l'hospice de la Salpètrière, salle Bouvier, juin 1889.

A. H. Pas d'hérédité nerveuse.

A. P. Rougeole et scarlatine en bas âge. Fièvre typhoïde vers G à

7 ans. A l'âge de 15 ans, eczéma généralisé qui dura de 3 à 4 mois.

C'est à l'âge de 19 ans qu'il s'est aperçu de l'atrophie des muscles de

l'hypothénar et des interosseux du côté gauche et plus tard de l'avant-bras

gauche avec secousses fibrillaires, mais sans douleurs dans les régions des

muscles en voie d'atrophie. ,

UN CAS D1; S1'RI\GOlll'ÉLIC. 313

Un an plus tard, il a commencé il ressentir des douleurs fulgurantes dans

la jambe gauche. Actuellement, ces douleurs reviennent encore de temps en

temps. La maladie resta stationnaire pendant dix ans.

En 1886, il entra dans le service de Monneret, à l'hôpital Neekcr, où il fut

examiné par Duchenne (de Boulogne) qui porta le diagnostic « d'atrophie

musculaire progressive ».

Dans l'intervalle, (vers l'âge de 25 ans environ) la colonne vertébrale

s'est déviée vers la gauche (scoliose il convexité regardant à gauche). Le

malade se rappelle bien que c'est il cet âge que sa mère lui fit remarquer

l'attitude vicieuse de ses épaules.

Vers 30 ans, la main droite est envahie de la même façon que la main

314 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

gauche. L'atrophie ne progresse qu'avec une lenteur extrême, de sorte quo

l'impotence n'est à son maximum qu'à 40 ans. Elle est restée stationnnairc.

depuis.

Dans ces dernières 10 à 15 années le malade souffre de temps en temps

d'une névralgie faciale gauche; la douleur s'irradie parfois vers le coeur. De

plus, depuis 4 à 5 ans, sont survenues, dans les muscles, des contractures

douloureuses.

Le malade prétend avoir eu pendant six mois, à l'âge de 33 ans, une sen-

sation de boule avec constriction- à la gorge, étouffement et sensation de

déchirement dans l'intérieur du crâne. Les crises revenaient ;i peu près tous

les deux jours. Elles n'ont pas reparu depuis.

A part cette atrophie musculaire et les autres symptômes que nous venons

de décrire, le malade se porte très bien. Les organes thoraciques et abdo-

minaux fonctionnent normalement, l'appétit sexuel persiste.

État actuel (17 juin 1889) (pl. XLVIII).

Atrophie très marquée des éminences thénar et hypothénar du côté

gauche. Main en griffe. Atrophie moins marquée de l'avant-bras du même

côté où existent encore quelques mouvements de pronation et de supination.

Biceps très amaigri. Deltoïde et muscles de la ceinture scapulaire très

diminués de volume, mais fonctionnant encore.

Main droite de prédicateur, moins atrophiée que la gauche. Rétraction

fibreuse des trois derniers doigts qui les maintient en flexion et les empêche

de s'étendre. Il existe là quelques mouvements de flexion complètement

abolis du côté opposé.

Secousses fibrillaires dans tous les muscles du corps.

Douleurs vives dans le talon droit survenant d'une manière intermittente.

L'atrophie ne porte pas sur les muscles des membres inférieurs.

Réflexes des membres supérieurs normaux. Réflexes rotuliens très

exagérés des deux côtés, mais sans phénomène du pied, la marche est très

suffisante; toutefois les pieds se détachent un peu difficilement du sol.

Divers modes de la sensibilité. - On note au niveau de la face palmaire

du pouce et de l'index droits .deux eschares produites- par la brûlure non

perçue de la cigarette. Ces eschares tombent tous les niois. Elles existent

depuis l'âge de 17 ans. ' . , . '

Sensibilité à la douleur (fig. 81, 82). - Aux membres supérieurs elle

est symétriquement abolie jusqu'à 2 travers de doigt au-dessous du coude.

Plaque d'anesthésie comprenant l'espace interscapulairc, la nuque et la

face postérieure de la tète.

Membres inférieurs. - Hyperesthésie s'arrêtant des deux côtés au

niveau du cou-de-pied. (Sur les fig. 81 et 82 l'hyperesthésie envahit les pieds;

il en était ainsi lorsque les clichés furent gravés; à ce propos, nous ferons

remarquer que les divers modes de sensibilité subissent localement assez

souvent chez les syringomyéliques des variations de courte durée en général,

qui, sans affecter le type présenté par le malade, peuvent néanmoins le mo-

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

T. II. PL. XLVUI.

SCOLIOSE ET ATROPHIE MUSCULAIRE

DANS LA SYRINGOMYELIE

LECR05NIHR boT 8A8b., }.DITh.UhS

UN CAS DE SYRINGOMYÉLIE. 315

difier d'une façon assez accentuée.) - La sensibilité aux pieds est normale.

La sensibilité à la douleur est normale sur le reste du corps.

Sur les parties sensibles il se produit, au niveau des piqûres, une sorte

d'ampoule assez analogue à celle produite par une piqûre de puce; ce

phénomène n'a pas lieu au niveau des parties anesthésiées.

Le malade porte sur l'avant-bras droit une cicatrice demi-circulaire

produite par la constriction d'un lien de caoutchouc destiné à retenir la

manche de la chemise. Le malade, qui se dépouillait rarement de sa chemise

et d'un gilet de laine qui la recouvrait, n'a remarqué la production d'une

plaie que lorsque, déjà, le lien de caoutchouc avait assez profondément

pénétré dans les tissus.

Sensibilité tactile. -Conservée d'une façon générale. Toutefois, le toucher

est plus obtus au niveau des parties insensibles des mains et des avant-bras

et dans une zone limitée : en haut par une ligne horizontale passant par

II. 120

316 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

l'ombilic, sur la ligne médiane par la ligne blanche, en dehors par le bord

externe du flanc droit et du bord externe de la cuisse (fit. 83, 84) et en bas

et à droite par le genou droit'; les bourses et la verge du même côté ne

sont pas comprises dans cette zone, à l'inverse de ce qui existe surla fig.83.

Dans celle dernière région (ombilic face antérieure de la cuisse droite)

les scnsalions tactiles sont plutôt perverties qu'abolies.

Sensibilité au froid (glace) (fig. 85, 86). Membres supérieurs : com-

ptt'tement abolie jusqu'au niveau des coudes; diminuée jusqu'au moignon de

l'épaule. Tronc : normale. - Membres inférieurs : hyperesthésiés.

Sensibilité à la chaleur. Main et avant-bras gauche : thermo-anes-

thésie à '100. el au-dessous. -Main et avant-bras droit : abolie il 90° et au-

UN CAS DE SYnINGOIYÉLIE. 317

dessous. Bras gauche et droit (jusqu'au moignon de l'épaule) : abolie

à 75° et au-dessous. - Conservée pour le reste du corps et hypéresthésiée au

niveau des membres inférieurs.

Sens musculaire : aboli : le malade perd ses jambes dans le lit.

Examen des yeux (17 juillet 1889).

Pupilles inégales (plus petite à gauche). - Nystagmus très prononcé.

Réflexe pupillaire plus faible à gauche. - Paupière supérieure gauche ne

se relève pas aussi bien que la droite; étroitesse de l'ouverture palpébrale.

Globe de l'oeil gauche rétracté dans l'orbite.

Les autres sens spéciaux sont intacts.

Examen électrique (fait par M. Vigoureux; le 16 juillet 1889).

Les interosseux ne répondent ni au courant faradique ni au courant

galvanique. D'une manière générale, les muscles plus ou moins conservés

répondent normalement à l'excitation électrique.

