(1915) Nouvelle iconographie de la Salpétrière [Tome 27] : iconographie médicale et artistique
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(1915) Nouvelle iconographie de la Salpétrière [Tome 27] : iconographie médicale et artistique

NOUVELLE

ICONOGRAPHIE

DE LA

SALPÊTRIÈRE

TOME XXVII

1 914-1915

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

DE LA

1% W-114

SALPÊTRIÈRE *

h 11%, h EqF ?

J. M. CHARCOT

Gilles DE la TOURETTE, PAUL RICIIER, ALBERT LONDE

fronda le tirs

ICONOGRAPHIE MÉDICAL

FT

ARTISTIQUE

Patronage scientifique : .' t

J. BABINSKI. G. BALLET. J. DEJERINE. DENY

E. DUPRÉ. - A. FOURNIER. GRASSET

- KLIPPEL. - PIERRE MARIE. PITRES

REGIS. SEGLAS. J. A. SICARD. A. SOUQUES

ET

SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE

DE PARIS

Direction : Rédaction : .'

PAUL RICHER HENRY MEIGE

MASSON ET Cie, ÉDITEURS

LIBRAIRES DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE

120, Boulevard Saint-Germain, Paris (Vla

NOUVELLE

ICONOGRAPHIE

DE LA SALPÊTRIÈBE

SUR UN CAS D'ÉPILEPSIE JACKSONNIENNE PORTANT SUR

LE CENTRE CONJUGUÉ DES MOUVEMENTS DE LA TÈTE

ET DES YEUX,

PAR R

M. CHIRAY,

Ancien chef de Clinique de la Faculté

La physiologie pathologique de la déviation conjuguée de la tête et de

yeux a suscité de nombreuses -discussions depuis le travail fondamental

de Prévost. Dans ces dernières années, Bard, de Genève, s'est efforcé

d'établir l'origine sensorielle de ce syndrome et il a été suivi dans celte

voie par Dufour.

Grasset (1), puis mon maître Dejerine avec Roussy () ont au con-

traire attribué ce phénomène à la lésion d'un centre cortical des mouve-'

ments de la tête et des yeux, centre qui serait situé au niveau du pli

courbe, Ces derniers auteurs admettent même l'existence de deux centres

distincts, l'un oculogyre et l'autre céphalogyre. Ultérieurement les consta-

tations successives de Schupfer (3),Bonardi (.).YeisenLurg (5), Poggio (6)

ont confirmé l'existence de ce centre des mouvements conjugués de la

têteet des yeux. Seulement les uns (Bonardi) le placent au pli courbe

(1) GaosscT, Semaine médicale, 18 mai 1904.

(2) DNERiNE et Roussi, Rev. neur., 1905, p. 163.

(3) SCHUPFER, Rev. neur , 1903, p. lu09.

(4) Bonardi, Rev. neur., 1907, p. 442.

(5) WEISENBURG, Rev. neur., 1907, p. 1280.

(6) Poggio, Rivista de pathologia nevrosa et mentale, 1909, p. 216-224. 1

xxvii 1

2 CHTRAY

et au gyrus supramarginalis. les autres (Schupfer, Weisenburg,Poggio)

le situent au pied de F'.

Le cas que nous avons observé et qui a la valeur d'un fait expérimental

nous paraît apporter un document important dans cette discussion. Il

s'agit d'une femme de 30 ans qui entra à l'hôpital deux mois après son

accouchement. Elle était amenée à cause de crises convulsives qui duraient

depuis 4 ou 5 jours. Reçue le soir, elle eut toute la nuit des crises convul-

sives épileptiformes que je ne pus observer, car elles étaient disparues

lorsque j'examinai la malade le matin. A ce moment l'aspect était normal.

Il n'existait à ce moment ni parésie, ni paralysie des membres ou de

la face. La parole, les réflexes oculaires ne paraissaient pas modifiés.

L'intelligence restait intacte. Toutes les trois, quatre ou cinq minutes

la malade était subitement prise d'une crise de déviation conjuguée de

la tête et des yeux sans aucune convulsion des bras. La tête se déviait

vers la gauche par petites saccades, de même que les yeux qui présen-

taient en même temps du nystagmus. Pendant la crise le bras gauche

ne bougeait pas et la malade gardait son enfant sur ce bras. Elle levait

volontairement le bras droit pour se frotter le front et les yeux, ce qui,

disait-elle, remettait ses yeux en place.

La crise durait une minute environ puis cessait et la malade reprenait

la conversation. Dans la journée la malade eut plus de cenl crises ana-

logues. Cette femme ne paraissait pas en danger et je me réservais de

pratiquer le lendemain un examen plus détaillé. Malheureusement elle fut

reprise de convulsions généralisées pendant la nuit et mourut sans que

j'aie pu la revoir. '

L'autopsie de cette femme révéla l'existence d'une lésion corticale très

nettement délimitée qui permet de déterminer avec précision le centre des

mouvements convulsifs observés. La lésion était située (comme on le voit

sur la planche I)sur la frontale ascendante, partie moyenne, le long de la

lèvre rolandique et en face du pied d'insertion de la 2e circonvolution

frontale.

En profondeur, elle ne dépassait pas la substance blanche propre de la

circonvolution frontale ascendante. Mais elle atteignait et détruisait la

corticalité dans la moitié antérieure de la lèvre frontale de la scissure de

Rolando, et sur la face externe de la frontale ascendante à ce même ni-

veau. La lèvre précentrale de la frontale ascendante était indemne. Ce

foyer était adhérent à la méninge du sillon de Rolando.

En somme il s'agit d'un cas de lésion très localisée au coude du sillon

de Rolando sous la frontale ascendante en face de l'insertion du pied de

F2, mais sans empiétement sur celle-ci. Celte lésion localisée avait produit

des mouvements jacksonniens exactement limités à la déviation conjuguée

de la tête et des yeux vers la gauche, c'est-à-dire du côté opposé à la lésion.

Nouvelle Iconographie DE la SALPi.TRII.RE. T. XXVII. PI. I

UN CAS d'épilepsie JACKSONNIENNE

portant sur le centre conjugué de la tête et des yeux.

(Cbiray) .

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPI.TRIÉRE.

T. XXVII. Pl. II

ACRODACTYLOPATHIE HYPERTROPHIANTE

(Paul Chevallier).

Masson & Cie, Éditeurs.

SUR UN CAS D'ACRODACTYLOPATHIE

' HYPERTROPHIANTE

par

Paul CHEVALLIER,

Ancien interne, lauréat des hôpitaux.

Avec le Dr Calas et le Dr Gallet, chef du laboratoire de radiologie de

l'hôpital Broca, nous avons eu l'occasion, dans le cours de l'été 1912, de

soigner un homme atteint de troubles trophiques particuliers des quatre

extrémités. Nous croyons intéressant d'en publier les radiographies bien

que les circonstances dans lesquelles nous avons observé le malade, ne

nous aient pas permis de recueillir une observation tout à fait complète.

Observation.

Le malade, M. B..., mécanicien, est un homme de 38 ans, grand, robuste,

intelligent. Les troubles dont il se plaint sont apparus depuis 3 à 4 ans ; les

ongles des orteils s'effritèrent d'abord ; puis ceux de certains doigts ; peu à

peu l'affection s'est étendue et maintenant les extrémités de tous les rayons

sont atteintes à un degré plus ou moins accentué.

Deux phénomènes frappent de prime abord :

La déformation du bout des doigts en baguette de tambour et la destruction

des ongles.

Les extrémités de tous les orteils et de la plupart des doigts sont volumi-

neuses ; elles sont plus élargies qu'épaissies. Le gonflement commence un

peu au-dessous de l'articulation de la deuxième avec la troisième phalange,

atteint rapidement son maximum et décroît un peu ; l'extrémité pulpaire de

certains doigts semble presque normale ; mais presque toujours elle est mani-

festement hypertrophiée. Ce sont les déformations connues sous le nom de

doigt en baguette de tambour et de doigt en massue (PI. II).

La tuméfaction est ferme à la palpation, mais on ne peut sentir aucun relief

osseux. Les mouvements de la dernière articulation phalangienne sont gênés

mais on a l'impression qu'ils le sont par le gonflement et non par un certain

degré d'ankylose.

Les altérations unguéales ont surtout attiré l'attention du malade et il nous

raconte leur apparition de la façon suivante : Quand un ongle est sur le point

de s'effriter, apparaissent des élancements qui sont assez intenses pour em-

i CHEVALLIER

pêcher le sommeil. La moindre pression détermine des douleurs intolérables.

Les côtés de l'ongle jaunissent, deviennent durs et épais et pénètrent dans la

chair. Bientôt l'ongle pousse dystrophié. Quand il s'écaille, les douleurs ces-

sent. Cependant le malade doit arracher avec des ciseaux les plus grosses des

lamelles nouvellement formées, car elles pénètrent dans la chair et provoquent

une vive souffrance. -

Aujourd'hui les ongles les moins lésés arrivent à mi-chemin de leur lit;

ils sont striés longitudinalement, ternes, secs, et faciles à écailler ; leur épais-

seur est très exagérée, mais leur densité et leur résistance sont diminuées ils

apparaissent aussi plus larges que des ongles-normaux. Leur limite inférieure

est irrégulière : entaillée, et l'ongle proprement se continue avec une dé-

pression anfractueuse, c'est le lit recouvert d'écailles et de squames cornées

et enchassé par les parties molles formaut bourrelet.

A un degré de plus, l'ongle est méconnaissable. La matrice elle-même est

atteinte. De la surface raboteuse et déprimée qui représente le lit, se détachent

des lamelles cornées.

En résumé les ongles sont le siège de troubles trophiques intenses ; ils sont

en partie détruits ; ce qui en reste apparaît épaissi et élargi et a tendance à

s'incarner. 1 -

Bien que l'aspect ne rappelât en rien celui d'une onychomycose, nous

avons recherché s'il n'y avait pas de parasite : le résultat de ces examens a

été négatif. ,

Main droite. Le pouce et l'auriculaire, malades depuis 1910, présen-

tent le maximum de lésions. L'index, le médius et l'annulaire sont moins

atteints ; l'ongle a perdu son poli ; il est strié suivant sa longueur de nombreu-

ses raies blanches ; le bout du doigt n'est pas nettement hypertrophié. .

Main gauche. - Le pouce, l'annulaire et l'auriculaire sont atteints depuis

le début de 1911, l'index depuis l'été 1910, le médius depuis trois mois seule-

ment (printemps 1912). Tous sont terminés en baguette de tambour ou bien

en massue ; le gonflement de l'extrémité du médius est particulièrement

marqué. Les ongles sont très lésés. , ... °

Pieds. Les accidents remontent ici à trois ou quatre ans (1908 et 1909).

Les extrémités de tous les orteils sont hypertrophiées, les ongles usés, écailleux,

celui de l'annulaire gauche n'existe pour ainsi dire plus. ? '

Les radiographies mettent en évidence deux sortes de lésions : des lésions

osseuses et des lésions des parties molles (PI. III).

C'est au gonflement des parties molles qu'est due la majeure partie de la dé-

formation en baguette de tambour. Il commence généralement à la hauteur de

l'épiphyse de la phalangine et descend jusqu'à l'extrémité du doigt. C'est toujours

au niveau de la deuxième articulation interphalangienne que la tuméfaction

atteint son maximum de largeur et d'opacité. A certains doigts même (Cf.

index main gauche, fig.'V),' forme un large anneau autour de cette articula-

tion et respecte le bout du doigt. :

La lésion osseuse est essentiellement constituée par des productions

Nouvelle Iconographie DE la Salpêtrière. T. XXVII. PI. III

Main gauche.

Main droite.

Pied droit.

ACRODACTYLOPATHIE HYPERTHROPHIANTE

Radiographies.

(Paul Chevallier).

Masson & Cie, Editeurs

, 1 . 1 1 Il r" .

SUR UN CAS D ACRODACTYLOPATHIE HYPERTROPHIANTE . .^ ' 51 <

ostéophytiques dans la phalangette. C'est d'abord un dentelé fin et à peine per-

ceptible sur le bord des épiphyses; à un stade plus avancé, les .lésions se

précisent. La face antérieure, les bords latéraux et supérieurs de l'épiphyse

distale sont hérissés d'ostéophytes clairs et irréguliers, véritables stalactites

qui s'écartent perpendiculairement à la surface qui leur donné naissance.

On dirait une tête chargée de mousse.

Les mêmes productions ostéophytiques se développent en bordure de la base

de l'os. On remarque, en outre, remontant du bord de l'épiphyse distale de

certaines phalangettes (en particulier de l'annulaire gauche) (PI. 111), un petit

crochet osseux semblable à celui que l'on voit dans le rhumatisme déformant.

La diaphyse reste intacte, cependant les radiographies latérales montrent que

sa face antérieure finit par proliférer ; les productions ostéophytiques remon-

tent en devenant plus basses et moins nombreuses jusqu'à une petite distance

de la houppe épipbysairedistate.

Il n'existe pas, actuellement, de raréfaction appréciable.

Les interlignes articulaires sonts nets et l'articulation semble intacte.

La lésion est exclusivement localisèe à la phalangette. Cependant le pé-

rioste des têtes de la phalangine de l'auriculaire et de la première phalange

du pouce participent au processus : on aperçoit de champ quelques produc-

tions ostéophytiques à la face postérieure de l'épiphyse distale.

Le mêmes lésions se retrouvent aux pieds. Ici encore, la phalangette est

exclusivement ou presque exclusivement lésée et les parties molles lui for-

ment une gangue épaisse.

Mais outre les ostéophytes et les stalactites d'origine périostée, on remarque

une atrophie osseuse assez marquée.

La dystrophie est plus raréfiante qu'hyperostosante. Les déformations de la

base des phalangettes rappellent ce que l'on voit dans le rhumatisme chroni-

que, dans les périostites, et en général dans tous les processus dystrophiants.

L'attention est encore d'emblée attirée sur la face et le crâne.

La face est aplatie : nez court à racine enfoncée, front surélevé, vertical et

carré, mâchoire puissante.

Vu de profil, le crâne est presque quadrilatère, un peu plus haut que

large : en avant le plan facial est presque vertical ; le, front monte tout droit

et par un angle à peine arrondi se continue avec le sommet aplati de la tête.

En arrière, la paroi est constituée du haut en bas par un plan à peu près ver-

tical et parallèle à celui du front. Seul de sa famille, la malade présente cette

configuration du crâne, déformation en cube, pourrait-on dire, du crâne court

de la race auvergnate à laquelle il appartient. Cette déformation serait

acquise, et voici le récit qu'il nous a fait : dans le jeune âge, la tête fut serrée

d'avant en arrière entre une roue de voiture et une pierre ; du sang s'écoula

par le nez et la bouche ; on porta le diagnostic de fracture du crâne. Durant

trois mois, l'eufant resta très malade, puis il guérit peu à peu. Nous'avons

radiographié la base du crâne, mais les images que nous avons obtenues ne

permettent pas de conclure à une lésion de la selle turcique. Le malade ne/se

6 CHEVALLIER

plaint d'aucun trouble de la vision, mais il ne s'est pas soumis à l'examen d'un

spécialiste.

L'examen de la bouche et de la langue, des membres, du thorax, du bassin,

de la colonne vertébrale ne nous a révélé aucun détail pathologique. Il n'existe

aucune déformation rachitique.

Parmi les anamnestiques, quelques faits doivent être notés. Le père du

malade appartient à une famille d'alcooliques. Ses parents étaient connus pour

leur intempérance. Lui aussi s'adonna à la boisson ; à 20 ans, il fut pris

de crises épileptiques et mourut à 42 ans au cours d'un état de mal. C'était

le plus jeune de six.garçons dont aucun ne suufrit de troubles nerveux et qui

moururent tous très vieux.

La mère est vivante, elle est sobre et se porte bien.

Deux frères et deux so-urs sont de grand nerveux, mais autrement se por-

tent bien.

Enfin, notre malade a une petite fille forte et robuste.

Lui-même a toujours été bien portant, il est sobre, travailleur et intelli-

gent. Comme tous les membres de sa famille, il est un peu nerveux. Nous

n'avons pu déceler aucun signe de syphilis ou de tuberculose. Les réflexes

tendineux, cutanés et oculaires sont normaux ; il n'existe aucun trouble

nerveux. Les organes génitaux sont bien développés et les fonctions nor-

males. Le système pileux est ni exubérant ni pauvre. Les urines ne contiennent

ni sucre ni albumine.

RÉSUMÉ. - Dystrophie de l'extrémité de tous les rayons digitaux. Début

à l'âge de 35 ans. Les orteils sont les premiers atteints, puis les doigts se

prennent un à un.

Caractères de la dystrophie : localisée aux extrémités ; tous les tissus sont

atteints : peau, ou plutôt sa production différenciée, les ongles, qui sont très

atrophiés ; parties molles sous-jacentes qui sont tuméfiées ; os enfin dont les

épiphyses donnant naissance à des ostéophytes ; seule (ou presque seule) la

dernière phalange est lésée ; l'articulation semble respectée.

Crâne cubique : aurait acquis cette forme après un traumatisme (fracture

du crâne) ?

Pas d'autres stigmates squelettiques ou viscéraux. Névrosisme familial.

Alcoolisme très accusé des ascendants.

De quelle affection s'agit-il ici ? La déformation unguéaledu doigt hyppo-

cratique n'est pas comparable et la radiographie ne décèle pas d'ostéophy-

tes. Ni le rhumatisme chronique, ni les onychoses dystrophiques ou para-

sitaires ne sont capables de réaliser un pareil tableau. Au premier abord

on pourrait penser à l'onyxis syphilitique, mais ce diagnostic ne résiste

pas à un examen sérieux.

On ne peut guère, croyons-nous, hésiter qu'entre deux syndromes, tous

SUR UN CAS D'ACRODACTYLOPATIIIE HYPERTROPHIANTE 7

deux décrits par M. Pierre Marie, l'acromégalie et l'ostéoartropathie hyper-

trophiante.

Dans un grand nombre d'observations d'acromégaliques, et en particu-

lier dans celle qui a été récemment publiée parBartolotti (1), se trouvent

signalées des lésions comparables à celles de notre malade. Les extrémités

digitales sont grosses ; les ongles légèrement dystrophiés. La radiographie

montre la déformation « en petits plumeaux » des phalangettes dont on a

fait un des caractères les plus constants de l'acromégalie, l'existence de

petites exostoses sur les os métapodiaux et les épines osseuses aux points

où s'attachent les tendons.

Considérer notre malade comme un acromégalique fruste est assez sé-

duisant, mais l'absence des signes capitaux de l'affection nous porte plu-

tôt à ranger, au moins à l'heure actuelle, la dystrophie dont il est atteint,

dans le groupe, très voisin d'ailleurs croyons-nous, desostéoarthropathies

hypertrophiantes(2).

A coup sûr certaines objections peuvent être faites. La déformation ne

serait pas, pour certains auteurs, limitée à la phalangette, mais cette affir-

mation avait pour but de réagir contre la confusion qui existait entre le

doigt hippocratique et le syndrome de Pierre Marie.

L'ostéoarthropatlrie hypertrophiante ne revêt d'ailleurs pas toujours le

même aspect, et à côté de la forme classique, d'autres types sont assez

individualisés pour mériter une description spéciale.

On peut, en d'autres termes, réunir sous le nom d'ostéoaltlaropathie

hypertrophiante, ou d'ostéoartlaropathie d.slapertroplaiatte acromélique,

une série de dystrophies progressives et de début généralement tardif ; elles

commencent par les extrémités des quatre membres et leur évolution cli-

nique est assez semblable pour qu'elles suggèrent, en l'état actuel de la

science, les mêmes problèmes pathogéniques.

Le plus souvent, quand le malade devient inquiet, les troubles sont

déjà considérables. Les pieds et les mains sont énormes, les doigts hyper-

trophiés sont renflés à boule à leur extrémité ; l'ongle est élargi, allongé,

recourbé en bec de perroquet. Les épiphyses distales, antibrachiales et

jambières, sont très grosses. Souvent d'autres épiphyses sont manifestement

atteintes ; les vertèbres participent au processus et la colonne s'incurve.

Dans cette forme classique, la peau et les parties molles sont peu touchées,

le système osseux est presque exclusivement atleint; les radiographies

montrent que la lésion porte sur les épiphyses : leur tissu se raréfie par-

(1) BRRTOLOTTI, Elude du gigantisme acromégalique infantile. Nouvelle Iconographie

de la Salpêtrière, t. XX, mars 1940, p. 1.

(2) Pierre Marie, Bévue de Médecine, 1890, n° 1.

H- CHEVALLIER

fois extrêmement, mais plus souvent elles se couvrent de néoproductions

osseuses.

Interroge-t-on le sujet, on apprend que la maladie évolue depuis de

longues années. Parfois même les premières déformations apparurent dans

la plus tendre enfance (variété congénitale).

Très souvent c'est l'hypertrophie des mains et des pieds qui éveille

l'attention, et le médecin pense à l'acromégalie. C'est la forme pseudo-

acroinégalique (1).

Très souvent encore, des douleurs digitales annoncent le début du mal ;

le malade a une série de petites poussées pseudo-rhumatiszzzales : on a

pensé à un rhumatisme subaigu, blennorrhagique, tuberculeux, ou bien

aux rhumatismes chroniques déformants. La persistance du gonflement t

et l'élude radiographique permettent seuls un diagnostic précoce.

Enfin l'affection peut s'installer insidieusement par un simple gonfle-

ment des extrémités des doigts (2). Nous distinguerons deux formes.

Dans la première, pseudo-hippocratique, le doigt figure une baguette de

tambour ou.un battant de cloche; l'ongle est « en verre de montre».

Entre le doigt hippocratique et l'ostéopathie hypertrophiante, il n'existe

aucun signe clinique différentiel, et des erreurs ont été commises par les

médecins les .plus autorisés (3) ; la radiographie est de toute néccessité.

La deuxième forme ne peut plus être confondue à première vue qu'avec

une onychose. La dystrophie atteint à la fois les parties molles, l'ongle

et l'os. Ce qui est manifeste, ce n'est pas l'affection de l'os, mais celle des

parties molles, aussi nous avons préféré au terme d'ostéoarthropathie

celuid'acrodactlopatlaie. Il semble que l'ongle soit le premier atteint ; à

son niveau apparaissent des douleurs ; il s'incurve et pousse usé. En

même temps, l'extrémité du doigt se tuméfie ; le gonflement est maximum

autour de la deuxième articulation phalangienne. Mais la radiographie

montre que l'interligne est indemne ; seule la dernière phalange est

malade; des houppes d'exostose couvrent la plus grande partie de ces

épiphyses. Cependant la tête voisine de l'ayant-dernière phalange peut t

commencer à proliférer. Tous les orteils et les doigts se prennent succes-

sivement. L'évolution est lente et progressive.

. Encore une remarque. Dans l'ostéoarthropathie hypertrophiante

(1) Cf. SCnBLTZB, Mitteil. a. d. GI'enzr¡ebiete d. Med. und d. Chirurgie, Bd. XXIV,

1912, II. 4. ,

(2) MAUCLAInE, in Mal. des os, Traité Le DENTU-DELDET, 1908, V, p. 246. Discussion

de 1,ÉON IIF»RNAIII), in Mal. des os, Traité de Gilbert et ThOINOT, 1912, p. 568. ! . (3) BEZANÇON et I. on JONO, Doigts hippocratiques el ostéoarthl'Opf1thie hypertro-

phiante pneumique. Arch. én. de méd., 6 décembre 1906, ne 49, p. 3100-3113 (avec

bibliographie). 1

SUR UN CAS D'ACRODACTYLOPATHIE HYPERTROPHIANTE .9

banale, c'est-à-dire dans la forme pseudo-acromégalique, les auteurs (1)

font rarement mention d'ostéophytes,mais insistent sur l'épaississement des

diaphyses. Or dans l'acrodactylopalhie les diaphyses sont, comme à l'état

normal, minces et élancées ; seules les épiphyses s'accroissent par adjonc-

tion de tissu néoformé. Sans méconnaître les formes de transition, il

importe donc d'opposer l'hypertrophie régulière, lisse, en masse, diaphy-

saire, de l'ostéopathie hypertrophiante typique à la dyshypertrophie,

par prolifération désordonnée, de l'acrodactylopalhie. Peut-être ces faits

contribueront-ils plus tard à systématiser davantage les diverses dystro-

phies encore énigmatiques. .

Origine de l'affection. On peut d'abord supposer qu'il s'agit d'une

maladie- localisée, en d'autres termes qu'un virus ou que sa toxine sont

venus se fixer électivement à l'extrémité de tous les rayons pour en

déterminer la lésion (2). Cette hypothèse s'accorderait, par exemple,

avec la conception générale du rhumatisme tuberculeux de Poncet. Nous

ne la repoussons pas, car elle est séduisante, mais l'observation de noire

malade ne nous autorise pas à rejeter les autres hypothèses.

La plupart des auleurs admettent en effet que les processus qui attei-

gnent également les quatre extrémités relèvent d'un trouble du régime

trophique général. Il n'y a plus ici d'agent désorganisant localisé à la

région lésée, mais tantôt la dystrophie est la conséquence d'ajlérations

vasculaires ou nerveuses lointaines, tantôt elle résulte de la mise en cir-

culation d'un poison non spécifique, élaboré à distance du point qu'il

altère.

Chez notre malade, nous n'avons trouvé ni foyer infectieux (3), ni

trouble nerveux (4), ni trouble vasculaire. Le champ des hypothèses est t

donc assez circonscrit. -

Bien que la forme de la tête de notre malade n'ait peut-être aucun rapt

port avec son accident, mais soit la conséquence d'une dystrophie manifes-

tée dès l'enfance (os mous), la déformation céphalique et l'histoire qui nous

est racontée a particulièrement orienté nos recherches vers un trouble tro-

phique par lésions de la base du crâne. Déjà Babès (5) a invoqué pareilles

(1) Cf. en particulier APERT et ROUILLAHD, Ostéoarthropathie hypertrophiante (type

Pierre Marie) avec polyurie, in Soc. méd. des hôpitaux de Paris, 22 mars 1912,

p. 346-351.

(2) ALAMARTINE, Ostéoai,thi-opa 1 hie hypertrophiante d'origine tuberculeuse. Revue de

chirurgie, 10 juin 1907 ; M4RFA,t, Soc. de pédiatrie, 11 juin 1902, etc. ; Chrétien SCIISfIDT

invoquent la Syphilis.

(3) Première hypothèse du professeur Pierre Marie.

(4) BEI1ENT, Zur Aetiotogie osleoarlhrofiahschen Veranderungen. Mûnch. med. Woch.,

n- 22, 1892 ; HIIiSClIFELD, Zeitsch. f. klin. Med., 1902, Bd. 44. S. 251, etc.

(5) BABÉS, Anomalies congénitales de la tête déterminant une transformation symé-

10 0 CHEVALLIER

lésions pour expliquer certains cas de polydactylie symétrique aux quatre

membres. Il suppose, dans la partie de l'axe cérébro-spinal qui repose sur

le sphénoïde, l'existence d'un centre trophique des quatre extrémités ; le

dérangement de ce centre entraînerait l'embryon de la polydactylie.Nous

pouvons supposer que chez l'adulte le même dérèglement du centre se

traduira par des troubles différents, mais toujours généralisés aux quatre

extrémités. Bien que vivement critiquée, la théorie de Babès mérite qu'on

s'y arrête ; avec Fumarola (1) et d'autres auteurs, on peut faire interve-

venir une lésion de la base du crâne sans admettre l'existence d'un centre

nerveux spécial de la trophicité.

Une altération de sphénoïde risque en effet de léser l'hypophyse qui joue

un si grand rôle dans le développement et l'évolution du système osseux

des extrémités.

Divers auteurs déjà, Erb, Gerhard, Stembo (2), Cantu (3), Schultze, qui

rapprochent l'ostéoarthrophie hypertrophiante de l'acromégalie, tendent

à admettre l'influence d'un trouble hypophysaire.

Les documents que nous apportons ne nous permettent pas une opinion

ferme. Peut-être l'évolution de. maladie permettra-t-elle dans quelques

années de se faire une conviction.

Traitement. - Nous avons essayé d'améliorer notre malade par des

extraits glandulaires. Etant donné qu'une lésion hypophysaire pouvait

être en cause, nous avons ordonné ..des cachets d'hypophyse ; nous y avons

point la médication thyroïdienne qui agit si merveilleusement dans cer-

tains cas de rhumatisme déformant. Après quelques mois, le malade se

trouvait mieux ; nous n'avons malheureusement pas pu le revoir.

Note. Cet article a été terminé à la fin de 1912. En octobre 1913,

le docteur Calas nous a écrit que la maladie restait stationnaire ; le trai-

tement n'a pas été suivi très régulièrement.

trique des 4 extrémités. Acrometaqenèse. Ac. des se, 18 janv. 1904, p. 174-178 et 170.

Acad. Roumaine. Mémoire avec fig., 1904; Congrès de pathologie comparée, Paris,

1912.

(1) G. Fumarola, Les difformités congénitales associées des mains. Nouvelle Icono-

graphie de la Salpêtrière, 19H, ne 4, p. 329.

(2)Stambo, L'osiéoarlhropatlaie h,1lpel'lt'ophianle pneumique est-elle une maladie sui

generis. Rev. méd. de St-Pétersbourg, 1894.

(3) Cité d'après LÉON l3snreano.

POLYDACTYLIE ET TÉRATOME HYPOPHYSAIRE.

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES INFLUENCES MORPHOGÉNÉTIQUES

DES GLANDES A SÉCRÉTION INTERNE SUR L'OHGANOGÉNÈSE

par R

M. Mario BERTOLOTTI, .

Médecin de l'Hôpital Majeur de Turin,

Docent-privé à la Faculté.

Depuis quelques années la clinique et le laboratoire se sont associés

pour étudier la fonction des glandes vasculaires sur les phénomènes et

sur les échanges de la vie normale et pathologique. L'on sait comment

les fonctions endocrines peuvent agir dans les différentes époques de la

vie : toute la période ontogénétique étant soumise à leur influence; toute-

fois si l'endocrinie normale et pathologique est bien connue pendant

l'âge adulte et l'enfance, il en est tout autrement pour ce qui a trait aux

influences morphogénétiques que les glandes à sécrétion interne peuvent

exercer sur la période embryonnaire et foetale de l'organogénèse.

A M. Parhon (t) revient le mérite d'avoir le premier soulevé cet impor-

tant problème. Dans une série de travaux, Parhon a discuté et indiqué

les moyens qui peuvent nous permettre d'étudier l'organogénèse en rap-

port aux fonctions endocrines dans la période embryonnaire : il propose

d'un côté la méthode expérimentale et d'autre part l'examen des phéno-

mènes tératologiques.

Nous laisserons de côté la méthode expérimentale, pour nous occuper

de l'étude de plusieurs anomalies tératologiques qui assez souvent sont

liées à des troubles des glandes à sécrétion interne.

Si l'on considère en effet les anomalies d'ordre congénital, il vient

naturel de se demander où les phénomènes téralologiques finissent pour

céder la place à la pathologie. Dans le domaine des études biologiques en

(1) J. Parhon, Quelques considérations sur l'importance des fonctions endocrines

pendant la vie embryonnaire et foetale et sur leur rôle dans l'organogénèse. Presse

médicale, 1'r octobre 1913 ; Considérations sur le rôle des glandes endocrines dans la

pathogénie de la dégénérescence. Congrès des aliénistes, Dijon, 1908; De la polydac-

tylie chez les aliénés. Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière, 1911, p. 391.

4 2 BERTOLOTTI

réalité la tératologie ne peut être séparée de la pathologie foetale. Depuis

quelque temps les anthropologistes, de même que les cliniciens, ont

montré une certaine tendance à considérer les anomalies d'ordre lératolo-

gique comme la conséquence d'un état morbide. Supposons par exemple

que l'on puisse admettre un rapport de cause à effet entre certaines ano-

malies congénitales et les altérations du système endocrin dans la pé-

riode embryonnaire, il est certain qu'on aurait là un argument sérieux

pour démontrer que la tératologie n'est autre chose qu'une modalité de

la pathologie foetale. -

En l'état actuel-de nos connaissances, l'on peut déjà rassembler des do-

cuments assez importants pour arriver à cette démonstration, et nous

allons justement passer en revue quelques exemples parmi les plus inté-

ressants.

Une première considération qui a été faite récemment en faveur de

l'origine pathologique des anomalies foetales est celle qui a trait à la

coexistence de phénomènes qualifiés tératologiques avec d'autres symp-

tômes de nature nettement morbide. II en est probablement de même

pour certaines altérations anatomiques que l'on a voulu considérer

comme des anomalies reversives en leur donnant une signification ata-

vique, tandis que, ainsi qu'a pu le démontrer dans certains cas

Regnault (1), il s'agissait simplement de modifications pathologiques

survenues avant ou encore après la naissance.

En nous retranchant toutefois dans le domaine des dysendocrinies, un

des exemples plus typiques a été relevé par Binet (2) sur la coexistence

du bec-de-lièvre avec l'infantilisme. Un autre exemple assez intéressant

nous est donné par l'association de la polydactylie avec le pied bot con-

génital, ainsi que Marsch l'a démontré (3), et encore selon Darier(4), par

la concomitance de la polydactylie et du bec de-lièvre avec la rétinite

pigmentaire et le colobome de l'iris. Signalons encore par son importance

les constatations de Weber sur la coexistence de la rétinite pigmentaire et

des côtes cervicales (5).

A ces faits qui sont un peu disparates, on peut en ajouter d'autres

qui ont une valeur vraiment démonstrative et qui peuvent relever les

liens étroits qui unissent les anomalies tératologiques avec les états

(1) F. REGNAULT, Les anomalies osseuses pathologiques, Bull. et mém. de la Soc. "

anat. de Paris, 1901.

(2) BINENT, Anomalies des organes génitaux mâles, Bulletin de la Soc. anat., 1887.

(3) Marscei, A case o/ double polydactylie, etc. Lancet. 1899, t. II, p, 739.

' (4) DARIER, Quelques observations de rétinite pigmentaire avec anomalies intéres-

santes, Arch. d'ophtalmologie, 1887, VII, p. 170.

(5) PARKES Weber, Rétinite pigmentaire et côles cervicales, Procedings of the'

Royal Society of Med. of London, vol. VI, n° 3, Clinical section, p. 52, 1912.

POLYDACTYLIE ET' TÉRATOME HYPOPHYSAIRE 13

'pathologiques : je rappellerai à ce propos les curieuses constatations de

E. Lévi sur la persistance du canal cranio-pharyngien dans l'acromégalie

et le gigantisme (1). Des exemples analogues sont nombreux dans la

pathologie médicale; nous voyons en effet qu'un auteur allemand vient

tout récemment de rapporter quelques cas extrêmement intéressants

d'oxycéphalie congénitale associés à des troubles tératologiques tels que

le bec-de-lièvre et l'incisure sous-mentonnière (2).

Je citerai encore un travail extrêmement important, déjà ancien, de

l'anatomisle Calori, basé sur trois observations où il y avait association

d'une polydactylie symétrique avec une subdivision excessive de la glande

hépatique (3).

Un autre anatomiste encore, M. Traschio, en décrivant le squelette d'un

géant acromégalique avec tumeur hypophysaire, a illustré de nombreuses

anomalies congénitales, telles que la présence de quelques os surnumé-

raires et en plus une anormale répartition des noyaux d'ossification com- '-

plémentaire (4). Analoguement M. Regnault a, décrit un chat polydictyle

qui montrait des malformations nombreuses du squelette (5).

Des recherches systématiques dans la littérature médicale nous entraî-

nieraient trop loin : seulement je veux attirer l'attention sur les malfor-

mations congénitales assez fréquentes que l'appareil génital peut présenter

dans certains troubles des glandes à sécrétion interne : dans cet ordre de

faits nous rappellerons en premier lieu le phénomène curieux de l'hyper-

trophie constante des capsules surrénales dans tous les cas de pseudo-

hermaphroditisme (6) et par analogie encore la fréquence signalée par

plusieurs auteurs allemands de l'hypospadie et de l'hermaphroditisme

dans certain cas de dystrophies hypophysaires (7).

L'on peut dire actuellement que l'influence morphogénétique de la

disendocrinie sur l'organogénèse embryonnaire est démontrée suffisam-

ment pour l'appareil génital.

, Dans le présent travail nous apportons une contribution à l'étude des

rapports coexistant entre les anomalies congénitales du système osseux

(1) Lévi, Persislenza del canale cranio-/aringeo nei cranii di acromegaliei, Rivista

critica di clinica medica, 1909.

(2) Il. RurrnEa, Sur l'oxycéphalie congénitale, Munchen med. Woch., 1913, n° 40.

(3) L. CALORI, Sulla coesislenza di una eccessiva divisione del fegalo e di qualche

dito soprannumerario délie manie e dei piedi. Resoconti dell'Accademia Medica de Bo-

fogna, 3 Marzo 1881, Bd. Il.

(4) Traschio, Un caso di macnosomia, Soc. Romana di anthropologia, vol. IX,

fasc, I et II, 1903.

(5) REGNAULT, Squelette de chat polydactyle. Bull. et mém. de la Société anatomique

de Paris, n° 4, avril 1911.

(6) P. FOA, Leçons d'anatomie pathologique, Année académique, 1901-i9OS.

(7) FALTA, Die Erkranfcungen der Bliit drset : , Berlin, 1913.

14 BÉRTOLOTTi

(arrêt de développement des membres, polydactylie) et certains cas de tu-

meur hypophysaire. -

Il faut rappeler à ce propos que déjà Cyon (1) avait observé la conco-

mitance de la polydactylie chez, quelques acromégaliques et que tout t

dernièrement le docteur Rozabal, aide de la clinique médicale de Madrid,

a publié l'observation de deux cas de tumeur hypophysaire avec syndrome

adiposo-génital chez deux frères qui tous les deux présentaient uneexa-

daclylie bilatérale et symétrique aux pieds (2).

Toutefois il est encore permis de faire-observer que jusqu'à présent

ces anomalies n'ont pas encore été mises en rapport avec le syndrome de

Froëlich, mais seulement ont été considérées comme des anomalies con-

comitantes occasionnelles surajoutées.

Nous allons commencer par l'exposé d'un cas clinique du plus haut

intérêt et nous croyons qu'il soit utile de l'étudier de près, pour essayer

d'interpréter les liens qui doivent coexister entre les anomalies du déve-

loppement et les troubles de certaines glandes à sécrétion interne chez

notre sujet. '

Observation.

Marguerite Cattelino, 39 ans, née à Lemie (Piémont). Les antécédents héré-

ditaires et familiaux sont complètement négatifs, aucune trace de tares morbi-

des organiques ou fonctionnelles à la charge des ascendants. Pas de rapports

consanguins entre ses parents. Deux soeurs et un frère sont vivants et bien

portants. La naissance de Marguerite s'est accomplie dans des conditions par-

faitement normales : la petite a été élevée au sein maternel. Retard notable

dans la dentition et dans la marche. Déjà dès la deuxième année ses pa-

rents ont constaté qu'elle était aveugle, de façon que la petite Marguerite ja-

mais n'a pu travailler, ni aller à l'école du village. Un autre point, qui mérite

d'être bien fixé, a trait à l'embonpoint exagéré qui, dès les premières années,

était déjà visible chez Marguerite.

Nous ferons relever, en passant, que chez aucun membre de la famille

n'existe aucune trace de dystbyroïdisme ou de goitre, de même pas de

polydactylie familiale.

Etal actuel. Développement énorme du tissu adipeux avec distribution

élective au cou, aux seins, à l'abdomen et à la région malléolaire (PI. IV). Il

suffit de regarder cette fille pour constater l'existence de nombreuses tares dé-

génératives : l'asymétrie faciale est assez accusée, les lèvres sont malformées,

il y a coexistence d'anomalies dentaires; en effet, à la mâchoire supérieure

on note l'absence congénitale de deux canines.

(1) Cyon, Traitement de l'acromégalie par l'hpophysiue,Académie de méd. de Paris, 1

octobre-novembre 1898.

(2) F. Rozabal FARxÈs, Tumor hipofisario con sindrome adiposo-genital en dos

hermanos, Revista clinica de Madrid, I Iunio, 1913.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

T. XXVII. Pl. IV

SYNDROME ADIYOSO-GÊNITAL ET NANISME HYPOPHYSAIRE

AVEC ARRÊT DE DÉVELOPPEMENT DES MEMBRES ET POLYDACTYLIE

Obs. Margueritte.

(M. 'Berlolotti).

POLYDACTYLIE ET TEEATOME HYPOPHYSAIRE 15

La taille de Marguerite : I m. 38, dénote uu arrêt de développement assez

accentué ; il y a aussi une malformation évidente du crâne qui est microcé-

phale, avec platycéphalie occipitale et brachycéphalie exagérée (Voir pl. IV).

e Mensurations anthropométriques.

16 BERTOLOTTI

EXADACTYLIE

Observation Margueritte.

l,lT 2 ? I,lmi;l

POLYDACTYLIE ET TÉRATOME HYPOPHYSAIRE 17

18 BERTOLOTTI

troncs nerveux indolores à la pression, aucune parésie aux membres. Les

sphincters sont normaux. ° 1 1

Le Sophisme cutané est légèrement altéré; en effet l'on sent au toucher un

certain degré de dureté de la peau avec desquamation ; les ongles aussi sont

mal développés, mal implantés et assez friables.

Examen du fond de l'oeil (Dr Grignolo de la clinique ophtalmologique

de Turin) :

Rétinite pigmentaire, atrophie complète post-neuritique de la papille. La

papille est très- petite : ce qui peut être interprété comme un signe d'arrêt de

développement des nerfs optiques de date très ancienne.

Visus égal à 0 de deux côtés.

Il n'y a pas trace de stase papillaire.

Réaction à la lumière presque abolie.

Réaction à l'accommodation normale.

Pas de réaction émianopsique.

Léger degré de strabisme divergent à G.

Mouvements des globes oculaires bien conservés.

Nystagmus rotatoire et blépharospasme.

Examen psychique. Infantilisme intellectuel très accentué, torpeur,

mutisme presque absolu. Etat mental arriéré.

Examen oto-rhynologique pratiqué par le professeur Gradenigo. Au-

cune altération digne de remarque. L'ouïe, le goût et l'odorat sout bien con-

servés.

L'examen du rhino-pharynx n'a décelé aucune hypertrophie ,de l'amygdale

pharyngienne.

Le palais est en ogive, il existe en plus une anomalie assez curieuse du

côté du système dentaire, à savoir que les dents canines sont parfaitement

conformées comme les incisives.

Examen électrique (Professeur Mattirolo). - Réaction normale galvano-

faradique sur les nerfs et les muscles. Secousses musculaires vives ; pas d'al-

tération de la formule, aucun phénomène d'hyperexcitabilité du côtédes'nerfs

et des muscles.

Epreuve du vertige voltaïque. Electrodes rondes, parfaitement identi-

ques appliqués aux mastoïdes. Le vertige galvanique apparaît avec 4 milliampè-

res avec inclinaison du côté positif, sans nausées, ni vomissements. L'expérience

répétée par les deux labyrinthes donne les mêmes résultats.

Examen radiographique du squelette. La radiographie du crâne vient

confirmer exactement les données de l'examen clinique. On remarque au pre-

mier abord un degré très prononcé de platicéphalie occipitale.

L'étage basilaire du crâne est très restreint en comparaison du développe-

ment de la calotte. Les parois osseuses de la voûte montrent une épaisseur

régulière. L'angle sphénoïdal radiologique est normal (134°).

Nous insisterons sur les particularités très importantes du profil de la selle

turcique et ses environs.

Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière.

'f. XXVII. I'l. VI

TUMEUR DE LA TIGE PITUITAIRE

(M. 'Beri%lti).

Masson & Cie, Editeurs

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XXVII,. Pl. VII

Main gauche.

Main droite.

Pied droit.

POLYDACTYLIE

Observation Margueritte.

(M. Bertototfi).

Masson & Ciel Éditeurs

POLYDACTYLIE ET TERATOME fiYPOPHŸSxŸfTé ? = 19

' On note que le plancher (pavimentum sellae) de la niche pituitaire est plu-

tôt approfondi. 1

Les apophyses clinoïdes antérieures et postérieures sont recourbées avec

une certaine tendance à s'approcher.

La selle turcique dans son ensemble ne paraît pas augmentée de volume,

mais plutôt au contraire elle est rétrécie.

Le sinus sphénoïdal est petit.

En regardant attentivement, on note que le dorsura sellae présente une

érosion eu bas de l'apophyse clinoïde et presqu'au milieu de sa paroi posté-

rieure : enfin, chose importante, au-dessus du tuberculum sellae justement

au niveau du chiasma, on aperçoit l'existence d'une masse ovoïdale 'de la di-

mension d'une noisette et -qui très probablement correspond a la présence

d'une tumeur à localisation sus-sellaire infundibulai1'e (PI. VI).

A relever l'ahsence complète du syndrome radiologique d'hypertension cé-

rébrale : pas d'impressions digitales, pas de diastases ; aucune empreinte

marquant le parcours des sinus cérébraux.

Radiographie des membres. - Bras gauche : Nous n'avons plus à insister

ici sur l'existence d'une particulière acromélie : l'avant-bras est normal, les

os du carpe aussi ; les métacarpiens et les phalanges ne présentent aucune

anomalie à l'exception de leur arrêt de développement qui donne à la confor-

mation de la main un cachet tout à fait caractéristique (PI. VII).

Membre supérieur droit. Acromélie : anomalie du carpe caractérisée par

la fusion du grand os et de l'os crochu. On voit que le Ve métacarpien

est très hypertrophié : au milieu de son tiers moyen la diaphyse de cet os

présente une protubérance de un centimètre à peu près placé en direction

transversale ayant un bout distal façonné à cavité glénoïde : c'est une arti-

culation rudimentaire sur laquelle prennent naissance deux petits articles

phalangiens (PI. VII).

Membre inférieur gauche. L'acroméiie est encore plus prononcée

qu'aux membres supérieurs : les os du tarse sont profondément altérés, les

deuxième et troisième cunéiformes sont réduits à des noyaux osseux des di-

mensions d'un pois.

Le Ve métatarsien se présente comme doublé de volume, et au niveau de son

.tiers supérieur il présente une bifurcation exactement symétrique avec deux

têtes articulaires qui commandent chacune un rayon digital à trois phalanges

(PI. VII).

Membre inférieur droit.- Anomalies du tarse identiques.Le V' métatarsien

est un peu moins volumineux que celui de gauche : il n'y a pas ici une bifur-

cation nette, mais l'on voit que l'extrémité articulaire distale du métatarse est

doublé d'un tubercule dirigé obliquement en avant et en dehors et surmonté de

trois phalanges surnuméraires.

En résumé, l'examen radiographique du squelette montre des anomalies très

importantes des os acroméliques, anomalies correspondantes aux troubles pro-

fonds des valeurs anthropométriques de ce sujet.

20 BERTOLOTTI

Diagnostic. Les symptômes cardinaux que présente cette malade sont

des symptômes cérébraux caractérisés parde la céphalée,des vomissements,

des troubles psychiques (torpeur intellectuelle), et par des modifications

importantes de la température et du pouls.

A de tel signes de souffrance endocranienne générale, il faut ajouter

des symptômes en foyer dépendants de la compression des nerfs optiques,

avec atrophie complète de la papille, réduction énorme du diamètre papil-

. laire et rétinite pigmentaire : tous ces faits dénotent qu'il s'agit ici d'un

processus très ancien.

Or d'une part, tandis que cliniquement on relève des signes en faveur

d'une tumeur de la base du crâne, d'autre part la radiographie intervient'

pour localiser celle tumeur avec son indication très précise de tumeur sus-

- sellaire.

Il est à relever comment dans notre cas il n'y existe aucune 'trace de

stase papillaire : en effet, la stase papillaire se rencontre très rarement

dans la symplomatologie des tumeurs hypophysaires; à tel point que l'on

a prétendu en faire un signe diagnostic différentiel (Hoffmann, Falta,

Kummel, Burnie, Rozabal, etc.).

On a cherché à interpréter de plusieurs façons l'absence de l'oedème

papillaire en faisant observer l'évolution particulièrement lente et bénigne

de la plupart des tumeurs pituitaires, mais il faut citer à part l'opinion

de Rath pour lequel cette anomalie paradoxale du fond de l'oeil serait la

conséquence directe et immédiate de la compression même du néoplasme

sur les voies optiques, de telle façon qu'elle empêcherait la pénétration

du liquide céphalo-rachidien dans les espaces sous-arachnoïdiens des

nerfs, en venant ainsi à faire défaut la condition élémentaire et principale

pour la production de la stase papillaire.

A des considérations de ce genre il faut ajouter les résultais de l'examen

radiographique qui vient à démontrer t'existence de la lumeur à localisa-

tion sus-hypophysaire. '

Nous sommes aujourd'hui au point de vue du diagnostic roentgen-

logique des tumeurs de la base du crâne, tellement avancés de façon à

pouvoir poser même un diagnostic différentiel entre les tumeurs siégeant t

dans la selle turcique et ceux qui au contraire onl des rapports de ioi-

sl1lage.

Mais il y plus : il est certain par exemple que le diagnostic radio-

logique est différent entre les cas typiques d'liyperpituitarisme pour adé-

nome du lobe antérieur, et les formes de la dystrophie adiposo-génitale de

Fra;lich..

Nous-même nous avons contribué dans plusieurs travaux à démontrer

la fixité du diagnostic radiologique dans les formes acromégaliques con-

POLYDACTYLIE ET TÉHATOME HYPOPHYSAIRE 21

sécutives à un adénome du lobe antérieur de l'hypophyse (1). Or il est

important de relever dans le syndrome de Froelich que les résultats de

l'examen radiographique peuvent être absolument variables et inconstants.

Dans les formes dystrophiques de Froelich on peut rencontrer à l'exa-

men radiographique une destruction imposante de la région sellaire qui

correspond à la destruction même soit du lobe antérieur, soit encore de

toute la glande hypophysaire, mais il est encore possible de constater

que dans plusieurs cas le tableau clinique de l'insuffisance pitnitaire ne cor-

respond pas à une altération volumétrique de la région sellaire.

Ces cas sont extrêmement intéressants et assez nombreux, ils montrent

l'existence d'un hypo-pituitarisme constitutionnel datant de la première

enfance. Il faut savoir les reconnaître et les interpréter; on commettrait

assurément une faute d'interprétation si, en présence de la constatation

d'une selle turcique très petite, mais sans altération de son profil, on

croyait avoir un résultat radiographique négatif.

De telles considérations d'anatomie radiologique ne peuvent être déve-

loppées ici avec un ampleur convenable ; elles se rapportent en effet à

la question extrêmement importante de l'ossification de la région centrale

de l'os sphénoïde : nous la développerons dans un travail à part dédié à

ce sujet.

Dans le cas actuel nous nous trouvons en présence d'une tumeur infun-

dibulaire à localisation sus-sellaire, et nous constatons que le tableau

radiographique est absolument différent, soit du tableau acromégalique,

soit encore de celui qui correspond au syndrome de Froelich.

Il faut rappeler les travaux de Schüller (2),qui sont très importants pour

la contribution qui nous ont porté pour le diagnostic différentiel entre

les tumeurs sus-sellaire, sous-sellaire et rétro-sellaire. Dans les cas de

tumeurs sus-sel lairesjesapophysesclinoïdes sont renforcées et rapprochées

entr'elles, et certaines fois on peut constater des érosions dans la paroi

postérieure du dorsum sellae, cette constata lion correspondrait à une loca-

lisation rétro-sellaire (syndrome de Schüller des tumeurs du nerf acous-

tique). Ainsi dans les cas de tumeurs sus-sellaires ou rétro -sella ires en gé-

néral, le profil de la selle turcique reste normal, le pavimentum sellae ne

(1) M. BEHTOLO'rTI, La diagnosi radiologica délie alelmzioni dell'ipofisi. Revista

crilica di clinica medica, 1911 ; - Etude radiographique de la base du crdne. Revue

neurologique, 1910 ; - L'an",lomia normale e 1"adiogl'afica della buse del cranio, dans

' la traduction italienne du Traité de médecine et thérapie de Biiouardel et GILBERT,

Vol. 39, p. 5 ï ; -59 ! e, 1913.

(2) A. SCRULLER, lioertgendiagnostic. Handbuch des Neurologie herausgebeben

von Levandosky. Berlin, 1910 et notamment encore : R6nTGEN, Diagnostik der Erlcran-

kungen des kopfes in supplemente zu Northnagel, Spezielle path. und Ther., 1912.

22 BERTOLOTTI

présente pas des altérations notables, et les sinus sphénoïdaux peuvent

présenter une conformation parfaitement normale.

Il est probable que le rapprochement des apophyses clinoïdes anté-

rieures et postérieures est dû à la compression de la tumeur de la tige

hypophysaire sur la tente de l'hypophyse.

Posé ainsi le diagnostic de siège de tumeur de la tige pituitaire, il est

de la plus haute importance de faire relever comment tous les symptômes

de souffrance endo-crànienne de cette malade sont anciens et datent déjà

dès la première enfance ; il faut donc admettre'qu'il s'agit d'une tumeur à

évolution très lente et très probablement d'origine intra-utérine. Nous

savons en effet que les tératomes sont des tumeurs complexes dans la

constitution desquelles entrent à faire part des éléments dérivés de l'ec-

toderme, du mésoderne et de l'endoderme, soit de tous trois les feuillets

blastodermiques. Or le siège d'élection des tératomes est précisément

dans ces endroits où les trois feuillets blastodermiques se trouvent en

rapport intime. '

A de telles conditions correspond parfaitement l'angle hypophysaire,

où prend son origine la bourse de Rathke formant ainsi un milieu com-

plexe où prennent contact le sinus oral, l'intestin cervical, la corde

dorsale et les proto-vertèbres caudales.

Si nous passons actuellement à l'analyse des symptômes dystrophiques

présentés par la malade,nous constatons qu'ils constituent dans leur ensem-

ble un véritable syndrome d'insuffisance totale hypophysaire.

En premier lieu nous constatons chez cette femme une distribution

particulière du tissu adipeux avec localisation élective au cou, à la région

mammaire, à l'abdomen, au mont de Vénus et enfin aux malléoles avec la

formation caractéristique de la collerette de Launois et Cleret. Cette distri-

bution du tissu adipeux est typique dans le syndrome de Froelich.

Nous avons d'autre part constaté que l'examen de l'appareil sexuel

montrait un arrêt de développement des organes génitaux externes, à tel

point que les petites lèvres et le clitoris sont à peine visibles. De même,

pour ce qui a trait aux caractères sexuels secondaires, nous signalons

l'existence d'une atrophie typique du système pileux caractérisée notam-

ment pour sa distribution très espacée (V. fig. 1). A cet ensemble des

symptômes d'insuffisance pituitaire, il faut encore ajouter des éléments

symptomatiques particulièrement importants tels que l'hypothermie (tem-

pérature rectale maxima 36°-36* 2), l'hypotension artérielle (130 mm.),

le désordre du pouls et enfin l'existence de la thermo-réaction de Cushing.

Cette réaction a été principalement étudiée par Cushing du côté expéri-

mental ; cet éminent auteur anglais avait observé en effet que chez les» 1

animaux où l'on avait pratiqué l'ablation de l'hypophyse, l'injection de

POLYDACTYLIE ET TÉRATOME HYPOPHYSAIRE 23

l'extrait glandulaire de cet organe augmentait la température, tandis que

dans les animaux intacts on n'obtenait jamais une augmentation thermi-

que après l'injection.

Pour Cushing cette thermo-réaction serait donc caractéristique des

tumeurs du lobe postérieur ou de la tige pituitaire ; en réalité dans le

syndrome antagoniste, c'est-à-dire dans l'acromégalie où il s'agit d'une

hyperfonction du lobe antérienr, la thermo-réaction est toujours néga-

tive (1).

Chez notre malade, ainsi que nous l'avons relaté dans son histoire cli-

nique, nous avons assisté à une réaction thermique particulièrement vio-

lente : après deux injections de 2 centimètres cubes de pituitrine Parke

et Devis la température, de 36°2 monta à 38°8.

Etant donné le séjour limité de la malade dans le service hospitalier,

nous n'avons pu obtenir un examen complet des échanges organiques.

Toutefois par l'analyse des urines nous avons constaté une tolérance

anormale aux hydrates de carbone ; en effet, après une injection de

1 centimètre cube d'adrénaline au millième et l'ingestion de 200 grammes

de glucose, dans les urines des 24 heures il n'y avait aucune trace de

sucre. Cette élévation de limite de tolérance des hydrates a été rencontrée

dans tous les cas d'insuffisance pituitaire et dans le syndrome de Froelich,

l'épreuve de la glycosurie alimentaire est négative, landis que par oppo-

sition elle est toujours positive dans les formes acromégaliques.

Ainsi posé le diagnostic de tumeur de la tige pituitaire et constatés les

troubles d'insuffisance hypophysaire, nous allons étudier les rapports

existants entre cette dystrophie glandulaire d'origine foetale et les troubles

de l'acrométagénèse présentés par cette malade.

Cette femme présente deux ordres distincts de faits : nous voyons en

effet qu'elle présente d'un côté un ensemble de malformations congéni-

tales telles que la polydactylie, l'arrêt de développement des membres, les

anomalies'dentaires, etc., tandis que d'un autre côté l'on remarque l'exis-

tence d'un syndrome nettement pathologique d'insuffisance pituitaire

avec des symptômes cérébraux en foyer, avec de la céphalée, des vomis-

sements, de l'atrophie complète des nerfs optiques et concomitant à un

arrêt de développement du squelette.

Il s'agit donc d'interpréter les faits et lés rapports qui peuvent inter-

céder entre la dystrophie pituitaire par tératome infundibulaire et les

stigmates d'ordre tératologique que nous avons décrits.

(1) Il. Cushing, The pituitary Body and ils Disorders, Clinical states produced

bydisorders of the hypopbysis cerebri, Philadelfla et London, 1912.

24 - RERTOLOTTI

Si nous observons les membres supérieurs de Marguerite, nous aperce-

vons de suite qu'ils sont relativement peu développés en rapport à la

longueur du tronc. En effet, nous trouvons l'indice claviculaire de Broca

normal,mais constatons au contraire une perversion dans l'indice de Papil-

laut (80). Il y a donc micromélie évidente et au surplus elle est démon-

trée par le fait que l'extrémité digitale de la main arrive à peine au ni-

veau du grand trochanter.

Le même arrêt de développement se rencontre du côté des membres

inférieurs. - ?

Or si nous passons il mesurer les rapports entre la longueur des seg-

ments des membres en établissant ainsi la valeur des indices aatlaropo-

métriques, en particulier l'indice radio-huméral ( R .= 6.) et tibio-féino-

, T .

rai ( = 72) nous constatons que ces rapports sont altérés par la dispro-

portion qu'il y a entre la longueur de chacun des segments des membres,

nous trouvons en effet qu'à un humérus de 29 centimètres de longueur

correspond un radius de 18 centimètres et que la main est très réduite dans

sa longueur : il y a donc arrêt de développement méso et acromélique.

Les mêmes altérations étant aussi constatâmes aux membres infé-

rieurs, nous nous trouvons en présence d'une altération profonde de

tous les rapports anthropométriques caractérisée par ce fait que le déve-

loppement des segments proximaux des membres est complet et contraste

avec la réduction des segments plus périphériques, le maximum de cet

arrêt de développement étant à la charge des os du métapodium.

11 est important de faire relever que dans un syndrome antagoniste,

c'est-à-dire dans l'acromégalie : nous observons le phénomène inverse

puisqu'alors le surcroît du développement esl à la charge des parties péri-

phériques ; de même, bien que d'une façon moins nette, les choses se pas-

sent dans le gigantisme, où les indices anthropométriques des membres pré-

sentent des valeurs complètement inverses, dans le gigantisme en général

le développement du segment mésométique étant prépondérant..

Il est encore opportun de faire observer qu'en étudiant les rapports

anthropométriques de plusieurs dystrophies systématisées des squelettes,

je suis arrivé à établir l'influence que peuvent avoir certains arrêts de

développement limités aux os de métapodium sur les indices anthropomé-

triques des autres segments des membres ; en d'autres termes, selon la loi

établie par moi dans presque tous les cas de brachyméiiemétapodiate et

brachy(bctylie, la valeur des indices R Il et T F est altérée et montre

l'existence d'un raccourcissement du segment mésomélique coexistant avec

l'arrêt de développement du métapodium (1).

. Jo . t 1.... 1 , .......J - '. . M .

(1) 6). BEI1TOLOTTI, Nanisme familial par aplasie chollcf1'ale systématisée, Presse médi-

EC'l'RODAC'I'YLIE

En haut : Trephalangie du pouce.

En bas : llyperdactylie radiale par dactyloscliysis.

(M. Beriololli),

POLYDACTYLIE ET TÉRATOME HYPOPHYSAIRE 25

Je me suis permis de m'arrêter sur ces données, puisque du moment

que nous étudions ici la question des influences morphogénétiques que

les glandes à sécrétion interne peuvent exercer sur l'organogénèse de la

période embryonnaire, il est important de pouvoir établir cette donnée

qu'un simple arrêt de développement apparemment isolé à la charge d'un

article ou d'un rayon métapodial, peut en réalité être concomitant à des

altérations anthropométriques insoupçonnées et ainsi acquérir une valeur l'

d'interprétation d'ordre plus général.

En revenant à notre malade, nous insisterons sur cet arrêt de dévelop-

pement méso et acromélique qui se présente avec une localisation par-

faitement contraire à celle que l'on rencontre dans l'acromégalie, c'est-à-

dire dans une dystrophie parfaitement antagoniste : il est donc logique de

vouloir interpréter le mécanisme d'origine de cette anomalie de dévelop-

pement en la mettant sous la dépendance de l'insuffisance hypophysaire

présentée par cette malade.

Il nous reste à interpréter en dernier lieu le phénomène de la polydac-

tylie dans notre cas.

Les modalités distributives de la polydactylie en général sont très in-

téressantes : plusieurs essais d'interprétation ont été faits ici même par

Costantini (1) et Fumarola

. A priori, il est permis de retenir que la polydactylie peut avoir des

origines multiples : Blanc a distingué dans la polydactylie plusieurs caté-

gori es et place la polydactylie atavique produite par des influences anceslra-

les ap;'e</< ! ey'p/6tH,tandis qu'après ilparle d'une polydactylie tératologique

et d'une polydactylie hétérogène, mais quelle est la valeur d'interprétation

qu'il faut donner à ces termes ? Ainsi que le fait remarquer Costantini,

nous devons mettre au premier plan l'origine pathologique que'doivent

avoir certaines anomalies congénitales : c'est l'ancienne conception pa-

thologique attribuée par Virchow aux états tératologiques, et sans vouloir

être par trop schématique, il est permis d'affirmer à l'heure actuelle sur

la question de la polydactylie, de même que pour l'interprétation de

l'hvperdactylie radiale, que la conception alavique decette anomalie est la

plus difficile à être admise : bien qu'en réalité l'on puisse en montrer

des exemples (PI. VIII). Nous reproduisons ici la radiographie de deux

mains d'un enfant âgé de 5 jours que nous avons étudié en 1907. Ce cas

est absolument remarquable par la complète absence de l'individualité

morphologique du 1er rayon digital et encore de la fonction d'opposition

cale, n° 18, 1913 ; Contribution à l'élude de l'achondroplasie. Interprétation des

variétés morphologiques basées sur l'ontogétièse. Presse médicale igi3, n. 53.

(1) Costantini, Considérations sur la valeur morphologique de la polydactylie.

Nouv. Iconographie de la Salpêtrière, 1911, p. 81.. -

26 BERTOLOTTI

du pouce. Il s'agit d'un exemple extrêmement rare de véritable triphalan-

gie du pouce à caractère reversif selon la loi de Ledouble.

Pour ce qui a trait aux autres conceptions de la polydactylie, il est très

probable que celle qui s'appuie sur l'action mécanique, compression ou

autre, agissant sur le foetus, doit être prise dans la plus grande considéra-

tion.Comme le fait remarquer Aperl, certaines malformations des doigts

reconnaissent pour cause une compression intra-utérine quand les mains

repliées au devant du thorax,ont comprimé la région pectorale (1). On voit

alors coïncider des malformations des extrémités digitales avec un état

atrophique de la peau et dans quelques cas encore avec dépression de la

cage thoracique correspondant à la compression de la main. Une trentaine

de cas de ce genre ont été réunis par Froriep, Bourques et Souques lui-

même en a récemment rapporté de nouveaux exemples.

Les malformations congénitales des extrémités que l'on observe dans ces

cas sont variables : dans la plupart des cas il s'agit d'ectrodaclylle, parfois

avec réduction des os de carpe et atrophie des os de l'avant-bras. Un auteur

italien, Fumarola, a décrit un cas typique de ce genre, où il y avait au

membre supérieur gauche absence du pouce (ectrodactylie absolue avec

atrophie de l'avant-bras) et au thorax une légère atrophie congénitale de

toute la moitié gauche. Cet auteur signale l'atrophie de la moitié gauche

du thorax comme étant sans exemple dans la littérature médicale, mais,

ainsi que nous l'avons montré plus haut, de tels cas sont nombreux :

nous en avons étudié plusieurs exemples et nous les rapportons ici.

Mais l'observation de Fumarola a un intérêt tout à fait particulier sur

lequel je dois insister. Dans son cas,en effet,tandis que de la main gauche

il y avait ectrodactylie absolue du côté radial,au contraire à droite on rele-

vait l'existence d'une macrodactylie du le, rayon digital avec dédoublement

de la dernière phalange de ce doigt. Or cette ébauche de polydactylie ou

hyperdaclylie radiale doit être considérée, ainsi qu'il a été démontré tout

récemment par M. Dubreuil-Chambardel comme la première étape du

dédoublement du 1" rayon digital (2).

Pour nous il s'agit donc ici d'un véritable exemple d'hyperdactylie

compensatoire; en d'autres termes, l'ectrodactylie d'un côté, en se produi-

sant par une simple cause mécanique, aurait retenti sur la main opposée

par un trouble réflexe de l'acrométagénèse.

Celte interprétation nous apparait justifiée par l'observation person-

nelle de quelques cas analogues. Nous publions ici (Pl. VIII) un cas

typique de dédoublement complet du premier rayon digital de la main

(1) DUBREUIL-CIIAM8AI\DEL, Du développement du premier rayon digital. La Gazette

médicale du centre, 1913.

(2) APDRT, Maladies familiales el maladies congénitales. Baillière et fils, Paris, 1907,.

,.< ? ,,p ? B ? i ? B ? R ? Y.)r ? rrMt ? 1 ?

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE kA SALPI..CRICRE. T. XXVII. PI. IX

SYNDACTYLIE

(M. 'Bertolotti).

POLYDACTYLIE ET TÉRATOME HYPOPHYSAIRE 27

droite par cause mécanique dû à la compression intra-utérine de la main

contre l'hémithorax droit. L'individu porteur de cette hyperdactylie ra-

diale, ainsi que nous avons pu exactement le relever, présentait une atro-

phie congénitale de la moitié droite du thorax, parfaitement analogue à

celle du sujet étudié par Fumarola.

Il se peut dans certains cas, au contraire, que la compression amnioti-

que de la main contre le thorax, puisse donner lieu à une anomalie diffé-

rente, soit à l'ectrodactylie, soit à la polydactylie, c'est-à-dire à une vé-

ritable syndactylie avec hypophalangie de plusieurs rayons digitaux.

Nous devons à l'obligeance de notre confrère le Dr Ponzio, radiologue

de l'hôpital Mauriziano de Turin, de pouvoir en donner ici un exemple

absolument démonstratif. Nous rapportons à cet effet la photographie

du sujet en question, où il est aisé de vérifier t'hémiatrophie du thorax

et d'autre part la main du même côté qui présente une syndactylie des

4 derniers rayons digitaux avec réduction des articles phalangiens des

4 doigts (PI. IX).

Par cet aperçu rapide nous avons cherché à démontrer les modalités

des influences mécaniques qui peuvent agir sur la production des certains

troubles acrométagénétiques, et nous en avons apporté quelques exemples

par opposition à la polydactylie de Marguerite, qui selon nous doit être

interprétée d'une façon toute différente.

En étudiant de près les modalités de développement de la polydactylie

chez notre malade, nous voyons par la radiographie qu'ici la polydacty-

lie n'est nullement due à la juxtaposition d'un rayon digital nouveau,

mais qu'au contraire elle tient à la bifurcation plus ou moins profonde

d'un des rayons normaux. -

Il faut donc admettre a priori que l'atavisme n'intervient pas dans la

genèse de cette malformation. Au surplus il est utile de faire relever

comment dans notre cas manquait complètement tout caractère hérédi-

taire. .

· L'étude radiographique permet donc de constater qu'il s'agit d'un dé-

doublement du V- rayon digital, mais d'autre part ce dédoublement a

été irrégulier, c'est-à-dire tout à fait indépendant du phénomène classi-

que de la dactloschysis.

La schysto dactylie ou dactyloschysis, selon la plupart des anthropolo-

ques, constitue un caractère de races chez quelques' animaux (poulet do-

mestiqueletpourrait dans quelques cas avoir la signification d'une anomalie

régressive (porc, cheval).

Lorsque se produit le phénomène de la dactyloschysis, la division du

rayon métapodial procède avec une parfaite régularité de segmentation :

quelquefois le dédoublement peut se limiter à la phalange unguéale, ou

28 H BERTOLOTTI

s'étendre à la phalange intermédiaire, ou enfin frapper tout le système

digital, toutefois rarement la schystodactylie intéresse le rayon métapo-

dial. Selon quelques auteurs, alors que se produit le phénomène de la

dactyloschysis, le rayon digital qui se trouve plus à l'externe en rapport

à la direction axiale du membre, possède toujours le nombre majeur d'ar-

ticles phalangiens (1) ; dans notre cas, au contraire, la polydactylie se

présente avec certains caractères qui nous indiquent une perturbation et

par conséquent une grande irrégularité dans la segmentation embryon-

naire des cellules germinatives qui président à la formation des rayons

métapodiaux.

En premier lieu nous constatons aux quatre membres une disposition

différente pour le Ve rayon métapodial : en effet, tandis que la main gau-

che présente une disposition normale, au pied droit nous constatons le

dédoublement des rayons digitaux sur un seul métatarsien, et à la main

droite ce processus de bifurcation intéresse aussi le V° métacarpien ; enfin

la bifurcation du Ve rayon métapodial est très nette pour le pied gauche.

C'est encore le cas de faire observer que chez notre malade, au con-

traire de ce que l'on rencontre dans le phénomène de dactyloschysis, le

rayon digilal surnuméraire, c'est-à-dire le plus externe en rapport à l'axe

du membre, présente un nombre des phalanges inférieur (main) ou égal

(pied) au nombre des articles phalangiens du doigt placé du côté interne.

En résumé l'hypertrophie du Va rayon métapodial, sa tendance à la

bifurcation et le nombre irrégulier des articles phalangiens des doigts

surnuméraires, sont des arguments qui prouvent l'existence d'un }J1'oces-

sus d'acrogigantisme que nous croyons produit par un mécanisme térato-

logique plus compliqué.

Nous donnons ici l'exemple d'un autre cas d'acrogigantisme localisé au

V- rayon métapodial du pied ; de tels exemples, bien que peu ou pas

décrits jusqu'à présent, sont loin d'être rares ; ce qui est intéressant à con-

sidérer dans l'espèce, ce sont les troubles piluitaires fréquents qui

accompagnent de tels processus ; en effet, l'examen radiologique du crâne

nous a montré une véritable dilatation de la selle lurcique à caractères

acromégaliques.

Voici, d'autre part, un exemple extrêmement curieux d'acrogigantisme

localisé aux trois rayons médiaux de la main chez un enfant de 21 mois issu

d'une mère mégalique. Ce cas particulièrement intéressant pour la dé-

monstration de notre thèse, vient d'être publié et documenté d'une façon

· (1) Il. AN1110NY, Polydactylie chez les gallinacés. Journal de l'anatomie et de la

physiologie, 1899.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA BALPÈTRIËRE. 1. \X\ \ 11. 1 ).

MACRODACTYLIE

En haut : Acrogigantisme et bifurcation du Vue rayon métapodial

En bas : Macrodactylie chez un enfant issu de mère acromégalique.

(M. Bertolotti).

POLYDACTYLIE ET TÉRATOJIE HYPOPHYSAIRE '29

complète par M. le Prof.- Allaria, titulaire de chaire de Pédiatrie à la Fa-

culté de Turin (1). Nous considérons donc de tels documents comme des

exemples' remarquables des' influences' que les altérations fonctionnelles

du système endocrin maternel peuvent avoir sur le développement soma-

tique du foetus . à des troubles de cette espèce on pourrait appliquer

le nom de dysendocrinie exogène. Dans la radiographie intéressante

que nous publions ici, l'on peut suivre le curieux comportement de l'os-

téogénèse. Je tiens en effet, à bien faire remarquer que les troubles

ostéogénétiques ici son t'tel le'ment profonds, 'qu'ils ont retenti encore sur

l'époque de comparution des noyaux d'ossification complémentaires qui

sont très précoces, tandis qu'ils ne sont pas encore apparus aux rayons

normaux. '

Il nous parait donc logique d'établir un lien entre les altérations acro-

métagénéliques et certains troubles hypopbysaires. Dans le cas illustré

dans le présent travail, ces liens nous paraissent absolumentprobanls ; nous

n'hésiterons donc pas à mettre en rapport la polydactylie particulière de

cette malade avec l'existence d'un syndrome d'insuffisance pituitaire dû à

un tératome de la tige hyphophysaire, c'est-à-dire à la présence d'une

tumeur qui s'est développée dans une époque primordiale de l'ontogenèse.

En conclusion nous admettons une origine nettement pathologique

pour cette polydactylie et plus proprement pour sa dépendance dans cer-

tains cas consécutifs à des altérations hypophysaires survenues dans la

période du développement embryonnaire.

Il convient de rappeler ici, à propos de cette question du mécanisme

pathogénique de certaines anomalies congénitales, que Fumarola (1), sans

toutefois apporter aucun fait probant à l'appui de ses hypothèses, avait

déjà avancé l'idée que dans certains cas de malformations congénitales

l'on puisse penser à une origine hypophysaire.

Fumarola théoriquement s'était basé sur les travaux de Babès (2) qui,

ayant rencontré fréquemment, dans certains cas de polydactylie symétri-

ques des membres, la présence des lésions inflammatoires traumatiques

du sphénoïde,.avait supposé l'existence d'un centre trophique hypothéti-

que placé à la base du crâne dans une région où les altérations survenues

pendant la période foetale pouvaient donner lieu à une transformation

(1) G. B. ALLARIA, Iperevolutismo parziale congenito in un bambino di madré acro-

megalica. Rivista di Clinica Pediatrica, n°8, 1913.'

' (1) G. Fumakola, Contribution à l'étude des difformités congénitales associées des

mains. Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière, 1911, p. 329.

(2) 13ABÈs, Anomalies congénitales de la tête déterminant une transformation symé-

trique des quatre extrémités. Académie des sciences. 18 février 1904, t. 138, p. 174 ;

Bulletin de la Section scientifique de l'Académie roumaine, ass. l, p. 240-247, 10 mars

1913. '

30 BERTOLÛTTt

anormale des membres et particulièrement à des troubles de l'acrométa-

génèse.

A peu près à des conclusions identiques vient d'arriver Apert qui, sous

le nom d'acrocéphalo-syndactylie, a décrit (1) un type tératologique compa-

tible avec une survie extra-utérine et bien caractérisé par la coexistence

d'une déformation particulière du crâne et par une syndactylie spéciale

et symétrique des quatre extrémités. Sur deux autopsies exécutées dans

des cas analogues (Wheaton), on a rencontré un arrêt de développement

de la base du crâne et la fusion du basio-occipital avec le sphénoïde. Dans

ces cas Apert admet actuellement avecBabés qu'il doit y exister en réalité

une relation trophique entre la base du cerveau et le développement des

extrémités des membres (2). Ce qui nous a frappé le plus dans l'élude de

notre cas a été l'analogie frappante que.présente la polydactylie chez Mar-

guerite avec les deux cas deRozabal (3). Il esl difficile d'admettre ici le fait t

d'une simple coïncidence ; d'autre part, en remontant un peu loin dans la

littérature médicale, on peut retrouver des exemples qui montrent d'une

façon impressionnante l'existence des rapports insoupçonnés jusqu'à

présent entre la polydactylie et les altérations des glandes vasculaires.

Je rappellerai ici le travail remarquable d'un grand anatomiste italien,

Calori (4), qui a décrit trois cas de polydactylie chez lesquels à l'autopsie

il avait rencontré une particulière malformation du foie identique chez

tous les trois et consistant dans une excessive subdivision lobulaire de

cet organe.

Bien que partiellement éclaircis par des aperçus nouveaux, de tels pro-

blèmes restent et resteront encore forcément obscurs jusqu'à ce que l'on

puisse déterminer la cause primaire qui doit agir sur les os de la base du

crâne et particulièrement sur le sphénoïde en provoquant la synostose

précoce pathologique de l'os tribasilaire.

Nous faisons ici cette remarque à savoir que la synostose pathologique

du basis-post-sphénoïde se rencontre dans presque toutes les dystrophies

systématisées du squelette : ainsi il en est dans l'achondroplasie, dans la

dysostose cléido-crànienne, dans la dysplasie périostale, dans l'oxycépha-

lie, dans le crétinisme congénital et quelquefois encore, bien qu'il puisse

(1) APERT, De l'acrocéphalo-syndactylie. Soc. méd. des hôpitaux de Paris, igio,

p. 131o.

(2) Dans son Traité des maladies congénitales el familiales (1907, Bailliére, Paris),

Apert n'admet pas encore la théorie de Babès, pour expliquer son syndrome d'acrocé-

phalo-syndactylie ; il admet plutôt des altérations mécaniques de l'amnios.

(3) ROZABAL-FARNÈS, loc. cit.

(4) L. Calori, IOC. cit. '

POLYDACTYLIE ET TE 11 ATOME HYPOPHYSAIRE 31

paraître paradoxal, dans l'hydrocéphalie congénitale (1). A côté de ces faits,

plaçons à présent cette notion de la synostose tribasilaire concomitante

dans certaines anomalies tératologiques de quatre membres. Un rap-

port de cause à effet entre ces données disparates doit pourtant exister :

et si nous admettons par exemple l'influence directe primordiale de la

glande hypophysaire sur la morphologie normale des os, on peut com-

prendre comment cette glande et encore ses parties accessoires qui occupent

le canal crânio-pharyngien,puisse venir altérée dans la synostose patholo-

gique foetale de l'os tribasilaire.

Toutefois comme nous l'avons déjà observé, nous ne sommes pas beau-

coup plus avancés en dernière analyse, puisque le problème plus important,

c'est-à-dire la cause primordiale qui conduit à la synostose pathologique

des os de la base du crâne dans la période foetale, nous échappe encore

complètement.

(1) Des recherches anatomo-radiologiques que nous suivons depuis quelque temps

nous permettent d'affirmer que dans l'hydrocéphalie congénitale à la diastase des os de

la calotte peut correspondre la synostose des os basilaires.

TRAVAIL DE L'AMBULATOIRE ? RU7'HOLOG7QUE-DC ROUE

dirigé par MM. les Professeurs G. Mingazzini et A. GIA1VNHLLI

SUR LE SPASME A BASCULE DE'L'ORBICULAIRE DES

1 PAUPIÈRES

PAR '

Antonio MENDICINI ' et Gustavo ARTOM' *

Privat-Docent à l'Université de Rome ' Assistant à la clinique Neuropathologique

Le spasme facial, dont la pathogénie est multiforme., peut dans certains

cas avoir une origine franchement psychique. L'intérêt des cliniciens est

sans doute de trouver des signes qui aident à distinguer les cas fonction-

nels de ceux où le spasme est le résultat d'une irritation primitive ou

réflexe du neurone central ou périphérique de la septième paire. Ayant

observé chez un malade atteint de blépharospasme hystérique un signe qui,

selon nous, sera peut-être utile dans cette distinction, nous en faisons

l'objet de cette étude clinique.

Observation.

Joseph B..., âgé de 12 ans, écolier. Le père mourut probablement à la

suite d'un anévrisme de l'aorte. La mère est vivante et saine. Un frère est

névropathe ; quatre frères sont morts en bas âge pour des causes inconnues.

Au mois d'avril 1913, le dit Joseph B... fut frappé par une balle élastique à

l'oeil droit par un de ses camarades pendant qu'il jouait dans la cour. Le pro-

fesseur Scellingo, qui le visita aussitôt, lui trouva une contusion au bulbe

droit, à la suite de laquelle se développa un oedème périorbitaire et des pau-

pières. Ces phénomènes se dissipèrent en quinze jours environ. Ce fut, en

effet, après cette période que le malade recourut à nous afin qu'on le guérit

d'autres désordres dont l'oeil droit était encore affligé.

Etat actuel (21 mai 1913). Individu de constitution squelettique régu-

lière, en de mauvaises conditions de nutrition. De taille plutôt petite il paraît

moins âgé qu'il est. Crâne oxycéphale. Légère asymétrie faciale (la moi-

tié gauche de la face semble moins développée que la droite). On remarque une

contracture accentuée de la paupière droite, qui ferme complètement l'oeil du

même côté. Contemporainement on remarque que le sourcil de ce côté est

baissé. A gauche, l'oeil est découvert, mais la paupière est aussi en contraction,

quoique beaucoup moins qu'à droite. Le sourcil du même côté est un petit peu

soulevé. On remarque de légères contractions fibrillaires la paupière droite

et quelquefois aussi, mais plus rarement, à gauche. De plus on remarque

Nouvelle Iconographie de la SALf'F7RIÈRL. 1. ¿\..A \" 11. 1'l. AI

SPASME A BASCULE

DE 1/ORBICULAIRE DES PAUPIERES

(A. MCI1dicilli et G. Autolli)

SUR LE SPASME A BASCULE DE L'ORBICULAIRE DES PAUPIERES 1 33

que le spasme à droite et à gauche ne garde pas toujours la même intensité ;

par moments, il augmente ou il diminue ainsi que les contractions fibrillaires

elles-mêmes. Le malade affirme d'être dans l'impossibilité d'ouvrir, si peu

soit-il, l'oeil droit et d'ouvrir davantage le gauche. En vainquant une légère

résistance, on réussit à lui ouvrir les paupières de l'oeil droit. Ce mouvement

provoque alors la fermeture complète et spontanée de l'oeil gauche. Si l'obser-

vateur lâche les paupières de l'oeil droit, celui-ci se ferme de nouveau pen-

dant que le gauche s'ouvre. Si on ferme au malade l'oeil gauche, le droit reste

également fermé. En lui ouvrant les paupières de l'oeil droit et en mettant à

découvert le bulbe, on remarque que celui-ci tourne en haut en se dirigeant

tantôt du côté externe, tantôt du côté interne (PI. XI).

En ouvrant au malade les paupières des deux yeux, on remarque une légère

agitation des bulbes oculaires, lesquels se remuent tantôt d'un côté, tantôt de

l'autre.

En invitant le patient à exécuter des mouvements avec les yeux, on observe

qu'ils se comportent normalement dans la vision monoculaire et binoculaire.

Le pli naso-labial droit est plus évident que le gauche et la commissure labiale

droite est tirée un petit peu en haut et en dehors. Dans l'acte de montrer les

dents, on remarque que le pli naso-labial s'accentue davantage et la lèvre su-

périeure laisse à droite' l'arcade dentaire a découvert un peu plus qu'à gau-

che. L'angle labial droit est tiré plus en haut et en dehors que le gauche.

Il n'existe aucune différence entre les deux moitiés de la face lorsque le malade

gonfle les joues ou fait l'acte de siffler. La contraction des peauciers est très

bonne et égale des deux côtés. La langue est mobile dans tous les sens, elle

n'est pas déviée. Le voile du palais est mobile, symétrique dans ses deux moi-

tiés ; la luette est verticale. Les mouvements actifs et passifs des membres

supérieurs et inférieurs. et du tronc sont normaux. Les réflexes tendineux

(olécraniens, rotuliens, achilléens) et osseux (radiaux) sont normaux et égaux

des deux côtés du corps. Les réflexes plantaires sont en flexion. Les réflexes

abdominaux, crémastériens, le pharyngien, les réllexes conjonctivaux et du

nez sont conservés. Les pupilles sont égales et réagissent bien à la lumière, à

l'accommodation et à la convergence. Le réflexe consensuel est conservé. Les

sensibilités superficielles (tactile, thermique et à la douleur) sont normales, de

même que les sensibilités profondes (attitudes segmenlaires, sens stéréognos-

tique et vibratoire).

Examen électrique. - Tronc du facial'droit et de ses branches excitables

au courant faradique et galvanique; comme le gauche, sans altérations ni

qualitatives, ni quantitatives. De même, l'excitation directe des muscles dé-

pendant du nerf facial ne fait pas remarquer des altérations ou des différen-

ces entre les deux côtés.

Odorat, ouïe et goût normaux vue : oeil gauche, acuité visuelle = 1. Champ

visuel normal, pas de dyschromatopsie. OEil droit : le malade dit de ne voir que

la lumière et les ténèbres ; cependant.en lui montrant de la laine colorée, il

en dit exactement la couleur, 'excepté la laine bleue qu'il dit noire. En lui

montrant deux étoffes, l'une, bleue et l'autre noire, le malade dit qu'elles sont

gavu 3

34 MENDICINI ET ARTOM

toutes les deux noires, mais plus foncée celle qui l'est réellement. En bandant

l'oeil gauche au malade et en l'invitant à marcher dans la chambre, il avance

sans heurter le moindre obstacle ; au contraire il les évite tous avec précau-

tion.

On ne réussit pas à mesurer le champ visuel de l'oeil droit. Le fond de

l'oeil est normal des deux côtés. '

L'examen des organes internes est complètement négatif.

Nous avons formulé le diagnostic de spasme tonique de nature hysté-

rique de l'orbiculaire pour des raisons que nous dirons ensuite.

.Nous avons soumis le malade à un traitement électrique consistant en

des applications faradiques un peu douloureuses à la région périorbitaire.

Le malade eut une rapide amélioration et ne guérit qu'après trois ou

quatre séances faites tous les deux jours, lorsqu'on lui imposa de ne plus

porter la bande.

Il s'agit donc d'un cas d'amaurose monoculaire droite presque complète,

associée à un spasme intense, tonique de l'orbiculaire des paupières du

même côté et à un léger spasme tonique de l'orbiculaire du côté opposé.

Quelques autres muscles, innervés par le facial, sont intéressés par le

spasme à un degré minime. Tout cela s'est produit à la suite d'un trau-

matisme qui a frappé le bulbe oculaire droit. La première question qui

devait être posée, est la suivante : s'agissait-il d'une lésion organique ou

d'une affection en partie organique et en partie fonctionnelle ? ou enfin

d'une affection entièrement fonctionnelle ? Distinguons avant tout les deux

catégories de troubles : l'amaurose droite, des phénomènes irritatifs de la

part de l'orbiculaire des paupières.

L'amaurose droite était-elle organique ou hystérique ? L'examen ophtal-

moscopique avait démontré que ies milieux dioptriques et le fond de l'oeil

étaient normaux.Cela n'étai t pas sufnsantpour exclure une lésion organique.

Parfois, en effet, on peut avoir des altérations qui ne sont pas accessibles

à l'examen ophtalmoscopique le plus minutieux. Ainsi, par exemple, a

la suite d'un traumatisme du bulbe oculaire, des hémorragies peuvent

se produire dans le tronc même du nerf optique, suivies par une amau-

rose soudaine. Mais dans notre cas, la perte de la vision était accompagnée

par certains caractères qui excluent toute lésion organique. Nous avons

vu que le malade, quoiqu'il présentât une légère dyschromatopsie pour le

bleu, pouvait distinguer les couleurs, bien qu'il ne pût indiquer la forme

des objets, chose qu'on ne rencontre pas dans les cas organiques. En outre,

la démarche du malade, quand on lui fermait l'oeil sain, était typique

pour l'amaurose hystérique. Le fait que le patient, à la suite d'un traite-

ment psychothérapique, est guéri en peu de jours,prouve que notre conclu-

sion était exacte. .

Occupons-nous maintenant du spasme de l'orbiculaire. Comme on

peut voir d'après la planche, l'aspect du malade était semblable à celui

SUR LE SPASME A BASCULE DE L'ORBICULAIRE DES PAUPIÈRES 38

d'un sujet normal qui ferme volontairement un oeil. En effet, lorsqu'un

sujet normal fait ce mouvement, il soulève plus ou moins légèrement la

commissure labiale du même côté, pendant que l'autre oeil se ferme

aussi un tout petit peu. En plus, chez le patient, le muscle sourcilier se

contractait et le sourcil se baissait du côté malade, en même temps qu'il

était plus soulevé du côté sain par une légère contracture du muscle fron-

tal. Or, cela n'arrive pas dans les spasmes toniques qui viennent à la

suite d'une lésion organique irritative du trijumeau. En pareil cas, l'autre

oeil ne participe au spasme en aucune façon et le sourcil, au lieu de se

baisser, se relève. Ce signe a été trouvé par M. Babinski et indiqué par

lui comme un symptôme différentiel entre le spasme et le tic. Selon nous,

un autre signe a une valeur remarquable pour le caractère fonctionnel du

spasme en question. Nous faisons allusion au spasme à bascule, phéno-

- mène qui, d'après ce que nous savons, n'a pas encore été décrit et qui

doit être distingué complètement delà ptose à bascule de Pacelti. Dans le

signe de Pacetti, la fermeture de l'oeil sain peut déterminer l'ouverture

de l'oeil fermé par la ptose palpébrale, c'est-à-dire que les releveurs des

paupières, innervés par l'oculomoteur commun, sont mis alternativement

en action. Au contraire, dans notre cas, le phénomène se produit dans

le domaine du facial. On trouve le phénomène de la ptose à bascule dans

les cas de lésion organique, tandis qu'on rencontre très probablement

notre signe, c'est-à-dire le spasme à bascule, seulement dans les cas fonc-

tionnels. Il est vrai que, jusqu'à présent, nous n'avons pu examiner un

nombre suffisant de cas nous autorisant à formuler un principe absolu.

Les quelques observations faites par nous, nous permettent seulement de

faire une hypothèse. En revanche nous avons étendu nos recherches aux

normaux, en en examinant un grand nombre. Or, si on invite un sujet

sain à fermer un oeil et à s'opposer à la tentative d'ouvrir les paupières

de l'oeil fermé, on observe que, lorsque nous réussissons à vaincre la

résistance opposée par l'individu, l'autre oeil se ferme. L'oeil ne se ferme

pas à cause de l'abaissement de la paupière supérieure, mais par une

vraie contracture de l'orbiculaire. Ce fait est démontré par la disparition

des rides en correspondance de la moitié homolatérale du front, par la

formation des rides sur les paupières et par l'abaissement du sourcil.

. Il exisle donc chez les normaux un spasme à bascule involontaire ;

nous disons involontaire parce que la fermeture de l'oeil ouvert ne dépend

pas de la Volonté du sujet et en aucune façon il peut l'empêcher. Nous

ayons donc pu trouver chez le patient qui nous occupe un phénomène qui

a son pareil chez l'individu normal. On pourrait nous objecter que chez

le malade en question il ne s'agit pas de la fermeture de l'oeil par spasme

de l'orbiculaire, mais au contraire d'une ptose de la paupière supérieure.

36 MENDICINI ET ARTOM

Par exemple, on pourrait pensera la possibilité d'une ptose hystérique

de la paupière supérieure, qui se produirait à gauche au même moment

où l'observateur réussit à écarter les paupières de droite.

En effet, beaucoup de discussions et de divergences ont encore lieu

parmi les auteurs à propos de la ptose hystérique de la paupière supé-

rieure. Il nous suffit de rappeler que les deux releveurs des paupières supé-

rieures sont synergiques et que Schmidt Kimpler parle de la possibilité

que certains individus souffrant des yeux, et même quelques normaux,

ont de baisser la paupière supérieure d'un côté en relâchant le tonus du

releveur. ;

Il y a quelques auteurs, entr'autres Wildbrand et Saenger, qui dis-

tinguent deux espèces de ptose hystérique : la ptose hystérique flasque

et la ptose hystérique spastique (pseudo-paralytique.de Charcot). La plu-

part des auteurs, au contraire, parmi lesquels Charcot et Parinaud,

Gowers et Ormerod, admettent seulement cette dernière variété. L'exis-

tence de la première variété est très douteuse, sa palhogénie en est incer-

taine et, comme ses partisans mêmes l'avouent, elle est très rare. En

attendant, selon Wildbrand et Saenger, elle est toujours accompagnée par

un spasme ou par une paralysie des muscles intrinsèques ou extrinsèques

des yeux. '

Ces faits faisaient défaut chez notre malade, tandis que les caractères

de la ptose pseudo-paralytique donnés par Charcot étaient bien visibles.

Ces caractères sont : l'abaissement du sourcil et l'aplatissement de sa

courbe; l'aplanissement des rides du muscle frontal; l'apparition de

rides sur la peau des paupières, tandis que la fente palpébrale acquiert

la forme d'un s italique couché (() et le bord libre de la paupière infé-

rieure apparaît plus rectiligne et plus élevé que le contro-latéral. Gowers

a ajouté que lorsqu'on écarte les paupières, on sent de la résistance.

A ce sujet, il est bien d'observer que malheureusement nos photogra-

phies ne sont pas suffisamment claires et ne montrent pas tous les faits

que nous avons pu vérifier chez notre malade. Toutefois on peut assez

bien y voir l'aplatissement et l'abaissement du sourcil gauche pendant

que le patient fermait l'oeil. Mais en ce moment-là nous avons pu constater

encore l'aplanissement de la moitié droite du muscle frontal et l'appari-

tion de rides en correspondance des paupières et de la région péripalpé-

brale. Ces faits nous démontrent que dans notre cas il s'agissait d'un vrai

spasme de l'orbiculaire gauche. Nous pouvons affirmer cela, même

n'ayant pu nous servir du signe suggéré par Gowers, c'est-à-dire de la

résistance que l'on sent en écartant les paupières de l'oeil atteint de

pseudoplose, étant donné les conditions dans lesquelles le phénomène se

produisait.

SUR LE SPASME A BASCULE DE L'aURICULAIRE DES PAUPIÈRES 37

De même que chez les normaux notre malade présentait donc un spasme

à bascule involontaire de l'orbiculaire des paupières. De tels faits ne peu-

vent pas être expliqués qu'en les considérant comme phénomènes d'asso-

ciation (syncynésies). Et maintenant nous allons parler de la physio-

logie du phénomène en question.

Par syncynésie on entend la réaction motrice de certains muscles qui

se manifeste au moment même où l'innervation volontaire détermine un

mouvement donné sur d'autres muscles plus ou moins éloignés des pre-

miers. Dans certains cas, par exemple, assez fréquents chez les hémiplé-

giques, il arrive que les contractions musculaires se produisent dans les

muscles normaux du côté sain, pendant les tentatives énergiques, mais

infructueuses, que le malade fait pour contracter les muscles homonymes

du côté paralysé. Dans ce cas, il ne s'agit pas de mouvements associés,

puisque nous n'avons pas le mouvement voulu, le mouvement du groupe

musculaire du côté opposé intervenant à sa place (Negro).

Il s'agit alors (Senator), de mouvements de substitution, qui sont par

conséquent l'équivalent pathologique des syncynésies. Les syncynésies à

la face sont nombreuses, et la raison en est claire, étant donné l'importance

physiologique du nerf facial pour la mimique, qui en somme n'est qu'un

ensemble de syncynésies. Or, ces mouvements associés dans le champ'

d'innervation du facial, peuvent être divisés en deux catégories :

A. Mouvements associés qui se produisent entre des muscles

innervés par le facial et des muscles dans la dépendance d'autres nerfs.

B. Mouvements associés, qui se produisent dans le champ d'inner-

vation du facial.

A la première catégorie appartiennent les syncynésies physiologiques

qui ont lieu entre le releveur de la paupière, le droit supérieur, le petit

oblique de l'oeil et le frontal pendant l'élévation de l'oeil, mouvement

auquel la paupière inférieure participe aussi un petit peu. Il en est de

même pour la rotation des bulbes en haut et en dehors ou en haut et en

dedans, syncynésies qui se produisent au moment de fermer les yeux.

Dans la paralysie faciale périphérique les deux phénomènes sont exagérés :

le premier prend alors le nom de phénomène bulbo-palpébral hypercyné-

tique de Negro, le deuxième de phénomène de Bell. Dans la même caté-

gorie il faut ranger les mouvements de la paupière supérieure qui s'accom-

pagnent avec l'ouverture de la bouche et les mouvements de la mastication,

rarement observés chez les sujets normaux, ainsi que la fermeture de l'oeil

quand on luille.

M. Oppenheim, dans un cas de paralysie faciale périphérique, a observé

des contractions qui faisaient dévier à gauche la mâchoire inférieure cha-

que fois que le malade (affecté aussi de blépharospasme bilatéral) clignait t

38 MENDICINI ET ARTOM ·

des paupières de l'oeil gauche. Jolly a remarqué dans la diplégie faciale

des contractions des muscles zigomatiques parétiques pendant la fermeture-

des mâchoires.

Mais, dans notre cas, les syncynésies de la deuxième catégorie, c'est-à-

dire les mouvements associés dans le champ d'innervation du facial, nous

intéressent davantage. Nous avons déjà chez les normaux nombre de

syncynésies à la face, par exemple : celles qui se produisent entre l'orbi-

culaire des paupières, le sourcilier, le frontal et les autres muscles du

visage, si importantes pour la mimique, et celles entre le mouvement de

clignement des yeux et les dilatateurs des narines. Dans la paralysie faciale

périphérique on a souvent observé que lorsque le malade ferme les yeux,

se produit non seulement la contraction de l'orbiculaire des paupières,

mais aussi celle du zigomatique du côté paralysé, de sorte qu'il en résulte

une déviation de la commissure buccale. Le même fait a été observé dans

la fermeture réflexe des yeux.

Les syncynésies entre les deux orbiculaires des paupières sont très

étroites. Un premier fait bien connu c'est qu'un grand nombre de sujets

normaux ne peuvent pas fermer isolément les yeux. Ce phénomène a été

interprété par Langendorff dans le sens que les deux yeux, étant rappro-

chés l'un de l'autre, ont en commun ce que l'auteur appelle champ de

danger (Gefahrfeld). Le danger qui menace l'un menace aussi l'autre, de

sorte qu'il est nécessaire que les deux yeux se ferment ensemble.

Onanoff aurait trouvé que, chez les individus dont un oeil ne peut se

fermer séparément, il y a en général un trouble de l'autre oeil dont la fers

meture estpossible (astigmatisme, diminution de l'acuité visuelle).

L'oeil sain ne se fermerait pas, parce qu'il devrait faire bonne garde

pour apercevoir les dangers.

De itteme le réflexe de clignement de lui est bilatéral, car il se produit t

en même temps dans les deux yeux.

Quelques auteurs expliquent ce fait en admettant que quelques fibres

du facial du côté atteint sont conservées, tandis que d'autres pensent que

l'orbiculaire est en connexion avec les deux moitiés du cerveau, A vrai

dire, 1\1. Oppenheim soutient que ce réflexe, dans les cas de paralysie fa-

ciale périphérique, est aboli du côté paralysé ; mais Wi Idbrand et Saenger

nous font observer qu'il y a toujours un certain degré de réflexe consen-

suel. Ils ont trouvé cela même dans des cas de section complète du nerf

facial, c'est pourquoi ils supposent que, au moment où l'orbiculaire du

côté sain se contracte, il se produit un relâchement bilatéral rapide du

releveur antagoniste. Dans la paralysie faciale d'origine centrale, il y a

le signe de Revilliod qui consiste en ceci : le patient peut fermer les deux

yeux ensemble, ou bien celui du côté sain, en laissant l'oeil ouvert du

côté paralysé, mais il ne peut pas faire l'inverse.

SUR LE SPASME A BASCULE DE L'ORBICULAIRE DES PAUPIÈRES 39

Pélrina, Senator, Hoffmann et Bergonié ont observé, dans quelques

cas de paralysie périphérique, qu'en excitant le facial du côté sain,avec le

courant électrique, on obtenait la contraction des muscles du côté opposé.

Plus rarement on a constaté l'inverse.

M. Oppenheim a observé, chez les personnes qui ont été frappées de

paralysie faciale en bas âge, que les muscles voisins de la ligne médiane

peuvent se contracter quand on excite ceux de la moitié saine du visage.

A ce propos, Bernhardt a fait remarquer que les muscles du menton des

deux côtés se croisent entr'eux. Il pense que c'est justement à cause de cet

entre-croisement des fibres musculaires qu'il suffit d'exciter celles d'un côté

ou leur nerf, pour qu'elles se contractent toutes ensemble. Valobra a

donné la même explication aux cas de paralysie faciale périphérique avec

réaction contro-latérale.

M. Oppenheim, au contraire, croit qu'il s'agit d'innervation contro-

latérale du facial sain, ce qui nous parait d'autant plus probable étant

donné que la réaction électrique contro-latérale a été trouvée dans des

cas de lésions protubérantielles.

En effet, en admettant que le noyau protubérantiel du facial donne

des fibres homo-lalérafes et contro-latérales, il est facile de comprendre

que l'excitation électrique du nerf sain peut se communiquer aux fibres

contro-latérales du côté atteint, dans les cas de lésions unilatérales du

noyau du facial. Ces fibres, au contraire, sont détruites en cas de lésion

du tronc nerveux où les fibres homo-latérales et contro-latérales sont

mêlées ensemble. -

A notre avis donc,- d'après les arguments que nous venons d'exposer,

c'est seulement en admettant la bilatéralité d'innervation des muscles

dépendant du facial, qu'on réussit à bien expliquer toutes les syncynésies

variées et complexes auxquelles ces muscles prennent part. Cette idée est

admise, au reste, par beaucoup de neurologistes, bien qu'ils ne soient pas

d'accord sur la façon précise de ces entre-croisements. Pendant que les

recherches de Hoche nous engageraient à penser qu'une petite partie des

fibres de la voie centrale du facial aillent aussi au noyau du même côté,

d'autre part les études de Bechterew, Obersleiner, Ia'latau, Wyrubow,

Bary, Lugaro, Cajal et Marinesco nous portent à croire que dans la racine

du facial d'un côté,, existent aussi des fibres qui dérivent du noyau du

côté opposé. Cependant, cette opinion n'a pas été acceptée par Bergmann,

Klyatschklin, Van Gehuchlen. Exner et Paneth ont démontré sur le lapin

la bilaléralité d'innervation du nerf facial. Enfin, il est bon de rappeler

que de telles connexions périphériques, pourraient aussi se faire à l'aide

de l'entre-croisement des terminaisons des deux nerfs faciaux dans les

muscles. Mais si cela est vraisemblable pour les muscles placés près de

40 MENDICINI ET ARTOM

la ligne médiane qui entre-croisent (Bernhardt) leurs fibres, il est moins

probable que ce fait se vérifie pour les orbiculaires où ces entrecroi-

sements n'existent pas. Au reste, il est très discutable que les recherches

physiologiques d'Exner et Paneth puissent être appliquées à l'homme.

La question est encore compliquée par l'incertitude de nos connaissances

sur l'origine réelle du facial supérieur. En tout cas, si la question anato-

mique n'est pas résolue, la question physiologique et clinique ne donne

pas lieu à discussion. En admettant donc la double innervation de cha-

que orbiculaire des paupières, le mécanisme du spasme à bascule appa-

raît clair. C'est l'impulsion motrice volontaire qui trouve de la part de

l'observateur un obstacle à parcourir la voie directe, et par conséquent

elle prend la voie contro-latérale et fait contracter l'orbiculaire en repos

de l'autre côté. Il est vraisemblable que ce phénomène ne se vérifie pas

dans le blépharospasme organique, dû à une irritation du neurone péri-

phérique et exceptionnellement du neurone central du facial. Car juste-

ment, dans ces cas, la cause irritative étant presque toujours unilatérale,

l'autre orbiculaire n'est probablement jamais intéressé.

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LA CIRRHOSE HÉPATIQUE AVEC ALTÉRATIONS DANS LES

CENTRES NERVEUX ÉVOLUANT CHEZ DES SUJETS

D'AGE MOYEN,

PAR

W. van WOERKOM

(de Rotterdam).

Nous pouvons distinguer, parmi les cas où la maladie nerveuse se ma-

nifeste chez des malades, atteints d'une cirrhose du foie, deux grands

groupes. En premier lieu il y a des malades, chez qui les symptômes céré-

braux s'annoncent d'une manière brutale, et la vie est terminée en peu

de jours. Après une courte phase, caractérisée par un délire violent,

parfois accompagné par des attaques épileptiformes, les patients devien-

nent somnolents et meurent en un coma profond. C'est cette symptomato-

logie triste qui, quoique très rarement, peut se développer dans la cirrhose

hépatique ordinaire.

Ensuite il y a une grande série de cas, où la maladie nerveuse évolue,

le plus souvent sous une forme chronique, chez de jeunes gens; dans la

plupart des cas la cirrhose hépatique ne s'était pas manifestée par l'ictère.

Cette dernière catégorie peut être subdivisée en deux groupes. Comme

représentants de l'une rappelons les malades, décrits par Ormerod, par

Homen et par Wilson. Tantôt-c'étaient les symptômes psychiques, tantôt

les signes somatiques qui ouvraient la scène. Les malades devenaient

apathiques, puérils ; des hallucinations furent observées; chez l'un des

malades de Gowers l'intelligence serait restée intacte. Mais les signes phy-

siques étaient plus caractéristiques. La raideur presque universelle de la

musculature, les trémulations et les mouvements athétosiques, l'absence

de parésies véritables et du phénomène de Babinski sont les points essen-

tiels relatés. Post mortem : une cirrhose du foie, des altérations dans le

cerveau, qui se limitent aux noyaux lenticulaires, l'écorce intacte, ou'

, presqu'intacte.

En dernier lieu ce sont les cas, décrits par Fleischer (1) et par

Vôlsch (2), qui nous occuperont. Il s'agissait de malades qui présentaient L

(11 Ueber eine der Pseudosklerose nahestehende Krankheil. Deutsch. Zeitschr. f.

Nervenheilk., 1912. '

Í2) Beilrag zur Le/ire von der Pseudoskterose. Deutsch. Zeitschr. f. Nervenheilk.,

1911.

42 WOEIoM

pendant la vie des trémulations très fortes, occupant le corps entier,

s'exagérant pendant les mouvements et les émotions. En outre des altéra-

tions d'ordre psychique furent mentionnées : changements de caractère,

irritabilité, parfois puérilité, diminution des facultés intellectuelles, etc..

Post morte1 ? une cirrhose hépatique et un dépôt d'un pigment brun

foncé dans les tissus. La symptomatologie avait une grande ressemblance

aux cas décrits par Westphal et Strümpell sous le nom de pseudo-sclé-

rose. Cette dernière a été l'objet d'investigations récentes de la part de

von Hoësslin et Alzheimer (1) et de A ? Westphal (2), qui avaient l'occasion

d'examiner leurs cas anatomiquement. Comme daus les cas anciens leurs

malades se caractérisaient par les parésies spasmodiques, les trémulations,

la lenteur des mouvements, les troubles de la parole d'une part, l'irrita-

bilité et la diminution de l'intelligence de l'autre ; le malade de A. Wesl-

phal était très somnolent. L'autopsie montra dans les deux cas l'existence

d'une cirrhose hépatique. L'examen des centres nerveux ne révélait pas

d'altérations macroscopiques, ou presque pas ; par contreon constatait un

aspect microscopique tout fait particulier, dont une courte description va

suivre : Pas d'infiltrations inflammatoires. Les noyaux des cellules névro-

gliques avaient en partie subi de grosses altérations, ils étaient deux ou'

trois fois plus grands que le type ordinaire, pauvres en chromatine et

souvent déformés. Outre ces noyaux, dont le protoplasma ne se colorait

pas par le bleu de méthylène, il se trouvait dans le cas d'Alzheimer des

cellules névrogliques gigantesques aux grands noyaux riches en chroma-

tine. Les cellules nerveuses montraient parfois des altérations, quelques-

unes avaient même disparu, mais la structure normale de l'écorce était'

presque partout bien conservée. Les ganglions centraux et les noyaux

dentelés montraient les mêmes altérations que l'écorce, mais encore à un

plus haut degré. .

Ainsi le groupe des cas juvéniles se trouve subdivisé en : 1° les cas à

caractère familial, que Wilson a rassemblés sous le nom de « progressive

lenticular degeneration » et qui ont leur base anatomique en l'atrophie

et les foyers de désintégration des corps striés ; 2° les cas, décrits sous le

nom de pseudo-sclérose, qui dans leur aspect clinique offrent beaucoup

de caractères communs avec les cas précédents et dont les altérations

anatomiques sont également les plus prononcées dans les ganglions sous-

corticaux.

Après cette courte récapitulation nous décrirons nos propres cas.

Comme on le verra, on ne peut les classer dans aucun groupe. Pourtant G

(1) Zeilschrift sur die Ges. Neur., 1912, Bd, ' . '

, (2) Archiv f. Psychiatrie, 1913, ,

CIRRHOSE HÉPATIQUE AVEC ALTÉRATIONS DES CENTRES NERVEUX 43

il y a quelques traits, qui nous permettront de les rapprocher dès cas

juvéniles. -

Observation I.

W...., 59 ans, ouvrier de port, entre le 26 novembre 1912 dans l'hôpital

municipal de Rotterdam.

La famille nous communique que W... a joui d'une bonne santé jusqu'en

septembre 1911. Excès alcooliques sont niés. Le malade est marié ; la femme

est en bonne santé. Trois enfants vivants, deux sont morts (tuberculose ? ),

trois fausses couches.

La maladie actuelle date de septembre 1911.A ce moment l'ictère se déclare,

les membres inférieurs, le scrotum et le ventre sont gonflés. En outre il est

très somnolent. Il sait très bien où il est, mais tout ce qui se passe alentour lui

fait très peu d'impression. Ainsi un jour son médecin vient le visiter ; après un

quart d'heure la visite est tout à fait oubliée. Le malade est tourmenté d'une soif

insatiable.

En novembre la somnolence augmente tellement, qu'il dort presque tout le

jour. Quand on le met sur les pieds, il se tient tout à fait raide, il marche à

petits pas. Assis à la table les mains sont secouées par de fortes trémulations

s'exagérant pendant tes mouvements actifs. Parfois la somnolence est entre-

coupée par des crises d'irritabilité extrême, pendant lesquelles il couvre son

entourage d'injures.

En janvier 1912, il contracte un érysipèle. Après cette maladie intercurrente

la somnolence aurait été moins profonde pendant quelques semaines. Ensuite il

retombe en son ancien état. Parfois il se met à raconter quelque chose, mais

après les premiers mots il s'arrête, parce qu'il a oublié le sujet dont il voulait

causer. En voulant fumer une pipe il lui arrive qu'il met l'allumette dans la

bouche au lieu de la pipe. Quand le malade ne dort pas, il est parfois très

agité. Il crie, jure, veut quitter le lit, demande tout le temps à boire.

Les forces diminuent beaucoup. Eu marchant il doit être soutenu. Il lui est

presque impossible de prendre sa nourriture lui-même à cause de ses tremble-

ments.

Le 26 novembre 1912, j'eus l'occasion d'observer le malade moi-même.

Pendant l'examen le malade est en profonde somnolence, c'est à peine s'il

ouvre les yeux de temps en temps. L'attitude est tout à fait passive. La respi-

ration est régulière, profonde. Le pouls est régulier. La palpation du ventre

nous apprend que le foie est agrandi et très dur ; la rate est également tumé-

fiée. Des oedèmes ne sont constatés nulle part.

La peau et les muqueuses sont subictériques.

L'urine ne contient ni albumine ni sucre.

La percussion du crâne n'est pas douloureuse.

En repos la figure est atonique, sans expression, mais les excitations dou-

loureuses sont suivies de contractions musculaires symétriques, qui se main-;

tiennent pendant quelque temps La langue n'est pas atrophiée. En mettant

un biscuit dans sa bouche il se met à mâcher lentement, après il avale la

44 WOERKOM .

bouchée. En excitant le malade par la voix et en tenant une forte lumière

devant lui, que nous déplaçons, nous voyons que le malade la suit des yeux.*

Les pupilles sont également étroites des deux côtés ; la réaction à la lumière v

est bonne. Pas d'altérations in fundo.

Les réflexes abdominaux ne sont pas provoqués, les crémastériens sont

présents. Aux membres, pas de paralysies véritables constatées, mais par'

la somnolence du malade l'examen doit être très élémentaire. Après les excita-

tions douloureuses les membres sont bien retirés. Les mouvements passifs ne

se heurtent pas à une résistance augmentée. Les réflexes plantaires ont le

type normal. Les réflexes patellaires sont présents, pas très vifs. Les trému-

lations ne sont pas observées.

Comme on le comprend facilement l'examen de l'état psychique se heurte à'

des difficultés encore plus grandes. Il faut secouer le malade violemment et

crier à haute voix, pour éveiller son attention pour quelques secondes. Il re-'

connaît son entourage ; à ma demande, plusieurs fois répétée, où il se trouve,

il répond : hôpital. Je lui montre une pièce de monnaie, il reconnaît égale-

ment. Les deux ou trois mots que je peux tirer de lui, sont prononcés d'une

manière indistincte, à voix très basse. ''

Pendant le mois de décembre la somnolence augmente encore; mais deux

ou trois fois les gardes me rapportent qu'il a été pris de crises d'agita-

tion, pendant lesquelles il bredouillait quelques mots incompréhensibles et

voulait quitter son lit. La nourriture lui est fourrée dans la bouche, il la mâ-

che et l'avale sans difficulté.

Pendant le mois de janvier l'état physique s'aggrave lentement. Les oedèmes

se montrent aux pieds et aux mains. Pendant la dernière semaine du mois'

l'érysipèle se déclare encore. Quelques jours plus tard le malade succombe.

L'autopsie est faite 8 heures après la mort (Dr de J. de Jong). Ictère mar-

qué. Testicules très petits et mous, gros comme une fève de marais, les capsu-

les sont épaissies. Le tissu sous-cutané est coloré en jaune foncé. Le thymus

est petit, comme la glande thyroïde, qui est très réduite de volume. Microsc.

les follicules sont petites, elles contiennent peu de colloïde, quelques-unes

en sont tout à fait dépourvues ; les lobules sont en général très petits. Le'

coeur est mou, ictérique, sans autres altérations. Les poumons sont sans

lésions tuberculeuses, ils ne sont pas enflammés. Le foie (1.350 gr.) est dur,

bosselé. Microsc., une forte prolifération du tissu conjonctif, séparant le

parenchyme en de petits îlots uni-ou multilobulaires. Les cellules sont petites,

mais du reste en bon état ; beaucoup d'entre elles contiennent un pigment

vert ou jaune. Les capillaires biliaires sont dilatés, augmentés. Le stroma con-

jonctif est très riche en lymphocytes ; surtout une forte infiltration périlobu-

laire est constatée. La rate est tuméfiée ; un pigment brun est trouvé à plu-

sieurs endroits ; les follicules ne sont pas grandes. Les reins ne montrent pas

d'altérations, ni macroscopiques ni microscopiques. Pancréas sans altérations,

comme les capsules surrénales. Epiphyse et hypophyse ne sont pas examinées

microsc., macrosc. sans altérations.

Le cerceau et ses enveloppes. - La dure-mère est colorée en jaune. Les

CIRRHOSE HÉPATIQUE AVEC ALTERATIONS DES CENTRES NERVEUX 45

méninges molles sont épaissies, elles contiennent beaucoup de liqueur cérébro-

spinale. La pie-mère est facilement enlevée, pas d'adhérences. Les vaisseaux

à la base sont épaissis. Des hémorragies ne sont pas constatées à l'oeil nu.

Une atrophie bien appréciable des circonvolutions n'existe nulle part. Les ven-

tricules latéraux sont un peu dilatés, surtout à gauche. Les corps striés sont

très peu saillants, leur surface ventriculaire est irrégulière, pliée. Le poids du

cerveau est 4.30 grammes.

Examen microscopique. Méninges molles (van Gieson). Signes de proli-

fération des éléments fixes : les fibroblastes parfois fusiformes, le protoplasma

groupé aux pâles, des noyaux, souvent à formes très irrégulières. Quelques

lymphocytes, plasmazellen très rares. Globules rouges extravasculaires en plus

grand nombre à certains endroits. Epaississement des vaisseaux, conditionné

plutôt par la dégénération hyaline que par une prolifération véritable; les

fibrilles sont gonflées, pareilles à des rubans, se confondant entre elles en une

masse homogène. Une prolifération de l'endothélium faisant saillie dans la

lumière des vaisseaux n'est trouvée nulle part. Des infiltrations inflammatoires

ne sont constatées dans aucune coupe. Mais beaucoup de vaisseaux sont obstrués

par des thrombi, se constituant les uns surtout de fibrine et de leucocytes, les

autres ayant un aspect granuleux. Il se trouve partout dans les méninges

molles de petits grains d'un pigment brun foncé, qui ne se colore pas eu bleu

par la méthode de Péris. Ce pigment est abondant dans quelques gaines vas-

culaires, mais se trouve également dans le tissu extravasculaire, dans les cellu-

les mêmes, dont quelques-unes en sont bourrées. Par la méthode de Nissl ce

pigment est coloré en vert jaune.

Ecorce (Nissl). Les couches différentes sont partout bien reconnaissa-

bles. Des altérations architectoniques ne sont constatées nulle part. L'écorce,

n'est pas sensiblement amincie dans les territoires examinés. Par contre, déjà

à faible grossissement, on remarque qu'à certains endroits (X) les cellules ner-

veuses semblent avoir disparu ou tout au moins très clairsemées et en forte

dégénération. Comme on le voit sur notre première photographie l'étendue de

ces foyers est très restreinte. Souvent ils ne dépassent pas la couche dans la-

quelle ils sont situés ; les couches sous-et sus-jacentes ont les caractères ordi-

naires. Parfois ils sont parallèles à la surface.

Cellules nerveuses. Un certain nombre d'entre elles ont les contours nor-

maux, les prolongements protoplasmiques bien conservés, les noyaux sans

Fio. 1. - Noyaux pathologiques de l'écorce et des noyaux dentelés. Les nucléoles

sont couvent déformés. Le premier noyau eu haut et à gauche est le type normal.

46 WOERKOM

lésions. D'autres cellules, et c'est le plus grand nombre, sont en forte dégéné-

ration : les noyaux ont les contours irréguliers, souvent indistincts, parfois ils

sont gonflés; les blocs chromatiques ont disparu,le protoplasma ayant une struc-

ture spongieuse (PI. XII). Quelques cellules nerveuses sont sur le point de dis-

paraître : on reconnaît encore un noyau, ou plutôt un nucléole, autour duquel se

'trouve un petit amas protoplasmique. Ainsi nous trouvons tous les stades de

l'intégrité de la cellule jusqu'à l'atrophie extrême. Souvent les cellules saines

et les cellules atrophiées sont juxtaposées. Pas d'augmentation du pigment

jaune dans les cellules.

Névroglie. Un grand nombre de noyaux névrogliques ont des dimen-

sions considérables, souvent ils sont 5 ou 6 fois plus grands que-le type ordi-

naire. Ils ne contiennent que quelques grains chromatiques fortement colorés,

du reste ils sont très pauvres en chromatine. Dans l'écorce leur forme est

souvent régulière, parfois ils sont anguleux, pointus, à contours pliés ou en

'forme de saucisson. Parfois on en trouve, qui ont perdu une partie de leur

membrane, tout en conservant leurs grains fortement colorés. Le plus souvent t

on ne trouve qu'un petit amas de pigment jaune clair autour de ces noyaux,

parfois on est en état de suivre les contours d'un corps protoplasmique très

volumineux, faiblement coloré. Ces noyaux sont distribués entrés grand nom-

bre dans les couches profondes où l'on trouve les plus beaux spécimens, dans

les couches supérieures ils deviennent plus petits. Ils sont trouvés aussi bien

dans la proximité des cellules nerveuses, qui sont en forte dégénération qu'au-

tour des cellules qui ne montrent aucune lésion manifeste. Ils sont présents

dans l'écorce des lobes frontaux, pariétaux et occipitaux (PI. XII). Une coupe de

- la circonvolution de l'hippocampe ne les présentait pas.Entre les autres noyaux

névrogliques on retrouve le type petit, compact, à formes souvent irrégulières

et des éléments plus clairs, dont quelques-uns se rapprochent des spécimens

les plus petits des noyaux décrits.

En suivant la méthode d'Alzheimer pour la coloration de la névroglie (con-

gélation, coloration par l'hématoxyline de Malory) nous remarquons qu'à cer-

tains endroits le réseau névroglique sous-piemérien est épaissi. Entre les cel-

lules névrogliques de la couche moléculaire nous en remarquons qui ont un

protoplasma volumineux, les prolongements se continuant, dans le stroma réti-

culaire ; quelques cellules araignées donnant naissance à des fibres névrogli-

ques. Dans les couches sous-jacentes ce sont les cellules à noyaux grands et

clairs qui attirent notre attention. Leur corps a des contours tout à fait

irréguliers, ressemblant à celui des amibes ; leurs dimensions peuvent égaler

celles des cellules de Betz. Elles sont faiblement colorées et contiennent un

peu de pigment jaune. Souvent leurs limites sinueuses sont indistinctes. Elles

ne semblent pas donner naissance aux fibres névrogliques.

Vaisseaux. Une infiltration inflammatoire n'est trouvée nulle part, ni

leucocytes, ni lymphocytes, ni plasmazellen. Le long des vaisseaux des accumu-

lations d'un pigment jaune. -

Graisse (Herxheimer). Est trouvée autour des grands noyaux névrogli-

ques, dans les cellules nerveuses et le tong des vaisseaux. , .

Nouvelle Iconographie DE la Salpêtrière. zain 3àS.i'11. hln XII

A

c

D

ALTÉRATIONS DES CENTRES 3SESWEOES

DANS LA CIRRHOSE HÉPAnoeoe :

(Van Woedwm).

A, Tub ! ! «faire; quelques eëtttitss rsros ? s Neu rcvaa : ;i.4ca.

C. Vm ! ÍfÜ¡¡túm ! k ! i oeJlulG ! i uévrcgliques «fans la ¡>¡1 11 ? ee Uu;wrowt.

D, Feyers sr ! ®r41t ? itipi§; a§f<S4t réfkukke.

CIRRHOSE HÉPATIQUE AVEC ALTÉRATIONS DES CENTRES NERVEUX 47

Fibres à myéline (Spielmeyer). Etat normal, exception faite pour quel-

ques petites taches, où les fibres sont plus clairsemées. Du resta ni les

fibres radiées ni les plexus interradiaires et supraradiaires, ni même les fibres

tangentielles n'ont diminué d'uue manière sensible.

Disons à la fin de notre description de l'écorce encore deux mots sur ces

taches claires que nous avons déjà remarquées plus haut. On y trouve une

simple disparition des cellules nerveuses,dont quelques-unes sont encore vague-

ment reconnaissables. Les fibres à myéline sont plus clairsemées à ces places.

Substance blanche sous- corticale. Le type du noyau clair et vésiculeux

n'est pas retrouvé ou du moins il est extrêmement rare. Pourtant la présence de

beaucoup de cellules araignées volumineuses et la forte production de grosses

fibres névrogliques, se croisant dans tous les sens, nous apprennent, qu'à cer-

tains endroits une forte prolifération névroglique a eu lieu. A d'autres lieux cette

prolifération interstitielle est à peine appréciable. A côté des cellules arai-

gnées nous apercevons encore un grand nombre de petites cellules à proto-

plasma granuleux, faiblement coloré, ressemblant souvent à des vésicules.

Les vaisseaux sont souvent en dégénération hyaline ; les signes d'inflamma-

tion sont absents.

Les grandes coupes des hémisphères ( Weigert-Pal) nous montrent qu'il

n'existe pas de grands foyers de destruction. Les dégénéra lions systématisées

sont absentes. Malgré l'aspect atrophique des corps striés (dimensions très ré-

duites), la richesse en fibres à myéline n'a pas diminué. Les couches optiques

et les autres amas de substance grise, ont également un aspect normal ; il y a

seulement quelques petites taches plus claires, où cependant les fibres à myé-

line ne font pas défaut.

Corps striés (van Gieson). -1 côté des petits noyaux névrogliques du type

ordinaire on remarque beaucoup de grands noyaux vésiculeux ayant les mômes

caractères que ceux de l'écorce, seulement leurs contours sont d'une irrégula-

rité plus grande : on en trouve à forme pyramidale, à forme multilubulaire, on

en trouve, qui sont fusiformes ; dans leur proximité un petit amas de pigment

jaune. Dégénération hyaline des vaisseaux, quelques thrombi, mais sans in-

filtrations inflammatoires. Enfin nous remarquons que ces parties du cer-

veau sont sujettes à un processus de désintégration, que nous voulons étudier

de plus près. C'est comme si à. certains endroits le tissu nerveux était en train

de fondre. Nous remarquons à ces places de petites perforations microscopiques,

multiples, à contours réguliers, donnant au tissu un aspect spongieux (PI. XII).

Quelques-unes de ces perforations ont les dimensions plus grandes, elles peu-

vent se toucher et se confondre entre elles, formant ainsi des taches ou des lignes

claires remarquables à l'oeil nu. Là où le processus a atteint ce degré d'inten-

sité la névroglie est en prolifération manifeste : des cellules chargées de pro-

duits de désintégration, d'autre côté déjà une forte formation fibrillaire ; dans

cette phase terminale le tissu, au lieu d'être spongieux, devient nettement ré-

ticulaire. Les vaisseaux au milieu de ces foyers sont épaissis, en dégénération

hyaline, comme dans les autres parties du cerveau, Le nombre des fibres à à

myéline a diminué à ces places (voyez plus haut) ; pourtant, même aux en-

48 WOERKOM .'

droits qui sont les plus fortement perforés, on en trouve encore. Dans nos

coupes, colorées suivant Pal, il faut, pour trouver les foyers perforés, les

chercher attentivement.

Couches optiques. Cellules nerveuses en forte dégénération ; noyaux

à la périphérie d'un protoplasma mal coloré, très réduit, ayant perdu les con-

tours typiques. Du reste, mêmes altérations que nous avons trouvées en

examinant les corps striés ; grands noyaux névrogliques, parfois très déformés,

foyers à perforations multiples.

Noyaux dentelés du cervelet. Ici les altérations sont peut-être les plus

prononcées. Entre les noyaux névrogliques on trouve à côté du type normal

les éléments clairs, fortement déformés, à dimensions énormes..

Les cellules nerveuses sont en forte dégénération, les noyaux sont petits,

déformés, fortement colorés, le protoplasme à structure alvéolaire. Entre les

cellules il y a quelques spécimens qui ressemblent beaucoup aux cellules

nerveuses dégénérées, mais qui montrent leur identité par leurs prolonge-

ments. Ce sont des corps très volumineux, amoeI.Jordes, à prolongements

multiples. Ils contiennent un pigment jaune autour d'un noyau, qui, par ses

amas chromatiques plus abondants, se différencie bien du type clair.

Ecorce du cervelet. Ni dans la couche plexiforme, ni dans la couche des

grains le type du noyau névroglique sus-décrit n'est retrouvé. Les cellules de

Purkinje sont en dégénération plus ou moins forte ; entre elles une forte pro-

lifération de noyaux névrogliques à formes ovoïdes, arrondies ou plus irrégu-

Fio. 2. Grands noyaux névrogliques (x) dans un des noyaux dentelés

' du cervelet.

Fia. 3. Quelques noyaux névrogliques comparés au type ordinaire.

CIRRHOSE HÉPATIQUE AVEC ALTÉRATIONS DES CENTRES NERVEUX 49

lières. Ils peuvent atteindre des dimensions considérables, mais la distribu-

tion des amas chromatiques est beaucoup plus régulière que dans le type

pathologique décrit.

Protubérance et moelle allongée. Nulle part une trace des altérations

caractérisant les centres corticaux et sous-corticaux. Cellules nerveuses

sans grosses lésions. Coupes coloriées suivant Pas : état normal.

L'épendyme ne montre pas de lésions microscopiques.

Résumé. Un homme, 59 ans, est atteint d'une maladie du foie, se

manifestant par l'ictère, des oedèmes, l'ascite. Signes de lésions cérébrales ;

somnolence, crises d'irritabilité extrême, raideur, trémulations. Durée de la

maladie 1 an 5 mois. Autopsie : cirrhose hépatique, atrophie des testicu-

les el de la glande thyroïde, leptoméningite chronique, prolifération de

la névroglie, se manifestant surtout par la production de grands noyaux

clairs, souvent déformés, dans l'écorce cérébrale et les centres sous-corti-

caux ; enfin un processus de désintégration, dont les caractères sont décrits

plus haut et qui est localisé dans les ganglions centraux.

Observation II. 1

Kr..., 45 ans, entre à l'hôpital municipal de Rotterdam le 27 novembre 1911.

Les deux dernièrpsannées il toussait beaucoup. Ictère depuis 6 mois, urine d'une

couleur brune, matières grisâtres. L'appétit restait toujours bon. Ascite

depuis 3 mois, avant 2 mois oedème des pieds, 9 enfants, 1 abortus. Pas grand

buveur (4 verres par jour). Infections vénériennes niées. Novembre 1911 : Ictère

prononcé. Ascite. Plusieurs ponctions, qui le soulagent beaucoup. Foie agrandi,

très dur. Rate très dure. Urine d'une couleur foncée, contient un peu d'uro-

biliàe, .

Depuis mars 1912, pleurite à gauche. En juin l'urine contient beaucoup d'u-

robiline, pas d'albumine, Le malade s'amaigrit énormément.

Pendant les derniers mois, délire de persécution. Hallucinations de la vue ou

de l'ouïe ne sont pas constatées. Mais quand on s'entretient avec un autre

malade, il croit qu'il s'agit de lui. En s'approchant de lui il se met à crier : il

ne peut plus respirer par la peur formidable qui se répand autour de lui, son

lit devient brûlant. Il se croit électrisé. En le lavant avec de l'eau froide il

croit encore qu'il est brûlé. L'orientation reste bonne. Pas de parésies, pas de

trémulations, pas de raideur, tous les réflexes sont excitables, pas exagérés.

Les forces diminuent progressivement. Ictère intense, ascite.

Le 21 juin 1913 le malade succombe.

Autopsie (9 h. après la mort).

Atrophie très forte des testicules.

Glande thyroïde très petite, couleur brunâtre. ,

Empyème à gauche. Tuberculose des poumons.

Le long des grands vaisseaux cervicaux des ganglions lymphatiques bruns ;

également dans la porta hepatis. ,

XXVII 4

50 WOERKOM

Rate agrandie (650 gr.).

Foie (1.680 gr.), très dur, ictérique, pas déformé.

Prolifération du tissu conjonctif. Entre les mailles du stroma conjoncdes

îlots d'un parenchyme brun ou brun jaune (aspect de la cirrhose pigmentaire).

Pancréas, consistance augmentée, brun jaune. Le long du pancréas des '

ganglions lymphatiques bruns.

Cerveau (1.210 gr.). - Dure-mèreictérique. Pas d'augmentation de la liqueur

cérébro-spinale. Malgré la petitesse de l'organe les circonvolutions n'ont pas un

aspect atropliique.

Examen microscopique de l'écorce (Nissl). -

Les cellules sont en forte dégénération : perte des blocs chromatiques, struc-

ture spongieuse du plasma, noyaux gonflés ou très petits, ronds ou déformés.

