NOUVELLE ICONOGRAPHIE
DE i :
LA SALPÊTRIÈRE
CLINIQUE DES MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX
3873. - Imprimeries réunies, B, rue Mignon, 2.
NOUVELLE ICONOGRAPHIE
DE LA
SALPÊTRIÈRE
CLINIQUE DES MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX
PUBLIÉE SOUS LA DIRECTION
Du Professeur CHARCOT (DE l'institut)
PAR
PAUL RICHER GILLES DE la TOURETTE
CHEF DU LABORATOIRE ANCIEN CHEF DE CLINIQUE
ALBERT LONDE
DIRECTEUR DU SERVICE PHOTOGRAPHIQUE
TOME DEUXIÈME
A\ec 102 ligures intercalées dans le texte et 58 planches
PARIS
LECROSNIER et BABÉ, LIBRAIRES-ÉDITEURS
' PLACE DE L'ÉCOLE- DE-MÉDECINE
1889
NOUVELLE ICONOGRAPHIE
A 'q
DE LA SALPÊTRIÈRE
D'UNE FORME PARTICULIÈRE DE TROUBLES
NERVEUX DES EXTRÉMITÉS SUPÉRIEURES
. 1
Dans le cours de l'année d'internat que j'ai eu l'honneur de passer
dans le service de M. le professeur Charcot à la Salpêtrière, j'ai observé
un certain nombre de malades ne présentant uniquement que de la
paralysie atrophique et des altérations de la sensibilité des extrémités
supérieures, troubles généralement symétriques, et paraissant occuper
assez exactement le territoire musculo-cutané innervé par le nerf
cubital.
La réunion de ces faits assez semblables entre eux militerait en
faveur de l'existence d'une forme particulière d'affection névritique,
mais, seul dans la circonstance, l'examen anatomique autoriserait une
affirmation à cet égard, et, comme je n'ai pu trouver l'occasion de
faire des recherches dans cette direction, je me bornerai dans ce tra-
vail à un simple exposé de documents cliniques.
Aussi est-ce sous le titre qu'on a lu, qui ne préjuge en rien de la
nature de l'appareil symptomatique, que je relate ces observations,
sans toutefois négliger d'indiquer le lien de parenté qui les unit et qui
paraît leur mériter, sinon' une place à part dans les cadres nosogra-
phiques, du moins une description spéciale.
Ces. Isba..., employé de banque, âgé de trente-six ans, entre le 25 octobre
1887. à l'hospice de la Salpêtrière, et occupe le lit 8 de la salle Prüss dans le
service de M. Charcot.
Antécédents héréditaires. - Il n'a pas connu ses grands parents. Son
il. i
2 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.'
père était habituellement bien portant; sa mère est migraineuse. Il ne con-
naît d'affection nerveuse chez aucun des membres de la famille.
Antécédents personnels. Il a souffert pendant sa première enfance de
divers accidents strumeux sans gravité. Il a eu la fièvre typhoïde à l'âge de
quatorze ans et demi. Vers l'âge de dix-sept ans, une légère déviation delà
colonne vertébrale le frappa insidieusement sans douleur, et cette scoliose a
persisté depuis sans modifications. Il n'a pas eu la syphilis; il avoue quelques
excès alcooliques. En 1880, à la suite d'une chute, il eut un traumatisme de
la hanche, et depuis il boite de la jambe droite.
Début. - L'affection actuelle a débuté sournoisement au milieu d'une
bonne santé habituelle. Ba... ressentit d'abord des phénomènes douloureux
dans la main droite. C'étaient d'abord des sensations de froid, puis de véri-
tables picotements qui apparaissaient par accès, et quelquefois duraient pen-
dant quelques jours, toujours localisés au petit doigt et à l'annulaire. Bien-
tôt la main devint de plus en plus faible, puis l'amaigrissement apparut,
cependant que les picotements douloureux persistaient. Au bout de sept à
huit mois, ce fut le tour de la main gauche : de ce côté également se mon-
trèrent des sensations pénibles dans la même sphère, sensations qui s'accom-
pagnèrent en peu de temps de faiblesse et d'amaigrissement.
L'impotence fonctionnelle des membres supérieurs résultant de ces symp-
tômes devint telle que depuis six mois le malade dut abandonner son travail.
Pendant tout ce temps ne se manifestèrent aucun signe autre, soit du côté
du système nerveux, soit du côté des appareils splanchniques. La santé géné-
rale restait bonne, et il ne survenait ni troubles des sens, ni altération des
sphincters, ni gène de la marche, etc.
Étal actuel (décembre 1887). - A première vue, on est frappé de l'ap-
parence tout à fait spéciale de déformations portant sur les
mains. A droite, la main vue par sa face palmaire, pré-
sente un aplatissement extrêmement prononcé de l'émi-
nence hypothénar; le creux de la main est très exagéré et
les lendons y font saillie. L'éminence thénar et le pouce
ne sont pas déformés. Tous les autres doigts sont varia-
Olcmeul fléchis, le petit doigt l'étant au maximum, l'index
au minimum. Le petit doigt (fig. 1) est : "1 ce point rétracté
qu'on ne peut l'étendre complètement. La phalange est
en extension sur le dos de la main, la phalangine et la
phalangette sont en flexion sur la paume de la main. L'an-
nulaire est déformé de la môme façon, mais son attitude
vicieuse esi moins accusée : eue est a peine marquée sur le memu5 CL
sur l'index. Sur la face dorsale de la même main on remarque l'atrophie con-
sidérahle, et môme le creux des espaces interosseux : la déformation des
doigts est moins bien visible qu'en regardant la main par la face palmaire.
Sur la main gauche on constate des déformations tout à fait semblables/mais
moins accentuées.
t'ic. 1.
UNE FORME PARTICULIÈRE DE TROUBLES NERVEUX. 3
Au point de vue de la motilité : à droite on constate que le tendon du cubi-
tal ne fait pas saillie dans les efforts de flexion; à la main, les mouvements
de l'annulaire et du petit doigt sont impossibles; les mouvements de rappro-
chementdes doigts ne peuvent s'effectuer, pas plus que l'adduction du pouce. A
gauche les mouvements des muscles de l'hypothénar sont encore possibles
dans de faibles limites, seuls ceux des interosseux sont complètement abolis.
Il existe des troubles de la sensibilité très caractérisés. A droite le con-
tact et la piqûre ne sont pas percus dans le tiers interne de la face palmaire
de la main et de l'avant-bras : dans les mêmes limites la sensibilité ther-
mique est abolie. La limitation de l'anesthésie n'est pas brusque et il existe
entre la partie insensible et les parties saines une sorte de zone intermé-
diaire où les troubles sont moins marqués. (Fig. 2, 3.)
A gauche on constate les mêmes troubles, mais l'anesthésie aux divers
modes n'est pas aussi prononcée.
Les réflexes tendineux sont abolis des deux côtés.
Les interosseux n'ont pas de réaction électrique, ni à droite ni à gauche,
sauf le premier interosseux gauche lequel présente la réaction de dégéné-
rescence à forme mixte.
Il n'y a pas de secousses fibrillaires. 11 n'existe pas d'autres troubles tro-
phiques que l'atrophie musculaire.
. Ons. II. Paul S..., emballeur, âgé de quarante-deux ans, entre le 24 mai
1886, salle Andral, n° 8, à l'hôpital Tenon, service de M. le professeur Straus.
Antécédents héréditaires. Le père du malade est mort de pneumonie à
Fic. 2.
Fic. 3.
\ NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALI1'sTlil$IUI;.
de quarante-six ans. La mère est actuellement bien portante, de même
que sa soeur. Il connaît trop peu les autres membres de sa famille pour nous
renseigner au sujet des phénomènes pathologiques qui ont pu s'y présenter.
Antécédents personnels. - Il no se souvient pas d'avoir jamais été malade,
si l'on en excepte quelques poussées furonculeuses. Il n'est ni syphilitique
ni alcoolique.
Début. L'affection actuelle aurait commencé il la suite d'une attaque de
rhumatisme polyarticulaire aigu, il y a quatre ans. Il eut il cette époque la
plupart des articulations prises, et dut s'aliter de ce fait pendant six mois. Il
souffrit aussi d'une sciatique droile. Lorsqu'il put se relever et se remettre
au travail, il remarqua que les mouvements des deux derniers doigts de sa
main droite étaient difficiles. Cette gêne progressa lentement, puis se montra
du côté gauche; des déformations se pioduisircnl et devinrent plus mani-
festes à la suite d'une nouvelle atteinte de rhumatisme qui le prit deux ans
après et dura six semaines. Enfin, l'an dernier, la parésie et la déformation
en vinrent à empêcher le travail il la suite d'une nouvelle attaque qui dura
deux mois. Cette fois, il remarqua qu'il avait des troubles de la sensibilité.
Étal actuel. - C'est pour une dernière atteinte rhumatismale des articu-
lations des pieds, des genoux et des poignets, qu'il demande son entrée à
l'hôpital. Il s'agit de rhumatisme subaigu, non déformant. L'attention est
surtout attirée par les déformations des mains. La main droite vue par sa
face dorsale présente une saillie exagérée des métacarpiens, due à l'atrophie
des interosseux; vue par sa face palmaire, elle offre une exagération consi-
dérabledu creux de la main avec la saillie des tendons en relief. L'émincncohypo-
thénar a presque complètement disparu, l'éminence thénarest un peu aplatie.
Tous les doigts sont en flexion, mais surtout l'annulaire et le petit doigt,
les premières phalanges seules étant dans l'extension. On ne peut que très
difficilement réaliser l'extension des deux derniers doigts, mais on détermine
aisément l'extension du médium el de l'index. Le pouce seul ne participe
pas à la déformation. La main gauche ne parait pas déformée vue par sa face
dorsale, mais examinée par sa face palmaire, elle présente une excavation
marquée du creux de la main. L'éminence hypothénar est très atrophiée,
l'éminence thénar est indemne. Les deux derniers doigts seuls sont rétractés
dans la même situation que du côté opposé.
Les mouvements de rapprochement des doigts et d'adduction du pouce
sont difficiles à gauche, impossibles il droite. Des deux côtés le malade ne
peut exécuter de mouvement d'opposition du petit doigt.
Sensibilité. Le malade se plaint de picotements presque continus dans
la partie interne des deux mains. La sensibilité au contact et à la piqûre est
abolie sur la face interne des avant-bras et dans les deux derniers doigts des
mains; sur la main elle-même les limites de l'anesthésie sont d'à peu près
la moitié de celte extrémité.
Autres appareils. - Le malade offre les signes de l'insuffisance mitrale ;
les autres appareils sont sains.
[, : il; FORME PARTICULIÈRE DE TROUBLES NERVEUX. 5
Ces. 111. - Lucie L..., âgée de vingt-huit ans, modiste, est entrée il la
Salpètrière en mars 1887, et occupe le lit nez 1 salle Rayer, dans le service
de M. le professeur Charcot. ,
Antécédents héréditaires. - Son grand-père maternel est mort d'un cancer
du larynx, sa grand'mère maternelle de sénilité. Du côté parternel rien il
noter sur les grands parents. Le père de la malade est alcoolique, sa mère
a été prise de crises vraisemblablement hystériques (accès de raideur généra-
lisée, et grands mouvements convulsifs durant deux heures) pendant une
dizaine d'années; un seul frère, mort en bas âge.
Antécédents personnels. - Lucie a toujours été faible de constitution
étant enfant. Elle a eu la scarlatine à l'âge de sept ans. Elle a été réglée à dix-
huitans, irrégulièrement depuis.
Début. L'affection actuelle a débuté il y a quatre ans par de l'affaiblis-
sement et de l'amaigrissement de la main droite, puis la main gauche a été
prise peu de temps après, sans l'empêcher absolument de travailler. Il y a
un an, elle s'est aperçue qu'elle ne sentait pas au niveau de la partie interne
de la main droite, s'étant faite àceniveau une brûlure dont ellene futinformée
que par l'apparition d'une phlyctène. Il y a un mois elle éprouva desdoulcurs
dans la continuité des membres supérieurs, et vint pour ce motif réclamer
des soins. ,
État actuel (mars 1887). - Les deux mains vues par leur face dorsale
ont le type de la main de singe,' vues par leur face palmaire les paumes sont 1
excavées, les phalangettes fléchies sur les phalangines. Les saillies des mi-
nences hypothénar ont fait place à des creux, les éminences thénarsont, elles
aussi, aplaties. Les espaces interosseux sont très déprimés. (Fig. 4.)
La partie interne des avant-bras parait atrophiée. L'amaigrissement est
plus marqué à droite. A part les mouvements du pouce, tous les mouvements
des doigts sont gênés, et ceux des deux derniers doigts sont impossibles.
La sensibilité au contact, à la piqûre, il la température, est abolie sur la
moitié des deux mains, et le tiers interne des avant-bras, ainsi que sur les
Ftc.4. 4.
6 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
deux derniers doigts. Les limites de l'anesthésie ne sont pas tranchées, mais
l'insensibilité va en s'atténuant.
Les réflexes tendineux sont conservés. A la main droite la peau pré-
sente un état lisse au petit doigt. Il y a des sueurs exagérées dans les deux
mains.
L'examen électrique fait par M. Vigouroux montre que les seuls muscles
atteints électriquement sont les interosseux, et les muscles de l'éminence
hypothénar qui présentent la réaction complète de dégénérescence.
Rien à noter du côté des autres appareils.
OBs. IV. Mme Hub..., âgée de quarante et un ans, femme de ménage,
venue il la consultation externe de la Clinique en janvier 1888.
Antécédents héréditaires. Son père est mort hémiplégique, sa mère est
actuellement bien portante. Elle ne connaît pas d'affections nerveuses dans sa
famille.
Antécédents personnels . Mme IL.. n'a jamais été malade. Elle n'est ni
rhumatisante, ni syphilitique, ni alcoolique.
Début. L'affection actuelle a débuté insidieusement il y a un an par de l'a-
maigrissement et de l'affaiblissement de la main droite, la main gauche s'est
prise peu de temps après. En même temps la malade ressentait des dou-
leurs comparables à des élancements dans la main.
Étal actuel. - La main droite présente des déformations considérables.
Vue par la face dorsale elle offre les saillies accentuées des métacarpiens par
la disparition des espaces interosseux. A la face palmaire la concavité du
creux de la main est très exagérée, les tendons fléchisseurs y font saillie.
L'éminence hypothénar est déprimée, la région thénar est moins accusée que
normalement. Les deux derniers doigts ont la phalangine et la phalangette
fléchie. A la main gauche il existe des déformations semblables mais beau-
coup moins accusées.
Les mouvements d'abduction et d'adduction des doigts ne s'exécutent plus,
de même la flexion des premières phalanges, et l'extension des deuxièmes
et troisièmes ne sont plus possibles à l'auriculaire et à l'annulaire de la main
droite, et sont gênés à la main gauche. Le pouce s'oppose des deux côtés mais
en tournant sur son axe.
La sensibilité au tact est abolie sur le bord interne des deux mains, mais
il n'existe pas d'autres troubles.
Les réflexestendineux sont faibles d es deux rôlts.
La contractilité faradique est abolie des deux côtés pour les interosseux, et
les muscles de l'éminence hypothénar.
A la main gauche on observe une cicatrice au niveau du premier espace
interosseux. Il serait survenu la, sans cause appréciable, une phlyctène compa-
rable à celle que produit une brulûre, au dire de la malade, bulle à laquelle
aurait succédé une plaie indolore de l'étendue d'une pièce de 50 centimes
qui aurait guéri au bout d'un mois.
Rien il noter du côté des autres appareils.
UNE FORME PARTICULIÈRE DE TROUBLES NERVEUX 7
II
Relevons tout d'abord les particularités les plus notables de ces
observations. Le premier de nos malades ne présente pas d'antécédents
héréditaires intéressants : si l'on excepte la mère migraineuse, on ne
découvre aucune tare arthritique ou nerveuse dans sa famille. On ne
trouve non plus aucune cause de quelque vraisemblance à l'origine de
son affection. La profession d'employé de banque n'avait rien de bien
pénible et ne nécessitait pas d'excès fonctionnels des membres supé-
rieurs, Il été pris à droite d'abord, àgauche ensuite, des mêmes acci-
dents de parésie, d'amyotrophie, et de troubles de la sensibilité can-
tonnés dans la zone du nerf cubital.
Dans notre observation II, on est frappé de la relation qui paraît
exister entre le début de l'affection paralytique el une attaque de rhu-
matisme ; il semble de même que la succession des invasions rhuma-
tismales aient augmenté chaque fois l'intensité du processus. Celui-ci,
du reste, est assez semblable au cas précédent : c'est de même par la
main droite que la maladie a débuté, elle a gagné ensuite la main
gauche, occasionnant symétriquement des troubles paralytiques et
atrophiques, et des altérations de la sensibilité qui restent localisés au
territoire desservi par le nerf cubital.
La troisième de nos malades, elle, a des antécédents nerveux bien
caractérisés : un père alcoolique, une mère hystérique. Son affection
a de même débuté sans cause occasionnelle, et encore par le côté droit.
Ce sont toujours de la paralysie, de l'atrophie, et des troubles de la
sensibilité symétriques, et répondant presque absolument à la distri-
bution anatomique du nerf cubital.
Enfin la dernière de nos malades a vu son affection s'installer insi-
dieusement, sans cause apparente, et occuper aussi la main droite en
premier lieu. Les lésions sont moins avancées, elles ne datent, du reste,
que d'un an, mais ont les mêmes caractères et la même topographie
que dans les cas précédents.'
Nous avons trouvé une observation analogue aux noires où l'influence
étiologique de la fièvre typhoïde est incriminée '. Il s'agissait d'un ta-
pissier âgé de vingt et un ans, convalescent d'une fièvre typhoïde qui
seplainait surtout de douleurs aux deux avant-bras qui s'étendaientle
long du cubitus jusqu'à la main. Les douleurs étaient plus prononcées
1. Deutsch. Arch. sur med. Klin., 1878, p. 363.
8 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTHIÈRE.
à droite, mais les trois premiers doigts des deux côtés en étaient
exempts. Tous les mouvements des extrémités supérieures, même ceux
de l'articulation du coude et ceux qui sont sous la dépendance du nerf
radial, étaient faciles. Tous les espaces interosseux, surtout de la main
droite, étaient profondément déprimés; des deux côtés, les deuxièmes
et troisièmes phalanges se trouvaient en flexion, le quatrième et le cin-
quième doigts étaient même courbés en griffe.
Les éminences thénar et hypothénar étaient amaigries et la peau qui
les couvre était lisse. Les tendons des fléchisseurs se voyaient très distinc-
tement dans la paume de la main. Les bouts des doigts avaient une
apparence polie et luisante. L'excitabilité faradique des muscles in-
terosseux du côté droit et des muscles de l'éminence thénar et hypo-
thénar du même côté était considérablementdiminuée ; du côté gauche
elle l'était un peu moins Les muscles interosseux droits ne réagissaient
que très peu à l'emploi des courants très forts. La secousse d'anode la
fermeture du courant était semblable à la secousse du cathode ou plus
forte. On n'obtenait pas de secousses à la fermeture du courant.
La sensibilité de la peau du dos de la main était altérée au niveau
des trois derniers espaces interosseux. Le malade ne sentait pas la
pression ni les excitations produites par les courants électriques.
La sensibilité tactile et thermique n'était presque pas atteinte.
L'auteur conclut qu'il s'agit très vraisemblablemement d'un trouble
nutritif (névrite), à la suite de la lièvre typhoïde, limité à la région du
nerf cubital.
Si l'on fait abstraction de l'évolution plus rapide, presque aiguë
dans le cas de l'auteur allemand, on \oit que cette observation est
tout à fait analogue à celles que nous relatons, même quant à celte
particularité du début par le côté droit.
Que si maintenant nous coordonnons en une description clinique les
traits primordiaux fournis par le tableau symptomatique si semblable
dans chacun de ces cas, il en ressortira mieux la spécificité dece groupe,
si tant est qu'elle existe.
L'affection débute insidieusement, sans cause occasionnelle apparente,
au milieu d'un état général satisfaisant, par des troubles de la sensi-
bilité dans la main droite. Les malades se plaignent de sensations'
douloureuses, ou plutôt de fournillemcnts ou de picotements, enfin
d'un engourdissement dans le petit doigt, l'annulaire et le côté cubital
de la main. Le plus souvent les phénomènes de cet ordre sont peu
marqués, il n'est pas rare que les malades ne s'en préoccupent pas;
ils ne tardent pas à être suivis de parésie de certains groupes de
muscles, et c'est en général à cette période de la maladie que la main
UNE FORME PARTICULIÈRE DE TROUBLES NERVEUX.
gauche, jusque-là plus ou moins indemne, se prend. Dès lors, les troubles
'progressent parallèlement, mais le côté gauche étant ordinairement
moins affecté que l'autre côté.
Les accidents qui se présentent alors sont d'abord la paralysie
atrophique des interosseux : les deuxième et troisième phalanges des
doigts sont maintenues fléchies alors que le malade ne peut pas fléchir
les premières qui restent dans l'extension. Puis la main faiblit et
maigrit, les muscles de l'éminence hypothénar disparaissent et sa
saillie est remplacée par un méplat; l'éminence thénar s'aplatit. Enfin
la main prend la forme dégriffé, la situation vicieuse des doigts étant
surtout accusée sur les deux derniers. Les fonctions du membre sont
en conséquence singulièrement gênées, et le malade, tout en se servant
encore de ses mains, peut rarement se livrer à ses occupations habi-
tuelles. Les mouvements du petit doigt sont impossibles, et ceux des
"autres doigts sont lents et peu énergiques. L'adduction et l'abduction
des doigts ne peut se faire, de même l'adduction du pouce est em-
pêchée.
Les troubles de la sensibilité sont constants, mais plus ou moins
profonds. L'anesthésie occupe à la face palmaire de la main le petit
doigtet la moitié de l'annulaire, à la face dorsale lasurface cutanée de
ces deux doigts; au-dessus du poignet le tiers interne de l'avant-bras
dans son quart inférieur. L'anesthésie existe au contact, à la piqûre,
à la température ; elle n'offre pas de limites très tranchées, mais va
en diminuant progressivement. Elle dépasse habituellement les zones
anatomiques rigoureuses de l'innervation cubitale, quoiqu'elle ne soit
jamais absolue que dans ces mêmes limites.
Surviennent en dernier lieu des troubles plus profonds, rétractions
et troubles trophiques, qui augmentent les déformations, et les
rendent pour ainsi dire indélébiles. Les derniers dnigts sont rétractés
dans la paume et ne peuvent plus être fléchis, le creux de la main est
extrêmement accusé, les saillies tendineuses s'y dessinent nettement. Il
peut y avoir des sueurs, des sensations de froid au Loucher, de l'état
lisse de la peau.
Electriquement, on constate de la diminution de la contractilité
faradique, et souvent de la réaction de dégénérescence soit dans tous
les muscles, soit seulement dans quelques-uns parmi lesquels le pre-
mier interosseux le plus ordinairement.
On pourrait, en somme,distinguer trois périodes dans cette évolulion,
l'une de début caractérisée par des troubles de la sensibilité, la seconde
~ d'état avec de la paralysie atrophique, la troisième terminale avec des
rétractions et des troubles trophiques; ces accidents se développant en
10 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE..
tous ces cas symétriquement, quoique prépondérants, d'un côté et se
limitant au domaine du nerf cubital, enfin ne s'accompagnant d'aucun'
. autre symptôme.
III
Avant que de formuler les réflexions que suggère le rapprochement
de ces observations, nous rapportons ici quelque cas de névrite cubitale
unilatérale que notre attention, éveillée dans cette direction, nous a
permis de recueillir.
Outre l'intérêt particulier qui s'attache à chacun d'eux, ils offrent,
considérés ensemble et comparativement avec les précédents, des
points de similitude clinique importants à relever, ainsi que des par-
ticularités étiologiques notables, en vertu desquelles nous les pré-
sentons dans un certain ordre. Enfin leur complexité moindre pourra
nous permettre de concevoir peut-être plus aisément l'évolution des
* précédents.
Ons. V. -- Mme Lef..., âgée de quarante-neuf ans, sans profession, se pré-
sente, le 7 mars 1887, à la consultation externe de la Salpêtrière, service de
M. le professeur Charcot.
Elle demande nos soins pour divers troubles survenus dans sa main gauche.
Il ya six ans, à la suite d'un panaris, elle eut, dit-elle, une arthrite de l'articu-
lation pUalanino-ptalâniniennc de l'annulaire de la main gauche. Elle
entra à cette époque à la maison de santé dans le service de M. Marc Sée.
Ce chirurgien pratiqua l'ablation de la phalangine. C'est très peu de temps
après cette opération qu'apparurent les divers troubles de la main.
; Insensiblement, et sans douleurs marquées, la main devint de plus en
plus faible, surtout les deux derniers doigts. Puis avec l'affaiblissement sur-
vint de l'amaigrissement, et bientôt des déformations qui s'accentuèrent de
plus en plus, jusqu'à produire l'état actuel.
Pendant le cours de celte évolution, aucun autre trouble ne se produisit
dans la santé générale, ni sur les autres membres.
État actuel(7 mars 1887). - La main vue par sa face dorsale présente une
v saillie notable des métacarpiens, due à l'amaigrissement des interosseux ; -,
on y remarque aussi la flexion générale des doigts, surtout prononcée
sur les deux derniers. Vue par sa face palmaire, la main offre une excavation
exagérée du creux de la main, une saillie prononcée des têtes des métacar-
piens. L'éminence hypothénar est très atrophiée, l'éminence thénar est un
peu aplatie. L'avant-bras est un peu atrophié à sa partie interne. Les deux
derniers doigts sont rétractés dans la flexion et ne peuvent être que difficile-
ment étendus. La première phalange est étendue, et les deux dernières sont
NOUVELLE TC01OOR4PII1T : T. Il. PL. 1
CU"'14 .1. Innd..
OBS. V
L'RCnOSNtRR ET DA13(, ÉDITEURS
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UNE FORME PARTICULIÈRE DE TROUBLES NERVEUX. 11
fléchies. Les autres doigts un peu écartés présentent la même déformation
mais à un faible degré (pl. I).
Les mouvements de flexion ou d'extension des deux derniers doigts sont
impossibles : de même les mouvements de rapprochement et d'écartement
des doigts.
Les deux derniers doigts, le tiers interne de la main, et le bord interne de
l'avant-bras dans souliers inférieur sont complètement insensibles à tous les
modes d'exploration.
La malade porte des cicatrices de brûlures et, lors des accidents qui les ont
occasionnées, elle n'a pas souffert. La peau des mêmes doigts est lisse, paraît
épaissie et rétractée. Les ongles sont sains. Il n'y a pas d'autres trpubles
trophiques- . ' ' ' '' ,. I . . :
L'examen électrique a été faitpar'M. Vigouroux, qui m'aremis'la note sui-
vante : Absence totale de réaction (faradique et galvanique) dans les.muscles
innervés par le cubital. Les autres sont sains. ' ' z -'
Dans le cas qu'on vient de lire le traumatisme paraît avoir-joué'un
rôle prépondérant quoique indirect dans la genèse des accidents.- - ' '
On peut rappeler à cette, occasion que M. Joffroy.1 a-rapporté des-
faits cliniques analogues; et a montré, entré autres, qu'après un trau-
matisme ayant porté .sur les* jointures' dii poignet ? et du "pouce du
côté droit il pouvait se développer une'névrite dans le nerf radial ? ' `
Mais dans' l'observation suivante, le rôle`dti traumâtismédévi'e,n>;,
beaucoup moins évident, et prête même à la discussion. Un autre.fac
teur apparaît, l'hérédité nerveuse, et on devra rechercher, quelle part
revient à-chacune de ces causes dans la production de l'affection-. ; "
- ' ' . . 'j , i a i . .
Op1¡.. VI 2. - 'Du ! ) ? âgé de quarante-deux ans, forgeron, est entre .le 2 dé-
cembre ·1887à la Salpêtrière, dans le service.de I. le professeur,Charcot,
Antécédents .héréditaires ? 'IL'lra : pas. conllu ses grands .parenls,-> et ne
peut donner aucun renseignement sur-eux. Son père est mort à la. Suite, d'un
accident ; sa mère a succombé à une phtisie pulmonaire. Une tante mater-
nelle a été folle. Il ne connaît pas d'autres nerveux dans sa famille.
Antécédents personnels. - Il ne se souvient pas d'avoir fait aucune autre
.maladie qu'un rhumatisme articulaire aigu polyarticulaire il y a dix-sept
ans, qui le tint au lit pendant six semaines. Il a fait des excès vénériens pen-
dant sa jeunesse : il n'a pas eu la syphilis et n'est pas alcoolique.
' Il a eu le bras gauche fracturé à l'âge de huit ans (il y a trente-quatre ans)
.au niveau du coude, et les fonctions de ce membre n'ont jamais été égales il
celles du bras droit, depuis cet accident.
Début. L'affection actuelle a débuté il y a sept mois (en mai). A cette
1. Archives de physiologie, 1879.
2. Cette observation a été présentée à la Société clinique à la séance du 8 novembre 1888.
1 : ! NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.
époque apparurent des sensations pénibles de fourmillement et d'engourdis-
sement du petit doigt de la main gauche. Les douleurs gagnent bientôt l'an-
nulaire, puis de la faiblesse et de l'amaigrissement apparaissent dans la
main et s'accusent insensiblement jusqu'à produire les déformalions pour
lesquelles il est venu à l'hôpital.
État actuel (2 décembre 1887). L'éminence hypothénar et les inter-
osseux de la main gauche sont très atrophiés. Les deux derniers doigts de
la main sont rétractés en flexion, el la rétraction est plus prononcée sur le
petit doigt. L'éminence thénar est aplatie. Il n'existe pas de tremblement
fibrillaire. Le malade ne peut résister quand on tente d'écarter son pouce.
Il ne peut écarte les : ;doits- lui'sonl, légèrement rapprochés, les uns' des z
'autres; il ne peut faire aucun mouvement du petit doigt. 11 existe en
somme .une. paralysie ehune-atropliielde tous'les, muscles innervés par le
cuhital(P1; Il) ? , ' ? > ? ? ' . ' ? , , .. , . v
La pression du nerf dans la gouttière et tout, le long de. son .trajet esl.doiir
- loureuse. Dans tout le domaine du nerf la sensibilité au tact est diminuée,
.elle; est 'abolie pour la piqûre..et. pour la température. Le sens, musculaire
est conservé. Ilasensilililé. articulaire est;abolie seulement.dans les,artüw-
lations du petit doigt. : , 1 ? ' ; , ' ,, ; " ; ' ., !
. L'examen de-la,région du coude- montre que l'articulation est augmentée
de volume dans son diamètre transversal, les mouvements d'extension seuls
.sont limites. 'L;é'piCii(1 vi 1 e (' nÓtÓil'éÎlièJt 'IJlus' ? l11111ÍI;eux', mais dans la
régiol(épitrochléenÍ1e 'OlÍ né perçoit pas de déformation à proprement parler;
peut-être, ependayt,'lcnêrf ést-il'niôins,'profoidément situé dans la gôuf-
tl8uç etüur suilenplns accessible a l'exploration 'qui le montre'douloureux
li1àls' nOIÍ : (léfÓrmé. ? ''' '' ..... " , . !
Il n'existe pas d'autres trouilles, trophiques. - -' ' c : .. ? j ? 't 1
Examen électrique (note due a l'obligeance de 11. Vigoureux). j\évrite
dûcûhitàl.7auchë : Aucune réaction 'des iutcrosséw : imii;enée tléïiar ? illduc-
ÚJlÎI' ët : opposal1t normaux, 'court. fléchisseur- et' adducteur présentant la réac-
tjbri) C,Oil1plèt 'de : : dégélfér'escence..CclleCi est- plus facile 'à 'constater pour
l'hypothénar qui la : présente dans toutes ses'parties.' \ 1 : ' ., ' ' ''
- ' L'excitation galvanique du cubital' au-dessus du poignet détermine une
faible contraction du court fléchisseur du petit Iloi1 el rien de plus.
La réaction de dégénérescence est bien complète. l'as de réaction faradique
et réaction galvanique avec l'anode bien plus forte qu'avec le cathode. Celle-
ci est douteuse.
Il s'agit d'une névrite cubitale dont le diagnostic est indiscutable,
survenue sans autre causeapparente qu'une fracture du coude remon-
tant à trente-quatre ans. L'influence de ce traumatisme m'avait paru,
a priori, très contestable : il est peu admissible, en effet, qu'un
intervalle d'intégrité du membre aussi considérable sépare l'accident t
de sa conséquence. J'ai retrouvé toutefois une observation de M. le
NOUVELLE ICONOGRAPHIE T. II. PL. Il
Cliché A. Lande
OBS. VI
LECROSNIER ET Barye, ÉDITEURS
UNE FORME PARTICULIÈRE DE TROUBLES NERVEUX. la
professeur Panas qui m'apermis d'envisager cette hypothèse avec moins
d'appréhensions.
M. Panas ' a relaté l'observation d'un malade atteint d'une paralysie
du nerf cubital se montrant douze ans et demi après la consolidation
d'une fracture du coude. Il s'agissait d'un cordonnier âgé de quarante
ans qui se plaignait d'avoir perdu depuis six mois la force et la pré-
cision de sa main droite et en était gêné pour son travail. L'examen
permit de constater les signes d'une paralysie du cubital; griffe carac-
téristique, atrophie des interosseux, en particulier du premier,
parésie du cubital antérieur. Il existait de plus des troubles de la
sensibilité, fourmillement et engourdissements, diminution de la sen-
sibilité tactile dans la zone du nerf.
On notait une augmentation du diamètre transversal du coude,
l'effacement de la gouttière de réception du nerf cubital qui était
remplacée par une saillie. Le nerf pouvait être senti immédiatement
sous la peau comme un cordon volumineux, dur, et qui glissait libre-
ment d'un côté à l'autre sur la surface bombée de l'épitrochlée; il était
d'autre part augmenté de volume et présentait une nodosité fusiforme
offrant tous les caractères d'un névrome. Le nerf, dans la flexion du
coude, se portait de plus en plus en dedans jusqu'au contact de l'épi-
trochlée, et devenu ainsi superficiel se trouvait presque fatalement
exposé à des traumatismes, pressions ou chocs venus du dehors.
Le malade, interrogé alors sur ses antécédents, apprenait que treize
ans auparavant il était tombé sur le coude et fut, à la suite de cet
accident, qu'on traita pour une luxation, trois mois à recouvrer les
mouvements de celte articulation. Depuis, jusqu'à il y avait six mois,
il avait pu continuer son travail.
M. Panas pense que la gouttière trochléale s'étant trouvée comblée,
le nerf devint superficiel, et fut exposé, privé ainsi de toute protec-
tion, à des pressions et des' chocs réitérés, d'où état irritatif et névrite.
Quoique, dans notre cas, les constatations anatomiques soient moins
favorables il l'hypothèse invoquée par M. Panas, nous ne doutons pas
qu'il ne doive s'agir de circonstances pathogéniques analogues.
Cependant, ce long intervalle de trente-quatre ans d'une part, la pro-
fession de forgeron qu'exerçait notre malade d'autre part, ne laissent
pas que de nous inspirer quelques nouveaux doutes à l'endroit de cette
relation causale. ' '
Aussi, étant données les conceptions dès longtemps formulées par le
professeur Charcot sur le rôle prépondérant de l'hérédité dans la pro-
1. Sur une cause peu connue de paralysie du nerf cubital {Archives générales de mé-
decine, 1878).
H NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
duction des affections nerveuses, conceptions récemment démontrées,
en particulier par M. Neumann, en ce qui concerne tout un groupe de
paralysies périphériques, les paralysies faciales dites a friore 1, serions-
nous presque tenté, dans le cas actuel, d'invoquer d'un côté la pré-
disposition générale héréditaire notée chez notre malade, et de l'autre
l'effet localisateur occasionnel du traumatisme ancien, pour inter-
préter pathogéniquement celte observation.
Le malade, prédisposé par ses antécédents héréditaires à une affec-
tion nerveuse, en raison du locits minoris resislentiæ, occasionné par
la fracture du coude, aurait vu cette affection se réaliser sous la forme
d'une névrite cubitale.
Dans l'observation suivante, le rôle du traumatisme n'existe plus,
et nous sommes en présence d'une affection qu'on pourrait dire
spontanée.
OBs. VII. Mme lier..., trente-quatre ans, femme de ménage, se pré-
sente à la consultation externe du service de M. Charcot, le 7 décembre 1887.
Antécédents héréditaires. - Ne connaît pas ses parents. Une soeur
comitiale, une autre soeur comitiale, pas d'autres parents nerveux à sa con-
naissance.
Antécédents personnels. - A toujours été de constitution délicate, mais
jamais malade. A beaucoup souffert de misère physiologique. Mariée à vingt-
sept ans, a eu six enfants, dont quatre morts (convulsions), deux bien por-
tants. Pas d'alcoolisme ni de syphilis.
Début. - Souffre depuis longtemps de son bras droit. Il y a cinq ans déjà
ressentait des douleurs dans la partie interne de ce membre, douleurs qui
revenaient par accès. La faiblesse et l'atrophie ne se sont déclarées qu'il y a
cinq mois. N'a jamais rien ressenti de semblable dans l'autre bras.
Etat actuel, déformation. - La main droite vue par sa face palmaire pré-
sente une atrophie très-marquée des éminences thénar et hypothénar dont
les saillies sont remplacées par des méplats. Les doigts ne sont pas déformés
mais écartés légèrement les uns des autres. Par la face dorsale presque pas
de déformation, sinon creux des espaces interosseux.
Mobilité. - La force dynamométrique est extrêmement diminuée, l'exten-
sion et la flexion de la main sont possibles; la malade ne peut pas rappro-
cher ses doigts les uns des autres; l'abduction de la main en pronation
posée à plat est presque impossible.
Sensibilité. Douleurs dans la partie interne comparée à des fourmille-
ments et à des engourdissements jusqu'au bout du petit doigt : l'engour-
dissement esl constant, mais les picotements reviennent par accès. Pas de
douleur à la pression.
1. Du rôle de la prédisposition nerveuse dans l'étiologie de la paralysie faciale {Archives
de neurologie, juillet). - Nouvelles études {Archives de neurologie, 1888).
UNE FORME PARTICULIÈRE DE TROUBLES NERVEUX. 15
La sensibilité au tact, à la piqûre, à la température est diminuée dans la.
zone innervée par le cubital.
L'examen électrique fait constater la réaction de dégénérescence type pour
le premier interosseux seulement.
Les réflexes tendineux sont abolis à droite. 11 n'existe pas de troubles
trophiques.
Si dans ce cas l'influence de causes occasionnelles n'est pas mani-
feste, il serait difficile de contester une tare héréditaire nerveuse
ignorée dans son origine, mais attestée par les deux soeurs épileptiques
de la malade.
Dans cette seconde série de faits il s'agit donc de névrites cubitales
sinon démontrées par l'examen anatomique, du moins presque indé-
niables par l'exploration clinique, névrites unilatérales à l'appari-
tion desquelles on a vu présider un traumatisme presque exclusif dans
un cas, l'hérédité nerveuse discutable dans le second, cette seule
cause enfin dans le dernier.
On concevra par suite d'autant mieux la liaison qui existe entre ces
observations et les précédentes où l'affection se présente avec des
caractères cliniques semblables, mais cette fois symétrique. Si l'affec-
tion est née spontanément en apparence dans le cas d'unilatéralité, on
pensera qu'elle peut se montrer symétriquement.
' IV
Les relations qui unissent les diverses observations que nous avons
rapportées apparaissent avec assez d'évidence pour qu'il soit inutile d'y
insister davantage. Il semble, en conséquence, qu'elles forment, grâce
à leurs caractères cliniques et à leur évolution toujours semblables, un
véritable groupe autonome qu'il serait difficile de confondre avec les
espèces nosologiques connues. Ni l'atrophie musculaire progressive
mopatlique ou myélopathique, ni la sclérose latérale amyotrophique
ne présentent des localisations aussi accentuées, et il n'y a pas lieu de
discuter un diagnostic différentiel que cette seule particularité tranche
dès l'abord.
Mais sont-ce là seulement des accidents semblables réalisés par des
causes différentes qui sont unis par un appareil symptomatique
commun, ou bien ces signes se rapportent-ils à une maladie spéciale ?
En un mot, s'agit-il d'un syndrome ou d'une espèce morbide ?
' Ainsi que nous l'avons fait prévoir, nous ne prétendons pas donner
une solution pour laquelle les notions anatomo-pathologiques qui nous
113 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SAL1LTItIRI's.
manquent sont indispensables. En l'absence de ces arguments décisifs,
nous établirons toutefois les inductions que nous paraît autoriser la
seule étude clinique sur la nature de ces faits.
Il semble bien qu'on ait affaire à une névrite cubitale périphérique.
Il n'existe pas eu effet de signes de participation des centres nerveux, et
le domaine du nerf est atteint et seul atteint de troubles que nous
sommes habitués à rencontrer lors des inflammations chroniques des
nerfs. De plus, quelque peu acceptable que paraisse ci priori l'hypo-
thèse de névrite symétrique périphérique, il n'en existerait pas moins
des faits à l'appui. On sait qu'hiscnlohr a publié des cas de névrites
parenchymateuses spontanées symétriques du sciatique, et que des
exemples du même ordre ont été fournis par M. Joffroy. '
Ne s'agissait-il pas là, selon la réserve exprimée par cet observa-
teur, de manifestations premières d'altérations de la moelle et de ses
racines ? A l'appui de ces réserves, M. Grimodie 1, dans un travail
récent sur l'origine et la nature des névrites périphériques, a cherché,
à l'aide d'expériences sur les animaux, à démontrer que la grande
majorité des névrites prétendues primitives ne seraient rien moins
que le retentissement périphérique de lésions des méninges et des
racines rachidiennes, et ne devraient alors être considérées que
comme secondaires.
Aussi, en l'état de la question en général, est-il permis d'hésiter
avant que d'affirmer l'existence d'une névrite primitive, et dans notre
cas en particulier, malgré les présomptions que nous avons indiquées,
cette réserve est-elle plus encore de mise. Cela d'autant plus qu'on
sait que des phénomènes symptomatiques de même ordre peuvent être
sous la dépendance de localisations médullaires, telles que les réa-
lisent parfois les lésions de la pachyméningite cervicale hypertro-
phique et de la syringo-myélie; que de plus, ainsi que M. Charcot l'a
fait observer, dans l'ataxie locomotrice, le domaine des nerfs cubitaux
est souvent affecté symétriquement.
C'est pourquoi, quelque caractéristique que paraisse le tableau
clinique si uniforme dans chacune de nos observations, nous ne
croyons pas pouvoir déterminer la nature de l'affection que nous
avons décrite, et il nous suffira d'avoir mis en relief une forme patho-
logique, syndrome ou espèce morbide, qui nous semble mériter une
place spéciale dans 1 es cadres nosographiques.
PAUL BLOCQ,
Ancien interne de la clinique des maladies
du s)slème nervoux.
1. Contribution à l'étude de la pathogénie des névrites périphériques, par Grimodie.
- tel. Paris, 1887.
GONFLEMENT DU COU CHEZ UN HYSTÉRIQUE
Le gonflement du cou est un phénomène vulgaire dans la grande
attaque hystérique.
Par contre, il est rarement donné, pensons-nous, de le voir, dans
les intervalles interparoxystiques, s'établir à l'état de symptôme per-
manent. Nous avons eu l'occasion d'en observer un exemple dans le
service de M. le professeur Charcot, à la Salpêtrière, et nous avons
pensé intéressant d'en publier les dessins accompagnés de quelques
courtes observations.
Mais il est utile auparavant de rappeler le rôle du gonflement du
cou dans la grande attaque.
Il se produit au début, pendant la phase tonique de la période épilep-
toïde. 11 suit la perte de connaissance et accompagne l'arrêt de la res-
piration qui semble être, avec le spasme musculaire généralisé, un de
ses principaux facteurs.
En effet, sur des tracés que j'ai pris lors de mes recherches sur la
grande attaque hystérique et dont l'un se trouve publié dans mon livre : "Ul' la Grande Hystérie, on peut constater que le gonflement du cou se
développe tout d'un coup, en même temps que survient l'arrêt de la
respiration provoqué par la tétanisation des muscles thoraciques;
puis on le voit se modifier à chaque mouvement respiratoire et cesser
définitivement avec le spasme de la respiration.
On devine aisément par quel mécanisme survient dans de telles cir-
constances l'augmentation du volume du cou.
Il est le résultat immédiat de- la stase sanguine occasionnée elle-
même par le spasme respiratoire et musculaire. L'arrêt de la respira-
tion supprime l'appel du sang veineux qui se produit, à chaque mou-
vement d'inspiration, vers la cage thoracique; en second lieu, les
muscles contracturés compriment directement les gros troncs veineux
du cou à leur entrée dans le thorax et interrompent plus ou moins
complètement le cours du sang. On voit, en effet, en même temps que
le cou augmente de volume, les téguments se congestionner, les veines
superficielles se dessiner gonflées sous la peau; la turgescence ne
il.
18 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
reste pas limitée au cou, elle gagne toute la face, les lèvres sont bour-
souflées, les yeux injectés, etc., etc. 1
Ces phénomènes varient beaucoup d'intensité suivant les sujets. Ils
acquièrent parfois une telle importance qu'ils impriment à eux seuls
un caractère spécial à l'attaque hystérique.
Une malade dont j'ai publié ailleurs l'observation', les présentait
accentués à un tel degré, que ses crises convulsives revêtaient un aspect
particulièrement eflrayant et bien propre à faire comprendre comment
les anciens démonographes avaient rangé le gonflement du cou parmi
les signes de possession démoniaque. M. le professeur Charcots a fait
connaître, à ce propos, un document artistique fort intéressant dont
nous avons donné la reproduction dans un ouvrage spécial. Il s'agit
d'une esquisse de Rubens, étude pour la tête de la démoniaque du
tableau du musée de- Vienne, 'Saint Ignace de Loyola délivrant les
possédés, et sur laquelle on peut voir fort exactement représentée l'aug-
mentation de volume du coudontil s'agit. '
Ces quelques mots suffisent pour signaler la place vraiment impor-
tante que tient; dans- la grande, crise cohvulsive hystérique, le gonfle-
ment du cou. Mais alors, comme les autres phénomènes de l'attaque, il
est' transitoire, il ne dure que quelques instants et cesse avec la crise
elle-même.' -
Le -malade3 qui fait l'objet de cette note a vu au contraire une aug-
mentation de volume du cou survenir en dehors des crises convulsives
et persister sans interruption pendant plusieurs mois. Son observation
a été prise par M. lluet, interne des hôpitaux, et publiée 'in extenso
dans lalfhèse de M..Batault (1'IIyslérie chez l'homme).
Nous n'avons donc pas à la reproduire et nous y renvoyons le lec-
teur. C'est dd reste un : cas fort intéressant et fort complet, avec crises
convulsives, anesthésie, dyschromatopsie, rétrécissement du champ
\isuel, accidents d'aphasie, de surdité, de paralysie, etc., etc. Nous
n'en voulons retenir pour l'instant que ce phénomène singulier du
gonflement du cou survenu pendant le cours d'un tremblement qui,
d'abord localisé aux membres, avait envahi la tête agitée dès lors de
petits mouvements d'oscillation d'avant en arrière. Les deux dessins
ci-joints (pl. III et IV) en disent plus qu'une longue description. Au
premier abord rien ne ressemblait plus au gonflement du cou de la
grande attaque que celui que nous présentait notre malade. Mais, en y
regardant de plus près, il n'était pas difficile de découvrir des différences
1. Etudes cliniques sur la grande hystérie.
2. Les Démoniaques dans l'art, par Charcot et Il. lticlicr.
inuitjiné Lips...
NOUVELLE ICONOGRAPHIE
T. Il. PL. III
GONFLEMENT DU COU
CHEZ UN HYSTÉRIQUE
LËCROSXÏER ET BASÉ, EDITEURS
NOUVELLE ICONOGRAPHIE T. 11. PL. 1V
GONFLEMENT DU COU
CHEZ UN HYSTÉRIQUE £
LECROSNIER ET BA13É, EDITEURS
GONFLEMENT DU COU CHEZ UN HYSTÉRIQUE. lu
fondamentales et de relever chez Lips... un certain nombre de signes
qui permettent d'assigner au gonflement du cou dont il était porteur un
mécanisme bien différent de celui sur lequel nous avons insistéplus haut.
Ce qu'il importe de faire ressortir à ce propos, c'est que l'augmen-
tation de volume du cou portait principalement sur le diamètre trans-
versal et qu'elle était accompagnée d'un renversement exagéré de la
tête en arrière. Cette extension de la tête et du cou était telle que, pour
regarder en face, le malade était obligé d'incliner fortement le tronc en
avant comme le montre bien le dessin de profil; d'autre part, on n'ob-
servait aucun arrêt de la respiration, aucune congestion notable ni
stase sanguine de la face et du cou, point de gonflement du corps
thyroïde.
A quoi donc fallait-il attribuer ce gonflement permanent du cou ?
C'est ici le lieu de faire intervenir les études d'anatomie morpholo-
gique et nous trouvons là un nouvel exemple de l'importance qu'elles
acquièrent dans l'interprétation d'un grand nombre de phénomènes
pathologiques.
Nous avons noté, dans le cours de travaux entrepris sur ces matières,
que chez tout individu l'extension du cou s'accompagne d'une aug-
mentation de volume en rapport avec le degré de l'extension et d'ail-
leurs variable, suivant les individus. Le phénomène est facile à cons-
tater et à mesurer même à l'aide d'un lien circulaire ; on verra alors
que la circonférence du cou augmente dans ces circonstances de cinq
à six centimètres en moyenne. L'augmentation de volume est donc
réelle, mais elle est aussi apparente, car, portant particulièrement sur
le diamètre transversal, elle donne au cou, vu de face, l'apparence d'un
volume plus considérable encore que celui qui existe réellement.
Cette augmentation de volume est surtout accentuée chez les indivi-
dus qui ont le cou long et la colonne cervicale mobile. En outre de la
part qui revient aux masses musculaires de la nuque dont l'état de
contraction ou de raccourcissement augmente l'épaisseur, elle est due
particulièrement à la saillie de toute la partie antérieure du cou repor-
tée en avant par la convexité exagérée de la colonne cervicale et au
déplacement sur les côtés des corps charnus des muscles sterno-cléido-
mastoïdiens soulevés par les apophyses transverses des vertèbres
cervicales et par les muscles profonds qui viennent s'y attacher.
Nous retrouvons chez notre malade tous ces caractères, auxquels
nous pouvons ajouter encore un gonflement, avec durcissement, du corps
charnu des sterno-mastoïdiens eux-mêmes, parfaitement appréciable à
la main, et occasionné par l'état de contracture dans lequel se trouvaient
ces muscles.
3U NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
Faut-il conclure de là que le gonflement du cou chez les hystériques,
en dehors des crises convulsives, ne puisse relever d'autres causes que
celles que nous venons de signaler ? Evidemment non.
Mais le fait que nous avons rapporté prouve au moins la part qui
dans ces sortes d'accidents peut revenir à la seule attitude d'extension
forcée. Chez Lips..., en effet, le gonflement du cou n'était en réalité
qu'un phénomène secondaire, une conséquence nécessaire pour ainsi
dire de la contracture des muscles extenseurs du cou et de la tête. Il
n'en est pas moins vrai qu'au premier abord, c'est ce changement de
volume du cou qui retenait l'attention de l'observateur.
- On a pu remarquer, pendant les quatre mois qu'a durés cet accident
chez notre malade, que le degré du gonflement variait avec le degré
de l'extension du cou qui se modifiait un peu dans le courant de la
journée, augmentant avec la fatigue, et toujours plus accentué dans la
station de boutque dans le décubitus dorsal. On vit, à la fin, le gonflement
diminuer à mesure que le cou reprenait progressivement sa position
normale, et les deux phénomènes cessèrent en même temps.
PAUL RICIIER,
Chef du laboratoire des maladies du système nerveux.
DES SUITES ELOIGNEES DES TRAUMATISMES
DE LA MOELLE, EN PARTICULIER DANS LES FRACTURES
DU RACHIS S
(Suite ')
Les trois observations que nous avons déjà présentées se rappor-
taient à des fractures des régions dorsale inférieure et lombaire
supérieure; aussi les phénomènes nerveux étaient-ils localisés dans
les membres abdominaux. Le fait suivant nous montre une lésion de la
colonne cervicale. Les quatre membres sont atteints, et les troubles
prédominent dans les membres supérieurs.
Observation IV. - Fracture du rachis au niveau de la septième vertèbre
cervicale remontant à neuf mois.- Contracture en voie de diminution.
- Déformation des mains. Troubles trophiques ( ? ) de la main
droite.
Le nommé D..., Frédéric, âgé de cinquante-cinq ans, cocher, est entré le
le` novembre 1887, il 1'llôtel-Dicti-aniiexe, salle Saint-Antoine, lit n° 1-2,
dans le service de M. le professeur Coruil.
Notre ami M. Bouel, interne du service, a bien voulu nous le présenter et
nous l'avons examiné le 18 juin dernier. '
D... est un homme fort et vigoureux qui ne présente dans ses antécédents
aucun fait digne de remarque. Sa santé a toujours été parfaite, et il ne
présente aucun stigmate de syphilis ou d'alcoolisme.
Le 15 octobre 1887, cocher au service de la préfecture de police, il con-
duisait une voiture cellulaire. Le siège de ces voitures étant très haut, la
porte de la préfecture de police très basse, les cochers doivent, pour franchir
celle-ci, se baisser énormément. Les chevaux de D..., arrêtés devant la porte,
partirent à l'improviste. D... se baissa aussitôt, mais trop peu. La tête passa
bien sous la voûte de la porte sans s'y heurter, le rachis au contraire n'était
pas assez fortement incliné; la voûte heurta violemment la région cervicale
postérieure, puis le reste du dos passa à frottement dur.
1. Voy. le n° 6, t. I, 188s.
21 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTI\IÈIlE,
D... ressentit un choc violent, une vive douleur, puis ses idées se trou-
blèrent sans qu'il perdit complètement connaissance. Il se rappelle bien qu'il
ne pouvait remuer ni bras ni jambes, que ses membres, soulevés par le
médecin appelé aussitôt, retombaient flasques et inertes; ce même médecin le
piqua en divers endroits sans provoquer aucune sensation. D... raconte qu'on
le ramena chez lui en voiture, sa tête retombait sur sa poitrine sans qu'il lui
fut possible de la maintenir.
Il demeura chez lui dix-sept jours, puis entra le 1 cr novembre 1887 à
l'hôpital.
Dès le lendemain de l'accident, les membres supérieurs et inférieurs se
seraient contractures, ceux-ci en extension, ceux-là en flexion. Les mains
reposaient sur la partie antérieure et supérieure du thorax, la main droite
était complètement fermée; les doigts de la main gauche étaient à demi
fléchis. Celte attitude ne pouvait être en aucune façon modifiée par le malade,
elles tentatives de mouvements communiqués étaient inutiles et douloureuses.
C'est seulement à la fin du troisième mois que les membres inférieurs, puis les
membres supérieurs, purent exécuter quelques mouvements volontaires.
Ni le cou ni le tronc n'étaient rigides. Le lendemain de l'accident, à l'aues-
thésie avait succédé une hyperesthésie excessive de tout le corps; on ne pouvait
loucher D... sans lui arracher des plaintes. Cette hyperesthésie dura environ
trois semaines. Des « crampes » très douloureuses, apparues vers le deuxième
ou troisième jour, tourmentèrent le malade pendant le même temps. Elles sur-
venaient exclusivement la nuit, et seulement dans les membres inférieurs.
Elles firent place au phénomène suivant, qui subsiste encore aujourd'hui, bien
qu'atténué. Pendant une heure, une heure et demie, quelquefois davantage,
il éprouve dans les membres inférieurs et supérieurs comme des secousses
produites par la fermeture ou l'ouverture d'un courant électrique; chaque
secousse s'accompagne d'une légère douleur.
Depuis le traumatisme, le malade est constipé et use de lavements quoti-
diens. Une seule fois on l'a sondé pour rétention d'urine, cela six semaines
environ après l'accidenl. Inappétence génitale.
Vers la troisième semaine apparaît, sans cause appréciable, un oedème
considérable de la main droite, avec coloration violacée de la peau. Peu après
se montra il l'annulaire de cette main la lésion qu'on y constate aujourd'hui,
et qui fut considérée, à son début, comme un trouble trophique. L'oedème
de la main a disparu depuis six semaines.
Du côté du cou, le malade signale les douleurs extrêmement vives qu'il
éprouvait aux moindres mouvements de la tête, douleurs qui furent soulagées
par l'application de ventouses scarifiées.
Pas de troubles de la respiration, pas de palpitations. D... éprouva une
inappétence complète pendant deux mois et s'amaigrit considérablement.
Lors de notre examen, le 18 juin 1888, la santé générale de D... était
bonne.
L'exploration du rachis montrait une déviation très nette de la ligne
1, t
t r
, , "bZ41 ? A & t
DES SUITES ÉLOIGNÉES DES TRAUMATISEES DE LA )IOELL23;
épineuse à l'union de la colonne cervicale et de la colonne dorsale. Là, cette
ligne se dirigeait non plus verticalement, mais un peu obliquement à droite
et en bas sur une étendue de 4 centimètres. Cette partie du rachis formait en
outre, sous la peau, une saillie exagérée. Sur toute la longueur de la colonne
vertébrale, la palpation était douloureuse, surtout dans la région lombaire
et dans la région cervicale. Le malade se tient fortement courbé en avant
dans la station debout. Celle-ci, comme la marche, ne tarde pas à provoquer
une sensation douloureuse dans la région dorso-lombaire; le malade se
repose en s'asseyant dans un fauteuil, le dos appuyé.
Les avant-bras se tiennent légèrement fléchis sur les bras. L'extension
complète, soit spontanée, soit provoquée, est impossible. On sent, dans cette
dernière tentative, le tendon du biceps se tendre fortement. La résistance
perçue est un peu élastique.
Les mains présentent les déformations suivantes. A la main gauche : les
quatre derniers doigts, étendus, sont déjetés vers le bord cubital; la flexion
des premières phalanges se fait normalement, mais celle des deuxièmes pha-
langes est très incomplète et celle des troisièmes presque nulle. Le malade
fait remarquer que la première phalange du pouce peut être mise en exten-
sion très forcée, ce qui n'existait pas avant l'accident, et ce qu'on ne trouve
pas au pouce de l'autre main. A la main droite. mêmes phénomènes, mais
moins accentués, surtout pour l'index. Aux deux mains, D... ne peut
écarter les doigts que dans une mesure très limitée.
La motilité est très affaiblie dans tous les membres. Le malade porte assez
difficilement la main droite sur la tète, il y porte très difficilement et avec
quelques saccades la main gauche. Ces mouvements provoquent une certaine
douleur dans la partie antérieure du bras. D... peut à peine tenir son verre
et le porter à sa bouche. Du côté des jambes tous les mouvements sont
possibles, mais sans force. Aussi la marche est-elle très pénible. Le malade
marche à petits pas, les pieds écartés, sans traîner la semelle. Il se fatigue
vite. Il regrette de ne pouvoir, en marchant, s'aider de ses bras, trop faibles
pour se fixer à un appui. La jambe gauche est, dit-il, plus faible que la
droite. Ajoutons que les jambes deviennent rapidement bleuâtres pendant la
marche.
Les réflexes sont conservés, sinon légèrement exagérés. Pas de trépidation
épileptoïde. On remarque, en piquant la jambe et surtout la cuisse gauches,
que la contraction réflexe se 'produit plus intense, dans le membre infé-
rieur du côté opposé, que dans le membre excité lui-même.
La sensibilité est intacte à la piqûre, au contact, au chatouillement;
la sensibilité au froid est exagérée. Le malade dit qu'il est très péniblement
impressionné par le froid, alors qu'il y était auparavant très peu sensible.
Enfin D... se plaint des secousses légèrement douloureuses qu'il éprouve.par
séries, et qui surviennent surtout le soir. Nous en avons parlé plus haut.
Quant aux troubles d'ordre trophique, on peut sans doute ranger sous ce
chef (bien qu'avec certaines réserves), outre l'oedème de la main droite
;24 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALY1'I.IÈHE.
actuellement effacé, une lésion du médius droit qui est apparue peu de temps
après l'oedème et qui persiste depuis environ six mois. Très douloureuse,
cette lésion présente actuellement l'aspect d'un panaris. Le pus soulève
l'épiderme vers la base de l'ongle : l'ongle lui-même est soulevé. La rougeur
s'étend jusque sur la deuxième phalange. L'articulation phalangino-phalan-
gettienne présente des mouvements de latéralité assez prononcés.
La peau de la cuisse gauche se montre beaucoup plus épaisse, quand on la
pince entre deux doigts, que la peau des régions correspondantes de la cuisse
droite.
Il n'y a pas d'atrophie musculaire, ou du moins, si les muscles se sont
atrophiés, c'est des deux côtés et d'une façon symétrique.
Cette observation serait sans doute plus intéressante, au point de
vue qui nous préoccupe, si elle se rapportait à un cas plus ancien de
fracture du rachis. Toutefois, elle permet de voir comment les phéno-
mènes de contracture, si intenses pourtant dans les premiers temps
qui suivirent l'accident, s'amendèrent progressivement jusqu'à sub-
sister à peine aujourd'hui. Il y a lieu de se demander si les défor-
mations des doigts sont destinées à persister indéfiniment. Il est pro-
bable que, tenant à la contracture musculaire, elles tendront, comme
cette dernière, à disparaître peu à peu.
Un cas observé par Jordison (The Lancet, 21 oct. '1882) montre une
guérison complète des troubles nerveux graves, six mois après une
fracture des cinquième et sixième vertèbres cervicales (sauf un peu de
faiblesse du bras gauche). Une guérison complète est relatée parKùster
dans un cas analogue (Archiv. sur klin. Chir., 1884, p. 218).
Cette sorte de panaris du médius qui présente une persistance si
remarquable, esta rapprocher des lésions tenaces produites parlefroid
sur des orteils que des troubles nerveux préalables avaient mis en état
d'infériorité nutritive. Nous allons d'ailleurs retrouver ce dernier
phénomène dans une observation que M. le docteur Maygrier a bien
voulu nous permettre de prendre dans son service de la Pitié. Il s'agit
d'un cas de fracture du sacrum, la moelle. n'a donc pas été intéressée,
au moins directement. Cependant, nous constaterons ici les mêmes
symptômes que nous avons vus se dérouler dans l'histoire des PréCé7
dents malades.
Observation V. Fracture de sacrum remontant à cinq ans. Paralysie.
z Crampes. Douleurs. Atrophie musculaire. Troubles tro-
phiques cutanés. Engelures.. Ces phénomènes sont bilatéraux. -
Accouchement.
Il s'agit d'une femme de trente-quatre ans, qui ne présente, ni dans ses
DES SUITES ÉLOIGNÉES DES TRAUMATISMES DE LA MOELLE. 2.
antécédents héréditaires, ni dans ses antécédents personnels, rien à noter
de particulier. Elle a eu, antérieurement à sa fracture, deux enfants bien
portants.
En 1883, elle tomba du quatrième étage dans une cour très irrégu-
lièrement pavée. Les pieds, puis le siège, puis la nuque touchèrent successi-
vement le sol.
La malade ne perdit pas un instant connaissance. Voulant se relever, elle
s'aperçut que ses deux jambes étaient incapables de se mouvoir. On la
transporta à l'hôpital. Là, elle fut simplement placée dans le décubitus
dorsal, sans appareil d'immobilisation. On constata au niveau de l'extrémité
inférieure du sacrum l'existence d'une plaie par laquelle s'éliminèrent par la
suite deux fragments d'os assez volumineux, au dire de la malade. Pendant
les premiers jours, elle fut en proie a une dyspnée très intense, avec accélé-
ration de la respiration. Deux heures après la chute, se serait montrée une
extinction de voix qui dura peu de temps. Le pouls était très ralenti, dit-elle.
Un peu plus tard, palpitations. Du côté des membres inférieurs, paralysie
complète et anesthésie telle que la malade a été, sans s'en apercevoir, forte-
ment brûlée aux pieds par une bouillotte trop chaude ; lésion qui a laissé
quelques cicatrices. Il y eut, pendant un an et demi environ, de la rétention
d'urine qui exigea le cathétérisme ; le passage de la sonde dans l'urèthre n'était
point perçu. Pendant à peu près le même temps, constipation opiniâtre avec
ballonnement excessif du ventre. La défécation ne s'accompagnait d'aucune
sensation. La vue fut affaiblie pendant plusieurs mois, puis redevint normale.
Il se produisit, au bout d'un certain temps que la malade ne peut préciser,
une atrophie musculaire des deux membres inférieurs. Pas de troubles
trophiques cutanés. Enfin, environ huit mois après l'accident primitif, sur-
vinrent des phénomènes douloureux et spasmodiques prédominant dans le
membre droit et consistant en élancements douloureux, crampes, mouve-
ments involontaires des orteils.
Au bout de seize mois, la malade quitta l'hôpital. Ses deux membres
inférieurs demeuraient à peu près complètement paralysés. atrophiés,
anesthésiés et présentaient de temps en temps. avec des alternatives d'amé-
lioration et d'exacerbation, les douleurs et les crampes signalées ci-dessus.
Depuis lors, la paralysie s'est fort amendée; deux années après l'accidenl,
la malade commençait à pouvoir marcher. Elle en est arrivée à marcher avec
le secours d'une canne. , .
Elle devint enceinte l'année dernière, et la grossesse ne présenta pas de
phénomènes spéciaux, si ce n'est, au dire de la malade, un volume du ventre
beaucoup plus considérable que dans les précédentes grossesses. Elle est
entrée à l'hôpital de la Pitié pour y accoucher. L'accouchement a en lieu le
5 mars dernier; il a nécessité l'emploi du forceps : la durée totale du travail
a été de trente-six heures. L'enfant se porte bien.
Nous examinons la malade le in mars. ' .
Elle a les apparences d'une bonne santé; elle ne présente d'ailleurs aucun
26 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
trouble fonctionnel notable, en dehors des symptômes que son ancienne
fracture a développés dans les membres inférieurs.
Au niveau de l'extrémité inférieure du sacrum existe une cicatrice étroite
qui, partant du coccyx, se porte en haut et un peu à droite. Sa longueur est
d'environ deux centimètres. Par la palpation, on constate que le sacrum
fait, dans la partie inférieure, une saillie plus faible à gauche qu'à droite de
la ligne médiane. Le toucher vaginal a donné les renseignements suivants.
On tombe tout d'abord sur une tumeur osseuse faisant saillie sur la face anté-
rieure du sacrum. Ce serait comme un prisme triangulaire, transversalement
dirigé, dont une face s'appliquerait au sacrum, tandis que l'arête opposée
ferait dans l'excavation une saillie de deux centimètres. Du sommet du col
au bord inférieur de la symphyse : 105 millimètres. Angle sacro-vertébral
accessible.
Les troubles nerveux consécutifs à cette lésion du sacrum sont localisés
aux deux membres inférieurs.
La malade marche difficilement et les mouvements des membres inférieurs
manquent de force; ceux qui s'accomplissent dans l'articulation du genou
sont plus faibles que ceux que la malade peut produire dans la hanche. Elle
accuse, comme autre trouble moteur, des mouvements involontaires des
orteils qui coïncideraient avec les phénomènes douloureux et dont elle ne
précise pas nettement le mode. Crampes fréquentes.
Ce sont les douleurs qui la tourmentent surtout. Elles sont variées. C'est
tantôt▶ une douleur continue avec des exacerbations dont les unes durent une
minute, les autres un seul instant; ◀tantôt▶ ce sont de simples élancements.
Elles siègent dans les membres inférieurs; elles seraient influencées de la
façon la plus nette par les variations atmosphériques; c'est ainsi qu'elles sont
plus pénibles l'hiver, par les temps humides, par la neige surtout; elles sont
aussi bien plus intenses la nuit que dans la journée. Le rachis est un peu
douloureux à la pression dans la région dorso-lombaire et surtout dans la
région sacrée. Il y aurait parfois des douleurs spontanées dans le dos, surtout,
dit la malade, quand elle reste trop longtemps assise.
L'exploration de la sensibilité donne les résultats suivants :
Le sol n'est pas senti pendant la marche. Au lit, la situation des jambes
est nettement perçue. Il existe de l'anesthésie à la piqûre dans les points
suivants : face postérieure des cuisses; moitié inférieure des faces externe et
antéro-externe des jambes; face dorsale du pied jusqu'au voisinage de son
bord interne; bord externe du pied et moitié externe de sa face plantaire. Ces
troubles sont symétriques. La sensibilité au contact,tla sensibilité au froid et
au chatouillement sont altérées dans les mêmes points que la sensibilité à la
piqûre.
Les troubles trophiques sont les suivants : atrophie sensiblement symé-
trique des deux membres inférieurs. Les jambes sont plus atrophiées que les
cuisses. Le triceps fémoral est bien conservé, le gros orteil de chaque pied est
déforme de la façon suivante : la première phalange est redressée; elle forme
DES SUITES ÉLOIGNÉES DES THAUMATISMES DE LA MOELLE. 27
avec le premier métacarpien un angle presque droit, ouvert en haut, et avec
la deuxième phalange un angle égal ouvert en bas.
Les ongles et les poils ne sont pas altérés ; la partie inférieure des deux
jambes et la face dorsale des pieds sont tachetées de petites macules rouges
irrégulièrement réparties. En divers points on trouve des lésions que la
malade attribue à l'action du froid et qu'elle dit être des engelures. (Il est à
noter qu'elle n'eut jamais d'engelures antérieurement à son accident.) Ces
lésions sont les suivantes : sur la face supérieure du gros orteil du pied droit,
la peau présente une légère tuméfaction, d'un rouge foncé, ressemblant en
effet il une engelure. Sur la face antéro-externe de la jambe droite, deux
taches d'un rouge violacé, régulièrement arrondies, à bords peu nets; l'une a
les dimensions d'une pièce de cinq francs ; l'autre, située en arrière de celle-
là, et confondue avec elle sur un point de son contour, est de la grandeur
d'une pièce de deux francs; chacune d'elles est le siège d'une desquamation
furfuracée; au centre de chacune est une petite ulcération recouverte d'une
croûte. En arrière du talon, du même côte, se trouve une phlyctène d'un
centimètre et demi de diamètre due, dit la malade, au frottement de cette
partie contre les draps. Une ulcération en voie de cicatrisation s'observe sur
la plante du pied gauche, au niveau de la tête du cinquième métatarsien. La
malade dit que ses pieds enflent pour peu qu'elle marche. Enfin, signalons ce
fait, qu'au moment de notre examen, il existait de la rougeur au niveau du
sacrum. Nous avons appris qu'une eschare s'était formée en. cet endroit, les
jours suivants.
Ainsi donc, paraplégie, anesthésie, douleurs, atrophie musculaire,
troubles trophiques des extrémités inférieures que la malade attribue
à l'action du froid (celui-ci n'ayant été probablement qu'une cause
surajoutée), eschare sacrée dont le décubitus dorsal observé à la
suite de l'accouchement a été sans doute la cause occasionnelle, tels
sont les phénomènes les plus saillants que nous avons notés à la suite
d'une fracture du sacrum.
On remarquera que l'anesthésie n'occupe aucune des régions
innervées par des branches du plexus lombaire, mais seulement des
points desservis par les nerfs grand et petit sciatiques.
Il est à noter également que l'atrophie musculaire s'est manifestée,
elle aussi, exclusivement dans le domaine du plexus sacré.
Dans les deux observations qu'il nous reste à transcrire, nous aurons
affaire à des plaies pénétrantes du canal rachidien. En somme, la cause
seule du traumatisme médullaire différera, les résultats de celui-ci
seront évidemment du même ordre que dans les faits déjà rapportés.
Notre ami, M. le docteur Gilles de la Tourette, chef de clinique des
maladies du système nerveux à la Salpêtrière, a bien voulu nous
montrer la malade dont il va être question, et nous en transmettre
-28 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
l'observation complète jusque-là inédite. Il en a l'ait récemment
l'objet d'une présentation à la Société de médecine légale. (Voy. Bull,
méd., 17 juin l8ss.>
OBs. VI. - Plaie par arme à feu. Paraplégie flasque puis spasmodique.
Subluxation consécutive de la hanche. Amélioration progressive.
Marie D..., dix ans, est entrée il la clinique des maladies du sytème ner-
veux, service de M. le professeur Charcot, salle Duchenne de Boulogne, le
Il mai 1888.
Pas d'antécédents héréditaires; un frère mort à six ans et demi d'une
méningite tuberculeuse. Elle aurail eu, vers l'âge de deux ans, des convul-
sions légères qui n'ont laissé aucune trace durable après elles.
Bien portante, se développant normalement, elle partait de chez elle le
Il, janvier 1884, pour aller jouer dans un terrain vague où se trouvait un
individu qui essayait un revolver, lorsqu'elle fut frappée d'une balle par
ricochet, à 3 centimètres en dehors et en avant de l'angle de l'omoplate
droite. Il existe encore en cet endroit une cicatrice blanchâtre ovoïde, longue
de 2 centimètres dans son plus grand diamètre, se dirigeant obliquement
de bas en haut et de dehors en dedans.
La plaie donna lieu immédiatement à un écoulement sanguin assez consi-
dérable, mais qui s'arrêta bientôt; au bout de quelques jours, elle était cica-
trisée. La mère 'qui nous donne ces renseignements dit que les investigations
les plus minutieuses ne permirent pas de constater un orifice de sortie.
Aussitôt frappée, l'enfant s'affaissa sur le sol, les jambes paralysées refu-
sant tout service.
On la transporta immédiatement il l'hôpital Trousseau, dans le service de
M. le professeur Lannelonguc, qui constata une paralysie flasque des
membres inférieurs avec insensibilité complète au froid, à la piqûre, etc.
Cette anesthésie remontait en ceinture et envahissait tout le tronc jusqu'au
niveau d'une ligne circulaire s'arrêtant en haut au niveau de la plaie
d'entrée de la balle.
Il est à noter qu'il ne se produisit, ni le premier jour, ni les jours suivants,
de phénomènes inflammatoires pleuro-pulmonaires ni à droite, ni à gauche
et que l'inspection actuelle de la poitrine ne révèle la présence d'aucuns
reliquats de cette nature.
Les phénomènes précédemment rapportés ne s'accompagnèrent pas de
douleurs, ni localement, ni dans un point plus ou moins éloigné. Avec la
paraplégie coexista immédiatement une rétention complète d'urine et des
matières fécales contre laquelle on lutta par le cathétérisme et des lavements
évacuateurs.
Au bout d'un mois. l'incontinence fit place à la rétention, el, en même
temps, peu à peu, de flasques les jambes devinrent raides.
De plus, quelques jours après l'accident, se développeront des eschares qui
évoluèrent jusqu'à la cicatrisation dans l'espace de trois mois et demi à quatre
DES SUITES ÉLOIGNÉES DES TRAUMATISMES DE LA MOELLE. 29
mois. L'examen actuel de la malade permet de préciser leur siège exact.
Il existe en effet de chaque côté du pli interfessier, à sa partie supérieure,
à gauche, une cicatrice blanche dirigée de bas en haut, longue verticalement L
de 5 centimètres, large transversalement de 3 centimètres. Au-dessus de
cette eschare, séparée par un intervalle de peau saine d'un centimètre,
une cicatrice arrondie, d'un centimètre; un peu en dehors, une cicatrice de la
largeur d'une lentille.
A droite et en haut du pli interfessier, une cicatrice irrégulière d'un centi-
mètre et demi de haut et d'un centimètre de large.
Un peu plus tard que les eschares que nous venons de décrire, il en
survint une autre qui se produisit dans les circonstances suivantes. Les
membres inférieurs, avons-nous dit, étaient devenus raides, spasmodiques ; -,
ils se placèrent en adduction forcée et il devint très difficile de les écarter
l'nn de l'autre. Bientôt la jambe droite se mit en demi-flexion, la cuisse
se portant en adduction et en légère rotation en dedans, de telle façon que
la face plantaire des orteils droits vint se mettre en contact direct avec la
face dorsale du pied gauche, et le condyle interne du fémur droit se
mettre en rapport avec la tubérosité interne du tibia gauche. Au niveau de
cette tubérosité, point exact de l'accolement forcé, il se produisit, postérieu-
rement aux autres, une eschare ovalaire mesurant un centimètre et demi
dans son plus grand diamètre. L'enfant reproduit très bien devant nous
aujourd'hui cette situation particulière des membres inférieurs. On peut
ainsi voir que, grâce à la demi-flexion du membre droit, les deux malléoles
internes se trouvaient sur le même plan horizontal, mais le condyle interne du
fémur droit était en rapport avec la tubérosité du tibia gauche, ce qui indique
que, dès cette époque, du deuxième au quatrième mois après le début de
l'accident, coïncidant avec la période la plus forte de l'état spasmodique des
muscles, il s'était produit un raccourcissement du membre dont nous allons
bientôt parler.
Au bout de quatre mois, Marie D... sortit de l'hôpital Trousseau; la sensi-
bilité commençait à reparaître; l'incontinence était moins complète; les
jambes restaient toujours raides, en adduction forcée.
Au bout d'un an, la sensibilité avait complètement reparu; de même, les
fonctions vésicales et rectales étaient devenues volontaires, les derniers
phénomènes d'incontinence ayant consisté dans l'émission involontaire de
l'urine, en rêvant, pendant la nuit. ,
Vers cette époque, Marie D... commença également à pouvoir écarter
volontairement les jambes l'une de l'autre, mais ce ne fut qu'au bout de
dix-huit mois environ qu'il lui fut possible de mettre pied à terre et de faire
quelques pas rendus plus difficiles par ce fait que la jambe gauche, qui était
toujours plus raide que la droite, était raccourcie et que le talon ne pouvait
loucher le sol que lorsque l'enfant inclinait le tronc à gauche et mettait la
jambe droite en demi-flexion.
Lentement, peu à peu, les phénomènes spasmodiques s'amendèrent, la
30 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTHIÈRE.
malade put s'asseoir et actuellement elle offre ce qui suit à notre examen.
État actuel. -Enfant de dix ans bien développée physiquement; muscu-
lature des membres inférieurs et supérieurs au-dessus de la moyenne, présen-
tant partout une réaction électrique normale ainsi qu'il résulte de l'examen
de M. Vigouroux. Intelligence vive ; bonne santé ordinaire ; pas de douleurs;
pas de troubles de la sensibilité; intégrité des fonctions vésicales et rectales.
Cicatrices laissées par la balle et les eschares telles que nous les avons
précédemment décrites. ,
Lorsqu'on examine l'enfant au lit dans le décubitus dorsal, on observe
qu'alors que la jambe droite est dans la rectitude, la jambe gaucheest légère-
ment fléchie et portée en adduction et rotation en dedans, les deux premiers
orteils gauches reposant sur la face dorsale du pied droit par leur face plantaire,
la malléole interne . gauche étant située 3 centimètres plus haut que la
malléole interne droite. L'épine iliaque antérieure et supérieure gauche est
également située un peu plus haut que l'épine iliaque droite.
La malade est endormie, le 4 juin, avec l'aide du docteur Tuffier, chirurgien
des hôpitaux, qui constate une subluxation en haut de la tête du fémur gauche.
Cette subluxation met obstacle à l'allongement du membre dont le raccourcis-
sement est réel. L'articulation est saine.
Si, avant de faire lever la malade on examine les réflexes rotuliens; on
constate que ceux-ci sont très exagérés des deux côtés, surtout à gauche, où
le redressement de la pointe du pied détermine la trépidation spinale qui
existe aussi très légère à droite. -
Lorsque Marie D... se tient debout appuyée sur ses béquilles, le pied
gauche ne vient en contact avec le sol que par le gros orteil, le pied étant en
équin direct. De plus, le membre inférieur gauche est porté en adduction et eu
rotation en dedans.
Si elle abandonne ses béquilles (pl. V) le pied gauche peut porter à plat
sur le sol, mais alorsle membre inférieur droit se met en demi-flexion, les
deux genoux s'arc-boulant l'un contre l'autre, la jambe droite rejetée en
dehors pour élargir la base de sustentation, et pour satisfaire à.la demi-flexion
nécessaire pour l'appui du pied gauche. - - - - , -
Vue du tlos(pl. VI), on constate une enselluro lombaire, une saillie globulaire
de la fessé gauche qui est plus élevée que la fesse droite et une disparition
du pli fessier à gauche...... '
Lorsque la malade veut marcher sans béquilles, le corps se porté "alterna-
tivement de droileà- gauche et de gauche à droite, les genoux frottent l'un
contre l'autre, passant ainsi alternativement l'un devant l'autre, et la jambe
gauche, qui est plus spasmodique que la droite, décrit un mouvement de
circumduction, en même temps que, pendant la première partie de ce mou-
vement la pointe du pied frotte sur le sol, faisant entendre un bruit de frot-
tement caractéristique.
Il n'existe aucune saillie anormale de la colonne vertébrale; les corps
vertébraux examinés et percutés un à un ne sont nulle part douloureux.
NOUVELLE ICONOGRAPHIE T. 11, PL. V
CncHr A. LONDE
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Plaie DE la MOELLE par Arme A FEU
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NOUVELLE ICONOGRAPHIE
T. 11, PL. VI
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Plaie DE la MOELLE par Arme A FEU
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DES SUITES ÉLOIGNÉES DES TRAUMATISMES DE LA MOELLE. 31
9 juin. - La mère de la malade nous dit que, depuis un mois, il s'est t
produit une amélioration sensible dans l'état de sa fille; celle-ci, tout en
boitanl et en prenant la position indiquée plus haut, peut faire seule quelques
pas; lesjambes sont moins raides et se laissent écarter facilement l'une de l'autre.
On voit en somme, chez cette dernière malade, les phénomènes
s'amender progressivement jusqu'à l'époque actuelle. Les troubles
recto-vésicaux, rétention d'urine et de matières, puis incontinence
d'urine, sont nuls aujourd'hui. La contracture, qui avait succédé à la
paraplégie flasque, persiste encore, mais elle est en voie de décrois-
sance. Cette diminution progressive dans l'intensité des troubles
nerveux se poursuivra peut-être jusqu'à leur complète disparition.
Serait-ce que la balle aurait causé par elle-même peu de dégâts dans
la moelle et aurait plutôt déterminé des lésions inflammatoires des
méninges, lésions susceptibles d'une plus facile régression que les
altérations dues aux plaies dunévraxe ?
M. Gilies de la Tourette faisait observer, quand il présenta cette
malade à la Société de médecine légale, qu'un médecin, appelé à for-
muler un pronostic à son sujet, eût été peut-être, en présence des
accidents nerveux si intenses des quatre premiers mois, porté à
assombrir ce pronostic plus qu'il n'était de droit. Il concluait qu'en
présence d'un traumatisme de la moelle, il convient de ne pas émettre
un avis prématuré.
A ce propos, M. Valude rappela un fait qu'il avait observé dans le
service de M. Verneuil et qui se rapprochait du précédent. Uu coup de
couteau pénétra dans le canal vertébral. Paraplégie flasque qui devint
spasmodique, eschares qui guérirent. Le malade quitta l'hôpital avec
de la paraplégie spasmodique.
Quoi qu'il en soit, chez la malade de M. Gilles de la Tourette, il s'est
développé, consécutivement à la contracture spasmodique des muscles
et à l'attitude vicieuse imposée à la cuisse gauche, une subluxation en
haut de la tête du fémur gauche. Cette lésion assombrit assurément le
pronostic, malgré l'espoir qu'on peut conserver de voir les phéno-
mènes nerveux guérir définitivement.
L'observation qui va suivre a trait, comme la précédente, à une bles-
sure par arme à feu.
OBs. VII. Blessure par arme à feu de la région de la nuque. Syndrome
de jSroM'K-SeMa'rd,/tëM<e : e droite. Congestion pulmonaire droite. Con-
tractures légères de la jambe droite. Amendement de tous les phénomènes
en un mois, sauf pour l'hémiplégie qui persiste, quoique diminuée. Réac-
tion de la pilucarpine.
R..., Pierre, âgé de dix-huit ans, brocanteur, entre le 24 novembre 1881, à
32 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
l'hôpital Cochin, salle Saint-Jacques, lit ne 29, dans le service de M. Théo-
phile Anger.
, Il a reçu le 20 novembre dans la région de la nuque, une charge de plomb
n° 8; le coup de fnsil avait été tiré à une distance de 8 à 10 pas. Perte de
connaissance qui persiste pendant une heure environ.
Le 24 novembre, c'est-à-dire qualre jours après, on constate ce qui suit :
La région de la nuque, à droite de la ligne médiane, est criblée de trous
de profondeur variable. Derrière l'oreille droite existe une large ecchymose
qui s'étend vcrs la région slerno-mastoïdiennc. De vasles épanchements san-
guins, profondément situés, occupent toute la région latérale du cou.
- Le malade n'a pas présenté un état de shok très prononcé. Céphalalgie.
Le facial est intact. Les pupilles sont égales.
Ce qui frappe surtout, c'est l'existence du syndrome de Brown-Séquard :
hémiplégie droite presque complète, sauf il la cuisse pour les mouvements
associés. Il faut noter que celte paralysie hémilatérale atteint aussi la moitié
du diaphragme, qui est, sinon complètement privée de mouvements actifs, du
moins notablement parésiée.
La jambe gauche présente une certaine diminution de la contractilité
volontaire. Réflexes exagérés à droite. Paralysie vésicale.
Le côté paralysé est le siège d'une hyperesthésie bien nette, quoique légère.
Anesthésie assez marquée du côté gauche.
Coeur normal.
On constate l'existence dans le poumon droit d'une congestion pulmonaire
tants. On trouve aussi quelques râles fins à gauche.
(Il est à noter que le malade, antérieurement à l'accident, n'avait jamais
toussé.)
La température s'est maintenue depuis l'accident aux environs de 38".
Hier soir, 39°,3.
25 novembre. -Matin, 39° 6; soir, 38° 9, même étal.
26 novembre. -Ce malin, 37° 8; ce soir, 38° 2, amélioration.
27 novembre. La température s'est maintenue aux environs de 38°.
Le souffle persisle au niveau du poumon droit, lequel présente en oulre
des râles sibilants et ronflants dans toute son étendue. A peine quelques râles
il gauche. Amélioration des signes fonctionnels.
1er décembre. - Même état au point de vue des phénomènes médullaires :
les réflexes au chatouillement restent exagérés du côté droit. Le phénomène
du genou est aboli. Râles sous-crépitanls et râles sonores dans les deux pou-
mons, surtout dans le droit.
2 décembre. - Le malade accuse de la douleur dans le membre inférieur
droit. La toux et l'oppression ont de nouveau acqnis une notable intensité. La
température s'est élevée hier soir à 39° 2. Ce malin, 37° i,.
Congestion intense du poumon droil; souffle, râles sous-crépitauls. Cra-
chats muco-purulents.
Le diaphragme n'est pas complètement paralysé, ainsi que le prouve la
persistance du bruit respiratoire, bien que les espaces intercostaux ne soient
pas soulevés.
4 décembre. - Température prise dans l'aisselle droite : 37° 5 ; dans l'ais-
selle gauche, 37° 3.
DES SUITES ÉLOIGNÉES DES TRAUMATISEES DE LA MOELLE. à
7 décembre. -Atrophie du membre inférieur droit. Du côté de la plaie,
bon état. Coloration ccchymotique de tout le cou et d'une partie de la poi-
trine.
10 décembre. Un peu de contracture de la jambe droite. La motilité
volontaire revient un peu dans ce membre; elle reste abolie dans le membre
supérieur. - La sensibilité tend à devenir égale des deux côtés.
Les signes de congestion pulmonaire persistent à droite.
27 décembre. Le malade quitte l'hôpital. Il subsiste une paralysie du
membre supérieur droit et de l'épaule correspondante; les muscles paralysés
réagissent bien sous l'influence de l'électricité galvanique. Le malade marche
assez facilement, il traîne légèrement la jambe droite. Les signes pulmo-
naires ont beaucoup diminué........ .
Des injections de pilocarpine, pratiquées de chaque côté du corps, ont donné
les résultats. suivants : , » 1 1 .
4 décembre. - On injecte de chaque côté du thorax 3 milligrammes de
pilocarpine; et, dans le segment inférieur du tronc, 2 milligrammes de chaque
côté. Au bout de deux minutes, sudation très abondante. -
La sudation locale met à se manifester : .
: il ' NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA S.1L1'$TRIUIIE.
le traumatisme ait créé la lésion médullaire par l'intermédiaire d'une
fracture du rachis, dans tous les cas, nous avons constaté, comme
conséquences éloignées des troubles nerveux d'abord observés, des
désordres durables, plus ou moins graves.
Nos cinq observations de fractures anciennes du rachis sont très
démonstratives, ce nous semble, à ce point de vue. Dans un de ces cas,
il est vrai, nous avons eu affaire à une fracture remontant seulement
à huit mois; mais dans les autres, cet accident datait de plusieurs
années. Or, dans tous, nous avons relevé des troubles persistants de
l'innervation. '
S'il est permis de fonder une induction sur un nombre de faits aussi
restreint, nous pouvons tirer de nos cinq observations les conclusions
suivantes :
Les fractures de la colonne vertébrale entraînent après elles, outre
les troubles nerveux qui les suivent immédiatement, des désordres per-
sistants de l'innervation sensitive, motrice, vaso-motrice ou trophique.
Ces désordres, variables suivant les cas, sont les suivants :
Troubles de la sensibilité. - Les membres atteints sont souvent le
siège de douleurs très variables comme mode et comme intensité,
pouvant rappeler les douleurs fulgurantes de l'ataxie locomotrice
progressive.
Les crampes douloureuses sont fréquentes.
La sensibilité cutanée est souvent altérée. Dans un cas (observa-
tion I) l'anesthésie paraissait nettement limitée aux filets descendants
du fémoro-cutané droit (la fracture siégeait au niveau des douzième
vertèbre dorsale et première lombaire). Dans deux autres cas il
existait des zones étendues d'anesthésie. La délimitation scrupuleuse
des régions anesthésiées n'a pu être faite, le temps nous ayant manqué;
mais on peut remarquer que : 1° dans les deux cas, la répartition
était sensiblement symétrique. Tandis que la fracture ancienne du
sacrum avait entraîné une anesthésie qui ne débordait pas le domaine
des nerfs grand et petit sciatiques (branches du plexus sacré), la
fracture de la colonne dorsale avait déterminé en outre des troubles
sensitifs de la région antérieure de la cuisse, dont l'innervation ne
relève pas du plexus sacré : - .
Troubles de la motilité. - Dans tous les cas, il avait subsisté de la
paralysie musculaire, variable comme intensité et comme siège.
' Dans le cas le plus récent, datant de huit mois, nous avons observé
de la contracture, mais cette contracture était en voie de décroissance.
Elle avait déterminé des altitudes vicieuses des doigts.
Troubles vaso-moteurs. - Dans plusieurs cas, il y avait une ten-
DES SUITES ÉLOIGNÉES DES TRAUMATISEES DE LA MOELLE. 3.,
dance marquée à la vaso-dilatation des capillaires cutanés des extré-
mités inférieures (antérieurement atteintes par les troubles nerveux
.primitifs).
Troubles trophiques. - Ils n'ont manqué dans aucun cas.
Le plus souvent, il existait de l'atrophie musculaire, généralement
asymétrique. '
. Comme troubles trophiques cutanés, on trouvait : de l'épaississement
de la peau de l'une des cuisses, des lésions érythémateuses et ulcé-
ratives des extrémités. Dans une observation, oedème des extrémités
inférieures pendant la marche (observation V). Deux fois, nous avons
rencontré des lésions que les malades attribuaient à l'action du froid,
et qui paraissaient être en effet des gelures, mais celles-ci avaient sans
doute trouvé dans l'altération de la nutrition locale une cause prédis-
posante à leur développement. Une de ces gelures avait nécessité l'abla-
tion de la première phalange d'un gros orteil mortifié.
Enfin, signalons un arrêt de développement du pied chez un sujet
dont la croissance n'était pas terminée à l'époque de l'accident.
Les troubles génito-uriaaioes et les troubles de la défécation,
constants chez tous nos malades à la suite de la fracture, n'avaient-
persisté chez aucun d'eux.
Des lésions médullaires à marche ascendante se sont montrées chez
un de nos malades. Du moins c'est ce que semble démontrer la
marche des phénomènes : signes de lésion uni-latérale droite de Ja
moelle lombaire, développement de douleurs fulgurantes dans la
jambe droite, plus tard dans le membre supérieur du même côté, et
inégalité pupillaire intermittente.
Nous avons exposé, à propos de l'observation III, pourquoi nous
n'osons attribuer nettement à la fracture du rachis le développement
d'accidents épileptiformes présentés par un de nos malades.
Telle est l'énumération des phénomènes que nous avons observés.
Leur localisation était très variable suivant les cas. ·
Ils se manifestèrent dans les membres où avait retenti primiti-
vement la lésion médullaire, à savoir : les membres inférieurs dans
les quatre cas où la fracture occupait les régions dorsale, lombaire et
sacrée, les membres supérieurs plus que les inférieurs dans le cas
unique de fracture de la colonne cervicale.
Dans un des cas (observation I) la lésion était nettement unilatérale
et sa propagation ascendante fut également bornée à un seul côté, le
côté droit. Dans les autres observations, les lésions sont bilatérales,
mais toujours il y a prédominance de certains symptômes- : paralysie,
atrophie musculaire, troubles trophiques cutanés, surun côté du corps.
36 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA 6ALPÈTK1ÈRE.
En somme, l'existence constante, à la suite des fractures de la
colonne vertébrale, de troubles nerveux tardifs, entraîne pour ces
fractures, même après que la malade a échappé aux premiers acci-
dents, un pronostic assez sévère. Ils créent en effet pour le malade une
infirmité définitive, plus ou moins grave. Ce fait est des plus impor-
tants au point de vue médico-légal.
Jurlt (loc. cit.) avait déjà tiré, des documents qu'il avait réunis, des
conclusions analogues. Voici, en substance, comment il décrit l'évolu-
tion des accidents nerveux consécutifs aux fractures vertébrales.
- Dans les cas favorables comme dans les cas mortels les symptômes
nerveux qui suivent immédiatement et même pendant un certain temps
la fracture du rachis peuvent être identiques. Si la maladie évolue
vers la guérison, l'amendement des phénomènes se produit habituel-
lement dans l'ordre suivant. Les fonctions de la vessie et du rectum
se régularisent, l'eschare se modifie favorablement et peut se cicatri- '-
ser d'une façon complète. Les troubles de la sensibité et de la motricité
s'atténuent et se circonscrivent; ceux-là d'abord, ceux-ci plus tardive-
ment. Très souvent la disparition de la paralysie musculaire est an-
noncée par des secousses volontaires, très douloureuses, par des dou-
leurs soudaines semblables à celles que produiraient des décharges
électriques, enfin par l'apparition d'une hyperesthésie cutanée accom-
pagnée de fourmillements insupportables. Cette hyperesthésieest étroi-
tement liée au retour de l'excitabilité réflexe. Les fonctions sensitives
et motrices des membres inférieurs se rétablissent ◀tantôt▶ de bas en
haut en commençant par les orteils ; ◀tantôt▶, surtout pour la sensibilité,en
sens inverse. Les membres supérieurs sont rarement pris sans que la
respiration soit gravement compromise et la mort inévitable, aussi ne
peut-on guère étudier sur eux l'évolution des symptômes. - Cepen-
dant quelques blessés ont survécu, parfois même avec des troubles paré-
tiques peu marqués, à des fractures de la colonne cervicale. Dans un de
ces cas on a vu apparaître l'épilepsie, et à la suite, la démence. Les trou-
bles nerveux peuvent rester prédominants dans un des deux membres.
Il ne faut pas considérer comme étant à l'abri de tout accident les
sujets même complètement guéris en apparence, à plus forte raison
ceux qui le sont imparfaitement. Parfois il suffira d'un léger trauma-
tisme pour rompre le cal, amener une récidive de la fracture avec
déplacement considérable des fragments et accidents paralytiques
mortels (après treize ans de guérison apparente dans un cas). L'anes-
thésie qui persiste dans les membres peut s'étendre; la vessie se para-
lyse, un calcul vésical peut être la conséquence de la rétention plus ou
moins complète des urines. L'incontinence des matières fécales s'ob-
DES SUITES ÉLOIGNÉES DES TRAUMATISMES DE LA MOELLE. ' : 37
serve. Elle est moins fâcheuse encore que la constipation opiniâtre
dont souffrent certains sujets. La puissance génitale peut renaître en
même temps que disparaître la paralysie. L'atrophie des membres in-
férieurs est fréquente. »
Les désordres nerveux nous ont surtout préoccupés. Indépen-
damment de ces troubles, il existe, par le fait même de la lésion
osseuse et de la déformation qu'elle a constituée, une certaine gêne
dans les mouvements du rachis, un léger endolorissement de- la
région, que la moindre fatigue provoque ou exagère; mais ces phéno-
mènes gênaient peu les malades que nous avons observés.
