RECHERCHES
SUR
L'ÉPILEPSIE, L'HYSTÉRIE
ET
L'IDIOTIE
PUBLICATIONS DU PROGRÈS MÉDICAL
RECHERCHES
CLINIQUES ET THÉRAPEUTIQUES
sur Pal
L'ÉPILEPSIE, L'HYSTÉRIE
ET
L'IDIOTIE
COMPTE RENDU DU SERVICE DES ÉPILEPTIQUES S
ET DES ENFANTS IDIOTS ET ARRIÉRÉS DE BICÊTRE
PENDANT L'ANNÉE 1884
PAR
BOURNEVILLE
MÉDECIN DE 131C-TE(B
BUDOR, DUBARRY ET LEFLAIVE
INTERNES DU SERVICE
ET
P. BRICON
DOCTEUR EN MÉDECINE
Volume V avec onze figures, cinq planches et un plan.
PARIS
AUX BUREAUX DU
PROGRÈS MÉDICAL
14, rue des Carmes, 14.
A. DELAHAYE & E. LECROSNIEft
ÉDITEURS
Place de l'École de Médecine.
1885
PREMIERE PARTIE
Historique. Statistique.
La nouvelle section.
Assistance des enfants idiots, et
HOÛRNEVILLE 188L
PREMIERE PARTIE
Histoire du service pendant l'année 1884.
La nouvelle section.
Assistance à domicile des enfants idiots.
I.
SITUATION DU SERVICE. ATELIERS.
AMÉLIORATIONS DIVERSES.
La situation générale du service n'a pas changé.
L'encombrement dans les dortoirs, les classes, les
réfectoires est même allé s'aggravant chaque jour.
Nous n'avons pas à y revenir ni à rappeler l'horrible
situation de ce qu'on appelle l'infirmerie. Les travaux
en cours d'exécution sur lesquels nous allons donner
do longs détails, nous consolent en nous faisant espérer,
dans un avenir prochain, une heureuse et complète
transformation.
Nous rappellerons que le service comprend les épi-
leptiques adultes et les enfants. Ceux-ci se divisent
en trois catégories principales : 1° les enfants idiots,
gâteux, épileptiques ou non, mais invalides et répu-
tés incurables j 2° les enfants idiots, gâteux ou non,
épileptiques ou non, mais valides; 3° les enfants
propres, valides, imbéciles, arriérés, épileptiques ou
non. .
Il PETITE ÉCOLE.
I. Les enfants de la première catégorie {invalides)
continuent à séjourner, comme nous l'avons dit autre-
fois, dans le local qui sert d'infirmerie. On leur apprend
à se tenir sur les jambes, à marcher, à se servir de la
cuiller ; on essaie de les rendre propres en les plaçant
sur des vases plusieurs fois par jour. Toutefois, ces
essais d'enseignement physique se font d'une façon peu
régulière, en raison de l'insuffisance du personnel et
de l'absence d'installations convenables.
II. Enfants idiots, gâteux ou non, épileptiques ou
non, valides. - Petite école. Les enfants de ce groupe
fréquentent la petite école confiée exclusivement à des
surveillantes et à des infirmières. Le matériel scolaire
s'est enrichi d'un grand nombre d'objets : 1° d'un esca-
beau pour apprendre aux enfants à monter, ou à des-
cendre les marches et à sauter ; 2° de vingt règles de
5, 10, 15,... 100 centimètres afin de donner aux élèves
la notion des longueurs ; 3° de solides en bois de trois
dimensions (sphères, cubes, cylindres, cônes, prismes)
destinés à faire connaître ces figures aux enfants et
aussi à leur faire distinguer les différences de volume;
4° d'un tableau des surfaces dans lequel sont dessinés
en creux un des triangles, un carré, un rectangle, un
trapèze, un cercle, etc., et sur lesquels s'appliquent des
figures analogues ; 5° de deux brouettes qui servent à
enseigner aux enfants à tirer, à pousser, etc. ; 6° de
lettres en bois de 7 centimètres 5 qui s'appliquent sur
des lettres imprimées de même dimension, collées sur
des cartons; 7° d'un livre d'étoffes destiné à inculquer
aux enfants la notion des tissus et en môme temps à
développer le sens du toucher.
96 enfants ont été inscrits à la petite école dans le
cours de l'année; sur ce nombre, 3 sont décédés, 4 sont
sortis ; 1 est passé dans la seconde section des aliénés;
5 sont restés longtemps à l'infirmerie. Les 83 autres
ont participé avec régularité à l'enseignement.
GRANDE ÉCOLE. III
11 enfants ont pu être envoyés à la grande gymnas-
tique ; les 72 autres ont été exercés à la gymnastique
Pichcry. 29 enfants se servent de la cuiller, de la four-
chette et du couteau ; 29 de la cuiller et de la four-
chette ; 25 de la cuiller seulement. Il y a 58 enfants en
pantalon (propres) et 25 en robe (gâteux valides).
Nous n'insisterons pas sur tous les détails de l'ensei-
gnement. Nous nous bornerons à rappeler qu'on ap-
prend à ces enfants à manger proprement, à se laver, à
s'habiller, se déshabiller, à boutonner, lacer, cirer,
balayer, etc.; à connaître les objets qui les environnent,
à distinguer les formes, les couleurs, etc., et que les
plus avancés seuls apprennent à lire, écrire, compter, etc.
Lorsqu'ils ont acquis un certain développement intel-
lectuel et physique, ils passent dans la première caté-
gorie et suivent les exercices de la grande école.
III. Enfants propres et valides, imbéciles; arriérés,
épileptiques, hystériques ou non. Grande école.
Le personnel enseignant de l'Ecole est resté le
même. Les agents secondaires, les garçons de classe,
qui sont de simples infirmiers, ne reçoivent pas de la'
part de l'Administration les encouragements néces-j
saires pour les fixer. Si, par hasard, nous en trouvons'
qui s'acquittent convenablement de leurs difficiles'
fonctions, l'Administration, pour un léger changement
de grade, les déplace au lieu de leur donner ce modeste
avancement sur place (1).
L'instituteur, M. Boutillier, fait tous ses efforts pour
nous seconder. Loin d'arrêter son initiative, nous la
provoquons, et c'est avec plaisir que nous avons con-
(1) Nous parlons de la nomination d'un Ínfirmier de la 'te section,
par exemple, à la Ire section de son grade. II va de soi que, lors-
qu'un infirmier est nommé sous-surveillant il doit changer de ser-
vice. Nos garçons de classe ont des grades tout à fait inférieurs,
alors que les aides charretiers et le vacher, par exemple, ont le
grade de suppléants.
IV ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL.
senti, sur sa proposition, à faire subir les épreuves
pour le certificat d'études à dix enfants. Ils ont passé
leurs examens avec les enfants du canton de Villcjuif.
Tous ont été reçus : l'un d'eux est arrivé le premier.
Afin d'exciter encore l'émulation des élèves, nous
avions demandé à M. le président de la Société pour
l'instruction élémentaire, l'autorisation de présenter
un certain nombre d'enfants pour le certificat du 3° de-
gré. Cette autorisation nous avait été gracieusement
accordée. Malheureusement, les formalités administra-
tives nous ont empêché d'en profiter. Peut-être trouve-
rons-nous, une autre année, un concours plus facile.
Le matériel s'est enrichi de divers objets, notamment
d'une collection de solides en bois et d'un tableau des
surfaces plus complet que celui de la petite école ; -)
d'une collection de cartes noires données par M. Da-
voust, conseiller municipal, etc.
Les enfants qui ont fréquenté la grande école en
1884, étaient au nombre de 95 le 1er janvier et de 103
au 31 décembre.
Enseignement professionnel. - Ateliers. - Nous
avons tracé, l'an dernier, une description complète des
ateliers, et, de plus, nous avons donné une reproduc-
tion des plans. A la fin de 1883, trois ateliers seule-
ment fonctionnaient régulièrement, ceux de menuise-
rie, depuis le 26 août 1882; de couture et de cordon-
nerie, depuis le 8 octobre 1883. La population ayant
augmenté, nous avons ouvert l'atelier de le
16 janvier 1884 et celui de vannerie et de rempaillage,
le 20 octobre. Il ne nous reste plus que deux ateliers à
utiliser ; nous le ferons lorsque la population de la sec-
tion atteindra le chiffre prévu, c'est-à-dire 400 (1).
Les apprentis sont divisés en deux groupes : les uns
(1) Nous espérons alors obtenir la création d'une place de maille
jardinier et utiliser un certain nombre d'enfants aux travaux hor-
ticoles.
EVALUATION DU TRAVAIL. V'
viennent travailler le matin, les autres le soir et, afin qu'ils
participent à tous les exercices scolaires, nous intervertis-
sons l'ordre des séries chaque somaine, c'est-à-dire que
la série du matin devient la série du soir au bout do
8 jours. Les maîtres, MM. Leroy, Perche, Alène, Bénard
et Marchai se sont acquittés avec beaucoup de zèle et do
dévouement do leur tâche si difficile et parfois si in-,
rate, et méritent d'être encouragés par l'Administration. -
Lo tableau suivant montre que les faits justifient les
éloges que nous leur adressons.
VI avantages DU travail.
L'évaluation du travail des enfants donne, en chiffres
ronds, 13.600 fr. ; mais il est inférieur à la réalité en ce
sens que, si les travaux de menuiserie et de serrurerie
sont évalués d'après les tarifs ordinaires, ceux de van-
nerie, d'après les tarifs du Magasin central des hôpi-
taux, un peu inférieurs, croyons-nous, aux prix de la
ville, il n'en est plus de même des travaux de cordon-
nerie et de couture, évalués d'après les prix payés aux
vieillards et aux aliénés de l'hospice, prix inférieurs de
plus de moitié à ceux de la ville (1).
Si, maintenant, nous déduisons de ces 13.600 fr. la
somme payée aux maîtres, à raison de 6 fr. 50 par
jour (2), soit 9.867 fr., nous voyons que le travail des
enfants, qui n'est encore qu'en voie d'organisation, a
procuré à l'Administration un bénéfice de 3.733 fr.,
somme qui ira chaque année en augmentant.
A nos yeux, c'est là une considération secondaire, car
la création des ateliers spéciaux a fait disparaître les
graves abus que nous avons signalés dans nos précé-
dents Comptes rendus et elle rend aux enfants d'incon-
testables services sur lesquels tout le monde trouverait
superflu d'insister (3).
Le nombre des enfants qui ont bénéficié de l'en-
M. le Directeur de BicêtJ'e 111'eçu cles instructions it ce sujet. »
Le lendemain nous allâmes montrer la lettre do M. Quentin il
M. le Directeur qui nous affirma que ni lui, ni l'économe n'avaient
reçu d'instructions sur le point en question. Il est évident que
M. Quentin était mal renseigné. Le Directeur de Bicétre parla de
ma démarche, et le 8 octobre il reçut enfin les ordres nécessaires.
(1) Un paletot de vieillard est payé (couture), 4 fr. au magasin
central et 1 fr. 60 à Bicétre.
(2) Ils ne sont ni nourris, ni logés, etc.
(3) Un autre résultat, important, est le suivant. De tout temps,
il en est encore ainsi, l'habillement des enfants a laissé énormé-
ment à désirer. Très souvent les enfants n'avaient pas de vêlements
à leur taille. On prenait les pantalons des adultes détériorés ; on
rognait les jambes, on rétrécissait la ceinture et on donnait les
pantalons ainsi arrangés ( ? ) aux enfants. Depuis l'installation de
l'atelier de couture, la situation s'est améliorée, si elle n'est pas
parfaite c'est que la quantité d'effets est tout à fait insuffisante.
PROMENADES ET DISTRACTIONS. VII
seignement professionnel s'est sensiblement accru,
ainsi que le montrent les chiffres ci-après \
VIII VISITES ET CONGÉS.
tion (1), au Musée des Arts industriels, à l'Exposition
des diamants de la couronne, à l'Exposition des Arts
décoratifs (2). De plus, un certain nombre d'enfants ont
pris part avec succès aux concours de gymnastique do
Bourg-la-Reine et do Montsouris.
c) Enfants de la petite école.-Tous font do petites
promenades dans les cours ot les jardins de l'établis-
sement ou dans le voisinage, été comme hiver. Ces
promonades servent à leur instruction en co sens que
leurs maîtresses les interrogent sur les objets, les ani-
maux, les plantes, etc., qui frappent leurs yeux.
Notons enfin des distractions diverses, et, notamment,
le concert que donnent chaque année les frères Lion-
net, des distributions de jouets, des séances de lanterne
magique. Nous organiserons l'an prochain, à moins
d'obstacles imprévus, des séances de projections à la
lumière oxydrique.
Visites, permissions de sortie, congés. - Les ma-
lades adultes ont reçu 2200 visites et les enfants 3153.
Les visiteurs ont été au nombre de 8522. Voici mainte-
nant la statistique des permiss ions de sortie et des
congés :
BAINS, HYDROTHERAPIE, ETC. IX
Nous n'avons qu'à nous louer d'avoir provoqué l'au-
torisation préfectorale afin de donner le plus de liberté
possible à nos malades. Les permissions do sortie, les
congés leur rendent service, font plaisir aux familles,
maintiennent les liens d'affection et nous aident puis-
samment au point do vue de la discipline et du travail,
les malades récalcitrants sachant qu'ils peuvent êtro
privés de cette faveur.
Vaccinations et revaccinations. De même que
les années précédentes, depuis que nous sommes à la
tête du service (1879), il a été procédé à la vaccination
ou à la revaccination d'une partie des malades (22) en-
trés dans l'année (1). Cette petite opération est pratiquée
par les élèves infirmières de l'Ecole de Bicêtre, sous
notre direction et celle de nos internes. Cette pratique
devrait être suivie dans tous les services hospitaliers ;
on diminuerait ainsi le champ qu'on laisse, par insou-
ciance, aux épidémies de variole, et on rendrait proba-
blement inutile la construction d'un hôpital de varioleux.
Service dentaire. - Ce service, institué sur notre
demande et confié à un spécialiste des plus distingués,
M. le Dr Cruet, ancien interne des hôpitaux, continue à
rendre de grands services à nos malades.
Bains et hydrothérapie. - Aucune modification à
signaler dans les installations. Voici le relevé de l'année :
X ATLAS ET MUSÉE.
Photographies. Moulages. Musée. - Notre collec-
tion s'est enrichie en 1884, de nouvelles photographies,
soit de nouveaux malades, soit de malades anciens
ayant présenté des modifications en bien ou en mal et
de 23 moulages de la tête des malades décédés ou de
malformations. Nous n'avons que des félicitations à
adresser à MM. Hubert, chef de l'atelier de la tonnelle-
rie et Hurel, surveillant de la Sûreté, chargés, le pre-
mier de la photographie, le second du moulage.
Nous avons fait photographier tous les cerveaux des
malades et constitué ainsi des Atlas d'autant plus inté-
ressants, que les observations des malades sont prises
aussi soigneusement que possible. Nous avons de la
sorte tous les éléments nécessaires à l'organisation
d'un véritable Musée pathologique.
STATISTIQUE. XI 1
II.
STATISTIQUE. MOUVEMENT DE LA POPULATION.
Le 1°` janvier 1884, la section contenait 30o malades
ainsi répartis : 123 aclultes épileptiques (53 aliénés et
70 réputés non aliénés) et 182 enfants (épileptiques,
hystériques, idiots, arriérés, etc.). Le tableau suivant
résume le mouvement de la population en 1884 :
XII DÉCÈS.
DÉCÈS. XIII
XIV DECES.
DÉCÈS. XV
PERSONNEL DU SERVICE. XVII
M. Pény; d'un maître de gymnastique, M. Goy, et de
quelques administrés de l'hospice; d'un surveillant,
M. Agnus; d'un sous-sur veillant, M. Lantin; de trois
sous-surveillantes, l\1lle Blanche Anus) Mme Jolliot,
Mlle Berthe Langlet (qui a remplacé 11"° J. Agnus); de
deux suppléantes, Miles As Bohain et Thierry Sarrazin;
de 2 infirmières de 1" classe ; de 7 infirmières de
2° classe; de 3 infirmiers de 1 re classe; de 2 infirmiers
de 2e classe.
li enseignement professionnel est confié à MM. Le-
roy, maître menuisier; Alêne, maître tailleur; Perche,
maître cordonnier ; Bénard, maître serrurier, et Mar-
chai, maître vannier.
Nous avons demandé diverses améliorations, et no-
tamment des promotions et la nomination d'un institu-
teur-adjoint. Espérons qu'olles seront réalisées dans le
courant de 1885. L'intérêt que le nouveau directeur de
l'Assistance publique, M. le Dr Pcyron, nous a paru
porter au sort des malheureux enfants de Bicêtre nous
permet de l'espérer.
XVIII . LA NOUVELLE SECTION.
III.
LA NOUVELLE SECTION.
Dans les précédents Comptes rendus, nous avons donné
une description complète de la situation sordide de l'an-
cienne section des enfants. Nous avons rappelé les efforts
faits en vain par nos prédécesseurs, MM. Delasiauve,
A. Voisin, J. Falret, pour obtenir même les plus minimes
améliorations. Enfin, nous avons reproduit des extraits de
nos rapports au Conseil général de la Seine, concernant
ce service et concluant à la création d'une section spéciale
pour 200 enfants : 1° afin de faire cesser un état de choses,
honteux pour l'Administration de l'Assistance publique;
2° afin de procurer des lits à des enfants inscrits depuis
longtemps à l'Administration de l'Assistance publique ou
attendant au Bureau d'admission de l'Asile clinique(Sainte-
Anne) ; 3° afin aussi de ne plus transférer d'enfants dans
les asiles de province,où ils ne reçoivent, en général, aucune
instruction et où ils se trouvent tout à fait privés des visites
affectueuses de leurs familles.
Ce voeu a été adopté par le Conseil général en février
1878 et renouvelé au mois de novembre de la même année.
Le directeur de l'Assistance publique, M. Môring, fit dros-
ser un programme des travaux par M. Brelet, alors inspec-
teur chargé de l'hospice de Bicêtre et aujourd'hui secrétaire
général. Plein de confiance en ses connaissances, celui-ci
dressa un programme sans étudier les établissements étran-
gers - puisqu'il n'y en a pas en France - consacrés aux en-
fants idiots et sans songer, même un instant, à consulter
les médecins de la Salpêtrière (M. Delasiauve) et de Bicêtre
(M. J. Falret), chargés des services spéciaux. C'est d'après
ce singulier programme que M. Gallois, architecte, dressa
les plans et les devis de la section. Le projet fut introduit
TABLEAU DE L'ANCIENNE SECTION. XIX
en octobre 1879 au Conseil de surveillance, qui chargea
notre ami, le Dr H. Thulié, de l'examiner. z
Vers la fin du mois de novembre 1879, quelques semaines
après notre nomination de médecin de l'hospice de Bicêtre,
la Commission de l'Assistance publique du Conseil géné-
ral vint, suivant sa coutume, visiter la division des aliénés.
Son président, M. Thulié, en profita pour nous montrer le
projet de la nouvelle section, en provoquant nos remar-
ques. Un examen rapide nous fit voir que ce projet ne ré-
pondait pas aux vceux du Conseil général : il n'était fait
que pour 120 enfants, et il y en avait 125 dans la vieille
section; il y en avait 7 au Bureau d'admission de l'Asile
Sainte-Anne, attendant des places; il y en avait une tren-
taine d'autres inscrits à l'Assistance publique.
Non seulement le projet ne permettait pas de faire face
aux besoins actuels, mais la première mesure qu'il y aurait
eu à prendre, en le supposant exécuté, consistait à procé-
der à un transfert, contrairement aux intentions du Con-
seil général. Nous fîmes ressortir aussi les graves incon-
vénients que, suivant nous, présentait une construction de
trois étages au-dessus du rez-de-chaussée pour des enfants
infirmes, paralysés, et pour des enfants épileptiques, ex-
posés à des chutes dangereuses. Dans le but de remédier
au premier inconvénient, c'est-à-dire à l'insuffisance des
lits, nous proposâmes de transformer en dortoirs les locaux
affectés à l'école et de construire une école entre le bâtiment
projeté, 84, et le gymnase, 53 (voirie Plan); cette modifica-
tion, qui donnait 40 lits, soit au total 160, parut juste à
M. Thulié, qui la fit adopter par le Conseil de surveillance.
Le projet, ainsi modifié, fut introduit au Conseil municipal
le 13 avril 1880. Le rapport du Directeur de l'Assistance
publique était ainsi conçu :
Rapport z, Monsieur le Sénateur Préfet de la Seine.
Monsieur le Préfet,
L'administration de l'Assistance publique se préoccupe depuis
quelques années, du moyen d'améliorer le service des Enfants
idiots et épileptiques de l'Asile de Bicêtre et de déférer, à ce
sujet, au voeu du Conseil général de la Seine. Ce service est
en effet dans les conditions les plus déplorables. Il ne forme
XX LÀ SITUATION EST INTOLÉRABLE. -
pas une section à part, et se trouve oonfondu avec celui des-'
adultes-épilcptiques. Les localités affectées aux enfants sont
èparses dans toute la section : ici, un bâtiment court et étroit
n'ayant qu'un rez-de-chausséo et un étage ; là, une partie do
rez-de-chaussée et un premier étage d'un grand bâtiment à
quatre étages, dont le reste est affecté à d'autres malades
adultes ; sur un troisième point, un hangar fermé, servant de
chauffoir ; et, enfin, à l'extrémité de l'établissement, un gym-
nase avec préau.
Les services généraux, tels que classes, réfectoires, offices,
bains, lavabos, cabinet du surveillant et magasins, occupent
le rez-de-chausséo. Les dortoirs, au nombre de. deux, sont
installés au premier étage du bâtiment spécial aux enfants et
du bâtiment des adultes. La Classe et le réfectoire sont à peine
éclairés et insuffisamment aérés. Ils sont peu spacieux et
donnent un cube d'air tout fait dérisoire. Aussi, ces loca-
lités sont-elles froides, humides et malsaines.
Les dortoirs sont également insuffisants ; de plus, ils ont le
grave inconvénient de renfermer pêle-mêle et confondus les
uns avec les autres, des enfants dont l'âge varie et dont
l'affection diffère. Il n'existe pas d'infirmerie spéciale; les
malades sont réunis aux enfants gâteux dans une même salle.
Il y a là, au point de vue de l'hygiène, une situation qui ne
SAURAIT ÊTRE TOLÉRÉE PLUS LONGTEMPS.
Le service actuel est encore défectueux au point de vue de
l'organisation du personnel servant. Il n'y a pas de direction
spéciale. Les enfants ne sont pas d'une manière immédiate et
constante sous les yeux d'employés, les suivant dans tous
leurs mouvements, les accompagnant dans tous leurs exer-
cices. A part quelques heures passées avec l'instituteur, ils
sont presque exclusivement remis entre les mains do serviteurs
d'un ordre secondaire, et ces serviteurs sont tous, ou à peu
près, des hommes qui apportent tout leur bon vouloir à leurs
fonction ? mais sont par nature, peu aptes aux mille soins do
propreté que réclament leurs petits malades, et n'ont pas ce'
dévouement charitable que les femmes possèdent à un si haut-
degré. Une reforme sérieuse est à faire à ce sujet. Il faut
assurer à ces pauvres enfants une surveillance de tous les
instants ; il faut les confier à un personne) choisi de femmes
qui ne les quittent pas et soient toujours avec eux dans les
dortoirs, dans les classes, dans les réfectoires, dans les
récréations (i) ; il faut enfin, multiplier autour d'eux, les
(li Ainsi que nous l'avons dit (Compte 1'enrlude 1880, p. XVIII),
quelques. jours après la prise de possession du service, nous nous
CONDAMNATION DE L'ANCIEN SERVICE. XXI
moyens d'instruction et d'éduoation afin d'éveiller de déve-'
lopper leur intelligence en môme temps qu'on améliore leur-
état physique. "
En résumé, sous le rapport matériel et sous le rapport
moral, le service actuel des enfants idiots et épileptiques-
DOIT ÊTRE IRRÉVOCABLEMENT CONDAMNÉ, et il convient, SANS,
plus tarder, de porter remède à un état de choses qui Co)11-
promet le bien-être de toute une population si intéressante
par ses souffrances, par ses misères et par son âge.
Après avoir longuement étudié cette réforme et examiné les
différentes solutions pratiques et réalisables, je me suis arrêté
au projet que j'ai l'honneur de soumettre aujourd'hui à Mon-
sieur le Sénateur Préfet.
Ce projet, qui comporte la création d'une section spéciale et
complètement isolée des services d'adultes, nie paraît devoir
donner satisfaction aux légitimes préoccupations du Conseil
général et de Monsieur le Préfet (1).
L'emplacement choisi pour la création de cette nouvelle sec-
tion est situé à l'extrémité de la division des aliénés, sur la par-
sommes occupé des 50 enfants idiots abandonnés aux soins de
doux infirmiers changeant tous les 2 ou 3 mois, les gardant comme
un troupeau. Nous avons demandé deux infirmières jeunes et un
infirmier âgé, le Directeur de l31cêtré a transmis notre demande
au directeur général qui a répondu qu'il n'était pas possible de
confier à des femmes des enfants de ce genre. Nous avons insisté
disant que, entre notre opinion et celle du directeur général, l'ex-
périence avait prononcé ; que, en Angleterre, filles et garçons
étaient réunis et confiés, sauf les grands, il des femmes jeunes, et,
autant que possible, de physionomie agréable. Le Directeur géné-
ral déclara qu'il trouvait l'expérience détestable, mais qu'il con--
sentait, en raison de mon insistance, iL donner deux infirmières
âgées d'une quarantaine d'années. Nous répondîmes que, en recula-
mant des infirmières jeunes, nous étions inspiré par le désir d'avoir
des intelligences malléables. susceptibles d'apprendre et d'enseigner, -
et aussi de pouvoir, une fois dressées à l'enseignement spécial que-
nous cherchions à introduire, rendre durant longtemps des services
il' l'Administration ; nous terminions en disant que, puisque ces
raisons n'étaient pas convaincantes, nous accepterions les deux.
infirmières âgées d'une quarantaine d'années. Notre surveillant,
M. Agnus, plus confiant que l'Administration, ayant offert ses
deux jeunes filles, l'Administration céda. On voit par le passage
du rapport que l'Administration n'a pas été longue à s'approprier
l'honneur d'une petite amélioration qu'elle combattait quelques
jours auparavant.
(1) Ceci était vrai pour le Conseil général, mais il n'y a nulle
trace des préoccupations do M. le Préfet sur ce sujet. C'était là une
flatterie bien inutile.
XXII ' LA NOUVELLE SECTION.
tie sud-ouest du plateau qui domine la vallée de la Bièvre (1).
Il est suffisamment spacieux et éloigné des autres construc--
tions. Sur ce terrain s'élèverait un bâtiment destiné à conte-
nir 160 lits d'enfants, 16 lits d'infirmerie et 8 lits pour l'isole-
ment des affections contagieuses. Ce nombre de lits serait
parfaitement suffisantpour le traitement des enfants idiots et
épileptiques, valides ou gâteux (2), et nous pourrions en même
temps réaliser une amélioration importante dans ce service,
en classant les malades d'après l'âge et les infirmités. La popu-
lation actuelle se compose de 125 enfants : 63 valides, 62
gâteux. La proportion des gâteux est des deux tiers pour les
enfants de à 12 ans et d'un tiers pour les enfants de 13 à 17 ans.
Ces indications permettent de 'poser la base du classement
des malades par âge et par infirmité. Nous les répartissons en
deux divisions : la Division des grands (13 à 17 ans), 80 lits ;
2° Division des petits(4 à 13 ans), 80 lits.
Nous établissons dans chaque division deux sections : les
valides et les gâteux ; chaque section est à son tour subdivisée
en un certain nombre de groupes correspondant à des séries
d'âge et à des catégories d'infirmités (3).
Les malades des divisions des grands et des petits seraient t
recueillis dans une infirmerie commune composée de deux
salles de huit lits. En outre, une salle d'isolement de huit lits
serait spéoialement affectée au traitement d'affections conta-
gieuses.
La construction à élever consisterait en un bâtiment ayant
un rez-de-chaussée, deux étages carrés et un troisième étage,
également carré, pour la partie centrale, mais sous brisis pour
les ailes. La longueur du bâtiment mesurerait environ 80
mètres. La partie du milieu formerait pavillon en saillie sur
les deux ailes.
Dans le terre-plein, sous ce bâtiment, on placerait les fosses
mobiles. Par le fait de la différence de niveau des sols, ces
(t) C'est l'emplacement que nous avions indiqué dans nos rap-
ports, au nom de la Commission de l'Assistance publique.
(2) L'auteur de ce programme, M. Brelet, sur lequel s'est ap-
puyé le Directeur de l'Assistance publique pour formuler cette af-
firmation, a péché, ici encore, par ignorance. S'il avait additionné
le chiffre des enfants de Bicêtre, le chiffre des enfants alors au
bureau d'admission, celui des enfants en instance d'admission il.
l'Assistance, il aurait vu qu'il était bien au dessous des besoins du
moment (Voir p. XIX).
(3) Inutile de dire que cette classification administrative est
en partie fantaisiste.
PREMIER PROJET. XXIII
fosses seraient de plein-pied avec le terrain en contre-bas du
côté de la vallée. En avant serait construit un égout en rem-
placement de celui existant, qui ne peut être conservé. Voici
les dispositions projetées pour chaque étage : z
1° Au rez-de-chaussée, dans le pavillon central, les cabinets
de la surveillante et de l'instituteur, une bibliothèque et un
magasin, les réfectoires, les bains, les lavabos, une office et
des débarras. Dans les ailes de ce rez-de-chaussée deux dor-
toirs de 10 lits chacun pour la division des grands et deux
dortoirs de 10 chacun pour la division des petits. Ces 40 lits
placés à ce rez-de-chaussée seraient destinés aux enfants
infirmes, pour lesquels l'ascension d'un escalier constitue un
véritable danger ou une gêne de service s'il faut les porter à
bras (1).
2° Au premier étage, dans le pavillon central, l'infirmerie
avec office et baignoire, le cabinet du médecin, une lingerie,
un vestiaire, les dortoirs des infirmières de jour et de nuit;
l'infirmerie contiendra 16 lits ('2). Dans les ailes de ce premier
étage, deux dortoirs de 10 lits chacun pour la division des
petits.
3° Au deuxième étage, dans le pavillon central, chambres
d'isolement avec office et baignoires ; les logements des sous-
surveillantes de l'infirmerie, les dortoirs des veilleuses du ser-
vice des gâteux, et quelques chambres de suppléantes et des
magasins. Les deux chambres d'isolement contiendront cha-
cune quatre lits. Dans les ailes du deuxième étage, deux dor-
toirs ayant chacun 10 lits pour la division des grands et deux
dortoirs ayant chacun 10 lits pour la division des petits.
4° Au troisième étage, dans le pavillon central, les logements
de la surveillante, du maître-adjoint, de la maîtresse-adjointe ;
quelques chambres pour les serviteurs. Dans les ailes, deux
dortoirs de 10 lits chacun pour la division des grands et deux
dortoirs de 10 lits chacun pour la division des petits. Les 40 lits
de ce troisième étage ne seraient utilisés qu'en cas de complète
occupation des étages inférieurs, et au sur et à mesure des
besoins du service. Des cabinets d'aisances et des lavabos
existent à tous les étages.
(1) Dans le projet primitif, le rez-de-chaussée était occupé par
l'école et ces enfants étaient au second étage : alors M. Brelet ne
trouvait pas d'inconvénient aux escaliers.
(2) Ce nombre était absolument insuffisant, au moins du double.
Il n'y avait, pour s'en rendre compte, qu'à visiter l'infirmerie du
Dépôt. -
XXIV PREMIER PROJET.
En résumé, le pavillon central serait uniquement consacré.1
aux logements et aux sorvicos généraux; les ailes, aux divi-
sions des enfants. Le nombre des lits pour la division des
grands serait de- 80; la division des petits compterait égale-.
ment 80 lits; l'infirmerie générale, 16 lits, et les chambres
d'isolement, 8 lits ; soit au total -1Si lits.
En face le bâtiment principal, dont je viens d'indiquer les
aménagements, serait construite une annexe destinée à l'école.
Cette annexe, couvrant 350 mètres superficiels, renfermerait
quatre grandes classes ou préaux, avec pièces accessoires,
lavabos, latrines, etc. Ces localités s'ouvriraient sons un auvent
se rattachant 1\ une galerie légère, parallèle au Marais et fer-
mée de ce côté par un vitrage; cette galerie relierait le grand
bâtiment et le service scolaire ot permettrait d'y arriver zut
couvert.
Le chiffre de la dépense proposée pour cette annexe du
bâtiment principal d'habitation peut paraître au premier abord,
un peu élevé; mais il faut remarquer que cette construction,
qui couvrira une grande étendue de terrain, est prévue avec
des fondations de deux mètres; que les parties basses nous
obligeront à employer des matériaux de choix pour éviter
l'humidité et conserver les parquets qui devront être on bois
de chêne. En outre, ce bâtiment annexo devra, à cause de la
situation toute particulière des enfants idiots, être pourvu de
deux séries de lavabos et do cabinets d'aisances, avec tous
leurs accessoires, ainsi que d'urinoirs.
Envisagée sous ce point do vue, la dépense proposée n'a
plus rion d'exagéré ; le prix do revient n'est guère que de
170 fr. le mètre pour le bâtiment des classes et do 130 fr.
pour la galerie dont les fondations seront plus profondes par
suite de la disposition du sol.
En ce qui concerne le bâtiment principal, voici le modo do
construction que nous vous proposons. Les parties inférieures
des murs de face seraient en roche, ainsi que les piles d'angles'
et encoignures; les murs on moellons hourdés en mortier et
en plâtre avec enduits aux deux faces et assises courantes,
parpaings sous la partie des planchers et aussi avec parties en
moellon piqué apparent pour -former les encadrements des-
baies ; plusieurs parties d'avant-corps seraient également en
moellon piqué. Les entablements et bandeaux on pierre. Le
troisième étage du motif central en briques avec encadrement
de baios en moellon piqué et couronnement on pierre. Toutes
les allèges des croisées en briques apparentes; do même pour
les parois extérieures des tourelles des cabinets d'aisances
. PREMIER PROJET. XXV
dont l'ossature sera en fer. Les planchers en fer, les fanx-
planchers et la charpente des combles en bois, ainsi que les
escaliers. Le sol du rez-de-chaussée partie en ciment, partie
en chêne; les planchers des étages supérieurs en chêne, la
menuiserie en chêne et sapin. La couverture en ardoises ordi-
naires d'Angers pour les brisis, le surplus en zinc.
Au-devant des ailes on établirait une galerie légère en fer
et fonte, couverture en zinc et sol en bitume. Quant au petit
bâtiment affecté aux classes, la couverture serait en tuiles à
emboîtement. D'après les deux devis dressés par l'architecte,
la dépense s'élèverait, après révision, savoir :
XXVI INSUFFISANCE DE CE PROJET.
Ce projet fut introduit le 13 avril 1880 au Conseil muni-
cipal et renvoyé à la Commission de l'Assistance publique
qui nous chargea du rapport. Depuis le jour où notre ami
Thulié nous l'avait communiqué, nous avions pris soin, en
étudiant nos malades, de noter très exactement les besoins
du service, et lorsque nous eûmes en main le projet do
l'administration, nous avons pensé qu'une lourde respon-
sabilité pèserait sur nous, si, étant médecin de la section
des enfants, c'est-à-dire en mesure de connaître mieux que
qui que ce soit leurs besoins, nous engagions le Conseil
municipal à voler un projet qui ne leur donnerait pas la
satisfaction la plus complète.
Bien vite, nous reconnûmes au projet administratif de
nombreux défauts : insuffisance de la salle de bains ;
absence d'une salle d'hydrothérapie ; absence d'une sallo
de bains de pieds; insuffisance des locaux affectés au dépôt
du linge, des effets d'habillement, etc. ; absence d'ateliers;
aucune organisation pour le traitement du gâtisme ; in-
suffisance de chambres d'isolement destinées aux enfants
atteints de maladies contagieuses ; absence de cellules
pour les enfants agités, etc.
L'auteur du programme ne s'était pas mis en frais d'ima-
gination ; il copiait, en quelque sorte, les grands bâtiments
des sections d'aliénés, avec un rez-de-chaussée et trois
étages. En constatant chaque jour les difficultés du service
dans la vieille section commune aux enfants et aux épilep-
tiques adultes, en voyant qu'on laissait séjourner les en-
fants infirmes dans les dortoirs de l'infirmerie, précisé-
ment en raison du surcroit de travail qu'entraînait la des-
cente des escaliers; en observant les difficultés qu'éprouvent t
les enfants paralysés ou faibles à monter et descendre les
escaliers et les accidents graves auxquels ces montées et
ces descentes exposent les épileptiques, nous avons conclu
qu'un bâtiment de trois étages était radicalement mauvais
pour des enfants idiots, épileptiques, hémiplégiques, infir-
mes.
Le projet de l'administration écarté, nous avions l'ohli-
gation morale d'en présenter un autre. C'était là une tâche
lourde qui engageait fortement notre responsabilité. On
verra plus loin lp.xLVII), comment nous y sommes parvenus;
on verra aussi avec quel respect des prérogatives de l'Ad-
RAPPORT DE M. FERRY. XXVÎI
ministration nous avons procédé (p. xLv). On verra enfin
que le Conseil de surveillance et le Conseil municipal, après
avoir examiné le plan d'ensemble, ont voté la construction
immédiate des ateliers.
Pendant que s'élevaient les ateliers, nous poursuivions
énergiquement auprès de l'Administration la préparation : des plans et devis de la section. Pour vaincre les lenteurs
et malheureusement les résistances du Chef-lieu, nous
avons fait appel au préfet de la Seine et au secrétaire géné-
ral de la Préfecture qui, à cette époque, étaient M. Oustry
et M. Vergniaud. Tous deux connaissant les embarras que
causait au service des aliénés l'encombrement du Bureau
d'admission de l'Asile clinique, intervinrent à maintes re-
prises pour inviter l'Administration de l'Assistance publi-
que à presser cette affaire.
Enfin, l'Administration se décida à soumettre notre pro-
jet à son Conseil de surveillance; celui-ci en confia l'examen
à une commission spéciale. M. Emile Ferry, président
dudit Conseil, se chargea du rapport. Ce document a sa
place marquée ici; il montre d'une façon précise les senti-
ments d'hostilité de l'Administration contre le nouveau
projet, et les efforts tentés pour le faire échouer.
Rapport de la Commission chargée de l'examen du projet
de travaux relatif à la création d'un nouveau service
pour les enfants idiots et épileptiques à l'hospice de Bi-
cêtre, fait au Conseil de surveillance de l'Administration de
l'Assistance publique, par M. FERRY (1).
Messieurs,
Avant d'examiner au fond le projet qui est soumis à votre
appréciation, votre Commission, composée de MM. Nicaise,
Voisin, Goupy, Nast et Ferry, a pensé qu'il serait utile de
vous présenter quelques considérations générales sur l'hospi-
talisation des enfants idiots et épileptiques.
Les jeunes idiots ou épileptiques sont, vous le savez, Mes-
sieurs, des malheureux enfants qui, à de rares exceptions près,
doivent être considérés comme des non-valeurs sociales abso-
lues ; leur retour à l'état normal est peu supposable. L'intelli-
(1) Au nom d'une commission composée de MM. Ferry, Goupy,
Nast, Nicaise, F. Voisin.
XXVIil HOSPITALISATION DES ENFANTS IDIOTS.
gence et même la force physique leur font presque toujours
défaut. Pour quelques-uns, l'intelligence a encore une certaine
valeur quand ils entrent à l'hospice, mais elle va toujours en
s'amoindrissant, sous l'étreinte des crises incessantes qui les
accablent, jusqu'au jour où ils sont emportés par une crise vio-
lente qu'ils n'ont plus la force de supporter.
Le problème à résoudre qui se pose à la science et à l'admi-
nistration de l'Assistance publique, se résume donc en ceci :
prolonger le plus possible l'existence, fatalemont courte, de
. ces malheureux deshérités de la nature, adoucir leurs souf-
frances et espérer leur guérison, qui n'arrive presque jamais.
Cette situation est notamment vraie pour les idiots qui ne
sortent de l'hospice des enfants que pour entrer dans les ser-
vices d'aliénés, d'où ils ne sortent jamais. Nous sommes donc
en présence d'une pure question d'/tospttah'.sa'on (1).
En 1879, l'Administration a introduit dovant le Conseil de
surveillance le projet d'édification, à Bicétre, d'un service spé-
cial aux jeunes garçons idiots et épileptiques. Il aurait contenu
180 lits (2). Vous avez donné un avis favorable à cette création .
dont l'importance et la forme ont été profondément modifiées
par le Conseil municipal (3).
Aujourd'hui, la proposition vous revient notablement agran-
die, car il no s'agit plus d'un simplo service de 180 lits, mais
bien de la création d'un véritable hôpital spécial, contenant
47G lits, coûtant 2,800,000 francs, sans le mobilier qui ne peut
être évalué à moins de 700,000 francs, soit au total 3,500,000
francs, en chiffre rond (4).
Votre Commission a constaté le mauvais agencement du ser-
vice actuel des idiots et épileptiques. Les dortoirs sont insu(.
suants; les lits y sont les uns sur les autres; les escaliers sont
d'un accès assez difficile.
L'infirmerie est, elle aussi, très étroite et basse de plafond;
elle contient un trop grand nombre de lits pour la nature do
ceux qui les occupent ; presque tous ces enfants sont gâteux ;
un grand nombre d'entre eux sont des idiots qu'il est impos-
(1) Presque autant d'erreurs que d'assertions.
(2) Non, mais 100; les lits d'infirmerie ne doivent pas être
compris (Voir p. XXII).
(3) C'est là une erreur complète. Le Conseil s'est borné à
.renvoyer le dossier de ce projet à l'Assistance publique pour y
substituer le nouveau projet étudié, d'après notre programme, par
MM. Imard, inspecteur général ; Gallois, architecte; Ventujol,
directeur et nous, en qualité de médecin de la section (Voir p. X1.V/.
(4) '.00.000 francs de mobilier ! M. Ferry a au moins quadruplé
.cette dépense pour grossir le total. Pour 200 lits, la dépense s'éiève
à 75.000 fr.. ? ?
CRITIQUE DE L'ANCIENNE SECTION. XXIX
siblc de changer de place, tant ils sont impotents. On y res-
pire un air empesté.
Le lavoir (1) de propreté qui se trouve placé dans un mauvais
hangar est, lui aussi, insuffisant comme espace. Enfin, le
service est trop disjoint et nécessite des allées et venues con-
tinuelles. Le réfectoire est insuffisant. La classe d'études est
assez convenable. Le gymnase est aussi bien que possible.
Nous no parlons do l'atelier que pour mémoire, puisqu'un
bâtimont spécial s'édifie, on ce moment, pour remplacer letrou
qui porte ce nom et dans lequel G ou 8 eniants travaillent sous
la direction d'un contre-maître qui paraît intelligent.
l'our finir cette énumération, nous avons constaté, avec la
plus grande satisfaclio71, que le personnel cles surveillantes,
sous -surveillantes et infirmières laïques accomplit avec zèle
et dévouement la mission dont il est chargé. Il est vraiment
touchant de voir toutes ces femmes, jeunes et d'une parfaito
tenue, prodiguer leurs soins à tous ces enfants gâteux, idiots
ou épileptiques. Aucune d'elles ne semble découragée par le
travail souvent répugnant qu'elles accomplissent. Leurs visages
avenants font un singulier contraste avec ceux des abrutis qui
les entourent. Votre Commission verrait avec plaisir que M. le
Directeur voulût bien leur adresser les éloges et les encoura-
gements qu'elles méritent à tant d'égards, en y associant le
Conseil de surveillance.
La proposition qui vous est soumise est opportune en soi;
reste à examiner la question de savoir si le gros sacrifice de
3,f00,000 francs, nécessaire pour assurer l'exécution du projet
d'édification de bâtiments destinés a l'hospitalisation des
enfants idiots et épileptiques, doit obtenir d'urgence (2), la
préférence sur tous les travaux qui s'imposent à l'Assistance
publique, dans ses nombreux établissements. '
Les hôpitaux cl'enfan.ts malades sont absolument insuffi-
sants, vous le savez ; nous pouvons à peine y donner place
aux enfants atteints de maladies aiguës, qui y sont portés
(1) Il s'agit là du service de propreté destiné à traiter le gâtisme
en plaçant les enfants sur les sièges d'aisance à des intervalles
réguliers, et aussi à leur apprendre à se laver les mains et le visage.
(2) Cette urgence avait été reconnue par le Conseil de surveil-
lance puisqu'il avait voté le premier projet; clic l'était aussi par
l'Administration qui déclarait « qu'il aUalt là une situation
qui ne saurait être tolérée plus longtemps (p. xx), que le service
actuel devait être irrévocablement condamné et qu'il convenait
« sans PLUS tarder » d'y remédier (p. XXI). Ce qui n'empêche
pas que, quatre ans plus tard, et la situation ayant empiré, M. E.
Ferry conteste l'urgence des travaux 1
XXX RAPPORT DE f. E. FERRY.
chaque jour. En ce qui concerne les coxalgies et les scrofules,
l'inscription est tellement considérable quo certains malades
attendent leur tour d'admission pendant des mois entiers.
Il résulte de cet état de choses que certains enfants qui
auraient été parfaitement guérissables, s'ils avaient pu être
traités dès l'origine, ne sont admis que lorsque leur état s'est
tellement aggravé qu'il devient presque impossible de les
rendre à la santé. Et pourtant, si le nombre de lits était plus
considérable, ces malheureux enfants auraient pu être remis
sur pieds et par conséquent rendus à la société dans un état
à peu près normal.
Pourrait-il en être de même pour les idiots et épileptiques ?
Assurément non; l'augmentation du nombre do lits ne nous
rendra pas un citoyen français utilisable, à prendre parmi
eux.
Dans sa communication du 9 mars 1881, M. le Directeur do
l'Assistance publique vous a donné l'énumération des travaux
urgents à exécuter dans les divers établissements hospitaliers.
Il estime qu'une somme de 18,741,000 francs est nécessaire pour
les mener à bonne fin.
Une subvention de 6,000,000 de francs a été votée en 1881
pour commencer la série de ces travaux. L'emploi do cette
somme est actuellement bien déterminé ; la plupart des tra-
vaux sont en cours d'exécution.
Le Conseil municipal n'a pas encore statué sur cinq affaires
qui concernent les établissements de Necker, de Laônnec, de
la Maternité, de Bicêtre et de Sainle-Périne.
OPPOSITION AU NOUVEAU PROJET. XXXI
M. le Directeur a fourni, au mois d'août 1882, un nouvel
aperçu des grands travaux à exécuter dans les établissements
hospitaliers, pour la création de nouveaux services et la remise
en état des services existants. L'accomplissement de ce pro-
gramme nécessiterait l'emploi de ? 0,000,000 de francs, somme
qui viendrait se confondre avec celle de la première note de
1881.
Les 3,500,000 francs qu'il est nécessaire de se procurer pour
la création de l'hospitalisation des enfants idiots et épileptiques,
dont nous nous occupons , ne figurent pas dans cette longue
énumération de M. le Directeur, et cependant l'hospice de
Bicêtre, à lui seul, y représente l'emploi de 1,550,000 fr. et
80,000 fr. seulement ont été prélevés sur la subvention de
6,000,000.
Si vous voulez bien admettre que les filles idiotes et épilep-
tiques de la Salpêtrière sont aussi intéressantes que les garçons
atteints des mêmes maux, étant donné l'état de ce service a la
Salpêtrière, il n'y a aucune raison pour qu'une semblable
création ne soit faite à leur profit. ;La dépense à Bicêtre étant
de 3,500,000 fr. si vous attribuez pareille somme à la Salpê-
trière, pour le môme objet, il faudra trouver 7,000,000 de francs
en dehors des besoins de l'Assistance publique.
Avec une pareille somme on pourrait créer un hospice com-
plet, pour filles et garçons, à la campagne et rendre ainsi aux
deux établissements dont nous venons de parler, des locaux
qui seraient parfaitement utilisables. Nous soumettons cette
idée aux méditations de MM. les Membres duConseil Municipal,
avec la pensée que cette transplantation des jeunes idiots et
épileptiques à la campagne no pourrait qu'être très profitable
à ces malheureux enfants.
Sous le bénéfice de ces observations, votre Commission pense
que l'avis favorable au projet qui vous est soumis doit être
subordonné à cette réserve : que la construction des bâtiments
de Bicêtre, affectés à l'hospitalisation des idiots et épileptiques,
doit être considérée comme uno création spéciale, et ne pré-
judicier en rien à l'importance des allocations qui sont deman-
dées au Conseil Municipal par l'Assistance publique, pour
l'exécution des grands travaux dans les divers établissements
hospitaliers.
Quant au projet en lui-môme, il est parfaitement étudié, eu
égard à la déclivité du terrain sur doux sens. Le jardin ou
marais, dans lequel bon nombre d'aliénés sont occupés jour-
nellement, sera diminué d'importance par l'emprise néces-
saire à la construction des bâtiments à édifier. On peut se
demander si cette diminution de périmètre n'amoindrira pas
BOURNEVILLE 188 i....
XXXI ! RAPPORT DE M. E. FERRY.
outre mesure la possibilité de fournir du travail aux aliénés
tranquilles (1).
Ainsi que l'indique M. le Directeur dans son mémoire, on
commencerait par une première série de travaux s'élcvant à
1,380,000 fr.. auxquels il est bon d'ajouter environ 250,000 fr.
pour installation des appareils balnéaires et du service de pro-
preté (2) ainsi que du mobilier, soit 1,G30,000 fr. environ. Mais il
y a une difficulté suscitée par le génie militaire, à propos de
l'interprétation iL donner à l'article 2 du décret du 28 novem-
bre 1882, ainsi conçu :
Le génie militaire entend, par 0 ? 50 au-dessus du sol, la
hauteur prise sur le sol actuel ; d'où il résulte que, le terrain
ayant une déclivité d'environ 2 mètres do sud au nord, il fau-
drait, pour se conformer à la lettre du décret, construire des
bâtiments en pente, ce qui est inacceptable (3).