Beaucoup de cellules sont entourées de trabantzellen. Neurophagie très fré-

quente. Augmentation très forte des noyaux névrogliques : le type ordinaire,

parfois en groupes de 10 et plus. A côté de tous ces processus de dégénération

bien connus nous remarquons dans les couches profondes quelques noyaux se

distinguant par le volume de leur nucléole ; le plus souvent c'est un seul nu-

cléole qui prend des dimensions considérables, le reste du noyau est très pauvre

en nucléïne, parfois il y a deux amas chromatiques ou plus. Dans la couche des

cellules fusiformes ces noyaux ont des dimensions énormes, dépassant le type

ordinaire plusieurs fois. Ce sont encore des vésicules claires, à formes plutôt

rondes, ovales ou irrégulières ; il y a un petit nombre de grains chromatiques,

dont l'un est souvent très grand et déformé. Dans la proximité immédiate de

ces noyaux se trouve un petit amas d'uu pigment jaune.

L'intérêt que présentent nos deux cas est pour le premier d'ordre cli-

nique et anatomique ; pour le second, où à côté de la cirrhose hépatique

existait une tuberculose pulmonaire et où le délire était le seul symptôme

d'une lésion des centres nerveux, l'intérêt est surtout d'ordre anatomique.

Le premier malade a beaucoup de traits communs à certains cas, décrits

sous l'étiquette de la « pseudosclérose » ; il y a la somnolence, les crises

d'irritabilité, les trémulations; anatomiquement la présence des grands

noyaux névrogliques clairs et déformés dans l'écorce et surtout dans les

ganglions centraux et dans les noyaux dentelés le rapproche également de

ces cas.

Il y a encore une certaine ressemblance avec les cas de Gowers,

Wilson, etc. Mentionnons les foyers de désintégration dans les ganglions

centraux, qui ne ressemblent nullement à l'image du ramollissement

ordinaire.

Mais de l'autre côté mon premier cas est séparé de ces deux groupes

par des caractères essentiels. Rappelons seulement l'âge plus avancé,

l'ictère prononcé et la somnolence extrême.

Quant à notre deuxième cas, comme signe de la lésion des centres ner-

veux, il ne présentait que les altérations psychiques (le délire de persécu-

CIRRHOSE HÉPATIQUE AVEC ALTÉRATIONS DES CENTRES NERVEUX 51

tion), dont la valeur est encore diminuée par l'infection tuberculeuse.

Comme dans mon premier cas il y a atrophie de la glande thyroïde et

des testicules. Mais ce qui rapproche les deux cas surtout, c'est la présence

des grands noyaux clairs dans les couches profondes de l'écorce ; dans le

casKr... ils s'y limitent, dans le premier cas ils se présentent déjà dans

les couches supérieures.

CONCLUSIONS.

Chez des gens à un âge moyennement avancé, 45 et 59 ans, une

cirrhose du foie, se combinant d'une atrophie des testicules et des glandes

thyroïdes, peut se développer, donnant naissance à des altérations graves

dans les centres nerveux.

Cliniquement ces cas peuvent se manifester par des symptômes d'ordre

psychique et somatique.

En opposition- au type classique, où l'affection cérébrale se manifeste

d'une manière brutale au cours de la cirrhose hépatique, la maladie ner-

veuse s'est développée dans nos deux cas d'une manière chronique.

MALADIE DE RAYNAUD TRANSITOIRE, A LOCALISATIONS

PEU COMMUNES, CHEZ UNE DÉMENTE,

· PAR MM.

L. MARCHAND et F. USSE

Médecin en chef Interne.

de la Maison Nationale de Charenton.

Depuis la thèse de Maurice Raynaud (1) (1862), on a rapporté bien

des cas de gangrène symétrique des extrémités, passagère ou durable, ob-

servés chez des aliénés (2). Ce trouble essentiellement somatique peut

s'associer à tous les syndromes mentaux, mais il semble particulièrement

fréquent chez les déments précoces (3). L'observation ci-dessous en est

un exemple nouveau et tire son principal intérêt de l'apparition tardive,

des localisations exceptionnelles, de l'évolution rapide et bénigne des lé-

sions d'origine asphyxique.

Observation (PI. XIII).

1

Mme R... 56 ans, maîtresse de lavoir, est entrée z la Maison Nationale le

12 juin 1903 pour « un état d'aliénation mentale caractérisée par de l'agitation

maniaque,des actes désordonnés, des idées dénégation, du refus des aliments,

de l'insomnie, etc. » (certificat d'entrée).

Dans les antécédents familiaux, nous relevons qu'une soeur de la malade a

été internée pendant deux mois pour un accès confusionnel survenu après la

mort de son mari.

Mme R... n'aurait jamais présenté de troubles morbides avant le début de la

psychose actuelle. Mariée deux fois, sans enfant, elle aurait fait preuve jusqu'à

la quarantaine d'un caractère excellent, d'une intelligence vive et d'une par-

faite constitution physique.

Il semble, au dire du mari, que la malade soit tombée assez rapidement dans

l'état de démence,avec alternatives mal tranchées d'excitation et de dépression,

qu'elle présente actuellement. En tout cas, dès le début de son séjour ici, elle

s'est révélée totalement inaffective, inattentive, désorientée, incohérente, né-

gativiste et stéréotypée.

Ces signes de profonde perturbation psychique et motrice, joints à des alter-

natives excito-dépressives, des idées délirantes mobiles et contradictoires, nous

autorisent à rapprocher ce cas de certaines formes de démence vésanique.

(1) M. Rainaud, Th. Paris, 1862-1863, n 36. ,

(2) V. 1 1TT1, Traité de la folie à double forme, Paris 1883.

(3) Dîne et TiEi,sT, cités par lTlle PASCAL. - La démente précoce, Paris, Alcan, 1911.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPF;1RIIkRE.

T. XXVII. Pl. XIII

MALADIE DE RAYNAUD TRANSITOIRE

CHEZ UNE DÉMENTE

(L. Marchand cl F. Usse).

.MALADIE DE RAYNA[D TRANSITOIRE, A LOCALISATIONS PEU COMMUNES 53

. C'est au commencement de mai 1913 qu'ont apparu pour la première fois,

«liez notre malade, des symptômes d'asphyxie locale symétrique des extrémités.

des troubles ont assez vite progressé, au point de réaliser en huit jours leur

plus grand développement. Les extrémités prises furent successivement les

pieds, le nez et les coudes.

C'est au niveau des pieds que nous avons observé les lésions les plus mar-

quées (Pl. XIII). Tout à fait typique au pied droit, l'asphyxie locale s'est com-

pliquée, à gauche, de petites phlyctènes avec lymphangite secondaire au niveau

du 3e orteil (et ceci explique l'aspect un peu différent des deux pieds sur la

photographie ci-coutre). t'

En fait, des deux côtés, les altérations primitives consistaient en une rougeur

et un gonflement très net de la dernière phalange de tous les orteils ; ces alté-

rations étaient un peu plus marquées au niveau des deuxième et quatrième

orteils où la teinte asphyxique plus foncée, noire violacée, empiétait davantage

sur le bord externe.

Les ongles étaient érodés, voussures, comme hippocratiques. En second lieu

la pointe du nez avait pris une teinte rouge violacé sur une hauteur moyenne

.de 8 millimètres, un peu plus étendue cependant du côté gauche. De petits

points acuminés plus foncés parsemaient cette surface cutanée asphyxique.

Enfin nous avons observé une coloration rougeâtre de la peau à la face pos-

térieure des coudes droit et gauche sur une hauteur d'environ trois travers de

doigt. '

Rien d'analogue à ce moment au niveau des deux mains ou des doigts, des

genoux, des oreilles ou des paupières. Ces diverses modifications étaient

accompagnées d'une hypothermie locale, surtout décelable au niveau des orteils,

mais on ne notait aucun trouble évident de la sensibilité objective locale, pas

plus que des modifications nettes de la tension artérielle ou du pouls, tant

pédieux que radial. Tous les réflexes étaient normaux, même les réflexes cutanés

plantaires.

Comme autres signes physiques, nous n'avons relevé chez Mme R... qu'une

cicatrice d'othématome à l'oreille gauche, et une cataracte de l'oeil gauche.

Aucun trouble apparent des sécrétions glandulaires internes; aucune modi-

fication objective des glandes accessibles, en particulier du coi ps thyroïde.

L'état général de la malade est toujours resté satisfaisant, sans fièvre, ni truu-

bles viscéraux quelconques.

Sous l'influence du repos forcé au lit, les signes d'asphyxie locale que nous

venons de décrire ont subi une régression assez rapide. Au bout de trois semai-

nes les téguments de l'extrémité des orteils et du nez ainsi que la peau du

coude avait repris même aspect, même température, même souplesse et tonicité

que les régions avoisinantes : il n'y eut ni trophedème ni sclérodermie consé-

cutifs.

En juillet 1913, c'est-à-dire plus d'un mois après cet épisode asphyxique,

la malade a présenté des phénomènes analogues au niveau des deux yeux. Cette

fois la rougeur locale a débuté sur la conjonctive de l'oeil gauche, égarant d'a-

ord notre diaguostic. Bientôt cependant la conjonctive opposée s'est injectée,

54 ' MARCHAND 'ET USSE .

les deux paupières supérieures ont pris une teinte cyanosée assez facile à dis-

tinguer des couleurs ecchymotiques ; pendant quelques jours il s'est développé

un léger état de boursouflure avec quelques petites phlyctènes. Ces symptômes

n'ont été accompagnés d'aucune autre manifestation d'asphyxie locale et ont

disparu sans traitement en moins de deux semaines.

Depuis sept mois, et en dépit de froids rigoureux, la malade n'a présenté

aucun trouble physique analogue ; son état mental ne semble pas avoir subi

de variations parallèles ou consécutives aux troubles somatiques que nous

venons de rapporter.

Voici donc une malade, internée depuis dix ans pour troubles démen-

tiels, qui a présenté, à un mois d'intervalle, deux crises d'asphyxie locale

symétrique intermittente, sans autre perturbation physique apparente ni

modification notable de son état mental. La première de ces crises a donné

lieu à des localisations multiples ; les lésions siégeaient en elfet, par ordre

d'importance et de gravité, au niveau des orteils, du nez et des coudes.

Le second accès, plus bénin, ne s'est localisé qu'aux paupières et aux

conjonctives, et le diagnostic n'en était guère possible que grâce à la no-

tion de l'accès antérieur.

Nous ne voulons retenir de cette observation que la localisation possible

des phénomènes d'asphyxie symétrique aux paupières et à la face posté-

rieure des coudes, sièges vraisemblablement très exceptionnels, puisqu'on

ne les trouve signalés ni par Maurice Raynaud, ni par les classiques (1).

Quant à préjuger de la pathogénie des troubles ci-dessus, nous croirions

téméraire d'avancer la moindre hypothèse en dehors de toute constatation

anatomique. Disons seulement qu'aucun trouble circulatoire objectif ne

peut faire songer à une affection cardiaque ou vasculaire locale ; on ne

relève en particulier aucun indice d'aplasie artérielle. D'autre part, rien ne

nous autorise à rattacher cette asphyxie locale passagère à des troubles des

glandes endocrines analogues à ceux qui ont été rapportés par MM. Voi-

venel et Fontaine au Congrès de Bruxelles (2). Il semble toujours que la

clinique, en associant ces phénomènes somatiques à des troubles psycho-

moteurs assez bien déterminés, nous permet de les attribuer à des pertur-

bations fonctionnelles d'ordre nerveux ; ces perturbations, au moment

des épisodes asphyxiques ci-dessus décrits, auraient avant tout porté sur

les éléments trophiques et vaso-moteurs des centres céréhro spinaux ou

mieux du sympathique, centres dont on commence à connaître certaines

localisations et les effets physiopathologiques (3).

(t) ACIIARD et Lévi, Traité GILUERT et TII01\OT, SéméIOlogie nerveuse, t. XXI.

(2) VtMVENEL et Fo.T<]NE,A pyopos (/eueMeso<Me ? 't)a<t'07t ! t.<em<tM<te (/e . a ?

(2) Essai et Fontaine, A propos de quelques observations de maladie de M. Ray-

naud. Essai d'une pathogénie nouvelle (XXe Congrès belge Neurol. et Psych. Bruxel-

les, août 1910).

(3) LAIGEL-AVAsnNK, Les sympùthoses, P. M., 20 septembre 1913.

ARRÊT DU POULS DANS LA NÉVROSE TRAUMATIQUE, "

PAR

Lad. HASKOVEC.

(de Pr.igue)

J'ai examiné avec M. A. Vesely le cas suivant dans lequel nous avons

recherché, comme je le fais ordinairement dans les maladies nerveuses,

d'origine traumatique, le symptôme de Mannkopf. Le pouls a subitement

disparu quand on a exercé une pression sur le nerf susorbitaire dou-

loureux, et est reparu aussitôt que la pression a cessé.

Voici le cas : '

V. H..., 46 ans, commerçant, marié. Père vivant, bien portant. Mère

morte. Parenté bien portante. Lui-même toujours bien portant. Pas de syphilis,

pas d'alcoolisme, 4 enfants bien portants.

En 1906, dans un accident de.chemin.de fer, a reçu une commotion grave au

cerveau avec perte de la connaissance, vomissements et amnésie consécutive.

Après le traumatisme, somnolence, ralentissement du pouls qui devient plus

tard très labile. Symptômes de Mannkopf et d'Erben, grandes douleurs, diplo-

pie, prononciation altérée, rigidité des muscles des extrémités inférieures.

Emotivité exagérée, humeur changeant, lassitude.

Au moment : de notre examen, en 1908, l'homme est de taille élevée ; il a

l'ossature forte et est obèse. La face est hyperémiée, anxieuse. L'innervation

faciale affaiblie des deux côtés, l'innervation des bulbes oculaires et des pupil-

les normale. La langue chargée, tremble un peu. La percussion de la tempe

gauche produit une douleur excessive. Les nerfs sus et sous-orbitaires sont

sensibles. Léger tremblement des extrémités supérieures. Rigidité des mus-

cles de la jambe. Pouls plein, régulier, 82 pulsations par minute en station ver-

ticale et 78 en station horizontale. Pas de troubles de la sensibilité cutanée.

Réflexes rotuliens très augmentés. Pas de troubles des organes de la poitrine

ni de l'abdomen. Trébuchement et bégaiement. Mémoire altérée, amnésie, émo-

tivité exagérée. Pendant la pression sur le nerf sus-orbitaire le pouls dispa-

raît subitement et revient dès que la pression cesse. ,

J'ai observé ce phénomène dans d'autres cas (J ) dans mon service à l'hô-

pital de la Pitié à Prague.

(1) Voir mes articles « Déviation latérale des doigts de la main » et « Pseudogibbus

après effort musculaire » publiés dans le Casopis ceekych lékaru et Revue neuro-

psychopathologique tchèque, etc., 1911.

56 HASKOVEC. ARRÊT DU POULS DANS LA NÉVROSE TRAU1%IATIQUE

Les voici :

Ch. J..., ouvrier de 34 ans. Père alcoolique, mort de tuberculose pulmo-

naire, mère qui toussait, morte subitement. De 5 consanguins, deux morts

d'une maladie inconnue ; un autre mort de froid étant ivre.

Le malade, alcoolique, a toujours été bien portant.

Le 9 décembre 1908, accident ; le malade en poussant un vagonnet a glissé

et est tombé. Il s'est blessé au genou gauche et le vagonnet lui a passé sur les

doigts de la main droite. Depuis cette époque, douleurs de la main droite ;

de temps en temps douleurs de la jambe gauche pendant la marche devenue

difficile. -

Examen le 5 février 1909 ; main droite livide, à la partie charnue de la

phalangette de l'index droit,cicatrice douloureuse avec perte de l'ongle. La peau

de cette phalangette est mince et sensible. Doigts de la main droite en flexion

et.abduction légère. Pouce droit en extension et abduction légère. Tronc ner-

veux de l'extrémité supérieure droite douloureux à la pression. Tremblement

de l'extrémité supérieure droite, la main droite transpire beaucoup et enfle

de temps en temps. Hyperesthésie de l'index et hypoesthésie des autres doigts

de la main droite.' Hypoesthésie et paraesthésie de la jambe gauche dont le vo-

plume a un peu diminué. Réflexe rotulien droit plus vif que le gauche.

Pendant la recherche du symptôme de Mannkopf le pouls diminue pour

disparaître.

B. F..., 43 ans, marié, employé de chemin de fer, toujours bien portant. En

z il est tombé sur le dos, a ressenti ensuite des douleurs dans la région sa-

crée qui le forcèrent à marcher courbé pendant quelque temps. Il reprit après

4-5 semaines son poste qu'il conserva jusqu'en 1908 où il eut un nouvel acci-

dent. En aidant à enlever une paroi très lourde d'un vagon de marchandises il

ressentit une violente douleur dans la région sacrée, semblable à un déchire-

ment, il eut des bourdonnements et des éblouissements il s'affaiblit comme

s'il allait tomber et son corps se couvrit de sueur. Les douleurs de la région sa-

crée persistèrent, elles s'accroissaient pendant la marche. Douleurs de la tête.

La névrose traumatique avec rigidité de la colonne vertébrale et cyphose s'est

développée ensuite. Pouls 96 dans la position couchée et 102 dans la posi-

sition debout. Pendant la pression ur la région sacrée ou quand on force

le malade à se redresser le pouls diminue jusqu'à devenir presque insen-

sible.

La disparition du pouls pendant la recherche du symptôme de Mannkopf

est certainement un indice objectif d'une irradiation et d'une labilité

pathologique de l'innervation vasomotrice et d'une disposition maladive

de l'individu examiné. Ce phénomène forme, comme la différence de tempé-

rature cutanée ou de pression intraartPrielle entre le côté sain et le c4té

atteint et le réflexe glutéal unilatéral, un des symptômes objectifs de la

névrose traumatique.

Nouvelle Iconographie de la S.Lri'11t11RF.

T. XXVII. Pl. XI\'

UN BEC-DE-LIVRE EN PEINTURE

École Hollandaise (2. moitié du XVII. siècle).

(Henry Meige)

UN BEC-DE-LIÈVRE EN PEI

ET QUELQUES REMARQUES SUR LA CONFORMATION DES LÈVRES ,

PAR

HENRY MEIGE.

Au mois de mai 1909, M. le Professeur D' W. Martin, directeur-

adjoint au musée royal de tableaux de la Haye,a eu la grande amabilité de

m'adresser la photographie d'un tableau appartenant à Al. E. de Rooiy, à

Nijkerk (Hollande).On en trouvera ci-joint la reproduction (PI. XIV) (1).

C'est une peinture de l'école hollandaise du milieu du XVII' siècle

représentant une fillette aflligée d'un bec-de-lièvre.

Malgré l'exceptionnelle rareté d'un tel document, j'ai voulu, avant de

le faire connaître, rechercher s'il existait en peinture des figurations ana-

logues. Je n'en ai trouvé aucune. ,

L'artiste qui a mis son talent au service de cette difformité est demeuré

.anonyme. On doit louer la fermeté de son dessin, et surtout sa scrupuleuse

observation de la vérité tératologique. Nul doute qu'il ait fait un portrait

ressemblant de son jeune modèle ; pour ses seules qualités picturales celle

oeuvre d'art offre de l'intérêt.

. , 1

Mais s'agit-il vraiment d'un portrait destiné à perpétuer les traits d'une

enfant dans une galerie familiale ? On peut en douter. Les portraitistes

s'efforcent d'atténuer les malformations disgracieuses, même légères. Ici,

au contraire, l'infirmité s'exhibe brutalement.

C'est bien le bec-de-lièvre, unilatéral, et selon la règle, il siège à

gauche. 1

La lèvre supérieure apparaît divisée jusqu'au voisinage de la narine.

Les bords de la division circonscrivent un espace triangulaire à base

inférieure, au milieu duquel brillent les incisives. Et ces bords ont la

couleur et l'aspect du bord rouge des lèvres, surtout du côté droit.

Ce bec-de-lièvre est-il simple ou compliqué ? Ne frappe-t-il que les par-

ties molles ou bien la fissure,s'étend-elle,en profondeur dans le maxil-

(1) Je tiens à exprimer mes remerciements personnels, avec ceux de la Nouvelle

Iconographie de la Salpêtrière', au possesseur de cette oeuvre, d'art, qui a bien vculu

en autoriser la reproduction, ainsi qu'à celui qui m'a permis de la connaître. 1

38 NEIGE

Jaire ? Il est malaisé de se prononcer. L'implantation des dents est cer-

vainement défectueuse, mais on ne saurait affirmer que l'os est profon-

dément divisé.

Quoi qu'il en soit, ce qu'on voit de la difformité est représenté avec

une exactitude si rigoureuse qu'on est conduit à se demander si cette

peinture n'a pas été exécutée spécialement dans le bat de faire connaître

celle malformation à titre documentaire ou en vue de renseignement.

Elle n'en offre que plus d'attraits pour le médecin, les documents pic-

turaux de ce genre étant extrêmement rares.

Par une coïncidence, qui peut-être n'est pas fortuite, un muezzin

hollandais, Roonhnysen, a publié en 16 ? , à Amsterdam, un ouvrage inti-

tulé Gênées en heelkonstinge Aallmerkillgen, où, pour la première fois, le

bec-de-lièvre est étudié avec détails ainsi que son traitement. Avant lui, on

ne connaît guère que les écrits d'A. Paré consacrés an detbinea lritmsra et

ceux de Franco sur la « lèvre fendue de nativité , car il n'est pas certain

que le lagocheilos de Galien et les labia disrupta de Paul d7f;itne &e rap-

portant au bec-de-lièvre.

Donc, en Hollande, et dans la seconde* moitié daueile, tabsc-ês-

lièvre fut l'objet d'une étude, alors presque tonte nouvelle. L" : æ11&11l1li@J ! D.

se parlant sur cette difformité, il est permis de supposer q1DLel mmerim

hollandais, et peut-être Roonhabysen lui-même, ont voulu oe : : ls ? ITOE1r pair

limage les exemples lombes sous lents jeux.

z défaut de la photographie, le dessin est venu d7abord en miss â la

clinique, témoins les illustrations des ouvrages médicara eus t'êpaqms- La

paimaM pouvait, mieux encore, rendre ce service, pci3qwL'eU 11Jr1t ;à

la fois les contours elles ool1lleurs.D< : Im; tous les centras d'em : Icimloe11DJ.lt-

la Jr ? lM¡ne. elle été, elle est encore, utilisée.

Telle $ : l.1lS doute, l'origine dd à curieux pciteîl.

La i-atewàss, in.fru.ctue1(l d'ailtears da 1ffi.altiiiID]jJl-S OES

1l1t.fl1.Jtti;Q ! I.mlt ta fesanfe lièvre, m'a OOIDlrili.W.1t à fmw iJDl<cii¡¡J¡OEmm).IimIIlt 1ffi.11l11 ! 1W : ;

(¡]1J ! ls sar h ! OOnrQ)¡n111l111o. te lèvres &Ei5 la matai© et ¡¡J¡aul1 ? TmfL Jfô

te mrllnroe¡ >laür ? d,.

chez CtÕTbiliiJ.3; sîa|©8,s^ les 1W11>;" r 6nrx d S" : JJfOOIDUOE';Il' sm' tmll/oe RlIlkm1-

{gaaair en tesur iraJiswI : Qj»Jii ! 11111l-'3 ? rJJ.@i ! LII1t feltamte ils <fe ij"ilIl4lllnæ..

11DIn 1lIDltL «ii.'3 ))"<M4f& lliI11 ! loollll joatt temiiir JPlI11 ! furon : -s

«arasas»

1l'JJ)ll1t 1 .s'agit ! bmii0'10 <1\TJj¡;¡¡II(¡)) . Rll fera© t ! 1lJ)Ffmi «piL,

rfum¡¡ : mil ? ({Jill iimMillIfu;1t tili\v.1clj dtHm".N ! uiM<i3 <ït

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t&JD t : : c¡;fit¡ J¡Et(jrr>XliflÏEtl ! l\upPonp]1¡rutinw ? . ,

Lâ tssfd S l'b9rfiP ? â4ëe bIGle dré fil9ï ? t'teduf,i' 1141 ? ei dn S ?

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Pge>itsietl ? üme9ducPleerlcdt : ll(üéi31cli>tl ? ? PnINli ? n.

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f uf¡j 1) io àni PW : fu r Ml\ ! Lfle ? 915 dUW..F\'gl ! illl Fa ! il b ÍiI.\.X .

LdeWl3ealt dt ! leoPüIoF91ïj ? clsiu ! s&c.eïsrSeIdILi,l ? 9e-

1 id iù;rl imri Wtda .

60 MMGË

Le développement exagéré du tubercule médian est, d'ailleurs, presque

normal chez l'enfant, mais s'atténue généralement avec l'âge. Cependant

certains sujets conservent un contour labial où se reconnaissent les traces

des trois bourgeons embryonnaires.

Nombre d'artistes ont figuré des lèvres qui se rapprochent de ce type

morphologique, notamment les primitifs italiens et allemands.

On peut voir un beau specimen de lèvre en parenthèse sur un des per-

sonnages de L'Adoration des Mages (1) de Botticelli que l'on considère

comme le propre portrait du peintre.

(1) Gai. des Offices, à Florence.

Le gérant : P. Bouchez.

Imp. J. Thevenot, Saint-Dizier (Haute-Marne).

LABORATOIRE DE LA CLINIQUE MÉDICALE DE GE :

(Professeur I. L. BAIID) @

SUR LES DÉGÉNÉRESCENCES ASCENDANTES

CONSÉCUTIVES A UNE LÉSION

DE LA MOELLE CERVICALE

Par

Ed. LONG.

Communication faite à la Société de Neurologie de Paris

(Séance du 29 janvier 1914).

Les indications les plus ptécises que nous avons sur les connexions de

la moelle épinière avec l'encéphale ont été obtenues par la méthode de

Marchi appliquée à l'élude des dégénérescences secondaires. Les tra-

vaux qui traitent de ce sujet proviennent pour la plupart d'expériences

sur les animaux, un plus petit nombre de la pathologie humaine. A ces

derniers, nous ajoutons ici l'examen des, dégénérescences secondaires

consécutives à une lésion de la moelle cervicale. Nous nous occuperons

spécialement, dans ce travail, des dégénérescences ascendantes en grou-

pant à côté de notre description les faits semblables publiés dans la litté-

rature médicale.

Malgré l'importance incontestable des travaux expérimentaux de

Molt (1), Kohnstamm, Bocleuelc,Troschin,lYlarbur, lalinowsl;y,()uensel,

Munzer et Wiener, Rotlnnann, etc., il nous a paru nécessaire de ne

mettre en parallèle que des observations anatomiquement comparables,

en retenant celles qui portent sur les voies ascendantes spinales, leurs

con nexions elleurs terminaisons chez l'homme.

Les travaux qui traitent de ce sujet ne sont pas très nombreux, car

beaucoup d'examens hislologiques, consacrés à la voie pyramidale et

aux cordons postérieurs ne dépassent pas les limites de la moelle et ne

poursuivent pas au-delà les dégénérescences des cordons autéro-laléraux.

Pour l'étude des connexions avec les segments supramédullaires, on

(1) Les indications bibliographiques des textes cités sont renvoyées à la fin de cet

article et classées par ordre alphabétique. On y trouvera aussi les indicalions géné-

rales pour les légendes des figures.

xxvii si

62 LONG z

trouve le travail de Schaffer qui comporte un examen du bulbe ; ceux de

Hoche,Worotynski, Bruce, André-.Thomas, Lassletl et Warringlon, P.Ste-

wart, Petren, Dydinski, Bikeles, R. Hunt, Bing, remontent jusqu'au cer-

velet et par la protubérance jusqu'à la région des tubercules quadriju-

meaux ; ceux de v. Solder, Quensel, Rossolimo, Amabilino, Henneberg,

Thiele et Horsley, Bumke, Blumenan, Choroschko, K. Golstein, suivent

les dégénérescences jusqu'à la région sous-optique et au thalamus (1).

Dans notre observation il s'agissait d'un tubercule solitaire, à locali-

sation unilatérale, et dont les manifestations symptomatiques, d'abord im-

précises, s'affirmèrent ensuite sous la forme d'un syndrome de Brown-

Séquard. La durée de la maladie fut d'environ trois.mois. L'autopsie a

été faite dix heures après la mort, à l'Institut pathologique de Genève,

par M. le professeur Askanazy qui a eu l'obligeance de nous remettre la

moelle et le cerveau. A l'ouverture de la cavité rachidienne, l'examen

macroscopique ne révèle ni lésions des vertèbres, ni pachyméningite, ni

adhérences des méninges internes. La moelle cervicale est déformée au ni-

veau de son renflement, dont la moitié droite est tuméfiée et fluctuante

sous la pression digitale.

Après durcissement de la pièce par le formol et coloration par le Mar-

chi, le Weigert-Pal, le Van Gieson on trouve un gros tubercule soli-

taire de forme ovoïde, dont la partie centrale est caséifiée. Par l'examen

en série des coupes, suivies de haut en bas, on voit apparaître ce tuber-

cule (PI.1V f9. A) dans la partie moyenne du segment C , où il occupe le

fond du cordon latéral droit et empiète sur la substance grise adjacente.

Ses limites sont nettes, en apparence, mais il est entouré d'une zone

dans laquelle les fibres nerveuses sont démyélinisées, les cellules ner-

veuses et névrogliques moins visibles et entourées d'éléments inflamma-

toires et de vacuoles.

Plus bas le tubercule augmente rapidement de volume (fig. 6) envahis-

sant à la fois, dans la moitié droite de la moelle, la substance grise (cornes

antérieure et postérieure) et la substance blanche.

Son développement maximum se trouve dans le segment Cc (P1.1V, fig.

B). Ici, la moitié droite de la moelle n'est plus représentée que par un peu

de substance blanche, étalée la périphérie de la masse caséeuse. La moi-

tié gauche est déformée, en partie comprimée ; le cordon postérieur, dans

(1) On trouve dans Schauer, Hoche, Quensel, Bruce, André-Thomas, Rossolimo, Ama-

bilino, Thiele et Horsley, Il. Stewart, Dydinski, Bing, Kafka, K. Goldstein des dessins

ou photographies donnant un relevé des dégénérescences secondaires étudiées par la

méthode de Marchi.Nous avons joint à la bibliographie le travail de Patrick qui a

suivi avec la méthode de Weigert et dèssiné les dégénérescences jusqu'aux tubercules

quadrijumeaux.

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XXVI Pl. XV

Cs

Cfi r,

C r,

DÉGÉNÉRESCENCE ASCENDANTE CONSÉCUTIVE A UNE LÉSION

DE LA MOELLE CERVICALE

(E. Long).

DÉGÉNÉRESCENCES ASCENDANTES DE LA MOELLE CERVICALE 63

sa partie centrale, est criblé de vacuoles; on observe, à la périphérie du

cordon latéral gauche, une petite zone marginale nécrosée, qui est le

pointde départ d'une dégénérescence secondaire dont le trajet sera dé-

crit ultérieurement.

Au-dessous de ce plan, le tubercule solitaire diminue progressivement

de volume; son pôle inférieur est situé.dans la partie moyenne du seg-

ment C7 où il occupe la substance grise intermédiaire aux cornes anté-

rieure et postérieure (PI. XV fig. C).

Au total, et l'élude des dégénérescences secondaires le confirme, la

lésion a atteint surtout la moitié droite de la moelle ; elle a eu, en outre,

un certain retentissement sur la moitié opposée (compression, troubles

circulatoires). Cependant, la nature même de cette lésion ne permet pas

de délimiter avec certitude ce qui, du tissu nerveux, a été réellement

détruit ou simplement déplacé ; ainsi, l'examen de la figure B ne permet

pas de conclure à la suppression de toute la substance blanche qui a

perdu sa forme ou sa coloration normale.

Les dégénérescences secondaires ont été démontrées par la méthode de

Marchi avec la plus grande netteté (fit. 1-22) contrairement aux craintes

que l'on doit avoir en pareil cas. En effet, lorsque le tissu nerveux subit

une compression exercée par. une masse in(lammatoire,ü plus forte raison

suppurée (tubercules caséeux, abcès de diverses orignes) l'acide osmique

n'a plus la même fixation élective sur les fragments de myéline dégénérée ;

les fibres nerveuses normales, et les tissus interstitiels, en absorbent

aussi même loin du foyer, et l'interprétation des coupes colorées par la

méthode de Marchi esl parfois difficile.

Cette difficulté d'interprétation ne se retrouve que dans une région

très limitée, au-dessous de la lésion seulement et il est intéressant de

noter qu'il ne s'agit pas d'une imbibition massive partant du tubercule,

mais d'une altération produite à distance par des produits toxiques. Ainsi,

en suivant la série des figures 1 à 5, qui représentent plusieurs étages de

la moelle étudiée dans le sens descendant, on observe successivement (1) :

dans le segment C8 une imprégnation diffuse (fig. 1) qui atteint jus-

qu'aux racines antérieures et postérieures ; l'asymétrie des dégénérescen-

ces ans les de ux moitiés de la moelle est à peine visible ;

(1) Les figures qui accompagnent ce texte ont été faites en relevant par un appa-

reil de projection les contours des coupes et les principaux points de repère ; les

dégénérescences secondaires sont indiquées par des points noirs plus ou moins nom-

breux. Dans toutes les figures, les cornes antérieures de la moelle ou l'étage anté-

rieur de l'isthme de l'encéphale sont placés en bas ; la moitié droite du névraxe cor-

respond donc au côté gauche du dessin.

)4 LONG

ED. LONG ' PL. XVI

1'10. 1. - begm. C8

Fic,. 2. - Segm. Dl

1

1 Via. 3. - Segm. D3

Fie. 4. - Segm. D7

ric. 5. - Segm. L2

DÉGÉNÉRESCENCES ASCENDANTES DE LA MOELLE CERVICALE 65

le segment Dl libéré de cet élément accessoire, avec des dégénéres-

cences secondaires exactement systématisées, proportionnellement à l'é-

tendue des lésions primitives (fig. 2) ;

dans les segments D,, D3, 1) ? une réapparition des précipités osmi-

ques anormaux, un peu moins diffus que dans Cs et avec une localisa-

tion prédominante sur la périphérie de la moelle et les racines (fig. 3) ;

au delà (fig. 4 et 5) dans le reste de la moelle dorsale et le renflement

lombaire, on ne trouve aucune trace d'une imprégnation surajoutée.

En faisant abstraction de ce facteur anormal, les dégénérescences secon-

daires descendantes intéressent :

'1) dans les cordons antero-lall1'aux, les faisceaux pyramidaux direct

et croisé jusque dans les segments lomho-sacrés, la zone prépyramidale,

le faisceau antérolatéral descendant, et quelques fibres des cordons ;i plus

court trajet, disséminées autour de la corne antérieure ;

2) dans les cordons postérieurs : a; une bande placée dans le cordon de

Burdach (virgule de Schulze) dont la partie antérieure et profonde a un

plus long trajet que les segments moyen et postérieur : b) le long du sil-

lon médian postérieur, un champ ovale, visible jusque dans la moelle

dorsale inférieure.

Nous n'insistons pas davantage sur l'état des régions sous-jacentes à la

lésion, ce travail étant plus spécialement desliné à l'étude des dégénéres-

cences ascendanles.

Les dégénérescences ascendantes ont été suivies sans interruption ci tra-

vers la moelle cervicale et l'isthme de l'encéphale jusqu'à la couche opti-

que. La série des figures 7-22 nous dispensera d'une description analyti-

que des coupes qui serait fort longue et nous permettra de résumer les

dégénérescences des divers systèmes de fibres.

On ne trouve, au-dessus de la lésion, aucune imprégnation anormale de

la substance nerveuse ; la vacuolisation et la diffusion des grains noirs

n'existe qu'au contact du tubercule (fig. 6) et cesse avec lui. Au-dessus

les dégénérescences secondaires apparaissent avec une répartition et une in-

tensité correspondant à la localisation des lésions causales (compression,

nécrose).

Au départ (fig. 7) elles occupent :

10 dans les cordons postérieurs, les zones moyennes et externes des

faisceaux de Burdach et quelques fascicules profonds et centraux des fais-

ceaux de Goll ; la zone marginale esl indemne ;

2° le cordon antéro-lalérral droit, à l'exception de la partie postérieure

du cordon latéral et de la zone marginale du cordon antérieur.

3° dans le cordon anté1'o-laléral gauche, le faisceau fondamental ne

66 LONG

contient que quelques grains disséminés, tandis qu'un amas dense se trouve

en un point limité de la zone marginale ; il représente la dégénérescence

ascendante, consécutive au foyer de nécrose signalé dans la photographie

du segment C7 (PI. XV, fig. B).

En partant de celle région, nous étudierons le trajet des fibres dégéné-

rées vers le bulbe, le cervelet, et par la formation réticulée pédoncl1lo-

protubérantielle jusqu'à la couche optique (1).

Trajet cervical et connexions intraspinales. - L'étude de la

moelle cervicale supérieure (fig. 7-10) comprend deux points intéressants :

d'une part, la disparition d'une notable proportion de fibres dégénérées

(voies courtes), d'autre part, un déplacement des fibres occupant la zone

des faisceaux cérébelleux.

La raréfaction des fibres ascendantes est surtout évidente dans l'intérieur

des cordons antéro-iatéraux ; celles qui occupent la zone du faisceau py-

ramidal croisé se massent dans la profondeur, près de la substance grise,

celles qui occupent le faisceau fondamental vont la périphérie. Les faces

ventrale et interne de la corne antérieure se dégarnissent progressivement,

tandis que sur la face externe, les fibres plus longues qui restent sont re-

poussées par l'apport de nouvelles fibres endogènes. Dans la moitié droite

delà moelle, elles arrivent ainsi par étapes successives à se joindre aux

fibres marginales avec lesquelles elles se confondent en arrivant au bulbe.

Dans la moitié gauche de la moelle, les fibres éparses dans le faisceau

fondamental disparaissent les unes après les autres, les plus longues pas-

sant au côté externe de la corne antérieure, et ne rejoignant pas la voie

cérébelleuse.

Le déplacement des fibres qui occupent la partie marginale des cordons

latéraux (zone des faisceaux cérébelleux) se fait d'avant en arrière

(fig. 7-11). Celte translation est déjà visible dans la moitié droite de la

moelle; elle est encore plus évidente pour la moitié gauche. De ce côté,

le groupe bien limité de grains noirs qui occupe au niveau du segment C,,

la zone du faisceau de Gowers (fig.7) atteint par un déplacement progressif

la tête de la corne postérieure, si bien que sur la figure 10 (segment Ci)

cette dégénérescence ascendante semble appartenir au faisceau cérébelleux x

direct. Or le trajet ultérieur de ses fibres montre qu'elles sont destinées

aussi à la voie du faisceau de Gowers.

Pour expliquer cette particularité, on pourrait invoquer le fait que,

fréquemment, dans la traversée des deuxième et troisième segments cervi-

caux, les fibres ascendantes marginales sont refoulées en avant par le

(1) Nous laisserons entièrement de côté la question de l'origine directe ou croisée de

ces divers systèmes de fibres : la nature de la lésion primitive et ses limites impré-

cises ne permettent aucune investigation à cet égard.

DÉGÉNÉRESCENCES ASCENDANTES DE LA MOELLE CERVICALE 67

ED. LONG . PL. XVII

Fis. 6. - Partie supérieure du segm. C6

f ic. 7. - Segm. CI,

Fic.. 8. - Segm. C3

Fio. 9. - Segm. C2

Fio. 10. - Segm. CI

68 LONG

passage du faisceau pyramidal croisé qui, à ce niveau, s'étale jusqu'à la

surface de la moelle.-

On trouve cette disposition anatomique dessinée par Schaffer dans la

figure 8 de son mémoire, par Hoche (PI. IX, fig. 1), André Thomas

(fig. 67), Bruce (fig. 1), Kafka (Hg. des pages 227 et 238). Ziehen

(p. z) en fait mention et dit que les éludes sur la myélinisation d'après

la méthode de Flechsig démontrent aussi ce déplacement du faisceau

cérébelleux direct dans la moelle cervicale supérieure.

Ce n'est cependant qu'une explication insuffisante puisque ce déplace-

ment, d'ailleurs inconstant, ne porte que sur une partie des fibres du

faisceau cérébelleux direct, et sur un court trajet. Au contraire dans notre

observation, des- fibres qui occupent déjà en Ce et Ci, la zone du faisceau

de Gowers, sont transférées dans la partie postérieure du faisceau céré-

belleux direct, passant ainsi d'un faisceau à l'autre. Cette évolution des

fibres marginales latérales est mise en évidence, du côté gauche, par

l'étroitesse de la bande nécrosée, car l'arrivée de ces fibres au milieu des

fascicules postérieurs du faisceau cérébelleux direct n'est pas masquée

par la dégénérescence de ces derniers.

A droite, le même mouvement de translation se produit, moins visible

en raison du plus grand nombre d'éléments dégénérés; les fibres margi-

nales postérieures d'abord distantes de la corne postérieure (fig. 7) arri-

vent en contact avec elle (fig. 10) tandis que la zone du faisceau.de Go-

wers reçoit l'appoint de nouvelles fibres venues du faisceau fondamental.

- Connexions spino-b¡tlbai1'es.- Le fibres dégéérées qui s'arrêtent

dans le bulbe y arrivent par les cordons postérieurs, par la voie pyrami-

dale et par les cordons latéraux.

a) Terminaison bulbaire des fibres des cordons postérieurs (fi. 11-13).

Elle se fait suivant les lois qui règlent la systématisation de ces cor-

dons (voir Dejerine et André-Thomas, p. 81 et suiv.).

Les fibres des faisceaux de Goll se terminent les premières dans les

noyaux correspondants; celles des faisceaux de Burdach, lésées au niveau

du renflement cervical et refoulées par l'arrivée des racines cervicales

supérieures ne passent pas dans le faisceau de Goll, ; elles se terminent

plus haut, dans les noyaux des cordons de Burdach et vont jusqu'à la

substance grise placée entre le faisceau solitaire, le corps j axta-l'esti fonne,

et le corps restiforme (fig. 13).

Nous signalons sur les figures 10, 11, 12, de petits fascicules qui,

dans la partie inférieure du bulbe, cheminent isolément à la surface des

cornes postérieures et de la racine descendante du trijumeau. Hoche et

d'autres auteurs après lui ont observé une disposition semblable et la con-

sidèrent comme un passage direct des cordons postérieurs aux voies cé-

1 .

DÉGÉNÉRESCENCES ASCENDANTES DE LA MOELLE CERVICALE 69

rébelleuses par les fibres arciformes externes. Cette interprétation a été

contestée par Mott, Bruce, etc... Il nous semble également que, dans notre

cas du moins, une autre explication s'impose : Nous voyons, en effet, en

suivant la série des coupes, que ces fascicules se détachent très bas, non

pas des cordons postérieurs, mais des cordons latéraux, et qu'ils se diri-

gent d'avant en arrière en suivant les fibres arciformes externes ; ils re-

présentent donc le début de la translation des fibres spino-cérébelleuses

vers le corps restiforme.

Nous n'avons pas non plus trouvé de connexions direcles des cordons

postérieurs avec les voies cérébelleuses par des fibres arciformes internes,

disposition décrite par Hoche, Goldstein, etc.

b) Dégénérescence ascendante du faisceau pyramidal croisé. Parmi

le gros paquet de fibres dégénérées qui prend la voie du cordon latéral

pour aller au bulbe, il faut isoler un petit groupe qui occupe la zone pro-

fonde du faisceau pyramidal croisé ; il arrive au bulbe en passant par

la décussation inférieure, gagne la pyramide gauche (fig. H) et diminue

rapidement d'importance; ces fibres peu nombreuses et disséminées se

perdent dans la partie supérieure du bulbe; on ne les retrouve plus

dans la protubérance.

Cette dégénérescence ascendante d'une partie de la voie pyramidale a.

la suite de lésions spinales est bien connue. Quelques auteurs l'ont suivie

jusqu'à la moelle cervicale, d'autres dans la pyramide bulbaire, très peu

au-delà, dans la protubérance (Seul Chorosko a suivi la dégénérescence

ascendante du faisceau pyramidal jusqu'à la substance blanche sous-corti-

cale ; ce résultat qui demande une confirmation a été obtenu par la mé-

thode de Buscli).

S'agit-il vraiment d'une dégénérescence rétrograde de la voie pyrami-

claie, ou bien de fibres ascendantes mélangées à cette voie sur une partie

de son trajet ? Ce problème ne paraît pas résolu jusqu'à présent.

c) Connexions spino-hzelbaires par la voie des cordons latéraux. La

masse commune aux faisceaux cérébelleux et au faisceau fondamental,

arrivée au faisceau latéral du bulbe et au corps restiforme, au-dessus du

plan supérieur de l'entrecroisement pyramidal, émet par sa face interne

des fascicules qui pénètrent dans la substance grise bulbaire. Ces fibres

sont nombreuses et réparties sur un assez long trajet; en considérant

leur disposition sur les coupes, on peut les diviser en trois groupes net-

tement définis : '

1° Le premier groupe est formé par un semis abondant de grains noirs

étalé sur la face postérieure des olivesbulbaires. En suivant les coupes de

bas en haut (fig. 12, 13, 14, 15) on voit des fibres, parties du faisceau la-

téral du bulbe,occuper la partie antérieure de la substance réticulée grise et

70 LONG .

ED. LONG P1.. XVIII

Fic. 11

Fio. 12

Fin. 13

Fm. 14

DÉGÉNÉRESCENCES ASCENDANTES DE LA MOELLE CERVICALE 71

la capsule de l'olive, en entourant le noyau juxta-olivaire postérieur ; un

certain nombre d'entre elles pénètrent dans le bile de l'olive ; il semble

même, et nous l'avons indiqué sur nos dessins, que des fibres plus ténues

arrivent à la couche interolivaire et la traversent pour aller à l'olive ou à

la formation réticulée du côté opposé.

2° Un groupe moyen, également suivi sur une grande hauteur, esl d'a-

bord visible en avant de la corne postérieure (fig. 12) puis devant le noyau

sensitif du trijumeau (Sg R) et sa racine descendante. Il pénètre transver-

salement dans la substance réticulée grise (S Rg),dont il ne dépasse pas la

zone moyenne. -

3° Un groupe postérieur se détache de la masse des fibres qui passent

par le corps restiforme (fig. 14) ; il se disperse dans une région qui con-

tient, à la fois la substance grise annexée au corps restiforme (N Crst), le

corps juxtarestiforme (Cj) et la partie la plus reculée de la substance ré-

ticulée grise, autour du noyau et de la racine descendante du glosso-pha-

ryngien (IX d). Il n'est pas très aisé sur la série des coupes (fig. 12-14)

de délimiter la terminaison de ce groupe de fibres et celle des fibres les

plus extrêmes des cordons postérieurs. On peut cependant considérer

comme certain que ces fibres spino-bulbaires, venues par la voie latérale

ont leur plus grand développement lorsque les fibres des cordons posté-

rieurs sont presque épuisées. La méthode de Marchi, en montrant la

direction transversale des fibres détachées de la voie du corps restiforme

ne laisse aucun doute sur ce point. D'autre part, on voit que ce groupe

fait défaut dans la moitié gauche du bulbe ; ici la dégénérescence des cor-

dons postérieurs se termine sans connexions avec le corps restiforme

(fig. 13) et aucune expansion de ce dernier ne lui succède (fig. 14).

Cette disposition si particulière des voies ascendantes spino-bulbaires

que nous trouvons sur nos coupes a été observée par plusieurs auteurs et

diversement interprétée.

Elle est très nettement dessinée avec ses trois bandes transversales sur

une figure du mémoire de Hoche (PI. IX, fig. 5), mais pour lui, les deux

bandes postérieures,qui passent en avant et en arrière de la racine descen-

dante du trijumeau, représentent une connexion directe, profonde, reliant t

les cordons postérieurs au corps restiforme, au cervelet, complétant celle e

qui, d'après lui, passe'à la surface par les fibres arciformes externes.

Thiele et Horsley donnent aussi une excellente représentation graphique

de ces groupes de fibres dans les planches annexées à leur travail, mais ils

n'acceptent pas l'interprétation de IJoche.A leur avis, les 'fascicules posté-

rieurs ne viennent pas des cordons postérieurs de la moelle; ils se détachent

de la voie du corps restiforme en deux groupes : l'un le plexus collatéral

ventral se termine dans un noyau placé en dedans et en avant de la racine

72 LONG '

ED. LONG PL. XIX

Fw, 15

FIO. 16

DÉGÉNÉRESCENCES ASCENDANTES DE LA MOELLE CERVICALE 7 : 3

descendante du trijumeau ; l'autre, plexus collatéral dorsal, passe derrière

cette racine du trijumeau et se termine dans la substance grise qui entoure

le noyau du glosso-pharyngien et le faisceau solitaire. D'après ces au-

teurs, il existerait même, encore plus en arrière, un faisceau spino-vesti-

bulaire, distinct du plexus dorsal et contournant la face postérieure du

corps restiforme et la branche descendante du nerf vestibulaire.

Quant aux fibres antérieures (fibres dorso-olivaires de v. Solder),

Thiele et Horsley les voient débuter au pôle inférieur de l'olive bulbaire

en continuité avec le faisceau fondamental du cordon antérieur de la moelle ;

ils les suivent dans leurs rapports avec la partie ventrale de la formation

réticulée, avec l'olive et son noyau accessoire postérieur, les plus internes

allant jusqu'au bile de l'olive. Ces fibres sont destinées eu partie, d'après

Thiele et Horsley à remonter dans la calotte pédonculaire jusqu'à la région

sous-optique. -

Il existe d'autres descriptions de ces connexions spino-bulbaires, mais

moins complètes ; ainsi Quensel dans ses fig. 3 et 4, Dydinski, indiquent

seulement la bande rétro-olivaire ; d'autres auteurs relèvent l'existence

d'uneterminaison collatérale du Gowers dans les noyaux latéraux du bulbe,

dans le nucleus ambiuus, ou dans le noyau de Deiters (Petren, l3umke,

etc.); enfin Schaffer a décrit une dégénérescence des stries acoustiques.

De ces données un peu complexes et parfois divergentes, que doit-son

conclure ? Il est au moins un fait certain : c'est l'arrêt dans les parties la-

térales du bulbe d'une notable partie des fibres qui constituent la voie

ascendante des cordons antéro-latéraux. Pour le resle de nouveaux examens

histologiques sont nécessaires qui préciseront les points de détail et con-

cilieront les divergences d'opinion llue nous venons de signaler.

Dans notre observation, nous voyons que le groupe antérieur des libres

spino-bulbaires se détache de la voie latérale près de l'extrémité inférieure

de l'olive bulbaire et accompagne cette dernière jusqu'à son pôle su-

périeur ; ses fibres se terminent non seulement dans la partie antérieure

de la formation réticulée grise, mais aussi dans l'olive elle-même (fibres

spino-olivaires) (1) ; celles qui s'enfoncent vers le centre de la formation

réticulée grise s'y terminent en partie, et en partie aussi constituent les

fascicules à long trajet qu'on retrouve plus haut et qui vont jusqu'à la

région sous-optique. Les deux groupes postérieurs répondent exactement

à la description topographique indiquée par Hoche, puis par Thiele et

Horsley, et comme ces derniers auteurs nous n'avons pas observé de con-

tinuité entre ces groupes de fibres et les expansions terminales des cordons

(1) Ces connexions avec l'olive bulbaire sont différentes du faisceau spino-olivaire,

décrit par Dydinski, Bechterew, Goldstein, faisceau qui remonterait le cordon anté-

rieur de la moelle cervicale en passant par le triangle de Helweg ; il n'existe d'ailleurs

par sur nos coupes.

74 LONG

postérieurs. C'est donc bien dé la voie latérale (faisceau latéral du bulbe

et corps restiforme) qu'ils se détachent.

D'après nos coupes, le faisceau ou plexus dorsal aboutit à la substance

grise, au-dessus des noyaux des cordons postérieurs ; ses terminaisons

précises ne nous sont pas apparues avec netteté, et, en particulier, nous

n'avons pas pu voir quelle part en reçoit le noyau de Deiters. Mais nous

avons noté que cette région postéro-interne du bulbe, où se termine

aussi un contingent notable de fibres spino-bulbaires est également celle

où aboutissent des fibres disséminées descendantes de la formation réticu-

lée pédonculaire (voir les figures 15 et 16 du travail que nous avons pu-

blié en 1908 avec notre collègue et ami Roussy).

Fczisceauxspiao-cé·ébelle2sx.- Le faisceau cérébelleux direct sui la

voie du corps restiforme et du pédoncule cérébelleux inférieur, contourne

le pédoncule cérébelleux supérieur et se termine à la face inférieure du

cervelet, ses, fibres atteignant la ligne médiane du vermis. Le faisceau

de Gowers continue son trajet ascendant par le faisceau latéral du bulbe,

puis dans la profondeur de la protubérance et, près de l'origine du ru-

ban de Reil latéral, décrit une anse à concavité inférieure pour gagner

la face externe du pédoncule cérébelleux supérieur et le cervelet.

Ce trajet terminal des faisceaux spino-cérébelleux répond à la descrip-

tion classique et ne présente en lui-même aucune particularité. Mais il

faut signaler ici, comme d'autres l'ont déjà fait, la séparation imparfaite de

ces deux systèmes de fibres ; du faisceau de Gowers se détachent de place

en place des fibres isolées (fig. 16) qui rejoignent la voie du pédoncule cé-

rébelleux inférieur. En fait lorsqu'on revoit dans leur ensemble les coupes

bulbaires et protubérantielles, l'apport au cervelet est ininterrompu et sur

la face externe du pédoncule cérébelleux supérieur, que contournent tou-

tes ces fibres, il n'est pas possible de distinguer où finit le faisceau cé-

rébelleux direct et où commence le faisceau de Gowers. Dans le bulbe et

la protubérance la confusion en une seule masse de ces deux faisceaux

est évidente. Il en est de même plus bas ; nous avons en effet déjà signalé é

dans la moelle cervicale que des fascicules entiers quittent la zone attri-

buée au Gowers pour passer au cérébelleux direct.

Ainsi, il est difficile de faire le départ de ce qui appartient à chacun des

deux groupes, au moins pour la partie terminale de leur trajet, c'est-à-dire

de la moelle cervicale à l'écorce cérébelleuse. Il est préférable, et cette

opinion a été émise à plusieurs reprises (Worotynski, Marburg, etc.) de

ne voir qu'un seul système de fibres réunissant la voie ascendante des cor-

dons antéro-Iatéraux à l'écorce cérébelleuse.

DÉGÉNÉRESCENCES ASCENDANTES DE LA MOELLE CERVICALE 75

ED. LONG PL. XX

FIO. 17

Fm. 18

Fm. f9

76 " ,. LONG

Connexions avec la formation réticulée protubérantielle,

pédonculaire et sous-thalllmique. - Si on compare les coupes du

bulbe (fig. 12-15) avec les coupes supérieures (fig. 16-22) il est certain

que les fibres dégénérées, détachées de la voie ascendante latérale se sont

arrêtées pour la plus grande partie dans la substance grise du bulbe ; il

ne reste, en effet, et du côté droit seulement de la protubérance, qu'un

groupe de fibi es altérées si réduit que pour représenter leur trajet sur

les dessins, il nous a fallu augmenter proportionnellement le nombre

des grains noirs. -

Ce groupe occupe dans la substance réticulée (fig. 16) la zone limitée

parle noyau du facial, l'olive supérieure et le faisceau central de la calotte.

Il chemine parallèlement au faisceau de Gowers (fig. 17), aboutit dans la

protubérance (fig. 18) il la zone antéro-interne de la formation réticulée,

dans l'angle formé par le ruban de Reil médian et le Reil latéral, en avant

du pédoncule cérébelleux supérieur. Pendant leur trajet intraprotubéran

tiel, ces fibres ont encore diminué de nombre ; c'est donc qu'une partie

des connexions spino-réticulées trouve ici sa terminaison.

Arrivées à la calotte du pédoncule cérébral, ces fibres résiduelles se

déplacent bientôt d'avant en arrière dans la formation réticulée (fig. 19) ;

elles longent le ruban de Reil. latéral, en dehors du pédoncule cérébelleux

supérieur qui va vers la décussation médiane, arrivent ainsi au bile du

tubercule quadrijumeau postérieur (fig. 20), et un certain nombre d'entre

elles y pénètrent (fibres spito-quadrigeminales).

De plus en plus difficile à suivre, car il n'est représenté que par quel-

ques grains noirs, ce fascicule passe ensuite en avant du tubercule qua-

drijumeau antérieur : il suit dans la formation réticulée le trajet de la

partie la plus extrême du bras du tubercule quadrijumeau postérieur (fin.

21)."D"n le retrouve encore dans la région sous-optique (fig. 22) en contact

avec le corps genouillé interne, auquel il abandonne peut-être quelques

fibres. C'est un peu plus haut, à la face inférieure du noyau externe du

thalamus, près du noyau médian, que la dernière trace de cette voie as-

cendante disparait (Fibres sroitto-tltalrcrtiy2tes).

Notre observation vérifie donc le trajet indiqué, chez l'homme, par v.

Solder,Quensel,Amabilino, Henneberg, Thiele et Horsley, Bumke, Blume-

nau,Goldslein qui ont suivi jusqu'à la base de la couche optique,des con-

nexions spino-thalamiques, très-grêles d'a-itleUl ? Des terminaisons plus

élevées, dans le noyau lenticulaire, et mimé dans le cortex out élé trou-

vées par Rossolimo et par Choroschko en employant la méthode de Busch ;

elles paraissent difficilement admissibles.

Conclusions. Nous insistons sur quelques, particularités observées :

, ? bt;i¥'.

DÉGÉNÉRESCENCES ASCENDANTES DU LÀÑmttttr"'UERVICALE 7

ED. LONG PL. XXI

Fic. 20

- ?

FlG. 21 1

Fw, 22

78 LONG

Les faisceaux cérébelleux direct et de Gowers ne sont pas nettement

distincts pendant leur trajet cervical, bulbaire et protubérantieL; des fibres

passent de l'un à l'autre et ils forment un seul système spino-cérébelleux.

Nous n'avons pas observé de fibres venant directement des cordons pos-

térieurs de la moelle.

La masse commune aux faisceaux cérébelleux et au reste de la voie

ascendante des cordons antéro-latéraux abandonne un grand nombre de

libres qui se terminent dans le bulbe. Ces connexions spino-bulbaires se

distribuent en trois groupes principaux :

1° Fibres allant 't la partie antérieure de la formation réticulée et à l'olive

bulbaire.

2° Fibres allant à la partie latérale de la formation réticulée.

3° Fibres allant à la partie postérieure de la formation réticulée et pro-

bablement aux noyaux avoisinants (noyau du corps restiforme ? noyau

de Deiters ? ).C'est ce troisième groupe seulement qui a des points de contact

avec la terminaison delà voie des cordons postérieurs, celle-ci étant surtout

médiane et postérieure, tandis que celle des cordons latéraux aborde le

bulbe par sa face externe.

L'importance des connexions spino-bulbaires est marquée par la réduc-

tion du contingent de la voie spino-réticulée qui arrive à la calotte protu-

béranlielle et au pédoncule cérébral.

Les dernières connexions ascendantes se font :

dans la calotte pédonculaire, avec les tubercules quadrijumeaux posté-

rieurs et avec la substance grise avoisinante (le terme de fibres spin[ ! -

tectales employé par Kohnstamm, par Thiele et Horsley parait préférable

à celui de fibres spino-quadrigéminales) ; .

avec la région sous-optique et la partie ventrale du noyau externe du

thalamus. Ces fibres spino-thalamiques ne sont représentées que par de

rares éléments disséminés.

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LÉGENDE DES FIGURES

Aq, aqueduc de Sylvius. 13 Qa, bras du tubercule quadrijumeau antérieur. -

BrQp, bras du tubercule quadrijumeau postérieur. Ca, cordon antérieur. CB,

cordon de Burdach. Cge, Cgi, corps genouillés externe et interne. - Cj, corps

juxtarestiforme. CP. corne postérieure. Cp, cordon postérieur. Crst, corps

restiforme. Fcc, faisceau central de la calotte. FG, faisceau de Gowers.

Ftp, faisceau longitudinal postérieur. Fil, faisceau latéral du bulbe. - IX, IXd,

glosso-pharyngien et sa racine descendante. Le, locus caeruleus. - Lig, ligula.

LII, locus niger. NB, noyau du cordon de Burdach. Ncp, noyau des cor-

dons postérieurs. Ncrst, noyaux du corps restiforme. NFt, noyau du funi-

culus teres. NG. noyau du cordon de Goll. NR, noyau rouge. NRt, noyau

réticulé. NsRI, noyau supérieur du Reil latéral. NV, noyau sensitif du triju-

meau. NVII, noyau du facial. NVlll, noyau de l'acoustique. NXp, noyau

postérieur du pneumogastrique. NXII, noyau de l'hypoglosse. - Oi, olive bul-

baire. Os, olive supérieure. P, pied du pédoncule. Pci, Peu, Pcs, pédon-

cules cérébelleux inférieur, moyen, supérieur. Pul, pulvinar. - Py, voie pyra-

midale. - Qa, Qp, tubercules quadrijumeaux antérieur et postérieur. RI, ruban

de Reil latéral. Rm, ruban de Reil médian. SgAg, substance grise de l'aque-

duc. Sgfi, substance grise de Rolando. - SR, formation réticulée. SUa,

SRg, formation réticulée blanche, grise. Tp, taenia pontis. - Tr, corps trapé-

zoïde. VA, quatrième ventricule. V, Vd, Vsd, trijumeau, racine motrice, racine e

sensitive descendante. VI, VII, VIII, sixième, septième, huitième paires. -

X, pneumogastrique. XII, nerf hypoglosse. xpin, entrecroisement sensitif.

x Pcs, entrecroisement des pédoncules cérébelleux supérieurs. - x Py, entrecroise-

ment pyramidal. '

TRAVAIL DO SERVICE DU D' FAISANS

ET DU LABORATOIRE DU D' SOUQUES

PARAPLÉGIE « TYPE BABINSKI » CHEZ UN SUJET ATTEINT

DE MALADIE DE RCCKLINGE1AUSLN. - ABSENCE DE

DÉGÉNÉRATION SECONDAIRE DES FAISCEAUX PYRA-

MIDAUX.

- Par

\11. Am. COYON et A. BARRÉ.

Dans un travail publié en 1899 dans les « Bulletins et Mémoires de la

Société médicale des Hôpitaux » (1) et dans une communication faite à la

Société de Neurologie en 1911 (2), M. Babinski a fixé les caractères d'une

forme de paraplégie organique qui n'avait pas été suffisamment mise en

lumière.

Depuis celte dernière publication, différents auteurs ont relaté des cas

de paraplégie en flexion « type Babinski », et ce nouveau syndrome cli-

nique a pris place en face de la paraplégie en extension « type Erb »,

avec laquelle il peut d'ailleurs se combiner de façon variable.

Nous avons eu nous-mêmes l'occasion d'observer à l'hôpital Beaujon,

dans le servive de M. le D' Faisans, que l'un de nous suppléait pendant

les vacances de 1912, un malade chez lequel se sont succédé les deux

types de paraplégie (para, en extension, puis para. en flexion). C'est t'élude

anatomo-clinique de ce cas que nous exposons aujourd'hui, après en avoir

indiqué les principaux traits dans une séance de la Société de Neuro-

logé (2).

Le nombre des cas de paraplégie en flexion qui ont pu être l'objet d'une

double étude, clinique et anatomique est encore restreint, et ce fait donne

à ce travail son principal intérêt. Ajoutons dès maintenant que, d'ac-

cord avec les constatations dès longtemps faites par M. Babinski, les fais-

ceaux pyramidaux du malade étaient normaux, ou du moins ne présentaient t

que des altérations extrêmement peu profondes, limitées à quelques fibres,

et même discutables.

(1) Sur une forme de paraplégie spasmodique consécutive à une lésion organique

sans dégénération du.système pyramidal. - But. et Mém. de la Société Méd. des Hôp.

de Paris, 1899 p. 342. ' (

(2) Paraplégie spasmodique organique avec contracture en flexion et contractions

musculaires involontaires. Société de Neurologie, séance du 12 janvier 1911.

82 COYON ET BARRÉ

Voici l'observation du malade :

M... ébéniste, âgé de 31 ans, entre à l'Hôpital Beaujon dans le service du

D'' Faisans, le 17 juillet 1912.

Il vient pour une paraplégie qui date de trois mois et qui a débuté brus-

quement.

Dès qu'on découvre le malade, l'attention est attirée pas des taches pigmen-

taires innombrables et de nombreuses tumeurs cutanées qui sont disséminées

sur tout le corps, et particulièrement abondantes au tronc et au thorax : Le

diagnostic de maladie de Reckliughausen s'impose. Elle aurait débuté, nous

assure le malade à Page de 26 ans, sous la forme d'une tumeur d'aspect

verruqueux située au menton ; l'éruption des autres nodosités aurait suivi du

peu. Nous n'insistons pas davantage sur cette partie des troubles que présen-

tait notre patient, mais nous devions les signaler, car la maladie de Keckhn-

ghausen n'est pas sans étroite relation, comme nous le verrons, avec l'affection

médullaire, qui t'amenait à l'Hôpital.

Au mois d'avril 19t) il avait ressenti des douleurs violentes dans les mem-

bres inférieurs ; en même temps il avait souffert fortement dans la région rachi-

dienne, vers les 9e ou 10* vertèbres dorsales. Les douleurs avaient un peu le

caractère fulgurant ; elles furent considérées comme de banales névralgies. Il

semble bien qu'il n'y ait eu à cette époque aucun trouble grossier de la sensi-

bilité ; le malade pouvait vaquer à ses occupations habituelles, et c'est au mi-

lieu de son travail, quelques jours après l'apparition des douleurs, qu'il fut

pris brusquement d'affaiblissement des jambes, et qu'il s'affaissa sans pouvoir

se relever. Rapidement la paraplégie devint complète, et c'est alors qu'on le

transporte à l'hôpital.

1° Examen (20 juillet 1912).

Les membres inférieures sont suivant les moments en extension ou en flexion

légère ; il est totalement impossible au malade d'accomplir aucun mouvement

volontaire; les muscles sont nettement en état de contracture.Les réflexes rotu-

liens et achilléens sont exagérés des deux côtés. Il existe de la danse de la rotule,

et de la trépidation épileptoïde du pied.

Le réflexe cutané plantaire se fait à droite et à gauche en extension franche ;

les gros orteils et les petits participent à ce mouvement et on note de plus, de

chaque côté, le signe de l'éventail. Chaque excitation de la plante détermine

un mouvement net mais léger de retrait du membre inférieur.

Les réflexes crémastériens sont abolis ; l'excitation de la zone abdominale

SUà-ItlârII1111e ne donne liau à aucune contraction réflexe visible dans la même

région, mais on observe à chaque trait de l'aiguille d'un côté une contraction

des parties moyenne et supérieure du même côté de l'abdomen. Il y a donc un

trouble des réllexes cutanés abdominaux inférieurs, en rapport probable avec

une lésion de la voie centrifuge. .

. La sensibilité est altérée, sur le domaine paralysé, jusqu'à la région ingui-

nale ; on note une hypoesthésie au tact et à la douleur, avec retard net des

perceptions. Ce trouble de la sensibilité s'étend peu à peu en montant de l'ex-

trémité des membres vers la racine. --

PARAPLF,GtE TYPE BABINSKI 83

On est obligé de sonder la vessie du malade matin et soir ; la constipation

d'ailleurs habituelle chez lui, s'est accentuée pendant ces dernières semaines.

2° Examen : 27 juillet. - La paraplégie s'est notablement modifiée pen-

dant les sept jours qui se sont écoulés. Les mouvements volontaires sont

toujours nuls. Dès qu'on découvre le malade on voit les membres déjà

fortement fléchis (la jambe sur la cuisse et celle-ci sur l'abdomen) se fléchir

davantage, et brusquement, soit en même temps, soit l'un après l'autre; par-

fois même un membre inférieur s'étend tandis que l'autre se fléchit. Rapide-

ment les membres retrouvent le repos, en flexion, mais si l'on recherche l'état

du réflexe cutané plantaire, le membre examiné se retire brusquement. La

facilité avec laquelle se produisent les mouvements dits de défense, est telle

qu'elle empêche d'apprécier commodément l'état du réflexe plantaire isolé : il

y a presque toujours en même temps ou à succession très rapprochée, exten-

sion des orteils, flexion dorsale du pied, flexion de la jambe et ascension du

genou. Quelquefois ces derniers mouvements existent sans s'accompagner d'ex-

tension des orteils, ou du moins ce dernier mouvement est alors si léger

qu'on peut douter de son existence.

Les réflexes rotuliens et achilléens qui étaient exagérés ne s'obtiennent plus

que par une percussion répétée et restent faibles ; il n'y a plus de danse de la

rotule, plus de trépidation épileptoïde (ce dernier phénomène ne peut plus

être recherché que dans l'attitude de flexion forte de tous ses segments que

prend le membre dès qu'on l'excite en un point).

Le pincement de la peau du dos du pied suffit à provoquer un vif mouve-

ment de flexion de tout le membre inférieur ; la manoeuvre des raccourcis-

seurs amène avec une égale facilité le même résultat.

Ces réflexes cutanés de défense peuvent être produits par les excitations qui

portent sur le tégument au-dessous du pli inguinal ; ces excitations pour être

effectives doivent être d'autaut plus intenses qu'on se rapproche davantage

de cette région. Il nous a été impossible de produire le moindre mouvement

réflexe du membre inférieur eu excitant la peau des régions abdominale et

thoracique.

Les réflexes cutanés abdominaux inférieurs qui étaient modifiés n'existent

plus. L'hypoesthésie a envahi l'abdomen et monte un peu au-dessus de l'om-

bilic ; elle est beaucoup plus accentuée qu'au premier examen au moins pour

le tact et la piqûre.

Le froid et le chaud continuent d'être nettement distingués, s'ils ne sont

pas appréciés avec une finesse parfaite.

La notion de position est très troublée. Les attitudes données aux pieds et

aux jambes ne sont nullement perçues ; la flexion très marquée des cuisses

est seule reconnue par le malade. Il existe donc une anesthésie dissociée sui-

vant le mode tabétique.

Dans les jours qui suivent ce deuxième examen, l'anesthésie monte jus-

qu'au niveau des mamelons, et même un peu au-dessus (sa limite exacte n'a

pu être exactement précisée).

84 COYON ET BARRÉ

Par ailleurs, les phénomènes demeurent ce qu'ils étaient devenus vers la

fin de juillet.

Mais entre temps plusieurs des tumeurs cutanées de la région sacrée et des

régions fessières, se sont ulcérées ; en ces zones la peau est souvent imbibée

d'urine et une escarre sacrée se constitue bientôt qui gagne en largeur et en

profoudeur.Une lièvre à grandes oscillations se déclare ; la température atteint

39° à 40° le soir; les urines sont troubles, on est obligé de sonder le malade

plusieurs fois par jour.

Il meurt le 17 septembre.

Autopsie. La moelle est enlevée dans son étui dure-mérien.

L'aspect extérieur ne dénote rien d'anormal. '

On ouvre : et avant d'avoir étalé latéralement les deux moitiés de la dure-

mère on remarque que la moelle,au niveau de la partie supérieure de la région

dorsale et sur une faible hauteur, est légèrement déviée vers la droite.

A ce niveau on peut apercevoir, en découvrant les racines gauches,

qu'une tumeur du volume d'un petit pois, de forme assez régulièrement sphé-

rique et développée sur le trajet de la racine antérieure de la première paire

dorsale gauche, comprime la moelle (Voy. PI. XXII).

La compression est très légère ; la tumeur, petite, ne laisse sur la moelle

déviée qu'une empreinte minime, au niveau de la face antéro-latérale des

2e et 3e segments (partie inférieure du premier, partie supérieure du second).

La tumeur n'est reliée à la moelle par aucune adhérence ; elle se trouve

tout entière à l'intérieur de la dure mère, et s'est développée immédiatement

au-dessus du point où la racine antérieure s'engage dans la méninge dure. A

travers cette membrane, elle comprime le ganglion de la racine postérieure

correspondante.

La racine antérieure sur le trajet de laquelle s'est développée la tumeur est

uettement atrophiée depuis sa sortie de la moelle jusqu'à la néoformation.

La racine postérieure correspondante est de même très notablement diminuée

de volume. Ces atrophies sont très visibles sur la photographie de la pièce

(Voy. PI. XXII).

La petite tumeur que nous avons décrite plus haut était unique, ce qui per-

met de lui rapporter l'ensemble des troubles paralytiques observés. D'autre

part l'examen minutieux de la moelle, de lotîtes les racines et des méninges

ne nous a permis de relever aucune altération macroscopique ; en particulier,

il n'existe aucune autre tumeur.

Les veines n'étaient nullement dilatées au-dessous de la zone comprimée ;

et le segment de moelle en rapport avec la tumeur n'avait ni l'aspect anémi-

que, ni l'aspect congestif.

Examen microscopique. Les pièces ont été fixées dans le formol à 10 0/0.

Tous les segments de la partie de la moelle (de CI à l'extrémité inférieure)

ont été coupés et colorés à l'Hématéine Eosine, au Van Gieson, au Weigert-

Pal ; quelques segments ont été traités suivant la méthode de Marchi.

Nous analyserons d'abord les différentes modifications que nous avons re-

marquées sur les segments comprimés (D* D3), puis sur les segments situés

au-dessous et au-dessus de la compression.

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XXVII. PI. XXII

I

Vue postérieure

II

Vue antérieure

PARAPLÉGIE TYPE BABINSKI

(J. Coyon et A. 'Barré).

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XXVII. Pl. XXIII

3 - D

4 - D3

PARAPLÉGIE TYPE BABINSKI

(J. Coyon el A. 'Barré).

Masson & Cie, Éditeurs.

paraplégie TYPE BABINSKI 85

1° MOELLE ET racines au niveau DE la compression.

1° dorsale (Pl. XXIII). Le contour de la moelle u'est pas régulier ;

il existe une dépression nette mais peu accentuée au niveau de la partie antéro -

latérale de la moitié gauche. Les fibres du cordon antéro-latéral, en particulier

celles qui constituent les faisceaux pyramidaux direct et croisé ont un aspect

normal.

Les cordons postérieurs présentent des altérations légères ; les cordons de e

Goll, aussi bien le droit que le gauche, sont d'une façon générale plus clairs

que normalement sur les coupes colorés suivant la méthode de Weigert. Un

certain nombre ds fibres semblent manquer; on note de-ci, de-là quelque

ébauche d'état vacuolaire; nous ajouterions qu'il paraît exister une très légère

réaction névroglique, si l'on ne savait que cette augmentation de la névroglie

peut s'observer au niveau du cordon postérieur de l'adulte indépendamment

de tout état pathologique. '

La partie la plus superficielle des cordons de Goll et surtout celle qui est

directement située de part et d'autre du sillon médian postérieur est à peu

près intacte.

Au niveau des cordons de Burdach qui sont presque normaux, on note

seulement le long du bord interne de la corne postérieure droite quelque raré-

faction des fibres ; à gauche, il existe également quelque altération de celles

qui sont situées au contact de la zone de Lissauer.

En un mot les fibres radiculaires longues présentent des altérations de

moyenne intensité, tandis que les fibres de la virgule de Schultze, 'et du

faisceau de Hoche sont normales ou à peu près. La zone rétro-commissurale

est altérée.

La racine postérieure gauche (directement comprimée) ne présente plus

qu'un petit nombre de fibres intactes, sur les coupes au Weigert. La racine

postérieure droite est presque absolument normale.

Les cornes antérieures n'ont pas la même forme et le même volume; sur la

majorité des coupes, la gauche est plus étroite et plus courte que la droite ;

les cellules y sont cependant en nombre sensiblement égal et de structure

voisine de la normale. Un certain nombre de fibres des~racines antérieures

(de la gauche surtout) font défaut. Les cornes postérieures ne présentent pas

d'altération marquée, à part une atrophie nette du groupe cellulaire de la co-

lonne de Clarke droite. ' Dans la région du canal de l'épendyme se trouve un

assez grand nombre de cellules fortement colorées mais on ne voit aucune

lumière correspondant au canal épendymaire.

3° dorsale (PI. XXIII). Les lésions de ce segment sont tout à fait compa-

rables à celles que nous venons de décrire.

La racine postérieure gauche est presque complètement dégénérée ; la racine

droite l'est très légèrement.

Les cordons postérieurs présentent à peu près les mêmes altérations que

ceux de D2 ; notons seulement un meilleur état des fibres rétro-commissurales.

86 COYON ET BARRÉ ,

Les cordons antéro-latéraux sont normaux, la corne antérieure gauche est t

nettement moins volumineuse que la droite.

Le 3e segment dorsal ne porte pas de dépression nette au niveau de la zone

où s'exerçait la compression. Mais toute la partie située à gauche des sillons

médians est un peu moins étendue que la partie droite.

2° MOELLE ET racines au-dessous DE la COMPRESSION (pal. XXIV).

4° dorsale. Les altérations des cordons postérieurs, les seules qui soient

notables sur ce segment, sont beaucoup plus légères que sur les D2 et D3.

Les différentes régions occupées par les fibres endogènes sont normales ;

les deux tiers antérieurs seulement des cordons de Goll présentent une certaine

diminution du nombre de leurs fibres; celles qui subsistent sont légèrement

altérées.

Les racines postérieures semblent normales. La corne antérieure et le cor-

don antéro-latéral gauches sont nettement moins larges que les mêmes éléments

du côté droit.

Les cellules de la colonne de Clarke, comme sur la plupart des coupes des

2e et 36 segments dorsaux sont plus nombreuses à droite qu'à gauche et quel-

quefois absentes de ce côté. '

Se dorsale. Les différents éléments de la substance blanche et de la sub-

stance grise vu au fort grossissement ont presque tous des caractères nor-

maux ; mais il existe une atrophie nette de la moitié gauche ; de plns, sur

presque toutes les coupes, la colonne de Clarke n'est représentée à gauche que

par 1 ou 2 cellules, tandis qu'on en compte 5 ou 6 à droite ; un ou deux fais-

ceaux des racines postérieures présentent une diminution marquée du nombre

de leurs fibres, avec prolifération du tissu de soutien.

Les libres radiculaires de la zone d'entrée sont atteintes pour la plupart d'al-

tération nette.

6e dorsale. A ce niveau l'état histologique de la moelle change assez

brusquement.

Les cordons antérolatéraux conservent l'état normal qu'ils avaient aux éta-

ges supérieurs ; mais les cordons postérieurs, dont nous venons de noter les

altérations semblent première vue absolument normaux, et même, sur les

coupes colorées suivant la méthode de Weigert, plus denses et beaucoup plus

noirs que les faisceaux latéraux.

On peut noter que les zones occupées par les fibres endogènes et qui étaient

en D3 et D'' par exemple, seules normales au sein des cordons postérieurs,

sont maintenant les moins foncées. '

L'examen au fort grossissement permet de donner facilement une explica-

tion de cet état. Les fibres endogènes sont normales, tandis que les fibres ra-

diculaires longues sont très fines, au contact les unes des autres, et par endroit

disposées en tourbillons souvent orientés autour d'un petit vaisseau. Ces tour-

billons disposés sans ordre dans les deux tiers internes surtout des cordons

postérieurs se rencontrent exceptionnellement ailleurs ; « c'est à peine si l'on

peut en trouver quelques-uns dans les cordons latéraux, généralement tout

près du flanc de la corne intermédiaire.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE. \¡ ? \ 'o) : O,r¡, 1 lfl(11f 1 XXV«- PI. Y5lt'

(,1)11 " " ? 1

5 - Dr.

6 - D,

paraplégie TYPE BABIISKI

(J. Coyon el A. 'Barré).

Masson & Cnc, Editeurs.

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière. T. XXVII. PI. XXV

7

8 - C8

PARAPLÉGIE TYPE BABINSKI

(J. Coyon et A. Barré).

Masson & Ge, Editeurs.

- PARAPLÉGIE TYPE BABINSKI 87

Dans les racines postérieures il existe au sein des fibres de volume et de

disposition ordinaire de petit faisceaux de fibres fines, coupées transversale-

ment, mais nous n'accordons pas à cet état une signification pathologique car

nous l'avons retrouvé sur de nombreuses coupes normales.

La moitié droite de la moelle est plus volumineuse que la gauche ; la corne

antérieure de la colonne de Clarke droite participe nettement il cet état d'hy-

pertrophie sans doute relative.

Sur les 7e et 88 dorsales, et les segments sous.jacents (PI. XXV) on re-

trouve les mêmes tourbillons dans les cordons postérieurs ; la corne anté-

rieure et la colonne de Clarke restent plus volumineuses à droite qu'à gauche

jusqu'au niveau des derniers segments dorsaux ; quelques faisceaux d'un petit

nombre de racines postérieures (droites et gauches) présentent une diminution

plus ou moins marquée du nombre de leurs fibres normales; le plus souvent

cette altération ne se trouve que sur un seul des faisceaux qui constituent la

racine.

Les différentes racines de la queue de cheval, dont nous avons fait des cou-

pes transversales à plusieurs niveaux, nous ont paru normales.

3° Moelle ET racines au-dessus DE la COMPRESSION.

Au-dessus du niveau de la compression, la moelle présente quelques alté-

rations. Sur CI il existe une dégénération légère du cordon de Goll mais le

reste de la substance blanche et la substance grise ont gardé leur état normal.

Sur le premier segment dorsal, on note une dégénération légère des cor-

dons de Goll, et un très minime éclaircissement de la zone d'entrée des fibres

de la racine postérieure gauche.

La corne antérieure gauche est nettement diminuée de volume par rapport

à la droite,et l'atrophie semble porter presque également sur toutes ses parties.

Les différents groupes cellulaires antérieurs sont profondément altérés ; ou

peut difficilement reconnaître les vestiges cellulaires ; les cellules des groupes

latéraux sont en état d'atrophie simple. Il existe en outre une. raréfaction

marquée des cellules et des fibrilles intercellulaires.

La racine antérieure gauche est constituée par huit faisceaux. Six d'entre

eux sont presque complètement occupés par un nombre variable (2 à 8) d'élé-

ment arrondis entourés d'une fine capsule, et qui ressemblent assez à la coupe

d'un glomérule ; sur les préparations colorées au Weigert Pal ils forment des

taches claires, car aucune fibre nerveuse n'y laisse voir sa couronne noire ca-

ractéristique. A l'aide d'un fort grossissement, on se rend compte que ces élé-

ments clairs ne constituent pas de banals îlots de dégénération. Ils semblent

constitués par un ou plusieurs tubes abondamment pelotonnés et qui ont été

sectionnés un grand nombre de fois en travers et en long ; sur les coupes dou-

blement coloriées par la méthode de Pai de V. Gieson, le contraste entre les

parties normales et pathologiques des faisceaux radiculaires antérieurs est mis

en valeur d'une façon particulièrement nette. Sur un très petit nombre des

sections transversales, il existe un point rouge (la coupe d'un cylindre peut-

être), au centre d'un espace clair limité par une ligne conjonctive mince.

88 COYON ET BARRÉ -

Tous ces nodules ont le caractère de ceux que l'on trouve souvent sur le

trajet des nerfs dans la maladie de Recktinghausen : ce sont des névromes

intra-radiculaires. Mais leur distribution et leur physionomie se modifient sur

les coupes de la première racine dorsale à mesure qu'on approche de la tu-

meur dont nous avons décrit plus haut les caractères macroscopiques et dont

il nous reste à analyser la structure.

4° TtJMEUtt.

Au niveau de la tumeur les différents faisceaux radiculaires se fusionnent,

en une masse unique ; au sein de laquelle on trouve un grand nombre de

nodules d'aspect glomérulaire que nous connaissons déjà, mais ici, la capsule

qui les entoure est très épaisse, et constituée par plusieurs couches de fibres

cellules a noyau allongé et disposées parallèlement les uns aux autres.

On ne retrouve qu'un très petit nombre de fibres nerveuses rejetées à la

périphérie, elles ont une apparence saine sur coupes colorées au Van Gieson,

mais ne prennent pas le Weigert. Le névrilemme est épaissi, et constitue une

capsule fibreuse, dense qui enveloppe la tumeur.

Les vaisseaux du centre et de la périphérie gardent leurs caractères histologi-

ques normaux. Peut-être sont-ils un peu plus dilatés et nombreux qu'à l'état

normal, mais le développement qu'ils ont pris semble proportionné aux di-

mensions de la tumeur radiculaire.

Si nous ajoutons enfin que les méninges et les vaisseaux des différents seg-

ments de la moelle sont absolument normaux nous comprendrons que du vivant

du malade la ponction lombaire n'ait pas montré d'altération cytologique nota-

ble du liquide céphalo-rachidien, et nous aurons terminé l'exposé analytique

des différentes altérations constatées.

,

Il nous resle maintenant à grouper dans un petit tableau synthétique

les principales lésions que nous venons de passer en revue :

1° C'est tout d'abord une compression légère de la moelle au niveau de

D' et D3, par un petit névrome ou neurofibrome développé sur le trajet

de la racine antérieure de la ire dorsale gauche.

2° Une hémiatrophie légère de la moitié gauche de la moelle portant

sur la substance grise et sur le faisceau antérieur à partir du niveau de

la compression jusqu'aux dernières dorsales.

3° L'absence presque absolument complète de dégénération des fais-

ceaux pyramidaux directs' et croisés (1).

4° La dégénération ascendante légère des cordons postérieurs portant

presque exclusivement sur fibres endogènes à partir de D5.

5° L'existence des tourbillons probablement névromaleux dans les cor-

dons postérieurs au-dessous de D3.

(1) Avant de présenter à la Société de Neurologie les coupes dont l'analyse et la

représentation constituent la partie essentielle de cet article l'un de nous a tenu à les

présenter à son Maître, M. le professeur Nageotte, qui a conûrmé sur tous les points

son interprétation.

PARAPLÉGIE TYPE BABINSKI 81l

Conclusions d'ensemble.

Les conclusions et remarques permises par l'étude anatomo-clinique

du cas de notre malade sont de deux ordres. Les unes ont trait à l'histoire

des déterminations nerveuses de la maladie de Recklinghausen, les autres

se rattachent à la paraplégie en flexion récemment isolée par M. Babinski.

Nous développerons seulement ces dernières.

Le malade a présenté dans une première phase les signes d'une para-

plégie spasmodique qu'on pourrait dire absolument classique, s'il n'y avait 1

déjà eu au moment où nous avons fait le premier examen une tendance

des membres à se fléchir.

En quelques semaines les signes se sont transformés et la paraplégie a

présenté alors les différents caractères de la « paraplégie en flexion ».

Cetle paraplégie élait due à la compression légère de la moelle déter-

minée par une tumeur radiculaire du volume d'un petit pois.

Les lésions pyramidales sont des plus minimes « si tant est qu'elles

existent » pour employer l'expression de M. le Pr. Nageotte qui a bien

voulu examiner après nous les coupes de plusieurs étages de la moelle,

au-dessous de la compression.

On est donc en droit de dire que si l'état général du malade l'avait

permis la tumeur eut pu être très facilement enlevée. On peut penser

d'autre part que la motilité volontaire n'était pas définitivement compro-

mise et que le malade était de ceux qui peuvent bénéficier beaucoup d'une

intervention chirurgicale que nous projettions de faire exécuter quand il

est tombé sans cause apparente dans un profond abattement.

Ce cas est très semblable à ceux qui ont été publiés par M. Ba-

binski, et dans lesquels une paraplégie en flexion très intense coïncidait

avec une absence totale ou presque totale de lésions pyramidales.

Ajoutons à ces conclusions principales que la lésion des cordons pos-

térieurs de la moelle rendent compte des troubles sensitifs à type tabéti-

que que présentait la malade ; les lésions des cordons postérieurs ont été

déjà plusieurs fois notées dans des observations (celle de M. le Dr Claude

en particulier) et il est possible,comme le pense cet auteur,quelles jouent

un certain rôle dans la constitution clinique delà forme de paraplégie

dont nous nous occupons.

- Notons enfin que chez notre malade res réflexes cutanés de défense provo-

qués ne prenaient naissance que sous l'influence d'une excitation portant

sur le membre inférieur. La zone de production était limitée par le

pli inguinal : Aussi, suivant l'avis exprimé par M. Babinski, n'avons-nous

tenu aucun compte de cette limite pour fixer dans ce cas particulier le

niveau inférieur de la compression.

DYSTROPHIES GIGANTIQUES SANS ACROMÉGALIE

PAR R

M. ADDA,

(de Tunis).

Le malade qui fait l'objet de celle observation est un indigène natif de

Djemmal (Tunisie), Brahim Ben-Bakri, âgé de 25 ans. Il suit actuelle-

ment le traitement antirabique à l'Institut Pasteur de Tunis, et c'est à

l'extrême obligeance de notre confrère le 11 Nicolle que nous devons ce

cas si curieux de gigantisme.

Ainsi que l'on peut s'en rendre compte à première vue (Pl. XXVI), nous

n'avons pas affaire à un acromégalique : les difformités qu'il présente sont

systématisées aux membres ou à des segments de membres et respectent

l'ensemble de l'ossature. De taille très moyenne (-1 m.64), cet indigène est

né porteur des anomalies présentes ; les antécédents directs ou collatéraux

ne donnent aucun renseignement ulile; aucun cas de gigantisme n'est

relevé ni dans la famille, ni dans la tribu à laquelle il appartient.

L'examen de la face et du crâne ne décèle aucune déformation remar-

quable : nous ne voyons pas ici la face ovalaire, ni le front bas de l'acro-

mégalie ; le nez n'est augmenté dans aucune de ses dimensions ; les pom-

mettes sont un peu saillantes, mais non volumineuses ; la lèvre inférieure

n'est ni proéminente ni renversée en dehors ; enfin, la langue n'est pas

hypertrophiée.

On ne relève chez ce sujet aucun trouble visuel ; l'examen pratiqué

par notre confrère le D' Cuénod n'a révélé aucune altération, ni modifi-

cation du champ visuel. Cette donnée est d'une importance considérable,

puisqu'elle permet d'affirmer l'intégrité actuelle des voies optiques. Il

n'y a, en outre, ni polyurie, ni glycosurie à mentionner chez ce sujet.

L'élude radiographique du crâne met en lumière une selle turcique

normale, qui n'est ni agrandie, ni déformée; nous ne retrouvons en

outre aucun des éléments du syndrome de Béclère, ni sinus frontaux

agrandis, ni épaississement inégal des os du crâne, ni ressaut post-lamh-

doïdien (PI. XXVII).

Si l'on déshabille le malade,*on est frappé par le développement exagéré

des mamelles ; le périmètre thoracique est de 0 m. 84. Chez cet homme,

IiOUV. 1COPIOGRAPHIE DE LA SAL.P&TRIÈR TxXVlI3 ? XXVI.

mous. ICONOGRAPHIE Dr, LA SALPÈTI ztiè. ' , ? - - ? - ,, PL. Xxvl.

DYSTROPHIES GIGANTIQUES

sans iicromégalie

(Adda)

MASSON et CI., Éditeurs.

1

NOUV. ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE. T. XXVII, PL. XXVII.

. DYSTROPHIES GIGANTIQUES

sans acromégalie

(Adda)

. MASSON et O. Éditeurs.

NOUV. ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE, T. XXVII, PL. XXVIII.

DYSTROPHIES GIGANTIQUES

sans acromégalie

(Adda)

MASSON et C". Éditeurs.

* Se. €u < ' > ** -W-

DYSTROPHIES GIGANTIQUES SANS ACRODIALI1 " " 91

d'apparence si chétive, les organes génitaux ne présentent pas d'atrophie ;

ce sujet dit accomplir normalement ses fonctions sexuelles. Le système

pileux paraît peu développé ; à peine trouve-t-ou quelques poils rasés au

niveau du pubis. Le fonctionnement des appareils respiratoire, circula-

toire et digestif ne présente rien de particulier à signaler.

L'examen des différents modes de sensibilité à la piqûre, au contact, à

la chaleur, ne nous a rien révélé d'anormal. Les réflexes cutanés et ten-

dineux sont normaux et il n'existe aucun déficit moteur appréciable.

D'intelligence moyenne, ce sujet ne présente aucun symptôme parti-

culier pouvant éveiller l'idée d'un trouble de sécrétion uni ou pluriglan-

dulaire.

A l'examen des membres supérieurs, nous voyons tout d'abord que le

processus dystrophique les atteint tous les deux d'une façon symétrique

en apparence, mais inégale. '

Du côté des mains, l'hypertrophie porte exclusivement sur l'annu-

laire, l'auriculaire et le médius gauches et droits et sur les métacarpiens-

correspondants ; les os du carpe ne sont augmentés de volume que dans

la zone cubitale. Les autres doigts paraissent normalement conformés;

cependant, il y a une prépondérance très marquée de la droite sur là

gauche. Les ongles sont élargis et craquelés ; la peau est normale, sans

altérations trophiques. Les mensurations donnent :

92 ADDA

inférieure de l'humérus gauche ; cet os, aux dimensions normales, s'arti-

cule avec un cubitus et un radius exagérément développés.

A l'examen des membres inférieurs, on ne retrouve plus cette appa-

rente symétrie; le pied gauche présente des proportions énormes et la

dystrophie porte sur le premier et le deuxième orteil, le tarse et le mé-

tatarse ; les trois derniers orteils sont petits et normalement conformés.

De l'exlrémité postérieure du calcaneum à celle du gros orteil, on trouve

comme longueur du pied gauche 34 centimètres ; elle n'est que de 24 à

droite; les périmètres médio-tarsiens et bimalléolaires sont respective-

ment 32 et 29 à gauche, 23 et 22 à droite. Le gros orteil présente un

périmètre de 18 centimètres, le deuxième orteil de 12 centimètres. La

conformation du pied droit est celle d'un pied normal (PI. XXVI et

XXVII).

Couché sur un plan rigoureusement horizontal, le sujet présente une

prépondérance de longueur du membre inférieur gauche ; on trouve, de

l'épine iliaque antérieure et supérieure gauche il la malléole péronière

correspondante, 90 centimètres ; la même mensuration droite donne

85 centimètres ; la cuisse gauche présente un périmètre de 15 centimètres,

à droite de 40 centimètres ; les deux jambes ont les mêmes longueurs et

périmètres. Ici encore, nous notons une distribution diffuse et dyssymétri-

que de l'hypertrophie. Celle-ci porte sur la cuisse gauche (masses muscu-

laires et fémur plus développé en longueur que son homologue) ; elle

respecte la jambe gauche, qui garde des dimensions normales et gagne

enfin le pied gauche,, où elle atteint les plus extrêmes limites.

L'examen radiographique du pied montre l'hypertrophie osseuse des

phalanges des deux premiers métatarsiens et des os de l'arrière-pied ; les

os sésamoïdes du premier métatarsien participent au processus ; les extré-

mités phalangiennes paraissent un peu- érodées ; surtout au niveau des

trois derniers orteils qui ont échappé à la dystrophie, on note de la raré-

faction du tissu osseux et de l'atrophie ; il est probable que cet état est

dû à des causes d'ordre purement mécanique.

En présence de toutes ces anomalies réparties d'une façon aussi inégale

aussi diffuse, nous eûmes l'idée d'examiner à l'écran le thorax de ce sujet;

nous avons été frappé par une prépondérance manifeste de l'hémithor3x

droit sur le gauche. Les côtes à droite sont plus développées et les espaces

intercostaux d'égale amplitude en inspiration forcée. A gauche les côtes

sont comme imbriquées les unes sur les autres, les espaces réduits de moi-

tié, comparativement avec leurs homologues.

Sont-ce là les indices d'une capacité respiratoire amoindrie à gauche ?

- '1YSrROPHIES GIGANTIQUES SANS ACROMALIE 93

L'aire cardiaque n'est pas augmentée de volume et le diaphragme exécute

des mouvements d'élévation et d'abaissement synchrones des deux côtés

et d'égale amplitude. -

Dès le début de cette observation, nous avons écarté l'hypothèse d'un

syndrome hypophysaire ; nous n'avons d'ailleurs relevé aucun des carac-

tères de l'acromégalie ; dans cette dernière, et en ne considérant que les

lésions osseuses, les pieds comme les mains sont élargis et épaissis, camards

sans augmentation notable de longueur ; l'hypertrophie porte également

sur tous les tissus, squelette et parties molles. Dans le cas qui nous oc-

cupe, la dystrophie du type gigantique est inégalement répartie au niveau

d'une même région.

S'agit-il d'une syphilis héréditaire ayant pu, au cours de la vie intra-

utérine, réaliser toutes ces difformités ? Mais, ce syndrome se distinguerait 1

par la présence des stigmates de IIutchinson, du tibia en fourreau de sa-

bre, etc... etc., que nous ne retrouvons pas chez ce malade. La réaction

de Wassermann que M. le Docteur Nicolle a eu l'amabilité de rechercher

est positive. Mais, nous fait remarquer notre confrère, peut s'agir d'une-

syphilis acquise. De sorte qu'en définitive, il est difficile d'émettre une

hypothèse étiologique au sujet d'un cas si curieux.

XXVII '1

REC1181RCIILS DU CABINET ANATOMIQUE A L'ASILE D'ALIÉNÉS UU

GOUVERNEMENT DE BESSAU,t1JlB lil)S1'I1'GGtVl).

SUH LA MORPHOLOGIE DU SANG DANS LA PELLAGIIE,

PAR

A. D. KOZOVSXY.

Il n'est pas nécessaire de dire quel rôle important joue l'examen du

sang dans les conditions normales et pathologiques. Toutes les observa-

lions en font foi. Voilà pourquoi j'ai pris la résolution d'étudier la ques-

tion des modifications morphologiques du sang dans la pellagre. Dans ce

Il je me suis servi comme matière des malades psychiques, qui se trou-

vaient dans notre hôpital et de pellagreux récents, qui manifestaient

seulement des troubles somatiques. J'ai observé cette catégorie de

malades en faisant ma tournée dans les districts du gouvernement

atteints par la pellagre comme ceux de Kischiuer, de Choline, et parti-

culièrement de Belz. Tous les cas que j'ai observés atteignent un nombre

dépassant 70, mais, admettant l'uniformité des résultats j'ai piis la

résolution de publier seulement 52 de ces cas. Dans mon travail le pro-

secteur de l'hôpital N. A. Alféeysky m'a rendu de grands services. Ses

connaissances m'ont souvent aidé à faire mon analyse dans tels ou autres

cas. En outie le docteur interne V. A. Farussevitsch m'a comblé de sa

grande assistance en m'apprêtant les préparations et en les colorant. A

mes deux confrères, j'adresse ma plus sincère gratitude. Je ne toucherai

point les détails de la technique, car ils sont bien simples et d'une noto-

riété générale. On obtenait le sang au moyen d'une piqûre d'aiguille,

on l'étalait ordinairement sur une lame et ensuite, après l'avoir séché

on faisait la coloration au moyen de Giemsa. Les préparations ont élé

étudiées au moyen d'un système il immersion.

Je vais donner d'abord les résultais de mes observa lions ; je dois avenir l'

des circonstances suivantes : dans mes notes de registre je consigne seu-

lement les faits qui doivent, à mon avis, passer pour des phénomènes

anormaux. Ainsi en m'occupant des grands ou des petits lymphocytes, j'ai i

eu l'intention de dire que leur quantité est si grande, que cela ne peut

passer pour un phénomène normal ; j'ai donc toujours laissé de côté dans

mes descriptions tout ce qui est naturel il la morphologie du sang. Mes

observations ne sont-point terminées, mais, ayant égard il la rareté des

travaux sur l'hématologie de la pellagre.*elles ne sont point privées d'une

SUR LA MORPHOLOGIE DU SANG DANS LA PELLAGRE 95

signification sérieuse d'autant plus que, malgré leur imperfection, elles

donnent la possibilité de faire quelques déductions générales sur la

pathogénie de la maladie. Je mentionnerai que les cas 1-21 se rapportent

aux malades somatiques, que j'ai examinés dans les villages et les autres

à ceux qui se sont trouvés à l'hôpital de Koslingeni.

1° A. V., (le 30 ans. Malade de la pellagre dès le printemps do l'année

courante ; manifestations cutanées-intestinales. L'examen du sang présente :

beaucoup de leucocytes basophiles, avec un protoplasma rempli de vacuoles;

des leucocytes neutropliiles, un petit nombre de grqnds mononucléaires et

de mononucléaires menus.

2° M. S-,âgé de 43 ans ; malade mois, manifeste les trois formes de la pel-

ladre. Le sang contient beaucoup de mononucléaires menus, des leucocytes

remplis de vacuoles ; '

3° D. R., âgée de 35 ans ; malade 4 mois de 3 périodes de la pellagre. Le

sang donne les mêmes tableaux, on y remarque des cellules avec une vacuo-

lisitioti en bordure avec un écroulement.

4° N. M., âgé de 53 ails. Malade 3 ans de trois formes pellagriques. On a

trouvé dans le sang : des leucocytes basophiles, quelques-uns avec des vacuo-

les, des grands lymphocytes et des formes transitives, deux ou trois myélo-

blastes.

5° A. Z., âgé de 60 ans. Malade 2 ans d'une pellagre. Commencement d'une

cachexie; beaucoup de cellules de Fürex avec des vacuoles, des grands

mononucléaires ?

6° V. L., âgée de 50 ans. Malade uu mois et demi ; forme cutanée, intesti-

nale et nerveuse d'une pellagre. Le sang contient des leucocytes vacuolisés

et des lymphocytes à un noyau.

7° K. F , âgée de 31 ans. Malade 4 ans, a été atteinte de psychose pellagrique ;

l'examen du sang présente : des leucocytes, des lymphocytes en quantité

augmentée et en petit nombre des cellules de Fiirex.

8° ti. V., âgée de 40 ans; malade à peu près 5 mois des formes cutanées-

ititestiiiiles de la pellagre. Le sang contient beaucoup de gros lymphocytes à

un noyau ainsi que des cellules de Fiirex, des leucocytes avec des vacuoles et

des granulations basophiles, des myéloblastes et des promyélocytes.

UO M. M., âgée de 27 ans. Malade pendant 4 mois ; forme cutanée-intestinale

et nerveuse d'une pellagre. Le sang contient : un petit nombre de myéloblas-

tes et des lymphocytes exigus.

10, A. Z., figé de 42 ans. Malade 4 mois d'une même forme pellagrique. On

a trouvé dans, le sang des myéloblastes, 1-2 myéloblastes, des leucocytes va-

ctiulisés et des grands lymphocytes.

11° B. Z., âgé de 60 ans. Malade 2 ans. Pellagre cachectique. Des gros mo-

nonucléaires, cellules de Furex, leucocytes vacuolisés.

1` ? ° 13. S., âgé de 42 ans ; malade 1 an ; pellagre cutanée- nerveuse. Les

myéloblastes, les leucocytes vacuolisés, des grands et petits moiionti-

clCaircs.

96 KOZOVSXY

13° S. V., âgé de 70 ans ; cachexie; malade quelques années. 1-2 myélo-

hlastes, des grands et des petits mononucléaires.

14° Y. Ch., âgée de 35 ans. Malade 1 an d'une pellagre cutanée intestinale.

Des grands et petits lymphocytes ; des leucocytes vacuolisés.

15° 0. ¥.. âgée de 7 ans. Malade quelques semaines. Des lymphocytes,

quelques monoblastes et mégaloblastes. ,

4(i° Y. M., âgé de 8 ans. Malade de toutes les formes pellagreuses. Le sang

contient : beaucoup de mononucléaires et des leucocytes vacuolisés.

17° Y. K., âgée de 2 ans ; malade 6 mois ; toutes les manifestations de la

pellagre. Le contenu du sang est le même que dans le cas précédent.

18° Y. 0., âgée de 4 ans, Malade 4 mois. Pellagre cutanée intestinale. Le

sang contient des mononucléaires.

1rJ^ Y. F., âgée de 48 ans. Malade 1 au de la pellagre. Manifestations de la

cachexie. Le sang contient beaucoup de mononucléaires.

20° M. K., âgée de 28 ans. Maintenant elle est tout à fait bien portante. Au

printemps elle avait des manifestations cutanées intestinales de la pellagre. Le

sang coutient beaucoup de mononucléaires menus.

21° S. M., âgé de 32 ans. L'année dernière il était malade d'une pellagre

cutanée qui est complètement passée ; aujourd'hui il y a quelque temps que

la maladie a récidivé. Le sang contient beaucoup de gros lymphocytes et des

myéloblastes.

22° Y. G., âgé de 35 ans. Malade de pellagre une année, et d'un dérange-

ment psychique un mois ; se trouve depuis deux semaines à l'hôpital. Le sang

contient des leucocytes d'une couleur presque pâle,sans granulations ; beaucoup

de gros et menus lymphocytes. Le protoplasma est fortement coloré, parfois

avec de gros noyaux, et parfois consiste sans différenciation d'un noyau ; sou-

vent le protoplasma est plus intensément coloré que le noyau même. Parfois

on y rencontre des cellules avec des vacuoles.

23' S. G., psychose pellagrique : Depuis un mois à l'hôpital ; deux mois

après l'examen du sang il en est sorti. Le sang contient beaucoup de lympho-

cytes menus et de gros lymphocytes mononucléaires.

24° M. G., psychose. pellagrique. Un mois après sa rentrée à l'hôpital il

tomba malade d'un typhus pellagrique et mourut en peu de temps ; pendant t

la maladie on a fait l'examen de son sang. Le sang contient beaucoup de gros

lymphocytes avec un commencement de grosses granulations, ainsi que des

vacualisations. Un petit nombre de lymphocytes avec des vacuoles.

25° S. K., psychose pellagrique. Le sang a été 'examiné 5 jours après la

rentrée. Il mourut bientôt, présentant les manifestations d'une faiblesse

progressive avec diarrhée. Le sang contient beaucoup de menus et un petit

nombre des gros lymphocytes, parfois faiblement granulés.

26° D. S., psychose pellagrique. L'examen du sang a été fait deux semaines

après la rentrée. Il est sorti. La quantité des petits lymphocytes dans le sang Z)

s'est augmentée. On a trouvé un myéloblaste.

27° M. G,, psychose pellagrique. On a fait l'examen du sang 10 jours après

SUR LA MORPHOLOGIE DU SANG DANS LA PELLAGRE 97

.

la rentrée. Sortie ultérieure. Le sang contient de grands lymphocytes, des

promyélohlastes, des petits lymphocytes avec ou sans vacuolisation.

28° A. G., psychose pellagrique. Le sang a été examiné le jour suivant après

la rentrée. Sortie. Le sang contient de gros lymphocytes, rarement des pro-

myélocytes. -

29° S. S., psychose pellagrique. On a fait l'examen du sang 5 jours après la

rentrée. Le malade tombe graduellement dans un état d'imbécillité. Le sang

contient de gros lymphocytes et un petit nombre de promyélocytes.

30° S. B , psychose pellagrique. Le sang a été examiné 5 jours après la ren-

trée. Sorlie. Le sang contient de gros lymphocytes, des promyélocytes, des

lymphocytes menus et des lymphocytes et leucocytes vacuolisés.

31° 0. Fli., psychose pellagrique. On a fait l'examen du sang 5 jours après

la rentrée ; la malade se rétablit. On rencontre dans le sang des grands et des

petits lymphocytes, parfois des cellules vacuolisées.

32° M. R., psychose pellagrique. On a fait l'examen du sang 25 jours après

la rentrée ; le malade est faible. Le sang contient de grands lymphocytes, un

myéloblaste et des leucocytes vacuolisés.

33° A. R., restait à l'hôpital 2 mois. Tout le temps il se sentait excité, en

manifestant un état de confusion. Ensuite arriva promptement la faiblesse, les

diarrhées, la conscience s'est éclaircie ; il est mort d'un court épuisement pel-

lageique. On a obtenu le sang de la rate tout de suite post mortem ; nous rencon-

trons ici de gros lymphocytes, des myélocytes neutrophiles et un petit nombre

de leucocytes neutrophiles. Plusieurs cellules montrent des vacuoles et pos-

sèdent des symptômes de désagrégation. Au milieu des cellules on trouve

une masse de bactéries grosses, courtes; quand on les étudie en détail on

constate que ce sont les diplocoques.

3f fil. D. est restée à l'hôpital 2 semaines. Elle se trouvait tout le temps dans

un état d'agitation et d'excitation psychique. Ensuite arriva promptement une

faiblesse progressive après quoique la malade est morte. Le sang présente le

même tableau que dans le cas précédent, mais la quantité de coccus est bien

moindre.

35° A. G., psychose pellagrique. Le sang a été examiné post rnorlem. Le

malade était mort d'un accès de faiblesse progressive. Le sang obtenu de

la rate contient par ci par là les mêmes bactéries.

36° M. R., psychose pellagrique, compliquée par un typhus pellagreux, du-

quel il est promptement mort. Le sang a été obtenu post mortem. Le sang

de la rate présente les mêmes phénomènes que dans le cas précédent.

37° M. S., psychose pellagrique. Le sang a été obtenu une semaine après

la rentrée. La malade est très inquiète et excitée. Le sang contient de grands

et gros lymphocytes, quelques-uns avec une vacuolisation nettement exprimée.

38° D. G., psychose pellagrique. Le sang a été obtenu le jour suivant après

la rentrée. Elle est sortie. Le sang contient de grands lymphocytes.

39° B. R., psychose pellagrique. On a obtenu le sang un mois après la ren-

trée. Elle est sortie. Le sang contient beaucoup de lymphocytes.

40° A. S., psychose pellagrique. Le sang a été obtenu une semaine après

98 KOZOVSXY

la rentrée. Sortie ultérieurement. Le sang contient quelque augmentation des

lymphocytes.

41° S. IL, psychose pellagrique. Le sang a été examiné une semaine après

la rentrée. Sortie. On a trouvé dans le sang quelque augmentation des

lymphocytes. -

42° D. E., psychose pellagrique. L'examen du sang a été fait le jour suivant

de la rentrée. Sortie. Le sang présente une augmentation en nombre des

gros lymphocytes.

43° 0. D., psychose pellagrique. On a examiné le sang un mois après la

rentrée. Aucune amélioration dans la santé. Le sang présente une augmenta-

tion en nombre des gros lymphocytes.

41° Z. N., psychose. L'examen du sang a élé fait un mois après la rentrée.

Sortie. Le sang idem ; quelques myéloblastes.

45° M. B., psychose, idem que dans le cas précédent. Le sang présente une

faible augmentation des lymphocytes.

4G, F. P., psychose. L'examen du sang a été fait 5 jours après la rentrée..

La malade ne se remet point. Le sang contient do grands lymphocytes, un ou

deux promyélocytes. ,

47° A. N., psychose. Le sang a été examiné deux semaines après la rentrée.

Est morte en manifestant une faiblesse progressive. Le sang présente une aug-

mentation des lymphocytes.

48° B. G., psycliose. L'examen du sang a été fait 2 semaines après la ren-

Li ée. Les derniers temps la malade était cachectique est malpropre. Le sang ne

présente rien de particulier.

4')° S. 0., psychose. L'examen du sang a été fait une semaine après la ren-

trée. Sortie. Le sang ne présente rien de particulier.

50, G. G., psychose. On a examiné le sang deux semaines après la rentrée.

La malade est dans les derniers temps bien faible. Le sang ne présente rien de

particulier.

51° A., psychose. L'examen du sang a été fait deux semaines après la ren-

trée. Est mort d'une paralysie du coeur. Le sang présente une certaine auâ

mentation des gros lymphocytes.

52° S. F. est malade quelques mois d'une pellagre psychique. La semaine

dernière elle tomba malade d'un typhus pellagrique. Le sang contient princi-

palement une grande quantité de petits lympliocytes.

Si nous jetons présentement un regard sur les modifications trouvées,

nous pouvons les réunir dans le résultat d'ensemble qui suit :

1° Dans les cas relativement récents, qui se manifestent sans psy-

chose on observe dans le sang : des grands et des petits lymphocytes, une

quantilé augmentée de leucocytes vacuolisés, des cellules de Fûrex, des

leucocytes en état de désagrégation, parfois des myéloblastes, des myélo-

cytes et des promyélocytes.

2° Dans les cas compliqués de psychose, on observe le même ta-

SUR LA MORPHOLOGIE DU SANG DANS LA PELLAGRE 9U

bleu ; mais généralement on y rencontre une considérable augmentation

des gros el des petits lymphocytes.

3° Enfin dans les cas d'un typhus pellagrique (cas 2f¡) le sang contenait

beaucoup de grands lymphocytes avec un début d'étal granuleux nette-

menl e'(p : 'illl et ave¡; l111 : \ vac : LOlisalioll des Iymphoc)'le,.

J'ai fait la numération des globules blancs dans 20 cas, 10 récents et

10 d'une lente évolution, qui se sont trouvés à l'hôpital et par rapport à

leur pourcentage, j'ai atteint approximativement les chiites suivants :

100 . KOZOVSXY

peuvent point caractériser le processus ordinaire de la pellagre. La ques-

lion des modifications des globules sanguins blancs est plus impor-

tante pour nous. Si nous allons examiner les préparations obtenues

des malades pellagreux à côté des préparations d'un sang normal, alors

l'augmentation relative des lymphocytes est frappante. Un tel tableau est

commun aux cas récents et aux cas d'une lente évolution et à presque tous

ceux qui ,provoquent une psychose. Il concerne les deux formes des lym-

phocytes ; nous y trouvons ici des petits et des grands ; je n'ai point réussi

à établir une certitude quelconque par rapport à leur apparition dans tel

ou tel cas. Ensuite il est intéressant de noter celle circonstance, qu'on y

trouve de très grosses cellules à un noyau, qui surpassent la grandeur

des grands mononucléaires normaux; c'est ce que Pappenheima a nommé

les macrolymphocytes; parfois ces cellules contiennent des noyaux neu-

trophiles et alors elles correspondent ainsi aux cellules qui ont élé nom-

mées par le même Pappenheim les promyélocytes.

Ensuite, nous nous arrêterons à l'examen des Cellules qui se nomment

les cellules Pürex. En faisant mes recherches j'ai estimé comme cel-

lules de Fürex celles dont le protoplasma était coloré d'une couleur

bleu foncée; le noyau est placé excentriquement; il est coloré plus fai-

blement que le protoplasma on y rencontre souvent dans le proloplasma

des vacuoles. Notons ensuite que dans mes préparatifs j'ai trouvé une

quantité considérable de leucocytes avec des vacuoles qui remplissaient

souvent à peu près tout le protoplasma celluleux. Il convient de noter une

absence complète des cellules éosinophiles : pas une de mes prépara-

tions ne m'a donné la possibilité de constater un éosinophile typique. En-

fin je dois rappeler au souvenir que dans la rate d'un typhus pellagreux,

on a constaté des bacilles et des coccus, ce qui ne m'est jamais arrivé de

rencontrer dans les cas ordinaires de la période aiguë. Passons maintenant là

l'appréciation des faits obtenus. Arrêtons-nous d'abord sur la lymphocy-

tose. Ce phénomène possède absolument une signification pathologique.

Schleip dit que la lymphocytose « ist bedingt durch Ausschwemunung

von Lymphocyten aus patholoâisch veranderten Lymphdrüsen » (S.

56). Siegler constate que l'augmentation des lymphocytes est particu-

lièrement forte après un typhus abdominal et dans l'anémie aplastique »

(p. 32).

Naegli dans son tableau annonce une augmentation des lymphocytes

dans la chlorose, dans les anémies chroniques et pernicieuses. Schilling-

Forgues énumère celles des maladies dans lesquelles on y observe la

diminution des leucocytes et l'augmentation des lymphocytes. Ces

maladies sont : l'influenza, la fièvre jaune, la dengue, la poliomyélite

aiguë, le beri-beri, le scorbut etc... (P. 67, 79) ; la même augmentation;

SUR LA MORPHOLOGIE DU SANG DANS LA PELLAGRE . 101

des grands lymphocytes peut s'observer dans la tuberculose généralisée

des glandes lymphatiques (Ziegler 1. p. 42). Fournier trouvait dans le sy-

philis une augmentation (relative) numérique des leucocytes à un noyau

et une diminution (relative des leucocytes) à plusieurs noyaux (p. 27).

On observe, comme on le sait, les myélocytes et les myéloblastes dans

la leucémie myéloïde, avec augmentation du nombre des éosinophiles.

Dans nos recherches, comme nous l'avons déjà vu, la rencontre d'un

éosinophile est bien rare. Notons que, d'après « Rechetillo », on y trouve

dans le sang des pellagreux aussi quelque quantité augmentée des élé-

ments, qui ne sont point mûrs, ce qui prouve une transition retardée des

jeunes éléments dans un état plus mûr. Ce fait témoigne la modification

présente du sang (p, 328). Ferrata joint les cellules de Fürex, ou les cel -

Iules d'irritation aux formes pathologiques. « Anzi da alcune autori queste

cellule sono state retenute come eritroblasti patologici fortemenlebasofili »

(S. 171). Schleip compte, qu'elles « kommen zur in pathologischen

Blute vor nach Leucocytose und enlziondlichen Processen » (S. 'Si).

Nous les trouvâmes, en général, dans un nombre minime. En ce qui con-

cerne la vacualisation des cellules, quoiqu'elle se rencontre dans le sang

normal, elle possède pourtant une signification importante pathologique

dans tels cas, quand elle est exprimée dans une grande quantité d'exem-

plaires. Ferrata dit : « nelle infecioni gravi si trovano frequetemenle

âlterazioni a carico delle cellule a tipo linfoidi consistente in vacuolisa-

sioni del protoplasma e nella pianosi del nucleo » (p. 186). Le même

principe prononce aussi Schleip : « Mann kann diese Veranderungen

(rahlreiche Vacuolen) regelmassig beobachten im Blute von sehr gesch-

vacllten oder moribunden Kranken, manchmal vor dem Fode (P. 34).

Mais à côté de cela, il faut bien considérer, que d'après Schleip, les leu-

cocytes basophiles sont parfois : « obne Granula unel dann erscheinen die

Lûken im Netzmerk. voie Vacuolen » (p. 32). Il est bien important de

noter que d'après Ziegler, « on observe l'augmentation du nombre de

mastzellen dans plusieurs maladies cutanées comme dans la cirrhose

du foie, l'irritation orliée, dans plusieurs formes d'anémie et ceci prend

une forme transitive dans la leucocytose. Lohlein compte, que « voirel ein n

bouleriell bedingter entzudiicher Process chronisch, so lreten vorwiegent

mononupleare Eiemente, darunter besonders Plasmazellen und Lym-

pllozyten aus (S. 9). Nous avons aperçu que dans quelques-uns de nos

cas (N. 4), la quantité des mastzellen est particulièrement grand. Ainsi le

résultat de modification du sang dans la pellagre peut être résumé : dans

tous les cas récents et aussi presque dans toutes les maladies psychi-

quement compliquées, le nombre des lymphocytes est nettement aug-

menté. La comparaison avec les autres maladies, dans lesquelles on

102 KOZOVXY. SUR LA MORPHOLOGIE DU SANG DANS LA PELLAGRE

observe le même phénomène, nous permet d'émettre que celte augmen-

tation des lymphocytes est en rapport avec les éléments toxiques qui

circulent dans le sang. Du moins une conclusion pareille est juste pour

des cas récents. En ce qui concerne les sujets qui ont été trouvés à l'hô-

pilai, il est bien difficile de dire en quelle proportion interviennent les

éléments toxiques ou les modifications subséquentes des organes sanguins

pour lesquels se prononce la présence, dans certains cas, d'une norme

des mégaloblastes et des myéloblastes.

Il est possible qu'ici soient en présence les deux causes. La trouvaille

la plus importante c'est la présence dans le sang de la raie des para-

sites. Je noierai que ces parasites ont" une ressemblance avec ceux qui

ont élé décrits dans la pellagre par Tizzoni. Leur présence dans les for-

mes présentes de la pellagre nous force d'arriver involontairement à la

supposition que ces microorganismes ne sont qu'une cause d'aculisation

de la pellagre. A côté de ça, l'effeclif d'une grande quantité de- gros lym-

phocytes dans un cas de typhus pellagrique (24) nous force d'apercevoir

une certaine réaction d'organisme sur une intoxication circulante

réaction dans une forme âprement exprimée par une accumulation dans

le sang de grands mononucléaires.

Considérons ensuite que chez les malades atteints de pellagre com-

pliquée par un typhus pellagrique on a trouvé des parasiles, et que ces

malades se sont, depuis longtemps, nourris de maïs, il surgit une ques-

tion sur la cause d'acutisalion de la pellagre, à savoir s'il est possible

d'admellre, que dans nos cas elle dépendait toujours d'une intoxication

immédiate des poisons de maïs avarié. Les faits ci-dessus ne confirment

pas complètement la simple théorie du maïdisme et nous forcent à cher-

cher encore d'autres fadeurs, jusqu'à présent inconnus. En terminant

mon travail je voudrais bien qu'on y fasse attention à ce que, peut-être,

les investigations futures du sang répandront, en dét11l, une plus grande

clarté sur la pathogénie de la pellagre.

INFLUENCE DU MILIEU ET DU TRAVAIL SUR LES

STÉRÉOTYPIES,

PAR

MM. René CHARON et Paul COURBON,

Médecins de l'asile d'aliénés d'Amiens.

La répétition incessante des mêmes gestes, des mêmes paroles des

mêmes actes, et la conservation perpétuelle des mêmes attitudes, conslU z

tuent un syndrome auquel les médecins aliénistes ont donné le nom de

stéréotypie et dans lequel le public lui-même n'hésite pas à reconnaître

une manifestation psycliopathique.

Et pourtant, si insensée que puisse paraître à l'observateur la conduite

des sujets porteurs de ce syndrome, elle n'est pas toujours dépourvue de

toute logique.

En effet, celle mimique invariable peut n'être que la traduction d'un

état de conscience persistant. Elle nous parait inexplicable parce que

nous ignorons ce qui se passe dans l'esprit du malade, mais, en réalité,

elle est parfaitement adéquate à la situation mentale qu'elle exprime.

Regarder constamment sous son lit avant de se coucher, quand on se

croit traqué par des ennemis, se laver les mains sans trêve, quand on

redoute une contagion, s'agenouiller chaque fois que l'on voit apparaître

une divinité, c'est recommencer toujours la même chose, mais c'est aussi

avoir une raison et un but pour agir. En somme, les acles stéréotypés des

délirants, des hallucinés, des obsédés, possèdent, suivant le mot de Dro-

mard (1), un contenu idéo-ilfectif qui explique leur genèse, ce sont des

pseudostéréotypies.

Les stéréotypies véritables, au contraire, sont celles qui ne correspon-

dent à aucune idée, à aucun sentiment; la mimique qui les constitue n'ex-

prime aucun état de conscience. Elle n'exprime rien, non seulement pour

l'observateur, mais même pour le malade lui-même dont les facultés sont

ruinées ou suspendues. En un mot, les stéréotypies vraies ont pour ca-

ractère d'apparaître d'une manière arbitraire, sans raison et sans but

(Dromard).

(1) Dromard, La mimique des aliénés, Alcan. 1

104 CHARON ET COURBON

Leur origine est difficile à connaître. Tantôt, elles datent de longtemps

déjà et ont eu jadis une signification, mais, sous l'influence de la désagré-

gation mentale, la cause qui leur donna naissance a disparu; le malade

continue sans savoir pourquoi il a commencé : ce sont des fausses stéréo-

typies déchues au rang de vraies stéréotypies. Tantôt, au contraire, elles

naissent sous,les yeux du médecin, et sur un individu dont l'intelligence

et l'affectivité ont depuis longtemps sombré sans retour. Ce sont des mou-

vements organisés qui se greffent, on ne sait pourquoi, sur un individu

dont l'activité ne peut plus être qu'automatique. Les motifs, pour les-

quels ils s'organisent d'une façon plutôt que d'une autre, restent le plus

souvent inconnus. Les hasards d'une suggestion inconsciente, venue de

l'extérieur, peuvent les occasionner, ou bien ils ne sont que la résurrec-

lion d'une ancienne habitude plus ou moins déformée.

Quelquefois c'est dans un passé antérieur à celui de la vie individuelle,

que semble avoir été contractée l'habitude dans laquelle se canalisent les

mouvements où se cristallise l'attitude du sujet.

Une interprétation analogue se présente, concernant une des stéréoty-

pies du malade dont nous apportons ici les documents iconographiques.

Depuis quelques années, et'sans qu'il puisse fournir les motifs de sa

conduite, il ne dort qu'accroupi, dans la situation du foetus. En dépit

de tous les efforts tentés pour l'en empêcher, il relève matelas et traver-

sin contre le dossier du lit, de façon à être soutenu par derrière tout

en restant assis. L'été, il rejette toutes ses couvertures ; l'hiver, au con-

traire, il les dispose au-dessus et autour de lui, afin d'être au chaud pen-

dant son sommeil, ce qui donne à sa couche une allure fantomatique,

dont s'épouvante chaque nouveau veilleur à sa première ronde.

Pendant le jour, il conserve, en partie cette attitude foetale. '

Dans la station debout ou assise, sa cuisse gauche reste toujours re-

pliée sur le ventre; pendant la locomotion, il en est de même, car il

n'avance dans tout le quartier, qu'en se servant de la jambe droite, sur

laquelle il sautille.

Mais, et c'est là un point digne d'attirer l'attention, dès que le malade

arrive à la porte du pavillon, pour se rendre à la ferme, où on l'occupe à

traire les vaches, il se remet à marcher sur les deux jambes comme tout

le monde. Il continue à se mouvoir de la même façon, tant qu'il est de-

hors ; par contre, au retour, en franchissant le seuil de son quartier, il

recommence invariablement son sautillement sur le pied droit.

Le travail exerce là une suspension évidente sur la stéréotypie. Mais il

a eu une influence plus complète sur des stéréotypies plus anciennes et

différentes qu'il a totalement fait disparaître.

L'une de ces habitudes évanouies aujourd'hui doit être signalée, parce

NouvrLi.r. Iconographie de la ',3.LPtFRILRF.

r. XXVII. PI. XXIX

A

B

C

D

INFLUENCE DU TRAVAIL SUR LES STÉRÉOTYPIES

(R. Charon el P. Courbon).

A. Marche du malade pendant le travail. B. Le même en dehors du travail.

C. Attitude pendant le sommeil. D. Attitude aux heures de repos.

Masson & Cie, Editeurs

INFLUENCE DU MILIEU ET DU TRAVAIL SUR LES STÉRÉOTYPIES 105

que la preuve de la guérison de la stéréotypie y est fournie, d'une façon

manifeste, par la guérison même des troubles physiques qu'elle avait oc-

casionnés. -

Pendant les années 1910 et 1911 que, par suite du mauvais état de sa

santé, il passa dans l'oisiveté, il dépensait toute son activité à se piquer

la peau des bras et du.visage avec des épingles ou des cailloux aiguisés

par lui pour cet usage. Si bien qu'il présentait en diverses régions du té-

gument, de larges placards donnant, à première vue, l'impression d'être

symptomatiques d'une affection cutanée.

En 1912, les forces physiques ayant augmenté, le malade est envoyé à

la ferme où il s'occupe avec régularité. Il ne larde pas à perdre l'habi-

tude de se piquer, si bien qu'à l'heure actuelle l'examen le plus attentif

de la peau du sujet ne décèle plus aucun vestige des piqûres dont elle

fut le siège. El pourtant le tatouage, en certaines régions tégumentaires,

était si net que le D° Tissot (1) en fit l'objet d'une intéressante commu-

nication au congrès des aliénisles de 1911.

Voici, d'ailleurs, l'observation du malade (PI. XXIX) :

S... Romain, interné à l'asile de Dury, en 1897, à l'âge de 30 ans. On ne

sait de son histoire que ce qu'il eu raconte lui-même : pendant huit ans, il

aurait séjourné en Allemagne, en Angleterre, en Amérique; il y a tout lieu de

croire que, dans ce dernier pays, il passa une partie de son temps dans les

prisons de New-York et de New-Curg, et c'est probablement pendant sa déten-

tion qu'il devint aliéné. Quoi qu'il en soit, en 1897, on le ramena d'office en

France, sous la conduite d'un gardien qui l'aurait débarqué à Boulogne ; bien-

tôt, enfin, il fut arrêté dans une commune de la Somme, en état de vagabon-

dage et de confusion mentale.

A l'asile, il présente une obnubilation intellectuelle très marquée, des concep-

tions délirantes incohérentes et diffuses à prédominance mégalomaniaque,

avec longues périodes de stupeur. En 1900, un peu amélioré dans les manifes-

tations de l'activité générale, il se met à travailler, mais il reste incohérent,

dissocié, incapable de fournir des souvenirs précis. En 1907, il cesse tout tra-

vail pour se livrer à une série d'actes stéréotypés dans l'ordre rituel (génu-

flexions, signes de croix). En 1910, on le trouve un jour occupé à se piquer

la peau des bras avec un faisceau d'épingles assemblées comme pour le

tatouage, et depuis lors, il n'a pas cessé cet exercice (nouvelle forme de ken-

tomanie, provoquant, à la longue, des lésions cutanées bizarres qui offrent

toute leur intensité sur les avant-bras).

L'altération du tégument ne simule véritablement aucune dermatose classée.

C'est, de l'eczéma chronique qu'elle se rapprocherait le plus, tenant à la fois

dés formes pityriasique et lieliénoïde : il y a, en effet, épaississement de la

(1) 1) Tissot, Azslomutilateur piqueur stéréotype. Congrès des aliénistes et neurolo-

gistes d'Amiens, t911..

106 CHAITON Er COURSON

peau sans infiltration et il n'existe aucune démangeaison, ce qui est un élé-

ment de diagnostic important.

Au commencement de 1912 le malade, qui a pris de l'embonpoint et qu'on

ne peut distraire de cette ilntomutilation. est envoyé la ferme. Dès le premier

jour, il se met au travail avec docilité et adresse et ne se livre à son occupation

mutilante favorite que pendant les moments de repos. Mais dès qu'on le sur-

prend datif celle attitude, on lui donne une nouvelle lâche. En quelques jours

il perd complètement cette habitude.

Au milieu de 1913, à la suite d'une discussion et d'une bagarre avec des

camarades de travail, on le laisse au quartier et c'est alors, qu'en quelques

semaines on voit naître l'attitude accroupie, ci-dessus décrite, qui rappelle

celle du foetus dans le ventre de sa mère.

La nuit, pour garder cette position, sans incommodité, il se fait un dossier

de son matelas et se sert de ses couvertnrcs ou non, suivant l'état de la tem-

pérature ; il ne dort jamais entièrement et on ne le trouve jamais couché sur le

dos, ni sur le ventre, ni sur le côté.

Le jour, il se tient également dans un coin, les genoux au menton, les

talons aux fesses.

Pour briser cette stéréotypie on le renvoie au travail ; le succès obtenu

n'est pas complet. Pendant tout le temps de la lâche, son maintien et sa mar-

che sont normaux. Mais dès qu'il est au quartier, s'il ne reprend pas la situa-

tion accroupie, du moins sa jambe gaucho reste-l-elle constamment fléchie

sur le bassin. C'est ainsi qu'il ne s'assied que sur la fesse droite et qu'il ne se

déplace qu'en sautant sur la jambe du même côté. Du réfectoire au dortoir ou

dans la cour, il ne va jamais qu'en sautillant sur un seul pied, toujours le

même. Au contraire, ainsi que nous l'avons dit, hors du pavillon, il ne se dis-

tingue en rien des autres hommes. La nuit, il continue à dormir dans la même

position incommode et guindée. La démence n'a fait que s'accroître et il pré-

sente, dans toute son ampleur, le syndrome des réponses absurdes de

Ganser.

La présence de stéréotypies vraies, comme le sont celles que nous

offre l'observation précédente, n'est pas rare dans la clémence. En effet,

l'activité survivante du sujet, ne peut s'épuiser que dans l'incohérence

ou dans la répétition immuable des mêmes actes, puisqu'elle n'a plus

pour guides la raison ni le sentiment.