Resterait à savoir au point de vue pratique si ces accidents dépendent t
de la lésion médullaire primitive ou de la compression par le cal de
lafracture. Lecomplexus symptomatique qui accompagne ces fractures
au début et l'immobilisation prolongée dont elles sont l'objet rendent
bien difficile une conclusion. Il serait cependant, à l'avenir, très im-
portant de démêler ce qui est dû à l'un et à l'autre de ces deux pro-
cessus car une thérapeutique active par la trépanation serait indiquée
s'il s'agissait d'une compression.
Telles sont les conclusions qui ressortent de notre étude sur les
fractures du rachis. Ces conclusions s'appliquent également, pour
la plupart, aux lésions traumatiques de la moelle reconnaissant toute
autre cause, à celles, par exemple, qui résultent de plaies péné-
trantes du canal rachidien, comme dans les deux dernières obser-
vations de notre travail.
Toutefois il nous semble nécessaire de faire à ce sujet quelques ré-
. serves. Peut-on assimiler une lésion limitée à la moelle, lésion suscep-
tible d'une réparation souvent assez facile et assez complète, à une
lésion de la moelle produite au niveau d'une fracture vertébrale, cette
dernière déterminant, par le déplacement des os et par le développe-
ment du col, une déformation permanente du canal rachidien ? Il nous
semble (mais nos observations ne sont pas assez nombreuses pour nous
permettre d'y chercher une confirmation nette de cette idée) que la
fracture constitue un accident plus grave au point de vue de la perma-
nence des accidents nerveux.
Signalons, à propos de l'observation VI, ce fait intéressant d'une
subluxation de la hanche consécutive à la contracture qu'avait amenée
le traumatisme médullaire. Ainsi peuvent se constituer, par le fait des
troubles nerveux, des lésions permanentes du squelette, qui survi-
vraient aux troubles nerveux eux-mêmes, si ces derniers venaient à
disparaître entièrement.
TUFFIER, HALLION, .
Chirurgien des hôpitaux. Interne îles hôpitaux.
NOTE SUR L'ÉTAT DES FORCES
ET SUR LE TREMBLEMENT CHEZ LES ÉPILEPTIQUES
APRÈS LES ATTAQUES
Dans une note antérieure' j'ai montré par les chiffres indiqués par
le dynamomètre qu'il existe à la suite des accès d'épilepsie, chez un
grand nombre de malades du moins, un affaiblissement musculaire qui
prédomine du côté où les convulsions ont été le plus marquées. Cet
affaiblissement s'accompagne en général, ajoutais-je, d'un tremblement
qui prédomine aussi du même côté, et est souvent proportionnel à la
dépression des forces; ce tremblement s'étend à tous les muscles et est
capable de déterminer des troubles du langage. On en retrouve la
trace lorsque l'on écrit les mouvements du thorax2. La dépression de
la force dynamométrique peut être rendue plus sensible à l'aide du
dynamographe de Verdin, et le tremblement à l'aide d'un tambour à
1. Note sur l'état des forces chez les épileptiques (Bull. Soc. biol., 1888).
2. Note sur les phénomènes mécaniques de la respiration chez les épileptiques(Nour.
Icon. de la Salp., t. I, p. 170, 1888).
Flic. 5. - Courbe dynamographique de la main droite l'élat normal (le tracé se lit de droite à gauche).
. NOTE SUR L'ÉTAT DES FORCES. 3 ! )
réaction chargé de poids que l'on fait tenir à la main, le membre
supérieur étant étendu.
Les deux premières figures représentent les courbes dynamogra-
phiques d'un malade à une époque éloignée des accès; le malade est
gaucher. La courbé (fig. 5), se lisantde droite à gauche, qui représente
0 , D ., D
la pression de la main gauche indique une ascension à la fois plus
brusque et plus.élevée = 52 kil., tandis que la courbe de la main
droite (fig. 6) est moins élevée et un-peu hésitante= 48 kil. La figure 7
montre la stabilité des mains du sujet, l'avant-bras en demi-flexion,
aussi à l'état normal; la ligne supérieure fournie par la main droite
la plus faible, est plus tremblée que l'inférieure qui correspond à la
main gauche la plus forte.
Les figures 8 et 9 reproduisent les tracés dynamographiques du
même malade une demi-heure après un accès. On voit que l'affaiblis-
sement est plus marqué par la courbe moins élevée de la main droite,
FIG. 6. - Courbe dynamographique de la main gauche à l'état normal
(le tracé se lit de droite à gauche).
FIG. 7. -a. 1remb[emeul de la main droite à l'état normal; b. tremblement de la main gauche.
.10 . NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA 6.1L1'L'l'RILRE.
courbe à la fois moins brusquement ascendante et tremblée = 16 kit. -
La courbe delà main gauche = 28 kil., est plus brusque et plus élevée.
. La figure 10 reproduit le tremblement des deux mains une demi-
heure après un autre accès; on voit que les oscillations sont beaucoup
plus étendues que sur la figure 7 qui représente le tremblement z
l'état normal. Les oscillations de la main droite, la plus faible, sont
les plus étendues. On voit sur la même figure 10 la courbe thoracique
qui est aussi saccadée, principalement pendant l'expiration, comme
nous l'avons ui précédemment'. 1. - -
Il n'était pas sans intérêt d'objectiver les rapports qui existent entre
1. Les modifications de la force musculaire et le tremblement consécutif aux attaques
déterminent chez les épilepliques des modifications de l'écriture portant surtout sur les
dimensions des caractères qui sont généralement moins- considérables dans les périodes
d'épuisement; mais la formede chaquelettre n'est pas modifiée. C'est du reste une remarque
que l'on peut appliquée à tous les aliénés et aux hypnotiques pendant leur changement de
personnalité, les dimensions et l'allure générale peuvent être profondément altérées; mais
si on considère chaque lettre en particulier on peut aisément reconnaît ! sa forme dans
les, différentes écritures du même individu dans ses divers états : 'les fioritures, les traits ter-
minaux, etc., sont plus ou moins atténués ou exagérés dans tel état de dépression ou d'excita-
tion, mais ils persistent pour aflirmer, malgré les apparences; l'identité du sujet. C'est un
fait assez important au point de vue médico-légal. '
L Fin. 8. Courbe dynamogrnphiquc de la main droite une demi-heure après un accès.
lIe Iracé se iii de droile : , g : l1lche).
1
Fig 9. - Courbe démographique de la main gauche une demi-heure après un accès
(le trace se lit de dioite a gauche).
NOTE SUR L'ETAT DES FORCES.
l'intensité des tremblements et l'affaiblissement des mouvements vo-
lontaires. Cette connexité vient en effet à l'appui de la théorie qui fait
de ces deux phénomènes les indices de l'épuisement des centres mo-
teurs. Lorsque les décharges des cellules motrices s'éloignent et s'af-
faiblissent, les contractions musculaires qui en résultent s'affaiblissent
et s'éloignentaussi, de sorte que, en même temps qu'elle devient moins
énergique, la tension des muscles au lieu d'être continue devient ré-
mittente ; plus les intervalles des décharges se 'prolongent et s'affai-
blissent, plus les mouvements volontaires sont faibles.
Chez plusieurs épileptiques atteints d'hémiplégie avec hémichorée,
j'ai étudié les mouvements anormaux comparativement à l'état normal
et à la suite des attaques, àl'aided'un tambour myographique appliqué
sur les muscles des membres supérieurs et en particulier sur le biceps.
La figure 11 a donne un tracé de ce genre à l'état normal, la figure 12
donne deux tracés du même muscle chez le même malade deux et trois
heures après une attaque d'épilepsie; on voit qu'il reste encore après
trois heures une exagération des mouvements qui est beaucoup plus
forte à une époque plus rapprochée du paroxysme. Cette exagération
Fic. 10 - a. tremblement de la main droite; b. tremblement de la main gauche; i
c. courbe pneumographique une demi-heure après un accès.
12 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTtUËRE.
des mouvements choréiques peut être exagérée dans d'autres circon-
stances. C'est ainsi que dix minutes après le choc du tendon du triceps
(ng. 11, b) les mouvements sont encore exagères en intensité et en
fréquence. Cette observation met bien en lumière la possibilité de
mettre en évidence par les irritations périphériques les tendances spas-
modiques latentes et en particulier la contracture latente'. Ce ne sont
1. Ch. Féré, Note sur un cas d'hémiplégie avec paraplégie spasmodique (ilrch, de neu-
rologie, 1882).
Fin. 11. - Courbe myographiquo du biceps gaucho chez G. atteint d'hémiathatose gauche.
a. à l'état normal ; b. dix minutes après un choc sur le tendon du triceps.
Fig. 12. - Courbe myographique du biceps gauche, a. deux heures
et b. trois heures après un accès d'épilepsie chez G..., atteint d'hémiathétose gaucho.
' , NOTE SUIt L'ÉTAT DES FORCE ? -13 111
pas seulement d'ailleurs les irritations portées sur les membres du côté
choréique qui sont capables d'exciter les mouvements anormaux; les
efforts même peu violents faits avec les membres du côté opposé
peuvent produire le même résultat. J'ai déjà cilé un malade qui, sous '
l'influence d'un effort léger de la main droite, est pris de tremblement
dans son côté gauche hémiplégique, tremblement bientôt suivi d'une
attaque épileptique avec perte de connaissance si l'effort continue.
1 ic. 13. - Courbes myographiques chez un sujet hémichoréique.
a. à l'état normal; b. sous l'influence d'une excitation auditive. '
t Fig. 14. - Courbe pneumographiquo et courbe myographique du biceps brachial gauche
chez B... atteint d'hémiathétose gauche. -
44 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
Chez d'autres malades du même genre, il suffit d'une excitation senso-
rielle pour produire le même résultat; Bravais' a rapporté l'histoire
d'un malade qui était pris d'un accès d'épilepsie hémiplégique sous
l'influence d'une excitation visuelle. Il n'est pas rare de voir des ma-
lades prendre des accès à propos d'un examen ophtalmoscopique,
de l'examen de l'acuité visuelle, de la vision chromatique, etc. D'autres
malades ont des accès chaque fois que leur attention est fortement
fixée par une excitation quelconque. La figure 13 donne la courbe
myographique d'un hémichoréique à l'état normal (a), et (b) sous l'in-
fluence d'une excitation auditive produite par la vibration d'un dia-
pason. Chez ce dernier malade comme chez le premier, et comme
chez celui de Bravais, si l'excitation esl prolongée, il se produit un
accès d'épilepsie, à moins toutefois que le' malade n'ait été déchargé
par un accès récente.
Je ferai encore remarquer que les mouvements hémichoréiques spon-
tanés ou provoqués ne sont pas exclusivement limités aux membres,
en général ils s'étendent au thorax, et se traduisent par des saccades
de l'expiration (fig. 1).
. Cii. FEUE,
Médecin de Bicêtre.
1. Bravais, Recherches sur les symptômes et le traitement de l'épilepsie hémiplégique.
Th. je7, p. 19.
2. Ces faits méritent d'être rapprochés de ceux que j'ai signalés ailleurs (Bull. Soc. biol.,
1885, p. 590; - Sensation et mouvement, Bibliothèque de philosophie contemporaine,
1887, p. 70; - Bull. Soc. biol., 1888, p. 15) et relatif aux effets généraux des excitations
locales.
L'ACROMÉGALIE
(Suite 1)
uns. XII. « mye C.; âgée de quarante-deux ans, femme forte et bien
bâtie, s'adresse à moi, au Boston City Hospital, le 27 juin 1884, à cause de la
diminution de sa vision. Elle était dans d'assez bonnes conditions, et depuis-
la rougeole,quand elle avait quatorze ans, elle n'avait jamais été malade. Elle
1. Voy. les n" 5 et 6, t. I, 1888. -
2. 0. F. lVadswortl. case ontj/tEoeaems witla atrophy of'tlae optic nerues - Boston
medical and surgical Journal, 1° janvier 1885. (L'indication de l'existence de cette
observation et d'un rapport possible entre elle et l'acromégalie se trouve dans la commu-
nication de MM. Haddcn et Ball,lIlce à la Société clinique de Londres, 1888.)
FIG. 15 (Obs. XII).
16 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
avait été mariée douze ou quinze ans, mais n'availpas eu d'enfants. Ses mens-
trues avaient été régulières jusqu'à il y a trois ans. époque à laquelle elles
cessèrent. - Il y a environ sept ans, ses doigts et ses mains, deux ou trois ans
plus tard ses pieds et la partie inférieure de son visage, lèvres, nez et pau-
pières commencèrent à augmenter de taille. Cette augmentation s'accrut
progressivement, etdepuis longtemps elle était obligée de faire faire ses souliers
tout exprès, étant incapable d'en trouver d'assez larges. Sa parole devint un
peu épaisse el lente, ses mouvements plus lents qu'auparavant. Excepté des
sensations transitoires d'engourdissement dans les parties affectées et de
brûlure dans les pieds et les jambes, elle n'avait rien éprouvé de vraiment
pénible. Récemment, cependant, elle avait ressenti une légère»dyspnée après
un exercice actif. La diminution de la vision ne fut remarquée qu'il y a un
an el demi environ, et avait constamment progressé. Une enquête soigneuse
près d'elle et près de son mari ne permit de retrouver l'existence d'aucune
douleur. Elle n'avait jamais eu de céphalalgie. Il n'y avait aucune diminu-
tion de l'intelligence ni de la mémoire. L'appétit était bon, les fonctions in-
testinales un peu paresseuses, la miction normale, le sommeil lourd.
« La partie inférieure de la face était pleine, pesante, d'une teinte cireuse,
les plis naturels avaient disparu (fig. 15, 16, 17, 18). Les lèvres étaient
grosses, le nez grand, ses ailes larges et épaisses, les paupières gonflées en
sacs. - Les mains et les doigts étaient grossiers et carrés, l'épaississement
étant surtout prononcé à la face palmaire où les tissus pouvaient être pincés
en plis épais, et donnant la sensation d'un développement excessif du tissu
adipeux sous-cutané. Les pieds étaient très gros et très larges, le gonflement
(swelling) ne s'étendait pas au-dessus des malléoles, et quoiqu'il y eût à la
jambe droite de grosses veines variqueuses, il n'y avait de dépression oedéma-
teuse (pitting) ni la ni ailleurs. La langue était grosse et plutôt pâle. La peau
n'était pas sèche au toucher, mais la malade affirmait qu'elle ne transpirait
jamais. La thyroïde était d'un volume normal. L'auscultation ne révélait rien
d'anormal au coeur ni aux poumons. La température et le pouls étaient nor-
maux. Le réflexe rotulien existait. Pas d'anesthésie de la peau. Urine nor-
male il tous les points de vue.
« L'examen des yeux montra que la conjonctive, la cornée et l'iris étaient
dans un état normal. Les mouvements des yeux étaient bons. A droite la
lumière seule était perçue. A gauche la vision était de 20 : 40 (P. contracled
in aU directions, but Io much greater degree upward and ou6wa°d). Les
milieux étaient transparents. Dans les deuxyenx les papilles étaient nettement
limitées, grises avec une légère teinte bleuâtre, sans vascularisation; les
vaisseaux centraux, artères et veines, étaient grêles, il tout autre égard le fond
de l'oeil était normal. » J
OBs. XIIII. - Femme mariée de trente-cinq ans. Elle avait cutroisenf'ants
1. Charles A. Rallance et W. B. lladden. Cas d'hypertrophie des tissus sous-cutanés de
la face, des mains et des pieds. - Communiqué à la Société clinique de Londres le
23 janvier 1885. Clinical Societg's Transactions, vol. XVtlt. -Voir aussi ClinicaiSociely's
'L'ACRO111 : GA1.11's. 47
en dix ans, pas de fausses couches. Rien il noter au point de vue delà famille.
Jusqu'à ces dernières deux années et demie elle n'avait jamais été malade. A
celte époque la scarlatine éclata dans la maison, un de ses enfants en mourut.
La malade elle-même eut mal à la gorge et de l'oedème des pieds, mais pas
d'éruption. Elle affirme qu'il exista aussi à cette époque de l'oedème des
mains, mais non de la face, ce fait n'est d'ailleurs pas signalé dans une lettre
du médecin traitant qui la vit à cette époque; a la suite de la scarlatine elle
eut un gonflement douloureux des deux genoux, il semble bien s'être agi
d'une attaque de rhumatisme. - Celte femme attribue son état actuel à la
fièvre scarlatine, bien qu'elle reconnaisse qu'elle avait des picotements dans
les mains auparavant.
Les règles cessèrent quelques mois avant la scarlatine et ne reparurent
plus depuis.
Lors de l'examen on constate que la face est large et bouffie et diffère
d'une façon frappante d'une photographie faite quelques mois avant la scar-
latine. Le nez est large et les ailes épaissies. Les maxillaires supérieurs et
inférieurs sont augmentés de volume d'une façon uniforme. La lèvre infé-
rieure est épaisse, rosée et renversée. Les glandes sous-maxillaires étaient
aisément senties, mais non hypertrophiées d'une façon certaine. Le cou
était plein, court, et les tissus sous-cutanés semblaient y être trop abondants.
Les dimensions du corps thyroïde étaient normales; il y avait peu de proé-
minence au-dessus des clavicules. Les clavicules elles-mêmes étaient très
incurvées et distinctement plus larges et plus épaisses que normalement.
Les mains étaient remarquablement larges, leur augmentation de volume
étant due à un épaississement des tissus sous-cutanés qui était particulière-
ment évident au bord interne de la main. La peau était moite, il existait des
plis sur le dos des doigts. Les ongles étaient larges mais, d'ailleurs, parais-
saient sains. Les phalanges et lès métacarpiens n'étaient pas élargis.
La circonférence de chaque main faite à la région moyenne est de 9
pouces; autrefois la malade faisait usage de gants n° 7.
Les pieds étaient plus affectés que les mains; la circonférence il la partie
moyenne est de 12 pouces; avant la maladie cette femme portait des
souliers n° i large, puis elle prit du 6 large, et maintenant il lui faut du
8 large. Il y a un épaississement sous-cutané très marqué au bord externe du
pied, il la face plantaire et au dessous de la malléole interne, mais très peu
sur le dos du pied. Les parties épaissies forment des masses qui pourraient
aisément être prises entre le pouce et l'index. Les cheveux sont doux et
d'aspect naturel, ils n'ont pas de tendance à tomber. Le coeur et les poumons
o n été trouvés sains, l'urine non albumineuse.
La parole n'était pas lente, mais nettement gutturale, ce qui était attribué a
une hypertrophie inusitée des amygdales, celle-ci gênant la parole, la dégluti-
tion et la respiration. En fait, c'est pour cette affection que la malade demanda
Transactions, 1888, séance du 13 avril, une communication complémentaire de MM. Bal-
lance et Hadden au sujet de cette même malade. .
48 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.
les soins du D'Ballance qui enleva les amygdales. Celle femme jouissait d'une
assez grande activité physique el psychique. La peau du corps était natu-
relie ainsi que lasécrétiou de la sueur; pas d'aneslhésie.
- A la séance de la Société clinique de Londres, le 13 avril 1888,
MM. IIadden et Ballance complétèrent sur quelques autres points l'observation
de cette malade, ces nouveaux renseignements proviennent d'un examen de
cette femme fait dix-huit mois après le premier.
Le corps thyroïde ne peut être senti par la palpalion, mais on ne peut af-
firmer avec certitude qu'il soit atrophié, par suite delà difficulté qu'apporte à
cette exploration l'épaisseur du cou.
Il n'y avait pas de signe d'hypertrophie du thymus, notamment pas [de ma-
tité derrière la partie supérieure du sternum ; il existe un peu de gonflement
au-dessus des clavicules, ces os sont très incurvés cl distinctement plus
grands et plus épais que normalement.
Circonférence de la main au niveau des articulations métacarpo-pha-
Fia. tr., n, 18 (Ob.. XII).
L'ACROMÉGALIE. 49
langiennes : main droite 9 pouces ? main gauche 9 pouces i/2. Le médius
droit est long de 4 pouces Il ? le gauche de 4 pouces ils; en gros, on peut
dire que l'augmentation de circonférence de la main est de 2 pouces i/2 ; i
aucun affaiblissement de la force musculaire, la malade se sert de ses mains
aussi bien qu'auparavant.
Circonférence du pied droit à la racine des orteils, 10 pouces 1/2;
au niveau du milieu de la plante du pied 11 pouces ? - Les avant-
bras et les jambes ne montrent aucune augmentation de volume.
La parole n'est pas lente, mais très nettement gutturale. - La langue est
large, probablement hypertrophiée.
Nous avons récemment découvert que la malade est presque complète-
ment, aveugle de l'oeil droit. La date de la diminution de la vue est incertaine,
mais la malade croit que .sa vue a été trouble depuis qu'elle a eu ce qu'elle
appelait sa diphtérie, il y a trois ans. Quatre mois plus tard, elle découvrit t
qu'elle ne voyait presque .pas. 1
Il n'y a aucun commémoratif de mal de tête du côté droit. M. Nettleship
fit l'examen ophtalmoscopique et nota ce qui suit : « Il y a peu d'action di-
recte à la lumière de la pupille droite, mais l'action indirecte est bonne. Il y
aune atrophie blanc bleuâtre de la pupille droite, ses veines sont très tor-
tueuses, et il y a un peu de « tissu » au centre de celle-ci. Il existe une petite
tache de pigment sur la choroïde un peu au-dessus de la papille. Les artères
sont normales. Il n'y a pas d'autres apparences de névrite. La pupille op-
tique gauche est normale. »,-111. Nettleship était de l'opinion qu'il y avait
probablement eu de la névrite du .nerf optique droit.
L'intelligence était bonne. , ,
. Pas de sudation excessive, ni de soif exagérée.
Pas de courbure du rachis, la tête ne tombe pas sur le sternum.
Le crâne n'avait pas subi de modification. dans ses dimensions; la malade
n'a, notamment, jamais été obligée de modifier la largeur de ses bonnets.
OBs. Xi. Musicien russe, âgé de trente-huit ans, pas d'antécédents
héréditaires; marié à l'âge de vingt ans, a eu huit enfants qui sont bien déve-
loppés quoique un peu faibles. , , .
En 1877, à l'âge de vingt-huit ans, il sembla au malade que ses doigts com-
mençaient à devenir plus épais; il fut forcé de quitter une bague qu'il avait
l'habitude de porter, parce que cele-ci lui était devenue trop étroite. Il n'y
fit d'ailleurs pas plus attention. Une couple d'années plus tard, douleurs de
tête continues. Bientôt il remarqua que ses pieds commençaient à devenir plus
gros. Ses bottes devinrent trop étroites, et, au lieu du n°9, il arrive à chausser
des caoutchoucs n° 10, 11 et enfin 12. Les mains augmentèrent aussi d'épais-
seur de plus en plus, de telle sorte que le malade ne put bientôt plus jouer
du violon, étant dans l'impossibilité de donner des notes pures. Il commença
1. O. Minkowski, Ueber einen 1%all von Akromegalie (Berlin, klin. Wochensclar., 1887,
u· 21 ).
u. i-
50 NOUVELLE IGONOGRAP111E.DE LA SALPÊTRIÈRE.
à jouer du cornet à pistons et se vit bientôt forcé d'employer une embouchure
plus grande, parce que les lèvres étaient, elles aussi, devenues plus épaisses. De
même, au nez et aux oreilles, il constata dans les derniers temps un épaissis-
sement notable, la forme générale du visage aurait changé dans les dernières
années. Aggravation des douleurs de tête qui, bien que continues, présentent
des paroxysmes très violents dans la moitié gauche de la tête. Dans l'été de
188G, diminution de la vue, d'abord dans
l'oeil gauche, puis dans le droit; cette dimi-
nution devint telle qu'en jouant le malade
ne pouvait plus lire les notes. L'ouïe semble
aussi être diminuée dans l'oreille gauche.
(État actuel) 1er novembre 1886 (fig. 19).
- Le malade est de moyenne grandeur
(104 centimètres), paraît anémique, se trouve
dans un état de nutrition satisfaisant. Dès le
premier coup d'oeil, on est surpris par la gros-
seur extraordinaire des mains. Celles-ci pa-
raissent absolument élargies et épaissies, un
peu courtes par rapport à leur épaisseur et
à leur largeur. Les doigts sont également
énormément épaissis. L'augmentation de vo-
lume est manifestement due en partie à un
épaississement des os, mais l'hypertrophie
des parties molles joue encore un plus
grand rôle, de sorte que les saillies normales
au niveau des extrémités articulaires sont
peu marquées. Le tissu cellulaire sous-cutané,
de même que la peau, est dans toute sa pro-
fondeur hypertrophié, mais semble d'ail-
leurs, à part cela, présenter un aspect nor-
mal, sauf que les plis de la peau et les bulbes
pileux semblent s'être un peu écartés les
uns des autres. L'épiderme est complète-
ment normal et tendre, les ongles sont
élargis, un peu aplatis, et montrent une
striation longitudinale nette ; en comparai-
son avec les doigts ils paraissent un peu
petits.
Les avant-bras paraissent aussi un peu épaissis, quoique a une lapon moins
marquée que les mains; en tout cas il semble exister un certain désaccord
entre eux et les bras dont les dimensions laissent un peu à désirer. L'extré-
mité supérieure toute entière offre l'image d'une hypertrophie allant en aug-
mentant de la racine vers la périphérie.
Aux extrémités inférieures, il en est de même que pour les supérieures. Ici
Fir. 19 (Obs. XIV).
L'ACROMÉGALIE. 51
encore existe d'une façon non douteuse une hypertrophie qui est plus pro-
noncée dans les parties périphériques. Les cuisses paraissent tout à fait nor-
males ; les jambes présentent une augmentation de volume modérée; quant
à celle du pied elle est énorme, et ici encore ce sont les parties les plus péri-
phériques, les orteils et le talon, qui mbntrent la plus grande augmentation de
volume; les gros orteils ont vraiment un aspect presque gigantesque. La
rotule semble aussi un peu grosse et massive, comme du reste toutl e genou
qui est assez volumineux.
Aussi au visage on remarque une hypertrophie notable, surtout accentuée
au nez, aux lèvres et au menton. Aunez, en particulier, la pointe et le septum
sont très augmentés de volume comme le montre la figure 20. Le maxillaire
inférieur, surtout au niveau du menton, est manifestement épaissi, un peu
élargi et considérablement allongé, de sorte que les dents du maxillaire in-
férieur se trouvent placées un peu en avant de celles du maxillaire supérieur;
les parties molles également sont épaissies au niveau du menton qui proé-
mine' fortement. Les os zygomatiques et les rebords orbitaires du frontal
sont aussi assez fortement proéminents. La tête toute entière a une forme
particulière d'ovale allongé qui répond entièrement à celle que P. Marie donne
comme caractéristique de l'acromégalie. Les oreilles, elles aussi, sont remar-
quablement grosses et difformes, on sent très nettement que les cartilages
sont d'une épaisseur et d'une résistance anormales, et on n'arrive pas à plier
complètement en avant le pavillon de l'oreille.
Les yeux font une saillie assez singulière, à gauche surtout semble exister
une véritable exophtalmie, cependant la fente palpétrale n'est pas dilatée,
les cartilages tarses semblent un peu élargis. Les pupilles sont des deux côtés
également étroites, réagissent également à la lumière et à la convergence mais
d'une façon un peu paresseuse; les mouvements des yeux se font aisément.
. La langue est grosse et massive, la muqueuse des joues et du palais par-
tout hypertrophiée.
Les cartilages du larynx paraissent peut-être un peu volumineux, surtout
FIG. 20 (Obs. XIV). Nez du malade vu par en bas.
M 12 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
à l'image laryngoscopique, mais sans qu'on puisse constater une véritable
hypertrophie.
Le corps thyroïde semble nettement atrophique, c'est à peine si par la pal-
pation on arrive à le sentir.
La colonne vertébrale présente dans la partie supérieure de la région dor-
sale une cyphose plane; la tête est fortement courbée en avant, les parties
molles de la nuque un peu épaissies. Les côtes ne semblent pas être élargies,
les espaces intercostaux peuvent être nettement sentis; le sternum lui non
plus n'est pas hypertrophié, seul, l'appendice xiphoïde est notablement
élargi et épaissi. '- .
La musculature est, dans le corps entier, assez pauvrement développée et
' un peu molle. Il n'existe aucune manifestation paralytique, mais la force dont
dispose le malade est en général assez faible. Pression de la main au dynamo-
mètre gauche, 20 k. ; droite 23 k. La démarche est un peu lourde, surtout
semble-t-il parce que la pointe du pied a une tendance à tomber un peu en
bas. Rien de particulier à remarquer aux jointures.
La sensibilité est partout normale, de même que les réflexes cutanés et ten-
dineux. Il n'existe pas de troubles de l'urine ou de la miction.
L'examen minutieux de la vision donne une diminution assez considérable
de l'acuité visuelle, surtout pour l'oeil gauche (les doigts ne sont reconnus
que lorsque l'éloignement ne dépasse pas 5c.1. Le champ visuel est pour l'oeil
droit rétréci de tous les côtés ; il existe de plus une abolition totale pour le
segment supéro-externe; pour l'oeil droit également, abolition complète de
la vision dans le segment supéro-externe allant jusqu'à 15° du point de fixa-
tion. Le champ visuel pour les couleurs n'a pas été recherché d'une façon
spéciale; le malade reconnaissait le vert des deux yeux et centralement.
L'examen ophtalmoscopique donne des résultats normaux sans. aucune dif-
férence entre l'oeil droit et le gauche.
L'acuité auditive est aussi plus atteinte il gauche qu'à droite. Le malade
entend, le tic-tac, d'une montre à droite à une distance de 20 centimètres,
à gauche seulement aune distance de 5 centimètres. Le goût et l'odorat
sont normaux.
L'examen des organes internes ne donne rien d'anormal ; l'urine présente
une composition et une abondance ordinaires. Pas d'augmentation de la
sensation de la soif. '
L'intelligence du malade est libre; la parole est lente, un peu monotone,
mais ne présente aucune anomalie.
Le malade est d'une humeur un peu triste, ce qui s'explique d'ailleurs par
la céphalalgie persistante, par la diminution progressive des sens de la vue et
de l'audition, ainsi que par le trouble que tout cela a apporté à l'exercice de
sa profession. ' '
OBs. XV ? Femme de cinquante-huit ans; pas d'antécédents héréditaires;
1. W. Erh, Ueber Alcromegalie (krankha[ten lüescuwuchs). - Deutsche Arch. f. hlin
Med., 1888, L. XLII, fuse..1, p. 29G.
L'ACROMÉGALIE. M
aucune affection analogue non plus chez ses enfants ou chez ses collatéraux.
Début à l'âge de quarante-huit ans. - De quarante à quarante-huit ans
fréquentes attaques de migraine.
Avec l'apparition de la ménopause à l'âge de quarante-huit ans se montre
l'augmentation de volume du visage et des mains, et presque en même
temps aussi des pieds et du tronc. En trois à six mois cette augmentation
atteignit un haut degré, puis, pendant les trois ou quatre années suivantes, ses
progrès furent lents; depuis les six dernières années l'augmentation de vo-
lume s'est arrêtée, et même, depuis un an, la lèvre inférieure auraitperdu un
peu en grandeur et en épaisseur.
L'augmentation de volume s'accompagna de fourmillements et d'engour-
dissement.
Accroissement et projection en avant du maxillaire inférieur, de sorte que
les dents ne pouvaient plus s'appliquer l'une sur l'autre. La langue devint
plus épaisse, la voix prit un timbre plus bas; le visage devint plus brun, la
tète toujours plus grosse.
Les mains et les pieds se montrèrent bleuis, froids, épais et sans formes,
les ongles plus larges, mais moins longs que normalement; maladresse des
mains.
Depuis quatre ans, disparition des douleurs dans les bras et les jambes.
Dès le début de la maladie, faiblesse générale, somnolence, tendance à
oublier, difficulté pour penser, céphalalgie de quatre à huit heures du matin-
La vision n'est pas bonne, un peu nuageuse.
Grande impressionnabilité au froid, sécrétion sudorale abondante.
Pas de traumatisme antérieur, rien qui indique l'existence de la
syphilis.
État actuel. - Taille 152 centimètres; poids 87,3 kilogrammes.
Parole un peu lente. Les fonctions cérébrales ne sont pas sensiblement
Iroublées.
La tête est épaisse, le visage grand et large, mais sa forme générale est
plutôt ovale. Le nez très large et puissant. La lèvre inférieure très épaisse,
un peu pendante. La peau du visage est épaissie et montre une coloration
d'un brun jaunâtre. Sillons profonds sur le front, paupières plus volumi-
neuses que d'habitude. Pas de développement notable du tissu conjonctif
sous-cutané. Aucune trace d'oe,dème. Peau souple. Oreilles normales comme
dimensions et coloration (fig. 21).
Cheveux et sourcils bien développés.
La région malaire fait une saillie notable; les os malaires sont devenus
plus massifs et plus longs. Pas d'altération bien marquée au maxillaire supé-
rieur ; la plupart des dents manquent, les processus alvéolaires sont
atrophiés.
Le maxillaire inférieur est allongé et épaissi considérablement surtout dans
les deux tiers inférieurs. La rangée des dents de ce maxillaire est à en-
viron un centimètre en avant de celle du maxillaire supérieur.
54 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
Largeur du nez à l'entrée des narines, 5 centimètres. Langue très volumi-
neuse, faisant saillir le plancher buccal quand la bouche est fermée; largeur
4 centimètres près de la pointe, 7 centimètres 11 la partie moyenne, la langue
étant tirée. '
Le palais et la luette paraissent manifestement volumineux, cette dernière
1"1(;. 21 (01 ? XV).
L'ACROMÉGALIE. 55
est au moins le double de largeur de ce qu'elle est à l'état sain. Amygdales
larges, crevassées.
Larynx assez large. Le corps thyroïde semble manquer complètement.
Epaississement et élargissement très marqués de l'extrémité interne des
clavicules; la partie sternale des côtes estaussi notablement élargie.
La nuque et le dos sont très larges, ce dernier est cyphotique dans la région
dorsale. '
Thorax grand, large, rigide. Circonférence 100 centimètres environ; ma-
melles flasques et pendantes.
L'acromion est peut-être un peu épaissi, l'humérus ne semblé l'être en
aucun point. Les os de l'avant-bras sont élargis et épaissis surtout vers leur
extrémité périphérique. De même pour ceux de la main et des doigts. Les
parties molles sont, elles aussi, hypertrophiées; aux mains, c'est surtout le tissu
sous-cutané, aux avant-bras les muscles.
Les doigts sont très déformés, surtout au niveau des dernières phalanges,
principalement par suite de l'épaississement de la pulpe (diamètre de la
dernière phalange du pouce, 2 cent. 75 du médius, 2 cent. 25).
Les sillons entre la dernière et la moyenne phalange ont presque disparu.
Les ongles sont'tous striés en long, très courts (6 à 9 mm.) et très larges
(15 à 25 mm). '
La musculature de l'épaule et du bras est en bon état, au contraire les flé-
chisseurs et les extenseurs à l'avant-bras, muscles dont le volume est exa-
géré, paraissent plutôt affaiblis. - Dynamomètre à droite 12°; à gauche 11°
(au lieu de 30°-50° chiffre normal). '
Les petits muscles des mains exécutent tous les mouvements; quoiqu'un
peu faibles, ils sont assez volumineux.
Excitabilité mécanique des muscles normale, le réflexe tendineux du'triceps
existe. ' ,
Légers troubles de la sensibilité surtout au contact sur les avant-bras, les
mains, les dernières phalanges. ' . '
Suit une série de mensurations dont nous extrayons les suivantes :
5(i NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALIIÈTRIÈIIE.
L'ACROMÉGALIE.
Pas d'anomalies qui puissent être constatées sur le foie, la rate et les pou-
mons. Urine contenant une très faible quantité d'albumine, avec quelques-
cylindres hyalins et granuleux.
Grandes lèvres assez grandes, le col de l'utérus ne peut être atteint par
suite de l'épaisseur des parties molles des organes génitaux externes.
Température du corps complètement normale.
Rien à signaler du côté du système nerveux central, non plus que du côté
des organes des sens. Pour l'oeil S = 6/12, le cristallin est un peu scléreux,
quelques flocons dans la partie antérieure du corps vitré. Pas d'altérations
notables du fond de l'oeil, les vaisseaux rétiniens ne sont pas dilatés ; au-
cune affection rétinienne.
La recherche de la sensibilité farado-cutanée par la méthode de Erb donna
à la face, aux membres supérieurs et inférieurs des chiffres normaux, sauf
au niveau de quelques points sur la cuisse droite, où les plus forts courants
faradiques ne pouvaient provoquer aucune douleur, tandis que les sensations-
minima étaient produites avec l'écartement habituel des bobines.
Ici M. Erb donne un tableau des diverses réactions électriques. Le ré-
sumé des résultats obtenus est formulé par lui de la façon suivante : la
peau présentait une résistance électrique extraordinairement faible; d'autre-
part les intensités des courants minima nécessaires à l'excitation des nerfs et
des muscles étaient extraordinairement grandes : pour la Ka SZ dans les dif-
férents nerfs 4,5-6,0 MA, tandis que chez les hommes sains, vigoureux
d'âge moyen, la moyenne est de 0,5-2. - lI. Erb ne veut pas affirmer
qu'il s'agisse là de quelque chose de pathologique, étant donné l'âge de la
malade, l'épaisseur de la peau et celle de la couche adipeuse sous-cutanée,
mais croit, qu'en tout cas, le fait vaut la peine d'être signalé.
Pendant son séjour à la clinique, la malade eut deux accès de migraine
avec vomissements fréquents et abondants. Le traitement employé pendant
ce séjour, traitement d'essai, dit M. Erb, consista en galvanisation de la tête,
de la nuque et du grand sympathique, bains tièdes lactate, de fer, extrait
de quinquina.
Lorsque la malade sortit, elle paraissait notablement améliorée, elle se-
servait plus aisément de ses mains, et celles-ci étaient plus molles et sem-
blaient moins gigantesques.
En octobre 1887, M. Erb fit revenir cette malade pour rechercher s'il trou-
verait chez elle la matité de la région supérieure du sternum qu'il avait cons-
tatée chez les deux frères Hagner (observations publiées antérieurement par
Friedreich et dont il sera question plus loin dans ce travail). Voici quels furent
les résultats de sonexamen : la moitié supérieure du sternum et les parties du
thorax immédiatement contiguës à celle-ci sont à la percussion notablement
moins sonores ; larégion où l'on constate cette diminution de la sonorité a la
. l'orme d'un trapèze dont la base supérieure mesure environ 12 cent., la
base inférieure 8 cent., les bords latéraux 9 cent. La matité cardiaque
. par sa partie supérieure se confond avec la limite inférieure de la zone qui
58 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
vient d'ûtrc décrite ; elle dépasse à droite le bord droit du sternum. - A
l'auscultation, souffle systolique intense s'étendant de la partie moyenne de
la région occupée par la matité cardiaque jusque vers les clavicules. Les bat-
tements sont assez irréguliers, le pouls intermittent et largement tendu; on
ne constate pas d'artério-sclérose.
Une surveillance attentive des urines permit de fixer la quantité rendue
dans les vingt-quatre heures à environ 1300-2250 centimètres cubes. Poids
spécifique 1017-1023, très légères traces d'albumine, phosphates abondants.
Assez souvant gêne respiratoire, la malade a éprouvé une fois encore. des
douleurs de tète avec vomissements.
Au bout de dix à douze jours, les battements cardiaques s'étaient régula-
risés, le bruit de souffle systolique était devenu plus faible.
PIERRE Marie.
(A suivre.)
NOUVELLE ICONOGRAPHIE T II, PL. VII
CLICHÉ A. LONDE JlHOTOTYPIK BEWHAUD
LECROGNIER & BABÉ, ÉDITEURS
DOCUMENTS SATIRIQUES SUR MESMER
l I
, . Le voilà ce mortel dont le siècle s'honore
Par qui sont' replongés au séjour infernal ,
- Tous ces Iléaux vengeurs que déchaîna Pandore,
Dans son art bienfaisant il n',i point (le rival
Et la Grèce l'eût pris pour le Dieu d'Épidaure. -
. - , '
Qu'étaitle M. Pallissot qui signa des vers aussi dithyrambiques (pi.VII) ?
Nous n'en'savons'-rien : : - peut-être un malade guéri par Mesmer;
à coup sûr un enthousiaste de ses doctrines, car Mesmer avait des doc-
trines et lesquelles 1 ' 1
Traduisait-il l'opinion publique ? Dans la circonstance, oui et non,
et cela se comprend. ' , .
La science de Mesmer paraissait en effet si merveilleuse, les effets
qu'il obtenait si singuliers, que cet apôtre, ce rénovateur, cet exploiteur
du magnétisme, qu'on lui donne les noms qu'on voudra, il les mérite
un peu tous, devait fatalement soulever autour de lui et des enthou-
siasmes et des dénigrements peut-être systématiques.
Jamais homme en effet, de son temps même, ne fut plus discuté; et
véritablement, ce fut avec raison qu'on jeta la pierre à ce personnage
cupide qui, sous le fatras et l'obscurité de ses doctrines, cachait tous
les appétits d'un ambitieux sans vergogne. - "*
Une seule chose plaidera cependant pour lui devant la postérité :
c'est d'avoir inspiré, bien involontairement d'ailleurs, les recherches
' qui amenèrent Puységur à la découverte du somnambulisme artificiel.
Si donc Mesmer eut ses apologistes, les détracteurs ne lui firent pas
défaut et, à une époque où on aiguisait si finement l'épigramme, il se
vit raillé de toutes parts; sur le théâtre on parodia ses séances, en même
temps que les caricaturistes ridiculisaient le fameux baquet et les
pratiques absurdes du médecin viennois.
Parmi ces allégories satiriques, il en est quelques-unes de fort inté-
ressantes ; de plus, notre mâître,M.le professeur Charcot, a bien voulu
60 ' NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
avec sa libéralité ordinaire, nous communiquer une aquarelle inédite
dont nous avons pu reconstituer l'histoire.
Nous avons pensé qu'à une époque où le magnétisme est l'objet de
tant de discussions - encore passionnées - il pourraitêtreintéressant
de faire, dans ce Recueil, une place à l'allégorie satirique si chère à nos
pères et qui, en somme, mère de la caricature d'aujourd'hui, n'était
pas inférieure à sa fille.
Mais pour qu'on pût interpréter avec nous les pièces que nous repro-
duisons, également, il nous a semblé nécessaire de dire quelques mots
'du séjour de Mesmer à Paris. "-
C'est en février 1778 que Mesmer, Allemand d'origine - on ne
s'étonnera plus de sa cupidité - se rendit dans la capitale pour se
consoler des déboires qu'il avait subis à Vienne d'où il avait été à peu
près expulsé après une aventure scandaleuse. Il était âgé de 45 ans, étant
né le 23 mai '1733 à Weill, près de Stein, sur le Rhin.
A vraiment dire ce n'était pas un inconnu qui arrivait, car Paris avait
eu l'écho des discussions qu'il avait soutenues contre les médecins de
Vienne où il avait publiéen 1766 sa fameuse Dissertation sur l'influence
des planètes sur le corps humain.
On trouvait, entre autres choses, dans cette mémorable brochure, les
fameuses propositions qui, certainement à cause de leur obscurité
même, servirent pendant si longtemps de catéchisme aux magnétiseurs,
propositions dont nous devons rapporter quelques-unes pour l'éclair-
cissement des documents que nous publions.
« 1° Il existe une influence mutuelle entre les corps célestes, la
terre et les corps animés.
« 10° La propriété du corps animal qui le rend susceptible de l'in-
fluence des corps célestes et de l'action réciproque de ceux qui l'en-
vironnent, manifestée par son analogie avec l'aimant, m'a déterminé à
le nommer magnétisme animal.
« 11° L'action et les vertus du magnétisme animal ainsi caractérisées
. peuvent être communiquées à d'autres corps animés ou inanimés.
« 15° On observe à l'expérience l'écoulement d'une matière dont la sub -
tilité pénètre tous les corps sans perdre notablement de son activité.
« 23° On reconnaîtra par ces faits, d'après les règles pratiques que
j'établirai, que ce principe peut guérir médiatement les maladies de
nerfs et immédiatement les autres.
« z4' Qu'avec son concours le médecin est éclairé sur l'usage des médi-
caments ; qu'il perfectionne leur action et qu'il provoque et dirige les
crises salutaires de façon à s'en rendre maître.
« ? 5° En communiquant ma méthode je démontrerai, par une théorie
DOCUMENTS SATIRIQUES SUR MESMER. 61
nouvelle des -maladies, l'utilité universelle du principe que je leur,
oppose. nez -
Mesmer inventait-il donc quelque chose, pour nous parler de sa'
méthode, de sa théorie nouvelle. En aucune façon ; il ravivait sim-
plement, à son bénéfice du reste, la doctrine de l'attraction universelle.
Comme le magnétisme de Mesmer, lavis naccgr7etica des vieux alchimistes
n'est que la force agissant à distance. Ces elle qui détermine l'influence
des corps célestes les uns sur les autres, leur action sur notre globe et
les influences réciproques de tous les corps célestes et terrestres. Mais
il n'était pas homme à s'èmbarrasser des travaux de ses devanciers .
dans ses revendications personnelles.
Le voici donc modestement installé place Vendôme, quartier qui
était loin alors de l'élégance architecturale et du renom aristocratique
qu'il possède aujourd'hui. Ses confrères de Paris le viennent aussitôt
visiter. Riant sous cape de la singularité et de l'obscurité de ce qu'il
appelle pompeusement ses doctrines, ils le mettent au pied du mur en
lui envoyant des malades à traiter, espérant ainsi le discréditerauxyeux
du public par les insuccès qu'il devait, suivant eux, infailliblement
remporter. Ce en quoi ils se trompèrent singulièremen 1. Le merveilleux,
sous toutes ses formes, jouit en effet d'une vertu fascinatricesans égale
et la génération présente avait été bercée par le récit des miracles
- opérés sur le tombeau du diacre Paris. La chambre des crises allait
devenir le rendez-vous des nouveaux convulsionnaires.
Aussi arriva-t-il, qu'après quelques cures heureuses, bien difficiles
d'ailleurs à apprécier, Mesmer se trouva tout à coup célèbre.
La Faculté se fâcha, et elle eut tort, car ses bonnes raisons ne pou-
vaient passer que pour des méchancetés jalouses vis-à-vis le public
d'hallucinés qui se pressait déjà autour du mystérieux baquet d'où s'é-
coulait la vie.
Phénomène singulier, le clergé lui-même - certains membres tout
au moins - apportait son appui au grand-prêtre de la place Vendôme
bientôt somptueusement installé dans le grand bâtiment qui porte
encore aujourd'hui le nom d'Hôtel Bnllion. Le père Gérard, procureur
général de l'ordre religieux de la Charité, lui amenait des malades et pro-
clamait les bienfaits de la nouvelle science ; en 1784, un moine augustin
fort éloquent, le P. Hervier descendra de la chaire, en pleine basilique
de Saint-André, à Bordeaux, pour magnétiser une jeune fille que sa
terrible peinture de la damnation n'avait pas peu contribué, d'ailleurs,
à jeter dans une crise d'hystérie convulsive. '
. La Faculté était toujours dissidente, niais l'un de ses docteurs-régents
Deslon, premier médecin du comte d'Artois, l'un des frères' du roi,
62 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
prenait ouvertement parti pour Mesmer et se rendait à l'hôtel Billion
exploiter avec lui les malades qui venaient réclamer un soulagement à
des maux souvent imaginaires.
Ce fut la belle période, celle des grosses recettes, celle où les
sociétés élégantes avaient leur'jour de « baquet » comme on avait
son jour à l'Opéra, celle où Mesmer entouré de nombreux élèves qui
payaient fort cher pour connaître une doctrine qu'il refusa toujours de
leurdivulgeret pour cause, -et ne pouvant suffire à tous les traite-
ments, magnétisait un arbre situé au haut de la rue de Bondy où les
malades, désireux de bénéficier du précieux fluide, s'attachaient par une
corde.
Mais les plus belles médailles ont leur revers. Mesmer, pour payer
d'audace, ayant sollicité près du roi l'examen de ses doctrines, il s'en
suivit un rapport extrêmement substantiel et des plus sages de Bailly
qui, sans nier, bien au contraire, les effets du magnétisme animal, s'ef-
forçait de mettre en lumière le danger des convulsions, des crises qui
formaient le fond du traitement.
« Ces convulsions, disaient en 1784 les commissaires du roi, sont
caractérisées par des mouvements précipités, involontaires de tous les
membres et du corps entier, par le resserrement à la gorge, par des
soubresauts des hypocondres et de l'épigastre, par le trouble et l'éga-
rement des yeux, par des cris perçants, des pleurs, des hoquets, et des
cris immodérés... Il y a une salle matelassée et destinée primitive-
ment aux malades tourmentés de ces convulsions, une salle nommée des
crises... » Quelle meilleure description pourrait-on donner aujourd'hui
de l'attaque d'hystérie ?
Aussi les commissaires rejetèrent-ils comme funeste la pratique du
magnétisme animal. Et ils allèrent plus loin encore, car, à ce rapport
destiné à être rendu public, ils en ajoutètrent un second qui resta long-
temps secret. Il avait spécialement trait aux dangers que couraient
les bonnes moeurs dans la maison du sieur Mesmer.
En effet, outre les émotions d'un genre spécial qu'éveillaient les
passes et les attouchements dans le coeur des femmes soumises au trai-
tement magnétique, il se passait des choses plus graves encore qui
amenèrent l'intervention de la justice.
« M. le lieutenant de police, disent-ils, a fait quelques questions à
cet égard à M. Deslon-l'acolyte de Mesmer, - il lui a dit : « Je vous,
demande, en qualité de lieutenant général de police, si, lorsqu'une
femme est magnétisée ou en crise, il ne serait pas facile d'en abuser. »
M. Deslon a répondu affirmativement, et il faut rendre justice à ce mé-
decin qu'il, a toujours insisté pour que ses confrères, voués à l'honnê-
DOCUMENTS SATIRIQUES SUR MESMER. 63'
teté par leur état, eussent seuls le droit et le privilège d'exercer le ma-
gnétisme. On peut dire encore que, quoiqu'il eût chez lui une chambre
primitivement destinée aux crises, il ne se permet pas d'en faire usage; -,
mais, malgré cette décence observée, le danger n'en subsiste pas moins
dès que le médecin peut, s'il le veut, abuser de sa malade. Les occa-
sions renaissent tous lesjours, àtoutmoment; il est exposé quelquefois
pendant deux ou trois heures. Qui peut répondre qu'il sera toujours
le maître de ne pas vouloir ? Et même, en lui supposant une vertu plus
qu'humaine, lorsqu'il a en tête des émotions qui établissent des besoins,
la loi impérieuse de la nature appellera quelqu'un à son refus; et il ré-
pond du mal qu'il n'aura pas commis mais qu'il aura fait commettre. »
Les commissaires étaient durs pour Mesmer qui, certainement, tenait
plus à l'argent qu'aux faveurs de ses clientes.
Quelques jours plus tard paraissait un autre rapport de la Société
royale de médecine qui concluait, comme le précédent, « que ces traite-
ments faits en public par les procédés du magnétisme animal joi-
gnent à tous les inconvénients indiqués ci-dessus, celui d'exposer un
grand nombre de personnes, bien constituées d'ailleurs, à contracter
une habitude spasmodique et convulsive qui peut devenirla source des
plus grands maux. »
En même temps, on faisait venir de Vienne une jeune pianiste avec
laquelle Mesmer avait eu une aventure plus que suspecte; qu'il préten-
dait avoir guérie d'une cécité ancienne et qui se trouva aveugle comme
devant.
Les satires commencèrent à pleuvoir dru et ferme, la Comédie ita-
lienne donna les Docteurs modernes où Mesmer était ridiculisé de la
belle manière.
Bien plus, ses élèves eux-mêmes, membres de la Société de l'Harmo-
nie qu'il avait fondée, se révoltèrent contre celui qui, sous le fallacieux
prétexte de les initier à de prétendus secrets, se contentait de leur
soutirer des sommes considérables.
Aussi, en 1785, conspué de toutes parts, Mesmer, qui emportait d'ail-
leurs, avec lui, une grosse fortune, fut-il obligé de quitter la France.
Après avoir voyagé quelque temps en Angleterre sous un nom supposé,
il se retira près du lac de Constance, à Mersburg où il mourut tout à
fait ignoré, le 15 mars 181 5, âgé de quatre-vingt et un ans.
II
Parmi les allégories satiriques qui ne contribuèrent pas peu à sa chute
il en est quelques-unes qui sont véritablement du plus haut intérêt.
64 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
La première que nous reproduisons (pl. VIII) représente l'apothéose
burlesque de Mesmer.
Sur une sphère gonflée par trois personnages, parmi lesquels il est
permis de reconnaître le P. Gérard, son thuriféraire, Mesmer se trouve
placé, couronnépar la Folie soutenue dans les airs par une montgolfière,
invention alors récente, et qui d'un coup de marotte l'a démasqué.
De la main droite il magnétise la lune, ce qu'il s'était, paraît-il,
vanté de pouvoir faire. La lune, à son tour, en astre obéissant, envoie
son fluide sur une femme placée devant le fameux baquet.
- Allusion transparente aux questions indiscrètes du préfet de police,
un jeune satyre amoureux^ les yeux bandés, le carquois en bandoulière,
explore les richesses d'un corsage qui semble ne demander qu'à
s'entr'ouvrir. ,
Derrière le fauteuil sur lequel il s'appuie, un spectateur paraît
beaucoup plus s'intéresser aux tentations du satyre qu'aux investiga-
tions des ses voisins qui suivent avec intérêt les oscillations de l'aiguille
aimantée, le fluide magnétique ayant de grandes analogies avec l'aimant.
Sur la table, le chien de Mesmer que nous allons bientôt voir exer-
cer sur ses semblables l'action du magnétisme... animal.
Au fond et à droite, le P. Hèrvier, le fougueux apologiste de Mesmer
dans la cathédrale de Bordeaux, qui descendait de sa chaire pour
magnétiser une convulsionnaire de son auditoire. Derrière lui, le valet
magnétiseur, à l'air narquois, que nous retrouverons dans la comédie
des Docteurs modernes.
Enfin, au fond et à gauche, le fameux arbre de la rue de Bondy avec
sa corde à laquelle s'attachaient les fidèles, puis divers ustensiles
parmi lesquels nous croyons reconnaître une machine électrique.
Telle est cette composition qui, comme on le voit, rappelle aussi com-
plètement que possible les faits les plus saillants,de l'épopée mesmé-
rique. / z . ?
GILLES de la TOURETTE, ·
Chef de-clinique dos maladies du syetème non eux.
(A suivre.)
Le gérant : Emile LECIIOS\Ifilt.
MoTTEHOZ. Imprimeries réunies, B, ruo Mignon, 2.
NOUVELLE ICONOGRAPHIE T. II, PLI111
CLICHÉ A. LONDE Pyerorrnns 'SBoRTHAun
Apothéose BURLESQUE DE MESMER
S : CIt06NIJI : A BABÉ, ÉDITEURS
.Il NOUVELLE ICONOGRAPHIE
DE LA SALPÊTRIÈRE
UNE OBSERVATION
DE MÉLANCOLIE CATALEPTIQUE ! .. 1 ." q . f n : - . 1
, , '.
. Il s'agit d'une jeune fille du Tyrol autrichien, Antonia E..., qui arriva
à,l'aris en décembre 1887 pour entrer dans un couvent. Une personne
qui l'a connue dans cet établissement n'a pu nous donner que quelques
renseignements sur son état à ce moment. On ne connaît que très peu
de chose sur ses antécédents; son père et sa mère sont vivants, ainsi
que plusieurs frères et soeurs; l'une de celles-ci est entrée en religion.
Au couvent, la malade était gaie et assez causeuse; peut-être avait-elle
les.yeux un peu fixes. Elle fut en 1888 atteinte d'un phlegmon de la
main, dont l'ouverture au bistouri ne causa pas,- paraît-il, de douleur
apparente. Elle tomba à ce moment dans une phase de tristesse, cessant
de travailler, gardant les yeux très fixes; huit jours après, période
d'excitation pendant laquelle la malade cherche a fuir et, profitant un
jour d'un manque de surveillance, saute par une fenêtre et gagne la
rue où on la rattrappe. Elle se mit alors à s'accuser de tous les crimes,
d'avoir volé chez ses maîtres à Méran (dans le Tyrol), d'avoir crucifié
Jésus-Christ, etc. Un jour elle détacha le crucifix, le mit par terre et
en frappa ses compagnes. Elle se montrait si violente, résistant si éner-
giquement à toutes les représentations, qu'on se décida à la mènera la
Préfecture où M. Garnier délivra le certificat suivant : « Délire mélan-
colique. Hallucinations de la vue. Idées de persécution. Crises d'anxiété
et d'affolement avec fuite précipitée pour échapper à des ennemis ima-
ginaires. Embarras gastrique. Etat subfébrile. Phlegmon récent de la
il. 5
66 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
main gauche (9'J février 1888). » Elle fut envoyée à Sainte-Anne et
y resta vingt jours; M. Pichon la considéra comme atteinte de
« Délire mélancolique; idées de culpabilité imaginaire, de damnation
et de suicide ». Elle 'entre il la Salpêtrière (service de M. Fluet) le
20 mars 1888. ,
La malade est une jeune fille de vingt ans, aux traits réguliers, au
teint coloré; elle a des cicatrices de variole qu'elle dit avoir eue à l'âge
de six ans. Elle répond d'ailleurs à peine à nos questions, et ne parle
que le patois tyrolien. Elle reste immobile sur son siège, la tête pen-
chée, semblant réfléchir profondément, pleurant par intervalles. Ses
mains sont froides, violettes, un peu gonflées. Parfois elle rit quand on
lui parle, puis retombe dans son mutisme; de temps à autre elle tra-
vaille un peu à la couture.
On institue un traitement tonique et on lui donne une douche quo-
tidienne. Dans le courant d'avril, elle se sauve vers la chaise percée et
boit par deux fois de l'urine «pour mourir », dit-elle; elle dit aussi
qu'elle ne sait pas « si elle sera sauvée ». Au commencement de mai,
elle tombe clans la stupeur (pl. IX), travaille à peine, reste immobile
ou se sauve tout d'un coup en chemise dans la cour en cherchant la
porte de sortie. La malade étant au lit, nous constatons à la face plan-
taire de ses deux pieds de larges phlyctènes qui viennent de s'y former :
l'une siège à droite au niveau du talon antérieur; les deux autres à
gauche, au milieu de la concavité de la voûte plantaire, et sur le bord
interne du pied. Chacune de ces phlyctènes est large de quatre centi-
mètres environ (fin. 22). Nous nous informons : la malade ne porte
que des chaussons, elle a frotté un jour le plancher de la salle mais
avec beaucoup de mollesse et très peu de temps; encore ne l'a-t-elle
fait que du pied droit; elle n'a pu non plus se frotter les pieds sur les
barreaux du lit. Son état indique d'ailleurs nettement un ralentisse-
ment de la circulation; la cyanose des extrémités est des plus évidentes.
Le pouls petit, mais régulier, est à 52. La température est au-dessous
de 37°. La malade ne répond que par monosyllabes, elle affirme ci
plusieurs reprises qu'elle ne sent aucune douleur. Plusieurs fois, elle
s'échappe de son lit pour aller boire au seau de la garde-robe, toujours
« pour mourir ». Les phlyctènes sont percées et couvertes d'un panse-
ment; elles mettent quinze jours environ à se cicatriser; il ne s'en
l'orme pas d'autres. Pendant ce temps, le pouls reste lent, la teinte
cyanique persiste et l'état mental reste le même; alternatives d'hébé-
tude et de rire sans fin.
- Elle voudrait être morte, nous dit-elle; mange à contre-coeur, n'a
néanmoins formellement refusé de manger qu'une fois; la menace de
NOUVELLE ICONOGRAPHIE T. II. PL. IX,
CLICHÉ A. LONDB PHOTOTYPIE BERTHAUD
MELANCOLIE CATALEPTIQUE
(stupeur)
LECROSNIBR ET BABÉ, ÉDITEURS
UNE OBSERVATION DE MÉLANCOLIE CATALEPTIQUE. G7
la sonde oesophagienne suffit à la décider à s'alimenter. Dans le cou-
rant du mois de juin, nous recherchons les stigmates hystériques : là
malade, qui, à aucun moment, n'a pris de bromure, a l'anesthésie pha-
ringée complète et persistante; la sensibilité cutanée et muqueuse, nor-
male au contactet au froid, semble diminuée à la douleur; pas de zones
douloureuses; la malade voit les couleurs (violet, bleu, jaune, etc.),
mais son champ visuel parait rétréci des deux côtés, surtout à gauche.
La malade dit n'avoir jamais eu d'attaques de nerfs autrefois.
En juin, même état : ◀tantôt▶ se cache dans un coin, résiste éncrgi-
quement quand on. la tire, .vous regarde en riant ou en pleurant, ◀tantôt▶
se sauve, déshabillée, dans la cour; le 30 juin, nous la trouvons les
yeux couverts d'un bandeau qn'elle maintient avec sa main ; elle paraît
terrifiée et nous avoue qu'elle a vu depuis trois jours et hier encore
des yeux de /eu; elle assure ne pas entendre de voix.
En juillet, elle continue de rester inactive et triste, pense, dit-elle,
aux péchés qu'elle a commis; elle se coupe de temps à autre de grandes
mèches de. cheveux; reste au lit la face ensevelie dans l'oreiller;
mange et boit les yeux fermés; demande parfois à travailler avec les
autres, puis s'interrompt. to.ut à. coup pour se sauver dans la cour.
L'idée d'aller boire de l'urine. revient assez souvent; elle n'en peut
donner d'explication, sinon que « l'idée lui en est venue ». Elle rappelle
FIL;. o.o - l'lil3LLeiie, tliiib un eus do luolaiiculie c;Oalcpiyu0.. 1
68 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPËTIUËRE.
les fautes qu'elle a commises autrefois quand elle habitait Méran, dit
qu'elle n'aurait pas dû boire de bouillon le vendredi. Elle ne parle
d'ailleurs jamais de son pays, ni de sa famille et n'écrit- à celle-ci
qu'une fois, sur notre conseil. r .
Elle présente aux ordres qu'on veul lui faire exécuter une résistance
systématique ; se couche alors par terre, le front dans la poussière,
sous un lit ou au milieu de la cour et se cramponne de toutes ses forces
au premier objet qu'elle trouve et on peut à peine vaincre la raideur
de ses membres.. ' , !
Le 28 juillet nous nous apercevons pour la première fois que lorsque
l'on écarte les bras d'Antonia E... dans Imposition horizontale, elle lesy
laisse pendant un temps plus ou moins long; c'est ainsi qu'après lui
avoir à deux reprises fait prendre celte position, nous réussissons il
lalui faire garder plus de quinze minutes; au bout de ce temps, le bras
tombe peu il peu, sans secousse, ni tremblement. Il n'existe d'ailleurs
ni contracture, ni raideur. L'attention paraît jouer dans le phénomène
un rôle important, car si on interpelle la malade, les bras étant ainsi
placés, ceux-ci retombent pendant qu'elle répond.
Son état général reste d'ailleurs le même; ses mains sont froides et
violettes; elle tient la tête penchée, se bandant quelquefois les yeux,
avec des éclats de rire explosifs par moments. Quand on lui en demande
la raison, u Je ne puis faire autrement» répond-elle (l' kann nil
cca clcs) .
Le lendemain, cet état cataleptoïde persiste (pi. X).
Le 30 juillet, Anlonia est violente; elle mord les infirmières et se
mord les mains, change continuellement de place ou reste debout la
face contre le mur, pleurant par intervalles et se plaignant d'être
entourée de « sauvages » parce qu'on lui a mis la camisole de force.
Dans l'après-midi, elle prend un bain et cherche à plusieurs reprises
à s'enfoncer la tête sous l'eau.- Esprit d'opposition très arrêté; se
cramponne aux barreaux dés fenêtres et aux meubles, quand on veut t
la faire changer de pièce et surtout l'amener au réfectoire. Pendant '
tout ce mois de juillet, sa température n'a atteint que trois fois 37°.
Son intestin fonctionne mal; on a dû faire une fois le curage du rec- z
tum.
Le 31 juillet, la malade recommence ses plaintes, elle prie qu'on lui
pardonne ce qu'elle a fait dans le Tyrol, les vols commis, etc.
Le sens musculaire, la notion de position de ses doigts, la notion
des poids, de leur différence, est conservée. L'état cataleptoïde peut
être provoqué et si, par exemple, on lui commande de mettre l'index
sur sonnez, elle s'immobilise dans cette altitude.
NOUVELLE ICONOGRAPHIE T. II. PL. X.
Cliché A. LONDE
PHOTOTYPfE BER7HAU0
MELANCOLIE CATALEPTIQUE
(état CATALEPTOtDE)
.... S.I...1 BABÉ, ÉctTb.tJRS S
UNE OBSERVATION DE MÉLANCOLIE CATALEPTIQUE. 69' ? Le.4 août, on note que la malade semble présenter des phases régu-
lières; elle aurait deux jours de stupeur consécutifs pendant lesquels
elle présenterait l'aptitude il l'état cataleptoïde, et un troisième (phase
d'activité) pendant lequel elle travaille, sans mot dire, à divers ouvrages
fatigants, et ne conserve pas les altitudes qu'on imprime à ses bras.
croyant se faire mourir, boire dans les seaux à urine. Elle cherche
dans les armoires' le vinaigre de Pennés pour en avaler. Elle ne tra-
vaille pas, résiste quand on veut lui imprimer certaines attitudes et ne
les. garde' pas. Elle se cache dans les cours, ramasse par terre des
croûtes de pain et les trempe dans de l'eau de la fontaine, sans préju-
dice de la nourriture de la maison. Parfois elle se cache derrière les
portes, le visage contre le mur; ou reste immobile sur sa chaise, la
tête fléchie, les yeux fermés.
Le 13, l'état cataleptoïde reparaît. Le 18 il cesse, pour reparaître
qu'elques'jours après. Le 22 août, elle se jette aux genoux de M. Faire t
et lui embrasse les mains.
" Le 23, on provoque les attitudes horizontales des bras; la malade
les modifie rapidement quand on lui parle. On peut communiquer de
même des attitudes bizarres au tronc, lui faire tenir la t(''te fléchie ou
étendue, etc. Les poses plastiques ne suggèrent aucun jeu de physio-
nomie correspondant, comme cela arrive chez les hystériques hypno-
tiques.
. Le 8 octobre, on la trouve à plat ventre par terre, toute raide, les bras
et les jambes étendus, une main étendue, l'autre fermée. En même
temps elle bave; puis elle se relève, se déshabille et se sauve dans la
cour sans chemise. Cette scène dure environ dix minutes. C'estl'époquc
de ses règles. ,
, '15 octobre : crachottement continuel. -
Décembre : même état; alternatives d'excitation plus fréquentes
avec rires explosifs sans motif et de dépression avec aptitude il 'l'état
cataleptiforme, mais moins prononcé qu'autrefois. Par intervalles,
marmottement inintelligible; parfois se-balance comme les idiots.
. II
. 1 L'observation de cette malade présente plusieurs particularités inté-
ressantes. Nous allons les examiner successivement.
1° jd quel type appartient l'affection vésanique qu'elle présente et de
quelle dénomination la désigner ?
70 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
Dans un précédent travail, en collaboration avec le D'Chaslin ', nous
avons exposé longuement et discuté des tentatives faites dans les der-
nières années en Allemagne pour distraire du cadre nosologique des
vésanies certains cas particuliers constituant une nouvelle forme
pathologique désignée du nom de catatonie. Nous n'exposerons pas
ici l'historique de la question que nous avons donné déjà dans tous
ses détails, mais comme les exemples que nous avons pu recueillir de
catatonie ressemblent, au moins par certains côtés, à ce que nous'
avons observé chez notre malade, nous résumerons brièvement les
traits principaux assignés à cette affection par ceux qui l'ont décrite.
D'après Kahlbaum2, dont le travail sur ce sujet est le premier en
date et le plus complet, la catatonie serait, une maladie cérébrale à
marche changeant d'une façon cyclique et présentant comme phéno-
mène capital des troubles du système nerveux moteur ayant le carac-
tère général de la crampe.
Le stade initial est un stade de dépression mélancolique à marche
lente, ne différant guère de la mélancolie commune. Au début, il y a
souvent des mouvements spasmodiques, convulsifs, arrivant par
attaques.
Puis vient un stade d'excitation, qui peut cependant manquer; en
général il est assez court. Comme ensemble, c'est ou bien de la mélan-
colie agitée, anxieuse, ou bien l'excitation maniaque la plus violente,
on bien un délire systématisé (Wahnsinn) plus fixe. On rencontre alors
quelques symptômes qui seraient particuliers à la catatonie. C'est
d'abord le caractère pathétique sous forme d'exaltation théâtrale,
d'extase tragico-religieuse que révèlent les paroles et les actes des
malades; puis la verbigération ou répétition de mots et de phrases
sans aucun sens ou ne se suivant pas, mais prononcés comme si le
malade faisait un discours; les gestes stéréotypés, les attitudes bizarres,
les grimaces spéciales.
Dans le stade suivant, stade catalonique, la maladie revêt toutes les
apparences de la mélancolie avec stupeur. C'est là que l'on rencontre
les phénomènes moteurs caractéristiques sous forme de convulsions
toniques ou cloniques, ou sous forme de raideurs musculaires, ou sous
forme d'états cataleptoïdes. Il faut noter aussi le mutisme, des rires
subits, la monotonie des actes, la résistance systématique, le refus
d'aliments. Ce stade peut durer des semaines ou des mois.
Le stade suivant, d'une durée souvent plus longue encore, consiste
surtout en des alternatives d'excitation ou de stupeur avec leurs phé-
1. d. Seglas et Pli. Cltaslin, la Catatonie (Arch. neur., 1888).
2. Kahlbaum, Die Xalalonie, l3erlin, 1874.
UNE OBSERVATION DE MÉLANCOLIE CATALEPTIQUE. 71
nomènes particuliers que nous venons de décrire. Les idées religieuses
et érotiques sont très fréquentes.
Quand la maladie ne guérit pas, elle passe au stade terminal, celui
de démence. Ce serait la terminaison la plus fréquente.
Au point de vue physique, en dehors des phénomènes neuro-
moteurs, on trouve dans les stades les plus graves de la maladie, des
troubles vaso-moteurs, de l'oedème, de la cyanose des extrémités, de
l'anorexie, des troubles de la défécation, des congestions viscérales,
la tuberculose pulmonaire, etc...
Si à cet exposé rapide nous comparons l'observation de notre malade,
nous constaterons de nombreux points communs. Nous retrouverons
chez elle les phases successives de la catatonie de Kahlbaum, phase de
mélancolie, phase d'excitation, phase de stupeur, phase d'alternatives
d'excitation etde dépression. Dans les deux dernières phases, les seules
que nous avons pu observer, nous rencontrons aussi, de la façon la
plus nette, les idées délirantes mystiques, les rires explosifs, le mu-
tisme, la résistance systématique, une attaque de raideurs, l'état cata-
leptoïde, et du côté physique des troubles vaso-moteurs 1 rès accentués.
En revanche, d'autres symptômes, auxquels Kahlbaum attache de
l'importance, semblent ici moins évidents ou même font défaut. C'est
ainsi que les attitudes bizarres, les gestes stéréotypés pourraient peut-
être trouver leur équivalent dans l'habitude qu'a la malade de tenir
obstinément les yeux fermés, de se cacher par moments derrière les
portes, de fuir en chemise dans les cours, de s'asseoir sur les chaises
de gâteuses, dans le balancement intermittent.
Quant au caractère pathétique des paroles et des actes, il semble
manquer complètement et on ne pourrait guère invoquer dans ce sens
que l'acte de s'être précipitée aux genoux du chef de service et de lui
embrasser les mains. Enfin il n'y a pas chez notre malade de verbigé-
ration ; elle marmotte souvent, il est vrai, à voix basse, dans son
patois, des mots incompréhensibles, mais c'est tout.
Que pouvons-nous conclure de tout cela au point de vue du dia-
gnostic ? 10 Il est incontestable' que la marche de la maladie est ici aussi
conforme que possible à la description de Kahlbaum et que, en plus,
nous retrouvons dans ces périodes successives denombreuxsymptômes,
entre autres les phénomènes neuro-moteurs, qu'il attribue à ses catato-
niques. Mais d'un autre côté, étant donné ici l'absence du caractère
pathétique des idées et des actes et l'absence de la verbigél'alion, phé-
. nomènes que Kahlbaum considère aussi comme particuliers à la cata-
, tonie, il nous semble qu'on n'est pas en droit d'affirmer que notre
malade soit une catatonique. Tout au plus pourrait-on la classer dans
72 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
ce qu'il appelle la catatonie mitis. Il est bon toutefois de faire remar-
quer à ce propos que bon nombre des observations que nous avons pu
lire dans les ouvrages allemands sur la catatonie, ne sont pas plus
caractéristiques que la nôtre et ne présentent pas, tant s'en faut; tous
les phénomènes prétendus caractéristiques de la maladie. On trouve
aussi, d'ailleurs, cités par eux comme des cas de catatonie méconnue,
des observations rapportées par des auteurs français tels que Baillar-
gel' \ ' Cullerre2, Lagardellea, qui cependant ne rappellent, comme
' nous l'avons dit dans notre précédeiittrivai 14 , que de bien loin la cata-
tonie de Kahlbaum et dans lesquelles il est bien difficile de retrouver
seulement quelques-uns des traits qu'il assigne à la forme vésanique
qu'il veut isoler. En face d'elles, notre observation serait presque un
cas de catatonie typique. , , :
De tout cela nous laisserons nos lecteurs juges, nous contentant
de rappeler ici ce que nous disions en terminant notre précédent tra-
vail, que ni la marche ni les symptômes de la catatonie de Kahlbaum
ne nous semblaient pas devoir être caractéristiques d'une formé patho-
logique distincte; mais que ces faits nous semblaient plutôt, jusqu'à
nouvel ordre, devoir simplement être considérés comme des variétés
d'étals mélancoliques, simples ou symptomatiques, avec, stupeur plus
ou moins accentuée, variétés qui seraient peut-être en rapport plus
étroit avec un terrain hystérique. ' ;
Cette existence chez les malades de ce genre du tempérament hysté-
rique, qui ressort de la lecture d'un certain nombre d'observations, a
été complètement laissée de côté par les auteurs allemands. Schuele
est le seul qui s'en soit préoccupé et ses recherches l'ont amené il créer
une variété hystérique de la catatonie, dans la description générale de
cette maladie, différant d'ailleurs notablement de celle qu'avait donnée
Kahlbaum. Dans l'observation que nous venons de rapporter, cette
existence de l'hystérie nous semble mise en évidence par l'anesthésie
pharyngée, les troubles de la sensibilité générale, le rétrécissement
bilatéral' du champ visuel.
2° Un second point sur lequel nous désirons attirer l'attention c'est
la présence de certains symptômes de la période de stupeur. A dif-
férentes reprises Marcéb a insisté sur l'état des fonctions circulatoires
et respiratoires chez les mélancoliques et signalé une notable pertur-
1. Baillargel', Ann. 21étl. psych. , 1813 et 1853.
2. Cullerre, Ann. méd. psych., 1877, ]l, 177. : 1. Lagardclle, Ann. méd. psych., 1871, p. '18.
4. Séglas et Cliasliii, loc. cil., p. 17.
5. Marcé, Arch. de mef ? 1855, et Traité des maladies mentales. 1862.
! 1 \
. ? "/
u.yr, oBSLavarioa D , .... - ! fI
U.NE OBSERVATION DE MCLANCOLII; CATALEPTIQUE.
UNI : : OBSl : RVATION DE Mr : LAl'\COLlr : CATALEPTIQUE : " .
bation dans leur rythme et leur fréquence relative. Ces faits sont très
évidents chez notre malade. - '¡
Dans sa période de stupeur la respiration est superficielle et peu
profonde : le thorax se soulève à peine et le murmure vésiculaire-est
parfois tellement affaibli qu'on l'entend difficilement. En se reportant
aux tracés que nous donnerons plus loin, on verra que les respirations,
un nombre de 90 par minutes, ne sont pas toutes régulières ; et sur-
tout que' leur ampleur a notablement. diminué; la ligne d'inspiration
est très courte, peu profonde et le tracé général de la respiration
- semble y dénoter un caractère saccadé que révèlent les irrégularités
des lignes d'expiration et d'inspiration qui sont légèrement tremblées.
, Le pouls ? petit mais régulier, était souvent au-dessous de la normale,
ne donnant que 52 pulsations ? ,. " ' .
La température axillaire pendant plus d'un mois n'a atteint que trois
lois 37° et est même souvent descendue au-dessous de 36°. Cet abais-
sement de la température est encore plus sensible il la périphérie. Les
extrémités, mains et pieds, sont froides, cyanosées, présentant des
troubles vaso-moteurs très accentués.
Dans le même ordre d'idées rappelons l'apparit'on de phlyctènes aux
extrémités inférieures, et qui, dans les circonstances où elles se sont
produites, ne nous paraissent pouvoir être considérées que comme des
troubles trophiques, marchant, de pair avec le ralentissement de la cir-
culation périphérique. Ces phénomènes d'ailleurs, quoique rares, ne
sont pas cependant exceptionnels ; et M. Bail', qui attache avec raison
une grande importance il l'étude des symptômes physiques chez les
mélancoliques, asignalé chez certains d'entre eux l'existence de plaques
de sphacèle sur la peau.
, 3° Un dernier point nous reste à étudier, ce sont les phénomènes
calaleptoïdes présentés par notre malade. Nous avons déjà signalé
chemin faisant plusieurs de leurs caractères. C'est ainsi que nous
avons vu que les attitudes cataleptiformes n'étaient pas spontanées
chez' elle; mais qu'il fallait les provoquer. Alors elle s'immobilisait
dans la position qu'on donnait aux différentes parties de son corps,
même les plus fatigantes et cela pendant un temps assez long (15 à
90 minutes). Les membres immobilisés dans ces poses cataleptoïdes
ne se contracturaient pas, mais conservaient une certaine flexibilité.
D'un autre côté l'attention semblait jouer un certain rôle dans ces atti-
tudes, car sitôt qu'on fixait l'attention de la malade sur un point quel-
conque, de quelque façon que ce fut, l'état cataleptoïde cessait immé-
1 : Rail. Leçons sur les maladies mentales, 1880-1883.
74
NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
diatement. Dans un mémoire récent, MM. Binet et Féré1 ont rapporté
des faits analogues et nous en avons de notre côté publié un semblable
dans notre premier travail sur la catatonie2.
Mais si l'attention joue un rôle dans ces états cataleptoïdes s'en suit-
il qu'il y ait un effort appréciable ? C'est ce qu'il nous faut examiner.
Nous savons par les expériences de M. Charcot et de ses élèves les diffé-
rences profondes qui séparent l'attitude cataleptique des mêmes atti-
tudes gardées volontairement. Si sur une cataleptique et sur un
simulateur on place un tambour à réaction sur le bras étendu et un
pneumographe sur la poitrine, voici ce qu'on observe3 : chez la cata-
leptique le membre catalepsié ne tremble pas; il descend lentement
sans secousses et la plume qui correspond au membre étendu trace
une ligne droite parfaitement régulière. En même temps le tracé du
pneumographe donne une respiration rare, superficielle, pendant toute
la durée de l'expérience. Le simulateur au contraire ne tarde pas à se
fatiguer; sa main tremble, la- respiration devient irrégulière et les
deux tracés par leurs accidents, leurs oscillations, décèlent à la fois
la fatigue musculaire et l'effort destiné à en compenser les effets.
En appliquant à la fois à notre malade et à un sujet sain les mêmes
1. Binet et Féré, Recherches expérimentales sur la physiologie des mouvements chez les
hystériques (Arch. de Physiologie, 1887, p. 323).
2. Séglas et Chaslin, loc. cit., obs. IV.
3. P. Richer, la Grande Hystérie, 1885, p. 615.
Fiv. 3. - Tracé obtenu sur la malade Ant. E... par le tambour à réaction placé sur la face dorsale de
la main droite, le bras étendu Iorizoutalement. - Chaque ligne icpi-ésente une fraction de
Seize secondes et demie de 10 minutes consécufivos.
UNE OBSERVATION DE MÉLANCOLIE CATALEPTIQUE. 75
procédés d'investigation, voici ce que nous avons constaté'. Les bras
de la malade sont étendus horizontalement, un tambour à réaction
placé sur la main droite. Le tracé, pris pendant10 minutes, nous donne
une ligne droite parfaitement régulière tout le temps de l'expérience
(fig. 3).
Un tracé semblable pris dans les mêmes conditions sur un sujet
sain nous donne au contraire, dès la première minute, des lignes irré-
gulières et légèrement tremblées (fig. 24).
Ces différences sont rendues encore plus évidentes par les tracés
myographiques, obtenus en plaçant le myographe sur les extenseurs
de l'avant-bras droit, les deux sujets étant dans la même position. Sur
le tracé obtenu sur la malade pendant 15 minutes (et dont la figure 5
reproduit les fractions des 11 dernières minutes), on voit que les
lignes sont régulières, bien que présentant de petites ondulations.
Au contraire, sur le tracé pris dans les mêmes conditions sur le
sujet sain (et dont la figure 2G reproduit une fraction des premières
minutes), on voit que les lignes sont absolument irrégulières et les
oscillations très accentuées.
Les tracés pneumographiques ne sont pas moins significatifs. Sur un
sujet normal, dont la respiration est figurée à l'état de repos dans la
figure27, nous voyons, si les bras sont étendus horizontalement, le tracé
1. Les tracés ont été pris au laboratoire de M. le professeur Charcot avec le concours de
M. Il net, interne du senice.
24. - Tracé obtenu sur un sujet sain dans les mêmes conditions que le tracé de la figure 23.
76 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
se modifier' dès la première minute. La respiration devient irrégulière
dans son 'rythme et dans son étendue, et en même temps il y a des
chutes brusques, marquant des inspirations profondes, indice de
fatigué et d'effort. On en voit un exemple dans la figure 28, tracé pris
pendant la deuxième minute, '
'. 'Rien de tout cehin'existe chez notre malade. La figure 29 nous montre
sa respiration à l'état normal : c'est un type de respiration de mélan-
colique, dont on appréciera bien les caractères en la comparant à la
ligure 27 qui donne le tracé delarespiration d'un sujet sain. On retrou-
.vera ]à;cc que nous avons déjà signalé chez elle : une respiration
.superficielle, la brièveté delà ligne d'inspiration, le caractère irrégu-
lier des lignes d'inspiration et d'expiration. Si l'on fait tenir horizon-
talement les bras de celte malade pendant, plusieurs minutes, ces
caractères de la respiration ne se modifient pas : elle reste toujours
\( ., i ., ?
Fin. 5. - 'fla.ce obtenu sur la malade .\111..., E... p'¡l"le mjor..IJ'¡1C placé sur les cWensems, : 1 ? 1'y,ml-liraulroil, le bras 'étendu horizontalement pendant 1 : minutés.' - Chaque Ij*II("rl'llI'c('ntc
une fraction de lli minutes et : dcmiependa nt les 11 dernières minute ? , ,. 1 .. z
UNE OBSERVATION DE MÉLANCOLIE CATALEPTIQUE. 71'
identique à elle-mènio, comme on peut le voir dans la ligure 30, tracé -
pris à la huitième minute. Le rythme, l'étendue des respirations est .
resté toujours le même. Il n'y a pas chez elle de ces inspirations pro-
fondes, qui décèlent la fatigue et l'effort chez le sujet sain. ,
Il y a plus; nous avons noté chez notre malade des rires subits, s
explosifs; ces rires qui la prennent aussi pendant les attiludes calalep- ,
toïdes provoquées, se traduisent sur les tracés par une ascension z
reproduisant une expiration, brusque, plus ou moins prolongée. Nous \
, ,
en donnons un exemple dans la figure 31. Malgré cela, cette expiration, "
plus ou moins longue, n'est pas suivie, comme on peut le voir, d'une - ';
chute brusque en sens inverse, trahissant une inspiration compensa- '
trice ; mais la respiration reprend tout de suite les mêmes caractères \
qu'elle avait avant le rire. Ces rires se présentent toutes les minutes à
rnc. £ 0. Tracé obtenu sur un sujet sain dans les mêmes conditions que le tracé de la figure : ! 5, mai'
pendant les 7 premières minutes.
Go
tz
0
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- . ! i
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0
a
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M
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E-
R-
sa
fit
r-
Fis. 37 ? Respiration (costale supciieurc) d'un sujet sain à l'élat de repos pendant 27 secondes. (Ce tracé a été pris pendant 3 minutes consécutives.)
... ? 1 ' " z
Fie. 28. - Respiration du même sujet les bras étendus horizontalement. (Ce tracé reproduit 27 secondes de la deuxième minute.)
c
. rli
t-f
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R
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r
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o
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7
r
4
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FiG. 29. Respiration (costale supérieure) de la malade Ant. E... à l'étal de repos pendant 27 secondes. (Ce trace a été pris pondant 3 minutes consécutives.)
' Etc. 30. - Respiration de la même malade'les bia étendus horizontalement. (Ce tracé reproduit 7 secondes de la huitième minute.) ; ; ' .
80 . NOUVELLE ICONOGRAPHIE. DE LA S1LP'PRIÈRE. -li
peu près, isolés et brusques ; ou rapprochés, ou prolongés comme dans
la figure 3 ? ; mais dans aucun cas il n'y a ensuite de chute brusque au-
dessous delà ligne ordinaire de la respiration qui reprend tout de suite
ses caractères sans qu'il y ait de large inspiration compensatrice.
Il résulte en somme de l'examen de ces tracés que cet état catalep-
toïde provoqué chez notre malade ne trahit pas chez elle d'effort appré-
ciable et sous ce rapport sc rapproche beaucoup de ce qu'on observe
dans la catalepsie provoquée des hypnotiques.
J. S1;GL.1S, P. 13CZ.1Nç0
l\IédcLln-adJoilll de la Salpèll iùre * Interne des hôpitaux.
Fig. 31. - Exemple d'un lire isolé chez la malade .\nl. E..., les bras étemlus hOlizonlalcll1ont. (fraie
réduit de moitié.)
Inc. 3 ? . - Gvemples de plusieurs rires, consécutifs Ou prolungvs, cLez la malae .\nl E..., Ics luraa
élcndua Itoriconlalcmcnt. (1'iacé ruuil de moW.)
DE LA SUSPENSION' DANS LE .TRAITEMENT- - .
DE L'ATAXIE LOCOMOTRICE PROGRESSIVE
ET DE QUELQUES AUTRES MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX'.
Pendant les trois derniers mois de l'année 1888, nous avons expé-
rimenté un procédé nouveau de traitement du tabes, qui nous a fourni
dés résultats assez satisfaisants pour que nous' ayons cru devoir en. 1
l'aire l'objet d'une leçon. L'idée de ce traitement appartient alllD"'Mot-.
choukowsky, d'Odessa, qui l'a fait. connaître' en 1883, dans une bro-
chure jusqu'ici passée inaperçue. En 1888, 111.. Raymônd; professeur',
agrégé, eut l'occasion, étant en missionscientifique en Russie, d'apuré
cier les résultats obtenus par M. Motchoukowsky, résultats que voulut
bien nous faire connaître, avec le mode opératoire, M. le D Onanoff,
élève de la Clinique, son compagnon de voyage.
Le traitement a été mis en oeuvre par M. Gilles de la Tourette, chef
de clinique, qui a surveillé toutes les opérations et recueilli les obser-
vations.
Dans sa brochure de 1883, M. Motchoukowsky dit avoir traité etcon-
sidérablement amélioré douze tabétiques en même temps qu'il réta-
blissait, par le même procédé opératoire, les fonctions sexuelles
d'autres malades atteints d'impuissance sexuelle d'origine nerveuse
indépendante du tabes.
Le traitement consiste uniquement dans des séances de suspension
d'une durée progressive de une demi à trois minutes de durée, quatre
minutes maximum, suivant les cas, il l'aide de l'appareil employé par
Sayre, de New-York, pour placer le corset qui porte son nom.
La durée de la suspension est, avons-nous dit, progressive ; on
commence par une demi-minute et on augmente progressivement d'une
demi-minute environ à chaque séance. Celles-ci ont lieu tous les deux
jours, la suspension quotidienne ne nous ayant pas donné des résultats
sensiblement meilleurs. Comme détail de technique, nous ajouterons
qu'il est nécessaire de faire, toutes les quinze ou vingt secondes,
1. Résumé de la leçon du 15 janvier 1889, par M. Gilles de la Tourette, chef de clinique.
- Cet article a paru dans le Progrei médical, n° du 19 janvier 1889.
n. 6
82 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPËTRIËUE.
soulever les bras du malade afin que la traction qui s'exerce sur la
colonne vertébrale soit plus effective.
Nous avons dans ces conditions traité dix-huit tabétiques, four-
nissant un ensemble de quatre cents séances environ de supension. Sur
ces dix-huit tabétiques, il est nécessaire d'en éliminer quatre, qui
n'ont pas été suspendus plus de trois fois, et ne sont pas revenus pour
des causes variées, dont l'éloignement et la difficulté de se faire
conduire à l'hôpital nous ont paru surtout à invoquer.
Les quatorze autres ont ressenti, à des degrés variables, une amé-
lioration qui chez huit, en particulier, a été tout à fait remarquable.
Trois d'entre eux ont été présentés à la leçon du 15 janvier.
Nous allons succinctement analyser les résultats obtenus. Ajoutons
que nos malades étaient tous des tabétiques a, ères ; la plupart venaient
ordinairement à la Salpêtrière suivre le traitement par les pointes de
feu le long de la colonne vertébrale.
Au début du traitement, l'amélioration porte presque toujours sur
la marche, sur l'incoordination lorsqu'elle existe; elle se fait sentir
dès les premières séances. Les malades disent qu'aussitôt après la
séance la marche est plus facile, plus assurée; cette amélioration ne
dure d'abord que deux à trois heures, puis, après huit ou dix séances,
elle devient continue.
Les malades se tiennent beaucoup plus facilement debout; ils
peuvent marcher sans aide, faire des courses assez longues, ce qui a
été très appréciable chez nos malades de la Salpêtrière, obligés de
venir de loin pour suivre le traitement, en empruntant les voitures
publiques qui, le plus souvent, ne les déposaient pas à la porte de
l'hôpital.
Au bout de vingt à trente séances le signe de Romberg disparaît.
Par ordre chronologique l'amélioration porte ensuite sur les divers
troubles vésicaux si fréquents chez les tabétiques. La miction se
régularise, devient plus facile, l'incontinence disparaît ou s'atténue
considérablement; chez quelques-uns les fontions vésicales sont
redevenues normales.
Les douleurs fulgurantes semblent également tirer bénéfice du
traitement; elles reviennent à intervalles plus éloignés, s'atténuent
considérablement et disparaissent même complètement. Nous n'avons
sur ce sujet qu'une expérience de trois mois ; toutefois, sous ce
rapport, les affirmations des malades ne nous ont pas semblé moins
catégoriques que sur l'amélioration des autres symptômes précé-
demment signalés.
Enfin, sous l'influence de la suspension, l'impuissance complète,
DE LA SUSPENSION DANS LE TRAITEMENT DE L'ATAXIE. 83
qui est si souvent une manifestation du tabes, fait place aux, désirs
sexuels et aux érections. Il est à noter que des expériences faites par
M. Onanofssur des individus sains, ont prouvé l'influence de ce mode
opératoire sur l'exagération de la virilité.
Comme corollaire des phénomènes signalés, nous dirons que la
sensation d'engourdissement des pieds s'atténue ou disparaît; chez
deux malades, des plaques d'anesthésie plantaire redevinrent sen-
sibles. Enfin, l'état général s'améliore, le sommeil devient meilleur,
ce qui ne nous a pas paru devoir être uniquement attribué à la
disparition des douleurs fulgurantes.
En résumé, tous les malades que nous avons traités ont été améliorés
à des degrés divers, l'amélioration nous ayant paru en rapport avec
la durée du traitement
Un seul a fait excentiol, un tabétique jeune de trente-deux ans,
à hérédité très chargée, chez lequel, en six mois, les accidents de la
série tabétique avaient presque atteint leur apogée. Pendant le
premier mois il y eut une amélioration marquée portant sur la
marche et sur la miction , puis survint une rechute caractérisée par
une crise de douleurs fulgurantes et la chute de la paupière supérieure
gauche. Depuis cette crise, toutefois, le traitement semble devoir
à nouveau amener une amélioration des phénomènes.
Chez aucun de nos malades, même chez les plus améliorés, au bont
de trois mois, les réflexes rotuliens n'ont reparu ; de même, les signes
pupillaires ont persisté tels quels. 1
Nous avons essayé la suspension dans le traitement de quelques
autres affections nerveuses indépendantes du tabes.
M. P. Blocq a ainsi traité une jeune fille de treize ans atteinte de
maladie de Friedreich. Cette malade qui avait subi trente séances a été
également présentée à la leçon. Sa mère qui l'accompagnait a qualifié
« d'extraordinaires » les résultats obtenus : ils portaient sur le signe
de Romberg, la titubation et le tremblement, qui avaient été consi-
dérablement améliorés.
Chez deux malades neurasthésiques et impuissants, les fonctions
sexuelles revinrent à nouveau. Il y a lieu, croyons-nous, de pousser
plus loin les recherches dans les cas d'impuissance, ainsi que Motchou-
kowsky lui-même l'avait remarqué.
Par contre, un malade atteint de sclérose en plaques avec exagération
considérable des réflexes rotuliens, ayant été soumis au traitement, il
survint chez lui, après deux séances, une paraplégie spasmodique qui
disparut au bout de trois jours.
Il est incontestable qu'il est encore nécessaire d'expérimenter pour
84 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPËT1HERE.
être définitivement fixé sur la valeur du traitement par la suspension
dans le tabes. Mais il faut aussi constater que les résultats que nous
avons obtenus en trois mois sont des plus encourageants dans une
maladie qui, jusqu'ici, semble avoir défié toute thérapeutique. Dans
tous les cas, le traitement peut être institué avec confiance, car il
nous a paru toujours, lorsqu'il est convenablement appliqué, être
totalement inoffensifl.
J.-M. CIIARCOT
- (de l'Institut).
1. Depuis que cette leçon a été publiée, M. le professeur Charcot a eu l'occasion dans une
de ses conférences du vendredi (39 mars 1889) de revenir sur le traitement par la suspen-
sion. Avec d'autres malades plus récemment améliorés, il a présenté à nouveau les ataxiques
qui ont servi de thème à sa première leçon; l'amélioration non seulement se maintenait chez
eux, mais encore faisait des progrès croissants.
De plus, les craintes qu'avaient fait naitre les premiers essais chez les spasmodiques (sclé-
rose eu plaques, myélite transverse, etc.) ont dû être écartées. Chez ces malades, la sus-
pension doit être surveillée de très près, mais elle produit également des améliorations
moins constantes à la vérité que dans le tabès, mais qui toutefois méritent d'être prises en
sérieuse considération.
Enfin, la suspension a donné des résultats très appréciables chez plusieurs malades atteints
de paralysie agitante, en calmant les contractures, la sensation de chaleur nocturne, en
procurant en un mot aux paralytiques agitants le repos qui leur fait si ordinairement défaut.
(N. D. L. 1\.)
DE LA TECHNIQUE A SUIVRE
DANS LE TRAITEMENT PAR LA SUSPENSION DE L'ATAXIE LO-
COMOTRICE PROGRESSIVE ET DE QUELQUES AUTRES MALA-
DIES DU SYSTÈME NERVEUX).