Gilles DE la Tourette, ZAGUEL1111N\

Ancien chef de Clinique Externe de la Clinique.

des maladies du système ncrvcuc.

j 0 L'HYSTÉRIE DANS L'ARMÉE ALLEMANDE

, Depuis les derniers travaux de M. le professeur Charcot, le cadre de

l'hystérie s'est singulièrement agrandi par ce fait même qu'on a mieux

appris à connaître la névrose. C'est surtout dans le domaine de l'hys-

térie masculine que les investigations provoquées par le chef de

l'École de la Salpètrière ont été fructueuses, etdepuis plusieurs années

déjà les médecins militaires, appelés à soigner des sujets réputés sains,

de par leur incorporation, publient journellement des exemples d'hys-

térie confirmée.

L'armée française', l'armée russe ? l'armée hollandaise \ ont

fourni tour à tour leur contingent, aujourd'hui c'est l'armée alle-

mande qui entre en ligne, et avec un cas tellement caractéristique que

nous avons cru devoir le donner in exleaso4. C'est la meilleure ré-

ponse que nous puissions faire aux auteurs, qui, en Allemagne,

doutent de l'hystérie masculine.

« On sait, en effet, qu'un certain nombre de médecins allemands, et

cela se voit du reste à leurs diagnostics, se refusent absolument à ad-

mettre que l'hystérie soit une maladie véritable ayant, comme toute

autre maladie nerveuse ou non, son histoire naturelle, ses lois, sa

symptomatologie régulière. A les en croire, ce serait là une sorte

de noli me langere dont tout nosographe un peu sérieux devrait soi-

gneusement éviter le contact. Un autre sentiment semble se joindre

1. Lanoaille de Laclièze. Tarassis, troubles de t'lime el du corps chez l'homme dans

les temps modernes et dans l'histoire, 1886. - Dupoiieliel. L'hystérie dans l'armée. Itewc

de médecine, 1886, il* vi, p. 517. - Coustan. Un cas d'hystérie mâle sans attaques.

Arch. de méd. et de pharm. militaires, novembre 1887.

`3. Oseretzkowsky (de Moscou). Quelques cas d'hystérie dans les troupes russes. Ar-

chives do neurologie, nov. 188C,n°3C, 1). 20j. Communie, au Congrès des médecins russes,

Saint-Pétersbourg, janvier 1889. Analysé in Centralblatt sur lervenbeilkundc, n° 4, p. 101,

S8

3. IL-A. Janssen. Over hystérie bij soldaten. Wcekb)ad voor Geneeskundc, 1887, n° 13.

4. Ueber einen Fall von l/yste¡'o-epitepsie bei einem Mann, ans dcut 1-,biiiglielieii

Garnisonslazareth in Karlsruhe, von Oberarzt Dr Andrée, in Karlsruhe, und D'

Knoblauch, Assistent an der psychiatrischen Klinik in Hcildelberg. I ! er)iner klinisi-lic Wo-

chenschrift, n° 10, 11 mars 1889. Ce cas a été analysé par M. le professeur Charcot dans

ses Leçons du mardi à la Salpêtrière, 18° Lcç. 1889, pu15.

L'HYSTÉRIE DANS L'ARMÉE ALLEMANDE. 319

encore à cet accès de pudeur scientifique, un orgueil de race curieux à

enregistrer... ' »

Pour tous commentaires du cas suivant, nous ferons uniquement

remarquer que l'attaque convulsive chez le grenadier observé par

les Drs Andrée et Iinoblaucb est absolument superposable par ses

..

1. L'hystérie en Allemagne. - Rouie criliyuc. Progrès médical, 1887, n° A7, p..i10.

FIG, 87. - Arc de cercle. Emprostbotonos.

o a

FiG. 88. - Mouvements de salutation.

3"U NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE..

phases à la grande attaque hystérique décrite par M. Charcot chez ses

pensionnaires-femmes de la Salpêtrière '.

oc L'hystérie chez l'homme étant généralement assez rare, surtout

la grande attaque hystérique, nous croyons devoir publier le cas sui-

vant, observé à l'hôpital militaire de Carlsruhe. Ce qui augmente l'in-

térêt de cette observation c'est qu'on put tirer pendant une attaque

qui dura 13 minutes une série d'épreuves instantanées qui donnent

l'image parfaite de la grande attaque hystérique classique. Ces épreuves

seront publiées ultérieurement; en attendant nous donnons ici le des-

sin de quelques-unes d'entre elles (fig. 87, 88, 89, 90, 9'1, 92, 93).

Le malade, âgé de 23 ans, menuisier de son état, commença son

service militaire le 5 novembre 1887 dans les grenadiers et avait été

jusqu'alors bien portant. Pas d'hérédité ni prédispositions acquises,

c'était un soldat consciencieux et faisant bien son devoir. Le 4 mars

1888, attaque brusque et violente, sans que rien l'eût fait prévoir, si ce

n'est que, 'quelque temps auparavant, ses camarades avaient observé un

changement dans son caractère. On lui avait promis qu'il serait de ser-

vice lors des funérailles du prince Louis de Bade; mais comme il avait

un furoncle au cou il voyait qu'il ne pourrait y assister, et ça le chagri-

nait beaucoup. Cependant, au dernier moment, il remplaça un de ses

camarades malade et le 4 mars il assista au service qui fut fait à l'église.

Après être resté longtemps dans l'attitude du port d'armes par un

froid rigoureux et sous l'impression grandiose de cette cérémonie fu-

nèbre, il rentra à la caserne, et ce fut immédiatement après qu'il eut sa

première attaque.

Yoici quelétaitsonétatle 4 mars-1888,jour où on le transporta sans

connaissance à l'hôpital : C'est un homme vigoureux, bien bâti et bien

musclé, ne présentant absolument rien d'anormal du côté des organes

génitaux, thoraciques et abdominaux. Pupilles rétrécies sous l'influence

de la morphine et réagissant mal à la lumière. Pouls plein, tendu, régu-

lier, 96. Respiration profonde, un peu accélérée. Pas de tension muscu-

laire ni contractures ; aucuns phénomènes de paralysie; pas deinorsuires

à lalangue.Apeinele malade est-il dans son lit que survient une attaque

violente durant 4 minutes; plusieurs autres attaques se succédèrent

dans le courantde la journée. Du 5 au 7 mars, il eut en moyenne de 6 à

9 attaques par jour, de durée et d'intensité variables, puis elles de-

vinrent moins fréquentes et, vers la fin du mois, le malade n'en avait plus

1. On compulsera également, a' ec beaucoup de fruit, au point de vue de l'hystérie, les

observations contenues dans le recueil suivant : Tmumatische, irliopalisclre und nach

Infeclions-Krankheilen LeoGaclalele Erkranl,unyen des 1'erveusstems bei den rlculscherx

lleeren im Krieye gegen Frankreich, 1870-1871. Merlin, 188G.

L'HYSTÉRIE DANS L'ARMÉE ALLEMANDE. 321

guère qu'une par jour (et même il y eut des jours où il n'en eut pas). A

mesure qu'elles diminuaient de fréquence, les attaques augmentaient

d'intensité et de durée et présentaient plus nettement la forme de la

grande attaque typique si admirablement décrite par Charcot et

P. Richer.

Le caractère de ces attaques rappelait, au commencement, assez fidè-

lement, une crise épileptique, mais dès les premiers jours on s'aperçut

qu'on pouvait les provoquer et même les interrompre (du moins au

début de l'attaque) en apostrophant le malade à haute voix. Il se mettait

alors subitement sur son séant, regardait autour de lui d'un air étonné,

reprenait presque tout de suite sa conscience et répondait correctement

FiG. 89. - Aus der Période der Contorsioncn.

Fic,. 90. - Période der Ilallucinationcn.

;) : ! 2 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA S.1L1'TRI$rW.

sans toutetois se rappeler rien de ce qui s'était passé pendant son

attaque. Les attaques présentèrent le caractère typique de la grande

hystérie de Charcot peu de jours après le début; les trois périodes

étaient bien nettes. Le sujet avait la sensation d'aura avant sa crise, à

la poitrine, au cou et dans la tête; il sentait ses yeux devenir fixes et

le sang lui monter dans la poitrine et dans le cou, du côté droit.