Le premier point qui méritait notre attention, est celui de la ressem-

blance entre la position stéréotypée prise par le malade pour dormir et

celle du foetus dans le sein de sa mère. On peut y voir l'indice d'une ré-

gression démentielle remontant jusqu'à l'époque de la vie intra-utérine ;

l'attitude accroupie dont on ne peut désaccoutumer le sujet, ne serait

alors que la réviviscence d'une habitude prise par l'organisme au moment

même de sa formation.

Mais l'intérêt essentiel du cas repose sur le rôle que l'oisiveté et le

INFLUENCE DU MILIEU ET DU TRAVAIL SUR LES STÉRÉOTYPIES 107

travail jouent dans l'éclosion et la disparition de ces stéréotypies. Nées

toujours pendant une période d'inaction, elles disparurent constamment

pendant les périodes d'occupation, et si parfois elles surgissent de nou-

veau, ce n'est jamais qu'aux instants de repos.

Cette influence, curalive pour certaines stéréotypies, comme celles de

la prière et de la piqûre, palliative pour d'autres, comme celles de l'ac-

croupissement et du sautillement sur une jambe, que nous voyons exercer

par le travail, n'est pas pour surprendre si l'on songe, que, de tous les

agents thérapeutiques, le plus efficace dans la démence est le travail. La

ruine des facultés conscientes du dément le voue désormais à l'incohérence

ou à l'automatisme.

Le seul recours que l'on ait alors est de faire naître des automatismes

utiles, dans le premier cas, en canalisant vers une direction unique l'ac-

tivité qui s'éparpille, et dans le second cas, en substituant ces automatis-

mes utiles aux automatismes extravagants nuisibles ou même simplement

inutiles qui s'organisèrent spontanément. Le travail manuel répond

pleinement à ces deux indications.

QUELQUES NOUVELLES CONSIDÉRATIONS SUR LES

PSYCHO-NÉVROSES PROFESSIONNELLES. PATIIO-

GÉNÈSE ET EXEMPLES DE TRAITEMENTS

PAR

Tom. A. WILLIAM M. B.

(de Washington).

Les névroses causées par les occupations régulières sont, dans leur vraie

signification, des désordres psychiques. Leur étude se rattache donc à la

phychologie. L'étiologie et le traitement des cas dont je vais vous entre-

tenir démontrent clairement le peu d'importance des principaux agents

auxquels on attribuait autrefois les insuffisances nerveuses qui résultent

d'occupations régulières.

Si la logique et la réflexion n'avaient pas fait défaut dans l'étude de ces

désordres nerveux fonctionnels, on ne se serait pas contenté des explica-

tions naïves qu'on en a proposées.

Par exemple, comment admettre qu'une névrose causée par la fatigue

ne s'améliorât pas par le repos ? . .

Quand une personne est si fatiguée qu'il lui est impossible d'écrire une

ligne à la plume, comment expliquer qu'elle soit capable d'écrire plusieurs

jours de suite au crayon, sans fatigue.

Bien plus, l'hypothèse de la fatigue ne parvient pas à expliquer pour-

quoi les mêmes muscles et les mêmes centres nerveux qui exécutent d'une

façon normale des opérations prolongées et pénibles, se trouvent en dé-

faut lorsqu'il s'agit d'une action professionnelle.

En outre, il est absurde de supposer qu'une ataxie d'origine physique

puisse permettre un mouvement parfaitement aisé, lorsqu'il ne s'agit pas

d'un acte professionnel.

Nous n'expliquons rien en classant les désordres fonctionnels nerveux

professionnels d'après la topographie des muscles, ou des nerfs, ou des

centres cérébraux. Et même, lorsque nous concevons ces troubles comme

étant purement fonctionnels, nous commettons une erreur, car leur méca-

nisme pathogénique est tout autre, et ne s'accorde pas avec la notion des

centres fonctionnels.

- r"'1 ? A'lJ(o . . -e -4

CONSIDERATIONS SUR LES PSYCHO-NÉVRpSES PR 109

L'hypothèse des toxines par laquelle est - ? Gct 1 ui d'ex-

pliquer bien des désordres fonctionnels, ne peut être acceptée dans ce

.cas, car les effets du poison sur les muscles ou sur les nerfs se manifes-

lent à tous les instants où ils exercent leurs fonctions et non pas seule-

ment pendant les actes professionnels.

Toutefois, bien que les toxines ou la fatigue ne participent pas directe-

ment à la genèse des psychoses d'employés, elles peuvent y prédisposer

en affaiblissant l'activité physiologique du système nerveux et conséquem-

ment la tension psychologique.

. L'état physique de fatigue ou d'infection nuit nécessairement à l'effort

du travail. Ce n'est pas cependant l'effort lui-même qui cause une psy-

chose, mais le préjugé mental qui en est la conséquence fait naître un état

spécial, l'anxiété, qui vient troubler les processus cérébraux qui s'effectuent

dans l'acte désiré.

C'est naturellement quand les désordres sont moteurs que se manifes-

tent le plus les insuffisances professionnelles, car on les observe plus facile-

ment que lorsque le processus est purement mental et ne s'extériorise pas,

ou lorsqu'il se traduit par ceque nous appelons émotion.

L'analyse des cas de ce genre m'a fait voir que fréquemment la vraie

cause d'incapacité n'est pas toujours à proprement parler l'occupation,

mais plus généralement un défaut d'adaptation de la part du névrosé.

Le cas le plus frappant est celui dont j'ai déjà parlé dans mon étude de

la genèse de la crampe des écrivains (1) : si je le réédite ici, cela ne sera

pas hors de propos.

Cas I. Torticolis causant un grapho-spasme.

Femme non mariée, E. L... âgée de 31 ans, comptable-experte au Bureau

du Trésor des Etats-Unis.

Symptômes Elle ne peut se servitude son bras droit, car chaque mouve-

ment fait tourner la tête à droite.

« Je suis, dit-elle, obligée de regarder en arrière, attirée par une force puis-

sante dont je ne suis pas maîtresse ».

Cela avait commencé, il y a trois mois, par une douleur de l'épaule droite

s'étendaut jusqu'au côté droit. Elle éprouve maintenant une douleur cons-

tante. Elle a consulté un médecin qui lui a dit qu'elle souffrait d'une névrite

et lui a conseillé le. massage. La masseuse appelée a craint de la masser. Ou

a alors essayé l'électricité; un mieux se produisit quant à la douleur et aux

mouvements. Cette femme était tombée sur cette épaule au mois d'août, mais

elle n'en souffrit plus au bout de quelques jours.

Les mouvements et la douleur étaient supportables jusqu'à un mois avant

qu'elle m'ait vu.

(1) Journ. sur Neurol. u. Psychologie. Leipsik. 1912, Bd. 19.

xxvii 8

110 WILLIAM

Elle avait pris des vacances de temps en temps, une fois pendant trois se-

maines.

Etal présent. l'appétit est bon, l'examen physique ne démontre rien d'a-

normal, sinon de l'amaigrissement, de l'hypotonie et des réflexes exagérés.

Examen psychique. Aucun défaut marqué de mémoire, d'attention, de ju-

gement concernant les choses en général, ni de réactions causées par les émo-

tions ; mais la malade se tracasse de son état qu'elle croit être une maladie

physique.

Ainsi que le montrera l'analyse psychologique, il y a d'autres ennuis qu'elle

n'avait pas dévoilés d'abord.

Accès.- Elle déclare qu'elle n'avait pas d'ennuis extraordinaires à ce moment

mais depuis des années elle se tracassait à cause d'ennuis financiers et de la

condition délicate de sa mère. Trois mois avant le tic, elle avait eu dans les

bureaux un désagrément avec une compagne de travail, qu'elle qualifie de

femme ignorante et sans conscience. L'émotion et l'amertume du récit de la

malade sont des indices de la sérieuse signification pathologique de cet épisode.

Les efforts pour rétablir l'harmonie ayant failli, elle déclare qu'elle a cessé de

se tracasser ». J'avais essayé d'arranger les choses, mais sans succès ; car

c'est une femme mariée, plus âgée que moi at ma supérieure dans les bureaux.

Elle est vexée parce que je ne m'associe pas avec elle. Mais comme elle avait

parlé de ma mère en la dénigrant, je l'en ai accusée, sans obtenir un aveu ».

Cet épisode l'a tracassée longtemps, et comme elle peut faire son travail pres-

que automatiquement, elle était libre presque toute la journée de laisser sa pen-

sée demeurer constamment sur l'ennui d'être dans la même chambre que

cette autre femme qui est assise à droite derrière elle.

Il y a trois ans, elle avait renoncé au mariage à cause de sa mère et d'une

affaire de coeur qui avait mal tourné. Sa mère aussi avait fait un mariage

malheureux ce qui avait fortement contribué à attrister la malade. Mais en

dépit de cela elle assure qn'elle est heureuse chez sa mère et près de sa soeur

qu'elle appelle une « chrétienne pratique ».

Elle a toujours été désireuse de faire son devoir et d'accomplir sa tâche de

son mieux ; mais elle avoue que depuis sa querelle avec sa compagne elle a

été préoccupée par les ennuis qui en ont été la suite. Elle pense qu'elle a la

sympathie des autres jeunes filles du bureau, mais lorsqu'elle travaille elle ne

peut s'empêcher de penser à l'autre femme.

Examen de l'origine du tic. Il est évident que, pensant à son ennemie,

cette jeune fille tourne la tête à son insu, vers l'endroit où se trouve la femme.

Il lui est d'autant moins facile de résister que son attention n'est qu'en partie

occupée à compter l'argent, ce qui est son métier. Elle est désireuse de le

faire aussi vite et aussi bien que possible, les erreurs ou un travail insuf-

fisant ne sont pas tolérés mais elle est moins capable de résister sa pensée

que de demeurer en harmonie avec son entourage.

Par un processus de substitution mentale, le besoin de tourner la tête se

fait sentir chaque fois qu'elle se sert de la main droite ; elle est incapable de

CONSIDÉRATIONS SUR LES PSYCHO-NÉVROSES PROFESSIONNELLES 1 J 1

se servir de sun couteau à table sans tourner la tête. Il s'ensuit une rigidité

du bras et de la tête par suite de l'effort de corriger le torticolis et d'accomplir

l'acte désiré.

En écrivant, le même effet se produit. Ce cas nous offre un exemple d'une

convulsion douloureuse produite automatiquement par un torticolis d'origine

mentale, et qui, par association psychologique, se produit pour n'importe quel

usage de la main ou du bras.

Ce qui cause la douleur c'est l'action des muscles opposés aux désirs de la

malade de tourner la tète, mouvement qu'à son insu elle tâche de maîtriser.

Par suite du besoin automatique de tourner la tête et de l'effort fait pour ne

pas la tourner (dont elle a conscience), les musles de l'épaule, du cou et de la

poitrine sont maintenus d'une façon plns ou moins constante dans un état de

contraction forcée ; de là la douleur dont la malade se plaint, comparable à

celle dont on souffre après avoir porté un sac pesant pendant longtemps.

Même au repos, la malade tourne maintenant sa tête un peu à droite et

maintient contractés les muscles du cou et de J'épaule de ce côté. L'effort de

tenir la tête droite, ou tournée à gauche n'est pas accompagné d'une douleur

aiguë, à parler strictement, mais d'une gêne qui siège dans les muscles du

côté droit ; en outre, la malade a conscience de son incapacité à exécuter li-

brement le mouvement désiré.

Si le tic de cette femme n'est pas guéri, je suis certain qu'à l'avenir une

douleur aiguë accompagnera ses efforts pour supprimer les mouvements. Le

tic s'exagère tous les mois, quand elle souffre de douleurs de nausées et de

faiblesses au coeur accompagnées de rougeurs, frissons, maux de tête qui l'o-

bligent souvent à se mettre au lit. Ces symptômes sont, paraît-il, dus à un

déplacement utérin.

Enfin, à cause de vertiges elle a été forcée d'abandonner le travail qu'elle

faisait d'abord, celui de déployer l'argent-papier.

Mais le facteur psychologique est le principal, car plus la malade tourne sa

pensée vers ce qu'il y a de désagréable dans ses relations pénibles, plus le

torticolis augmente ; et par contre lorsqu'elle réussit à chasser cette idée, le

tic est moins fréquent. Ceci, il est vrai, est rare, car elle n'a personne à qui

se confier, ne voulant plus se plaindre, comme elle en avait l'habitude aupa-

ravant, soit à sa soeur, soit à un ministre auquel elle était très attachée et qui

a quitté Washington.

Traitement et progrès. - Ma première prescription fut de prendre dix

jours de vacances et de distraction il. la campagne et d'essayer d'être moins

scrupuleuse pendant ce temps, de ne faire aucune attention à ses ennuis ou au

torticolis. Elle revint dix jours après n'ayant pas suivi mes instructions, se

plaignant de la tête ; le tic était pire que jamais.

Je lui ai donné à faire des exercices de discipline psychomotrice qui consis-

taient à distribuer un paquet de cartes en deux tas en tournant la tète du côté

gauche et à couper une feuille de papier en suivant des lignes. Quelques jours

après, le tic avait sensiblement diminué et la douleur à l'épaule avait disparu.

112 z WILLIAM

Puis les progrès devinrent moins rapides, ainsi qu'on devait le prévoir ; cela

la découragea tellement qu'elle relâcha ses efforts pendant les exercices ; on

vit reparaître une tension constante des muscles lorsqu'elle essayait de corri-

- ger la position anormale de la tète et du cou ; en même temps apparut une

douleur à l'angle des muscles scapulaires au point où le grand dorsal est

attaché. - -

La malade perdit courage.

Je lui conseillai de sortir et de s'abstenir de tout travail pendant au moins

un mois encore.

. Elle déclara que cela lui était impossible et persista à retourner à son bu-

reau en dépit de mes avis. En conséquence le torticolis augmenta et elle fut

forcée de s'absenter.J'ai appris dernièrement qu'elle n'était pas revenue depuis

deux mois et que pendant ce temps elle avait suivi des traitements qui ont

soulagé le torticolis, mais non la contraction douloureuse des muscles de la

main : elle fait tout son travail avec la main gauche et semble plus aigrie que

jamais dans sa façou d'envisager la vie.

Il est donc évident que, dans ce cas, le facteur important dans la genèse

des accidents n'était pas l'occupation elle-même, mais la situation sociale,

et notamment les relations de la malade avec les autres employés. Nul

repos ne l'aurait guérie; et les symptômes auraient disparu de suite si

elle avait pu mettre fin à ses pénibles relations personnelles. D'ailleurs,

le fond du caractère était formé par la vie malheureuse de la mère qui

avait conduit sa fille à prendre une attitude qui rendait difficile des rap-

ports harmonieux., avec le reste de la société.

Un autre cas qui expliquera l'importance du fond du caractère psycho-

logique dans le développement des névroses professionnelles est le sui-

vant :

Cas II. Tremblement hystérique pendant le travail.

Une employée du bureau des Pensions, âgée de 45 ans, me consulta

pour un fort tremblement qui contrariait son travail. Par ailleurs, elle était en

bonne santé.

La sensibilité était normale, les réflexes faibles, les fonctions cérébrales nor-

males aussi. Le tremblement était constitué à peu près par six oscillations à la

minute, leur vibration était légère et elles n'affectaient que le corps, la tête et

les bras, mais non les mains. Ce tremblement n'empêchait pas la malade d'é-

crire. Elle pouvait quelquefois le maîtriser en s'appliquant à rester tranquille,

mais seulement lorsqu'elle avait un appui.

Des épreuves cliniques démontrèrent que les mouvements cessaient lorsque

l'attention était distraite par la lecture à haute voix, ou même lorsque je fai-

sais étendre les bras dans toute la longueur, et regarder ,il distance. Ceci en

l'absence désignes organiques, permettait déjà de croire à uu mécanisme pst

CONSIDÉRATIONS SUR LES PSYCHO-NÉVROSES PROFESSIONNELLES 113

chogénétique. Les faits suivants n'étaient pas moins significatifs : le tremble-

ment était plus prononcé si on s'en occupait pendant l'épreuve.

Pendant son enfance, la malade avait peur du noir, ayant été effrayée par

les histoires d'une bonne irlandaise qui la faisaient trembler quelquefois. Plus

tard, elle se plaignit d'une.sensation de tension nerveuse lorsqu'elle était pres-

sée, phénomène qui fut vaincu par les soins, pendant un an, d'une masseuse

qui lui enseigna à détendre ses muscles raidis.

Il y a un an, une amie intime mourut d'une paralysie progressive. Elle eut

peur d'avoir la même maladie et cela la tracassa beaucoup.

Cette malade ne m'a consulté que deux fois, les incidents dont dépendait le

tremblement n'ont pas été constatés, mais les terreurs enfantines qui le susci-

taient sont si communes qu'il n'y a pas lieu d'insister; au surplus, je ne crois

pas qu'il suffise de décrire un tel mécanisme pour arriver à détruire les effets

d'une longue habitude. Il suffit d'une explication générique permettant d'éta-

blir une discipline d'éducation nouvelle sur une base rationnelle.

L'agent étiologique principal, dans ce cas, était, à ce moment, la crainte

d'une paralysie. C'était l'appréhension du tremblement, dont elle redou-

lait les conséquences pour son travail qui la faisait trembler.

La nature psychogénétique du mal n'est pas douleuse. Sa disparition

pendant les distractions est démonstrative. La guérison de premiers désor-

dres par le massage témoigne de l'influence de la suggestion ; et la nature

fugitive des accidents dans l'enfance en est la confirmation.

Cette malade s'est guérie de ses tremblements en grande partie et pul

reprendre son travail après sa simple explication de' la nature psychogé-

nétique de ses accidents et de leur répercussion sur son propre état men-

ta 1.

Cas III. - Paralysie du type trémulanl d'un écrivain.

Un autre cas qui démontre admirablement comment la seule idée de la crainte

d'incapacité peut causer une psychose professionnelle, est celui d'un caissier

de la Marine dont la paralysie trémulante de la main fut guérie après une con-

sultation pendant laquelle le mécanisme fut clairement expliqué au patient, et

les moyens d'en combattre les effets furent prescrits.

Le cas est publié en détail dans l'étude mentionnée plus haut. L'homme

était incapable de signer des chèques, ce qui faisait partie de son métier. Son

incapacité venait du refus d'une banque de payer un chèque qu'il avait signé

lorsqu'il tremblait, ayant été affaibli par une opération. Ce souvenir inlluait

tellement sur son esprit scrupuleux qu'il écrivait chaque signature avec une

grande appréhension. Quand la nature de sa difficulté lui fut expliquée, nous

projetâmes une série d'exercices qui amenèrent sa guérison en un mois.

Traitement. Le rôle du préjugé mental qui empêche la juste coordination

des actes musculaires fnt expliqué au malade à l'aide de comparaisons. D'abord

en prenant l'exemple des coups de balles employés au tennis et surtout du

114 WILLIAM

coup servi en « drive ». Il lui fut démontré que la crainte de mal renvoyer

la balle peut entraîner un manque de liberté dans les mouvements, une con-

traction inopportune des muscles, qu'il importe d'éviter.

Cette anxiété fait faire un incertain tremblottant, dont l'incoordination est

comparable à celle de son écriture. '

Une autre explication lui fut donnée, en rappelant les recherches de Jastrow

concernant les capacités relatives des employés qui se sont servi les premiers

des machines à énumérer pour le recensement de l'année 1900, contre celles

des employés admis plus tard à cause des résultats peu satisfaisants du travail

des premiers. La préparation spéciale ¡\ laquelle s'étaient livrés les premiers

employés, au lieu d'accélérer le travail, n'avait fait que développer chez eux

le sentiment de la difficulté de la tâche dont ils ne se défirent jamais, car ils

furent vite surpassés par les employés qui n'avaient reçu aucune préparation

spéciale.

Le rapprochement de ces faits avec l'épisode du chèque refusé fut discutée

longuement avec le malade. Quand il se fut clairement rendu compte du mé-

canisme psychologique de son infirmité, je lui ordonnai de cesser d'écrire dans

un but déterminé et il commença à faire des mouvements libres avec le bras en

se servant de craie sur un tableau noir sans faire attention aux formes qu'il des-

sinait, mais en concentrant ses efforts pour obtenir une pleine liberté d'action.

Après avoir réussi en cela, il se servit d'une ardoise et plus tard d'un crayon

et de papier ; petit à petit il réduisit la grosseur de son écriture. Je lui de-

mandai de m'envoyer des specimens de ses efforts, mais il ne le fit jamais et

il ne répondit pas à des questions que je lui posai un mois plus tard. Mais

deux ans plus tard, il m'envoya un spécimen et me fit savoir qu'il s'était tout

à fait remis après un mois consacré aux exercices prescrits.

Il faudrait ajouter que l'incapacité du malade n'existait que pour l'écriture ;

car même en dessinant et en imprimant des lettres, il avait à peine un léger

tremblement de la main.

Dans ce cas-ci, encore, ce n'était pas le travail- lui-même qui était ;la

cause de la psychose; c'était la réaction du sujet à son égard, provenant

de son état mental ; et ceci était en majeure partie causé par son entoura-

ge, par les influences de sa jeunesse, ainsi que je l'ai indiqué dans l'ob-

servation.

Relations entre le CHOC ET LES NÉVROSES professionnelles.

La sinistrose peut être considérée comme une sorte de psychose en

relation avec une occupation professionnelle régulière. Dans ces cas, le

malade dit qu'il est incapable de travailler ; il croit généralement que ce

n'est pas le travail lui-même mais plutôt un accident qui l'a rendu inca-

palle. J'ai démontré à plusieurs reprises, que, ni l'accident lui-même ni

CONSIDÉRATIONS SUR LES PSYCHO-NÉVROSES PROFESSIONNELLES 11 S

le choc qui en peut être la conséquence ne sont suffisamment efficaces

pour causer une névrose traumatique (1).

Il faut expliquer, en passant, que, non seulement les effets du choc

sont strictement parlant psychogénétiques, mais que ces effets disparais-

sent rapidement à moins que l'affection causée par le choc ne se maintienne

par un procédé qui est positivement idéologique. Autrement dit, il peut

y avoir une répétition du choc par reviviscence de la mémoire.

Les personnes qui sont le plus exposées à ces conséquences fâcheuses

sont celles dont l'imagination semble avoir subi l'influence des terreurs

crédules de l'enfance. A la suite d'une frayeur qu'elles ne s'expliquent

pas, elles sont généralement en proie à une idée maîtresse associée à la

terreur.

La plus commune de ces terreurs vient à la suite d'un accident ou

d'un traumatisme. Il est très difficile aux sujets de ce' genre, ignorants

de la structure du corps et de ses fonctions, de se défendre contre les

préoccupations créées par une catastrophe impressionnante. Nous ne de-

vons pas oublier que ce que la plupart estiment futile, peut être considéré

par une victime comme pouvant avoir de graves conséquences pour elle-

même. L'idée de sa propre incapacité en est la conséquence inévitable.

Ceci amène le sujet à se concentrer en lui-même, à cesser de s'intéres-

ser aux affaires de la vie ordinaire, qui, même si elles ne sont pas réelle-

ment insignifiantes le deviennent dans son esprit, et cessent de retenir

son attention. Il en résulte une diminution évidente dans les puissances

de penser, de travailler, et de participer à la vie sociale.

Lorsque le malade s'en rend compte, cette incapacité l'amène à exagé-

rer les résultats de l'accident et augmente ainsi ses inquiétudes à l'égard

de sa santé. Par là peut se constituer un état hypochondriaque, nosopho-

bique tel que la crainte de manquer de virilité, la peur de la folie, de la

paralysie, etc. Et ces inquiétudes doivent se distinguer naturellement des

inquiétudes initiales dues il l'accident lui-même.

La seconde scène du drame est une réaction contre l'absence réelle de

signes physiques pouvant démontrer le mal et contre l'assurance des

médecins que ce mal n'existe pas. A son insu, le malade cherche à se

persuader qu'il est vraiment atteint. Il en résulte des exagérations et même

des tromperies qui apparaissent lorsque le malade décrit les symptômes

qu'il éprouve. Il croit à ses propres assertions, il est de bonne foi mais "

(1) Sur ce point consultez : Les effets psychiques des accidenfs. Jlonthly Cyclopoe-

dia, 1912. Notion et émotion chez les névrosés Iraumaliquet, Journal de psycholo-

gie anormale, 1910. Névroses liaumatiques et la, conception de Babinski sur V hys-

térie, Congrès international pour les maladies industrielles, Rome, comptes rendus

1909, aussi dans Médical Record. ,

116. WILLIAM,

cela l'amène à la simulation de maladie qu'il avait en tète avant l'acci-

dent ou qu'il a imaginée par la suite. Le malade se trompe délibéré-

ment lui-même et il fait des efforts désespérés pour conserver une honn e

opinion de lui-même, et la donner à son entourage, craignant d'être dépré-

cié s'il ne présente pas quelque désordre physique.

L'étude des sinistrés, cependant, peut montrer qu'il s'agit quelquefois

d'une peur du travail lui-même.

CAS IV. -Perte de courage après un accident.

Un conducteur d'un train de marchandises me fut envoyé pour être soigné,

par là Compagnie des chemins de fer du Sud. Il était tombé d'un train et avait

été très meurtri.

Contrairement à la plupart des sujets en pareil cas, il ne se plaignait ni de

douleurs, ni de paralysie, mais constatait, ce qui était la vérité, qu'il ne pou-

vait dormir, et restait dans un grand état d'agitation nerveuse, au point de fou-

dre en larmes quelquefois. Son existence était devenue insupportable par suite

de son incapacité, de sa faiblesse et de son abattement mental.

Il se sentait incapable de reprendre son travail. Dans sa famille heureuse ne

se trouvait aucun autre agent psychologique extrinsèque; mais son habitus

mental était celui d'un scrupuleux et d'un ambitieux.

Somme toute, la situation était celle-ci : cet homme se sentait incapable, et

ne voulait pas reprendre le dur travail d'un employé de chemin de fer, travail

auquel en réalité il était, par tempérament, mal adapté.

L'accident n'était qu'un prétexte pour la manifestation d'une véritable psy-

chose industrielle.

En essayant de persuader cet homme qu'il devrait retourner au travail,

j'aurais pu être comparé à celui qui essaye de faire entrer un bâton rond dans

un trou carré. La résistance de aet homme était un véritable acte défensif

contre une vie peu appropriée à sa nature même.

Il faut distinguer cependant les véritables psychoses professionnelles

de celles qui sont causées par l'épuisement, par une fatigue réelle capable

d'engendrer des symptômes psychologiques secondaires, et aussi des cas

d'incapacité liés à des symptômes résultant d'irritations réflexes.

Deux cas, opposés feront bien voir cette distinction.

Cas V. - Incapacité causée par une irritation périphérique.

Un homme marié, employé au bureau des Forêts, faisait depuis plusieurs

années un travail de bureau entraînant la responsabilité de la surveillance

d'autres employés. Il me fut amené parce qu'il avait soudainement commencé

à vaciller lorsqu'il s'agissait de prendre des décisions administratives. Il niait

être tracassé par le fait que sa femme et ses enfants étaient obligés d'habiter

l'Ouest des Etats. Il était toutefois évident qu'il avait l'intention de prendra

'" \ U)f.1'\'U.1 ? ,

CONSIDÉRATIONS SUR LES PSYCHO-NÉVROSES 4/1 PReFËSSIONNEL 17 7

l'je <tw' ! &-

des vacances et de les rejoindre, car il ne pouvaii**pïl ii re -em' tvra v a i 1

Depuis quelques jours, il souffrait d'une névralgie qui lui causait des paroxys-

mes de douleur, mais qui, selon un dentiste, n'était pas causée par l'inflam-

mation des dents.

L'examen ne révélant rien d'anormal, j'attribuai son état à des ennuis de

longue durée et à la vie sédentaire qu'il lui fallait mener.

Je lui ordonnai de s'abstenir d'aliments riches en azote, beaucoup d'exerci-

ces physiques et la cessation totale de travail pendant quelques jours.

Cependant la douleur était devenue si aiguë que le malade insista pour

se faire arracher la dent qui le faisait souffrir. Aussitôt tous les symptômes

désagréables disparurent. t,

Le malade déclara qu'il se sentait comme délivré d'un cauchemar ; et il re-

tourua tout de suite a son travail sans plus d'ennuis.

C'est là un cas d'irritation périphérique empêchant l'intégration harmonieuse

du système nerveux nécessaire pour l'adaptation psychologique.

Les accidents n'avaient rien à faire éliologiquement avec le travail propre-

ment dit.

Cas VI. Epuisement intellectuel.

Un étudiant en médecine âgé de 2fit ans souffrait de douleurs dans la tète- et

le cou. Il se plaignait d'une sensation de fatigue le matin, se sentait épuisé et

sans énergie pendant toute la journée. Son travail intellectuel lui semblait pé-

nible, tandis qu'auparavant depuis des années il travaillait de bonne volonté et

sans difficulté. Il n'avait pas alors la difficulté à concentrer son attention qu'il

eut plus tard.

Son intérêt pour ses études disparut, ses examens laissèrent à désirer. Pen-

dant l'été il souffrit des yeux, des lunettes le soulagèrent, mais la sensation de

fatigue reparaissait de temps en temps. Il eut la rougeole et la petite vérole vo-

lante, une amygdalite à Noël, et successivement pendant deux années, des

rhumes tous les hivers.

Ce jeune homme n'avait pas de réactions affectives morbides.

Il n'était pas suggestible ; mais il pensait lentement et avec difficulté.

Mon diagnostic fut qu'il s'agissait d'un simple cas de tension mentale trop

prolongée qui devait s'améliorer par le repos.

Je prescrivis donc un repos complet pendant le reste du trimestre et un été

aussi tranquille que possible, le malade obéit, et l'année suivante il put faire

ses études sans difficulté, sauf sa lenteur de pensée habituelle.

La FUGUE ET LE SUICIDE DANS LES PSYCHOSES PROFESSIONNELLES.

La fugue n'est souvent qu'une tentative faite pouréchapper aux exigen-

ces du travail. Le suicide est une forme extrême de la fugue. En voici

deux exemples ; dans le premier on trouvera la confession écrite par le

malade, lui-même, qui était médecin.

118 WILLIAM

« Le dernier souvenir qui me reste est le moment où j'examinais un cerveau

en cherchant les corps de Negri. '

« Ma première réminiscence est ensuite de me trouver Roxnoke (Virginie)

travaillant dans une pharmacie. Comment me suis-je trouvé 1 ? C'est ce que

je ne puis concevoir ; mais le fait que j'y étais employé et que j'y remplissais

les devoirs requis me parut étrange, car je n'avais pas fait de travail pharma-

ceutique depuis trois ans. L'homme pour qui je travaillais était adonné à

l'alcool et était presque constamment sous l'influence du whisky, j'étais donc '

obligé de rester dans la pharmacie de 6 h.30 du matin jusqu'à 10 h. 45 du

soir sans loisirs. Je rencontrai une vieille connaissance en septembre. D'a-

bord, je ne le reconnus pas, mais après un instant d'entretien je commençai

à me rendre compte de quelque chose. Le nom que j'avais pris était James

Glass, mais je n'avais aucune raison définie pour me servir de celui-ci plutôt

que d'un autre.

« Ma santé à ce moment était mauvaise. J'étais très maigre, et je souffrais de

maux de tète persistants que je ressens encore. A ce moment l'occasion se

présenta d'accepter un travail au grand air. Pendant trois mois je travaillai

comme commissaire dans les chantiers de construction d'un chemin de fer.

Je m'en trouvai mieux, mon poids avait augmenté, mais les maux de tête

continuèrent.

« Avant de quitter Roxnoke je rencontrai une jeune fille que j'épousai en dé-

cembre. Je me sens assez bien depuis, sauf les maux de tête dans la région

temporale gauche (Dans cette même région, lorsque j'avais il peu près dix ans

j'ai reçu un coup de massue en jouant à la balle avec un camarade à l'école).

« En janvier mon père vint à Roxnoke où il avait appris que j'étais, et n'ap-

prouva que je me fusse marié. Ceci me tracassa pendant un moment, mais de-

puis toutes ses objections furent levées. »

Une enquête concernant cet homme apprit qu'il avait été très ambitieux dans

sa profession, mais qu'à cause de sa nature indisciplinée il n'avait pas toujours

rempli ponctuellement les devoirs du Laboratoire municipal dont il était bac-

tériologiste. Il avait consacré la majorité de son temps à la recherche'd'un

nouvel organisme microbien. Ses supérieurs ne croyaient pas à ses épreuves

de contrôle. Il prit la chose à coeur et il s'en suivi pour lui des désagréments

considérables. Il ne fut pas capable de faire face courageusement à cette situa-

tion. Une fugue avec amnésie fut un moyen commode d'échapper à une situa-

tion trop difficile. Cet accident psychopathiqne témoigne d'un profond déséqui-

libre mental.

Autre cas. Un jeune homme attente à sa vie quatre fois

pour échapper à son travail.

Le fils d'un fermier, âgé de 22 ans, après quelques semaines d'une humeur

maussade, se jeta dans un cours d'eau. Il en fut vite tiré par son frère qui lui

reprocha sa conduite. Ceci ne le détourna pas de son idée, car quelques semai-

nes plus tard il avala du laudanum. On le mit dans une maison de santé, où

après quelques semaines, il brisa et avala une ampoule de lumière électrique.

CONSIDÉRATIONS SUR LES PSYCHO-NÉVROSES PROFESSIONNELLES 119

Plus tard il réussit à ouvrir l'armoire où l'on gardait les médicaments, et il

avala encore du laudanum. Ses amis, en désespoir de cause, l'emmenèrent à

Washington où je le vis.

L'examen ne démontra aucun désordre physique; mais il existait un grave

état psychopathique. Ce garçon avait tellement honte de lui-même, qu'il lui était t

difficile, même en chuchotant à voix basse, de révéler les faits qui donnaient t

l'explication de ses ennuis.

Il avait, en toute responsabilité, la direction de la ferme depuis la mort de

son père. Mais, un frère cadet et ses voisins, avaient beaucoup contrarié ses

projets, à sa grande humiliation ; et lorsque la mère consentit à ce que les

voisins se mêlassent des discussions, la situation devint intolérable. Il avait

déjà essayé pendant plus d'un an de travailler dans un autre entourage, mais

sans succès.

L'incapacité de ce garçon à se défendre lui-même provenait de sa propre

honte] d'avoir été coupable du péché de la chair et de la crainte où il était d'a-

voir ainsi affaibli sa mentalité. Il ne pouvait endurer les taquineries des autres

garçons. C'est pourquoi il voulut renoncer à la vie sociale, devint taciturne et

irritable. Il fut obligé de me confesser que s'il pouvait être guéri de ce qu'il

croyait incurable c'est-à-dire « une infériorité mentale sans espoir de guérison,

et causée sans doute par son vice », il consentirait à vivre et aimerait à tra-

vailler.

Je l'assurai qu'il se trompait complètement quant à l'effet de la masturba-

tion et je lui en citai plusieurs exemples.

Je le priai de réfléchir et lui fit promettre de ne pas tenter de se suicider

jusqu'à ce qu'il m'eut revu.

Le lendemain la discussion fut reprise jusqu'à ce qu'au bout d'une semaine

on put le laisser sortir seul, non seulement dans les terrains de l'hôpital, mais

même en ville. Il s'en retourna chez lui au bout de dix jours parfaitement ré-

conforté et il accomplit sa besogne de bonne humeur depuis lors.

Le traitement ne fut pas imposé dans une maison spéciale, mais dans un

hôpital général ; et la plus grande liberté fut accordée au malade dès le com-

mencement en recommandant le plus grand tact de la part de ceux qui le

soignaient.

La « névrose » qui poussait ce garçon au suicide aurait pris naissance

chez lui quelle que fût son occupation; mais elle provenait néanmoins

d'un manque d'adaptabilité au travail, comme dans les cas précédents. La

cause actuelle du désordre n'était pas le travail en soi, mais^bien entendu,

le fond mental du malade. Le mal provenait d'agents purement psycho-

génétiques. Il fut guéri par une psychothérapie appropriée.

En conclusion, les psychoses (névroses) professionnelles sont des dé-

sordres purement psychopathiques, elles ne sont diagnostiquâmes que par

les moyens psychologiques ; et le seul traitementen est la psychothérapie.

« SOUVENT FEMME VARIE... »

A PROPOS DU GROUPE « TRES IN UNA » DE M. PAUL RICHER

PAR R

HENRY MEIGE

Au petit Palais des Champs-Elysées figure depuis peu un groupe en

marbre représentant trois femmes nues. Le visiteur non averti, attiré vers

cette sculpture, croit y voir une réplique moderne de la triade classique

des Trois Grâces ; il savoure l'harmonie de l'ensemble, la pureté des

lignes, le charme des formes. Mais s'il cherche à pénétrer plus avant dans

l'intimité de cette oeuvre, il s'aperçoit bientôt que les formes de ces trois

corps féminins sont dissemblables. Il lui apparait alors qu'il ne s'agit pas

d'une simple variation sur le thème antique des Trois Grâces; celles-ci,

dans toutes les représentations que l'Arten a fait, appartiennent toujours

au même type féminin. Et, en ell'et, ce groupe n'est pas seulement une

manifestation artistique ; c'est la synthèse plastique d'une longue série

d'études sur la configuration du corps féminin, oeuvre du Dp Paul Richer,

professeur d'anatomie e l'Ecole des Beaux-Arls. Il donne bien la mesure

de ce que peut réaliser le talent d'un sculpteur secondé par une connais-

sance approfondie de la forme humaine. L'enseignement de l'anatomie

vivante, si fâcheusement négligé dans l'éducation médicale, s'est objec-

tivé ici.

Très in una, tel est le nom de ce trio de marbre, modelé par l'auteur

pour extraire,des innombrables variationsde l'élément féminin, trois types

plastiques nettement définis, puisés dans la nature et que l'Art, dans le

cours des temps, s'est successivement appropriés (PI. XXX et XXXI).

La figure du milieu synthétise la plastique féminine dans l'art grec.

Une harmonie parfaite unit toutes les parties du corps. La tête se

dresse fièrement sur un cou droit et fort. Des épaules solides surplom-

bent un torse d'une seule venue, où saillent les seins, ronds et fermes.

Le bassin, bien droit, estdiscrètement enveloppé par la graisse des flancs ;

le ventre, sans mollesse, se renfle discrètement au-dessous de l'ombilic ;

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XXVII. PI. XXX

TRES IN UNA

Groupe en marbre du Dr PAUL TRICHER.

Masson & Ce, Editeurs

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XXVII. Pl. XXXI

Phototypie Berthaud, Pans

TRES IN UNA

Groupe en marbre du Dr PAUL RicHER.

SOUVENT FEMME VARIE 121

deux plis cutanés concentriques le séparent du mont de Vénus, stigmates

de féminité qu'accentueront les maternités futures. Sur un dos bien

charpenté se dessinent doucement les reliefs d'une musculature sou-

ple et robuste, agrémentés dans la région lombaire de deux fossettes s

symétriques; au-dessous, le pli fessier encercle nettement la saillie cal-

lipyge, qui s'estompe dans la station hanchée.

Chacun de ces détails morphologiques, minutieusement analysé et décrit t

par l'auteur dans ses ouvrages d'Anatomie artistique, est rendu ici avec

une rare exactitude et contribue à accentuer l'expression de vérité, de

santé, de noblesse qui distingue le type grec féminin, image de force et

de grâce, présage de fécondité. C'est, véritablement, la norme féminine,

dont les autres types représentent des variations en sens différents.

La figure de gauche nous montre la femme à l'époque de la Renaissance.

Les artistes d'alors avaient le souci d'imiter les créations de l'art

antique et de copier la vérité anatomique. L'essor imprévu et parallèle

des arts et des sciences au xve et au xvie siècles explique cette double

tendance. La découverte des chefs-d'oeuvre de l'antiquité, longtemps

enfouis sous les ruines des invasions barbares, coïncida avec les premières

tentatives de dissection ; en savourant la beauté des formes, on se préoc-

cupait d'en connaître les dessous. Aussi le nu de la Renaissance semble-

t-il un singulier mélange de réminiscences helléniques et des premières

révélations de ce « nu anatomique », dont l'abus fut si justement critiqué

par Léonard de Vinci, car l'écorché fit alors une concurrence déplorable

à la beauté antique.

Dans l'esthétique féminine d'alors, il faut aussi tenir compte de cer-

taines déformations corporelles imputables aux vêtements de l'époque.

Tandis que la souplesse des draperies grecques n'apportait nulle entrave

au libre épanouissement du corps, la mode sous la Renaissance laissa

des traces indélébiles ; elle témoigna aussi d'un goût singulier pour la

morbidesse des formes, pour le charme émouvant que la maladie donne

souvent à la jeunesse.

C'est pourquoi la solide harmonie du torse de la femme grecque ne se

retrouve guère dans les oeuvres d'art du xve et du xvie siècles. La poi-

trine se rétrécit tandis que l'abdomen prend un développement exagéré.

En môme temps le cou s'allonge, parfois démesurément, les épaules fuient,

le dos se voûte, lesseins restent plus que discrets. Tout le corps prend un

aspect onduleux, languissant, presque maladif. Témoins les jeunes filles

du Printemps de Botticelli, la Vérité de Giovani Bellini, les jeunes fem-

mes de Francesco Cossa dans le Miracle de Ste Hyacinthe, la Vierge de'

l'Annonciation de Lorenzo di Credi, comme aussi sa Vénus, etc.

122 MEIGE

Ce même idéal morphologique' a inspiré les productions de l'art flamand

et germanique. Vierges et Eves de von Eyck, de Cranach, d'Albert Durer

nous déconcertent avec leurs torses étriqués par en haut, exubérants par

en bas. Il fallut un Raphaël et un Rubens pour réformer cette esthétique,

si chère à leurs devanciers.

M. Paul Richer a su, dans sa figure de gauche, retenir les caractéristiques

du type féminin de la Renaissance : corps onduleux, long cou, épaules

tombantes, poitrine étroite, petits seins, larges hanches, ventre et pubis

saillants, région sacrée presque verticale, plis fessiers profonds, hyper-

extension du genou, etc. Tous ces stygmates sont mis en valeur, sans nuire

au charme et à la séduction des oeuvres de l'Art italien.

De nos jours, le type féminin dans l'art est plus difficile à caractéri-

ser. Le trop grand nombre des productions artistiques, le recrutement des

modèles dans les races les plus différentes et les plus mélangées, le souci

de copier la nature, même dans ses imperfections, le manque de recul

enfin, toutes ces causes compliquent l'étude de l'esthétique contemporaine.

Dans la moitié du siècle dernier, un vulgaire accessoire de toilette, le

corset, a singulièrement torturé la plastique féminine. L'étranglement

abusif de la taille imposé par la mode se manifeste dans la plupart des

oeuvres d'art de cette époque par le rétrécissement de l'ouverture infé-

rieure du thorax, par une saillie exubérante des seins, de l'abdomen et

des hanches : tous méfaits esthétiques certainement imputables au corset

cintré, coupable aussi de maints déplacements des organes internes avec

toutes leurs conséquences pathologiques.

Une révolution prônée par les hygiénistes, mais dont ils n'eussent

peut-être pas suffi à assurer le succès, si la mode omnipotente n'avait été,

par hasard, leur alliée, détrôna le corset cintré en faveur du corset droit.

Ce nouveau tyran eut tôt fait d'aplatir le ventre. Avec lui s'exagéra la

cambrure sacro-lombaire et l'inclinaison du bassin en avant. De ce règne

date le type féminin prédominant dans les figurations artistiques des dix

premières années du xxe siècle.

La plastique féminine en a souffert, non seulement dans les oeuvres

d'art, mais sur le vivant. Les mensurations effectuées à cette époque par

M. Paul Richer d'après une centaine de modèles lui ont permis de cons-

tater la prédominance des bassins inclinés sur les bassins droits.

L'attitude imposée aux femmes par un féroce appareil de contention,-

et par le désir aussi d'adopter la conformation à la mode, - a certai-

nement favorisé cette déformation.Les modèles, les artistes eux-mèmesont

témoigné maintes fois leur prédilection pour cette esthétique en vogue.

SOUVENT FEMME VARIE 123

C'est colle que M. Paul Richer a matérialisée dans la figure de droite

de son groupe où la femme moderne est caractérisée par la cambrure des

reins, l'aplatissement du ventre, l'inclinaison forcée du bassin en avant,

l'absence du pli fessier.

Mais les modes vont vite...

Le corset, quel qu'il soit, est aujourd'hui détrôné. En moins de deux

ans le ventre a reconquis son prestige. En conséquence, le bassin se re-

dresse, le siège fond, le cou s'allonge et s'incline en avant, les épaules

s'affaissent, le dos se voûte, la poitrine s'étrique, les seins honnis sont

impitoyablement écrasés.

En vérité, voici, restaurée par la mode, l'esthétique chère à la Re-

naissance, mais quelque peu caricaturisée. La femme d'aujourd'hui, ondu-

leuse, serpentine, au torse étroit, au ventre proéminent, se rapproche

davantage de son ancêlre dont la plastique est vieille de cinq siècles,

que de l'image représentant le type féminin moderne et qui appartient

déjà au passé.

Mulla renascuntur r¡ltoe jam cecidere.....

Puisse l'esthétique féminine de demain être plus rétrograde encore et

se donner comme idéal cette forme antique dont la beauté harmonieuse

traduit le bon équilibre du corps et de l'esprit !

Le groupe du petit Palais mérite d'être attentivement regardé par les

médecins. Ils y découvriront, dans le rendu des têtes et des extrémités,

dans les attitudes et jusque dans les accessoires, l'accentuation des dis-

semblances dont nous avons seulement indiqué les principales.

Ce n'est pas amoindrir les qualités de cette oeuvre d'art que de faire

connaître sa signification en quelque sorte pédagogique, destinée à nous

enseigner les variations de l'habitus corporel féminin.

Elle devait figurer dans la Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière où

ont déjà paru tant de travaux de M. Paul Richer sur la morphologie

humaine et où virent le jour les premières études alliées d'Art et de

Médecine.

Le gérant : P. Bouchez.

Imp. J. Thevenot, Saint-Dizier (Haute-Marae). -

CONTRIBUTION A LA SYMPTOMATOLOGIE

DU SYSTÈME NERVEUX PÉRIPHÉRIQUE

par

L.BARRAQUER

Médecin neurologiste de l'Hôpital de In Sainte-Cioix à Barcelone.

L'objet du présent travail esl la description et l'exposition iconographi-

que de quelques symptômes objectifs appartenant au système nerveux

périphérique. C'est à ce point de vue que j'ai essayé de choisir dans ma

collection les documents qui m'ont paru offrir le plus grand intérêt.

On comprendra facilement qu'une élude de cette nature ne vise pas à

être complèle, bien que la réunion de ces documents iconographiques ait

exigé beaucoup de temps et qu'il ail élé possible d'en apporter un assez fort

contingent. Mais nous devons mettre en évidence par tous les moyens

possibles les symptômes par lesquels s'extériorisent les affections du sys-

tème nerveux, afin de joindre nos constatations à celles qui ont été déjà

publiées par d'autres observateurs et à celles qui se publieront plus tard.

Je m'attacherai plus spécialement à la lèpre nerveuse parce que cette

maladie est une de celles qui contribuent le plus à la symptomatologie

nerveuse périphérique et où se trouvent les caractères les plus typiques

et les plus variés.

Je ne donnerai pas cependant une description détaillée de la sympto-

matologie de la lèpre nerveuse, celle élude sérail trop longue; elle com-

prendrait à elle seule l'examen de toutes les altérations d'origine névri-

tique.

La lèpre nerveuse frappe tout le système nerveux, mais de préférence et

plus t6t le périphérique que le central. C'est pourquoi on observe moins

fréquemment des symptômes relevant de lésions de la moelle épinière que

de lésions d'origine névritique..

Comme les conséquences des lésions lépreuses névritiques sont suffi-

santes pour produire la mort, il s'ensuit que dans la plupart des cas on

n'a l'occasion de constater ni paralysie, ni atrophie de cause centrale, ni

anesthésie de type segmentaire, ni troubles ataxiques d'origine médul-

xxvii 9

126 RIRItAQUER. SY11P'l'O\fA'rOLOGII : OU SYSTÈME NERVEUX

laire, etc. On trouve cependant des cas, mais en plus petit nombre, où les

symptùmes correspondent à des lésions de la moelle.

Et non seulement la lèpre a une prédilection pour le système périphé-

rique, mais encore celte préférence se porte généralement sur les bran-

ches périphériques avant d'envahir les troncs nerveux. Bien plus, les ter-

minaisons nerveuses les plus superficielles des organes les plus superli-

ciels, en particulier celles de la peau, sont atteintes les premières.

Le système sensitif est aussi plus atteint que le système moteur au dé-

but de la maladie, quoiqu'il ne soit point rare de la voir commencer par

une anesthésie de la main et par l'atrophie de quelque muscle interosseux.

Le symptôme culminant de la lèpre nerveuse est t'anesthésie. Aussi décrit-

on une forme de lèpre anesthésique. C'estaussi le symptôme qui apparaît

le plus promptement, accompagné bien des fois de léprides anlpulleuses

ou maculeuses qui contribuent à caractériser la forme nerveuse de la lèpre.

Diverses variétés de. paresthésie précèdent généralement l'anesthésie,

De la même manière peuvent apparaître tout d'abord des phénomènes

algiques, comme les douleurs et 1'liypei-alcésie ; mais l'anesthésie forme

toujours la base sur laquelle reposent lous les symptômes sensitifs. Là où

.il ya a des douleurs, lit où il y a de l'hyperalgésie, il y a d'ordinaire de

l'anesthésie. ,

. Les malades qui souffrent d'hyperalgésie n'apprécient point la distance

à laquelle se trouvent les pointes du compas, et non plus leur nombre,

mais leur contact produit chez eux de la douleur. Ils ne savent pas ce

qu'ils louchent avec leurs mains, et cependant ils prennent grand soin de

ne pas les mettre en contact avec quoi que ce soil, car l'acte de saisir une

cuiller ou un verre les fait souffrir. Ils n'apprécient pas avec les pieds

nus la froideur du sol ; mais en revanche, ils refusent de marcher à cause

de la douleur que leur cause la pression sur la peau des pieds. Aussi

beaucoup gardent-ils le lit, et encore, quelquefois, le simple contact des

couvertures provoque-l-il des douleurs, surtout dans les extrémités. S'ils

s'assoient, jls prennent bien soin que leurs extrémités ne soient en con-

tact avec rien. Parfois même l'hyperalgésie existe dans la région des fesses

et des cuisses. On voit alors les malades retourner à leur lit pour eu sor-

tir de nouveau au bout d'un certain temps, essayer do se lever, puis de

s'asseoir, et ainsi de suite, à la recherche d'une position moins doulou-

reuse.

Cette modification morbide de la sensibilité s'observe aussi chez les

tabétiques, mais chez eux, elle n'a d'ordinaire ni la même intensité, ni la

même distribution que dans la lèpre.

La compression exercée sur les nerfs et leurs fascicules, leur inflamma-

tion, les modifications de leur nutrition permettent de comprendre que

Fig. 1'

Fig. 1

128 BARRAQUER. - syNipro.)IATOLOGIE DU SYSTÈME NERVEUX

les douleurs atteignent un haut degré d'intensité et puissent revêtir tou-

tes les formes qu'on rencontre dans les autres affections nerveuses.

Si dans la région douloureuse il n'y a pas d'hyperalgésie, la peau ne

perçoit pas les excitations. Mais si elle existe en même temps, alors le

contact, la pression, la chaleur et les courants électriques augmentent

considérablement la douleur.-

Les symptômes esthétiques gardent avec l'anesthésie des relations non

seulement de topographie, mais encore d'évolution. -

Au début apparaissent fréquemment les douleurs et l'hyperalgésie avec

l'anesthésie; ensuite viennent d'ordinaire les troubles moteurs. Ces phé-

nomènes sont accompagnés de fièvre, surtout si en même temps se déclare

aussi le pemphigus; dans les cas légers, la lièvre ne dure d'ordinaire que

trois jours, mais si les lésions sont plus importantes elle peut durer da-

vantage.

Comme Hernando le dit dans son livre La Lèpre à Grenade, la douleur

et l'hyperalgésie progressent en même temps que l'anesthésie au com-

mencement de l'évolution des phénomènes sensltifs qui alors se trouvent

en relation directe avec ! 'anesthésie. Mais, après un certain temps, il peut

arriver une des deux choses : ou bien la douleur, l'hyperalgésie et l'anes-

thésie disparaissent, et ainsi la même relation directe entre elles se con-

serve jusqu'à leur disparition plus ou moins complète, ou bien la douleur

et l'hyperalgésie disparaissent, tandis qu'augmente l'anesthésie, la rela-

tion étant alors par conséquent inverse.

Cela dépend de l'évolution de la lésion nerveuse. Si elle régresse, le

nerf peut se rétablir, mais si elle progresse, le nerf se détruit. Celle forme

d'évolution peut se répéter plusieurs fois, mais.les périodes de trêve sont

moindres chaque fois et les phénomènes disparaissent d'une manière

incomplète, surtout l'anesthésie qui finit par rester permanente.

On observe fréquemment des cas où l'hyperalgésie etsurtout la douleur

se fixent dans une région où elles persistent pendant des années avec

quelques rémissions, ce qui oblige le malade à la pratique des calmants

de même que le font les tabétiques (1).

Dans des endroits où il y a déjà eu de l'hyperalgésie et de la douleur

pour plus ou moins de temps et où il ne reste plus que l'aneslhésie uni-

quement el définitivement établie, les douleurs peuvent reparaître long-

temps après, parce que, quoique les branches nerveuses correspondant au

territoire périphérique soient détruites, il y a invasion du processus

lépreux dans le tronc du nerf. Dans ces cas, l'hyperalgésie ne reparaît

pas avec la douleur.

(1) En ce moment je vois le malade dont les mains correspondent à la ligure 34; il

prend tous les jours un gramme de morphine.

Fig. 2'

Fig. 2

130 BARRAQUER. SYMPTOMATOLOGIE DU SYSTÈME NERVEUX

Mais cette réapparition de la douleur dans le territoire 'même où elle

avait disparu, nous ne devons pas l'assimiler au phénomène douloureux

de l'amputé dans tous les cas, parce que d'autres branches, collatérales

ou très voisines, non envahies jusqu'alors, peuvent l'être ensuite, et le

malade accuse que la douleur a reparu dans le même endroit.

Lorsque la formation de la tumeur du tronc nerveux se trouve dans

la période ascendante, alors la pression sur la tumeur même ou sur ses

branches augmente la douleur. La pression au-dessus de la tumeur (entre

elle et le centre) la diminue.

L'anesthésie lépreuse se caractérise de préférence en ce qu'elle envahit

sous une forme exlensive et superlicielle des organes distincts et très spé-

cialement les téguments.

Les territoires qu'elle intéresse peuvent être de peu d'étendue, tels que

celui d'une macule ou d'une ampoule, ou d'une cicatrice plus ou moins

circonscrite, mais sa tendance la plus fréquente est de s'étendre largement

sur les quatre extrémités, en commençant toujours par la partie distale,

ensuite sur la figure, sur le cou et enfin sur la poitrine, le dos et le

ventre.

La forme en est irrégulière avec limite sinueuse, accompagnée généra-

lement d'une périzone d'hypoesthésie de la largeur de quelques centi-

mètres.

Les excitants de tout genre, spécialement le courant électrique, peuvent,

surtout au commencement, réduire l'étendue de l'anesthésie, surtout de

l'hypoesthésie, dans une certaine mesure.

Il est moins fréquent de voir l'anesthésie disposée suivant le type

névritique, quoiqu'il s'agisse de lésion des nerfs, et il l'est moins encore

de la voir sous le type segmentaire, quoique la maladie intéresse aussi le

système nerveux central. La cause en est que, avant qu'on puisse voir la

forme de distribution affecter la projection d'un nerf important ou bien

se disposer suivant la distribution radiculaire, la peau se trouve déjà

anesthésiée dans de grandes étendues dans lesquelles il ne peut y avoir

une nouvelle limitation qui puisse caractériser ces deux systèmes.

Quoi qu'il en soit, le type de projection nerveuse par effet de la lésion

de quelque tronc s'observe quoique, généralement, plus on cherche la

systématisation vers l'extrémité distale. moins on la trouve, cela pour le

motif que je viens d'indiquer.

Nous ne devons pas oublier deux condilions que j'ai indiquées : 1° l'in-

vasion précoce des portions les plus superficielles des tissus les plus su-

perficiels et par conséquent de la portion de système nerveux sensitif de

ces parties; 2° que, il mesure que la maladie 'progresse, elle envahit en

profondeur les tissus.

Fiv. 3

Fig. 4

Fig. 4'

132 RU1RAQUER. S1111PTG\IATOLOGIE nu SYSTEME NERVEUX

Les ligures 1, ' : 2, 2', 3, 4, 4', ai, G, 7, 8, 9 démontrent l'invasion du

processus cutané anesthésique en forme de bloc irrégulier qui n'a aucune

relation avec les zones de projection nerveuse qu'il intéresse.

Il comprend une zone d'anesthésie absolue et une zone d'hypoeslhésie

qui dépasse de quelques centimètres la première. Chez les malades corres-

pondant aux figures 8 et 9, j'ai tracé la ligne ponctuée qui marque la

limite de la périzone d'hypoesthésie.

Une simple inspection de ces images suffit pour se rendre compte de

cette disposition de l'anesthésie.

La zone de l'hypoesthésie suit avec assez de régularité et à une certaine

distance la ligne continue ; elle doit par conséquent intéresser la fonction

sensitive des branches nerveuses suivant la direction du pointillé.

Le type anesthésique facial supérieur est très fréquent. Il comprend

presque toujours une vaste zone formée par le front, les orbites, le nez,

dans une étendue plus ou moins grande et une partie des régions massé-

térines et temporales. Une frange sinueuse de quelques centimètres de

transition sépare les régions sensibles de celles qui sont aneslhésiées. Les

figures 7 et 8 sont deux exemplaires courants de ce type.

Je crois que cette aneslhésie, dans sa forme faciale supérieure, par sa

fréquence et par sa valeur diagnostique, peut être appelée « masque anes-

thésique lépreux ». C'est une forme de distribution typique d'anesthésie

lépreuse de la figure qui garde relation avec celle qu'elle a dans les autres

régions.

Il est évident que ce n'est pas la forme névritique. Il est démontré

aussi qu'elle n'affecte pas la forme de distribution segmentaire qu'elle

n'acquiert pas non plus dans le reste du corps.

La forme segmentaire de l'aneslhésie de la peau de tète et des mu-

queuses qui a été rencontrée par Schlesinger, Lruhr et d'autres distin-

gués observateurs clans la sj'l'ingomyélie, a, comme on peut le voir en

comparant les figures que j'expose avec des types syringomyéliques, des

caractères de distribution topographique très différents qu'il est, je crois,

superflu de décrire.

Cette anesthésie de la figure est généralement accompagnée de l'insuf-

fisance des muscles animés par le facial supérieur, .spécialement les orbi-

culaires. L'atrophie de ces muscles qui, dans la plupart des cas, n'est pas

paralytique, se perçoit quelquefois peu quand les yeux sont ouverts et

peut se réduire seulement il de la rougeur des conjonctives. Mais, les yeux

étant fermés, il est alors très facile de l'observer parce que l'ouverture

palpébrale reste incomplètement fermée comme on le voit par les fig. 1,

7, 8, 10 et 11. Il existe alors ce symptôme inflammatoire vulgaire de la

Fig. 6

ig. 7

Fig. i

134 BARRAQUER. SS'lIiPTOniATOLOG1E DU SYSTEME NERVEUX

part de la conjonctive et de la cornée comme conséquence de l'insuffisance

de leur appareil de protection.

Cette insuffisance musculaire n'est généralement pas parfaitement sy-

métrique. Elle est d'ordinaire un peu plus prononcée d'un côté que d'un

autre.

Jeanselme s'exprime ainsi très à propos à ce sujet : « La paralysie

faciale portant sur les deux branches n'est pas fréquente. La dipiégiecom-

plète est des plus rares. En général les deux côtés sont pris asymétrique-

ment. La paralysie frappe tels muscles, respeclant lelsaulres; elle est par-

cellaire. L'orbiculaire est peut-être le plus fréquemment atteint, et. en

général, les deux côtés sont inégalement touchés. L'insuffisance de ce

muscle est précoce et acquiert une grande valeur sémiologique. La fai-

blesse de la paupière inférieure esl pour Kondriavsky un signe précoce

caractéristique. »

Quoique le plus souvent les muscles animés par le facial supérieur sont

les seuls atteints, nous voyons aussi des malades chez lesquels sont inté-

ressés les muscles du facial inférieur. La fig. 10 le démontre bien claire-

ment. En plus de l'insuffisance qu'il y a de la part des orbiculaires qui

s'efforcent de clore- les yeux au moment de la pose photographique, on

voit la paralysie de la lèvre supérieure et de la joue du côté droit faire

contraste avec l'intégrité qui existe de la part des muscles correspondant t

au facial inférieur gauche.

Dans la syringomyélie, comme le disent opportunément Obersteiner et

Redlich, « toutes les branches du facial ne sont pas en général affectées;

mais d'ordinaire il s'agit simplement d'une parésie qui intéresse la portion

buccale ».

Il faut remarquer que dans ce cas de masque aneslhésique, l'atrophie

et l'anesthésie ne coexistent ni en intensité, ni suivant l'époque de leur

apparition. Dans certains cas, le trouble sensitif précède le premier, et

dans d'autres l'atrophie précède le trouble sensitif. Mais il la fin les deux

processus se trouvent toujours réunis.

Dans ce type d'anesthésie, il y a une autre forme dislincte, topographie-

quement, de la précédente; mais elle est analogue dans la distribution

qui s'observe dans les extrémités. Elle consiste dans l'invasion d'une

partie ou de la lolalilé de la peau des exlrémilés par une anesthésie en

forme de gant avec ou sans manches, de plus grande ou de moindre

élendue, et sous la forme de chaussettes ou de bas. Elle ressemble par

conséquent à la forme hystérique, mais elle se distingue de celle dernière

quant à sa limite proximale ; dans l'hystérie, cette limite est en général

régulière ; dans la lèpre, la ligne terminale est sinueuse et irrégulière

comme le démontrent les figures 2, 3 et 4. En outre, dans la lèpre, l'anes-

Fig. 8

Fig 9

Fig. 10

Fig. 11

136 BARRAQUER. SYMPTOMATOLOGIE DU SYSTEME NERVEUX

thésie se trouve la plupart du temps limitée au revêtement cutané, tandis

que chez l'hystérique elle comprend des tissus profonds. Nous n'avons

pas à parler ici du caractère propre de la névrose consistant dans l'éta-

blissement rapide des symptômes d'impotence et d'imesthésie, de leur

aspect, etc.

Dans beaucoup de cas t'anesthésie reste limilée pour longtemps aux

avant-bras ou aux bras, aux jambes ou aux cuisses, aux membranes mu-

queuses. Mais il n'est pas rare de la voir sur la peau du dos, dela poitrine

et du ventre.

Tous les lépreux présentent, au bout d'un certain temps d'anesthésie,

des altérations trophiques des mains ou des pieds. Quoique la présence

de zone d'hypoeslhésie ou de transition constitue la règle générale dans

le type anesthésique que je décris, il n'est pas rare de trouver, en certains

points limités, le passage rapide de t'anesthésie à la perception sensitive

normale. Ces faits se constatent sur les grandes étendues de peau anesthé-

siée. La sensibilité se conserve ou reparait dans un point, dans une plaque

plus pu moins arrondie. La figure 6 représente les pieds de la malade

correspondant à la figure 8 ; la peau est complètement anesthésique (ce

que j'indique au moyen du pointillé généralisé), exception faite d'une

plaque arrondie qui existe dans le côté interne du pied gauche, qui est

sans points marqués à l'encre ; là la sensibilité est conservée normale. La

peau de la face externe ou concavité de la conque de l'oreille de l'homme

de la figure 9 se présente, comme on le voit, circonscrite par une ligne à

l'encre; par là j'indique que la conque est sensible au milieu de l'anes-

thésie générale de l'oreille.

L'aneslhésie thermique précède généralement l'aneslhésie tactile, el il

n'est pas rare de trouver de grandes portions de peau aneslhésiée thermi-

quement à un degré accentué, tandis que dans la même peau il n'y a qu'un

certain degré d'hypoeslhésie tactile. Le jeune homme de la figure 5 en est

un exemple. La peau de ses membres inférieurs ne sent pas, jusqu'au Irait

il l'encre, la chaleur désagréable et presque insupportable d'une com-

presse mouillée dans de l'eau chaude ; cependant il perçoit le passage du

doigt ou du porte-plume avec une pression moyenne. Aux membres

supérieurs, t'anesthésie est thermique et tactile.

Quoique celle dissociation lépreuse ne soit ni si constante ni si généra-

lisée que dans la syringomyélie, on la rencontre dans des cas tels que ce-

lui de la figure 12, et elle forme une condition symplomatique de la plus

grande importance diagnostique.

Je dois parler de l'étal de la sensibilité des tissus profonds chez les lé-

Fig. 12

Fla. in

Fig. 14

138 BAHHAQUER. SS'vIP'l'OW1't'OLOGIL : DU SYSTEME NERVEUX

preux. Celui-ci étant un point sur lequel il u'y a pas conformité de vue

entre les auteurs, je désire dire d'abord quelques mots sur cette même

sensibilité dans d'autres névrites avec l'intention d'envisager les condi-

tions de ce symptôme et son importance.

On voit fréquemment des cas de polynévrite infectieuse typhique,

diphtérique, etc., dans lesquels, quand les malades peuvent marcher,

soit seuls, soit avec l'aide d'un ou de deux assistants, la marche se carac-

térise par le type de steppage, ou bien par le type d'ataxie, ou bien parla

combinaison des deux types.

On trouve chez beaucoup de ces malades l'anesthésie des tissus pro-

fonds des pieds. Et en même temps, par l'effet du processus névritique

articulaire et par l'immobilisation prolongée, ils souffrent d'hypereslhé-

sie articulaire. Les mouvements passifs qu'on imprime aux pieds produi-

sent de la douleur et la marche est fort pénible à cause de la pression sur

ces endroits. Beaucoup de ces malades s'expriment ainsi : « Malgré que la

station debout et la marche me fassent souffrir beaucoup des pieds, je ne

peux pas dire si je marche sur le sol ou en Pair. »

L'anesthésie des tissus profonds existe dans beaucoup de cas de tabes

au début et beaucoup de tabétiques n'ont pas conscience de son existence

quand elle est peu prononcée. De même, si on ne pratique pas l'examen

d'une manière soigneuse, on pourra découvrir J'anesthésie quand elle est

accentuée, mais il se peut qu'échappent il notre connaissance des états

d'hypoesthésie à son commencement. Cela serait déplorable parce que ce

symptôme est de grande valeur diagnostique.

Pour trouver l'anesthésie des tissus profonds des pieds quand elle n'est

pas très manifeste, nous devons exciter légèrement la sensibilité aux atti-

tudes des articulations que nous explorons, faisant abstraction de la sensi-

bilité de la peau et de la sensibilité douloureuse.

Il faut examiner successivement l'étal de sensibilité des segments des

pieds, en commençant par les articulations plus distales parce que ce sont

celles qui, en général, accusent plus facilement le symptôme et aussi

parce qu'elles sont les plus accessibles à l'examen.

Une fois que l'extrémité que nous devons examiner est appuyée et fixée

avec douceur, nous saisissons des doigts les orteils du malade. Alors,

n'exerçant que la pression juste nécessaire pour nous en rendre maître,

nous les extendons ou nous les fléchissons d'une manière très lente et

continue, c'est-à-dire sans variations brusques pendant l'action. Nous

employons une demi-minute ou davantage pour fléchir moyennement

l'orteil dans sa première et seconde phalange ou bien pour en faire

l'extension.

En procédant avec celte lenteur et celte régularité, la sensibilité est

Fig. 15

Fig. 17

Fig 16

Fig. 18

140 BARRAQUER. - SYMPTOMATOLOGIE DU SYSTÈME NERVEUX

moins excitée parce que l'exercice sensoriel esl exécuté avec peu de varia-

tions et nons savons que les changements brusques et rapides des relations

articulaires sont les plus efficaces des excitants de la sensibilité.

Il faut agir de cette manière parce que les tabétiques n'ont pas tous le

même degré d'hypoesthésie articulaire. Et il y en a beaucoup qui n'ont

pas connaissance de leur hypoesthésie. Il faut tenir compte de ce que chez

les individus sains, la notion d'altitude articulaire est aussi un peu engour-

die par l'effet de la prolongation d'une même sensation sans variation.

Mais l'image de l'étal de flexion, quoique passive, d'un orteil, quand la

flexion arrive à l'angle droit et môme le dépasse, n'échappera à aucun

individu sain.

Les tabétiques qui ont le symptôme que je décris et qui conservent la

sensibilité cutanée ils sont en grand nombre dans la période peu avancée

de la maladie accusent, lorsqu'on pratique l'examen, la seule pression

de la peau, soit sur les orteils, soit en dessous, suivant que nous fléchis-

sons ou que nous étendons l'arlicle. Quelques-uns accusent aussi en même

temps une sensation de tension de la peau au niveau de l'articulation.

Pour se rendre compte de sa nouvelle position non sentie, le malade

exécute instinctivement dans les articulations que nous explorons quel-

ques mouvements rapides quoique de peu d'étendue, comme fait l'individu

qui vérifie l'étal d'un segment de membre qui a été pendant quelque temps

sous l'influence de la compression du nerf correspondant. Il est tout natu-

rel que l'un et l'autre, mais avec plus de besoin chez le malade, cherchent

par ces variations rapides à réveiller la sensation et à pouvoir par consé-

quent acquérir l'image de l'altitude du segment exploré.

Après que nous aurons trouvé l'hypoesthésie dans les petites ou les ar-

ticulations les plus dislales, nous examinerons l'étal de sensibilité pro-

fonde des articulations plus rapprochées de la racine des membres, telles

que les métatarsiennes, les tarsiennes, les tibio-tarsiennes, et môme celle

du genou. Pour l'observer, on procédera avec ces articulations de la même

façon que dans le cas précédent pour les orteils : prenant dans notre main

gauche et immobilisant la jambe du malade par sa partie inférieure, on

saisit avec douceur, de la main droite, le métatarse et l'on incline ou en

dedans ou en dehors, ou en haut ou en bas. Si nous procédons avec la

même lenteur et avec la même régularité que nous Pavons fait avec les

petites articulations, nous nous convaincrons que dans beaucoup de cas

l'hypoesthésie que nous cherchons existe.

On a dit et assuré avec trop de conviction que les lépreux n'ont pas

d'anesthésie des tissus profonds. Qui contredit cela parait commettre une

hérésie. Mais moi et d'aulres qui avons eu l'occasion d'observer un bon

nombre de lépreux, nous avons la pleine certitude qu'il existe une hypoes-

Fig. 19

Fig. 20

Fig. 21

Fig. 22

XXVII

10

142 BARHAQUER. - SYMPTOMATOLOGIE DU SYSTÈME NERVEUX

thésie articulaire chez des malades atteints d'infection lépreuse ; mais en

même temps, nous ne nous étonnons pas qu'il y ait des auteurs qui le

nient. Comment en effet ne pas le nier en présence de cas tels que ceux re-

présentés dans les figures 13 et 14 dans lesquels les articulations se trou-

vent profondément altérées et les phalanges résorbées ; malgré cela, les

malades sentent par ces tissus profonds et ils peuvent marcher avec un

morceau de pied seulement. En présence de faits de cette sorte, comment

nepas généraliser par extension aux faits avec lésions de moindre impor-

tance ? Voilà pourquoi nous ne devons pas nous étonner de telle négation ;

et môme nous devons penser que nous fussions tombés nous-mêmes dans

la même erreur si nous n'avions pas eu l'occasion d'observer maintes fois

le phénomène sur lequel nous avons insisté.

Le contraste que, sensoriellement, forme le pied tabétique avec le pied

lépreux cause en réalité de l'étonnement Chez beaucoup de tabétiques

nous voyons se conserver encore la sensibilité cutanée et même exister

l'hyperesthésie plantaire et cependant nous trouvons hypoesthésie ou

anesthésie articulaire. En revanche, dans un grand nombre de mains et

de pieds lépreux avec anesthésie cutanée el mutilations, le malade perçoit

le moindre changement d'altitude qui massivement est imprimé à chaque

article.

Sans nul doute il existe une sélection nerveuse dont la 1 ègle deconduite

se trouve dans la préférence que j'ai déjà indiquée en parlant de l'anes-

thésie cutanée propre du inorbus plrlenicius à envahir les branches les

plus superficielles des tissus les plus superficiels.

Mais il est certain qu'à côté de ce grand nombre de lépreux qui conser-

vent la sensibilité profonde dans leurs extrémités allérées,,il n'y a d'autres

chez qui nous pouvons démontrer clairement l'hypoesthésie articulaire

dans les segments périphériques.

Chez le lépreux l'anesthésie articulaire, quand elle existe, peutse limi-

ter pendant longtemps à quelques articulations du pied seulement; chez

d'autres, elle existe pour l'extension ou pour la flexion d'un article, tandis

que la sensibilité est conservée pour des mouvements et pour des attitudes

particulières. Chez d'autres encore, t'anesthésie articulaire existe pour tout

le pied. Dans le tabès, surtout dans sa période ataxique, on trouve la dite

anesthésie dans toutes les articulations du pied.

Je dois avouer que l'anesthésie articulaire des lépreux peut, surtout

quand elle n'est pas générale, disparaître, de la même façon que je l'ai

dit plus haut à propos de l'anesthésie cutanée.

Les tubercules lépreux ont la particularité que, lorsqu'ils arrivent à

un certain point de leur évolution, et avant qu'ils aient détruit les tubes

nerveux, ils peuvent se résorber, faisant cesser alors par leur résolution les

Fig. 23

Fig. 26

Fig. 25

11

Fig. 24.

144 13A[tRAQUER. SYMPTOMATOLOGIE DU SYSTEME NERVEUX

phénomènes qui symptomatiquement les extérioriseraient. Voilà pourquoi

nous ne devons pas nous étonner que les douleurs aiguës, les spasmes

musculaires et même les paralysies et les aÍ1esthésies guérissent sponta-

nément. Mais il est très fréquent que les mêmes lésions et les mêmes

symptômes disparus reparaissent de nouveau après un intervalle plus ou

moins long. De telle sorte que les malades qui avaientprésenté tel groupe

de symptômes dans telle ou telle région souffrent ultérieurement de ré-

cidives à symplomatolojie identique, mais dans des conditions de gravité

croissante.

Je dois indiquer que l'on ne trouve point le signe de Homberg dans

les cas d'anesthésie des tissus profonds des extrémités produites par des

névrites infectieuses communes. Le degré d'instabilité dépend de l'étal

trophique et paralytique et il n'augmente pas par l'occlusion des yeux.

Les lépreux anesthésiques de ces tissus ne présentent pas non plus

d'instabilité ni dans la station debout, ni dans la marche, si la lésion n'en-

valiit les nerfs vestibulaires ou les centres correspondants. L'homme dans

la figure 15, auquel appartiennent les pieds mutilés représentés par les

figures 13 et li, qui n'a pas d'anesthésie plantaire, n'oscille pas en posi-

tion diagnostique; de même n'oscillent pas ceux qui ont la dite aneslhé-

sie, au moins ceux que j'ai pu examiner.

Mais parfois on voit des lépreux qui ont de l'instabilité tant dans la

la situation diagnostique ainsi que la marche avec les yeux fermés. A ce

sujet je donne dans la figure 1G l'image d'un lépreux chez qui le signe de

Romberg est bien manifeste.

Ce malade est un homme de 50 ans, robuste et de bonne taille. Il a

des lépromes dans la peau des avant-bras et des mains. '

Les symptômes nerveux consistent en aneslhésie incomplète de la peau

des pieds; anesthésie des attitudes segmenta ires pour la flexion plantaire

du pied gauche ; paresthésies dans les jambes avec douleurs musculaires

au niveau des mollets; parésie des fléchisseurs des cuisses sur le bassin

qui n'empêche pas le malade de marcher normalement et qui altère bien

peu son altitude.

Diminution, presqu'abolition du réflexe rotulien.

Pendant la marche avec les yeux fermés, dévie comme un labyrinlhique

et il survient chez lui la sensation vertigineuse.

Je dois constater que l'iris réagit normalement il la la lumière; que son

diamètre n'est pas anormal et qu'il n'y a pas d'anisochorie. D'autre part,

la sensibilité acoustique est pai faite pour son âge ; il n'y a pas de sensa-

tions sonores subjectives, non plus que des attaques de labyrintliisme. Le

malade ne souffre de sensation vertigineuse que quand il ferme les yeux

étant debout ou étant en marche.

Reg. 27

Fig 28

Fig. 30

Fig. 29

Fig. 32

14G BARRAQUER. SYMPTOMATOLOGIE DU SYSTÈME NERVEUX

La réaction de Wassermann est négative.

Ce cas d'instabilité labyrinthique chez un lépreux est intéressant et je

le rapproche d'un autre que j'ai eu l'occasion de voir il y a quelques

années et dont également la motilité intrinsèque et extrinsèque des yeux

était normale.

L'anesthésie des tissus profonds chez les lépreux qui la présentent

apparaît dans les extrémités supérieures plus fréquemment que dans les

autres maladies qui causent ce symptôme ; ceci parce que la polynévrite

lépreuse est toujours constatée dans les quatre membres il un degré plus

ou moins élevé.

Par suite de celle aneslhésie, on peut se rendre compte de l'origine de

certains troubles moteurs qui existent chez le : labéliques où il y a le

même symptôme sensitif. En effet : quand nous invitons un lépreux ayant

de l'aneslhésie des tissus des mains, avec les yeux fermés, il exécuter le

geste connu de faire toucher mutuellement les pulpes des deux extrémités

de ses index, il ne réussit pas avec précision, mais les mouvements sont

faits normalement quant à la lenieur et quant a l'ordre. Si nous l'invitons

à loucher avec l'index le bout de son nez ou d'une oreille, la main est '

alors élevée sans tremblement ni déviations ataxiques. Mais le doigt n'ar-

rive pas exactement au point désiré ; dans certaines occasions il n'arrive

pas au but, dans d'autres il le dépasse et dans d'autres encore, il se

dirige latéralement, de sorte que lorsque le malade veut toucher des ré-

gions délicates comme celles delà figure, il exécute l'acte avec l'extrémité

et en même temps il approche doucement la ligure du doigt. La précision

est ainsi facilitée parce que la distance est raccourcie et le trajet simplifié.

Celte forme motrice est propre aux étals d'anesthésie simple des tissus

superficiels et profonds des extrémités.

Si, par le manque de précision dans l'accomplissement de l'acte, elle

ressemble à l'ataxie des tabétiques, à l'hypermétrie et dysmétrie des céré-

belleux (Babinski, Tournay) el au Vorbeizeigen (Barany), elle en dif-

fère cependant par les conditions dans lesquelles le manque de précision

a lieu dans ces derniers états. En effet : le tabétique procède brusquement

et il dévie plusieurs fois de l'orientation normale par de fausses orienta-

tions ou des écarts qui n'onl. ni la forme rythmique, ni la forme oscilla-

toire ; cela constitue le mouvement ataxique et, comme on lésait, le trou-

ble est plus prononcé lorsqu'il n'y a pas la compensation par la vue.

Le cérébelleux, quand il ne souffre pas de tremblement intentionnel,

ne dévie pas pendant le trajet, mais il le fait à la fin d'une manière brus-

que et il dépasse avec son doigt le point désigné. Ce trouble a lieu aussi

avec les yeux ouverts.

Tous nous voyons des tabétiques qui présentent le signe de Romherg

Fig. 31

Fig. 33

Fig. 34

Fig. 37

Fig. 33

148 BARRAQUER. - SYMPTOMATOLOGIE DU SYSTEME NERVEUX

et qui, néanmoins, conservent la sensibilité de leurs membres inférieurs,

Letabétique est un lllédullo-cérébelleux qui, pour ce motif, et à cause

des connexions labyrinthiques, souffre des troubles moteurs adéquats aux

lésions propres il sa maladie. En revanche, le névritique anesthésique

souffre peu ou pas d'instabilité si l'état trophique ou paralytique de ses

extrémités lui permet de se soutenir, parce que l'appareil principal de

l'équilibre, se trouvant chez lui dans toute son intégrité, n'a pas besoin de

compléments.

Le malade labyrinthique est le véritable type où se trouve l'instabilité

simple ou sans aucune autre complication nerveuse. `

Laissant à part les formes aiguës ou actives de labyrinthisme dans les-

quelles le trouble moteur est impulsif comme clans l'ivresse et dans les

attaques de syndrome de Pléniere qui apparaissent soit par effet d'iclus

congestifs ou hémorragiques labyrinthiques, soit d'une manière paroxys-

tique dans le cours d'affections auditives, l'instabilité du labyrinthique

a quelque chose de caractéristique notamment par la forme spéciale du

sujet dans sa démarche et dans l'attitude singulière, que son corps adopte

en station debout.

Avant tout, il faut convenir avec Bonnier que lorsque le trouble am-

pullaire ou labyi-iritliiqtie est seulement unilatéral, le défaut de stabilité

est peu perceptible ou bien complètement compensé du côté sain. Mais

nous ne devons pas admettre que la lésion labyrinlhique bilatérale puisse

êlre compensée par les autres éléments complémentaires pour que le ma-

lade se soutienne en équilibre. Si les expériences sur des animaux infé-

rieurs chez qui le vestibule a été détruit n'ont pas altéré la stabilité,

d'autres expériences semblables pratiquées sur des animaux d'ordre su-

périeur ont produit un(réaction positive. Et surtout la clinique nous dit

liés clairement que l'insuffisance labyrinthique se traduit par un syn-

drome propre. *

Le vertige engendré l'instabilité et l'instabilité à son tour engendre la

sensation illusoire de déplacement et d'autres troubles accompagnant le

vertige. Aussi, à ce point de vue là, les causes qui produisent le vertige

étant infinies, les motifs d'instabilité sont infinis.

Sont cause d'instabilité et de vertige labyrinthique, les maladies qui i

ont leur siège dans le labyrinthe proprement dit ; mais ce ne sont pas Ips

seules; il en est de même, plus ou moins, pour des lésions qui siègent

dans n'imporle lequel des trois départements de l'appareil auditif. Les

troubles cérébraux, el surtout ceux du cervelet, peuvent produire des

symptômes labyrinlliiclues dus soit à la compression générale intracra-

Fig. 38

1

Fig. 39

Fig. 36

Fig. 40

Fig. 41

Fig. 42

150 BARRAQUER. SYMPI OMATOLOGIE DU SYSTÈME NERVEUX

nienne, soit à la compression directe du quatrième ventricule, soil enfin

par effet des connexions nerveuses connues de tous, qui relient ces orga-

nes avec les noyaux vestibulaires.

Mais, en ce moment, nous devons nous occuper du système périphéri-

que ; je crois ce sujet, les meilleurs types cliniques qui offrent le

plus fréquemment l'inslahililé sont ceux dont la lésion consiste dans l'a-

trophie bilatérale du nerfoanieu de la Ville paire.

Sur ce point, ci-joint quelques photographies démonstratives.

La figure 17 appartient à une femme atteinte de paralysie faciale dou-

ble et complète dont l'électro-réaclion est fortement dégénérative depuis

plus de dix ans. En même temps elle est absolument sourde, les symptô-

mes faciaux etauditifs s'élant développés simultanément dans un état mé-

ningilique.

Il faut exclure dans ce cas toute maladie antécédente des départements

auditifs qui ont été scrupuleusement examinés.

D'après les données recueillies pendant l'invasion et durant le cours

du mal, et d'après les antécédents de la maladie, j'ai diagnostiqué une mé-

ningo'névrile syphilitique bilatérale des VIIe et Ville paires crâniennes,

suivie d'atrophie rapide des mêmes paires.

La figure 18 appartient il la même femme étant en marche. Le cou est

rigide et la tête est légèrement portée en arrière (comme Babinski l'a

déjà indiqué clans des cas lahyrinthiques). Le regard se dirige vers le sol

en compensation du défaut de l'élément d'orientation et d'équilibre.

La marche est lente et rythmique. Elle ouvre plus les jambes que nor-

malement, ce qui produit une légère inclinaison du corps vers l'extrémité

qui avance; la somme des deux demi-oscillations, appartenant à deux

pas, produit un balancement comparable il celui d'un h;lteau. Les genoux

fléchissent moins que normalement et le pied, en tombant, produit un

bruit quelquefois perceptible de « chap », caractéristique de l'application

simultanée de toute la plante contre le sol.

Les mouvements céphaliques sont lents. Ainsi, quand elle doit regar-

der quelque chose qui ne se trouve pas en face de ses yeux, comme dans

l'acte de répondre une personne qui ne se trouve pas en face d'elle,

elle latéralisé rapidement le regard tandis qu'elle dirige sa ligure avec

beaucoup de lenteur : Les malades de ce genre portent leurs yeux sur

leur interlocuteur bien avant que leur ligure soit dirigée de son côté.

Ils ne meuvent pas rapidement la tôle parce que, sans le secours du lalv'-

rinthe, ils auraient facilement la sensation vertigineuse qui augmenterait

leur instabilité. Ils ne peuvenl mouvoir la tète avec la rapidité des indi-

vidus sains parce qu'il leur manque l'appareil respectif normal.

Si, par l'éducation et la culture, les équiiibristes peuvent quand ils sont

Fig. 43

Fig. 44

f'.7 iô

Fig. 46.

152 BARRAQUER. SYM PT0MAT0LOGIK DU SYSTÈME NERVEUX

jeunes arriver à une plus grande rapidité dans les variations d'attitude de

la tête et du corps que les autres, beaucoup de labyrinlhiques chez qui la

lésion n'est pas complète peuvent aussi, avec le temps, améliorer leur

état. t.

Celle attitude, que je viens de décrire, est adoptée parles malades chez

qui l'insuffisance est considérable et chronique. La forme spéciale de la

démarche a pour objet d'acquérir une plus grande excitation du sens mus-

culaire et articulaire que dans la marche ordinaire. En effet, à chaque pas

il se produit un choc brusque sur toute la plante du pied. Cette secousse,

du fait- que le genou reste moins fléchi, est transmise plus directement

au bassin et au tronc. Ainsi instinctivement ces malades acquièrent au

moyen de cette petite modification dans la marche une compensation de

la part du sens des altitudes segmentaires.

Tous ces phénomènes, lenteur des mouvements, restriction d'automo-

lilité segmentaire spécialement céphalique, rigidité du cou, locomotion

rythmique, sont très diminués et disparaissent, même parfois complète-

ment, si une personne prête son appui au malade, et cette diminution est

plus grande quand la sui-faee-de contact avec elle est plus grande et plus

intime. Ainsi si cette femme, qui constitue certainement un bon exem-

plaire d'insuffisance labyrintliique, prend le bras d'une autre personne

et mieux encore, si les deux personnes se tiennent serrées de manière que

les deux troncs soient latéralement en contact, alors elle marche et elle

court dans la même forme et dans la même vitesse que toute autre per-

sonne saine et jeune. Ainsi parait vraiment un dédoublement de sa ma-

nière d'être. Parla personne normale'qui l'assiste, il se produit chez elle

une compensation à l'insuffisance du sens de l'espace.

Cette femme labyrinlhique présente le signe de Homberg très marqué

comme je l'ai observé plusieurs fois et comme je prétends le démontrer

au moyen de la figure 19. Outre qu'on y voit le manque de limitation pré-

cise des traits de la têle et cela dû il ses mouvements oscillatoires dans la

pose photographique, afin de démontrer plus clairement l'instabilité, j'ai

prolongé l'extrémité céphalique de l'image au moyen d'unemince tige de

la même épaisseur dans tous les points de sa longueur. La plus grande

amplitude qu'elle offre dans son extrémité libre démontre le degré d'os-

cillation. Celle oscillation est lente parce qu'elle est due à l'insuffisance

pupillaire.

Le garçon présenté dans les figures 20 et 21 a, par l'ettel d'une infec-

tion aiguë, une névrite double des vue et VIII0 paires crâniennes. Le facial

inférieur du côté droit est peu ou point altéré comme il le démontre par

l'acte de rire dans lequel les traits de la figure sont portés vers ce côté.

Mais dans la figure 2) il laisse voir la paralysie des deux faciaux supé-

Fig 47

Fig 48

Fig. 49.

154 UARRAQUER. SY1111'TOJIA'l'OLOGIIs DU SYSTÈME NERVEUX

rieurs au moyen de l'insuffisance des deux orbiculaires dans l'acle de

fermer les yeux. Il est sourd et il a le signe de Romberg très clairement.

Les oscillations sont aussi lenles que dans le cas antérieur..

En revanche, la femme dont il s'agit dans la figure 10, avec paralysie

double de la VII" paire, n'a pas le signe parce que la VIII" paire ne se

trouve pas intétessée. Il s'agit, dans ce cas de la lèpre nerveuse dont l'iu-

fiction envahit le plus fréquemment les branches périphériques du nerf

avant son tronc. El par conséquent, quoique les caractères généraux et

électriques soient dans les deux cas ceux de la paralysie périphérique

grave, chez les deux labyrinlhiques le processus commun a envahi les

troncs des VII" et Vllle paires el chez la femme lépreuse uniquement les

branches musculaires des nerfs faciaux.

Les troubles moteurs dans la lèpre nerveuse dépendent de la lésion

spécifique dans les nerfs sensilifs superficiels et profonds, dans les nerfs

moteurs, dans les articulations et dans les autres tissus profonds.

Les spasmes peuvent être limités à quelque région ou bien généralisés

à tout le corps, au point qu'il faut parfois attacher les malades pour les

empêcher de tomber.

La douleur, par son intensité, les conditionne très souvent. Mais ils se

produisent aussi spontanément sans être provoqués par la douleur. L'im-

pulsion volontaire, en agissant pour un acte sur quelques groupes

musculaires, est cause de secousses qui sont ou bien réduites à l'article

dont la mouvement volontaire dépend, ou bien sont d'une étendue beau-

coup plus grande, qui comprend non seulement plusieurs articles d'un

membre, mais même plusieurs membres et par conséquent le tronc et la

tête.

Les secousses peuvent être produites par les excitants mécaniques,

thermiques et électriques sur la peau dans les cas où elle est sensible.

Quand elle ne l'est pas, les excitations des muscles et des autres lissus

profonds produisent les secousses s'il y a de l'excitabilité morbide de l'arc

réflexe correspondant.

Parfois, sur un membre paralysé, et même dans des cas de paraplégie

lépreuse plus ou moins complète, les excitations peuvent produire des

spasmes dont l'intensité se trouve, comme c'est à supposer, en propor-

tion avec le degré d'atrophie des muscles qui entrent en travail.

Quand il y a altération visible et palpable d'un tronc nerveux, la com-

pression exercée sur elle et sur un point du nerf lui-même, au-dessus de

la lésion, provoque aussi des spasmes.

Fig. 50

. Fig. 51 51 '

Fie. 52

156 BARRAQUER. SYMPTOMATOLOGIE DU SYSTÈME NERVEUX

Il y a des auteurs qui prétendent que dans la lèpre nerveuse, il n'y a

point de paralysie, et que ce qui existe est purement atrophie musculaire.

Les muscles altères sont pour eux susceptibles de mouvements volontaires

dans la proportion de leur volume.

Celle conclusion est due à ce qu'en effet, dans un bon nombre de cas,

le degré d'insuffisance fonctionnelle est en proportion avec celui de l'in-

suffisance anatomique. Il est certain que dans cette maladie l'absence de

paralysie existe le plus souvent malgré le trouble trophique musculaire.

Mais nous ne pouvons pas accepter que la règle soit généralisée parce,

que les exceptions sonl bien loin d'être rares. Ce qui est bien clair, c'est

que la paralysie, quand elle existe, est unie à l'atrophie musculaire dégé-

nérative et que l'atrophie, quand elle n'est pas unie il la paralysie, ne

présente point les signes physiques de ! a dégénération neuro-musculaire.

Ces conditions d'analomie et de physiologie pathologiques permettent

la classification des atrophies musculaires, suivant qu'il y a ou non para-

lysie, en atrophie musculaire paralytique et atrophie musculaire non

paralytique.

Les caractères de l'atrophie musculaire paralytique, dans la lèpre ner-

veuse, sont les mêmes que ceux qu'offrent celles qui sont produites par

les autres névrites toxiques ou infectieuses ; elles arrivent à acquérir les

conditions de la plus grande gravité qu'elles puissentalleindre.

L'exemple le plus vulgaire et le plus courant d'atrophie paralytique ou

dégénéralive est le type jambier paralytique dont les figures 22 et 23 cons-

tituent un exemplaire (différent du type non paralytique dont je parlerai

plus bas). Le pied pendant, figure 22, et la marche en steppage, figuie23,

sont les caractères qui par simple inspection permettent déjà un dia-

gnostic.

Je dois remarquer que, tant par l'inspection directe du malade que par

celle de la figure 22, on n'observe pas le creux ou la gouttière correspon-

dant à la diminution volumétrique du muscle jambier antérieur. Les signes

physiques corroborent le mal musculaire dégénératif de la plus grande

importance. L'excitabilité musculaire est abolie. Un courant d'induction

d'une assez grande intensité ne réussit pas à provoquer des contractions

et, par le courant voltaïque, on obtient seulement une légère secousse de

fermeture.

Les muscles innervés par le facial inférieur droit de la femme qui cor-

respond à la figure 10, dans lesquels la réaction électrique présente des

signes de dégénération avancée, sont également atteints d'atrophie para-

lytique. L'homme de la figure 11 a une parésie des lèvres. Plusieurs fois

j'ai eu l'occasion d'observer chez lui, tant lorsqu'il parle que lorsqu'il

mange, les signes propres de la parésie de l'orbiculaire labial.

Fig. 53

Fig. 55

Fig. 54

Fig 56 Il

11

158 BARRAQUEU. SYMPTOMATOLOGIE DU SYSTÈME NERVEUX

Le manque d'association des mouvements des yeux de l'homme de la

figure 1 est dû à des processus musculairesauxquels prennent part la para-

lysie, l'atrophie et la conlraclure. Dans le but de spécifier les troubles ocu-

laires, j'adjoins la noie de l'examen pratiqué par le Dr J. A. Barraquer,

professeur d'ophtalmologie à la Faculté de Barcelone : « Parésie du mus-

cle droit externe du côté droit, avec diminution de volume du muscle et

contracture très manifeste du droit interne du côté gauche. Très légère,

presqu'imperceplible parésie du droit externe gauche. » ,

Sans aucun doute, l'atrophie musculaire non paralytique est fréquente

dans la lèpre nerveuse. Cette persistance de la motilité relative, jointe à la

conservation de la sensibilité profonde, fait que beaucoup de malades,

ayant : des mains et des pieds en période avancée d'atrophie musculaire et

même avec mutilations, peuvent continuer à se servir de leurs membres su-

périeurs et inférieurs jusqu'à une période tardive de l'évolution du mal.

La figure 211 appartient à un type jambier atrophique non paralytique.

Dans la région des jambiers on observe très clairement la gouttière appar-

tenant à l'absence d'une grande partie du muscle jambier antérieur, spé-

cialement du côté droit. Et, cependant, les pieds ne sont pas pendants et

le malade dans sa marche steppe bien peu. De ce côté droit, où le mus-

cle manque en grande partie, son action est légèrement compensée par

l'extenseur du gros orteil. Du côté gauche, atrophié aussi, on arrive à voir

le relief du tendon du jambier que le malade contractait volontairement

au moment de la pose photographique.

Le résultat de l'électro-diannostic confirme la nature de l'atrophie

musculaire puisque le muscle jambier se contracte par le courant d'in-

duction comme le démontre la figure 23, dans laquelle là pointe du pied

se voit en contours diffus à cause de son mouvement rythmique.

Les mains de la femme des figures 4 et i', avec atrophie musculaire,

peuvent se fermer presque normalement. Il n'arrive pas, comme dans les

cas paralytiques, que les doigts restent immobilisés en griffe cubitale.

Cela dépend de ce que les muscles, quoiqu'ils présentent un certain

degré d'atrophie, ne sont pas atteints de contracture des extenseurs des

doigts mettant en hyperextension les premières phalanges, et non plus

de celle du fléchisseur profond mettant en flexion les dernières.

La figure 2G démontre l'atrophie du voile du palais; à cause de son

insuffisance anatomique le malade a la voix nasale et en même temps une

partie des liquides à avaler s'échappent par le nez.

Dans la syringomyélie, l'atrophie musculaire ne garde pas en général

autant de symétrie que celle qui est produite par cette névrite ; elle ne

se limite généralement pas non plus aux portions les plus distales, mais

elle se propage de ces parties au centre. Dans la syringomyélie, l'asy-

Fig.. 57

Fig. 58

16D B.11BAQUEIr. SY\1P1'OV7.1TLUGW UU SYSTÈME NERVEUX

métrie e,t plus fréquente et, en même temps que les portions les plus

distales sont envahies, il y a aussi dans beaucoup d'occasions invasion

pour d'autres moins distales telles que le triceps brachial, le biceps, le

pectoral ; le processus laisse, entre les diverses régions frappées, des por-

tions intermédiaires qui ne le sont pas. Cela est démontré par la figure 27

appartenant à un syringomyélique chez lequel, en plus de l'atrophie des

muscles des mains, il y a celle du biceps et celle du pectoral du côlé

droit.

On ne trouve pas non plus, dans la lèpre nerveuse, l'atrophie des

muscles de la région antérieure de l'avant-bras correspondant aux seg-

ments médullaires el unie à l'anesthésie limitée aussi métamériquement,

comme à ce point de vue nous l'enseigne l'homme de la figure 28 qui

appartient à un autre cas de syringomyélie.

Nous trou\ons aussi, dans la lèpre, l'atrophie musculaire d'origine

arthritique. Les muscles de la région postérieure de l'avant-bras de la

figure 29 sont atrophiés par l'effet de la tuméfaction inflammatoire du

carpe et de la main. L'atrophie est uniforme dans toute la longueur des

muscles extenseurs des articles et ils n'ont pas de signes de dégénération.

Dans la lèpre nerveuse les contractures sont fréquentes parce qu'elles

surviennent pour plusieurs motifs. En premier lieu, elles se développent

dans les muscles a ntagon istes des sujets chez lesquels l'a troph ie est paraly-

tique comme dans le cas de la figure 30, dont l'état des mains a été pro-

duit par névrite typhique, et dans les antagonistes de ceux chez lesquels

l'atrophie n'est pas paralytique quand le processus atrophique se trouve

très avancé. En second lieu, elies surviennent par l'effet de lésions arti-

culaires, dans le côté de la flexion. En troisième lieu, par l'effet de causes

combinées telles que l'atrophie,cornme je viens de le dire, unie des lésions

articulaires osseuses, tendineuses et a la sclérodactylie comme on le voit

dans les figures 2, 2', 3t et dans le pouce de la main correspondant à la

figure 32. Et en quatrième lieu, elles se développent sans aucun de ces

motifs. Tels sont ceux des figures 33 et 34. L'attitude des deux derniers

doigts de la figure 33 et celle des trois derniers de la main correspondant

à la figure 34, sont régies par la contracture du fléchisseur superficiel ;

l'attitude des trois derniers doigts de la main gauche de la même figure 34

dépend de la contracture du fléchisseur profond. 1

Je crois que ces dernières contractures ont pour cause la lésion spéci-

fique des filets nerveux des mêmes muscles qui entrent en contracture, et

je le crois non seulement parce que chez eux il n'y a pas les motifs que je

viens d'indiquer pour les cas précédents, mais parce que la compression

de ces muscles et la percussion sur leurs tendons produisent de la douleur

dans toute l'étendue jusqu'aux doigts.

Fig. 60

a

Fig. 61

162 BARRAQUER

Ces contractures sont d'origine idio-musculaire, c'est-à-dire que les

voies afférentes et efférenles de l'innervation intéressée pour l'acte ne

sortent point du muscle. Cette forme de contracture est le bien propre de

la lèpre, ou du moins, c'est dans cette maladie qu'on la voit le plus fré-

quemment.

Les flexions excessives des phalanges, dans beaucoup de cas, après

quelques années, n'ont plus raison d'être par l'effet de la contracture. Ces

difformités persistent sans hyperaction musculaire et maigre que les mus-

cles producteurs soient atrophiés. Cela est dû surtout à l'ankylose des pe-

tites articulations demeurées longtemps dans une même attitude forcée

sans variations, à la sclérose de tous les tissus mous des doigts en géné-

ral, mais surtout du côlé de la flexion, tels que les synoviales, le tissu

conjonctif et le derme, développée en conséquence de la névrite qui en

même temps produit l'atrophie de l'extrémité·cles doigts avec résorption

osseuse. Voir ce sujet les mains des figures 2 et 31.

Dans certains cas, quand les muscles contractures s'atrophient, si la

flexion n'est pas main tenue par ces ai fera fions que je viens de décrire, la di-

rection des doigts change parce que les antagonistes entrent en conlrac-

lure. Ainsi, quand les fléchisseurs sont les premiers conlraclurés, au bout

d'un certain temps à la flexion des doigts succède l'extension par l'effet de

l'atrophie des premiers et de la contracture ultérieure des derniers, et vice

versa.

C'est dans la lèpre nerveuse que l'on trouve les attitudes des extrémités

les plus individualisées et les plus variées. En un mot, par suite d'altéra-

tions musculaires et non musculaires, mais toujours d'origine névritique,

on trouve toutes les attitudes que l'on peut imaginer.

Les réflexes tendineux sont, dans beaucoup de cas, exagérés ; et dans

maintes occasions où les pieds et les jambes présentent des lésions névri-

liques lépreuses, il existe une supraréflectivité rotulienne (1). La figure 35

qui démontre la suprréf1eclivité rotulienne appartient à la même femme

représentée dans les figures 6 et 8.

Mais en même temps qu'on trouve en abondance des cas d'exagération

des réllexes tendineux, il y en a d'autres où avec l'existence des mêmes

lésions dans les pieds et les jambes, les réllexes ont le type normal et il

en est ainsi. pour le lépreux des figures 1, 1', 22 et 23.

Le réflexe tendineux de flexion de l'avant-bras est celui qui suit fré-

quemment le précédent en suprarét1ectivité. La percussion du radius et

du tendon du biceps la produit chez beaucoup de lépreux dont les mains

elles doigts offrent de graves lésions.

(I) Nous acceptons volontiers les mots « supraréflectivité, subréflectivité et irré-

flectivité » introduits par Babinski en substitution des anciens.

SYMPTOMATOLOGIE DU SYSTÈME NERVEUX 163

Le réflexe du tendon d'Achille se trouve bien des fois moins exagéré

que le rotulien, et même dans beaucoup de cas il est aboli. Cependant,

lorsque les muscles des jambes ne sont pas atrophiés, on peut alors obser-

ver aussi ce réflexe exagéré. C'est ainsi que j'ai eu l'occasion de le voir

récemment chez un enfant lépreux de 13 ans et qui de plus présente la

supraréflectivité rotulienne.

On sait que l'exagération du réflexe tendineux constitue un signe qui

indique l'état anormal du neurone périphérique soit par altération du

sang, soit par altération en un point des voies cérébro-médullaires situé

au-dessus de l'arc médullaire, soit encore par stimulation dans la portion

sensiblement irritable de cet arc.

Lorsque la supraréflectivité, quoique bien évidente, n'est pas très exa-

gérée et que par conséquent elle n'est pas accompagnée de trépidation ou

clownisme, alors, selon l'importance de la cause, le malade peut marcher

normalement et sans accuser de faiblesse paralytique. Il en est de même,

personne ne l'ignore, dans des cas de subréflectivité.

De quoi la supraréflectivilé dépend-elle dans la névrite lépreuse ? Où

trouve-t-on la lésion qui la produit ? Nous n'avons pas à nous occuper de

la portion efférente ou centrifuge de l'arc, car nous savons fort bien que

la lésion dans cetle partie ne tarde pas à produire la subréfleclivité ou

l'irréflectivité. Nous ne devons pas non plus l'attribuera une lésion du

sa isceau pyramidal au-dessus du troisième segment lombaire, parce que je

traite des cas où il n'y a pas d'altération dans le cerveau et dans la moelle,

tant au point de vue du conducteur qu'au point de vue du centre moteur.

Il me semble très juste et très rationnel d'admettre que le phénomène

dépend d'une lésion dans la première portion du neurone ou du conduc-

teur centripète. 1

Outre que nous devons faire ce diagnostic topographique par exclusion,

sa certitude est puissamment corroborée, en premier lieu, par l'existence

de la supraréflectivilé dans quelques cas de névrites algiques. En second

lieu, par le fait que lorsque celle modification de la réflectivité dépend

de lésion des nerfs sensitifs, les muscles ne sont pas vraiment paralysés

(Je crois que personne ne doutera qu'il n'est pas rare de voir la supra-

réflectivité dans des cas de névrites algiques. S'il est certain que l'absence

du réflexe achilléen est pour nous d'une grande importance pour le dia-

gnostic d'une vraie névrite sciatique, il ne l'est pas moins quand nous

trouvons la supraréfiectivité tendineuse dans quelques névrites dites

sensitives suivant leur intensivité el la période de leur évolution). En

troisième lieu, le fait qu'on trouve dans la lèpre nerveuse les phénomènes

dépendant des nerfs sensitifs en toute préférence et bien avant ceux qui

dépendent des nerfs moteurs, contribue à faire accepter le diagnostic

164 ' BARRAQUER

topographique que j'indique. Il en est ainsi en quatrième lieu, par la fré-

quence avec laquelle les douleurs névritiques coexistent chez les lépreux

dans ces mêmes régions de supriréllectivité.

Mais ces réflexes tendineux exagérés offrent tous les caractères produits

par l'altération du faisceau pyramidal ; ils sont instantanés et ils se limi-

tent avec précision aux muscles que nous interrogeons par la percussion du

tendon. Par conséquent ils sont différents de ceux-là qui sortent du même

arc, mais dont la première partie est constituée par les nerfs sensitifs cu-

tanés.=Ils offrent, en un mot, les caractères des tendino-réllexes comme

les appelle Babinski et non ceux des cutanéo-réflexes. On trouve le type

des cutanéo-réflexes dans quelques cas de paraplégie spasmodique surtout

dans sa période avancée où les extrémités sont en flexion. Dans ces cas et

dans d'aulres semblables où la sclérose du cordon latéral n'est pas néces-

sairement primitive, le spasme apparaît par l'excitation de la peau. Le

réflexe a pour point de départ un certain degré d'excitation cutanée. La

secousse réflexe gagne rapidement les trois articles qui, comme on le sait,

entrent en même temps en flexion. Mais quelquefois la même excitation

produit deux secousses qu'un court intervalle sépare; dans la première,

les articles arrivent à un certain degré de flexion, le mouvement convulsif

est alors un instant suspendu et ensuite, sans relâchement, il arrive une

autre secousse qui exagère davantage l'altitude de flexion. L'acte est, par

conséquent, parfois échelonné. Les articles persistent pendant quelque

temps dans l'attitude forcée par le spasme. Voilà comment dans certaines

occasions le réflexe de défense et d'automatisme médullaire, comme l'ap-

pelle Marie, se produit.

II est à croire que, dans les cas de névrite dont je m'occupe et même

dans d'autres, l'excitation des fibres sensitives tendino-musculaires pro-

duit la contraction réflexe exagérée.

Dans la lèpre nerveuse on trouve le phénomène de la contracture sans

exagération des réllexes tendineux. Dans des cas de contracture apparte-

nant à l'espèce que je viens d'exposer et partant d'origine névritique, où

le raccourcissement est physiologique, il devient au bout de quelque temps

anatomique. Il est bien entendu que, pour qu'il y ait irréllectivité de la

part des muscles contractures, il n'est point nécessaire qu'ils en arrivent

à la période d'atrophie avancée ; il arrive que l'irréflectivilé se présente

même lorsque les muscles conservent régulièrement leur volume.

Le phénomène de la différence d'intensité du réflexe rotulien entre les

deux côtés, comme on le voit souvent dans le tabès, se trouve aussi dans

la lèpre nerveuse. Mais si, dans le tabès, la présence ou la majeure appa-

rence du réflexe correspond au côté qui est encore le moins frappé ou qui

SYMPTOMATOLOGIE DU SI'S1'IS' IIrP ? i ? 165

n'est pas encore frappé, dans la lèpre c'est le contraire ; la normalité existe

du côté où le réflexe est moins apparent.

Cela se comprend si l'on remarque que, dans le premier cas, la réflec-

tivité diminue disproportionnellement entre les deux côtés à cause de la

.lésion spinale, tandis que dans le second, au contraire, elle augmente et

disproportionnellement aussi à cause de la lésion nerveuse.

Il est évident que nous trouvons souvent l'irréflectivité dans la lèpre

nerveuse par l'effet de l'atrophie musculaire dégénérative, et elle est fré-

quente, comme je l'ai dit plus haut.

Toutes les modalités de réaction électrique se trouvent dans la névrite

lépreuse. On y voit souvent l'hyperexcitabilité, Cette modification quan-

titative existe parfois dans ces régions dont le volume musculaire et dont

l'action motrice volontaire sont en apparence à l'état normal et qui sont

contigues à d'autres qui présentent des lésions dans leurs tissus superfi-

ciels et profonds. Tant qu'il s'agit de limiter, au moyen des deux pôles,

l'action du courant dans des endroits déterminés d'un nerf ou d'un mus-

cle, ou que l'on cherche franchement l'action réflexe, toujours est-il que

le résultat est la plus grande facilité de contraction.

Cette augmentation est plus appareille en certains points que dans d'au-

tres, mais elle est suffisante pour qu'on puisse s'en rendre compte.

Mais il arrive encore qu'on trouve aussi ou plus fréquemment le type

normal d'excitabilité dans les régions dont les muscles se trouvent dans

des articles qui sont dans le voisinage immédiat des points lésionnés ou

qui leur sont contigus.

Nous avons déjà vu que la réaction par les courants d'induction se con-

serve dans des muscles atrophiés sans paralysie et que son intensité est

proportionnelle à leur volume. -

Nous savons aussi que celte propriété n'est pas exclusive de la maladie

qui nous occupe, car on la voit aussi parfois dans quelques amyotrophies,

dans la syringomyélie et dans certains cas d'atrophie avec réaction de

dégénération partielle. Mais c'est précisément dans la lèpre nerveuse

qu'on l'observe le plus fréquemment, car cette maladie est le plus riche

alsenal de la symptomatologie nerveuse

Dans cette maladie on trouve les plus graves signes de dégénération

neuro-musculaire dans les régions où il y a atrophie paralytique. Dans

ces muscles ainsi atrophiés, on ne trouve pas traces d'irritabilité par les

courants d'induction, et le courant primitif n'obtient, au moyen de quel-

ques fermetures, que de très légères et lentes secousses.

Il faut, pour obtenir ces petites contractions, agir avec des courants

d'une intensité plus grande que celle qui pourrait être employée pour

d'autres individus chez qui l'anesthésie de la peau ne serait pas si foit et

166 BARRAQUER

on comprend que l'exploration avec ces intensités supérieures ne peut pas

être prolongée au delà de quelques moments, car on s'exposerait à produire

des eschares.

Il n'y a pas de réaction faradique pour les muscles de la région anté-

rieure dans la jambe du malade de la figure 22 dont les secousses par les

fermetures et les ouvertures du courant primitif et même par les alterna-

tives voltaïques, comme je lésai indiquées plus haut, sont très faibles. La

réaction est plus apparente dans les muscles du mollet, quoiqu'il faille,

pour l'obtenir, une intensité électrique beaucoup plus grande que la nor-

male. Et pour les péroniens, il existe une très bonne réaction, tant s'ils

sont excités directement que s'ils le sont en plaçant le pôle actif sur la

tête du péroné.

Lorsqu'un homme jeune, sans qu'il y ait un motif soit physique local,

soit infectieux commun, mais avec antécédents de famille lépreux, pré-

sente des vésicules dans quelque point de la peau des extrémités, surtout

autour des articulations, on peut assurer que l'extériorisation de l'hérédité

lépreuse débute chez lui et, déplus, que la forme de la maladie sera

plutôt nerveuse que tubéreuse.

Un état gastrique accompagné de fièvre et de l'apparition successive de

phlyctènes, nous autorisent à leur donner la valeur de léprides huileuses.

Le pemphigus est la forme de dermatose propre de celle variété de lèpre

qui apparaît dans toutes les périodes de la maladie chez beaucoup de lé-

preux, tant sur la peau saine que sur celle qui est déjà malade. La dispo-

sition de quelques sujets est telle que, pendant tout le cours du mal, on

voit apparaître et guérir plus ou moins complètement des vésicules dont

la constitution, comme on le sait, est différente si elles apparaissent dans

les premières périodes de la maladie ou dans les périodes plus avancées .

et si elles se présentent sur la peau saine ou sur la peau lésionnée ; c'est

ce que démontrent les figures 36 et 37.

Avec cette neurolépride, la lépride maculeuse et l'atrophie cutanée

accompagnent la forme nerveuse. On voit l'atrophie cutanée dans les

figures 38 et 39. Et spécialement dans la figure 39, la variété appelée

glossy skin.

La peau des doigts de la figure 3 est un type de dépigmentation.

Je me contente ici d'énumérer les formes les plus communes de der-

matoses que l'on voit dans cette variété de la lèpre. Je ne dois point

m'arrêler à les décrire car je ne ferais alors que répéter tout ce qui a été

déjà décrit avec tous les détails nécessaires dans les traités de dermato-

logie. -

La sclérodermie abonde dans celle maladie soit immédiatement après

d'autres lésions cutanées, surtout après les macules, soit- primitivement

SYMPTOMATOLOGIE DU SYSTÈME NERVEUX 167

dans certaines régions, mais spécialement aux mains parce que ce sont

des régions distales el, par conséquent, celles où les nerfs s'altèrent de

préférence.

Cette lésion dermique cicatricielle est en général accompagnée et com-

pliquée d'autres processus cicatriciels consécutifs à des ulcérations. Par

elle les doigts se plient, et ils le font du côté de la flexion comme je l'ai

indiqué plus haut. Les figures 2, 31 et 32 en sont des exemples.

Je suis d'accord avec l'éminent léprologue turc, le Dr Zambaco, dans

ce qu'une bonne partie des troubles trophiques que beaucoup avaient

considérés comme dépendant d'angionévroses ou de neurodermies d'origine

soit spinale, soit névriticlue commune, appartiennent au morbus I)heilicius.

Nous ne devons pas néanmoins entendre par là que la névrite lépreuse

absorbe l'immense majorité des symptômes trophoneurotiques. Nous sa-

vons que la syringomyélie, des états syringomyéliques joints à d'autres

lésions spinales, et les névrites de différentes origines produisent des

symptômes analogues à ceux qui sont produits par la névrite lépreuse;

mais la lèpre l'emporte certainement de beaucoup quant au nombre et

quant à la variété. '

La maladie de Morvan constitue un syndrome qui appartient à la lèpre

dans la plupart des cas et à la syringomyélie dans d'autres, mais moins

souvent.

Personne n'ignore la cause la plus fréquente de ces panaris. Ils obéis-

sent aux mêmes causes que l'on trouve pour les cas communs ; mais les

lépreux et les syringomyéliques ne se rendent point compte, toutd'abord,

de l'intensité et de la durée des causes destructives des tissus ; ils sont plus

exposés que les autres, et grâce à leur anesthésie ils ne se préoccupent

point des lésions produites qui, privées par ce motif de protection, s'in-

fectent plus facilement.

Mais à mon avis, nous ne devons pas être exclusivistes sur la pathogénie

de la parésie analgésique à panaris. Nous devons croire qne ces phéno-

mènes surviennent aussi, sans les hyperthermies et sans les traumatismes

morbides occasionnels, chez les hommes sains, parce que les tubercules

lépreux des os, des articulations et d'autres tissus profonds produisent,

comme nous le voyons fréquemment dans cette maladie, la mortification

de ces organes et réveillent la réaction phlegmoneuse qui produit le

ramollissement de tous les obstacles qui les empêchent de passer à

l'extérieur. '

Dans ces derniers cas, le processus commence par des frissons, des vo-

missements, la soif, etc., avec douleur parfois légère, ou sans douleur et

avec tuméfaction ganglionnaire correspondante. Ces phénomènes cessent

et on voit apparaître sur la peau, du côté de l'articulation, un point de

168 BAHRAQUER

fluctuation qui se perfore et laisse échapper du pus fétide par une ouver-

ture ulcéreuse irrégulière et profonde, comme on le voit dans la figure 40.

On perçoit, au moyen du stylet, la phalange nécrosée qui est expulsée à

l'extérieur tout entière ou en morceaux en même temps que les cartilages

et les tendons détruits. Parfois les os, loin d'avoir leur dureté propre,

sont mous, de sorte qu'on les peut traverser avec un stylet ou avec le man-

che du scalpel.

Lorsque le travail de restauration se produit, les os s'unissent sans gar-

der, on le suppose bien, la relation anatomique correspondante. Ainsi voit-

on s'unir la première phalange à la troisième ou la seconde au métacarpien,

ce qui augmente les difformités.

Les figures 1, 31 et 32 démontrent l'absence de quelques phalanges

due à la maladie de Morvan.

La figure 182 du Traité des maladies nerveuses d'Oppenheim est un

cas de la même maladie, d'origine syringomyélique.

Parfois les conséquences du sphacèle sont si graves que les malades

ayant négligé d'avoir recours à la science meurent de septicémie comme

cela est arrivé pour celui que représente la figure 40. Puisque nous

reconnaissons que.dans bien des cas, l'origine du phlegmon ou panaris est

telle, nous devons convenir que la cause n'en est pas toujours d'origine

exogène.

Il est, en outre, forcément nécessaire que l'insuffisance nerveuse nutri-

tive des tissus, due à la lésion spécifique des nerfs, intervienne en altérant

la circulation capillaire et lymphatique ainsi que les actes nutritifs et, par

conséquent, en mettant les organes en état de moindre résistance.

Quoi qu'il en soit, nous devons, pour l'étude de cette importante ma-

tière, mettre en rapport très intime les connaissances dérivées de l'obser-

vation clinique avec celles qui ressortent de l'expérimentation.

Si nous interceptons l'innervation d'une région, il peut survenir, outre

la paralysie de la motilité, du sentiment etde la vasomotricité, la mortifi-

cation et la gangrène de la peau, ainsi que des phlegmons consécutifs sui-

vant l'étendue de la région frappée et la relation que, consécutivement,

elle peut avoir avec le milieu extérieur.

Si nous sectionnons, chez un lapin, le nerf sciatique poplilé externe,

l'animal pourra vivre dans son milieu habituel sans qu'on voie survenir

chez lui des altérations graves qui puissent compromettre sa vie.

Une personne qui a une lésion de ce nerf, peut suivre sa vie ordinaire

sans présenter d'autre modification apparente que t'anesthésie de la

région correspondante, compensée bien des fois après un certain temps,

et le pied pendant, état qui se corrige au moyen d'un appareil approprié.

Mais si nous sectionnons le grand sciatique à un lapin, nous verrons

SYnIPr011ATULOGIE DU SYSTÈME NERVEUX zizi

apparaître, au bout de quelques semaines, un ulcère phlycléneux au point

d'appui du talon du côté correspondant.

Cet ulcère qui s'approfondit plus ou moins dans le derme se recouvre

d'une croûte sèche et ronde comme on peut le voir dans la figure 41.

Alors si la lésion sur le nerf a été seulement une simple section, si elle

futpratiquée au printemps, si l'animal est jeune et si on préserve de l'hu-

midité et des frottements le pied du côté opéré, la croûte peut alors cons-

tituer une protection suffisante contre l'entrée des microorganismes. et

celle protection peut persister jusqu'au retour de l'innervation du pied

par la régénération nerveuse (Voir à ce sujet la fig. 42).

Mais si les conditions opératoires sur le nerf ne se limitent pas à une

simple section, si elles rendent plus difficile la coaptation et partant le tra-

vail du bout central (1), et d'autre part si l'hygiène est insuffisante, alors

le sphacèle s'approfondira davantage, sera plus élendu et irrégulier, et la

suppuration ainsi que la septicémie surviendront.

Si une personne souffre d'une lésion grave du nerf grand sciatique

comme par exemple le jeune homme représenté dans la figure 43, dont

l'image nous fait voir l'ouverture d'entrée et celle de sortie d'une balle de

fusil déchargé sur lui à peu de dislance, on peut, s'il ne s'abstient pas

des frottements et des pressions habituelles. voir, après un certain temps,

se présenter chez lui le sphacèle du pied de guérison difficile, et toutes

les autres conséquences survenues chez le lapin, à moins que l'extrémité

soit soigneusement préservée jusqu'au retour de l'innervation, ou qu'il soit t

amputé en temps opportun comme il a fallu le faire pour ce malade.

Nous déduisons de ce que nous venons de dire, les conclusions suivan-

tes : la première, bien connue de tous, consiste en ce que des zones d'une

assez grande étendue et importance, privées de leur innervation directe

peuvent, après un certain temps, acquérir un degré de plus ou moins

grande sensibilité au moyen de branches qui procèdent de nerfs voisins.

Et que, lorsqu'elles ne peuvent pas être innervées, la peau de ces zones

souffre alors facilement de lésions d'ordre régressif qui peuvent arriver

jusqu'à la gangrène. '

(1) Voir il ce sujet mon travail sur la dégénéra lion et la régénération du système

nerveux périphérique paru dans la Revue neurologique du 30 décembre 1910. Dans la

figure 12, je démontre l.i régénération presque totale du nerf qui, sans suivre la voie

de prédilection par laquelle est facilitée la progression des tubes de nouvelle forma-

tion, son orientation fut un peu déviée de la topographie normale, arriva néanmoins

au but. Il était au milieu d'une charpente de tissu cellulaire de nouvelle formation

qui sert, dans ces cas, de pont de passage. Il marche dons cette formation sur la-

quelle j'avais attiré l'attention plusieurs fois. Comme le nerf était encore plus mince

que normalement, et qu'avec sa charpente cellulaire il élait dévié du côté de la peau,

il m'avait fallu le disséquer un peu afin de démontrer dans la photographie la régé-

nération presque totale du nerf.

170 13ARBAQUER

La deuxième conclusion est que les pressions, les frottements elles

variations thermiques habituelles auxquelles les animaux elles personnes

sont tous sujets dans leur vie de relation produisent, lorsque l'innerva-

tion sensitive mauque, des effets morbides traumatiques et thermiques.

La troisième conclusion nous amène à déduire que, pour la viabilité

des organes en relation avec le milieu pour lequel ils ont été faits, il

faut indispensablement, avant tout, la dotation de la sensibilité, c'est-a-

dire d'informations continuelles concernant l'état de l'organe dans le

milieu el de ses variations, l'existence décentres de connaissance péri-

phérique ou ganglionnaire des impressions apportées, et d'actions con-

sécutives, vasomotrices et nutritives interstitielles parfaitement combinées

avec la valeur des impressions parvenues par le courant centripète.

Ainsi donc, dans les tissus sains, il existe des facultés physiologiques

d'avertissement, de connaissance, de protection et de restauration qui

agissent sans cesse.

La quatrième et dernière conclusion, dérivée des précédentes, nous

permet d'affirmer que, dans la névrite lépreuse, le panaris analgésique

peut être acquis simplement par suite des relations normales que les extré-

milés contractent habituellement et qui n'arrivent point àconstituer une

cause morbide chez les individus sains.

Les articulations du carpe de la main de la figure 29 sont des types

d'inflammation articulaire spécifique, c'est-à-dire de pseudo-rlmmatisme

lépreux.

Ces arthrites apparaissent dans des périodes distinctes de la maladie et

de préférence dans les articulations les plus distales. Elles sont éminem-

ment chroniques et lorsqu'elles apparaissent dans les premières périodes,

elles peuvent se résoudre. Leur évolution la plus fréquente se fait vers

l'ankylose ou la suppuration avec complications osseuses.

Lorsque les os n'ont pas été mutilés par des phlegmons ou par scléroder-

mie, les mains peuvent acquérir cette forme de griffe d'oiseau de proie

que l'on voit dans la figure 29.

Dans la plupart des étals ci)ioniques d'insuffisance nutritive des os, on

voit apparaître le phénomène de raréfaction, et il n'est par conséquent pas

étonnant que, dans certaines occasions, nous le voyions isolé et que dans

d'autres nous le trouvions accompagné et suivi de mutilations de la plus

grande importance.

La simple immobilisation prolongée d'une extrémité peut élre l'origine

de troubles nutritifs.

Le phénomène est produit par des névrites algiques, surtout par celles

d'origine chirurgicale.

La deuxième et la troisième phalange du pouce de la main qui corres-

SFML'T061AT(ILOGIG : LU SYSTÈME NERVEUX 171

pond à la figure 44, se trouvent décalcifiées par suite d'un panaris à l'ex-

trémité du doigt, dont la cicatrice et les régions adjacentes se sont conser-

vées longtemps si douloureuses qu'il a fallu amputer le doigt.

J'ai pu observer, dans quelques cas de trophcedème chronique, la décal-

cification osseuse à un degré plus ou moins élevé. Le squelette de la main

droite de la figure 45 montre la raréfaction, spécialement prononcée vers

les extrémités des phalanges et des métacarpiens. La photographie des

mains de ce malade se trouve dans la figure 46, qui en laisse voir claire-

ment à droite la boursoufflure. Cet oedème chronique qui est dur et non

douloureux, qui n'est pas accompagné de manifestations locales indiquant

une altération circulatoire de l'extrémité chez un malade exemptdes ? mp-

tômes rénaux et cardiaques, d'altération des centres nerveux et du sang,

puisqu'il s'agit d'un homme jeune et robuste d'ailleurs, est la répétition

d'un oedème de même nature existant depuis trois ans dans le membre in-

férieur droit. Il fut acquis après un traumatisme de peu d'intensité dû â

un accidentdu travail, motif pour lequel il m'a été difficile de rechercher

les antécédents de famille dans ce cas de syndrome de lJeiga.

Il n'y a pas à s'étonner non plus que, dans les maladies caractérisées

par la suspension de développement des tissus et des organes, comme celle

de Klippel où il y a réduction numérique des éléments qui composent les

organes, il y ait raréfaction osseuse à un degré parfois assez prononcé.

L'enfant des figures 47 et 48 a subi, il y a cinq ans, un accident de chemin

de fer qui lui a produit une blessure contuse et la luxation de l'avant-bras

gauche. Voilà pourquoi il y a eu retard dans le développement de Ions les

organes du même côlé qui en sont arrivés à l'étal d'aplasie hémilalérale

comme on l'observe bien clairement dans les figures indiquées; le squelette

qui présente une grande différence de volume entre les deux côtés, comme

on le voit dans la figure 49, présente de la décalcification.

La destruction et la perte des os ont lieu non seulement pour les proces-

sus inflammatoires décrits en parlant de la maladie de Morvan, mais elles

sont encore très fréquentes dans la lèpre nerveuse et aussi dans d'autres

névrites à cause de la résorption. Elle est d'ordinaire précédée et accom-

pagnée de décalcification comme on l'observe dans la généralité des radio-

graphies que j'expose plus bas.

La résorption commence en général par la dernière ou Pavant-dernière

phalange vers son extrémité articulaire ; on peut le voir dans le gros orteil

des figures 50 et 51 qui appartiennent à un homme lépreux età une femme

lépreuse respectivement. On la retrouve dans le même doigt du pied de

la figure 52 qui appartient au jeune homme déjà cité dans la figure 43,

atteint de névrite dégénérative produite par une balle qui a intéressé le

172 BARRAQU13R

grand sciatique, et dans le même doigt du pied exposé dans la figure 53

qui se rapporte à une femme tabétique.

- La perte de substance peut se présenter sous plusieurs aspects. En

forme de résorption moléculaire dans laquelle l'os se raréfie, disparais-

sant par raréfaction, et dont l'image ressemble à celle d'un morceau de

sucre qui se dissout dans un liquide. On le voit ainsi dans les figures 50,

51 et 52.

Par destruction périphérique des bords qui apparaissent morcelés ou

mutilés par un animal rongeur, comme cela se voit sur le bord inlernede

la première phalange de la figure 53 déjà citée.

Par résorption segmentaire transversale, comme s'il était coupé par un

tranchant. Voir le reste de la deuxième phalange des deuxième et troi-

sième doigts de la figure 54 et les premier, deuxième et troisième métatar-

siens du pied de la figure Ils.

Ces images sont assez semblables à celle produite par l'effet de la gan-

grène de Ha) naud, comme le montre la figure 55, dans la deuxième pha-

lange du petit doigt, dont le pied appartient à un cas de cette maladie.

Il y a une autre forme de destruction par résorption dans laquelle les

phalanges s'amincissent dans leur extrémité terminale jusqu'à terminer

en pointe comme un crochet. Voir à ce sujet le reste du premier métacar-

pien dans la figure 56 et celui de la première phalange du deuxième doigt

de la même figure.

Ces différentes formes se mêlent, se combinant généralement entr'elles.

Les articulations se détruisent et leurs tissus se résorbent. Si elles sont

détruites avant que les phalanges aient complètement disparu, celles-ci se

détachent, abandonnant leur direction normale, comme on peut l'obser-

ver dans la première phalange du pouce de la figure 57, dans la deuxième

du petit doigt des figures 54 et 56, et dans les deuxièmes phalanges des

gros orteils de la figure 58 dont il ne reste que des vestiges.

La figure 59 dont les pieds représentés appartiennent à un tabétique.

montre dans le côté droit : une arthrite tarsienne avec hypertrophie de la

partie postérieure du premier métatarsien ; on voit aussi la raréfaction

osseuse dans les deux pieds, surtout dans les phalanges du gros orteil

droit. L.

J'ai déjà indiqué que le squelette des pieds de la figure 53 qui appar-

tient à une femme tabétique, est en état de résorption quant au côlé in-

terne de la première phalange du gros orteil gauche, tout comme dans

les névrites lépreuses.

Nous avons vu aussi que les extrémités de la première et de la deuxième

phalanges du gros orteil vers le côté de son articulation dans la figure 52,

présentent les mêmes caractères de résorption que dans la névrite lépreuse,

SYMP1OMATOLOGI10 DU SY Tùhg ERV ? 173

\rr.P3- ..

le mal étant produit dans ce cas par névrile atique du grand scia-

tique.

La conclusion qui s'ensuit est que dans les cas de névrite, soit lépreuse,

traumatique, tabétique, etc., nous trouvons l'atrophie osseuse par résorp-

tion, d'une même forme et d'une même évolution.

La main de la figure 60 est un exemplaire typique de macrochirie d'o-

rigine lépreuse. Les parties les plus hypertrophiées sont l'index et le

dellxièmpmétacarpien. Le troisième doigt et une partie du pouce lesonl

aussi quoiqu'à un degré moins élevé. Le reste de la main a le volume

normal.

Celle image, ai-je dit, constitue un type due forme lépreuse. Est-elle un

témoignage qui donne une preuve bien démonstrative de l'idée anatomi-

que topographique de la névrite lépreu e et par conséquent, des faits de

physiologie pathologique et des symptômes sur les conditions spéciales

desquelles j'ai plusieurs fois attiré l'attention. Ainsi explique-t-elle très

clairement que certains symptômes sensitifs, moteurs el. trophiques, sont

limités pendanl longtemps à une partie réduite d'une région, et, par con-

séquent, la limitation des douleurs dans une région réduite, la contrac-

ture de tel ou tel faisceau du muscle fléchisseur ou extenseur, la forme

parcellaire de l'atropine des muscles faciaux. Elle explique encore que

t'anesthésie des tissus profonds des extrémités peut exister quelquefois

limitée aux doigts ou à quelques articulations seulement. Et, enfin, elle

explique en outre que les manifestations symptomatiques peuvent être

réduiles systématiquement à une seule espèce ou variété.