Depuis que M. le professeur Charcot a publié les résultats intéres-
sants qu'il a obtenus dans le traitement de l'ataxie locomotrice et de
quelques autres maladies du système nerveux, à l'aide de la suspen-
sion =, il n'est pas de jour où il ne reçoive des demandes de renseigne-
ments sur l'application de ce procédé thérapeutique, mis en oeuvre
pour la première fois, en 1883, par le D' Motchoukowsky, d'Odessa.
Le résumé, que nous avons donné de la leçon de notre maître, con-
tenait en effet peu de détails à ce point de vue spécial2. Aussi, quelques
auteurs, reprenant de deuxième ou de troisième main l'article précité,
se sont-ils cru obligés d'innover, parlant par exemple de l'application
d'un corset qui est au moins inutile dans la circonstance.
C'est pourquoi nous croyons indispensable d'entrer aujourd'hui
dans quelques détails de technique qui nous sont suggérés par la pra-
tique d'environ 800 suspensions dont nous avons surveillé l'applica-
tion chez un total de 40 malades.
L'opération en elle-même est chose des plus simples, mais encore
nécessite-t-elle un certain modus faciendi, à la vérité facile ;t acqué-
rir, mais qui, dans tous les cas, ne saurait s'inventer.
La suspension se fait à l'aide de l'appareil imaginé par Sayre (de
New-York), pour placer le corset qui porte son nom et qui est spécia-
lement appliqué pour le redressement des diverses déviations de la
colonne vertébrale. Bien que cet appareil soit connu, il nous a semblé
utile d'en donner la description (fit. 33).
Il se compose d'une lige de fer horizontale de 45 centimètres de
longueur, portant, en son milieu, un anneau dans lequel passera le
1. Cet article zut été publié dans le Progrès médical, n° du 23 février 1SSJ.
2. J.-M. Charcot, De la suspension dans le traitement de l'ataxie locomotrice pro-
agressive el de quelques autres maladies du système nerveux, in Progrès médical, III jar.-
Nier IH8 ?
86 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE..
crochet d'un mouffle par l'intermédiaire duquel s'effectueront les
tractions.
La tige porte à chacune des extrémités un crochet auquel s'adapte-
ront, par une boucle, les pièces destinées à être placées sous les ais-
selles du patient.
Le bord supérieur de la tige présente, de chaque côté, trois enco-
ches dont nous allons bientôt voir l'utilité. En outre de la Lige de fer,
l'appareil comprend : deux pièces latérales pour les aisselles, une
pièce médiane subdivisable en deux parties, servant de soutien à la
tête pendant l'opération.
Ces deux parties de la pièce médiane sont de forme triangulaire al-
longée et sensiblement pareilles ; l'antérieure se place sous le menton,
la postérieure au niveau de la nuque. Comme elles se ressemblent, on
reconnaîtra néanmoins la pièce antérieure à ce fait qu'elle porte laté-
ralement une petite boucle qui sert, lorsque l'appareil est en place
(fig. 34) à réunir les deux pièces entre elles à l'aide d'une petite
courroie qui empêchera le collier de glisser lorsque le malade sera sus-
pendu.
Fin. 33. - Appareil do Sayre (do New-York).
NOUVELLE ICONOGRAPHIE
T. II. PL. ^1. c.
TRAITEMENT DE L'ATAXIE LOCOMOTRICE
, PAR LA SUSPENSION
LECROSNJRR ET BABt, ÉDITRURS S
DE LA TECHNIQUE A SUIVRE. 87
L'application de cette petite courroie joue un rôle assez considé-
rahle dans l'espèce; il importe, en effet, qu'elle soit assez serrée pour
empêcher le glissement, et qu'elle
ne le soit pas trop, parce que, dans
ce dernier cas, la compression des
jugulaires pourrait provoquer une-
stase veineuse susceptible d'aboutir
il la syncope. °
A cet effet, la courroie est percée *
de 8 il 10 trous, et l'ardillon de la
boucle se fixera du 2° au 5° environ,
suivant la grosseur du cou du pa-
tient.
Il est rare qu'on soit obligé d'in-
terposer, entre cette courroie et la
peau, un corps mou,'un mouchoir,
de l'ouate, de façon à empêcher la.
compression de se produire. L'appli-
cation des pièces de la nuque et du
menton est assez délicate : elle dé-
pend de la grosseur et de la forme
de la tête et du cou du sujet.
En ce qui regarde la grosseur- de'la tête,, on fera varier les dimen-
sions du collier en plaçant la boucle supérieure de la- pièce dans le
premier, le deuxième ou le troisième des crans ou encoches qui se
trouvent sur le bord supérieur de la tige dé fer ; plus la' tête est volu-
mineuse, plus la boucle doit être placée en dehors. ' :
Il est parfois, nécessaire, lors des premières séances/chez les indivi-
dus sensibles, trop gros ou trop maigres, d'interposer un corps mou
entre le menton et la pièce, qui est' destinée ne soutenir. U
Voici donc la "tête en place, toute harnachée pour' ainsi dire. Reste
maintenant il placer les 'pièces' des aisselles. Au premier. abord, elles
semblent de peu d'importance, et cependant, il faut bien dire que ce
sont elles les véritables régulateurs de. la suspeiision'(ijl.'X[).
Il est nécessaire en effet que, pendant l'élévation, la traction ne porte 1
pas uniquement sur la tète et' sur le cou, car la suspension ne serait t
pas tolérée ; il faut que le corps trouve quelque part un point d'appui,
et, d'autre part, il ne faut pas que ce point d'appui soit tellement effec-
tif qu'il empêche l'élongation de la colonne vertébrale de se faire.
Pour cela, les pièces des aisselles, qui ont la forme d'un ovoïde ma-
telassé il son extrémité inférieure, sont munies en haut d'une courroie
Fin. 3.t, - Appareil vu en place.
88 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPËTUIËRË.
pouvant s'allonger ou se raccourcir à volonté suivant la taille ou le
poids du malade.
Le jeu de cette courroie est très important. En effet, lorsque la
pièce axillaire est trop courte, il se produit une compression du
plexus brachial susceptible de déterminer des fourmillements, des
engourdissements nécessitant l'interruption de la séance. Lorsque la
pièce est trop longue, le tiraillement des muscles de la nuque devient t
intolérable, le corps ne trouvant pas un point d'appui suffisant.
On procédera donc par tâtonnements, et, au bout de trois ou quatre
séances, on sera fixé sur le cran où s'appuiera supérieurement la pièce
de la tête, sur la largeur de la courroie unissant les pièces du menton
et de la nuque, sur la longueur de la courroie des pièces axillaires.
L'appareil est en place et bien disposé. Le médecin commande à un
aide - avec un peu d'habitude il peut s'en passer - de tirer sur la
corde doucement, progressivement, afin d'éviter une élévation trop
brusque et d'habituer les muscles du cou à la traction qu'ils vont sup-
porter. Il engage le malade à ne pas faire de mouvements, souvent in-
volontaires, quand il sentira qu'il quitte le sol, de façon à éviter les
déplacements latéraux, les mouvements de torsion.
Le malade a quitté le sol, de telle façon que la pointe des pieds ren-
versée en bas ne puisse le rencontrer; l'opérateur le soutient légère-
ment, de manière empêcher qu'il oscille, en même temps qu'il fixe
ses yeux sur une montre à secondes pour régler minutieusement la
durée de chaque séance' (pi. XII).' - ,
Pendant que le patient 'est ainsi suspendu, il lui commande de temps
en temps de lever les bras, doucement et verticalement, de manière à
rendre, si cette pratique est tolérée, la suspension et la traction encore
plus effectives (fig : 33) ? , ?
D'une façon générale,. la plus longue séance ne doit pas dépasser
trois à quatre minutes;. ce'chiffre. de trois minutes étant pris comme
moyen terme. On commence'par une demi-minute et on arrive ainsi
progressivement au chiffre supérieur indiqué, lequel est atteint vers la
sixième ou huitième séance. "
Là encore, il faut 'tenir compte de certaines susceptibilités indivi-
duelles et de particularités inhérentes surtout au poids du patient.
Alors, par exemple, qu'on' n'éprouve aucune difficulté à faire tolérer
d'emblée deux minutes. 'de' suispeii'sioii ? t des malades pesant 60 1
70 kilogr., il n'en.est pas de même chez les sujets qui pèsent 80,
90 kilogr. et plus.
Chez ces derniers, la traction qui s'opère sur les muscles de la
nuque est très forte, douloureuse, même parfois pendant toute la
NOUVELLE ICONOGRAPHIE
T. II. PL. )-CI 1
TRAITEMENT DE L'ATAXIE LOCOMOTRICE
PAR LA SUSPENSION
. LFCROSNIRR FT RABÉ ÉD17FUR5
DE LA TECHNIQUE A SUIVRE. 89
journée qui suit la séance, ce qui ne doit pas être quand l'opération
est bien faite.
Il est des malades chez lesquels le désir de guérir - bien légitime
d'ailleurs est si fort, qu'ils se croient obligés de tout supporter sans
se plaindre, ce qui évidemment est fort nuisible à l'obtention de bons
Fic.. 35. - Le malade sllsprn'It'.
9U NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.
résultats. L'opération ne doit entraîner ni douleur, ni fatigue, sous
peine d'être inefficacc.
Aussi, alors que des malades de poids faible (60-70 kilogr.) pourront
parfaitement tolérer trois minutes et demie de suspension, est-il inutile
de dépasser trois minutes chez ceux d'un poids plus élevé. Chez ces
derniers, du reste, la traction, on le comprend, est très effective.
Les séances doivent être faites tous les deux jours; l'expérience
ayant démontré que les séances quotidiennes étaient plus nuisibles
qu'utiles. L'heure paraît importer peu; la régularité dans les séances
est indispensable. Lorsque les trois minutes, par exemple, sont
écoulées, le médecin commande de lâcher peu à peu la corde, de façon
à ce que le patient touche le sol lentement, sans secousses. On le sou-
tient alors pendant qu'on enlève les diverses pièces et on l'asseoit
immédiatement pour quelques minutes dans un fauteuil préparé à cet
effet, afin qu'il se repose un instant.
Donnons encore quelques détails, qui, quoique secondaires, ne
manquent pas d'un certain intérêt. Le malade doit quitter son vête-
ment de dessus de façon à avoir les bras libres ; le cou doit être nu,
ou du moins ne pas être serré dans un col étroit, car des phénomènes
de compression seraient à craindre.
L'appareil imaginé par Sayre comporte, outre les pièces indiquées,
un trépied portatif à branches démontables, muni à sa partie supé-
rieure d'un crochet auquel se fixe le moufle supérieur duquel doit par-
tir (et non de celui d'en bas) la corde de traction.
L'usage de ce trépied peut être bon pour appliquer un corset chez
les personnes dont la station debout est parfaite, mais il n'en est plus
de même chez les ataxiques qui oscillent si souvent sur leurs jambes,
et qui, de peur de perdre l'équilibre, saisissent parfois convulsivement
les branches du trépied qu'ils pourraient renverser.
Nous n'insisterons pas sur les résultats jusqu'à présent obtenus à la
Clinique, résultats consignés dans la leçon que nous avons analysée
dans le Progrès médical du 19 janvier 1889. Ces résultats ont été sur-
tout remarquables dans l'ataxie locomotrice; dans un cas de maladie
de Friedreich (avec corset pour redresser la déviation de la colonne
vertébrale); chez deux neurasthéniques impotence génitale marquée
ils ont été satisfaisants. Par contre, la suspension a plutôt exagéré les
symptômes de paraplégie spasmodique dans un cas de sclérose en
plaques. -
Deux malades atteints de paralysie agitante, et qui y sont actuelle-
ment soumis, semblent également en avoir retiré quelques bénéfices.
Cependant, en ce qui regarde l'ataxie locomotrice progressive, en
DE LA TECHNIQUE A SUIVRE. 91
particulier, il est difficile de formuler encore très exactement les indi-
cations du traitement; le nombre des cas est encore trop restreint
pour que l'on puisse porter un jugement définitif.
Il est probable, il est certain, qu'il ne pourrait s'appliquer indis-
tinctement à tous les cas; les tabétiques jeunes semblent en retirer
peu de bénéfices, de même que certains symptômes du tabes sont plus
particulièrement ' influencés d'une façon heureuse. Cette sélection
même est une preuve de la valeur thérapeutique du procédé qui n'a
nulle prétention au titre de panacée.
Ce que nous pouvons dire, c'est que, grâce à lui, M. Charcot aobtenu
chez des rnalades, qui, depuis plusieurs années déjà, venaient à la Sal-
pêtrière, des améliorations des plus encourageantes, étant donné
surtout que l'ataxie semble jusqu'à présent avoir défié les efforts de
la thérapeutique.
De même est-il difficile de se prononcer sur la durée du traitement;
les premiers ataxiques qui ont été soumis à la suspension, à la Salpê-
trière, y viennent encore depuis quatre mois et semblent s'améliorer
d'une façon progressive.
Dans tous les cas, comme le disait M. Charcot, « le traitement peut
être institué avec confiance, car il nous a paru toujours, lorsqu'il est
' convenablement appliqué, être totalement inoffensif. »
GILLES DE la TOURETTE,
, Chef de clinique des maladies du système nerveux.
NOTE SUR UNE ANOMALIE MUSCULAIRE
CHEZ DEUX ÉPILEPTIQUES..
L'étude des anomalies morphologiques des dégénérés a pris dans ces
dernières années une grande importance, surtout depuis que l'on con-
naît mieux la valeur étiologiquedç l'hérédité; ces anomalies donnent
en effet en quelque sorte la mesure de la prédisposition. Les anomalies
du crâne, de la dentition, des oreilles, des organes génitaux, des
extrémités ont surtout frappe l'attention. Les anomalies viscérales
doivent échapper à peu près fatalement sur le vivant. Quand aux ano-
malies musculaires elles ne paraissent pas avoir attiré l'attention
même sur les cadavres. Quelques-unes ne sont pourtant pas sans inté-
rêt, tant au point de vue des déformations et des troubles fonctionnels
qu'elles peuvent entraîner qu'au point de vue des indications qu'elles
peuvent fournir sur la localisation des lésions foetales du système ner-
veux avec lesquelles elles peuvent être en rapport.
Observation. A. V. E..., âgé de 18 ans, sans profession, est entré à
Bicêtre le 7 juillet 1888. Son père, âgé de 46 ans, peintre en bâti-
ments, se porte bien, n'a jamais été malade, n'a jamais eu d'accidents
saturnins. Deux oncles paternels sont bien portants, l'aîné n'a jamais
eu d'enfants, l'autre en a eu trois qui sont morts dans les deux ou trois
premiers mois. - La mère a 44 ans; se porte bien, mais très impres-
sionnable. Une tante maternelle, religieuse, a eu la danse de Saint-
Guy : un oncle a sept enfants vivants et bien portants. - Pas d'alcoo-
lisme ni du côté du père, ni du côté de la mère. Pas d'accidents connus
de la grossesse. A. V. E... a un frère âgé de '12 ans qui n'a jamais eu
aucune maladie, ni convulsions.
A. V. E... a eu de fréquentes et violentes convulsions au moment de
la première dentition. A 7 ans il a une grande attaque convulsive géné-
ralisée avec perle de connaissance et suivie d'un sommeil profond qui
dura quatre heures. Les mains seraient restées raides pendant un jour
ou deux. Depuis il a de temps en temps des crises convulsives du même
genre; en outre il a quelquefois des sensations d'étouffement suivies
NOUVELLE ICONOGRAPHIE T. II PL XIII
CLICHÉ A. LONDE PHQTOTVPIf-. Bl : .R'THAUD
Anomalie Musculaire chez un Épileptique
Lecrosnier et BA717 . Éditeurs
NOTE SUR UNE ANOMALIE MUSCULAIRE. "" -~â3lJl
de perte de la parole, puis de perte de connaissance et de chute avec
morsure de la langue. Il a aussi des crises dans lesquelles il marche
au hasard sans conscience, et à la suite desquelles il conserve de l'hé-
bétude pendant vingt-quatre ou quarante-huit heures.
Le 1er mars 188G, il a eu une attaque très violente qui l'a laissé trois
ou quatre jours sans connaissance. Dans un certain nombre d'accès il
perd ses urines. Quelquefois ces paroxysmes convulsifs débutent par
un cri. Quelquefois les attaques ou les vertiges sont annoncés par une
violente douleur de tête du côté droit. Depuis son entrée jusqu'au
let janvier 1889 il n'a eu que deux crises convulsives qui n'ont pu être
observées, et 34 vertiges qui paraissent varier considérablement, tan-
tôt il tourne sur l'une ou sur l'autre jambe, ◀tantôt▶ il marmotte des
mots inintelligibles parmi lesquels on distingue « les blancs ! les
blancs ! » D'aulres fois il cherche à saisir des objets imaginaires avec
sa main droite, à enlever ses vêtements. Il lui est d'ailleurs arrivé plu-
sieurs fois de se déshabiller dans la rue à la suite de ses attaques ou
de ses vertiges.
Ce malade est sujet à se faire des luxations en dehors des deux ro-
tules, il avait déjà eu cinq luxations de ce genre avant son entrée;
l'accident s'est reproduit une fois du côté gauche : la luxation était
à peu près complète.
Examen physique. - Taille, '1 m. 60. -Poids : 58 kil. 30. -Pres-
sion dynamométrique : main droite 35, 'main gauche 30.
La tête ne présente pas de déformation notable. ' L'oreille gauche
est un peu plus écartée. - Les dents, les voûtes palatines sont régu-
lières. -L'iris droit est plus foncé que le gauche. La pupille droite
est plus petite. Les deux sont déviées en haut et en dedans'. - Il
existe un double tourbillon des cheveux 2.
La poitrine présente une forte dépression du côté gauche. Il existe
une série de saillies au niveau des articulations chondro-costales en
dehors desquelles les côtes sont légèrement- déprimées.' Lorsque le
sujet est debout les membres supérieurs allongés le long du corps
(pl. XIII), on voit du côté gauche au-dessous de '-la 'clavicule 'une
dépression qui n'existe pas du côté opposé. On ne sent entre la peau
et les côtes aucun faisceau musculaire : du reste l'aisselle n'est
limitée en avant par aucune saillie,- par1aucÍ.lli tendon.' Le -grand
pectoral paraît donc absent. Cependant il est représenté par un fais-
1. Cri. Férié, De l'asymétrie chromatique de l'iris considérée comme stigmate névro-
pathique (stigmate indien) (Progrès médical, 1886, p. 802).
2. Ch. Fere, Nouvelles Recherches sur la topographie cranio-cérébrale (Revue d'an-
thropologie, 1881, p. 483).
ü4 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALI·I : 'l'111E1.>;.
ceau claviculaire. Lorsque le sujet a les bras étendus horizontale-
menton peut constater encore (pl. XIV) l'absence de la saillie sur le
bord de l'aisselle de la portion costale du grand pectoral gauche. On ne
sent pas non plus de petit pectoral. Le malade ne sent pas de gêne
dans les mouvements d'adduction; mais il n'en est pas de même lors-
qu'il s'agit de grimper. r, ,
La clavicule droite a 195 millimètres la gauche seulement 185. La
main droite a une longeur de 182 millimètres, la gauche 170 seule-
ment. Le médius droit a 8 millimètres de plus que le gauche. Les deux
cubitus paraissent égaux. La demi-envergure mesurée de la ligne
médiane du sternum est de 85 centimètres à droite et de 82 à gau-
che. La masse sacro-lombaire est plus dévelopée à droite qu'à gauche.
Le développement des deux membres inférieurs semble égal à pre-
mière vue. Mais le membre inférieur droit est de 2 centimètres plus
court; et les deux pieds sont inégaux : le droit n'a que 225 millimè-
tres de long, tandis que le gauche en a 245. Cet allongement du
pied droit coïncide avec un aplatissement de la voûte plantaire.
Aucune anomalie génitale, sauf que les testicules sont petits.
Il n'existe pas de troubles évidents de la sensibilité générale ou spé-
ciale.
L'étude du temps de réaction aux excitations cutanées (les yeux clos)
donne les résultats suivants :
Réaction de la main droite : .'
NOUVELLE ICONOGRAPHIE
T. II PL. XIV
CLICHt7 A. LONDE PHOTOTYPIE BEHTHAUD
Anomalie Musculaire chez un EPILEPTIQUE
L6ChOSNIFR hT HAH1. Énrllo.uPs
NOTE SUR UNE ANOMALIE MUSCULAIRE.
une moindre abondance des poils sur tout le corps du côté droit; dans
la moustache, du côté droit, existe une tache de vitiligo couverte de
poils complètement décolorés. Il existe du même côté droit un affai-
blissement de la sensibilité générale et spéciale et une augmentation
de la durée du temps de réaction. '
L'absence du grand- pectoral n'est pas une anomalie très rare :
M. Testut, en cite une vingtaine d'exemples. Elle a quelquefois été
reconnue sur le vivante et elle a même été utilisée pour l'étude de
l'action physiologique des muscles intercostaux 3. `
Cil. Féré,
Médecin de Bicêtre.
1. 'l'estut, les Anomalies musculaires chez l'homme, expliquées par l'anatomie com-
parée, 1884, p. 29.
2. Deshayes, Bull. Soc. anat., 1873, 20).
3. Von Noorden, Zwei Falle von angeborenem Jla>agel der Pecloralmuskeln nebst
Bemerkung über die Wirkung de;' Intercostalmuskeln (Deulsch. med. Woch., 1885,
il, 39).
L'ACROMÉGALIE
(Suite ')
OBS. XVI2. - Femme de quarante et un ans, avait demandé les soins du
docteur Godlee pour une augmentation de volume du corps thyroïde datant de
neuf ans; un kyste s'y était formé qui avait amené une névralgie par compres
sion des branches du plexus cervical. M. Godlee ouvrit et draina ce kyste avec
amélioration des symptômes. La malade, qui auparavant avait été plutôt
mince (had been of a slight figure) et possédait une bonne voix, constata
d'abord la disparition des notes les plus élevées, puis le gonflement du cou
et l'arrêt subit des règles à l'âge de trente-six ans. Depuis cette époque était
survenu un accroissement graduel du corps thyroïde accompagné par une
augmentation de volume des os de la face et des membres, et spécialement
de la mâchoire inférieure, des mains et des pieds.
La malade était issue d'une famille de goutteux et de rhumatisants, el
avait été sujette au rhumatisme avant la maladie, mais non depuis.
Quant à l'état actuel : mâchoire inférieure très augmentée de volume, de
sorte que les dents de celle-ci ne pouvaient s'adapter à celles de la mâchoire
supérieure. Les lignes de la tête étaient peu ou pas altérées, de façon que la
face avait la forme d'un oeuf avec le gros bout en bas, différant ainsi beaucoup
de l'aspect qu'elle prend dans l'ostéite déformante. La clavicule et les extré-
mités des côtes étaient massives, de sorte que le sternum semblait enfoncé.
Les os des membres n'étaient généralement pas épaissis, mais toutes leurs
proéminences naturelles étaient très exagérées et les petits os des mains et
des pieds très augmentés de volume; aussi les extrémités étaient-elles deve-
nues larges et en forme de bêches. Cyphose marquée, faisant penser' à une
carie vertébrale et produisant une diminution considérable de hauteur. Car-
tilages des oreilles et probablement du nez et du larynx épais et résistants.
Peau grossière et avec de larges glandes sébacées à la face, naturelle ailleurs.
Tissu cellulaire sous-cutané normal, mais insuffisant comme quantité par
( suite de l'émaciation. Sueurs profuses ; auparavant la peau ne présentait pas
d'humidité anormale. Muscles très atrophiés. Ouïe normale, odorat très
affecté, spécialement pour les odeurs délicates, de même pour le goût; la
1. Voy. les nO' 5, 6, t. I, 1888 et le n' 1, t. II, 1889.
2. Rickman J. Godlee,1 case of acî,oi71egaly (Clinical Sodetyof London, 13 avril 1888),
dans Médical Press and CirculaI', 18 avril 1888.
L'ACROMÉGALIE. U7
langue était très épaisse et large; vision bonne; toucher normal; la malade
jouait encore de l'orgue aussi bien qu'auparavant. Voix rude, métallique et
monotone. Un peu de dyspnée due évidemment en partie fi. l'augmentation de
volume du corps thyroïde. - L'aspect général est celui d'une faiblesse
marquée et en voie d'augmentation ; la malade marche en traînant les
jambes comme une vieille femme. Appétit petit, mais soif excessive. Pouls
rapide. Température normale. L'urine ne contient ni albumine ni sucre.
Intelligence parfaite et humeur placide.
Ons. XVII1 . Le 25 mars 1 872, l'auteur vit entrer dans son cabinet une femme
de taille moyenne, fortement courbée en avant, marchant lourdement, dont
la tête était extraordinairement grande et mal conformée; son chapeau, qui
semblait tout d'abord un chapeau d'enfant, était cependant analogue à ceux
qu'on portait alors. Ses mains gigantesques croisées au-dessus de la ceinture
étaient à moitié enfoncées dans des gants non boulonnés; les vêtements sem-
blaient n'aller de nulle part. M. Freund eut cette sensation qu'il avait devant
lui une sorte de singe anthropomorphe habillé de vêtements humains et
prenant pour marcher l'attitude bipède. Cette femme était âgée de trente-
quatre ans, elle raconta que ses parents étaient bien conformés, ainsi que
ses frères et soeurs. Jusqu'à sa septième année, elle était plutôt petite, et
même mignonne, comme on disait dans sa famille. A partir de celte
époque elle a grandi assez rapidement, sa seconde dentition s'est faite
de bonne heure et promptement. Dans les années qui suivirent (une esti-
mation plus exacte du temps n'a pas été possible), la grandeur des mains
et des pieds fut remarquée à propos dit choix des vêtements, mais elle
se tenait parfaitement bien. Au visage, il n'y avait non plus dans ce temps-là
rien d'anormal. Mais vers l'âge de quatorze ans, la menstruation s'établit ;
tout d'abord les périodes se montrèrent un peu en avance, puis ensuite en
retard, elles duraient de quatre à cinq jours avec écoulement d'intensité
variable, sans douleurs ; il quinze ans, suppression des règles pendant quel-
ques mois, alors la jeune fille et son entourage remarquèrent une augmenta-
lion de la circonférence des pieds, des mains et du visage, augmentation qui
fut d'abord mise sur le compte de la croissance générale et de l'adipose. Puis
les règles se montrèrent de plus en plus rarement, elles firent défaut pendant
des intervalles de six mois ou plus encore, et enfin disparurent complète-
ment il l'âge de vingt ans. Elle se maria à vingt-deux ans, avec un homme
sain jusqu'alors, elle n'eut pas d'enfants, et plus tard devint tout à fait indif-
férente aux rapprochements sexuels; impossible de rien savoir sur ce point,
pour ce qui a trait aux premiers temps de son mariage. Alors « la chair »
aux mains, aux pieds, à la face, aurait épaissi de plus en plus ; alors aussi
auraient commencé les difficultés avec la couturière, la modiste, le cordon-
nier, le gantier. Peu à peu sa tète lui devint trop lourde à porter, de sorte
1. W. A. Fi,ciiiid, Ueber Akromegalie (Volkmann's Salllllllung klinischer 0 ! '<t'e,
n° 320-30, 10),
il, 7
98 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SAL1'1;'l'T,lliltl ?
qu'elle ne pouvait plus la tenir droite comme auparavant. Les travaux manuels
ne tardèrent pas à devenir impossibles parce que les mains massives ne pou-
vaient plus tenir ni diriger l'aiguille, et que par suite de leur poids les bras
se fatiguaient rapidement; la marche serait devenue lourde et sans élasticité.
Une sensation presque permanente de pesanteur et d'épuisement l'envahil,
se transformant quelquefois en douleurs lancinantes pénibles dans la nuque
et les membres. De sorte que de vive et active qu'elle était autrefois, elle
devint mal il l'aise et chagrine, et la déformation de son corps ne faisant que
s'accentuer, elle tomba dans la tristesse et la misanthropie, fuyant la vue
des autres personnes.
L'examen donna les résultats suivants : femme blonde, de constitution
vigoureuse, musculature molle. On est frappé de la maigreur des bras et des
jambes que rend d'autant plus saillante la différence de volume des différents
segments des membres. Au contraire, les parties molles des mains et des
pieds ont éprouvé un développement massif, de sorte que le squelette de ces
parties n'est que difficilement accessible à la palpation. La peau est partout
molle et élastique, non oedémateuse, et aux mains et aux pieds sillonnée en
tous sens de plis massifs. La couleur de la peau est celle ordinaire chez les
blondes pâles. Il n'y a nulle pari de varices visibles. Les muqueuses sont
pâles. L'expression du visage est triste et honteuse. La parole est un peu
embarrassée. Les fonctions des organes des sens complètement normales.
Les facultés mentales ne sont pas troublées. Le sommeil généralement bon.
Appétit peu vif. Un peu de constipation. La langue ne présente rien d'a-
normal.
La déformation du corps est principalement due à la cyphose arciforme de
la partie supérieure de la région dorsale du rachis et à l'attitude particulière
déterminée par cette cyphose, notamment pour le bassin et les extrémités
inférieures; la déformation est due en outre à ce que les épaules sont forte-
ment tombantes en avant et en bas.
Une autre chose qui saute aux yeux, surtout dans la position de profil,
c'est le développement tout à fait disproportionné, et presque gigantesque,
des quatres extrémités et de la ceinture qui rattache au tronc chacune des
deux paires de membres. La face tout entière (fig. 3G), d'une façon prédo-
minante dans sa partie inférieure régie par le maxillaire inférieur, fait, par ses
dimensions colossales, paraître le crâne proprement dit trop petit, elle
est fortement projetée en avant et en bas. Le cuir chevelu d'une épais-
seur normale semble avoir des limites plus étroites que normalement. t.
C'est surtout le maxillaire inférieur qui fait saillie dans toutes les direc-
tions,puis la région des tempes et des oreilles. La partie de la région du maxillaire
supérieur proche du nez est également anormalement développée, et donne
l'impression d'avoir obéi à une traction ou à une poussée venue du dehors
qui l'aurait fait sortir de ses limites ordinaires. La lèvre inférieure est un peu
plus grosse que la supérieure. L'arcade dentaire inférieure dépasse en avant
la supérieure du 5 millimètres.
L'ACROMÉGALIE.
99
Les bras étant pendants, l'extrémité des doigts arrive jusqu'à centimètres
au dessus du condyle externe. Le premier coup d'oeil montre que la maiu et
l'avant-bras sont d'une longueur disproportionnée, et que la main est en
outre démesurément large et massive. La clavicule et le scapulum sont aussi
de dimensions énormes.
Pour ce qui est des longues jambes, ou remarque tout d'abord le dévelop-
pement exagéré des pieds qui ont l'apparence de pieds-plats, sur leurs bords
quand la malade est debout, les chairs sous la pression rebroussent sous forme
d'un large bourrelet (iig. 37). Les jambes certainement trop longues sont assez
maigres, les mollets sont flasques. La région du bassin paraît plus large que
normalement. Le mont de Vénus très développé fait une trop forte saillie eu
avant et en haut; les fesses sont flasques et pendantes. La région lombaire du
rachis est anormalement aplatie ; la région sacrée se rapproche de la direc-
tion verticale.
Au cou on ne remarque que le grand développement des sterno-mastoï-
diens, a la nuque celui des trapèzes. Au niveau du corps thyroïde aucune
altération appréciable. La partie supérieure du thorax est déprimée, l'infé-
rieure élargie. Les mamelles sont molles, cela près normales. Au ventre
rien d'anormal a signaler.
Les organes génitaux externes présentent un développement complet. Le
clitoris est certainement trop volumineux et montre un prépuceépais. Autour
delà couronne du clitoris adhèrent de nombreuses masses de sébum à demi
l'w. 36. -.lcromegalic(obs. XVII).
lUU NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA S : 1L11 : 'l'lIl$lil :
desséchées. Les petites lèvres ont une muqueuse très épaisse, rugueuse, d'un
Ijrtin jaunâtre. Le vagin remarquablement large présente peu de plis et se
termine dans un cul-de-sac postérieur large et flasque. L'utérus en situation
normale est longue 7. 5 centimètres et porte d'ailleurs tous les caractères de
l'atrophie sénile au début; on remarque surtout la flaccidité el la minceur de
ses parois. Les ovaires faciles à sentir par la palpation sont très plats, résis-
tants et leur surface un peu irrégulière.
L'ACROMEGALIE. 101
102 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALI'ÈTHIBHE.
NOUVIÎLLC ICONOGRAPHIE T. II. PL. XV
LES EFFETS DU MAGNÉTISME... ANIMAL
cecnoswen ET SAIIÈ, ÉDITr(InS
1-i
NOUVELLE ICONOGRAPHIE T. II. Pu. xi
UNE Scène DES DOCTEURS MODERNES
(l784.)
D'APRÈS UNE AQUARELLE DE LA COLLECTION DE M. CHARCOT.
DOCUMENTS SATIRIQUES SUR MESMER
(Suite 1) .
Les deux pièces qui suivent (pl. XV et XVI) datent de 1784 et toutes
deux semblent avoir été inspirées, en partie au moins, par cette
comédie des Docteurs modernes qui ridiculisa si vigoureusement
Mesmer.
Ce fut le '16 novembre 1784 que les comédiens italiens donnèrent
pour la première fois cette « comédie-parade en un acte suivie
du Baquet de santé, divertissement analogue mêlé de couplets ».
Naturellement la pièce était conçue dans le goût de l'époque.
Cassandre qui représente Mesmer explique à Pierrot, le valet magné-
tiseur, sur l'air des Portraits à la mode, quels sont ses projets :
Saigner et purger dans tous événements, .
Employer en vain de noirs médicaments
Et sans les guérir rebuter tous les gens
Des autres c'est la méthode.
Suppléer à cela par un tact vainqueur
Flatter et les sens et l'esprit et le coeur
Tel est, mon ami, le remède enchanteur
Que je prétends mettre à la mode.
Pierrot, en valet bien appris, opine du bonnet et Cassandre, dont il a
gagné la confiance, veut bien lui dire en confidence :
Mon enfant, conçois mon dessein,
' Peu m'importe que l'on m'affiche
Partout pour pauvre médecin
Si je deviens médecin riche.
Tout est disposé pour recevoir les clients, le baquet est tout préparé.
Survient alors un Gascon qui raconte à Cassandre qu'ayant reçu une
maîtresse gifle il s'est battu en duel, mais qu'à la première passe est
tombé « à jambes rebindaines » comme eût dit Rabelais. Naturelle-
ment le Gascon ne peut douter de sa propre bravoure et l'effet désas-
treux qu'il a ressenti au simple froissement du fer de son adversaire
1. w3·. le Il'1, lsss, p. 59.
104 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
vient évidemment de ce que celui-ci tenait en main une épée magné-
tisée : « Magnétisez donc aussi la mienne s'écrie-t-il afin que je
punisse ce faquin. »
Très bien, dit Cassandre : '
Mais avant que je commence
Il me faudrait vingt louis.
LE GASCON.
Je n'ai pas une pistole
Mon banquier se trome absent
Mais je donné ma parole.
CASSANDRE.
J'y croirais sans \otre accent.
Et le Gascon est éconduit.
Cependant Cassandre n'ignore pas que la Faculté réprouve hautement
ses pratiques. Il lui faudrait un Docteur pour répondre aux critiques qui
le poursuivent de toutes parts. Afin de se l'attacher complètement il
lui donnera sa fille Isabelle en mariage et une bonne part du gâteau.
Mais à l'instar de toute ingénue qui se. respecte, Isabelle ne se soucie
pas d'épouser un barbon, elle aime en secret le beau Léandre. Comme
il est un dieu pour les amoureux, même chez les magnétiseurs, Pierrot,
en bon valet de comédie, se charge de tout arranger pour le mieux, ce
qui lui est d'autant plus facile que Léandre se trouve être par hasard le
propre neveu du Docteur (qui représente Deslon). Les bénéfices qui
menacent d'être considérables ne sortiront pas ainsi de la famille.
Naturellement l'intrigue principale est entrecoupée par des intrigues
secondaires qui se passent entre un certain Mondor et la belle Agiaé
auprès de laquelle ce dernier paraît devoir être supplanté par un jeune
abbé fort galant.
Aglaé a la plus grande envie de ressentir les effets du magnétisme.
L'abbé lui propose ses services : « Je m'estimerais bien heureux, lui
dit-il, si je pouvais contribuer à la guérison d'une aussi jolie per-
sonne. »
Cassandre intervient alors comme le Deus ex machina. Mondor
s'assied devant l'harmonica, et c'est au son de cette musique céleste
qu'Aglaé entre en des pâmoisons qui vont se terminer dans la salle des
crises où l'emporte le fidèle Pierrot.
L'aquarelle qui appartient il M. Charcot et que nous reproduisons
(pl. XVI) semble bien avoir été inspirée par cette scène des Docteurs
modernes. Elle présente de plus, au point de vue médical, ceci d'intéres-
sant que le magnétiseur appuie directement sur la région ovarienne,
région qui, comme on le sait, estle siège de la plus fréquente des zones
DOCUMENTS SATIRIQUES SUR MESMER. 105
hystérogènes. Ce n'est donc pas sans intention que sa main se porte
en cet endroit, car c'est là qu'il doit appuyer pour produire la crise.
Ali ! je conçois qu'il n'est rien tel
Que ce fluide universel
J'aime fort qu'on me magnétise
Appuyez, docteur, j'entre en crise.
Notre artiste inconnu était incontestablement doublé d'un excellent
observateur.
L'aquarelle, comme la pièce des Docteurs modernes, date de 1784.
Au-dessus des lignes qui nous l'apprennent on remarquera deux chats
qui eux aussi commencent à ressentir les effets du magnétisme...
animal. '
D'ailleurs, comme nous l'avons dit, rien ne résistait au fluide de
Mesmer. D'un coup de baguette il magnétisait les arbres, la lune elle-
même et son chien fidèle ne pouvait sortir dans la rue sans qu'à son
approche tous les autres animaux fussent magnétisés !
Et les effets qui se produisaient alors n'étaient, paraît-il, guère plus
anodins que ceux que l'on observait dans la salle des crises, si nous en
jugeons par la planche XV qui date également de 1784, alors que les
Italiens jouaient les Docteurs modernes dont on peut voir l'affiche
placardée sur le mur de droite.
Le caniche de Mesmer qui porte sur son collier le nom de son maître,
a voulu lui aussi essayer lapuissance de son fluide. Il est tombé à point
au beau milieu d'une meule conduite par un piqueur. Aussitôt les con-
vulsions d'éclater suivies bientôt de vomissements et d'émissions de
toute nature. Le piqueur lui-même est touché et abandonne ses
chiens qui ont rompu leur laisse. Seul un pauvre diable de violoneux
aveugle continue à racler son instrument, se faisant ainsi le complice
inconscient du caniche par les accords harmonieux qu'il tire de son
violon remplaçant dans la circonstance l'harmonica de Mesmer.
Ces accords troublent profondément un Aliboron envahi par le
fluide, et qui non seulement ne se contente pas de braire à l'unisson,
mais encore lance mille pétarades et ruades qui ont pour effet immé-
diat de désarçonner une jeune et jolie laitière qu'il porte en croupe.
Et toujours, comme dans la salle des crises (pl. VIII), il se trouve là un
amateur sur lequel les charmes de la laitière ont beaucoup plus de
prise que les effets du magnétisme.
Les Docteurs modernes eurent un grand succès : les amis et les
ennemis de Mesmer se donnèrent rendez-vous à la première représen-
tation pour applaudir et siffler de concert. Mais les applaudissements
106 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
remportèrent, et comme en France rien ne tue plus sûrement que le
ridicule, quelques mois plus tard Mesmer quittait Paris. z
« Adieu baquet, vendanges sont faites, » lit-on au-dessous d'une autre
pièce satirique, et cette locution est devenue proverbiale.
Mais les vendanges avaient été grasses et Mesmer, en quittant Paris
pour son opulente retraite de Mersburg, pouvait répéter avec une
variante les paroles qu'il adressait à Pierrot :
Peu m'importe que l'on m'afliche
Ilti-tolit polir 1)tu 1-0 médecin..
11 était devenu riche.
Gilles de la TOURETTE,
Chef de clinirluc (le mal.ultCs du sjstùinc ri,iveii\.
Le gérant : ';\111,1; LECH0bMi : n.
,rOrll;n07.. - Imprimerie lé11111r5 U, me Mignon, 2.
NOUVELLE ICONOGRAPHIE
DE LA SALPÊTRIÈRE
DE LA SUPERPOSITION DES TROUBLES
DE LA SENSIBILITÉ ET DES SPASMES DE LA FACE
ET DU COU CHEZ LES HYSTÉRIQUES
En prenant, à la Salpêtrière, au mois de novembre 1887, nos fonc-
tions de chef de clinique de M. le professeur Charcot, nous avons
trouvé dans la salle Duchenne, de Boulogne, une jeune fille hystérique,
présentant, entre autres accidents variés de la névrose, une contrac-
ture de l'orbiculaire des paupières gauches, dont l'étude a été l'origine
du présent travail.
Ce travail qui, dans le principe, portait uniquement sur le blépharo-
spasme hystérique a pris peu à peu des proportions plus considérables.
En effet, par la nature même de nos recherches nous avons été conduit
insensiblement à passer en revue les autres spasmes de même ordre,
des muscles de la face et du cou, y compris le spasme glosso-labié,
dont la récente découverte comptera certainement parmi les plus
intéressantes dans le domaine de l'hystérie. On verra que nos investi-
gations n'ont pas tout à fait été infructueuses, puisqu'elles nous ont
permis de relier tous ces spasmes par un lien commun que, nous
l'espérons, de nouvelles observations ne feront que resserrer.
Cette étude est donc un chapitre détaché de la pathologie générale
de l'hystérie : toutefois, pour les raisons précédemment énoncées, on
ne s'étonnera pas d'y voir le blépharospasme y occuper une place pré-
dominante. Sa description méritait, en effet, d'être traitée plus lar-
gement qu'on ne l'avait fait jusqu'ici. Notre but aura été atteint si, de
l'ensemble des faits particuliers que nous allons exposer, se dégage,
Il. . 7
108 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA 511.1'LI'Itll.lil ?
d'une façon précise, cette notion générale, du lien commun tiré de
l'état des troubles de sensibilité - qui réunit les spasmes des diffé-
rents muscles de la face et du cou chez les hystériques.
Otso. 1 s. - llorteuse J..., couturière, âgée de seize an el demi, entre à
' la Salpètrière, salle Duchenne, de Boulogne, service de M. le professeur
Charcot, le 22 septembre 1887.
Antécédents héréditaires. - Père rhumatisant ; mère morte d'une
maladie de coeur. La malade n'a pas connu ses grands parents paternels ni
maternels. Un frère, bien portant, qui a eu des douleurs rhumatismales. Une
soeur a des attaques d'hystérie.
Antécédents personnels. Rougeole dans l'enfance. A l'âge de sept ans,
choréc de Sydenham qui a duré cinq ans : trois ans de suite, un an de repos,
puis une récidive. A l'âge de neuf ans, bubon strumes de l'aine droite.
Réglée à quinze ans, l'a toujours été assez régulièrement.
Le 1" juillet 1887, à la suite d'un refroidissement, elle fut prise d'un mal
de gorge et commença à ressentir de la raideur dans le cou. Le lendemain
matin, elle était devenue aphone et ne pouvait plus avaler, parce que, dit-
elle, la déglutition était douloureuse et que, probablement, les amygdales
étaient gonflées. Elle entre alors à l'hôpital Beaujon. Au bout de huit jours,
elle n'avait plus mal à-la gorge, mais l'aphonie persistait. Elle commença
alors à souffrir dans le genou et surtout dans la hanche du côté gauche. Elle
sortit de l'hôpital Beaujon, où elle avait eu trois ou quatre crises convulsives.
Son aphonie et sa coxalgie persistant, le médecin de sa famille l'envoya con-
sulter à la Salpêtrière, et elle entra daus le service de M. le professeur
Charcot au mois de septembre 1887.
On remarqua alors que l'on pouvait, parla pression sur les globes oculaires,
la mettre dans l'état désigné sous le nom de petit hypnotisme. Dans cet état
on pouvait, par suggestion, calmer pour un moment ses douleurs de la
hanche et du genou, et la faire parler à haute voix; mais l'aphonie revenait
au bout de quelques heures. Le transfert avec une grande hypnotique fut
pratiqué plusieurs fois et donna les mêmes résultats que la suggestion dans
le petit hypnotisme.
A la suite d'une attaque survenue dans le mois de novembre 1887, l'oeil
gauche est resté fermé. Dès le premier jour, il l'a été assez fortement; puis il
sembla à la malade qu'il tendait à se fermer cncore davantage les jours sui-
vants. Ilortense J... n'avait jamais vu de malade atteint de blépharospasme.
Elle avait été hypnotisée à la Salpêtrière bien avant la localisation de cette
affection sur son oeil gauche; mais elle n'avait jamais été suggérée dans ce
sens. Les suggestions et le transfert avaient eu simplement pour but de faire
disparaître son aphonie et sa coxalgie hystériques.
État actuel (27 novembre 1887). = La malade a toujours son aphonie,
sa coxalgie hystérique à gauche et son blépharospasme de l'oeil gauche.
l. Cette observation a été recueillie par M. Daniayc, externe du service.
DE LA SUPERPOSITION DES 'l'IIUIiI>LIsS. JOU
Elle présente les troubles suivants de la sensibilité générale (fig. 38, 3J) :
Sensibilité complète à la piqûre, au froid et au contact dans tout le
côté droit du corps, sauf une diminution très marquée pour la main droite :
cette zone d'anesthésie et d'analgésie, qui occupe toute celte main, remonte
en manchon jusqu'à quatre travers de doigt au-dessus du poignet'.
D'une façon générale, tout le côté gauche sent beaucoup moins la piqûre,
le froid et le contact que le cùté droit(hémiliypoestfusie gauche). 11 existe une
zone où l'anesthésie et l'analgésie sont complètes : cette zone occupe tout le
membre supérieur gauche et se termine en manchon sur l'épaule.
Rien de particulier pour la sensibilité des membres inférieurs, si ce n'est
que le gauche est un peu moins sensible que le droit.
1. Cette dernière disposition n'est pas indiquée sur les figures : 3$et et 39.
110 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTH1ÈHL.
A la lète. une héinicalotte d'aneslhésie du côlé gauche.
La pression de l'ovaire gauche est douloureuse et détermine une attaquc
oenvulsive (zone hyslérogèlle).
NOUVELLE ICONOGRAPHIE T. II. PL. XVII
BLEPHAROSPASME HYSTÉRIQUE
.C.0 SN i.R ET PAPI', EDITEURS
DE LA SUPERPOSITION DES TROUBLES. 111
Réflexes tendineux normaux, réflexe pharyngien conservé. Aucun trouble
du goût, ni de l'odorat.
Diminution de l'acuité auditive de l'oreille gauche.
Vision (fig. 40). OEil gauche. - Amaurose de cet oeil ; rien dans le fond
de l'oeil ; pupille réagissant à la lumière.
OEil droit. - Champ visuel un pou rétréci (30-50); pas de dysclroma-
lopsie.
La malade présente la diathèse de contracture, caractérisée par ce fail,
que l'application de la bande d'Esmarch sur le poignet contracture la main en
flexion; de même, si l'on étend brusquement l'un des membres supérieurs,
celui-ci reste ainsi fixé en extension. -
Elle a une ou deux attaques d'hystérie par semaine : elle a eu la première à
l'hôpital Beaujon, au mois de juillet 1887. L'attaque dure en moyenne quinze
à vingt minutes; elle est précédée d'une aura, qui consiste en une sensation
de constriction épigastrique. Elle est à prédominance clonique et a lieu avec
de grands mouvements : il y a projection du bassin en avant, mais sans arc
de cercle bien net.
De temps à autre, la malade qui est complètement aphone est prise d'une
toux rauque, sans expectoration, toux de nature manifestement hystérique.
IIortense J. est hypnotisable par pression sur les globes oculaires. Elle ne
présentait d'abord que les phénomènes du petit hypnotisme et elle fut, avons-
nous dit, plongée dans cet élat pour la première fois à la Salpètrière. Hyp-
notisée depuis presque tous les jours dans un but thérapeutique, elle présente
désormais deux phases du grand hypnotisme : la pression sur les yeux la
met en léthargie et elle a alors de l'hyperexcitabilité neuro-musculaire; puis
de légères frictions du vertex la font passer en somnambulisme, elle a alors
les yeux ouverts et présente également les phénomènes de l'hyperexcitabilité
musculaire. Pendant qu'elle est hypnotisée, elle est fréquemment prise de sa
toux rauque.
Lorsqu'on examine la face de la malade à l'état de veille, on remarque que
l'ceil gauche est complètement fermé par une contraction active de l'orbicu-
laire. Cette contracture plisse fortement la paupière supérieure, ainsi qu'il
est facile de le voir sur la planche XVII. Lorsqu'on commande à II. J. d'ouvrir
cet oeil, on remarque que tous ses efforts n'arrivent qu'à déterminer de lé-
gères contractions de l'orbiculaire qui accentuent encore l'occlusion. Du
reste, de temps en temps, la paupière supérieure est animée de mouvements
convulsifs spontanés, de frémissements qui s'affirment encore lorsqu'elle es-
saye d'ouvrir l'oeil. Celui-ci reste encore fermé lorsque la malade est couchée
sur le dos et que la tète repose sur un plan inférieur il celui du tronc. Du
reste, l'occlusion de l'oeil n'est pas seulement complète; mais encore la pau-
pière supérieure empiète sur l'inférieure. ce qui indique nettement une par-
ticipation active de l'orbiculaire. Lorsque, d'ailleurs, on cherche à relever la
paupière, on sent une résistance qui, pour ne pas être considérable, est
néanmoins très appréciable.
112 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE. '
Les mouvements dévolus aux muscles extrinsèques de l'oeil s'effectuent
normalement. t. , ,
Il existe une amaurose absolue de l'oeil gauche : lorsqu'on relève de force
la paupière supérieure de cet oeil, et que l'on ferme l'oeil droit, la malade
ne voit rien. L'usage du prisme et des images colorées montre que cette
amaurose est bien réelle.
La conjonctive gauche esl insensible dans son segment interne; la cornée
du même côté est également insensible dans son segment interne et infé-
rieur. La sensibilité est en outre diminuée sur toutes les autres parties' de la
cornée et de la conjonctive de l'oeil gauche.
En promenant un papier sur la cornée, on détermine des mouvements
réflexes et du larmoiement, sans qu'il y ait de sensation douloureuse perçue
par la malade.
Autour de l'oeil gauche il y a une zone d'aneslhésie légumentaire, com-
prenant les paupières supérieure et inférieure, el s'étendanl dans une zone '
périorbitaire d'environ deux centimètres.
L'aphonie de la malade persiste toujours. Depuis son entrée à la Salpè-
trière, on lui enlève tous les matins cette aphonie par suggestion dans l'état
somnambulique, et elle peut alors parler à haute voix jusqu'au soir, au mo-
ment où elle s'endort; mais le matin, au réveil, l'aphonie est revenue. Ce
n'est d'ailleurs que depuis quelques jours que l'effet de la suggestion per-
siste ainsi jusqu'au soir; au début, il ne durail que quelques heures, puis la
durée a augmenté peu il peu.
Dès le 27 novembre 1887, on commence il traiter le blépharospasme de la
malade par suggestion, en même temps qu'on continue à traiter son aphonie
par le môme moyen.
La malade étant hypnotisée par pression sur les globes oculaires, puis
mise dans la phase somnambulique, on lui suggère qu'elle peut parler il
haute voix : elle est alors prise d'une toux rauque, puis répète à haute voix
les mots qu'on lui fait dire. On lui suggère ensuite qu'elle peut ouvrir l'oeil
gauche, ce qu'elle l'ait lorsque l'on a insisté pendant quelques minutes. Mais
le blépharospasme reparaît peu à peu au bout de quelques minutes. L'apho-
nie ne reparait que le lendemain au réveil.
Les jours suivants (28, 29 et 30 novembre), on fait les mêmes suggestions
et l'on obtient les mêmes résultats; on essaie en outre, lorsque l'oeil reste
ouvert aussitôt après la suggestion, de faire disparaître l'amaurose par
le même procédé, en fermant l'oeil droit de la malade et en lui suggé-
qu'elle peut voir avec l'oeil gauche; mais celle suggestion reste sans
effet.
Le 1"' décembre 1887, on fait les mêmes suggestions à neuf heures et demi
du matin : on réussit ainsi à faire parler la malade à haute voix, -il lui faire
ouvrir l'oeil gauche, et, pour la première fois, à faire disparaître l'amaurose
de cet oeil. Après la suggestion, la malade voit donc avec son oeil gauche;
néanmoins, l'acuité visuelle do cet oeil, comparée à celle de l'oeil droit, est
DE LA SUPERPOSITION DES TROUBLES. 11 Il;
bien faible. On prend immédiatement le champ visuel de la malade, celle-ci
étant toujours en somnambulisme, et l'on trouve :
114 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALP);TltIl`sTtl's.
Mais les suggestions faites pour faire cesser le blépharospasme et l'amau-
rose de l'oeil gauche donnent de bons résultats, et l'on voit chaque jour aug-
menter la durée pendant laquelle ces résultats persistent. ,
Les 8 et 9. décembre, l'oeil gauche reste ouvert jusqu'à huit heures et demie
du soir; la vision avec cet oeil persisle, avec une acuité assez faible, il est
vrai, pendant les trois heures qui suivent la suggestion. L'aphonie ne repa-
raît plus jamais dans la journée, mais seulement le lendemain matin au ré-
veil.
Les 10 et 11 décembre, le temps pendant lequel durent les effets des sug-
gestions faites le matin augmente encore un peu : la vision avec l'oeil gauche
persiste pendant quatre heures et cet oeil ne se ferme que le soir neuf
heures et demie, heure il laquelle la malade s'endort.
Le 12 décembre, il neuf heures et demie du matin, mêmes suggestions effi-
caces ; mais on ne parvient toujours pas à rendre à la cornée et à la conjonc-
tive leur sensibilité. Ce jour-là, à six heures et quarl du soir, la malade a
une attaque d'hystérie qui dure environ une demi-heure. Après cette at-
taque, elle est redevenue aphone et son oeil gauche reste fermé. Elle avait
vu, avec cet oeil, jusqu'à trois heures de l'après-midi.
Les jours suivants (du 13 au 20 décembre 1887), les mêmes suggestions
sont faites le matin vers neuf heures et demie; après quoi la vision avec l'oeil
gauche persiste pendant quatre ou cinq heures et cet oeil reste ouvert jus-
qu'à ce que la malade s'endorme le soir, de même qu'elle peut parler à
haute voix jusqu'à ce moment.
On remarque que l'hypnotisme de la malade s'est pour ainsi dire perfec-
tionné : elle présentait déjà depuis quelque temps les phases léthargique et
somnambulique du grand hypnotisme; le 13 décembre, elle commence à
avoirquelques-unsdes caractères de la phase cataleptique : si, pendant qu'elle
est en léthargie, on tient les paupières relevées, alors les membres restent
dans l'attitude qu'on leur imprime; mais, dès qu'on cesse de tenir les pau-
pières relevées, elles retombent d'elles-mêmes cl la malade reliasse dans la
phase léthargique.
Quelques jours plus tard, la malade présente la phase cataleptique bien
nette : lorsqu'on relève ses paupières, celles-ci- ne retombent plus d'elles-
mêmes, et la malade reste dans toutes les attitudes qu'on lui imprime alors.
Lorsqu'on ferme les paupières, elle repasse dans la phase léthargique.
On remarque aussi que la malade accepte de plus en plus facilement les
suggestions qu'on lui fait tous les jours : on n'a plus besoin d'insister pour lui
persuader qu'elle peut parler à haute voix, qu'elle peut ouvrir l'oeil gauche
et voir avec cet oeil.
Les suggestions se font d'ailleurs tout aussi bien dans la phase léthargique :
il suffit alors de répéter plusieurs fois à l'oreille de la malade que, dès
qu'elle sera réveillée, elle pourra parler à haute voix, ouvrir son oeil gauche
et voir avec cet oeil, pour que ces suggestions aieut leur effet immédiat dès
qu'on la réveille.
. r
DE LA SUPERPOSITION DES TROUBLES.
Dans la dernière quinzaine du mois de décembre 1887, l'état de la malade
est toujours sensiblement le même. Tous les matins, vers neuf heures ou dix
heures, on l'hypnotise et l'on fait alors disparaître par suggestion l'aphonie,
le blépharospasme et l'amaurose de l'oeil gauche, sans jamais pouvoir rendre
par suggestion la sensibilité à cet oeil. La malade parle alors à haute voix et
son oeil gauche reste ouvert toute la journée, jusqu'au moment où elle se
couche et s'endort, vers neuf heures et demie ou dix heures du soir. Mais
l'amaurose de l'oeil gauche reparaît plus tôt, et la malade cesse de voir avec
cet oeil vers six heures et demie ou sept heures du soir. 4
Deux fois par semaine en moyenne, vers cinq ou six heures du soir, la
malade a une attaque convulsive : alors, immédiatement après l'attaque,
l'aphonie el le blépharospasme reparaissent, ainsi que d'autres contractures
des muscles des membres supérieurs et inférieurs, qu'on enlève ensuite faci-
lement par suggestion dans l'état hypnotique.
Le 18 décembre 1887, on constate une certaine modification dans la distri-
bution de l'anesthésie et de l'analgésie à la surface du tégument externe de
la malade : elles sont complètes dans tout le segment supérieur de la moitié '
gauche du corpsy compris le bras; le segment supérieur de la moitié droite ,
est bypoesthésique, la main droite est anesthésique, le segment inférieur
gauche est hypoesthésique.
Le 21 décembre 1887, à neuf heures et demie du matin, comme d'habitude,
on enlève à la malade, par suggestion en somnambulisme, son aphonie, son
blépharospasme et son amaurose de l'oeil gauche.
A dix heures, l'examen des yeux est fait par M. le De' Parinaud :
Acuité visuelle de l'oeil gauche = 1/3. Diplopie monoculaire de l'oeil
gauche. L'oeil gauche distingue toutes les couleurs; le champ visuel du bleu
est plus rétréci que celui du rouge. Champ visuel de l'oeil gauche : en dehors
30, en dedans 20. Pas de lésion du fond de l'oeil gauche. Rien dans l'oeil
droit. Les pupilles des deux yeux réagissent normalement. ,
Ce même jour, la malade a une attaque à cinq heures du soir : après
l'attaque, l'aphonie elle blépharospasme ont reparu.
Le 27 décembre 1887, la malade a une attaque convulsive à six heures du
soir avec grands mouvements et très vive agitation. Après cette attaque, elle
se plaint de ressentir des douleurs dans l'épaule et dans le bras du côté droit
et un peu aussi dans l'avant-bras et la main du même côté. Le lendemain
(28 décembre), les douleurs augmentent d'intensité : le moindre mouvement
des articulations de l'épaule et du coude et la moindre pression, le plus léger
frôlement de la peau à leur niveau provoquent une douleur assez intense et
font crier la malade; l'articulation du poignet est également douloureuse.
En même temps, on constate un changement dans l'état de la sensibilité
cutanée de la malade : il y a toujours hémianesthésie et hémianalgésic du
côté gauche; l'anesthésie et l'analgésie sont complètes pour l'hémicalotte
crânienne, la zone périorbitaire, la cornée et la conjonctive et le membre supé-
rieur gauches, un peu moindres pour le côté gauche du tronc, el peu accentuées
116 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA Salpêtrière.
pour le membre inférieur gauche. Le côté droit du tronc et le membre infé-
rieur droit ont leur sensibilité normale. Mais le membre supérieur droit, y
compris l'épaule, est hyperesthésié et hyperalgésié, sauf au niveau des deux
dernières phalanges des doigts qui ont leur sensibilité normale, de même
que deux zones qui ont la forme de manchons d'une hauteur de sept ou huit
centimètres et qui sont situées : l'une, à trois travers du doigt au-dessus du pli
du coude, et l'autre, il trois travers de doigt au-dessus du pli articulaire du
poignet.
On constate aussi que tous les muscles de l'épaule droite et du membre
supérieur droit sont en imminence de contracture : celle-ci est provoquée par
une très faible excitation, telle qu'une légère traction, une légère pression ou
percussion.
Le 29 décembre, même état.
Le 30 décembre, l'hyperalgésie persiste toujours sans modifications : ce
jour-là, à midi, des contractures se produisent spontanément dans le membre
supérieur droit : le bras est en adduction contre le tronc, l'avant-bras fléchi
à angle droit sur le bras, la main fléchie sur l'avant-bras et les doigts forte-
ment fléchis dans la paume de la main. La malade étant hypnotisée, on
peut lui enlever ces contractures par suggestion et par des frictions sur les
muscles antagonistes; mais elles se reproduisent aussitôt après le réveil ou
quelques minutes après. Les douleurs arthralgiques ne peuvent être calmées
par suggestion; elles persistent non seulement dans la phase somnambu-
lique, mais encore dans les phases léthargique et cataleptique du grand
hypnotisme; lorsque la malade est dans l'une de ces dernières phases et que
l'on presse sur l'une de ses articulations douloureuses ou que l'on frôle,
même légèrement, la peau qui les recouvre, son faciès exprime la douleur
et elle laisse échapper quelques plaintes. On remarque même que pendant
la période somnambulique ces douleurs provoquées sont plus vires
qu'à l'état de veille alors que la sensibilité a disparu dans tout le reste
du corps, ainsi que cela s'observe ordinairement pendant cet état hypno-
tique.
Dans les premiers jours du mois de janvier 1888, on remarque que l'étal
de la sensibilité cutanée de la malade s'est encore une fois modifié : il est
resté le même dans la moitié droite du corps, et la moitié gauche est tou-
jours hyperesthésique; mais, de ce côté, les zones d'aneslhésie et d'analgésie
complètes ne sont plus aussi étendues et n'occupent plus que l'hémiralolle
crânienne, la périphérie de l'oeil gauche et toute la main gauche jusqu'à
quatre travcrs de doigt au-dessus du poignet.
Pendant tout le cours du mois de janvier 1888, l'état de la malade reste
sensiblement le même : il y a persistance de son aphonie, de son blépharos-
pasme avec amaurose et de ses arlbralgies avec contracture du membre
supérieur droit. Tous les matins, on fait disparaître ces accidents par sug-
gestion, sauf les douleurs arthralgiques qui persistent, même pendant toutes
les phases de l'état hypnotique* Les autres accidents se reproduisent d'ail-
: DE LA SUPERPOSITION DES TROUBLES. 117
leurs au bout d'un certain temps après que la suggestion les a fait disparaître :
les contractures des muscles entourant les articulations douloureuses repa-
raissent au bout de quinze ou vingt minutes; l'amaurose de l'oeil gauche
reparaît le soir, vers six ou sept heures; seuls, le blépharospasme et l'aphonie
ne se reproduisent pas le môme jour (à moins que la malade n'ait une
attaque), et ne reparaissent que le lendemain matin au réveil.
Il 1 mars 1888. - Le blépharospasme et l'aphonie ont maintenant complè-
tement disparu; mais les arthralgies et les contractures du membre supé-
rieur droit persistent toujours avec les mêmes caractères.
Le blépharospasme persistait encore avec tous ses caractères dans les
premiers jours du mois de février : on le faisait disparaître alors tous
les matins par suggestion; mais il se reproduisait tous les soirs. Enfin, le
10 février, lorsque la malade s'est réveillée, elle put ouvrir Son oeil gauche
et voir avec cet oeil, quoique l'acuité visuelle n'en fut pas encore bien grande.
Les jours suivants, le blépharospasme ne se reproduisit plus et l'acuité
visuelle redevint peu à peu normale. Mais la cornée, la conjonctive et les
téguments périorbitaires sont toujours restés insensibles il la piqûre et au
contact, et ils le sont encore aujourd'hui.
L'aphonie persistait aussi au début du mois de février et on la faisait dispa-
raître chaque matin par suggestion, mais elle reparaissait le lendemain au
réveil. Le 8 février, à la suite d'un refroidissement, la malade fut atteinte
d'une légère angine catarrhale, qui persista huit jours pendant lesquels la
suggestion fut impuissante à faire disparaitre l'aphonie. Mais, dès que la
rougeur de la gorge eut complètement disparu, on put de nouveau faire dis-
paraître l'aphonie par suggestion pendant l'état hypnotique; dès lors, cette
aphonie ne se reproduisit plus et ne s'est plus reproduite depuis.
Les arthralgies du membre supérieur droit et les contractures qui les accom-
pagnent n'ont subi aucune modification, non plus que l'état de la sensibilité.
La malade a toujours en moyenne une attaque convulsive par semaine.
Le 10 mars, à quatre heures de l'après-midi, un nouvel accident de nature
hystérique est venu s'ajouter aux arthralgies du membre supérieur droit : ce
membre est incessamment agité de mouvements malléatoires de chorée
rhythmée. L'état de la sensibilité de ce membre n'est aucunement modifié
par l'adjonction de ce nouvel accident.
Nous résumerons maintenant, en quelques mots, les faits saillants de
cette longue observation qui nous restent à exposer.
Les accidents choréiques ont persisté jusqu'à la fin de juin 1888. Ils dispa-
raissaient subitement et revenaient sous forme d'attaques. On peut dire
néanmoins que la malade n'en a jamais été complètement indemne, car
jusqu'au mois de juillet, le bras gauche a été animé de mouvements involon-
taires, en l'absence des attaques de chorée rlythmée. Celle-ci existait, pour
ainsi dire, en puissance.
118 \OUVI'sLl.l; ICONOG1L1111lE DL L.\ sALI ? l'ItT;ltl : . \
De môme en ce qui regarde le blépharospasme qui est revenu et a disparu
diverses reprises sans jamais cesser, en somme, d'une façon durable.- C'est
NOUVELLE ICONOGRAPHIE T. II. PL. XVIII
BLEPHAROSPASME HYSTERIQUE GUERI
LECROSNIER 6T BABÉ, ÉDITEURS
DL LA SUPERPOSITION DES TROUBLES. 119
du reste, toujours par suggestion qu'on le fait disparaître : ou peul dire que,
jusqu'à ces derniers temps, jamais il ne s'en est allé spontanément. En son
absence la vision a toujours été absente de l'oeil gauche, la cornée et la con-
jonctive restant anesthésiques ainsi que la zone périorbitaire.
Le 23 novembre '1 888, M. Charcot la présente à ses auditeurs pour une attaque
de sommeil hystérique avec raideur qui dure depuis deux jours. Réveillée
par pression de la zone hystérogène qu'elle porte dans le flanc gauche, elle
\ oit revenir après une attaque convulsive le blépharospasme qui l'avait quittée
depuis quelques jours.
Le 25,on lui enlève le blépharospasme par suggestion sans que la vision et
la sensibilité de l'oeil gauche et des parties périphériques se rétablissent.
Le 26 au soir, elle a une violenteattaque convulsive à la suite de laquelle elle
vient nous déclarer spontanément (27 au matin) que la vision s'est rétablie
dans l'oeil gauche. C'est la première fois depuis son entrée à l'hôpital que la
vue se rétablit ainsi d'une façon spontanée, naturelle (PI. XVIII).
L'examen des yeux fait immédiatement donne ce qui suit (fig. 41) : acuité
visuelle normale à droite; 1/3 il gauche. Rétrécissement concentrique il
droite = 55°, à gauche = 35° en dehors, 30 en dedans, en haut et en bas.
Dyschromatopsie pour le bleu et pour le violet à gauche.
Pour la première fois, la sensibilité est revenue sur la cornée et la conjonc-
tive de l'oeil gauche; de même dans la zone périorhitaire. Là face et la tête
sont en effet sensibles, faisant en cela exception à l'insensibilité qui existe sur
tout le côté gauche (fin. 42, 43). Le goût,'l'ouïe et l'odorat sont normaux.
Le 11 décembre la malade demande son exeal. Persistance du même état.
Cette observation présente, en dehors du blépharospasme, plusieurs
points intéressants qui mériteraient mieux qu'une simple menlion.
Nous avons nommé l'aphonie et les variations de la sensibilité dans ses
rapports particuliers avecles arthralgies elles contractures consécutives.
Mais nous ne pouvons nous étendre et nous devons nous borner à
l'étude du seul blépharospasme présenté par notre malade.
Cet accident n'est pas rare dans l'hystérie. Dans son mémoire inédit
sur les Paralysies et les contractures hytériques couronné par l'Acadé-
mie de médecine (prix Civrieuxl883) M. Paul Richer en rapporte plu-
sieurs cas revêtant des formes différentes.
. ◀Tantôt▶ il s'agit d'un, blépharospasme clonique caractérisé par des
clignements plus ou moins répétés des., paupières s'accompagnant
presque toujours d'une photophobie plus ou moins prononcée.
Dans d'autres cas, le blépharospasme est tonique et se caractérise,
comme dans notre observation, par une contracture énergique
et permanente des paupières ; dans celte forme comme dans la pré-
cédente la photophobie peut exister, ce qui n'avait pas lieu chez
notre malade. De plus la contracture de l'orbiculaire s'accompagne
1Z0 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA : -0 A Ll'ÈTIIIÈHI'.
assez fréquemment d'un spasme des autres muscles de la face, du
même côté.
M. P. Richer décrit encore une troisième forme de blépharospasme
hystérique qu'il dénomme avec M. Parinaud` blépharplose pseudo-
paralytique. Dans cette forme, les deux muscles antagonistes, le rele-
veur de la paupière et l'orbiculaire, paraissent intéressés par suite d'un
trouble complexe difficile à analyser.
Dans un récent mémoire fort intéressant sur les Affections hystéri-
ques des muscles oculaires2, M. le Dr Borel, chef de clinique de
1. Archives d'ophtalmologie, iioveml)re-décembrel886. janvier-février, juillet-août J887,
Ce mémoire renferme une bibliographie très complète de la question.
2. Parinaud, Anesthésie de la rétine. Contribution à l'élude de la sensibilité visuelle.
Annales d'oculislique, août 1886. - Spasmes et paralysies des muscles de l'oeil. Gazette
hebdomadaire de médecine, 1877, n°° 4G et A7.
DE LA SUPERPOSITION DES TROUBLES. I°31 1
M. Landolt, a rapporté un certain nombre de cas de blépharospasme
de nature hystérique. « Parmi les spasmes des muscles extrinsèques
de l'oeil, dit-il, ceux des paupières sont de beaucoup les plus fré-
quents. «Beaucoup de ces cas ont vu leur origine méconnue, et M. Bo-
rel en a réuni un certain nombre dans lesquels le diagnostic avait été
attribué la plupart du temps à une cause réflexe, alors que les stigmates
concomitants donnaient, pour un observateur expérimenté, la signa-
ture typique de l'affection originelle.
Le blépharospasme qui existe chez 1l0rtense.J. est un blépharos-
pasme tonique. Il suffit, outre les caractères que nous lui avons assi-
gnés dans l'observation, de considérer la planche XVII pour comprendre
que les plis que l'on observe sur la paupière supérieure ne peuvent
être attribués qu'à une contracture de l'orbiculaire. De plus, il s'ac-
compagnait de troubles particuliers, capitaux dans l'espèce, car ce sont
eux surtout qui permettraient, le cas échéant, au diagnostic différentiel
de s'établir. Il existait en effet une amaurose complète de l'oeil gauche,
une anesthésie comprenant la presque totalité de la cornée et de la
conjonctive, anesthésie qui envahissait également, en cercle, toute la
région périorhitaire, y compris les paupières.-
L'amaurose complète ou incomplète est notée dans la presque tota-
lité des observations de blépharospasme hystérique; c'est un phéno-
mène sur lequel le malade lui-même ne tarde pas à attirer l'attention.
Mais il n'en est pas toujours ainsi en ce qui regarde les troubles de la
sensibilité oculaire ou cutanée qui nous semblent, au moins aussi,
sinon plus importants que l'amaurose, car ils sont presque spécifiques.
Il est vrai que l'examen ophtalmoscopique démontrant qu'il n'existe
pas de lésion papillaire appréciable, le diagnostic se trouve de ce fait
môme singulièrement guidé vers l'existence de la névrose.
Cette omission involontaire de la part du malade de l'existence des
troubles sensitifs tient à plusieurs causes. D'abord ces troubles veulent
être cherchés avec soin; ensuite le blépharospasme peut siéger du côté
de l'hémianesthésie phénomène si fréquent chez les hystériques
et alors ils semblent perdre tout caractère de spécificité; enfin il est
des cas où la contracture de l'orbiculaire n'apparaît qu'accessoirement
pour ainsi dire dans l'évolution d'un syndrome prédominant - le
spasme glosso-labié par exemple et alors ce phénomène est relégué
lotit à fait au deuxième plan et étudié partant d'une fauon peu appro-
fondie. Nous reparlerons du reste bientôt de celte dernière variété,
nous limitant pour le moment à l'étude du blépharospasme isolé, de
la contracture unique de l'orbiculaire des paupières.
En raison de toutes ces considérations on comprend que les obser-
H2 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SaLI'L'fI.IGRE. ,
vations publiées de blépharospasme hystérique réunissant toutes les
conditions d'étude que nous désirons ne soient pas très nombreuses,
bien que cependant nombre d'entre elles renferment des détails assez
explicites pour nous montrer que notre observation n'est pas isolée,
bien au contraire.
Toutefois, étant donné que, même à l'époque où nous faisions ces
recherches, ces observations nous fissent complètement défaut, nous
avions encore à notre disposition un procédé d'investigation et d'étude
qui devait nous fournir des résultats du plus haut intérêt dans l'espèce.
On connaît la méthode expérimentale nouvelle inaugurée par M. le
professeur Charcot. Dans ses leçons des deux dernières années sur les
paralysies elles contractures hystériques, notre maître a montré qu'on
pouvait faire naître ces affections dans la période somnambulique du
grand hypnotisme, soit à l'aide de la suggestion, soit par d'autres pro-
cédés. « On peut, dit-il', créer ainsi artificiellement des étals patholo-
giques qui sont, en tous points, semblables aux affections hystériques
spontanées, et il serait impossible d'établir une distinction symptoma-
tiquequelcondue entre ces deux ordres d'accidents. Or, mon expérience
sur ce sujet me semble prouver que les manifestations hystériques ont
seules le privilège de pouvoir être ainsi reproduites expérimentale-
ment avec rigueur. En effet, si l'on peut arriver ainsi à faire imiter à
l'hypnotique une affection nerveuse indépendante de l'hystérie, on n'a
devant les yeux qu'une copie imparfaite qui ne peut guère être confon-
due avec l'original. Nous avons donc là une méthode d'investigation
qui peut permettre de déterminer si un syndrome clinique est oui ou
non sous la dépendance de l'hystérie. »
C'est cette méthode spéciale d'investigation qui a donné de si bons
résultats à notre éminent maître que nous avons mise en oeuvre.
Le 29 novembre z nous avons opéré sur une première malade,
la nommée CI..., atteinte d'hystéro-épilepsie, hémianesthésique droite'
et susceptible d'être mise dans l'état appelé grand hypnotisme.
L'ayant fait passer dans la phase somnambulique de cet état nous lui
suggérons que son oeil gauche se ferme, qu'elle ne peut plus ouvrir sa
paupière et, qu'une fois réveillée, cet oeil restera encore fermé. Puis
nous la réveillons en lui soufflant sur le visage.
1..1.-itl. Charcot, Spasme glosso-labié unilatéral des hystériques. Leçon clinique in
Semaine médicale, 2 février 1887.
2. Cette expérience est rapportée par M. Itorel : Affections hystériques des muscles ocu-
laires et leur reproduction artificielle par la suggestion hypnotique. Annales d'oculistique,
novembre-décembre 1880; janvier-février, juillct-aoùt, 1887.
3. La malade étant hémianu5tliésiquc droite, nous expérimentons sur l'oeil gauche pour les
raisons précédemment indiquées.
DE LA SUPERPOSITION DES TROUBLES. 123
L'oeil gauche reste alors fermé par une contracture énergique et
permanente de l'orbiculaire', à tel point que la peau des paupières
et de la région péripalpébrale est fortement plissée.
Si l'on essaie alors de découvrir le globe oculaire, on perçoit une
résistance très appréciable dans l'action d'écarter les paupières. Si on
les tient écartées, on constate que l'oeil est frappé d'amaurose complète ;
la malade ne peut même plus distinguer avec cet oeil la lumière de
l'obscurité. En outre, la conjonctive et la cornée sont devenues com-
plètement insensibles.
Autour de l'oeil existe une zone d'anesthésie tégumentaire; elle com-
prend les paupières supérieure et inférieure et forme une bande
circulaire de un centimètre et demi de largeur autour du rebord orbi-
taire. Il y a persistance des réflexes cornéen et conjonctival ; une tête
d'épingle mise en contact avec la cornée ou la conjonctive n'est pas
sentie, mais produit du larmoiement et de légers mouvements palpé-
braux.
Ces constatations faites à l'état de veille, nous remettons la malade
en somnambulisme et nous lui suggérons qu'elle peut maintenant
ouvrir son oeil et qu'elle pourra le tenir ouvert après son réveil; puis
nous la réveillons : son oeil s'ouvre et l'amaurose disparaît; la cornée,
la conjonctive et les téguments périphériques ont recouvré leur sen-
sibilité normale.
Nous avons répété la même expérience sur une autre malade,
Louise Rich..., atteinte elle aussi d'hystéro-épilepsie et présentant
également les phénomènes du grand hypnotisme ; comme cette
malade est hémianesthésique du côté gauche, nous avons déter-
miné un blépharospasme de son oeil droit, et nous avons obtenu les
mêmes résultats que chez le premier sujet : en même temps que le
blépharospasme de l'oeil droit, il y avait amaurose de cet oeil, anes-
thésie et analgésie de la cornée et delà conjonctive, zone d'anesthésie
tégumentaire périphérique.
Nous avons donc reproduit artificiellement, sur deux sujets mis
dans l'état hypnotique, un étal pathologique en tous points semblable
à celui qui s'était développé spontanément chez la malade hystérique
qui l'ait l'objet de notre observation.
1. On .ait, d'après M. Charcot, que la parahsie hystérique n'affecle jamais les muscles de
la face. M. Bore) a confirmé ce fait pour les muscles des paupières : lorsqu'on suggère a
une malade, qui est en somnambulisme, l'idée de ne pouvoir ouvrir l'oeil, il se produit une
contracture do l'orbiculaire, mais non une paralysie du releveur de la paupière. « La dis-
sociation du ptosis paralytique, dit M. Borel, ne peut être faite par la suggestion, car on
ne peut inculquer a la malade que le fait de ne pouvoir owrir focs); c'est telle d'en trou-
ver le processus naturel pour réaliser la suggestion. »
Il. 8
121 1 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA S.\Ll'l : CI.ILILE.
Telle est la première série de faits que nous avions observés dès les
mois de novembre-décembre '1887; ils nous permettaient de penser
qu'un des bons symptômes du blépharospasme hystérique consistait
dans les troubles de sensibilité qui se superposaient au spasme.
L'étude de cette longue observation poursuivie pendant plus d'une
année nous a montré encore et nous a permis de prédire à plusieurs
reprises que, même en l'absence du symptôme spasme, l'affection blé-
pharospasme hystérique ne pouvait être considérée comme non suscep-
tible de retour, tant que l'anesthésie cornéenne conjonctivale et péri-
orbitaire existait encore. Et, de fait, tant que cette anesthésie a
existé, nos efforts aidés surtout par la suggestion ont bien pu faire dis-
paraître momentanément le spasme, mais jamais d'une façon défini-
tive. Spontanément, un jour, le blépharospasme a disparu comme il
était né, à la-suite d'une attaque, et avec lui s'en est allée l'anesthé-
sie qui se superposait au spasme. A ce moment seul on pouvait consi-
dérer la guérison comme durable.
Il semble donc bien qu'il y ait là une association de phénomènes
Suffisants pour forcer l'attention. Nous insistons déjà sur leur valeur
diagnostique, valeur que nous allons voir se généraliser bientôt en ce
qui regarde les spasmes des autres muscles de la face et du cou chez
les hystériques.
Nous l'avons dit en commençant, le présent mémoire est bien
plus un chapitre détaché de la pathologie générale de l'hystérie qu'une
monographie des spasmes de la face et du cou chez les hystériques,
aussi ne nous attarderons nous pas à tracer plus complètement l'his-
toire clinique et thérapeutique du blépharospasme. Nous avons bien
mieux à faire en rapportant l'observation suivante qui montrera en
toute évidence combien les troubles de sensibilité sont liés aux phé-
nomènes hystériques localisés. Cette fois l'hyperesthésie a remplacé
l'anesthésie, ce qui n'a pas lieu de nous surprendre, car l'hyperes-
thésie, pour être un peu moins fréquente, n'en est pas moins un phéno-
mène de premier ordre comme accompagnement des manifestations
hystériques. Il nous suffira de rappeler le signe de Brodie constitué
par la douleur exquise au simple frôlement qui accompagne les con-
tractures des muscles fessiers réalisant le syndrome connu sous le nom
de coxalgie hystérique. C'est là un phénomène absolument de même
ordre, de superposition des troubles de sensibilité à la contracture des
muscles sous-jacents.
Faisons remarquer, pour insister encore sur l'importance de ce
signe, que si le médecin consulté par la malade de l'observation II
en avait connu la valeur, il n'eut prohahlement pas, dans un but eu-
DE LA SUPERPOSITION DES TROUBLES. 125
ratif, sectionné les deux nerfs sus-orbitaires pour vaincre un spasme
qui relevait non d'une lésion locale mais de la diathèse de contrac-
ture que présentent si fréquemment les hystériques. Il est vrai qu'il eût
pu s'excuser en disant que dans de semblables cas, et lors de pareilles
erreurs de diagnostic, certains chirurgiens n'avaient pas craint d'aller
jusqu'à la dissection de l'orbiculaire (Borel).
Ons. II'. Jeanne Ag..., vingt-six ans, employée de commerce, entrée à la
Salpêtrière le 6 juin 1888, salle Duchenne de Boulogne. Pas d'antécédents
héréditaires. Réglée il treize ans, régulièrement depuis. A cette époque,
apparitions de malaises indéfinissables, de fréquents torticolis qui surve-
naient et s'en allaient de même. De quatorze il vingt ans, bien portante.
A cette époque, elle ressent une douleur très vive dans la jambe, puis dans
la fesse gauche, douleur qui s'accompagne bientôt d'une fatigue excessive
du membre. Elle s'alite alors (janvier 1882), la hanche se tuméfie, le médecin
appelé croit à l'apparition prochaine d'un abcès qui ne s'est du reste jamais
montré.
La jambe devient raide (comme un morceau de bois) et se place dans
l'extension directe.
Les téguments cutanés sont extrêmement douloureux au plus simple frôle-
ment. Ces souffrances sont tellement intolérables qu'on est obligé de se servir l'
d'un appareil très compliqué pour effectuer le changement des draps, la
malade restant au lit en permanence.
On lui applique alors des appareils silicates, pointes de feu, vésicatoires,
tant au pli de l'aine qu'au genou. Les articulations étaient beaucoup moins
douloureuses que le tégument cutané.
Au bout de vingl mois (septembre. 1883), la malade restant toujours
couchée, on s'aperçoit que la jambe est raccourcie et que le pied se met
en équin direct.
Au bout de quarante mois (avril 1885), on essaye de la lever et on lui donne
des béquilles; elle ne marchait tout d'abord qu'avec la jambe droite, puis peu
à peu, grâce, suivant elle, à un appareil à extension continue, le talon gauche
finit par arriver à loucher la terre.
A vingt-quatre ans, quatre ans après le début de l'affection, elle pcut
quitter ses béquilles et marcher à l'aide de deux cannes.
Après son alitement, on constata qu'elle avait grandi de six il sept centi-
mètres.
Au mois de janvier 1884, vive contrariété; son frère auquel elle est très
attachée ne lui aurait pas dit bonjour. Elle était alors dans une période cala-
méniale; les règles se suppriment, elle ressent un malaise général et prend le
lit. Aussitôt, hoquet violent, vomissements incoercibles, gonflement du ventre
qui est très douloureux. Application de glace, le médecin diagnostique. une
1. Cette observation a été recueillie par M. Carre], externe du en ¡cc.
120 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.
péritonite compliquée do lésions pulmonaires. Le pouls se serait élevé u 1 U°.
fendant deux mois, hallucinations et délire, chute des cheveux.
Elle se remet peu il peu, les cheveux repoussent, quand subitement, un
jour, étant sur le bassin, elle ressent de telles douleurs dans l'abdomen qu'on
diagnostique une rupture de l'intestin ; mais ces douleurs étaient simplement
prémonitoires des règles qui réapparaissent quelques jours plus tard.
On lui fait alors des pointes de feu le long du rachis et, pour sa déformation
de la hanche et sou torticolis intermittent, on lui applique une véritable
cuirasse comprenant une minerve, un corset avec attelles de fer, un appareil
il coxalgie et un appareil à extension du pied. Elle se couche tous les soirs
ainsi armée de pied en (- : il) pendant deux ans et demi.
- La jambe droite semblant se fatiguer beaucoup, on y applique également
un appareil que la malade a porté dix-huit mois.
.En décembre 1887, vive rougcur des yeux survenant subitement, dit la
malade, dans l'espace d'une heure.
Violentes douleurs alee photophobie. Dès le soir même, elle sent qu'elle
ne petit ouvrir les deux yeux. Pendant huit jours, les douleurs persistent;
l'oeil gauche est fermé complètement et amaurolique, l'oeil droit peut à peine
s'elitr'ouvrir et garde encore un peu de son acuité visuelle.
La malade s'est aperçue tlès le premier jour que les frictions les plus
légères sur les paupières étaient extrêmement douloureuses. Puis le blepha-
rospasme se calme un peu, mais le 5 janvier 1888, devant un redoublement de
souffrance, elle se rend il Paris consulter le docteur X... qui diagnostique
une hyperesthésie des zones sus-orbitaires et propose l'extraction de dix-
huit mauvaises dénis. 11 fait placer des emplâtres au niveau de l'émergence
des nerfs sus- et sous-orbitaires.
En février, elle revient voir ce docteur qui déclare ne plus vouloir lui
continuer ses soins tant qu'elle ne se sera pas fait arracher ses mauvaises
dents..... -
Elle se rend alors chez le docteur Y..., qui, après avoir essayé en vain des
frictions locales de baume de Fioravenli'et des injections sous-cutanées
de pilocarpine, lui sectionne les nerfs sus-orbitaires des deux côtés
(20 mai 1888).'
Chaque jour on explore, en faisant le pansement, la sensibilité locale dans
le domaine des nerfs sectionnés. A la suite de la destruction du tronc ner-
veux il s'est produit une anesthésie il la piqûre, le blépharospasme a légère-
ment diminué; les douleurs spontanées sonl moindres, mais elles ne lardent
pas à reparaître, de même du reste que les douleurs provoquées dans le
domaine des 'nerfs sectionnés, et la malade est admise le 5 juin il la
8alpclriérc. ·
J. A... porte la cuirasse dont nous avons parlé et s'en enserre le cou, la
taille et le membre inférieur gauche. Elle appuie à peine sur le talon de ce
côté, bien qu'elle ait 8 centimètres de liège au fond de sa bottine d'une
construction tout il rait spéciale. En effet, outre une contracture toute parti-
culière du gros orteil qui est fortement redressé en extension (PI. XX), il
NOUVELLE ICONOGRAPHIE
T. 11. PL. XX
CLICHÉ A. towne
PHOTOTYPIE BERTHAUD
CONTRACTURE HYSTERIQUE DU GROS ORTEIL
LECROSNtEPETBABt, ÉDITEURS
DE LA SUPERPOSITION DES THOUBLES. 127
existe un raccourcissement de 8 ou 10 centimètres du membre inférieur
gauche par suite d'une contracture très appréciable des fessiers (coxalgie
hystérique), l'épine iliaque gauche étant beaucoup plus élevée que l'épine
iliaque droite. La mensuration montre que le raccourcissement n'est qu'appa-
rent. t.
Les muscles du cou il gauche paraissent raides et tendus sans que cette
contracture occasionne toutefois de déviation notable.
'l'out le côté gauche dans son ensemble est le siège d'une hypcreslhésie très
marquée (fig. 41, 45), la pression, même légère, est douloureuse, le plus
léger frôlement est extrêmement pénible. Toutefois celle hypereslhésie est
particulièrement très marquée : 1° à l'extrémité du gros orteil contracture dont
il est impossible de vaincre la contracture; 2° au pourtour de la hanche gauche
(signe de l3rolie).
De pins, les yeux sont fermés par une contracture spasmodique des orbicu-
1-28 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALI)ÈTRIÊRE.
laires (I'1. XIX); le droit s'eulr'onvre toulefoislégèremenl el c'est avec celui-ci
qu'elle peut encore se guider. Il présente un rétrécissement à GO avec dys-
chromatopsie spéciale (1 iâ, 40). Conservation unique du bleu et du rouge, oc
NOUVELLE ICONOGRAPHIE T. fI PL. XXX
BLÉPHAROSPASME HYSTÉRIQUE
(SECTION DES NERFS sus-orbitaires)
L6GROSNI6P ET BABÉ, ÉDITEURS
DE LA SUPERPOSITION DES S 'f no II Il L Il ? lit)
dernier étant situé en dehors. Toutes ces contractures cèdent pendant le som-
meil chloroformique qui permet de constater en particulier qu'il n'existe
aucune altération osseuse de l'articulation coxo-fémorale gauche. L'oeil gauche
est complètement fermé; la malade peut toutefois faire mouvoir un peu sa
paupière supérieure, mais sans réussir à romprelespasmc. Lorsqu'on lui ren-
verse la tête en arrière, l'occlusion se maintient. On a, du reste, en essayant
de l'ouvrir, la sensation nette d'un obstacle actif. La vision est complètement
abolie de ce côté.
La malade porte des lunettes à verres fumés, car il existe une photophobie
intense.
De plus, les paupières et les régions périorhilaircs droites et gauches,
sont le siège d'une hyperesthésie exquise; le simple frôlement provoque à ce
niveau une douleur extrêmement vive en tout comparable à celle que l'on
provoque en passant le doigt sur l'extrémité du gros orteil gauche contracturé.
Ces phénomènes d'hyperesthésie sont surtout marqués au niveau de l'oeil
gauche.
A son entrée à l'hôpital, la malade est soumise à l'usage quotidien des
douches, de l'électricité, du fer et d'un régime reconstituant. De plus, on lui
fait quitter immédiatement la cuirasse qu'elle porte depuis quatre ans. Tous
les jours une séance de massage (effleurage) d'un quart d'heure en trois
reprises sur le côté gauche coulracturé en insistant sur le membre inférieur
et le cou. De même effleurage des régions périorhitaires.
Sous cette influence, il survient un amendement rapide et progressif.
Aujourd'hui, 15 décembre 1888, la malade qui depuis sept ans était
contractnréc au point que nous avons indiqué, peut aller et venir sans canne.
La contracture du gros orteil gauche a cédé; le talon touche presque la terre
mais il y a encore un certain degré de contracture des muscles qui entourent
l'articulation de la hanche.
L'état de santé général est devenu très satisfaisant. -
Le blépharospasme s'est également amendé en ce qui regarde l'oeil droit.
La photophobie est moins intense, l'oeil s'ouvre plus facilement, mais le
rétrécissement concentrique et la dyschromatopsie persistent. Le spasme
de l'orhiculaire de l'oeil gauche reste toujours très accentué, la malade ne
peut ouvrir l'oeil. L'hylereslhésic de la zone périorhitaire est toujours très
marquée au simple frôlement.
(A suture.)
Gilles DE la Tourette,
Chef de -Iiiiiitie tics maladies du sctùme ucrtcw.
ANOMALIES DES ORGANES GÉNITAUX
ET DU SENS GÉNITAL CHEZ UN ÉPILEPTIQUE
Les anomalies du sens génital ne sont pas très rares chez les épi-
leptiques et la coïncidence d'un défaut de développement organique
avec un défaut de développement de la fonction serait vraisembla-
blement la règle, si l'on était en mesure de faire un examen complet;
toutefois cette observation nous a paru digne d'être signalée, parce
qu'il s'agit d'une anomalie peu fréquente. Le malade qui en est l'objet
présente d'ailleurs quelques troubles mentaux intéressants.
Boul... (Louis-Jacques-Marie), 32 ans, entré le 14 juin 1888 il l'hospice de
Bicêtre (service de M. Féré).
Antécédents héréditaires (renseignements fournis par la mère du ma-
lade) : Père.- Mort en 188J, âgé de 52 ans, d'une affection cardio-hépatique,
n'a jamais eu aucune maladie nerveuse; mais après avoir éprouvé des pertes
d'argent et des chagrins domestiques, s'adonna il la boisson. Obèse et deconsli-
tution pléthorique, il était sujet à des phénomènes congestifs du côté du
cerveau qui nécessitèrent souvent la saignée. La grand' mère . paternelle,
âgée de 88 ans, vit encore; elle fut atteinte à G ou 8 ans d'une affection
osseuse de la jambe, qui entraîna une longue suppuration. Elle avait deux
frères, dont l'un devint fou à la suite de pertes d'argent; on l'enferma dans
un asile d'aliénés; il s'améliora, mais ne recouvra jamais complètement son
intelligence. L'autre mourut soldat en Algérie. Le grand-père paternel était
un buveur endurci, qui mourut goutteux. Le frère de ce dernier se suicida il
39 ans, après des pertes considérables d'argent.
Mère. 54 ans, bonne santé habituelle, brune, ni migraineuse, ni ner-
veuse ; mariée à 18 ans, eut à 19 ans une variole légère. A la môme époque elle
fit une fausse couche à lasuite d'une chute - Grand' mère maternelle, morte
à 81 ans, de vieillesse; n'a jamais présenté aucun symptôme de nervosisme,
a toujours joui d'une excellente santé. - Grand-père paternel, mort il
79 ans, toujours bien portant. Un frère de ce dernier, également bien por-
tant, marié, a eu 5 enfants en parfaite santé.
Pas de consanguinité. Les parents de B... ont eu G enfants. L'aîné est
le malade qui nous occupe. Le second, âgé de 31 ans, célibataire, s'est
ANOMALIES DES ORGANES GÉNITAUX CHEZ UN ÉPILEPTIQUE. 13t
toujours bien porté. Le troisième est une fille de 30 ans. A 10 ans elle eut
une fièvre typhoïde, quitta sa famille à 20 ans pour vivre avec un amant,
dont elle eut un enfant, âgé aujourd'hui de 7 ans et très bien portant. C'est
une personne coléreuse, nerveuse, qui cependant n'a jamais eu d'accès con-
vulsifs. Le quatrième enfant est une fille, qui a eu dans son enfance quel-
ques attaques convulsives; elle a toujours été nerveuse. Mariée elle a eu un
enfant débile et chétif. Le cinquième enfant est un garçon, mort à 17 ans
d'un accident de voiture. Le sixième est une fille, morte à,") o ans; pendant la
convalescence d'une scarlatine, de « fièvre cérébrale ».
Antécédents personnels. - Pendant la conception et la grossesse, rien de
particulier il signaler. - L'accouchement s'est fait il terme; il a été naturel,
sans chloroforme, et le travail a duré 8 heures. A sa naissance, l'enfaut était t
bien portant, ne présentait pas de cyanose, pas d'asphyxie.
Il passa sa première enfance à la campagne, élevé au sein, par une nourrice
qui avait un enfant choréique. Il se développa rapidement; il fut toujours fort
et vigoureux. A un an, il commença il marcher, à 15 mois il était propre.
La dentition se fil il un an, et l'apparition des premières dents ne fut accom-
pagnée d'aucun trouble ; mais les molaires percèrent difficilement, on fut
obligé d'inciser les gencives, et c'est à ce moment qu'il eut quelques attaques
convulsives. Le malade était alors âgé de 16 mois. Précoce au point de vue
intellectuel, notre malade connaissait ses lettres à 18 mois; il deux ans, il
savait lire. Mis à 3 ans comme externe dans un collège, il apprit rapidement,
était doué d'une excellente mémoire. C'est à cet époque qu'apparaissent les
premiers accès. A 4 ans il eut la variole, à 5 ans la rougeole, ces deux maladies
guérirent rapidement et sans complications. - A 7 ans, on fut obligé de le
retirer de pension, il cause de la fréquence des accès; il continua néanmoins
ses études, fut remis et repris plusieurs fois de pension, et rentra définitive-
ment dans sa famille il l'âge de 17 ans. - Là il travailla avec son père comme
chemisier et s'acquitta toujours fort bien de son travail. On ne retrouve dans
ses antécédents ni masturbation, ni excès vénériens, ni alcoolisme. - Il
évitait d'ailleurs de boire des liqueurs, car le plus petit excès lui « troublait la
tôle ».
