(1885) Recherches cliniques et thérapeutiques sur l'épilepsie, l'hystérie et l'idiotie : Compte-rendu du service des épileptiques et des enfants idiots et arriérés de Bicêtre pendant l'année 188
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(1885) Recherches cliniques et thérapeutiques sur l'épilepsie, l'hystérie et l'idiotie : Compte-rendu du service des épileptiques et des enfants idiots et arriérés de Bicêtre pendant l'année 188

RECHERCHES

SUR

L'ÉPILEPSIE, L'HYSTÉRIE

ET

L'IDIOTIE

PUBLICATIONS DU PROGRÈS MÉDICAL

RECHERCHES

CLINIQUES ET THÉRAPEUTIQUES

sur Pal

L'ÉPILEPSIE, L'HYSTÉRIE

ET

L'IDIOTIE

COMPTE RENDU DU SERVICE DES ÉPILEPTIQUES S

ET DES ENFANTS IDIOTS ET ARRIÉRÉS DE BICÊTRE

PENDANT L'ANNÉE 1884

PAR

BOURNEVILLE

MÉDECIN DE 131C-TE(B

BUDOR, DUBARRY ET LEFLAIVE

INTERNES DU SERVICE

ET

P. BRICON

DOCTEUR EN MÉDECINE

Volume V avec onze figures, cinq planches et un plan.

PARIS

AUX BUREAUX DU

PROGRÈS MÉDICAL

14, rue des Carmes, 14.

A. DELAHAYE & E. LECROSNIEft

ÉDITEURS

Place de l'École de Médecine.

1885

PREMIERE PARTIE

Historique. Statistique.

La nouvelle section.

Assistance des enfants idiots, et

HOÛRNEVILLE 188L

PREMIERE PARTIE

Histoire du service pendant l'année 1884.

La nouvelle section.

Assistance à domicile des enfants idiots.

I.

SITUATION DU SERVICE. ATELIERS.

AMÉLIORATIONS DIVERSES.

La situation générale du service n'a pas changé.

L'encombrement dans les dortoirs, les classes, les

réfectoires est même allé s'aggravant chaque jour.

Nous n'avons pas à y revenir ni à rappeler l'horrible

situation de ce qu'on appelle l'infirmerie. Les travaux

en cours d'exécution sur lesquels nous allons donner

do longs détails, nous consolent en nous faisant espérer,

dans un avenir prochain, une heureuse et complète

transformation.

Nous rappellerons que le service comprend les épi-

leptiques adultes et les enfants. Ceux-ci se divisent

en trois catégories principales : 1° les enfants idiots,

gâteux, épileptiques ou non, mais invalides et répu-

tés incurables j 2° les enfants idiots, gâteux ou non,

épileptiques ou non, mais valides; 3° les enfants

propres, valides, imbéciles, arriérés, épileptiques ou

non. .

Il PETITE ÉCOLE.

I. Les enfants de la première catégorie {invalides)

continuent à séjourner, comme nous l'avons dit autre-

fois, dans le local qui sert d'infirmerie. On leur apprend

à se tenir sur les jambes, à marcher, à se servir de la

cuiller ; on essaie de les rendre propres en les plaçant

sur des vases plusieurs fois par jour. Toutefois, ces

essais d'enseignement physique se font d'une façon peu

régulière, en raison de l'insuffisance du personnel et

de l'absence d'installations convenables.

II. Enfants idiots, gâteux ou non, épileptiques ou

non, valides. - Petite école. Les enfants de ce groupe

fréquentent la petite école confiée exclusivement à des

surveillantes et à des infirmières. Le matériel scolaire

s'est enrichi d'un grand nombre d'objets : 1° d'un esca-

beau pour apprendre aux enfants à monter, ou à des-

cendre les marches et à sauter ; 2° de vingt règles de

5, 10, 15,... 100 centimètres afin de donner aux élèves

la notion des longueurs ; 3° de solides en bois de trois

dimensions (sphères, cubes, cylindres, cônes, prismes)

destinés à faire connaître ces figures aux enfants et

aussi à leur faire distinguer les différences de volume;

4° d'un tableau des surfaces dans lequel sont dessinés

en creux un des triangles, un carré, un rectangle, un

trapèze, un cercle, etc., et sur lesquels s'appliquent des

figures analogues ; 5° de deux brouettes qui servent à

enseigner aux enfants à tirer, à pousser, etc. ; 6° de

lettres en bois de 7 centimètres 5 qui s'appliquent sur

des lettres imprimées de même dimension, collées sur

des cartons; 7° d'un livre d'étoffes destiné à inculquer

aux enfants la notion des tissus et en môme temps à

développer le sens du toucher.

96 enfants ont été inscrits à la petite école dans le

cours de l'année; sur ce nombre, 3 sont décédés, 4 sont

sortis ; 1 est passé dans la seconde section des aliénés;

5 sont restés longtemps à l'infirmerie. Les 83 autres

ont participé avec régularité à l'enseignement.

GRANDE ÉCOLE. III

11 enfants ont pu être envoyés à la grande gymnas-

tique ; les 72 autres ont été exercés à la gymnastique

Pichcry. 29 enfants se servent de la cuiller, de la four-

chette et du couteau ; 29 de la cuiller et de la four-

chette ; 25 de la cuiller seulement. Il y a 58 enfants en

pantalon (propres) et 25 en robe (gâteux valides).

Nous n'insisterons pas sur tous les détails de l'ensei-

gnement. Nous nous bornerons à rappeler qu'on ap-

prend à ces enfants à manger proprement, à se laver, à

s'habiller, se déshabiller, à boutonner, lacer, cirer,

balayer, etc.; à connaître les objets qui les environnent,

à distinguer les formes, les couleurs, etc., et que les

plus avancés seuls apprennent à lire, écrire, compter, etc.

Lorsqu'ils ont acquis un certain développement intel-

lectuel et physique, ils passent dans la première caté-

gorie et suivent les exercices de la grande école.

III. Enfants propres et valides, imbéciles; arriérés,

épileptiques, hystériques ou non. Grande école.

Le personnel enseignant de l'Ecole est resté le

même. Les agents secondaires, les garçons de classe,

qui sont de simples infirmiers, ne reçoivent pas de la'

part de l'Administration les encouragements néces-j

saires pour les fixer. Si, par hasard, nous en trouvons'

qui s'acquittent convenablement de leurs difficiles'

fonctions, l'Administration, pour un léger changement

de grade, les déplace au lieu de leur donner ce modeste

avancement sur place (1).

L'instituteur, M. Boutillier, fait tous ses efforts pour

nous seconder. Loin d'arrêter son initiative, nous la

provoquons, et c'est avec plaisir que nous avons con-

(1) Nous parlons de la nomination d'un Ínfirmier de la 'te section,

par exemple, à la Ire section de son grade. II va de soi que, lors-

qu'un infirmier est nommé sous-surveillant il doit changer de ser-

vice. Nos garçons de classe ont des grades tout à fait inférieurs,

alors que les aides charretiers et le vacher, par exemple, ont le

grade de suppléants.

IV ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL.

senti, sur sa proposition, à faire subir les épreuves

pour le certificat d'études à dix enfants. Ils ont passé

leurs examens avec les enfants du canton de Villcjuif.

Tous ont été reçus : l'un d'eux est arrivé le premier.

Afin d'exciter encore l'émulation des élèves, nous

avions demandé à M. le président de la Société pour

l'instruction élémentaire, l'autorisation de présenter

un certain nombre d'enfants pour le certificat du 3° de-

gré. Cette autorisation nous avait été gracieusement

accordée. Malheureusement, les formalités administra-

tives nous ont empêché d'en profiter. Peut-être trouve-

rons-nous, une autre année, un concours plus facile.

Le matériel s'est enrichi de divers objets, notamment

d'une collection de solides en bois et d'un tableau des

surfaces plus complet que celui de la petite école ; -)

d'une collection de cartes noires données par M. Da-

voust, conseiller municipal, etc.

Les enfants qui ont fréquenté la grande école en

1884, étaient au nombre de 95 le 1er janvier et de 103

au 31 décembre.

Enseignement professionnel. - Ateliers. - Nous

avons tracé, l'an dernier, une description complète des

ateliers, et, de plus, nous avons donné une reproduc-

tion des plans. A la fin de 1883, trois ateliers seule-

ment fonctionnaient régulièrement, ceux de menuise-

rie, depuis le 26 août 1882; de couture et de cordon-

nerie, depuis le 8 octobre 1883. La population ayant

augmenté, nous avons ouvert l'atelier de le

16 janvier 1884 et celui de vannerie et de rempaillage,

le 20 octobre. Il ne nous reste plus que deux ateliers à

utiliser ; nous le ferons lorsque la population de la sec-

tion atteindra le chiffre prévu, c'est-à-dire 400 (1).

Les apprentis sont divisés en deux groupes : les uns

(1) Nous espérons alors obtenir la création d'une place de maille

jardinier et utiliser un certain nombre d'enfants aux travaux hor-

ticoles.

EVALUATION DU TRAVAIL. V'

viennent travailler le matin, les autres le soir et, afin qu'ils

participent à tous les exercices scolaires, nous intervertis-

sons l'ordre des séries chaque somaine, c'est-à-dire que

la série du matin devient la série du soir au bout do

8 jours. Les maîtres, MM. Leroy, Perche, Alène, Bénard

et Marchai se sont acquittés avec beaucoup de zèle et do

dévouement do leur tâche si difficile et parfois si in-,

rate, et méritent d'être encouragés par l'Administration. -

Lo tableau suivant montre que les faits justifient les

éloges que nous leur adressons.

VI avantages DU travail.

L'évaluation du travail des enfants donne, en chiffres

ronds, 13.600 fr. ; mais il est inférieur à la réalité en ce

sens que, si les travaux de menuiserie et de serrurerie

sont évalués d'après les tarifs ordinaires, ceux de van-

nerie, d'après les tarifs du Magasin central des hôpi-

taux, un peu inférieurs, croyons-nous, aux prix de la

ville, il n'en est plus de même des travaux de cordon-

nerie et de couture, évalués d'après les prix payés aux

vieillards et aux aliénés de l'hospice, prix inférieurs de

plus de moitié à ceux de la ville (1).

Si, maintenant, nous déduisons de ces 13.600 fr. la

somme payée aux maîtres, à raison de 6 fr. 50 par

jour (2), soit 9.867 fr., nous voyons que le travail des

enfants, qui n'est encore qu'en voie d'organisation, a

procuré à l'Administration un bénéfice de 3.733 fr.,

somme qui ira chaque année en augmentant.

A nos yeux, c'est là une considération secondaire, car

la création des ateliers spéciaux a fait disparaître les

graves abus que nous avons signalés dans nos précé-

dents Comptes rendus et elle rend aux enfants d'incon-

testables services sur lesquels tout le monde trouverait

superflu d'insister (3).

Le nombre des enfants qui ont bénéficié de l'en-

M. le Directeur de BicêtJ'e 111'eçu cles instructions it ce sujet. »

Le lendemain nous allâmes montrer la lettre do M. Quentin il

M. le Directeur qui nous affirma que ni lui, ni l'économe n'avaient

reçu d'instructions sur le point en question. Il est évident que

M. Quentin était mal renseigné. Le Directeur de Bicétre parla de

ma démarche, et le 8 octobre il reçut enfin les ordres nécessaires.

(1) Un paletot de vieillard est payé (couture), 4 fr. au magasin

central et 1 fr. 60 à Bicétre.

(2) Ils ne sont ni nourris, ni logés, etc.

(3) Un autre résultat, important, est le suivant. De tout temps,

il en est encore ainsi, l'habillement des enfants a laissé énormé-

ment à désirer. Très souvent les enfants n'avaient pas de vêlements

à leur taille. On prenait les pantalons des adultes détériorés ; on

rognait les jambes, on rétrécissait la ceinture et on donnait les

pantalons ainsi arrangés ( ? ) aux enfants. Depuis l'installation de

l'atelier de couture, la situation s'est améliorée, si elle n'est pas

parfaite c'est que la quantité d'effets est tout à fait insuffisante.

PROMENADES ET DISTRACTIONS. VII

seignement professionnel s'est sensiblement accru,

ainsi que le montrent les chiffres ci-après \

VIII VISITES ET CONGÉS.

tion (1), au Musée des Arts industriels, à l'Exposition

des diamants de la couronne, à l'Exposition des Arts

décoratifs (2). De plus, un certain nombre d'enfants ont

pris part avec succès aux concours de gymnastique do

Bourg-la-Reine et do Montsouris.

c) Enfants de la petite école.-Tous font do petites

promenades dans les cours ot les jardins de l'établis-

sement ou dans le voisinage, été comme hiver. Ces

promonades servent à leur instruction en co sens que

leurs maîtresses les interrogent sur les objets, les ani-

maux, les plantes, etc., qui frappent leurs yeux.

Notons enfin des distractions diverses, et, notamment,

le concert que donnent chaque année les frères Lion-

net, des distributions de jouets, des séances de lanterne

magique. Nous organiserons l'an prochain, à moins

d'obstacles imprévus, des séances de projections à la

lumière oxydrique.

Visites, permissions de sortie, congés. - Les ma-

lades adultes ont reçu 2200 visites et les enfants 3153.

Les visiteurs ont été au nombre de 8522. Voici mainte-

nant la statistique des permiss ions de sortie et des

congés :

BAINS, HYDROTHERAPIE, ETC. IX

Nous n'avons qu'à nous louer d'avoir provoqué l'au-

torisation préfectorale afin de donner le plus de liberté

possible à nos malades. Les permissions do sortie, les

congés leur rendent service, font plaisir aux familles,

maintiennent les liens d'affection et nous aident puis-

samment au point do vue de la discipline et du travail,

les malades récalcitrants sachant qu'ils peuvent êtro

privés de cette faveur.

Vaccinations et revaccinations. De même que

les années précédentes, depuis que nous sommes à la

tête du service (1879), il a été procédé à la vaccination

ou à la revaccination d'une partie des malades (22) en-

trés dans l'année (1). Cette petite opération est pratiquée

par les élèves infirmières de l'Ecole de Bicêtre, sous

notre direction et celle de nos internes. Cette pratique

devrait être suivie dans tous les services hospitaliers ;

on diminuerait ainsi le champ qu'on laisse, par insou-

ciance, aux épidémies de variole, et on rendrait proba-

blement inutile la construction d'un hôpital de varioleux.

Service dentaire. - Ce service, institué sur notre

demande et confié à un spécialiste des plus distingués,

M. le Dr Cruet, ancien interne des hôpitaux, continue à

rendre de grands services à nos malades.

Bains et hydrothérapie. - Aucune modification à

signaler dans les installations. Voici le relevé de l'année :

X ATLAS ET MUSÉE.

Photographies. Moulages. Musée. - Notre collec-

tion s'est enrichie en 1884, de nouvelles photographies,

soit de nouveaux malades, soit de malades anciens

ayant présenté des modifications en bien ou en mal et

de 23 moulages de la tête des malades décédés ou de

malformations. Nous n'avons que des félicitations à

adresser à MM. Hubert, chef de l'atelier de la tonnelle-

rie et Hurel, surveillant de la Sûreté, chargés, le pre-

mier de la photographie, le second du moulage.

Nous avons fait photographier tous les cerveaux des

malades et constitué ainsi des Atlas d'autant plus inté-

ressants, que les observations des malades sont prises

aussi soigneusement que possible. Nous avons de la

sorte tous les éléments nécessaires à l'organisation

d'un véritable Musée pathologique.

STATISTIQUE. XI 1

II.

STATISTIQUE. MOUVEMENT DE LA POPULATION.

Le 1°` janvier 1884, la section contenait 30o malades

ainsi répartis : 123 aclultes épileptiques (53 aliénés et

70 réputés non aliénés) et 182 enfants (épileptiques,

hystériques, idiots, arriérés, etc.). Le tableau suivant

résume le mouvement de la population en 1884 :

XII DÉCÈS.

DÉCÈS. XIII

XIV DECES.

DÉCÈS. XV

PERSONNEL DU SERVICE. XVII

M. Pény; d'un maître de gymnastique, M. Goy, et de

quelques administrés de l'hospice; d'un surveillant,

M. Agnus; d'un sous-sur veillant, M. Lantin; de trois

sous-surveillantes, l\1lle Blanche Anus) Mme Jolliot,

Mlle Berthe Langlet (qui a remplacé 11"° J. Agnus); de

deux suppléantes, Miles As Bohain et Thierry Sarrazin;

de 2 infirmières de 1" classe ; de 7 infirmières de

2° classe; de 3 infirmiers de 1 re classe; de 2 infirmiers

de 2e classe.

li enseignement professionnel est confié à MM. Le-

roy, maître menuisier; Alêne, maître tailleur; Perche,

maître cordonnier ; Bénard, maître serrurier, et Mar-

chai, maître vannier.

Nous avons demandé diverses améliorations, et no-

tamment des promotions et la nomination d'un institu-

teur-adjoint. Espérons qu'olles seront réalisées dans le

courant de 1885. L'intérêt que le nouveau directeur de

l'Assistance publique, M. le Dr Pcyron, nous a paru

porter au sort des malheureux enfants de Bicêtre nous

permet de l'espérer.

XVIII . LA NOUVELLE SECTION.

III.

LA NOUVELLE SECTION.

Dans les précédents Comptes rendus, nous avons donné

une description complète de la situation sordide de l'an-

cienne section des enfants. Nous avons rappelé les efforts

faits en vain par nos prédécesseurs, MM. Delasiauve,

A. Voisin, J. Falret, pour obtenir même les plus minimes

améliorations. Enfin, nous avons reproduit des extraits de

nos rapports au Conseil général de la Seine, concernant

ce service et concluant à la création d'une section spéciale

pour 200 enfants : 1° afin de faire cesser un état de choses,

honteux pour l'Administration de l'Assistance publique;

2° afin de procurer des lits à des enfants inscrits depuis

longtemps à l'Administration de l'Assistance publique ou

attendant au Bureau d'admission de l'Asile clinique(Sainte-

Anne) ; 3° afin aussi de ne plus transférer d'enfants dans

les asiles de province,où ils ne reçoivent, en général, aucune

instruction et où ils se trouvent tout à fait privés des visites

affectueuses de leurs familles.

Ce voeu a été adopté par le Conseil général en février

1878 et renouvelé au mois de novembre de la même année.

Le directeur de l'Assistance publique, M. Môring, fit dros-

ser un programme des travaux par M. Brelet, alors inspec-

teur chargé de l'hospice de Bicêtre et aujourd'hui secrétaire

général. Plein de confiance en ses connaissances, celui-ci

dressa un programme sans étudier les établissements étran-

gers - puisqu'il n'y en a pas en France - consacrés aux en-

fants idiots et sans songer, même un instant, à consulter

les médecins de la Salpêtrière (M. Delasiauve) et de Bicêtre

(M. J. Falret), chargés des services spéciaux. C'est d'après

ce singulier programme que M. Gallois, architecte, dressa

les plans et les devis de la section. Le projet fut introduit

TABLEAU DE L'ANCIENNE SECTION. XIX

en octobre 1879 au Conseil de surveillance, qui chargea

notre ami, le Dr H. Thulié, de l'examiner. z

Vers la fin du mois de novembre 1879, quelques semaines

après notre nomination de médecin de l'hospice de Bicêtre,

la Commission de l'Assistance publique du Conseil géné-

ral vint, suivant sa coutume, visiter la division des aliénés.

Son président, M. Thulié, en profita pour nous montrer le

projet de la nouvelle section, en provoquant nos remar-

ques. Un examen rapide nous fit voir que ce projet ne ré-

pondait pas aux vceux du Conseil général : il n'était fait

que pour 120 enfants, et il y en avait 125 dans la vieille

section; il y en avait 7 au Bureau d'admission de l'Asile

Sainte-Anne, attendant des places; il y en avait une tren-

taine d'autres inscrits à l'Assistance publique.

Non seulement le projet ne permettait pas de faire face

aux besoins actuels, mais la première mesure qu'il y aurait

eu à prendre, en le supposant exécuté, consistait à procé-

der à un transfert, contrairement aux intentions du Con-

seil général. Nous fîmes ressortir aussi les graves incon-

vénients que, suivant nous, présentait une construction de

trois étages au-dessus du rez-de-chaussée pour des enfants

infirmes, paralysés, et pour des enfants épileptiques, ex-

posés à des chutes dangereuses. Dans le but de remédier

au premier inconvénient, c'est-à-dire à l'insuffisance des

lits, nous proposâmes de transformer en dortoirs les locaux

affectés à l'école et de construire une école entre le bâtiment

projeté, 84, et le gymnase, 53 (voirie Plan); cette modifica-

tion, qui donnait 40 lits, soit au total 160, parut juste à

M. Thulié, qui la fit adopter par le Conseil de surveillance.

Le projet, ainsi modifié, fut introduit au Conseil municipal

le 13 avril 1880. Le rapport du Directeur de l'Assistance

publique était ainsi conçu :

Rapport z, Monsieur le Sénateur Préfet de la Seine.

Monsieur le Préfet,

L'administration de l'Assistance publique se préoccupe depuis

quelques années, du moyen d'améliorer le service des Enfants

idiots et épileptiques de l'Asile de Bicêtre et de déférer, à ce

sujet, au voeu du Conseil général de la Seine. Ce service est

en effet dans les conditions les plus déplorables. Il ne forme

XX LÀ SITUATION EST INTOLÉRABLE. -

pas une section à part, et se trouve oonfondu avec celui des-'

adultes-épilcptiques. Les localités affectées aux enfants sont

èparses dans toute la section : ici, un bâtiment court et étroit

n'ayant qu'un rez-de-chausséo et un étage ; là, une partie do

rez-de-chaussée et un premier étage d'un grand bâtiment à

quatre étages, dont le reste est affecté à d'autres malades

adultes ; sur un troisième point, un hangar fermé, servant de

chauffoir ; et, enfin, à l'extrémité de l'établissement, un gym-

nase avec préau.

Les services généraux, tels que classes, réfectoires, offices,

bains, lavabos, cabinet du surveillant et magasins, occupent

le rez-de-chausséo. Les dortoirs, au nombre de. deux, sont

installés au premier étage du bâtiment spécial aux enfants et

du bâtiment des adultes. La Classe et le réfectoire sont à peine

éclairés et insuffisamment aérés. Ils sont peu spacieux et

donnent un cube d'air tout fait dérisoire. Aussi, ces loca-

lités sont-elles froides, humides et malsaines.

Les dortoirs sont également insuffisants ; de plus, ils ont le

grave inconvénient de renfermer pêle-mêle et confondus les

uns avec les autres, des enfants dont l'âge varie et dont

l'affection diffère. Il n'existe pas d'infirmerie spéciale; les

malades sont réunis aux enfants gâteux dans une même salle.

Il y a là, au point de vue de l'hygiène, une situation qui ne

SAURAIT ÊTRE TOLÉRÉE PLUS LONGTEMPS.

Le service actuel est encore défectueux au point de vue de

l'organisation du personnel servant. Il n'y a pas de direction

spéciale. Les enfants ne sont pas d'une manière immédiate et

constante sous les yeux d'employés, les suivant dans tous

leurs mouvements, les accompagnant dans tous leurs exer-

cices. A part quelques heures passées avec l'instituteur, ils

sont presque exclusivement remis entre les mains do serviteurs

d'un ordre secondaire, et ces serviteurs sont tous, ou à peu

près, des hommes qui apportent tout leur bon vouloir à leurs

fonction ? mais sont par nature, peu aptes aux mille soins do

propreté que réclament leurs petits malades, et n'ont pas ce'

dévouement charitable que les femmes possèdent à un si haut-

degré. Une reforme sérieuse est à faire à ce sujet. Il faut

assurer à ces pauvres enfants une surveillance de tous les

instants ; il faut les confier à un personne) choisi de femmes

qui ne les quittent pas et soient toujours avec eux dans les

dortoirs, dans les classes, dans les réfectoires, dans les

récréations (i) ; il faut enfin, multiplier autour d'eux, les

(li Ainsi que nous l'avons dit (Compte 1'enrlude 1880, p. XVIII),

quelques. jours après la prise de possession du service, nous nous

CONDAMNATION DE L'ANCIEN SERVICE. XXI

moyens d'instruction et d'éduoation afin d'éveiller de déve-'

lopper leur intelligence en môme temps qu'on améliore leur-

état physique. "

En résumé, sous le rapport matériel et sous le rapport

moral, le service actuel des enfants idiots et épileptiques-

DOIT ÊTRE IRRÉVOCABLEMENT CONDAMNÉ, et il convient, SANS,

plus tarder, de porter remède à un état de choses qui Co)11-

promet le bien-être de toute une population si intéressante

par ses souffrances, par ses misères et par son âge.

Après avoir longuement étudié cette réforme et examiné les

différentes solutions pratiques et réalisables, je me suis arrêté

au projet que j'ai l'honneur de soumettre aujourd'hui à Mon-

sieur le Sénateur Préfet.

Ce projet, qui comporte la création d'une section spéciale et

complètement isolée des services d'adultes, nie paraît devoir

donner satisfaction aux légitimes préoccupations du Conseil

général et de Monsieur le Préfet (1).

L'emplacement choisi pour la création de cette nouvelle sec-

tion est situé à l'extrémité de la division des aliénés, sur la par-

sommes occupé des 50 enfants idiots abandonnés aux soins de

doux infirmiers changeant tous les 2 ou 3 mois, les gardant comme

un troupeau. Nous avons demandé deux infirmières jeunes et un

infirmier âgé, le Directeur de l31cêtré a transmis notre demande

au directeur général qui a répondu qu'il n'était pas possible de

confier à des femmes des enfants de ce genre. Nous avons insisté

disant que, entre notre opinion et celle du directeur général, l'ex-

périence avait prononcé ; que, en Angleterre, filles et garçons

étaient réunis et confiés, sauf les grands, il des femmes jeunes, et,

autant que possible, de physionomie agréable. Le Directeur géné-

ral déclara qu'il trouvait l'expérience détestable, mais qu'il con--

sentait, en raison de mon insistance, iL donner deux infirmières

âgées d'une quarantaine d'années. Nous répondîmes que, en recula-

mant des infirmières jeunes, nous étions inspiré par le désir d'avoir

des intelligences malléables. susceptibles d'apprendre et d'enseigner, -

et aussi de pouvoir, une fois dressées à l'enseignement spécial que-

nous cherchions à introduire, rendre durant longtemps des services

il' l'Administration ; nous terminions en disant que, puisque ces

raisons n'étaient pas convaincantes, nous accepterions les deux.

infirmières âgées d'une quarantaine d'années. Notre surveillant,

M. Agnus, plus confiant que l'Administration, ayant offert ses

deux jeunes filles, l'Administration céda. On voit par le passage

du rapport que l'Administration n'a pas été longue à s'approprier

l'honneur d'une petite amélioration qu'elle combattait quelques

jours auparavant.

(1) Ceci était vrai pour le Conseil général, mais il n'y a nulle

trace des préoccupations do M. le Préfet sur ce sujet. C'était là une

flatterie bien inutile.

XXII ' LA NOUVELLE SECTION.

tie sud-ouest du plateau qui domine la vallée de la Bièvre (1).

Il est suffisamment spacieux et éloigné des autres construc--

tions. Sur ce terrain s'élèverait un bâtiment destiné à conte-

nir 160 lits d'enfants, 16 lits d'infirmerie et 8 lits pour l'isole-

ment des affections contagieuses. Ce nombre de lits serait

parfaitement suffisantpour le traitement des enfants idiots et

épileptiques, valides ou gâteux (2), et nous pourrions en même

temps réaliser une amélioration importante dans ce service,

en classant les malades d'après l'âge et les infirmités. La popu-

lation actuelle se compose de 125 enfants : 63 valides, 62

gâteux. La proportion des gâteux est des deux tiers pour les

enfants de à 12 ans et d'un tiers pour les enfants de 13 à 17 ans.

Ces indications permettent de 'poser la base du classement

des malades par âge et par infirmité. Nous les répartissons en

deux divisions : la Division des grands (13 à 17 ans), 80 lits ;

2° Division des petits(4 à 13 ans), 80 lits.

Nous établissons dans chaque division deux sections : les

valides et les gâteux ; chaque section est à son tour subdivisée

en un certain nombre de groupes correspondant à des séries

d'âge et à des catégories d'infirmités (3).

Les malades des divisions des grands et des petits seraient t

recueillis dans une infirmerie commune composée de deux

salles de huit lits. En outre, une salle d'isolement de huit lits

serait spéoialement affectée au traitement d'affections conta-

gieuses.

La construction à élever consisterait en un bâtiment ayant

un rez-de-chaussée, deux étages carrés et un troisième étage,

également carré, pour la partie centrale, mais sous brisis pour

les ailes. La longueur du bâtiment mesurerait environ 80

mètres. La partie du milieu formerait pavillon en saillie sur

les deux ailes.

Dans le terre-plein, sous ce bâtiment, on placerait les fosses

mobiles. Par le fait de la différence de niveau des sols, ces

(t) C'est l'emplacement que nous avions indiqué dans nos rap-

ports, au nom de la Commission de l'Assistance publique.

(2) L'auteur de ce programme, M. Brelet, sur lequel s'est ap-

puyé le Directeur de l'Assistance publique pour formuler cette af-

firmation, a péché, ici encore, par ignorance. S'il avait additionné

le chiffre des enfants de Bicêtre, le chiffre des enfants alors au

bureau d'admission, celui des enfants en instance d'admission il.

l'Assistance, il aurait vu qu'il était bien au dessous des besoins du

moment (Voir p. XIX).

(3) Inutile de dire que cette classification administrative est

en partie fantaisiste.

PREMIER PROJET. XXIII

fosses seraient de plein-pied avec le terrain en contre-bas du

côté de la vallée. En avant serait construit un égout en rem-

placement de celui existant, qui ne peut être conservé. Voici

les dispositions projetées pour chaque étage : z

1° Au rez-de-chaussée, dans le pavillon central, les cabinets

de la surveillante et de l'instituteur, une bibliothèque et un

magasin, les réfectoires, les bains, les lavabos, une office et

des débarras. Dans les ailes de ce rez-de-chaussée deux dor-

toirs de 10 lits chacun pour la division des grands et deux

dortoirs de 10 chacun pour la division des petits. Ces 40 lits

placés à ce rez-de-chaussée seraient destinés aux enfants

infirmes, pour lesquels l'ascension d'un escalier constitue un

véritable danger ou une gêne de service s'il faut les porter à

bras (1).

2° Au premier étage, dans le pavillon central, l'infirmerie

avec office et baignoire, le cabinet du médecin, une lingerie,

un vestiaire, les dortoirs des infirmières de jour et de nuit;

l'infirmerie contiendra 16 lits ('2). Dans les ailes de ce premier

étage, deux dortoirs de 10 lits chacun pour la division des

petits.

3° Au deuxième étage, dans le pavillon central, chambres

d'isolement avec office et baignoires ; les logements des sous-

surveillantes de l'infirmerie, les dortoirs des veilleuses du ser-

vice des gâteux, et quelques chambres de suppléantes et des

magasins. Les deux chambres d'isolement contiendront cha-

cune quatre lits. Dans les ailes du deuxième étage, deux dor-

toirs ayant chacun 10 lits pour la division des grands et deux

dortoirs ayant chacun 10 lits pour la division des petits.

4° Au troisième étage, dans le pavillon central, les logements

de la surveillante, du maître-adjoint, de la maîtresse-adjointe ;

quelques chambres pour les serviteurs. Dans les ailes, deux

dortoirs de 10 lits chacun pour la division des grands et deux

dortoirs de 10 lits chacun pour la division des petits. Les 40 lits

de ce troisième étage ne seraient utilisés qu'en cas de complète

occupation des étages inférieurs, et au sur et à mesure des

besoins du service. Des cabinets d'aisances et des lavabos

existent à tous les étages.

(1) Dans le projet primitif, le rez-de-chaussée était occupé par

l'école et ces enfants étaient au second étage : alors M. Brelet ne

trouvait pas d'inconvénient aux escaliers.

(2) Ce nombre était absolument insuffisant, au moins du double.

Il n'y avait, pour s'en rendre compte, qu'à visiter l'infirmerie du

Dépôt. -

XXIV PREMIER PROJET.

En résumé, le pavillon central serait uniquement consacré.1

aux logements et aux sorvicos généraux; les ailes, aux divi-

sions des enfants. Le nombre des lits pour la division des

grands serait de- 80; la division des petits compterait égale-.

ment 80 lits; l'infirmerie générale, 16 lits, et les chambres

d'isolement, 8 lits ; soit au total -1Si lits.

En face le bâtiment principal, dont je viens d'indiquer les

aménagements, serait construite une annexe destinée à l'école.

Cette annexe, couvrant 350 mètres superficiels, renfermerait

quatre grandes classes ou préaux, avec pièces accessoires,

lavabos, latrines, etc. Ces localités s'ouvriraient sons un auvent

se rattachant 1\ une galerie légère, parallèle au Marais et fer-

mée de ce côté par un vitrage; cette galerie relierait le grand

bâtiment et le service scolaire ot permettrait d'y arriver zut

couvert.

Le chiffre de la dépense proposée pour cette annexe du

bâtiment principal d'habitation peut paraître au premier abord,

un peu élevé; mais il faut remarquer que cette construction,

qui couvrira une grande étendue de terrain, est prévue avec

des fondations de deux mètres; que les parties basses nous

obligeront à employer des matériaux de choix pour éviter

l'humidité et conserver les parquets qui devront être on bois

de chêne. En outre, ce bâtiment annexo devra, à cause de la

situation toute particulière des enfants idiots, être pourvu de

deux séries de lavabos et do cabinets d'aisances, avec tous

leurs accessoires, ainsi que d'urinoirs.

Envisagée sous ce point do vue, la dépense proposée n'a

plus rion d'exagéré ; le prix do revient n'est guère que de

170 fr. le mètre pour le bâtiment des classes et do 130 fr.

pour la galerie dont les fondations seront plus profondes par

suite de la disposition du sol.

En ce qui concerne le bâtiment principal, voici le modo do

construction que nous vous proposons. Les parties inférieures

des murs de face seraient en roche, ainsi que les piles d'angles'

et encoignures; les murs on moellons hourdés en mortier et

en plâtre avec enduits aux deux faces et assises courantes,

parpaings sous la partie des planchers et aussi avec parties en

moellon piqué apparent pour -former les encadrements des-

baies ; plusieurs parties d'avant-corps seraient également en

moellon piqué. Les entablements et bandeaux on pierre. Le

troisième étage du motif central en briques avec encadrement

de baios en moellon piqué et couronnement on pierre. Toutes

les allèges des croisées en briques apparentes; do même pour

les parois extérieures des tourelles des cabinets d'aisances

. PREMIER PROJET. XXV

dont l'ossature sera en fer. Les planchers en fer, les fanx-

planchers et la charpente des combles en bois, ainsi que les

escaliers. Le sol du rez-de-chaussée partie en ciment, partie

en chêne; les planchers des étages supérieurs en chêne, la

menuiserie en chêne et sapin. La couverture en ardoises ordi-

naires d'Angers pour les brisis, le surplus en zinc.

Au-devant des ailes on établirait une galerie légère en fer

et fonte, couverture en zinc et sol en bitume. Quant au petit

bâtiment affecté aux classes, la couverture serait en tuiles à

emboîtement. D'après les deux devis dressés par l'architecte,

la dépense s'élèverait, après révision, savoir :

XXVI INSUFFISANCE DE CE PROJET.

Ce projet fut introduit le 13 avril 1880 au Conseil muni-

cipal et renvoyé à la Commission de l'Assistance publique

qui nous chargea du rapport. Depuis le jour où notre ami

Thulié nous l'avait communiqué, nous avions pris soin, en

étudiant nos malades, de noter très exactement les besoins

du service, et lorsque nous eûmes en main le projet do

l'administration, nous avons pensé qu'une lourde respon-

sabilité pèserait sur nous, si, étant médecin de la section

des enfants, c'est-à-dire en mesure de connaître mieux que

qui que ce soit leurs besoins, nous engagions le Conseil

municipal à voler un projet qui ne leur donnerait pas la

satisfaction la plus complète.

Bien vite, nous reconnûmes au projet administratif de

nombreux défauts : insuffisance de la salle de bains ;

absence d'une salle d'hydrothérapie ; absence d'une sallo

de bains de pieds; insuffisance des locaux affectés au dépôt

du linge, des effets d'habillement, etc. ; absence d'ateliers;

aucune organisation pour le traitement du gâtisme ; in-

suffisance de chambres d'isolement destinées aux enfants

atteints de maladies contagieuses ; absence de cellules

pour les enfants agités, etc.

L'auteur du programme ne s'était pas mis en frais d'ima-

gination ; il copiait, en quelque sorte, les grands bâtiments

des sections d'aliénés, avec un rez-de-chaussée et trois

étages. En constatant chaque jour les difficultés du service

dans la vieille section commune aux enfants et aux épilep-

tiques adultes, en voyant qu'on laissait séjourner les en-

fants infirmes dans les dortoirs de l'infirmerie, précisé-

ment en raison du surcroit de travail qu'entraînait la des-

cente des escaliers; en observant les difficultés qu'éprouvent t

les enfants paralysés ou faibles à monter et descendre les

escaliers et les accidents graves auxquels ces montées et

ces descentes exposent les épileptiques, nous avons conclu

qu'un bâtiment de trois étages était radicalement mauvais

pour des enfants idiots, épileptiques, hémiplégiques, infir-

mes.

Le projet de l'administration écarté, nous avions l'ohli-

gation morale d'en présenter un autre. C'était là une tâche

lourde qui engageait fortement notre responsabilité. On

verra plus loin lp.xLVII), comment nous y sommes parvenus;

on verra aussi avec quel respect des prérogatives de l'Ad-

RAPPORT DE M. FERRY. XXVÎI

ministration nous avons procédé (p. xLv). On verra enfin

que le Conseil de surveillance et le Conseil municipal, après

avoir examiné le plan d'ensemble, ont voté la construction

immédiate des ateliers.

Pendant que s'élevaient les ateliers, nous poursuivions

énergiquement auprès de l'Administration la préparation : des plans et devis de la section. Pour vaincre les lenteurs

et malheureusement les résistances du Chef-lieu, nous

avons fait appel au préfet de la Seine et au secrétaire géné-

ral de la Préfecture qui, à cette époque, étaient M. Oustry

et M. Vergniaud. Tous deux connaissant les embarras que

causait au service des aliénés l'encombrement du Bureau

d'admission de l'Asile clinique, intervinrent à maintes re-

prises pour inviter l'Administration de l'Assistance publi-

que à presser cette affaire.

Enfin, l'Administration se décida à soumettre notre pro-

jet à son Conseil de surveillance; celui-ci en confia l'examen

à une commission spéciale. M. Emile Ferry, président

dudit Conseil, se chargea du rapport. Ce document a sa

place marquée ici; il montre d'une façon précise les senti-

ments d'hostilité de l'Administration contre le nouveau

projet, et les efforts tentés pour le faire échouer.

Rapport de la Commission chargée de l'examen du projet

de travaux relatif à la création d'un nouveau service

pour les enfants idiots et épileptiques à l'hospice de Bi-

cêtre, fait au Conseil de surveillance de l'Administration de

l'Assistance publique, par M. FERRY (1).

Messieurs,

Avant d'examiner au fond le projet qui est soumis à votre

appréciation, votre Commission, composée de MM. Nicaise,

Voisin, Goupy, Nast et Ferry, a pensé qu'il serait utile de

vous présenter quelques considérations générales sur l'hospi-

talisation des enfants idiots et épileptiques.

Les jeunes idiots ou épileptiques sont, vous le savez, Mes-

sieurs, des malheureux enfants qui, à de rares exceptions près,

doivent être considérés comme des non-valeurs sociales abso-

lues ; leur retour à l'état normal est peu supposable. L'intelli-

(1) Au nom d'une commission composée de MM. Ferry, Goupy,

Nast, Nicaise, F. Voisin.

XXVIil HOSPITALISATION DES ENFANTS IDIOTS.

gence et même la force physique leur font presque toujours

défaut. Pour quelques-uns, l'intelligence a encore une certaine

valeur quand ils entrent à l'hospice, mais elle va toujours en

s'amoindrissant, sous l'étreinte des crises incessantes qui les

accablent, jusqu'au jour où ils sont emportés par une crise vio-

lente qu'ils n'ont plus la force de supporter.

Le problème à résoudre qui se pose à la science et à l'admi-

nistration de l'Assistance publique, se résume donc en ceci :

prolonger le plus possible l'existence, fatalemont courte, de

. ces malheureux deshérités de la nature, adoucir leurs souf-

frances et espérer leur guérison, qui n'arrive presque jamais.

Cette situation est notamment vraie pour les idiots qui ne

sortent de l'hospice des enfants que pour entrer dans les ser-

vices d'aliénés, d'où ils ne sortent jamais. Nous sommes donc

en présence d'une pure question d'/tospttah'.sa'on (1).

En 1879, l'Administration a introduit dovant le Conseil de

surveillance le projet d'édification, à Bicétre, d'un service spé-

cial aux jeunes garçons idiots et épileptiques. Il aurait contenu

180 lits (2). Vous avez donné un avis favorable à cette création .

dont l'importance et la forme ont été profondément modifiées

par le Conseil municipal (3).

Aujourd'hui, la proposition vous revient notablement agran-

die, car il no s'agit plus d'un simplo service de 180 lits, mais

bien de la création d'un véritable hôpital spécial, contenant

47G lits, coûtant 2,800,000 francs, sans le mobilier qui ne peut

être évalué à moins de 700,000 francs, soit au total 3,500,000

francs, en chiffre rond (4).

Votre Commission a constaté le mauvais agencement du ser-

vice actuel des idiots et épileptiques. Les dortoirs sont insu(.

suants; les lits y sont les uns sur les autres; les escaliers sont

d'un accès assez difficile.

L'infirmerie est, elle aussi, très étroite et basse de plafond;

elle contient un trop grand nombre de lits pour la nature do

ceux qui les occupent ; presque tous ces enfants sont gâteux ;

un grand nombre d'entre eux sont des idiots qu'il est impos-

(1) Presque autant d'erreurs que d'assertions.

(2) Non, mais 100; les lits d'infirmerie ne doivent pas être

compris (Voir p. XXII).

(3) C'est là une erreur complète. Le Conseil s'est borné à

.renvoyer le dossier de ce projet à l'Assistance publique pour y

substituer le nouveau projet étudié, d'après notre programme, par

MM. Imard, inspecteur général ; Gallois, architecte; Ventujol,

directeur et nous, en qualité de médecin de la section (Voir p. X1.V/.

(4) '.00.000 francs de mobilier ! M. Ferry a au moins quadruplé

.cette dépense pour grossir le total. Pour 200 lits, la dépense s'éiève

à 75.000 fr.. ? ?

CRITIQUE DE L'ANCIENNE SECTION. XXIX

siblc de changer de place, tant ils sont impotents. On y res-

pire un air empesté.

Le lavoir (1) de propreté qui se trouve placé dans un mauvais

hangar est, lui aussi, insuffisant comme espace. Enfin, le

service est trop disjoint et nécessite des allées et venues con-

tinuelles. Le réfectoire est insuffisant. La classe d'études est

assez convenable. Le gymnase est aussi bien que possible.

Nous no parlons do l'atelier que pour mémoire, puisqu'un

bâtimont spécial s'édifie, on ce moment, pour remplacer letrou

qui porte ce nom et dans lequel G ou 8 eniants travaillent sous

la direction d'un contre-maître qui paraît intelligent.

l'our finir cette énumération, nous avons constaté, avec la

plus grande satisfaclio71, que le personnel cles surveillantes,

sous -surveillantes et infirmières laïques accomplit avec zèle

et dévouement la mission dont il est chargé. Il est vraiment

touchant de voir toutes ces femmes, jeunes et d'une parfaito

tenue, prodiguer leurs soins à tous ces enfants gâteux, idiots

ou épileptiques. Aucune d'elles ne semble découragée par le

travail souvent répugnant qu'elles accomplissent. Leurs visages

avenants font un singulier contraste avec ceux des abrutis qui

les entourent. Votre Commission verrait avec plaisir que M. le

Directeur voulût bien leur adresser les éloges et les encoura-

gements qu'elles méritent à tant d'égards, en y associant le

Conseil de surveillance.

La proposition qui vous est soumise est opportune en soi;

reste à examiner la question de savoir si le gros sacrifice de

3,f00,000 francs, nécessaire pour assurer l'exécution du projet

d'édification de bâtiments destinés a l'hospitalisation des

enfants idiots et épileptiques, doit obtenir d'urgence (2), la

préférence sur tous les travaux qui s'imposent à l'Assistance

publique, dans ses nombreux établissements. '

Les hôpitaux cl'enfan.ts malades sont absolument insuffi-

sants, vous le savez ; nous pouvons à peine y donner place

aux enfants atteints de maladies aiguës, qui y sont portés

(1) Il s'agit là du service de propreté destiné à traiter le gâtisme

en plaçant les enfants sur les sièges d'aisance à des intervalles

réguliers, et aussi à leur apprendre à se laver les mains et le visage.

(2) Cette urgence avait été reconnue par le Conseil de surveil-

lance puisqu'il avait voté le premier projet; clic l'était aussi par

l'Administration qui déclarait « qu'il aUalt là une situation

qui ne saurait être tolérée plus longtemps (p. xx), que le service

actuel devait être irrévocablement condamné et qu'il convenait

« sans PLUS tarder » d'y remédier (p. XXI). Ce qui n'empêche

pas que, quatre ans plus tard, et la situation ayant empiré, M. E.

Ferry conteste l'urgence des travaux 1

XXX RAPPORT DE f. E. FERRY.

chaque jour. En ce qui concerne les coxalgies et les scrofules,

l'inscription est tellement considérable quo certains malades

attendent leur tour d'admission pendant des mois entiers.

Il résulte de cet état de choses que certains enfants qui

auraient été parfaitement guérissables, s'ils avaient pu être

traités dès l'origine, ne sont admis que lorsque leur état s'est

tellement aggravé qu'il devient presque impossible de les

rendre à la santé. Et pourtant, si le nombre de lits était plus

considérable, ces malheureux enfants auraient pu être remis

sur pieds et par conséquent rendus à la société dans un état

à peu près normal.

Pourrait-il en être de même pour les idiots et épileptiques ?

Assurément non; l'augmentation du nombre do lits ne nous

rendra pas un citoyen français utilisable, à prendre parmi

eux.

Dans sa communication du 9 mars 1881, M. le Directeur do

l'Assistance publique vous a donné l'énumération des travaux

urgents à exécuter dans les divers établissements hospitaliers.

Il estime qu'une somme de 18,741,000 francs est nécessaire pour

les mener à bonne fin.

Une subvention de 6,000,000 de francs a été votée en 1881

pour commencer la série de ces travaux. L'emploi do cette

somme est actuellement bien déterminé ; la plupart des tra-

vaux sont en cours d'exécution.

Le Conseil municipal n'a pas encore statué sur cinq affaires

qui concernent les établissements de Necker, de Laônnec, de

la Maternité, de Bicêtre et de Sainle-Périne.

OPPOSITION AU NOUVEAU PROJET. XXXI

M. le Directeur a fourni, au mois d'août 1882, un nouvel

aperçu des grands travaux à exécuter dans les établissements

hospitaliers, pour la création de nouveaux services et la remise

en état des services existants. L'accomplissement de ce pro-

gramme nécessiterait l'emploi de ? 0,000,000 de francs, somme

qui viendrait se confondre avec celle de la première note de

1881.

Les 3,500,000 francs qu'il est nécessaire de se procurer pour

la création de l'hospitalisation des enfants idiots et épileptiques,

dont nous nous occupons , ne figurent pas dans cette longue

énumération de M. le Directeur, et cependant l'hospice de

Bicêtre, à lui seul, y représente l'emploi de 1,550,000 fr. et

80,000 fr. seulement ont été prélevés sur la subvention de

6,000,000.

Si vous voulez bien admettre que les filles idiotes et épilep-

tiques de la Salpêtrière sont aussi intéressantes que les garçons

atteints des mêmes maux, étant donné l'état de ce service a la

Salpêtrière, il n'y a aucune raison pour qu'une semblable

création ne soit faite à leur profit. ;La dépense à Bicêtre étant

de 3,500,000 fr. si vous attribuez pareille somme à la Salpê-

trière, pour le môme objet, il faudra trouver 7,000,000 de francs

en dehors des besoins de l'Assistance publique.

Avec une pareille somme on pourrait créer un hospice com-

plet, pour filles et garçons, à la campagne et rendre ainsi aux

deux établissements dont nous venons de parler, des locaux

qui seraient parfaitement utilisables. Nous soumettons cette

idée aux méditations de MM. les Membres duConseil Municipal,

avec la pensée que cette transplantation des jeunes idiots et

épileptiques à la campagne no pourrait qu'être très profitable

à ces malheureux enfants.

Sous le bénéfice de ces observations, votre Commission pense

que l'avis favorable au projet qui vous est soumis doit être

subordonné à cette réserve : que la construction des bâtiments

de Bicêtre, affectés à l'hospitalisation des idiots et épileptiques,

doit être considérée comme uno création spéciale, et ne pré-

judicier en rien à l'importance des allocations qui sont deman-

dées au Conseil Municipal par l'Assistance publique, pour

l'exécution des grands travaux dans les divers établissements

hospitaliers.

Quant au projet en lui-môme, il est parfaitement étudié, eu

égard à la déclivité du terrain sur doux sens. Le jardin ou

marais, dans lequel bon nombre d'aliénés sont occupés jour-

nellement, sera diminué d'importance par l'emprise néces-

saire à la construction des bâtiments à édifier. On peut se

demander si cette diminution de périmètre n'amoindrira pas

BOURNEVILLE 188 i....

XXXI ! RAPPORT DE M. E. FERRY.

outre mesure la possibilité de fournir du travail aux aliénés

tranquilles (1).

Ainsi que l'indique M. le Directeur dans son mémoire, on

commencerait par une première série de travaux s'élcvant à

1,380,000 fr.. auxquels il est bon d'ajouter environ 250,000 fr.

pour installation des appareils balnéaires et du service de pro-

preté (2) ainsi que du mobilier, soit 1,G30,000 fr. environ. Mais il

y a une difficulté suscitée par le génie militaire, à propos de

l'interprétation iL donner à l'article 2 du décret du 28 novem-

bre 1882, ainsi conçu :

Le génie militaire entend, par 0 ? 50 au-dessus du sol, la

hauteur prise sur le sol actuel ; d'où il résulte que, le terrain

ayant une déclivité d'environ 2 mètres do sud au nord, il fau-

drait, pour se conformer à la lettre du décret, construire des

bâtiments en pente, ce qui est inacceptable (3).

Il est donc nécessaire d'obtenir un nouveau décret autorisant

certains remblais qui puissent permettre des constructions

parfaitement horizontales. M. Gallois, architecte, pense que ce

décret sera facilement obtenu. En ce qui concerne la déclivité

de l'Est à l'Ouest, elle est à peu près de 15 mètres. On obviera

à cette déclivité par l'établissement d'escaliers ou do plans in-

elinés.En attendant l'obtention de co nouveau décret,sans lequel

toute l'économie du projet d'ensemble serait détruite, on com-

mencerait par édifier en dehors de la zono militaire :

RAPPORT DE M. E. FERRY. XXXUt

des allocations demandées par l'Assistance publique au Conseil

municipal, pour l'exécution des grands travaux indispensables

dans les établissements hospitaliers, notamment en ce qui

concerne les travaux des hôpitaux d'enfants que nous no cessons

de réclamer, nous vous proposons l'adoption du projet.

Si vous donnez votre approbation à cette conclusion, votre

Commission croit devoir insister pour que les travaux soient

poussés avec la plus grande vigueur. Elle constate qu'en

général les travaux entrepris dans les établissements s'accom-

plissent avec une lenteur désespérante, à laquelle il faut ajouter

la longue attente qui résulte de l'accomplissement des forma-

lités administratives préliminaires.

L'affaire qui nous occupe est introduite depuis près de cinq

ans. Jusqu'à présent le papier seul y a joué un rôle. Il est

donc indispensable d'en finir dans un sens ou dans l'autre.

Le dossier fut envoyé à la Préfecture de la Seine quel-

ques jours après l'approbation de l'étrange rapport de

M. E. Ferry par le Conseil de surveillance. Le préfet, qui

était alors M. Oustry, était fort embarrassé pour introduire

l'affaire au Conseil municipal, parce que l'Administration

de l'Assistance publique et le Conseil de surveillance

avaient eu le soin de ne pas indiquer sur quel crédit il était

possible de prélever la dépense nécessaire pour l'exécution

de la première partie des travaux. On espérait ainsi que le

projet serait enterré.

A force de persistance, nous sommes parvenus à dé-

montrer à M. le Préfet que, s'il introduisait le projet au

Conseil, il serait facile de trouver les ressources : 1° en

prélevant une partie sur la subvention extraordinaire de

trois millions que le Conseil avait donnée au mois de dé-

cembre à l'Assistance publique, et dont, avec ses lenteurs

habituelles, elle n'avait pas encore trouvé le moindreemploi,

bien que six mois fussent déjà écoulés et que le nombre

des voeux du Conseil signalant les travaux urgents fut

considérable ; 2° en obtenant du Conseil, sur les sommes

disponibles à la ville, le complément indispensable. M.

Oustry nous autorisa à nous mettre en rapport avec le

directeur des finances, M. Bertrand, et grâce à l'obligeance

de celui-ci, il fut convenu que l'on proposerait au Conseil

municipal de prélever 9G0.-281 fr. sur la subvention extra-

ordinaire de 3 millions ; et d'accorder le surplus, soit

XXXIV ENFANTS DITS INCURABLES.

600.000 fr. à titre de subvention municipale extraordinaire

à l'Assistance publique (1).

M. le Préfet accepta ces propositions et, nous laissant le

soin d'indiquer les voies et moyens, le 10 juin 1883, il

introduisit l'affaire au Conseil municipal et la 8e Commis-

sion nous en confia le rapport.

Rapport sur la création d'un quartier spécial pour les

enfants idiots et épileptiques. à l'hospice de Bicêtre ; par

BOURNEVILLE (2).

Messieurs,

Le projet do travaux, dont nous vous entretenons aujour-

d'hui, va réaliser, l'une des réformes réclamées par vous et

par le Conseil général de la Seine, depuis bien des années et

avec une persistance infatigable : c'est en démontrer l'urgence.

En raison de l'importance de cette affaire, des incidents aux-

quels elle a donné lieu, de la forme un peu étrange sous la-

quelle elle vous est soumise par l'Administration de l'Assistance

publique et par M. le Préfet, nous vous demandons la permis-

sion d'entrer dans quelques développements.

I. Il n'est aucun des membres de cette assemblée qui n'ait

été souvent sollicité pour faciliter le placement, clans un asile

hospitalier, d'enfants idiots, imbéciles, pervers, paralytiques,

etc., et qui n'ait regretté son impuissance, ne se [soit préoccupé

des moyens de remédier à une situation digne de pitié. C'est

ainsi que l'un de nos collègues, M. Jobbé-Duval, a été conduit

à déposer, le 9 mai 1876 (3), un voeu demandant la création

d'un hospice pour les enfants incurables pauvres. Et dans les

considérants qui précèdent sa proposition, il s'appuie entre

autres sur ce fait « que les enfants incurables, irresponsables de

la vie répugnante qui leur est imposée par leurs parents, sont

par cela même d'autant plus dignes de l'intérêt du corps

social. » Dix conseillers avaient joint leur signature à celle de

(1) La part que nous avons eue dans le don il l'Assistance pu-

blique d'une subvention de 6 millions en 1380, et de 3 millions en

décembre 1882, et enfin dans le don de cette nouvelle subvention

aurait du nous valoir un concours empressé de l'Administration

dans cette affaire. C'est tout le contraire qui est arrivé.

(2) Présenté au nom de la 8° Commission. La 8" Commission

{Assistance publique. - Mont-de-Piété) est composée dc MM. Ro-

binet, Président ; Fiaux, Secrétaire ; Bourneville, Cattiaux, Jof-

frin, le Dr Level, Loiseau.

(3) Procès-verbaux, p. 3K ?

SITUATION DES ENFANTS IDIOTS. XXXV

M. Jobbé-Duval. Le 20 décembre de la même année, sur le

rapport de notre regretté collègue Asseline, le Conseil adop-

tait ce voeu (I).

Mais, ni M. Jobbé-Duval dans sa proposition, ni M. Asseline

dans son rapport, ne précisaient ce qu'ils entendaient par en-

fants incurables ; tout ce qu'on peut supposer, d'après certai-

nes expressions qu'ils ont employées, c'est qu'ils visaient sur-

tout les enfants idiots. Il est probable, toutefois, que M. Jobbé-

Duval avait aussi en vue les paralytiques, les aveugles, car il

.avait visité l'Asile des Enfants-Infirmes, situé dans le quar-

tier qu'il représente. Nous vous avons fait connaître sommai-

rement dans un rapport récent (2), le fonctionnement de cet

asile, énuméré les diverses infirmités qu'il assiste et, adoptant

les conclusions de votre huitième Commission, tout en recon-

naissant les services rendus par cet établissement, vous avez

pensé qu'il n'y avait pas lieu de l'imiter, mais que, conformé-

ment à vos votes antérieurs, il fallait créer une organisation

spéciale pour chacune des principales catégories d'enfants, dits

incurables.

Aucun projet n'avait encore été introduit au Conseil muni-

cipal, bien que le voeu eût été renouvelé à la fin de l'année 1877,

lorsque, en février 1878, la 3" Commission du Conseil général

eut l'occasion de constater combien était misérable la situa-

tion des parties de section consacrées aux enfants idiots, épilep-

tiques, paralytiques, etc., dans les hospices do Bicêtre et de la

Salpêtrière ! Nos collègues insistèrent vivement pour que cette

situation fût expressément signalée dans le Rapport sur le

service des Aliénés. Voici en quels termes nous nous sommes

acquitté de cette mission :

Des services consacrés aux enfants idiots et épileptiques. -

La création de la Colonie de Vaucluse a réalisé un progrès sur ce

qui existait auparavant. Nous avons entretenu assez longuement

le Conseil de cette institution pour ne pas entrer actuellement

dans de nouveaux développements 13).

A la Salpêtrière, l'Administration de l'Assistance publique est

-en train de procéder à de nouveaux aménagements. Les enfants

vont être transportés de leur ancienne section dans une partie de

la section des adultes, devenue vacante par le passage des épilep-

tiques et hystériques réputées non aliénées, à la charge de l'Assis-

tance publique, dans la section de M. Trélat, délaissée par ordre

de l'Inspection générale. Nous estimons qu'il y aurait lieu de con-

(1) Procès-verbaux, p. 1325.

(2) Rapport sur l'asile des jeunes garçons infirmes et pauvres

de la rue Lecourbe, 1883, 110 115.

(3) Même rapport, p. 12.

XXXVI SITUATION DES ENFANTS IDIOTS.

server le vieux quartier des enfants, en n'y plaçant que les dégra-

dés, ies gâteux, etc., en un mot tous ceux, au nombre d'une

vingtaine, qui ne vont pas à l'école. Il serait possible d'augmenter

le nombre des lits dans une certaine proportion. En 1877, 95 enfants

étaient logés dans les bâtiments de ce quartier ; en conservant

40 lits, ce qui rendrait possible de porter la population totale à

120 ou 130 enfants, tout en rendant l'hygiène générale meilleure

qu'elle ne l'est aujourd'hui, on ferait une oeuvre d'une utilité in-

contestable.

Un mot sur l'orzanisation de la section des enfants. On v trouve :

SITUATION DES ENFANTS IDIOTS. XXXVII

est très vaste ; d'autre part, elle dominerait la vallée de la Bièvre et

laisserait voir toute la rive gauche de Paris.

Grâce à cette réforme, les salles occupées actuellement par les

enfants dans la section commune deviendraient vacantes, et, tout

en augmentant, s'il en est besoin, les lits d'adultes, on parviendrait

à avoir une section qui serait assurément loin d'être parfaite, mais

serait, en somme, dans des conditions satisfaisantes. On profiterait

de ces changements pour supprimer le dortoir situé sous les

combles et pour pourvoir le service de cellules, qui manquent

complètement et sont instamment réclamées depuis longtemps par

M. J. Falret.

Si ces propositions, que l'humanité nous dicte, étaient acceptées

il y aurait lieu de voir s'il ne conviendrait pas de confier la section

des adultes et celle des enfants à deux médecins. - La même re-

marque s'applique à la Salpêtrière.

60 enfants seulement - sur 130, - fréquentent l'école. La pro-

portion devrait être beaucoup plus considérable si le personnel

était plus nombreux. Voici la composition de celui-ci :

XXXVIII SITUATION DES ENFANTS IDIOTS.

visites que nous avons faites à deux Asiles'anglais : Earlswood et

Clapton, Nous, ne dirons rien du premier, entretenu luxueusement

par des souscriptions, afin de nous étendre davantage sur le

second fondé par' une taxe générale et dans lequel l'entretien des

enfants est à la charge de la paroisse à laquelle ils appartiennent.

2G0 enfants sur 310 (filles et garçons) fréquentent la classe ou les

ateliers. Le personnel se compose de 50 personnes dont 45 femmes.

Le médecin en chef a 10,000 francs ; il est logé. L'institutrice ou

mieux la surintendante de l'école a 2,000 francs (logée, chauffée,

nourrie, etc.); - 2 institutrices ont chacune 875 francs. 11 y a, en

outre, une élève institutrice et 4 infirmières occupées sans cesse à

la classe ; enfin 3 chefs d'ateliers (cordonnerie, menuiserie, cou-

ture). Les infirmières ont, à l'entrée. 375 fr. par an ; elles arrivent à

625 francs par augmentation annuelle de 25 francs. Le traitement

des trois infirmières en chef s'élève progressivement de 625 à

875 francs. - Les infirmières qui aident à l'école ont 2 livres de

plus que les autres ; au bout de 10 ans, elles ont 725 francs. En

plus de leur traitement, les infirmières reçoivent une gratification

de 2 livres par an.

Ce rapide aperçu montre la différence qui existe entre nos écoles

d'idiots de Bicêtre et de la Salpêtrière et celle : de Clapton. C'est

en France, pourtant, qu'a été sérieusement installé pour la première

fois l'enseignement des idiots ; c'est l'enseignement de Bicêtre et

de la Salpêtrière qui a été imité en Angleterre... et largement per-

fectionné. Aujourd'hui, nous devons faire des emprunts à nos

voisins.

Nous avons choisi Clapton Asylum pour terme de comparaison ;

nous aurions pu prendre, parmi les 12 Asiles consacrés aux idiots

qui existent dans la Grande-Bretagne, l'asile d'Earlswood, ins-

tallation splendide dont ne peuvent se faire une idée ceux qui ne

la connaissent pas (1) : il nous a semblé préférable de nous servir

du premier, destiné aux enfants pauvres des paroisses de Londres,

et par suite comparable à nos écoles de Bicêtre et de la Salpê-

trière.

Votre Commission vous propose d'inviter l'Administration à

prendre en sérieuse considération les améliorations et les créations

que nous venons d'énumérer et à voter une subvention de 2,000 fr.

pour Bicêtre et de 2,000 francs pour la Salpêtrière afin d'améliorer

la situation du personnel attaché aux enfants idiots et épileptiques

et afin d'augmenter ce personnel (2).

(1) Nous avons visité cet établissement en mai 1877 avec nos

collègues, MM. François Combes, Loiseau et Sigismond Lacroix.