La première phase, la plus courte, de l'attaque proprement dite

débute par une période de contractions musuculaires toniques, géné-

rale, de très courte durée, avec perte totale de connaissance et suivie

de contractions cloniques violentes de tout le système musculaire. Les

paupières à demi fermées laissent voir les globes oculaires déviés de

côté et l'expression fixe du regard. Les muscles du tronc et des

membres sont violemment secoués, les réflexes cutanés et tendineux

sont diminués ou même abolis, et. la pupille dilatée au maximun ne

réagit plus du tout à la lumière. Jamais d'évacuations fécales ou uri-

naires, ni pertes séminales, ni morsures de la langue. Dans la seconde

période, que Charcot caractérise si bien sous le nom de période des

grands mouvements, période des contorsions, clownisme, qui se sé-

pare si nettement de la précédente, le malade exécute des mouve-

ments difficiles à décrire et lance ses membres avec une force extrême,

le tronc se contourne de la façon la plus bizarre; on observe égale-

ment pendant cette période les mouvements de salutation et l'arc de

cercle (emprosthotonos et opisthotonos). Les yeux sont alors ouverts,

la pupille dilatée réagit sans retard à la lumière.

Dans la 3e période, des attitudes passionnelles, qui ne se sépare pas

FIG, 91. - Période der 1 lill urina iloiien.

L'IIISTÉRIE DANS L'ARMÉE ALLEMANDE. 323

si nettement de la précédente que la 2° de la 1 r6 , l'expression du visage

varie avec les hallucinations qui obsèdent le malade; chez notre sujet,

ce qui prédomine ce sont les images de la vie militaire, envisagée

surtout sous ses côtés sombres. Il se bat avec un ennemi invisible, le

terrasse; il exécute admirablement tous les mouvements du combat à

la bayonnette, il met en joue, etc. Tout cela finit généralement par

l'attitude du crucifiement.

Dans cette 3e période, les yeux sont également ouverts d'ordinaire et

la pupille réagit bien. Toutes les attaques, spontanées ou provoquées,

présentent cet aspect typique; l'attaque entière se subdivise en une

série d'attaques (3-6) séparées par un intervalledeunedemieàplusieurs

Fic. 9. - Période der Halfucinalionen.

FIG. 93. - Période der Ilallucicationen.

321. 1 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

secondes. Elle dure en tout de'4 à 25 minutes. Celle pendant laquelle

nous prîmes les épreuves photographiques peut se répartir quant à la

durée ainsi qu'il suit :

L'HYSTÉRIE DANS L'ARMÉE ALLEMANDE. 325

ou du scrotum, il localise parfaitement la piqûre mais n'éprouve au-

cune douleur. Pas de différence entre la sensibilité des deux côtés du

corps. Zone hystérogène du mamelon; aura si l'on ne fait que cha-

touiller ; en appuyant plus fortement on a l'attaque.

En appuyant sur les testicules on ne provoquait pas l'attaque maib

on l'arrêtait, de même que par la compression de la région correspon-

dant à l'ovaire chez la femme (n'importe quel côté ou quel testicule).

L'interruption de l'accès n'était que passagère et l'attaque reprenait

aussitôt de plus belle. Dans l'intervalle des attaques les réflexes tendi-

neux n'étaient pas exagérés pathologiquement.

. Le diagnostic d'hystérie que nous portâmes malgré les difficultés

que présentait l'examen du malade se base sur les, faits suivants :

1. Aspect typique des attaques.

2. Présence de zones hystérogènes. '

3. Possibilité d'arrêter à volonté l'attaque.

4. Diminution de la sensibilité des deux côtés.

5. Changement d'humeur survenu peu à peu sans qu'il y ait fai-

blesse intellectuelle persistante, malgré la fréquence des attaques.

La maladie eut un cours très favorable. A dater du 5° jour après

son admission à l'hôpital, les attaques devinrent moins nombreuses; et

si le malade en eut encore à la fin de mars et au commencement d'avril,

elles furent surtout causées par les tentatives d'examen dont il fut

l'objet.

A partir de cette époque, les attaques perdirent peu à peu leur ca-

ractère de netteté, les périodes d'attitudes passionnelles et de contor-

sions devenant plus courtes et plus incomplètes, tandis que la période

épileptoïde conservait encore son caractère propre. Les dernières at-

taques typiques eurent lieu en mai ; dès lors ce ne furent plus que des

accès rudimentaires : troubles de connaissance, convulsions toniques

passagères, quelques secousses.

En juin, il ne restait plus guère que le changement d'humeur qu'il

' avait éprouvé ; puis, peu à peu, le malade se mit à parler avec ses cama-

rades de lit et devint plus gai et plus communicatif. Il-quitta l'hôpital

le 13 juillet il 888, six semaines après sa dernière attaque, bien por-

tant, robuste, ne présentant plus aucune zone hystérogène ou analgé-

sique. Il est à regretter qu'on n'ait pas mesuré son champ visuel. Le

traitement fut exclusivement expectatif, purement psychique, se bor-

nant à quelques injections de morphine pour agir sur le moral; dès

que les attaques furent devenues moins nombreuses il fit de l'hydro-

thérapie et on le mit aux toniques.

Il était facile de prévoir que cette guérison ne durerait pas long-

326 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

temps. En effet, vers la fin de janvier 1889, le malade, qui avait quitté

son état de menuisier pour se vouer à l'agriculture, nous écrivit que

deux semaines après son départ de l'hôpital, le 30 juillet, il avait eu le

matin, à son travail, des maux de tête et un étourdissement; s'étant mis

au lit dans l'après-midi, il eut une attaque d'un quart d'heure le soir, à

dix heures, pendant laquelle il tomba de son lit. Il dormit ensuite d'un

sommeil profond et paisible et se réveilla le lendemain tout à fait apte

au travail et sans souvenir de son accès. Il eut une dernière attaque

cinq semaines après, le 3 septembre, au matin; il l'avait sentie venir,

s'était couché en revenant des champs; elle dura cinq minutes. Pen-

dant ces cinq derniers mois il n'en eut plus; dans l'intervalle des at-

taques il se sentait très bien, était bien apte au travail, et pendant ces

derniers temps il n'a plus présenté, selon lui, aucun symptôme de

son affection. »

GILLES DE la Tourette,

Ancien chef de Clinique des maladies du ssstème nerveux.

ANATOMIE PATHOLOGIQUE DE L'ACROMÉGALIE

(Suite 1)

La hauteur des orifices postérieurs des fosses nasales est de 35 mill., leur

largeur est de 15 mill. en haut et de 18 mill, en bas; leur bord inférieur est

assez fortement concave en haut. Voûte palatine : .longueur 44 mill. (de

l'épine nasale postérieure au trou palatin antérieur); largeur 44 mill. entre

les deux trous palatins postérieurs. Elle a dans son ensemble une forme

arrondie remarquable. En son milieu, elle présente en avant une crête à

laquelle fait suite une dépression, jusqu'à l'épine nasale postérieure; à la

jonction des palatins et des maxillaires existe une véritable fosse elliptique,

longue de 18 mill. et large de 9 mill. Chacune des lames palatines, de

chaque côté de la ligne médiane, est convexe en bas. On pourrait presque

dire que le palais est natiforme. Il

On voit en avant que les os intermaxillaires ne sont pas soudés sur la

' ligne médiane, leur suture palatine latérale est très nette sur une longueur

de 1 centimètre environ à partir du trou palatin antérieur. En les regardant

par la face supérieure, on voit que les deux lames internes ne sont pas

soudées davantage vers les fosses nasales et qu'elles sont mobiles et sur le

vomer dont la pointe s'engage sur cette espèce de V, et sur la crête du maxil-

laire supérieur qu'elles comprennent entre leurs deux bords obliques en

arrière et en haut.

Le bord alvéolaire supérieur est complètement édenté. En arrière il est

arrondi, distendu, et sa translucidité prouve que cela est dû à une dilatation

considérable du sinus maxillaire.

Face proprement dite. - Ecartement entre l'extrémité inférieure des

deux sutures jugo-maxillaires, 100 mill. ; écartement entre la partie moyenne

des deux tubérosités maxillaires, 80 mill. (norm. 65 mill.).