Dans l'image exposée dans la figure 61, qui appartient à un lépreux, il

y a hypertrophie de la portion inférieure de l'oreille. Je dois indiquer que

celle hypertrophie est bilatérale, quoiqu'elle soit légèrement plus pronon-

cée d'un côté que de l'autre.

La figure 11 représente la face d'un lépreux qui a de l'hypertrophie des

lèvres. ,

Il va sans dire que ces hypertrophies, quoiqu'elles soient bilatérales, et

dans des organes ou parties les plus saillantes, doivent être attribuéesuni-

quement à des névrites lépreuses. Ceci ne nous étonne nullement car nous

avons déjà vu plus haut la même analogie entre les manifestations pro-

duites par des lésions nerveuses névritiques et d'autres dépendant des

centres.

Si nous pouvons certainement dire avec Eulenburg que la névrite do-

mine la neiii-opatliologie, la même observation nous amène à spécifier l'idée,

nous convainquant que si par systématisation fonctionnelle et de dévelop-

pement embryonnaire il exisle des groupes syndromiques définis dépen-

xxvu 12

174 BARRAQUER

dant des centres, la même systématisation doit exister dans un cordon

nerveux susceptible d'être envahi sélectivement

Et le fait connu de l'hérédité de dériénérations nerveuses de topographie

et de fonctions distinctes, rend encore plus étroite la relation pathologi-

que. Par exemple : un homme maniaque, fils d'une hypocondriaque an-

goisaeuse, engendra, dans des périodes de relative mélancolie circulaire,

deux enfanta chez qui le type péronéal de la paralysie iLi-opiliqLle se

présenta dès les premières années de la vie.

De sorte que si, d'un côté il y a analogie dans le concept symptoma-

tique entre des mêmes manifestations d'origine centrale et d'origine

périphérique, nous voyons d'un autre côté que l'insuffisance nerveuse ou

sa disposition embryonnaire se présente à travers les générations indis-

tinctement dans un département ou dans un autre, puisqu'un père avec

insuffisance cérébrale peut transmettre la tare qui apparaît chez ses des-

cendants clans la portion sacrée de la moelle épinière et dans les nerfs

correspondants.

Ainsi, hors les cas de faiblesse nerveuse acquise par quelque cause

toxique ou autre, la prédisposition nerveuse estd'origineembryonnaireet

les déclarations de la dégénération apparaissent à l'époque précise et

opportune de la vie.

Je termine, pour le moment, l'exposition des symptômes produits par

des altérations des nerfs, mais avec l'intention de la continuer plus tard,

en décrivant leurs caractères, leur évolution et leur signification, et de

plus, les modifications locales et générales que l'on trouve forcément dans

la physiologie pathologique des organes privés de leurs facultés parla

dégénération, soit commune, soit élective, des fibres des cordons nerveux.

DEUX CAS D'ATROPHIE MUSCUL,\IRE CH.\nCOT-IARIE (1

.PAR

A. SOUQUES

- Dans le cadre des atrophies musculaires, il existe un groupe d'amvo-

trophies caractérisées par leur marche envahissante et par leur tendance

à la généralisation. C'et ce groupe, doit Duchenne de Boulogne avait

fait jadis une entité morbide, que l'un désigne actuellement sous le nom

d'atrophie musculaire progressive.

Dès 18'19, Duchenne attirait l'attention sur une maladie nouvelle, ou

du moins non encore décrite, qu'il désigna d'abord sous le nom d'atro-

phie musculaire arec transformation graisseuse, et qu'il appela, plus lard,

atrophie musculaire graisseuse progressive. Il empruntait celle dernière

épithète à Aran qui, en 180, décrivit celle affection, en grande partie

d'ailleurs d'après les faits recueillis par. Duchenne.

Cette soi-disant entité morbide comprenait, en réalité, des cas dispa-

rates et d'origine différente. Aussi ne tarda-t-elle pas à être démantelée

de fond en comble. Sur ses ruines, et avec ses propres matériaux, S'éLlirlà-

rentuccessivement des espèces morbides nouvelles : la sclérose latérale

amyotrophique. la pachyméningite cervicale hypertrophique, la syringo-

myélie, l'atrophie musculaire Charcot-Marie, la névrite hypertr'opbique,

une variété de méu i ngo-myél te syphilitique, sans parler des myopathies et

des névrites périphériques, à telles enseignes qu'on s'est demandé et

qu'on doit se demander s'il subsiste encore des faits incontestables

d'amyotrophie progressive, dus à une poliomyélite antérieure chronique

primitive.

Quoi qu'il en soit, j'ai l'intention de vous entretenir aujourd'hui de

l'amyotrophie Charcot-Marie, c'est-à dire de l'une des espèces morbides

élevées sur les ruines de l'ancienne atrophie musculaire progressive de

Duchenne.

C'est en 1886 que Charcot et Pierre Marie attirèrent l'attention sur

cette variété d'amyotrophie. La même année, mais après eux, Touth

(1) Conférence faite à l'hd,itn Saint-An'oine, dans la clinique de M. le professeur

Chauffard, le 30 avril 1914, et recueillie par MM. Baudouin et Lantuejoul.

176 SOUQUES

publiait sur ce sujet un intéressant mémoire intitulé : type péuonier r

d'atrophie musculaire. Trois ans plus tard, IIoffmann reprenait laques-

tion en insistant sur l'origine neurotique de celte amyotrophie. Depuis

lors, les travaux se sont multipliés, et j'aurai l'occasion, chemin fai-

sant, de rappeler les plus importants, concernant soit l'histoire clinique,

soit 1 histoire anatomique de cette affection.

La seule condition éliologique bien établie que l'on connaisse, la seule

indubitable, c'est la condition hérédo familiule,autrementdit : l'hérédité.

L'atrophie-musculaire Charcot-Marie est une maladie héréditaire, c'est

même la maladie héréditaire par excellence. 1 : 1 l'llérédiié y est abondante :

j'en veux pour preuve cette famille Sear Facer, citée par Her riurlham, qui,

suivie pendant six ou sepl générations, compte vingt six amnotropliiques.

J'en veux pour preuve la famille Lehongre. dont je vais vous entretenir,

dans laquelle pendant sept générations ou trouve vingt etnn amyotro-

phiqup.s. Assurément, il existe des cas isolés, mais ces cas sont très rares,

el il ne faut les accepter qu'après une enquêle familiale minutieuse et

contrôlée. Or une elquète de ce genre est parfois impossible et souvent

extrêmement difficile : les malades ne connaissent pas ou connaissenl insuf-

fisamment leurs ascendants el leurs collaléiaux, et l'enquête se trouve

constamment arrêtée; sans compter qu'on voit dans ces familles de nom-

breux enfants morls en bas age, qui seraient peut-être devenus un jour

amyolroplliques ou auraient fait souclle d'amyotropinques.

Je vous présente deux malades : Serg .. et Flot.. Le premier, inter-

rogé avec soin, ne connaît dans sa famille que sept cas semblables au

sien; le second n'en connaît que six. Or, ils ne conn;iissent 1'uii et l',iulte

qu'une petite pli lie de leur famille. En elfe[, j'ai pu établir, d'une part,

que ces deux malades sont à leur insu cousins rapprochés, et, d'autre

pari, qu'on trou\e dans leur famille commune plus de vingt cas connus

d'amyotrophie progressive. Ilssont cousins issus degermain ()) ; l'un, S...

est dans mon service depuis trois ans ; l'autre, F... depuis trois mois. Le

hasard a voulu qu'ils fussent mis dans la même salle ; ils ont causé entre

eux de leur lieu de naissance, du lieu d'origine de leurs parents (qui est

Wissous, dans la vallée de Chevreuse), et ils ont fini par se reconnaître

parenls. En faisant quelques recherches bibliographiques, j'ai vu qu'ils

appartenaient à la famille Lehongre dont je vous parlais il y a un ins-

tant, et dont voici l'arbre généalogique, reconstitué avec les éléments

que j'ai pu relever pendant sept générations. Celle famille a déjà été

étudiée par Dejerine, par P. Sainton, par M. et Mme Long qui en

ont retrouvé une branche ignorée jusqu'à eux, branche qui a fait l'ob-

/

(t) Dans le tableau généalogique, leur place esl indiquée en gros caractères.

178 SOUQUES

jel de la thèse de Maslianka (1). Dans le tableau généalogique, dressé

par Sainton, on trouve déjà 13 amyotrophiques ; on en trouve 19 dans

celui de Long et Maslianka (2). Un de nos malades, FI..., qui descend

d'une branche qui n'est pas mentionnée dans ces divers tableaux, porte

au moins à vingt et un le nombre des amyotrophiques de la famille Le-

hongre. J'ajoute que plusieurs rameaux de celte branche ne sont pas

connus de ce malade..le m'excuse de ces longs détails ; ils s'expliquent

par l'importance du caractère hérédo-familial, et ils montrent en même

temps la difficulté des enquêtes de cet ordre.

L'amyotrophie Charcot-Marie frappe de préférence le sexe masculin.

Sainton, dans une thèse très documentée et qui fait époque, indique la

proportion de cinq hommes pour une femme. On voit même parfois,

comme dans la famille Sear-Facer, les femmes rester indemnes tout en

transmettant la maladie à leurs enfants mâles, par une de ces bizarreries

familiales dont la cause nous échappe.

L'amyotrophie Charroi Marie est rare. Elle est rare parce que les famil-

les qui en sont frappées finissent par s'éteindre, en raison de leur infé-

riorité dans la lutte pour la vie, du célibat auquel nombre de leurs

membres se trouvent condamnés, en raison aussi de cette règle biologique

qu'une disposition anatomique ne se fixe héréditairement que elle donne

à l'individu une supériorité. On ne peul du reste voir là qu'un bienfait,

au double point de vue individuel et social.

Quand et comment débute celte affection ? Son début est précoce, et se

fait le plus souvent dans l'enfance, parfois après vingt ans, exceptionnel-

lement après quarante ans comme dans les cas de Collier et deFaruell,

Dans la statistique de Sainton, le début s'échelonne entre deux et trente-

neuf ans.

L'affection débute, dans le type classique qui est de beaucoup le plus

commun, par les membres inférieurs, prenant d'abord les pieds, puis les

jambes, enfin la partie inférieure des cuisses, et cela avec une symétrie

presque parfaite. A un moment donné de cette marche ascendante, l'atro-

phie passe aux membres supérieurs : d'abord aux mains, puis aux avant-

bras, et quelquefois aux bras.

Le début par les membres inférieurs, pour fréquent qu'il soit, n'est

pas constanl. Hoffmann a montré qu'il peut se faire, en effet, par les

(1) MASHANKA : Contribution ù l'élude clinique de l'amyotrophie Charcot-Marie,

Thèse Paris, 1913.

(2) En réalité, le tableau généalogique de Long et Malianka partait vingt nmyntro-

phiqiifs, mais l'un d'eux regarde comme atteint de lette alftctkn doit actuellement

être considéré comme indemne : il vient de finir son service militaire et de faire

campagne au Maroc.

DEUX CAS D'ATROPHIE MUSCULAIRE CHA11COT-MARIE 179 9

membres supérieurs. Dans ce dernier cas, il semble que, le plus sou-

vent, l'affection gagne rapidement les membres inférieurs Quand, au

contraire, elle commence par les membres inférieurs, elle s'y cantonne

pendant plusieurs années, deux ou trois ans en moyenne, avant d'attein-

dre les membres supérieurs. En général, les mains se prennent au mo-

ment où les jambes sont atteintes.

Le début eslessenliellemenl insidieux, tellement insidieux que l'amyo-

trophie existe déjà depuis des mois, des années même, lorsque les mala-

des la remarquent ou plutôt remarquent les troubles fonctionnels qu'elle

commande, à savoir uneênè, une faiblesse ou une maladresse des mou-

vements : l'un constate un jour qu'il a de la peine mettre ses chaus-

sures, un autre que son pied lourne en marchant, etc...

Voici le premier de nos deux malades, S... Chez lui, l'affection a

débuté aux membres inférieurs, vers l'âge de 11 ans, par une gêne de la

marche, et ce n'est que deux ou trois ans après que les membres supérieurs

ont été atteints. Chez le second, F..., le début a été plus précoce, et on

pourrait se demander s'il n'est pas congénital. Eu effet, cet homme s'est,

dit-il, toujours connu estropié ; il semble bien que le début de l'affec-

tion chez lui doive être placé vers l'âge de un à deux ans. Je ne connais,

par parenthèse, aucun cas d'amyotrophie Charcot-Marie, qui soit sûrement

congénital. Ce qui est certain, c'est qu'il a marché très tard, et toujours

avec des chaussures orthopédiques. Très vraisemblablement, le début s'est

fait ici par les membres inférieurs, encore que le malade ne puisse rien

certifier à cet égard, mais on peut l'inférer de ce fait qu'il a appris vers

14 ans le métier de ferblantier et qu'il l'a cessé, il y a deux ans, non

pour faiblesse ou maladresse des mains, mais parce que ses jambes ne

pouvaient plus le maintenir longtemps debout. Du reste, ses membres

supérieurs sont aujourd'hui infiniment moins touchés que ses membres

inférieurs.

L'atrophie Charcot-Marie, arrivée a son complet développement, semble

respecter indéfiniment le tronc, le cou et la face. Chez nos malades, les

muscles du tronc contrastent par leur relief et leur vigueur avec l'atrophie

extrême des membres ; il n'y a aucune lésion viscérale, aucun trouble

ni sphtnoérien ni génital, aucun trouble intellectuel. Toutseborneaune

amyotrophiedes quatre membres, et en particulier de la partie distale des ¡

membres.

Avant de procéder à l'examen de ces deux malades, laissez-mo. vous

rappeler le résumé de la description classique donnée par Charcot et

Marie :

« Atrophie musculaire progressive envahissant d'abord les pieds et les

180 SOUQUES

jambes, ne se montrant aux membres supérieurs (mains d'abord, puis

avant-bras) que plusieurs années après, donc évolution lente.

» « Intégrité relative des muscles de la racine des membres ou lout 'âl1

moins conservation beaucoup plus longue que pour ceux des extrémités.

Intégrité des muscles du tronc, des épaules et de la face.

« Existence de.contractions fibrillaires dans les muscles en voie d'atro-

phie. Troubles vaso-moteurs des segments de membres atteints. Pas de

rétractions tendineuses notables du côté des articulations dont les muscles

sont atrophiés. "-

« Sensibilité le plus souvent intacte, quelquefois cependant altérée de

plusieurs façons. Fréquence des crampes.

« Réaction de dégénérescence dans les muscles en voie d'atrophie.

« Début de l'affection le plus souvent dans l'enfance, souvent chez plu-

sieurs frères et soeurs ; quelquefois aussi, elle existe non seulement chez

des collatéraux, mais aussi chez des ascendants. » .

Vous allez voir que, chez nos malades, nous retrouverons intégrale-

ment ces symptômes capitaux. Prenons d'abord F..., âgé de 25 ans, qui

est un cas schématique. Considérez ses membres inférieurs. Deux symptô-

mes frappent au premier abord : la déformation des pieds et l'atrophie

musculaire portant sur les jambes et le tiers inférieur des cuisses, toutes

lésions parfaitement symétriques (PI. XXXII).

Les pieds sont en varus équin, le varus étant plus accentué que Péquin;

la face dorsale est très convexe, la tête de l'aslragale faisant saillie sous

la peau ; la voûte plantaire est très excavée, le bord interne fortement

cambré ; les orteils ont une certaine tendance à se mettre en griffe.

L'atrophie des jambes est telle que la saillie des mollets a disparu

(mollets de coq). Encore faut-i ! tenir compte d'un certain degré d'adipose.

sous-cutanée pour comprendre le degré véritablement extrême de cette

amyotrophie. Celle-ci porte peut-être plus sur la région antérieure et

péronière que sur la région postérieure. Fait très singulier, la cuisse n'est

atrophiée que dans son tiers inférieur, les portions moyenne etsupérieure

paraissant normalement développées. C'est une atrophie « en jarretière»,

comme disent Charcot et Marie, caractéristique de l'affection, tout au-

moins pendant une très longue période (PI. XXXII, XXXIV).

Aux membres supérieurs, les mains présentent les déformations sui-

vantes : les premières phalanges sont étendues, les deux autres phalanges

et surtout la phalangine ayant une tendance à la flexion ; les tendons

des. extenseurs sont saillants, et il y a atrophie exlrême de tous les petits

muscles de la main, avec disparition complète des.éminences thénar et

lmpotliénar et des muscles interosseux (PI. XXXII).

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière. T. XXVII. PL. XXXII

1

ATROPHIE MUSCULAIRE CHARCOT-MARIE .

' ' Obs. 1

' (A. Soiiqiies) .

'. Masson & Cie, Editeurs -.

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1 . Plnototytne Bcrtlmud, Pans

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière. - T. XXVII. PL. XXXIII

ATROPHIE MUSCULAIRE CHARCOT-MARIE

Obs. II

(A. Souques)

Masson & Cie, Editeurs

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NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière. '' \ ? ti., ? LrT ? IJaNVII. PL. XXXIV

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Obs. I

Obs. II

ATROPHIE MUSCULAIRE CHARCOT-MARIE

(A. Souques)

Masson & Cie, Editeurs

PhototYPltJ BI'llhnud, Pari ! !

DEUX CAS D'ATROPHIÉ'SÿÛ<Il ? B,bRGrOT-WARIE 181

Les avant-bras sont atrophiés dans leur moitié inférieure alors que

leur moitié supérieure est indemne. Les bras sont intacts.

Le second de nos malades, S... (âgé de 47 ans), présente une atrophie

encore plus marquée : les pieds ont une déformation très analogue, en

double varus équin ; cependant les orteils n'ont pas de tendance à la griffe.

Les jambes sont très atrophiées et l'atrophie atteint ici les cuisses, dans

leur totalité (PI. XXXIII et XXXIV).

Aux membres supérieurs, il faut noter l'atrophie extrême des petits

muscles de la main : interosseux, éminences thénar et hypothénar. Sur

le dos de la main se dessinent nettement les tendons des extenseurs, et

dans la paume ceux des fléchisseurs. Les avant-bras sont atrophiés dans

leur ensemble ; les bras eux mêmes sont atteints, au moins dans leurs

deux tiers inférieurs. ,

L'amyotrophie chez ces deux malades s'accompagne de secousses fibril-

¡aires très visibles sur les muscles en voie d'atrophie, sur ceux de la cuisse

pax exemple.

La motilité est diminuée au prorata de l'atrophie. C'est l'atrophie, en

effet, qui régit les troubles moteurs. Chez F..., la motilité volontaire est

complètement abolie au niveau des orteils et du cou-de-pied. Elle est au

contraire conservée au genou, à la cuisse : les mouvements de flexion et

d'extension de la jambe, d'extension, de flexion, d'abduction et d'adduc-

tion de la cuisse se font avec une étendue et une vigueur normales.

Chez S..., la motiiité volontaire est également abolie au niveau des orteils

et du cou-de-pied. Au niveau du genou, les mouvements de flexion et

d'extension se font mais avec une vigueur peu considérable ; de même

l'abduction et l'adduction, la flexion et l'extension de la cuisse sur le

bassin se font avec une force certainement très diminuée.

Aux membres supérieurs, F ? peut fléchir et étendre les doigts, mais

sans force, et encore cette extension est-elle imparfaite. Il ne peut écar-

ter et rapprocher les doigts que d'une façon incomplète et que s'il

met la main sur un-- plan résistant. L'opposition du pouce est très

- diminuée. Les mouvements de flexion et d'extension du poignet se fout

mais avec peu d'énergie. Au bras, la force est, au contraire, d'apparence

normale ; le malade s'oppose avec une grande vigueur aux mouvements

forcés de flexion et d'extension de Pavant-bras, d'adduction et d'abduction

du bras. Chez S...', la force musculaire est diminuée au niveau des mus-

clea du bras, très diminuée au niveau des muscles de Pavant-bras, bien

que les mouvementsvolontaires correspondants se fassent avec une étendue

normale. A la main,' la flexion et l'extension des doigts sont possibles,

mais )entes ; la flexion de la première phalange du pouce est presque

nulle, l'opposilion du pouce tout à. fait impossible ainsi que le rappro-

chement et l'écartement des doigts.

182 souques

En contraste avec le degré extrême de l'atrophie musculaire, il faut

signaler le peu d'intensité des troubles fonctionnels. Ces deux malades ne

peuvent se tenir debout, il est vrai, les pieds nus, car leurs pieds déformés,

entièrement paralysés el ballants, ne leur fournissent, pas une hase stable ;

ils ne peuvent davantage marcher pieds nus. Mai s. munis de chaussures or-

thopédiques, et s'aidant d'une canne, ils peuvent se tenir debout et mar-

cher aisément. F... peut faire une course d'une heure environ sans

fatigue. Tous les deux marchent en steppant.

Je vous ferai observer, en passant, que les amyotrophiques Charcot-

Marie marchent généralement en steppant et qu'ils sont souvent obligés,

dans la station debout, de piétiner pour conserver l'équilibre.

Ce même contraste entre le degré marqué de l'atrophie et le degré

léger de l'impotence fonctionnelle, souvent noté dans les observations et

sur lequel Georges Guillain a insisté avec juste raison, ce contraste, dis-je,

se retrouve encore plus frappantau niveau des membres supérieurs. Avec

des mains extrêmement atrophiées, nos deux sujets peuvent écrire, et vous

pouvez voir sur ces spécimens que leur écriture est très lisible. Ils s'ha-

billent et mangent seuls, ils font des chaussons de lisière avec rapidité et

habileté.

Il me semble intéressant de les rapprocher, a ce point de vue, de deux

autres malades atteints également d amyolrophie progressive et que je vais

vous présenter. L'un est atteint d'amyotrophie du type Aran-Duchenne

par méningo-myélile syphilitique. Il ne peut absolument, comme vous

le voyez, rien faire de ses mains ; son impotence fonctionnelle est com-

plète. Le second présente une atrophie du type Aran-Duchenne, d'origine

syringomyélique. Chez lui aussi l'impotence fonctionnelle est absolue

au niveau des mains.

Je signale, en passant, chez F... l'existence d'une rétraction tendineuse

des tendons d'Achille, qui a nécessité une ténotomie, et j'arrive aux

troubles vasomoteurs, réduits au minimum chez F... chez lequel on ne peul

noter qu'un peu de refroidissement des pieds. Chez S..., au contraire, ils

sont très accusés : refroidissement considérable des pieds, des jambes,

des genoux, sans qu'il y ait cependant sensation sulrjectivede froid ; colo-

ration rouge violacé au niveau de ces divers segments, et enfin hyperhy-

drose très abondante.

Chez l'un de nos malades : F..., il n'y a aucun trouble de la sensibilité

ni subjective, ni objective, pas plus de la sensibililé superficielle que de

la sensibilité profonde, et le sens stéréognostique est absolument normal.

Chez le second : S..., on ne peut relever que la présence d'une zone d'hy-

poesthésie superficielle et profonde à tous les modes, siégeant aux deux

pieds, remontant jusqu'aux chevilles et sur la partie externe des jambes.

DRUX cas d'atrophie musculaire CHARCOT-hlARl E 183

Partout ailleurs la sensibilité est normale. Chez lui aussi le sens stéréo-

gnostique est intact Ni chez l'un ni chez l'autre on ne constate de trouble

du côté des organes des sens, du côté des yeux particulièrement.

L'examen des réflexes donne des résultats intéressants. Chez F..., les

réflexes tendineux sont abolis au niveau du tendon d'Achille; conservés

partout ailleurs, ils sont forts el paraissent même exagérés. On note des

deux côtés un contra-latéral des adducteurs très net. Chez S..., les achil-

léens sont également abolis, les rotuliens faibles, mais avec cou tro- laté-

ral des adducteurs très marqué des deux côtés, les réflexes olécraniens

etradiaux normauxà droite et vifs à gauche. Il n'y a de clonus ni chez

S .. n.i chez F... Cette exagération des réllexes tendineux et la présence

d'un contra-latéral des adducteurs est rare dans l'atrophie Charcot-Marie,

mais elle a été signalée cependant dans quelques observations.

Les réflexes cutanés crémaslériens et abdominaux sont très nets.

Seul, le réflexe plantaire n'existe pas, ce qui semble dû à l'atrophie des

muscles du pied. Je dois signaler ici que M. et Mme Long ont signalé

dans celle même famille Lehongre le signe de Babinski chez deux amyo-

Irophiques âgés l'un de 5 ans, l'autre de 7 ans.

Chez nos deux malades, les réactions électriques des muscles atrophiés

sont très altérées, d'autant plus qu'on examine les parties distales. Je

résumerai ces altérations en disant que les muscles des pieds, des jambes

et des mains sont iiiexciuibles au courant faradique,et que l'exciiabilité

galvanique est nulle sur certains d'entre eux et modifiée qualitativement

sur certains autres. Au contraire, à la racine des membres (hanches,

épaules et bras) les réaclions musculaires sont normales. Autrement dit,

il y a dans les segments louches par l'amyotrophie : soit abolition de toute

excitabilité, soit réaction de dégénérescence, soit diminution pure et

simple. Les degrés de ces troubles électriques se superposent topographie-

quement à ceux des troubles trophiques et moteurs et leur sont compa-

rables Comme les troubles trophiques, moteurs et réflexes, ils diminuent

de bas en haut et disparaissent à la racine des membres.

En dehors des phénomènes déjà étudiés, il n'y a rien d'anormal à

signaler chez ces deux malades. Je ferai particulièrement remarquer que,

chez eux, les troncs nerveux périphériques ont un volume normal et une

excitabilité électrique très vive. C'est là un poinlsur lequel je reviendrai

dans un moment. '

L'amyotrophie Charcot-Marie évolue très lentement, sans. compromet-

tre l'existence. On a vu des vieillards, âgés de plus de 80 ans, qui en

étaient atteints depuis l'enfance.

Celle amyotrophie peut se présenter sous des aspects cliniques divers. A

côlé de la forme classique que je viens d'envisager, il faut placer une forme

184 ` SOUQUES

plus rare, contestée pendant longtemps : la forme péronière ou « pero-

neal-type » de Tooth, dans laquelle les troubles restent indéfiniment limi-

tés aux membres inférieurs, quelle que soit la durée de l'affection. Enfin,

dans quelques rares cas, l'amyotrophie qui a débuté par les membres

supérieurs, pourrait s'y fixer pour toute la vie, comme dans les cas de la

famille citée par Hanel. -

Je ne mentionnerai à côté de ces formes cliniques, déterminées par le

siège initial ou par l'arrêt de l'évolution, que certaines formes exception-

nelles plus récemment étudiées, caractérisées par l'addition de quelques

phénomènes nouveaux, tels que la participation du facial etdu trijumeau,

signalée par Alarinesco ; la décoloration de la papille citée par Vizioli ;

l'atrophie optique avec amaurose notée par Gordon, Gilbert Billet et

Rose, Bertolotli ; le5 'trouhle5 mentaux mentionnés par Westph1l1 et Berto-

lotti ; l'exagération des réflexes et le signe de Babinski, cités la première

par Lejonne et Rose, le second par Long. Ce ne sont pas là des formes

véritables ; ce sont de simples variations familiales analogues à celles

qu'on rencontre dans toutes les maladies héréditaires et qui laissent in-

tacte la description initiale, tracée par Charcot et Pierre Marie.

Reconnaître l'existence d'une amyotrophie Charcot-Marie est ordinaire-

ment chose facile. Il n'y a de sérieuses difficultés que dans les cas où l'a-

trophie musculaire débute par les membres supérieurs et s'y maintient

longtemps. En effet, on se trouve alors en présence d'une amyotrophie du

type Aran-Duchenne. Il faut éliminer toutes les maladies qui peuvent

produire ce type d'atrophie, c'est-à-dire la sclérose latérale amyotro-

phique, la syringomyélie, la pachyméningite cervicale hyperlrophique,

la méningo-myélite syphilitique amyotropliique, et même certains cas de

myopathie progressive primitive et de névrite périphérique. Je n'insiste

pas, le diagnostic est facile en raison des phénomènes concomitants : sen-

sitifs, réflexes, moteurs, électriques ; en raison de la discordance entre le

degré de l'atrophie et le degré de l'impotence fonctionnelle.

J'ai réservé à dessein la névrite interstitielle hypertrophique, que cer-

tains auteurs ont voulu identifier avec l'amyotrophie Charcot-Marie.

Voici un sujet atteint de cette variété de névrite ; vous allez voir qu'il ne

ressemble guère aux deux malades que nous venons d'examiner. C'est un

homme de 29 ans, dans la famille duquel on ne retrouve aucune affection

analogue à la sienne. Le début s'est fait dans les premières années de la

vie, puisqu'il n'a jamais marché. Les médecins qui l'ont examiné 0111 tour

il tour appelé sa maladie, astasie-abasie et maladie de Friedreich.

Actuellement ce malade présente une énorme cyphoscoliose cervico-

dorsale avec projection extrêmement marquée de la pointe du sternum,

une amyotrophie diffuse des quatre memhres avec secousses fibrillaires,

deux cas d'atrophie musculaire CHARCOT-MAHIE 18S

une incoordination extrême des membres inférieurs, le signe de Romberg,

une ataxie moins marquée des membres supérieurs.

Tous les mouvements s'effectuent avec une étendue normale, mais leur

force est très diminuée. Cet homme ne peut se mettre debout ni s'y main-

tenir sans aide ; il ne peut marcher sans ses béquilles.

Les réflexes tendineux sont tous abolis. Aux pieds et aux mains il y a

hypoesthésie superficielle et profonde à lous les modes avec astél'éogné-'

sie complète. Je note, en passant, l'existence d'une exophtalmie bilatérale

et j'appelle particulièrement votre attention sur l'hypertrophie considé-

rable des troncs nerveux : certains filets du plexus cervical superficiel

sont visibles sous la peau; le scialique pnplité externe, le cubital, le

brachial cutané interne, surtout le médian sont très augmentés de volume

et très nettement perceptibles à la palpation. Tous sont indolores a la

pression, insensibles et inexcitables au courant électrique.

Je tiens à faire remarquer qu'il n'y a pas de douleurs fulgurantes, pas

de myosis, pas d'Argyll Robertson,'pas de nystagmus, pas de dysarthrie,

pas de tremblement intentionnel.

Ce cas s'écarte donc notablement du type de névrite hypertrophique

décrit par Dejerine et Sottas, il s'écarte encore plus du type décrit par

Pierre Marie, mais c'est incontestablement à côté du premier qu'il faut le

placer.

Les différences qu'on trouve en clinique enlre'l'amyotrophie Charcot-

Marie et la névrite hypertrophique se retrouvent-elles en anatomie patho-

logique ? Je mets sous vos yeux la planche du mémoire de Gombault et

Mallet, qui est la première observation anatomopathologique connue de

névrile hyperlrophique. L'hypertrophie des nerfs périphériques et des

racines y est étudiée en détail ; les racines lombaires y sont décuplées

de volume et recouvertes de petites nodosités. Histologiquemeiit, c'est

une hypertrophie énorme de la gaine de Schwann qui apparaît formée

d'un grand nombre de couches concentriques, en bulbe d'oignon, com-

primant et étouffant d'abord la myéline qui disparait par places, et plus

tard le cylindraxe qui dégénère. C'est sans doute cette épaisseur consi-

dérable de la gaîne de Schwann, empêchant la transmission au cylin-

draxe des excitations extérieures, qui explique l'indolence à la pression

et surtout l'absence complète de contraction musculaire, consécutivement

à l'électrisation détrônes nerveux qui pourtant transmettent encore assez

convenablement la motilité volontaire.

Si l'on veut bien comparer nos deux amyotrophiques Charcot-Marie

avec ce sujet atteint de névrite hypertrophique, ils présentent de telles

dissemblances cliniques qu'on ne conçoit guère qu'on puisse confondre de

tels malades. D'ailleurs Pierre Marie comme Dejerine se sont toujours

186 SOUQUES

élevés contre cette confusion. Quels sont les arguments apportés en fa-

veur de l'unité de ces deux affections ? Leurs différences cliniques, dit-on,

ne tiendraient qu'à des'variations familiales, et il y aurait des cas de

passage de l'une à l'autre. Mais, pour établir celle unité on s'est basé

surtout sur des raisons ana tomopa thologiq ues : il yauraitdescasd'amyotro-

phie Charcot-Marie où. sans qu'il y ait li.%1)ei-li-ol)liie clinique des nerfs,

l'examen hislologique révélerait des lésons analogues ou semblables à

celles de la névrile Impertrophiyne. Il me paraît prudent, jusqu'à plus

ample informé. de n'accepter ces faits que sous bénéfice d'inventaire.

J'ai hâte de revenir à l'élude de i'anou'ophieCharcot-Marie. Je vous

rappelle que, classiquement, les lésions de celle amyotrophie portent à la

fois sur les muscles, la moelle et les nerfs périphériques.

Je passe sur l'atrophie des muscles qui est une atrophie simple, sans

notable dégénération walléi-ieniie, sans prolifération cellulaire, sans

myosite interstitielle, atrophie plus ou moins accusée suivant les muscles

et suivant les faisceaux considérés, avec tendance à la transformation grais-

seuse. Celte amyotrophie n'est pas primitive ; elle est sous la dépendance

de lésions du système nerveux.

Les lésions de la moelle frappent et les cornes antérieures dont un

certain nombre de cellules sont altérées, et les cordons postérieurs où

elles rappellent les firure ? du labes incipiens.

Quant aux lésions des nerfs, elles sont très variables; elles portent

avant tout sur les nerfs moteurs et spécialement sur les filets musculaires

qui sont frappés d'atrophie simple. Les troncs restent de volume normal

et ne présentent de lésions appréciables, ni parenchymateuses ni linter-

stitielles. Il en est de même des racines.

Il nous reste à voir comment il faut comprendre la nature, la genese

de l'atrophie musculaire Charcot-Marie. Faut-il, étant données les alté-

rations des nerfs périphériques, notables surtout au niveau des rameaux

musculaires, voir là, avec Hoffmann, l'explication de l'amyotrophie ? Il

est des cas où ces lésions sont si discrètes qu'il parait difficile d'adopter

une pareille opinion.

Faut-il au contraire faire dépendre l'amyotrophie de la lésion des cor-

nes antérieures ? Cela semblerait logique. Faut-il enfin avec Bernhardt

incriminer la fois la moelle et les nerfs, et parler d'amyotrophie à la

fois spinale et névritique ?

On peut se demander s'il ne s'agit pas d'une dégénération simultanée

de la moelle et des nerfs, d'un arrêt de développement, d'uue fragilité

héréditaire de plusieurs départements du système nerveux. Le dernier

mot n'est pas dit et il le sera sans doute difficilement, étant données les

obscurités qui enveloppent la nature des atrophies spontanées du système

, DEUX CAS D'ATROPHIE MUSCULAIRE CHARCOT-MARIE 187

nerveux, c'est-à-dire la genèse des maladies hérédo-familiales névropa-

thiques.

Quoi qu'il en soit, il faut retenir de ces considérations qu'il existe une

variété particulière d'atrophie musculaire progressive, limilée aux quatre

membres, ayant une origine hérédo familiale. une évolution très lente,

compatible avec une longue existence, s'alliant avec un état général et

viscéral parfait, n'entraînant qu'une infirmité relalive, c'est-à-dire que des

troubles fonctionnels légers, non adéquats au degré d'amyotrophie, ne

s'accompagnant, malgré son apparition dans l'enfance, d'aucun arrêt de

développement du système osseux; bref, d'une amyolrophie comportant

un pronostic bénin quorul1'itam, encore que celte affecrion échappe aux

ressources de la thérapeutique.

LES CONNEXIONS CORTICALES DU NOYAU ROUGE

PAR

LA. SALLE ARCHAMBAULT

Professeur-adjoint de Clinique Neurologique à la Faculté de

Médecine d'Albany, New-York. 1

S'il est vrai que nous possédons à l'heure actuelle des notions assez

nombreuses et exactes sur les rapports que le noyau rouge affecte avec le

cervelet, le bulbe rachidien et la moelle épinière, il convient d'admettre

que, par contre, nous sommes encore peu renseignés sur les connexions

corticales de ce noyau. Cela tient sans doute à ce que ce chapitre particu-

lier de l'anatomie nerveuse a élé singulièrement négligé. Il suffit en effet

de parcourir quelque peu la littérature pour constater l'extrême pénurie

des travaux consacrés à cette importante question. Bien que d'une façon

générale l'existence d'une voie rubro-corticale ait élé admise comme pro-

bable depuis longlemps par la majorité des auteurs, ce n'est que dans ces

dernières années que certains d'entre eux ont bien voulu en donner une

description plus précise.

La première observation, dans laquelle se trouve signalée l'atrophie

dégénérative du noyau rouge à la suite d'une lésion de l'hémispllère céré-

bral, est celle qui a été rapportée en 188 : 3 par Wi lkowski (1). Dans ce

cas, la lésion qui datait de l'enfance était de beaucoup trop vaste pour

pouvoir servir la localisation corticale du noyau rouge. z

Plus tard, von Monakow (2) publia trois cas dans lesquels des foyers

strictement limités à l'hémisphère cérébral avaient entraîné une atrophie

notable du noyau rouge. Dans ce premier travail, toutefois, von Monakow

n'arriva pas à des conclusions très nettes sur la nature des altérations

qu'il avait constatées, ni sur les rapports existant entre la distribution de

celles ci et le siège des lésions.

Des observations analogues furent rapportées par Ma liai m (3), Flechsig,

(1) Witkowski, Beitrag zur Pathologie des Gehirns. Archiv. f. Psych., XIV, 1883.

(2) Von Monakow, Experimentrlle und pathoi-anat, Unle's/lch/ln9tn ilber die Stau-

benregion, den Sehhiigel und die Rigio su6treal. etc. Archiv. f. Psych. Bd. XXVII,

1895.

(3) MAIIAIM, Ein Fall von sek. Erknankung des Thalamus opi, und der Regio SilO-

thalamica, Archiv. f. Psych. XXV, 1893.

' LES CONNEXIONS CORTICALES DU NOYAU ROUGE 189 9

Stôsel, von Bechterew, et d'autres. Dans la plupart de ces cas, il s'agis-

sait d'une atrophie très marquée du noyau rouge déterminée par des

lésions cérébrales très étendues et ayant débuté, le plus souvent, dans le

bas âge, telles que la porencéphalie, les foyers hémorragiques et les

ramollissements anciens, les vices de conformation, etc. Les cas de ce

genre qui avaient élé publiés jusque dans ces temps derniers étaient non

seulement peu nombreux, mais les détails se rapportant aux altérations

histologiques, aux lésions fines des éléments cellulaires surtout, étaient

par trop insuffisants et contradictoires pour que l'on pût songer à édifier

une doctrine quelconque à l'égard du neurone cortico-rubrique.

L'un des premiers il se prononcer plus définitivement sur celle question

fort complexe, fut Dejerine (1). Cet aule.ur, dont les travaux sont basés sur

l'étude soignée d'un très grand nombre de cas de lésions corticales et

sous-corticales, a eu maintes fois l'occasion d'observer des réactions dégé-

nératives très nettes au niveau du noyau rouge. Il s'agissait, tantôt de

dégénérescence limitée à la capsule du noyau rouge, tantôt de dégéné-

rescence et d'atrophie atteignant d'une façon plus ou moins globale la

substance même de ce noyau. En général, ces réactions secondaires étaient

d'autant plus intenses que les lésions de l'écorce cérébrale étaient plus

anciennes et plus étendues. Bien qu'il eût affaire, le plus souvent, à des

lésions trop vastes pour que l'on pût se permettre d'en déduire des con-

clusions formelles, Dejerine fut néanmoins conduit, en raisonnant par

exclusion, à admettre que les radiations corticales du noyau rouge pro-

viennent essentiellement de l'écorce pariétale. Pour cet auteur, les radia-

tions du noyau rouge « occupent probablement la partie supérieure du

segment postérieur de la couronne rayonnante et la région thalamique du

segment rétro lenticulaire de la capsule interne. Elles abordent la couche

optique au-dessus des radiations du corps genouillé interne, passent en

avant de la partie enclavée du corps genouillé interne, puis se portent

en dedans, entrent dans la constitution des radiations de la calotte et

s'irradient dans la partie supéro-antéro-externe du noyau rouge. Elles,

représentent un des chaînons de la voie cérébro-cérébelleuse, le neurone

cortico-rubrique ».

Cette conception de la voie cortico-rubrique repose sur l'étude de

deux cas qui ne nous semblent pas la légitimer. A notre avis, en effet,

en raison de l'étendue trop considérable des lésions qu'ils présentent, ces

deux cas ne sauraient être utilisés pour la résolution d'un problème aussi

redoutable.

Dans l'un de ces cas (cas Pradel), «.il s'agit d'une vaste plaque jaune

qui occupe toute la face externe de l'hémisphère gauche, la moitié anté-

(1) Dejerine, Anatomie des Centres nerveux, 1. II, p. 12, Paris, 1901.

xxvii 13

190 LA ,S·1LLE ARCI1AMBAULT

rieure de la circonvolution frontale interne elle lohe, orhitaire Il. De

par le fait, nous dit l'auteur, que « dans le lobe temporo-pariétal, la lésion

atteint l'épendyme ventriculaire et sectionne la couche sagittale et que

c'est par cette couche que passent les fihres de projection de la région

occipitale (faces interne et externe), ce cas correspond en réalité à une

destruction de tout le manteau cérébral de l'hémisphère gauche )1. Il est

donc impossible de retrouver au milieu d'une lésion aussi vaste que

celle-ci le point d'origine de la réaction dégénérative observée au niveau

du noyau rouge.

Dans le second cas (cas Leudot), uii ramollissement de l'hémisphère

gauche atteint « la circonvolution pariétale inférieure (pli courbe, lobule

pariétal inférieur, circonvolution marginale supérieure), les deux tiers

inférieurs de la circonvolution pariétale ascendante, la partie postérieure

des première et deuxième circonvolutions temporales, les circonvolutions

rétro-insulaires et la circonvolution postérieure de l'insula. Celte plaque

jaune a atteint l'épendyme ventriculaire et sectionné les couches sagittales

du segment postérieur de la couronne rayonnante et la partie adjacente

du segment rétrolenticulaire de la capsule interne ». Il existe, en effet,

dans ce cas, une dégénérescence très nette de la partie antéro-supérieure du

noyau rouge portant à la fois sur la capsule et sur la substance même de

ce noyau.

Nous ferons remarquer que, dans l'un et l'autre de ces cas, le lobe

temporal est largement impliqué par le ramollissement, et, cela étant,

nous nous demandons pourquoi l'auteur n'en tient aucun compte etcom-

ment il est conduit à n'envisager que la lésion pariétale pour expliquer

les phénomènes dégénéra tifs qu'il a constatés au niveau du noyau rouge ?

A cet égard, il est intéressant de noter que dans un troisième cas, lequel

est ignoré lorsqu'il s'agit de réunir l'ensemble des faits et d'en extraire le

principe doctrinal, Dejerine a encore observé une dégénérescence appré-

ciable du noyau rouge bien qu'il eût affaire cette fois à une lésion attei-

gnant surtout le lobe temporal et n'impliquant que légèrement le lobe

pariétal. Dans ce cas (cas Le Séguillon), que l'auteur lui-même, du reste,

choisit comme type de lésion temporale, le foyer de ramollissement inté-

resse « le pli courbe, la partie inférieure de la circonvolution pariétale

inférieure, la partie postérieure de la première circonvolution temporale,

l'opercule pariétal et la circonvolution postérieure de l'insula. La plaque

jaune a sectionné les couches sagittales au voisinage du segment rétrolen-

ticulaire de la capsule interne ». Ainsi, en atteignant les couches sagit-

tales très en avant, et tout près des ganglions de la base, ce foyer profond

se trouve à interrompre la majeure partie des fibres de projection qui

proviennent du lobe temporal . Cette lésion a déterminé une dégénéres-

cence très nette de la partie postéro-supérieure du noyau rouge.

LES CONNEXIONS CORTICALES DU NOYAU ROUGE lui

Voilà donc trois cas dont les lésions ont entraîné la dégénérescence se-

condaire du noyau rouge et dans lesquels le foyer de ramollissement

atteint aussi bien le lobe temporal que le lobe pariétal. Nous attirons

maintenant l'attention sur ces faits parce qu'ils possèdent, ainsi que nous

le verrons plus tard, une très réelle importance. Ajoutons enfin, qu'à

notre grand étonnement, Dejerine n'à rien à dire sur l'état du noyau

rouge lorsqu'il fait la description d'un autre cas (cas Jouan), dont la lésion

est strictement limitée au lobe pariétal.

Pour ce qui en est des lésions du lobe frontal et du lobe occipital, les

cas publiés par M. Dejerine semblent démontrer que ces localisations ne

retentissent pas sur le noyau rouge.

Peu de temps après Dejerine, Mingazinni (1) fit connaître les résultats

que lui avaient fournis, à l'égard des voies les plus importantes du né-

vraxe, la méthode expérimentale et l'étude des dégénérescences secondai-

res chez l'homme. Les recherches ayant porté sur un bon nombre de cas

et sur des lésions très diverses quant à leur siège et à leur nature, l'au-

teur eut naturellement l'occasion de constater, dans certaines de ses ob-

servations, des phénomènes de dégénérescence au niveau du noyau rouge.

Les quelques cas dans lesquels Mingazinni a observé la dégénérescence

secondaire du noyau rouge avaient trait des lésions (kystes hémorragi-

ques, foyers de ramollissement, sclérose cérébrale) occupant soit le lobe

pariétal ou le lobe frontal, soit l'une et l'autre de ces régions, ou alors le

lobe temporal. Dans un de ces cas, il s'agissait d'une sclérose atrophique

congénitale de l'hémisphère gauche, laquelle s'étendait à la presque tota-

lité de l'hémisphère tout en étant de beaucoup moins accusée au niveau

des circonvolutions frontales. La réaction du noyau rouge dans ces diver-

ses observations se caractérisait par une atrophie en masse de ce noyau,

dont le volume était quelquefois notablement réduit, ainsi que par une

raréfaction très nelle du champ péri-capsulaire latéral. Pour Mingazinni,

cette réaction atrophique du noyau rouge doit être attribuée plutôt à la

dégénérescence de la substance médullaire centrale qu'à la disparition des

éléments cellulaires des zones grises marginales. Quoiqu'il en soit, cet

auteur n'a pas constaté de phénomènes dégénératifs au niveau des cellu-

les nerveuses, et ne décrit aucune altération portant sur la charpente grise

du noyau rouge. '

(1) htlNOA2111\I, Experimetttelle wul 'alllOloqi<ch.allaiomi5l'he Ulitee,sitchungen ¡¡bel'

den Vvrluv eiuigell Nerv. nbahnen des Zet train, ve"syst.,11 ? Moi atschrift sur Psych,

und Neurol., XV, 194 ; Sul decorso aelle nie cetebro-rerebel ari nell unmo. Rivista

di Flatologia nervosa e mentale, 1908, vol. XIII, fasc. 10, pp. 433-4ù2 ; - Sur le trajet

des voies cérebro-cérebelleuses chez l'homme. Archives italiennes de Biologie, t.Lli

fasc, 1, pp. 31 à 48. ' "

J ! J2 LA SALLE ARCHAMBAULT -

Jusqu'à présent les seules données véritablement scientifiques que nous

ayons acquises sur les connexions corticales du noyau rouge, c'est Ù von

Monakow (1) que nous les devons. Toul récemment, en effet, cet auteur

a fortement doté l'historique dé la question par l'apport de documents

particulièrement nombreux et significatifs. Les travaux de von Monakow

sonL basés, en partie ,ur des recherches expérimentales pratiquées chez

certains animaux tels que le chien, le chai et le singe, en partie sur l'élude

des dégénérescences secondaires observées chez l'homme à la suite de

lésions corticales et sous-corticales, et portent sur toutes les connexions

du noyau rouge, tant cérébelleuses et bulbo-spinales que thalamiques et

corticales. Nous regrettons que le cadre du présent travail ne nous per-

mette pas d'analyser plus au long celle oeuvre admirable, mais nous

devons évidemment nous borner à la considération des documents qui se

rapportent tout spécialement aux connexions corticales du noyau rouge.

Les idées émises par von Monakow sur l'origine et le trajet de la

voie cortico-rubrique reposent sur l'étude de vingt cas de lésions

plus ou moins étendues mais il topographie strictement corticale et sous-

corticale, c'esl-à-dire sans implication des ganglions infracorticaux. Sur

ce grand nombre de cas il n'en est que six dont la description détaillée

figure dans le travail que nous analysons actuellement. Les autres obser-

vations se rapportant à des cas accumulés depuis de nombreuses années

et publiés déjà à d'autres points de vue, l'auteur, tout en les ayant sou-

mis à une révision soignée, se contente de les ressusciter à titre de con-

trôle seulement et d'en proclamer la valeur, soit positive soit négative,

en ce qui concerne l'origine réelle du neurone cortico-rubrique.

Pour ce qui en est de la nature des lésions, il s'agissait, dans deux de

ces cas, de microgyrie et de sclérose lobaire atteignant la presque totalité

d'un hémisphère ; dans trois, de kystes hémorragiques anciens d'origine

traumatique; dans quatre, de ramollissements anciens; dans quatre

autres, de kystes hémorragiques non traumatiques ; dans deux, de poren-

céphalie ; enfin, le sarcome de la dure-mère, le tuherculome, la microgy-

rie circonscrite et l'hydrocéphalie localisée ont chacun été constatés une

fois.

Quant la topographie des lésions, nous tenons à reproduire ici très

exactement les renseignements fournis par l'auteur. Dans trois de ces cas,

les lésions intéressaient le lobe frontal 1 (FI F2 et 13); dans quatre, le

(1) Von Monakow, : Der rote /Cern, die Slaube und die Regio subthalamica bei fini-

gen Saugetieren und beim .Nensrhen. 1 Teil : Anatomisches und Experimentelles;

II. Teil : l'athoJogis( li-anatoinis(-he Untersuchungen am llenschen. Arbeiten aus dem

Sti. nanalomischen Institut in Ztirich ; Hefte III u. IV. Verlag von J. F. Bergmanti,

Wiesbaden, 1909 u. 1910. - :

LES CONNEXIONS CORTICALES DU NOYAU ROUGE 193

domaine des circonvolutions centrales, y compris la région opercu-

laire; dans quatre autres, les circonvolutions pariétales (pli courbe et

gyrus supramarginalis) ; dans quatre autres, également, les circonvolu-

tions occipitales (région calcarinienne et 0, à 03) ; dans deux enfin, les

lésions siégeaient surtout au niveau du lobe temporal (Fi à F3 et région

occipito-temporale). Il s'agissait, le plus souvent, de lésions assez étendues

et atteignant plusieurs circonvolutions. ,

De ces vingt cas, dix seulement présentaient des altérations manifestes

(réduction de volume, dégénérescence secondaire) au niveau du no5au

rouge. Les lésions, dans trois de ces cas positifs, occupaient le lobe fron-

tal ; dans quatre, elles siégeaient au niveau des circonvolutions centrales

et de la région operculâire; dans les trois autres, elles s'étendaient à la

presque totalité de l'hémisphère. Dans les dix cas dont les lésions n'ont

aucunement retenti sur le noyau rouge, il s'agissait de foyers strictement

limités au lobe occipital (4 cas), au lobe pariétal (4 cas), ou au lobe

temporal (2 cas). Etant donné que dans les cas de cette série négative les

lésions étaient non seulement anciennes mais très vastes. puisqu'elles

atteignaient le plus souvent la paroi ventriculaire, et, en outre, qu'elles

avaient déterminé des dégénérescences secondaires très marquées au ni-

veau de la capsule interne et des noyaux de la couche optique, von Mona-

kow considère que l'intégrité du noyau rouge constatée dans chacun de

ces cas prouve nettement que ce noyau ne reçoit pas de libres des régions

situées en arrière du sillon de Rolando, c'est-à-dire des lobes pariétal,

temporal et occipital. L'auteur élimine également du territoire cortical

affecté au noyau rouge, les circonvolutions du bord inférieur de l'hémi-

sphère cérébral et la première circonvolution limbique, et n'admet le lo-

bule paracentral qu'avec la plus grande réserve.

L'atrophie secondaire du noyau rouge n'ayant été constatée que lors-

qu'il s'agissait de lésions intéressant le lobe frontal (région préfrontale)

ou la région rolandique operculaire, il devient évident que c'est bien de

ces mêmes régions que proviennent les radiations corticales du noyau

rouge. Quant à la part que prend chacune de ces régions dans la constitu-

lion de la voie cortico-rubrique, les cas publiés par von Monakow four-

nissent des renseignements assez précis et fort intéressants.

Dans deux cas dont les lésions, bien que très intenses, n'impliquaient

que les deuxième et troisième circonvolutions frontales sans atteindre le

noyau coudé, la dégénérescence secondaire observée par l'auteur portait

sur la voie cortico-protubérantielle frontale, ainsi que sur la couche opti-

que (noyau antérieur, noyau ventral antérieur et noyau médian b), la

région sous-thalamique et le noyau rouge. La dégénérescence intéressait

surtout le tiers antérieur ou frontal du noyau rouge et à un degré moin-

194 LA SALLE ARCHAMBAULT

dre son tiers moyen ; elle atteignait tout particulièrement la zone grise

dorso médiane dont la substance moléculaire était notablement réduite et

les réseaux cellulaires raréfiés. ,

Dans quatre autres cas dont les lésions occupaient surtout les circon-

volutions centrales et l'opercule rolandique, on observa également une

réaction très manifesie au niveau du noyau rouge mais à topographie net-

tement différente. Dans deux de ces cas, il s'agissait de lésions occupant

surtout le lobule paracenlral mais atteignant toutefois la couronne rayon-

nante de la région operculaire ; dans les deux autres, le lobule paracen-

Irai était parfaitement libre, et les lésions étaient limitées au segment

inférieur des circonvolutions centrales et intéressaient surtout la région

operculaire, y compris le pied de la troisième circonvolution frontale.

Donc, comme localisation commune à chacun de ces quatre cas, on doit

noter la région operculaire de la circonvolution centrale antérieure (cir-

convolution frontale ascendante). La dégénérescence secondaire observée

dans chacun de ces quatre cas, présentait absolument les mêmes particu-

larités. Alors qu'on constatait une intégrité parfaite du noyau médian de

la couche optique et de la zone capsulaire frontale du noyau rouge, on z

ohsema, par contre, une atrophie liés nelte'du faisceau thalamique de

Forel (Balh. ou Ih) et du champ capsulaire latéral du noyau rouge. Ce

noyau, dont le volume était réduit d'un quart au moins, présentait au

niveau de son tiers moyen une atrophie très marquée, laquelle intéres-

sait surtout la substance médullaire centrale et la zone marginale grise

latérale. Ici encore, il s'agissait essentiellement d'une raréfaction de la

substance moléculaire, bien que, çà et là, la dégénérescence et l'atrophie

portaient même sur les cellules ganglionnaires ou cellules principales

(Stauptzellen de l'auteur).

De l'étude de ces quatre cas, von Monakow conclut que le noyau rouge

affecte des rapports aussi bien avec la régioncentro-operculaire qu'avec le

lobe préfrontal. Etant donné toutefois, que dans tous les cas où il a cons-

taté la dégénérescence du noyau rouge, la partie operculaire de la troi-

sième circonvolution frontale se trouvait plus ou moins largement inté-

ressée par la lésion, l'auteur considère que c'est surtout au niveau de

cette région que siège le centre cortical du noyau rouge. Que le pied de la

troisième circonvolution frontale, cependant, ne représente pas à lui seul

toute l'étendue de la zone corticale du noyau rouge ressort nettement de

ce fait, que, dans les lésions centro-operculaires, la dégénérescence de ce

noyau affecte une topographie sensiblement différente de celle qui carac-

térise les lésions préfrontales. Il convient d'ajouter enfin que lorsque les

lésions s'étendent à la presque totalité d'un hémisphère, la réduction de

volume du noyau rouge est de beaucoup plus considérable que celle qui

LES CONNEXIONS CORTICALES DU NOYAU ROUGE 1 usa

résulte de la lésion isolée, soit du lobe préfrontal, soit de la région oper-

cuio-cenlrale. Von Monakow est donc conduit à admettre que le noyau

rouge possède deux sphères de représentation corticale absolument dis-

tinctes et indépendantes : l'une siégeant au niveau du lobe préfrontal,

l'autre au niveau de la région cenlro-operculaire. '

Von Monakow termine son remarquable travail en posant, de la façon

suivante, les principes cardinaux de son enseignement à l'égard de la

voie cortico-ruhrique.

Dans les cas de lésion ancienne intéressant la totalité ou la presque

totalité d'un hémisphère cérébral, on observe toujours au niveau du

noyau rouge une atrophie et une dégénérescence très accusées. La réaction

secondaire atteint le noyau rouge en suivant le trajet des radiations de la

calotte, c'est-à-dire, en traversant les zones péri-capsulaires frontale et

latérale du noyau rouge, et porte surtout sur le tiers antérieur, mais, en

partie aussi, sur le tiers moyen de ce noyau. Les phénomènes dégénéra-

tifs se limitent assez étroitement aux zones grises dorso-médiane et laté-

rale, et intéressent tout particulièrement la charpente grise réticulée

(gNlUen lialken de l'auteur), c'est-à-dire, la substance moléculaire et les

éléments cellulaires de moindre volume. On constate assez fréquem-

ment, toutefois, la dégénérescence et l'atrophie d'un certain nombre de

cellules principales.

Les seules régions dont la lésion détermine la dégénérescence du noyau

rouge sont :

a) la région préfronlale, et, en particulier, la connexité antérieure de

F2 et F3 ;

b) la région centro-operculaire, laquelle s'étend peut-être au lobule-

paracentral. ,

Dans les cas de lésion isolée de la région préfrontale, la dégénérescence

secondaire aborde le segment antérieur ou'ienticuio-strié de la capsule

interne, atteint d'abord le noyau antérieur, le noyau ventral antérieur et

le noyau médian de la couche optique, puis, après avoir traversé la

région sous-thalamique et la zone capsulaire frontale du noyau rouge,

elle s'épuise au niveau du tiers antérieur de ce noyau dont elle intéresse

surtout la zone grise dorso-médiane. 1

Lorsque la lésion est strictement limitée à la région operculo-centrale,

la dégénérescence secondaire traverse le segment postérieur ou lenticulo-

optique de la capsule interne, porte sur les noyaux du segment inférieur

on ventral de la couche optique, et, gagnant alors la partie latérale de la

région sous-thalamique en passant par la lame médullaire exlerne, elle

se rend jusque dans la zone grise latérale du tiers moyen du noyau rouge :

Les radiations corticales du noyau rouge se répartissent donc en deux

196 . LA SALLE ARCHAMBAULT

voies nettement distinctes, l'une, la voie fronto-rubrique, l'autre, la voie

operculo-rubrique.

La voie fronto-rubrique tire son origine de la convexité antérieure du

.lobe préfronlal, des deuxième et troisième circonvolutions frontales en

particulier, "traverse le segment lenticulo-strié de la capsule interne,

entre dans la constitution de la partie médiane de la lame médullaire

externe et de la zone capsulaire frontale du noyau rouge, et se termine

dans la moitié antérieure de ce noyau. Les fibres s'épuisent au niveau

- des zones grises médiane et dorso-médiane du noyau rouge et entrent en

relation surlout avec la substance moléculaire et avec la charpente grise

constituée par les cellules de deuxième et de troisième grandeur. Il est

possible que les cellules principales (cellules de première grandeur) de

ces mêmes régions envoient leurs prolongements cylindraxiles en sens

inverse, c'est-à-dire, vers l'écorce préfrontale, de sorte que la voie fronto-

rubrique renfermerait également des fibres rubro-frontales. Ce qui parait

être extrêmement probable en tout cas, c'est que cette voie est renforcée

par un contingent thalamo-rubrique provenant du noyau interne, du

centre médian et de la zone réticulée de la couche optique et peut-être

même de la zona incerla.. En effet, lorsque ces régions se trouvent

atteintes par les lésions frontales, la réaction que l'on observe au niveau

du noyau rouge est de beaucoup plus intense que lorsqu'il s'agit d'une

localisation purement corticale.

La voie operculo-rubrique prend naissance au niveau de la région

operculaire, y compris le pied de la troisième circonvolution frontale, et,

se dégageant de la couronne rayonnante de la région rolandique, elle

traverse le segment lent iculo- optique de'la capsule interne, passe par la

partie latérale de la lame médullaire externe et par le champ Il, de-

Forel, pour entrer dans la constitution de la zone capsulaire latérale du

noyau rouge. Les fibres operculo-rubriques pénètrent alors dans l'épais-

seur même de ce noyau et se terminent, au niveau de son tiers moyen,

dans la substance grise réticulée des zones latérale et centrale. Ici encore,

c'est surtout avec la substance moléculaire que les fibres corticales

affectent des rapports. L'existence de fibres allant en sens inverse, c'est-

à-dire de fibres rubro-operculaires, bien que très probable, n'est pas

encore démontrée. Dans son trajet, la voie operculo-ruhrique est accom-

pagnée par un certain conlingent de fibres fourni par les masses grises

du segment inférieur de la couche optique, y compris la zone réticulée, .

et peut-èlre aussi la zona incerla. On a pu suivre, en effet, à la suite

d'une lésion limitée à la région thalamique ventrale, et même au noyau

ventral antérieur une dégénérescence très nette, laquelle s'épuisait

au niveau de la zone grise latérale du tiers moyen du noyau rouge.

t <]tt'* r,

LES CONNEXIONS CORTICALSv T4(A GF 197

L'ensemble des amas cellulaires dont est formé le noyau rouge peut être

divisé en deux noyaux constitntifs élémentaires phylogénétiduement dis-

tincts-et indépendants : t le noyau primitif, ou le nucleus magnocellu-

laris de Ibtschek, et 2° le noyau principal, ou le nucleus parvocellularis

de Hatschek. Dans la série animale, le noyau principal augmente de

volume proportionnellement à l'étendue plus considérable que prennent

les régions préfrontaleetcentro-operculaire, et c'est ainsi qu'il atteint chez

l'homme son maximum de développement. On pourrait donc, d'une façon

générale, considérer le noyau principal comme étant le segment cérébral z

antérieur du noyau ronge (Grosshirnanteil de von Monakow). Le segment

du noyau rouge affecté aux connexions corticales constitue environ le

quart du volume total de ce noyau.

Quant au champ de fibres qui entoure de toutes parts le noyau rouge

de façon à former une véritable zone péri-capsulaire bien délimitée

(Haubenstrahlunj de Flechsig), il renferme des fibres de provenance très

variée, mais dont un contingent assez considérable est constitué par les

radiations corticales du noyau rouge. Cette partie qui recouvre en avant le'

pôle antérieur ou frontal du noyau rouge, c'est-à-dire la zone péri-capsu-

laire frontale (frontales Mark des rolen Kerns de von Monakow); est formée

par les fibres qui retiennent le noyau rouge à la lame médullaire externe

(partie médiane), ai la couche optique (centre médian en particulier), et à

la corticalité préfrontale. Ces mêmes fibres forment la majeure partie du

tiers antérieur de la couche péri-capsulaire dorsale ou supérieure et entrent

également dans la constitution du tiers antérieur de la couche péri-cap-

sulaire médiane. Pour ce qui en est des fibres qui proviennent de la

région operculaire et du noyau ventral de la couche optique, ces fibres

concourent à former cette partie de la zone péri-capsulaire qui recouvre

en bas et en dehors les deux tiers antérieurs du noyau rouge, c'est-à-

dire la couche péri -rubrique ventro-latérale. -

Nos travaux personnels sur les radiations corticales du noyau rouge ont

été inspirés par un fait observé purement par hasard, il y a déjà plusieurs

années, au cours de nos recherches sur l'origine el le caractère réel du

faisceau longitudinal inférieur. Parmi les cas de ramollissement que nous

avions utilisés pour l'élude de ce faisceau, il en élait un (Cas Roll. 5e ob-

servalion[l] dont la lésion, assez étroitement limitée à l'écorce et la sub-

stance immédiatement sous-corticale de la troisième circonvolution tem-

porale etdu lobule fusiforme, ne sectionnait la couche sagittale externe

que sur une très faible étendue (1 cm. environ) au niveau d'un plan ver-

tical passant par le corps genouillé externe. Or, dans ce cas qui nous a

(1) Le faisceau longitudinal inférieur et le faisceau optique central. Nouvelle Ico-

nographie de la Salpêtrière, 1906, n° 2, p. 190.

198 LA SALLE ARCHAMBAULT

été d'un si grand secours pour le trajet occipital des fibres géniculo-cal-

cariniennes, nous avons constaté une dégénérescence très nette du noyau

rouge. A vrai dire, ce cas fort intéressant mériterait d'être publié à nou-

veau dans le présent travail si ce n'était que, le tronc encéphalique ayant

été séparé de l'hémisphère cérébral en un point beaucoup trop élevé, le

noyau rouge fait défaut sur les coupes frontales de l'hémisphère de sorte

qu'il est impossible de se rendre compte exactement du trajet qu'affecte

la dégénérescence pour atteindre ce noyau. Nous devrons donc nous con-

tenter de reproduire ici le pédoncule (Fig. 1) de ce cas. On voit très dis-

tinctement que la dégénérescence aborde le noyau rouge près de son an-

gle postéro-exlerne et qu'elle s'épuise au niveau des zones sous-capsulaires

postérieure et postéro-médianë. Nous pouvons affirmer que cette réaction

dégénérative du noyau rouge résulte du ramollissement temporal, car il

- n'existe dans ce cas aucune autre lésion, soit au niveau de l'hémisphère

cérébral, soit au niveau du tronc encéphalique. Dès cette constatation,

nous nous sommes mis à la recherche de cas de lésion ayant à peu près la

même topographie que celle du cas Roll., dans le dessein de confirmer

ou d'infirmer la conclusion que celui-ci semblait légitimer, il savoir, que

les lésions du lobule fusiforme et de la troisième, circonvolution tempo-

rale entrainent la dégénérescence secondaire du noyau rouge. Nous avons

pu réunir six cas de ramollissement atteignant les circonvolutions du

bord inféro-interne de l'hémisphère, en particulier la circonvolution de

l'hippocampe, le lobule fusiforme, le lobule lingual et le cunéus. Tous

ces cas ont été étudiés à l'aide découpes strictement sériées et colorées

par la méthode de Weigert-Pal, et tous ont fourni des résultats absolu-

ment concordants. Nous avons, en effet, constaté la dégénérescence du

noyau rouge chaque fois que la lésion intéressait le lohulefusiforme et la

circonvolution de l'hippocampe. Celle réaction dégénérative était d'autant

plus intense que ces deux circonvolutions étaient plus largement impli-

quées. Par contre, lorsque le ramollissement siégeait surtout au niveau

Nc. 4.

LES CONNEXIONS CORTICALES DU NOYAU ROUGE 199

du lobe occipital (cunéus, lobule lingual), et ne lésail que faiblement le

lobe temporal ou seulement l'extrémité postérieure de celui ci, la dégé-

nérescence du noyau rouge était minime. D'autre part, voulant savoir

comment se comporte le noyau rouge lorsque les lésions siègent en d'au-

tres régions de l'hémisphère cérébral, nous avons soumis à l'étude deux

cas de ramollissement intéressant surtout le lobe frontal, et, en plus, nous

avons revu très soigneusement les coupes sériées de tous les cas qui ont

servi pour nos travaux antérieurs sur le faisceau longitudinal inférieur et

la voie géniculo-calcarinienne, Cette dernière série d'observations com-

prend dix cas de ramollissement étendu des régions postérieures de l'hé=

misphëre ; d'une façon générale, ce sont les lésions qui caractérisent l'a-

phasie sensorielle. Donc, les faits qui se dégagent de nos recherches sur

les connexions corticales du noyau rouge reposent sur l'élude détaillée de

dix-huit cas de ramollissement.

Dans quatre de ces cas, les lésions intéressent le domaine irrigué par

les branches terminales de la sylvienne, c'est-à-dire, surtout les première

et deuxième circonvolutions temporales, le gyrus supramarginalis et le

pli courbe ; dans deux, elles affectent en arrière une topographie analo-

gue, mais s'étendent en avant jusque dans le pied de la troisième circon-

volution frontale, en détruisant toute la région de l'insula sans toutefois

léser le noyau lenticulaire; dans deux autres, elles n'impliquent que les

première et deuxième circonvolutions temporales; dans cinq, le ramollis-

sement siège à la face inféro-interne du lobe temporo occipital et atteint,

en particulier, le lobule lingual, le lobule fusiforme et la circonvolution

de l'hippocampe ; dans deux, il se localise presque entièrement au niveau

du lobe occipital ; dans un, le foyer se limite assez nettement au côté

pariétal (gyrus supramarginalis et pli courbe) ; dans un autre, il occupe

le pied de la troisième circonvolution fronlale; dans un autre, enfin, il

s'agit d'un ramollissement de la cérébrale antérieure, lequel intéresse

surtout la première circonvolution frontale, le lobule paracentral et la-

première circonvolution limbique.

De ces diverses localisations il n'en est que trois qui se caractérisent par

une réaction nette au niveau du noyau rouge ; ce sont les lésions : a) de la

face inféro-interne du lobe temporal ; b) du lobe frontal etc)de la région

operculo-centrale (pied de la troisième frontale, insula et partie avoisi-

nante des circonvolutions rolandiques). Les lésions limitées au lobe occipi-

tal ou au lobe pariétal n'entraînent pas la dégénérescence secondaire du

noyau rouge. Quant aux lésions de la convexité temporale, elles ne reten-

tissent sur le noyau rouge que lorsqu'elles atteignent l'épendyme de la

paroi ventriculaire latérale sur une étendue considérable, et qu'elles se

trouvent ainsi à sectionner les fibres qui proviennent du lobule fusiforme

et de l'hippocampe.

200 LA SALLE ARCHAMBAULT

Parmi les cas que nous avons examinés à l'égard du noyau rouge, nous

avons choisi ceux qui nous paraissent être particulièrement intéressants

et démonstratifs, et nous allons maintenant en poursuivre l'étude plus

détaillée à l'aide de dessins et de planches photographiques.

Observation I (Schéma n° I ; Fig. 2, 3 et 4).

. Ramollissement ancien de la face médiane du lobe temporo-occipital gauche.

Dans le lobe occipital, ce ramollissement détruit toute la lèvre supérieure, le

fond, et la moitié externe de la lèvre inférieure de la scissure calcarine. La lé-

sion respecte l'extrémité postérieure et médiane du lobule lingual, mais elle

atteint la moitié interne du lobule fusiforme grâce il un prolongement qui se

dirige vers le bord inférieur de l'hémisphère.

Plus eh avant dans le lobe occipital, le foyer détruit toute l'extrémité anté-

rieure de la scissure calcarine, se prolonge au-dessus de celle-ci vers la sub-

stance profonde de la partie inférieure de l'isthme limbique, et atteint, en bas,

la totalité du lobule lingual ainsi que la moitié interne du lobule fusiforme. Au

niveau du plein développement du carrefour ventriculaire, la lésion occupe

le segment inférieur de l'hippocampe et la substance profonde de la moitié in-

terne du lobule fusiforme dont l'écorce, à cet endroit, est en grande partie res-

pectée. Sur une coupe passant par le bord postérieur du pulvinar, l'hippocampe

est excavé dans la totalité, mais la lésion fusiforme a régressé en partie, n'étant

représentée que par un foyer rectangulaire lequel sectionne largement toutefois

les couches sagittales sous-ventriculaires. La lésion de l'hippocampe s'étend

en avant jusqu'au niveau d'un plan vertical passant par la commissure posté-

rieure et par les corps genouillés externe et interne. La lésion fusiforme ne

disparaît que sur les coupes intéressant le pôle postérieur du noyau rouge, Il

Schéma 1'\° I. Hémisphère gauche, face interne.

LES CONNEXIONS COI\'11CALES DU NOYAU ROUGE 201 1

n'existe dans ce cas aucune autre lésion, soit dans le lobe pariétal, soit dans

le lobe frontal. Au niveau de la couche optique, cependant, on remarque quel-

ques foyers lacunaires, lesquels atteignent surtout le voisinage du bord supé-

rieur de ce ganglion. -

Les trois coupes microscopiques consacrées à l'étude de ce cas (Fig. z, 3 et

4) intéressent à peu près les mêmes circonvolutions, c'est-à-dire, la première

circonvolution limbique, le lobule paracentral, les circonvolutions frontale et

pariétale ascendantes, les trois circonvolutions temporales, le 10lJuie fusiforme

et la circonvolution de l'hippocampe. La première de ces coupes (Fig. 2) est

prise au niveau de l'extrémité antérieure du corps genouillé externe et du tiers

postérieur du noyau rouge. On remarque à l'angle supéro-externe de ce noyau

une raréfaction très nette de la capsule de fibres. Cette dégénérescence capsu-

laire se présente sous la forme d'une zone arquée, laquelle semble émaner du

champ de libres situé plus en dehors et que l'on reconnaît comme étant le do-

maine des radiations de la calotte. La dégénérescence se poursuit eu dedans

et détermine une décoloration appréciable de toute la capsule dorsale ou supé-

rieure du noyau rouge. En même temps on note que la substance médullaire

de ce noyau n'est pas indemne et que la dégénérescence secondaire atteint sur-

FiG. 2.

1

202 LA SALLE ARCHAMBAULT

tout la zone marginale sous-capsulaire supérieure, où un petit lobule totale-

ment incolore se détache avec une rare netteté. La zoue marginale dorso-mé-

diane présente également une pâleur manifeste. Près du bord supérieur de la

couche optique, on voit un petit foyer lacunaire lequel semble avoir déterminé

une légère dégénérescence du stratum zonale ou du faisceau thalamique dor-

sal. Il existe également une certaine décoloration diffuse de la lame médullaire

externe. Le lobe pariétal et l'insula sont parfaitement sains mais la capsule

externe se colore assez faihlement. La capsule interne se poursuit directement

daus le pied du pédoncule cérébral et paraît tout à fait normale, sauf dans

cette partie qui surplombe le corps genouillé externe où elle semble renfermer

un mince fascicule partiellement dégénéré. Dans le lobe temporal, la lésion a

complètement disparu mais il persiste une décoloration notable de la substance

profonde du lobule fusiforme et de la circonvolution de l'hippocampe. Cette

dégénérescence résiduaire affecte particulièrement le domaine du cingulum

ainsi que la couche marginale de l'alvéus et la fimbria. La couche sagittale

externe temporale se colore fortement mais la courbe sagittale interne et le

tapétum présentent une dégénérescence assez appréciable. Il en est de même

Fic. 3.

LES CONNEXIONS CORTICALES DU NOYAU ROUGE 203

du champ de fibres situé immédiatement en dehors du corps genouillé externe,

au-dessous du noyau lenticulaire et au-dessus du prolongement sphénoïdal du

noyau caudé ; ce territoire, qui appartient avant tout au faisceau temporo-tha-

lamique d'Arnold, est en effet nettement dégénéré et renferme les fibres pro-

venant de l'écorce atteinte par le ramollissement et destinées à la partie infé-

rieure du pulvinar et peut-être aussi à l'extrémité du noyau rouge.

Sur la coupe suivante (Fig. 3), laquelle passe par la partie moyenne du noyau

rouge, on ne voit plus, au niveau du champ juxta rubrique latéral, l'interrup-

tion grossière observée sur la coupe précédente, et, grâce a ce fait, le noyau

rouge dans sa totalité parait fort mieux délimité. En revanche, la dégénéres-

cence de la substance même de ce noyau devient encore plus évidente qu'au-

paravant et affecte une disposition plus régulière. On voit très bien que la

décoloration siège encore de préférence la partie supérieure du noyau rouge

où elle atteint surtout les zones marginales dorsales et dorso-médiane, mais

on note également que la dégénérescence de la zone dorsale s'étend légèrement

en bas et en dehors jusque dans la partie ventro-latérale du noyau rouge. Les

autres détails n'ont guère changé.

La dernière coupa de cette série (Fig. 4), prise au niveau du pôle antérieur

Fic. 4.

204 LA SALLE ARCHAMBAULT

du noyau rouge, traverse le tubercule antérieur de la couche optique, le corps

de Luys et la bandelette optique. On remarque aussitôt la décoloration intense

et généralisée de la substance médullaire centrale du noyau rouge. En outre,

la capsule de ce noyau est notablement raréfiée, surtout dans ses parties dor-

sales et ventru-latérale. Un foyer lacunaire est encore visible dans la partie

supérieure de la couche optique et semble avoir déterminé une dégénérescence

partielle du stratum zonale ainsi que de la couche sagittale interne de la cou-

ronne rayonnante pariétale. Dans le lobe temporal les couches sagittales re-

prennent un aspect relativement normal et la commissure antérieure est par-

faitement saine.

Observation II (Schéma n° II ; Pl. XXXV A, B et C).

Ramollissement très ancien de la face inféro-interne du lobe temporo-occi-

pital gauche. Le foyer s'étend du pôle postérieur de l'hémisphère jusqu'au

niveau d'un plan vertical passant immédiatement en avant du bord postérieur

du pulvinar, et détruit la partie supérieure de la première circonvolution oc-

cipitale, la totalité du cunéus, le segment occipital du lobule fusiforme, la ma-

jeure partie du lobule lingual et l'extrémité postérieure de la circonvolution de

l'hippocampe. Au niveau du carrefour ventriculaire, la lésion occupe la partie

médiane du lobule fusiforme et la circonvolution de l'hippocampe, ainsi que

les plis de passage qui relient cette circonvolution à l'écorce voisine ; elle re-

monte le long de la paroi ventriculaire interne et atteint la moitié inférieure

du pilier postérieur du trigone et la partie inférieure du splénium du corps

calleux. '

Il existe également dans ce cas une lésion centrale très importante. Dans le

sens horizontal, cette lésion se trouve comprise entre deux plans verticaux,

ScnÉMA N° II. Hémisphère gauche, face interne.

Nouvelle Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XXVII. PL. XXXV

A

B

C

CONNEXIONS CORTICALES DU NOYAU ROUGE

(Lastille-Archainbaull)

Masson &. Cie, Editeurs

.' A ?

LES CONNEXIONS COHTICAEBJJ ? ftfROUGE 205

dont l'un, postérieur, passe immédiatement en arrière du corps genouillé ex-

terne, et l'autre, antérieur, traverse le pôle frontal du corps de Luys. Cette

lésion débute en arrière par un tout petit foyer siégeant dans la partie supé-

rieure du segment rétro-lenticulaire de la capsule interne et en dehors du

noyau caudé, augmente progressivement de volume, et atteint sou maximum

de développement sur les coupes intéressant l'extrémité antérieure du noyau

rouge. A ce niveau, la lésion s'étend dans un sens vertical oblique, de la paroi

ventriculaire à la partie moyenne de la capsule externe (Pl. XXXV-C) et se

trouve ainsi à sectionner complètement le pied de la couronne rayonnante et à

détruire le tiers supérieur du noyau lenticulaire. On voit donc que ce foyer in-

tercepte toutes les fibres de projection provenant des parties correspondantes

de la première circonvolutiou limbique, du lobule paracentral, des circonvo-

lutions rolandiques et du lobule supérieur de l'insula.

Enfin, sur les coupes qui passent par la partie antérieure du globus palli-

dus, il existe Un petit foyer destructif dans l'épaisseur même de la commissure

calleuse ; ce foyer se poursuit sur un certain nombre de coupes et implique

légèrement la substance sus-jacente de la circonvolution limbique.

La première coupe servant à illustrer ce cas (PI. XXXV-A) intéresse la pre-

mière circonvolution limbique, le lobule paracentral,les circonvolutions-frontale

et pariétale ascendantes,les trois circonvolutions temporales, le lohule fusiforme

et la circonvolution de l'hippocampe, et passe par les corps genouillés externe

et interne et par l'extrémité postérieure du noyau rouge. Le ramollissement .

ancien du lobe temporo-occipital a entraîné une dégénérescence secondaire

très intense, laquelle porte à la fois sur les fibres d'association et sur les fibres

de projection. On remarque, en effet, une décoloration assez nette de la subs-

tance profonde de la région médiane du lobe temporal, dans le domaine du

cingulum en particulier. Quant aux couches sagittales profondes, elles pré-

sentent une dégénérescence diffuse de leur segment vertical, mais, ce que

l'on note surtout, c'est l'atrophie rétrograde énorme, la résorption presque,

de la couche sagittale externe. Le tapetum par contre n'est guère touché- La

dégénérescence des couches sagittales temporales se poursuit directement dans

le segment sous-lenticulaire de la capsule interne et aborde ensuite le champ p

de Wernicke ainsi que la zone dite du faisceau temporo-thalamique d'Arnold.

La décoloration intense de toute cette région est trop évidente sur la coupe

actuelle pour qu'il y ait lieu d'insister. Sur les coupes situées plus en arrière,

la dégénérescence s'épuise en partie au niveau du corps quadrijumeau anté-

rieur et du pulvinar, lesquels sont presque totalement dépourvus de fibres et

grossièrement atrophiés. Sur la présente coupe on remarque l'atrophie nota-

ble et la décoloration intense du corps genouillé externe. Le corps genouillé

interne au contraire paraît tout à fait normal. Au-dessus des corps genouillés

une minl'9 bande dégénérée se détache assez nettement; elle émerge de la

partie supérieure du champ de Wernicke, se porte transversalement en dedans

et semble pénétrer directement dans la partie latérale du noyau rouge. En

raison de la forte coloration de toute cette série par l'hématoxyline, on se

rend difficilement compte de ce dernier détail sur la photographie, mais on

XXVII 14

206 LA SALLE ARCHAMBAULT

voit très nettement toutefois que la dégénérescence s'épuise au niveau de la

zone dorso-médiane du noyau rouge, laquelle est notablement décolorée. On

remarque en outre une déformation atrophique assez accentuée de ce noyau.

Nous croyons que la réaction dégénérative que présente le noyau rouge à

cet endroit résulte essentiellement de la lésion temporo-occipitale. Pour ce qui

en est de la réaction déterminée par la lésion centrale siégeant dans la partie

supérieure de la capsule interne létrulenticulaire, on observe, déjà assez d ! S-

tinctement la dégénérescence rii ! ru1\ du noyau latéral et du stratum zonale de

la couche optique, ainsi que l'affaissement du bord supérieur de ce ganglion.

L'implication de la couronne rayonnante a rf-tenti sur la substance profonde

de la circonvolution limbique et des circonvolutions marginales supérieures.

La dégénérescence a peu près complète du trigone résulte de l'atteinte directe

de son pilier postérieur au niveau du carrefour venlriculaire.

Sur une coupe (PI. 0-13) passant par la partie antérieure du corps genouillé

externe et un ppu en arrière de la partie moyenne du noyau rouge, on voit

que la dégénérescence est beaucoup plus accusée et en même temps mieux

délimitée. La décoloration globale du territoire appartenant au champ de Wer-

nicke et au faisceau temporo-thalamique d'Arnold est devenue plus saillante,

et, de la partie supérieure de ce territoire, une traînée dégénérée peut être

suivie à travers la capsule interne jusqu'à la partie latérale du noyau rouge.

Cette dégénérescence linéaire est très visible au niveau du champ juxta-ruhri-

que latéral dont elle forme en réalité le segment inférieur. Immédiatement en

dehors du noyau rouge, la zone dégénérée semble se bifurquer, une partie re-

montant le long du bord externe de ce noyan pour s'irradier dans sa substance

médullaire supérieure, l'autre se portant en bas et en dedans pour s'unir à sa

capsule ventro-latéral'i. On voit très nettement, en effet, que le noyau rouge e

est dépourvu de fibres nerveuses au niveau de son tiers supérieur, en d'au-

tres termes, qu'il existe une dégénérescence très manifeste des zones mar-

ginales dorsale et dorso-médiane de ce noyau. La zone ventro-lalérale n'est que

légèrement touchée. Il est très probable qu'à cet endroit la dégénérescence

du noyau relève non seulement du ramollissement temporo-occipital mais

aussi de la lésion lenticulo-capsulaire, laquelle sectionne sans le moindre

doute un bon nombre de fibres provenant des circonvolutions frontale et parié-

tale ascendantes. Cette dégénérescence de la partie supérieure du noyau rouge

s'observe sur toutes les coupes passant par la partie moyenne de ce noyau,

mais elle devient de moins en moins intense et de plus en plus restreinte dans

son étendue, pour disparaître à peu près complètement au niveau de son tiers

antérieur. La décoloration de la capsule ventro latérale, par contre, persiste

plus, longtemps. Quant à la dégénérescence occasionnée par la lésion centrale,

on voit qu'elle est devenue de beaucoup plus appréciable et qu'elle intéresse,

d'une part, la partie voisine de la capsule interne, toute la hauteur de la lame

médullaire externe, ainsi que le stratum zonale, le noyau latéral et le bord su-

périeur de la couche optique, et, d'autre part, la couronne rayonnante et la

substance profonde du lobe pariétal. Il existe quelques petits foyers lacunaires

nu niveau de la partie supéro-interne de la couche optique, lesquels contribuent

LES CONNEXIONS CORTICALES DU NOYAU ROUGE 207

à intensifier l'atrophie du bord supérieur de ce ganglion. Le corps du trigone

demeure parfaitement incolore.

La coupe suivante (PI. XXXV-C) est prise au niveau du maximum de la lésion

centrale et passe par la bandelette optique, le corps de Luys et le pôle anté-

rieur du noyau rouge. On remarque que tandis que la substance médullaire

centrale de ce noyau est notablement dégénérée, sa capsule est pourvue en

tous points de fibres fortement colorées. C'est qu'à cet endroit, en effet, la dé-

générescence que nous avons mentionnée pins haut comme occupant la capsule

ventro-latérale s'irradie à l'intérieur du noyau rouge, alors que la capsule de

celui-ci se trouve maintenant alimentée surtout par des fibres tirant leur ori-

gine du lobe frontal, lequel est intact dans ce cas. De même, sur les coupes

plus antérieures, la capsule frontale du noyau rouge est parfaitement saine. La

capsule dorsale du corps de Luys (faisceau lenticulaire de Forel) par contre est

notablement dégénérée. Quant à la capsule interne on voit qu'elle présente dans

toute son étendue une dégénérescence extrêmement marquée. En haut, cette

dégénérescence s'épuise dans la partie externe du noyau latéral de la couche

optique ; en bas elle abandonne un prolongement qni passe au-dessus du corps

de Luys vers le noyau rouge, puis elle descend directement dans le pied du

pédoncule cérébral. Au niveau de la couche optique, on remarque outre la dé-

générescence du noyau latéral, une dégénérescence rétrograde et une atrophie

très accentuée du tubercule antérieur ainsi qu'une légère décoloration de la

partie médiane du noyau interne. Dans le lobe pariétal, on note encore la dé-

générescence diffuse et assez notable de la couronne rayonnante et de la sub-

stance blanche profonde. Au-dessous du noyau lenticulaire, le domaine du fais-

ceau temporo-thalamique d'Arnold demeure manifestement dégénéré, et on

observe, en plus, une atrophie très considérable de la bandelette optique. Il

s'agit vraisemblablement d'une atrophie, dite indirecte ou de second ordre. A

ce niveau, le corps du trigone est non seulement totalement dégénéré, mais il

renferme un minuscule foyer de ramollissement. La dégénérescence si intense

du trigone s'accompagne, dans ce cas, d'une atrophie exagérée du corps mam-

millaire correspondant.

Observation III (Schéma na 111 ; PI. XXXVI-D, E et F).

Ramollissement étendu du bord inférieur de l'hémisphère droit atteignant

surtout le lobule lingual, le lobule fusiforme et la circonvolution de l'hippo-

campe. La lésion débute en arrière près de la pointe occipitale et s'étend en

avant jusqu'au niveau d'un plan vertical passant par le bord antérieur du noyau

rouge. Dans le lobe occipital, le ramollissement intéresse la majeure partie "du

lobule lingual et du lobule fusiforme, le fond ainsi que la lèvre inférieure de

.la scissure calcarine, mais respecte à peu près intégralement le cunéus. Dans

le lobe temporal, le foyer occupe tout le segment antérieur du lobule fusiforme

et la partie correspondante de la circonvolution de l'hippocampe. Donc, nous

avons affaire à une lésion qui détruit la presque totalité des lobules lingual et

fusiforme ainsi que les deux tiers postérieurs de l'hippocampe.

Il n'existe aucune autre lésion dans ce cas sauf un petit foyer de ramollisse-

208 LA SALLE ARCHAMBAULT

ment de la substance profonde du lobe pariétal, lequel siège au niveau de la

couche sagittale externe de la couronne rayonnante un peu en dehors du cro-

chet que forme le corps calleux l'angle supéro-externe du ventricule latéral.

Ce foyer est visible sur les coupes intéressant le corps genouillé externe et le

tiers postérieur du noyau rouge (F'I. XXXVI).

La première coupe de cette observation (PI. XXXVI) intéresse la première

circonvolution limbique, le lobule paracentral, les circonvolutions frontale et

pariétale ascendantes, les trois circonvolutions temporales, le lobule fusiforme

et la circonvolution de l'hippocampe; elle passe un peu en avant de l'extré-

mité postérieure du noyau rouge. La lésion a déterminé la soudure des deux

circonvolutions qu'elle atteint. Le petit foyer de la couronne rayonnante

pariétale offre à ce niveau son maximum d'intensité et n'est nullementrespon-

sable de la décoloration si accentuée de toute la substance profonde avoisinante.

Cette décoloration tient à ce fait que les pièces de ce cas se sont mal durcies

dans le Müller.

Voulant remédier à cet état de choses, nous avons laissé séjourner les cou-

pes elles-mêmes dans le lllüller pendant assez longtemps, mais si nous avons

réussi à obtenir des coupes très fortement colorées excepté au niveau du lobe

pariétal, il s'en suit également que les zones de dégénérescence se trouvent

Schéma 1\° III.

Nouvelle Iconographie de la S.ILI'l.l'ItII : RE.

T. XXVII. PL XXXVI

D

E

F

CONNEXIONS CORTICALES DU NOYAU ROUGE

( Lasl111e-Al'cblllll bl1 11/1)

Masson & Cie, Editeurs

LES CONNEXIONS CORTICALES DU NOYAU ROUGE 209

proportionnellement marquées. C'est ainsi que dans le lobe temporal, la déco-

loration partielle des couches sagittales et de la substance profonde est diffi.

cile à constater. En dehors du corps genouillé externe, toutefois, on voit

assez nettement qu'il existe une dégénérescence appréciable dans le domaine

du faisceau temporo-lhalamique d'Arnold. Uu mince fascicule dégénéré se

dégage de cette région, et, se portant en dedans, traverse la capsule interne à

l'endroit où celle-ci s'unit au pied du pédoncule cérébral. On dirait que la

dégénérescence s'épuise en partie au niveau, du locus niger, lequel renferme,

immédiatement en dedans du pied du pédoncule, un bâtonnet incolore parti-

culièrement bien délimité. On remarque une raréfaction nette mais peu pro-

noncée du champ de fibres situé en dehors du noyau rouge; elle est surtout

marquée près de l'angle supéro-externe de celui-ci. C'est à cet endroit, en

effet, que la dégénérescence aborde le noyau rouge, et on voit très nettement

qu'elle s'épuise au niveau de ses zones dorsale, dorso-médiane et ventro-laté-

rale. On note une dégénérescence assez légère et diffuse du noyau latéral de

la couche optique. Sur les coupes passant par l'extrémité postérieure de ce

ganglion, on constate que la lésion temporo-occipitale a déterminé une dégé-

nérescence et une atrophie très notables du corps quadrijumeau antérieur, du

pulvinar et du noyau interne de la couche optique, ainsi que de la partie pos-

térieure du corps genouillé externe.

La deuxième coupe (PI.XXXVI-E) traverse le noyau rouge près de la jonction

de ses tiers moyen et postérieur. On observe encore une certaine raréfaction

de la partie médiane du champ juxta-rubrique latéral, mais c'est surtout au

niveau du noyau rouge lui-même que la dégénérescence s'impose. On voit très

bien, en effet, qu'elle affecte la forme d'un hémicycle fortement décoloré, le-

quel occupe toute la zone marginale sous-capsulaire latérale du noyau rouge.

La décoloration de la zone dorso-médiane est encore visible mais elle est moins

accusée.

La dégénérescence du faisceau temporo-thalamique d'Arnold se laisse tou-

jours facilement constater ainsi que la zone dégénérée qui sépare la capsule

interne du pied du pédoncule cérébral. Cette zone paraît être plus considérable

que sur la coupe précédente. D'autre part on ne relève aucune particularité

nouvelle si ce n'est la dégénérescence partielle de la moitié externe du corps

du trigone. Sur les coupes prises plus en avant, la décoloration des zones mar-

ginales dorsale et ventru-latérale du noyau rouge est encore nettement appré-

ciable mais elle devient de moins en moins intense. Par contre la raréfaction

de la capsule dorsale de ce noyau persiste ainsi qu'un certain degré de défor-

mation engendrée par l'atrophie secondaire.

Sur une coupe (PI. XXXVI-F) passant par l'extrémité postérieure du corps de

Luys et par la partie antérieure du tiers moyen du noyau rouge, on voit que

l'aspect de celui-ci s'est sensiblement modifié. La décoloration marginale im-

plique surtout les zones dorso latérale et ventro latérale, mais tandis que la

zone dorso latérale renferme des libres sttiées, la zone ventro latérale en est

presque totalement dépourvue. Celle zone présente, en effet, celte homogénéité

très spéciale qui caractérise la dégénérescence secondaire. Il existe également

210 - LA SALLE ARCHAMBAULT

une raréfaction très nette de la partie correspondante de la capsule du noyau

rouge et une raréfaction moins accentuée de sa capsule dorsale. La dégénéres-

cence partielle du corps du trigone et du faisceau temporo-thalamique d'Arnold

est encore visible. Sur les coupes passant par le tiers antérieur, le pôle anté-

rieur et la capsule frontale du noyau rouge, l'état de ce noyau paraît être par-

faitement normal.

Observation IV (Schéma n° IV ; PI.XXIVII G, II et I, et PI.XXXVIII-L).

Ramollissement assez ancien de l'hémisphère droit, occupant le domaine ir-

rigué par la cérébrale antérieure. La lésion intéresse le précunéus, le lobule

paracentral, les deux tiers postérieurs de la première circonvolution frontale

et la majeure partie de la première circonvolution limbique.111aljrô cette éten-

duc si considérable dans le sens sagittal et antéro-pustérieur la lésion se loca-

lise assez étroitement dans la zone sous-corlicale du bord supéro-interne de

l'hémisphère. Un peu en avant d'un plan vertical passant par la commissure

antérieure, le ramollissement détruit plus largement la circonvolution limbique

et sectionne le -corps calleux au niveau de la voûte ventriculaire. Il n'existe

aucune autre lésion dans ce cas, sauf quelques lacunes de la couche optique et

du noyau lenticulaire. On constate une dilatation très marquée de la corne

frontale et du corps du ventricule latéral ainsi que du troisième ventricule. La

réaction observée au niveau du noyau rouge n'intéresse que ses deux tiers an-

térieurs ; le tiers postérieur présente un aspect relativement normal.

Li première coti [)e (131.XXvVII-G) intéresse la première circonvolution limbi-

que, le lobule paracentral, les circonvolutions frontale et pariétale ascendantes,

les trois circonvolutions temporales, le lobule fusiforme et la circonvolution de

l'hippocampe ; elle traverse le noyau rouge près de la jonction de ses tiers

postérieur et moyeu. De par son siège au niveau de la région sous-corticale du

Schéma Ne IV. - Quatrième observation.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPHTRIÈRE.

T. XXVII. PL, XXXVII

G

H

CONNEXIONS CORTICALES DU NOYAU ROUGE

(Lasalle-Archanibiiult)

Masson & Cie, Editeurs

LES CONNEXIONS CORTICALES DU NOYAU ROUGE 21 t

sillon calloso-marginal, le foyer sectionne toutes les fibres provenant de la pre-

mière circonvolution limbique et du lobule paracentral, et retentit sur plusieurs

voies importantes, Il existe une dégénérescence très marquée de la partie laté-

rale du corps calleux, des couches sagittales de la couronne rayonnante et de

toute la hauteur de la capsule interne, ain.ii qu'une décoloration assez accentuée

de la substance profonde de la convexité pariétale-et de la capsule externe. Au

niveau de la couche optique, on remarque une atrophie notable du bord snpé-

rieur de ce ganglion et une dégénérescence du stratum zonale, de la lame mé-

dullaire externe et de la partie supérieure surtout du noyau latéral. Il est pas-

sible, cependant, que ces altérations relèvent en partie de la grosse lacune sié-

geant au centre de la couche optique. On note une raréfaction très considérable

du champ de fibres qui recouvre en dehors le noyau rouge. Quant à ce noyan

lui-même, il présente une dégénérescence très nette et fort bien délimitée de

son tiers supéro-externe ou dorso-latéral, et une dégénérescence moins étendu» ?

de sa zone sous-capsulaire ventro-latérale. Le corps du ventricule latéral est

passablement dilaté et le segment externe du pilier droit du trigone est sensi-

blement dégénéré. Nous croyons que cette dégénérescence partielle du trigone

résulte de la lésion de la première circonvolution limbique. Le lobe temporal

parait être parfaitement sain.

La deuxième coupe (PI. XXXVII-II) prise un peu plus en avant, intéresse les

mêmes circonvolutions et présente les mêmes particularités que la première,

sauf que la dégénérescence du noyau rouge est déjà plus intense et plus éten-

due. On voit très bien,- en effet, que cette dégénérescence occupe tout le seg-

ment médian du champ dit des radiations de la calotte, qu'elle atteint la cap-

sule latérale du noyau rouge et qu'elle s'épuise surtout dans la zone marginale

dorso-latérale, et, en plus faible partie, dans la zone ventro-latérale de ce

noyau.

La coupe suivante (PI.XXXVII-I) traverse le noyau rouge près de la jonction

de ses tiers moyen et antérieur. Le champ de fibres qui recouvre ce noyau en

dehors s'est en'grande partie reconstitué et ne présente plus la décoloration

intense observée sur les coupes précédentes. Par contre, an niveau du noyau

rouge lui-même, la dégénérescence persiste et affecte une topographie parti-

culièrement régulière ; elle se limite assez étroitement au quart supérieur de

ce noyau et intéresse les zones marginales dorso-latérale et dorso-médiane

ainsi que la capsule dorsale ou supérieure. On remarque encore la dégénéres-

cence très marquée de la couronne rayonnante pariétale, de la substance pro-

fonde avoisinante, de la capsule interne et de la capsule externe.

Au niveau de la couche optique, la réaction dégénérative semble plus accen-

tuée qu'auparavant; on y constate, en effet, une décoloration très considéra-

ble du noyau latéral ainsi qu'une dégénérescence et une atrophie rétrogrades

du tubercule antérieur.

La dernière coupe de ce cas (PI. XXXVIII-L) traverse le pôle antérieur du

nuyau rouge. On note la décoloration généralisée de la substance médullaire

centrale de ce noyau ainsi que la raréfaction très notable de sa capsule de fibres ,

la dégénérescence de celle-ci toutefois est plus accentuée au niveau de son seg-

212 LA SALLE ARCHAMBAUJLT

ment inférieur. La lésion sous-corticale de la face médiane de l'hémisphère

atteint à cet endroit le corps calleux, lequel présente du reste une dégénéres-

cence diffuse et une atrophie assez considérable. Un petit foyer lacunaire

occupe l'angle qui sépare le faisceau arqué du pied de la couronne rayonnante,

et contribue sans doute à intensifier la dégénérescence de la couche sagittale

externe et de la capsule externe. La dégénérescence rétrograde de la couche

sagittale interne de la couronne rayonnante est particulièrement manifeste et

s'observe sur toutes les coupes il partir de celle-ci jusqu'au niveau de la limite

antérieure de la lésion frontale. La dégénérescence de la capsule interne,

moins intense qu'auparavant, peut être suivie directement dans le pied du

pédoncule cérébral. Au niveau de la couche optique, on constate la dégénéres-

cence de la majeure partie du noyau latéral et une décoloration particulière-

ment intense du stratum zonale et du tubercule antérieur, lequel se trouve

assez curieusement délimité par la dégénérescence. Il est vrai qu'à cet endroit

le bord supérieur de la couche optique semble être intéressé par des altérations

vasculaires. On remarque une atrophie en masse du bord supérieur de l'hé-

misphère ainsi que des nayaux caudé et lenticulaire. Ce dernier noyau cepen-

dant renferme quelques lacunes.

Sur les coupes prises à des niveaux plus antérieurs, on constate une dégé-

nérescence très intense de la presque totalité de la capsule frontale ou anté-

rieure du noyau rouge et une dégénérescence assez accentuée de la capsule

dorsale ou supérieure (faisceau lenticulaire de Forel) du corps de Luys.

Ramollissement peu ancien intéressant surtout le pied de la troisième circon-

volution frontale gauche mais atteignant aussi la substance profonde des cir-

convolutions voisines. Vu de la face externe de l'hémisphère, ce foyer semble se

limiter assez étroitement au pied de la troisième circonvolution frontale et n'in-

Schéma. No V. - Cinquième observation.

Nouvelle Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XXVII. PL. XXXVIII

J

K

L

CONNEXIONS CORTICALES DU NOYAU ROUGE

(Lasa llc-A rcbambault)

t M < ? no ? Çi ? F'/¡'(>I11 ?

LES CONNEXIONS CORTICALES DU NOYAU ROUGE 213

téresser que légèrement l'écorce de la partie attenante de la frontale ascendante.

Sur une coupe vertico-frontale passant immédiatement en arrière de ce foyer cir-

conscrit, on voit qu'en réalité la lésion détruit totalement le pied de la troisième

circonvolution frontale et qu'elle se prolonge en haut et en dedans vers l'angle

supéro-externe du ventricule latéral où elle sectionne la majeure partie du

pied de la couronne rayonnante. A cet endroit, le ramollissement atteint di-

rectement la substance profonde du pied de la deuxième circonvolution fron-

tale et se trouve ainsi intercepter également les fibres de projection provenant

de la première circonvolution frontale et de la première circonvolution limbi-

que. En arrière, la lésion détruit, par des prolongements assez superficiels,

l'écorce et la zone sous-corticale du tiers inférieur de la frontale ascendante,

et s'étend jusqu'à l'écorce de la partie moyenne de la pariétale,ascendante.

Le lobe temporo-occipital et les ganglions de la base sont absolument intacts.

Bien qu'il s'agisse d'une lésion relativement récente, ce ramollissement a n

déterminé une réaction dégénérative assez nette au niveau de la moitié posté-

rieure du noyau rouge (1).

Les deux coupes affectées à la description de ce cas intéressent la première

circonvolution limbique, le lobule paracentral, les circonvolutions frontale et

pariétale ascendantes, les trois circonvolutions temporales, le lobule fusiforme

et la circonvolution de l'hippocampe.

La première de ces coupes (PI. XXXVIII-J) est prise au niveau de la partie

moyenne du noyau rouge. On remarque une dégénérescence peu intense, mais

nette toutefois, du quart supérieur de ce noyau. La dégénérescence atteint en

particulier la zone marginale grise dorso-latérale et la capsule dorsale du noyau

rouge, mais respecte à cet endroit le champ de fibres qui recouvre ce noyau

en dehors. Au niveau de l'écorce et de la zone sous-corticale de la circonvo-

lution pariétale ascendante, on voit l'extrémité postérieure du foyer de ramol-

lissement. Cette lésion a déterminé une décoloration partielle de toute la

substance profonde de la convexité pariétale et même de la capsule externe et

de la convexité temporale. Quant à la capsule interne, elle présente une dégé-

nérescence bien localisée du tiers inférieur de son bras postérieur. On note

également une légère dégénérescence du bord externe du noyau latéral de

la couche optique ainsi que de la lame médullaire externe.

La seconde coupe (Pl. XXXVIII-K) passe par le tiers postérieur du noyau

rouge et par les corps genouillés externe et interne. En raison de la forte

coloration des coupes, on se rend difficilement compte du degré réel de la dé-

générescence, mais on voit assez distinctement toutefois que la partie supéro-

externe du noyau rouge renferme un petit lobule nettementdécoloré et particu-

lièrement bien délimité. La dégénérescence partielle de la zone dorso-médiane, .

par contre, échappe à l'observation. Quant au champ de fibres situé immédia-

tement en dehors du noyau rouge, il présente une raréfaction manifeste de

(1) Le malade porteur de cette lésion n'a jamais présenté d'aphasie, ni aucun trou-

ble de la parole. Cette observation a figuré dans un travail antérieur sur les Localisa-

tions de l'Aphasie (Voy. : Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière, janvier-février

1913, n° 1, p. 20).

214 LA SALLE ARCHAMBAULT

son segment supérieur. La dégénérescence capsulaire ienticuio-tha'amique

est encore très marquée mais la couche optique reprend un aspect relative-

ment normal. Au niveau du bord inféra-interne du corps genouillé externe,

on remarque une décoloration intense et un affaissement notable, lesquels

semblent relever des altérations vasculaires qui siègent dans la pie-mère à

cet endroit. Les autres détails de cette coupe ne différent' pas sensiblement

de ceux que nous'avons étudiés sur la coupe précédente.

Sur les coupes passant par le tiers antérieur du noyau rouge, on ne note

rien de particulièrement intéressant à l'égard de ce noyau, sauf une certaine

pâleur relative de la substance médullaire centrale. La capsule frontale du

noyau rouge est parfaitement saine.

Observation VI (Schéma no VI ; Fig. 5 et 6).

Ramollissement très vaste et très ancien de l'hémisphère gauche atteignant

d'une façon plus ou moins globale les confins de la scissure de Sylvius sur

la presque totalité de son parcours. En arrière, où elle est beaucoup plus

destructive, la lésion intéresse la partie antérieure du pli courbe, la majeure

partie du gyrus supramarginalis et de la première circonvolution temporale,

ainsi que la substance profonde des deux tiers postérieurs de la deuxième cir-

convolution temporale. En avant, la lésion implique la majeure partie de

l'insula, tout en respectant le noyau lenticulaire, et, so dirigeant en haut vers

la base de la couronne rayonnante, elle, envoie des prolongements linéaires

dans la substance profonde de l'opercule rolandique et même dans la zone

sous-corticale du pied de la troisième circonvolution frontale. Au niveau du

carrefour ventriculaire, ce ramollissement destructif pénètre jusqu'à l'épen-

dyme de la paroi latérale, et sectionne à peu [très complètement le segment

vertical des couches sagittales profondes du lobe temporal. Cette vaste lésion

Schéma ? VI. Sixième observation.

LES CONNEXIONS CORTICALES DU NOYAU ROUGE 21 S

a déterminé une dégénérescence très marquée de la majeure partie du noyau u

rouge. '

Les coupes servant à illustrer cette observation intéressent la première

circonvolution limbique, les circonvolutions frontale et pariétale ascendantes,

les trois circonvolutions temporales, le lobule fusiforme et la circonvolution

de l'hippocampe.

La première coupe (Fig. S) passe par le corps genouillé externe et par le tiers

postérieur du noyau rouge. A cet endroit, le ramollissement détruit complète-

ment la première circonvolution temporale.la circonvolution temporale profonde

et toute l'étendue verticale de l'insula ; un prolongement filiforme gagne la par-

tie centrale de l'opercule rolandique. Malgré le voisinage si intime de la lésion,

on voit que la couche sagittale externe temporale est relativement intacte ; la

couche sagittale interne et le tapétum, au contraire, sont notablement dégéné-

rés. La dégénérescence temporale aborde on haut le domaine du faisceau tem7

poro-thalamique d'Arnold, ainsi que le segment sous-lénticulaire et le tiers

inférieur du bras postérieur de la capsule interne. La dégénérescence de ce

dernier territoire est particulièrement intense et implique très nettement les

fascicules arqués du faisceau de Dürch, lesquels se laissent facilement identifier

.FtG.S.

216 LA SALLE ARCHAMBAUI ! I

immédiatement au-dessus du corps genouillé externe. Au niveau de, couche

optique, on remarque une atrophie déformante plus ou moins généralisée de

ce ganglion, une décoloration très intense du noyau interne et une dégénéres-

cence diffuse de la lame médullaire externe, du stratum zonale et du noyau

latéral Quant au noyau rouge, on voit très bien qu'il est atrophié et anguleux,

et qu'il présente une dégénérescence notable de ses zones marginales grises

dorso-médiane et ventro-latérale. On constate également une interruption gros-

sière au niveau du champ de fibres qui recouvre le bord externe du noyau

rouge, c'est-à-dire une dégénérescence très considérable de la partie médiane

du territoire appartenant aux.radiations de la calotte. La capsule externe est

totalement incolore et la substance profonde du lobe pariétal est nettement dé-

générée. -

Sur les coupes passant plus en arrière, c'est-à-dire par le pôle postérieur du

noyau rouge, la dégénérescence secondaire de ce noyau se traduit par une dé-

coloration plus ou moins généralisée mais nettement plus accentuée toutefois

au niveau des zones marginales grises dorsale et dorso-médiane.

La deuxième coupe (Fig. 6) traverse le tiers moyen du noyau rouge. Dans le

lobe temporal, le ramollissement intéresse les mêmes circonvolutions que sur

la coupe précédente, mais dans le lobe pariétal, il acquiert une étendue beau-

Fio. 6. ,

, LES CONNEXIONS CORTICALES DU NOYAU ROUGE 217

coup plus considérable et forme un foyer rectangulaire, lequel détruit large-

ment la substance profonde de l'opercule rolandique et atteint le bord externe

du pied de la couronne rayonnante. Il en résulte une décoloration très notable

de toute la région sous-corticale du lobe pariétal et une dégénérescence extrê-

mement marquée des deux tiers supérieurs de la capsule interne. Au niveau

de la couche optique, on remarque encore une atrophie très notable de ce gan-

glion avec déformation et enfoncement de son bord supérieur, une décoloration

accentuée du noyau interne et une dégénérescence très intense du stratum

zonale, du tubercule autérieur et de la majeure partie du noyau latéral. Quant

au noyau rouge, on voit que la configuration quadrangulaire persiste, et qu'il

présente une dégénérescence très marquée, laquelle atteint surtout la capsule

dorsale et la zone marginale grise dorso-latérale, et, à un degré beaucoup moin-

dre, la zone ventro-latérale. Il existe encore une certaine raréfaction au niveau

du champ de fibres situé en dehors du noyau rouge et au-dessus du corps de

Luys. La capsule dorsale de ce dernier noyau est sensiblement moins fournie

qu'à l'état normal. '

Sur les coupes passant par le tiers antérieur du noyau rouge, tout ce qu'on

relève d'anormal à l'égard de ce noyau, c'est une décoloration nette et géné-

ralisée, mais peu intense toutefois, de sa substance médullaire centrale. A cet

endroit, la capsule du noyau rouge paraît parfaitement saine, et il en est de

même pour la capsule antérieure ou frontale de ce noyau.

Nous venons de faire l'exposé nécessairement sommaire de six cas dont

les lésions ont entraîné la dégénérescence secondaire du noyau rouge.

Nous avons vu, en effet, que ce noyau dégénère à la suite de lésions

atteignant la face inféro interne du lobe temporo-occipital (3 observa-

tions), le bord antéro-supéro-interne de l'hémisphère (1 observation), ou

la région operculo-cenlrale (2 observations). Nos trois premières obser-

vations prouvent nettement que, contrairement à l'opinion exprimée par

von Monakow, les localisations temporales retentissent sur le- noyau

rouge. Il convient de spécifier ai nouveau, cependant, qu'il s'agit dans ces

cas de lésions intéressant les circonvolutions du bord inféro-interne du

lobe temporal, le lobule fusiforme et la circonvolution de l'hippocampe

en particulier. Ainsi que nous l'avons dit plus haut, les lésions de la

convexité temporale ne déterminent des phénomènes dégénératifs au

niveau du noyau rouge que lorsqu'elles impliquent les couches sagittales

profondes sur une étendue considérable et qu'elles se trouvent ainsi à

sectionner les fibres provenant de la face médiane. Quant aux lésions

limitées au lobe occipital ou à la région rétro-rolandique du lobe pariétal,

nous sommes parfaitement d'accord avec von Monakow pour reconnaître

qu'elles ne produisent aucune réaction appréciable au niveau du noyau

218 LA SALLE ARCHAMBAULT

rouge. Nous pouvons également confirmer les constatations de cet auteur

à l'égard des localisations opercule-centrales : nos cinquième et sixième

observations démontrent en effet que les lésions de ce territoire se carac-

térisent par une dégénérescence très accentuée du noyau rouge. Pour ce

qui en est des lésions atteignant la pointe du lobe frontal, la connexité

antérieure des deuxième et troisième circonvolutions frontales en parti-

culier, siège auquel von Monakow accorde une très grande importance

en ce qui concerne l'origine de la voie cortico-rubrique, nous n'avons

pas eu l'avantage de pouvoir étudier des lésions affectant strictement cette

topographie et ne pouvons pas, par conséquent, nous prononcer défini-

tivement. Il est vrai que dans un de nos cas (quatrième observation), le

ramollissement atteint la majeure partie de la première circonvolution

frontale et de la première circonvolution limbique, et, dans ce cas, la

réaction dégénérative au niveau du noyau rouge est des plus nettes.

On se souviendra toutefois que, selon von Monakow, cette localisation

n'entre pas dans la sphère dont la lésion retentit sur le no5au rouge;

tout au plus cet observateur consent-il à admettre, et cela avec la plus

grande réserve, le lobule paracentral dans sa zone corticale du noyau

rouge.

Donc, si d'une part nous pouvons apporter des documents personnels

servant à confirmer l'enseignement de von Monakow à.l·égard des rapports

qui existent entre la région operculo-centrale et le noyau rouge, nous

devons, d'autre part, différer sensiblement de cet auteur lorsqu'il main-

tient que les autres régions de l'hémisphère, à l'exception de la pointe

frontale, ne prennent aucune part à la constitution du neurone cortico-

rubrique. D'après nos propres recherches, en effet, nous croyons que le

noyau rouge reçoit des radiations corticales de différentes régions de

l'hémisphère cérébral ; nous avons pu nous convaincre que certaines de

ces radiations proviennent de la face médiane du lobe temporal, d'autres

de la partie antérieure du bord supéro-interne de l'hémisphère, d'autres,

enfin, de la région operculo-cenlrale. Nous ne saurions soutenir que le

noyau rouge ne reçoit aucune fibre du reste de l'écorce cérébrale, bien

que nous puissions affirmer que dans les lésions strictement limitées au

lobe occipital ou au lobe pariétal (exception faite de la pariétale ascen-

dante), ce noyau ne présentait aucune réaction dégénérative manifeste.

Lorsqu'il s'agit de décrire le trajet que suivent les radiations du noyau

rouge, on se trouve en présence d'un problème particulièrement complexe

et délicat, étant donné que les lésions qui retentissent sur le noyau rouge

déterminent également la dégénérescence secondaire d'un grand nombre

de fibres de projection destinées à d'autres ganglions. Ainsi, dans les lé-

sionsde laface inféro-internedu lobe temporo-occipital, la dégénérescence

LES COiNNEXIONS CORTICALES DU NOYAU ROUGE 219

secondaire porte aussi bien sur les radiations thalamiques postéro-inférieu-

res etsur les radiations du corps quadrijumeau antérieur que sur les radia-

tions du noyau rouge. Toutes ces libres se trouvent intimement mêlées

au niveau de la couronne rayonnante postéro-inférieure, c'est-à-dire au

cours de leur passage à travers la couche sagittale interne temporale. Ce

qui paraît être cei tain c'est que, pour la plupart, les radiations tempo-

rales du noyau rouge accompagnent les radiations thalamiques provenant

du bord inféro interne de l'hémisphère et contournent avec celles-ci. la

voûte de l'extrémité antérieure de la corne sphénoïdale pour se recourber

ensuite vers la partie inférieure du pulvinar. En d'autres termes, elles

entrent dans la constitution du faisceau temporo-thalamique d'Arnold,

traversent le segment sous-lenticulaire de la capsule interne et abordent

ensuite la partie supérieure du champ de Wernicke. La dégénérescence du

faisceau temporo thalamique d'Arnold ne fait jamais défaut dans les cas

de lésion intéressant les circonvolutions de la facemédianedu lobe temporo-

occipilal On observe, dans ces cas, outre la dégénérescence du pulvinar,

de la partie postéro-inférieure du thalamus et du corps quadrijumeau

antérieur, une dégénérescence également de la partie postéro-supérieure

du noyau rouge. La dégénérescence aborde ce noyau à la partie postéro-

supéro-externe en passant d'abord par le champ de libres qui recouvre

celui-ci en dehors, c'est-à-dire en suivant le trajet des radiations de la

calotte. De ce territoire, la dégénérescence secondaire s'étend à la

capsule du noyau rouge, surtout au segment dorsal ou supérieur de

cette capsule, puis elle pénètre dans la substance même de ce noyau pour

s'épuiser enfin dans les zones marginales grises dorsale et dorso-médiane.

D'une façon générale, dans les lésions de la face médiane du lobe tem-

poro-occipital, la dégénérescence secondaire intéresse la moitié posté-

rieure du noyau rouge mais elle est surtout accentuée au niveau du tiers

postérieur ; elle atteint tout particulièrement, ainsi que nous venons de

le dire, les zones marginales dorsale et dorso-médiane. Près de la

partie moyenne du noyau rouge, la dégénérescence porte encore essen-

tiellement sur les zones dorsales de ce noyau, mais fréquemment elle

implique nettement aussi la zone ventro-latérale. Le tiers antérieur du

noyau rouge demeure généralement -intact, sans zone de dégénérescence

véritable, bien que l'on observe assez souvent une certaine raréfaction de

la substance médullaire centrale.

Dans les lésions du bord supéro-inlerne du lobe fronto-pariétal (pre-

mière circonvolution frontale, première circonvolution limbique.et lobule

paracentral), la dégénérescence secondaire se porte en bas et en dedans

vers les ganglions de la base en passant par la couronne rayonnante fronto-

pariétale et par le segment antérieur et la partie antéro-supérieure du

220 LA SALLE ARCHAMBAULT

segment postérieur de la capsule interne. La dégénérescence s'étend

ensuite d'une part aux noyaux de la couche optique, et d'autre part au

noyau rouge. Au niveau de la couche optique, elle atteint la lame médul-

laire externe sur toute sa hauteur, le stratum zonale, la partie supérieure

du noyau latéral ainsi que le tubercule antérieur et les autres noyaux du

bord dorsal ou supérieur de ce ganglion. Quant au noyau rouge, la dégé-

nérescence secondaire intéresse surtout ses deux tiers antérieurs el res-

pecte à peu près totalement son tiers postérieur. La dégénérescence atteint t

ce noyau en passant d'abord par la lame médullaire externe et par le champ

capsulaire dorsal du corps de Luys (il, de Forel) : elle gagne alors le ter-

ritoire affecté aux radiations de la calotte dont elle occupe surtout la

partie médiane. De ce territoire la dégénérescence s'étend à la capsule

latérale du noyau rouge et s'épuise ensuite surtout dans les zones margi-

nales grises ventro-latérale et dorso-médiane de ce noyau. Ici encore on

constate, surtout au niveau du tiers moyen du noyau rouge, que la zone

grise neutro-tatérate participe à la réaction dégénérative, mais à un degré

beaucoup moindre que la zone dorso-tatérate. Quant à la capsule anté-

rieure ou frontale du noyau rouge, elle se trouve très notablement

dégénérée.

Quant aux lésions intéressant la région operculo-centrale, c'est-à-dire

la région de l'insula, le pied de la troisième circonvolution frontale, l'oper-

cule rolandique et l'écorce motrice voisine, elles déterminent une forte

dégénérescence secondaire, laquelle aborde le segment postérieur ou len-

ticulo-thalamiquede la capsule interne pour se rendre aux ganglions cen-

traux et au pied du pédoncule cérébral. Ces lésions entraînent, au niveau

de la couche optique, la dégénérescence surlout de la lame médullaire

externe, du stratum zonale et du noyau latéral, et retentissent également

sur les deux tiers postérieurs du noyau rouge. Dans ces cas, la dégéné-

rescence secondaire atteint le noyau rouge en passant par la lame médul-

laire externe et le champ Hi de Forel ; elle occupe bientôt le domaine des

radiations de la calotte et aborde alors la capsule dorso-latérale du noyau

rouge pour s'irradier ensuite à l'intérieur de ce noyau. Au niveau du

tiers postérieur du noyau rouge, la dégénérescence secondaire intéresse

surtout la capsule dorsale de ce noyau et les zones marginales grises dorso-

latérale et dorso-médiane. Au niveau du tiers moyen, la dégénérescence

porte encore sur la capsule dorsale mais elle atteint surtout les zones mar-

ginales grises dorso-latérale et ventro-latérale. Le tiers antérieur et la

capsule frontale du noyau rouge sont en général parfaitement sains.

Donc, pour résumer d'une façon encore plus succincte nos constata-

tions personnelles à l'égard de la dégénérescence secondaire du noyau

rouge, nous dirons que la réaction dégénérative observée au niveau de ce

LES CONNEXIONS COHTICALES DU NOYAU ROUGE 221 1

noyau, à la suite de lésions de l'hémisphère cérébral, varie dans sa topo-

graphie selon le siège de la lésion déterminante.

Les lésions de la face inféro-interne du lobe lemporo-occipital retentis-

sent sur les deux tiers postérieurs du noyau rouge, mais surtout sur le

tiers postérieur de ce noyau. Au niveau du tiers postérieur, la dégéné-

rescence porte sur capsule dorsale el sur les zones marginales grises

dorsale et dorso médiane; au niveau du tiers moyen, elle atteint surtout

les zones marginales grises dorsale et ventro-latérale. -

Les lésions du bord supéro-inlerne du lobe fronto-pariétal retentissent

sur les deux tiers antérieurs du noyau rouge. Au niveau du tiers anté-

rieur de ce noyau, la dégénérescence intéresse la capsule frontale et ies

zones marginales grises dorso-médiane et dorso-lalérale; au niveau du

tiers moyen, elle intéresse la capsule latérale et les zones marginales gri-

ses dorso-latérale et ventro-latérale.

Les lésions de la région operculo-cenlrale retentissent sur les deux tiers

postérieurs du noyau rouge, mais surtout sur le tiers moyen de ce noyau.

Au niveau du tiers postérieur du noyau rouge, la dégénérescence porte

sur la capsule dorsale et sur les zones marginales grises dorso-médiane

et dorso-latérale ; au niveau du tiers moyen, elle intéresse surtout les

zones marginales grises dorso-latérale et ventro-latérale.. .

Quant aux caractères histologiques de la dégénérescence secondaire ob-

servée au niveau du noyau rouge, nous avons essayé de nous en rendre

compte en colorant au carmin, à l'hématoxyline-éosine, ou par la mé-

thode de van Gieson, les quelques coupes ultra fines que nous avons réussi

à obtenir dans chacune de nos séries. Bien que nos résultats n'aient pas

été aussi satisfaisants que lorsque l'on prépare des pièces uniquement

pour l'élude des altérations cellulaires et des lésions fines du névraxe,

nous avons retrouvé asez nettement les phénomènes dégénératifs si bien

décrits déjà par von Monakow. On constate, en effet, au niveau des zones

dégénérées du noyau rouge, la disparition plus ou moins complète des

fibres à myéline qui pénètrent à l'intérieur de ce noyau, la résorption de

la substance moléculaire, l'atrophie et le tassement des éléments cellulai-

res et la sclérose névroglique compensatrice.

Avant de terminer ce travail, il nous parait utile d'exposer quelques

considérations cliniques, lesquelles nous ont été suggérées de par nos

constatations anatomiques. Nous nous demandons, en effet, si l'étude plus

approfondie et la connaissance plus précise des connexions corticales du

noyau rouge ne nous permettraient pas d'élucider, dans une certaine

mesure, la pathogénie de certains désordres de la molilité tels que les

convulsions épileptiformes, les troubles athétosiques et cboréiformes, les

tremblements post-hémiplégiques, etc. L'épilepsie jacksonnienne n'est

xxvtc 15 5

222 ' LA SALLE ARCHAMBAULT

pas rare dans les lésions de la face médiane du lobe temporal ; nous avons

trois observations personnelles de ce genre. D'autre part, on a fréquem-

ment attribué l'hémi-alllétose et 1'li6mi-clioi-ée à des lésions siégeant dans

le voisinage du noyau lenticulaire, au niveau du bord externe de la moi-

tié postérieure de la couche optique (Charroi et Raymond), ou même à

l'intérieur de ce ganglion, .surtout dans son serment po-Lél'o-inrél'ieur.

Or, nous avons vu que le noyau rouge reçoit des libres de, la face médiane

du lobe temporal et que ces libres passent parle segment sous lenticulaire

de la capsule interne et par la parlie posléro-In Férieui de la couche

optique Tout récemment, J11. Pierre llarieelJ. Lhermilte(1)ontlmblié

des observations très intéressâmes de chorée chronique progressive clans

lesquelles ils ont trouvé des lésions corticales assez strictement limitées

au lobe frontal et atteignant d'une façon toute particulière l'extrémité

antérieure des circonvolutions frontales, c'est-à-dire exactement le lieu

d'origine de la voie fronlo- rubrique décrite par vnn : Monakow. Il est vrai

aussi (pie l'on a rencontré, dans certains cas d'héll1l-chol'ée et d'hémi-

athétoae, des lésions intéressant soit le cervelet ou le pédoncule cérébei-

leux supérieur (Bnulnl'fer), soit la calotte pédonculaire ou la région sous-

lhalamique. Il ressort donc très neltemeut que dans ces divers troubles

de la motililé le siège de la lésion déterminante peut être des plus varia-

bles, mais il n'en est pas moins vrai que toutes ces localisations présen-

tent cette particularité commune de compromettre l'intégrité des con-

nexions du noyau rouge, qu'il s'agisse des connexions corlicales ou des

connexions cérébelleuses de ce noyau. Or, tout semble démontrer aujour-

d'hui que le noyau rouge exerce une influence très importante sur le

mécanisme de la molililé. Nous savons, en effet, que ce noyau affecte des

rapports d'une part avec les noyaux moteurs du bulbe et les cornes anté-

rieures de la moelle épinière (voie rubro-spinale), et d'autre part avec

l'écorce de la région rolandique( voies opercuio-rubrique et ru bro -bu 1 bai i-e

On pourrait donc supposer qu'à l'état normalle physioloisme de la motilité

est soumis à I influence coordonnéede deux voies motrices essentiellement

et primitivement distinctes : l'une, la voie cortico-rubro-spinale laquelle

régit le mouvement réflexe ou automatique, l'autre, la voie cortico spi-

nale ou pyramidale, laquelle est acquise beaucoup plus tard, régit le

mouvement volontaire et fait partie du mécanisme régulateur et inhiba

teur de nos activités motrices. Il est certain qu'à la naissance, nos mou-

vements sont pour la plupart purement réflexes ou automatiques, les fibres

nerveuses provenant de l'écorce cérébrale ne sont encore que très incom-

iylélement myélinisées et ce n'est que plus tard que les sphères corticales

Il. PIER"E Marie el J. LUEIIITTR, Les lésions de la chorée chronique progressive

Annales de Médecine, 1914, n" 1, p. 18. ,

? s t

LES CONNEXIONS CORTICALES DU NOYAU ROCSË"^' '" lit

se transforment en zones fonctionnelles véritablement actives, sous l'in-

tiuence de l'éducation et de l'enregistrement progressif de perceptions

diverses. Petit à petit 1 l'automatisme fait place à l'activité consciente

et volitionnelle, mais il est loin de disparaître complètement ; au

contraire il persiste, mais ses manifestations sont d'autant moins éviden-

tes que le développement des facultés intellectuelles, du psychisme, esl.

plus parfait, et que l'écorce cérébrale préside plus exclusivement au

fonctionnement de nos diverses activités. A cet égard, el à titre d'exem-

ple, il est intéressant de rappeler l'imerprétation que l'on a donnée à un

phénomène assez curieux qui s'observe dans certaines lésions de la cou-

che optique. '

On a fréquemment constaté dans ces cas que le malade est incapable de

contracter volontairement lesmuscles innervés par le facial inférieur alors

que ces muscles se contractent très bien lorsqu'on fait rire le malade. On

a voulu voir dans ce phénomène la preuve de l'existence d'un centre de

la mimique au niveau de la couche optique. Pour nous, ce phénomène

peut tout aussi bien s'expliquer par la lésion, dans le voisinage immédiat

du noyau rouge, des fibres operculo-ruhriques, el, en particulier, du

contingent fourni parla zone corticale du facial. Primitivement, il est

probable que le rire et le pleurer sont uniquement sous la dépendance du

noyau rouge, puisqu'il est démontré que ce noyau envoie des fibres direc-

tes du noyau du facial ; ce n'est que plus tard que ce noyau lui-même est

activé par des fibres provenant de l'écorce (fibres operculo-rubriques) et

que son mécanisme devient subordonné aux impulsions de la volonté.'

D'autre part, les contractions de la musculature faciale demeurent par la

suite si intimement liées aux manifestations de l'émotivité qu'il est

extrêmement probable qu'elles ne peuvent s'opérer volontairement sans

le concours et de la voie cortico-rubro bulbaire et de la voie cortico bul-

baire ou pyramidale. Evidemment le chaînon rubro bulbaire ne suffit

plus à lui seul à assurer le fonctionnement même émotif du facial, puis-

que dans les lésions siégeant au niveau de la zone motrice, le malade ne

peut contracter le facial inférieur ni volontairement ni sous l'influence de

l'émotion. -

Il semble donc légitime d'admettre qu'à l'état normal, l'innervation de

la musculature faciale implique l'intégrité aussi bien des connexions

rubriques que des connexions corticales du noyau d'origine du nerf

facial. Lorsque les connexions corticales de ce noyau sont partiellement

compromises, ce qui se trouve réalisé dans les lésions thalamiques attei-

gnant le voisinage du noyau rouge, il se fait un retour vers l'automatisme.

Du reste, ce trouble d'innervation du facial inférieur que l'on a décrit

dans les lésions de la couche optique est ordinairement transitoire, ce qui

221 LA SALLE ARCHAMBAULT ·

constitue un autre argument contre l'existence d'un centre de la mimique

au niveau de ce ganglion. Il est possible que le rire et le pleurer spasmo-

diques, symptômes que l'on a rencontrés dans les lésions atteignant tan-

tôt la partie médiane du noyau lenticulaire tantôt la couche optique ou la

calotte pédonculo'pl'otubél'antielle, puissent résulter de l'Irritation soit

des fibres operculo-rubriques, soit des fibres rubro-Imlbaiies.

Nous sommes donc porté à croire que la lésion, soit des voies afféren-

tes, soil des voies efférentes, du noyau rouge, joue un rôle très important

dans le déterminisme de toute une série de désordres de la motilité. Ce

que nous venons de dire à propos de l'innervation mixle du facial peut

tout aussi bien s'appliquera l'innervation de la musculature en général.