Début de la maladie. - Les premiers accès convulsifs observés chez notre
malade remontent à la première dentition, à l'âge de 15-16 mois. Il eut il
cette époque une seuleatlaque convulsive, qui ne dura que quelques secondes
et fut caractérisée par un début brusque en pleine santé. Les jeux étaient
convulsés en haut, la face grimaçante, les membres étaient agités de petits
mouvements de flexion et d'extension. La sensibilité et l'intelligence
étaient complètement abolies, puis tout rentra dans l'ordre, et la santé parut
être aussi parfaite qu'avant l'accès.
A trois ans, il la suite d'une frayeur, le malade a un nouvel accès. Il poussa
un cri «maman, maman », et tomba à terre sans connaissance, les yeux sont
fermés, les membres raidis; il n'y a pas de convulsion, pas de mouvement.
La respiration est pénible, l'inspiralion sifflante, la face violacée. Perte com-
1312 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
plète de l'intelligence et de la sensibilité. Pas d'écume à la bouche, pas de
morsure de la langue, pas de miction. L'accès dure ainsi une ou deux minutes
et le malade reprend connaissance; la raideur disparaît; il subsiste de 1'liélié-
tude et le retour à l'intelligence ne se fait que 2-3 jours après.
Pendant les six mois qui suivent, la santé fut parfaite; alors survient un
nouvel accès. Le malade pousse un cri et tombe à lerre. Tous les membres
sont raidis, les bras en croix, les jambes légèrement écartées, le pouce serré
dans la main fermée, pas de mouvement, ni écume, ni morsure de la langue;
l'urine s'écoule au dehors pendant l'accès. Après quelques secondes tout
rentre dans l'ordre, et le malade recouvre immédiatement son intelli-
gence.
Jusqu'à l'âge de 7 ans, les accès se renouvellent tous les 3-4 mois, toujours
avec le même caractère.
A 7 ans il y a une série d'accès qui font croire il une « fièvre cérébrale ».
Après avoir été fouetté publiquement par son maître de pension pour « polis-
sonneries», les accès apparaissent. Ces accès se succèdent à 8-10 heures
d'intervalles; ils se répètent au nombre de 6 ;i 7, avec les mêmes caractères
que les précédents. Entre les accès, l'intelligence esl troublée, la sensibilité
obtuse. Pendant 12 jours le malade a le délire, il déraisonne complètement,
ne reconnaît personne, a une fièvre intense, refuse de prendre la nourriture
qu'on lui présente. Cependant, peu à peu l'intelligence revient, l'appétit
reparaît etle malade recouvre la santé.
Les accès ne reparurent plus alors pendant 18 mois, puis bientôt ils se
répètent il peu près tous les mois.
De li- à 18 ans, les accès augmentent de fréquence et d'intensité; l'intelli-
gence cependant est toujours très nette, et ce jour le malade n'a pris
comme traitement que, de temps à autre, du bromure.
. A 18 ans les accès se répètent tous les quinze jours, et pendant cette année
il a une période d'une semaine environ pendant laquelle ils apparaissent
tous les jours plus ou moins nombreux. Quatre ou cinq fois il en eut jusqu'à
seize en vingt-quatre heures. Pendant toutes ces périodes il fut surexcité :
◀tantôt▶ il se jetait contre les murs, entrait dans des moments de fureur, ou
bien ◀tantôt▶ il se croyait fils de Mac-Mahon et appelé à faire de grandes choses.
Malgré cela l'appétit est conservé, il mange beaucoup à tous ses repas, et ne
présente aucun trouble digestif. La nuit, en dehors des accès, la phase d'exci-
tation paraît se calmer et il dort d'un profond sommeil.
Peu dt peu les accès paraissent diminuer de fréquence, et ils ne se
montrent bientôt que toutes les trois semaines.
A partir de 19 à 20 ans, les accès se sont toujours répétés à des intervalles
plus ou moins réguliers et toujours avec les mêmes caractères ; il n'a plus eu
des séries d'accès; mais, quelques jours avant le paroxysme, son caractère
change, il devient maussade, colère, sombre, et l'accès une Ibis passé il a
souvent des phases d'excitation qui durent plus. ou moins longtemps. Quel-
quefois elles n'apparaissent pas immédiatement après l'accès, mais vingt-
ANOMALIES DES ORGANES GÉNITAUX CHEZ UN ÉPILePTIQUE. 133
quatre à trente-six heures après. Jamais il n'aurait eu de phases d'excitation
sans accès.
L'intelligence aurait diminué progressivement depuis l'âge de 18 ans. A
partir de cette époque jusqu'à son entrée à l'hospice il aurait pris tous les
jours de G à 7 grammes de bromure.
Etat actuel. - Le malade entre le 14 juin 1888 à l'hospice. Le facies
exprime l'hébétude, son regard est froid, furtif, il baisse les yeux quand on
lui parle, il y a de l'égarement daus sa physionomie.
D'apparence robuste, il a 1m70 de hauteur et lm7G d'envergure. Le sys-
tème pileux est très développé sur la face, le crâne et les membres infé-
rieurs ; le thorax et les membres supérieurs sont presque complètement
glabres.
La tète est régulièrement conformée. Les cheveux noirs, crépus, abondants,
frisés, rappellent un peu ceux du nègre. La ligne d'implantation s'arrête en
avant à G centimètres au-dessus de la hosse nasale, laissant le front découvert;
en arrière le tourbillon se trouve fortement rejeté vers la droite et un peu
en haut. Les bosses pariétales, frontales et la protubérance occipitale sont
saillantes.
Les diamètres de la tête sont :
131 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPI : ;TIl¡InE.
en arrière la cavité de l'hélix fait défaut. L'anthélix est saillant, sa fossette
profonde. Le tragus et l'antitmgus son[ régulièrement conformés. Le lobule
est adhérent. Quanl à la conque, elle n'existe réellement du'1 la partie supé-
rieure, où elle a sa profondeur normale; il la partie inférieure elle est rejetée
en dehors, de sorte que sa cavité n'existe plus et que son fond se trouve
presque sur le même plan que l'antitragus. Il en résulte que l'orifice du con-
duit auditif externe a la forme d'une fente de 5 millimétrés de largeur dirigée
obliquement de haut en bas et d'arrière en avant. Malgré cela, pas de
troubles dé l'audition.
Le thorax est normal, on ne trouve aucun signe de rachitisme. Le système
pileux y est peu développé, à peine rcncontre-t-on quelques poils aulour du
mamelon. En arrière, on constate sur la peau une légère éruption d'acné.
La colonne vertébrale est déviée, il y a une légère courbure latérale à concavité
gauche, courbure portant surtout sur la région dorsale. Cette déformation,
d'ailleurs peu accusée, n'enlraîne aucune gène fonctionnelle.
Aux membres supérieurs, même absence de poils que sur le thorax. Le
muscles y sont bien développés et paraissent puissants; cependant la pres-
sion d'un dynamomètre par la main droite ne fait avancer l'aiguille que
jusqu'au 39 de l'échelle et celle de la main gauche jusqu'au 32. La longueur
du membre supérieur prise de l'acr4miou .u.l'elrémité du médius est de
70 centimètres.
L'abdomen ne présente rien d'anormal, les poils du pubis sont abondants,
mais leur ligne d'implantation s'arrête brusquement et ils ne se continuent
pas sur l'abdomen. Quant au pénis, il est le siège d'une malformation congé-
nitale consistant en une torsion sur son axe et en un changement de direction.
De forme cylindrique la est terminée à son extrémité antérieure par
un gland conoïde que ne recouvre pas le prépuce à l'état normal. Au sommet
du gland on aperçoit le méat urinaire dirigé transversalement de droite à
gauche, le frein du prépuce se trouve ainsi situé sur face gauche. La verge
a subi un mouvement de torsion qui fart que sa face inférieure regarde il
gauche (I'1. XXI); cette torsion portant seulement sur la moitié antérieure
de l'organe ne disparaît pas dans l'érection.
Outre cétte torsion suivant l'axe, il existe encore un changement de direc-
tion longitudinale. La partie postérieure de la verge a sa direction normale,
mais toute, cette portion qui a subi le mouvement de torsion se porte oblique-
mont, droite de façon à faire avec la première un angle obtus ouvert à droite,
et, au niveau de la couronne, existe un nouvel angle obtus, mais ouvert à
gauche, le gland tendant à prendre la direction normale. 11 en résulte qne la
verge présente une déviation en baïonnette peu accusée à l'état de repos,
mais devenant très manifeste pendant l'érection.
L'urètre participe à la déviation de la verge. Pour nous en rendre compte,
nous avons introduit une sonde en gomme n° 17. Le cathélérismc a été très
facile, la sonde n'a rencontré aucun obstacle; son introduction fait en
partie disparaître la déviation longitudinale et, à travers les parois du canal,
NOUVELLE ICONOGRAPHIE
. Il. PL. XXr
CL1CHÉ A. LONDR
PHOTOTYPIE BERTHAUD
ANOMALIE DES ORGANES GÉNITAUX
CHEZ UN ÉPILEPTIQUE
L6CA05NIBP &T BAHi7 ÉDITEURS
ANOMALIES DES ORGANES GÉNITAUX CHEZ UN J : l'11.E1'l'IQUE. 135
nous avons pu en suivre le trajet. L'urètre occupe d'abord la face latérale
gauche de la verge dans loute sa moitié antérieure. A partir de ce point, il
descend, toujours sur le côté gauche du pénis, obliquement en bas et en
arrière de façon à se trouver il sa face inférieure au niveau de la racine des
bourses. A partir de ce point, la direction de la sonde sentie à travers le périnée
parait être normale.
A l'étal de repos, la longueur de la verge est de 8 centimètres sur la face
supérieure. La circonférence prise au niveau du gland est de 8 centimètres, la
longueur de ce dernier de 2 ccut, 3.
Au moment de l'examen, les bourses étaientrétractéesetlaissaient percevoir
il la palpation deux testicules dont le volume égalait à peine celui d'une
petite noix. Le testicule droit paraît être plus élevé et situé sur un plan plus
antérieur que le gauche.
Malgré les changements de direction portant sur le pénis et l'urètre,
l'évacuation de l'urine et du sperme se fail bien, le malade a des éjaculations
nocturnes et involontaires.
Quant aux membres inférieurs, ils sont régulièrement conformés. Les
poils y sont très abondants. La voûte plantaire est bien accentuée, le gros
orteil n'est pas rejeté en dedans.
Les fonctions digestives s'accomplissent parfaitement.
La motilité et la sensibilité ne sonl pas altérées ; on ne trouve ni anesthésie
ni hyporesthésie.
Aucun trouble du coté des organes sensoriels; il entend, ,oit, seul, per-
çoit les saveurs dans dos conditions en apparence normales.
L'intelligence est un peu obtuse, même en dehors des accès ; il répond aux
questions qu'on lui pose avec un air embarrassé, une certaine timidité, il
donne des explications fantaisistes aux faits qu'il observe. Il insiste parti-
culièrement sur l'influence que les changements de lune ont sur l'appari-
tion des accès. Très docile en dehors des accès, on l'emploie à des travaux
pénibles dont il s'acquitte parfaitement.
Quant au sens génésique, il paraît complètement aboli. Jamais d'érection
en dehors des accès ou des rêves, il ne se masturbe pas, ne s'est jamais livré
au coït et les femmes lui causent de la répulsion. Cependant il dit avoir
éprouvé, il la vue de certaines femmes, une « sensation spéciale », un trouble
qu'il ne peut définir, mais qui est plutôt pénible. Il s'en écarte instinctive-
ment.
Il a cependant des rèws de femmes quelquefois c'cL a la suite de ces
rêves qu'il a des pollutions nocturnes, d'autres fois celles-ci apparaissent
pendant l'accès mais toujours sans aucun plaisir.
Description d'un accès. Prodromes. La veille ou l'avant-veille de
ses crises, le caractère du malade change brusquement, il devient agacé,
maussade ou d'autres fois il rit continuellement et sans cause.
Aura. Au moment de l'accès, il paraît avoir de l'hyperacousie, il prétend
qu'il entend beaucoup mieux, et il sent autour de lui des odeurs agréables.
]86 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.
Accès. - Le malade pousse un cri et tombe à terre. Les yeux se ferment,
la figure devient rouge, les dents claquent, la langue est mordue quelque-
fois, les bras sont agités de petits mouvements de peu d'étendue ; les jambes
légèrement écartées sont contracturées dans l'extension et complètement
immobiles. Une écume blanchâtre apparaît sur les lèvres. La respiration est
rapide et sifflante, mais il n'y a pas de tremblement.
La verge est en demi-érection, il y a écoulement de sperme.
L'accès dure sept à huit minutes, et le malade se relève ; il accuse un vio-
lent mal de tête pendant toute la journée et ses idées restent confuses.
15 juin. Pendant toute la journée le malade rit sans cause et à chaque
instant.
10 juin. - Série de cinq accès dans la journée, à la suite desquels il reste
hébété.
17 jllin. - Deux accès et un vertige.
18 juin. - Deux accès et un vertige.
19 juin. Un accès et un vertige.
23 juin. - Le malade, dont l'intelligence élail restée obtuse à la suite de
cette série d'accès, re\ient complètement à lui.
26 juin. Un accès de jour.
3 juillet. Un accès dans la journée.
4 juillet. - On ordonne 4 grammes de bromure par jour.
Il a eu huit accès et un vertige en juillet ; sept accès et un vertige en août.
Un accès le 4 septembre.
6 septembre. -Accès pendant la nuit.
A son réveil, le malade commence à déraisonner, il se figure issu d'une
famille princière d'Allemagne. Il écrit deux lettres dans lesquelles règne
la plus grande incohérence; l'idée dominante est qu'il se croit appelé à régé-
nérer la France. A certains moments il se figure èlre « le général Boulan-
ger » devant bientôt jouer un rôle politique.
7 septembre. - Pendant la nuit il a dormi quelques heures, puis à son
réveil il a repris ses idées de grandeur.
8 septembre. - Le délire persisle toujours, il prétend que sa mère des-
cend de Bismarck, se croit prophète destiné a accomplir de hauts faits, se
ligure avoir de l'influence sur la famille Bonaparte.
10 septembre. - L'état s'est amélioré. L'excitation est moins forte, il
raconte que, depuis qu'il est entré à la section, il lui « semble » que tous les
faits qui s'y sont accomplis, toutes personnes qu'il y voit, il les avait déjà vus
antérieurement en rêve à la suite d'accès. Aujourd'hui le malade paraît
ne pas être certain de ce qu'il avance ; il répète toujours « il semble » mais
jamais il n'affirme.
'Il septembre. Un accès de nuit, un verlige.
12 septembre. - Un accès de jour.
13 septembre. - Pas d'accès, le délire continue toujours avec la même
forme.
ANOMALIES DES ORGANES GÉNITAUX CHEZ UN ÉPILEPTIQUE. 137
14 septembre. - A eu des cauchemars pendant la nuit, mais est beaucoup
moins surexcité.
16 septembre. - Le malade est revenu il son état normal.
j, 20, 21, 24 septembre. - Un accès par jour, mais les idées de gran-
deur n'ont pas reparu.
8 octobre. - Trois accès do jour. 9, Un accès de nuit. - 10, Un accès
de jour.
15 octobre. Les idées de grandeurs reparaissent quoique depuis quatre
jours il n'ait pas eu d'accès.
Il se croit appelé il faire de grandes choses. Il a confiance en de' certaines
prédictions qu' « on » lui aurait laites. 11 parle beaucoup de certaines per-
sonnes qui conduisent les événements, lui font fréquenter des personnages,
tout cela dans une direction de grandeur. Ces certaines personnes, il ne les
désigne pas, il les qualifie de « on ».
A certains moments il parait se rendre compte que ce qu'il raconte et que
les explications qu'il donne sont erronées; il appelle cela du « rabâchage »
et déclare qu'il se seul devenir tout à fait « toqué ».
18 octobre. Le délire a cessé complètement, le malade est rentré dans
son état normal.
6 novembre. - Un accès de jour.
8 novembre. - Depuis son dcrnier accès, le maladc a été très agile. Il
prétend que tout ce qu'il a lu lui revient à la mémoire et l'obsède pour ainsi
dire.
Il tousse depuis hier 2 heures et demie. Les dents sont serrées, il semble
avoir un peu de trismus. On augmente de 1 gramme la dose de bromure,
5 grammes.
En décembre. Cinq accès et deux vertiges sans excitation psychique.
En janvier. 1889. - Trois accès.
3 février. Quatre accès de jour; Il est dans une période d'excitation. Il
parle de la France, de Il n'y a aucune suite dans ses idées. Il
écrit une lettre au directeur du Petit journal au sujet de caricatures, et il
lui adresse un carnet qu'il intitule le catalogue de ses caricatures, et qui n'est
que le relevé des différentes gravures reproduites dans les divers journaux.
4 février. - La période d'excitation persiste avec les mêmes caractères.
Aujourd'hui deux ,erliges.
5 février. - Un accès de nuit. Agitation toute la nuit. Ou a été obligé de
le mettre en cellule. Il n'a fait que parler de la France, de l'Angleterre, du
général Boulanger.
6 février. Toujours très agité.
7 février.- L'agitation a diminué considérablement.
La torsion de la verge, qui constitue l'anomalie la plus intéressante
chez ce malade, est une anomalie qui paraît exceptionnelle. Demar-
quay, dans son Traité des maladies du pénis, n'en cite que trois cas, et
]3S NOUVELLE ICONOGRAPHIE UE LA SAL1');'l'III$RE.
ce sont les mêmes qui figurent dans les articles les plus récents sur la
question. Le malade de Godard était monorchide, celui de Verneuil
avait un hypospadias, celui de Guerlain avait une verge très petite.
Notre malade est microrchide. Cette anomalie ne paraît pas exister à
l'état d'isolement, elle est par conséquent moins bénigne qu'on ne
pourrait le croire au premier abord.
G11. Féré, E.-V. PERRUCHET,
Médecin de Uicêll'c Interne lrwisoire.
ANATOMIE PATHOLOGIQUE
DE l'acromégalie l
Après avoir rapporté les observations cliniques et étudié les symp-
tômes et les caractères par lesquels se révèle l'acromégalie, nous al-
lons examiner les lésions anatomiques dont elle s'accompagne. Ici les
documents sont moins abondants et moins complets. Nous n'avons eu
jusqu'ici l'occasion de faire l'autopsie que d'un seul cas, et nous ne
disposons que de rares autres autopsies faites par différents auteurs et
encore quelques-unes de celles-ci contiennent-elles fort peu de détails.
Quoi qu'il en soit, il nous sera facile de montrer, qu'au point de vue
analomo-pathologique, l'acromégalie revêt des caractères qui ne
sont ni moins nets ni moins stables que ceux qui la distinguent au
point de vue clinique.
Autopsie de l'Observation V (Saucerotte). -A la mort de cet individu, sa
femme s'est opposée à ce qu'on fit l'autopsie ; elle poussa môme, comme dit
Saucerotte, le culte pour la mémoire de son mari jusqu'à venir prendre près
du cimetière un logement d'où elle ne perdait point de vue la tombe. Ce n'est
donc que de nombreuses années après, lorsque la femme fut elle-mème
morte, que Saucerotte put se procurer les os de cet homme ; il en envoya à
l'Académie de médecine le sternum, une clavicule, et une côte droite.
(Catalogue, musée Dupuytren, n° 435.) Yoici la description donnée de ces
os par M. IIouel :
Sternum. - La première pièce est détachée de la seconde, mais toutes
les autres sont solidement soudées. La longueur totale de cet os est de 25
centimètres ; la largeur de la poignée prise au niveau des surfaces articu-
laires des cartilages de la première côte est de 9 cenlimètres. L'appendice
xyphoïde a G centimètres de long sur près de 3 de large. Le poids de l'os
entier est de 49 grammes; son épaisseur à la partie moyenne est de 12 cen-
timètres.
Clavicule. - Cet os a 16 centimètres de long; son corps, quoique déve-
loppé, n'a rien d'extraordinaire. C'est principalement sur les extrémités
1. Voy. les n" 5, 6, t. I, 1888 et les Il'' 1, , t. II, in, 1880.
il. 9
HO NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALP £ TI\1 £ nE.
qu'a porté l'hypertrophie. La surface qui s'articule avec le sternum a 3 cen-
timètres de diamètre antéro-postérieur et 4 dans le sens vertical.
Côte. - Elle est grande et forte ; c'est une côte sternale ; sa longueur me-
surée il l'aide d'un fil qui en suit la courbe est de 355 millimètres ; le poids
de cet os est de 35 grammes.
Autopsie de l'Observation VI (Verga). A l'autopsie dont la relation est
due au Dr A Pedretti on trouva un cadavre dont la nutrition avait été bonne
et riche en graisse. Du pus se trouvait encore dans les méats auditifs ex-
ternes.
Lors de l'ouverture du crâne il s'écoula une sérosité sanguinolente. Ce
qu'il y avait de plus notable dans cette cavité était une tumeur du volume
d'une grosse noix étendue sur la selle turcique, comprimant et déplaçant les
nerfs optiques et'les éminences maxillaires, et s'enracinant par des pédon-
cules dans lé corps de sphénoïde. On n'a pas trouvé de glande pituitaire,
de sorte qu'on'ne sait si celle-ci avait disparu sous la pression de la tumeur,
ou si la tumeur n'était pas simplement une dégénération de cet organe. Le
poids de toute la masse encéphalique était de 1,295 grammes.
Dans les poumons on trouva un emphysème périphérique des deux pou-
mons avec deux tubercules crétacés delà grosseur d'un petit pois au sommet
du poumon droit et trois au sommet du gauche; coeur d'un volume double de
ce qu'il est à l'état normal, aorte un peu rétrécie.
Dans le ventre rien à part l'hypertrophie du foie... Le crâne est mal con-
formé, acuminé, mais de dimensions ordinaires, celles au contraire de la
face et spécialement des maxillaires sont évidemment exagérées.
ANATOMIE PATHOLOGIQUE DE L'ACROMÉGALIE. Iit
- Il faut aussi remarquer que le trou occipital est dans son ensemble petit,
son plus grand diamètre est dans le sens traversai, la gouttière basilaire est
plutôt courbe qu'excavée, la selle turcique gravement déformée et altérée.
II ne s'agit ici ni d'hypertrophie vraie, ni d'hyperostose, ni de sclérose, car
il n'y eut pas d'augmentation contemporaine de densité et de poids des os,
et môme les os de ce crâne présentent de l'amincissement; plusieurs des os
sont réellement foliacés et transparents ; seul l'os frontal montre un certain
développement de sa partie spongieuse ; parmi les sutures on ne trouve de
complètement soudées que lazygomatico-temporale droite et la partie gauche
de la lambdoïde, sur aucune d'elles il n'y a de, vestiges de petits os surnumé-
raires ; tout le canal palatin ou incisif est ouvert en bas. Ceci montre que les
os avaient une puissance inférieure qui les portait non à grossir et il durcir,
mais à s'allonger et à se dilater et en même temps à s'éloigner les uns des
autres.
Mais cela, je le répète, est spécial à la face, car le crâne tant par ses
diamètres n'excède pas de beaucoup les mesures ordinaires. Et tandis que
les trous de la face pour le passage des vaisseaux et des nerfs sont amples,
ceux de la base du crâne sont plutôt rétrécis ; en particulier le trou occipital
et les trous déchirés postérieurs dont le gauche est spécialement oblique
et très étroit. C'est pour cela que je considère ce crâne comme un très beau
et très rare exemple de prosopectasie, voulant d'un seul mot indiquer ce
vice de nutrition et de développement général dont le symptôme principal
est « l'agrandissement monstrueux de la face. »
L'auteur ajoute en note : « Si la tendance à l'accroissement avait été plus
précoce et plus générale, il en serait probablement résulté une géante qu'on
aurait pu montrer en public comme un phénomène extraordinaire. Mais la
taille de cette femme ne dépassa pas lm71. Les os en particulier étaient
également de dimensions vulgaires. Nous conservons de son squelette un
radius, un scapulum et une clavicule. Eh bien le radius est mince, long de
330 millimètres; sa plus grande circonférence, à l'endroit où la crête est le
plus prononcée, est de 50 millimètres. Le scapulum est foliacé, semi-trans-
parent, et ne présente de particulier que l'incisure sus-épineuse convertie en
un trou parfait par une languette osseuse qui' passe au-dessus, et un déve-
loppement un peu supérieur à la normale de la cavité glénoïde et de l'acro-
mion. La clavicule a des courbures assez prononcées; en les suivant on
obtient une longueur de 165 millimètres; sa face inférieure vers l'extrémité
humérale est assez rugueuse pour l'attache des ligaments et des muscles
propres ». '
Autopsie de l'Observation IX (Brigidi). La longueur totale du corps
était de 1'" 66. La distance comprise entre le sommet et l'épaule et l'ex-
trémité du doigt médius, de 81 centimètres. L'index il lui seul avait une
longueur de 11 centimètres. Tous les doigts étaient noueux au niveau des
articulations. -
142 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
La distance comprise entre l'épine antéro-supérieure de l'os iliaque et la
face inférieure du talon était de 102 centimètres, dont 53 centimètres entre
l'épine iliaque et le bord inférieur de la rotule à la malléole interne; 4, 5
centimètres entre celle-ci et la face inférieure du talon.
Les pieds étaient gros et présentaient une déviation tenantun peu du varus
et un peu de l'équin. Sur le pied droit on voyait en outre le gros orteil luxé
en dedans de sorte que son extrémité libre reposait sur la racine du médius ;
sur ce gros orteil existait la luxation eu bas et en dedans de la phalangette
sur la phalangine, et cette même altération se retrouvait encore sur le mé-
dius, mais à un degré moins prononcé. Sur le pied gauche on n'appréciait
pas de difformités notables, sinon celles des doigts pliés en marteaux.
La poitrine dont la forme a été décrite plus haut présentait de chaque côté,
au niveau de l'union des cartilages costaux avec les côtes, une série de petits
gonflements ayant beaucoup de ressemblance avec ceux du chapelet rachi-
tique : du bord sternum au sommet de l'appendice ensiforme 14 centimètres;
de la ligne médio-axillaire d'un côté à celle du côté opposé, à la base, 34
centimètres ; - de la colonne vertébrale au sternum, la base de la poitrine,
33 centimètres.
La circonférence de la cavité thoracique au dessous de l'angle des omo-
plates jusqu'au sommet du sternum était de z centimètres.
Mais les plus grandes irrégularités et les plus grandes disproportions se
notent à la tète. ·
Celle-ci considérée en masse était très volumineuse et présentait des
caractères spéciaux soit du côté du crâne, soit du côté de la face. Le crâne
était nettement dolichocéphale; la face présentait un prognathisme très
marqué par suite de l'allongement du maxillaire inférieur.
Au-dessous de l'arcade orbitaire gauche était implanté dans l'épaisseur
de la peau un kyste sébacé du volume d'une noisette.
ANATOMIE.PATHOLOGIQUE DE L'.I.CRO)IÉGALIE. 113
restant de la face externe du crâne on ne constata aucune autre irrégu-
larité.
La cavité crânienne une fois ouverte avec la scie, ce qui frappa tout de
suite l'attention fut la petitesse et la forme du cerveau comparées à la forme
et au volume que présentait extérieurement le crâne. Tandis que celui-ci
paraissait volumineux et allongé dans le sens du diamètre antéro-postérieur;
le cerveau se montrait petil plus qu'à l'ordinaire et avait une forme comme
sphérique. Quelle pouvait être la raison d'une telle disproportion ? Elle
reposait sur deux faits faciles à apprécier. Le premier consiste dans l'ampli-
tude vraiment extraordinaire des sinus frontaux; le second dans l'épaisseur
qu'avait acquise l'occipital au niveau du pressoir d'Hérophile. En fait les
sinus frontaux offrent d'avant en arrière une dimension de 33 millimètres
c'est-à-dire 17 millimètres de plus que la moyenne établie par Parchappe;
l'occipital a une épaisseur de 2G millimètres c'est-à-dire surpasse de
16 millimètres la moyenne fixée par le même auteur.
Sur la face interne de la calotte on ne nota aucune autre particularité sauf
la synostose des sutures et l'augmentation de volume et de vascularisation
des os, tout le long et sur les côtés de la suture sagittale.
A quelle cause fallait-il attribuer la dilatation des tissus ? Principalement
à l'atrophie du cerveau, mais je crois aussi qu'il fallait admettre une autre
cause coefficiente, celle-là même à laquelle est dû le développemenl
extraordinaire des fosses nasales, et dont je me réserve de parler plus loin..
Après avoir incisé la dure-mère, on trouva une pachyméningite hémorra-
gique étendue (que Brigidi pense avoir existé pendant la vie et avoir peut-
être même été la cause des idées de suicide par suite du trouble des facultés
mentales que sa présence avait dû amener).
Le cerveau est petit, sphérique avec la pie-mère opaque et parcourue de
nombreuses arborisations veineuses grandes et petites. Cette membrane, au
niveau de la convexité des hémisphères, avait son tissu infiltré d'une quantité
notable de sérosité limpide, et se laissait sans aucune résistance détacher
des circonvolutions. Mis à découvert, le centre ovale fut trouvé pâle et con-
sistant. Dans les ventricules latéraux et dans le troisième ventricule il y avait
environ 20 grammes de sérum limpide. Pour le reste de l'encéphale rien de
notable, sauf la pâleur et l'augmentation de la consistance. Cette dernière
révélait les habitudes d'intempérance de Ghirlenzoni;. elle provenait de
l'hyperplasie du tissu conjonctif interstitiel. Quelquefois même, on le sait,
chez les ivrognes cette hyperplasie en arrive à mériter le nom de fibrome
diffus, et parfois se termine par la sclérose en plaques... D'ans l'encéphale de
Ghirlenzoni on ne fit pas de recherches microscopiques par suite de la
putréfaction déjà avancée; mais il semble pour les raisons susdites que cette
dureté excessive ne puisse se rapporter à une autre cause.
En enlevant le cerveau, deux faits également surprenants vinrent frapper
l'attention ; le volume hypertrophique de la glande pituitaire et la présence
de deux ostéophytes styliformes, symétriquement disposés sur les parties
944 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
latérales de la selle turcique, dans les fosses médiane et latérale de la hase
du crâne. ,
La glande pituitaire pesait 1 grammes, elle était de forme irrégulière-
ment sphéroïde, avait son diamètre antéro-postérieur de 29 millimètres, le
transverse de 38 millimètres, et son épaisseur variait entre 1` ? et 19 milli-
mètres. La coupe était grisâtre avec des taches jaunâtres çà et là; la consis-
tance était partout assez grande sauf dans le segment supérieur qui offrait
une mollesse à peu près égale à celle de la pulpe cérébrale. L'examen mi-
croscopique de fines parcelles de cet organe montra une texture variée. Dans
quelques endroits la trame conjonctive était développée, tandis que ses
interstices apparaissaient grands et vides, peut-être parce que, contenant une
substance fluide ou semi-fluide, celle-ci s'était dispersée en faisant les prépa-
rations. Dans d'autres places c'était une texture semblable il celle de la
substance médullaire des glandes lymphatiques; les vides ne se montraient
plus, ou bien il n'y en avait que de légères traces, et en revanche le tissu était
tout infiltré d'éléments cellulaires petits et faiblement granuleux. Mais, en
général, la trame conjonctive présentait un développement hypertrophique et
élait parcourue de. vaisseaux sanguins d'un diamètre proportionnellement
considérable.
Les cellules contenues dans les interstices étaient de forme et de volume
très variables; les plus petites mesuraient en moyenne de 8 à 10 p., et les
plus grandes 18 à 25 de diamètre. Quelques-unes avaient un protoplasma
finement granuleux et étaient pourvues d'un ou de plusieurs noyaux, tandis
que d'autres se montraient homogènes, claires, brillantes, en un mot avaient
succombé à une dégénération analogue à la colloïde. Dans certains endroits
où le tissu connectif était plus développé, on ne voyait pas d'éléments globu-
laires, mais les interstices étaient remplis ◀tantôt▶ d'une matière granuleuse
avec quelques gouttelettes de graisse et ◀tantôt▶ d'une substance claire, homo-
gène, identique à celle qui infiltre les cellules dont il a été parlé plus
haut. Quant aux éléments nerveux, fibres et cellules, je n'ai pu en observer
en aucun point de mes nombreuses préparations, de même que je n'ai pu
non plus réussir à voir le canal central revêtu d'épithélium.
Des deux apophyses styloïdes (clinoides) la droite avait une longueur de
11 millimètres, et la gauche de 13 millimètres. Actuellement ces produc-
tions morbides ne s'observent plus car elles se sont rompues pendant la pré-
paration du squeletle, seules leurs bases, de forme pyramidale, subsistent.
Ces apophyses étaient cachées dans les anfractuosités qui séparent la pre-
mière et la seconde circonvolution sphénoïdale, et au moment où le cerveau
fut enlevé, elles se montrèrent dégainées comme une épée hors de son
fourreau.
La masse de l'encéphale entier pesait 1,275 grammes.
La base du crâne se distinguait par (fig. 47) de nombreuses singularités ; elle
élait large et inclinée moins que d'habitude d'avant en arrière, de sorte que
les fosses occipitales paraissent être presque au même niveau que les fosses
ANATOMIE PATHOLOGIQUE DE L'ACROMÉGALIE. il.,
moyennes. Au centre, la fosse pituitaire attirait l'attention par ses dimen-
sions inusitées; de fait le diamètre antéro-postérieur était de 30 millimètres,
le transverse de 40 millimètres, sa profondeur variait entre 18 et 21 milli-
mètres. Du bord postérieur de cette fosse s'élevait perpendiculairement, sur
une hauteur de 14 millimètres, une lame très mince de substance compacte
de forme carrée interrompue seulement à sa partie médiane par une fine
membrane fibreuse. Les autres fosses de la base du crâne se montraient
toutes moins creuses que d'habitude; les fosses sphénoïdales avaient leur
surface irrégulière par suite de diverses proéminences terminées en pointes,
et séparées entre elles par des sillons plus ou moins profonds. De plus, les
os de la base du crâne se montraient assez vascularisés et riches en substance
médullaire.
(A suivre).
PIERRE Marie.
FIG, 47. ' .lcromégalie (Brigidi).
LES MALADES DANS L'ART1
On comprend qu'il n'est pas nécessaire d'être grand clerc en méde-
cine pour juger de l'oeuvre d'un artiste qui aura surtout cherché à
exprimer l'idée générale de la maladie, en peignant l'épuisement,
l'abandon des forces qui font comme le fond commun de tous les
désordres pathologiques, et la douleur qui en est l'accompagnement
le plus fréquent. Mais il n'en est pas de même, en face d'autres oeuvres
plus précises, dans lesquelles l'homme de l'art peut, par ses connais-
sances spéciales, relever certains détails restés inaperçus, donner à
d'autres leur véritable signification, juger en un mot de l'ensemble au
point de vue de la vérité technique.
Nous n'oublions pas que tel est le rôle que nous nous sommes assi-
gnés, bornant nos efforts à fournir à la critique les renseignements
spéciaux que nous sommes à même de lui donner.
Malgré l'inégal intérêt que présentent à nos yeux les deux catégo-
ries de spécimens que nous venons de signaler, nous ne pouvons nous
dispenser néanmoins de citer les uns comme les autres.
Au premier rang, voici plusieurs scènes d'hôpital.
Une fresque de Taddeo di Bartolo (1,363-1 ? ) (PI. XXII) un des
derniers maîtres de l'école, siennoise, nous montre l'intérieur d'une
salle d'hôpital au moment où l'on donne les soins aux malades. La
reproduction au trait que nous en donnons nous dispense de longs
commentaires. Elle a surtout un intérêt au point de vue des moeurs
et des usages hospitaliers de l'époque, et le lecteur pourra y relever
plus d'un détail curieux.
Une miniature du siècle nous montre nne salle de malades
à l'Hôtel-Dieu. Elle provient d'un manuscrit sur vélin com-
posé sur l'ordre et aux frais de maître Jehan Henry, conseiller du roi,
président de la Chambre des enquêtes de la cour du Parlement,
chantre de l'église et proviseur de l'IIôtel-Dieu de Paris, pour célé-
brer les louanges de l'IIôtel-Dieu, et faire connaître l'administra-
tion de cet hôpital au temporel et au spirituel2.
1. Extrait du livre : Les Difformes et les malades dans l'art, par J. M. Charcot (de l'Ins-
titut) et Paul Richer qui \ient de paraître à la librairie Lecrosnier et Babé.
2. Nous avons trouvé l'indication de ce document, en même temps que sa reproduction,
dans le Magasin pittoresque, 1879, p. 141.
NOUVELLE ICONOGRAPHIE
T. Il. PL. X\11 ICI
FRESQUE DE L'HOPITAL DE SIENNE
Pau Tabdeo 01 BAIITIIOLO.
yECltO&NIE6 ET BAIE. .EI>ITEC" S
LES MALADES DANS L'ART. 147
Cette peinture a surtout un intérêt historique. On y voit les malades
couchés à deux dans un lit ? recouverts jusqu'au cou par des draps
bien tendus, ou passant au dehors leurs bras nus. L'un boit une tasse
de tisane, l'autre tient sa joue de la main gauche. Tous ont des airs
plus ou moins piteux. Sur le devant, quatre ligures allégoriques,
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LIS NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA W1L1'1 : 'l'IIll : l2l : .
d'une haute stature, la Prudence, la Tempérance (modération de pas-
sions), la Force, la Justice. Près d'elles sont les soeurs professes et les
novices.
Parmi les magnifiques bas-reliei's'en'tëïTe cuite émaillés, de Lucca
della Bobbia, qui ornent la façade de l'hôpital de Pistoia et représeu-
tent les OEuvres de miséricorde, le segment, consacré aux soins prodi- ,
gués aux malades, regros curare, est un morceau exquis, d'ailleurs bien
connu (Fig. 48). Les deux extrémités sont occupées par deux malade ? <
couchés dans leur lit. Celui de gauche est un fébricitant. Il se soulève
avec peine, la tête retombe en avant, la figure exprime la souffrance
et l'épuisement, la bouche entr'ouverte marque l'oppression. Nous
reconnaissons cette physionomie pour l'avoir rencontrée pour ainsi
dire, à chaque pas dans nos salles d'hôpitaux. Près de lui, le médecin
vêtu encore de son manteau lui tâte le pouls dans une attitude supé-
rieurement rendue de calme, de dignité et de recueillement. Il a dû
retirer pour cette opération ses gants, qu'il tient de la main gauche.
Au pied du lit, un aide soulève un vase à large encolure qui pour; 1
rait bien être un urinal. Le même vase se retrouve dans la fresque de
Taddeo di Bartholo, signalée plus haut. Le malade de l'angle de
droite appartient à une autre catégorie. Egalement dans son lit,1
comme doit être tout malade au moment de la visite, il est assis plus
franchement sur son séant. Là, pas de fièvre, ni d'épuisement général.
L'affection est toute locale, elle siège au cuir chevelu. Deux person-,
nages regardent de près et se livrent à un examen qui n'est pas sans'
douleur, ainsi que le témoigne le geste si bien observé que le patient)
fait de la main droite. Près d'eux un aide tient un plat avec des médi-
caments. î
Dans le bréviaire Grimani, conservé à la Bibliothèque Saint-Marc à '¡
Venise, il existe, parmi les illustrations qui entourent le calendrier,
une petite miniature des plus intéressantes pour nous, au bas de la
page consacrée au mois de septembre. C'est une scène de petite chia
rurgie très finement interprétée (Fig. z.9). Elle se passe dans la boutique 1
duchirurgien, ou mieux du barbier. L'opérateur, qui porte sa trousse a
sa ceinture, s'apprête, la lancette à la main, à pratiquer la saignée. Il
s'y prend de la bonne façon, et l'attention qu'il y apporte nous assure (
de la réussite de l'opération. Le patient d'ailleurs paraît peu inquiet; - : .
il lui abandonne son bras droit pendant que, de la main gauche, il
tient lui-même le bassin destiné à recevoir le sang. On voit, au-dessus
du pli du coude, le lien destiné à interrompre le cours du sang, et le
gros bâton que l'opéré serre de la main droite a un double but; il
sert de point d'appui pour le soulien du membre tout entier, en même
LES MALADES UAPi5 L'ali'l'. 119
temps que par la pression dont il est l'objet, il fait refluer le sang des
parties profondes vers la veine ouverte. C'est une manoeuvre encore
usitée aujourd'hui, et tous les traités de petite chirurgie conseillent,
en semblable occurence, de placer dans la main du bras qui doit être
saigné un objet quelconque, le plus souvent un petit rouleau de
bandes, pour faciliter la contraction musculaire dont le but est d'acti-
ver le cours du sang en vidant les veines profondes.
Un bas-relief tumulaire en marbre (au Musée national, à Florence)
de Verrochio. représente une scène émouvante, la mort de la femme
FIG. 19. I'ic. fJ. - L\ S,¡r.\l;E. -
Mineure du bréviaiio Gilmani, conservé à la bibliothèque Saint-Marc, a Venise. ? =-=-
lnc. 50 ? vunr ue ? rr.nue ne, ronw;uow.
· H,I ? J'l'hcf ll1llllllairc CIl mitl'lJI'c, do \"cl'l'orhio. tll...ée n,llioua ! tic Flol'pnce.
1 : 0 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
de F. Tornabuoni (Fig. 50). La mourante succombe aux suites d'un
accouchement. L'enfant, entouré de bandelettes, est sur les genoux
d'une femme assise à terre près du lit. Et si la douleur qu'éprouvent
les assistants se manifeste par des gestes quelque peu outrés, la malade
est représentée dans une attitude affaissée pleine de vérité.
Nous citerons seulement pour mémoire les figures de malades de
Pesello (Francesco) dit il Pesellino,-dans un fragment de rétable, au
musée du Louvre, représentant saint Côme et saint Damien s'aidant
fraternellement à panser un malade; de Ricci de Lorenzo dans un
tableau aux Offices à Florence, Saint Côme et saint Damien enlevant
une jambe gangrenée et toute noire à un malade; de Andréa Pisano
dans un losange du Campanile de Giotto, l'Extrême onction; de
Andréa Riccio dans un bas-relief en bronze du musée du Louvre, la
Maladie, etc.. Nous ferons, remarquer, à propos de malades alités, que
les patients étaient couchés complètement nus dans leurs lits.
Nous ne pouvons, en vérité, passer sous silence les petits chefs-
d'oeuvre des peintres hollandais et flamands du XLII' siècle, dans les-
quels la maladie a servi de prétexte à des scènes d'intérieur pleines de
charme et d'intimité.
C'est dans une chaumière, au milieu des paysans, que nous conduit
A. Brauwer dans son tableau du musée de Vienne, intitulé Opération
chirurgicale. Cette opération consiste en un simple pansement. Le
patient est un pauvre hère qui ne retient point ses cris de douleur,
pendant que le médecin retire avec précaution cependant le linge qui
recouvre une plaie du dos du pied. Dans le fond, près d'une table,
une femme découpe avec des ciseaux un nouvel emplâtre. Près de là,
un homme appuyé sur un bâton montre une compassion pleine de
bonhomie, tandis qu'un farceur qui entr'ouvre la porte rit des plaintes
du malheureux.
Il existe du même peintre au musée de Munich un tableau intitulé
le Pédicure. L'opérateur procède avec un soin qui mérite les plus
grands éloges, et toute l'attention nécessaire, au succès de son opéra-
tion.
,Le tableau dont nous donnons la gravure (fig. 51) se trouve égale-
ment au musée de Munich. C'est aussi une scène de pansement.
Enfin- le musée du Louvre (collection La Caze) possède également
un petit tableau de Brauwer, consacré à la chirurgie. Assis sur le
rebord d'une table, un paysan, l'épaule nue, les traits contractés par
la douleur,' pousse des cris perçants, pendant que le chirurgien sonde
la plaie. Sur la droite, un élève prépare une compresse.
LES MALADES DANS L'ART. 151
C'est ici que nous devons citer le tableau si connu de Gérard Dow,
la Femme hydropique, également au musée du Louvre. La scène se'
passe dans un riche intérieur dont les détails d'ameublement ont été
souvent relevés. La malade, renversée dans son fauteuil dans une pose
languissante pleine de naturel, porte bien les marques de l'affection
dont elle est atteinte. Toutefois, sous ses vêtements lâchement serrés
à la taille, on ne peut que deviner l'oedèm,e qui a envahi toute la partie
inférieure du corps, suivant la règle. Seul le pied droit que la robe
découvre apparaît manifestement gonflé. Sa fille est en larmes à ses
genoux et lui tient la main, tandis qu'une servante lui offre une cuil-
lerée de potion. Son médecin, debout, considère avec attention le con-
tenu de l'urinai qu'il expose au jour. Ce détail a son intérêt : on sait
de quelle importance est l'examen des urines dans les affections qui
produisent t'hydropisie, et la manière dont s'y prend le médecin est
d'une observation fort juste.
FIG. 51. -I.E MÉDECIN DE \ILL\l.E, PAn 111111E\ ]R %t %NE Il.
Musée (le Il1nidl.
J59 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DELA W11.1'1 : 'l'lill;lil;.
Cette même attitude du médecin qui examine attentivement l'urinai
en le plaçant à contre-jour a été reproduite par Gérard Dow dans un
autre tableau du musée de Vienne.
Il existe aussi au musée du Louvre un tableau du même peintre
représentant un arracheur de dents.
Le même sujet a été traité également par Van Ostade.
Un élève de Gérard Dow, qui fut, lui aussi, le peintre des intérieurs
et des occupations ménagères, Quiryng 13rel : elenl : ,im, a peint un
excellent petit tableau intitulé la Consultation, le seul de ce maître
que possède le musée du Louvre (galerie La Caze). Deux personnages
seulement : une femme assise et devant elle un médecin debout qui
lui tâte le pouls. Rien de plus simple ni de plus naturel que le geste
du médecin, si ce n'est l'expression de la malade et le regard interro-
gateur qu'elle lève sur lui.
Cette attitude du médecin occupé à tater le pouls du patient a été
deux fois reproduite par un des maîtres les plus renommés de l'école
hollandaise, Jan Steen, dont la verve s'est plu à opposer le person-
nage sévère et morose du médecin aux jeunes et jolies malades.
Dans la Malade d'amour, du musée de la Haye, une jeune femme
assise présente son bras au médecin qui lui tâte le pouls et paraît fort
perplexe. Jan Steen, pour aider au spectateur à comprendre la cause
de la maladie, a placé sur la cheminée une statue de l'amour tenanl
une flèche.
Un second tableau de Jan Steen sur le même sujet se trouve au
musée de Munich; nous en donnons la gravure. (Fig. 52).
Un autre tableau où Jan Steen nous montre un médecin également l
occupé à tâter le pouls d'une jolie malade est la Femme malade, de la
collection Van der Sloop, à Amsterdam. La physionomie de l'homme de
l'art est pleine de douce gravité et de bonhomie charmante. Son geste
très naturel est en même temps plein de déférence. La jeune malade
est assise, la tête enveloppée d'un foulard blanc et appuyée sur un
oreiller posé sur une table. Les yeux brillants, la face un peu vul-
tueuse annoncent de l'émoi ou un petit train de lièvre; mais elle sou-
rit, et si elle ne raille, la jolie malade, son mal ne doit pas être bien
sérieux.
Dans un autre tableau du musée de la Haye, Jan Steen met égale-
ment en scène un médecin. Il est intitulé la Consultation.
La malade est au lit, près d'elle le médecin est assis, tenant encore
à la main les gants qu'il a retirés pour procéder, selon toutes les règles
de l'art, à l'examen de la patiente. Mais la consultation doit être finie,
car son attention est dirigée sur une femme qui arrive tenant un broc
.. LES MALADES DANS L'ART. 153
d'une main'et un verre plein de l'autre et marche vers le )iL C'est le
traitement qui commence. '
Citons encore de Jan Steen nn tableau du musée d'Amsterdam
intitulé la Femme malade. Deux ligures coupées il mi-corps forment
toute la composition. Une femme assise, la tête enveloppée, boit une
liqueur que vient de lui verser un homme qui lient encore le broc, et
qui attend avec anxiété le résultat du remède. C'est d'un cordial que
paraît avoir besoin la malade, dont les traits sont bien languissants et
qui, par le geste de la main gauche placée sur sa poitrine, semble
indiquer le siège du mal.
Fic,. 52. - 1.\ fE\n1E 'IAI.\I1E, I\It 1\\ steen.
- .Musée .le .Munich.
loi NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALI'ÈTI11El\I.
Frans Van Mieris le Vieux, le peintre des élégances néerlandaises,
a mis en scène les jolies malades vêtues de Satin et de velours. La Con-
wltation, du musée de Vienne, est considérée comme une de ses
meilleures toiles. Un autre au musée de Munich, nous montre
une jeune femme renversée, dans la pose flaccide de 'l'évanouisse-
ment. Elle est soutenue par une grosse commère. Plus loin un méde-
cin, dans une attitude que nous avons déjà vue plusieurs fois bien
observée, regarde l'urinai qu'il élève en l'air.
La malade de Van der Neer au môme musée est également pâmée.
Plusieurs personnes s'empressent autour d'elle. L'une approche de
son visage un linge imprégné de fortes senteurs. L'autre soutient le
bras sur lequel un tout petit bandage, appliqué au niveau du coude,
nous révèle la cause de la pamoison. La malade vient d'être saignée et
le sang remplit encore un petit bassin posé à terre, sur la gauche du
tableau, à côté d'une éponge.
Nous citerons encore deux gravures d'un élève de Van Ostade, Cor-
nélius Dusart, dont les eaux-forles ne sont pas moins prisées que les
tableaux. Dans un genre pittoresque, et presque caricatural, elles
représentent des scènes médicales très finement observées.
La première (PI. XX III) nous montre la ventouseuse occupéeàplacer
les ventouses sur le pied d'une commère, pendant qu'un compagnon,
quepréoccupentpeu les gémissements de la patiente, nous semble aigui-
ser la lancette destinée à faire les scarifications. Il porte la seringue à
la ceinture, et est coiffé d'un panier d'osier dont le couvercle retombe
sur l'épaule pendant que la ventouseuse elle-même porte un entonnoir
renversé comme coiffure,
La seconde gravure est consacrée -IL une opération chirurgicale plus
élevée (PI. XXIV). Armée de la sonde cannelée, l'opérateur explore
une plaie de la région du coude. Le patient qui pousse les hauts cris,
émeut de compassion une femme qui assiste à l'opération, mais ne
trouble point le chirurgien dont le calme et le sang- froid sont admira-
blement rendus.
J.-M. Charcot (de l'Institut).
. P. BICIlER.
Le gérant : Emile Lecnosutcn.
11OTTEIVOZ. - IlI1primcIics réunies, B, rue Mignon, 2.
NOUVELLE ICONOGRAPIIIE
T. Il. PL. XXIII
LA VENTOUSEUSE
Eau-forte de COR1\ÉLIUS 1)eswr.
LECROSNIER ET BABÉ, ÉDITEURS
110GVf.LLG ICONOGRAPHIE
T. 11. PI.. XXIV
LE CHIRURGIEN
Eau-forte de Cornélius DUSART.
LECROSNIER ET 8ADl ÉDITEURS
NOUVELLE ICONOGRAPHIE
DE LA SALPÊTRIÈRE
FAITS POUR SERVIR A L'HISTOIRE
DES TROUBLES TROPHIQUES
DANS LA PARALYSIE GÉNÉRALE DES ALIÉNÉS
Nous ne sommes plus au temps où l'histoire de la paralysie générale
des aliénés paraissait faite et parfaite, où ce groupe symptomatique
paraissait nettement constitué en une maladie à types fixes avec
une marche prévue et fatale conduisant à la découverte certaine de
lésions caractéristiques et toujours les mêmes. Cette construction qui
semblait le premier pas, mais un pas définitif, fait par la psychiatrie
pour sortir de la période métaphysique de son histoire, est retombée
dans le chaos ; autant au point de vue anatomique qu'au point de vue
clinique elle a perdu son autonomie. Mais même pour ceux qui regar-
dent la désagrégation, comme achevée, le travail considérable de ceux
qui ont construit l'édifice n'est pas perdu, les matériaux solides, les
faits bien observés restent, et pourront servir à une restauration ou à
des constructions nouvelles. Les faits relatifs aux troubles somatiques
sont particulièrement précieux parce qu'ils ont moins de chances d'être
entachés d'erreurs d'observation. C'est à titre de documents à con-
sulter que je rapporte les faits suivants où on trouve quelques
troubles trophiques qui m'ont paru dignes d'intérêt, mais dont la
cause anatomique reste indéterminée, faute d'autopsie.
Les troubles trophiques attribués à la paralysie générale sont déjà
nombreux. La prédisposition particulière aux hématomes de l'oreille
est attribuée depuis longtemps à un trouble de nutrition. La friabilité
des os, admise par Foville, a aussi été rangée dans le même ordre de
Il. 10
150 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LAS1LPI\THIÈHE.
faits : une observation de Biture et Bonnet a eu la bonne fortune
de paraître très démonstrative à cet égard; mais ce n'est pas sans
raison que M. Christian a fait ses réserves sur l'évidence de ces troubles
de nutrition des os.
Les troubles trophiques de la peau et de ses annexes sont mieux
établis. Les accidents du décubitus sont fréquents, le zona n'est pas
rare ? MM. Christian et Ritti, dans leur article du Dictionnaire encyclo-
pédique, en rapprochent le pemphigus, le purpura, le mal perforant
du pied observé pour la première fois par M. Christian 3. L'observation
suivante présente un nouvel exemple de mai perforant, et on y trou-
vera en outre les lésions de l'ichtyose qui n'ont guère encore été
signalées, je crois, dans la paralysie générale : Scinde dit pourtant que
dans les dernières périodes la peau devient sèche, cassante et squa-
meuse '. Ce même malade présente, en outre, une arthropathie d'un
doigt qui présente de grandes analogies avec les arthropathics tabé-
tiques qui d'ailleurs, comme on le sait, sont rare$aux' petites articula-
lions 1. 6..
uns. 1 (recueillie par M. Pcrruchct, interne du .service). - Paralysie
générale. - Troubles trophiques. -1JI a 1 perforant plantaire. - ] chlyose.
- Arthropathie.
Gucsdon; Arthur; Jean, âgé de 43 ans, percepteur. Kntre le -26 mai 1880
(Hospice de Bicêtre, service du docteur Féré).
Antécédents héréditaires (récit de l'oncle).
Père. Asthmatique, nerveux, irritable, mort à GO ans. Pas d'alcoolisme.
Pas d'aliénés dans la famille.
Mère. Impressionnable, eut beaucoup de chagrins pendant sa vie, aurait
toujours souffert d'une mauvaise santé. Eut cinq grossesses toutes à terme :
Des cinq enfants nés de ce mariage quatre sont morts, le seul survivant est
le malade qui nous occupe ; tous ont eu des convulsions dans leur enfance.
Antécédents personnels. - A part des convulsions Arthur U... a toujours
joui d'une santé excellente. Il lit au Mans ses études classiques, s'est toujours
montré intelligent, mais paresseux. J8 ans, il était bachelier es lettres
(1801).
A celte époque il vient à Paris pour faire son droit, mais passe ses soirées
au café, « fait la noce » et ne travaille pas.
1. Christian, Sur la' prétendue fragilité îles os chez les paralytiques généraux (Ann.
méd. I)silcii., 1885, uov. p. 'il : ').
2. L. Gniuict, Quelques Cas de zona chez les paralytiques généraux, th. 1889.
y. Christian, Jlal perforant du pied dans lu paralysie générale (Ann. méd. psych., 1882,
t. 1111, p. 230). '
4, Traité clinique des maladies mentales, p. 3.t3,
5. Charcot et réré, Affections osseuses el articulaires du pied chez les tabétiques (Arch.
de Neurologie, ]883. I. VI, p. 305)
FAITS POUR SERVIR A L'HISTOIRE DES TROUBLES TROPHIQUES..157
- En 1866, il avait alors' 23 ans, il entre à la Ville de Paris n'ayant pu ter-
miner ses études de droit ; là encore, il travaillait avec intelligence et facilité,
mais toujours très inexact il finit par se faire renvoyer.
Pendant la période de temps qu'il passa à Paris de 1861 à 1877, il fit des
excès de toutes sortes, vénériens et alcooliques ; il joua aux courses, se lança
dans des spéculations hasardeuses auxquelles sa fortune ne pouvait pas parer
et finit par ruiner sa mère, montrant en toutes circonstances une incapacité
absolue à gérer ses affaires. 11 se rendait à peine compte de sa maladresse,
et malgré des pertes considérables et les remontrances qu'on lui adressait, l,
recommençait toujours.
Excessivement orgueilleux, il se vantait continuellement de sa fortune, de
ses maitresses, etc.
En 1878, après avoir été remercié de la Ville de Paris, il entre aux per-
ceptions. Il avait alors 32 ans. Il s'y montre encore négligent et inexact.
En 1880, il se marie, eut deux enfants vivants, et jouissant toujours d'une
bonne santé. Il continue néanmoins sa vie de débauches, passant tout son temps
au café ou avec des maitresses, s'occupant toujours de jeu, de courses, con-
traclant des dettes et n'ayant même pas conscience de sa ruine. Peu à peu les
troubles intellectuels s'accentuent. A cet orgueil qu'il manifeste en toutes
circonstances fait place un véritable délire des grandeurs, et son état mental
s'aggravant de jour en jour, on se décide à le faire entrer à l'hospice. Depuis
quelques mois il avait été révoqué de ses fonctions de percepteur.
Pas de syphilis dans les antécédents. Examen du malade. - C'est
un individu d'apparence robuste ; taille 1^.G i.. Son regard exprime l'hébé-
tude. Les doigts sont animés d'un léger tremblement; la force est conservée
et énergique, il fait dévier l'aiguille d'un dynamomètre jusqu'au 60 de
l'échelle par pression de la main droite et jusqu'au z0 par la main gauche.
La langue est animée d'un léger tremblement, cependant la prononciation
est peu altérée, le malade ne bredouille pas.
Ce qui frappe dans sa conversation ce sont des idées de grandeurs sans
aucune suite. « Il est fils de rois ou d'empereurs, il a dia-liuit cents femmes,
de beaux enfants, on lui a élevé une statue dans son pays, etc.; et si on vient il
lui demander ce qu'il fait, il vous répond : « Je suis percepteur. »
Pendant près d'un an les symptômes ne changent pas, la maladie paraît
rester stationnaire.
1,t mai 1887. Le malade a du délire mélancolique et est triste, anxieux,
« il a perdu toute sa fortune, sa santé ne va pas, il a la névrose il la tète ».
11 juin. Le délire mélancolique continue toujours; l'état de sa santé paraît
surtout le préoccuper, il se plaint continuellement « il est malade de par-
tout ». Le malade s'exprime difficilement ; la parole est hésitante, traînante
tremblante.
25 octobre. Le malade s'affaiblit, il se plaint de fatigue au moindre exer-
cice; il devient sale dans sa tenue et en mangeant.
Les troubles de la parole s'accentuent de plus en plus.
158.. NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
9 juillet 1888. La parole est devenue impossible, le malade ne peut pro-
noncer un seul mot, il fait entendre un bredouillement absolument inintelli-
gible.
De plus la santé générale s'est altérée, l'appétit a diminué. II n'a pas eu
d'accès apoplectiforme, cependant, depuis quelques jours, il fait sous lui et
ne paraît pas avoir conscience de son état.
Poids riz Idiogr. 500.
8 décembre. On remarque sur la peau du thorax et des membres une des-
quamation de l'épiderme sous formes d'écailles rappelant l'ichtyose.
Sous la tète du 3" métatarsien droit existe un durillon de la largeur d'une
pièce de 50 centimes, de consistance cornée, séparé par un sillon humide
des parties voisines.
25 février 1889. L'état ichtyoique de la peau est de plus en plus marqué,
il se fait sur tout le corps une desquamation abondante sous forme d'écailles
blanches transparentes. Pour peu que le malade s'agite, sa respiration de-
vient haletante et une sueur abondante couvre son front et mouille ses che-
veux, mais tout le reste du corps est sec.
Le durillon qui existe sous le troisième métatarsien s'est fendillé, la pas-
sion n'y réveille aucune douleur.
23 avril. Le faciès du malade exprime l'hébétude, il paraît indifférent il
tout ce qui se passe autour de lui, il fait à peine attention aux questions
qu'on lui pose. Il marche la tête penchée en avant, le dos arrondi, les
jambes écartées, appuyant surtout le talon sur le sol, il cherche à augmenter
sa base de sustentation, et avance cependant avec lenteur et hésitation.
Noire malade a une asymétrie faciale assez prononcée ; le côté gauche est
plus petit que le droit, la pommette est moins saillantect paraît aplatie. Le nez
est dévié vers la gauche, le front fuyant.
On ne constate pas de mouvements fibrillaires de la face, si ce n'est au
niveau de l'insertion supérieure du petit zygomatique du côté droit.
Les lèvres à l'état de repos ne sont le siège d'aucun mouvement, mais dès
qu'il veut les remuer pour parler ou siffler, immédiatement elles sont prises
d'un frémissement des plus marqués.
La langue n'est pas déviée, elle est agitée d'un tremblement vermiculaire
continuel, appréciable sur toute la surface de l'organe mais prononcé surtout
sur les bords. Ce tremblement augmente encore lorsqu'on dit au malade de
projeter l'organe hors des arcades dentaires, mouvement qu'il accomplit
d'ailleurs avec la plus grande difficulté.
La parole se ressent de ces troubles moteurs; 1... est incapable de pro-
noncer une parole, si ce n'est les mots « oui, non » ; veut-il essayer de parler,
il bredouille alors des phrases absolument inintelligibles.
Du côté des membres supérieurs, le tremblement est peu accusé lorsqu'on
fait tendre le bras du malade et qu'on lui fait écarter les doigts, cependant il
arrive difficilement à accomplir un acte nécessitant quelque adresse. C'est
avec lenteur et difficulté qu'il boutonne sa chemise ou saisit une épingle sur
NOUVELLE ICONOGRAPHIE T. II PL. XXV
Cliché HU8 £ RT
Phototypie BER1'HAUn
TROUBLES TROPHIQUES DANS LA PARALYSIE GENERALE
(ÉTAT ICHTHYOSIQUE DE LA PEAu)
E C n OS NIMR & ÉDIEURS
FAITS POUR SERVIR A, L'HISTOIRE DES TROUBLES TROPHIQUES. , 159
une table. L'écriture est absolument impossible, c'est avec peine que G... ar-
' rive il tracer quelques caractères tremblés absolument indéchiffrables. '
Pas plus dans les membres supérieurs qu'inférieurs nous ne constatons s
de tremblements fibrillaires, mais, dans les mouvements de ces derniers, nous
notons un certain degré d'incoordination qui rend la marche lente et hé-
sitante. Les réflexes rotuliens sont complètement abolis. ,
Les mictions et les défécations involontaires qui avaient cessé pendant
quelque temps reparaissent; le malade souille ses vêtements et son lit sans
en avoir conscience.
Chez G... l'intelligence est presque complètement abolie; il comprend à
peine les questions qu'on lui pose, et y répond indifféremment par un oui
ou un non, les deux seuls mots qu'il puisse prononcer distinctement. Il passe
toutes ses journées à se promener seul dans les cours, ou assis dans un coin,
les yeux fixes et sans expression. Il est dans l'incapacité de mettre ses vê-
tement, non seulement à cause des troubles moteurs, mais aussi par perte
d'intelligence; il ne sait plus s'habiller. Ne se livrant jamais à des violences,
il ne sort presque jamais de la torpeur dans laquelle il est plongé; quelque-
fois cependant on le voit sourire lorsqu'on lui parle de ses enfants. '
Vu l'état mental de notre malade, l'examen de la sensibilité est presque
impossible. Il paraît cependant réagir à la douleur lorsqu'on le pique avec
une aiguille. Quanta la sensibilité tactile, au goût, à l'ouïe, on ne sait s'ils
sont altérés. L'odorat paraît notablement affaibli ; un flacon d'ammoniaque
placé sous le nez ne paraît occasionner aucune sensation pénible.
On ne peut dire quel est l'état de la vision. La pupille est contractée, petite,
égale des deux côtés, réagissant à peine à l'accommodation ou à la lumière.
La respiration est normale. Le pouls a Ci pulsations par minute.
Le malade mange avec un appétit poussé quelquefois jusqu'à la voracité.
La digestion est bonne. On ne note ni constipation ni diarrhée'.
Urines normales, ni sucre ni albumine. ; ,
La peau est le siège d'une desquamation spéciale rappelant l'ichtyose
congénitale. On trouve la des écailles de dimensions variables, atteignant
jusqu'à un centimètre carré, adhérentes par toute leur surface, ou détachées
à l'une de leurs extrémités. Ces écailles juxtaposées, de couleur blanchâtre,
grisâtres en certains points, sont séparées par des sillons s'entrecroisant en
tous' sens. Ces "écailles sont assez volumineuses pour être représentées très
nettement sur plusieurs points dans la planche XXV.' ' ' ' .
Cet état squameux de la peau donne au toucher une sensation de rugosité;
il existe sur toute la surface du corps, mais est. beaucoup plus développé en
certains points qu'en d'autres. C'est ainsi qu'a la partie externe des bras, au
niveau des pectoraux, sur la partie antérieure de la jambe, la partie forte
des épaules, à la région lombaire, les écailles ont des dimensions considérables
atteignant la plupart un centimètre de côté. Ailleurs il n'existe que dominées
squames de peu d'étendue, analogues'à celles du pityriasis. ' ' ' -
Sur les mains, absence- complète d'écaillés, mais la. peau a. perdu sa
160 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTHIÈIUI.
souplesse et son élasticité, elle est sèche, de coloration bleuâtre, parcourue
par des sillons et des plis nombreux donnant à cette région un aspect ridé
(pl. XXVI).
A la région plantaire la peau a le même aspect; mais, en outre, on constate
au niveau du troisième métatarsien gauche l'existence d'un durillon formé
par une série de lamelles épidermiques superposées, qu'on peut parvenir à
détacher, en partie, et qui présente les caractères du mal perforant plantaire
au début (pl. XXVII). Rien de semblable au pied droit.
.Cet état. ichtyosique de la peau s'accompagne d'une absence complète de
sécrétion sudorale. Il n'y a que sous les aisselles qu'on constate une légère
moiteur; partout ailleurs la peau est absolument sèche.
Les masses musculaires des cuisses et des bras paraissent diminuées de
volume, même à l'état de contraction, elles présentent un certain degré de
mollesse. Il paraît y avoir un léger degré d'atrophie.
L'articulation phalango-phalanginienne du médius droit est le siège d'une
tuméfaction considérable. Le doigt élargi à sa base rappelle le doigt en
radis. La peau a sa coloration normale, on ne constate à la palpalion ni
chaleur, ni fluctuation, mais un empâtement de la région. Cette augmentation
de volume paraît porter sur les extrémités articulaires des deux os, phalange
et phalangine'. Les mouvements volontaires ou provoqués sont possibles et
n'éveillent aucune douleur.
4- juin. Le malade maigrit. Poids G3 kg. 500.
L'appétit est cependant conservé et les digestions bonnes.
L'arthrite de la phalange parait augmentée de volume.
Toujours même état de la peau.
Même'état mental.
Mendel * signale à côté de la sclérodermie, du glossy skin, certaines
altérations de coloration : la nigritie, la coloration bronzée ; mais il
ne fait pas mention du vitiligo dont l'existence, assez souvent notée
dans l'ataxie locomotrice, n'a pas non plus été signalée par les auteurs
qui se.sont particulièrement occupés de cette lésion trophique de la
peau (Leloir) ·. Le fait suivant que j'ai observé à la Salpêtrière lorsque
j'étais chargé de la consultation externe,, suppléant M. Falret, m'a
paru digne d'être rapporté tel qu'il a été résumée par M. Chaslin
qui l'a-utilisé pour son mémoire du concours des internes (188G).
Obus. II. - Paralysie générale, vitiligo.
Mme II... 39 ans. Kcmme de ménage ; consultation externe do la
Salpêtrière.
Le début de la maladie de Mme II... paraît remonter il un an. A celte
époque la malade dit avoir ressenti de violents maux de tête qui ont continué
1. Die progressive Paralyse der Irren, Ilorl., 1880, p. 20,
2. Lebrun, Du vitiligo d'origine nerveuse, Thèse de Lille, 1886, p. G2.
NOUVELLE ICONOGRAPHIE
T. Il. PL. XXVI
TROUBLES TROPHIQUES DANS LA PARALYSIE GÉNÉRALE
LBCROSNIE ET BABÉ, ÉDITEURS
NOUVELLE ICONOGRAPHIE
T. Il. PL XXVII
TROUBLES TROPHIQUES DANS LA PARALYSIE GÉNÉRALE
LECROSNIER ET BABÉ, EDITEURS
FAITS POUR SERVIR A L'HISTOIRE DES TROUBLES TROPHIQUES. Ici
depuis. C'est il peu près de ce moment que datent des absences de mémoire
dont elle se rend parfaitement compte. Depuis trois mois il y a de la difficulté
de la parole. '
Actuellement la parole est traînante et tremblotante d'une manière carac-
téristique ; la malade s'exprime difficilement.
La langue est tremblotante.
Les mains sont prises d'un léger tremblement lorsque le bras est étendu.
La force musculaire paraît conservée.
Les pupilles sont également et moyennement dilatées; elles sont sensibles il
l'action de la lumière. Pas d'idées de grandeur ou de satisfaction; la malade
est dans un état de tristesse assez marquée sans délire ni hallucination.
Depuis trois semaines la malade s'est aperçue qu'elle avait au niveau des
mains des plaques brunâtres sur l'apparition desquelles elle est peu à même
de fournir des renseignements.
Ces plaques, à son dire, se seraient montrées une première fois, puis
auraient disparu peu près complètement, pour reparaître il nouveau et s'ac-
centuer de plus en plus. '
Les modifications pigmentaires qu'on peut constater son les suivantes.
Du côté droil est une plaque pigmentée, haute d'environ quatre centimètres,
occupant le dos du poignet et s'étendant un peu sur les parties latérales de
celui-ci. En haut, cette plaque se confond insensiblement avec la coloration
du reste de l'avant-bras; en bas, elle se termine brusquement à l'union du
tiers supérieur et du tiers moyen du dos de la main, au niveau d'une zone
décolorée, manifestement moins foncée que les doigts qui ont conservé leur
couleur normale.
Quelques îlots pigmentaires de la largeur d'une lentille se voient dans
cette zone décolorée. La partie inférieure du dos de la main a gardé sa cou-
leur normale très bistrée (la malade est femme de ménage), ainsi que le reste
des doigts. Pas de troubles du côté des ongles.
Du côté gauche, une plaque plus colorée encore que la plaque à peu près
symétrique du côté opposé, plaque à bords plus irréguliers, haute d'environ
G centimètres, occupe la région dorsale du poignet.
La dispostion est la môme que celle du côté opposé.
Au-dessus de cette zone brun-rougeâtre est une plaque décolorée répon-
dant à la moitié supérieure du dos de la main, plaque parsemée de quelques
îlots de couleur brunâtre d'une nuance plus foncée que le reste de la main
el des doigts qui sont normaux.
Le front a gardé sa couleur normale, il l'exception d'une zone d'environ
2 centimètres qui s'étend au ras des cheveux et qui offre une décoloration
assez marquée. Pas de troubles du système pileux à ce niveau.
Au niveau du cou, sur les parties latérales, on voit avec un peu d'attention
un tacheté pigmentaire peu marqué, à peu prés symétrique des deux côtés.
Ce tacheté est caractérisé par un certain nombre de petites taches brunâtres
un peu plus foncées que le reste de la peau.
162 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA,5.\ LPt,TI\I I\E.
Des troubles trophiques de la peau on peut rapprocher la décolo-
ration rapide et précoce des cheveux qui est assez fréquente, et les
dystrophies des ongles signalées par M. Régis '.
L'existence de l'atrophie musculaire dans la paralysie générale a
été contestée, sauf comme coïncidence (atrophie musculaire progres-
sive, Baillarger). Pourtant l'atrophie musculaire peut se présenter
sous forme épisodique, comme le montre la troisième observation : -.
Ons. 111 (recueillie par M. Ch. Simon) 2. Paralysie générale, hémia-
trophie de la langue.
Le nommé B., 39 ans, maraîcher, se présente le 28 février 1888 à la
consultation de M. Féré. Il ne peut donner aucun renseignement sur les
antécédents pathologiques de sa famille. Il se livre à des interprétations
enfantines sur les causes de la mort de ses parents, et sa femme n'est pas à
même de rectifier ses dires. La même incertitude règne sur ses antécédents
personnels. Il est marié depuis 15 ans ; sa femme n'avait jamais rien remar-
qué chez lui de particulier, sauf une émotivité excessive, et une tendance
à se livrer aux excès alcooliques, se manifestant en quelque sorte par accès
et à de longs intervalles. 11 a eu trois enfants qui sont morts en bas âge de
convulsions; mais sa femme est une hystérique ovarienne.
En juin 1885, à la suite de pertes d'argent, son émotivité habituelle s'é-
tait exagérée, il passait des jours dans les larmes, et souvent il se lamentait
toute la nuit. Il a été deux ou trois mois à ne dormir que quatre ou cinq
heurespar nuit. Puis il est devenu d'une indifférence complète pour ses affaires ;
on ne pouvait plus arriver il le faire lever, ni à le mettre en mouvemen
pour ses travaux ordinaires. Au mois de septembre, il s'était remonté, avait
repris son travail, mais se plaignait souvent de courbatures. Il conservait la
même indifférence pour ses affaires qui allaient de plus en plus mal.
C'est seulement au mois de juin 1886 que B... a commencé à éprouver des
troubles de la parole. En même temps son émotivité était revenue, il passait
de nouveau des semaines dans les larmes. De temps en lemps, il refusait de
manger, disant que c'était inutile, que ses boyaux étaient percés. Sa mé-
moire offrait des lacunes, il répétait souvent la même chose, oubliait ses
vêtements, sa coiffure, ses instruments de travail. De temps en temps, sa
marche était titubante, mais il ne s'est jamais plaint de douleurs.
Le 15 janvier 4887, il a eu un accès apoplectiforme qui l'a laissé sans
connaissance pendant vingt-quatre heures. Il en est sorti avec une hémiplégie
droite incomplète et une aphasie complexe. Il ne pouvait proférer aucun son,
paraissait écouter ce que l'on disait, se retournait au bruit, mais ne com-
prenait rien. On ne sait pas s'il aurait été capable de lire. En quelques jours»
hémiplégie et aphasie ont il peu près complètement disparu. L'embarras de
1. Régis, Vote sur la dyslrophie et la chute spontanée des ongles dans la paralysie gé-
nérale (Gazette médicale, Paris, 1884).
2. Cli. Simon, La langue névropalhique, Thèse 1889, p. 48.
1 1. 1 ,
FAITS POUR SERVIR A L'HISTOIRE DES TROUBLES TROPHIQUES"'1
la parole, qui avait commencé depuis plusieurs mois déjà, resta plus accentué.
On eut alors l'occasion de constater des troubles de l'écriture qui était trem-
blée. En outre, la plupart des mots manquaient d'une lettre ou d'une syllabe,
et des mots entiers manquaient dans certaines phrases.
Au printemps de 1887, B... semble éprouver une nouvelle amélioration; il
put reprendre son travail qu'il avait dû cesser pendant deux mois; les troubles
de la parole eux-mêmes s'étaient atténués, et dans plusieurs circonstances,
il écrivit des lettres assez correctes. L'amélioration dura jusqu'à la fin de
juin. A celle époque, étant en train de charger du foin sur une voiture, il
reçut une botte pesant une douzaine de livres sur la tète. Il fut étourdi du
coup, et on le releva sans connaissance. Il se remit cependant au bout de
quelques minutes, mais on dut le reconduire chez lui, il chancelait.
Le soir, il fut pris d'une excitation extraordinaire, se mit il chanter et à
raconter des histoires absurdes dans lesquelles il parlait de brigands qu'il .
avait massacrés, grâce à sa force extraordinaire.
Le lendemain, ayant passé la nuit sans sommeil, racontant les mêmes his-
toires de brigands, il refuse de travailler. Il pouvait marcher à peu près
comme d'ordinaire; mais l'exaltation persistait, il manifestait des idées de
satisfaction absurdes qu'il exprimait avec une monotonie assez spéciale : sa
femme est magnifique, « elle a eu cinq pieds six pouces » ; il a une blouse en
drap d'or qui « a cinq pieds six pouces » ; il a des choux qui ont « cinq pieds
six pouces », etc. Ses idées délirantes se manifestèrent quelquefois sous
d'autres formes : il resta, vers la fin d'août, i.8 heures sans vouloir uriner,
prétendant qu'il inonderait Ivry.
Le 2 septembre, il a eu une nouvelle attaque apoplectiforme qui l'a laissé
hémiplégique du côté droit pendant huit jours et aphasique. Comme la pre-
mière fois, il ne comprenait rien de ce qui se passait autour de lui. La parole
est revenue encore plus altérée qu'après la première attaque. Depuis, ces at-
taques apoplectiformcs se sont renouvelées presque tous les quinze jours.
L'intelligence s'est dégradée peu il peu d'ailleurs, depuis le mois de décembre.
Il ne peut plus proférer aucune parole ; il est à peu près complètement para-
lysé de la main droite depuis l'attaque du 6 janvier 1888.
État actuel (28 février). - B... marche encore passablement en traînant
la jambe droite, il est venu à pied d'Ivry il l'hospice de Bicêtre et pourra y
retourner. Le membre supérieur droit pend flasque le long du corps;. il ne
reste que quelques légers mouvements dans le pouce. Il existe de la paraly-
sie faciale à droite. Les pupilles sont punctiformes et immobiles. La main
gauche est tremblante et incapable de tenir de menus objets : les lèvres sont
aussi, sans cesse, agitées de petits mouvements convulsifs que l'on voit quel-
quefois aussi autour des paupières. L'expression du visage est complètement
hébétée. B... ne se meut que quand on le pousse, ne répond que par un
grognement inintelligible. L'inspection de la langue montre une atrophie con-
sidérable limitée au côté droit. La muqueuse est plissée et chagrinée de ce
côté. Cette moitié de la langue n'a guère que 1 centimètre 1/2 de large tandis
161 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA S,AL1 ? fRII.IiE,
quel'autre en a 3 ; elle présente une consistance cotonneuse comme si les mus-
cles étaient complètement absents. L'atrophie est surtout marquée vers la
pointe, elle l'est beaucoup moins à la base. Malgré cette atrophie, la déviation
de la langue est nulle. Les mouvements de déglutition se font assez réguliè-
rement. Ce malade devait être soumis il un examen plus minutieux, mais on
a appris qu'il avait succombé à une nouvelle attaque apoplectiforme quelques
jours après sa visite. , -
Il n'est pas sans exemple de voir l'atrophie de la langue se développer
en conséquence de lésions cérébrales, c'est ainsi que dans la paralysie
pseudo-bulbaire signalée par M. Lépine et dont on a rapporté d'assez
nombreux exemples depuis, on peut trouver cette atrophie très mani-
feste '.L'interprétation de l'atrophie dans ce cas de paralysie générale
est donc assez difficile en l'absence d'autopsie. En ce qui concerne les
troubles trophiques cutanés la détermination de la localisation anato-
mique n'est pas encore définitivement tranchée. Si MM. Leloir et Dé-
jerine ont pu constater des lésions des nerfs périphériques, Radcliff
Croekerg pense que cependant il est difficile d'affirmer que le système
nerveux central n'ait rien à faire avec les lésions de la peau.
. Cit. Féré,
Mdo'in tic tticuti'c.
1. Ch. Féré, Paralysie pseutlo-Gul6nire par lésion cérébrale bilatéJltle (Revue de Mé-
decine, 1882, p. 8a8).
2. Lésions of the nervolls system eliologically related Io culaneous diseuses (Drain,
vol. VII, p. 3G3).
SUR UN CAS DE PARALYSIE AGITANTE
A 1·'OIiIfE HÉMIPLÉGIQUE AVEC ATTITUDE ANORMALE DE LA TÈTE
ET DU TRONC (EXTENSION)
Le faciès et l'habitus extérieur du corps tiennent, on le sait, une
place fort importante dans le tableau clinique de la maladie de Par-
kinson. Peu d'affections du système nerveux possèdent un côté plas-
tique aussi arrêté, aussi personnel, si l'on peut ainsi dire, que la
paralysie agitante. Elle compose aux sujets qu'elle frappe une physio-
nomie, une attitude générale, une démarche si spéciales que tout
médecin quelque peu expérimenté la reconnaît dès l'abord, la diagnos-
tique à distance. Le type vulgaire est si connu qu'il nous suffira de le
rappeler en quelques mots.
Dans la station debout, la tête est fortement inclinée en avant : le
tronc est lui-même penché dans le même sens. Les membres sont
fléchis dans toutes leurs jointures; les coudes sont tenus faiblement
écartés du tronc, les avant-bras étant légèrement fléchis sur les bras ;
les mains fléchies sur les avant-bras reposent sur la ceinture; elles
sont généralement déformées et la plupart du temps cette déformation
est telle que le pouce et l'index se tiennent allongés et rapprochés l'un
de l'autre, comme pour tenir une plume à écrire; les doigts inclinés
vers la paume de la main sont déviés en masse vers le bord cubital. Les
genoux sont aussi légèrement fléchis. La raideur musculaire, perma-
nente, impose cette attitude aux différents segments du corps; elle est
la cause de cette immobilité impassible des malades, de la lenteur de
leurs mouvements, de leur allure raidie et scandée qui les fait ressem-
bler, lorsqu'ils se mettent en marche, à des automates en mouvement.
Ils vont ainsi, à petits pas, avec une tendance à courir parfois irrésis-
tible. Telle est résumée, dans ses traits essentiels, la description
aujourd'hui classique, qu'en a donnée M. le professeur Charcot et
cette description n'est certes pas à refaire, elle subsiste toute entière,
toujours exacte et'vraie pour la grande généralité des cas.
Mais à côté de la forme commune, où la flexion l'emporte dans
l'altitude des diverses parties du corps, on peut observer des cas dans
Ifi6 NOUVELLE DE LA S,ll'ÈTRILPE.
lesquels l'extension prédominant dans les membres, sur la flexion,
imprime aux malades un aspect très différent et capable d'induire en
erreur un esprit non prévenu. Cette variété d'attitude a été observée
par M. Charcot chez un paralytique agitant qu'il présenta, l'an dernier,
dans une de ses cliniques du mardi '. Il proposa de la désigner sous le
nom de type d'extension. M. P. Richer a publié ici même 3 plusieurs
dessins-représentant ce malade dans la station debout et pendant la
marche. Il suffit de jeter un coup d'oeil sur ces figures pour se rendre
compte que si, par l'inclinaison en avant de la tête et du tronc, ce sujet
appartient au type vulgaire, il s'en éloigne singulièrement par l'atti-
tude des membres. Les avant-bras sont étendus sur les bras, les jambes
sur les cuisses, de telle sorte que les quatre membres forment comme
des barres rigides. Pendant la marche, cet état d'extension persiste;
. les membres supérieurs restent droits; les mains ne quittent guère le
contact des cuisses et les genoux se fléchissent à peine, ce qui force le
.malade à faire de grandes enjambées. De fait, dans le cas que nous
venons de citer, cette posture anormale des membres, jointe à l'absence
de tremblement, avait été la cause d'une erreur de diagnostic. Il y a
donc quelque intérêt, au point de vue pratique, à bien connaître les
attitudes diverses que la maladie de Parkinson peut imprimer aux
individus qu'elle frappe.
La malade dont nous allons rapporter l'observation appartient, elle
aussi, au type d'extension. Elle a été présentée par M. Charcot à ses
; auditeurs dans la conférence clinique du 19 juillet. Il s'agit d'un cas
de paralysie agitante à forme hémiplégique. Le membre supérieur pré-
sente l'attitude fléchie et le tremblement caractéristiques, tandis que la
tète et le tronc se trouvent fortement rejetés en arrière au lieu d'être
penchés en avant comme il est de règle.
Ons. I. Maladie de Parkinson à forme hémiplégique. Attitude
anormale. - Extension excessive de la tête et du tronc.
Pauline Dro... âgée de 50 ans, plumassière, entre à la Salpètrière, dans le
service de M. le professeur Charcot, le 18 juin 1889.
Antécédents héréditaires. - Côté maternel : Rien qui mérite d'être
relevé. Sa mère vit encore; elle est âgée de 87 ans, elle ne tremble pas, elle
a toujours été bien portante. - Deux oncles encore vivants et en bonne santé;
l'un est âgé de 81 ans, l'autre de 85. Un troisième oncle mort v 8` ans
d'une maladie de coeur. Les enfants de ces oncles jouissent d'une santé par-
faite. La malade n'a pas connu ses grands-parents.C< patent Père mort
à 48 ans d'une fluxion de poitrine, il était alcoolique. Une tante morte il
1. Leçons du mardi. Policlinique, 1887-1888, p. 43'J.
2. Nouvelle Iconographie de la Salpètrière, novembre et décembre 1888.
SUR UN CAS DE PARALYSIE AGITANTE. - 167
00 ans, après avoir été paralysée pendant 10 ans, elle bavait et bredouillait
en parlant.
La malade a eu un frère qui est mort à 33 ans à la suite d'excès de boissons.
Elle a eu cinq enfants, quatre sont morts en bas âge. Il lui reste une fille'
âgée de seize ans et demi qui a eu plusieurs attaques d'hystérie entre 8 et.
12 ans. Et c'est tout.
Antécédents personnels. Cette femme a toujours été d'une santé irrépro-
chable jusqu'à l'apparition des premiers troubles qui marquèrent le début
de la maladie actuelle. Elle était d'un tempérament calme, mais très impres-
sionnable. Elle s'émotionnait et pleurait souvent pour des motifs futiles. -
Son mari emporté, coléreux, adonné à la boisson, rentrait chez lui à toute
heure de nuit et de jour, ivre et toujours furieux. Il l'accablait de reproches.
et d'injures, la menaçait, etc. Ces scènes de ménage se renouvelaient
fréquemment et c'est aux émotions violentes, aux transes par lesquelles
elle passait, que la malade attribue ce qu'elle appelle sa paralysie.
Histoire de la maladie. Il y a deux ans environ la malade commença à
éprouver une sorte « d'énervement » dans le poignet gauche. Peu à peu,-
lentement, le bras devint maladroit, sujet à des raideurs; elle avait parfois
de la peine à étendre l'avant-bras; les doigts et le pouce s'allongeaient
continuellement et sa main prenait à chaque instant « l'attitude pour
écrire ». Bientôt elle remarqua que ses doigts tremblaient de temps à autre.
Au début, ce tremblement n'était que passager, il n'apparaissait qu'à l'occa-
sion d'une émotion, d'une contrariété ou bien après un effort musculaire,
puis il finit par s'installer définitivement et devint à peu près continuel. Ces
divers troubles s'accentuèrent progressivement et dans les premiers jours de
l'année 1888, cinq mois, environ, après l'apparition des premiers symptômes,
elle dut renoncer à son métier de plumassière. ·
Déjà à cette époque elle avait remarqué chez elle une certaine tendance à
courir. lui arrivait fréquemment, quand elle se mettait en marche, de se
sentir comme poussée en avant, ses pas se précipitaient de plus en plus mal-
gré elle et il lui est arrivé à plusieurs reprises de tomber sans pouvoir se
retenir. En mars 1888, le membre inférieur gauche fut affecté à son tour. Il
lui paraissait lourd et comme engourdi, dès lors elle commença à boiter.
Elle entra à l'hôpital Cochin; elle y passa trois mois et demi. Là, elle fut
soumise à un massage méthodique. Ce traitement produisait une certaine
amélioration. Après chaque séance, le bras et la jambe malades étaient
moins engourdis, plus souples; mais la raideur ne tardait pas à reparaître
et quelques jours après sa sortie elle était, dit-elle, aussi impotente de son
bras et de sa jambe gauches que lors de son entrée à l'hôpital.
En juin 1888, elle éprouva pour la première fois des tiraillements, des rai-
deurs dans la nuque. A partir de cette époque, les mouvements de la tête et
du cou devinrent difficiles; peu à peu sa tète se renversa en arrière prit
insensiblement l'attitude qu'elle présente encore aujourd'hui.
État actuel (5 juillet 1889). - Dans la station debout, l'attitude de la
168 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
malade est la suivante (pi. XXVIII, XXIX) : la tête est rejetée directement
en arrière, en extension forcée, sans inclinaison latérale. Le tronc est, lui
aussi, penché en arrière, dans une attitude qui exagère notablement la cam-
brure dorso-lombaire ; mais il est en môme temps légèrement incliné à droite,
de telle sorte que la colonne vertébrale décrit une double courbure latérale,
concave à droite, au niveau de sa portion dorsale supérieure, et concave à
gauche dans la- portion lombaire. L'épaule' gauche est surélevée, comme
là hanche du même côlé. Le membre inférieur est en extension, le pied
est légèrement abaissé, do manière que le talon touche à peine le sol,
l'avant-pied appuyant surtout sur le sol. '
' Par contre, la position du membre supérieur gauche ne diffère en rien de
l'attitude classique de ce membre dans la paralysie agitante. Le coude est un
peu écarté du tronc, l'avant-bras modérément fléchi est en pronation. La
déformation de la main est typique. Le pouce et l'index allongés l'un contre
l'autre sont animés d'un tremblement il oscillations lentes, tandis que les
autres doigts inclinés vers la paume de la main sont déviés en masse vers le
bord cubital. Ce tremblement n'existe qu'à la main gauche; 'il n'apparaît
jamais au membre supérieur.
Les membres du côté droit sont indemnes de tout trouble fonctionnel.
Leurs mouvements sont rapides cl'précis, tandis que les bras et la jambe du
côté gauche raidis et comme soudés dans l'attitude que nous venons do décrire
ne se meuvent que lentement, péniblement cl par un effort soutenu.
La tête et le tronc restent également figés en extension. Les mouvements
de latéralité, de rotation, de flexion sont lents, difficiles et très limités.
; La physionomie est impassible; le front ridé transversalement, les sourcils
élevés, les. yeux immobiles; le clignement des paupières très peu fréquent. 1.
Ce facics associé au redressement de la tête el du tronc donne à la malade
un air de majesté très singulier. '
Pendant la marche, toute cette altitude persiste cl, comme le membre infé-
rieur est maintenu en extension par la rigidité musculaire, la malade avance
en balançant ses hanches et décrivant à chaque pas un mouvement de faux
avec sa jambe gauche; elle frotte le sol de la pointe du pied a la façon des
sujets atteints d'hémiplégie cérébrale avec contracture secondaire.
Les réflexes tendineux ne 'sont nullement exagérés.' · . -
' La sensibilité est intacte à lous les modes d'exploration. '
' Par contre, la malade se plaint avec insistance d'une certaine lourdeur et
d'une sensation d'engourdissement dans tout le côté gaucho. Elle accuse aussi
dans'tout ce côté une sensation de chaleur excessive. Elle. n'a jamais éprouvé
de véritables douleurs.- ' .
Il n'y a aucun trouble du côté des sphinclers.
L'intelligence et la mémoire sont parfaitement conservées. La parole est
un peu monotone. II est à remarquer, qu'en dépit de l'altitude permanente
de la tète el du tronc, l'antépulsion persiste et que la l'éll'opubiull faitcomplè-
tement défaut. ·
NOUVELLE ICONOGRAPHIE
T. II. PL XXVIII
ATTITUDE ANORMALE DANS LA PARALYSIE AGITANTE
(type d'extension)
LfiCNOSNIHN 6T BABÉ. ÉDITEURS
NOUVELLE ICONOGRAPHIE
T. II. PL. XXIX
Cliché A. LONDE
PNOTOTYPIE BERTHAUD
ATTITUDE ANORMALE DANS LA PARALYSIE AGITANTE
(TYPE D'EXTENSION)
LECROSNIER ET BABÉ, ÉDITEURS
SUR UN CAS DE PARALYSIE acornwre. 169
Bien que la paralysie agitante se présente, dans le cas qui précède,
sous la l'orme hémiplégique, le diagnostic n'en est pas moins, il nous
semble, hors de toute contestation. Le début insidieux, le développement
lentement progressif, la raideur musculaire sans paralysie proprement
dite, l'attitude du membre supérieur gauche, la déformation de la
main, le tremblement dont elle est animée, le faciès, enfin l'antépul-
sion et les autres symptômes subjectifs accusés par la malade, sont
autant de signes qui ne laissent aucune place au doute.
M. Westphal a publié dans les Annales de la Charité de Berlin, en
1877, l'observation d'un cas de paralysie agitante dans lequel il exis-
tait, comme chez la malade dont nous venons de rapporter l'histoire,
un redressement excessif de la tête. Cette observation et la nôtre sont,
du moins à notre connaissance, les seuls exemples de cette anomalie
d'attitude qui aient été jusqu'ici mentionnés.
A. Dutil,
Interne de la Clinique des maladies du 5%stèitic nerveux.
DE LA SUPERPOSITION DES TROUBLES
DE LA SENSIBILITÉ. ET DES SPASMES DE LA FACE
ET DU COU CHEZ LES HYSTÉRIQUES
{Fini).
il- Il
Les phénomènes constatés, particulièrement chez notre première
malade d'une part, les expériences concordantes faites chez deux hys-
tériques hypnotisables d'autre part, nous incitaient à rechercher si les
autres spasmes localisés de la face de même nature, ne se comportaient
pas d'une façon analogue par rapport aux troubles de sensibilité
locale.
En premier lieu, notre attention était directement appelée du côté
du spasme glosso-labié si magistralement décrit par 11111. Charcot,
Brissaud et Marie et dont la découverte fut, avons-nous dit, une véritable
révélation.
Nous avions alors dans le service deux malades atteints de ce spasme
qu'il nous était loisible d'étudier au point de vue particulier qui nous
intéressait.
Le premier (Obs. lit), qui est encore à la Salpêtrière, n'est autre que
le nommé Cl..., dont on trouvera l'histoire dans le mémoire de
1111. illarie et Brissaud ? Ses traits ont été reproduits dans ce ltecueil'.
Chez lui le spasme glosso-labié est très marqué; la langue est forte-
ment déviée du côté droit. Comme il est hémianesthésique droit, nous
pouvions supposer que son étude ne nous permettrait pas - pour les
raisons données - de constater rien de particulier au point de vue
spécial qui nous intéressait. Cela était d'autant plus regrettable,
à priori, que le malade était, au moins d'une façon intermittente,
atteint de blépharospasme, car lorsque nous lui ordonnions de tirer
1. Voy. le Il' 3, t. III, 1889.
2. De la déviation faciale dans l'hémiplégie livstérique (Progrès médical, il,, 5 et 7,
1887). '
3. Nouvelle Iconogarphie, t. I, ,,1. XIV, 1688.
SUPERPOSITION DES TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ. 171
la langue, nous voyions bientôt, par généralisation, la contracture se
produire également du côté de l'orbiculaire. En tout temps, du reste,
la cornée et la conjonctive droites étaient totalement anesthésiques et
le rétrécissement concentrique dû champ visuel de l'oeil droit si étroit
que l'oeil pouvait être considéré comme totalement amaurotique.Mais
l'amaurose et l'anesthésie de la cornée et de la conjonctive s'observent
parfois sans coïncidence de contracture de l'orbiculaire, du côté
anesthésique.
Toutefois, l'inspecta attentive de la langue nous montrait que
celle-ci était pour ainsi dire tordue sur son axe de gauche à droite,
qu'elle était recroquevillée et que partant, autant du moins qu'il pou-
vait sembler, la musculature linguale participait toute entière, à droite
et il gauche, au spasme.
L'examen minutieux de la sensibilité nous montra alors, que tandis
que l'hémianesthésie tégumentaire siégeait uniquement à droite, que
la muqueuse et le plancher de laboitche étaient parfaitement sensibles
à gauche, la partie gauche de la langue sur toutes ses faces était
comme la partie droite, totalement anesthésique (fig. 53). De même,
la sensibilité spéciale avait disparu, car le goût était totalement aboli,
alors que les autres sens spéciaux : odorat, ouïe, vision étaient con-
. 11. 11
172 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
serves à gauche. Il nous était donc permis, encore une fois, de conclure
que là encore l'anesthésie s'était nettement superposée au spasme.