Il est donc nécessaire d'obtenir un nouveau décret autorisant
certains remblais qui puissent permettre des constructions
parfaitement horizontales. M. Gallois, architecte, pense que ce
décret sera facilement obtenu. En ce qui concerne la déclivité
de l'Est à l'Ouest, elle est à peu près de 15 mètres. On obviera
à cette déclivité par l'établissement d'escaliers ou do plans in-
elinés.En attendant l'obtention de co nouveau décret,sans lequel
toute l'économie du projet d'ensemble serait détruite, on com-
mencerait par édifier en dehors de la zono militaire :
RAPPORT DE M. E. FERRY. XXXUt
des allocations demandées par l'Assistance publique au Conseil
municipal, pour l'exécution des grands travaux indispensables
dans les établissements hospitaliers, notamment en ce qui
concerne les travaux des hôpitaux d'enfants que nous no cessons
de réclamer, nous vous proposons l'adoption du projet.
Si vous donnez votre approbation à cette conclusion, votre
Commission croit devoir insister pour que les travaux soient
poussés avec la plus grande vigueur. Elle constate qu'en
général les travaux entrepris dans les établissements s'accom-
plissent avec une lenteur désespérante, à laquelle il faut ajouter
la longue attente qui résulte de l'accomplissement des forma-
lités administratives préliminaires.
L'affaire qui nous occupe est introduite depuis près de cinq
ans. Jusqu'à présent le papier seul y a joué un rôle. Il est
donc indispensable d'en finir dans un sens ou dans l'autre.
Le dossier fut envoyé à la Préfecture de la Seine quel-
ques jours après l'approbation de l'étrange rapport de
M. E. Ferry par le Conseil de surveillance. Le préfet, qui
était alors M. Oustry, était fort embarrassé pour introduire
l'affaire au Conseil municipal, parce que l'Administration
de l'Assistance publique et le Conseil de surveillance
avaient eu le soin de ne pas indiquer sur quel crédit il était
possible de prélever la dépense nécessaire pour l'exécution
de la première partie des travaux. On espérait ainsi que le
projet serait enterré.
A force de persistance, nous sommes parvenus à dé-
montrer à M. le Préfet que, s'il introduisait le projet au
Conseil, il serait facile de trouver les ressources : 1° en
prélevant une partie sur la subvention extraordinaire de
trois millions que le Conseil avait donnée au mois de dé-
cembre à l'Assistance publique, et dont, avec ses lenteurs
habituelles, elle n'avait pas encore trouvé le moindreemploi,
bien que six mois fussent déjà écoulés et que le nombre
des voeux du Conseil signalant les travaux urgents fut
considérable ; 2° en obtenant du Conseil, sur les sommes
disponibles à la ville, le complément indispensable. M.
Oustry nous autorisa à nous mettre en rapport avec le
directeur des finances, M. Bertrand, et grâce à l'obligeance
de celui-ci, il fut convenu que l'on proposerait au Conseil
municipal de prélever 9G0.-281 fr. sur la subvention extra-
ordinaire de 3 millions ; et d'accorder le surplus, soit
XXXIV ENFANTS DITS INCURABLES.
600.000 fr. à titre de subvention municipale extraordinaire
à l'Assistance publique (1).
M. le Préfet accepta ces propositions et, nous laissant le
soin d'indiquer les voies et moyens, le 10 juin 1883, il
introduisit l'affaire au Conseil municipal et la 8e Commis-
sion nous en confia le rapport.
Rapport sur la création d'un quartier spécial pour les
enfants idiots et épileptiques. à l'hospice de Bicêtre ; par
BOURNEVILLE (2).
Messieurs,
Le projet do travaux, dont nous vous entretenons aujour-
d'hui, va réaliser, l'une des réformes réclamées par vous et
par le Conseil général de la Seine, depuis bien des années et
avec une persistance infatigable : c'est en démontrer l'urgence.
En raison de l'importance de cette affaire, des incidents aux-
quels elle a donné lieu, de la forme un peu étrange sous la-
quelle elle vous est soumise par l'Administration de l'Assistance
publique et par M. le Préfet, nous vous demandons la permis-
sion d'entrer dans quelques développements.
I. Il n'est aucun des membres de cette assemblée qui n'ait
été souvent sollicité pour faciliter le placement, clans un asile
hospitalier, d'enfants idiots, imbéciles, pervers, paralytiques,
etc., et qui n'ait regretté son impuissance, ne se [soit préoccupé
des moyens de remédier à une situation digne de pitié. C'est
ainsi que l'un de nos collègues, M. Jobbé-Duval, a été conduit
à déposer, le 9 mai 1876 (3), un voeu demandant la création
d'un hospice pour les enfants incurables pauvres. Et dans les
considérants qui précèdent sa proposition, il s'appuie entre
autres sur ce fait « que les enfants incurables, irresponsables de
la vie répugnante qui leur est imposée par leurs parents, sont
par cela même d'autant plus dignes de l'intérêt du corps
social. » Dix conseillers avaient joint leur signature à celle de
(1) La part que nous avons eue dans le don il l'Assistance pu-
blique d'une subvention de 6 millions en 1380, et de 3 millions en
décembre 1882, et enfin dans le don de cette nouvelle subvention
aurait du nous valoir un concours empressé de l'Administration
dans cette affaire. C'est tout le contraire qui est arrivé.
(2) Présenté au nom de la 8° Commission. La 8" Commission
{Assistance publique. - Mont-de-Piété) est composée dc MM. Ro-
binet, Président ; Fiaux, Secrétaire ; Bourneville, Cattiaux, Jof-
frin, le Dr Level, Loiseau.
(3) Procès-verbaux, p. 3K ?
SITUATION DES ENFANTS IDIOTS. XXXV
M. Jobbé-Duval. Le 20 décembre de la même année, sur le
rapport de notre regretté collègue Asseline, le Conseil adop-
tait ce voeu (I).
Mais, ni M. Jobbé-Duval dans sa proposition, ni M. Asseline
dans son rapport, ne précisaient ce qu'ils entendaient par en-
fants incurables ; tout ce qu'on peut supposer, d'après certai-
nes expressions qu'ils ont employées, c'est qu'ils visaient sur-
tout les enfants idiots. Il est probable, toutefois, que M. Jobbé-
Duval avait aussi en vue les paralytiques, les aveugles, car il
.avait visité l'Asile des Enfants-Infirmes, situé dans le quar-
tier qu'il représente. Nous vous avons fait connaître sommai-
rement dans un rapport récent (2), le fonctionnement de cet
asile, énuméré les diverses infirmités qu'il assiste et, adoptant
les conclusions de votre huitième Commission, tout en recon-
naissant les services rendus par cet établissement, vous avez
pensé qu'il n'y avait pas lieu de l'imiter, mais que, conformé-
ment à vos votes antérieurs, il fallait créer une organisation
spéciale pour chacune des principales catégories d'enfants, dits
incurables.
Aucun projet n'avait encore été introduit au Conseil muni-
cipal, bien que le voeu eût été renouvelé à la fin de l'année 1877,
lorsque, en février 1878, la 3" Commission du Conseil général
eut l'occasion de constater combien était misérable la situa-
tion des parties de section consacrées aux enfants idiots, épilep-
tiques, paralytiques, etc., dans les hospices do Bicêtre et de la
Salpêtrière ! Nos collègues insistèrent vivement pour que cette
situation fût expressément signalée dans le Rapport sur le
service des Aliénés. Voici en quels termes nous nous sommes
acquitté de cette mission :
Des services consacrés aux enfants idiots et épileptiques. -
La création de la Colonie de Vaucluse a réalisé un progrès sur ce
qui existait auparavant. Nous avons entretenu assez longuement
le Conseil de cette institution pour ne pas entrer actuellement
dans de nouveaux développements 13).
A la Salpêtrière, l'Administration de l'Assistance publique est
-en train de procéder à de nouveaux aménagements. Les enfants
vont être transportés de leur ancienne section dans une partie de
la section des adultes, devenue vacante par le passage des épilep-
tiques et hystériques réputées non aliénées, à la charge de l'Assis-
tance publique, dans la section de M. Trélat, délaissée par ordre
de l'Inspection générale. Nous estimons qu'il y aurait lieu de con-
(1) Procès-verbaux, p. 1325.
(2) Rapport sur l'asile des jeunes garçons infirmes et pauvres
de la rue Lecourbe, 1883, 110 115.
(3) Même rapport, p. 12.
XXXVI SITUATION DES ENFANTS IDIOTS.
server le vieux quartier des enfants, en n'y plaçant que les dégra-
dés, ies gâteux, etc., en un mot tous ceux, au nombre d'une
vingtaine, qui ne vont pas à l'école. Il serait possible d'augmenter
le nombre des lits dans une certaine proportion. En 1877, 95 enfants
étaient logés dans les bâtiments de ce quartier ; en conservant
40 lits, ce qui rendrait possible de porter la population totale à
120 ou 130 enfants, tout en rendant l'hygiène générale meilleure
qu'elle ne l'est aujourd'hui, on ferait une oeuvre d'une utilité in-
contestable.
Un mot sur l'orzanisation de la section des enfants. On v trouve :
SITUATION DES ENFANTS IDIOTS. XXXVII
est très vaste ; d'autre part, elle dominerait la vallée de la Bièvre et
laisserait voir toute la rive gauche de Paris.
Grâce à cette réforme, les salles occupées actuellement par les
enfants dans la section commune deviendraient vacantes, et, tout
en augmentant, s'il en est besoin, les lits d'adultes, on parviendrait
à avoir une section qui serait assurément loin d'être parfaite, mais
serait, en somme, dans des conditions satisfaisantes. On profiterait
de ces changements pour supprimer le dortoir situé sous les
combles et pour pourvoir le service de cellules, qui manquent
complètement et sont instamment réclamées depuis longtemps par
M. J. Falret.
Si ces propositions, que l'humanité nous dicte, étaient acceptées
il y aurait lieu de voir s'il ne conviendrait pas de confier la section
des adultes et celle des enfants à deux médecins. - La même re-
marque s'applique à la Salpêtrière.
60 enfants seulement - sur 130, - fréquentent l'école. La pro-
portion devrait être beaucoup plus considérable si le personnel
était plus nombreux. Voici la composition de celui-ci :
XXXVIII SITUATION DES ENFANTS IDIOTS.
visites que nous avons faites à deux Asiles'anglais : Earlswood et
Clapton, Nous, ne dirons rien du premier, entretenu luxueusement
par des souscriptions, afin de nous étendre davantage sur le
second fondé par' une taxe générale et dans lequel l'entretien des
enfants est à la charge de la paroisse à laquelle ils appartiennent.
2G0 enfants sur 310 (filles et garçons) fréquentent la classe ou les
ateliers. Le personnel se compose de 50 personnes dont 45 femmes.
Le médecin en chef a 10,000 francs ; il est logé. L'institutrice ou
mieux la surintendante de l'école a 2,000 francs (logée, chauffée,
nourrie, etc.); - 2 institutrices ont chacune 875 francs. 11 y a, en
outre, une élève institutrice et 4 infirmières occupées sans cesse à
la classe ; enfin 3 chefs d'ateliers (cordonnerie, menuiserie, cou-
ture). Les infirmières ont, à l'entrée. 375 fr. par an ; elles arrivent à
625 francs par augmentation annuelle de 25 francs. Le traitement
des trois infirmières en chef s'élève progressivement de 625 à
875 francs. - Les infirmières qui aident à l'école ont 2 livres de
plus que les autres ; au bout de 10 ans, elles ont 725 francs. En
plus de leur traitement, les infirmières reçoivent une gratification
de 2 livres par an.
Ce rapide aperçu montre la différence qui existe entre nos écoles
d'idiots de Bicêtre et de la Salpêtrière et celle : de Clapton. C'est
en France, pourtant, qu'a été sérieusement installé pour la première
fois l'enseignement des idiots ; c'est l'enseignement de Bicêtre et
de la Salpêtrière qui a été imité en Angleterre... et largement per-
fectionné. Aujourd'hui, nous devons faire des emprunts à nos
voisins.
Nous avons choisi Clapton Asylum pour terme de comparaison ;
nous aurions pu prendre, parmi les 12 Asiles consacrés aux idiots
qui existent dans la Grande-Bretagne, l'asile d'Earlswood, ins-
tallation splendide dont ne peuvent se faire une idée ceux qui ne
la connaissent pas (1) : il nous a semblé préférable de nous servir
du premier, destiné aux enfants pauvres des paroisses de Londres,
et par suite comparable à nos écoles de Bicêtre et de la Salpê-
trière.
Votre Commission vous propose d'inviter l'Administration à
prendre en sérieuse considération les améliorations et les créations
que nous venons d'énumérer et à voter une subvention de 2,000 fr.
pour Bicêtre et de 2,000 francs pour la Salpêtrière afin d'améliorer
la situation du personnel attaché aux enfants idiots et épileptiques
et afin d'augmenter ce personnel (2).
(1) Nous avons visité cet établissement en mai 1877 avec nos
collègues, MM. François Combes, Loiseau et Sigismond Lacroix.
(2) Ces améliorations devront contribuer à mettre fin à la si-
tuation regrettable dans laquelle sont aujourd'hui les idiots qui ont
plus de 15 ans : on les fait passer dans les sections d'adultes et peu
à peu ils perdent ce qu'on avait eu tant de peine à leur apprendre.
On compte, à la Salpêtrière, une douzaine de jeunes filles de 15 à
20 ans qui sont dans ce cas. - (Rapport sur le Service des Alité-
nés (Budget do 1878), fait à la séance du 16 février 1878, p. 25-28.)
SITUATION DES ENFANTS IDIOTS. XXXIX
Dix mois plus tard, dans une seconde visite, la 3° Commis-
sion trouvait les choses dans le même état à Bicêtre et consta-
tait quelques améliorations à la Salpêtrière, ainsi que le mon-
tre l'extrait suivant du rapport que nous avons fait le 26 no-
vembre 1878.
1° Bicêtre,. - Il reste encore beaucoup à faire, mais, parmi les
travaux d'une urgence extrême, nous mentionnerons la Conslouc-
lion d'un quartier spécial pour les enfants idiots et épilepti-
ques. A ce sujet, nous devons entrer dans quelques développements.
La classe et le dortoir des enfants qui vont à l'école sont en
assez bon état, mais beaucoup trop petits pour le nombre des enfants
qui y sont accumulés en violation de toutes les règles de l'hygiène.
Mais, ainsi que nous l'avons déjà dit dans notre Rapport sur le
Budget des aliénés pour 1878 (p. 26), l'infirmerie et le dortoir des
enfants les plus dégradés sont dans une situation absolument in-
descriptible. Eh bien, nous avons vu, cette année, une partie de cette
section qui, en raison de sa position écartée, nous avait échappé
l'an dernier et qui exige impérieusement que nous agissions sans
retard : c'est une salle servant de refuge, pendant le jour, aux
eufants idiots gâteux et, de plus, de parloir d'enfants les jours
de visite. C'est dans ce local qui mesure 6 m. 60 c. de longueur,
5 m. 50 c. de largeur et 3 mètres de hauteur, soit 109 mètres cubes,
et qui est situé sur un ancien puits abandonné dont l'orifice
est couvert d'un plancher, que se réunissent chaque jour CIN-
quante enfants, et c'est là que les parents de tous les enfants
viennent les voir (1) ! Tous les membres de votre 3° Commission,
présents à la visite, ont été péniblement impressionnés par ce
triste spectacle, et nous ont chargé de vous signaler énergique-
mont une situation aussi barbare.
Voilà pour les enfants. Ce n'est pas tout. Leurs salles et l'école
sont comprises, ce qui est mauvais, dans le même bâtiment que les
dortoirs, les réfectoires, etc., des adultes. Ceux-ci ne sont pas
mieux partagés ; et l'un de leurs dortoirs devrait être supprimé.
Ajoutons enfin que, malgré l'entassement des malades épileptiques,
il en est un certain nombre qui sont disséminés dans les deux
autres sections (2).
Pour remédier à un état de choses aussi affligeant, votre Com-
mission pense, comme l'an dernier, qu'il faudrait édifier une
section pour les enfants, sur le terrain libre, contigu aux gymnases
couvert et à plein champ. L'espace est tel qu'il serait possible d'y
mettre des dortoirs, des réfectoires, des salles de réunion et une
école pour deux cents enfants. La nouvelle section donnerait,
d'une part, sur le gymnase découvert qui est très vaste ; d'autre
(1) En un mot, c'est le parloir des familles des 125 enfants de
la section.
(2) Il y a 44 épileptiques dans la première section et 37 dans la
deuxième.
XL SITUATION DES ENFANTS IDIOTS.
part, elle dominerait la vallée de la Bièvre et laisserait voir toute
la rive gauche de Paris.
Grâce à cette réforme, les salles occupées actuellement par les
enfants, dans la section commune, deviendraient vacantes, et on
arriverait à ce résultat avantageux que, tout en diminuant le nombre
des lits dans les dortoirs actuels des adultes, il resterait des lits où
l'on pourrait transporter les quatre-vingt-un épileptiques qui se
trouvent dans la 1 re et dans la 2° section, lesquelles auraient des
lits rendus à l'usage des aliénés.
2° La Salpêtrière. La section des enfants était située, il y a
encore quelques semaines, tout à fait à l'extrémité sud-est de l'éta-
blissement, dans un terrain en contre-bas compris entre le chemin
de fer d'Orléans et la rue. Elle était formée de deux bâtiments :
l'un adossé au terrain surélevé, dit de Bellièvre, ne possédant qu'un
rez-de-chaussée, comprenait l'infirmerie, le refuge des gâteuses, le
réfectoire et l'école. Votre Commission estime qu'il est inutilisable
et invite l'Administration de l'Assistance publique à le démolir;
2° l'autre bâtiment se compose d'un rez-de-chaussée qui doit être
abandonné et de dortoirs placés au premier étage et au sujet
desquels nous allons vous faire dans quelques instants une propo-
sition. Cette section avait l'avantage d'être à côté du gymnase dé-
couvert et du gymnase fermé.
Le transport dans la 4° section, abandonnée à tort sur l'avis des
Inspecteurs généraux, des Epileptiques adultes, dites non alié-
nées, et admises, non plus comme les aliénées aux frais du Dépar-
tement, mais au compte de l'Assistance publique, a laissé libre
dans la 2° section trois dortoirs et leurs dépendances formant un
tout, isolé de la portion de la section réservée aux adultes. C'est là
que sont les enfants depuis le mois d'octobre. L'école est distincte
des dortoirs; elle est divisée en trois parties : la l'°pour la petite
classe; la 2° pour les enfants plus avancés; la 3a pour l'ouvroir.
Pour compléter ce service, il conviendrait : 1° de construire un
préau couvert en prolongement de l'ouvroir; 2° d'installer des la-
vabos dans les rotondes des dortoirs (1), et en particulier un lavabo
et des chaises percées spéciales pour les enfants dégradés ; 3° de
construire en face du bâtiment principal un bâtiment parallèle
pouvant recevoir une cinquantaine d'enfants. Les deux premières
propositions se justifient d'elles-mêmes. Quant à la dernière, elle
exige quelques explications. Tous les lits sont actuellement occu-
pés. Ils s'ensuit que des enfants, qui devraient profiter des avan-
tages offerts par l'école et le gymnase de la Salpêtrière, séjournent
à l'asile de Sainte-Anne, confondues au milieu des aliénées
adultes; de là, un premier motif en faveur d'un plus grand nombre
de lits d'enfants.
D'un autre côté, conformément au voeu exprimé par vous,
l'Administration demande votre autorisation pour admettre à la
Salpêtrière, moyennant pension, des jeunes idiotes étrangères au
(1) Ces améliorations ont été réalisées à la suite d'un rapport
fait par nous au Conseil municipal.
SITUATION DES ENFANTS IDIOTS. XLI
Département. Les raisons qui militent en faveur d'un vote favora-
ble doivent être reproduites.
1° Des familles, n'habitant Paris que depuis quelques années,
ayant des enfants arriérées ou idiotes, les font recevoir à la Sal-
pêtrière ; mais, en vertu de la loi, ces enfants, au bout de quelque
temps sont réclamées par leur département d'origine et les familles
sont dans la nécessité de reprendre leurs enfants qui végètent et se
dégradent de plus en plus chez oux, ou de les abandonner si elles
consentent au transfert.
2° Dans la plupart des Asiles de province, les enfants idiots et
épileptiques sont trop peu nombreux pour qu'il soit possible, à
moins de dépenses hors le proportion, d'organiser dans chacun
d'eux une école semblable à celles que nous possédons à la Salpê-
trière, à Vaucluse et à Bicêtre. Les départements devraient s'en-
tendre avec le département de la Seine pour placer, dans cette
section, leurs enfants idiots et épileptiques dont les parents de-
meurent à Paris (1).
C'est donc pour faire face aux besoins que nous venons d'énu-
mérer, que votre Commission vous prie d'inviter l'Administration
à créer un nouveau pavillon à la Salpêtrière. Mais l'étude des
plans, les délais de l'adjudication, la construction du bâtiment,
qui devra être aussi simple que les autres bâtiments de la section,
exigeront un temps assez long, quelque empressement que l'Admi-
nistration apporte à nous donner satisfaction. C'est pour cela que
nous croyons qu'il y aurait avantage à disposer des dortoirs
abandonnés dans l'ancien quartier pour y installer une vingtaine
de lits jusqu'à l'édification du nouveau pavillon. Cette mesure,
tout à.fait provisoire, n'offrirait aucun inconvénient, car il ne faut
pas oublier que les enfants, pendant le jour, seront ou à l'école
ou à l'ouvroir, ou au gymnase et que, durant la nuit, les vingt
enfants auront un cube d'air plus que suffisant, puisque, dans ces
mêmes dortoirs, il y avait, avant la nouvelle installation, une cin-
quantaine d'enfants ( ? ).
L'ancienne 4" Commission vous a demandé de renouveler le
voeu relatif aux enfants de Bicêtre et do la Salpêtrière, à la fin
de décembre 1878 (3), et le 25 janvier 1879(4). Ces votes réitérés
devaient appeler sérieusement l'attention de l'Administration.
M. Môring, qui avait remplacé M. de Nervaux, se préoccupa
de vous donner en partie satisfaction ; et, le 2 décembre 1879,
dans le Rapport sur le service des AlÙnés ])01(1' 1880, parlant
de Bicêtre, nous vous disions :
(1) la pour les autres, il faudrait, nous l'avons déjà dit plusieurs
fois, créer des asiles interdépartementaux, comme il y a, en
Angleterre, un asile pour les comtés de l'Ouest, etc.
(2) On voit que le Conseil général, et nous-même, avions
songé aux enfants de la Salpêtrière et qu'on avait déjà réalisé des
améliorations sérieuses. La sollicitude de M. Ferry pour elle est
un peu tardive.
(3) Rapport n'Il\), p. Si. (i) Rapport nO 3, p. 16.
XLII SITUATION DES ENFANTS IDIOTS.
« Conformément à votre voeu demandant la séparation du service
des enfants de celui des adultes, l'Administration a étudié et pré-
senté au Conseil de surveillance un projet qui vous sera prochai-
nement soumis et dans lequel, nous l'espérons, il sera tenu compte
des besoins actuels, avec une prévision des besoins futurs et dans
lequel on devra réserver des dortoirs au rez-de-chaussée pour les
enfants épileptiques et, s'il y a lieu, pour les enfants idiots para-
lytiques.
« Le jour où cette nouvelle section sera édifiée, vous pourrez
disposer en faveur des adultes de tous les locaux laissés libres
par les enfants : 1° Vous pourrez supprimer le dortoir lambrissé
du 4e étage ; - 2° transformer le dortoir du rez-de-chaussée du
pavillon sud en 8 cellules ; - 3° ajouter au chauffoir actuel, tout
à fait insuffisant et malsain, le dortoir du rez-de-chaussée compris
entre le chauffoir et le pavillon sud ; - 4° transformer en dortoir
la petite salle de réunion du 2e étage ; 5° transformer le réfec-
toire des enfants en salle do réunion.
Grâce à ces transformations, vous aurez au moins 200 lits
d'adultes au lieu de 140, ce qui permettra de placer dans ce ser-
vice spécial les épileptiques disséminés dans les autres sections de
Bicêtre ou dans les autres asiles.
Si nous sommes entré dans ces détails, c'est afin que vous
émettiez le voeu que l'Administration, dans les travaux qu'elle
exécutera, fasse les appropriations futures, en vue exclusive des
épileptiques adultes. »
Si nous annoncions d'une façon aussi formelle la prochaine
entrée du projet, c'est que notre excellent ami, M. Thulié,
président de la 3. Commission du Conseil général, avait profité
de la visite faite à Bicêtre par ladite Commission pour exami-
ner le dossier dont l'examen lui avait été confié par le Conseil
de surveillance.
Il provoqua, à ce propos, nos remarques. Plusieurs points
nous frappèrent immédiatement : 1° La section n'était prévue
que pour 120 enfants : or, il y en avait 125 ; on venait d'en
transférer 16 et le Conseil général avait réclamé une section
pour deux cents enfants, afin d'éviter les transferts; - 2° le
bâtiment se composait d'un rez-de-chaussée et de trois étages,
inconvénient grave, selon nous, à cause de la nature des
maladies dont ces enfants sont atteints : paralysies, épi-
lepsie, etc. ; - 3° les classes étaient placées au rez-de-chaussée,
au-dessous de l'infirmerie et du dortoir des gâteux.
Il s'agissait là, bien entendu, d'une étude rapide. Toutefois,
ces critiques frappèrent vivement M. Thulié et, d'un commun
accord, il fut convenu qu'il demanderait au Conseil de sur-
veillance : 1° La construction d'une école dans un bâtiment
spécial, entre le bâtiment principal et le gymnase ; 2° la
transformation du rez-de-chaussée (prévu pour école) en dor-
toir pour les idiots invalides, gâteux, ce qui donnerait cent
URGENCE D UNE RÉFORME RADICALE. XLIII
soixante lits, quarante de plus que ne le comportait le projet
de l'Administration.
M. Thulié fit part de ces observations au Conseil de sur-
veillance ( : 30 novembre 1879), qui jugea nécessaire la modifica-
tion du projet et le renvoya, dans ce but, à l'Administration.
Celle-ci soumit de nouveau le projet modifié au Conseil de
surveillance, qui l'adopta dans sa séance du 18 mars 1880.
Le 13 avril suivant, M. Ilerold introduisit l'affaire au Con-
seil municipal et la 4" Commission nous chargea du rapport.
Pour vous permettre d'apprécier ce projet, nous allons placer
sous vos yeux quelques extraits du mémoire de M. le préfet :
«Plusieurs membres du Conseil général de la Seine, dit-il, vi-
sitant l'asile des aliénés de l'hospice de Bicêtre, se sont émus de
la mauvaise organisation du service des enfants idiots et épilepti-
ques et de l'état de délabrement des bâtiments. Pour remédier à
cet état de choses, le Directeur de l'Assistance publique a fait
dresser un projet de construction d'un bâtiment spécial pour la
section des enfants idiots et épileptiques.
« Actuellement, le service des enfants idiots ne forme pas une
section à part ; il se trouve, pour ainsi dire, englobé dans la sec-
tion des épileptiques adultes ; les localités occupées par les en-
fants sont éparses ; les services généraux, tels que classes, réfec-
toires, offices, bains, lavabos, magasins, etc., sont mal répartis
pour les besoins du service ; l'éclairage est insuffisant dans la
classe et le réfectoire ; enfin, ces localités, mal aérées, sont humi-
des, froides et malsaines.
« Les dorloirs offrent des inconvénients encore plus grands ; "
des enfants, dont l'âge varie et dont l'affection diffère, ! I sont con-
fondus dans une promiscuité dangereuse qu'on ne saurait
tolérer PLUS longtemps. Une infirmerie spéciale manque éga-
lement. »
Ce passage prouve que, alors, c'est-à-dire au commencement
de 1880, l'Administration, de même que le Conseil général,
reconnaissait l'extrême urgence de la création d'une section
spéciale pour les enfants. Nous continuons la citation :
« Le personnel servant, attaché au service des enfants, est défec-
tueux. Ce sont généralement des serviteurs de second ordre qui
apportent tout leur bon vouloir à leurs fonctions, mais qui, par
nature, sont peu aptes aux soins multiples de propreté que récla-
ment les jeunes malades ; ils n'ont pas ce dévouement charitable
que les femmes possèdent à un si haut degré (1).
(1) On voit, dans le passage cité du Mémoire de M. le Préfet,
que l'Administration a reconnu les bons résultais de l'expérience
que nous avons instituée... un peu malgré elle. (Voir, plus haut,
p. xxi et : Boiiriieville et d'Olicr. - Compte rendu du service des
Enfants pour l'année 1880, p. 18).
XLIV CRITIQUE DU FREMIER PROJET.
« L'Administration a donc pour devoir deporter remède à un état
de choses qui compromet le bien-être de toute une population si
intéressante par ses souffrances, par ses misères et par son âge.
Il importe, enfin, de multiplier autour de ces enfants les moyens
d'instruction et d'éducation, afin d'éveiller et de développer leur
intelligence, tout en améliorant leur état physique...
« Le bâtiment qu'il s'agirait de construire contiendrait 160 lits
d'enfants de 4 à 17 ans, 16 lits d'infirmerie et 8 lits pour les cham-
bres d'isolement. Actuellement, la population n'est que de 125 en-
fants. L'exécution de ce projet permettrait donc d'augmenter de 35
le nombre des lits et de diminuer d'autant le chiffre des transferts
en province.
« Les 40 lits placés au rez-de-chaussée seraient destinés aux en-
fants infirmes, pour lesquels l'ascension d'un escalier constitue un
danger (1). Les 40 lits du troisième étage ne seraient utilisés qu'en
cas de complète occupation des étages inférieurs et au sur et à
mesure des besoins du service.
« Des cabinets d'aisance et des lavabos seraient installés à tous
les étages. En outre de ce bâtiment principal, le projet comprend
la construction, sur le même emplacement, à droite du gym-
nase actuel, d'un grand abri de 350 mètres superficiels où se-
raient installées quatre grandes classes ou préaux, avec pièces
accessoires, lavabos, latrines, etc. Cet abri serait rattaché au bâ-
timent principal par une galerie vitrée. »
La dépense prévue s'élevait à la somme de 717,179 francs.
Près de cinq mois s'étaient écoulés depuis le jour où M. Thulié
nous avait parlé de cette création, et durant ce temps, en
qualité de médecin du service, nous ne l'avions pas perdue de
vue. Ayant en main le projet, un examen complet était possi-
ble. Or, si ce projet avait l'avantage de séparer les enfants des
adultes, de concentrer une partie du service (2), il ne remé-
diait pas à l'éloignement et à l'insuffisance des ateliers ;
rien n'était prévu pour l'enseignement professionnel; l'amé-
nagement de quelques chambres d'isolement, au milieu des
dortoirs, ne donnait qu'une satisfaction très médiocre aux be-
soins du service, en cas d'épidémie de rougeole (3), de diphté-
rie, d'ophthalmie, etc. ; - cette installation de quelques
chambres ne pouvait permettre d'isoler les teigneux, les en-
fants syphilitiques, etc. De telles lacunes, dans une création
(1) C'est ce que l'auteur du projet primitif n'avait pas pris en
considération.
(2) Nous disons une partie, car il n'était pas question de ser-
vice balnéo-hydrothérapiquo, dans une section où les bains et les
douches doivent être largement employés.
(3) Il y a eu une épidémie de rougeole en janvier-février ! 1881 j
- une épidémie de diplithérie en décembre 1881 et janvier 1882 ;
une nouvelle épidémie de rougeole en mai 1883.
DESIDERATA. XLV
nouvelle qui aurait dû être conçue de manière, sinon à con-
stituer un progrès par rapport aux institutions analogues
existant déjà, tout au moins à les égaler, nous ont fait hésiter
à présenter rapidement, comme nous l'aurions voulu, un rap-
port au Conseil.
D'ailleurs, une étude attentive et journalière des besoins de
ces malheureux enfants nous démontrait les inconvénients
extrêmement sérieux qu'il y avait à accepter une construction
de trois étages. Pour des enfants hémiplégiques ou marchant
mal, la montée et la descente des escaliers les expose à des
chutes dangereuses. La même remarque s'applique aux enfants
épileptiques qui, dans leurs accès, souvent subits, peuvent
être précipités d'étages en étages et se faire des blessures ou
des fractures parfois mortelles.
Enfin, le nombre des lits qu'il était possible d'installer dans
la future section, cent soixante - soit quarante de moins que
ne le désiraient le Conseil général et le Conseil municipal -
nous paraissait beaucoup au-dessous des besoins, et nous
avions la conviction que, les constructions à peine terminées,
on se verrait dans la dure nécessité de recourir v la pratique
barbare des transferts. Ainsi, loin de prévoir dans une mesure
convenable les besoins de l'avenir, ce qui est indispensable
dans toute création de ce genre, on ne satisfaisait même pas
aux besoins du présent. Les sollicitations dont nous sommes
sans cesse l'objet, pour aider v l'admission d'enfants idiots,
épileptiques, etc., à Bicêtre; nos visites à l'Asile clinique
(Sainte-Anne) qui nous ont montré que, faute de place dans
les sections spéciales, les enfants y séjournent des semaines et
des mois, confondus avec les adultes, sans effets d'habille-
ment, sans aucun aménagement pour le traitement physique
et pédagogique ; la présence à la colonie de Vaucluse, con-
trairement aux règlements, d'enfants gâteux dont le Directeur
réclame le passage à Bicêtre ; les nombreuses demandes
non suivies d'effet que reçoit l'Administration de l'Assistance
publique nous convainquaient que le chiffre do deux cents lits
indiqué par vous serait lui-même insuffisant.
Toutes ces raisons, dont l'importance ne vous échappera
certainement pas, nous ont engagé à étudier sérieusement la
question. Nous nous sommes procuré des renseignements de
divers côtés et, grâce aux notices, aux lettres et aux plans que
nous avons reçus ; - grâce aussi aux notes journalières que
nous avons prises, nous sommes parvenu à tracer un pro-
gramme complet des conditions que, à notre avis, une section
pour les enfants idiots, épileptiques, etc., devait remplir. Cela
fait, nous avons demandé à M. le Directeur de l'Assistance pu-
XLVI EXAMEN DU NOUVEAU PROJET.
blique, en qualité de médecin de l'hospice de Bicêtre, de nous
mettre en rapport avec M. Imard, inspecteur de l'Assistance
publique, chargé de Bicêtre, MM. Gallois et Ventujol, le pre-
mier architecte, le secund directeur de Bicêtre, à l'effet de
leur soumettre ce programme, de le discuter avec eux et de
s'entendre afin de préparer un projet définitif.
Cette réunion a eu lieu à Bicêtre, le 8 juin 1882. Après exa-
men de nos plans et du terrain, ces Messieurs ont été unanimes
à reconnaître que le nouveau projet était préférable à l'ancien
et qu'il pouvait faire face non seulement aux besoins du pré-
sent, mais encore à ceux de l'avenir, durant une période assez
longue. Il repose sur ce principe : Faire des services géné-
raux (ateliers, écoles, réfectoires, etc.), suffisamment spacieux
pour qu'ils puissent suffire à une population de 400 enfants; les
construire de suite, ainsi que les dortoirs pour 200 enfants au
moins ; réserver l'espace pour la construction de nouveaux
pavillons au sur et à mesure des demandes (1).
Il fut décidé, en outre, que les ateliers feraient l'objet d'un
projet spécial qui serait soumis, à bref délai, au Conseil muni-
cipal, et que M. Imard rédigerait le programme à soumettre il
l'Administration, suivant les données que nous avions minu-
tieusement développées. M. le Directeur de l'Assistance pu-
blique adopta cette double proposition. M. Gallois prépara le
projet des ateliers, qui fut soumis au Conseil de surveillance,
dans sa séance du 3 août 1882. Le Conseil de surveillance
l'adopta après avoir, toutefois, pris connaissance du plan gé-
néral de la future section et en avoir accepté les dispositions
générales.
L'affaire fut introduite au Conseil municipal le 7 août 4sus2;
le rapport, dont la Commission nous avait chargé, fut fait le
9 août. M. Floquet, alors préfet de la Seine, voulut bien don-
ner les ordres pour que les formalités administratives fussent
rapidement remplies. L'adjudication eut lieu le 21 septembre.
L'arrêté préfectoral acceptant l'adjudication fut signé le 29 sep-
tembre, et les travaux ont commencé dans la seconde quinzaine
d'octobre. Dans cette affaire, l'Administration municipale a mis
toute la rapidité possible, au grand scandale de certains
fonctionnaires qui ont trouvé, paraît-il, que les formalités
administratives avaient été trop vite remplies. Vous estimerez,
comme nous, Messieurs, qu'il serait à désirer que la même
célérité fût apportée dans toutes les affaires.
II. Les plans et devis du nouveau projet furent terminés le
(1) Ces renseignements montrent que nous avons agi aussi régu-
lièrement que possible.
DESCRIPTION DU NOUVEAU PROJET. XLVI
-22 novembre dernier. La présentation au Conseil de surveillance
fut retardée par suite de ce fait qu'une partie du terrain était
comprise dans la zone militaire. Une fois cette difficulté apla-
nie, M. Quentin remit le dossier au Conseil de surveillance, qui
nomma une Commission de cinq membres pour l'examiner.
Nous allons donner une description aussi résumée que possible
du projet, puis nous ferons connaître les observations du Con-
seil de surveillance.
Disposition du terrain. Le terrain sur lequel doit être
construit le quartier pour les enfants idiots et épileptiques est
situé à l'angle S.-O. de l'hospice de Bicêtre. Il est en coteau,
domine, comme nous l'avons dit déjà, la vallée do la Bièvre et
la commune do Gentilly. La vue s'étend sur la plus grande
partie de la rive gauche de Paris. La pente est assez prononcée
-en deux sens.
Accès du quartier. - L'accès du quartier doit avoir lieu
par le préau de la petite école, qui longe le bâtiment dit :
« les colonnes de la 2e section. » A cet effet, on reconstruira
la grille, aujourd'hui en très mauvais état, qui clôt ce préau
du côté du S.-E., en y ménageant une porte à voiture et une
porte cavalière. On remaniera la chaussée en avant, de façon
à éviter le saut-de-loup actuel, et au milieu dudit préau, dans
toute sa longueur, on établira jusqu'à la grille, vers l'ouest,
une chaussée pavée.
Ce préau, planté de doux rangées d'arbres qui devront être
- conservés, est bordé à gauche : 1° par le petit pavillon, si
souvent cité (p. 5), où est aujourd'hui installée la gymnastique
Pichery, et que l'on utilisera, si cela est jugé nécessaire, pour
la loge du portier; 2° par des hangars clos, où l'on trouve
successivement : a) l'atelier de menuiserie des enfants ; - b)
le service de propreté et du traitement du gâtisme ; c) le
préau couvert des enfants gâteux, servant de parloir le jeudi-
et le dimanche pour les familles des 175 enfants. Ces hangars
pourront être affectés, sans grande dépense, au parloir de la
future section; seule, la partie correspondant] à l'atelier,
aura besoin de réparations ; le sol devra être transformé, etc.
La partie il la suite de ce préau, prise aux dépens du talus
qui entoure la Sûreté (laquelle est en contre-bas par rapport
au préau dont nous venons de parler et aux colonnes de la
2 section), et se raccordant avec la cour où est le grand gym-
nase, entre les ateliers des enfants et la 'le section, sera mise
en état, pavée en grès comme le milieu du préau du futur
parloir et close par une grille en fer sur bahut en pierres.
(Voir lo Plan, A.) La grille qui ferme actuellement cette extrémité té
F300RNEV1LLE IÔ$4. S 4 . "...
XLVIII DESCRIPTION DU NOUVEAU PROJET.
du préau devra être utilisée. Une porte charretière et une
porte cavalière latérale seront établies dans le mur actuel pour
donner accès dans la cour du gymnase et des ateliers. Lo
préau, la loge du portier, le parloir, la voie d'accès, etc.,
constituent, en quelque sorte, le vestibule de la section.
Nous pénétrons dans la première cour de la section, servant
de gymnase découvert, et nous trouvons à gauche le gymnase
couvert (Plan, 53), élevé en 1853; à droite, les ateliers qui
seront achevés dans quelques semaines (PI. 84, 87).
Le fond de cette cour est occupé aujourd'hui par un jardin
séparé de la cour par un treillage : c'est dans la portion S.-O.
de ce jardin que l'on édifiera les réfectoires. Des préaux cou-
verts rattacheront le gymnase, d'un côté, et les ateliers, de
l'autre, au premier groupe des bâtiments à construire et qu'il
importe de décrire.
Il se compose : 4 du bâtiment des réfectoires (PI., 85);
2° du bâtiment des classes (PI., 91, 96); - 3° d'un bâtiment
latéral gauche (c'est-à-dire du côté du fort) ; 4° d'un autre
bâtiment latéral droit du côté de Paris.
a) Les réfectoires seront au nombre de deux, l'un pour les
enfants épileptiques, imbéciles et idiots propres ; - l'autre
pour les enfants idiots valides (1), propres ou gâteux. Chacun
de ces réfectoires sera pourvu d'offices et de laveries, où l'on
devra utiliser les enfants, par séries, dans la mesure de leurs
aptitudes. Un lavabo sera installé à l'entrée du réfectoire
des enfants de la première catégorie, afin qu'ils puissent se
laver les mains n la sortie de l'école ou des ateliers, avant d'en-
trer au réfectoire.
Des galeries couvertes, pouvant servir de préau, relieront
le réfectoire d'une part aux ateliers, de l'autre au gymnase,
ce qui permettra de séparer les enfants de la première caté-
gorie en deux groupes, les plus âgés, les plus jeunes (2).
L'ensemble des constructions existantes (gymnase et ateliers)
et du bâtiment des réfectoires circonscrira une première cour,
cour du gymnase; à proximité de chaque réfectoire, il y aura
une salle de repos pour les enfants en accès.
b) L'école comprendra deux grandes divisions : la première
(1) L'expérience montrera s'il est nécessaire de séparer par des
cloisons à mi-hauteur chacun de ces réfectoires en deux parties.,
par exemple pour isoler les épileptiques des imbéciles.
(2) Il va de soi que dans cette catégorisation on devra tenir
compte de la nature de la maladie des enfants beaucoup plus en-
core que de l'âge.
DESCRIPTION DU NOUVEAU PROJET. XDX
pour .les enfants épileptiques, imbéciles, arriérés ;-la seconde
pour les idiots valides, gâteux ou non.
La première division comprendra 4 classes séparées par des
cloisons mobiles qui permettront le classement variable des
enfants par classes. A la grande école seront annexés une salle
pour le dépôt des objets ou instruments servant soit au pro-
fesseur de chant, soit au maître d'escrime et un musée sco-
où l'on déposera tous les objets servant ¡,l'enseignement,
et de la grande et de la petite école.
La petite école sera divisée en une série de classes pour les
leçons de choses, la lecture, les jeux destinés à exercer les
mains et les yeux, la gymnastique Pichery, si utile pour
apprendre aux enfants à se servir de leurs mains, à exécuter
une série de mouvements élémentaires, etc.
Entre la petite école et le réfectoire, sera installé le service
de propreté où l'on traitera le gâtisme et où l'on apprendra
aux enfants à se laver la figure et les mains ; - Entre la grande
école et le réfectoire des grands, se suivront le service des
bains et le service hydrothérapique.
Ces quatre services circonscrivent une cour où seront pla-
cés des cabinets d'aisances à l'anglaise, disposés de manière à
faciliter le plus possible la surveillance.
Le gymnase et les ateliers, d'une part, -les réfectoires, les
classes, les bains et le service de propreté, d'autre part, cons-
titueront l'ensemble des services de jour. Ils sont conçus de
telle sorte, qu'ils pourront faire face non seulement aux be-
soins de la population actuelle, embrassant : a) les enfants
présents à Bicêtre (175) ; b) ceux qui attendent au bureau
d'admission de l'asile clinique (Sainte-Anne), au nombre de
4 ? c) les 14 enfants que M. le Directeur de la colonie de Vau-
cluse voudrait envoyer à Bicêtre ; d) ceux qui ont fait une de-
mande à l'Assistance publique, - mais encore aux besoins
d'un avenir trop prochain, c'est-à-dire à environ 400 enfants.
Leur construction doit être faite en premier lieu.
Le service de nuit comprend les pavillons pour dortoirs.
Chaque pavillon se composera seulement d'un rez-de-chaussée
renfermant deux salles de 20 lits. Les lits, rangés à gauche et
à droite de la salle, seront séparés par autant de fenêtres ; les
trumeaux correspondant aux lits auront au moins un mètre, la
largeur des dortoirs ne sera pas moindre de sept mètres. Au
centre du pavillon, on réunira : les lavabos, sur le modèle ac-
tuel de l'ancienne section, avec armoire treillagée à claire-voie
et tiroirs pour les serviettes, les peignes et les brosses; les
L DESCRIPTION DU NOUVEAU PROJET.
cabinets d'aisances, avec deux sièges séparés et une chambre
de débarras (1). (Plan, 101, 101).
Le projet comporte la construction de 8 pavillons - destinés
aux enfants valides ; - mais aujourd'hui, il s'agit seulement
d'élever 2 de ces pavillons, les autres seront construits ulté-
rieurement, au sur et à mesure des demandes faites par l'Ad-
ministration.
Service des gâteux. Il Il contiendra 48 lits, en deux salles,
ayant au moins 8 mètres de largeur ; le plafond sera élevé ; le
cube d'air par chaque lit devra être de 50 à GO m. c. Chaque
lit sera séparé du voisin par une fenêtre. A chaque extrémité :
un service de propreté, semblable à celui des idiots gâteux
valides ; un cabinet d'aisances, avec siège pour les adultes ;
un vidoir ; - au centre : un cabinet pour la surveillante, un
cabinet pour le médecin, une pièce de débarras, une salle pour
le lever des enfants, un vestibule, ainsi que l'escalier condui-
sant au premier étage.
Ce pavillon aura un premier étage, destiné à servir de salles
de rechange. L'idée en a été donnée par M. l'inspecteur Imard;
si elle entraîne un surcroît de dépenses, il faut reconnaître que
son utilité est pleinement justifiée par l'infection que pro-
duisent ces enfants et qui exige des conditions d'hygiène beau-
coup plus coûteuses que pour des enfants sains d'esprit.
Afin de compléter ce qui précède, nous ajouterons qu'il y
aura : 1° un caveau pour le linge sale, avec porte extérieure,
aération parfaite ; - 2° une galerie au rez-do-chaussée et une
terrasse au premier étage, afin de pouvoir faire aisément sortir
les enfants, les exposer à l'air et à la chaleur et assainir les
salles (Plan, 103).
- Elle contiendra 24 lits en deux salles qui au-
ront 7 à 8 mètres de large ;2 chambres d'isolement pour les
enfants ; une office avec une baignoire, des lavabos, un cabi-
net pour le médecin, un pour la surveillante, une pièce de dé-
barras, deux cabinets d'aisances pour les enfants (avec urinoirs,
et vidoir) et un pour les adultes ;-une salle de convalescence
pour les enfants qui commencent à se lever et qu'on utilisera
également comme réfectoire : toutes ces pièces seront réunies
au centre du bâtiment où l'on trouvera aussi l'escalier donnant
accès au premier étage. Quant aux salles de cet étage - salles
(1) Pour les balais, plumeaux, etc.. peut-être serait-il possible
de réserver dans le mur une sorte d'armoire comme cela existe
par exemple à l'Asile cles jeunes garçons infirmes de la rue
Lecourbe.
DESCRIPTION DU NOUVEAU PROJET. LI
de rechange elles répéteront exactement celles du rez-do-
chaussée, - Le caveau au linge sale offrira une disposition
analogue à celui du pavillon des gâteux invalides (Plan, 105).
Pavillon d'isolement. - Il est destiné à recevoir les enfants
atteints de maladies contagieuses (syphilis, rougeole, variole,
scarlatine, teignes, ophtalmies, diphtéries, etc.). Il contiendra
III lits : 10 dans deux salles de 5 lits, 6 dans des chambres d'un
lit. Ces chambres seront fermées au moyen de cloisons vitrées
placées dans une grande salle. On entrera dans ces diverses
salles par des portes distinctes donnant directement au dehors.
Un abri de 2 mètres sera construit autour de ce pavillon pour
permettre de faire le service à couvert. Ce pavillon sera pourvu
d'une office avec baignoire mobile, de 2 lavabos, d'un cabinet
pour la surveillance, de cabinets d'aisances, etc., etc., à l'instar
du pavillon des gâteux et de l'infirmerie (Plan, 107).
Cellules. - La section sera complétée par un quartier de
cellules destiné aux enfants atteints d'accès de manie simple
ou épileptique ; - aux enfants qui se seront rendus coupables
d'actes graves d'insubordination, de vols, de coups, etc. Les
cellules devront être au nombre de douze, dont deux capiton-
nées. Dans leur construction, M. l'Architecte devra s'inspirer
des indications consignées dans le rapport fait par M. Maré-
chal, au nom d'une Commission spéciale nommée par M. le
Préfet. Toutes les mesures seront prises pour assurer la sur-
veillance la plus minutieuse. A ce quartier seront adjoints
nécessairement des cabinets d'aisances, une office, deux cham-
bres pour les infirmiers, etc. - Le quartier de cellules sera
placé non pas à côté de la Sûreté, mais dans le voisinage de
l'infirmerie, dont il est une véritable dépendance. En effet, à
côté des services de jour, qui constituent une véritable école
primaire et professionnelle, à côté des dortoirs qui forment
une sorte d'hospice, - le service des gâteux, l'infirmerie, le
pavillon d'isolement et le quartier cellulaire (Plan, 108)
composent un véritable hôpital.
Enfin, il y aura lieu de prévoir, pour l'avenir, la construc-
tion d'un atelier de photographie et de moulage, ainsi que d'un
musée pathologique. L'emplacement, qui paraît le plus con-
venable, serait l'espace compris entre le gymnase et la section
voisine.