(2) Ces améliorations devront contribuer à mettre fin à la si-

tuation regrettable dans laquelle sont aujourd'hui les idiots qui ont

plus de 15 ans : on les fait passer dans les sections d'adultes et peu

à peu ils perdent ce qu'on avait eu tant de peine à leur apprendre.

On compte, à la Salpêtrière, une douzaine de jeunes filles de 15 à

20 ans qui sont dans ce cas. - (Rapport sur le Service des Alité-

nés (Budget do 1878), fait à la séance du 16 février 1878, p. 25-28.)

SITUATION DES ENFANTS IDIOTS. XXXIX

Dix mois plus tard, dans une seconde visite, la 3° Commis-

sion trouvait les choses dans le même état à Bicêtre et consta-

tait quelques améliorations à la Salpêtrière, ainsi que le mon-

tre l'extrait suivant du rapport que nous avons fait le 26 no-

vembre 1878.

1° Bicêtre,. - Il reste encore beaucoup à faire, mais, parmi les

travaux d'une urgence extrême, nous mentionnerons la Conslouc-

lion d'un quartier spécial pour les enfants idiots et épilepti-

ques. A ce sujet, nous devons entrer dans quelques développements.

La classe et le dortoir des enfants qui vont à l'école sont en

assez bon état, mais beaucoup trop petits pour le nombre des enfants

qui y sont accumulés en violation de toutes les règles de l'hygiène.

Mais, ainsi que nous l'avons déjà dit dans notre Rapport sur le

Budget des aliénés pour 1878 (p. 26), l'infirmerie et le dortoir des

enfants les plus dégradés sont dans une situation absolument in-

descriptible. Eh bien, nous avons vu, cette année, une partie de cette

section qui, en raison de sa position écartée, nous avait échappé

l'an dernier et qui exige impérieusement que nous agissions sans

retard : c'est une salle servant de refuge, pendant le jour, aux

eufants idiots gâteux et, de plus, de parloir d'enfants les jours

de visite. C'est dans ce local qui mesure 6 m. 60 c. de longueur,

5 m. 50 c. de largeur et 3 mètres de hauteur, soit 109 mètres cubes,

et qui est situé sur un ancien puits abandonné dont l'orifice

est couvert d'un plancher, que se réunissent chaque jour CIN-

quante enfants, et c'est là que les parents de tous les enfants

viennent les voir (1) ! Tous les membres de votre 3° Commission,

présents à la visite, ont été péniblement impressionnés par ce

triste spectacle, et nous ont chargé de vous signaler énergique-

mont une situation aussi barbare.

Voilà pour les enfants. Ce n'est pas tout. Leurs salles et l'école

sont comprises, ce qui est mauvais, dans le même bâtiment que les

dortoirs, les réfectoires, etc., des adultes. Ceux-ci ne sont pas

mieux partagés ; et l'un de leurs dortoirs devrait être supprimé.

Ajoutons enfin que, malgré l'entassement des malades épileptiques,

il en est un certain nombre qui sont disséminés dans les deux

autres sections (2).

Pour remédier à un état de choses aussi affligeant, votre Com-

mission pense, comme l'an dernier, qu'il faudrait édifier une

section pour les enfants, sur le terrain libre, contigu aux gymnases

couvert et à plein champ. L'espace est tel qu'il serait possible d'y

mettre des dortoirs, des réfectoires, des salles de réunion et une

école pour deux cents enfants. La nouvelle section donnerait,

d'une part, sur le gymnase découvert qui est très vaste ; d'autre

(1) En un mot, c'est le parloir des familles des 125 enfants de

la section.

(2) Il y a 44 épileptiques dans la première section et 37 dans la

deuxième.

XL SITUATION DES ENFANTS IDIOTS.

part, elle dominerait la vallée de la Bièvre et laisserait voir toute

la rive gauche de Paris.

Grâce à cette réforme, les salles occupées actuellement par les

enfants, dans la section commune, deviendraient vacantes, et on

arriverait à ce résultat avantageux que, tout en diminuant le nombre

des lits dans les dortoirs actuels des adultes, il resterait des lits où

l'on pourrait transporter les quatre-vingt-un épileptiques qui se

trouvent dans la 1 re et dans la 2° section, lesquelles auraient des

lits rendus à l'usage des aliénés.

2° La Salpêtrière. La section des enfants était située, il y a

encore quelques semaines, tout à fait à l'extrémité sud-est de l'éta-

blissement, dans un terrain en contre-bas compris entre le chemin

de fer d'Orléans et la rue. Elle était formée de deux bâtiments :

l'un adossé au terrain surélevé, dit de Bellièvre, ne possédant qu'un

rez-de-chaussée, comprenait l'infirmerie, le refuge des gâteuses, le

réfectoire et l'école. Votre Commission estime qu'il est inutilisable

et invite l'Administration de l'Assistance publique à le démolir;

2° l'autre bâtiment se compose d'un rez-de-chaussée qui doit être

abandonné et de dortoirs placés au premier étage et au sujet

desquels nous allons vous faire dans quelques instants une propo-

sition. Cette section avait l'avantage d'être à côté du gymnase dé-

couvert et du gymnase fermé.

Le transport dans la 4° section, abandonnée à tort sur l'avis des

Inspecteurs généraux, des Epileptiques adultes, dites non alié-

nées, et admises, non plus comme les aliénées aux frais du Dépar-

tement, mais au compte de l'Assistance publique, a laissé libre

dans la 2° section trois dortoirs et leurs dépendances formant un

tout, isolé de la portion de la section réservée aux adultes. C'est là

que sont les enfants depuis le mois d'octobre. L'école est distincte

des dortoirs; elle est divisée en trois parties : la l'°pour la petite

classe; la 2° pour les enfants plus avancés; la 3a pour l'ouvroir.

Pour compléter ce service, il conviendrait : 1° de construire un

préau couvert en prolongement de l'ouvroir; 2° d'installer des la-

vabos dans les rotondes des dortoirs (1), et en particulier un lavabo

et des chaises percées spéciales pour les enfants dégradés ; 3° de

construire en face du bâtiment principal un bâtiment parallèle

pouvant recevoir une cinquantaine d'enfants. Les deux premières

propositions se justifient d'elles-mêmes. Quant à la dernière, elle

exige quelques explications. Tous les lits sont actuellement occu-

pés. Ils s'ensuit que des enfants, qui devraient profiter des avan-

tages offerts par l'école et le gymnase de la Salpêtrière, séjournent

à l'asile de Sainte-Anne, confondues au milieu des aliénées

adultes; de là, un premier motif en faveur d'un plus grand nombre

de lits d'enfants.

D'un autre côté, conformément au voeu exprimé par vous,

l'Administration demande votre autorisation pour admettre à la

Salpêtrière, moyennant pension, des jeunes idiotes étrangères au

(1) Ces améliorations ont été réalisées à la suite d'un rapport

fait par nous au Conseil municipal.

SITUATION DES ENFANTS IDIOTS. XLI

Département. Les raisons qui militent en faveur d'un vote favora-

ble doivent être reproduites.

1° Des familles, n'habitant Paris que depuis quelques années,

ayant des enfants arriérées ou idiotes, les font recevoir à la Sal-

pêtrière ; mais, en vertu de la loi, ces enfants, au bout de quelque

temps sont réclamées par leur département d'origine et les familles

sont dans la nécessité de reprendre leurs enfants qui végètent et se

dégradent de plus en plus chez oux, ou de les abandonner si elles

consentent au transfert.

2° Dans la plupart des Asiles de province, les enfants idiots et

épileptiques sont trop peu nombreux pour qu'il soit possible, à

moins de dépenses hors le proportion, d'organiser dans chacun

d'eux une école semblable à celles que nous possédons à la Salpê-

trière, à Vaucluse et à Bicêtre. Les départements devraient s'en-

tendre avec le département de la Seine pour placer, dans cette

section, leurs enfants idiots et épileptiques dont les parents de-

meurent à Paris (1).

C'est donc pour faire face aux besoins que nous venons d'énu-

mérer, que votre Commission vous prie d'inviter l'Administration

à créer un nouveau pavillon à la Salpêtrière. Mais l'étude des

plans, les délais de l'adjudication, la construction du bâtiment,

qui devra être aussi simple que les autres bâtiments de la section,

exigeront un temps assez long, quelque empressement que l'Admi-

nistration apporte à nous donner satisfaction. C'est pour cela que

nous croyons qu'il y aurait avantage à disposer des dortoirs

abandonnés dans l'ancien quartier pour y installer une vingtaine

de lits jusqu'à l'édification du nouveau pavillon. Cette mesure,

tout à.fait provisoire, n'offrirait aucun inconvénient, car il ne faut

pas oublier que les enfants, pendant le jour, seront ou à l'école

ou à l'ouvroir, ou au gymnase et que, durant la nuit, les vingt

enfants auront un cube d'air plus que suffisant, puisque, dans ces

mêmes dortoirs, il y avait, avant la nouvelle installation, une cin-

quantaine d'enfants ( ? ).

L'ancienne 4" Commission vous a demandé de renouveler le

voeu relatif aux enfants de Bicêtre et do la Salpêtrière, à la fin

de décembre 1878 (3), et le 25 janvier 1879(4). Ces votes réitérés

devaient appeler sérieusement l'attention de l'Administration.

M. Môring, qui avait remplacé M. de Nervaux, se préoccupa

de vous donner en partie satisfaction ; et, le 2 décembre 1879,

dans le Rapport sur le service des AlÙnés ])01(1' 1880, parlant

de Bicêtre, nous vous disions :

(1) la pour les autres, il faudrait, nous l'avons déjà dit plusieurs

fois, créer des asiles interdépartementaux, comme il y a, en

Angleterre, un asile pour les comtés de l'Ouest, etc.

(2) On voit que le Conseil général, et nous-même, avions

songé aux enfants de la Salpêtrière et qu'on avait déjà réalisé des

améliorations sérieuses. La sollicitude de M. Ferry pour elle est

un peu tardive.

(3) Rapport n'Il\), p. Si. (i) Rapport nO 3, p. 16.

XLII SITUATION DES ENFANTS IDIOTS.

« Conformément à votre voeu demandant la séparation du service

des enfants de celui des adultes, l'Administration a étudié et pré-

senté au Conseil de surveillance un projet qui vous sera prochai-

nement soumis et dans lequel, nous l'espérons, il sera tenu compte

des besoins actuels, avec une prévision des besoins futurs et dans

lequel on devra réserver des dortoirs au rez-de-chaussée pour les

enfants épileptiques et, s'il y a lieu, pour les enfants idiots para-

lytiques.

« Le jour où cette nouvelle section sera édifiée, vous pourrez

disposer en faveur des adultes de tous les locaux laissés libres

par les enfants : 1° Vous pourrez supprimer le dortoir lambrissé

du 4e étage ; - 2° transformer le dortoir du rez-de-chaussée du

pavillon sud en 8 cellules ; - 3° ajouter au chauffoir actuel, tout

à fait insuffisant et malsain, le dortoir du rez-de-chaussée compris

entre le chauffoir et le pavillon sud ; - 4° transformer en dortoir

la petite salle de réunion du 2e étage ; 5° transformer le réfec-

toire des enfants en salle do réunion.

Grâce à ces transformations, vous aurez au moins 200 lits

d'adultes au lieu de 140, ce qui permettra de placer dans ce ser-

vice spécial les épileptiques disséminés dans les autres sections de

Bicêtre ou dans les autres asiles.

Si nous sommes entré dans ces détails, c'est afin que vous

émettiez le voeu que l'Administration, dans les travaux qu'elle

exécutera, fasse les appropriations futures, en vue exclusive des

épileptiques adultes. »

Si nous annoncions d'une façon aussi formelle la prochaine

entrée du projet, c'est que notre excellent ami, M. Thulié,

président de la 3. Commission du Conseil général, avait profité

de la visite faite à Bicêtre par ladite Commission pour exami-

ner le dossier dont l'examen lui avait été confié par le Conseil

de surveillance.

Il provoqua, à ce propos, nos remarques. Plusieurs points

nous frappèrent immédiatement : 1° La section n'était prévue

que pour 120 enfants : or, il y en avait 125 ; on venait d'en

transférer 16 et le Conseil général avait réclamé une section

pour deux cents enfants, afin d'éviter les transferts; - 2° le

bâtiment se composait d'un rez-de-chaussée et de trois étages,

inconvénient grave, selon nous, à cause de la nature des

maladies dont ces enfants sont atteints : paralysies, épi-

lepsie, etc. ; - 3° les classes étaient placées au rez-de-chaussée,

au-dessous de l'infirmerie et du dortoir des gâteux.

Il s'agissait là, bien entendu, d'une étude rapide. Toutefois,

ces critiques frappèrent vivement M. Thulié et, d'un commun

accord, il fut convenu qu'il demanderait au Conseil de sur-

veillance : 1° La construction d'une école dans un bâtiment

spécial, entre le bâtiment principal et le gymnase ; 2° la

transformation du rez-de-chaussée (prévu pour école) en dor-

toir pour les idiots invalides, gâteux, ce qui donnerait cent

URGENCE D UNE RÉFORME RADICALE. XLIII

soixante lits, quarante de plus que ne le comportait le projet

de l'Administration.

M. Thulié fit part de ces observations au Conseil de sur-

veillance ( : 30 novembre 1879), qui jugea nécessaire la modifica-

tion du projet et le renvoya, dans ce but, à l'Administration.

Celle-ci soumit de nouveau le projet modifié au Conseil de

surveillance, qui l'adopta dans sa séance du 18 mars 1880.

Le 13 avril suivant, M. Ilerold introduisit l'affaire au Con-

seil municipal et la 4" Commission nous chargea du rapport.

Pour vous permettre d'apprécier ce projet, nous allons placer

sous vos yeux quelques extraits du mémoire de M. le préfet :

«Plusieurs membres du Conseil général de la Seine, dit-il, vi-

sitant l'asile des aliénés de l'hospice de Bicêtre, se sont émus de

la mauvaise organisation du service des enfants idiots et épilepti-

ques et de l'état de délabrement des bâtiments. Pour remédier à

cet état de choses, le Directeur de l'Assistance publique a fait

dresser un projet de construction d'un bâtiment spécial pour la

section des enfants idiots et épileptiques.

« Actuellement, le service des enfants idiots ne forme pas une

section à part ; il se trouve, pour ainsi dire, englobé dans la sec-

tion des épileptiques adultes ; les localités occupées par les en-

fants sont éparses ; les services généraux, tels que classes, réfec-

toires, offices, bains, lavabos, magasins, etc., sont mal répartis

pour les besoins du service ; l'éclairage est insuffisant dans la

classe et le réfectoire ; enfin, ces localités, mal aérées, sont humi-

des, froides et malsaines.

« Les dorloirs offrent des inconvénients encore plus grands ; "

des enfants, dont l'âge varie et dont l'affection diffère, ! I sont con-

fondus dans une promiscuité dangereuse qu'on ne saurait

tolérer PLUS longtemps. Une infirmerie spéciale manque éga-

lement. »

Ce passage prouve que, alors, c'est-à-dire au commencement

de 1880, l'Administration, de même que le Conseil général,

reconnaissait l'extrême urgence de la création d'une section

spéciale pour les enfants. Nous continuons la citation :

« Le personnel servant, attaché au service des enfants, est défec-

tueux. Ce sont généralement des serviteurs de second ordre qui

apportent tout leur bon vouloir à leurs fonctions, mais qui, par

nature, sont peu aptes aux soins multiples de propreté que récla-

ment les jeunes malades ; ils n'ont pas ce dévouement charitable

que les femmes possèdent à un si haut degré (1).

(1) On voit, dans le passage cité du Mémoire de M. le Préfet,

que l'Administration a reconnu les bons résultais de l'expérience

que nous avons instituée... un peu malgré elle. (Voir, plus haut,

p. xxi et : Boiiriieville et d'Olicr. - Compte rendu du service des

Enfants pour l'année 1880, p. 18).

XLIV CRITIQUE DU FREMIER PROJET.

« L'Administration a donc pour devoir deporter remède à un état

de choses qui compromet le bien-être de toute une population si

intéressante par ses souffrances, par ses misères et par son âge.

Il importe, enfin, de multiplier autour de ces enfants les moyens

d'instruction et d'éducation, afin d'éveiller et de développer leur

intelligence, tout en améliorant leur état physique...

« Le bâtiment qu'il s'agirait de construire contiendrait 160 lits

d'enfants de 4 à 17 ans, 16 lits d'infirmerie et 8 lits pour les cham-

bres d'isolement. Actuellement, la population n'est que de 125 en-

fants. L'exécution de ce projet permettrait donc d'augmenter de 35

le nombre des lits et de diminuer d'autant le chiffre des transferts

en province.

« Les 40 lits placés au rez-de-chaussée seraient destinés aux en-

fants infirmes, pour lesquels l'ascension d'un escalier constitue un

danger (1). Les 40 lits du troisième étage ne seraient utilisés qu'en

cas de complète occupation des étages inférieurs et au sur et à

mesure des besoins du service.

« Des cabinets d'aisance et des lavabos seraient installés à tous

les étages. En outre de ce bâtiment principal, le projet comprend

la construction, sur le même emplacement, à droite du gym-

nase actuel, d'un grand abri de 350 mètres superficiels où se-

raient installées quatre grandes classes ou préaux, avec pièces

accessoires, lavabos, latrines, etc. Cet abri serait rattaché au bâ-

timent principal par une galerie vitrée. »

La dépense prévue s'élevait à la somme de 717,179 francs.

Près de cinq mois s'étaient écoulés depuis le jour où M. Thulié

nous avait parlé de cette création, et durant ce temps, en

qualité de médecin du service, nous ne l'avions pas perdue de

vue. Ayant en main le projet, un examen complet était possi-

ble. Or, si ce projet avait l'avantage de séparer les enfants des

adultes, de concentrer une partie du service (2), il ne remé-

diait pas à l'éloignement et à l'insuffisance des ateliers ;

rien n'était prévu pour l'enseignement professionnel; l'amé-

nagement de quelques chambres d'isolement, au milieu des

dortoirs, ne donnait qu'une satisfaction très médiocre aux be-

soins du service, en cas d'épidémie de rougeole (3), de diphté-

rie, d'ophthalmie, etc. ; - cette installation de quelques

chambres ne pouvait permettre d'isoler les teigneux, les en-

fants syphilitiques, etc. De telles lacunes, dans une création

(1) C'est ce que l'auteur du projet primitif n'avait pas pris en

considération.

(2) Nous disons une partie, car il n'était pas question de ser-

vice balnéo-hydrothérapiquo, dans une section où les bains et les

douches doivent être largement employés.

(3) Il y a eu une épidémie de rougeole en janvier-février ! 1881 j

- une épidémie de diplithérie en décembre 1881 et janvier 1882 ;

une nouvelle épidémie de rougeole en mai 1883.

DESIDERATA. XLV

nouvelle qui aurait dû être conçue de manière, sinon à con-

stituer un progrès par rapport aux institutions analogues

existant déjà, tout au moins à les égaler, nous ont fait hésiter

à présenter rapidement, comme nous l'aurions voulu, un rap-

port au Conseil.

D'ailleurs, une étude attentive et journalière des besoins de

ces malheureux enfants nous démontrait les inconvénients

extrêmement sérieux qu'il y avait à accepter une construction

de trois étages. Pour des enfants hémiplégiques ou marchant

mal, la montée et la descente des escaliers les expose à des

chutes dangereuses. La même remarque s'applique aux enfants

épileptiques qui, dans leurs accès, souvent subits, peuvent

être précipités d'étages en étages et se faire des blessures ou

des fractures parfois mortelles.

Enfin, le nombre des lits qu'il était possible d'installer dans

la future section, cent soixante - soit quarante de moins que

ne le désiraient le Conseil général et le Conseil municipal -

nous paraissait beaucoup au-dessous des besoins, et nous

avions la conviction que, les constructions à peine terminées,

on se verrait dans la dure nécessité de recourir v la pratique

barbare des transferts. Ainsi, loin de prévoir dans une mesure

convenable les besoins de l'avenir, ce qui est indispensable

dans toute création de ce genre, on ne satisfaisait même pas

aux besoins du présent. Les sollicitations dont nous sommes

sans cesse l'objet, pour aider v l'admission d'enfants idiots,

épileptiques, etc., à Bicêtre; nos visites à l'Asile clinique

(Sainte-Anne) qui nous ont montré que, faute de place dans

les sections spéciales, les enfants y séjournent des semaines et

des mois, confondus avec les adultes, sans effets d'habille-

ment, sans aucun aménagement pour le traitement physique

et pédagogique ; la présence à la colonie de Vaucluse, con-

trairement aux règlements, d'enfants gâteux dont le Directeur

réclame le passage à Bicêtre ; les nombreuses demandes

non suivies d'effet que reçoit l'Administration de l'Assistance

publique nous convainquaient que le chiffre do deux cents lits

indiqué par vous serait lui-même insuffisant.

Toutes ces raisons, dont l'importance ne vous échappera

certainement pas, nous ont engagé à étudier sérieusement la

question. Nous nous sommes procuré des renseignements de

divers côtés et, grâce aux notices, aux lettres et aux plans que

nous avons reçus ; - grâce aussi aux notes journalières que

nous avons prises, nous sommes parvenu à tracer un pro-

gramme complet des conditions que, à notre avis, une section

pour les enfants idiots, épileptiques, etc., devait remplir. Cela

fait, nous avons demandé à M. le Directeur de l'Assistance pu-

XLVI EXAMEN DU NOUVEAU PROJET.

blique, en qualité de médecin de l'hospice de Bicêtre, de nous

mettre en rapport avec M. Imard, inspecteur de l'Assistance

publique, chargé de Bicêtre, MM. Gallois et Ventujol, le pre-

mier architecte, le secund directeur de Bicêtre, à l'effet de

leur soumettre ce programme, de le discuter avec eux et de

s'entendre afin de préparer un projet définitif.

Cette réunion a eu lieu à Bicêtre, le 8 juin 1882. Après exa-

men de nos plans et du terrain, ces Messieurs ont été unanimes

à reconnaître que le nouveau projet était préférable à l'ancien

et qu'il pouvait faire face non seulement aux besoins du pré-

sent, mais encore à ceux de l'avenir, durant une période assez

longue. Il repose sur ce principe : Faire des services géné-

raux (ateliers, écoles, réfectoires, etc.), suffisamment spacieux

pour qu'ils puissent suffire à une population de 400 enfants; les

construire de suite, ainsi que les dortoirs pour 200 enfants au

moins ; réserver l'espace pour la construction de nouveaux

pavillons au sur et à mesure des demandes (1).

Il fut décidé, en outre, que les ateliers feraient l'objet d'un

projet spécial qui serait soumis, à bref délai, au Conseil muni-

cipal, et que M. Imard rédigerait le programme à soumettre il

l'Administration, suivant les données que nous avions minu-

tieusement développées. M. le Directeur de l'Assistance pu-

blique adopta cette double proposition. M. Gallois prépara le

projet des ateliers, qui fut soumis au Conseil de surveillance,

dans sa séance du 3 août 1882. Le Conseil de surveillance

l'adopta après avoir, toutefois, pris connaissance du plan gé-

néral de la future section et en avoir accepté les dispositions

générales.

L'affaire fut introduite au Conseil municipal le 7 août 4sus2;

le rapport, dont la Commission nous avait chargé, fut fait le

9 août. M. Floquet, alors préfet de la Seine, voulut bien don-

ner les ordres pour que les formalités administratives fussent

rapidement remplies. L'adjudication eut lieu le 21 septembre.

L'arrêté préfectoral acceptant l'adjudication fut signé le 29 sep-

tembre, et les travaux ont commencé dans la seconde quinzaine

d'octobre. Dans cette affaire, l'Administration municipale a mis

toute la rapidité possible, au grand scandale de certains

fonctionnaires qui ont trouvé, paraît-il, que les formalités

administratives avaient été trop vite remplies. Vous estimerez,

comme nous, Messieurs, qu'il serait à désirer que la même

célérité fût apportée dans toutes les affaires.

II. Les plans et devis du nouveau projet furent terminés le

(1) Ces renseignements montrent que nous avons agi aussi régu-

lièrement que possible.

DESCRIPTION DU NOUVEAU PROJET. XLVI

-22 novembre dernier. La présentation au Conseil de surveillance

fut retardée par suite de ce fait qu'une partie du terrain était

comprise dans la zone militaire. Une fois cette difficulté apla-

nie, M. Quentin remit le dossier au Conseil de surveillance, qui

nomma une Commission de cinq membres pour l'examiner.

Nous allons donner une description aussi résumée que possible

du projet, puis nous ferons connaître les observations du Con-

seil de surveillance.

Disposition du terrain. Le terrain sur lequel doit être

construit le quartier pour les enfants idiots et épileptiques est

situé à l'angle S.-O. de l'hospice de Bicêtre. Il est en coteau,

domine, comme nous l'avons dit déjà, la vallée do la Bièvre et

la commune do Gentilly. La vue s'étend sur la plus grande

partie de la rive gauche de Paris. La pente est assez prononcée

-en deux sens.

Accès du quartier. - L'accès du quartier doit avoir lieu

par le préau de la petite école, qui longe le bâtiment dit :

« les colonnes de la 2e section. » A cet effet, on reconstruira

la grille, aujourd'hui en très mauvais état, qui clôt ce préau

du côté du S.-E., en y ménageant une porte à voiture et une

porte cavalière. On remaniera la chaussée en avant, de façon

à éviter le saut-de-loup actuel, et au milieu dudit préau, dans

toute sa longueur, on établira jusqu'à la grille, vers l'ouest,

une chaussée pavée.

Ce préau, planté de doux rangées d'arbres qui devront être

- conservés, est bordé à gauche : 1° par le petit pavillon, si

souvent cité (p. 5), où est aujourd'hui installée la gymnastique

Pichery, et que l'on utilisera, si cela est jugé nécessaire, pour

la loge du portier; 2° par des hangars clos, où l'on trouve

successivement : a) l'atelier de menuiserie des enfants ; - b)

le service de propreté et du traitement du gâtisme ; c) le

préau couvert des enfants gâteux, servant de parloir le jeudi-

et le dimanche pour les familles des 175 enfants. Ces hangars

pourront être affectés, sans grande dépense, au parloir de la

future section; seule, la partie correspondant] à l'atelier,

aura besoin de réparations ; le sol devra être transformé, etc.

La partie il la suite de ce préau, prise aux dépens du talus

qui entoure la Sûreté (laquelle est en contre-bas par rapport

au préau dont nous venons de parler et aux colonnes de la

2 section), et se raccordant avec la cour où est le grand gym-

nase, entre les ateliers des enfants et la 'le section, sera mise

en état, pavée en grès comme le milieu du préau du futur

parloir et close par une grille en fer sur bahut en pierres.

(Voir lo Plan, A.) La grille qui ferme actuellement cette extrémité té

F300RNEV1LLE IÔ$4. S 4 . "...

XLVIII DESCRIPTION DU NOUVEAU PROJET.

du préau devra être utilisée. Une porte charretière et une

porte cavalière latérale seront établies dans le mur actuel pour

donner accès dans la cour du gymnase et des ateliers. Lo

préau, la loge du portier, le parloir, la voie d'accès, etc.,

constituent, en quelque sorte, le vestibule de la section.

Nous pénétrons dans la première cour de la section, servant

de gymnase découvert, et nous trouvons à gauche le gymnase

couvert (Plan, 53), élevé en 1853; à droite, les ateliers qui

seront achevés dans quelques semaines (PI. 84, 87).

Le fond de cette cour est occupé aujourd'hui par un jardin

séparé de la cour par un treillage : c'est dans la portion S.-O.

de ce jardin que l'on édifiera les réfectoires. Des préaux cou-

verts rattacheront le gymnase, d'un côté, et les ateliers, de

l'autre, au premier groupe des bâtiments à construire et qu'il

importe de décrire.

Il se compose : 4 du bâtiment des réfectoires (PI., 85);

2° du bâtiment des classes (PI., 91, 96); - 3° d'un bâtiment

latéral gauche (c'est-à-dire du côté du fort) ; 4° d'un autre

bâtiment latéral droit du côté de Paris.

a) Les réfectoires seront au nombre de deux, l'un pour les

enfants épileptiques, imbéciles et idiots propres ; - l'autre

pour les enfants idiots valides (1), propres ou gâteux. Chacun

de ces réfectoires sera pourvu d'offices et de laveries, où l'on

devra utiliser les enfants, par séries, dans la mesure de leurs

aptitudes. Un lavabo sera installé à l'entrée du réfectoire

des enfants de la première catégorie, afin qu'ils puissent se

laver les mains n la sortie de l'école ou des ateliers, avant d'en-

trer au réfectoire.

Des galeries couvertes, pouvant servir de préau, relieront

le réfectoire d'une part aux ateliers, de l'autre au gymnase,

ce qui permettra de séparer les enfants de la première caté-

gorie en deux groupes, les plus âgés, les plus jeunes (2).

L'ensemble des constructions existantes (gymnase et ateliers)

et du bâtiment des réfectoires circonscrira une première cour,

cour du gymnase; à proximité de chaque réfectoire, il y aura

une salle de repos pour les enfants en accès.

b) L'école comprendra deux grandes divisions : la première

(1) L'expérience montrera s'il est nécessaire de séparer par des

cloisons à mi-hauteur chacun de ces réfectoires en deux parties.,

par exemple pour isoler les épileptiques des imbéciles.

(2) Il va de soi que dans cette catégorisation on devra tenir

compte de la nature de la maladie des enfants beaucoup plus en-

core que de l'âge.

DESCRIPTION DU NOUVEAU PROJET. XDX

pour .les enfants épileptiques, imbéciles, arriérés ;-la seconde

pour les idiots valides, gâteux ou non.

La première division comprendra 4 classes séparées par des

cloisons mobiles qui permettront le classement variable des

enfants par classes. A la grande école seront annexés une salle

pour le dépôt des objets ou instruments servant soit au pro-

fesseur de chant, soit au maître d'escrime et un musée sco-

où l'on déposera tous les objets servant ¡,l'enseignement,

et de la grande et de la petite école.

La petite école sera divisée en une série de classes pour les

leçons de choses, la lecture, les jeux destinés à exercer les

mains et les yeux, la gymnastique Pichery, si utile pour

apprendre aux enfants à se servir de leurs mains, à exécuter

une série de mouvements élémentaires, etc.

Entre la petite école et le réfectoire, sera installé le service

de propreté où l'on traitera le gâtisme et où l'on apprendra

aux enfants à se laver la figure et les mains ; - Entre la grande

école et le réfectoire des grands, se suivront le service des

bains et le service hydrothérapique.

Ces quatre services circonscrivent une cour où seront pla-

cés des cabinets d'aisances à l'anglaise, disposés de manière à

faciliter le plus possible la surveillance.

Le gymnase et les ateliers, d'une part, -les réfectoires, les

classes, les bains et le service de propreté, d'autre part, cons-

titueront l'ensemble des services de jour. Ils sont conçus de

telle sorte, qu'ils pourront faire face non seulement aux be-

soins de la population actuelle, embrassant : a) les enfants

présents à Bicêtre (175) ; b) ceux qui attendent au bureau

d'admission de l'asile clinique (Sainte-Anne), au nombre de

4 ? c) les 14 enfants que M. le Directeur de la colonie de Vau-

cluse voudrait envoyer à Bicêtre ; d) ceux qui ont fait une de-

mande à l'Assistance publique, - mais encore aux besoins

d'un avenir trop prochain, c'est-à-dire à environ 400 enfants.

Leur construction doit être faite en premier lieu.

Le service de nuit comprend les pavillons pour dortoirs.

Chaque pavillon se composera seulement d'un rez-de-chaussée

renfermant deux salles de 20 lits. Les lits, rangés à gauche et

à droite de la salle, seront séparés par autant de fenêtres ; les

trumeaux correspondant aux lits auront au moins un mètre, la

largeur des dortoirs ne sera pas moindre de sept mètres. Au

centre du pavillon, on réunira : les lavabos, sur le modèle ac-

tuel de l'ancienne section, avec armoire treillagée à claire-voie

et tiroirs pour les serviettes, les peignes et les brosses; les

L DESCRIPTION DU NOUVEAU PROJET.

cabinets d'aisances, avec deux sièges séparés et une chambre

de débarras (1). (Plan, 101, 101).

Le projet comporte la construction de 8 pavillons - destinés

aux enfants valides ; - mais aujourd'hui, il s'agit seulement

d'élever 2 de ces pavillons, les autres seront construits ulté-

rieurement, au sur et à mesure des demandes faites par l'Ad-

ministration.

Service des gâteux. Il Il contiendra 48 lits, en deux salles,

ayant au moins 8 mètres de largeur ; le plafond sera élevé ; le

cube d'air par chaque lit devra être de 50 à GO m. c. Chaque

lit sera séparé du voisin par une fenêtre. A chaque extrémité :

un service de propreté, semblable à celui des idiots gâteux

valides ; un cabinet d'aisances, avec siège pour les adultes ;

un vidoir ; - au centre : un cabinet pour la surveillante, un

cabinet pour le médecin, une pièce de débarras, une salle pour

le lever des enfants, un vestibule, ainsi que l'escalier condui-

sant au premier étage.

Ce pavillon aura un premier étage, destiné à servir de salles

de rechange. L'idée en a été donnée par M. l'inspecteur Imard;

si elle entraîne un surcroît de dépenses, il faut reconnaître que

son utilité est pleinement justifiée par l'infection que pro-

duisent ces enfants et qui exige des conditions d'hygiène beau-

coup plus coûteuses que pour des enfants sains d'esprit.

Afin de compléter ce qui précède, nous ajouterons qu'il y

aura : 1° un caveau pour le linge sale, avec porte extérieure,

aération parfaite ; - 2° une galerie au rez-do-chaussée et une

terrasse au premier étage, afin de pouvoir faire aisément sortir

les enfants, les exposer à l'air et à la chaleur et assainir les

salles (Plan, 103).

- Elle contiendra 24 lits en deux salles qui au-

ront 7 à 8 mètres de large ;2 chambres d'isolement pour les

enfants ; une office avec une baignoire, des lavabos, un cabi-

net pour le médecin, un pour la surveillante, une pièce de dé-

barras, deux cabinets d'aisances pour les enfants (avec urinoirs,

et vidoir) et un pour les adultes ;-une salle de convalescence

pour les enfants qui commencent à se lever et qu'on utilisera

également comme réfectoire : toutes ces pièces seront réunies

au centre du bâtiment où l'on trouvera aussi l'escalier donnant

accès au premier étage. Quant aux salles de cet étage - salles

(1) Pour les balais, plumeaux, etc.. peut-être serait-il possible

de réserver dans le mur une sorte d'armoire comme cela existe

par exemple à l'Asile cles jeunes garçons infirmes de la rue

Lecourbe.

DESCRIPTION DU NOUVEAU PROJET. LI

de rechange elles répéteront exactement celles du rez-do-

chaussée, - Le caveau au linge sale offrira une disposition

analogue à celui du pavillon des gâteux invalides (Plan, 105).

Pavillon d'isolement. - Il est destiné à recevoir les enfants

atteints de maladies contagieuses (syphilis, rougeole, variole,

scarlatine, teignes, ophtalmies, diphtéries, etc.). Il contiendra

III lits : 10 dans deux salles de 5 lits, 6 dans des chambres d'un

lit. Ces chambres seront fermées au moyen de cloisons vitrées

placées dans une grande salle. On entrera dans ces diverses

salles par des portes distinctes donnant directement au dehors.

Un abri de 2 mètres sera construit autour de ce pavillon pour

permettre de faire le service à couvert. Ce pavillon sera pourvu

d'une office avec baignoire mobile, de 2 lavabos, d'un cabinet

pour la surveillance, de cabinets d'aisances, etc., etc., à l'instar

du pavillon des gâteux et de l'infirmerie (Plan, 107).

Cellules. - La section sera complétée par un quartier de

cellules destiné aux enfants atteints d'accès de manie simple

ou épileptique ; - aux enfants qui se seront rendus coupables

d'actes graves d'insubordination, de vols, de coups, etc. Les

cellules devront être au nombre de douze, dont deux capiton-

nées. Dans leur construction, M. l'Architecte devra s'inspirer

des indications consignées dans le rapport fait par M. Maré-

chal, au nom d'une Commission spéciale nommée par M. le

Préfet. Toutes les mesures seront prises pour assurer la sur-

veillance la plus minutieuse. A ce quartier seront adjoints

nécessairement des cabinets d'aisances, une office, deux cham-

bres pour les infirmiers, etc. - Le quartier de cellules sera

placé non pas à côté de la Sûreté, mais dans le voisinage de

l'infirmerie, dont il est une véritable dépendance. En effet, à

côté des services de jour, qui constituent une véritable école

primaire et professionnelle, à côté des dortoirs qui forment

une sorte d'hospice, - le service des gâteux, l'infirmerie, le

pavillon d'isolement et le quartier cellulaire (Plan, 108)

composent un véritable hôpital.

Enfin, il y aura lieu de prévoir, pour l'avenir, la construc-

tion d'un atelier de photographie et de moulage, ainsi que d'un

musée pathologique. L'emplacement, qui paraît le plus con-

venable, serait l'espace compris entre le gymnase et la section

voisine.

Considérations générales. Les cabinets d'aisances, à

l'anglaise, seront disposés de telle façon que la surveillance

on soit facile; ils seront abondamment pourvus d'eau et auront

une annexe pour les balais, les seaux, etc. - Les fenêtres

seront toutes formées à clef et munies do stores. Elles auront

LII DESCRIPTION DU NOUVEAU PROJET.

des impostes pour permettre la ventilation et, de plus, un va-

sistas ouvrant à soufflet. Dans les bâtiments de l'infirmerie

et des gâteux, on prendra, dans les escaliers, les précautions

nécessaires pour éviter les chutes et les suicides. - Chaque

dortoir et chaque salle auront des chambres pour les infir-

miers ou les infirmières, de jour ou do nuit.

Le chauffage aura lieu au moyen de calorifères placés dans

des caveaux afin d'empêcher les enfants do toucher aux appa-

reils. Les cheminées do l'infirmerie et du bâtiment des gâteux

ont surtout pour but de favoriser la ventilation.

' L'éclairage sera au gaz dans toutes les localités. Il sera

abondant, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur. Dans les localités

où l'on couche, il sera pris des précautions analogues à celles

qui existent ou à l'IIdtel-Dieu, ou au pensionnat de l'asile de

Ville-Evrard.

Partout, sauf dans les logements du personnel, les angles

formés par la rencontre des murs et des plafonds seront rem-

placés par un arrondi. - Les mesures seront prises pour que

les pavillons soient convenablement espacés et suffisamment

élevés, au-dessus du sol.

Dans le pavillon des gâteux, à l'infirmerie, et dans le pa-

villon d'isolement l'architecte reproduira la disposition adoptée

à l'hôpital des Enfants-Malades dans les angles du pavillon

des diphthéritiques.

Toutes les eaux de ce quartier ne pouvant s'écouler au ré-

seau d'égoûts de l'hospice à cause du plan inférieur des nou-

veaux bâtiments par rapport aux anciens, elles devront être

dirigées sur Gentilly, et il y aura lieu de s'entendre avec la

commune pour la création sous la voie publique d'une canali-

sation se rattachant à celle qui existe dans ladite commune

sous la rue du Parroi.

Les constructions que nous venons d'énumérer (voir le

plan) permettront de donner asile à une population de plus

de 400 enfants.

DESCRIPTION DU NOUVEAU PROJET. LUI

111%- DESCRIPTION DU NOUVEAU PROJET.

joint un devis estimatif dressé par l'architecte, en vue de

l'exécution d'une première série do bâtiments et montant à

1,380,216 fr. 83 c. Ce devis comprend les bâtiments et travaux

suivants, savoir :

EXAMEN DES CRITIQUES DE M. E. FERRY. LV

III. Avant de conclure, nous devons vous indiquer quel-

ques-unes des remarques qui ont été faites au Conseil de

surveillance par M. E. Ferry, chargé, au nom d'une Commis-

sion spéciale, de présenter un rapport à ce Conseil.

Après avoir émis, sur les enfants idiots, imbéciles, arriérés,

épileptiques de la section do Bicêtre, des considérations géné-

rales qui témoignent d'une connaissance tout à fait superfi-

cielle de cette question, M. le rapporteur rappelle que le

Conseil de surveillance a reconnu l'urgence d'une création

nouvelle puisqu'il avait voté un projet de travaux en 1879 (1)

et il ajoute :

Votre Commission a constaté le mauvais agencement du service

actuel des idiots et épileptiques. Les dortoirs sont insuffisants ;

les lits y sont les uns sur les autres ; les escaliers sont d'un accès

assez difficile (2). L'infirmerie est, elle aussi, très étroite et basse

de plafond ; elle contient un très grand nombre de lits pour la

nature de ceux qui les occupent : presque tous ces enfants sont

gâteux ; un grand nombre d'entre eux sont des idiots qu'il est im-

possible de changer de place, tant ils sont impotents. On y respire

un air empesté, malgré l'ouverture de quelques vasistas. (A ce

propos nous estimons que la ventilation pourrait être pratiquée

d'une façon plus largo et que les fenêtres pourraient être entière-

ment ouvertes d'un seul cote, pendant une partie de la jour-

née) (3).

0 Le lavoir de propreté, qui se trouve placé sous un mauvais

hangar, est, lui aussi, insuffisant comme espace. Enfin, le service

est trop disjoint et nécessite des allées et venues continuelles. z

Le réfectoire est insuffisant. - La classe d'éludés est assez con-

venable. Le gymnase est aussi bien que possible.

« Nous ne parlons de l'atelier que pour mémoire, puisqu'un bâti-

ment s'édifie, en ce moment, pour remplacer le trou qui porte ce

nom et dans lequel six ou finit enfants ('1) travaillent sous la di-

rection d'un contre-mailre qui parait intelligent »

(1) Il aurait pu dire que ce projet n'avait pas été voté à la lé-

gère puisque ledit Conseil de surveillance avait modifié ce projet

et l'avait discute de nouveau au mois de mars 1880.

(2) Assez difficile pour les personnes valides mais très difficile

pour des enfants impotents.

(3) Si M. le Rapporteur avait daigné interroger les personnes du

service, il aurait appris que nous avons donné les ordres les plus

formels pour que les fenêtres soient ouvertes toute la journée,

tantôt d'un côté, tantôt de l'autre, suivant la direction du soleil.

(4) Quatorze enfants travaillent dans cet atelier de menuiserie

sous la direction d'un maître qui est très intelligent. Quinze en-

fants travaillent dans les ateliers de la maison (couture, cordon-

nerie, serrurerie, tonnellerie, etc.) ; enfin, d'autres sont employés

dans le service aux soins domestiques.

LVI EXAMEN DES CRITIQUES DE M. E. FERRY.

Puis, après avoir déclaré que « la proposition est opportune

en soi, » M. le Rapporteur se demande si elle « doit obtenir,

d'urgence, la préférence sur tous les travaux qui s'imposent

à l'Assistance publique, dans ses nombreux établissements. »

Il insiste sur l'insuffisance des hôpitaux d'enfants, sur la lon-

gue expectation des scrofuleux avant d'obtenir un lit, ce que

vous connaissez de longue date puisque, il y a longtemps, vous

avez insisté, sans*' succès, auprès de l'Administration pour

qu'elle se préoccupe de la construction d'un troisième hôpital

pour les enfants atteints de maladies aiguës et de la création

d'un nouvel hôpital maritime pour les scrofuleux.

M. le Rapporteur rappelle que l'emploi de la subvention de

6 millions, votée par le Conseil municipal, en 1880, est actuel-

lement bien déterminé; que la plupart des travaux sont en

cours d'exécution, et il ajoute qu'une nouvelle subvention mu-

nicipale de 3 millions figure au Budget de 1883; que M. le Di-

recteur a fourni au mois d'août un nouvel aperçu des grands z

travaux à exécuter dans les établissemeuts hospitaliers, pour

la création de nouveaux services et la remise en état des services

existants; que la dépense de la section des enfants de Bicêtre

ne figure pas dans cette longue énumération ; « que les filles

idiotes ou épileptiques delaSalpètrièresontaussi intéressantes

que les garçons atteints des mêmes maux, étant donné l'état

de ce service à la Salpêtrière, » et qu' « il n'y a aucune raison

pour qu'une semblable création ne soit faite à leur profit » (1).

Sous le bénéfice de ces observations, continue-t-il, votre

Commission pense que l'avis favorable au projet qui vous est

soumis (c'est au Conseil de surveillance qu'il s'adresse) doit

être subordonné à cette réserve :

« Que la construction des bâtiments de Bicêtre, affectés à l'hospi-

talisation des idiots et épileptiques, doit être considérée comme

une création spéciale, et ne préjudicier en rien à l'importance des

allocations qui sont demandées au Conseil municipal par l'Assis-

tance publique, pour l'exécution des grands travaux dans les di-

vers établissements hospitaliers.

« Quant au projet en lui-même, il est parfaitement étudié, eu égard

à la déclivité du terrain, sur deux sens. Le jardin ou marais, dans

lequel bon nomhre d'aliénés sont occupés journellement, sera di-

minué d'importance par l'emprise nécessaire à la construction des

bâtiments à édifier. On peut se demander si cette diminution de pé-

(1) M. le Président-Rapporteur du Conseil de surveillance pa-

rait ignorer absolument ce que le Conseil municipal et le Conseil

général ont réclamé - parallèlement à Bicêtre - pour la Salpè-

trière ; il ne connait pas non plus les améliorations que le Conseil

municipal a votées pour le service des enfants de la Salpêtrière

(Voir p. XL).

EXAMEN DES CRITIQUES DE M. E. FERRY. LVII

rimètre n'amoindrira pas outre mesure la possibilité de fournir du

travail aux aliénés tranquilles (1). »

M. le Rapporteur expose ensuite que le génie militaire a

suscité une difficulté, qu'un nouveau décret autorisant certains

remblais est nécessaire, que M. Gallois, architecte de Bicê-

tre, pense que ce décret sera facilement obtenu, et il conclut à

l'édification partielle du projet.

et Etant bien entendu, ajoute-t-il, que l'ensemble de ces travaux

deviendrait une charge spéciale, ne préjudiciant en rien à l'impor-

tance des allocations demandées par l'Assistance publique au Con-

seil municipal pour l'exécution des grands travaux indispensables

dans les établissements hospitaliers, notamment once qui concerne

les travaux des hôpitaux d'enfants que nous ne cessons de récla-

mer, nous vous proposons l'adoption du projet.

« Si vous donnez votre approbation à cette conclusion, votre

Commission croit devoir insister pour que les travaux soient

'poussés avec la plus grande vigueur. Elle constate qu'en géné-

ral les travaux entrepris dans les établissements s'accomplissent

avec une lenteur désespérante, à laquelle il faut ajouter la longue

attente qui résulte de l'accomplissement des formalités adminis-

tratives. L'affaire qui nous occupe est introduite depuis près de

cinq ans. Jusqu'à présent le papier seul y a joué un rôle. Il est

donc indispensable d'en finir dans un sens ou dans l'autre. »

La Commission, Messieurs, adjugé très utile de placer cette

analyse et ces citations sous nos yeux, afin que vous puissiez

apprécier parfaitement la situation. Nous nous bornerons à

faire remarquer que le Conseil de surveillance avait considéré

la création d'une section pour les enfants de Bicêtre comme

de première urgence, puisque à la fin de 1879, il adoptait un

projet de construction. Depuis lors, les besoins se sont accrus,

la situation a empiré, mais le Conseil de surveillance ne trouve

pas qu'il soit opportun de consacrer à l'exécution du nouveau

projet les 717.000 francs qu'il avait affectés au premier, ni de

prélever une partie de la somme sur les 3.000.000 de francs que

vous avez votés en déclarant qu'ils serviraient à la réalisation

des voeux les plus anciennement exprimés par vous, en tête

(1) Si un voile épais n'avait couvert les yeux de M. le Rappor-

teur du Conseil de surveillance, il aurait pu constater que l'em-

placement de la future section était occupé par le jardin particu-

lier du Directeur de l'hospice et par un champ de luzerne... où

naturellement les malades n'ont guère occasion de travailler. En

tous cas, cette remarque a lieu de surprendre dans la bouche d'un

homme qui a fait supprimer, contrairement au vote du Conseil mu-

nicipal, la vacherie de Bicêtre où l'on employait des malades (Voir

aussi : Bulletin municipal, 18S2, p. 1073).

LVIII ENFANTS INCURABLES.

desquels figure la création de la section de Bicctre. Pour-

quoi cette façon de procéder ? M. le Rapporteur au Conseil de

surveillance vous le dit : « Parce que l'importance et la forme.

de ce projet ont été profondément modifiées par le Conseil mu-

nicipal ». C'est un avertissement que vous donne M. le Prési-

dent du Conseil de surveillance et chaque fois que vous vous

permettrez de modifier un projet adopté par ledit Conseil, il

est probable qu'il procédera de même. Pour ses projets le Con-

seil de surveillance reconnaît l'urgence et trouve l'emploi des

crédits que vous avez votés en faveur de l'Assistance publique;

mais pour les projets du Conseil municipal il n'y a ni urgence

ni affectation possible (1). L'avis formulé par le Conseil de sur-

veillance est ainsi conçu :

Le Conseil,

.....................................

Emet un avis favorable a l'exécution immédiate des travaux

nécessaires pour la création, à Bicêtre, d'un quartier destiné aux

enfants idiots et épileptiques, sous la double réserve que la Con-

seil municipal voudra bien voter, en vue de ces travaux, des

fonds spéciaux, et que ce vote de fonds ne ]Jl'éjlldiciel'a en rien

aux travaux plus urgents encore qui sont indispensables pour

améliorer tous les services intéressant l'enfance, et notamment pour

l'installation des services d'isolement et pour la création d'un hos-

pice de petits incurables.

Une lettre de M. le Directeur nous apprend que « le chiffre

approximatif de la dépense pour la construction de services

destinés aux enfants incurables (garçons et filles) est évalué à

3.500.000 francs, » et qu' « on se propose de recevoir dans ces

services les enfants atteints de paralysie générale ou partielle,

de cécité, de rachitisme, de myélites, etc., de toutes ces affec-

tions, en un mot, pour lesquelles ils sont admis à l'asile de la

rue Lecourbe. »

Or, Messieurs, vous avez décidé, il y a quelques jours (2).

qu'il y avait lieu de créer un Institut municipal pour les

jeunes aveugles des deux sexes, âgés de moins de 12 ans; - z

vous avez décidé également qu'il y avait lieu de créer deux

écoles dispensaires municipales pour les enfants rachitiques

(1) Théorie bizarre : le Conseil municipal émet des voeux indi-

quant des réformes à réaliser, il vote des subventions en deman-

dant à l'Administration de les appliquer à la réalisation de ses

voeux. L'Administration et son Conseil de surveillance ne tiennent

aucun compte des voeux et des désirs du Conseil municipal.

(2) Séance du 8 juin (voir les Procès-verbaux, p. 997, et notre

Rapport sur l'asile de la rue Lecourbe, n° 44).

CONCLUSIONS DU RAPPORT. LIX £

et difformes (I); M. le Préfet tiendra certainement compte

de ces votes et vous soumettra des propositions : voilà donc

deux catégories des enfants visés qui seront convenablement

secourues et qui restreindront le projet d' « hospice de petits

incurables », en supposant qu'il soit reconnu nécessaire. Après

avoir reproduit l'avis du Conseil de surveillance, M. le Préfet

ajoute :

« J'estime que l'on pourrait n'exécuter, quant à présent, ce plan.

que partiellement, en ajournant les parties les moins urgentes et

subdiviser aussi les crédits à ouvrir de façon à les échelonner

sur plusieurs exercices, sans qu'il en résultât une obligation en-

vers l'Assistance publique, si la situation budgétaire était trop

obérée.

« La dépense, s'il faut la prélever sur de nouvelles prévisions

budgétaires, no pourrait, d'ailleurs, être couverte que par les

fonds de l'emprunt ou par un prélèvement total ou partiel sur

le reliquat de la subvention de trois millions accordée sur le

Budget de 1883. Le Conseil de surveillance propose, il est vrai,

une série de travaux qui absorberaient cette somme et au delà ;

mais lespl'ojets énumérés dans ce programme ne sont appuyé*

ni de plans ni de devis ot n'ont pas été soumis encore au Con-

seil municipal. »

Votre Commission, Messieurs, en face d'un projet dont l'ur-

gence est reconnue, que vous réclamez depuis le mois de

février 1878, mais pour lequel le Conseil de surveillance n'a

pas indiqué d'imputation de crédit, contrairement à la règle,

s'est demandé comment il pourrait être procédé a l'exécution

de la première série de travaux, la plus importante. en réalité.

Elle a trouvé dans le dernier passage du mémoire de M. le Pré-

fet une première indication. L'année est A moitié écoulée,

l'Administration de l'Assistance publique n'a pas encore

soumis au Conseil UN SEUL PROJET de travaux pour

l'emploi des trois millions que vous lui avez donnés au mois

de décembre ; en conséquence, votre Commission vous pro-

pose de prélever 960.261 fr. 91 c. sur cette subvention extraor-

dinaire.

Pour faire face aux dépenses de la première série de travaux,

il reste il trouver G00.000 francs. La Commission a consulté

M. le Préfet et M. le Directeur des Finances, et tous doux ont

reconnu qu'il était possible de prélever, à titre de nouvelle

subvention municipale extraordinaire à l'Assistance publique,

une somme de 600.000 francs, sur les excédents disponibles

de 1882.

En ce qui concerne l'ameublement des bâtiments qui seront

(1) Séance du 2G juin.

LX CONCLUSIONS DU RAPPORT.

construits avec ce premier crédit, une partie notable sera four-

nie par la section actuelle, une autre partie tels que bancs,

tables pour les réfectoires, mobilier scolaire pourra être faite

par l'atelier de menuiserie des enfants (1), et, quant au reste,

l'Administration pourra y pourvoir facilement à l'aide des

reliquats disponibles à la fin de l'exercice 1883.

Votre Commission vous demande encore : 1° D'insister au-

près de M. le Préfet pour qu'il fasse remplir avec promptitude

toutes les formalités, afin que les travaux puissent être com-

mencés à la fin du mois d'août, et 2° d'inviter M. le Directeur

de l'Assistance publique à prendre les mesures les plus éner-

giques pour que les travaux votés par le Conseil municipal

soient exécutés avec plus de rapidité.

Si, comme votre Commission l'espère, vous adoptez, Mes-

sieurs, le projet dans son ensemble et si vous votez les crédits

indispensables à l'exécution de la première partie, vous aurez

permis 1t l'Administration de l'Assistance publique de secourir

efficacement le contingent le plus nombreux de la population

enfantine désignée généralement, mais v tort, sous le nom

d'enfants incurables.

Paris, le 25 juin 1833.

Le Rapporteur,

BOURNEVILLE.

NOTE. - Nous devons rappeler au Conseil que la création

de la section des enfants rendra disponibles, dans l'ancienne

section, tous les locaux occupés aujourd'hui parles enfants, ce

qui donnera près de cents lits aux adultes (en plus de ceux

qu'ils occupent) et permettra d'améliorer sérieusement la sec-

tion des épileptiques adultes.

Le Conseil municipal approuva les conclusions de notre

rapport dans sa séance du 29 juin 1883. M. Oustry,

préfet de la Seine, et M. Vergniaud, secrétaire général, eu-

(1) L'Administration nous adonné le maitre de menuiserie à la

fin de septembre 1882 ; il a eu d'abord : six élèves ; il en a 14 com-

me nous l'avons dit ; 7 travaillent le matin, 7 le soir. Dès qu'il

pourra être installé dans les ateliers neufs, nous pensons pouvoir

lui donner quatre autres enfants ; mais bien que cette nouvelle or-

ganisation ne date que de huit mois, elle a produit d'excellents

résultats. Nous avons fait évaluer aussi exactement que possible

- ce qui n'avait pas lieu auparavant - le travail des élèves me-

nuisiers par M. Bussy, inspecteur-architecte ; voici les chiffres

qu'il nous a donnés : lie trimestre de 1882, 38S francs ; 1883 :

janvier, 2G8 francs ; février, 218 francs ; mars, 295 francs ; avril,

340 francs ; mai, 336 francs. Total du 1er octobre au 31 mai :

1,815 francs.

COMMENCEMENT DES TRAVAUX. LXI

rent l'obligeance, conformément aux désirs du Conseil

municipal, de presser toutes les formalités administrati-

ves et l'adjudication fut faite le 18 août. Le 27 septembre,

les terrassiers commençaient les tranchées pour les fonda-

tions du premier bâtiment, celui des réfectoires. (Voir le

n° 85 du Plan.)

Quelques semaines plus tard, M. Gallois dut les faire

suspendre craignant que le terrain, situé au-dessus d'an-

ciennes carrières, n'offrit pas assez de résistance, et ré-

clama un examen de ces carrières par le service cles mu.

nes. M. Alphand fit procéder avec rapidité à cet examen

et, le 12 novembre, nous recevions copie d'un rapport de

M. l'ingénieur des mines Rigaud, rapport dont nous ex-

trayons le passage suivant :

« Les travaux de reconnaissance et de consolidation à exé-

cuter à l'hospice de Bicôtre sont en cours d'exécution et pour-

suivis avec activité. D'après la connaissance générale acquise,

dès à présent, on peut sans inconvénients commencer les tra-

vaux extérieurs des bâtiments du réfectoire, les consolidations

sous ce bâtiment devant être terminées dans une quinzaine de

jours. D'une façon générale, on peut entreprendre immédiate-

ment tous les travaux de la surface, sauf ceux du bâtiment

élevé d'un étage (voir n° 104 du Plan) situé en partie sur deux

carrières superposées et dont l'exécution anticipée pourrait

occasionner des travaux en sous-oeuvre qu'il conviendrait

d'éviter autant que possible (1). » .

Rassuré par ces déclarations, M. Gallois donna l'ordre

de reprendre les travaux à la fin de décembre. Grâce à un

hiver très doux, ils purent être poursuivis sans arrêt sérieux

et quelques-uns des bâtiments étaient arrivés, au mois de

mars 1884. à un degré d'avancement suffisant pour qu'on

fût assuré de mener la première série des travaux à bonne

fin sans avoir besoin de nouveaux crédits. Nous appuyant

sur ce fait après entente avec M. Imard, inspecteur de Bi-

cétre, et M. Gallois, architecte, nous avons pensé qu'il y

avait lieu de demander à l'Administration d'employer à la

continuation de l'oeuvre les bénéfices de l'adjudication qui

s'élevaient à la somme de 428,000 fr.

(t) La dépense des travaux de consolidation s'est élevée à

45'853fr.

LI1 CONSTRUCTION DE NOUVEAUX PAVILLONS.

Un autre motif nous y engageait : c'était l'encombre-

ment de plus en plus considérable des salles de la vieille

section et du Bureau d'admission de l'Asile clinique(Sainte-

Anne), qui nous démontrait, dès lors, l'insuffisance immé-

diate des bâtiments en cours d'exécution. En conséquence,

le 24 mars, nous avons adressé à lI. Ch. Quentin une lettre e

dans laquelle nous le priions d'appliquer les bénéfices de

l'adjudication à la construction de deux nouveaux pavil-

lons à usage de dortoirs (40 lits chacun), et, s'il y avait

lieu, du quartier des cellules ou du pavillon d'isolement

pour les maladies contagieuses.

Le 9 avril, M. Quentin nous répondit que le boni n'était

pas, ainsi que nous le pensions, entièrement disponible.

« Il est tout d'abord destiné, écrivait-il, à faire face aux

dépenses que nécessitera l'ameublement des nouveaux

bâtiments ; il peut aussi être appelé à suppléer à l'insuffi-

sance de la réserve pour imprévus de l'opération, réserve

assez fortement entamée déjà du fait des travaux de conso-

lidation des carrières qui ne paraissent pas toucher à leur

terme. »

Cette réponse, qu'on faisait signer à M. Ch. Quentin,

reposait sur une série d'erreurs : 1° Le Conseil municipal,

en votant une somme de 1 ,560,261 fr., avait nettement spé-

cifié que les dépenses d'ameublement seraient prélevés sur

les reliquats disponibles des subventions municipales an-

térieures transportées au budget de 1883; 2° les dépen-

ses occasionnées par les travaux de consolidation des car-

rières, à la date d'avril, étaient de 26,000 fr. alors que la ré-

serve pour imprévus était de 136,087 fr. Ces faits sont évi-

dents. Il résulte de là que M. Ch. Quentin avait été trompé.

Les événements ultérieurs vont en fournir la preuve, et lui-

même écrira que ce qu'il déclarait inexécutable l'était au

contraire facilement. Nous devons ajouter qu'il ignorait

alors complètement quelle était la dépense qu'entraînerait

l'ameublement, et que notre lettre eut au moins l'avantage

de lui faire donner l'ordre de préparer les devis de l'a-

meublement (9 avril 1884) (1).

(1) Le 31 décembre 188 ! 1, les devis de l'ameublemcnt, envoyés

par l'économe le 10 juin, dormaient encore dans les cartons de

l'Administration.

DIFFICULTÉS ADMINISTRATIVES. LXIII

En présence de ce mauvais vouloir de l'Administration,

nous avons dû recourir à l'Administration préfectorale,

qui, elle, était beaucoup mieux au courant de la situation

du service des enfants tant à Bicétre qu'à l'Asile clinique.

En effet, M. Roux, sous-directeur des affaires départemen-

tales, M. Bahut, chef de division du service des aliénés, et

M. Leclèrel chef de bureau, avaient visité à différentes re-

prises l'ancienne section et constaté la marche des travaux

de la nouvelle. Aidé par eux, nous avons obtenu le con-

cours bienveillant de M. Poubelle, préfet de la Seine, qui

invita l'Administration de l'Assistance publique à employer

les bonis de l'adjudication à la continuation des travaux.

Les atermoiements de l'Assistance publique durent pren-

dre fin après la visite faite à Bicêtre, le 3 juillet 1884, par

M. le Préfet et par la Commission de surveillance des

asiles d'aliénés. L'Administration de l'Assistance publique

se décida à inviter l'architecte à préparer les devis (1).

L'architecte s'empressa d'obéir, et en quelques jours dé-

posa son travail; mais l'Administration de l'Assistance pu-

blique s'y était prise de telle façon, que l'affaire ne put être

présentée assez tôt au Conseil de surveillance pour être

examinée parluiet envoyée au Conseil municipal, avant les

vacances du mois d'août. Ce ne fut donc que le 21 octobre

que l'affaire fut soumise au Conseil de surveillance. Dans

son mémoire à ce Conseil, après avoir résumé l'état des tra-

vaux, M. Quentin continue en ces termes :

« Les adjudications qui ont eu lieu pour l'exécution des

travaux ont produit, en effet, un boni de 428,339 fr. 54 sur la

somme de 1,560,261 fr. 91 montant total du devis. Il suffirait

donc que l'administration fût autorisée à disposer d'une partie

de ce boni des rabais. J'ai, en conséquence, fait préparer par

l'architecte un devis pour la construction, à l'emplacement

indiqué, de deux nouveaux dortoirs de quarante lits, avec

quatre galeries qui les relieraient aux bâtiments déjà existants,

ainsi que pour la remise en état du sol entre les nouveaux

bâtiments et les travaux de canalisation de toute espèce à tra-

vers les cours d'isolement. Ce devis s'élève, avant rabais, à

la somme de 338,785 fr. 62, savoir :

(1) Procès-verbaux de la Commission de surveillance des

asiles de la Seine, 1884, p. 109, 123, etc.