L'examen 'du second malade (Obs. IV), le nommé Lelog..., devait
nous donner des résultats encore plus intéressants. Chez lui, en effet,
l'anesthésie semblait atteindre seulement le segment inférieur du
tronc se limitant au-dessous de l'ombilic par une zone transversale
figurée dans l'observation rapportée par M. Charcot dans le troisième
volume de ses Leçons sur les maladies du, système nerveux (p. 441)
(fig. 54 et 55).
A l'époque où fut publiée cette observation, l'hémispasme glosso-
labié qui existe aujourd'liui, n'était pas complet : « En examinant la
face, est-il dit, on remarque que la commissure labiale gauche est
SUPERPOSITION DES TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ. 173
élevée et de ce côté la bouche entr'ouverte. Cela avait fait penser
d'abord qu'il y avait là, à droite, paralysie du facial inférieur. Mais
avec plus d'attention on reconnaît qu'il s'agit d'un spasme dans le
domaine du facial gauche se traduisant par des secousses ◀tantôt▶
lentes, ◀tantôt▶ précipitées, dont la commissure labiale de ce côté est le
siège. La langue tirée hors de la bouche n'est pas déviée. »
Depuis, l'hémispasme s'est complété et intéresse aussi la langue qui
est fortement déviée à gauche*.
Il était intéressant de voir comment se comportait la sensibilité à la
face, particulièrement du côté gauche, siège de l'hémispasme glosso-
labié. Cet examen nous a donné (2G février 1888), les résultats sui-
vants qui, à notre avis, sont de la plus haute importance.
Il y a anesthésie et analgésie complète de toute la moitié gauche de
la face, respectant toutefois l'aile du nez; cette anesthésie envahit non
seulement la face mais encore la moitié gauche du front, de la tête, en
avant et en arrière et elle se limite en bas et en avant au niveau et un
peu au-dessous du bord inférieur de la clavicule, et en arrière par une
ligne transversale située un peu au-dessus de l'épine de l'omoplate.
1. Nouvelle Iconographie, t. I, Pl. XV, 1888.
171 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SaLl'1 : 'l'I.IÈIiE.
La sensibilité cornéenne et conjonctivale paraissent normales ; la
langue est insensible dans sa totalité, alors que l'anesthésie de la mu-
queuse : I)Liccale est limitée a la partie gauche de la bouche (fig. 50).
Le rétrécissement du champ visuel est'également marqué des deux
côtés : L'acuité visuelle,' qui est de 1 [10, est modifiée aussi bilaté-
ralement ' - 1
Sans chercher le pourquoi des limiles'bizarres au premier abord de
cette distribution de l'insensibilité, un fait était il retenir : dans un cas
de .spasme glosso-labié hystérique il existait une anesthésie et une
analgésie très marquées dans le domaine des muscles contracturés. A
la vérité, cette anesthésie s'irradiait au delà de la zone d'action de ces
muscles, mais non dans des proportions telles qu'on ne fût fondé
à croire qu'elle pouvait bien être en relation directe avec la contrac-
ture des muscles de la face, et très probablement sous sa dépendance.
Ces faits nous paraissaient intéressants et nous allions àla recherche
d'autres semblables, lorsque M. P. Richer nous dit avoir noté une dis-
position assez semblable à celle de l'anesthésie. observée sur Lelog...
chez une jeune Russe admise dans le service de la Clinique, en 18882,
pour une contracture des muscles de la face accompagnée de blépharo-
spasme. Cherchant dans ses notes, il nous communiqua l'observation
suivante, et, comme à cette époque, et bien avant encore, M. Charcot
faisait reproduire dans son service les particularités qui l'infères
saient, nous avons été assez heureux pour retrouver les clichés de
cette malade que la planche XXX représente sous ses divers aspects.
Olss. V. Mile Al... ,jeunc Busse, 1 anis. - Mère très nerveuse. La maladc
a antérieurement joui d'une bonne santé. '
En mai 1881, sans cause connue, elle a été prise d'un spasme tonique du
muscle orbiculaire des paupières de l'oeil droit qui augmenta peu à peu
d'intensité et gagna avec le temps presque tous les muscles innervés par le
facial droit, et passa même du côlé gauche. Mais là, il n'était jamais aussi
fort.- Ce" spasme cessait pendant le sommeil et sous l'inlluencc de la lires-
sion sur certains rameaux du nerf facial.
Plus tard, il se développa une anesthésie du visage du celé droit qui aug-
menta peu à peu, et, au mois de mars 1882, elle occupait les deux tiers infé-
rieurs du visage, le cou, l'épaule et la partie supérieure de la poitrine : \
droite. ,
Il faut ajouter que dans le cours de celte maladie il y a eu plusieurs at-
taques d'hystéro-épilepsic.
L'aspect de la physionomie (pl. XXX) est normal quand la malade porte
un bandeau maintcuant sur l'ocil droit un petit coussin compresseur. Mais si
elle l'enlève, on voit survenir aussitôt un spasme qui lui défigure le visage
NOUVELLE ICONOGRAPHIE
T. II. PL. XXX
Cliché A. TONDU
PHOTOTYPIE BERTHAUD
SPASME DE LA FACE ET DU COU D'ORIGINE HYSTÉRIQUE
LECROSNIER ET DA13, ÉDITEURS
SUPERPOSITION DES TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ. 175
et qui consiste en une contracture de tous les muscles de la face el du cou,
à droite.
La compression du globe oculaire pratiquée par une autre personne que
la malade n'amène pas la cessation du spasme : la jeune fille elle-même
met son bandeau, et tout rentre dans l'ordre.
La malade entre à la Salpêtrière dans le service de M. Charcot, le 27 mai
1882. Jusqu'au 18 juin, elle a des attaques caractérisées par des cris très
aigus et quelques contorsions, le corps se tournant toujours il droite (côlé
du spasme). A plusieurs reprises, elle a les mêmes attaques.
Dans le mois de juillet, le 22, les attaques coïncident avec les règles.
Le 1` avril, la malade fut placée sur le tabouret isolant d'une machine
électrique. L'intensité du spasme diminua graduellement. En même temps.
apparaissent des efforts expirateurs, un léger tremblement et finalement un
étai demi-syncopal avec arrêt de la respiration el sans pâleur durable de la
face.
Cet élat syncopal se dissipe spontanément, et la malade se trouve dans le
même état qu'avant. Pendant l'état syncopal, la déviation faciale persista.
Durant un mois et demi (fin juin) on place des aimants du côté de la con-
tracture (deux heures par jour). La contracture du cou a disparu dès le début.
Le spasme de la face a diminué insensiblement. Le 20 juillet, le spasme de
la bouche a disparu.
Le 27, l'oeil s'est ouvert. A la suite de la disparition du spasme de l'orbi-
culaire, la malade a été prise de diplopie. A ce sujet, M. le D' Parinaud nous
communique la note suivante : « Celte diplopie était caractéristique de la
paralysie incomplète de la sixième paire droite (oeil atteint de blépharo-
spasme). »
L'écartement des images restait régulièrement le môme pour une égale
distance de la bougie et, aucun caractère du trouble oculaire n'autorisait un
autre diagnotic el permettait d'écarter la simulation. Considérant néanmoins
la rareté des paralysies oculaires dans l'hystérie, et d'attiré part la contracture
dont cet oeil avait été atteint, je rapportai la diplopie non il la paralysie du
droit externe mais à la contracture du droit interne ou à une simple rétrac-
tion de ce muscle consécutive à cette contracture et à l'occlusion permanente
de l'oeil pendant plusieurs mois.
La diplopie s'améliore progressivement et disparaît au bout d'une dizaine
de jours. Aujourd'hui 29 juillet, les attaques sont plus fortes. La malade fait
de grands mouvcmenls pendant une minute à une minute et demie. Entre
chaque attaque, la malade reprend connaissance. La compression de l'ovaire
droit arrête les attaques mais non les cris.
Le spasme n'a pas reparu.
L'observation de M. P. llicher n'est-elle pas très intéressante au
point de vue particulier qui nous occupe ? Que dire en effet de cette
anesthésie du côté droit du visage - siège du spasme qui augmen-
1-16 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
tant peu à peu occupait, au mois de mars 1882, les deux tiers infé-
rieurs de la face, le cou, l'épaule et la partie supérieure de la poi-
trine à droite ? ' ?
La distribution de l'insensibilité ne mérite-t-elle pas d'être rappro-
chée de celle observée chez notre malade Lelog... ? Il est vrai qu'il est dit
dans l'observation de M. Richer que la contracture envahissait égale-
ment les muscles du coït à droile.
- Cette ressemblance de deux territoires anesthésiés devait nous
engager à rechercher s'il n'existait pas chez Lelog... une contracture
des muscles du cou, et nous n'avons pas été peu surpris de reconnaî-
tre qu'en effet, chez lui, il existait une contracture très manifeste du
peaucier, contracture très visible surtout au moment des efforts faits
par le malade pour tirer au dehors la langue contracturée. Or, en exami-
nant la figure 56, on verra que la ligne d'anesthésie se termine en bas
au niveau de la ligne d'insertion des fibres du peaucier. Chez Leiog...,
comme chez la malade de M. P. Richer, l'anesthésie et le spasme
se superposaient, chez tous les deux le spasme étant glosso-labio-
peaucier, au lieu d'être simplement glosso-labié, ainsi qu'on eût
pu le croire à un premier examen chez Lelog...
Toutefois, on voudra bien remarquer que chez celui-ci l'anesthésie
envahit la totalité de la face ainsi que la région postérieure de la tête
et du cou; pour interpréter cette insensibilité dans le sens de notre hy-
pothèse il faut donc admettre que l'orbiculaire palpébral, le frontal,
l'occipital, en un mot les muscles peauciers de la région, à droite,
étaient en contracture. Pour le premier, la vérification n'est pas
difficile, l'oeil se ferme à moitié, spasdomiquement, dans les efforts
faits pour tirer la langue au dehors; pour les autres, la constatation
est plus difficile.
. Il était donc nécessaire de s'appuyer sur de nouvelles observations et
aussi sur de nouvelles expériences.
Ces observations ne devaient pas tarder à se produire.
Déjà en l 887, Clés..., hystéro-épileptique dont nous avons déjà parlé,
avait été spontanément atteinte, à la suite d'une attaque, d'un spasme
de la face analogue à celui d'Alex... représenté par la planche XXX. L'ob-
servation n'avait pas été recueillie en détails et l'anesthésie n'avait pas
été notée.
Le 11 mars 1888, Clés..., qui, rappelons-le, est hémianesthésique
droite, est prise à huit heures et demie du soir des prodrômes d'une
attaque : battements dans les tempes, boule, bourdonnements d'oreilles,
etc. A dix heures et demie, attaque de grande hystérie qui dure deux
heures.
SUPERPOSITION DES TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ. 177
Le lendemain matin, 12 mai, nous la trouvons à notre visite avec un
spasme des muscles de la face, de l'orbiculaire des paupières et du
peaucier, du cou du côté gauche, absolument analogue il celui d'Alex...
Comme cette malade,Clés... appuie fortement sur son oeil pour rompre le
spasme sans qu'il nous soit possible, du reste, de donner une interpré-
tation du résultat ainsi obtenu. Le spasme reparaît aussitôt que cesse la
compression. La langue ne participe pas au spasme. Il existe un sen-
timent de tension nettement accusé par la malade dans la région
frontale gauche.
L'examen minutieux de la sensibilité montre qu'il y a anesthésie
complète de la moitié gauche de la face (la moitié droite étant normale-
ment insensible), et que cette anesthésie se limite à gauche : en bas,
au niveau de l'insertion du peaucier, en haut, sur les limites supérieures
de la région fronto-pariétale; en dehors, le pavillon de l'oreille est
insensible. Toute la partie postérieure de la tête et du cou, est restée
sensible de même que la moitié gauche de la langue. La cornée et la
conjonctive sont insensibles. La doublure muqueuse de la joue est
également anesthésique. L'orne, la vue et l'odorat à gauche ont disparu.
Rappelons à propos de cette anesthésie sensorielle, que M. Féré a a
très nettement signalée, que dans « l'hémianesthésie hystérique il y a
un rapport constant entre l'insensibilité cutanée et l'insensibilité sen-
sorielle ».
Pour terminer ce qui a trait Clés...,. nous dirons que la malade, grande
hypnotique, est immédiatement mise en somnambulisme. Dans cet état
nous ne tardons pas à lui enlever par suggestion le spasme qui s'est
développé à la suite de son attaque. A son réveil, nous pouvons con-
stater que le spasme est disparu avec l'anesthésie que nous avons
signalée; la vue, d'odorat, l'ouïe, sont revenus à gauche.
En mai 1888, nous avons, laissant intentionnellement écouler un
certain laps de temps entre l'expérience spontanée et celle que nous
voulions effectuer, reproduit chez elle par suggestion cette variété
de spasme. Il nous suffit de lui présenter en somnambulisme la
planche XXX pour produire le spasme de la face et du cou. Il nous fut
alors donné, il son réveil, de constater les mêmes modification que
celles précédemment notées du côté de la sensibilité localisée et de
faire cesser ces modifications avec le spasme. L'expérience était donc
concluante. Nous l'avons renouvelée à plusieurs reprises, toujours
avec le même succès.
Depuis cette époque, du reste, nous avons pu recueillir à la Salué-
9. Notes pO\1l'scn ir il 1'liistoii,e(le t'hystro-epitepsic(.t)'c/t ! MSf) ! eKro/f)< ? e,S82, p. 283).
178 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPËTRIËHH.
triera trois nouvelles observations qui, comme on va le voir, n'ont
fait que nous confirmer dans notre opinion sur la superposition des
spasmes de la face et du cou et des troubles localisés de la sensibilité.
La première (Obs. VI) est particulièrement remarquable en ce que
nous avons w le spasme naître sous nos yeux, se localiser d'abord à
la partie droite de la langue, puis envahir la partie gauche, et enfin
réaliser le type du spasme, glosso-facio-peaucier, et l'anesthésie se
superposer immédiatement au spasme des muscles qui venaient de se
contracturer. Cette observation est donc éminemment démonstrative,
d'autant que nous avons aussi assisté à la disparition du spasme et à
l'effacement spontané de l'anesthésie.
Ors. Vit Blanch..., 27 ans, lingère, hystéro-épileptique a crises séparées,
entrée à la Salpêtrière, service de M. le professeur Charcot, en 1878; sortie,
puis entrée de nouveau en 1879 et 1884. Mère épileptique.
Coléreuse pendant son enfance; fièvre typhoïde a 14 ans. A 12 ans, début des
attaques d'hystérie, à 13ans début des accès d'épilepsie nettement caractérisés.
IIémianesthésie gauche; goût complètement aboli des deux côtés depuis le
début des attaques d'hystérie.
Dans la nuit du 10 au 17 juin 1888 débute un état de mal hystérique pré-
sentant ceci de particulier que les attaques sont uniquement représentées
par une phase d'épilepsie partielle. Du 1G il minuit et demi à 9 heures du
soir le 17, elle a cent cinquante accès; la température vaginale donne 38°.
Du dimanche 9 heures au lundi 3 heures, nombre sensiblement égal d'at-
taques de même nature, la langue n'est pas mordue; on sonde la malade
toutes les quatre heures. Pendant toute celte période il est impossible, dans
le but de la tirer de cet état, de déterminer une attaque complète (ordinai-
rement présentée par la malade) par la pression des deux zones hystérogénes
habituelles situées au-dessous du sein et au-dessous de l'omoplate gauches.
Le lundi 18 juin, à 4 heures du soir, la malade semblant moins absorbée,
nous déterminons une attaque complète avec un arc de cercle, altitudes
passionnelles, en pressant la zone liystérogèiio située au niveau de l'angle de
l'omoplate. Puis nous arrêtons celle attaque par la pression de l'ovaire
gauche et l'inhalation de 60 grammes d'éther.
Elle sort de cette attaque avec une hémiplégie droite, flasque, accompagnée
d'hémianesthésie scnsitivo-sensorielle.
Pendant toute la durée de l'état de mal, le côté droit n'avait pas semblé
paralysé, les convulsions épileptoïdes prédominant à gauche d'une façon
permanente très marquée.
Nous explorons la sensibilité aussitôt l'attaque arrêtée et l'hémiplégie
constatée : tout le corps est anesthésique. Une demi-heure plus tard, le coté
gauche habituellement anesthésique est redevenu sensible.
Nous constatons en même temps que la langue est fortement déviée il
SUPERPOSITION DES TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ. 179
droite; la moitié droite de la langue est diminuée de volume, dure au tou-
cher, revenue sur elle-même; la moitié gauche est large et souple. La com-
missure gauche est normale, elle paraît toutefois légèrement entr'ouverte,
mais par opposition avec la commissure droite qui est fermée activement
et légèrement abaissée, car la malade ne fume pas la pipe de ce côté.
L'exploration minutieuse de la sensibilité montre que la partie droite
contractl1l'ée de la langue est insensible, la moitié gauche restant sensible.
Dans les jours qui suivent, on note, qu'a son tour, la moitié gauche de la
langue durcit; d'aplatie, de mobile, elle prend un aspect en dos d'une et
devient dure au toucher.
Le 20 juin, M. Charcot s'exprimait ainsi en présentant la malade à sa
Policlinique 1 : « Nous allons ordonner à la malade de tirer la langue. Vous
la voyez ouvrir la bouche démesurément, faire effort, mais la langue ne sort
point. Vous voyez cet organe ramassé vers le côté droit de la bouche, dur au
toucher, évidemment contracture, et bien qu'il soit attiré en masse vers la
droile, formant un crochet dont la concavité regarde à gauche. »
Les jours qui suivent, la malade va au traitement électrique et l'hémi-
plégie disparaît peu à peu; en même temps, l'insensibilité disparaît à droite
pour revenir gauche, où elle siège habituellement, mais le spasme lingual
persiste avec anesthésie tolale de la langue.
Le 31 juillet, attaque hystéro-épileptique qui dure de 8 heures à 9 heures
et demie du matin; au sortir de celle attaque nous l'examinons et constatons
chez elle un spasme de toute la moitié droite de la face comprenant l'orbi-
culaire des paupières et le peaucier qui est nettement contracture (l'aspect
de la malade esl identiyuc à celui d'Alex... que représente la planche XXX). La
pression oculaire fait cesser momentanément le spasme. L'examen de la sen-
sibilité montre, outre une hémianesthésie gauche, une zone d'anesthésie
comprenant toute la moitié droite de la face siège du spasme, se limitant en
haut à deux travers de doigt au-dessus de l'arcade sourcilière, en dehors
par une ligne passant au devant de l'oreille, suivant la branche montante du
masséter, et se terminant en bas transversalement un peu au-dessous de la
clavicule. La langue est toujours contracturée dans la même situation.
Une séance de suggestion chez la malade qui est facilement hypnotisable
suffit pour enlever le spasme des muscles de la face et du cou. Au réveil, là
contracture a disparu et avec elle la zone d'anesthésie circonscrite qui l'ac-
compagnait. Le spasme et l'anesthésie de la langue persistent; la suggestion
plusieurs fois répétée des intervalles éloignés est impuissante à les faire
disparaître.
Jusqu'au mois de décembre, Bl... est sujette à des attaques hystéro-épilep-
tiques; il plusieurs reprises il se fait un transfert de l'anesthésie de gauche à
droite, cette anesthésie revenant toujours en fin de compte se fixer il gauche.
La contracture de la langue est permanente.
1. M. Charcot a présente cette malade à sa Policlinique du 2G juin 1888. 1`n ? Leçons du
Mardi, ù la Salpètrière, p. 182 et seq. 1888.
180 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
Le 20 décembre, nouvelle attaque : au sortir de celle-ci, la malade est
toute étonnée de mouvoir sa langue qui était contracturée et anesthésique en
totalité depuis le 18 juin. Nous l'examinons le 21 et constatons que la langue
est redevenue souple; la moitié droite est désormais sensible, la moitié gauche
participe à l'hémianesthésie dont ce côte est habituellement le siège. Le goût
est complètement aboli; la malade, avons-nous dit, a toujours présenté ces
derniers phénomènes depuis le début de ses attaques d'hystérie.
L'observation VII est intéressante en ce qu'elle réalise le type du
spasme facio-peaucier sans participation de la langue et avec super-
position de l'anesthésie au spasme.
OBs. VII. Mlle Desg..., 22 ans, est couchée, à la date du 9 avril 1888,
salle Rayer n° 15, à la Salpêtrière, pour une arthralgie hystero-traumatique
du genou gauche qui a fait le sujet d'une leçon de M.Charcot, le23 décembre
18871. Nous ne rapporterons de cette observation que ce qui a trait au spasme
de la face et du cou. ,
Le bras droit est anesthésique; la jambe droite l'est également, sauf au
niveau du genou gauche dont les téguments sont llyperesthésiés. Zone hystéro-
gène au niveau des 3°, 4., 51 et 6a vertèbres dorsales.
Amaurose à droite; rétrécissement du champ visuel, à gauche, à 10.
Lorsqu'on examine attentivement la face, on constate que la moitié droite
de la lèvre supérieure est animée de petites secousses qui se répètent fré-
quemment : de plus, il existe là une contracture permanente, car la lèvre
est tirée en haut en dehors et il droite, le sillon naso-labial étant beaucoup
plus accentué qu'à gauche. La spasme labial aurait débuté, il y a huit ou
dix jours, en même temps que des douleurs névralgiques de ce côté de la face.
La langue n'est pas déviée. L'oeil droit est amaurotique.
Il existe une anesthésie complète de toute la moitié droite de la face
envahissant également le cou et se terminant en bas au niveau de la clavicule.
En dehors, elle est limitée par le bord postérieur du sterno-cléido-mastoï-
dien; en haut, elle gagne la région fronto-pariétale et se termine par une
ligne elliptique située à quatre travers de doigt au-dessus de l'oreille droite.
La partie postérieure de la tête est insensible. La cornée et la conjonctive
sont privées de sensibilité. La muqueuse buccale est insensible à droite.
Dans l'observation VIII nous notons, avec une hémiplégie gauche
sensitivo-sensoriellc d'origine hystérique, un spasme total de la langue
coïncidant avec une anesthésie totale de l'organe superposée au
spasme.
Ons. VII. - Le F..., 48 ans, plombier, entre il la Salpètrière le 19 dé-
1. Recueillie par M llacq (Progrès médical, 28 janvier 1888).
SUPERPOSITION DES TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ. 181
cembre 1888. Pas d'antécédents héréditaires. Depuis l'âge de 12 ans, il tra-
vaille dans le plomb. A cinq reprises, il a eu des coliques, la dernière fois en
1875. Actuellement, pas de liséré spécial.
Il y a un mois environ, il s'est aperçu que le côté gauche devenait faible,
que le bras et la jambe n'avaient pas leur vigueur ordinaire. Quelques jours
plus tard, la langue « devenait raide »; il éprouvait de la difficulté pour
parler vite et bégayait.
Peu il peu, cette faiblesse s'est accentuée, et sans qu'il lui,soit possible
de trouver une cause quelconque à ce qui lui est arrivé, aujourd'hui le
bras et la jambe gauche sont complètement paralysés, Le F... est hémiplé-
gique.
Toutefois il peut encore marcher, mais c'est en tirant avec peine après lui
sa jambe gauche qui traîne sur le sol. IIémianesthésie gauche sensitivo
sensorielle avec peite du sens musculaire.
Rétrécissement concentrique du champ visuel, il gauche à 40, à droite à 70.
Réflexe rotulien droit normal; réflexe gauche très diminué.
En examinant attentivement la face on remarque que la commissure
gauche est très nettement tirée en haut et en dehors.
La langue est très légèrement déviée à gauche, mais le malade éprouve une
grande difficulté à la tirer hors de la bouche, ce qu'il ne peut faire complè-
tement, la pointe dépassant seulement de quelques centimètres les arcades
dentaires. « Ma langue est raide, répète-t-il, je ne puis la mouvoir comme je
veux, c'est cela qui me fait mal parler. » Pourtant la parole semble normale-
ment exprimée. La langue présente encore cette particularité que les bords
en sont fortement relevés; elle a la forme d'un bateau et le malade ne peut
ni la mettre à plat, ni encore la mettre en dôme. Les deux bords étant égale-
ment relevés, la contracture semble donc envahir toute sa musculature, à
droite comme à gauche.
La langue est insensible dans sa totalité, alors que le malade est seule-
ment hémianesthésique à gauche. Toute la portion droite de la muqueuse
buccale qui ne recouvre pas la langue a conservé sa sensibilité, qu'elle a
perdue à gauche, côté de l'hémianesthésie; le goût est totalement aboli.
Le malade n'a jamais eu de crises nerveuses.
III
Aux précédentes observations qui toutes réalisent le type, soit du
blépharospasme, soit du spasme lingual, glosso-labié, ou glosso-
facio-peaucier, et que nous aurions pu multiplier, viennent s'en
joindre deux autres qui, à notre avis, présentent également, au point
de vue clinique, pour le diagnostic différentiel, un intérêt de premier
ordre.
Ces observations ont trait à la contracture hystérique du sterno-
182 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
cléido-mastoïdien (Obs. IX), d'une part, et de la portion cervicale du
trapèze d'autre part (Obs. X) associée ou non avec la contracture du
sterno-mastoïdien. Dans ce dernier cas l'apparition de la contracture
avait été précédée de douleurs qui eussent pu faire penser à une patho-
génie toute autre, rhumatismale par exemple, que celle à incriminer
dans l'espèce.
Or dans ces deux cas (fig. 57 et 58) il existait une bande d'anesthésie
se superposant exactement au muscle sous-jaccnt contracture. Phéno-
mène accessoire, mais qui se montre souvent dans les contractures
hystériques, dans les deux cas il s'était fait du côté opposé au spasme,
normalement anesthésique chez les deux malades, un transfert de la
sensibilité dans des limites identiques à celles de la bande d'anesthé-
sie superposée à la contracture.
L'anesthésie limitée était bien sous la dépendauce du spasme puis-
qu'elle disparut avec elle; conjointement, tout rentra dans l'ordre
du côté hémaniesthésique à l'état normal.
OBs. IX. - Clés..., 20 ans, hystéro-épileptique à crises séparées, hémia-
- neslhésique droite, se met dans une violente colère il 5 heures du soir,
le 'il décembre 1888. Au cours de la discussion elle tourne violemment la
tète à gauche. Aussitôt elle sent son cou se contracturer de ce côté.
A 6 heures, nous l'examinons et conslalons ce qui suit. Le chef claviculaire
du sterno-cléido mastoïdien gauche fait une forte saillie sous la peau, sous
forme d'une corde rigide. La tète est légèrement inclinée à gauche sans rota-
tion. '
Sur toute l'étendue et dans les limites de cette corde, en haut jusqu'à
l'apophyse mastoïde et un peu au-dessus, en bas jusqu'à la clavicule et un peu
au-dessous, existe une zone d'anesthésie totale à la piqûre (fig. 57).
Dans une même zone adroite (côte liémianesthésique) il s'est fait un léger
transfert de la sensibilité.
La malade, d'habitude très facilement hypnotisable, n'est endormie qu'avec
peine, ainsi qu'il arrive lorsqu'elle se trouve plongée dans cet état d'excita-
tion assez souvent prémonitoire des attaques. Pendant la période somnam-
bulique, tant par suggestion que par production d'une contracture du côté
opposé que nous faisons ensuite disparaître, nous obtenons la résolution de
la contracture du sterno-mastoidien, résolution qui persiste au réveil. Nous
constatons alors que la sensibilité a reparu à gauche dans la zone sus-
indiquée, alors que le côté droit du cou est devenu, comme tout ce côté, tota-
lement insensible.
Ons. X. Lav..., 19 ans, myopathique héréditaire (type Duchenne, de
Boulogne), hystéro-épileptique droite, est sujette à de fréquentes contrac-
tures des muscles du cou siégeant toujours à gauche. Nous avons observé à
SUPERPOSITION DES TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ.
183
plusieurs reprises ces contractures le plus souvent douloureuses et avons
alors constaté ce qui suit.
Le z10 mars 1888, douleurs vives siégeant dans les muscles du cou des
deux côtés; le 11, les douleurs se localisent à gauche; le 1` ? , la contracture se
produit; le 13, au matin, nous l'examinons. La tête est en rotation à droite :
le sterno-cléido-mastoïdien gauche est contracture et forme une, corde rigide
sous la peau. Il existe à gauche une zone d'anesthésie cutanée à base triangu-
laire se limitant en avant par le bord antérieur contracture du steruo-mastoï-
dieu, en bas par la clavicule, en dehors par le hord antérieur du trapèze dans
sa partie cervicale, en haut se terminant en avant du pavillon de l'oreille qui
est sensible (fin. 58).
La malade qui est facilement hypnolisable est plongée dans l'état sonlnaul-
Indique pendant lequel nous faisons disparaître la contracture. Au réveil, la
sensibilité a reparu dans la zone anesthésique.
Le 18 avril, mêmes phénomènes survenus après une attaque; outre la zone
d'anesthésie gauche, il s'est fait un transfert de la sensibilité il droite (côté
anesthésique) dans les régions correspondantes. Guérison de la contracture
par suggestion, retour de la sensibilité à gauche, et de l'insensibilité à droite
dans la zone indiquée. ·
181.
NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA S.\ L l' t T n 1 È It g,
Le 31 mai, se plaint au réveil d'un contracture du cou du côté gauche. La
portion cervicale du trapèze, à gauche, fait une furie saillie sous la peau. A ce
moment il existe une bande d'aneslhésie large de 2 centimètres environ se
terminant horizontalement en bas au niveau de l'omoplate, et en haut, dans
la région occipitale, au niveau des insertions du trapèze. La sensibilité est-
revenue à droite dans les mêmes régions. Une séance d'hypnotisation fait
disparaître la contracture et avec elle les troubles de la sensibilité.
Les faits que nous avons rapportés, scrupuleusement observés, avec
contrôle expérimental, se passcraicnt de commentaires s'il n'était né-
cessaire d'insister encore sur tout le parti que le clinicien, après le
nosographe, pourra tirer des indications diagnostiques fournies par
l'anesthésie localisée (ou l'hyperesthésie, phénomène de même nature)
dans les diverses contractures que nous avons décrites.
Rappelons-nous que les muscles de la face et du cou jouissent beau-
coup plus que les autres muscles du corps d'une individualité qui fait
que leur contracture isolée est envisagée, pour ainsi dire, sous autant de
formes, d'entités morbides particulières qu'il y a de spasmes. Le blé-
pharospasme est décrit à part dans les Traités, de même le torticolis;
l'ic. 58. - (Obs. X),
SUPERPOSITION DES TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ. 185
et si le spasme glosso-labié n'a pas exercé davantage la verve des écri-
vains médicaux, c'est que sa découverte est de date relativement toute
récente. En ce qui regarde le spasme du peaucier nous croyons avoir
été le premier à le signaler. Il coïncidait du reste avec le spasme
glosso-labié dans les cas que nous avons observés.
Aussi, étant donné l'importance qui s'attache à la contracture des
muscles delà face et du cou et au diagnostic pathogénique différentiel
de ces contractures, pensons-nous qu'il importe désormais de mettre
en valeur le signe que nous avons découvert, car lorsqu'il existera il
ne sera plus permis plus au diagnostic d'hésiter.
Et ce diagnostic dans l'espèce est d'une singulière importance, car il
entraîne avec lui un pronostic qui pourra varier du tout au tout suivant
la nature du spasme, et fairc repousser ou accepter une intervention
chirurgicale d'une gravité considérable.
Combien de fois n'a-t-on pas fait la section des nerfs sus-orbitaires
dans les cas de blépharospasme hystérique, à commencer par notre
malade de l'observation II, quand on n'a pas cru devoir pousser jusqu'à
la dissection dé l'orbiculaire (Borel). Si l'on s'étonne, nous dirons que
l'hystérie locale n'est pas encore tellement bien connue dans toutes ses
expressions symptomatiques qu'il ne reste plus rien à glaner dans son
champ d'opérations. Noire malade n'avait jamais eu de crises, et mal-
heureusement, pour beaucoup de médecins, les attaques sont encore
le critérium de l'hystérie.
Pour ce qui est du torticolis, en présence de sa ténacité - et l'on sait
si les contractures hystériques sont parfois tenaces - si l'on ne com-
mence pas par une section musculaire ou nerveuse, on est trop souvent
porté à placer des appareils contentifs qui, non seulement sont inutiles,
mais encore sont dangereux, car ils entretiennent singulièrement les
contractures.
M. Charcot n'a-t-il pas montré, en effet, que le meilleur moyen
d'éterniser les contractures hystériques était de placer les parties du
corps contracturées dans un appareil, mème lorsque l'appareil est
posé après résolution de la contracture et pendant le sommeil chloro-
formique. A peine l'appareil est-il enlevé que la contracture se montre
il nouveau et plus tenace encore qu'auparavant.
Enfin, on pourra s'en étonner, ce sont peut-être les troubles de sen-
sibilité de la langue qui permettront parfois d'éviter l'erreur la plus
grave au point de vue du pronostic à porter.
On sait en effet qu'il existe des hémiplégies accompagnées d'hémia-
nesthésie d'origine organique sur lesquelles M. Charcot a récemment
appelé de nouveau l'attention dans une de ses remarquables Leçons du
18G NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPETiMËRE.
Mardi ¡, rapportant une observation suivie d'autopsie. Ces hémianes-
thésies organiques qui peuvent s'accompagner d'un rétrécissement
double du champ visuel, ne diffèrent que bien peu des hémianesthésie
hystériques, si ce n'est par la perte toujours incomplète du sens mus-
culaire et de la sensibilité articulaire. N'aura-t-on pas, alors que
l'évolution clinique a été douteuse, un bon point de repère pour le
diagnostic si l'on constate par exemple que la langue déviée parfois
comme dans l'hémiplégie organique est anesthésique totale alors
qu'un seul côté du corps est privé de sensibilité. Il faut avoir été aux
prises avec la difficulté pour bien apprécier le secours précieux qu'un
stigmate peut apporter.
Dans la circonstance, il est du plus haut intérêt d'être fixé le plus tôt
possible sur la nature d'une hémiplégie qui, dans un cas sera incurable,
et dans l'autre se terminera certainement par la guérison.
A la vérité, on pourra nous répondre que ces superpositions des
troubles de sensibilité et du spasme ne sont pas d'une constance abso-
lue, mais est-celàune raison pour en méconnaître la valeur lorsqu'elles
existent et, en tous cas, négliger leur recherche ? .
Si maintenant nous cherchons à interpréter lesphénomènes que nous
avons observés, nous dirons qu'ils ne diffèrent en aucune façon de
ceux qui ont été notés pour les autres contractures hystériques, en
particulier par Brodie dans la coxalgie due à la névrose. -
Précisant davantage, M. Charcot adcpuis longtemps montré, au point
de vue de leur topographie, que les troubles de la sensibilité dans l'hys-
térie ne se superposent pas à l'innervation de l'organe, mais qu'ils
suivent bien plutôt la fonction qui est dévolue à celui-ci.
L'anesthésie et l'hyperesthésie sont corticales et non médullaires.
Dans la monoplégie brachiale hystérique l'anesthésie se limite en
manchon à la racine du membre, elle est bien différente de celle que
l'on observe dans l'arrachement du plexus brachial par exemple, réa-
lisant le même symptôme monoplégie".
L'anesthésie ou l'hyperesthésie au niveau d'une articulation immu-
bilisée par contracture hystérique ont des limites précises, indépen-
dantes de la distributions des filets nerveux qui sensibilisent la région
contracturéc.
- Dans les cas que nous avons décrits, les troubles de sensibilité sont in-
dépendants topographiquenient de l'innervation, ils se superposent à la
fonction. Cette disposition indique que la section, dans les cas de
blépharospasme par exemple, est au moins inutile, caria contrac-
1. Levons du Mardi ù la Salpètrière, 1888, p. 288, et appendice, p ? 8G.
2. Leçons sur les maladies du système nerveux, t. III, p. 290 et suiv.
SUPERPOSITION DES TROUBLES DE LA SENSIBILITÉ. 187
turc est d'origine purement psychique et c'est surles centres corticaux
et non localement qu'il faudra agir par un traitement approprié.
Notre travail est donc, en résumé, une simple contribution apportée
aux idées que notre maître a émises sur la pathologie générale de
l'hystérie. En précisant certains points, il enrichira le chapitre des
découvertes qu'il a faites dans ce domaine resté si longtemps inexploré,
et, fournissant des bases plus' larges pour le diagnostic de certaines
manifestations locales de l'hystérie, il mettra peut-être un frein à
des interventions intempestives, pour le plus grand honneur de la
pathologie et pour le plus grand bien des malades.
Gilles DE la TOURETTE,
Clii-f de clinique deb maladies du système nerveux.
Il. 11
A.AT01111E PATHOLOGIQUE DE L'ACROMÉGALIE
(Suite 1).
Passons maintenant à la description de la langue. Comme je l'ai dit, cet
organe chez Ghirlenzoni était très développé; conséquemment il importait
de l'examiner dans toutes ses plus menues particularités, pour arriver
il nous rendre compte de son volume extraordinaire. Elle fut enlevée avec le
larynx et les premiers anneaux de la trachée.
Posée sur la table d'autopsie, la langue était longue, large, massive; toutes
les papilles (coniques, fongiformes, caliciformes) étaient augmentées de
volume, hypertrophiées. Quelques-unes des papilles caliciformes les plus
volumineuses avaient 4 millimètres de large sur 3 millimètres de haut.
Le trou borgne était agrandi tellement qu'on aurait pu y introduire un gros
pois. Voici les trois principales dimensions de la langue :
ANATOMIE PATHOLOGIQUE DE L'ACROMÉGALIE. 189
seul élément ni le plus essentiel. En général, les auteurs se montrent
enclins à assimiler la macroglossite congénitale à l'éléphantiasis, puisque,
dans celle-ci comme dans celle-là, il y a dans l'organe une prédominance de
tissu conjonctif simple ou mélangé à du tissu lymphatique ou à des cavités
lympathiques, comme Virchow en a rapporté un exemple. De là résultent
deux variétés qui pourraient être désignées sous le nom, l'une de sclél'osique,
l'aulre de lymphatique. Quant au tissu musculaire, tous sont d'accord pnur
dire qu'il n'est pas facile d'en déterminer la quantité. Burk a décrit un cas
de macroglossile dans lequel il a réussi à constater une prédominance du
tissu musculaire; mais cette altération était limitée à quelques points seule-
ment, tandis que dans d'autres existait un état tout opposé. Weber est le
seul auteur qui dans la macroglossite ait décrit des couches de fibres muscu-
laires de récente formation.
Notre cas diffère donc grandement de tous les autres déjà connus dans la
science, puisqu'il ne peut se rapporter ni à la macroglossite congénitale ni à
la macroglossile acquise.
Un léger allongement de la langue souvent lié à un égal allongement de la
mâchoire inférieure se rencontre fréquemment chez les monstres anencé-
phales. De même, chez les crétins, il n'est pas rare d'observer l'hypertrophie
de la langue avec procidence de l'organe. C'est principalement sur ces faits
qu'est fondée l'ancienne opinion qu'une langue épaisse et large annonce un
faible degré d'intelligence.
Brigidi se demande si, chez Ghirlenzoni, il n'en était pas de même, et si, en
même temps que les progrès de la maladie amenaient l'augmentation de
volume de la langue, ils ne produisaient pas aussi un affaiblissement de l'in-
telligence. Ce fait lui semble d'autant plus probable que, d'après lui, le
cerveau de cet homme avait subi une notable atrophie.
Le larynx était grand, l'épiglotte large; cette dernière avait32 millimètres
de haut, 3G de large, et 3 d'épaisseur. Les sinus glosso-épiglottiques étaient
transformés en deux larges sacoches dont chacune aurait été capable de
contenir une noisette ou même une aveline; celle de gauche était un peu
plus large que celle de droite.
Les organes respiratoires remplissaient complètement les deux moitiés de
la poitrine; ils étaient libres d'adhérences.
Le coeur fut trouvé augmenté de volume, verticalement dirigé et très rap-
proché de la base du sternum; les deux ventricules étaient agrandis par
l'atrophie du tissu musculaire; ces faits semblaient être en rapport de causa-
lité avec l'insuffisance des sigmoïdes tant de l'artère pulmonaire que de
l'aorte; insuffisance qui, pour les premières, était causée par une réticu-
lation étendue des minces membranes qui composent ces valvules; pour les
secondes, par un premier degré de sclérose ayant succédé à l'endocardite. Les
cavités droites du coeur étaient, en outre, remplies de caillots cruoriques de
couleur de poix et de sang noir et diffluent.
Quanta l'examen des vicbre contenus dans la cavité abdominale, on n'y
190 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.
trouva rien qui méritât d'être noté; seul, l'estomac avait une amplitude nota- .
ble qui, d'ailleurs, ne dépendait d'aucun obstacle mécanique au passage des
aliments, le pylore étant parfaitement normal.
Squelette (pl. XXXI). - Tous ceux qui, ayant présentes il la pensée les
formes des squelettes des premiers spécimens du grand arbre généalogique,
jetteraient ensuite les yeux sur le squelette de Ghirlenzoni, n'hésiteraient
pas un instant il déclarer que ce dernier a plus d'analogie avec le squelette
de l'orang-outang qu'avec celui de l'homme. En fait, dans le squelette de
Ghirlenzoni, le crâne est peu développé dans le sens vertical, et les maxil-
laires sont proéminents en dehors, et forment une espèce de museau. Le
maxillaire inférieur a ses angles presque complètement effacés et dépasse le
maxillaire supérieur de 2 centimètres et demi. Celui-ci, à son tour, pré-
sente les fosses canines très marquées; son arcade alvéolaire est épaisse,
large et tournée en avant. Les dents incisives sont, dans les deux mâchoires,
dirigées obliquement en avant comme justement cela s'observe dans les
espèces inférieures. L'examen du tronc n'offre pas de moindres analogies.
Tout d'abord il se montre incliné en avant au delà de toute mesure, telle- Kt. r.
ment que le centre de gravité vient à tomber au-devant des pieds. Par suite
de cela, 1 ..talion debout avec les talons au contact l'un de l'autre n'aurait
pas été possible pendant longtemps; et môme, dans la déambulation, devait,
se faire sentir le besoin d'un appui. Pour ce motif, il est à croire que Ghir-
lenzoni, dans les dernières années de sa vie, courait au moyen d'un solide
bâton.
Comme pour le squelette de l'orang-outang, dans celui de Ghirlenzoni le
thorax a son diamètre antéro-postérieur très grand, aussi les côtes sont-elles
toutes d'une longueur excessive : la cinquième côte sternale du squelette de
Ghirlenzoni mesure, du côté droit398 millimèlres, du côté gauche 401 milli-
mètres ; mesurée comme terme de comparaison, la même côte d'un autre
squelette humain de bonnes proportions ne mesurait d'un côté comme de
l'autre que 290 millimètres. 1
Par l'inclinaison du tronc en avant, le bassin a subi une rotation sur la
tête des fémurs, rotation par laquelle la symphyse pubienne au lieu de
regarder vers le plan antérieur du corps est t'ornée presque entièrement en
bas, et le sacrum vient former avec la colonne vertébrale un angle d'en-
viron 110 degrés.
Les membres ne présentent pas de moindres analogies avec les squelettes
d'animaux; les inférieurs apparaissent, toute proportion gardée, longs et
extrêmement droits. En fait, si on mesure la distance entre la symphyse
pubienne et le calcanéum, distance qui d'après les observations d'Orfila et
de Devergie représente la longueur de ces membres, on obtient 9l centi-
mètres. Cette longueur étant considérée par les auteurs comme la moitié de
la longueur totale du corps, il en résulte que le squelette de Ghirlenzoni
aurait dû mesurer dans le sens longitudinal 1,820 millimètres, tandis qu'en
réalité il n'en compte que 1,G50. Ce qui revient à dire que les membres infé-
NOUVELLE ICONOGRAPIIIK '1'. II, PL. XXXI
SQUELETTE D'ACROMÉGALIE
vccnosxicn c, u.\I1L LUf7CUi8 S
ANATOMIE PATHOLOGIQUE DE L'ACROMÉGALIE 191
rieurs par rapport au tronc avaient un excès de longueur de 8 centimètres.
Mais je ne voudrais pas que l'on crût que je donne à ce chiffre une
valeur réelle, parce que je sais bien que si, par la pensée, on redressait le
rachis, la disproportion cesserait presque entièrement et le milieu du corps
se trouverait, comme d'habitude, à peu près au pubis.
Les membres supérieurs se montrent également excessivement longs.
Laissant il part les petites différences qu'il n'est pas difficile de rencontrer
dans de telles mensurations, et qui, en partie, dépendent de la façon dont
celles-ci sont prises, on peut considérer comme établi que le membre supé-
rieur entre deux fois et un quart (Devergie et Orfila), ou tout au plus deux
fois et un tiers (Giosué Marcacci) dans la mesure du squelette entier. Or
les membres supérieurs de Ghirlenzoni ont une longueur de 810 millimètres.
En établissant les proportions, la hauteur du squelette se trouverait portée,
suivant les premiers auteurs à 1,822 millimètres, suivant Marcacci à t
1,892 millimètres, de là résulte que le membre supérieur serait, par rapport
au tronc, plus long de 100 à 230 millimètres : Mais, vis-à-vis de ces résultats,
on doit faire valoir les mêmes considérations qui ont été exposées plus haut
relativement à la disproportion des membres inférieurs.
Voyons maintenant quelles modifications de forme et de texture sont sur-
venues dans les divers os du squelette. Avant tout, notons quelques-uns de
leurs caractères généraux pour entrer ensuite dans les particularités. Ces os
se présentent sur certains points très minces et atrophiés, sur d'autres assez
épais et compacts. Dans quelques endroits on trouve leur substance spon-
gieuse augmentée, tandis que dans d'autres on n'en trouve plus trace. En
général, les trous qui donnent passage, soit aux vaisseaux, soit aux nerfs, sonl
agrandis. Les sillons sont plus profonds et les sinuosités et les fossettes plus
larges que d'habitude. Les lignes, les crêtes, les apophyses sont très saillantes
et leur surface fortement rugueuse fait naître l'idée que, dans une période
de ramollissement, le tissu osseux aurait cédé aux tractions musculaires.
Les'têtes articulaires des os longs, et plus encore celles des os courts du
tarse, sont volumineuses et plus ou moins déformées. De plus, tous ces os,
par rapport à leur volume, sont légers.
Parmi les différents os du squelette qui méritent d'être particulièrement
décrits, en commençant par la tête, on trouve ceux du crâne. Mais pour nepas
tomber dans d'inutiles répétitions je me limiterai seulement à noter que l'oc-
cipital sur la ligne médiane présente un développement extraordinaire du
diploé, développement auquel participent aussi les pariétaux le long et sur les
bords de la suture sagittale; tandis que, dans toutes les autres parties de la
voûte crânienne manque le tissu spongieux, et même dans certains points,
comme par exemple au niveau des bosses pariétales, ces os sont si minces
qu'en les regardant à contre-jour ils sont transparents. L'occipital présente
en outre une apophyse basilaire assez courte, ce qui, en grande partie, est dû
à l'agrandissement en arrière de la fosse pituitaire.
Quant aux os de la face, le maxillaire inférieur est celui qui offre les plus
192 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA 8ALPÈT IUËRK.
grandes déviations du type normal. Outre son excessive longueur et le manque e
des angles, il se montre très élargi au niveau des incisives et plus étroit que
de coutume au niveau des dernières molaires. Son épaisseur en général est
diminuée, mais en certains endroits, comme au niveau des apophyses géni,
elle est au contraire augmentée, car avec le compas d'épaisseur elle ne
mesure pas moins de 18 millimètres. Son bord inférieur n'est plus lisse et
rond, mais large, déformé, et laisse facilement distinguer deux lèvres, l'une
antérieure, l'autre postérieure, toutes deux plus ou moins sinueuses tant dans
le sens vertical que dans le transversal.
La colonne vertébrale se trouve coudée à angle presque droit entre le
point d'union de la cinquième avec la sixième vertèbre dorsale ; mais cette
déviation, avant de se faire sur la ligne médiane, s'est produite latéralement à
droite; aussi, en est-il résulté une scoliose assez notable. La portion supérieure
du coude ainsi formé est dirigée horizontalement en avant et un peu vers le
côté gauche jusqu'à la septième cervicale; là elle se redresse de nouveau mais
non pas autant que normalement, de sorte que toute la partie cervicale du
rachis présente une obliquité antérieure en même temps que la torsion est
prédominante vers le côté gauche. Au-dessous du coude angulaire commence
peu à peu à se dessiner une nouvelle courbure, à convexité du côté gauche,
destinée à rétablir le centre de gravité perdu; cette courbe, au niveau de la
neuvième vertèbre dorsale, est déjà bien manifeste et se poursuit en bas
jusqu'au coccyx.
Si on examine attentivement le rachis au niveau de la gibbosité, on voit
clairement que les vertèbres dorsales, de la troisième à la septième, se trouvent
ankylosées entre elles et ont perdu un peu de leur hauteur naturelle. Ce
dernier fait parait très évident surtout pour la troisième et la quatrième
vertèbre dont les corps réduits d'un tiers de leur hauteur se sont réunis de
façon qu'il en résulte une légère saillie en avant. Toutes les autres vertèbres
prises indistinctement présentent leurs trous nourriciers larges, leurs apophyses
épineuses minces et leurs masses apophysaires plus ou moins déformées.
Les côtes, outre qu'elles sont, comme je l'ai déjà dit, très longues, sont
minces et aplaties près de leur extrémité antérieure, tandis qu'au voisinage
de leur angle elles sont grêles et de forme prismatique.
Le bassin présente des trous obturateurs assez larges et les crêtes des os
iliaques sont renversées en dehors avec leurs trois lèvres plus saillantes el
plus rugueuses que d'habitude; les lignes semi-circulaires de la face externe
de l'os iliaque se montrent très apparentes.
Aux membres supérieurs, les phalanges méritent une mention tant pour
leur longueur que pour leur circonférence; voici les mesures du doigt médius
de la main droite chez Ghirlenzoni :
I
.INATlIMIE Y.lTIfOLOCIyUE DE ,L'.SçROJIl;CrlLIls.
Sur un antre homme bien proportionné les mômes mensurations ont donné 1 :
les résultais suivants : - t
191 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPETRIERE.
tandis que d'autres out un diamètre deux ou trois fois plus grand..\.l'entour,
on note les lames concentriques ordinaires formant gaine aux vaisseaux san-
guins. Mais ce qui, plus que toute autre chose, arrête l'attention de ceux qui
observent ces préparations, c'est que, à la périphérie de ces gaines, se voient
un certain nombre de segments de cercle formés de lames concentriques avec
leurs extrémités tronquées appuyées sur les lames les plus périphériques
décolles appartenant aux gaines complètes. Quant aux corpuscules osseux,
ceux-ci, en général, se montrent volumineux avec des canaliculcs courts en
forme d'épines; quelques-uns de ces corpuscules, mais peu nombreux, ont les
canalicules d'apparence chevelue et plus grands que normalement. Une
autre particularité à noler, c'est que la subslance fondamentale n'est plus
transparente, claire et homogène comme d'ordinaire, mais très finement
ponctuée, ce qui donne aux préparations une moindre transparence. Toutes
ces altérations concordent, semble-t-il, à indiquer les phases du processus
morbide telles qu'elles ont été décrites plus haut.
Au point de vue de la cause de ces altérations, l'auteur arrive aux con-
clusions suivantes : la diathèse rhumatismale peut exercer son action sur
le système osseux et de différentes manières. Consécutivement aux lésions
des articulations (synovites, chrondrites), le tissu osseux peut s'altérer dans
le sens de l'atrophie ou de l'hypertrophie. Primitivement, il peut exister l'
des phénomènes d'ostéite aiguë ou chronique, et alors les lésions articu-
laires n'ont qu'une importance secondaire. L'hyperostose rhumatismale
primitive présente des analogies trompeuses avec les lésions syphilitiques,
scrofuleuses, rachitiques el autres, et ne peut être distinguée sur le vivant
que moyennant un examen très soigneux, et précisément avec "aide des
antécédents personnels et héréditaires.
Quel lien existe entre les différentes difformités qui viennent d'être
signalées ? Je considère, dit-il, comme bien établi que la maladie de Ghir-
lenzoni a commencé par le squelette; je ne saurais dire dans quelle partie,
mais je pense que jusqu'à ce que le rachis et les côtes fussent envahis par le
processus morbide, la régularité des formes ne devait pas avoir été altérée.
Puis, lorsque par suite des lésions survenues à la colonne vertébrale celle-
ci se fut pliée en formant un angle, et que les côtes se furent allongées par
suite de l'affection inflammatoire, les viscères contenus dans le thorax (par
eux-mêmes volumineux et fonctionnant avec beaucoup d'énergie), ne trouvant
plus dans les parties dures une résistance proportionnée, acquirent peu àpeu
un développement insolite. Et vice versa, les côtes sous cette incessante
pression produite par les viscères durent s'allonger davantage et s'aplatir
près de leur extrémité antérieure, comme nous le voyons dans ce squelette;
tandis que, d'autre part, la colonne vertébrale sous le poids du corps et par
suite des tractions des côtes en avant devait s'incurver de plus en plus. En
invoquant ce manque d'équilibre eutre les forces internes et le manque de
résistance qui leur est opposée par la cage thoracique, on arrive, il mesemble,
à se rendre assez bien compte de la double gibbosité, ou pour mieux dire de
ANATOJIIE PATHOLOGIQUE DE L'ACROMÉGALIE. 19'.
la forme très singulière qu'avait acquise le thorax de Ghirlenzoni, en même
temps qu'on a un moyen pour expliquer d'autres faits en rapport avec les
plus grandes déformations du squelette.
Par la déviation en avant de la portion cervicale de la colonne vertébrale,
l'espace compris entre le jugulum et le menton se trouvait diminué d'un
tiers et plus ; le larynx devait aussi se trouver repoussé en haut, et venir au
contact de l'isthme du gosier et se trouver ainsi porté au niveau auquel
il arrive dans les actes de la déglutition.
En conséquence de cela, la langue ne pouvait faire moins que de se
trouver gênée dans ses mouvements et de réagir sur les os maxillaires cl
principalement sur- l'inférieur, ayant avec celui-ci les plus étroits rapports.
Les incessants efforts faits par la langue pour vaincre la résistance des
maxillaires, conformément aux lois physiologiques, devaient rendre la
nutrition plus active dans cet organe, aussi n'est-il pas étonnant si ses
muscles ont acquis un développement hypertrophique.
Pour rendre plus plausible l'explication donnée de la macroglossite il faut
noter les conditions spéciales des organes circulatoires. Le coeur, accom-
pagnant le sternum, s'était éloigné du rachis, et, par suite du dévelop-
pement extraordinaire des poumons, avait perdu sa direction habituelle
pour en prendre une nettement verticale; tandis que l'arc aortique avait
éprouvé un agrandissement, spécialement dans sa portion qui se trouve
au delà de l'origine des gros vaisseaux. Par suite des conditions susdites, il
s'était produit un rapprochement du centre cardiaque vers la tète, et l'impul-
sion du coeur se faisait particulièrement sentir sur les artères qui se distri-
buent aux parties supérieures du tronc (cou et tête), aussi ces artères devaient-
elles s'agrandir d'une façon consécutive, comme, en fait, elles furent trouvées
il l'autopsie. A tout cela, il faut ajouter (s'il est vrai que Ghirlenzoni fût
adonné aux plaisirs de Bacclus) la stimulation que les spiritueux détermi-
nent sur la libre musculaire et par laquelle se produisent des altérations
plus ou moins considérables. Et nous avons, en effet, à l'autopsie, trouvé dans
le coeur des lésions assez marquées, ce qui coïnciderait avec les inductions
qui précèdent.
Pierre Marie.
(A suivre.)
LE MASQUE DE PASCAL
« Parmi les hommes qui dans les deux derniers siècles, en France,
ont porté si haut la gloire des sciences et des lettres, il en est un cer-
tain nombre qui, après avoir autant que Pascal excité l'admiration de
leurs contemporains, n'ont pas obtenu une part moins grande que la
sienne dans le culte de la postérité. Peut-être n'en est-il aucun dont
le génie, par ses singularités, ait fait naître autant d'étonnement et soit
de nature à provoquer encore autant de curiosité.
a Dans son enfance, presque indifférent aux jeux de son âge, il
inventait dans les siens les sciences de l'âge mûr. Plus tard, c'est
en se jouant encore qu'il en reculait les limites et s'y montrait au
premier rang. Géomètre, physicien, philosophe, il ne se laissa dé-
passer dans toutes ces carrières que parce qu'il cessa d'y marcher.
Écrivain, à peine avait-il publié sa première Provinciale, qu'il fut un
auteur sans rival et ne pouvait plus reconnaître que des égaux dans
cette langue qu'il a fixée...
« Mais ce qui, dans le génie de Pascal, a dû étonner bien plus-encore
que sa précocité et son étendue, c'est sa nature même si pleine d'op-
positions et de misères. Ce sont les souffrances et les variations de
cette vie commencée dans l'heureuse paix de la famille et achevée dans
les austérités de la religion. C'est ce soudain abandon de toutes les
sciences de la part d'un homme qui les avait si puissamment em-
brassées et dont l'esprit original pouvait les rendre si fécondes. C'est
ce dédain de toute philosophie chez un philosophe qui avait jeté dans
les replis du coeur humain un regard si profond et si clair. Ce sont
enfin les phases toujours croissantes d'une mélancolie presque in-
sensée, mère pourtant de tant de pages admirables où elle a laissé
une si forte empreinte. »
Les lignes précédentes empruntées au travail très intéressant et très
substantiel que Lélut, médecin de la Salpêtrière, a consacré à Pascal,
nous montre que cet auteur avait adopté vis-à-vis d'un des plus grands
génies du xviie siècle, l'opinion que Voltaire déjà avait émise, en qua-
1. L'Amulette de Pascal, pour servir à l'histoire des hallucinations. Paris, 1846.
LE MASQUE DE PASCAL. 197
lifiant quelques-unes des Pensées, d'oe't somnia, songes d'un ma-
lade. Pour corroborer son opinion, Lélut étudie de la façon la plus
complète la vie pathologique de Pascal que nous résumerons succinc-
tement, d'après lui, ainsi qu'il suit :
De ses antécédents héréditaires nous connaissons peu de choses.
Son père et sa mère,. toutefois, ainsi que cela était d'ailleurs fréquent
à cette époque, accordaient une grande créance aux pratiques de sor-
cellerie. « A l'âge d'un an Pascal - c'est Marguerite Périer, sa nièce,
qui parle -- tomba dans une langueur semblable à ce que l'on appelle
à Paris tomber en chartre; mais cette langueur était accompagnée de
deux circonstances qui ne sont point ordinaires : l'une, qu'il ne pouvait
souffrir de voir de l'eau sans tomber dans des transports d'emporte-
ment très grands; et l'autre, bien plus étonnante, c'est qu'il ne pouvait
souffrir de voir son père et sa mère proche l'un de l'autre. Il souffrait
les caresses de l'un et de l'autre en particulier avec plaisir, mais aus-
sitôt qu'ils s'approchaient ensemble il criait et se débattait avec une
violence excessive. Tout cela dura plus d'un an durant lequel le mal
s'augmentait. Il tomba dans une telle extrémité qu'on le regardait
comme prêt à mourir. »
Il guérit cependant, mais après une séance d'incantation, sur laquelle
nous ne pouvons insister davantage, que firent exécuter son père et
sa mère.
Rien de particulier à noter durant le reste de son enfance et les
premières années de son adolescence, si ce n'est une précocité d'es-
prit vraiment extraordinaire. « A dix ans, à propos du bruit d'une
assiette, il crée une sorte de théorie acoustique; à douze, il découvre
la géométrie qu'on lui cachait; à quinze, il compose un Traité des
sections coniques où Descartes refusa de voir l'oeuvre d'un esprit aussi
jeune... C'est ainsi que, dès ses premiers pas dans la vie, emporté par
l'irrésistible instinct du génie et par la passion du travail qui en est
inséparable, il énervait en l'exaltant cette constitution déjà si délicate
et si excessive par elle-même et dont les souffrances suprêmes com-
mencèrent pour ne plus finir. »
Aussi à la fin de 1G'aî Pascal était né en 1() ? 1 - après s'être
surmené dans l'invention d'une machine à calculer, tomba-t-il « dans
une espèce de paralysie depuis la ceinture jusqu'en bas, en sorte qu'il
fut réduit à ne marcher qu'avec des potences ; ses jambes et ses pieds
devinrent froids comme du marbre et on était obligé de lui mettre
tous les jours des chaussons trempés dans de l'eau-de-vie pour tâcher
de faire venir la chaleur aux pieds ».
Cette paralysie dura trois mois et finit par guérir complètement.
198 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
A côté des troubles physiques se placent, dès cette époque, les trou-
bles intellectuels. Pascal a des élans de ferveur religieuse extraordi-
naires; il détourne sa soeur d'un mariage honorable et lui fait em-
brasser la vie monastique pour laquelle elle n'avait jusqu'alors
manifesté que de l'éloignement.
Suivent alors des années pendant lesquelles Pascal accumule les
- travaux les plus admirables. Mais il n'en reste pas moins toujours
souffrant; les troubles du système nerveux dominent la scène. La
paralysie a disparu mais « il avait entre autres incommodités celle
de ne pouvoir rien avaler de liquide à moins qu'il ne fût chaud :
encore ne le pouvait-il faire que goutte à goutte : il avait outre cela
une douleur de tête insupportable ». Pascal, hélas ! fut saigné, purgé
à outrance, suivant la déplorable pratique médicale de l'époque.
Un moment on put croire sa vie compromise. Pascal cessa alors de
travailler et s'adonna aux plaisirs mondains. Ce régime lui réussit, il
faut le croire, car, bientôt l'esprit rafraîchi, il put de nouveau se
remettre avec modération toutefois à ses admirables travaux.
En 'l651, il a la douleur de perdre son père; sa santé cependant
continue à être satisfaisante jusqu'en 'IG54., époque à laquelle il lui
arriva un accident qui devait troubler définitivement son esprit.
Etant en promenade au pont de Neuilly, les chevaux attelés à son
carosse prennent le mors aux den ts et lav oiture reste comme suspendue
sur le bord de l'eau. « Cet accident où Pascal s'était vu si près de sa
fin, fit sur lui une impression terrible. Il eut, dit-on, beaucoup de
peine à revenir d'un long évanouissement.
« Arraché par miracle à un tel péril, il réfléchit à tout ce qu'aurait
eu d'affreux pour son salut éternel une mort qui avait failli le sur-
prendre dans un divertissement du monde et tout brillant de ses
stigmates. Son imagination demeura fixée sur ces idées effrayantes :
sa raison fit un retour profond sur elle-même, il prit le parti de
rompre pour jamais avec ces amusements fastueux. Il recommença à
mener une vie plus réservée, plus humble, et crut pouvoir y concilier
l'exercice d'une piété désormais inébranlable et la continuation de
ses anciennes études. »
Alors survient une vision, « le lundi z3 novembre 1654, un mois
environ après l'accident du pont de Neuilly, de dix heures et demie du
soir à minuit et demi. Le détail de ce que Pascal vit et probablement
entendit dans cette circonstance est resté et suivant toute apparence,
restera toujours dans le secret, car Pascal, dit le Recueil d't/<rec ? ne
parla jamais de cette vision à personne, si ce n'est peut-être à son
confesseur. On n'en eut connaissance qu'après sa mort par un écrit
LE MASQUE DE PASCAL 199
tracé de sa main qui fut alors trouvé dans l'épaisseur de son pour-
point. »
Cette pièce que Condorcet appelle l'amulette mystique de Pascal et
que nous ne pouvons reproduire, est le résultat d'une hallucination et
porte la marque d'un trouble intellectuel profond : Pascal y invoque
en termes tout à fait incohérents, Jésus-Christ, le Dieu d'Abraham,
d'Isaac et de Jacob, etc... C'est la première phase du délire mystique
qui désormais ne le quittera plus.
Il multiplie alors ses visites à sa soeur Jacqueline qui est entrée au
monastère de Port-Royal sur ses conseils; il fait lui-même une retraite
dans ce monastère. « Agé de 30 ans, par l'effet de sa maladie, travaux
et triomphes de la science, projets d'établissement et de mariage, il
renonça à tout, oublia tout et, comme il l'a écrit lui-même, ne fit plus
que de se livrer à de petites pratiques, que prendre de l'eau bénite,
faire dire des messes pour se briser et s'abêtir. »
Sorti du couvent, il se revêt d'un cilice, se ceint le corps d'une
ceinture dont il s'enfonçait les pointes acérées dans les chairs lorsqu'il
lui prenait des mouvements de vanité; fait en sorte de goûter le
moins possible les aliments que tolère à peine son estomac abîmé par
les privations.
Cependant la force de son génie reprend le dessus et, à l'instigation
d'Arnaud, il écrit ses terribles et immortelles Lettres provinciales. Mais
ce dernier effort épuise encore sa santé déjà si altérée : il vit dans une
continuelle langueur; il souffre de douleurs de dents qui lui ôtent tout
sommeil; pendant ses insomnies il résout les problèmes ardus relatifs
à la courbe appelée Cycloïde ou Roulette. Un jour, sa névralgie dis-
paraît subitement, mais les maux de tête reprennent de plus belle, les
digestions sont presque impossibles.
Pendant quatre années qu'il réunit des matériaux pour une Apologie
du christianisme, il est si débile « qu'on peut suivre sur ses ébauches
quelquefois pourtant si achevées la faiblesse même de la main qui ne
pouvait plus suffire à les tracer. Ce n'est pas sans une respectable pitié
qu'on voit sur ces papiers informes l'esprit s'arrêter au milieu d'une
idée, la plume au milieu d'une phrase, et quelquefois même au milieu
d'un mot ».
Les douleurs de tête augmentent, il est pris de convulsions qui
durent 24 heures jusqu'à samortqui arrive le 10 août 1662 à une heure
du matin.
Madame Périer, sa nièce, rapporte en ces termes son autopsie :
« Les amis de M. Pascal ayant fait ouvrir son corps, on lui trouva
l'estomac et le foie flétris, et les intestins gangrenés, sans qu'on pût
zut NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA 5.1LP1 : 'l'ItI : ItL.
juger précisément si ç'avait été la cause de cette terrible colique
qu'il souffrait depuis des mois ou si c'en avait été l'effet. A l'ouverture
de la tête, le crâne parut n'avoir aucune suture si ce n'est peut-être
la lambdoïde ou la sagittale, ce qui apparemment lui avait causé les
grands maux de tête auxquels il avait été sujet pendant toute sa vie.
Il est vrai qu'il avait eu autrefois la suture qu'on appelle fontale; mais
comme elleétaitdemeurée ouverte fortlongtemps pendant son enfance,
comme il arrive souvent à cet âge, et qu'elle n'avait pu se refermer,
il s'était formé un calus qui l'avait entièrement couverte et qui était
si considérable qu'on le sentait aisément au doigt. Pour la suture
coronale il n'y en avait aucun vestige. Les médecins observèrent qu'y
ayant une prodigieuse quantité de cervelle dont la substance était fort
solide et fort condensée, c'était la raison pour laquelle, la suture
fontale n'ayant pu se refermer, la nature y avait pourvu par un calus.
Mais ce qu'on remarqua de plus considérable, et à quoi on attribue
particulièrement la mort de M. Pascal et les derniers accidents qui
l'accompagnèrent, c'est qu'il y avait au dedans du crâne, vis-à-vis les
ventricules du cerveau, deux impressions comme d'un doigt dans
la cire; et ces cavités étaient pleines d'un sang caillé et corrompu qui
avait commencé à gangrener la dure-mère. »
Il est difficile d'interpréter les résultats de cette autopsie. Pascal
succomba évidemment à des désordres intestinaux, peut-être à un
étranglement interne; les hémorragies de la dure-mère occasionnèrent t
peut-être ces convulsions ultimes qui ne le quittèrent pas pendant
les 24 heures qui précédèrent sa mort. Mais ce qui nous semble plus
intéressant c'est le calus qui siégeait au niveau de la fontanelle anté-
rieure, l'absence de certaines sutures nettement notée dans la
relation nécropsique, jointe à la persistance trop longtemps prolongée
de cette fontanelle observée pendant la vie.
Il n'est pas douteux que Pascal ne fût atteint de troubles mentaux ;
or, on sait quelle importance attachent aujourd'hui les aliénistes à
ces déformations, à ces arrêts de développement de la boîte cranienne
qui, gênant à leur tour le développement de certaines régions céré-
brales, occasionneraient les troubles intellectuels observés pendant la
vie.
Mais la relation de cette autopsie est très succincte, les détails sont
peu précis et il est difficile de dire comment était exactement conformé
ce crâne qui présentait tant d'anomalies.
Il n'en est pas de même pour les parties osseuses de la face dont les
déformations suivent souvent, comme on le sait, les déformations
crâniennes.. Nous avons en effet en notre possession un document des
NOUVELLE ICONOGRAPHIE
T. Il. PL.7CXXH
CLICHÉ A. LONDB
PHOTOTYPIB BERTHAUD
LE MASQUE DE PASCAL
LECROSNIER ET BABÉ, ÉDITEURS
LE MASQUE DE PASCAL. AU
plus précieux et dont, à notre connaissance, on n'a encore jamais tiré
parti à ce point de vue particulier.
Ce document, constitué par unmoulage fort bien exécuté dont nous
donnons la reproduction (pl. XXXII), nous a été gracieusement com-
muniqué par M. Dastre, l'éminent professeur de physiologie de la
Sorbonne, auquel nous adressons tous nos remerciements.
M. Dastre Lient lui-même ce moulage de M. A. Gazier,son collègue
à la Sorbonne, possesseur de l'original dont l'authencité se trouve
établie par une note de M. Gazier lui-même jointe au spécimen que
nous avons eu en notre possession.
Cette note est ainsi conçue « Le masque de Pascal dont M. Dastre a
un moulage appartenait avant moi à M. Ravisé, receveur des rentes,
cousin de mon père. M. Ravisé le tenait de l'abbé Soucley, ancien
chartreux mort à 88 ans, en z1836, et c'était le graveur en médailles
Duvivier, « graveur de monnaies sous Louis XVI » qui le lui avait
donné. '
« Les amis de Pascal étaient désolés de n'avoir pas son portrait. Celui
que fit Quesnel et dont on a une belle gravure par Edelinck fut peint
d'après le masque en question dont l'authenticité n'a jamais été mise
en doute. »
Pour déterminer exactement les singularités que présente, dès le
premier aspect, le masque de Pascal, nous ne pouvions mieux faire
que de nous adresser à notre ami Paul Richer, dont les longs et beaux
travaux sur l'anatomie des formes du corps humain vont bientôt t
être réunis etvoir le jour.
M. Paul Richer, mis en possession du précieux moulage, a bien
voulu nous remettre la note suivante. z
« Toute la moitié gauche de la face est le siège d'une atropliie qui
pour n'être pas très accentuée n'en est pas moins très nette et présente
ceci de particulier qu'elle est générale et porte aussi bien sur les os
que sur les parties molles.
« La hauteur du visage est sensiblement moindre à gauche, ce qui
tient plus particulièrement à l'atrophie du maxillaire inférieur. En
l'examinant, on voit, en effet, que le menton, dans sa moitié gauche,
est manifestement plus petit, et que la ligne qui limite en bas l'ovale
du visage est sensiblement plus haute de ce côté que du côté opposé.
La moitié gauche de la bouche est moins grande que la moitié
droite, c'est-à-dire que, le milieu des lèvres tout en restant sur la
ligne médiane, la commissure gauche en est bien moins éloignée
que la commissure droite.
« La narine gauche est plus peti 1 que la droite. La eloisonnasale est
302 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
déviée sur la gauche. La pointe du nez est également légèrement dé-
jetée du même côté.
« Les globes occulaires paraissent égaux et également saillants; mais
l'arcade orbitaire est plus effacée à gauche surtout à son extrémité
externe, où le relief qu'elle forme en avant de la fosse temporale est
bien moindre à gauche qu'à droite. Par contre, à son extrémité interne,
le relief au niveau de la tête du sourcil est plus accusé à gauche qu'à
droite. C'est la seule exception à l'effacement qu'ont subi toutes les
saillies de la partie gauche du visage. Il faut ajouter que le front ne
paraît avoir subi aucune déformation et que son développement est
égal des deux côtés.
« Mais, sur les parties latérales de la face, la même asymétrie déjà
signalée sur le milieu se retrouve. Ainsi l'arcade zygomatique est
bien moins accusée à gauche qu'à droite; de même pour le relief du
masséter, et pour la saillie qui borde en dehors la commissure
labiale. Il existe, en outre, sur la joue droite, une foule de plans acces-
soires, de détails de modelé qui ne se retrouvent à gauche que consi-
dérablement atténués, s'ils n'ont pas complètement disparu.
« En résumé, on peut comparer toute la moitié gauche du visage
aune médaille rendue fmste sous l'injure du temps et dont le t)pc
neuf et complet serait reproduit par la moitié droite. »
Nous n'ajouterons rien à cette description si précise du masque de
Pascal. Rien de ce qui touche à d'aussi grands esprits ne saurait nous
aisser indifférents; les étudier sous quelque forme que ce soit c'est
encore payer leur génie un juste tribut de respectueuse admiration.
GILLES DE la TOURETTE,
Chef de clinique des maladies du système ne) ? )t\.
Le gérant : Emile Lecssosams.
hIOTrFI102. - Imprimeries rcunics, B, rua Mignon, 2.
NOUVELLE ICONOGRAPHIE
DE LA SALPÊTRIÈRE
DES CONTRACTURES SPONTANÉES
'" ET PROVOQUÉES DE LA LANGUE
1 CHEZ LES IIYSTÉItO-ÉPILEPTIQUES
On saitdepuis les travauxde M. leprofesseurCUarcotl, de MM. Bris-
saud et Marie sur le spasme losso-labiédes hystériques, quechezces
malades la langue est assez souvent le siège de contractures spontanées
transitoires ou à caractère permanent.
Ces contractures peuvent être reproduites pendant l'état hypnotique
avec les caractères qu'elles présentent lorsqu'elles apparaissent spon-
tanément. M. Gilles de la Tourette a, de plus, récemment établi que
souvent des troubles de sensibilité se superposaient au spasme, ce qui,
dans la circonstance, a une grande importance au point de vue du
diagnostic différentiel.
^- Dans'Ces dernières années, j'ai eu l'occasion à plusieurs reprises
d'observer des contractures des muscles de la face, du cou et de la
musculature linguale chez les hystériques. Chez plusieurs de mes
malades, susceptibles d'être hypnotisées, je les ai reproduites pendant
le sommeil provoqué. Chez les mêmes j'ai pu, à l'aide de diverses
excitations périphériques, les reproduire à l'état de veille. Ce dernier
fait a son importance. En effet, la musculature linguale étant beaucoup
moins accessible aux divers procédés habituellement employés pour
déterminer la mise en oeuvre de la diathèsede contracture si fréquente
1. Spasme ¡(losso-lauié unilatéral des hystériques. - Leçon clinique in Semaine médi-
cale, 2 février 1887.
2. De la déviation faciale dans l'hémiplégie hystérique. Progrès médical, nOS 5,7,1887.'
3. De la superposition des troubles de la sensibilité et des spasmes de la face et du cou
chez les hystériques. - Nouvelle Iconographie de la Salpètrière, nOS 3 et 4, 1889.
il. 13
? U4 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.
chez les hystériques, l'exposé succinct de mes expériences permettra
d'étudier ces contractures provoquées cc l'état de veille, alors qu'en
dehors des cas spontanés, on avait toujours eu jusqu'à présent recours
à l'hypnotisme pour les déterminer expérimentalement.
Les contractures de la langue chez les hystériques peuvent être
provoquées de deux façons, soit par excitation directe de l'organe, soit
par l'intermédiaire de réflexes d'origine variable, centrale ou périphé-
rique. Il n'est pas rare, d'abord, d'observer l'apparition de la contrac-
ture de la langue, lorsque, par l'excitation, on détermine la contracture
d'un autre muscle de la face ou du cou. Si chez une hystérique qui pré-
sente la diathèse de contracture, on provoque il l'aide de l'excitation
directe l'apparition d'un torticolis ou d'un blépharospasme, il est assez
fréquent de voir la langue se contracturer lorsqu'on ordonne simul-
tanément à la malade de la tirer hors de la bouche.
Mais, comme je l'ai dit, l'excitation directe du muscle est souvent
suffisante : de plus on peut également provoquer la contracture sous
l'influence du diapason par réflexe auriculaire. Dans ce cas intervient
directement une influence psychique déterminant le réflexe central qui
produit la contracture.
C'est en faisant des expériences avecle diapason de Konig que je suis
arrivé à la découverte de ces faits. Étudiant le^ effets de ce diapason sur
le nerf acoustique chez les hystériques, je fus surpris, en ordonnant à
l'une de mes malades de tirer la langue au dehors, de voir celle-ci se
contracturer sans que les autres muscles de la face et du cou partici-
passent à la contracture. Je dois ajouter que les contractures que l'on
produit ainsi sont le plus souvent passagères, mais que parfois elles
' ont de la tendance à durer pendant assez longtemps, quatre à cinq
jours et même plus.
Mes expériences ont plus particulièrement porté sur deux malades
dont je vais résumer rapidement l'histoire pathologique, tout en signa-
lant les observations qu'elles m'ont permis de faire.
OBs. I. - R. L..., vingt-trois ans, célibataire, servante, est entrée
à plusieurs reprises dans mon service, et pour la dernière fois, le
'1ex mars 1889.
Conformation cranienne irrégulière; les oreilles présentent le signe
de Morel. IIémianesthésie complète gauche; rétrécissement du champ
visuel, surdité, ageustie, dysosmie, ovaralgie gauche; hyperexcitabi-
lité nervo-musculaire très marquée s'étendant à tous les muscles du
corps.Accès typiques d'hystéro-épilepsie; mono-contractures fréquentes
et passagères des extrémités supérieures et inférieures gauches. La
malade est facilement hypnotisable.
NOUVELLE ICONOGRAPHIE.
T. 11, PL. XXXIII.
Phototype Berthoud
CONTRACTURE DE LA LANGUE PROVOQUEE A L'ETAT DE VEILLI
CHEZ UNE HYSTERIQUE PAR REFLEXE AURICULAIRE
IFCROSNIER tT BABI, ÉDITEUR»
NOUVELLE ICONOGRAPHIE
T. TI. PL. XXXIV.
CONTRACTURE DE LA LANGUE PROVOQUEE A L'ETAT DE V
CHEZ UNE HYSTÉRIQUE
LFCROSNIBN T UADh, 'D1THUI 1
NOUVELLE ICONOGRAPHIE.
T. II. PL. XXXV.
Phototypie Berthaud
CONTRACTURE DE LA LANGUE PROVOQUEE A L'ÉTAT DE VEILLE
CHEZ UNE HYSTÉRIQUE PAR EXCITATION DIRECTE
LECROSNIER ET Bayé, EDITEURS
DES CONTRACTURES SPONTANÉES, 203
Chez R. L..., on peut produire à l'aide de n'importe lequel des dia-
pasons de Kônig, non seulement pendant l'état hypnotique, comme je
l'avais cru tout d'abord, mais encore pendant l'état de veille les phé-
nomènes suivants.
Si l'on tient devant l'oreille droite un diapason vibrant sois, (pl. XXXIII),
la langue normalement tirée hors de la bouche se dévie vers la droite,
se contracture et reste dans cet état pendant 55 à 80 secondes; elle est
dure au toucher, gonflée, bleuâtre. Ce temps passé, les phénomènes
disparaissent d'eux-mêmes. Pendant la contracture, la malade ne peut
pas spontanément rentrer la langue dans la cavité buccale.
Un examen plus attentif permet de noter que les muscles oculaires
participent eux aussi à la contracture. En effet, concurremment avec la
langue, les yeux se sont déviés vers la droite, et, au moment où la con-
tracture de la langue cesse, les globes oculaires reprennent leur situa-
tion normale. Il est donc évident que les muscles des yeux étaient eux
aussi contractés. -
Si l'on tient le diapason vibrant devantl'oreille gauche, la langue
se dévie à gauche. Bien plus, il n'est pas nécessaire que le diapason soit
placé directement devant l'oreille. Si, en effet, on tient le diapason
sous le menton, la langue s'élargit, sort droite hors de la bouche et
bientôt la pointe se tourne contracturée vers le bas. Si l'on tient le dia-
pason au-dessus de la tête ou au niveau du front, la langue se replie
sur elle-même et la pointe se porte en haut, en contracture, venant
toucher la voûte osseuse (pl. XXXIV). Les globes oculaires subissent
les mêmes déviations.
Ces expériences répétées plusieurs fois ayant toujours donné les
mêmes résultats, on peut en conclure que la contracture survient par
suite d'un réflexe de l'excitation du nerf acoustique portée sur le nerf
glosso-pharyngien et les nerfs moteurs de la langue. Quelle que puisse
être d'ailleurs l'interprétation de ces faits, les expériences n'en sont pas
moins démonstratives.
Etant donné ces phénomènes, j'ai essayé avec succès de produire chez
la même malade la contracture de la langue par excitation directe. Par
la simple pression d'une baguette j'ai pu, en touchant le bord droit de
la langue, faire dévier celle-ci du même côté, en contracture (pl. XXXV).
En touchant de la même façon le bord gauche, la face inférieure, la
face supérieure de la langue, j'ai obtenu des contractures dans ces
différents sens. Dans ces cas, les yeux ne participaient pas à ces diverses
déviations.
J'ai observé également. ces phénomènes, mais à un degré encore plus
accentué, si possible, chez une autre malade.
ZM NOUVELLE [ICONOGRAPHIE DE LA SalL1'L'l'IIILiul : .
Obs. II. - ils. M..., vingt-deux ans, célibataire, servante, est entrée
pour la dernière fois dans mon service, le 7 février 1889. Front bas,
resserré vers le haut; tremblement des mains. Ilémianesthésie gauche;
rétrécissement du champ visuel, achromatopsie, surdité, ageustie,
dysosmie, ovaralgie à gauche.
A droite, hyperesthésie avec exagération extraordinaire de tous les
réflexes cutanés; hyperesthésie auditive. Hyperexcitabilité nervo-mus-
culaire généralisée. Accès réguliers d'hystéro-épilepsie ; facilement
hypnotisable.
Chez cette malade on peut déterminer des contractures de la langue
absolument analogues à celles que l'on provoque chez le premier sujet.
Les mêmes contractures et déviations se montrent sous l'influence du
diapason ou de la pression par la baguette (pl. XXXVI). Toutefois, la si-
multanéité de la déviation des globes oculaires est encore plus accen-
tuée. D'ailleurs, pendant une période de la maladie où l'hyperexcita-
bilité neuro-musculaire était singulièrement exagérée, les contractures
semontraient simultanément dans les muscles de la tête et du cou,
de telle façon que la tête prenait la même attitude que la langue, elle
se penchait vers la droite, vers la gauche, en avant ou en arrière.
- J'ai même pu, pendant une expérience avec le diapason-, produire des
contractures de la langue telles qu'il ne m'a pas été donné d'en observer
chez d'autres sujets. En plaçant le diapason vibrant au-dessous du
menton et en lui faisant subir un mouvement de rotation, j'ai pu faire
subir à la langue tirée hors de la bouche un même mouvement de
rotation tel que la langue se plaça de champ dans une situation de
contracture telle qu'un hommebien portant ne pourrait spontanément
la réaliser (pl. XXXVII).
- Du reste, je l'ai dit, la diathèse de contracture est si accentuée chez
cette malade qu'elle ne peut tenir son bras horizontalement pendant
quelques minutes sans qu'il se contracte immédiatement. Si je romps
celte contracture du bras par une friction et une malaxation des mus-
cles, je puis encore le contracturer en le plaçant dans diverses positions.
En même temps, la langue se contracture et se dévie vers le bras
contracture; les contractures du bras et de la langue s'associent donc
chez cette malade.
Me réservant d'insister ultérieurement sur ces divers phénomènes,
je désire seulement présenter quelques conclusions : '
a) On peut chez les hystériques produire des contractures typiques
de la langue, soit à l'état de veille, soit pendant l'état hypnotique, par
l'excitation du nerf acoustique. Ces contractures sont le produit d'un
réflexe central.
NOUVELLE ICONOGRAPHIE T II. PL. XXXVI
CONTRACTURE DE LA LANGUE PROVOQUEE A L'ETAT DE VEILLE
CHEZ UNE HYSTERIQUE PAR EXCITATION DIRECTE
GFCROST1EF * HABF, ÉDITEURS
NOUVELLE ICONOGRAPHIE.
T. II. PL. XXXVII.
Phototypie Berthaud
CONTRACTURE DE LA LANGUE PROVOQUEE A L'ETAT DE VEILLE
CHEZ UNE HYSTERIQUE
LECROSNIER ET EASÉ, EDITEURS
DES CONTRACTURES SPONTANÉES. 207
b.) Ces contractures se produisent aussi par voie périphérique, par
excitation directe des muscles de la langue.
c) Les contractures de la langue peuvent s'associer avec les contrac-
tures des muscles de la face, du cou, du tronc ou des membres.
d) Les contractures provoquées de la langue ne diffèrent pas de
celles que l'on observe ' spontanément chez les hystériques. Elles
prennent leur source comme ces dernières dans la diathèse de contrac-
ture si bien étudiée par l'École de la Salpêtrière.
Dr Charles LAUFENAUEH,
, Professeur à l'Université de Buda-Pestli.
OBSERVATION DE CONTRACTURE
HYSTÉRIQUE GUÉRIE SUBITEMENT APRÈS UNE DURÉE
DE DEUX ANNÉES
J'ai eu l'occasion de voir, en 1882, avec mon maître, M. le professeur
Charcot, une jeune malade atteinte de contracture hystérique du
membre inférieur droit, remarquable par l'attitude inaccoutumée du
membre, par sa persistance et par la résistance à toute médication.
Elle a été traitée sans succès pendant plusieurs mois par l'hydrothé-
rapie, par les applications aimantées. Puis elle guérit tout à coup vers
1884.
Voici l'observation détaillée.
Ons. I. - A onze ans, contracture des deux membres du côté droit;
guérison du bras droit au bout de dix-huit mois. Le membre inférieur
droit seul demeure contracture. Attitude d'extension. Disparaît la nuit.
Instabilité musculaire. Pas de trouble de la sensibilité. Résiste à toutes
les médications.
Mite X..., de San-Francisco, est âgée de quinze ans (février 1882). Elle a
eu des gourmes dans son enfance, fut couverte d'éruptious jusqu'à sept ans
et eut de fréquentes ophtalmies.
Pas d'antécédents nerveux dans la famille. Elle-même n'a pas eu de con-
vulsions. Elle est grande, blonde, maigre, les lèvres sont un peu épaisses;
elle a l'aspect scrofuleux.
Il y a quatre ans, à l'âge de onze ans, dans un voyage en chemin de fer,
. elle se coucha dans une fausse position, dit-elle, ou eut froid peut-être.
Le lendemain, elle sentit une douleur intense dans la hanche droite. Cette
douleur paraît avoir persisté plusieurs jours. Pendant qu'elle gardait encore
le lit, on s'aperçut que son membre inférieur droit était raide. Peu de
temps après, le bras droit se raidit aussi. Le membre supérieur était
contracture en flexion, les doigts fléchis dans la main, la main sur l'avant-
bras, l'avant-bras sur le bras et porté dans la rotation en dedans et l'adduc-
tion, de sorte que l'avant-bras était placé transversalement derrière le dos.
Le membre inférieur était contracturé en extension : la cuisse étendue
sur la jambe et sur le bassin : le pied en extension (fig. 59, CO).
Au bout de dix-huit mois, le bras s'est guéri graduellement (en plusieurs
semaines) et il n'y reste plus rien d'anormal.
OBSERVATION DE CONTRACTURE HYSTERIQUE. 209
La contracture du membre inférieur persiste, il est impossible il la
malade de s'asseoir : elle mange debout et marche sur le talon, la pointe
du pied relevée.
Pendant la station droite, on voit sur la jambe gauche qui cherche à
conserver l'équilibre, la rotule se soulever de temps il autre et les con-
tractions du jambier antérieur et des jumeau\' : sont très manifestes. Des
phénomènes analogues d'instabilité musculaire s'observent au membre
inférieur droit contracture et sur lequel elle porte par instant tout le poids
du corps. Quand on examine le pied contracturé, pendant un temps assez
long, on remarque des mouvements très lents d'élévation et d'abaissement
de la pointe du pied; la raideur augmente quand on essaye d'abaisser la
pointe du pied, de même quand on essaye de fléchir la jambe sur la cuisse.
En soulevant tout le membre, on entraîne le bassin et le tronc qui
demeure rigide dans l'extension.
Le membre contracturé est amaigri. Voici les mensurations compa-
ratives.
210 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LASALPlTRIÈRE.
Caractère assez égal. Pas de colère. Elle étudie bien.
L'examen électrique révèle une diminution notable de l'excitabilité élec-
trique, tant à la faradisation qu'à la galvanisation, mais sans inversion de la
formule normale.
Cette modification de la contractilité s'observe sur les muscles des jambes
des deux cotes avec une prédominance pour la
jambe contracturée. Mais les réactions des deux
jambes laissent bien moins d'écart entre elles
qu'il n'y en a entre les réactions des deux
jambes d'une part et celles des bras d'autre'
part. Par exemple, l'interruption du courant
galvanique donne des secousses au bras avec
3° du galvanomètre gradué en milliweber,
tandis qu'aux membres inférieurs, il faut de
10 à 15°. Ne s'agit-il ici que d'une différence
entre la résistance électrique des membres su-
périeurs et celle des membres inférieurs ? C'est
probable. Tout ce qu'on peut affirmer, c'est que
la réaction de dégénérescence n'existe pas pour
les muscles diminués de volume de la jambe
. contracturée.
Insuccès de la médication par l'électricité
statique, par les applications aimantées, par
l'hydrothérapie.
Deux ans après, M. Charcot recevait du mé-
decin de la famille la nouvelle de la guérison
qui s'était faite subitement un matin au réveil,
sans émotion particulière, fin septembre 1884,
au.moment de l'apparition des premières règles.
(i J'ai pu constater, dit-il, que sa démarche est
redevenue tout à fait normale et que son pied
ne lui refuse aucun service même pour sauter
et danser. » Mlle X... avait été à Lourdes, où
elle avait bu de l'eau de la grotte miraculeuse,
mais elle n'y avait éprouvé aucun soulage-
ment.
Cette observation, intéressante à plus
d'un titre, est consignée dans mon mé-
moire, encore inédit, sur les contractures et les paralysies hysté-
riques qui a remporté le prix Civrieux en 1883. J'ai pensé utile
de l'en extraire pour la publier ici. C'est sur elle et sur plusieurs
autres que j'appuyais les bases d'une description d'une forme
nouvelle de contracture hystérique, forme que je désignais sous le
Fie. 50.
Contracture du membre inférieur droit.
OBSERVATION DE CONTRACTURE HYSTÉRIQUE. 211
nom de forme cérébrale, pendant que la contracture hystérique vul-
gaire prenait le nom de forme spinale.
Sans entrer ici dans la discussion sur le mécanisme et la pathogé-
nie de ces deux formes de contracture, je rappellerai qu'elles trouvent
leurs analogues dans les états expérimentaux hypnotiques longue-
ment décrits par M. Charcot et par moi sous le nom de contracture
léthargique et contracture somnambulique, et je me contenterai de
donner le résumé du tableau clinique que j'ai tracé de la forme
cérébrale dans le travail cité plus haut.
FiG. 00. - Altitude du pied contracture.
212 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
a) L'immobilité des parties contracturées est généralement moindre
que dans la forme spinale. La raideur varie d'un moment à l'autre, et
l'altitude des membres peut se modifier légèrement. Elle s'exagère
toujours sous l'influence des mouvements communiqués et de l'atten-
tion du sujet.
b) Elle cesse complètement pendant le sommeil, pour reparaître, ce
qui n'a pas lieu dans la forme spinale.
c) Les attitudes variées imprimées aux membres diffèrent d'or-
dinaire de celles décrites généralement dans la forme spinale. Elles
sont étranges, inusitées.
d) Les troubles de la sensibilité, très fréquents dans la forme spi-
nale, n'existent généralement pas.
e) Elle résiste aux esthésiogènes.
f) La diathèse de contracture qui l'accompagne est la forme som-
nambulique, pendant que la diathèse qui accompagne la forme spi-
nale est la diathèse de contracture léthargique.
g) Elle offre des analogies avec la contracture somnambulique, 'et la
forme spinale avec la contracture léthargique.
La forme cérébrale de la contracture hystérique, ainsi que nous
l'entendons ici, se rapproche des contractures que M. Dally désigne
sous le nom de contractures d'appréhension ou d'adaptation. Peut-être
au point de vue clinique y a-t-il similitude complète ; en tous les cas,
nous ne saurions admettre ni la dénomination de M. Dally, ni la rai-
son physiologique qu'il invoque.
M. Dally les désigne également sous le nom de pseudo-contractures.
Elles sont dues à l'appréhension qu'éprouvent les malades à la suite
des tentatives de redressement ou de flexion qui ont été exercées sur
des membres atteints d'une légère arthrite ou périarthrite liée au
traumatisme, au refroidissement ou à toute autre cause.
Le souvenir des douleurs endurées détermine un état de célébra-
tion inconscient qui se traduit par une résistance énergique à'tout
mouvement imprimé au membre malaxé, d'où équilibre musculaire
rompu, sans qu'il y ait pour cela contracture : prédominance tonique
de certains muscles et parésie des autres. La rigidité disparaît pen-
dant le sommeil. Le traitement doit être d'abord mental. Ainsi donc,
suivant M. Dally, la pseudo-contracture est toujours précédée d'ar-
thrite ou de périarthrite, elle a sa source dans les douleurs provo-
quées par les maneuvres thérapeutiques; elle est entretenue par un
état de célébration inconsciente ; l'attitude vicieuse est due à la
prédominance tonique de certains muscles et à la parésie des autres;
OBSERVATION DE CONTRACTURE HYSTÉRIQUE. 213
enfin, un des grands caractères de la pseudo-contracture est de céder
pendant le sommeil.
Suivant nous, la contracture de forme cérébrale n'est pas néces-
sairement liée à une arthrite ou périarthrite : elle existe ayant que
les tentatives de réduction aient été faites. Ces tentatives, il est
vrai, ont pour influence de l'accroître ; enfin c'est une véritable
contracture dans laquelle les antagonistes sont pris au même
degré, comme dans la forme spinale. Pour le reste, nous nous
rapprochons de la description de Il, Dally : siège cérébral et cessation
pendant le sommeil.
PAUL RICI3ER,
Chef du laboratoire de la Clinique dés maladies du système nerveux,
. SUR UN CAS D'ÉPILEPSIE
DONT LES ACCÈS SE MULTIPLIENT SOUS L'INFLUENCE
D'IRRITATIONS PERIPHERIQUES
L'influence des lésions périphériques sur le développement de l'épi-
lepsie est bien connue, notamment depuis les nombreux faits rassem-
blés par M. Brown-Séquard. lais les irritations périphériques n'agissent t
pas seulement en provoquant les premières manifestations convul-
sives ; elles peuvent encore montrer leur action lorsqu'elles se pro-
duisent longtemps après l'apparition des accès en provoquant la répé-
tition plus ou moins fréquente des paroxysmes épileptiques sous toutes
leurs formes. Le fait suivant nous a paru mériter quelque intérêt.
OBS. - Le nommé Arthur, âgé de vingt-huit ans. - Antécédents de fa-
mille. - Parents bien porlants : pas d'épileptiques, d'aliénés, de nerveux
dans ses ascendants.
Le malade est le troisième d'une famille nombreuse; la mère a eu quatre
fausses couches; six enfants sont morts presque tous en bas âge, deux ont eu
des convulsions, et l'un des deux est resté hémiplégique droit; trois autres
enfants sont bien portants.
Antécédents personnels. Convulsions dans l'enfance. Devenu très peureux
à l'âge de onze ans à la suite d'une vive émotion. Trois semaines après il a
son premier accès.
En 1878 (seize ans) premier séjour à Bicêtre : il avait alors un ou deux
accès par mois.
En 1884, second séjour à Bicêtre : il entre dans le service de M. Bourne-
ville ; sept ou huit accès par mois à cette époque; pas d'aura, chute et perte
de connaissance, rigidité, convulsions du côté gauche seulement, ni stertor,
ni écume, ni miction involontaire.