On voit bomber fortement : 1° les bosses frontales qui dépassent en avant

l'orbite; 2° les maxillaires supérieurs qui débordent l'os malaire. Ecartemenl

entre les deux trous sous-orbitaires 62 mill. (norm. 54 mill.) ; entre les

deux trous sus-orbitaires 51 mill. (norm. 38 mill.). Largeur maxima de

l'échancrure piriforme 29 mill.

Os propre du nez. Son bord interne (25 mill.) n'est pas allongé; son bord

1. Voy. les n08 5, 6, t. I, 1888, et les n°s 1, 2, 3, 4, 5, t. II, 1889. ·

328 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

externe (39 mill.) l'est notablement et se termine à une pointe considérable

qui proémine en avant, divisant en deux le bord antérieur du maxillaire

supérieur. La partie supérieure est rectiligne en haut et un peu en arrière

(suture naso-maxillaire); l'inférieure est concave en avant et en dedans. De

là résulte que l'échancrure piriforme a la forme d'une gourde.

Cloison nasale. Déviée de façon à proéminer par son tiers inférieur dans

la fosse nasale gauche.

Orbite. Les dimensions sont peu accrues dans le sens vertical (53 mill.

sous le trou sous-orbitaire); mais elles sont considérables dans le sens trans-

versal (53 mill. entre la suture fronto-jugale et la suture naso-maxillo-

frontale). La paroi inférieure est soulevée en arrière, d'où une obliquité très

marquée en bas et en avant. Le rebord qui la sépare du trou sous-orbitaire

est émoussé.

Distance entre les deux sutures fronto-malaires 110 mill. Fosse temporale,

rien de particulier. Fosse zygomatique rétrécie par la proéminence de la

tubérosité maxillaire. L'os malaire est normal.

Cette étude du massif maxillaire supérieur prouve qu'il y a avant loul une

dilatation remarquable du sinus maxillaire. C'est ce qui cause la saillie

des pommettes, attribuée cliniquement, mais à tort, à l'hypertrophie de l'os

malaire. Les parois translucides du sinus maxillaire rendent cette boursou-

flure évidente. La saillie des bosses frontales fait prévoir qu'il en est de

même pour le sinus frontal; déjà, en outre, nous avons vu les apophyses

mastoïdes pour ainsi dire distendues.

Os de la voûte du crâne. Un trait de scie horizontal ouvre la boîte

crânienne. Il passe par le sommet du sinus frontal. Là on voit un épaissis-

sement manifeste dû à un tissu spongieux abondant entourant le sinus.

L'occipital dans la partie supérieure de son écaille, les pariétaux près de leur

bord médian ont 10 mill. environ d'épaisseur. L'épaisseur n'est pas accrue

a la jonction de la voûte et de la base. Hauteur de l'écaille du frontal,

158 mill.

Face interne du crâne. - Dans l'étage sus-orbitaire on voit l'apophyse

crista-galli très épaissie à la base; la crête qui la limite en arrière remonte

fortement vers une bosse que forme la moitié gauche de la surface olfactive

du sphénoïde; de là un bord supérieur concave en haut et un peu à gauche.

La moitié gauche de la surface olfactive est sur un plan plus élevé que le

sommet de l'apophyse crista-galli. Il n'y a pas de démarcation appréciable

entre le sphénoïde et l'ethmoïde. La surface triangulaire par laquelle le

frontal s'articule avec la grande aile du sphénoïde est perforée, en sorte que

par ces trous on voit de petits îlots du sphénoïde ressemblant assez, au pre-

mier abord, il de petits os worniens.

La section horizontale, passant à 5 centimètres au-dessus du sommet de

l'apophyse, crisla-galli, ouvre l'extrémité supérieure des sinus frontaux,

larges à ce niveau : le droit de 19 mill., le gauche de 10 mill. ; ayant dans le

sens antéro-postéricur le droit 12 mill. et le gauche 7 mill. Entre les deux

ANATOMIE PATHOLOGIQUE DE L'ACROMÉGALIE. 39

existe une cloison verticale, placée à gauche de la ligne médiane. Ils sont t

fort dilatés.

Etage moyen. L'écartement entre les extrémités internes des deux trous

optiques est de 32 mill. Ces deux trous ne sont pas ronds, mais aplatis de

haut en bas. Entre eux on ne voit pas de gouttière optique. Cette gouttière est

comblée par un renflement limité en arrière par une légère rainure et qui

se continue en avant avec la surface olfactive déjà décrite. Ces trous op-

tiques sont en somme fort rétrécis, et il est certain que le nerf optique y était

très comprimé. En dehors du trou optique existe une apophyse clinoïde an-

térieure longue de 17 mill., terminée en arrière par une pointe très aiguë et

présentant au milieu de son bord interne une autre pointe qui s'avance vers

l'apophyse clinoïde moyenne, dont elle reste écartée de 3 mill., tendant à

circonscrire avec elle un cercle de 7 mill. de diamètre. Écartement entre les

apophyses clinoïdes antérieures : à la base, 43 mill. ; à la pointe, 36 mill.

Écartement entre les fentes sphénoïdales; à l'extrémité interne, 50 mill.; il

l'extrémité externe 69 mill. L'apophyse clinoïde moyenne est à 8 mill. de la

fente sphénoïdale; à 5 mill. du trou optique; à 32 mill. de la congénère du

coté opposé.

La gouttière caverneuse n'est pas très accentuée en avant, mais l'est très

bien en arrière. Elle se continue par un canal carotidien ayant 7 mill. de

diamètre transversal et 10 mill. de diamètre anléro-postérieur (fig. 94).

Sur la partie moyenne du corps du sphénoïde, on voit une fosse pituitaire

très profonde, s'enfonçant à 15 mill. sous le plan passant par le sommet des

apophyses clinoïdes antérieures et postérieures. Le fond, ressemblant il de la

pierre ponce, est rugueux, extrêmement aminci et présentant même à son

pourtour quelques perforations qui conduisent dans le sinus sphénoïdal;

(diamètre transversal, 22 mill.; antéro-postéreur 15 mill.). Les parties

latérales se relèvent assez peu, mais en avant est une lame, longue de'12 mill.,

qui va, très oblique en bas et en arrière, de la rainure qui représente la

gouttière optique au fond de la fosse pituitaire. La lame quadrilatère, à peu

près verticale, tendrait même à se déjeter un peu en arrière. Son bord

supérieur est comme déchiqueté. Il est à 32 mill. de la rainure antérieure.

Les angles ne présentent pas d'apophyse clinoïde très marquée. Ils sont à

15 mill. de la pointe de l'apophyse clinoïde antérieure; à 25 mill. de la

moyenne.

La fosse sphénoïdale n'offre rien de particulier, sinon la profondeur plus

grande du sillon de la méningée moyenne, comme encaissée entre des

rugosités un peu poreuses.

En somme, on voit que ces altérations de la fosse moyenne sont surtout

de deux ordres : 1° un élargissement de la fosse piluitaire, pour loger une

tumeur ; 2° une distension considérable du sinus sphénoidal dont la paroi su-

périeure se boursoufle, à gauche surtout, effaçant la gouttière optique et la

partie antérieure de la gouttière carotidienne; remplaçant la moitié gauche

de la surface olfactive par une saillie, aplatissant les trous optiques.

: 3au NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

Étage postérieur. - Les quatre gouttières pétreuses sont très marquées.

La face supérieure de l'apophyse basilaire est finement rugueuse (longueur

30 mill.; largeur 28 mill.). Le sinus latéral droit est seul marqué sur l'oc-

cipital; sur la région mastoïdienne, il est plus large que le gauche, ainsi

que le trou déchiré postérieur. Le sinus occipital droit est très marqué.

Le trou occipital a 30 mill.de diamètre antéro-postérieur; 27 mill. de

diamètre transversal.

Diamètres intra-cratierts. - De la protubérance occipitale interne au

trou borgne, 140 mill.; delà protubérance au bord supérieur de. la lame

quadrilatère, 73 mill. Entre les angles antero-inférieurs des pariétaux,

100 mill.