Ainsi que nous l'avons dit plus haut, toutes les lésions que l'on a rencon-

trées jusqu'ici dans les cas d'hémi-chorée, d'hémiathétose, de tremble-

ment post.h6n,iplégique, etc., malgré la diversité de leur siège, se trou-

vaient néanmoins situées sur le trajet de l'une quelconque des voies

afférentes du noyau rouge. On peut donc se demander si dans ces cas le

trouble de la motilité ne relève pas, soit de l'irritation directe du noyau

rouge, soit de l'mlerruption des fibres corticales dont le but à l'état nor-

mal est de supprimer, ou tout au moins de régulariser, le fonctionnement

purement automatique de ce noyau. Quanta l'aspect clinique si différent

que revêt chacun de ces troubles de la motilité, on pourrait peut être

l'expliquer par des différences non seulement dans le siège et la nature

mais aussi clans l'étendue ou l'intensité de la lésion déterminante. En

effet, s'il est légitime de supposer que ces divers désordres reconnaissent

pour cause principale la lésion des voies afférentes du noyau rouge, on

conçoit très bien aussi que la physionomie du symptôme puisse varier

sensiblement selon le siège de la lésion grâce à. l'implication surajoutée

d'une autre voie, laquelle évidemment ne sera pas la même à tous les

niveaux. Du reste, il faut bien le dire, ces divers troubles de la motilité

ne sont peut-être pas aussi autonomes qu'on pourrait le croire à priori ;

entre l'accès convulsif, le tremblement, le mouvement athétosique et le

geste choréiforme, il semble vraiment y avoir des liens de parenté assez

intimes. Ces divers troubles présentent entre eux de nombreuses analo-

gies et il n'est pas rare de rencontrer des l3pes intermédiaires ou mixtes,

et même des cas qui réalisent nettement, tour à tour, le mouvement athé-

tosique et le mouvement choréiforme.

Evidemment, il serait prématuré de vouloir résoudre un problème

aussi complexe en se basant uniquement sur quelques constatations anato-

miques. Il eat probable, en effet, que l'apparition de désordres moteurs

aussi variés est soumise à l'influence simultanée de plusieurs facteurs

pathogémques. Il est certain aussi que ces troubles de la motilité ne se

LES CONNEXIONS CORTICALES DU NOYAU ROUGE 225

rencontrent pas chaque fois que les connexions corticales ou cérébelleuses

du noyau rouge se trouvent compromises. Toul ce que l'on peut dire c'est

que ce sont surtout les lésions superficielles de l'écorce, et les foyers mi-

nuscules bu du moins très circonscrits de la hase et de ses ganglions, qui

semh ! ent déterminer ces diverses perlurhationsde la molililé. Nous savons

également que ces troubles ne surviennent que lorsque la voie cortico-

spinale ou pyramidale est au moins partiellement respectée. En somme,

nous n'avons pas la prétention de vouloir édifier une doctrine, mais nous

croyons que ces faits méritent d'être signalés et d'être soumis à l'étude.

Conçu SIONS

Le noyau ronge reçoil des radiations corlicales de différentes régions

de l'hémisphère cérébral. Certaines de ces radiations proviennent du lobe

frontal, d'autres, de la région operculo-cenliale, d'autres, enfin, de la

face médiane du lobe temporal. Le lobe occipital, le lobe pariétal et la

face externe du lobe temporal ne semblent pas envoyer de fibres au noyau

rouge.

Les fibres qui tirent leur origine du lobe frontal se rendent au noyau

rouge en passant par le bras antérieur de la capsule interne et par la

région sous-thalamique. Elles se terminent dans le segment antérieur du

noyau rouge et affectent des rapports surtout avec les zones marginales

dorso-mélliane et dorso-lalérale.

Les fibres qui prennent naissance au niveau de la région operculo-

cenlrale se rendent au noyau rouge en traversant le bras posiétieui,

de la capsule interne elle champ affecté aux radiations de la calotte. Elles

s'irradient dans le segment moyen du noyau rouge et entrent en relation

surtout avec les zones marginales dorso latérale el ventro-latérale.

Les fibres qui proviennent de la face médiane du lobe temporal se

rendent au noyau rouge en passant par le segment sous-lenticulaire de la

capsule interne et par le champ de Wernicke. Elles s'épuisent au

niveau du segment postérieur du noyau rouge et affectent des rapports

surtout avec les zones marginales dorso médiane et dorso latérale.

Il est possible que la lésion des connexions corticales du noyau rouge

joue un rôle assez important dans la genèse de certains désordres de la

motilité, tels que les troubles athétosiques et choréiformes, les tremble-

ments post-hémiplégiques, etc.

ÉTUDE CLINIQUE, RADIOLOGIQUE ET BIOLOGIQUE

D'UN CAS D'ACROMÉGALIE

- " PAR MM.

CLUZET, et L. LÉVY,

Professeur à la Faculté de Médecine, Répétiteur à l'Ecole du service

de Santé Militaire

La physiopathologie de l'hypophyse a été, en ces derniers temps, l'objet

de nombreuses acquisitions qui en ont profondément remanié l'histoire.

Certaines notions semblent aujourd'hui définitivement établies; d'autres,

tout spécialement celles qui concernent le rôle biochimique de la glande,

ont été édifiées avec une précision très séduisante et ont cependant tout

récemment été partiellement au moins remises en discussion : tout n'est

peut;être pas encore dit sur le déterminisme de certains symptômes

hypopbysaires.

Parallèlement à ces recherches, l'exploration radiologique de la selle

turcique a élé poursuivie; elle constitue, dans bien des cas, en même

temps qu'une importante méthode de diagnostic, un moyen à retenir pour

juger de l'opérabililé des tumeurs hypophysaires. ·

Ces différents problèmes, tout d'actualité, nous ont paru intéressants à

soulever, sinon à résoudre, à propos d'un cas d'acromégalie que nous

avons eu l'occasion de suivre longuement. Voici d'abord notre observation :

G Michel, Mans, gendarme, entré à l'hôpital militaire Desgenettes, dans

le service de l'un de nous le 19 septembre 1913 pour une céphalée très vio-

lente et persistante, localisée dans la région pariéto-frontalegauclie. accompa-

gnée d'une hypertrophie des extrémités des membres supérieurs et inférieurs.

Antécédents héréditaires. Père vivant et bien portant.

Mère morte d'hémorragie cérébrale.

Antécédents collatéraux. Deux frères vivants et bien portants.

Antécédents personnels. Oreillons et rougeole dans l'enfance. En 1905,

névralgie sciatique droite. En 1908 orchite traumatique à gauche par choc sur

le pommeau de la selle. Bronchites légères chaque hiver.

Pas d'éthylisme appréciable. Pas de syphilis : le Wassermann est négatif.

Le malade est marié ; sa femme est bien portante ; après une fausse couche

de trois mois, elle eut uu garçon actuellement âgé de douze ans et en bonne

santé.

Histoire de la maladie. - L'affection 'actuelle semble remonter à l'année

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière. T XXVII. PL. XXXIX

ACROMÉGALIE

(Cluzet et L. Lévy)

Masson & Ce, Éditeurs

Phototypie Rerthaud, Parut

Nouvelle Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XXVII. Pal. XL

ACROMÉGALIE

(Clu'{et et L. Lévy)

Masson de, Editeurs

ÉTUDE D'UN cas D'AGROMÉGALOE 227

1910. A cette époque, le malade qui par ailleurs jouissait d'une- excellente

santé, est frappé par ce fait qu'il éprouve de la difficulté à mettre gants et

chaussures devenus trop courts ; progressivement, en l'espace de quelques

mois, cette anomalie augmente de façon très notoire en même temps que,

plus lentement, le malade voit ses képis devenir trop étroits.

Six à huit mois après ces premières manifestations, apparaissent des symp-

tômes d'ordre digestif. Le malade avait toujours été un gros mangeur, mais

vers la fin de l'année 1910, il est pris d'une véritable boulimie. Il est alors

insatiable ; jour et nuit, il a de fréquents besoins de manger et de boire. Ses

excès alimentaires amènent une série de symptômes, flatulence, pesanteur ;

augmentation de poids. Progressivement s'installe une polyurie abondante

Au cours de l'année 1911, alors que tous les signes précédents ne faisaient

que s'exagérer, en particulier l'augmentation de volume des extrémités, appa-

raît une céphalée, au début inconstante, mais qui très rapidement devient à

peu près permanente et se localise surtout au niveau de la région pariéto-

temporale gauche.

En 1912, le malade voit ses forces décliner. Les obligations physiques de

son service, jusque-là très allègrement supportées, le fatiguent rapidement.

Il éprouve le besoin de dormir souvent, même à cheval, au cours de ses tour-

nées ; simultanément, apparaît de la perte des désirs sexuels et une impuis-

sance notoire. La fin de l'année 1912 est marquée par une aggravation de tous

les signes précédents, tout spécialement de l'asthénie'qui devient signe de

premier plan et de la céphalée qui, par son acuité et sa constance, prive de

tout repos le malade ; celui-ci, primitivement gai et calme, devient sombre,

mélancolique, très irritable et emporté.

A \'entrée à 1 hôpital, ce qui frappe d'emblée à l'examen, c'est, à côté d'une

adiposité assez marquée (le malade pèse 98 kil. pour une taille de 1 m. 76),

une série de symptômes dystrophiques d'une très grande netteté qui font de

notre malade un acromégalie indiscutable.

Aux membres supérieurs, les mains (PI. XL, fig. 1) ont l'aspect caractéristi-

que, en battoir ; les plis y sont très accentués.

Les doigts, aussi gros à leur extrémité qu'à la racine, ont la forme « en

saucisson ». L'alliance du malade qu'il portait jusqu'il y a cinq ans, ne peut

plus actuellement qu'être présentée à l'extrémité de l'annulaire gauche. Les

ongles sont aplatis et paraissent trop petits. Les poignets sont manifestement

élargis.

Aux membres inférieurs, les pieds (PI. XL, fiez) élargis, épaissis, pré-

sentent un sillon digito-plantaire extrêmement profond. Les orteils sont moins

déformés que les doigts Les malléoles sont très hypertrophiées.

Du côlé de l'extrémité c ? Me (PI. XXXIX, si ? 1 et 2), le crâne est aug-

menté de volume, les coiffures du malade ont actuellement trois centimètres

de plus qu'il y a quatre ans. Les arcades orhitaires sont très en relief et, au

niveau des sinus frontaux, on sent encore mieux qu'on ne voit une bour-

snuflnre très appréciable. Los pommelles sont saillantes. Le nez sans être

énorme est gros et surtout élargi par rapport à ce qu'il était autrefois. La

228 CLUZET ET LÉVY

lèvre inférieure, éversée en dehors, est très augmentée de volume. Le maxil-

laire inférieur a très largement participé au processus : s'il n'y a pas un pru-

gnalisme très appréciable, si le malade n'a pas le profil acromégalique carac-

téristique, les transformations du maxillaire inférieur sont affirmées par l'écar-

tement très notable des incisives et des canines à ce niveau ; de plus, la peite

des rapports normaux des os maxillaires supérieur et inférieur se juge par

une usure en biseau de ia face antérieure des incisives inférieures (PI. XXXIX,

fig. 3). La langue, rouge et sèche comme toute la muqueuse buccale, a subi

une hypertrophie considérable (lig. 4). Les pavillons des oreilles sont

très augmentés dans toutes leurs dimensions. Le faciès dans son ensemble

a pris, du fait de ces altérations, une expression toute différente de ce qu'elle

était précédemment; les photographies antérieures du malade, fixant ses traits

aux âges de 28, 34 et 38 ans, en rendent parfaitement compte.

Le larynx est gros ; le cartilage thyroïde est très saillant sous la peau et

le timbre de la voix est, au dire du malade, beaucoup plus grave qu'autrefois.

Du côté du squelette thoracique, à signaler l'hypertrophie des clavicules,

l'épaississement des côtes et de leurs cartilages et, sur le sternum, l'exagéra-

tion de la saillie de l'arête de Louis. Pas de déformation bien manifeste de

la colonne vertébrale.

Les symptômes acromégaliques que nous venons de décrire sont complétés

par un syndrome radiologique des plus caractéristiques. Les épreuves radio-

graphiques que nous avons eu l'occasion de présenter à la Société médicale

des hôpitaux de Lyon (1) et que nous reproduisons ici (PI. XLI, XLII, XLIII)

réalisent à peu près au grand complet le tableau de la maladie ; la selle lui--

cique est considérablement augmentée de volume, ses dimensions sont deux

à trois fois supérieures à celles d'une selle normale. Cet agrandissement qui

s'est fait dans tous les sens paraît cependant réalisé surtout aux dépens du

sinus sphénoïdal. Les apophyses clinoïdes antérieures et postérieures ont dis-

paru. Le dos de la selle turcique est réduit à une mince lamelle osseuse, qui

sur nos épreuves apparaît comme brisée à sa partie médiane, comme s'il s'était

agi d'un véritable éclatement. Eu outre, la fosse pituitaire présente un double

contour, l'un qui lui est propre, l'autre qui est certainement dû à la tumeur

hypophysaire.

A la déformation de la selle s'ajoute l'augmentation des dimensions des

sinus de la face, le sinus maxillaire est très élargi, mais le sinus frontal se

présente ici avec des dimensions tout à fait insolites.

Nous faisons remarquer en troisième lieu l'épaississement' très inégal des

parois crâniennes, porté ici au maximum au niveau de l'occipital. Le progna-

tisme, peu appréciable à l'examen du malade, se dessine assez nettement sur

l'épreuve radiographique.

Les radiographies des mains décèlent un développement exagéré des parties

molles, donnant} l'image l'aspect en éventail des métacarpiens, déjà signalé

(t) Cluzet et Lévy. Société Médicale des Hôpitaux de Lyon, séance du 31 mars 1914.

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière. T. XXVII. PL. XLI

PIED ACROMÉGALIQUE

PIED NORMAL

(CluZel et L. Lévy)

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T. XXVII. PL. XLII

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ACROMÉGALIE

Selle turcique.

(Cluet et L. Lévy)

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Nouvelle Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XXVII. PL. XL111

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ACROMEGALIE

(Cluzet et L. Lévy)

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étude D'UN cas D'ACROMÉGALIE 229

par de nombreux auteurs ; de plus, ces os ont leur tête déformée et agrandie.

On observe en outie un agrandissement très notable des espaces inter-articu-

laires carpiens et métacarpophalangiens. Les travées osseuses sont peu nom-

breuses, mais par contre très apparentes. On voit encore sur les images

radiographiques du poignet une déformation et un agrandissement des épiphy-

ses inférieures du radius et du cubitus.

Les déformations acromégaliques de notre malade sont complétées par des

symptômes d'hypertension intra-crânienne. La céphalée est très' vive, pres-

que constante ; elle subit des exacerbations quotidiennes, qui, par moments,

sont subintrantes et privent le malade de tout repos. Son maximum est tou-

jours fronto-pariétal gauche. De plus, le liquide céphalo-rachidien s'écoule à

la ponction sous forme d'un véritable jet que l'on est oblige de modérer; il

est dépourvu à peu près complètement d'éléments cellulaires représentés de

loin en loin par de très rares lymphocytes et l'albumine qui donne un disque

fort épais au contact de l'acide azotique, y est au taux de 0 82 0/00.

Pas d'hémianopsie, en particulier pas d'hémianopsie bi-temporale. Acuité

visuelle normale. Pas de photophobie. L'examen du fond de l'oeil, pratiqué à

plusieurs reprises par M. le médecin principal Toubert, que nous remercions

ici de son obligeance, a décelé le 15 mars 1914, pour la première fois, une

légère décoloration, au niveau de la pupille droite; le malade se plaint de

temps en temps, de la sensation" de brouillard, de nuages devant les yeux.

Depuis à peu près la même époque apparaissent de temps à autre des vomis-

sements faciles, du type cérébral. Quelques bourdonnements d'oreille à gau-

che. Asthénie considérable : le malade se traîne péniblement ; il est constam-

ment assis ou couché et à toute heure du jour, quand sa céphalée s'amende, il

a des envies impérieuses de dormir; sa somnolence à ces moments est

invincible.

Pas de troubles moteurs.

Réflexes cutanés, tendineux et muqueux normaux. Pas de troubles objectifs

de la sensibilité; subjectivement, prurit généralisé, intense et fréquent.

Dans la sphère psychique, on relève des troubles très nets se jugeant par

de la dépression, allant jusqu'à l'hypochondrie, parfois des idées de suicide,

et enfin une irascibilité d'autant plus frappante que ce malade était par le passé

d'une grande égalité d'humeur. ,

Le tab.eau acromégalique se complète par un syndrome diabétique des plus

nets : polyurie, polydipsie. polyplmgie, glycosurie. Rappelons ici l'asthénie

déjà signalée et le prurit généralisé. La glycosurie atteint un taux très élevé,

oscillant entre 74 gr. 40 et 92 gr. 70 au litre, et n'a été que fort peu influencée

par le régime. Les trois analyses complètes des urines que nous reproduisons

et dont nous tenons à remercier M. 'Boulud, rendent un compte très exact

des échanges chez notre malade. A noter que la première analyse a été faite

avant l'institution d'nu régime approprié.

2b novembre 1913.

230

CLUZET ET LÉVY

étude D'UN cas d'acromégalie 231

232 CLUZET ET LÉVY

ÉTUDE D'UN cas d'achomégalie 233

234 CLUZET ET LÈVlt w

4° L'analyse du liquide céphalo-rachidien, et enfiil

5° Le traitement.

En ce qui concerne les particularités radiologiques, nous avons noté

que si l'agrandissement de la selle lurcique s'est fait dans tous les sens, il

semble cependant s'être plus manifestement réalisé aux dépens du sinus

sphénoïdal. Celle dernière notion doit être retenne, car elle constitue un

élément de probabilité en faveur du développement nasal de la tumeur el

indiquerait des conditions relativement favorables pour aborder la glande

par voie transplrénoïclale. A signaler également le double contour delà

fosse pituitaire, à rapprocher d'une image analogue déjà obtenue par

Hertorhe (1), d Anvers ; cet auteur attribue le contour intérieur à la cal-

cification de la périphérie de l'hypophyse.

Il nous parait utile, d'autre part, de faire remarquera propos de ce

cas que. chez certains acromégaliques, la fosse pituitaire ne se montre

pas, à l'examen radiographique, augmentée dans ses dimensions. L'un de

nous, après une élude radiographique de dix acromégaliques, a même vu

que, dans certaines circonstances, la fosse pituitaire peut paraître p ! us

petite qu'à l'état normal. Il a publié avec MM. Lesieur et Giraud (2) un

exemple très net de celle dernière éventualité (PI. XLII, fig 2) : dans ce

cas, non seulement la fosse pituitaire paraissait plus fermée qn'à l'étal

normal, non seulement le dos de la selle était sensiblement épaissi, mais

le diamètre intérieur maximum delà fosse était à peine égal à 9 milli-

mètres, alors que chez, le fujct qui fait l'objet du présent travail, le dia-

mètre antéro-postérieur est de 26 millimètres.

Il a de même mis en évidence une selle turcique relativement petite,

avec un dos épaissi, chez un acromégalique du service de M. le Pl Teissier

de Lyon. -

Même constatation a été faite chez un autre acromégalique fruste du

service de M. le Pr Lesieurdont l'observation est encore inédile (PI.XLII,

fig. 3). Dans ce dernier cas, le contour de la selle turcique est très ap-

parent ; l'ombre des apophyses clinoïdes antérieures se confond avec

l'ombre du dos de la selle. La fosse pituitaire apparaît complètement

(1) HEtLponx, Etude l'adioscopique de l'ac;-oméqalie, Journal belge de radiolégie,

1901, il 56.

(2J CLUZET. i...srr.tR et GIRADD, Acromèaalie fruste avec faible volume de la selle

tUt'ri"ue, Société médicale des hôpitaux de Lyon, 31 mars 1914, Lyon médical,

no 914, 11- 16. -

étude D'UN cas D'ACR011tÉGALlE - â35

fermée à sa partie supérieure. Le diamètre anléro-postérieur atteint à

peine 2 millimètres. Or si, dans l'appréciation des dimensions de la selle,

il faut lenir compte des variations individuelles, on sait que d'après

A. Kohler, les dimensions de la selle peuvent osciller chez les sujets sains

de 8 à 16 millimètres.

Ajoutons que, clans ces différents ca ;, toutes les précautions d'usage ont

toujours été prises avec soin pour éviter la déformation de l'image : le

plan sagittal médian de la tète était bien parallèle à la plaque sensible,

l'incidence normale louchait au milieu de la droite qui joint le trapus à

l'angle externe de l'orbite, t'anticathode était uniformément à 50 centimè-

tres de la plaque.

Les,différents aspects radiologiques que. nous soulignons, pouropposés

qu'ils soient, sont cependant interprétables. Des troubles fonctionnels ne

se superposent pas forcément à une modification nioiphologique toujours

univoque : on peut concevoir un hyperfunctionnement glandulaire sans

que cette hypertrophie ait été suflisante pour provoque ! un agrandisse-

ment squelettique D'autre part, même en cas de néoplasie tendance

plus ou moins envahissante, i ! est admissible que, pendant un temps

variable suivant les cas. l'organe reste contenu dans une loge normale :

les dimensions de la selle seraient dès lors fonction du moment auquel

les sujets sont examinés. Il est d'ailleurs à noter que dans les deux cas

où l'un de nous a constaté de petites selles, le syndrome acromégatique

était fruste. '

Nous ajouterons enfin, relativement à la technique, qu'au moyen des

écrans renforçateurs l'image de la selle turcique se présente avec beau-

coup plus d'opposition, niais beaucoup moins de détails. C'est ainsi que,

dans notre cas, le contour de la tumeur hypophysaire ne nous est apparu

très nettement que sur le cliché obtenu sans écran renforçateur.

- Que l'acromégalie que nous avons observée soit fonction d'hyperpilui-

tarisme, c'est là une notion sur laquelle il n'y a pas lieu d'insister. Mais

on sait que des travaux récents, en particulier ceux de Harvey Cushing et

des collaborateurs Goetsclr et Jacobson, ont conduit à admettre que les

deux lobes de l'hypophyse, embryotogiquement et histofogiquement si

différents, jouent chacun un rôle physiologique spécial. Le lobe antérieur

de la glande, d'après les tendances actuelles, présiderait au développe-

ment de l'organisme ; son fonctionnement excessif aboutirait au gigantis-

me ou à l'acromégalie, suivant l'àe auquel il intervient. Le lobe posté-

rieur, longtemps considéré comme foficlionnellement inactif, préside-

rait d'une parla la contraction des libres musculaires lisses et d'autre part

236 CLUZET ET lévy '

commanderait le métabolisme des hydrates de carbone. Sa défaillance

serait à l'origine d'un certain nombre de cas de syndrome adiposo-génilal

de Froehlich, syndrome se jugeant par de l'obésité, une haute tolérance

pour les hydrates de carbone et des troubles profonds du côté des organes

génitaux. Tous ces points ont élé développés par Mouriquand dans son

récent rapport au Congrès de pédiatrie de 1913, et dans les différents tra-

vaux qu'il a consacrés depuis à la question (1). Iuversement, la glycosurie

pourrait être considérée, au cours des altérations hypophysaires, comme

l'indice d'un hyperpituitarisme postérieur.

Noire malade, avec ses déformations osseuses d'une part, sa glycosu-

rie, son hypertension artérielle de l'autre, se présenterait donc à l'ohser-

vation comme un hyperhypophysaire total. Cependant il sa ut reconnaî-

tre qu'aux symptômes purement acromégaliques s'ajoulent une tendance

nette à l'obésité, une somnolence et une asthénie très marquées, des

troubles génitaux accentués, qui i (l priol'i semhlenL relever d'une déficience

du lobe postérieur. Faut-il, des lors, parler de dyshypophysle postérieure

et non d'hyperfonctionnement pur et simple ? Avant d'apporter sembla-

ble affirmation, il convient d'examiner si la lésion hypophysaire n'a pas

provoqué un retentissement sur partie ou totalité des glandes vasculaires

sanguines, et si la discordance symptomatique ne relève pas d'un syn-

drome pluriglandulaire. Or à cet égard, la glande thyroïde semble avoir

réagi dans le sens de l'hyperthyroïdie. En dépit en effet de l'absence d'hy-

pertrophie du corps thyroïde, de l'inexistence de tremblements et de ta-

chycardie, il est apparu chez notre malade de l'éclat du regard, un léger

degré d'exophtalmie, de la tliei-mophobie, des sueurs exagérées, une pig-

mentation périorbitaire, qui sont évidemment fonction d'hyperthyroïdie.

Il est vrai que, la raréfaction des sourcils surtout à leur partie externe,

la chute des cils aux paupières inférieures, pourraient relever d'un trou-

ble inverse de la fonction thyroïdienne. Au total cependant, l'hyperthy-

roïdie semble ici au tout premier plan. ,

Mais en dehors de cette réaction thyroïdienne il n'y a pas de signes

d'altération d'ordre surrénal par excès ou par défaut.

La glande interstitielle du testicule semble également devoir être mise

hors de cause. Un certain nombre de caractères sexuels secondaires

sont respectés : en particulier les poils pubiens, axillaires, thoraciques,

sont d'une abondance très largement normale. Il y a bien ici, frigidité

génitale, disparition des érections et perte des désirs sexuels ; mais, n'ou-

(1) G. DIOUPIQUAND, Le syndrome aOipotogènilal de l'enfant. Rapport a l'Association

française de pédiatrie. Paris, octobre 1913 ; - ]hld , Paris Médical, 6 décembre 1913 ;

- Les obésités d'origine glandulaire. Journal medical français, 15 mars 1914.

ÉTUDE d'un cas d'acromégalie 237

blions pas que notre malade est un grand diabétique, et qu'il parait

naturel d'admettre qu'un diabète hypophysaire puisse réaliser ce que fait

si souvent un diabète relevant de toute autre cause.

Il est courant de noter chez de tels malades de l'insuffisance géni-

tale, de l'aslhénie, sans qu'on songe à incriminer autre chose que le trouble

nutritif initial. Nous pensons donc que, dans notre cas, il n'y a, a l'origine,

qu'une lésion hypophysaire amenant de l'hvperfonctionnement total, que

cette lésion a provoqué un retentissement thyroïdien plus ou moins discret

et que les troubles génitaux et la tendance à l'obésité, loin de relever d'un

hyperpituitarisme postérieur, sont au contraire immédiatement condition-,

nés par le diabète, lui-même fonction d'hyperpituitarisme postérieur.

Ajoutons d'ailleurs que le syndrome diabétique a évolué un certain temps

avant de se compliquer d'asthénie et de troubles génitaux ; nous voyons

là une raison indirecte de plus pour subordonner ces accidents à l'état

diabétique antécédent.

Nous parlerions donc sans restriction d'hyperhypuphysip totale si des

expériences poursuivies en ces derniers temps -par J. Camus et

G. Roussy (1) ne tendaienl pas à restreindre quelque peu la portée des

faits de Cushing. C'est ainsi que ces auteurs ont montré que l'altération

de l'hypophyse est, selon toute vraisemblance, loin d'être seule à provo-

quer l'apparition du syndrome adiposo-génital. Ils ont, chez le chien,

réalisé des troubles génitaux, à l'exclusion toutefois de l'obésité, en lésant L

la région parahypophysaire. Ils admettent dès lors que certaines régions

de la base du cerveau avoisinant l'hypophyse pourraient, comme l'hypo-

physe elle-même, intervenir dans la production des divers éléments du

syndromeadiposo-génital. En cequi concerne le diabète, Camus et Roussy

n'ont pu que très rarement chez le chien (G fois sur 45 expériences) pro-

duire la glycosurie en intervenant sur l'hypophyse ; dans les six cas

positifs, la glycosurie était légère, fugace, disparaissant moins de 24. ou

36 heures après l'opération, en rien comparable par conséquent aux

énormes glycosuries que l'on observe en clinique dans le diabète dit

hypophysaire. De plus, sur ces 6 cas, 4 fois au moins la base du cerveau

avait été lésée. C'est ce qui fait dire à ces auteurs : '< Nos expériences

personnelles nous permettent de croire que la glycosurie observée après

les opérations sur ['hypophyse est due à des lésions de la base du cerveau;

mais serait-elle due à l'atteinte de l'hypophyse elle-même, que la glyco-

surie resterait un phénomène léger et transitoire. » Camus et Roussy qui

ont réalisé, comme précédemment Aschner. de la glycosurie en lésant le

tuber cinereum pensent même que « le rôle de l'hypophyse dans le

(1) J. Camus et G. Roussi, Société de Neurologie, : 5 décembre 1913 ; La glycosurie

hypophysaire. Paris médical, 4 avril 1914, n° 8, p. 43.

xxvn 16

238 ' CLUZET ET LÉVY

déterminisme de la glycosurie dite hypophysaire parait problématique »,

et « qu'il y a lieu de faire inlei venir, dans la pathogénie de la glycosurie,

l'action de centres régulateurs cérébraux placés dans la substance grise

interpédonculaire 1>.

Certes, le problème est infiniment cumplexe. Cependant, l'un de nous

avec M. Boulud a mis en évidence, avec le liquide céphalo rachidien de

notre malade, des faits qui semblent en concordance parfaite avec des

constatations antérieures de Livon 'et de Curling On sait que, pour ces

auteurs, le lobe postérieur de l'hypophyse verserait sa sécrétion non dans

les vaisseaux, comme le lobe antérieur, mais dans le troisième ventricule

au moyen de la tige pituitaire. On pourrait donc mettre en évidence ce pro-

duit de sécrétion dans le liquide céphalo-rachidien. Cushing et Goetsclr,

en 1910, l'on[ muntré expérimentalement; injectant du liquide céphalo-

rachidien de cheval (concentré) à des animaux ayant subi l'ablation de

l'hypophyse, ils produisirent « (les émaciations et des glycosuries analo-

gues à celles produites par les injections d'extraits de lobe postérieur »

(Mouriquand) (1).

Nous avons, par une autre voie, obtenu des résultats analogues en

parlant de notre malade : après injection intra-veineuse à une chienne,

.de glycose au taux de 2 gr. ai0 par kilogramme d'animal, injection suivie

d'une très discrète et très transitoire glycosurie (0 gr. 00 milligrammes)

nous avons répété la même expérience en faisant suivre l'injection de la

même quantité de glycose d'une injection intraveineuse de 45 centimètres

cubes de liquide céphalo rachidien de notre sujet (Ce liquide contenait

1 gr. 70 de sucre au litre, soit 0 gr. 076 milligrammes pour la quantité

injectée). Cette seconde expérience amena une glycosurie de 1 gramme 49

en 24 heures. Enfin, après repos de l'animal et après l'assurance que les

recherches précédentes n'avaient pas modifié sensiblement sa tolérance

pour le sucre, nous lui avons injecté par voie veineuse la môme quantité

de liquide céphalo-rachidien de l'acromégaliqne, sans administration

préalable de glycose : nous avons obtenu une glycosurie passagère, très

discrète, trop faible pour être dosée, mais indiscutable (2).

Certes, ces faits ont besoin d'être repris, mais tels qu'ils se présentent

actuellement, ils semblent confirmer l'opinion de Cushing qui incrimine

l'hyperpituitarisme postérieur à l'origine de la glycosurie dite hypophy-

saire. Quoi qu'il en soit d'ailleurs des résultais de l'expérimentation, le

diabète au cours des syndromes hypophysaires est.bien une réalité

(1) IOURIQUA : ¡", ¿or, cit. 1

(2)'Le dotait de ce-, expériences doit paraître incessamment dans la Rev"e de Méde-

cine, L. Lzvy eL Il. B 'LD, Glycosurie provoquée chez le chien par l'injection intra·

veineuse du, liquide céphalo-rachidien d'un acromégalique.

ETUUE D'UN cas d'acromégalie 239

clinique,. et, à ce titre, celui de notre malade sollicite l'attention à d'au-

tres points de vue. Il est banal de dire que c'est au cours des altérations

de l'hypophyse que l'on voit les glycosuries les plus abondantes. A cet

égard notre cas est classique, puisque nous avons vu constamment la

glycosurie osciller enlre 421 gr. 78 et 128 gr. 52, en 24 heures. Ce qui,

par contre, nous parait très spécial dans noire observation, c'est la

concentration en sucre de l'urine ; nous avons en effet constaté au litre

les chiffres très considérables de 92 gr. 70, 83 gr. 30, 74 gr.40. Or, nous

n'avons trouvé de chiffres approchant le nôtre que dans un casdeVernesco

et Zwillinger qui ont noté 83 gr. de glycose au litre, et dans un autre de

Lépine et Péchadre, avec 71 gr. au litre. Le plus souvent la concentration

en sucre est bien moindre : au litre, on relève 66 grammes chez un

malade de Grenel et Tanon, 25 à 33 grammes chez un malade de Lance-

reaux, 30 grammes dans un cas de Ptrwuschin etF : l\varski ; 48 grammes

dans une observation de Marinesco, 35 â 50 grammes dans' un cas de

Stadelmann, 60 grammes chez un malade de Havaul, 47 gr. li dans un

cas de tuberculose de l'hypophyse dû à Lucien,et Parisot.

Le taux du sucre urinaire n'a été que très peu influencé par le régime

alimentaire. Alors que le chiffre de 92 gr. 70 au litre était obtenu avec

alimentation banale, il est descendu seulement à 74 gr. 40 après plu-

sieurs jours d'une alimentation dans laquelle les hydrates de carbone

n'étaient représentés que par 50 grammes de pommes de terre. Il est vrai

qu'en raison de la boulimie du malade, nous n'osons pas affirmer que le

régime prescrit a été rigoureusement suivi.

Enfin une particularité, d'ordre bio-chimique, donne encore à notre

diabète hypophysaire une allure un peu spéciale. On sait depuis les

recherches de Jules Courmont, Boulud, Savy et Gale (1), depuis la

thèse de Bertrand (2), qu'habituellement dans le diabète, au cours de la

période d'état, quand la glycosurie atteint son maximum, il y a abaisse-

ment du coefficient azoturique du sérum sanguin et que celui-ci s'élève

vers la normale au sur el à mesure que, sous l'influence du régime, le

taux du sucre baisse dans les urines. Il y a comme un balancement entre

le coefficient azoturique du sérum et le taux du sucre dans les urines.

Chez notre malade qui est resté constamment un fort glycosurique, la

recherche du coefficient azoturique nous a donné le chiffre sensiblement

normal de 0.78, preuve indirecte du fonctionnement normal de la cellule

hépatique. Dans le même sens dépose d'ailleurs la valeur du coefficient

(1) COVIOEO;\T; BouLUn, Savy el Gâté, Nouvelles observations concernant le coefficient

azolurique du sérum dans diverses maladies. Soc. médicale des hôpitaux de Paris, (1

14 mars 1913, p. 651.

(2) BERTRAND, Contribution à l'élude du coefficient azoturique du sérum sanguin au

cours des états normaux ou pathologiques. Thèse de Lyon, 1913-1914.

240 CLUZET ET LÉVY

azoturique des urines qui s'est montrée sensiblement normale, encore que,

pour l'interpréter rigoureusement, il eût été indispensable d'être fixé

exactement sur le taux des ingesla en albuminoïdes, ce que l'indocilité

alimentaire de notre malade nous a empêché de faire. Rapprochée cepen-

dant de la cryoscopie parfaite des urines, elle montre qu'il n'y avait pas

de viciation profonde (le la nutrition et qu'en particulier, on ne décelait

pas ainsi d'atteinte hépatique. Cette remarque doit êlre soulignée. Nous

ne voulons certes pas aborder ici l'étude du mécanisme intime de la

glycosurie de noire acromégalique ; mais nous disons en passant que le

taux du coefficient azolurique du sérum sanguin et des urines permet

d'écarter, dans le cas particulier, l'hypothèse de Claude cl Baudouin, pour

lesquels le trouble hypophysaire conduirait à la glycosurie par l'intermé-

diaire de l'insuffisance hépatique si serait dès lors intéressant d'étudierâ

l'avenir le coefficient azolurique du sérum sanguin chez les diabétiques

hypophysaires et de voir si, comme dans noire cas, il se montre colis--

tanlllll'ilt élevé, malgré une forte glycosurie. S'il en était toujours ainsi,

celle notion constituerait un appoint sérieux pour élucider la pathogénie

du diabète hypophysaire.

Il n'esl pas indifférent, enfin, de signaler que la purine recherchée à

deux reprises dans les urines, s'est montrée une première fois â un laux

sensiblement normal <0.9) en 4. heures) et, une seconde fois, en excé-

dent manifeste (1 gr. 55 en 24 heures). Parallèlement, il n'a été possible

de doser dans le sang que des traces d'acide urique. Cette constatation -a

son importance. On sait en effet (1) que l'on a récemment essayé d'expli-

quer, par une théorie hypophysaire, les rapports de la diathèse urique

avec l'obésité. Dans deux cas de dystrophie adiposo-génitale avec tumeur

de la région hypophysaire, W. Falia et Nowaczmski ont trouvé un taux

d'acide urique urinaire nettement inférieur à la normale, même après

injection de nucléinate de soude. D'autre part, dans deux casd'acroméga-

lie, ils ont trouvé une augmentation de l'acide urique. D'où l'idée légi-

time de rattacher ces variations dans l'élimination et. peut-être dans la

production de l'acide urique â des troubles hypophysaires en plus ou en

moins. Les dosages pratiqués dans notre cas sont confirmatifs de cette

conception et se rangent à côté des deux constatations faites par Falia et

Nowaczinki chez des acromégaliques.

Nous nous sommes appliqués à étudier systématiquement le sang de

notre malade. Si l'hématologie de l'acromégalie a suscité quelquesrecher-

(1) Muueuquand, Les obésités d'origine glandulaii e, toc. cil.

étude D'UN cas d'acromégàlie 241

chesjnsqn'à ce jour, elles sont loin de donner des résultais concordants.

Les modifications des,éléments figurés du sang portent, on le sait, le plus

souvent sur les éléments blancs, mais dans cet ordre d'idées, des aspects

.multiples ont été constatés.

La leucocylose a été signalée par Marie et Marinesco, BurretRiesmann,

Parhon, Silva, Benda, Vlaielf (1), Sabrazès et Bonnes (2). Cependant

dans un cas de ces derniers auteurs il y avait leucopénie.

Au point de vue quantitatif, la formule a été très variable. La lympho-

cytose avec les chiffres de 41,92 0/U et de 45 0/0 caractérise deux cas

de Sabrazès et Bonnes.

L'éosinoplzilie constitue peut être l'altération la plus fréquente encore

que, dans un cas déterminé, elle puisse subir des variations considérables.

Vlaie ? cite un cas où il en Irouve 7,25 0,0 Mendl, dans une observation,

en compte jusqu'à 18 0/0. Guiseppe Franchini et Giglioli (3) sur septcas

l'ont observée 3 fois à des taux divers. -

Enfin la mononucléose est apparue assez souvent : c'est ainsi que dans

un cas, Vlaieff rapporte le chiffre de 19,25 0/0, de grands mononucléai-

res. Franchini et Giglioli la signalent dans deux cas. Dans un fait de Sa-

brazès et Bonnes, on note 6 98 0/0.

La diminution du nombre des polynucléaires neutrophiles est notée par

Vlaieff, Sabrazès et Bonnes.

Dans la série rouge, les constatations ont été trop contradictoires pour

qu'il soit possible d'en tirer une conclusion' valable Le nombre des glo-

bules rouges a élé signalé normal, ou hypouormal (Marte et Marinesco)

ou hypernormal : dans un cas de Franchini et Giglioli, on en a compté

jusqu'à 7 millions ; chez un sujet observé par Leclerc et Magdinier (4),

il y avait une cyanose chronique avec hyperglobulie (7 à 8 millions d'hé-

maties) dont la cause échappa pendant la vie et même après l'autopsie.

Le taux de l'fttJmllglobine a été dans certains cas diminué, dans d'aulres

exagéré (jusqu'à Il ! 0/0, dans un cas de Sabrazès et Bonnes). .

Enfin dans quelques circonstances (Vlaieff, Silva. Marie et Marinesco)

on a vu apparaître dans le sang des hématies nucléées et des myélocytes.

Ajoutons enfin que Sakorraphos (5) a signalé seulement une légère

(1) \LAIFFF, Modifications mo ? to/"<yïf/MM du sang d ns Cnciomégnlte et sa mode-

fi,afinll biologique V'HLl'hebwlla Gazeta, septembre 1906, n° 36, p. 957. Anal, in

Presse Néd., 10 avril 1907, p. 232.

(2) SAaItA2ÈB et Bonne*, Examen du sang dans l'acromégalie. Bulletin de la Société

de bi logie réumo de Bordeaux), 4 avril 1905, p. 680.

( : 1) GVISEPPf. f IiANCHII et G. J. Giulioli, Encore sur l'acromégalie. Nouvelle Icono-

graphie de la S'ilpêlnère, l4og, p. 325.

(4) Leclerc el Magdiniph, An omégahe. Société nationale de Médecine de Lyon.

Seance du 19 décembre 1s10.

(5) SAKORRAPHOS, Examen du sang. dans l'acromégalie. Bulletin de la Société de

biologie, 20 mai 1905, p. 831.

242 . CLUZET ET LÉVY

diminution de la masse totale du sang, sans modification qualitative ap-

préciable des éléments figurés.

Dans notre cas, il y a lieu de relever une diminution du nombre de

globules rouges (3 400.000) et du taux de l'hémoglobine (0,72). une di-

minution du chiffre des polynucléaires neutrophiles (58 0/0), mais par

contre une élévation notable du taux des mononucléaires z0 0/0), sans

que nous ayons pu constater dans les séries blanche ou rouge l'apparition

d'éléments anormaux.

Si donc, dans certains cas, on peut noter au cours de l'acromégalie, des

signes traduisant un trouble fonctionnel au niveau des organes hémato-

poiétiques, du fait d'une stimulation anormale, dans d'autres cette réac-

lion n'est qu'ébauchée, et enfin il en est où elle n'existe pas. Celle stimu-

lalion ou ce retentissement paraissent contingents. En tous cas, il ne sem-

ble guère possible d'y voir une manifestation appartenant en propre et

directement à l'acromégalie Chez de semblables malades, la complexité

de l'état morbide est le plus souvent telle qu'on peut admettre, le cas

échéant, l'intervention de multiples facteurs, ne relevant pas directement

de la lésion hypophysaire et susceptibles d'agir sur les organes liémalopoié-

tiques. Ce processus surajouté pourrait même, au cours de l'évolution

d'un cas déterminé, subir des modifications capables d'influencer la for-

mule sanguine dans des proportions considérables, suivant les moments

et parfois dans des sens opposés. A cet égard, notons que celle de notre

malade s'est montrée d'une grande fixité.

Le liquide céplialo-racliidien, étudié il plusieurs reprises, a constant-,

ment fourni des indications sur lesquelles nous désirons attirer l'atten-

tion. Le liquide clair, eau de roche, s'est toujours écoulé sous une très

forle tension à en juger par le véritable jet que provoquait la ponction. Il

esl vrai que nous ne pouvons apprécier rigoureusement cette tension en

l'absence de toute mesure manométrique : mais, tout en reconnaissant

les erreurs auxquelles expose l'absence du contrôle instrumental, nous

pouvons admettre, sans discussion, la très forle tension du liquide. Celui-

ci était extrêmement pauvre en cellules : c'est ;i peine si, sur de nombreux

champs microscopiques examinés lors de chaque ponction, on constatait

la présence, d'un lymphocyte.

Par contre à celle pénurie leucocytaire, s'opposait constamment une

forle hyperalbttminose; soit que le contact avec l'acide azotique aitprovo-

qué l'apparition-d'un disque 1res épais d'albumine, soit que, comme le

recommandent Sicard el Foix (1), en faisant tomber goulle à goutte de

(1) Sicard et Foix, ¡;"lbwl1Íno ? éac/Íon du liquide céphalo·rrachidien. Dissociation

étude D'UN cas D'ACRO\7RGALI1 : ' 243

l'acide nitrique sur la paroi du tube à une faible distance du niveau du

liquide, nous ayons considéré le précipité qui se formait immédiate-

ment et qui en quelques minutes donnait un « trouble virant à la colora-

tion gris sale » correspondant au 3" degré de ces auteurs. Le dosage de

celle albumine, pratiqué par M. Boulud, nous a fourni le chiffre

de 0,82 0/00. Or c'est là un taux qui s'éloigne largement de l'état

normal (0,20 à 0.30 par litre), et qui peut être considéré comme fort, sinon

comme très fort, si l'on admet à cet égard l'échelle proposée par

MM. Claude et J. Rouillard (1) ; on sait que ces auteurs estiment que

l'albiiminose est modérée quand elle correspond à une dose de 0 gr 30 à

0 gr 60 par litre, forte quand elle atteint de 0 gr. 6U à 0 gr. 80 au litre,

et très forte quand elle s'élève au-dessus d'un gramme. Il s'agissait donc

ici d'un cas des plus nels de dissociation albrcnmitto-cytologique. Ce signe,

indiqué par Sicard et Foix (2), été considéré par eux, d abord comme

symptomatique des pachyméningites rachidiennes, puis ensuite comme

traduisant également la compression des centres nerveux et susceptible,

dans cecas, de comporter l'indication d'une opération décompressive (3).

Sicard et Reilly (4) ont même montré, dans un cas particulièrement déli-

cat, tout le parti qu'ils ont pu tirer de l'hyperalbuminose du liquide

céphalo-rachidien pour affirmer une réaction endocranienne et par suite

en raison de la symptomatologie clinique, la très grande probabilité d'une

hypertrophie de l'hypophyse dans une circonstance où il n'y avait ni

hémianopsie, ni altération des membranes du fond de l'aeil, ni déformation

de la selle' turcique. Ils pensent que d'une façon générale, tout particu-

lièrement quand les signes caractéristiques de la lésion hypophysaire font

défaut, l'hvperalbuminose du liquide céphalo rachidien doit rendre de

grands services pour « préciser les réaclious hypophysaires ».

Il est vrai que, plus récemment, Claude et Rouillard (5) sont revenus

sur la question. Si ces auteurs reconnaissent que la dissociation alhumino-

cytologique « a une certaine importance pour le diagnostic des compres-

albumino-cytologique au cours des compressions rachidiennes. Presse médicale,

4 décembre 1912, p. 1013, n° 100.

(1) CLAUDE et J ROUILLARIJ, Sur les relations de V hypertension du liquide céphalo-

rachidien, avec les autres indications tirées de la ponction lombaire. Paris Médical,

11 avril 191>, no 19, p. 461.

(2) Sicard et Fois, Dissociation albumito-cytologiqte au cours des compressions des

centres nerveux. Variations de l'albumine après ponction lombaire ou décompression

crânienne. Congrès de Londres, août 1913.

(3) Sicard, Soc. lféd. ilôp. Paris, 12 décembre 1913, p. 829.

(t) SICARIJ et BKILLY. Di"ociaIIlJ1l des fonctions de pilosité par dy"séc.é/ion endocri-

nienne. Réaction hypophysnire avec hyperaibuminose racltidienne. Soc. Médicale des

hôpitaux de P.iris, 28 novembre 1913, p. 708.

(5) CLAUDE et RuUILLARn, loc. cit.

244 .CLUZET ET LÉVY

sions médullaires avec certaines réserves cependant », ils contestent que,

dans les cas d'hypertension inlracranienne, ce signe ait une valeur indi-

catrice supérieure à l'élévation de pression du liquide qui pour Sicard

constituerait un « guide infidèle ».

A l'appui de leur opinion, Claude et Rouillard citent des observations

où la dissociation a manqué en cas de pachyméningite, où elle a été

constatée en dehors de toute compression médullaire ou de toute hyper-

tension crânienne et enfin où elle a manqué dans un cas de tumeur

cérébrale.

La discussion est donc encore ouverte sur la valeur séméiologique qu'il 1

convient d'accorder à ce signe ; à l'heure actuelle, il serait prématuré et

même dangereux d'opposer l'un à l'autre des symptômes, qui vraisembla-

blement ont tous deux une grande valeur diagnostique au cas d'hyperten-

sion intracranienne et qui, sans doute, ne doivent pas s'exclure. Ilscoexis-

taient chez notre malade. L'avenir seul montrera, et c'est la conclusion de

Claude (1) dans un récent travail, la signification rigoureuse de chacun

d'eux.

Le dernier point que nous voulions envisager est celui du traitement.

Nous avons, au début, pensé procurer quelque soulagement à notre malade

en lui faisant de fréquentes ponctions lombaires. Les résultats, d'abord

satisfaisants, furent bientôt nuls ou tellement fugaces que la méthode

devint vite inutilisable. b

La radiothérapie a été appliquée pendant six mois. La technique sui-

vante a été employée : les irradiations ont été pratiquées alternativement

sur le côté droit et sur le côté gauche au niveau des régions temporales.

Le malade a reçu en tout 40 Il. du côté droit et 64 H. du côté gauche,

sous filtre d'aluminium (4 ou 6 dixièmes de millimètre d'épaisseur;.

Nous devons avouer que les résultais ont été complètement nuls et

nous insistons d'autant plus sur ce fait que des publications récentes ten-

dent à donner à la radiothérapie une place d'honneur dans le traitement

des fumeurs de l'hypophyse. Au congrès de physiothérapie de Berlin

(avril 1913), Béclère (2) après avoir signalé les heureux effets obtenus

par Gramegna, de Turin, dans un cas d'acromégalie, rapporte quatre ob-

servations personnelles liés favorables à la méthode. Depuis, Béclère et

Jaugeas (3) ont publié un cas d'acromégalie où, sous l'influence de la

(1) Claire, Le syndrome d'hypertension intracranienne. Journal médical français,

15 mai 1914, p. 2u3.

(2) Béclère, Les rayons de Roenlgen dans le traitement des tumeurs hypophysaires,

du gigantisme et de l'acromégalie. Congrès de physiothérapie de Berlin, avril 1913.

(3) BÉCLHRE et Jaugeas, Un cas d'acromégalie traité par la radiothérapie. Journal de

radiologie et d'électrologie, mars 1914, p. 133 ; Jaugeas, Les rayons de Roentgen dans

" . ÉTUDE D'UN CAS D4&OM$GALIE 245

. ' ? Nf te r·.

radiothérapie, ils ont obtenu très rapidemeiit ta°dWparttton complété des

maux de tête, un amendement considérable de l'hémianopsie bi-temporale

et un relèvement de l'acuilé visuelle. Il est vrai que pour Béclère, les

irradiations de Roentgen doivent être effectuées alternativement par la

voie buccale et parla voie temporale et qu'elles ne sont indiquées qu'au

début et pendant toute la période d'augment de la maladie ; leur emploi

serait contre-indiqué à la période de déclin et de déchéance : « Au cours

du gigantisme et de l'acromégalie, dit-il, l'arrêt de l'hyperostéogénèse, la

diminution de la force musculaire, la somnolence, la torpeur des fonctions

cérébrales, la chute des poils, la sécheresse de la peau, la diminution du

poids du corps et le fléchissement de l'état général, tels sont les signes

principaux qui manifestent cliniquement le passage de la période d'aug-

ment à la période de déclin, qui contre-indiquent l'emploi thérapeutique

des irradiations de Roentgen. o

Il est certain que, chez notre malade, la plupart de ces signes de dé-

chéance existaient déjà lors de l'hospitalisation. C'est sans doute ce qui ex-

plique ici l'échec complet du traitement.La radiothérapie devait cependant,

noussemble-t-il, être tentée avant de proposer au malade une intervention

chirurgicale. A cet égard, nous avons le choix entre l'hypophysectomie et

la trépanation décompressive. L'hypophysectomie seule serait susceptible

d'offrir à notre sujet une guérison réelle et durable. Malheureusement,

elle constitue une opération grave, fort délicate et dont les heureux résul-

tats s'observent surtout dans les cas opérés de bonne heure. Et cependant,

l'hypophysectomie est une opération qui est devenue, en ces dernières

années, infiniment moins décourageante que par le passé ; on sait qu'ac-

tuellement, les statistiques de Von Eiselsberg donnent une mortalité

opératoire de 16 0/0, celle de Cushing de 10 0/0 seulement (Mouriquand).

Lenche (1) rappelait récemment que si Eiselsberg a eu 4. morts sur

seize cas, les 4 morts se trouvant dans ses premières interventions, ce

sont pour la plupart des morts par infection suraiguë, donc évitables.

« La meilleure preuve, dit Leriche, qu'il en est ainsi, c'est qu'il a pu

l'éviter dans ses cas ultérieurs et que ses dix derniers malades ont guéri /

sans encombre. »

Nous avons cependant l'intention, avant de recourir à ce traitement

radical, de proposer à notre malade une simple craniectomie décompres-

sive, et de ne recourir à l'hypophysectomie qu'en cas d'insuffisance ou

d'échec de l'opération palliative.

le diagnostic et le traitement des tumeurs hypophysaires, du gigantisme et de l'acro-

mégalie. Thèse Paris, 1909.

(t) LEBICHE, Société .Médicale des hôpitaux de Lyon, séance du 31 mars 19<4 ;

Lyon Médical, 1914, n 15, p. 843.

ÉTUDE D'UN CAS DE POLY-SYVDACTYLII : ,

PAR R

Maurice KLIPPEL, et Etienne RABAUD,

Médecin des hôpitaux. Maître de conférences à la Soi bonne.

Si la polydactylie d'une pari et la syndactylie de l'autre se rencontrent

avec une certaine fréquence, la coexistence de l'une et de l'autre, non

seulement sur le même individu, mais sur les mêmes extrémités de cet

individu, se rencontre beaucoup plus rarement. Quelques cas isulés ont

seuls été signalés. Tous, d'ailleurs, diffèrent sensiblement de celui que

nous décrivons aujourd'hui. Nous avons, en effet, relevé des particularités

fort importâmes conduisant a envisager sur un terrain nouveau la question

de l'association des deux processus. L'examen que nous avons pratiqué,

éciairépar les recherches l11slogéniques de Julien Salmon (1), montre

qu'il s'agit ici d'un processus très particulier qui aboutit directement à une

anomalie à laquelle convient le nom de poil/-syndactylie.

Il s'agit d'un homme de 35 ans dont les pieds et les mains présentent la

conformation suivante :

Chacune des deux mains, examinée extérieurement, présente cinq doigts.

A droite, l'annulaire et le médius sont pris dans une gaine cutanée com-

mune, dans laquelle le squelette de chacun paraît occuper une situation

normale; les ongles cependant sont distincts, et l'extrémité correspon-

dant à l'annulaire semble plus large qu'il ne conviendrait. L'auriculaire

est lui aussi lié aux deux précédents par une membrane cutanée qui s'in-

sère sur toute la longueur de la phalange ; ce doigt est libre partir de la

phalangine. A gauche, l'annulaire et le médius sonl également enfermés

dans une gaine commune ; mais ici les squelettes ne sont plus parallèles ;

l'annulaire infléchi vers le bord radial croise le médius en dessous, tandis

que le médius est nettement infléchi vers le bord cubital : les autres doigts

sont libres (PI. XLIV).

- Aux pieds on observe une disposition très sensiblement symétrique à

- (1) Julien SALMON, Recherches sur les variations ontogéniques des membres chez les

v erlebrés. Etude des Ectoméliens, Th. Fac. Se. Paris, 1908.

Nouvelle Iconographie DE la Salpêtrière. T. XXVII. PL. X

POLYSYNDACTYLIE

(Klippel et Et. Ravaud)

Masson & Ciel Editeurs

ÉTUDE D'UN CAS DE POLY-SYNDACTYLOE 247

n'en juger que par l'aspect extérieur. Des deux côtés, en effet, les 48 et

z" orteils sont soudés ensemble sur presque toute leur longueur;- ? les plia-

langes unguéales seules sont distinctes. Déplus, la partie la plus externe,

correspondant au 5" orteil, présente, surtout à droite, un volume notable-

ment supérieur ;i celui des autres orteils.

Ainsi, à s'en tenir à l'extérieur de ces extrémités, on serait enclin à

porter le diagnostic de syndactylie pure. L'examen du squelette, pratiqué

au moyen de la radiographie, montre des dispositions beaucoup plus com-

plexes. Il ne s'agit de syndactylie pure ni aux mains ni aux pieds.

Le squelette de la main gauche, quoique simple en apparence, renferme

cependant des parties surajoutées. C'est ainsi que le segment qui corres-

pond à la phalange de l'annulaire est fractionné en trois parties qui, dans

leur ensemble, forment une masse supérieure à celle d'une phalange nor-

male. Des trois fragments l'un, dislal, a la configuration d'une phalange

normale, quoique sensiblement raccourcie. Ce fragment ne s'articule pas

directement a\ec le métacarpien ; il en est séparé par un os déforme

vaguement conique orienté de telle sorte que sa base regarde en haut et

en dehors (la main supposée allongée le long du corps) elle sommet vers

l'extrémité libre de l'auriculaire. La partie de sa surface qui regarde en

bas et en dehors s'articule largement avec la phalange. Sa hase présente

deux facettes articulaires, l'une correspondant à l'extrémité inférieure du

métacarpien, l'autre correspondant au second nodule osseux aberrant.

Celui-ci, à peu près cylindrique, est situé entre les extrémités des

troisième et quatrième métacarpiens et s'articule avec les deux. Les méta-

carpiens paraissent être sensiblement normaux. Envisagées dans leur en-

semble, les parties squelettiques anormales paraissent être surnuméraires,

et comme le rudiment d'un sixième doigt.

Cette opinion trouve un appui si l'on examine la main droite. Sans

doute, les formations squeletliques ne sont pas tout à fait superposables

à celles de la main gauche ; elles leur sont néanmoins très comparables. z

Si, en effet, les dimensions de la phalange paraissent normales, il existe

néanmoins un os surnuméraire, situé entre les extrémités inférieures du

quatrième et du troisième métacarpien el cet os correspond, par sa situa-

tion, comme aussi par sa forme, à l'os cylindrique de la main gauche. Mais

il y a plus, et la polydactylie devient très évidente. D'une part, le volume

de la 4° phalange est proportionnellement plus considérable que ceiui des

autres phalanges ; d'autre part, cette phalange s'articule avec une double

phalangine s'articulant elle-même avec une double phalangette. La pro-.

duction squelettique ne fait ici aucun doute. On remarque que cette pro-

duction n'est pas très régulière, surtout pour ce qui est des phalangines ;

mais elle est cependant évidente.

248 KLIPPEL ET RABAUD

Il convient enfin de faire remarquer que les segments de l'auriculaire

ne sont pas articulés dans le prolongement l'un de l'autre : tandis que

la tête du De métacarpien se trouve au contact de la tète du 4e, la pha-

lange fait avec son métacarpien un angle ouvert sur le bord du cubital,

la phalangine fait avec la phalangette un angle ouvert du côté radial.

L'examen radiographique des pieds donne des indications concordantes.

Chacun d'eux possède incontestablement le squelette de six orteils ; l'orteil

supplémentaire appartient au bord externe. Sur le pied droit, cet orteil

dépend du 4e orteil normal ; du moins sa phalange parait être un bourgeon

détaché de la 4', la phalangine et la phalangette étant indépendantes.

Toutefois l'extrémité extérieure de la phalange esl extrêmement épaisse ;

avec elle s'articule à la fois la phalangine supplémentaire et la phalange du

5e orteil ; la tête du S' métatarsien est notablement réduite. En définitive

tout se passe comme si l'orteil supplémentaire dérivait à la fois des deux

orteils enlre lesquels il se trouve (Pl. XLV, XLVI).

La disposition du pied gauche esl, à ce point de vue, bien plus curieuse

encore. Ici, également, la phalangine supplémentaire paraît être un

bourgeon de la 4e phalange normale, mais, par contre, la phalangette

supplémentaire fait bloc avec la phalangette du 5° orteil eUes deux ensem-

ble s'articulent avec la tête volumineuse de la phalange anormale. Enfin

il existe deux phalangettes indépendantes. On ne peut donc pas dire que

l'orteil supplémentaire se rapporte à l'un des orteils normaux.

Aussi, tant aux mains qu'aux pieds, )'apparente syndactylie dissimule

une polydactylie véritable.

Comment interpréter cette conformation paradoxale au premier abord ?

S'agit-il d'un dédoublement des orteils et des doigts normaux ou d'une

formation véritablement supplémentaire' ? A vrai dire, la discussion man-

que d'intérêt. Si nous n'envisageons que le résultat, le processus aboutit

nettement à la constitution de parties squelettiques surnuméraires. De

'plus, le seul fait que les parties semblent procéder à la fois, en ce qui

concerne les orteils, de deux'parties normales, exclurait l'idée d'un dé-

doublement. Mais en fait il s'agit d'un processus autrement complexe.

N'oublions pas en effet que la polydactylie est accompagnée, tant aux

mains qu'aux pieds, de syndactylie. Or, de même que nous n avons pas à

décider si la polydactylie dérive d'un dédoublement des parties préexis-

tantes, ou de la formation de parties nouvelles, nous ne saurions dire si

la syndactylie dérive de la polydactylie ou celle-ci de celle-là. Bien plus,

nous nous trouvons dans l'incapacité de séparer ce qui appartient à l'une

de ce qui appartient à l'autre. Il semble bien, en réalité, que nous nous

trouvons en présence d'un processus ostéo-périostique précoce qui n'est

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière.

T XXVII. PL. aL'

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POLYSYNDACTYLIE

(7<7f el El. Raviuid)

Ma55on & Cie, Editeurs

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALI'13TR1&RE.

T. XXVII. PL. XLVI

POLYSYNDACTYLIE

(Klippel el El. Ravaud)

ÉTUDE D'UN CAS DE POLY-SYNDACTYLIE 249

spécifiquement ni syndactylien, ni polydactylien ; il n'y a pas soudure

secondaire ni dédoublement secondaire, mais production d'emblée de

rayons digitaux plus ou moins intriqués les uns dans les autres. Envisa-

geant les résultats, nous parlons de polydactylie et de syndactylie ; en fait t

nous sommes en présence d'une formation primitive différente de la nor-

male. Nous l'appellerons poly -syndactylie, parce qu'il faut bien la nom-

mer ; mais nous n'indiquons nullement par là l'association de deux ano-

malies autonomes, nous entendons exprimer une ostéogénèse aboutissant

à une anomalie ayant sa signification propre. J. Salmon, dans son très

remarquable travail, a du reste insisté sur ce fait qu'il fallait éviter d'op-

poser des processus qui, dans leur essence, sont parfaitement comparables

dans tous les cas. '

Le cas depoly-svndactylie que nous venons de décrire diffère dans une e

large mesure de ceux qui ont été rapportés jusqu'ici Ces derniers, d'ail-

leurs peu nombreux, onttraità à une syndactylie qui porté seulement sur le

doigt supplémentaire et son voisin immédiat ; les deux axes squelettiques

sont parfaitement indépendants et normaux d'apparence, de sorte que tout

se passe comme s'il s'agissait d'un dédoublement incomplet. Et telle est,

du reste, l'interprétation que donne J. B. Fort (1 ) des deux observations

qu'il rapporte et telle est aussi l'interprétation de C. W. Prentiss (2) pour

un cas analogue observé chez le porc. On doit aussi l'admettre pour le cas

remarquable publié par Chambrin (3), relatif à un homme dont chaque

pied possède huit orteils, tous en syndactylie et dont les mains sont éga-

lement syndactyliques ; de ces dernières, une seule est polydactyle, le

doigt supplémentaire se trouvant libre. Ce qui, en dehors de la polydac-

tylie, caractérise les quatre extrémités, c'est la compression dont elles

paraissent être le siège ; les squelettes des doigts sont rapprochés par leur

extrémité et maintenus dans une gaine cutanée indivise comme si la peau

avait subi un arrêt de croissance, spécialement accentué dans la région

terminale. Le fait que la main normale quant au nombre des doigts pré-

sente cette disposition, et que le doigt supplémentaire de l'autre main

n'est pas enfermé dans l'enveloppe cutanée indique bien que la syndactylie

n'est pas ici liée par voie de conséquence à la polydactylie. Dans la me-

sure où l'on peut reconstituer la marche des processus, il semble bien que

la différenciation polydactyle s'étant effectuée, un arrêt de croissance du

(1) Des difformités congénitales et acquises des doigta. Thèse d'agrég. Paris, 1869,

p. 18 et 66.

(2) C. W. Prentiss, Polydaclylism in man and the domestic animais. Berl. of the

Mus. of Comp. Zoôl at H,trvard College, 1903.

(3) J. M. Chambrin, Sur un cas de téralologie. Th. Fac. méd. Paris, 1896.

250 KLIPPEL ET RABAUD

revêtement cutané est intervenu secondairement sans que l'on puisse dire

que celui-ci soit déterminé par celui-là.

Mais dans notre cas, il y a certainement bien antre chose 'qu'une sépa-

ration incomplète de rayons digitaux supplémentaires ou dédoublés. Ici la

formation multiple entraîne très vraisemblablement la syndactylie ; tout

se passe comme slil y avait formation d'un doigt à squelettes multiples. Il

s'agit. évidemment ici d'un processus d'ensemble fort complexe, et ce

serait procéder à une analyse arbitraire que de mettre la polydactylie sur

le compte d'un excès de développement suivi d'un arrêt de croissance.

Le cas est très différent ; il constitue une poly-syndactylie vraie. '

Nous ne nous attarderons pas à rechercher le mécanisme de cette ano-

malie. Par son aspect morphologique, du reste, elleexclutcertaines hypo-

thèses, celle, par exemple, qui met la polydactylie sur le compte de

l'« atavisme » La conformation des doigts ni celle des orteils ne rappelle

en rien l'un quelconque des ancêtres vrais ou supposés de l'homme.

Il est plus intéressant d'examiner l'anomalie au point de vue hérédi-

taire. Non pas qu'il faille voir dans l'hérédité une cause efficiente de la

poly-syndactylie; l'hérédité ne peut être considérée comme explicative

que par un abus de langage, car le problème est simplement reculé puis-

que, finalement, il faut bien aboutir au point de départ, au premier indi-

vidu anormal de la lignée. Mais il importe de savoir si telle disposition

est ou n'est pas héréditaire et, dans l'affirmative, comment elle l'est.

Les renseignements recueillis sont tout à fait nets. Dans le cas particu-

lier, la poly-syndaclylie est héréditaire. La mère et la grand'mère de notre

sujet étaient anormales; et d'une manière comparable à leur fils et petit-

fils. Celui-ci d'ailleurs n'était pas le seul ; il a eu dix frères ou soeurs.

Parmi eux quatre sont morts peu après leur naissance et nous ne possé-

dons à leur endioit aucun renseignement ; des six autres, deux sont anor-

maux comme leur frère. Et quant à lui, il a deux enfants, dont un anor-

mal.

Le tableau généalogique ainsi reconstitué permet de suivre la poly-syn-

dactylie pendant quatre générations. Le conjoint appartenait chaque fois

à une souche normale.

C'est là le point essentiel, et celte constatation complète de la meilleure

façon l'histoire de cette anomalie peu commune. Nous ne nous demande-

rons pas si la loi de Mendel trouve ou ne trouve pas ici son application,

car il parait de plus en plus certain que pour envisager la question à ce

point de vue, un si petit nombre d'individus ne suffit en aucune mesure.

SOCIÉTÉ UF : NEUROLOGIE DE PARIS.

SÉANCE DU 1 MAI 1914.

ZONA ET PARALYSIE R \DIr;ULAIRES DU MEMBRE

SUPÉRIEUR (1),

PAR

SOUQUES, BAUDOUIN et LANTUÉJOUL.

Nous avons eu l'occasion d'observer un zona du plexus brachial accom-

pagné de paralysie radiculaire. La rareté des faits de ce genre et l'obscu-

rité de l'interprétation pathogénique de ces paralysies nous ont engagés

à présenter ce malade à la Société de Neurologie.

Cas. - Antécédents. - 1° Antécédents hé,.édilaÍ7'es,- Père, mort à 50 ans

de pleurésie ( ? ) ; mère, morte vers l'âge de 50 ans de cause inconnue ; un grand-

père mort à 77 ans d'accident. Piis de frère ni de soeur.

2° Antécédents personnels. - Il a fait sept ans de service militaire en France.

Pas de blennorragie ni de syphilis; il n'a jamais été malade. Il a vu un méde-

cin, pour la première fois, à la fin de 1912 : il avait été pris à cette époque

d'une sorte de faiblesse dans les membres inférieurs, Le médecin le fait trans-

porter à Bicêtre. La faiblesse 'dans les jambes ne persiste que quelques jours. z

Depuis son entrée il a toujours été bien portant.

Il est marié : sa femme a 70 ans, et est bien portante. Il a deux enfants

âgés de 42 ans et de 39 ans, l'un et l'autre bien portants.

Histoire de la maladie. - Le 10 mars 191, il se sent un peu fatigué.

En môme temps, le membre supérieur gauche lui semble un peu lourd

et maladroit. Pas de douleurs vraies.

Au bout de deux à trois jours, apparition d'une éruption sur le membre

supérieur gauche. Il vient à la consultation et entre à l'infirmerie, le 13 mars

1914, présentant un zona du membre supérieur gauche.

Examen actuel (20 mars t91fJ,). - L'éruption est localisée au membre

supérieur gauche. Pas de vésicules aberrantes. Elle siège de haut eu bas

(PL XLII).

1° Au niveau du bras, sur le bord postéro interne jusqu'à une distance

de 6 centimètres de l'aisselle.

Un petit groupe.de deux ou trois vésicules siège sur la face postérieure de

la moitié supérieure du bras. L'éruption occupe, eu outre, toute la face, posté-

rieure du bras sur une hauteur de 8 centimètres, comptés à partir de la

ligne él'itrochléo-épi(onJylil'lIne,

- (t; Communication faite à la Société de Neurologie, le 7 mai 1914. '

252 SOUQUES, BAUDOUIN ET LANTUÉJOUL

2° Au niveau du coude, elle siège sur la moitié externe de la face posté-

rieure. Quelques éléments empiètent sur la face antérieure, occupant le tiers

externe de cette face antérieure sur une hauteur de 2 centimètres au-dessus

du pli du coude et de 4 centimètres au-dessous.

3° Au niveau de l'avant bras, elle siège avant tout sur la face postérieure,

occupant dans le tiers supérieur la partie externe, et dans les deux tiers infé-

rieurs toute la face postérieure.

4° Au niveau du poignet, l'éruption occupe toute la face postérieure. Elle

empiète sur la face antérieure, prenant le tiers externe et le tiers interne de

cette face.

5° Au niveau de la main, l'éruption descend jusqu'à 3 centimètres au-

dessous de la ligne bistyloïdienne sur le dos de la main.

Dans la paume de la main on trouve des éléments siégeant : sur l'éminence

thénar, en pleine paume ; sur la face antérieure de la première phalange

du pouce, de l'index, du médius, de l'annulaire, des deux premières phalanges

du petit doigt.

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XXVII. PL. XLVII

ZONA ET PARALYSIE RADICULAIRES DU MEMBRE SUPÉRIEUR

(Souques, Beaudouin et Laiitiiéioiil)

Masson & Cie, Editeurs

ZONA ET PARALYSIE IiADICULAIRh6â.tBhtE SUPÉRIEUR 253

Cette localisation est nettement visible sur les schémas. Sur la photogra-

phie, seuls les éléments éruptifs en pleine activité sont visibles ; aussi l'érnp-

tion n'est-elle pas reproduite dans son entier.

L'éruption du zona a suivi comme aspect son évolution habituelle et laissé à

sa place de petites cicatrices arrondies, pigmentées en rouge brun.

Troubles moteurs. Tous les mouvements actifs du poignet et du coude

semblent normaux comme étendue. La main gauche est habituellement dans

la position suivante : flexion légère des quatre derniers doigts dans la paume,

première phalange du pouce en légère flexion alors que la deuxième phalange

est en extension. ,

Tous les mouvements actifs des doigts sont difficiles, lents, limités : l'abduc-

tion du pouce est impossible ; l'extension complète des quatre derniers doigts

est également impossible, leur flexion est possible mais se fait très incomplè-

tement. Leurs mouvements d'abduction et d'adduction sont particulièrement

limités. Le malade dit avec la plus grande netteté que ces troubles dans la

motilité de sa main gauche sont apparus en même temps que le zona, et qu'ils

n'existaient certainement pas avant cette éruption.

Les mouvements actifs de l'épaule sont lents et d'étendue limitée : le malade

n'arrive que péniblement à mettre la main sur la tête, et ne peut élever son

bras à la verticale. Il existe dans l'articulation de l'épaule une raideur qui

arrête les mouvements et diminue leur amplitude. De plus, le malade se plaint

d'une légère douleur dans l'articulation quand les mouvements dépassent

une certaine étendue.

Passivement, tous les mouvements sont possibles à la main comme au poi-

gnet et au coude. A l'épaule on ne dépasse guère l'étendue des mouvements

actifs. On perçoit des craquements'dans l'articulation scapulo-humérale et le

malade accuse une certaine douleur, en même temps que l'on constate la

présence d'une résistance difficile à vaincre. Ou n'arrive pas à mettre le

bras dans la position verticale.

Les mouvements de l'épaule droite sont, eux aussi, en partie limités dans

leur étendue, mais le malade dit souffrir davantage de l'épaule gauche que de la

droite.

Ces douleurs légères, ces troubles moteurs au niveau des deux épaules

sont antérieurs au zona et remontent, aux dires du malade, à environ deux

ans.. Ils relèvent d'une arthrite ancienne ankylosante.

La force musculaire est un peu diminuée à gauche pour les mouvements de

flexion de l'avant-bras sur le bras, d'abduction du bras mais non d'adduction.

Elle est très diminuée pour l'extension de l'avant-bras sur le bras, pour la

flexion et l'extension du poignet ; très diminuée à la main, au dynamomètre

on constate 20 à droite et 3 à gauche.

Le malade est, il est vrai, droitier, mais il a constaté lui-même combien sa

main gauche avait perdu de force depuis l'apparition du zona.

Membres inférieurs. La démarche est normale, la force est intacte.

Troubles sensitifs. Sensibilité subjective : Jamais de douleurs propre-

ment dites dans le membre supérieur gauche depuis l'apparition du zona. Le

xxvii 17

254 SOUQUES, BAUDOUIN ET LANTUEJOUL

malade se plaint simplement d'une sensation de lourdeur, de pesanteur qui

persiste encore actuellement, et d'un prurit accentué sur tout le territoire du

zona. 1

Sensibilité objective : Au niveau du membre supérieur gauche, la sensa-

tion de contact au pinceau, de même que la localisation de cette sensation

existent, mais elles sont moins fixes que du côté opposé. La douleur est nor-

malemeut perçue partout sauf au niveau du membre supérieur gauche.

A ce niveau, il n'y a pas d'analgésie véritable mais une zone d'hypoalgésie

occupant : la face postérieure du bras et de l'avant-bras, la face antérieure de

l'avant-bras, toute la main et les doigts. La face antérieure du bras semble

sentir la piqûre aussi bien que du côté opposé. En tout cas la différence de sen-

sation est très minime.

Cette hypoalgésie est surtout marquée à la main et aux doigts. Elle prédomine

sur le bord cubital de la main et sur les deux derniers doigts.

La sensibilité thermique parait presque normale. Elle est très peu diminuée.

La sensibilité à la pression, au diapason, sont légèrement diminuées dans le

territoire siège de l'hypoalgésie.

Le sens des attitudes est également altéré au niveau des derniers doigts.

Ce sens paraît à peu près normal aux autres doigts et au poignet.

Enfin, le sens stéréognostique est altéré.

ZONA ET PARALYSIE RADICULAIRES DU MEMBRE SUPERIEUR 255

est clair, contient 0 gr. 80 d'albumine, 18 lymphocytes par millimètre cube,

à la cellule de Nageotte. Après centrifugation et coloration du culot, on constate

la présence d'une très grande lymphocytose et l'existence de quelques rares

« moyens mononucléaires ».

Le Wassermann pratiqué dans le sang, le 3 avril, fut négatif.

Une radiographie des mains et poignets faite à la Salpêtrière, le 31 mars

4914, a montré l'absence complète de troubles trophiques osseux.

5 mai 1914. - L'éruption n'a laissé que des cicatrices pigmentées. Les

troubles moteurs ont persisté : ils sont exactement superposables à ceux

primitivement observés; ils semblent cependant s'être un peu accentués, sur-

tout au niveau de la main. Ainsi au dynamomètre, on a : 0 à gauche pour 18 à

20 à droite.

Troubles sensitifs. - Sensibilité subjective : Mêmes phénomènes. Jamais

de grandes douleurs, simplement de la pesanteur, de la lourdeur du bras. Le

prurit persiste.

Sensibilité objective : Même zone d'hypoesthésie à tous les modes. Il

semble bien cependant que la face antérieure du bras gauche soit moins sen-

sible à la piqûre que la face antérieure du bras droit sauf sur le bord interne.

Réflexes : Mêmes résultats que précédemment.

Troubles trophiques : Atrophie visible des muscles de l'avant-bras.

Troubles vasomoteurs : Très accentués. Depuis environ trois semaines, on

constate au niveau de la main gauche un oedème léger le matin, s'accentuant

dans le courant de la journée. Cet oedème siège au niveau de la main : doigts,

paume, dos de la main, et empiète sur le tiers inférieur de l'avant-bras.

La main est légèrement rosée, violacée. Enfin le malade dit éprouver une

sensation de froid très accentuée au niveau de la main et surtout des doigts.

On ne la constate pas objectivement.

Examen électrique. - Pratiqué par M. Duhem.

27 mars 1914. Quinze jours après l'apparition du zona Je malade présente :

1° une diminution notable de l'excitabilité faradique portant sur les muscles

triceps, radiaux, extenseurs communs des doigts, long et court extenseurs du

pouce.

Les muscles du groupe d'Erb sont normaux et les fléchisseurs des doigts

ne présentent pas de modifications appréciables.

2° Hypoexcitabilité galvaniquo sur le triceps sans secousse lente ni inver-

sion ;

Hyperexcitabilité galvanique sur les muscles extenseurs de l'avant-bras,

ainsi que sur les muscles de l'éminence thénar et hypothénar.

Pas de secousse lente ni d'inversion polaire.

15 mai 1914. Deux mois après le début du zona : l'hypoexcitahilité

faradique s'accuse sur le triceps, les extenseurs communs, l'extenseur propre

de l'index, long extenseur du pouce, les radiaux et le muscle cubital, tandis

que l'hyperexcitabilité galvanique s'accuse également sur les mêmes muscles

sauf sur le triceps où l'hypoexcitabilité galvanique s'accentue ; on constate

une ébauche de réaction lente sur ces muscles ainsi que sur ceux de l'éminence

5tj SOUQUES, BAUDOUIN ET LANTUÉJOUL

thénar, avec inversion de la formule polaire ; les fléchisseurs des doigts pré-

sentent un certain degré d'liypoexcitabilité faradique et galvanique, avec ten-

dance la la lenteur de la secousse sans inversion.

En résumé, il s'agit d'un zona du membre supérieur, occupant tout le

territoire cutané des quatre dernières racines cervicales postérieures et de

la première dorsale, avec atteinte relativement légère de C. 5.

Les troubles objectifs de la/sensibi 1 i té occupent ce même territoire,

respectant aussi relativement C. 5.

Le fait intéressant, c'est la coexistence d'une paralysie qui frappe plus

ou moins tous les muscles inversés par les cinq racines motrices du plexus

brachial. Les réactions électriques confirment le fait. L'existence d'une

mydriase gauche plaide également en faveur de l'origine radiculaire de

la paralysie.

Il y a par conséquent superposition topographique des troubles érup-

tifs, sensitifs, moteurs, électriques, et disposition radiculaire de ces divers

troubles.

Les paralysies consécutives au zona du membre supérieur sont excep-

tionuelles. Nous rappellerons les deux observations de Joffroy (1), qui

sont assez explicites. Dans l'une, la paralysie a suivi et dans l'autre elle a

précédé le zona. Nous rappellerons encore le cas de Broadbent, celui

de Fabre simplement énoncés, et trois cas cités dans la thèse de

Doucet (2).

Cette coexistence du zona et de la paralysie n'est pas due une coïn-

cidence pure et simple. S'il en était ainsi, on ne s'expliquerait pas l'ho-

molatéralilé et la superposition topographique de ces deux sortes de phé-

nomènes.

Il y a là, en réalité, une espèce de relation de cause à effet. La cause

est la lésion zostérienne des ganglions spinaux, qui se propage vraisem-

blablement à la racine antérieure. Les rapports internes de ces ganglions

et de ces racines antérieurs expliquent facilement cette propagation. Il

semble d'ailleurs que toutes les paralysies zostériennes, quel que soit leur

siège, membre, tronc ou face, relèvent d'un mécanisme analogue. Il faut

noter cependant que pour la paralysie faciale zostérienne on pourrait,

au lieu d'une propagation, invoquer aussi bien une compression du nerf

facial (dans le canal intra-vilreux inextensible et étroit) par le ganglion

géniculé, infecté et augmenté de volume.

(1) JoFFRov, Deux cas de zona du membre supérieur avec atrophie musculaire.

Archives de physiologie. 1882.

(2) DOUCET, Le zona associé aux paralysies et aux amyotrophies . Th. Paris, 1901.

LE MÉCANISME DES PHÉNOMÈNES HYSTÉRIQUES

ESQUISSE D'UNE THÉORIE PSYCHO-PHYSIOLOGIQUE

DE L'HYSTÉRIE,

PAR

Albert SALMON

(Florence).

Docent libre de neurologie de l'Université de Home.

Le problème de l'hystérie, quoiqu'il ait été dans les dernières années

l'objet d'une attention spéciale des meilleurs neurologistes et psyclrolo-

gistes, est bien loin d'être résolu. Le but principal que les auteurs se sont

proposé aux derniers congrès a été celui de définir cette affection. La

définition pourtant, observe justement Claparède, n'étant que la citation

des caractères qui constituent la nature d'une chose doit être le couronne-

ment et non point le fondement de l'étude de toute affection. On ne peut

donc définir l'hystérie sans fixer auparavant la nature de cette affection,

sans étudier le mécanisme de ses phénomènes morbides Or, une étude

essentiellement pathogénique de cette affection n'a pas encore été faite.

On a admis qu'elle est la conséquence d'un rétrécissement du champ de

la conscience (Janet), du refoulement par la conscience des représenta-

tions pénibles d'origine sexuelle (Freud), de la suggestibilité (Babinski),

d'une exagération de l'imagination plastique (H,irlemberg), d'une torpeur

du cerveau organique (Sollier), d'une tendance a la réversion, à l'atavisme

(Claparède), d'un trouble du régime des réflexes corticaux ou sous-corti-

caux (Raymond), d'un réflexe émotif exagéré (Bernheim), d'une perver-

sion des fonctions cérébrales les plus élevées (Bastian), mais on n'a pas

bien expliqué par qùel mécanisme toutes ces conditions se produisent et

provoquent les phénomènes morbides. C'est bien là le point le plus dif-

ficile de toutes ces théories, le point par lequel on juge de leur valeur.

Même si l'on admet, par exemple, que l'hystérie est due à un rétrécisse-

ment du champ de la conscience, quelle est la cause primitive, peut-on se

demander, qui détermine cette modification de la personnalité ? Par quel

mécanisme l'idée suggérée ou d'une représentation pénible se traduit-elle

ou se convertit-elle en des phénomènes somatiques ou en un réflexe émotif

exagéré ? Il ne suffit pas de nous dire que celle affection est caractérisée

258 SALMON

par la suggestibilité plastique ou par l'exagération -de l'imagination plas-

tique ; il faut aussi bien expliquer ce qui détermine les propriétés plasti-

ques des images chez ces sujets. Quelle est la cause qui provoque la

torpeur du cerveau organique dans la thèse de Sollier, le trouble des

réflexes corticaux ou sous-corticaux dans celle de Raymond ?

Je crois que la réponse à toutes ces questions ne peut se trouver que

clans l'étude des phénomènes hystériques eux-mêmes, tels qu'ils nous

sont présentés par la clinique, en envisageant surtout leur mécanisme

intime. C'est bien l'étude de ce mécanisme qui constitue le but principal

de ma thèse. Je verrai ensuite s'il n'y a pas une condition morbide capable

d'expliquer tous les phénomènes hystériques, y compris ceux que quel-

ques auteurs ont éliminés du tableau de cette affection. Enfin je cher-

cherai à esquisser une théorie qui, loin de méconnaître l'importance des

thèses principales qui ont été proposées pour l'explication de celle affec-

tion, tire profit des meilleurs arguments et surtout des faits qu'elles ont

apportés à l'appui de leurs conclusions. Je serais heureux que cet essai,

dont je reconnais d'ailleurs toute la difficulté, contribue a dissiper les

ténèbres qui enveloppent la pathogénie de celle intéressante affection.

Les données les plus importantes résultant de l'étude de l'hystérie et

de l'examen des meilleures théories la concernant, sont, à mon avis, les

suivantes :

1° L'importance des émotions dans la détermination de l'affection.

Les hystériques appartiennent généralement à des familles, il des races

très émotives, très impressionnables, Il est bien rare que les phénomènes

qu'ils présentent n'aientpasà leur origine une cause affective ; on observe

parfois que les troubles hystériques, même les plus rebelles il la psycho-

thérapie, disparaissent soudainement par une émotion subite. L'on remar-

que en outre, comme l'a bien démontré Dejerine, qu'un grand nomhrede ces

phénomènes, tels que les paraplégies, les crises convulsives, les aphonies, le

vomissement, les troubles vaso-moteurs etc., ne sont très souvent que la

traduction somatique des émotions éprouvées parles sujets; c'est seule-

ment par leur permanence qu'ils se distinguent des phénomènes somati-

ques qu'on remarque d'ordinaire après les émotions les plus banales. La

suggestibilité implique également un facteur affectif; les idées froides ne

provoquent et ne guérissent aucun phénomène hystérique.

Le fait que les troubles hystériques sont très rares après les émotions

THÉORIE PSYCHO-PHYSIOLOGIQUE DE L'HYSTÉR1E 259

très intenses et prolongées provoquées par les graves cataclysmes (trem-

blements de terre, incendies, etc.) (1) n'est pas, à mon avis, en contradic-

tion avec l'importance de l'émotion dans l'hystérie ; il nous fait seulement

supposer que les émotions ne sont pas la cause directe des phénomènes

morbides ; entre ces phénomènes et l'émotion il faut invoquer un élément

intermédiaire. qui perd toute son influence lorsque l'émotion est trop

intense. D'autres arguments plaident d'ailleurs en faveur de celle hypo-

thèse, à savoir : la période de latence qui très souvent s'inteipose entre

l'émotion et le développement des phénomènes hystériques, le fait que

les phénomènes créés par une émotion peuvent se reproduire indépen-

damment de celle-ci, par exemple par l'habitude, par la compression

d'une zone hystérogène, etc.

2° Le pouvoir impulsif et plastique des idées affectives, par lequel

celles-ci se traduisent par les actes correspondants et parfois par des

phénomènes somatiques qu'on observe très difficilement dans les condi-

tions normales. Ainsi, l'idée d'une paralysie, d'une contracture, d'une

anesthésie entraîne la réalisation de ces phénomènes et parfois la produc-

tion de faits vaso-moteurs, sécrétoires, qui eux-mêmes ne sont que la

traduction somatique exagérée des idées conçues par le sujet. Même dans

ce cas l'on remarque que les phénomènes hystériques déterminés par une

idée affective peuvent se répéter indépendamment de celle-ci, à savoir

à l'occasion d'une émotion, par la compression d'un point hystérogène,

par l'habitude, etc.

3° La suggestibilité spéciale des sujets, se distinguant de la suggestibi-

lité qu'on remarque dans d'autres affections par le fait que les idées sug-

gérées ou auto-suggérées se traduisent en phénomènes somatiques; celte

suggestibilité plastique (Hartemberg) (2) n'est que l'expression du pouvoir

plastique et impulsif des idées affectives, propre à celle affection.

4° Le mécanisme purement automatique par lequel se manifestent tous

les actes hystériques ; les modifications de la personnalité ; l'indifférence,

le désintéressement, l'udnptabilité que présentent les sujets à l'égard de

leurs phénomènes , comme ceux-ci n'intéressaient pas leur personnalité.

Les actes hystériques présentent une forte analogie avec les actes volon-

(1) Une discussion très intéressante sur ce sujet a été faite dans la réunion annuelle

de la Société de Neurologie de Paris, 9-16 décembre 1909, 13 janvier 1910. Du rôle

de l'émotion dans la genèse des accidents név1'Opathiqnes et psychopathiques.

(2) IIARTE1DEPT L'hystérie et les hystériques. Paris, 1910.

260 SALMON

taires (Brissaud, Paulhan) et tout particulièrement avec les actes devenus

automatiques. Brissaud (1) disait que l'hystérique ne produit rien qu'il ne

puisse reproduire avec la volonté.Paulhan (2) affirme que les actes hystéri-

ques s'effectuent d'après les lois généralesqui règlent tous les actes volontai-

rés. Or, étant donné que la pathogénie de tout phénomène morbide trouve

seulement son explication dans l'étude du phénomène physiologique cor-

respondant dont il n'est qu'une modalité, nous devrons, pour éclaircir le

mécanisme des actes hystériques, remonter à l'étude des actes volontaires

et automatiques. A ce sujet, nous devons rappeler les études très impor-

tantes de James (3) et de Fouillée (4) nous démontrant que le sens d'in-

nervation et l'impulsion à faire tout acte volontaire, sont essentiellement

déterminés par la représentation du mouvement, c'est-à-dire par son

image cinesthésique, qui n'est que le résidu des sensations musculaires,

articulaires, tactiles qui se produisent lorsque ce mouvement a été accom-

pli autrefois. C'est seulement par ce réveil cénesthésique que la repré-

sentation très vive d'un acte se traduit dans l'acte lui-même; ainsi, le

joueur de billard qui suit avec beaucoup d'intérêt la direction d'une bille,

accomplit très souvent avec un de ses membres des mouvements involon-

taires dans la même direction que la bille ; de même le sujet qui pense

avec émotion à un mot qu'il a entendu ou qu'il veut prononcer, bien sou-

vent le prononce à son insu. Tous ces faits ne trouveraient certes pas

d'explication si l'on n'admettait pas que c'est bien la représentation de

l'acte ou son image cénesthésique qui déterminent l'impulsion automati-

que amenant l'acte lui-même. Tous les actes automatiques, écrit fort jus-

tement Morselli, impliquent un précédent cénesthésique, une mémoire

organique qui se substitue à la mémoire volontaire et consciente. Ce sonl

les sensations cénesthésiques d'innervation et musculaires, écrit également l

Luciani, qui, par leur exercice prolongé, président à tous nos actes auto-

matiques.

L'importance des images cénesthésiques dans les acles automatiques est

tout particulièrement confirmée par un curieux et intéressant phénomène

que j'ai décrit au dernier Congrès de Neurologie à Florence (5). J'ai cons-

taté chez beaucoup de sujets sains, qu'après une contraction musculaire

prolongée, ils sont à même d'accomplir le même mouvement par un

(1) Brissaud, Les troubles nerveux post-tmmnatiques, Bulletin Médical, 1906.

(2) PAULIIAN, Les phénomènes affectifs. Alcan, édit. 1901. '

(3 Jeues, 1 principi di psicologia. Trad. Italiana, 1901, Milan. La théorie des émo-

tions, Alcan, édit. 1903.

(4) Fouillée, La psychologie des idées forces, Paris.

(5) A. Salmon, Di un curioso ed intéressante (enommo che si observa dopo gli

s/or : .i muscolari nei soggetti sani. IV, Congresso della Società Ilaliana di. Neurologia.

Firenze, 1914.

THÉORIE PSYCHO-rilYblOLOGlQUE DE L'HYSTÉRIE `ZG.

mécanisme purement automatique. On peut obtenir ce phénomène de la

manière suivante : on prie le sujet de faire une abduction très énergique

et prolongée avec son bias, en même temps qu'on oppose à ce mouvement

une vive résistance ; lorsque le sujet est légèrement fatigué, on le prie de

relâcher ses muscles et de recommencer tout de suite le mouvement pré-

cédent, mais très légèrement et seulement son début. Alors on remarque

que le mouvement à peine ébauché s'effectue tout entier d'une manière

automatique, c'est-à-dire que le sujet, indépendamment de sa volonté,

élève son bras. J'ai constaté le môme fait, quoique moins marqué, après

la flexion de Pavant-bras et de la cuisse, ou après l'extension de la tête.

Ces examens pratiqués sur un grand nombre de sujets, sans les avertir

préalablement de l'objet de mon observation pour éviter toute suggestion,

m'ont donné presque toujours un résultat positif. Beaucoup de sujets, et

peut-être les plus impressionnables, les plus émotifs, ont pu même

effectuer les mouvements automatiques en question sans les avoir aucune-

ment ébauchés auparavant. J'ai constaté l'absence de ce phénomène seu-

lement chez un petit nombre de sujets; ceux-ci ont pourtant remarqué

que les mouvements volontaires exécutés tout de suite après la contraction

musculaire dans la direction même de ce mouvement, s'effectuaient avec

une extrême facilité; ils ressentaient une forte impulsion à les accomplir,

en éprouvant presque la sensation que leur membre volait. Or, si l'on

considère que le sens d'innervalion et l'impulsion à faire tout acte volon-

taire et automatique sontconditiunnés par le réveil des images cénesthé-

siques, l'hypothèse n'est pas illogique que l'impulsion automatique, qu'on

constate chez nos sujets, soit due au résidu des sensations musculaires,

articulaires et tendineuses qui se produisent après la contraction muscu-

laire, c'est-à-dire à leurs images cénesthésiques. De même qu'après l'au-

dition d'un son très intense ou la vue d'une lumière très vive, persiste

pendant quelques secondes l'image hallucinatoire de l'impression acousti-

que ou lumineuse, de même après les efforts musculaires reste une image

cénesthésique douée d'une forte tendance motrice, d'où l'impulsion auto-

matique à l'acte. J'ai pu avoir une confirmation très probante de cette

conception chez un neurasthénique qui présentait une vive impressionna-

bi 1 i lé célleslhésique; ce sujet, chez lequel les mouvements automatiques

susdécrits étaient très prononcés, pouvait accomplir les mêmes mouvements

involontaires en pensant tout simplement à l'acte qu'il voulait effectuer ;

c'est-à-dire que la représentation seule du mouvement était suffisante à

donner l'impulsion automatique à l'acte, ce qui démontrait clairement que

celte impulsion dépendait de l'image cénesthésique qui se forme d'habitude

par suite de la représentation très vive de tout mouvement. L'on ne peut

donc douter de l'importance des images cénesthésiques dans le mécanisme

des actes automatiques.

262 ? . , , SALAI ON

'. ' JI · · . .

' ' Toutes ces considérations qui découlent de l'étude dés actes volontaires-

et automatiques éclairent, à mon avis, le mécanisme des actes hystériques ; 1 1

en effet, si ces phénomènes ne sont en dernier ressort que des actes au-

tomatiques, s'ils sont la traduction somi tique des ieti71-éseiitalioiis mentales

des actes que le patient a formés dans son esprit, et si ces. représentations-

s'identifient avec les images cénesthésiques des actes correspondants, il

paraîtra très logique, dans l'étude de l'hystérie, qu'on donne la plus con-

sidérable importance à ces images pour comprendre l'impulsion du'ou( les

sujets effectuer leurs actes morbides et pour expliquer le pouvoir plas-

tique de, leurs représentations. ' 1 '' '

. La tendance impulsive très vive inhérente aux images cénesthésiques

'èst-due particulièrement à leur coefficient affectif. Ce sont les représenta-

tions très affectives qui vivifient 'surtout nos images cénesthésiques et se

traduisent tout de suite en actes. L'on peut donc affirmer que tout acte

'hystérique implique une image' cénesthésique fixe, douée d'une tendance

'affective et motrice très vive, d'où l'impulsion automatique à l'acte. Une

paralysie hystérique, par exemple, n'est, à mon avis, que la 'traduction

somatique de la forte impression cénesthésique éprouvée par le malade à

l'idée delà paralysie; la contracture d'un membre implique de même

l'image cénesthésique fixe du mouvement que le sujet a accompli ; là

catalepsie ne pourrait également s'expliquer si l'on n'admettait pas la

persistance des images motrices (James), etc. La présence d'une imagé

cénesthésique fixe doit être invoquée non seulement dans les phénomènes

hystériques moteurs, mais aussi dans les sensitifs, car toutes les impres-

sions sensorielles s'accompagnent d'une réaction motrice et d'une image

cénesthésique, qui peut être réveillée par le souvenir tout seul de l'im-

pression reçue (Patrizi) (1).

L'hystérie' trouve donc sa plus claire explication dans la cénesthésie, à

savoir dans la synthèse des sensations internes cérébrales qui tirent leur

origine des impressions sensitivo-sensorielles, motrices et viscérales. La

condition fondamentale de l'affection est, à mon avis, une vive impures-

sionnabilité de la cénesthésie, de celle importante fonction renforçant la

vie 'mentale et affective, d'où la formation d'images cénesthésiques fixes

1res affectives qui, attirant tout le dynamisme nerveux, créent un désé-

quilibre de la cénesthésie elle-même. Nous arriverons de celle manière à

éclaircir les faits principaux qu'on remarque dans l'étude de cette all'ec-

(1) l'ATwzt, Les composants somatiques de la sensation el de la i ep) ésentation4

Archives italiennes de biologie, 1912. , \ , ; . , ,

THEORIE PSYCHO-PHYSIOLOGIQUE DE L'HYSTÉRIE 2)y

- lion ; on comprend, par exemple, que la présence d'une image céneslhér

sique fixe se comporte comme un noyau de cristallisation à l'égard de

l'énergie nerveuse et exerce une action inhibitrice sur l'activité d'autres

.,images cénesthésiques, y compris celles qui président aux mouvements

antagonistes ; ce qui expliquerait parfaitement l'impuissance du sujet à

faire les mouvements qui s'opposeraient à la réalisation et à la permanence

de ses actes morbides. On conçoit en outre que le malade perde aussi le

désir de faire ces mouvements, car le désir de faire tel ou tel acte dépend

du potentiel affectif et moteur se liant à l'image céIle,lliési4.ue de l'acte

lui-même. , ' 1

Le désintéressement, l'indifférence, l'adaplabililé que l'hystérique

montre pour ses phénomènes s'expliqueraient en étudiant l'action des

tendances affectives qui.e joignent aux images cénesthésiques. Nous de-;

vons faire d'abord avec Paulhan (1) une distinct ion entre les tendances

affectives et les émotions; une émotion n'est qu'une tendance affective

qui par son intensité ou par sa réalisation trop rapide provoque un dé;

bordement de l'énergie nerveuse, d'où son irradiation à toute l'écorce

cérébrale, au bulbe; l'émotion nait, en effet, toutes les fois que nos lent

dances affectives sont arrêtées (Paulhan). Toute tendance affective n'est.

pourtant pas toujours une émotion ; elle peul se systématiser, se fixer

sans provoquer aucune émolion. Celle-ci nait du contraste de nos idées

affectives avec le moi et, par la raison même qu'elle blesse notre person-

îialilé, entraîne -les plus graves troubles psychiques; les tendances affec.-

tives au contraire, à cause de leur systématisation, ne modifient point

notre personnalité. Or l'hystérique ayant une personnalité très vulnérable

à cause de son émolivilé habituelle, évite toute sorte d'émotions, et pou.\ !

se défendre de celles-ci a tout intérêt à ce que ses tendances affectives

soient systématisées et fixées. Il en découle que, lorsque ces sujets, par

leur hypersensibilité cénesthésique, ont une forte impulsion à faire tel

ou tel acte, ils ne cherchent point d'entraver la tendance affective se liant

à .leurs images cénesthésiques, cela pour éviter J'émotion qui serait consé-,

cutive à son arrêt. )

. Celte conception expliquerait non seulement t l'ad,1 plabi 1 i Lé des sujets

vis-à-vis de leurs phénomènes, mais encore la persistance même de ces

phénomènes, qui trouveraient sans .doute leur plus forte opposition dans

la résistance que les sujets peuvent leur opposer. Celle idée aurait une

confirmation dans un fait constaté dans beaucoup de cas d'hystérie, à sa-

voir que, lorsque les malades ont tenté de s'opposer leurs impulsions

(1) Paulhan, lue. cil...

264 SALMON

suggérées ou autosustgérées, ils ont été atteints des plus fortes crises émo-

tives accésconvulsifa,etn) ou de troubles psychiques (delirium, etc.) témoi-

gnant l'altération de leur personnalité. Le phénomène hystérique peut être

considéré, à cepnint de vue, comme une réaction d'adaptation, une réaction

de défense (Claparède) (1 ) vis à-vis des émotions el des troubles psychiques

qui en résultent C'est pour cela que nous ne sommes pas surpris que les

phénomènes hystériques disparaissent très souvent avec l'apparition de

la folie, ou que des émotions très vives ou excessivement prolongées eu,

trainent plus facilement des troubles psychiques, représentant un phéno-

mène de désadaptation de la vie intellectuelle, plutôt que des actes hysté-

riques, c'est-à-dire des phénomènes d'adaptation. 1

Les modifications de la personnalité, de la conscience, trouvent aussi

dans ma thèse leur plus exacte explication, si l'on se souvient des rapports 9

très étroits qui existent entre la cénesthésie et la conscience Il n'y a pas

de conscience, écrit Bianchi (2), sans sensibilité cénesthésique ; nous ne

sommes pas conscients d'une sensation quelconque, si celle-ci ne se joint

pas à l'ensemble des sensations internes qui forment la base de notre

personnalité. Il est donc très logique de supposer qu'une image cénesthé-

sique fixe, douée d'un coefficient très affectif, attirant toute l'énergie ner-

veuse et l'attention interne du sujet, provoque la perle de la sensibilité

cénesthésique d'un nombre considérable de sensations, et que celles-ci;

même perçues par les centres sensoriels, n'atteignent pas la conscience,

la personnalité des sujets. Ainsi, l'hystérique atteint d'une anesthésie ou

d'une amaurose, sent affectivement avec la peau anesthésique ou voit avec

l'oeil amaurotique, mais ces sensations demeurent tout à fait subcons-

cientes. Cela expliquerait le phénomène, si bien décrit par Janet (3) sous

le nom de a rétrécissement dit champ de la conscience ». Ce phénomène

n'est pourtant pas, d'après ma thèse, la cause primitive de l'hystérie,

comme l'admet Janel, mais la conséquence d'un déséquilibre cénesthésie

que par suite de la réactivité exagérée de certaines images cénesthésiques.

Ma thèse se distinguerait également de la théorie de Sollier (4), le seul

(1) CLAPAHÈDE (Ed.), Quelques mots sur la définition de l'hystérie. Archives de psy-

ohologie, t. VU.

(2) Bianchi (L.), Trallalo di malattie mentait. Edilore Pasquale, Napoli.

(3) JANET, Les névroses. Ed Flammarion, 1909 ; Le subconscient. Scientia, 1910 ;

L'automatisme. Paris, Alcan, édit. ; L'état mental des hystériques, 1892.

(4) Sollier (P.), L'hystérie, Ed. Alcan, 1914;, Genèse e/l1atul'e de l'hystérie, Paris

ils91; Hys<<'«eef sommeil. Archives de Neurologie, 1907.

THÉORIE PSYCHO-PIIYSIOLOGIQUE 6'#- l'h^STERIE 265

auteur qui donne une grande valeur à la cénesthésie dans l'étude de

l'hystérie, par le fait que cette affection, d'après Sollier, est le résultat -vit

d'une torpeur, d'un état de sommeil du cerveau organique, tandis que,

suivant ma thèse, elle est la conséquence d'une cause diamétralement

opposée, à savoir de l'hyperesthésie de la cénesthésie et du désordre

conséquent de cette importante fonction. D'après la théorie de Sollier

restent tout à fait inexplicables tous les phénomènes dynamiques, tous

les phénomènes vaso-moteurs, sécrétoires qui caractérisent notre affection,

tandis que ces faits trouvent leur plus complète élucidation, comme j'es-

père le montrer plus tard, dans ma thèse, d'après laquelle l'origine de

l'hystérie consisterait dans l'hyperactivité des centres cénesthésiques ou

du cerveau organique. C'est par une hyperesthésie de la cénesthésie et

non par sa torpeur qu'on peut comprendre les faits de doublepersonnalité

ou de dissociation de la personnalité, dans le cas où une synthèse de sen-

sations, d'images, de souvenirs très affectifs, forment un centre spécial

d'association et une personnalité nouvelle. On ne peut douter que tous les

cas de dissociation de la personnalité ne soient toujours liés avec les

modifications les plus profondes de la cénesthésie (Sollier).

Ma théorie explique parfaitement, à mon avis, une des particularités

les plus intéressantes de cette affection, à savoir la plasticité des centres

nerveux, par laquelle les idées affectives se traduisent en phénomènes

somatiques anormaux, par exemple en troubles vaso-moteurs, sécrétoires et

parfois trophiques. On a cité très souvent des paralysies, des anesthésies

hystériques s'accompagnant d'un angiospasme cutané et musculaire tel

que les piqûres les plus profondes de la peau et des muscles ne saignaient

pas. Dans un cas d'hystérie décrit par Dejerine (1), l'idée seule du froid

était suffisante à déterminer une forte constriction des vaisseaux cutanés.

Gerini a observé également un sujet chez lequel l'idée d'un stimulus

électrique entraînait un angiospasme cutané et musculaire si intense que

l'application subséquente d'un stimulus faradique n'a déterminé aucune

contraction musculaire. Moi-même, j'ai appelé l'attention sur la coïnci-

dence dans les cas d'hystérie traumatique entre la réaction myasthénique

et la présence de troubles vaso-moteurs (2), coïncidence qui constitue un

(1) DEJEBINE CtjGAUC6L8R, Les manifestations fonctionnelles despsycho-névroses,

Masson, éd. Paris, 1911.

(2) Salmon (A.), Ld nevrosi trauviatica. Unione tipogr., editrice torinese, 1913; La

reazione miastenica nei casi di nevrosi lraumatica. Riv. critica di clinica medica,

19l3. Revue Neurologique, 1914, I.

266 SALMON

argument très précieux à l'appui de l'hypothèse que j'ai avancée dans

l'étude de celle réaction, à savoir que chez beaucoup de sujets et en parti-

culier chez les hystériques, elle est en rapport avec une hyperexcilabililé

vaso-motrice des sujets.

Or, cette réactivité vaso-motrice exagérée qu'on remarque si fréquem-

ment chez les hystériques, cette plasticité, celle docilité constitutionnelle,

qui peut-être constitue le fait le plus saillant de leur affection, ne peuvent

pas s'expliquer, à mon avis, si l'on n'invoque pas une excitabilité spéciale

des centres vaso-moteurs et du cerveau organique, ce qui s'accorde parfai-

tement avec la théorie cénesthésique que j'ai proposée. On admet, en effet,

que les centres cénesthésiques n'ont pas seulement la faculté de recevoir

les sensations internes, mais aussi celle de transmettre l'excitation aux

nerfs vaso-moteurs, sécrétoires et trophiques (Morselli). Beaucoup d'au-

teurs soutiennent même que ces centres ont leur siège dans la zone somes-

thésique de Flechsig où résident précisément les centres vaso-moleurs,

sécrétoires, etc. ; l'on remarque, à l'appui de cette idée, que toute impres-

sion cénesthésique se joint à une réaction vaso-motrice plus ou moins

vive. L'on comprend après toutes ces considérations que l'hypersensibi-

lité cénesthésique s'accompagne très souvent, dans l'hystérie, d'une surac-

tivité particulière des centres vaso-moteurs, sécrétoires ou du cerveau

organique, ce qui expliquerait parfaitement la fréquence spéciale des

troubles vaso-moteurs et sécrétoires dans cette affection.

La théorie cénesthésique que j'ai décrite éclaircit également l'éliologie

très complexe de l'hystérie. L'importance des émotions dans son déve-

loppement trouve son explication dans les rapports très étroits qui lient

la cénesthésie et les émotions (Sollier). En effet, si l'on considère que la

cénesthésie constitue le terrain où germent toutes les émotions, que d'une

part elle donne la vivacité à toutes nos idées et de l'autre fournit les phé-

nomènes somatiques des émotions elles-mêmes (Bianchi), on concevra

que la sensibilité cénesthésique soit d'autant plus vive que l'émotivité et

les tendances affectives sont plus intenses, On connaît bien les cas de

Pronier (1), de Sollier (2), d'Allonnes (3), où la dépression remarquable

de la sensibilité cénesthésique se joignait à la perte absolue de l'émotivité.

Les émotions à leur tour ont une influence énorme sur la cénesthésie, de

même qu'elles influent considérablement sur toutes les sensations; il n'y

(1) Pronier. De l'anesthésie généralisée. Revue de Médecine, 1893.

(2) SOLLIER, Le mécanisme des émotions, Alcan, édit. 1905.

(3) DA1.LONP1ES, Revue philosophique, 1905.

THÉORIE PSYCHO -PHYSIOLOGIQUE DE L'HYSTÉRIE 267

a pas une émotion qui ne provoque un désordre ou une augmentation de

la sensibilité céneslhésique. L'on conçoit bien alors que l'hypersensibilité

de la cénesthésie et par suite le développement des phénomènes hystéri-

ques se déterminent d'autant plus facilement que l'émotivité des sujets

est plus grande. L'image cénesthésique constituerait ainsi l'élément inter-

médiaire, que nous avons auparavant admis, entre l'émotion et le phé-

nomène hystérique, et expliquerait tous les faits qui ont été cités à tort

contre l'importance de l'émotion dans l'hystérie. En effet, une émotion

très intense peut déterminer la dépression de la sensibilité cénesthésique

sans pour cela causer des phénomènes hystériques. On ne sera donc pas

surpris de leur absence ou de leur rareté dans les graves cataclysmes, par

exemple dans les forts tremblements de terre etc., après lesquels les

sinistrés présentent en général la perte la plus complète de l'émotivité et

de l'affectivité (Gabbi) (1), (Sterling), L'on conçoit d'autre part que l'hyper-

esthésie cénesthésique, c'est-à-dire la cause fondamentale de l'hystérie,

puisse très difficilement être déterminée par une seule émotion, même

la plus intense, et qu'elle demande pour se former une suite d'émotions,

ou mieux une émotivité constitutionnelle qui constitue sans doute la dis-

position la plus favorable au déclenchement de l'affection. En admettant

un élément' intermédiaire entre l'émotion et les phénomènes hystériques,

on explique également qu'un phénomène hystérique créé par une émo-

tion, puisse se répéter indépendamment de celle-ci, par exemple par

l'habitude, parla compression d'une zone liystérogène, etc. : on explique

aussi le fait bien illustré par Dejerine et Gauckler (1) que beaucoup de

ces phénomènes sont la traduction somatique d'une émotion, si l'on

réfléchit que c'est bien la cénesthésie qui fournit les composants somati-

ques de toute émotion. L'on peut bien admettre alors qu'une paraplé-

gie, une aphonie, le vomissement etc., qu'on observe généralement après

une vive émotion et qui d'ordinaire disparaissent quelques minutes après

le choc émotif, demeurent fixes chez l'hystérique par suite de son impres-

sionnabilité cénesthésique, indépendamment de l'idée ou de la suggestion

de ces phénomènes. Leur mécanisme présenterait ainsi une forte analogie

avec celui de beaucoup d'actes automatiques, tels que le bâillement, le

rire, les pleurs, etc., qui impliquent également des précédents cénesthé-

siques et se réalisent sans que les sujets aient l'idée ou la voionlé de les

effectuer. '

La suggestibilité spéciale des hystériques, qui représente sans doute un

(1) GADDI (U.), Sui dislurbi ueruosi provocati del terremolo Calab¡'o-siculo del 28 Die.

1908. Roma, 1910.

(2) OEJERINE et GAUCKLER, loc. cil.

268 SALMON

desfailslespluscaractéristiquesde.l'afl'ection(Bernheim)(9)(Babinski)(2), ,

trouve elle-même son explication,dans ma thèse, si l'on considère qu'elle

est caractérisée par l'émotivité et par le pouvoir impulsif et plastique des

idées affectives, qui impliquent, comme nous Pavons déjà montré, une

vive impressionnabilité cénesthésique ; c'est par cette impressionnahilité lé

cénesthésique, en effet, que les idées suggérées se traduisent prompte-

ment par les images cénesthésiques correspondantes, douées d'une forte

tendance affective et motrice, et par suite dans l'action. C'est par cette

hypersensibilité cénesthésique que la pensée de l'hystérique est toujours

une image tellement vive, qu'elle prend parfois une intensité hallucina-

toire, de sorte que le sujet imagine voir ou entendre tout ce qui lui est

suggéré. C'est bien à cause de son impressionnabilité cénesthésique que

l'hystérique ne peut penser à un acte quelconque sans ressentir une forte

impulsion à l'effectuer, même sans comprendre la raison de son impul-

sion. Nous avons une confirmation très appréciable des rapports existant

entre la sensibilité cénesthésique et la suggestibilité dans le fait que, lors-

que la première est très déprimée, on a la perte de la suggestibilité, ce qui

s'observe chez les mélancoliques, comme dans le cas d'Allonnes et d'au-

tres. On a pu provoquer parfois par suggestion des troubles somatiques

anormaux, des troubles vaso-moteurs,'sécrétoiresqui ne sont que traduc-

tion somatique ou cénesthésique des idées affectives suggérées. On les

remarque particulièrement dans l'état hypnotique, où l'on constate préci-

sément une hyperesthésie spéciale des centres cénesthésiques.

. Les considérations que nous avons faites à propos de la suggestibilité

hystérique éclairent également le mécanisme de l'imitation, phénomène

très prononcé chez les hystériques, et qui n'est qu'un stimulus suggestif

impliquant, de même que toute suggestion, une impulsion aveugle à l'ac-

tion aussitôt que le sujet a reçu certaines perceptions. En effet, l'imita-

tion est d'autant plus efficace que les images cénesthésiques sont plus

vivifiées, comme on l'observe dans l'hypnose où les malades imitent irré-

sistiblement tous les muuvements qu'ils voient. L'hystérique est très sou-

vent un mythomane qui imite avec la complicité de son organisme. Or,

cette mythomanie plastique, ou pour employer l'expression de Dupré et

Logre (3) cette mythoplastie, qui atteint son degré le plus élevé dans la

catalepsie, resterait parfaitement inexplicable, si l'on n'admettait pas une

vive impressionnabilité cénesthésique propre à expliquer la traduction

somatique des actes observés.

(1) Bernheih, Suggestion et persuasion. Revue scientifique, 1905 ; Bulletin Médical,

1910.

(2) BABINSKI, Définition de l'hystérie. Soc. de Neurologie, Paris, 1906.

(3) DUPRÉ et LOGRE, Encéphale, 191l.

THÉORIE PSYCHO-PHYSIOLOGIQUE DE L'HYSTÉRIE 269

t

La théorie cénesthésique éclaircit enfin l'importance des altérations

organiques dans le développement et dans la fixation des phénomènes

hystériques. Nous connaissons tous les rapports existant entre l'hystérie

et les modifications physiologiques et pathologiques des organes génitaux,

par exemple l'influence qu'ont la menstruation, la grossesse, l'accouche-

ment, les maladies génitales en général, dans la détermination des phé-

nomènes morbides. L'hystérie constitue une des complications les plus

fréquentes du goitre exophtalmique, comme si l'hypersécrétion thyroï-

dienne créait par le moyen de l'émotivité une disposition à l'affection.

Beaucoup de gastralgies hystériques ont leur origine dans des dyspepsies

réelles. Le cas n'est pas rare que des altérations gastriques ou pulmonai-

res, même très légères, provoquent chez ces sujets des hématémèses ou des

hémoptysies très fortes avec les caractères propres aux phénomènes hys-

tériques. On a décrit des crises hystériques qui avaient leur origine dans

des coliques hépatiques, rénales, et se répétaient ensuite par suite d'une

simple suggestion (Bernheim) (1). Une légère laryngite est parfois la cause

d'aphonies hystériques rebelles. Dans un cas décrit par Janet (2), les

zones hystérogènes, dont la compression provoquait des crises hystériques,

étaient représentées par les points de Valleix d'une sciatique précédem-

ment guérie. On remarque souvent dans l'hystérie traumatique un rap-

port entre les plus légères lésions anatomiques déterminées par le trauma

et les phénomènes hystériques, qui disparaissent rapidement à la suite de

la guérison des premières. Le développement de l'hystérie traumatique est

sans doute favorisé dans beaucoup de cas par la misère physiologique, la

fatigue, la neurasthénie, l'intoxication alcoolique, tabagique, le satur-

nisme, etc. L'hystérie, même infantile, chérit les sujets de faible constitu-

tion, atteints d'intoxications chroniques intestinales (Saint-Philippe) ou

d'infections atténuées telles que la tuberculose, la syphilis, les enfants

présentant un retard dans leur développement physique et psychique, les

fils d'alcooliques et de syphilitiques.il n'est pas rare que l'hystérie se joigne

à une affection organique des centres cérébraux et médullaires ; son associa-

tion est fréquente avec sclérose en plaques, la démence précoce et parfois

avec les tumeurs cérébrales et cérébelleuses, le tabes (dans le sexe féminin

en'particulier).L'on remarque dans l'hystérie des phénomènes qui semblent

très étroitement liés avec des faits vaso-moteurs ; on a décrit des cas d'hé-

(il Bernheim, loc. cit.

(2) JANET, loc. cit.

270 SALMON

miplégie, de contracture, de bégaîment hystérique, qui n'ont pas cédé à la

psychothérapie et qui ont disparu par l'inhalation de quelques gouttes de

nitrite d'amyle ; des cas d'hémiplégie droite avec aphasie motrice, ou sen-

sorielle, qui suggéraient tout à fait le diagnostic d'une altération organi-

que des centres cérébraux, et qui ont été guéris par la suggestion. La

cécité hystérique est très souventprécédée d'une forte céphalée et d'éblouis-

sements, comme si elle avait son origine dans un trouble vasculaire tran-

sitoire du cerveau. Les rapports entre les troubles vaso-moteurs et les

phénomènes hystériques sonllellement intimes que Savill (1) et d'autres

auteurs soutiennent que l'origine de ces phénomènes doit être cherchée

dans des faits vaso-moteurs des centres nerveux d'origine émotive. Ce qui

est certain c'est que dans beaucoup de cas les auteurs, même les plus dis-

tingués, se montrent très perplexes entre le diagnostic d'hystérie et celui

d'une affection vaso-motrice.

Or, les rapports que j'ai cités entre les altérations organiques et l'hys-

térie ne pourraient certes pas trouver d'explication dans une théorie

purement psychologique de celle affection, tandis qu'ils s'éclaircissent

parfaitement par ma théorie cénesthésique. La cénesthésie représente pré-

cisément une coordination psycho-organique ressentant l'influence soit

des stimuli psychiques soit des stimuli organiques. Elle enregistre d'une

part les modifications les plus légères de tous nos tissus, de l'autre donne

origine à nos représentations; nous en avons la démonstration la plus

évidente dans les songes dont on connaît bien l'analogie avec les phé-

nomènes hystériques où les images, les idées les plus fantastiques ont

très souvent leur origine dans de faibles sensations cénesthésiques. L'hy-

pothèse n'est pas alors hasardée que les phénomènes hystériques, de

même que les rêves, puissent tirer leur origine des traces cénesthésiques

laissées par des altérations organiques, même des plus légères, comme

une petite lésion périphérique, un trouble vaso-moteur d'origine émo-

tive, etc...

En résumé, je suis convaincu que l'hystérie trouve sa plus claire ex-

plication dans l'étude de la cénesthésie. De même que cette fonction

éclaircit le mécanisme de tous nos actes volontaires et automatiques, de

(1) Savill, Lectures on hysteria and allied vasomotor conditions. H. Gleischer, Lon-

don, Anjou Médical, 1909.

THÉORIE PSYCHO-PHYSIOLOGIQUE DE L'HYSTÉRIE 2Î1 1

même elle explique le mécanisme des actes hystériques, qui s'effectuent

d'après les lois réglant tous les actes volontaires et automatiques. La con-

dition fondamentale de l'affection est, à mon avis, l'hyperesthésie ou une

vive impressionnabilité des centres cénesthésiques, d'où la formation

d'images cénesthésiques fixes, douées d'une forte tendance affective et

motrice, qui, attirant sur elles-mêmes tout le dynamisme nerveux, en-

traînent un déséquilibre de la cénesthésie et par suite les modifications

de la personnalité propres à l'hystérie. Les rapports existant entre la

cénesthésie et les émotions (Sollier) expliquent l'importance des causes

affectives, de l'émotivité dans la détermination de cette affection. Les

images cénesthésiques constitueraient, d'après ma thèse, l'élément inter-

médiaire entre l'émotion et l'acte hystérique, ce qui éclaircirait d'une

part l'absence ou la rareté de l'affection après les émotions très intenses

déterminant d'ordinaire une dépression céneslhésique, d'autre part la

période de latence qui s'interpose très souvent entre l'émotion el le phé-

nomène hystérique; enfin cela éclaircirait aussi la faculté qu'ont les

troubles hystériques créés par des émotions ou par des idées affectives à

se répéter indépendamment de celles-ci. C'est également par une théorie

cénesthésique qu'on peut expliquer les rapports que nous avons cités entre

les lésions organiques et l'hystérie, rapports que les théories purement

psychologiques de cette affection ne sauraient nullement expliquer. La

théorie cénesthésique que j'ai décrite nous donne enfin l'explication du

pouvoir impulsif et plastique des idées affectives, pouvoir par lequel

celles-ci se traduisent promptement dans les actes correspondants et par-

fois dans des phénomènes somatiques anormaux, tels que des troubles

vaso-moteurs, sécrétoires, etc., lesquels ne sont eux-mêmes que l'ex-

pression d'une réactivité exagérée des centres cénesthésiques. C'est en

effet par une hypersensibilité cénesthésique qu'on peut expliquer ('t)M-

pressionnabilité sensuelle de Dubois (1), les propriétés plastiques des

images et par suite le mécanisme de la suggestibilité plastique et de la

mythoplastie caractérisant cette affection (Hartemberg, Dupré). Ma thèse

éclaircirait également le mécanisme de la conversion de Freud (2), par

laquelle l'affeki détermine des symptômes somatiques, ce qui constitue le

point le plus mystérieux de la thèse du neurologiste allemand.

Il me semble, en un mot, que ma thèse, non seulement n'est pas en

(i) Dubois, A propos de la définition de l'hystérie. Revue médicale de la Suisse

Romande, 1911.

(2) Fneun, Brucltslùcke einer Hystérie Analyse. Mon. f. Psych. u. Neurol., XVIII.

Das Interesse und der Psycho-andlyse, 1913. Scientia.

272 SALMON

contradiction avec les théories principales qui ont été avancées dans

l'étude de cette affection, mais qu'elle éclaircit les points les plus obscurs

de ces théories, les rendant ainsi plus acceptables. C'est pour cela que

j'espère que ma thèse pourra être bien accueillie par tous les neurologis-

les et particulièrement par les auteurs dont le nom est lié à cette intéres-

sante affection.

Le gérant : P. Bouchez.

Imp. J. Thevenot, Saint-Dizier (Haute-Marne)

TRAVAIL DE L'HOPITAL MUNICIPAL DE ROTTERDAM

Dir. : D' van L : YS58LSl'EIN ; Chef de labor. : D' .IOSSELIN de JONG.

SUR LES TROUBLES DES MOUVEMENTS ACTIFS

DANS DEUX CAS DE LÉSION BILATÉRALE

DU CORPS STRIÉ

PAR R

W. Van WOERKOM

(de Rotterdam).

Malgré les recherches nombreuses du dernier demi- siècle, malgré le

fait que le corps strié est un lieu de prédilection pour des affections

de toute sorte, le problème de la fonction de cet organe reste irrésolu.

En ce sens il ne diffère pas de tant d'autres parties du névraxe, de l'écorce

des circonvolutions centrales, du cervelet, dont nous ne connaissons pas non

plus le rôle précis dans la physiologie des centres nerveux. La différence

est que nous connaissons bien les symptômes provoqués par les lésions

de ces dernières régions et qu'ainsi notre pensée physiologique suit une

voie plus ou moins distincte, pendant que le syndrome du corps strié

reste toujours vague, nié par les uns, accepté par les autres.

Pourtant il y a une période dans l'histoire de la physiologie, pendant

laquelle on croyait avoir trouvé le bon chemin. Les recherches de Magen-

die (184,1), de Schiff (1846), de Nolhnagel (1873) et de Ferrier (1876)

ne semblent laisser aucun doute sur la fonction motrice de cet organe.

Les idées que se faisaient ces auteurs sur les connexions du corps strié

avec l'écorce d'une part, avec la moelle épinière de l'autre, nous expli-

quent leur inclinaison vers cette conception. -

Plus tard, lorsque l'anatomie nous eut montré l'indépendance du corps

strié et des fibres corticales de la capsule interne, et aussi la dégénérescence

du faisceau pyramidal dans les cas de parésie spasmodique, l'opinion

des neurologistes changea complètement. Dans les cas où la capsule in-

terne et le noyau lenticulaire sont frappés simultanément, les troubles

d'ordre moteur sont maintenant attribués exclusivement à la lésion de

la première. L'opinion de Hammond, attribuant les mouvements involon-

taires de caractère athétosique à une affection du corps strié, et deMeynert

(voyez son manuel de 1884), admettant la même localisation dans les cas

présentant des secousses choréiformes, est combattue par Kahleret Pick,

XXVII ils

274 VAN WOERKOM

qui nous assurent que ces symptômes accompagnant parfois l'hémiplégie

sont dus à la même lésion que celle-ci, c'est-à-dire à une affection du

faisceau pyramidal.

De nos jours cependant, cette conception de la genèse des mouve-

ments choréo-alhélosiques ne compte presque plus d'adhérents. Les cas

allant à l'encontre de l'opinion de Kaitieret Pick sont trop nombreux

pour qu'on puisse la soutenir encore. Rappelons seulement le cas de Bon-

hoeffer (Monatschrift sur Neur. und Psych., 1897), où une petite tumeur

à l'entrecroisement des pédoncules cérébelleux supérieurs avait provoqué

les secousses choréifol mes sans qu'il y ait eu trace de lésion des faisceaux

pyramidaux. Le grand nombre de cas où l'autopsie montra des altéra-

tions soit dans les noyaux rouges, soit dans les couches optiques, a per-

mis de formuler la théorie, maintenant en vigueur, que la présence des

secousses cboréiformes indique la lésion des hracliia conjuncliva dans un

point quelconque de leur trajet. Les recherches expérimentales d'Eco-

nomo et de Iiarplus (archive. Psych., lld. 46, 1910) ont encore plus

solidement confirmé leur signification pour la genèse de ces mouvements

involontaires.

Plus récemment von Niessl Vlayendorf élargi cette théorie en acceptant t

que la lésion de certaines parties de l'écorce cérébrale en connexion avec

les noyaux rouges peut provoquer les mêmes symptômes que l'affection

du faisceau rubro-cérébelleux lui-même.

Après les observations démontrant le rôle des faisceaux pyramidaux

dans la genèse de la parésie spasmodique, après celles où la lésion des

pédoncules,cérébelleux supérieurs avait provoqué les mouvements invo-

lontaires, toute interprétation tendant à démontrer l'action du corps sirié é

sur l'organisation de la fonction motrice paraît douteuse, au moins aux

yeux d'un certain nombre de neurologistes.

Et pourtant, depuis peu, il s'est manifesté encore une légère fluctuation

des opinions.

S'il est vrai que l'anatomie nous défend de retourner aux théories

de Magendie et de Schiff, quelques observations de date récente ont per-

mis d'accepter une certaine influence du corps strié sur l'action muscu-

laire. Les troubles dans ces cas (lenteur des mouvements actifs, raideur

musculaire, présence de mouvements choréo-athétosiques) ont été réunis

sous le nom de « syndrome du corps trié ». Ce syndrome, dont l'aspect

est fort différent suivant les cas décrits, se rapproche tantôt de la maladie

de Parkinson, tantôt il ressemble il l'alhétose double ou à la chorée, par-

fois on se croit en présence d'une diplégie spasmodique, causée par une

lésion des voies pyramidales, Quelques-uns de ces cas, examinés auato-

miquement, montraient une affection des corps striés fort prononcée, les

TROUBLES DES MOUVEMENTS ACTIFS DANS LA LÉSION DU CORPS STRIÉ 275

autres parties du névraxe étant intactes ou presque. Rappelons les cas

de Wilson (Grain, 1912), d'Oppenheim el de Vogt (Journal f. Psych, ù.

Neurol., 191 L), »

Ainsi l'incertitude en cette matière est encore très grande ; le l'ait que

les lésions du corps strié seraient capables de provoquer des symptômes,

qui parfois ne se distinguent guère de ceux causés par les affections des

brachia conjunctiva, est inacceptable pour un grand nombre de cliniciens.

Malgré ces observations récentes, ils conservent leur scepticisme vis-à-vis

du syndrome du corps strié. ' -

Voyons si la physiologie moderne peut nous donner quelque soutien.

Pruss (Ueber die bei electrischer Reizzi21g des Corpus stratum ù.

des thaï. op. au/ /retende Ersr : 1zeinungen, Wiener klin. Wochenschr.,

1899) obtient des contractions musculaires toniques par l'excitation

de parties caudales du noyau caudé et des contractions cloniques par l'ex-

citation des parties du milieu ; des mouvements de locomotion sont pro-

voqués en stimulant les parties frontales.

Von Bechterew (die Funklionen der Ne1'vencentru, IU09) faisait ses

expériences sur le chien. Il détruisait la zone motrice et provoquait

ainsi une dégénérescence du faisceau pyramidal. Alors les excitations du

noyau caudé n'avaient ancun effet. C'est l'excitation du noyau lenticulaire

seul qui provoquait des contractions musculaires toniques héléro-latérales.

- Ziehen (Zur Physiologie der in/rac01'ticalen Ganglien u. Übe1' ihre

Beziehunger zur epileptischer tizzfall. Archiv f. Psych., 1890) est d'un

avis contraire. Après ablation de l'écorce il trouve le noyau lenticulaire

du lapin inexcitable. Les contractions musculaires, qu'on observe parfois

en ce cas, seraient provoquées par l'excitation des libres de la capsule

interne non dégénérées.

Minor (Signification et rôle du C01'PS strié. Thèse de Moscou, 1889)

n'obtient pas de résultais positifs. Comme Ziehen après lui, il nie l'excita-

bilité du corps strié.

Ainsi dans la physiologie l'incertitude est aussi grande que dans la

clinique.

Il me semble que l'état actuel du problème de la fonction motrice du'

corps strié peut être résumé ainsi : .

, Un certain nombre de cliniciens affirment que le corps strié ne joue aucun

rôle dans le mécanisme de l'innervation musculaire. Celle opinion est

soutenue par l'observation de cas où les lésions, même bilatérales, ne

provoquent pas de symptômes manifestes.

D'autres expliquent certains troubles de la motililé (ceux qu'obser-

vaient par exemple Oppenheim et Vogt, Wilson et Fischer dans leurs cas

par l'atrophie (malfot nialion) de cet organe. Ce sonl les spasmes, les mou-

276 VAN VOfiIi0 : lI

vementschoréo-athétosidues, la raideur des muscles, qui sont attribués à

sa lésion.

Une petite minorité parmi les neurologistes (Mingazzini) admet l'exis-

tence de fibres de projection cortico-lenticulaires ; le corps strié donnerait

naissance il des fibres qui s'associent aux fibres pyramidales. Ces auteurs

ont observé des cas où la capsule interne était intacte et la lésion du

noyau lenticulaire seule était capable de provoquer une hémiplégie. La

possibilité d'une certaine localisation des fondions motrices est admise.

Pour la majorité des physiologistes, le rôle du corps strié dans le méca-

nisme de l'innervation musculaire n'est pas démontré. Une minorité fait

une exception pour le noyau lenticulaire, dont la stimulation provoque-

rait des contractions musculaires de caractère tonique ou clonique chez

certains animaux.

J'essaierai de donner une description détaillée des troubles fonction-

nels dans un cas où les corps striés furent trouvés en forte atrophie. La

courte relation d'un autre cas suivra ; les altérations anatomiques de ces

centres y ont eu un caractère aigu.

Observation I

Kn., 65 ans, sans domicile, entre à l'hôpital municipal de cette ville dans un

état d'épuisement extrême. Après quelques jours, il se rétablit 'et me donne les

renseignements suivants : Il y a quatre ans, il remarqua que sa marche deve-

nait difficile. En outre des secousses du côté droit du corps attirèrent son

attention; plus tard elles se manifestèrent également du côté gauche. Quel-

quefois le malade fut pris de crises pendant lesquelles il perdait connaissance.