Depuis un an il est sujet à des accès avec propulsion : il se met tout à
coup à courir devant lui à une distance de 50 à 100 mètres puis revient à son
point de départ, la face pâle, livide. Pas de mauvais instincts. Intelligence
affaiblie depuis 1878. Le malade figure à propos de ces accès procursifs dans
le travail de Bourneville et Bricon sur l'épilepsie procursi2e, où on peut
trouver une histoire détaillée de ses antécédents t.
a..trr/t, de Xeurnlngie, 1Rl, f, XIII, 1" 3U.
SUR UN CAS D'ÉPILEPSIE. 215
C'est en 188 que le malade paraît avoir ressenti pour la première fois une
aura précédant les accès. Cette aura part du pied gauche, à la face plantaire
duquel s'est développé récemment un durillon (fig. 61). Le malade ressent un
chatouillement qui, partant de ce point, remonte jusqu'au pli de l'aine.
Elle semble précéder les vertiges procursifs aussi bien que les accès. Pendant
ces accès on note une trépidation clonique dans la jambe gauche qui se géné-
ralise mais reste toujours plus accentuée de ce côté. Le malade réussit quel-
quefois à arrêter l'accès en fléchissant le gros orteil.
En z1885, 193 accès, 1,028 vertiges (comprenant entre autres les vertiges
procursifs).
Le 8 novembre 1886, le durillon du pied s'enflamme et on l'enlève : les
accès avaient été au nombre de 20 pendant le mois précédent; en novembre
ils tombèrent à neuf, en décembre trois, le nombre des vertiges restant à peu
près le. même (54). - En janvier 1887 : 4 accès, 36 vertiges.
En février 1887, le service passe aux soins de M. Féré.
Etat du malade à cette époque. - Poids : 53 kilogr. 500. Côté gauche
de la figure plus petit. - Iris gauche plus coloré. Physionomie un peu
hébétée, parole légèrement bredouillée.
Le malade a encore des vertiges procursifs et des accès avec aura partant
toujours du durillon du pied gauche. Ces accès sont toujours remarquables
par les trépidations prédominant dans tout le côté gauche et en particulier
dans le membre inférieur du même côté.
Il arrive parfois que le malade ne perd pas connaissance. S'il est debout
par exemple, on voit les oscillations débuter par la jambe gauche, d'abord lé-
gères et très rapides; puis elles deviennent plus amples et se généralisent.
Fie. 01.
916 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA 5.1LP1;'l'1t1È111.
Le malade reste souvent debout cependant, le membre inférieur gauche
dans la rectitude. Le malade entend tout ce que l'on dit : il peut même par-
fois répondre aux questions d'une voix entrecoupée par les secousses qui
l'agitent. D'autres fois il tombe et perd connaissance.
Les excitations mécaniques portées sur le durillon peuvent provoquer l'accès
(pression, percussion). Les applications d'acide acétique agissent de même.
D'ailleurs on peut aussi provoquer un accès en percutant le tendon rotulien.
En mars 1887, apparaît sous le pied droit un autre durillon dont l'irrita-
tion provoque aussi des accès avec chute et perte de connaissance parfois.
Ces accès peuvent être arrêtés par la flexion du gros orteil ou la compres-
sion du nerf sous-orbitaire. Le malade, lorsqu'il ne perd pas connaissance,
porte lui-môme la main à son pied gauche et cherche à se déchausser pour
comprimer l'orteil.
Outre ces durillons plantaires il est à noter que la transpiration à la plante
des pieds a toujours été très abondante et détermine souvent des rougeurs de
la peau sans cesse humide.
A la fin de mars 1887, on lui fait faire des chaussures spéciales dont la
semelle présente un creux, grâce auquel le durillon ne porte pas sur le sol,
pendant la marche. On lui fait faire des lotions avec une solutiou de
tannin chaque jour et on veille il ce que ses pieds soient toujours tenus dans
des chaussettes sèches autant que possible.
Pas de modification bien appréciable immédiatement dans le nombre des
accès et vertiges, seulement le malade peut au bout de quelque temps mar-
cher pieds nus et la percussion du lendon rotulien ne provoque plus d'accès.
En avril 1887, on note encore des vertiges procursifs.
En juillet 1887, les durillons sont à peu près guéris, celui de droite tout à
fait. Le malade a cependant encore des secousses, il montre les deux plis in-
guinaux comme point de départ de tiraillements et de chatouillements qui
précèdent l'accès.
On note une recrudescence des accès et vertiges en août et septembre 1887.
Le malade guéri de ses durillons avait cessé momentanément de porter des
chaussures spéciales qu'il a dû reprendre. Il prétend maintenant ressentir
avant ses accès une forte envie d'uriner; s'il peut la satisfaire, l'accès est con-
juré : le jet d'urine est alors très fort.
Depuis celte époque, le malade a changé de caractère; il est devenu que-
relleur, se bat avec les malades et les infirmiers.
Amélioration néanmoins : ses durillons restent guéris : il prend de l'em-
bonpoint et dans les trois derniers mois de l'année, on ilote une diminution
considérable dans le nombre des vertiges.
Les vertiges procursifs ne sont plus mentionnés il celle époque; on note
seulement le fait suivant : souvent le malade au milieu du repos se lève, sort
vivement dans la cour et ne prévient son attaque que s'il urine;
En 1888, nous trouvons 38 accès et 8 vertiges au lieu de 71 accès et 210 ver-
tiges en 1887.
SUR UN CAS D'ÉPILEPSIE. 217
Le malade engraisse, il se sert toujours de ses chaussures spéciales. Les
vertiges procursifs ne sont plus notés, mais le malade devient de plus en plus
méchant et querelleur. Plusieurs fois enfermé à la Sùreté.
En février 1889, le malade a abandonné l'usage de ses chaussures, il ne
reste qu'un léger épaississement épidermique pour marquer la place des an-
ciens durillons. L'état général est excellent, le malade engraisse, et le 23 avril
1889 il pesait 66 kilogr., c'est-à-dire 12 kilogr. 500 déplus qu'en février 188 7.
9 mai 1889, depuis cinq jours le malade ressent de nouveau une aura par-
tant du pied gauche. L'ancien durillon de la plante du pied est tout à fait
guéri : il reste à la place une plaque d'épiderme induré et épaissi, mais tout
à fait insensible à la pression. Seulement le troisième orteil est un peu tu-
méfié et douloureux. Sur la face dorsale il présente des marbrures érythé-
maleuses; et à la lace plantaire, au niveau de la racine de l'orteil, on constate
du gonflement et de la rougeur.
Le malade ne peut appuyer la plante du pied sur le sol en marchant : le
pied porte sur son bord externe. De temps en temps, lorsqu'il pose le pied
par terre, il est pris d'une trépidation de tout le corps, avec larges oscilla-
tions ressemblant à une série de secousses. Ces secousses, partant de la
jambe gauche, se généralisent successivement au bras gauche, au membre
inférieur droit, au bras droit, à la face.
En pressant sur la région tuméfiée de la plante du pied on provoque une
vive douleur, et la trépidation reparaît. Parfois le malade tombe, tandis que
les mouvements oscillatoires recommencent plus forl». On voit alors le tronc
exécuter des mouvements d'oscillation d'avant en arrière comme dans l'attaque
d'hystérie. On peut arrêter l'attaque en pressant le nerf sous-orbitaire. Pas
de perte de connaissance. Le malade continue parfois à parler d'une voix sac-
cadée plus entrecoupée.
13 mai 1889, le gonflement et la rougeur ont augmenté, il semble y avoir
de la fluctuation à la racine du troisième orteil, secousses perpétuelles dans
la journée, trépidation'de tout le corps, mais pas de perte de connaissance.
15 mai 1889, poids : 62 kilogr. 500 (au lieu de 66 il y a quelques jours).
Fluctuation manifeste. Incision dorsale et plantaire sans chloroforme. Le
malade pousse un cri au moment de l'incision, qui donne issue à du pus,
mais n'a pas d'accès. '
Soulagemennt immédiat, nuit bonne, pas de trépidations.
16 mai, les soubresauts reparaissent bien que moins forts, amélioration
sensible : néanmoins quelques accès incomplets sans perte de connaissance
dans la journée.
17 mai, plaie en bon état, trépidations beaucoup moins fortes. Poids :
63 kilogr. Pas de secousses pendant le pansement.
A partir de celle époque, la plaie va rapidement vers la cicatrisation, les
secousses deviennent de plus en plus rares.
Le 29 mai 1889, le malade peut se lever et marcher sur la plante du pied
sans inconvénient : plus de secousses ni d'accès.
218
NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALYi : 'l'111ERE.
Actuellement (28 juin 1889, poids : 63 kilogr. 500), le malade est com-
plètement guéri de son phlegmon du pied, et il ne reste qu'un léger épais-
sissement pour inarquer la trace des durillons plantaires. Il n'a eu que deux
accès dans le mois de juin : il n'a plus aucun vertige depuis quatre mois.
Tableau des accès de V..
SUR UN CAS D'ÉPILEPSIE. 1-119
s'est accentuée en 1888 ; pendant cette année, en effet, il n'y a eu que
38 accès et 8 vertiges au lieu de 193 accès et z),8 vertiges en 1885,
136 accès et 497 vertiges en 1887. Enfin, en 1889, sous l'influence
d'une nouvelle irritation locale d'un phlegmon, les spasmes ont subi
une nouvelle recrudescence sous une autre forme. Le succès de mesures
hygiéniques fort simples montre assez que chez les épileptiques comme
chez tous les névropathes en général, on ne doit pas négliger de
faire une recherche soigneuse de toutes les causes d'irritation et s'ap-
pliquer à leur porter remède.
Ch. Féré, IL LA ! 11Y,
Médecin de Bicêtre. Interne des hôpitaux.
il i
NOTE SUR LE PLI FESSIER
On enseigne dans les ouvrages classiques que le muscle grand fessier
forme la saillie de la fesse et se trouve être en même temps, par le
relief de son rebord inférieur, la cause du pli fessier. Il est facile de
constater, cependant, que, dans la saillie de la fesse, il entre un autre
facteur peut-être plus important que le muscle, je veux parler de la
graisse accumulée en ce point sous la peau, et que le pli fessier tient
à d'autres causes tout à fait étrangères au bord inférieur du muscle,
lequel, au contraire, ne pourrait contribuer qu'il l'atténuer et à le faire
disparaître. Quelques mots d'abord sur les formes de la région.
En arrière du bassin proémine la fesse limitée, en dedans, par la
rainure interfessière, en bas, par le sillon courbe du pli fessier qui la
sépare de la cuisse; en dehors, par la saillie du grand trochanter; en
haut, par le sacrum et la partie postérieure du sillon de la hanche.
Ces limites circonscrivent un espace beaucoup plus haut que large
et que la fesse remplit d'un relief inégal. La saillie la plus considérable
occupe la partie inférieure et interne. Elle est arrondie. Elle répond au
grand fessier. En haut et en dehors, la saillie due au relief du moyen
fessier est plus ferme et plus surbaissée. Un sillon peu profond et
oblique sépare quelquefois la région du grand fessier de celle du
moyen.
La graisse qui double toujours la peau de la région, joue un rôle
morphologique important. Elle acquiert son maximum d'épaisseur à
la partie inférieure et interne de la région. Et la saillie de toute la
région estbien souvent beaucoup plus due à l'accumulation graisseuse
qu'au développement musculaire.
La chose est de la dernière évidence chez la femme dont le système
musculaire est généralement peu développé et dont la région fessière
est néanmoins fort saillante. Les fesses fermes et en pointe de la
jeunesse sont dues à un tissu adipeux dur et résistant. Les fesses
aplaties des vieillards sont dues en grande partie il la disparition du
même tissu. On peut remarquer, en outre, que chez les individus qui
présentent un développement musculaire exagéré avec un pannicule
NOUVELLE ICONOGRAPHIE
T. Il. 1'1.. XXX\'III
PLIS FESSIERS DANS LA STATION DEBOUT
La partie gauche de Il IigUI'3 montre 1..1111'S 1',¡PPOJ'ls ,lvee le muscle grand fessier
dont les limites en haut et en bas sont indiquées par un trait ponctué.
l. E C n 0 B 1 E HT BABÈ, t t 1 T E U n S
Nouvelle ICONOGRAPHE T. H. ('L. XXXIX
PLIS FESSIERS DANS L'ATTITUDE IIANCHÉF, (FEMME)
L I ! i CR 0 fS 11 1 I : nET DA D t, Ê DIT C U R D
NOTE SUR LE PLI FESSIER.
adipeux peu abondant, comme les athlètes et les gymnastes, la saillie
de la fesse n'est relativement pas considérable. Elle est aplatie, et, à
moins que le muscle n'entre en contraction, elle présente une consis-
tance molle et fluctuante que les fesses graisseuses ne présentent pas
toujours au même degré.
La stéatopygie des femmes hoschimanes n'est que le développe-
ment exagéré du pannicule adipeux dont les alvéoles sont distendues
par une série d'amas graisseux volumineux qui donnent à la coupe delà
région l'aspect d'un lipome. Il n'est pas sans intérêt de noter que chez .
les Européennes, le relief des fesses est fort variable et qu'elles
offrent pour ainsi dire tous les degrés d'atténuation de la stéatopygie
des Boschimanes.
En dehors, la saillie de la fesse est séparée du grand trochanter par
une dépression due au mode d'insertion des fibres charnues sur une
large aponévrose d'insertion.
En bas, la fesse est' bornée par le pli fessier, sillon qui est très
profond en dedans et se perd en dehors, ce qui est dû aux fibres
charnues du muscle grand fessier qui descend vers la cuisse à laquelle
appartient véritablement la partie la plus inférieure du muscle.
Ce sillon a une direction horizontale et croise celle du bord inférieur
du muscle grand fessier qui est très oblique en bas et en dehors
(Yoy. pl. XXXVIII).
Il est donc impossible de lui donner, avec la plupart des auteurs, pour
cause, la saillie de ce bord inférieur.
Le simple examen du nu suffit pour se convaincre que le pli fessier
est rattaché aux parties profondes par des adhérences solides. Par
exemple, dans l'attitude hanchée (pl. XXXIX) le pli fessier du côté
de la jambe portante se creuse profondément et forme comme un lien
qui enserre solidement la racine du membre à la partie interne, pen-
dant que, du côté opposé, il suit le mouvement du bassin qui penche,
descend plus bas et tend à s'effacer.
. L'anatomie nous donne la raison de ces apparences. Au niveau du
pli fessier, la face profonde de la peau contracte non seulement des
adhérences avec l'aponévrose fémorale. qui elle-même prend insertion
à l'ischion, mais elle est rattachée à ce même os directement par de
solides trousseaux fibreux découverts dernièrement par mon ami
Paul Poirier, chef des travaux anatomiques à la Faculté (communi-
cation orale). ,
Il en résulte, entre le pli cutané et le bassin, une connexion intime '
qui fait que l'un suit les mouvements de l'autre. On peut constater en
effet que si le bassin s'élève d'un côté, il entraîne avec lui le pli fessier
2±2 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
du même côté qui se trouve alors situé sur un plan plus élevé que celui
du côte opposé et inversement, comme nous venons de le voir dans la
station hanchéc.
Une autre conséquence de cette disposition, c'est que la graisse, de
la région est en quelque sorte contenue dans une espèce de poche
formée inférieurement par les adhérences fibreuses qui vont de la peau à
l'ischion et qui, l'empêchant de descendre versla cuisse, en augmentent
la saillie.
C'est dans cette même poche que se trouve retenue une partie de la
FIG. 02. - Les fesses dans la flexion légère du tronc.
Les muscles fessiers sont contractés.
NOTE SUR LE PLI FESSIER. ? 3
masse charnue du muscle qui, dans le relâchement complet, se trouve
en bas eten dedans sous l'influence de la pesanteur.
Quand le tronc se fléchit en avant, le pli fessier tend à disparaître
et le muscle contracté dessine sa forme très exactement sous la peau
avec son bord inférieur très oblique en bas et en dehors. (Fig. Qg)
Les attaches du pli fessier à l'ischion n'existent que dans sa partie
interne où il est profond; en dehors, ainsi que nous l'avons déjà dit,
le pli fessierse perd avant d'atteindre la face externe de la cuisse, et il
est remplacé par un plan incliné qui descend vers la cuisse et ménage
une transition entre les deux régions voisines. Ce plan incliné est vrai-
ment dû au muscle fessier lui-même.
Il existe quelquefois un second pli fessier un peu au dessous et en
dehors du précédent.
En résumé, le pli fessier est donc un pli permanent maintenu par des
adhérences profondes de la peau au squelette, à l'égal du pli de
l'aisselle. Il augmente la saillie de la fesse qui au-dessus de lui est
surtout formée par le tissu graisseux. La présence du bord inférieur du
muscle fessier le fait disparaître en dehors.
Enfin son union intime avec l'ischion permet de trouver dans sa
direction et sa situation de précieuses indications sur les déviations du
bassin lui-même, comme il arrive dans les affections de l'articulation
de la hanche. C'est à ce titre que nous avons pensé utile de noter ici ces
quelques détails morphologiques.
PAUL RICIIER,
Chef du laboratoire de 1.» Clinique de* maladies du ytemc nonvu-c
ANATOMIE PATHOLOGIQUE DE L'ACROMÉGALIE
(Suite ! ). -
L'hypertrophie de la langue une fois survenue, ses effets devaient se faire
sentir principalement sur les os maxillaires. Cependant, il faut l'avouer, les
difformités de ces os sont trop significatives pour qu'on doive attribuer tout à
la cause susindiquée. Si les os n'avaient pas perdu de leur résistance natu-
relle, il n'y aurait pas eu un allongement aussi notable de la mâchoire infé-
rieure, non plus que la disparition de ses angles, ni la déviation en dehors
des arcades alvéolaiies. On aurait vu plutôt se produire ceci qui a plus d'une
fois été observé dans les cas de macroglossite, je veux dire la procidence de
la langue; mais, par suite de la maladie dont les os étaient atteints, ils n'ont
pu résister à ces efforts incessants dont l'effet était accru par l'hypertrophie
de l'organe, et ont cédé.
Mais cette déviation du type normal des os maxillaires ne pouvait être
l'oeuvre de quelques jours; avant que le prognathisme se prononçât, la langue
qui se trouvait ramassée dans la bouche et la partie supérieure du pharynx
devait avec sa base fermer en grande partie les fosses nasales postérieures et
rendre extrêmement difficile la respiration. C'est pour parer à cet inconvé-
nient que se produisit l'agrandissement des fosses nasales et comme consé-
quence le développement disproportionné du nez. Mais, normalement, toutes
ces déformations ne seraient pas survenues si, à cette époque, ou auparavant,
les os n'avaient pas été malades au point de perdre leur résistance naturelle.
Parles communications existantes entre les fosses nasales et les sinus fron-
taux il est à croire que ces dernières cavités avaient subi aussi un agrandis-
sement qui devint plus grand dans la suite, quand, par l'abus des substances
alcooliques et par l'âge, survint l'atrophie des lobes cérébraux antérieurs :
car alors, comme je l'ai déjà dit, la table interne suivant le cerveau dans les
mouvements s'éloigne de la table externe, produisant l'agrandissement de ces
sinus.
Quant il l'hypertrophie de la lèvre inférieure et de la portion molle du nez,
je crois que, en grande partie, il faut l'attribuer à cel état d'irrigation san-
guine exagérée dans laquelle, pour les raisons signalées plus haut, devait se
trouver la tète. Même ledéveloppcmenthypertrophiquedela glande pituitaire
tenait très probablement à cette cause bien plus qu'à la répercussion sur cet
7. Voir les n" n, G, t. I, 1888 et les n"' 9, 2, 3, 4, t. il, 1889.
AV.1'l'\III : PATHOLOGIQUE DE L'ACROMÉGALIE. 25
organe de l'étal irritatif des os avec lesquels il était en contact. Il resterait
à indiquer les raisons du volume extraordinaire de la verge,mais peut- être
ce phénomène devait-il être rapporté en partie à un développement congé-
nital, et en partie à un développement excessif dans cet organe du système
veineux consécutif principalement à la maladie du coeur... L'auteur
déclare d'ailleurs .qu'il ne tient que médiocrement à toutes ces explica-
tions et est prêt à les abandonner si quelqu'un en trouve de meilleures.
Autopsie de l'Observation XI (IIenrot). - La peau est saine partout, elle
n'est nulle part adhérente aux tissus sous-jacents; celle qui recouvre les
parties hypertrophiées ne présente rien de spécial.
Le corps thyroïde est très développé : il a quatre ou cinq fois son volume
normal.
Les glandes sous-maxillaires sont perdues dans d'immenses masses gan-
glionnaires qui ont renversé le bord libre du maxillaire inférieur, il ce point
que la face antérieure de cet os est devenue presque horizontale; l'os a un
aspect tout particulier; ses déformations symétriques pourraient faire croire
qu'il provient plutôt d'un singe géant que d'un homme.
Les tumeurs sous-maxillaires et péri-parotidiennes sont constituées par
des amas ganglionnaires appliqués les uns contre les autres; elles sont
formées par un tissu homogène, dur. très cohérent, et n'ayant aucune ten-
dance à subir la dégénérescence graisseuse, caséeuse ou tuberculeuse.
La plupart des nerfs, le pneumogastrique, le glosso-pharyngien, le plexus
brachial ont subi une notable augmentation de volume.
Le foie est volumineux, mou, flasque, ne présente rien de spécial à la
coupe. - La rate a au moins le triple de son volume normal, sa consistance
est normale, on trouve dans son épaisseur une petite tumeur du volume
d'une noisette, d'une dureté pierreuse.
Le pancréas, l'estomac, les intestins sont sains, les reins volumineux,
sains.
La langue est hypertrophiée, les papilles gustatives sont très saillantes ; elles
sont manifestement hypertrophiées.
Le coeur est très petit, il a subi un degré d'atrophie considérable, il ne
présente guère que les ` ? /3 du volume de mon poing, et celui-ci ne représente
pas la moitié du poing de notre sujet. - Pas de sérosité dans le péricarde,
quelques plaques laiteuses sur le péricarde, et particulièrement le long de
l'aorte et de l'artère pulmonaire. Les parois du ventricule droit sont très
amincies, celles du ventricule gauche sont peu épaisses; le muscle n'a pas
subi de dégénérescence.
Les parois du crâne ne sont ni épaissies ni déformées ; la base est normale,
sauf au niveau de la selle tnrcique; la nous trouvons des modifications con-
sidérables : la lame quadrilatère du sphénoïde et les apophyses clinoides
postérieures sont très élargies; elles présentent beaucoup moins d'épaisseur
que dans l'état ordinaire, elles sont complètement déjetées en arrière de
£ >l> NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SAL1 ? PliIl.RI ?
façon à agrandir la fosse pituitaire; celle-ci, en effet, au lieu de pouvoir con-
tenir une noisette, a pris des dimensions telles qu'elle peut loger un petit
oeuf de poule. ,
Le paroi antérieure de la fosse au lieu de présenter une saillie est forte-
ment excavée. Quoique amincie, la lame quadrilatère est encore assez solide
pour résister au scalpel. ,
En enlevant le cerveau, M. Leroy, interne du service, éprouve une certaine
difficulté à détacher le corps pituitaire; malgré les précautions qu'il prend,
l'adhérence est telle qu'il coupe la partie la plus saillante de l'hypophyse; il
s'écoule quelques gouttes d'un liquide noirâtre légèrement visqueux.
Sur le maxillaire inférieur, l'os hyoide, le tibia, le péroné, le cubitus, le
radius, en un mot sur tous les fragments d'os qui ont été conservés, nous
trouvons des ostéophytes très développés; sur le maxillaire inférieur, que
nous pouvons prendre pour exemple, les apophyses géni forment des saillies
volumineuses de la grosseur d'un haricot; sur l'os hyoïde, les tubercules qui
donnent inserlion à des muscles et qui habituellement sont à peine marqués,
forment des saillies très manifestes; sur l'extrémité inférieure du libia, dans
les points d'insertion des ligaments, nous constatons également des saillies
osseuses, des bosselures qui donnent à l'os un aspect tout particulier.
Dans d'autres points, sur la face externe de la branche montante du
maxillaire inférieur on trouve des surfaces irrégulièrement circonscrites,
d'un aspect blanc, très dures, éburnées et' parsemées d'une myriade de petits
trous.visibles à l'oeil nu...
L'hypertrophie des mains et des pieds ne porte pas seulement sur les
parties molles, elle atteint aussi les os; nous avons fait sur la main et le pied
conservés, une coupe longitudinale qui permet de ne conserver aucun doute
à cet égard; la même coupe, répétée sur une main et sur un pied d'un
homme de haute stature, nous a permis de constater que l'augmentation de
volume était générale; ainsi, par exemple, le calcanéum mesure au moins
un centimètre et demi de plus chez notre myxoedémateux que chez l'autre
sujet.
Ces ostéophytes, qui se sont développés partout où existe normalement une
saillie, sont plus marqués aux membres intérieurs qu'aux membres supé-
rieurs ; nous ne trouvons d'altération ni dans le canal médullaire, ni dans le
tissu spongieux.
Les cartilages du larynx (thyroïde, cricoïde, aryténoïde) sont ossifiés; les
saillies qu'ils présentent sont beaucoup plus indiquées qu'à l'état normal.
La main et le pied avaient été plongés aussitôt l'autopsie dans une solution
assez faible d'azotate de zinc qui leur avait fait subir une momification spé-
ciale ; depuis cinq ans elles sont placées dans du papier, celui-ci est constam-
ment sali par un liquide visqueux, très gluant, qui n'est pas du gras de ca-
davre, mais quelque matière colloïde, peut-être de la mucine transformée.
Quant au système nerveux, outre la présence de plaques ossiformes dans
les méninges rachidiennes, M. IIenrot constate à la hase de cerveau sur la
W.1'IO\IIC PATHOLOGIQUE DE L'ACROMÉGALIE. 7
ligne médiane aux lieu et place du corps pituitaire une tumeur ovoïde du
volume d'un petit oeuf de poule; le diamètre transversal le plus grand
mesure 42 millimètres, le diamètre longitudinal mesure 30 millimètres; elle
est limitée par les organes suivants (fig. 63, 64) : en avant le chiasma des
nerfs optiques qui est complètement aplati, et forme une large bandelette
rubanée ayant plus d'un centimètre et demi de largeur; son épaisseur est
réduite à 1 ou 2 millimètres; elle forme une vaste concavité en rapport de
configuration avec la tumeur. Sur les côtés, les lobes sphéroidaux du cer-
veau se sont excavés; en arrière, elle repose sur les pédoncules cérébraux.
Quoique régulière dans son ensemble, elle présente en avant et à gauche
une petite saillie arrondie qui semble surajoutée. C'est dans ce point que la
section a laissé une partie de la tumeur adhérente à la selle turcique.
La consistance est demi molle ; il la coupe on constate une partie antérieure
et une postérieure ne présentant pas le même aspect. - En la soulevant
avec précaution on voit ses connexions intimes avec la base du cerveau; elle
se continue directement par l'infundibulum jusqu'au tube cinereum qu'on
tiraille lorsqu'on exerce sur elle une légère traction. L'infundibulum est ré-
sistant, il est beaucoup plus développé que dans l'état normal. La glande
pinéale a au moins le double de son volume ordinaire.
L'examen microscopique a dû être fait au Collège de France, les résultats
n'en étaient pas encore connus lors de la publication de cette observation.
Dans celui fait à Reims, en attendant, on constata que le corps pituitaire
contient de grosses cellules ovalaires il un ou plusieurs noyaux, plus visibles
dans la glycérine et la solution de carmin que dans l'iode, la fuchsine et
l'acide acétique. -- L'hypertrophie du ganglion cervical supérieur du grand
sympathique porte plus sur la gangue crllnlruse que sur les éléments ner-
veux.
Fie. 03.
FIG. 6,
228 NOU'I.LL1. ICOWIGn \l'IIIE DE LA SAI.I'I : TBI1sBls.
Pour le grand sympathique, ce qui frappe tout d'abord, c'est une hyper-
trophie considérable de tous les ganglions et de tous les nerfs qui le constituent.
Portion cervicale. Le ganglion cervical supérieur gauche est très volu-
mineux; il a conservé sa forme, et mesure 45 millimètres de longueur, sur
15 millimètres de largeur.
Le filet carotidien a trois ou quatre fois le volume normal. En avant se
trouvent trois grosses anastomoses avec le pneumogastrique; en arrière trois
gros filets vont se jeter dans l'anse formée par la première et la deuxième
paires cervicales; de l'extrémité inférieure partent plusieurs rameaux : le
plus volumineux aboutit au ganglion moyen qui est placé très bas, immé-
diatement au-dessus du ganglion cervical inférieur; ce dernier étalé transver-
salement mesure 15 millimètres de largeur sur 40 millimètres de longueur.
Portion dorsale. - Le grand sympathique dans toute cette région forme
un cordon présentant au niveau des ganglions de légers renflements; il
mesure 5 millimètres de largeur dans certains points, G millimètres dans
d'autres. En avant on suit parfaitement les branches qui se rendent à l'aorte.
Vers la partie inférieure, il se partage en deux branches qui ont elles-
mêmes la môme importance que le tronc, 6 millimètres; le grand splan-
chnique est la continuation du sympathique. Ces cordons sont plus volumi-
neux que le pneumogastrique dans la région cervicale, ne mesurant que
4 millimètres. Au lieu de trouver une succession de ganglions réunis par des
filcls nerveux plus ou moins importants, nous ne trouvons qu'un gros tronc
nerveux irrégulièrement bosselé.
Portion abdominale. - Le grand nerf splanchnique gauche, après avoir
traversé les piliers du diaphragme, vient se jeter à l'angle supérieur gauche
du ganglion semi-lunaire; il se continue il plein canal à sa sortie du gan-
glion avec une branche volumineuse du pneumogastrique droit.
Le ganglion semi-lunaire et le plexus solaire mesurent 45 millimélres de
largeur sur 30 millimètres de hauteur; ils ne donnent aucune branche par
leur bord supérieur concave, mais par leur bord inférieur convexe ils four-
nissent de nombreux rameaux qui Suivent les arlèrcs mésenlérique supé-
rieure, coronaire stomachique, spléniqnc, etc...
Le grand sympathique du côlé droit quoique n'ayant pas été disséqué avec
le même soin est aussi hypertrophié que celui de gauche dans toutes les
parties que nous examinons.
DESCRIPTION DU 1,' SOUGI1 : 'I"I' D'UN zon AGT1011liGALIQUC
CONSERVÉ AU MUSÉE DE BOLOGNE ('l',\I1.UFFI) 1
l,uï31 Marehetli (squelelte du musée de l3olone) morl en 1808, à 117 ans.
était célèbre comme gros mangeur, aussi sou estomac fut-il conservé.
1. CcsareTaruffi. Délia macrosomia. Arvaali t ! '<;er. ! f[<tt.1MiCttta, 1810, t. CC\1.1 Il
et CCXLIX. 11 s'agit ici de la description d'un spécimen consenti au musée de Bolognc,
ce qui explique l'absence (l'observation clinique et d'examen des viscères, ,
ANATOMIE PATHOLOGIQUE DE L'ACROMÉGALIE. 220
Son squelette a une hauteur de 1 m. 770, soit 1m. 80 de taille de son vivant.
Crâne rétréci latéralement et allongé d'avant en arrière, décrivant une
courbe très régulière, sauf une dépression parsemée de nombreux foramina
au voisinage de la ligne sus-orbitaire.
Toutes les sutures ont disparu, sauf quelques traces de la sagittale et de
la coronaire.
La ligne semi-circulaire de la tempe est très saillante en avant.
Les surfaces d'insertions musculaires sur l'occipital sont très développées.
Les apophyses mastoïdes et styloïdes sont développées.
Les condylcs de l'occipital sont aplatis par suite d'une usure manifeste.
Les sinus frontaux sont extraordinairement dilatés, et la distance entre
l'apophyse crista galli et la glabelle est de deux centimètres.
L'écaille des temporaux est amincie, tandis que les autres os du crâne ont
une épaisseur ordinaire; cependant les bords de la gouttière du sinus longi-
tudinal se montrent surélevés par rapport à l'occipital, et la gouttière elle-
même dans toute son étendue présente de nombreux trous vasculaires; en
somme, tous les points de passage des vaisseaux et des nerfs à la base du crâne
sont notablement larges.
Quoique la face soit extraordinairement longue, elle n'offre pas une largeur
proportionnée, puisque les os zygomatiques ne sont pas plus grands qu'à
l'ordinaire (fig. 65, 66).
Les orbites ont une forme irrégulière, produite par ce fait que l'angle infé-
rieur externe s'abaisse davantage vers l'apophyse orbitaire de l'os malaire.
Les incisures sus-orbitaires sont très profondes, celle de droite est convertie
en un trou.
Les os nasaux sont longs et ont perdu toute trace de suture avec les apo-
physes ascendantes des maxillaires.
La lame perpendiculaire de l'ethmoïde et le septum cartilagineux (ossifié)
vont obliquement à droite jusqu'à la moitié de la cavité. olfactive, puis le
septum et le vomer retournent graduellement sur la ligne 'médiane pour se
soucier avec l'épine nasale, celle-ci fait une saillie notable au-dessus de l'arti-
culation des deux maxillaires entre eux et descend jusqu'à l'origine des
alvéoles.
Les maxillaires supérieurs sent longs de 88 millimètres, soit 22 de plus que
normalement; ils se creusent sous les orbites, se relèvent inférieurement et
sont saillants dans leur région alvéolaire, mais les fosses canines demeurent
très profondes de sorte qu'elles prennent la forme de gouttières.Les proces-
sus alvéolaires et les dents sont dirigés un peu en dehors, cependant leurs cou-
ronnes, particulièrement celles des incisives, au lieu de coïncider avec celles
des dents de la mâchoire inférieure ou de tomber en avant d'elles, se trom ent
placées en arrière, laissant entre elles et ces dernières un intervalle de 2 mill.
La voûte du palais est très haute.
Les apophyses ptérygoïdes ont un développement proportionné à celui des
mâchoires. '
230 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SAI,I)PTI11rRE.
A la mâchoire inférieure les têtes des condyles sont relativement minces
d'avant en arrière (6 très larges dans le sens transversal (22 mill.) et
tournés un peu en avant. Leurs collets présentent des modifications analogues,
et, en outre, leur face antérieure est concave avec un petit tubercule osseux au
bord externe.
Les processus coronoïdes sont amincis, tournés en avant et surpassent on
hauteur le plan des tètes des condyles de 12 mill.
Les deux branches verticales se montrent très agrandies mais plus en lon-
gueurqn'en largeur et leur bord postérieur ne forme pasun angle secontinuant
avec la portion horizontale, mais décrit une courbe qui se rehausse vers la
pointe du menton. Le bord lui-môme, quand il se réunit à la portion horizon-
tale, ne se continue pas avec celle-ci suivant un même plan vertical, mais
présente un accroissement de volume notable limité supérieurement par la
ligne oblique, ce qui, joint à la longueur extraordinaire des 2 branches verti-
cales, contribue à faire saillir le menton de 3 centimètres et demi hors du plan
de la ligne sus-orbitaire (fig. 67, 68).
Le corps du maxillaire inférieur au niveau des incisives a une bailleur de
19 mill., tandis qu'au niveau de la seconde molaire celte hauteur n'est que de
28 mill., d'où il résulte que le plan des incisives est supérieur d'environ
10 mill. à celui des molaires. - Le corps du maxillaire supérieur a en
outre sa face antérieure concave, mais les alvéoles- sont perpendiculaires.
Fin. 6 ? - Crâne normal vu de profil.
ANA'l'0\11G PATHOLOGIQUE DE L'ACROMÉGALIE. 231
Les deux trous mentonniers sont très larges. Les empreintes d'insertion du
digastrique sont très accentuées.
En l'absence de renseignements sur l'état de la face intérieure du crâne
dans la description de M. Taruffi, je m'adressai a mon distingué confrère et
ami le Dr Jules Melotti (de Bologne) et lui demandai s'il ne pourrait combler
cette lacune en examinant lui-môme cette partie du squelette. Voici les
résultats de son examen tels qu'il a bien voulu me les faire connaître en
juillet 1887 : « La selle turcique est considérablement agrandie en longueur,
largeur et profondeur, et cela aux dépens du sinus sphénoïdal qui a presque
entièrement disparu, ainsi que la gouttière qui reçoit l'entrecroisement des
nerfs optiques.
« Les mesures suivantes donnent l'idée de celte augmentation des dimen-
sions de la selle turcique :
232 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
« La distance entre les deux apophyses clinoïdes antérieures est presque le
tiers de la largueur lotale du crâne ; tandis que normalement elle n'en est
que le cinquième.
ANATOMIE PATHOLOGIQUE DE L'ACROIÉGAL E. 233
versai de G centimètres, soit 1 centimètre de plus que la normale pour l'une
et l'autre dimension, tandis que la hauteur est de 2 centimètres, ce qui est à
peu près la mesure ordinaire.
A la première vertèbre cervicale on remarque l'ossification complète des
bords du trou placé à la base de l'apophyse transverse pour le passage de
l'artère vertébrale, ce qui, à la vérité, n'est pas rare; mais en outre on voit
que le sillon supérieur destiné au passage de cette artère est converti en un
trou osseux.
Toutes les autres vertèbres cervicales ont le corps un peu saillant sur la
ligne médiane, les lames de l'arc postérieur raboteuses extérieurement, et les
apophyses épineuses plus ou moins bifides. '
Quant aux'vertèbres dorsales, la face antérieure du corps est poreuse, avec
de petites végétations osseuses au niveau des bords; les apophyses transverses
sont très rugueuses. 1 la douzième dorsale on constate l'existence de deux
tubercules irréguliers qui prolongent en arrière les apophyses articulaires
supérieures, analogues aux tubercules mamillaires de la première lombaire;
Fie. 68. - Crâne d'acromégaliquc vu de face.
"231' i' NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA b'AL1'Is'l'liILILE.
au contraire les apophyses transverses sont plus rudimentaires que normale-
ment.
Pour ce qui est de la colonne vertébrale, l'anomalie la plus importante
consiste dans l'existence d'une vertèbre surnuméraire située au-dessous de la
douzième dorsale. Cette treizième vertèbre dorsale porte à droite deu
facettes articulaires, l'une située sur la partie latérale du corps, l'autre sur
l'apophyse transverse correspondante, elles s'articulent avec la tête et la tubé-
rosité d'une côte surnuméraire longue seulement de 4 centimètres et très
grêle; à gauche il n'y a pas de facette articulaire sur les parties latérales du
corps, mais seulement sur la petite lame qui représente l'apophyse transverse ;
elle s'articule avec une côte rudimentaire longue de 2 centimètres. Cette
treizième vertèbre dorsale diffère de la douzième par le plus grand dévelop-
pement du corps, des tubercules mamillaires et de l'extrémité de l'apophyse
épineuse; celle-ci, outre qu'elle est notablement épaissie, est un peu plus
horizontale que l'apophyse épineuse située au-des&us d'elle; enlin les deux
apophyses transverses sont beaucoup plus étroites que celles de la douzième
dorsale.
Les cinq vertèbres lombaires n'ont de particulier que des dimensions plus
grandes de leurs facettes articulaires, et la présence de végétations sur les
bords de ces facettes. La dernière de ces vertèbres possède, en outre, des
apophyses transverses manifestement plus grosses que les autres, avec les
extrémités bifides, et forme un angle de 110° avec la première vertèbre
sacrée.
Le sacrum, de même que les autres vertèbres, est très gros sans que sa lon-
gueur soit proportionnellement accrue, sa concavité est plus prononcée qu'à
l'ordinaire, sa face convexe est très rugueuse; le coccyx, au contraire, a ses
vertèbres très réduites, et particulièrement la première.
Le thorax est ample et bien conformé ; le corps de la onzième vertèbre
dorsale est distant de l'appendice xyphoïde de 21 centimètres, et, de la moitié
de la huitième côte à la moitié de la même côte du côté opposé, la distance
est de 31 centimètres. La partie postérieure des côtes est grosse, arrondie
avec rehaussement des lignes obliques ; la parlie latérale est aussi plane que
d'habitude, mais beaucoup plus large et plus forte ; la largeur des septième,
huitième, neuvième côtes atteint 2 centimètres. - La portion cartilagineuse
est ossifiée jusqu'à la dixième côte. Le sternum a une longueur de 24 centi-
mètres soit environ 5 centimètres de plus qu'à l'ordinaire, sa grosseur esl pro-
portionnée à celle des côtes; en outre, la poignée est soudée au corps de l'os.
La clavicule et le scapulum sont, eux aussi, proportionnés aux dimensions du
thorax. l'our le second de ces os, la longueur du bord spinal est de 1 centi-
mètres, celle du bord supérieur est de 9 centimètres; en y ajoutant l'apophyse
coracoïde, il atteint 1 1/2; la longueur de l'épine scapulaire jusqu'à
l'extrémité de l'acromion est de 18 centimètres. Cette épine est très déve-
loppée et en partie renversée en bas. Le bord axillaire dans sa partie infé-
rieure s'allonge en forme de lame sur z13 millimètres.
ANATOMIE PATHOLOGIQUE DE L'ACROMÉGALIE. 235
Les os des membres supérieurs n'offrent pas un développement aussi
exubérant que les os du thorax; les humérus sont à peine plus gros (circonf.
8 centimètres) et pas plus longs qu'à l'ordinaire; leur gouttière de torsion
est très large et le tiers inférieur est un peu incurvé avec des bords très
rugueux, ce qui s'oberve aussi pour l'épitrochlée et la cavité coronoïde.
Les os de l'avant-bras sont légèrement plus gros, mais non plus longs que
normalement. Au cubitus, l'apophyse coronoïde est plus saillante, l'olecrane
est gros et rugueux extérieurement; le tiers inférieur dû cubitus présente
au contraire un rétrécissement en guise de col, la surface d'articulation de
sa tète avec le radius est un peu plus haute que d'habitude.
Le radius présente une tubérosité bicipitale concave et rugueuse tandis
qu'elle est ordinairement convexe et assez lisse.
Les os des mains n'offrent de particulier que l'accroissement de leur
volume et le rehaussement des bords des deux premières phalanges à la face
palmaire.
Le pelvis est bien conformé, ses os sont augmentés de volume avec des
rugosités analogues à celles déjà signalées pour d'autres os surtout dans les
points d'insertions musculaires, leurs dimensions sont proportionnelles à
celles des côtes et des vertèbres. La hauteur du bassin mesure 23 centimètres,
sa largeur entre les deux points extrêmes d'une crête iliaque à l'autre 30
centimètres. Le diamètre antéro-postérieur est de 97 millimèlres et le dia-
mètre transversal de 132 millimètres. Le plan du détroit supérieur a une
inclinaison de 32° seulement, ce qui est très inférieur à la moyenne admise
par Naegele (601).
Les fémurs sont très longs et très gros, dans leur tiers moyen ils ont une
circonférence de 105 millimètres (au lieu de 8G millimètres). Pas d'anomalie
dans leur forme, sinon la présence des aspérités déjà signalées. Cependant
l'angle du col avec la diaphyse n'a que 120", soit 51 de moins que la moyenne
(120° à 130°).
Les os de la jambe et du pied sont, eux aussi, volumineux, par exemple le
tibia a une circonférence de 95 millimètres à son tiers moyen, au lieu de
80 millimètres, mais ni le tibia ni le pied ne sont plus longs que normale-
ment.
AUTOPSIE DU MALADE DE L'OBSERVATION XI
('1'1 ès résumée) ' 1
(FnI'1SCIIE ET Bleus)
L'enveloppe cutanée du crâne est uniformément épaissie : 9 mill. il 1 cent.
Le tissu cellulaire sous-cutané est lâche, sans surcharge graisseuse; le
périoste n'est pas épaissi et se détache aisément des os.
1. Il ne sera question ici que de la description macroscopique; nous aurons dans une
autre partie de ce travail à revenir sur la description microscopique donnée par ces autours,
il. lu
z36 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.
La voûte crânienne, d'une forme ovale allongée avec partie frontale étroite,
se montre dans ses parties latérales notablement mince dans la fosse tem-
porale ; son épaisseur en certains points ne dépasse pas 1 mill. (fig. 69).
La partie occipitale, au contraire, est nettement épaissie jusqu'à 10 mill. ;
de même pour le frontal et la partie du pariétal voisine de la suture sagit-
tale; les sinus frontaux sont remarquablement larges. Les sutures sagittale
et frontale sont indistinctes, en partie soudées.
La surface interne des os du crâne se montre dans son entier lisse, mais
coupée par des empreintes vasculaires nombreuses et très profondes. A la
surface interne de la moitié gauche de l'écaille du frontal se trouvent de
nombreux dépôts ostcophytiques aplatis auxquels adhère la dure mère. Les
granulations de Pacchioni ne sont pas particulièrement abondantes.
Le sinus longitudinal est large. La pie-mère est tout à fait lisse et mince.
¡ ! G. (j0.
ANATOMIE PATHOLOGIQUE DE L'ACROMÉGALIE. 237
Les circonvolutions cérébrales sont d'une forme compliquée avec nombreux
plis de passage, le sillon de Rolando ne se montre nellement qu'à l'origine
de la scissure de Sylvius.
Le cerveau tout entier est évidemment augmenté de volume et d'une façon
uniforme. Son poids est de 1,800 grammes. Le pont de Varole mesure en
longueur 3 cent. 2; en largeur, au point d'émergence des nerfs trijumeaux,
4 cent. 5. Les gros ganglions centraux mesurent sur la coupe principale
(45" en arrière et en dehors de l'angle entre le corps calleux et le cerveau
proprement dit) 8 cent. 3, depuis l'extrémité antérieure du noyau caudé
jusqu'à l'extrémité postérieure de la couche optique.
L'écorce cérébrale est mince, en lout cas elle n'est pas épaissie. Les ven-
tricules latéraux, un peu élargis; contiennent un sérum clair.
Les grosses artères de la base du cerveau se montrent notablement larges;
quant aux vertébrales, la droite seule est fort développée. La basilaire est
particulièrement large, ses parois sont uniformément épaissies.
Les nerfs crâniens sont en général plus développés que normalement.
L'augmentation de volume est surtout notable pour la 3e paire et pour les
nerfs optiques. Ces derniers sont comprimés latéralement par une tumeur
de la grosseur d'une noisette qui remplit la selle turcique dilatée et forme
au-dessus de celle-ci une saillie hémisphérique; le nerf optique droit est un
peu plus comprimé que le gauche, il est fortement aplati, et, lorsqu'on le
détache de la tumeur il se présente sous la forme d'un ruban plat d'un cent.
de-largeur; le nerf optique gauche est encore arrondi, son diamètre est de
6 mill. La tige de l'infundibulum est nettement augmentée de volume, elle
se juxtapose comme une large lame jaunâtre à la partie latérale droite de
la tumeur.
La tumeur de l'hypophyse (extirpée avec une partie du sphénoïde) se
présente comme une masse extrêmement molle, liquide à l'intérieur, en-
veloppée d'une membrane mince riche en vaisseaux dans laquelle se prolonge
l'infundibulum. La paroi postérieure de la selle turcique est transformée
eu une laine osseuse mince avec revêtement normal de dure mère. En avant,
la lame non modifiée de l'ctlimo'ide limite la tumeur. Le fond de la selle
lurcique est plus profond, à part cela non modifié; il n'existe aucune com-
munication avec la cavité du sphénoïde. La muqueuse pharyngée est for-
tement tuméfiée, gorgée de sang, couverte d'un mucus visqueux; cette tumé-
faction rétrécit notablement le calibre du pharynx ; les cornets fortement agran-
dis, recouverts d'une muqueuse d'un rouge sombre, y font une saillie assez
marquée. Le revêtement muqueux des fosses nasales ne semble pas modifié.
Le globe de 1 aeil aussi semblait augmenté de volume (diamètre horizontal
2 cent. 5; diamètre longitudinal 2 cent. 4).
Les cartilages costaux sont d'une largeur et d'une épaisseur extraordinaires,
mais d'une forme régulière; au niveau de leur insertion aux os ils sont plus
élargis, ce qui donne un peu l'aspect du chapelet rachitique.
Les pneumogastriques au cou sont régulièrement, épaissis, il peu près du
;¡8 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA S.1L1'GfItIUItE.
wlurnc d'un médian normal. Les sympathiques sont aussi un peu plus gros
que normalement. Les carotides extraordinairement larges, avec des'parois
régulièrement épaissies.
Coeur gros, très mou, la mitrale et la tricuspide admettent 3 doigts; poids
du coeur 550 gr.
Circonférence de la mitrale 1, de la lriscupiùe 11 cent. Longueur du coeur
de sa pointe l'issue de l'artère pulmonaire = 13 cent. 3. Ses cavités sont très
larges, sa musculature vigoureuse, les muscles papillaires fortement allongés.
Les artères ont un diamètre très augmenté (les auteurs insistent beaucoup
sur ce point et entrent dans de grands détails). -
Le thymus 'est remarquablement développé; il forme une masse trian-
gulaire se prolongeant en haut sous l'aspect d'un cordon jusqu'au corps
thyroïde, dont la parlie principale est longue à gauche de 13, il droite de
11 cent. et dont la base mesure 9 cent. ; son épaisseur est d'environ 1 cent.
Le larynx, le corps thyroïde, la langue sont tous trois régulièrement aug-
mentés de volume, mais sans altérations. Les glandes de la racine de la
langue un peu luméfiées.
lutte notablement augmentée de volume; longueur 18, largeur 13, épais-
seur G et demi. Poids 750 gr., consistance ferme.
Rein gauche très gros '1 cent. 0 et 4 cent. 5; poids 325 gr.
Rein droit un peu moins gros, poids 275 gr.
Capsules surrénales très amincies, la substance corticale ne consiste qu'eu
une mince couche jaunâtre; la substance médullaire est un peu plus abondante.
Foie gros, lourd, 2,800 gr., vaisseaux portes larges et remplis de sang
noirâtre. Largeur 32 cent.
Estomac très large, muqueuse très plissée.
Ganglions mésentériques légèrement augmentés de volume, un peu rouges.
Dans l'intestin grêle beaucoup de mucus, follicules tuméfiés.
Vessie et prostate sans modification,
Testicules de volume moyen, pâles et mous.
AUTOPSIE D'UN CAS OBSERVÉ PAR M. LANCER EAUX 1
Aplatissement du front; hypertrophie des os du crâne, cerveau petit,
tumeur du corps pituitaire du volume d'un petit oeuf de poule. Agrandis-
sement de la cavité pituitaire. Selle turcique : communication probable avec
le sinus sphénoïde. Un liquide blanc dû a des éléments altérés s'en écoule;
1. Il s'agit d'une femme qui, pendant sa vie, avait été considérée commc atteinte de
cachexie exophtalmique. Quelques détails de l'autopsie rapportés dans le Traité d'Ana-
tomie pathologique de ,,1. Lanccrcaux (t. 111, 1" partie, p. z0) m'avaient frappé, et j'avais
pensé qu'il pourrait bien s'agir d'un cas le fis part do mes doutes 11. Lau-
cereaux yni, avec une libéralité à laquelle je suis heureux do rendre hommage, voulut mou
rechercher dans ses notes et me donner les renseignements complémentaires consignés
dans cette relation d'autopsie, renseigncmonb qui rendent absolument ccrtain le diagnos-
tic rétrospectif d'acromégalie.
ANATOMIE PATHOLOGIQUE DE L'ACROMÉGALIE. 239
il reste une membrane cellulaire très vasculaire; dépression du cerveau au
niveau de la tige pituitaire; lobes antérieurs petits.
Hypertrophie du tissu cellulaire du fond de l'orbite et de la graisse.
Exophtalmie considérable, yeux assez sains. Hypertrophie du nez, des
paupières, des lèvres surtout, et des principaux os de la face, plus parti-
culièrement du maxillaire inférieur. Les dents sont écartées comme si elles
n'avaient pu suivre le développement de la mâchoire; elles sont assez ré-
gulières il leur extrémité libre. Mamelles très développées. Ossification des
carlillages costaux; qoitrine bombée en avant comme dans les déformations
rachidicnncs. Corps thyroïde : volume hypertrophié renfermant de petites
tumeurs arrondies, les unes jaunâtres et constituées par des éléments glan-
dulaires, ce ne sont probablement que des vésicules closes, les autres ren-
ferment une sérosité comme gélatineuse; enfin on en trouve qui contiennent t
du sang ou mieux un liquide brunâtre sanguinolent.
Voix rauque. Larynx large, ossifié. Quelques lobules des poumons hépatisés
à la base; oedème, liquide dans les plèvres. Hypertrophie avec dilatation con-
sidérable du coeur, cavité ventriculaire gauche très dilatée, paroi un peu
épaissie; coloration jaunâtre; fibre musculaire très granuleuse. On trouve
cependant encore un grand nombre de fibres striées ; cavité droite dilatée ;
orifice droit idem', mais moins que le gauche qui admet les doigts.
Hypertrophie de la paroi des oreillettes. Foie : a son lobe droit doublé ou
triple de volume; il la partie supérieure et moyenne une dépression froncée
capable do contenir un oeuf de pigeon. Lobe gauche très petit, atrophié,
épaississement des cloisons fibreuses, points blanchâtres assez analogues à
des trames d'anciennes tumeurs. Cellules petites granuleuses, quelques-unes
graisseuses. Tissu conjonctif abondant.
Rate, dure, volumineuse 15-18 cent. Reins, augmentés de volume, presque
le double des reins normaux; tunique fibreuse assez adhérente, surface un
peu irrégulière; teinte jaunâtre, consistance très ferme. Altérations grais-
seuses des cellules épithéliales, tissu conjonctif abondant, quelques petits
kystes. Hypertrophie de la paroi de l'estomac. Utérus très petit. Ovaires du
volume d'un petit oeuf de pigeon.
Membres supérieurs et inférieurs normaux; les supérieurs sont plus
volumineux relativement que les inférieurs, de telle sorte que l'excès de
nutrition somblait plutôt appartenir aux parties supérieures.
L'état des dents, de la mâchoire, du foie, semble nous fairc supposer une
syphilis héréditaire qui aurait donné lieu dans ce cas il un excès au lieu
d'un défaut de nutrition.
SQUELETTE D'ACItO\IÎ : GALIC 1
Ce syuclclle est celui de l'obs. II du mémoire de Marie (Héron, veuve
1. A. Broca. - Un squelette d'acromégalie. - Archives générales de médecine, dé-
cembre 1888.
2111 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
Beaufils, 54 ans, lingère). La ilialade-étalit morte, il y a environ deux ans,
dans le service du professeur Charcot, mon excellent ami Marie m'a chargé
d'étudier son squelette, j'en donnerai une description aussi complète que
possible; trop longue sans doute, trop minutieuse et trop ardue. Mais on
n'oubliera pas qu'il s'agit d'une maladie encore mal connue sous beaucoup
de rapports, pour laquelle on en est à la phase d'observation simple. Il est
donc permis de n'omettre aucun détail, au risque de paraître fastidieux.
Face externe du crâne. Les sutures, ne sont nullement ossifiées. Au
niveau de l'occipital, de l'apophyse mastoïde, du rocher, toutes les rugosités
et crêtes musculaires sont très marquées. Les apophyses mastoidesfont un
relief considérable et sont creusées en dedans d'une rainure digastrique très
profonde. Hauteur de la face externe 40 mill., entre le sommet et la ligne
horizontale qui prolonge en arrière la racine transverse de l'apophyse zygo-
malique : 14 mill. au-dessus du bord interne de" la rainure digastrique.
Largeur entre le trou auditif externe et le trou mastoïdien 38 mill. Diamètre
transversal à la base, 2 i. mill. à droite et 22 mill. il gauche.
Les condyles de l'occipital sont à peu près normaux quoiqu'un peu bos-
selés ; ils sont entourés d'élevurcs spongieuses.' ;
La.' cavité gléto'ide dit, temporal a une forme anguleuse, le sommet de
l'angle étant formé par la scissure de Glaser. Le bord inférieur de l'apophyse
vaginale est à 20 mill. au-dessous de cette scissure; la racine transverse, il
15 mill. La dépression située derrière la racine transverse (cavité glénoide
proprement dite) est presque verticale (racine transverse : longueur 33 mill. ;
épaisseur 7 mill.). La paroi supérieure de la fosse zygomatique est plus
ascendante que normalement. Les apophyses stylo'ides dépassent de 25 mill.
le bord inférieur de l'apophyse vaginale; elles ne sont distantes que de 16 mill.
du sommet du crochet de l'aile interne de l'apophyse ptérygoïde. Cette aile
est certainement élargie (25 mill. entre la bifurcation des deux ailes et le
sommet du crochet). Les crêtes des insertions musculaires à ces apophyses
ptérygoïdes sont très marquées.
PIERRE Marie.
(A suivre.)
LE MIRACLE OPÉRÉ
SUR MARIE-ANNE COURONNEAU LE 13 JUIN 1731 1
Les observations que nous ont transmis les anciens auteurs, particu-
lièrement en ce qui regarde les malades du système nerveux, ne sont
pas toujours faciles à utiliser. Les symptômes principaux sont souvent
laissés dans l'ombre, alors que les détails d'un intérêt tout à fait secon-
daire sont placés en pleine lumière et déroutent l'exégèse médicale.
Ce qui nuit encore singulièrement à l'interprétation des faits c'est
que l'observation est dans la grande majorité des cas tellement noyée
au milieu de théories touffues que, si l'on voit bien ce qui appartient
au théoricien suranné, on ne discerne plus par contre ce qui est
l'expression même de la nature toujours une à travers les siècles.
Toutefois, il est des maladies dont certaines manifestations sont si
spéciales, si tranchées, que celui qui les considère est véritablement
forcé « d'observer comme une bête», et de ce nombre bien souvent,
pour ne pas dire toujours, se trouve l'hémiplégie hystérique.
Todd en a donné une description que M. Charcot a rendue classique,
en y ajoutant encore l'étude du spasme glosso-labié qui l'accompagne
si souvent. Nous la reproduirons bientôt sous forme de comparaison
en interprétant le « Miracle opéré sur Marie-Anne Couronneau frappée
de paralysie sur tout le côté gauche... privée de l'usage de la parole,
au point de ne pouvoir prononcer aucun mot bien articulé, guérie en
un moment sur le tombeau de M. de Pâris, le 13 juin 1731 0.
Carré de Montgeron, qui rapporte ce miracle, bien que n'appartenant
pas au corps médical, n'était pas néanmoins un observateur ordinaire.
Il savait solliciter les récits des témoins oculaires, y joignait les certificats
médicaux et entourait chaque relation du fait qu'il considérait comme
miraculeux de pièces justificatives dont la lecture est des plus instruc-
tives. De plus, il est absolument certain que la plupart des magnifiques
planches qui ornent son ouvrage, ne furent pas dessinées, de mémoire,
1. La Vérité des miracles opérés par l'intercession de M. de Paris et autres appelons...
par M. Carré de Montgeron, conseiller au Parlement de Paris, t. 1 ? Nouvelle édition revue
et augmentée par l'auteur. Cologne, 1745.
242 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.
de « chic », comme on dit en style d'atelier, car beaucoup d'entre elles
sont l'expression exacte delà nature prise sur le fait.
De ce nombre est la gravure que nous reproduisons (pl. XL) et qui
seule, en dehors de tout autre document, permettrait presque au diag-
nostic de s'établir sur des bases solides. , '
Aussi, pour toutes ces raisons, suivrons-nous pas à pas, le « récit »
qu'il donne « tiré des pièces justificatives » n'intervenant que pour
interpréter les faits qui s'y trouvent exposés.
«Marie-Anne Couronneau naquit à Saumur en 1063, d'un des plus
riches marchands delà ville, mais malheureusement infecté du venin de
l'hérésie. LaProvidence qui avoit des desseins de miséricorde sur cette
fille,' eut soin de la soustraire à ses parents dès ses plus tendres années
pour la confier à des personnes charitables qui lui firent sucer avec le
lait la doctrine de la vérité, et qui l'élevèrent dans les maximes de la
piété la plus pure.. Cependant, cette main de miséricorde dont rien
n'est digne que ce qui est éternel, en même temps qu'elle répandit sur
elle avec profusion les dons de la grâce, la priva de ceux delà fortune.
La .Couronneau'se soumit volontiers à cette épreuve, aimant mieux
vivre dans la. pauvreté que d'habiter sous le pavillon des pécheurs.
Elle'préféra la condition de servante dans un pays catholique, à celle
de riche bourgeoise dans le sein de l'hérésie, et refusa toujours cons-
tamment d'aller trouver ses parents en Angleterre. »
Il est facile de s'imaginer ce que dut être, dans ces conditions, la vie
physique et l'état mental de cette malheureuse « d'un tempérament
toujours' assez faible et assez infirme dans sa jeunesse », que le fana-
tisme'religieux avait enlevée aux soins et à la tendresse de ses pa-
rents exilés. Nul doute que les souffrances morales qu'elle éprouva
durent influencer défavorablement sa constitution débile et favoriser
l'explosion d'accidents qui à la vérité furent tardifs, car au moment
de leur apparition elle était âgée de soixante-sept ans. Il est vrai que
nous ignorons s'il'n'en avait pas existé antérieurement d'autres de
même nature.
« Le 1" novembre '1730, une attaque d'apoplexie, lui ôtant en un
moment l'usage de la parole, la connaissance et les forces, lui annonce
l'étal fâcheux où elle va bientôt être réduite. Une saignée, l'émétique
et deux autres médecines la soulagent un peu. Le mal ne dominoit pas
encore; l'art et la nature travaillèrent de concert à en retarder la
maligne impression; les forces revinrent mais non en leur entier : sa
parole resta fort engagée, néanmoins elle pouvait encore se faire
entendre. Mais huit jours après, revenant de l'Hôtel-Dieu où elle avait
eu sa première attaque, et passant sous le petit Châtelet, elle est saisie
NOUVELLE cdvoce.»u1r
T. Il, PL. 71. 1
LECnOSNlER ET BADE, ¡;;01T&UnS
MIRACLE OPÉRÉ SUR MARIE-ANNE COURONNEAU. 213
tout à coup d'un froid glaçant et d'un engourdissement sur tout le côté
gauche qui lui laisse à peine le moyen de se traîner jusque dans une
maison voisine où elle a des mouvements convulsifs si violents qu'ils
lui ôtent de nouveau l'usage de la parole. On a toutes les peines
possibles à la ramener chez la demoiselle Jeanne Garnier, sa charitable
maîtresse ; on emploie derechef l'émétique, on a recours il des saignées
du bras et du pied, et à plusieurs autres remèdes qui adoucissent la
violence du mal sans le guérir. Tous ces secours ne peuvent empêcher
que la difficulté à parler et à marcher ne fût encore beaucoup plus
grande qu'après la première attaque... En effet, après quelque temps
la maladie empire à vue d'oeil, le peu de force qui lui reste diminue
tous les jours et semble s'éteindre peu à peu. Enfin, le 19 décembre de
la même année 1730, sa maîtresse s'aperçoitque sa langue est encore
beaucoup plus engagée qu'à l'ordinaire, ce qui la détermine à la faire
conduire à l'Hôtel-Dieu où elle a une soeur religieuse.
« A peine notre malade y est-elle que, sans perdre de lemps, M. Seron,
médecin de cet Hôpital, lui fait prendre l'émétique. Il ajoute coup sur
coup la saignée de la gorge à celles du bras et du pied. Il met tout en
oeuvre pour sa guérison, mais tous ces remèdes n'ont d'autre effet que
de lui ôter le peu de force qu'elle avoit encore. M. Seron est si convaincu
qu'ils ne font que fatiguer la malade en pure perte qu'il les fait tous
cesser, et comme on ne garde point de malades incurables dans cette
maison, le G janvier 1731 on avertit sa maîtresse de venir la reprendre.
« Mais comment Iransporter les membres froids et perclus de cette
impotente ? Les nerfs et les muscles de la jambe gauche se trouvent
tellement relâchés que cette jambe pend beaucoup plus que la droite
et qu'il, ne lui est plus possible, non seulement de s'appuyer dessus,
mais même de la lever; et tout son côté gauche étant en paralysie, elle.
ne peut presque plus tirer aucun secours de sa main. Sa charitable
maîtresse l'embrasse, la soulève, et la malade se soutenant un peu
sur sa jambe droite, se servant d'une canne qu'elle tient du même côté,
se fait ainsi traîner jusqu'au bout de la salle.
« Arrivée au bord du degré, la difficulté devient cncore'beaucoup plus
grande. Le secours de trois personnes suffit à peine pour la transporter
jusqu'à la chaise qui l'attend à la porte ; deux la prenant sous les bras
lui soutiennent tout le corps, et une troisième lui porte en l'air son
pied gauche pour l'empêcher de se briser en tombant sur les degrés
de marche en marche. Sa langue est presque aussi percluse que tout le
côté gauche de son corps : elle ne peut plus former que quelques
demi-mois mal articulés qui, joints à ses gestes et au mouvement de
ses lèvres, donnent plutôt a deviner qu'à entendre ce qu'elle veut dire ;
211 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
et ce peu de syllabes mal prononcées lui coûte encore des efforts si
extraordinaires, qu'elle fait une véritable peine à tous ceux qui la
voient.
«Tel étoit l'état déplorable où la paralysie avoit alors réduit la Cou-
ronneau. Elle étoit complète, disent les maîtres de l'art, sur la cuisse,
la jambe et le pied gauche, et incomplète sur la langue, sur le bras et
sur le reste de ce côté. Aussi conserva-t-elle quelque mouvement dans
le bras gauche qui même se fortifia un peu ; mais elle se trouva dans
l'impuissance absolue de faire aucun, usage de sa jambe qui étoit
toujours d'un froid glaçant et d'une insensibilité entière, et il ne lui
fut plus possible de se faire entendre excepté dans quelques intervalles
passagers, où elle articuloit quelques mots il force d'efforts et de
contorsions... Obligée de rester sans cesse assise dans un lit ou dans
un fauteuil, elle est bientôt toute écorchée par la continuité de cette
situation.
« La nàlme ingénieuse à se procurer les soulagements nécessaires et
la piété de la malade encore plus active que la nature, et qui la portoit
à souhaiter avec ardeur d'aller à l'église, lui firent quelque tems
après trouver des secours que son état lui refusoit... Son génie lui
fournit enfin l'industrie d'une mécanique admirable. Ayant fait
connaître qu'elle souhaitoit des lisières, elle en fait un étrier par lequel
elle soutint en l'air' son pied paralytique. Elle se fait attacher cet
étrier avec des bretelles, qui portant sur ses deux épaules s'accrochoient
à sa ceinture, et soutenoient ainsi son pied gauche, pendant que tout
son corps étoit pendu sur ses deux béquilles; mais, cela ne suffisant
point encore, elle joignit à tout, cet attirail une seconde lisière qui
tenoit à sa jambe gauche et qui étoit passée autour de son bras droit,
par le moyen de laquelle tirant en avant sa jambe gauche de toutes
ses forces avec sa main droite, elle faisait avancer son côté gauche par
une violente secousse. Mais, pour lui donner ce mouvement forcé, elle
étoit obligée de se renverser en arrière, et de faire des contorsions et
des grimaces si affreuses, qu'elles faisoient horreur à tous ceux qui la
voyoient...
« C'est dans ce déplorable état que la Couronneau, mettant toute sa
confiance dans celui qui sait ranimer les morts, prend la résolution, le
26 mars 173 ), de se transporter aSaint-Médard pour demander à Dieu
sa guérison par l'intercession du saint Diacre. »
Elle se met en route, à pied, dès la pointe du jour« avecson attirail
de béquilles et de lisières », refusant une voiture que lui offrait sa
maîtresse, et pensant par cette mortification se rendre le saint plus
propice... «Elle n'arrive à Saint-Médard que vers les dix heures : elle
MIRACLE OPÈRE SUR MARIE-ANNE COURONNEAU. 21
y contente sa ferveur et sa piété par une prière de deux heures. » Mais
l'heure de la guérison n'avait pas encore sonné. Elle revient chez elle
le soir à huit heures exténuée de fatigue. « Sa main droite dont elle
avoitété obligée de se servir sans cesse en est tellement foulée, qu'elle
en perd entièrement la force pendant près de trois semaines. » Elle
modifie son appareil de traction à l'aide d'une nouvelle lisière et à la
fin du mois d'avril entreprend un nouveau voyage.
« Ce second voyage lui procura quelque soulagement : un peu plus
d'action dans son bras paralytique sans cependant aucune sensibilité,
un peu moins de peine à prononcer quelques syllabes, qui ne pouvoient
cependant être entendues que par ceux qui étoient accoutumés à deviner
par signes ce qu'elle vouloit dire... Au reste, sa main et sa jambe
gauche restèrent toujours dans'le même état sans aucun mouvement
et sans aucune sensibilité, jusqu'à ne pas s'en apercevoir quand on y
enfonçoit des épingles... Elle est restée dans ce déplorable état jusqu'au
13 juin suivant. » ,
Sur ces entrefaites sa maîtresse, pour laquelle elle a une profonde
affection, tombe malade. La voici doublement désespérée, incapable
qu'elle est d'être utile à celle qui la comble de bontés. '
Aussi notre paralytique, ce se sentant vivement portée à exécuter son
entreprise, part le 13 juin, de grand matin, munie de ses béquilles et de
tout son équipage. La peine extrême qu'elle eut à se traîner jusqu'à
Saint-Médard ne la rebute point. En arrivant, elle prie par signes et en
bégayant qu'on la soutienne pour baiser la tombe : on s'offre à l'y
coucher, elle accepte avec joie. Aussitôt la froideur de ce marbre
allume en son coeur la ferveur et la confiance ; elle en profite pour
faire une ardente prière à Dieu et à son fidèle serviteur... elle y répand
son coeur avec une effusion sans bornes, elle arrose ce sanctuaire de
bénédictions d'un torrent de larmes.
« Tout à coup, au milieu des transports de son ardente prière elle sent
un serrement et un mouvement dans le talon de sa jambe paralytique
qui est le signe aussi bien que l'impression salutaire de la main de
Dieu sur elle... elle recommence ses prières avec plus de ferveur que
jamais. Dans ce moment, on la retire de dessus le tombeau pour faire
placé à d'autres malades : on l'arrache malgré elle de cet autel déposi-
taire de ses voeux, et on la remet sur ses béquilles dont on présumoit
qu'elle avoit encore besoin...
o A peine notre miraculée a-t-elle fait quelques pas qu'elle sent en
elle-même une légèreté extraordinaire dans tout son corps accompagnée
de frémissements dans tout le côté paralytique ; ce qui,la jette d'abord
dans la surprise et l'étonnement. Elle s'aperçoit peu après qu'elle se
4G NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
soutient sur son pied paralytique qui a recouvré toute son action et
toutes ses forces, elle lève ses béquilles en l'air et avance à grands pas,
elle marche si vite qu'elle eût pu, dit-elle, suivre un carrosse, et, en un
moment elle se trouve à la porte de la maison de sa maîtresse si émue
et si hors d'elle-même qu'elle ne se connaît plus et qu'elle ne peut
comprendre comment elle a pu faire en si peu de temps un si long
trajet... Cette langue quinepouvoit que bégayer s'énonce parfaitement
avec la liberté la plus entière ; ce bras privé de tout sentiment et de
presque tout mouvement agit avec facilité et avec force ; cette cuisse,
cette jambe et ce pied qui n'éloient plus pour elle qu'un poids lourd et
accablant et qui depuis plus de six mois ressembloient mieux aux
membres d'un cadavre qu'à ceux d'un corps animé, se trouvent pleins
d'une vigueur très supérieure à l'âge de notre miraculée, et aux forces
qu'elle avoit avant sa maladie. »
Les médecins qui avaient déclaré la malade incurable quelques
jours auparavant encore « ne peuvent s'empêcher de reconnaître
l'oeuvre de Dieu ». Dès le lendemain, elle se hâte de courir d'un bout .
à l'autre de Paris et de se montrer à toutes les personnes de sa con-
naissance.
« Depuis ce jour elle jouit d'une santé plus forte, plus agile, plus
vigoureuse que jamais et non seulement supérieure à son âge présen-
tement de soixante-seize ans et aux forces de son tempérament qui
avoit toujours été assez faible et assez inférieur dans sa jeunesse,
mais elle est devenue infatigable : elle court depuis le matin jusqu'au
soir pour visiter tous les malades qu'elle peut connaître, et qu'elle
tâche de soulager. Elle en portoit sur ses épaules jusque sur le tom-
beau du saint Diacre, lorsque ce cimetière n'étoit pas encore fermé.
« C'est ainsi que Dieu - ajoute Carré de Montgeron - après avoir
éprouvé la foi de sa servante, a voulu la récompenser d'une manière
magnifique, et nous faire connaître par cet exemple que la foi, la
charité et la reconnaissance, obtiennent tout de sa miséricorde. »
Après la lecture de cette observation si bien exposée dans ses
moindres détails par Carré de Montgeron, il ne faut pas, croyons-nous,
être grand clerc en pathologie nerveuse pour porter chez Marie-
Anne Couronneau le diagnostic d'hémiplégie hystérique. Toutefois, il
nous paraît nécessaire d'insister encore quelque peu pour éclaircir
certaines particularités de ce fait du plus haut intérêt historique et
pathologique.
Nous ne reviendrons pas sur les antécédents héréditaires et pa-
thologiques de la malade, fille d'exilés par fanatisme religieux, fana-
tisée elle-même au point de renier pour ainsi dire ses parents.
MIRACLE OPÉRÉ SUR oI.1li11 ? t\B t;OUllUV\ ? 1U. 217
La voici donc arrivée - sans encombres nous l'ignorons - à l'âge
de soixante-sept ans, et c'est à cet âge relativement avancé que vont sè
montrer les symptômes les plus caractéristiques de l'hystérie.
Ici nous devons nous arrêter quelque peu, car on ne manquera cer-
tainement pas de nous objecter que les manifestations de la névrose
sont rares à cet âge.- Nous souscririons volontiers à cette opinion,
mais pour être rares ces manifestations ne sont pas exceptionnelles
à cette époque de l'existence, et nous observons encore en ce moment
à la Clinique une femme de soixante-dix ans, Aurél... qui, depuis plus
de quarante ans, est porteuse d'une hémianesthésie hystérique. Pour
être rares, nous le répétons, ces faits n'en sont donc que plus inté-
ressants.
Le 'lor novembre 1730 survient une attaque d'apoplexie non suivie
de paralysie, qui laisse la parole embarrassée; huit jours plus tard
nouvelle attaque cette fois accompagnée de « mouvements convulsifs,
très violents'». Puis une hémiplégie gauche se déclare presque instan-
tanément et, de ce fait, elle est transportée à l'IIôtel-Dieu, où l'on con-
state l'état suivant :
Paralysie incomplète du bras gauche ; par contre le membre in-
férieur est tellement atteint « qu'elle le laissoit pendre et traîner le
long des pavés ». Tout ce côté est « sans aucune sensibilité jusqu'à ne
pas s'en appercevoir quand on y enfonçoit des épingles ».
Là langue est prise ; la malade n'est pas muette au vrai sens du
mot, elle peut encore parler mais très difficilement, l'articulation des
mot est surtout difficile. Lorsqu'elle veut communiquer par la parole,
elle fait des efforts sans nombre; de plus, la physionomie est toute
particulière « ayant le visage tout tourné et faisant des contorsions et
grimaces effroyables qui faisoient grande pitié à ceux qui la re-
gardoient ».
En résumé, attaque convulsive violente, suivie d'une hémiplégie
gauche flasque avec hémianesthésie; déviation très accentuée des
traits s'exagérant encore au moment d'émettre un son articulé.
Ces phénomènes, survenus le 1er novembre 1730, sont permanents
le 13 juin 1731 époque à laquelle, remarquons-le, l'hémiplégie est
aussi flasque que le premier jour.
En ce qui regarde les accidents conuilsifs du début, ou ils sont
d'origine purement nerveuse, hystérique, ou ils sont d'origine orga-
nique, sous la dépendance par exemple d'une hémiplégie cérébrale.
Cette dernière hypothèse doit être éliminée, car la clinique nous a
appris depuis longtemps que l'hémorragie cérébrale qui s'accom-
pagne au début de phénomènes convulsifs est presque toujours mors
248 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPls1'RIRE.
telle et à très bref délai. La malade ne reprend .même pas connais-
sance, car dans tous les cas il y a de très larges désordres, inondation
ventriculaire ou irritation des méninges périphériques par. un épan-
chement très abondant. z
L'hémianesthésie s'observe parfois lors de lésions de la partie pos-
térieure de la capsule interne entraînant avec elles l'hémiplégie ;
mais ce sont là des faits rares, dont on cite une à une les observations
suivies d'autopsie. Dans l'hémiplégie hystérique, au contraire, l'hémia-
nesthésie est la règle et non l'exception.
Mais ce qui ne se voit presque jamais nous pouvons dire jamais
- dans l'hémiplégie organique et partant incurable, c'est cette flacci-
dité absolue et permanente du membre inférieur paralysé, dont Marie-
Anne Couronneau présentait un si bel exemple. -
Après le temps ordinairement passé au lit à la suite de l'ictus apo-
plectique, lorsque la malade commence à se lever, déjà la dégéné-
rescence du faisceau pyramidal a commencé, et nous avons démontré
dans notre thèse inaugurale qu'au moment précis où, dans l'hémi-
plégie organique, la marche commençait à pouvoir s'effectuer, le
membre inférieur était déjà, devenu raide par suite de la contracture
fonction de cette dégénérescence. C'est à cette raideur même que les
malades, doivent de trouver un point d'appui, indispensable pour la
progression sur le membre paralysé.
Par contre, la flaccidité absolue du membre inférieur est la caracté-
ristique de l'hémiplégie hystérique et en lisant la description suivante,
empruntée à Todd 2, ne se croit-on pas en présence de l'observation de
M.-A. Couronneau. « La malade, dit le célèbre médecin anglais, traîne
après elle le membre paralysé comme s'il s'agissait d'une pièce de
matière inanimée; pendant qu'elle marche, le pied balaye le sol; cela,
je pense, est caractérisque de la paralysie hystérique ».
N'oublions pas- que le 1 juin 1731, plus de huit mois après le
début de la paralysie, le membre inférieur de M.-A. Couronneau était
aussi llasque que le premier jour et concluons qu'il ne pouvait s'agir là
d'une hémiplégie organique. -
Carré de Montgeron nous apprend encore que la malade « obligée de
rester sans cesse dans un lit ou dans un fauteuil fut bientôt toute
écorchée par la continuité de cette situation ». On ne songera pas qu'il
s'agissait dans la circonstance des eschares du « decubitus acutus »
'ï 1 .
1. hludes cliniques et physiologiques sur la marche. - La marche dans les maladies du
système nerveux étudiée par la méthode des empreintes. Paris, 1885.
2. Clinical lectures ou I)aralyis, 2° éd., Londres 1856, p. 20. Gilles de la Tourette,
L'attitude et la marche dans l'hémiplégie hystérique. Nouvelle Iconographie, 1868, t. 1",
\J. 1.
MIRACLE OPÉRÉ SUR MARIE-ANNE COURONNEAU. 219
indice d'un foyer hémorragique le plus souvent mortel. Ces lésions se
montrèrent peu à peu et si, à la vérité, on les rencontre rarement'
comme cortège de l'hémiplégie hystérique, il faut ajouter immédiate-
ment que M.-A. Couronneau était âgée de soixante-sept ans et que le
simple séjour au lit un peu prolongé à cet âge, à propos de n'importe
quelle maladie, amène rapidement des excoriations par suite de la
faible vitalité des tissus comprimés. '
' Du côté de la face, notre malade présentait encore des phénomènes
du plus haut intérêt. Le certificat du « sieur David, libraire et impri-
meur » nous apprend « qu'étant paralytique de tout son côté gauche
elle avoit le visage tout tourné et faisoit des contorsions et grimaces
effroyables qui faisoient grande pitié à ceux qui la regardoient. »
Lorsqu'elle « vouloit parler - dit Jean Mignot ce n'étoit qu'en
balbutiant et avec des; efforts considérables qui lui faisoient faire des
contorsions de bouche effroyables ». ' t
Elle n'était donc ni muette ni aphasique, puisqu'elle pouvait encore
se faire comprendre à l'aide de la parole. A quoi donc tenait la diffi-
culté qui l'empêchait de s'exprimer librement et les contorsions épou-
vantables dont son visage était le siège lorsqu'elle s'efforçait de parler ?
L'interprétation que nous allons donner eût été impossible à fournir
avant 1887, époque à laquelle M. Charcot décrivit pour lapremière fois
le spasme glosso-labié des hystériques i, spasme que présentait incon-
testablement Marie-Anne Couronneau.
Dans l'hémiplégie organique en effet, le plus souvent la face parti-
cipe à la paralysie. La joue du même côté est flasque et pendante.
C'est un voile inerte que soulèvent les efforts respiratoires; la langue;
elle aussi, est paralysée dans une de ses moitiés, sa pointe est déviée
du même côté que la paralysie. La commissure labiale droite, si
par exemple la paralysie siège à gauche, est plus élevée que la com-
missure gauche par suite de la' rupture d'équilibre entre les deux
moitiés de la face, le tonus musculaire droit n'étant plus contre-
balancé. Mais, nous y insistons, à part la mise en' oeuvre du' tonus
musculaire normal, phénomène de peu 'd'importance, tout est mou;
tout est flasque, tout est passif. La déviation de la face qui résulte de
la déviation des commissures peut s'exagérer lorsque le malade
s'efforce de mouvoir sa langue à demi paralysée, mais la grimace est
peu accentuée; ce n'est jamais la contorsion effroyable, le visage tout
tourné de M.-A. Couronneau.
1. L-t ! . Charcot. Spasme -Iosso-lahié unilatéral des hystériques. Leçon clinique in
Semaine médicale, 2 lévrier 1887. Brissaud et P. Marie. De la déviation faciale dans
l'hémiplégie hystérique. Progrès médical, n" 5 et 7, 1887.
250 NOUVELLE ICONOGRAPHIE UL LA SALPf : TRIf : RE.
Il n'en est plus de même, on le comprend, dans le spasme glosso-
labié hystérique, car ici la contracture, le mouvement actif, a fait
place à la paralysie, à la passivité. C'est dans ce cas qu l'on observe
ces déviations au maximum de tout le côté du visage siège du spasme,
la langue ne se meut, n'est tirée au dehors qu'au prix des plus grands
efforts, car elle aussi est contracturée. C'est à ce moment que se pro-
duisent ces grimaces, ces contorsions effroyables du visage qu'on
n'observe jamais au même degré dans l'hémiplégie organique.
M.-A. Couronneau présentait donc à n'en pas douter tous les signes du
spasme glosso-labié hystérique.
Enfin la disparition soudaine de la paralysie suffirait à elle seule à
en démontrer l'origine.
D'une piété fervente, M.-A. Couronneau qui a mis son seul espoir
pour la guérison d'une paralysie considérée comme incurable par les
médecins, dans l'intervention du bienheureux Fr. de Paris, se rend
une première fois à son tombeau, le 26 mars 1731; elle y retourne une
seconde fois, à la fin d'avril, et obtient quelque soulagement.
C'est alors que sa maîtresse qu'elle chérit vient à tomber malade.
Désespérée d'être elle-même un embarras dans cette maison où ses
services seraient si utiles, sa ferveur, ses prières redoublent. Le 1 : 1 juin,
elle retourne au cimetière, se fait coucher sur le tombeau du saint
quelle arrose de ses larmes.
« Tout à coup, au milieu des transports de son ardente prière, elle
sent un serrement et un mouvement dans le talon de sa jambe paraly-
tique...» La paralysie s'en est allée, Marie-Anne Couronneau est guérie,
elle peut marcher, courir, et parler, chanter les louanges du saint qui
l'a miraculeusement délivrée de ses maux.
« Des accidents de plusieurs mois, d'une année même, dit Briquet,
disparaissent en vingt-quatre heures... Telle est la particularité propre
à l'hystérie et caractéristique de cette maladie, car la mobilité arthri-
tique de la variabilité rhumatismale n'en approchent pas. »
Nous n'irons pas plus loin et nous conclurons que Marie-Anne Cou-
ronneau, guérie le 13 juin 1731 sur le tombeau du diacre Paris, était
atteinte d'une hémiplégie avec hémianesthésie et spasme glosso-labié
de nature hystérique.
GILLES de la Tourette,
Chef de Cliuirluc des maladies du <; ...ti'me nerveux.
Le gérant : Emile Lccuoswu.
>71)ij* MùTiEuoz. luyuunetive jcmiics, B, rue Mignon, 2.
NOUVELLE ICONOGRAPHIE
DE LA SALPÊTRIÈRE
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES TROUBLES TROPHIQUES
DANS L'HYSTÉRIE
ATROPHIE MUSCULAIRE ET OEDÈME
I
Jusqu'à ces derniers temps l'opinion générale était que l'hystérie ne
donnait que très exceptionnellement lieu à des troubles trophiques.
On avait bien la notion d'éruptions cutanées : eczéma, pemphigus,
zona ; de phénomènes vaso-moteurs : asphyxie locale, sueurs de
sang, ecchymoses spontanées, stigmates, etc., mais les observations
étaient peu nombreuses et personne ne songeait à les réunir. Ajou-
tons encore que cette idée préconçue de la simulation qui, ainsi que
l'enseigne M. Charcot, a nui pendant si longtemps il la nosographie de
l'hystérie, faisait rejeter ou tout au moins négliger par certains observa-
teurs des faits de cet ordre du plus haut intérêt : nous pourrions en
citer des exemples.
C'est en 1886 que M. Babinski, chef de clinique, suivant en cela l'en-
seignement de M. le professeur Charcot, rompant pour ainsi dire en
visière avec la tradition, établit nettement dans un excellent mémoire 1
l'existence de troubles trophiques en étudiant l'atrophie musculaire des
hystériques, déjà signalée en 1884 par M. F. Iiallcoff dans sa thèse
inaugurale faite sous l'inspiration de M. Sceligmüller °.
1. De l'atrophie musculaire dans les paralysies hystériques. Archives de neurologie,
n°' : 31 et 35, 1886. - Charcot. Leçons sur les maladies du système nerveux, t. III, p. 170.
2. Beilrdge Nur differential Diagnose der hysterischen und der lia¡JSllldren llemianes-
thesie. Halle, 1884.
n. 16
252 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA Salpêtrière.
Il étudiait quatre malades. « Dans deux de ces cas, dit-il, il s'agit
d'une monoplégie brachiale, dans les deux autres d'une hémiplégie
avec intégrité de la face; dans l'une de ces deux dernières observations
il y a prédominance de la paralysie et de l'atrophie dans le membre
supérieur, dans l'autre, prédominance dans le membre inférieur. »
Puis il donne les caractères de ces troubles nutritifs. « L'atrophie
musculaire se présente sous l'aspect suivant : 1° elle est plus ou moins
considérable, mais il faut savoir qu'elle peut atteindre d'assez fortes
proportions; chez deux malades, il y avait comme différence entre le plus
grand périmètre du bras malade et celui du bras sain, trois centimètres,
et chez un autre malade il y avait entre les deux mains une différence
de cinq centimètres; 2° zl z'y a pas de secousses fibrillaires,. 3° l'excita-
bilité idio-musculaire paraît normale ; /in la contractilité électrique
est diminuée en proportion du degré de l'atrophie musculaire, mais
il n'y a pas de réaction de dégénérescence ; 5° cette atrophie peut se
développer avec une grande rapidité. Chez un malade elle était déjà
appréciable tout au plus quinze jours après le début de la paralysie...
La rétrocession de l'atrophie semble pouvoir être rapide comme son
développement ».
C'est donc d'une atrophie simple qu'il s'agit ; il n'existe pas de
réaction de dégénérescence.
Les faits étudiés par M. Babinski ne restaient pas longtemps
isolés.
Le 44'mai 1886, M. Chauffard rapportait à la Société médicale des
hôpitaux l'histoire d'un jeune malade de treize ans atteint de mono-
plégie brachiale avec atrophie musculaire, ayant duré trois ans et
s'étant terminé par la guérison.
Puis les travaux se succèdent, Massalongo ', Leroux s, Brissaud 3,
P. Blocq', Ballet5, Debove apportent des faits sans ajouter d'éléments
nouveaux à la description de Babinski, tout au moins en ce qui regarde
à proprement parler l'atrophie musculaire.
Dans ses Leçons cliniques du premier semestre de l'année
1. G'atroa musculare nelle paralisi islericlee, Nappes 18SG. Detken éd. Anal, in Giorn.
di Neuropatologia, anno V, l'asc. 1, janv. et lez. 1887, p. 4C.
2. De l'hystérie chez l'homme, monoplégie avec atrophie musculaire (Journal des con-
naissances médicales, Paris, 188G, 3° série, t. VIII, p. 107).
3. Hémiplégie probablement d'origine hystérique avec atrophie musculaire (Archives de
physiologie, 1887, p. 338). ' "
i. Des rétractions fibro-tendineuscs compliquant les contractures spasmodiques. Obs. 111,
p. 35, fig. 19 {Nouvelle Iconographie de la Salpètrière, t. I, 1888). : .J. Coxalgie hystérique avec atrophie musculaire (Société médicale des hôpitaux,
28 juin 188G).
0. Hémiplégie hystérique avec atrophie musculaire survenue la suite d'une diphtérie
(Société médicale des /¡Ûpitallx, il octobre 1889).
ÉTUDE DES TROUBLES TROPHIQUES DANS L'HYSTÉRIE. -253
« ,
1889-1890, M. le professeur Charcot nous a appris que l'atrophie
musculaire hystérique pouvait revêtir certaines modalités différant
un peu de celles qu'il avait étudiées avec M. Babinski, suffi-
samment même pour qu'on pût être exposé à une erreur de dia-
gnostic si l'on ne voulait pas sortir des limites de la description
tracée par cet auteur distingué. Cela prouve probablement qu'il y a.
plusieurs variétés d'atrophies musculaires hystériques, dont toutefois
il serait certainement encore prématuré d'entreprendre la classifi-
cation.
Notre intention est de publier les observations des malades qui ont
servi aux leçons de notre éminent maître, en les faisant suivre des
considérations dont il les a entourées et qui forment le fond de ce
travail.
Ons. I. - Ca..n, Charles, vingt-deux ans, employé de commerce ( ? ),
israélite, entré le 6 juin 1889 salle Prus n° 8, service de M. le professeur
Charcot. t.
Antécédents héréditaires. - Père alcoolique, mère hystérique; cinq
frères dont deux sont névropathes; le premier est hystérique, a eu une con-
tracture à forme hémiplégique qui après avoir duré deux mois a disparu
brusquement; le second est mégalomane, se croit un grand politique
socialiste; sept soeurs : 1 morte de méningite en bas âge; 1 hystérique à
grandes attaques et hypnotisable, a séjourné dans le service de la Clinique
pendant 2 ans, en 1879 et 1880; 1 hystérique à attaques.
Antécédents personnels. ' Santé bonne avant le début de l'affection
actuelle. Rougeole à cinq ans. Scarlatine à huit ans. Pas d'autres maladies.
Début. - L'hystérie s'est revélée chez Cah.. au mois de mai 1885, dans
les circonstances que voici : un soir son père rentra chez lui en état d'ivresse,
furieux, criant et frappant à tort et à travers, Cah.. qui était alors âgé de
dix-sept ans fut très effrayé et se cacha sous son lit. Après cette scène de
colère il passa plusieurs heures dans un état d'agitation très grande. Il
finit cependant par s'endormir. Mais le lendemain en se réveillant il se trouva
tout contracture. Il raconte qu'il avait le cou tout raide; il ne pouvait incli-
ner la tète dans aucun sens. Les quatre membres étaient aussi rigides et
immobilisés en extension par la contracture; les avant-bras étaient fixés en
pronation forcée, les poings fermés, la paume des mains tournée en dehors.
Il ne pouvait qu'incliner le tronc en avant et l'étendre, ce qui lui permettait
de s'asseoir sur son lit et de s'étendre en décubitus dorsal. Il n'avait pas de
force, on était obligé de le faire manger. Il avait toute sa connaissance; il
mangeait, buvait et dormait comme à l'ordinaire. Cet état de contracture
persista pendant trois mois. Un jour, la rigidité des membres et du cou cessa
brusquement et spontanément; ses parcnts qui le croyaient perdu, l'ont fait
photographier dans cet état.
54
NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SAH'ËTR ! ËRË.
L'année suivante, en 188(i, après une période de malaise général et de
névralgies faciales pendant laquelle son caractère se modifia profondément
(tristesse, crises de larmes, etc.) il eut sa première attaque d'hystéro-
épilepsie.
Depuis lors, il a eu un grand nombre d'autres attaques revenant à inter-
valles variables, ◀tantôt▶ spontanément, ◀tantôt▶ à la suite de contrariétés'.
En 1887, deuxième attaque de contracture généralisée semblable à la
première mais qui ne dura que huit jours.
En juin 1888, chorée malléatoire du membre supérieur droit qui persista
pendant une dizaine de jours Quelque temps après, apparut le tremblement
de la jambe et du bras droits. Ce tremblement succédait aux attaques et
durait un jour, quelquefois plus; il était intermittent.
ÉTUDE DES TROUBLES TROPHIQUES DANS L'HYSTÉRIE. 2 ?
Le malade après un assez long séjour à 131eêtre est entré dans le service de
la Clinique, le 0 juin 1889.
Il était, alors comme aujourd'hui, dans l'état suivant.
État actuel. 10 juin.- 25 octobre 1889. - Sujet de taille peu élevée mai ?
bien musclé et d'apparence robuste. On constate chez lui (fig. 70, 71) : Une
hémianesthésie droite sensitivo-sensorielle, complète, absolue, pour tous les
modes de la sensibilité, y compris le sens musculaire. t'ouïe, l'odorat, le
goût sont abolis il droite.
Vision.-Double rétrécissement concentrique du champ visuel à 35
pour l'oeil gauche, à 45° pour l'oeil droit. Diplopie monoculaire. Microméga-
lopsie. Pas de dyschromatopsie. Hyperesthésie 'de tout le membre inférieur
gauche (la plante du pied exceptée). Une zone hystérogène très sensible
située au pli de l'aine du côté gauche et s'étendant un peu sur la région atte-
nante de la paroi abdominale. Des attaques d'hystéro-épilepsie bien carac-
térisées. Ces attaques qu'elles surviennent spontanément ou qu'elles soient
provoquées par la pression exercée sur la zone hystérogène sus-indiquée,
offrent il peu près tontes les mêmes caractères. Elles sont précédées des
phénomènes de l'aura classique.
Aura. Sensation de boule partant du pli de l'aine et remontant à la gorge;
sensation de contraction à la gorge; suffocation, palpitations, battements dans
les tempes; bruit dans les oreilles; nuage devant les yeux. Chute et perte de
connaissance. L'aura est souvent de durée très courte, très rapide.
Attaque. - Elle est constituée parles périodes suivantes : 1° Epilepto'ide,
raideur (phase tonique) brève, puis convulsions cloniques généralisées, écume
aux lèvres, congestion intense de la face. 2' Grands mouvements, salutations,
contorsions interrompues de temps en temps par l'arc de cercle. 3° Attitudes
passionnelles, le malade se redresse et s'asseoit sur son lit ou se met à
genoux, visage souriant. Expression de félicité (coït). Quelquefois il chante,
cause avec une de ses maîtresses, l'appelle, etc., après quoi l'attaque recom-
mence soit par la phase épileptoïde, soit par les grands mouvements et ainsi
de suite.
Etat mental. - Le malade est parfois triste, chagrin, maussade, querel-
leur. Mais le plus souvent il est indifférent ou gai. Il est de complexion
amoureuse; il dit qu'il a plusieurs maîlresses; il se vante volontiers de con-
quêtes. Sa mise révèle une certaine coquetterie : casquette bleue à visière
ornée d'une bande marron; grande chaîne de montre en simili-or, etc.
Atrophie .musculaire. Le malade ne peut dire quand a commencé
celle atrophie. Membre-supérieur droit. Elle porte sur les muscles des trois
segments : main, avant-bras, hras; mais c'est à la main qu'elle prédomine
et de beaucoup.
A la main droite, les éminences thénar et hypothénar ont disparu presque
complètement (fig. 72, 73).
Les muscles de l'hypothénar sont un peu moins atteints que ceux
de l'éminence thénar. Il s'ensuit que la main est nettement aplalie : le
256
NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPE'l'ItILRE.
pouce est sur le même plan que les autres doigts : c'est la main de singe.
Les interosseux, le premier et le second principalement, participent à
l'atrophie.