Considérations générales. Les cabinets d'aisances, à
l'anglaise, seront disposés de telle façon que la surveillance
on soit facile; ils seront abondamment pourvus d'eau et auront
une annexe pour les balais, les seaux, etc. - Les fenêtres
seront toutes formées à clef et munies do stores. Elles auront
LII DESCRIPTION DU NOUVEAU PROJET.
des impostes pour permettre la ventilation et, de plus, un va-
sistas ouvrant à soufflet. Dans les bâtiments de l'infirmerie
et des gâteux, on prendra, dans les escaliers, les précautions
nécessaires pour éviter les chutes et les suicides. - Chaque
dortoir et chaque salle auront des chambres pour les infir-
miers ou les infirmières, de jour ou do nuit.
Le chauffage aura lieu au moyen de calorifères placés dans
des caveaux afin d'empêcher les enfants do toucher aux appa-
reils. Les cheminées do l'infirmerie et du bâtiment des gâteux
ont surtout pour but de favoriser la ventilation.
' L'éclairage sera au gaz dans toutes les localités. Il sera
abondant, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur. Dans les localités
où l'on couche, il sera pris des précautions analogues à celles
qui existent ou à l'IIdtel-Dieu, ou au pensionnat de l'asile de
Ville-Evrard.
Partout, sauf dans les logements du personnel, les angles
formés par la rencontre des murs et des plafonds seront rem-
placés par un arrondi. - Les mesures seront prises pour que
les pavillons soient convenablement espacés et suffisamment
élevés, au-dessus du sol.
Dans le pavillon des gâteux, à l'infirmerie, et dans le pa-
villon d'isolement l'architecte reproduira la disposition adoptée
à l'hôpital des Enfants-Malades dans les angles du pavillon
des diphthéritiques.
Toutes les eaux de ce quartier ne pouvant s'écouler au ré-
seau d'égoûts de l'hospice à cause du plan inférieur des nou-
veaux bâtiments par rapport aux anciens, elles devront être
dirigées sur Gentilly, et il y aura lieu de s'entendre avec la
commune pour la création sous la voie publique d'une canali-
sation se rattachant à celle qui existe dans ladite commune
sous la rue du Parroi.
Les constructions que nous venons d'énumérer (voir le
plan) permettront de donner asile à une population de plus
de 400 enfants.
DESCRIPTION DU NOUVEAU PROJET. LUI
111%- DESCRIPTION DU NOUVEAU PROJET.
joint un devis estimatif dressé par l'architecte, en vue de
l'exécution d'une première série do bâtiments et montant à
1,380,216 fr. 83 c. Ce devis comprend les bâtiments et travaux
suivants, savoir :
EXAMEN DES CRITIQUES DE M. E. FERRY. LV
III. Avant de conclure, nous devons vous indiquer quel-
ques-unes des remarques qui ont été faites au Conseil de
surveillance par M. E. Ferry, chargé, au nom d'une Commis-
sion spéciale, de présenter un rapport à ce Conseil.
Après avoir émis, sur les enfants idiots, imbéciles, arriérés,
épileptiques de la section do Bicêtre, des considérations géné-
rales qui témoignent d'une connaissance tout à fait superfi-
cielle de cette question, M. le rapporteur rappelle que le
Conseil de surveillance a reconnu l'urgence d'une création
nouvelle puisqu'il avait voté un projet de travaux en 1879 (1)
et il ajoute :
Votre Commission a constaté le mauvais agencement du service
actuel des idiots et épileptiques. Les dortoirs sont insuffisants ;
les lits y sont les uns sur les autres ; les escaliers sont d'un accès
assez difficile (2). L'infirmerie est, elle aussi, très étroite et basse
de plafond ; elle contient un très grand nombre de lits pour la
nature de ceux qui les occupent : presque tous ces enfants sont
gâteux ; un grand nombre d'entre eux sont des idiots qu'il est im-
possible de changer de place, tant ils sont impotents. On y respire
un air empesté, malgré l'ouverture de quelques vasistas. (A ce
propos nous estimons que la ventilation pourrait être pratiquée
d'une façon plus largo et que les fenêtres pourraient être entière-
ment ouvertes d'un seul cote, pendant une partie de la jour-
née) (3).
0 Le lavoir de propreté, qui se trouve placé sous un mauvais
hangar, est, lui aussi, insuffisant comme espace. Enfin, le service
est trop disjoint et nécessite des allées et venues continuelles. z
Le réfectoire est insuffisant. - La classe d'éludés est assez con-
venable. Le gymnase est aussi bien que possible.
« Nous ne parlons de l'atelier que pour mémoire, puisqu'un bâti-
ment s'édifie, en ce moment, pour remplacer le trou qui porte ce
nom et dans lequel six ou finit enfants ('1) travaillent sous la di-
rection d'un contre-mailre qui parait intelligent »
(1) Il aurait pu dire que ce projet n'avait pas été voté à la lé-
gère puisque ledit Conseil de surveillance avait modifié ce projet
et l'avait discute de nouveau au mois de mars 1880.
(2) Assez difficile pour les personnes valides mais très difficile
pour des enfants impotents.
(3) Si M. le Rapporteur avait daigné interroger les personnes du
service, il aurait appris que nous avons donné les ordres les plus
formels pour que les fenêtres soient ouvertes toute la journée,
tantôt d'un côté, tantôt de l'autre, suivant la direction du soleil.
(4) Quatorze enfants travaillent dans cet atelier de menuiserie
sous la direction d'un maître qui est très intelligent. Quinze en-
fants travaillent dans les ateliers de la maison (couture, cordon-
nerie, serrurerie, tonnellerie, etc.) ; enfin, d'autres sont employés
dans le service aux soins domestiques.
LVI EXAMEN DES CRITIQUES DE M. E. FERRY.
Puis, après avoir déclaré que « la proposition est opportune
en soi, » M. le Rapporteur se demande si elle « doit obtenir,
d'urgence, la préférence sur tous les travaux qui s'imposent
à l'Assistance publique, dans ses nombreux établissements. »
Il insiste sur l'insuffisance des hôpitaux d'enfants, sur la lon-
gue expectation des scrofuleux avant d'obtenir un lit, ce que
vous connaissez de longue date puisque, il y a longtemps, vous
avez insisté, sans*' succès, auprès de l'Administration pour
qu'elle se préoccupe de la construction d'un troisième hôpital
pour les enfants atteints de maladies aiguës et de la création
d'un nouvel hôpital maritime pour les scrofuleux.
M. le Rapporteur rappelle que l'emploi de la subvention de
6 millions, votée par le Conseil municipal, en 1880, est actuel-
lement bien déterminé; que la plupart des travaux sont en
cours d'exécution, et il ajoute qu'une nouvelle subvention mu-
nicipale de 3 millions figure au Budget de 1883; que M. le Di-
recteur a fourni au mois d'août un nouvel aperçu des grands z
travaux à exécuter dans les établissemeuts hospitaliers, pour
la création de nouveaux services et la remise en état des services
existants; que la dépense de la section des enfants de Bicêtre
ne figure pas dans cette longue énumération ; « que les filles
idiotes ou épileptiques delaSalpètrièresontaussi intéressantes
que les garçons atteints des mêmes maux, étant donné l'état
de ce service à la Salpêtrière, » et qu' « il n'y a aucune raison
pour qu'une semblable création ne soit faite à leur profit » (1).
Sous le bénéfice de ces observations, continue-t-il, votre
Commission pense que l'avis favorable au projet qui vous est
soumis (c'est au Conseil de surveillance qu'il s'adresse) doit
être subordonné à cette réserve :
« Que la construction des bâtiments de Bicêtre, affectés à l'hospi-
talisation des idiots et épileptiques, doit être considérée comme
une création spéciale, et ne préjudicier en rien à l'importance des
allocations qui sont demandées au Conseil municipal par l'Assis-
tance publique, pour l'exécution des grands travaux dans les di-
vers établissements hospitaliers.
« Quant au projet en lui-même, il est parfaitement étudié, eu égard
à la déclivité du terrain, sur deux sens. Le jardin ou marais, dans
lequel bon nomhre d'aliénés sont occupés journellement, sera di-
minué d'importance par l'emprise nécessaire à la construction des
bâtiments à édifier. On peut se demander si cette diminution de pé-
(1) M. le Président-Rapporteur du Conseil de surveillance pa-
rait ignorer absolument ce que le Conseil municipal et le Conseil
général ont réclamé - parallèlement à Bicêtre - pour la Salpè-
trière ; il ne connait pas non plus les améliorations que le Conseil
municipal a votées pour le service des enfants de la Salpêtrière
(Voir p. XL).
EXAMEN DES CRITIQUES DE M. E. FERRY. LVII
rimètre n'amoindrira pas outre mesure la possibilité de fournir du
travail aux aliénés tranquilles (1). »
M. le Rapporteur expose ensuite que le génie militaire a
suscité une difficulté, qu'un nouveau décret autorisant certains
remblais est nécessaire, que M. Gallois, architecte de Bicê-
tre, pense que ce décret sera facilement obtenu, et il conclut à
l'édification partielle du projet.
et Etant bien entendu, ajoute-t-il, que l'ensemble de ces travaux
deviendrait une charge spéciale, ne préjudiciant en rien à l'impor-
tance des allocations demandées par l'Assistance publique au Con-
seil municipal pour l'exécution des grands travaux indispensables
dans les établissements hospitaliers, notamment once qui concerne
les travaux des hôpitaux d'enfants que nous ne cessons de récla-
mer, nous vous proposons l'adoption du projet.
« Si vous donnez votre approbation à cette conclusion, votre
Commission croit devoir insister pour que les travaux soient
'poussés avec la plus grande vigueur. Elle constate qu'en géné-
ral les travaux entrepris dans les établissements s'accomplissent
avec une lenteur désespérante, à laquelle il faut ajouter la longue
attente qui résulte de l'accomplissement des formalités adminis-
tratives. L'affaire qui nous occupe est introduite depuis près de
cinq ans. Jusqu'à présent le papier seul y a joué un rôle. Il est
donc indispensable d'en finir dans un sens ou dans l'autre. »
La Commission, Messieurs, adjugé très utile de placer cette
analyse et ces citations sous nos yeux, afin que vous puissiez
apprécier parfaitement la situation. Nous nous bornerons à
faire remarquer que le Conseil de surveillance avait considéré
la création d'une section pour les enfants de Bicêtre comme
de première urgence, puisque à la fin de 1879, il adoptait un
projet de construction. Depuis lors, les besoins se sont accrus,
la situation a empiré, mais le Conseil de surveillance ne trouve
pas qu'il soit opportun de consacrer à l'exécution du nouveau
projet les 717.000 francs qu'il avait affectés au premier, ni de
prélever une partie de la somme sur les 3.000.000 de francs que
vous avez votés en déclarant qu'ils serviraient à la réalisation
des voeux les plus anciennement exprimés par vous, en tête
(1) Si un voile épais n'avait couvert les yeux de M. le Rappor-
teur du Conseil de surveillance, il aurait pu constater que l'em-
placement de la future section était occupé par le jardin particu-
lier du Directeur de l'hospice et par un champ de luzerne... où
naturellement les malades n'ont guère occasion de travailler. En
tous cas, cette remarque a lieu de surprendre dans la bouche d'un
homme qui a fait supprimer, contrairement au vote du Conseil mu-
nicipal, la vacherie de Bicêtre où l'on employait des malades (Voir
aussi : Bulletin municipal, 18S2, p. 1073).
LVIII ENFANTS INCURABLES.
desquels figure la création de la section de Bicctre. Pour-
quoi cette façon de procéder ? M. le Rapporteur au Conseil de
surveillance vous le dit : « Parce que l'importance et la forme.
de ce projet ont été profondément modifiées par le Conseil mu-
nicipal ». C'est un avertissement que vous donne M. le Prési-
dent du Conseil de surveillance et chaque fois que vous vous
permettrez de modifier un projet adopté par ledit Conseil, il
est probable qu'il procédera de même. Pour ses projets le Con-
seil de surveillance reconnaît l'urgence et trouve l'emploi des
crédits que vous avez votés en faveur de l'Assistance publique;
mais pour les projets du Conseil municipal il n'y a ni urgence
ni affectation possible (1). L'avis formulé par le Conseil de sur-
veillance est ainsi conçu :
Le Conseil,
.....................................
Emet un avis favorable a l'exécution immédiate des travaux
nécessaires pour la création, à Bicêtre, d'un quartier destiné aux
enfants idiots et épileptiques, sous la double réserve que la Con-
seil municipal voudra bien voter, en vue de ces travaux, des
fonds spéciaux, et que ce vote de fonds ne ]Jl'éjlldiciel'a en rien
aux travaux plus urgents encore qui sont indispensables pour
améliorer tous les services intéressant l'enfance, et notamment pour
l'installation des services d'isolement et pour la création d'un hos-
pice de petits incurables.
Une lettre de M. le Directeur nous apprend que « le chiffre
approximatif de la dépense pour la construction de services
destinés aux enfants incurables (garçons et filles) est évalué à
3.500.000 francs, » et qu' « on se propose de recevoir dans ces
services les enfants atteints de paralysie générale ou partielle,
de cécité, de rachitisme, de myélites, etc., de toutes ces affec-
tions, en un mot, pour lesquelles ils sont admis à l'asile de la
rue Lecourbe. »
Or, Messieurs, vous avez décidé, il y a quelques jours (2).
qu'il y avait lieu de créer un Institut municipal pour les
jeunes aveugles des deux sexes, âgés de moins de 12 ans; - z
vous avez décidé également qu'il y avait lieu de créer deux
écoles dispensaires municipales pour les enfants rachitiques
(1) Théorie bizarre : le Conseil municipal émet des voeux indi-
quant des réformes à réaliser, il vote des subventions en deman-
dant à l'Administration de les appliquer à la réalisation de ses
voeux. L'Administration et son Conseil de surveillance ne tiennent
aucun compte des voeux et des désirs du Conseil municipal.
(2) Séance du 8 juin (voir les Procès-verbaux, p. 997, et notre
Rapport sur l'asile de la rue Lecourbe, n° 44).
CONCLUSIONS DU RAPPORT. LIX £
et difformes (I); M. le Préfet tiendra certainement compte
de ces votes et vous soumettra des propositions : voilà donc
deux catégories des enfants visés qui seront convenablement
secourues et qui restreindront le projet d' « hospice de petits
incurables », en supposant qu'il soit reconnu nécessaire. Après
avoir reproduit l'avis du Conseil de surveillance, M. le Préfet
ajoute :
« J'estime que l'on pourrait n'exécuter, quant à présent, ce plan.
que partiellement, en ajournant les parties les moins urgentes et
subdiviser aussi les crédits à ouvrir de façon à les échelonner
sur plusieurs exercices, sans qu'il en résultât une obligation en-
vers l'Assistance publique, si la situation budgétaire était trop
obérée.
« La dépense, s'il faut la prélever sur de nouvelles prévisions
budgétaires, no pourrait, d'ailleurs, être couverte que par les
fonds de l'emprunt ou par un prélèvement total ou partiel sur
le reliquat de la subvention de trois millions accordée sur le
Budget de 1883. Le Conseil de surveillance propose, il est vrai,
une série de travaux qui absorberaient cette somme et au delà ;
mais lespl'ojets énumérés dans ce programme ne sont appuyé*
ni de plans ni de devis ot n'ont pas été soumis encore au Con-
seil municipal. »
Votre Commission, Messieurs, en face d'un projet dont l'ur-
gence est reconnue, que vous réclamez depuis le mois de
février 1878, mais pour lequel le Conseil de surveillance n'a
pas indiqué d'imputation de crédit, contrairement à la règle,
s'est demandé comment il pourrait être procédé a l'exécution
de la première série de travaux, la plus importante. en réalité.
Elle a trouvé dans le dernier passage du mémoire de M. le Pré-
fet une première indication. L'année est A moitié écoulée,
l'Administration de l'Assistance publique n'a pas encore
soumis au Conseil UN SEUL PROJET de travaux pour
l'emploi des trois millions que vous lui avez donnés au mois
de décembre ; en conséquence, votre Commission vous pro-
pose de prélever 960.261 fr. 91 c. sur cette subvention extraor-
dinaire.
Pour faire face aux dépenses de la première série de travaux,
il reste il trouver G00.000 francs. La Commission a consulté
M. le Préfet et M. le Directeur des Finances, et tous doux ont
reconnu qu'il était possible de prélever, à titre de nouvelle
subvention municipale extraordinaire à l'Assistance publique,
une somme de 600.000 francs, sur les excédents disponibles
de 1882.
En ce qui concerne l'ameublement des bâtiments qui seront
(1) Séance du 2G juin.
LX CONCLUSIONS DU RAPPORT.
construits avec ce premier crédit, une partie notable sera four-
nie par la section actuelle, une autre partie tels que bancs,
tables pour les réfectoires, mobilier scolaire pourra être faite
par l'atelier de menuiserie des enfants (1), et, quant au reste,
l'Administration pourra y pourvoir facilement à l'aide des
reliquats disponibles à la fin de l'exercice 1883.
Votre Commission vous demande encore : 1° D'insister au-
près de M. le Préfet pour qu'il fasse remplir avec promptitude
toutes les formalités, afin que les travaux puissent être com-
mencés à la fin du mois d'août, et 2° d'inviter M. le Directeur
de l'Assistance publique à prendre les mesures les plus éner-
giques pour que les travaux votés par le Conseil municipal
soient exécutés avec plus de rapidité.
Si, comme votre Commission l'espère, vous adoptez, Mes-
sieurs, le projet dans son ensemble et si vous votez les crédits
indispensables à l'exécution de la première partie, vous aurez
permis 1t l'Administration de l'Assistance publique de secourir
efficacement le contingent le plus nombreux de la population
enfantine désignée généralement, mais v tort, sous le nom
d'enfants incurables.
Paris, le 25 juin 1833.
Le Rapporteur,
BOURNEVILLE.
NOTE. - Nous devons rappeler au Conseil que la création
de la section des enfants rendra disponibles, dans l'ancienne
section, tous les locaux occupés aujourd'hui parles enfants, ce
qui donnera près de cents lits aux adultes (en plus de ceux
qu'ils occupent) et permettra d'améliorer sérieusement la sec-
tion des épileptiques adultes.
Le Conseil municipal approuva les conclusions de notre
rapport dans sa séance du 29 juin 1883. M. Oustry,
préfet de la Seine, et M. Vergniaud, secrétaire général, eu-
(1) L'Administration nous adonné le maitre de menuiserie à la
fin de septembre 1882 ; il a eu d'abord : six élèves ; il en a 14 com-
me nous l'avons dit ; 7 travaillent le matin, 7 le soir. Dès qu'il
pourra être installé dans les ateliers neufs, nous pensons pouvoir
lui donner quatre autres enfants ; mais bien que cette nouvelle or-
ganisation ne date que de huit mois, elle a produit d'excellents
résultats. Nous avons fait évaluer aussi exactement que possible
- ce qui n'avait pas lieu auparavant - le travail des élèves me-
nuisiers par M. Bussy, inspecteur-architecte ; voici les chiffres
qu'il nous a donnés : lie trimestre de 1882, 38S francs ; 1883 :
janvier, 2G8 francs ; février, 218 francs ; mars, 295 francs ; avril,
340 francs ; mai, 336 francs. Total du 1er octobre au 31 mai :
1,815 francs.
COMMENCEMENT DES TRAVAUX. LXI
rent l'obligeance, conformément aux désirs du Conseil
municipal, de presser toutes les formalités administrati-
ves et l'adjudication fut faite le 18 août. Le 27 septembre,
les terrassiers commençaient les tranchées pour les fonda-
tions du premier bâtiment, celui des réfectoires. (Voir le
n° 85 du Plan.)
Quelques semaines plus tard, M. Gallois dut les faire
suspendre craignant que le terrain, situé au-dessus d'an-
ciennes carrières, n'offrit pas assez de résistance, et ré-
clama un examen de ces carrières par le service cles mu.
nes. M. Alphand fit procéder avec rapidité à cet examen
et, le 12 novembre, nous recevions copie d'un rapport de
M. l'ingénieur des mines Rigaud, rapport dont nous ex-
trayons le passage suivant :
« Les travaux de reconnaissance et de consolidation à exé-
cuter à l'hospice de Bicôtre sont en cours d'exécution et pour-
suivis avec activité. D'après la connaissance générale acquise,
dès à présent, on peut sans inconvénients commencer les tra-
vaux extérieurs des bâtiments du réfectoire, les consolidations
sous ce bâtiment devant être terminées dans une quinzaine de
jours. D'une façon générale, on peut entreprendre immédiate-
ment tous les travaux de la surface, sauf ceux du bâtiment
élevé d'un étage (voir n° 104 du Plan) situé en partie sur deux
carrières superposées et dont l'exécution anticipée pourrait
occasionner des travaux en sous-oeuvre qu'il conviendrait
d'éviter autant que possible (1). » .
Rassuré par ces déclarations, M. Gallois donna l'ordre
de reprendre les travaux à la fin de décembre. Grâce à un
hiver très doux, ils purent être poursuivis sans arrêt sérieux
et quelques-uns des bâtiments étaient arrivés, au mois de
mars 1884. à un degré d'avancement suffisant pour qu'on
fût assuré de mener la première série des travaux à bonne
fin sans avoir besoin de nouveaux crédits. Nous appuyant
sur ce fait après entente avec M. Imard, inspecteur de Bi-
cétre, et M. Gallois, architecte, nous avons pensé qu'il y
avait lieu de demander à l'Administration d'employer à la
continuation de l'oeuvre les bénéfices de l'adjudication qui
s'élevaient à la somme de 428,000 fr.
(t) La dépense des travaux de consolidation s'est élevée à
45'853fr.
LI1 CONSTRUCTION DE NOUVEAUX PAVILLONS.
Un autre motif nous y engageait : c'était l'encombre-
ment de plus en plus considérable des salles de la vieille
section et du Bureau d'admission de l'Asile clinique(Sainte-
Anne), qui nous démontrait, dès lors, l'insuffisance immé-
diate des bâtiments en cours d'exécution. En conséquence,
le 24 mars, nous avons adressé à lI. Ch. Quentin une lettre e
dans laquelle nous le priions d'appliquer les bénéfices de
l'adjudication à la construction de deux nouveaux pavil-
lons à usage de dortoirs (40 lits chacun), et, s'il y avait
lieu, du quartier des cellules ou du pavillon d'isolement
pour les maladies contagieuses.
Le 9 avril, M. Quentin nous répondit que le boni n'était
pas, ainsi que nous le pensions, entièrement disponible.
« Il est tout d'abord destiné, écrivait-il, à faire face aux
dépenses que nécessitera l'ameublement des nouveaux
bâtiments ; il peut aussi être appelé à suppléer à l'insuffi-
sance de la réserve pour imprévus de l'opération, réserve
assez fortement entamée déjà du fait des travaux de conso-
lidation des carrières qui ne paraissent pas toucher à leur
terme. »
Cette réponse, qu'on faisait signer à M. Ch. Quentin,
reposait sur une série d'erreurs : 1° Le Conseil municipal,
en votant une somme de 1 ,560,261 fr., avait nettement spé-
cifié que les dépenses d'ameublement seraient prélevés sur
les reliquats disponibles des subventions municipales an-
térieures transportées au budget de 1883; 2° les dépen-
ses occasionnées par les travaux de consolidation des car-
rières, à la date d'avril, étaient de 26,000 fr. alors que la ré-
serve pour imprévus était de 136,087 fr. Ces faits sont évi-
dents. Il résulte de là que M. Ch. Quentin avait été trompé.
Les événements ultérieurs vont en fournir la preuve, et lui-
même écrira que ce qu'il déclarait inexécutable l'était au
contraire facilement. Nous devons ajouter qu'il ignorait
alors complètement quelle était la dépense qu'entraînerait
l'ameublement, et que notre lettre eut au moins l'avantage
de lui faire donner l'ordre de préparer les devis de l'a-
meublement (9 avril 1884) (1).
(1) Le 31 décembre 188 ! 1, les devis de l'ameublemcnt, envoyés
par l'économe le 10 juin, dormaient encore dans les cartons de
l'Administration.
DIFFICULTÉS ADMINISTRATIVES. LXIII
En présence de ce mauvais vouloir de l'Administration,
nous avons dû recourir à l'Administration préfectorale,
qui, elle, était beaucoup mieux au courant de la situation
du service des enfants tant à Bicétre qu'à l'Asile clinique.
En effet, M. Roux, sous-directeur des affaires départemen-
tales, M. Bahut, chef de division du service des aliénés, et
M. Leclèrel chef de bureau, avaient visité à différentes re-
prises l'ancienne section et constaté la marche des travaux
de la nouvelle. Aidé par eux, nous avons obtenu le con-
cours bienveillant de M. Poubelle, préfet de la Seine, qui
invita l'Administration de l'Assistance publique à employer
les bonis de l'adjudication à la continuation des travaux.
Les atermoiements de l'Assistance publique durent pren-
dre fin après la visite faite à Bicêtre, le 3 juillet 1884, par
M. le Préfet et par la Commission de surveillance des
asiles d'aliénés. L'Administration de l'Assistance publique
se décida à inviter l'architecte à préparer les devis (1).
L'architecte s'empressa d'obéir, et en quelques jours dé-
posa son travail; mais l'Administration de l'Assistance pu-
blique s'y était prise de telle façon, que l'affaire ne put être
présentée assez tôt au Conseil de surveillance pour être
examinée parluiet envoyée au Conseil municipal, avant les
vacances du mois d'août. Ce ne fut donc que le 21 octobre
que l'affaire fut soumise au Conseil de surveillance. Dans
son mémoire à ce Conseil, après avoir résumé l'état des tra-
vaux, M. Quentin continue en ces termes :
« Les adjudications qui ont eu lieu pour l'exécution des
travaux ont produit, en effet, un boni de 428,339 fr. 54 sur la
somme de 1,560,261 fr. 91 montant total du devis. Il suffirait
donc que l'administration fût autorisée à disposer d'une partie
de ce boni des rabais. J'ai, en conséquence, fait préparer par
l'architecte un devis pour la construction, à l'emplacement
indiqué, de deux nouveaux dortoirs de quarante lits, avec
quatre galeries qui les relieraient aux bâtiments déjà existants,
ainsi que pour la remise en état du sol entre les nouveaux
bâtiments et les travaux de canalisation de toute espèce à tra-
vers les cours d'isolement. Ce devis s'élève, avant rabais, à
la somme de 338,785 fr. 62, savoir :
(1) Procès-verbaux de la Commission de surveillance des
asiles de la Seine, 1884, p. 109, 123, etc.
DOURNEVILLE 1886. H
LXIV EXÉCUTION DES TRAVAUX.
ENCOMBREMENT DU BUREAU D ! ADMISSION. LXV
IV.
ENCOMBREMENT DU BUREAU D'ADMISSION DE L'ASILE
CLINIQUE (SAINTE-ANNE). - ESSAI D'ASSISTANCE 1
DOMtClLE. - INSTALLATIONS PROVISOIRES DANS LA
NOUVELLE SECTION.
Le département de la Seine ne disposant pas de places
suffisantes à la Salpêtrière pour les filles idiotes, épilep-
tiques, etc., à Bicêtre et à la colonie de Vaucluse pour les
garçons, il en résulte un encombrement inévitable du Bu-
reau d'admission où les enfants ne devraient que passer
pour être enregistrés. De temps en temps, afin de le déga-
ger, on accepte des malades en supplément à Bicêtre et à la
Salpêtrière. Lorsque l'encombrement est arrivé un certain
degré, les hospices refusent les malades ; mais le Bureau
d'admission ne peut agir de même ; il est obligé de rece-
voir les enfants et, après avoir installé des lits supplémen-
taires dans les dortoirs au point de ne laisser aucun inter-
valle entre les lits, il a fallu en installer chaque soir dans
les couloirs. De là une gêne énorme dans le fonctionne-
ment du service, une promiscuité fâcheuse pour les en-
fants, une situation intolérable au point de vue de l'hygiène.
Nous avons tiré de cet état de choses, un argument
puissant en faveur de la campagne que nous avons entre-
prise en 1878 et poursuivie jusqu'à ce jour, en faveur d'une
réforme complète dans l'assistance des enfants idiots des
deux sexes, et notamment pour l'agrandissement de la
section de la Salpêtrière et la création d'une section spé-
ciale à Bicêtre (1).
(1) Voir nos Rapports au Conseil général sur le service des
aliénés et P¡'ocès-ve¡'baux de la Commission chargée d'étudier
la réorganisation de la colonie d'enfants idiots à l'asile de
Vaucluse.
LXVI ASSISTANCE A DOMICILE.
Les embarras occasionnés par cet encombrement à
l'administration départementale, l'ont amenée à s'intéres-
ser vivement à la prompte exécution des travaux de notre
section et à nous aider efficacement à vaincre le mauvais
vouloir persistant du chef-lieu de l'Assistance publique.
Et, dans le courant de l'année, elle signala à l'Administra-
tion de l'Assistance publique la nécessité, tout en pressant
l'ensemble des travaux, d'achever rapidement le premier
des bâtiments, celui des réfectoires, afin d'y installer pro-
visoirement 40 lits pour dégager le Bureau d'admission.
Toutefois, l'encombrement marchant plus vite que les tra-
vaux, l'Administration départementale fut amenée à faire
un essai d'assistance à domicile. Elle rendit un certain
nombre d'enfants à leurs familles en accordant à celles-ci
un secours quotidien variant de 1 fr. 50 à 2 francs, suivant
les cas (1).
Cette mesure, bien entendu, ne peut et ne doit être que
temporaire. Voici pourquoi : L'assistance à domicile,
suivant nous, a le pas sur tout autre mode d'assistance,
chaque fois que l'assisté jouit de ses facultés intellec-
tuelles, est capable encore de rendre quelques services à
sa famille, ou est atteint d'une maladie ou d'une infirmité
qui, par sa nature, n'exige pas des soins continus, une sur-
veillance rigoureuse, en un mot, tant que l'assisté n'immo-
bilise pas un des membres actifs de la famille. Or, tel
n'est pas le cas des enfants idiots, imbéciles, épileptiques,
hystériques, paralytiques, etc. Pour eux, l'assistance à
domicile, sauf dans des circonstances tout à fait exception-
nelles, est mauvaise, car le spectacle de ces enfants et de
leurs crises, les impulsions auxquelles ils sont sujets, ont
de nombreux et graves inconvénients pour leurs frères et
soeurs ; parce qu'ils sont une source permanente de dis-
cussions, une cause continuelle d'émotions ; parce qu'ils
ne peuvent recevoir dans la famille pauvre ou peu aisée,
les soins et l'instruction nécessaires ; enfin, parce qu'ils
immobilisent l'un des membres de la famille et augmen-
tent sa misère. La société adonc le devoir de les assister dans
des asiles spéciaux et de mettre en oeuvre tous les moyens
(1) Procès-verbaux de la Commission de surveillance des
asiles, janv. 1884, p. 14.
URGENCE DES TRAVAUX. LXVII
dont dispose la science pour les .améliorer. Laisser ces
malades séjourner dans leurs familles, c'est en faire des in-
curables qui tomberont à la charge de l'Assistance à une
époque où il sera impossible de les améliorer, de les placer
dans une situation qui leur permette d'atténuer, dans une
certaine mesure, les sacrifices qu'on s'impose pour eux.
L'Administration départementale comprenait parfaite-
ment que cette mesure ne constituait qu'un palliatif et,
encouragée par la Commission de surveillance des asiles
de la Seine, multipliait ses invitations à l'Administration
de l'Assistance publique de mettre le plus vite possible à
sa disposition des lits dans l'un des bâtiments de la nou-
velle section (lettres du 30 avril, du 5 mai et du 5 juin
1884).
L'exposé suivant montrera une fois de plus les résis-
tances de cette administration aux désirs de l'Administra-
tion départementale. Voici d'abord un extrait du Procès-
verbal de la séance du 10 juin 1884, de la Commission de
surveillance des asiles (p. 62).
« M. le Dr BOURNEVILLE rappelle qu'en raison de l'encombre-
ment qui existe dans les quartiers d'enfants idiots, tant à
Bicêtro qu'au bureau d'admission de l'Asile Sainte-Anne, la
Commission de surveillance à émis le voeu, dans sa séance du
6 avril dernier, que l'Administration intervint auprès de M. le
Directeur de l'Assistance publique, pour l'engager à appro-
prier l'un des bâtiments de la nouvelle section d'enfants à
Bicêtre, où il n'y avait plus alors que les carreaux à poser et
des lits à y placer. Actuellement le gros oeuvre de plusieurs
autres bâtiments est terminé. L'architecte de Bicêtre, que M.
Bourneville avuàce sujet,lui a répondu qu'il n'avait pas encore
reçu d'instructions pour le complet aménagement de ces
bâtiments. M. Bourneville ajoute qu'en attendant ces instruc-
tions il a fait confectionner , par les ateliers d'enfants de
Bicêtre, un certain nombre de lits de sangle, des tables sco-
laires, etc. Il demande ce qui arrête ces travaux dont l'exécution
est d'une extrême urgence, ainsi que l'ont reconnu le Conseil
municipal et le Conseil général en les votant. Le voeu de la
Commission de surveillance est non moins urgent, puisqu'il per-
mettrait de désencombrer le bureau d'admission, en envoyant
les enfants à Bicêtro, au lieu de les laisser sans traitement à
Sainte-Anne. Il y a là une question d'humanité.
« M. le Secrétaire général DE la Préfecture répond que
le voeu de la Commission a été aussitôt transmis dans les
LXVIII INSTALLATIONS PROVISOIRES.
termes les plus pressants à M. le Directeur de l'Assistance
publique.
« Ce fonctionnaire a répondu, le 19 mai dernier, que son admi-
nistration peut activer la terminaison des travaux et aménager
dès à présent le premier corps des bâtiments, mais qu'en de-
hors de la question d'organisation matérielle il existe certaines
considérations financières sur lesquelles il croit utile d'appeler
toute l'attention de M. le Préfet. Il expose qu'aucun crédit n'a a
été prévu en 1884, pour l'entretien de nouveaux enfants; or,
en fixant au 1er juillet prochain l'ouverture partielle de la nou-
velle section et en calculant le prix de journée, 11 2 fr. 55, prix
de revient selon lui, les cinquante lits occasionneraient pour
le 2" semestre de 1884, une dépense de 28.460 fr., à laquelle
viendraient s'ajouter les frais du personnel supplémentaire
nécessité par le fonctionnement du nouveau service.
« Le Directeur ajoute que l'Assistance publique ne parvient 11
équilibrer son budget qu'avec les plus grandes difficultés, et
que les crédits ne présentent jamais de reliquats disponibles
permettant de faire face à des dépenses imprévues. Il conclut
que, dans ces conditions, il lui serait complètement impossible
de supporter les frais résultant du séjour il Bicêtre des cin-
quante nouveaux enfants dont l'hospitalisation immédiate est
demandée.
« M. le Préfet a répondu, le 5 juin présent mois,que, a quel que
soit le désir de l'Administration préfectorale de remédier à
l'encombrement du bureau d'admission de Sainte-Anne ainsi
que du quartier actuel de Bicêtre, et de couper court à toute
difficulté en permettant de compenser l'excédent de dépense
par une augmentation égale de recette, il ne saurait, en l'absence
d'un vote du Conseil général, trancher la question d'augmen-
tation du prix de journée ». « En attendant, ajoute-t-il, j'ai la
confiance que l'intérêt des malades passera pour vous comme
pour moi, avant toute autre considération, et que vous voudrez
bien donner des ordres pour l'aménagement immédiat du nou-
veau bâtiment sur le point d'être terminé, dans le service de
Lle DBourneville». 1\Lle Directeur de l'Assistance publiqua n'a
pas encore répondu il cette lettre, très récente du reste (5 juin).
« M. le Secrétaire général donne l'assurance que, tout en
tenant compte de la part de responsabilité que la loi de 1849
fait peser sur M. le Directeur de l'Assistance publique, l'admi-
nistration préfectorale usera de tout son pouvoir pour que le
voeu si légitime de la Commission reçoive une prompte satis-
faction.
«M. le Dr Bourneville prend acte de la promesse de M. le
Secrétaire général et il pense avec lui que l'intérêt des malades
doit primer les considérations d'ordre financier. »
RÉSISTANCES DE L'ASSISTANCE PUBLIQUE. LXIX
Le 17 juin, l'Administration de l'Assistance publique,
comprenant la leçon que M. le Préfet venait de lui donner,
en lui rappelant que l'intérêt des malades l'emporte sur
toute autre considération, envoyait à la Préfecture la
lettre suivante :
« Par dépêche du 5 juin, M. le Préfet de laSeinem'a exprimé
le désir que l'Administration aménageât immédiatement le
bâtiment sur le point d'être terminé de la nouvelle section
d'enfants idiots il Bicêtre. J'ai l'honneur de faire savoir à
lI, le Préfet que j'ai demandé, il y aulr MOIS DÉJA, au clirec-
de Bicêtre, de faire dresser un devis pour l'aménage-
ment intérieur du corps de bâtiment dont il s'agit ; je lui
adresse, AUJOURD'HUI même, une lettre de rappel, pour l'in-
viter à me transmettre ces devis sans aucun retard. »
On aurait pu espérer, après des promesses aussi formel-
les, qu'il allait être rapidement donné satisfaction aux
désirs de M. le Préfet. Eh bien, chose incroyable, ces
promesses n'ont été suivies d'aucun effet. Seize jours
après, le 3 juillet, M. le Préfet venait, avec la Commission
de surveillance des asiles, visiter la nouvelle section et
se rendre compte par lui-même de la suite donnée à ses
demandes. Se trouvant dans le bâtiment des réfectoires, il
s'est informé si c'était là le bâtiment où son Administra-
tion avait réclamé l'installation provisoire d'une cinquan-
taine de lits, afin de débarrasser le Bureau d'admission.
Cette question a donné lieu à l'incident suivant que nous
reproduisons, d'après le Procès verbal de la séance du
3 juillet de la Commission de surveillance (p. 109) :
« M. le Dr Bourneville répond affirmativement, et, au su-
jet des mesures prises, il demande, devant M. le Préfet, M.
Roux, M. Leclère et quelques membres de la Commission, à
M. le Directeur et à M. l'Econome de Bicêtre, s'ils ont reçu des
ordres, il y a un mois, de s'occuper du devis nécessité pour
l'installation de 50 lits provisoires et si, il y a une huitaine de
jours, l'Administration de l'Assistance publique les a invités
de nouveau à s'occuper sans délai de cette installation.
« 1\1. le Directeur et M. I'Econome de Bicêtre ont répondu
qu'ILS n'avaient reçu aucun ordre pour l'installation DE
LITS DANS LE BATIMENT DES RÉFECTOIRES, ni il J a lL7z mois,
ni il Il a huit jours. >
LXX RÉSISTANCES DE L'ASSISTANCE PUBLIQUE.
Le 16 juillet, M. Roux, sous-directeur des affaires dé-
partementales, soumettait à M. le Préfet une nouvelle
lettre au Directeur de l'Assistance publique, se plaignant
de ce que les engagements pris n'avaient pas été tenus et
réclamant de nouveau l'installation des lits. M. le Préfet
fut d'avis que, avant de l'expédier, M. Roux s'assurât de la
situation. Dans ce hut, le lendemain (17 juillet) il se ren-
dit à Bicêtre, constata que rien n'avait été fait ; puis il se
rendit auprès de M. le Directeur de l'hospice et lui de-
manda s'il avait enfin reçu l'ordre de procéder à l'installa-
tion des lits. M. le Directeur de l'hospice, à son grand
regret, fut obligé de déclarer qu'il n'avait pas reçu d'ordre.
M. le Préfet n'avait plus de raison de retarder l'envoi de
sa lettre impérative. Elle atteignit le but. Le 19 juillet,
M. l'inspecteur Imard venait à Bicêtre avec l'ordre de s'en-
tendre avec nous sur deux points : 1° Installation d'un
service d'enfants dans le bâtiment des réfectoires ; 2° ins-
tallation d'un service de cholériques pour toute la division
des aliénés dans le bâtiment des classes.
Après avoir examiné les mesures à prendre avec M. le
Directeur, l'Econome de l'hospice et M. l'architecte Gallois,
nous fûmes tous d'accord pour reconnaître qu'il était pos-
sible de recevoir, le 22 ou le 23 juillet, des enfants dans le
bâtiment des réfectoires et, le 24 ou le 25 juillet,des choléri-
ques dans le bâtiment des classes. Le même jour, M.
Imard faisait un rapport dans ce sens à M. le Directeur de
l'Assistance publique. Des le lendemain on se décidait à
faire de force ce qu'on aurait dû accomplir dès le début
de bonne grâce : les lits provisoires étaient placés et le
Bureau d'admission envoyait 10 enfants le 22 juillet, 10
le 24, 10 le 26, 9 le 28 et 6 le 6 août.
Ce jour-là, après avoir fait connaître à la Commission de
surveillance ces envois successifs de malades, nous ajou-
tions : « Cette mesure a permis de dégager en partie le
Bureau d'admission de l'Asile clinique (Ste-Anne), excessi-
vement encombré par les enfants. Il est à regretter que
l'Assistance publique ait mis un si long temps à répondre
à vos désirs et à ceux de l'Administration. Quant aux pro-
cédés de l'Assistance publique, vous les avez appréciés
comme ils le méritent (1). »
(1) Procès-verbal du 6 août 1881, p. 122.
RÉSISTANCES DE L'ASSISTANCE PUBLIQUE. LXXI
Ces procédés sont, en effet, véritablement inqualifiables.
Et, si nous n'avions pris soin de citer le texte même des
documents officiels, on nous taxerait d'exagération. Mal-
heureusement pour l'Administration de l'Assistance pu-
blique, ces citations la condamnent. La responsabilité en
incombe, beaucoup plus en apparence qu'en réalité, à
M. Ch. Quentin. Il signait, croyons-nous, les pièces sans se
rendre compte par lui-même. Il a été trompé par celui au-
quel il confiait la rédaction des réponses à M. le Préfet de
la Seine. Et ce fonctionnaire qui. connaissant les engage-
ments de son chef, oubliait à dessein de donner les ordres
d'exécution, faisait mépris des instructions du Préfet delà
Seine et plaçait au-dessus des intérêts des malades la satis-
faction de ses rancunes personnelles, de son dépit d'avoir
vu remplacer le projet déplorable qu'il avait conçu par un
projet qui avait reçu l'approbation de tous, n'est autre, il
est triste de le dire, que le secrétaire général de l'Assis-
tance publique, M. Brelet.
La section des enfants idiots, aliénés et épileptiques
de Bicêtre au Conseil municipal.
Dans ses dernières séances de décembre et notamment dans
la séance du 31 décembre, le Conseil municipal a discuté le
rapport de M. G. Robinet sur le budget de l'Assistance publi-
que pour 1885. Nous extrayons de cette très intéressante
dscussion la partie relative à la construction, à Bicêtre, du
service spécial pour les enfants idiots, imbéciles, arriérés,
aliénés, épileptiques et hystériques, en d'autres termes, pour
la portion la plus importante des enfants dits incurables.
M. DESPRÉS.- Depuis trois ans, l'Administration de l'Assistance
publique a un budget extraordinaire variant de 5 à 3 millions (1).
(1) Nous avons été chargé du Rapport sur le budget de t'As-
sistance publique pour les années 1878, 1879, 4sus0, 1881 et 1882.
Avec l'aide de nos amis, notamment de MM. P. Dubois, de
I-Iéredia, Lafont et Thulié, nous avons obtenu : 1° que l'hôpital
temporaire, qui devait disparaître et dont les terrains devaient re-
venir à la Ville, fût maintenu a titre définitif sous le nom d'hôpital
Laennec ; - 2° une subvention extraordinaire de 6 millions en
1881 ; - 3° une subvention extraordinaire de 3 millions en 1883 ;
elle n'a pas été plus forte parce que l'Admininistration n'avait pas
su employer la subvention précédente ; 4° une subvention extra-
LXXII CRITIQUES ERRONÉES DE M. A. DESPRÉS.
Le Conseil ne doit pas oublier que cotte subvention extraordinaire
est due à l'influence d'un ancien membre de cette Assemblée, chef
d'un service quia coûté 5 millions. Et je prétends qu'il n'est pas
'moral de faire des dépenses aussi folles pour un seul service, alors
que sans dépenser davantage, vous auriez pu créer un grand nom-
bre de places dans les hôpitaux. (Bruit, protestations).
M. CHAUTEMPS. Adressez-vous donc au Conseil et non à ses
anciens membres.
M. RouzÉ. On n'attaque pas les absents !
M. Després. Il existe encore au budget nouveau de l'Assis-
tance publique un crédit de 1,200,000 francs pour compléter le
service des épileptiques à Bicêtre.
M. PiPERAUD. Et c'est nécessaire.
M. DESPRÈS. Avec les 5 millions dépensés à Bicétre, vous
auriez pu créer des places dans vos hospices. Le devoir de l'Ad-
ministration de l'Assistance publique et du Conseil est de résister
aux entraînements et aux sollicitations d'hommes qui, en raison de
leur situation, peuvent vous amener à des dépenses excessives.
C'est pourquoi je supplie le Conseil de refuser de voter jusqu'à
nouvel ordre un budget extraordinaire.
M. Delhomme. Mais ni l'Administration ni la Commission
ne proposent de le voter.
M. DESPRÉS. - En ce moment, l'Administration de l'Assistance
publique doit faire l'inventaire de ce qui a été fait, elle doit re-
chercher quels sont ses besoins nouveaux et ne la lancez pas, par
l'allocation d'une subvention extraordinaire, dans des construc-
tions ruineuses (Interruptions). Rappelez-vous que le nouvel
Hôtel-Dieu a coûté 80 millions aux pauvres de Paris. L'empire, en
effet, a voulu introduire la politique jusque dans l'hôpital; il a
tenu aie placer à l'ombre de Notre-Dame. Peu lui importait la dé-
pense ! Eh bien, Messieurs, je vous conjure de ne pas l'imiter.
M. Maurice Bander. - Faites donc aussi bien que l'Empire !
(Très bien ! à droite.) (1).
M. DESPRÉS. - En 1866, M. Hausmann a contraint l'Assistance
publique à aliéner une partie de ses biens et de ses revenus pour
payer les frais de cet hôpital luxueux, mais qui ne contient que la
ordinaire de 600.000 fr. en 1883. Malgré les critiques de M. D...,
nous croyons encore aujourd'hui avoir rendu, à cet égard, de
réels services à l'Assistance publique et ne pas avoir engagé le
Conseil dans une mauvaise voie.
(1) Nous avons démontré bien des fois que l'Empire avait gaspillé
l'argent de l'Assistance publique et des contribuables dans les
constructions de l'Hôtel-Dieu et de l'hôpital de Berck et qu'il
avait laissé tous les établissements hospitaliers dans un état dé-
piorable, ce qui a nécessité précisément des subventions extra-
ordinaires et en nécessite encore. Quant iL la comparaison de M.
Després, elle ne tient pas. - L'Hôtel-Dieu a été la construction
hospitalière la plus coûteuse ; la construction de la nouvelle
section sera, au contraire, l'une des constructions hospitalières
les plus économiques : bien et bon marché.
réponse DE M. G. robinet. LXXIII
moitié des lits de l'ancien Hôtel-Dieu. Ne votez donc d'allocation
extraordinaire qu'en cas d'urgence et de-nécessité et n'écoutez pas
ceux qui veulent vous faire jeter les millions dans les services
dont ils sont les chefs. (Violentes interruptions). Et il s'agit
de moi comme des autres. Si jamais je vous demandais quoi
que ce soit pour l'hôpital de la .Charité, vous auriez le droit et le
devoir de me le refuser.
M. PICHON. - Ce sont les soeurs qu'on devrait vous refuser.
(Très bien ! ) ! )
M. LE RAPPORTEUR. - Je ne répondrai pas aux observations
de M. Després en ce qui concerne la subvention extraordinaire
qu'il propose comme nous de ne pas accorder. Mais je tiens abso-
lument à répondre aux attaques portées par lui contre un de nos
anciens collègues, M. le docteur Bourneville, qu'il a désigné assez
clairement. M. Després a produit des chiffres inexacts : il est faux
que le service des enfants idiots et épilepliques ait coûté G millions.
M. Després. - 5 millions.
M. le RAPPORTEUR. - Vous avez dit six. Les dépenses pré-
vues pour l'exécution totale du projet sont évaluées à 2,880,000 fr.
L'adjudication a donné un boni de près de 500,000 francs; nous
avons décidé, il y a un mois, la construction de deux nouveaux
pavillons pour 200,000 francs sur les bonis, soit au total 1,562,000
francs. Il y a loin de cette somme aux 6 millions de M. Després.
M. DESPRES. Le projet de budget porte encore pour ce ser-
vice un crédit de 1,200,000 francs.
M. le HAPPOIITEUH. - Vous faites confusion, mes chiffres sont
absolument exacts, je les ai là sous les yeux dans le budget. J'ai
le regret de constater que M. Després n'apporte ici qu'une animo-
sité personnelle.
1\i Després. - Pas du tout.
M. le RAPPORTEUR. - Pour en faire une fois de plus justice,
je me bornerai à rappeler les termes du rapport que j'ai fait l'année
dernière sur l'Assistance publique :
« Grâce à notre ancien collègue, M. Bourneville,qui, avec une
persistance non interrompue et une connaissance approfondie du
sujet, a su créer une organisation parfaite et un personnel admira-
blement instruit et dévoué, l'état des malheureux enfants est aujour-
d'hui bien amélioré. Grâce à lui, ces faibles d'esprit, au lieu de
continuer à descendre jusqu'aux derniers degrés de l'abrutissement,
sont relevés et très souvent guéris par l'étude, la gymnastique, le
chant, et surtout le travail manuel.
« Il est absolument impossible de ne pas être profondément ému
quand on a vu un pareil spectacle et une semblable transformation,
et quand on a vu surtout la reconnaissance de ces petits déshé-
ritésenvers leur bienfaiteur.
« Nous ne saurions trop dire, pour notre part, combien nous
sommes heureux de pouvoir, avec un complet désintéressement,
rendre un hommage public à ce collègue si distingué par son
esprit scientifique et administratif qui, dans ces circonstances,
nous le disons hautement, a créé la une oeuvre de premier ordre.
« Nous espérons que notre approbation sera une compensation
LXXIV erreurs DE NI. A. després.
aux critiques injustes et aux mauvais vouloirs dont notre collègue
a été l'objet de différents côtés. »
SUR TOUS LES bancs. - Très bien !