DOURNEVILLE 1886. H

LXIV EXÉCUTION DES TRAVAUX.

ENCOMBREMENT DU BUREAU D ! ADMISSION. LXV

IV.

ENCOMBREMENT DU BUREAU D'ADMISSION DE L'ASILE

CLINIQUE (SAINTE-ANNE). - ESSAI D'ASSISTANCE 1

DOMtClLE. - INSTALLATIONS PROVISOIRES DANS LA

NOUVELLE SECTION.

Le département de la Seine ne disposant pas de places

suffisantes à la Salpêtrière pour les filles idiotes, épilep-

tiques, etc., à Bicêtre et à la colonie de Vaucluse pour les

garçons, il en résulte un encombrement inévitable du Bu-

reau d'admission où les enfants ne devraient que passer

pour être enregistrés. De temps en temps, afin de le déga-

ger, on accepte des malades en supplément à Bicêtre et à la

Salpêtrière. Lorsque l'encombrement est arrivé un certain

degré, les hospices refusent les malades ; mais le Bureau

d'admission ne peut agir de même ; il est obligé de rece-

voir les enfants et, après avoir installé des lits supplémen-

taires dans les dortoirs au point de ne laisser aucun inter-

valle entre les lits, il a fallu en installer chaque soir dans

les couloirs. De là une gêne énorme dans le fonctionne-

ment du service, une promiscuité fâcheuse pour les en-

fants, une situation intolérable au point de vue de l'hygiène.

Nous avons tiré de cet état de choses, un argument

puissant en faveur de la campagne que nous avons entre-

prise en 1878 et poursuivie jusqu'à ce jour, en faveur d'une

réforme complète dans l'assistance des enfants idiots des

deux sexes, et notamment pour l'agrandissement de la

section de la Salpêtrière et la création d'une section spé-

ciale à Bicêtre (1).

(1) Voir nos Rapports au Conseil général sur le service des

aliénés et P¡'ocès-ve¡'baux de la Commission chargée d'étudier

la réorganisation de la colonie d'enfants idiots à l'asile de

Vaucluse.

LXVI ASSISTANCE A DOMICILE.

Les embarras occasionnés par cet encombrement à

l'administration départementale, l'ont amenée à s'intéres-

ser vivement à la prompte exécution des travaux de notre

section et à nous aider efficacement à vaincre le mauvais

vouloir persistant du chef-lieu de l'Assistance publique.

Et, dans le courant de l'année, elle signala à l'Administra-

tion de l'Assistance publique la nécessité, tout en pressant

l'ensemble des travaux, d'achever rapidement le premier

des bâtiments, celui des réfectoires, afin d'y installer pro-

visoirement 40 lits pour dégager le Bureau d'admission.

Toutefois, l'encombrement marchant plus vite que les tra-

vaux, l'Administration départementale fut amenée à faire

un essai d'assistance à domicile. Elle rendit un certain

nombre d'enfants à leurs familles en accordant à celles-ci

un secours quotidien variant de 1 fr. 50 à 2 francs, suivant

les cas (1).

Cette mesure, bien entendu, ne peut et ne doit être que

temporaire. Voici pourquoi : L'assistance à domicile,

suivant nous, a le pas sur tout autre mode d'assistance,

chaque fois que l'assisté jouit de ses facultés intellec-

tuelles, est capable encore de rendre quelques services à

sa famille, ou est atteint d'une maladie ou d'une infirmité

qui, par sa nature, n'exige pas des soins continus, une sur-

veillance rigoureuse, en un mot, tant que l'assisté n'immo-

bilise pas un des membres actifs de la famille. Or, tel

n'est pas le cas des enfants idiots, imbéciles, épileptiques,

hystériques, paralytiques, etc. Pour eux, l'assistance à

domicile, sauf dans des circonstances tout à fait exception-

nelles, est mauvaise, car le spectacle de ces enfants et de

leurs crises, les impulsions auxquelles ils sont sujets, ont

de nombreux et graves inconvénients pour leurs frères et

soeurs ; parce qu'ils sont une source permanente de dis-

cussions, une cause continuelle d'émotions ; parce qu'ils

ne peuvent recevoir dans la famille pauvre ou peu aisée,

les soins et l'instruction nécessaires ; enfin, parce qu'ils

immobilisent l'un des membres de la famille et augmen-

tent sa misère. La société adonc le devoir de les assister dans

des asiles spéciaux et de mettre en oeuvre tous les moyens

(1) Procès-verbaux de la Commission de surveillance des

asiles, janv. 1884, p. 14.

URGENCE DES TRAVAUX. LXVII

dont dispose la science pour les .améliorer. Laisser ces

malades séjourner dans leurs familles, c'est en faire des in-

curables qui tomberont à la charge de l'Assistance à une

époque où il sera impossible de les améliorer, de les placer

dans une situation qui leur permette d'atténuer, dans une

certaine mesure, les sacrifices qu'on s'impose pour eux.

L'Administration départementale comprenait parfaite-

ment que cette mesure ne constituait qu'un palliatif et,

encouragée par la Commission de surveillance des asiles

de la Seine, multipliait ses invitations à l'Administration

de l'Assistance publique de mettre le plus vite possible à

sa disposition des lits dans l'un des bâtiments de la nou-

velle section (lettres du 30 avril, du 5 mai et du 5 juin

1884).

L'exposé suivant montrera une fois de plus les résis-

tances de cette administration aux désirs de l'Administra-

tion départementale. Voici d'abord un extrait du Procès-

verbal de la séance du 10 juin 1884, de la Commission de

surveillance des asiles (p. 62).

« M. le Dr BOURNEVILLE rappelle qu'en raison de l'encombre-

ment qui existe dans les quartiers d'enfants idiots, tant à

Bicêtro qu'au bureau d'admission de l'Asile Sainte-Anne, la

Commission de surveillance à émis le voeu, dans sa séance du

6 avril dernier, que l'Administration intervint auprès de M. le

Directeur de l'Assistance publique, pour l'engager à appro-

prier l'un des bâtiments de la nouvelle section d'enfants à

Bicêtre, où il n'y avait plus alors que les carreaux à poser et

des lits à y placer. Actuellement le gros oeuvre de plusieurs

autres bâtiments est terminé. L'architecte de Bicêtre, que M.

Bourneville avuàce sujet,lui a répondu qu'il n'avait pas encore

reçu d'instructions pour le complet aménagement de ces

bâtiments. M. Bourneville ajoute qu'en attendant ces instruc-

tions il a fait confectionner , par les ateliers d'enfants de

Bicêtre, un certain nombre de lits de sangle, des tables sco-

laires, etc. Il demande ce qui arrête ces travaux dont l'exécution

est d'une extrême urgence, ainsi que l'ont reconnu le Conseil

municipal et le Conseil général en les votant. Le voeu de la

Commission de surveillance est non moins urgent, puisqu'il per-

mettrait de désencombrer le bureau d'admission, en envoyant

les enfants à Bicêtro, au lieu de les laisser sans traitement à

Sainte-Anne. Il y a là une question d'humanité.

« M. le Secrétaire général DE la Préfecture répond que

le voeu de la Commission a été aussitôt transmis dans les

LXVIII INSTALLATIONS PROVISOIRES.

termes les plus pressants à M. le Directeur de l'Assistance

publique.

« Ce fonctionnaire a répondu, le 19 mai dernier, que son admi-

nistration peut activer la terminaison des travaux et aménager

dès à présent le premier corps des bâtiments, mais qu'en de-

hors de la question d'organisation matérielle il existe certaines

considérations financières sur lesquelles il croit utile d'appeler

toute l'attention de M. le Préfet. Il expose qu'aucun crédit n'a a

été prévu en 1884, pour l'entretien de nouveaux enfants; or,

en fixant au 1er juillet prochain l'ouverture partielle de la nou-

velle section et en calculant le prix de journée, 11 2 fr. 55, prix

de revient selon lui, les cinquante lits occasionneraient pour

le 2" semestre de 1884, une dépense de 28.460 fr., à laquelle

viendraient s'ajouter les frais du personnel supplémentaire

nécessité par le fonctionnement du nouveau service.

« Le Directeur ajoute que l'Assistance publique ne parvient 11

équilibrer son budget qu'avec les plus grandes difficultés, et

que les crédits ne présentent jamais de reliquats disponibles

permettant de faire face à des dépenses imprévues. Il conclut

que, dans ces conditions, il lui serait complètement impossible

de supporter les frais résultant du séjour il Bicêtre des cin-

quante nouveaux enfants dont l'hospitalisation immédiate est

demandée.

« M. le Préfet a répondu, le 5 juin présent mois,que, a quel que

soit le désir de l'Administration préfectorale de remédier à

l'encombrement du bureau d'admission de Sainte-Anne ainsi

que du quartier actuel de Bicêtre, et de couper court à toute

difficulté en permettant de compenser l'excédent de dépense

par une augmentation égale de recette, il ne saurait, en l'absence

d'un vote du Conseil général, trancher la question d'augmen-

tation du prix de journée ». « En attendant, ajoute-t-il, j'ai la

confiance que l'intérêt des malades passera pour vous comme

pour moi, avant toute autre considération, et que vous voudrez

bien donner des ordres pour l'aménagement immédiat du nou-

veau bâtiment sur le point d'être terminé, dans le service de

Lle DBourneville». 1\Lle Directeur de l'Assistance publiqua n'a

pas encore répondu il cette lettre, très récente du reste (5 juin).

« M. le Secrétaire général donne l'assurance que, tout en

tenant compte de la part de responsabilité que la loi de 1849

fait peser sur M. le Directeur de l'Assistance publique, l'admi-

nistration préfectorale usera de tout son pouvoir pour que le

voeu si légitime de la Commission reçoive une prompte satis-

faction.

«M. le Dr Bourneville prend acte de la promesse de M. le

Secrétaire général et il pense avec lui que l'intérêt des malades

doit primer les considérations d'ordre financier. »

RÉSISTANCES DE L'ASSISTANCE PUBLIQUE. LXIX

Le 17 juin, l'Administration de l'Assistance publique,

comprenant la leçon que M. le Préfet venait de lui donner,

en lui rappelant que l'intérêt des malades l'emporte sur

toute autre considération, envoyait à la Préfecture la

lettre suivante :

« Par dépêche du 5 juin, M. le Préfet de laSeinem'a exprimé

le désir que l'Administration aménageât immédiatement le

bâtiment sur le point d'être terminé de la nouvelle section

d'enfants idiots il Bicêtre. J'ai l'honneur de faire savoir à

lI, le Préfet que j'ai demandé, il y aulr MOIS DÉJA, au clirec-

de Bicêtre, de faire dresser un devis pour l'aménage-

ment intérieur du corps de bâtiment dont il s'agit ; je lui

adresse, AUJOURD'HUI même, une lettre de rappel, pour l'in-

viter à me transmettre ces devis sans aucun retard. »

On aurait pu espérer, après des promesses aussi formel-

les, qu'il allait être rapidement donné satisfaction aux

désirs de M. le Préfet. Eh bien, chose incroyable, ces

promesses n'ont été suivies d'aucun effet. Seize jours

après, le 3 juillet, M. le Préfet venait, avec la Commission

de surveillance des asiles, visiter la nouvelle section et

se rendre compte par lui-même de la suite donnée à ses

demandes. Se trouvant dans le bâtiment des réfectoires, il

s'est informé si c'était là le bâtiment où son Administra-

tion avait réclamé l'installation provisoire d'une cinquan-

taine de lits, afin de débarrasser le Bureau d'admission.

Cette question a donné lieu à l'incident suivant que nous

reproduisons, d'après le Procès verbal de la séance du

3 juillet de la Commission de surveillance (p. 109) :

« M. le Dr Bourneville répond affirmativement, et, au su-

jet des mesures prises, il demande, devant M. le Préfet, M.

Roux, M. Leclère et quelques membres de la Commission, à

M. le Directeur et à M. l'Econome de Bicêtre, s'ils ont reçu des

ordres, il y a un mois, de s'occuper du devis nécessité pour

l'installation de 50 lits provisoires et si, il y a une huitaine de

jours, l'Administration de l'Assistance publique les a invités

de nouveau à s'occuper sans délai de cette installation.

« 1\1. le Directeur et M. I'Econome de Bicêtre ont répondu

qu'ILS n'avaient reçu aucun ordre pour l'installation DE

LITS DANS LE BATIMENT DES RÉFECTOIRES, ni il J a lL7z mois,

ni il Il a huit jours. >

LXX RÉSISTANCES DE L'ASSISTANCE PUBLIQUE.

Le 16 juillet, M. Roux, sous-directeur des affaires dé-

partementales, soumettait à M. le Préfet une nouvelle

lettre au Directeur de l'Assistance publique, se plaignant

de ce que les engagements pris n'avaient pas été tenus et

réclamant de nouveau l'installation des lits. M. le Préfet

fut d'avis que, avant de l'expédier, M. Roux s'assurât de la

situation. Dans ce hut, le lendemain (17 juillet) il se ren-

dit à Bicêtre, constata que rien n'avait été fait ; puis il se

rendit auprès de M. le Directeur de l'hospice et lui de-

manda s'il avait enfin reçu l'ordre de procéder à l'installa-

tion des lits. M. le Directeur de l'hospice, à son grand

regret, fut obligé de déclarer qu'il n'avait pas reçu d'ordre.

M. le Préfet n'avait plus de raison de retarder l'envoi de

sa lettre impérative. Elle atteignit le but. Le 19 juillet,

M. l'inspecteur Imard venait à Bicêtre avec l'ordre de s'en-

tendre avec nous sur deux points : 1° Installation d'un

service d'enfants dans le bâtiment des réfectoires ; 2° ins-

tallation d'un service de cholériques pour toute la division

des aliénés dans le bâtiment des classes.

Après avoir examiné les mesures à prendre avec M. le

Directeur, l'Econome de l'hospice et M. l'architecte Gallois,

nous fûmes tous d'accord pour reconnaître qu'il était pos-

sible de recevoir, le 22 ou le 23 juillet, des enfants dans le

bâtiment des réfectoires et, le 24 ou le 25 juillet,des choléri-

ques dans le bâtiment des classes. Le même jour, M.

Imard faisait un rapport dans ce sens à M. le Directeur de

l'Assistance publique. Des le lendemain on se décidait à

faire de force ce qu'on aurait dû accomplir dès le début

de bonne grâce : les lits provisoires étaient placés et le

Bureau d'admission envoyait 10 enfants le 22 juillet, 10

le 24, 10 le 26, 9 le 28 et 6 le 6 août.

Ce jour-là, après avoir fait connaître à la Commission de

surveillance ces envois successifs de malades, nous ajou-

tions : « Cette mesure a permis de dégager en partie le

Bureau d'admission de l'Asile clinique (Ste-Anne), excessi-

vement encombré par les enfants. Il est à regretter que

l'Assistance publique ait mis un si long temps à répondre

à vos désirs et à ceux de l'Administration. Quant aux pro-

cédés de l'Assistance publique, vous les avez appréciés

comme ils le méritent (1). »

(1) Procès-verbal du 6 août 1881, p. 122.

RÉSISTANCES DE L'ASSISTANCE PUBLIQUE. LXXI

Ces procédés sont, en effet, véritablement inqualifiables.

Et, si nous n'avions pris soin de citer le texte même des

documents officiels, on nous taxerait d'exagération. Mal-

heureusement pour l'Administration de l'Assistance pu-

blique, ces citations la condamnent. La responsabilité en

incombe, beaucoup plus en apparence qu'en réalité, à

M. Ch. Quentin. Il signait, croyons-nous, les pièces sans se

rendre compte par lui-même. Il a été trompé par celui au-

quel il confiait la rédaction des réponses à M. le Préfet de

la Seine. Et ce fonctionnaire qui. connaissant les engage-

ments de son chef, oubliait à dessein de donner les ordres

d'exécution, faisait mépris des instructions du Préfet delà

Seine et plaçait au-dessus des intérêts des malades la satis-

faction de ses rancunes personnelles, de son dépit d'avoir

vu remplacer le projet déplorable qu'il avait conçu par un

projet qui avait reçu l'approbation de tous, n'est autre, il

est triste de le dire, que le secrétaire général de l'Assis-

tance publique, M. Brelet.

La section des enfants idiots, aliénés et épileptiques

de Bicêtre au Conseil municipal.

Dans ses dernières séances de décembre et notamment dans

la séance du 31 décembre, le Conseil municipal a discuté le

rapport de M. G. Robinet sur le budget de l'Assistance publi-

que pour 1885. Nous extrayons de cette très intéressante

dscussion la partie relative à la construction, à Bicêtre, du

service spécial pour les enfants idiots, imbéciles, arriérés,

aliénés, épileptiques et hystériques, en d'autres termes, pour

la portion la plus importante des enfants dits incurables.

M. DESPRÉS.- Depuis trois ans, l'Administration de l'Assistance

publique a un budget extraordinaire variant de 5 à 3 millions (1).

(1) Nous avons été chargé du Rapport sur le budget de t'As-

sistance publique pour les années 1878, 1879, 4sus0, 1881 et 1882.

Avec l'aide de nos amis, notamment de MM. P. Dubois, de

I-Iéredia, Lafont et Thulié, nous avons obtenu : 1° que l'hôpital

temporaire, qui devait disparaître et dont les terrains devaient re-

venir à la Ville, fût maintenu a titre définitif sous le nom d'hôpital

Laennec ; - 2° une subvention extraordinaire de 6 millions en

1881 ; - 3° une subvention extraordinaire de 3 millions en 1883 ;

elle n'a pas été plus forte parce que l'Admininistration n'avait pas

su employer la subvention précédente ; 4° une subvention extra-

LXXII CRITIQUES ERRONÉES DE M. A. DESPRÉS.

Le Conseil ne doit pas oublier que cotte subvention extraordinaire

est due à l'influence d'un ancien membre de cette Assemblée, chef

d'un service quia coûté 5 millions. Et je prétends qu'il n'est pas

'moral de faire des dépenses aussi folles pour un seul service, alors

que sans dépenser davantage, vous auriez pu créer un grand nom-

bre de places dans les hôpitaux. (Bruit, protestations).

M. CHAUTEMPS. Adressez-vous donc au Conseil et non à ses

anciens membres.

M. RouzÉ. On n'attaque pas les absents !

M. Després. Il existe encore au budget nouveau de l'Assis-

tance publique un crédit de 1,200,000 francs pour compléter le

service des épileptiques à Bicêtre.

M. PiPERAUD. Et c'est nécessaire.

M. DESPRÈS. Avec les 5 millions dépensés à Bicétre, vous

auriez pu créer des places dans vos hospices. Le devoir de l'Ad-

ministration de l'Assistance publique et du Conseil est de résister

aux entraînements et aux sollicitations d'hommes qui, en raison de

leur situation, peuvent vous amener à des dépenses excessives.

C'est pourquoi je supplie le Conseil de refuser de voter jusqu'à

nouvel ordre un budget extraordinaire.

M. Delhomme. Mais ni l'Administration ni la Commission

ne proposent de le voter.

M. DESPRÉS. - En ce moment, l'Administration de l'Assistance

publique doit faire l'inventaire de ce qui a été fait, elle doit re-

chercher quels sont ses besoins nouveaux et ne la lancez pas, par

l'allocation d'une subvention extraordinaire, dans des construc-

tions ruineuses (Interruptions). Rappelez-vous que le nouvel

Hôtel-Dieu a coûté 80 millions aux pauvres de Paris. L'empire, en

effet, a voulu introduire la politique jusque dans l'hôpital; il a

tenu aie placer à l'ombre de Notre-Dame. Peu lui importait la dé-

pense ! Eh bien, Messieurs, je vous conjure de ne pas l'imiter.

M. Maurice Bander. - Faites donc aussi bien que l'Empire !

(Très bien ! à droite.) (1).

M. DESPRÉS. - En 1866, M. Hausmann a contraint l'Assistance

publique à aliéner une partie de ses biens et de ses revenus pour

payer les frais de cet hôpital luxueux, mais qui ne contient que la

ordinaire de 600.000 fr. en 1883. Malgré les critiques de M. D...,

nous croyons encore aujourd'hui avoir rendu, à cet égard, de

réels services à l'Assistance publique et ne pas avoir engagé le

Conseil dans une mauvaise voie.

(1) Nous avons démontré bien des fois que l'Empire avait gaspillé

l'argent de l'Assistance publique et des contribuables dans les

constructions de l'Hôtel-Dieu et de l'hôpital de Berck et qu'il

avait laissé tous les établissements hospitaliers dans un état dé-

piorable, ce qui a nécessité précisément des subventions extra-

ordinaires et en nécessite encore. Quant iL la comparaison de M.

Després, elle ne tient pas. - L'Hôtel-Dieu a été la construction

hospitalière la plus coûteuse ; la construction de la nouvelle

section sera, au contraire, l'une des constructions hospitalières

les plus économiques : bien et bon marché.

réponse DE M. G. robinet. LXXIII

moitié des lits de l'ancien Hôtel-Dieu. Ne votez donc d'allocation

extraordinaire qu'en cas d'urgence et de-nécessité et n'écoutez pas

ceux qui veulent vous faire jeter les millions dans les services

dont ils sont les chefs. (Violentes interruptions). Et il s'agit

de moi comme des autres. Si jamais je vous demandais quoi

que ce soit pour l'hôpital de la .Charité, vous auriez le droit et le

devoir de me le refuser.

M. PICHON. - Ce sont les soeurs qu'on devrait vous refuser.

(Très bien ! ) ! )

M. LE RAPPORTEUR. - Je ne répondrai pas aux observations

de M. Després en ce qui concerne la subvention extraordinaire

qu'il propose comme nous de ne pas accorder. Mais je tiens abso-

lument à répondre aux attaques portées par lui contre un de nos

anciens collègues, M. le docteur Bourneville, qu'il a désigné assez

clairement. M. Després a produit des chiffres inexacts : il est faux

que le service des enfants idiots et épilepliques ait coûté G millions.

M. Després. - 5 millions.

M. le RAPPORTEUR. - Vous avez dit six. Les dépenses pré-

vues pour l'exécution totale du projet sont évaluées à 2,880,000 fr.

L'adjudication a donné un boni de près de 500,000 francs; nous

avons décidé, il y a un mois, la construction de deux nouveaux

pavillons pour 200,000 francs sur les bonis, soit au total 1,562,000

francs. Il y a loin de cette somme aux 6 millions de M. Després.

M. DESPRES. Le projet de budget porte encore pour ce ser-

vice un crédit de 1,200,000 francs.

M. le HAPPOIITEUH. - Vous faites confusion, mes chiffres sont

absolument exacts, je les ai là sous les yeux dans le budget. J'ai

le regret de constater que M. Després n'apporte ici qu'une animo-

sité personnelle.

1\i Després. - Pas du tout.

M. le RAPPORTEUR. - Pour en faire une fois de plus justice,

je me bornerai à rappeler les termes du rapport que j'ai fait l'année

dernière sur l'Assistance publique :

« Grâce à notre ancien collègue, M. Bourneville,qui, avec une

persistance non interrompue et une connaissance approfondie du

sujet, a su créer une organisation parfaite et un personnel admira-

blement instruit et dévoué, l'état des malheureux enfants est aujour-

d'hui bien amélioré. Grâce à lui, ces faibles d'esprit, au lieu de

continuer à descendre jusqu'aux derniers degrés de l'abrutissement,

sont relevés et très souvent guéris par l'étude, la gymnastique, le

chant, et surtout le travail manuel.

« Il est absolument impossible de ne pas être profondément ému

quand on a vu un pareil spectacle et une semblable transformation,

et quand on a vu surtout la reconnaissance de ces petits déshé-

ritésenvers leur bienfaiteur.

« Nous ne saurions trop dire, pour notre part, combien nous

sommes heureux de pouvoir, avec un complet désintéressement,

rendre un hommage public à ce collègue si distingué par son

esprit scientifique et administratif qui, dans ces circonstances,

nous le disons hautement, a créé la une oeuvre de premier ordre.

« Nous espérons que notre approbation sera une compensation

LXXIV erreurs DE NI. A. després.

aux critiques injustes et aux mauvais vouloirs dont notre collègue

a été l'objet de différents côtés. »

SUR TOUS LES bancs. - Très bien !

M. DESPRËS. Encore faut-il que tout ce bien ne coûte pas

5 millions. J'en fais autant et je ne coûte rien aux hôpitaux.

M. LE DIRECTEUR DE l'Assistance publique. -l\1. Després

n'a pas fait seulement le procès du passé : il a fait aussi celui de

l'avenir en mettant le Conseil en garde contre des projets ruineux

qui pourraient lui être présentés par l'administration dans l'intérêt

de médecins...

M. DESPRËS. Je n'ai pas dit cela.

M. LE Directeur de l'Assistance PUBLIQUE. -... de méde-

cins qui voudraient se satisfaire au détriment des finances de la

Ville. L'Administration, Messieurs, je n'ai pas besoin de le dire,

ne peut être soupçonnée de pareilles intentions.

M. LE RAPPORTEUR. Tous les projets dont parle M. Des-

prés ont éléprésentés par l'ancienne administration de l'Assistance.

M. DESPRÉS - Vous savez comment.

M, CH : 1UTE\IPS. - Expliquez-vous.

M. LE RAPPORTEUR. - Or, cette Administration, que je sache,

n'était guère favorable à M. Bourneville. Ils ont été approuvés au

Conseil de surveillance où les idées de notre excellent collègue

sont loin d'avoir toujours la majorité, et enfin, ils ont toujours été

acceptés par vous à une très grande majorité. Je répète donc que

M. Després n'a fait qu'apporter ici une question personnelle.

(Très bien ! ;

M. JACQUES. - Je ne suis pas à cette tribune pour discuter des

actes auxquels le Conseil s'est associé. Si M. Bourneville en a

pris l'initiative, le Conseil en a accepté la responsabilité et je l'en

félicite (Très bien ! )... '

M. DESPRËS. -Je n'ai pas l'habitude de dissimuler mes opinions.

Si j'eusse voulu incriminer M. Bourneville lui-même, je l'eusse

fait franchement.

M. DESCHAMPS. Vous l'avez fait.

M. DESPRÉS. - J'ai voulu attirer votre attention sur les dé-

penses excessives que vous avez votées en faveur du service des

enfants idiots et épileptiques de Bicêtre. Si vous aviez visité ce

service....

M. PICIION. - Nous l'avons visité.

M. Després, On a construit un pavillon, des ateliers, des

annexes...

M. PIPI;RaUD. - ... qui étaient nécessaires.

M. DESPRÉS. ... qui sont plus considérables que le bâtiment

principal. Vous verriez ainsi que vous avez donné à un seul méde-

cin plus de 5 millions, que vous allez lui donner encore

1,300;000 francs.

M. le IAPPORTEUR. -'I,500,000 francs.

M. RouzÉ. Qu'importe ?

M. DESPRÉS. - C'est là de la mauvaise administration. Je l'ai

dit à M. le Directeur : « N'écoutez pas les médecins, moi pas

plus que les autres. »

état DES DÉPENSES. LXXV

M. PiPERAUD. Le médecin disparaîtra; le service restera.

M. DESPRÉS. Songez, Messieurs, que la plupart des fonds

que vous avez ainsi employés appartenaient aux malheureux dont

je suis, comme M. le Directeur de l'Assistance, qu'il ne l'oublie

pas, le premier serviteur.

Plusieurs membres. - Pas plus que nous.

M. Després. Ne faites pas pour d'autres, je vous en conjure

dans l'intérêt général, ce que vous ne feriez pas pour moi qui,

d'ailleurs, ne vous le demanderais pas. J'y insiste : Ne croyez pas

aux médecins outre mesure, aux administrateurs, aux architectes.

Agissez de haut et faites ce que vous croyez bon sans consulter

ceux qui peuvent être de près ou de loin intéressés dans la ques-

tion.

Nous remercions M. Després de son intervention dans la dis-

cussion, car elle nous a valu de la part de nos anciens collègues

et amis, des témoignages de sympathie si vifs et si nombreux,

qu'ils nous récompensent de toutes les peines que nous nous

sommes données pour réaliser des réformes d'une utilité in-

contestable et qui font honneur au Conseil municipal. Ceci dit,

reprenons brièvement les faits. 1° M. Després affirme que le

projet de construction de la section des enfants de Bicêtre a

coûté six millions ; puis il se reprend et n'accuse plus que

cinq millions. Avantde parler, il aurait pu jeter un coup d'oeil

sur la délibération du Conseil municipal, prendre des rensei-

gnements. Examiner à fond une affaire avant de parler, n'en-

tre pas dans les habitudes de M. Després. S'il l'avait fait, il

aurait vu, ainsi que le lui a rappelé M. Robinet, que les dé-

penses totales de la section, pour 400 lits, sont évaluées à

2,880,000 fr. ; que les crédits votés pour la première partie

de l'opération (réfectoires, classes, service des gâteux, infir-

merie, bains, entrée de la sectionet deux dortoirs) s'élevaient à

1,560,261 fr. ; que l'adjudication ayant donné un boni de

428,000 fr., l'Administration, sur notre proposition, a demandé

au Conseil municipal d'affecter 228.547 fr. à la construction de

deux nouveaux dortoirs. De telle sorte que, avec les 1.560.261 fr.

votés parle Conseil ( ? 9 juin 1883), : on aura construit l'entrée

de la section, les réfectoires, le service de propreté pour le

traitement du gâtisme, le service balnéo-hydrothérapique, les

classes, huit dortoirs de chacun 20 lits, le bâtiment des gâteux

{80 lits), l'infirmerie (24 lits). Pour compléter le service, qui

doit avoir 400 lits, il reste à voter un crédit de 1.318.000 fr.,

destiné à la construction de préaux, de cellules, d'un service

d'isolement pour les maladies contagieuses et de huit dortoirs

(4 bâtiments) (1).

(1) Comme avec les bonis on a construit 2 pavillons en plus, il

LXXVI état des dépenses.

2° La question de dépenses écartée, M. Després aurait dû

voir si le projet voté par le Conseil répondait à des besoins

réels. Deux moyens d'instruction s'offraient à lui : la lecture

de mes rapports imprimés faits au Conseil général et au

Conseil municipal et ensuite une visite au service actuel

des enfants de Bicêtre. S'il avait lu mes rapports, il aurait vu

que le voeu du Conseil général, auquel il va être bientôt donné

satisfaction, date du mois de février 1878, époque où je n'étais

pas médecin de Bicêtre., époque où rien ne faisait prévoir une

prochaine vacance : ce n'est, en effet, qu'au mois d'octobre 1879

que j'ai pris possession du service. Ce n'était donc pas pour

me faire un don personnel, m'accorder une faveur, mais bien

pour donner satisfaction à des besoins réels, signalés depuis

longtemps par des voeux réitérés réclamant des moyens d'as-

sistance pour les enfants incurables, que le Conseil munici-

pal a voté le projet que j'ai proposé après l'avoir soumis à

M. Imard, inspecteur de Bicêtre, à M. Gallois architecte et au

directeur de l'hospice. Mon projet est devenu une oeuvre qui

m'est commune avec ces messieurs et je ne puis que les remer-

cier de ce qu'ils ont fait et font encore pour sa réalisation.

Si cette lecture des documents, dont il dispose, n'avait pas

convaincu M. Després, il aurait pu se rendre à Bicêtre, visiter

le servico et surtout le visiter le matin, vers 7 ou 8 heures, peu

après le lever des enfants. M. Després s'est bien gardé de se

donner cette peine. C'est parce que les membres de la Commis-

sion d'Assistance publique du Conseil municipal ont vu cet

ignoble service qu'ils ont déclaré qu'il fallait d'urgence, le

remplacer par une nouvelle section. Tous les médecins fran-

çais et étrangers, qui sont venus à Bicètre, ont été unani-

mes à reconnaître que la section actuelle des enfants était

dans un état honteux et qu'elle devait être radicalement

transformée.

Nous serions heureux que cette nouvelle attaque de M. Des-

prés provoquât de nouvelles visites et nous avons la persua-

sion que tous les visiteurs donneront raison au Conseil muni-

cipal et le loueront d'avoir voté les constructions en cours

d'exécution.

ne reste plus que 4 pavillons de dortoir à construire, ce qui réduit t

la dépense de 228.547 fr. et la ramène au maximum à un million.

Cemillion ajouté au 1.500. ? f fr. formera un total de 2.560.000 fr. :

il y a loin de là aux six millions de M. Després !

DEUXIÈME PARTIE

Clinique.

1

Epilepsie jacksonnienne

Par BOURNEVILLE et P. 131UCON.

Depuis les remarquables travaux de M. Hughlings Jackson

sur la forme d'épilepsie à laquelle il a attaché son nom, un

certain nombre de cas ont éte publiés par divers auteurs. Per-

sonnellement, l'un de nous, il y a déjà plusieurs années, en a

recueilli deux très beaux exemples suivis d'autopsie, à la Sal-

pdtrière, dans le service de M. Charcot.

Le premier relatif à une malade nommée Laulai..., âgée de

18 ans, a fait l'objet d'une communication à la Société de bit-

logie intitulée : Contribution à l'étude des localisations céré-

graves; observation d'hémiplégie cérébrale infantile spasmo-

dique (épilepsie partielle). Le second cas a été communiqué à

la Société anatomique (séance du 28 juillet 1876) ; il avait pour

litre : Hémiplégie infantile suivie d'épilepsie partielle; état de

mal épileptique; mort; foyer ancien intéressant les circonvo-

lutions frontale et pariétale ascendantes et le lobule paracen-

tml 2.

Le fait que nous allons rapporter peut ètre rapproché des

précédents, il offre des particularités qui nous ont paru suffi-

samment intéressantes pour mériter d'être mis sous les yeux

de nos lecteurs.

t Séance du 5 janvier 1876 (Gaz. uocl., 1816, p, : ;9 : ,).

- Bulletin de la Société anatomique, 1876, p. : ;52-57 1.

liuunwvn,t.n : , 188 : i. 1

2 EPILEPSIE JACKSONNIENNE.

Epilepsie jacksonnienne. - Hémiplégie gauche à dix ans. - Verti-

ges à quatorze ans. - Début des accès à dix-sept ans par un état

de mal. - Aura du pouce gauche. Père très nerveux, pAstçMe.

Grand'mère, tantes paternelle et maternelle mortes phthisiques.

Grands-pères paternel et maternel alcooliques. - illére zerveuse. -

Grand'mère maternelle morte d'une affection pulmonaire. - Scezvr

morte de convulsions.- Frère mort d'une imperforation de l'anus.

Bromure de potassium. - Armures magnétiques. - État de mal.

Mort.

Autopsie : Atrophie de l'hémisphère cérébral droit et de l'hémisphère

cérébelleux du même côté. Foyer ancien occupant les circonvo-

lutions frontales, la frontale et la pariétale ascendantes, le pli

pariétal inférieur, le pli courbe.

Grar... (François), né le 3 mars )854, est entré à Bicêtre le

9 janvier 1879 (service de M. BOURNEVILLE).

Antécédents. (Renseignements fournis par sa mère, 53 août 1 881 .) -

Père, cinquante-trois ans, boulanger, maigre, d'une taille assez

élevée; il n'aurait jamais fait d'excès de boisson; il esttrès nerveux

(pas d'attaques); très doux de caractère; il fume peu ; marié à vingt-

un ans, il n'avait jamais fait de maladie grave jusqu'à ces derniers

temps : mais depuis quatre ans, il est presque toujours malade ;

bronchite et catarrhe pulmonaire 1 : épistaxis fréquentes depuis

deux ans; un peu d'acné faciale depuis un an. [Père, mort à

soixante-sept ans « un peu d'inconduite » ; c'était un vieux soldat;

il buvait beaucoup d'eau-de-vie; il avait quitté sa femme. - Mère

morte à soixante-six ans, en 1852, d'un catarrhe pulmonaire ; elle

n'était pas nerveuse. -Un frère qui, pense-t-on, est en Amérique;

Cinq soeurs, dont quatre sont mortes jeunes et l'autre à qua-

rante-sept ans, d'un catarrhe pulmonaire. Pas d'aliénés, pas d'épi-

leptiques, etc., dans la famille.]

Mère, trente-trois ans, ménagère, assez intelligente, sujette à

des troublés digestifs et nerveux (gastralgie) : depuis quinze ans,

elle éprouve des faiblesses avec perte de connaissance et sueurs

froides; pas d'attaques de nerfs, pas de migraines, pas de convul-

sions ; surdité à gauche ; affaiblissement de la vue à droite. [Père,

charpentier, mort à quatre-vingt-deux ans, d'une attaque de

paralysie gauche qui l'a enlevé en trois jours; il faisait des excès

de boisson (bière et eau-de-vie). Mère, ménagère, morte à

soixante-sept ans, d'une affection pulmonaire avec ascite; quatre

soew's : une morte à quarante ans, de la poitrine, les autres bien

1 Le 7 mai t883, lors de la mort de notre malade, son père était en

traitement à l'Hôtel-Dieu pour une « bronchite chronique ».

EPILEPSIE jacksonnienne. 3

portantes, ainsi que leurs enfants; quatre frères vivants, bien por-

tants ; d'autres soeurs et frères sont morts jeunes, on ne sait de

quoi (en tout dix-sept enfants, pas d'aliénés, etc.]. - Pas de con-

sanguinité.

Cinq enfants : 1° fille morte à trois ans de convulsions en trois

jours; elle était bien conformée et intelligente; -2° fille mariée ;

elle est souffrante d'une affection vénérienne qui lui aurait été

communiquée par son mari et pour laquelle elle est restée en traite-

ment huit mois à l'hôpital Lourcine, satteAstruc; elle n'a pas eu de

convulsions, est moins intelligente que les autres; n'a pas d'en-

fants ; - 3" notre malade ; - 4° fille, dix-neuf ans, très intelli-

gente, très nerveuse, pleure et rit sans motif, n'a eu ni attaques

ni faiblesses; elle est mariée et a un enfant d'un mois ; 5° gar-

çon, mort à dix jours; il ne serait pas allé une seule fois à la selle

et rendait des urines pleines de graviers jaunes; il était très gros.

La mère pense, sans qu'on le lui ait dit, que cet enfant avait une

imperforation de l'anus.

Notre nzulade. - Grossesse bonne jusqu'à sept mois et demi, où

la mère a eu des chagrins à la suite de la mort de sa fille âgée de

trois ans. Accouchement à terme, naturel. z la naissance, l'enfant

n'était pas cyanosé; il était assez fort; élevé au sein jusqu'à

quatorze mois; il a été vacciné à deux mois. Grar..., quoique assez

fort, eut alors du pemphigus aux bras et à la nuque, etcelajusqu'à

sept mois; il a parlé vers dix à onze mois, a marché à dix-huit

mois; il était très intelligent. A cinq ans, rougeole; onanisme. A

dix ans, vomissements très abondants pendant troisjours, accom-

pagnés de fièvre et d'un peu de délire; le médecin aurait dit que

« ça sentait la fièvre typhoïde et la congestion cérébrale» ; durée :

trois mois. Lorsqu'il a quitté le lit, « toitt le cOté gauche était en

paralysie » ; on n'avait rien remarqué auparavant; on dut, pendant

quelque temps le soutenir sous les bras pour le faire marcher;

durant un an, il marcha en traînant la jambe; enfin, la marche

redevint régulière. La main, à l'origine, était pendante; il ne

pouvait rien tenir; « il oubliait sa main »;ce n'est que vers quinze

ans qu'il a pu saisir les objets. On a remarqué que, tandis qu'il ne

pouvait retenir les petits objets, il pouvait porter un sceau plein

et le monter au premier étage, parce que les doigts formaient

crochet; il était content de faire ce travail sous prétexte que cela

détendait son bras. De onze à quatorze ans, Grar... ne se plaignait

pas de la tète; il n'avait pas de migraines : le sommeil était ré-

gulier, c : llne; il n'avait pas de tics, n'éprouvait aucune douleur

dans le côté paralysé.

A quatorze ans, début des vertiges épileptiques : les yeux tour-

naient toujours à gauche, « l'oeil était presque couvert dans l'orbite,

ou ne le voyait pas ». Le corps tournait à gauche; il se produisait

4 EPILEPSIE JACKS0NN1ENNE.

comme une secousse du corps, il disait : « Maman, on me bat, tu

vois on me donne des coups » ; il croyait voir des hommes tout

noirs qui voulaient le battre; il les voyait toujours à gauche. Il re-

venait à lui en quelques secondes, poussait un grand soupir cts'é-

criait : « Ah ! mon Dieu ! » »

A partir de cette époque, Grar... se plaignit de douleurs de tête

à peu près générales, mais principalement dans le côté gauche.

Pendant un an, il eut des vertiges environ tous les deux ou trois

jours, puis presque tous les jours pendant un mois; « ses yeux

tournaient presque tout le temps ; c'élait comme des convulsions

internes» : il ne tombait pas, la figure devenait « violacée, puis

jaune après ». Le bromure de potassium aurait produit une légère

amélioration.

A dix-sept ans, après avoir tourné sur le côte gauche, il tombait

à terre toujours du côté gaucho; quelquefois, il disait : «Maman,

je suis malade ! » et il sentait que l'accès débutait par le pouce de

la main gauche. C'est alors seulement qu'on a pu arrêter les accès

en renversant le pouce en arrière. En 1874, il eut des accès pen-

dant vingt-trois heures sans reprendre connaissance

Les convulsions prédominaient dans le côté gauche du corps d'une

manière évidente ; elles étaient plus fortes dans le bras et l'aeil

gauches que dans les parties correspondantes du côté droit. A la

suite de cet état de mal, Grar... aurait été comme fou pendant un

mois; il ne reconnaissait que sa mère, ne parlait pas ou répétait :

« Oh ! est-ce bête ! » Ses actes étaient « niais ». Il ne pouvait pas

marcher; on le promenait sur une chaise ; au bout de quinze jours,

il a commencé à marcher très doucement, sans traîner la jambe

gauche, qui était, disait-il, plus douloureuse que la droite. Un mois

après l'état de mal, la raison et la marche étaient redevenues ce

qu'elles étaient auparavant.

Les accès étaient diurnes et nocturnes; leur chiffre maximum, en

vingt-quatre heures a été de trois; le plus long intervalle entre les

accès, huit mois. 11 avait des étourdissements fréquents, au plus

séparés par un jour d'intervalle. Dans un accès, il a eu l'omoplate

droite fracturée; il a été à Lariboisière pendant plusieurs semaines

(1872); sauf une plaie du sourcil gauche, c'est le seul accident

grave qui lui soit survenu pendant les accès. Depuis son entrée à

Bicêtre, il aurait eu trois fois des séries; il se plaint souvent à sa

mère de douleurs de l'oeil gauche, de ne plus y voir de cet oeil par

moment; un jour, à la fin d'un accès, il lui disait que son oeil était

sur l'oreiller. Vers 1876 ou 1877, étant à Paris, il aurait eu des

hallucinations de la. vue.

Pas de manifestations scrofuleuses ; en 1871, varioloïde; pas de

convulsions ni de vers dans l'enfance; de dix à quatorze ans, il aurait

présenté un arrêt de développement; depuis il a grandi. Il n'au-

EPILEPSIE JACKSONNIENNE. 5

rait jamais fait d'excès de boisson, ni eu de rapports sexuels; de-

puis le début de sa maladie, il ne se livrerait plus à l'onanisme. Il

n'était pas peureux.

L'intelligence aurait un peu baissé à partir de l'état de mal :

toutefois, il fréquentait l'école du soir, et en 1878, il aurait eu le

premier prix d'orthographe. Depuis son entrée à Bicêtre, les

facultés intellectuelles auraient beaucoup diminué.

Aura. - Le malade paraît éprouver une véritable crainte (idée

fixe, persistante que des distractions seules peuvent surmonter) de

voir se fermer ses doigts et se fléchir son poignet , parce que cette

flexion est l'indice d'un accès. C'est le pouce qui se fléchit le pre-

mier ; les muscles de la région antérieure se contractent et sont

pris de battements ; la main se porte vers le bord radial, puis les

doigts se crispent; l'avant-bras, le bras se contracturent et il lui

semble que les battements montent; tant qu'il a conscience des

battements musculaires, il lui semble que son bras, qui parait rac-

courci dans l'aura, exécute plusieurs mouvements de moulinet. De

l'épaule, la sensation qu'il éprouve et qu'il dit très difficile à dé-

peindre, gagne la tête, mais il n'est pas possible d'en reconnaitre

le trajet exact. Les muscles du côté gauche se contractureraient,

la tête s'inclinerait sur l'épaule gauche et la face se dévierait du

même côlé, Grar... éproU\'erait des sensations de traction danse'oeil

gauche qui se porterait en dehors, mais sans phosphènes, ni vision

colorée.

Une fois l'aura arrivée à la tête, le malade perd connaissance.

C'est au moment où la main se crispe, pour employer l'expression

du malade, qu'il appelle ses camarades à son secours « Voilà un

accès ! » s'écrie-t-il, ou bien : «Tiens, voilà que cela me prend», ou

bien encore : « ? lion Dien ! mon Dieu ! » Quand la contracture des

doigts peut être vaincue, l'accès avorte, sinon il éclate.

Le plus souvent, l'apparition de l'aura est provoquée par une

peur, une émotion, une farce d'un camarade; le malade sursaute,

le bras se raidit, et les symptômes décrits ci-dessus se produisent.

L'action de fixer longtemps avec l'mil gauche déterminerait aussi

les phénomènes de l'aura. Le seul fait de ne pas tenir sa main et

de ne pas lutter contre sa flexion le tourmente, l'obsède et cette

idée fixe paraît provoquer la contracture de la main. Quand il est

distrait (il travaille au marais, traîne la brouette, etc.), il peut sans

danger laisser la main libre, même dans la poche; mais dès qu'il

y pense, il est obligé de la tenir. - Il n'a pas d'aura du pied, ni

de l'épigastre, etc. Grar... a toujours le temps de s'asseoir avant

l'accès.

Description de l'accès. - Si l'accès n'a pu être arrêté par les

manoeuvres indiquées, Grar... perd connaissance sans cri ou après

6 EPILEPSIE JACKSONNIENNE..

avoir poussé un petit cri étouffé; les yeux plus humides présentent

du nystagmus, se tournent en haut et à gauche, les paupières sont

ouvertes, les pupilles dilatées ; la face est tournée à gauche : la

rigidité est plus prononcée au bras ctà la jambe gauches; les secousses

tétaniformes très prolongées sont égales des deux côtés. Secousses

cloniques des deux côtés mais plus prolongées à gauche, surtout au

membre supericur, parfois limitées à la partie f/(l1lr/¡c du corps.

Durée : cinquante secondes : pas de miction involontaire. Gray ?

reprend généralement connaissance de suite sans avoir eu de

période de stertor, ni de ronflement; toutefois on a noté dans plu-

sieurs accès, de l'écume sanguinolente, du stertor et des mou-

vements automatiques (le malade chiffonnait ses bourses et sa

verge).

État actuel (Il mars ¡8R : ! ), - Tête normalement développée.

Crâne, assez régulier, symétrique, d'aspect arrondi plutôt qu'ovale.

La région occipitale, les bosses pariétales et les apophyses mas-

toïdes sont moyennement développées. Front moyen, assez large,

sans proéminence des bosses frontales, et des arcades sourcillières.

Oreilles, six centimètres et demie; lobules adhérents.

ÉPILEPSIE JACKSOXKJEXNE. 7

.V'H& ? 'e.< ? <pene ! < ? ? A l'inspection, le membre .gauche n'a

pas d'attitude vicieuse et parait un peu moins développé que le

droit ; c'est surtout évident pour l'avant-bras. Il existe une tendance

deiamainase contracturer en flexion dans toutes les parties, ten-

dance à laquelle le malade résiste continuellement. Le bras gauche

est la palpation plus dur que le droit : le biceps est contracturé,

tendu, ferme; l'avant-bras n'est pas dans la flexion, il est aussi

très dur, et les muscles de la région antérieure paraissent durs

comme du bois; ceux de la région postérieure ne sont pas modifiés.

La main n'est pas dans une position vicieuse; la paume est aplatie

ainsi que la face antérieure des doigts, par suite de la pression

continuelle de la main opposée. Nous notons encore une sorte de

subluxation en arrière de toutes les phalangines de la main gau-

che, luxation due à l'extension continue et forcée produite par

l'autre main; dès qu'il l'abandonne à elle-même, les doigts se

fléchissent peu il peu, ou bien, restant droits, le poignet se fléchit.

Le malade tient presque sans cesse son pouce, qui a delà tendance

à se fléchir et à venir se mettre en opposition avec la base du

petit doigt. Lorsque la flexion s'est produite par hasard, il devient

alors difficile de ramener le pouce dans l'extension. Grar.. prétend

ressentir aussi, principalement la nuit, un engourdissement dans

le petit doigt de la main droite ; la sensibilité dans ses divers

modes y est conservée. Il n'y a ni troubles de nutrition, ni modi-

fication du côté du système pileux. Au toucher, la température

parait plus basse du côté paralysé. Cicatrices de vaccin aux deux

bras; une petite cicatrice au coude gauche.

8 EPILEPSIE JACI- : SO111,NlE-,iNE.

réflexe tendineux également développé de deux côtés. Pas de modi-

fication dénutrition.

Ei'ILEPSIE JACKSONNIENNE. 9

1879. - 6 octobre. Grar... prend depuis longtemps 4 gr. de

bromure de potassium.

23 oct. Depuis hier jusqu'à ce matin six heures, ce malade a eu

4 fi7 accès, et depuis ce matin jusqu'à onze heures 7 accès; la con-

naissance est parfaitement conservée; elle revient aussitôt après

chaque accès. Pouls, petit, régulier, à 9 ? T. R. 3^,tr. 4.

2n oct. si gr. de bromure de potassium.

1" novembre. Bromure de potassium, 8 gr.

9 novembre. Purgatif : eau de S cdl itz; suspensic.n du bromure de

potassium pendant deux jours; recommencer par 4 gr. et aug-

menter progressivement jusqu'à 8 gr.

48Sp. - 1 juin. Le bromure a été supprimé dans les premiers

mois de l'année; depuis le 4 f avril, il en prend 4 gr. - Augmen-

ter progressivement.

4 septembre. Le traitement a été suivi d'une façon fort irré-

gulière. Bromure de potassium, 2 gr. ; augmenter d'un gramme

par semaine jusqu'à 8 gr.

1881. 16 avril. Adézo-plzlcnon de l'aisselle gauche consé-

cutif à de l'eczéma impétigineux de la face dorsale des premières

phalanges des premier, quatrième et cinquième doigts; pas de

traces de lymphangite; par l'incision il s'écoule une grandequan-

tité de pus. Pansement phéniqué.

25 avril. Guérison de l'adéno-phlegmon.

6 août. Le malade a des accès fréquents, de la céphalalgie avec

éblouissements, la face est congestionnée, il délire. Les accès sont

toujours arrêtés par la flexion de la main en dehors. - Bain,

sangsues derrière les oreilles; lavement avec 6p gr. de miel de

mercuriale.

13 décembre. On soumet le malade au traitement par les armures

magnétiques ; on lui applique au poignet un bracelet composé de

vingt-deux petites plaques.

17 déc. Grar... prétend que, depuis l'application du bracelet, il

peut s'étendre dans son lit, ce qu'il n'aurait pu faire auparavant;

il ajoute qu'il lui est plus facile de renverser sa main; qu'il est

moins émotionnable; cependant il tient tout le temps son pouce

gauche de la main droite.

1882. - 4S février. Le malade est toujours satisfait de son llra-

celet, à condition qu'on le lui charge assez fréquemment.

dans les crises, des êtres fantastiques qui dansaient autour de moi , maisje

n'ai pas perdu connaissance, car je me rappelle avoir dit : « Ce sont les

nerfs qui travaillent » ; je ne puis dormir, et, le matin en me levant, j'ai

un mal de tète à ne pas pouvoir la lever, et qui se dissipe petit à petit.

Bien souvent, quand les nerfs viennent d'être agités j'ai des maux de

coeur qui me retirent l'appétit. »

10 EPILEPSIE JACKSONNIENNE.

1 : j mai. Le traitement par le bromure de potassium a été con-

tinué par erreur. On le supprime. Le bracelet est renouvelé.

18 mai. Le malade raconte de lui-même qu'après le renouvelle-

ment du bracelet, il aurait éprouvé pendant quelques instants un

sentiment de chaleur dans la main gauche.

1" juillet; Suppression du traitement par les armures magnétiques.

EPILEPSIE JACKSONNIENNE. il 1

- lotions vinaigrées. Soir : T. R. 40°;5. 64 accès dans la jour-

née ; 137 dans la nuit (Etat de mal)..

H mai. A la visite, on le trouve dans un état de stu-

peur très prononcé; il se plaint toutefois spontanément d'un

empâtement de la langue. - Il n'a pas en d'accès depuis quatre

heures du matin. Jusqu'à sept heures, il n'avait prononcé aucune

parole; à ce moment il s'est plaint d'avoir soif. - La face amai-

grie présente une coloration terreuse et bronzée ; les yeux sont

fortement excavés. Les paupières gauches sont moins ouvertes

que les droites : les pupilles sont égales, de dimension normale. Le

nez est effilé, les narines sont pulvérulentes ; les lèneslégèrement

blanches. La langue est couverte d'un enduit gluant, sec etgrisâtre :

la gorge est sèche, couverte de mucosités. Les mains sont très

cyanosées; la main droite offre des ulcérations consécutives à des

engelures. La déglutition est facile ; -il il n'y a pas de vomissement.

La respiration est dyspnéique; on trouve seulement à la hase

droite quelques râles sous-crépitants. Percussion normale. Ni toux,

ni expectoration. Le pouls est très petit, presque filiforme, à 120.

L'abdomen est un peu déprimé. Le malade est complètement gâ-

toux depuis deux jours ; ordinairement il est propre. Les selles ont

été peu nombreuses à la suite de l'administration de l'eau-de-vie

allemande. On constate un léger érythème de la fesse droite. On

ne trouve nulle part de paralysie ou de contracture; il n'y a pas

de raideur du cou. - Lavement purgatif, lotions vinaigrées; un

quart de lavement avec 40 cenligr. de sulfate de quinine; limo-

nade vineuse; trois sangsues derrière chaque oreille. T. R. 40°.

Soir : T. R. 41 °

6 mai. Le malade n'a eau ni accès ni vertiges depuis hier. Le

matin, il aurait prononcé quelques paroles, il s'est affaibli pro-

gressivement et c.-t mort à huit heures du matin, sans avoir eu de

nouveaux accès. La température rectale, prise aussitôt après la

mort est de 41°,3.

Autopsie le 7 mai Il 883. - A l'ouverture de la cavité abdominale

l'on ne constate aucune anomalie ; la position des organes est -

normale; le péritoine est sain; pas d'épanchement. Le foie (1,303

gr.) remonte normalement et ne déborde pas les fausses côles;

il présente quelques adhérences en deux ou trois points de sa sur-

face, et est un peu gros.

Les cavités pleurale et péricardique ne contiennent pas de

liquide en quantité anormale. Le coew' est un peu pâle et mou,

en diastole. Les valvules, l'endocarde, etc., ne présentent rien de

particulier. Crosse de l'aorte normale. - En arrière, le poumon

gauche (G ? s gr.) présente quelques adhérences assez faibles, tout

son lobe inférieur est congestionné. - Pas de tubercules. Sur le

poumon droit (450 gr;) on trouve les mêmes lésions, mais moins

12 1-) EPILEPSIE JACKSONNIENNE.

accusées. - La rate (90 gr.) présente deux nodules crétacés de

la grosseur d'un petit pois.

Tête. - Le cuir chevelu est normal sans ecchymose. Les os du

crâne sont peu épais, denses; le diploé est peu développé et

n'existe pas à certains endroits. Au niveau de la partie moyenne

du frontal et des deux bosses pariétales, les os sont très amincis et

transparents. On constate une dépression au niveau des granula-

tions de Pacchioni, cette dépression est surtout très prononcée à

gauche où l'os n'est plus constitué que par une très mince lamelle

de moins d'un millimètre. Toutes les sutures sont ossifiées, mais

toutefois la suture fronto-pariétafe ne l'estqu'incom111ètement sur

la table externe. Au niveau de la suture inter-pariétale, surtout à

sa partie postérieure, la table externe est irregulière, bosselée.

Dans le diploé se trouvent de petits points jaunes comme créta-

cés. La face antérieure du rocher fait une saillie un peu plus accu-

sée à droite qu'à gauche

La dure-mère est normale.

Le liquide céphalo-rachidien paraît être un peu plus abondant

que de coutume. La pie-mère présente une vascularisation géné-

ralisée (base et convexité).

Dès l'abord, l'on est frappé de l'atrophie considérable de l'hémis-

phère droilqui présente unesorle d'encoche séparant le lobe frontal

du lobe pariétal. La pic-mère oilre là une véritable infiltration

cellulcuse ; elle est distendue par le liquide céphalo-rachidien, sous

forme de pseudo-kyste.

Les artères de la base paraissent égales. - Les nerfs olfactifs

sont égaux. Le chiasma, lesnerfs optiques, les fandeletlesoptiqzces,

les tubercules 1Jill1nillain's sont égaux et blancs. Le pédoncule

cérébral droit n'est pas aussi bombé que le gauche. Il existe au

niveau de son tiers interne avec son tiers moyen une petite dé-

pression. La protubérance paraît symétrique; le sillon médian a

une largeur d'au moins deux millimètres. - Les pyramides sont

égales ainsi que les olives qui sont très fermes; ces différentes

parties sont également colorées.

L'encéphale pèse 1,090 gr. - L'hémisphère cérébral droit pèse

90 gr. de moins que le gauche. Cervelet et isthme : 152 gr. -

L'hémisphère cérébelleux droit pèse 20 1"1'. de moins que le gauche

qui est un peu plus ferme. On n'y constate aucune lésion micros-

copique.-La protubérance et le bulbe (celui-ci coupé un peu court)

pèsent 22 gr.

La décortication de l'hémisphère gauche se fait avec facilité. Le

ventricule latéral, la corne d'Ammon, les masses grises centrales,

n'offrent rien de particulier.

La décortication de l'hémisphère droit s'opère facilement, sauf au

niveau du centre d'un foyer ancien où la pie-mère se présente sous

EPILEPSIE JACKSONNIENNE. 1 : 1

forme d'une lamelle qui entraîne un peu de substance nerveuse.

Le foyer a une coloration jaunâtre générale avec des ilôts rosés.

(PL. 1). Il semblerait que la substance grise forme une sorte de

voile mobile sur la crête de la substance blanche sous-jacente.

Hémisphère droit. Face convexe. Dans son ensemble il est plus

court et moins large que l'autre hémisphère; tandis que le bord

interne du lobe orbi laire gauche mesure quatre centimètres et demi,

celui du côté droit n'en mesure que trois en longueur. Le lobe or-

bitaire gauche a trois centimètres et demi de largeur, le droit a

presque la même largeur. Les circonvolutions de la face orhi-

taire sont un peu moins développées en longueur que celles du

côté gauche, mais sont saines. La troisième circonvolution frontale

mesure dix centimètres et demi en longueur environ; elle est saine

dans un à deux premiers centimètres antérieurs; mais elle estatro-

pLiée dans ses autres parties; l'atrophie porte principalement sur

la facc antérieure, la partie correspondante au lobule de l'insula

étant moins défigurée. La deuxième circonvolution frontale est

saine sur une longueur de un centimètre et demi à peine en avant;

elle est complètement atrophiée dans tout le reste de son étendue

jusqu'à son insertion sur la frontale ascendante. La première

circonvolution frontale est considérablement atrophiée dans sa

partie moyenne sur une longueur de 3 centimètres ; en arrière

son insertion est saine et les deux centimètres qui la précèdent

sont complètement sains sur la face interne et le bord supérieur,

mais la face externe de cette partie répondant au deuxième pli de

la première frontale est lésée (PL. I, I , ).-La frontale ascendante est

atrophiée dans ses trois centimètres inférieurs; l'atrophie est consi-

dérable; cette partie est par rapport à la partie saine comme 1 est

à 3 ; cependant sur le milieu de la face antérieure de la partie saine

on trouve un petit foyer (po. I, Fa). - La pariétale ascendante est

détruite dans ses trois centimètres inférieurs ; les deux centimètres

et demi supérieurs sont sains. - Les parties saines de la frontale

ascendante et de la pariétale ascendante comparées aux parties

correspondantes du côté gauche sont beaucoup moins volumi-

neuses (PL. 1 et 111, Fa, Pa).

Les parties lésées de la frontale ascendante et de la pariétale

ascendante comprennent toute l'épaisseur et toutes les faces de la

circonvolution. - Le lobule pariétal inférieur est détruit dans toute

son épaisseur. Il en est de même de la moitié antérieure du pli

courbe; à ce niveau il existe une sorte de cavité assez profonde

où vient se perdre la partie supérieure de la scissure parallèle (PL. 1,

`lez - Le lobule de l'insu{¡¡ présente trois branches bifurquées.

Toutes les parties occupées par la lésion sont en retrait sur les

parties saines environnantes, d'où une dépression marquée com-

blée par la pie-mère infiltrée (pseudo-kyste).

Trois coupes verticales pratiquées sur la lésion montrent que le

li il EPILEPSIE JACKSONNIENNE.

foyer m'atteint pas les masses centrales mais qu'il intéresse les cir-

convolutions ainsi qu'une partie du centre ovale. La couche

optique et le corps strié sont un peu moins volumineux que ceux

du côté sain.

Au niveau de la lésion, la pie-mère, comme nous l'avons dit plus

haut, s'est enlevée avec facilité, mettant à nu une surface rosée, de

consistance mollasse, mais cependant assez résistante. Celle subs-

tance soulevée avec la pince glissait sur le squelette de substance

blanche comme une sorte de membrane : c'cst la substance grise déta-

chée de la substance blanche. - La lésion diffère donc de la mé-

ningo-eneéplwlile ordinaire dans laquelle la pie-mère est si adhé-

rente à la substance grise que, dans son ablation, ou met à nu le

squelette de substance blanche tandis que la substance grise,

adhérente à la pie-mère, offre les reliefs et les dépressions cor-

respondant aux circonvolutions.

L'examen des autres parties n'a eu lieu qu'après macération du

cerveau dans l'alcool; la substance grise des parties lésées s'est

plissée, ridée sur la substance blanche et a pris une coloration

légèrement jaunâtre.

Toutes les parties postérieures ont un aspect normal, mais sont

plus élémentaires que celles du côté opposé; les sillons, sauf les

principaux, sont très superficiels. Les circonvolutions ont un aspect

légèrement chagriné qui ne se retrouve pas de l'autre côté. Le lobe

occipital est relativement assez volumineux.

La première circonvolution temporale est parfaitement distincte

avec un sillon assez profond, mais la seconde n'est séparée de la

troisième qu'en avant. La première temporale envoie au fond de

la scissure de Sylvius un seul pli bifurqué (PL. I) à sa base seu-

lement. Il est d'ailleurs assez volumineux.

Face interne. La partie moyenne de la première frontale est

entièrement détruite et n'a plus qu'une épaisseur de deux a trois mil-

limètres (PL. II). La circonvolution du corps calleux est saine,

toutefois elle présente une sorte de renflement en massue à l'ori-

gine de sa portion horizontale (supérieure).- Le lobe paracentral

est bien développé avec un sillon médian central. Le lobe carré

est large etparait nurmal ainsi que le, coin, la face interne du lobe

occipital, la corne cl'.I 11111[1)11, la circonvolution de {hippocampe.