Fig. 94.

ANATOMIE PATHOLOGIQUE DE L'ACROMÉGALIE. : I31

Maxillaire inférieur. - Corps. Longueur de l'angle à la symphyse,

103 mill. Le bord alvéolaire, porteur d'une denl, est réduit il une lame

mince, à peu près verticale, que la symphyse déborde en avant d'environ

20 mill. Les apophyses géni supérieures, très développées, sont de même en

retrait sur le menton auquel elles sont unies par une ligne fortement ru-

gueuse. Des rugosités compactes remplacent la fossette digastrique. Hauteur

au niveau de la symphyse, 30 mill. - Branches. Largeur 28 mill.; hauteur

(jusqu'au fond de l'échancrure simoïde) 5 mill. Les bords sont fort obliques

en haut et en arrière. Angle de la mâchoire : 1250 environ (fig. 95).

Nulle part il n'y a de rugosités spongieuses. Le trou dentaire inférieur

est fort large, surtout le gauche (12 mill. de long sur 7 de haut.) dontlefond

est comme aréolaire (travées compactes). Il y a une dépression allongée con-

sidérable en arrière de lui entre le bord alvéolaire et laligne oblique externe.

La ligne oblique interne est très saillante, et la partie du corps située au-des-

sous d'elle est presque horizontale. La dépression de la glande sous-maxillaire

Il. 21 t

Fig. 95.

332 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALP1 : TRII : IiE.

est à peu près normale; de même l'épine de Spix el l'apophyse coronoïde,

seulement un peu accentuées. Le condyle présente quelques déformations

poreuses sur son bord libre. Sa face postérieure est très convexe et son bord

supérieur notablement déjeté en avant. En outre, son angle interne est allongé

et déjeté en avant, d'où augmentation du creux antérieur du condyle et de son

col. L'angle externe est normal adroite; à gauche il présente un tubercule

saillant et un peu rugueux. Diamètre transversal du condyle, 28 mill.

L'allongement porte presque exclusivement sur la partie interne du con-

dyle. Il y a un emboitement très profond du condyle par la cavité glénoïde

transformée en un angle (fig. 96, 97).

En regardant le profil de la face tout entière, on reste frappé surtout par

Fie.00 et 97.

ANATOMIE PATHOLOGIQUE DE L'ACROMÉGALIE. 333

la saillie considérable du rebord alvéolaire inférieur en avant du supérieur;

et par la saillie du menton en avant du rebord alvéolaire inférieur.

Rachis. -En examinant la colonne vertébrale de face, les disques inter-

vertébrauxn'existant plus, on voit immédiatement- une forte cypliose avec une

scoliose gauche très marquée. Le rachis, dans son ensemble, est fortement

incurvé en avant. L'axe des vertèbres cervicales est presque vertical, quoiqu'un

peu dévié en bas et à droite; celui des trois premières dorsales est fortement

oblique en bas et à gauche; la direction change au niveau' de la 4e dorsale, et

l'axe des 4°, 5e, 0°, 7e dorsales est fortement oblique à droite. Il y a donc une

courbe à concavité antérieure et droite dont le sommet répond il la il dor-

sale. La région dorsale inférieure et la lombaire formentuue courbe beaucoup p

moins accentuée, à convexité droite. Des plus, comme à la région cervicale,

.la convexité antérieure normale est accrue. En somme, il y a courbure par

compensation des parties supérieure et inférieure du rachis, la région dor-

sale supérieure étant l'origine de la déformation. Cela est démontré par

l'examen des corps vertébraux.

Le corps de la 1" et de la 2. dorsales ne sont guère asymétriques. Celui de

la 3° commence à être plus haut à gauche qu'il droite et en arrière qu'en

avant; et il prend une forme triangulaire, d'où une crête antérieure, mousse.

Fig. 08. A. Courbures présentées par la ligne des apophyse» épineuses sur le ? l{l1clcLLe considéré

par derrière (scoliose). B. Courbures présentées par les corps des vertèbres vus de profil

(cyphosc).

331 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALI'TRII;ItE.

Cette forme devient très accentuée de la 4° il la 7° dorsales, en même temps

que l'asymétrie devient considérable : 1° par affaissement intense du côté

droit; ? parce que, vu la torsion signalée plus loin, l'angle antérieur divise

ce corps en deux moitiés dont la droite est moins étendue transversalement

que la gauche. Tous ces corps ont une hauteur manifestement diminuée en

avant (15 mill. pour les trois premières; 11 mill. pour la partie droite de

la 5).

Outre l'affaissement latéral, il existe une torsion des vertèbres dorsales

supérieures; les apophyses transverses droites sont refoulées en arrière et à

gauche. De plus, l'affaissement de la partie antérieure des corps crée une

concavité antérieure très marquée, et il y a une légère convexité antérieure

compensatrice cervicale et dorso-lombaire.

Les corps des dernières dorsales et des lombaires présentent une asymétrie

légère, inverse de la précédente. Les dorsales ont une tendance à la forme

triangulaire, avec une crête mousse un peu reportée vers la droite.

La hauteur des corps cervicaux n'est guère modifiée ; leurs dimensions

transversales et antéro-postérieures sont accrues. Les dorsaux inférieurs,

un peu aplatis, ressemblent aux lombaires. Les lombaires présentent un

léger accroissement en hauteur et un élargissement notable; les bords des

faces supérieure et inférieure sont des crêtes rugueuses et spongieuses. La

face supérieure des 12° dorsale, 1 ? 2° et 3° lombaires présente en son centre

une excroissance spongieuse. 0

Sur tous les corps vertébraux on remarque une spongiosité considérable et

de gros trous vasculaires.

Les facettes costales sont affaissées dans la portion concave de la région

dorsale; les autres sont élargies, entourées de bourrelets rugueux.

Apophyses transverses. Augmentation considérable de leur gouttière il la

région cervicale; l'extrémité costale des dorsales est volumineuse, rugueuse,

spongieuse.

Les apophyses articulaires ont leur surface élargie dans la région cer-

vicale et dorsale (15 mill. de. diamètre); aux lombaires, cette surface n'est

pas accrue, mais est entourée d'un fort bourrelet rugueux.

Apophyses épineuses. Hypertrophie de leur extrémité spongieuse. Lon-

gueur de la 40 cervicale, 20 mill. ; largucurl8 mill. Longueur de la 4° dorsale,

32 mill.

Trou rachidien : normal. Le trou de l'artère vertébrale est élargi; les

trous de conjugaison ne sont pas rétrécis, même au niveau des fortes cour-

bures anormales.

Côtes. - Elles sont toutes manifestement augmentées de volume, mais ont

leurs torsions normales. La 7° a 21 centimètres de long et 20 mill. de haut.

Exagération considérable de la gouttière intercostale (10 mill. de haut), sur-

tout en arrière. Extrémité antérieure un peu élargie. Les extrémités posté-

rieures, extrêmement rugueuses, présentent des saillies articulaires et liga-

menteuses très accentuées. Tout le col est couvert, à sa face postérieure, de

NATOMIE PATHOLOGIQUE DE L'ACROMÉGALIE.

33 ?

tubérosités spongieuses. Les surfaces vertébrales sont élargies et aplaties; on

y voit encore cependant la trace de la division en deux facettes.

9'° côte. Largeur à la partie moyenne, 25 mill. Gouttière sous-clavière large

de 2 centimètres, lisse à droite, un peu rugueuse à gauche. Le tubercule du

scalène antérieur est un peu exagéré.

Clavicule droite. - L'extrémité interne est très déformée, Facétie

sternale irrégulière, rugueuse, en gouttière demi-circulaire ouverte par en

bas, entourant un mamelon central. (Diamètre antéro-postérieur 32 mill.;

vertical, 27 mill.). Facette costale, irrégulièrement triangulaire à sommet

mousse externe (longueur 20 mill. ; largeur à la base 19 mill.). Entre ces

deux facettes, crête peu accentuée. Le cartilage passe de l'une à l'autre. Le

sommet de la facette costale est entouré d'une gouttière qui remonte en haut

et en arrière, et surtout se prolonge horizontalement en avant; à un centi-

mètre en dehors de lui est une véritable apophyse saillante; au niveau de

cette apophyse, le corps (face antérieure) a 28 mill. de haut. Forme et cour-

bures normales. Au changement de courbure de la face antérieure existe une

très forte rugosité (lel toitliciiiie. La face postérieure, lisse dans toute son éten-

due, regarde un peu en bas dans sa partie concave. Bord supérieur, normal.