Le périmètre de la main pris à la base du pouce mesure :
ÉTUDE DES TROUBLES TROPHIQUES DANS 1.'HI'STIItIE. 257
Le périmètre de la moitié du thorax pris à la hauteur du creux axillaire
est de :
258 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
jours, sans pour cela, paraît-il, se griser outre mesure; travaille régulière-
- mentcomme maçon. -La mère est morteen '187'1 ? L l'âge de vingt-huit ans. Elle
n'avait jamais eu de maladies nerveuses; était faible de tempérament. En
1871, lors de l'occupation de Charleville par les Prussiens, elle fut cacher
loin de chez elle le képi et le fusil de son mari afin que les Prussiens qui
perquisitionnaient ne les trouvassent pas. En revenant, à sou passage sur la
grande place, un obus passa tout près d'elle. Elle fut extrêmement effrayée,
rentra chez elle, s'alita ;quelques jours plus tard, elle accoucha d'un enfant à
terme ( ? ) qui ne vécut qu'un jour. Elle-même succomba le lendemain.
Antécédents personnels. - A douze ans, maladie aiguë avec délire, durée
5 mois, de nature indéterminée. A treize ans, fièvre typhoïde avec délire.
Bien portant ullérieurementjusqu'en 1887.
Le 2 juillet 1887, il travaillait sur un échafaudage élevé de lm,40 à lin,50
du sol, a Mézières (Ardennes), lorsqu'il éprouva un éblouissement bientôt
buivi d'une forte secousse dans tous les membres. Sa main droite se crispa
sur un manche de marteau qu'elle tenait, la main gauche restant ouverte. La
secousse lui ayant fait perdre l'équilibre, il tomba à la renverse, sans perdre
connaissance, puisque, une fois par terre, il continua à fumer un cigare qu'il
avait entre les dents au moment de la chute. Il tomba sur le dos, presque sur
le cou et les épaules. Sa chute fut amortie par une épaisse couche de foin, de
sorte qu'il ne ressentit aucune douleur. Aussitôt la chute, les deux bras se
contracturèrent le long du corps, les avant-bras en flexion sur les bras, les
doigts fléchis, les mains déviées vers leur bord cubital. Les jambes au con-
traire étaient flasques et lui refusaient tout secours. Il resta ainsi sur le sol
pendant trois heures au moins. L'accident étant arrivé à quatre heures et
demie le soir, ce ne fut que vers huit heures qu'on le transporta a l'hôpital ;
des gamins qui passaient avaient été prévenir son hôtesse.
Pendant la matinée du 2 juillet 1887, il s'était déjà senti mal à l'aise,
la tète lourde. Le matin, il était resté couché et avait refusé de se lever pour
déjeuner. Appelé au travail vers quatre heures, il s'y était rendu uniquement
parce qu'il y avait urgence. Une demi-heure plus tard survenait l'accident
que nous avons décrit.
Une fois entré Li l'hôpital, l'état persista tel qu'après la chute; les bras
restèrent contracturés, les jambes flasques. La vessie et le rectum fonction-
naient normalement ; pas d'écorchures au sacrum.
Au bout de quatre mois, les jambes allaient mieux, mais le mouvement ne
revenait que très lentement, au point que, considéré comme incurable, il fut
évacué le 28 avril 1888 sur l'hospice des Incurable de Charleville, d'où il
sortit en mai 1889, pour retourner quelque temps chez lui et entrer ensuite.
à la Salpêtrière.
11 est resté au lit pendant dix mois : un matin, presque brusquement, il put
se lever et marcher. Quelques jours plus tard, la guérison de la contracture
des bras survint plus brusquement encore.
Pendant cette période de dix mois à dater de l'accident, la main droite et
NOUVELLE ICONOGRAPHIE
T It PL. XLI
Cliché A LONDE
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ATROPHIE MUSCULAIRE DE LA MAIN GAUCHE
D'ORIGINE HYSTÉRIQUE
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ÉTUDE DES TROUBLES TROPHIQUES DAKS L'IIYSTÉ .1 E' Z :
le bras droit, et cela dès le début, commencèrent à s'atrophier, la main droite
se mettant en griffe, le bras droit s'atrophiant dans sa totalité. L'atrophie
débuta par la main, prenant d'emblée tous les muscles, elle gagna le bras;
le malade a nettement remarqué qu'elle était précédée au bras comme à là
main de. secousses fibrillaires...'. il
Au bout de sept ou huit mois, tout était fini ; la main et le bras avaient re-
pris leurs fonctions, l'atrophie avait disparu.. ' ' , ,
C'estalors que la main et le bras gauche commencèrent à être à leur, tour
envahis par l'atrophie. Aujourd'hui (octobre 1889) la main gauche présente
l'aspect suivant (fig. 74, 75). ' ' ' 'l i
FlG, 7>,
Fie 75.
Les deux dernières phalanges. sont fléchies dans la paume de la main; ¡
particulièrement celles de l'index et du médius; le pouce est en extension
(pl. 1LI). La première phalange des quatre doigts est en extension (main en
griffe). , ? . ,
Les sillons des interosseux sont très marqués, vides pour ainsi dire ; le
thénar et l'hypothénar sont plats. Le pouce est agité par des mouvements
fibrillaires surtout marqués il la face externe du thénar. Ces mouvements
fibrillaires se retrouvent sur tout le bras gauche. Le malade qui les a parfai-
tement constatés dit qu'ils ont débuté avec l'atrophie.
260 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
L'atrophie intéresse le bras gauche dans sa totalité ; elle ne dépasse pas
les muscles de l'épaule qu'elle n'atteint pas.
Pendant les six premiers mois qui suivirent l'accident, B... nepouvaitavaler
les liquides et les solides qu'avec la plus grande difficulté : il lui fallait, dit-il,
une demi-journée pour absorber un verre d'eau. Lorsqu'il voulait mettre
pied il lerre et essayer de se soutenir sur ses jambes paralysées, la vue se trou-
blait, il éprouvait des étourdissements, des battements dans les tempes, des
bourdonnements d'oreilles qui lui faisaient presque perdre connaissance.
Depuis, les mêmes symptômes se sont montrés à diverses reprises. Actuel-
lement, B... a encore ce qu'il nomme des secousses, généralisées d'emblée
aux quatre membres; en même temps, la vue se trouble; ces phénomènes
sont surtout accentués lorsqu'il est au lit.
Dans la journée, à intervalles variables, une fois tous les quinze jours,
parfois deux fois dans la même semaine, il a une sensation assez subite
d'étouffement avec battements dans les tempes sans perte de connaissance.
C'est un homme de taille moyenne, blond, d'aspect vigoureux. Pas de
syphilis, pas d'alcoolisme.
Troubles sensitifs. - IIémianesthésie gauche complète à la piqûre, au
froid, à la chaleur avec perte du sens musculaire. Du côté droit, sensibilité
émoussée.
La pression du testicule droit, de la glande et non de la peau, est doulou-
reusement ressentie, elle s'accompagne d'une sensation d'oppression, de
battements dans les tempes; il ? perdrait connaissances ! on insistait. La peau
à ce niveau est insensible.
Goût, odorat abolis à gauche; affaiblis adroite. Ouïe affaiblie à gauche.
A gaucho. A droite.
Rétrécissement concentrique du champ visuel. 40 centimètres. 55 centimètres.
Pas de dyschromatopsie; toutefois il hésite un peu à reconnaître les couleurs.
Ajoutons qu'il existe un très léger tremblement des membres supérieurs qui
s'exagérerait au moment des éblouissements; de plus, au moment de l'examen,
alors que B... est déshabillé, il s'écoule sans cause à trouver dans la température
ambiante, de grosses gouttelettes de sueurs, particulièrement marquées au
niveau des aisselles surtout du côté gauche.
L'examen électrique des muscles atrophiés faite à deux reprises 2C oc-
tobre 1889 et 28 novembre 1889 par M. Vigouroux donne les réactions sui-
vantes : Excitabilité éteinte dans les 3° et4' interosseux dorsaux. Pour le 1°r et
le 2°, pas de contraction faradique ; contraction galvanique très faible. Thénar,
excitabilité faradique conservée. En résumé, réaction de dégénérescence
très nette.
Réflexes rotuliens un peu exagérés à gauche ; forts à droite.
Ons. III. - Corn..., Emilie, vingt-six ans, domestique.
Antécédents héréditaires. - Pas d'antécédents nerveux du côté paternel.
ÉTUDE DES TROUBLES'TROPHIQUES DANS L'HYSTÉRIE. 261
- Mère très nerveuse (hystérique), morte tuberculeuse ; 2 tantes maternelles
très nerveuses; 1 soeur et 1 frère bien portants.
Antécédents personnels. - Rougeole à sept ans; fièvre typhoïde il
seize ans qui dura trois mois.
Réglée à onze ans, toujours régulièrement, si ce n'est il y a six mois époque
à laquelle les règles disparurent pendant trois mois pour revenir ensuite régu-
lièrement. t.
La première manifestation de l'hystérie remonte à l'âge de seize ans pendant
la convalescence de la fièvre typhoïde : sensation de boule sans attaques.
Depuis, jusqu'en 1887, même sensation avant les règles avec battements dans
les tempes. En même temps, cauchemars pendant la nuit (chutedans des pré-
cipices). Pas d'alcoolisme, pas de syphilis.
Depuis 1887, elle a toujours ressenti dans le côté gauche des sensations
douloureuses (fourmillements, piqûres d'aiguilles), qui toutefois ne l'empê-
chaient pas de vaquer à ses occupations.
En janvier 1887, le membre inférieur gauche fut envahi subitement par
un oedème remontant de l'extrémité des orteils jusqu'à la hanche, oedème
considérable non coloré, très douloureux, s'exagérant par la station debout,
avec vive hyperesthésie de la plante du pied.
Le membre inférieur droit était normal. Comme C... ne pouvaitmarcher, on
lui mit au bout de quelque temps un appareil plâtré sur la jambe gauche
remontant à un travers de doigt au-dessus du genou. Le médecin qui avait
diagnostiqué une entorse avait fait placer plusieurs vésicatoires tout le long
de la jambe avant de poser l'appareil qui resta en place pendant un mois.
Quand on l'enleva, l'état du membre inférieur n'avait pas changé.
Depuis cette époque, du reste, l'oedème disparut et reparut à diverses repri-
ses. Il se montre surtout lorsque la malade essaye de s'appuyer pour marcher
sur lajambegauche. Il faut dire d'ailleurs que, depuis le début de son affec-
tion, elle n'a plus marché de ce côté qu'avec une béquille, le membre dans
son entier paraissant diminué de longueur, rigide, en extension, le talon
ne pouvant toucher le sol.
Vers la fin de 1888, la malade a perdu subitement connaissance pendant
plusieurs heures. Une fois sortie de cet état, elle est restée paralysée de tout
le côlé gauche pendant vingt-quatre heures. Deux mois plus tard, retour de la
paralysie avec spasme glosso-labié : durée, trois jours.
Depuis la fin de la fièvre typhoïde qu'elle avait eue à l'âge de seize ans,
C... avait gardé une certaine difficulté à se servir du bras droit, surtout pen-
dant les froids, lorsque, au mois de mars 1889, la malade s'est éveillée un
matin avec le bras droit contracturé, les cinq doigts fléchis dans la paume de
la main. Cette contracture est devenue définitive les jours suivants après des
alternatives d'amélioration et d'exagération. Elle était déjà entrée à la Sal-
pêlrière dans le service de la Clinique. Aussitôt elle remarqua au niveau de
l'éminence thénar droite des mouvements fibrillaires qu'il fut aisé de cons-
tater. M. Vigouroux qui l'examina électriquement donnait la note suivante
362 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
(18 avril) : « Réaction électrique nulle pour le thénar, normale pour les
autres muscles y compris le premier interrosseux. »
Au mois de mai, apparition dans la main droite d'une aura débutant par
l'extrémité des doigts; le bras se soulève horizontalement; puis surviennent
des battements dans les tempes, des bourdonnements dans les oreilles, la
commissure labiale droite est tirée en haut et en dehors; pas de perte de
connaissance. Ces attaques frustes d'hystérie à forme d'épilepsie partielle
reviennent encore aujourd'hui (octobre 1889) tous les huit il dix jours. Par-
fois même, sous l'influence du spasme, la malade se mord légèrement la
langue et les lèvres du côté droit.
État actuel (^8 octobre 1889). - C... marche avec une béquille placée sous
le bras gauche, la jambe gauche paraissant trop courte pour que le talon
touche il terre. Examinée couchée, on constate chez elle lous les signes d'une
coxalgie hystérique avec zone hyperesthésique dans la région externe du pli
de 1 aine empiétant sur la région supéro-externe de
la hanche. Le membre inférieur gauche est en con-
tracture en totalité dans l'extension : il existe un rac-
courcissement apparent de quatre centimètres com-
parativement avec le membre inférieur droit. La
malade étant endormie à l'aide du chloroforme, la
contracture des muscles du membre inférieur se
résont, le raccourcissement disparaît, pour revenir
d'ailleurs aussitôt après le réveil, ou mieux pendant
que celui-ci s'effectue. L'articulation coxo-fémorale
gauche est parfaitement saine, mobile, sans craque-
ments. Il n'existe pas d'atrophie du membre infé-
rieur gauche.
La main droile est toujours contracturée, le pouce
et les quatre doigts étant en flexion dans la paume
de la main; le tliénartrès atrophié (fig. 76). L'avanl-
bras et le bras ne participent pas à l'atrophie. Pas de
(roubles de sensibilité locale. La contracture qui est très prononcée se
résout pendant le sommeil chloroformiquc.
Sensibilité (fig. 77, 78). Côté droit normal.
Côté gauche. Anesthésie à la douleur, au froid, à la chaleur, dans
toute l'étendue de ce côté, sauf dans la région mammaire et axillaire et sur v
la face postérieure du mollet.
Zone (l'hyperesthésie inguinale et fessière.
Perle de sens musculaire du côté gauche.
Goût et odorat intacts; ouïe diminuée il gauche.
rétrécissement concentrique du champ visuel.
ÉTUDE DES TROUBLES TROPHIQUES DANS L'HYSTÉRIE. M3
Ni sucre ni albumine. - État de la nutrition générale suffisant; dort peu;
cauchemars. La malade dit avoir beaucoup perdu la mémoire depuis six
mois.
Il
Dans les cas publiés par M. Babinski et par les auteurs qui l'ont
suivi, l'atrophie a toujours porté sur un membre atteint de paralysie
ou de contracture; c'est également ce que nous voyons exister dans
nos observations II et III.
Le malade de l'observation 1 semble, il la vérité, faire exception à
.cette règle. Plusieurs années avant le début de l'atrophie, il a été
zut NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.
contracturé des quatre membres et l'atrophie porte uniquement sur
le bras droit et le côté droit du tronc, y compris la fesse. Mais il
faut aussi faire remarquer que l'hystérie a toujours porté plus parti-
culièrement ses efforts du côté droit : l'hémianeslhésie du malade
siège à droite; le bras droit a été atteint, à un moment donné,
de chorée malléatoire; il est encore le siège d'un tremblement hysté-
rique très accentué auquel participe également la jambe. De plus, Cah...
ne peut préciser l'époque exacte du début de son atrophie.
L'atrophie, si elle ne se superpose pas toujours à une contracture
ou à une paralysie, semble donc, au moins, se localiser de préférence
sur le membre ou le côté le plus atteint par les diverses manifesta-
tions hystériques présentées antérieurement ou actuellement par le
malade. Parmi celles-ci, les troubles de sensibilité tiennent la princi-
pale place.
Mais ce qui mérite d'attirer particulièrement l'attention, c'est que
nos trois malades, à l'inverse de ceux décrits par M. Babinski, offrent
tous les trois des contractions fibrillaires extrêmement manifestes.
C'est un point sur lequel a particulièrement insisté M. Charcot en les
présentant à ses auditeurs.
Elles sont si accentuées que les trois malades les ont spontanément
remarquées; ils ont tous expressément noté qu'elles avaient débuté
avec l'atrophie. Chez Bill... (Obs. II), elles ont accompagné la marche
ascendante de l'atrophie partant des muscles de la main pour gagner
le bras et l'avant-bras droit. Puis elles ont disparu, la guérison s'est
effectuée, les muscles sont revenus à leur état normal. Quelque temps
après, il a pu prévoir que son membre supérieur gauche allait s'atro-
phier en voyant apparaître ces petites secousses musculaires dont il
avait appris malheureusement à connaitre la fâcheuse signification.
Enfin chez Cah... (Obs. I), il est facile de constater qu'elles se limitent
exactement à la zone atrophiée, bien que celle-ci soit très étendue; il
en est de même d'ailleurs pour les deux autres malades.
Les quatre malades de M. Babinski examinés par M. Vigoureux pré-
sentaient, dans les territoires musculaires atrophiés, la réaction de
l'atrophie simple. Or, le malade de l'observation II, examiné électri-
quement à plusieurs reprises, également par M. Vigouroux, présente
notamment au niveau des interosseux, les caractères les plus nets de la
réaction de dégénérescence; chez les deux autres malades, c'est d'atro-
phie simple qu'il s'agit.
En présence de cette constatation inaccoutumée, devons-nous dire
pour cela que cette paralysie n'est pas hystérique alors que tout plaide
en faveur de la névrose. Évidemment non, et la réaction de dégéné-
ÉTUDE DES TROUBLES TROPHIQUES DANS L'HYSTÉRIE. 265
rescence, pour être rare, - à ce qu'il semble du moins, - n'en doit
pas moins entrer dans la symptomatologie des atrophies musculaires
d'origine hystérique.
En résumé, les notions nouvelles sur lesquelles nous désirons attirer
l'attention sont les suivantes :
'1° L'atrophie musculaire d'origine hystérique peut quelquefois
envahir des membres indemnes de paralysie ou de contracture. Géné-
ralement alors, elle semble envahir de préférence le côté qui a été. le
plus fréquemment le siège de manifestations hystériques, les troubles
de sensibilité en particulier.
2° Il peut exister des secousses fibrillaires dans les territoires mus-
culaires en voie d'atrophie.
3° Dans un cas d'atrophie hystérique des muscles de la main, l'exa-
men électrique pratiqué par M. Vigoureux a démontré très nettement
l'existence de la réaction de dégénérescence.
III
On a pu remarquer, en lisant l'observation III, que le membre inféj
rieur gauche, siège de la contracture, avait été envahi à diverses
reprises par un oedème survenu en dehors de toutes les causes ordi-
nairement invoquées dans l'interprétation de ce phénomène.
Cet oedème, de nature hystérique, constitue, lui aussi, un trouble
trophique très intéressant et encore peu étudié.
Sydenham qui a tant fait pour la névrose l'avait parfaitement remar-
qué, car il le décrit en ces termes 1 :
« L'affection hystérique, dit-il, ne s'en prend pas seulement à
presque toutes les parties internes; elle attaque aussi quelquefois les
parties externes et les muscles, savoir : les mâchoires, les épaules, les
mains, les cuisses, les jambes; elle y cause ◀tantôt▶ une douleur et ◀tantôt
une enflure dont celle des jambes est la plus remarquable. On peut
toujours observer deux choses dans l'enflure des hydropiques, c'est
qu'elle est plus considérable le soir et que, quand on la presse forte-
ment avec le doigt, l'impression y reste comme dans la cire molle. Au
contraire, l'enflure des personnes hystériques est plus grande le matin,
et, quand on la presse avec le doigt, il ne reste aucune marque. Le plus
souvent aussi, l'enflure n'est qu'à une des jambes. Du reste, elle res-
semble tellement à celle des hydropiques, soit par sa grandeur, soit
1. Médecine pratique de Sydenham avec des notes, par feu 11. \. Jault, uouc. édit.,
5« 1),trtie. A%ibiioii, au VIII, 1799, p. 41J.
266 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALP1 : TILI1,RE.
par sa superficie, qu'on a bien de la peine à persuader aux personnes
malades qu'elles ne sont pas hydropiques. »
De l'oedème hystérique, après Sydenham, il n'est fait nulle mention
dans les traités classiques ou dans des mémoires particuliers, et il faut t
arriver en 1880 pour le voir décrit à nouveau dans une remarquable
observation de M. le professeur Damaschino l.
En 1883, A. Fabre9, professeur de clinique à l'Ecole de Marseille,
qui connaît parfaitement la description de Sydenham donne la relation
écourtée de deux nouveaux cas.
En 188 ! k, Weir llitchell rapporte à son tour trois exemples de ce
phénomène pathologique qu'il croit être le premier à décrire.
Le 28 juin 1889, M. le professeur Charcot, dans une de ses Leçons du
mardi4 aétudié« l'oedème bleu des hystériques, à propos d'un cas qui va
être rapporté plus bas (Obs. I). Nous mettrons soigneusement il pro-
fit les considérations dont il l'entourait et qui forment le fond de cette
étude. De plus, notre éminent maître, a bien voulu avec sa libéralité
ordinaire nous en communiquer trois nouvelles observations tirées de
sa pratique.
Nous en donnerons deux autres cas (Corn... et Obs. II) qui, avec les pré-
cédents, constitueront l'ensemble clinique sur lequel devra s'asseoir la
description de l'oedème hystérique. C'est dire que très probablement
cette symptomatologie aura besoin d'être complétée, car nul doute
qu'une fois l'attention attirée sur cet oedème, on ne le rencontre beau-
coup plus souvent que par le passé5.
On voudra bien remarquer que l'observation II nous a été obligeam-
ment communiquée par M. Tuffier, agrégé chirurgien des hôpitaux.
L'oedème hystérique fréquente donc les services de chirurgie, ce qu'il
était important de signaler.
OBs. I. Perr..n, quarante-six ans, ayant exercé la profession de marin,
actuellement veilleur de nuit à l'usine Eiffel, entre le 21 mai 1889, salle
Prus, n° 9, à la Salpêtrière, service de M. le professeur Charcot.
1. Des troubles trophiques dans l'hystérie (Gazette des hôpitaux, 1888, p. 561).
2. Nouveaux Fragments de clinique médicale. - L'hystérie viscérale. Paris, Delahaye
et Lecrosnier, édit., p. 100.
3. Unilatéral sweling of hysterical hémiplégie (The american Journal of mental
sciences, vol. LXXXVIII, Philadelphie, 1881, p. 91.).
4. Leçons du mardi à la Salpêtrière, 1888-1889, 21° lcç., p. 518.
5. On pourra consulter ]bi,iier : Ueber nervose llautscliwcllungcn als Bcgleiterschci-
nunnen der Menstruation und des 1(limtx. Summlung klinischer l'or/rage (Volkmaun),
Il' 31`3, 1888, mais l'auteur est trop préoccupé do rapporter à des troubles menstruels ce
qui appartient peut-être a l'hystérie. - Les cas de Nilowitz : Zwci weitere Fiille cines
neuropatischen OEdems hei Kindern, inJahrlJUch sur Ilinderheillwnde, Bd XXIX, il. 3 et i,
p. 388, 1889, sont des cas d'oedènie par refroidissement chez des enfants.
ÉTUDE DES TROUBLES TROPHIQUES DANS L'HYSTÉRIE. 267
Pas d'antécédents héréditaires.
Antécédents personnels. - A treize ans et demi est entré à l'école des
mousses; a navigué jusqu'en 1879, âgé de trente -six ans comme matelot;
était un peu mauvaise tête. A fait la campagne d'Italie, stationné à
la Martinique; stationné aux Indes; quatre mois au Sénégal; croisière dans
les mers de Chine pendant dix-huit mois. Voyages à Saigon, à la Nouvelle-
Calédonie. Au Sénégal, à l'âge de dix-neuf ans, aurait eu la fièvre jaune ?
Jamais de fièvre intermittente. Il aurait eu deux petites atteintes de scorbut
il vingt ans et à trente-cinq ans.
Depuis qu'il a quitté la marine, en 1870, âgé de trente-six ans, il s'est
marié, a travaillé cinq ans comme garçon de bureau, puis est entré comme
surveillant de nuit à l'usine Eiffel. Pas de syphilis. De vingt-trois à trente-
six ans, il a fait des excès de boisson, il avait des pituites, du tremblement
des mains, des cauchemars pendant la nuit.
Depuis cinq ou six ans il est tout à fait sobre.
Il a perdu sa femme il y a cinq ans; il y a trois ans, a perdu un enfant du
croup; c'est trois mois après qu'il a commencé il avoir des vertiges. Toujours
bien portant depuis 187G.
Début de l'affection actuelle. - II y a trois ans, au mois d'août, il eut
des étourdissemcnts passagers, sept ou huit chaque jour. Il était pris tout
d'un coup; les objets oscillaient devant lui, sa vue se troublait, pas de bruits
dans les oreilles; il ne perdait jamais connaissance, mais il était obligé de se
cramponner pour ne pas tomber. Quand il ne pouvait pas s'accrocher à
quelque objet, n'ayant rien à sa portée, il se laissait aller doucement à terre
pour ne pas se blesser en tombant. Cela durait une minute et tout était fini.
Il travaillait alors comme homme de peine dans une fabrique de produits
chimiques. Comme il était souvent obligé de transporter des bonbonnes
d'acide sulfurique, le contre-maître craignant de le voir tomber et casser ses
bouteilles, vu ses fréquents vertiges, le fit renvoyer de la maison.
En dehors de ses vertiges, il était tout à fait solide, travaillait régulière-
ment, ne souffrant de rien. Ces vertiges se sont atténués progressivement; ils
ont existé pendant huit mois et ont disparu.
Depuis trois ans, il lui arrive aussi très souvent, deux ou trois fois la se-
maine, d'être pris de bouffées de sang à la tète, sans vertiges. Cela vient
aussi bien à jeun qu'après les repas, dans l'après-midi assez fréquemment.
Tout à coup il sent une bouffée de chaleur lui monter à la tête; ses- tempes
battent, il devient très rouge, cramoisi, violacé. Parfois les personnes qui le
voyaient dans cet état croyaient qu'il avait bu. Cet état de congestion à la
face ne s'accompagne pas de vertiges, seulement, s'il baisse la tête dans ces
moments-là, elle lui tourne quand il la relève. Durée, une heure à une
heure et demie. Il a encore ces « congestions » actuellement.
Sa fille lui a dit plusieurs fois que, pendant son sommeil du jour (car il est
veilleur de nuit), surtout lorsqu'il a eu des verliges, il rêve, parle, pleure abon-
damment ; il ne s'éveille jamais dans ces cas.
il. lÎ
2CS NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
Il y a deux ans, le 21 juin 1887, en s'éveillant aune heure de l'après-midi
(il s'était couché à sept heures du matin), il s'est trouvé complètement para-
lysé de la main droite. Il ne pouvait ni fléchir, ni étendre les doigts, ni rele-
ver le poignet, ni le mouvoir dans aucun sens. Sa main était complètement
insensible, même au loucher; il est très affirmatif sur ce point.
La veille, il s'était couché bien portant, il n'avait pas bu, n'était pas plus
fatigué que d'ordinaire, pas l'ombre d'un traumatisme, rien de particulier.
Cette paralysie persistait depuis un mois et demi lorsqu'il entra à l'hôpital
Saint-Antoine, dans le service de M. Troisier (août 1887) où on électrisa sa
main, qui resta insensible aux courants les plus forts. 11 prétend que quand
on plaçait les pôles de la pile à courants interrompus l'un sur le bras, l'autre
sur la face externe de l'avant-bras, au niveau de sa moitié supérieure, il
sentait bien le courant, mais les doigts ne se relevaient pas. « Ça ne répondait
pas », disait l'élève qui l'électrisait. Il était insensible de toute la main
jusqu'au quart inférieur de l'avant-bras. Au bout de quinze jours, il commença
il mouvoir ses doigts; la sensibilité revint petit à petit. Il est sorti de l'hôpital
envoie d'amélioratiou au bout de dix-sept jours.
C'est environ trois mois après qu'il a commencé à se servir de la main; il
pouvait saisir un objet, couper sa viande ; mais il tremblait de cette main
d'un tremblement lent, rythmé. Ce tremblement s'est atténué, mais il a per-
sisté à un certain degré jusqu'à la rechute. Pendant son séjour il l'hôpital on
constata qu'il n'y avait pas de gonflement de la main, mais la coloration en était
violette et la température locale abaissée. M. Troisier constata qu'il y avait
un abaissement local de 3 degrés.
Il reprit son service se sentant très bien, mais la main droite n'était pas
aussi forte que la gauche. Dans ses rondes de nuit, quand il ouvrait une ser-
rure, il était obligé de tou ner la clef à deux mains. Cet état a persisté jus-
qu'en février 1888.
Un matin, vers quatre heures, après avoir dormi une heure et demie envi-
ron sur une paillasse, il s'éveilla complètement paralysé encore de la main
droite. La main était complètement insensible; le contact n'était pas perçu;
le malade qui commençait à bien s'observer est très affirmatif sur ce point.
Cette fois la main était gonflée et violacée. Aucune sensation anormale, ni
douleurs ni fourmillements dans la- main paralysée; donc paralysie absolue de
la main et des doigts, anesthésie complète, gonflement oedématenx et cyanose.
Il est allé 5 ou G fois se faire élcctriser à Lariboisicrc, et puis il s'est con-
tenté de prendre des bains sulfureux. Il continuait son service de veille il
l'usine Eiffel, mais il ne se servait pas du tout de la main. Paralysie, insensi-
bilité, oedème, cyanose ont persiste jusqu'en septembre 1888.
Tout à coup, la veille il n'avait pu saisir un crayon, alors qu'il s'y
attendait le moins, « en voulant involontairement prendre un verre plein», il
fut tout étonné de pouvoir accomplir cet acte et porter le verre a sa bouche.
A partir de ce moment, la guérison fil des progrès très rapides ; sans fourmil-
lements, sans engourdissement, sans douleur, la sensibilité revint et, en huit
NOUVELLE ICONOGRAPHIE
, T. II PL. XLII
OEDÈME HYSTERIQUE DE L'" MAIN
LkCJI ! OSNIER ET 8ABÉ, tDITbUh$
ÉTUDE DES TROUBLES TROPHIQUES DANS L'HYSTÉRIE. 269
jours, il recouvra l'usage de sa main. Les deux premières fois, quand sa main
était anesthésique dans tous ses modes, il ne savait plus où elle était.
Toutes ses forces étaient revenues; il pouvait porter un seau d'eau au
deuxième étage. « J'aurais été a Lourdes, bien sûr, j'aurais cru a un miracle )J,
dit le malade. La guérison se maintint de septembre en mars 1889.
En mars 1889, vers sept ou huit heures du matin, il ne veillait pas, il avait
dormi toutela nuit; en faisant un inventaire à l'usine, il s'est trouvé paralysé
de la main droite pour la troisième fois. La paralysie était ce qu'elle est au-
jourd'hui (25 mars 1889) complète et flasque; avec anesthésie; mais le tact
était conservé. La chaleur n'était pas perçue ; il se réchauffa près d'un foyer
ardent jusqu'à se brûler pour voir s'il sentirait; mais il ne sentit rien. Il se
pinçait et ne sentait pas davantage. Dès le début, la main, était gonflée, cya-
nosée, oedémateuse.
Il est allé consulter à Tenon où on lui a prescrit du bromure. Il n'est pas
entré à l'hôpital, se contentant de se frictionner la main.
Il est entré à la Salpêtrière le 21 mai 1889.
Etat actuel (25 mai 1889). - Hormis les bouffées de chaleur déjàdécrites
et auxquelles il est encore sujet, pas d'autres troubles fonctionnels à relever
que la paralysie delà main droite.
Description de la paralysie. Tous les mouvements de la main et des
doigts sont abolis. La main pend inerte. Le malade ne peut ni étendre ni
fléchir les doigts et le poignet. Les mouvements d'adduction et d'abduc-
tion du poignet sont supprimés. Lorsqu'on dit à P... de fléchir le poignet, il ne
le peut pas ; s'il plie- l'avant-bras avec effort on a de la peine à étendre le
poignet ; les fléchisseurs du poignet ne sont paralysés que pour le mouvement
de flexion isolé du poignet. Quand le malade fait un effort pour déplacer : Se;'
doigts, on voit quelques légères secousses du petit doigt et de l'index. La pa-
ralysie est flasque ; pas tracés de contracture ou de raideur.. ' ' : '
Sensibilité. Analgésie absolue de la face dorsale de la main se termi-
nant parun manchon circulaire' l'union du tiers inférieur avec les deux tiers
supérieurs de l'avant-bras; analgésie incomplète de la paume do la main ut
de la face palmaire des doigts.. ' ' '
Thermo-anesthésie absolue dans les mêmes régions au froid (glace), à ta
chaleur (100°. et au-dessus). - j
La sensibilité au contact est conservée, inais elle est pervertie; >
Le sens musculaire est aboli, poignet et doigts. -
La main et les doigts sont gonflés, oedémateux; la coloration de la peau
est normale (pl. XLII).
Sens spéciaux. - Rien à noter; seul le goût est obnubilé à droite.
Vers le 10 juin, le malade s'est plaint de crampes dans les membres,
apparaissant seulement la nuit.
21 juin. - La main est dégonflée, les doigts fonctionnent librement sous
l'influence toutefois d'efforts énergiques. Dans la nuit du 22 au 23, sommeil
agité, énervement, crampes dans les bras, épistaxis.
270 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA S.1L1'l : TltII : RE.
23j'm('h. L'état de la main s'est amélioré au point de vne de la sensi-
bilité : Dyn. = 7 Kilos. Elle reste dégonflée mais toujours insensible la dou-
leur et à la température.
Vers six heures du soir, éblouissements, face congestionnée, vertiges subits;
durée, quelques secondes.
Dans la nuit à trois reprises, crise d'étouffement, sensation de serrement
de la gorge il vingt minutes d'intervalle.
24. juin. Le malade se sent courbaturé, il a des élancements dans les
tempes. D,ms l'après-midi, pendant une partie de caries, la main droite qui
était complètement désenflée s'cedématie et se refroidit dans l'espace de
deux heures sous les yeux du malade et des assistants. Les mouvements de-
viennent plus difficiles. Le soir du même jour, nausées.
25 juin. La main est exactement dans le même état de bouffissure et
de paralysie qu'elle présentait avant l'amélioration des jours précédents. P...
se plaint de souffrir dans le côté gauche du ventre. Durant la nuit, il a eu plu-
sieurs étouffements, sensation de boule partant de l'abdomen et remontant
rapidement jusqu'à la gorge, de courte durée.
20 juin. Le malade en s'évcillanl trouve la main complètement dégon-
flée, la peau cependant en est un peu cyanosée; il peut remuer un peu les
doigts. Le soir, à quatre heures, tous les mouvements des doigts s'accom-
plissent rapidement et sans force. Dyn. = 6 kilos.
27 juin. « La guérison » se maintient; le malade peut se déboulonner,
couper sa viande, accomplir presque tous les mouvements usuels. Cependant
il ne faut pas que ces mouvements exigent un certain effort musculaire, car
il ne peut pas, par exemple, porter son verre plein a sa bouche. Les troubles
de la sensibilité restent les mêmes.
28jwùi. Dans la nuit, tremblement dû la jambe et du bras droits : durée :
30 secondes, suivi de crampes dans les membres du même côté. Le gonflement
de la main reparaît, et la paralysie également. Dyn. = 0. Cet état per-
sisle jusqu'au 1" juillet, époque à laquelle la paralysie s'est atténuée.
L'oedème est moins marqué. Le pouce et les deux premiers doigts sont
animésd'un tremblement léger secousses inégales, peu rapide. Dans la nuit,
à la suite d'un accès d'étouffement précédé d'une aura très caractérisée, il a
été pris d'un tremblement très rapide et très fort du bras et de la jambe du
côté droit. Ce tremblement a persisté plus de 5 minutes.
2 juillet. - L'amélioration dans l'état de la main s'est accentuée : Dyn.
= 15 kilos. Tous les mouvements sont possibles.
3-4 juillet. - Même état. Dyn. = 18 kilos.
Le 7 août. - Durant la nuit, vertiges et étouffements; le gonflement et la
paralysie ont reparu le matin. Le lendemain, le malade peut à peine écrire.
L'anesthésie avec dissociation remonte jusqu'au tiers inférieur de l'avant-
bras.
Les 8-9-10-11 août.. Mèmeélal, la main reste bouffie, cyanosée, paralysée
à peu près complètement.
ÉTUDE DES TROUBLES TROPHIQUES DANS L'il STEI'11-l. 'il
Les 12-13-14 août. L'oedème de la main s'atténue, les mouvements rede-
viennent plus libres; le malade est très énervé, de mauvaise humeur. Durant la
nuit, il est agité, il parle tout haut, il a des accès de tremblement.
15 août. - Elancements dans les tempes très douloureux. Epistaxis.
16 août. - Bourdonnements continuels de l'oreille droite, affaiblisse-
ment de l'acuité auditive de ce côté qui a persisté d'ailleurs depuis celle
époque.
17 août. - La main est complètement dégonflée, mais elle reste violacée
et insensible à la douleur et il la température. Les mouvements des doigts
reparaissent. Dyn = 1 i 1 : . La paralysie s'atténue les jours suivants. Le 17,
Dyn. = 18 k. Le 21 = 30 kilos; le 23= 50 kilos ; c'est tout ce qu'il peut
donner lorsque sa main est en pleine force. '
Le mardi 23, à sept heures et demie du soir, vertiges, congestion très vive
de la face, bourdonnements dans les oreilles mais plus marqués a droite,
battements très violents dans les tempes, « énervement général ». Le malade
se couche et tout à coup il tombe pour la première fois en attaque. Il en a une
série de dix ou douze consécutives ; nous avons assisté à deux d'entre
elles. -
Phase épileptoïde. - Le malade commence parfaire des efforts de déglu-
tilion et de respiration bruyante ; la face se congestionne et aussitôt, brus-
quement, les quatre membres se roidissent en extension, les avant-bras en
pronation forcée, les doigsfortement fléchis, les poings fermés, la paume de
la main tournée eu dehors. Les membres sont agités de petites secousses
épileptoïdes très rapides, très brèves. Cette phase dure quelques secondes
pendant lesquelles la face du malade devient rouge, \iolac6a; il n'écume pas
et ne se mord pas la langue.
Grands mouvements. - Puis il jette sa tète à la renverse, et brusquement,
après des mouvements de circumduction des bras, à grande amplitude, il
décrit un arc de cercle, couché sur le flanc droit, le ventre tourné il droite,
les bras et la tête rejetés en arrière. Ces grands mouvements se répètent une
ou deux fois, puis le malade se remet dans le décubitus dorsal, les yeux
fermés, les membres souples. Cet état de calme dure une minute au plus.
Phase de délire. - Puis sans altitudes passionnelles, avec quelques dé-
placements de la tête, quelques mouvements des jambes et des bras d'ordre
banal, il se met à parler à haute voix, questionnant un personnage qui est sa
fille, lui répondant, etc.
« Delphine, Delphine ! va trouver la concierge... tu ne peux pas me garder
toute seule... tu es encore trop jeune pour te marier, tu n'as que seize ans...
que veux-tu que je fasse avec mes deux gosses, toul seul ? Il faut que tu
restes pour m'aider à les élever, etc. »
Nous Interpellons à ce moment le malade qui nous répond : « Je suis
courbaturé, laissez-moi dormir. La main est complètement dégonflée, elle a
toute sa force, et serre énergiquement.
2 ¡, aOlÎt. - Le lendemain, 24 juillet, l'oedème et la paralysie ont reparu
';]72 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
durant lanuit. Lesoir àseptheurcs, nouvelle série d'attaques comme la veille.
Nuit très calme; bon sommeil.
25 août. - Plus de gonflement, plus de paralysie. Dyn. = 60 kilos; elle
est seulement plus froide et un peu cyanosée. L'anesthésie (dissociée) re-
monte jusqu'à deux travers de doigt au-dessus du coude où elle se termine
par une ligne circulaire très nette. Champ visuel rétréci à GO° à droite el à
gauche; goût aboli à droite; ouïe presque abolie à droite, le bruit de
la monlre n'est perçu que si celle-ci est appliquée contre l'oreille. A sept
heures moins le'quart, le soir,P... tombe en a ! laques. Nous arrivons il la fin de
la première attaque. Le malade qui est dans le décubitus dorsal en est à
la phase de délire. Ses veux sont fermés, le visage est très congestionné. Il
parle sans accompagnement de gestes, toujours couché, mais avec des into-
nations, des inflexions de voixpleines de naturel. Nous transcrivons textuelle-
ment ses paroles : « Des médecins, on en a vu des malins, qui se disent t
malins, ou qui paraissent l'être... Il y en a un... on pent bien le nommer
tout de même... C'est l'honorable M. X..., officier de la Légion d'honneur,
s'il vous plaît; il n'en est peut être pas plus brave pour ça. Il a dit à-ces
messieurs, oh jene vais pas vous raconter tout ce qu'il a conte ; je ne vais pas
vous faire le discours. Il a dit que j'étais atteint... d'une névrite du plexus
brachial... et à cet effet, il m'a colloque un boisseau de pointes de feu ! j'en
porte encore les marques... Il y avait dans le service un petit bonhomme qui
avait l'air plus malin il lui tout seul que tous les autres réunis... Il s'appe-
lait ? .. Il a été chef de clinique à la Pitié, je ne sais où, je ne me rappelle plus...
Lui, avait dit que c'était une paralysie hystérique. Il avait dit il un autre : Le
père X... se met le doigt dans l'oeil, c'est un hystérique... Enfin ceci ou ça, ma
main n'allait pas mieux... Après ça, j'ai élé voir le médecin de la boîte
(usine Eiffel, àLevallois-Perret), le père X... pas malin celui-là; c'est un Breton
d'ailleurs. Il croit toujours que c'est un demi-setier de trop quand on est
malade... Il m'a dit : « Paralysie a frigore. » Qu'est-ce que c'est que ça ?
Enfin il ne m'a rien fait. »
Deuxième attaque. Phase épileptoïde; grands mouvements, arc de
cercle, le délire continue. « Alors donc une... une paralysie a frigore et patati
et patata. Enfin il me donne un billet et me dit : « Avec ça, tu iras à Tenon
dans mon service, on te mettra des pointes de feu. » Je regarde le billet :
c'était un bon pour GO pointes de feu... Enfin j'y Vais tout de même. Je vois
dans la salle un grand diable d'externe qui avait plutôt l'air d'un chef de cui-
sine que d'un externe. Il'm'en a collé dans le dos... des poinles de feu !
« Ça faisait le deuxième médecin en question.
« Le troisième... Celui-là c'était une paralysie par compression... sur il
ne m'a pas fait de mal, il ne m'a rien prescrit du tout.
« Et le plus drôle c'est que ça a guéri tout seul, deux jours après... oui,
tout d'un coup en buvant un demi-setier... C'aurait été de l'eau de
Lourdes, pour sûr qu'on aurait pu crier au miracle. » Efforts de déglulion
puis...
ÉTUDE DES TROUBLES TROPHIQUES DANS L'11YST$IiIE. 273
Troisième attaque. - ...« Alors je suis resté quatre mois bien tranquille,
ma main fonctionnait bien... Ah ouiche, v'là ma paralysie qui repique un
matin. Ça commençait à ni'emm..... je me dis : le patron, ça va l'embêter, il
va me mettre à laporte.
« Alors je vais retrouver le père X... il me dit-je croisbien qu'il a reconnu
qu'il s'était f.... dedans cette fois - « Je vais te donner une lettre pour
M. Charcot... Des lettres ? j'en avais trois dans ma poche... Une de M. Netier,
une de M. 1\Ioutard-Martin, une de M. Troisier et celle-là ça faisait quatre.
« Enfin j'ai donc été à la Salpêtrière... je n'ai pas montré les lettres... on
m'a bien reçu sans lettre et je n'en suis pas plus fier pour ça. Oh la ! la !
ce qu'il fait chaud ! on étouffe dans c'te cambuse. (Ici, mouvements répétés de
déglution, ébauche d'attaque, efforts respiratoires, les membres se raidissent,
mais l'attaque s'arrête là, et le délire reprend.)
« Ouvre la fenêtre... la porte... il faut de l'air... Ah ! ... un petit zéphyr...
Et puis, tu sais, ne laisse jamais entrer les enfants quand je suis dans cette
tenue là ! non vois-tu, je ne veux pas qu'ils entrent quand je suis f.... comme
ça. » (Après un moment de silence.) « Tout de même, c'est très encourageant
pour le public... cinq médecins, et pas les premiers venus de Paris, qui ne
connaissent pas ma maladie. Je crois que c'est Charcot qui a raison... quand
il m'a vu M. D... lui a dit : « C'est un hystérique, mais il n'a pas eu de crises. »
Le père Charcot a répondu : « S'il n'a pas eu de crises, eh bien ! il en aura. » Si
je savais pas qu'il me... sije croyais qu'il est sorcier je lui enverrais bien un
gnon sur la caboche. Voilà ! ... Vite consolé lui... « S'il n'a pas de crise, eh
«hien, il en aura ! ... » Avec tout ça me propre et, en insistant sur chaque
mot... « Me voi-là passé pensionnaire de M. Charcot. En voilà un
certificat d'idiotie, de crétinisme, de ramollissement ! Si on le savait, aucun
patron ne voudrait me louer; on me f... à la porte de partout. Le fait est que
c'est une population de choix ici. Il y en a quelques-uns qui sont enragés... »
Quatrième attaque. « ...Ah oui ! mais je ne sais pas ce que je vais
devenir, je n'oserai jamais retourner avec mes enfants. Voyez-vous qu'on me
ramène en fiacre entre deux sergents de ville'... Je ne veux pas sortir... ou
si je sors, ce sera pour aller jusqu'au pont d'Austerlilz... voir si la Seine n'a
pas changé de courant... »
Ebauche d'attaque. - Le délire change d'objet, ce qui suit a été débité
vile, avec un ton, des rires canailles, on ne peut plus nature... « Alors c'est
pas une colle que tu me contes-là ? Bien vrai ! LeD... s'est marié avec la E... ?
Ah zut alors ! mais je l'ai connue avant lui, mais c'est une traînée ! tout
l'atelier a... mais il n'y pense pas ! Elle passé une fois quinze jours au corps
de garde sans sortir... Et puis elle se saoule... Eh bien, ils vont faire un joli
couple. La grosse E... c'est pas une femme, c'est un tonneau ! Ce qu'elle a
dû en voir ! Mais ça ferait le tour du monde s'ils étaient au bout les uns des
T. Il faisait allusion dans la circonstance à Cah... (Obs. 1) qui, pris d'une attaque d'hystérie,
sur la place de la Bastille, avait été ramené en fiacre à la Salpètrière par doux' sergents
de ville. 1
271 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPËTRIER) ! .
autres... je n'en voudrais pas quand on me f... dix francs. Oh la ! 1 : 1 ! quel
charivari si j'avais élé lv ! ... on aurait dû lui brûler la paillasse ! »
Cinquième attaque. - Le délire recommençait, nous avons réveillé le
malade en l'interpellant vivement en le secouant; il est revenu à lui puis il
s'est endormi paisiblement.
4 août. - Depuis P... a des attaques à peu près tout les deux ou trois jours,
le soir, toujours vers sept ou huit heures. L'anesthésie remonte jusqu'à In
partie moyenne du bras. Les autres stigmates n'ont suhi aucune modifi-
cation. Le malade a de chaque côté, dans le flanc, une zone hystérogène très
nette, pseudo-ovarienne. La pression de ces zones n'airétc pas les attaques,
mais elle les provoque toujours.
Cette observation nous a été communiquée par M. Truffier, agrégé,
chirurgien des hôpitaux. Elle a été recueillie par M. Vignard, interne
de service.
Ons. II. - Leg..s, Louis, trente-cinq ans, comptable à l'Exposition.
Antécédents héréditaires. - Père mort à soixante-huit ans de la rupture
d'un anévrysme, caractère paisible. Mère morte il soixante-douze ans d'une
hémiplégie gauche pendant le cours d'un cancer du sein ; caractère calme,
non nerveuse. Une soeur très nerveuse, s'est suicidée après avoir perdu du
croup, en quinze jours, son mari et ses trois enfants. Un frère très nerveux,
qui a eu les fièvres au Sénégal, et aurait des attaques d'épilcpsic depuis la
mort de la mère survenue il y a trois ans.
Antécédents personnels. - Marié il vingt-six ans; huit enfants, dont un
est mort il y a trois semaines ; une petite fille un peu nerveuse. Pas de sy-
philis. Fièvre typhoïde à onze ans. Réformé du service militaire pour varices
volumineuses à gauche; ni rhumatismc ni migraine; fracture du radius il y a
, deux ans. Pas d'alcoolisme. Très fort mangeur.
Le mardi 17 septembre, à huit heures du matin, se sentant dans son état
normal et entendant le coup de canon de l'Exposition, il tire sa montre de la
main gauche et la laisse tomber. La main était engourdie, insensible, il y
sentait des fourmillements. Le samedi, il vient à la consultation à l'hôpital
Necker n'ayant encore fait que des frictions à l'alcool camphré et l'envelop-
pement avec l'ouate. 6
La main gauche est très parétir¡uc; elle est analgésique et présente de plus
un dème tout particulier qui ne ressemble en aucune façon ;i celui de l'al-
buminurie; il est dur, sa coloration est rosée; il rappelle les phénomènes
de congestion que l'on peut voir a la suite d'un coup de froid.
Le samedi soir, il prend un bain salé; l'oedèmc disparaît en grande parlie
et ramène un peu de mouvement.
Examiné de nouveau le mardi, on constate que la main gauche qui est
presque entièrement paralysée est insensible jusqu'à 2 ou 3 centimètres au-
dessus 'de l'interligne radio-carpien. La main droile est également plus
ÉTUDE DES [TROUBLES TROPHIQUES DANS l'IIYSTERIE. 275
faible que d'ordinaire, sa sensibilité esl diminuée sauf au niveau du pouce
et de la partie externe de l'index où elle est normale.
La sensibilité générale est diminuée surtout il gauche, y compris la con-
jonctive et la cornée.
De plus, anesthésie complète du pharynx, de la langue des deux côtés ;
plaques d'anesthésie complète il gauche dans la région sous-mammaire dans
une étendue de G à 7 centimètres, et dans la région interne de la cuisse
vers la moitié inférieure; la région symétrique de droite présente également
une grande diminution de la sensibilité.
Il semble qu'il faille un courant électrique plus fort que d'ordinaire pour
faire réagir les muscles de l'avant-bras gauche.
Mercredi 25 septembre. - Le malade remue un peu mieux les doigts de la
main gauche, mais la faiblesse y est toujours aussi grande. L'analgésie est
peut-être un peu moins complète. La main est moins enflée : l'oedème qui
avait presque complètement disparu est revenu les jours précédents. Les
plaques insensibles le sont moins ; mais il existe au niveau de la joue gauche
une anesthésie qui n'existait pas hier.
Jeudi 26. Etai moins satisfaisant. L'oedème de la main gauche a
reparu.
Vendredi 27.' - Les mouvements reviennent dans les deux mains mais
la'force est peu augmentée. Toutefois, les mains ne sont plus analgésiques
comme les jours précédents; il existe seulement des endroits qui sentent
moins bien que normalement.
Samedi 28. - Motilité stationnaire. La sensibilité des mains est revenue.
La sensibité générale reste la même.
Lundi 30. Main droite un peu plus forte. Main gauche état stationnaire.
Elles sont de nouveau anesthésiques.
Le malade est revenu deux ou trois fois en octobre se faire électriser car il
n'était pas hospitalisé ; à chaque fois, l'amélioration s'accentuait ; puis il
a cessé de venir et n'a plus donné de ses nouvelles.
IV
L' oedème hystérique siège généralement sur les membres, parti-
culièrement lorsqu'ils sont en état de contracture ou de paralysie. lien
a été ainsi dans l'une des trois observations suivantes que notre maitre,
IL le professeur Charcot, a bien voulu nous communiquer.
Ons. III. - OEdème, cyanose et contracture hystérique du membre
inférieur gauche. (Observation recueillie par M. le Dr Wallet à l'éta-
blissement hydrothérapique d'Autouil et communiquée par M. le pro-
fesseur Charcol.) - Mlle B..., âgée de dix-sept ans, après avoir présenté
une série d'accidents de nature hystérique (contracture du bras droit,
276 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALl'ETKIËRE.
torticolis, blépharospasme) fut prise le 7 mai dernier des symptômes
que voici :
Le 7 mai, le gros orteil du pied gauche se contracture en extension
et abduction forcée. Le jour suivant, le pied et la partie inférieure de la
jambe sont envahis assez rapidement par un oedème dur, avec coloration
violacée des téguments. Le troisième jour, 9 mai, la contracture d'abord
localisée au gros orteil se généralise il tout le membre inférieur gauche ;
le pied se place dans l'attitude du pied bot talus et la jambe est immo-
bilisée en extension, de telle sorte que la malade marche péniblement
en soulevant son membre tout d'une pièce et en s'appuyant sur le
talon.
L'oedeme qui occupe tout le pied et les deux tiers inférieurs de la
jambe est énorme, donnant aux deux segments du membre une forme
cylindrique. Les saillies et méplats ont disparu; les malléoles ne sont
plus apparentes.
Le gonflement consiste en une infiltration oedémateuse de la peau
et des tissus sous-cutanés. Cet oedème est dur; cependant à lapression,
il garde pendant quelques minutes l'empreinte en godet formée par
la pulpe du doigt.
La peau, au niveau des parties gonflées, est cyanosée; elle a une teinte
générale violacée sur laquelle se dessinent des marbrures d'une colo-
ration plus foncée, lie de vin. Elle est sèche, luisante et froide.
Avec ce gonflement oedémateux qui est allé en augmentant pendant
une semaine environ, il s'est développé au niveau des parties tuméfiées :
il' Une hyperesthésie douloureuse et superficielle des téguments. Les
frôlements, les excitations légères à fleur de peau, y déterminent une
sensation de cuisson insupportable. Par contre, une pression forte
exercée sur une large surface est bien tolérée. La sensibilité thermique
est émoussée. Le contact d'une boule d'eau très chaude ne détermine
qu'une vague sensation de chaleur.
2° Des douleurs spontanées; ces douleurs consistent en tiraillements,
élancements, sensations de brûlure. Elles sont assez intenses pour
empêcher le sommeil.
Tous ces troubles : oedème, cyanose, sensations douloureuses, hy-
peresthésie et contracture ont persisté pendant un mois.
Le 9 juin, après une séance de massage, la contracture a commencé
ü céder, et dès lors, l'oedème, les troubles vaso-moteurs et l'hyperes-
thésie se sont effacés progressivement. Le 10 juin, alors que le volume
du membre avait déjà sensiblement diminué, les chiffres des mensura-
tions faites comparativement au membre inférieur droit et au membre
inférieur gauche, étaient les suivants :
ÉTUDE DES TROUBLES TROPHIQUES DANS L'HYSTÉRIE. 577
278 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE,
son membre inférieur droit en même temps que la peau de la région
tuméfiée prenait une teinte rougeatrc, bleutée. Ce gonflement oedéma-
teux était dur; il ne gardait que peu ou point l'empreinte du doigt. Il
était complètement indolent. L'état général était parfait ; il n'y avait pas
de fièvre; la température relevée à plusieurs reprises pendant deux ou
trois jours consécutifs oscillait entre 37° et 37° 5. Cependant, un chi-
rurgien consulté, croyant se trouver en présence d'un phlegmon profond
ou d'unepriostite, pratiqua, après beaucoup d'hésitations, il est vrai,
au niveau delà cuisse deux longues et profondes incisions ; l'hémorrhagie
fut peu abondante, mais les incisions ne donnèrent issue à aucune
trace de pus. La plaie se cicatrisa en quelques jours : bientôt après, le
gonflement disparut comme il était venu.
Le 7 mars de la même année, pareil accident se produisit à l'autre
jambe. A son tour, le membre inférieur gauche fut envahi spontanément
par un oedème dur, bleu clair, indolent. Cette fois on se borna à exer-
cer une compression élastique des régions gonflées et au bout d'une
semaine la tuméfaction oedémateuse avait disparu.
Le cas est évidemment fort instructif; et la complication chirurgicale
qui vint en traverser l'évolution est bien faite pour montrer jusqu'à
quel point ces gonflements' hystériques, avec l'état congestif, la teinte
violacée de la peau qui presque toujours coïncide, peuvent revêtir une
apparence inflammatoire et faire croire soit à des phlegmons profonds,
soità des suppurations osseuses ? Bien qu'ils soient relativement rares,
ces faits méritent donc d'être connus, on en conviendra, ne fut-ce qu'en
raison de l'intérêt pratique qu'ils comportent. Sans doute, l'absence de
fièvre, l'état général du malade sont en ces circonstances des indices
précieux, presque décisifs, pour le diagnostic. Mais il est incontestable
que les symptômes locaux sont bien faits pour induire en erreur.
L'étendue, l'aspect du gonflement, les douleurs spontanées dont il
est le siège, l'hyperesthésie des téguments, tout cela peut aisément con-
duire à un diagnostic erroné.
Dans l'observation de M. Damaschino que nous résumons à cause
de son importance, il siégeait sur les deux membres inférieurs contrac-
turés et s'accompagnait de phénomènes inflammatoires susceptibles
également de faire hésiter le diagnostic.
Femme de trente-trois ans, père mélancolique. Fièvre typhoïde il dix ans,
à la suite de laquelle chorée rhytltmée des membres inférieurs. A quinze ans,
1. Noire regretté maître voulut bien nous donner sur cette malade des renseignements
complémentaires d'où il résulte qu'ultérieurement, à plusieurs reprises, l'oedème apparut et
disparut, toujours en coïncidence avec l'apparilion et la disparition de manifestations d'hys-
térie locale. (G. T.)
. ÉTUDE DES TROUBLES TROPHIQUES DANS L'111S'l'I : PIC. 279
tentative de suicide, hallucinations de la vue; enfermée comme aliénée, sort
guérie au bout de cinq ans. A vingt-trois ans, douleurs très vives dans les
membres supérieurs qui sont gonflés jusqu'aux épaules sans rougeur vive
ni réaction inflammatoire; impotence. On diagnostique rhumatisme fibreux.
Au bout de six semaines remue les doigts; au bout de six autres semaines
guérison complète. Première grossesse très bonne; deuxième grossesse
très mauvaise; dans les derniers jours crises intenses; accouche, sans con-
naissance, d'un enfant vivant. Etat d'hébétude. Quelques mois plus tard,
hémiplégie hystérique droite avec contracture du membre inférieur droit;
certain degré de parésie du côté gauche.
Entrée en septembre 1889 il l'hôpital Laënnec; au bout de quelques jours,
contracture du membre inférieur gauche : paraplégie complète; l'anesthésie
est remplacée par de l'hyperesthésie : rétention d'urine.
En mars, tuméfaction malléolaire gauche, sensation de froid intense dans la
jambe gauche. En avril, la jambe gauche est envahie tout entière par un oedème
de couleur rosée, elle est très chaude à la palpation et mesurée à 5 centi-
mètres de plus que la jambe droite. Température poplitée : à gauche 37°7,
à droite 35"6 C.
Bientôt l'oedème envahit à son tour la jambe droite. Le ` ? 1 mai, l'cedème dur
persiste des deux côtés. Les jours suivants il domine avec la contracture; il
est plus mou et se localise particulièrement au niveau de la malléole
externe de la jambe gauche. Il subit des alternatives d'augmentation et de
diminution et tend à disparaître.
Les deux observations de Fabre sont très incomplètes : nous les
donnons néanmoins in extenso, car la première surtout fait exception
par la généralisation ou mieux par la dissémination de l'cedème, à celles
rapportées par les autres auteurs.
Une autre hystérique, dit-il, m'a présenté il plusieurs reprises non
plus un amincissement scléreux de la peau, mais un léger soulèvement
de la peau déterminé par un oedème dur, peu abondant, apparaissant comme
un faux embonpoint au visage, aux mains et sur divers points des membres,
particulièrement au voisinage des articulations. Ce phénomène s'est repro-
duit plusieurs fois par périodes dont les unes ne duraient que quelques jours
et les autres se prolongeaient davantage. La malade recevait alors sur sa
bonne mine des compliments qu'elle acceptait avec d'autant plus de mau-
'vaise grâce qu'elle disait éprouver de cet embonpoint simulé une gène dou-
loureuse et hors de proportion avec la bouffissure constatée; c'est que, sans
doute, il ce trouble vaso-moteur se joignaient des troubles de sensibilité.
Un oedème sous-cutané beaucoup plus manifeste occupai ! tout le membre
inférieur droit chez une hystérique observée par nous il y a deux ans; il coïn-
cidait avec des troubles de la circulation pulmonaire, oedème ou congestion du
même côté. Sydenham qui avait signalé cet oedème hystérique avait
remarqué aussi son siège unilatéral.
280 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
C'est peut-être une fluxion analogue avec oedème qu'on observe aux seins
de certaines hystériques. ,
Les trois cas de Weir Mitchell se résument ainsi qu'il suit :
Cas I. Femme de quarante-trois ans, hystérique il attaques, hémiplégie
gauche avec hémianesthésie, conservation du tact; l'oedème siège particu-
lièrement sur le membre inférieur gauche ; il existe également sur le bras
et se montre d'une façon intermittente sur le tronc, sur le sein, toujours il
gauche. OEdème dur, le doigt qui presse laisse très difficilement sa trace. La
température de la jambe gauche est inférieure de un quart à trois quarts F.
comparée à celle de la jambe droite. L'oedème subit des variations il l'ap-
proche des règles, sous l'influence d'une émotion. Le gonflement diminuait
sous l'influence d'un bandage très serré pour reparaître aussitôt le bandage'
enlevé. Il persista au moins un an et demi.
Cas II (très incomplet). Femme trente-sept ans, hystérique; la jambe
gauche est le siège d'un oedème très apparent augmentant beaucoup au
moment des règles; température locale abaissée de deux dixièmes de degré
Fahrenheit.
Cas III. Femme vingt-six ans, hystérique à attaques, hémiparésie et hémi-
anesthésie gauche. OEdème des deux jambes, surtout de la jambe gauche, prin-
cipalement marqué pendant les premiers jours des règles et diminuant avec
leur disparition. Cet oedème très variable n'augmentait ni par la marche ni
par la station debout prolongée; il siégeait quelquefois au bras gauche et
à la main. Les attaques le ramenaient plus considérable. La pression pro-
longée du doigt ne donnait pas, ou donnait très faiblement le godet de
l'oedème. Le tissu aréolaire de la jambe gauche paraissait plus ferme que
celui de la jambe droite.
On le voit, feedème se superpose presque toujours à une contracture
ou à une paralysie d'un membre.
L'aspect de l'oedème hystérique est bien tel que l'avait indiqué
Sydenham, c'est un oedème dur sur lequel la pression prolongée du
doigt ne laisse que peu ou pas d'empreinte. Si l'on voulait conserver
au terme oedème sa véritable signification, on ferait mieux peut-être de
ne pas l'employer dans l'espèce : c'est un gonflement dur; mais l'ex-
pression nous paraît consacrée par l'usage qui a force de loi.
La peau de niveau peut avoir sa coloration normale, mais le plus
souvent aussi elle est violacée ou présente une rougeur inflamma-
toire (Damaschino); la teinte violacée peut persister lorsque l'oedème
a disparu. Elle peut précéder l'apparition de l'oedème. Aussi M. Char-
ÉTUDE DES TROUBLES TROPHIQUES DANS L'HYSTERIE. 281.
cot propose-t-il de donner à cette manifestation le nom d'oedème
bleu des hystériques.
Généralement, la température locale est abaissée; Weir Mitchell a
noté trois quarts de Fahrenheit. Dans notre observation I il y eut un
moment (Troisier) 3 degrés de différence en moins sur la main droite
siège de l'oedèmc; le simple toucher permeLlait d'ailleurs de sentir
cette diminution de la température périphérique.
En un seul cas (Damaschino) il existait de l'élévation locale de la tem-
pérature qui était portée dans le creux poplité gauche siège de l'oedème
à 37° 7, et ne mesurait que 35° G dans le creux poplité droit, côté sain.
Nous savonsquc presque toujours la paralysie, l'anesthésie et l'oedème
se superposent; il existe de plus, souvent, in situ, dans le membre
atteint, des sensations d'engourdissement, de fourmillement, de refroi-
dissement, des douleurs plus ou moins vives qu'il est malaisé de rappor-
ter à l'oedème seul, vu la complexité des symptômes.
Son début est variable; généralement il apparaît avec la contracture
ou la paralysie qu'il peut toutefois précéder ; il s'établit en permanence
avec les troubles moteurs subissant des alternatives fréquentes
d'augmentation ou de diminution. C'est là un de ses caractères les
plus importants. S'il est en effet très tenace, on remarque aussi qu'il
subit des fluctuations très accentuées sous l'influence de l'apparition
ou de la disparition des règles, d'une émotion morale un peu vive, etc.
Il pcut apparaître ou disparaître brusquement à lasuite d'une attaque;
en deux heures le membre qui en était indemne peut mesurer
z ou 5 centimètres de circonférence de plus que son congénère du côté
opposé, maximum de dimensions auquel l'oedème hystérique semble
devoir se limiter.
La station debout prolongée ne paraît pas l'augmenter : dans notre
observation III (Corn...) l'usage du membre inférieur gauche contrac-
turé (coxalgie hystérique) le faisait réapparaître ou mieux l'accen-
tuait davantage.
Sa durée peut être fort longue (deux ans et plus, obs. I) elle paraît
surtout subordonnée à la marche de la paralysie ou de la contracture
sous-jacente.
Quand à sa nature réelle elle estencore hypothétique; les piqûres ne
faisaient pas sourdre de sérosité dans les cas observés. '
En résumé : oedème dur, bleuté, indolent ou douloureux; abaisse-
ment de la température locale, superposition habituelle de l'oedème il
une paralysie ou à une contracture avec troubles de sensibilité.
Dans un cas, rougeur inflammatoire de la peau avec élévation locale
de la température.
2X2 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.
Tels sont les caractères sur lesquels on pourra s'appuyer pour faire
le diagnostic de l'oedème hystérique, caractères qui, bien entendu, ne
devront pas faire' négliger la recherche tant des stigmates que des
troubles urinaires permettant de corroborer le diagnostic, ou d'attri-
buer l'oedème à toute autre cause, l'albuminurie par exemple, com-
binée ou non avec la névrose.
GILLES DE la Tourette, A. DUTIL,
Ancien chef de Clinique Interne de la Cliniquc
deamaladic, du système nerveux. des maladie» du sjslèmc nez \cri
LA DERMOGRAPHIE
On a désigné sous les noms divers d'urticaire provoquée, urticaire
graphique, dermato-neurose stéréographique, unphénomène singulier
dû à une excitabilité spéciale de la peau, qui consiste dans l'apparition
de saillies oedémateuses, entourées de rougeur, semblables aux plaques
ortiées, pouvant former des figures variées à volonté, sous l'influence
des excitations du tégument. Nous préférons la dénomination pure et
simple de dermographie qui ne préjuge en rien de la nature de ce
phénomène.
Les traités classiques de dermatologie signalent bien à propos de
l'urticaire l'excitabilité vaso-motrice que présente parfois la peau des
malades atteints de cette affection. Mais Gull le premier a traité la
question avec quelques détails. Plus tard Zunker a décrit minutieu-
sement le phénomène qui nous occupe à propos de deux jeunes
malades, atteints d'urticaire vraie. Dans la littérature française nous
relevons plusieurs observations touchant le même sujet, faites princi-
palement sur des hystériques. La plus connue est celle de Dujardin-
Beaumetz3 (la femme-cliché). - Le fait a été noté chez deux hysté-
riques du service de M. Charcot par MM. Bourneville et Regnard 1.
Axenfeld° dans son Traité des névroses dit l'avoir observé deux fois.
Enfin plus récemment, M. Chambard' en publiait une intéressante
observation dans les Archives de neurologie et M. Lwoff présentait un
malade à la Société médico-psychologique. Antérieurement, le fait
avait d'ailleurs été remarqué par Lorain, qui aimait, dit M. Rehaut z
(de Lyon), à stigmatiser ses hystériques.
1. \\'. Gull, On fllctitious tsrticaria (Gny's IIosp. Rep., 1859).
2. Zunker, Ueber : ,wei Fille von vasomotorischen Neurosen (Berlitt. Min. Wochen-
sclt rift, 1875).
3. Dujardin-Beaumetz, Note sur les troubles vaso-moteurs de la peau observés chez une
hystérique (Union médicale, décembre 1879).
f.. Bourneville et Regnard, Iconographie de la Salpètrière (1879-1881).
5. Axenfeld, Traité des névroses, Paris, 1883.
fi. Chambard, Dermatoneurose steréographiqlle chezun imbécile alcoolique (Archives de
neurologie, janvier 1889).
7. Annales médico-psychologiques, numéro de novembre 1888.
8. Renaut, Article Dermatose, du Dict. encyclopédique.
il. 18
8.t NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.
La rareté du phénomène a sans doute été exagérée par la plupart
des auteurs qui ont traité de la question; car ayant eu l'occasion de le
rechercher sur cent trente malades, épileptiques ou nerveux, nous
l'avons observé, 7 fois avec une grande intensité, -- '18 fois à un degré
moyen - 21 fois il était très faible - 91 fois il n'a pu être produit.
On peut dire que les conditions auxquelles est liée l'existence de la
dermographie restent jusqu'ici très obscures, car l'attention n'a guère
été attirée de ce côté. Toutefois, en relevant les faits signalés, nous
trouvons une prédominance chez deux catégories de malades : d'une
part, les femmes hystériques; d'autre part, les individus déjà atteints
d'urticaire vraie. Les faits de MM. Chambard et Lwoff; les cas qu'il
nous a été donné à nous-mêmes d'observer se rapportent à des sujets
présentant des tares névropathiques manifestes. Zunlcerl rapporte
l'histoire d'un saturnin qui présenta le phénomène en question d'une
façon passagère, alors seulement qu'il était sous l'influence du poison.
Toutefois, il serait prématuré de rien conclure à cet égard, avant que
la réaction ait été recherchée sur les individus absolument sains;
d'autant plus que Michelson a pu la déterminer chez trois adultes
vigoureux, n'ayant aucune tare névropathique. Un des faits d'txenfeld°- 2
se rapporte aussi à un sujet en pleine santé. Il n'est pas rare d'observer
chez les femmes, au niveau de la taille, chez quelques individus à la
ceinture, aux endroits où les vêtements exercent une pression éner-
gique, un boursoufflement diffus de la peau, avec rougeur et saillies
oedémateuses, ressemblant au premier abord à distance à des verge-
tures, des cicatrices. Il s'agit là d'un fait du même ordre; et c'est ainsi
que nous avons découvert l'excitabilité remarquable de la peau chez le
malade dont nous donnons ici la reproduction.
Toutes les régions du tégument ne sont pas également favorables
à l'expérience. Il faut choisir, dit Gull, une région riche en fibres
lisses. C'est sur la peau du thorax qu'on réussit le mieux à produire le
phénomène, principalement dans la région dorsale. Sur les membres,
l'excitabilité va en décroissant de la racine vers l'extrémité. Nous avons
également pu le produire sur la face, sur la peau du front; M. Cham-
bard sur la muqueuse buccale3. Ajoutons que les excitations méca-
niques sont les plus efficaces.
Pour la description du phénomène de la dermographie, nous ne
saurions mieux faire que de nous rapprocher de celles qu'en ont
1. Zunker, loc. cit., p. 50 ?
2. Axenfeld, loc. cil., p. 1032.
3. Chambard, loc. cit., p. 11. i.
LA DERMOGRAPHIE. 285
données Gull et Zunker. Voici les phases détaillées par lesquelles il
passe successivement :
Aussitôt le passage de l'instrument (tranchant d'un coupe-papier
par exemple) pâleur passagère suivie du phénomène de la 'chair de
poule.
30 secondes : rougeur faible sur la ligne tracée, entourée de deux
zones pâles.
z1 minute 1/2 : troisième zone rouge périphérique, s'étendant au
loin.
Fin de la 2° minute : apparition sur la ligne centrale d'élevures
blanches d'abord isolées et marquées au niveau des follicules pileux.
3' minute : extension de la saillie blanche, qui envahit la première
zone pâle et arrive aux limites de la zone rouge périphérique.
4° ou 5e minute : l'élevure ortiée est complète; les saillies follicu-
laires isolées confondues entre elles, disparues dans l'infiltration
générale.
Seulement sur le bord, on aperçoit quelques bulbes pileux proémi-
nents, donnant à cette partie un aspect grenu, chagriné.
15 à 20 minutes : commencement du déclin. L'aréole rouge se
rétrécit, l'élevure s'affaise et diminue de largeur.
Quelques heures : plus rien.
Ce tableau qui est à peu près exactement celui tracé par Zunker à
propos d'un malade, peut s'appliquer à la généralité des cas avec
quelques modifications. C'est ainsi que l'aspect de la chair de poule
est plus ou moins marqué; la saillie de l'élevure varie de 1 à milli-
mètres et davantage; la zone rouge périphérique s'étend de 2 à 5 cen-
timètres. La persistance du phénomène peut être de 12 heures,
comme dans le cas de M. Dujardin-Beaumetzi. Il existe du reste de
grandes variations individuelles; et l'examen de nos malades nous
a montré que toutes les transitions pouvaient s'observer dans les
degrés que présente le phénomène. D'une façon générale, il est
d'autant plus fort qu'il a été plus long à se produire.
Comme conséquence de la congestion cutanée qui accompagne
l'oedème, il faut noter une élévation de température pouvant dépasser
2°. Suivant Gull, il se produirait, concurremment à la contraction
des fibres lisses du derme et sous l'influence de cette contraction, une
modification dans les dimensions du tégument, un raccourcissement
que l'on peut vérifier en prenant la distance entre deux points marqués
sur la peau. Le fait avancé par Gull n'est pas si facile à vérifier qu'il en
1. Dujardin-Beaumetz, loc. ci ? p. 919.
286 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE,
a l'air si l'on considère que, dans la région sternale par exemple, une
distance verticale longue de 8 centimètres peut augmenter de 1 cen-
timètre quand on porte le cou dans l'extension; et qu'il en est de
même dans le sens transversal si l'on porte les épaules en arrière. Il
faut donc s'assurer d'une immobilité absolue pendant toute la durée
de l'expérience. Or en choisissant pour faire cette recherche la peau
qui recouvre la crête du tibia, nous avons évité cette cause d'erreur.
Mais dans ces conditions, nous n'avons observé aucun changement de
dimension dans la région excitée. Entre deux points distants de 8 cen-
timètres, huit lignes transversales ont été tracées. Mais à aucun mo-
ment du phénomène, et dans aucun sens, il ne nous a été donné
d'observer le retrait du tégument. D'ailleurs la même expérience
pratiquée dans la région sternale, le malade ayant gardé l'immobilité
absolue, les bras croisés, nous a donné le même résultat négatif.
Notons encoreau niveau de l'éruption provoquée, le phénomène du
pouls capillaire déjà observé par M. IIirtz' sur les papules ortiées.
Nous en aurons fini avec cette description quand nous aurons
ajouté que les symptômes subjectifs, dans tous les cas, sont nuls au
niveau de l'éruption. Zunker note seulement une légère sensation de
chaleur chez un de ses malades; mais il y a loin delà au prurit intense,
caractéristique de l'urticaire véritable.
Les phénomènes consécutifs sont nuls : la congestion oedémateuse
disparaît spontanément au bout de 1 à 12 heures. Nous signalerons
cependant, avec toutes réserves, un fait de pigmentation consécutive.
Six petites lignes transversales avaient été tracées voisines l'une de
l'autre, dans la région deltoïdienne droite; l'excitation n'avait pas été
plus violente que d'habitude, et aucune ecchymose n'avait été remar-
quée. Cependant, huit jours plus tard, apparaissait une légère pigmen-
tation brune, qui actuellement, au bout de trois semaines, est manifeste
sur les lignes précédentes. Mais il faut avouer que c'est la seule fois
que pareille chose s'est produite, et que nos tentatives ont échoué
pour obtenir une pigmentation dans la région symétrique, du côté
gauche.
Dans le but d'étudier les circonstances qui font varier le phénomène,
on a fait un certain nombre d'expériences :
1° On a varié les excitants.
Nous n'avons envisagé jusqu'ici que les excitants mécaniques par
pression. Les piqûres d'épingles légères s'entourent d'une petite
macule rouge, qui devient au bout de quelques minutes une papule
I. Ilirtz, Soc. médicale des Hôpitaux, séance du 25 janvier 1889.
LA DERMOGRAPHIE. 287 7
légèrement saillante, de la dimension d'une lentille. Un jet d'eau
compact ou divisé lancé avec force (excitation hydro-mécanique) a pu
produire l'oedème congestif sur le malade de M. Chambard'. Le même
malade, dont l'excitabilité était remarquable, a présenté, sous l'in-
fluence d'une simple aspersion d'eau froide, une roséole, bientôt
suivie de l'apparition de papules d'urticaire typiques.
Une malade de 111. Blachez°- était particulièrement sensible au froid.
L'effigie d'une pièce de monnaie se reproduisait sur sa peau avec un
relief d'une netteté remarquable. ,
Les excitations électriques semblent bien inférieures sous ce rapport
aux excitations mécaniques. Ainsi la {urad isation avec le pinceau n'a fai t
apparaître, sur le malade photographié ici qu'une faible rougeur (au
zéro de l'appareil Dubois-Raymond). Il est vrai que cette rougeur une
fois effacée, nous avons pu voir persister quelques petites papules rou-
ges, semblables à des éléments de varicelle et répondant aux points de
contact des fils du pinceau. Les excitations galvaniques semblent plus
actives. Au bout d'une minute environ, avec i éléments Gaiffe, nous
avons vu se produire aux points de contact du pinceau de petites papules
rouges, saillantes, qui sont devenues oedémateuses, simulantà s'y mé-
prendre un groupe d'éléments de zona. Les résultats se sont montrés
identiques aux deuxpôles avec le pinceau, si ce n'est que, au pôle posi-
tif, l'éruption s'est montrée plus tôt et a été plus forte. Notons encore
l'opposition au pôle négatif d'une belle roséole, étendue à tout le dos,
au moment de l'application du pinceau, phénomène qui n'a pas du
reste été reproduit dans la même séance. Au niveau du tampon, rien
d'appréciable nes'estproduit.
Ces résultats diffèrent de ceux obtenus par M. Chambard auquel la
galvanisation a donné moins que la faradisation. Mais il faut peut-être,
en pareille matière, faire la part de l'excitabilité spéciale du malade. En
tous cas, la différence observée dans les deux modes de réaction, mon-
tre bien qu'il ne s'agit pas d'exciation mécanique pure et simple parles
fils du pinceau.
2° On a cherché à entraver localement la production du phénomène.
Gull et Zunker ont signalé l'action des anesthésiques. L'application
de chloroforme, d'élher, empêchent la formation des élevures ortiées ;
mais il faut que l'anesthésie locale soit complète. Après avoir répété
ces expériences, voici les conclusions auxquelles nous sommes arrivés.
Si l'anesthésie est incomplète (application de chloroforme, de glace
1. Chambard, loc. cil., p. 15.
2. Mâchez, Société médicale des Hôpitaux, 1872.
288 ' NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
pendant 1 ou 2 minutes) une ligne tracée, partie sur la peau intacte,
partie sur la région anesthésiée, devient saillante d'abord dans la
première portion seulement - puis la seconde s'élève à son tour avec
un retard variant de 1 à 3 minutes. Finalement le phénomène acquiert t
une intensité égale sur toute la longueur de la ligne. Unefois la saillie
bien développée, les applications de glace ou de chloroforme ne la
modifient plus. Si maintenant on pulvérise de l'éther jusqu'à l'insensi-
bilité complète, il est impossible en effet de produire le relief ou
même simplement la rougeur avec les excitations les plus fortes. Mais
nous avons pu constater, en examinant la région au bout de deux
heures, l'existence de reliefs bien développés (pl. XLIII). Il n'y a
donc pas obstacle, mais' simplement retard, période latente d'autant
plus longue que l'anesthésie a été plus parfaite.
Le phénomène semble d'ailleurs s'épuiser lui-même par une simple
répétition. Aux endroits précédemment irrités, on constate un retard
dans l'apparition des saillies = hauteur moindre -rougeur moins
étendue. Cet épuisement s'est prolongé jusqu'au lendemain dans une
région fortement irritée à plusieurs reprises, et nous avons noté que
la'ligne en relief produite alors était interrompue par places, les
saillies périfolliculaires restant isolées.
. Il est difficile d'établir l'évolution de ce phénomène singulier chez
les individus qui en sont porteurs, en raison de l'absence d'observa-
tion longtemps poursuivie. La malade de M. Dujardin-Beaumetz, tenue
en observation pendant six mois, n'a pas présenté de modification
appréciable. De notre côté, dans l'espace de z1 à 2 mois, nous n'avons
pas noté sur nos malades de changement important et durable. Il
s'agit vraisemblablement là d'une manière d'être de la peau, d'un état
permanent. Seul, Zunker1 a noté sa disparition chez le saturnin dont
nous avons parlé.
Userait non moins intéressant d'étudier les variations passagères
du phénomène. Chez deux de nos malades, l'un présentant des
poussées d'urticaire°, l'autre ayant une éruption eczémateuse, nous
avons noté que le phénomène était plus intense au moment des
recrudescences de l'affection cutanée. Mais c'est surtout sous l'in-
fluence des accès épileptiques que nous avons pu constater dans
quelques cas des modifications intéressantes3.
1
1. Zunker, loc. cit., p. 505.
2. Ce même malade dont la région dorsale est photographiée ici, présente sur les jambes
quelques pustules d'ecthyma disséminées. Rien qu'il s'agisse là d'ecthyma simple, une d'entre
elles siégeant à la face antérieure de la jambe gauche a déjà provoqué deux hémorrhagies
abondantes en ulcérant une veine superficielle.
3. Ch. Féré, Les épilepsies et les épileptiques, p. 219.
NOUVELLE ICONOGRAPHIE T. II PL. XLII I.
\
PHOTOTYPifi aL'aTHAVD
DERMOGRAPHIE
L : &.CROSNIB ET BASÉ, ÉDITEURS
LA DERMOGRAPHIE. ' 289
Pendant la stupeur nous n'avons même pas pu produire la simple
raie rouge érythémateuse que l'on obtient sur tout le monde. Après
l'accès, nous avons pu examiner trois des malades qui la présentaient à
un fort degré en temps ordinaire : chez l'un deux (4 heures après) il
ne s'est produit qu'une simple rougeur assez étendue sans saillie ; -
chez les deux autres, saillie très faible. Enfin chez un 4° malade qui
présentait une réaction cutanée d'intensité moyenne, après une série
de cinq accès, les plus fortes excitations n'ont produit qu'une faible
rougeur; et c'est seulement le lendemain que le phénomène com-
mençait à reparaître très léger. L'accès d'épilepsie semble donc épuiser
l'excitabilité cutanée.
Reste à connaître la nature du phénomène qui nous occupe; c'est à
n'en pas douter un phénomène d'ordre musculaire, portant sur les
vaisseaux et sur les' follicules pileux, et passant par les deux phases
successives de contraction et de paralysie. Mais quelle est sa parenté
avec l'urticaire vraie ? La coexistence fréquente chez le même individu,
l'identité des phénomènes objectifs prouvent en faveur de celle-ci.
Mais les arguments opposés ne font pas défaut. D'abord la coexistence
est loin d'être constante. En outre le prurit fait défaut dans cette urti-
caire artificielle. Enfin les substances qui modifient l'urticaire véritable
restent ici sans effet :
/1° L'ingestion des aliments qui produisentl'éruption ortiée a amené
des poussées chez les sujets atteints d'urticaire vraie; mais est restée
sans effet chez ceux où l'on constatait simplement la dermographie, et
ne semble pas avoir exagéré le phénomène.
2° En second lieu, le traitement de, l'urticaire (atropine, ergotine)
tenté par Dujardin-Beaumetz et que nous avons essayé également sur
nos sujets, n'a jamais réussi à modifier le phénomène d'une façon
appréciable.
Cn. Féré, II. LAmy,
Médecin de Bicêtre. Interne des hôpitaux.
CONSIDÉRATIONS SUR LA COURBE DES EXCRÉTIONS
DANS L ATTAQUE DE SOMMEIL HYSTÉRIQUE
- 1
Dans un travail publié en 1888 nous nous efforcions de tracer
l'histoire clinique des attaques de sommeil hystérique. Les faits
que nous avons observés depuis n'ont rien ajouté de bien particulier
il' la physionomie que nous en donnions alors. Toutefois nous avons
observé pendant de longs mois une malade, Biz... (pl. XLIV, XLV) qui,
comme on le verra, fut présentée à plusieurs reprises par M. Charcot
à ses auditeurs des-Leçons du Mardi et dont l'attaque offrait cer-
taines particularités. La plus importante consistait en ce que, bien
souvent, l'attaque de sommeil avait lieu sans aura : la malade tombait
par terre, assommée pour ainsi dire, comme s'il se fût agi d'un accès
d'épilepsie. C'était la une difficulté de plus ajoutée au diagnostic.
Pendant le'sommeil, à intervalles variables, tout d'un coup, les
yeux fermés ou demi-clos, elle se découvrait brusquement, sortait de
son lit.eu.courant, se dirigeait vers la sortie et- allait se frapper avec
violence contre le premier- objet- qui s'opposait' à sa course, porte,
mur, etc. ; : ces fugues représentatives des'attitudes'passionnelles,
comme le faisait remarquer M.' Charcot, sont encore assez particulières,
elles montrent qu'il est nécéssaire, : dàns ces circonstances, de surveiller
très attentivement les malades afin qu'elles ne puissent se nuire. La
violence du, choc ne troublait d'ailleurs en aucune façon le sommeil
qui restait aussi profond que l'instant d'auparavant. Chez cette malade,
la pression seule d'une zone hystérogène était susceptible d'amener
le réveil, à moins que celui-ci ne survint normalement.
Dans le mémoire de 1888, nous donnions l'observation d'une
malade qui intriguait alors surtout le monde extra-scientifique, et
que les journaux politiques avaient baptisée « la dormeuse de
Thenelles ». Cette malade que nous étions allé voir avec le Dr Charlier
[d'Origny Sainte-Benoîte] qui lui donnait ses soins, était alors plongée
1. Gilles de la Tourette. Des attaques de sommeil hystérique. Archives de neurologie,
n°" 43, 44, 1888.
NOUVELLE ICONOGRAPHIE
T. II PL. XLIV.
CLICHÉ A. LONDK
PHOTOTYPIE HiRTHAUD
ATTAQUE DE SOMMEIL HYSTERIQUE
(état normal)
LIi.CROSNI8 ET ¡¡¡ADÉ, ÉDITIiIUJI
NOUVELLE ICONOGRAPHIE T. II PL. XLV.
ATTAQUE DE SOMMEIL HYSTERIQUE
.
/
CONSIDÉRATIONS SUR LA COURBE DES EXCRÉTION ?
\
dans l'état de mal de sommeil hystérique depuis le 31 mais'1883 ^S^ '
é., S zon F ?
Grâce aux notes qui nous avaient été obligeamment communiquées-"
par notre confrère, nous avions pu compléter notre examen du
7 avril 1887 et établir, dans une observation détaillée, que Mlle B...
était bien plongée, à cette époque, dans une période de véritable
sommeil hystérique que le D' Charlier suivait depuis près de trois ans.
Il était intéressant de savoir ce qu'était devenue cette dormeuse.
M. le Dr Charlier a bien voulu, avec son obligeance ordinaire, nous
communiquer la note suivante, pour laquelle nous lui adressons tous
nos remercîments : « La dormeuse de Thenelles que j'ai vue ce matin
(10 décembre 1889) est toujours dans la même situation. Je ne
retrouve plus la zone hystérogène de la région sternale. Les périodes
de grands mouvements qui entrecoupaient le sommeil, sans amener
toutefois le réveil, se font plus rares et moins fortes. La trépidation
spinale et l'exagération du réflexe rotulien sont toujours très marquées
à droite. Le pouls était ce matin, au début de mon examen, à 120.
L'état de contracture est toujours le même, avec anesthésie géné-
rale. L'amaigrissement de la malade ne m'a pas paru beaucoup plus
grand que lorsque vous l'avez vue, mais il m'est difficile de me
prononcer en l'absence de pesées comparatives. La mère m'a appris
que sa fille avait eu' y a quelques jours de la diarrhée. Je n'ai pas
eu le loisir de lui demander plus d'explications, mais je me réserve
de l'interroger a nouveau dans une prochaine visite et de vous faire
part de ce que j'aurai appris. »
Ainsi, le sommeil ayant débuté le 31 mai 1883 et se poursuivant
encore le 10 décembre 1889, nous nous trouvons donc en présence d'un
étatdemal de sommeil de 6 ans, 6 mois eU 0 jours de durée. Cette obser-
vation exceptionnelle doit être placée en dehors de toute contestation,
étant donné la surveillance médicale constante à laquelle a été sou-
mise la malade et le diagnostic indiscutable dans la circonstance.
En 1887, elle était alimentée exclusivement avec des lavements de lait
et de peptones : il est probable - sans que nous puissions l'affirmer
toutefois - que c'est encore de cette façon qu'elle est actuellement
nourrie.
II ' '
La conservation de l'existence pendant ces longues périodes de
sommeil hystérique, dans lesquelles l'alimentation ne devait s'effec-
tuer, pensions-nous, que d'une façon insuffisante et quelquefois tout à
fait négative, nous faisait désirer, en 1887, d'élucider la question des
292 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPêTRIèRE.
excrétions, de la nutrition en un mot, pendant l'attaque de sommeil
hystérique.
Quelques analyses entreprises à Londres et à la Salpêtrière à notre
instigation, n'avaient donné que des résultats absolument insigni-
fiants pour beaucoup de raisons indépendantes de l'investigation
chimique pure.
Pour cela même, l'idée d'étudier la nutrition dans ces cas si parti-
culiers n'avait pas été abandonnée; elle nous a conduit même à
généraliser notre étude à l'hystérie tout entière, normale ou patho-
logique.
Ces recherches qui ont porté sur un;très grand nombre de malades
et ont nécessité une quantité très considérable d'analyses, ont été
faites pendant les années 1888 et 1889, sous la direction et dans le
service de notre éminent maître, M. le professeur Charcot. Elles sont
en cours depublicationdansle Progrès médical, et ont faitl'objet d'une
communication préalable à la Société de biologie (27 juillet 1889).
Pour l'intelligence des faits qui vont suivre, nous reprendrons cette
communication, nous en tenant exclusivement à ce qui regarde
l'attaque et les états de mal.
Nos malades, hommes et femmes à l'encontre de ce qui avait été fait
avant nous, ont été divisés en deux catégories : les hystériques normaux,
les hystériques pathologiques. Les premiers sont ceux qui ne présentent
au moment de l'observation que les stigmates physiques nécessaires
pour établir à l'état permanent le diagnostic de la névrose; les
seconds sont ceux qui, en plus des stigmates permanents, présentent
la série des accidents variés : attaques, états de mal, vomissements,
etc., constituant la pathologie de l'hystérie. Nos recherches qui ont
porlé pour le premier groupe sur dix hystériques normaux,
sept femmes et trois hommes, nous ont conduit à admettre - à
l'encontre de l'opinion de M. Empereur - que chez l'hystérique, en
dehors des manifestations pathologiques de la névrose, autres que les
stigmates permanents, la nutrition s'effectue normalement.
Les phénomènes pathologiques que nous avons plus particulière-
ment étudiés sont, en ce qui regarde l'attaque : 1° l'attaque convulsive
aux quatre périodes; 2° l'attaque bornée à l'une de ces périodes ou
avec prédominance de cette période : forme épileptoïde, léthargique,
etc.; 3° l'attaque à forme d'épilepsie partielle; 4° les attaques de
chorée rhythmée, toux, bâillements, etc.
Dans tous ces cas, les résultats des analyses comprenant la période
des vingt-quatre heures à dater du début de l'attaque nous ont permis
de conclure :
CONSIDÉRATIONS SUR LA COURBE DES EXCRÉTIONS. 293
Que dans l'attaque d'hystérie convulsive et dans toutes les variétés
d'attaques que nous venons d'énumérer il y avait : 1° diminution du
résidu fixe, de l'urée et des phosphates; 2° que le rapport entre les
phosphates terreux et alcalins étant normalement comme 1 est à 3,
dans l'attaque d'hystérie ce rapport devient toujours comme 1 est 2
et souvent comme z1 est à 1. C'est ce que nous avons nommé
l'inversion de la formule des phosphates.
En ce qui regarde le volume de l'urine des vingt-quatre heures,
celui-ci' est le plus souvent diminué; toutefois la première miction
qui suit l'attaque est généralement plus considérable qu'une miction
ordinaire; c'est elle qui crée la polyurie lorsqu'elle existe.
L'étude des états de mal hystérique à forme épileptoïde, à forme
d'épilepsie partielle, cataleptique (attitudes passionnelles), délirante,
nous a démontré, qu'au point de vue chimique, l'état de mal hystérique
n'était autre chose qu'une attaque d'hystérie prolongée avec accen-
tuation des phénomènes que nous avons énumérés.
De plus, l'étude de la courbe des excréta urinaires pendant là durée
de l'état de mal montre qu'au début il y a chute des éléments
urinaires; puis plateau; et relèvement quelques jours avant la sortie
de l'état de mal. Le relèvement des éléments constitutifs, lequel est
susceptible d'atteindre et même de dépasser le taux normal, la veille
et le jour du réveil, est indépendant de l'alimentation, celle-ci ayant été
négative dans la plupart des états de mal que nous avons étudiés. Ce
sont donc bien là des phénomènes dus à l'hystérie et non à l'inanition.
L'étude de la courbe permet donc de prévoir la durée de l'état de mal
et de prédire le retour à l'état normal.
Quel que soit l'état de mal observé, le poids des sujets diminue
journellement d'une quantité variable, suivant la durée de l'état de
mal. Le retour à l'embonpoint est très rapide après le réveil.
Nous voulons démontrer aujourd'hui que l'état de mal léthargique
ne diffère pas des autres états de mal hystérique et que la courbe des
excréta nous permettra encore une fois de prévoir la durée de l'état de
mal et de prédire le retour à l'état normal; ce qui est dans la circon-
stance d'une importance qui n'échappera à personne. Dans l'état de
mal à forme épileptoïde, par exemple, la fréquence des accès, leur
diminution, peuvent faire préjuger la continuation de l'état ou du retour il
a l'état normal; de même a-t-on des indications assez précises dans
l'état de mal délirant par l'état même du sujet. Dans l'état de mal de
sommeil au contraire, rien qui indique le réveil. La clinique a donc
tout à gagner à posséder un procédé permettant d'annoncer quand aura
lieu le réveil. La physiologie générale profitera de nos recherches en
291 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
ce qu'on ne considérera plus désormais les hystériques, comme des
êtres à part, au-dessous encore, biologiquement, des animaux hiber-
nants, vivant et ne déperdant rien, « parce qu'il leur est inutile
binon nuisible de manger. » (Empereur.)
III
Nos expériences, en ce qui regarde l'état de mal léthargique ou
attaque de sommeil, ont porté sur G malades donnant un total de
11 états de mal pour lesquels il a été fait 91 analyses des 2-1. heures
de sommeil sans compter les périodes d'état normal. L'état de mal le
plus court que nous ayons observé a été d'un jour, le plus long de
'15 jours, parmi bien entendu ceux qui ont été soumis à notre
analyse. Il ne faut pas oublier en effet, comme nons l'avons dit, que
l'état de mal de sommeil peut se prolonger pendant beaucoup plus
longtemps.
Pendant cette période, le sujet est susceptible d'absorber une
alimentation restreinte, liquide ou demi-liquide. A ce dernier point
de vue, nous aurons toujours le soin défaire ressortir les particularités
qu'offraient individuellement nos malades. Nous pouvons dire déjà
que chez tous la température est restée normale pendant la durée des
accès; les urines ont été recueillies à l'aide de la sonde.
Négligeant l'ordre chronologique dans lequel ont été faites nos
observations, il nous a paru intéressant de donner tout d'abord
l'analyse d'un état de mal, d'une attaque de sommeil n'ayant pas
dépassé la période de 24 heures.
TABLEAU A. - ATTAQUE DE SOMMEIL HYSTÉRIQUE.
Will, 10 ans.
CONSIDÉRATIONS SUR LA COURBE DES EXCRÉTIONS. 29
Si l'on veut bien considérer le tableau A, on verra que l'attaque de
sommeil bornée à la période de 24 heures se comporte exactement, au
point de vue biologique, comme une attaque convulsive ordinaire.