Hémisphère gauche. - Face convexe. Le lobe frontal est bien

développé. La première circonvolution frontale est très plissée;

son insertion est régulière. La deuxième circonvolution frontale est

à la fois très plissée et très sinueuse ; elle ne présente pas d'inser-

tion sur la frontale ascendante. La troisième circonvolution frontale

est relativement moins développée que les deux précédentes; elle

possède une insertion régulière sur la partie inférieure de la

frontale ascendante. -- La circonvolution frontale ascendante est

bbn développée, régulière. Le sillon de Rolando est normal. - La

EPILEPSIE JACKSONNIENNE. 15 5

circonvolution pariétale ascendante parait normale. - Le pli pa-

riétal supérieur, le pli pariétal inférieur, et le pli courbe sont très

distincts; à cet égard c'est un cerveau type.

Les circonvolutions du lobe occipital sont assez volumineuses. Le

lobule de l'insula possède trois digilalions subdivisées. - Les cir-

convolutions temporales sont normales, sinueuses. - La première

envoie de sa parlie moyenne un pli assez large, de forme conique

vers le fond de la scissure de Sylvius. Ce pli présente un sillon

longitudinal assez superficiel. A un centimètre en arrière de ce pli

en part un autre court et simple (IL. III, p.). Entre ces plis vienl

s'emboîter un petit prolongement du pli pariétal inférieur.

Face interne. La première circonvolution frontale est double,

mais interrompue à sa partie moyenne par un sillon perpendicu-

laire (PL. IV, s); elle se termine sur le lobe paracentral) (L P) sans

séparation. Le lobitle est volumineux, presque coupé en

deux par un sillon vertical. - Le lobe carré (L Q), le coin (L C), le

lobe occipital (L 0), sont normaux (PL. IV).

Réflexions. - Cette observation nous semble comporter

les remarques suivantes :

I. Si nous exceptons la tuberculose dont ont été atteints le

père de Grar... et plusieurs de ses grands parents, nous ne

trouvons aucune all'ection nerveuse ou héréditaire dans la

famille de notre malade; ajoutons seulement que les deux

grand-pères étaient alcooliques.

II. Jusqu'à l'âge de dix ans, Grar... a joui d'une bonne santé,

son intelligence était normale. A cette époque, dans le cours

d'une fièvre typhoïde ( ? ), il fut atteint d'accidents cérébraux

sur lesquels des renseignements précis nous font défaut et à la

suite desquels on constata une hémiplégie gauche. Celle-ci alla

s'améliorant, la marche redevint régulière, et, sauf une contrac-

ture intermittente du deuxième orteil gauche, les deux membres

inférieurs ne présentaient, en 1882, que de très légères diffé-

rences. Au membre supérieur gauche la paralysie persista

plus longtemps, et ce ne fut que vers quinze ans que Grar...

put saisir certains objets; certains groupes musculaires se con-

fracturèrent. t.

III. C'est quatre ans après le début de la lésion initiale

qu'apparaît l'épilepsie d'abord sous la forme de vertiges

(quatorze ans), puis sous forme d'accès (dix-sept ansj. Pendant

l'accès, les yeux et la face étaient tournés à gauche ; la rigi-

dité était plus prononcée de ce même côté, les secousses tétani-

16 6 11'ILEI'SI E .J.\CKSOè\NIENNE.

formes étaient égales des deux cotés; mais, pendant la période

clonique, les secousses étaient plus prolongées il gauche, sur-

tout au membre supérieur. Enfin, dans certains accès, surtout

les accès isolés, les convulsions étaient limitées à la moitié

gauche du corps.

L'accès, comme nous l'avons vu (p. 5), était toujours pré-

cédé d'une aura siégeant dans la main gauche ; celle-ci avait

une tendance à se contracturer en flexion dans toutes ses par-

lies, le pouce se lléchissant le premier; aussi Gr... maintenait-

il presque sans cesse, avec l'autre main, la main gauche dans

l'extension forcée. Le malade pouvait faire avorter les accès en

renversant le pouce ou la main entière en arrière. L'accès

n'éclatait que si la contracture ne pouvait être vaincue. Cette

tendance à la contracture n'était pas permanente ; elle ne

paraissait pas se produire quand le malade était distrait.

Grar... se plaignit plusieurs fois de troubles visuels à

gauche; ceux-ci ne furent que momentanés, mais toutefois

l'action de fixer longtemps avec l'oeil gauche déterminait les

phénomènes de l'aura.

Notre malade a eu, à plusieurs reprises, des séries d'accès ; il

eut de plus, en 1874, un état de mal sur lequel nous manquons

de renseignements. Enfin, en 1883, il survint un nouvel état

de mal auquel le malade a succombé et qui a offert la plupart

des symptômes de l'état de mal ordinaire, entre autres l'élé-

vation de la température.

IV. Les lésions cérébrales trouvées à l'autopsie n'intéressent

que l'hémisphère droit qui présente un ancien foyer compre-

nant : -1° la partie postérieure de la troisième circonvolution

frontale et de la deuxième circonvolution frontale; 2° la partie

moyenne de la première circonvolution frontale; 3° la frontale

et la pariétale ascendantes dans leurs parties inférieures ; 4" le

lobule pariétal inférieur, et 5° la moitié antérieure du pli courbe.

Ces lésions expliquent parfaitement les phénomènes éprouvés

par notre malade, et notamment la prédominance des accidents

convulsifs, dans le membre supérieur gauche, dont le centre mo-

teur, qui occupela moitié inférieure des circonvolutions frontale

et pariétale ascendantes, était détruit à un degré prononcé par

le foyer pathologique. En ce qui concerne le membre inférieur

qui est plus spécialement sous la dépendance des parties supé-

rieures de la zone motrice, nous avons vu que, dans les accès,

il était moins fortement atteint que le melllb c supérieur ; or,

EPILEPSIE JACKSONNIENNE. 17 Î

l'autopsie nous a montré que, au niveau de sa zone, les lésions

étaient beaucoup moins prononcées et même nulles dans la

portion supérieure de la frontale et de la pariétale ascendantes.

Relativement aux lésions de l'extrémité postérieure de la

deuxième circonvolution frontale, du lobule pariétal inférieur

et du pli courbe, nous nous contenterons de signaler leur rela-

tion probable avec les phénomènes observés du côté de la face

et surtout avec les symptômes oculaires.

Disons encore que la lésion a déterminé une atrophie géné-

rale de l'hémisphère droit, qui pesait 90 grammes de moins

que le gauche, et que, contrairement à la règle, l'atrophie

portait non pas sur l'hémisphère cérébelleux gauche, mais

bien sur l'hémisphère cérébelleux droit : en un mot, l'atrophie

portait sur l'hémisphère cérébral et l'hémisphère cérébelleux du

même côté.

Nous bornons là ces réflexions. Les détails consignés dans

l'observation, la description des lésions notées à l'autopsie et

que représentent fidèlement les planches dessinées par

M. Leuba, permettront d'utiliser notre observation à propos

d'autres faits.

l3uuwewL. 18 . 12

II.

De l'emploi du curare dans le traitement

de l'épilepsie;

Par BOURNEVILLE et P. BRICON.

Nous n'avons pas à nous occuper ici de l'action physiolo-

gique du curare si bien étudiée par de nombreux auteurs,

surtout par Claude Bernard ' d'abord et ensuite par M. Vul-

pian - ; ces recherches sont classiques, et, quoiqu'il règne

encore quelque obscurité sur le mécanisme de l'action phy-

siologique du curare, nous ne saurions tirer à cet égard de

nos études personnelles aucune donnée nouvelle.

Il nous semblait, dès l'abord, peu rationnel d'utiliser dans

le traitement de l'épilepsie un médicament qui, physiologi-

quement, sauf une légère excitation initiale, reste sans action

sur les centres nerveux et sur le système nerveux sensitif, et

qui, en abolissant les mouvements volontaires, ne saurait

agir que sur l'effet et non sur la cause de l'épilepsie. Nous

connaissions les observations anciennes et leur lecture ne nous

avait pas inspiré l'idée de traiter nos malades par le curare.

Nous ne nous sommes décidés à l'expérimenter qu'après avoir

lu les nouvelles observations publiées récemment par plu-

sieurs médecins étrangers, qui prétendent avoir obtenu du

curare des résultats satisfaisants et le préconisent dans le

traitement de l'épilepsie.

Nous ne nous dissimulons pas que, pour préciser d'une

' Claude l3ernartl.- Leçons sur les effets des substances toxiques et mé-

dicamenteuses; Paris, 1857, 4ne-2G° leçon (î mai-13 juin 1856), p. 239-393.

2 Vulpian. - Leçons sur l'action physiologique des substances toxiques

et médicamenteuses; t. I«, 1 er fa, Paris, 1881, /i°-8« leçon, p. 193-423.

DU CURARE DANS L'ÉPILEPSIE. 19

manière tout à fait exacte l'action du curare, nous aurions dû

pousser la curarisation jusqu'à l'affaiblissement des mouve-

ments respiratoires, ou tout au moins jusqu'à l'affaiblissement

général des autres muscles. Sous ce rapport, nos recherches

ne sont donc pas concluantes, mais de tous les auteurs qui

ont vanté l'action du curare dans le mal comitial, aucun ne

l'a employé, que nous sachions, à la dose limite, et, dans

l'espèce, la crainte d'accidents possibles, pouvant se produire

lors d'un accès éclatant au milieu de la curarisation presque

complète, nous a empèché de dépasser les doses employées

par nos prédécesseurs.

Nous pouvons ajouter que nous comprenions peu comment

ce médicament, dont l'élimination est si rapide quand il est

administré par la voie hypodermique, pût avoir une action

quelque peu prolongée sur les accès d'épilepsie.

Nous n'insisterons pas davantage sur ces considérations

générales qui indiquent suffisamment la confiance relative que

nous avions dans le traitement de l'épilepsie par le curare, et,

après avoir fait l'historique de l'emploi du curare dans l'épi-

lepsie, nous donnerons les résultats que nous avons obtenus

à Bicêtre.

I. HISTORIQUE.

Thiercelin ' aurait, le premier, publié deux observations

d'épileptiques traités par le curare (méthode endermique), chez

lesquels le nombre et l'intensité des accès diminuèrent, mais

dont l'amélioration disparut avec la cessation du traitement;

ces épileptiques avaient été soumis auparavant à diverses

médications sans aucun succès.

Observation I. Epilepsie congénitale héréditaire. Jeune homme

de vingt-huit ans, affecté d'une épilepsie congénitale héréditaire,

a passé quatre ans à l'hospice de Charenton. Considéré comme

incurable, il avait cessé de recevoir des soins médicaux depuis

deux ans. Ses accès variaient entre quinze et vingt par mois,

dont une partie n'était que des vertiges, et les autres, en plus

grand nombre de haut mal.

Observation II. - Epilepsie; début ci neuf ans par des vertiges;

accès d'abord nocturnes. - Jeune fille de dix-sept ans, épileptique

i Thiercelin. Académie des sciences et Gazette médicale de Paris,

février 1861.

20 DU CURARE

depuis huit ans. Les crises, à l'état de vertiges pendant un an, ont

ensuite pris le caractère du haut mal, mais seulement nocturnes

pendant deux ans. Depuis cinq ans, ces accès venaient le jour et

la nuit, et étaient caractérisés par des convulsions violentes, des

cris aigus, le râle guttural, l'écume à la bouche, etc. Leurnombre

est de vingt-huit à vingt-neuf par mois depuis un an.

Sous l'influence du curare, administré à doses variant entre

3 à 5 centigrammes par jour, au moyen d'un vésicatoire en

pleine suppuration, M. Thiercelin a vu, dans l'espace de deux

mois (décembre 1859 et janvier 1860), les accès diminuer, de

manière que chez l'un on n'en a compté que cinq au lieu de

quinze ou vingt, et chez l'autre huit au lieu de vingt-huit

ou vingt-neuf dans le dernier mois. La gravité des convul-

sions s'est amendée aussi d'une manière très notable, et l'état

général s'est sensiblement amélioré. Ainsi l'appétit a aug-

menté en ramenant les forces et l'embonpoint. A l'irritabilité

nerveuse, si grande habituellement chez ces malades, ont

succédé un calme intellectuel et une bonne humeur constante

faisant présager un retour prochain à une santé parfaite.

Cette amélioration donnait de grandes espérances, quand,

malheureusement, au bout du deuxième mois, la provision de

curare était épuisée. La contre-épreuve se produisit alors

rapidement chez les deux malades. Les accès revinrent dans

le mois suivant (février) à leur ancienne fréquence ou à peu

près : à savoir, quinze par mois pour l'un, et pour l'autre

vingt-quatre.

Ayant obtenu un nouvel échantillon de 1 gr. 50 de curare,

M. Thiercelin recommença l'administration chez la jeune fille

seulement, l'exiguité de la provision ne permettant pas de

mener les deux traitements de front.

Dans l'espace de dix jours, la jeune malade reçut sur un

vésicatoire du bras 50 centigr., soit 5 centigr. par jour en une

seule dose. Pendant ces dix jours, trois crises seulement t

revinrent la nuit, et avec peu de convulsions. Amélioration

manifeste.

Le onzième jour, le médicament manque ; il survint trois

accès dans la nuit suivante. Les convulsions ont repris une

certaine intensité. Le douzième jour, M. Thiercelin remet

aux parents 1 gr. du médicament, divisé en quatorze paquets,

et devant être administrés en quatorze jours. Chaque paquet

devait suffire à trois pansements.

DANS L'ÉPILEPSIE. 21 z

Dimanche 11 novembre, le deuxième paquet a été employé,

et, pendant ces douze derniers jours, on n'a eu à constater

que deux accès nocturnes, d'une durée au-dessous de la

moyenne et de peu d'intensité.

En résumé, ces deux malades ont été soumis au traitement

par le curare pendant un temps trop court pour pouvoir

affirmer que la diminution de leurs accès fût sous la dépen-

dance de l'administration de ce médicament. Ces observations

sont, du reste, incomplètes, et l'absence de tableaux d'accès

durant la période de traitement ne permet aucune comparai-

son avec les époques correspondantes des années précédentes.

M. Schivardi* rapporte des observations inédites du Dr Pe-

rini (de Milan) ; celui-ci a aussi employé le. curare dans quatre

cas d'épilepsie (un en 1864, deux en 1865, un en 1866). Nous

en donnons le résumé :

Observation III. - Jeune homme de vingt-cinq ans. - Accès

fréquents et violents. - Début causé parla vue d'accès épilep-

tiques ; traité sans succès par la valériane et l'atropine. -3mura :

sensation de piqûre dans la région dorsale. - Vésicatoire au lieu

de l'aura, saupoudré de un demi centigramme de cérat. - Traite-

ment : un peu plus d'un mois. - Guérison. - Mort l'année sui-

vante de tuberculose pulmonaire. - Pas d'autopsie.

Cette observation est incomplète et peu concluante en ce

sens que l'on voit très souvent les accès diminuer, à mesure

que se développe la tuberculose.

Observation IV. Femme de trente-sept ans, aurait eu, en

1843, une encéphalite très grave ( ? ). Premier accès en 1863

sans cause connue; traitée sans succès par la valériane, l'atropine,

etc. Aura : sensation de chatouillement le long de la colonne,

vertébrale. - Application de vésicatoires au point de départ de

l'aura (dernières vertèbres cervicales), saupoudrés de poudre de

curare. - Durée du traitement. : deux mois. -Amélioration lente

et progressive, puis guérison.

Observation V. - Jeune fille de dix-huit ans, accidents convul-

sifs à la suite de chagrins d'amour, puis accès épileptiques. Aura

épigastrique. Même traitement que pour la précédente. Guérison

en deux mois.

Observation VI. - Enfant de douze ans. - Antécédents épilep-

1 Schivardi. La medicazione ipoclermica, 4e édition. Milan, 1879, p. 199,

22 DU CURARE

tiques héréditaires. Paraplégie faciale rhumatismale suivie d'ac-

cès épileptiques. - Vésicatoire à la nuque saupoudré de curare.

- Traitement de quatre mois. - Guérison.

Ces trois dernières observations sont encore moins con-

cluantes que la première, et, à notre avis, on ne saurait préco-

niser un traitement sur de tels faits; ce sont des notes à con-

sulter personnellement et non à publier.

Le 26 janvier 1864, M. Benedikt communique à la Société

des médecins viennois le résultat de ses recherches sur l'emploi

thérapeutique du curare Dès cette époque, il rapportait avoir

traité quinze épileptiques au moyen des injections hypoder-

miques de curare. Yoici le résumé des quatre cas que M. Bene-

dikt a relatés avec quelques détails :

Observation VII. Le premier concerne un enfant de douze

ans, atteint depuis quatre à cinq années d'accès momentanés de

perle de connaissance avec roulement des yeux; il était, depuis

Pâques de l'année 1863, sujet à des accès épileptiques qui reve-

naient au moins une fois chaque semaine, il fut mis en traitement

au commencement d'août et durant les deux mois de traitement

par le curare, les accès ne reparurent plus.

Observation VIII. - Dans un autre cas, les accès se répétaient

tous les trois jours; pendant le traitement, qui dura quatre mois, les

accès ne revinrent que deux fois seulement et furent remplacés,

les jours où auparavant ils avaient l'habitude d'éclater, par des

frissons, de l'abattement, etc.

Observation IX. - Dans un troisième cas où les accès venaient

presque tous les deux jours, les accès n'apparurent pendant le

traitement que une à trois fois par mois ; ils étaient plus faibles.

Observation X. - Dans un quatrième cas où l'on notait des

vertiges quotidiens et presque chaque jour des accès ordinaires

d'épilepsie, ces derniers devinrent très rares.

Les injections furent faites, dans tous les cas, trois fois par

semaine ; les doses varièrent de 1/15 à 1/10 de grain 2.

En 1866 3, M. Benedikt publiait un second mémoire ; cette

nouvelle série se composait en général d'épileptiques peu favo-

rables, car ils étaient malades depuis un temps déjà assez long.

1 Wiener medizinische Presse. 29 janvier 1805, un : i, p. 118.

- Le grain autrichien équivaut à 73 milligrammes.

3 \-Vielle)' medizinische Presse. 12 et 19 août, n05 33-39, p. 79, 91, 806.

Positive Resultate ;;111' Curare Thérapie.

DANS L'ÉPILEPSIE. 23

Observation XI. Ftach(Hermanu), vingt ans; début probable

en 185o à la suite d'un coup sur la tête; pas d'hérédité, vertiges

fréquents et accès; développement intellectuel peu prononcé; à

l'hôpital, on nota des accès avec perte de connaissance sans

secousses, suivis ordinairement de somnolence persistant parfois

pendant huit heures.

Après un accès à l'hôpital, on observa des troubles intellectuels

et une espèce de perte de connaissance. Comme prodrome le ma-

lade accusait une sensation de chaleur qui lui montait à la tête,

parfois précédée d'une forte oppression. En six mois d'observa-

tion il eut environ un accès par mois.

La réaction des nerfs moteurs était normale. Le 3 novembre

186lui, on commença le traitement par le curare (injection sous-

cutanée de un huitième de grain, trois fois par semaine). Le ma-

lade eut pendant les quatorze premiers jours deux faibles ver-

tiges et le traitement fut continué,jusqu'à la fin de janvier 1863.

Du 19 novembre 1804, au commencement de l'année 1866, il n'eut

plus d'accès.

« Ce cas, ajoute M. Benedikt, est du plus haut intérêt parce

qu'il nous montre l'influence du curare sur les symptômes

psychiques de l'épilepsie. Je dois ici faire remarquer que dans

beaucoup de cas, au début du traitement, on observe des accès

où les symptômes convulsifs restent les mêmes, mais où les

troubles psychiques font déjà défaut, quoiqu'ils aient été aupa-

ravant des plus prononcés. »

Observation XII. -- 8teinscbütz (Johann), douze ans, fils de

paysan. Pas d'antécédents héréditaires ; depuis quatre ans, vertiges

presque momentanés ; le malade perd complètement connais-

sance, roule les yeux et reprend la conversation ou son tra-

vail sans avoir conscience de l'intermède pathologique. Ces ver-

tiges se répétaient plusieurs fois le jour. A Pâques de l'année 1863

eut lieu le premier accès d'épilepsie à la suite d'une lecture d'his-

toire de revenants. il en eut sept jusqu'au 19 août 1863 : alors le

malade fut mis en observation, l'accès durait un quart d'heure,

précédé (un quart d'heure à une demi-heure) d'un accès de petit

mal. Le dernier accès survint quatre jours avant. le début du trai-

tement. La réaction du syslème nerveux moteur par la recherche

galvanique et faradique était très augmentée. Le malade fut pen-

dant huit mois (du 19 août 1863 au 17 mars 1S64) traité comme le

précédent et n'eut plus d'accès ni de petit ni de haut mal, et jus-

qu'à présent (commencement de juin 1866) ils ne sont pas revenus.

Après sept semaines de traitement, on trouva du sucre dans

l'urine.

24 DU curare

Observation XIII. - Schrollenberger (Joseph), dix-sept ans, hor-

loger, a eu à neuf mois à la suite d'une peur et à six ans après

une chute, un accès d'épilepsie. - L'enfant n'a pas d'antécédents

héréditaires; il est intelligent; il y a deux semaines, il eut

de nouveaux accidents convulsifs ; il eut chaque jour, durant six

jours, deux ou trois accès débutant par une sensation de pression

montant de l'abdomen, suivis de l'abolition de la parole, de la

perte de connaissance et de secousses généralisées. Les accès

duraient de trois à cinq minutes et ne laissaient après eux aucun

symptôme. Le traitement, commencé le 29 septembre, fut con-

tinué durant quelques semaines. Les accès cessèrent de suite et ne

reparurent plus'.

Observation XIV. - Altar (Isak), épileptique depuis quatre ans ;

accès nocturnes se répétant dans les derniers temps tous lestrente-

deux jours. Quoique le résultat obtenu par le traitement n'ait pas

persisté, M. Benedick dit devoir rapporter ce cas, parce que ce ma-

lade est, jusqu'à présent, celui qui est resté le plus longtemps en

observation; il fut soumis au traitement du 8 août au 26 décem-

bre 1864. Le malade était sujet dans l'intervalle de ses accès à

des suffocations. - L'origine de la maladie est attribuée à des

chagrins, etc. Les accès étaient nocturnes. Des injections de 1/1 à à

1/4 de grain lui furent faites quatre fois par semaine. Les accès

perdirent leur type. Dans les deux premiers mois il n'y eut aucun

accès, mais à l'époque où avait coutume de venir l'accès, le ma-

lade ressentait un malaise général et des frissonnements. Dans les

trois mois suivants il y eut un accès, à la suite duquel il resta

pendant un jour assoupi. Plus tard, un autre accès fut suivi de

tremblement de la main droite; dans l'année 186;i, il eut cinq

accès au lieu de douze; en 1866, jusqu'en juillet, cinq accès; de

sorte que le malade avait à cette époque à peu près le même

nombre d'accès qu'avant le traitement.

Depuis le premier traitement, il avait été soumis, à deux

reprises différentes à des injections de curare. Les accès de suffo-

cation avaient disparu. Dans ce cas, la présence de sucre dans les

urines fut aussi constatée après plusieurs semaines de traitement.

La contractilité électro-musculaire, normale au début du traite-

ment, diminua passagèrement pendant la durée de celui-ci.

« Ces observations montrent indubitablement, dit M. Bene-

dikt, que le curare possède non seulement une action spécifique

sur la diathèse motrice de l'épilepsie, mais encore sur la dia-

thèse psychique. De nombreux insuccès dans les cas invétérés

' M. Benedickt nous apprend que ce malade a été observé par lui

pendant six années et qu'il n'a pas eu de rechute.

DANS l'épilepsie. 25

démontrent qu'il n'est aucun remède sûr pour tous les cas. De

nombreuses expériences me font l'impression, je ne veux pas

dire me démontrent, que ce remède arrête le développement

de la maladie dans les cas récents, idiopathiques, concernant

des jeunes sujets. »

M. Benedikt faisait des injections trois fois par semaine

durant six à huit semaines ; il suspendait alors le traitement

s'il n'y avait plus d'accès, enfin il le reprenait dès qu'il y avait

rechute. Il se servait du curare du commerce.

Les injections étaient faites au cou, elles restaient doulou-

reuses pendant plusieurs heures chez les personnes sensibles

et donnaient lieu parfois à de petites indurations '.

Enfin, le 3 février 1871 2, M. Benedikt faisait une dernière

communication à la Société médicale de Vienne sur le Traitement

des convulsions par le curare. Il s'agissait d'une malade qui souf-

rait trois mois avant le traitement d'accès de cardialgie, auxquels

s'ajoutèrent plus tard des phénomènes congestifs du côté de la

tète et des accès de suffocation. Les narcotiques et les prépara-

tions métalliques restèrent sans effet. On nota encore chez

elle du spasme dans les gros vaisseaux, des pâleurs, des fris-

sons, des fourmillements, des convulsions d'abord localisées

aux orteils et aux doigts de la moitié droite du corps ; celles-ci

se généralisèrent et s'accompagnèrent de délire ; elles de-

vinrent de plus en plus fréquentes malgré l'usage du bromure

de potassium (deux scrupules en deux doses par jour) et dispa-

rurent par l'usage du curare dans l'intervalle de trois jours

(deux injections en tout).

Le curare s'est montré sans action dans certaines formes

d'épilepsie ; l'épilepsie gyratoire, par exemple, et dans un cas

d'épilepsie symptomatique d'une lésion traumatique de la

cuisse.

Mandt', en opposition à ces succès partiels, a fait connaitre

un cas dans lequel les injections de curare furent employées

pendant quatre mois sans le moindre effet. Il s'agissait d'une

1 Dans une lettre que nous a adressée M. Benedikt, en 1883, celui-ci

fait observer qu'il filtre maintenant chaque fois la solution jusqu'à ce

qu'elle devienne claire et jaune, et que depuis ce temps la réaction

locale est nulle on au moins très rare.

2 IViene,' Pi-esse, 19 février 1871, il" 8, p. 196.

à Mande, - Die Wirkrrug des Curare bei Epilepsie( Wiener' /lied. Pressc,

ri- 17, 1866).

26 DU CURARE

femme de vingt-deux ans à qui on injecta au bras et à la nuque

dix gouttes d'une solution à 1 : 120 tous les deux jours pen-

dant le premier mois, ensuite tous les jours les autres mois.

Au lieu de la piqûre, il se faisait une petite induration.

MM. A. Voisin et H. Liouville', en 1865, ont fait à Bicêtre

des recherches physiologiques et thérapeutiques sur le curare.

Nous laisserons de côté la partie physiologique de leur travail

pour ne nous occuper que du mode d'administration et de

l'action thérapeutique du curare dans l'épilepsie. A tous les

autres modes d'administration ces auteurs préfèrent la méthode

hypodermique.

« Le vrai moyen disent-ils, pour avoir des résultats rapides et

presque prévus à courte échéance et la plus utile voie pour pou-

voir parer de suite par la ligature, avec une bande roulée, à un

accident, est l'injection sous-cutanée dans les membres avec les

précautions qu'elle exige.

« Les malades que nous avons traités avec le curare sont tous

des épileptiques placés dans le service de l'un de nous à l'hospice

de Bicêtre. Leur affection nous a paru d'autant mieux se prêter à

cette médical ion qu'elle est, d'une part, regardée comme le plus

souvent incurable, et que, d'autre part, elle est une de ces ma-

ladies que l'on dit avoir été traitée avec succès parle curare dans

les contrées où on le prépare. De plus, cette médication curarique

a déjà fait à Paris et à Vienne, dans les mains de MM. Thiercelin

et Benedikt, l'objet de recherches malheureusement restées in-

complètes par la privation du médicament, et peu certaines, peu

concluantes par le défaut d'une dosologie établie d'une façon plus

fixe. »

Douze malades adultes ou âgés de plus de quinze ans ont

été mis en traitement presque tous au commencement d'août.

Au début, les doses étaient de 2/10 de milligrammes; comme

elles ne produisaient aucun effet appréciable, elles ont été

portées successivement à 60-70 milligr. A partir de là,

MM. Liouville et Voisin ont procédé par augmentation de

5 milligr., puis d'un centigr., et sont arrivés à administrer en

injections sous-cutanées 8 centigr., 38 centigr. par la voie

endermique et 40 centigr. par les voies rectale et buccale.

MM. A. Voisin et Liouville ne semblent pas avoir retiré de

grands avantages de la médication par le curare, ainsi qu'il

résulte du passage suivant de leur brochure :

1 A. Voisin et il. Liouville. - Etudes sur le curare. Paris, 1(i6.

DANS l'épilepsie. 27

« Pour ce qui touche les résultats définitifs de l'emploi du curare

contre l'épilepsie, nous ne pouvons pour ce moment rien affirmer

dans aucun sens. Nous n'avons pas vu qu'il fût nuisible, mais

rien ne nous autorise non plus à vanter son efficacité. Pour

asseoir sérieusement un jugement définitif sur ses avantages réels,

il nous semble qu'on est en droit d'exiger des observations de

plus longue durée (deux, trois, quatre ans même) et une statis-

tique avec des points comparatifs antérieurs dans une période à

peu près pareille. »

Beigel' a injecté dans un cas d'épilepsie jusqu'à 13 milligr.

de curarine sans aucun résultat.

Le travail de MM. H. Liouville et A. Voisin clôt, en quelque

sorte, la première période dans laquelle le curare a été em-

ployé contie l'épilepsie. Il nous semble s'être écoulé un

certain nombre d'années avant que le curare fut mis de nou-

veau à contribution : il nous faut arriver, en effet, à l'année

1878, époque où il est reparlé du curare.

« J'ai essayé, dit M. Rosenthal 2, dans un certain nombre de

cas, une solution de 5 centigr. de curare dans ;> gr. d'eau, avec

addition de trois à quatre gouttes d'alcool absolu ; pendant deux

ou trois mois, je faisais tous les deux jours une injection sous-cu-

tanée, en allant progressivement de 4 milligr. à 9 milligr. Chez

sept malades que j'ai soignés ainsi (dont quatre cas sans antécé-

dents héréditaires, et deux d'hystérie épileptiforme), et chez cinq

autres malades traités de la même façon à l'asile des aliénés de

Vienne, le médicament n'a produit aucun effet durable. a

M. le D° Kunze3 a recommandé dans ces derniers temps

d'une manière pressante le curare dans l'épilepsie. Il a expé-

rimenté le curare chez 80 malades, et aurait obtenu chez 6

d'entre eux une guérison parfaite. Les faits rapportés en

détail par lui tendraient à prouver que, dans toutes les formes

de l'épilepsie, même dans celles où la maladie, déjà ancienne,

a amené un affaiblissement notable de l'intelligence, le curare

peut, dans certains cas, guérir le mal et même rendre un peu de

son intégrité à l'esprit. Selon cet auteur, la dose de 1 centigr. de

1 Beige). - Versuche mit Curare und Curarin (Berl. Clin. Wochens-

christ, ni' 7 et 9,1867).

2 Rosenthal. -- Traité clinique des matantes du système nerveux,

trad. de Luhanski. Paris, ]8îR, p. 547.

Kunze ? a/tt'&MC/tde;' Practischen Medicin de P. Borner, année 1879,

p. ? 5.

28 DU curare

cnrare en injections hypodermiques serait sans danger. Les in-

jections étaient faites pendant trois semaines tous les cinq jours.

Edlessen ', encouragé par ces observations, a essayé le

curare dans un certain nombre de cas d'épilepsie confirmée.

Dans deux cas d'hystéro-épilepsie, le curare a échoué. De

treize épileptiques, six ne tirèrent aucun bénéfice du médica-

ment ou ne furent améliorés que passagèrement, trois virent

leurs accès diminuer d'une façon notable avec cessation même

pendant plusieurs mois, tandis qu'auparavant les accès étaient

quotidiens et très violents ; trois malades enfin auraient été

guéris complètement. Dans presque tous les cas d'autres médi-

caments avaient été auparavant administrés en vain \

La solution employée par ces deux auteurs était ainsi com-.

posée :

DANS L'EPILEPSIE. 29

Le curare que nous avons employé pour notre solution de

8 p. 100 ayant amené la mort d'un lapin de 3 kilogr. à la dose

de -2\ milligr., la dose limite était donc pour cet animal de

23 milligr., soit de 36 centigr. pour un adulte de 60 kilogr.

La solution injectée par nous à Bicètre était ainsi for-

ml11pp.

30 DU CURARE

Nous n'avons jamais eu à déplorer d'accidents généraux

d'aucune sorte. Il est vrai que nous n'avons jamais atteint la

dose limite fournie par l'expérimentation. Sur ce point, nous

n'avons pas d'autre renseignement que celui qui nous est

fourni par M. Rosenthal. « Dans une de mes observations ',

dit-il, après une injection de 0.01, il y eut des symptômes

d'intoxication consistant en nausées, vertiges, rougeur de la

face, battements douloureux des tempes, abattement général,

accélération du pouls et soif vive ; par l'analyse chimique des

urines, on y trouva du sucre. Ces accidents disparurent par

le repos et un traitement simple. »

IV. - EXPOSÉ DES FAITS.

Nous présenterons d'abord trois observations qui nous ont

paru intéressantes à divers titres, puis nous donnerons un ré-

sumé des observations des dix-huit autres malades soumis au

traitement par les injections hypodermiques de curare.

Observation XV. -- Grand-père paternel alcoolique et cancéreux.

Grand-père maternel alcoolique. - Mère migraineuse. - Deux

Meurs mortes de méningite.

Vertiges à six ans. - Accès deux mois plus tard. - Retard de

la parole, de la marche, de la propreté. - Teigne. - Chute du

rectum. - Traitement par le bromure de potassium (insuccès);

puis par l'hydrothérapie (insuccès); retour partiel de l'intelligence.

- Chute, plaie frontale. - Augmentation des accès. - Description

d'un accès. Déchéance intellectuelle (méningo-encéphalite). -Trai-

tement par les injections hypodermiques de curare. - Insuccès.

Mus... (Albert), né le 12 avril 1873, est entré à Bicêtre le 19 avril

1880 (service de M. Bourneville).

Renseignements fournis par sa mère (28 avril 18S1). -Père, qua-

rante-deux ans, hien portant, éperonnier-sellier, hrun, assez in-

tettipent, ne fait pas d'excès de boisson habituels; n'a jamais eu

de migraines, ni d'affections de la peau, etc. ; marié depuis qua-

torze ans, « c'est un hou mari ». [Père, éperonnier, mort en 1872,

à l'âge de soixante-deux ans, d'un cancerdu pylore, faisait quelque

excès de boisson. - Mère, morte en 1831, écrasée par une voiture;

n'a jamais eu d'attaques de nerfs. Pas d'aliénés, ni de paralytiques,

ni d'apoplectiques, ni d'épileptiques; pas de difformes, ni de sui-

cidas ou de criminels dans la famille.]

1 Rosenthal. - Loc. 6/. i,il'ieuu. merl. Presse, UO G, 1867.)

DANS L EPILEPSIE. 31 t

Mère, trente-cinq ans, journalière, femme de ménage, après

avoir été marchande des quatre saisons à fontarbis; bien por-

tante, assez intelligente; est sujette à des migraines une fois ou

deux par mois, sans coïncidence avec les règles (céphalalgie fron-

tale, vomissements, etc.) ; elle n'a jamais eu de maladies de peau

ni fait de maladies graves. [Père, jardinier, faisait quelques excès

de boisson, n'a eu ni migraines, ni maladies nerveuses ; mort à la

suite d'un coup de pied dans le ventre : il avait été opéré quelques

années auparavant d'une hernie étranglée. - Alère, bien portante

sobre, ni migraineuse, ni nerveuse. - Deux frères, l'un mort

jeune, on ne sait de quoi; l'autre, en bonne santé, a deux enfants;

ceux-ci, n'ont jamais eu de convulsions. Cinq soeurs, dont

deux mortes jeunes de cause inconnue; les autres sont bien por-

tantes ; une a eu un enfant qui n'a pas eu de convulsions. Pas

d'aliénés, etc.] - Pas de consanguinité.

Hait enfants : 10 garçon, quinze ans, bien portant, intelligent,

2° garçon, mort à dix-sept mois d'une méningite; 3° garçon, onze

ans, intelligent, bien portant : 4° fille, dix ans, intelligente, bien

portante; ;j0 notre malade; 6° fille, six ans et demi. bien portante,

va à l'école; '7° fille, morte à dix-huit mois d'une méningite après

trois mois de maladie; 8° garçon, vingt-trois mois, santé excel-

lente. Ils ont tous été élevés au sein par leur mère; aucun n'a eu

de convulsions.

Notre malade. - Grossesse moins bonne que les autres. La

mère venait à peine de sevrer quand elle est devenue enceinte; au

troisième ou quatrième mois, alors qu'elle doutait encore de sa

grossesse, elle a eu une grande peur occasionnée par un vent vio-

lent qui a failli l'enlever. Sous le coup de cette peur, elle sentit

remuer l'enfant pour la première fois; à partir de ce moment,

durant toute la grossesse, elle fut très impressionnable : si l'on

frappait à sa porte, « elle devenait verte », et se cachait. En dehors

de celte impressionnabilité contrelaquelle elle luttait, la grossesse

fut bonne. Accouchement à terme, naturel. L'enfant, élevé au

sein par sa mère jusqu'à un an (pas de convulsions), a marché

à vingt mois (les autres enfants ont marché au plus tard à qua-

torze ou quinze mois); il a parlé à quatre ans mais mal (les autres

enfants ont parlé vers dix-huit mois, et à deux ans, ils parlaient

bien). Il ne fut propre qu'à trois ans (ses frères et soeurs ont été

propres de bonne heure). -Jusqu'à l'âge de quatre ans, il eut en

dehors des besoins de défécation, une chute du rectum qu'on lui

rentrait facilement. Dès qu'il est devenu propre et surtout dès

qu'il a marché, la chute du rectum a diminué.

Mul... a été difficile à élever; pendant longtemps, il n'aimait

que le pain, les haricots, les pommes de terre et le laitage sucré.

Il paraissait néanmoins intelligent, comprenait ce qu'on lui disait,

32 DU CURARE

essayait de se rendre utile. Il est allé à l'école où il apprenait bien.

Avant de s'endormir il s'amusait à lire, à compter, puis « il balan-

çait sa tête en la roulant sur l'oreiller, il aurait toujours eu cette ha-

bitude, il ne s'endormait pas sans se bercer ». Pas d'autres tics,

pas d'habitudes de succion; il mangeait et s'habillait seul, cirait

ses souliers, faisait les commissions, etc. Pendant un an, vers trois

ans, croûtes persistantes du cuir chevelu; en 1880, glandes cervi-

cales non abcédées, conjonctivite légère, pas d'otite, etc., pas de

fièvres éruptives.

Jusqu'en décembre 1879, 111u1... ne présenta aucune affection

nerveuse. A cette époque, on constata les accidenls suivants : Il

avait une convulsion de la face, on croyait « qu'il riait sans

bruit», en trois ou quatre secondes c'était fini. (Vertiges). Unjour

en marchant tenu à la main par son père, celui-ci sentit que

l'enfant serrait plus fortement, et s'arrêtait; il vit sa face convul-

sée ; durée : deux à trois secondes. Vers la fin de janvier 1880,

Mul... eut des accès, d'abord assez légers et assez éloignés, il est

resté trois semaines sans en avoir; les vertiges persistaient et ve-

naient environ tous les deux jours par série de trois ou quatre;

on lui donna du bromure de potassium; à partir du 12 avril, les

accès se montrèrent tous les jours, leur maximum a été de sept

en vingt-quatre heures; ses parents se sont alors décidés à le pla-

cer. Mené à la préfecture, l'enfant a beaucoup pleuré; il a même

sangloté quand il s'est vu à l'infirmerie du dépôt, où il n'est

d'ailleurs resté que quelques heures.

Accès. Aura; à l'origine, il disait : « Voilà que cela me prend»,

il accusait une douleur dans le ventre et à la tête dont il ne s'é-

tait jamais plaint auparavant. Il criait en tombant et ne se bles-

sait jamai ? il n'urinait pas sous lui et il n'écumait pas. On ne sait

s'il se mordait, mais on assure qu'il n'avait pas à la maison la lèvre

supérieure aussi grosse, elle était régulière, ce n'est que depuis les

accès qu'elle a grossi. Les convulsions prédomineraient à droite;

après les crises, on a remarqué qu'il se tenait moins bien sur la

jambe droite et qu'il se servait moins bien du bras droit. Depuis

le début des accès, il mange moins; l'an dernier, il était presque

vorace. - On ne sait à quoi attribuer sa maladie; pas de chutes;

pas de vers, pas d'onanisme, pas de vision colorée; on ignore s'il

a eu peur. Il n'aurait plus de vertiges. Les accès sont diurnes et

nocturnes.

L'enfant est très caressant, très affectueux pour ses parents, ses

frères et ses soeurs dont il n'était pas jaloux. L'intelligence a

beaucoup diminué depuis quatre mois et même depuis une

quinzaine de jours; il a reconnu ses père et mère, mais ne leur

a pas parlé (avril 1881).

Etat actuel (21 avril 1880). Tête : crâne petit, régulier, la partie

DANS L'ÉPILEPSIE.$$

postérieure est notablement plus développée; méplat à la partie

supérieure de l'occipital ; sillon transversal au niveau de la fon-

tanelle antérieure.

34 DU CURARE

quelques cicatrices sur le cuir chevelu surtout à droite. Cheveux

châtains, cils noirs et très longs.

La respiration, la circulation, la digestion ne présentent aucune

anomalie.

Sensibilité générale et spéciale, normale. - Le phénomène du

tendon est assez marqué des deux côtés, mais plus à gauche.

L'intelligence est en partie conservée; l'enfant connaît la date

du jour, le nom du mois, son âge, etc., il ne se rappelle pas la

date de son entrée '. Le sommeil est bon. Le dynamomètre donne

à gauche 38, à droite, 40.

Description d'un accès. - Pas d'aura. - Petits cris initiaux. Pé-

riode ionique : face à droite, yeux tournés en haut et à droite; pau-

pières ouvertes ou demi-closes, pupilles très dilatées, cou rigide

dans l'extension, bras droit dans l'extension, main fermée pouce

en dedans, bras gauche en demi-flexion, doigts écartés, le pouce

tantôt dans l'extension, tantôt fléchi dans la paume de la main,

les autres doigts fléchis. Membres inférieurs dans l'extension in-

complète ; pied gauche en varus équin, plus accusé qu'à droite,

bien que ce soit à droite que la rigidité prédomine. Période téta-

uniforme : la face devient de plus en plus rouge; convulsions téta-

niformes de la face à droite, puis dans les quatre membres, avec

légère prédominance à droite.- Période clonique : peu accentuée;

quelques secousses dans les membres surtoutdans la jambe droite;

pâleurde la face très prononcée. - Pas de stertor, pasd'écume (ou

parfois légère écume). L'enfant revient de suite à lui, sourit; mic-

tion involontaire inconstante. Durée totale : une minute.

Dans d'autres accès; pas de cri ou d'autres fois cri, un peu sourd

et prolongé, chute en arrière. - Quelquefois en revenant à lui, il

se frotte la figure de la main gauche et se réveille peu à peu

(o à 6 minutes). Parfois, il pleure après ses accès.

1880. 26 avril. L'enfant a eu dans la nuit du r au 25, 13 accès;

dans la journée d'hier 10 accès; dans la nuit 19 accès et Il accès

ce matin jusqu'à 40 heures et demie. - Soir : T. R. (2 avril)

300. 26 avril, matin : 39°,4. - Soir : T. 37°,8 ; P. ')24; R. 36.

Pommettes colorées, assoupissement; pupilles normales.

15 grammes d'huile de ricin avec goutte d'huile de croton.

Lavement, sulfate de quinine, SO centigr. - Pas d'accès de midi

à 8 heures du soir.

27 avril. 26 accès dans la nuit ; ce matin de 7 à 8 heures 10 ;

de 8 heures à 10 heures et demie, pas d'accès. T. Il. matin, 39°.

L'enfant est éveillé, P. 96. Pas de vomissements, langue humide,

selles abondantes; il a gâté. ZD

4 Depuis cette époque l'intelligence a considérablement diminué (Voir

janvier tau5).

DANS L'ÉPILEPSIE. 35

30 avril. Pas d'accès depuis le 23. Julep avec 2 grammes de

bromure de potassium. - 5 mati : 3 grammes. 10 mai : 4 grammes.

- 15 mcri : : i grammes. 20 mai, 6 grammes.- 1 et mai : Chute

du rectum facilement réductible.

6 mai. - Lecture : sait ses lettres ; écriture : fait des bâtons;

calcul : connaît les chiffres. - Parait avoir peu de mémoire ;

parle difticilement. - Gymnastique : ne fait que les mouvements.

- Traitement : Bromure de potassium avec sirop de diacode.

24 juin. - Travaille très peu; accès fréquents; somnolence; de

moins en moins intelligent. Purgatif; suspension du bromure de

potassium les 26 et 27. A partir du 28 juin, 2 grammes de bro-

mure de potassium; du 1 cr au 5 juillet, 3 grammes avec augmen-

tation progressive tous les 5 jours d'un gramme jusqu'à 7 grammes.

3 septembre. - Revacciné sans résultat le- 26 août. i

4 septembre. - Suspension du bromure de potassium les et 6;

le 5 septembre : purgatif; le 7, bromure de potassium, 2 grammes ;

le 10, 3 grammes; augmentation progressive d'un gramme tous

les cinq jours, 2 bains salés par semaine.

25 septembre. - Progrès très sérieux en lecture seulement.

27 octobre. - Emmené par sa mère en congé.

4 novembre. Ramené par sa mère, il a eu plusieurs accès chez

lui (2 le 1er, 5 le 2, 4 le 3, 4 le 4) sa mère prétend « que, quand la

lèvre supérieure devient grosse, cela indique l'approche d'un accès ».

5 novembre. - Purgatif; 2 bains salés par semaine.

6 novembre. Bromure de potassium : 2 grammes; le 16

novembre : 3 grammes; le 26 novembre, 4 grammes.

18 décembre. Purgatif; suspension du bromure de potassium,

le 19 elle 20.

21 décembre. - Bromure de potassium : 2 grammes, etc.

4881. 11 juin. - Traitement par l'hydrothérapie et le bromure

de potassium (4 grammes), jusqu'au 30 juin. Suspendre pendant

8 jours et recommencer par deux grammes en augmentant d'un

gramme tous les 10 jours jusqu'à 10 grammes.

4 juillet. A fait assez de progrès à l'école; lit demi-couram-

ment ; est plus intelligent. Gymnastique : peu de progrès.

2 décembre. - Quelques petites adénites cervicales.

13 décembre. -.L'enfant est obéissant, très joueur; n'est pas

méchant; fait quelques progrès à l'école et à la gymnastique.

Suppression des douches; il prend toujours du bromure de potas-

sium ; aller jusqu'à 6 grammes.

1882. 13 janvier. - Le hromure de potassium a été suspendu

le 2 janvier; du 14 au 21 janvier : 2 grammes; augmenter d'un

gramme toutes les semaines, jusqu'à 6 grammes.

17 janvier. - 15 accès de jour ; 25 de nuit. T. R. soir : 39,2..

18 jvnuier. - T. R. matin : 39o,6.

36 . DU CURARE

25 février. - Revacciné sans succès.

4 1er mai. - Suppression du bromure dé potassium.

46 mai. - Hydrothérapie.

26 octobre. - L'enfant a, depuis le commencement du mois

d'août, une plaque de teigne sur la région pariétale gauche; épila-

tion, lotion de sublimé.

3 décembre. - Suppression de l'hydrothérapie. - Progrès peu

sensibles à l'école, etc.; mémoire faible. Malgré les douches, les

accès ont augmenté ; la nutrition s'est bien maintenue; il parait

avoir profité physiquement, les joues sont pleines et fraîches.

1883. 30 mars. Traitement par les injections hypodermiques de

curare.

12 mai. - Depuis la veille au matin, 9 accès, dont deux pen-

dant la visite. Il pleure abondamment quand on le voit.

1er juin. Quelques progrès à l'école; il serait taquin envers ses

camarades.

8 juin. - Suppression du traitement par les injections hypoder-

miques de curare. - Hydrothérapie.

3 septembre. - Il y a six jours, Mul... s'est fait en tombant au-

dessus de la queue du sourcil droit une plaie linéaire de 1 centim.

et demi. Depuis cette chute, accès nombreux tous les jours.

12 octobre. - Depuis une douzaine de jours, accès répétés (3 à 4 par

jour); le 6 octobre, des sangsues posées derrière chaque oreille

ont produit la suspension des accès pendant deux jours. Bromure

de potassium 3 grammes. Voici quelques températures durant cette

période : le 5 octobre au soir, T. R. 38°,6; - le 6, T. R. 33°.

Soir 38°,9; le 7, T. R. 370,9.- Soir : 38°,3;- le 8, T. R. 3î°,6.

22 octobre. - Les accès sont beaucoup moins fréquents et ne

sont plus quotidiens. Suppression du bromure de potassium.

20 novembre. - Suppression du traitement hydrothérapique.

15 décembre. - L'enfant ne fait plus de progrès à l'école; il est

devenu paresseux, taquin, malpropre.

1884. cr avril. - Traitement hydrothérapique.

42 juin. - Les notes de l'école constatent que Mul... décline

chaque jour. Il a des accès fréquents (en mars, il 97 ').

14 juin. - Il entre à l'infirmerie; il fléchit sur les jambes, a

6 accès par jour et autant la nuit.

19 juin. - Deux verres d'eau de Sedlitz.

28 juin. Amélioration notable ; il n'y a plus que 2 accès dans

les 24 heures. Accès du mois : 222.

lo juillet. Aggravation nouvelle; accès très répétés, pas d'ex-

citation maniaque, hébétude, irascibilité, affaiblissement physique.

M... a de la peine à marcher à la promenade, depuis trois mois

surtout; pupilles égales, un peu dilatées. Léger frémissement de la

pointe de la langue. Il bave beaucoup; autrefois il ne bavait que

DANS L'ÉPILEPSIE.

37

dans ses accès. La parole jadis libre est traînante, pénible. Il sait

encore son âge et la date. Conjonctivite palpébrale double.

12 décembre. - A la suite d'accès nombreux, l'enfant présente

une hémiplégie droite incomplète; l'épaule est tombante, il boite;

il peut toutefois mettre le bras sur la tête. Le bassin est projeté

en arrière ; il fauche de la jambe droite; cependant il peut avec

effort soulever le pied; mais, en l'absence d'effort, la pointe du

pied traine, et c'est sur elle surtout qu'il appuie. Le rachis présente

à la région dorsale une grande concavité droite. La sensibilité

st conservée. - Le malade est hébété, répond très peu et d'une

façon contradictoire. Il fait automatiquement tout ce qui lui est

commindé. Pas de céphalalgie. - Le dynamomètre donne à droite :

5 et à gauche 12 et demi. Traitement : bromure de potassium.

1885. -1'r jvnvier. -mur... n'a pas eu d'accès depuis huit jours.

La motricité est revenue dans le côté droit. La jambe seule reste

traînante dans la marche.

17 janvier. Nouvelle aggravation. Les forces physiques dé-

croissent, M... a de la peine à tenir sa plume, à marcher lors des

promenades. La déchéance intellectuelle s'accentue, il ne peut

plus apprendre de fables comme autrefois, il sait toutefois les dé-

tails de la date; il rit sans motif. Dynamomètre à droite ; 35;

à gauche : 22. - Traitement : 7 grammes de bromure de potas-

sium jusqu'à la fin du mois.

38 DU CURARE

DANS l'épilepsie. 39

prédominent sur l'hémisphère gauche du cerveau, nous fon-

dant sur l'hémiplégie droite transitoire notée à la fin de l'année

1884.

Observation XVI. - Père alcoolique mort de paralysie générale. -

Grand-père paternel mystique, violent. - Grand-oncle paternel

suicidé (délire de persécution) ; une fille de ce dernier hystérique.

- Autre grand-oncle mort aliéné. - Cousins aliénés.

Epilepsie idiopathique. - Accès de colère de la première en-

fance h 18S l. - Fièvre cérébrale et convulsions ti 7 ans (1876). -

Premier accès en août 1851.-Description des accès. -l1allucinu-

tions et accès de manie avant et après les accès. - Séries; états

de malt Affaiblissement intellectuel. -.Phimosis. - Onanisme;

rapports sexuels. - Puberté.

Crest... (Adrien), né le 15 mai 1869, est entré à Bicétre le

20 mars 1882 (service de M. Bourneville).

Renseignements fournis par sa mère (13 3 avril -I 88 ? ).-Pére, mort en

l812, à l'âge de trente-deux ans, à l'asile de Montdevergues, où il

est resté quinze mois : il disait avoir, des millions, de grandes quan-

tités de marchandises et avoir trouvé le secret de ne pas mourir.

Il était fabricant de toiles dans le département de Vaucluse et

sous l'influence de sa maladie il s'est livré à des spéculations

malheureuses. - Marié à vingt-huit ans, déjà et depuis longtemps

il avait l'habitude de boire; parfoisil buvait jusqu'à unlitre d'ab-

sinthe ; avec un de ses amis il pariait à qui en boirait le plus. Il

buvait encore du Champagne et de l'eau-de-vie; enfin il fumait

beaucoup. Il était cholérique et sujet à des migraines (vomissements

et saignements de nez) ; il avait « comme une espèce de dartre fa-

rineuse» erratique. Aussitôt après le mariage sa femme s'aperçut

qu'il n'était pas comme tout le monde, qu'il avait des idées ex-

traordinaires ; quatre à cinq jours plus tard, on est venu faire

une saisie, il ne s'en doutait pas : son intelligence, qui avait été

assez développée, était donc déjà atteinte. [Père, mort à soixante-

dix-huit ans ; il était « halluciné, mystique », très violent; il bat-

tait sa femme et ses filles. » - Un de ses frères (grand-oncle du

malade) s'est suicidé en se jetant dans un puits,; il était atteint du

délire de la persécution (ses enfants sont morts les uns de la poi-

trine, une avait des attaques de nerfs, un autre, qu'on appelait le

lutteur, ou le Taureau de Provence, à cause de sa force, a été

condamné pourvoi et tentative d'incendie; reconnu aliéné, il a

été séquestré dans l'asile de Cadülac, puis transféré à l'asile de

lfondeverânes); - un autre frère, l'abbé Gabriel Cr..., est devenu

fou, a été destitué et enfermé dans un asile. Le Dr Campagne

aurait dit à la mère du malade que, sur les livres de l'asile, il y

avait beaucoup de Cr... - Mère, morte toute jeune des suites de

40 DU CURARE

mauvais traitements, on ne croit pas qu'elle fut nerveuse, elle

était douce, « c'était une excellente créature ». Un oncle paternel

de notre malade, François Cres ? est mort aliéné à Montdevergnes

(il a deux fils chétifs, et une fille qui n'auraient pas d'affections

nerveuses); - deux tantes maternelles s'adonnent à des pratiques

religieuses exagérées; elles n'ont pas d'enfants, on ne peut donner

d'autres détails sur elles. Il y aurait eu plusieurs paralytiques dans

la famille. Pas d'autres suicides. Une Cr..., à un degré de parenté

que l'on ne peut préciser, « avait la figure tournée de côté»; le

père de celle-ci s'était remarié à soixante ans « avec sa servante

qui faisait la noce »; les deux fils de ce même Cres.. ont été

arrêtés comme incendiaires et enfermés plusieurs fois dans des

asiles '.]

Mère, trente ans, châtaine, de physionomie agréable, modiste

chez elle, « parce que mon mari m'a laissé dans la peine »; elle

est bien portante, n'est sujette ni aux migraines ni aux attaques

nerveuses, elle est peu impressionnable, a eu beaucoup d'ennuis

avec son mari. Jamais de maladie de peau. - [Père, mort de

vieillesse, à soixante-dix-huit ans, « s'était remarié et ne s'est

jamais occupé de moi; il m'avait placée au couvent où mon mari

m'a prise parce que j'étais orpheline ». - Mère, morte en cou-

ches « quand je suis venue au monde, dit-on ». Ni frère, ni soeur;

mon père était Suisse, ma mère Espagnole et je ne puis pas

donner d'autres renseignements sur ma famille.] - Pas de con-

sanguinité.

Six enfants dont quatre du père du malade : 4 notre malade ;

2° garçon, douze ans, né dix mois après le premier, est délicat,

a eu des bronchites; deux fois on l'a renvoyé de pension parce

qu'il avait des convulsions, il est moins intelligent que notre ma-

lade ; 3° garçon, mort d'une fièvre cérébrale avec convulsions con-

sécutives à une chute; - il avait une taie ( ? ) sur l'oeil à la nais-

sance, de même que l'enfant précédent; après la naissance de

ce troisième enfant, le père ayant déjà été enfermé à l'asile de

Montdevergnes, on avait essayé de faire vivre la mère du ma-

lade en dehors de son mari ; mais un jour, il est parvenu à avoir

de nouveaux rapports dans lesquels a été procréée : 40 une fille,

âgée de 9 ans; elle est intelligente, gentille, très nerveuse; a eu

des convulsions dans le cours d'une fièvre typhoïde à sept ans.

- D'un amant, deux enfants : 5- garçon, sept ans, bien portant,

pas de convulsions; 6° fille, six mois, est bien venante, pas de

convulsions.

1 Afin de vérifier l'exactitude de tous ces renseignements, nous avons

écrit à M. le Dr Campagne, médecin en chef de l'asile de Montdevergnes,

qui a eu l'obligeance de faire des recherches minutieuses sur les registres

de son asile; elles confirment, en somme, ce que nous avons rapporté.

DANS L'ÉPILEPSIE. 41

Notre malade. - A la conception, le père de l'enfant était déjà

malade, et buvait beaucoup; c'est étant ivre que tous les enfants

ont été conçus ; c'est surtout dans cet état qu'il avait des rapports

sexuels. - Grossesse accidentée par des chagrins, des ennuis de

toute sorte, occasionnés par son mari qui la battait souvent, lui

enfonçait les ongles dans la peau durant ses moments de rage.

Elle resta alitée pendant huit jours à la suite d'un traumatisme;

son mari la serra dans une porte; pas d'alcoolisme. -Accouche-

ment à terme, naturel, sans chloroforme; la tête est restée assez

longtemps au passage. - A la naissance, l'enfant était cyanosé;

on l'a frictionné et ce ne serait qu'avec peine qu'on aurait réussi à

le faire revenir. - Elevé au sein par une nourrice, il ne dormait

pas, avait des accès de cris, était très méchant. Attribuant ces

accidents au lait de la nourrice, on la remplaça par une autre,

mais la situation resta la même. Cr... a marché à deux ans; les

accès de cris s'étaient transformés en accès de colère dans lesquels

il devenait tout bleu se roulait à terre, injuriait sa mère, la bat-

tait, ces crises duraient une heure au plus. Il a parlé vers quinze

mois; - a presque toujours uriné au lit jusqu'à onze ans;-il il

allait à l'école du pays où il apprenait bien. Les accès de colère ont

continué jusqu'au mois d'août 1881. Il était alors placé à l'orphe-

linat Saint-Yincent-de-Paul, où on payait pour lui 35 fr. par

mois, il y eut plusieurs accès de colère. C'est là qu'il aurait eu

ses premiers accès ; il en a eu chaque matin pendant trois jours

consécutifs; on l'a fait examiner à l'asile Saint-Jean-de-Dieu

(août 1881) et peu après on l'a rendu à sa mère (novembre 1881),

qui l'a gardé jusqu'à son placement à Bicêtre. Elle assure que de-

puis le début de ses accès, Cr... est devenu très peureux, tandis

qu'il ne l'était pas auparavant. Il dit sans cesse qu'il a peur d'une

grosse araignée toujours placée devant ses yeux.

Sa mère décrit ainsi les accès : Pas d'aura, cris, hurlements, ri-

gidité du corps, constriction des mâchoires; agitation consécu-

tive ; ronflement, miction, écume, pas de défécation. Avant les

accès, tristesse, idées de suicide (il a essayé de se donner un coup

de couteau à la tempe gauche). Après les accès, il a eu plusieurs

fois des troubles intellectuels; ainsi, un jour, il est allé ouvrir une

porte, a regardé, est revenu et a dit : «Ils se sont tous évadés». -

Un autre jour, il est allé pieds nus chercher un pain de quatre

livres, sans qu'on le lui eut commandé ; d'autres fois, il a commis

des actes de violence, il a battu sa mère, sa soeur; une fois il a

essayé de donner à celle-ci des coups avec une pincette rougie au

feu ; sur le reproche qu'on lui faisait : « On vient de me le dire là »

en montrant l'oreille. Après les crises, on note encore quelques

divagations, des paroles incohérentes.

En dehors des accès de colère et d'épilepsie, Cres... est très doux

et très bon. L'intelligence a diminué depuis le mois d'août, et de

42 DU CURARE

plus le sommeil est agité par des cauchemars, des peurs et cela

surtout avant les accès. On croit qu'il se livre à l'onanisme.

Rougeole à 3 ans, fièvre cérébrale à 7 ans, attribuée à un coup

de soleil et durant laquelle il aurait eu des convulsions pendant l

9 jours avec des intervalles; elles étaient générales, ne prédomi-

naient pas d'un côté du corps, et ne furent pas suivies de paralysie;

la maladie dura un mois ; elle eut pour conséquence de rendre

les accès de colère plus violents sans modifier leur fréquence. Cres...

se serait mis alors à travailler beaucoup, mais celte ardeur n'a

été que momentanée. Il est très vorace; parait haineux. Il avait

pris en grippe une femme de ménage de sa mère, la battait, disait

que, s'il avait vingt ans, il lui ferait tomber la tête. Pas d'autres

maladies que celles qui ont été notées.

État actuel (2 mai 1882). - Tête : crâne petit, ne paraissant pas

asymétrique ; pas de méplat à la partie supérieure de l'occipital,

bosses pariétales peu prononcées, ainsi que les apophyses mas-

toïdes ; rainure transversale au niveau de la fontanelle antérieure.

- Cicatrice oblique sur le pariétal droit vers la partie médiane,

résultant, selon le malade, d'une chute pendant sa première en-

fance.

DANS l'épilepsie. 43

mâchoire inférieure, 14 dents permanentes, bien rangées et non

cariées; mâchoire supérieure, 12 dents; la deuxième grosse mo-

laire n'est pas encore sortie, restent les deuxièmes molairesde lait

très ébranlées; articulation normale, forme des mâchoires nor-

male ; voûte palatine peu profonde, parait légèrement inégale,

et semble plus élevée à droite qu'à gauche; voile du palais symé-

trique ; luette très longue, frôlant presque la partie postérieure

de la langue; piliers normaux; amygdales très volumineuses, sur-

tout la droite; muqueuse du pharynx assez rouge ; langue large.

Gencives en bon état.

Organes génitaux : la verge est relativement longue; phimosis

congénital assez prononcé; aussi le gland se découvre-t-il avec

difficulté; adhérences préputiales; gland assez développé. Testi-

cules descendus, peu volumineux, le gauche surtout parait comme

atrophié '.

Peau et système pileux. - La face est assez colorée, le reste du

corps est légèrement pigmenté. Deux petites cicatrices venant de

blessures faites en jouant sur la face dorsale de la main droite.