Ces crises, qui arrivaient très rarement, ne furent jamais observées par un

médecin. Elles n'auraient pas influencé les troubles dont le malade se plaint.

La femme du malade me raconte que Kn. fut toujours mauvais époux et

mauvais père. C'était un vaurien, qui n'eut jamais de gagne-pain régulier. Il

battait sa femme, l'exploitait d'une manière infâme. Lorsque sa maladie le

rendit infirme, il fut expulsé de sa maison, et mena une vie de vagabondage.

Pourtant le malade n'est pas du tout un imbécile. La mémoire est excellente.

Quand il a fini de lire un roman, il me raconte l'intrigue et prouve qu'il a tout

compris. Souvent le malade m'a amusé en trouvant des excuses parfois ingé-

nieuses pour ses mauvais tours. A cause des troubles de la parole Ku.

n'aime pas causer avec les autres malades; il tue le temps en lisant. En

résumé, le malade est un individu profondément immoral, dont l'intelligence

proprement dite n'est pas au-dessous de la moyenne.

Les crises décrites par le malade n'ont pas été constatées pendant les mois

que j'ai eu l'occasion de l'observer.

Etal actuel. Le malade est un homme maigre, de petite taille. La

figure a très peu d'expression ; seulement, quand il y a quelque chose dans

TROUBLES DES MOUVEMENTS ACTIFS DANS LA LÉSION DU CORPS STRIÉ 277

son entourage qui l'amuse, la figure se fige dans une grimace prolongée.

Quand il est assis, le dos est courbé, le corps est soutenu par les bras, les

coudes reposant sur la table. Même abandonné à lui-même, le malade ne reste

pas immobile. De temps en temps la tète est baissée involontairement. La figure,

quoique sans expression, est le siège de contractions musculaires involontaires,

le front est parfois plissé, les lèvres sont remuées. Les doigts sont en agitation

perpétuelle, de temps en temps une des épaules est relevée. Quelques-unes

de ces contractions sont très vives, parfois elles durent quelque temps (par

exemple les contractions des muscles frontaux). Ces mouvements involon-

taires sont déjà présents quand le malade ne se croit pas observé, mais leur

intensité augmente dès qu'on se rapproche de lui et ils atteignent leur maxi-

mum quand on lui pose une question. La figure est en proie à des grimaces,

il ouvre la bouche largement, la referme sans avoir prononcé un mot, la

tête est jetée en avant, les épaules sont relevées, surtout à droite, même les

extrémités inférieures prennent leur part dans cette agitation musculaire.

Enfin quelques mots sont prononcés d'une voix rauque, à peine compréhen-

sible. La parole est explosive, monotone, les syllabes sont espacées ; pen-

dant les efforts de la parole, la respiration est fort irrégulière et très profonde.

Si nous prions le malade de fermer les yeux, l'ordre est exécuté sans diffi-

culté. Par contre il n'est pas capable de fermer les yeux séparément. Il fait

des grimaces terribles, il n'atteint pas son but.

Je lui demande de siffler, il fait une contraction passagère de l'orbiculaire,

mais les lèvres ne sont pas tenues dans la bonne position, il fait des efforts

désespérés, les mâchoires sont remuées, la langue est tirée, toute la muscu-

lature du corps est en agitation, mais l'action ordonnée n'est pas obtenue.

Yeux. Les pupilles sont égales, la réaction à la lumière est bonne. Tous

les mouvements des yeux sont bien exécutés, pas de lenteur, pas de nystagmus.

Extrémités supérieures. Il n'y a pas d'atrophies localisées.

Les réflexes sont présents, ils ne sont pas exagérés.

.4 gauche la main est presque toujours en flexion palmaire. Le pouce exécute

des mouvements roulants contre l'index, qui à son tour est mis en flexion

et en adduction par la contraction intermittente du muscle interosseux externe.

Les autres doigts sont également en flexion presque continue, surtout dans

les articulations proximales. Par des contractions irrégulières des muscles in-

terosseux, les phalanges proximales sont encore plus fléchies, les autres sont

mises en extension. Les longs fléchisseurs des doigts prennent leur part dans

ce jeu musculaire ; nous remarquons que de temps en temps les phalanges

distales sont pliées également. Tous ces mouvements sont exécutés avec une

certaine lenteur. De temps en temps, par une secousse vive, entrecoupant les

contractions des fléchisseurs, la main exécute un mouvement de flexion dor-

sale.

La main droite montre également de la tendance vers la flexion palmaire, mais

plus souvent qu'à gauche elle est mise en flexion dorsale. Le doigt du milieu

est ankylosé (après une chute). Nous remarquons les mêmes mouvements rou-

278 ' VAN WOEI1KOM ' "

lants du pouce contre l'index, qui à son tour est sous l'action du muscle in-

terosseux. Parfois l'index est étendu isolément, parfois tous les doigts se

mettent en extension (en éventail) simultanément. ''

, Ainsi déjà au repos nous constatons une grande discontinuité de l'action

. musculaire, également bien appréciable en palpant les petits muscles de la main

ou mieux encore en prenant notre malade par un des poignets. -

Les mouvements passifs ne se heurtent à aucune résistance, on peut sans

difficulté donner,des positions excessives aux doigts et à la main, malgré lès

contractions continuelles des muscles. Les mouvements passifs dans les cou-

' des présentent les mêmes particularités, avec cette différence cependant que

- parfois une résistance inattendue se manifeste brusquement; on se heurte à

une contrartion des muscles antagonistes tellement forte, qu'elle est presque

invincible ; cette résistance peut disparaître tout à coup.

Le malade n'est pas capable de lever les épaules isolément, il les lève toutes

. les deux il la fois. simultanément les bras sont mis en abduction. '

Si nous prions le malade de relever le bras en abduction, au lieu de faire ce

- mouvement dans la position d'extension, il met le bras en flexion. Puis il exécute

. un mouvement d'abduction, qui tout de suite est arrêté. En palpant les mu's-

- clés adducteurs du bras, nous remarquons que chaque nouvel effort se heurte

à la contraction de ces muscles. Le même phénomène est constaté quand^le

malade veut mettre le bras en extension : c'est encore la contraction des anta-

- gônistes qui empêche le mouvement projeté et qui fait rebondir le membre.

Le malade n'est pas èapable de faire ses efforts dans les deux articulations

simultanément. " 1

L'attention s'est concentrée soit sur le coude, soit sur l'épaule. L'expression

de la figure de notre première photo nous démontre la peine que le malade se

. donne ; nous remarquons que tout le corps est penché vers le côté gauche'et

qu'inconsciemment la main fait le poing. Pourtant aucun muscle n'est para-

lysé. Quand, grâce à l'aide d'autrui, la position demandée est obtenue, il

n'éprouve aucune difficulté à tenir le bras pendant quelque temps dans cette

position. Voyez la différence d'expression des figures de nos deux photos

. (PI. XLVIII). Après avoir exécuté ce mouvement passivement, le malade est

souvent capable de le faire spontanément.

- A gauche le trouble est moins prononcé, le malade est capable de porter le

bras au-dessus du plan horizontal ; mais, comme du côté droit, le relâchement

"des adducteurs est défectueux et le bras est' mis en flexion, .

Quand le malade est prié d'exécuter un simple mouvement .d'extension -de

' t'avant-bras sur le bras, c'est encore la position suivante qui est involontaire-

ment occupée ; le membre est pressé contre le thorax, il est mis en flexion

- au coude, la main fait le poing. Brusquement l'avant-bras est jeté en

avant, mais ;i mi-chemin il se heurte à la résistance que lui opposent les flé-

''cbisseurs insuffisamment relâchés et dont la' contraction fait rebondir le

' membre. Au moment où les avant-bras sont jetés en avant, les mains exécu-

-tent des mouvements associés de flexion palmaire. En palpant le muscle biceps

nous pouvons nous rendre compte de la contrartion de ce muscle, enrayant

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière. T. 11VII. hL. 1LVIII

TROUBLES MOTEURS DANS LES LÉSIONS DU CORPS STRIÉ

(W. van Woerkom.) --

TROUBLES DES MOUVEMENTS ACTIFS DANS LA LESION DU CORPS STRIÉ 279

'l'effort des extenseurs. Après quelques efforts, l'amplitude du mouvement d'ex-

tension s'amoindrit de plus en plus.

Quand le malade veut serrer la main du médecin, l'examinateur a bien la

sensation d'une action musculaire irrégulière, mal soutenue ; la main est mise

en flexion palmaire et pas en flexion dorsale.

Pendant cet effort nous remarquons des mouvements associés de l'épaule,

des grimaces, des contractions de la musculature de l'autre bras.

Les mouvements de flexion et d'extension dans l'articulation du poignet sont

exécutés lentement, par secousses. La palpation nous apprend que le relâche-

ment des antagonistes est irrégulier, entrecoupé par des contractions. Après

avoir exécuté deux ou trois fois ces mouvements, l'action devient tout à fait

impossible.

Quand, sur ma demande, le malade s'efforce de rapprocher le pouce du petit

droit, nous constatons que le pouce fait un mouvement d'opposition de faible

amplitude et très passager, mais que le petit doigt reste immobile ; ou bien

celui-ci est mis en flexion après que le pouce a fait son effort. Après les pre-

miers échecs, le malade n'est même plus capable de faire les éléments du mou-

'vement combiné.

. Quand il vent mettre un doigt en contact avec le bout de son nez, il com-

.'mence par serrer le bras contre le thorax, ensuite il fait un mouvement brus-

que de flexion au coude, qui le fait dépasser son but.

Le même caractère de mouvement démesuré est constaté, quand le malade

fait un mouvement de préhension : il ouvre la main d'une manière exagérée.

Le malade est capable de prendre sa nourriture spontanément. Le bras

droit est en adduction permanente, serré contre le thorax. Il tient la cuiller

à pleine main. Après une attente relativement longue, le bras droit est plié

brusquement au coude, parfois le but est dépassé et il se frappe la joue. La

bouche est ouverte largement- Souvent les deux actes ne sont pas exécutés

simultanément; la bouche est ouverte, avant qu'il soit capable de mettre le

bras en flexion ou la bouche n'est pas ouverte au moment où la cuiller atteint

son but. Ainsi c'est toujours comme par hasard que la-nourriture entre dans

;la bouche.

Les mouvements alternatifs de pronation et de supination delà main restent

'tout a fait en défaut : c'est à peine s'il peut exécuter les deux mouvements

séparément; après quelques tentatives il n'est plus capable de faire suivre le

mouvement inverse. Par contre l'autre main exécute quelques mouvements

'alternatifs'inconsciemment. t.

Je lui passe une montre et je le prie de la remonter : les mêmes mouve-

ments roulants du pouce et de l'index, qui, d'ordinaire, sont faits presque

.continuellement, restent en défaut qnand il vent les faire comme acte volontaire.

En général tout mouvement intentionnel est exécuté bilatéralement; pendant

l'effort les contractions choréo-athétosiques sont arrêtées.

Extrémités inférieures. L'inspection nous apprend qu'au repos il y a

- une certaine agitation musculaire. Nous remarquons des contractions invo-

lontaires des adducteurs, du muscle exlensor cruris, mais surtout du muscle

280 VAN WOERKOM ^

extensor hallucis longus ; le gros orteil est par l'action de ce muscle presque

toujours en extension.

L'atonie musculaire nous permet de donner des positions contre nature aux

membres inférieurs.

Les réflexes patellaires sont présents, ils ne sont pas exagérés.

Les réflexes plantaires ont le type normal. Malgré les contractions sponta-

nées du muscle extensor hallucis, les excitations de la plante du pied ne provo-

quent pas un véritable réflexe de Babinski. Le réflexe des raccourcisseurs est

provoqué par des excitations assez légères, mais la zone réflexogène ne déborde

pas la plante du pied.

Si nous prions le malade de fléchir le genou, nous assistons à un jeu muscu-

laire bizarre. Au lieu de faire un mouvement de flexion, souvent le membre est

fixé en extension par la contraction spasmodique des antagonistes. Après un

temps pendant lequel les muscles intéressés sont tour à tour en contraction

et en relâchement, le mouvement demandé est exécuté brusquement. Pendant

les efforts que le malade se donne, à la recherche de là bonne formule d'inner-

.vation musculaire, les extenseurs du pied sont en forte contraction.

Pour mettre le talon sur le genou de l'autre membre, il commence par plier

^brusquement le membre dans la hanche, le genou reste en extension; dans

-la deuxième phase le genou est plié démesurément, de sorte que le but est

dépassé.

La flexion active des orteils est très difficile, c'est encore le relâchement

.défectueux des antagonistes qui nous frappe.

Quand le. malade est assis sur sa chaise, les membres inférieurs pliés aux

genous, la mise en extension des jambes se heurte à des difficultés énormes. Au

commencement, la contraction des fléchisseurs accentue la position, qui,

précisément, doit être quittée. En palpant les tendons des fléchisseurs, nous

avons la sensation de contractions et de relâchements alternatifs. Quand, à la

fin, l'acte demandé est commencé, le mouvement en avant est encore arrêté à

cause du relâchement défectueux des antagonistes.

Le malade n'est pas capable de se mettre sur son séant sans l'aide de ses

bras. Quand il est assis, il ne peut pas se tenir droit sans un soutien solide ;

autrement le corps est en mouvement continuel et il risque des chutes.

Mis sur les pieds, le dos est légèrement courbé ; le tronc et la tète sont en

agitation perpétuelle par des secousses vives et irrégulières, compromettant

l'équilibre.

La marche est raide, mal coordonnée. Les bras sont immobiles, pliés aux

coudes. Les pas sont petits, le mouvement est assez rapide. En général les

pieds sont très peu levés, ils ne perdent presque pas le contact avec le sol ; de

temps en temps un des pieds est levé très haut. Parfois il s'arrête tout à coup,

parce qu'il ne peut pas avancer la jambe qui est en arrière ; il fait des efforts

désespérés, se manifestant par des grimaces, par des mouvements en avant du

tronc entier; enfin, le membre est lancé en avant. Parfois les membres exé-

cutent bien des mouvements alternatifs de flexion et d'extension, mais le ma-

lade reste figé à la même place.

TROUBLES DES MOUVEMENTS ACTIFS DANS LA LÉSION DU CORPS STRIÉ 281

Les troubles que j'ai décrits, quoique en principe toujours les mêmes, sont

fort variables en intensité. A certains jours les mouvements involontaires sont

plus prononcés, parfois il n'est pas capable de prononcer un sent mot com-

préhensible : ce ne sont que quelques cris rauques, accompagnés de grimaces

effroyables, qui sont poussés. De temps en temps des trémulations générali-

sées sont observées. '

La sensibilité (superficielle et profonde) est intacte.

La réaction des muscles au courant électrique est partout normale.

Après un séjour de huit mois à l'hôpital, le malade succombe dans un état

de cachexie.

Autopsie. Cadavre très maigre. Taille 1 m. 64. La section des organes

ne révèle rien qui nous intéresse. Le foie et les testicules sont sans altérations

sclérotiques. L'aorte a un aspect normal ; il n'y a pas trace d'une aortite syphi-

litique.

Cerveau. Poids : lao grammes.

Macroscopiquement il y a un léger épaississement des méninges molles.

Les circonvolutions des lobes frontaux sont un peu amincies.

Les grands vaisseaux de la base sont épaissis.

Du reste on ne constate rien de particulier à la surface du cerveau.

Le cervelet a un aspect absolument normal.

En vue de l'examen microscopique de l'écorce, quelques parties des circon-

volutions frontales, centrales, temporales, occipitales et du cervelet sont fixées

dans l'alcool, d'autres parties dans la liqueur de Weigert. Après, le cerveau in

toto est mis dans la liqueur de llldller. Les coupes sériées sont colorées par

l'hématoxyline (Weigert-Pal), par le carmin et. suivant le procédé de Van

Gieson.

Cette méthode des coupes sériées nous permet de constater l'absence de

foyer de désintégration aiguë (kémorragies, ramollissements).

Les centres semi-ovales et l'écorce ont, dans les coupes d'après Weigert, les

proportions normales ; tous les systèmes de fibres sont intacts.

Ce ne sont que les corps striés qui, à cause de leur réduction extrême,

attirent tout de suite notre attention.

A l'aide de quelques dessins schématiques nous étudierons les altérations

caractérisant ce'cerveau.

Coupe /(intéressant la moitié antérieure de la tête du noyau caudé). Il I

y a une réduction du corps strié jusqu'au tiers du volume normal. La proé-

minence de la tête du noyau caudé a presque disparu. La surface ventricu-

laire est fortement plissée.

Microscopiquement (Weigert-Pal) il y a une diminution très forte des fibres

appartenant en propre au corps strié; dans le cerveaa normal, celles-ci consti-

tuent de petits fascicules se distinguant par leur coloration plus faible et par

leur volume des fibres de. passage se rendant à la capsule interne. Dans le

cerveau de Kn. l'intégrité de celles-ci contraste avec l'atrophie des premières.

Les coupes d'après Van Gieson montrent dans la substance grise du noyau

282 VAN WOERKOM

caudé et du noyau lenticulaire une forte prolifération du tissu névroglique

surtout autour des vaisseaux; elle se manifeste par la présence d'un grand

nombre de cellules araignées. Autour des noyaux névrogliques il se trouve un

petit amas de pigment jaune.

Au milieu des noyaux névroglique, on remarque quelques cellules nerveuses

.de petite taille. Les cellules, rares, de grande taille, ont rassemblé beaucoup de

pigment. Les gaines vasculaires sont, pour un individu de cet âge, en très bon

état. On ne trouve ni infiltrations cellulaires, ni amas pigmentaires, autour

,des vaisseaux. L'épendyme forme une couclie cellulaire très régulière.

Coupe Il. - On retrouve les mêmes altérations que dans la coupe précé-

Si'rie normale Observation 1

FiG. 1

TROUBLES DES MOUVEMENTS ACTIFS DANS LA LÉSION DU CORPS STRIÉ 283

dente : atrophie du corps strié avec réduction des radiations de ce corps ;

intégrité des fibres de projection de la capsule interne, ce ne sont que les

traînées de substance grise traversant la capsule interne qui sont en réduc-

tioii. '.

tion. `.

Coupe III (intéressant la partie antérieure du globus pallidus). Celui-ci

est en atrophie aussi prononcée que les antres parties du corps strié. Il y a

encore une réduction des fascicules du noyau caudé. Dans le noyau lenticu-

laire, les fascicules qui restent se sont rapprochés à cause de la diminution

de la substance fondamentale. La lamina medullaris externa-est formée par

un réseau librillaire inextricable, dans lequel les fibres verticales ne sont pas

retrouvées. Les fascicules faiblement colorés, qui, dans le cerveau normal,

abordent la lamina medullaris externa ne sont présents qu'en très petit nom-

bre. Le globus pallidus montre un réseau 'nbrillaire très dense, dans lequel

ces fascicules ne sont pas retrouvés. La substance innominée avec ses fibres

transversales, la bandelette optique et la commissure de Meynert ont un

aspect normal. Les cellules nerveuses du globus pallidus sonton dégénérescence

pigmentaire très forte. Il y a beaucoup de pigment autour des noyaux névro-

gliques. La capsule externe et l'avant-mur sont sans altérations bien appré-

ciables. Les cellules du ganglion ansae peduncularis ont l'aspect retrouvé dans

les cerveaux normaux des gens âgés, elles contiennent un pigment abondant.

Coupe IV. Macroscopiquement c'est encore la réduction du corps strié

qui saute aux yeux. La capsule interne est intacte. La surface épendymaire

du noyau caudé est fortement plissée, mais dans son intérieur on remarque

plusieurs fascicules, qui même sont plus serrés que dans la coupe correspon-

dante du cerveau normal. Par la réduction des traînées de substance grise

séparant les faisceaux de la capsule interne, celle-ci a un aspect plus compact.

Le putamen contient également plusieurs fascicules appartenant en propre au

corps strié, par contre le tissu interradiaire est très pauvre en fibres à myé-

line. Les fibres verticales, qui, normalement, entrent dans la constitution de

la lamina medullaris externa, sont présentes dans cette coupe, mais en très

petit nombre. Les fascicules traversant celte lamina sont égalementen réduc-

tion.

Le segment latéral du globus pallidus contient un réseau de fibres à myéline

extrêmement dense, dans lequel la lamina medullaris accessoria n'est pas

reconnue. Dans la partie médiale du segment latéral, des fascicules radiés

très compacts abordent la lamina medullaris interna. Celle ci montre un

réseau (ibrillaire inextricable. Dans le segment médial du globus pallidus, les

fascicules sont très serrés. A sa base nous remarquons un faisceau volumineux

en forme d'écharpe : l'ansa lenticularis. D'autres fibres émergent la face

supérieure du globus pallidus, elles croisent sous un angle plus ou moins

droit les fascicule ? radiés, elles prennent la direction dorso-médiale et décri-

vent une courbure, qui est convexe en liant. La commissure de lIIeyuert est

intacte, le fornix également. : " La capsule externe et l'avant-mur ont dans les coupes d'après Pal l'aspect

284 VAN WOERKOM : normal. C'est le même cas avec la région sublenticulaire, contenant les fibres

transversales du pednnculus inferior thalami.

Coupe V (intéressant la partie antérieure de la couche optique). Le

noyau caudé, le putamen et le globus pallidus sont en réduction proportion-

née. On remarque dans le putamen les fascicules radiés bien colorés et en

assez grand nombre. A certaines places, les espaces interradiairesmontrentun

réseau fibrillaire très dense, mais dont les fibres à myéline sont d'une finesse

Série normale Série ohs, I

- Fm.2 2

TROUBLES DES MOUVEMENTS ACTIFS DANS LA LÉSION DU CORPS STRIÉ 285

extrême; en d'autres places les fibres à myéline sont presque absentes. Les

lamina; médullaires contiennent dans cette coupe beaucoup de fibres à direc-

tion verticale. Le réseau fibrillaire du globus pallidus est d'une densité encore

pjus grande que dans la coupe correspondante du cerveau normal. Dans la

partie médiale du globus pallidus nous remarquons beaucoup de fibres croi-

sant les fibres radiées ; elles s'acheminent vers la capsule interne, qui est éga-

lement traversée, prennent la direction médiale et se jettent dans un faisceau

compact au-dessus du corps de Luys ; c'est le faisceau lenticulaire de Forel.

Peut-être est-il moins épais qu'à l'état normal, mais la différence n'est pas bien

appréciable. Par contre le corps de Luys est en réduction évidente, il a perdu

la moitié ou le tiers de son volume ordinaire, ses cellules sont en forte dégé-

nérescence pigmentaire, mais- son réseau de fibres à myéline est plus dense que

d'ordinaire. La zone incerta, le faisceau thalamique et le faisceau de Vicq d'Azyr

ont le même aspect que dans la coupe correspondante du cerveau normal.

Coupe VI (intéressant la commissura subthalamica de Forel). Comme

dans les coupes précédentes le volume du corps strié est très diminué ; le

putamen contient plusieurs fascicules, les espaces interradiaires sont en partie

occupés par un réseau de fibres à myéline extrêmement dense, mais le calibre

de ces fibres est très fin. A d'autres places les espaces interradiaires sont

presque vides dans les coupes d'après Weigert-Pal. Les laminas médullaires

contiennent un bon nombre de fibres verticales. Le corps sous-thalamique est

en atrophie manifeste ; quelques libres appartenant au système de projection

du corps strié abordent le corps de Luys après avoir croisé la capsule interne.

Leur nombre apparaît très faible. L'affaissement très évident de la couche

optique est expliqué par l'atrophie de la région sous-thalamique. Microscopi-

quement la coupe d'après Van Gieson montre une prolifération de la névroglie

bien appréciable à la base de la couche optique, aux confins de la région sous-

thalamique En étudiant le réseau de fibres à myéline dans la couche optique,

des réductions ne sont pas constatées. La capsule interne est intacte en ce qui

concerne les fibres de projection corticale.

Coupe VII (en arrière du corps de Luys). Le volume du noyau rouge n'a

pas diminué, l'aspect fibrillaire dans la coupe d'après Weigert-Pal est normal.

Nous remarquons le manteau de fibres à myéline autour de ce noyau se conti-

nuant dans un faisceau volumineux, qui aboutit dans la base du noyau externe

de la couche optique. Comme dans la coupe précédente, nous remarquons

l'affaissement de cet organe. Microscopiquement, les noyaux de la couche opti-

que ne montrent pas une diminution du réseau fibrillaire. La capsule interne

est intacte ; nous remarquons les faisceaux fibrillaires entourant le. noyau

externe de la couche optique ; la zone reticularis et la lamina medullaris

externa sont sans altérations visibles. Dans la coupe d'après Van Gieson nous

constatons quelque prolifération névroglique autour des vaisseaux, les tuni-

ques elles-mêmes sont, pour un individu de cet àâe, en très bon état. Les cel-

lules nerveuses du noyau rouge contiennent beaucoup de pigment, on en

remarque qui sont accompagnées de noyaux névrogliques nombreux. Il y a

dans le noyau rouge une légère augmentation de la névroglie, surtout autour

286 VAN WOERKOM -

des vaisseaux. La couche optique ne montre ni des réductions cellulaires

bien appréciables, ni une prolifération considérable de la névroglie. Ce n'est-

qu'à la base qu'une prolifération évidente de la névroglie est constatée. Voyez

les places pointillées de VIle et VIIIe.

Coupe VIII (intéressant la partie postérieure du noyau rouge). Nous

remarquons l'intégrité de la capsule interne. La couche optique montre la défor-,

Série normale Série obs. 1

Fn,.3 3

TROUBLES DES MOUVEMENTS ACTIFS DANS LA LÉSION DU CORPS STRIÉ 287

motion décrite; partout le réseau de fibres à myéline a une densité normale.

A la base la névroglie est en prolifération plus forte.

Coupe IX. Ce sont les mêmes altérations qui attirent notre attention : la

déformation de la couche optique, la coupe d'après Weigert-Pal sans altérations

microscopiques appréciables, la coupe d'après Van Gieson montrant l'augmen-

tation de la névroglie à la base de la couche optique. Du reste rien d'anormal

n'est constaté : la capsule interne, dont les faisceaux entourent le noyau

externe, le stratum zonale, le ganglion haberiulæ, la commissura posterior et

tout le reste ont l'aspect normal. z

Les altérations relatées sont bilatérales. C'est à peine si on peut constater

une légère différence en intensité. '

En étudiant le cerveau moyen et la protubérance, nous constatons l'absence

de foyers hémorragiques et de ramollissements. Les dimensions ne sont nulle-

ment au-dessous du volume normal. Les corps quadrijumeaux ont l'aspect

normal.

La calotte est sans altérations. Les rubans de Reil médians et les lemnisci'

latéraux, les pédoncules cérébelleux supérieurs et les faisceaux longitudi-

naux postérieurs ont dans les coupes d'après Weigert-Pal l'aspect absolument

normal. Dans ces coupes nous pouvons constater également l'intégrité des fais-

ceaux pyramidaux et des fibres transversales protubérautielles. D'après la

méthode de Van Gieson nous remarquons dans les corps quadrijumeaux une

augmentation de la névroglie, les cellules nerveuses ne sont pas diminuées

d'une manière bien appréciable.

Les grandes cellules de segmenlation sonten dégénérescence pigmentaire plus

ou moins forte, mais en général leurs noyaux sout bien conservés. C'est le même

cas avec la substance grise de l'étage ventral : augmentation du pigment dans

les cellules nerveuses avec quelques proliférations diffuses de la névroglie.

La moelle allongée montre les mêmes particularités que la protubérance :

d'après Weigert-Pal pas d'altérations, d'après Van Gieson des signes légers

d'involution généralisée.

Parmi les cellules des noyaux de la VU' paire, on en rencontre qui sont en

dégénérescence pigmentaire extrême : parfois ce n'est qu'un petit amas de pig-

ment qui reste. Plusieurs d'entre elles ont pourtant conservé leur forme

typique. Les noyaux de Deiters,les noyaux ambigus et les noyaux de la XIIe paire

ont le même aspect. Les olives inférieures n'ont rien de particulier. Ce n'est

que le pigment des cellules nerveuses et l'augmentation légère de la névroglie

qui peuvent être relevés.

Moelle épinière. - Il y a absence de toute dégénérescence fasciculaire. Mais

comme dans le tronc encéphalique, la prolifération diffuse de la névroglie et la

dégénérescence pigmentaire des cellules nerveuses des cornes antérieures et

surtout des colonnes de Clarke sont les signes de l'involution sénile.

Cervelet. -- Dans les coupes d'après Weigert-Pal, rien d'anormal n'est cons-

taté. Les noyaux dentelés et les noyaux du toit ue montrent pas d'altérations

microscopiques particulières.

Ecorce. Dans les coupes d'après Weigert-Pal et d'après Spielmeyer, l'as-

288 ' VAN WOEIIKOM

pect est tout à fait normal. On remarque les fibres radiées entourant l'écorce ;

le feutrage interradiaire avec ses fibres fines et ses fibres grosses montre la

densité normale ; dans les coupes pas trop décolorées, le feutrage superradiaire

et les fibres tangentielles superficielles sont également en bon état. Dans les

coupes d'après Nissl, les processus d'involution ne dépassent nullement ce

que l'on trouve d'ordinaire chez les vieillards. Partout les couches sont bien

différenciées. Les cellules pyramidales contiennent, en général, peu de pig-

ment. Parmi les cellules géantes de Betz, présentes en bon nombre dans les

gyri præcentrales, on en trouve qui sont en dégénérescence pigmentaire plus

avancée, elles ont pourtant gardé leur forme caractéristique. D'après la méthode

d'Alzheimer (coloration par l'hématoxyline de HIallory), une légère proliféra-

tion de la névroglie est constatée dans la substance blanche sous-corticale ;

surtout autour des vaisseaux, on remarque parfois des groupes de cellules

araignées ; l'écorce elle-même n'a pas dans ces coupes un aspect altéré, c'est à

peine si on peut constater une légère augmentation des noyaux névrogliques

dans le stratum zonale ; autour de ces noyaux, uu peu de pigment est accu-

mulé.

Les vaisseaux sont en très bon état.

L'écorce du cervelet est sans altérations importantes.

Les cellules de Purkinje ont l'aspect normal. Dans la couche des grains, on

reconnaît les cellules de Gol-i ; dans la couche plexiforme, on remarque, en

bon nombre, les cellules étoilées.

Les cornes d'Ammon montrent une couche de cellules pyramidales normales ;

à certaines places, au bile de la circonvolution godronnée, la névroglie est en

prolifération. D'après Weigert-Pal, l'alveus el la couche fibrillaire superficielle

du subiculum sont bien marqués.

- EN résumé, nous constatons dans ce cerveau les signes ordinaires

de la vieillesse. L'écorce cérébrale el cérébelleuse est intacte. Ce n'est

que dans les ganglions in fr a- corticaux que nous trouvons des proces-

sus d'involution très avancés. Les corps striés sont en forte atrophie.

Les corps de Luys ont perdu la moitié de leur volume. A la base des

couches optiques (les places pointillées) , la névroglie est enproliféra-

tion accentuée. Du reste les couches optiques sont sans altérations

appréciables.

En récapitulant les symptômes que montre notre malade, on se sou-

vient de l'atonie musculaire fort prononcée et de la variabilité extrême de

l'état des muscles. Les mouvements involontaires sont d'un type rappelant

à la fois la choréo-athétose et la maladie de Parkinson.

La désorganisation des mouvements actifs mérite une ample discussion,

que nous voulons ouvrir en relatant quelques faits physiologiques.

1>- 1 r. Pt& S ' ' , raton

TROUBLES DES MOUVEMENTS ACTIFS DANS LA L Si0 (liiPS STRIE 289

Prions un individu normal d'exécuter vivement un mouvement se bor- z

nant à une seule articulation, par exemple qu'il fléchisse l'index droit

dans l'articulation métacarpo-phalangienne. L'amplitude du mouvement

ne sera pas limitée par des instructions spéciales.

L'ordre produit chez notre homme un processus psychique ; il prend

la résolution d'exécuter le mouvement demandé (entschlieszungs-einstel-

lungsakt des auteurs allemands). Le processus psychique à son tour pro-

voque l'action musculaire. Mais le mouvement, une fois commencé, est

exécuté sans que les éléments psychiques interviennent (ce qui, natu-

rellement, ne veut pas dire que le mouvement est exécuté inconsciem-

ment). La vitesse avec laquelle le chemin est parcouru n'est pas la même

pendant les phases diverses du mouvement : elle augmente vite dès le

début, atteint son maximum, puis diminue. Le mouvement est terminé

par une secousse en sens inverse.

L'enregistrement de ces mouvements simples a permis de constater

que c'est toujours le début qui caractérise le mouvement entier. Un mou-

vement dont la première phase s'accomplit vivement atteindra un grand

maximum de vitesse, son amplitude sera grande, la secousse en sens

inverse sera prononcée. C'est le contraire pour les mouvements commen-

çant plus lentement.

Dans le cas où l'attention s'est concentrée sur Pacte musculaire

même, le mouvement est commencé vivement. Quand l'individu est in-

fluencé par des impressions sensorielles, le début est plus lent.

Chez l'homme normal, c'est le processus psychique, provoquant le

mouvement, qui lui communique son caractère du début à la fin.

En procédant à l'analyse des troubles que montrent les mouvements

actifs chez notre malade, nous nous demandons à quel point du schéma

l'élément pathologique doit être recherché.

Notre malade ne présente pas d'altérations capables d'influencer le

processus psychique initial. Il concentre tout de suite son attention

sur l'acte qu'il veut accomplir. Il prouve que la projection mentale est

tout à fait intacte. Notre malade ne montre pi de parésies véritables, ni

de troubles de la sensibilité-. Et pourtant l'exécution des actes les plus

simples est souvent impossible.

Si notre malade essaie de faire vivement un simple mouvement mono-

articulaire, par exemple s'il veut faire un mouvement d'extension dans le

coude, le premier effet de l'impulsion de la volonté est un changement de

l'équilibre statique des muscles. Le plus souvent le bras prend une posi-

tion de flexion très prononcée. Ensuite, après un temps de réaction plus

. xxvii 19

, VAN WOERKOM

ou moins long, le membre est jeté en avant. L'amplitude de ce mouve-

ment est, en général, fort restreinte ; bientôt le membre se heurte aux

muscles antagonistes qui le font rebondir. Il fait encore quelques essais,

mais le résultat devient de plus en plus mauvais. Bientôt il n'est plus

en état de quitter la position involontairement acquise.

Ainsi nous constatons que l'élément pathologique surgit immédiate-

ment après l'impulsion psych'que Noire malade est incapable de subs-

tituer promptement la fonction dynamique ri la fonction statique du

système nelt1'O-mllScltlaire.

Faut-il expliquer la difficulté qu'éprouve notre malade au début du

mouvement actif par la force mécanique de la contraction dos antago-

nistes ? Celle explication ne peut pas être admise. L'exécution d'un mou-

vement passif ne se heurte pas à une résistance musculaire quelque peu

grave. En étudiant de près l'action des antagonistes, nous remarquons

qu'elle se fait par secousses ; ce n'est qu'à certains moments que le ma-

lade est capable de faire un effort.

L'intensité du trouble que nous avons décrit (la difficulté de mobi-

liser la fonction dynamique du cerveau) -est fort variable en intensité.

Un même acte, dont l'exécution est impossible à certain moment, peut

être exécuté quelques minutes après sans difficulté apparente. Parfois

un mouvement passif précédant le propre effort facilite son exécution ac-

tive. Le plus souvent la diversion de l'attention de l'acte musculaire est

un facteur favorable. Le malade n'est pas capable de pousser les lèvres,

mais il le fait très bien quand on lui présente une cuillerée de soupe.

Souvent les mêmes muscles, dont la fonction est rudimenlaire d;lns

un acte isolé, remplissent leur rôle dans les actions qui lui sont fami-

lières : l'exécution d'un mouvement d'opposition isolé du poucese heurte

à des difficultés énormes, mais le pouce se met tout de suile eu opposi-

tion quand la main fait un mouvement actif de préhension. En général

la faute d'innervation est plus prononcée dans les actes isolés où'

l'attention s'est concentrée sur la fonction musculaire même. Ce sont

les mêmes mouvements étudiés par les physiologistes qui par l'homme

normal sont exécutés très promptement.

Dans les cas où le malade est fort capable de commencer l'acte pro-

jeté, son développement est pourtant très insuffisant. La fonction fré-

natice des antagonistes est trop prononcée ou bien elle ne se produit t

pas au bon moment. Dans le premier cas le mouvement est lent, irrégu-

lier, dans le deuxième cas il est brusque, démesuré.

Souvent dans un même acle les deux éventualités sont constatées ;

dans une première phase la fonction frénatrice des antagonistes est trop

prononcée, puis le membre s'élance tout d'un coup.

TROUBLI : S DES MOUVEMENTS ACTIFS DANS LA LÉSION DU CORPS STRIÉ 291 1

Les éléments pathologiques communiquent leur cachet aux mouvements

limités par un but. Comme on le sait, nous devons les premières connais-

sances du mécanisme de ces mouvements aux travaux de Voodortlt

(Thèse de Paris). Dans l'exécution de ces actes, cet auteur distingue deux

phases différentes : la première phase est produite par une seule impul-

sion de la volonté ; par la fonction frénatrice des antagonistes, ce pre-

mier mouvement est arrêté à une certaine distance du but ; pendant la

seconde phase, les muscles intéressés sont sous le contrôle permanent de

l'attention, le but est atteint lentement. -

Nous avons déjà constaté plus haut que notre malade éprouve des diffi-

cultés parfois insurmontables en commençant un simple mouvement actif ;

nous avons constaté également que les fonctions frémi tripes des antago-

nistes sont insuffisantes ou trop prononcées. Il en résulte que dans la

première phase l'action des muscles agissants est continuellement arrêtée,

ou bien que le but esl dépassé d'un coup. Dans les deux cas la division

de Pacte en deux phases s'est effacée.

Les actions plus compliquées sont souvent décomposées. Souvent notre

malade ne parait capable de concentrer son attention que sur une seule

articulation. Les difficultés de l'innervation musculaire expliquent suffi-

samment ce symptôme.

Les mouvements alternatifs (de flexion et d'extension, de pronation et

de supination) sont particulièrement défectueux. Chez l'homme normal,

ces mouvements sont liés l'un il l'autre par le phénomène de la secousse en

sens inverse; par elle non seulement l'action des m. agissants est arrêtée,

la contraction involontaire des antagonistes produit également le commen-

cement du mouvement inverse. Les troubles de notre malade sont, en

partie, expliqués : 1° par la difficulté qu'il éprouve souvent en commen-

çant un simple mouvement; 2" par l'action défectueuse des antagonistes.

Il y a pourtant un autre facteur. Admettons que le malade réussisse à

accomplir le premier mouvement et fasse ensuite, après une pause

considérable, le mouvement inverse. Après ces efforts, la continuation du

mouvement est le plus souvent impossible; tout au plus ce sont encore

quelques ébauches d'un mouvement actif qu'on remarque. Nous consta-

tons un épuisement très rapide du mécanisme d'innervation, phénomène

qu'il ne faut pas assimiler à ! a fatigue ordinaire (1). Les mouvements

passifs, exécutés au moment où le malade ne peut plus continuer, ne

permettent pas de constater une contracture quelque peu appréciable des

muscles intéressés.

fin opposition à la grave perturbation des mouvements actifs, les réflexes

(Il Voyez ce sujet l'article de GREGOR et Scuu.usn. Zeitschr. f. d. Ges. N. u. P.,

Bd. 14.

292 VAN WOERKOM

cutanés montrent le type normal. Les mouvements de retrait des membres

inférieurs après excitation de la plante du pied sont vifs, mais la zone

ré Il exogène ne dépasse pas les limites physiologiques. Le signe de Ba-

binski est absent. Par contre les gros orteils se mettent très souvent en

extension spontanément, En acceptant ]]la manière de voir (1) sur la fonc-

tion statique qu'avaient les extenseurs des gros orteils à certaines pério-

des du développement humain, je ne crois pas qu'il y ail lieu de s'étonner

de la reviviscence de cette ancienne fonction chez un individu montrant

le trouble du « slatotonus » à un tel degré.

La symptomatologie que nous avons décrite chez notre premier ma-

lade n'est pas un fait isolé.

L'athétose double de l'enfance montre la même perturbation des fonc-

lions statiques et le même manque de coordination de l'élément slalique

et de l'élément dynamique dans les mouvements actifs.

Dans descasdechorea minor, les petits malades sonl à certains moments

et dans certaines conditions incapables d'exécuter les mouvements les

plus simples. Un de ces malades, quej'ai eu l'occasion d'observer pendant

quelque temps, n'était pas capable de détacher sur notre ordre la jambe

du plan du lit. On remarquait les contractions forcées de plusieurs grou-

pes de muscles : les genoux étaient mis en forle extension, les pieds et

les orteils en flexion plantaire ; c'est à peine si une ébauche d'un mouve-

ment dans la bonne direction fut constatée. Plus le malade s'efforçait de

relever le membre, plus son exécution restait en défaut. En relevant pas-

sivement un des bras, le mouvement demandé fut fait tout à coup, mais

des deux côtés.

Dans notre deuxième observation, les troubles de l'action musculaire

se sont développés d'une manière très aiguë. C'est encore la perturba-

tion des fonctions statiques et l'impossibilité, pour certains groupes mus-

culaires, de quitter activement la position vicieuse, qui attirent noire

attention. La raideur générale des muscles la rapproche de la -maladie

de Parkinson et de certains cas décrits sous l'étiquette de « symptôme du

corps strié ».

Observation Il.

Le malade C;, 60 ans, entre à l'hôpital en mai 1914. Trois ans et demi

avant, il avait eu une perte de connaissance; l'intelligence diminuait len-

tement. Deux ans avant, des idées de grandeur furent constatées. Pourtant le

(1) Sur la signification... lte%ue Neurol., n° 11, 1912.

TROUBLES DES MOUVEMENTS ACTIFS DANS LA LÉSION DU CORPS STRIÉ 293

malade pouvait être soigné chez lui. Il faisait encore' de petites promenades,

il prenait sa nourriture lui-même.

Huit jours avant son entrée à l'hôpital, son état s'aggrave : un matin on le

trouve incapable de prononcer un mot, il a perdu l'usage des membres et il'

se tient tout raide quand on veut le mettre sur son séant.

En observant le malade, c'est en premier lieu l'expression du visage qui

attire notre attention. Les muscles faciaux sont en contraction presque perma-

nente, la bouche est enlr'ouverte0 les plis naso-labiaux sont très profonds.

C'est comme une grimace presque continuelle, défigurant la face. En voulant

déplisser passivement-la figure, on se heurte à une résistance très appréciable.

En voulant ouvrir la bouche du malade passivement, je constate une con-

traction spasmodique des antagonistes. En prolongeant mes efforts, le trismus

s'accroit. Quand je le prie de tirer la langue, c'est à peine si, pendant un

moment, il est capable de la mettre hors de la bouche ; tout de suite il la

retire. Le malade est tout à fait muet.

Les yeux sont très mobiles : il me suit toujours de son regard. Les pupilles

sont étroites, pas de réaction à la lumière.

Les muscles des extrémités et du tronc montrent une raideur générale. Les

mouvements passifs sont arrêtés par une résistance irrégulière qui, sous

l'effort du médecin, peut être vaincue mais renaît tout de suite après.

Les mouvements actifs sont exécutés très lentement, par secousses, avec des

trémulations très fortes.

Les mouvements isolés des doigts,/ les mouvements de flexion et d'extension

de la main restent presque entièrement en défaut.

De temps en temps [des accès de trémulations spontanées sont constatés,

s'étendant surtout le corps.

Les réllexes patellaires sont exagérés.

Les jours suivants la rigidité est moins forte, mais les mouvements passifs

sont arrêtés par la même résistance irrégulière. Des secousses choréiformes sont

maintenant observées ; la musculature des extrémités est en légère agitation

par des contractions cloniques plus du moins fortes. Aux membres inférieurs

c'est le muscle extensor hallucis longus 'qui montre les contractions les plus

prolongées.

La présence de ces phénomènes d'irritation n'exclut pas un autre symptôme :

il y a une catalepsie très forte, même les positions contre nature sont gardées

pendant une on deux minutes.

Huit jours après son admission à l'hôpital, le malade succombe.

La réaction de Wassermann (sang, liquide cérébro-spinal) est positive.

Autopsie (1). Le poids du cerveau est de 1.300 grammes.

Les circonvolutions, surtout des lobes frontaux, sont beaucoup plus minces

que dans le cerveau normal.

Les méninges molles sont épaissies.

(1) A cette place je veux exprimer mes remerciements sincères au docteur de Jos-

selin de Jong, pour l'obligeance qu'il a mise à me confier l'examen anatomique de ces

cas.

294 VAN WOERKOM

Le cervelet n'a pas diminué d'une mauière sensible.

Les ventricules sont un peu dilatés.

. Au microscope on voit les méninges infiltrées par des éléments lymphocy-

taires ; les plasmazellen; bien développés, ne sont trouvés qu'en petit nombre.

Plusieurs parties de l'écorce sont examinées d'après la méthode de Nissl.

La présence des plasmazellen parmi les éléments d'infiltration vasculaire, la

densité du réseau capillaire et la présence des noyaux à formes très allongées

ne laissent aucun doute ; nous avons affaire à uu cas de démence paralytique.

Pourtant les processus d'involution de l'écorce ne sont nulle part très avan-

cés. Il est vrai qu'un bon nombre de cellules nerveuses ont disparu et

qu'on en remarque qui sont en atrophie extrême ; en général les cellules

pyramidales ont conservé leur disposition normale et toutes les couches sont

bien reconnaissables. Dans l'écorce, la névroglie est à peine en voie de pro-

lifération ; dans la substance blanche sous-corticale, le processus est plus

avancé, surtout à certaines places des circonvolutions frontales*1

Les' hémisphères sont examinés en coupes sériées.

Ce sont encore les ganglions sous-corticaux qui montrent les altérations

les plus fortes. 0

A gauche, le corps strié est en réduction. Le nombre des noyaux est en

forte augmentation, surtout autour des capillaires. Le type petit et foncé pré-

domine, le type progressif est plus rare ; parfois un peu de pigment se trouve

autour des noyaux névrogliques. D'après la méthode d'Alzheimer (coloration

parla liqueur de \Iallory), une forte prolifération de la névroglie fibrillaire

est constatée en plusieurs endroits. Les cellules nerveuses sont souvent entou-

rées par quelques noyaux névrogliques, les cellules du globus pallidus sont en

dégénérescence pigmentaire très prononcée. Dans les gaines périvasculaires,

un pigment brun jaune abonde à certaines places. Les signes d'inflammation

vasculaire sont presque absents, c'est à peine si on rencontre un vaisseau

montrant quelques lymphocytes. Il n'y a qu'une seule région où le processus

a pris un caractère très aigu : c'est la base de la partie antérieure du noyau

lenticulaire. Ici tous les vaisseaux sont entourés d'un manchon très épais de

lymphocytes et de plasmazellen. A cette place les cellules névrogliques sont

également en réaction : les noyaux sont plus grands et plus clairs, les corps

sont volumineux. Ce foyer d'inllammation occupe la partie antérieure de la

base du noyau lenticulaire, il s'étend dans la substance innominée de Î3eiclrert

et dans la base de l'avant-mur. Dans les coupes plus caudales, le foyer a dis-'

paru. Les altérations y sont peu prononcées. Le noyau lenticulaire, la couche

optique et le noyau rouge ont, dans ces coupes, un volume à peu près normal,

les signes d'inflammation vasculaire sont presque absents, les cellules ner-

veuses ont beaucoup de pigment, mais en général les noyaux sont eu bon état,

la névroglie est en prolifération légère.

A droite, la partie commune du corps strié est également en réduction et a,

microscopiquement, le même aspect qu'à gauche. Presque au même endroit

qu'à gauche on trouve un foyer de désintégration. Dans 'l'étage ventral du

noyau caudé et du noyau lenticulaire nous remarquons un réseau capillaire

TROUBLES DES MOUVEMENTS ACTIFS DANS LA LÉSION DU CORPS STRIÉ 295

très dense ; cette néoformation vasculaire est accompagnée d'une réactidli très

active de la névroglie. La congestion vasculaire s'étend dans l'avaht-mur et

dans les étages dorsaux du corps strié. Les coupes postérieures reprennent

l'aspect ordinaire.

Dans le cervelet les altérations sont peu avancées ; elles n'ont pas le carac-

tère aigu.

CONCLUSIONS.

Après la description et l'analyse de nos deux cas avec lésion bilatérale

du corps strié, reprenons la question du caractère des troubles que mon-

traient nos deux malades.

L'infirmité de ces malades n'est causée ni par la simple paralysie, ni par

les troubles de la sensibilité, ni par l'apraxie. Par contre elle montre

quelque ressemblance avec le syndrome cérébelleux. -

Ces troubles peuvent être résumés ainsi :

1° Il y a une perturbation de la fonction statique des muscles ; au repos

elle se manifeste par l'hypertonie ou par l'hypotonie, par l'instabilité de

l'état des muscles, dans la deuxième observation aussi par une stabilité

exagérée.

2° Dans les mouvements actifs, ces malades éprouvent une difficulté

parfois insurmontable à substituer la fonction dynamique des muscles à

leur fonction statique (1). Ce trouble est fort variable en intensité. En

général l'attention concentrée sur la fonction musculaire même est un

facteur défavorable.

3° Dans le développement ultérieur des mouvements actifs, il se montre

un manque de coordination dans l'action musculaire, leur communiquant

le caractère soit du mouvement raide et lent, soit du mouvement déme-

suré.

Est-ce que cette perturbation de la fonction musculaire doit être attri-

buée à la lésion des corps striés ? .

Elle n'est pas due à une lésion directe du cervelet, des brachia conjunc-

tiva ou des noyaux ronges. Ces parties sont dans notre premier cas sans

altérations, dans notre seconde observation elles sont sans lésions aiguës.

1

(1) Urne semble intéressant de rappeler à ce sujet les investigations d'ordre chi-

mique de Peketharing (0»cle·zo;lin,qen aan laet P¡,ysiologisch Laboralorium d'Ulreclat,

1911), montrant la différence fondamentale du mécanisme de l'action musculaire sta-

tique et de l'action dynamique.

296 VAN WOERKOM

Les faisceaux pyramidaux sont intacts dès leur origine jusqu'à leur

terminaison, les rubans de Reil également. ,

Dans la première observation, l'atrophie des corps striés est compliquée

d'une atrophie des corps sous-thalamiques.

Dans la seconde observation. des lésions aiguës des noyaux lenticulaires

sont constatées en des sièges symétriques, mais nous avons affaire à un

cerveau qui, déjà, étaitdans un état d'équilibre fonctionnel très instable.

Les conclusions que nous pouvons tirer de ces observations peuvent

être conçues dans les termes suivants :

En dehors de toute lésion du cervelet (des pédoncules cérébelleux),

des faisceaux pyramidaux et des rubans de Reil, une affection des centres

infra-corticaux peut conditionner une perturbation très spéciale de la

fonction musculaire, qui par les troubles des mouvements actifs montre

quelque ressemblance avec le syndrome cérébelleux.

Notre deuxième observation est une contribution à la thèse que dans

certaines conditions la lésion des corps striés seuls est en état de provo-

quer ce trouble. '

HOSPICE DE B7Cy/<&'

DEUX CAS D'AMYOTROPHIE PROGRESSIVE

TYPE ARAN-DUCHENNE,

D'ORIGINE SYPHILITIQUE

PAR

A. SOUQUES, BAUDOUIN et LANTUÉJOUL

On sait aujourd'hui que l'atrophie musculaire progressive Aran-Du-

chenne est souvent d'origine syphilitique. L'attention a été attirée sur les

faits de ce genre par F. Raymond en 1893. Depuis cette époque, les

observations confirmatives se sont multipliées. Nous citerons particulière-

ment celles de M. A. Léri. L'un de nous a eu l'occasion d'en publier trois,

dont l'une suivie d'autopsie. On trouvera l'historique et l'état actuel de

cette question dans la thèse'de Lerouge (1).

Les cas sont loin d'être semblables. Parfois il s'agit d'amyotrophie

progressive pure et simple, constituant à elle seule tout le tableau mor-

bide ; parfois au contraire, il s'agit d'amyotrophie progressive chez un

tabétique ou un paralytique général. Dans le premier cas, on pourrait

pensera une poliomyélite antérieure isolée; mais la clinique montre

souvent la participation des méninges et de la substance blanche de la

moelle : lymphocytose rachidienne, exagération des réllexes, signe de

Babinski, etc. ; d'autre part, dans ces mêmes faits, l'anatomie pathologique

montre que les cornes antérieures ne sont pas seules prises, mais qu'il y

a aussi des lésions méningées et des lésions diffuses de la substance blan-

che. Dans le second cas, on pourrait se demander si l'amyotrophie dépend

des altérations tabétiques ; mais, à côté de ces dernières, on trouve des

lésions des cornes antérieures, des méninges et de la substance blanche,

c'est-à-dire des lésions diffuses analogues aux précédentes.

Aussi, au nom de la clinique et au nom de l'anatomie pathologique,

est-on autorisé à dire que, dans tous ces cas, il ne s'agit pas de lésions

systématisées, mais bien de lésions pseudo-systématiques, de méningo-

myélite diffuse où dominent les altérations des cornes antérieures.

Nous avons eu l'occasion d'observer deux cas d'atrophie musculaire

progressive Aran-Duchenne, qui répondent aux deux types cliniques pré-

(1) LmouoE, Les atrophies musculaires progressives spinales d'origine syphilitique,

Thèse de Paris, 4f3.

298 SOUQUES, BAUDOUIN ET LANTUFJOUL

cèdent : l'une est en apparence hure et simple, et l'autre est survenue

chez un tabétique avéré. Nous les apportons titre documentaire, étant

donné que la question des amyolrophies Aran-Duchenne est en voie de

transformation et de discussion.

Observation I (PI. XLIX et L). - Arn., 61 ans, graveur, entré Bicêtre

le 18 mars 1914.

Les antécédents héréditaires ne présentent rien de spécial, il ne faut noter

que la présence d'unanévrysme de l'aorte chez la mère. Les antécédents colla-

téraux n'ont rien de particulier. '

Dans les antécédents personnels, il faut remarquer par ordre chronologique

deux blennorragies, une varice.De dans sa jeunesse, surtout une fièvre ty-

phoïde en '1suc9, affection ayant duré quatre mois environ et ne paraissant pas

avoir laissé de séquelles. Le malade nie toute syphilis, mais avoue un alcoolisme

accentué ; il a l'habitude depuis fort longtemps de prendre un ou deux apéritifs

dans la journée et plusieurs absinthes.

Sa femme est morte 11. 56 ans de bronchite chronique, elle u'eut pas de

fausse couche et lui a laissé deux fils actuellement bien portants.

En 1897, à la suite d'une longue période de surmenage intellectuel, le ma-

lade est pris un jour de malaise général et de vomissements : son médecin

diagnostique une congestion cérébrale causée par une mauvaise digestion ( ? )

Cependant cette affection ne s'était accompagnée ni d'embarras de la parole, ni

de parésie. Le lendemain, le malade se réveille complètement sourd : on dia-

gnostique une otite double, jamais il n'y eut d'écoulement même léger. Au

bout de deux mois environ, l'acuité auditive de l'oreille gauche redevient

suffisante, l'oreille droite reste et restera fonctionnellement à peu près nulle.

Deux ou trois mois après ces accidents auditifs, le malade éprouve d'autres

symptômes : il est incapable d'apprécier les distances, croit une voiture très

loin alors qu'elle est sur lui, ou inversement, et manque ainsi plusieurs fois de

se faire écraser. Ces troubles durent quatre ou cinq mois, puis disparaissent

brusquement du jour au lendemain.

Pendant quelques mois, la santé est en apparence parfaite, sauf la diminu-

tion de l'ouïe. Brusquement, en 1899, un matin, sans cause, le malade se réveille

avec une céphalée intense. Pendant deux ans, cette céphalée persiste, toujours

avec,les mêmes caractères : elle survient deux fois par jour, le matin vers

neuf ou dix heures, c'est-à-dire quelques heures après le réveil, et le soir vers

quatre ou cinq heures. La crise dure une heure ou doux ; la douleur siège

toujours du côté gauche, ne passant jamais à droite, occupant la moitié du

crâne, respectant la face. La douleur arrive progressivement et s'en va de

même, son intensité maximum était considérable ; cependant le malade, n'a ja-

mais dû garder le lit ni interrompre ses occupations ; jamais il n'a présenté

de vomissements pendant ces crises. En 1901; celles-ci cessent brusquement,

sans cause, dit-il ; seul, le sulfate de quinine les calmait ; le malade en a pris

jusqu'à 3 grammes par jour. -

Pendant près d'un an, il se considère comme absolument bien portant. Au

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière^ '( T XXV ! [. PL. XLIX

AMYOTROPHIE PROGRESSIVE TYPE ARAN-DUCHENNE D'ORIGINE SYPHILITIQUE

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière

T. XXVII. PL. L

AMYOTROPIIIE PROGRESSIVE D'ORIGINE SYPHILITIQUE

(Souques, Baudouin et Laiituéioul.)

r)l ? T -... - .

DEUX CAS D'AMYOTROPHIE PItOGRESS1V r ? 21)9

mois d'août 190S, il s'aperçoit, en voulant enfoncer un clou, qu'il ne peut lever

le bras gauche ; il avait quelques jours auparavant fait un effort assez considé-,

rable de ce bras, et attribue son impotence fonctionnelle à cet incident. Mais un

médecin consulté à cette époque diagnostique une atrophie musculaire déjà

ancienne de l'épaule gauche, celle-ci étant d'un volume beaucoup moins consi-

dérable que l'épaule droite. Le malade affirme avec la plus grande netteté qu'à

cette époque la main gauche ne présentait aucun trouble fonctionnel', pas plus

que le membre supérieur droit. Il a constaté lui-même comment la gêne fonc-

tioirnelle évoluait progressivement, prenant après l'épaule gauche le bras et

l'avant-bras gauches, puis la main gauche, atteignant ensuite les muscles du

cois, de la nuque et de l'épaule droite; c'est en dernier lieu que le bras droit

et la main droite furent pris. Cette évolution fut essentiellement progressive,

jamais il n'y eut de véritables douleurs, le malade se plaint uniquement de

lassitude apparaissant lorsqu'il restait trop longtemps dans la même position.

Actuellement, 15 avril 19t ? l'état général est bon ; l'appétit, le sommeil sont

normaux. Le malade se tient habituellement dans la position suivante : les

membres pendant inertes le long du tronc, la tête fortement penchée en avant,

le menton arrivant presque à toucher la face antérieure du sternum.

Le membre supérieur gauche présente tout d'abord au niveau de la main

une atrophie très marquée, ayant amené la disparition des éminences thénar et

hypothéuar ; une sorte d'épaississement de la peau masque la dépression des

espaces interosseux, mais cette dépression est perçue nettement à la palpation.

Le pouce est sur le même plan que la paume de la main, sa première pha-

lange est en légère flexion sur le premier métacarpien, sa deuxième phalange

est en flexion à angle droit sur la première. Les deuxième, troisième, qua-

trième doigts présentent une triple llexion des trois phalanges sur les seg-

ments correspondants, flexion surtout marquée au niveau des troisième et

quatrième doigts. Le cinquième doigt présente une extension de la première

phalange avec flexion de la phalangine et de la phalangette.

Tous les mouvements passifs des doigts^sont possibles, mais les mouve-

ments actifs se réduisent à peu de chose : l'opposition du pouce est impossible ;

son abduction et son adduction sont très peu étendues, la flexion peut être

augmentée, l'extension n'est qu'esquissée. Les seuls mouvements aclifs possi-

bles des quatre derniers doigts sont des mouvements de flexion ; l'extension,

le rapprochement et l'écartement de ces doigts sont impossibles. Il est à

remarquer que cette flexion est effectuée avec une vigueur non pas normale,

mais encore très importante, comme on le constate en essayant de s'opposer

à ce mouvement. Par contre, les fléchisseurs du pouce n'ont qu'une vigueur

peu considérable.

L'extension, l'adduction, l'abduction actives du poignet sont impossibles, la

flexion est possible mais s'effectue sans force.

w Au niveau de l'avant-bras, on constate une atrophie très accentuée et

surtout marquée au niveau Je la région postérieure; encore faut-il remarquer

qu'une adipose sous-cutanée masque en partie l'atrophie. La supination est

impossible, la pronation s'effectue, mais sans force.

300 SOUQUES, BAUDOUIN ET LANTUÉJOUL

Le bras est extrêmement atrophié, il faut encore noter à ce niveau une

adipose sous-cutanée importante; la flexion, l'extension de l'avant-bras sur le

bras sont absolument impossibles, de même que tous les mouvements du bras.

Au niveau de la région scapulo-humérale, l'atrophie est extrême, le deltoïde

paraît complètement disparu, les extrémités osseuses sont visibles sous les

téguments et a fortiori se laissent palper aisément ; aucun mouvement actif

n'est possible.

Le membre supérieur droit présente au niveau de la main une atrophie un

peu moins accentuée que du côté opposé, aussi tous les mouvements du pouce

sont-ils possibles, de même les mouvements des quatre derniers doigts ; seuls

cependant les mouvements de flexion se font avec une force notable. Au ni-

veau du poignet, tous les mouvements actifs s'effectuent, mais la flexion seule

se fait avec vigueur. L'avant-bras est très atrophié, surtout au niveau de sa

loge postérieure, la pronation est facile, la supination possible, mais très diffi-

cile. Les muscles du bras sont très atropliiés, sauf le triceps. D'ailleurs, le

seul mouvement possible est un mouvement d'extension de l'avant-bras sur

le bras, mouvement qui s'effectue avec vigueur. Au niveau de la région sca-

,éulo-liumérale, on note du côté droit une disparition presque complète du

deltoïde et, comme du côté gauche, une impotence fonctionnelle absolue.

Il faut enfin signaler que les différents segments des membres supérieurs

sont flasques, mobiles, sans rétraction tendineuse ni contracture.

Au niveau du cou et de la nuque, tous les mouvements actifs sont possibles,

mais l'extension s'effectue sans force, la flexion de la tête par contre est vigou-

reuse ; les muscles sterno-cléido-mastoïdiens paraissent légèrement touchés,

bien qu'on les sente se contracter sous la main, leur relative faiblesse fonction-

nelle semble due à une parésie des muscles antagonistes.

Les muscles trapèzes présentent un faisceau supérieur acromio-claviculaire

en apparence bien conservé ; les faisceaux moyen et inférieur sont par contre

très atrophiés. Il y a là par conséquent un contraste frappant entre les diffé-

rents faisceaux de ces muscles trapèzes.

Les muscles de la face, les peauciers, les muscles de la langue sont indem-

nes de toute atrophie. Les muscles pectoraux sont par contre très touchés, le

grand dorsal, les muscles dentelés semblent présenter une atteinte qu'il est

difficile de préciser. Les membres inférieurs sont absolument indemnes, leur

force musculaire est très considérable. Il faut noter enfin que l'on ne voit pas

de secousses fibrillaires, même au niveau des membres supérieurs où elles

existent peut-être, mais où elles sont alors masquées par l'adipose.

Les réflexes rotuliens sont un peu vifs, mais égaux ; les réllexes achilléens

et les réflexes crémastériens existent ; tous les autres réflexes tendineux (ra-

diaux, cubito-pronateurs, tricipitaux) et cutanés sont abolis. Le réflexe plan-

taire se fait en flexion ; il n'y a pas de clonus.

Les troubles trophiques très accentués,sont constitués par l'amyotrophie et

l'adipose déjà signalées. Comme troubles vaso-moteurs, il faut signaler un

état spécial de la main gauche. Cette main est plus froide que celle du côté

opposé : et cette diminution de la température pst perçue subjectivement et

DEUX CAS D'AMYOTROPHIE'PROGRESSIVE ARAN-DUCHENNE 301

objectivement. De plus, cette main est cyanosée et elle présente sur la face

dorsale de petites plaques érythémateuses eczématiformes.

La sensibilité est remarquablement indemne, jamais le malade n'a présenté

de douleurs, jamais il n'a eu même d'engourdissements ni de fourmillements

dans ses membres supérieurs. La sensibilité objective est normale, aussi bien

la sensibilité superficielle que la sensibilité profonde, à tous les modes. On ne

note aucun trouble du sons musculaire, ni de la stéréognosie. Le malade ne

présente pas de troubles sphinctériens, ni viscéraux. A noter la faiblesse de la

tension artérielle : au Paclion, on relève 11/5.

Par contre, les organes des sens sont lésés : l'cuïe est faible à gauche, à peu

près nulle à droite. Du côté des yeux, on note une pupille droite plus dilatée

que la gauche, cette pupille droite est légèrement irrégulière ; l'accummodo-

convergence, les réflexes lumineux direct et consensuel sont normaux. Le

malade est myope depuis son enfance, il a été exempté pour cette raison du

service militaire, son acuité visuelle mesurée à l'échelle de Wecker donne sans

correction 1/2 pour l'oeil droit et 1/3 pour l'oeil gauche.

Le Wassermann pratiqué dans le sang et dans le liquide céphalo-rachidien

a été négatif. La ponction lombaire a donné issue à un liquide clair, non

hypertendu, contenant 40 centigrammes d'albumine et 4,9 lymphocytes par

millimètre cube à la cellule de Nageotte.

L'examen électrique pratiqué par M. Duhem montre les troubles suivants :

abolition de l'excitabilité faradique sur les pectoraux, les portions moyenne e

et inférieure du trapèze, le biceps et le long supinateur, les éminences thénar

et hypothénar. L'excitabilité faradique est diminuée sur les sterno-cléido-mas-

toïdiens, sur les muscles sus et sous-épineux, sur le triceps, les muscles de

l'avant-bras. Sur ces derniers muscles, les réactions sont plus nettes du côté

droit que du côté gauche.

Au courant galvanique, il n'y a pas de modifications sensibles sur les sterno-

cléido -mastoïdiens. Le trapèze supérieur se contracte bien, mais il y a DR.

sur les portions moyenne et inférieure, des deux côtés. Les pectoraux pré-

sentent une grosse hypoexcitabilité sans DR. Sur le biceps, le long supina-

teur, le deltoïde, les réactions galvaniques sont nulles ou extrêmement faibles.

A l'avant-bras les réactions sont nettes à droite, faibles à gauche, avec tendance

à l'inversion. On trouve la réaction de dégénérescence complète sur les émi-

nences thénar et hypothénar du côté gauche. A droite la DR. est moins

accentuée, l'hypc-excitahilité galvanique y est moindre. Il n'y a pas de modi-

fications électriques aux membres inférieurs.

L'observation précédente est intéressante à divers titres : d'abord par

le mode de début de l'amyotrophie Aran-Duchenne, qui, contrairement à

la règle, s'est fait par l'épaule. Pareil mode de début, quoique rare, a

déjà été signalé. - .

D'autre part, l'amyotrophie se présente ici avec une pureté vraiment

remarquable : évolution lente et progressive, sans aucune espèce de dou-

302 SOUQUES, HAUDOCIN ET LANTUÉJOUL

leurs, sans aucune espèce (1';iii es Ili ésie superficielle ou profonde. C'est bien il

dans un cas pareil qu'on aurait le droit, sernhle-t-il, de dire : poliomyé-

lite antérieure primitive. Cependant ce n'est pas le diagnoslic que nous

sommes tentés de porter ici et voici pourquoi : la ponction lombaire a

montré l'existence d'une lymphocyloseel d'une hyperalbuminose légères,

mais nettes, indiquant la participation de la méninge au processus. Nous

pensons donc qu'il s'agit ici de méningomyélile diffuse pseudo-sysléma-

tique. A notre avis, celte méningomyélile relève d'une syphilis restée

ignorée : pour admettre l'existence de la syphilis, nous nous Irlsonsd'une

part sur cette participation de la méninge, d'autre part sur quelques symp-

tômes passés ou concomitants : à savoir les modifications d'une pupille

et la céphalée persistante sans cause connue dont a souffert le malade

pendant deux ans. Nous n'invoquons pas, bien entendu, la fréquence

reconnue de la syphilis dans l'étiologie des amyotroph ies Arall-Duchenne.

Observation II (PI. LI). F... Joseph, âgé de '7 ans, garçon de res-

taurant, entré à Blcètre le 14 mai 1914.

Le malade, fils naturel, a perdu en 1879 sa mère morte il 31) ans d'un cancer

à l'estomac. Ses antécédents collatéraux ne présentent rien à signaler. A l'âge de

17 ans, il présenta un chancre de la verge. Ce chancre, selon toute apparence,

était syphilitique ; il a laissé une cicatrice actuellement encore visible sur la

face dorsale du gland. Le malade ne s'est aperçu d'aucun accident secondaire,

il n'a subi aucun traitement mercuriel ou arsenical. A )'age de 35 ans, il a

présenté uue pleurésie droite, ayant nécessité une ponction qui a retiré un

litre et demi de liquide clair. Cette pleurésie s'était accompagnée do symptômes

importants d'imprégnation tuberculeuse, mais jamais, par la suite, le malade

n'a eu d'accidents soit pleuraux, soit pulmonaires. Il faut signaler également

dans ses antécédents trois ou quatre blennorragies suivies de goutte persis-

tante, et un alcoolisme très important, facilité par le métier de garçon de

café; le malade buvait en moyenne deux ou trois litres de vin par jour; de

la bière en grande quantité, jusqu'à vingt-cinq bocks, des apéritifs en nombre

variable, jusqu'à cinq ou six, de nombreux vermouths et relativement peu

d'absinthe. Le malade ne s'est pas marié, n'a pas eu d'enfants.

Le début de l'affection actuelle semble remonter il 1900. Vers cette époque,

le malade a commencé par présenter des douleurs qu'il qualifie de douleurs

rhumatismales et qui apparaissent encore actuellement par intermittences.

Elles siégeaient et siègent encore actuellement au niveau du genou, du cou-de-

pied et des mains; elles apparaissent brusquement et disparaissent de même,

surviennent par crises durant une dizaine de jours et ne s'accompagnent ni de

rougeur, ni de tuméfaction. Ces douleurs sont en réalité dos équivalents des

douleurs fulgurantes typiques qui ne sont apparues qu'ultérieurement en 1912.

En 1904, l'ataxie apparaît aux membres inférieurs, le malade ne peut plus

monter un escalier sans s'aider de la rame; il tithne parfojs comme s'il était

2A LA .1LPETRIbRL. ' 1. X ? 11. L.

1

AMYOTROPHIE PROGRESSIVE D'ORIGINE SYPHILITIQUE

(Souques, Baudouin et Lnnlutjoul.)

DEUX CAS I'ADIYOTROI'Hli'l`0'f9'HESSIV I AN-DUCHENNE 303

ivre ; il ne peut plus se guider aW 6 'q 6 et manque plusieurs fois s

de tomber. Ces troubles ataxiques prisent lentement. En 1908, pendant

un court séjour de deux mois à la campagne, il remarque qu'il ne peut con-

server son équilibre sur une échelle, qn'il est obligé de s'asseoir constamment,

ses jambes lui refusant tout service. En 1910, il reste un mois à la Pitié, étant

pris de tels étourdissements dès qu'il met le pied à terre qu'il doit garder

complètement le lit. Ces troubles s'atténuent, mais il lui reste une impossibilité

complète de monter seul un escalier. Il faut qu'on le pousse par derrière ;

surtout il remarque en 1910 que son membre supérieur gauche perd de sa

force. Il remarque très nettement qu'à cette époque la main gauche est faible

alors qu'il peut encore très facilement lever le bras gauche. Celui-ci se perd

à son tour. Enfin un an après l'atteinte de la main gauche, en 1911, alors que

tout le membre supérieur gauche est fonctionnellement très touché, la main

droite se prend. Lentement, et de bas en haut, tout le membre supérieur droit

est atteint. En 1911, il marche encore, vend des journaux ; mais il tombe sou-

vent sur les genoux, ayantdes sortes de vertiges ou des crises de faiblesse dans

les membres inférieurs. Il prévoit d'ailleurs toujours ses chutes, et peut éviter,

en s'aidant des membres supérieurs, que sa tête ne heurte le sol. Jamais il

n'a perdu connaissance. Enfin, toujours en 1911, sa vue se trouble. Il voit mal,

mais non double. Ces troubles visuels se sont plutôt améliorés récemment.

Eu 1912, il entre deux fois à la Pitié, pour une huitaine de jours chaque

fois ; il marchait encore soit soutenu, soit en longeant les murs. Les deux

membres supérieurs étaient atteints, mais il pouvait encore manger seul de la

main droite, une fois qu'on lui avait coupé ses aliments. Le 10 août 1912, il

tombe dans la rue, par faiblesse sans perte de connaissance. Il est alors admis

à Cochin, dans le service de M. Widal, où il demeure jusqu'au 2 décembre

1913, date à laquelle il est placé à l'hospice de Villejuif.

Depuis son entrée à Cochin, il est complètement confiné au lit. Jamais il n'a

eu de fièvre. Pendant les six premiers mois de son séjour, il a présenté des

douleurs fulgurantes typiques ; douleurs en éclairs allant du genou au pied.

Des crises gastriques et laryngées ont apparu en même temps que ces douleurs.

Elles onl cessé au début de 1914. Les crises gastriques étaient caractérisées

par des douleurs d'intensité variable, toujours peu considérables, survenant

brusquement, surtout la nuit, s'accompagnant du rejet d'un peu de liquide

bilieux sans hématémèse. Elles duraient deux ou trois jours en moyenne, puis

disparaissaient brusquement pour reparaître quelque cinq ou huit jours après.

Les crises laryngées étaient caractérisées par des sensations de picotement

dans la gorge, amenant des quintes de toux. Jamais il n'y eut de crises de

suffocation. En août 1913, est apparu un mal perforant, siégeant sur la face

dorsale de l'articulation interphalangienne du gros orteil gauche. Ce mal per-

forant est à peine cicatrisé actuellement. En novembre 1913, s'est développée

une petite escarre sacrée, cicatrisée actuellement. C'est depuis l'apparition

de cette escarre que les douleurs anorectales dont souffre encore le malade

se sont manifestées.

Les troubles moteurs se sont accentués progressivement : jusqu'en juillet

304 SOUQUES, BAUDOUIN ET LANTUÉJOUL

1913, le malade a pu manger seul; puis il ne pouvait plus guère que tourner

les feuillets d'un livre, enfin il est arrivé insensiblement à l'état actuel. Une

ponction lombaire a été pratiquée à Cocliiii : le résultat en est inconnu du

malade qui a refusé de se prêter à une nouvelle ponction. Le 2 décembre

1913, il est placé à Villejuif où il reste jusqu'au 14 mai 1915, date de son

entrée à Bicêtre.

Actuellement (mai 191 ! ), le malade est complètement confiné au lit, mais

l'état général est satisfaisant. -

Les membres supérieurs sont flasques, sans raideur ni contracture ; ils

restent dans la position où on les met, ils sont atrophiés dans leur ensemble,

mais une adipose sous-cutanée masque en grande partie l'amyotrophie sous-

jacente. Au niveau de la main gauche, on constate que les doigts sont habi-

tuellement en légère flexion ; le pouce est à peu près sur le même plan que la

paume.

Les éminences thénar et hypothénar sont atrophiées, les espaces interosseux

déprimés. Tous les mouvements passifs sont possibles. Les mouvements actifs

ont une étendue très incomplète comme la flexion du pouce et des autres

doigts, les mouvements de rapprochement et d'écartement des quatre der-

niers doigts ; ou bien même ils ne sont qu'esquissés comme les mouvements

d'extension, d'opposition du pouce, d'extension des quatre derniers doigts.

L'abduction du pouce est impossible. Parmi tous ces mouvements, seule la

flexion se fait avec une certaine force. Encore celle-ci est-elle très diminuée.

Au niveau du poignet gauche, seule la flexion se fait, très diminuée d'ailleurs

dans sa force. L'avant-bras est très atrophié surtout sur sa face postérieure.

La supination, la pronation sont impossibles. L'amyotrophie est il peu près

complète au niveau du bras. L'extension, la flexion de l'avant-bras sont im-

possibles. L'abdnction, les mouvements en avant et en arrière du bras ne

peuvent qu'être esquissés. L'adduction se fait, mais presque sans force. Le

malade peut arriver cependant à mettre la main sur la tète, mais très pénible-

ment. Le deltoïde paraît complètement atrophié et l'articulation scapulo-humé-

ale est nettement visible sous les téguments. Le membre supérieur droit est

un peu moins touché que le gauche. La main droite semble aussi atrophiée

que la gauche, mais les doigts ne sont pas en flexion. Les mouvements actifs

du pouce sont comparables à ceux du pouce gauche. Les mouvements des

quatre derniers doigts sont un peu plus étendus qu'à gauche. La force est

toujours à peu près nulle, sauf pour la flexion qui s'opère avec une- force

très minime. Le poignet, l'avant-bras sont exactement comparables à droite et

à gauche. Au niveau du bras droit, il ne faut signaler qu'une conservation

relative du triceps ; aussi l'extension de l'avant-bras sur le bras se fait-elle et

avec une certaine force. L'adduction du bras est vigoureuse. Par ailleurs, le

bras droit est comparable au bras gauche.

Les membres inférieurs sont atrophiés dans leur ensemble, amyotrophie en

partie masquée par l'adipose sous-cutanée. Ils se présentent habituellement en

extension. Les pieds sont en équinisme accentué, avec un léger degré de varus,

et une rétraction bilatérale du tendon d'Achille. Les orteils sont fléchis 'dans

DEUX CAS D'AMYOTROPHIE PROGRESSIVE ARAN-DUCHENNE 305

leurs trois segments. Les mouvements des orteils et des tibiotarsiennes ne sont

qu'esquissés. La flexion, l'extension de la jambe sur la cuisse et de la cuisse

sur le bassin, l'abduction de la cuisse, se font, mais sans force. Les adducteurs

de la cuisse sont, par rapport aux autres muscles, remarquablement vigoureux.

Le malade arrive, bien que péniblement, à détacher le talon du plan du lit.

Dans tous ces mouvements, le membre inférieur gauche apparaît nettement

plus vigoureux que le droit.

Le malade peut s'asseoir seul sur son lit, mais très péniblement. Les mus-

cles pectoraux 'sont très atrophiés. Les trapèzes semblent peu touchés. Le

malade lève facilement les épaules et avec une grande vigueur. D'ailleurs tous

les mouvements du cou, de la nuque, se font avec une force très grande. Les

muscles de la face, de la langue, les peauciers sont indemnes.

Les troubles de la sensibilité subjective sont importants : le malade se plaint

de douleurs dans les deux gros orteils, douleurs peu intenses, comparées à

des sensations de prurit, très inconstantes d'ailleurs. Il se plaint surtout de

crises anorectales ; les douleurs dans cette région sont continuelles, mais avec

des paroxysmes pendant lesquels le malade éprouve des sensations de brûlure

superficielle et profonde, provoquant de fausses envies d'aller à la selle. Le

malade ne sait jamais s'il a réellement besoin ou non d'aller à la selle quand

il en éprouve le désir. Par intermittences, il ne sent pas passer les matières ni

les gaz. En période de diarrhée, il y a incontinence. L'expulsion des matières

amène un soulagement des douleurs. Enfin le malade a des crises vésico-uré-

thrales : les paroxysmes des crises anorectales, les mictions amènent des dou-

leurs dans le périnée, l'anus, la verge ; les mictions sont impérieuses ; si le

malade essaye de se retenir, il souffre et ne peut y arriver longtemps.

Jamais il n'a eu d'incontinence nocturne, mais quand il fait des efforts de

défécation ou autres, quelques gouttes d'urine sortent du méat. Un toucher

rectal permet de constater l'intégrité de la prostate. La sensibilité objective est

extrêmement atteinte. La sensibilité superficielle semble à peu près normale

sauf au niveau des membres inférieurs où l'on constate une zone d'hypoes-

thésie très accentuée sous la plante et sur le dos du pied, pour les trois modes :

contact, douleur, sensibilité thermique. Au niveau des jambes et des cuisses,

les troubles de la sensibilité superficielle sont moins importants, il faut noter

cependant que les sensations sont très persistantes, les localisations parfois

inexactes, enfin le malade prend parfois le frôlement du pinceau pour une pi-

qûre, le froid pour le chaud et inversement. La sensibilité profonde est encore

plus profondément altérée.

La baresthésie est à peu près abolie au niveau des pieds ; elle est diminuée

partout ailleurs et en particulier au niveau des mains. Les vibrations du.dia-

pason sont à peine perçues au niveau des membres inférieurs et du membre

supérieur gauche ; elles sont un peu mieux perçues, quoique très mal, au ni-

veau du membre supérieur droit. Le sens des attitudes persiste, bien que très

diminué, au niveau de la main droite ; il est aboli partout ailleurs. Le sens

stéréognostique est aboli. Les organes de l'ouïe, du goût, de l'odorat sont

normaux. La vue est faible. Les deux pupilles, surtout la gauche, sont légère-

xxvii 20

306 SOUQUES, BAUDOUIN ET LANTUÉJOUL .

ment irrégulières ; la pupille droite est beaucoup plus large que la gauche.

Le réflexe lumineux direct, le réflexe consensuel sont nuls ; l'accommodo-

convergence existe ; le signe d'Argyll-Robertson est donc positif. Il n'y a pas

de uystagmus. Pas de paralysie de la musculature extrinsèque. Le champ

visuel est normal. L'examen du fond de l'oeil a montré des pupilles normales.

Les réllexes tendineux rotuliens, tricipitaux, radiaux sont abolis, de même

que les réflexes cutanés crémastériens. Les réllexes cutanés abdominaux exis-

tent. Les gros orteils restent immobiles lors d'excitations de la piaule. On ne

note ni clonus du pied, ni réflexes de défense.

Les troubles des sphincters, les troubles trophiques ont été notés. Comme

troubles vasomoteurs, il faut signaler une sensation subjective de froid au

niveau des mains et non des pieds ; cette sensation n'est pas perçue objective-

ment. Enfin la main gauche présente une légère tendance à la succulence,

sans qu'il y ait de modification de la coloration. Le malade présente des trou-

bles génitaux importants puisqu'il n'a pas eu d'érections depuis un an environ.

Il n'a aucun trouble viscéral. La tension prise au Pachon est 17/9.

L'examen électrique, pratiqué par M. Duhem, a montré qu'il y a hypoexci-

tabilité faradique et galvanique sur tout le système musculaire. L'excitabilité

faradique est abolie sur les deux délimites et sur les muscles de la loge antéro-

externe du côté gauche. Au courant galvanique, ces muscles eux-mêmes se

contractent ; ils présentent une égalité des secousses négative et positive,

sans lenteur caractéristique de la DR.

En résumé, il s'agit ici d'un malade atteint de tabes. Uix ans après le

début de ce tabès, s'est montrée une atrophie musculaire progressive qui a

évolué selon le type Aran-Duchenne : membres supérieurs, gauche d'a-

bord, puis droit, et finalement membres inférieurs.

Le malade a refusé une ponction lombaire, mais le résultai de cette

ponction ne nous aurait rien appris au point de vue de la lésion méningo-

médullaire, puisque le malade est tabétique. Nous pensons que, comme

dans le cas précédent, il s'agit de méningo-myélite diffuse pseudo-systé-

matique, d'origine syphilitique. Le tabes seul, à défaut de commémoratifs,

suffirait à démontrer l'existence d'une syphilis antérieure.

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XXVII. PL. LII

SCLÉROSE MÉDULLAIRE TRANSVERSE DORSOLOMBAIRE

a, moelle ; b, tumeur adhérente aux méninges ; c, coupe de la tumeur trilobée

d, moelle ramollie et comprimée par la tumeur.

UNIVERSITÉ DE GENÈVE

SCLÉROSE MÉDULLAIRE, TRANSVERSE, SEGMENTAIRE,

DORSO-LOMBAIRE GAUCHE, 1111 : TATRAUtV9ATIQUL.

. FORME CLINIQUE CURABLE

- Par le Professeur

Léon RÉVILLIOD

(de Genève).

Ce travail a pour objet de faire connaître la suite el la fin d'une obser-

vation parue dans le numéro de Janvier-Février 1905 de la «Nouvelle

Iconographie de la Salpêtrière » sous le litre de : Sclérose médullaire

transverse, segmentaire, dorso- lombaire gauche mélatrazcnzatique.

Forme clinique curable. - Fracture du pied droit, limais plus tard

hémiparaplégie gauche, hémianeslhèsie sensitivo- sensorielle du mem-

bre inférieur droit. Thermo-aneslleésie croisée du froid à droite, du

chaud à gauche. Six mois plus lard, hématomc1zis. Guérison.

Ce long en-tète résumait l'évolution successive des symptômes présen-

tés par la malade pendant plus de trois années, soili(isqu'à la fin de 1 : 104;

les mois d'octobre, novembre, décembre ayant été caractérisés par le

retour progressif à l'étal normal des fonctions mot ! ¡ces et sensitives des

extrémités inférieures.

C'est ce caractère insolite d'une guérison dans l'histoire des affections

de la moelle épinière qui nous avait engagé à la publier. On sait en effet

que leur terminaison habituelle est la mort ou la' chronicité. Or rien ne

pouvait nous faire prévoir alors qu'un retour offensif allait modifier le

- pronostic et suivre une marche progressive plus ou moins accidentée des

symptômes et lésions médullaires pour aboutir à la vérification anatomi-

que dont voici l'exposé rédigé par le D'' Askanazy, professeur d'anatomie

pathologique à la Faculté deMédecine de Genève, qui a recueilli la pièce

en présence dur Malletel procédé à son examen macro et microscopique.

Autopsie (Pl. LU).

« Femme de taille moyenne, avec forte obésité générale. La peau est lnle. 11

la région sacro-coccygienne existe un ulcère décubital très étendu, pénétrant

profondément jusqu'à l'os coccyx qui est en partie séquestré et s'élimine en

308 rtiVILLIOD

petits débris. La musculature du dos est atteinte d'une atrophie lipomateuse

intéressant spécialement les régions inférieures.

Après l'ouverture du canal vertébral, on remarque tout de suite une proémi-

nence circonscrite de la moelle épinière, située au niveau de la région dorsale

entr.e la 9° et la 10 côtes. Le sac durai y est bombé et porte quelques petites

nodosités extérieures légèrement saillantes correspondant à une tumeur oc-

cupant la moelle à cette place. En coupant la dure-mère sur sa face dorsale, on

se heurte à un obstacle à ce niveau, les méninges y faisant corps avec la

moelle. Partout ailleurs la dure-mère se détache assez facilement. Les ménin-

ges molles sont passablement injectées, surtout au-dessus de la tumeur, tout

le long de la moelle dorsale. A l'endroit de la soudure des méninges et de la

moelle, ou constate l'hyperémie de la surface externe de la dure-mère.

Tandis que la moelle est en général d'une consistance molle, la tumeur est

d'une consistance très dure. A la coupe, rendue difficile par la résistance de

sa masse, on constate un tissu blanchâtre légèrement granuleux par places,

sans caractère nettement sablonneux au toucher. Cette masse mesure 16, 10,

13 millimètres ; elle adhère intimement à la face interne de la dure-mère,

s'enfonçant encore dans son tissu. Elle a presque complètement détruit la

moelle épinière dans toute sa largeur, ayant avancé de gauche à droite. Car

c'est au côté droit qu'il persiste encore un petit pont de substance médullaire

ramollie qui réunit les parties du névraxe en amont et en aval de la grosseur.

Cette petite bande de moelle ramollie ne mesure que 2 à 3 millimètres et

s'étend du côté droit et en avant de la tumeur. Les coupes transversales des

autres parties de la moelle font ressortir, déjà ;'1 zip nu, la dégénérescence

ascendante des cordons postérieurs dans les parties situées au-dessus du néo-

plasme. Il n'y a pas d'autre tumeur dans le canal vertébral.

L'autopsie de la cavité crânienne ne révéla rien de particulier. Le cerveau

et les méninges étaient assez anémiés, les artères minces. Point de tumeur.

A l'examen des organes abdominaux, on remarqua une tuméfaction molle

assez considérable de la rate, témoin des poussées infectieuses dues aux es-

carres de la région sacrée.

La vessie, qui contenait un peu d'urine trouble, présentait une hypertro-

phie accusée de sa paroi (vessie à colonnes). Les reins et bassinets étaient in-

tacts. Un polype à surface lobulée sortait du canal cervical, un autre plus petit

siégeait sur la muqueuse du corps utérin. La muqueuse du fond de la ma-

trice était tuméfiée, molle, rouge foncé, montrant une endométrite hyperpla-

sique kystique, comme l'a vérifié l'examen microscopique. La musculature

de l'utérus renfermait deux petits nodules myomateux pas plus grands qu'un

pois. En dehors des organes génitaux, un noyau calcifié, lipome épiploïque,

s'était fixé sur le péritoine du bassin. Notons encore une anémie générale

des organes.

Examen II ISTOLOG IQUE.

Une tranche de la tumeur a été enlevée, y compris l'endroit de son insertion

sur la dure-mère Cependant l'examen microscopique d'une particule fraîche

SCLÉROSE MÉDULLAIRE, TRANSVERSE, SEGMENTAIRE 309

prise sur la coupe du néoplasme, immédiatement après l'autopsie, a déjà con-

firmé le diagnostic que l'on pouvait poser d'après l'aspect macroscopique ty-

pique de la tumeur dure-mérienue. Les coupes du matériel enrobé en paraffine

ont confirmé la présence d'un tel néoplasme.

La masse principale du tissu consiste en traînées de cellules allongées et

aplaties. se présentant parfois sous l'aspect d'éléments fusiformes, donc net-

tement endothéliales, réunies en faisceaux qui s'entrecroisent dans tous les

sens. Ces cellules ont un protoplasma coloré en jaune clair par le van Gieson et

un noyau ovalaire de dimensions variées. Les uoyaux les plus volumineux

doivent souvent leur augmentation à une modification bizarre de leur structure

que nous avons rencontrée à plusieurs reprises dans les cellules des tumeurs

en question. Le contenu de ces noyaux devient plus clair aux dépens de la

substance chromatique, de sorte qu'à la fin, il ne reste qu'une vésicule nu-

cléaire d'apparence vide et enveloppée par la membrane de chromatine. Les

noyaux avec cette métamorphose « vacuolaire » peuvent avoir leur membrane

plissée ou par places enfoncée. Ils rappellent beaucoup les noyaux remplis de

glycogène des cellules hépatiques ; or la réaction de glycogène a donné un

résultat négatif. La nappe de cellules néoplasiques est traversée par de nom-

breux vaisseaux sanguins et par de petits faisceaux ou des trabécules plus

larges de tissu conjonctif coloré, en rouge vif par le van Gieson. Ces traînées

fibreuses sont très pauvres en noyaux. C'est dans ces bandes fibreuses souvent

hyalines que se trouvent des dépôts calcaires, tantôt sous forme d'incrusta-

tions cylindriques de longues trabécules, tantôt sous forme de corpuscules

arrondis arénacés à structure concentrique. Quant à la dure-mère elle-même,

cette memhrane forme une couche solide autour de la tumeur qui en est net-

tement séparée, ou unie par des traînées cellulaires qui la dissèquent en

minces lamelles. -

La coexistence habituelle de la formation de cellules endothéliales et des

corpuscnles calcaires nous engage à poser le diagnostic anatomique suivant :

Il Endothelioma psarmnornatosum duroe-ma/l'tS spinalis, - Pour contrôler

au microscope les dégénérescences secondaires de la moelle épinière, on a

enrobé des morceaux pris au-dessus et au-dessous de la région étranglée par

le néoplasme. Les coupes ont été colorées d'après les méthodes de Weigert

pour la démonstration des fibres myéliniques. On a constaté alors dans la

moelle cervicale une dégénérescence ascendante des cordons de Goll, moins

prononcée aux faisceaux cérébelleux et de Gowers. Dans les cordons posté-

rieurs, la dégénérescence est presque complète du côté droit, tandis que du côté

gauche et vers la périphérie de la moelle, il existe encore quelques fibres dissé-

minées. La dégénérescence descendante est bien marquée dans les faisceaux

pyramidaux de la moelle lombaire ; elle est plus forte du côté gauche que du

côté droit. »

Il s'agissait donc d'une tumeur ayant exercé une compression de la

moelle au niveau des 9e et 10e vertèbres dorsales, du côté gauche, com-

pression représentée pendant la vie par ses symptômes classiques, débu-

310 0 RÉVILLIOD

tant par le syndrome Brown-Sequard, puis se propageant au côté droit t

pour donner lieu à une paraplégie totale, ainsi qu'à d'autres accidents

suivis d'une guérison momentanée que nous avions espérée définitive,

phénomènes que nous avons décrits et discutés dans le mémoire de 1905

sous le titre de sclérose, etc.

Ces symptômes et leur évolution sont du reste absolument les mêmes,

qu'il s'agisse d'une production comprimante, telle qu'une tumeur de la

dure-mère, ou d'une production constrictive telle qu'une sclérose de la

moelle. En faveur de la sclérose plaidait une bénignité relative attribuable

à l'arrêt dans les progrès d'un tissu, tissu de remplissage consécutif à

l'atrophie supposée des racines postérieures, laquelle pouvait s'expliquer

par la répercussion ascendante d'un trauma périphérique du côté droit. Et

celle hypothèse pouvait s'appuyer sur le siège de la lésion qui comprend

le segment du faisceau de Burdach gauche où se rendent après leur entre-

croisement les nerfs sensitifs remontant de la région blessée. Ce processus

sclérogène se serait propagé au faisceau pyramidal gauche pour expliquer

les troubles moteurs. Celait, en quelquesorle, un chapitre des paraplégies

réflexes, les seules, pour ainsi dire, qui, dans le dédale des affections spi-

nales, peuvent se prévaloir d'un pronostic favorable, par opposition aux

allures des tumeurs qu'on ne considère pas comme pouvant admettre ces

longues rémissions que nous avons observées. El puis, de deux diagnostics

en présence, on préfère clioisir celui dont le pronostic est le meilleur,

celui qui soutient l'espoir, encourage dans la lutte.

Que si, en dépit de ces arguments, l'hypothèse de celte tumeur révélée

par l'autopsie avait dû aussi se poser, aurions-nous dû alors songer à une

intervention chirurgicale ? En théorie c'est possible. Mais en pratique, Ù

la pensée d'une voie d'accès à tracer à travers des parties molles, oedéma-

tiées, mal nourries, prêtes à se sphacéler, et de lames vertébrales à résé-

quer en vue de la recherche d'une moelle aplatie, écrasée et d'une tumeur

extirpable sans danger pour son voisinage, il n'y avait vraiment pas là

une campagne hien séduisante à entreprendre.

Quoi qu'il en soit, voici la suite de l'observation depuis la fin de l'an-

née 1904.

Observation (suite et fin).

Déjà depuis le mois de janvier 1.·Oâ, tandis que les faisceaux blancs se

maintenaient intacts, de nouveaux symptômes apparurent, indiquant que la

substance grise centrale entrait en ligne. C'étaient des crises intestinales sem-

blables aux lancinantes, fulgurantes, lérébrantes, constrictives, classiques des

tabétiques ; sensations étranges, très douloureuses, angoissantes, qui commen-

cent dans le flanc droit, descendent dans-la fosse iliaque et "hypogastre et vont

échouer en remontant au côté gauche, ce sont des contorsions, crampes, « cou-

SCLÉROSE MÉDULLAIRE, TRANSVERSE, SEGMENTAIRE 311 1

rants, cascades d'eau chaude » qui franchissent quelquefois l'arcade crurale pour

gagner la racine de la cuisse droite. D'autres fois, la malade compare ses im-

pressions à celles d'une femme enceinte qui perçoit les contractions de sa

matrice et les mouvements de l'enfant. A la vue et au palper, on perçoit à

droite un gonflement oblique ovalaire qui soulève les parois du ventre, ballon-

nement dur, mat ou sonore, en contraction tétanique, très sensible au toucher

et qui le plus souvent se dissipe aussitôt, en même temps que la crise doulou-

reuse. Ces tuméfactions, d'origine purement nerveuse, peuvent cependant

parfois se prolonger au delà de la durée de la crise et en imposer, avec leurs

limites bien nettes, pour une véritable tumeur abdominale justiciable de la chi-

rurgie, d'autant plus que comme pour le tabes, les autres stigmates peuvent

être latents ou faire défaut. La crise douloureuse dure à peine une minute et

s'arrête brusquement, mais elle reparaît bientôt, la nuit comme le jour, laissant

à peine quelques minutes de répit. Le moindre mouvement les provoque, si bien

qu'après avoir pu pendant près de 6 mois jouir de la vie et de l'exercice de

ses jambes, Mme X... a dû de nouveau se confiner au lit. adoptant diverses

altitudes pour éloigner le retour des crises dout elle a le pressentiment.

Notons que les fonctions digestives n'ont guère été troublées. La constipation

habituelle persiste, mais, indifférente aux laxatifs, elle semble due à un trouble

péristaltique, un refoulement du bol fécal qui se produirait juste au moment

d'aller à la selle. Parfois un lavement administré au moment propice rappelle

l'évacuation et calme momentanément la crise douloureuse. D'autres fois le

lavement est gardé, comme happé par une contraction anormale, accompagnée

d'une recrudescence des souffrances.

Nous passons sur Ions les traitements employés, devant insister surtout sur

les calmants de'toutes espèces, en les variant pour éviter l'accoutumance. Des

électrisations pratiquées par le Dr Ladame, de même que le massage vibratoire

du Dr Bourcart n'eurent malheureusement pas d'effet favorable. Pensant à

tirer quelque ressource diagnostique et thérapeutique de la ponction lombaire,

nous avons prié le Dr Mallet de procéder à cette expérience, tout en apportant

son aimable contribution au traitement de la malade.

« Le 6 juillet, la ponction lombaire donne goutte à goutte un liquide clair

avec un peu de sang.

« Le 8 juillet, une deuxième ponction donne avec un écoulement plus rapide

8 centimètres cubes d'un liquide un peu jaunâtre. Pas de réaction au gaïac

Pas de pigments biliaires. Après centrifugation, il y a au fond du tube un

petit culot blanchâtre contenant des cellules poly et mononucléaires en pro-

portion à peu près normale et de nombreuses cellules endothéliales et même

des placards qui indiquent, sinon un néoplasme, du moins un processus irri-

tatif de la moelle ou des méninges. »

Ces ponctions avaient en outre une intention thérapeutique, en permettant

d'injecter in situ des solutions calmantes. Mais ce conflit de souffrances et de

narcotiques devait être suivi d'un nouveau sinistre.

Le 26 juillet, après une très mauvaise nuit, malgré une injection épidurale

de sérum, 20 grammes contenant morphine 0 gr. 005, cocaïne 0 gr. 01, on

312 RÉVILLIOD

dut faire à 6 heures du matin une nouvelle ponction lombaire qui laisse écou-

ler 12 grammes d'un liquide louche qu'on remplace par 10 grammes de sérum

avec morphine 0 gr. 015. Après trois heures de demi-sommeil, la malade se

trouve mal ; elle veut se lever pour aller à la selle, mais elle fléchit sur ses

jambes ; on la recouche ; elle pâlit, rougit, vomit de la bile ; la respiration

s'embarrasse ; le pouls est fort, rapide ; T. 38°5. Elle tombe dans un sommeil

profond, apoplectique, dont on ne peut la tirer. Les Drs Mallet, Ed. Martin,

Henri Révilliod mettent tout en jeu pour la ranimer : affusions froides, sina-

pismes, piqûres d'éther et de caféine, sangsues aux apophyses mastoïdes. Ce

n'est qu'à 4 heures que Mme X... semble sortir de son coma. Elle fait quelques

mouvements, se défend, ouvre les yeux avec un regard vague, pupilles peti-

tes. Elle cherche à s'asseoir ; on lui fait boire quelques cuillerées de café qui

provoquent encore des vomissements. Puis, à mesure que la connaissance

revient, elle commence à se plaindre, gémir, elle parlotte sans cesse avec

excitation délirante qui persiste toute la soirée. Elle ignore tout ce qui s'est

passé et ne cherche pas à s'en rendre compte. Elle se rendort et se réveille

avec cris, gémissements, ou bien calme, expansive, affectueuse. Elle veut se

lever, se lève, va sur la chaise et fait une abondante quantité d'urine.

Examen Mallet. Pas d'albumine, ni sucre, ni pigments biliaires. Urée :

30,7 0/00. Iode, réaction intense. Cristaux d'urates. Urobiline en très grande

quantité. Culot, quelques cylindres hyalins ; pas de granuleux, ni de graisseux.

Cellules vaginales.

Le 27 juillet, la nuit s'est passée en alternatives de somnolences et réveils

pénibles, rêvasseries, divagations, retour des crises intestinales. Elle se plaint

en outre des brûlures produites par les sinapismes sur les cuisses et les jam-

bes. On constate de vastes phlyctènes qui se déchirent et laissent à nu des

escarres qui peu à peu se détachent, se reforment, si bien qu'il a fallu trois mois

pour leur cicatrisation.

Les jours se suivent et se ressemblent pendant cette fin de juillet et le mois

d'août, avec ces terribles] crises intestinales, se compliquant parfois d'accès

fébriles attribuables aux plaies gangreneuses des jambes, comme ils se sont

reproduits plus tard à propos d'escarres sacrées.

Mme X... pouvait cependant pendant ses accalmies profiter de sa puis-

sance locomotrice restituée depuis octobre 1904 pour s'habiller elle-même,

monter et descendre les escaliers, circuler dans son jardin, s'alimenter, digérer

convenablement. Avec septembre une amélioration avait commencé à se dessi-

ner. Mais ces rémissions n'en étaient pas moins troublées par des périodes

d'excitation, rêvasseries suivies de dépression physique et morale avec éner-

vement, exténuement par cette longue lutte soutenue cependant avec beaucoup

de courage, malgré des complications variées, nouvelles escarres fessières,

pertes sanguines dues à des polypes et fihromes utérins, enfin par des troubles

urinaires.

Une nouvelle analyse faite par le D' Mallet donne le résultat suivant :

« Quantité rendue dans les 24 heures, 730 grammes. Couleur jaune clair,

trouble ; réaction faiblement acide. Densité 1010 ; Urée 7.77 0/00 ; Chloru-

SCLÉROSE MÉDULLAIRE, TRANSVERSE, SEGMENTAIRE 313

res 8.7 0/00 ; Phosphates 1.95 °ÍOO ; Acide phosphorique 1.05 ; Albumine,

traces indosables à l'Esbach. Albumoses, sucre, urobiline ; pigments et acides

biliaires = 0. Hémoglobine et méthémoglobine dissoute = 0. Indol en grande

quantité. Scatol en petite quantité. Réaction de l'iode négative. Histologie -du

culot de centrifugation. Très nombreuses cellules épithéliales de la vessie. Mu-

cus très abondant, quelques globules blancs. Quelques rares cylindres hyalins.

Pas d'épithéliaux ni granuleux. » Mme X... avait reçu alors 37 injections

calmantes épidurales. L'amélioration continue en octobre et permet quelques

promenades à pied et la diminution des remèdes. Il y a même des journées où

elle n'en prend aucun.

Le 12 octobre, le professeur Uéjerine, de passage à Genève, est appelé à

donner son avis qui se résume en conseillant un séjour à Berne sous les bons

soins psychothérapiques du professeur Dubois, lequel vient à son tour examiner

la malade le 5 novembre.

Le 18 novembre, MmeX... se rend il Berne où elle est le sujet d'un examen

minutieux des Drs Dubois et Schnyder qui nous adressent le 20 un compte-rendu

détaillé dont nous extrayons ce qui suit : Au point de vue de la suggestibilité,

le Dr Schnyder emploie une petite boîte pseudo-électriqtie, munie d'un cadran

et de deux fils se terminant par des bagues que la malade se passe aux doigts,

puis l'interrogatoire commence. « Sentez-vous quelque chose ? Non, il me

semble que je ne sens rien. Non, je ne sens rien. - l'- minute (spontanément).

Ah ! voilà, je crois que je commence à sentir. Je crois que je sens un petit

chatouillement à la main. Oui, je comménce à sentir. 2' minute (spon-

tanément). Oui, je sens un peu autour des doigts, à la paume des mains, je sens

un peu plus, mais ce n'est pas bien fort. 3' minute (Question). Oh ! je ne

sens pas bien fort. Je sens de petits picotements dans la main. Je sens

beaucoup plus ma crampe à présent que l'électricité aux mains. 4** minute

(spontanément). Voilà, je commence à sentir courant davantage. -âne minute

(Question). Oui, je sens un petit courant. » Puis, passant en revue les diverses

fonctions du système nerveux périphérique, le Dr Schnyder ajoute : a La force

musculaire est normale pour tous les mouvements des extrémités inférieures.

Démarche un peu alourdie, sans caractère spastique. Pas de Romberg, pas

d'ataxie. Réflexe rotulien à droite un peu mou, à gauche plutôt exagéré, carac-

tère légèrement spastique. Pas de clonus du pied. Réflexe plantaire; adroite

la piqûre provoque un redressement de tout le pied ; à gauche, abaissement

des quatre derniers orteils, tendance au redressement du gros orteil. Sensibilité

cutanée. Pas de troubles appréciables dus il l'eflleura ! (e au pinceau ni à ,la

piqûre. Sens musculaire intact. Les réflexes cutanés ne peuvent pas être pro'-

voqués. »

LeDrSchnyder assiste à ces crises abdominales et les décrit comme nous

l'avons fait; il constate que la forme de l'abdomen n'est pas symétrique, la

moitié droite étant plus proéminente que la gauche, etc.

Mme X... reste à la clinique Dubois jusqu'au 20 décembre, soutenue par la

précieuse sollicitude de ses deux médecins, si bien que, sans prendre aucun

médicament, elle peut faire des promenades, des visites, accepter des invita-

314 REVILLIOD

tions, jouissant de cette seconde guérison apparente, puisque la lésion est

toujours là et que, malgré l'expérience du pseudo-courant électrique, on ne

puisse admettre que la suggestion ait joué un rôle capital dans le long drame

que représente cette maladie.

Le 21 décembre, je recevais du professeur Dubois l'aimable lettre suivante :

«...Pendant tout le séjour que Mme X... a fait à Berne, il m'a étéimpossible

d'attribuer à un état de psycho-névrose les symptômes observés ; il m'est dif-

ficile d'admettre sur ce sujet l'hypothèse de mon ami Déjerine. Sans doute

Mme X... est une impressionnable et quel est le malade qui, quand il souffre,

ne fait pas du nervosisme en même temps. Mais je dois reconnaître dans lés

symptômes actuels les restes d'une affection médullaire de nature douteuse,

comme lors de la première myélopathie que vous avez décrite. Je ferai d'au-

tant moins d'hypothèses sur la nature de cette affection qu'elle est en bonne

voie de guérison. C'est là ce qui importe pour la malade et au fond pour nous.

Je n'ai entrepris aucun traitement actif qui aurait pu devenir une arme il

double tranchant. J'ai laissé la malade se reposer, s'enhardir peu à peu sous

l'influence de mes encouragements. Elle s'est trouvée fort bien à la pension

Ziégler, s'y est reposée, distraite. Les crises de tyrnpanisme local dans le côté

droit du ventre, les sensations de brûlure ont diminué progressivement, la

marche est devenue plus facile. Bref, les symptômes se sont régulièrement

amendés, si bien que je n'aurais pas eu le droit d'intervenir.

J'estime qu'en présence de cette marche favorable de ce mal un peu mysté-

rieux, il n'est pas téméraire d'espérer une guérison prochaine par les seules

forces de la vix medicalrix nalunv, le meilleur médicament de toutes les

pharmacopées. Mme X... m'a paru comprendre l'opportunité de cette expec-

tative pure et me semble avoir le courage nécessaire pour s'exercer patiem-

ment à reprendre la vie normale. Je crois que notre seule tâche est de l'en-

tretenir dans ces bonnes dispositions, de faire miroiter devant ses yeux l'image

attirante de la guérison. C'est là une tâche psychothérapique, malgré le carac-

tère organique du mal et je sais que vous saurez comme toujours remplir ces

indications. J'espère donc que tout ira bien et que je recevrai de temps en

temps de bonnes nouvelles. n

Voici donc une deuxième guérison appareille de cette mystérieuse

myélopathie qu'on peut diviser en trois périodes. La première caractérisée

par des troubles sensitifs et moteurs des membres inférieurs, déjà décrite

et discutée dans l' « Iconographie » de 1905. Dans la seconde, les troubles

sensitifs et moteurs, qui ont déserté ces extrémités inférieures, vont se

cantonner dans le tractus intestinal, crises intéressant tous les modes de

sensibilités générale et spéciales, sans modifier le travail digestif propre-

ment dit.

Anatomiquement on peul se représenter les lésions commeayantenvabi i

d'abord les faisceaux blancs, puis, après les avoir libérés, s'être ensuite

fixées sur la substance grise centrale qui, d'accord avec le grand sympalhi-

SCLÉROSE MÉDULLAIRE. TRANSVERSE, SEGMENTAIRE 315

que et par l'intermédiaire du plexus solaire, commande l'innervation de

l'intestin. Puis on constate de nouveau le retour graduel et progressif à

l'état normal, par disparition de tous symptômes sensilivo-moteurs des

extrémités inférieures et de l'intestin et par conséquent un second temps

de repos, sinon de réintégration des lésions médullaires.

Cet étal, cette période de guérison apparente se maintient assez stable

pendant les années 1906 et suivantes : mais, sans cause appréciable, voici

les mêmes phénomènes susdits qui se manifestent à nouveau troisième

période d'abord légers, transitoires, puis allant crescendo pendant

l'année 1913, revêtant les mêmes allures qu'auparavant. C'est, comme en

1902, la plégie de la jambe gauche et la dysesthésie de la droite, qui

dominent le tableau, puis qui se diffusent d'un côté à l'autre, ainsi que

les symptômes abdominaux, moins violents toutefois qu'en 1905. Bientôt,

depuis décembre 1913, surviennent les escarres sacrées, rappelant le spha-

cèle cutané des jambes de 1905 et réclamant le séjour au lit, d'ailleurs

imposé par le déficit progressif de la stabilité, conduisant au grabatisme et

à toutes ses conséquences.

C'est à la bonne direction du Dr Mallet que fut confié le traitement de

Mme X... pendant cette dernière période de son existence.

« Sous l'influence, dit-il, de l'augmentation en surface et en profondeur

des escarres sacrées, s'installent des phénomènes infectieux caractérisés

par de violents frissons avec élévation de température jusqu'à 40°, suivis

h ;

d

FIG. 1

a : l h

Fc. 2

Fic. 4. - Première et deuxième périodes. - Coupe schématique de la moelle et de

la lumeur. La tumeur a, ayant débuté du côté gauche, comprime de ce même côté

le faisceau pyramidal croisé b et celui de Burdach c, réalisant ainsi le syndrome de

Brown Sequard. d, racine postérieure. l

Fie. 2. - Troisième période. Coupe schématique longitudinale, a. tumeur. b. re'.te

de la moelle comprimée presque entièrement détruite et ramollie.

316 RÉVILLIOD

de transpirations abondantes et accompagnés d'inappétence et de nausées.

Des périodes de délire plus ou moins systématisé succèdent à des périodes

d'intégrité intellectuelle parfaite. Pendant ce temps le coeur faiblir sou-

tenu à grand'peine avec la digitale et la caféine. L'oedème des membres

inférieurs gagne le tronc., puis les bras et la face, très variable d'un jour

à l'autre. L'urine toujours purulente contenait un peu de sucre qui a dis-

paru complètement par le régime. Petit à petit tous les symptômes s'ac-

centuent et après une longue agonie, sans angoisse, MmeX... s'éteint par

faiblesse cardiaque le 26 avril 1914. »

En publiant cette seconde et dernière partie de l'observation, nous

avons voulu d'abord nous conformer à ce principe de probité scientifique

et professionnelle qui demande la suite et lin d'une observation publiée

et restée incomplète, surtout lorsque celle-ci se flattait d'annoncer une

guérison, comme le détail des faits successifs semblait l'autoriser. Nous

avons vu d'ailleurs qu'à un second assaut de la maladie, le même espoir

a pu être formulé par la grande autorité d'autres praticiens.

Puis la clinique, qui constate que jamais deux faits ne se ressemblent

absolument, accomplit par conséquent une oeuvre utile en apportant ses

contributions à un chapitre de pathologie. Cette réflexion estd'autantplus

justifiable dans ce cas particulier, qu'il montre un détail peu connu dans

l'histoire des compressions de la moelle décrite d'une manière si magistrale

par Charcot et son école. Nous entendons par là ces rémissions de longue

durée, ces arrêts dans le cours naturel de la maladie, ces retours à un fonc-

tionnement quasi-normal qui ont pu faire croire à une guérison définitive

et ébranler quelque peu la solidité du diagnostic. Ces guérisons, même

passagères, semblent en effet peu compatibles avec l'existence d'une lésion

fixe, permanente et progressive, tandis qu'un agent de compression tel

qu'une sclérose s'accorde mieux avec l'action thérapeutique, tout en atté-

nuant la rigueur du pronostic.

Pour concilier le diagnostic anatomique avec ces longues et intéres-

santes rémissions, il faut alors admettre que la nature s'est défendue en

créant des suppléances, troupes de réserve formées pour venir au secours

des faisceaux médullaires comprimés ou détruits, suppléances qui, après

avoir résisté et fonctionné un certain temps avec succès, ont dû finalement

subir, à leur tour, le même sort.

UN CAS DE DYSTROPHIE HYPOPHYSAIRE

PAR

Al. OBREGIA, C. I. URECHIA et A. POPEA

(de Bucarest).

Les troubles produits par l'insuffisance de l'hypophyse se traduisent

en clinique par le syndrome hypophysaire adiposo-génital (Launois et

Cléret) ou la dystrophie adiposo-génitale (13artel).

Morgagni trouva une tumeur de l'hypophyse à la nécropsie d'un obèse.

Babinski, Pechkrantz signalent l'adipose dans les tumeurs de l'hypo-

physe.

Anderson, Schuster, Uhthoff signalent de même l'adiposité cérébrale

fréquente dans les tumeurs de l'hypophyse.

Frèhlich est cependant l'auteur qui a le mieux décrit et établi ce syn-

drome qui porte aussi son nom. Dans le premier cas publié par lui, il s'agis-

sait d'un enfant de 14 ans, du service de v. Frankl-Hochwartf, chez lequel,

en même temps qu'une céphalée, s'installa rapidement une obésité remar-

quable, un arrêt dans le développement des organes génitaux, un aspect

de la peau rappelant le myxoedème symptômes produits par une tumeur

de l'hypophyse. Après cela les observations de A. Berger, Erdheim,

Bartel, illadelung, Benda, Neuratti, Fuchs, Zak, Launois el Cléret, Creutz-

feld, Babonneix et Paisseau, Bychorvsky, Marinesco et Goldstein, Zutaka

Kon, v. Frankl-Hochwarth, Falta, Delille, Courtellemont, Toupet, Hoff-

staeter, Melchior, Grahaud, etc., viennent confirmer et édifier ce syn-

drome d'hypopituitarisme.

D'après les études faites jusqu'à présent sur cette question, nous croyons

que la dystrophie hypophysaire est caractérisée par une obésité, dont la

localisation rappelle celle des eunuques, un arrêt de développement de'

la glande interstitielle, des caractères secondaires sexuels et des organes

génitaux externes, un arrêt de développement osseux (quand le processus

débute avant la puberté), par la polyurie, et les symptômes de compression

cérébrale.

Pour faciliter l'exposition de notre cas, nous reproduisons en résumé

la clinique et la palhogénèse de celle dystrophie, en renvoyant pour plus

318 OBREGIA, URECIIIA, POPEA

de détails au livre de Falta (1), il l'article de Arthur SchÜlIer (2), au livre

de Biedl (3) et aux nombreux articles récents où cette question est mise au

point avec bien des détails et dont nous nous sommes beaucoup servi.

Les symptômes cérébraux, quoique quelquefois absents, se manifestent

par des maux de tête, des nausées, des vertiges, des troubles psychiques, des

attaques épileptiques, etc. Von rranlcl-Ilocllwartll trouve la céphalée dans

la proportion d'un tiers ; elle peut être diffuse ou localisée d'une ma-

nière variable et Schüller cite un cas de névralgie du trijumeau.

Les troubles psychiques sont très fréquents (Schûller) el peuvent se

manifester par la mélancolie, la confusion, la confabulation,

Wilzelsucht des Allemands, la démence. Quelquefois ces symptômes peu-

vent constituer l'unique symptôme de la maladie (Formanek, Laignel-

Lavastine, etc.).

Le sommeil pathologique a été quelquefois observé dans ces tumeurs

(Soca, Parhou et Goldstein, ScIW Iler, Williams).

Des troubles du sens olfactif et gustalif peuventse rencontrer rarement.

Les attaques épileptiques sont les plus fréquentes et d'après von Frankl-

Hochwarth se rencontreraient dans 60 0/0 des cas.

Les symptômes en foyer sont caractérisés par des troubles de la vue : stase

papillaire, névrite optique, atrophie du nerf optique, hémianopsie bitem-

porale, hémianopsie homonyme. On peut rencontrer aussi une protrusion

des globes oculaires, des paralysies des muscles moteurs de l'oeil, le nys-

tagmus, la réaction hémiopique de Wernicke.

L'incontinence vésicale n'est pas très rare.

Parmi les troubles vaso-moteurs nous rencontrons : le dermographisme,

l'exagération ou bien le manque de sécrétion sudorale, même après admi-

nistration de pilocarpine ; des troubles dans la sécrétion salivaire ou lacry-

male. Par l'examen radiologique on constate des altérations pathognomoni-

ques pour les processus intra ou extra-sellaires.

Quelquefois on constate de l'écoulement du liquide céphalo-rachidien

par le nez.

L'adiposité peut atteindre des degrés énormes et se déposer de préfé-

rence sur l'abdomen, sur les hanches, sur les mamelles.

La peau de ces malades rappelle assez souvent celle des myxcedémateux ;

d'autres fois elle est luisante et pâle ; d'autres fois (mais très rarement)

les malades présentent de la sclérodermie.

(1) W. FALTA, Die Erkravkungen der Bluidi-riseit, 1913, chez Springer.

(2) A. SCIIULLHR, Dyslropleia adiposo-genitalis, dans le traité de LEWANDOW5KV, t. IV,

p. 241-282.

(3) BIEDL, Innere Sakrelion, 1913, chez Urbau et Schwarzenberg, t. Il.

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NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALP1 : 'l'RI1.R1 ? . ? -7r-xxvlr-PL-. rri-r

DYSTROPHIE HYPOPHYSAIRE

UN CAS DE DYSTROPHIE HYPOPHYSAIRE 319

La formule leucocytaire nous montre souvent une lymphocytose avec

éosinophilie.

Les organes génitaux sont peu développés, les caractères secondaires

sexuels sont peu développés. Les menstrues manquent très souvent. Lai-

gnel-Lavastine, Lodge ont signalé exceptionnellement une hyperfonction

de la glande mammaire.

En même temps que cet infantilisme on peut quelquefois rencontrer

du nanisme hypophysaire par Li-oubi es dans le développement du sque-

lette. Les hommes présentent souvent un bassin élargi, comme celui des

femmes ; le genu valgum se rencontre fréquemment; les doigts sont déli-

cats et effilés.

La tête est quelquefois volumineuse, le maxillaire supérieur proé-

minent.

Un autre symptôme qu'on peut rencontrer souvent, c'est le diabète insi-

pide avec polydipsie et polyurie ( ? i0 kilogr.).

Les individus sont en général asthéniques et apathiques; ils tolèrent

beaucoup mieux en général que les autres des hautes doses de glycose,

sans que la glycosurie apparaisse ; de même la glycosurie adrénalinique

est beaucoup plus difficile à apparaître que normalement.

La température peut quelquefois dépasser la normale, quelquefois être

au-dessous.

L'injection de pituitrine, qui reste sans effet sur la température des

individus normaux, l'élève souvent chez ceux en état d'insuffisance hypo-

physaire, et Cushing emploie cette thermo-réaction comme moyen de

dépister l'insuffisance glandulaire, et il emploie à cet effet une injection

de 2 centimètres cubes à 5 0/0 d'extrait de lobe postérieur.

On a décrit, à côté des formes pour ainsi dire classiques, des formes

frustes et même des cas dans lesquels la maladie paraît être congénitale

(Barlels, Strauss, etc.).

Observation (Pl. LUI).

Vetra N., âgée de 27 ans, a été trouvée vagabondant et internée à l'asile

Marentza, avec le diagnostic d'épilepsie.

Dans les actes de son internement, nous trouvons que la malade est atteinte

d'épilepsie depuis son enfance.

A l'examen de la malade nous constatons une taille réduite : 1 m. 35. La

tête, un peu trop grande, a l'aspect de l'hydrocéphalie ; le front est proémi-

nent. Les deux cornées sont infiltrées et dénoncent une ancienne kératite.

L'oeil gauche présente un strabisme interne ; les pupilles sont égales, mais la

réaction. la lumière est moins prompte du côté droit. L'examen du champ

visuel et du fond de l'oeil n'a pu être fait à cause de l'indocilité de la malade.

Les dents sont petites et distantes les unes des autres. La thyroïde a un volume

320 OBREGIA, URECHIA, POPEA

normal à la palpation. Le tronc de la malade est gros, avec une adiposité qui

prédomine surtout sur les hanches, l'abdomen et les mamelles qui sont en

même temps flasques et volumineuses. La peau est d'un blanc d'albâtre. Les

mains sont petites, délicates, avec les doigts effilés. Les organes génitaux

externes sont normalement conformés. L'utérus est infantile. Il y a un genu

valgum bilatéral et les pieds sont plats.

La menstruation se fait normalement. La malade pèse 59 kilos. Elle urine

dans son lit. -

L'urine ne contient ni albumine ni sucre, mais elle est augmentée de quantité,

la malade en éliminant en moyenne 2.500 grammes par jour. L'urée n'est pas

augmentée (20 0/0). Le coefficient d'Ambard est normal (0.07).

La formule leucocytaire nous montre une diminution marquée du nombre

des polynucléaires avec augmentation du nombre des lymphocytes et des mu-

nonucléaires :

UN CAS DE DYSTROPHIE HYPOPHYSAIRE 321

pied plat. Un tel syndrome nous fait admettre une dystrophie hypophy-

saire, qui remonte probablement l'enfance et qui doit être condition-

née par une néoformation bénigne.

Considérant le manque de troubles delà pari de l'appareil génital,

nous assimilons noire cas aux formes frustes de la dystrophie adiposo-

génitale, et plus précisément aux dyslrophies hypophysaires par hypopi-

tuilarisme.

Passons maintenant à l'analyse des principaux symptômes rencontrés

chez notre malade ; nous nous bornons à signaler les faits de même na-

ture observés par d'autres auteurs et les principales explications pathogé-

niques, nous abstenant d'avancer une hypothèse personnelle.

En ce qui concerne l'adiposité de notre cas, nous rappellerons que

beaucoup de controverses planent sur cette question.

Ainsi Frohlich admet que l'adiposité est en relation avec l'insuffi-

sance de la glande. Schùher est du même avis et rappelle parmi ses

arguments que Cushing, Aschner, Biedl, Lidon et Peyron, Ascoli et

Leânani, etc., après l'extirpation du lobe extérieur chez des jeunes chiens,

ont obtenu une obésité énorme. L'adiposité a été retrouvée accompagnant

des tumeurs de la glande qui n'altéraient pas la selle turcique (Launois

et Cléret), en cas d'hémorragies dans le lobe antérieur (Maranon). après

des lésions traumatiques de l'hypophyse par balle, etc (Madelung, Frank).

Erdheim soutient que les tumeurs de la loge hypophysaire provoquent

l'adiposité par la compression sur un centre inconnu de la hase du cer-

veau et fait remarquer que l'adiposité peut être produite aussi par des

tumeurs extrasellaires. Selke, Zal,sh cilent des tumeurs voisines de l'hypo-

physe qui ont produit de l'adiposité sans altérer du lout la glande. On'

trouvera aussi des observations intéressâmes dans les cas de Grahand,

Erdheim, Oltenberg, 7.aksl. Marburg.

Quelquefois on a noté )e manque d'obésité dans les tumeurs de l'hy-

pophyse et on a cherché expliquer ces cas, soif par la névralgie du triju-

meau avec ses douleurs atroces, soit par les nausées qui empêchaient

l'alimentation (Kennie, Kummel, Faller).

Les auteurs qui admettent l'hypopituitarisme à l'origine de l'obésité ne

sont cependant pas d'accord sur la partie de la glande qui y inlerv ient. Ainsi

Fischer, Peude, Pari incriminent le lobe postérieur ; Goelhsch ef..Tacoh-

sohn et dernièrement Cushing incriminent aussi le lobe postérieur. Crowe

etHomans, Schüller attribuent l'adiposité à une lésion du lobe antérieur.

Clunet et Roussy onl obtenu expérimentalement chez le chien, par lésion

de l'hypophyse, le syndrome adiposo-génilal. Plus récemment, .\sclmer

reprend la théorie de Erdheim admettant un centre Irophillue il la base du

Jo "'JI 21

322 ECIA, URCCIIIA, POPEA

cerveau; il apporte parmi ses arguments le fait que chez les individus

opérés pour des tumeurs hypophysaires, l'adiposité diminue (insuffisance

glandulaire) par manque d'irritation dans la région sous-thalamique.

E. MuNer prétend que dans ces cas il s'agit d'une compression de l'hypo-

physe par la tumeur du voisinage. K. Goldstein, Stumpf, Neuratti, Ma-

rinesco et Goldstein, qui ont observé deux cas avec hydrocéphalie, sont du

même avis. Von Voorden attribue l'adiposité-à une influence secondaire de

l'hypophyse sur la thyroïde. Contrairement à Novak, Fandler et Grosz,

Mûnzer, et en partie Schûller soupçonnent une origine génitale. Nous

pouvons donc terminer la question de la palhogénèse de l'obésité par les

mois de Falia : quoi capita, tot sentenlioe. ,

Une autre question qui se pose dans notre cas aussi est cette du rapport

du diabète insipide- avec l'insuflisance hypophysaire. Frankl-IIochwarlh

dans sa statistique signale le diabète insipide 7 fois. Falta apporte quatre

observations personnelles. Des observations de même nature ont élé pu-

bliées par Fuelis, Finlelbui-g, Slrauss, Meyer, Rath,

Berner, IIaushaller et Lucien ]Roemei-, Itosenllaupt. Gotzl et Erdheim, etc.

Frank a publié le cas intéressant d'un individu de 39 ans, qui s'était logé

deux balles dans la têle et qui avait présenté ensuite une polyurie intense

(6-7 pl.); à l'examen radiologique on avait trouvé la balle dans la région

hypophysaire.

Mais la polyurie peut exister aussi dans des maladies cérébrales qui

n'intéressent pas l'hypophyse, mais qui restent cependant dans son voisi-

nage : chiasma optique, région sous-thalamique, etc. Oppenheim est le

premier auteur qui ait démontré la fréquence de la polyurie dans les affec-

tions syphilitiques du chiasma en nous donnant une statistique de

12 polyuries sur 36 cas. Ses observations sont confirmées par celles de

Ebslein, Bouchard, Todd, etc. Spanbeck et Steinhaus sur 50 cas d'hé-

mianopsie bitemporale mentionnent 11 fois le diabète insipide. Falta a

observé un cas semlilable. J. Belkowski a publié le cas d'une actinomycose

de la hase du crâne et des méninges avec diabète insipide, qu'il explique-

rait volontiers dans son cas par une lésion épendymaire circonscrite du

quatrième ventricule. Lancereaux, Senalor avaient signalé le diabète insi-

pide au cours de l'épilepsie. Camus et Roussy attribuent la polyurie à une

lésion inlerpédonculaire. Simon l'a signalée dans la paralysie générale. On

a signalé enfin ce syndrome dans la sclérose en plaques, 1'liéi,éclo-sypliilis,

l'hémorragie cérébrale, l'hydrocéphalie, le ramollissement cérébral. Dans

bien des diabètes insipides traumatiques on a trouvé des hémorragies et

des ramollissements siégeant dans le bulbe ou dans son voisinage (Dieula-

foy, Zodry, etc.). D'après Ballet et Brissaud, le diabète hydrurique serait

fréquent chez les individus atteints de dégénérescence mentale, llayem a

UN CAS DE DYSTROPHIE HYPOPHYSAIRE 323

vu la polyurie avec azoturie succéder à une paralysie par lésions céré-

brales. Lecorché a noté l'azoturie chez un malade atteint de myélite hyper-

plasique, avec sclérose du bulbe. Von Ildsslin signale la polyurie après

des traumatismes du crâne. Redlich mentionne la polyurie dans quelques

tumeurs du cervelet. Wiesel attire l'attention sur la polyurie qu'on peut

rencontrer quelquefois dans les syndromes pluriglandulaires, auxquels

l'hypophyse prend part aussi. Massod, Ilosslin signalent la polyurie dans

des tumeurs de la glande pinéale. Le centre polyurique du bulbe de Claude

Bernard est trop bien connu. Marinesco a décrit une polyurie chez un

malade avec un glio-sarcome du bulbe. Switalsky a décrit la même chose

dans un angiome du plancher. Enfin il n'est pas impossible qu'un trauma-

tisme engendre en même temps l'épilepsie et la polyurie par lésion d'un

des centres polyuriques de la base.

Schaffer et Magnus et Schaffer, Etienne et Parisot, Renon et

Delille ont démontré la polyurie qui apparaît après l'injection du lobe

postérieur.

Crowe, Cushing et Romans, Lewis et Mathews ont noté la polyurie

après, l'implantation de l'hypophyse, qui disparaissait immédiatement

après son extirpation : Sl : hafer, Cushing, etc., ont noté la polyurie après

l'extirpation de l'hypophyse. Franck est incliné à admettre à l'origine du

diabète insipide idiopathique une hypofonction du pars inlermedia,

Roemer est du même avis de même que Simonds.

Lereboullet et Faure-Beaulieu, Berge et Pagniez, Grossneau, etc., ont

employé avec un succès temporaire l'injection de pituitrine dans le diabète

insipide. - 1

Laignel-Lavastine et Beaudoin ont publié un cas de sarcome dans la

loge hypophysaire avec obésilé et persistance des menstrues. Dans leur cas

le lobe postérieur était le plus altéré de la glande. On peut dire en un mot

que la majorité des auteurs excluent le rôle du lobe antérieur dans la

palhogénèse de la polyurie.

En ce qui concerne la paralysie vésicale, nous rappellerons que von

Frankl-Hochwart et Frôhlich remarquent qu'elle n'est pas trop rare dans

celle dystrophie, et ils l'ont attribuée à une compression du pied du pédon-

cule et se demandent en même temps si l'insuffisance du lobe nerveux,

producteur de pituitrine, n'y intervient pas.

En ce qui concerne la petitesse de la taille, chez ces dystropliiclues,

Frank)-Jfochwarth est un des premiers auteurs qui l'ait signalée. Après

ces observations, d'autres cas ont élé signalés que nous reproduisons en

partie d'après le livre de Falta :

Le cas de Berger, qui débuta à 12 ans.

Le cas de Bychowsky qui concerne une jeune fille de 17 ans, a\ec

324 OBREGIA, UItECfIIA, POPEA

une taille de 132 centimètres, et opérée par Eiselsberg pour un kyste de

l'hypophyse.

Le 2e cas de Bychowsky chez un enfant de 13 ans avec une taille de

132 centimètres.

Le cas de Nazari, arrêt de développement depuis de 6-7 ans; à

20 ans, taille de 125 centimètres.

Le cas de Bahonneix et Paisseau chez un enfant de 11 ans 1/2. ,

Le cas de Erdheim, femme de 20 ans.

Le cas de Zi5l 1 iiei-, chez un adulte ; laille : 145 centimètres.