M. DESPRËS. Encore faut-il que tout ce bien ne coûte pas
5 millions. J'en fais autant et je ne coûte rien aux hôpitaux.
M. LE DIRECTEUR DE l'Assistance publique. -l\1. Després
n'a pas fait seulement le procès du passé : il a fait aussi celui de
l'avenir en mettant le Conseil en garde contre des projets ruineux
qui pourraient lui être présentés par l'administration dans l'intérêt
de médecins...
M. DESPRËS. Je n'ai pas dit cela.
M. LE Directeur de l'Assistance PUBLIQUE. -... de méde-
cins qui voudraient se satisfaire au détriment des finances de la
Ville. L'Administration, Messieurs, je n'ai pas besoin de le dire,
ne peut être soupçonnée de pareilles intentions.
M. LE RAPPORTEUR. Tous les projets dont parle M. Des-
prés ont éléprésentés par l'ancienne administration de l'Assistance.
M. DESPRÉS - Vous savez comment.
M, CH : 1UTE\IPS. - Expliquez-vous.
M. LE RAPPORTEUR. - Or, cette Administration, que je sache,
n'était guère favorable à M. Bourneville. Ils ont été approuvés au
Conseil de surveillance où les idées de notre excellent collègue
sont loin d'avoir toujours la majorité, et enfin, ils ont toujours été
acceptés par vous à une très grande majorité. Je répète donc que
M. Després n'a fait qu'apporter ici une question personnelle.
(Très bien ! ;
M. JACQUES. - Je ne suis pas à cette tribune pour discuter des
actes auxquels le Conseil s'est associé. Si M. Bourneville en a
pris l'initiative, le Conseil en a accepté la responsabilité et je l'en
félicite (Très bien ! )... '
M. DESPRËS. -Je n'ai pas l'habitude de dissimuler mes opinions.
Si j'eusse voulu incriminer M. Bourneville lui-même, je l'eusse
fait franchement.
M. DESCHAMPS. Vous l'avez fait.
M. DESPRÉS. - J'ai voulu attirer votre attention sur les dé-
penses excessives que vous avez votées en faveur du service des
enfants idiots et épileptiques de Bicêtre. Si vous aviez visité ce
service....
M. PICIION. - Nous l'avons visité.
M. Després, On a construit un pavillon, des ateliers, des
annexes...
M. PIPI;RaUD. - ... qui étaient nécessaires.
M. DESPRÉS. ... qui sont plus considérables que le bâtiment
principal. Vous verriez ainsi que vous avez donné à un seul méde-
cin plus de 5 millions, que vous allez lui donner encore
1,300;000 francs.
M. le IAPPORTEUR. -'I,500,000 francs.
M. RouzÉ. Qu'importe ?
M. DESPRÉS. - C'est là de la mauvaise administration. Je l'ai
dit à M. le Directeur : « N'écoutez pas les médecins, moi pas
plus que les autres. »
état DES DÉPENSES. LXXV
M. PiPERAUD. Le médecin disparaîtra; le service restera.
M. DESPRÉS. Songez, Messieurs, que la plupart des fonds
que vous avez ainsi employés appartenaient aux malheureux dont
je suis, comme M. le Directeur de l'Assistance, qu'il ne l'oublie
pas, le premier serviteur.
Plusieurs membres. - Pas plus que nous.
M. Després. Ne faites pas pour d'autres, je vous en conjure
dans l'intérêt général, ce que vous ne feriez pas pour moi qui,
d'ailleurs, ne vous le demanderais pas. J'y insiste : Ne croyez pas
aux médecins outre mesure, aux administrateurs, aux architectes.
Agissez de haut et faites ce que vous croyez bon sans consulter
ceux qui peuvent être de près ou de loin intéressés dans la ques-
tion.
Nous remercions M. Després de son intervention dans la dis-
cussion, car elle nous a valu de la part de nos anciens collègues
et amis, des témoignages de sympathie si vifs et si nombreux,
qu'ils nous récompensent de toutes les peines que nous nous
sommes données pour réaliser des réformes d'une utilité in-
contestable et qui font honneur au Conseil municipal. Ceci dit,
reprenons brièvement les faits. 1° M. Després affirme que le
projet de construction de la section des enfants de Bicêtre a
coûté six millions ; puis il se reprend et n'accuse plus que
cinq millions. Avantde parler, il aurait pu jeter un coup d'oeil
sur la délibération du Conseil municipal, prendre des rensei-
gnements. Examiner à fond une affaire avant de parler, n'en-
tre pas dans les habitudes de M. Després. S'il l'avait fait, il
aurait vu, ainsi que le lui a rappelé M. Robinet, que les dé-
penses totales de la section, pour 400 lits, sont évaluées à
2,880,000 fr. ; que les crédits votés pour la première partie
de l'opération (réfectoires, classes, service des gâteux, infir-
merie, bains, entrée de la sectionet deux dortoirs) s'élevaient à
1,560,261 fr. ; que l'adjudication ayant donné un boni de
428,000 fr., l'Administration, sur notre proposition, a demandé
au Conseil municipal d'affecter 228.547 fr. à la construction de
deux nouveaux dortoirs. De telle sorte que, avec les 1.560.261 fr.
votés parle Conseil ( ? 9 juin 1883), : on aura construit l'entrée
de la section, les réfectoires, le service de propreté pour le
traitement du gâtisme, le service balnéo-hydrothérapique, les
classes, huit dortoirs de chacun 20 lits, le bâtiment des gâteux
{80 lits), l'infirmerie (24 lits). Pour compléter le service, qui
doit avoir 400 lits, il reste à voter un crédit de 1.318.000 fr.,
destiné à la construction de préaux, de cellules, d'un service
d'isolement pour les maladies contagieuses et de huit dortoirs
(4 bâtiments) (1).
(1) Comme avec les bonis on a construit 2 pavillons en plus, il
LXXVI état des dépenses.
2° La question de dépenses écartée, M. Després aurait dû
voir si le projet voté par le Conseil répondait à des besoins
réels. Deux moyens d'instruction s'offraient à lui : la lecture
de mes rapports imprimés faits au Conseil général et au
Conseil municipal et ensuite une visite au service actuel
des enfants de Bicêtre. S'il avait lu mes rapports, il aurait vu
que le voeu du Conseil général, auquel il va être bientôt donné
satisfaction, date du mois de février 1878, époque où je n'étais
pas médecin de Bicêtre., époque où rien ne faisait prévoir une
prochaine vacance : ce n'est, en effet, qu'au mois d'octobre 1879
que j'ai pris possession du service. Ce n'était donc pas pour
me faire un don personnel, m'accorder une faveur, mais bien
pour donner satisfaction à des besoins réels, signalés depuis
longtemps par des voeux réitérés réclamant des moyens d'as-
sistance pour les enfants incurables, que le Conseil munici-
pal a voté le projet que j'ai proposé après l'avoir soumis à
M. Imard, inspecteur de Bicêtre, à M. Gallois architecte et au
directeur de l'hospice. Mon projet est devenu une oeuvre qui
m'est commune avec ces messieurs et je ne puis que les remer-
cier de ce qu'ils ont fait et font encore pour sa réalisation.
Si cette lecture des documents, dont il dispose, n'avait pas
convaincu M. Després, il aurait pu se rendre à Bicêtre, visiter
le servico et surtout le visiter le matin, vers 7 ou 8 heures, peu
après le lever des enfants. M. Després s'est bien gardé de se
donner cette peine. C'est parce que les membres de la Commis-
sion d'Assistance publique du Conseil municipal ont vu cet
ignoble service qu'ils ont déclaré qu'il fallait d'urgence, le
remplacer par une nouvelle section. Tous les médecins fran-
çais et étrangers, qui sont venus à Bicètre, ont été unani-
mes à reconnaître que la section actuelle des enfants était
dans un état honteux et qu'elle devait être radicalement
transformée.
Nous serions heureux que cette nouvelle attaque de M. Des-
prés provoquât de nouvelles visites et nous avons la persua-
sion que tous les visiteurs donneront raison au Conseil muni-
cipal et le loueront d'avoir voté les constructions en cours
d'exécution.
ne reste plus que 4 pavillons de dortoir à construire, ce qui réduit t
la dépense de 228.547 fr. et la ramène au maximum à un million.
Cemillion ajouté au 1.500. ? f fr. formera un total de 2.560.000 fr. :
il y a loin de là aux six millions de M. Després !
DEUXIÈME PARTIE
Clinique.
1
Epilepsie jacksonnienne
Par BOURNEVILLE et P. 131UCON.
Depuis les remarquables travaux de M. Hughlings Jackson
sur la forme d'épilepsie à laquelle il a attaché son nom, un
certain nombre de cas ont éte publiés par divers auteurs. Per-
sonnellement, l'un de nous, il y a déjà plusieurs années, en a
recueilli deux très beaux exemples suivis d'autopsie, à la Sal-
pdtrière, dans le service de M. Charcot.
Le premier relatif à une malade nommée Laulai..., âgée de
18 ans, a fait l'objet d'une communication à la Société de bit-
logie intitulée : Contribution à l'étude des localisations céré-
graves; observation d'hémiplégie cérébrale infantile spasmo-
dique (épilepsie partielle). Le second cas a été communiqué à
la Société anatomique (séance du 28 juillet 1876) ; il avait pour
litre : Hémiplégie infantile suivie d'épilepsie partielle; état de
mal épileptique; mort; foyer ancien intéressant les circonvo-
lutions frontale et pariétale ascendantes et le lobule paracen-
tml 2.
Le fait que nous allons rapporter peut ètre rapproché des
précédents, il offre des particularités qui nous ont paru suffi-
samment intéressantes pour mériter d'être mis sous les yeux
de nos lecteurs.
t Séance du 5 janvier 1876 (Gaz. uocl., 1816, p, : ;9 : ,).
- Bulletin de la Société anatomique, 1876, p. : ;52-57 1.
liuunwvn,t.n : , 188 : i. 1
2 EPILEPSIE JACKSONNIENNE.
Epilepsie jacksonnienne. - Hémiplégie gauche à dix ans. - Verti-
ges à quatorze ans. - Début des accès à dix-sept ans par un état
de mal. - Aura du pouce gauche. Père très nerveux, pAstçMe.
Grand'mère, tantes paternelle et maternelle mortes phthisiques.
Grands-pères paternel et maternel alcooliques. - illére zerveuse. -
Grand'mère maternelle morte d'une affection pulmonaire. - Scezvr
morte de convulsions.- Frère mort d'une imperforation de l'anus.
Bromure de potassium. - Armures magnétiques. - État de mal.
Mort.
Autopsie : Atrophie de l'hémisphère cérébral droit et de l'hémisphère
cérébelleux du même côté. Foyer ancien occupant les circonvo-
lutions frontales, la frontale et la pariétale ascendantes, le pli
pariétal inférieur, le pli courbe.
Grar... (François), né le 3 mars )854, est entré à Bicêtre le
9 janvier 1879 (service de M. BOURNEVILLE).
Antécédents. (Renseignements fournis par sa mère, 53 août 1 881 .) -
Père, cinquante-trois ans, boulanger, maigre, d'une taille assez
élevée; il n'aurait jamais fait d'excès de boisson; il esttrès nerveux
(pas d'attaques); très doux de caractère; il fume peu ; marié à vingt-
un ans, il n'avait jamais fait de maladie grave jusqu'à ces derniers
temps : mais depuis quatre ans, il est presque toujours malade ;
bronchite et catarrhe pulmonaire 1 : épistaxis fréquentes depuis
deux ans; un peu d'acné faciale depuis un an. [Père, mort à
soixante-sept ans « un peu d'inconduite » ; c'était un vieux soldat;
il buvait beaucoup d'eau-de-vie; il avait quitté sa femme. - Mère
morte à soixante-six ans, en 1852, d'un catarrhe pulmonaire ; elle
n'était pas nerveuse. -Un frère qui, pense-t-on, est en Amérique;
Cinq soeurs, dont quatre sont mortes jeunes et l'autre à qua-
rante-sept ans, d'un catarrhe pulmonaire. Pas d'aliénés, pas d'épi-
leptiques, etc., dans la famille.]
Mère, trente-trois ans, ménagère, assez intelligente, sujette à
des troublés digestifs et nerveux (gastralgie) : depuis quinze ans,
elle éprouve des faiblesses avec perte de connaissance et sueurs
froides; pas d'attaques de nerfs, pas de migraines, pas de convul-
sions ; surdité à gauche ; affaiblissement de la vue à droite. [Père,
charpentier, mort à quatre-vingt-deux ans, d'une attaque de
paralysie gauche qui l'a enlevé en trois jours; il faisait des excès
de boisson (bière et eau-de-vie). Mère, ménagère, morte à
soixante-sept ans, d'une affection pulmonaire avec ascite; quatre
soew's : une morte à quarante ans, de la poitrine, les autres bien
1 Le 7 mai t883, lors de la mort de notre malade, son père était en
traitement à l'Hôtel-Dieu pour une « bronchite chronique ».
EPILEPSIE jacksonnienne. 3
portantes, ainsi que leurs enfants; quatre frères vivants, bien por-
tants ; d'autres soeurs et frères sont morts jeunes, on ne sait de
quoi (en tout dix-sept enfants, pas d'aliénés, etc.]. - Pas de con-
sanguinité.
Cinq enfants : 1° fille morte à trois ans de convulsions en trois
jours; elle était bien conformée et intelligente; -2° fille mariée ;
elle est souffrante d'une affection vénérienne qui lui aurait été
communiquée par son mari et pour laquelle elle est restée en traite-
ment huit mois à l'hôpital Lourcine, satteAstruc; elle n'a pas eu de
convulsions, est moins intelligente que les autres; n'a pas d'en-
fants ; - 3" notre malade ; - 4° fille, dix-neuf ans, très intelli-
gente, très nerveuse, pleure et rit sans motif, n'a eu ni attaques
ni faiblesses; elle est mariée et a un enfant d'un mois ; 5° gar-
çon, mort à dix jours; il ne serait pas allé une seule fois à la selle
et rendait des urines pleines de graviers jaunes; il était très gros.
La mère pense, sans qu'on le lui ait dit, que cet enfant avait une
imperforation de l'anus.
Notre nzulade. - Grossesse bonne jusqu'à sept mois et demi, où
la mère a eu des chagrins à la suite de la mort de sa fille âgée de
trois ans. Accouchement à terme, naturel. z la naissance, l'enfant
n'était pas cyanosé; il était assez fort; élevé au sein jusqu'à
quatorze mois; il a été vacciné à deux mois. Grar..., quoique assez
fort, eut alors du pemphigus aux bras et à la nuque, etcelajusqu'à
sept mois; il a parlé vers dix à onze mois, a marché à dix-huit
mois; il était très intelligent. A cinq ans, rougeole; onanisme. A
dix ans, vomissements très abondants pendant troisjours, accom-
pagnés de fièvre et d'un peu de délire; le médecin aurait dit que
« ça sentait la fièvre typhoïde et la congestion cérébrale» ; durée :
trois mois. Lorsqu'il a quitté le lit, « toitt le cOté gauche était en
paralysie » ; on n'avait rien remarqué auparavant; on dut, pendant
quelque temps le soutenir sous les bras pour le faire marcher;
durant un an, il marcha en traînant la jambe; enfin, la marche
redevint régulière. La main, à l'origine, était pendante; il ne
pouvait rien tenir; « il oubliait sa main »;ce n'est que vers quinze
ans qu'il a pu saisir les objets. On a remarqué que, tandis qu'il ne
pouvait retenir les petits objets, il pouvait porter un sceau plein
et le monter au premier étage, parce que les doigts formaient
crochet; il était content de faire ce travail sous prétexte que cela
détendait son bras. De onze à quatorze ans, Grar... ne se plaignait
pas de la tète; il n'avait pas de migraines : le sommeil était ré-
gulier, c : llne; il n'avait pas de tics, n'éprouvait aucune douleur
dans le côté paralysé.
A quatorze ans, début des vertiges épileptiques : les yeux tour-
naient toujours à gauche, « l'oeil était presque couvert dans l'orbite,
ou ne le voyait pas ». Le corps tournait à gauche; il se produisait
4 EPILEPSIE JACKS0NN1ENNE.
comme une secousse du corps, il disait : « Maman, on me bat, tu
vois on me donne des coups » ; il croyait voir des hommes tout
noirs qui voulaient le battre; il les voyait toujours à gauche. Il re-
venait à lui en quelques secondes, poussait un grand soupir cts'é-
criait : « Ah ! mon Dieu ! » »
A partir de cette époque, Grar... se plaignit de douleurs de tête
à peu près générales, mais principalement dans le côté gauche.
Pendant un an, il eut des vertiges environ tous les deux ou trois
jours, puis presque tous les jours pendant un mois; « ses yeux
tournaient presque tout le temps ; c'élait comme des convulsions
internes» : il ne tombait pas, la figure devenait « violacée, puis
jaune après ». Le bromure de potassium aurait produit une légère
amélioration.
A dix-sept ans, après avoir tourné sur le côte gauche, il tombait
à terre toujours du côté gaucho; quelquefois, il disait : «Maman,
je suis malade ! » et il sentait que l'accès débutait par le pouce de
la main gauche. C'est alors seulement qu'on a pu arrêter les accès
en renversant le pouce en arrière. En 1874, il eut des accès pen-
dant vingt-trois heures sans reprendre connaissance
Les convulsions prédominaient dans le côté gauche du corps d'une
manière évidente ; elles étaient plus fortes dans le bras et l'aeil
gauches que dans les parties correspondantes du côté droit. A la
suite de cet état de mal, Grar... aurait été comme fou pendant un
mois; il ne reconnaissait que sa mère, ne parlait pas ou répétait :
« Oh ! est-ce bête ! » Ses actes étaient « niais ». Il ne pouvait pas
marcher; on le promenait sur une chaise ; au bout de quinze jours,
il a commencé à marcher très doucement, sans traîner la jambe
gauche, qui était, disait-il, plus douloureuse que la droite. Un mois
après l'état de mal, la raison et la marche étaient redevenues ce
qu'elles étaient auparavant.
Les accès étaient diurnes et nocturnes; leur chiffre maximum, en
vingt-quatre heures a été de trois; le plus long intervalle entre les
accès, huit mois. 11 avait des étourdissements fréquents, au plus
séparés par un jour d'intervalle. Dans un accès, il a eu l'omoplate
droite fracturée; il a été à Lariboisière pendant plusieurs semaines
(1872); sauf une plaie du sourcil gauche, c'est le seul accident
grave qui lui soit survenu pendant les accès. Depuis son entrée à
Bicêtre, il aurait eu trois fois des séries; il se plaint souvent à sa
mère de douleurs de l'oeil gauche, de ne plus y voir de cet oeil par
moment; un jour, à la fin d'un accès, il lui disait que son oeil était
sur l'oreiller. Vers 1876 ou 1877, étant à Paris, il aurait eu des
hallucinations de la. vue.
Pas de manifestations scrofuleuses ; en 1871, varioloïde; pas de
convulsions ni de vers dans l'enfance; de dix à quatorze ans, il aurait
présenté un arrêt de développement; depuis il a grandi. Il n'au-
EPILEPSIE JACKSONNIENNE. 5
rait jamais fait d'excès de boisson, ni eu de rapports sexuels; de-
puis le début de sa maladie, il ne se livrerait plus à l'onanisme. Il
n'était pas peureux.
L'intelligence aurait un peu baissé à partir de l'état de mal :
toutefois, il fréquentait l'école du soir, et en 1878, il aurait eu le
premier prix d'orthographe. Depuis son entrée à Bicêtre, les
facultés intellectuelles auraient beaucoup diminué.
Aura. - Le malade paraît éprouver une véritable crainte (idée
fixe, persistante que des distractions seules peuvent surmonter) de
voir se fermer ses doigts et se fléchir son poignet , parce que cette
flexion est l'indice d'un accès. C'est le pouce qui se fléchit le pre-
mier ; les muscles de la région antérieure se contractent et sont
pris de battements ; la main se porte vers le bord radial, puis les
doigts se crispent; l'avant-bras, le bras se contracturent et il lui
semble que les battements montent; tant qu'il a conscience des
battements musculaires, il lui semble que son bras, qui parait rac-
courci dans l'aura, exécute plusieurs mouvements de moulinet. De
l'épaule, la sensation qu'il éprouve et qu'il dit très difficile à dé-
peindre, gagne la tête, mais il n'est pas possible d'en reconnaitre
le trajet exact. Les muscles du côté gauche se contractureraient,
la tête s'inclinerait sur l'épaule gauche et la face se dévierait du
même côlé, Grar... éproU\'erait des sensations de traction danse'oeil
gauche qui se porterait en dehors, mais sans phosphènes, ni vision
colorée.
Une fois l'aura arrivée à la tête, le malade perd connaissance.
C'est au moment où la main se crispe, pour employer l'expression
du malade, qu'il appelle ses camarades à son secours « Voilà un
accès ! » s'écrie-t-il, ou bien : «Tiens, voilà que cela me prend», ou
bien encore : « ? lion Dien ! mon Dieu ! » Quand la contracture des
doigts peut être vaincue, l'accès avorte, sinon il éclate.
Le plus souvent, l'apparition de l'aura est provoquée par une
peur, une émotion, une farce d'un camarade; le malade sursaute,
le bras se raidit, et les symptômes décrits ci-dessus se produisent.
L'action de fixer longtemps avec l'mil gauche déterminerait aussi
les phénomènes de l'aura. Le seul fait de ne pas tenir sa main et
de ne pas lutter contre sa flexion le tourmente, l'obsède et cette
idée fixe paraît provoquer la contracture de la main. Quand il est
distrait (il travaille au marais, traîne la brouette, etc.), il peut sans
danger laisser la main libre, même dans la poche; mais dès qu'il
y pense, il est obligé de la tenir. - Il n'a pas d'aura du pied, ni
de l'épigastre, etc. Grar... a toujours le temps de s'asseoir avant
l'accès.
Description de l'accès. - Si l'accès n'a pu être arrêté par les
manoeuvres indiquées, Grar... perd connaissance sans cri ou après
6 EPILEPSIE JACKSONNIENNE..
avoir poussé un petit cri étouffé; les yeux plus humides présentent
du nystagmus, se tournent en haut et à gauche, les paupières sont
ouvertes, les pupilles dilatées ; la face est tournée à gauche : la
rigidité est plus prononcée au bras ctà la jambe gauches; les secousses
tétaniformes très prolongées sont égales des deux côtés. Secousses
cloniques des deux côtés mais plus prolongées à gauche, surtout au
membre supericur, parfois limitées à la partie f/(l1lr/¡c du corps.
Durée : cinquante secondes : pas de miction involontaire. Gray ?
reprend généralement connaissance de suite sans avoir eu de
période de stertor, ni de ronflement; toutefois on a noté dans plu-
sieurs accès, de l'écume sanguinolente, du stertor et des mou-
vements automatiques (le malade chiffonnait ses bourses et sa
verge).
État actuel (Il mars ¡8R : ! ), - Tête normalement développée.
Crâne, assez régulier, symétrique, d'aspect arrondi plutôt qu'ovale.
La région occipitale, les bosses pariétales et les apophyses mas-
toïdes sont moyennement développées. Front moyen, assez large,
sans proéminence des bosses frontales, et des arcades sourcillières.
Oreilles, six centimètres et demie; lobules adhérents.
ÉPILEPSIE JACKSOXKJEXNE. 7
.V'H& ? 'e.< ? <pene ! < ? ? A l'inspection, le membre .gauche n'a
pas d'attitude vicieuse et parait un peu moins développé que le
droit ; c'est surtout évident pour l'avant-bras. Il existe une tendance
deiamainase contracturer en flexion dans toutes les parties, ten-
dance à laquelle le malade résiste continuellement. Le bras gauche
est la palpation plus dur que le droit : le biceps est contracturé,
tendu, ferme; l'avant-bras n'est pas dans la flexion, il est aussi
très dur, et les muscles de la région antérieure paraissent durs
comme du bois; ceux de la région postérieure ne sont pas modifiés.
La main n'est pas dans une position vicieuse; la paume est aplatie
ainsi que la face antérieure des doigts, par suite de la pression
continuelle de la main opposée. Nous notons encore une sorte de
subluxation en arrière de toutes les phalangines de la main gau-
che, luxation due à l'extension continue et forcée produite par
l'autre main; dès qu'il l'abandonne à elle-même, les doigts se
fléchissent peu il peu, ou bien, restant droits, le poignet se fléchit.
Le malade tient presque sans cesse son pouce, qui a delà tendance
à se fléchir et à venir se mettre en opposition avec la base du
petit doigt. Lorsque la flexion s'est produite par hasard, il devient
alors difficile de ramener le pouce dans l'extension. Grar.. prétend
ressentir aussi, principalement la nuit, un engourdissement dans
le petit doigt de la main droite ; la sensibilité dans ses divers
modes y est conservée. Il n'y a ni troubles de nutrition, ni modi-
fication du côté du système pileux. Au toucher, la température
parait plus basse du côté paralysé. Cicatrices de vaccin aux deux
bras; une petite cicatrice au coude gauche.
8 EPILEPSIE JACI- : SO111,NlE-,iNE.
réflexe tendineux également développé de deux côtés. Pas de modi-
fication dénutrition.
Ei'ILEPSIE JACKSONNIENNE. 9
1879. - 6 octobre. Grar... prend depuis longtemps 4 gr. de
bromure de potassium.
23 oct. Depuis hier jusqu'à ce matin six heures, ce malade a eu
4 fi7 accès, et depuis ce matin jusqu'à onze heures 7 accès; la con-
naissance est parfaitement conservée; elle revient aussitôt après
chaque accès. Pouls, petit, régulier, à 9 ? T. R. 3^,tr. 4.
2n oct. si gr. de bromure de potassium.
1" novembre. Bromure de potassium, 8 gr.
9 novembre. Purgatif : eau de S cdl itz; suspensic.n du bromure de
potassium pendant deux jours; recommencer par 4 gr. et aug-
menter progressivement jusqu'à 8 gr.
48Sp. - 1 juin. Le bromure a été supprimé dans les premiers
mois de l'année; depuis le 4 f avril, il en prend 4 gr. - Augmen-
ter progressivement.
4 septembre. Le traitement a été suivi d'une façon fort irré-
gulière. Bromure de potassium, 2 gr. ; augmenter d'un gramme
par semaine jusqu'à 8 gr.
1881. 16 avril. Adézo-plzlcnon de l'aisselle gauche consé-
cutif à de l'eczéma impétigineux de la face dorsale des premières
phalanges des premier, quatrième et cinquième doigts; pas de
traces de lymphangite; par l'incision il s'écoule une grandequan-
tité de pus. Pansement phéniqué.
25 avril. Guérison de l'adéno-phlegmon.
6 août. Le malade a des accès fréquents, de la céphalalgie avec
éblouissements, la face est congestionnée, il délire. Les accès sont
toujours arrêtés par la flexion de la main en dehors. - Bain,
sangsues derrière les oreilles; lavement avec 6p gr. de miel de
mercuriale.
13 décembre. On soumet le malade au traitement par les armures
magnétiques ; on lui applique au poignet un bracelet composé de
vingt-deux petites plaques.
17 déc. Grar... prétend que, depuis l'application du bracelet, il
peut s'étendre dans son lit, ce qu'il n'aurait pu faire auparavant;
il ajoute qu'il lui est plus facile de renverser sa main; qu'il est
moins émotionnable; cependant il tient tout le temps son pouce
gauche de la main droite.
1882. - 4S février. Le malade est toujours satisfait de son llra-
celet, à condition qu'on le lui charge assez fréquemment.
dans les crises, des êtres fantastiques qui dansaient autour de moi , maisje
n'ai pas perdu connaissance, car je me rappelle avoir dit : « Ce sont les
nerfs qui travaillent » ; je ne puis dormir, et, le matin en me levant, j'ai
un mal de tète à ne pas pouvoir la lever, et qui se dissipe petit à petit.
Bien souvent, quand les nerfs viennent d'être agités j'ai des maux de
coeur qui me retirent l'appétit. »
10 EPILEPSIE JACKSONNIENNE.
1 : j mai. Le traitement par le bromure de potassium a été con-
tinué par erreur. On le supprime. Le bracelet est renouvelé.
18 mai. Le malade raconte de lui-même qu'après le renouvelle-
ment du bracelet, il aurait éprouvé pendant quelques instants un
sentiment de chaleur dans la main gauche.
1" juillet; Suppression du traitement par les armures magnétiques.
EPILEPSIE JACKSONNIENNE. il 1
- lotions vinaigrées. Soir : T. R. 40°;5. 64 accès dans la jour-
née ; 137 dans la nuit (Etat de mal)..
H mai. A la visite, on le trouve dans un état de stu-
peur très prononcé; il se plaint toutefois spontanément d'un
empâtement de la langue. - Il n'a pas en d'accès depuis quatre
heures du matin. Jusqu'à sept heures, il n'avait prononcé aucune
parole; à ce moment il s'est plaint d'avoir soif. - La face amai-
grie présente une coloration terreuse et bronzée ; les yeux sont
fortement excavés. Les paupières gauches sont moins ouvertes
que les droites : les pupilles sont égales, de dimension normale. Le
nez est effilé, les narines sont pulvérulentes ; les lèneslégèrement
blanches. La langue est couverte d'un enduit gluant, sec etgrisâtre :
la gorge est sèche, couverte de mucosités. Les mains sont très
cyanosées; la main droite offre des ulcérations consécutives à des
engelures. La déglutition est facile ; -il il n'y a pas de vomissement.
La respiration est dyspnéique; on trouve seulement à la hase
droite quelques râles sous-crépitants. Percussion normale. Ni toux,
ni expectoration. Le pouls est très petit, presque filiforme, à 120.
L'abdomen est un peu déprimé. Le malade est complètement gâ-
toux depuis deux jours ; ordinairement il est propre. Les selles ont
été peu nombreuses à la suite de l'administration de l'eau-de-vie
allemande. On constate un léger érythème de la fesse droite. On
ne trouve nulle part de paralysie ou de contracture; il n'y a pas
de raideur du cou. - Lavement purgatif, lotions vinaigrées; un
quart de lavement avec 40 cenligr. de sulfate de quinine; limo-
nade vineuse; trois sangsues derrière chaque oreille. T. R. 40°.
Soir : T. R. 41 °
6 mai. Le malade n'a eau ni accès ni vertiges depuis hier. Le
matin, il aurait prononcé quelques paroles, il s'est affaibli pro-
gressivement et c.-t mort à huit heures du matin, sans avoir eu de
nouveaux accès. La température rectale, prise aussitôt après la
mort est de 41°,3.
Autopsie le 7 mai Il 883. - A l'ouverture de la cavité abdominale
l'on ne constate aucune anomalie ; la position des organes est -
normale; le péritoine est sain; pas d'épanchement. Le foie (1,303
gr.) remonte normalement et ne déborde pas les fausses côles;
il présente quelques adhérences en deux ou trois points de sa sur-
face, et est un peu gros.
Les cavités pleurale et péricardique ne contiennent pas de
liquide en quantité anormale. Le coew' est un peu pâle et mou,
en diastole. Les valvules, l'endocarde, etc., ne présentent rien de
particulier. Crosse de l'aorte normale. - En arrière, le poumon
gauche (G ? s gr.) présente quelques adhérences assez faibles, tout
son lobe inférieur est congestionné. - Pas de tubercules. Sur le
poumon droit (450 gr;) on trouve les mêmes lésions, mais moins
12 1-) EPILEPSIE JACKSONNIENNE.
accusées. - La rate (90 gr.) présente deux nodules crétacés de
la grosseur d'un petit pois.
Tête. - Le cuir chevelu est normal sans ecchymose. Les os du
crâne sont peu épais, denses; le diploé est peu développé et
n'existe pas à certains endroits. Au niveau de la partie moyenne
du frontal et des deux bosses pariétales, les os sont très amincis et
transparents. On constate une dépression au niveau des granula-
tions de Pacchioni, cette dépression est surtout très prononcée à
gauche où l'os n'est plus constitué que par une très mince lamelle
de moins d'un millimètre. Toutes les sutures sont ossifiées, mais
toutefois la suture fronto-pariétafe ne l'estqu'incom111ètement sur
la table externe. Au niveau de la suture inter-pariétale, surtout à
sa partie postérieure, la table externe est irregulière, bosselée.
Dans le diploé se trouvent de petits points jaunes comme créta-
cés. La face antérieure du rocher fait une saillie un peu plus accu-
sée à droite qu'à gauche
La dure-mère est normale.
Le liquide céphalo-rachidien paraît être un peu plus abondant
que de coutume. La pie-mère présente une vascularisation géné-
ralisée (base et convexité).
Dès l'abord, l'on est frappé de l'atrophie considérable de l'hémis-
phère droilqui présente unesorle d'encoche séparant le lobe frontal
du lobe pariétal. La pic-mère oilre là une véritable infiltration
cellulcuse ; elle est distendue par le liquide céphalo-rachidien, sous
forme de pseudo-kyste.
Les artères de la base paraissent égales. - Les nerfs olfactifs
sont égaux. Le chiasma, lesnerfs optiques, les fandeletlesoptiqzces,
les tubercules 1Jill1nillain's sont égaux et blancs. Le pédoncule
cérébral droit n'est pas aussi bombé que le gauche. Il existe au
niveau de son tiers interne avec son tiers moyen une petite dé-
pression. La protubérance paraît symétrique; le sillon médian a
une largeur d'au moins deux millimètres. - Les pyramides sont
égales ainsi que les olives qui sont très fermes; ces différentes
parties sont également colorées.
L'encéphale pèse 1,090 gr. - L'hémisphère cérébral droit pèse
90 gr. de moins que le gauche. Cervelet et isthme : 152 gr. -
L'hémisphère cérébelleux droit pèse 20 1"1'. de moins que le gauche
qui est un peu plus ferme. On n'y constate aucune lésion micros-
copique.-La protubérance et le bulbe (celui-ci coupé un peu court)
pèsent 22 gr.
La décortication de l'hémisphère gauche se fait avec facilité. Le
ventricule latéral, la corne d'Ammon, les masses grises centrales,
n'offrent rien de particulier.
La décortication de l'hémisphère droit s'opère facilement, sauf au
niveau du centre d'un foyer ancien où la pie-mère se présente sous
EPILEPSIE JACKSONNIENNE. 1 : 1
forme d'une lamelle qui entraîne un peu de substance nerveuse.
Le foyer a une coloration jaunâtre générale avec des ilôts rosés.
(PL. 1). Il semblerait que la substance grise forme une sorte de
voile mobile sur la crête de la substance blanche sous-jacente.
Hémisphère droit. Face convexe. Dans son ensemble il est plus
court et moins large que l'autre hémisphère; tandis que le bord
interne du lobe orbi laire gauche mesure quatre centimètres et demi,
celui du côté droit n'en mesure que trois en longueur. Le lobe or-
bitaire gauche a trois centimètres et demi de largeur, le droit a
presque la même largeur. Les circonvolutions de la face orhi-
taire sont un peu moins développées en longueur que celles du
côté gauche, mais sont saines. La troisième circonvolution frontale
mesure dix centimètres et demi en longueur environ; elle est saine
dans un à deux premiers centimètres antérieurs; mais elle estatro-
pLiée dans ses autres parties; l'atrophie porte principalement sur
la facc antérieure, la partie correspondante au lobule de l'insula
étant moins défigurée. La deuxième circonvolution frontale est
saine sur une longueur de un centimètre et demi à peine en avant;
elle est complètement atrophiée dans tout le reste de son étendue
jusqu'à son insertion sur la frontale ascendante. La première
circonvolution frontale est considérablement atrophiée dans sa
partie moyenne sur une longueur de 3 centimètres ; en arrière
son insertion est saine et les deux centimètres qui la précèdent
sont complètement sains sur la face interne et le bord supérieur,
mais la face externe de cette partie répondant au deuxième pli de
la première frontale est lésée (PL. I, I , ).-La frontale ascendante est
atrophiée dans ses trois centimètres inférieurs; l'atrophie est consi-
dérable; cette partie est par rapport à la partie saine comme 1 est
à 3 ; cependant sur le milieu de la face antérieure de la partie saine
on trouve un petit foyer (po. I, Fa). - La pariétale ascendante est
détruite dans ses trois centimètres inférieurs ; les deux centimètres
et demi supérieurs sont sains. - Les parties saines de la frontale
ascendante et de la pariétale ascendante comparées aux parties
correspondantes du côté gauche sont beaucoup moins volumi-
neuses (PL. 1 et 111, Fa, Pa).
Les parties lésées de la frontale ascendante et de la pariétale
ascendante comprennent toute l'épaisseur et toutes les faces de la
circonvolution. - Le lobule pariétal inférieur est détruit dans toute
son épaisseur. Il en est de même de la moitié antérieure du pli
courbe; à ce niveau il existe une sorte de cavité assez profonde
où vient se perdre la partie supérieure de la scissure parallèle (PL. 1,
`lez - Le lobule de l'insu{¡¡ présente trois branches bifurquées.
Toutes les parties occupées par la lésion sont en retrait sur les
parties saines environnantes, d'où une dépression marquée com-
blée par la pie-mère infiltrée (pseudo-kyste).
Trois coupes verticales pratiquées sur la lésion montrent que le
li il EPILEPSIE JACKSONNIENNE.
foyer m'atteint pas les masses centrales mais qu'il intéresse les cir-
convolutions ainsi qu'une partie du centre ovale. La couche
optique et le corps strié sont un peu moins volumineux que ceux
du côté sain.
Au niveau de la lésion, la pie-mère, comme nous l'avons dit plus
haut, s'est enlevée avec facilité, mettant à nu une surface rosée, de
consistance mollasse, mais cependant assez résistante. Celle subs-
tance soulevée avec la pince glissait sur le squelette de substance
blanche comme une sorte de membrane : c'cst la substance grise déta-
chée de la substance blanche. - La lésion diffère donc de la mé-
ningo-eneéplwlile ordinaire dans laquelle la pie-mère est si adhé-
rente à la substance grise que, dans son ablation, ou met à nu le
squelette de substance blanche tandis que la substance grise,
adhérente à la pie-mère, offre les reliefs et les dépressions cor-
respondant aux circonvolutions.
L'examen des autres parties n'a eu lieu qu'après macération du
cerveau dans l'alcool; la substance grise des parties lésées s'est
plissée, ridée sur la substance blanche et a pris une coloration
légèrement jaunâtre.
Toutes les parties postérieures ont un aspect normal, mais sont
plus élémentaires que celles du côté opposé; les sillons, sauf les
principaux, sont très superficiels. Les circonvolutions ont un aspect
légèrement chagriné qui ne se retrouve pas de l'autre côté. Le lobe
occipital est relativement assez volumineux.
La première circonvolution temporale est parfaitement distincte
avec un sillon assez profond, mais la seconde n'est séparée de la
troisième qu'en avant. La première temporale envoie au fond de
la scissure de Sylvius un seul pli bifurqué (PL. I) à sa base seu-
lement. Il est d'ailleurs assez volumineux.
Face interne. La partie moyenne de la première frontale est
entièrement détruite et n'a plus qu'une épaisseur de deux a trois mil-
limètres (PL. II). La circonvolution du corps calleux est saine,
toutefois elle présente une sorte de renflement en massue à l'ori-
gine de sa portion horizontale (supérieure).- Le lobe paracentral
est bien développé avec un sillon médian central. Le lobe carré
est large etparait nurmal ainsi que le, coin, la face interne du lobe
occipital, la corne cl'.I 11111[1)11, la circonvolution de {hippocampe.
Hémisphère gauche. - Face convexe. Le lobe frontal est bien
développé. La première circonvolution frontale est très plissée;
son insertion est régulière. La deuxième circonvolution frontale est
à la fois très plissée et très sinueuse ; elle ne présente pas d'inser-
tion sur la frontale ascendante. La troisième circonvolution frontale
est relativement moins développée que les deux précédentes; elle
possède une insertion régulière sur la partie inférieure de la
frontale ascendante. -- La circonvolution frontale ascendante est
bbn développée, régulière. Le sillon de Rolando est normal. - La
EPILEPSIE JACKSONNIENNE. 15 5
circonvolution pariétale ascendante parait normale. - Le pli pa-
riétal supérieur, le pli pariétal inférieur, et le pli courbe sont très
distincts; à cet égard c'est un cerveau type.
Les circonvolutions du lobe occipital sont assez volumineuses. Le
lobule de l'insula possède trois digilalions subdivisées. - Les cir-
convolutions temporales sont normales, sinueuses. - La première
envoie de sa parlie moyenne un pli assez large, de forme conique
vers le fond de la scissure de Sylvius. Ce pli présente un sillon
longitudinal assez superficiel. A un centimètre en arrière de ce pli
en part un autre court et simple (IL. III, p.). Entre ces plis vienl
s'emboîter un petit prolongement du pli pariétal inférieur.
Face interne. La première circonvolution frontale est double,
mais interrompue à sa partie moyenne par un sillon perpendicu-
laire (PL. IV, s); elle se termine sur le lobe paracentral) (L P) sans
séparation. Le lobitle est volumineux, presque coupé en
deux par un sillon vertical. - Le lobe carré (L Q), le coin (L C), le
lobe occipital (L 0), sont normaux (PL. IV).
Réflexions. - Cette observation nous semble comporter
les remarques suivantes :
I. Si nous exceptons la tuberculose dont ont été atteints le
père de Grar... et plusieurs de ses grands parents, nous ne
trouvons aucune all'ection nerveuse ou héréditaire dans la
famille de notre malade; ajoutons seulement que les deux
grand-pères étaient alcooliques.
II. Jusqu'à l'âge de dix ans, Grar... a joui d'une bonne santé,
son intelligence était normale. A cette époque, dans le cours
d'une fièvre typhoïde ( ? ), il fut atteint d'accidents cérébraux
sur lesquels des renseignements précis nous font défaut et à la
suite desquels on constata une hémiplégie gauche. Celle-ci alla
s'améliorant, la marche redevint régulière, et, sauf une contrac-
ture intermittente du deuxième orteil gauche, les deux membres
inférieurs ne présentaient, en 1882, que de très légères diffé-
rences. Au membre supérieur gauche la paralysie persista
plus longtemps, et ce ne fut que vers quinze ans que Grar...
put saisir certains objets; certains groupes musculaires se con-
fracturèrent. t.
III. C'est quatre ans après le début de la lésion initiale
qu'apparaît l'épilepsie d'abord sous la forme de vertiges
(quatorze ans), puis sous forme d'accès (dix-sept ansj. Pendant
l'accès, les yeux et la face étaient tournés à gauche ; la rigi-
dité était plus prononcée de ce même côté, les secousses tétani-
16 6 11'ILEI'SI E .J.\CKSOè\NIENNE.
formes étaient égales des deux cotés; mais, pendant la période
clonique, les secousses étaient plus prolongées il gauche, sur-
tout au membre supérieur. Enfin, dans certains accès, surtout
les accès isolés, les convulsions étaient limitées à la moitié
gauche du corps.
L'accès, comme nous l'avons vu (p. 5), était toujours pré-
cédé d'une aura siégeant dans la main gauche ; celle-ci avait
une tendance à se contracturer en flexion dans toutes ses par-
lies, le pouce se lléchissant le premier; aussi Gr... maintenait-
il presque sans cesse, avec l'autre main, la main gauche dans
l'extension forcée. Le malade pouvait faire avorter les accès en
renversant le pouce ou la main entière en arrière. L'accès
n'éclatait que si la contracture ne pouvait être vaincue. Cette
tendance à la contracture n'était pas permanente ; elle ne
paraissait pas se produire quand le malade était distrait.
Grar... se plaignit plusieurs fois de troubles visuels à
gauche; ceux-ci ne furent que momentanés, mais toutefois
l'action de fixer longtemps avec l'oeil gauche déterminait les
phénomènes de l'aura.
Notre malade a eu, à plusieurs reprises, des séries d'accès ; il
eut de plus, en 1874, un état de mal sur lequel nous manquons
de renseignements. Enfin, en 1883, il survint un nouvel état
de mal auquel le malade a succombé et qui a offert la plupart
des symptômes de l'état de mal ordinaire, entre autres l'élé-
vation de la température.
IV. Les lésions cérébrales trouvées à l'autopsie n'intéressent
que l'hémisphère droit qui présente un ancien foyer compre-
nant : -1° la partie postérieure de la troisième circonvolution
frontale et de la deuxième circonvolution frontale; 2° la partie
moyenne de la première circonvolution frontale; 3° la frontale
et la pariétale ascendantes dans leurs parties inférieures ; 4" le
lobule pariétal inférieur, et 5° la moitié antérieure du pli courbe.
Ces lésions expliquent parfaitement les phénomènes éprouvés
par notre malade, et notamment la prédominance des accidents
convulsifs, dans le membre supérieur gauche, dont le centre mo-
teur, qui occupela moitié inférieure des circonvolutions frontale
et pariétale ascendantes, était détruit à un degré prononcé par
le foyer pathologique. En ce qui concerne le membre inférieur
qui est plus spécialement sous la dépendance des parties supé-
rieures de la zone motrice, nous avons vu que, dans les accès,
il était moins fortement atteint que le melllb c supérieur ; or,
EPILEPSIE JACKSONNIENNE. 17 Î
l'autopsie nous a montré que, au niveau de sa zone, les lésions
étaient beaucoup moins prononcées et même nulles dans la
portion supérieure de la frontale et de la pariétale ascendantes.
Relativement aux lésions de l'extrémité postérieure de la
deuxième circonvolution frontale, du lobule pariétal inférieur
et du pli courbe, nous nous contenterons de signaler leur rela-
tion probable avec les phénomènes observés du côté de la face
et surtout avec les symptômes oculaires.
Disons encore que la lésion a déterminé une atrophie géné-
rale de l'hémisphère droit, qui pesait 90 grammes de moins
que le gauche, et que, contrairement à la règle, l'atrophie
portait non pas sur l'hémisphère cérébelleux gauche, mais
bien sur l'hémisphère cérébelleux droit : en un mot, l'atrophie
portait sur l'hémisphère cérébral et l'hémisphère cérébelleux du
même côté.
Nous bornons là ces réflexions. Les détails consignés dans
l'observation, la description des lésions notées à l'autopsie et
que représentent fidèlement les planches dessinées par
M. Leuba, permettront d'utiliser notre observation à propos
d'autres faits.
l3uuwewL. 18 . 12
II.
De l'emploi du curare dans le traitement
de l'épilepsie;
Par BOURNEVILLE et P. BRICON.
Nous n'avons pas à nous occuper ici de l'action physiolo-
gique du curare si bien étudiée par de nombreux auteurs,
surtout par Claude Bernard ' d'abord et ensuite par M. Vul-
pian - ; ces recherches sont classiques, et, quoiqu'il règne
encore quelque obscurité sur le mécanisme de l'action phy-
siologique du curare, nous ne saurions tirer à cet égard de
nos études personnelles aucune donnée nouvelle.
Il nous semblait, dès l'abord, peu rationnel d'utiliser dans
le traitement de l'épilepsie un médicament qui, physiologi-
quement, sauf une légère excitation initiale, reste sans action
sur les centres nerveux et sur le système nerveux sensitif, et
qui, en abolissant les mouvements volontaires, ne saurait
agir que sur l'effet et non sur la cause de l'épilepsie. Nous
connaissions les observations anciennes et leur lecture ne nous
avait pas inspiré l'idée de traiter nos malades par le curare.
Nous ne nous sommes décidés à l'expérimenter qu'après avoir
lu les nouvelles observations publiées récemment par plu-
sieurs médecins étrangers, qui prétendent avoir obtenu du
curare des résultats satisfaisants et le préconisent dans le
traitement de l'épilepsie.
Nous ne nous dissimulons pas que, pour préciser d'une
' Claude l3ernartl.- Leçons sur les effets des substances toxiques et mé-
dicamenteuses; Paris, 1857, 4ne-2G° leçon (î mai-13 juin 1856), p. 239-393.
2 Vulpian. - Leçons sur l'action physiologique des substances toxiques
et médicamenteuses; t. I«, 1 er fa, Paris, 1881, /i°-8« leçon, p. 193-423.
DU CURARE DANS L'ÉPILEPSIE. 19
manière tout à fait exacte l'action du curare, nous aurions dû
pousser la curarisation jusqu'à l'affaiblissement des mouve-
ments respiratoires, ou tout au moins jusqu'à l'affaiblissement
général des autres muscles. Sous ce rapport, nos recherches
ne sont donc pas concluantes, mais de tous les auteurs qui
ont vanté l'action du curare dans le mal comitial, aucun ne
l'a employé, que nous sachions, à la dose limite, et, dans
l'espèce, la crainte d'accidents possibles, pouvant se produire
lors d'un accès éclatant au milieu de la curarisation presque
complète, nous a empèché de dépasser les doses employées
par nos prédécesseurs.
Nous pouvons ajouter que nous comprenions peu comment
ce médicament, dont l'élimination est si rapide quand il est
administré par la voie hypodermique, pût avoir une action
quelque peu prolongée sur les accès d'épilepsie.
Nous n'insisterons pas davantage sur ces considérations
générales qui indiquent suffisamment la confiance relative que
nous avions dans le traitement de l'épilepsie par le curare, et,
après avoir fait l'historique de l'emploi du curare dans l'épi-
lepsie, nous donnerons les résultats que nous avons obtenus
à Bicêtre.
I. HISTORIQUE.
Thiercelin ' aurait, le premier, publié deux observations
d'épileptiques traités par le curare (méthode endermique), chez
lesquels le nombre et l'intensité des accès diminuèrent, mais
dont l'amélioration disparut avec la cessation du traitement;
ces épileptiques avaient été soumis auparavant à diverses
médications sans aucun succès.
Observation I. Epilepsie congénitale héréditaire. Jeune homme
de vingt-huit ans, affecté d'une épilepsie congénitale héréditaire,
a passé quatre ans à l'hospice de Charenton. Considéré comme
incurable, il avait cessé de recevoir des soins médicaux depuis
deux ans. Ses accès variaient entre quinze et vingt par mois,
dont une partie n'était que des vertiges, et les autres, en plus
grand nombre de haut mal.
Observation II. - Epilepsie; début ci neuf ans par des vertiges;
accès d'abord nocturnes. - Jeune fille de dix-sept ans, épileptique
i Thiercelin. Académie des sciences et Gazette médicale de Paris,
février 1861.