Au niveau du pli du coude, des deux côtés, deux petites plaques

rouges peu colorées, mais suintantes, donnant lieu à de la desqua-

mation, et étant le siège de démangeaisons assez vives; l'enfant

ne peut préciser la date de leur apparition. Les cheveux sont

blonds, assez abondants, les sourcils bruns assez fournis; les cils

bruns très longs. Cres... est imberbe ; aisselles, pénil et le reste de

la surface du corps glabres. Il avoue se masturber : « C'est mon

cousin, dans la ville où je suis né, qui m'a appris cela ». Son cou-

sin avait dix-huit ans.

Sensibilité générale et spéciale normale; pas d'exagération des

réflexes. Marche régulière, normale. Le dynamomètre donne, à

droite 42, à gauche 32; en janvier 1885, 79 à droite, 68 à gauche.

Le malade parait intelligent ; il répond avec beaucoup de pré-

cision et de netteté à toutes les questions qui lui sont adressées.

Le caractère est doux et tranquille. C... ne se dispute jamais; se

tient bien à table. Le sommeil est généralement bon, mais il lui

arrive assez souvent d'avoir des heures entières d'insomnie dont il

ignore la cause; il rêve assez fréquemment sans avoir de cauche-

mars.

Description d'un accès. - Pas d'aura. - Sans cri ou à la suite

d'un petit gémissement, l'enfant se renverse lentement dans son

1 Examen des organes génitaux en juillet 1884 : poils peu abondants au

pénil; bourses pendantes; testicules normaux, gros; verge longue et

grosse; gland découvrable; méat relativement peu large. -En jan-

vier 1885 : poils châtains assez abondants et assez longs au pénil; verge

longue et volumineuse; bourses pendantes; testicules de la grosseur

d'une noix. Masturbation moins fréquente.

44 DU CURARE

lit; la face pâlit très peu, la tête s'incline à gauche, les yeux regar-

dent en haut et à gauche, les paupières sont ouvertes, le corps est

rigide. Au bout de quelques secondes, les pupilles se dilatent

et les globes des yeux commencent à rouler, les paupières restant

toujours ouvertes. Alors, secousses cloniques aussi prononcées

à droite qu'à gauche. Parfois, la période clonique manque. - Au

bout d'une minute environ, la tête revient de gauche à droite,

l'enfant regarde avec étonnement autour de lui. On croit tout

terminé, mais bientôt il ferme les yeux, la respiration devient

'stertoreuse. A ce moment, les pupilles sont extrêmement dilatées,

la langue est entre les dents, il y a de l'écume. Cet état dure en-

viron 4 minutes, puis le stertor cesse. Pendant la dernière période

de l'accès, l'enfant est très congestionné et sue abondamment.

Hébétude consécutive.

1882. 5 mai. - Légère amygdalite pultacée à droite.

Il mai. - L'enfant est à l'infirmerie depuis deux jours en série

d'accès; le 9 mai, il a eu un accès; dans la nuit du 9 au 10,

4 accès ; le 10, 3 accès; dans la nuit du 10 au 11, 28 accès; ce

matin, avant la visite, il a eu 4 accès. La face est très rouge, les

conjonctives injectées, les pupilles modérément et également

dilatées ; mutisme absolu. L'enfant qui ordinairement parle et

comprend très bien, se met à rire à chaque question qu'on lui

pose, sans faire aucune réponse. T. R. 38°, 1. Soir : T. R. 38°, 6.

Hier 10 mai, il a été impossible de prendre la température à

cause de l'agitation de l'enfant : il a mordu et cherché à frapper

les personnes qui l'entouraient. Appétit à peu près nul depuis le

début de la série.

42mai. -T. R.38 ? Soir : T.R.38°,4.

13 mai. T. R. 38°. - Soir : T. R. 38°.

4 # mni. - T. R. 38°. - Soir : T. R. 38°.

15 mai. - T. R. 3 îo, 6.-Hier l'enfant était agité, proférait des

menaces, injuriait, disait qu'on voulait le voler, cherchait à frap-

per les autres enfants; la nuit a été calme. Ce matin, il prétend

voir des choses bizarres : un diable avec des ailes, des cornes, une

fourche, tel qu'on le voit sur les images, et aussi une araignée

énorme; il a en outre une sensation de chute dans un précipice.

Pas d'hallucinations de l'ouïe; appétit bon.

24 mai. - Les notes de l'école, de la gymnastique, etc., cons-

tatent qu'il est intelligent, travailleur et progresse.

1er "'uin. - Hier, à trois heures de l'après-midi, Cr... a été pris

d'un état de mal; à 8 heures, il avait eu 20 accès et 10 vertiges. A

8 heures du soir, il était dans un état comateux. T. A. 39°, 8. Ce

matin, il est assez éveillé depuis quelques instants; mais à

5 heures, il était agité et avait le visage très rouge; à 7 heures il

s'est mis à pleurer, puis s'est levé du lit, se figurant qu'on lui di-

DANS L'ÉPILEPSIE. 45

sait des sottises et a voulu frapper un de ses camarades. T. A. 38°

- Les accidents se sont peu à peu dissipés.

8 juin. - Brûlures légères qu'il s'est faites en renversant sa

soupe sur sa poitrine.

20 juin.-C... a eu 7 accès ce matin; hébétude; nouvel accès à

la suite.

21 juin. - Deux autres accès hier; ce matin encore, les yeux

sont hagards; on a dû, faute de cellule, lui mettre la camisole à

cause de son agitation 1. A la suite, il est calme et a repris sa

connaissance.

- 14 octobre.- Cr... a eu 9 accès cette nuit; ce matin il est cou-

ché, regarde d'un air effaré, ne semble reconnaître personne, pas

même sa mère ; à toute question il répond : mé, mê. Par mo-

ments il pleure sans motifs. T. R. "'0.,2. - Soir : T. R. 40°. ' z

12 octobre. - T. R. 38°,2. - Soir : T. R. 38°.

13 octobre. - T. R. 3 il,6. - Soir : T. R. 370,6.

26 octobre. - Revacciné sans résultat.

30 décembre . Progrès à l'école. Période d'agitation ma-

niaque à la suite d'accès.

1883. 8 janvier. - Cr... est complètement remis de ses derniers

accidents.

9 février. - Dans la nuit du 6 au 7, 17 accès. T. R. 38°,7. -

Soir : T. R. 38°,4.

-février. - T. R. 38», 2. - Soir : T. R. 38°,2.

8 février. T. R. 38 ? r. - Soir : T. R. 38°,2.

6 février. T. R. 37°,8. - Soir : T. R. 37°,2.

10 février. T. R. 38o. Soir : 37°,2. Dans un accès, C...

s'est mordu assez profondément le bord gauche de la langue; il

a été très agité.

12 février. - Amélioration, quoiqu'ayant encore conservé un"

certain degré d'irritation. Purgatif, bain, sirop d'iodure dje'

fer.

3 mars. - Début du traitement par les injections hypodermiques

de curare.

8 mars. - L'enfant déclare spontanément qu'il a maintenant

plus de peine à apprendre ses leçons qu'autrefois. Le regard n'e ?

pas encore dur, la physionomie est éveillée, la figure rose. Cu

rare et sirop d'iodure de fer.

20 mars. - Série d'accès (20) T. R. 39°,2. - Soir : T. R. 38°,8.

43 avril. - Début d'une série d'accès cette nuit (12 accès); ce

matin à la fin d'un accès la période de stertor étant passée, on le

trouve la face d'un rouge vermillon intense, couverte de sueur,

brûlante; il urine involontairement et abondamment sous lui;

1 Les enfants agités sont laissés confondus dans un dortoir de 50 lits

servant d'infirmerie,' de réfectoire, de salle de réunion aux gâteux, etc.

46 DU ÇURARE

l'enfant n'est pas encore revenu à lui. Excitation maniaque consé-

cutive assez prononcée.

14 avril. - L'enfant est plus calme. - 16 avril. Il est revenu

aujourd'hui complètement à son état normal.

29 mai. -Dans la nuit, 14 accès; T. R. 39',2. - Soir : T. R.

30°,4. Physionomie égarée; joues rouges ; pupilles dilatées, égale-

ment ; excitation au moindre attouchement. Mutisme. Bain d'une

heure; sinapismes; lotions vinaigrées; 2 lavements avec 50

centigr. de sulfate de quinine. 2 juin. Amélioration.

20 juin. - Hydrothérapie.

28 juin. Nouvelle série d'accès (14 dans la nuit, 2 avant la vi-

site) ; il ne répond à aucune question, se met à pleurer; visage

rouge, couvert de sueur.

26 juillet. - Série d'accès (12, nuit du 25-26); 4 accès le 26.

T. R. 38°, 5. - Soir : T. R. 38°, 5.

30 juillet. - Excitation maniaque. Bain d'une heure.

31 juillet. - C... raconte qu'il a eu très peur cette nuit, ayant

vu assis sur une table une foule de petits bonshommes de 2n cen-

timètres qui lui faisaient des grimaces (hallucinations). Encore

un peu d'incohérence ce matin. Bain de trois quarts d'heure.

Octobre. L'enfant est mis en apprentissage à l'atelier du tailleur.

19 novembre. - Dans la nuit du 17 au 18, 4 accès; dans la

journée, 2 accès. Il s'est levé plusieurs fois inconsciemment, avait

les yeux hagards, ne savait ce qu'il faisait, ne parlait et ne répon-

dait pas. - Soir : T. R. 39°.

19 novembre. -C... est complètement revenu à lui et a repris

son état normal. T. R. 38°,2. - Soir : T. R. 38°.

22 novembre. - C... est un peu agité depuis hier; dit des bê-

tises, se sert de termes grossiers et orduriers, etc.; pas d'accès.

30 novembre. - Cessation du traitement hydrothérapique.

4 décembre.-Les notes de l'école sontassez bonnes, toutefois l'on

constate une diminution de la mémoire, et « depuis six mois, Cr...

est devenu acariâtre de doux qu'il était et emploie souvent des ex-

pressions ordurières qu'il n'auraitjamais prononcées auparavant.»

24 décembre. - Les périodes d'excitation maniaque et les accès

de violence deviennent plus fréquents. La mémoire diminue. Il

apprend moins bien qu'autrefois (fables, calcul), il sait les détails

de la date du jour, de son entrée et de sa naissance. - 11 raconte

qu'un de ses cousins plus âgé lui apprenait les jours de sortie de

lycée à se masturber; ils se masturbaient mutuellement; il avait

alors 9 ans. Il a continué depuis à se masturber ; il prétend ne

pouvoir se retenir. L'enfant raconte encore qu'il embrassait les

organes génitaux d'une petite fille de son âge (la fille d'un ma-

réchal ferrant) ; ceci lui serait arrivé une quarantaine de fois. Il

dit enfin qu'étant chez sa mère il aurait eu, pendant trois mois,

des rapports sexuels assez fréquents avec une domestique âgée

DANS L'ÉPILEFSIE.

47

de 50 ans ( ? ) qui couchait dans sa chambre; les accès ne seraient

survenus que 7 mois après la cessation des rapports. Pendant

plusieurs mois, le souvenir de cette domestique lui revenait, et il

ne pouvait alors s'empêcher de se masturber. Actuellement ces

souvenirs auraient disparu. A l'infirmerie, il aime à se rapprocher

des infirmières.

1884. 8 janvier. - Nouvelle série d'accès avec excitation ma-

niaque. Légère morsure de la langue. T. R. 39 ? Soir : T. R. 39°, 2.

9 janvier. - T. R. 380, 8. - Soir : T. R. 38°, 8.

10 ja)2viei-. -T. R. 38°, 6.-Soir : T. R. 38°. L'enfant va mieux,

bien qu'il soit un peu agité.

21 février. Nouvelle série d'accès. T. R. 400. - Soir : T. R.

39°. - 22 février. t. R. 38°, 5.- Soir : T. R. 38°, 7.-23 février.

T. R. 38 ? Soir : T. R. 38°.

1er avril. - Traitement par l'hydrothérapie.

Juin. -Les notes de l'école, du tailleur, etc., sont assez bonnes.

Cres... fait quelques progrès; il est sensible aux réprimandes. Les

accès de colère persistent.

8 juillet. - Les périodes d'excitation maniaque sont plus rares.

Traitement : Outre les douches, bromure de potassium.

Décembre. - Les notes du tailleur et de l'école sont bonnes;

l'enfant a fait des progrès; la mémoire serait redevenue bonne,

mais C... est insubordonné et très violent.

48 DU CURARE

DANS l'épilepsie. 49

alcoolique; sa mère, pendant la grossesse, a éprouvé de nom-

breuses émotions, a subi des traumatismes; à la naissance, il

était asphyxié.

Les premiers accidents ont consisté en accès de cris (in-

fance), remplacés plus tard par des accès de colère (enfance),

A ceux-ci, vers 12 ans, se sont ajoutés des accès d'épilepsie

compliquée de délire (hallucinations, excitation maniaque, etc.).

Les accès se montrent par séries. Nous avons même noté

un véritable état de mal. Ils ont été plus nombreux en 1883,

et les facultés intellectuelles ont baissé durant cette année,

surtout la mémoire. Les accès s'étant un peu éloignés en t88'4,

on a remarqué que l'enfant paraissait recouvrer ce qu'il avait

perdu au point de vue de l'intelligence.

Bien d'autres particularités cliniques très intéressantes

pourraient encore être relevées dans ce cas. Nous nous bor-

nons à celles qui précèdent et nous reprenons l'exposé de nos

observations.

Observation XVIL- Epilepsie symptomatique.-Père et grands-pères

paternel et maternel alcooliques. Salir morte de méningite. -

Cousine germaine : convulsions. - Premières convulsions à trois ans

et demi; deuxièmes convulsions à quatre ans et demi, prédominant

à gauche. - De quatre ans et demi ci sept ans, dix il douze états

de mal convulsifs. A sept ans, nouvelles convulsions presque

exclusivement limitées à gauche, suivies d'hémiplégie du côté cor-

respondant. - Athélose. Modifications de l'intelligence. -

A dix nrzs, nouvel état de mal : nouvelle diminution de l'intelli-

gence. - Début de l'épilepsie vers 180. - Suspension des accès.

- Pleurésie sèche (1880). - Traitement par les injections de

curare : accidents locaux du côté paralysé; insuccès. - Mort

dans un accès (1883).

Autopsie : asymétrie du crâne. - Atrophie de l'hémisphère droit

(230 yr. de moins que le gauche). - Pseudo-kyste répondant à

un foyer ancien d'encéphalite très étendu, ayant presque entière-

ment séparé l'hémisphère en deux portions.

Lef... (Gustave), né le 22 septembre 1852, est entré à Bicêtre une

première fois le .2 : ; mai 1868, une seconde fois le 29 décembre 187-1

(service de M. BOUR : \EVILU : ); il est décédé le 10 novembre 1883, à

quatre heures du soir.

Renseignements fournis par sa mère (28 août 1882). - Père, cin-

quante-deux ans, menuisier, taille moyenne, bien portant, n'est

Bourneville, 1884. 4

50 DU CURARE

sujet ni aux migraines, ni aux névralgies, ni aux maladies de peau..

Il ne fnme pas, mais il fait des excès de boisson une fois par mois

(vin) : « un demi-setier de vin de plus qu'à l'ordinaire et il est

pris ». Ses camarades le plaisantent : « Toi, Lef..., passant par

les vignes, tu es gris »; il n'a pas le vin mauvais; il est un peu

cholérique, bon ouvrier; marié à vingt et un ans. [Père, mort à

quatre-vingts ans; on l'a noyé, pense-t-on, ou il est tombé par

accident dans le canal du Loiret; menuisier, il faisait des excès de-

boisson. - Mère, morte vers vingt-huit ans, on ne sait de quoi ;

laissant cinq enfants. - Grand-père paternel, mort à quatre-vingts

ans. Pas d'autres renseignements. Quatre frères et une un

frère est mort à quarante-huit ans, de la poitrine et de chagrin,

dit-on, parce que son fils a « mal tourné» : il buvait, courait les filles,

ne travaillait point (pas de condamnations); il s'est cassé la jambe

et est resté trois mois à Lariboisière, et, un an après l'accident, il

est mort de la poitrine, il n'avait pas d'enfants. La soeur est morte

du choléra en 1849, laissant un fils qui est mort de la poitrine.

Pas d'autres détails. Pas d'aliénés, d'épileptiques, de paralytiques,

de difformes, de suicides, de criminels dans la famille.] J

Mère, quarante-sept ans, intelligente, teinturière, repasseuse,

elle fait les apprêts. Mariée à dix-sept ans, elle est bien portante,

sobre, a une physionomie régulière, agréable, n'a jamais eu

aucun accident nerveux; elle n'a jamais eu de convulsions dans

l'enfance, ni de maladies de peau. [Père, soixante et onze ans,

maçon, bien portant, travaille encore; faisait autrefois de nom-

breux excès de buisson. - Grand-père paternel, mort à soixante-

douze ans des suites d'une chute du haut d'une échelle. Aupa-

ravant, il était bien portant ; il buvait un peu. - Grand'mère

maternelle, morte vers soixante ans, on ne sait de quoi. -Grand-

père paternel, mort du choléra en 832. - Grand'mère maternelle,

morte d'une tluxion de poitrine. Un frère est mort du choléra

en 1865, ainsi que sa femme et son enfant. Une soeur est sujette

à des douleurs d'estomac sans accidents nerveux. Elle a deux

filles : l'une d'elles a eu des convulsions, mais elle est intelligente,

l'autre est bien portante. - Pas d'aliénés, etc. - Pas de consan-

guinité.

Trois enfants : 4° notre malade; 2o fille morte à sept ans d'une

méningite; elle était très intelligente; 3° fille, quinze ans, bien

portante, intelligente; pas de convulsions, assez nerveuse.

Notre malade. A la conception, rien de particulier; elle a eu lieu

trois mois après le mariage; pas de rapports dans les excès alcoo-

liques : « s'il a bu, dès qu'il a la tête sur l'oreiller, il dort ». -

Grossesse bonne, pas de traumatisme, ni de constriction, etc. - -

Accouchement à terme, naturel, sans chloroforme. A la naissance,

L... était petit, n'était pas asphyxié; il était «très gentil». Elevé au

DANS L'ÉPILEPSIE. 51

sein en nourrice, repris à quatorze mois, il ne se tenait pas sur

les jambes; il était en mauvais état; la nourrice était devenue

enceinte; fut alors placé chez sa grand'mère maternelle jusqu'à

l'âge de vingt-deux mois. lia marché à dix-huit mois et parlé à

quinze-seize mois; il était assez précoce, et quand il est revenu de

chez sa grand'mère, il était très gentil, « courait comme un lapin,

était diable, intelligent ». Il a eu la rougeole à quinze mois, mais

n'a eu aucune autre fièvre éruptive, ni diphtérie, etc. A trois ans

et demi ou quatre ans, étant confié à la garde d'une personne

étrangère, il est tombé sur un décrottoir et s'est fait une coupure

au front, dont la cicatrice existe encore. Trois semaines après, il

eut une diarrhée, au cours de laquelle survinrent des convul-

sions très fortes qui ont duré trois heures et « ont porté

sur les deux côtés, mais elles étaient plus fortes à gauche ».

Les convulsions avaient débuté à quatre heures du matin ; la diar-

rhée existait sans autres symptômes depuis deux à trois jours. Un

médecin lui fit appliquer des sangsues, mettre de la glace; le len-

demain, il était calme, n'était pas paralysé; il fut complètement

guéri au bout de quatre à cinq jours; il a alors marché et s'est

servi de son bras « comme s'il n'avait rien eu ». - A quatre ans

et demi, il eut de nouveau des convulsions qui durèrent environ

cinq heures, portèrent sur les deux côtés; mais principalement

sur le côté gauche. De quatre ans et demi à sept ans, les convul-

sions ont reparu dix ou douze fois, ayant toujours les mêmes

caractères, c'est-à-dire avec prédominance à gauche sans para-

lysie.

A sept ans, sans prodromes, vers quatre heures du matin, comme

presque toutes les autres fois, Lef... eut de nouvelles convulsions,

qui cette fois ont été presque exclusivement limitées à gauche, elles

ont duré six heures, et ont été suivies de « cris effrayants qui

n'étaient pas humains ». Le malade serrait très fortement les

dents; ces cris ont persisté presque toute la journée; la nuit fut

assez calme et le lendemain matin un médecin constata la para-

lysie du côté gauche. Il ne reprit connaissance qu'au bout de vingt-

quatre heures; il aurait eu de la fièvre (glace, éther, sinapismesj;

il ne se leva que vers le huitième jour, et il était incapable de se

tenir sur la jambe gauche et de se servir du bras gauche «qui

était tombant ». Il a recommencé à marcher quatre semaines

après les convulsions (on lui avait fait prendre quatre bains

électriques), mais il a toujours traîné la jambe et il la traîne

autant aujourd'hui qu'à son entrée. Le bras n'a récupéré quelques

mouvements qu'au bout de deux à trois mois. Depuis qu'il est à

Bicêtre, la main a repris de la force. Le bras a été électrisé pen-

dant un an, mais cela « n'a pas fait grand'chose ». Les mouvements

d'athétose se seraient montrés vers le deuxième mois après les

52 DU CURARE

convulsions. On n'a pas remarqué le début précis de la con trac-

ture.

Jusqu'à sept ans les convulsions ne paraissaient pas avoir touché

l'intelligence, mais après les convulsions dont il vient d'être parlé

celle-ci était très affaiblie. La parole, qui était très développée,

libre, sans bégaiement, est devenue très embarrassée; Lef... restait

quelquefois longtemps sans dire un mot; la parole est redevenue,

plus libre vers huit ans.

De huit à dix ans, Lef... a habile Montereau, où il aurait eu

encore une fois des convulsions, attribuées par le médecin à une

congestion cérébrale. On ne sait combien de temps elles ont duré,

ni quels étaient leurs caractères ; il fut pendant neuf jours très

malade. Après ces convulsions, l'intelligence aurait encore baissé.

Lef... n'eut plus, à dater de cette époque, de nouvelles convul-

sions.

De dix à seize ans, on a essayé de le mettre à l'école, mais il

n'apprenait rien ; il se mettait en colère; se battait avec les autres

enfants, et les dérangeait. Ses maîtres ont déclaré qu'ils ne pou-

vaient rien en faire. On a essayé de le mettre estampeur; il a

fallu y renoncer, parce qu'il «n'y était pas»; du reste, il ne pouvait

qu'à peine se servir de la main gauche, avec laquelle il ne pouvait t

qu'avec difficulté tenir son pain. On se décida à le placer à Bicêtre

(seize ans), parce qu'il se laissait entraîner par des vauriens, avec

lesquels, un jour, il avait volé des pruneaux chez un épicier; il

avait pris la clef du logement et l'avait jetée à l'é-oûL; une autre

fois ayant volé des allumettes il les avait fait flamber, etc. Ses

camarades l'avaient emmené un jour vagabonder à Saint-Oucn, 1

un autre jour aux Champs-Elysées, d'où il avait été ramené à dix

heures du soir, par une dame à qui il avait pu dire son adresse.

Il causait à ses parents des inquiétudes continuelles. Dès son en-

trée, le 28 mai 1868, il a fréquenté l'école de Bicêtre, où il n'a rien

appris; il n'a pas eu d'accès durant ce premier séjour. Transféré à

Sainl-Lizier, quelques jours avant l'investissement de Paris

(fin août), il y est resté jusqu'au 29 décembre 1871, époque où il

est rentré à Bicêtre : « Il était bien le même ».

Les accès auraient débuté à Bicêtre, on ne sait à quoi les attri-

buer ; on n'avait rien observé dans les sorties, sauf une violente

colère en avril 1882, sous un prétexte futile, et il y a trois semaines

deux étourdissements dans lesquels il ne serait pas tombé et n'au-

rait pas perdu connaissance.

Son caractère a toujours été emporté avant les convulsions;

même étant tout jeune, il se mettait en colère contre ses jouets.

Depuis deux ans, on le trouve quelquefois un peu sombre. La

mémoire est la même; elle n'a subi aucun changement depuis son

retour de Saint-Lizier. - Pas d'onanisme jusqu'à vingt-six ans.

DANS l'épilepsie. 53

Pas de vers, pas de dartres, pas d'engelures, pas de croûtes dans

les cheveux ; pas d'ophthalmie. - Il aurait eu une otite à droite ( ? )

qui aurait duré un an.

Etat actuel. - La main gauche est notablement plus petite que

la droite ainsi que l'avant-bras correspondant; elle présente un

état qui se rapproche de l'atliétose; lorsqu'elle est abandonnée à

elle-même, les doigts se mettent dans l'extension forcée; il y a

même une subluxation de la phalangine sur la phalange et ce

phénomène est surtout marqué à l'index. - Les deux dernières

phalanges restent dans une flexion modérée. Le pouce présente

une subluxation en arrière de la première phalange; si on vient

alors à placer les doigts dans la demi-flexion, ils reviennent d'eux-

mêmes à l'état précédent; mais si on les place dans la ilexion

complète, ils y sont facilement maintenus. La. force de la main est

notablement diminuée. La main étant dans l'extension, si on

demande au malade de la fermer, il arrive avec effort à fléchir les

trois derniers doigts et le pouce; mais l'index, en raison de sa sub-

luxation phalango-phalanginienne en arrière, ne peut être fléchi

et reste étendu. Tous ces mouvements peuvent être exécutés

volontairement, et il n'existe en somme aucun mouvement invo-

lontaire dans la main non plus que dans le pied. En un mot, il

ne semble pas du tout que ce malade ait eu de l'hémichorée.

La sensibilité de tout le côté gauche parait normale au toucher

et la la pression : mais la sensibilité au chatouillement et au froid

est presque entièrement abolie.

Il existe une atrophie de la moitié gauche de la face; l'ouverture

palpébrale est moins grande qu'à droite; la région malaire est

moins développée; chute du sillon naso-labial gauche.

1880. Janvier. - Plwrésie sèche à gauche.

1852. 21 octobre. - Le malade est sujet à des accès de colère

dans lesquels il déchire ses habits.

10 novembre. - Traitement par les injections hypodermiques de

curare, 4 gouttes (2 milligr.). - Les doses ont été élevées aux

mêmes dates et suivant la même progression que chez le malade

de 1'013SER-% ? TION XVIII.

16 6 novembre. S gouttes (4 milligr.). La douleur est presque

nulle au moment de l'injection; pas d'accidents locaux, sauf par-

fois une légère ecchymose, pas de troubles généraux ; - hier le

malade s'est plaint de céphalalgie.

23 H0t)em&)'(;. Au bras gauche (côté paralysé), Lef... présente

des indurations au niveau du deltoïde avec douleur et rougeur de la

peau. On fera dorénavant à gauche l'injection à la région dorsale.

18 décembre. - Le malade présente des indurations multiples,

à la suite des injections hypodermiques, mais toujours au bras

54 DU CURARE

paralysé (côté gauche). Il n'accuse aucun phénomène général,

l'appétit est excellent. Les injections sur le côté paralysé sont

supprimées. - 10 gouttes de la solution 2 p. 100.- 31 décembre.

Les indurations ont diminué.

1883. 8 janvier. - Les indurations continuent à diminuer. Rien

autre de particulier. Nous devons relever ce fait qu'il ne s'est pro-

duit aucune induration sur la moitié droite (saine) du corps.

16 janvier. - Eruption papuleuse très discrète sur la face et la

partie antérieure du thorax.

9 février. - Lef... est sorti en congé depuis le 4 février; il est

rentré hier; il a eu trois accès chez ses parents, avec lesquels il

se serait querellé. Le père s'enivrerait avec de l'absinthe. Le bro-

mure de potassium (8 gr.), qui avait été continué par erreur, est

supprimé.

8 juin. - Suppression du traitement par les injections hypoder-

miques de curare. Hydrothérapie.

Traitement du 10 novembre 1882 au 8 juin 1883

(7 mai. 195 jours).

DANS L'ÉPILEPSIE. 55

10 novembre. - Le malade, comme d'habitude, a travaillé au

marais : il n'accusait aucun trouble général; l'appétit et le som-

meil étaient bons. A quatre heures du soir, il tomba comme une

niasse, se débattit rapidement et resta immobile. Transporté à

l'infirmerie, l'interne de garde constate le décès.

56 DU CURARE

et représente à peine le quart du volume de celui de gauche. La

moitié droite de l'espace perforé est aussi moins grande. - Le

pédoncule cérébral droit est moins large, moins épais que le gauche.

La moitié droite de la protubérance est moins bombée que la

gauche; la pyramide antérieure droite est un peu moins large que

la gauche; l'olive droite est plus apparente; en un mot, la moitié

droite du bulbe parait moins développée et moins bombée que la

gauche. Au-dessous des olives, l'atrophie porte au contraire sur

le côté gauche de la moelle. - Cervelet et isthme : 170 gr. L'hé-

misphère cérébelleux droit pèse 5 gr. de plus que le gauche.

L'hémisphère cérébral droit est en retrait de 2 centimètres en

avant sur le gauche; en arrière, ce retrait n'est que d'un demi à

un centimètre au plus; en largeur, l'hémisphère droit a plus

d'un centimètre de moins que le gauche, au niveau du chiasma;

en arrière, on trouve 5 centim. et demi à droite, et 8 centim. et

demi à gauche : sur les deux hémisphères, la décortication se fait

très bien; l'hémisphère gauche parait sain. L'hémisphère droit

pèse 230 gr. de moins que le gauche.

Ce qui frappe de suite, c'est l'existence, sur l'hémisphère droit,

d'un pseudo-kyste très volumineux, partant de la circonvolution

olfactive, répondant à la portion bulbaire du nerf olfactif et s'élen-

dant jusqu'à 2 centim. et demi de l'extrémité occipitale de l'hémis-

phère. En dedans, le pseudo-kyste longe la bandelette optique

droite, le pédoncule cérébral qu'il contourne, et la corne tempo-

rale du ventricule latéral. En arrière du pédoncule, le pseudo-kyste

remonte sur la face interne et sur la face convexe et semble avoir

séparé complètement le lobe occipital du reste de l'hémisphère.

Le kyste distendu a un aspect gélatiniforme et bosselé. La paroi

du kyste (celui-ci vidé) donne une sensation pseudo-cartilagineuse.

Les bosselures rappellent vaguement les circonvolutions.

Hémisphère gauche. Face convexe. - Cet hémisphère n'a été exa-

miné qu'après un séjour de quelque temps dans l'alcool. La pre-

miére circonvolution frontale envoie dès son origine un pli long,

sinueux, mais unique à la deuxième frontale. Dans une partie de

sa longueur, ce pli double la circonvolution, puis elle se compose

de deux petits plis transversaux dont postérieur donne naissance

à deux plis antero-postérieurs qui viennent en forme de crochet

s'insérer sur un pli antéro-postérieur de la deuxième qui naît de

la frontale ascendante. L'insertion inférieure envoie un petit pro-

longement à la deuxième circonvolution frontale. - La deuxième

circonvolution frontale comprend à l'origine un pli transversal assez

volumineux qui, en bas, s'abouche avec la troisième circonvolution

frontale. De la partie moyenne de ce pli part la deuxième circonvo-

lution frontale qui va directement en arrière, reçoit le pli de pas-

sage de la première circonvolution frontale, décrit une première

sinuosité, puis une seconde, dont sommet reçoit le second pli

dans L'ÉPILEPSIE. 57

de la première frontale, puis vient s'insérer sur la circonvolution

frontale ascendante. - La troisième circonvolution frontale est

sinueuse et assez courte - La circonvolution frontale ascendante

est grosse, sinueuse, va presque verticalement en haut. - Le

sillon de Rolando est profond. - La circonvolution pariétale ascen-

dante est grosse, mais moins que la frontale ascendante. A un

centimètre de sa partie inférieure part un gros pli de passage

qui l'unit au pli pariélal inférieur. ,

Ce pli interrompt la scissure interpariétale qui se trouve ainsi

transformée en deux scissures distinctes, l'une parallèle au sillon

de Rolando et se prolongeant avec la branche transversale du

sillon médian du pli pariétal supérieur; cette partie delà scissure

interpariétale forme ainsi avec ce sillon une scissure isolée, pro-

fonde, bifurqnée en haut et atteignant presque, par sa branche

bifurquée postérieure, le bord supérieur; l'autre partie de la scis-

sure interpariétale est sinueuse, profonde, normale.

Le lobule pariétal inférieur est sinueux, bien développé, il pré-

sente un sillon profond qui le divise presque entièrement en deux

parties; il envoie un pli de passage au pli courbe et en reçoit un

du pli pariétal supérieur; celui-ci est sinueux, mais moins volumi-

neux que l'inférieur. - Le pli courbe est plissé, et n'offre rien de

particulier. - Les scissures parallèle et p1l1'iéto-occipitale externe

sont profondes. - Les circonvolutions temporales sont normales,

bien développées. - Le lobe occipital est normal. - Le lobule de

l'insula est bien développé; il reçoit de la première temporale un

pli de passage volumineux, bifurqué à sa base.

Face interne. La première circonvolution frontale est épaisse,

plissée. - Le lobe paracentral est épais, long, bien développé; au

lieu du pli longitudinal qu'il présente ordinairement, on observe

deux plis transversaux dans l'axe postérieur assez profond le pre-

nant sur toute sa hauteur; l'antérieur est moins marqué. Le sillon

qui le sépare en avant de la première frontale n'atteint pas tout

à faille bord supérieur, il est sinueux. - La scissure calloso-inar-

ginale est sinueuse, peu profonde. - La circonvolution du corps

calleux est épaisse bien développée, légèrement bifurquée en avant

au niveau du bourrelet du corps calleux. Le lobe quadrilatère

est bien développé, très sinueux; il est séparé du coin par lascifs-

sure pariélo-oecipilale très profonde. Le coin et la scissure cal-

carine sont normaux. - Le lobule fusiforme envoie en haut un pli

de passage à la circonvolution de l'hippocampe. Lobule lingual, lo-

bule de l'hippocampe et corne d'Ammon normaux. - Corps calleux,

pédoncule cérébral, couche optique, corps strié, bien développés,

normaux.

Les circonvolutions et les scissures du lobe orbitaire ne présen-

tent rien de particulier.

58 DU CURARE

Hémisphère droit. - Face convexe. La première circonvolution

frontale est bien développée, dédoublée dans ses deux tiers posté-

rieurs ; elle s'insère par sa partie supérieure au niveau du bord

interne sur la frontale ascendante. On observe en avant de la

frontale ascendante une scissure parallèle presque complète, inter-

rompue seulement par une insertion de la deuxième frontale

sur la frontale ascendante. (Scissure parallèle frontale (sulcus

proecentralis Mpo'tO)'). - La deuxième frontale est très dévelop-

pée, très sinueuse, surtout en avant; elle envoie un pli de passage

en haut et vers le tiers antérieur à la première frontale. La troi-

sième frontale est bien développée, sinueuse. - Le rameau anté-

rieur ascendant de la scissure de Sylvius est très prononcé, très

profond et n'est séparé que d'un demi-centimètre de la scissure

frontale inférieure.

La frontale ascendante est plissée, assez grêle surtout dans son

cinquième supérieur qui est en retrait par rapport à la surface

de 4 millimètres environ; elle est beaucoup moins développée que

la gauche. - Le sillon de Rolando est profond, sinueux. La pa-

riétale ascendante est sinueuse, plus développée que la frontale

ascendante, surtout dans son tiers inférieur qui parait normal.

- En arrière de la frontale ascendante et au-dessous de la lèvre

supérieure de la scissure de Sylvius, on trouve le pseudo-kyste qui

occupe : a) sur la face externe, la place du lobe temporal dont les

circonvolutions sont complètement détruites ; la partie postérieure

du lobe pariétal inférieur, la partie la plus antérieure du lobe

occipital, le pli courbe, la partie postérieure du lobule pariétal sztpé-

ricll1'; - b) sur la face interne : la moitié postérieure du lobe

quadrilatère, tout le coin, le lobule lingual et toute la circonvolu-

tion de l'hippocampe, y compris la corne d'Ammon. Comme on le

voit, la lésion forme une sorte de cercle oblique d'avant en

arrière et de bas en haut, et qui coupe en quelque sorte l'hémis-

phère cérébral en deux parties, l'une antérieure (lobe frontal et

région pariétale), l'autre postérieure répondant au lobe occipital.

La partie antérieure du lobe pariétal est atrophiée, mais a con-

servé son aspect normal, l'autre est très atrophiée, réduite à l'état

membraneux. Tout le pli courbe est très atrophié et réduit à l'état

membraneux, ainsi que la partie postérieure du lobule pariétal

supérieur. La partie antérieure dece dernier lobule est atrophiée,

mais a conservé son aspect habituel. Les circonvolutions occipi-

tales paraissent normales.

Le lobe de l'insu la est très atrophié.

Face interne. - La première circonvolution frontale et le lobe

paracentral sont plissés, bien développés.- La scissure culloso-mrzz-

ginale est sinueuse, profonde; elle est interrompue vers son tiers

antérieur par un pli de passage allant de la première frontale à

dans l'épilepsie. 59

la circonvolution du corps calleux. - La circonvolution du corps

calleux est atrophiée dans toute son étendue, mais l'atrophie

atteint son maximum sur la moitié antérieure; en ce point, la

circonvolution est réduite à une sorte de mince membrane.

La partie antérieure du lobe quadrilatère est très atrophiée, plis-

sée et en retrait de plusieurs millimètres par rapport au lobe

paracentral; sa partie postérieure, comme nous l'avons dit, étant

plus atrophiée encore, se trouve beaucoup plus en retrait par

rapport au lobe occipital. -Le coin se trouve perdu dans le foyer.

- Le lobe occipital est bien développé, sauf dans une petite por-

tion de sa partie antéro-inférieure, qui est intéressée dans le foyer.

Le lobe orbitaire, dans son ensemble, est très atrophié; les p1'e-

mière et deuxième circonvolutions olfactives sont réduites à une

sorte de membrane; le foyer qui les intéresse se confond avec la

lésion qui a détruit la partie antérieure du corps calleux. Le lobe

orbitaire mesure à droite : longueur, 3 centim., 8 dixièmes;

largeur, centim.; à gauche : longueur, 3 centim. 8 dixièmes;

largeur, 5 cenlirn.

Examen du foyer. L'hémisphère cérébral droit, après être

resté plusieurs mois dans l'alcool, mesure en longueur 15 centim. 2.

On pratique trois coupes perpendiculaires à '72,104 et 125 milli-

mètres de l'extrémité antérieure de l'hémisphère. (PL. V.)

Première coupe. Passant par l'extrémité inférieure de la parié-

tale ascendante, le tiers inférieur du sillon de Rolando, la fron-

tale ascendante et se terminant au niveau de l'insertion de la

première frontale, elle sectionne le pseudo-kyste à 4 centim. en

arrière de son extrémité antérieure. ( pur.. V, fig. 1.) Celte coupe

montre que le pseudo-kyste a une paroi mince transparente, vas-

culaire ; entre les parois, on remarque, intérieurement, quelques

fins tractus. Au niveau de la coupe, le kyste mesure 4 centimètres

environ de largeur. Les circonvolutions temporales, la circonvo-

lution de l'hippocampe, la corne d'Ammon, etc., ont tout à fait

disparu. La pie-mère épaissie forme en avant une poche arrondie

répondant à l'extrémité antérieure du lobe sphénoïdal.-La subs-

tance grise des circonvolutions de l'insula est complètement

détruite; ces circonvolutions sont remplacées par une sorte de

membrane plissée, au-dessous de laquelle se remarque quelques

petiles cloisons la reliant au noyau extra-ventriculaire (la capsule

externe et l'avaut-mur ayant disparu), qui, par sa face infé-

rieure, est en contact direct avec la paroi kystique supérieure.

Deuxième coupe. Elle est faite à 32 millimètres de la première,

et porte sur le lobule quadrilatère, les lobules pariétal supé-

rieur et inférieur et le kyste à l'endroit où celui-ci paraissait

occuper presque toute la hauteur du cerveau. Sur cette coupe

on note que, sauf une petite partie du lobule pariétal supérieur,

60 DU CURARE

du reste atrophiée elle-même, toutes les autres parties des circon-

volutions sont détruites, et qu'à leur place, sur la face convexe

seulement, on trouve un tissu aréolaire grisâtre par endroits

circonscrivant des cavités de formes et de dimensions diverses. On

peut donc distinguer à ce niveau une paroi kystique interne et

une externe, dont l'intervalle (un centimètre environ) est comblé

par ce tissu. Les faces inférieure et inféro-interne du kyste sont

représentées par une simple membrane, la pie-mère, non doublée

par le tissu aréolaire, dernières traces des circonvolutions. On

voit encore que le ventricule latéral communique largement avec

la poche kystique (la corne sphénoïdale se confondant ici avec

le kyste). (PL. V, fig. % et 4).

Troisième coupe. Elle est pratiquée sur le lobe occipital et vers

l'extrémité du kyste et montre encore une partie des circonvolu-

tions remplacées par le tissu aréolaire ; d'antres sont atrophiées,

quelques-unes presque normales. (PL. V, fig. 1, 2, 3. Les fig. 4,

a et 6 représentent des coupes symétriques pratiquées sur l'hé-

misphère sain.)

Réflexions. - Le malade n'a eu que six accès pendant la

durée du traitement, chiffre correspondant à celui des mêmes

mois de l'année précédente ; mais l'on remarquera que le

nombre des vertiges a considérablement augmenté pendant la

même période ; que, de plus, Lef... était sujet à des rémissions

irrégulières, ayant même atteint parfois l'espace de près de

sept ans. Le curare a donc été inefficace, les vertiges ont même

été plus nombreux qu'avant et après la médication.

Ceci dit relativement aux effets du curare, nous devons

relever les particularités principales de cette observation très

curieuse au point de vue clinique et au point de vue anatomo-

pathologique.

a) Si, dans les antécédents héréditaires, nous n'avons à citer

que les excès alcooliques du père et des aïeuls et des convulsions

chez une cousine, dans les antécédents personnels du malade

nous avons à signaler des accidents nombreux.

b) De quatre à douze ans, Lef... a eu une douzaine d'états

de mal convulsif, débutant le matin vers quatre heures, durant

quatre à cinq heures et dans lesquels les convulsions étaient

généralisées, mais plus fortes à gauche. Quelques jours après,

il était rétabli sans trace de paralysie.

c) A sept ans, sans prodromes, ainsi que c'est à peu près la

règle, nouvel état de mal plus long que les précédents, dans

DANS L'ÉPILEPSIE. 61

lequel les convulscbns ont été presque exclusivement limitées à

gauche, suivies de cris et de grincements de dents durant plu-

sieurs heures, et laissant après elles une hémiplégie du côté

gauche. La paralysie s'est compliquée d'alhétose au bout de

deux mois - et de contracture. L,' intelligence, qui avait été

jusqu'alors respectée, fut notablement affaiblie par ces convul-

sions. Elle diminua encore après un dernier état de mal sur-

venu à dix ans. La situation intellectuelle et morale peut se

résumer ainsi : imbécillité avec perversion des instincts.

d) C'est en 1871, quand Lef... avait 19 ans, que s'est mon-

trée l'épilepsie. Les accès, sur lesquels, malheureusement,

nous n'avons pu recueillir de détails précis, ont toujours été

assez rares, excepté en 1879 où l'on en a compté dix-sept. Il y

a même eu une rémission complète pendant six années.

e) Nous devons dire encore : 1° que, outre la contracture et

un certain degré d'alhétose, les membres du côté paralysé,

ainsi que la moitié correspondante de la face étaient moins

développés que les parties similaires du côté sain ; - 2° que

les injections de curare ont déterminé dans le côté paralysé

(gauche) des indurations qui n'ont pas été observées à droite

(troubles trophiques); - 3° enfin que, si la sensibilité au tou-

cher et à la pression était conservée, la sensibilité au chatouil-

lement et au froid était abolie sur toute la moitié gauche du

corps, répondant à l'hémiplégie.

f) Nous ne nous appesantirons pas sur les lésions trouvées à

l'autopsie. Nous en avons donné une description suffisamment

détaillée. Ce que nous devons rapppeler, c'est l'étendue consi-

dérable du foyer, la destruction totale du lobe temporal, la

séparation presque complète de l'hémisphère cérébral droit en

deux tronçons ne communiquant que par un pont étroit de

substance nerveuse ; l'atrophie de la capsule interne, - ce qui

explique en partie les troubles de la sensibilité; l'atrophie de

l'avant-mur ; l'atrophie croisée du cerveau et du cervelet, etc.

Ce résumé justifiera certes, aux yeux de nos lecteurs, les

détails dans lesquels nous sommes entrés, car ils verront là

un exemple d'accidents très communs chez les enfants, encore

trop peu connus, et dont l'intérèt pratique est incontestable.

Nous n'insistons pas davantage et nous reprenons l'exposé

succinct des autres cas d'épilepsie traités par le curare.

62 DU CURARE

Observation XVIII. - Epilepsie symptomatique. = Deux soeurs et

deux frères. - Convulsions dans l'enfance. - Mère absinthique

pendant la grossesse.

Premières convulsions à trois mois, revenues plusieurs fois

jusqu'à deux ans. - Maux de tête cinq à six fois par an

de huit à douze ans. - Vertiges à douze ans. - Accès vers

douze ans et demi. - Affaiblissement intellectuel. - Change-

ment de-caractère. Traitements divers; insuccès. Agitation

maniaque parfois après les accès ; - Hallueinitions de l'ouie.-

Onanisme. - Curare; insuccès. Hydrothérapie (du 8 juin au

30 novemhre 1883 et du 4er avril au 31 octobre 1884); insuccès.

Derou... (Ernest), né le 27 avril 1867, est entré à Bicêtre le 14

août 1882 (service de M. BOURNEVILLE).-

Traitement du 6 novembre 1882 au 8 juin 1883 (7 mois = 199jours).

DANS l'épilepsie. 63

Observation XIX. BptVepsMtdtopf/iMMe.Pet'epara/i ? Men-

ral. - Af<')'CHe<'ue ! MP. G ! 'and-pë ! 'eH : f<e)'He<, alcoolique, mort

phthisique. Grand'mère maternelle paralytique générale.

Grand-oncle maternel, alcoolique et épileptique. Onanisme. -

Convulsions à dix-huit mois. - Début ci cinq ans. Vertiges très

fréquents. - Secousses. - Roulements. - Tournoiements. -

Congestion méningitique (mars 1882). - Affaiblissement des

facultés intellectue les. - Bromure de camphre (du 30 avril au

7 octobre 4580.)-Ilydrotlcércapie (septembre-octobre 1880; -

mai-décembre 18S,l ; 1882, 1883, 1884.) - Bromure de sodium

( 11 novembre 1880); Chlorhydrate de pilocarpine (du 4 mars

au 3 août 1882). Curare; insuccès.

Harp... (Georges), né le 2 décembre 1864, est entré à Bicêtre le

2 juillet 1872 (service de M. Bourneville).

Traitement du 6 novembre 1882 au 8 juin 1883 (7 mois = 211 1 jours).

64 DU CURARE

Réflexions. - Le tableau ci-dessus montre que c'est

pendant les mois (879) et l'année (1,089) où l'enfant a été

soumis au traitement par le curare que les accès ont atteint le

chiffre le plus élevé; les vertiges ont également été plus nom-

breux que les années précédentes. L'action thérapeutique du

curare a donc été complètement nulle. Nous avons noté en

1884 une diminution des accès et une augmentation notable

des vertiges. On remarquera que, chez cet enfant, tous les

nombreux traitements mis en usage ont échoué.

Observation XX. - Epilepsie idiopathique. - Idiotie. - Gâtisme.

- 11;itmte de pilocarpine (1882). Amélioration. Curare (4883);

insuccès.

Duché... (Pierre), vingt-trois ans, entré àBicêtre le 18 décembre

1876 (service de BOURNEVILLE).

Traitement du 6 novembre au mai 4883 (6 mois = 176 jours).

totaux

DANS L'ÉPILEPSIE.

65

t9, 24, 29 mars, et à 18, 19, et 20 gouttes de la même solution les

8, 13 et 18 avril. Le traitement a été supprimé le 5 mai.

Réflexions. Le nombre des accès qui semblaient diminuer

progressivement depuis 1879, qui en 1882 était tombé à 164 (de

226 en 1881), sous l'influence probable du traitement par les

injections hypodermiques de nitrate de pilocarpine, s'est élevé

de nouveau durant le traitement par le curare. est toutefois à

noter que depuis que Duché, .. n'est plus soumis à aucun traite-

ment, les accès d'abord, puis les accès et les vertiges ont con-

sidérablement augmenté, sans cependant avoir encore atteint

le chiffre enregistré en 1878(458), ni même celui de 1879 (317)

première année de la période décroissante signalée plus haut.

Observation XXI. - Epilepsie idiopathique. - Phimosis. - Bromure

de potassium de 48-1 à 1880. - Hydrothérapie (16 avril au ter

novembre 1882 et du ter avril au la octobre '1884). -Affaiblisse-

ment des facultés intellectuelles. - Injections hypodermiques de

curare; insuccès.

Tribou... (Edouard), trente-trois ans, est entré à Bicêtre le 31

mars 18-il (service de M. Bourneville).

Traitement du 6 novembre 1882 au 5 mai 1883 (6 mois= : 165 jours).

TOTAUX

66 DU CURARE

Traitement. - Pour ce malade les doses sont les mêmes que

pour Duch... jusqu'à la date du 2 avril 1883; le 4 avril il est mis

à 17 gouttes de la solution à 4 p. 100, puis les 8, 13, 18, 23, 28

avril, à 20, ` ? ? , 2.'r, 26 et 28 gouttes de la même solution.

Réflexions Depuis l'entrée du malade à Bicêtre

jusqu'en 1877, les accès ont eu la marche progressive trop

souvent habituelle ; de cette époque à 1884, le nombre des accès

a tantôt diminué, tantôt augmenté sans toutefois atteindre le

chiffre de 1877. Cet arrêt de la maladie est plutôt fictif que

réel, car il est à noter qu'en mars 1877 et 1878 l'on a enregis-

tré par exception 39 et 19 accès, L'ensemble des dix années

présente donc, si l'on tient compte de cette élévation momen-

tanée et tout accidentelle une marche progressive évidente.

Le résultat des différents traitements (bromure de potassium,

8 gr. jusqu'au 18 novembre 1880; hydrothérapie etc.) est abso-

lument nul.

Observation XXII. - Epilepsie. - SOE117' épileptique. Premières

convulsions à dix- sept mois. - Vertiges à trois ans et demi. -

Accès ci neuf ans. - Déchéance intellectuelle. - Picrotoxine (de

juin 1881 à juin 1882); insuccès. - Hydrothérapie (juillet à

décembre 1880, et de juillet à décembre 1882); insuccès. - In-

jections hypodermiques de curare; insuccès.

Lamb... (François), né le 16 avril 1866, est entré à Bicêtre le 13

juillet 1875 (service de M. BOURNEVILLE,).

Traitement du 30 mars au 13 septembre 1883

(5 mois et demi = 170 jours).

TOTAUX

DANS L'ÉPILEPSIE. 67

68 DU CURARE

TOTAUX X

dans l'épilepsie. 69

1er avril au 13 octobre). On note donc outre l'augmentation du

nombre des accès, l'apparition, puis l'augmentation des ver-

tiges, et parallèlement des accès d'excitation maniaque et une

déchéance intellectuelle de plus en plus accusée.

Observation XXIV. - Atrophie cérébrale. - Epilepsie symptoma-

tique et imbécillité. Hypospadias. - Père alcoolique. - Mère

hystérique. Tante et oncle maternels, cancéreux. - Naissance

avant terme (version). - Premières convulsions à quatre ans. -

Hémiplégie gauche consécutive ; diminution de la paralysie, accès

d'épilepsie à quinze ans. Aura indéterminée. - Déchéance in-

. telletuelle. - Traitement par les injections hypodermiques de

curare ; insuccès. Bromure de nickel (1er septembre 1884).

Auberg... (Pierre), né le 12 juillet 1866, entré le 9 septembre 88

à Bicêtre (service de M. Bourneville).

Traitement du \ jeL1 ! vie¡' au 8 juin 1883 (5 mois = 144 jours).

TOTAUX

70 DU CURARE

Observation XXV. - Instabilité mentale; épilepsie idiopathique.

Père alcoolique. Mère : crises nerveuses en 4 883. - Grand-père

maternel alcoolique, mort aliéné. - Premières convulsions à trois

ans. - Maux de tête fréquents. - Absences depuis janvier 1882.

Benar... (Eugène), né le 7 juin 181n, est entré à Bicêtre le 9

septembre 1882 (service de M. BOURNEVILLE).

Traitement par les injections hypodermiques de curare

(du 30 mars au il,' septembre 1883 = 5 mois).

DANS L'ÉPILEPSIE. 71

puis lia partir du 5 mai et 12 à dater du 10 mai. Il est remis à

8 gouttes le 16 mai, à 9 le 17 mai et enfin à 7 gouttes du 24 mai

au juillet. Tout le reste du mois de juillet il est à 8 gouttes ; il

n'est mis à 9 gouttes que le 8 août et à 10 gouttes le 15 août.

Réflexions. Si nous comparons les accès de la même

période de 1883 et de 1884, nous trouvons une notable amé-

lioration, mais il est juste de dire que cette amélioration se

dessinait déjà avant sa mise en traitement, car de 105 accès

(mois de son entrée), ce malade était tombé à 6 accès (mois de

mars) dans le mois précédant la cure par le curare. Pendant

neuf mois consécutifs, il n'a pas eu d'accès (de mai 1883 à

février 1884); 13 accès en janvier 1885.

Observation XXVI. - Epilepsie symptomatique. - Père mort phthi-

sique. - Mère migraineuse et colérique. - Premières convulsions

à deux ans prédominant à gauche. Onanisme. - Vertiges et

accès il treize ans et demi. -Période d'excitation maniaque. -

- Affaiblissement des facultés intellectuelles. - Traitements par

le bromure de potassium et l'hydrothérapie. - Injections hypoder-

miques de curare. - Bromure de nickel (11 juillet 1884).

Laur... (Emile), âgé de seize ans et demi, entré le 9 septembre

1882 à Bicêtre (service de M. BOURNGVILLI';).

Traitement du 12 janvier au 1 er septembl'e 1883 Ci mois = 223 jours).

TOTAUX

72 DU CURARE

de comparaison avec les mois correspondants de l'année pré-

cédente, mais si nous comparons les mois de traitement avec

les mois précédents, nous trouvons une diminution des accès :

185 au lieu de 226 ; les accès des cinq mois suivants sont aussi

plus élevés (204), mais il y a lieu de tenir compte du peu de temps

pendant lequel le malade a été observé, de la déchéance intel-

lectuelle qui n'a pas été entravée par le traitement : en résumé

le résultat est peu concluant.

Observation XXVII. Epilepsie idiopathique. - Coqueluche

Convulsions prédominant (i droite (ci six ans et demi), suivies d'éva-

nouissements, puis d'étourdissements (ri sept ans et demi). - Accès

à 10 ans. - Tourneur. - Onanisme. - Affaiblissement intellec-

tuel.- Injections hypodermiques de curare (1883) ; insuccès. -

Kleptomanie. - Gâtisme. - Plus d'onanisme en 1884 ; hydrothé-

1'opie (1 le avril au 1 octobre). - Amélioration très notable. -

Redevenu propre.

Parad... (Léon), né le 10 février 1870, entré à Bicêtre le 12 juil-

let 1882 (service de M. BOURNEVILLE).

Traitement du 9 février au 8 juin 1883 (4 mois = : 1 10 jours).

dans l'épilepsie. 73

74 DU CURARE

Traitement du 9 février au 15 juin 1883 (4 mois- .1 foi jours).

dans l'épilepsie. 75

Traitement du 30 mars au 30 juin 1883 (3 mois= 93 jours).

76 DU CURARE

Observation XXX. - Epilepsie idiopathique. - Père alcoolique. -

Convulsions à sept ou huit mois. - Vertiges il treize ans. Alcoo-

lisme de vingt-quatre à vingt-cinq ans. Premier accès à vingt-

cinq ans. - Bromure d'or en 1882; insuccès. -Injections hypoder-

miques de curare; insuccès. - Affaiblissement des facultés in-

tellectuelles.

Lid... (Joseph), quarante-cinq ans, est entré le 10 mai 1880 à

Bicêtre (service de M. Bourneville).

Traitement du : 3(1 mars au 30 juin 1883 ( : 3 mois = 93 jours).

totaux X

DANS L EPILEPSIE. 77

Observation XXXI. - Epilepsie idiopathique. - Père alcoolique ( ? ).

- Fièvre intermittente (trois ans.) - Premier accès à sept ans. -

Accès d'abord incomplets. - Accès de manie.- Déchéance intellec-

tuelle complète. - Traitements divers (bromure de potassium, selin

des marais, etc.) - Hydrothérapie (avril à décembre 1882, et

d'avril à octobre 4884). - Traitement par les injections hypoder-

miques de curare; insuccès. - Gâtisme.

Perch... (Gilbert), né le 24 septembre 1868, est entré à Bicêtre

le 28 janvier 1S82 (service de M. Bourneville).

Traitement du 11 janvier au 13 février -1883 Ci mois = 33 jours).

totaux

78 DU CURARE

germain maternel mort du mal de Pott. - Onanisme. - Début à

trois ans.- Débilité mentale consécutive. -=Rougeole. - Erysipèle

(mai 488f). - Congestion méningitique : - Hydrothérapie (juillet

1881 et d'avril à novembre z882). Amélioration. - Abcès du

cuir chevelu (1882). - Curare; insuccès. - Hydrothérapie (juin à

octobre 1883). - Mal de Pott. - Abcès par congestion. -1 ! 'islule ! H<)'Mtno-a6omtHae gauche. - Autopsie : tuberculose pulmonaire ;

méningite purulente (moelle et cerveau).

Charm... (Emile), dix ans, entré à Bicêtre le 16 novembre 48$Q

(service de M. BOURNEVILLE), mort le 31 juillet 1884.

Traitement du 6 novembre 1882 au 8 juin 1883 (7 mois=201 jours).

TOTAUX

DANS l'épilepsie. 79

diminuent fréquemment les accès, sans que toutefois on puisse

déterminer exactement leur rôle et le mécanisme et la durée

de leur action. Nous noterons aussi que l'enfant soumis aux

douches après la suppression du traitement par le curare n'a

plus retiré de l'hydrothérapie le bénéfice des années

précédentes. La marche des accès est du reste, depuis

novembre 1882 au 31 juillet 1884, très irrégulière; le nombre

en est tantôt élevé, tantôt diminué d'un mois à l'autre sans

qu'il soit possible de se rendre compte de ces irrégularités.

Observation XXXIII. - Epilepsie idiopathique. - Cousine germaine

(du père) épileptique. - Convulsions ci dix-huit mois. - Parésie

gauche. - Secousses de la main gauche. Premier accès en mai

1880. - Vertiges. - Aura et affaiblissement des facultés intellec-

tutelles. - Accès surtout nocturnes. - Hydrothérapie (1881-1882).

- Amélioration. - Curare; insuccès. - Tuberculose. - Mort.

Délai... (Edouard), dix-huit ans, est entré à Bicêtre le 7 dé-

cembre 1880 (service de M. Bourneville), décédé le 25 octobre 1883.

Traitement du 6 novembre 1882 au 30 juin 1883 (8 mois=233 jours).

TOTAUX

80 DU CURARE

ment nulle, car déjà, depuis quelques mois, les accès allaient

en diminuant progressivement, les vertiges avaient complète-

ment disparu ; pendant le traitement par le curare, les accès

se maintiennent à peu près au même chiffre que dans les mois

précédents, ils s'élèvent toutefois à 18 et 19 dans les mois de

mai et juin 1883, puis tombent à 8, 2, 2 et 1 pour les quatre

mois suivants; le traitement avait été supprimé le 30 juin, la

mort eut lieu le 25 octobre.

Observation XXXtV. Idiotie; épilepsie. - Mère : idées de suicide

pendant deux mois. - Grand-père maternel mort de phthisie.

Grand'mère maternelle morte de cancer utérin. - Frère jumeau

mort à trois jours (convulsions). - Grossesse : chuté à cinq mois,

peur ti sept mois et demi. - Premières convulsions à deux mois,

suivies d'une paralysie gauche. - Depuis, nombreux accès. -

Gâtisme. - Tics, tournoiement, mérycisme partiel (liquides).

Secousses ; traitement par le curare, insuccès. Obstruction du

larynx par un morceau de viande; mort.- Autopsie : sur l'hémis-

phère cérébral droit (face convexe) : atrophie de la plupart des

circonvolutions situées en arrière du sillon de Rolando, et des

circonvolutions de la face interne.

Vautr... (Er-nesl)', né le 11 février 9872, entré le 25 mai 4818, à

Bicêtre (service de 11. BouRNEVILLE). Mort le 22 mai 1883.

Traitement du 23 novembre 1882 au 22 mai 1883

(3 mois = 146 jours).

TOTAUX

DANS L'ÉPILEPSIE. 81

82 DU CURARE DANS L'ÉPILEPSIE.

Traitement du 17 février au 31 août 1883 (G mois

et demi = 192 jours).

TOTAUX

III.

De l'emploi de l'acide sclérotinique dans

l'épilepsie;

Par Bourneville et P. Bricon.

l ! enseignés sur les propriétés physiologiques et le

mode d'emploi de l'acide sclérotinique par l'examen

des travaux publiés jusqu'alors (1882) sur ce nouvel

agent thérapeutique (1) et engagés par l'emploi antérieur

des préparations ergotées dans l'épilepsie, nous nous

sommes décidés à essayer l'acide sclérotinique chez les

épileptiques.

Les préparations ergotées ont été déjà employées

dans le traitement de l'épilepsie avec plus ou moins

de succès apparent, mais l'acide sclérotinique, à notre

connaissance, n'avait pas encore été utilisé pour com-

battre le mal comitial lorsque nous avons commencé nos

essais. Nous l'avons administré, soit en injections

hypodermiques, soit en julep.

A. Traitement par les injections hypodermiques.

Le 1 cr décembre 1882, quatre enfants épileptiques

ont été soumis à des injections hypodermiques de la

solution suivante d'acide sclérotinique (2).

(1) Voir ponr les renseignements historiques et bibliographiques :

Bricon. - De l'emploi de l'acide sclérotinique [Progrès médical

1S8 ? ,p 537).

(2) Cette solution n'est autre que celle employée par M. le profes-

seur Prévost (de Genève).

84 DE l'acide SCLÉROTiNIQUE

DANS l'épilepsie. 85

Le tableau ci-dessous indique la marche des accès

avant, pendant et après le traitement :

86 DE l'acide sclérotinique

centigr. tous les cinq jours jusqu'à la dose maxima

quotidienne de 25 centigr., atteinte le 28 avril. Cette

dose a été continuée jusqu'au 11 juin pour deux malades

(Dur... et Div...) qui furent alors soumis à un autre traite-

ment, jusqu'au 1er juillet pour un autre, Rob..., qui

cessa tout traitement pendant le mois de juillet et fut

remis à la même dose dès le 1 CI' août, puis à 26 centigr.

du 6 au 31 1 août, à 27 centigr. durant le mois de septembre

et à 30 centigr. à partir du 12 octobre, enfin le quatrième

(Maud...) resta à 25 centigr. du 28 avril au 6 août, jour

où la dose fut élevée à 27 centigr., puis à 30 centigr. lo

12 octobre jusqu'au 31 mars 1884.