Les bord et face inférieurs sont voûtés et creusés d'une gouttière du sons-

clavier, longue de 62 mill., qui aboutit en se rétrécissant (5 mill. de

large) à la petite apophyse déjà décrite en dehors de la facette costale. Son

extrémité externe (9 mill. de large) commence aux rugosités de la face infé-

Fic. OU. A. -Clavicule normale de femme. Fig. 100. - il, - Clavicule du squelette acromégalirpic.

336 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

ricure de l'extrémité externe. Ses bords sont assez tranchants; l'antérieur

descend plus bas que le postérieur. Extrémité externe; sa face supérieure

est envahie par les rugosités deltoïdiennes; les tubercules des ligaments cora-

co-claviculaires sont très accentués (20 mill. de large), confondus et limités

en dehors par une gouttière oblique en avant et en dehors, profonde et large

(pouvant contenir l'index). Facette ctcrontitle haute del8 mill. Les extré-

mités et les rugosités sont toutes très spongieuses. Le corps est perforé de plu-

sieurs trous, mais on n'y voit pas le trou nourricier typique.

La clavicule gauche est heaucoup moins déformée. Facette sternale à peu

près circulaire. Facette costale moins allongée. Rugosités deltoïdiennes beau-

coup moins nettes. Gouttière du sous-clavier peu accentée. Les rugosités des

ligaments coraco-claviculaires sont séparées en deux groupes comme norma-

lement. La même gouttière qu'à droite les sépare de la facette acromiale.

Trou nourricier normal.

Longueur totale de chaque clavicule, 1 centimètres (sans suivre les

courbures).

Omoplate. - Épine. Sur son bord postérieur, en dehors de la facette tri-

angulaire (pas très lisse) où glisse le tendon du trapèze, il existe une dépres-

sion en triangle rectangle à peu près isocèle, dont le sommet atteint la lèvre

supérieure de l'épine, l'hypothénuse (2 mil.) longeant sa lèvre inférieure.

En dedans de cette surface, à 40 mill. du bord axillaire, existe sur la lèvre

inférieure de l'épine le tubercule d'insertion du trapèze. Fosse sous-épi-

neuse. Insertion du grand rond se prolongeant en crochet sur le bord axil-

laire. Insertion du petit rond transformée en une gouttière étroite et pro-

fonde (à droite surtout). Fosse sous-scapulaire nettement anguleuse sur la

ligne répondant à l'épine. Très forte insertion musculaire à son angle infé-

rieur. Angle supéro-interne assez fortement recourbé vers la fosse sous-sca-

pulaire sous forme d'une petite colonne terminée par une insertion muscu-

laire à peu près circulaire, large de 13 mill. Apophyse carttcoïde très

recourbée. A son extrémité interne, son bord convexe présente une dépres-

sion rectangulaire entre la base et l'échancrure sous-caracoïdienne. Cavité

glénoïde : plus arrondie que normalement; séparée du bord atitéro-exteriie

de l'épine par une très forte dépression digitale.

Dimensions. De l'angle inférieur à l'échancrure sous-coracoïdienne,

127 mill.; largeur de la fosse sous-scapulaire au niveau de l'insertion de

l'épine (y compris la tubérosité glénoïde), 116 mill. Hauteur maxima de la

face supérieure de l'épine, 37 mill.

Humérus. - Tête rugueuse, inégale, déformée par un certain allonge-

ment dans le sens vertical, pour l'humérus droit surtout sur lequel elle

forme une sorte de crochet au-dessus du col anatomique. Sur tous deux, la

tête présente à la partie inférieure une sorle de croissant surajouté. Le col

anatomique est comblé en haut au niveau des tubérosités, soudées à l'extré-

mité supéro-externe de la tête. A gauche, on voit là un trou prouvant qu'il

s'agit d'une sorte de pont surajouté. Dès deux côtés, la gouttière inter-tro-

ANATOMIE PATHOLOGIQUE DE L'ACROMÉGALIE.

337

rhantérienne a disparu. Tout autour de la tête, trous vasculaires considé-

rables. Le corps a la forme ordinaire. Relief deltoïdien très accentué, formé

de deux bords entre lesquels est une profonde dépression. Au-dessous des tu-

bérosités, la gouttière bicipitale apparaît, très profonde. (Etat du tendon du

Fig. 101. A. Humérus du squelette acromyalüluc - rlc. 10 ? B. - Ilumérus normal de femme.

338 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPËTRIËRE.

biceps, inconnu.) Empreinte très marquée du caraco-brachial; au-dessous

d'elle, sur la face interne, trou nourricier normal. En bas, le bord antérieur

s'aplatit en palette plus que normalement; ainsi que les deux tubérosités in-

férieures, il est rugeux et inégal. Les surfaces articulaires du coude sont

normales, quoiqu'en arrière le bord externe de la trochlée soit très tranchant

et séparé du condyle et de l'épicondyle par une dépression au fond de la-

quelle se voient de gros trous vasculaires. Cavité olécranienne perforée, un

peu à gauche et beaucoup à droite, Dimensions : longueur totale 20 centi-

mètres ; diamètre vertical de la tête 52 mill. il droite, 18 mill. à gauche; lar-

geur maxima de la palette inférieure 73 mill.; largeur de la partie articu-

laire 41. mill.

Radius. Tête et col normaux. Tubérosité bicipitale très saillante, sur-

tout en arrière où elle est rugeuse (insertion du biceps). Face antérieure : .'

normale jusqu'en bas; là elle semble très creusée au-dessus de la face arti-

culaire, ce qui tient : 1° à un élargissement notable de cette face articulaire;

2° il ce que l'extrémité inférieure du bord externe forme une crête saillante

qui va il la base de la styloïde et surplombe en dehors cette dépression. In-

sertions très marquées du court supinateur; du carré pronateur. Forte gout-

tière correspondant au passage du long extenseur propre du pouce en arrière.

Trou nourricier normal. Extrémité inférieure. Entre les gouttières postéro-

externes, crêtes assez mousses, un peu rugueuses et spongieuses. Gros trous

vasculaires. Le plan articulaire de la styloïde dépasse peu la face horizon-

tale. La facette cubitale est déjetée en dedans et dépasse notablement le

niveau du bord interne. Dimensions. Longueur totale 21 centimètres. Lar-

geur de la face articulaire inférieure, 32 mill. (partie triangulaire, 20 mill.;

partie quadrilatère 12 mill.)

Cubitus. - Olécrane et apophyse coronoïde élargis et épaissis. L'inser-

sion, très saillante, du brachial anlérieur est à . ! 0 mill. du sommet de la co-

ronoïde. Elle est unie à chacun de ses angles latéraux par deux fortes crêtes

en V. Crête saillante unissant l'extrémité postérieure de la petite cavité sig-

moïde à l'extrémité supérieure du bord externe. Face antérieure. La gouet-

tière du fléchisseur est profonde. La partie inférieure se dévie fortement en

arrière et en dedans et est séparée de la face postérieure par une ligne ru-

gueuse. Face postérieure. La crêle verticale moyenne est très marquée. Ex-

trémité inférieure à peu près normale, sauf un épaississement de la styloide.

Dimensions : Surface olécranienne : largeur 30 mill. ; hauteur, 17 mill. Sur-

lace coronoidienne : largeur 25 mill.; anléro-postérieure 17 mill. Petite sig-

moïde : hauteur 11 mill.; antéro-postérieure 17 mill. Epaisseur antéro-pos-

térieure de l'olécrane 30 mill.