20 DU CURARE
depuis huit ans. Les crises, à l'état de vertiges pendant un an, ont
ensuite pris le caractère du haut mal, mais seulement nocturnes
pendant deux ans. Depuis cinq ans, ces accès venaient le jour et
la nuit, et étaient caractérisés par des convulsions violentes, des
cris aigus, le râle guttural, l'écume à la bouche, etc. Leurnombre
est de vingt-huit à vingt-neuf par mois depuis un an.
Sous l'influence du curare, administré à doses variant entre
3 à 5 centigrammes par jour, au moyen d'un vésicatoire en
pleine suppuration, M. Thiercelin a vu, dans l'espace de deux
mois (décembre 1859 et janvier 1860), les accès diminuer, de
manière que chez l'un on n'en a compté que cinq au lieu de
quinze ou vingt, et chez l'autre huit au lieu de vingt-huit
ou vingt-neuf dans le dernier mois. La gravité des convul-
sions s'est amendée aussi d'une manière très notable, et l'état
général s'est sensiblement amélioré. Ainsi l'appétit a aug-
menté en ramenant les forces et l'embonpoint. A l'irritabilité
nerveuse, si grande habituellement chez ces malades, ont
succédé un calme intellectuel et une bonne humeur constante
faisant présager un retour prochain à une santé parfaite.
Cette amélioration donnait de grandes espérances, quand,
malheureusement, au bout du deuxième mois, la provision de
curare était épuisée. La contre-épreuve se produisit alors
rapidement chez les deux malades. Les accès revinrent dans
le mois suivant (février) à leur ancienne fréquence ou à peu
près : à savoir, quinze par mois pour l'un, et pour l'autre
vingt-quatre.
Ayant obtenu un nouvel échantillon de 1 gr. 50 de curare,
M. Thiercelin recommença l'administration chez la jeune fille
seulement, l'exiguité de la provision ne permettant pas de
mener les deux traitements de front.
Dans l'espace de dix jours, la jeune malade reçut sur un
vésicatoire du bras 50 centigr., soit 5 centigr. par jour en une
seule dose. Pendant ces dix jours, trois crises seulement t
revinrent la nuit, et avec peu de convulsions. Amélioration
manifeste.
Le onzième jour, le médicament manque ; il survint trois
accès dans la nuit suivante. Les convulsions ont repris une
certaine intensité. Le douzième jour, M. Thiercelin remet
aux parents 1 gr. du médicament, divisé en quatorze paquets,
et devant être administrés en quatorze jours. Chaque paquet
devait suffire à trois pansements.
DANS L'ÉPILEPSIE. 21 z
Dimanche 11 novembre, le deuxième paquet a été employé,
et, pendant ces douze derniers jours, on n'a eu à constater
que deux accès nocturnes, d'une durée au-dessous de la
moyenne et de peu d'intensité.
En résumé, ces deux malades ont été soumis au traitement
par le curare pendant un temps trop court pour pouvoir
affirmer que la diminution de leurs accès fût sous la dépen-
dance de l'administration de ce médicament. Ces observations
sont, du reste, incomplètes, et l'absence de tableaux d'accès
durant la période de traitement ne permet aucune comparai-
son avec les époques correspondantes des années précédentes.
M. Schivardi* rapporte des observations inédites du Dr Pe-
rini (de Milan) ; celui-ci a aussi employé le. curare dans quatre
cas d'épilepsie (un en 1864, deux en 1865, un en 1866). Nous
en donnons le résumé :
Observation III. - Jeune homme de vingt-cinq ans. - Accès
fréquents et violents. - Début causé parla vue d'accès épilep-
tiques ; traité sans succès par la valériane et l'atropine. -3mura :
sensation de piqûre dans la région dorsale. - Vésicatoire au lieu
de l'aura, saupoudré de un demi centigramme de cérat. - Traite-
ment : un peu plus d'un mois. - Guérison. - Mort l'année sui-
vante de tuberculose pulmonaire. - Pas d'autopsie.
Cette observation est incomplète et peu concluante en ce
sens que l'on voit très souvent les accès diminuer, à mesure
que se développe la tuberculose.
Observation IV. Femme de trente-sept ans, aurait eu, en
1843, une encéphalite très grave ( ? ). Premier accès en 1863
sans cause connue; traitée sans succès par la valériane, l'atropine,
etc. Aura : sensation de chatouillement le long de la colonne,
vertébrale. - Application de vésicatoires au point de départ de
l'aura (dernières vertèbres cervicales), saupoudrés de poudre de
curare. - Durée du traitement. : deux mois. -Amélioration lente
et progressive, puis guérison.
Observation V. - Jeune fille de dix-huit ans, accidents convul-
sifs à la suite de chagrins d'amour, puis accès épileptiques. Aura
épigastrique. Même traitement que pour la précédente. Guérison
en deux mois.
Observation VI. - Enfant de douze ans. - Antécédents épilep-
1 Schivardi. La medicazione ipoclermica, 4e édition. Milan, 1879, p. 199,
22 DU CURARE
tiques héréditaires. Paraplégie faciale rhumatismale suivie d'ac-
cès épileptiques. - Vésicatoire à la nuque saupoudré de curare.
- Traitement de quatre mois. - Guérison.
Ces trois dernières observations sont encore moins con-
cluantes que la première, et, à notre avis, on ne saurait préco-
niser un traitement sur de tels faits; ce sont des notes à con-
sulter personnellement et non à publier.
Le 26 janvier 1864, M. Benedikt communique à la Société
des médecins viennois le résultat de ses recherches sur l'emploi
thérapeutique du curare Dès cette époque, il rapportait avoir
traité quinze épileptiques au moyen des injections hypoder-
miques de curare. Yoici le résumé des quatre cas que M. Bene-
dikt a relatés avec quelques détails :
Observation VII. Le premier concerne un enfant de douze
ans, atteint depuis quatre à cinq années d'accès momentanés de
perle de connaissance avec roulement des yeux; il était, depuis
Pâques de l'année 1863, sujet à des accès épileptiques qui reve-
naient au moins une fois chaque semaine, il fut mis en traitement
au commencement d'août et durant les deux mois de traitement
par le curare, les accès ne reparurent plus.
Observation VIII. - Dans un autre cas, les accès se répétaient
tous les trois jours; pendant le traitement, qui dura quatre mois, les
accès ne revinrent que deux fois seulement et furent remplacés,
les jours où auparavant ils avaient l'habitude d'éclater, par des
frissons, de l'abattement, etc.
Observation IX. - Dans un troisième cas où les accès venaient
presque tous les deux jours, les accès n'apparurent pendant le
traitement que une à trois fois par mois ; ils étaient plus faibles.
Observation X. - Dans un quatrième cas où l'on notait des
vertiges quotidiens et presque chaque jour des accès ordinaires
d'épilepsie, ces derniers devinrent très rares.
Les injections furent faites, dans tous les cas, trois fois par
semaine ; les doses varièrent de 1/15 à 1/10 de grain 2.
En 1866 3, M. Benedikt publiait un second mémoire ; cette
nouvelle série se composait en général d'épileptiques peu favo-
rables, car ils étaient malades depuis un temps déjà assez long.
1 Wiener medizinische Presse. 29 janvier 1805, un : i, p. 118.
- Le grain autrichien équivaut à 73 milligrammes.
3 \-Vielle)' medizinische Presse. 12 et 19 août, n05 33-39, p. 79, 91, 806.
Positive Resultate ;;111' Curare Thérapie.
DANS L'ÉPILEPSIE. 23
Observation XI. Ftach(Hermanu), vingt ans; début probable
en 185o à la suite d'un coup sur la tête; pas d'hérédité, vertiges
fréquents et accès; développement intellectuel peu prononcé; à
l'hôpital, on nota des accès avec perte de connaissance sans
secousses, suivis ordinairement de somnolence persistant parfois
pendant huit heures.
Après un accès à l'hôpital, on observa des troubles intellectuels
et une espèce de perte de connaissance. Comme prodrome le ma-
lade accusait une sensation de chaleur qui lui montait à la tête,
parfois précédée d'une forte oppression. En six mois d'observa-
tion il eut environ un accès par mois.
La réaction des nerfs moteurs était normale. Le 3 novembre
186lui, on commença le traitement par le curare (injection sous-
cutanée de un huitième de grain, trois fois par semaine). Le ma-
lade eut pendant les quatorze premiers jours deux faibles ver-
tiges et le traitement fut continué,jusqu'à la fin de janvier 1863.
Du 19 novembre 1804, au commencement de l'année 1866, il n'eut
plus d'accès.
« Ce cas, ajoute M. Benedikt, est du plus haut intérêt parce
qu'il nous montre l'influence du curare sur les symptômes
psychiques de l'épilepsie. Je dois ici faire remarquer que dans
beaucoup de cas, au début du traitement, on observe des accès
où les symptômes convulsifs restent les mêmes, mais où les
troubles psychiques font déjà défaut, quoiqu'ils aient été aupa-
ravant des plus prononcés. »
Observation XII. -- 8teinscbütz (Johann), douze ans, fils de
paysan. Pas d'antécédents héréditaires ; depuis quatre ans, vertiges
presque momentanés ; le malade perd complètement connais-
sance, roule les yeux et reprend la conversation ou son tra-
vail sans avoir conscience de l'intermède pathologique. Ces ver-
tiges se répétaient plusieurs fois le jour. A Pâques de l'année 1863
eut lieu le premier accès d'épilepsie à la suite d'une lecture d'his-
toire de revenants. il en eut sept jusqu'au 19 août 1863 : alors le
malade fut mis en observation, l'accès durait un quart d'heure,
précédé (un quart d'heure à une demi-heure) d'un accès de petit
mal. Le dernier accès survint quatre jours avant. le début du trai-
tement. La réaction du syslème nerveux moteur par la recherche
galvanique et faradique était très augmentée. Le malade fut pen-
dant huit mois (du 19 août 1863 au 17 mars 1S64) traité comme le
précédent et n'eut plus d'accès ni de petit ni de haut mal, et jus-
qu'à présent (commencement de juin 1866) ils ne sont pas revenus.
Après sept semaines de traitement, on trouva du sucre dans
l'urine.
24 DU curare
Observation XIII. - Schrollenberger (Joseph), dix-sept ans, hor-
loger, a eu à neuf mois à la suite d'une peur et à six ans après
une chute, un accès d'épilepsie. - L'enfant n'a pas d'antécédents
héréditaires; il est intelligent; il y a deux semaines, il eut
de nouveaux accidents convulsifs ; il eut chaque jour, durant six
jours, deux ou trois accès débutant par une sensation de pression
montant de l'abdomen, suivis de l'abolition de la parole, de la
perte de connaissance et de secousses généralisées. Les accès
duraient de trois à cinq minutes et ne laissaient après eux aucun
symptôme. Le traitement, commencé le 29 septembre, fut con-
tinué durant quelques semaines. Les accès cessèrent de suite et ne
reparurent plus'.
Observation XIV. - Altar (Isak), épileptique depuis quatre ans ;
accès nocturnes se répétant dans les derniers temps tous lestrente-
deux jours. Quoique le résultat obtenu par le traitement n'ait pas
persisté, M. Benedick dit devoir rapporter ce cas, parce que ce ma-
lade est, jusqu'à présent, celui qui est resté le plus longtemps en
observation; il fut soumis au traitement du 8 août au 26 décem-
bre 1864. Le malade était sujet dans l'intervalle de ses accès à
des suffocations. - L'origine de la maladie est attribuée à des
chagrins, etc. Les accès étaient nocturnes. Des injections de 1/1 à à
1/4 de grain lui furent faites quatre fois par semaine. Les accès
perdirent leur type. Dans les deux premiers mois il n'y eut aucun
accès, mais à l'époque où avait coutume de venir l'accès, le ma-
lade ressentait un malaise général et des frissonnements. Dans les
trois mois suivants il y eut un accès, à la suite duquel il resta
pendant un jour assoupi. Plus tard, un autre accès fut suivi de
tremblement de la main droite; dans l'année 186;i, il eut cinq
accès au lieu de douze; en 1866, jusqu'en juillet, cinq accès; de
sorte que le malade avait à cette époque à peu près le même
nombre d'accès qu'avant le traitement.
Depuis le premier traitement, il avait été soumis, à deux
reprises différentes à des injections de curare. Les accès de suffo-
cation avaient disparu. Dans ce cas, la présence de sucre dans les
urines fut aussi constatée après plusieurs semaines de traitement.
La contractilité électro-musculaire, normale au début du traite-
ment, diminua passagèrement pendant la durée de celui-ci.
« Ces observations montrent indubitablement, dit M. Bene-
dikt, que le curare possède non seulement une action spécifique
sur la diathèse motrice de l'épilepsie, mais encore sur la dia-
thèse psychique. De nombreux insuccès dans les cas invétérés
' M. Benedickt nous apprend que ce malade a été observé par lui
pendant six années et qu'il n'a pas eu de rechute.
DANS l'épilepsie. 25
démontrent qu'il n'est aucun remède sûr pour tous les cas. De
nombreuses expériences me font l'impression, je ne veux pas
dire me démontrent, que ce remède arrête le développement
de la maladie dans les cas récents, idiopathiques, concernant
des jeunes sujets. »
M. Benedikt faisait des injections trois fois par semaine
durant six à huit semaines ; il suspendait alors le traitement
s'il n'y avait plus d'accès, enfin il le reprenait dès qu'il y avait
rechute. Il se servait du curare du commerce.
Les injections étaient faites au cou, elles restaient doulou-
reuses pendant plusieurs heures chez les personnes sensibles
et donnaient lieu parfois à de petites indurations '.
Enfin, le 3 février 1871 2, M. Benedikt faisait une dernière
communication à la Société médicale de Vienne sur le Traitement
des convulsions par le curare. Il s'agissait d'une malade qui souf-
rait trois mois avant le traitement d'accès de cardialgie, auxquels
s'ajoutèrent plus tard des phénomènes congestifs du côté de la
tète et des accès de suffocation. Les narcotiques et les prépara-
tions métalliques restèrent sans effet. On nota encore chez
elle du spasme dans les gros vaisseaux, des pâleurs, des fris-
sons, des fourmillements, des convulsions d'abord localisées
aux orteils et aux doigts de la moitié droite du corps ; celles-ci
se généralisèrent et s'accompagnèrent de délire ; elles de-
vinrent de plus en plus fréquentes malgré l'usage du bromure
de potassium (deux scrupules en deux doses par jour) et dispa-
rurent par l'usage du curare dans l'intervalle de trois jours
(deux injections en tout).
Le curare s'est montré sans action dans certaines formes
d'épilepsie ; l'épilepsie gyratoire, par exemple, et dans un cas
d'épilepsie symptomatique d'une lésion traumatique de la
cuisse.
Mandt', en opposition à ces succès partiels, a fait connaitre
un cas dans lequel les injections de curare furent employées
pendant quatre mois sans le moindre effet. Il s'agissait d'une
1 Dans une lettre que nous a adressée M. Benedikt, en 1883, celui-ci
fait observer qu'il filtre maintenant chaque fois la solution jusqu'à ce
qu'elle devienne claire et jaune, et que depuis ce temps la réaction
locale est nulle on au moins très rare.
2 IViene,' Pi-esse, 19 février 1871, il" 8, p. 196.
à Mande, - Die Wirkrrug des Curare bei Epilepsie( Wiener' /lied. Pressc,
ri- 17, 1866).
26 DU CURARE
femme de vingt-deux ans à qui on injecta au bras et à la nuque
dix gouttes d'une solution à 1 : 120 tous les deux jours pen-
dant le premier mois, ensuite tous les jours les autres mois.
Au lieu de la piqûre, il se faisait une petite induration.
MM. A. Voisin et H. Liouville', en 1865, ont fait à Bicêtre
des recherches physiologiques et thérapeutiques sur le curare.
Nous laisserons de côté la partie physiologique de leur travail
pour ne nous occuper que du mode d'administration et de
l'action thérapeutique du curare dans l'épilepsie. A tous les
autres modes d'administration ces auteurs préfèrent la méthode
hypodermique.
« Le vrai moyen disent-ils, pour avoir des résultats rapides et
presque prévus à courte échéance et la plus utile voie pour pou-
voir parer de suite par la ligature, avec une bande roulée, à un
accident, est l'injection sous-cutanée dans les membres avec les
précautions qu'elle exige.
« Les malades que nous avons traités avec le curare sont tous
des épileptiques placés dans le service de l'un de nous à l'hospice
de Bicêtre. Leur affection nous a paru d'autant mieux se prêter à
cette médical ion qu'elle est, d'une part, regardée comme le plus
souvent incurable, et que, d'autre part, elle est une de ces ma-
ladies que l'on dit avoir été traitée avec succès parle curare dans
les contrées où on le prépare. De plus, cette médication curarique
a déjà fait à Paris et à Vienne, dans les mains de MM. Thiercelin
et Benedikt, l'objet de recherches malheureusement restées in-
complètes par la privation du médicament, et peu certaines, peu
concluantes par le défaut d'une dosologie établie d'une façon plus
fixe. »
Douze malades adultes ou âgés de plus de quinze ans ont
été mis en traitement presque tous au commencement d'août.
Au début, les doses étaient de 2/10 de milligrammes; comme
elles ne produisaient aucun effet appréciable, elles ont été
portées successivement à 60-70 milligr. A partir de là,
MM. Liouville et Voisin ont procédé par augmentation de
5 milligr., puis d'un centigr., et sont arrivés à administrer en
injections sous-cutanées 8 centigr., 38 centigr. par la voie
endermique et 40 centigr. par les voies rectale et buccale.
MM. A. Voisin et Liouville ne semblent pas avoir retiré de
grands avantages de la médication par le curare, ainsi qu'il
résulte du passage suivant de leur brochure :
1 A. Voisin et il. Liouville. - Etudes sur le curare. Paris, 1(i6.
DANS l'épilepsie. 27
« Pour ce qui touche les résultats définitifs de l'emploi du curare
contre l'épilepsie, nous ne pouvons pour ce moment rien affirmer
dans aucun sens. Nous n'avons pas vu qu'il fût nuisible, mais
rien ne nous autorise non plus à vanter son efficacité. Pour
asseoir sérieusement un jugement définitif sur ses avantages réels,
il nous semble qu'on est en droit d'exiger des observations de
plus longue durée (deux, trois, quatre ans même) et une statis-
tique avec des points comparatifs antérieurs dans une période à
peu près pareille. »
Beigel' a injecté dans un cas d'épilepsie jusqu'à 13 milligr.
de curarine sans aucun résultat.
Le travail de MM. H. Liouville et A. Voisin clôt, en quelque
sorte, la première période dans laquelle le curare a été em-
ployé contie l'épilepsie. Il nous semble s'être écoulé un
certain nombre d'années avant que le curare fut mis de nou-
veau à contribution : il nous faut arriver, en effet, à l'année
1878, époque où il est reparlé du curare.
« J'ai essayé, dit M. Rosenthal 2, dans un certain nombre de
cas, une solution de 5 centigr. de curare dans ;> gr. d'eau, avec
addition de trois à quatre gouttes d'alcool absolu ; pendant deux
ou trois mois, je faisais tous les deux jours une injection sous-cu-
tanée, en allant progressivement de 4 milligr. à 9 milligr. Chez
sept malades que j'ai soignés ainsi (dont quatre cas sans antécé-
dents héréditaires, et deux d'hystérie épileptiforme), et chez cinq
autres malades traités de la même façon à l'asile des aliénés de
Vienne, le médicament n'a produit aucun effet durable. a
M. le D° Kunze3 a recommandé dans ces derniers temps
d'une manière pressante le curare dans l'épilepsie. Il a expé-
rimenté le curare chez 80 malades, et aurait obtenu chez 6
d'entre eux une guérison parfaite. Les faits rapportés en
détail par lui tendraient à prouver que, dans toutes les formes
de l'épilepsie, même dans celles où la maladie, déjà ancienne,
a amené un affaiblissement notable de l'intelligence, le curare
peut, dans certains cas, guérir le mal et même rendre un peu de
son intégrité à l'esprit. Selon cet auteur, la dose de 1 centigr. de
1 Beige). - Versuche mit Curare und Curarin (Berl. Clin. Wochens-
christ, ni' 7 et 9,1867).
2 Rosenthal. -- Traité clinique des matantes du système nerveux,
trad. de Luhanski. Paris, ]8îR, p. 547.
Kunze ? a/tt'&MC/tde;' Practischen Medicin de P. Borner, année 1879,
p. ? 5.
28 DU curare
cnrare en injections hypodermiques serait sans danger. Les in-
jections étaient faites pendant trois semaines tous les cinq jours.
Edlessen ', encouragé par ces observations, a essayé le
curare dans un certain nombre de cas d'épilepsie confirmée.
Dans deux cas d'hystéro-épilepsie, le curare a échoué. De
treize épileptiques, six ne tirèrent aucun bénéfice du médica-
ment ou ne furent améliorés que passagèrement, trois virent
leurs accès diminuer d'une façon notable avec cessation même
pendant plusieurs mois, tandis qu'auparavant les accès étaient
quotidiens et très violents ; trois malades enfin auraient été
guéris complètement. Dans presque tous les cas d'autres médi-
caments avaient été auparavant administrés en vain \
La solution employée par ces deux auteurs était ainsi com-.
posée :
DANS L'EPILEPSIE. 29
Le curare que nous avons employé pour notre solution de
8 p. 100 ayant amené la mort d'un lapin de 3 kilogr. à la dose
de -2\ milligr., la dose limite était donc pour cet animal de
23 milligr., soit de 36 centigr. pour un adulte de 60 kilogr.
La solution injectée par nous à Bicètre était ainsi for-
ml11pp.
30 DU CURARE
Nous n'avons jamais eu à déplorer d'accidents généraux
d'aucune sorte. Il est vrai que nous n'avons jamais atteint la
dose limite fournie par l'expérimentation. Sur ce point, nous
n'avons pas d'autre renseignement que celui qui nous est
fourni par M. Rosenthal. « Dans une de mes observations ',
dit-il, après une injection de 0.01, il y eut des symptômes
d'intoxication consistant en nausées, vertiges, rougeur de la
face, battements douloureux des tempes, abattement général,
accélération du pouls et soif vive ; par l'analyse chimique des
urines, on y trouva du sucre. Ces accidents disparurent par
le repos et un traitement simple. »
IV. - EXPOSÉ DES FAITS.
Nous présenterons d'abord trois observations qui nous ont
paru intéressantes à divers titres, puis nous donnerons un ré-
sumé des observations des dix-huit autres malades soumis au
traitement par les injections hypodermiques de curare.
Observation XV. -- Grand-père paternel alcoolique et cancéreux.
Grand-père maternel alcoolique. - Mère migraineuse. - Deux
Meurs mortes de méningite.
Vertiges à six ans. - Accès deux mois plus tard. - Retard de
la parole, de la marche, de la propreté. - Teigne. - Chute du
rectum. - Traitement par le bromure de potassium (insuccès);
puis par l'hydrothérapie (insuccès); retour partiel de l'intelligence.
- Chute, plaie frontale. - Augmentation des accès. - Description
d'un accès. Déchéance intellectuelle (méningo-encéphalite). -Trai-
tement par les injections hypodermiques de curare. - Insuccès.
Mus... (Albert), né le 12 avril 1873, est entré à Bicêtre le 19 avril
1880 (service de M. Bourneville).
Renseignements fournis par sa mère (28 avril 18S1). -Père, qua-
rante-deux ans, hien portant, éperonnier-sellier, hrun, assez in-
tettipent, ne fait pas d'excès de boisson habituels; n'a jamais eu
de migraines, ni d'affections de la peau, etc. ; marié depuis qua-
torze ans, « c'est un hou mari ». [Père, éperonnier, mort en 1872,
à l'âge de soixante-deux ans, d'un cancerdu pylore, faisait quelque
excès de boisson. - Mère, morte en 1831, écrasée par une voiture;
n'a jamais eu d'attaques de nerfs. Pas d'aliénés, ni de paralytiques,
ni d'apoplectiques, ni d'épileptiques; pas de difformes, ni de sui-
cidas ou de criminels dans la famille.]
1 Rosenthal. - Loc. 6/. i,il'ieuu. merl. Presse, UO G, 1867.)
DANS L EPILEPSIE. 31 t
Mère, trente-cinq ans, journalière, femme de ménage, après
avoir été marchande des quatre saisons à fontarbis; bien por-
tante, assez intelligente; est sujette à des migraines une fois ou
deux par mois, sans coïncidence avec les règles (céphalalgie fron-
tale, vomissements, etc.) ; elle n'a jamais eu de maladies de peau
ni fait de maladies graves. [Père, jardinier, faisait quelques excès
de boisson, n'a eu ni migraines, ni maladies nerveuses ; mort à la
suite d'un coup de pied dans le ventre : il avait été opéré quelques
années auparavant d'une hernie étranglée. - Alère, bien portante
sobre, ni migraineuse, ni nerveuse. - Deux frères, l'un mort
jeune, on ne sait de quoi; l'autre, en bonne santé, a deux enfants;
ceux-ci, n'ont jamais eu de convulsions. Cinq soeurs, dont
deux mortes jeunes de cause inconnue; les autres sont bien por-
tantes ; une a eu un enfant qui n'a pas eu de convulsions. Pas
d'aliénés, etc.] - Pas de consanguinité.
Hait enfants : 10 garçon, quinze ans, bien portant, intelligent,
2° garçon, mort à dix-sept mois d'une méningite; 3° garçon, onze
ans, intelligent, bien portant : 4° fille, dix ans, intelligente, bien
portante; ;j0 notre malade; 6° fille, six ans et demi. bien portante,
va à l'école; '7° fille, morte à dix-huit mois d'une méningite après
trois mois de maladie; 8° garçon, vingt-trois mois, santé excel-
lente. Ils ont tous été élevés au sein par leur mère; aucun n'a eu
de convulsions.
Notre malade. - Grossesse moins bonne que les autres. La
mère venait à peine de sevrer quand elle est devenue enceinte; au
troisième ou quatrième mois, alors qu'elle doutait encore de sa
grossesse, elle a eu une grande peur occasionnée par un vent vio-
lent qui a failli l'enlever. Sous le coup de cette peur, elle sentit
remuer l'enfant pour la première fois; à partir de ce moment,
durant toute la grossesse, elle fut très impressionnable : si l'on
frappait à sa porte, « elle devenait verte », et se cachait. En dehors
de celte impressionnabilité contrelaquelle elle luttait, la grossesse
fut bonne. Accouchement à terme, naturel. L'enfant, élevé au
sein par sa mère jusqu'à un an (pas de convulsions), a marché
à vingt mois (les autres enfants ont marché au plus tard à qua-
torze ou quinze mois); il a parlé à quatre ans mais mal (les autres
enfants ont parlé vers dix-huit mois, et à deux ans, ils parlaient
bien). Il ne fut propre qu'à trois ans (ses frères et soeurs ont été
propres de bonne heure). -Jusqu'à l'âge de quatre ans, il eut en
dehors des besoins de défécation, une chute du rectum qu'on lui
rentrait facilement. Dès qu'il est devenu propre et surtout dès
qu'il a marché, la chute du rectum a diminué.
Mul... a été difficile à élever; pendant longtemps, il n'aimait
que le pain, les haricots, les pommes de terre et le laitage sucré.
Il paraissait néanmoins intelligent, comprenait ce qu'on lui disait,
32 DU CURARE
essayait de se rendre utile. Il est allé à l'école où il apprenait bien.
Avant de s'endormir il s'amusait à lire, à compter, puis « il balan-
çait sa tête en la roulant sur l'oreiller, il aurait toujours eu cette ha-
bitude, il ne s'endormait pas sans se bercer ». Pas d'autres tics,
pas d'habitudes de succion; il mangeait et s'habillait seul, cirait
ses souliers, faisait les commissions, etc. Pendant un an, vers trois
ans, croûtes persistantes du cuir chevelu; en 1880, glandes cervi-
cales non abcédées, conjonctivite légère, pas d'otite, etc., pas de
fièvres éruptives.
Jusqu'en décembre 1879, 111u1... ne présenta aucune affection
nerveuse. A cette époque, on constata les accidenls suivants : Il
avait une convulsion de la face, on croyait « qu'il riait sans
bruit», en trois ou quatre secondes c'était fini. (Vertiges). Unjour
en marchant tenu à la main par son père, celui-ci sentit que
l'enfant serrait plus fortement, et s'arrêtait; il vit sa face convul-
sée ; durée : deux à trois secondes. Vers la fin de janvier 1880,
Mul... eut des accès, d'abord assez légers et assez éloignés, il est
resté trois semaines sans en avoir; les vertiges persistaient et ve-
naient environ tous les deux jours par série de trois ou quatre;
on lui donna du bromure de potassium; à partir du 12 avril, les
accès se montrèrent tous les jours, leur maximum a été de sept
en vingt-quatre heures; ses parents se sont alors décidés à le pla-
cer. Mené à la préfecture, l'enfant a beaucoup pleuré; il a même
sangloté quand il s'est vu à l'infirmerie du dépôt, où il n'est
d'ailleurs resté que quelques heures.
Accès. Aura; à l'origine, il disait : « Voilà que cela me prend»,
il accusait une douleur dans le ventre et à la tête dont il ne s'é-
tait jamais plaint auparavant. Il criait en tombant et ne se bles-
sait jamai ? il n'urinait pas sous lui et il n'écumait pas. On ne sait
s'il se mordait, mais on assure qu'il n'avait pas à la maison la lèvre
supérieure aussi grosse, elle était régulière, ce n'est que depuis les
accès qu'elle a grossi. Les convulsions prédomineraient à droite;
après les crises, on a remarqué qu'il se tenait moins bien sur la
jambe droite et qu'il se servait moins bien du bras droit. Depuis
le début des accès, il mange moins; l'an dernier, il était presque
vorace. - On ne sait à quoi attribuer sa maladie; pas de chutes;
pas de vers, pas d'onanisme, pas de vision colorée; on ignore s'il
a eu peur. Il n'aurait plus de vertiges. Les accès sont diurnes et
nocturnes.
L'enfant est très caressant, très affectueux pour ses parents, ses
frères et ses soeurs dont il n'était pas jaloux. L'intelligence a
beaucoup diminué depuis quatre mois et même depuis une
quinzaine de jours; il a reconnu ses père et mère, mais ne leur
a pas parlé (avril 1881).
Etat actuel (21 avril 1880). Tête : crâne petit, régulier, la partie
DANS L'ÉPILEPSIE.$$
postérieure est notablement plus développée; méplat à la partie
supérieure de l'occipital ; sillon transversal au niveau de la fon-
tanelle antérieure.
34 DU CURARE
quelques cicatrices sur le cuir chevelu surtout à droite. Cheveux
châtains, cils noirs et très longs.
La respiration, la circulation, la digestion ne présentent aucune
anomalie.
Sensibilité générale et spéciale, normale. - Le phénomène du
tendon est assez marqué des deux côtés, mais plus à gauche.
L'intelligence est en partie conservée; l'enfant connaît la date
du jour, le nom du mois, son âge, etc., il ne se rappelle pas la
date de son entrée '. Le sommeil est bon. Le dynamomètre donne
à gauche 38, à droite, 40.
Description d'un accès. - Pas d'aura. - Petits cris initiaux. Pé-
riode ionique : face à droite, yeux tournés en haut et à droite; pau-
pières ouvertes ou demi-closes, pupilles très dilatées, cou rigide
dans l'extension, bras droit dans l'extension, main fermée pouce
en dedans, bras gauche en demi-flexion, doigts écartés, le pouce
tantôt dans l'extension, tantôt fléchi dans la paume de la main,
les autres doigts fléchis. Membres inférieurs dans l'extension in-
complète ; pied gauche en varus équin, plus accusé qu'à droite,
bien que ce soit à droite que la rigidité prédomine. Période téta-
uniforme : la face devient de plus en plus rouge; convulsions téta-
niformes de la face à droite, puis dans les quatre membres, avec
légère prédominance à droite.- Période clonique : peu accentuée;
quelques secousses dans les membres surtoutdans la jambe droite;
pâleurde la face très prononcée. - Pas de stertor, pasd'écume (ou
parfois légère écume). L'enfant revient de suite à lui, sourit; mic-
tion involontaire inconstante. Durée totale : une minute.
Dans d'autres accès; pas de cri ou d'autres fois cri, un peu sourd
et prolongé, chute en arrière. - Quelquefois en revenant à lui, il
se frotte la figure de la main gauche et se réveille peu à peu
(o à 6 minutes). Parfois, il pleure après ses accès.
1880. 26 avril. L'enfant a eu dans la nuit du r au 25, 13 accès;
dans la journée d'hier 10 accès; dans la nuit 19 accès et Il accès
ce matin jusqu'à 40 heures et demie. - Soir : T. R. (2 avril)
300. 26 avril, matin : 39°,4. - Soir : T. 37°,8 ; P. ')24; R. 36.
Pommettes colorées, assoupissement; pupilles normales.
15 grammes d'huile de ricin avec goutte d'huile de croton.
Lavement, sulfate de quinine, SO centigr. - Pas d'accès de midi
à 8 heures du soir.
27 avril. 26 accès dans la nuit ; ce matin de 7 à 8 heures 10 ;
de 8 heures à 10 heures et demie, pas d'accès. T. Il. matin, 39°.
L'enfant est éveillé, P. 96. Pas de vomissements, langue humide,
selles abondantes; il a gâté. ZD
4 Depuis cette époque l'intelligence a considérablement diminué (Voir
janvier tau5).
DANS L'ÉPILEPSIE. 35
30 avril. Pas d'accès depuis le 23. Julep avec 2 grammes de
bromure de potassium. - 5 mati : 3 grammes. 10 mai : 4 grammes.
- 15 mcri : : i grammes. 20 mai, 6 grammes.- 1 et mai : Chute
du rectum facilement réductible.
6 mai. - Lecture : sait ses lettres ; écriture : fait des bâtons;
calcul : connaît les chiffres. - Parait avoir peu de mémoire ;
parle difticilement. - Gymnastique : ne fait que les mouvements.
- Traitement : Bromure de potassium avec sirop de diacode.
24 juin. - Travaille très peu; accès fréquents; somnolence; de
moins en moins intelligent. Purgatif; suspension du bromure de
potassium les 26 et 27. A partir du 28 juin, 2 grammes de bro-
mure de potassium; du 1 cr au 5 juillet, 3 grammes avec augmen-
tation progressive tous les 5 jours d'un gramme jusqu'à 7 grammes.
3 septembre. - Revacciné sans résultat le- 26 août. i
4 septembre. - Suspension du bromure de potassium les et 6;
le 5 septembre : purgatif; le 7, bromure de potassium, 2 grammes ;
le 10, 3 grammes; augmentation progressive d'un gramme tous
les cinq jours, 2 bains salés par semaine.
25 septembre. - Progrès très sérieux en lecture seulement.
27 octobre. - Emmené par sa mère en congé.
4 novembre. Ramené par sa mère, il a eu plusieurs accès chez
lui (2 le 1er, 5 le 2, 4 le 3, 4 le 4) sa mère prétend « que, quand la
lèvre supérieure devient grosse, cela indique l'approche d'un accès ».
5 novembre. - Purgatif; 2 bains salés par semaine.
6 novembre. Bromure de potassium : 2 grammes; le 16
novembre : 3 grammes; le 26 novembre, 4 grammes.
18 décembre. Purgatif; suspension du bromure de potassium,
le 19 elle 20.
21 décembre. - Bromure de potassium : 2 grammes, etc.
4881. 11 juin. - Traitement par l'hydrothérapie et le bromure
de potassium (4 grammes), jusqu'au 30 juin. Suspendre pendant
8 jours et recommencer par deux grammes en augmentant d'un
gramme tous les 10 jours jusqu'à 10 grammes.
4 juillet. A fait assez de progrès à l'école; lit demi-couram-
ment ; est plus intelligent. Gymnastique : peu de progrès.
2 décembre. - Quelques petites adénites cervicales.
13 décembre. -.L'enfant est obéissant, très joueur; n'est pas
méchant; fait quelques progrès à l'école et à la gymnastique.
Suppression des douches; il prend toujours du bromure de potas-
sium ; aller jusqu'à 6 grammes.
1882. 13 janvier. - Le hromure de potassium a été suspendu
le 2 janvier; du 14 au 21 janvier : 2 grammes; augmenter d'un
gramme toutes les semaines, jusqu'à 6 grammes.
17 janvier. - 15 accès de jour ; 25 de nuit. T. R. soir : 39,2..
18 jvnuier. - T. R. matin : 39o,6.
36 . DU CURARE
25 février. - Revacciné sans succès.
4 1er mai. - Suppression du bromure dé potassium.
46 mai. - Hydrothérapie.
26 octobre. - L'enfant a, depuis le commencement du mois
d'août, une plaque de teigne sur la région pariétale gauche; épila-
tion, lotion de sublimé.
3 décembre. - Suppression de l'hydrothérapie. - Progrès peu
sensibles à l'école, etc.; mémoire faible. Malgré les douches, les
accès ont augmenté ; la nutrition s'est bien maintenue; il parait
avoir profité physiquement, les joues sont pleines et fraîches.
1883. 30 mars. Traitement par les injections hypodermiques de
curare.
12 mai. - Depuis la veille au matin, 9 accès, dont deux pen-
dant la visite. Il pleure abondamment quand on le voit.
1er juin. Quelques progrès à l'école; il serait taquin envers ses
camarades.
8 juin. - Suppression du traitement par les injections hypoder-
miques de curare. - Hydrothérapie.
3 septembre. - Il y a six jours, Mul... s'est fait en tombant au-
dessus de la queue du sourcil droit une plaie linéaire de 1 centim.
et demi. Depuis cette chute, accès nombreux tous les jours.
12 octobre. - Depuis une douzaine de jours, accès répétés (3 à 4 par
jour); le 6 octobre, des sangsues posées derrière chaque oreille
ont produit la suspension des accès pendant deux jours. Bromure
de potassium 3 grammes. Voici quelques températures durant cette
période : le 5 octobre au soir, T. R. 38°,6; - le 6, T. R. 33°.
Soir 38°,9; le 7, T. R. 370,9.- Soir : 38°,3;- le 8, T. R. 3î°,6.
22 octobre. - Les accès sont beaucoup moins fréquents et ne
sont plus quotidiens. Suppression du bromure de potassium.
20 novembre. - Suppression du traitement hydrothérapique.
15 décembre. - L'enfant ne fait plus de progrès à l'école; il est
devenu paresseux, taquin, malpropre.
1884. cr avril. - Traitement hydrothérapique.
42 juin. - Les notes de l'école constatent que Mul... décline
chaque jour. Il a des accès fréquents (en mars, il 97 ').
14 juin. - Il entre à l'infirmerie; il fléchit sur les jambes, a
6 accès par jour et autant la nuit.
19 juin. - Deux verres d'eau de Sedlitz.
28 juin. Amélioration notable ; il n'y a plus que 2 accès dans
les 24 heures. Accès du mois : 222.
lo juillet. Aggravation nouvelle; accès très répétés, pas d'ex-
citation maniaque, hébétude, irascibilité, affaiblissement physique.
M... a de la peine à marcher à la promenade, depuis trois mois
surtout; pupilles égales, un peu dilatées. Léger frémissement de la
pointe de la langue. Il bave beaucoup; autrefois il ne bavait que
DANS L'ÉPILEPSIE.
37
dans ses accès. La parole jadis libre est traînante, pénible. Il sait
encore son âge et la date. Conjonctivite palpébrale double.
12 décembre. - A la suite d'accès nombreux, l'enfant présente
une hémiplégie droite incomplète; l'épaule est tombante, il boite;
il peut toutefois mettre le bras sur la tête. Le bassin est projeté
en arrière ; il fauche de la jambe droite; cependant il peut avec
effort soulever le pied; mais, en l'absence d'effort, la pointe du
pied traine, et c'est sur elle surtout qu'il appuie. Le rachis présente
à la région dorsale une grande concavité droite. La sensibilité
st conservée. - Le malade est hébété, répond très peu et d'une
façon contradictoire. Il fait automatiquement tout ce qui lui est
commindé. Pas de céphalalgie. - Le dynamomètre donne à droite :
5 et à gauche 12 et demi. Traitement : bromure de potassium.
1885. -1'r jvnvier. -mur... n'a pas eu d'accès depuis huit jours.
La motricité est revenue dans le côté droit. La jambe seule reste
traînante dans la marche.
17 janvier. Nouvelle aggravation. Les forces physiques dé-
croissent, M... a de la peine à tenir sa plume, à marcher lors des
promenades. La déchéance intellectuelle s'accentue, il ne peut
plus apprendre de fables comme autrefois, il sait toutefois les dé-
tails de la date; il rit sans motif. Dynamomètre à droite ; 35;
à gauche : 22. - Traitement : 7 grammes de bromure de potas-
sium jusqu'à la fin du mois.
38 DU CURARE
DANS l'épilepsie. 39
prédominent sur l'hémisphère gauche du cerveau, nous fon-
dant sur l'hémiplégie droite transitoire notée à la fin de l'année
1884.
Observation XVI. - Père alcoolique mort de paralysie générale. -
Grand-père paternel mystique, violent. - Grand-oncle paternel
suicidé (délire de persécution) ; une fille de ce dernier hystérique.
- Autre grand-oncle mort aliéné. - Cousins aliénés.
Epilepsie idiopathique. - Accès de colère de la première en-
fance h 18S l. - Fièvre cérébrale et convulsions ti 7 ans (1876). -
Premier accès en août 1851.-Description des accès. -l1allucinu-
tions et accès de manie avant et après les accès. - Séries; états
de malt Affaiblissement intellectuel. -.Phimosis. - Onanisme;
rapports sexuels. - Puberté.
Crest... (Adrien), né le 15 mai 1869, est entré à Bicétre le
20 mars 1882 (service de M. Bourneville).
Renseignements fournis par sa mère (13 3 avril -I 88 ? ).-Pére, mort en
l812, à l'âge de trente-deux ans, à l'asile de Montdevergues, où il
est resté quinze mois : il disait avoir, des millions, de grandes quan-
tités de marchandises et avoir trouvé le secret de ne pas mourir.
Il était fabricant de toiles dans le département de Vaucluse et
sous l'influence de sa maladie il s'est livré à des spéculations
malheureuses. - Marié à vingt-huit ans, déjà et depuis longtemps
il avait l'habitude de boire; parfoisil buvait jusqu'à unlitre d'ab-
sinthe ; avec un de ses amis il pariait à qui en boirait le plus. Il
buvait encore du Champagne et de l'eau-de-vie; enfin il fumait
beaucoup. Il était cholérique et sujet à des migraines (vomissements
et saignements de nez) ; il avait « comme une espèce de dartre fa-
rineuse» erratique. Aussitôt après le mariage sa femme s'aperçut
qu'il n'était pas comme tout le monde, qu'il avait des idées ex-
traordinaires ; quatre à cinq jours plus tard, on est venu faire
une saisie, il ne s'en doutait pas : son intelligence, qui avait été
assez développée, était donc déjà atteinte. [Père, mort à soixante-
dix-huit ans ; il était « halluciné, mystique », très violent; il bat-
tait sa femme et ses filles. » - Un de ses frères (grand-oncle du
malade) s'est suicidé en se jetant dans un puits,; il était atteint du
délire de la persécution (ses enfants sont morts les uns de la poi-
trine, une avait des attaques de nerfs, un autre, qu'on appelait le
lutteur, ou le Taureau de Provence, à cause de sa force, a été
condamné pourvoi et tentative d'incendie; reconnu aliéné, il a
été séquestré dans l'asile de Cadülac, puis transféré à l'asile de
lfondeverânes); - un autre frère, l'abbé Gabriel Cr..., est devenu
fou, a été destitué et enfermé dans un asile. Le Dr Campagne
aurait dit à la mère du malade que, sur les livres de l'asile, il y
avait beaucoup de Cr... - Mère, morte toute jeune des suites de
40 DU CURARE
mauvais traitements, on ne croit pas qu'elle fut nerveuse, elle
était douce, « c'était une excellente créature ». Un oncle paternel
de notre malade, François Cres ? est mort aliéné à Montdevergnes
(il a deux fils chétifs, et une fille qui n'auraient pas d'affections
nerveuses); - deux tantes maternelles s'adonnent à des pratiques
religieuses exagérées; elles n'ont pas d'enfants, on ne peut donner
d'autres détails sur elles. Il y aurait eu plusieurs paralytiques dans
la famille. Pas d'autres suicides. Une Cr..., à un degré de parenté
que l'on ne peut préciser, « avait la figure tournée de côté»; le
père de celle-ci s'était remarié à soixante ans « avec sa servante
qui faisait la noce »; les deux fils de ce même Cres.. ont été
arrêtés comme incendiaires et enfermés plusieurs fois dans des
asiles '.]
Mère, trente ans, châtaine, de physionomie agréable, modiste
chez elle, « parce que mon mari m'a laissé dans la peine »; elle
est bien portante, n'est sujette ni aux migraines ni aux attaques
nerveuses, elle est peu impressionnable, a eu beaucoup d'ennuis
avec son mari. Jamais de maladie de peau. - [Père, mort de
vieillesse, à soixante-dix-huit ans, « s'était remarié et ne s'est
jamais occupé de moi; il m'avait placée au couvent où mon mari
m'a prise parce que j'étais orpheline ». - Mère, morte en cou-
ches « quand je suis venue au monde, dit-on ». Ni frère, ni soeur;
mon père était Suisse, ma mère Espagnole et je ne puis pas
donner d'autres renseignements sur ma famille.] - Pas de con-
sanguinité.
Six enfants dont quatre du père du malade : 4 notre malade ;
2° garçon, douze ans, né dix mois après le premier, est délicat,
a eu des bronchites; deux fois on l'a renvoyé de pension parce
qu'il avait des convulsions, il est moins intelligent que notre ma-
lade ; 3° garçon, mort d'une fièvre cérébrale avec convulsions con-
sécutives à une chute; - il avait une taie ( ? ) sur l'oeil à la nais-
sance, de même que l'enfant précédent; après la naissance de
ce troisième enfant, le père ayant déjà été enfermé à l'asile de
Montdevergnes, on avait essayé de faire vivre la mère du ma-
lade en dehors de son mari ; mais un jour, il est parvenu à avoir
de nouveaux rapports dans lesquels a été procréée : 40 une fille,
âgée de 9 ans; elle est intelligente, gentille, très nerveuse; a eu
des convulsions dans le cours d'une fièvre typhoïde à sept ans.
- D'un amant, deux enfants : 5- garçon, sept ans, bien portant,
pas de convulsions; 6° fille, six mois, est bien venante, pas de
convulsions.
1 Afin de vérifier l'exactitude de tous ces renseignements, nous avons
écrit à M. le Dr Campagne, médecin en chef de l'asile de Montdevergnes,
qui a eu l'obligeance de faire des recherches minutieuses sur les registres
de son asile; elles confirment, en somme, ce que nous avons rapporté.
DANS L'ÉPILEPSIE. 41
Notre malade. - A la conception, le père de l'enfant était déjà
malade, et buvait beaucoup; c'est étant ivre que tous les enfants
ont été conçus ; c'est surtout dans cet état qu'il avait des rapports
sexuels. - Grossesse accidentée par des chagrins, des ennuis de
toute sorte, occasionnés par son mari qui la battait souvent, lui
enfonçait les ongles dans la peau durant ses moments de rage.
Elle resta alitée pendant huit jours à la suite d'un traumatisme;
son mari la serra dans une porte; pas d'alcoolisme. -Accouche-
ment à terme, naturel, sans chloroforme; la tête est restée assez
longtemps au passage. - A la naissance, l'enfant était cyanosé;
on l'a frictionné et ce ne serait qu'avec peine qu'on aurait réussi à
le faire revenir. - Elevé au sein par une nourrice, il ne dormait
pas, avait des accès de cris, était très méchant. Attribuant ces
accidents au lait de la nourrice, on la remplaça par une autre,
mais la situation resta la même. Cr... a marché à deux ans; les
accès de cris s'étaient transformés en accès de colère dans lesquels
il devenait tout bleu se roulait à terre, injuriait sa mère, la bat-
tait, ces crises duraient une heure au plus. Il a parlé vers quinze
mois; - a presque toujours uriné au lit jusqu'à onze ans;-il il
allait à l'école du pays où il apprenait bien. Les accès de colère ont
continué jusqu'au mois d'août 1881. Il était alors placé à l'orphe-
linat Saint-Yincent-de-Paul, où on payait pour lui 35 fr. par
mois, il y eut plusieurs accès de colère. C'est là qu'il aurait eu
ses premiers accès ; il en a eu chaque matin pendant trois jours
consécutifs; on l'a fait examiner à l'asile Saint-Jean-de-Dieu
(août 1881) et peu après on l'a rendu à sa mère (novembre 1881),
qui l'a gardé jusqu'à son placement à Bicêtre. Elle assure que de-
puis le début de ses accès, Cr... est devenu très peureux, tandis
qu'il ne l'était pas auparavant. Il dit sans cesse qu'il a peur d'une
grosse araignée toujours placée devant ses yeux.
Sa mère décrit ainsi les accès : Pas d'aura, cris, hurlements, ri-
gidité du corps, constriction des mâchoires; agitation consécu-
tive ; ronflement, miction, écume, pas de défécation. Avant les
accès, tristesse, idées de suicide (il a essayé de se donner un coup
de couteau à la tempe gauche). Après les accès, il a eu plusieurs
fois des troubles intellectuels; ainsi, un jour, il est allé ouvrir une
porte, a regardé, est revenu et a dit : «Ils se sont tous évadés». -
Un autre jour, il est allé pieds nus chercher un pain de quatre
livres, sans qu'on le lui eut commandé ; d'autres fois, il a commis
des actes de violence, il a battu sa mère, sa soeur; une fois il a
essayé de donner à celle-ci des coups avec une pincette rougie au
feu ; sur le reproche qu'on lui faisait : « On vient de me le dire là »
en montrant l'oreille. Après les crises, on note encore quelques
divagations, des paroles incohérentes.
En dehors des accès de colère et d'épilepsie, Cres... est très doux
et très bon. L'intelligence a diminué depuis le mois d'août, et de
42 DU CURARE
plus le sommeil est agité par des cauchemars, des peurs et cela
surtout avant les accès. On croit qu'il se livre à l'onanisme.