Des quatre autres malades , (Dubreuil, Lechesne ,

Simonet, Bethfort), trois furent mis en traitement le

30 mars 1883 et un (Lechesne) (1) le quatre avril, avec

augmentation progressive de 2 centigr. tous les deux

jours, de sorte que le 1 Cr mai ils étaient aux doses de

22 et 20 centigr. ils y restèrent jusqu'au 12 juin où la

dose fut augmentée de un centigr. chaque 5 jours jusqu'à

la dose maxima de 25 centigr. qui fut continuée jusqu'au

6 août. En août la dose fut élevée à 26 centigr., en

septembre à 27, et le 12 octobre à 30 centigr. jusqu'au

le'* avril 1884, sauf pour Bethfort dont le traitement a été

supprimé le 12 octobre 18€3. Nous n'avons eu à

constater chez aucun de nos malades de phénomènes

anormaux.

Les accès et les vertiges ont eu la marche suivante :

Malades en traitement depuis le 12 novembre 1882 jusqu'au

31 mars 1SS' :

dans l'épilepsie. 87-

Malades en traitement du 12 novembre 1882 au Il juin 1883 et au

20 juillet 1883 :

88 ACIDE SCLÉROTINIQUE ET EPILEPSIE.

Le tableau ci-dessous permet de comparer les prin-

cipales particularités observées chez chaque malade.

IV.

De la roséole idiopathique ou rubéole;

Par BounNrVILLr et Bricon.

Nous avons observé, Bicêtre,en juin 1881, une épidé-

mie de rubéole ; alors nous n'avions pas cru utile d'en

publier la relation. Pour nous, la roséole était une affec-

tion connue et nous croyions que, admise à notre époque

comme spécifique par la plupart des auteurs (Rilliet,

Barthez, Balfour, Trousseau, Gerhardt, Vogel, Thomas,

Nymann, Emminghaus, Steiner, Roger et Damaschino,

etc., etc.), il n'y avait guère d'utilité à relater des cas

d'ailleurs réguliers ; aussi grand fut notre étonnement

quand nous avons vu récemment des journaux présenter

la roséole ou Iiütlzeln des Allemands comme une af-

fection en quelque sorte inconnue en France. Revenant

sur notre décision, nous nous sommes décidés à résumer

brièvement les opinions des principaux auteurs et à don-

ner un rapide exposé des cas par nous observés à Bicêtre,

et auxquels nous ajouterons quatre cas observés par l'un

de nous en ville.

La roséole, répétons-nous, est connue depuis long-

temps, et il n'est pas de médecin praticien qui n'en ait

vu des cas. Mais son étude faite par les uns avec les ro-

séoles symptomatiques, son assimilation parles autres

avec la rougeole, etc., n'ont pas peu contribué à entourer

son histoire d'obscurité. Nous en dirons autant de ceux

(1) Au mUe siècle, les auteurs français distinguaient la Roseola

de la iioiii donné à la rougeole.

90 ROSÉOLE IDIOPATHIQUE.

qui, avec Canstatt et Niemeyer, définissent la rubéole :

« un exanthème à taches rouges dont on ne sait, en

comparant les phénomènes généraux et les symptômes

qui se montrent du côté des muqueuses, toujours atté-

nués, s'il faut le faire rentrer dans la rougeole, la scar-

latine, l'urticaire oul'érythème, etc. » (1).

D'autres auteurs la rapprochaient tantôt do la scarla-

tine, tantôt de la rougeole ou en faisaient une maladie

mixte. Aussi n'est-on pas étonné de voir M. le profes-

seur Wieger (de Strasbourg), dans son Cours de patho-

logie interne, 1865-1866, s'exprimer ainsi :

« Roséole, Rubéole, Essora, Rôtheln. Confusion totale. Erup-

tions douteuses de toute sorte ; épidémies douteuses même ;

graves ou légères. Rubéole morbilleuse : exanthème large ou con-

fluent avec catarrhes morhillcux. Rougeole Rubéole scarlatineuse :

Exanthème tacheté avec pharyngite, lièvre intense suivie d'hydro-

pisie-scarlatine. Epidémies mixtes où parfois tous les cas étaient

mixtes avec pharyngite et catarrhes ; fièvre d'invasion plus longue

que celle de la scarlatine : régnant avant, pendant ou après des

épidémies de rougeole on de scarlatine, ou des deux ; donnant par

contagion la rubéole ou l'une des deux autres ; probabilité do

scarlatine - à revoir. - Opinion de M. Trousseau : Rubéole, ma-

ladie à part, ressemblant à la rougeole, mais sans gravité, pouvant

récidiver, sans catarrhes. »

Laissant de côté les Arabes et les auteurs des siècles

qui ont précédé le nôtre, nous allons énumérer l'opi-

(1) M. Longuet (Union médicale, 25 décembre 1883) en adoptant

cette définition, semble admettre l'existence de l'ancienne Rôtheln

des Allemands. Sous le nom do Rôtheln les Allemands désignent

actuellement une maladie tout autre, spécifique et contagieuse, qui

n'est autre que la roséole fébrile ou idiopathique de certains au-

teurs français. M.Thomas,dans une des meilleures monographies que

nous possédions (IIandll1u'h de¡' speciellen Pathologie u. The-

rapie de liemssen. Bd. II. Acule Infections li·anhheiten,

2 II. 1877), classe parmi les auteurs qui ne considéraient pas la

Rôtheln dans le sens moderne, Schonlein, Canstatt, Paasch,

Gintrac, etc., et parmi ceux au contraire qui l'ont envisagée selon

les idées actuellement régnantes, Wagner, Collin, Trousseau,

Danis, Wunderlich, etc. C'est donc tort que M. Longuet nous

présente comme maladie nouvelle l'ancienne nütheln des Alle-

mands que nous ne saurions relever du juste oubli dans lequel

elle est tombée même dans le pays où cette prétendue maladie spé-

cifique trouvait tant de défenseurs.

RUBÉOLE. 91

nion de quelques-uns des principaux auteurs contem-

porains. Tout d'abord voici comment Rayer (1826) (1)

parle de cette affection :

« L'étude de l'inflammation légère et superficielle que je désigne,

d'après \Villan, sous le nom de Roséole, n'offre réellement d'inté-

rêt que parce que cette maladie a souvent été confondue avec la

rougeole et la scarlatine. Cette circonstance explique même l'opi-

nion de quelques médecins qui ont avancé que les récidives de la

rougeole et de la scarlatine étaient assez fréquentes. »

Rayer n'admet pas la contagiosité de la rubéole,

qu'il semble du reste confondre avec différentes autres

roséoles symptomatiques (p. 44). Plus loin (p. 45) nous

trouvons les lignes suivantes qui se rapportent évidem-

ment à la rubéole :

« Le second jour, l'exanthème de la roséole continue à être

animé ; il est accompagné d'une légère démangeaison, mais non

d'un sentiment de cuisson, comme cela a lieu dans l'urticaire Il

devient ensuite d'un rouge moins vif et peut disparaître complète-

ment dès le troisième jour. Cependant d'autres taches d'un rouge

plus foncé persistent quelquefois jusqu'aux quatrième et cin-

quième jours. La durée de la roséole ne s'étend jamais au delà de ce

terme, à moins que la maladie ne se compose de plusieurs éruptions

successives. »

Le diagnostic (p. 46) qu'il en fait avec les autres ma-

ladies éruptives (rougeole , scarlatine , urticaire, éry-

thème) est exact, si l'on en excepte la contagiosité.

Alibert (2) a consacré un chapitre spécial à la roséole,

qu'il divise en idiopathique et symptomatique.

« J'observe souvent, dit-il, la roséole idiopathique ; il est rare

qu'elle se prolonge au delà de deux à trois journées. C'est par

exception qu'on la voit durer pendant toute une semaine. Elle

débute par un frisson de quelques minutes, par un peu de somno-

lence et de douleur à la tête, par une rêvasserie nocturne et

quelques agitations, qui viennent, pour ainsi dire, se mêler au

sommeil chez les enfants. Chez quelques-uns d'entre eux, la peau

(1) Rayer. Traité théorique et pratique des maladies de

la pean, 1. 1. Paris, 18(j, p. 1.3.

[il Alibert, Monographie des dermatoses. Paris, 1832,

P. 2-22.

92 ROSÉOLE IDIOPATHIQUE.

est tourmentée par un prurit passager ; chez d'autres, il ne survient

pas la moindre démangeaison, le plus souvent le ventre est consti-

pé, la langue est rouge et muqueuse à sa base, les malades éprou-

vent une certaine gêne dans le pharynx quand ils veulent avaler. »

Plus loin (p. 223) il dit « qu'il faut chercher la cause

de l'éruption roséolée dans les qualités de l'air. On a

dit, sans preuves suffisantes, qu'elle n'était pas conta-

gieuse ; mais qui peut le savoir ? » Barthczet Rilliet (1),

dans leur excellent Traité, ont établi que la roséole

est à la rougeole ce que la varicelle est à la variole.

« Cependant nous avons déjà dit (t. II, p. 101), et nous le répétons

ici, que la roséole se confond quelquefois avec certaines rougeoles

anormales et simples. La forme, la couleur, la distribution et la

marche des taches sont à peu près les mêmes; le mouvement fé-

brile est presque nul, et l'on doit rester dans le doute sur Le dia-

gnostic de ces éruptions, à moins qu'une épidémie régnante ne

vienne démontrer leur nature rubéolcuse.

« Mais, qu'il y ait épidémie ou non, nous aimerions it confondre

toutes ces formes de transitions en une seule, qui serait iL l'éruption

morbilleuse ce qu'est la varicelle à la variole. En effet, la varicelle

sporadique est aussi distante de la petite variole que la roséole

l'est de la rougeole ; et si l'on a trouvé une raison suffisante pour

réunir en un même groupe les éruptions varioleuses et varicel-

leuses, d'âpres ce fait qu'on les voit se développer simultanément

pendant des épidémies, une raison pareille existe pour ranger dans

une même catégorie la roséole et la rougeole.

«Nous avons déjà parlé ailleurs des opinions des médecins alle-

mands qui considèrent la roséole (Rôtheln) comme une variété de

la scarlatine ; nous croyons, en effet, qu'on a décrit sous ce nom

plusieurs cas de scarlatine anormale et de véritable roséole.

Marcus avait établi entre la roséole et la scarlatine les rapproche-

ments que nous venons de faire soit entre la rougeole et la ro-

séole, soit entre la variole et la varicelle. »

Les mêmes idées sont développées par Trousseau et,

quoi qu'en ait dit M. Longuet, nous ne saurions diffé-

rencier la roséole de Trousseau de la rubéole ou Rô-

theln moderne des Allemands. M. Thomas (2) dans

(1) Barthez et Rilliet. - Traité clinique et pratique des ma-

ladies des enfants, Ill, p. 2(jO, Paris, 1861.

(2) Il est bien entendu qu'il ne s'agit pas ici de l'ancienne Hi)-

theln des allemands que M. Jaccoud dans son Traité de patho-

logie interne, t. II, p. 715, édition de 1873, semble avoir eu en

vue en décrivant la rubéole.

RUBÉOLE. 93

l'article qu'il a consacré à celle-ci (Ft6theln) n'a garde

d'oublier Trousseau parmi ceux qui faisaient de la Rô-

theln une maladie spécifique.

« La confusion, dit Trousseau, dans laquelle sont tombés un

grand nombre de médecins par rapport à la varicelle, considérée

par eux comme une variété de la variole, a aussi existé par rapport

il la roséole, que l'on regardait comme une rougeole modifiée. Mais

aujourd'hui, tandis que certains auteurs confondent encore les deux

premières maladies, tous établissent nettement les différences qui

séparent la roséole de la rougeole, avec laquelle elle parait offrir,

à première vue, un semblant d'analogie, et décrivent comme une

espèce nosolobiqne parfaitement distincte de la fièvre éruptive

dont je veux vous dire quelques mots. Elle est caractérisée, comme

la rougeole, par une éruption exantliémateuse constituée par des

taches roses, irrégulières, dont l'apparition est presque toujours

précédée par des phénomènes fébriles. Ces symptômes généraux

se mauifestentpendant un ou deux jours et rarement, continuc-t-il,

pendant deux ou quatre jours. »

Trousseau les fait consister en un léger malaise avec

mouvement fébrile assez marqué, en frissons, mal de

tête, inappétence, soif vive, agitation ou au contraire

prostration et, chez les enfants très jeunes, souvent en

vomissements, diarrhée et convulsions.

Mais ce qui distingue tout de suite la roséole de la rougeole,

c'est l'absence, dans le premier cas, du catarrhe oculaire, nasal et

bronchique, phénomène oblige de la période prodromique de la

fièvre morbilleuso. Jamais, en effet, vous ne verrez, dans la roséole,

le larmoiement, le coryza, la toux de la rougeole. L'éruption elle-

même est très différente de l'éruption spécifique de cette dernière

maladie. Les taches rubéoliques ne sont plus en effet saillantes

comme le sont les taches morbilleuses : plus paies, plus larges que

celles-ci, plus distinctes les unes des autres, et plus isolées par

des espaces de peau blanche, elles s'effacent sous la pression du

doigt, pour reparaître aussitôt, et donnent lieu à des démangeai-

sons assez vives, ardentes et prurientes, disait Voycl. A certaines

époques, ainsi que Frank l'a observé, elle a régné épidimiquemcnt,

quoiqu'on ait dit le contraire, elle est contagieuse. Assurément

je ne prétends pas qu'elle le soit au même degré que la rougeole ;

mais parmi les causes multiples de la roséole, la contagion joue un

rôle, a mon avis incontestable. Un fait capital peut servir encore à

séparer la roséole delà rougeole, comme il sépare la varicelle de

la variole : c'est qu'une atteinte de l'une ne met pas à l'abri de

l'autre. Déplus, tandis qu'un même individu ne contracte généra-

lement qu'une fois la rougeole, une roséole antécédente ne pré-

serve pas de nouvelles attaques ; et même, dit Borsicri, celui qui

en a été affecté une première fois est plus sujet ive en être affecté par

94 ROSÉOLE IDIOPATHIQUE.

la suite; « qui el11ol iis laboravit, facile iterunt ttlmicsdue prc-

henditur, »

Puis Trousseau parle du siège de l'éruption, de sa

fugacité. Pour lui, elle ne serait pas suivie de desqua-

mation. Il s'appuie, pour séparer la rubéole de la

rougeole, sur l'absence de complications et sur la bé-

nignité de la maladie.

M. Thomas qui a fait de la Rôtheln une étude toute

particulière et Steiner (1), n'ont nullement décrit l'an-

cienne Rôtheln des Allemands. On en jugera facilement

par le résumé suivant que nous faisons du chapitre con-

sacré par ce dernier auteur à la rubéole.

La Rubéole est un exanthème aigu autonome, n'ayant avec la

rougeole ou la scarlatine, aucun caractère d'identité ; elle est ca-

ractérisée par une rougeur ntaculeuse très-fugace de la peau, ac-

compagnée ou non de manifestations générales très médiocres.

Elle est épidémique. Son incubation est de 2 semaines et demie 11

3 semaines (Emminghaus). Les prodromes sont de « quelques se-

condes » '2 jours (4 jours d'après Lindwurm). On note un ca-

tarrhe nasal, pharyngien, oculaire (CTerharcl(,Thomas,etc.) Eruption

soudaine : 24 à 48 heures de durée, jamais plus. Desquamation fur-

furacée (Gerhardt, Thomas, etc.) Evolution entièrement apyré-

tique ou très faiblement pyrétique. Sommet (le la courbe à l'appa-

rition de l'exanthème. Contagiosité (Thicrfelder, Thomas, Em-

minglaus).

Nous n'avons pas la prétention d'analyser tous les

travaux allemands modernes que la plupart de nos lec-

teurs sont à même de pouvoir consulter (2). Nous nous

bornerons, en terminant cet historique, mentionner la

discussion qui s'est élevée au sujet de la rubéole au sein

du Congrès de Londres (1881) et les idées émises par

M. Delastre dans sa thèse (1883).

Au congrès de Londres, MM. W. B. Chehdle (de

Londres), M. Kassowitz (de Vienne), J. Lewis Smith

(de New- York), G. E. Shuttleworth (de Lancaster),

(1) Steiner. - Compendium des maladies des enfants, Irai'.

Kéraval, 1880, p. 612.

(2) Voir à ce sujet l'article de Thomas, loc. cil.

RUBÉOLE.

95

William Squire (de Londres), ont fait des communica-

tions intéressantes qui ont été le point de départ d'une

discussion à laquelle ont pris part MM. Fergus (Marl-

borough), J. Glaister (Glasgow), Martin Oxley (Liver-

pool), J. A. Wood (Liverpool), d'Espine (Genève), A.

Jacobi (Ne«--York), J. P. J. Houstorm (Savannah), W.

Stewart (Barnsley), Schuttleworthet Cheadle (1).

Le Dr West, président de la section, a résumé cette

discussion -tt peu près dans les termes suivants :

Un consentement général existe, car il n'y a que deux dissi-

dents, quant à l'existence d'une maladie distincte, semblable à

certains points de vue, mais non identique, à la rougeole ou la

scarlatine Elle se sépare de la précédente par une période d'incu-

bation qui est plus longue, et qui se rapproche davantage de celle

do la rougeole, laquelle, toutefois, la dépasse ordinairement. Elle

se distingue ultérieurement de la scarlatine, non seulement par une

différence dans les caractères de l'éruption, qu'il n'est pas cepen-

dant toujours possible d'apprécier dans les premières 24 heures de

son apparition, mais aussi par l'absence de desquamation ou d'al-

buminurie. La période de convalescence ne présente pas les com-

plications qui s'observent dans la rougeole ou la scarlatine. Une

particularité qui accentue la distinction de la rubéole de ces

deux maladies, c'est la fréquence de son développement chez If s

individus qui ont eu la rougeole et la scarlatine. Sur les 32 cas eu

D1' Cheade, 52 avaient eu antérieurement la rougeole, dont 10,

sous ses yeux. Des 48 cas du Dr Smith, 19 avaient eu la rougeole,

et, dans une autre épidémie, 8 avaient eu et la rougeole et la scar-

latine dans un espace de huit mois ; et, bien que cela soit un fait

connu, que ces deux maladies puissent se présenter plus d'une

fois, cependant une fréquence telle que celle qui vient d'être citée,

est sans exemple dans l'une et l'autre maladie. Elle parait se rap-

procher surtout de la rougeole et ressembler, si elle ne lui est pas

(1) Transactions of the international médical Cong l'ess,seycnlh

session. -18Rl. t. IV, p. 4-31. Cheadle. On the existence of

tl\'O distinct forms of E1'uptive Feve1', usually included undel'

the head of Mcasles, and the relation of them to the so-callecl

Iiubeola or Rhütheln. p. 4-10. Kassowistz. Die lViJ'hliche Slel-

lunu deI' sogenannten Habeola, Rüthaln odel' « Ge1'l1lan,1J easles,).

und clic Verwandschafl clerselben mit ScAat'/acA/c6er und

Maseru, p. 40-14. Smith. Contributions to the Study of

Rôtheln, p. 14-21. Schutlleworth The real Position of the so-

called Rubeola, Rôtheln, or C;eJ'1nan Mcales, and ils relation

to Scarlalina and Mcasles, as illuslrecl itz the histol' ! 1 of thiJ'tU"

onc obseaucd Cases, p. ` ? 1-7.- \V. Squire. On Rubella, li2cbeola

sine calarrho, Rôtheln, or Geotzzatz 1lI easles} p. 27-31.

96 RUBÉOLE IDIOPATHIQUE.

identique, à la rubeola sine de Willan. L'éruption est

souvent tout de fait analogue dans les deux maladies d'une façon

générale, les symptômes se rapprochent étroitement. En règle,

ils ont une moyenne intensité, ne font courir aucun danger, n'exi-

gent aucun traitement, quoique le cas relaté par le Dr Cheadle

montre que, nonobstant les particularités distinctives, elle puisse

offrir une série très grave de symptômes. Une observation du

Dr Jacobi doit être présente il l'esprit : c'est que, se développant,

comme cela arrive souvent, entre deux épidémies l'une de rou-

geole, l'autre de scarlatine, suivant ou précédant l'une ou l'autre,

ses caractères peuvent être modifiés au point de se rapprocher il

quelques égards de l'une ou l'autre fièvre éruptive... Un grand

point pratique c'est de prendre soin dans les cas douteux de scar-

latine, parce qu'ils peuvent êlro moyens, de dire d'un cas, pour

calmer sur le moment l'anxiété des parents, c'est la rougeole des

germains et d'être ainsi cause de l'expansion ,le la scarlatine dans

une famile. Il ne faut pas oublier que ses affinités sont avec la

rougeole, non avec la scarlatine, et qu'elles se ressemblent quelque

peu l'une l'autre, comme la varicelle et la variole. Semblables,

mais non les mêmes :

« Facies non una, nec cliûel'sa lamen

Qualis solel esse S01'0Tt17)1. »

Non deux soeurs jumelles, mais, à un certain degré, demi-soeurs.

Cette citation montre que la rubéole considérée comme

entité morbide rallie la plupart des observateurs.

M. Delastre (1) a été amené à faire des recherches sur

la rubéole par suite d'une épidémie d'exanthèmes as

forme mixte, indéterminée, ayant sévi à l'hôpital de la

Charité de Lyon, de novembre 1881 à mai 1882, mais

n'ayant aucune parenté avec la rubéole. Voici la défini-

tion qu'il donne de la rubéole (p. /13).

« La rubéole est un exanthème spécifique, de nature

contagieuse, se rapprochant par la forme mixte de son

éruption de la rougeole et de la scarlatine, dont il se

distingue néanmoins par des caractères spéciaux, et

surtout par l'absence de certains symptômes généraux

qui accompagnent toujours ces deux lésions érupti-

ves (2).

(1) Dclastre. - Contribution à l'élude de la rubéole. Thèse

de Lyon, 1883.

('2) La symptomatologie de la Rôtlieln moderne, tracée par

RUBÉOLE. ! )7 -1

M. Delastre dit (p. 27) que MM. d'Espine et Picot n'ad-

mettentpas l'existence de la Rothein. Ilest vrai quedans

leur manuel (p. 46) ils prétendent que pour eux les ru-

béoles (Rôtheln) ne sont que des scarlatines, ou, ce qui

est plus rare, des cas de rougeole plus ou moins modi-

fiés. Mais il ne s'agit là évidemment que de l'ancienne

Rôtheln des Allemands, car un peu plus loin (p. 47) ils

consacrent un chapitre à la roséole, qui y est décrite

d'après les travaux de MM. Thomas, Emminghaus, etc.

Autrement dit la roséole de ces auteurs est bien la

R6theln moderne des Allemands (1).

M. Raymond (2) a publié une observation de Rubéole,

vraie Rôtheln des Allemands, en présentant tous les

symptômes tels qu'ils sont décrits actuellement ; mais

une partie des critiques que nous faisons à l'article de

M. Longuet peut aussi s'adresser à M. Raymond ainsi

M. Longuet ne s'accorde nullement avec la définition qu'il accepte

de la maladie, définition qui est celle de l'ancienne Rôtheln. En

effet, Niemcver dont il invoque l'autorité, et qui, comme il le dit,

acceptait la définition de Canstatt admettait une roséole scarlati-

niforme et une roséole morbilleuse; pour lui la roséole épidémique

représentait des formes modifiées par des causes inconnues, de la

scarlatine et de la rougeole (Eléments de palh. interne, t. II,

18G9, p 51l). Or rien n'est plus contraire allx thérories actuelle-

ment régnantes au sujet de la roséole idiopathique ou Rôtheln

actuelle des Allemands. Cette dernière n'est que la roséole conta-

gieuse des Français et par suite ne constitue nullement une entité

nouvelle. Par quelle confusion M. Longuet est-il arrivé à avancer

que nos traités classiques gardaient un silence unanime sur la

rubéole, quand lui-même reproduit un tableau fidèle de leurs opi-

nions, comme on en peut juger par l'analyse des travaux des

quelques auteurs français que nous citons. Loin de nous toute-

fois la pensée de prétendre que les travaux contemporains étran-

gers n'aient pas aidé à élucider plusieurs points obscurs de la

rubéole, et à la mieux différencier qu'on ne l'avait fait au- z

paravant. Il est il regretter que M. Longuet, dans sa revue d'ail-

leurs intéressante, ait si souvent confondu les deux Rôtheln alle-

mandes. Et cependant les ailleurs qu'il cite (noie 2, p. l0al)), entre

autres Thomas, auraient dû lui éviter une pareille confusion.

(1) Quant à la description de la « Rubéole » de Caillou, nous

croyons qu'il est difficile d'y reconnaître la Rubéole actuelle. Ce

serait aussi à tort que M. Thomas aurait classé M. Danis parmi les

auteurs ayant admis la Rôtheln comme entité morbide.

(2) Progrès médical, 16 décembre 1881.

BOURNEVILLE, 1884. 7

98 ROSÉOLE IDIOPATHIQUE.

qu'à MM. Talamon et Lécorché, Trastour, qui ont depuis

publié des observations de rubéole.

Quant aux observations relatées dans la thèse de

M. Delastre et fournies par MM. Laure et Bondet, les

unes se rapportent à l'ancienne Rothcin des Allemands

(forme mixte) et les autres à la rubéole moderne.

Nous nous sommes quelque peu étendus sur l'histo-

rique, voulant ainsi montrer que la roséole des au-

teurs français est bien la Rütheln actuelle des auteurs

allemands. Nos citations le prouvent suffisamment ; le

mérite des auteurs étrangers a été de la mieux étudier,

d'avoir signalé quelques nouveaux symptômes, et de

l'avoir fait accepter facilement, ainsi transformée, par

tous les cliniciens. Ces auteurs tiennent du reste compte

des travaux français, leur bibliographie en fait foi, et il

serait étonnant que, nous français, nous méconnaissions

des travaux que d'autres reconnaissent (1).

La roséole idiopathique ou rubéole a, par les carac-

tères de son éruption, la plus grande ressemblance avec

la rougeole. Mais elle ne confère aucune immunité à

l'égard de cette maladie ou de toute autre avec laquelle

on a parfois voulu la confondre (scarlatine). Elle réci-

dive (2) de plus facilement; aussi n'est-on pas étonné de

voir tant de gens déclarer qu'ils ont eu plusieurs fois la

rougeole (.`3).

(1) Thomas, loc. eU., p. 144, écrit : « (l'après ses observations

l'exanthème de la Ratheln ne possède de ressemblance qu'avec

celui de la rougeole, il n'a pas la plus petite parenté avec celui de

la scarlatine normale. » Cette opinion vraie pour la plupart des cas

parait toutefois souffrir quelques exceptions.

(2) Sur ce point Thomas (loc. cil., p. 144) diffère d'opinion avec

nous : « Je n'ai encore observé jusqu'ici une deuxième atteinte de

Rôtheln chez le même individu, et si on l'observe, elle doit être

aussi rare qu'une deuxième atteinte do rougeole. » Mais il cite et

nous citerons plus loin d'après lui des auteurs ayant observé

des récidives.

(3) Nous avons eu l'occasion de voir dans un servi e d'enfants

le chef de service diagnostiquer une rougeole chez un enfant pré-

sentant une éruption pscudo-morbilleuso apparue sans prodromes

et dont la température était normale. Trois semaines auparavant

le même enfant avait eu une rougeole nettement caractérisée.

RUBÉOLE. 99

Cetto absence d'immunité de la roséole et de la rou-

geole vis-à-vis l'une de l'autre est, à elle seule déjà, une

raison suffisante pour en faire une maladie à part et

pour ne pas la ranger dans le cadre des rougeoles avor-

tées ou anormales.

Dans l'épidémie que nous avons observée à Bicêtre

en 1881,Grum... (14 ans) avait,au dire des parents,eu la

rougeole iL l'âge de 2 ans ( ? ) ; Boissiè...(7 ans) à l'âge de

2 ans et demi, Cantrel (17 ans) à l'âge de 15 mois, Mo-

natte (8 ans) à l'âge de 2 ans, Juven.. (9 ans) iL l'âge de

4 mois) ( ? ) (1). S'il reste quelque doute au sujet de ces

malades, il n'en persiste aucun pour les suivants dont

la rougeole a été observée et traitée dans le service. Ju-

ven..., a eu la rougeole le 12 janvier 1881,Weiss (Geor-

ges) le 13 janvier 1881, c'est-à-dire avant leur roséole

(juin 1881) (2) ; au contraire, Mathieu (7 ans) atteint de

roséole le 8 juillet 1881 a eu la rougeole le 5 mai 1883.

Enfin chez l'enfant Monatto (8 ans) la maladie s'est

composée de deux éruptions successives (3). - 18 juin,

1° éruption effacée le 20 juin; 21 juin, 2° éruption effa-

cée le 22 juin; celle-ci plus forte que la première.

L'enfant (obs. vin) soigné par Rayer avait eu, deux

ans auparavant, une rougeole bien caractérisée ainsi

que ses deux frères qui habitaient le même apparte-

ment et qui l'avaient contractée à la même époque. Ces

rougeoles avaient été constatées et traitées par Rayer.

Nous définirons la rubéole un exanthème aigu, con-

tagieux, à taches rouges, irrégulières, souvent apyré-

tique, ou s'accompagnant d'une réaction fébrile modérée,

débutant brusquement ou précédé de prodromes très

courts ; affection se compliquant assez souvent de ca-

(l Probablement une roséole ou un érytlièiiie; voir plus loin.

(2) Voir aussi l'observation XIII de Rayer, citée plus bas.

(3) Emminghaus vit unc fois une récidive de Rôtheln un jour

après la disparition d'une première éruption, dans deux autres

cas après 14 jours. Chaque fois la première éruption fut plus faible

que la seconde. Nymann a vu plusieurs récidives dans la m,liiie

épidémie, et cela de 18 jours il. 9 mois après la première atteinte de

la maladie, d'après Thomas (loc. cit., p. 144 et 145).

100. ROSÉOLE IDIOPATHIQUE.

tarrhe naso-pharyngien et oculaire, mais généralement

moins prononcé que dans la rougeole, se différenciant

de cette dernière par l'absence de complications pul-

monaires, sa courte durée, par sa récidivité, et par l'ab-

sence d'immunité qu'elle présente à l'égard de la rou-

geole.

La contagiosité de la rubéole est évidente et n'est

plus niée actuellement ; admise par Trousseau, Rilliet,

Roger, Damaschino, Balfour, Emminghaus, etc.; l'un

de nous a eu l'occasion d'en observer dernièrement un

exemple :

Le samedi 29 mars nous sommes appelé avenue des Gobelins, 60,

pour donner des soins à une jeune fille de 18 ans atteinte depuis le

matin, d'une éruption pscudo-morbitleuse surtout prononcée à la

face, au cou et au thorax, éruption apparue sans autre prodrome

qu'une légère céphalalgie la veille ; l'éruption sur les membres

présente un caractère papuleux sans caractère précis; mais le soir

et le lendemain matin l'éruption (qui palissait déjà à la face le

30 mars) présentait partout le caractère morbilleux. Les yeux

étaient très légèrement larmoyants ; pas de céphalalgie, pas d'inap-

pétence ; le pharynx et les amygdales étaient un peu rouges. Le

troisième jour la malade était complètement remise.

Le 5 avril, c'est-à-dire huit jours après le début de

la roséole chez notre première malade, nous sommes

de nouveau invité à nous rendre dans la même famille

pour visiter la soeur aînée de notre première malade.

Cette jeune fille âgée de 19 ans était atteinte à son tour sans

prodromes aucuns d'une éruption rubéiforme de même aspect que

celle de sa soeur, mais l'éruption était presque confluente à la face

et au tronc et les symptômes de catarrhe naso-pharyngien et ocu-

aire furent plus prononcés, la durée plus longue (4 jours). Le

pouls était légèrement accéléré (8), pas de céphalalgie, pas d'inap-

pétence. Pas de complications laryngées et pulmonaires. Urines

normales.

Dix jours après le début de l'éruption de la soeur

aînée, le 14 avril, nous retournons dans la même fa-

mille pour visiter la petite soeur de nos précédentes

malades. Tandis que les deux soeurs aînées couchaient

dans la même chambre, celle-ci avait été isolée autant

que cela est possible dans un appartement, c'est-à-dire

RUBÉOLE. 101

que l'on avait empêché qu'elle n'allât dans la chambre

de ses soeurs et que celles-ci pendant toute la durée de

l'éruption ne sortissent de la leur.

La petite malade, âgée de ans, présentait aussi une éruption

pseudo-morbilleuse en tout semblable à celle de ses soeurs, mais

ici la maladie avait revêtu son caractère le plus bénin : pas de

fièvre, pas de prodromes, pas d'inappétence, pas d'abattement, pas

de symptômes oculaires ou naso-pharyngiens. L'enfant n'a jamais

eu la rougeole Gucrison en deux jours. Nos trois malades ont

accusé du prurit pendant toute la durée de l'éruption.

La famille nous a déclaré n'avoir connaissance d'au-

cun cas de rougeole ou roséole parmi les personnes

qu'elle fréquente. Il n'y avait pas de maladies éruptives

dans la maison ; mais nous devons ajouter qu'à cette

époque la rougeole régnait avec une certaine intensité

dans le XIIIe arrondissement.

Cette observation nous fournit un bel exemple de

contagion, et semble aussi prouver que l'incubation ne

serait pas toujours aussi longue que l'admettent cer-

tains auteurs (1).

L'apparition de la roséole, suivant la plupart des au-

teurs, est précédée d'une période d'incubation de 14 à

21 jours. Dans les cas que nous avons observés en ville

nous n'avons pu en déterminer approximativement la

durée que dans la famille dont il a été question tout à

l'heure. Si nous apprécions la durée de l'incubation se-

lon la méthode adoptée par Thomas, c'est-à-dire en cal-

culant l'espace de temps, le nombre de jours qui sépare

le début de l'exanthème de la personne infectante de

celle infectée, méthode qui du reste, selon la remarque

très juste de l'auteur, n'est qu'approximative, nous

trouvons que pour ces cas la durée de l'incubation n'a

été que de 8 à 10 jours.

La rubéole est surtout une maladie de l'enfance ; au

delà de 17 ans la maladie serait rare, mais toutefois on

(l) Nous ajouterons encore que pendant l'époque de l'année où

nous avons observé ces malades, la température atmosphérique

était peu élevée et presque froide.

102 ROSÉOLE IDIOPATHIQUE.

a publié des cas concernant des personnes âgées ; c'est

ainsi que Seitz cite un cas de Rotbein chez une femme

de 73 ans. L'âge de. nos malades varie depuis 4 ans

jusqu'à 22 ans.

L'éruption est en général le premier phénomène

observé, mais parfois on note des prodromes très légers

et de courte durée : céphalalgie, cuisson des yeux, etc.

Cette bénignité des prodromes ressort bien nettement

dans l'observation xm de Rayer (1) qu'il nous semble

bon de reproduire.

« L'enfant, âgé de quatre ans, est blond et bien constitué. Le

matin, en l'habillant, la bonne avait été étonnée de lui voir le

visage couvert de petites taches roses, sans élévation iL la peau,

isolées, et offrant une teinte à peu près semblable à celle de la rou-

geole. Lors de ma visite, non seulement ces taches existaient,

mais on en distinguait plusieurs autres sur la poitrine ou sur les

bras. La teinte de ces dernières était moins animée. Je n'en dé-

couvris point sur les autres régions du corps. L'enfant était sans

fièvre; il avait bien dormi la nuit précédente et demandait à se

livrer à ses jeux habituels; cependant la langue était sale à sa base

et légèrement piquetée. L'appétit était diminué depuis quelques

jours et les garde-robes étaient rares; la pression no provoquai !

pas de douleur it l'epigastro ni dans aucune autre région de l'ab-

domen ; la gorge n'était pas enflammée, il n'y avait ni toux, ni

larmoiement Le lendemain 20 juin, l'état de l'enfant ne pré-

sentait pas do changement notable ; le 21 juin l'exanthème était

déjà pâle ; l'enfant fit une petite promenade do deux heures. Le

surlendemain il n'existait plus de traces de ce léger exanthème. »

La plupart de nos malades de Bicêtre n'ont eu ou n'ont

pu accuser de prodromes ; Boissière seul est noté comme

ayant été grognon la veille. En ville, une de nos mala-

des nous dit avoir eu mal à la tête la veille, mais le soir

elle était assez bien pour aller suivre les cours du soir

a la mairie. L'éruption est généralement constatée au

réveil. Dans les quatre cas que nous avons pu observer

en ville, elle était déjà presque généralisée, abondante

surtout I la face, au cou et au tronc, ne présentant en-

core le caractère pseudo-morbilleux qu'a la face et au

cou, sur les autres parties du corps elle se présentait

(1) Rayer. - Loc. cit., t. I, p. 53.

; . RUBÉOLE. 103

plutôt sous la forme papuleuse, forme du reste très

transitoire, car, en quelques heures, elle faisait place aux

macules pseudo-morbilleuses ; en général, l'éruption a

atteint son summum d'intensité en 24 heures. Elle se

développe de la tête vers les extrémités.

La forme de l'éruption semble assez variable (1) si

l'on en croit les auteurs. Chez nos malades, elle était

d'ordinaire franchement morbilleuso, mais chez quel-

ques-uns des enfants de Bicêtre, on a noté parfois une

ressemblance avec l'éruption de la scarlatine. La durée

en est très courte et il est rare qu'elle n'ait complète-

ment disparu dès le troisième ou quatrième jour (voir

notre tableau). Elle commence à pâlir parfois dès le se-

cond jour et même avant. Nous .n'avons observé de

desquamation d'aucune sorte. Quand celle-ci existe,

elle serait furfuracée, mais jamais lamelleuse comme

dans la scarlatine.

L'état général est le plus souvent satisfaisant. Nos

malades de la ville avaient conservé leur entrain, leur

appétit, etc. Ceux do Bicêtro ont, en petit nombre,

paru abattus, anorexiques.

Les symptômes de catarrhe naso-pharyngien et ocu-

laire, présents chez quelques-uns de nos malades, ont

fait complètement défaut chez les autres. Ils ont été très

prononcés (larmoiement, hypérémie très forte des con-

jontives,rougeurdu pharynx(2) avec difficulté d'avaler)

chez M. interne en pharmacie du service, mais

ces symptômes diminuaient en même temps que l'érup-

ruption et ne lui survivaient pas.

La langue était généralement sale; jamais elle ne

présentait de desquamation. - M. Thomas signale la

toux et l'éternuement qui existeraient parfois au début

(1) Thomas a cherché à établir les caractères qui distinguent

l'éruption rubéoliijuc de l'éruption do la rougeole ; ces caractères

différentiels sont difficiles 1\ observer, et quant il nous n'avions pas

jusqu'ici essayé de les rechercher.

('2) Selon Thomas un observerait toujours une rougeur partielle

delà muqueuse du palais.

104 ROSÉOLE IDIOPATHIQUE.

de la maladie; la toux et un léger enrouement peuvent

persister pendant toute la durée de la maladie.

L'enfant de 4 ans que l'un de nous a soigné en ville

et qui tenait la maladie de ses soeurs, eut une roséole

tellement bénigne sous tous les rapports, que c'est à

peine si nous crûmes devoir changer quelque chose à

son régime ordinaire. Elle était gaie, voulait se lever et

manger, etc.

Le pouls, le premier jour de l'éruption, est un peu

plus élevé que normalement; dans nos cas en ville nous

Fui. 1. - Juv... - ? Eruption..

RUBÉOLE. 105

avons noté de 80 â 84 pulsations. La température

i. 2. Mon... -j- Eruption, ff Fin de l ? " 1 1\T Il éruption

iiii Fin de la seconde éruption.

Fig. 3. - Gir... + Eruption, Fin de l'éruption.

106 ROSÉOLE IDIOPATHIQUE.

est parfois normale, .d'autres fois elle est assez élevée,

mais, dans la règle, l'élévation est modérée et le ther-

momètre Oscille entre 38° et 38",5 (voir le tableau) (1).

Les tracés (fia. 1, 2, 3, 4), que nous mettons

sous les yeux de nos lecteurs montrent que dans trois

cas le maximum de la température est resté au-dessous

de 39° et qu'une seule fois (Fig. 1), la température s'est

élevée à 40 ? Presque toujours ce maximum se pro-

duit dès le début. Chez un de nos malades, une nou-

velle éruption étant survenue, la température s'est éle-

vée, du soir au lendemain matin, de 3Sa il 38°,6 (Ii'i. 2).

L'élévation thermométrique est tout fait transitoire.

La clé/'enw8cence suit immédiatement et est régulière.

(Fig. 3 et 4).

Deux do nos malades, comme nous l'avons déjà dit,

ayant eu la rougeole en 1881, nous avons jugé bon de re-

produire les tracés de leur température. Do cette com-

paraison il résulte que, dans la rougeole, le maximum

de la température est atteint en plusieurs jours, qu'il y

a des oscillations (Fig. 5), qu'elle se maintient sur

deux ou trois jours, à un chiffre assez élevé, que la

défervesceiice est plus lente (Fig. 5), et qu'elle se fait

parfois en offrant des oscillations assez étendues

(fin. 6).

Nous avons encore noté chez plusieurs de nos mala-

des l'existence d'un prurit assez prononcé et persis-

tant pendant toute la durée do l'éruption.

Plusieurs auteurs ( Thierfuldcr, Mettenheimer, etc.)

ont signalé l'engorgement des ganglions lymphatiques

du cou et de la nuque; selon Thierfoldcr, l'engorge-

ment des « ganglions lymphatiques subauriculaires et

jugulaires » serait le seul prodrome constant. On

pouvait même encore les retrouver jusqu'à la troisième

semaine après le début de la maladie.

(1. Voiries nombreux tr1\I.Ó'J de rougeole publiés dans le Progrès

médical, ]882, et le Compte rendu de 1881. Nous rappelons qu'il

s'agit ici de températures rectales. "' '

RUBÉOLE. 107 : Nymann a. observé 19 fois sur 119 cas un frisson

initial, une fois deux jours, ordinairement un jour avant

l'apparition de l'exanthème. Jamais ce frisson n'aurait

eu d'influence sur la force et la durée de la fièvre et de

l'éruption.

DfAONOS'1'IC. Il est facile de faire le diagnostic d'une

roséole apyrétique avec la rougeole ; mais, lorsque la

roséole est accompagnée de fièvre et de catarrhes naso-

pharyngien et oculaire, le diagnostic ne peut être établi

qu'on tenant compte d'une rougeole antérieure, de

l'absence do prodromes ou de leur fugacité, et de leur

peu d'intensité, de la marche de l'éruption qui disparaît

rapidement, do l'absence de complications laryngées et

pulmonaires, etc.

Lo ding'nostio aveo lèS 1'osétJlëS 81}rriptOrriatit)Ué8 h 'offre

pas do difficulté sérieuse. Il en est de môme de certains

érythèmes dont le siège et la marche sont tout à fait

différents. Le diagnostic avec la scarlatine n'a pas

lieu d'être fait, et nous sommes étonnés qu'on ait pu

1'in 4. - 'Vois, Ci. 4- Eruption, -'ri' Fin do l'éruption,

108 ROSÉOLE IDIOPATHIQUE.

confondre la roséole avec cette affection. Il n'y aurait

lieu de s'y arrêter que dans les cas où les deux maladies

existeraient simultanément ( ? ). Le diagnostic ne saurait

Fig. 5.-Juvon. -Rougeole.

RUBÉOLE. 109

être, du reste, établi exclusivement sur la forme de

l'éruption.

Les roséoles estivales, etc., des anciens auteurs, doi-

vent être, rangées pour la plupart dans le cadre de la

roséole idiopathique ou rentrer dans les érythèmes sai-

sonniers, sudoraux et autres.

Dans la rougeole on a décrit, depuis Hallier, des

micrococcus, mais nous ne savons si dans la roséole il

en a été trouvé ; ils n'auraient, en tous cas, de valeur au

point de vue du diagnostic que si on pouvait les diffé-

rencier les uns des autres.

En résumé, nous croyons qu'il y aurait tout avantage

à rayer de la terminologie médicale les mots roséole

(en tant qu'affection idiopathique) et Rôtheln (jadis em-

ployé en Allemagne pour désigner une forme bâtarde

de rougeole et scarlatine, mais qui, actuellement, est

synonyme de roséole), pour adopter le nom de rubéole

qui évite toute confusion et serait à la rougeole ce que

la varicelle est à la variole.

Le pronostic de la maladie est bénin, puisque la

rubéole ne donne jamais lieu à des complications.

Tous les cas graves cités par les auteurs doivent être

rattachés des rougeoles anomales ou méconnues.

Quant au traitement, il est purement expectant. Le

séjour il la chambre, le repos au lit, une diète légère,

telles sont les précautions qu'il convient de prendre.

? t

d

a

o

f

r-3

x

c

m

M-

0

r

t4

Fig.. G. - V.... - Rougeole. E, début do l'éruption. - La comparaison de ce tracé et de celui qui est représenté fig. 5, avec les tracés

fig. 1, 2, 3 et et permettent de se rendre bien compte de la différence de la marche de la température dans les deux maladies : rubéole et rougeole.

v.

Epilepsie tardive. Amélioration progressive.

Hémorrhagie cérébrale; marche de la tem-

pérature ; mort ;

Par BOURNEVILLE et Dubarry, interne du service.

L'observation suivante est intéressante au point de vue

de la marche do l'épilepsie et au point de vue de l'hémor-

rhagie cérébrale qui a enlevé le malade. -.

Sommaire. --Émotion vive à 48 ans : Premier accès huit

jours plus tard. - Surdité consécutive. - Marche des

accès (1877-1883). -Amélioration progressive. - Dis-

parition des accès. - Attaque d'apoplexie : Hémorrha-

gie cérébrale. - Sm2tôns. - Abaissement initial de

la température (36°,2) ; élévation consécutive (3 ! )0,2).-

Autopsie : Foyer hén2orrhagique partant du noyau

extra-ventriculaire du corps strié, ayant détruit toute

la partie centrale du centre oval ; ruptures multiples.

. Rent..., Constant, né le 24 décembre 1813, chaudron-

nier, est entré le 9 juin 1877 à Bicêtre (service de M. BOUR-

NEVILLE).

Renseignements fournis par sa femme (6 juin 1881). -

Père et mère, pas de détails. Le malade a eu plusieurs

frères ; le seul que l'on ait connu est mort, vers l'âge de

40 ans, « d'étisie : il avait eu beaucoup de chagrin d'avoir

perdu sa femme et ses enfants. »

Notre malade. Il a eu, de sa première femme, un fils

qui est aujourd'hui âgé d'une trentaine d'années ; c'est un

bon ouvrier, père de cinq ou six enfants bien conformés et

en bonne santé. R... s'est remarié, après 5 ou 6 ans de veu-

vage, avec la femme qui nous fournit ces renseignements.

A cette époque, il était employé de chemin de fer à Lille,

116 ÉPILEPSIE TARDIVE.

travaillait le cuivre et était âgé de 46 ans. Il n'avait pas

encore eu d'accès d'épilepsie. Il faisait de rares excès de

boisson (vin ou bière); il fumait ou chiquait 600 grammes

de tabac par quinzaine. Quelque temps avant la guerre, il

fut atteint d'une gastrite : il eut des vomissements fré-

quents, suivis d'un impérieux besoin de manger.

Un an ou deux après son mariage, alors qu'il était em-

ployé dans l'usine Cail, à Grenelle, il fut témoin d'un acci-

dent qui l'impressionna vivement : un homme avait eu,

devant ses yeux, le bras arraché par une courroie. Son pre-

mier accès aurait débuté une semaine après, au milieu de

la nuit. Cependant, sa femme (du reste peu intelligente),

interrogée pour la seconde fois en 1882 prétendit que le

premier accès avait débuté quelque temps avant la guerre,

c'est-à-dire vers l'âge de 56 à 57 ans. Ce premier accès fut

suivi de surdité, sans qu'il y ait jamais eu la moindre

affection visible de l'oreille.

Pendant les cinq ou six premières années, il n'y a eu

qu'un accès par an, puis ils se sont rapprochés de plus en

plus et, enfin, sont devenus presque quotidiens.

.Accès. - Jamais d'aura. Cri étouffé, modulé, puis chute

brusque tantôt en avant, tantôt en arrière, tantôt sur les

côtés; contusions fréquentes du crâne ou de la face, se-

cousses égales, stertor, écume, morsure de la langue.

L'accès est suivi de sommeil pendant une à deux heures.

Le malade reste ensuite hébété durant le reste de la jour-

née. La nuit suivante et le londcmain, il est sujet à des

étourdissements.

Pas de folie, pas de kleptomanie, pas d'idées de suicide

ni d'homicide. Quelque temps avant la guerre, il fut pris

d'un accès et tomba sur des barres de fer rougies ; la gué-

rison de ses brûlures ne fut complète que trois mois après.

Pendant la durée du traitement, il n'eut pas de fièvre et

les accès d'épilepsie revinrent comme d'habitude.

Etat actuel.-Un peu d'asymétrie du crâne; le côté gau-

che de la voûte est plus accusé que le droit. ,

EPILEPSIE TARDIVE,

117

pression notable, les pariétaux sont sur un plan inférieur.

- Yeux assez enfoncés dans les orbites. Iris bleus, pas de

lésions oculaires. - Nez aquilin à base très large. - Les

dents sont absentes; la voûte palatine est peu profonde.

Homme bien constitué (tronc et membres), vigoureuse-

ment musclé. - La force musculaire est conservée. Hernie

inguinale gauche.

Organes génitaux. - Pénil garni de poils abondants,

châtains; gland découvert, testicules normaux.

Peau, système pileux.- Pas de lésions cutanées ; front

chauve, de même que le sommet du crâne; cheveux longs,

châtain clair, au niveau de l'occiput. Moustaches blondes,

grisonnantes.

Organes des sens. - Surdité très prononcée. - Vue en-

core bonne. - L'odorat est très amoind1Í, car le malade

ne distingue pas l'odeur de l'essence de menthe de celle de

la valériane. Cependant, il perçoit encore l'action de l'am-

moniaque. - La sensation du goût paraît retardée, et c'est

seulement au bout de quelques minutes qu'il perçoit la

saveur amère de la coloquinte ou du sulfate de quinine.

118 ÉPILEPSIE TARDIVE ; GUÉRISON.

1877-1879. - Ce malade est tranquille et travaille régu-

lièrement au jardinage.

1880-1883. Il a conservé son intelligence et sa mé-

moire; le caractère est calme et la tenue bonne. -En

résumé, pas de déchéance intellectuelle, pas plus que de

troubles de l'intelligence à la suite des accès, qui devien-

nent de plus en plus rares.

Le tableau des accès qui précède indique l'amélioration

progressive de l'épilepsie chez notre malade, depuis le jour

de son entrée jusqu'à sa mort (1).

1884. Le 2 novembre, vers 3 heures de l'après-midi, le

malade étant au parloir avec sa femme, tombe, en man-

geant, frappé d'apoplexie. On le monte aussitôt à l'infirme-

rie où nous le voyons une demi-heure environ après l'acci-

dent. Les traits ne sont nullement déviés, les pupilles ré-

trécies, mais égales, sont insensibles à la lumière; les

membres soulevés retombent inertes.

Le pouls est petit, serré, irrégulier, on compte 60 pulsa-

tions par minute. - La à 36, n'est point ster-

toreuse mais s'accompagne d'un râle laryngo-trachéal très

intense, qui masque les bruits du coeur et du poumon et

rend impossible l'auscultation de cesorganes. -A 4 h. 1/2,

les membres sont encore dans la résolution, cependant

les avant-bras, demi-fléchis, nécessitent quelque effort

pour être ramenés dans l'extension. Au bout de quelques

instants, le bras droit s'élève automatiquement; on le re-

place sur le lit mais il ne tarde pas à s'élever de nouveau.

Les sterno-mastoidiens se contractent à chaque mouve-

ment inspiratoire, le diaphragme n'est point paralysé.

Mictions involontaires fréquentes ( 4 depuis une demi-

heure). Urine claire, abondante, expulsée avec force, elle

contientdes flots d'albumine et une petite quantité de sucre.

- La déglutition se fait lentement. Pas de réaction à la pi-

qûre ni au pincement. - Abolition complète de l'intelli-

gence ; coma.

3 novembre. Le pouls est petit, à 84 ; la respiration est

régulière, à 48.

Pommettes jaunâtres, nez légèrement cyanosé. Paupiè-

res closes; conjonctive légèrement injectée, yeux et face

déviés à droite. La pupille droite est plus contractile que

(1) Comme il n'avait pas d'accès depuis un an, nous avions de-

mandé son passage dans l'une des divisions de l'hospice.

HÉMORRHAGIE CÉRÉBRALE. 119

la gauche ; elles sont du reste égales. Narines pulvéru-

lentes, la droite est légèrement relevée. - Bouche en-

tr'ouverte, tirée à droite,écume assez abondante, à moitié

desséchée sur la lèvre inférieure.- Raideur assez pronon-

cée de la nuque.

Membre supérieur droit. Doigts fléchis, avant-bras en

demi-flexion L'articulation du poignet est flasque, celles

des doigts, du coude et de l'épaule présentent un certain

degré de raideur. Les doigts sont le siège de quelques

mouvements spontanés très légers. Ecchymose sur la face

dorsale du deuxième métacarpien.

Membre inférieur droit. Extension complète; réflexes

rotulien et plantaire conservés. Rougeur prononcée de la

face dorsale du pied et surtout des téguments qui recou-

vrent la rotule.

Membre supérieur gauche. - Demi-flexion des doigts

et de l'avant-bras. Rigidité du coude et de l'épaule beau-

coup plus marquée que du côté droit. Ecchymose noire

sur la face dorsale des 3e et 4e métacarpiens.

Membre inférieur gauche. Raideur très marquée de la

hanche et du genou. Le chatouillement prolongé de la

plante du pied provoque quelques mouvements réflexes,

mais ils sont notablement plus faibles que du côté droit.

Le réflexe tendineux aussi est beaucoup moins pro-

noncé et s'épuise très vite. - Plaques violacées sur le ge-

nou et la face dorsale du pied. Vergetures sur la face in-

terne des cuisses, surtout la gauche. Le peau présente une

teinte légèrement plombée. Des deux côtés les membres

supérieurs soulevés ne retombent pas tout à fait inertes,

ils s'arrêtent un instant et se maintiennent avant d'arriver

sur le lit; la tonicité musculaire est mieux conservée à

droite qu'à gauche. On observe des deux côtés des mouve-

ments des doigts étendus, mouvements plutôt convulsifs

que volontaires.

Les deux membres inférieurs demi-fléchis conservent

cette position mais durant un temps inégal : peu à peu le

gauche s'allonge tandis que le droitse maintient longtemps.

Quelques mouvements vermiculaires dans les muscles des

mollets. La langue est un peu poisseuse. Pas de vomisse-

ments, pas de selles. Le râle laryngo-trachéal empêche

l'auscultation.

Traitement. Sinapismes, eau-de-vie allemande 35 gr.-

A 11 heures du matin la déglutition devient de plus en

120 HÉMORRHAGIE CÉRÉBRALE.

plus difficile, à 11 heures et demie la dysphagie est com-

plète. La dyspnée augmente et le malade s'éteint à 2 heures

de l'après-midi.

La température a été prise, pour la première fois, une

heure et demie après l'ictus apoplectique, elle était à 37°,

et, à partir de là, d'heure en heure jusqu'à la mort (fig. 7).

AUTOPSIE. 1' 1

est le siège d'un épanchement hémorrhagique. - Le

corps calleux est déchiré en partie, malgré toutes les

précautions que l'on a prises pour enlever l'encéphale. La

face interne des deux lobes frontaux est complètement

ecchymotique et présente des adhérences nombreuses. Des

deux côtés, mais surtout à droite, il y a du sang épanché

sur le trajet de l'artère sylvienne.

Encéphale : 1430 gr. Cervelet et isthme : 170 gr.

En séparant les deux hémisphères, on constate la présence

d'une certaine quantité de sang épanché dans les ventricu-

les latéraux.

Hémisphère droit. Il existe une première rupture du

lobe frontal au niveau de la circonvolution qui longe le

nerf olfactif (gyrrus reclus), il en existe une deuxième dans

l'espace interpédonculaire entre les tubercules mamillai-

res, aussi le chiasma est-il en quelque sorte disséqué. On

remarque en avant de la tête du corps strié une perforation

qui fait communiquer le ventricule avec le foyer du lobe

frontal.

Face convexe. La première circonvolution frontale, F',

est volumineuse et envoie un prolongement à la partie

moyenne de la seconde ; elle se fixe sur la frontale ascen-

dante par deux insertions de niveau entre lesquelles existe

un sillon. La deuxième circonvolution frontale, sinueuse,

bien développée, reçoit de la troisième un pli de passage et

s'insère sur le milieu de la frontale ascendante. La troi-

sième frontale est sinueuse, composée de plis transversaux

dont le dernier vient, pour ainsi dire, s'accoler sur l'extré-

mité inférieure de la frontale ascendante. Celle-ci, très

large, présente à sa partie supérieure un sillon transversal

très marqué. Le sillon de Rolando est sinueux et pro-

fond. La pariétale ascendante est également sinueuse,

mais moins large que FA et reçoit un pli de passage de Pt

et de P2. - P' volumineux, envoie un pli de passage re-

courbé àPA; un deuxième qui va s'emboîter dans Pl, enfin

un troisième à LO, de plus il reçoit un pli de PC. - Un sil-

lon large et profond sépare ? 'de LO. - P2 très plissée,

assez volumineuse, envoie un pli de passage assez volumi-

neux à PA. LO, assez volumineux, présente des sillons

superficiels. - T' sinueuse dans sa partie moyenne en-

voie un pli de passage à LI au fond de la scissure de Syl-

vius. - La scissure parallèle est très sinueuse et, à l'ori-

gine de sa partie ascendante, elle est obstruée par un pli

de passage que T' envoie à T q. Le lobule de l'izsula, LI,

122 HÉMORRHAGIE CÉRÉBRALE.

est étalé en raison du foyer hémorrhagique sous-jacent et

possède trois digitations bifurquées.

Face interne. F', volumineuse, est composée de parties

séparées par des sillons transversaux. Dans sa portion ho-

rizontale, le 1 er sillon est complètement ouvert et commu-

nique avec un foyer qui a détruit toute la substance blan-

che du lobe frontal, et s'est ouvert dans le ventricule laté-

ral ; il s'est prolongé dans le centre ovale, en disséquant la

face externe du corps strié et de la couche optique. Il a

touché la tête du corps strié et séparé le chiasma. La circon-

volution du corps calleux, CCCa, présente un sillon super-

ficiel et envoie un pli de passage au lobule paracentral,

LP, qui est volumineux, irrégulier, très plissé, et envoie

un pli de passage sinueux à LQ. Le pli de passage qui de

CCCa se porte à LP interrompt le sillon calloso-marginal.

Le lobe carré, LQ, est volumineux et interrompu par des

sillons très profonds.-Lascissure perpendiculaire est très

marquée. LC,assez développé, envoie un pli de passage au

lobe occipital, LO,qui est petit, et dont les circonvolutions

sont peu distinctes. CH est volumineux et lisse. La corne

d'Amanoz, CA, ne présente rien de particulier. T* est net-

tement séparée de CH mais confondue en arrière avec '1".

- Le corps calleux est normalement conformé.

Hémisphère gauche. La décortication en est facile, le

ventricule latéral renferme du sang liquide et dans la scis-

sure de Sylvius on trouve des caillots noirs.

Face convexe. F bien développée, très longue, envoie

deux plis de passage qui s'emboîtent dans F2. - F2 se fixe

par deux insertions de niveau sur FA. FA assez déve-

loppée présente un sillon transversal près de sa parlie su-

périeure. -PA plus large que FA envoie à sa partie in-

férieure un prolongement à P et en reçoit un de pi

à sa partie moyenne. - P* bien développée reçoit de PC

un pli de passage. P1 très sinueuse envoie un prolon-

gement à PC et à LO.

On remarque au fond de la scissure de Sylvius un gros

prolongement qui vient de la partie moyenne de T'.

La scissure parallèle est profonde et le pli courbe bien

distinct. T 2 envoie deux plis de passage à T '. LI

présente des digitations bifurquées.

Face interne. FI est bien développée. LP assez volumi-

neux est incomplètement séparé deF 1. SRqui est sinueux et

profond ne forme pas d'encoche sur la face interne de l'hé-

misphère. La circonvolution du corps calleux est assez peu

AUTOPSIE. 133

développée et présente des plis superficiels mais nombreux.

La scissure perpendiculaire est large et béante. - LC si-

nueux envoie un pli de passage à L0.- LO s'abouche avec

CH par un large prolongement. - CH est lisse. T ' en-

tièrement séparée de CH envoie à T 3 trois prolongements.

Cceur. Poids 390 gr. Myocarde un peu pâle, légère hy-

pertrophie du ventricule gauche. Athérome de la portion

ascendante de l'aorte.

Poumons. Hyperhémie surtout aux deux bases, emphy-

sème assez prononcé.

124 FOYER HÉMORRHAGIQUE.

Une coupe transversale, tangente à l'extrémité antérieure

du corps strié, montre que, du côté de l'insula, la paroi du

foyer mesure à peine 3 à 4 millimètres d'épaisseur. Une

seconde coupe pratiquée un centimètre et demi en arrière

de la précédente et intéressant la couche optique à son

origine, fait voir que le noyau extra-ventriculaire du corps

strié, est disséqué suivant sa face externe, par conséquent,

le long de la capsule externe, et cela dans une longueur

d'au moins un centimètre : c'est là qu'est le point de dé-

part de l'hémorrhagie; c'est là qu'on a trouvé les caillots

les plus durs, les plus anciens. L'hémisphère gauche

n'était le siège d'aucun foyer.

RÉFLEXIONS. - I. L'épilepsie, chez ce malade, a présenté

deux particularités très dignes de remarque. En premier

lieu, elle a débuté à un âge avancé, 48 ans, sans tare hé-

réditaire ou diathésique, circonstance qui, jointe à la

cause probable, une émotion vive, nous a permis de porter

le diagnostic : épilepsie tarclive idiopathique (1). L'autop-

sie, plus tard, a justifié ce diagnostic. Nous n'avons, en

effet, découvert à l'autopsie ni tumeurs, ni foyers anciens,

ni sclérose de la corne d'Ammon, ni rétrécissement du

trou occipital, etc.

Les accès, autant que nous avons pu le savoir, avaient

les caractères ordinaires du mal caduc vulgaire. Très fré-

quents, paraît-il, avant l'admission du malade à Bicêtre,

ils sont devenus ensuite relativement rares à dater de son

entrée ; bien plus, et, c'est là un autre point intéressant,

ils avaient même tout à fait disparu depuis un an.

II. Alors que l'on pouvait espérer que Rent... était guéri

do l'épilepsie et que nous avions demandé son passage

du quartier des aliénés dans l'une des divisions de l'hos-

pice, il a été frappé d'apoplexie, symptomatique d'une

hémorrhagie cérébrale. En raison de la prédominance de

la paralysie et de la contracture, dans les membres du

côté gauche, de la prédominance aussi des plaques viola-

(1) L'épilepsie, on le sait, est surtout une maladie de l'enfance et

do l'adolescence. Les cas d'épilepsie tardive, dans notre service,

sont relativement rares. Toutefois, soit à la Salpêtrière, dans les

services de MM. Delasiauve et Charcot, soit à Bicêtre, dans

notre service, nous en avons rassemblé une vingtaine de cas qui

seront l'objet d'un travail ultérieur (B).

HÉMORRHAGIE CÉRÉBRALE : TEMPÉRATURE. 125

lacées à gauche ; en raison enfin de la déviation des yeux

et de la face à droite, nous avions localisé le foyer hémor-

rhagique dans l'hémisphère droit.