Les deux os de l'avant-bras envisagés dans leur ensemble présentent un

peu au-dessus de leur partie moyenne un angle très obtus ouvert en dedans.

Leurs extrémités supérieures sont un peu incurvées en avant.

Main. - Sur aucun des os de la main les surfaces articulaires proprement t

dites ne sont notablement altérées, mais sur tous il y a exagération des

ANATOMIE PATHOLOGIQUE DE L'ACROMÉGALIE. 330

rugosités péri-articulaires ligamenteuses ou tendineuses. Les os du carpe,

tous assez gros, sont extrêmement spongieux et friables. Les métacarpiens

ont conservé leur forme générale et il a été facile de les mettre en position.

Les corps ont leur configuration normale, les extrémités sont renflées. Lon-

gueur du 3e métacarpien 37 mill. Les phalanges offrent le même type de

déformation. Les unguéales sont relativement peu déformées.

Os iliaque. - Toute la face interne et la fosse iliaque externe sont nor-

males. Les parties spongieuses sont au contraire épaissies, poreuses, déformées.

L'échancrure ilio-ischiatique est bien marquée, l'échancrure ilio-pubienne

n'existe plus. L'arrière-fond du cotyle est des deux côtés élargi ; à gauche il

est surplombé à sa partie postéro-supérieure par une sorte de lame osseuse

qui prolonge la partie articulaire. Diamètre du cotyle 55 mill.; largeur de la

partie articulaire 38 mill. en arrière et en haut; 15 mill : aux deux extré-

mités qui limitent l'échancrure ischio-pubienne. Gouttière sous-cotyloïdienne

peu marquée. Fortes facettes musculaires à l'ischion. Gouttière sus-cotyloï-

dienne remplacée par des rugosités spongieuses avec de gros trous vascu-

laires. Ces trous existent tout autour du cotyle, mais s'arrêtent à 7 ou 8 mill.

de son bord. Entre le pubis et l'ischion, tous deux gonflés et poreux, la

branche ischio-pubienne, elle aussi spongieuse, décrit une courbe à concavité

postéro-interne. Hauteur du pubis 50 mill. ; épaisseur 25 mill. Epaississement

considérable de l'éminence ilio-pectinée; de la crête iliaque, large de 21 mill.

en avant du tubercule du fascia lala, de 28 mill. au niveau de ce tubercule; -,

renflement considérable surtout en arrière du tubercule du grand fessier.

Derrière la cavité auriculaire très poreuse, non agrandie, le bord postérieur et

la tubérosité forment une masse très épaisse (30 mill.) et très spongieuse.

Sacrum. - Lors de l'autopsie, il a été brisé longitudinalemenl au niveau

de la surface auriculaire droite. Autant qu'on en peut juger, il ne serait pas

tout à fait symétrique, mais plus développé à droite. Distance du deuxième

trou postérieur à la crête sacrée : 21 mil ! ; à droite; 18 mill. à gauche. Face

antérieure plus incurvée que normalement; la courbe a lieu au niveau de

l'articulation de la deuxième et de la troisième vertèbre sacrée. Epaisseur

maximum de la moitié gauche du sacrum : 55 mill. Largeur du canal sacré

en haut 28 mill.

Fémur. - Corps et bifurcation inférieure de la ligne âpre normaux. Tri-

furcation supérieure très épaissie, la branche externe surtout. Angle du col

de 130° à 135°. La ligne inter-trochantérienne antérieure forme près du

grand trochanter une rugosité épaisse, longue de 27 mill. A droite, la face

externe du grand trochanter est percée d'un large trou qui se bifurque au

fond; à gauche trous volumineux indépendants. Forte apophyse du moyen

fessier. Cavité digitale très large (19 mill. à gauche; 25 mill. à droite) sou-

levée en son centre d'un gros mamelon rugueux. Sur le col, les trous nour-

riciers sont normaux vers le grand trochanter; un peu élargis vers la tête.

Tête spongieuse, un peu érodéc : 47 mill. de diamètre. Dimension antéro-

postérieure du grand trochanter, ! i ? mill.

340 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.

Extrémité inférieure. Sur le condyle interne, dévié en dedans, le tuber-

cule du grand adducteur se continue avec celui du jumeau et est entouré

d'une gouttière demi-circulaire à concavité supérieure. Insertion du jumeau

externe et gouttière poplitée très accentuées. Dépression digitale très marquée

au-dessus du condyle interne.

Dimensions. - Longueur totale (il partir du bord supérieur du grand

trochanter) 385 mill. ; largeur de la diaphyse à la partie moyenne 30 mill.;

dimension antéro-post. 25 mill. Largeur de l'extrémité inférieure, 85 mill. ;

de la surface rotulienne,13 mill. ; de la parlie articulaire du condyle interne,

28 mill.

Tibia. - Extrémité supérieure. Gouttière du 1/2 membraneux pas très

marquée. Extrémité supérieure brisée en arrière; très spongieuse, mais peu

de gros trous vasculaires. En avant de la surface péronéale est une tubéro-

sité arrondie, réunie par une crête assez saillante à la partie externe de la

tubérosité antérieure. La hauteur du plateau tibial est accrue (27 miel. au

niveau de la facette péronéale). Corps. Bords très arrondis; gouttière de la

face externe peu marquée; ligne oblique peu accentuée ; trou nourricier

normal. La crète tibiale n'a sa courbure en S qu'en haut el en bas; à la partie

moyenne, ses concavités sont comblées par l'arrondissement de l'os. Extré-

mité inférieure. Les gouttières malléolaires sont atténuées par des bour-

souflures spongieuses. Celle du fléchisseur propre est seule bien nette.

Dimensions. Longueur totale 320 mill. ; circonférence de la diaphyse à la

partie moyenne, 60 mill. Largeur de l'extrémité supérieure, 80 mill. (partie

postérieure cassée d'où impossibilité de prendre d'autres mesures). A l'extré-

mité inférieure, transversalement, 49 mill.; face articulaire horizontale

31 mill.; face verticale haute de 16 mill.; dimension antéro-postérieure à la

base de la malléole, 35 mill.

Péroné. - Le bord antérieur, extrêmement mince et tranchant, forme

une véritable aile placée de champ entre les faces antérieure et externe,

toutes deux fortement excavées, enroulées normalement à leur extrémité

inférieure. La face postérieure, très rugueuse, présente en haut des pointes

et des crêtes tranchantes. Extrémité supérieure arrondie : elle a 30 mill. de

diamètre et est formée de tissu spongieux exubérant autour de la facette ar-

ticulaire normale. En arrière existe une gouttière verticale. Malléole externe

épaisse de 17 mill. à sa base; dimension antéro-postérieure 30 mill., hauteur

30 mill. Triangle articulaire, hauteur de 22 mill.; 19 mill. de base. Partie

non articulaire de la face internelarge de 16 mill. et profondément déprimée.

Gouttière des péroniers très accentuée. Bord postérieur boursouflé. Longueur

totale de l'os 325 mill.

Pied. - Tous les os du tarse sont très spongieux; le calcanéum est même

dépressible sous le doigt. Sur tous, le volume est considérable, par hyper-

trophie des apophyses et surfaces d'insertion. Le calcanéum, en particulier,

a une tubérosité postérieure et interne qui forme un vrai crochet sous la

plante du pied et une tubérosité antérieure très saillante.

ANATOMIE PATHOLOGIQUE DE L'ACROMÉGALIE. 311

Les métacarpiens (sauf le premier) ont une gracilité spéciale du corps,

incurvé en lame de sabre à tranchant dorsal. Cela est accentué surtout sur

le cinquième. Epiphyses volumineuses. Extrémité postérieure du premier

métacarpien : haute de 35 mill., large de 20 mill., elle dépasse considéra-

hlement par en bas le bord inférieur de l'os. Anlyose osseuse entre le

deuxième métacarpien droit et deuxième cunéiforme.

Phalanges. Hypertrophie du tissu spongieux, surtout au niveau des

phalanges unguéales. Celle du gros orteil est spécialement déformée et ses

angles postérieurs s'incurvent en avant, comme une véritable corne.