Rougeole à 3 ans, fièvre cérébrale à 7 ans, attribuée à un coup
de soleil et durant laquelle il aurait eu des convulsions pendant l
9 jours avec des intervalles; elles étaient générales, ne prédomi-
naient pas d'un côté du corps, et ne furent pas suivies de paralysie;
la maladie dura un mois ; elle eut pour conséquence de rendre
les accès de colère plus violents sans modifier leur fréquence. Cres...
se serait mis alors à travailler beaucoup, mais celte ardeur n'a
été que momentanée. Il est très vorace; parait haineux. Il avait
pris en grippe une femme de ménage de sa mère, la battait, disait
que, s'il avait vingt ans, il lui ferait tomber la tête. Pas d'autres
maladies que celles qui ont été notées.
État actuel (2 mai 1882). - Tête : crâne petit, ne paraissant pas
asymétrique ; pas de méplat à la partie supérieure de l'occipital,
bosses pariétales peu prononcées, ainsi que les apophyses mas-
toïdes ; rainure transversale au niveau de la fontanelle antérieure.
- Cicatrice oblique sur le pariétal droit vers la partie médiane,
résultant, selon le malade, d'une chute pendant sa première en-
fance.
DANS l'épilepsie. 43
mâchoire inférieure, 14 dents permanentes, bien rangées et non
cariées; mâchoire supérieure, 12 dents; la deuxième grosse mo-
laire n'est pas encore sortie, restent les deuxièmes molairesde lait
très ébranlées; articulation normale, forme des mâchoires nor-
male ; voûte palatine peu profonde, parait légèrement inégale,
et semble plus élevée à droite qu'à gauche; voile du palais symé-
trique ; luette très longue, frôlant presque la partie postérieure
de la langue; piliers normaux; amygdales très volumineuses, sur-
tout la droite; muqueuse du pharynx assez rouge ; langue large.
Gencives en bon état.
Organes génitaux : la verge est relativement longue; phimosis
congénital assez prononcé; aussi le gland se découvre-t-il avec
difficulté; adhérences préputiales; gland assez développé. Testi-
cules descendus, peu volumineux, le gauche surtout parait comme
atrophié '.
Peau et système pileux. - La face est assez colorée, le reste du
corps est légèrement pigmenté. Deux petites cicatrices venant de
blessures faites en jouant sur la face dorsale de la main droite.
Au niveau du pli du coude, des deux côtés, deux petites plaques
rouges peu colorées, mais suintantes, donnant lieu à de la desqua-
mation, et étant le siège de démangeaisons assez vives; l'enfant
ne peut préciser la date de leur apparition. Les cheveux sont
blonds, assez abondants, les sourcils bruns assez fournis; les cils
bruns très longs. Cres... est imberbe ; aisselles, pénil et le reste de
la surface du corps glabres. Il avoue se masturber : « C'est mon
cousin, dans la ville où je suis né, qui m'a appris cela ». Son cou-
sin avait dix-huit ans.
Sensibilité générale et spéciale normale; pas d'exagération des
réflexes. Marche régulière, normale. Le dynamomètre donne, à
droite 42, à gauche 32; en janvier 1885, 79 à droite, 68 à gauche.
Le malade parait intelligent ; il répond avec beaucoup de pré-
cision et de netteté à toutes les questions qui lui sont adressées.
Le caractère est doux et tranquille. C... ne se dispute jamais; se
tient bien à table. Le sommeil est généralement bon, mais il lui
arrive assez souvent d'avoir des heures entières d'insomnie dont il
ignore la cause; il rêve assez fréquemment sans avoir de cauche-
mars.
Description d'un accès. - Pas d'aura. - Sans cri ou à la suite
d'un petit gémissement, l'enfant se renverse lentement dans son
1 Examen des organes génitaux en juillet 1884 : poils peu abondants au
pénil; bourses pendantes; testicules normaux, gros; verge longue et
grosse; gland découvrable; méat relativement peu large. -En jan-
vier 1885 : poils châtains assez abondants et assez longs au pénil; verge
longue et volumineuse; bourses pendantes; testicules de la grosseur
d'une noix. Masturbation moins fréquente.
44 DU CURARE
lit; la face pâlit très peu, la tête s'incline à gauche, les yeux regar-
dent en haut et à gauche, les paupières sont ouvertes, le corps est
rigide. Au bout de quelques secondes, les pupilles se dilatent
et les globes des yeux commencent à rouler, les paupières restant
toujours ouvertes. Alors, secousses cloniques aussi prononcées
à droite qu'à gauche. Parfois, la période clonique manque. - Au
bout d'une minute environ, la tête revient de gauche à droite,
l'enfant regarde avec étonnement autour de lui. On croit tout
terminé, mais bientôt il ferme les yeux, la respiration devient
'stertoreuse. A ce moment, les pupilles sont extrêmement dilatées,
la langue est entre les dents, il y a de l'écume. Cet état dure en-
viron 4 minutes, puis le stertor cesse. Pendant la dernière période
de l'accès, l'enfant est très congestionné et sue abondamment.
Hébétude consécutive.
1882. 5 mai. - Légère amygdalite pultacée à droite.
Il mai. - L'enfant est à l'infirmerie depuis deux jours en série
d'accès; le 9 mai, il a eu un accès; dans la nuit du 9 au 10,
4 accès ; le 10, 3 accès; dans la nuit du 10 au 11, 28 accès; ce
matin, avant la visite, il a eu 4 accès. La face est très rouge, les
conjonctives injectées, les pupilles modérément et également
dilatées ; mutisme absolu. L'enfant qui ordinairement parle et
comprend très bien, se met à rire à chaque question qu'on lui
pose, sans faire aucune réponse. T. R. 38°, 1. Soir : T. R. 38°, 6.
Hier 10 mai, il a été impossible de prendre la température à
cause de l'agitation de l'enfant : il a mordu et cherché à frapper
les personnes qui l'entouraient. Appétit à peu près nul depuis le
début de la série.
42mai. -T. R.38 ? Soir : T.R.38°,4.
13 mai. T. R. 38°. - Soir : T. R. 38°.
4 # mni. - T. R. 38°. - Soir : T. R. 38°.
15 mai. - T. R. 3 îo, 6.-Hier l'enfant était agité, proférait des
menaces, injuriait, disait qu'on voulait le voler, cherchait à frap-
per les autres enfants; la nuit a été calme. Ce matin, il prétend
voir des choses bizarres : un diable avec des ailes, des cornes, une
fourche, tel qu'on le voit sur les images, et aussi une araignée
énorme; il a en outre une sensation de chute dans un précipice.
Pas d'hallucinations de l'ouïe; appétit bon.
24 mai. - Les notes de l'école, de la gymnastique, etc., cons-
tatent qu'il est intelligent, travailleur et progresse.
1er "'uin. - Hier, à trois heures de l'après-midi, Cr... a été pris
d'un état de mal; à 8 heures, il avait eu 20 accès et 10 vertiges. A
8 heures du soir, il était dans un état comateux. T. A. 39°, 8. Ce
matin, il est assez éveillé depuis quelques instants; mais à
5 heures, il était agité et avait le visage très rouge; à 7 heures il
s'est mis à pleurer, puis s'est levé du lit, se figurant qu'on lui di-
DANS L'ÉPILEPSIE. 45
sait des sottises et a voulu frapper un de ses camarades. T. A. 38°
- Les accidents se sont peu à peu dissipés.
8 juin. - Brûlures légères qu'il s'est faites en renversant sa
soupe sur sa poitrine.
20 juin.-C... a eu 7 accès ce matin; hébétude; nouvel accès à
la suite.
21 juin. - Deux autres accès hier; ce matin encore, les yeux
sont hagards; on a dû, faute de cellule, lui mettre la camisole à
cause de son agitation 1. A la suite, il est calme et a repris sa
connaissance.
- 14 octobre.- Cr... a eu 9 accès cette nuit; ce matin il est cou-
ché, regarde d'un air effaré, ne semble reconnaître personne, pas
même sa mère ; à toute question il répond : mé, mê. Par mo-
ments il pleure sans motifs. T. R. "'0.,2. - Soir : T. R. 40°. ' z
12 octobre. - T. R. 38°,2. - Soir : T. R. 38°.
13 octobre. - T. R. 3 il,6. - Soir : T. R. 370,6.
26 octobre. - Revacciné sans résultat.
30 décembre . Progrès à l'école. Période d'agitation ma-
niaque à la suite d'accès.
1883. 8 janvier. - Cr... est complètement remis de ses derniers
accidents.
9 février. - Dans la nuit du 6 au 7, 17 accès. T. R. 38°,7. -
Soir : T. R. 38°,4.
-février. - T. R. 38», 2. - Soir : T. R. 38°,2.
8 février. T. R. 38 ? r. - Soir : T. R. 38°,2.
6 février. T. R. 37°,8. - Soir : T. R. 37°,2.
10 février. T. R. 38o. Soir : 37°,2. Dans un accès, C...
s'est mordu assez profondément le bord gauche de la langue; il
a été très agité.
12 février. - Amélioration, quoiqu'ayant encore conservé un"
certain degré d'irritation. Purgatif, bain, sirop d'iodure dje'
fer.
3 mars. - Début du traitement par les injections hypodermiques
de curare.
8 mars. - L'enfant déclare spontanément qu'il a maintenant
plus de peine à apprendre ses leçons qu'autrefois. Le regard n'e ?
pas encore dur, la physionomie est éveillée, la figure rose. Cu
rare et sirop d'iodure de fer.
20 mars. - Série d'accès (20) T. R. 39°,2. - Soir : T. R. 38°,8.
43 avril. - Début d'une série d'accès cette nuit (12 accès); ce
matin à la fin d'un accès la période de stertor étant passée, on le
trouve la face d'un rouge vermillon intense, couverte de sueur,
brûlante; il urine involontairement et abondamment sous lui;
1 Les enfants agités sont laissés confondus dans un dortoir de 50 lits
servant d'infirmerie,' de réfectoire, de salle de réunion aux gâteux, etc.
46 DU ÇURARE
l'enfant n'est pas encore revenu à lui. Excitation maniaque consé-
cutive assez prononcée.
14 avril. - L'enfant est plus calme. - 16 avril. Il est revenu
aujourd'hui complètement à son état normal.
29 mai. -Dans la nuit, 14 accès; T. R. 39',2. - Soir : T. R.
30°,4. Physionomie égarée; joues rouges ; pupilles dilatées, égale-
ment ; excitation au moindre attouchement. Mutisme. Bain d'une
heure; sinapismes; lotions vinaigrées; 2 lavements avec 50
centigr. de sulfate de quinine. 2 juin. Amélioration.
20 juin. - Hydrothérapie.
28 juin. Nouvelle série d'accès (14 dans la nuit, 2 avant la vi-
site) ; il ne répond à aucune question, se met à pleurer; visage
rouge, couvert de sueur.
26 juillet. - Série d'accès (12, nuit du 25-26); 4 accès le 26.
T. R. 38°, 5. - Soir : T. R. 38°, 5.
30 juillet. - Excitation maniaque. Bain d'une heure.
31 juillet. - C... raconte qu'il a eu très peur cette nuit, ayant
vu assis sur une table une foule de petits bonshommes de 2n cen-
timètres qui lui faisaient des grimaces (hallucinations). Encore
un peu d'incohérence ce matin. Bain de trois quarts d'heure.
Octobre. L'enfant est mis en apprentissage à l'atelier du tailleur.
19 novembre. - Dans la nuit du 17 au 18, 4 accès; dans la
journée, 2 accès. Il s'est levé plusieurs fois inconsciemment, avait
les yeux hagards, ne savait ce qu'il faisait, ne parlait et ne répon-
dait pas. - Soir : T. R. 39°.
19 novembre. -C... est complètement revenu à lui et a repris
son état normal. T. R. 38°,2. - Soir : T. R. 38°.
22 novembre. - C... est un peu agité depuis hier; dit des bê-
tises, se sert de termes grossiers et orduriers, etc.; pas d'accès.
30 novembre. - Cessation du traitement hydrothérapique.
4 décembre.-Les notes de l'école sontassez bonnes, toutefois l'on
constate une diminution de la mémoire, et « depuis six mois, Cr...
est devenu acariâtre de doux qu'il était et emploie souvent des ex-
pressions ordurières qu'il n'auraitjamais prononcées auparavant.»
24 décembre. - Les périodes d'excitation maniaque et les accès
de violence deviennent plus fréquents. La mémoire diminue. Il
apprend moins bien qu'autrefois (fables, calcul), il sait les détails
de la date du jour, de son entrée et de sa naissance. - 11 raconte
qu'un de ses cousins plus âgé lui apprenait les jours de sortie de
lycée à se masturber; ils se masturbaient mutuellement; il avait
alors 9 ans. Il a continué depuis à se masturber ; il prétend ne
pouvoir se retenir. L'enfant raconte encore qu'il embrassait les
organes génitaux d'une petite fille de son âge (la fille d'un ma-
réchal ferrant) ; ceci lui serait arrivé une quarantaine de fois. Il
dit enfin qu'étant chez sa mère il aurait eu, pendant trois mois,
des rapports sexuels assez fréquents avec une domestique âgée
DANS L'ÉPILEFSIE.
47
de 50 ans ( ? ) qui couchait dans sa chambre; les accès ne seraient
survenus que 7 mois après la cessation des rapports. Pendant
plusieurs mois, le souvenir de cette domestique lui revenait, et il
ne pouvait alors s'empêcher de se masturber. Actuellement ces
souvenirs auraient disparu. A l'infirmerie, il aime à se rapprocher
des infirmières.
1884. 8 janvier. - Nouvelle série d'accès avec excitation ma-
niaque. Légère morsure de la langue. T. R. 39 ? Soir : T. R. 39°, 2.
9 janvier. - T. R. 380, 8. - Soir : T. R. 38°, 8.
10 ja)2viei-. -T. R. 38°, 6.-Soir : T. R. 38°. L'enfant va mieux,
bien qu'il soit un peu agité.
21 février. Nouvelle série d'accès. T. R. 400. - Soir : T. R.
39°. - 22 février. t. R. 38°, 5.- Soir : T. R. 38°, 7.-23 février.
T. R. 38 ? Soir : T. R. 38°.
1er avril. - Traitement par l'hydrothérapie.
Juin. -Les notes de l'école, du tailleur, etc., sont assez bonnes.
Cres... fait quelques progrès; il est sensible aux réprimandes. Les
accès de colère persistent.
8 juillet. - Les périodes d'excitation maniaque sont plus rares.
Traitement : Outre les douches, bromure de potassium.
Décembre. - Les notes du tailleur et de l'école sont bonnes;
l'enfant a fait des progrès; la mémoire serait redevenue bonne,
mais C... est insubordonné et très violent.
48 DU CURARE
DANS l'épilepsie. 49
alcoolique; sa mère, pendant la grossesse, a éprouvé de nom-
breuses émotions, a subi des traumatismes; à la naissance, il
était asphyxié.
Les premiers accidents ont consisté en accès de cris (in-
fance), remplacés plus tard par des accès de colère (enfance),
A ceux-ci, vers 12 ans, se sont ajoutés des accès d'épilepsie
compliquée de délire (hallucinations, excitation maniaque, etc.).
Les accès se montrent par séries. Nous avons même noté
un véritable état de mal. Ils ont été plus nombreux en 1883,
et les facultés intellectuelles ont baissé durant cette année,
surtout la mémoire. Les accès s'étant un peu éloignés en t88'4,
on a remarqué que l'enfant paraissait recouvrer ce qu'il avait
perdu au point de vue de l'intelligence.
Bien d'autres particularités cliniques très intéressantes
pourraient encore être relevées dans ce cas. Nous nous bor-
nons à celles qui précèdent et nous reprenons l'exposé de nos
observations.
Observation XVIL- Epilepsie symptomatique.-Père et grands-pères
paternel et maternel alcooliques. Salir morte de méningite. -
Cousine germaine : convulsions. - Premières convulsions à trois ans
et demi; deuxièmes convulsions à quatre ans et demi, prédominant
à gauche. - De quatre ans et demi ci sept ans, dix il douze états
de mal convulsifs. A sept ans, nouvelles convulsions presque
exclusivement limitées à gauche, suivies d'hémiplégie du côté cor-
respondant. - Athélose. Modifications de l'intelligence. -
A dix nrzs, nouvel état de mal : nouvelle diminution de l'intelli-
gence. - Début de l'épilepsie vers 180. - Suspension des accès.
- Pleurésie sèche (1880). - Traitement par les injections de
curare : accidents locaux du côté paralysé; insuccès. - Mort
dans un accès (1883).
Autopsie : asymétrie du crâne. - Atrophie de l'hémisphère droit
(230 yr. de moins que le gauche). - Pseudo-kyste répondant à
un foyer ancien d'encéphalite très étendu, ayant presque entière-
ment séparé l'hémisphère en deux portions.
Lef... (Gustave), né le 22 septembre 1852, est entré à Bicêtre une
première fois le .2 : ; mai 1868, une seconde fois le 29 décembre 187-1
(service de M. BOUR : \EVILU : ); il est décédé le 10 novembre 1883, à
quatre heures du soir.
Renseignements fournis par sa mère (28 août 1882). - Père, cin-
quante-deux ans, menuisier, taille moyenne, bien portant, n'est
Bourneville, 1884. 4
50 DU CURARE
sujet ni aux migraines, ni aux névralgies, ni aux maladies de peau..
Il ne fnme pas, mais il fait des excès de boisson une fois par mois
(vin) : « un demi-setier de vin de plus qu'à l'ordinaire et il est
pris ». Ses camarades le plaisantent : « Toi, Lef..., passant par
les vignes, tu es gris »; il n'a pas le vin mauvais; il est un peu
cholérique, bon ouvrier; marié à vingt et un ans. [Père, mort à
quatre-vingts ans; on l'a noyé, pense-t-on, ou il est tombé par
accident dans le canal du Loiret; menuisier, il faisait des excès de-
boisson. - Mère, morte vers vingt-huit ans, on ne sait de quoi ;
laissant cinq enfants. - Grand-père paternel, mort à quatre-vingts
ans. Pas d'autres renseignements. Quatre frères et une un
frère est mort à quarante-huit ans, de la poitrine et de chagrin,
dit-on, parce que son fils a « mal tourné» : il buvait, courait les filles,
ne travaillait point (pas de condamnations); il s'est cassé la jambe
et est resté trois mois à Lariboisière, et, un an après l'accident, il
est mort de la poitrine, il n'avait pas d'enfants. La soeur est morte
du choléra en 1849, laissant un fils qui est mort de la poitrine.
Pas d'autres détails. Pas d'aliénés, d'épileptiques, de paralytiques,
de difformes, de suicides, de criminels dans la famille.] J
Mère, quarante-sept ans, intelligente, teinturière, repasseuse,
elle fait les apprêts. Mariée à dix-sept ans, elle est bien portante,
sobre, a une physionomie régulière, agréable, n'a jamais eu
aucun accident nerveux; elle n'a jamais eu de convulsions dans
l'enfance, ni de maladies de peau. [Père, soixante et onze ans,
maçon, bien portant, travaille encore; faisait autrefois de nom-
breux excès de buisson. - Grand-père paternel, mort à soixante-
douze ans des suites d'une chute du haut d'une échelle. Aupa-
ravant, il était bien portant ; il buvait un peu. - Grand'mère
maternelle, morte vers soixante ans, on ne sait de quoi. -Grand-
père paternel, mort du choléra en 832. - Grand'mère maternelle,
morte d'une tluxion de poitrine. Un frère est mort du choléra
en 1865, ainsi que sa femme et son enfant. Une soeur est sujette
à des douleurs d'estomac sans accidents nerveux. Elle a deux
filles : l'une d'elles a eu des convulsions, mais elle est intelligente,
l'autre est bien portante. - Pas d'aliénés, etc. - Pas de consan-
guinité.
Trois enfants : 4° notre malade; 2o fille morte à sept ans d'une
méningite; elle était très intelligente; 3° fille, quinze ans, bien
portante, intelligente; pas de convulsions, assez nerveuse.
Notre malade. A la conception, rien de particulier; elle a eu lieu
trois mois après le mariage; pas de rapports dans les excès alcoo-
liques : « s'il a bu, dès qu'il a la tête sur l'oreiller, il dort ». -
Grossesse bonne, pas de traumatisme, ni de constriction, etc. - -
Accouchement à terme, naturel, sans chloroforme. A la naissance,
L... était petit, n'était pas asphyxié; il était «très gentil». Elevé au
DANS L'ÉPILEPSIE. 51
sein en nourrice, repris à quatorze mois, il ne se tenait pas sur
les jambes; il était en mauvais état; la nourrice était devenue
enceinte; fut alors placé chez sa grand'mère maternelle jusqu'à
l'âge de vingt-deux mois. lia marché à dix-huit mois et parlé à
quinze-seize mois; il était assez précoce, et quand il est revenu de
chez sa grand'mère, il était très gentil, « courait comme un lapin,
était diable, intelligent ». Il a eu la rougeole à quinze mois, mais
n'a eu aucune autre fièvre éruptive, ni diphtérie, etc. A trois ans
et demi ou quatre ans, étant confié à la garde d'une personne
étrangère, il est tombé sur un décrottoir et s'est fait une coupure
au front, dont la cicatrice existe encore. Trois semaines après, il
eut une diarrhée, au cours de laquelle survinrent des convul-
sions très fortes qui ont duré trois heures et « ont porté
sur les deux côtés, mais elles étaient plus fortes à gauche ».
Les convulsions avaient débuté à quatre heures du matin ; la diar-
rhée existait sans autres symptômes depuis deux à trois jours. Un
médecin lui fit appliquer des sangsues, mettre de la glace; le len-
demain, il était calme, n'était pas paralysé; il fut complètement
guéri au bout de quatre à cinq jours; il a alors marché et s'est
servi de son bras « comme s'il n'avait rien eu ». - A quatre ans
et demi, il eut de nouveau des convulsions qui durèrent environ
cinq heures, portèrent sur les deux côtés; mais principalement
sur le côté gauche. De quatre ans et demi à sept ans, les convul-
sions ont reparu dix ou douze fois, ayant toujours les mêmes
caractères, c'est-à-dire avec prédominance à gauche sans para-
lysie.
A sept ans, sans prodromes, vers quatre heures du matin, comme
presque toutes les autres fois, Lef... eut de nouvelles convulsions,
qui cette fois ont été presque exclusivement limitées à gauche, elles
ont duré six heures, et ont été suivies de « cris effrayants qui
n'étaient pas humains ». Le malade serrait très fortement les
dents; ces cris ont persisté presque toute la journée; la nuit fut
assez calme et le lendemain matin un médecin constata la para-
lysie du côté gauche. Il ne reprit connaissance qu'au bout de vingt-
quatre heures; il aurait eu de la fièvre (glace, éther, sinapismesj;
il ne se leva que vers le huitième jour, et il était incapable de se
tenir sur la jambe gauche et de se servir du bras gauche «qui
était tombant ». Il a recommencé à marcher quatre semaines
après les convulsions (on lui avait fait prendre quatre bains
électriques), mais il a toujours traîné la jambe et il la traîne
autant aujourd'hui qu'à son entrée. Le bras n'a récupéré quelques
mouvements qu'au bout de deux à trois mois. Depuis qu'il est à
Bicêtre, la main a repris de la force. Le bras a été électrisé pen-
dant un an, mais cela « n'a pas fait grand'chose ». Les mouvements
d'athétose se seraient montrés vers le deuxième mois après les
52 DU CURARE
convulsions. On n'a pas remarqué le début précis de la con trac-
ture.
Jusqu'à sept ans les convulsions ne paraissaient pas avoir touché
l'intelligence, mais après les convulsions dont il vient d'être parlé
celle-ci était très affaiblie. La parole, qui était très développée,
libre, sans bégaiement, est devenue très embarrassée; Lef... restait
quelquefois longtemps sans dire un mot; la parole est redevenue,
plus libre vers huit ans.
De huit à dix ans, Lef... a habile Montereau, où il aurait eu
encore une fois des convulsions, attribuées par le médecin à une
congestion cérébrale. On ne sait combien de temps elles ont duré,
ni quels étaient leurs caractères ; il fut pendant neuf jours très
malade. Après ces convulsions, l'intelligence aurait encore baissé.
Lef... n'eut plus, à dater de cette époque, de nouvelles convul-
sions.
De dix à seize ans, on a essayé de le mettre à l'école, mais il
n'apprenait rien ; il se mettait en colère; se battait avec les autres
enfants, et les dérangeait. Ses maîtres ont déclaré qu'ils ne pou-
vaient rien en faire. On a essayé de le mettre estampeur; il a
fallu y renoncer, parce qu'il «n'y était pas»; du reste, il ne pouvait
qu'à peine se servir de la main gauche, avec laquelle il ne pouvait t
qu'avec difficulté tenir son pain. On se décida à le placer à Bicêtre
(seize ans), parce qu'il se laissait entraîner par des vauriens, avec
lesquels, un jour, il avait volé des pruneaux chez un épicier; il
avait pris la clef du logement et l'avait jetée à l'é-oûL; une autre
fois ayant volé des allumettes il les avait fait flamber, etc. Ses
camarades l'avaient emmené un jour vagabonder à Saint-Oucn, 1
un autre jour aux Champs-Elysées, d'où il avait été ramené à dix
heures du soir, par une dame à qui il avait pu dire son adresse.
Il causait à ses parents des inquiétudes continuelles. Dès son en-
trée, le 28 mai 1868, il a fréquenté l'école de Bicêtre, où il n'a rien
appris; il n'a pas eu d'accès durant ce premier séjour. Transféré à
Sainl-Lizier, quelques jours avant l'investissement de Paris
(fin août), il y est resté jusqu'au 29 décembre 1871, époque où il
est rentré à Bicêtre : « Il était bien le même ».
Les accès auraient débuté à Bicêtre, on ne sait à quoi les attri-
buer ; on n'avait rien observé dans les sorties, sauf une violente
colère en avril 1882, sous un prétexte futile, et il y a trois semaines
deux étourdissements dans lesquels il ne serait pas tombé et n'au-
rait pas perdu connaissance.
Son caractère a toujours été emporté avant les convulsions;
même étant tout jeune, il se mettait en colère contre ses jouets.
Depuis deux ans, on le trouve quelquefois un peu sombre. La
mémoire est la même; elle n'a subi aucun changement depuis son
retour de Saint-Lizier. - Pas d'onanisme jusqu'à vingt-six ans.
DANS l'épilepsie. 53
Pas de vers, pas de dartres, pas d'engelures, pas de croûtes dans
les cheveux ; pas d'ophthalmie. - Il aurait eu une otite à droite ( ? )
qui aurait duré un an.
Etat actuel. - La main gauche est notablement plus petite que
la droite ainsi que l'avant-bras correspondant; elle présente un
état qui se rapproche de l'atliétose; lorsqu'elle est abandonnée à
elle-même, les doigts se mettent dans l'extension forcée; il y a
même une subluxation de la phalangine sur la phalange et ce
phénomène est surtout marqué à l'index. - Les deux dernières
phalanges restent dans une flexion modérée. Le pouce présente
une subluxation en arrière de la première phalange; si on vient
alors à placer les doigts dans la demi-flexion, ils reviennent d'eux-
mêmes à l'état précédent; mais si on les place dans la ilexion
complète, ils y sont facilement maintenus. La. force de la main est
notablement diminuée. La main étant dans l'extension, si on
demande au malade de la fermer, il arrive avec effort à fléchir les
trois derniers doigts et le pouce; mais l'index, en raison de sa sub-
luxation phalango-phalanginienne en arrière, ne peut être fléchi
et reste étendu. Tous ces mouvements peuvent être exécutés
volontairement, et il n'existe en somme aucun mouvement invo-
lontaire dans la main non plus que dans le pied. En un mot, il
ne semble pas du tout que ce malade ait eu de l'hémichorée.
La sensibilité de tout le côté gauche parait normale au toucher
et la la pression : mais la sensibilité au chatouillement et au froid
est presque entièrement abolie.
Il existe une atrophie de la moitié gauche de la face; l'ouverture
palpébrale est moins grande qu'à droite; la région malaire est
moins développée; chute du sillon naso-labial gauche.
1880. Janvier. - Plwrésie sèche à gauche.
1852. 21 octobre. - Le malade est sujet à des accès de colère
dans lesquels il déchire ses habits.
10 novembre. - Traitement par les injections hypodermiques de
curare, 4 gouttes (2 milligr.). - Les doses ont été élevées aux
mêmes dates et suivant la même progression que chez le malade
de 1'013SER-% ? TION XVIII.
16 6 novembre. S gouttes (4 milligr.). La douleur est presque
nulle au moment de l'injection; pas d'accidents locaux, sauf par-
fois une légère ecchymose, pas de troubles généraux ; - hier le
malade s'est plaint de céphalalgie.
23 H0t)em&)'(;. Au bras gauche (côté paralysé), Lef... présente
des indurations au niveau du deltoïde avec douleur et rougeur de la
peau. On fera dorénavant à gauche l'injection à la région dorsale.
18 décembre. - Le malade présente des indurations multiples,
à la suite des injections hypodermiques, mais toujours au bras
54 DU CURARE
paralysé (côté gauche). Il n'accuse aucun phénomène général,
l'appétit est excellent. Les injections sur le côté paralysé sont
supprimées. - 10 gouttes de la solution 2 p. 100.- 31 décembre.
Les indurations ont diminué.
1883. 8 janvier. - Les indurations continuent à diminuer. Rien
autre de particulier. Nous devons relever ce fait qu'il ne s'est pro-
duit aucune induration sur la moitié droite (saine) du corps.
16 janvier. - Eruption papuleuse très discrète sur la face et la
partie antérieure du thorax.
9 février. - Lef... est sorti en congé depuis le 4 février; il est
rentré hier; il a eu trois accès chez ses parents, avec lesquels il
se serait querellé. Le père s'enivrerait avec de l'absinthe. Le bro-
mure de potassium (8 gr.), qui avait été continué par erreur, est
supprimé.
8 juin. - Suppression du traitement par les injections hypoder-
miques de curare. Hydrothérapie.
Traitement du 10 novembre 1882 au 8 juin 1883
(7 mai. 195 jours).
DANS L'ÉPILEPSIE. 55
10 novembre. - Le malade, comme d'habitude, a travaillé au
marais : il n'accusait aucun trouble général; l'appétit et le som-
meil étaient bons. A quatre heures du soir, il tomba comme une
niasse, se débattit rapidement et resta immobile. Transporté à
l'infirmerie, l'interne de garde constate le décès.
56 DU CURARE
et représente à peine le quart du volume de celui de gauche. La
moitié droite de l'espace perforé est aussi moins grande. - Le
pédoncule cérébral droit est moins large, moins épais que le gauche.
La moitié droite de la protubérance est moins bombée que la
gauche; la pyramide antérieure droite est un peu moins large que
la gauche; l'olive droite est plus apparente; en un mot, la moitié
droite du bulbe parait moins développée et moins bombée que la
gauche. Au-dessous des olives, l'atrophie porte au contraire sur
le côté gauche de la moelle. - Cervelet et isthme : 170 gr. L'hé-
misphère cérébelleux droit pèse 5 gr. de plus que le gauche.
L'hémisphère cérébral droit est en retrait de 2 centimètres en
avant sur le gauche; en arrière, ce retrait n'est que d'un demi à
un centimètre au plus; en largeur, l'hémisphère droit a plus
d'un centimètre de moins que le gauche, au niveau du chiasma;
en arrière, on trouve 5 centim. et demi à droite, et 8 centim. et
demi à gauche : sur les deux hémisphères, la décortication se fait
très bien; l'hémisphère gauche parait sain. L'hémisphère droit
pèse 230 gr. de moins que le gauche.
Ce qui frappe de suite, c'est l'existence, sur l'hémisphère droit,
d'un pseudo-kyste très volumineux, partant de la circonvolution
olfactive, répondant à la portion bulbaire du nerf olfactif et s'élen-
dant jusqu'à 2 centim. et demi de l'extrémité occipitale de l'hémis-
phère. En dedans, le pseudo-kyste longe la bandelette optique
droite, le pédoncule cérébral qu'il contourne, et la corne tempo-
rale du ventricule latéral. En arrière du pédoncule, le pseudo-kyste
remonte sur la face interne et sur la face convexe et semble avoir
séparé complètement le lobe occipital du reste de l'hémisphère.
Le kyste distendu a un aspect gélatiniforme et bosselé. La paroi
du kyste (celui-ci vidé) donne une sensation pseudo-cartilagineuse.
Les bosselures rappellent vaguement les circonvolutions.
Hémisphère gauche. Face convexe. - Cet hémisphère n'a été exa-
miné qu'après un séjour de quelque temps dans l'alcool. La pre-
miére circonvolution frontale envoie dès son origine un pli long,
sinueux, mais unique à la deuxième frontale. Dans une partie de
sa longueur, ce pli double la circonvolution, puis elle se compose
de deux petits plis transversaux dont postérieur donne naissance
à deux plis antero-postérieurs qui viennent en forme de crochet
s'insérer sur un pli antéro-postérieur de la deuxième qui naît de
la frontale ascendante. L'insertion inférieure envoie un petit pro-
longement à la deuxième circonvolution frontale. - La deuxième
circonvolution frontale comprend à l'origine un pli transversal assez
volumineux qui, en bas, s'abouche avec la troisième circonvolution
frontale. De la partie moyenne de ce pli part la deuxième circonvo-
lution frontale qui va directement en arrière, reçoit le pli de pas-
sage de la première circonvolution frontale, décrit une première
sinuosité, puis une seconde, dont sommet reçoit le second pli
dans L'ÉPILEPSIE. 57
de la première frontale, puis vient s'insérer sur la circonvolution
frontale ascendante. - La troisième circonvolution frontale est
sinueuse et assez courte - La circonvolution frontale ascendante
est grosse, sinueuse, va presque verticalement en haut. - Le
sillon de Rolando est profond. - La circonvolution pariétale ascen-
dante est grosse, mais moins que la frontale ascendante. A un
centimètre de sa partie inférieure part un gros pli de passage
qui l'unit au pli pariélal inférieur. ,
Ce pli interrompt la scissure interpariétale qui se trouve ainsi
transformée en deux scissures distinctes, l'une parallèle au sillon
de Rolando et se prolongeant avec la branche transversale du
sillon médian du pli pariétal supérieur; cette partie delà scissure
interpariétale forme ainsi avec ce sillon une scissure isolée, pro-
fonde, bifurqnée en haut et atteignant presque, par sa branche
bifurquée postérieure, le bord supérieur; l'autre partie de la scis-
sure interpariétale est sinueuse, profonde, normale.
Le lobule pariétal inférieur est sinueux, bien développé, il pré-
sente un sillon profond qui le divise presque entièrement en deux
parties; il envoie un pli de passage au pli courbe et en reçoit un
du pli pariétal supérieur; celui-ci est sinueux, mais moins volumi-
neux que l'inférieur. - Le pli courbe est plissé, et n'offre rien de
particulier. - Les scissures parallèle et p1l1'iéto-occipitale externe
sont profondes. - Les circonvolutions temporales sont normales,
bien développées. - Le lobe occipital est normal. - Le lobule de
l'insula est bien développé; il reçoit de la première temporale un
pli de passage volumineux, bifurqué à sa base.
Face interne. La première circonvolution frontale est épaisse,
plissée. - Le lobe paracentral est épais, long, bien développé; au
lieu du pli longitudinal qu'il présente ordinairement, on observe
deux plis transversaux dans l'axe postérieur assez profond le pre-
nant sur toute sa hauteur; l'antérieur est moins marqué. Le sillon
qui le sépare en avant de la première frontale n'atteint pas tout
à faille bord supérieur, il est sinueux. - La scissure calloso-inar-
ginale est sinueuse, peu profonde. - La circonvolution du corps
calleux est épaisse bien développée, légèrement bifurquée en avant
au niveau du bourrelet du corps calleux. Le lobe quadrilatère
est bien développé, très sinueux; il est séparé du coin par lascifs-
sure pariélo-oecipilale très profonde. Le coin et la scissure cal-
carine sont normaux. - Le lobule fusiforme envoie en haut un pli
de passage à la circonvolution de l'hippocampe. Lobule lingual, lo-
bule de l'hippocampe et corne d'Ammon normaux. - Corps calleux,
pédoncule cérébral, couche optique, corps strié, bien développés,
normaux.
Les circonvolutions et les scissures du lobe orbitaire ne présen-
tent rien de particulier.
58 DU CURARE
Hémisphère droit. - Face convexe. La première circonvolution
frontale est bien développée, dédoublée dans ses deux tiers posté-
rieurs ; elle s'insère par sa partie supérieure au niveau du bord
interne sur la frontale ascendante. On observe en avant de la
frontale ascendante une scissure parallèle presque complète, inter-
rompue seulement par une insertion de la deuxième frontale
sur la frontale ascendante. (Scissure parallèle frontale (sulcus
proecentralis Mpo'tO)'). - La deuxième frontale est très dévelop-
pée, très sinueuse, surtout en avant; elle envoie un pli de passage
en haut et vers le tiers antérieur à la première frontale. La troi-
sième frontale est bien développée, sinueuse. - Le rameau anté-
rieur ascendant de la scissure de Sylvius est très prononcé, très
profond et n'est séparé que d'un demi-centimètre de la scissure
frontale inférieure.
La frontale ascendante est plissée, assez grêle surtout dans son
cinquième supérieur qui est en retrait par rapport à la surface
de 4 millimètres environ; elle est beaucoup moins développée que
la gauche. - Le sillon de Rolando est profond, sinueux. La pa-
riétale ascendante est sinueuse, plus développée que la frontale
ascendante, surtout dans son tiers inférieur qui parait normal.
- En arrière de la frontale ascendante et au-dessous de la lèvre
supérieure de la scissure de Sylvius, on trouve le pseudo-kyste qui
occupe : a) sur la face externe, la place du lobe temporal dont les
circonvolutions sont complètement détruites ; la partie postérieure
du lobe pariétal inférieur, la partie la plus antérieure du lobe
occipital, le pli courbe, la partie postérieure du lobule pariétal sztpé-
ricll1'; - b) sur la face interne : la moitié postérieure du lobe
quadrilatère, tout le coin, le lobule lingual et toute la circonvolu-
tion de l'hippocampe, y compris la corne d'Ammon. Comme on le
voit, la lésion forme une sorte de cercle oblique d'avant en
arrière et de bas en haut, et qui coupe en quelque sorte l'hémis-
phère cérébral en deux parties, l'une antérieure (lobe frontal et
région pariétale), l'autre postérieure répondant au lobe occipital.
La partie antérieure du lobe pariétal est atrophiée, mais a con-
servé son aspect normal, l'autre est très atrophiée, réduite à l'état
membraneux. Tout le pli courbe est très atrophié et réduit à l'état
membraneux, ainsi que la partie postérieure du lobule pariétal
supérieur. La partie antérieure dece dernier lobule est atrophiée,
mais a conservé son aspect habituel. Les circonvolutions occipi-
tales paraissent normales.
Le lobe de l'insu la est très atrophié.
Face interne. - La première circonvolution frontale et le lobe
paracentral sont plissés, bien développés.- La scissure culloso-mrzz-
ginale est sinueuse, profonde; elle est interrompue vers son tiers
antérieur par un pli de passage allant de la première frontale à
dans l'épilepsie. 59
la circonvolution du corps calleux. - La circonvolution du corps
calleux est atrophiée dans toute son étendue, mais l'atrophie
atteint son maximum sur la moitié antérieure; en ce point, la
circonvolution est réduite à une sorte de mince membrane.
La partie antérieure du lobe quadrilatère est très atrophiée, plis-
sée et en retrait de plusieurs millimètres par rapport au lobe
paracentral; sa partie postérieure, comme nous l'avons dit, étant
plus atrophiée encore, se trouve beaucoup plus en retrait par
rapport au lobe occipital. -Le coin se trouve perdu dans le foyer.
- Le lobe occipital est bien développé, sauf dans une petite por-
tion de sa partie antéro-inférieure, qui est intéressée dans le foyer.
Le lobe orbitaire, dans son ensemble, est très atrophié; les p1'e-
mière et deuxième circonvolutions olfactives sont réduites à une
sorte de membrane; le foyer qui les intéresse se confond avec la
lésion qui a détruit la partie antérieure du corps calleux. Le lobe
orbitaire mesure à droite : longueur, 3 centim., 8 dixièmes;
largeur, centim.; à gauche : longueur, 3 centim. 8 dixièmes;
largeur, 5 cenlirn.
Examen du foyer. L'hémisphère cérébral droit, après être
resté plusieurs mois dans l'alcool, mesure en longueur 15 centim. 2.
On pratique trois coupes perpendiculaires à '72,104 et 125 milli-
mètres de l'extrémité antérieure de l'hémisphère. (PL. V.)
Première coupe. Passant par l'extrémité inférieure de la parié-
tale ascendante, le tiers inférieur du sillon de Rolando, la fron-
tale ascendante et se terminant au niveau de l'insertion de la
première frontale, elle sectionne le pseudo-kyste à 4 centim. en
arrière de son extrémité antérieure. ( pur.. V, fig. 1.) Celte coupe
montre que le pseudo-kyste a une paroi mince transparente, vas-
culaire ; entre les parois, on remarque, intérieurement, quelques
fins tractus. Au niveau de la coupe, le kyste mesure 4 centimètres
environ de largeur. Les circonvolutions temporales, la circonvo-
lution de l'hippocampe, la corne d'Ammon, etc., ont tout à fait
disparu. La pie-mère épaissie forme en avant une poche arrondie
répondant à l'extrémité antérieure du lobe sphénoïdal.-La subs-
tance grise des circonvolutions de l'insula est complètement
détruite; ces circonvolutions sont remplacées par une sorte de
membrane plissée, au-dessous de laquelle se remarque quelques
petiles cloisons la reliant au noyau extra-ventriculaire (la capsule
externe et l'avaut-mur ayant disparu), qui, par sa face infé-
rieure, est en contact direct avec la paroi kystique supérieure.
Deuxième coupe. Elle est faite à 32 millimètres de la première,
et porte sur le lobule quadrilatère, les lobules pariétal supé-
rieur et inférieur et le kyste à l'endroit où celui-ci paraissait
occuper presque toute la hauteur du cerveau. Sur cette coupe
on note que, sauf une petite partie du lobule pariétal supérieur,
60 DU CURARE
du reste atrophiée elle-même, toutes les autres parties des circon-
volutions sont détruites, et qu'à leur place, sur la face convexe
seulement, on trouve un tissu aréolaire grisâtre par endroits
circonscrivant des cavités de formes et de dimensions diverses. On
peut donc distinguer à ce niveau une paroi kystique interne et
une externe, dont l'intervalle (un centimètre environ) est comblé
par ce tissu. Les faces inférieure et inféro-interne du kyste sont
représentées par une simple membrane, la pie-mère, non doublée
par le tissu aréolaire, dernières traces des circonvolutions. On
voit encore que le ventricule latéral communique largement avec
la poche kystique (la corne sphénoïdale se confondant ici avec
le kyste). (PL. V, fig. % et 4).
Troisième coupe. Elle est pratiquée sur le lobe occipital et vers
l'extrémité du kyste et montre encore une partie des circonvolu-
tions remplacées par le tissu aréolaire ; d'antres sont atrophiées,
quelques-unes presque normales. (PL. V, fig. 1, 2, 3. Les fig. 4,
a et 6 représentent des coupes symétriques pratiquées sur l'hé-
misphère sain.)
Réflexions. - Le malade n'a eu que six accès pendant la
durée du traitement, chiffre correspondant à celui des mêmes
mois de l'année précédente ; mais l'on remarquera que le
nombre des vertiges a considérablement augmenté pendant la
même période ; que, de plus, Lef... était sujet à des rémissions
irrégulières, ayant même atteint parfois l'espace de près de
sept ans. Le curare a donc été inefficace, les vertiges ont même
été plus nombreux qu'avant et après la médication.
Ceci dit relativement aux effets du curare, nous devons
relever les particularités principales de cette observation très
curieuse au point de vue clinique et au point de vue anatomo-
pathologique.
a) Si, dans les antécédents héréditaires, nous n'avons à citer
que les excès alcooliques du père et des aïeuls et des convulsions
chez une cousine, dans les antécédents personnels du malade
nous avons à signaler des accidents nombreux.
b) De quatre à douze ans, Lef... a eu une douzaine d'états
de mal convulsif, débutant le matin vers quatre heures, durant
quatre à cinq heures et dans lesquels les convulsions étaient
généralisées, mais plus fortes à gauche. Quelques jours après,
il était rétabli sans trace de paralysie.
c) A sept ans, sans prodromes, ainsi que c'est à peu près la
règle, nouvel état de mal plus long que les précédents, dans
DANS L'ÉPILEPSIE. 61
lequel les convulscbns ont été presque exclusivement limitées à
gauche, suivies de cris et de grincements de dents durant plu-
sieurs heures, et laissant après elles une hémiplégie du côté
gauche. La paralysie s'est compliquée d'alhétose au bout de
deux mois - et de contracture. L,' intelligence, qui avait été
jusqu'alors respectée, fut notablement affaiblie par ces convul-
sions. Elle diminua encore après un dernier état de mal sur-
venu à dix ans. La situation intellectuelle et morale peut se
résumer ainsi : imbécillité avec perversion des instincts.
d) C'est en 1871, quand Lef... avait 19 ans, que s'est mon-
trée l'épilepsie. Les accès, sur lesquels, malheureusement,
nous n'avons pu recueillir de détails précis, ont toujours été
assez rares, excepté en 1879 où l'on en a compté dix-sept. Il y
a même eu une rémission complète pendant six années.
e) Nous devons dire encore : 1° que, outre la contracture et
un certain degré d'alhétose, les membres du côté paralysé,
ainsi que la moitié correspondante de la face étaient moins
développés que les parties similaires du côté sain ; - 2° que
les injections de curare ont déterminé dans le côté paralysé
(gauche) des indurations qui n'ont pas été observées à droite
(troubles trophiques); - 3° enfin que, si la sensibilité au tou-
cher et à la pression était conservée, la sensibilité au chatouil-
lement et au froid était abolie sur toute la moitié gauche du
corps, répondant à l'hémiplégie.
f) Nous ne nous appesantirons pas sur les lésions trouvées à
l'autopsie. Nous en avons donné une description suffisamment
détaillée. Ce que nous devons rapppeler, c'est l'étendue consi-
dérable du foyer, la destruction totale du lobe temporal, la
séparation presque complète de l'hémisphère cérébral droit en
deux tronçons ne communiquant que par un pont étroit de
substance nerveuse ; l'atrophie de la capsule interne, - ce qui
explique en partie les troubles de la sensibilité; l'atrophie de
l'avant-mur ; l'atrophie croisée du cerveau et du cervelet, etc.
Ce résumé justifiera certes, aux yeux de nos lecteurs, les
détails dans lesquels nous sommes entrés, car ils verront là
un exemple d'accidents très communs chez les enfants, encore
trop peu connus, et dont l'intérèt pratique est incontestable.
Nous n'insistons pas davantage et nous reprenons l'exposé
succinct des autres cas d'épilepsie traités par le curare.
62 DU CURARE
Observation XVIII. - Epilepsie symptomatique. = Deux soeurs et
deux frères. - Convulsions dans l'enfance. - Mère absinthique
pendant la grossesse.
Premières convulsions à trois mois, revenues plusieurs fois
jusqu'à deux ans. - Maux de tête cinq à six fois par an
de huit à douze ans. - Vertiges à douze ans. - Accès vers
douze ans et demi. - Affaiblissement intellectuel. - Change-
ment de-caractère. Traitements divers; insuccès. Agitation
maniaque parfois après les accès ; - Hallueinitions de l'ouie.-
Onanisme. - Curare; insuccès. Hydrothérapie (du 8 juin au
30 novemhre 1883 et du 4er avril au 31 octobre 1884); insuccès.
Derou... (Ernest), né le 27 avril 1867, est entré à Bicêtre le 14
août 1882 (service de M. BOURNEVILLE).-
Traitement du 6 novembre 1882 au 8 juin 1883 (7 mois = 199jours).
DANS l'épilepsie. 63
Observation XIX. BptVepsMtdtopf/iMMe.Pet'epara/i ? Men-
ral. - Af<')'CHe<'ue ! MP. G ! 'and-pë ! 'eH : f<e)'He<, alcoolique, mort
phthisique. Grand'mère maternelle paralytique générale.
Grand-oncle maternel, alcoolique et épileptique. Onanisme. -
Convulsions à dix-huit mois. - Début ci cinq ans. Vertiges très
fréquents. - Secousses. - Roulements. - Tournoiements. -
Congestion méningitique (mars 1882). - Affaiblissement des
facultés intellectue les. - Bromure de camphre (du 30 avril au
7 octobre 4580.)-Ilydrotlcércapie (septembre-octobre 1880; -
mai-décembre 18S,l ; 1882, 1883, 1884.) - Bromure de sodium
( 11 novembre 1880); Chlorhydrate de pilocarpine (du 4 mars
au 3 août 1882). Curare; insuccès.
Harp... (Georges), né le 2 décembre 1864, est entré à Bicêtre le
2 juillet 1872 (service de M. Bourneville).
Traitement du 6 novembre 1882 au 8 juin 1883 (7 mois = 211 1 jours).
64 DU CURARE
Réflexions. - Le tableau ci-dessus montre que c'est
pendant les mois (879) et l'année (1,089) où l'enfant a été
soumis au traitement par le curare que les accès ont atteint le
chiffre le plus élevé; les vertiges ont également été plus nom-
breux que les années précédentes. L'action thérapeutique du
curare a donc été complètement nulle. Nous avons noté en
1884 une diminution des accès et une augmentation notable
des vertiges. On remarquera que, chez cet enfant, tous les
nombreux traitements mis en usage ont échoué.
Observation XX. - Epilepsie idiopathique. - Idiotie. - Gâtisme.
- 11;itmte de pilocarpine (1882). Amélioration. Curare (4883);
insuccès.
Duché... (Pierre), vingt-trois ans, entré àBicêtre le 18 décembre
1876 (service de BOURNEVILLE).
Traitement du 6 novembre au mai 4883 (6 mois = 176 jours).
totaux
DANS L'ÉPILEPSIE.
65
t9, 24, 29 mars, et à 18, 19, et 20 gouttes de la même solution les
8, 13 et 18 avril. Le traitement a été supprimé le 5 mai.