L'examen de la température, en nous indiquant un

abaissement initial très prononcé, venait fournir un nou-

vel argument en faveur de la réalité d'une hémorrhagie.

La température, qui était à 37°, une heure et demie après

le début de l'attaque, était descendue à 36°,2 au bout de

3 heures et demie. A partir de là, elle monte progressive-

ment à 38°,2 (8 heures après le début). A ce moment, elle

descend une seconde fois et retombe à 37°,8 (9 heures et

demie après le début). Conformément à la règle, la tem-

pérature reprend sa courbe ascensionnelle et atteint, 16 à

17 heures après l'ictus apoplectique, le chiffre de 39°,2.

On observe ensuite un nouvel abaissement (38 ? ) suivi

d'une nouvelle élévation.

Fig. 7. - Chaque ligne verticale répond à une heure, - température

prise une heure et demie après l'attaque; +, ;{-> abaissement de la tempe-

rature répondant à l'extension du foyer et aux ruptures ; - M, tempéra-

ture au moment de la mort. H, température un quart d'heure après la

mort; 0, température une heure un quart après la mort; 00, T. deux heures

un quart après la mort.

12 ! i H6\LOltlitl : liifl : CiaiÎ.Illi11,L : température.

On sait que, dans les cas réguliers qui se terminent par

la mort à bicvc échéance, l'abaissement initial est suivi

d'une ascension régulière de la température qui va jusqu'à

42" et même davantage. Ici le tracé de la période ascen-

sionnelle est interrompu par des chutes (pî°,8 et 38",4)

qui, suivant nous,devaient correspondre ou il des ruptures

du foyer, ou à l'extension du foyer primitif; l'autopsie

nous a montré que nous ne nous étions pas trompés. Ce

fait vient confirmer, une fois de plus, tous ceux qui ont

été rapportés par M. Charcot et ses élèves (l).

(1) Bourneville. - Études cliniques et thérapeutiques sur les

maladies du système nerveux, p. 9 il, 121. On trouvera dans ce

travail l'historique complet de la question. - Cette observation a

été communiquée à la Société anatomique, et en même temps

nous avons fait voir la photographie, le moule de la tête, le crâne

et le cerceau du malade.

VI.

Idiotie congénitale; Rein unique;

Par BOURNEVILLE et P. Bricon.

Le fait suivant nous a paru mériter d'être publié, non

seulement parce qu'il a trait à une forme spéciale d'idiotie,

maladie dont on ne publie qu'assez rarement des observa-

tions, mais aussi parce que l'autopsie nous a permis de

découvrir une lésion congénitale.

Observation. - Idiotie complète congénitale. Père

alcoolique et violent. - Grand'mère paternelle hémi-

plégique. - Grossesse : chagrins, traumatisme.

Premiers signes d'idiotie à deux mois; jamais de con-

vulsions. - Fracture de la jambe droite à 4 ans.

Balancement, grincements, colères, cris diurnes et

nocturnes ; parole nulle ; gâtisme. Diarrhée.

Rougeole (1883). - Tuberculose. Mort. Autopsie :

Rein en fer à cheval ; tuberculose pulmonaire et in-

testinale.

Assas..., Eugène Louis, né le 2 février 1876, est entré à

Bicêtre, le 15 novembre 1882 (service de M. Bourneville) et

y est mort le 30 avril 1884.

Renseignements fournis par sa mère (2 1 novembre 1882).

Père, 37 ans, maçon, grand, fort, marié à 29 ans; il buvait

alors beaucoup, surtout du vin ; il s'enivrait une ou deux

fois par mois ; depuis trois ans, les excès sont moins fré-

quents. Il fume 20 centimes do tabac par jour. Il n'a ni

migraines, ni céphalalgie, sauf à la suite de ses ivresses ;

il n'aurait jamais ou do maladies cutanées ni de maladies

vénériennes, ni de convulsions dans l'enfance; il n'a eu

aucune maladie depuis son mariage. Il est violent : « j'ai

18 idiotie cérébrale.

été battue pour commencer. » [Père, mort on ne sait de

quoi, à 45 ans. Il avait fait de nombreux excès de boisson :

« lui, c'était des alcools. » - Mère, morte il y a deux mois;

a été atteinte d'une hémiplégie gauche pendant les trois

dernières années. Elle était sobre ; n'avait jamais eu d'at-

taques de nerfs. - Un frère dont on n'a plus eu de nou-

velles depuis la guerre de 1870; deux soeurs, mortes du

croup. Aucun détail sur les grands parents. Pas d'aliénés,

pas d'épileptiques, pas d'autres paralytiques, pas de tics,

pas de difformes, ni de suicides ou de criminels dans la

famille.]

Mère, 37 ans, blonde, rousse, petite, fatiguée (elle est

enceinte de 8 mois 1/2 ; intelligence à peu près ordinaire ;

tisseuse, ménagère. Elle serait un peu nerveuse, mais

n'aurait pas eu d'attaques ni de convulsions dans l'enfance;

ni migraines, ni syncopes; pas de dermatoses. Elle a eu

une fièvre typhoïde à 18 ans. [Père, mort de fièvre typhoïde

à 45 ans, à l'époque où elle-même était atteinte de la même

affection. Il était tisseur, sobre, et n'était pas nerveux.

- Mère, 70 ans, bien portante, n'a pas eu de maladies ner-

veuses. On ne peut fournir des renseignements que sur

les grands parents maternels. Le grand-père est mort à

79 ans en 8 jours ; il n'était ni paralysé, ni dément ; la

grand'mère est morte des suites d'une fracture compliquée

à l'âge de 55 ans. - Un frère est mort à 13 ans d'une

«inflammation d'intestins. » Pas d'aliénés, etc., dans la

famille.] Pas de consanguinité.

Le père du malade a eu d'une première femme, morte

poitrinaire, deux enfants qui sont morts à 2 mois et à 6 mois

et un mort-né avant terme. Il a eu de sa seconde femme

5 enfants ; celle-ci est enceinte du sixième : 1° garçon,

14 ans, intelligent, bon ouvrier, n'a pas eu de convulsions;

2° fille, morte à neuf jours « d'une esquinancie dans la

gorge » ; pas de convulsions ; 3° notre malade ; 4° garçon,

mort à quatre mois et demi de cholérine (vomissements et

diarrhée); 5° fille, 19 mois, bien portante, n'a pas eu de

convulsions ; commence à parler et à marcher.

Notre malade. A l'époque de la conception, le père

buvait beaucoup ; il était très violent et battait sa femme.

Il voulait avoir des rapports sexuels quand il était ivre,

mais elle s'y serait toujours refusée. Grossesse accidentée

par des chagrins et par les peurs que lui causait son mari

« qui avait un mauvais vin. » Elle dut le quitter vers le

troisième mois de sa grossesse, alla chez sa mère et ne re-

vint avec lui que trois à quatre mois après. Ni coup, ni

IDIOTIE congénitale. 129

chutes sur l'abdomen, ni constriction; pas d'alcoolisme. -

Accouchement à terme, naturel, sans chloroforme. A la

naissance, l'enfant n'était pas asphyxié; il était fort et

bien constitué. Il fut élevé au sein par sa mère jusqu'à

quinze mois. Au bout de deux mois « ma belle-mère disait

que mon enfant n'avait pas les yeux comme les autres en-

fants.» Il n'aurait jamais eu de convulsions. Première dent

à 8 mois 1/2 (les autres auraient ensuite poussé assez vite).

Assas... n'a marché que vers l'âge de 4 ans, et peu après,

il eut une fracture de la jambe droite : quand on la lui

a réduite, il a dit «bobo » ; il aurait parfois prononcé le

mot papa, et c'est tout. Il n'aurait jamais ri comme les

autres enfants. Depuis un an, il se sert de ses mains; aupa-

ravant, il ne savait pas porter à sa bouche. Il ne bave ni ne

suce ; balancement de la tête seulement ; fréquent grince-

ment des dents. Assas... est sujet à des accès de colère;

rit et crie sans motif appréciable, de jour et surtout de

nuit ; on a essayé de le corriger sans succès; sommeil ca-

pricieux. Appétit vorace, mastication nulle, salacité pour

les débris d'aliments, parmi lesquels toutefois il choisissait;

il n'a jamais mangé ses excréments ; pas de rumination ;

selles régulières, parfois en diarrhée; il a toujours été

gâteux, l'as de vers, pas d'onanisme. Rougeole à trois

mois. croûtes du cuir chevelu à 2 ans. Il n'a eu ni otite,

ni ophthalmie, ni engelures, ni diphthérie, etc.

Etat actuel. - Tête : l'occiput est saillant; il existe un

méplat à la partie supérieure de l'occipital et postérieure

des pariétaux. Les bosses pariétales sont peu saillantes ;

les bosses frontales sont proéminentes, égales. Les régions

latérales et sus-orbitaires sont fortement déprimées sur-

tout à gauche, aussi en résulte-t-il une plus forte saillie

des bosses frontales. L'arcade sourcilière est déprimée. Le

crâne parait à peu près symétrique, présente une forme

générale quadrangulaire. Le nez est petit, à dos légère-

ment concave. Les régions orbitaires sont amaigries, cer-

clées. Les paupières ne présentent rien de particulier,

l'iris est gris verdâtre ; les pupilles sont égales, dilatées et

réagissent. Les régions malaires sont égales, peu saillan-

tes malgré l'amaigrissement. La portion buccale des joues

est légèrement concave, peu colorée. La bouche est petite :

les lèvres sont minces, quoique l'inférieure paraisse épaisse

à cause du prognatisme de la mâchoire inférieure. Le

menton est rond, large et épais. Les oreilles sont larges,

aplaties, peu écartées, bien ourlées, sans lobule, de dimen-

sion égale (5 centim. sur 3 cent.) L'oreille externe gauche

bourneville, 18S-i. 9

130 IDIOTIE congénitale.

est dirigée d'avant en arrière, plus obliquement que l'au-

tre ; elle est mieux ourlée.

idiotie congénitale : phimosis. 131 t

1882. 15 novembre. Poids : 14 kilogr., 800. Taille,

1 m. 02. - 30 Novembre. Dans les premiers jours de son

arrivée, il semblait toujours avoir peur, s'asseyait dans les

coins. Depuis quelques jours, il va et vient, ne reste plus

assis, est plus rassuré.

1883. Jamer.Po : Ihilogr.,100. Taille : 1. m.04.

3 avril. L'enfant n'urinant que très peu et difficilement,

est monté à l'infirmerie. Le phimosis est très serré, ne

permet pas même de découvrir le méat. On dilate facile-

ment l'orifice préputial. mais on n'arrive que le soir, après

un nouveau sondage, à franchir le col (spasme ? ) il s'écoule

d'abord une très petite quantité d'urine, puis peu après

une urine abondante.

4 avril. T. R. 40°,4. - Soir : 40°,2.

5 avril. T. R. 3J°;8. Ce matin, l'enfant est éveillé.

Langue sale ; un peu de diarrhée, sans méléorisme. On ne

trouve rien aux poumons. Eau de sedlitz, sulfate de qui-

nine, 0 gr., 25. - Soir : 40°.

6 avril. Inappétence ; l'enfant ne prend qu'un peu de

lait. La diarrhée est abondante ; urination normale. Rien

à l'auscultation. Pas de taches sur l'abdomen. Pouls rapide;

pleurs fréquents : la main fraîche appliquée sur la tète

parait lui être agréable. Sulfate de quinine : 0 gr. 25. T. R.

39°,4. - Soir : 40%

7 avril. Même état, face pâle, anémiée ; l'abdomen n'est

pas ballonné, mais il semble douloureux vers la partie in-

férieure où l'enfant porte souvent la main ; pas de diar-

rhée ; urine abondante. T. R. : 3J',4 - Soir : 40°,2.

8 avril. T. R. 38°,8.-Soir : 40°,4.

9 avril. Face amaigrie, yeux excavés ; sillons naso-

labiaux égaux ainsi que les plis du front ; lèvres rosées,

humides. Les gencives sont un peu fongueuses, l'haleine

rappelle celle de la stomatite ulcéro-membraneuse ; il n'y

a pas d'ulcérations. La langue est sale, mais non rouge ;

large, saburrale; les piliers sont roses, réguliers; les amyg-

dales et la voûte palatine ainsi que le pharynx, ne présen-

tent rien de particulier. La soif est vive et l'enfant mani-

feste ce besoin en disant : « à boi ! à boi ! » Il boit ordinai-

rement avec avidité, mais parfois il refuse la boisson. Pas

de vomissements. L'abdomen n'est ni ballonné, ni déprimé;

il est souple; la pression ne paraît pas y occasionner de

douleur ; sonorité partout ; le foie et la rate ne paraissent

pas avoir augmenté de volume; le malade n'a pas eu de

selles depuis avant-hier. T. R. 38°,8. Soir : 40°.

10 avril. T. R. 39°. - Soir : 39°,4.

132 idiotie congénitale.

11 avril. T. R. 38°,4. - Soir : 38°,3.

12 avril. T. R. 380,2. -Soir 39°,2.

13 avril. P. 88 ; T. R. 39°. Pas de toux ; l'auscultation et

la percussion ne fournissent aucune donnée et sont du

reste difficiles à pratiquer. L'élasticité est conservée. Julep

avec 2 gr. d'extrait de quinquina.

14 avril. T. R. 37°,2.- Soir : 38°,4.

15 avril. T. R. 38°,2. - Soir : 39°,2.

16 avril. T. R. 38°,4.- Soir : 38°,4.

17 avril. T. R. 37°,4. Soir : 39°.

18 avril. T. R. 38°,4.- Soir : 40°,2.

19 avril. T. R. 39°,2.-Soir : 39 ? ? . L'enfant est très amai-

gri ; il ne prend que des bouillons, des potages et du

lait; il ne vomit pas, est constipé. 11 se plaint continuelle-

ment, grince des dents, ne tousse pas. La bouche est sèche,

les lèvres fuligineuses. Les yeux renferment à l'angle in-

terne du mucus concret. Deux verres d'eau de sedlitz; sul-

fate de quinine. 0 gr., 25.

20 avril. T. R. 39°. -Soir : 39°.2.

21 avril. T. R. 38°,4. - Soir : 39°,2.

22 avril. T. R. 38°,4. - .Soir : 39°.4.

23 avril. T. R. 380,2. -Soir : 38°.4.

24 avril. T. R. 380. - Soir : 38°,2.

25 avril. T. R. 37 ? Soir : 38°. L'enfant est à peu près

dans le même état général malgré l'abaissement de la

température; il ne mange pas, tousse un peu. Continua-

tion du sulfate de quinine.

26 avril. T. R. 37°,2. Soir : 38°,2.

27 avril. T. R. 3 ? 4. Soir : 39°.

28 avril. T. R. 37 ? 2. Soir : 38°,4.

29 avril. T. R. 37°,4. - Soir : 38°,2.

30 avril. T. R. 38,2.- Soir : 37°,4.

1er mai. T. R. 37°,4. - Soir : 38°.

2 mai. T. R. 37°,6. Soir : 39°,2. -

3 mai. T. R. 38°. Soir : 38°,2.

4 mai. T. R. 38 ? Soir : 38°,4.

5 mai. T. R. 37°,8. - Soir : 38°,2.

6 mai.T.R.39°,6.-Soir : 40°. L'enfant tousse; on trouve

des râles de bronchite, et une éruption apparaissant sur la

racine des cheveux, sur les joues et derrière les oreilles ;

selles régulières, langue sale. Conjonctivite palpébrale

droite.

7 mai. L'éruption consiste en petites taches d'un rose

peu intense, s'effaçant par la pression ; elle forme autour

du front, vers la racine des cheveux, comme une couronne;

ces taches sont plus nombreuses autour des bosses fron-

rougeole. 133

tales, assez nombreuses sur les joues, surtout à la partie

inférieure, sur le nez, sur le menton et derrière les oreilles.

Il n'en existe pas au cou ni sur les autres parties du corps.

Conjonctivite palpébrale purulente très intense ; injection

peu marquée de la conjonctive. Langue sale ; rien à la

gorge ; constipation ; pas de vomissements. La percussion

et l'auscultation sont normales : la toux est rare. T. R.

liûo,-2. - Soir : 38°, 2.

8 mai. L'éruption est limitée à la face. Respiration

peu gênée. A l'auscultation on trouve très peu de râles.

Constipation. T. R. 38°,8. Soir : 39°,8.

9 mai. L'éruption persiste à la face où elle est tou-

jours limitée. Toux rare; cris, grincement de dents. L'aus-

cultation, très difficile, ne décèle rien. A la percussion on

constate une diminution de sonorité dans toute la hauteur

en arrière, en avant elle est normale. Larmoiement. Coryza

presque nul; haleine un peu fétide ; rien à la gorge. Soif

assez vive; constipation. Pas de vomissements. T. R. 39°,9.

20 gr. d'huile de ricin. Julep extrait de quinquina ;

tisane de violette. - Soir : 37°, 6.

10 mai. L'éruption est plus visible au front, près la

racine des cheveux. L'auscultation ne donne rien quoique

la sonorité soit diminuée surtout à gauche, L'enfant a été

très abattu dans la journée d'hier. Selles régulières. Pas

de vomissements. T. R. 37°,3.- Soir : 380,6.-Julep avec

4 gr. d'acétate d'ammoniaque et l'extrait de quinquina.

11 mai. L'éruption s'efface au front et sur les joues.

On ne constate toujours rien sur les autres parties du

corps. L'auscultation est négative partout, sauf à la base

gauche où la respiration est très sèche. Percussion nor-

mnle. Conjonctivite légère; langue humide, haleine fétide;

rien à la gorge. L'abattement est beaucoup moins pro-

noncé. Selles régulières. Môme traitement. T. R. 37°.

- Soir : 37°,8.

12 mai. Percussion et auscultation normales ; grince-

ment continu des dents (non usés). Haleine un peu fétide;

amaigrissement progressif. Rien à la gorge. T. R. 37°.

- Soir : 37°,8.

13 mai. L'enfant va mieux. Rien à la poitrine. T. R.

37°,4. - Soir : 37°,8.

14 zonai. Hier quelques taches rouges ont apparu sur

le visage. Constipation. T. R. 370. - Soir : 38°.

15 mai. Eruption de petites taches rouges inégales sur

le front, les joues et les parties supérieures du thorax;

quelques-unes sont surmontées d'une petite vésicule (as-

pect d'éruption sudorale) ; les deux-membres supérieurs

134 IDIOTIE congénitale.

présentent au niveau de la face dorsale du poignet et de la

portion correspondante de l'avant-bras une éruption ana-

logue, plus foncée (l'enfant place habituellement les deux

mains sous la tête reposant sur l'oreiller par la face dor-

sale). Sudation très abondante. Toux légère; râles peu

nombreux. Constipation. Dans la fosse iliaque gauche on

perçoit par le palper de petits noyaux durs du volume d'une

noisette, ne paraissant pas adhérer à la peau (scybales). T.

R,. 3G°;9.-Soi· : 37% Lavement glycériné ; huile de ricin.

16 mari. Toux très rare. Rien à l'auscultation et à la

percussion. L'éruption de la face dorsale des poignets et

de la face commence à s'effacer. Selles copieuses à la suite

du lavement. T. R. 31°, ? . - Soir : 37°,8.

17 mai. T. R. 31°,4. - Soir : 37°,2.

18 mai. T. R. 37°. - Soir : 37°.4.

19 ? nai. T. R. 37°. Môme état. Constipation.

21 mai. L'éruption n'a pas encore complètement disparu.

La vessie fait saillie au-dessus du pubis, cependant l'en-

fant a uriné cette nuit.

27 juin. L'enfant est complètement remis. L'affaiblisse-

ment des jambes qui existait à la suite de sa rougeole a dis-

paru ; il marche seul aujourd'hui. Le soir, une fois couché,

il reprend ses babils et s'habille seul, tandis que le matin

on n'a encore pu l'habituer à s'habiller.

30 juin. Poids : 15 kilog. 500 gr. Taille : 1 m. 04 cent.

5 décembre. Quand l'enfant est assis, il se balance;

l'index gauche appuyé devant l'oreille correspondante, il

semble attentif comme s'il écoutait; parfois grimaces de

la bouche tirée à droite ou à gauche.

1884 : 31 janvier. Poids : 16 kilogr 600 gr. Taille : 1 m.,

06 cent. 0

11 mars. Depuis trois à quatre jours, l'enfant n'a pas été

il. la selle; abdomen tympanisé. Anorexie. Cataplasmes.

Lavements. T. R. 38°,6. Soir : 38°.

12 mars. T. R. 38°. S-r : 38°,2.

13 mars. T. R. 38°. - Soir : 38°.

14 mars. T. R. 37°,î.- Soir : 3 î°;G.

15 mars. T. R. 37°,5. Soir : 37°,4.

1G mars. T. R. 31 ? 3. - Soir : 3î ? +.

22 avril. L'enfant est pris maintenant d'une diarrhée

abondante de couleur sépia et fétide. Tympanismo de l'ab-

domen sensible à la pression et sur lequel se dessine un

réseau veineux superficiel. Pas de vomissements. Le ma-

lade n'a pas l'air abattu. Les pommettes sont colorées. Lait.

Bouillon. Bismuth : 2 gr.

TUBERCULOSE PULMONAIRE ET INTESTINALE. 135

23 avril. T. R. 38 ? Soir : 39°,1.

24 avril. T. R. 38°,1. -Soir : 38°,5.

25 avril. T, R. 38°. - Soir : 39°.

26 avril. T. R. 38°,2.- Soir : 38°,4.

27 avril. T. R. 38°,3. - Soir : 39°.

28 auril. T. R. 39°. - Soir : 40°.

29 avril. La diarrhée continue; l'abdomen est sonore,

souple, parait peu ou point douloureux. L'enfant est très

abattu; les lèvres sont un peu fuligineuses, mais il n'existe

pas d'état typhoïde accentué. Le visage est pâle et amai-

gri. La percussion est normale ; à l'auscultation on entend

de temps à autre des râles ayant un peu le caractère de

frottements ; l'auscultation est, du reste, difficile à prati-

quer à cause de l'état du malade.

Circonférence du thorax au niveau du mamelon . 55 centim.

Au niveau de l'appendice xyphoide au moment

de l'expiration 57 1/2 centim.

Les avant-bras, les mains, les genoux et les pieds sont

cyanosés. Viande crue, lait, bouillon; eau albumineuse et

laudanum II gouttes. T. R. 3J°,1. - Soir : 39°,7.

30 avril. T. R. 39°. L'enfant meurt à deux heures de l'a-

près-midi sans convulsions. La diarrhée avait cessé depuis

dix heures du matin. Les selles n'ont jamais été sangui-

nolentes ; elles étaient d'un vert grisâtre. II n'y a jamais

eu de vomissements. T. R. après la mort : 40°,5; une heure

après : 39°,8; deux heures après : 38°,7. Poids : 13 kilog.

500 gr.

Autopsie (2 mai 188f). - La cavité abdominale ne con-

tient aucun liquide anormal; les intestins occupent leur

position normale, sauf l'S iliaque qui est très dilatée. L'es-

tomac est de même très dilaté. Le péritoine est sain; pas

de tubercules. Le foie ne déborde pas les fausses côtes; le

diaphragme s'élève de chaque côté à la hauteur ordinaire.

Adhérence partielle du péricarde avec les poumons. Pas

de liquide dans la cavité péricardique.

Coeur normal (90 grammes) dans toutes ses parties; le

trou de Botal est perméable. On constate une adhérence

totale des deux feuillets des plèvres; au sommet du pou-

mon droit, on trouve quelques granulations tubercu-

leuses, et dans le lobe moyen, un noyau de ln'oncho-pneu-

manie. Les ganglions péri-bronchiques sont caséeux.

Poids : P. droit, 2 40 gr.. P. gauche, 165 gr. La rate (90 gr.)

n'offre qu'un peu de périsplénite.

136

REIN UNIQUE.

Fig. 9. - Rein en fer à cheval vu de'face. C., capsule; R. D., rein

droit ; R. G., rein gauche ; C. S., capsule surrénale ; D., diaphragme ;

V. C., veine cave ; V. R. D., veine rénale droite ; V. R. G., veine ré-

n ale gauche ; A. R., artère rénale ; A. R. S., artère rénale supplémen-

taire ; A. R. M. S., artère rénale médiane supplémentaire ; 13., bassi-

net ; u., uretère; A I. P.D., artère iliaque primitive droite ; A. I. P. G.,

artère iliaque primitive gauchi.

REIN UNIQUE. 137

' Le larynx ne présente rien de particulier ; la glande

Fiy. 10.- Rein en fer à cheval vu en arrière. - R. rein; C. S., capsule

surrénale ; A. R., artère rénale ; V. C ? veine cave ; A. R. S , artère

rénale supplémentaire ; U., uretère ; A, I. P. D., artère iliaque primi-

tive droite ; A. I. P. Go artère iliaque primitive gauche ; A. I. E., ar-

tère iliaque externe ; A. I. I., artère iliaque interne.

138 APPAREIL URINAIRE.

thyroïde est légèrement hypertrophiée et en dégénéres-

cence colloïde.

Appareil urinaire. Les uretères sont très dilatés et

présentent la dimension d'une grosse plume d'oie; toute-

fois, la dilatation est beaucoup plus prononcée à la partie

supérieure. - Les deux bassinets sont également très dila-

tés. Au moment de faire la coupe antérieure pour dégager

le rein gauche, l'on s'aperçoit que les deux reins sont unis

par leur extrémité inférieure. Les deux reins sont dirigés

de haut en bas, d'arrière en avant et do dehors en dedans.

Leur extrémité supérieure correspond à l'union de la pre-

mière avec la seconde vertèbre lombaire Le milieu de la

courbure du fer à cheval repose sur le disque qui sépare

la quatrième vertèbre lombaire de la cinquième. Les deux

reins ont subi une sorte de mouvement de bascule qui re-

porte le hile en avant. Les deux uretères descendent obli-

quement, passent à 2 centimètres de la partie médiane an-

térieure du fer à cheval, sur lequel ils laissent leur em-

preinte ; sur la partie médiane antérieure du fer à cheval

se trouve une dépression dirigée de haut en bas et sem-

blant indiquer la ligne de fusion des deux reins. (Fig. 9,10.)

La décortication du rein, qui n'est pas lobule, s'opère

avec facilité. A sa surface se trouvent un certain nombre

d'étoilesdeVerrheyen. A la coupe, le rein paraît normal ; il

est un peu congestionné. Les deux bassinets sont remplis

d'un magma briqueté formant une bouillie liquide. A l'exa-

men microscopique, l'on constate que ce magma, jaune,

sablonneux, est formé principalement par des cylindres

épithéliaux, liyalins et cireux, des cellules épithéliales iso-

lées, des cristaux d'acide urique, d'urate de soude et d'urate

d'ammoniaque.

La longueur totale du fer à cheval est de 23 centimètres

environ; celle de la partie horizontale, de 9 centimètres

(mesures prises sur le milieu de la face antérieure). La

largeur de l'extrémité supérieure est de 4 centimètres; à

l'union de leur extrémité inférieure, cette largeur se trouve

réduite à 2 centimètres et demi. Le bassinet gauche a une

longueur de 4 centimètres et le droit de 3 centimètres.

Description DES artères ET VEINES. - RAPPORTS. - Les

artères diaphragmatiques inférieures, le tronc coeliaque,

les mésentériques supérieure et inférieure occupent leur

situation normale ordinaire et n'offrent aucune anomalie.

- Les artères rénales, ainsi que les veines, sont au nombre

de deux de chaque côté ; elles prennent naissance sur

autopsie. 139

l'aorte et la veine cave à 5 centimètres environ de distance ;

les inférieures naissant à 1 et 2 centimètres au-dessous de

la mésentérique inférieure. Les artères rénales supé-

rieures entrent dans le rein à la partie supérieure du bas-

sinet, quelques-unes de leurs divisions passent en arrière

ou pénètrent dans le rein au-dessus du hile. L'artère rénale

inférieure gauche pénètre par plusieurs divisions dans le

rein en arrière du bassinet à 3 centimètres 1/2 au-dessus

de la supérieure. L'artère rénale inférieure droite s'enfonce

directement dans le rein à 1 centimètre environ en arrière

du hile. Ces artères sont accompagnées par des veines

rénales assez grêles. Enfin nous trouvons une artère mé-

diane venant de l'iliaque primitive droite d'une largeur

d'un centimètre environ et pénétrant dans la substance

rénale par deux divisions au bord inférieur et médian de

la partie transversale du rein, au niveau de la dépression

indiquant l'union des deux reins.

Le canal cholédoque est perméable. - Le duodénum et

l'estomac ne présentent rien de particulier. - Le foie est

normal sauf un peu de périhépatite. - Les ganglions iléo-

cæcaux sont hyperémié3 et hypertrophiés ; à l'ouverture de

l'intestin l'on constate alors que quelques follicules sont

très saillants,que quelques glandes de Peersontutcérées;

une de ces ulcérations qui siège sur l'iléum a une direction

transversale, comprend un tiers de la circonférence de

l'intestin; ses bords sont irréguliers, déchiquetés et décol-

lés ; cette ulcération s'étend en profondeur jusqu'à la

tunique musculaire (tuberculose intestinale). On trouve

encore dans l'intestin quelques lombrics.

Tête. Sur le cuir chevelu on constate une petite

ecchymose à la région temporale gauche. La dure-mère

n'offre rien de particulier. - Les sinus contiennent des

caillots noirs. Toute la partie droite de la base du crâne est

peut-être un peu plus profonde que la gauche. La pie-

mère de la base est partout très vascularisée ; il existe

quelques légères adhérences faciles à rompre entre les

deux lobes orbitaires on avant du chiasma. Encéphale

1220 grammes ; cervelet et isthme 140 grammes. Les

hémisphères cérébraux ont le môme poids. Les nerfs

optiques paraissent égaux, mais la bandelette optique

gauche est plus petite que la droite. Le tubercule ma-

milliaire gauche est un peu plus petit que le droit. - Les

pédoncules cérébraux paraissent égaux; la protubérance

est symétrique.

Lorsqu'on a incisé les deux pédoncules et ouvert les

140 IDIOTIE CONGÉNITALE.

ventricules on aperçoit, placée entre les tubercules quadri-

jumeaux, sur la ligne médiane, à 5 millimètres en avant de

l'extrémité postérieure du corps calleux une petite tumeur

arrondie, d'un gris rosé, de 8 à 10 millimètres de diamètre,

contenue dans les plexus choroïdes ; elle empiète un peu

plus sur la droite ; elle laisse entre elle et la couche

optique un espace de 5 millimètres : cette tumeur n'est

autre que la glande pinéale hypertrophiée.

La pie-mère de la face interne des hémisphères est hyper-

émiée ; on constate de môme une hyperémie fine plus

prononcée, presque ecchymotique,aubord supérieur sur la

face convexe ; elle est aussi prononcée des deux côtés. La

pie-mère est un peu épaissie surtout à la convexité. - La

décortication est partout facile. - La pie-mère cérébelleuse

se décortique également bien ; les hémisphères cérébel-

leux sont égaux et normaux à la coupe. - La protubé-

rance, les olives, les pyramides, le quatrième ventricule

n'offrent rien à noter.

Hémisphère droit. - La première frontale est très

sinueuse, a des sillons profonds, envoie un pli de passage

très sinueux à la partie moyenne de la deuxième frontale

et s'insère en retrait sur la frontale ascendante par deux

insertions. - La deuxième frontale est également très

sinueuse avec des sillons assez superficiels ; elle envoie un

pli de passage à la troisième frontale et s'insère de niveau

sur la frontale ascendante. - La troisième frontale est

plissée, ramassée, et s'insère en retrait sur la frontale

ascendante.-La frontale ascendante, assez volumineuse,

est rectiligne dans sa moitié inférieure, sinueuse dans sa

moitié supérieure. Le sillon de Rolando est profond et

sinueux. La pariétale ascendante est un peu moins

développée que la frontale ascendante mais plus sinueuse.

Le lobule pariétal supérieur est volumineux, plissé

(3 plis) ; il se bifurque en arrière en V qui reçoit entre ses

branches le lobe occipital ; il envoie un pli de passage au

pli courbe. Le lobule pariétal inférieur composé de

trois plis partant de son bord supérieur, l'un descendant le

long de la pariétale ascendante à laquelle il envoie un pli

de passage, les deux autres allant vers la première circon-

volution temporale. Le pli courbe est très sinueux,

doublé en arrière d'un pli bifurqué envoyant un pli de

passage au lobe occipital. Le lobe occipital est peu

développé avec deti sillons très superficiels. Un sillon pro-

fond partant de son bord inférieur et allant s'ouvrir à la

scissure parallèle sépare le lobe occipital du lobe temporal.

CIRCONVOLUTIONS CÉRÉBRALES. 141 1

Le lobule de l'insttla présente trois digitations bifurquées.

La première circonvolution temporale est sinueuse,

assez grosse, envoie deux prolongements au fond de la

scissure do Sylvius. - Les deuxième et troisième circon-

volutions temporales forment une masse ovoïde composée

d'abord de deux plis antéro-postérieurs, puis de trois plis

transversaux. - Le lobule lingual s'arrête loin de l'extré-

mité du lobe occipital. La scissure parallèle s'arrête moins

haut que d'habitude et la scissure perpendiculaire vient

empiéter de plus de 2 centimètres sur la face convexe.

Face interne. - La première circonvolution frontale

très sinueuse reçoit un pli de passage de la circonvolution

du corps calleux, ce qui fait que, dans sa partie antérieure,

elle offre trois plis parallèles, tandis qu'elle ne possède

dans sa partie postérieure que deux plis sinueux. - La

scissure calloso-marginale est peu profonde. - La cir-

convolntion du corps calleux est assez étroite et seu-

lement un peu plissée en arrière. - Le lobule para-

central est très irrégulier, très sinueux, avec deux

encoches sur son bord supérieur et une autre considé-

rable sur son bord inférieur et un sillon vertical. Le

lobe carré est volumineux, très plissé avec des sillons pro-

fonds. - Le coin est petit ainsi que le lobe occipital ; tous

les deux ont des sillons peu profonds. ? La circonvolution

de l'hippocampe est courte, lisse, terminée en massue.

La corne d'tl2nnzo2z n'est pas indurée. - Le ventricule

latéral n'est pas dilaté.

Lobe orbitaire très plissé, sauflogyrus qui est uni. -

Corps strié, couche optique et corps calleux, rien departi-

culier.

Hémisphère gauche.a Face convexe. - La première

circonvolution frontale, très plissée, présente des sillons,

les uns très profonds, les autres superficiels; elle envoie

en avant un pli de passage à la deuxième circonvolution

et s'insère sur la frontale ascendante par deux insertions,

l'une do niveau faisant partie du bord supérieur, l'autre au

fond du sillon.- La deuxième circonvolution frontale est

très sinueuse; elle reçoit un pli de passage de la troisième

frontale qui vient s'emboîter sur une partie un peu ren-

flée ; elle s'attache par deux insertions au fond du sillon,

qui la sépare de la frontale ascendante en formant une sorte

de concavité embrassant une partie arrondie de celle-ci.

- La troisième circonvolution frontale est de même très

sinueuse; elle vient s'insérer sur la frontale ascendante en

142 IDIOTIE CONGÉNITALE.

bas et en retrait. - Les sillons qui séparent les circonvo-

lutions frontales sont profonds.- La circonvolution fron-

tale ascendante est sinueuse, rétrécie par places, légère-

ment oblique de bas en haut et d'avant en arrière. - Le

sillon de Rolando est profond dans ses trois quarts supé-

rieurs, superficiel en bas. - La circonvolution pariétale

ascendante, sinueuse, est plus développée que la frontale

ascendante; elle envoie un pli de passage aux lobules pa-

riétaux supérieur et inférieur, et au lobe carré. - Le lobule

pariétal supérieur est très sinueux et envoie un pli de

passage au pli courbe et au lobe occipital. - Le lobule pa-

riétal inférieur est sinueux, avec des sillons superficiels.

- Le pli courbe est sinueux, très irrégulier ; du sommet de

la scissure parallèle partent en rayonnant quatre sillons qui

séparent le pli courbe et le rendent ainsi irrégulier; entre

le pli courbe et le lobe occipital, il y a une circonvolution

qui, en bas, envoie un pli de passage au lobe occipital. -

Le lobe occipital est composé de circonvolutions petites et

plissées. - Le lobule de l'insula présente trois digitations

toutes bifurquées. - La première circonvolution tempo-

rale, bien développée, sinueuse, envoie trois plis de pas-

sage vers le fond postérieur de la scissure de Sylvius ; ils

sont volumineux et distincts. - Les deuxième et troisième

circonvolutions temporales sont confondues et formées de

plis transversaux; un sillon assez profond les sépare du

lobule lingual. - La scissure parallèle est à peu près

horizontale dans tout son trajet, se prolonge jusqu'au voi-

sinage de l'extrémité de l'hémisphère et n'est séparée de

la scissure perpendiculaire que par un pli étroit. La scis-

sure perpendiculaire empiète de plus d'un centimètre sur

la face convexe.

b) Face interne. - La première circonvolution fron-

tale est sinueuse et assez développée. - La scissure cal-

10.30-marginale est assez profonde et très sinueuse. La

circonvolution du corps calleux est sinueuse; en avant,

entre elle et la première frontale, il existe une petite cir-

convolution qui n'est unie à ces deux circonvolutions qu'à

son extrémité inférieure et qui en reste distincte dans tout

le reste de son étendue. - Le lobe paracentral est assez

gros, avec un sillon profond en forme de V ouvert en

arrière et en haut. Le lobe carré est composé de plis

grêles, séparés par des sillons profonds.- Le coin, assez

peu développé, est formé d'une seule masse. - La scis-

sure pariéto-occipitale est profonde. Le lobe occipital

est peu volumineux, sinueux; il envoie un prolongement

TRAITEMENT DE L'IDIOTIE. j 4 : 3

à la circonvolution de l'hippocampe et au lobule lingual.-

Les circonvolutions de l'hippocampe, la corne d'Ammon,

le corps strié, la couche optique et le corps calleux, le

lobe orbitaire ne présentent rien de particulier.

RÉFLEXIONS. - I. Nous n'avons à relever, dans les anté-

cédents des ascendants, que l'alcoolisme du père et du

grand-père paternel et, durant la grossesse, les chagrins

et les émotions éprouvés par la mère. L'enfant n'a jamais

ressemblé aux autres enfants : dès l'âge de deux mois, on

s'apercevait que son regard n'était pas naturel ; plus tard,

on s'inquiéta du retard de la parole, de la marche et de la

persistance du gâtisme. L'ensemble des symptômes obser-

vés chez cet enfant, joint à l'absence de convulsions, nous

a fait penser qu'il s'agissait là d'un cas d'idiotie congéni-

tale reconnaissant pour cause un arrêt de développement

des circonvolutions.

II. Les accidents divers survenus successivement chez

cet enfant (diarrhée, tuberculose, rougeole, etc.), n'ont

pas permis d'obtenir de résultats sérieux au point de vue

du traitement de l'idiotie; il n'a pu, en effet, participer

aux exercices de la petite école qu'à de rares intervalles.

Néanmoins, on était parvenu à lui apprendre à se servir

d'une cuiller ; aussi, croyons-nous qu'il appartenait à la

catégorie des idiots susceptibles d'une réelle amélioration.

Cette opinion repose principalement sur ce fait que la lé-

sion initiale avait achevé son évolution.

III. Parmi les maladies intercurrentes observées chez

Assas..., nous insisterons sur la rougeole ; non pas parce

qu'elle a présenté quelques anomalies, surtout dans le

développement de l'éruption, mais parce que, l'enfant

étant surveillé à cause de sa tuberculose, il nous a été pos-

sible d'avoir la marche de la température durant la période

prodromique. Le tracé ci-après mérite donc un examen

spécial.- La période prodromique semble s'être annoncée

par une élévation momentanée de la température (icJ ? 2 2

le 2 mai au soir) ; puis la température a baissé, a oscillé

durant deux jours un peu au-dessus de 38°) ; enfin le jour

du début de l'éruption elle a monté à 39°,6 pour atteindre

son maximum vers la fin du premier jour de l'éruption

144 HYPERTROPHIE DE la glande pinéale.

(Fig. 8). Les oscillations suivantes sont peut-être dues à

ce fait que l'éruption s'est produite péniblement (1).

IV. Les lésions notées du côté du cerveau consistaient

en un arrêt de développement relatif des circonvolutions

cérébrales; il n'y avait aucune lésion en foyer ni aucune

trace de sclérose atrophique ou hypertrophique. Mention-

nons encore, un peu à titre de curiosité, l'hypertrophie

de la glande pinéale.

V. Deux autres faits intéressants ont été remarqués chez

ce malade : un phimosis très prononcé et une malforma-

tion des reins. Il serait superflu d'insister sur le phimosis;

(1) Nous rappelons nos lecteurs que le Progrès médical a pu-

blié à diverses reprises, et notamment en 1882-1883, des observa-

tions nombreuses sur la température dans la rougcole.

Fig. 11. x, début de 1 éruption. y, fin de l'éruption.

rein EN fer : 1 cheval. 145

nous y reviendrons lorsque nous exposerons dans un

travail spécial l'ensemble des malformations des organes

génitaux que nous avons eu l'occasion d'enregistrer très

fréquemment chez les épileptiques et chez les idiots.

Les cas de rein en fera cheval sont loin d'être rares (1).

Tantôt l'union se fait par l'extrémité supérieure, tantôt

par l'extrémité inférieure. Les auteurs diffèrent d'opinion

. sur la fréquence de l'un ou de l'autre de ces modes d'union.

Au premier abord il semblerait qu'elle dût se produire

plus facilement par les extrémités supérieures, qui sont

plus rapprochées l'une de l'autre. Dans les cas où l'union

se fait par l'extrémité inférieure, la disposition des vais-

seaux, celle des autres parties du rein, de l'uretère, etc.,

porteraient à admettre que cette union n'a pu se faire que

par suite d'une sorte de bascule du rein, la face antérieure

devenant postérieure et réciproquement.

Nous ne saurions nous prononcer définitivement à cet

égard; en compulsant les observations, il nous a semblé

que la fréquence de ces deux formes était à peu près la

môme. Nous avons vu personnellement l'un et l'autre des

cas dans lesquels l'union avait lieu par l'extrémité supé-

rieure, ou par l'extrémité inférieure.

Malgré le peu de rareté du rein en fer à cheval, nous

avons cru devoir présenter cette pièce à la Société, parce

que, d'une part, la position antérieure des uretères n'est

jusqu'à présent que rarement notée dans la plupart des

cas publiés (3) et que, d'autre part, il est généralement

accepté (3) que cette malformation rénale ne produit aucun

(1) Il serait fastidieux de donner ici la bibliographie (qui ne sau-

rait du reste être complète) des cas de reins en fer à cheval. Des

observations nombreuses en ont été publiées depuis longtemps ;

on en trouve entre autres un grand nombre citées dans Morgagni :

Recherches anatomiques sur le siège et les causes des mala-

dies, ! ils" lettre, p. 398, T. VII. Edition française de 18n ; et dans

Rayer, Traité des maladies des reins, T. III, p. 770, 1811.

(2) Il est vrai de dire que très souvent la position des uretères,

n'est pas mentionnée. Le cas figuré dans l'Atlas de liayer (pl. III

lig. 5), est presque identique au notre, uretères en avant, artères

médianes provenant de l'aorte un peu avant sa bifurcation, etc.

(3/ Lancereaux, art. Rein (pathologie) in Dictionnaire encyclo-

pédique des sciences médicales, 3° série, t. III, p. 172.

Bourneville, 1884. 10

146 ' REIN UNIQUE.

trouble physiologique. Or, l'enfant Assas..., qui fait l'objet

de cette observation, a éprouvé des troubles de la miction

évidemment dus à une compression plus ou moins pro-

noncée des uretères, ce que l'examen nécroscopique a

confirmé. Il est donc hors de doute que dans les cas de

reins en fer à cheval, unis par leur extrémité inférieure

il peut exister des troubles physiologiques dus à la compres-

sion des uretères, quand ceux-ci se trouvent situés en

avant du fer à cheval.

VII.

Instabilité mentale avec perversion des

instincts;

Par Bourneville et BUDOR.

La section des enfants de Bicêtre comprend, à côté

dos idiots, des imbéciles, des épileptiques et des hysté-

riques, un groupe d'enfants dont l'intelligence offre un

développement ordinaire, qui n'ont pas d'accidents con-

vulsifs et que l'on désigne généralement sous le nom

d'impulsifs. Ils présentent un phénomène commun,

c'est qu'ils sont atteints d'une véritable instabilité men-

tale : se plaisant ici aujourd'hui, demain voulant être

ailleurs ; demandant à être menuisier le lundi et le

samedi, déjà dégoûtés, voulant exercer une autre pro-

fession. Mais, tandis que les uns ont conservé à peu près

complète la notion du sens moral, les autres sont affec-

tés d'une perversion des instincts souvent très pronon-

cée et qui les conduit à commettre les actions les plus

- blâmables. L'observation qui suit est un bel exemple

d'instabilité mentale avec perversion des instincts.

Observation. - Père : onanisme, tentative de suicide ;

mort d'apoplexie. Mère migraineuse. - Grand-père

maternel apoplectique. - Oncle maternel aliéné ; cou-

sin germain et scezcn morts de convulsions.

Allaitement par une nourrice aliénée. - Développement

physique et intellectuel lent. Impulsions morbides

précoces : clastomanie. - Noctambulisme. - Accès de

colère. - Crises somnambuliques. - Tentative de so-

domie ( ? ). - Onanisme. - Rapports sexuels avec les

148 instabilité mentale : hérédité.

six soeurs (13 ans). - Excès alcooliques (14 ans). - Im-

pulsions homicides. - Insolation.-Empoisonnements

acctdetets.Jteptomate. Crise convulsive ( I 6 ans).

- Frayeurs nocturnes (épilepsie larvée ? ) Céphalalgies.

Grimpeur. Première admission à l'Asile clini-

que. - Accidents hystériques. - Idées érotiques. -

Tentative d'évasion et de suicide. - Tænia. - Sortie de

l'Asile.

Professions multiples : . mécanicien, horloger, garçon

pharmacien, emballeur, cordonnier, tôlier, jardi-

nier, etc., etc.

Seconde admission à l'Asile clinique. - Envoi à l'Asile

de Vaucluse'. Evasions ; - Vision colorée; - Complot

pour incendier la colonie ; Envoi à Bicêtre,.

Etat physique et intellectuel Li. l'entrée. - T1'aitement :

Ecole, gymnastique, enseignement p1'ofessionnel,etc.-

Marche de la maladie. - Tentatives de simulation.

Amélioration progressive. - Entraves administratives

à la sortie du malade : lettre et arrêté du Préfet de

police. - Sortie définitive (juillet 1883). - mat de S...

depuis sa sortie jusqu'à ce jour.

Si..., Marius, Eugène, né à Paris, le 7 janvier 18GG, est

entré à Bicêtre (service de M. Bourneville) le 4 novembre

1882, à l'âge de 1G ans.

Renseignements fournis par sa mère. Père mort on

1878, à l'âge de 78 ans, d'une attaque d'apoplexie, en qua-

tre jours; très grand « bel homme », domestique « dans

les grandes maisons » : il était sobre, fumait peu. Il n'avait

pas de migraines, mais était sujet à des douleurs do tête

et avait habituellement la face congestionnée. Il s'est marié

à Mans; avant cette époque, et même depuis, il se livrait

à l'onanisme. A partir de son mariage jusqu'en 1878, pas

de maladies. A 57 ans, tentative de suicide à la suite de

pertes d'argent. [Son père, aubergiste, est mort on ne

sait de quoi; on ignore s'il buvait. - Sa mère est morte à

G3 ans; la cause de la mort est inconnue. - Quatre frères

et soeurs sont également morts sans qu'on sache de quelle

maladie. Une autre soeur est morte en couches, laissant

une fille âgée aujourd'hui de 59 ans, bien portante, mais

très nerveuse. Cette femme a eu elle-même 11 enfants,

dont 9 sont morls : 2 du choléra, 1 de la poitrine, 1 de

« jalousie » ; les 2 survivants sont bien portants. - Pas

instabilité mentale : HÉRÉDITÉ. 149

d'aliénés, d'épileptiques, d'apoplectiques, de difformes, de

suicidés, de criminels dans la famille.]

Mère, 55 ans et demi, lingère. Taille moyenne; visage

régulier. Très nerveuse, elle est sujette à des accès de

pleurs et à des congestions céphaliques. - Pas de convul-

sions dans l'enfance. Réglée à 11 ans et 4 mois; très peu

de temps après, migraines venant presque toujours avant

les époques menstruelles : « je rendais beaucoup ». Sou-

vent, alors, elle voyait des lumières bleues, blanches,

jaunes, et cela des deux yeux. Mariée à 27 ans, elle assure

ne pas avoir eu de rapports sexuels avant le mariage. A

partir du mariage, les migraines cessent. De 32 à 37 ans,

alourdissements qui ont repris depuis la ménopause (51

ans).-[on père est mort à 73 ans,à sa 3" attaque de para-

lysie, en quatre heures; il étaitsobre. Sa mère est morte

d'une frayeur qui « arrêta le sang( ? ) »; elle n'était. pas ner-

veuse. Grand'mère maternelle, morte à 90 ans des suites

d'une chute. Pas de renseignements sur les autres grands-

parents. Deux frères : l'un mort à 48 ans d'une pneumonie,

laissant 6 enfants en bonne santé, sans accidents nerveux.

L'autre frère a eu, à 25 ans, un court accès de folie (il

voulait se jeter dans un puits); il a eu quatre enfants et en

a perdu 3, dont l'un de convulsions; le quatrième est en

bonne santé.- Une soeur, morte à 16 ans et demi « ne pou-

vait être réglée ». Ni aliénés, ni épileptiques, etc.]

Pas de consanguinité (père breton, mère marseillaise).

3 enfants : 1° Fille morte à 14 mois, de convulsions;

2° notre malade, né dix ans après; 3° une fausse couche de

3 mois, à la suite d'une frayeur.

Notre malade. - Au moment de la conception, les pa-

rents vivaient, comme toujours, en bonne intelligence.

Grossesse bonne; pas de coups, de chutes ni de constric-

tion du ventre; pas d'alcoolisme, ni d'excès d'aucune

sorte. Accouchement, 3 semaines avant terme (déterminé

par une émotion), naturel, sans chloroforme. A la nais-

sance, pas d'asphyxie; l'enfant était petit mais gros. Il a

été élevé au sein, en nourrice. A 7 mois et demi,lanourri-

ce fut prise d'un accès de manie ( ? ) et ne sévra pas l'enfant.

Coqueluche à 8 mois. S... a marché à 21 mois et a parlé à

3 ans. Pas d'otite, d'ophtalmies, ni de dartres; quelques

croûtes dans les cheveux. Môme durant l'infance, il a tou-

jours été « très drôle », il aimait à détruire, à prendre les

objets et à les cacher.

A 5 ans, il va pour la première fois à Marseille, où il reste

jusqu'à 7 ans. A 6 ans, il a pris l'habitude de se lever la

150 perversion des INSTINCTS.

nuit; le matin, on le trouvait endormi sous son lit; il a

conservé cette habitude jusqu'à 16 ans. Pendant son séjour

à Marseille, il a failli s'empoisonner avec de « petits grains

rouges » dont on n'a pu préciser la nature. A 7 ans, re-

tour à Paris; huit jours après, il a la scarlatine, puis la

rougeole, à peu d'intervalle. Ce n'est qu'après ces mala-

dies, qu'il a commencé à devenir tout à fait propre.

Une fois rétabli de ses fièvres éruptives, on l'envoya à l'é-

cole ; il s'y montra turbulent (on l'appelait polichinelle).-

Il grimpait sur les autres, n'avait peur de rien; jamais,

cependant, il ne faisait l'école buissonnière.

S... n'était pas plus calme en dehors de l'école : il dégra-

dait les murs, arrosait les passants avec le contenu de la

bouteille qu'il emportait à l'école, ouvrait les robinets de

gaz, versait de l'huile dans les escaliers, etc. De là des

plaintes incessantes, qui obligeaient ses parents à déména-

ger. Souvent, il entrait dans de violentes colères, durant les-

quelles il se jetait par terre, ou frappait les personnes pré-

sentes, petites ou grandes; ces violences ne finissaient pas

par des pleurs. A la même époque, on a observé de temps

en temps des accès de fièvre de croissance; il restait huit

jours sans manger.

Vers 7 anset demi, une nuit, à 4 heures du matin, il jette

uncri; sa mère accourt, le trouve immobile dans son lit, les

yeux ouverts, le corps et les membres souples, un peu d'é-

cume non sanglante à la bouche. Il paraissait complète-

ment insensible. On put passer une petite cuiller entre les

dents pour le faire boire. Cette crise, qui ne se compliqua

pas d'évacuations involontaires, dura deux heures; puis

S... revint à lui comme s'il s'éveillait d'un sommeil natu-

rel. Au médecin qui 'l'interrogeait, il répondit : « Je voyais

mon papa, je rêvais ». Ce médecin parla de crise de som-

lzazoLulisnze.

A 8 ans et demi, il retourna à Marseille, où il demeura un

an. Pendant ce séjour, il eut une pneumonie. Là, pas plus

qu'à Paris, on ne put rien en faire; c'était « un mouvement

perpétuel ».

Rentré à Paris il 9 ans et demi, on le plaça chez l'abbé

Roussel, à Auteuil. Il y resta jusqu'à 12 ans. - Etant dans

cet établissement, il dit avoir été l'objet de tentatives de

sodomie de la part d'un jeune abbé, qui l'emmena dans

une cave et lui promit un porte-monnaie s'il voulait se

laisser faire. S... se débattit, et l'abbé ne put arriver à ses

fins ( ? ). -C'est également à celle époque qu'on se serait

aperçu qu'il se livrait à l'onanisme

En sortant de cette maison, il essaya successivement

ONANISME ; RAPPORTS PRÉCOCES \ ALCOOLISME. 151

plusieurs métiers : mécanicien, horloger, emballeur, cor-

donnier. Pendant ce temps, il eut successivement des rap-

ports sexuels avec six petites filles de la même famille,

dont l'aînée avait 13 ans et la plus jeune 4 ans. A propos

de cette dernière seulement, en raison de son très jeune

il manifeste des regrets : « Je ne savais, dit-il, ce que

je faisais; je faisais des bêtises ». Ses rendez-vous avec ses

petites amies avaient lieu à Passy, sur le bord de la Seine;

ils se cachaient entre deux harques qu'ils mettaient l'une

sur l'autre. Il avait l'habitude d'écrire tout ce qui se passait

entre lui et ces fillettes et cachait ses manuscrits sous le

parquet de sa chambre.

AU an ? , il va en Afrique, et y reste un an. Ses impul-

sions mauvaises persistaient : il cassait et sciait les arbres,

etc., d'où un procès. Il fréquentait les Arabes, buvait beau-

coup de café, d'anisette et d'absinthe. Un jour, sous l'in-

fluence de l'ivresse absinthique, il aurait voulu tuer sa

cousine âgée de 6 ans. Pendant son séjour en Algérie, S...

a eu une insolation, pour laquelle il a été soigné à l'hôpital

de Constantine; il était roide, tout noir, avait les dents très

serrées ; il fut sans connaissance de 3 à G heures du matin.

- A Marseille, retour d'Alger, il se plaça comme garçon

pharmacien, et s'empoisonna accidentellement, comme la

première fois d'ailleurs, avec du miel phosphorique; il fut

malade deux jours environ. Il avait alors 15 ans.

Rentré à Paris, on le mit en apprentissage chez un cor-

donnier. Peu après, ayant touché sa paie, il alla avec un

de ses camarades, chanteur ambulant, âgé de 17 ans, dans

une maison publique, et y eut pendant huit jours, tous les

jours, des rapports sexuels avec l'une des femmes. Il con-

tinuait, d'ailleurs, à se masturber. Un peu plus tard, il est

employé chez un tôlier, rue Pascal, auquel, avec l'aide

d'un camarade, il déroba des pièces de 50 centimes (cela,

d'ailleurs, lui arrivait déjà étant enfant, lorsqu'il faisait

des commissions pour sa mère). Avec l'argent volé à son

patron, et celui qu'il gagnait, il achetait des bagues pour

deux filles de 14 et 17 ans, ses bonnes amies, qu'il fréquen-

tait simultanément. Elles habitaient comme lui rue du

Moulin-des-Prés, et ils se donnaient rendez-vous dans les

champs voisins. Ajoutons que s'il ne s'enivrait plus, il bu-

vait encore de temps en temps, et que, le matin, en se

rendant à son travail, il prenait un petit verre de rhum.

C'est vers cette époque, qu'il eut de nouveaux accidents

cérébraux. Après avoir éprouvé de la céphalalgie et perdu

l'appétit pondant trois jours, il est pris, un matin, d'une

crise convulsive : Il jette un cri, on accourt, et on le trouve

152 CRISES NERVEUSES ; CAUCHEMARS ; COLÈRES.

le corps dans l'extension, rigide; les dents serrées. Au

bout de deux à trois minutes, apparaissent quelques con-

vulsions cloniques dans les membres, suivies bientôt d'un

relâchement général et d'un sommeil d'une demi-heure.

On ne remarqua ni écume, ni sang; on ne sait s'il avait

uriné dans son lit. Après cette crise, forte céphalalgie et

courbature. S .. ne gardait, du reste, aucun souvenir de ce

qui s'était passé. Les nuits suivantes, il se promena dans

les chambres, sur lebalcon;lelendemain, il ne se rappelait

pas ses promenades.

En dehors de cette attaque et de celle qu'il a eue à 7 ans

et demi, la mère de S... raconte qu'elle a quelquefois re-

marqué de petites taches de sang sur son oreiller, et, plus

rarement, des traces d'urine dans le lit ou dans le pantalon.

Depuis longtemps déjà, il avait des frayeurs nocturnes,

criait, se couchait sous son lit. Souvent, il souffrait de la

tête, « il lui semblait qu'on le frappait avec un marteau ».

En raison de ces symptômes, de la persistance des accès

de colère, de l'irrégularité de sa conduite, des actes répré-

hensibles qu'il commettait (grimpant sur les toits des mai-

sons voisines, introduisant des pois, des cailloux dans le

trou des serrures pour empêcher les gens de rentrer chez

eux ; se couchant par terre, le soir, en travers de leur

porte afin de les effrayer; répandant de l'huile sur les esca-

liers, etc., etc.), sa mère le plaça à l'Asile clinique (Sainte-

Anne) le 10 septembre 1881.

Durant tout son séjour, qui dura 4 mois, on observa des

accès de colère avec hurlements : il cassait les carreaux, dé-

chirait ses vêtements. Ses frayeurs nocturnes continuaient,

et lorsqu'on lui demandait pourquoi il se cachait sous son

lit il disait : «Je crois voir des hommes, des bêtes qui

veulent me prendre ». Pendant assez longtemps, on ne re-

marqua rien autre chose : mais le7 octobre 1881, ses cama-

rades de chambre l'entendirent tout à coup se mettre à râler

pendant quelques minutes; en même temps, ils le voyaient

agité de fortes secousses. Puis, il se mit à crier : « Au se-

cours ! au secours ! Pompez ! pompez ! Ah ! les feignants,

qui ne veulent pas apporter de l'eau. Au secours ! ». Après

une demi-heure.il demanda tout haut : « Où suis-je ? ». Le

matin, à la visite, S... dit qu'il a mal à la tête, et paraît un

peu hébété; il prétend ne se souvenir de rien, et semble

étonné de ce qu'on lui raconte. Pas de morsure à la lan-

gue, ni d'urine dans le lit.

Il n'eut pas d'autres attaques à Sainte-Anne; mais il se

plaignait d'un mal de tête continu, localisé à l'occiput; de

douleurs et de piqûres le long do la colonne vertébrale ; de

PERVERSION DES INSTINCTS. 1 53

douleurs vagues dans l'estomac, la jambe gauche; d'un

mal de gorge revenant par accès : « c'est souvent, disait-il,

comme une boule qui me remonte à la gorge, qui m'étran-

gle, qui m'empêche de dormir » ; enfin, de bourdonnements

d'oreilles. Parfois, il prétend avoir de la peine à marcher,

ou à se lever s'il est assis; il dit que cela ne dure « qu'un

instant ». Ses voisins, interrogés, affirment qu'à ces mo-

ments, ils n'ont rien remarqué de particulier chez lui, ni

pâleur subite, ni mouvements convulsifs, etc.

D'ailleurs, toujours turbulent, il se dispute avec ses ca-

marades, les taquine, les injurie, les frappe avec une pierre

roulée dans son mouchoir; ou bien il veut leur faire man-

ger des matières fécales, urine sur eux, leur montre ses

organes génitaux et offre de les masturber. Il écrit souvent

des phrases telles que celles-ci : « J'aime Célestine, je la

vois en rêve : je lui ai donné de l'argent, des sous, des bon-

bons n, ou encore : « Je ne pense qu'aux filles, je n'ai que

ça dans la tête, je veux les.... Il. Il dit aussi avoir composé

des manuscrits : le Mémoire d'un amoureux, l'Amour et

la Victoire, qu'il aurait cachés dans la terre. Il tente con-

tinuellement de s'évader par-dessus les murs ou par les

portes. Une fois, il a essayé de se pendre. Comme maladie

incidente, il eut, à Sainte-Anne, un ténia. On lui admi-

nistra du kousso,qui expulsa un ruban de 10 mètres, mais

sans la tête (1).

Bien que l'état mental, ainsi qu'on vient de le voir, ne

fut pas sensiblement modifié, sa mère, cédant à ses instan-

ces, demanda à le reprendre en janvier 1882. C'est alors

qu'elle le conduisit à Necker, auprès de la soeur Augustine,

qui lui donna une potion contre le taenia à la suite de la-

quelle il rendit vingt mètres y compris cette fois la tête. Du-

rant le premier mois, il fut assez tranquille; il travaillait

au Jardin des Plantes ; bientôt on le renvoya parce qu'on le

surprit se masturbant avec un de ses camarades. Peu après

(20 avril 82) sa mère le fit admettre à l'Ecole d'horticulture

de Villcprcux. Il y resta peu de temps, et essaya, dit-il,

de s'y tuer avec un couteau. Bientôt il s'évada.

Voici, au sujet de son séjour à 'illepreu, la lettre que

nous avons reçue de M. Guillaume, l'habile directeur de

l'école, interrogé par nous :

Monsieur,

Le jeune Sim... est arrivé chez moi le 20 avril 1882. Il n'était

(Il Les renseignements relatifs au séjour de S... à l'Asile clini-

que nous ont été fournis par notre ami M. Magnan.

154 HALLUCINATIONS ; CAUCHEMARS ; ÉVASIONS.

pas mauvais sujet, mais quand il avait une idée en tête, aucun rai-

sonnement ne pouvait lui faire changer sa détermination. Il se ré-

veillait le matin en proie à des hallucinations ; il voyait une chouette

partout, et avait fini par effrayer ses camarades. C'est alors que

que je priai l'Administration de le placer dans une maison où il

pourrait être traité. L'enfant ne m'a pas donné le temps de le re-

conduire ; le 2 mai, il prit tout soûl le chemin de Paris, profitant

d'un moment où il n'était pas gardé 11 vue, et se rendit directement

chez sa mère.

Agréez, etc. Signé.' L. Guillaume.