La dissection n'a été effectuée que sur le pied gauche, qui m'a été remis,

conservé dans le liquide de Mûller, en même temps que les autres os séchés.

La graisse plantaire adeux centimètres d'épaisseur. Les muscles plantaires et

le pédieux ont le volume qu'ils offrent chez un homme fortement musclé.

PIERRE Marie.

Le gérant : Emile Lecnoswen.

3873. lIOTTEIto7. Imprimeries réunies, B, rue Mignon, 2.

TABLE DES PLANCHES

Acromégalie (squelette U'-), : 31.

Le chirurgien, 21.

Dermographie, 43.

Epileptique (anomalie des organes génitaux

chez un -), 21 ; (note sur une anomalie

musculairc chez deux ),13, Il.

Eruption eczémateuse (deux cas ,1'- pro-

voquée par le borax), 16.

Fessier (pli), 38, 39.

Fresque de l'hùpilal de Sienne, 22.

Goitre exophtalmique (faciès dans le ),

4.7.

Hystérique <blépharospasme -). 17, 19 ; id.,

guéri 18 ; (contracture - du gros orteil), ? 0 ; (gonflement du cou chez un -), 3,

- I.; (spasme de la face et du cou ,1'01'Î-

inc -), 30 ; (sommeil -), i i, .15.

llystéro-épileptique (contracture provoquée

de li langue chez une -), 33, 31, 35, 3G,

37.

Mélancolie cataleptique (une olisenalion

de -), 9, 10.

Mesmer (documents satiriques sur

15, 16.

Miracle (le - opéré sur Marie-Anne Cou-

tonneau),40.

Paralysie agitante (altitude anormale dans

la -), ` ? S, 29.

Pascal (le masque de ), 32.

Rachis (des suites éloignées des trauma-

tismes de la moelle, en particulier dans

les fractures du -), 5, 6.

Syringomyélie (scoliose et atrophie muscu-

laire dans la -), 48.

Suspension (de la technique a suivre dans

le traitement par la - de l'a taxie locomo-

trice et de quelques autres maladies du

système nerveux), 11, 12.

Tloubles nerveux (d'une forme particulière

de - des extrémités supérieures), 1, 2.

Troubles trophiques (dans la paralysie géné-

rale), 25, ` ? G, 27 ; (- dans l'hystérie) atro-

phie musculaire, il, oedème, 4`3.

Ventouseuse, (la) 23.

TABLE DES FIGURES

Acromégalie (configuration extérieure et

anatomio pathologique de l' -J, 16, 17,

18, 19, 20, 21, 36, 37, 47, G3, G4, 65, GG,

117, 08, 69, 91, 95, JG, 97, 98, 99, 100, 101,

102.

Appareil de Sayre pour la suspension, 33; -

%il en place, 31, 35.

lias-relief en terre cuite de l'hôpital de

Pistoia, par Lucca Della Ilobia, 13; -

tumulaire en marbre de 1'crrocliio, 50.

l,1)tlepsie (durillon dont la pression pro-

voque l'accès ,1' -J, 6l.

Epileptiques (état des forces et tremblements

chez les - après les attaques), 5, 6, 7, 8.

9, 10, 11, 12, 13, il.

Femme malade (la) par Jan Steen, 52.

fessier (pli), C2.

Hystérie (champs usuels dans 1' -), d0, 11,

.1,G; (schémas de sensibilité dans l' -), 38,

3(J, .1,2, 43, 41, IJ,J3, Jf·. 55, 56, 57, 58,

70,71, 77, 78.

Hystérique (atrophie musculaire - de 1,

main), 72, 73, 74, 75. 76; attaque - 8 ?

86, 87, 88, 89, 90, 91 ; contracture - 59,

60; courbe des excrétions dans le sommeil

z79,80.

Médecin de village (le) par A Brauwer, 51.

Mélancolie cataleptique (phlyctéues dans un

cas de) 22; tracés, 23, 21, 25, z6, 27,

28, 29, 30, 31, 32.

Saignée (la) miniature, 49.

Troubles nerveux (d'une forme particulière

de -) 1, 2, 3, 1.

Syringomyélie (schémas de sensibilité dans

la -), 1c11, 82, 83,81,85, 8G,

TABLE DES MATIÈRES

Acromégalie, par Marie, 45, 90, 139, 189,

224, 327.

Dermographie (la -), par Ch. Féré et

H. Lamy, 283.

Epilepsie (sur un cas-dont les accès se mul-

tiplient sous l'influence d'excitations péri-

phériques), par Féré, 214.

Epileptique (Anomalie des organes génitaux

et du sens génital chez un -), par Féré

et Perruchet, 130.

Epileptiques (note sur l'état des forces et

sur les tremblements chez les- après les

attaques), par Féré, 38 ; (note'sur une ano-

malie musculaire chez deux -), par Féré,

192.

Eruption eczémateuse (deux cas il'- provo-

quée par le borax), par Féré et' Lamy, 305.

Fessier (note sur le pli-), ), par P. Richer, 230.

Goitre exophtalmique (contributions àl'étude

de la nutrition dans l'état normal et dans

la fièvre du -), par Gilles de la Tourette

et Cathelineau), 306.

Hystérie (contribution à l'étude des troubles

trophiqnes dansl ? .atrophie musculaire et

oedème), pal' Gilles de la Tourette et Dutil,

251 ; (l' - dans l'armée allemande), par

Gilles de la Tourette, 318.

Hystérique (considérations sur la courbe des

excrétions dans l'attaque de sommeil -), ),

par Gilles de la Tourette et Cathelineau, 290

(observation de contracture - guérie subi-

tement après une durée de deux années),

par P. Richer, 208.

Hystériques (gonflement du cou chez les ), ),

par P. Richer, 17 ; (superposition des trou-

bles de la sensibilité et des spasmes de la

face et du cou chez les ). par Gilles de

la Tourette, 107, 170.

7 ? s<en)-eep<tUM (des contractures spon-

tanées et provoquées de la langue chez

les -), par Laufenaucr, 203.

Malades (les - dans l'art), par Charcot et

Richer, 146.

Mélancolie cataleptique (une observation

de), par Séglas et Besançon, 65.

Mesmer (documents satiriques sur -), par

Gilles de la Tourette, 59, 103.

Miracle (le - opéré sur Marie-Anne Cou-

ronneau, le 13 juin 1731), par Gilles de la

Tourette, `11.1.

P01'(liysie agitante (sur un cas de à forme

hémiplégique avec attitude anormale de

la tête et du tronc (extension), par Dutil,

165.

Paralysie générale (faits pour servir il l'his-

toire des troubles trophiques dans la -

des aliénés), par Féré, 155.

Pascal (le masque dc), par Gilles de la Tou-

rette, 196.

Rachis (des suites éloignées des trauma-

tismes de la moelle en particulier dans

les fractures du -), par Tuffier et Hal-

lion, 21.

Suspension (de la -, dans le traitement de

l'ataxie locomotrice et de quelques autres

maladies du système nen eux), par Charcot,

81 ; (de la technique à suivre dans le

traitement par la - de l'ataxie locomo-

trice et de quelques autres maladies du

système nerveux), par Gilles de la Toui

reste, 85.

Troubles nerveux (d'une forme particulière

de - des extrémités supérieures), par

Blocq, 1.

Syringomyélie (un cas de -), par Gilles de

la Tourette et Zaguelmann, 311.

TABLE DES AUTEURS

nezançon, 65.

Blocq, 1.

Cathelineau, 290, 306.

Charcot, 81, 146.

Dutil, 165, 251.

Féré, 38, 92, 130, 155, 214, 283, 305.

Gilles de la Tourette, 59, 85, 103, 107, 170,

1JG, 41, 51, 290, 306, 311,318.

Ilallion, 21.

Lamy, 283, 305.

Laufenaucr, 203.

Marie, 45, 96, 139, 189, 224, 327.

Perruches, 130,

Richer (Paul), 17, 140, 208, 220.

Séglas, 65.

Tumeur, 21.

Zaguclmann, 311.