Réflexions. Le nombre des accès qui semblaient diminuer
progressivement depuis 1879, qui en 1882 était tombé à 164 (de
226 en 1881), sous l'influence probable du traitement par les
injections hypodermiques de nitrate de pilocarpine, s'est élevé
de nouveau durant le traitement par le curare. est toutefois à
noter que depuis que Duché, .. n'est plus soumis à aucun traite-
ment, les accès d'abord, puis les accès et les vertiges ont con-
sidérablement augmenté, sans cependant avoir encore atteint
le chiffre enregistré en 1878(458), ni même celui de 1879 (317)
première année de la période décroissante signalée plus haut.
Observation XXI. - Epilepsie idiopathique. - Phimosis. - Bromure
de potassium de 48-1 à 1880. - Hydrothérapie (16 avril au ter
novembre 1882 et du ter avril au la octobre '1884). -Affaiblisse-
ment des facultés intellectuelles. - Injections hypodermiques de
curare; insuccès.
Tribou... (Edouard), trente-trois ans, est entré à Bicêtre le 31
mars 18-il (service de M. Bourneville).
Traitement du 6 novembre 1882 au 5 mai 1883 (6 mois= : 165 jours).
TOTAUX
66 DU CURARE
Traitement. - Pour ce malade les doses sont les mêmes que
pour Duch... jusqu'à la date du 2 avril 1883; le 4 avril il est mis
à 17 gouttes de la solution à 4 p. 100, puis les 8, 13, 18, 23, 28
avril, à 20, ` ? ? , 2.'r, 26 et 28 gouttes de la même solution.
Réflexions Depuis l'entrée du malade à Bicêtre
jusqu'en 1877, les accès ont eu la marche progressive trop
souvent habituelle ; de cette époque à 1884, le nombre des accès
a tantôt diminué, tantôt augmenté sans toutefois atteindre le
chiffre de 1877. Cet arrêt de la maladie est plutôt fictif que
réel, car il est à noter qu'en mars 1877 et 1878 l'on a enregis-
tré par exception 39 et 19 accès, L'ensemble des dix années
présente donc, si l'on tient compte de cette élévation momen-
tanée et tout accidentelle une marche progressive évidente.
Le résultat des différents traitements (bromure de potassium,
8 gr. jusqu'au 18 novembre 1880; hydrothérapie etc.) est abso-
lument nul.
Observation XXII. - Epilepsie. - SOE117' épileptique. Premières
convulsions à dix- sept mois. - Vertiges à trois ans et demi. -
Accès ci neuf ans. - Déchéance intellectuelle. - Picrotoxine (de
juin 1881 à juin 1882); insuccès. - Hydrothérapie (juillet à
décembre 1880, et de juillet à décembre 1882); insuccès. - In-
jections hypodermiques de curare; insuccès.
Lamb... (François), né le 16 avril 1866, est entré à Bicêtre le 13
juillet 1875 (service de M. BOURNEVILLE,).
Traitement du 30 mars au 13 septembre 1883
(5 mois et demi = 170 jours).
TOTAUX
DANS L'ÉPILEPSIE. 67
68 DU CURARE
TOTAUX X
dans l'épilepsie. 69
1er avril au 13 octobre). On note donc outre l'augmentation du
nombre des accès, l'apparition, puis l'augmentation des ver-
tiges, et parallèlement des accès d'excitation maniaque et une
déchéance intellectuelle de plus en plus accusée.
Observation XXIV. - Atrophie cérébrale. - Epilepsie symptoma-
tique et imbécillité. Hypospadias. - Père alcoolique. - Mère
hystérique. Tante et oncle maternels, cancéreux. - Naissance
avant terme (version). - Premières convulsions à quatre ans. -
Hémiplégie gauche consécutive ; diminution de la paralysie, accès
d'épilepsie à quinze ans. Aura indéterminée. - Déchéance in-
. telletuelle. - Traitement par les injections hypodermiques de
curare ; insuccès. Bromure de nickel (1er septembre 1884).
Auberg... (Pierre), né le 12 juillet 1866, entré le 9 septembre 88
à Bicêtre (service de M. Bourneville).
Traitement du \ jeL1 ! vie¡' au 8 juin 1883 (5 mois = 144 jours).
TOTAUX
70 DU CURARE
Observation XXV. - Instabilité mentale; épilepsie idiopathique.
Père alcoolique. Mère : crises nerveuses en 4 883. - Grand-père
maternel alcoolique, mort aliéné. - Premières convulsions à trois
ans. - Maux de tête fréquents. - Absences depuis janvier 1882.
Benar... (Eugène), né le 7 juin 181n, est entré à Bicêtre le 9
septembre 1882 (service de M. BOURNEVILLE).
Traitement par les injections hypodermiques de curare
(du 30 mars au il,' septembre 1883 = 5 mois).
DANS L'ÉPILEPSIE. 71
puis lia partir du 5 mai et 12 à dater du 10 mai. Il est remis à
8 gouttes le 16 mai, à 9 le 17 mai et enfin à 7 gouttes du 24 mai
au juillet. Tout le reste du mois de juillet il est à 8 gouttes ; il
n'est mis à 9 gouttes que le 8 août et à 10 gouttes le 15 août.
Réflexions. Si nous comparons les accès de la même
période de 1883 et de 1884, nous trouvons une notable amé-
lioration, mais il est juste de dire que cette amélioration se
dessinait déjà avant sa mise en traitement, car de 105 accès
(mois de son entrée), ce malade était tombé à 6 accès (mois de
mars) dans le mois précédant la cure par le curare. Pendant
neuf mois consécutifs, il n'a pas eu d'accès (de mai 1883 à
février 1884); 13 accès en janvier 1885.
Observation XXVI. - Epilepsie symptomatique. - Père mort phthi-
sique. - Mère migraineuse et colérique. - Premières convulsions
à deux ans prédominant à gauche. Onanisme. - Vertiges et
accès il treize ans et demi. -Période d'excitation maniaque. -
- Affaiblissement des facultés intellectuelles. - Traitements par
le bromure de potassium et l'hydrothérapie. - Injections hypoder-
miques de curare. - Bromure de nickel (11 juillet 1884).
Laur... (Emile), âgé de seize ans et demi, entré le 9 septembre
1882 à Bicêtre (service de M. BOURNGVILLI';).
Traitement du 12 janvier au 1 er septembl'e 1883 Ci mois = 223 jours).
TOTAUX
72 DU CURARE
de comparaison avec les mois correspondants de l'année pré-
cédente, mais si nous comparons les mois de traitement avec
les mois précédents, nous trouvons une diminution des accès :
185 au lieu de 226 ; les accès des cinq mois suivants sont aussi
plus élevés (204), mais il y a lieu de tenir compte du peu de temps
pendant lequel le malade a été observé, de la déchéance intel-
lectuelle qui n'a pas été entravée par le traitement : en résumé
le résultat est peu concluant.
Observation XXVII. Epilepsie idiopathique. - Coqueluche
Convulsions prédominant (i droite (ci six ans et demi), suivies d'éva-
nouissements, puis d'étourdissements (ri sept ans et demi). - Accès
à 10 ans. - Tourneur. - Onanisme. - Affaiblissement intellec-
tuel.- Injections hypodermiques de curare (1883) ; insuccès. -
Kleptomanie. - Gâtisme. - Plus d'onanisme en 1884 ; hydrothé-
1'opie (1 le avril au 1 octobre). - Amélioration très notable. -
Redevenu propre.
Parad... (Léon), né le 10 février 1870, entré à Bicêtre le 12 juil-
let 1882 (service de M. BOURNEVILLE).
Traitement du 9 février au 8 juin 1883 (4 mois = : 1 10 jours).
dans l'épilepsie. 73
74 DU CURARE
Traitement du 9 février au 15 juin 1883 (4 mois- .1 foi jours).
dans l'épilepsie. 75
Traitement du 30 mars au 30 juin 1883 (3 mois= 93 jours).
76 DU CURARE
Observation XXX. - Epilepsie idiopathique. - Père alcoolique. -
Convulsions à sept ou huit mois. - Vertiges il treize ans. Alcoo-
lisme de vingt-quatre à vingt-cinq ans. Premier accès à vingt-
cinq ans. - Bromure d'or en 1882; insuccès. -Injections hypoder-
miques de curare; insuccès. - Affaiblissement des facultés in-
tellectuelles.
Lid... (Joseph), quarante-cinq ans, est entré le 10 mai 1880 à
Bicêtre (service de M. Bourneville).
Traitement du : 3(1 mars au 30 juin 1883 ( : 3 mois = 93 jours).
totaux X
DANS L EPILEPSIE. 77
Observation XXXI. - Epilepsie idiopathique. - Père alcoolique ( ? ).
- Fièvre intermittente (trois ans.) - Premier accès à sept ans. -
Accès d'abord incomplets. - Accès de manie.- Déchéance intellec-
tuelle complète. - Traitements divers (bromure de potassium, selin
des marais, etc.) - Hydrothérapie (avril à décembre 1882, et
d'avril à octobre 4884). - Traitement par les injections hypoder-
miques de curare; insuccès. - Gâtisme.
Perch... (Gilbert), né le 24 septembre 1868, est entré à Bicêtre
le 28 janvier 1S82 (service de M. Bourneville).
Traitement du 11 janvier au 13 février -1883 Ci mois = 33 jours).
totaux
78 DU CURARE
germain maternel mort du mal de Pott. - Onanisme. - Début à
trois ans.- Débilité mentale consécutive. -=Rougeole. - Erysipèle
(mai 488f). - Congestion méningitique : - Hydrothérapie (juillet
1881 et d'avril à novembre z882). Amélioration. - Abcès du
cuir chevelu (1882). - Curare; insuccès. - Hydrothérapie (juin à
octobre 1883). - Mal de Pott. - Abcès par congestion. -1 ! 'islule ! H<)'Mtno-a6omtHae gauche. - Autopsie : tuberculose pulmonaire ;
méningite purulente (moelle et cerveau).
Charm... (Emile), dix ans, entré à Bicêtre le 16 novembre 48$Q
(service de M. BOURNEVILLE), mort le 31 juillet 1884.
Traitement du 6 novembre 1882 au 8 juin 1883 (7 mois=201 jours).
TOTAUX
DANS l'épilepsie. 79
diminuent fréquemment les accès, sans que toutefois on puisse
déterminer exactement leur rôle et le mécanisme et la durée
de leur action. Nous noterons aussi que l'enfant soumis aux
douches après la suppression du traitement par le curare n'a
plus retiré de l'hydrothérapie le bénéfice des années
précédentes. La marche des accès est du reste, depuis
novembre 1882 au 31 juillet 1884, très irrégulière; le nombre
en est tantôt élevé, tantôt diminué d'un mois à l'autre sans
qu'il soit possible de se rendre compte de ces irrégularités.
Observation XXXIII. - Epilepsie idiopathique. - Cousine germaine
(du père) épileptique. - Convulsions ci dix-huit mois. - Parésie
gauche. - Secousses de la main gauche. Premier accès en mai
1880. - Vertiges. - Aura et affaiblissement des facultés intellec-
tutelles. - Accès surtout nocturnes. - Hydrothérapie (1881-1882).
- Amélioration. - Curare; insuccès. - Tuberculose. - Mort.
Délai... (Edouard), dix-huit ans, est entré à Bicêtre le 7 dé-
cembre 1880 (service de M. Bourneville), décédé le 25 octobre 1883.
Traitement du 6 novembre 1882 au 30 juin 1883 (8 mois=233 jours).
TOTAUX
80 DU CURARE
ment nulle, car déjà, depuis quelques mois, les accès allaient
en diminuant progressivement, les vertiges avaient complète-
ment disparu ; pendant le traitement par le curare, les accès
se maintiennent à peu près au même chiffre que dans les mois
précédents, ils s'élèvent toutefois à 18 et 19 dans les mois de
mai et juin 1883, puis tombent à 8, 2, 2 et 1 pour les quatre
mois suivants; le traitement avait été supprimé le 30 juin, la
mort eut lieu le 25 octobre.
Observation XXXtV. Idiotie; épilepsie. - Mère : idées de suicide
pendant deux mois. - Grand-père maternel mort de phthisie.
Grand'mère maternelle morte de cancer utérin. - Frère jumeau
mort à trois jours (convulsions). - Grossesse : chuté à cinq mois,
peur ti sept mois et demi. - Premières convulsions à deux mois,
suivies d'une paralysie gauche. - Depuis, nombreux accès. -
Gâtisme. - Tics, tournoiement, mérycisme partiel (liquides).
Secousses ; traitement par le curare, insuccès. Obstruction du
larynx par un morceau de viande; mort.- Autopsie : sur l'hémis-
phère cérébral droit (face convexe) : atrophie de la plupart des
circonvolutions situées en arrière du sillon de Rolando, et des
circonvolutions de la face interne.
Vautr... (Er-nesl)', né le 11 février 9872, entré le 25 mai 4818, à
Bicêtre (service de 11. BouRNEVILLE). Mort le 22 mai 1883.
Traitement du 23 novembre 1882 au 22 mai 1883
(3 mois = 146 jours).
TOTAUX
DANS L'ÉPILEPSIE. 81
82 DU CURARE DANS L'ÉPILEPSIE.
Traitement du 17 février au 31 août 1883 (G mois
et demi = 192 jours).
TOTAUX
III.
De l'emploi de l'acide sclérotinique dans
l'épilepsie;
Par Bourneville et P. Bricon.
l ! enseignés sur les propriétés physiologiques et le
mode d'emploi de l'acide sclérotinique par l'examen
des travaux publiés jusqu'alors (1882) sur ce nouvel
agent thérapeutique (1) et engagés par l'emploi antérieur
des préparations ergotées dans l'épilepsie, nous nous
sommes décidés à essayer l'acide sclérotinique chez les
épileptiques.
Les préparations ergotées ont été déjà employées
dans le traitement de l'épilepsie avec plus ou moins
de succès apparent, mais l'acide sclérotinique, à notre
connaissance, n'avait pas encore été utilisé pour com-
battre le mal comitial lorsque nous avons commencé nos
essais. Nous l'avons administré, soit en injections
hypodermiques, soit en julep.
A. Traitement par les injections hypodermiques.
Le 1 cr décembre 1882, quatre enfants épileptiques
ont été soumis à des injections hypodermiques de la
solution suivante d'acide sclérotinique (2).
(1) Voir ponr les renseignements historiques et bibliographiques :
Bricon. - De l'emploi de l'acide sclérotinique [Progrès médical
1S8 ? ,p 537).
(2) Cette solution n'est autre que celle employée par M. le profes-
seur Prévost (de Genève).
84 DE l'acide SCLÉROTiNIQUE
DANS l'épilepsie. 85
Le tableau ci-dessous indique la marche des accès
avant, pendant et après le traitement :
86 DE l'acide sclérotinique
centigr. tous les cinq jours jusqu'à la dose maxima
quotidienne de 25 centigr., atteinte le 28 avril. Cette
dose a été continuée jusqu'au 11 juin pour deux malades
(Dur... et Div...) qui furent alors soumis à un autre traite-
ment, jusqu'au 1er juillet pour un autre, Rob..., qui
cessa tout traitement pendant le mois de juillet et fut
remis à la même dose dès le 1 CI' août, puis à 26 centigr.
du 6 au 31 1 août, à 27 centigr. durant le mois de septembre
et à 30 centigr. à partir du 12 octobre, enfin le quatrième
(Maud...) resta à 25 centigr. du 28 avril au 6 août, jour
où la dose fut élevée à 27 centigr., puis à 30 centigr. lo
12 octobre jusqu'au 31 mars 1884.
Des quatre autres malades , (Dubreuil, Lechesne ,
Simonet, Bethfort), trois furent mis en traitement le
30 mars 1883 et un (Lechesne) (1) le quatre avril, avec
augmentation progressive de 2 centigr. tous les deux
jours, de sorte que le 1 Cr mai ils étaient aux doses de
22 et 20 centigr. ils y restèrent jusqu'au 12 juin où la
dose fut augmentée de un centigr. chaque 5 jours jusqu'à
la dose maxima de 25 centigr. qui fut continuée jusqu'au
6 août. En août la dose fut élevée à 26 centigr., en
septembre à 27, et le 12 octobre à 30 centigr. jusqu'au
le'* avril 1884, sauf pour Bethfort dont le traitement a été
supprimé le 12 octobre 18€3. Nous n'avons eu à
constater chez aucun de nos malades de phénomènes
anormaux.
Les accès et les vertiges ont eu la marche suivante :
Malades en traitement depuis le 12 novembre 1882 jusqu'au
31 mars 1SS' :
dans l'épilepsie. 87-
Malades en traitement du 12 novembre 1882 au Il juin 1883 et au
20 juillet 1883 :
88 ACIDE SCLÉROTINIQUE ET EPILEPSIE.
Le tableau ci-dessous permet de comparer les prin-
cipales particularités observées chez chaque malade.
IV.
De la roséole idiopathique ou rubéole;
Par BounNrVILLr et Bricon.
Nous avons observé, Bicêtre,en juin 1881, une épidé-
mie de rubéole ; alors nous n'avions pas cru utile d'en
publier la relation. Pour nous, la roséole était une affec-
tion connue et nous croyions que, admise à notre époque
comme spécifique par la plupart des auteurs (Rilliet,
Barthez, Balfour, Trousseau, Gerhardt, Vogel, Thomas,
Nymann, Emminghaus, Steiner, Roger et Damaschino,
etc., etc.), il n'y avait guère d'utilité à relater des cas
d'ailleurs réguliers ; aussi grand fut notre étonnement
quand nous avons vu récemment des journaux présenter
la roséole ou Iiütlzeln des Allemands comme une af-
fection en quelque sorte inconnue en France. Revenant
sur notre décision, nous nous sommes décidés à résumer
brièvement les opinions des principaux auteurs et à don-
ner un rapide exposé des cas par nous observés à Bicêtre,
et auxquels nous ajouterons quatre cas observés par l'un
de nous en ville.
La roséole, répétons-nous, est connue depuis long-
temps, et il n'est pas de médecin praticien qui n'en ait
vu des cas. Mais son étude faite par les uns avec les ro-
séoles symptomatiques, son assimilation parles autres
avec la rougeole, etc., n'ont pas peu contribué à entourer
son histoire d'obscurité. Nous en dirons autant de ceux
(1) Au mUe siècle, les auteurs français distinguaient la Roseola
de la iioiii donné à la rougeole.
90 ROSÉOLE IDIOPATHIQUE.
qui, avec Canstatt et Niemeyer, définissent la rubéole :
« un exanthème à taches rouges dont on ne sait, en
comparant les phénomènes généraux et les symptômes
qui se montrent du côté des muqueuses, toujours atté-
nués, s'il faut le faire rentrer dans la rougeole, la scar-
latine, l'urticaire oul'érythème, etc. » (1).
D'autres auteurs la rapprochaient tantôt do la scarla-
tine, tantôt de la rougeole ou en faisaient une maladie
mixte. Aussi n'est-on pas étonné de voir M. le profes-
seur Wieger (de Strasbourg), dans son Cours de patho-
logie interne, 1865-1866, s'exprimer ainsi :
« Roséole, Rubéole, Essora, Rôtheln. Confusion totale. Erup-
tions douteuses de toute sorte ; épidémies douteuses même ;
graves ou légères. Rubéole morbilleuse : exanthème large ou con-
fluent avec catarrhes morhillcux. Rougeole Rubéole scarlatineuse :
Exanthème tacheté avec pharyngite, lièvre intense suivie d'hydro-
pisie-scarlatine. Epidémies mixtes où parfois tous les cas étaient
mixtes avec pharyngite et catarrhes ; fièvre d'invasion plus longue
que celle de la scarlatine : régnant avant, pendant ou après des
épidémies de rougeole on de scarlatine, ou des deux ; donnant par
contagion la rubéole ou l'une des deux autres ; probabilité do
scarlatine - à revoir. - Opinion de M. Trousseau : Rubéole, ma-
ladie à part, ressemblant à la rougeole, mais sans gravité, pouvant
récidiver, sans catarrhes. »
Laissant de côté les Arabes et les auteurs des siècles
qui ont précédé le nôtre, nous allons énumérer l'opi-
(1) M. Longuet (Union médicale, 25 décembre 1883) en adoptant
cette définition, semble admettre l'existence de l'ancienne Rôtheln
des Allemands. Sous le nom do Rôtheln les Allemands désignent
actuellement une maladie tout autre, spécifique et contagieuse, qui
n'est autre que la roséole fébrile ou idiopathique de certains au-
teurs français. M.Thomas,dans une des meilleures monographies que
nous possédions (IIandll1u'h de¡' speciellen Pathologie u. The-
rapie de liemssen. Bd. II. Acule Infections li·anhheiten,
2 II. 1877), classe parmi les auteurs qui ne considéraient pas la
Rôtheln dans le sens moderne, Schonlein, Canstatt, Paasch,
Gintrac, etc., et parmi ceux au contraire qui l'ont envisagée selon
les idées actuellement régnantes, Wagner, Collin, Trousseau,
Danis, Wunderlich, etc. C'est donc tort que M. Longuet nous
présente comme maladie nouvelle l'ancienne nütheln des Alle-
mands que nous ne saurions relever du juste oubli dans lequel
elle est tombée même dans le pays où cette prétendue maladie spé-
cifique trouvait tant de défenseurs.
RUBÉOLE. 91
nion de quelques-uns des principaux auteurs contem-
porains. Tout d'abord voici comment Rayer (1826) (1)
parle de cette affection :
« L'étude de l'inflammation légère et superficielle que je désigne,
d'après \Villan, sous le nom de Roséole, n'offre réellement d'inté-
rêt que parce que cette maladie a souvent été confondue avec la
rougeole et la scarlatine. Cette circonstance explique même l'opi-
nion de quelques médecins qui ont avancé que les récidives de la
rougeole et de la scarlatine étaient assez fréquentes. »
Rayer n'admet pas la contagiosité de la rubéole,
qu'il semble du reste confondre avec différentes autres
roséoles symptomatiques (p. 44). Plus loin (p. 45) nous
trouvons les lignes suivantes qui se rapportent évidem-
ment à la rubéole :
« Le second jour, l'exanthème de la roséole continue à être
animé ; il est accompagné d'une légère démangeaison, mais non
d'un sentiment de cuisson, comme cela a lieu dans l'urticaire Il
devient ensuite d'un rouge moins vif et peut disparaître complète-
ment dès le troisième jour. Cependant d'autres taches d'un rouge
plus foncé persistent quelquefois jusqu'aux quatrième et cin-
quième jours. La durée de la roséole ne s'étend jamais au delà de ce
terme, à moins que la maladie ne se compose de plusieurs éruptions
successives. »
Le diagnostic (p. 46) qu'il en fait avec les autres ma-
ladies éruptives (rougeole , scarlatine , urticaire, éry-
thème) est exact, si l'on en excepte la contagiosité.
Alibert (2) a consacré un chapitre spécial à la roséole,
qu'il divise en idiopathique et symptomatique.
« J'observe souvent, dit-il, la roséole idiopathique ; il est rare
qu'elle se prolonge au delà de deux à trois journées. C'est par
exception qu'on la voit durer pendant toute une semaine. Elle
débute par un frisson de quelques minutes, par un peu de somno-
lence et de douleur à la tête, par une rêvasserie nocturne et
quelques agitations, qui viennent, pour ainsi dire, se mêler au
sommeil chez les enfants. Chez quelques-uns d'entre eux, la peau
(1) Rayer. Traité théorique et pratique des maladies de
la pean, 1. 1. Paris, 18(j, p. 1.3.
[il Alibert, Monographie des dermatoses. Paris, 1832,
P. 2-22.
92 ROSÉOLE IDIOPATHIQUE.
est tourmentée par un prurit passager ; chez d'autres, il ne survient
pas la moindre démangeaison, le plus souvent le ventre est consti-
pé, la langue est rouge et muqueuse à sa base, les malades éprou-
vent une certaine gêne dans le pharynx quand ils veulent avaler. »
Plus loin (p. 223) il dit « qu'il faut chercher la cause
de l'éruption roséolée dans les qualités de l'air. On a
dit, sans preuves suffisantes, qu'elle n'était pas conta-
gieuse ; mais qui peut le savoir ? » Barthczet Rilliet (1),
dans leur excellent Traité, ont établi que la roséole
est à la rougeole ce que la varicelle est à la variole.
« Cependant nous avons déjà dit (t. II, p. 101), et nous le répétons
ici, que la roséole se confond quelquefois avec certaines rougeoles
anormales et simples. La forme, la couleur, la distribution et la
marche des taches sont à peu près les mêmes; le mouvement fé-
brile est presque nul, et l'on doit rester dans le doute sur Le dia-
gnostic de ces éruptions, à moins qu'une épidémie régnante ne
vienne démontrer leur nature rubéolcuse.
« Mais, qu'il y ait épidémie ou non, nous aimerions it confondre
toutes ces formes de transitions en une seule, qui serait iL l'éruption
morbilleuse ce qu'est la varicelle à la variole. En effet, la varicelle
sporadique est aussi distante de la petite variole que la roséole
l'est de la rougeole ; et si l'on a trouvé une raison suffisante pour
réunir en un même groupe les éruptions varioleuses et varicel-
leuses, d'âpres ce fait qu'on les voit se développer simultanément
pendant des épidémies, une raison pareille existe pour ranger dans
une même catégorie la roséole et la rougeole.
«Nous avons déjà parlé ailleurs des opinions des médecins alle-
mands qui considèrent la roséole (Rôtheln) comme une variété de
la scarlatine ; nous croyons, en effet, qu'on a décrit sous ce nom
plusieurs cas de scarlatine anormale et de véritable roséole.
Marcus avait établi entre la roséole et la scarlatine les rapproche-
ments que nous venons de faire soit entre la rougeole et la ro-
séole, soit entre la variole et la varicelle. »
Les mêmes idées sont développées par Trousseau et,
quoi qu'en ait dit M. Longuet, nous ne saurions diffé-
rencier la roséole de Trousseau de la rubéole ou Rô-
theln moderne des Allemands. M. Thomas (2) dans
(1) Barthez et Rilliet. - Traité clinique et pratique des ma-
ladies des enfants, Ill, p. 2(jO, Paris, 1861.
(2) Il est bien entendu qu'il ne s'agit pas ici de l'ancienne Hi)-
theln des allemands que M. Jaccoud dans son Traité de patho-
logie interne, t. II, p. 715, édition de 1873, semble avoir eu en
vue en décrivant la rubéole.
RUBÉOLE. 93
l'article qu'il a consacré à celle-ci (Ft6theln) n'a garde
d'oublier Trousseau parmi ceux qui faisaient de la Rô-
theln une maladie spécifique.
« La confusion, dit Trousseau, dans laquelle sont tombés un
grand nombre de médecins par rapport à la varicelle, considérée
par eux comme une variété de la variole, a aussi existé par rapport
il la roséole, que l'on regardait comme une rougeole modifiée. Mais
aujourd'hui, tandis que certains auteurs confondent encore les deux
premières maladies, tous établissent nettement les différences qui
séparent la roséole de la rougeole, avec laquelle elle parait offrir,
à première vue, un semblant d'analogie, et décrivent comme une
espèce nosolobiqne parfaitement distincte de la fièvre éruptive
dont je veux vous dire quelques mots. Elle est caractérisée, comme
la rougeole, par une éruption exantliémateuse constituée par des
taches roses, irrégulières, dont l'apparition est presque toujours
précédée par des phénomènes fébriles. Ces symptômes généraux
se mauifestentpendant un ou deux jours et rarement, continuc-t-il,
pendant deux ou quatre jours. »
Trousseau les fait consister en un léger malaise avec
mouvement fébrile assez marqué, en frissons, mal de
tête, inappétence, soif vive, agitation ou au contraire
prostration et, chez les enfants très jeunes, souvent en
vomissements, diarrhée et convulsions.
Mais ce qui distingue tout de suite la roséole de la rougeole,
c'est l'absence, dans le premier cas, du catarrhe oculaire, nasal et
bronchique, phénomène oblige de la période prodromique de la
fièvre morbilleuso. Jamais, en effet, vous ne verrez, dans la roséole,
le larmoiement, le coryza, la toux de la rougeole. L'éruption elle-
même est très différente de l'éruption spécifique de cette dernière
maladie. Les taches rubéoliques ne sont plus en effet saillantes
comme le sont les taches morbilleuses : plus paies, plus larges que
celles-ci, plus distinctes les unes des autres, et plus isolées par
des espaces de peau blanche, elles s'effacent sous la pression du
doigt, pour reparaître aussitôt, et donnent lieu à des démangeai-
sons assez vives, ardentes et prurientes, disait Voycl. A certaines
époques, ainsi que Frank l'a observé, elle a régné épidimiquemcnt,
quoiqu'on ait dit le contraire, elle est contagieuse. Assurément
je ne prétends pas qu'elle le soit au même degré que la rougeole ;
mais parmi les causes multiples de la roséole, la contagion joue un
rôle, a mon avis incontestable. Un fait capital peut servir encore à
séparer la roséole delà rougeole, comme il sépare la varicelle de
la variole : c'est qu'une atteinte de l'une ne met pas à l'abri de
l'autre. Déplus, tandis qu'un même individu ne contracte généra-
lement qu'une fois la rougeole, une roséole antécédente ne pré-
serve pas de nouvelles attaques ; et même, dit Borsicri, celui qui
en a été affecté une première fois est plus sujet ive en être affecté par
94 ROSÉOLE IDIOPATHIQUE.
la suite; « qui el11ol iis laboravit, facile iterunt ttlmicsdue prc-
henditur, »
Puis Trousseau parle du siège de l'éruption, de sa
fugacité. Pour lui, elle ne serait pas suivie de desqua-
mation. Il s'appuie, pour séparer la rubéole de la
rougeole, sur l'absence de complications et sur la bé-
nignité de la maladie.
M. Thomas qui a fait de la Rôtheln une étude toute
particulière et Steiner (1), n'ont nullement décrit l'an-
cienne Rôtheln des Allemands. On en jugera facilement
par le résumé suivant que nous faisons du chapitre con-
sacré par ce dernier auteur à la rubéole.
La Rubéole est un exanthème aigu autonome, n'ayant avec la
rougeole ou la scarlatine, aucun caractère d'identité ; elle est ca-
ractérisée par une rougeur ntaculeuse très-fugace de la peau, ac-
compagnée ou non de manifestations générales très médiocres.
Elle est épidémique. Son incubation est de 2 semaines et demie 11
3 semaines (Emminghaus). Les prodromes sont de « quelques se-
condes » '2 jours (4 jours d'après Lindwurm). On note un ca-
tarrhe nasal, pharyngien, oculaire (CTerharcl(,Thomas,etc.) Eruption
soudaine : 24 à 48 heures de durée, jamais plus. Desquamation fur-
furacée (Gerhardt, Thomas, etc.) Evolution entièrement apyré-
tique ou très faiblement pyrétique. Sommet (le la courbe à l'appa-
rition de l'exanthème. Contagiosité (Thicrfelder, Thomas, Em-
minglaus).
Nous n'avons pas la prétention d'analyser tous les
travaux allemands modernes que la plupart de nos lec-
teurs sont à même de pouvoir consulter (2). Nous nous
bornerons, en terminant cet historique, mentionner la
discussion qui s'est élevée au sujet de la rubéole au sein
du Congrès de Londres (1881) et les idées émises par
M. Delastre dans sa thèse (1883).
Au congrès de Londres, MM. W. B. Chehdle (de
Londres), M. Kassowitz (de Vienne), J. Lewis Smith
(de New- York), G. E. Shuttleworth (de Lancaster),
(1) Steiner. - Compendium des maladies des enfants, Irai'.
Kéraval, 1880, p. 612.
(2) Voir à ce sujet l'article de Thomas, loc. cil.
RUBÉOLE.
95
William Squire (de Londres), ont fait des communica-
tions intéressantes qui ont été le point de départ d'une
discussion à laquelle ont pris part MM. Fergus (Marl-
borough), J. Glaister (Glasgow), Martin Oxley (Liver-
pool), J. A. Wood (Liverpool), d'Espine (Genève), A.
Jacobi (Ne«--York), J. P. J. Houstorm (Savannah), W.
Stewart (Barnsley), Schuttleworthet Cheadle (1).
Le Dr West, président de la section, a résumé cette
discussion -tt peu près dans les termes suivants :
Un consentement général existe, car il n'y a que deux dissi-
dents, quant à l'existence d'une maladie distincte, semblable à
certains points de vue, mais non identique, à la rougeole ou la
scarlatine Elle se sépare de la précédente par une période d'incu-
bation qui est plus longue, et qui se rapproche davantage de celle
do la rougeole, laquelle, toutefois, la dépasse ordinairement. Elle
se distingue ultérieurement de la scarlatine, non seulement par une
différence dans les caractères de l'éruption, qu'il n'est pas cepen-
dant toujours possible d'apprécier dans les premières 24 heures de
son apparition, mais aussi par l'absence de desquamation ou d'al-
buminurie. La période de convalescence ne présente pas les com-
plications qui s'observent dans la rougeole ou la scarlatine. Une
particularité qui accentue la distinction de la rubéole de ces
deux maladies, c'est la fréquence de son développement chez If s
individus qui ont eu la rougeole et la scarlatine. Sur les 32 cas eu
D1' Cheade, 52 avaient eu antérieurement la rougeole, dont 10,
sous ses yeux. Des 48 cas du Dr Smith, 19 avaient eu la rougeole,
et, dans une autre épidémie, 8 avaient eu et la rougeole et la scar-
latine dans un espace de huit mois ; et, bien que cela soit un fait
connu, que ces deux maladies puissent se présenter plus d'une
fois, cependant une fréquence telle que celle qui vient d'être citée,
est sans exemple dans l'une et l'autre maladie. Elle parait se rap-
procher surtout de la rougeole et ressembler, si elle ne lui est pas
(1) Transactions of the international médical Cong l'ess,seycnlh
session. -18Rl. t. IV, p. 4-31. Cheadle. On the existence of
tl\'O distinct forms of E1'uptive Feve1', usually included undel'
the head of Mcasles, and the relation of them to the so-callecl
Iiubeola or Rhütheln. p. 4-10. Kassowistz. Die lViJ'hliche Slel-
lunu deI' sogenannten Habeola, Rüthaln odel' « Ge1'l1lan,1J easles,).
und clic Verwandschafl clerselben mit ScAat'/acA/c6er und
Maseru, p. 40-14. Smith. Contributions to the Study of
Rôtheln, p. 14-21. Schutlleworth The real Position of the so-
called Rubeola, Rôtheln, or C;eJ'1nan Mcales, and ils relation
to Scarlalina and Mcasles, as illuslrecl itz the histol' ! 1 of thiJ'tU"
onc obseaucd Cases, p. ` ? 1-7.- \V. Squire. On Rubella, li2cbeola
sine calarrho, Rôtheln, or Geotzzatz 1lI easles} p. 27-31.
96 RUBÉOLE IDIOPATHIQUE.
identique, à la rubeola sine de Willan. L'éruption est
souvent tout de fait analogue dans les deux maladies d'une façon
générale, les symptômes se rapprochent étroitement. En règle,
ils ont une moyenne intensité, ne font courir aucun danger, n'exi-
gent aucun traitement, quoique le cas relaté par le Dr Cheadle
montre que, nonobstant les particularités distinctives, elle puisse
offrir une série très grave de symptômes. Une observation du
Dr Jacobi doit être présente il l'esprit : c'est que, se développant,
comme cela arrive souvent, entre deux épidémies l'une de rou-
geole, l'autre de scarlatine, suivant ou précédant l'une ou l'autre,
ses caractères peuvent être modifiés au point de se rapprocher il
quelques égards de l'une ou l'autre fièvre éruptive... Un grand
point pratique c'est de prendre soin dans les cas douteux de scar-
latine, parce qu'ils peuvent êlro moyens, de dire d'un cas, pour
calmer sur le moment l'anxiété des parents, c'est la rougeole des
germains et d'être ainsi cause de l'expansion ,le la scarlatine dans
une famile. Il ne faut pas oublier que ses affinités sont avec la
rougeole, non avec la scarlatine, et qu'elles se ressemblent quelque
peu l'une l'autre, comme la varicelle et la variole. Semblables,
mais non les mêmes :
« Facies non una, nec cliûel'sa lamen
Qualis solel esse S01'0Tt17)1. »
Non deux soeurs jumelles, mais, à un certain degré, demi-soeurs.
Cette citation montre que la rubéole considérée comme
entité morbide rallie la plupart des observateurs.
M. Delastre (1) a été amené à faire des recherches sur
la rubéole par suite d'une épidémie d'exanthèmes as
forme mixte, indéterminée, ayant sévi à l'hôpital de la
Charité de Lyon, de novembre 1881 à mai 1882, mais
n'ayant aucune parenté avec la rubéole. Voici la défini-
tion qu'il donne de la rubéole (p. /13).
« La rubéole est un exanthème spécifique, de nature
contagieuse, se rapprochant par la forme mixte de son
éruption de la rougeole et de la scarlatine, dont il se
distingue néanmoins par des caractères spéciaux, et
surtout par l'absence de certains symptômes généraux
qui accompagnent toujours ces deux lésions érupti-
ves (2).
(1) Dclastre. - Contribution à l'élude de la rubéole. Thèse
de Lyon, 1883.
('2) La symptomatologie de la Rôtlieln moderne, tracée par
RUBÉOLE. ! )7 -1
M. Delastre dit (p. 27) que MM. d'Espine et Picot n'ad-
mettentpas l'existence de la Rothein. Ilest vrai quedans
leur manuel (p. 46) ils prétendent que pour eux les ru-
béoles (Rôtheln) ne sont que des scarlatines, ou, ce qui
est plus rare, des cas de rougeole plus ou moins modi-
fiés. Mais il ne s'agit là évidemment que de l'ancienne
Rôtheln des Allemands, car un peu plus loin (p. 47) ils
consacrent un chapitre à la roséole, qui y est décrite
d'après les travaux de MM. Thomas, Emminghaus, etc.
Autrement dit la roséole de ces auteurs est bien la
R6theln moderne des Allemands (1).
M. Raymond (2) a publié une observation de Rubéole,
vraie Rôtheln des Allemands, en présentant tous les
symptômes tels qu'ils sont décrits actuellement ; mais
une partie des critiques que nous faisons à l'article de
M. Longuet peut aussi s'adresser à M. Raymond ainsi
M. Longuet ne s'accorde nullement avec la définition qu'il accepte
de la maladie, définition qui est celle de l'ancienne Rôtheln. En
effet, Niemcver dont il invoque l'autorité, et qui, comme il le dit,
acceptait la définition de Canstatt admettait une roséole scarlati-
niforme et une roséole morbilleuse; pour lui la roséole épidémique
représentait des formes modifiées par des causes inconnues, de la
scarlatine et de la rougeole (Eléments de palh. interne, t. II,
18G9, p 51l). Or rien n'est plus contraire allx thérories actuelle-
ment régnantes au sujet de la roséole idiopathique ou Rôtheln
actuelle des Allemands. Cette dernière n'est que la roséole conta-
gieuse des Français et par suite ne constitue nullement une entité
nouvelle. Par quelle confusion M. Longuet est-il arrivé à avancer
que nos traités classiques gardaient un silence unanime sur la
rubéole, quand lui-même reproduit un tableau fidèle de leurs opi-
nions, comme on en peut juger par l'analyse des travaux des
quelques auteurs français que nous citons. Loin de nous toute-
fois la pensée de prétendre que les travaux contemporains étran-
gers n'aient pas aidé à élucider plusieurs points obscurs de la
rubéole, et à la mieux différencier qu'on ne l'avait fait au- z
paravant. Il est il regretter que M. Longuet, dans sa revue d'ail-
leurs intéressante, ait si souvent confondu les deux Rôtheln alle-
mandes. Et cependant les ailleurs qu'il cite (noie 2, p. l0al)), entre
autres Thomas, auraient dû lui éviter une pareille confusion.
(1) Quant à la description de la « Rubéole » de Caillou, nous
croyons qu'il est difficile d'y reconnaître la Rubéole actuelle. Ce
serait aussi à tort que M. Thomas aurait classé M. Danis parmi les
auteurs ayant admis la Rôtheln comme entité morbide.
(2) Progrès médical, 16 décembre 1881.
BOURNEVILLE, 1884. 7
98 ROSÉOLE IDIOPATHIQUE.
qu'à MM. Talamon et Lécorché, Trastour, qui ont depuis
publié des observations de rubéole.
Quant aux observations relatées dans la thèse de
M. Delastre et fournies par MM. Laure et Bondet, les
unes se rapportent à l'ancienne Rothcin des Allemands
(forme mixte) et les autres à la rubéole moderne.
Nous nous sommes quelque peu étendus sur l'histo-
rique, voulant ainsi montrer que la roséole des au-
teurs français est bien la Rütheln actuelle des auteurs
allemands. Nos citations le prouvent suffisamment ; le
mérite des auteurs étrangers a été de la mieux étudier,
d'avoir signalé quelques nouveaux symptômes, et de
l'avoir fait accepter facilement, ainsi transformée, par
tous les cliniciens. Ces auteurs tiennent du reste compte
des travaux français, leur bibliographie en fait foi, et il
serait étonnant que, nous français, nous méconnaissions
des travaux que d'autres reconnaissent (1).
La roséole idiopathique ou rubéole a, par les carac-
tères de son éruption, la plus grande ressemblance avec
la rougeole. Mais elle ne confère aucune immunité à
l'égard de cette maladie ou de toute autre avec laquelle
on a parfois voulu la confondre (scarlatine). Elle réci-
dive (2) de plus facilement; aussi n'est-on pas étonné de
voir tant de gens déclarer qu'ils ont eu plusieurs fois la
rougeole (.`3).
(1) Thomas, loc. eU., p. 144, écrit : « (l'après ses observations
l'exanthème de la Ratheln ne possède de ressemblance qu'avec
celui de la rougeole, il n'a pas la plus petite parenté avec celui de
la scarlatine normale. » Cette opinion vraie pour la plupart des cas
parait toutefois souffrir quelques exceptions.
(2) Sur ce point Thomas (loc. cil., p. 144) diffère d'opinion avec
nous : « Je n'ai encore observé jusqu'ici une deuxième atteinte de
Rôtheln chez le même individu, et si on l'observe, elle doit être
aussi rare qu'une deuxième atteinte do rougeole. » Mais il cite et
nous citerons plus loin d'après lui des auteurs ayant observé
des récidives.
(3) Nous avons eu l'occasion de voir dans un servi e d'enfants
le chef de service diagnostiquer une rougeole chez un enfant pré-
sentant une éruption pscudo-morbilleuso apparue sans prodromes
et dont la température était normale. Trois semaines auparavant
le même enfant avait eu une rougeole nettement caractérisée.
RUBÉOLE. 99
Cetto absence d'immunité de la roséole et de la rou-
geole vis-à-vis l'une de l'autre est, à elle seule déjà, une
raison suffisante pour en faire une maladie à part et
pour ne pas la ranger dans le cadre des rougeoles avor-
tées ou anormales.
Dans l'épidémie que nous avons observée à Bicêtre
en 1881,Grum... (14 ans) avait,au dire des parents,eu la
rougeole iL l'âge de 2 ans ( ? ) ; Boissiè...(7 ans) à l'âge de
2 ans et demi, Cantrel (17 ans) à l'âge de 15 mois, Mo-
natte (8 ans) à l'âge de 2 ans, Juven.. (9 ans) iL l'âge de
4 mois) ( ? ) (1). S'il reste quelque doute au sujet de ces
malades, il n'en persiste aucun pour les suivants dont
la rougeole a été observée et traitée dans le service. Ju-
ven..., a eu la rougeole le 12 janvier 1881,Weiss (Geor-
ges) le 13 janvier 1881, c'est-à-dire avant leur roséole
(juin 1881) (2) ; au contraire, Mathieu (7 ans) atteint de
roséole le 8 juillet 1881 a eu la rougeole le 5 mai 1883.
Enfin chez l'enfant Monatto (8 ans) la maladie s'est
composée de deux éruptions successives (3). - 18 juin,
1° éruption effacée le 20 juin; 21 juin, 2° éruption effa-
cée le 22 juin; celle-ci plus forte que la première.
L'enfant (obs. vin) soigné par Rayer avait eu, deux
ans auparavant, une rougeole bien caractérisée ainsi
que ses deux frères qui habitaient le même apparte-
ment et qui l'avaient contractée à la même époque. Ces
rougeoles avaient été constatées et traitées par Rayer.
Nous définirons la rubéole un exanthème aigu, con-
tagieux, à taches rouges, irrégulières, souvent apyré-
tique, ou s'accompagnant d'une réaction fébrile modérée,
débutant brusquement ou précédé de prodromes très
courts ; affection se compliquant assez souvent de ca-
(l Probablement une roséole ou un érytlièiiie; voir plus loin.
(2) Voir aussi l'observation XIII de Rayer, citée plus bas.
(3) Emminghaus vit unc fois une récidive de Rôtheln un jour
après la disparition d'une première éruption, dans deux autres
cas après 14 jours. Chaque fois la première éruption fut plus faible
que la seconde. Nymann a vu plusieurs récidives dans la m,liiie
épidémie, et cela de 18 jours il. 9 mois après la première atteinte de
la maladie, d'après Thomas (loc. cit., p. 144 et 145).
100. ROSÉOLE IDIOPATHIQUE.
tarrhe naso-pharyngien et oculaire, mais généralement
moins prononcé que dans la rougeole, se différenciant
de cette dernière par l'absence de complications pul-
monaires, sa courte durée, par sa récidivité, et par l'ab-
sence d'immunité qu'elle présente à l'égard de la rou-
geole.
La contagiosité de la rubéole est évidente et n'est
plus niée actuellement ; admise par Trousseau, Rilliet,
Roger, Damaschino, Balfour, Emminghaus, etc.; l'un
de nous a eu l'occasion d'en observer dernièrement un
exemple :
Le samedi 29 mars nous sommes appelé avenue des Gobelins, 60,
pour donner des soins à une jeune fille de 18 ans atteinte depuis le
matin, d'une éruption pscudo-morbitleuse surtout prononcée à la
face, au cou et au thorax, éruption apparue sans autre prodrome
qu'une légère céphalalgie la veille ; l'éruption sur les membres
présente un caractère papuleux sans caractère précis; mais le soir
et le lendemain matin l'éruption (qui palissait déjà à la face le
30 mars) présentait partout le caractère morbilleux. Les yeux
étaient très légèrement larmoyants ; pas de céphalalgie, pas d'inap-
pétence ; le pharynx et les amygdales étaient un peu rouges. Le
troisième jour la malade était complètement remise.
Le 5 avril, c'est-à-dire huit jours après le début de
la roséole chez notre première malade, nous sommes
de nouveau invité à nous rendre dans la même famille
pour visiter la soeur aînée de notre première malade.
Cette jeune fille âgée de 19 ans était atteinte à son tour sans
prodromes aucuns d'une éruption rubéiforme de même aspect que
celle de sa soeur, mais l'éruption était presque confluente à la face
et au tronc et les symptômes de catarrhe naso-pharyngien et ocu-
aire furent plus prononcés, la durée plus longue (4 jours). Le
pouls était légèrement accéléré (8), pas de céphalalgie, pas d'inap-
pétence. Pas de complications laryngées et pulmonaires. Urines
normales.
Dix jours après le début de l'éruption de la soeur
aînée, le 14 avril, nous retournons dans la même fa-
mille pour visiter la petite soeur de nos précédentes
malades. Tandis que les deux soeurs aînées couchaient
dans la même chambre, celle-ci avait été isolée autant
que cela est possible dans un appartement, c'est-à-dire
RUBÉOLE. 101
que l'on avait empêché qu'elle n'allât dans la chambre
de ses soeurs et que celles-ci pendant toute la durée de
l'éruption ne sortissent de la leur.
La petite malade, âgée de ans, présentait aussi une éruption
pseudo-morbilleuse en tout semblable à celle de ses soeurs, mais
ici la maladie avait revêtu son caractère le plus bénin : pas de
fièvre, pas de prodromes, pas d'inappétence, pas d'abattement, pas
de symptômes oculaires ou naso-pharyngiens. L'enfant n'a jamais
eu la rougeole Gucrison en deux jours. Nos trois malades ont
accusé du prurit pendant toute la durée de l'éruption.
La famille nous a déclaré n'avoir connaissance d'au-
cun cas de rougeole ou roséole parmi les personnes
qu'elle fréquente. Il n'y avait pas de maladies éruptives
dans la maison ; mais nous devons ajouter qu'à cette
époque la rougeole régnait avec une certaine intensité
dans le XIIIe arrondissement.
Cette observation nous fournit un bel exemple de
contagion, et semble aussi prouver que l'incubation ne
serait pas toujours aussi longue que l'admettent cer-
tains auteurs (1).
L'apparition de la roséole, suivant la plupart des au-
teurs, est précédée d'une période d'incubation de 14 à
21 jours. Dans les cas que nous avons observés en ville
nous n'avons pu en déterminer approximativement la
durée que dans la famille dont il a été question tout à
l'heure. Si nous apprécions la durée de l'incubation se-
lon la méthode adoptée par Thomas, c'est-à-dire en cal-
culant l'espace de temps, le nombre de jours qui sépare
le début de l'exanthème de la personne infectante de
celle infectée, méthode qui du reste, selon la remarque
très juste de l'auteur, n'est qu'approximative, nous
trouvons que pour ces cas la durée de l'incubation n'a
été que de 8 à 10 jours.
La rubéole est surtout une maladie de l'enfance ; au
delà de 17 ans la maladie serait rare, mais toutefois on
(l) Nous ajouterons encore que pendant l'époque de l'année où
nous avons observé ces malades, la température atmosphérique
était peu élevée et presque froide.
102 ROSÉOLE IDIOPATHIQUE.
a publié des cas concernant des personnes âgées ; c'est
ainsi que Seitz cite un cas de Rotbein chez une femme
de 73 ans. L'âge de. nos malades varie depuis 4 ans
jusqu'à 22 ans.
L'éruption est en général le premier phénomène
observé, mais parfois on note des prodromes très légers
et de courte durée : céphalalgie, cuisson des yeux, etc.
Cette bénignité des prodromes ressort bien nettement
dans l'observation xm de Rayer (1) qu'il nous semble
bon de reproduire.