Le cas de UhthotT, nanisme avec hémianopsie bilemporale.

Le cas de Ettore Levi, chez une femme de 20 ans 1/2, avec arrêt de

développement depuis dix ans ; taille : 130 centimètres.

Le cas de Barlels, individu de 24 ans, arrêt 14 ans.

Le cas de Bregman et Steinhaus, fille de 7 ans. '

Le cas de Mixer et Anacquenbross, individu de 27 ans ayant l'aspect

d'un individu de 18 ans.

Le cas de Kummel, homme de 23 ans ayant l'aspect d'un enfant de

14 ans ; pas d'adipose.

Le cas de Souques et Chauvet, individu de 21 ans, taille : 127 centi-

mètres.

Le cas de \Veiandl, individu de 17 ansl/2, [aille : 91 centimètres

Le cas de Krukenberg, enfant de 12 ans avec nanisme.

Le cas de Charpentier et Zahouille avec examen radiologique.

Le cas de Léman et van Warl, femme de 24 ans, infantile.

Le cas de Bournier, homme de 26 ans ayant un arrêt de développement,

depuis t'age de 10 ans ; taille de 125 centimètres.

Le cas de Réunie, en même temps que la tumeur, infantilisme.

Un cas de Falla, 131 centimètres, chez un enfant de 10 ans ; arrêt de .

développement depuis deux ans.

Un cas de Falta, fille de 16 ans, taille : 1 15 centimètres.

Un cas de ralla, arrêt de développement à (le 13 ans.

Dans les cas de processus cérébraux qui intéressent secondairement

l'hypophyse on trouve quelquefois des troubles de la croissance.

Le cas de Mû ! ter.

Le cas de Goldslein, arrêt de développement depuis la ¡j" année.

Le cas de (oldslein, méningite séreuse de même qu'au précédent ;

ta i 11 e pet'i te.

Le cas de Nenralll, à 10 ans, 109 centimètres. Probablement hydrocé-

phalie par méningite après scarlatine il l'âge de 7 ans.

Le cas de Z ii la 1,,i -]%-oii, individu de 37 ans avec une taille moyenne de e

147 centimètres ; épilepsie depuis l'enfance, infantilisme, démence,

UN CAS DE DYSTIIOPHIE HYPOPHYSAIRE 325

troubles de la vue; à l'autopsie, un tératome de l'hypophyse assurément

congénital.

Les cas de Marinesco et Goldstein, de Falia, concernaient des individus

de petite laille.

Le cas de Benda, nanisme cliez un individu de 38 ans; it l'autopsie,

tératome de l'hypophyse.

Le cas d'tlutcltinson et Woods interprété par Brens et Kolisko comme

chondro-dystropllie.

Aschner eut décrit des cas mis en doule par Falta.

Sprinzels a décrit un cas chez un individu de 17 ans, avec diabète insi-

pide et avec une taille de 106 centimètres.

Falta décrit un cas chez un enfant de 15 ans, avec hydrocéphalie et

troubles dans l'ossification ; laille : 102 centimètres.

Les dimensions du squelette étudié par Falta lui démontrent quelque-

fois des proportions de l'infantilisme, quelquefois celles de Peunucboï-

disme. Quand les organes génitaux ont le rôle prépondérant, on a l'aspect

eunuchoïde (pieds plus longs que d'habitude), quand la prépondé-

rance revient à l'hypophyse, on a l'infantilisme.

Bournier, Falia, Sprinzels, etc., ont montré que les cartilages de conju-

gaison peuvent quelquefois persister surtout quand la maladie débute

avant l'adolescence ; dans les autres cas on ne trouve à peu près rien.

Au point de vue des rapports entre l'hypophyse et la croissance, nous

citerons :

Vassale et Sacchi, par l'extirpation de l'hypophyse, ont déterminé chez

« les animaux en voie de développement un arrêt fonctionnel amenant un

retard dans l'accroissement normal de l'organisme ».

Narboute observe en même temps que la polyurie l'arrêt de dévelop-

pement chez les animaux hypophyseclomisés.

Cushing obtient un retard de la croissance à la suite de l'extirpation

du lobe antérieur.

Aschner, Ascoli et Legnani, Benedict et Homans, etc., obtiennent un

arrêt de développement il la suite de l'hypophysectomie totale.

Au point de vue mental la malade était une arriérée avec épilepsie.

Parmi les symptômes cérébraux consécutifs à l'insuffisance expérimen-

tale de la glande nous rappellerons quePaulesco, Cushing et Taylor signa-

lent l'apathie. Au point de vue ci inique, nous ajouterons, après ce que nous

avons dit dans l'aperçu clinique du syndrome, que parmi vingt tumeurs

constatées dans 3.000 autopsies d'aliénés, Boyce et Bealdes ont trouvé

6 fois des tumeurs de l'hypophyse. Quant aux attaques épileptiques dont

notre malade est atteinte, quelques auteurs ont attribué leur présence

au voisinage de la tumeur avec la circonvolution de l'hippocampe, en

326 OBREGIA, URECfIIA, POPEA

remarquant aussi la fréquence des auras olfactives ou gustatives dans ces

cas ( ? ). En ce qui concerne la petitesse des mains et l'efGlure des doigts

chez notre malade, on est d'accord pour les attribuer à des troubles trophi-

ques du squelette à la suite de l'insuffisance hypophysaire. Nous ferons

remarquer à cette occasion que les rapports très intéressants entre la tro-

phicité et les glandes à sécrétion interne sont relativement peu avancés et

des nouvelles recherches pourront révéler des faits importants.

Un autre fait que nous rencontrons dans notre cas, c'est le genu valgum

et le pied plat, C'est un fait sur lequel on a peut-être trop peu insisté.

Dans le livre de Falta nous trouvons le genu valgum mentionné dans plu-

sieurs de ses observations ; dans d'autres cas publiés, nous l'avons aussi

quelquefois rencontré. -

A propos d'un cas de Scbulz, horster met en discussion la possibilité

d'un rapport entre le coxa vara, le genu valgum, le pied plat et la dystro-

phie adiposo-génitale (cité d'après Schûller).

lllaase a décrit un cas de dystrophie adiposo-génitale avec difformités

squelettiques.

IIayenlacl a décrit aussi des difformités assez accentuées du squelette

(atrophie de la moelle osseuse et des os) chez une femme de 45 ans, at-

teinte d'une tumeur de l'hypophyse.

En ce qui concerne la formule leucocytaire, lalta, Bertelli, Borchardt

ont constaté souvent une lymphocytose et quelquefois une augmentation

du nombre des éosinophiles.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE Et, L ? 41 ? ljIi ? v. 1 T. XXVII. PL. 1

NOUVELLE 1 zut i,\ . e , T. XXVII. PL. l

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NEUROFIBROMATOSE FAMILIALE AVEC CHEIROMÉGALIE UNILATÉRALE

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÉTRIÈM' ? ? \ ? 1 T. XXVII. PL. LV

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CHEIROMÉGALIE UNILATÉRALE AVEC NEUROFIBROMATOSE FAMILIALE

(Rollbillovi/cb et Regnault de la Soudière.)

Masson & Cie, Editeurs

SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE DE PARIS

DEUX CAS DE NEUROFIBROMATOSE FAMILIALE

DONT UN AVEC CHEIROMÉGALIE UNILATÉRALE

PAR

ROUBINOVITCH et M. REGNAULT DE LA SOUDIÈRE.

Les deux malades sont atteints de la maladie de Recklinghausen, typi-

que chez la mère, fruste chez l'enfant, mais accompagnée chez lui de

déformations de type acromégaloïde (Pl. LIV et LV).

Observation I. Mme Clara B , âgée de 31 ans, est née en petite Russie.

Après une enfance marquée seulement par une pneumonie 1 ans, une bron-

chite à 15 ans, 'elle épouse à 18 ans un commis d'exportations qui gagnait lar-

gement sa vie. Elle eut successivement 4 enfants : Aron, l'aîné, notre malade,

âgé de 15 ans ; trois filles dont deux âgées de 13 et 10 ans sont hien portan-

tes, la 3° mourut à Alexandrie l'âge de 2 ans, de diarrhée verte.

Rien à signaler dans les antécédents héréditaires.

Dès l'âge de 16 ans, notre malade vit se développer les premiers symptô-

mes de l'affection actuelle. Il y a neuf ans, des troubles révolutionnaires for-

çaient la famille à s'expatrier ; ils gagnèrent Alexandrie où ils demeurèrent

dix-huit mois ; puis en 1907 ils s'établirent en France où le mari exerce la

profession de marchand d'habits.

Actuellement, la malade présente des troubles fonctionnels nombreux, des

tumeurs et des pigmentations cutanées assez caractéristiques. Elle se plaint

d'abord d'asthénie, de fatigue constante qui lui rend pénibles les soins du mé-

nage, puis de douleurs, de céphalée surtout, à prédominance temporale, conti-

nue, mais dont elle place le maximum après le repas de midi jusqu'à la nuit ; i

les insomnies sont fréquentes ; le sommeil est entrecoupé de cauchemars

avec visions de cadavres, d'armes, de précipices, de scènes terrifiantes.

Les douleurs siègent aussi dans la région thoracique médiane, dans la région

lombaire, dans les membres, douleurs peu intenses mais contiuues ; aux extré-

mités, elles revêtent le type de sensations anormales, en particulier, de

cryestliésies.

Après les repas souvent se produisent des vertiges, des étourdissements.deux

fois la malade perdit connaissance; ces crises n'ont pas été accompagnées de

mouvements convulsifs.

Pas de vomissements, mais une constipation opiniâtre. .

Pas de troubles respiratoires ni circulatoires.

328 nOUHINOVITCH Et' REGNAULT DE LA SOUDIÈRE

L'examen des urines n'a montré ni sucre ni albumine.

La malade accuse des troubles menstruels, ses règles durent longtemps et

surviennent à date irrégulière. '

L'examen des fonctions nerveuses ne révèle aucun trouble moteur, aucun

trouble de sensibilité superficielle au contact, à la piqûre, à la chaleur, de

sensibilité profonde (pression, sens des attitudes), sauf cependant au niveau

des néoformations cutanées.

Les réflexes tendineux existent ; ils sont vifs, surtout les réflexes achilléens ;

pas de clonus, ni d'extension d'orteil, pas de troubles des réflexes cutanés.

Du côté des organes des sens, aucun signe objectif. Les pupilles réagissent

à la lumière et à l'accommod,Uion ; pas de troubles auditifs ; la malade se plaint

seulement de troubles visuels ; sou acuité visuelle est diminuée et parfois un

nuage vient rendre les objets troubles à ses yeux.

L'étude du fonds mental a montré une intelligence moyenne, peu cultivée :

la malade sait cependant se débrouiller au milieu des difficultés de la vie cou-

rante, fait son ménage, sait compter, répond rapidement aux questions.

Lss troubles morphologiques sont ici la dominante du tableau clinique. La

taille est normale, il n'y a pas d'asymétrie, ni de déformations, pas de faciès

spécial, mais deux phénomènes attirent l'attention : la pigmentation; les tu-

meurs. r -

Cette pigmentation est diffuse, formée d'un nombre infini détaches café au

lait ou brunes uu peu plus foncées, séparées par des intervalles de peau normale.

La pigmentation existe il la face, sur le tronc et les membres. Le cou est très

fortement coloré, les lâches y sont confluents. Sur le tronc on peut noter de

même plusieurs plaques plus larges d'aspect.

Il existe aussi quelques noevi sur les régions mammaires et dorsales. Sur

ces plaques la sensibilité tactile et douloureuse est troublée; il ya, suivant les

points, tantôt hyper, tantôt hypoesthésie. Les muqueuses sont intactes, in-

demnes de toute tache.

Sur celle peau piquetée de mouchetures brunes font saillie un nombre assez

grand de. petites tumeurs dont le volume varie de celui d'un pois a une man-

darine et dont la consistance est mollasse.

Au cuir chevelu la palpation montre la présence de nodules mollasses com-

parables à des kystes sébacés.

Sur la face, un nodule du volume d'un gros pois déforme la lèvre supérieure

gauche, d'autres, plus petits, criblent le front. Sur le tronc, les tumeurs sont

très nombreuses; les unes sont saillantes, les autres ne sont perceptibles qu'à

la palpation. Au niveau de la VOLT* vertèbre dorsale se trouve la tumeur la

plus volumineuse qui paraît composée de quatre à cinq tumeurs secondaires

donnant à l'ensemble un aspect framboise; tout autour de cetle tumeur on

constate la présence d'une collerette pileuse. Sur diverses régions, en particu-

lier aux lombes et aux cuisses, on trouve, à la palpation, de véritables névro-

mes plexiformes.

Dans la grande lèvre droite qui est procidente depuis la naissance et simule

DEUX CAS DE f-EUROFIBROMATOSE FAMILIALE 329

de loin une formation scrotale. à la palpation on trouve une masse dure qui i

ne peut être autre chose qu'un névrome plexiforme.

Toutes ces tumeurs sont légèrement douloureuses au toucher, mais hypoes-

thésiques à la piqûre.

La réaction de Wassermann s'est montrée négative à l'épreuve du sérum.

Le réflexe oculo-cardiaque est normal ; le ralentissement est de 16 a la mi-

nute.

Observation Il. Aron B..., âgé de 15 ans, employé de commerce, est né

à Kamenetz Podoesk ; il habita successivement Nieolaieff, Alexandrie; puis,

depuis quatre ans, Paris.

Nous avons vu ses antécédents héréditaires el collatéraux.

Il est né à terme, sans intervention ; dès les premiers instants, la mère-

s'aperçut qu'il avait une main plus volumineuse que l'autre.

Pas de maladies dans l'enfance, sauf une rougeole.

Aucun trouble fonctionnel : ni céphalée, ni douleurs, ni troubles visuels.

Pas de trouble digestif, respiratoire, ni circulatoire.

Les urines ne présentent ni sucre, ni albumine.

Les sens spéciaux sont intacts : les pupilles sont régulières et réagissent.

L'examen du système nerveux montre l'intégrité de la motricité, de la sen-

sibilité superficielle (tact, douleur, chaleur) et profonde (pression, sens des

attitudes), il n'y a pas de dissociation syringomyélique, pas même d'erreurs

de reconnaissance.

Seules les régions pigmentées présentent de l'hypo ou hyperesthésie.

Les réflexes sont normaux aux membres inférieurs. Il n'y a pas de signe

de Babinski, ni de clonus.

Les réflexes abdominaux sont normaux.

Aux membres supérieurs tous les réflexes tendineux sont abolis : le tricipital 1

seul existe, mais faible. *

Le fonds mental est à peu près normal. Indocile et un peu retardé dans ses

études, l'enfant n'a parlé qu'à 3 ans, il travaille bien actuellement, sait

écrire, comptar, ne semble présenter aucune perversion instinctive.

Chez cet enfant les troubles cutanés et les déformations sont assez parti-

culiers.

La pigmentation de la peau est apparente, une série de taches chamois ou

café au lait clair crible de façon diffuse le tronc, les membres, prédomine au

cou et au dos. Sur la région dorsale, environ huit taches plus larges s'étalent ;

une plus grande sur l'épaule gauche, une, très étendue médiane, au niveau

de la XII° vertèbre lombaire.

Sous le mamelou gauche, on voit une petite saillie du volume d'une noi-

sette ; elle est pseudo-fluctuante, mollasse.

Une autre masse, située au niveau du canal inguinal droit, répond au testi-

cule droit en ectopie, noyé dans une masse graisseuse.

L'autre testicule est dans le scrotum, mais petit.

330 ROUBINOVITCH ET ftEGNAULT DE la SOUDIÈRE

Au point de vue morphologique, on remarque :

Du côté de la tête : l'asymétrie du crâne ; la bosse frontale gauche est sail-

lante ; il n'y a pas d'asymétrie de la face ni de la mimique.

Un peu de prognathisme du maxillaire supérieur.

La voûte palatine est ogivale ; on note quelques hétérotypies dentaires, en

particulier du chevauchement des incisives supérieures.

Aux membres. inférieurs, seule l'extrémité inférieure gauche est atypique ;

le pied gauche est légèrement plus volumineux que le droit.

Le membre supérieur droit est normal. `

L'épaule, le hras et l'avant-bras gauches sont identiques à ceux du coté

opposé.

La main gauche présente un épaississement des téguments, avec hypertro-

phie.

La main n'est pas allongée, mais très élargie.

La région dorsale du carpe est régulièrement tuméfiée.

La paume est boursouflée, les sillons sont profonds et accusent encore

davantage la saillie des parties molles.

Le pouee et l'auriculaire sont à peu près intacts.

Les 'rots doigts médians sont surtout atteints : boudinés, énormes ; l'annu-

laire régulièrement hypertrophié, en panais, l'ongle lui-même, très élargi, par-

ticipant au processus.

L'index et le médius sont élargis surtout à la base et s'effilent à l'extrémité

comme une rave.

La peau est sèche et fendillée.

Le tissu sous-cutané est flasque, dépressihle, mais ne présente pas de godets

d'oedème.

Il y a une grande laxité ligamentaire et une hypotonie musculaire telle

que l'on peut rabattre les doigts sur le plan carpien' dorsal qu'ils atteignent

presque.

Les os paraissent normaux à la radiographie.

Il n'y a pas de désordres du squelette, pas de cyplroscoliose.

L'examen des diverses glandes montre la thyroïde normale il la palpation.

Les testicules sont atrophiés et l'un même en ectopie.

La radiographie du crâne a montré très nettement l'absence d'élargissement

de la selle turcique qui ne dépasse pas 11 millimètres.

Notre première malade est atteinte sans aucun doute de maladie de

Recklinghausen ; on retrouve les tumeurs'et la pigmentation qui sont les

stigmates essentiels de l'affection : chez elle l'évolution a été celle d'une

dystrophie bénigne et les troubles nerveux d'ordre fonctionnel qu'elle pré-

sente sont légers.

Son fils semble atteint de la même affection sous une forme plus fruste.

Il présente une tumeur unique, mais une pigmentation déjà diffuse et des

troubles des réflexes.

DEUX CAS DE NEUROFIBROMATOSE FAMILIALE 331

Le caractère familial de la neurofibromatose est notion maintenant l

classique ; en 1898 Spillmann et Etienne le signalaient ; depuis on en a

observé plusieurs exemples.

Ce qu'il y a de plus spécial chez notre malade, ce sont ses déformations

unilatérales :

5 Saillie légère d'une bosse frontale gauche ;

Hypertrophie légère du pied gauche ;

Cheiromégalie surtout du même côté, caractérisée par l'hypertrophie en

massue de la main et de trois doigts, avec succulence et hypotonie.

Ces troubles doivent-ils être rattachés à la neurofibromalose ou attribués

à une origine propre ?

On a signalé des cas A' hypertrophie unilatérale congénitale (David-

son [il, Cusson [2]) ou d'hypertrophie congénitale partielle : les deux

membres d'un même côté (Geoffroy-Saint-flilaire, Moebius, Trélat et

Monod, Duplay, Mouchel), les deux pieds (Clutlon [3]), une main

(Apert [4]). Mais dans aucun de ces cas on ne constatait la coexistence

d'une affection nerveuse telle que la neurofibromatose.

On a signalé la cheiromégalie dans la syringomyélie (A. Thomas [5],

Lhermitle et Artomm [6]). -

. Mais aucun signe ne nous permet d'incriminer la gliomatose cavitaire.

S'agit-il donc d'acromégalie ? On a relevé 6 fois déjà la coexistence

de ces deux affections, cas relevés dans le travail de Wolssohn et Ernst

vlarcuse (7).

Mais dans notre observation il s'agit de déformation unilatérale et l'hé-

miacromégalie n'est pas admise par tous les auteurs : seuls Burchardt,

Gavalas et Franchini en ont publié des observations (8), d'ailleurs dis-

cutables.

Sur quoi d'ailleurs se fonderait le diagnostic d'acromégalie : il n'y a

aucun signe hypophysaire chez notre malade; pas de glycosurie, de po-

lyurie ; le facies n'est pas caractéristique; la main n'est pas allongée ; enfin

la radiographie montre l'intégrité de la selle turcique.

De plus, même dans les observations où semblent coexister neurofibro-

(1) Arthur Davidson, Médical Record, p. 420, 26 août 1911.

(2) Contribution à l'élude de l'hypertrophie congénitale, par P. Cuisson, th. de Paris,

no 22, novembre 1905.

(3) CLUTTON, Glinical Society of London, 22 mars 1907.

(4) ApEnT, Iconogr. de la Salpêtrière, 1903. ,

(5) Société de Neurologie, 1" février 1912.

(6) Société de Neurologie, 4 juillet 1907.

(7) Berliner klinisch. Wochenschrift, p. 1088, 23 mai 1912.

(8) G. Franchini ET G. GIOLIOTTI, Iconographie de la Salpêtrière, p. 325,1908.

332 ROUBINOVITCH ET REGNAULT DE la soudière

malose et acromégalie. les preuves de l'atteinte de la glande pituitaire

sont incomplètes.

Dans le cas d'Aloïso de Castro, il y a de la scoliose, de la glycosurie,

les mains sont grosses et courtes, mais la radiographie manque. Le cas de

Feindel et Froussard est tout à fait douteux.

Dans l'observation de E. Piollet, les signes morphologiques sont nets,

mais il n'y a pas de glycosurie, pas de déformation de la selle lurcique.

Aussi est-il permis de penser que dans ces cas il y a relatiozenlre la

neurofibromatose et les déformations de type acromégalique. Babon-

neix (1) a observé chez un jeune homme de 17 ans un cas d'hypertrophie

des extrémités en long et non en large avec céphalée, troubles intellectuels,

signes de la série diabolique : polyphagie, polydypsie ; il n'incrimina pas

dans ce cas l'hypophyse.

Pourquoi les deux ordres de faits, d'une part pigmentation et tumeurs,

d'autre part déformations des extrémités du type acromégaloïde, comme

dans les 0 cas déjà cités de Wolssohn, Feindel, Massé, Perlhes, Piollet, A.

de Castro, soit du type chei l'oméga 1 ¡que comme dans notre observation, ne

relèveraient-ils pas d une commune étiologie ? Il s'agit, croyons-nous, dans

les deux cas d'une dystrophie frappant les tissus ectodermiques, cutanés

et nerveux, avec localisations variables suivant les sujets, mais sans dif-

férence de nature, dystrophie congénitale, mais pouvant se manifester

' cliniquement à une période plus ou moins tardive.

(Il BABONNEIX, Gazette des 118p., n" 19, 22 juin 1911.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPlTRlj,,¡OE.

T. XXVII. PL. LVI

ECTRODACTYLIE PIIALANGIENNE

(Klippel et Rabaud.)

Masson & Cie, Editeurs.

ÉTUDE SUR -

LES MALFORMATIONS CONGÉNITALES

DES MEMBRES

PAR

Maurice KLIPPEL et Etienne RABAUD

Médecin des Hôpitaux, Maître de Conférences u la Sorbunne.

I.- Quatre ë ? rc ? rir totale.

L'ectrodactylie est une anomalie relativement commune si l'on envisage

dans leur ensemble toutes les possibilités depuis l'absence partielle d'un

doigt jusqu'à l'absence de tous les doigts. Mais si l'on envisage isolément

tous les faits, l'ectrodactylïe totale est assez peu fréquente. A ce point

de vue les quatre cas que nous avons eu l'occasion d'étudier nous parais-

sent intéressants.

I. Ectrodactylie phalangienne (Pl. LVI).

Le premier ectrodactyle que nous examinerons est un homme de 49 ans

dont le membre supérieur gauche paraît, dans l'ensemble, plus court et

moins volumineux que le droit.

Les doigts l'ont défaut, au moins en partie : mais la diminution de

volume et le raccourcissement ne tiennent pas uniquement à cette absence

de doigts , les mensurations montrent que l'avant-bras est intéressé dans

son entier. Voici, en effet. les mesures :

334 KLIPPEL ET ITABAUD

NOUVELLE Iconographie DE la SALPLI'I21CliE.

T. XXVII. PL. LVII

ECTRODACTYLIE METACARPO-PHALANGIENNE

(Klippel et Rabaud )

Masson & Cie, Editeurs

étude SUR LES malformations congénitales DES membres 335

carpe et les métacarpiens sont également normaux. L'os sésamoïde et les

deux phalanges du pouce existent; la deuxième phalange cependant est

d'un volume nettement inférieur à la normale. Enfin, avec le deuxième

métacarpien s'articule un nodule osseux arrondi, tandis que la tête des trois

autres métacarpiens est absolument libre. Mais si la radiographie ne nous

apprend rien de plus que la palpation quanta la constitution squelettique

de la palette palmaire, elle nous montre cependant que la tète libre des

métacarpiens n'a subi aucune modification importante dans sa forme ; elle

montre que le noclule de la phalange de l'index a des contours nettement

arrondis, et ces faits ne sont pas sans importance, comme nous le verrons.

Il ne reste plus à noter que les indications relatives aux antécédents

héréditaires. Quant à l'ectrodactylie proprement dit, l'enquête la mieux

conduite ne permet de retrouver chez les ascendants du sujet aucun autre

eclrodactyle. Rien 'non plus à noler dans les antécédents pathologiques.

IL Ectrodactylie métacarpo-phalangienne (Pl. LVII).

A. Les trois sujets suivants appartiennent à une forme un peu dif-

férente. Voici tout d'abord un homme de 32 ansdunl le membre supérieur

droit est terminé par un moignon portant des rudiments de doigts. Les

dimensions comparatives sont les suivantes :

336 ,KLIPPEL ET RABAUD

et dorsale. A la palpation on ne sent aucune résistance pouvant laisser

croire à l'existence d'un nodule osseux. Les moignons correspondant aux

autres doigts ne présentent aucune particularité; sur aucun d'eux, y

compris celui du pouce, n'existe de vestige unguéal.

L'examen radiographique fournit des renseignements plus circonstan-

ciés. Les modifications du squeletlesont beaucoup plus profondes que dans

le cas précédent; elles portent non seulement sur les phalanges, mais aussi

sur les métacarpiens, et, dans une certaine mesure, sur les os du carpe.

Ceux-ci, à vrai dire, sont au complet ; la forme seule, pour d'eux d'entre

eux tout au moins, paraît changée. En effet, la surface articulaire carpo-

métacarpienne du trapèze et du trapézoïde parait beaucoup plus plane

que dans les squelettes normaux. Cette disposition est nécessairement en

rapport avec la forme de la surface articulaire des métacarpiens. De ces

derniers il ne reste guère que la partie correspondant à l'extrémité supé-

rieure. Encore celle-ci est-elle déformée dans une mesure appréciable;

pour chacun des métacarpiens existe un noyau mesurant à peine 1 centi-

mètre dans toutes ses dimensions, surmonté d'une sorte d'apophyse termi-

nale, longue de 3 à 5 millimètres, à peine aussi large, qui représente le

corps même de l'os.

L'ectrodaclylie est ici poussée à un degré très accusé, et au môme degré

pour tous les doigts ; elle est caractérisée, non seulement par la dispari-

tion de la presque totalité des squelettes, mais aussi par la modification

de forme des rudiments métacarpiens, qui se manifeste surtout dans l'arti-

culation du trapèze et du trapézoïde. .

Nous n'avons pu retrouver d'anomalie dans la lignée de cet individu,

car nous ne pouvons guère retenir ce fait qu'une de ses soeurs était d'une

taille très inférieure à la moyenne et a deux enfants qui lui ressemblent

à ce point de vue.

B. L'ectrodactylie est encore plus complète chez le sujet qui a fourni

la radiographie de la Pl. LVIII, du moins en ce qui concerne 4 doigts, le

pouce non compris. Le bras se termine par un moignon sur lequel trois

sillons peu accusés rappellent l'auriculaire, l'annulaire, le, médius et

l'index; par contre le pouce, quoique très court, se détache beaucoup

mieux. Il est limité à la base par un léger sillon dorsal et porte un ongle.

La peau est lisse en tous ses poinls.

Les mensurations que nous avons pu prendre montrent que les os de

Pavant-bras ont suhi un raccourcissement notable, puisque l'avant-bras

normal à droite mesure 27 centimètres, tandis que l'avant-bras gauche

n'en mesure que 20.

La radiographie est particulièrement intéressante, car elle fait ressortir

un remaniement très accusé de la région carpo-métacarpienne, y compris

l'extrémité inférieure des os de l'avant-bras.

NOUVELLE ICONOGRAPIIIE DL LA SALPIiTRI2 ? 4,j rI. % T. XXVII. PL. LVIII

ECTRODACTYLIE métacarpo-phalangienne

(Ilippel et Ri/baud.)

zone sun ras '\ ? ,... . M ? ('Y¿ DI';S JIErBRES 337

ÉTUDE SUR LES AlX^^fàfrWNSSSglHÏENI l'ALES DES MEMBRES 337

Autant qu'on en puisse juger, il ne reste des métacarpiens que quatre

lames osseuses tout à fait réduites ; le pouce seul est représenté par un no-

dule assez volumineux, correspondant sans doute au métacarpien, et par

une aiguille osseuse, perdue dans les tissus, ne s'articulant pas avec le

nodule et qui représente évidemment une phalange. Quant au massif car-

pien, il présente un aspect tout à fait aberrant.

La première rangée est remplacée par deux os ; le plus petit, allongé de

bas en haut, peut être assimilé au scaphoïde dont il possède assez bien la

forme et les rapports avec le radius ; le plus volumineux tient évidem-

ment la place du semi-lunaire, du pyramidal et du pisiforme; mais il a

une configuration qui ne correspond pas exactement a celle de ces trois s

os réunis ; seule, l'apophyse du bord interne peut être assimilée au pisi-

forme. Déplus, le volume relatif de cet os paraît supérieur au volume

que feraient ensemble les trois os normaux.

Quant zur la deuxième rangée, elle constitue un bloc unique dans lequel

il est impossible de délimiter rien qui rappelle le trapèze, le trapézoïde,

le grand os ou l'os crochu. L'os carpien présenle une face inférieure

assez régulièrement convexe, sa face inférieure est concave, et dans l'en-

semble il a un vague aspect oviforme

L'extrémité des os de l'avant-bras présente elle aussi des modifications

évidentes. L'extrémité radiale est sensiblement élargie dans le sens trans-

versal, son bord interne porte une sorte d'apophyse pyramidale qui n'a

pas son équivalent dans les radius normaux. L'extrémité cubitale repose

sur la face supérieure de cette pyramide, elle est, en conséquence, légère-

ment relevée vers le haut et maintenue plus éloignée que dans les condi-

tions normales du bloc carpien.

Il s'agit donc d'un remaniement complet, portant sur le squelette

entier de la main et de et non pas de la suppression simple

de quelques os. Le carpe, tout spécialement, montre une osléogénèse

complètement aberrante, aboutissant à une sorte de 8 ! Jllcarpie. Celle-ci,

d'ailleurs, ne résulte pas de la fusion simple des os, rangée par rangée,

car rien ne 'permet d'établir une assimilation précise entre chacun des

deux os anormaux et les os normaux de la rangée correspondante. Il

convient de retenir ces faits qui nous faciliteront l'interprétation.

Dans ce cas comme dans les précédents, l'hérédité n'entre pas en compte.

C. -Les faits semblent à bien des égards comparables chez le dernier

des sujets dont il nous reste maintenant à parler ; mais nous ne pouvons,

en ce qui le concerne, juger que sur des apparences, les circonstances ne

nous ayant pas permis de pratiquer un examen radiographique.

Le sujet en question est une femme âgée de 82 ans, ectrodaclyle du

membre supérieur gauche. Le membre se termine par un moignon légè-

xxvii 22

338 KLIPPEL ET RABAUD

rement renflé qui porte quatre petites saillies. La première, la plus volu-

mineuse, correspondant au pouce, a un diamètre d'environ 10 millimètres

pour une hauteur de 5 à 6 millimètres ; elle porte un ongle bien formé ;

elle est située sur le bord du moignon et dans un plan légèrement en ar-

rière de celui des trois autres saillies. Celles-ci, beaucoup plus petites,

disposées sur une ligne légèrement courbe, ont une forme lenticulaire;

chacune d'elles porte un ongle rudimen taire. L'auriculaire n'est représenté

que par un léger épaississement cutané fort peu marqué. La peau de la

région est normale, sillonnée de plis transversaux.

A la palpation, on sent les os du carpe disposés en un tronc de pyra-

mide dont la grande base s'articule avec les os de l'avant-bras. Elle me-

sure environ 4 centimètres en largeur et cent. 5 en hauteur. La rangée

métacarpienne semble la plus réduite ; dans tous les cas, des métacarpiens

manquent, du moins une très grande partie. -

L'avant-bras est nettement plus court que l'avant-bras du côté droit.

Voici les mensurations comparatives :

ÉTUDE SUR LES MALFORMATIONS CONGENITALES DES MEMBRES 339

Les fails'd'eclrodactylie totale décrits antérieurement à nousnesontpas

nombreux. Derode (1), dans son importante monographie, en rapporte

cinq, dont deux personnels. Et Salmon (2), dans son étude remarquable

sur les eclroméliens, décrit un cas dans lequel il ne restait rien des méta-

carpes ni des phalanges et ou le carpe se trouvait réduit à quatre pièces diffi-

cilemeiit homologables aux os normaux. Il semble donc que ces eclrodac-

tylies soient infiniment plus rares que celles que caractérise l'existence

d'un ou deux doigts complets.

Dès l'abord, pour qui a examiné ces ectrodactylies et s'est efforcé d'étu-

dier les possibilités physiologiques de leur membre, la question se pose de

l'utilisation de ce membre. Ces individus se trouvent dans des conditions

générales d'existence qui ne concordent guère avec leur conformation ; et

il est curieux de voir comment ils en tirent parti. Nous avons indiqué que

deux d'entre eux exécutaient des mouvements compliqués. Or, rien n'est

moins favorable à ces mouvements que l'existence d'un simple moignon.

Cela permet de redire, avec l'un de nous (3), que les conditions d'où dérive

une disposition anatomique donnée ne sontpas nécessairement adéquates

à toutes les conditions dans lesquelles pourra ultérieurement se trouver

l'individu, et que celui-ci, s'il survit, subit chaque fois une adaptation

nouvelle.

Il est dès lors intéressant de rechercher quelles peuvent être les condi-

tions qui entraînent l'absence d'une partie importante de la main.

Deux hypothèses principales sont en présence : l'amputation congéni-

tale ou la variation tératologique proprement dite, indépendante de tout

traumatisme.

L'amputation congénitale est le plus généralement invoquée pour expli-

quer la plupart des cas analogues ou les cas d'hémimélie proprement

dite. Certes, nous ne songeons pas à nier la possibilité d'une striction par

brides ou circulaire ; nous sommes persuadés que de pareils accidents se

produisent.

Mais de ce qu'ils se produisent, il ne s'ensuit pas qu'ils soient le phé-

nomène constant. On ne doit pas oublier que l'ontogenèse est soumise il

des variations de milieu d'où peuvenl résulter pour l'organisme des modi-

fications morphologiques plus ou moins importantes. Or, dans aucun des

cas qui nous occupent nous ne voyons la trace d'une section mécanique,

(1) P. E. DEMODE, De la brachydaclylie, Ih. Fac. méd. de Lille, 1888.

(2) Julien SALMON, Recherches sur les variations onlogéniqnes des membres chez

les vertébrés, th. de la Fac. des Se. de Paris, 1908.

(3) ETIENNE Rabaud, La tératogénèse, Paris, Doin, 1911.

340 KLIPPEL ET RABAUD D

andis que nous trouvons l'indication très nette de changements soit dans

Ja croissance, soit dans l'histogenèse.

Un seul argument milite en faveur de l'ampulation. C'est le fait que

dans lotis les cas étudiés, l'anomalie est asymétrique, tantôt à droite, tan-

tôt à gauche. Suivant toute évidence, en effet, une bride s'accroche plus

facilement à un membre isolé qu'elle ne s'accroche en deux parties cor-

respondantes des membres symétriques.

Mais, par contre, si l'on examine les membres intéressés, la régularité

même des dispositions contredit l'hypothèse d'une bride. Il convient, en

'effet, de remarquer que dans chaque cas les rudiments squeletliques

présentent d'un doigt à l'autre une analogie tout à fait remarquable etqui

ne pourrait être réalisée que d'une manière tout à fait exceptionnelle par

une bride. Celle-ci, le plus souvent, sectionnerait dans un sens quelconque.

Déplus, nous constatons que la peau est toujours lisse, d'aspect normal,

ne présentant aucun vestige de sillon, ni d'adhérence. Si nous examinons

maintenant les os eux-mêmes, nous constatons qu'ils ont des contours

arrondis. Aucun d'eux ne présente une surface nette qui puisse évoquer

l'idée d'une section. Ce n'est pas tout. Dans un cas où existe un squelette

de pouce, ce squelette n'est ni déformé, ni secondairement diminué, c'est

un squelette grêle, réduit à une mince lige osseuse (I'I. LVIIfJ, perdue dans

un moignon charnu qui ne présenle aucune trace de section ancienne

ou récente. D'ailleurs l'examen du carpe de ce même individu témoigne

nettement d'un mécanisme qui n'a rien il voir avec un traumatisme. Ce

carpe est composé par deux os volumineux, dans lesquels il est difficile

de retrouver des homologies précises. Ici, dans une certaine mesure, cha-

cun d'eux correspond à l'une des rangées carpiennes. Il ne paraît guère

possible d'affirmer qu'il y répond exclusivement, et l'on peut aussi bien

admettre que la ligne de séparation n'a qu'un rapport lointain avec la ligne

de séparation des deux rangées normales. A cet égard, le carpe de la

Planche LUT est comparable au carpe décrit par Salmon (1) et que cet au-

teur considère à bon droit comme formé de pièces osseuses hétérotypiques

pour lesquelles il n'y a pas lieu de chercher à préciser de vaines analogies.

En aucune façon un traumatisme n'est capable de modifier à ce point

les processus c1'ostéogénèse; il ne peut produire un phénomène de syn-

carpie. Et si, dans ces deux cas, la conclusion ressort nettement de l'exa-

men direct des faits, elle doit être étendue aux autres cas, pour lesquels

les raisons, pour n'être pas aussi franchement décisives, n'en ont pas moins

une grande valeur.

De quel processus s'agit-il alors ? Il s'agit d'une ostéogénèse anormale.

(1) Op. cil., p. 49.

ÉTUDE SUR LES MALFORMATIONS CONGÉNITALES DES MEMBRES 341

Le plus souvent, dans des cas analogues, J'ostéogénè,se porte par défaut;

les rudiments squeletliques manquent dans une mesure variable. Tel est

le processus duquel paraissent relever les deux premiers cas. A la vérité,

ce défaut de formation est lié dans le troisième cas à une ostéogénèse telle

que les os qui se forment ne sont pas des parties d'os normaux, mais des

os d'une forme nouvelle. Nous sommes alors conduits à une interprétation

plus complète; au lieu de nous arrêter simplement à l'idée d'une différen-

ciation incomplète ou d'une modification de la croissance, nous admettrons

en même temps qu'une réduction des centres osléogènes la production

des centres anormaux aboutissant à des os véritablement hélérotypiques.

En'fait, c'est la formation du membre dans son ensemble qui a subi un

changement profond, c'est l'osléogénèse tout entière qui est modifiée et

dont la modification se traduit à nos yeux par des processus différents.

La réduction des centres ostéogèties et la production des centres anormaux

sont étroitement liés et sous la dépendance d'une même influence déter-

minante.

Sur cette dernière avons-nous quelques renseignements ? L'interroga-

toire des sujets ne nous a fourni aucune indication sur le passé de leurs

ascendants qui vaille la peine d'être, retenue. Nous en sommes dès lors

réduits à des conjectures. Il est d'usage démettre en ligne de compte

le rôle du système nerveux. Nous ne voulons pas examiner ici la question

en détail, nous réservant de la reprendre ultérieurement à l'aide de

documents nouveaux. Nous nous bornerons à indiquer que les modifica-

tions constatées chez les eclroméliens du côté de l'axe médullaire paraissent

être plus un effet qu'une cause. Il faudrait, d'ailleurs, chercher le méca-

nisme de l'anomalie médullaire, de sorte que le problème serait simple-

ment déplacé sans aucun avantage appréciable.

Il en est de même de l'hérédité que nombre d'auteurs considèrent comme

cause d'anomalies, comme si, pour avoir changé de génération, la question

ne restait pas exactement la même. Du reste, en la circonstance, cette

échappatoire nous fait entièrement défaut, puisque dans aucun des cas

observés, soit par nous, soit par les autres auteurs, il n'a été retrouvé

aucune continuité hérédilaire. El cela même constitue une fort intéressante

particularité. -

L'ectrodactylie totale, portant. ou non sur le métacarpe, parait être une

variation strictement individuelle. Cependant, quant à la morphologie,

il n'existe pas une différence très importante entre cette conformation et

]'ectrodactylie qui caractérise l'existence d'un seul doigt. Or, pour ce qui

concerne cette dernière, l'hérédité est pour ainsi dire la règle. Sans

vouloir insister sur ce point, il convient cependant de faire ressortir une

différence physiologique si importante par une différence morphologique

342 KLIPPEL ET RABAUD

relativement légère. Nous ne prétendons pas que l'ectrodactylie du pouce,

celle que nous décrivons, ne soit jamais héréditaire, nous constatons

qu'elle ne l'est pas dans le petit nombre de cas connus, tandis que d'autres

ectrodactylies le sont presque toujours sinon toujours. Et c'est pour la

connaissance de l'hérédité une donnée utile à retenir, qui ajoute son in-

térêt à toutes celles que nous avons relevées, au cours de notre description.

II. Un cas de syndactylie (Pl. LIX).

Bien qu'un assez grand nombre d'observations de syndactylie aient été

publiées, il semble qu'il reste encore beaucoup il apprendre à son sujet et

que de nouvelles recherches soient encore nécessaires. C'est pourquoi

nous croyons devoir publier le fait nouveau que nous avons- rencontré,

en mettant en relief les particularités qui nous paraissent de nature à

accroître nos connaissances.

Chez le sujet qui va nous occuper, la syndactylie portait sur la main

droite et seulement sur le médius et l'annulaire. Ces deux doigts, inti-

mement accolés, sont enveloppés dans une gaine, cutanée étroite, qui leur

est commune. Entre les deux cependant et tout il l'extrémité existe un

léger sillon. -

Comparée à la main gauche, la main droite est légèrement plus grande :

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière. T. XXVII. PL. LIX

SYNDACTYLIE

(KliPpel et Rabaud.)

ÉTUDE SUR LES MALFORMATIONS CONGÉNITALES DES MEMBRES 343

Depuis cette époque, au milieu de très nombreux cas de syndactylie,

nous avons pu retrouver, comme comparables au nôtre : celui de Filizet

(1892) (1), celui de Kirmisson (1899) (2), celui d'Hannebelle (1896) (3).

Encore convient.-il d'ajouter que, dans ce dernier cas, l'auriculaire fai-

sait défaut ; il ne s'agissait pas d'une syndactylie pure. Enfin les cas de

Routier (4) et celui de Forgnes (5), où l'union enlre les deux doigts était

limitée aux phalanges et phalangines, sont un peu différents.

Au demeurant, cette question de fréquence n'a qu'un médiocre inté-

rêt ; la constitution anatomique importe davantage. A cet égard, l'examen

radiographique fournit des renseignements précieux quant aux rapports

et à la constatation des doigts unis.

L'étude de l'extérieur montre que ces deux doigts ont sensiblement la

même longueur; à la palpation cependant on sent une légère incurvation

du médius vers l'annulaire, de sorte qu'on serait tenté de croire que l'éga-

lité des deux doigts est plus apparente que réelle. Or, la comparaison du

squelette des deux doigts ne confirme pas cette hypothèse. Sans aucun

doute, le médius est légèrement dévié, à partir de l'articulation méta-

carpo-phalangienne ; il se rapproche de l'annulaire qui, lui, n'est pas

sensiblement déplacé ; mais l'amplitude de la déviation subie par le mé-

dius ne suffit pas à ramener son extrémité inférieure au niveau de celle

de l'annulaire. On remarquera d'ailleurs que la déviation n'est accom-

pagnée de courbure aucun degré : le squelette est rectiligne. Il s'agit

donc hien d'un raccourcissement véritable.

Si l'on examine comparativement chacun des divers segments des doigts,

on constate que les phalanges ont conservé, du médius à l'annulaire, leur

longueur proportionnelle ; la phalangine du médius est, au contraire, il

peine plus longue que celle de l'annulaire, mais surlout la phalangette du

médius atteint à peine les deux tiers de sa longueur relative; elle est

plus courte que celle de l'annulaire. Finalement, les deux doigts sont

sensiblemenl égaux non par déviation latérale, de l'un d'eux, mais par sa

brièveté; on pourrait presque dire que le médius est plus court que

l'annulaire ; mais la légère différence que fait ressortir la radiographie

pourrait aussi bien provenir de la déviation latérale subie par le médius.

On doit conclure à l'égalité des deux doigts. -

Cette égalité n'est pas constante dans la syndactylie portant sur deux

doigts. Si elle est signalée par Billon z7) (6), par Morel-Lavallée

(1) hILI ? IiT, Revue d'Orthopédie, 1892.

(2) Kirmisson, Revue d'Orthopédie, 1899.

(3) IIANNEBELI.E, Thèse de Paris, 1896.

(4) Routier, France médicale, 1880.

(5) Forgnes, Aich. de méd. et pharm. militaires, 1896.

(6) Hilton, The Lancet, 1857, t. II, p. 627.

344 KLIPPEL ET RABAUD

(1849) (1), par Honnebelle (2), dans le cas où l'union portait sur l'annu-

laire et le médius, par contre Ilerran (3) noie que les deux doigts avaient

une longueur proportionnelle normale chez un sujet dont l'index et l'an-

nulaire seuls étaient unis. De plus, lorsque la syndactylie porte sur plus

de deux doigts, les dimensions longitudinales sont loin d'être toujours

modifiées. Oh ne peut donc pas dire qu'il existe une relation nécessaire

entre la syndactylie et la brachydactylie. Cependant, il semble qu'il y ait

tout de même, quand les deux dispositions coexistent, plus qu'une coïn-

cidence. En effet, la radiographie montre, pour les deux phalangettes, une

forme nettement anormale. L'une et l'autre sont asymétriques, tout spé-

cialement leurs épiphyses. Chacune d'elles présente une sorte d'expan-

sion apophysaire qui s'étend vers sa voisine; en outre, l'interligne arti-

culaire phalanino-phalanettienne de l'annulaire est oblique de dedans

en dehors et de haut en bas ; dans l'ensemble, tout se passe comme si les

deux formations osseuses convergeaient, l'une vers l'autre. Nous n'enten-

dons pas dire que les deux segments se soient accrus, allant la rencontre

l'un de l'autre, mais simplement qu'au moment de la différenciation

cartilagineuse, il existait entre eux une corrélation directe. Il convient de

remarquer, du resle, que l'interligne articulaire correspondant du médius

n'est pas lui-même absolument normal. En définitive, celle double modi-

fication indique que la variation intéresse à la fois les phalangines et les

phalangettes. C'est une constatation dont nous verrons la portée.

Origine de la syndactylie. '

Elle va nous aider d'une façon 1res effective à rechercher le mécanisme

de la production des syndactylies.

De nombreuses hypothèses ont été envisagées.

Celle à laquelle les auteurs pensent en premier lieu est l'hérédité, et

s'ils trouvent des conformations analogues dans l'ascendance du sujet ob-

servé, ils se déclarent satisfaits. Mais l'hérédité par elle-même ne se confond

pas avec un facteur déterminant; elle n'est pas ce facteur el il reste tou-

jours à retrouver la cause originelle. Cependant, les faits d'hérédité ne

peuvent êlre tenus pour négligeables ; ils doivent entrer en ligne décompte

dans l'étude du mécanisme de la production d'une anomalie quelconque.

Pour ce qui est tout spécialement de la syndactylie, l'hérédité a été

observée. Nous n'avons pu la retrouver chez notre sujet, et il se peut que

dans ce cas particulier elle n'existât pas; il n'en faudrait pas néanmoins

conclure que la syndactylie du médius et de l'annulaire demeure indivi-

(1) M0liF.L-LAVdLLÉE, Cas de syndactylie chez l'homme. Soc. de Biol., 1849.

(2) Op. cil.

(3) B. IIerran, De la syndactylie, Th. Faculté de méd. de Bordeaux, 1898.

ÉTUDE SUR LES MALFORMATIONS CONGÉNITALES DES MEMBRES 345

duelle. Les constatations de Déguise (1), de Kirmisson (2) prouvent que

des conformations digitales tout à fait superposables à celle que nous étu-

dions persistent d'une génération à l'autre. On est donc en droit dépen-

ser qu'il en est de la syndactylie comme de toute autre variation ; elle se

maintient dans les lignées une fois apparue, mais ellenes'ymaintientpas

nécessairement, sans que nous puissions actuellement comprendre dans

quelles conditions l'une ou l'autre éventualité se réalise.

Le fait qu'elle se maintient a une importance considérable, car il cons-

titue un argument contre l'hypothèse qui envisage la syndactylie en géné-

rat comme d'origine strictement mécanique.

C'est, à vrai dire, l'hypothèse le plus généralement admise; elle repose

sur l'observation de faits incontestables, mais qui n'ont avec la syndac-

tylie proprement dite qu'une relation de ressemblance superficielle,

qu'une simple convergence morphologique. Suivant cette hypothèse, les

doigts seraient secondairement soudés, à la suite du processus suivant :

soit par l'intermédiaire de brides, soit par compression directe, l'amnios

provoquerait la formation d'ulcérations; celles-ci : -j'alfrontant d'un doigta

l'autre entraîneraient la soudure. L'ulcération pourrait aussi résulter de

troubles trophiques d'origine indéterminée.

Suivant toute vraisemblance, il existe des syndactylies secondaires

d'origine traumatique. A cette catégorie appartiennent probablement quel-

ques-uns des cas que caractérise l'union des doigts par une surface plus

ou moins étendue de leur extrémité terminale : les phalanges, les phalan-

gines sont libres, tandis que les tissus musculo-cutanés de la phalangette

sont partiellement unis. Parfois il semble que deux phalangettes ayant été

préalablement amputées, les deux bouts distaux se sont secondairement

soudés suivant la surface de section ; tel est le cas classique d'Otto,

reproduit par divers auteurs après Annandale. La soudure pourrait porter

sur plusieurs doigts.

Mais de ce qu'un processus soit possible, il ne s'ensuit pas qu'il soit par

cela même le processus général. Toutes les syndactylies sont loin de res-

sembler à celles auxquelles je viens de faire allusion ; et même celles qui

s'en rapprochent le plus par leur aspect ne procèdent pas forcément d'un

traumatisme. Chaque fois, en particulier, que la conformation syndactyle

existe comparable à elle-même aux deux membres supérieurs, a forliori

quand elle existe en même temps et sous une autre forme aux membres

inférieurs, la théorie mécanique devient très problématique, bien que

l'union des doigts soit limitée à leurs extrémités. Le sujet décrit par

(1) DEGUISE, op. cit.

(2) KIRMISSON, op. Cil.

34G KLIPPEL ET RABAUD

AI. Dervaux (1) est à cet ég : 1rd tout : 't 't fait significatif. Il s'agit d'un nou-

veau-né dont l'index et le médius, aux deux doigts, « sont soudés, liés l'un

à l'autre par une sorte de bride grisâtre » au niveau des phalangettes, tan-

dis qu'ils sont normaux et libres au-dessous de cette commissure; au pied

gauche, le ° ? 8 et le 3" orteils sont soudés à leurs bases, mais leurs extrémités

sont libres ; ils présentent donc une soudure inverse de celle des doigts.

Au pied droit tous les orteils sont normaux.

Evidemment l'existence de ce que l'auteur appelle une « bride grisâ-

tre » attire vivement l'attention et entraîne dès l'abord l'esprit vers l'idée

d'une soudure secondaire. Qu'est celte bride ? Que représente-t-elle exac-

tement ? l'auteur ne fournit à leur sujet que des renseignements insuffi-

sants. A défaut d'une étude plus précise, la comparaison des extrémités

donne fort à réfléchir sur sa signification. Tout d'abord remarquons que

les deux mains sont tout à fait semblables. Ne serait-ce pas une rencontre

vraiment singulière, s'il s'agissait d'une bride amniotique, que celle ac-

tion s'exerçant d'une manière tout à fait symétrique, portant tout juste

sur les mêmes doigts et au même point ?

La coïncidence poussée à ce degré de similitude dépasse fort les limites

de la vraisemblance. Et ce n'est pas tout : la syndactylie du pied ajoute

encore à l'invraisemblance. Ici encore, la syndactylie porle sur les orteils

correspondants, ce qui rend la coïncidence de moins en moins probable.

L'union des doigts, il est vrai, ne se produit pas de la même façon. Mais

cette union exclut toute idée de soudure secondaire : entre les deux or-

teils il n'existe aucune trace d'espace inlerdigilal ; il n'y a donc aucune

trace de réparation cicatricielle. Il faudrait alors supposer un affrontement

des parties suivant une très large surface et dans des conditions telles que

les deux orteils aient été maintenus sur un même plan ; toutes suppositions

qui, s'accumulanl, se détruisent mutuellement. Assurément l'autour si-

gnale l'existence d'un sillon à la base de la partie libre du troisième

orteil ; mais la direction de ce sillon de dedans en dehors et d'avant en

arrière ne peut rien avoir de commun avec une bride qui aurait mis à nu

les phalanges, puisqu'il aurait précisément passé en avant d'elles.

Il faut donc se garder d'affirmer avec trop de hâte l'origine traumatique

d'une conformation donnée. Pour l'admettre, il faudrait admettre en

même temps une sorte de prédisposition localisée en des points symé-

triques ; l'agent traumatique deviendrait alors presque négligeable et

pour appuyer la théorie nous ne le supprimerions que mieux.

En réalité, le plus grand nombre des syndactylies, palmature simple,

accolement des tissus sous-cutanés, synostose, reconnaissent un processus

tout aulre ; elles dépendent de modifications survenues dans le mode de

(1) M. DERVAUx, Syndactylie terminale des deux mains et syndactylie d'un pied.

Société d'obstétrique de Paris, 1909.

ÉTUDE SUR LES MALFORMATIONS CONGÉNITALES DES MEMBRES 3A7

formation, de développement ou de croissance des doigts. Pour que

l'on analyse les faits particuliers, l'idée s'impose avec force qu'il ne s'agit

pas d'un phénomène étroitement localisé aux parties réunies, mais que la

réunion traduit un ensemble de processus dont la main est le siège, mais

qui dérivent sans doute de la nutrition générale de l'individu.

La conformation du squelette de syndactyle qui nous occupe en offre

une première indication. Nous avons signalé la brièveté de la phalangine

et de la phalangette du médius ; il y a lieu maintenant de faire remar-

quer que si ces os ont subi une réduction, il s'agit d'une réduction pro-

portionnelle suivant toutes leurs dimensions; chacun d'eux a conservé

une forme voisine de la normale, aucun d'eux n'offre de trace d'une perte

secondaire de substance.

Outre la réduction, les phalangettes présentent une sorte de protubé-

rance, coïncidant avec une légère modification de l'interligne articulaire,

gagnant vers l'espace interdigital et qui exclut toute idée de compression

et de soudure secondaire; ce squelette s'est évidemment constitué sur

place tel que nous l'observons et si la séparation des doigts n'existe pas,

il est croire non qu'elle a fait place à une soudure secondaire, mais

qu'elle ne s'est pas effectuée en raison des conditions diverses dont le

squelette est une manifestation.

Telles sont les indications que fournit la radiographie de notre sujet.

Elles sont importantes. Si nous ajoutons que rien dans l'aspect extérieur

des doigts ne permet de penser à une cicatrisation ancienne, nous pour-

rons appuyer sur elles une conclusion tendant à repousser l'idée d'un

traumatisme.

Mais notre conclusion sera confirmée par quelques données empruntées

à des observations antérieurement publiées et relatives à la constitution

du réseau artériel des mains syndactyles. On a souvent rappelé que Le-

maistre (1) a vu l'arcade superficielle descendre au devant de la première

phalange des doigls réunis. Du moins, Guersant (2) a vu la bifurcation

des artères collatérales s'effectuer plus près de l'extrémité des doigts que

dans les mains normales. Plus récemment, Gentès et Auharet (3) décrivent

des anomalies artérielles importantes ; ils notent, en particulier, que les

cubitu-palmaire nait beaucoup plus bas qu'à l'ordinaire. Les mêmes au-

teurs signalent une série d'anomalies relatives à l'insertion et à la dispo-

sition relative des tendons. Mais il n'y a pas lieu d'y insister longuement;

elles ne font d'ailleurs qu'ajouter aux anomalies artérielles.

Et celles-ci ont une signification véritablement décisive, car aucune

(1) LE11AISTI\E, Syndactylie. Bull. Soc. anat. Paris, 1849.

(2) GUEUSANT, Adhérence congénitale des doigts. Gaz. des hôp., zou.

(3) Gentès et AU131RET, Sur la syndactylie. Bordeaux, Imprimerie du Midi, 1900.

\ ? ..c3nes.2'

3$ ? ? iBl C\AUD

d'elles ne s'accorde avec l'idée d'une soudure secondaire des doigts. Ce

n'est point un traumatisme ni une ulcération qui aurait déterminé la

« descente » de l'arcade palmaire, ni celle de la bifurcation des collaté-

rales, et même encore celle de la cubito-paimaire. Ce sont là dispositions

primitives, et l'on ne peut nier qu'elles aient avec la conformation syn-

dactyle une étroite relation.

Dès lors, si de notre cas particulier nous passons à l'ensemble des cas

connus, nous nous sentons très enclins à penser qu'il ne s'agit pour aucun

d'un processus très simple que l'on pourrait désigner par arrêt de crois-

sance de l'enveloppe cutanée, entraînant ou non la fusion du squelette,

mais d'un processus très complexe portant sur l'ensemble des tissus de la

main ou du pied et d'où résulte aussi bien le mode de différenciation du

squelette due la répartition et la situation des vaisseaux, que la sépara-

tion partielle ou l'absence de séparation des doigts. Nous nous trouvons

en présence d'une ontogenèse spéciale des extrémités, qui n'a aucune re-

lation nécessaire de ressemblance avec l'ontogénése normale.

Telles sont les-conclusions qui découlent à notre gré du cas particulier

qui est le point de départ de ce travail ; elles s'écartent dans une mesure

appréciable des conclusions classiques; nous espérons par l'étude de cas

nouveaux permettre d'en augmenter la valeur propre et la portée.

III. Un nouveau cas D'lIG111nI6Llls THORACIQUE(Pi. LX).

Nous avons publié en 9cJ06 (1) l'histoire d'un hémimèle essentielle-

ment caractérisé par un bras réduit à un moignon portant une main en

miniature. L'année suivante, l'un de nous, en collaboration avec le 1) Bou-

chet, put faire l'examen anatomique de ce même individu (2) ; à son

propos, un relevé fut fait des cas analogues.

Ils sont, à vrai dire, assez peu nombreux pour permettre d'établir d'une

façon complète la description de ce genre d'anomalie. Un cas nouveau,

que nous avons eu l'occasion de rencontrer, présentant des particularités

nouvelles, nous a paru apporter un complément utile aux données ac-

quises, en même temps qu'il fournit un document précieux pour l'inter-

prétation de certaines apparences cicatricielles.

Aspect extérieur. Le sujet de notre observation est une femme de

33 ans. Nous ne trouvons rien dans ses antécédents héréditaires qui vaille

d'être relevé; elle ne connaît aucune hémimélie dans sa famille. Elle-

même a eu S enfants, tous normaux à ce point de vue.

(1) KLIPPEL et RABAUD, Hémimélie thoracique droite. Revue de l'Ecole d'Anthropo-

logie, 1906.

(2) KL1PPEL et BOT'CIIET, Hémimélie avec atrophie numérique des lissus, Nouvelle

Iconographie de la Salpêtrière, 1907.

HÉMIMÉLIE THORACIQUE

(Klippel et Rabaud.)

ÉTUDE SUR LES MALFORMATIONS CONGENITALES DES MEMBRES 349

Elle est extérieurement caractérisée par la brièveté de son avant-bras

gauche dont les dimensions équivalent à peu près au cinquième des di-

mensions normales. Cet avant-bras se termine par un moignon arrondi,

dont les téguments ont, dans l'ensemble, un aspect normal. Cependant,

son extrémité présente trois petites dépressions cutanées, l'une près du

bord interne, l'autre près du bord externe, sur lesquelles il convient que

nous nous arrêtions (PI.).

La dépression interne est une fente linéaire, courbe à concavité ex-

terne, d'une longueur de 1 cent. 7, se bifurquant en courtes irradiations

aux deux extrémités.- Ses deux lèvres sont en contact immédiat l'une avec

l'autre, l'externe plus saillante que l'interne ; chacune d'elles est un repli

cutané. En les écartant, on ouvre une fossette profonde de 3 millimètres

environ, sur le plancher de laquelle fait saillie un petit tubercule cutané.

La dépression supéro-externe est aussi une fente linéaire, assez courte

(7 mm.), presque rectiligne, peu profonde, dont le plancher présente une

petite cupule assez régulière. Les extrémités se prolongent en de courtes

irradiations.

La dépression inféro-externe est circulaire et donne naissance, sur son

- pourtour, à quelques très légers plis. Son diamètre est d'environ 3 milli-

mètres. Elle est un peu plus profonde que les deux autres.

La surface du moignon ne présenle aucun autre accident.

Ses dimensions sont les suivantes :

3JU KLIPPEL ET HABAUD

ÉTUDE SUR LES MALFORMATIONS CONGENITALES DES MEMBRES 351 1

Des os du carpe, du métacarpe ou des doigls, la radiographie ne met

en évidence aucune trace.

Ces dispositions squelettiques sont fort intéressantes par elles-mêmes,

mais leur intérêt s'accroît si on les compare aux dispositions constatées

chez d'autres sujets. D'un sujet à l'autre, en effet, la similitude est tout a

fait frappante, soit que l'on mette en parallèle chaque os de même nom,

soit que'l'on oppose les os dans leur situation relative. Et cette ressem-

blance, se produisant individuellement chez des sujets étrangers les uns

aux autres, évoque l'idée d'un processus fondamental commun présentant

des variations secondaires au gré des cas particuliers. Celle conclusion

n'est pas sans conséquence.

Le processus et sa genèse. - Si nous comparons, en effet, le sujet

que nous éludions aujourd'hui avec celui que nous avons précédemment

étudié ou avec celui que Moucholte a décrit, nous constatons une diffé-

rence qui pourrait sembler essentielle : chez notre sujet actuel le moi-

gnon antibrachial ne porte aucun rudiment de main, tandis que ce

moignon, chez les trois autres, est terminé par une main minuscule, mais

parfaitement reconnaissable. Et non seulement la main fait défaut, chez

lo sujet qui nous occupe, mais le moignon porte trois dépressions qui ont

toutes les apparences de cicatrices. Il n'en faut pas plus pour faire naître

l'idée d'un processus traumatique, d'une amputation congénitale.

L'importance des dépressions cutanées serait très grande si la radiogra-

phie montrait un signe quelconque donnant à croire que le membre a

subi une section nette.

. Mais l'aspect du squelette, si comparable à celui qui existe concurrem-

ment avec un rudiment de main, contredit l'hypothèse mécanique. Dès

lors, les dépressions perdent la plus grande partie de leur importance ;

il n'est pas possible de voir en elles des productions cicatricielles : elles

ne sont certainement pas les vestiges de brides amniotiques. D'ailleurs.,

leur aspect ne cadre guère avec une adhérence, conséquence constante

d'une inflammation; le fait qu'il s'agit de sillons plus ou moins profonds,

provoqués par des plis cutanés, conduit à les envisager d'une manière

tout autre.

. Pour notre part, nous ne serions pas éloignés de voir en elles la mar-

que la plus atténuée de formation des doigts. Il ne serait même pas

absurde de dire que le tout petit tubercule caché au fond de l'un de ces

sillons correspond à un doigt. A priori, cette interprétation semble en

quelque mesure paradoxale et insuffisamment appuyée par la similitude

des dispositions squelettiques. Elle paraîtra plus rationnelle, si nous

rappelons que dans l'un des cas rapportés par \Iouchotte la main était

352 HUPPEE ET RABAUD

représentée par un tubercule de petite dimension surmonté par des

saillies minuscules séparées par des sillons.

En réalilé, dans notre cas, nous nous trouvons en présence du degré

le plus accusé d'hémimélie antibrachiale caractérisée par la disparition

totale de la main et par une réduction très accentuée des os de l'avant-

bras. '

Il ne s'agit donc pas d'amputation intra-utérine et le processus peut

être reconstitué de la façon suivante. D'une manière plus ou moins pré-

coce et surtout plus ou moins complète, l'histogenèse des ébauches du

membre intéressé s'est effectuée d'une manière anormale. Non seulement

la croissance des parties s'est ralentie d'une manière progressivement

accentuée en allant du bras à l'extrémité de la main, mais même la diffé-

renciation a complètement changé. Les éléments ne sont pas restés em-

bryonnaires, mais au lieu qu'il se produise des membres cartilagineux,

le tissu conjonctif embryonnaire est progressivement devenu du tissu

fibreux. La région tout entière de la main a subi pareille-transformation,

ainsi que l'ont constaté Klippel et Bouchet ; la transformation a été de

moins en moins complète en remontant de la main vers le bras.

Dans notre précédent travail nous avions admis, d'une façon provisoire,

un arrêt de croissance : le processus est beaucoup plus complexe, puis-

qu'il s'agit d'un mode anormal de différenciation, d'un changement dans

la direction de l'histogenèse.

D'autres changements, du reste, sonl fréquents dans le système sque-

lettique et J. Salmon (1) a pu montrer qu'ils étaient à la base d'un très

grand nombre d'anomalies des membres.

Sur l'origine de ce processus, nous ne sommes en aucune façon rensei-

gnés. L'influence compressive de l'amnios, un traumatisme quelconque

ne sauraient ainsi modifier le sens des différenciations. Toute discussion

sur ce point se heurte aux cas dans lesquels existe une main, très petite

sans doute, mais bien conformée. Du reste, nous avons examiné la ques-

tion sous ses divers aspects dans notre précédent travail et nous ne pour-

rions que nous répéter sans profit.

Le côté nouveau du présent travail, et qui mérite d'attirer l'attention,

c'est la ressemblance squelettique très étroite entre les individus dont les

uns possèdent une main très petite, mais indéniable, et l'autre, qui en est,

au moins en apparence, complètement dépourvu.' La ressemblance exige

l'assimilation des deux anomalies, et par su-ite, elle conduit il mettre en

garde contre une interprétation trop hâtive des sillons et dépressions cuta-

nés dans le sens de cicatrices témoignant d'adhérences amniotiques.

(1) J. Saumon, op. cit.

NOUVELLE Iconographie DE la S : 1LPI : TItIÈRI·. T. XXVII. PL. LXI

NOUVELLE Iconographie DE la SALPL1'R1ÈRE. T. XXVII. PL. LXII

· absence bilatérale du -péroné

(Klippel et Rabaud.)

Masson & Cie, Editeurs

Pholot) piC Ucrlhaud, Paris

ÉTUDE SUR LhS MALFORMATIONS CONGÉNITALES DES MEMBRES 353

L'hémimélie telle qu'elle se présente à nous dérive de changements dans z

la nutrition générale qu'il nous est impossible de préciser, étant donné

l'état actuel de nos connaissances. '

IV. - UN cas d'absence bilatérale DU péroné.

' ' - (Pl. LXI et LXII)... ? i

. L'absence congénitale du péroné est, de toutes les anomalies des os,

, l'une des plus communes. Cliniquement étudiée par d'éminents chirur-

giens, parmi lesquels il convient de ciler tout particulièrement Broca et 1

Mouchet, il semblerait que tout a été dit, et que'la publication d'un cas

nouveau n'offre qu'un très faible intérêt. Mais quand il s'agit d'anomalies,

« tout » n'a jamais été dit. , , ? .

Pour ce qui'est spécialement de l'absence du péroné, s'il. reste peu;à

ajouter aux descriptions déjà connues, la question reste quasiment entière

pour ce qui est du mécanisme de la production de cette anomalie. Le cas

nouveau que nous avons rencontré et que nous publions aujourd'hui nous

paraît précisément de nature à aborder ce côté de la question dans d'ex-

cellentes conditions.

Description. Le sujet est un homme de 25 ans, pupille de l'Assis-

tance publique depuis sa naissance, sur lequel nous n'avons aucun ren-

seignement quant à ses antécédents. ,

A l'inspection simple, l'attention est attirée par la conformation de ses

deux membres inférieurs et tout particulièrement des segments situés au-

dessous du genou : des deux côtés, la jambe est grêle, incurvée et terminée

par un pied portant seulement les deux premiers orteils. L'axe du pied

continue directement celui de la jambe, le talon étant reporté en arrière'

de la jambe, comme si le tibia était courbé, la concavité de la courbure

regardant en arrière. ¡

La conformation des deux membres est très comparable en ce qui

concerne le segmentjambier ; mais la situation relative des orteils digère.'

Tandis qu'à droite cette situation est normale, à gauche ils sont disposés^ J

perpendiculairement à l'axe longitudinal du pied. ,

A la palpation, on constate effectivement une courbure du tibia, plus

accentuée à gauche qu'à droite ; on ne sent pas le péroné ; et l'on ne peut

non plus distinguer les uns des autres les divers os du pied.

On ne remarque aucune particularité notable sur la peau des jambes.

Dans la région des cuisses, on ne constate aucune disposition anormale ;

la palpation ne permet de constater aucune atrophie des masses muscu-

laires. Les dimensions de ce segment paraissent proportionnelles à celles

du thorax de l'individu. Pour la cuisse, on obtient pour les deux côtés. :

roui 23

354 KLIPPEL ET RABAUD

ÉTUDE SUR LES MALFORMATIONS CONGENITALES DES MEMBRES 355

Ainsi, dans l'ensemble, l'observation nouvelle que nous apportons rap-

pelle les observations précédemment publiées relatives à l'absence con-

génitale du péroné. Notre observation est /relative à la forme la moins

fréquente, la forme bilatérale, qui correspond au tiers environ des cas.

Nous n'avons pu voir si le péroné était remplacé par un tractus fibreux ;

mais si la constatation eût été intéressante à faire, elle n'eût apporté aucun

élément vraiment important pour l'examen de la question essentielle : le

mode de production de l'anomalie.

Discussion sur la genèse de l'anomalie. - A l'heure actuelle, l'ac-

cord semble établi pour mettre l'absence du péroné, comme celle du tibia,

sur le compte d'une action compressive due à l'amnios ou à une bride

amniotique. La théorie qui consiste à considérer la disparition du péroné

comme résultant d'une fracture du tibia parait abandonnée. Elle l'est à

juste titre ; et lt. Dubrac (1) a clairement montré tous les faits et toutes

les raisons qui contredisent cette théorie.

La théorie amniotique vaut-elle mieux ' ? Elle repose sur l'observation

de quelques cas où, dans un amnios manifestement étroit, se trouvait un

foetus plus ou moins déformé ; sur le fait que, dans quelques cas, il a paru

que l'absence de doigts coïncidait avec l'existence de brides, du moins de

formations considérées comme des brides et attenant aux moignons ; elle

repose aussi et surtout sur l'opinion soutenue par C. Darest, suivant

laquelle l'arrêt de développement de l'amnios serait un phénomène fré-

quent. La théorie est alors la suivante : la compression de la jambe entraîne

l'atrophie d'un os gênant, d'une manière ou d'une autre, la circulation

sanguine. Launois et Küss (2) ont développé cette manière de voir à pro-

pos de l'absence du tibia. Aucun auteur, du reste, ne s'explique avec

netteté sur la façon dont s'établit la compression ; ils insistent simplement

sur ce fait qu'il existe conslamment une cicatrice cutanée, située au devant

du tibia dans l'absence du péroné, à côté du péroné dans l'absence du

tibia. Mais est-ce une bride ? est-ce l'amnios entier ? Les auteurs adoptent

une réserve prudente. A la vérité, on ne voit pas bien comment l'une ou

l'autre pourraient aboutir à l'anomalie qui nous occupe.

Une bride, tout d'abord, est généralement un cordon relativement

mince; s'il entoure la jambe il doit déterminer un sillon tout autour de

la jambe et s'il peut s'ensuivre une amputation, on ne voit guère qu'il

puisse s'ensuivre l'absence d'un os aussi long que le péroné. Si la bride

est large, constituant une membrane entourant la jambe, il se produira

(1) Il. Duubac, De l'absence congénitale du péroné. Th, de la Fac. méd. Paris, 1904.

(2) P. E. Launois et J. Küss, Elude sur l'absence congénitale du tibia. Revue d'or-

thopédie, 1901.

356 KLIPPEL ET RABAUD

sans doute une compression, mais on ne comprend pas comment cette

compression provoque l'incurvation du tibia ; elle fera l'effet d'une bande

maintenant la jambe rectiligne; ou si elle provoque celle incurvation;

elle ne comprimera pas la jambe, car celle-ci sera resserrée non plus sui-

vant son axe longitudinal, mais perpendiculairement à cet axe : elle jouera

un rôle assez analogue à celui que les auteurs attribuent à l'amnios lui-

même. Diverses objections qui vont à l'encontre de l'hypothèse d'un ré-

trécissement amniotique valent donc aussi contre l'hypothèse d'enveloppe-

ment par une bride très large, faisant office de bande. La seule différence

est que l'amnios étroit comprime simultanément les deux membres, tandis

que la bande peut n'en comprimer qu'un seul.

Or, il est facile de comprendre que la compression exercée 'de celle

manière n'aboutira pour ainsi dire jamais à la conformation anormale qui

nous occupe. En effet, une compression ne gênera, n'arrêtera la circulation

que dans la mesure où elle sera active, où elle réduira le volume des

tissus, où elle oblitérera la lumière de vaisseaux jusque-là perméables. Ces

conditions sont remplies par une membrane élastique qui revient forte-

ment sur elle-même et réduit au minimum le volume des parties qu'elle

comprime. La circulation est alors arrêtée, la nutrition supprimée et l'atro-

phie survient nécessairement.

Mais telle n'est pas la compression que pourrait exercer une membrane

amniotique. Celle-ci n'est pas élastique ; elle ne comprime pas au sens

vrai du mot; elle oppose simplement une résistance à l'expansion normale

des tissus. Si, dans ces conditions, il se produit une action compressive,

elle ne viendra pas du contenant, elle viendra du contenu. Et dès lors les

résultats de cette compression passive diffèrent entièrement de ceux d'une

compression active. Tandis que celle-ci arrête la nutrition, et par suite la

croissance, puis entraîne l'atrophie en oblitérant les vaisseaux, celle-là ne

produit rien de semblable. En effet, au moment ailla masse enfermée dans

l'amnios étroit arrive au contact de la membrane et commence à presser

sur elle, les vaisseaux deviennent perméables, la nutrition continue donc

et avec elle la croissance; en conséquence la pression augmente. Sans

doute, les tissus se tassent, mais ils se tassent lentement et avant que le

tassement ait pu arriver à oblitérer les vaisseaux, la masse s'est insinuée

dans tous les recuins de l'enceinte, puis elle a exercé une pression très

forte qui aboutit à provoquer une rupture en un point quelconque de

l'enceinte. A ce moment les parties comprimées reprennent petit petit un

volume normal, il ne s'est produit aucune atrophie sensible, mais simple-

ment des déformations intenses et fort irrégulières.

Ceci n'est pas un raisonnement à priori ; c'est ce que l'on observe, tant

sur les embryons que sur les foetus, chaque fois que l'on trouve un

ÉTUDE SUR LES MALFORMATIONS CONGENITALES DES MEMBRES 357

organe inclus dans une enveloppe inextensible. C'est ce que l'un de nous

a observé et décrit dans les cas où l'amnios, visiblement étroit, enserrait

l'encéphale embryonnaire. La croissance de ce dernier ne subissait aucun

arrêt, seulement les tissus en voie de multiplication se tassaient d'une

manière incohérente (1). De môme, dansuncasd'exencéphalie, le cerveau

retenu dans la boîte crânienne peu extensible avait finalement refoulé

devant lui la paroi au niveau d'une suture non encore consolidée détermi-

nant une proéminence frontale très accusée (2).

Ainsi, dans le cas des membres inférieurs, un amnios étroit ou une bride

membraneuse produisaient tout autre chose que l'absence d'un os, et sur-

tout d'un os comme le péroné profondément enfoncé dans les chairs. Les

déformations observées seraient tout à fait désordonnées, elles porteraient

sur le squelette entier de la jambe et du pied; celui-ci serait fortement

comprimé contre celle-là.

- En aucune façon nous n'observerons ce que nous observons tout parti-

culièrement dans le cas qui nous occupe, à savoir une si remarquable

symétrie des dispositions normales, d'une jambe à l'autre. Quelle que soit

l'hypothèse que l'on puisse faire sur la situation relative des membres

inférieurs au moment où la compression aurait pu commencer à se pro-

duire, il faudrait une rencontre vraiment exceptionnelle pour que les

déformations de droite fussent comparables à celles de gauche, pour que

les parties comprimées d'un côté soient exactement symétriques des parties

comprimées de l'autre, pour que la flexion des os soit presque exactement

superposable, pour que l'atrophie porte sur les mêmes parties.

Le plus souvent, au contraire, on devrait rencontrer des déformations

incohérentes, non seulement d'un membre à l'autre, mais sur un même

membre, et surtout d'un individu à l'autre : et nous avons vu que la

conformation était très sensiblement la même dans tous les cas.

Nous n'ignorons pas qu'il existe assez constamment une cicatrice placée

au devant du tibia et qui serait la ligne d'insertion de l'amnios rétréci.

Or, la situation même de cette ligne cicatricielle constitue un véritable

paradoxe eu égard à l'origine qu'on lui attribue. Launois et Küss l'ont

fort bien remarqué ; il ne leur a pas échappé que la cicatrice placée sui-

le tibia devrait coïncider avec l'atrophie du tibia et non avec celle du pé-

roné et que, inversement, la cicatrice au niveau du péroné devrait

coïncider avec l'absence du péroné et non avec celle du tibia. Aussi ces

auteurs ont-ils émis l'hypothèse que la cicatrice était secondaire et résul-

terait du refoulement des téguments de l'embryon vers l'amnios par l'os

(1) Etienne RIBAUD, L'amnios et les productions congénitales. Archives générales de

Médecine, 1909.

(2) ETIEL1E RABAUD et ANTMNY, Encéphalie el porencéphalie. Bibl. anat., 1902.

358 KLIPPEL ET RABAUD

persistant et luxé. Mais si l'hypothèse correspond en quelque mesure aux

dispositions qu'ils avaient observées, elle ne correspond nullement à

celles qui caractérisent l'absence du péroné.

Du reste, ces cicatrices peuvent exister même lorsque le tibia n'a subi

aucune incurvation.

Ce n'est pas tout encore. Dans la mesure où la compression explique-

rait l'absence du péroné, elle n'expliquerait pas l'absence des orteils

d'une partie du massif tarsien. Du moins, elle ne l'expliquerait pas telle

qu'elle se produit. Il est en effet inexplicable, en se plaçant dans l'hypo-

thèse d'une compression, que ce sont toujours des orteils consécutifs qui

disparaissent et toujours des orteils correspondants au péroné ; tandis que

les orteils qui restent sont d'apparence normale. Il est non moins inex-

plicable que les orteils persistants 's'articulent directement avec le calca-

néum sans que la suppression du tarse antérieur ait entraîné la moin-

dre déformation, On comprendrait mieux qu'une action compressive dé-

truise des doigts quelconques, des os tarsiens quelconques et laisse, unis

entre eux d'une manière quelconque, quelques os déformés, tordus et

comprimés.

Enfin, un dernier argument, qui a bien aussi sa valeur, doit encore

être retenu, c'est l'argument hérédité, avec juste raison mis en avant par

Frichen (1). On sait, en effet, que l'absence congénitale du péroné est

parfois héréditaire. Or, ce fait suffit à lui seul pour prouver que les diver-

ses modifications observées n'ont pas une origine traumatique, mais dé-

rivent d'un processus général portant sur l'organisme entier et localisé

dans la région de la jambe et du pied. Car il est inadmissible qu'une

déformation traumatique devienne héréditaire sous la forme même où elle

s'est produite. Un tel phénomène n'a jamais été observé et il serait très

difficilement explicable.

Si donc, l'absence du péroné et tout ce qui l'accompagne se retrouve

dans la suite de plusieurs générations, par simple continuité héréditaire,

il n'y a pas lieu d'admettre pour elle un processus différent lorsqu'elle

est strictement individuelle. Héréditaires ou non, les diverses parties sont

étroitement liomologues chacune à chacune et non pas simplement analo.

gues et rien ne permet de penser à une simple convergence de forme.

Suivant toute évidence, il s'agit dans les deux cas d'un processus général,

d'une absencede formation des parties, ou d'un changement dans leur dif-

férenciation, un tractus fibreux se différenciant au lieu et place d'une tige

osseuse. Un tel processus résulte non d'une action traumatique extérieure,

mais des conditions générales de nutrition de l'embryon, sur lesquelles

nous n'avons que des données insuffisantes. '

(1) Frichen, Ueber Kongenilale de fekt des Fiberla. lnaug. dissert. Greisswald, 1898.

ÉTUDE SUR LES MALFORMATIONS CONGENITALES DES MEMBRES 359

Et d'ailleurs, qu'on le veuille ou non, c'est à ces questions de nutri-

tion générale que nous devons en dernière analyse constamment revenir.

Parler d'amnios étroit, de bride amniotique n'est qu'établir une équi-

voque, c'est paraître résoudre une question, alors que la question est

simplement déplacée sans profit : il faut en effet expliquer l'arrêt de

croissance de l'amnios, la production de brides ; et comme il devient

alors impossible de trouver une autre action traumatique qu'il faudrait

elle-même expliquer, c'est aux conditions de nutrition qu'on en vient. Mais

si nous considérons l'impossibilité réelle qu'il y a à faire cadrer les faits

observés avec l'hypothèse traumatique, nous, n'hésiterons pas a penser

que mieux vaut éviter l'intermédiaire de l'amnios et rechercher tout de

suite les conditions générales qui déterminent l'absence de péroné et

toutes ses conséquences.

PATHOGENE DE QUELQUES FORMES D'ÉPILEPSIE

DITES ÉP1LEPSIE ESSENTIELLE ET ÉPILEPSIE CÉRÉBRALE

PAR .

G. C. BOLTEN

(de La Haye).

Occupé depuis dix ans environ à des recherches expérimentales sur la

provenance et l'existence. de l'épilepsie, je me suis toujours efforcé de

travailler autant que possible d'une façon systématique ; c'est pourquoi

les expériences que j'ai faites ont été divisées en quatre grands groupes

et j'ai essayé de déterminer si l'épilepsie essentielle pourrait être causée :

1° Par putréfactions intestinales (fermentations anormales, en un

point quelconque du lraclus intestinal, pullulalion des bactéries dans le

conduit intestinal), par des parasites intestinaux ou par d'autres troubles

digestifs, comme la constipation habituelle, l'enléro-colile muco-memhra-

neuse, etc.

2° Par intoxication par des déchets, résultant de la décomposition

des albuminoïdes, en premier lieu les bases puriques, puis les albumoses,

les acides aminés, etc. - -

3° Par rétention des chlorures et en particulier du NaCI, qui déter-

mine une intoxication, liée vraisemblablement à une intolérance plus ou

moins marquée.

4° Par hypo ou hyper fonctionnement d'une ou plusieurs des glan-

des à sécrétion interne.

Toutes les observations ont été faites sur des séries de malades, dont

je connaissais bien les particularités, les manifestations morbides et

l'évolution de la maladie ; elles ont été poursuivies pendant une assez

longue durée, la plupart du temps pendant six mois consécutifs.

Leurs résultais peuvent se résumer brièvement comme il suit :

1° Les putréfactions intestinales, ainsi que lous les troubles possibles

de la digeslion, comme constipation habituelle, forte augmentation de

sécrétion glaireuse(enléro-colitemuco-memhraneuse), diarrhée chronique

ou intermittente, parasites intestinaux, etc., n'ont qu'une influence peu

marquée et certainement secondaire sur les phénomènes épilepliques.

Quand on désinfecte régulièrement le tube digestif (calomel, tannin et

PATHOGÉNIE DE QUELQUES FORMES D'ÉPILEPSIE 361 {

bismuth à petites doses), que l'on nettoie bien et régulièrement deux

fois par jour l'intestin au moyen de grands lavages, que l'on ne donne

qu'une alimentation légère et très facile à digérer, que l'on expulse les

parasites intestinaux qui peuvent exister, et que l'on combat l'état inflam-

matoire, on n'obtient qu'un succès très minime : les accès deviennent

peut-être un peu moins fréquents et dans quelques cas ce maigre résul-

tat ne fut même pas atteint : dans la plupart des cas les modifications de

l'état primitif sont peu remarquables. En outre, il a semblé que la diffé-

rence existant entre la flore intestinale des épileptiques et celle des

sujets normaux est peu importante (Moore, Alexander) et que, de plus,

on n'a jamais trouvé dans l'urine des épileptiques une augmentation

constante dans la teneur en indican, acétone ou autres produits de putré-

faction intestinale. '

2° L'épilepsie essentielle n'est certainement pas une intoxication causée

par des bases puriques, car, quand on met pour longtemps les malades

au régime sans purines (ce qui est très facile, car le lait, les oeufs et les

albuminoïdes végétaux ne contiennent pas de bases puriques), on n'ob-

tient aucun résultai : chez quelques malades le nombre des attaques

diminue quelque peu, chez la plupart au contraire absolument pas.

Dans l'épilepsie essentielle, l'état général reste tout à fait le même,

que l'on ait administré un régime avec ou sans purine (Hoppe avait

obtenu des résultats identiques).

Pour vérifier la possibilité d'une intoxication par les albumoses, on dut

priver les malades de tous les albuminoïdes, tant animaux que végétaux,

ce qui est facile pour les premiers, et qui pour les seconds n'est pas

complètement faisable. Toutefois, autant que possible, on supprima tous

les albuminoïdes et, pourtant, nous n'avons remarqué aucun changement

notable, ce qui fait qu'il n'y a pas de raison pour supposer que l'épilep-

sie essentielle soit l'effet d'une intoxication par les albumoses.

3° Dans l'épilepsie, il n'existe aucune rétention de chlorure de sodium :

lorsque l'excrétion de sel chez les épileptiques fui, pendant une longue

durée, comparée il cette des non-épilepliques vivant absolument dans

les mêmes conditions et qui recevaient journellement la même quan-

tité de sel, il ne se montra aucune différence notable ; on peut donc affir-

mer avec sûreté que l'épileptique ne relient rien de la quantité de sel

qu'il absorbe journellement avec sa nourriture. En outre, il a semblé que

le liquide céphalo-rachidien et le sérum sanguin des épileptiques n'étaient

pas plus riches en chlorure de sodium que ces mêmes liquides chez les

personnes saines. L'épileptique ne montra pas non plus une extra-sensi-

bilité pour le sel : que les malades fussent mis à un régime sans sel

(c'est-à-dire sans la moindre addition de.sel ordinaire) ou qu'ils reçussent

362 BOLTFN

une alimentation modérément salée, cela n'eut aucune influence tant sur

les attaques que sur n'importe quel phénomène morbide.

Grâce à des observations dues il de nombreux auteurs, observations que

je ne peux que confirmer, on est arrivé à établir aussi que le régime sans

sel n'a de valeur que parce qu'il rend le traitement par le bromure beau-

coup plus intensif : les halogènes peuvent se supplanter et se remplacer

dans tous les liquides du corps humain ; si on refuse le chlore et, qu'on

administre du "bromure, l'excrétion du chlorure se poursuit tout d'abord

lentement et l'organisme s'appauvrit en chlore ; au contraire, la teneur en

bromure, ce que l'on appelle le dépôt de bromure, augmente toujours et

atteint un maximum bien supérieur à celui que permettait l'usage du sel,

Sur le traitement parle bromure, devenu beaucoup plus intensif par

l'abstinence du sel, s'appuient les résultats relativement favorables du

traitement d'après Toulouse et Richet ; le régime pauvre en sel, comme

toi, s'est montré toutefois absolument sans valeur dans [le. traitement de

l'épilepsie.

Il n'y a donc dans l'épilepsie ni rétention de sel ordinaire, ni hyper-

sensibilité, ni intoxication par le sel.

4° Plus intéressantes et de beaucoup furent les recherches relatives au

rôle que pourraient jouer les glandes à sécrétion interne ; vu la possibilité

(et même la grande probabilité) que dans tous ces organes les ferments

jouent un rôle important, ces organes ne furent jamais employés à l'état

sec, car dans la. préparation qu'on leur fait subir pour cela, les ferments

perdraient peut-être tout ou partie de leur action, et, comme l'acide

chlorhydrique de l'estomac pourrait exercer probablement une action ana-

logue, les préparations ne furent pas administrées par la bouche, mais par

la voie rectale. Pour rendre cela possible, nous avons toujours employé

des sucs frais ; les organes avec lesquels j'ai fait des recherches ont été :

les thyroïdes, les parathyroïdes, l'hypophyse, les ovaires, les testicules,

les glandes surrénales, le foie, le pancréas et le thymus ; les sucs préparés

avec ces glandes furent administrés journellement par la voie rectale

d'abord à très petites, puis à plus fortes doses, au début séparément, plus

tard en préparations combinées. Cette série d'expériences, qui prirent

beaucoup de temps, eurent l'avantage de fournir des résultats très positifs

qui peuvent se résumer ainsi :

a) Une aggravation ou une augmentation des phénomènes ne se mani-

festa avec aucun des extraits organiques, ni avec les injections simples, ni

avec les injections combinées. Ce résultat ne répondait pas tout à fait à

l'attente : on pouvait certainement croire que le thymus jouerait un rôle

dans l'épilepsie. Ohlmacher, Volland et d'autres ont constaté à l'autopsie

d'un nombre assez important d'épileptiques, environ 25 0/0, une persis-

PATHOGÉNIE DE QUELQUES FORMES D'ÉPILEPSIE 363

tance du thymus, et, vu que cet organe contient une notable quantité

d'adénine (une des plus toxiques parmi les bases puriques), une intoxi-

cation par des éléments du thymuspersistant pourrait être un facteur causal

important. Pourtant des injections de grandes quantités d'extrait de thymus

n'occasionnèrent pas la moindre aggravation des phénomènes.

Des injections de sucs frais des glandes surrénales ne produisent pas '

davantage l'augmentation ou l'aggravation des phénomènes morbides ;

à priori on pouvait très sûrement penser à cette probabilité, car le suc

des glandes surrénales, avec sa haute teneur en adrénaline, agit nettement

en augmentant la pression sanguine et, par conséquent, pourrait peut-être

déterminer un spasme dans les artérioles du cerveau. Pourtant le suc n'eut

aucune action sur les phénomènes épileptiques, ni favorable, ni défavo-

rable, même si l'on en administrait de grandes quantités. Seulement

l'extrait des glandes surrénales parut occasionner des spasmes intestinaux ;

ce qui fait qu'il ne peut être administré que dilué car, autrement, les

malades n'auraient paspu le tolérer,

b) On ne put pas constater une influence favorable du traitement par

les extraits de l'hypophyse, du thymus, du foie, du pancréas, des glandes

surrénales, des testicules et des ovaires, soit séparés, soit combinés. On

pouvait supposer que le foie spécialement joue un rôle dans l'intoxication

épileptique : en effet le foie est aussi un organe à sécrétion interne et

a notamment pour fonction de déplacer et, par conséquent, d'annihiler

l'effet toxique des nombreuses substances toxiques ou nuisibles absorbées

par la paroi intestinale, substances qui.lui sont apportées par le système

delà veine porte. On sait aussi que le foie transforme en urée non toxique

aussi bien le carhamate d'ammoniaque que le carbonate d'ammoniaque,

tous deux loxiques et que l'on trouve aussi dans le métabolisme normal.

Et, comme Kraïnsky a émis la théorie que l'épilepsie consisterait dans un

empoisonnement par le carbamale d'ammoniaque, on pouvait sûrement

penser que le foie serait probablement insuffisant et que les carhamateset

le carbonate d'ammoniaque passeraient inaltérés et pourraient ainsi entrer

dans la grande circulation. Toutefois l'extrait de foie resta absolument t

inactif ; il n'y avait donc certainement pas insuffisance du foie, ce qui, par

conséquent, détruit la théorie de Kraïnsky. Cette dernière était, d'ailleurs,

insoutenable, car elle reposait sur des observations inexactes et des suppo-

sitions erronées : Kraïnsky pensait notamment qu'avant chaque attaque

épileptique, l'excrétion d'acide urique subissait une forte augmentation,

si constante et si caractéristique que Kraïnsky croyait pouvoir en pronos-

tiquer l'approche d'une attaque. Il pensait aussi que l'acide urique ou

plutôt une clo ses substances d'origine pourrait être l'agent toxique de

l'épilepsie ; comme il admettait encore que l'acide urique provenait des

364- BOLTEN

carbamates, il pensait que cela donnait une base suffisante à sa théorie.

Pourtant les carbamates sont transformés par le .foie en urée et non en

acide urique, tandis que ce dernier est formé des bases puriques. En

outre, l'augmentation constante de l'excrétion d'acide urique immédiate-

ment avant l'attaque n'est rien moins que constante, de sorte que, en

somme, il ne reste littéralement aucune base sérieuse sur laquelle puisse

reposer la conception de Kraïnsky. Des injections d'extrait de pancréas

avec sa grande action protéolytique bien connue, n'eurent aucun effet, ce

qui prouve que l'on ne peut penser à une insuffisance du pancréas.

c) Par contre, on obtint de magnifiques résultats avec la combinai-

son d'extraits de la glande thyroïde et des glandes parathyroïdes et ces

résultais furent d'autant plus 'importants qu'il s'agissait d'observations

ayant trait à des malades chroniques, qui, depuis longtemps déjà, la plu-

part depuis plusieurs années, souffraient d'attaques, et chez lesquels je

supprimai immédiatement et radicalement l'emploi déjà ancien du bro-

mure (Pour une description plus détaillée avec statistique, je renvoie à

une autre publication). Les expériences faites avec ces extraits firentnailre

la forte impression que nous avions affaire aux ferments jusqu'alors incon-

nus des glandes thyroïde et paralhyroïdes, car l'extrait administré par la

voie rectale agissait beaucoup plus favorablement que quand il était admi-

nistré par la bouche et beaucoup mieux aussi que les préparations de

glande thyroïde du commerce. L'administration du médicament pris par la

bouche ne fut suivie réellement d'aucun résultat ou seulement d'un résultat

très minime, peut-être d'une amélioration accidentelle, tandis que par

l'administration rectale, une grande série de malades fut, après un temps

plus ou moins long, complètement débarrassée de phénomènes morbides.

En ce qui concerne le temps nécessaire pour cela, on dut remarquer qu'il

était très variable : dans quelques cas qu'on ne pouvait certainement pas

considérer comme bénins (accès existant respectivement depuis 5 et 7 ans,

attaques fréquentes et graves, mais toujours sans démence), les malades

furent délivrés des phénomènes presque immédiatement après le commen-

cement du traitement ; chez d'autres, cela dura souvent de 5 à 6 mois et

dans quelques-uns, parmi lesquels un ou deux semblaient appartenir aux

cas bénins (attaques n'existant pas encore depuis deux ans et dans d'au-

trescas consistant uniquement en attaques de « petit mal »), cela dura

même de 7 à 10 mois.

Le traitement fut réglé à peu près de la même façon pour tous les mala-

des : l'emploi du bromure fut toujours immédiatement suspendu, ainsi

qu'éventuellement le régime pauvre en sel, tandis que, tout d'abord, on

administra chaque jour par la voie rectale l'extrait des glandes thyroïde

et paralhyroïdes fraîchement préparé; lorsque les symptômes s'amélio-

PATHOGÉNIE DE QUELQUES FORMES D'ÉPILEPSIE 365

rèrent d'une façon remarquable, on ne fit plus que trois injections par

semaine, puis deux, et, lorsque, pendant longtemps, les malades furent

complètement débarrassés de tout symptôme, on se contenta de n'en faire

qu'une.

Il sembla, en même temps, que non seulement pour l'attaque, qui est

le symptôme le plus important sans être le seul, on obtenait encore d'au-

tres améliorations en cours de traitement : les malades déclarèrent bien

vite qu'ils souffraient moins de vertige et de maux de tête, qu'ils étaient

plus vifs, qu'ils dormaient mieux, qu'ils avaient plus d'appétit, desselles

plus régulières, etc. Un de mes malades qui, pendant de nombreuses

années, n'avait pu faire autre chose que des commissions pour un jardi-

nier (ce à quoi il n'était pas encore tout à fait bon), se trouva subitement

beaucoup trop intelligent pour un tel travail, il alla prendre des leçons

pour obtenir le brevet de chaulTeur, ce à quoi il réussit rapidement. Et à

ce moment il est depuis deux ans déjà chauffeur d'un grand hôtel. Chez

d'autres malades, l'irritabilité et l'emportement disparurent en très forte

proportion.

Mentionnons encore que la suppression brusque du bromure ne fut

jamais suivie de conséquences nuisibles, même si le malade en absorbait

une forte quantité, par exemple 6 grammes par jour, et s'il en prenait

depuis longtemps. Comme on le sait, la suppression brusque de l'emploi

du bromure peut entraîner les suites les plus fâcheuses : il se produit

alors souvent de nombreuses attaques dans un très court espace de temps

et souvent aussi ce que l'on a coutume d'appeler l'étal de mal épileptique.

Parmi mes malades il y en avait deux, pour lesquels on savait par expé-

rience que l'arrêt dans l'emploi du bromure avait pour conséquence l'aug-

mentation immédiate du nombre et de l'intensité des attaques. Cependant,

lorsque nous commençâmes notre traitement anti-épileptique, on n'eut à

enregistrer aucun de ces fâcheux phénomènes.

Il a semblé d'un très grand intérêt, spécialement pour la palhogénie,

que le- traitement n'eut pas toujours des résultats incontestablement favo-

rables ; il faut sans doute attribuer cela en partie à ce qu'un certain nom-

bre de ces malades, dont l'état n'était pas amélioré, souffraient de maladies

cérébrales primitives, accompagnées d'attaques présentant bien le caractère

épileptique, mais pour lesquels, cependant, on ne pouvait, en aucun cas,

parler d'épilepsie essentielle, mais d'une affection cérébrale primitive

quelconque, accompagnée parfois d'attaques épileptiformes (hydrocéphalie

interne, tumeur du cerveau, paralysie cérébrale infantile; tumeur de

l'hypophyse, sclérose, tubercule solitaire, etc.).

Mais outre ces différentes maladies, qui toutefois présentaient tou-

jours d'autres symptômes, grâce auxquels on pouvait reconnaître le carac-

366 BOLTEN

tére du processus cérébral primitif, il y avait encore une autre grande

catégorie, où les phénomènes cliniques ne permettaient pas de diagnosti-

quer autre chose que l' « épilepsie essentielle » et sur lesquels pourtant

le traitement anti-épileptique n'eut que peu ou pas de succès. Dans cette

catégorie importante on put presque toujours établir que ces malades,

dans leur jeune âge, avaient souffert de convulsions, soit spontanées et

accompagnées d'une fièvre notable, soit à la suite de maladies infectieuses

comme typhus, pneumonie, scarlatine, ou même coqueluche et rougeole.

Ce fait me conduisit à la ferme conviction que, dans ce grand nombre

d'affections qui, cliniquement, se comportent absolument comme l'épi-

lepsie essentielle, il doit avoir une grande quantité de maladies qui,

au point de vue pathogénique, n'ont rien de commun l'une avec l'autre.

Il s'est rencontré maintes fois quelque chose de semblable dans la patho-

logie : il s'est produit, par exemple, depuis quelque temps un courant

pour déclarer que, dans lous les cas de la maladie de Stokes-Adam, on a

affaire à une origine cardiaque ; toutefois, dans les dernières années, on

a constaté différents cas où ce syndrome était nettement d'origine céré-

brale. Et cela est encore le cas, «et dans une beaucoup plus grande pro-

portion, pour le diabète sucré : des affections d'organes très différents

(pancréas, foie, reins, bulbe) peuvent provoquer ce syndrome, et c'est

pourquoi, dans de nombreux cas, il est encore très difficile maintenant

de fixer, sur une base clinique, quel est l'organe malade. Nous rencontrons

quelque cliose d'analogue dans l'épilepsie et, pour trouver la voie dans

cette grande quantité extrêmement hétérogène de maladies semblables

d'une part, mais d'autre part provenant d'une localisation tout à fait

différente, il est nécessaire en premier lieu d'écarter toute une série

d'affections, qui sont bien caractérisées par le symptôme n attaques épi-

leptiformes », mais qui, quelquefois après un temps plus ou moins long,

montrent trop d'autres particularités pour pouvoir être regardées comme

épileptiques. Au nombre de cette série d'affections il faut compter : l'hy-

drocéphalie interne, dans laquelle le plus souvent se montrent des atta-

ques épileptiques, iaporencéphaiie, la sclérose tubéreuse (forme d'idiotie),

la paralysie cérébrale infantile, le tubercule solitaire, les tumeurs des

méninges, du cerveau et de l'hypophyse, la dystrophie adiposo-génilale,

les différentes formes de syphilis du système nerveux central (syphilis

héréditaire, paralysie cérébrale progressive, syphilis cérébrale comme

l'encéphalite gommeuse, la méningite syphilitique, etc.) ; ensuite l'épi-

lepsie toxique (des intoxications exogènes : alcool, nicotine, plomb, ab-

sinthe, santonine, camphre tribromique et des intoxications endogènes

comme diabète, pellagre, néphrite, etc.), la maladie de Stokes-Adam,

l'épilepsie traumatique, l'éclampsie, la maladie d'Alzheimer, l'épilepsie

PATHOGÉNIE DE QUELQUES FORMES D'ÉPILEPSIE 367

sénile (altérations vasculaires), l'épilepsie affective deBratz et les tumeurs

du cerveau qui, comme on le sait, peuvent présenter pendant plusieurs

années des attaques épileptiques comme symptôme unique. Pour toutes

ces maladies, dans lesquelles interviennent des attaques, il est, fût-ce

même souvent après un temps très long, presque toujours possible, en

s'appuyant sur des recherches cliniques, de fixer la cause primitive de la

maladie et, ainsi. de décider que, malgré la présence du symptôme « at-

taques épileptiformes », il ne s'agissait pas encore d' « épilepsie », bien

que les accès présentassent même la physionomie exacte des attaques épi-

leptiques. Après avoir écarté toutes ces maladies, et cette série n'a pas

la moindre prétention d'être complète il reste alors le groupe très riche

auquel nous donnons l'étiquette « épilepsie » et que, d'après les symp-

tûmes cliniques, nous désignons sous le nom d' « épilepsie essentielle n ; -,

ce groupe renferme cependant deux maladies qui, au point de vue clinique,

se ressemblent parfaitement et qui, pourtant, au point de vue pathogé-

nique, n'ont rien à faire l'une avec l'autre. Ces deux maladies sont l'épi-

lepsie essentielle (la véritable épilepsie, épilepsie idiopathique des Anglais,

genuine Epilepsie des Allemands), et l'épilepsie cérébrale (symptomatique

ou secondaire) consécutive une inflammation diffuse du cerveau (écorce)

ou de la dure-mère (méningo-encéphalites chroniques infantiles). Ce fait,

auquel on n'a jamais prêté assez d'attention, donne lieu, dans la biblio-

graphie si vaste sur l'épilepsie, à une confusion sans pareille ; il est, eu

outre, une des causes de la fréquence vraiment choquante avec laquelle

on voit la même expérience donner des résultats différents, et fait que de

nombreuses recherches sur les anomalies du métabolisme et les altérations

biochimiques trouvées dans « l'épilepsie essentielle » doivent être consi-

dérées d'une façon très sceptique par la simple raison que les auteurs,

dans la plupart des cas, n'étaient pas en mesure de décider s'ils avaient

réellement affaire à l'épilepsie essentielle plutôt qu'à l'épilepsie céré-

hrale.

Il faut entendre par l'épilepsie cérébrale (symptomatique) cette épilepsie

qui se montre à la suite d'une méningo-encéphalite diffuse, bien différente

donc de l'épilepsie .facksonienne qui se produit il la suite d'un foyer, loca- .

lisé et nettement limité, quelque part dans le cerveau.

P. Marie, de la Tourelle, Binswanger et Redlich font remarquer à ce

sujet que le champ de l'épilepsie essentielle se réduit toujours davantage

et comment, grâce aux méthodes de recherches toujours plus exactes, celui

de l'épilepsie organique (cérébrale) va en s'élargissant. Cependant il res-

tera toujours sans doute un groupe d'un nombre remarquable appartenant

à l'épilepsie essentielle.

Binswanger dit aussi, après la description de deux cas avec foyers encé-

368 BOLTEN

phaliques primitifs : « Combien souvent se présenteront de pareils cas

qui, plus tard, se perdront complètement dans le type de la « véritable

épilepsie ». Si leurs singularités anamnesliques particulières, leur mode

d'origine et leurs attaques symptomatiques restent cachés, ils seront alors

annexés au groupe important de l'épilepsie essentielle et, plus tard, les

recherches microscopiques cérébrales servent d'arguments à l'origine

cérébrale organique du processus morbide de l'épilepsie essentielle. » '

Sur ce point, sans doute, Binswanger a raison : il existe, en effet, de

nombreux cas qui, cliniquement et tous les points de vue, se comportent

parfaitement comme épilepsie essentielle et qui dépendent, cependant, de

la méningo-encéphalite diffuse primitive ; toutefois, en déterminant celle

dernière affection on a décidé en même temps que l'épilepsie est sympto-

matique et, en fait, dépendante d'une maladie cérébrale quelconque

primitive.

Par contre, il exisle un groupe de cas encore important, bien que dimi-

nuant toujours en nombre, dans lesquels on ne peut réellement constater

aucune altération cérébrale primitive. Cela veut dire que dans les cas

récents il n'existe aucune trace d'anomalies dans le cerveau (écorce) et

dans les méninges, tandis que, dans des cas très chroniques avec démence

secondaire, on peut trouver des anomalies aussi secondaires : Cpaslin a

mis en évidence la fréquence, dans les couches superficielles de l'écorce,

de faisceaux de fibres névrogliques proliférées, et après lui, Alzheimer a

décrit ces mêmes phénomènes sous le nom de u randgliose ».

Et si nous faisons abstraction des intoxications endogènes et exogènes

dont nous venons de parler, ce groupe (dans lequel manque toute altéra-

tion cérébrale primitive) ne comprend que l'épilepsie essentielle (épilep-

sie véritable ou épilepsie idiopathique).

Ici il est donc question de deux maladies qui, au point de vue patho-

génique, sont absolument différentes l'une de l'autre et qui, au point de

vue clinique, se ressemblent parfaitement : d'une part, un processus

diffus, organique dans l'écorce cérébrale (accompagné ou non d'altérations

méningiliques), et, d'autre part, une maladie du métabolisme, une auto-

intoxication chronique ayant pour cause primitive une hypofonction de

quelques glandes à sécrétion interne. Grâce à de nombreux matériaux

cliniques que j'ai pu contrôler, pendant longtemps, je me suis rendu

compte qu'actuellement il n'est pas encore possible, lout au moins sur

une base purement clinique, de séparer ces deux groupes. Voyons com-

ment et par quels moyens la susdite division pourrait être regardée

comme possible, même si je devais anticiper aussi sur le résultat final, à

savoir que tous les efforts mis en oeuvre jusqu'à présent n'ont abouti à

aucune conclusion.

PAT11OGT : NIE DE QUELQUES FORMES D'ÉPILEPSIE 369

Il semble, à priori, vraisemblable que, dans l'épilepsie cérébrale,

c'est-à-dire dans les troubles provenant d'anomalies dans le cerveau et

dans les méninges, on pourrait trouver quelque chose de spécial dans le

liquide céphalo-racllidien.

Sur six malades chez lesquels, grâce il des données de toutes sortes, le

plus souvent purement anamnestiques, on put établir avec sûreté qu'ils

avaient souffert de méningo-encépbaiite, j'ai pratiqué une ponction lom-

baire et recherché : a) s'il y avait hypertension dans le liquide céphalo-

rachidien ;

b) Si le liquide était tout à fait clair;

c) Si, après cenlrifugation, on pouvait constater une augmentation des

éléments cellulaires (lymphocytose, polynucléose, etc.) ;

d) Si la teneur en albumine était augmentée (réaction de Nonne).

Le résultat 1«(il tout à fait négatif sous tous les rapports et pour tous les

cas : il n'y avait pas d'hypertension dans le liquide céphalo-rachillien,

le liquide était parfaitement clair, il n'y avait pas une augmentation des

éléments cellulaires (ni lymphocytose, ni polynucléose, ni polycytose)'et

en outre la réaction de Nonne fut toujours négative.

Cependant, Hedlicb (et quelques-uns de ses élèves) obtint des résultats

positifs dans ses recherches sur le liquide céphalo-rachidien (forte hyper-

tension, altérations cellulaires) dans des cas d'épilepsie cérébrale (hydro-

céphalie interne, méningites) et aussi dans des cas de psychoses post-épi-

lepliques et dans l'état de mal épileptique.' ,

Or, c'est une opinion assez courante que les altérations se produisant,

en cas d'épilepsie, dans la personnalité psychique, comme la démence

survenant lentement et augmentant peu à peu et les modifications du

caractère devenant plus manifestes, pourraient être les signes d'une in-

toxication chronique, et que ces phénomènes seraient caractéristiques pour

l'épilepsie essentielle. Cependant cela est encore une illusion : lout spé-

cialement le caractère épileptique » (paresse de la pensée, lenteur d'élo-

cution, irritabilité, sentiment de soi-même exagéré, fort égoïsme avec

absence totale de tout égard pour autrui, etc.), que l'on regarde comme

spécifique pour l'épilepsie essentielle, se montre tout aussi bien chez les

malades atteints d'épilepsie cérébrale et, d'autre part, la démence épilepli-

que intervient aussi bien dans l'épilepsie essentielle que dans l'épilepsie

cérébrale ; il me semble toujours de plus en plus certain qu'en général

, l'épilepsie cérébrale, succédant à une mén ingo-encépha 1 i le diffuse, conduit t

plus vile il la démence que l'épilepsie essentielle. Il se présente, en outre,

des exceptions en lous sens : je connais'des cas tant d'épilepsie essentielle

que d'.épilepsie cérébrale, dans lesquels le caractère n'est que peu ou

même pas altéré. J'ai eu même l'impression qu'une très longue absence

- xxvn . 24

370 BOLTEN

de toute défaillance intellectuelle se montrait davantage dans l'épilepsie

essentielle ; s'il y avait, par contre, déjà un défaut manifeste de l'intelli-

gence avant l'apparition de la première attaque, ou que la démence se-

condaire se présentât seulement quelques années après le début des

accès, on avait toujours affaire à l'épilepsie cérébrale (hydrocéphalie

interne, syphilis héréditaire, méningo-encéphalite). Les altérations du

caractère et la démence secondaire n'ont donc, excepté dans des cas très

peu nombreux, aucune valeur pour le diagnostic différentiel.

Le symptôme de la papillite est peut-être un peu plus utile, surtout

quand il est positif : on peut être alors très autorisé à croire à une épi-

lepsie cérébrale (tumeur du cerveau ou des méninges, grand foyer d'encé-

phalite, méningite séreuse, etc.). Toutefois, l'absence de la papillite n'in-

dique nullement que l'on se trouve en présence de l'épilepsie essentielle,

car, comme on le sait, de nombreux cas de méningite et d'encéphalite ne

causent aucune altération de la papille. De toutes ces formes de ménin-

gite, c'est la forme séreuse qui semble surtout donner lieu à des papillites

bien marquées. Ces dernières n'ont donc qu'une assez faible valeur comme

diagnostic différentiel et l'on peut dire la même chose de deux autres

phénomènes qui ne sont pas si rares dans l'épilepsie, à savoir les trou-

bles aphasiques et le phénomène de Babinski. Les premiers, sur lesquels

Heilhronner, entre autres, a fait des communications détaillées, peuvent

indiscutablement, quand ils présentent quelque durée, faire pencher la

balance du côté de l'épilepsie cérébrale (foyers encéphaliques dans le lobe

frontal gauche) surtout quand, outre cela, se présente en même temps

une différence de tonus entre les muscles de la moitié droite et ceux de

la moitié gauche du corps. Cette différence doit être encore, de préférence,

accompagnée de différences de vivacité des réflexes tendineux droits et

gauches. Toutefois, dans la plupart des cas, il n'est pas possible de consta-

ter de véritables symptômes de foyer ou autre indication précise d'épi-

lepsie cérébrale, Le symptôme de Babinski est encore beaucoup moins

utile : comme on lésait, Babinski lui-même et, après lui, beaucoup d'au-

tres, ont établi que 50 à GO 0/0 de tous les épileptiques pendant l'attaque

et immédiatement après présentent le phénomène de l'extension du gros

orteil, mais il faut se garder de penser, d'après cela, que l'on se trouve

toujours en présence d'altérations cérébrales. Comme Binswanger et«d'au-

tres l'ont démontré, on peut trouver, clans l'épilepsie essentielle, toutes

sortes de symptômes de foyer et même des phénomènes hémiplégiques.

Le cas suivant en fournit un bel exemple :

L..., 36 ans, garçon brasseur. Il présente des attaques depuis 8 ans et

pouvait néanmoins faire régulièrement son travail. Il y a quelques jours,

dans une chute, il a frappé de la tête (région temporale droite) contre

PATHOGÉNIE DE QUELQUES FORMES D'ÉPILEPSIE 371 i

un tonneau, est resté quelques minutes sans connaissance et, immédiate-

ment après, a été pris d'une longue attaque. Admis à l'hôpital, il montre

une grande sensibilité à la pression de la région temporale droite atteinte

et de nombreuses attaques qui commençaient toujours par le côté gauche :

le malade tourne fortement la tête vers la gauche, dirige le regard à gau-

che, et a des contractions des muscles gauches du visage et des membres

gauches ; le plus souvent, mais non toujours, les muscles de la moitié

droite du corps se contractent aussi. Après une douzaine d'attaques, le

facial et les membres gauches sont complètement paralysés ; entre les

attaques le malade est assez lucide, toutefois il ne peut absolument pas

mouvoir les membres très contractures du côté gauche. Le réflexe de la

plante du pied gauche montre à l'état continu, tant après que pendant

les attaques, le phénomène de l'extension (phénomène de Babinski) et à

droite celui de flexion. Grâce à tous ces phénomènes de foyer, le trauma-

tisme, la forte sensibilité à la pression locale, et un alcoolisme modéré

avoué par le malade, on pense qu'il s'agit d'un épanchement sanguin sub-

dural dans la région temporale droite et on se décide à la trépanation.

On ne trouva absolument rien, et le malade, dont l'état était déjà grave

avant l'opération, mourut trois jours plus tard. L'autopsie montra l'ab-

sence certaine d'un épanchement sanguin subdural et de la méningite

sous toutes ses -formes, tandis qu'on ne trouva macroscopiquement au-

cune marque d'encéphalite ou d'autres foyers, ni hydrocéphalie, ni une

altération cérébrale quelconque (l'examen microscopique du cerveau est

encore à faire). Dans ce cas il ne s'agissait donc certainement pas d'épi-

lepsie cérébrale, mais d'épilepsie essentielle.

Dans ces cas d'épilepsie essentielle, sans symptômes de foyer préalables

et sans affection cérébrale anatomique, nous ne pouvons guère, suivant

en cela les traces de Binswanger et Redlich, considérer ces phénomènes

de paralysie unilatérale que comme une accumulation de phénomènes

d'épuisement. De là vient qu'ils se présentent aussi principalement dans

l'état de mal épileptique ou, tout au moins, en cas de grandes séries d'at-

taques. On a signalé, toutefois, des cas dans lesquels se sont manifestés

ces symptômes d'épuisement déjà après quelques attaques seulement.

Il nous reste encore maintenant quelques phénomènes particuliers d'une

valeur tout aussi discutable,- à savoir la prédominance de l'usage de la

main gauche chez les épileptiques ; ensuite le phénomène de la déviation

conjuguée au début de l'attaque ; de plus, dans quelques cas, les résultats

de la radiographie.

Comme on le sait, la prédominance de l'usage de la main gauche est

relativement plus fréquente chez les épileptiques que chez les personnes

normales ; en outre Steiner a démontré que, dans les familles d'épilepti-

372 BOL'TEX

ques droitiers, on trouve très souvent la prédominance de l'usage de la

main gauche. Par contre, 9 sur 11 de ces épileptiques gauchers n'avaient

que des parents droitiers. Si l'on regarde ces derniers faits en eux-mêmes,

on peut considérer alors la prédominance de l'usage de la main gauche

comme un signe de dégénérescence qui se montre avec alternance. Il y a,

sans doute, beaucoup plus à dire sur l'idée de Redlich, entre autres, qui

'explique la prédominance de l'usage de la main gauche par un'111éningo-

encéphalile diffuse qui. dans ces cas, a alléré.plus fortement l'hémi-

sphère gauche que l'hémisphère droit, ce qui fait que les membres droils

se sont trouvés en condition quelque peu plus mauvaise.

Ce phénomène est donc certainement sans valeur comme diagnostic

différentiel, car la prédominance de l'usage de la main gauche se pré-

sente aussi bien dans l'épilepsie cérébrale (avec hémisphère gauche plus

spécialement atteint) que dans l'épilepsie essentielle, où elle se produit t

comme signe de dégénérescence. Steiner, lui-même, reconnaît aussi qu'il 1

-ne faut accorder aucune valeur diagnostique à la prédominance de l'usage

de la main gauche.

Nous avons probablement un phénomène plus important dans le fait

de trouver constamment une déviation conjuguée (tourner le visage et les

yeux du côté des lésions cérébrales). Benders a appelé l'attention sur le

fait que ce phénomène se montrait d'une façon extraordinairement régu-

lière chez un grand nombre de ses épileptiques. Nous devons, très pro-

bablement, le prendre, comme dans quelques cas de prédominance de

l'usage de la main gauche, pour un symptôme hémisphérique : si les

phénomènes épileptiques sont causés par des affections (inflammation)

corticales primitives diffuses, l'hémisphère du côté vers lequel se tour-

nent le visage et le regard, doit être seulement atteint par l'encéphalite

diffuse, ou bien il est atteint beaucoup plus fortement que l'autre hémi-

sphère.

Dans les cas où ce phénomène est très constant, nous avions donc, très

.vraisemblablement, affaire à l'épilepsie cérébrale (encéphalite diffuse,

qui esl exclusivement, ou au moins est prépondérante d'un côté) et non

à l'épilepsie essentielle.

Redlich montre l'intérêt de la présence constante, pendant et immé-

i diatement après les attaques, de symptômes de foyer plus légers. Ils man-

quent complètement dans les périodes inlerparoxysinales et n'ont, comme

les autres phénomènes déjà décrits, que peu de valeur pour le diagnostic

différentiel. S'ils sont aussi présents dans les périodes interparoxysmales,

il doit exister, sans aucun doute, quelque part dans le cerveau un foyer

plus ou moins localisé. Comme on le sait, ces symptômes de foyer, pen-

dant el immédiatement après les attaques, se présentent souvent sous la

PATHOGÉNIE DE QUELQUES FORMES D'ÉPILEPSIE r313

forme du phénomène de Babinski, spasmes unilatéraux avec réflexes

augmentés, parésie légère, elc. Si ces symptômes se présentent toujours

et dans toutes les attaques du même côté, ils indiquent alors, même s'ils

sont toujours absents dans les périodes sans attaques, une inflammation

du cerveau (écorce) qui a atteint d'une façon prépondérante l'hémi-

sphère cérébral opposé ; s'ils sont alternatifs et ne se montrent alors seule-

ment que pendant la décharge (l'attaque), tantôt l'un, tantôt l'autre des

hémisphères est le plus atteint par l'accumulation des phénomènes d'épui-

sement.

Schûller put confirmer radiographiquement ces états : si l'on consta-

tait dans une moitié du corps une augmentation de symptômes d'hyper-

tension (réflexes augmentés, phénomène de Babinski), on pouvait voir dans

l'image radiographique de l'aulre moitié du cerveau des veines fortement

dilatées (hyperémie veineuse des méninges). ' '

Si les symptômes de foyer sont, pendant et immédiatement après l'at-

taque, toujours constants, en ce qui concerne la moitié du corps, il est

alors très vraisemblable qu'il s'agit d'une épilepsie cérébrale qui a atteint

un hémisphère plus que l'autre. Et quand des phénomènes de paralysie

cérébrale infantile existent chez des épileptiques, ne fût-ce même qu'en

une faible mesure, alors on peut être sûr de l'origine cérébrale des phé-

nomènes épileptiques. , ' : ,

Il faut, toutefois, observer que. dans de nombreux et peut-être même

dans la plupart des cas,- tous ces petits moyens auxiliaires (dont aucun

d'eux ne peut être considéré comme absolument sûr) nous laissent dans

l'embarras pour les cas d'épilepsie sans symptômes de foyer et que, comme

les phénomènes cliniques pas plus que le cours ultérieur de la maladie

ne fournissent la moindre réponse au dilemme : épilepsie essentielle ou

cérébrale (corticale), nous devons essayer de combler, autant que possible,

cette lacune de notre diagnostic par une anamnèse très serrée. Cette der-

nière peut, notamment, nous fournir quelques éclaircissements sur la

possibilité d'une méningite, d'une encéphalite dans l'enfance ou, dans la

plupart des cas, d'une combinaison de ces deux maladies, la méningo-

encéphalile. S'il apparaît notamment dans l'anamnèse que le malade (le

plus souvent en très bas âge) a eu des convulsions intensives s'étant pro-

duites de préférence soudainement ou après une maladie infectieuse avec

fièvre élevée, nous pouvons alors, avec une très grande sûreté, en inférer

une méningo-encéphalite. Ces foyers d'inflammation peuvent, en appa-

rence, guérir complètement et ne laisser aucune trace après eux, jusqu'à

ce que, beaucoup plus tard (ordinairement dans les premières années de

'la puberté), ils donnent lieu à des attaques épileptiques. Oppenheim dit

. : ce sujet : « De nombreuses recherches prouvent qu'une affection céré-

374 . BOLTEN

brale organique ayant existé dans la jeunesse, correspondante ou très

apparentée à une paralysie cérébrale infantile (sans toutefois montrer

'toujours les phénomènes typiques de cette paralysie), peut donner lieu à

un développement ultérieur d'épilepsie. »

Quelques auteurs, comme Marie et Freud, vont jusqu'à vouloir rame-

ner l'épilepsie en général à une affection cortico-cérébrale organique,

mais il manque, toutefois, pour cela une base suffisante. Marchand, lui

aussi, cherche la cause de l'épilepsie dans l'épaississement des méninges

et de leur développement se faisant avec celui de l'écorce cérébrale, ce

qu'il put prouver par des autopsies de ses épileptiques. Toutes les expé-

riences de ces auteurs viennent en confirmation de ce que j'ai affirmé

déjà à plusieurs reprises, à savoir que cliniquement l'épilepsie corticale

(sans symptômes de foyer) ne peut être distinguée de l'épilepsie essen-

tielle ; toutefois ces auteurs, parlant toujours d'épilepsie véritable ou

essentielle, avaient toujours affaire, comme l'indiquaient les résultats de

l'autopsie, à l'épilepsie corticale, suite de la méningo-encéphalite. Ces

formes d'épilepsie cérébrale se rattachent donc tout à fait à l'épilepsie

causée par la paralysie cérébrale infantile, car, dans la grande ma-

jorité de ces cas, l'épilepsie et la paralysie furent causées par un même

facteur, à savoir par des foyers encéphaliques dans la zone ou dans le

voisinage de la zone motrice.

Il faut donc admettre que l'épilepsie essentielle peut aussi se dévelop-

per chez un sujet atteint déjà d'une autre affection cérébrale quelconque

et ainsi la véritable épilepsie peut se déclarer aussi chez les malades

atteints de paralysie cérébrale infantile. Toutefois, cela ne sera qu'une

exception très rare et comme toutes les deux, tant l'épilepsie que la

paralysie, peuvent être parfaitement expliquées par le même facteur étio-

logique, à savoir les foyers encéphaliques, il est sans doute plus rationnel

de faire dériver ces deux groupes de phénomènes d'une même cause. Si

nous rencontrons donc également dans la paralysie cérébrale infantile

des attaques épileptiques, celte épilepsie doit être d'origine cérébrale et

n'appartient donc pas à l'épilepsie essentielle. Freud admet aussi pour

toutes deux une même origine qui cause dans un cas l'épilepsie, dans un

deuxième la paralysie cérébrale infantile et dans un troisième ces deux

affections réunies. Si les phénomènes épileptiques se présentent seuls,

Freud parle alors de « paralysie cérébrale infantile sans paralysie ». Quoi-

que cette expression soit étrange, l'idée est juste : une même cause produit

ici des phénomènes très différents et cette cause est la base anatomique de

la paralysie cérébrale infantile, dans laquelle se montrent tantôt des phé-

nomènes d'excitation et tantôt des phénomènes de paralysie. Krause, lui

aussi, a appelé l'attention Sur le fait que tous les cas d'encéphalite et de

PATHOGÉNIE DE QUELQUES FORMES D'ÉPILEPSIE 375

paralysie cérébrale infantile sont bien loin de causer plus tard l'épilepsie

(cérébrale) et, par suite, il admet que, dans les cas où se produisent des

attaques, il existe une prédisposition à l'épilepsie. Cela n'est pas juste et

ne pourrait s'appliquer naturellement qu'aux cas de combinaison de

paralysie cérébrale infantile avec l'épilepsie véritable essentielle. Pour

l'épilepsie cérébrale, la prédisposition n'est absolument pas nécessaire :

cela dépend, en effel, de l'étendue, de la diffusion et de la grandeur des

foyers encéphaliques ; s'ils gênent tellement l'écorce cérébrale pour la

circulation de sa lymphe et de son sang veineux, alors elle sera empoi-

sonnée par ses propres produits de métabolisme et se déchargera pério-

diquement par une attaque (à ce sujet, voir plus loin). Cela semble donc

aussi étrange quand Redlich dit : « Revenant à la paralysie cérébrale in-

fantile, je crois que les conceptions de Freud, sans les généraliser, ne

peuvent servir vraiment que pour quelques cas et que, dans la paralysie

cérébrale infantile, avec ou sans paralysie, il peut se développer uneépi-

lepsie véritable. Weber voit aussi dans ces cas une épilepsie véritable. »

Redlich a véritablement raison, quand il dit « qu'elle ne se distingue

en rien de l'épilepsie essentielle ». Mais en disant cela, il ne fait qu'aug-

menter le grand nombre de ces auteurs qui, sans le savoir ou sans le vou-

loir, montrent que l'épilepsie cérébrale et l'épilepsie essentielle se res-

semblent cliniquement comme deux gouttes d'eau. Mais, du reste, il a

tort : l'épilepsie essentielle sera rarement aussi bien combinée avec la

paralysie cérébrale infantile qu'avec la maladie de Hirschprung (pour don-

ner un exemple) ; si nous trouvons associées la paralysie cérébrale infan-

tile et l'épilepsie, toutes deux doivent alors venir de la même origine et

l'épilepsie est, dès lors, d'origine cérébrale. Redlich montre cela même

surabondamment en prouvant que lui-même, Krause et beaucoup d'au-

tres auteurs trouvèrent dans ces cas de véritables kystes ou mieux des

dépôts kystiques de liquide dans les méninges molles, quelquefois aussi

un oedème encapsulé, kystique, de l'arachnoïde, qui semblaient être la

cause de l'épilepsie : après l'opération (établissement d'un volet dans la

dure-mère), les symptômes d'épilepsie disparurent. C'est la preuve par-

faite que l'épilepsie était d'origine cérébrale et qu'il ne s'agissait donc

absolument pas d'épilepsie essentielle. Le raisonnement de Redlich est

encore plus juste quand il dit : « La plus grande importance de la pré-

sence ou de l'absence des attaques épileptiques dans la paralysie cérébrale

infantile est dans le fait que, dans un cas, il s'agit de lésions de forme

strictement en foyers, dans d'autres cas, au contraire, se montrent d'im-

portantes altérations diffuses dans le cerveau, fait que connaît Weber.

On sait, et l'attention a été à plusieurs reprises attirée sur ce fait, que

chez les enfants les processus cérébraux pathologiques ont une tendance

370 BOLTEN

à s'étendre d'une façon plus diffuse. De celte manière on peut aussi déter

miner le passage de certaines épilepsies par paralysie infantile à des ano-

malies qui ne peuvenl pas encore être considérées comme appartenant à

l'épilepsie essentielle. » Ici la manière de raisonner n'est plus exacte :

Si les affections en foyers se sont étendues si diffusément qu'elles causent'

tant l'épilepsie que la paralysie cérébrale infantile, il y a alors épilepsie

cérébrale et non épilepsie essentielle ; si, par contre, les affections sont

assez diffuses pour causer l'épilepsie, mais non assez grandes ou assez in-

tensives ou placées encore trop loin de l'écorce pour causer aussi la para-

lysie, il faut alors (et toujours d'après Redlich) parler d'épilepsie essen-

tielle. Ce n'est pas un raisonnement solide : s'il a des affections diffuses

dans l'écorce et dans les méninges (c'est qu'il y a eu encéphalite primi-

tive), l'épilepsie éventuelle qui en découle esl, dans ce cas, d'origine céré-

brale et ne peut donc absolument pas être essentielle ; déplus, qu'il y

ait des phénomènes de paralysie céréhrale infantile ou non, cela ne change

rien.

Il en est exactement de même avec les cas d'épilepsie qui sont combinés

avec l'hydrocéphalie interne, avec la porencéphalie, avec l'oxycéphalie

(hrachycépha 1 ie) ou avec des phénomènes d'acromégalie.

Si même l'hydrocéphalie ne s'est pas encore fortement prononcée, les

ventricules latéraux peuvent toutefois être déjà tellement pleins qu'ils

exercent une forle pression sur les parties environnantes, ainsi

la circulation dans l'écorce et, par suile, provoquant des attaques épilep-

tiques. Il n'y a aucune raison pour séparer celle forme des autres formes

cérébrales et pour lui donner un autre nom (épilepsie hydrocéphaliqiie),

car ce serait un travail presque interminable de séparer l'une de l'autre

toutes les formes presque innombrables d'épilepsie cérébrale et de donner

à chacune une étiquette propre.

Cependant il est encore moins permis de porter celle forme hydrocé-

phalique au comple de l'épilepsie essentielle, car la cause réside dans la

dilatation des ventricules latéraux qui se comportent tout simplement

comme de grands foyers. La porencéphalie produit aussi le plus souvent

des attaques qui revêtent ou non le caractère jacksonnien. Toutefois,

dans les cas de porencéphalie, les attaques sont la suite du processus

cérébral primitif et on doit donc également ranger cette forme dans l'épi-

lepsie cérébrale. Il en est de même pour les cas d'oxycéphaiie : si la

suture lambdoïde (ou autres sutures) a disparu par synostose, il se pro-

duit alors une disproportion entre le crâne osseux et son contenu ; la boite

crânienne se comporte alois comme des méninges épaissies et cause, par

une pression directe sur l'écorce cérébrale, des troubles de circulation qui

provoquent des attaques. Il en est de même en cas d'acromégalie; de

PATHOGÉNIE DE QUELQUES FORMES D'ÉPILEPSIE 377

nombreux auteurs mentionnent cette maladie comme se présentant sou-

vent « combinée avec l'épilepsie ». C'est positivement faux ; quand la

tumeur de l'hypophyse a atteint un certain développement, elle peut

entraîner un obstacle sérieux au transport du sang veineux et causer

ainsi indirectement des attaques ; nous en trouvons la preuve dans le fait

que, dans les cas d'acromégalie « associée à l'épilepsie », les attaques

disparaissent aussitôt qu'on a enlevé, par opération, la tumeur de l'hy-

pophyse.