Sa mère fut bientôt obligée de le reconduire à Sainte-

Anne où il ne resta, cette fois, que 9 jours, au bout des-

quels on l'envoya à la Colonie d'enfants idiots et arriérés

de l'asile de Vaucluse. Son instabilité mentale était la

même. Il s'évacla une première fois avec son camarade

Derangi... Arrêté au moment où il volait du raisin dans

les vignes il est reconduit à Sainte-Anne et réexpédié de

suite à Vaucluse. Peu après il s'en échappe de nouveau et

va droit chez sa mère; il raconte qu'en y arrivant, comme

il voulait s'asseoir, subitement, une couleur bleue lui

passa devant les yeux, et il tomba. Il ne se rappelle pas ce

qui suivit cette chute.

Sa mère le reconduit à Vaucluse au bout de 12 jours. Ses

mauvaises habitudes persistent; pour un prétexte futile il

frappe un gardien. Il se livre à l'onanisme. Vers le mi-

lieu d'octobre 1882, il se met à la tête d'une quinzaine de

ses camarades pour organiser un complot consistant à

mettre le feu à la colonie et à s'échapper à la faveur du

tumulte. Ils avaient ramassé des copeaux qu'ils allaient

allumer quand un gardien survint. A cette occasion, M. le

docteur Bigot demanda le transfert de S... à Bicêtre, et fit,

en conséquence, le certificat suivant ; -,

a Je soussigné, médecin en chef, directeur de Vaucluse, certifie

que le nommé S..., âgé de 4(i ans, jardinier, est atteint de débilité

mentale avec instincts mauvais. Use dit épileptique, et dit avoir eu

fies accès chez lui il y a 7 ou 8 jours, lors de sa seconde évasion

de Vaucluse. Constamment, il bat ses camarades les plus faibles,

ou les excite à s'évader. Hier il a comploté de mettre le feu ; s'il

eût réussi, il eut incendié la colonie. Pendant l'incendie, il devait

se sauver avec 7 de ses camarades. Vicieux, il a fait partie d'une

bande de vauriens pendant sa seconde évasion ; il en était le chef,

dit-il, sous le sobriquet de « la Giberne », et il s'en vante. Tous

avaient des maîtresses (1).

(1) C'est 3 Vaucluse même que ce surnom lui a été donné, et, : 1. maintes reprises, H.... nOl1s a assuré qu'il n'avait j;unais ['I> ! I1-

ÉTAT DU MALADE. 155

En somme, son caractère est celui d'un épileptique méchant,

mais il n'a pas eu d'attaques ici;'on n'a reconnu qu'une méchan-

ceté sournoise et tenace qui le rend impossible à Vaucluse. Sa

place est à Bicêtre, peut-être dans une maison de correction,

. Signé ; Dr Bigot.

Entré à Bicêtre le 4 novembre 1882. Etat actuel.

Poids : 41 kilogr.; Taille : 1 ? 48.

La tête est régulièrement conformée; la région occipitale

est très peu saillante et présente un large méplat à sa par-

tie supérieure. Les bosses pariétales ne sont pas exagérées.

Le front, assez haut (6 cent.), offre des dépressions sur les

côtés, et à un moindre degré au-dessus des sourcils. Les

bosses frontales sont peu proéminentes.

156 ÉTAT DU MALADE.

Membres inférieurs bien conformés. Ils ont les mêmes

dimensions.

Peau. Cheveux châtains-foncés, assez abondants. Sour-

cils moyennement fournis. Cils assez longs. Très fin duvet

à la lèvre supérieure. Rien aux aisselles. Poils rares

au pénil et à la racine de la verge. Quelques poils sur

les membres inférieurs. Tronc et membres supérieurs

glabres. Pas de glandes. Deux cicatrices de vaccine très

apparentes sur chaque bras. Par suite d'une plaie con-

tuse, cicatrice de 3 cent., un peu sinueuse, sur le bord cu-

bital de la main gauche. - Ongles assez mal conformés.

Verruessur le dosdes mains et les doigts. Pigmentation as-

sez marquée de toute la peau.

Organes géniaux.Vere assez longue ; gland moyen-

nement développé,' découvert. Méat étroit. Testicules assez

gros, égaux.

Système digestif. - La dentition est régulière ; la voûte

palatine peu profonde. Les gencives sont en bon état. La

luette et les piliers sont normaux; l'amygdale gauche est

volumineuse, le fond de la gorge rouge. L'appétit est bon,

sans perversion; le ventre est normal ; les selles sont régu-

lières. Le foie et la rate n'offrent rien de particulier.

Système respiratoire. S... tousse assez souvent ; il n a

jamais eu d'hémoptysie. L'auscultation et la percussion

donnent des résultats négatifs.

Système circulatoire. - Les battements du coeur sont

réguliers. Pas de bruits anormaux. Le pouls est régulier.

Les muqueuses sont pâles. S... prétend que dans la course

il a des points de côté. Il est sujet à des épistaxis qui s'ar-

rêtent spontanément.

Force musculaire. - On trouve, au dynamomètre Ma-

thieu, moyen :

SOMNAMBULISME ; ANESTHÉSIE. 157

cité plus haut ; il n'a jamais eu d'otite. Il dit avoir des bour-

donnements et des sifflements dans les oreilles. La vue

est bonne des deux côtés, il distingue bien les couleurs.

Il ne voit pas de phosphènes, etc. L'odorat et le goût sont

conservés.

Intelligence. - Elle est moyennement développée. La

mémoire est très faible. La parole est libre; l'association

des idées est exacte. S... se rend compte qu'il a commis de

mauvaises actions et semble le regretter.

Dès son entrée, il est envoyé à l'école et placé dans la

3e division ; l'instituteur nous remet la note ci-après : Lec-

ture courante, mais sans expression; calcul, S... com-

mence la multiplication; histoire, géographie, aucune no-

tion : mé noire très faible; compréhension lente; attention

insuffisante; gymnastique, S... entredans la dernière (41)

division.

Marche de la maladie. 7 novembre. Dans la nuit du

4 au 5 novembre 1882, il s'est réveillé en sursaut, s'est as-

sis sur son lit, agitant les bras, disant : « D'quoi qu'tu te

t'mèlcs ? » Interpellé, il répond qu'il n'a rien, et se rendort

immédiatement.

8 novembre. La nuit dernière, S... s'est réveillé 4 ou 5

fois; il s'assied sur son lit, gesticule, prononce quelques

paroles très vivement; puis, sans qu'on lui ait rien dit. il se

recouche et s'endort. Les nuits suivantes on n'observe rien

de particulier.

18 novembre. On l'envoie à la menuiserie 2 heures par

jour.

11 décembre. Amygdalite légère.

13 décembre. S... se plaint d'être courbaturé à cause

« d'accès de somnambulisme » qui le fatiguent. La sensi-

bilité est diminuée dans toute la moitié gauche du corps.

18 décembre. Hier, vers 9 heures du soir, S... est sorti

de son lit, s'est mis à tâtonner, paraissant chercher quel-

que chose. Puis, brusquement, il a arpenté la salle à grands

pas, comme s'il poursuivait quelqu'un De temps en temps,

il dit assez distinctement : «Attends, le voilà, je l'attrape-

rai tout de même, il faut que je lui casse les reins. » Son

allure s'accélère alors,comme s'il croyait atteindre le but de

sa poursuite. Après avoir fait plusieurs fois le tour do la

salle, il se heurte à une armoire et se réveille. Il s'arrête

alors près du veilleur qu'il paraît reconnaître, et comme

cet homme lui demande ce qu'il cherche, il répond « Vi-

158 AMÉLIORATION.

gnan (tu Que lui veux- tu « Jc veux le tuer. » Il paraît à ce

moment avoir parfaitement conscience de ce qu'il dit, et

peut-être ne parle-t-il ainsi que dans le but d'effrayer ses

camarades qui se sont réveillés. Cette scène a duré une

demi-heure. Ensuite S... se laisse coucher sans difficulté,

mais il se relève au bout d'un quart d'heure pour se pro-

mener. 11 vient bientôt so recoucher de lui-même et s'en-

dort.

28 décembre. S... se lève et parcourt la salle en disant

qu'il va chercher du papier. On le recouche, et, presque

aussitôt, il tente de s'habiller et d'ouvrir la fenêtre pour se

sauver. Tout cela ressemble à de la simulation.

30 décembre. S... se glisse sous les lits et essaie d'ef-

frayer ses camarades. Il se laisse facilement recoucher et

s'endort.

1883. 12 janvier. Depuis deux jours, le malade se plaint

de la gorge qui est légèrement rouge; pas d'adénite. Ces

accidents disparaissent en quelques jours. Pendant les

mois de janvier et février, S... est assez calme.

Février. Amélioration sensible. Nous promettons au ma-

lade de l'envoyer en congé, durant quelques jours, chez sa

mère, si sa conduite ne laisse rien à désirer.

7 mars. Il est allé en congé de 5 jours et sa mère assure

qu'il a été très raisonnable.

13 mars. Aucun phénomène particulier ne s'est produit.

Depuis qu'il est à Bicêtre, S... dit no plus entendre de

voix, mais se plaint de sifflements qu'il compare au repas-

sage de couteaux; ces sifflements, toutefois, deviendraient

moins fréquents. Il accuse aussi de violents maux de tête

venant surtout le soir, et occupant tout le pourtour du

crâne. Il est d'ailleurs raisonnable, et a cessé de se mas-

turber, « dans la crainte, dit-il, de devenir idiot. »

11 avril. S... a eu un congé de 15 jours. Pendant ce

temps, conformément à notre désir, il a travaillé, non pas,

ainsi que nous l'avions conseillé chez un menuisier, mais

chez un émailleur photographe qui en est très content.

Sa mère, qui le ramène, dit également avoir été très sa-

tisfaite de sa conduite. Si elle ne l'a pas placé chez un me-

nuisier, c'est parce qu'on ne voulait lui donner que 50cen-

times par jour, tandis que chez le photographe il reçoit

2 francs.

Ce jour-là, sa mère promettant de le surveiller, nous

renouvelons le congé afin qu'il ne perde pas sa place, et

nous faisons le certificat de sortie.

(1) C'est le nom d'un des enfants du service.

RÉSISTANCE DE LA PRÉFECTURE DE POLICE A LA SORTIE. 159

17 avril. Nous recevons par erreur la lettre suivante qui

était destinée à M. le Dr Blachez, chargé par la Préfecturo

do police, de l'inspection des enfants à Bicêtre :

Paris, 17 avril 1883.

Monsieur,

Lo 12 courant, M. le Directeur de Bicôtre m'a transmis sur lo

nommé S.... Marius Eugène un certificat médical ainsi conçu :

a Instabilité mentale avec perversité des instincts ; peut être rendu

à sa mère qui le réclame ; s'est amélioré sous tous les rapports ;

envoyé en congé d'essai pendant 15 jours,il s'est très bien conduit. 0

D'autre part, à la date du 22 octobre précédent, le directeur de

Vaucluse m'a adressé sur ce malade un certificat détaillé dont je

vous envoie ci-joint copie (11, d'où il résulte que le nommé S...,

qui s'est plusieurs fois évadé de divers asiles où il était interné, et

dont les instincts semblent pervers, aurait de mauvaises habitudes,

et pourrait, à l'occasion, devenir dangereux pour son entourage.

Afin d'apprécier si ce jeune homme doit être rendu à la liberté,

je tiens il connaître votre opinion sur son état mental actuel. Jo

vous prie, en conséquence, de vouloir bien examiner S..., et me

transmettre le plus tôt possible un certificat avec conclusion for-

melle au point de vue de la sortie du malade, ou de sa maintenue

dans un asile d'aliénés.

Recevez, etc. Pour le Préfet de Police,

Le chef de la 1 re division.

X...

Cette lettre ayant été renvoyée à M. Bradiez, celui-ci a

répondu la lettre qui suit au directeur de Bicêtre.

23 avril.

Monsieur,

Par une lettre du 19 avril, vous voulez bien me donner avis

de la sortie du jeune S..., rendu provisoirement à sa famille par

M. le Dr Bourneville, et vous me demandez s'il me convient de

visiter cet enfant. Mes attributions ne comportent aucun contrôle

do ce genre sur une sortie jugée nécessaire par le médecin du

service qui peut, mieux que tout autre, apprécier l'état de son

malade.

Agréez, etc.

Dol BLACHEZ, médecin inspecteur des services

d'aliénés de Bicêtre.

19 avril. Nous voyons S... avec sa mère. Sa conduite est

régulière ; mais, comme son travail le retient tard, afin

d'éviter les mauvaises rencontres, sa mère lui cherche une

autre place. N'ayant pas de réponse de la Préfecture de

(1) Voir ce certificat à la page 154.

160 o LETTRE DU PRÉFET DE POLICE.

police, on renouvelle le congé, et on fait un second certificat

de sortie.

30 avril. S... quitte la photographie sur le désir de sa

mère, et entre chez un fabricant de couleurs qui est, nous

assure-t-on, très satisfait de sa conduite et de son travail.

Cependant cet homme, interrogé plus tard par l'un de nous,

dit que S..., qui n'est resté que fort peu de temps chez lui,

s'est montré cachottier, de mauvais caractère ; il ajoute

qu'il se tenait assez mal comme propreté.

Quelques jours après le second certificat, l'un de nous a

adressé au Préfet de police une lettre lui signalant l'absence

de réponse aux deux certificats ; à cette lettre M. le Direc-

teur de Bicêtre a reçu la réponse qu'on va lire :

Monsieur, Par votre lettre du 28 avril dernier, vous m'avez prié

de régulariser la situation du jeune S..., qui, en vertu d'un congé

temporaire, a quitté Bicêtre où il avait été interné d'office, et n'y

est pas rentré depuis lors.

Vous ajoutez que ce jeune garçon ne doit plus retourner à

l'Asile, et qu'il a été placé par sa mère chez un patron qui se

trouve satisfait de sa conduite.

Mon administration, dans aucun cas, ne peut procéder de la

sorte ; elle le peut encore moins dans l'espèce actuelle. Il s'agit en

effet, d'un jeune garçon qui a déjà été séquestré quatre fois dans

les asiles d'aliénés, qui s'est montré pendant longtemps anime de

mauvais instincts ; qui a été, jusqu'ici du moins, sujet à des im-

pulsions matérielles tellement dangereuses, qu'il n'a pu être con-

servé à Vaucluse, et a du être transféré dans votre établissement

à la suite du complot qu'il avait formé, et qui consistait à mettre

le feu à la colonie, afin de pouvoir, au milieu du tumulte, s'évader

avec 7 de ses camarades. Je dois ajouter qu'il se vantait d'avoir été

avant la séquestration le chef d'une bande de jeunes malfaiteurs

sous le pseudonyme de la Giberne.

C'est en présence de ce grave antécédent, que pour mettre com-

plètement à couvert la responsabilité de l'Administration, j'ai cru

devoir, après la réception du certificat afin de sortie que vous

m'avez transmis le 12 avril, charger M. le docteur Blachez de visiter

le jeune S.. , et de me fournir un certificat très explicite de son

état mental.

S... n'étant pas rentré à l'Asile, ainsi du reste que vous en

avez informé le D Blachez, à la date du 19 avril, l'examen médical

dont il s'agit n'a pu avoir lieu.

Dans tous les cas, mon intervention, je le répète, n'a plus de

raison d'être en présence du fait accompli.

Recevez, etc. Le Préfet de Police,

Signé : CAMescassE.

Dans cette lettre que M. le Préfet a certainement signée,

sans en connaître les termes, nous relèverons deux points :

OBSTACLES MIS A LA SORTIE. 161

1° M. le Préfet oublie que c'est lui-même qui, sur notre

demande, a autorisé les congés; que, par conséquent, en

accordant un congé au jeune S... et en le renouvelant, on

ne commettait aucune irrégularité.

2° Il oublie encore que ses bureaux avaient commis une

erreur en adressant à l'un de nous la lettre destinée à

M. Blachez.

3° Enfin, nous ajoutons qu'en faisant parvenir à M. Bla-

chez la lettre dont nous venons de parler,nous le prévenions

que l'enfant était en congé, mais qu'il lui serait conduit par

sa mère là où il le désirerait, afin de lui éviter tout dérange-

ment.

7 mai. La conduite de S... continue à être bonne. Il va

exactement à son travail, ne découche point, passe ses di-

manches à la Société de patronage de la rue Corvisart. Sa

santé est bonne. S... assure de nouveau quec'est seulement

à la colonie de Vaucluse qu'il a porté le nom de « la Giber-

ne. » - Un agent de la préfecture est venu le visiter ; il a

paru satisfait des renseignements, et fait espérer que la

sortie serait bientôt définitivement accordée. - Le congé

de S... est renouvelé.

28 ? nai. S... est allé avec sa mère chez M. le Dr Blachez

qui s'est étonné des difficultés apportées à la sortie. Malgré

les conseils que nous avons donnés à sa mère, celle-ci a

encore changé Marius de place ; il est maintenant en ap-

prentissage chez un corroyeur, rue Poliveau.

A maintes reprises, en mai et en juin, l'un de nous a eu

l'occasion de rappeler l'affaire de cet enfant à M. Camescasse.

Enfin, le 10 juillet, trois mois après la signature du certi-

ficat de sortie, le directeur de Bicétre a reçu l'arrêté sui-

vant.

Nous, Préfet de Police,

Vu notre arrêté en date du 18 octobre 1882 ordonnant la sé-

questration dans un asile d'aliénés du jeune S... (Marius-Eugène),

âgé de 16 ans, natif de Paris, domicilié chez sa mère, rue du

Vieux-Chemin, 20, à Ivry (Seine); Vu le certificat délivré le

12 avril 1883 par M. le Dr Bourneville, médecin à l'asile de Bi-

cêtre, constatant que le jeune S..., atteint de kleptomanie, pyro-

manie, etc., a quitté ledit asile en congé d'essai de 15 jours ; qu'il

s'est amélioré et qu'il y a lieu de le laisser en liberté ;

Vu les certificats en date des 19 avril et 28 mai derniers, où le

même médecin insiste pour que la situation du jeune S... soit régu-

larisée quoiqu'il ne soit pas rentré à l'asile ;

Vu les certificats rédigés les 26 avril et 20 juin 1883 par M. le Dr

Blachez, médecin-inspecteur des aliénés traités dans les asiles pu-

blics, commis par nous 11 1 "effet d'examiner le jeune S... au point

BOURNEVILLE, 1884. 11

162 ÉTAT DU MALADE DEPUIS SA SORTIE.

de vue mental, et de nous rendre compte de l'état intellectuel dans

lequel le jeune homme se trouve aujourd'hui; Vu enfin les ren-

seignements par nous recueillis, et desquels il résulte que la santé

du jeune S... s'est notablement améliorée, qu'il travaille régulière-

ment et que, depuis son départ de l'asile, il n'a éprouvé ni convul-

sions épileptiques, ni accès de trouble mental dangereux ;

Arrêtons : 1" Notre arrêté du 18 octobre 1882 ordonnant la sé-

questration du nommé S... (Marius-Eugène), est rapporté, et devient

nul, et de nul effet à partir d'aujourd'hui ; 2° Le présent arrêté,

dont une ampliation devra être adressée au directeur de Bicêtre,.

sera, en outre, notifié par le commissaire 'de police de la circons-

cription d'Ivry au jeune S... et à sa mère.

Le Préfet de Police,

- Signé : Camescasse.

11 juillet. La mère de S..., avertie que l'arrêté de sortie

avait été pris, nous amène son fils ce matin; elle répète que

sa conduite est bonne, que son patron est très satisfait de

lui, et qu'il est toujours dans la même maison.

1884. 15 janvier. Nous revoyons le malade à Bicêtre. Sa

mère, qui l'accompagne, assure qu'il a toujours travaillé

rue Poliveau, qu'on y est très content de lui. Tous les

samedis, il apporte sa paye à sa mère. Il va régulièrement à

l'école du soir de la rue Beaudricourt. Les dimanches, il

reste avec sa mère. Il n'a de fréquentation qu'avec un de

ses camarades d'enfance. Ni onanisme, ni rapports sexuels.

Léger duvet à la lèvre supérieure et sur les joues; les poils

commencent à être abondants à la racine des bourses qui

sont légèrement pendantes. Très légorvaricocèlo à gauche.

Testicules de lagrosseur d'une noix. Verge bien développée,

longue. Méat étroit, insertion du frein à droite. Gland

découvert, disposé en marteau d'une façon très pro-

noncée. Le jeune homme, pris à part, répète qu'il ne se

masturbe pas et qu'il n'a pas de rapports sexuels.

Sa mère, interrogée également à part, répète qu'elle en

est très contente. De temps à autre, encore, S... se mettrait

en colère ; il se contrarie vite, n'aime pas les observations.

C'est lui-même qui a demandé à venir nous revoir. La

santé physique est bonne ; le sommeil est en général excel-

lent. S... n'a plus « ses rêves dans lesquels il se levait la

nuit. » ,

4 mars. Il no travaille plus à son métier de corroyeur

parce qu'il n'y a pas d'ouvrage (on a renvoyé dix ouvriers).

Il voudrait entrer comme infirmier, métier pour lequel il a,

dit-il, toujours eu du goût.-Sa santé est bonne. Il assure

se bien conduire : je me méfie, dit-il. Taille : 1 m. 55.

ÉTAT DU MALADE EN 1884. 163

24 avril. Il est entré comme infirmier à la Pitié ; il y est

resté 15 jours, et a été renvoyé parce qu'il avait introduit

du kirsch. Il est actuellement sans ouvrage.

26 mai. S... est toujours sans place depuis qu'il a été

renvoyé de la Pitié. Il a travaillé un peu dans les cadres.

Depuis 3 semaines il ne fait rien. Pour la première fois, il

se présente aujourd'hui mal tenu, sa chemise déboutonnée

est sale, sa cravate tout de travers. De plus, il porte une

contusion à l'oeil droit : il s'est battu avec un de ses cama-

rades avec lequel il jouait de l'argent.

Depuis 3 semaines, il a une bonne amie qui a 16 ans ;

elle travaillerait ; c'est elle qui lui donne de l'argent pour

payer le garni où ils vont coucher ensemble.

28 mai. Hier, le directeur de Bicêtre s'est décidé à l'ac-

cepter dans la maison ; il l'a placé à la cuisine, mais on a

dit de suite à la mère que son fils était trop faible, qu'il ne

pouvait porter les marmites, et que, par conséquent, on

ne le garderait pas. Il est cependant à l'essai pour 24 heu-

res. Le lendemain il a été placé comme veilleur à l'Infir-

merie générale.

24 août. S... est toujours infirmier veilleur àl'Infirmerie.

Sa conduite avait été bonne jusqu'à la fin de juillet. Depuis

lors, il a été moins obéissant, cherche à sortir le plus sou-

vent possible. Il est moins poli, passe une partie de ses après-

midi à se promener dans les cours au lieu de se reposer.

Il a continué à avoir des relations avec la jeune ouvrière

dont il a été question et qu'il va voir quand il sort. En un

mot, aujourd'hui, sa conduite sans être mauvaise d'une

façon générale, laisse un peu à désirer. On n'a d'ailleurs

observé aucun trouble intellectuel, aucun acte malhonnête.

- Poids : 49 kilogr. 100. Taille : 1 m. 56.

Avant d'exposer les réflexions que nous semble com-

porter l'observation qui précède, nous croyons utile

d'en rapporter une autre, encore plus intéressante, et

dans laquelle les désordres pathologiques, qui, chez

Sim... (Marius), ont seulement entraîné l'internement

dans les asiles, ont eu des conséquences beaucoup

plus graves.

VIII.

Hystéro-épilepsie ( ? ) ; instabilité mentale avec

perversion des instincts ; impulsions ;

Par BOURNEVILLE, et LEFLAIVE.

Sommaire. - Père, peintre en bâtiments; saturnin,

alcoolique, aliéné ; mort d'urémie. - Grand-père pater-

nel, excès de boisson. Grand'mère paternelle morte

d'une congestion cérébrale. Grand'tante paternelle

suicidée. amère, convulsions dans l'enfance. - Grand.

père maternel alcoolique. Tante maternelle hémi-

plégique. - Sono" convulsions.

Conception durant l'aliénation du père. Grossesse acci-

dentée par des émotions; perte de connaissance.

Premières convulsions à 2 ans et demi.- Cauchemars.

- Fugues solitaires et fréquentes. Arrestations

pour vagabondage. Apprentissages multiples. -

Première condamnation pour vagabondage etm.araude.

Seconde condamnation (décembre 1879). - admis-

sions successives dans divers hôpitaux. Simulation.

De 13 à 16 ans, syncopes. Début des attaques

en juillet 1880 (17 ans). État de mal hystérique.

- Contusions. - Admission à la Pitié : nouvelles

attaques. Envoi à Sainte-Anne. - Etat du malade

à l'entrée à Bicêtre. - Hémianesthésie incomplète à

droite. - Influence de l'aimant. - Hypospadias. -

- Onanisme rare. - Accusation de simulation ; aveux.

- Tentative de suicide. - Tentative d'évasion.

Amélioration. - Exeat. Conduite régulière :

5 mars-août 1881. Fugue subite. Arrestation au

Havre pour vol d'un pain. - Condamnation à la

prison. Peine subie à la prison de Gaillon : incidents

durant son séjour. Retour à Paris; conduite régulière

ANTÉCÉDENTS HÉRÉDITAIRES. 165

du 16 mars au 20 octobre. -Nouvelle fuite; vagabon-

dage ; vol en commun : arrestation : condamnation a

8 ans de prison et 10 ans de surveillance. - Confir-

mation en appel. - Intervention auprès du Président

de la République et du ministre de la justice : insuccès

complet. - Tuberculose pulmonaire. - Mort.

Le nommé Brig... Albert, âgé de 17 ans, est entré à

Bicêtre le 1" septembre 1880 (service de M. Bourneville).

Renseignements fournis par sa mère (15 nov. 1880).

Père, peintre en bâtiments, n'aurait jamais eu de coliques

de plomb, ni de paralysie, bien qu'une note de M. Magnan,

à Sainte-Anne, constate qu'il présentait les signes de

l'intoxication saturnine. Sa femme en parle comme d'un

homme très rangé u de conduite », ne faisant pas d'excès

alcooliques, fumant modérément, et tellement régulier

qu'il serait resté 37 ans chez le même patron. Il était sujet

à des colères très fortes, mais toujours motivées; il n'au-

rait jamais été malade avant 1869, où il fut admis à Cochin

« déraisonnant déjà » puis transféré à Sainte-Anne en

1870. Rendu à sa famille au bout de six mois, il est mort à

Necker en 1875, d'accidents urémiques, à l'âge de 53 ans.

De ce côté, on ne nous signale comme accidents nerveux

que de l'insensibilité du côté gauche, à plusieurs reprises

(voir plus loin). Son fils au contraire nous le représente

comme ayant eu des coliques de plomb et étant sujet à des

attaques de nerfs. Il raconte même avoir assisté à plusieurs

de ces crises qui auraient consisté en grandes convulsions

toniques et cloniques, avec congestion de la face et agita-

tion violente ; après un certain temps de calme relatif,

l'attaque reprenait et ainsi de suite pendant plusieurs

jours ; à la suite de ces crises, ajoute-t-il, il persistait une

exaltation durant plusieurs mois et pour laquelle on l'a

fait entrer à Sainte-Anne. Il y aurait été à trois reprises et

environ 8 à 10 mois chaque fois. Enfin, M. Magnan a bien

voulu nous envoyer des renseignements desquels il résulte

qu'admis à Sainte-Anne le 4 février 1870, cet homme était

alcoolique, que ses facultés intellectuelles avaient nota-

blement baissé, qu'il était en proie à des poussées de délire

alcoolique, à des hallucinations et à des idées mélanco-

liques. Le 25 juin 1870, au bout de 5 mois de traitement,

il fut rendu très amélioré à sa femme. [Père, mort à

83 ans de la pierre ? peintre en bâtiments, aurait fait quel-

ques excès de boisson. D'après les dires de notre malade à

la fin de sa vie, il s'enfermait chez lui, croyant qu'on vou-

166 ANTÉCÉDENTS PERSONNELS.

lait le tuer. Mère, morte probablement d'une congestion

dérébrale, était lingère, sobre, aurait eu quelquefois des

moments d'absence dans les dernières années de sa vie.

Rien de plus à signaler du côté paternel de notre malade,

sinon le suicide d'une soeur de son grand-père].

Mère, 48 ans (en 1880), coloriste, bien portante, n'a pré-

senté comme accident nerveux que des convulsions dans

l'enfance : sa tenue est convenable ; elle a une intelligence

ordinaire. [Père, alcoolique, mort du choléra en 1849. -

Mère, non nerveuse, morte à 51 ans d'une fluxion de poi-

trine. Une sceur. paralysée du côté droit depuis l'âge

de 30 ans, est morte à la Salpêtrière en 1883. Pas d'aliénés,

etc.] - Pas de consanguinité.

Noire malade a eu un frère et trois soeurs, dont une

seule a présenté des convulsions (morte à 6 mois); une

autre est morte à 3 ans du croup. Les autres 'sont bien

conformés et bien portants.

Deux mois avant la conception de notre malade, son

père avait eu la tête un peu dérangée pendant quinze

jours : il ne travaillait pas, ne dormait pas, parlait sans

cesse et avait des idées absurdes. Pendant la grossesse.

la mère eut des chagrins causés par plusieurs accès de

folie de son mari, qui, sous l'influence de son délire, vou-

lait se jeter par la fenêtre. Vers le 4" mois, pendant la

nuit, un accès de ce genre lui causa une telle peur qu'elle

perdit connaissance pendant trois heures. L'accouche-

ment se fit à terme et fut naturel. L'enfant, qui ne présen-

tait rien d'anormal à la naissance, fut élevé au sein par sa

mère pendant deux mois, puis par une nourrice jusqu'à

14 mois. A ce moment, il commençait à parler, était pro-

pre, mais n'a marché qu'à 18 mois.

Envoyé à l'asile à 3 ans, puis à l'école, il y resta jusqu'à

près de 13 ans ; il apprenait assez bien et ne causait guère

de désagréments à sa famille. A 2 ans 1/2, il eut des

convulsions pendant 10 à 15 minutes, avec agitation des

membres sans prédominance d'aucun côté. A quatre ans,

il eut la rougeole, puis une légère varioloide et enfin, vers

5 ans, la scarlatine.

Très impressionnable, colère, il était, dès ses premières

années, sujet à des peurs, à des visions la nuit. Ces

cauchemars, ces terreurs nocturnes, qui lui faisaient pous-

ser des cris, ont duré jusqu'à l'âge de 13 ans. Mis alors en

apprentissage comme régleur, il n'y est resté que 2 mois,

nous dit sa mère ; comme il s'ennuyait elle le fit travailler

avec elle. A la maison il était tranquille, mais de temps

ANTÉCÉDENTS PERSONNELS; ARRESTATIONS. 167

en temps, presque toutes les semaines, il se sauvait de chez

lui; toute la journée il restait dehors, ne rentrant que dans

la nuit, sans avoir mangé; « il dévorait en rentrant. » Il

paraît que pendant longtemps, dans ces fugues, il évitait

tout le monde ; à maintes reprises, des voisins l'ont trouvé

seul auprès des fortifications. Trois fois il aurait été arrêté

comme vagabond et rendu à sa mère.

Suivant la version de notre malade, au sortir de l'école, il

fut condamné pour vagabondage à 2 mois de prison subis à

la Petite Roquette. Mis en apprentissage chez un peintre, il

n'y resta que peu de temps et fut successivement employé

comme régleur, pendant un an, puis comme tireur de

feuilles pendant quelques mois. Vers la fin de janvier 1879,

il alla en compagnie de quelques enfants de son âge,

vagabonder et marauder aux environs de Paris; il fut pour

cela condamné à 6 jours do prison. D'après une lettre qu'il

écrivit à M. Macé dans les premiers temps de son séjour

à Bicêtre, les jeunes gens qu'il fréquentait alors, étaient

des maraudeurs qui dévalisaient Clamart et Vanves, et

qui joignaient à cette industrie la fabrication de fausse-

monnaie ( ? )

Nous n'avons guère de renseignements sur ce qu'il fit

en sortant de prison. D'après ce qu'il écrit à M. Macé, il

semble avoir continué à fréquenter ce qui restait de la

bande des faux-monnayeurs de Clamart. Il nous raconte

qu'enfin, le 19 août 1879, il était allé avec trois amis déva-

liser un jardin qu'ils croyaient inhabité. Signalés par des

ouvriers qui leur jetèrent des pierres, poursuivis par le

gérant do la maison, ses camarades se sauvèrent, mais lui

fut pris et conduit à Mazas. Là, il tenta de se suicider ( ? )

et pour ce fait, fut mis en cellule double. Après avoir

dénoncé toute la bande, il fut jugé le 15 octobre et con-

damné à G mois de prison, qu'il lit à la Santé (6 décem-

bre 1879-6 juin 1880).

Les renseignements qu'il donne sur ce qui se passa à sa

sortie de prison sont peu précis. Les dénonciations qu'il

avait faites, ainsi que sa mère, et qui avaientété suivies de

condamnations, lui ayant attiré la haine de ses anciens

amis, il ne paraît pas avoir repris sa vie de maraudeur et

de vagabond. Ses anciens camarades, pour s'en venger,

venaient la nuit, en bande de 8 ou 10, devant la maison

qu'il habitait, criant : Brig...). Brig... ! , l'injuriant. Parfois

ils suivaient sa soeur et la menaçaient. C'est pour ces rai-

sons que sa mère changea de domicile. Durant quelques

mois, B... se fit successivement admettre dans plusieurs

hôpitaux pour des motifs variables. De ses récits discor-

168 II1'ST);ItO-LPILI;P.sI.

dants, on peut conclure qu'au commencement de 1880,

il entra à Laënnec où, dit-il, il fit semblant de tomber. Il

dit également avoir été soigné par M. Bernutz, à la Cha-

rité, pour un rhume, avoir passé les mois d'avril et mai

1880 à l'Hôtel-Dieu, chez M. Sée, pour de l'anémie et une

fissure à l'anus (dilatation brusque) ; enfin, au commence-

ment du mois d'août, il entra chez M. Dumontpallier à la

Pitié. Comme il troublait le repos des autres malades, par

ses attaques, M. Dumontpallier le fit conduire à Sainte-

Anne, d'où il fut dirigé sur Bicêtre le 1er septembre 1880.

D'après ses dires, qui, du reste, coïncident avec les ren-

seignements donnés par sa mère, la maladie nerveuse qui

l'a fait entrer dans cet hospice, aurait débuté en juillet

1880. Notons cependant que depuis l'âge de 13 ans, il aurait

eu de temps en temps, cinq fois par an environ, des syn-

copes. Dans les premiers jours de juillet, il avait eu une

dispute avec des camarades et était tombé à l'eau ; de là

une grande émotion, mais sans accidents immédiats. Huit

jours après, il se promenait avec sa mère, quand tout à

coup il eut une sensation de froid au niveau du front, s'ir-

radiant dans tout le corps jusqu'aux pieds ; en même

temps, il sentit comme une petite boule qui lui remontait

de l'épigastre au cou et produisait là une sorte de cons-

triction. Il eut à peine le temps de dire à sa mère qu'il se

trouvait indisposé ; puis, subitement, il tomba à terre et

fut pris de convulsions qui durèrent une heure et un

quart. Deux heures après la première attaque en survint

une seconde, puis une troisième. De nouvelles attaques

se produisirent ainsi pendant trois jours, ne présentant

entre elles que des intermittences très courtes. On avait

dû disposer des matelas à terre et son corps était couvert

de bleus et d'égratignures. Cet élat de mal hystérique ne

cessa que sous l'influence d'inhalations de bromure ou

d'iodure d'éthyle(' ? ). Les attaques ne tardèrent pas à repa-

raitre, et c'est alors que Brig... entra à la Pitié, chez

M. Dumontpallier. Là, il aurait encore eu de nouvelles

attaques. C'est à cause des inconvénients résultant, pour

les autres malades, de ses attaques, que M. Dumontpallier

se décida à l'envoyer à l'Asile clinique (Sainte-Anne).

Etat actuel (5 septembre 1880). Tête régulière; front

assez élevé, droit ; visage symétrique ; oreilles à peine

ourlées, lobule adhérent.

ÉTAT DU MALADE EN 1880. 1 69p

170 ZONES HTSTI31loGisN.S; AIMANT.

ron un an, nous dit le malade. Le coté droit de la langue

est insensible aux substances sapides et aux piqûres.

L'ouïe est moins bonne à droite; le bruit de la montre est

cependant perçu de ce côté à une distance de dix centimè-

tres. L'odorat est obtus du môme côté-seulement.

Zones hystérogènes. Pas do clou, mais douleur coustric-

tivc au niveau du front au moment où il va avoir son

attaque. Au-dessous des fausses côtes de chaque côté,

points grands comme une pièce de cinq francs où la pres-

sion produit une sensation de chatouillement intense, que

le malade compare à la sensation causée par le chatouille-

ment de la plante du pied et qui lui répond dans la tête.

Plus bas, au niveau de la fosse iliaque droite, autre point

grand comme une pièce de cinq fraucs, où la pression

même légère, donne la sensation d'un poids considérable

et répond dans la tête en donnant au malade une sensation

particulière. Bien que cette zone existe du côté de l'hémi-

anesthésie, la sensibilité cutanée est conservée à ce niveau.

Au-dessous des côtes, au niveau des carrés lombaires, de

chaque côté, existe encore une région large comme la

moitié de la paume de la main, et où la pression produit

une sensation de chatouillement toute spéciale qui, selon

l'expression du malade, « le retourne tout entier. u La

pression sur les apophyses épineuses et dans les gouttières,

ne réveille aucun point spécial. Ces points ne sont pas du

reste de véritables zones hystérogènes, mais plutôt des

régions où la pression cause une sensation particulière de

chatouillement exagéré.

24 septembre. Un aimant est appliqué sur la partie ex-

terne de la cuisse droite à 1 h. 17 du soir; la sensibilité,

préalablement explorée, est très obtuse de ce côté ; les plus

forts pincements ne sont pas perçus sur la région externe

du membre, ni au pied. Au tronc, la sensibilité est très

obtuse, mais incomplètement abolie. A 1 h. 28, sensation

de grande pesanteur et de fatigue dans le membre infé-

rieur droit. A 1 h. 30, fourmillements aux extrémités des

orteils ; la sensibilité est revenue aux environs des pôles

de l'aimant et un peu à la partie la plus externe du mem-

bre inférieur; mais la face interne est encore absolument

insensible ; le membre inférieur gauche est très sensible.

Le bras droit commence a être sensible. A 1 h. 31,.oscil-

lation. La zone qui entoure le point d'application de l'ai-

mant perd la sensibilité qu'elle avait acquise, mais le reste

du membre devient sensible ; sensation de tiraillement au-

SIMULATION. 171 1

dessus du genou. A 1 h. 42, la sensibilité reparaît vers les

pôles de l'aimant ; elle diminue un peu dans la région cor-

respondante de la cuisse gauche; la pesanteur dans le

membre droit persiste, surtout vers le genou. A 1 h. 45, la

sensibilité existe dans tout le côté droit, sauf aux doigts de

la main, et sur le côté droit de la muqueuse buccale. Le

tiraillement des poils n'est pas perçu au niveau de la cuisse

droite. L'état des yeux n'a pas changé ; c'est toujours le

droit qui est le moins bon ; la vue est brouillée de ce côté.

L'état ainsi obtenu a persisté jusqu'au 7 octobre, et

pendant toute cette période, le malade n'a pas eu d'atta-

ques. Elles ont reparu avec l'hémianesthésie, qui est com-

plète à la date du 15 octobre. (Les recherches relatives à

la sensibilité, ont été faites avec les plus grandes précau-

tions).

4 novembre. Deux lettres anonymes de ses compagnons

l'accusent d'être un simulateur. Lui-même écrit à M. Bour-

neville qu'il a simulé des attaques et de l'hélllianesthésie à

Laënnec pour passer l'hiver à l'hôpital; qu'il a fait sem-

blant de tomber à la Pitié et qu'il a continué ce rôle pour

venir à Bicêtre. La sensibilité est en grande partie reve-

nue à droite ; la douleur à la pression sur les zones hysté-

rogènes est très diminuée.

8 décembre. Depuis quelque temps, Brig... est employé

dans l'après-midi à la buanderie. Hier vers 3 ou 4 heures

on l'a trouvé au fond de la cour de l'étendage, pendu à un

treillage haut de 1 m. 60; ses pieds traînaient par terre.

On s'est aperçu de suite de cette tentative de suicide, et on

l'a détaché. Pas de modification de la face ; la constriction

ne paraissait pas avoir été très forte ; ses pieds, d'ailleurs,

touchaient le sol. On l'a ramené sur un brancard ; mais du

lieu de la tentative au brancard, il a fait cinq ou six pas,

les yeux ouverts et ayant sa connaissance. On l'a monté à

l'infirmerie, on l'a couché ; il grelottait de froid. Au bout

de quelques instants, il a fait un arc de cercle durant trois

ou quatre secondes, et est tombé sur son lit. Puis on lui a

fait boire un peu de vin et il a dit se trouver mieux. Dans

la soirée il a manifesté le regret de n'avoir pas réussi à se

pendre.

17 décembre. Douleur névralgique lancinante dans la

gouttière vertébrale au niveau du 5° espace intercostal et

au niveau du rebord des fausses côtes du côté gauche.

Douleur intermittente dans le genou s'accompagnant de

flexion de la jambe sur la cuisse, comme par une secousse.

Injections de morphine.

26 décembre. La sensibilité existe des deux côtés.

172 SORTIE. NOUVELLE ARRESTATION.

1881. 3 janvier. Tentative d'évasion hier soir en compa-

gnie d'un de ses camarades. Envoyé à la Sûreté.

5 mars. Depuis le mois de décembre, il n'a pas eu d'at-

taques. Sa conduite a été bonne. Pendant son séjour il a

été régulièrement à l'école, où il n'a fait que des progrès

insignifiants.

DERNIÈRE ARRESTATION. MORT. 173

jours de cachot pour injures aux agents, murmures. Du

15 mars au 14 avril, il va 8 fois à la visite sous des pré-

textes variés. Dans les nombreux motifs invoqués, on ne

constate de réel qu'une adénite cervicale. Du 15 avril au

13 juillet, il encourt quatre condamnations successives de

cachot ou de consigne (trois mois au total) pour refus de

travailler (1).

Pendant le reste de son séjour à Gaillon, il ne s'attire

plus de nouvelles peines, mais il ne cesse d'aller à la

visite médicale. Une fois seulement, il est admis à l'infir-

merie pour indigestion. Sorti de prison, du 16 mars au

20 octobre 1883, il travaille avec sa mère. A ce moment, il

la quitte pour vagabonder avec trois ou quatre hommes et

une jeune femme. Le 8 décembre, il est arrêté pour avoir

engagé sous son nom, au Mont-de-Piété, une montre

volée. Durant son absence, il est venu plusieurs fois au

voisinage du domicile de sa mère, l'a fait appeler pour lui

demander quelques secours. Celle-ci l'a engagé à revenir

mais la jeune fille qui était avec lui, l'a retenu. Le 11 dé-

cembre 1883, il a été condamné en police correctionnelle,

à 8 ans de prison et 10 ans de surveillance, jugement qui

a été confirmé en appel, le 15 janvier 1884. c

Nous sommes intervenus, sur la demande de la mère

d'après l'avis de l'avocat ; mais ni le certificat circonstancié

que nous avons remis, ni nos appels à la bienveillance

de M. le président de la République et de M. le ministre

de la justice n'ont eu de résultat.

Peu après sa condamnation, étant à Maxas, il est tombé

malade et a été envoyé à l'infirmerie de la prison de la

Santé, où il est resté environ une semaine. Il a été ensuite

envoyé à la Grande Roquette. Au bout de peu de temps,

sa maladie s'étant aggravée, il a été transféré de nouveau

à la Santé, où il est mort de tuberculose pulmonaire, le

7 juin 1884.

(1) Le régime du cachot consiste en pain sec, eau et soupe

seulement tous les 4 jours; il ne peut être infligé pendant plus de

30 jours consécutifs.

IX.

Réflexions sur les deux observations qui

précèdent.

Examinons tout d'abord la situation des familles et

les antécédents de ces deux malades.

I. Le père de Sim... larius, sur les ascendants duquel

nous manquons de renseignements précis,était 017 c2n2St;

il avait essayé de se suicider; il est mort apoplectique.

Sa mère a été sujette à des migraines et à des étourdis-

sements. L'un de ses grands pères maternels est mort

à sa troisième attaque de paralgsie. Un oncle du

même côté a eu un accès de folie. Une soeur, née

avant lui, a succombé aux convulsions. A cet ensemble

de mauvaises conditions du fait de l'hérédité, il faut

ajouter la disproportion d'âge des parents que divers

auteurs ont accusé de jouer un certain rôle dans la

production des dégénérescences.

Or, à l'époque de la naissance de Sim..., son père

avait 66 ans et sa mère 39, soit une différence de

vingt-sept ans. Ce n'est pas tout encore : Sim... est né

avant terme et la femme qui le nourrit devint folle et

n'en continua pas moins l'allaitement.

Toutes ces influences devaient agir sur la constitu-

tion de Sim... et la modifier dans un sens profondément

pathologique. C'est ce qui est arrivé. Dès l'enfance, il

manifestait des penchants à la destruction et présentait

des phénomènes nerveux inquiétants. Depuis lors

jusqu'à son entrée à Bicêtre, son existence a été acci-

dentée soit par des faits témoignant de son instabilité

INFLUENCE DE L'HÉRÉDITÉ. 175 5

mentale et de sa perversion morale, soit par des

troubles morbides graves.

A ces derniers se rattachent l'habitude de se lever la

nuit, les accès de colère, le somnanbulisme, une con-

gestion méningitique consécutive à une insolation, des

crises nerveuses qui ont été rattachées à l'hystéro-épi-

lepsie par M. Magnan, les frayeurs nocturnes, les tenta-

tives de suicide, les hallucinations de la vu e, etc.

L'instabilité mentale est mise en relief par le

besoin incessant de S... de changer de place, par les

nombreux essais d'apprentissage qui ont été tentés.

Quant à la perversion morale, elle est caractérisée

par ses instincts de destruction, par sa manie du vol

(kleptomanie), sa turbulence qui l'avait fait surnommer

Polichinelle, ses habitudes d'onanisme, ses tendances

à l'ivrognerie, les nombreuses irrégularités de sa con-

duite, son besoin de grimper partout, de jouer de mau-

vais tours à ses voisins, de casser, de briser, de déchi-

rer, d'incendier, de tramer des complots, etc.

Cinq mois après son admission à Bicêtre, la conduite

de S. étant convenable et tous les troubles intellectuels

ayant disparu, nous avons cru qu'il était de notre

devoir de le rendre à la liberté. On a vu quelles diffi-

cultés cette mesure avait rencontrées : nous n'y revien-

drons pas. Depuis cette époque, avril 1883, jusqu'à la

fin de 1884, sa conduite, sans être absolument bonne, a

été passable et, en tout cas, il ne s'est rendu coupable

d'aucun méfait.

II. L'hérédité, qui a joué un si grand rôle chez

Sim..., n'a pas eu une moindre influence chez Albert

Brig... Deux de ses grands parents ont fait des excès de

boisson. Son père a été aliéné, il a fini par succomber.

L'une de ses grand'mères est morte d'une congestion

cérébrale; l'une de ses grand'tantes s'est suicidée;

une tante a été paralysée; enfin sa mère a été atteinte

des convulsions durant son enfance. Mais il n'y a pas

176 INFLUENCE DE L'HÉRÉDITÉ.

que l'hérédité à invoquer aupoint de vue de l'étiologie ;il

y a encore l'action de deux causes puissantes, réunies chez

le père : l'alcoolisme et l'intoxication saturnine. Tout

le monde s'accorde à reconnaître les mauvais effets de

l'alcoolisme des parents sur leurs enfants. Pour être de

connaissance moins vulgaire, l'influence des professions

insalubres, telles que la profession de peintre en bâti-

ments, n'en est pas moins certaine. Notre ami, le

Dr F. Roque, l'a mise en évidence dans une note inté-

ressante (1).

Tandis que Sim... a été allaité par une nourrice

folle, Brig... a été conçu alors que son père était aliéné

et sa mère, en le portant, a été sans cesse exposée à des

émotions profondes par l'aliénation de son mari. Brig...

naquit avec une malformation de la verge très pro-

noncée, un hypospadias. Dans son enfance, il a eu des

convulsions, puis, de même que Sim..., des frayeurs

nocturnes et, plus tard, à la suite d'une peur, des

attaques cl'hystdi-o-épilepsie. De même aussi que Sim ?

il essaya, plus ou moins sérieusement et à plusieurs re-

prises, de se suicider. L'instabilité mentale s'est tra-

duite chez lui par des fuites fréquentes et non motivées

de la maison maternelle. Il errait seul pendant toute

une journée et rentrait le soir exténué de fatigue et de

faim, sans avoir commis le plus léger délit. D'autres

fois, craignant des reproches qui s'accentuaient sans

doute à mesure de la répétition de ses fautes, il n'osait

rentrer. C'est dans ces conditions qu'il a été arrêté trois

fois comme vagabond et rendu il ses parents.

Durant une période assez longue, il s'isolait dans ses

fuites ; mais il était trop exposé à rencontrer de mau-

vaises compagnies pour y échapper. Aussi ne tarda-t-il

pas à être entraîné par d'autres jeunes gens de conduite

suspecte. C'est à partir de là qu'il est arrêté et condamné

à des peines de plus en plus sévères.

(1) Roque (F.). Des dégénérescences héréditaires produites

par l'intoxication saturnine lente.

TABLEAU DES ARRESTATIONS. 177

Nous avons tenu à vérifier tous ses dires et le récit de

sa mère. Nous avons demandé des renseignements dans

les divers hôpitaux où il a été successivement admis.

Les réponses ont été conformes. En ce qui concerne ses

arrestations et ses condamnations, le relevé ci-après

montre aussi que ses déclarations avaient été exactes.

22 novembre 1876. Arrêté, avec un nommé Isab..., pour vaga-

bondage. Ce dernier prétendait avoir été entraîné par Brig... à

Versailles, afin d'assister au spectacle. Brig... avoua qne c'était la

troisième fois qu'on l'arrêtait pour vagabondage. Il fut rendu à sa

mère.

10 juillet 1877. Trouvé la nuit couché dans une voiture à bras,

sur la voie publique. Déféré au parquet. Rendu sans condamna-

tion.

17 février 1879. Arrêté par la gendarmerie de Montrouge pour

vol d'une boite de sardines chez un épicier. Condamné à 8 jours

de prison (8 mars 1879).

19 avril 1879. Arrêté à Gentilly avec deux autres jeunes gens de

son âge, pour filouterie (dépense de 5 fr. chez un marchand de vin

qu'ils n'ont pu payer). Condamné le 21 avril à un mois de prison.

9 août 1879. Vol de pommes de terre dans les champs, auprès

d'Arcueil. Condamné, le 15 octobre, à huit mois de prison. (C'est

pendant qu'il faisait cette peine qu'il a été conduit à la Pitié (ser-

vice de M. Dumontpallier), transféré à Sainte-Anne, et enfin à

Bicêtre).

16 septembre 1882. Arrêté dans la Seine-Inférieure pour tenta-

tive de vol d'un pain, et condamné, à Rouen, à dix-huit mois de

prison. (Cette peine a été subie à la prison de Gaillon. Voir p. 172.)

31 août 1883. Arrêté pour complicité de vol et condamné à 8

ans de prison et 10 ans de surveillance.

L'histoire de Sim..., Marius, et de Brig..., Albert,

montre d'une façon indubitable, croyons-nous, qu'il s'a-

gissait là de deux malades. Le premier a eu la chance

de n'encourir aucune condamnation; l'autre, au con-

traire, a subi des condamnations de plus en plus graves :

c'était un récidiviste. A notre humble avis, il aurait dû

être sérieusement examiné au point de vue médical, et

au lieu d'être emprisonné, il aurait dû être interné dans

un asile, en attendant que la société, plus humaine, ait

créé des établissements spéciaux pour ces dégénérés,

et, dans la plupart des cas, parfaitement susceptibles

d'être améliorés. Si parmi les jeunes gens récidivistes,

il en est qui sont responsables, il y en a un grand nom-

BOURNEVILLE, 1884. 12

178 DÉGÉNÉRÉS ET RÉCIDIVISTES.

bre, comme Brig..., qui méritent l'indulgence et sont

tout à fait dignes de pitié. ,

. Peut-être aurions-nous hésité à présenter ces consi-

dérations si nous n'y avions été encouragé par le sou-

venir des paroles prononcées autrefois par l'un de nos

maîtres, le professeur Axenfeld, à la fin de sa mémo-

rable conférence sur Jean Wier et les sorciers.

ce Quand vous entendrez dire de certaines natures

scélérates que leurs mauvais instincts se sont révélés

dès l'enfance, s'écriait-il dans sa péroraison, que le démon

de la perversité les poursuit, que ce sont des anomalies,

des monstres vomis par l'enfer, il vous semblera recon-

naître dans ce langage comme un écho de celui que

parlaient le Moyen âge et la Renaissance. L'idée de

prédestination, de fatalité, d'asservissement que ces

mots expriment (ou plutôt qu'ils trahissent), peut-elle se

concilier avec celle de liberté absolue ? N'implique-t-elle

pas l'enchaînement de la volonté, ou tout au moins

l'absence de cet équilibre idéal, où l'un imagine les ré-

sistances proportionnelles aux impulsions, la raison aux

penchants ? Que devient la terrible uniformité du juge-

ment en face de l'aptitude infiniment inégale des indi-

vidus pour le bien et pour le mal ? Là, Messieurs, là est

la circonstance atténuante universelle, et comme pre-

mier bénéfice, elle devrait rendre la personne humaine

sacrée, même sous ses aspects les plus repoussants.

« Mais ces parias, ces types dégradés de l'espèce,

déformations à peine reconnaissables de l'être normal,

qui se sentira jamais le courage de les regarder de près

et en face ? Qui ? Le médecin; l'homme qu'aucune lai-

deur ne fait reculer et qui a désappris tous les dégoûts.

Peut-être parmi les jeunes esprits à qui j'ai l'honneur

de m'adresser en ce moment, s'en trouvera-t-il un qui

se laissera gagner à l'attraction de cet important sujet

d'étude; peut-être un médecin nous montrera-t-il un

jour à quelles conditions primordiales de l'organisme se

lient le vice et le crime, qui sont comme la diathèse et

DÉGÉNÉRÉS ET RÉCIDIVISTES. 179

la maladie morale; d'après quelles lois ils s'associent

aux défectuosités intellectuelles ou physiques, ou s'en

isolent; pourquoi les influences éducatrices les mieux

dirigées n'en peuvent toujours préserver, pas plus que

l'hygiène ne décide à elle seule de l'éclosion ou de

l'avortement des germes morbides innés. La vérité qui

se dégagera de ces investigations, c'est qu'en définitive

l'infirmité la plus haïssable est aussi la plus digne de

pitié (1). »

(1) Conférences historiques faites à la Faculté de médecine

de Paris, pendant l'année 1865. ' z

NOTE

Nous avons reçu de M. le procureur général de la République

à Rouen, la note suivante, relative à l'arrestation et à la condam-

nation de Brig..., à Rouen. Un sieur Lee..., habitant une commune

des environs du Havre, labourait près de son habitation; il

entendit un bruit de vitres brisées et s'empressa d'en rechercher la

cause, il surprit 'dans une pièce de sa maison, Brig ? qui s'y était

introduit en brisant une fenêtre, après en avoir escaladé le support.

Son camarade faisait le guet autour de la maison.

Quand il fut. appréhendé, Brig..., présenta à Lee..., un morceau

de pain qu'il tenait il la main et qui fut saisi comme pièce it

conviction ; il prétendit n'avoir pénétré dans la maison, que poussé

par la faim et pour s'emparer du pain qu'il avait aperçu au travers

des carreaux.

Devant le juge d'instruction, le témoin Lee... a affirmé que. le

pain qui se trouvait chez lui, était du pain de ménage, tandis que

celui saisi sur Brig... était du pain de boulanger; on a dû croire

par suite, que l'intention de Brig..., arrêté avant d'avoir pu

s'emparer de quelque objet plus utile, était de ne pas s'en tenir à

un vol de pain et qu'il n'avait fait par ce moyen qu'un simulacre.

C'est il, cela que se réduit cette affaire. Le 22 août 1881, Brig...,

fut condamné à 18 mois de prison, par le tribunal du Havre,

jugement confirmé sur son appel, le 16 septembre suivant.

Voici une autre note, qui, comme la précédente, nous arrive un

peu en retard, concernant les motifs de la dernière arrestation.

« Le 22 octobre 1883, Br... et un nommé Ramb..., après avoir

passé la soirée en compagnie du sieur Loise ? et l'avoir enivré au

« Château-Rouge », cabaret mal famé de la rue Galande, se sont

jetés sur lui dans la rue de la l\1ontagne-sainte-Geneviève et l'ont

dévalisé... »

TABLE DES MATIÈRES

PREMIÈRE PARTIE

Histoire du service pendant l'année 1884.

TABLE DES MATIÈRES. 181

DEUXIÈME PARTIE

Clinique.

LÉGENDE DU PLAN

"

HOSPICE DE BICÊTRE

EXPLICATION DES PLANCHES

184 EXPLICATION DES PLANCHES.

PLANCHE I.

Face convexe de l'hémisphère droit; foyer ancien.

Par une erreur, qui n'a pu être réparée, de l'imprimeur litho-

graphe, il faut lire les lettres à rebours.

Fl , F2, F3 , Première, seconde. et troisième circonvolutions

frontales.

i Fl, Insertion de la première circonvolution frontale.

i F2, Insertion de la seconde circonvolution frontale.

F a, Frontale ascendante.

P a, Pariétale ascendante.

SR, Sillon de Rolando.

P,, Pli pariétal supérieur.

PC, Pli courbe.

Ti, Première circonvolution temporale ; elle envoie un pli de pas-

sage au lobule de l'insula dans le fond de la scissure de Sylvius.

T2, Seconde circonvolution temporale.

SPP, Scissure parallèle.

LC (il faudrait LI), Lobule de l'insula.

Leuba. litho ' Imp3ecqueH.fr. Pari

Leu«6a, Iiik. 1-mp -Becquet ir.Paris.

EXPLICATION DES PLANCHES. 185

PLANCHE II.

Face interne de l'hémisphère droit; foyer ancien.

FI, Première circonvolution frontale.

LP, Lobe paracentral. *

LC, Lobe carré.

LC, Coin.

LO, Lobe occipital.

CC, Circonvolution du corps calleux.

0, Corps calleux.

CS, Corps strié.

CO, Couche optique.

CH, Circonvolution de l'hippocampe.

Ti, Quatrième circonvolution temporale.

186 EXPLICATION DES PLANCHES.

PLANCHE III.

Face convexe de l'hémisphère gauche.

Même erreur d'impression.

Fl, F, F3, Première, deuxième et troisième -circonvolutions

frontales.

F a, Frontale ascendante.

P a, Pariétale ascendante.

Pl, Pli pariétal supérieur.

P2, Pli pariétal inférieur.

P c, Pli courbe.

LO, Lobe occipital.

Tt Première circonvolution temporale.

LI, Lobule de l'insula.

P, Pli de passage envoyé au lobule de l'insula par la première

circonvolution temporale.

Cette planche permet de comparer la face convexe de l'hémis-

phère sain avec l'hémisphère malade et de se rendre compte du

retentissement de la lésion sur les circonvolutions non lésées.

Leuba killi.

1mp.B ecque L [,. Paris.

l.euba litli. Imp.Bec'J.uet &. Paris.

EXPLICATION DES PLANCHES. 187

PLANCHE IV.

Face interne de l'hémisphère gauche.

FI, Première circonvolution frontale, coupée par un sillon ver-

tical, S.

C c, Circonvolution de corps calleux.

C, Corps calleux.

LP, Lobe paracentral.

LQ, Lobe carré.

LC, Coin.

LO, Lobe occipital.

CS, Corps strié.

CO, Couche optique.

CH, Circonvolution de l'hippocampe.

Cette planche permet de se rendre compte par comparaison des

modifications déterminées par la lésion sur les circonvolutions non

atteintes. Les lobules paracentraux (LP), les lobes carrés (LQ), le

coin (LC), les lobes occipitaux (LO), les circonvolutions temporales

présentent entre eux de grandes différences, offrant une asymétrie

très prononcée. On verra aussi, par cette comparaison, que le corps

strié du côté droit est notablement plus petit que le gauche. Les

couches optiques paraissent à peu près d'égale dimension.

188 EXPLICATION DES PLANCHES.

PLANCHE V.

Ancien {oye1' (pseudo-hyste), ayant détruit tout le lobe temporal.

Hémisphère droit (fig. 1, 2, 3), dessins demi-schématiques, gran-

deur naturelle après macération dans l'alcool.

Fig. 1. Coupe pratiquée sur l'extrémité inférieure de la parié-

tale ascendante, le tiers inférieur du sillon de Rolando, etc.

F[, première circonvolution frontale. - FA, Frontale ascen-

dante. - PA, Pariétale ascendante. - CC, corps calleux. -

VL, Ventricule latéral. - CO, Couche optique. - NV, Noyau

intra-ventriculaire du corps strié. - CI, Capsule interne. -

NE, Noyau extra-ventriculaire du corps strié. - LI, Lobule do

l'insula. TA, TA, Tissu aréolaire. - PM, pie-mère épaissie,

limitant le pseudo-kyste, PK.

Fig, 2. Coupe pratiquée sur le lobe quadrilatère, les lobules

pariétaux supérieur et inférieur.

Pi, Coupe du lobule pariétal supérieur. - P2, Lobule pariétal

inférieur. LQ, Coupe du lobe carré. - VL, Ventricule laté-

ral. - CS, Corne sphénoïdale. - TA, TA, Tissu aréolaire.

PM, Coupe de la pie-mère épaissie.

Fig. 3. - Coupe pratiquée sur le lobe occipital et vers l'extrémité é

du pseudo-kyste.

LO, Lobe occipital. LC, Coin. CO, Corne occipitale.

TA, TA, tissu aréolaire.

Hémisphère gauche. (fit. ! 1, 5 et 6; dessins demi-schématiques,

grandeur naturelle). - Les coupes ont été fabriquées aussi

symétriquement que possible à celles de l'hémisphère malade.

La face convexe de l'hémisphère a été aplatie par un défaut de

conservation.

Fig. 4. - CCC, circonvolution du corps calleux. - CC, corps

calleux. - VL, Ventricule latéral. NV, Noyau intra-ventri-

culaire du corps strié. - CO, Couche optique. - NE, Noyau

extraventriculaire du corps strié. CI, Capsule interne.

LI, Coupe du lobule de l'insula. - CS, Coupe de la corne sphé-

noidale du ventricule latéral. - FI, première circonvolution

frontale. - FA, Frontale ascendante. CE, Capsule externe

(le trait s'arrête un peu trop en avant). - PA, Pariétale ascen-

dante. T, Première circonvolution temporale.

Fig. 5. LQ, Lobe quadrilatère. - VL, Ventricule latéral. -

CS, Corps strié. Pi, Lobule pariétal supérieur. - P2, Lobule

pariétal inférieur. TT, Circonvolutions temporales.

Fig. 6. - LO, Lobe occipital. - CO, Corne occipitale.

PARIS. - IIIP. V. GOUKÏ ET JOURDAN, RUE DE RENNES, 71