Elle se juge par l'abaissement du taux de [l'urine, du résidu fixe, de
l'urée et des phosphates avec inversion caractéristique de la formule
de ces derniers. En effet, à l'état normal Will., 19 ans, poids 48 kilo-
grammes, excrète 1,150 centimètres cubes d'urine; 49 gr. 50 de résidu
fixe pour 1,000 centimètres cubes; 22 grammes d'urée; 2 gr. 40
d'acide phosphorique total se décomposant en terreux 0 gr. 66, et
alcalin 1 gr. 74, donnant la proportion normale de 48 à 100.
Le jour de l'attaque de sommeil elle excrète 550 centimètres cubes
d'urine; 34 gr. 10 de résidu fixe; 8 gr. 25 d'urée; 1 gr. 10 d'acide
phosphorique total se décomposant en terreux Ogr. 6G, et alcalin 0 gr. 44
donnant la proportion de 150 à 100 réalisant au suprême degré
l'inversion de la formule des phosphates.
L'attaque de sommeil hystérique, comprenant la période de
24 heures, est donc entièrement assimilable, au point de vue chimique,
à l'attaque convulsive ordinaire.
TABLEAU B. - ÉTAT DE MAL DE SOMMEIL HYSTÉRIQUE
16 ans.
296 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE..
Dans le troisième cas (Mono. femme, 19 ans, 51 kilogrammes) l'état
de mal dure 3 jours et se rapproche à un tel point du précédent qu'il
nous paraît inutile de donner le détail des analyses. Elle maigrit de
960 grammes; car elle ne pèse plus au réveil que 50 kil. 40.
Dans le quatrième cas (Camp. femme, 25 ans) le sommeil dure
4 jours et s'étend du 29 juin au 3 juillet 1888. Les urines ne peuvent
être recueillies, car, ainsi qu'il arrive quelquefois, il y a incontinence
pendant l'état de mal. Nous ne voulons en retenir que ceci : c'est
que la malade, qui n'absorbait absolument rien, pesait 57 kilogrammes
le 29 juin 1888, début de l'état de mal, et 52 kilogrammes le 3 juillet,
jour du réveil. En 5 jours elle avait donc maigri de 5 kilogrammes.
Le 5 juillet, elle s'endort à nouveau, pesant 51 kil. 900, pour se
réveiller le 7 juillet, pesant 51 kil. 420. On voit combien peut être
grande la dénutrition pendant l'état de mal léthargique lorsque les
malades n'absorbent rien.
La cinquième malade (Saint-Denis, 15 ans 1/2) a été présentée par
M. Charcot à sa Leçon du Mardi, 5 février 1889. A cette époque elle
était soumise déjà depuis quelque temps à notre observation pour des
vomissements hystériques qui avaient nécessité son admission à la
Salpêtrière. Une première fois, le 23 janvier 1889, ses vomissements
sont entrecoupés par un état de mal de sommeil qui dure 3 jours, les
23, 24 et 25 du même mois. Nous ne pouvons établir, étant donné les
vomissements, une comparaison avec l'état normal qui n'existait pas à
proprement parler à ce moment, toutefois les analyses de ces 3 jours
ne sont pas moins caractéristiques que celles des cas précédents au point
devue de l'état demal léthargique. Chez Saint-Den., âgée de 15 ans 9 ?
pesant 37 kil. 760 le jour du début de l'attaque de sommeil, les
analyses donnent : urine 750 centimètres cubes ; résidu fixe 20 gr. 60;
urée 11 gr. 85; acide phosphorique total 0 gr. 74, alors que la veille,
malgré les vomissements, elles donnaient : urine 870 centimètres cubes;
résidu fixe 29 gr. 62; urée 15 gr. 92; acide phosphorique total
19 gr. z. Pendant 3 jours de sommeil, les 23, 24, 25 janvier 1889, les
sécrétions se maintiennent à ce taux inférieur. La malade, qui sort le
25 au soir de son état de mal par une attaque convulsive, a maigri de
810 grammes, car elle ne pèse plus que 36 kil. 950 au lieu des
37 kil. 760 du jour du début de l'état de mal léthargique, soit
270 grammes par jour. Pendant ces 3 jours, la température rectale
moyenne a été de 37° 4, C.
Nous empruntons la suite de l'observation à la Leçon du Mardi,
5 février, que notre maître, M. le professeur Charcot a consacrée, en
partie, à ce cas intéressant.
CONSIDÉRATIONS SUR LA COURBE DES EXCRÉTIONS. 297
« Les jours qui suivent l'attaque (précédente) la malade ne vomit
presque plus et elle continue à bien manger; le 31 janvier, son
poids avaitratteint le chiffre de 39 kilos.
« C'est ce jour-là même, le matin à 9 heures, c'est-à-dire il y a juste
5 jours, que s'est déclarée la seconde attaque, celle dont j'ai tenu à
vous rendre témoins aujourd'hui. J'aurais pu dès le début de la crise
craindre à chaque instant de voir la malade se réveiller et de me
trouver par là privé du plaisir de vous démontrer sur nature les détails
d'un cas assez rare en somme et toujours intéressant, si je n'avais été
rassuré par la circonstance que voici. MM. Gilles de la Tourette et
Cathelineau ont démontré, vous ne l'ignorez pas par l'élude de six
cas de sommeil hystérique que, pendant la durée de l'attaque, le poids
du corps diminue rapidement en même temps que l'on constate par
l'analyse des urines une constante diminution qualitative et quanti-
tative de tous les éléments : volume, urée, phosphates, etc. Mais ces
observateurs ont établi, en outre, que régulièrement, 2 ou 3 jours
avant le réveil, on voit le volume de l'urine, le poids de l'urée se
relever progressivement et aller toujours en augmentant; de telle
sorte que l'on peut, en tenant compte de ces données, prévoir jusqu'à
un certain point quelques jours à l'avance l'époque à laquelle la
malade se réveillera. Or, chez notre dormeuse, une analyse, faite le
3, a montré que ce relèvement ne s'était pas encore prononcé; nous
pouvons compter que, si on laisse aller les choses, le réveil se fera
attendre quelques jours encore. »
p Puis M. Charcot analyse devant ses auditeurs les divers phénomènes
présentés par la malade dont le sommeil est entrecoupé pendant la
leçon même par des salutations. « Vous reconnaîtrez - dit M. Charcot
dans ces grands mouvements de salutation un des épisodes les plus
vulgaires de la seconde phase de la grande attaque hystéro-épileptique;
tandis que, d'un autre côté, les tentatives que fait parfois la malade
pour sortir de son lit et s'enfuir en prononçant des paroles dont on ne
peut pas toujours saisir le sens, reproduisent le tableau des attitudes
passionnelles; et ces diverses circonstances sont de nature à justifier
l'opinion que je soutiens à propos du sommeil hystérique : c'est savoir
qu'il n'y faut pas voir autre chose qu'une grande attaque ou mieux
qu'une série de grandes attaques modifiées dans leur forme extérieure.
« Les intéressantes recherches de MM. Gilles de la Tourelle et Cathe-
lineau sont venues d'ailleurs donner à cette hypothèse un solide
appui en montrant que, en ce qui concerne la perte du poids du
1. Leçons du mardi, 1888-1889, 4° lcç., p. 69
298 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPêTRIèRE.
corps, la diminution de l'urine et l'abaissement du taux de l'urée,
l'attaque de sommeil reproduit en tous points ce qui a lieu dans les
séries d'attaques hystéro-épileptiques. »
M. Charcot réveille alors la malade par la pression d'une zone
hystérogène située au niveau de l'ovaire gauche, pression qui déter-
mine une attaque convulsive. Le soir, la malade est pesée et donne
37 kil. 100 gr. En cinq jours de sommeil elle a maigri de '1,900 gr., soit
380 gr. par jour, car elle pesait 39 kil. le 31 janvier, jour du début de
l'attaque. Pendant cette période, elle a excrété en moyenne, par jour,
655 gr. d'urine; 39 gr. de résidu fixe; 19 gr. d'urée; lgr.GO d'acide
phosphorique total. La différenciation des phosphates faite le premier
jour de sommeil donna, ainsi que le montre le tableau C l'inversion de
la formule.
TABLEAU C. - ÉTAT DE JIAL LÉTHARGIQUE
St.-Bon..., le, ans.
CONSIDÉRATIONS SUR LA COURRE DES EXCRÉTIONS. 99
Les phénomènes qui suivent le réveil sont également intéressants à
noter. Le jour du réveil, 5 février, l'attaque convulsive est très nette-
ment indiquée par les excrétions urinaires. Le lendemain, il y a;
comme pour les autres états de mal, oscillation autour de la normale.
L'urée se relève déjà, mais elle n'atteint son taux ordinaire que le 7 et
les jours suivants.
TABLEAU C. MOYENNES DE CINQ ÉTATS DE MAL DE SOMMEIL HYSTÉRIQUE
Biz... 17 ans... Salle Duchenne,'de Boulogne.
: 1UO NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
les premières analyses relatives à ce sujet datent du 27 du même mois.
A partir de cette date, jusqu'en avril 1888, Biz... a eu cinq états de mal
léthargique, pour lesquels M. Charcot l'a présentée plusieurs fois àson
cours. On ne s'étonnera donc pas, étant donné les dates, en considérant
le tableau C, que nous n'ayons pas différencié les phosphates pour
chercher l'inversion de la formule sur laquelle, du reste, après tout
eu que nous venons de dire, il est inutile, croyons-nous, d'insister
désormais. `
Pendant les cinq états, le sommeil fut des plus caractéristiques :
lélhargie profonde entrecoupée d'attitudes passionnelles. La tempé-
rature rectale ne dépassa jamais 37°8. L'alimentation toujours artifi-
cielle fut variable suivant les attaques; dans un même état de mal il
existait des séries de deux ou trois jours pendant lesquels il était
absolument impossible de faire passer quoique ce fut entre les
dents contracturées. Le lendemain, la malade pouvait absorber 5 ou
(i00 grammes de lait avec 2 ou 3 oeufs battus. Pendant le dernier
état de mal, du 23 mars au 1 ? avril 1888, l'alimentation fut abso-
lument nulle.
D'une façon générale, en considérant la totalité des analyses repré-
sentant quarante-neuf jours de sommeil en cinq reprises, on note,
comme précédemment, un abaissement du volume de l'urine, du taux
I.'IG. 79. - Biz. 17 ans. Etat de mal de sommeil hystérique (Les traits pointillés indiquent les période>
d'état normal avant l'attaque. Les traits supérieurs sont relatifs au volume, les inférieurs à l'urée).
1 CONSIDÉRATIONS SUR LA COURRE DES EXCRÉTIONS. 301
du résidu fixe, de l'urée et des phosphates. En effet, à l'état normal,
excrète 1,100 c. c. d'urine, 44gr.50 de résidu fixe pour 1,000,
18 r.10 d'urée, 2gr.10 d'acide phosphorique total. Pendant son som-
meil, elle excrète en moyenne par jour 800 gr. d'urine, 30 gr. de
résidu fixe, 10 gr. d'urée, 1 gr.10 d'acide phosphorique total, résul-
tats sur lesquels il n'est plus besoin d'insister. Elle maigrit en outre
en moyenne de 300 à 500 gr. par jour, suivant les accès, qui eux-
mêmes sont variables par rapport à l'alimentation. Entre les accès,
elle revient rapidement à son poids normal, elle engraisse même,
puisque pour une période de huit jours, du 12 ou 20 janvier 1888,
elle pèse en moyenne 46 kil. 500 ; il est vrai qu'elle sort d'un accès
qui a 'duré treize jours ; et le 37 mars, au début d'une nouvelle
attaque elle pèse 5 kilogrammes.
Outre ces considérations qui se rapportent indifféremment aux cinq
états de mal, l'étude des deux derniers états - pour ne prendre que
ceux-là - est à envisager, car elle va nous permettre encore une
fois, en nous basant sur les excrétions urinaires représentatives de la
nutrition, de prévoir la durée de l'accès et de prédire le retom il
l'état normal. '
Si l'on considère les figures 79 et 80, on note en effet, dès le début
de l'état de mal, la chute du volume de l'urine et de l'urée (et aussi
du résidu fixe et des phosphates qui n'y ont pas été marqués); puis
· Flc. 80. - Biz. 17 ans. Etat de mal de sommeil hystérique (Les traits pointillés indiquent
les périodes d'état normal avant et après l'attaque). ,
302 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
survient un plateau, et enfin ces éléments se relèvent atteignant et
dépassant même le taux normal le jour du réveil. Sur la figure B on
note les oscillations que suivent d'ordinaire le réveil.
On peut donc, dans l'état de mal léthargique, comme dans les autres
états de mal, en se fondant sur le tracé fourni par le volume de l'urine
et le taux de l'urée, prévoir la durée de l'état de niai et prédire le retour
à l'état normal. Plus que dans les autres états de mal hystérique cette
action a une importance capitale dans la circonstance. Dans l'état de
mal épileptoïde, par exemple, on peut voir quelquefois, la veille ou le
jour du réveil, les attaques diminuer de nombre et les intervalles de
calme devenir plus étendus. On pensera alors que le retour à l'état
normal est proche. Il n'en est pas de même, on le comprend, dans
l'état de mal léthargique; le réveil est forcément brusque, le malade,
pour employer une expression aussi vraie que naïve, a seulement fini
de dormir lorsqu'il est réveillé.
Cette courbe particulière des excrétions pendant l'état de mal léthar-
gique et pendant tous les autres états, courbe qui mérite, comme l'a
montré M. Charcot dans sa Leçon du 5 février, d'occuper un rang de
première importance en clinique, n'est pas le simple fait d'une dénu-
trition banale chez des individus plus ou moins privés de nourriture
pendant la durée d'une manifestation pathologique. Ses caractères si
spéciaux appartiennent bien en propre à l'hystérie, tout au moins
jusqu'à ce que des recherches ultérieures nous démontrent qu'on les
rencontre dans d'autres manifestations pathologiques indépendantes
de la névrose.
Elle n'est pas due entièrement à la simple privation des aliments,
à l'inanition par exemple, car celle-ci donne un tracé bien diffé-
rent, à peu près rectiligne pendant le premiers jours, s'abaissant jus-
qu'à la mort, où se relevant à la vérité, mais lorsqu'on donne aies
aliments.
Le relèvement que nous observons et qui nous permet de prédire la
fin de l'état de mal ne se montre pas dans l'espèce sous l'influence de
l'ingestion des aliments. A plusieurs reprises, en effet, nous avons
noté avec insistance que, pendant tout la durée de l'état de mal jusqu'au
moment précis du réveil, l'alimentation avait été absolument nulle.
Qui peut donc ainsi, la malade ne prenant aucune alimentation, in-
fluencer les excrétions urinaires au point d'en doubler ou d'en tripler,
les deux ou trois derniers jours de l'état de mal, le volume et les
matériaux solides, si ce n'est l'affection elle-même.
Désormais, croyons-nous, il faudra compter avec la courbe excré-
toiré de l'hystérie, comme on a appris depuis longtemps à se guider
CONSIDÉRATIONS SUR LA COURRE DES EXCRÉTIONS. 303
sur la courbe thermométrique de la pneumonie ou de la fièvre
typhoïde, par exemple.
Résumant nos recherches sur les différents états de mal hystérique,
nous pouvons donc conclure :
L'état de mal hystérique, quelle que forme qu'il revête, n'est qu'une
attaque d'hystérie prolongée dont il présente tous les caractères chi-
miques. On y observe, en effet, l'abaissement du volume de l'urine, du
taux du résidu fixe, de l'urée et des phosphates avec inversion de la
formule de ces derniers ;
Pendant l'état de mal, les excrétions suivent une marche dont la
courbe permet à elle seule de prévoir la durée de l'état de mal et d'en
prédire la terminaison;
Pendant l'état de mal, l'amaigrissement quotidien est constant. Il
varie de 200 à 300 grammes par jour suivant la durée de l'état de
mal et la quantité des aliments absorbés lorsque l'anorexie n'est pas
absolue. L'opinion de M. Empereur déjà citée « que les hystériques ne
mangent pas parce qu'elles ne déperdent rien et que ne déperdant
rien il leur est inutile sinon nuisible de manger » est aussi radicale-
ment fausse pour les manifestations pathologiques de l'hystérie que z
dans l'hystérie normale.
A ce dernier point de vue, et pour parer il l'objection qu'on
pourrait tirer de la présence possible dans les urines des produits
excrémentiels azotés inférieurs, susceptibles de remplacer les pro-
duits supérieurs, l'urée en particulier, dont la quantité est abaissée,
comme nous l'avons dit, nous avons institué des analyses complémen-
taires dont le résultat, on va le voir, prouvera une fois de plus que nos
conclusions sont exactes.
L'urée on le sait, est accompagnée dans l'urine à l'état normal par
d'autres produits également azotés à savoir : l'acide urique, la créati-
nine, laxanthine, l'llypoaanthine, la paraxanthine, l'acide hippurique,
l'allantoïne, etc. Ces divers corps s'y trouvent pour la plupart en quàn-
tités tellement faibles que pour les déceler il faut opérer sur des
volumes d'urine considérables.
Pour tous nos dosages d'urée, nous nous sommes servis, comme on
le verra lorsque nous exposerons notre technique, de l'appareil d'Yvon
et de l'hypobromitc de soude. Or, nous n'ignorons pas que, si une
partie des produits que nous venons d'énumérer est plus ou moins
décomposable par l'hypobromite de soude, l'autre résiste complète-
ment à son action.
Il était donc nécessaire de voir s'il n'existait pas justement certains
301 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
de ces produits azotés en quantité plus considérable que normalement
dans les divers cas soumis à notre analyse.
Nous avons dû recourir alors, à plusieurs reprises, au dosage de
l'azote total tant à l'état normal hystérique que dans diverses mani-
festations pathologiques de la névrose. Ce dosage de l'azote total nous
a toujours démontré que, dans tous les cas étudiés, les produits azotés
inférieurs précédemment énumérés, ne subissaient pas de variations
susceptibles de faire varier nos analyses. Leur taux n'étant pas anor-
malement élevé, ils ne pouvaient par conséquent compenser la faible
quantité d'urée trouvée dans les analyses des diverses manifestations
pathologiques de l'hystérie que nous avons étudiées et inlirmer par
là même les résultats obtenus.
GILLES DE la TOURETTE, H. CATHELINEAU,
Ancien chef de clinique des maladies nerveuses. Chef du laboratoire de chimie de la Faculté,
à l'hôpital Saint-Louis.
NOUVELLE ICONOGRAPHIE
T. II PL. XLV I.
ERUPTION ECZEMATEUSE PROVOQUEE PAR LE BORAX
L8CGO6NI8R ET BADÉ, ÉDITEURS
DEUX CAS D'ERUPTION ECZÉMATEUSE.
PROVOQUÉE PAR LE BORAX.
On sait très peu de chose sur les éruptions provoquées par le borax
administré à l'intérieur. Gowers ! dit seulement, dans son traité de
l'épilepsie, que l'on a vu, sous l'influence de ce médicament, se pro-
duire, chez trois' malades, une poussée de psoriasis qui aurait guéri
par l'addition de l'arsenic au borax. Nous venons d'observer; chez
deux épileptiques soumis à ce traitement, une poussée d'eczéma dont
la photographié ci-jointe donne une idée suffisante au moins comme
distribution. v
Le borax était donné depuis plusieurs mois à la dose de 2 grammes
dans un cas, 3 grammes dans l'autre. L'éruption n'offrait de particu-
lier que sa localisation, sur les parties latérales du tronc et- sur les
bras. Au point de vue objectif, c'était un eczéma vulgaire, sans poly-
morphisme, caractérisé sur le tronc principalement par de nombreuses
petites vésicules disséminées sans ordre; sur le bras, par des vésicules
et de petits placards arrondis recouverts de croûtes. "" -
Chez le premier malade, l'éruption a duré six semaines. -.Chez le
second (dont nous donnons ici la photographie, pl : XLVI),' après une
durée à peu près égale, elle est actuellement en voie de guérison.' Mais s
dans les deux cas, elle n'a cédé qu'à la suppression du médicament.
Il ne s'agit pas là d'une éruption spéciale au borax, mais vraisem-
blablement d'un eczéma provoqué chez deux sujets prédisposés. -Tous
deux en effet étaient antérieurement atteints de séborrhée du cuir
chevelu; et l'un deux portait à la jambe et sur le pied deux anciens
placards d'eczéma.
Le borax est souvent mal toléré par l'estomac; et il est probable
que les nausées, les troubles gastriques, qu'il a provoqués chez nos
deux malades, ne sont pas étrangers à la pathogénie de leur éruption.
Cit. Féré, II. LA,)iy,
Médecin de Bicêtre. Interne des hôpitaux.
' 1. Gowors, Traduction française de Carrier, p. -138.
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE LA NUTRITION
dans l'état normal
ET dans la FIÈVRE du goitre exophtalmique
Au cours de nos recherches sur la Nutrition dans l'hystérie, entre-
prises dans le service de M. le professeur Charcot, pendant les
années 1888 et 1889, nous avons été conduits, à l'instigation de notre
éminent maître ', à étudier les phénomènes de même ordre dans la
chorée de Sydenham 2 et dans la maladie de Lasedow.
En ce qui regarde cette dernière affection, nous avions tout parti-
culièrement à 'tenir compte des investigations de M. Bertoye, faites sur
« la fièvre du goitre exophtalmique », sous la direction de M. le pro-
fesseur Renaut (de Lyon) 3.
Dans sa thèse inaugurale, M. Bertoye a remarquablement étudié les
manifestations fébriles de la maladie de Basedow, et le tableau qu'il
donne est certainement le plus complet que nous possédions actuel-
lement.
Le premier caractère de la fièvre, dit-il, serait son instabilité. « Le
second est fourni par la dissociation des symptômes qui constituent
d'ordinaire le cornplexus fébrile. Dans certains cas, on peut retrouver ce
syndrome presque en entier..., les urines sont surchargées de matières
extractives, parfois aussi même d'urée... Mais c'est là un tableau dont
il manque presque toujours plusieurs parties... Un fait que nous nous
expliquons assez mal et qui appelle évidemment d'autres recherches,
lesdéchets urinaires peuvent, comme nous l'avons constaté dans notre
observation I; n'être pas augmentés, ou même subir une diminution
plus ou moins considérable. »
Ces dernières considérations relatives à la diminution des déchets
urinaires pendant la période fébrile nous avaient frappés. On pouvait,
1. Leçons du mardi ( ! la Salpêtrière, 1888-89, 11, leçon, p. 235.
2. ]tact. De la chorée chronique. Th. Paris, 1889, p. 174.
3. Étude clinique sur la fièvre du goitre exophtalmique et, comparativement, sur les
formes spéciales ri quelques autres névroses, Lyon, 18S8. ,
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE LA NUTRITION. 307
en effet, y trouver une caractéristique diagnostique importante entre
«.la fièvre nerveuse » du goitre et les accidents fébriles intermittents,
indépendants de l'affection elle-même.
La première question qui se posait était de savoir comment s'effectuait
la nutrition dans le goitre exophtalmique normal, en dehors des com-
plications, la diarrhée en particulier, qui traversent si fréquemment le
cours de cette maladie.
Sous ce rapport, ces recherches de M. Bertoye n'étaient pas très
instructives, ou plutôt elles entraînaient à des déductions que l'auteur
n'avait nullement songé d'ailleurs à tirer de ses analyses.
Voici, du reste, ces analyses in extenso. Elles ont trait à une femme
de trente-six ans, pesant 38 kilogrammes, atteinte de goitre exophtal-
mique.
21 novembre. T. (R ? ) 11T.89 ? 1; S. 38°,2.
Pouls, 160. Respir. ( ? )
Urine, 2 lit. 150.
Urée, 16 gr. 80 par vingt-quatre heures. - ·
7 grammes par litre.
2 novembre. - Urine, '1,200 c. ,c., épaisse.
Urée, 5 gr. 25 par litre.
Anhydride phosphorique, 0 gr. 420 par litre.
T(R. ? )M.38°; S. 38°.
4 décembre. - Urine, 2 litres; claire.
Urée, 2 gr. 50 par litre.
Anhydride phosphorique, 0 gr. 73 par litre.
Pas de sucre.
T. (R ? ) M. 370,li ; S. 37', 3.
Les analyses portent donc sur trois périodes de vingt-quatre heures ;
de ces trois périodes, l'une (21 novembre) est fébrile : T. M. ;9°,4;
S.38°,2. Des deux autres, l'une est apyrétique : T. M. 37°,4; S. 37°, 3
(4 décembre) ou presque apyrétique : T. 38° M. et S., d'autant qu'il
s'agit presque certainement de température rectale.
Or, pendant ces deux périodes apyrétiques, la malade excrète de 5 à
7 grammes d'urée et de 30 à 40 centigrammes d'anhydride phospho-
rique.
Si l'on voulait conclure, ce que n'a pas fait M. Bertoye, on pour-
rait dire que, dans un cas de goitre exophtalmique, pendant deux
périodes d'apyrexiede vingt-quatre heures, les déchets urinaires étaient
singulièrement abaissés, puisque la moyenne d'excrétion normale
308 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.
d'une femme de 38 kilogrammes est environ de 15 à 18 grammes
d'urée et 1 gr. 40 à 1 gr. 60 d'acide phosphorique. ,
La même malade à une poussée fébrile; M. 39°,4; S. S8°,S. Elle
excrète 16 grammes d'urée et 50 centigrammes d'anhydride phospho-
rique par vingt-quatre heures. Ce chiffre de 16 grammes d'urée serait
normal chez une femme de 38 kilogrammes ; quant au chiffre de 50 centi-
grammes d'anhydride phosphorique, il est véritablement bien au-
dessous de la moyenne. En négligeant cette dernière particularité
relative au phosphore, on pourrait donc donner, comme conclusions
finales aux analyses de M. Bertoyc : que le chiffre des déchets uri-
naires est très abaissé dans les périodes apyrétiques du goitre exophtal-
mique par rapport à la moyenne physiologique. Il se relève dans les
périodes fébriles, sans toutefois dépasser cette moyenne physiologique,
ce qui constitue une anomalie par rapport à ce qui se passe ordinai-
rement lorsque la température s'élève.
Évidemment, comme disait M. Bertoye, ces faits appelaient d'autres
recherches.
Nous avions, dans les salles de la Clinique, trois malades atteintes
de goitre exophtalmique à diverses prériodes d'évolution de cette
maladie; nous avons choisi chez elles des périodes apyrétiques dans
l'intervalle de complications, telles que la diarrhée, par exemple.
Ces analyses ont duré huit jours consécutifs pour chaque malade;
le tableau A est le résumé, pour chacune d'elles, de huit analyses.
Or, les chiffres qu'il renferme indiquent que, chez nos trois malades,
les quantités d'excrela, rapportées auldlogramme d'individu sain, sont
normales pour tous les éléments, l'acide phosphorique y compris.
TABLEAU A.
NOUVELLE ICONOGRAPHIE T. II PL. XLVII.
FACIES DANS LE GOITRE EXOPHTALMIQUE
LIiCROSNIKH ST 8"Bt : , ? DITKURS
CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE LA NUTRITION. 309
A ce propos, nous ferons remarquer qu'il est assez difficile, à priori,
de dire si la manifestation fébrile appartient' ou non en propre au
goître, ou bien si elle n'est pas simplement sous la dépendance d'une
complication intercurrente, embarras gastrique, angine légère, etc.. z
Le 11 janvier, l'une de nos malades, Dufr..., vingt-six ans (pl. XLVII)
(39 kilogr. 300 gr.), était prise de douleurs dans le ventre, qui lui sem-
blaient prémonitoires de ses règles, qu'elle n'avait pas eues depuis deux
mois. Ces douleurs s'accompagnaient d'un état gastrique marqué :
inappétence, constipation, soif assez vive, langue saburrale jusqu'au
21 janvier, époque à laquelle tous ces phénomènes disparurent.
Le thermomètre révéla pendant toute-cette période un état fébrile
subcontinu, allant de 89°, 2 maxima à 38° minima, ainsi qu'on peut en
juger par les chiffres suivants :
310 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE..
A l'inverse de ce qui existe dans les urines fébriles, le spectroscope
ne donne pour l'urobiline qu'une très faiblebande d'absorption carac-
téristique. Enfin, nous n'avons jamais rencontré d'éléments anormaux.
D'après ces caractères, il s'agissait donc bien d'une fièvre d'origine ou
d'essence au moins particulière, puisqu'on ne retrouve plus là les signes
lires des excréta urinaires accompagnant d'ordinaire les élévations
thermiques.
En présence de ces faits, notre intention n'est pas de conclure, mais
d'exposer :
1° Que, dans trois cas de goitre exophtalmique, pendant des périodes
apyrétiques de huit jours, les analyses ont montré que les excréta
urinaires, rapportés au kilogramme d'individu sain, ont été trouvés
normaux;
1° Que dans un cas de goitre exophtalmique, pendant une période
fébrile de six jours, allant de 38° il 39°, 2, en dehors de complications
inflammatoires apparentes, susceptibles d'expliquer la genèse des phé-
nomènes fébriles, les excréta urinaires sont restés normaux comme
pendant les périodes apyrétiqnes.
En terminant, nous serions heureux de voir de semblables recher-
ches transportées dans le domaine de la « fièvre hystérique ». A notre
connaissance, aucun des auteurs qui sesont occupés de cette question,
et ils sont nombreux, n'a fait dans ces cas l'analyse des excréta
urinaires.
Peut-être y trouverait-on la caractéristique de cette complication
assez rare de l'hystérie, pour qu'en deux ans, nous n'en ayons pas
observé, à la Salpêtrière, un seul exemple.
Gilles DE la touretTe, II. C.1TIIEL1NEAU,
Ancien chef de Clinique des maladie* Chef du laboratoire de l'1limÏt'
du sysf7·mc ncr\euf. de la Faculté, à l'hôpital S.\inl-Loui...
UN CAS DE SYRINGOMYÉLIE
Le malade dont nous rapportons l'observation a été présenté par
M. le professeur Charcot dans une de ses Leçons cliniques du mois de
novembre 1889.
M. Charcot fit alors remarquer à ses auditeurs tout l'intérêt que
présentait cet homme chez qui le diagnostic avait été longtemps
hésitant, et le serait probablement encore si les dernières recherches
sur la syringomyélie n'étaient venues singulièrement éclairer la scène
morbide.
Plusieurs diagnostics se présentaient en effet à l'esprit. Duchenne
(de Boulogne) qui avait vu le malade en 18G8, dans le service de
Monneret à l'hôpital Necker, avait porté le diagnostic d'atrophie muscu-
- laire progressive. Cependant l'affection avait débuté de bonne heure, ;\
17 ans; de plus cette époque le malade était déjà anesthésique; presque
dès cet âge il se brûlait le pouce avec sa cigarette sans s'en apercevoir.
Mais les troubles de la sensibilité n'étaient pas faits pour embarrasser
outre mesure Duchenne (de Boulogne) qui écrivait en traçant la sym-
ptomatologie de « l'atrophie musculaire de l'adulte ». « L'anesthésie
est quelquefois si grande que les malades ne perçoivent ni les excita-
tions faradiques les plus fortes, ni l'action du feu. J'en ai vu qui
s'étaient laissé brûler profondément les parties anesthésiées parce qu'ils
n'avaient pas perçu l'action des corps incandescents et qu'ils n'avaient
pas été prévenus, par la vue, que ces parties se trouvaient en contact
avec eux. Cette anesthésie s'observe en général au membre supérieur,
et n'est pas toujours en raison directe du degré de l'atrophie ». (De
l'électrisation localisée, 3e édition 1872, p. 493).
, Mais il est' incontestable que Duchenne confondit toujours l'atrophie
musculaire progressive du type qui porte son nom avec la syrin-
gomyélie.
, M. Charcot montrait encore qu'on pouvait porter dans la circons-
tance, le diagnostic de sclérose latérale amyotrophique, étant donné
l'atrophie des membres supérieurs débutant par les mains et l'exagé-
: 11 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE,
ration très considérable des réflexes rotuliens. Mais la seule durée de
l'affection éloignait cette hypothèse beaucoup plus soutenable pour la
sclérose en plaques. L'exagération des réflexes rotuliens jointe au nys-
tagmus plaidait en faveur de cette opinion que ne contredisait pas l'atro-
phie musculaire qu'on observe parfois dans le cours de cette maladie.
Nous ferons encore remarquer, comme particularités, le myosis de
l'oeil gauche, la diminution de la fente palpébrale, et la rétraction du
globe oculaire, tous phénomènes observés d'ordinaire dans les para-
lysies radiculaires du plexus brachial et dus à la paralysie des muscles
lisses de l'orbite, innervés par les filets sympathiques dont l'origine
serait le rameau communicant du premier nerf dorsal. Ces notions sont
intéressantes au point de vue de la localisation exacte du processus
gliomateux (origine médullaire ou réelle du premier nerf dorsal), si la
théorie de l'innervation des muscles orbitaircs par les filets sympathi-
ques nés à ce-niveau, dans la moelle, est exacte. Dans tous les cas leur
notation pendant la vie est précieuse, car ultérieurement permettra-t-
elle peut-être encore une fois à la méthode anatomo-clinique de
résoudre un problème que la physiologie n'a pas encore complètement
élucidé.
Le malade présente donc un cas-type de syringomyélie : début in-
sidieux, à un fige peu avancé, atrophie musculaire à marche lente
et progressive, abolition dans certaines régions des diverses sensibilités
avec dissociation pour la sensibilité tactile conservée dans les mêmes
territoires. Toutefois il faut remarquer encore que l'intégrité du tact
dans les régions anesthésiées n'est pas absolue et qu'il est obtus au
niveau des parties insensibles des mains et des avant-bras et dans une
zone limitée en haut et à droite par une ligne horizontale passant par
l'ombilic, sur la ligne médiane par la ligne blanche, en dehors, par le
bord externe du flanc droit et le bord externe delà cuisse et en bas, par
le genou droit. ,
Pour toutes ces raisons, disons-nous, cette observation nous a paru
intéressante et mériter d'être publiée.
Schweiz... 51 ans, marchand de programmes ¡d'Odéon.
Entré à l'hospice de la Salpètrière, salle Bouvier, juin 1889.
A. H. Pas d'hérédité nerveuse.
A. P. Rougeole et scarlatine en bas âge. Fièvre typhoïde vers G à
7 ans. A l'âge de 15 ans, eczéma généralisé qui dura de 3 à 4 mois.
C'est à l'âge de 19 ans qu'il s'est aperçu de l'atrophie des muscles de
l'hypothénar et des interosseux du côté gauche et plus tard de l'avant-bras
gauche avec secousses fibrillaires, mais sans douleurs dans les régions des
muscles en voie d'atrophie. ,
UN CAS D1; S1'RI\GOlll'ÉLIC. 313
Un an plus tard, il a commencé il ressentir des douleurs fulgurantes dans
la jambe gauche. Actuellement, ces douleurs reviennent encore de temps en
temps. La maladie resta stationnaire pendant dix ans.
En 1886, il entra dans le service de Monneret, à l'hôpital Neekcr, où il fut
examiné par Duchenne (de Boulogne) qui porta le diagnostic « d'atrophie
musculaire progressive ».
Dans l'intervalle, (vers l'âge de 25 ans environ) la colonne vertébrale
s'est déviée vers la gauche (scoliose il convexité regardant à gauche). Le
malade se rappelle bien que c'est il cet âge que sa mère lui fit remarquer
l'attitude vicieuse de ses épaules.
Vers 30 ans, la main droite est envahie de la même façon que la main
314 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
gauche. L'atrophie ne progresse qu'avec une lenteur extrême, de sorte quo
l'impotence n'est à son maximum qu'à 40 ans. Elle est restée stationnnairc.
depuis.
Dans ces dernières 10 à 15 années le malade souffre de temps en temps
d'une névralgie faciale gauche; la douleur s'irradie parfois vers le coeur. De
plus, depuis 4 à 5 ans, sont survenues, dans les muscles, des contractures
douloureuses.
Le malade prétend avoir eu pendant six mois, à l'âge de 33 ans, une sen-
sation de boule avec constriction- à la gorge, étouffement et sensation de
déchirement dans l'intérieur du crâne. Les crises revenaient ;i peu près tous
les deux jours. Elles n'ont pas reparu depuis.
A part cette atrophie musculaire et les autres symptômes que nous venons
de décrire, le malade se porte très bien. Les organes thoraciques et abdo-
minaux fonctionnent normalement, l'appétit sexuel persiste.
État actuel (17 juin 1889) (pl. XLVIII).
Atrophie très marquée des éminences thénar et hypothénar du côté
gauche. Main en griffe. Atrophie moins marquée de l'avant-bras du même
côté où existent encore quelques mouvements de pronation et de supination.
Biceps très amaigri. Deltoïde et muscles de la ceinture scapulaire très
diminués de volume, mais fonctionnant encore.
Main droite de prédicateur, moins atrophiée que la gauche. Rétraction
fibreuse des trois derniers doigts qui les maintient en flexion et les empêche
de s'étendre. Il existe là quelques mouvements de flexion complètement
abolis du côté opposé.
Secousses fibrillaires dans tous les muscles du corps.
Douleurs vives dans le talon droit survenant d'une manière intermittente.
L'atrophie ne porte pas sur les muscles des membres inférieurs.
Réflexes des membres supérieurs normaux. Réflexes rotuliens très
exagérés des deux côtés, mais sans phénomène du pied, la marche est très
suffisante; toutefois les pieds se détachent un peu difficilement du sol.
Divers modes de la sensibilité. - On note au niveau de la face palmaire
du pouce et de l'index droits .deux eschares produites- par la brûlure non
perçue de la cigarette. Ces eschares tombent tous les niois. Elles existent
depuis l'âge de 17 ans. ' . , . '
Sensibilité à la douleur (fig. 81, 82). - Aux membres supérieurs elle
est symétriquement abolie jusqu'à 2 travers de doigt au-dessous du coude.
Plaque d'anesthésie comprenant l'espace interscapulairc, la nuque et la
face postérieure de la tète.
Membres inférieurs. - Hyperesthésie s'arrêtant des deux côtés au
niveau du cou-de-pied. (Sur les fig. 81 et 82 l'hyperesthésie envahit les pieds;
il en était ainsi lorsque les clichés furent gravés; à ce propos, nous ferons
remarquer que les divers modes de sensibilité subissent localement assez
souvent chez les syringomyéliques des variations de courte durée en général,
qui, sans affecter le type présenté par le malade, peuvent néanmoins le mo-
NOUVELLE ICONOGRAPHIE
T. II. PL. XLVUI.
SCOLIOSE ET ATROPHIE MUSCULAIRE
DANS LA SYRINGOMYELIE
LECR05NIHR boT 8A8b., }.DITh.UhS
UN CAS DE SYRINGOMYÉLIE. 315
difier d'une façon assez accentuée.) - La sensibilité aux pieds est normale.
La sensibilité à la douleur est normale sur le reste du corps.
Sur les parties sensibles il se produit, au niveau des piqûres, une sorte
d'ampoule assez analogue à celle produite par une piqûre de puce; ce
phénomène n'a pas lieu au niveau des parties anesthésiées.
Le malade porte sur l'avant-bras droit une cicatrice demi-circulaire
produite par la constriction d'un lien de caoutchouc destiné à retenir la
manche de la chemise. Le malade, qui se dépouillait rarement de sa chemise
et d'un gilet de laine qui la recouvrait, n'a remarqué la production d'une
plaie que lorsque, déjà, le lien de caoutchouc avait assez profondément
pénétré dans les tissus.
Sensibilité tactile. -Conservée d'une façon générale. Toutefois, le toucher
est plus obtus au niveau des parties insensibles des mains et des avant-bras
et dans une zone limitée : en haut par une ligne horizontale passant par
II. 120
316 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
l'ombilic, sur la ligne médiane par la ligne blanche, en dehors par le bord
externe du flanc droit et du bord externe de la cuisse (fit. 83, 84) et en bas
et à droite par le genou droit'; les bourses et la verge du même côté ne
sont pas comprises dans cette zone, à l'inverse de ce qui existe surla fig.83.
Dans celle dernière région (ombilic face antérieure de la cuisse droite)
les scnsalions tactiles sont plutôt perverties qu'abolies.
Sensibilité au froid (glace) (fig. 85, 86). Membres supérieurs : com-
ptt'tement abolie jusqu'au niveau des coudes; diminuée jusqu'au moignon de
l'épaule. Tronc : normale. - Membres inférieurs : hyperesthésiés.
Sensibilité à la chaleur. Main et avant-bras gauche : thermo-anes-
thésie à '100. el au-dessous. -Main et avant-bras droit : abolie il 90° et au-
UN CAS DE SYnINGOIYÉLIE. 317
dessous. Bras gauche et droit (jusqu'au moignon de l'épaule) : abolie
à 75° et au-dessous. - Conservée pour le reste du corps et hypéresthésiée au
niveau des membres inférieurs.
Sens musculaire : aboli : le malade perd ses jambes dans le lit.
Examen des yeux (17 juillet 1889).
Pupilles inégales (plus petite à gauche). - Nystagmus très prononcé.
Réflexe pupillaire plus faible à gauche. - Paupière supérieure gauche ne
se relève pas aussi bien que la droite; étroitesse de l'ouverture palpébrale.
Globe de l'oeil gauche rétracté dans l'orbite.
Les autres sens spéciaux sont intacts.
Examen électrique (fait par M. Vigoureux; le 16 juillet 1889).
Les interosseux ne répondent ni au courant faradique ni au courant
galvanique. D'une manière générale, les muscles plus ou moins conservés
répondent normalement à l'excitation électrique.
Gilles DE la Tourette, ZAGUEL1111N\
Ancien chef de Clinique Externe de la Clinique.
des maladies du système ncrvcuc.
j 0 L'HYSTÉRIE DANS L'ARMÉE ALLEMANDE
, Depuis les derniers travaux de M. le professeur Charcot, le cadre de
l'hystérie s'est singulièrement agrandi par ce fait même qu'on a mieux
appris à connaître la névrose. C'est surtout dans le domaine de l'hys-
térie masculine que les investigations provoquées par le chef de
l'École de la Salpètrière ont été fructueuses, etdepuis plusieurs années
déjà les médecins militaires, appelés à soigner des sujets réputés sains,
de par leur incorporation, publient journellement des exemples d'hys-
térie confirmée.
L'armée française', l'armée russe ? l'armée hollandaise \ ont
fourni tour à tour leur contingent, aujourd'hui c'est l'armée alle-
mande qui entre en ligne, et avec un cas tellement caractéristique que
nous avons cru devoir le donner in exleaso4. C'est la meilleure ré-
ponse que nous puissions faire aux auteurs, qui, en Allemagne,
doutent de l'hystérie masculine.
« On sait, en effet, qu'un certain nombre de médecins allemands, et
cela se voit du reste à leurs diagnostics, se refusent absolument à ad-
mettre que l'hystérie soit une maladie véritable ayant, comme toute
autre maladie nerveuse ou non, son histoire naturelle, ses lois, sa
symptomatologie régulière. A les en croire, ce serait là une sorte
de noli me langere dont tout nosographe un peu sérieux devrait soi-
gneusement éviter le contact. Un autre sentiment semble se joindre
1. Lanoaille de Laclièze. Tarassis, troubles de t'lime el du corps chez l'homme dans
les temps modernes et dans l'histoire, 1886. - Dupoiieliel. L'hystérie dans l'armée. Itewc
de médecine, 1886, il* vi, p. 517. - Coustan. Un cas d'hystérie mâle sans attaques.
Arch. de méd. et de pharm. militaires, novembre 1887.
`3. Oseretzkowsky (de Moscou). Quelques cas d'hystérie dans les troupes russes. Ar-
chives do neurologie, nov. 188C,n°3C, 1). 20j. Communie, au Congrès des médecins russes,
Saint-Pétersbourg, janvier 1889. Analysé in Centralblatt sur lervenbeilkundc, n° 4, p. 101,
S8
3. IL-A. Janssen. Over hystérie bij soldaten. Wcekb)ad voor Geneeskundc, 1887, n° 13.
4. Ueber einen Fall von l/yste¡'o-epitepsie bei einem Mann, ans dcut 1-,biiiglielieii
Garnisonslazareth in Karlsruhe, von Oberarzt Dr Andrée, in Karlsruhe, und D'
Knoblauch, Assistent an der psychiatrischen Klinik in Hcildelberg. I ! er)iner klinisi-lic Wo-
chenschrift, n° 10, 11 mars 1889. Ce cas a été analysé par M. le professeur Charcot dans
ses Leçons du mardi à la Salpêtrière, 18° Lcç. 1889, pu15.
L'HYSTÉRIE DANS L'ARMÉE ALLEMANDE. 319
encore à cet accès de pudeur scientifique, un orgueil de race curieux à
enregistrer... ' »
Pour tous commentaires du cas suivant, nous ferons uniquement
remarquer que l'attaque convulsive chez le grenadier observé par
les Drs Andrée et Iinoblaucb est absolument superposable par ses
..
1. L'hystérie en Allemagne. - Rouie criliyuc. Progrès médical, 1887, n° A7, p..i10.
FIG, 87. - Arc de cercle. Emprostbotonos.
o a
FiG. 88. - Mouvements de salutation.
3"U NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE..
phases à la grande attaque hystérique décrite par M. Charcot chez ses
pensionnaires-femmes de la Salpêtrière '.
oc L'hystérie chez l'homme étant généralement assez rare, surtout
la grande attaque hystérique, nous croyons devoir publier le cas sui-
vant, observé à l'hôpital militaire de Carlsruhe. Ce qui augmente l'in-
térêt de cette observation c'est qu'on put tirer pendant une attaque
qui dura 13 minutes une série d'épreuves instantanées qui donnent
l'image parfaite de la grande attaque hystérique classique. Ces épreuves
seront publiées ultérieurement; en attendant nous donnons ici le des-
sin de quelques-unes d'entre elles (fig. 87, 88, 89, 90, 9'1, 92, 93).
Le malade, âgé de 23 ans, menuisier de son état, commença son
service militaire le 5 novembre 1887 dans les grenadiers et avait été
jusqu'alors bien portant. Pas d'hérédité ni prédispositions acquises,
c'était un soldat consciencieux et faisant bien son devoir. Le 4 mars
1888, attaque brusque et violente, sans que rien l'eût fait prévoir, si ce
n'est que, 'quelque temps auparavant, ses camarades avaient observé un
changement dans son caractère. On lui avait promis qu'il serait de ser-
vice lors des funérailles du prince Louis de Bade; mais comme il avait
un furoncle au cou il voyait qu'il ne pourrait y assister, et ça le chagri-
nait beaucoup. Cependant, au dernier moment, il remplaça un de ses
camarades malade et le 4 mars il assista au service qui fut fait à l'église.
Après être resté longtemps dans l'attitude du port d'armes par un
froid rigoureux et sous l'impression grandiose de cette cérémonie fu-
nèbre, il rentra à la caserne, et ce fut immédiatement après qu'il eut sa
première attaque.
Yoici quelétaitsonétatle 4 mars-1888,jour où on le transporta sans
connaissance à l'hôpital : C'est un homme vigoureux, bien bâti et bien
musclé, ne présentant absolument rien d'anormal du côté des organes
génitaux, thoraciques et abdominaux. Pupilles rétrécies sous l'influence
de la morphine et réagissant mal à la lumière. Pouls plein, tendu, régu-
lier, 96. Respiration profonde, un peu accélérée. Pas de tension muscu-
laire ni contractures ; aucuns phénomènes de paralysie; pas deinorsuires
à lalangue.Apeinele malade est-il dans son lit que survient une attaque
violente durant 4 minutes; plusieurs autres attaques se succédèrent
dans le courantde la journée. Du 5 au 7 mars, il eut en moyenne de 6 à
9 attaques par jour, de durée et d'intensité variables, puis elles de-
vinrent moins fréquentes et, vers la fin du mois, le malade n'en avait plus
1. On compulsera également, a' ec beaucoup de fruit, au point de vue de l'hystérie, les
observations contenues dans le recueil suivant : Tmumatische, irliopalisclre und nach
Infeclions-Krankheilen LeoGaclalele Erkranl,unyen des 1'erveusstems bei den rlculscherx
lleeren im Krieye gegen Frankreich, 1870-1871. Merlin, 188G.
L'HYSTÉRIE DANS L'ARMÉE ALLEMANDE. 321
guère qu'une par jour (et même il y eut des jours où il n'en eut pas). A
mesure qu'elles diminuaient de fréquence, les attaques augmentaient
d'intensité et de durée et présentaient plus nettement la forme de la
grande attaque typique si admirablement décrite par Charcot et
P. Richer.
Le caractère de ces attaques rappelait, au commencement, assez fidè-
lement, une crise épileptique, mais dès les premiers jours on s'aperçut
qu'on pouvait les provoquer et même les interrompre (du moins au
début de l'attaque) en apostrophant le malade à haute voix. Il se mettait
alors subitement sur son séant, regardait autour de lui d'un air étonné,
reprenait presque tout de suite sa conscience et répondait correctement
FiG. 89. - Aus der Période der Contorsioncn.
Fic,. 90. - Période der Ilallucinationcn.
;) : ! 2 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA S.1L1'TRI$rW.
sans toutetois se rappeler rien de ce qui s'était passé pendant son
attaque. Les attaques présentèrent le caractère typique de la grande
hystérie de Charcot peu de jours après le début; les trois périodes
étaient bien nettes. Le sujet avait la sensation d'aura avant sa crise, à
la poitrine, au cou et dans la tête; il sentait ses yeux devenir fixes et
le sang lui monter dans la poitrine et dans le cou, du côté droit.
La première phase, la plus courte, de l'attaque proprement dite
débute par une période de contractions musuculaires toniques, géné-
rale, de très courte durée, avec perte totale de connaissance et suivie
de contractions cloniques violentes de tout le système musculaire. Les
paupières à demi fermées laissent voir les globes oculaires déviés de
côté et l'expression fixe du regard. Les muscles du tronc et des
membres sont violemment secoués, les réflexes cutanés et tendineux
sont diminués ou même abolis, et. la pupille dilatée au maximun ne
réagit plus du tout à la lumière. Jamais d'évacuations fécales ou uri-
naires, ni pertes séminales, ni morsures de la langue. Dans la seconde
période, que Charcot caractérise si bien sous le nom de période des
grands mouvements, période des contorsions, clownisme, qui se sé-
pare si nettement de la précédente, le malade exécute des mouve-
ments difficiles à décrire et lance ses membres avec une force extrême,
le tronc se contourne de la façon la plus bizarre; on observe égale-
ment pendant cette période les mouvements de salutation et l'arc de
cercle (emprosthotonos et opisthotonos). Les yeux sont alors ouverts,
la pupille dilatée réagit sans retard à la lumière.
Dans la 3e période, des attitudes passionnelles, qui ne se sépare pas
FIG, 91. - Période der 1 lill urina iloiien.
L'IIISTÉRIE DANS L'ARMÉE ALLEMANDE. 323
si nettement de la précédente que la 2° de la 1 r6 , l'expression du visage
varie avec les hallucinations qui obsèdent le malade; chez notre sujet,
ce qui prédomine ce sont les images de la vie militaire, envisagée
surtout sous ses côtés sombres. Il se bat avec un ennemi invisible, le
terrasse; il exécute admirablement tous les mouvements du combat à
la bayonnette, il met en joue, etc. Tout cela finit généralement par
l'attitude du crucifiement.
Dans cette 3e période, les yeux sont également ouverts d'ordinaire et
la pupille réagit bien. Toutes les attaques, spontanées ou provoquées,
présentent cet aspect typique; l'attaque entière se subdivise en une
série d'attaques (3-6) séparées par un intervalledeunedemieàplusieurs
Fic. 9. - Période der Halfucinalionen.
FIG. 93. - Période der Ilallucicationen.
321. 1 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
secondes. Elle dure en tout de'4 à 25 minutes. Celle pendant laquelle
nous prîmes les épreuves photographiques peut se répartir quant à la
durée ainsi qu'il suit :
L'HYSTÉRIE DANS L'ARMÉE ALLEMANDE. 325
ou du scrotum, il localise parfaitement la piqûre mais n'éprouve au-
cune douleur. Pas de différence entre la sensibilité des deux côtés du
corps. Zone hystérogène du mamelon; aura si l'on ne fait que cha-
touiller ; en appuyant plus fortement on a l'attaque.
En appuyant sur les testicules on ne provoquait pas l'attaque maib
on l'arrêtait, de même que par la compression de la région correspon-
dant à l'ovaire chez la femme (n'importe quel côté ou quel testicule).
L'interruption de l'accès n'était que passagère et l'attaque reprenait
aussitôt de plus belle. Dans l'intervalle des attaques les réflexes tendi-
neux n'étaient pas exagérés pathologiquement.
. Le diagnostic d'hystérie que nous portâmes malgré les difficultés
que présentait l'examen du malade se base sur les, faits suivants :
1. Aspect typique des attaques.
2. Présence de zones hystérogènes. '
3. Possibilité d'arrêter à volonté l'attaque.
4. Diminution de la sensibilité des deux côtés.
5. Changement d'humeur survenu peu à peu sans qu'il y ait fai-
blesse intellectuelle persistante, malgré la fréquence des attaques.
La maladie eut un cours très favorable. A dater du 5° jour après
son admission à l'hôpital, les attaques devinrent moins nombreuses; et
si le malade en eut encore à la fin de mars et au commencement d'avril,
elles furent surtout causées par les tentatives d'examen dont il fut
l'objet.
A partir de cette époque, les attaques perdirent peu à peu leur ca-
ractère de netteté, les périodes d'attitudes passionnelles et de contor-
sions devenant plus courtes et plus incomplètes, tandis que la période
épileptoïde conservait encore son caractère propre. Les dernières at-
taques typiques eurent lieu en mai ; dès lors ce ne furent plus que des
accès rudimentaires : troubles de connaissance, convulsions toniques
passagères, quelques secousses.
En juin, il ne restait plus guère que le changement d'humeur qu'il
' avait éprouvé ; puis, peu à peu, le malade se mit à parler avec ses cama-
rades de lit et devint plus gai et plus communicatif. Il-quitta l'hôpital
le 13 juillet il 888, six semaines après sa dernière attaque, bien por-
tant, robuste, ne présentant plus aucune zone hystérogène ou analgé-
sique. Il est à regretter qu'on n'ait pas mesuré son champ visuel. Le
traitement fut exclusivement expectatif, purement psychique, se bor-
nant à quelques injections de morphine pour agir sur le moral; dès
que les attaques furent devenues moins nombreuses il fit de l'hydro-
thérapie et on le mit aux toniques.
Il était facile de prévoir que cette guérison ne durerait pas long-
326 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
temps. En effet, vers la fin de janvier 1889, le malade, qui avait quitté
son état de menuisier pour se vouer à l'agriculture, nous écrivit que
deux semaines après son départ de l'hôpital, le 30 juillet, il avait eu le
matin, à son travail, des maux de tête et un étourdissement; s'étant mis
au lit dans l'après-midi, il eut une attaque d'un quart d'heure le soir, à
dix heures, pendant laquelle il tomba de son lit. Il dormit ensuite d'un
sommeil profond et paisible et se réveilla le lendemain tout à fait apte
au travail et sans souvenir de son accès. Il eut une dernière attaque
cinq semaines après, le 3 septembre, au matin; il l'avait sentie venir,
s'était couché en revenant des champs; elle dura cinq minutes. Pen-
dant ces cinq derniers mois il n'en eut plus; dans l'intervalle des at-
taques il se sentait très bien, était bien apte au travail, et pendant ces
derniers temps il n'a plus présenté, selon lui, aucun symptôme de
son affection. »
GILLES DE la Tourette,
Ancien chef de Clinique des maladies du ssstème nerveux.
ANATOMIE PATHOLOGIQUE DE L'ACROMÉGALIE
(Suite 1)
La hauteur des orifices postérieurs des fosses nasales est de 35 mill., leur
largeur est de 15 mill. en haut et de 18 mill, en bas; leur bord inférieur est
assez fortement concave en haut. Voûte palatine : .longueur 44 mill. (de
l'épine nasale postérieure au trou palatin antérieur); largeur 44 mill. entre
les deux trous palatins postérieurs. Elle a dans son ensemble une forme
arrondie remarquable. En son milieu, elle présente en avant une crête à
laquelle fait suite une dépression, jusqu'à l'épine nasale postérieure; à la
jonction des palatins et des maxillaires existe une véritable fosse elliptique,
longue de 18 mill. et large de 9 mill. Chacune des lames palatines, de
chaque côté de la ligne médiane, est convexe en bas. On pourrait presque
dire que le palais est natiforme. Il
On voit en avant que les os intermaxillaires ne sont pas soudés sur la
' ligne médiane, leur suture palatine latérale est très nette sur une longueur
de 1 centimètre environ à partir du trou palatin antérieur. En les regardant
par la face supérieure, on voit que les deux lames internes ne sont pas
soudées davantage vers les fosses nasales et qu'elles sont mobiles et sur le
vomer dont la pointe s'engage sur cette espèce de V, et sur la crête du maxil-
laire supérieur qu'elles comprennent entre leurs deux bords obliques en
arrière et en haut.
Le bord alvéolaire supérieur est complètement édenté. En arrière il est
arrondi, distendu, et sa translucidité prouve que cela est dû à une dilatation
considérable du sinus maxillaire.
Face proprement dite. - Ecartement entre l'extrémité inférieure des
deux sutures jugo-maxillaires, 100 mill. ; écartement entre la partie moyenne
des deux tubérosités maxillaires, 80 mill. (norm. 65 mill.).
On voit bomber fortement : 1° les bosses frontales qui dépassent en avant
l'orbite; 2° les maxillaires supérieurs qui débordent l'os malaire. Ecartemenl
entre les deux trous sous-orbitaires 62 mill. (norm. 54 mill.) ; entre les
deux trous sus-orbitaires 51 mill. (norm. 38 mill.). Largeur maxima de
l'échancrure piriforme 29 mill.
Os propre du nez. Son bord interne (25 mill.) n'est pas allongé; son bord
1. Voy. les n08 5, 6, t. I, 1888, et les n°s 1, 2, 3, 4, 5, t. II, 1889. ·
328 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
externe (39 mill.) l'est notablement et se termine à une pointe considérable
qui proémine en avant, divisant en deux le bord antérieur du maxillaire
supérieur. La partie supérieure est rectiligne en haut et un peu en arrière
(suture naso-maxillaire); l'inférieure est concave en avant et en dedans. De
là résulte que l'échancrure piriforme a la forme d'une gourde.
Cloison nasale. Déviée de façon à proéminer par son tiers inférieur dans
la fosse nasale gauche.
Orbite. Les dimensions sont peu accrues dans le sens vertical (53 mill.
sous le trou sous-orbitaire); mais elles sont considérables dans le sens trans-
versal (53 mill. entre la suture fronto-jugale et la suture naso-maxillo-
frontale). La paroi inférieure est soulevée en arrière, d'où une obliquité très
marquée en bas et en avant. Le rebord qui la sépare du trou sous-orbitaire
est émoussé.
Distance entre les deux sutures fronto-malaires 110 mill. Fosse temporale,
rien de particulier. Fosse zygomatique rétrécie par la proéminence de la
tubérosité maxillaire. L'os malaire est normal.
Cette étude du massif maxillaire supérieur prouve qu'il y a avant loul une
dilatation remarquable du sinus maxillaire. C'est ce qui cause la saillie
des pommettes, attribuée cliniquement, mais à tort, à l'hypertrophie de l'os
malaire. Les parois translucides du sinus maxillaire rendent cette boursou-
flure évidente. La saillie des bosses frontales fait prévoir qu'il en est de
même pour le sinus frontal; déjà, en outre, nous avons vu les apophyses
mastoïdes pour ainsi dire distendues.
Os de la voûte du crâne. Un trait de scie horizontal ouvre la boîte
crânienne. Il passe par le sommet du sinus frontal. Là on voit un épaissis-
sement manifeste dû à un tissu spongieux abondant entourant le sinus.
L'occipital dans la partie supérieure de son écaille, les pariétaux près de leur
bord médian ont 10 mill. environ d'épaisseur. L'épaisseur n'est pas accrue
a la jonction de la voûte et de la base. Hauteur de l'écaille du frontal,
158 mill.
Face interne du crâne. - Dans l'étage sus-orbitaire on voit l'apophyse
crista-galli très épaissie à la base; la crête qui la limite en arrière remonte
fortement vers une bosse que forme la moitié gauche de la surface olfactive
du sphénoïde; de là un bord supérieur concave en haut et un peu à gauche.
La moitié gauche de la surface olfactive est sur un plan plus élevé que le
sommet de l'apophyse crista-galli. Il n'y a pas de démarcation appréciable
entre le sphénoïde et l'ethmoïde. La surface triangulaire par laquelle le
frontal s'articule avec la grande aile du sphénoïde est perforée, en sorte que
par ces trous on voit de petits îlots du sphénoïde ressemblant assez, au pre-
mier abord, il de petits os worniens.
La section horizontale, passant à 5 centimètres au-dessus du sommet de
l'apophyse, crisla-galli, ouvre l'extrémité supérieure des sinus frontaux,
larges à ce niveau : le droit de 19 mill., le gauche de 10 mill. ; ayant dans le
sens antéro-postéricur le droit 12 mill. et le gauche 7 mill. Entre les deux
ANATOMIE PATHOLOGIQUE DE L'ACROMÉGALIE. 39
existe une cloison verticale, placée à gauche de la ligne médiane. Ils sont t
fort dilatés.
Etage moyen. L'écartement entre les extrémités internes des deux trous
optiques est de 32 mill. Ces deux trous ne sont pas ronds, mais aplatis de
haut en bas. Entre eux on ne voit pas de gouttière optique. Cette gouttière est
comblée par un renflement limité en arrière par une légère rainure et qui
se continue en avant avec la surface olfactive déjà décrite. Ces trous op-
tiques sont en somme fort rétrécis, et il est certain que le nerf optique y était
très comprimé. En dehors du trou optique existe une apophyse clinoïde an-
térieure longue de 17 mill., terminée en arrière par une pointe très aiguë et
présentant au milieu de son bord interne une autre pointe qui s'avance vers
l'apophyse clinoïde moyenne, dont elle reste écartée de 3 mill., tendant à
circonscrire avec elle un cercle de 7 mill. de diamètre. Écartement entre les
apophyses clinoïdes antérieures : à la base, 43 mill. ; à la pointe, 36 mill.
Écartement entre les fentes sphénoïdales; à l'extrémité interne, 50 mill.; il
l'extrémité externe 69 mill. L'apophyse clinoïde moyenne est à 8 mill. de la
fente sphénoïdale; à 5 mill. du trou optique; à 32 mill. de la congénère du
coté opposé.
La gouttière caverneuse n'est pas très accentuée en avant, mais l'est très
bien en arrière. Elle se continue par un canal carotidien ayant 7 mill. de
diamètre transversal et 10 mill. de diamètre anléro-postérieur (fig. 94).
Sur la partie moyenne du corps du sphénoïde, on voit une fosse pituitaire
très profonde, s'enfonçant à 15 mill. sous le plan passant par le sommet des
apophyses clinoïdes antérieures et postérieures. Le fond, ressemblant il de la
pierre ponce, est rugueux, extrêmement aminci et présentant même à son
pourtour quelques perforations qui conduisent dans le sinus sphénoïdal;
(diamètre transversal, 22 mill.; antéro-postéreur 15 mill.). Les parties
latérales se relèvent assez peu, mais en avant est une lame, longue de'12 mill.,
qui va, très oblique en bas et en arrière, de la rainure qui représente la
gouttière optique au fond de la fosse pituitaire. La lame quadrilatère, à peu
près verticale, tendrait même à se déjeter un peu en arrière. Son bord
supérieur est comme déchiqueté. Il est à 32 mill. de la rainure antérieure.
Les angles ne présentent pas d'apophyse clinoïde très marquée. Ils sont à
15 mill. de la pointe de l'apophyse clinoïde antérieure; à 25 mill. de la
moyenne.
La fosse sphénoïdale n'offre rien de particulier, sinon la profondeur plus
grande du sillon de la méningée moyenne, comme encaissée entre des
rugosités un peu poreuses.
En somme, on voit que ces altérations de la fosse moyenne sont surtout
de deux ordres : 1° un élargissement de la fosse piluitaire, pour loger une
tumeur ; 2° une distension considérable du sinus sphénoidal dont la paroi su-
périeure se boursoufle, à gauche surtout, effaçant la gouttière optique et la
partie antérieure de la gouttière carotidienne; remplaçant la moitié gauche
de la surface olfactive par une saillie, aplatissant les trous optiques.
: 3au NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
Étage postérieur. - Les quatre gouttières pétreuses sont très marquées.
La face supérieure de l'apophyse basilaire est finement rugueuse (longueur
30 mill.; largeur 28 mill.). Le sinus latéral droit est seul marqué sur l'oc-
cipital; sur la région mastoïdienne, il est plus large que le gauche, ainsi
que le trou déchiré postérieur. Le sinus occipital droit est très marqué.
Le trou occipital a 30 mill.de diamètre antéro-postérieur; 27 mill. de
diamètre transversal.
Diamètres intra-cratierts. - De la protubérance occipitale interne au
trou borgne, 140 mill.; delà protubérance au bord supérieur de. la lame
quadrilatère, 73 mill. Entre les angles antero-inférieurs des pariétaux,
100 mill.
Fig. 94.
ANATOMIE PATHOLOGIQUE DE L'ACROMÉGALIE. : I31
Maxillaire inférieur. - Corps. Longueur de l'angle à la symphyse,
103 mill. Le bord alvéolaire, porteur d'une denl, est réduit il une lame
mince, à peu près verticale, que la symphyse déborde en avant d'environ
20 mill. Les apophyses géni supérieures, très développées, sont de même en
retrait sur le menton auquel elles sont unies par une ligne fortement ru-
gueuse. Des rugosités compactes remplacent la fossette digastrique. Hauteur
au niveau de la symphyse, 30 mill. - Branches. Largeur 28 mill.; hauteur
(jusqu'au fond de l'échancrure simoïde) 5 mill. Les bords sont fort obliques
en haut et en arrière. Angle de la mâchoire : 1250 environ (fig. 95).
Nulle part il n'y a de rugosités spongieuses. Le trou dentaire inférieur
est fort large, surtout le gauche (12 mill. de long sur 7 de haut.) dontlefond
est comme aréolaire (travées compactes). Il y a une dépression allongée con-
sidérable en arrière de lui entre le bord alvéolaire et laligne oblique externe.
La ligne oblique interne est très saillante, et la partie du corps située au-des-
sous d'elle est presque horizontale. La dépression de la glande sous-maxillaire
Il. 21 t
Fig. 95.
332 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALP1 : TRII : IiE.
est à peu près normale; de même l'épine de Spix el l'apophyse coronoïde,
seulement un peu accentuées. Le condyle présente quelques déformations
poreuses sur son bord libre. Sa face postérieure est très convexe et son bord
supérieur notablement déjeté en avant. En outre, son angle interne est allongé
et déjeté en avant, d'où augmentation du creux antérieur du condyle et de son
col. L'angle externe est normal adroite; à gauche il présente un tubercule
saillant et un peu rugueux. Diamètre transversal du condyle, 28 mill.
L'allongement porte presque exclusivement sur la partie interne du con-
dyle. Il y a un emboitement très profond du condyle par la cavité glénoïde
transformée en un angle (fig. 96, 97).
En regardant le profil de la face tout entière, on reste frappé surtout par
Fie.00 et 97.
ANATOMIE PATHOLOGIQUE DE L'ACROMÉGALIE. 333
la saillie considérable du rebord alvéolaire inférieur en avant du supérieur;
et par la saillie du menton en avant du rebord alvéolaire inférieur.
Rachis. -En examinant la colonne vertébrale de face, les disques inter-
vertébrauxn'existant plus, on voit immédiatement- une forte cypliose avec une
scoliose gauche très marquée. Le rachis, dans son ensemble, est fortement
incurvé en avant. L'axe des vertèbres cervicales est presque vertical, quoiqu'un
peu dévié en bas et à droite; celui des trois premières dorsales est fortement
oblique en bas et à gauche; la direction change au niveau' de la 4e dorsale, et
l'axe des 4°, 5e, 0°, 7e dorsales est fortement oblique à droite. Il y a donc une
courbe à concavité antérieure et droite dont le sommet répond il la il dor-
sale. La région dorsale inférieure et la lombaire formentuue courbe beaucoup p
moins accentuée, à convexité droite. Des plus, comme à la région cervicale,
.la convexité antérieure normale est accrue. En somme, il y a courbure par
compensation des parties supérieure et inférieure du rachis, la région dor-
sale supérieure étant l'origine de la déformation. Cela est démontré par
l'examen des corps vertébraux.
Le corps de la 1" et de la 2. dorsales ne sont guère asymétriques. Celui de
la 3° commence à être plus haut à gauche qu'il droite et en arrière qu'en
avant; et il prend une forme triangulaire, d'où une crête antérieure, mousse.
Fig. 08. A. Courbures présentées par la ligne des apophyse» épineuses sur le ? l{l1clcLLe considéré
par derrière (scoliose). B. Courbures présentées par les corps des vertèbres vus de profil
(cyphosc).
331 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALI'TRII;ItE.
Cette forme devient très accentuée de la 4° il la 7° dorsales, en même temps
que l'asymétrie devient considérable : 1° par affaissement intense du côté
droit; ? parce que, vu la torsion signalée plus loin, l'angle antérieur divise
ce corps en deux moitiés dont la droite est moins étendue transversalement
que la gauche. Tous ces corps ont une hauteur manifestement diminuée en
avant (15 mill. pour les trois premières; 11 mill. pour la partie droite de
la 5).
Outre l'affaissement latéral, il existe une torsion des vertèbres dorsales
supérieures; les apophyses transverses droites sont refoulées en arrière et à
gauche. De plus, l'affaissement de la partie antérieure des corps crée une
concavité antérieure très marquée, et il y a une légère convexité antérieure
compensatrice cervicale et dorso-lombaire.
Les corps des dernières dorsales et des lombaires présentent une asymétrie
légère, inverse de la précédente. Les dorsales ont une tendance à la forme
triangulaire, avec une crête mousse un peu reportée vers la droite.
La hauteur des corps cervicaux n'est guère modifiée ; leurs dimensions
transversales et antéro-postérieures sont accrues. Les dorsaux inférieurs,
un peu aplatis, ressemblent aux lombaires. Les lombaires présentent un
léger accroissement en hauteur et un élargissement notable; les bords des
faces supérieure et inférieure sont des crêtes rugueuses et spongieuses. La
face supérieure des 12° dorsale, 1 ? 2° et 3° lombaires présente en son centre
une excroissance spongieuse. 0
Sur tous les corps vertébraux on remarque une spongiosité considérable et
de gros trous vasculaires.
Les facettes costales sont affaissées dans la portion concave de la région
dorsale; les autres sont élargies, entourées de bourrelets rugueux.
Apophyses transverses. Augmentation considérable de leur gouttière il la
région cervicale; l'extrémité costale des dorsales est volumineuse, rugueuse,
spongieuse.
Les apophyses articulaires ont leur surface élargie dans la région cer-
vicale et dorsale (15 mill. de. diamètre); aux lombaires, cette surface n'est
pas accrue, mais est entourée d'un fort bourrelet rugueux.
Apophyses épineuses. Hypertrophie de leur extrémité spongieuse. Lon-
gueur de la 40 cervicale, 20 mill. ; largucurl8 mill. Longueur de la 4° dorsale,
32 mill.
Trou rachidien : normal. Le trou de l'artère vertébrale est élargi; les
trous de conjugaison ne sont pas rétrécis, même au niveau des fortes cour-
bures anormales.
Côtes. - Elles sont toutes manifestement augmentées de volume, mais ont
leurs torsions normales. La 7° a 21 centimètres de long et 20 mill. de haut.
Exagération considérable de la gouttière intercostale (10 mill. de haut), sur-
tout en arrière. Extrémité antérieure un peu élargie. Les extrémités posté-
rieures, extrêmement rugueuses, présentent des saillies articulaires et liga-
menteuses très accentuées. Tout le col est couvert, à sa face postérieure, de
NATOMIE PATHOLOGIQUE DE L'ACROMÉGALIE.
33 ?
tubérosités spongieuses. Les surfaces vertébrales sont élargies et aplaties; on
y voit encore cependant la trace de la division en deux facettes.
9'° côte. Largeur à la partie moyenne, 25 mill. Gouttière sous-clavière large
de 2 centimètres, lisse à droite, un peu rugueuse à gauche. Le tubercule du
scalène antérieur est un peu exagéré.
Clavicule droite. - L'extrémité interne est très déformée, Facétie
sternale irrégulière, rugueuse, en gouttière demi-circulaire ouverte par en
bas, entourant un mamelon central. (Diamètre antéro-postérieur 32 mill.;
vertical, 27 mill.). Facette costale, irrégulièrement triangulaire à sommet
mousse externe (longueur 20 mill. ; largeur à la base 19 mill.). Entre ces
deux facettes, crête peu accentuée. Le cartilage passe de l'une à l'autre. Le
sommet de la facette costale est entouré d'une gouttière qui remonte en haut
et en arrière, et surtout se prolonge horizontalement en avant; à un centi-
mètre en dehors de lui est une véritable apophyse saillante; au niveau de
cette apophyse, le corps (face antérieure) a 28 mill. de haut. Forme et cour-
bures normales. Au changement de courbure de la face antérieure existe une
très forte rugosité (lel toitliciiiie. La face postérieure, lisse dans toute son éten-
due, regarde un peu en bas dans sa partie concave. Bord supérieur, normal.
Les bord et face inférieurs sont voûtés et creusés d'une gouttière du sons-
clavier, longue de 62 mill., qui aboutit en se rétrécissant (5 mill. de
large) à la petite apophyse déjà décrite en dehors de la facette costale. Son
extrémité externe (9 mill. de large) commence aux rugosités de la face infé-
Fic. OU. A. -Clavicule normale de femme. Fig. 100. - il, - Clavicule du squelette acromégalirpic.
336 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.
ricure de l'extrémité externe. Ses bords sont assez tranchants; l'antérieur
descend plus bas que le postérieur. Extrémité externe; sa face supérieure
est envahie par les rugosités deltoïdiennes; les tubercules des ligaments cora-
co-claviculaires sont très accentués (20 mill. de large), confondus et limités
en dehors par une gouttière oblique en avant et en dehors, profonde et large
(pouvant contenir l'index). Facette ctcrontitle haute del8 mill. Les extré-
mités et les rugosités sont toutes très spongieuses. Le corps est perforé de plu-
sieurs trous, mais on n'y voit pas le trou nourricier typique.
La clavicule gauche est heaucoup moins déformée. Facette sternale à peu
près circulaire. Facette costale moins allongée. Rugosités deltoïdiennes beau-
coup moins nettes. Gouttière du sous-clavier peu accentée. Les rugosités des
ligaments coraco-claviculaires sont séparées en deux groupes comme norma-
lement. La même gouttière qu'à droite les sépare de la facette acromiale.
Trou nourricier normal.
Longueur totale de chaque clavicule, 1 centimètres (sans suivre les
courbures).
Omoplate. - Épine. Sur son bord postérieur, en dehors de la facette tri-
angulaire (pas très lisse) où glisse le tendon du trapèze, il existe une dépres-
sion en triangle rectangle à peu près isocèle, dont le sommet atteint la lèvre
supérieure de l'épine, l'hypothénuse (2 mil.) longeant sa lèvre inférieure.
En dedans de cette surface, à 40 mill. du bord axillaire, existe sur la lèvre
inférieure de l'épine le tubercule d'insertion du trapèze. Fosse sous-épi-
neuse. Insertion du grand rond se prolongeant en crochet sur le bord axil-
laire. Insertion du petit rond transformée en une gouttière étroite et pro-
fonde (à droite surtout). Fosse sous-scapulaire nettement anguleuse sur la
ligne répondant à l'épine. Très forte insertion musculaire à son angle infé-
rieur. Angle supéro-interne assez fortement recourbé vers la fosse sous-sca-
pulaire sous forme d'une petite colonne terminée par une insertion muscu-
laire à peu près circulaire, large de 13 mill. Apophyse carttcoïde très
recourbée. A son extrémité interne, son bord convexe présente une dépres-
sion rectangulaire entre la base et l'échancrure sous-caracoïdienne. Cavité
glénoïde : plus arrondie que normalement; séparée du bord atitéro-exteriie
de l'épine par une très forte dépression digitale.
Dimensions. De l'angle inférieur à l'échancrure sous-coracoïdienne,
127 mill.; largeur de la fosse sous-scapulaire au niveau de l'insertion de
l'épine (y compris la tubérosité glénoïde), 116 mill. Hauteur maxima de la
face supérieure de l'épine, 37 mill.
Humérus. - Tête rugueuse, inégale, déformée par un certain allonge-
ment dans le sens vertical, pour l'humérus droit surtout sur lequel elle
forme une sorte de crochet au-dessus du col anatomique. Sur tous deux, la
tête présente à la partie inférieure une sorle de croissant surajouté. Le col
anatomique est comblé en haut au niveau des tubérosités, soudées à l'extré-
mité supéro-externe de la tête. A gauche, on voit là un trou prouvant qu'il
s'agit d'une sorte de pont surajouté. Dès deux côtés, la gouttière inter-tro-
ANATOMIE PATHOLOGIQUE DE L'ACROMÉGALIE.
337
rhantérienne a disparu. Tout autour de la tête, trous vasculaires considé-
rables. Le corps a la forme ordinaire. Relief deltoïdien très accentué, formé
de deux bords entre lesquels est une profonde dépression. Au-dessous des tu-
bérosités, la gouttière bicipitale apparaît, très profonde. (Etat du tendon du
Fig. 101. A. Humérus du squelette acromyalüluc - rlc. 10 ? B. - Ilumérus normal de femme.
338 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPËTRIËRE.
biceps, inconnu.) Empreinte très marquée du caraco-brachial; au-dessous
d'elle, sur la face interne, trou nourricier normal. En bas, le bord antérieur
s'aplatit en palette plus que normalement; ainsi que les deux tubérosités in-
férieures, il est rugeux et inégal. Les surfaces articulaires du coude sont
normales, quoiqu'en arrière le bord externe de la trochlée soit très tranchant
et séparé du condyle et de l'épicondyle par une dépression au fond de la-
quelle se voient de gros trous vasculaires. Cavité olécranienne perforée, un
peu à gauche et beaucoup à droite, Dimensions : longueur totale 20 centi-
mètres ; diamètre vertical de la tête 52 mill. il droite, 18 mill. à gauche; lar-
geur maxima de la palette inférieure 73 mill.; largeur de la partie articu-
laire 41. mill.
Radius. Tête et col normaux. Tubérosité bicipitale très saillante, sur-
tout en arrière où elle est rugeuse (insertion du biceps). Face antérieure : .'
normale jusqu'en bas; là elle semble très creusée au-dessus de la face arti-
culaire, ce qui tient : 1° à un élargissement notable de cette face articulaire;
2° il ce que l'extrémité inférieure du bord externe forme une crête saillante
qui va il la base de la styloïde et surplombe en dehors cette dépression. In-
sertions très marquées du court supinateur; du carré pronateur. Forte gout-
tière correspondant au passage du long extenseur propre du pouce en arrière.
Trou nourricier normal. Extrémité inférieure. Entre les gouttières postéro-
externes, crêtes assez mousses, un peu rugueuses et spongieuses. Gros trous
vasculaires. Le plan articulaire de la styloïde dépasse peu la face horizon-
tale. La facette cubitale est déjetée en dedans et dépasse notablement le
niveau du bord interne. Dimensions. Longueur totale 21 centimètres. Lar-
geur de la face articulaire inférieure, 32 mill. (partie triangulaire, 20 mill.;
partie quadrilatère 12 mill.)
Cubitus. - Olécrane et apophyse coronoïde élargis et épaissis. L'inser-
sion, très saillante, du brachial anlérieur est à . ! 0 mill. du sommet de la co-
ronoïde. Elle est unie à chacun de ses angles latéraux par deux fortes crêtes
en V. Crête saillante unissant l'extrémité postérieure de la petite cavité sig-
moïde à l'extrémité supérieure du bord externe. Face antérieure. La gouet-
tière du fléchisseur est profonde. La partie inférieure se dévie fortement en
arrière et en dedans et est séparée de la face postérieure par une ligne ru-
gueuse. Face postérieure. La crêle verticale moyenne est très marquée. Ex-
trémité inférieure à peu près normale, sauf un épaississement de la styloide.
Dimensions : Surface olécranienne : largeur 30 mill. ; hauteur, 17 mill. Sur-
lace coronoidienne : largeur 25 mill.; anléro-postérieure 17 mill. Petite sig-
moïde : hauteur 11 mill.; antéro-postérieure 17 mill. Epaisseur antéro-pos-
térieure de l'olécrane 30 mill.
Les deux os de l'avant-bras envisagés dans leur ensemble présentent un
peu au-dessus de leur partie moyenne un angle très obtus ouvert en dedans.
Leurs extrémités supérieures sont un peu incurvées en avant.
Main. - Sur aucun des os de la main les surfaces articulaires proprement t
dites ne sont notablement altérées, mais sur tous il y a exagération des
ANATOMIE PATHOLOGIQUE DE L'ACROMÉGALIE. 330
rugosités péri-articulaires ligamenteuses ou tendineuses. Les os du carpe,
tous assez gros, sont extrêmement spongieux et friables. Les métacarpiens
ont conservé leur forme générale et il a été facile de les mettre en position.
Les corps ont leur configuration normale, les extrémités sont renflées. Lon-
gueur du 3e métacarpien 37 mill. Les phalanges offrent le même type de
déformation. Les unguéales sont relativement peu déformées.
Os iliaque. - Toute la face interne et la fosse iliaque externe sont nor-
males. Les parties spongieuses sont au contraire épaissies, poreuses, déformées.
L'échancrure ilio-ischiatique est bien marquée, l'échancrure ilio-pubienne
n'existe plus. L'arrière-fond du cotyle est des deux côtés élargi ; à gauche il
est surplombé à sa partie postéro-supérieure par une sorte de lame osseuse
qui prolonge la partie articulaire. Diamètre du cotyle 55 mill.; largeur de la
partie articulaire 38 mill. en arrière et en haut; 15 mill : aux deux extré-
mités qui limitent l'échancrure ischio-pubienne. Gouttière sous-cotyloïdienne
peu marquée. Fortes facettes musculaires à l'ischion. Gouttière sus-cotyloï-
dienne remplacée par des rugosités spongieuses avec de gros trous vascu-
laires. Ces trous existent tout autour du cotyle, mais s'arrêtent à 7 ou 8 mill.
de son bord. Entre le pubis et l'ischion, tous deux gonflés et poreux, la
branche ischio-pubienne, elle aussi spongieuse, décrit une courbe à concavité
postéro-interne. Hauteur du pubis 50 mill. ; épaisseur 25 mill. Epaississement
considérable de l'éminence ilio-pectinée; de la crête iliaque, large de 21 mill.
en avant du tubercule du fascia lala, de 28 mill. au niveau de ce tubercule; -,
renflement considérable surtout en arrière du tubercule du grand fessier.
Derrière la cavité auriculaire très poreuse, non agrandie, le bord postérieur et
la tubérosité forment une masse très épaisse (30 mill.) et très spongieuse.
Sacrum. - Lors de l'autopsie, il a été brisé longitudinalemenl au niveau
de la surface auriculaire droite. Autant qu'on en peut juger, il ne serait pas
tout à fait symétrique, mais plus développé à droite. Distance du deuxième
trou postérieur à la crête sacrée : 21 mil ! ; à droite; 18 mill. à gauche. Face
antérieure plus incurvée que normalement; la courbe a lieu au niveau de
l'articulation de la deuxième et de la troisième vertèbre sacrée. Epaisseur
maximum de la moitié gauche du sacrum : 55 mill. Largeur du canal sacré
en haut 28 mill.
Fémur. - Corps et bifurcation inférieure de la ligne âpre normaux. Tri-
furcation supérieure très épaissie, la branche externe surtout. Angle du col
de 130° à 135°. La ligne inter-trochantérienne antérieure forme près du
grand trochanter une rugosité épaisse, longue de 27 mill. A droite, la face
externe du grand trochanter est percée d'un large trou qui se bifurque au
fond; à gauche trous volumineux indépendants. Forte apophyse du moyen
fessier. Cavité digitale très large (19 mill. à gauche; 25 mill. à droite) sou-
levée en son centre d'un gros mamelon rugueux. Sur le col, les trous nour-
riciers sont normaux vers le grand trochanter; un peu élargis vers la tête.
Tête spongieuse, un peu érodéc : 47 mill. de diamètre. Dimension antéro-
postérieure du grand trochanter, ! i ? mill.
340 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.
Extrémité inférieure. Sur le condyle interne, dévié en dedans, le tuber-
cule du grand adducteur se continue avec celui du jumeau et est entouré
d'une gouttière demi-circulaire à concavité supérieure. Insertion du jumeau
externe et gouttière poplitée très accentuées. Dépression digitale très marquée
au-dessus du condyle interne.
Dimensions. - Longueur totale (il partir du bord supérieur du grand
trochanter) 385 mill. ; largeur de la diaphyse à la partie moyenne 30 mill.;
dimension antéro-post. 25 mill. Largeur de l'extrémité inférieure, 85 mill. ;
de la surface rotulienne,13 mill. ; de la parlie articulaire du condyle interne,
28 mill.
Tibia. - Extrémité supérieure. Gouttière du 1/2 membraneux pas très
marquée. Extrémité supérieure brisée en arrière; très spongieuse, mais peu
de gros trous vasculaires. En avant de la surface péronéale est une tubéro-
sité arrondie, réunie par une crête assez saillante à la partie externe de la
tubérosité antérieure. La hauteur du plateau tibial est accrue (27 miel. au
niveau de la facette péronéale). Corps. Bords très arrondis; gouttière de la
face externe peu marquée; ligne oblique peu accentuée ; trou nourricier
normal. La crète tibiale n'a sa courbure en S qu'en haut el en bas; à la partie
moyenne, ses concavités sont comblées par l'arrondissement de l'os. Extré-
mité inférieure. Les gouttières malléolaires sont atténuées par des bour-
souflures spongieuses. Celle du fléchisseur propre est seule bien nette.
Dimensions. Longueur totale 320 mill. ; circonférence de la diaphyse à la
partie moyenne, 60 mill. Largeur de l'extrémité supérieure, 80 mill. (partie
postérieure cassée d'où impossibilité de prendre d'autres mesures). A l'extré-
mité inférieure, transversalement, 49 mill.; face articulaire horizontale
31 mill.; face verticale haute de 16 mill.; dimension antéro-postérieure à la
base de la malléole, 35 mill.
Péroné. - Le bord antérieur, extrêmement mince et tranchant, forme
une véritable aile placée de champ entre les faces antérieure et externe,
toutes deux fortement excavées, enroulées normalement à leur extrémité
inférieure. La face postérieure, très rugueuse, présente en haut des pointes
et des crêtes tranchantes. Extrémité supérieure arrondie : elle a 30 mill. de
diamètre et est formée de tissu spongieux exubérant autour de la facette ar-
ticulaire normale. En arrière existe une gouttière verticale. Malléole externe
épaisse de 17 mill. à sa base; dimension antéro-postérieure 30 mill., hauteur
30 mill. Triangle articulaire, hauteur de 22 mill.; 19 mill. de base. Partie
non articulaire de la face internelarge de 16 mill. et profondément déprimée.
Gouttière des péroniers très accentuée. Bord postérieur boursouflé. Longueur
totale de l'os 325 mill.
Pied. - Tous les os du tarse sont très spongieux; le calcanéum est même
dépressible sous le doigt. Sur tous, le volume est considérable, par hyper-
trophie des apophyses et surfaces d'insertion. Le calcanéum, en particulier,
a une tubérosité postérieure et interne qui forme un vrai crochet sous la
plante du pied et une tubérosité antérieure très saillante.
ANATOMIE PATHOLOGIQUE DE L'ACROMÉGALIE. 311
Les métacarpiens (sauf le premier) ont une gracilité spéciale du corps,
incurvé en lame de sabre à tranchant dorsal. Cela est accentué surtout sur
le cinquième. Epiphyses volumineuses. Extrémité postérieure du premier
métacarpien : haute de 35 mill., large de 20 mill., elle dépasse considéra-
hlement par en bas le bord inférieur de l'os. Anlyose osseuse entre le
deuxième métacarpien droit et deuxième cunéiforme.
Phalanges. Hypertrophie du tissu spongieux, surtout au niveau des
phalanges unguéales. Celle du gros orteil est spécialement déformée et ses
angles postérieurs s'incurvent en avant, comme une véritable corne.
La dissection n'a été effectuée que sur le pied gauche, qui m'a été remis,
conservé dans le liquide de Mûller, en même temps que les autres os séchés.
La graisse plantaire adeux centimètres d'épaisseur. Les muscles plantaires et
le pédieux ont le volume qu'ils offrent chez un homme fortement musclé.
PIERRE Marie.
Le gérant : Emile Lecnoswen.
3873. lIOTTEIto7. Imprimeries réunies, B, rue Mignon, 2.
TABLE DES PLANCHES
Acromégalie (squelette U'-), : 31.
Le chirurgien, 21.
Dermographie, 43.
Epileptique (anomalie des organes génitaux
chez un -), 21 ; (note sur une anomalie
musculairc chez deux ),13, Il.
Eruption eczémateuse (deux cas ,1'- pro-
voquée par le borax), 16.
Fessier (pli), 38, 39.
Fresque de l'hùpilal de Sienne, 22.
Goitre exophtalmique (faciès dans le ),
4.7.
Hystérique <blépharospasme -). 17, 19 ; id.,
guéri 18 ; (contracture - du gros orteil), ? 0 ; (gonflement du cou chez un -), 3,
- I.; (spasme de la face et du cou ,1'01'Î-
inc -), 30 ; (sommeil -), i i, .15.
llystéro-épileptique (contracture provoquée
de li langue chez une -), 33, 31, 35, 3G,
37.
Mélancolie cataleptique (une olisenalion
de -), 9, 10.
Mesmer (documents satiriques sur
15, 16.
Miracle (le - opéré sur Marie-Anne Cou-
tonneau),40.
Paralysie agitante (altitude anormale dans
la -), ` ? S, 29.
Pascal (le masque de ), 32.
Rachis (des suites éloignées des trauma-
tismes de la moelle, en particulier dans
les fractures du -), 5, 6.
Syringomyélie (scoliose et atrophie muscu-
laire dans la -), 48.
Suspension (de la technique a suivre dans
le traitement par la - de l'a taxie locomo-
trice et de quelques autres maladies du
système nerveux), 11, 12.
Tloubles nerveux (d'une forme particulière
de - des extrémités supérieures), 1, 2.
Troubles trophiques (dans la paralysie géné-
rale), 25, ` ? G, 27 ; (- dans l'hystérie) atro-
phie musculaire, il, oedème, 4`3.
Ventouseuse, (la) 23.
TABLE DES FIGURES
Acromégalie (configuration extérieure et
anatomio pathologique de l' -J, 16, 17,
18, 19, 20, 21, 36, 37, 47, G3, G4, 65, GG,
117, 08, 69, 91, 95, JG, 97, 98, 99, 100, 101,
102.
Appareil de Sayre pour la suspension, 33; -
%il en place, 31, 35.
lias-relief en terre cuite de l'hôpital de
Pistoia, par Lucca Della Ilobia, 13; -
tumulaire en marbre de 1'crrocliio, 50.
l,1)tlepsie (durillon dont la pression pro-
voque l'accès ,1' -J, 6l.
Epileptiques (état des forces et tremblements
chez les - après les attaques), 5, 6, 7, 8.
9, 10, 11, 12, 13, il.
Femme malade (la) par Jan Steen, 52.
fessier (pli), C2.
Hystérie (champs usuels dans 1' -), d0, 11,
.1,G; (schémas de sensibilité dans l' -), 38,
3(J, .1,2, 43, 41, IJ,J3, Jf·. 55, 56, 57, 58,
70,71, 77, 78.
Hystérique (atrophie musculaire - de 1,
main), 72, 73, 74, 75. 76; attaque - 8 ?
86, 87, 88, 89, 90, 91 ; contracture - 59,
60; courbe des excrétions dans le sommeil
z79,80.
Médecin de village (le) par A Brauwer, 51.
Mélancolie cataleptique (phlyctéues dans un
cas de) 22; tracés, 23, 21, 25, z6, 27,
28, 29, 30, 31, 32.
Saignée (la) miniature, 49.
Troubles nerveux (d'une forme particulière
de -) 1, 2, 3, 1.
Syringomyélie (schémas de sensibilité dans
la -), 1c11, 82, 83,81,85, 8G,
TABLE DES MATIÈRES
Acromégalie, par Marie, 45, 90, 139, 189,
224, 327.
Dermographie (la -), par Ch. Féré et
H. Lamy, 283.
Epilepsie (sur un cas-dont les accès se mul-
tiplient sous l'influence d'excitations péri-
phériques), par Féré, 214.
Epileptique (Anomalie des organes génitaux
et du sens génital chez un -), par Féré
et Perruchet, 130.
Epileptiques (note sur l'état des forces et
sur les tremblements chez les- après les
attaques), par Féré, 38 ; (note'sur une ano-
malie musculaire chez deux -), par Féré,
192.
Eruption eczémateuse (deux cas il'- provo-
quée par le borax), par Féré et' Lamy, 305.
Fessier (note sur le pli-), ), par P. Richer, 230.
Goitre exophtalmique (contributions àl'étude
de la nutrition dans l'état normal et dans
la fièvre du -), par Gilles de la Tourette
et Cathelineau), 306.
Hystérie (contribution à l'étude des troubles
trophiqnes dansl ? .atrophie musculaire et
oedème), pal' Gilles de la Tourette et Dutil,
251 ; (l' - dans l'armée allemande), par
Gilles de la Tourette, 318.
Hystérique (considérations sur la courbe des
excrétions dans l'attaque de sommeil -), ),
par Gilles de la Tourette et Cathelineau, 290
(observation de contracture - guérie subi-
tement après une durée de deux années),
par P. Richer, 208.
Hystériques (gonflement du cou chez les ), ),
par P. Richer, 17 ; (superposition des trou-
bles de la sensibilité et des spasmes de la
face et du cou chez les ). par Gilles de
la Tourette, 107, 170.
7 ? s<en)-eep<tUM (des contractures spon-
tanées et provoquées de la langue chez
les -), par Laufenaucr, 203.
Malades (les - dans l'art), par Charcot et
Richer, 146.
Mélancolie cataleptique (une observation
de), par Séglas et Besançon, 65.
Mesmer (documents satiriques sur -), par
Gilles de la Tourette, 59, 103.
Miracle (le - opéré sur Marie-Anne Cou-
ronneau, le 13 juin 1731), par Gilles de la
Tourette, `11.1.
P01'(liysie agitante (sur un cas de à forme
hémiplégique avec attitude anormale de
la tête et du tronc (extension), par Dutil,
165.
Paralysie générale (faits pour servir il l'his-
toire des troubles trophiques dans la -
des aliénés), par Féré, 155.
Pascal (le masque dc), par Gilles de la Tou-
rette, 196.
Rachis (des suites éloignées des trauma-
tismes de la moelle en particulier dans
les fractures du -), par Tuffier et Hal-
lion, 21.
Suspension (de la -, dans le traitement de
l'ataxie locomotrice et de quelques autres
maladies du système nen eux), par Charcot,
81 ; (de la technique à suivre dans le
traitement par la - de l'ataxie locomo-
trice et de quelques autres maladies du
système nerveux), par Gilles de la Toui
reste, 85.
Troubles nerveux (d'une forme particulière
de - des extrémités supérieures), par
Blocq, 1.
Syringomyélie (un cas de -), par Gilles de
la Tourette et Zaguelmann, 311.
TABLE DES AUTEURS
nezançon, 65.
Blocq, 1.
Cathelineau, 290, 306.
Charcot, 81, 146.
Dutil, 165, 251.
Féré, 38, 92, 130, 155, 214, 283, 305.
Gilles de la Tourette, 59, 85, 103, 107, 170,
1JG, 41, 51, 290, 306, 311,318.
Ilallion, 21.
Lamy, 283, 305.
Laufenaucr, 203.
Marie, 45, 96, 139, 189, 224, 327.
Perruches, 130,
Richer (Paul), 17, 140, 208, 220.
Séglas, 65.
Tumeur, 21.
Zaguclmann, 311.