Tous ces cas d'épilepsie que nous venons de mentionner doivent donc,

sans restriction, être comptés parmi les formes cérébrales sous réserve de

la possibilité que l'épilepsie essentielle peut se produire chez un malade

déjà atteint de toute autre espèce de maladies. Toutefois, celle possibilité

est si rare que, pratiquement, elle peut être laissée de côté.

Il en est de même pour les attaques qui se montrent après des maladies

infectieuses, particulièrement après la pneumonie, le typhus, t'influenza

et les maladies d'enfants, spécialement la scarlatine, la coqueluche et la

rougeole. Après toutes ces maladies nous voyons quelquefois, chez des

personnes ne présentant, du reste, aucune hérédité, se produire des atta-

quesqui, dans leurs manifestations extérieures, ressemblent absolument

à celles de l'épilepsie essentielle. Pourtant, pathogénétiquemenl., elles

n'ont rien à faire l'une avec l'autre : les maladies infectieuses susdites,

avec peut-être le typhus et la pneumonie en tête, produisent souvent

une méningite, dans quelques cas une encéphalite et quand ces derniè-

res complications présentent un degré assez étendu, elles peuvent causer

des attaques. Cette méningite, ou mieux cette encéphalite, est alors, quant

aux attaques, l'affection primitive et les attaques appartiennent donc à la

forme cérébrale de l'épilepsie. Naturellement on doit admettre ici la possi-

bilité d'exceptions, à savoir : un individu avec une prédisposition native

pour l'épilepsie essentielle est atteint de typhus ou de pneumonie et après

celle maladie l'épilepsie, de latente qu'elle élait, devient manifeste. En

ce cas, qui' est néanmoins une exception, se produit après le typhus (la

pneumonie, la scarlatine, etc.) l'épilepsie essentielle. -

La grande masse des épilepsies se manifestant à la- suite de maladies

infectieuses aiguës doit donc aussi êlre rangée dans l'épilepsie cérébrale.

En outre, il peut se passer un grand nombre d'années enlre l'apparition

de la pneumonie, du typhus ou de la méningite, et la première attaque ;

on peut compter quelquefois un intervalle de 8 à 10 ans. Comme dans

tous ces cas il serait important pour le malade de savoir quelle forme

d'épilepsie est en jeu, il est vraiment nécessaire d'essayer de combler les

grands vides existant encore dans notre connaissance diagnostique.

Comme on l'a dit déjà à plusieurs reprises, les phénomènes cliniques ne

378 1 BOLTEN

nous aident en rien ; seulement, quand il y a des symptômes de foyer,

nous avons une indication d'épilepsie cérébrale; cependant dans la plus

grande majorité des cas d'épilepsie cérébrale, tous les symptômes de foyer

font absolument défaut, de sorte que, jusqu'à maintenant, l'autopsie

seule peut apporter de la clarté (ce qui n'est cependant pas la méthode de

choix pour porter un diagnostic exact). On devrait ainsi s'attendre peut-

- être à ce qu'au moins l'épilepsie traumatique se montrât toujours comme

une affection cérébrale primitive localisable, ou à ce qu'au moins l'hé-

misphère atteint manifestât des symptômes de foyer. Et pourtant, il n'en

est pas ainsi; il y a, naturellement, dans de nombreux cas d'épilepsie

traumatique, beaucoup de symptômes en foyer, mais dans un très grand

nombre de cas, ils font complètement défaut. En voici quelques exemples :

1. - X..., homme, 27 ans, peintre. Attaques depuis sa 18° année, au

début très rares, peu à peu de plus en plus fréquentes; depuis les deux

dernières années, presque journalières ; il n'est jamais indemne plus de

trois jours; attaques le plus souvent pendant la nuit, pourtant aussi

beaucoup le jour. Les attaques présentent tous les caractères de l'épilepsie

essentielle (morsure de la langue, évacuation involontaire d'urine, perte

complète de connaissance, les convulsions sont immédiatement général 1-

sées, même tout au début). Le malade ne montre, dans les intervalles,

aucun symptôme en foyer, ni le regard, ni le visage ne se tournent vers

un seul et même côté; pendant les attaques on ne constate même ni aug-

mentation unilatérale des réflexes, ni le phénomène de Babinski. Intelli-

gence peu développée, pupilles égales, réactions pupillaires normales, pas

de limitation du champ visuel, pas de troubles de l'ouïe, de l'odorat ou

du goût. Réaction de Wassermann négative dans le sang et dans le liquide

céphalo-rachidien ; réaction de Nonne aussi négative, aucun changement

des éléments cellulaires dans le liquide céphalo-rachidien, ni polynu-

cléose, ni lymphocytose ; absence de papillite.

Et quelle était maintenant l'anamnèse de ce malade ? Comme antécé-

dents : à )'age d'environ deux ans le malade est tombé sur la tête ; il est

resté sans connaissance pendant douze heures et a eu, dans cet état, de

très graves convulsions de longue durée (d'après la mère, elles ont duré

au moins une demi-heure). Il s'est remis lentement et est resté en bonne

santé jusqu'à l'âge de 18 ans.

II. -- Mlle li..., 31 ans, célibataire ; attaques depuis sa dixième année,

assez régulièrement tous les mois ou tous les deux mois ; évolution lente-

ment progressive, intelligence assez bonne; les attaques présentent tous

les caractères de l'épilepsie, seulement les contractions commencent quel-

quefois dans la main droite (cependant elles sont aussi souvent immédia-

tement généralisées). Pendant l'attaque pas de phénomène de Babinski

PATHOGÉNIE DE QUELQUES FORMES D ? PILEPSIE 379

ni augmentation unilatérale des réflexes tendineux ; pour la déviation du

regard et du visage, renseignements incertains. Dan; l'intervalle tous les

symptômes en foyer font totalement défaut, pas de papillite; réactions de

Wassermann et de Nonne négatives. Dans l'anamnèse, il y a aussi un trau-

matisme : à ! 'age de 5 ans, chute d'un escalier, suivie de perte de connais-

sance pendant huit heures. Immédiatement après la chute, longue attaque

convulsive, sans début unilatéral. Le lendemain, tout était rentré dans

l'ordre et la malade est restée en bonne santé jusqu'à l'âge de dix ans.

Dans ces deux cas, il s'agit donc bien d'épilepsie traumatique (causée

probablement par un épanchement sanguin sous la dure-mère). Et pour- '

tant, en ne considérant que les phénomènes cliniques et non l'anamnèse,

ces deux cas ressemblent complètement à l'épilepsie essentielle et ne pré-

sentent aucun symptôme en foyer quelconque appréciable.

Mentionnons encore que la syphilis héréditaire peut donner lieu à une

maladie, dont les apparences, en ce qui concerne les attaques, sont par-

faitement identiques à celles de l'épilepsie essentielle ; seulement dans la

syphilis cérébrale congénitale, les troubles de l'intelligence précéderont

presque toujours l'apparition des attaques et dans tous ces cas il sera facile

d'en reconnaître le caractère par les phénomènes accessoires qui l'accom-

pagnent et par la réaction de Wassermann.

Parmi les affections cérébrales primitives, qui peuvent causer des atta-

ques semblables à celles de l'épilepsie essentielle, il faut encore citer la

dystrophie adiposo-génitale, la brachycéphalie (oxycéphalie), l'abcès du

cerveau, le tubercule solitaire et l'acromégalie (tumeur de l'hypophyse) ;

même dans cette dernière affection, des attaques sans caractère unilatéral

ne sont pas du tout rares. Et aussi dans ces derniers cas il est sûrement

question d'épilepsie cérébrale : si l'on extrait la tumeur de l'hypophyse,

les attaques épileptiformes cessent immédiatement.

Il va sans dire que les cas d'épilepsie effective (Bralz) peuvent être

bien facilement confondus avec l'épilepsie essentielle.

Quant à ce qu'on appelle les « petites attaques se répétant en série »

(kleine Gehaufte Anfalled'Heilbronner), il faut remarquer que ce groupe,

au point de vue pathogénique, présente une très grande diversité et que,

si quelques-uns de ces cas peuvent appartenirà l'épilepsie esssentielle

(d'autres appartiennent sûrement à l'encéphalite infantile ou à l'hystérie),

la plus grande partie lui est absolument étrangère : de ces derniers cas il

m'est encore tout à fait impossible de trouver un point de contact me per-

mettant d'en ébaucher la pathogénie.

Enfin, si j'étudie attentivement mes 86 cas après en avoir fait un sérieux

triage, la classification de quelques cas étant bien difficile, j'ai trouvé

qu'ils se composaient de :

380 BOLTEN ·

Paralysie cérébrale infantile (avec attaques épileptiformes), trois cas

classiques, absolument évidents.

Syphilis héréditaire, un cas douteux et deux cas certains.

Epilepsie traumatique, trois cas bien établis par l'anamnèse.

Hydrocéphalie interne, deux cas certains, un cas douteux..

Hystérie, un cas à diagnostic certain, deux cas avec symptômes pres-

que uniquement unilatéraux, probablement aussi hystérie.

Méningite séreuse, un cas (papillite évidente, etc.), petites attaques

se répétant en série.

Petites attaques multiples d'Heilbronner, deux cas de palliogéniejus-

qu'à maintenant parfaitement obscure. Toutefois, n'appartenant proba-

blement pas à l'épilepsie essentielle.

Epilepsie affective trois cas bien contrôlés.

Epilepsie après typhus (méningite), deux cas.

Epilepsie après scarlatine et après pneumonie (méningite), de cha-

que affection, un cas.

Epilepsie. après encéphalite, respectivement mèningo-encéphalite

infantile chronique (bien déterminée seulement par anamnèse), certaine

en quinze cas et douteuse en douze cas.

Epilepsia tarda, un cas probable, le deuxième cas presque certain.

Tumeur de l'hypophyse avec phénomènes incomplets d'acromégalie^

un cas.

Porencéphalie, un cas certain.

Dystrophie adiposo-ge;21lale (probable), un cas.» t

Epilepsie essentielle (probablement) 30 cas, formant ensemble un

total de quarante-huit cas, complètement différents l'un de l'autre, mais

tous probablement d'épilepsie cérébrale primitive ; hors de ce groupe, il

reslait une petite série de cas d'hystérie, épilepsie affective, etc., et une

série de 30 maiacles (18 hommes, 12 jeunes filles et femmes) que l'on

pouvait regarder romme appartenant à l'épilepsie véritablement essen-

tielle (sous la réserve, toutefois, qu'un jour ou l'autre, il faudrait peut-

être reporter un ou plusieurs de ces cas au compte de l'épilepsie cérébrale ; i

seule l'autopsie pouirait fournir ce sujet une parfaite certitude).

Examinons encore ces observations plus en détail : tous les 86 mala-

des m'ont été envoyés comme atteints « probablement d'épilepsie essen-

tielle » ; si nous en excluons maintenant les 3 cas de paralysie cérébrale

infantile que le médecin de la famille se refusait déjà à regarder comme

épilepsie « essentielle », puis les cas d'hystérie, les deux cas de « petites

attaques multiples d'lleilbronner », le cas de porencéphalie, ceux d'hy-

drocéphalie interne et les deux cas de syphilis congénitale, il reste donc

40 cas qui, au point de vue clinique, s'imposaient comme épilepsie essen-

PATHOGÉNIE DE QUELQUES FORMES D'ÉPILEPSIE 381

tielle et qui, en fait, ne l'étaient pas. Une telle découverte n'est point

surprenante : on peut, dans la littérature sur l'épilepsie, trouver de nom-

breux cas qui, cliniquement et pendant longtemps, se présentaient com-

plètement comme épilepsie essentielle et qui, plus tard, paraissaient

appartenir aux tumeurs cérébrales. Et contre ces 40 cas pour lesquels,

sur une base purement clinique, on ne pouvait porter d'autre diagnostic

- pourtant erroné - que d'épilepsie essentielle, il s'en trouve seule-

ment 30, peut-être encore moins, pour lesquels le diagnostic est vraiseni-

blablement juste ou, en d'autres termes, de tout ce que l'on appelle clini-

quement « épilepsie essentielle », la plus grande partie appartient à toutes

sortes de formes d'épilepsie cérébrale et seulement la minorité à l'épi-

lepsie essentielle.

' De telles observations, faites aussi par d'autres auteurs, ont jeté le

doute dans l'esprit de beaucoup de médecins et les ontconcluits à admettre

la possibilité qu'il n'existerait pas d'épilepsie essentielle et qu'il faudrait

finalement rapporter toutes les formes à des affections cérébrales (Redlich,

Heilbronner). ,

Il résulterait bien pourtant des chiffres que nous venons de donner,

que de tous les cas qui, cliniquement, s'imposent complètement comme

épilepsie essentielle on n'en peut effectivement attribuer que la plus

petite partie (environ 10 0 0) à cette forme de la maladie ; aussi plusieurs

auteurs (P. Marie, de la Tourelle, Redlich, Freud, A ! xheimer, Bratz et

d'autres) mollirent avec raison que le champ de l'épilepsie essentielle se

réduit régulièrement à mesure qu'augmentent les recherches pathologi-

ques et anatomiques du cerveau; mais il ne s'ensuit pas encore que

l'épilepsie essentielle doive disparaître complètement de la pathologie.

Il ne faut pas davantage admettre la possibilité, suivant l'opinion de

Redlich, que les épilepsies essentielle et cérébrale peuvent se transformer

l'une dans l'autre ; ce spécialiste autorisé dit textuellement; En cas de

lésion de foyer déterminée, la « ReaktionfahigheitM » épileptique n'aug-

mente que dans des parties déterminées de l'écorce, et le résultat de celle

augmentation esl une attaque jacksonnienne typique ; en cas de lésions

diffuses dans les deux hémisphères intervient l'attaque épileptique classi-

que. En effet, là où se montrent des modifications diffuses provenant d'un

foyer déterminé les attaques, autrefois purement unilatérales, revêtiront

aussi un caractère plus général. De cette manière disparaissent les limites

absolues entre attaques partielles et générales, entre épilepsie organique

et épilepsie essentielle, etc. La première partie de' cette citation est par-

faitementjuste, la deuxième ne peut être vraie. Que l'épilepsie cérébrale

'ne représente qu'un développement général diffus de l'épilepsie à foyer

défini (épilepsie de Jackson), cela est évident, mais les épilepsies céré-

382 BOLTEN

braies et l'essentielle ne peuvenl jamais se changer l'une dans l'autre : la

première est un processus primitif cérébral diffus (le plus souvent corti-

cal), la deuxième est une auto-intoxication, une maladie de métabolisme,

avec organes de désintoxication défectueux (glande thyroïde et glandes

parathyroïdes) et avec, toutefois, un cerveau primitivement intact, qui

ne donne des signes de défaillance que par suite de l'intoxication chro-

nique.

Ces deux maladies, avec une pathogénie si diamétralement différente,

ne peuvent jamais se transformer l'une dans l'autre, bien qu'elles se res-

semblent beaucoup par leurs phénomènes cliniques. Il faudra, d'abord,

se rendre compte de ce fait important, avant de pouvoir attribuer leur

véritable valeur aux phénomènes cliniques.

Quoi qu'il en soit, on est conduit à admettre que les nombreuses ano-

malies dans le domaine de la chimie du métabolisme que l'on trouvera à

l'avenir chez les malades, atteints d'épilepsie essentielle, ne se présente-

ront pas chez'les malades, atteints d'épilepsie cérébrale (affections corti-

cales diffuses, ayant atteint un certain degré d'extension et d'intensité).

Là se trouve, suivant ma ferme conviction, la clef de la connaissance

exacte de cette partie de la pathologie encore si peu étudiée : dans l'épi-

lepsie cérébrale on n'a que des troubles de circulation (hyperémie veineuse

et accumulation de lymphe) dans et autour des foyers ou des inflammations

diffuses chimiques dans ou au voisinage du cortex cérébral ; le malade,

atteint d'épilepsie essentielle, au contraire, souffre d'un trouble complet

du métabolisme général. Et c'est dans celte voie (à savoir la chimie et la

pathologie du métabolisme) que nous devrons chercher i< l'avenir les

moyens auxiliaires de diagnostic différentiel, mais malheureusement on

ne sait que très peu de chose de la chimie du métabolisme et encore

moins de sa pathologie. -

Les difféi entes particularités de l'attaque et des prodromes (aura, etc.)

pas plus que les phénomènes morbides qui se présentent souvent dans le

cours de la maladie (équivalents, troubles psychiques, changements de

caractère, démence secondaire, etc.), ni que n'importe quel autre phéno-

mène ne peuvent nous apprendre quelque chose de la pathogénie ; ils sont

donc tous sans aucune valeur pour le diagnostic différentiel.

On a déjà beaucoup publié sur la pathologie du métabolisme dans l'épi-

lepsie, mais, hélas, la valeur de toutes ces expériences est encore très

problématique. C'est ainsi que Rosenthal croyait pouvoir établir à l'aide

de recherches sur 32 cas d'épilepsie essentielle indiscutable (« ein-

wandfreien 32 Fallen der genuine Epilepsie ») que dans cette maladie

on trouve souvent, et à différentes époques, une augmentation des subs-

. lances antitryptiques (anli-protéolytillues) dans le sérum sanguin ; cette

pathogénie de quelques formes d'épilepsie 383

augmentation se montrerait le plus distinctement dans la période in-

terparoxysmale pour atteindre son maximum immédiatement avant l'at-

taque et pour diminuer rapidement après l'attaque.

Mais, malheureusement, la description de ces malades ne donne d'au-

cun d'eux l'impression qu'ils sont atteints vraiment d'épilepsie essenlielle ;

au contraire, elle montre clairement que la plupart d'entre eux souffrent t

sans doute d'épilepsie cérébrale : plusieurs de ses malades avaient eu dans

leur jeunesse des convulsions, d'autres avaient été atteints de maladies

infectieuses (typhus, pneumonie), ou de traumatismes crâniens, et d'autres

encore présentaient des phénomènes unilatéraux (des spasmes et même le

phénomène de Babinski dans les périodes interparoxysmales). Et en

deuxième lieu, l'augmentation de l'action anlilryptique du sérum sanguin

indique simplement, dans ces cas, une décomposition anormale des élé-

ments essentiels du cerveau par un processus cérébral quelconque. Quand

un tissu cérébral s'altère, on peut constater qu'un des éléments principaux,

la lécithine, entre dans la circulation en plus grande quantité. La lécithine,

appartenant au groupe des phosphalides, est une des nombreuses subs-

tances que nous appelons lipoïdes ; comme on le sait, les substances

antitryptiques du sang se composent de la combinaison des lipoïdes avec

les albumines du sang et, par conséquent, au cas d'un processus céré-

bral, l'augmentation éventuelle des antitrypsines provient de l'augmenta-

lion de la lécithine dans la circulation.-Yéritz, Alt et Bronstein ontdémon-

tré cela pour la paralysie générale progressive, processus qui cause une

désintégration évidente de l'écorce cérébrale. Jach montra à l'aide de

recherches, faites sur 80 malades souffrant de psychoses différentes, que

l'on pouvait constater chez la plupart (spécialement, quand ils mon-

iraient déjà une démence secondaire) une augmentation évidente des

substances antitryptiques dans le sang (Pour de plus amples détails sur

les lipoïdes, voir entre autres IIammarsten, von Fürth, Bang, Meyer, etc.).

Les recherches de Rosenthai ne sont donc pas capables de nous apprendre

quelque chose sur la pathologie du métabolisme dans l'épilepsie essen-

tielle, car elles sont faites chez des malades souffrant d'épilepsie céré-

brale ; quant à sa théorie qui en découle, c'est-à-dire le trouble dans la

décomposition albumineuse intermédiaire, elle est, par conséquent, sans-

valeur pour la pathogénie de l'épilepsie essentielle.

Passons donc maintenant, pour autant que l'état actuel de la science

nous le permet, à l'examen plus détaillé de l'origine des phénomènes

cliniques, tant dans l'épilepsie essentielle que dans l'épilepsie cérébrale et

essayons d'en donner une explication. J'admets, en outre, comme certain

que l'épilepsie essentielle est une auto-intoxication (une maladie du mé-

tabolisme) provenant d'une neutralisation insuffisante des produits du

384 BOLTEN , -

métabolisme de nos propres cellules corporelles et de quelques sortes de

produits intermédiaires du métabolisme albumineux, comme les acides

aminés (peut être aussi du métabolisme graisseux), l'un et l'autre par

suite d'une insuffisance des organes ayant une fonction neutralisante et

désintoxicante (la glande thyroïde et les glandes parathyroïdes).

Il faut appeler ici l'attention sur deux points : 1° que nous avons tou-

jours fait nos expériences thérapeutiques en administrant l'extrait frais

des glandes thyroïde et parathyroïdes par la voie rectale ; c'est, en effet,

la seule manière d'imiter purement la fonction d'un organe à sécrétion

interne, spécialement de la glande thyroïde et des glandules paralhyroï-

des. Par conlre, la thyroïdine (Merck) et la thyroiodine ne sont que

des produits artificiels, qui agissent tout autrement que l'extrait (le suc)

frais : je n'ai jamais constaté chez mes malades ni d'amaigrissement, ni

d'accélération du pouls, même après administration de très grandes quan-

tités (ce qui était possible dans mes nombreuses observations suivies à

l'hôpital municipal de la Haye).

Le deuxième point est que tout emploi de bromure fut immédiatement

cessé et il faut donc attribuer les bons résultats obtenus certainement à

l'administration du suc frais des glandes thyroïde et paralhyroïdes. Mes

résultats sont beaucoup plus concluants que ceux obtenus avec la thy-

roïdine par Claude, qui toutefois, d'après la description d'un cas, a

administré journellement de 4 à 7 grammes de bromure. Par l'addition

d'une dose journalière et relativement grande de bromure (il s'agissait d'un

jeune'homme de 14 ans), Claude, à mon avis, affaiblit fortement la preuve

de l'action favorable des préparations de la glande thyroïde administrées

par lui (En outre, l'action delà préparation, la thyroïdine, diffère de celle

de l'extrait frais, puisque Claude fait une mention régulière de la diminu-

tion du poids).

Essayons maintenant de rechercher les conséquences pour le métabo-

lisme d'une hypofonction de la glande thyroïde et des glandes paralhy-

roïdes (les « Epitliel » kurperchen des Allemands). Von Fiirlh l'ait

remarquer très justement : « La glande thyroïde est un organe d'une im-

portance extraordinaire pour les physiologistes, mais elle n'a jamais, jus-

qu'à ce moment, causé la moindre satisfaction aux chimistes », et on peut

dire tout à fait la même chose des glandes parathyroïdes.

Von Füriii, dans son doute, fait remarquer aussi que l'idée très

répandue que l'iode serait un élément physiologique important et cons-

tant de la glande thyroïde est loin d'être prouvée : chez des animaux qui

viennent de naître et dont la glande thyroïde ne contient pas encore

.d'iode, l'extirpation de cet organe a précisément les mêmes suites que

chez d'autres animaux dont la thyroïde contient beaucoup d'iode. De

PATIIOGÉNIE DE quelques formes d'épilepsie 385

plus, l'iodothyrine, aussi bien que la thyroïdine, est certainement un

produit artificiel ; aussi il n'est encore nullement prouvé que la thyréo-

globuline, découverte par Oswald, soit vraiment la substance produite

par la sécrétion interne de la glande thyroïde et entraînée dans la circu-

lation. En attendant, de nombreux auteurs s'accordent a dire que la

« tlyréoantiloxine » de Frîinlsel n'est certainement pas l'élément actif

de la glande thyroïde, bien que, comme les préparations sèches de glande

thyroïde, elle provoque aussi l'accélération du pouls et la diminution du

poids. D'ailleurs, moi-même je considère n'importe quelle préparation

de la glande thyroïde, quels qu'en soient le nom et le mode de prépara-

tion (thyroïdine, thyroiodine, thyroglobuline.'lhyroanliloxine) comme

non identique aux fonctions physiologiques de la glande thyroïde, si elle

donne lieu à l'un ou aux deux phénomènes susdits, car, comme je l'ai

déjà dit, je ne les ai encore jamais rencontrés, ni l'un, ni l'autre, même

pas quand on administrait journellement le suc frais d'une glande thy-

roïde et de deux glandes parathyroïdes à une dose, en effet,'très élevée.

Cela nous entraînerait trop loin si nous voulions parler plus en détail

des nombreuses hypothèses pour expliquer la nature et la composition

des substances, produites par la glande thyroïde ; de beaucoup plus d'im-

portance sont les résultats obtenus expérimentalement pour faire connaî-

tre la fonction physiologique de l'organe.

Suivant Léopold-Lévy et IL de Rothsclnld, von Fiirlh, Biedl, Magnus-

Léi, Eppinger, Falia, Rûdinger et nombre d'autres auteurs, la glande

thyroïde agit en accélérant le système du nerf sympathique elle méta-

ttotisme, de sorle que t'hypofonction de la thyroïde a pour conséquence

nue diminution du métabolisme des albuminoïdes, des graisses et de lous

les sels : si l'on supprime complètement la fonction de la thyroïde, la

transformation des albuminoïdes diminue alors de moitié, le métabolisme

des hydrates de carbone souffre également, de sorte que la limite d'assi-

milation du sucre de raisin baisse fortement et qu'il est facile de provo-

quer une glycosurie alimentaire.

La thyroïde agit encore en excitant le système sympathique, de sorte

que, chez les animaux privés de glande thyroïde, se produit une diminu-

tion de l'excitabilité du système sympathique, état qui se manifeste par

des troubles trophiques, le ralentissement des mouvements intestinaux

et de la circulation. La glande thyroïde a celle action accélératrice en

(Commun avec le système chromaffine et la partie infundibulaire de l'hy-

pophyse ; par contre, le pancréas aurait une action contraire, c'est-à-

dire une action retardante sur le nerf sympathique. Lorand, le premier,

puis Caro et Biedl ont attiré l'attention sur ce dernier fait; le pancréas

386 BOLTEN

ralentit donc le métabolisme des albuminoïdes. Une simple observation

clinique peut le prouver : Napy a trouvé dans des cas de pancréatite aiguë

(hypofonction du pancréas) une trop grande déperdition d'azote par rap-

port à l'alimentation (examen des défécations et de l'urine), quand d'ail-

leurs la proportion entre l'azote, le soufre et le phosphore excrétés était

normale. Magnus-Lévy a encore établi qu'en cas d'hypofonction de la thy-

roïde, l'échange gazeux était diminué tandis que l'excrétion du phosphore

et de la chaux dans les défécations et celle de la magnésie dans l'urine

diminuent également.

De plus, suivant Fassin, la glande thyroïde favoriserait la formation

d'alexine dans le sang aÏ'\lsi que le pouvoir hémolytique et bactéricide du

sang. Walter établit expérimentalement que la régénération des nerfs

lésés se fait beaucoup plus lentement chez les animaux privés de la glande

thyroïde que chez les sujets normaux. Quelques auteurs pensent aussi

que l'hypofonction delà glande thyroïde a pour conséquence une diminu-

tion dans la formation de l'ohsonine(Vlarbé, Loyer, Garnier et d'autres).

Juschtschenko a fait des expériences très importantes, qui, en vérité,

ont notablement élargi notre connaissance sur le rôle de la glande thyroïde

et son influence sur le métabolisme; il rechercha expérimentalement

l'influence que la glande thyroïde exerce sur la sécrétion de quelques

ferments importants, comme la catalane, la phylocatalase et la nucléase

et rechercha aussi le rapport existant entre la fonction de la glande

thyroïde et l'action hémoly 1 ique et anlitryptique du sérum sanguin.

La catalase est un ferment qui se présente dans tous les organes et dans

de nombreux tissus du règne animal et végétal ; elle joue véritablement

un rôle important dans les processus biochimiques du protoplasma.

.Jusclitschenl;o explique le rôle propre etjusqu'à maintenant connu de la

calilase dans la vie des cellules et donne un aperçu des opinions diver-

gentes de différents auteurs ; le plus grand nombre se rallient à l'idée de

V. Fiirtli, à savoir que la catalase, appelée aussi réductase, peut décom-

poser le peroxyde d'hydrogène en ses éléments, l'eau et l'oxygène. Dans

tous les cas, la plupart des auteurs pensent que le rôle de la catalase

s'exerce dans le domaine de la chimie de l'oxygène et qu'elle agirait comme

oxydante, ou réductrice, ou bien encore qu'elle apporterait l'oxygène à

des corps chimiques déterminés.

On suppose que la phylocatalase est un ferment auxiliaire qui se pré-

sente assez abondamment dans le cerveau, les muscles et le sérum sanguin,

et qui peut stimuler et activer la catalase inactive.

Bien connue est faction de la nucléase (d'après Sachs, qui fit à ce sujet

les premières recherches, on doit parler d'un groupe de ferments, les

PATHOGÉNIE DE QUELQUES FORMES D'ÉPILEPSIE 387

nucléases), qui agit dans le domaine de métabolisme des albuminoïdes;

ces ferments décomposent l'acide nucléique, élément caractéristique

phosphorifère des nucléo-protéides, en ses composants, parmi lesquels

nous citerons, entre autres, les bases puriques et l'acide phosphorique.

Suivant V. 1; ürth, cette décomposition peut conduire aux produits termi-

naux : après avoir administré du thymonucléinate de soude à des chiens

porteurs d'une fistule iliaque, on peut relirer de la fistule autant de

guanosine que d'acide guanylique.

La nucléase se trouve dans les reins, le foie, la rate, les testicules el le

cerveau ; par contre, le coeur et le sang ne contiennent que peu de ce

ferment. L'influence de la thyroïdectomie sur la quantité de ce ferment

est très nette : dans le foie, les reins et surtout dans le cerveau d'ani-

maux privés de la glande thyroïde, la teneur en nucléase s'abaisse d'une

façon importante; chez quelques animaux, la diminution n'est pas si

grande que chez d'autres.'C'est toujours dans le cerveau que la diminu-

tion est la plus forte ; dans un cas, la teneur en nuéclase tomba même

jusqu'au cinquième de celle d'un animal normal (chien) ; dans d'autres

cas elle tomba au quart et au tiers.

Le sang contient peu de nucléase, seulement 1/15 environ de celle qui

existe dans le foie ; le pancréas et l'intestin contiennent beaucoup de nu-

cléase ; dans le thymus, on trouve un ferment identique, étudié par Jones.

Pour en déterminer la quantité, il faut suivre la méthode d'Abderhalden ;

il faut alors faire des recherches sur des organes qui contiennent beau-

coup de nucléase ou bien il faut prendre de grandes quantités de sang,

car, comme la méthode d'Abderhalden est bien compliquée, de petites

erreurs se glisseraient bien facilement dans les recherches, ce qui en ren-

drait la valeur un peu douteuse, si l'on prenait des quantités de sang trop

petites ; c'est pour cela que la méthode d'Abderhalden est encore tout à

fait impraticable en clinique.

On pourrait dire la même chose de la teneur en catalase des organes

différents et en même temps prouver que la diminution de la quantité de

ce ferment était véritablement dépendante delà thyroïdectomie ; si l'on

administrait aux animaux des préparations de glande thyroïde (le plus

souvent la thyroïdine de Merck), la teneur en catalase remontait tout de

suite à la normale chez des animaux sans glande thyroïde. On put aussi

ramener à la normale la leneur en nucléase, en leur administrant une

alimentation thyroïdienne. Si l'on cessait cette alimentation, les teneurs

en nucléase et en calalase retombaient immédiatement. Par contre, la

thyroïdectomie parut faire augmenter dans le sérum sanguin la teneur en

phylocatalase qui retombait immédiatement après l'alimentation thyroï-

dienne.

388 BOLTEN

En outre, les qualités antitryptiques du sérum sanguin parurent tou-

jours s'augmenter dans l'hyperlhyroïdisme artificiel ; si l'on cessait l'ali-

ruentalion thyroïdienne, l'augmentation s'arrêtait, et si l'on enlevait la

glande thyroïde, les qualités antitryptiques du sang tombaient au-dessous

de la normale. Les qualités hémolytiques du sérum sanguin parurent

aussi s'augmenter ou diminuer proportionnellement à la fonction de la

glande thyroïde : .

Dans une communication précédente, Juschtschenko avait déjà indiqué

que la glande thyroïde exerce aussi une action accélératrice sur d'autres

ferments : la peroxydase et la lipase. Les peroxydases forment un groupe

de ferments qui, en présence de petites quantités de 11'-0=, exercent une

action oxydante, entre autres sur la thyrosine ; à présent, on a quelque

doute sur leur action fermentative, car toutes sortes de substances chi-

miques peuvent exercer cette action de « ferments » ;von 1 ürlh) ; la lipase

est le ferment, provenant du pancréas, qui décompose avec l'aide de la

bile les graisses en glycérine et les acides gras, comme l'acide stéarique,

l'acide palmilique, elc.

Il devient ainsi déplus en plus probable que la glande thyroïde exerce

une action accélératrice, c'est-à-dire activante, sur de nombreux ferments

du tractus intestinal, opinion déjà émise en 1908 par 1.. Lévi et II. de

Rothschild.

Ce fait est véritablement d'une importance extraordinaire; dans cet

ordre d'idées, de nombreuses recherches sont encore à faire pour éclairer

les (lifféi entes questions de la pathogénie de l'épilepsie essentielle ; pre-

mièrement les expériences de Juschtschenko et de Lévi et ltolliscliild doi-

vent être répétées et l'on doit étudier spécialement l'action accélératrice de

la glande thyroïde (éventuellement aussi des glandes para thyroïdes) sur les

ferments du métabolisme intermédiaire et du lube digestif, spécialement

sur les ferments proléolytiques (la pepsine et la trypsine). Et en second lieu

on doit contrôler si, dans l'épilepsie essentiel le, la sécrétion de ces ferments

du métabolisme intermédiaire et des ferments proléolytiques est égale-

ment diminuée, car la désintégration des albuminoïdes entraine avec elle

toutes sortes de produits intermédiaires toxiques qui, par suite d'une fer"

mentation insuffisante, peuvent conduire à une auto-intoxication chro-

nique. ^ '

Mais il est bien regrettable que pour le moment, avec de petites quan-

tités de sang, la détermination quantitative des ferments comme la nu-

cléase, la catalase, etc., soit encore tout à fait impossible, même d'après

la méthode d'Abderhalden.

, Il resle, toutefois, encore une autre question à résoudre : quel est le

rôle clue jouent nos propres produits toxiques, provenant du métabolisme

PATHOGÉNIE DE QUELQUES FORMES D'ÉPILEPSIE 389

cellulaire, dans celle intoxication ? Comme on ne sait encore que très peu

de chose de ces substances elles-mêmes et encore moins de la manière

dont elles sont détruites ou rendues inoffensives, la réponse à cetle ques-

lion se fera attendre probablement encore longtemps.

En ce qui concerne l'influence de la glande thyroïde sur le métabolisme

des albuminoïdes, nous avons, du moins, déjà un point d'appui dans les

expériences d'Eppinger, Falta et Rüdinger, qui nous ont montré que

cllez les chiens privés de la glande thyroïde, le métabolisme des albumi-

noïdes est diminué ; chez des chiens d'assez forle taille, cette diminution

peut, au moins quand il n'y a pas encore une hypertrophie suppléante

(vicariante) des glandes thyroïdes accessoires, varier de 35 à 40 0/0.

Mentionnons encore que Marbé a établi expérimentalement que la nu-

trition thyroïdienne donnait lieu il une augmentation de la sécrétion du

suc intestinal (pouvant arriver au double de la quantité normale) et que

l'hypothyroïdisme cause une diminution de la quantité du suc intestinal

sécrété. Nous pouvons donc, en quelque sorte, nous représenter l'im-

portance et la fonction compliquée de cet organe relativement petit : la

glande thyroïde entretient un tonus déterminé dans le système sympa-

thique et dirige, peut-être au moyen du nerf sympathique, la sécrétion de

toutes sortes de ferments, spécialement de ceux du métabolisme intermé-

diaire et du tractus intestinal. Si donc la glande thyroïde, par suite d'un

trouble quelconque (troubles congénitaux dans le ganglion inférieur du

nerf sympathique ou peut-être de certaines parties du système nerveux

central ? ), fonctionne insuffisamment, il survient alors un cercle vicieux :

le tonus dans le nerf sympathique est diminué, ce qui exerce probable-

ment un contre-coup fâcheux sur l'état fonctionnel de la glande elle-

même ; en'oulre, il se présente un ralentissement des mouvements intes-

tinaux, une sécrétion insuffisante de tous les ferments du canal intestinal,

et l'échange gazeux dans les poumons devient moins actif, ainsi que l'ac-

tion du système chromaffine. Cela doit produire nécessairement des trou-

bles dans le fonctionnement de l'organisme : le métabolisme des albu-

minoïdes et du sel est diminué, le sang devient plus riche en acide

carbonique, les mouvements intestinaux se ralentissent, etc. Cela entraîne

probablement dans la circulation des produits de décomposition albumi-

noïdes, qui peuvent causer une intoxication chronique et qui, chez

l'individu normal, sont transformés [en produits inoffensifs, assimilables.

Non seulement des produits de l'alimentation, mais encore des toxines du

métabolisme cellulaire peuvent être neutralisés insuffisamment par suite

de l'llypolhyroïdisme et conduire, par conséquent, à l'intoxication. On

ne sait pas encore si la fonction neutralisante et désintoxicante de la

glande thyroïde est directe ou indirecte; comme on le sait, différents

390 BOLTEN 1

auteurs, parmi lesquels Trendelenburg, admettent une action directe,

spécialement sur les produits toxiques du métabolisme cellulaire circu-

lant dans le sang. Un de leurs arguments est le fait que la glande thy-

roïde reçoit des artères qui, par rapport au volume de l'organe, ont une

lumière beaucoup plus grande que celles d'autres organes. \

. Ce que von Furth dit de la glande thyroïde, à savoir que les chimistes

n'y ont trouvé que peu de satisfaction, s'applique à plus forte raison aux

glandes parathyroides ; on ignore aussi encore complètement la nature et

la composition chimique des substances, apportées dans la circulation par

ces quatre organes petits, mais cependant indispensables.

On connaît bien quelque chose de la physiologie et de la pathologie de

ces glandes ; par exemple le rapport existant entre la tétanie et les glandes

parathyroïdes est bien établi. La tétanie fait, elle aussi, l'impression d'être

une maladie du métabolisme, une auto-intoxication. Frouin,par exemple,

pensait que dans les cas de tétanie, on trouve dans l'urine une augmen-

tation d'ammoniaque et d'acide carbonique ; il regarde aussi la tétanie

comme une intoxication par l'acide carbonique (ce que Kraïnsky suppo-

sait également pour l'épilepsie essentielle).

Déplus, on peut faire diminuer la violence d'une tétanie parathyréo-

gène par des facteurs de toutes sortes, qui diminuent ou ralentissent le

métabolisme, par exemple une infusion avec une solution physiologique

de sel de cuisine, avec du sang ou du sérum sanguin, le jeûne, un régime

lacté absolu, etc. ,

Par contre, la tétanie parathyréogëne est aggravée par toutes sortes de

circonstances, qui excitent le métabolisme et qui accélèrent la décompo-

sition ou qui apportent encore d'aulres toxiques dans la circulation (ce

fait est une preuve évidente que la tétanie est vraisemblablement une

intoxication, peut-être par des produits du métabolisme albumineux,

comme les bases aminées, etc.). Cette aggravation est causée, par exemple,

par une grande fatigue, une alimentation exclusivement animale, la gra-

vidité et toutes sortes de poisons apportés dans la circulation. Bien que de

nombreux biochimistes aient fait des recherches, on n'est pas encore arrivé

à séparer ou à indiquer une « toxine tétanique » indubitable.

La plupart des auteurs cherchent ces « toxines tétaniques » parmi les

produits de décomposition du métabolisme des albuminoïdes ; Fuschs. *

croit que la tétanie endémique est causée par une intoxication par l'er-

gotine et, en effet, Barger et Date ont constaté que dans le seigle ergoté

se trouvent des bases aminées comme la binidazolylélhylamine, qui sont

tout à fait identiques aux bases aminées du métabolisme albumineux, déjà

montrées dans l'organisme humain. Aussi Biedl suppose la possibilité de

l'identité des « toxines tétaniques » aux bases aminées de l'ergotine.

, PATHOGÉNIE DE QUELQUES FORMES D'ÉPILEPSIE 391

On a longtemps discuté la question de savoir si l'on doit regarder les

glandes paralhyroïdes comme de petites glandes thyroïdes accessoires;

quant à leur développement, on serait porté à les regarder toutes deux

comme des organes absolument séparés (les glandes parathyroïdes se for-

ment, tout a fait indépendamment de la glande thyroïde, par des épais-

sissements dorso-crâniens de la troisième et de la quatrième branchie,

tandis que le thymus se forme ventralement à la troisième branchie ; la

glande thyroïde, au contraire, n'a rien à faire avec les branchies).

Pourtant, il résulte indubitablement de différents faits que, bien

qu'elles n'aient pas tout à fait la même fonction que la glande thyroïde,

il existe néanmoins entre les deux systèmes une corrélation sous forme

.d'une action complètement suppléante. En faveur de cette théorie on peut

citer (Biedl) : 1" le résultat favorable obtenu par l'administration de

glande thyroïde en cas de tétanie paralhyréogène ; 2° l'hypertrophie net-

tement constatée des glandes parathyroïdes les plus extérieures en cas

d'extirpation de la glande thyroïde et 3° l'hypertrophie de la glande thy-

roïde se développanl après l'extirpation des glandules parathyroïdes.

Cependant von Furth remarque avec raison que, quoique tout cela soit

vrai, il est pourtant, sous ce rapport, très étrange qu'une tétanie parathy-

réoprive s'améliore à la suite de l'extirpation de la glande thyroïde. Il

est absolument impossible d'expliquer une telle amélioration, si elle a

toutefois réellement existé.

Que les glandes paralhyroïdes exercent, tout comme la glande thyroïde,

une action régularisante et accélérante sur quelques parties du métabo-

lisme, cela semble bien avoir maintenant quelque fonds de vérité. C'est

ainsi qu'Erdheim pense que chez les animaux privés des glandes paralhy-

roïdes se molliraient clairement des troubles dans le métabolisme calcaire :

la formation de la dentine est retardée, les parties molles deviennent plus

riches, les os fistuleux par contre plus pauvres en sels calcaires. Green-

wald trouve après la parathyroïdectomie une augmentation dans l'excré-

tion de l'azote (de nature inconnue), ce qui le fil penser à une action

moins active du foie ; plus lard il trouve une diminution de l'excrétion

du phosphore. Toutefois, Greenwald se refuse il croire à une intoxication

par l'ammoniaque et l'acide carbonique (comme Frouin le prétend) après

l'ablation des glandes parathyroïdes. Wiener a essayé de démontrer expé-

rimentalement que la tétanie parathyréoprive est une toxémie. Il recueil-

lit, dans ce but, le sérum d'animaux qui, à la suite de l'ablalion des

glandes parathyroïdes, souffraient depuis quelque temps de tétanie et

injecta ce sérum à d'autres animaux auxquels ces organes venaient d'être

enlevés ; il vit que chez ces animaux injectés, les phénomènes tétaniques

ne se développaient pas ou étaient des plus atténués. Il suppose que dans

392

le sérum des premlersaT1ttrtmrrSe sont formées des antitoxines destinées

à neutraliser les poisons tétaniques, Il explique la guérison persistante

obtenue grâce à ce sérum par le fait que les antitoxines furent suffisantes

pour soulager l'animal dans la période la plus dangereuse, à savoir quand

les glandes paralhyroïdes venaient d'être enlevées et qu'il.ii'y avait encore

que peu ou pas d'antitoxines dans le sang ; ensuite il s'était formé assez

d'antitoxines pour permettre à l'animal de neutraliser toutes les autres

toxines tétaniques.

Il faut reconnaître que les conceptions de Wiener, quoique n'étant pas

absolument probantes, sont pourtant très séduisantes et qu'elles concor-

dent bien avec les conceptions les plus courantes relatives à l'action des

glandes paralhyroïdes. '

Coolie croit aussi que dans la tétanie il se trouve, dans la circulation,

des toxines qui ne sont pas autre chose que des produits normaux du

métabolisme avec un caractère d'acide ; la sécrétion des glandes parallry-

roïdes oxyderait alors cet acide intermédiaire. En cas d'absence des glan-

des parathyroïdes. Cooke pense avoir déterminé également des troubles

du métabolisme et, plus exactement, de celui des hydrates de carbone

ainsi que dans celui de la chaux et de la magnésie ; en outre, l'élimina-

tion de l'azote dans l'urine serait fortement augmentée. Il range la tétanie

dans les troubles des processus calalyliques et veut en rapporter les phé-

nomènes à une intoxication par les acides (acidose).

Alarel voyait aussi l'acidose comme conséquence de la paralhyroïdec-

tomie ; il trouvait, en outre, que les circonstances qui favorisaient ou

retardaient cette acidose avaient tout à fait la même influence sur les

facteurs qui déterminaient ensemble l'état parathyréoprive. V. Fiirth

remarque à ce sujet que l'acidose est bien certaine dans les cas de létanie,

mais qu'elle peut être provoquée non seulement par des troubles du

métabolisme, mais aussi, pour une partie, par les contractions musculaires

et que, par conséquent, l'intoxication n'est pas la cause directe de l'aci-

dose. Plus loin, il veut admettre la possibilité d'une intoxication causée

par une diminution de l'activité du foie (transformation de l'acide carbo-

nique et du carbonate d'ammoniaque en urée). Carlson trouva lui aussi,

dans le sang des chats atteints de tétanie, une teneur augmentée en am-

moniaque (chez les chiens, au contraire, il sembla que la teneur en

ammoniaque n'augmentait pas), ce qui le fit conclure à un vice des fonc-

tions du foie. L'augmentation de l'ammoniaque pourrait être aussi une

conséquence de l'acidose ou, plus exactement, une réaction de l'orga-

nisme tendant a neutraliser l'excès d'acide lactique.

D'un très grand intérêt, enfin, est le rapport existant entre l'épilepsie

et la tétanie. Biedl dit à ce sujet : très importants sont les cas de tétanie

PATHOGÉNIE DE QUELQUES FORMES D'ÉPILEPSIE 393

dans lesquels, au cours de la maladie ou simultanément, se sontproduites

des attaques épileptiques, ou plutôt de l'épilepsie. Toutes les sortes de

tétanie avec leur étiologie différente peuvent se présenter combinées avec

l'épilepsie. Les raisons qui plaident en faveur de ce rapport réel entre la

tétanie et les attaques épileptiques sont : 1° l'apparition des attaques épi-

leptiques simultanément avec la tétanie ou au cours de la crise tétanique;

2° la fréquence des attaques de tétanie en concordance parfaite avec la

fréquence des attaques épileptiques et 3° la disparition fréquente des

attaques épileptiques en cas de guérison de la tétanie. Redlich, qui a

consacré à ce sujet. une étude très complète, est aussi convaincu du rap-

port intime existant entre la tétanie et l'épilepsie, ce qui est, d'ailleurs,

l'opinion de la plupart des spécialistes. -Von Fraiiki-flocliwart et lIickulicz

indiquent, par exemple, que les résultats des expériences sur des animaux

montrent qu'en cas de parathyroïdectomie se présentent, non seulement

la tétanie, mais aussi souvent des attaques épileptiques plus ou moins

complètes. Westphal pense que la tétanie et l'épilepsie, dans la majorité

des cas, proviennent de la même cause, à savoir de l'intoxication par des

produits morbides du métabolisme ; Ehrhardt est de la même opinion.

Pine)es voit plutôt dans ces cas combinés une disposition latente à l'épi-

lepsie ; il admet toutefois la possibilité que l'intoxication tétanique peut

causer, dans le cerveau, des altérations anatomiques qui sont en relation

directe avec les attaques épileptiques. Curschmann admet un rapport

étroit entre des troubles dans la fonction des glandes thyroïde et paralhy-

roïdes d'une part et l'épilepsie d'autre part.

Après avoir cité ces auteurs et après description de ses propres expérien-

ces sur des animaux (parathyroidectomie), Redlich finit par conclure

qu'il existe un rapport indubitable entre les glandes paralhyroïdes d'une

part et la tétanie et l'épilepsie d'autre part ; il explique ce rapport ainsi :

si l'on enlève les glandes paralhyroïdes, il se produit un « poison tétani-

que » ; ce dernier n'agit pas directement sur l'écorce cérébrale, « mais il

provoque des troubles dans d'aulres glandes à sécrétion interne qui pro-

duisent, à leur tour, des troubles du métabolisme qui sont la cause des

attaques épilepliques ». D'après ma modeste opinion, cette explication est

forcée et point du tout logique. Il est vrai que l'ablation des glandes

parathyroïdes cause immédiatement de graves troubles du métabolisme.

qui provoquent les symptômes de la tétanie ; si l'on enlève expérimenta-

lement ces petits organes chez des animaux (chats, chiens, rais), on

endommage souvent aussi la glande thyroïde (ce qui arrivera dans la

plupart des cas indirectement, notamment en lésant les nerfs de la glande

thyroïde) et c'est pour cette raison que l'épilepsie se produit dans la téta-

nie expérimentale ; cette épilepsie est donc la suite des troubles thy-

394 BOLTEN

roïdiens. La clinique confirme cela : on a constaté, à plusieurs reprises,

chez l'homme, qu'après la thyroïdectomie partielle se manifestent des

attaques épileptiques, et quand, en outre, la majeure partie des glandes

parathyroïdes avait été enlevée, on constatait alors des symptômes tant

d'épilepsie que de tétanie. Ces cas cliniques, dans lesquels, à la suite de

thyroïdeclomie, se présentent des attaques épileptiques, combinées ou

non avec la tétanie (suivant qu'on avait ou non enlevé une trop grande

partie des glandes paralhyroïdes), ces cas sont précisément une preuve

importante en faveur de notre thèse, à savoir que l'épilepsie essentielle

est causée par des troubles chroniques du métabolisme à la suite d'hypo-

thyroïdisme (auquel se joint probablement, peu à peu, une hypofonction

secondaire des glandes paralhyroïdes).

Redlich, lui-même, reconnaît très clairement cette possibilité, quand il

dit : « Mentionnons de plus qu'il n'existait (chez ses malades thyroïdec-

tomisés) que deux cas d'épilepsie avec une prédisposition héréditaire, dans

lesquels les malades auparavant (par conséquent avant l'opération) avaient

été sujets déjà à des attaques épileptiques. Pour lous les autres cas, tout

autre facteur éoolo51que pour les attaques épileptiques faisait défaut, et il

ne 2-este seulement que l'ablation de la glande thyroïde, respective-

ment des glandes parathyroïdes, comme facteur étiologique.

Vraiment, nous pouvons dire que la clinique, les recherches microsco-

piques et mes expériences sur l'épilepsie essentielle se complètent très

heureusement l'une l'autre : grâce à des recherches poursuivies pendant

plusieurs années, j'ai pu constater que l'épilepsie essentielle provient

d'une insuffisance de la glande thyroïde et des glandes parathyroïdes : je

dispose maintenant d'une grande série de malades, qui sont, par l'admi-

nistration rectale d'extraits frais de ces glandes, sans bromure ni autres

médicaments quelconques, depuis longtemps exempts de tout phénomène

morbide.

Cette série se compose de : 2 malades exempts d'attaques depuis trois

ans et demi, 4 depuis une année, 6 depuis 8 mois et depuis plus de

6 mois ; au total, 20 malades, qui sont tout à fait guéris ou bien amé-

liorés d'une manière très remarquable.

De ces bons résultais chez des malades chroniques, traités auparavant

pour la plupart longtemps déjà par le régime bromure, obtenus spécia-

lement par la combinaison d'extrait des glandes thyroïdes el paralhyroïdes

(les injections de toutes autres sortes d'organes à sécrétion interne, soit

seules, soit combinées, n'avaient pas le moindre effet), on peut bien, avec

quelque sûreté, déduire que l'épilepsie essenlielle provient de l'insuffi-

sance des glandes thyroïde et parathyroïdes.

Déplus, différents auteurs mentionnent que l'on a constaté chez des

- PATHOGÉNIE DE QUELQUES FORMES D'ÉPILEPSIE 39fi r)

personnes sans la moindre prédisposition héréditaire des attaques épi-

leptiques t la suite de thyroïdectomie. Ces attaques peuvent être encore

groupées différemment : une seule attaque, relativement peu de temps

après l'opération, des séries complètes d'attaques, aboutissant à un état

de mal épileptique avec exitus lmlalis, ou un développement de phéno-

mènes chroniques avec, de temps à autre, une attaque et ensuite tous les

autres phénomènes secondaires, tout comme dans l'épilepsie essentielle.

Enfin, Claude et Schmiergelcl ont mentionné que dans tous les cas

d'épilepsie essentielle ils ont trouvé des altérations dégénératives des

glandes thyroïde et paralhyroïdes (dans quelques cas aussi des altérations

d'autres glandes à sécrétion interne, par exemple les glandes surrénales).

On peut donc considérer l'insuffisance de la glande thyroïde et des para-

thyroïdes dans l'épilepsie essenlielle comme démontrée nettement par la

clinique, par des recherches microscopiques anitomo-pathologiques et par

mes recherches thérapeutiques.

Essayons maintenant, à l'aide de ces données, de trouver une explica-

tion des phénomènes, spécialement des attaques, tant dans l'épilepsie es-

sentiellè que dans l'épilepsie cérébrale (corticale). Dans la première, il

existe une faiblesse congénitale des glandes thyroïde et paralhyroïdes (ou

peut-être de leurs éléments nerveux, c'est-à-dire du nerf sympathique),

de même que, dans les cas d'épilepsie post-opératoire, on obtient une in-

suffisance secondaire et artificielle de ces organes. Par suite de l'hypo-

fonction de l'appareil thyroïdien, la fonction de tous les organes digestifs

diminue d'intensité : plusieurs, peut-être même tous les ferments du trac-

tus intestinal et du métabolisme intermédiaire, sont sécrétés en quantité

insuffisante ; les mouvements intestinaux et la résorption sont aussi dimi-

nués. Les suites se laissent deviner : des substances alimentaires, proba-

blement surtout les albuminoïdes et les graisses, sont insuffisamment

décomposées, ou bien les produits nuisibles de cette décomposition, comme

les acides aminés et les bases aminées, sont transformés insuffisamment en

substances inoffensives et assimilables : l'échange gazeux dans les poumons

est ralenti, causant une diminution dans l'excrétion de l'acide carbonique

et dans la résorption de l'azote. De cette manière, toutes sortes de produits

nuisibles du métabolisme entrent dans la circulation, ainsi que des toxi-

nes provenant de la décomposition alimentaire.

Alors un facteur très important intervient encore, à savoir la grande

affinité de l'écorce cérébrale pour des poisons et des toxiques de toutes

sortes et d'origine très différente, entraînés dans- la circulation. Guillain

et Laroche l'ont démontré dans des recherches très importantes : ils pu-

rent démontrer que certaines parties du système nerveux central (par

exemple le noyau du valgus, le noyau du moteur trijumeau), à l'opposé

396 BOLTEN

d'autres parties, étaient, en cas de tétanos et de diphtérie, très riches en

toxines. Ils purent même montrer facilement in vitro que la substance

cérébrale est très avide de toxines ; si l'on place de petits morceaux de

tissu cérébral dans la toxine diphtérique et qu'on les rince ensuite

soigneusement, on peul voir que les émulsions obtenues sont aussi, toxi-

ques, quelquefois même encore plus lexiques que la toxine elle-même.

En outre Guillain et Laroche purent également constater que différents

poisons s'attaquant aux diverses subslances dans des points différents du

cerveau, la tuberculine et la toxine de la diphtérie sont inactivées et

fixées par les phosphalides (lipoïdes contenant de l'azote et du phosphore,

comme la lécithine) ; le poison du tétanos, par contre, est fixé par les

albuminoïdes et rendu partiellement inactif.

Pour d'autres poisons, comme les alcaloïdes (morphine, cocaïne,

strychnine), le système nerveux parut avoir également une grande affinée

qui, toutefois, ne sembla pas être la même dans les différentes parties,

comme la substance grise et la substance blanche.

Dans un cas d'empoisonnemenl par l'absinthe, le bulbe sembla être

très empoisonné, tandis que le chloroforme, l'élher et d'autres se fixent

de préférence dans les cellules du cerveau par suite de leur solubilité dans

les lipoïdes cellulaires.

On peut donc très clairement admettre que certaines parties du cerveau

(spécialement l'écorce cérébrale ? ) ont aussi une grande affinité pour les

produits toxiques du métabolisme cellulaire (produits encore inconnus)

qui causent l'intoxication nommée épilepsie essenlielle. Ces parties du

cerveau retirent continuellement des poisons de la circulation et s'en

« chargent» lentement ; ce « chargement » augmente régulièrement jusqu'à

ce qu'il ait atteint son maximum, alors vient la « décharge » c'est-à-dire

l'attaque. Par l'attaque, l'organisme essaie, ne fût-ce même que temporai-

rement, de se débarrasser des toxines : l'action du coeur est fortement

augmentée, la pression sanguine s'élève, la circulation devient donc aussi

active que possible, la respiration devient plus lente et beaucoup plus

profonde, par suite l'échange gazeux en est augmenté el, par l'importante

augmentation de la pression sanguine, la fonction rénale est fortement

accélérée et l'excrétion de sueurdevientremarquablementplusabondante.

Ce qui est certain, c'est que l'organisme se débarrasse ainsi, c'est-a-dire au

moyen des reins, des poumons et de la peau, d'une masse de toxines :

l'urine qui s'écoule pendant ou immédiatement après l'attaque est très

toxique et produit chez des animaux (lapins, marmottes) de violents

spasmes ; on peut dire la même chose du sang et-de la sueur (Ardin-

Deiltel entre autres). L'urine aussi bien que la sueur excrétées dans les

périodes libres d'attaques ou interparoxysmales paraissent être pour les

PATHOGÉNIE DE QUELQUES'FORMES D'ÉPILEPSIE 397

animaux en expérience moins toxiques ou même inoffensives et ne provo-

quant pas de spasmes. On observe exactement le contraire pour l'urine et

la sueur excrétées immédiatement avant, pendant et après l'attaque. Cela

prouve que ce n'est que pendant l'attaque que sont expulsées, par les reins

et la peau, de grandes quantités de toxines. Probablement le sang se débar-

rasse le premier de ses toxines (reins, poumons et peau) et ensuite le cortex

cérébral donne une partie des siennes au sang, qui à ce moment est for-

tement appauvri de toxines. Par suite des inspirations lentes et profondes,

le processus de purification dans les poumons est accéléré et le sang est

débarrassé,"en tout. cas, de son excès d'acide carbonique et peut-être aussi

d'autres substances toxiques. Bien que les toxines de l'épilepsieessenlielle

ne soient pas encore connues et que nous ne sachions pas encore où et

de quel le manière elles sont retenues dans le cortex cérébral, nous pouvons,

en tout cas, supposer (et celte supposition n'est en contradiction avec

aucun fait bien établi) que l'organisme tâche, de la manière susdite (par

la peau, les poumons et les reins), de se débarrasser d'une quanti lé aussi

grande que possible de toxines. L'attaque épileptique est donc vraiment

une décharge, une réaction utile de l'organisme contre l'intoxication. Que

le cortex cérébral reçoive, par ces décharges, un petit choc etquelesatta-

ques ne soient donc pas inoffensives, cela ne change rien à leur valeur

comme mécanisme d'expulsion de toxines et comme réaction utile.

En effet, les malades regardent aussi les attaques comme des déblayeuses

de substances nuisibles : si leur sang et leur cortex cérébral sont saturés

de toxines, ils ne se sentent pas bien, ils sont excitables, etc. « Pour eux

une attaque est en route » ; l'attaque une fois passée, ils se sentent vifs,

améliorés et dispos et pensent aussi pour la plupart que celle attaque

sera la dernière jusqu'à ce que, lentement^ l'augmentation des toxines

devient de plus en plus forte et que tout recommence.

Que se passe-t-il maintenant chez le malade atteint d'épilepsie céré-

brale ? En fait, il se passe exactement la même chose. Comme plusieurs

auteurs l'ont fait justement remarquer, on ne voit pas que tous les cas

d'encépha 1 i te ou de méningite soient suivis d'à flaques, cela est parfaitement

exact ; ce n'est que quand ces processus inflammatoires auront atteint une

telle extension et intensité suffisantes, que par la sclérose secondaire et

aussi par des adhérences anormales, par accumulation de sérosité dans les

méninges, etc., se sont produits des troubles circulatoires importants,

c'est seulement en ce cas que se présentent les attaques après un temps

plus ou moins long. Cela permet aussi d'expliquer pourquoi, à la suite de

méningo-encéphalile dans le jeune âge, les attaques ne se produisent

qu'après de nombreuses années : les foyers d'inflammation de l'encépha-

lite se sclérosent très lentement ; par cette sclérose les vaisseaux sanguins

398 BOLTEN

facilement compressibles sont gênés et ce n'est que quand cette gêne dans

l'évacuation a atteint un certain degré que se produit un refoulement de

lymphe et de, sang dans les foyers et dans les parties situées au-dessus

d'eux, et que ces parties se sursaturent de leurs propres produits de mé-

tabolisme et qu'elles s'empoisonnent ainsi elles-mêmes.

Dans les opérations nécessitées par l'épilepsie à la suite de méningo-

encéphalite, il est arrivé souvent que le chirurgien constatait un oedème

de la pie-mère souvent en forme de sérosité kystique, des veines de la

pie-mère très fortement remplies, des adhérences de la pie-mère et du

cortex cérébral, etc. ; les petits résultats relatifs que l'on obtient de la

trépanation ne reposent alors que sur ci l'action d'un volet » : on enlève

un morceau du crâne osseux, on entaille la dure mère et on arrive ainsi à

diminuer la pression des membranes cérébrales oedémateuses, épaissies

et adhérentes. Doberer perfectionna la technique de l'opération en entail-

lant en croix la dure-mère ; de celle manière il essaya de trouver une

évacuation permanente du liquide céphalo-rachidien vers les vaisseaux du

diploé. Dans les cas d'épilepsie cérébrale qui sont la sùite d'une méningite

simple, on peut véritablement attendre quelque résultat de cette opéra-

tion suivant la méthode de Doberer; dans ces cas, cependant, l'écorce

cérébrale est comprimée (et, par conséquent, La circulation gênée) par les

méninges épaisses et oedémateuses; si l'on diminue la pression inlra-

cranienne et spécialement l'entassement du liquide céphalo-rachidien,

alors on a quelque chance d'améliorer la circulation dans l'écorce céré-

brale et de diminuer ainsi le nombre des attaques. Ilorsley dit aussi avec

juslesse que l'opération est indiquée dans tous les cas où l'origine idiopa-

thiquede la maladie est douteuse; ce qui revient à dire que l'opération n'est

pas indiquée dans les cas d'épilepsie essentielle. Sans aucun doute on peut

attendre de bons résultais d'une opération qui agit en diminuant la pres-

sion dans des cas où existent des troubles circulatoires (c'est-à-dire hyperé-

mie veineuse des méninges et de l'écorce et, en conséquence, accumu-

lation des produits toxiques du métabolisme dans le cortex). Toutefois,

dans les cas d'épilepsie essentielle, le résultat d'une telle opération doit

être nul : les glandes thyroïde et parathyroïdes fonctionnant mal ne reti-

reront rien de ce volet et ni l'une ni les autres n'en fonctionneront mieux.

Cela nous montre la nécessité pressante d'essayer d'arriver à un diagnos-

tic différentiel exact entre l'épilepsie essentielle et l'épilepsie cérébrale ;

cela est du plus haut intérêt pour le malade : s'il est atteint d'épilepsie

essentielle, il peut être immédiatement traité par la méthode anti-épilep-

tique el le pronostic est alors favorable ; s'il souffre d'épilepsie cérébrale,

on peut pratiquer la trépanation-soupape, et, sans doute, obtenir souvent

PATHOGÉNIE DE QUELQUES FORMES D'ÉPILEPSIE 399

quelque bon résultat, ou bien le traitementpar le régime sans sel d'après

Toulouse et Riche ! , est indiqué.

En attendant, nous pouvons expliquer maintenant comment il est pos-

sible que l'épilepsie essentielle (maladie du métabolisme) et l'épilepsie

cérébrale (affection cérébrale organique primitive) peuvent se ressembler

d'une façon si frappante ; pour les deux, il se passe précisément la môme

chose : à savoir une intoxication de l'écorce cérébrale. L'origine seule des

toxines est différente : dans l'épilepsie essentielle elles proviennent des

produits de décomposition de l'alimentation (les albuminoïdes) et des pro-

duits du métabolisme de tout le corps ; dans l'épilepsie cérébrale, par con-

tre, l'intoxication est causée par les produits du métabolisme du cortex

cérébral lui-même, des produits insuffisamment évacués, et accompagnés

de produits de décomposition des éléments cellulaires à la suite des trou-

bles de la circulation. Mais, clans les deux cas, le cortex cérébral est inondé

de toxines et empoisonné par elles; dans les deux cas, l'organisme réagit

alors de la même manière, a savoir par l'attaque épileptique qui fait éva-

cuer de l'organisme, pour un moment, les toxines aussi bien que possi-

ble. Dans cet ordre d'idées, on peut encore donner une autre explication :

dans l'épilepsie cérébrale, les toxines proviennent exclusivement des par-

ties du cerveau dans lesquelles la circulation est fortement troublée ; pour

livrer autant de toxines que dans l'épilepsie essentielle où elles proviennent

du métabolisme de tout l'organisme, les troubles circulatoires doivent

être très intenses.

A la suite de l'évacuation insuffisante (hyperémie veineuse) et aussi,

quoiqu'à un moindre degré, d'une légère infériorité des vaisseaux afféi

rents, il se produit alors, non seulement une accumulation de toxines,

mais encore, plus ou moins, une destruction des éléments essentiels. Cela

revient à dire : en général les malades qui souffrent d'épilepsie cérébrale

deviennent beaucoup plus rapidement déments que ceux qui souffrent

d'épilepsie essentielle, fait que j'ai pu confirmer parfaitement par mes

nombreuses observations. Les malades qui étaient déjà déments dans leur

jeunesse, par exemple avant leur quarantième année, ou qui, par suite

de troubles psychiques, avaient été internés dans des asiles, souffraient

tous d'épilepsie cérébrale. Par contre, j'ai plusieurs malades qui ont dé-

passé la quarantaine, chez lesquels les attaques se manifestent déjà depuis

de longues années et qui n'ont jamais montré le moindre symptôme de

démence; ils appartenaient à la forme essentielle et ont été aussi, grâce

au traitement anti-épileptique, complètement débarrassés de tout phéno-

mène morbide.

Il nous est donc possible maintenant de donner en même temps une

explication du fait que les épilepsies essentielles et cérébrales se ressens

400 ' BOLTEN

blent parfaitement non seulement sous le rapport des différents phéno-

mènes des attaques, mais encore par tous les autres phénomènes acces-

soires, à savoir le changement du caractère, l'irritabilité et, finalement, la

démence. Dans les deux formes le cortex cérébral est intoxiqué : dans

l'épilepsie essentielle par les produits du métabolisme de tout l'organisme,

dans l'épilepsie cérébrale par ceux provenant du cortex même et des par-

ties environnantes. Celte intoxication, très chronique, détermine aussi

bien les changements de caractère se produisant lentement et très progres-

sivement que la démence secondaire, comme nous le voyons dans tant

d'autres intoxications, par exemple par l'alcool, l'éther, la morphine,

la cocaïne (pour ces deux dernières intoxications, il ne se produit, dans

la forme chronique, qu'une très faible démence, mais des dégénérescences

du caractère d'autant plus éclatantes). D'après les altérations du caractère

et la démence, on ne peut donc pas conclure que l'épilepsie essentielle

n'est pas un processus cérébral primitif, mais nne intoxication, car, dans

l'épilepsie corticale, ces mêmes altérations se présentent et. d'après

mon opinion, même en plus forte proportion .que dans l'épilepsie es-

sentielle. Seulement l'absence totale d'une trace quelconque d'anomalies

organiques(anatomiques) du cortex cérébral dans les cas récents d'épilepsie-

essentielle peut être regardée comme une preuve que cette forme ne dépend

pas d'anomalies primitives du cerveau. Naturellement il faut admettre

qu'il entre en jeu d'aulres facteurs que nous ne connaissons pas encore :

dans l'épilepsie essentielle on a trouvé des altérations congénitales de

toutes espèces (thymus persistant. Woland, état thymo-lymphalique;

- Olilmachter, vaisseaux sanguins trop étroits, etc.); J'hypofonction de

la glande thyroïde et des glandes parathyroïdes doit être regardée aussi

comme une lésion congénitale de ces organes et, par conséquent, il

sera possible de trouver encore d'autres altérations congénitales

susceptibles d'avoir quelque influence sur le métabolisme. Il faudra

peut-être chercher spécialement ces altérations dans le système du nerf

sympathique, comme régulateur de tant de parties importantes de notre

organisme, surtout parce qu'il existe une relation étroite enlre la glande

thyroïde et le système sympathique (d'après Wiener, la glande thyroïde

est innervée par le ganglion inférieur du nerf sympathique, d'après

Asher et Flac ? par le nerf laryngé supérieur et inférieur, d'après Garnier

et Villemin par différents ganglions du nerf sympathique et par le. nerf

laryngé supérieur. Quant à l'innervation des glandes parathyroïdes, on

ne sait encore rien de positif ; elles sont probablement innervées par le

nerf sympathique).

Si nous voulons résumer cette étude, nous aurons à établir les conclu-

sions suivantes : .

pathogénie DE QUELQUES formes d'épilepsie 401

- CONCLUSIONS.

1° L'épilepsie essentielle et l'épilepsie cérébrale sous ses formes nom-

breuses ne peuvent absolument pas en l'état actuel de la science, dans la

plus grande majorité des cas, être distinguées cliniquement l'une de

l'autre ; les particularités de l'attaque aussi bien que les modifications du

caractère et la démence secondaire ne peuvent servir comme élément de

diagnostic différentiel.

2° L'épilepsie cérébrale se produit à la suite de n'importe quelle affec-

tion des méninges, du cortex cérébral ou des parties plus profondes qui,

soit par augmentation générale de la pression intraérânienne, soit par des

processus locaux de sclérose, provoquent des troubles étendus de circula-

tion dans l'écorce cérébrale (hyperémie veineuse).

3° L'épilepsie essentielle est une auto-intoxication chronique, causée

par des produits toxiques de décomposition alimentaire et par des toxines

provenant du métabolisme cellulaire qui, par suite de l'hypofonction de

la glande thyroïde et des glandes parathyroïdes, sont insuffisamment neu-

tralisés. Comme conséquence de l'hypolhyroïdisme et de l'hypoparathy-

roïdisme, la sécrétion des ferments du tractus intestinal et du métabolisme

intermédiaire est fortement diminuée.

fi' Dans l'épilepsie cérébrale comme dans l'épilepsie essenlielle, le

cortex cérébral avec sa grande affinité pour de nombreux poisons d'origine

différente se sature lentement de toxines. Dans l'épilepsie essentielle

ces toxines proviennent du métabolisme de lout l'organisme et de l'ali-

mentation ; dans les formes cérébrales, au contraire, elles proviennent du

cortex cérébral lui-même dans lequel, à la suite des troubles de la circula-

tion, se produit un refoulement lymphatique et veineux avec accumulation

des produits du métabolisme défectueux dans la région atteinte.

5° Dans toutes les formes d'épilepsie, il faut regarder l'attaque comme

une réaction de l'organisme pour se débarrasser des toxines. Le sang se

débarrasse de' ces toxines au niveau des reins, des poumons et de la peau,

plus tard le cortex cérébral en évacue une partie dans le sang, à ce moment

dépourvu de toxines.

6* Dans l'épilepsie essentielle, un traitement vraiment an ti -épi 1 ep tique

(administration rectale d'extrait frais des organes à fonction insuffisante,

à savoir les glandes thyroïde et paralhyroïdes) suffit pour faire disparaître

pour toujours tous les phénomènes morbides.

Dans l'épilepsie cérébrale, ce traitement n'a aucun effet ; en ce cas une

trépanation « soupape » peut amener une amélioration plus ou moins

importante, ou bien le traitement par le régime déchloruré d'après Tou-

louse et Ricbet est indiqué.

ixvil 26

402 BOLTEN

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DÉBILITÉ NERVEUSE

par

A. AUSTREGESILO,

Professeur de Neurologie à ltio de Janeiro ^Brésil).

Dans le vaste cadre des maladies fonctionnelles, par leurs difficultés

cliniques, les névroses se posent, sous le point de vue étio-pathogénique,

comme de véritables problèmes. Elles constituent un chapitre de neuro-

logie, hérissé de doutes et d'opinions hétéroclites, dont les doctrines sont

tout à fait personnelles, et se livrent au gré de l'esprit philosophique de

l'observateur.

Voilà pourquoi, prenant pour base cette concession que la médecine

nous propose, je désire entretenir votre attention en vous faisant part de

ma manière de voir sur ces problèmes.

Les névroses ont leur origine sur un terrain approprié, qui est l'élat

névlopathique ou la diathèse nerveuse proprement dite. Ce mot diathèse

est employé ici pour désigner la prédisposition morbide aux syndromes

nerveux fonctionnels. ,

Débilité nerveuse. Cette diathèse, cet état constitutionnel, cette

prédisposition congénitale, je préfère l'appeler débilité nerveuse, parce

qu'ainsi on désigne bien la condition d'infériorité, de myopragie aux-

quelles sont sujets les individus en question. D'autres noms ont été

adoptés par les médecins et par le public : nervosisme, névropathie,

neuro-arlhritisme, nervosisme sans marque, nervosisme constitution-

nel, névrose, etc. ; quant à moi je préfère, pour ma nomenclature

clinique personnelle, l'expression susdite.

Caractères. - Les principaux caractères ou stigmates, si on veut

conserver un vieux terme cher il la neuriatrie, sont : la fatigabilité ou

fatigue précoce; ['irritabilité ; ['instabilité ; l'émotivité exagérée ; la

suggestibilité; le rythme el la pé ? -iodicilé ; les promptes réactions et

la tendance aux toxiques; ['hérédité anaphylactique pour les-to : 1. : Ï-

(¡ ! les; les réactions vaso-motrices et sécrétoires faciles ; la débilité de

l'appareil gastl'o-intestinal avec symptômes du côté des organes creux

de l'organisme, ayant une influence musculaire positive, c'est-à-dire coeur,

estomac, intestin et vessie.

M() AUSTHEGESILO

Fatigabilité. - C'est un des stigmates les plus fréquents. La l'aligne

précoce est la caractéristique chez le nerveux de toutes les modalités de

travail, mental, corporel ou viscéral.

Du côté de la sphère psychique on observe la fatigue vite acquise pour

la production, le raisonnement, l'attention, la mémoire, enfin dans le

domaine de toutes les facultés, dont l'individu dispose, pour la continuité

de sa vie psychique ou intellectuelle. Cela ne veut pas dire qu'il ne

puisse produire beaucoup, mais il produit par petits à-coups, et avec in-

termittence. Darwin et Zola ne pouvaient pas travailler plus de 3 heures

par jour, et l'oeuvre géniale de ces deux hommes outrepasse l'admiration

humaine. Cette fatigue précoce ou fatigahilité atteint, je le répète, toutes

les modalités de la vie de relation et de la vie végétative.

La fatigue parait non seulement dans la sphère musculaire comme

aussi aux viscères, souvent les malades débiles, nerveux, se plaignent que

mouler un escalier leur donne des palpitations, de la dyspnée, du ma-

laise, d'où leur tendance à se croire atteints d'une affection cardiaque.

Du côté de la sphère génitale, à l'excitation s'oppose un prompt surme-

nage, de telle façon que l'irritation ne contredit pas la falig<1hililé.

Chez les femmes ces phénomènes se manifestent surtout aux époques

menstruelles, les règles s'accompagnant de découragement, d'impuissance

fonctionnelle généralisée, par l'exacerbation du coefficient de l'insuffi-

sance nerveuse, pour employel une expression qui traduit bien la pensée.

Ainsi qu'une insuffisance cardiaque ou rénale, il y a une insuffisance

nerveuse, dont nous estimerons ultérieurement le dosage.

Instabilité. Irritabilité. - S'il y a fatigue de la cellule nerveuse,

cérébrale, médullaire, ou même des ganglions sympathiques, parce que

la débilité nerveuse est générale, avec la fatigue surviennent deux réac-

tions : ['instabilité et l'irritabilité.

L'instabilité, psychique, motrice ou viscérale, est l'une des caracté-

ristiques de la débilité nerveuse L'instabilité motrice et l'instabilité psy-

chique sont les plus évidentes. L'a lien lion se détourne ; les débiles nerveux'

fixent mai lenr attention, et pour un temps 'relativement court. L'instabi-

lité motrice des muscles de la face (tendance aux tics et aux mouvements

coordonnés), mobilité facile des membres, des positions du corps, sont les

exposants de l'instabilité, qui est la conséquence habituelle de la fatigue.

L'irritabilité est un élément des plus communs aux débiles nerveux.

Promptes explosions d'humeur, d'idées, d'émotions, pareslhésies et né-

vralgies fréquentes; troubles sécrétoires fréquents ; tontes ces manifesta-

tions sont la conséquence de l'irritabilité, qui accompagne habituelle-

ment l'intoxication et la fatigue de l'écorce cérébrale, de la moelle, du

système sympathique, c'est-à-dire des neurones centraux, périphériques,

DÉBILITÉ NERVEUSE 407

l ' ,

ou de leurs rapports. L'expression employée par les classiques, comme

Weir-Milchell, Charcot, Raymond, etc., faiblesse irritable, nous

donne la clef patllogénidue de ce que nous avons dit. Les colères promptes,

les .explosions subites, les émotions constantes, avec larmoiement ou larmes

faciles, la tendance il )'irritation des plexus nerveux abdominaux = so-

laire, ovariens, etc., sont la preuve de celle irritabilité nerveuse, centrale

et périphérique. Souvent la sphère génitale est le caput morluum de celle

faiblesse irritable, et comme conséquence de l'exciulhililé, surviennent les

perceptions psychiques de la sphère morale émolivité exagérée ; de la

sphère de la cénesthésie, exagération de la perception cénesthésique, etc.

En fait l'émotivité exagérée apparaît chez les débiles nerveux comme un

élément constant tant et si bien que plusieurs auteurs voient cette émo-

tivité comme la base de la neurasthénie. Les phobies constituent la preuve

de celle émotivité. Généralement elles sont une déviation de l'instinct de

conservation. La peur pathologique prend place aux côtés du scrupule

morbide. 11 y a de vraies scrupuloses, tel est l'excès d'analyse, de soins,

d'exagération pour la défense de l'individu contre les maladies siennes et

des autres, contre les faits de la sphère morale, etc. Emotifs et instables,

les débiles nerveux sont en outre suggestionnâmes. L'auto-suggestion im-

pose un grand despotisme. L'auto suggestion apporte avec soi l'excès

d'analyse, de celle philosophie des organes, du pourquoi et du comment

des phénomènes biologiques de chaque malade.

A se juge en proie il une lésion gastrique; B se croit atteint d'une

grave affection cardiaque, parce qu'il sent des douleurs, des palpitations,

elc. ; C croit qu'il va perdre la raison, parce qu'il a des bourdonnements,

un chaos des idées, et ainsi de suite. La suggestibilité conduit le débile

nerveux à se croire souffrant de maux dont on parle devant lui. On voit

fréquemment les étudiants, après la lecture d'un chapitre sur les affections

cardiaque, nerveuse, pulmonaire, consulter leurs maîtres, parce qu'ils se

croient porteurs desdiles maladies. On se sert de cette suggestibilité

comme moyen thérapeutique. La parole du maître dissipe souvent, et

subitement, un long doule pathologique. Pour de tels malades, comme le

disait Charcot, mieux vaut le médecin que le médicament.

Rythme. Périodicité. Le rythme et la périodicité sont des condi-

lions biologiques essentielles. Nous avons lous des jours critiques, comme

l'a démontré S-%%obocli. Le sommeil, les diverses activités psychique,

génitale, digestive, elc., sont rythmiques et périodiques. Chez les débiles

nerveux celle condition s'exagère. La fatigue matinale des neurasthéni-

ques est un fait. t\ mesure que le jour s'avance ils deviennent plus forts,

plus aclifs, moins fatigués. Chez la femme la période menstruelle est une

condition excitante pour le nervosisme, l'épilepsie, la dipsomanie, et

t t\r" ., w. · V/

408 \ }'^ ? \.1.' ? '

408 '. r., ? . AUSTR'I>

même pour le délire. La'd-GLtOEijy^rVilubeiïê, la grossesse, la ménopause

sont des conditions périodiques prédisposantes pour l'explosion de névi9

ses et de psychoses.

Il y a des maladies nerveuses et mentales qui sont essentiellement

rythmiques et périodiques. Il y a une neurasthénie et une dyspepsie pé-

riodiques. Les cyclothymiques sont esclaves du rythme, aussi bien que les,

maniaques dépressifs. L'irritabilité émotive, génitale, toxiphile, obéit

souvent à des variantes périodiques, mensuelles et annuelles. Les périodes

se trouvent fréquemment liées à celles de la sphère génitale, dont l'im«

portance est quelquefois dominatrice chez les débiles nerveux. Selon

Freud, l'hystérie, la névrose de la peur sont des étals qui ont leur ori-

gine en un point génital. La doctrine de Freud n'est pas absolument exacte»

Mais fréquemment l'élément génital, matériel ou moral (jalousie, érotisme,

mystique, perversion, etc.), apporte son appoint à la personnalité du dé-

bile nerveux. *

Réactions vaso-motl'ices. Vagotonie et sympathico4onie. On sait

par les vieux classiques que les névroses sont touffues de phénomènes

vaso-moteurs. Babinski les a retirées du cadre des symptômes propres à

l'hystérie. La neurasthénie, de n'importe quel type, apporte en son cor-

tège symptomatolooique des phénomènes vaso-moteurs et secrétaires,,

Bouffées de chaleur, pâleur subite, refroidissement des extrémités, sueurs

abondantes et quelquefois localisées, diurèse prompte, mucus nasal, plia*

ryngien, gastrique et intestinal sonl des faits banaux, qui se juxtaposent

aux névroses. Actuellement les faits se sont un pou éclaircis à la lumière

du vaste chapitre de l'endocrinologie et de la question de la vagqtpnie et

de la sympathicotonie. Mon ex-interne, D''Monteva)e, l'a dit en sa thèse,

inaugurale, << la vagotonia marche à l'ombre des névroses », et Lajgnol-

Lavastine créa, pour éclaircir l'analyse clinique, lessyniliatlio5Qs, qui font

partie du cadre de la débilité nerveuse. Or l'excilabililé du système auto.

nome et du sympathique, ou de l'appareil endocrinique indique le ter-

rain approprié à ces réactions, terrain qui n'est autre que la débilité

nerveuse. -

Sensibilité de l'appareil digestif. - L'appareil digestif est probable-

ment celui qui a le plus de contact avec la débilité nerveuse. Troubles de

type dyspeptique, hyperesthésies des plexus abdominaux ; troubles mot

teurs -- atonies et spasmes ; déviations sécrétoires spécifiques, comme

du suc gastrique, indifférent comme du mucus; crises c1'hypo-hépatie,

d'hyper.hépatie, etc., lotis ces troubles peuvent s'observer dans le do-

maine de la débilité nerveuse, Quand, par exemple, le débile nerveux se

force en un travail mental, ou émotif, ou môme en un travail physique,

il n'est pas rare de voir la langue se charger, Chez ces individus, on voit

? - >-

1 1 C. .. : . '

DÉBILITÉ- .NERVEUSE , 409

éclore le syndrome dont je vous ai parlé dans ma leçon inaugurale, el

que je désigne par le nom de nervosisme abdominal.

Les malades atteints de nervosisme abdominal sont des psychiques

et des abdominaux en même temps. Ce sont des individus porteurs d'un

état psychique hypochondriaque, mais leur maladie ne dépend pas exclu-

sivement de l'état mental. Il est vrai qu'ils ont /' abdomen à la tête, mais

nous reconnaissons en eux un état névropathique constitutionnel, avec

des réactions neurasthéniques et hystéroïdes faciles, mais ce qu'on observe

clairement c'est la désharmonie du jeu abdominal. En quoi consiste

cette désharmonie ? Le maximum de réaction avec le minimum d'excitation.

N'importe quelle déviation alimentaire, n'importe quelle fatigue phy-

sique ou psychique, n'importe-duel refroidissement, par froid extérieur

ni par boissons glacées, n'importe quelle émotion forte, causent des réac-

tions astro-hépato-inteslinales, motrices, sensitives et sécrétoires.

On dirait que le plus petit choc du rouage dérange l'horloge abdomi-

nale qui, disons-le, au passage, fonctionne rarement bien. L'école de Du-

bois veut qu'on inclût ces individus dans le groupe des psycho-névroti-

ques. En partie, c'est la vérité. Ces sujets font partie fractionnairement

des cénesthopathes de Dupré. La cénesthopathie est une contingence fré-

quente chez ces patients, mais comme les cénesthopathes sont psycho-né-

vrotiques, il est intuitif qu'il n'y qu'une part de vérité en cette manière

de voir. Pour certains, ces malades sont. des porteurs de la diathèse

d'auto-infection de Gilbert, eu selon les vues originales de cet auteur,

ils sont quelquefois cholémiques familiaux. Celte diathèse se manifeste

par la fréquence de crises fébriles calarrhales, de crises de lithiase intes-

tinale, dépendantes de la constipation, de vice du régime alimentaire, de

rien du tout quelquefois, mais le fait est que la flore intestinale s'exagère,

et cause les crises dont nous parlons. En général, ce sont des individus

qu'on tient pour des neuro-arthritiques; mais, selon la conception mo-

derne de Lévi et Rothschild, les neuro-arthritiques sont des hypothyroï-

diens.

La conception du professeur Cents sur les myxoïdi tes concerne en

grande partie ces malades. Ce ne sont pas pourtant des myxoïdiens, parce

qu'ils sont aussi des psycho-névrotiques. Outre la réaction catarrhale des

muqueuses aux circonstances éliologi'1ues, on observe encore chez eux

d'autres étals abdominaux concomitants névralgies des plexus abdo-

minaux, -cercles vicieux pathologiques psycho-abdominaux. En résumé

le nervosisme abdominal présente comme manifestations cliniques prédo-

minantes la débilité digestive, la diathèse d'auto-infection, les fausses

gastropathies et entéropathies, les myxoïdiles abdominales, les cénestho-

palhies abdominales, les douleurs abdominales, les déséquilibres du

410 AUSTREGESILO

ventre, les préoccupations psychiques abdominales. En résumé, ils sont

des psychiques abdominaux.

La palhogénie de ce syndrome doit résider dans l'excitabilité congéni-

tale du sympathique sur un lorrain névropathique. Cette sympathicotonie

permanente ou périodique, d'accord avec le déséquilibre fonctionnel de

l'appareil endocrinique, est la clef provisoire de ce nouveau syndrome.

On observe encore, Messieurs, une condition spéciale aux débiles ner-

veux relativement aux intoxications endogènes et exogènes.

Dans ma leçon inaugurale de la chaire de clinique des maladies ner-

veuses, j'ai formulé la loi suivante, qui fournit le sujet à l'excellente thèse

de mon élève Dr J. Pedrosa, et que j'ai désignée sous le nom d'électivité

pathogénique bioloxique : « Germes et poisons de n'importe quelle origine

recherchent les parties nerveuses où s'opèrent le plus facilement les échan-

ges biochimiques. » Celte loi, qui est un phénomène général de biologie,

et qui se trouve confirmée dans les doctrines modernes d'Erlich sur la

chimiothérapie par l'aphorisme COl'p01'a non aglll1t nisi fixala, celte loi,

dis-je, a, en neuropatllologie, son application immédiate et positive. Il

n'y a pas lieu de vouloir la confirmer ici par des exemples ; mais on se la

rappelle par la tendance énorme que présenle aux toxicoses le système ner-

veux, le plus sensible d'ailleurs aux intoxications, par sa qualité de-sys-

tème de défense de l'organisme. Eh ! bien, cette réaction facile se rencontre

d'autant plus accentuée que l'individu est un débile nerveux. L'accou-

tumance aux intoxications est telle, que j'ai l'habitude de dire que les ner-

veux ont besoin pour vivre d'un excitant quelconque. Tout le monde

connaît l'abus du café, du thé, du tabac, de l'alcool ; le névropathe vit

fouetté par un de ces éléments. L'alcool est un des toxiques qui présentent

le plus d'éleclivilé pour le système nerveux, et si l'humanité, pour se

développer, a besoin d'une religion el d'une boisson alcoolique, les débiles

nerveux, en grande partie, en sont la cause.

En relation avec les autres toxiques, morphine, opium, cocaïne,

éther, etc., on connaît les désastres, les guels-apens où tombe l'humanité ;

le mal de dents initial, la phobie, le vertige, la douleur habituelle, tels

sont les sentiers périlleux qui conduisent il l'accoutumance, aux loxicoses.

Il y a, par conséquent, une tendance énorme, une électivité évidente des

débiles nerveux pour les intoxications, et nous pouvons répéter ici le dic-

ton populaire portugais pour s'intoxiquer el se gratter, ça ne dépend

que de commencer ».

El cependant, Messieurs, a côté de cette tendance on observe une sorte

d'anaphylaxie héréditaire pour ces mêmes toxiques. Les fils des intoxi-

qués ont une hypersensibilité pour les intoxications. Je m'explique. Le fils

d'un alcoolique avec une petite dose d'alcool très facilement s'enivre,

délire, a des convulsions. Cette' hypersensibilité s'étend aux autres toxi-

DÉBILITÉ NERVEUSE - 411

ques, môme en dehors de l'alcool. Le fils du syphilitique, qui a échappé

v la syphilis héréditaire, présente une tendance accentuée pour les mala-

dies nerveuses, de type familial, si, par hasard, il vient à contracter la

syphilis.

. Les intoxications accentuent cette hypersensibilité nerveuse chez les

'descendants. Messieurs, ce résumé est une systématisation des faits acquis

en clinique et uniformisés par moi. C'est un concept nosologique pour

l'orientation des connaissances générales en neuriatrie. ,

- Nous ne pouvons appeler le débile nerveux un dégénéré. C'est un mot

un peu exagéré et, jusqu'à un certain point, faux pour cette classe de

sujets. N'importe lequel de nous peut se juger un débile nerveux, et non

un dégénéré.

La vie "intense, intellectuelle et morale, la lutte pour l'existence, les

intoxications élémentaires, les loxi-infectioils répétées, comme la grippe,

les troubles gastro-intestinaux, etc., mettent le système nerveux en état

myopragique, pour nous servir du néologisme dePotain ; mais la myopra-

gie nerveuse n'est pas une dégénération, dans l'acception de Magnan. Le

mot névropathe non plus n'exprime pas bien les idées que je développe.

Le névropathe est déjà un malade du système nerveux, il est déjà un

psycho-névrotique, il rentre dans le vaste cadre des dégénérés élémen-

taires. Nervosisme, nerveux, sont des mots incomplets et d'acception très

inégale. Un nerveux, c'est pour le public un individu impression-

nable ; pour le médecin, c'est un individu irritable, un émotif. Le ner-

vosisme désigne, en langage médical, l'excitation générale du système

nerveux, caractérisée par l'irritation, l'insomnie, les tremblements, etc.

La neurasthénie est une phase morbide de la débilité nerveuse, et bien

caractérisée par les auteurs depuis la conception de Beard. C'est, comme

le disait Brissaud, un terme qui a fait un progrès rapide par rapidité de

son expression. Nous pourrions employer le mot myopragie nerveuse.

Mais puisqu'il existe déjà en psychiatrie l'expression débilité mentale, 'il

nous est facile d'adopter celle de débilité nerveuse. -

Avant de terminer, je veux répéter ici, et une fois de plus, les notions

que j'ai résumées dans un autre travail sur les réactions cliniques élé-

mentaires du système nerveux général, et qui constituent des syndromes

fonctionnels qu'on observe fréquemment dans la débilité nerveuse. Ces

réactions s'appellent :

Réactions neurasthéniques.

Réactions hystériques et hystéroïdes.

Réactions convulsives et motrices diverses.

Voilà, comme je vous l'ai dit, les principales. Il en existe beaucoup

d'autres dans le domaine de la sensibilité, de la réflectivité, de la motri-

412 AUSTIiEGP91L0

cité, de la trophicité, etc,, mais je mets en rel ief les plus communes en

clinique, et qu'à chaque pas l'on rencontre.

N'importe quelle intoxication, si atténuée soit-elle, si elle frappe le

système nerveux total, par ordre la première réaction sera la neurasthé-

nie. La cellule nerveuso intoxiquée commence son travail paresseux et

anormal, avec les caractères de l 'irritabilité facile et la fatigue précoce.

Ces modifications se manifestent dans la sphère motrice, sensitive ou

psychique. '

Elles peuvent être transitoires ou permanentes et sont sous la dépen-

dance, bien entendu, de la prédisposition congénitale, de la débilité

nerveuse, qui esl la diathèse en question. Selon ma manière de voir, la

neurasthénie est la réaction pathologique la plus élémentaire du système

nerveux. Si la cellule est intoxiquée il est facile d'interpréter tout le

cortège de la neurasthénie : paresthésies diverses, irritabilité, céphalalgie,

insomnie, troubles de la mémoire, suggestibilité, etc. El comme le matin

l'élimination toxique esl. plus difficile, par l'accumulation nocturne des

poisons de l'organisme, les neurasthéniques ne sont pas matinaux.

Nous comprenons que celte intoxication puisse dépendre d'un étal d'in-

fériorité congénitale du système endocrinique, et pour cette raison les

malades deviennent constitutionnels.

Les infections de toute nature, aiguës ou chroniques, ou les intoxica-

tions peuvent, d'une façon temporaire ou permanente, être la cause de

ces étals.

Le second syndrome fonctionnel du système nerveux, à un degré plus

élevé que le précédent, est ['hystérie ou l'étal ou syndrome hysté2,oi'de,

comme je me suis proposé de l'appeler dans une de mes publications.

Son caractère essentiel est la suggestibilité et comme conséquence la facile

désagrégation do la personnalité psychique des éléments sensitifs, son=

soriels, moteurs ou viscéraux de l'organisme. L'hystérie correspond il un

stade plus avancé d'aggravation de la débilite nerveuse. Le neurasthé-

nique répond à l'intoxication par l'asthénie, c'est-à-dire par la faiblesse

du travail nerveux ; l'hystérie par la facile désagrégation de la person-

nalité produite par l'auto ou l'héléro-suggestion. L'hystérie correspond

à un état de prédisposition nerveuse telle qu'une intoxication quelcon-.

que, endogène comme la puberté ou la ménopause, exogène, comme les

infections, l'alcoolisme, le tabagisme, etc., produit des réactions de défi-

cit du côté de sa mentalité, et on observe tout le cortège symptomatiques

du syndrome : bégaiement, amnésie, convulsions, hoquet et ainsi de

suite. L'hystérique étant un conscient, le degré de débilité nerveuse est

au-dessous de la neurasthénie, mais supérieur à épilepsie, qui est la réac-

tion la plus furte parce qu'elle atteint la sphère psycho-motrice avec

- DÉBILITÉ NERVEUSE 413

perte de conscience. L'irritabilité facile de l'écorce cérébrale pour les

décharges motrices convulsives inconscientes prouve le degré d'mfério-

rité psyclro-motrice. ,

La cellule du neurasthénique reçoit le toxique et travaille mal ; celle

de l'hystérique se désagrège en sa fonction, mais la conscience commande

encore l'unité psychique ; celle de l'épileptique accueille le toxique, elsa

réaction explosive, avec perle de connaissance, indique la facile désagré-

gation des fonctions motrice et psychique.

Celte façon de voir me semble si juste qu'avec certains toxiques nous

pouvons établir cette sériation.

L'alcool, par exemple, peut, suivant le degré de sa toxicité sur l'orga-

nisme, et selon la quantité, être cause d'une neurasthénie, d'une hystérie,

d'une épilepsie alcooliques. Mulalis nzulandis on observe les mêmes

effets dans les infections.

On rencontre quelquefois des contradictions apparentes. Ues tumeurs,

méningites, traumatismes des zones; dites motrices, de l'écorce cérébrale,

peuvent occasionner des décharges de type épileplique. Celle objection ne

détruit pas la règle, car je parle ici des réactions générales et non des

troubles d'origine locale.

En faisant ces commentaires, il est évident que je m'éloigne un peu

des notions classiques, surtout pour ce qui se rapporte au pronoslic.

Neurasthéniques, hystériques et épileptiques sont généralement jugés

comme des incurables. Naturellement il y aura d'autant plus de difficultés

pour obtenir la guérison que le degré de débilité cellulaire sera plus

accusé. Ce à quoi nous ne pouvons souscrire, c'est que les hystériques et

les épileptiques soient incurables. Pour l'hystérie actuellement on le sait

déjà. Le professeur Raymond a affirmé dans une de ses leçons que sa pra-

tique de plus de 35 ans lui a fait observer la guérison de plusieurs hysté-

riques, qu'il a pu accompagner pendant presque toute leur vie. Heureu-

sement, cette névrose s'est modifiée dernièrement. Les grandes attaques et

les grands accidents deviennent de plus en plus rares, il mesure que

l'éducation populaire s'améliore. Aujourd'hui ce qui domine, ce sonl les

réactions hysléroïdes, qui se confondent avec le nervosisme de lous les

temps.

On modifie' facilement les neurasthéniques elles hystériques par une

psychothérapie rationnelle et constante, et en prenant pour auxiliaires

toutes les autres indications curatrices.

Contre l'épilepsie, la clinique thérapeutique s'est montrée moins effi-

cace, parce que l'absence de la conscience, du self contrai, rend la gué-

rison plus difficile, quelquefois impossible. Il y a, lout le monde le sait,

des épilepsies inamovibles, qui dépendent de méningite ou de scléroses

414 AUSTREGÈS1L0

cérébrales qui ont passé ou passent inaperçues, ou d'une irritabilité ex-

cessive des cellules bulbaires ou corticales. L'épilepsie fonctionnelle

cependant est plus curable qu'il ne le semble à première vue. On sait

que les convulsions de la première et de la seconde enfance guérissent

spontanément. On observe le même fait à la puberté. La puberté est une

éclosion d'intoxications endogènes de l'organisme. Chez la femme, elle

est plus rapide, plus explosive, plus évidente. L'épilepsie est plus com-

mune chez la femme que chez l'homme, surtout après la puberté. Je

connais plusieurs cas de guérison de cette névrose à cette époque. Beau-

coup de malades nerveux racontent, en leur anamnèse, qu'ils ont eu des

« attaques », dont la description désigne l'épilepsie, et ils se sont guéris.

Chez les psychasthéniques le fait est fréquent, de telle façon que j'établis

souvent des relations très intimes entre l'épilepsie et la psychasthénie. Je

pourrais en citer plusieurs cas, qui sont connus de mes amis Julians

l\Ioreix et Ilenrique Duque.

Au moment de la ménopause, ces crises convulsives sont habituelles,

soit chez la femme, soit chez l'homme. Quand ces attaques surviennent à

l'époque de la ménopause masculine, on les prend quelquefois pour des

symptômes d'artério-sclérose et de syphilis, mais par un examen minu-

tieux on vérifie l'absence des éléments qui confirment le diagnostic de ces

états morbides.

Ces épilepsies curables sont des syndromes toxi-infectieux, qui dépen-

dentd'une intoxication endocrinique ou alimentaire, de sorte qu'on observe

la guérison, quand, de prime abord, le pronostic semblait sombre.

En conclusion : .

Il y a en clinique des étals nerveux qui ne peuvent être classés dans

le groupe des névroses classiques : neurasthénie, hystérie, épilepsie.

Ces états coïncident avec ce que les auteurs désignent sous le nom de

neuro-arthritisme. '

Leur caractéristique est la myopragie du système neneux, laquelle

peut évoluer jusqu'aux névroses bien caractérisées, transitoires ou per-

manentes. Il s'agit d'une véritable diathèse.

Les caractères principaux de cette diathèse sont les suivants : fali;aUi-

lité, irritabilité facile, émotivité exagérée ; suggestibilité, rythme ou pé-

riodicité ; réactions vaso-motrices et sécrétoires faciles; tendance aux

intoxications ; hypersensibilité héréditaire il ces mêmes intoxications et

débilité de l'appareil gastro-intestinal.

ASTHENIE TRAUMATIQUE ET DYSTHÉNIE PÉRIODIQUE

PAR "110

R. BENON et M. LEINBERGER,

Hospice Général de Nantes.

L'un de nous a déjà attiré l'attention sur la gravite, dans certains cas,

des phénomènes stbénopathiques post-traumatiques. Si ces troubles sont

relativement rares, ils méritent cependant d'être bien connus pratique-

ment et médico-lénalement. En voici un exemple très démonstratif :

Résumé. Homme, 46 ans. Chute de voilure le 5 février 1909. - z

Perte de connaissance d une durée d'une demi-heure environ. - Plaies de la

léte suture et suppuration ; douleurs horribles. Etat asthénique secon-

daire durable. En juillet 1913, asthénie progressivement remplacée par

hyperslhénie ou manie ; agitation joyeuse, actes extravagants, achats incon-

sidérés ; finalement placement à l'asile le 21 octobre 1913 \ étal de fureur

maniaque. Le 27 octobre, brusquement, un élit de stupeur (asthénie pro-

fonde) se substitue à la manie. Inertie, mutisme, gâtisme, sans confusion

mentale. Duiée de cet état : un peu plus d'un mois. - -.et la fin de jan-

vier 1914, retour à l'étal d'asthénie antérieur à l'étal maniaque.

Joseph, 46 uns, horloger, entre à l'Hospice Général le 21 octobre 1913.

Renseignements fournis par sa femme.-

Antécédents. Père mort a 30 ans, d'uue fluxion de poitrine ( ? ). Mère

morte il '1;) ans, probablement de tuberculose pulmonaire. Sept enfants : trois

vivants ; le malade a un frère tisserand et une soeur religieuse plus âgés que

lui et bien portants. Trois enfants sont décédés ; une fille, à 30 ans, est morte

de la tuberculose ; deux autres enfants sont morts eu bas-âge. Grand-père pa-

ternel, buveur. Personnellement, pas de maladie grave dans son enfance ni

dans sa jeunesse. Exempté du service militaire pour rétractions cicatricielles

cervicales (abcès froids probables), limitant légèrement les mouvements d'élé-

vation de la tête. Marié deux fois, la première à 27 ans, la deuxième à 30 ans.

Il n'a pas eu d'enfant de sa première femme qui d'ailleurs est morte après

huit mois de mariage; de la seconde femme il a une fille, Agée de 12 ans,

pas très forte, mais relativement bien portante. Il passe pour s'être toujours

, \ 1.,\ ? \.U'I : II,II ? r ! . 1

416 \-<)- BENON ET Errer

, '1; R ' j : .\ ? 7

livré à des excès de 'bb ? (¡tifs. Il est installé horloger depuis

16 ans dans une commune du département.

IIIQT0111E des faits morbides. Le 5 février 1909, il accompagne en voiture

un ami dans un voyage; en revenant, c'était le soir vers sept heures, la

nuit était noire, le cheval marchait bon train, le brancard droit de la carriole

heurte un rouleau à vapeur rangé sur le bord de la'route. Notre malade, pro-

jeté à 7 ou 8 mètres, tombe sur la tête. Il reste sans connaissance environ

une demi-heure. Il arrive à la maison dans un camion de marchand de char-

lion vers dix heures du soir. Il avait des plaies à la tête ; la plus grave sié-

geait au niveau de la bosse pariétale gauche. Il refusa absolument de laisser

le médecin suturer ces plaies. La nuit fut agitée, il ne dormit pas, il était

énervé, se plaignait de la tête, du corps, mais ne cherchait pas à se lever. Il

n'était pas anxieux.

Le 6, suture des plaies. Il souffrait de partout. Journée et nuit à peu près

calmes. '

Les jours suivants, les plaies s'étant, infectées, il ne tarde pas à éprouver

des douleurs horribles dans la tête, de sorte que le médecin doit pratiquer des

incisions au niveau des lésions. La nuit, il « bat la campagne », prend sa

femme pour une autre personne. Cela a duré environ une dizaine de jours.

Les plaies ont mis plus d'un mois à guérir.

Asthénie prolongée. A la suite de cet accident, le malade ne revint pas

son état normal. Il disait qu'il ne pouvait pas travailler. Il se plaignait tou-

jours de ne pas avoir de force, d'être fatigué. Le matin il ne pouvait pas se

lever. « C'était dur ». Dans la journée il se reposait souvent, il n'avait plus la

même facilité pour exercer son métier; quelquefois il était obligé de se cou-

cher, car il dormait sur l'ouvrage. Il ne pouvait plus aller il bicyclette : tout

effort le fatiguait. Fréquemment il faisait remarquer : « Ça m'a esquinté cette

chute-là. Il 11 accusait des étourdissements et des douleurs dans la tête, dans

les yeux. Il dormait peu, mangeait mal : il faisait toujours des excès de bois-

sons, mais les supportait plus difficilement qu'auparavant. Du mois d'avril

1909 au mois de juillet 1913, cet état morbide est resté stationnaire et les

affaires matérielles du malade n'ont pas cessé de péricliter.

1/ypelslhénie. - En juillet 1913, progressivement, raconte sa femme, il

vient à avoir d'autres idées ; il se montre entreprenant, audacieux, voit les

choses grandement. Il veut quitter sa commune et s'établir à la ville. Il se

met à faire des achats inconsidérés, des habits, des chemises, des paires de

bottines, etc. En septembre, il verso 500 francs chez un électricien pour des

appareils de télégraphie sans fil. Un jour il part en automobile voir son frère

en Vendée : ça lui a coûté 150 francs; or depuis longtemps ils ne se voyaient

que très rarement.

A la fin, en octobre, il ne dort plus du tout. Toujours en mouvement il

parle sans discontinuer et de toutes sortes de choses. Il est gai, il est heureux,

il chante, il dit qu'il est le Bon Dieu, qu'il est le Roi de France. Il boit en

excès, dépense tout son argent, fait des dettes, réalise des commandes, brise des

objets mobiliers, déchire ses effets ; le 21 octobre, sa famille l'amenait à l'asile.

ASTHÉNIE TRAUMATIQUE ET DYSTHEN1E PERIODIQUE 417

Etat actuel (22 octobre 1913). Etat d'excitation maniaque très typique

(hypermyastliénie et liyper-idéation) ; par intervalles, manie avec fureur.

Le malade est très agité : il est sans cesse en mouvement et n'arrête pas de

parler. A un moment, pendant qu'on l'observe, il donne un coup de poing à l'in-

firmier sur l'épaule et il rit. Puis il jette à la figure des personnes qui l'entou-

rent tous les objets qu'il trouve sous la main.

Il cause très vite : c'est à peine si l'on parvient à comprendre ce qu'il dit :

« Je suis le Bon Dieu, nom de Dieu... Comment est-il fait le Paradis ? ... Tout

ce que je dis est la vérité... Je n'ai jamais menti et ne mentirai jamais... Je

suis juste... Vous êtes un ami, je vous tue (il se met à rire)... Etes-vous des

copains, les gars ? ... » '

Brusquement quelqu'un lui demande : « Dites-nous en quelle année nous

sommes » ? - R. « Je m'en f... pas mal. Je vais vous f... sur la gueule si

vous ne me laissez pas tranquille... Je vous esquinte (très furieux)... Je vous

emm... tous tant que vous êtes. Les gars, vous en avez reçu des coups de pied

dans le cul, mille noms de Dieu. »

Par moments l'énervement du malade et la tendance à la colère sont tels s

qu'il est bon de l'abandonner à lui-même. On le voit tremblant, les poings

fermés, les yeux largement ouverts et il dit : « Boum ! Boum ! Gribaldi... » ou

encore « Beng ! Beng ! Gribaldi... ». (Gribaldi était un de ses ennemis poli-

tiques.) Il ajoute souvent : a Beng ! il est tué, Gribaldi... Je lui en ai fait de

la misère ! Tu es pris, mon voyou de Gribaldi, on aura ta peau », et il rit

largement.

Il demande à uriner. On le prie- de bien vouloir attendre quelques minutes.

Il ne tient pas compte de notre demande et urine dans la salle.

Il s'attendrit très facilement dès qu'on lui parle de sa fille. « Je suis malheu-

reux parce qu'on ne me l'amène pas. Elle a douze ans et demi. C'est elle qui

aura une belle fortune » 1 (Idée de richesse ou de grandeur, car la situation

matérielle familiale est à ce jour très mauvaise.) Puis il se met à pleurer et

dit : « Oh ! je souffre... je suis assassiné, je suis mort, je ne sais pas si j'en

guérirai. '11 Une minute après, il est heureux, souriant, il exalte sa force, sa

puissance de travail et redevient coléreux et furieux.

On introduit une personne qu'il a fréquentée autrefois, il la reconnaît de

suite et lui serre la main.

L'état somatique général du malade est satisfaisant. Cicatrices au-dessus

du sourcil gauche et latéralement du même côté au niveau de la région parié-

tale moyenne (cette dernière longue de 8 centimètres environ).

23. Le malade n'a pas cessé de causer toute la nuit ; par moments il

comptait très vite, par exemple jusqu'à cinq, et recommençait longtemps, puis

il frappait violemment dans la porte de la chambre d'isolement.

2g. Elat maniaque stationnaire.

Stupeur. -- Brusquement, semble-t-il, ou en quelques heures certaine-

ment, la mauie a été remplacée par un état de stupeur (asthénie profonde).

27 octobre. La malade a été alité et placé dans la salle d'observation ; il

est couché dans le décubitus horizontal, ne fait pas un mouvement et ne dit

418 BENON ET LEINBERGER

pas un mot. Il n'exécute pas les ordres qui lui sont donnés. Il ne répond pas

aux questions qui lui sont posées ; quelquefois il fait un signe négatif de la

tête. Il n'a pas de confusion mentale ; on constate qu'il reconnaît les personnes

qui viennent le visiter.

La réflectivité est en général presque normale. La pupille gauche est plus

grande que la droite. La peau est moite et en toutes régions liyperestliésiée

une pression légère au niveau des membres ou du thorax provoque des dou-

leurs vives accompagnées de tremblements généralisés. Le pouls est faible et

rapide. Le malade boit bien les liquides qu'on lui présente. Traitement : caféine

et alcool. '

28. Vers le soir il dit l'infirmier ; le viens de voir passer uu chi-

nois ». Puis quelques instants après : « La noce est-elle bientôt finie ? » Il

u'a pas dit d'autres paroles.

29. Ne dit pas un mot. Immobile, les yeux fixes, le faciès vultueux.

Gâtisme. Il prend bien le lait, le bouillon et les potions.

30. A midi, après avoir bu un gobelet de lait, il dit à l'infirmier : « Je

vois bien que je suis foutu. » « Mais non, on vous tirera de là. »

« Non. » Persistance de l'hyperesthésie. Suppression de tout médicament.

4 novembre. Etat stationnaire. Il parle toujours très peu. Hier il a dit à

l'infirmier qui le changeait : « Je suis comme sur des épines » ; le soir il a

demandé spontanément l'urinai. Ce matin il sourit quand on lui parle de Gri-

baldi. Même état d'hyperesthésie générale. Constipation : lavement purgatif.

Ne dort pas la nuit.

7. Parle toujours très peu. Ne répond guère que par signes, pu dit : oui,

non. Toujours couché dans le décubitus horizontal. Peau moite, luisante et

graisseuse.

il. --Ne répond toujours pas aux questions qu'on lui pose. Il a dit à l'in-

firmier, qui lui demandait où il souffrait, qu'il avait mal partout. Il est resté

' assis pendant qu'on faisait son lit. L'après-midi il a embrassé sa femme et

reconnu une dame qui l'accompagnait.

12. - Reçoit la visite de deux amis, mais ne répond que par signes à leurs

questions. Constipation : purgations répétées. '

13. Immobile,-inerte dans son lit. Quand on dirige l'index sur une de ses

pupilles, il ferme les yeux, mais ne détourne pas la tête. Pouls petit et rapide

(96 pulsations). Hyperesthésie. Ne dort pas la nuit.

18. Pas de modifications. Ne parle presque pas. Prend bien le lait et le

bouillon. Lavements purgatifs de temps en temps.

21. Ponction lombaire. Liquide céphalo-rachidien normal. Même état

asthénique avec gâtisme.

23. Lorsque l'on compte ses pulsations, il fait remarquer : « Je n'ai plus

de bras, tout s'en va. »

29. S'améliore, parle plus volontiers, se remue dans son lit, demande à

se lever, s'alimente do mieux en mieux, ne gâte plus.

6 décembre. Très bon état physique. Va et vient, circule dans la salle,

mais toujours difficile à interroger. On obtient de lui à grand'peine : « Je suis

ASTHÉNIE TRAUMATIQUE ET DYSTHN1E PERIODIQUE . 419 9

malade, je ne suis pas bien, je suis affaibli. » Il parle très lentement. Hyperes-

thésie moins accusée, mais persistante.

26. Continue à s'améliorer, parle bien avec les siens, sort dans l'hospice.

STATUS RETROSeECTmus (15 janvier 4911.). Le malade se rappelle ce qu'il

a dit au cours de sa période d'excitation maniaque, surtout si on l'aide par la

lecture des notes recueillies. Il nous déclare notamment que Gribaldi est un

corse dont il ne partageait pas les opinions politiques.

Au sujet de sa période de stupeur, il raconte : « J'entendais très bien, je

voyais, mais quelquefois la vue se brouillait et c'était comme des étoiles qui

dansaient... Je ne dormais ni jour ni nuit, pour ainsi dire. J'ai eu des cauche-

mars, je croyais avoir tué quelqu'un (cela explique qu'un jour, lorsque, au

sortir de sa période de stupeur, on lui demandait la cause de sa tristesse, il

répondit avoir commis des crimes). Je me sentais très malade. Je ne pouvais

pas remuer le corps. Je croyais qu'on me coupait les bras et qu'on me les

recollait. Je croyais que j'avais les yeux rentrés. Si on déplaçait mon bras, je

n'avais pas la force de le ramener à sa position antérieure. J'aurais voulu ré-

pondre quand on me questionnait, mais je ne pouvais pas parler. C'était

comme une paralysie intérieure. Ma tête était comme vide. Je me rappelle bien

tout. Je me souviens combien je souffrais lorsqu'on me touchait (phénomènes

.. d'byperesthésie). Dans cet état-ia, je faisais le sacrifice de moi-même, je me

disais : je suis perdu, tant pis 1 »

Asthénie (30 janvier 191t). - A l'époque actuelle le malade est revenu 't

l'état d'asthénie qu'il éprouvait avant son accès maniaque, état d'asthénie

post-traumatique qui avait duré d'avril 1909 à juillet 1913.

Il déclare : « Je travaille, je fais ce que je peux, mais je suis lassé, courba-

turé. C'est un anéantissement général, c'est un épuisement complet. Il y a

des moments où je me sens mieux, mais bientôt je m'aperçois que mon état

n'a réellement pas changé. Pour me mettre en mouvement, je dois faire un

effort. La marche m'est particulièrement pénible; en marchant, si je frappe

un peu dur les pieds sur le sol, ça me sonne dans la tête. Je ne peux pas lire,

ça m'épuise. Je travaille de mon métier (à l'asile), mais je fais de petites jour-

nées ; très vite ma vue se brouille. Par moments, il me semble que je perds mes

idées, je ne veux pas dire que je déraisonne, mais c'est comme un voile qui

passe dans la tête. Je reste quelquefois un quart d'heure sans penser à rien,

puis les idées me reviennent. »

L'appétit du malade est bon et les fonctions digestives sont à peu près nor-

males ; le sommeil est quelquefois mauvais. Il accuse des douleurs légères

dans la tête et dans les reins. Le faciès est rosé.

Juillet. Etat stationnaire : asthénie simple. Constipation par intervalles.

1° Ainsi, après un état d'asthénie posl-lraumatique prolongée état

morbide qui chez notre malade a duré plus de cinq ans on a vu appa-

raître un état maniaque ou étal hypersthénique. Le passage de l'asthénie

à la manie s'est fait progressivement. L'élat d'hypersthénie chez notre

420 . BENON ET LElNI3ERGER

blessé a duré environ quatre mois, pnis il a été remplacé par des phéno-

mènes de stupeur pendant plus d'uu mois. Enfin le sujet est revenu à son

élal antérieur, c'est-i-dire à l'état d'asthénie qu'avait primitivement laissé

le traumatisme.

2° Comme causes d'épuisement, chez ce blessé, en dehors de la commo-

tion cérébrale traumatiques, il importe de noter le rôle probable des dou-

leurs atroces qu'il endura par suite de l'infection de ses plaies céphaliques.

3° Celle observation est à rapprocher particulièrement de celle que

l'un de nous a publiée dans un livre paru récemment (1). Dans le cas

auquel nous faisons allusion, la période d'asthénie prolongée avait duré,

comme ici, plus de cinq ans.

4° Ces faits démontrent que chez les asthénillues traumatiques, la ma-

ladie, même à longue échéance, peut se compliquer d'hypersthénie-et,

aboutir à des accidents dystliéniques périodiques.

(1) BENON (R.), Traité clinique et médico-légal des troubles psychiques et névrosi-

que.. post-lraumatiques. Paris, 1913, p. 119. Neurasthénie traumalique suivie de

manie. Cong. des al. et des neurol., Tunis, 1912 et Gaz. méd. de Nantes, 1912, p. 641.

- Voir aussi : Traumatisme, paraplégie et dysthénie périodique. Cong. des al. et des

neurol., Le Puy, 1913 et Gaz. méd. de Nantes, 1913 (En collaboration avec P. Denès).

TABLE Drs

Absence bilatérale du péroné, par KLIPPFL

et RARAUO, 353.

Acrorlaclylopallrie Jtype7·Iro7l : ianlt, par

Chevallier, 4.

Acromégalie (Dystrophies giganliques

sans -), par ADDA, 90.

(Elude clinique, radiologique et biologi-

que d'un casd'-), par CLCZET et Lévy,226.

Amyolrophie progressive A ? an-D ? tchenie

d'origine syphilitique, par Souques, BAU-

DOUIN et LANTLÉJOUL, 297.

Asthénie traumatique et dyslhénie pério-

dique, par BENON et LEINRERGER, 415.

Atrophie musculaire Charcot-Marie, par

A. Souques, 1'S.

Bec de lièvre en peinlure (Remarques sur

la conformation des lèvres), par IL Meige,

57.

Cheiromégalie unilatérale dans la neuro-

fibromatose, par IIOUDINOVITCii et RE-

gnault DE LA SOURDIÈRE, 327.

Cirrhose hépatique avec altérations des

centres nerveux chez des sujets d'âge

moyen, par W. van Woerkom, 43.

Corps strié (Troubles des mouvements

actifs dans deux cas de lésion bilatérale

du -), par W. vAN Woerkom, 213.

Débilité nerveuse, par Austregesilo, 405.

Dégént'mtion. sccondaÎ1'e (Absence de -

des faisceaux pyramidaux dans un cas

de paralysie type Babinski), par CoyoN

et Barré, 81.

Dégénérescences ascendantes consécutives

à une lésion de la moelle cervicale, par

Long, 61.

Démente (Maladie de Raynaud chez une

- ), par Marchand et Ussc, 52.

Dysthénie périodique, par Benon et Lein-

berger, 415.

Dystrophie hypophysaire, par Obregia,

ITR8CI11A et POPriA, 317. ,

- gigantiques sans acromégalie, parADDA, 1

90.

Ectrodactylie totale (Quatre cas), par

KLIPPEL et Rabaud, 333. z

Epilepsie (Palhogénie de quelques formes

d' - dites épilepsie essentielle et épi-

lepsie cérébrale), par BOLTEN, 360.

jacksonienne portant sur le centre

conjugué des mouvements de la tête el

des yeux, par CRIRAY, 1. -

Groupe « Ires in una », par H. Meige, 120.

Hémimélie thoracique, par RLIPPEL et

RABAUD, 348.

Hypophysaire (Polydactylie ' el tératome

). Influences morphogénetiques des

glandes a sécrétion interne sur l'organo-

gênèse), par BERTOLOTTI, 13.

Hystérie (Le mécanisme des phénomènes

hystériques. Esquisse d'une théorie psy-

cho-physiologique de l' -), par SALMON,

257.

Lèpre, symptomatologie nerveuse périphé-

rique, par BARRAQUER, 125.

Livres (Un bec de lièvre en peinture et

quelques remarques sur la conforma-

lion des -), par Il. Meige, 57.

Malformations congénitales des membres.

Quatre cas d'eclrodaclylie. Un cas de

syndactylie. Hémimélie. Absence du

péroné, par KLIPPEL et RABAUD, 333.

Moelle cervicale (Sur les dégénérescences

ascendanles consécutives il une lésion

de la -), par Long, 61.

Mouvements actifs (Troubles des dans

deux cas de lésion bilatérale du corps

strié), par W. VAN Woerkom, 273.

Nerveux (La cirrhose hépatique avec alté-

rations des centres - chez des sujets

d'âge moyen), par W. VAN WOERKOM,

43.

périphérique (Contribution d la.symp-

tomatologie du système -), par Barra-

IUEa, 125.

Neurofibromatose (Paraplégie type Babinski

chez un sujet atteint de maladie de

Recklinghausen), par COTON et Barré, 81.

familiale [Deux cas de , dont un avec

cheiromégalie unilatérale), par Rouamo-

YITCII et Regnault de la SUURDIÈRE, 327.

422 - TABLE DES MATIÈRES

Névrose traumatique (Arrêt du pouls dans

la -), par IIASKOVEC, 55.

Noyau rouge, connexions corticales, par

La SALLE Archambault, 188.

Paraplégie type Babinski chez un sujet

atteint de maladie de Recklinghausen"

Absence de dégénét-ation secondaire des

faisceaux pyramidaux, par Coyon et

Barré, 81. -

Pellagre (Morphologie du sang dans la ),

par KOZOVSXY, 94.

Polydactylie et tél'atome hypophysaire.

Influences morphogénéliques des glandes

à sécrétion interne sur l'organogénèse,

par BERTOLOTTI, 13.

Poly-syndactylie (Etude d'un cas de ),

par Klippel et Rabaud, 246.

Pouls (Arrêt du - dans la névrose trau-

malique), par IlAs[ioFc, 55.

Psycho-névroses professionnelles, palhogé-

ȏse et exemples de traitement, par

Ton A. WILLIAM, 1OS :

Raynaud (Maladie de-) transitoire,, loca-

lisations peu communes chez une dé-

mente, par Marchand et Usse, 52.

Sang dans la pellagre, par RoiovsKr, 94.

Sclérose médullaire lracaaverse, segmen-

taire, dorso-lombaire gauche, métatrau-

matique, forme clinique curable, par

Révilliod, 307.

Souvent femme varie. A propos du groupe

« ires in una », par II. MEIGE, 120.

Spasme ci bascule de l'orbiculaire des pau-

pières, par MENDICINI et ARTO.)I, 34.

Stéréotypies (Influence du milieu et du tra-

vail sur les ), par CHARON et CounsoN,

103.

Syndactylie, par et HAIIAIIO, 312.

Zona et paralysie radiculaires du membre

supérieur, par Souques, Baudouin et

LANTUÉJOUL, 251.

TABLE DES AUTEURS

ADDA (M.) (de Tunis). Dystrophies gigan-

tiques sans acromégalie, 90.

Aaron (Gustavo) et MI¡NnICINI (A.). Spasme

à bascule, 34.

AUS1REGESILO (A.) (de Rio-de-Janeiro). Dé-

bilité nerveuse, 405.

Barraquer (L.) (de Barcelone). Sympto-

matologie du système nerveux périphé-

rique, 125.

Barré (A.) et COYON (Am.). Paraplégie

type Babinski, 81.

BAUDOUIN, Souques et Lantuéjoul. Zona et

paralysie radiculaires du membre supé-

rieur, 251.

- - Amyotrophie Aran-Duchenne d'origine

syphilitique, 297.

Benon (R.) et Leinbeuger (de Nantes). As-

thénie traumatique et dysthénie pério-

dique, 415.

BRIlToLol1' ! (Mario). Polydactylie et téra-

tome hypophysaire. Contribution à

l'étude des influences morphogénétiques

des glandes à sécrétion interne sur l'or-

ganogénèse, 13.

Bolten (G.-C.) (de la Haye). Pathogénie

de quelques formes d'épilepsie dites

épilepsie essentielle et épilepsie céré-

brale, 360.

CIiARoN(René) et COURBON (Paul Î (d'A miens).

Influence du milieu et du travail sur les

stéréotypies, 103.

CHEVALLIER (Faut). Sur un cas d'acrodac-

tylopathie hypertrophiante, 4.

Cmaao. Sur un cas d'épilepsie jackso-

nienne portant sur le centre conjugué

des mouvements de la tête et des yeux, 1.

CLUZET et Lf : vr (L.). Etude clinique, radio-

logique et biologique d'un cas d'acromé-

galie, 226.

COURISON (Paul) et Charon. Influence du

travail sur les stéréotypies, 103.

COYON (Am.) et Barré (A.). Paraplégie

" type Babinski » chez un sujet atteint de

maladie de Recklinghausen. Absence de

dégénération secondaire des faisceaux

pyramidaux, 81.

HASh'ovEC (Lad.) (de Prague). Arrêt du

pouls dans la névrose traumatique, 55.

Klippel (Maurice) et Rabaud (Etienne).

Etude d'un cas de poly-syndactylie, 246.

- Malformations congénitales des mem-

bres, 333.

KozovsKY (A.-D.l. Sur la morphologie du

sang dans la pellagre, 94.

Lantuéjoul, Souques et BAUDOUIN, Znna et

paralysie radiculaires du membre supé-

rieur, 231.

Amyotrophie Aran-Duchenne, 297.

La Salle AHCIIA\fB\ULT (d'Albany). Les

connexions corticales du noyau rouge

188.

et Benon. Asthénie traumatique

et dysthénie périodique, 415.

Lévy et CLUZET. Acromégalie, 226.

Long (E.). Sur les dégénérescences ascen-

dantes consécutives à une lésion de la

moelle cervicale, 61.

Marchand (L.) et Usse (F.). Maladie de

Raynaud transitoire, à localisations peu

communes, chez une démente, 52.

Meige (Henry). Un bec de lièvre en pein-

ture et quelques remarques sur la confor-

mation des lèvres, 57.

- Souvent femme varie. A propos du

' groupe Très in una de M. Paul Richer,

120.

MENDtCtxi (Antonio) et ARTOM (Gustavo).

Sur le spasme à bascule de l'orbiculaire

des paupières, 34.

OBREGIA, Urechia et POPEA (de Bucarest).

Dystrophie hypophysaire, 317.

Il t BAUD (Etienne) et Klippel (Maurice). Mal-

formations congénitales des membres,

333.

Cas de poly-syndactylie, 246.

REGNALLT de la Sourdiere et Ro1t111M01'ITCIi·

Neurofibromatose unilatérale, 321.

Rf.vu.Lloo (Léon) (de Genève). Sclérose

médullaire, Ltransverse, segmentaire,

424 TABLE DES AUTEURS

dorso-lombaire gauche, métatraumatique,

forme clinique curable, 307.

BOU131NOVITCII et REGNAULT DE LA SOLDD1SRE.

Neurofibromatose familiale, 327.

SALMON (Albert) (de Florence). Leméca-

nisme des phénomènes hystéreques.

Esquisse d'une théorie psycho-physiolo-

gique de l'hystérie, 251.

Souques (A.). Deux cas d'atrophie muscu-

laire Charcot-Marie, 175.

Souques (A.), BAUDOUIN et LANTUÉJOLL. Zona

et paralysie radiculaires du membre

supérieur, 251.

Amyotrophie progressive Aran-Duchenne

d'origine syphilitique, 297.

URECIIIA, ODHEOIA et Popea. Dystrophie

hypophysaire, 317.

Tusse (F.) et Marchand (L.). Maladie de

Raynaud chez une démente, 52.

WILLIAI (Tom A.) (de Washington).

Quelques considérations sur les psyclio- i

névroses professionnelles. Pathogénèse

et exemples de traitement, 108.

Woerkom (W. van). La cirrhose hépatique

avec altérations des centres nerveux

évoluant chez des sujets d'âge moyen,

43.

(de Rotterdam). Sur les troubles des

mouvements actifs dans deux cas de

lésion bilatérale du corps strié, 213.

TABLE DES PLANCHES

Absence bilatérale du péroné (Klippel et

Rabaud), LXI et LXII.

Acrodactylopathie hypertrophiante (Cns-

VALLIEIt), Il et III.

Acromégalie (Cluzet et LÉVY), XXXIX à

XLIII.

Amyotrophie Aran-Duchenne (Souques,

Baudouin etL.1\rU'JOUL), XL1X à LI.

Atrophie musculaire Charcot-Marie (Sou-

QUES), XXXII à XXXIV.

Bec de lièvre (Un - en peinture) (Il. 4ei-

0 P), XI V.

Cheiromégalie unilatérale. Neurofibromatose

familiale (Roubinovitch et REGYAUL'r DE LA

Sonoièns), LIV et LV.

Cirrhose hépatique avec altérations des

centres nerveux (W. VAN Woerkom),

XII.

Corps strié (Lésion bilatérale du -, trou-

bles des mouvements actifs) (W. VAN

Woerkom), XLVIII.

Dégénérescences ascendantes consécutives

à une lésion de la moelle cervicale

(Long), XV.

Dystrophie hypophysaire (OBMGIA, URECHIA

et PoreA), LIII.

Ectrodactylie phalangienne. Ectrodactylie

métacarpo-phalangienne (IW rrec et lie-

baud), LVI à LVIII. 1

Epilepsie jacksonienne (CIIIRAV), I.

Gigantiques (Dystrophies - sans acromé-

galie) (ana), XXVI à XXVIII.

Hémimélie thoracique (KLIPPEL et Radaud),

LX.

Hypophysaire (Polydactylie et tératome -)

(Bertolotti), IV à X.

Malformations congénitales des membres

(KLIPPEL et Rabaud), LVI à LXII.

Moelle, compression (Révccr,IOn), LII.

Mouvements actifs (Troubles des - dans

deux cas de lésion bilatérale du corps s

strié) (W. vix Woerkom), XLVIII.

Neurofibromatose familiale. Cheiromégalie

unilatérale (Roubinovitch et REGNAULT de

la SOURDIÈRE), LIV et LV.

Noyau rouge, connexions corticales (La

Salle ANCIIwAtawULT), XXXV à XXXVIII,

Paraplégie type Babinski (Coyon et Barré),

XXII à XXV.

Polydactylie et tératome hypophysaire

(Bertolotti), IV à X.

Poly-syndactylie (KLIPPEL et Rabaud), XLIV V

à XLVI.

Raynaud (Maladie de - chez une démente)

(Marchand et UssE), XIII.

Sclérose médullaire transverse (RÉVILLI 01»,

LI1.

Souvent femme varie (Il. 111aLDS), XXX et

XXXI.

Spasme à bascule de l'orbiculaire des pau-

pières (Mendicisi et ARTOM), XI.

Stéréotypies (CIIARON et COURBON), XXIX.

Syndactylie (KLIPPEL et RABAUD), LIX.

Zona et paralysie radiculaire (Souques,

BAUDOUIN et LANTUJOUL), XLV11.

, Le gérant : 0. PORÉE.

Imp. J. Thevenot, Saint-Dizier (Haute-Marne)