« L'enfant, âgé de quatre ans, est blond et bien constitué. Le
matin, en l'habillant, la bonne avait été étonnée de lui voir le
visage couvert de petites taches roses, sans élévation iL la peau,
isolées, et offrant une teinte à peu près semblable à celle de la rou-
geole. Lors de ma visite, non seulement ces taches existaient,
mais on en distinguait plusieurs autres sur la poitrine ou sur les
bras. La teinte de ces dernières était moins animée. Je n'en dé-
couvris point sur les autres régions du corps. L'enfant était sans
fièvre; il avait bien dormi la nuit précédente et demandait à se
livrer à ses jeux habituels; cependant la langue était sale à sa base
et légèrement piquetée. L'appétit était diminué depuis quelques
jours et les garde-robes étaient rares; la pression no provoquai !
pas de douleur it l'epigastro ni dans aucune autre région de l'ab-
domen ; la gorge n'était pas enflammée, il n'y avait ni toux, ni
larmoiement Le lendemain 20 juin, l'état de l'enfant ne pré-
sentait pas do changement notable ; le 21 juin l'exanthème était
déjà pâle ; l'enfant fit une petite promenade do deux heures. Le
surlendemain il n'existait plus de traces de ce léger exanthème. »
La plupart de nos malades de Bicêtre n'ont eu ou n'ont
pu accuser de prodromes ; Boissière seul est noté comme
ayant été grognon la veille. En ville, une de nos mala-
des nous dit avoir eu mal à la tête la veille, mais le soir
elle était assez bien pour aller suivre les cours du soir
a la mairie. L'éruption est généralement constatée au
réveil. Dans les quatre cas que nous avons pu observer
en ville, elle était déjà presque généralisée, abondante
surtout I la face, au cou et au tronc, ne présentant en-
core le caractère pseudo-morbilleux qu'a la face et au
cou, sur les autres parties du corps elle se présentait
(1) Rayer. - Loc. cit., t. I, p. 53.
; . RUBÉOLE. 103
plutôt sous la forme papuleuse, forme du reste très
transitoire, car, en quelques heures, elle faisait place aux
macules pseudo-morbilleuses ; en général, l'éruption a
atteint son summum d'intensité en 24 heures. Elle se
développe de la tête vers les extrémités.
La forme de l'éruption semble assez variable (1) si
l'on en croit les auteurs. Chez nos malades, elle était
d'ordinaire franchement morbilleuso, mais chez quel-
ques-uns des enfants de Bicêtre, on a noté parfois une
ressemblance avec l'éruption de la scarlatine. La durée
en est très courte et il est rare qu'elle n'ait complète-
ment disparu dès le troisième ou quatrième jour (voir
notre tableau). Elle commence à pâlir parfois dès le se-
cond jour et même avant. Nous .n'avons observé de
desquamation d'aucune sorte. Quand celle-ci existe,
elle serait furfuracée, mais jamais lamelleuse comme
dans la scarlatine.
L'état général est le plus souvent satisfaisant. Nos
malades de la ville avaient conservé leur entrain, leur
appétit, etc. Ceux do Bicêtro ont, en petit nombre,
paru abattus, anorexiques.
Les symptômes de catarrhe naso-pharyngien et ocu-
laire, présents chez quelques-uns de nos malades, ont
fait complètement défaut chez les autres. Ils ont été très
prononcés (larmoiement, hypérémie très forte des con-
jontives,rougeurdu pharynx(2) avec difficulté d'avaler)
chez M. interne en pharmacie du service, mais
ces symptômes diminuaient en même temps que l'érup-
ruption et ne lui survivaient pas.
La langue était généralement sale; jamais elle ne
présentait de desquamation. - M. Thomas signale la
toux et l'éternuement qui existeraient parfois au début
(1) Thomas a cherché à établir les caractères qui distinguent
l'éruption rubéoliijuc de l'éruption do la rougeole ; ces caractères
différentiels sont difficiles 1\ observer, et quant il nous n'avions pas
jusqu'ici essayé de les rechercher.
('2) Selon Thomas un observerait toujours une rougeur partielle
delà muqueuse du palais.
104 ROSÉOLE IDIOPATHIQUE.
de la maladie; la toux et un léger enrouement peuvent
persister pendant toute la durée de la maladie.
L'enfant de 4 ans que l'un de nous a soigné en ville
et qui tenait la maladie de ses soeurs, eut une roséole
tellement bénigne sous tous les rapports, que c'est à
peine si nous crûmes devoir changer quelque chose à
son régime ordinaire. Elle était gaie, voulait se lever et
manger, etc.
Le pouls, le premier jour de l'éruption, est un peu
plus élevé que normalement; dans nos cas en ville nous
Fui. 1. - Juv... - ? Eruption..
RUBÉOLE. 105
avons noté de 80 â 84 pulsations. La température
i. 2. Mon... -j- Eruption, ff Fin de l ? " 1 1\T Il éruption
iiii Fin de la seconde éruption.
Fig. 3. - Gir... + Eruption, Fin de l'éruption.
106 ROSÉOLE IDIOPATHIQUE.
est parfois normale, .d'autres fois elle est assez élevée,
mais, dans la règle, l'élévation est modérée et le ther-
momètre Oscille entre 38° et 38",5 (voir le tableau) (1).
Les tracés (fia. 1, 2, 3, 4), que nous mettons
sous les yeux de nos lecteurs montrent que dans trois
cas le maximum de la température est resté au-dessous
de 39° et qu'une seule fois (Fig. 1), la température s'est
élevée à 40 ? Presque toujours ce maximum se pro-
duit dès le début. Chez un de nos malades, une nou-
velle éruption étant survenue, la température s'est éle-
vée, du soir au lendemain matin, de 3Sa il 38°,6 (Ii'i. 2).
L'élévation thermométrique est tout fait transitoire.
La clé/'enw8cence suit immédiatement et est régulière.
(Fig. 3 et 4).
Deux do nos malades, comme nous l'avons déjà dit,
ayant eu la rougeole en 1881, nous avons jugé bon de re-
produire les tracés de leur température. Do cette com-
paraison il résulte que, dans la rougeole, le maximum
de la température est atteint en plusieurs jours, qu'il y
a des oscillations (Fig. 5), qu'elle se maintient sur
deux ou trois jours, à un chiffre assez élevé, que la
défervesceiice est plus lente (Fig. 5), et qu'elle se fait
parfois en offrant des oscillations assez étendues
(fin. 6).
Nous avons encore noté chez plusieurs de nos mala-
des l'existence d'un prurit assez prononcé et persis-
tant pendant toute la durée do l'éruption.
Plusieurs auteurs ( Thierfuldcr, Mettenheimer, etc.)
ont signalé l'engorgement des ganglions lymphatiques
du cou et de la nuque; selon Thierfoldcr, l'engorge-
ment des « ganglions lymphatiques subauriculaires et
jugulaires » serait le seul prodrome constant. On
pouvait même encore les retrouver jusqu'à la troisième
semaine après le début de la maladie.
(1. Voiries nombreux tr1\I.Ó'J de rougeole publiés dans le Progrès
médical, ]882, et le Compte rendu de 1881. Nous rappelons qu'il
s'agit ici de températures rectales. "' '
RUBÉOLE. 107 : Nymann a. observé 19 fois sur 119 cas un frisson
initial, une fois deux jours, ordinairement un jour avant
l'apparition de l'exanthème. Jamais ce frisson n'aurait
eu d'influence sur la force et la durée de la fièvre et de
l'éruption.
DfAONOS'1'IC. Il est facile de faire le diagnostic d'une
roséole apyrétique avec la rougeole ; mais, lorsque la
roséole est accompagnée de fièvre et de catarrhes naso-
pharyngien et oculaire, le diagnostic ne peut être établi
qu'on tenant compte d'une rougeole antérieure, de
l'absence do prodromes ou de leur fugacité, et de leur
peu d'intensité, de la marche de l'éruption qui disparaît
rapidement, do l'absence de complications laryngées et
pulmonaires, etc.
Lo ding'nostio aveo lèS 1'osétJlëS 81}rriptOrriatit)Ué8 h 'offre
pas do difficulté sérieuse. Il en est de môme de certains
érythèmes dont le siège et la marche sont tout à fait
différents. Le diagnostic avec la scarlatine n'a pas
lieu d'être fait, et nous sommes étonnés qu'on ait pu
1'in 4. - 'Vois, Ci. 4- Eruption, -'ri' Fin do l'éruption,
108 ROSÉOLE IDIOPATHIQUE.
confondre la roséole avec cette affection. Il n'y aurait
lieu de s'y arrêter que dans les cas où les deux maladies
existeraient simultanément ( ? ). Le diagnostic ne saurait
Fig. 5.-Juvon. -Rougeole.
RUBÉOLE. 109
être, du reste, établi exclusivement sur la forme de
l'éruption.
Les roséoles estivales, etc., des anciens auteurs, doi-
vent être, rangées pour la plupart dans le cadre de la
roséole idiopathique ou rentrer dans les érythèmes sai-
sonniers, sudoraux et autres.
Dans la rougeole on a décrit, depuis Hallier, des
micrococcus, mais nous ne savons si dans la roséole il
en a été trouvé ; ils n'auraient, en tous cas, de valeur au
point de vue du diagnostic que si on pouvait les diffé-
rencier les uns des autres.
En résumé, nous croyons qu'il y aurait tout avantage
à rayer de la terminologie médicale les mots roséole
(en tant qu'affection idiopathique) et Rôtheln (jadis em-
ployé en Allemagne pour désigner une forme bâtarde
de rougeole et scarlatine, mais qui, actuellement, est
synonyme de roséole), pour adopter le nom de rubéole
qui évite toute confusion et serait à la rougeole ce que
la varicelle est à la variole.
Le pronostic de la maladie est bénin, puisque la
rubéole ne donne jamais lieu à des complications.
Tous les cas graves cités par les auteurs doivent être
rattachés des rougeoles anomales ou méconnues.
Quant au traitement, il est purement expectant. Le
séjour il la chambre, le repos au lit, une diète légère,
telles sont les précautions qu'il convient de prendre.
? t
d
a
o
f
r-3
x
c
m
M-
0
r
t4
Fig.. G. - V.... - Rougeole. E, début do l'éruption. - La comparaison de ce tracé et de celui qui est représenté fig. 5, avec les tracés
fig. 1, 2, 3 et et permettent de se rendre bien compte de la différence de la marche de la température dans les deux maladies : rubéole et rougeole.
v.
Epilepsie tardive. Amélioration progressive.
Hémorrhagie cérébrale; marche de la tem-
pérature ; mort ;
Par BOURNEVILLE et Dubarry, interne du service.
L'observation suivante est intéressante au point de vue
de la marche do l'épilepsie et au point de vue de l'hémor-
rhagie cérébrale qui a enlevé le malade. -.
Sommaire. --Émotion vive à 48 ans : Premier accès huit
jours plus tard. - Surdité consécutive. - Marche des
accès (1877-1883). -Amélioration progressive. - Dis-
parition des accès. - Attaque d'apoplexie : Hémorrha-
gie cérébrale. - Sm2tôns. - Abaissement initial de
la température (36°,2) ; élévation consécutive (3 ! )0,2).-
Autopsie : Foyer hén2orrhagique partant du noyau
extra-ventriculaire du corps strié, ayant détruit toute
la partie centrale du centre oval ; ruptures multiples.
. Rent..., Constant, né le 24 décembre 1813, chaudron-
nier, est entré le 9 juin 1877 à Bicêtre (service de M. BOUR-
NEVILLE).
Renseignements fournis par sa femme (6 juin 1881). -
Père et mère, pas de détails. Le malade a eu plusieurs
frères ; le seul que l'on ait connu est mort, vers l'âge de
40 ans, « d'étisie : il avait eu beaucoup de chagrin d'avoir
perdu sa femme et ses enfants. »
Notre malade. Il a eu, de sa première femme, un fils
qui est aujourd'hui âgé d'une trentaine d'années ; c'est un
bon ouvrier, père de cinq ou six enfants bien conformés et
en bonne santé. R... s'est remarié, après 5 ou 6 ans de veu-
vage, avec la femme qui nous fournit ces renseignements.
A cette époque, il était employé de chemin de fer à Lille,
116 ÉPILEPSIE TARDIVE.
travaillait le cuivre et était âgé de 46 ans. Il n'avait pas
encore eu d'accès d'épilepsie. Il faisait de rares excès de
boisson (vin ou bière); il fumait ou chiquait 600 grammes
de tabac par quinzaine. Quelque temps avant la guerre, il
fut atteint d'une gastrite : il eut des vomissements fré-
quents, suivis d'un impérieux besoin de manger.
Un an ou deux après son mariage, alors qu'il était em-
ployé dans l'usine Cail, à Grenelle, il fut témoin d'un acci-
dent qui l'impressionna vivement : un homme avait eu,
devant ses yeux, le bras arraché par une courroie. Son pre-
mier accès aurait débuté une semaine après, au milieu de
la nuit. Cependant, sa femme (du reste peu intelligente),
interrogée pour la seconde fois en 1882 prétendit que le
premier accès avait débuté quelque temps avant la guerre,
c'est-à-dire vers l'âge de 56 à 57 ans. Ce premier accès fut
suivi de surdité, sans qu'il y ait jamais eu la moindre
affection visible de l'oreille.
Pendant les cinq ou six premières années, il n'y a eu
qu'un accès par an, puis ils se sont rapprochés de plus en
plus et, enfin, sont devenus presque quotidiens.
.Accès. - Jamais d'aura. Cri étouffé, modulé, puis chute
brusque tantôt en avant, tantôt en arrière, tantôt sur les
côtés; contusions fréquentes du crâne ou de la face, se-
cousses égales, stertor, écume, morsure de la langue.
L'accès est suivi de sommeil pendant une à deux heures.
Le malade reste ensuite hébété durant le reste de la jour-
née. La nuit suivante et le londcmain, il est sujet à des
étourdissements.
Pas de folie, pas de kleptomanie, pas d'idées de suicide
ni d'homicide. Quelque temps avant la guerre, il fut pris
d'un accès et tomba sur des barres de fer rougies ; la gué-
rison de ses brûlures ne fut complète que trois mois après.
Pendant la durée du traitement, il n'eut pas de fièvre et
les accès d'épilepsie revinrent comme d'habitude.
Etat actuel.-Un peu d'asymétrie du crâne; le côté gau-
che de la voûte est plus accusé que le droit. ,
EPILEPSIE TARDIVE,
117
pression notable, les pariétaux sont sur un plan inférieur.
- Yeux assez enfoncés dans les orbites. Iris bleus, pas de
lésions oculaires. - Nez aquilin à base très large. - Les
dents sont absentes; la voûte palatine est peu profonde.
Homme bien constitué (tronc et membres), vigoureuse-
ment musclé. - La force musculaire est conservée. Hernie
inguinale gauche.
Organes génitaux. - Pénil garni de poils abondants,
châtains; gland découvert, testicules normaux.
Peau, système pileux.- Pas de lésions cutanées ; front
chauve, de même que le sommet du crâne; cheveux longs,
châtain clair, au niveau de l'occiput. Moustaches blondes,
grisonnantes.
Organes des sens. - Surdité très prononcée. - Vue en-
core bonne. - L'odorat est très amoind1Í, car le malade
ne distingue pas l'odeur de l'essence de menthe de celle de
la valériane. Cependant, il perçoit encore l'action de l'am-
moniaque. - La sensation du goût paraît retardée, et c'est
seulement au bout de quelques minutes qu'il perçoit la
saveur amère de la coloquinte ou du sulfate de quinine.
118 ÉPILEPSIE TARDIVE ; GUÉRISON.
1877-1879. - Ce malade est tranquille et travaille régu-
lièrement au jardinage.
1880-1883. Il a conservé son intelligence et sa mé-
moire; le caractère est calme et la tenue bonne. -En
résumé, pas de déchéance intellectuelle, pas plus que de
troubles de l'intelligence à la suite des accès, qui devien-
nent de plus en plus rares.
Le tableau des accès qui précède indique l'amélioration
progressive de l'épilepsie chez notre malade, depuis le jour
de son entrée jusqu'à sa mort (1).
1884. Le 2 novembre, vers 3 heures de l'après-midi, le
malade étant au parloir avec sa femme, tombe, en man-
geant, frappé d'apoplexie. On le monte aussitôt à l'infirme-
rie où nous le voyons une demi-heure environ après l'acci-
dent. Les traits ne sont nullement déviés, les pupilles ré-
trécies, mais égales, sont insensibles à la lumière; les
membres soulevés retombent inertes.
Le pouls est petit, serré, irrégulier, on compte 60 pulsa-
tions par minute. - La à 36, n'est point ster-
toreuse mais s'accompagne d'un râle laryngo-trachéal très
intense, qui masque les bruits du coeur et du poumon et
rend impossible l'auscultation de cesorganes. -A 4 h. 1/2,
les membres sont encore dans la résolution, cependant
les avant-bras, demi-fléchis, nécessitent quelque effort
pour être ramenés dans l'extension. Au bout de quelques
instants, le bras droit s'élève automatiquement; on le re-
place sur le lit mais il ne tarde pas à s'élever de nouveau.
Les sterno-mastoidiens se contractent à chaque mouve-
ment inspiratoire, le diaphragme n'est point paralysé.
Mictions involontaires fréquentes ( 4 depuis une demi-
heure). Urine claire, abondante, expulsée avec force, elle
contientdes flots d'albumine et une petite quantité de sucre.
- La déglutition se fait lentement. Pas de réaction à la pi-
qûre ni au pincement. - Abolition complète de l'intelli-
gence ; coma.
3 novembre. Le pouls est petit, à 84 ; la respiration est
régulière, à 48.
Pommettes jaunâtres, nez légèrement cyanosé. Paupiè-
res closes; conjonctive légèrement injectée, yeux et face
déviés à droite. La pupille droite est plus contractile que
(1) Comme il n'avait pas d'accès depuis un an, nous avions de-
mandé son passage dans l'une des divisions de l'hospice.
HÉMORRHAGIE CÉRÉBRALE. 119
la gauche ; elles sont du reste égales. Narines pulvéru-
lentes, la droite est légèrement relevée. - Bouche en-
tr'ouverte, tirée à droite,écume assez abondante, à moitié
desséchée sur la lèvre inférieure.- Raideur assez pronon-
cée de la nuque.
Membre supérieur droit. Doigts fléchis, avant-bras en
demi-flexion L'articulation du poignet est flasque, celles
des doigts, du coude et de l'épaule présentent un certain
degré de raideur. Les doigts sont le siège de quelques
mouvements spontanés très légers. Ecchymose sur la face
dorsale du deuxième métacarpien.
Membre inférieur droit. Extension complète; réflexes
rotulien et plantaire conservés. Rougeur prononcée de la
face dorsale du pied et surtout des téguments qui recou-
vrent la rotule.
Membre supérieur gauche. - Demi-flexion des doigts
et de l'avant-bras. Rigidité du coude et de l'épaule beau-
coup plus marquée que du côté droit. Ecchymose noire
sur la face dorsale des 3e et 4e métacarpiens.
Membre inférieur gauche. Raideur très marquée de la
hanche et du genou. Le chatouillement prolongé de la
plante du pied provoque quelques mouvements réflexes,
mais ils sont notablement plus faibles que du côté droit.
Le réflexe tendineux aussi est beaucoup moins pro-
noncé et s'épuise très vite. - Plaques violacées sur le ge-
nou et la face dorsale du pied. Vergetures sur la face in-
terne des cuisses, surtout la gauche. Le peau présente une
teinte légèrement plombée. Des deux côtés les membres
supérieurs soulevés ne retombent pas tout à fait inertes,
ils s'arrêtent un instant et se maintiennent avant d'arriver
sur le lit; la tonicité musculaire est mieux conservée à
droite qu'à gauche. On observe des deux côtés des mouve-
ments des doigts étendus, mouvements plutôt convulsifs
que volontaires.
Les deux membres inférieurs demi-fléchis conservent
cette position mais durant un temps inégal : peu à peu le
gauche s'allonge tandis que le droitse maintient longtemps.
Quelques mouvements vermiculaires dans les muscles des
mollets. La langue est un peu poisseuse. Pas de vomisse-
ments, pas de selles. Le râle laryngo-trachéal empêche
l'auscultation.
Traitement. Sinapismes, eau-de-vie allemande 35 gr.-
A 11 heures du matin la déglutition devient de plus en
120 HÉMORRHAGIE CÉRÉBRALE.
plus difficile, à 11 heures et demie la dysphagie est com-
plète. La dyspnée augmente et le malade s'éteint à 2 heures
de l'après-midi.
La température a été prise, pour la première fois, une
heure et demie après l'ictus apoplectique, elle était à 37°,
et, à partir de là, d'heure en heure jusqu'à la mort (fig. 7).
AUTOPSIE. 1' 1
est le siège d'un épanchement hémorrhagique. - Le
corps calleux est déchiré en partie, malgré toutes les
précautions que l'on a prises pour enlever l'encéphale. La
face interne des deux lobes frontaux est complètement
ecchymotique et présente des adhérences nombreuses. Des
deux côtés, mais surtout à droite, il y a du sang épanché
sur le trajet de l'artère sylvienne.
Encéphale : 1430 gr. Cervelet et isthme : 170 gr.
En séparant les deux hémisphères, on constate la présence
d'une certaine quantité de sang épanché dans les ventricu-
les latéraux.
Hémisphère droit. Il existe une première rupture du
lobe frontal au niveau de la circonvolution qui longe le
nerf olfactif (gyrrus reclus), il en existe une deuxième dans
l'espace interpédonculaire entre les tubercules mamillai-
res, aussi le chiasma est-il en quelque sorte disséqué. On
remarque en avant de la tête du corps strié une perforation
qui fait communiquer le ventricule avec le foyer du lobe
frontal.
Face convexe. La première circonvolution frontale, F',
est volumineuse et envoie un prolongement à la partie
moyenne de la seconde ; elle se fixe sur la frontale ascen-
dante par deux insertions de niveau entre lesquelles existe
un sillon. La deuxième circonvolution frontale, sinueuse,
bien développée, reçoit de la troisième un pli de passage et
s'insère sur le milieu de la frontale ascendante. La troi-
sième frontale est sinueuse, composée de plis transversaux
dont le dernier vient, pour ainsi dire, s'accoler sur l'extré-
mité inférieure de la frontale ascendante. Celle-ci, très
large, présente à sa partie supérieure un sillon transversal
très marqué. Le sillon de Rolando est sinueux et pro-
fond. La pariétale ascendante est également sinueuse,
mais moins large que FA et reçoit un pli de passage de Pt
et de P2. - P' volumineux, envoie un pli de passage re-
courbé àPA; un deuxième qui va s'emboîter dans Pl, enfin
un troisième à LO, de plus il reçoit un pli de PC. - Un sil-
lon large et profond sépare ? 'de LO. - P2 très plissée,
assez volumineuse, envoie un pli de passage assez volumi-
neux à PA. LO, assez volumineux, présente des sillons
superficiels. - T' sinueuse dans sa partie moyenne en-
voie un pli de passage à LI au fond de la scissure de Syl-
vius. - La scissure parallèle est très sinueuse et, à l'ori-
gine de sa partie ascendante, elle est obstruée par un pli
de passage que T' envoie à T q. Le lobule de l'izsula, LI,
122 HÉMORRHAGIE CÉRÉBRALE.
est étalé en raison du foyer hémorrhagique sous-jacent et
possède trois digitations bifurquées.
Face interne. F', volumineuse, est composée de parties
séparées par des sillons transversaux. Dans sa portion ho-
rizontale, le 1 er sillon est complètement ouvert et commu-
nique avec un foyer qui a détruit toute la substance blan-
che du lobe frontal, et s'est ouvert dans le ventricule laté-
ral ; il s'est prolongé dans le centre ovale, en disséquant la
face externe du corps strié et de la couche optique. Il a
touché la tête du corps strié et séparé le chiasma. La circon-
volution du corps calleux, CCCa, présente un sillon super-
ficiel et envoie un pli de passage au lobule paracentral,
LP, qui est volumineux, irrégulier, très plissé, et envoie
un pli de passage sinueux à LQ. Le pli de passage qui de
CCCa se porte à LP interrompt le sillon calloso-marginal.
Le lobe carré, LQ, est volumineux et interrompu par des
sillons très profonds.-Lascissure perpendiculaire est très
marquée. LC,assez développé, envoie un pli de passage au
lobe occipital, LO,qui est petit, et dont les circonvolutions
sont peu distinctes. CH est volumineux et lisse. La corne
d'Amanoz, CA, ne présente rien de particulier. T* est net-
tement séparée de CH mais confondue en arrière avec '1".
- Le corps calleux est normalement conformé.
Hémisphère gauche. La décortication en est facile, le
ventricule latéral renferme du sang liquide et dans la scis-
sure de Sylvius on trouve des caillots noirs.
Face convexe. F bien développée, très longue, envoie
deux plis de passage qui s'emboîtent dans F2. - F2 se fixe
par deux insertions de niveau sur FA. FA assez déve-
loppée présente un sillon transversal près de sa parlie su-
périeure. -PA plus large que FA envoie à sa partie in-
férieure un prolongement à P et en reçoit un de pi
à sa partie moyenne. - P* bien développée reçoit de PC
un pli de passage. P1 très sinueuse envoie un prolon-
gement à PC et à LO.
On remarque au fond de la scissure de Sylvius un gros
prolongement qui vient de la partie moyenne de T'.
La scissure parallèle est profonde et le pli courbe bien
distinct. T 2 envoie deux plis de passage à T '. LI
présente des digitations bifurquées.
Face interne. FI est bien développée. LP assez volumi-
neux est incomplètement séparé deF 1. SRqui est sinueux et
profond ne forme pas d'encoche sur la face interne de l'hé-
misphère. La circonvolution du corps calleux est assez peu
AUTOPSIE. 133
développée et présente des plis superficiels mais nombreux.
La scissure perpendiculaire est large et béante. - LC si-
nueux envoie un pli de passage à L0.- LO s'abouche avec
CH par un large prolongement. - CH est lisse. T ' en-
tièrement séparée de CH envoie à T 3 trois prolongements.
Cceur. Poids 390 gr. Myocarde un peu pâle, légère hy-
pertrophie du ventricule gauche. Athérome de la portion
ascendante de l'aorte.
Poumons. Hyperhémie surtout aux deux bases, emphy-
sème assez prononcé.
124 FOYER HÉMORRHAGIQUE.
Une coupe transversale, tangente à l'extrémité antérieure
du corps strié, montre que, du côté de l'insula, la paroi du
foyer mesure à peine 3 à 4 millimètres d'épaisseur. Une
seconde coupe pratiquée un centimètre et demi en arrière
de la précédente et intéressant la couche optique à son
origine, fait voir que le noyau extra-ventriculaire du corps
strié, est disséqué suivant sa face externe, par conséquent,
le long de la capsule externe, et cela dans une longueur
d'au moins un centimètre : c'est là qu'est le point de dé-
part de l'hémorrhagie; c'est là qu'on a trouvé les caillots
les plus durs, les plus anciens. L'hémisphère gauche
n'était le siège d'aucun foyer.
RÉFLEXIONS. - I. L'épilepsie, chez ce malade, a présenté
deux particularités très dignes de remarque. En premier
lieu, elle a débuté à un âge avancé, 48 ans, sans tare hé-
réditaire ou diathésique, circonstance qui, jointe à la
cause probable, une émotion vive, nous a permis de porter
le diagnostic : épilepsie tarclive idiopathique (1). L'autop-
sie, plus tard, a justifié ce diagnostic. Nous n'avons, en
effet, découvert à l'autopsie ni tumeurs, ni foyers anciens,
ni sclérose de la corne d'Ammon, ni rétrécissement du
trou occipital, etc.
Les accès, autant que nous avons pu le savoir, avaient
les caractères ordinaires du mal caduc vulgaire. Très fré-
quents, paraît-il, avant l'admission du malade à Bicêtre,
ils sont devenus ensuite relativement rares à dater de son
entrée ; bien plus, et, c'est là un autre point intéressant,
ils avaient même tout à fait disparu depuis un an.
II. Alors que l'on pouvait espérer que Rent... était guéri
do l'épilepsie et que nous avions demandé son passage
du quartier des aliénés dans l'une des divisions de l'hos-
pice, il a été frappé d'apoplexie, symptomatique d'une
hémorrhagie cérébrale. En raison de la prédominance de
la paralysie et de la contracture, dans les membres du
côté gauche, de la prédominance aussi des plaques viola-
(1) L'épilepsie, on le sait, est surtout une maladie de l'enfance et
do l'adolescence. Les cas d'épilepsie tardive, dans notre service,
sont relativement rares. Toutefois, soit à la Salpêtrière, dans les
services de MM. Delasiauve et Charcot, soit à Bicêtre, dans
notre service, nous en avons rassemblé une vingtaine de cas qui
seront l'objet d'un travail ultérieur (B).
HÉMORRHAGIE CÉRÉBRALE : TEMPÉRATURE. 125
lacées à gauche ; en raison enfin de la déviation des yeux
et de la face à droite, nous avions localisé le foyer hémor-
rhagique dans l'hémisphère droit.
L'examen de la température, en nous indiquant un
abaissement initial très prononcé, venait fournir un nou-
vel argument en faveur de la réalité d'une hémorrhagie.
La température, qui était à 37°, une heure et demie après
le début de l'attaque, était descendue à 36°,2 au bout de
3 heures et demie. A partir de là, elle monte progressive-
ment à 38°,2 (8 heures après le début). A ce moment, elle
descend une seconde fois et retombe à 37°,8 (9 heures et
demie après le début). Conformément à la règle, la tem-
pérature reprend sa courbe ascensionnelle et atteint, 16 à
17 heures après l'ictus apoplectique, le chiffre de 39°,2.
On observe ensuite un nouvel abaissement (38 ? ) suivi
d'une nouvelle élévation.
Fig. 7. - Chaque ligne verticale répond à une heure, - température
prise une heure et demie après l'attaque; +, ;{-> abaissement de la tempe-
rature répondant à l'extension du foyer et aux ruptures ; - M, tempéra-
ture au moment de la mort. H, température un quart d'heure après la
mort; 0, température une heure un quart après la mort; 00, T. deux heures
un quart après la mort.
12 ! i H6\LOltlitl : liifl : CiaiÎ.Illi11,L : température.
On sait que, dans les cas réguliers qui se terminent par
la mort à bicvc échéance, l'abaissement initial est suivi
d'une ascension régulière de la température qui va jusqu'à
42" et même davantage. Ici le tracé de la période ascen-
sionnelle est interrompu par des chutes (pî°,8 et 38",4)
qui, suivant nous,devaient correspondre ou il des ruptures
du foyer, ou à l'extension du foyer primitif; l'autopsie
nous a montré que nous ne nous étions pas trompés. Ce
fait vient confirmer, une fois de plus, tous ceux qui ont
été rapportés par M. Charcot et ses élèves (l).
(1) Bourneville. - Études cliniques et thérapeutiques sur les
maladies du système nerveux, p. 9 il, 121. On trouvera dans ce
travail l'historique complet de la question. - Cette observation a
été communiquée à la Société anatomique, et en même temps
nous avons fait voir la photographie, le moule de la tête, le crâne
et le cerceau du malade.
VI.
Idiotie congénitale; Rein unique;
Par BOURNEVILLE et P. Bricon.
Le fait suivant nous a paru mériter d'être publié, non
seulement parce qu'il a trait à une forme spéciale d'idiotie,
maladie dont on ne publie qu'assez rarement des observa-
tions, mais aussi parce que l'autopsie nous a permis de
découvrir une lésion congénitale.
Observation. - Idiotie complète congénitale. Père
alcoolique et violent. - Grand'mère paternelle hémi-
plégique. - Grossesse : chagrins, traumatisme.
Premiers signes d'idiotie à deux mois; jamais de con-
vulsions. - Fracture de la jambe droite à 4 ans.
Balancement, grincements, colères, cris diurnes et
nocturnes ; parole nulle ; gâtisme. Diarrhée.
Rougeole (1883). - Tuberculose. Mort. Autopsie :
Rein en fer à cheval ; tuberculose pulmonaire et in-
testinale.
Assas..., Eugène Louis, né le 2 février 1876, est entré à
Bicêtre, le 15 novembre 1882 (service de M. Bourneville) et
y est mort le 30 avril 1884.
Renseignements fournis par sa mère (2 1 novembre 1882).
Père, 37 ans, maçon, grand, fort, marié à 29 ans; il buvait
alors beaucoup, surtout du vin ; il s'enivrait une ou deux
fois par mois ; depuis trois ans, les excès sont moins fré-
quents. Il fume 20 centimes do tabac par jour. Il n'a ni
migraines, ni céphalalgie, sauf à la suite de ses ivresses ;
il n'aurait jamais ou do maladies cutanées ni de maladies
vénériennes, ni de convulsions dans l'enfance; il n'a eu
aucune maladie depuis son mariage. Il est violent : « j'ai
18 idiotie cérébrale.
été battue pour commencer. » [Père, mort on ne sait de
quoi, à 45 ans. Il avait fait de nombreux excès de boisson :
« lui, c'était des alcools. » - Mère, morte il y a deux mois;
a été atteinte d'une hémiplégie gauche pendant les trois
dernières années. Elle était sobre ; n'avait jamais eu d'at-
taques de nerfs. - Un frère dont on n'a plus eu de nou-
velles depuis la guerre de 1870; deux soeurs, mortes du
croup. Aucun détail sur les grands parents. Pas d'aliénés,
pas d'épileptiques, pas d'autres paralytiques, pas de tics,
pas de difformes, ni de suicides ou de criminels dans la
famille.]
Mère, 37 ans, blonde, rousse, petite, fatiguée (elle est
enceinte de 8 mois 1/2 ; intelligence à peu près ordinaire ;
tisseuse, ménagère. Elle serait un peu nerveuse, mais
n'aurait pas eu d'attaques ni de convulsions dans l'enfance;
ni migraines, ni syncopes; pas de dermatoses. Elle a eu
une fièvre typhoïde à 18 ans. [Père, mort de fièvre typhoïde
à 45 ans, à l'époque où elle-même était atteinte de la même
affection. Il était tisseur, sobre, et n'était pas nerveux.
- Mère, 70 ans, bien portante, n'a pas eu de maladies ner-
veuses. On ne peut fournir des renseignements que sur
les grands parents maternels. Le grand-père est mort à
79 ans en 8 jours ; il n'était ni paralysé, ni dément ; la
grand'mère est morte des suites d'une fracture compliquée
à l'âge de 55 ans. - Un frère est mort à 13 ans d'une
«inflammation d'intestins. » Pas d'aliénés, etc., dans la
famille.] Pas de consanguinité.
Le père du malade a eu d'une première femme, morte
poitrinaire, deux enfants qui sont morts à 2 mois et à 6 mois
et un mort-né avant terme. Il a eu de sa seconde femme
5 enfants ; celle-ci est enceinte du sixième : 1° garçon,
14 ans, intelligent, bon ouvrier, n'a pas eu de convulsions;
2° fille, morte à neuf jours « d'une esquinancie dans la
gorge » ; pas de convulsions ; 3° notre malade ; 4° garçon,
mort à quatre mois et demi de cholérine (vomissements et
diarrhée); 5° fille, 19 mois, bien portante, n'a pas eu de
convulsions ; commence à parler et à marcher.
Notre malade. A l'époque de la conception, le père
buvait beaucoup ; il était très violent et battait sa femme.
Il voulait avoir des rapports sexuels quand il était ivre,
mais elle s'y serait toujours refusée. Grossesse accidentée
par des chagrins et par les peurs que lui causait son mari
« qui avait un mauvais vin. » Elle dut le quitter vers le
troisième mois de sa grossesse, alla chez sa mère et ne re-
vint avec lui que trois à quatre mois après. Ni coup, ni
IDIOTIE congénitale. 129
chutes sur l'abdomen, ni constriction; pas d'alcoolisme. -
Accouchement à terme, naturel, sans chloroforme. A la
naissance, l'enfant n'était pas asphyxié; il était fort et
bien constitué. Il fut élevé au sein par sa mère jusqu'à
quinze mois. Au bout de deux mois « ma belle-mère disait
que mon enfant n'avait pas les yeux comme les autres en-
fants.» Il n'aurait jamais eu de convulsions. Première dent
à 8 mois 1/2 (les autres auraient ensuite poussé assez vite).
Assas... n'a marché que vers l'âge de 4 ans, et peu après,
il eut une fracture de la jambe droite : quand on la lui
a réduite, il a dit «bobo » ; il aurait parfois prononcé le
mot papa, et c'est tout. Il n'aurait jamais ri comme les
autres enfants. Depuis un an, il se sert de ses mains; aupa-
ravant, il ne savait pas porter à sa bouche. Il ne bave ni ne
suce ; balancement de la tête seulement ; fréquent grince-
ment des dents. Assas... est sujet à des accès de colère;
rit et crie sans motif appréciable, de jour et surtout de
nuit ; on a essayé de le corriger sans succès; sommeil ca-
pricieux. Appétit vorace, mastication nulle, salacité pour
les débris d'aliments, parmi lesquels toutefois il choisissait;
il n'a jamais mangé ses excréments ; pas de rumination ;
selles régulières, parfois en diarrhée; il a toujours été
gâteux, l'as de vers, pas d'onanisme. Rougeole à trois
mois. croûtes du cuir chevelu à 2 ans. Il n'a eu ni otite,
ni ophthalmie, ni engelures, ni diphthérie, etc.
Etat actuel. - Tête : l'occiput est saillant; il existe un
méplat à la partie supérieure de l'occipital et postérieure
des pariétaux. Les bosses pariétales sont peu saillantes ;
les bosses frontales sont proéminentes, égales. Les régions
latérales et sus-orbitaires sont fortement déprimées sur-
tout à gauche, aussi en résulte-t-il une plus forte saillie
des bosses frontales. L'arcade sourcilière est déprimée. Le
crâne parait à peu près symétrique, présente une forme
générale quadrangulaire. Le nez est petit, à dos légère-
ment concave. Les régions orbitaires sont amaigries, cer-
clées. Les paupières ne présentent rien de particulier,
l'iris est gris verdâtre ; les pupilles sont égales, dilatées et
réagissent. Les régions malaires sont égales, peu saillan-
tes malgré l'amaigrissement. La portion buccale des joues
est légèrement concave, peu colorée. La bouche est petite :
les lèvres sont minces, quoique l'inférieure paraisse épaisse
à cause du prognatisme de la mâchoire inférieure. Le
menton est rond, large et épais. Les oreilles sont larges,
aplaties, peu écartées, bien ourlées, sans lobule, de dimen-
sion égale (5 centim. sur 3 cent.) L'oreille externe gauche
bourneville, 18S-i. 9
130 IDIOTIE congénitale.
est dirigée d'avant en arrière, plus obliquement que l'au-
tre ; elle est mieux ourlée.
idiotie congénitale : phimosis. 131 t
1882. 15 novembre. Poids : 14 kilogr., 800. Taille,
1 m. 02. - 30 Novembre. Dans les premiers jours de son
arrivée, il semblait toujours avoir peur, s'asseyait dans les
coins. Depuis quelques jours, il va et vient, ne reste plus
assis, est plus rassuré.
1883. Jamer.Po : Ihilogr.,100. Taille : 1. m.04.
3 avril. L'enfant n'urinant que très peu et difficilement,
est monté à l'infirmerie. Le phimosis est très serré, ne
permet pas même de découvrir le méat. On dilate facile-
ment l'orifice préputial. mais on n'arrive que le soir, après
un nouveau sondage, à franchir le col (spasme ? ) il s'écoule
d'abord une très petite quantité d'urine, puis peu après
une urine abondante.
4 avril. T. R. 40°,4. - Soir : 40°,2.
5 avril. T. R. 3J°;8. Ce matin, l'enfant est éveillé.
Langue sale ; un peu de diarrhée, sans méléorisme. On ne
trouve rien aux poumons. Eau de sedlitz, sulfate de qui-
nine, 0 gr., 25. - Soir : 40°.
6 avril. Inappétence ; l'enfant ne prend qu'un peu de
lait. La diarrhée est abondante ; urination normale. Rien
à l'auscultation. Pas de taches sur l'abdomen. Pouls rapide;
pleurs fréquents : la main fraîche appliquée sur la tète
parait lui être agréable. Sulfate de quinine : 0 gr. 25. T. R.
39°,4. - Soir : 40%
7 avril. Même état, face pâle, anémiée ; l'abdomen n'est
pas ballonné, mais il semble douloureux vers la partie in-
férieure où l'enfant porte souvent la main ; pas de diar-
rhée ; urine abondante. T. R. : 3J',4 - Soir : 40°,2.
8 avril. T. R. 38°,8.-Soir : 40°,4.
9 avril. Face amaigrie, yeux excavés ; sillons naso-
labiaux égaux ainsi que les plis du front ; lèvres rosées,
humides. Les gencives sont un peu fongueuses, l'haleine
rappelle celle de la stomatite ulcéro-membraneuse ; il n'y
a pas d'ulcérations. La langue est sale, mais non rouge ;
large, saburrale; les piliers sont roses, réguliers; les amyg-
dales et la voûte palatine ainsi que le pharynx, ne présen-
tent rien de particulier. La soif est vive et l'enfant mani-
feste ce besoin en disant : « à boi ! à boi ! » Il boit ordinai-
rement avec avidité, mais parfois il refuse la boisson. Pas
de vomissements. L'abdomen n'est ni ballonné, ni déprimé;
il est souple; la pression ne paraît pas y occasionner de
douleur ; sonorité partout ; le foie et la rate ne paraissent
pas avoir augmenté de volume; le malade n'a pas eu de
selles depuis avant-hier. T. R. 38°,8. Soir : 40°.
10 avril. T. R. 39°. - Soir : 39°,4.
132 idiotie congénitale.
11 avril. T. R. 38°,4. - Soir : 38°,3.
12 avril. T. R. 380,2. -Soir 39°,2.
13 avril. P. 88 ; T. R. 39°. Pas de toux ; l'auscultation et
la percussion ne fournissent aucune donnée et sont du
reste difficiles à pratiquer. L'élasticité est conservée. Julep
avec 2 gr. d'extrait de quinquina.
14 avril. T. R. 37°,2.- Soir : 38°,4.
15 avril. T. R. 38°,2. - Soir : 39°,2.
16 avril. T. R. 38°,4.- Soir : 38°,4.
17 avril. T. R. 37°,4. Soir : 39°.
18 avril. T. R. 38°,4.- Soir : 40°,2.
19 avril. T. R. 39°,2.-Soir : 39 ? ? . L'enfant est très amai-
gri ; il ne prend que des bouillons, des potages et du
lait; il ne vomit pas, est constipé. 11 se plaint continuelle-
ment, grince des dents, ne tousse pas. La bouche est sèche,
les lèvres fuligineuses. Les yeux renferment à l'angle in-
terne du mucus concret. Deux verres d'eau de sedlitz; sul-
fate de quinine. 0 gr., 25.
20 avril. T. R. 39°. -Soir : 39°.2.
21 avril. T. R. 38°,4. - Soir : 39°,2.
22 avril. T. R. 38°,4. - .Soir : 39°.4.
23 avril. T. R. 380,2. -Soir : 38°.4.
24 avril. T. R. 380. - Soir : 38°,2.
25 avril. T. R. 37 ? Soir : 38°. L'enfant est à peu près
dans le même état général malgré l'abaissement de la
température; il ne mange pas, tousse un peu. Continua-
tion du sulfate de quinine.
26 avril. T. R. 37°,2. Soir : 38°,2.
27 avril. T. R. 3 ? 4. Soir : 39°.
28 avril. T. R. 37 ? 2. Soir : 38°,4.
29 avril. T. R. 37°,4. - Soir : 38°,2.
30 avril. T. R. 38,2.- Soir : 37°,4.
1er mai. T. R. 37°,4. - Soir : 38°.
2 mai. T. R. 37°,6. Soir : 39°,2. -
3 mai. T. R. 38°. Soir : 38°,2.
4 mai. T. R. 38 ? Soir : 38°,4.
5 mai. T. R. 37°,8. - Soir : 38°,2.
6 mai.T.R.39°,6.-Soir : 40°. L'enfant tousse; on trouve
des râles de bronchite, et une éruption apparaissant sur la
racine des cheveux, sur les joues et derrière les oreilles ;
selles régulières, langue sale. Conjonctivite palpébrale
droite.
7 mai. L'éruption consiste en petites taches d'un rose
peu intense, s'effaçant par la pression ; elle forme autour
du front, vers la racine des cheveux, comme une couronne;
ces taches sont plus nombreuses autour des bosses fron-
rougeole. 133
tales, assez nombreuses sur les joues, surtout à la partie
inférieure, sur le nez, sur le menton et derrière les oreilles.
Il n'en existe pas au cou ni sur les autres parties du corps.
Conjonctivite palpébrale purulente très intense ; injection
peu marquée de la conjonctive. Langue sale ; rien à la
gorge ; constipation ; pas de vomissements. La percussion
et l'auscultation sont normales : la toux est rare. T. R.
liûo,-2. - Soir : 38°, 2.
8 mai. L'éruption est limitée à la face. Respiration
peu gênée. A l'auscultation on trouve très peu de râles.
Constipation. T. R. 38°,8. Soir : 39°,8.
9 mai. L'éruption persiste à la face où elle est tou-
jours limitée. Toux rare; cris, grincement de dents. L'aus-
cultation, très difficile, ne décèle rien. A la percussion on
constate une diminution de sonorité dans toute la hauteur
en arrière, en avant elle est normale. Larmoiement. Coryza
presque nul; haleine un peu fétide ; rien à la gorge. Soif
assez vive; constipation. Pas de vomissements. T. R. 39°,9.
20 gr. d'huile de ricin. Julep extrait de quinquina ;
tisane de violette. - Soir : 37°, 6.
10 mai. L'éruption est plus visible au front, près la
racine des cheveux. L'auscultation ne donne rien quoique
la sonorité soit diminuée surtout à gauche, L'enfant a été
très abattu dans la journée d'hier. Selles régulières. Pas
de vomissements. T. R. 37°,3.- Soir : 380,6.-Julep avec
4 gr. d'acétate d'ammoniaque et l'extrait de quinquina.
11 mai. L'éruption s'efface au front et sur les joues.
On ne constate toujours rien sur les autres parties du
corps. L'auscultation est négative partout, sauf à la base
gauche où la respiration est très sèche. Percussion nor-
mnle. Conjonctivite légère; langue humide, haleine fétide;
rien à la gorge. L'abattement est beaucoup moins pro-
noncé. Selles régulières. Môme traitement. T. R. 37°.
- Soir : 37°,8.
12 mai. Percussion et auscultation normales ; grince-
ment continu des dents (non usés). Haleine un peu fétide;
amaigrissement progressif. Rien à la gorge. T. R. 37°.
- Soir : 37°,8.
13 mai. L'enfant va mieux. Rien à la poitrine. T. R.
37°,4. - Soir : 37°,8.
14 zonai. Hier quelques taches rouges ont apparu sur
le visage. Constipation. T. R. 370. - Soir : 38°.
15 mai. Eruption de petites taches rouges inégales sur
le front, les joues et les parties supérieures du thorax;
quelques-unes sont surmontées d'une petite vésicule (as-
pect d'éruption sudorale) ; les deux-membres supérieurs
134 IDIOTIE congénitale.
présentent au niveau de la face dorsale du poignet et de la
portion correspondante de l'avant-bras une éruption ana-
logue, plus foncée (l'enfant place habituellement les deux
mains sous la tête reposant sur l'oreiller par la face dor-
sale). Sudation très abondante. Toux légère; râles peu
nombreux. Constipation. Dans la fosse iliaque gauche on
perçoit par le palper de petits noyaux durs du volume d'une
noisette, ne paraissant pas adhérer à la peau (scybales). T.
R,. 3G°;9.-Soi· : 37% Lavement glycériné ; huile de ricin.
16 mari. Toux très rare. Rien à l'auscultation et à la
percussion. L'éruption de la face dorsale des poignets et
de la face commence à s'effacer. Selles copieuses à la suite
du lavement. T. R. 31°, ? . - Soir : 37°,8.
17 mai. T. R. 31°,4. - Soir : 37°,2.
18 mai. T. R. 37°. - Soir : 37°.4.
19 ? nai. T. R. 37°. Môme état. Constipation.
21 mai. L'éruption n'a pas encore complètement disparu.
La vessie fait saillie au-dessus du pubis, cependant l'en-
fant a uriné cette nuit.
27 juin. L'enfant est complètement remis. L'affaiblisse-
ment des jambes qui existait à la suite de sa rougeole a dis-
paru ; il marche seul aujourd'hui. Le soir, une fois couché,
il reprend ses babils et s'habille seul, tandis que le matin
on n'a encore pu l'habituer à s'habiller.
30 juin. Poids : 15 kilog. 500 gr. Taille : 1 m. 04 cent.
5 décembre. Quand l'enfant est assis, il se balance;
l'index gauche appuyé devant l'oreille correspondante, il
semble attentif comme s'il écoutait; parfois grimaces de
la bouche tirée à droite ou à gauche.
1884 : 31 janvier. Poids : 16 kilogr 600 gr. Taille : 1 m.,
06 cent. 0
11 mars. Depuis trois à quatre jours, l'enfant n'a pas été
il. la selle; abdomen tympanisé. Anorexie. Cataplasmes.
Lavements. T. R. 38°,6. Soir : 38°.
12 mars. T. R. 38°. S-r : 38°,2.
13 mars. T. R. 38°. - Soir : 38°.
14 mars. T. R. 37°,î.- Soir : 3 î°;G.
15 mars. T. R. 37°,5. Soir : 37°,4.
1G mars. T. R. 31 ? 3. - Soir : 3î ? +.
22 avril. L'enfant est pris maintenant d'une diarrhée
abondante de couleur sépia et fétide. Tympanismo de l'ab-
domen sensible à la pression et sur lequel se dessine un
réseau veineux superficiel. Pas de vomissements. Le ma-
lade n'a pas l'air abattu. Les pommettes sont colorées. Lait.
Bouillon. Bismuth : 2 gr.
TUBERCULOSE PULMONAIRE ET INTESTINALE. 135
23 avril. T. R. 38 ? Soir : 39°,1.
24 avril. T. R. 38°,1. -Soir : 38°,5.
25 avril. T, R. 38°. - Soir : 39°.
26 avril. T. R. 38°,2.- Soir : 38°,4.
27 avril. T. R. 38°,3. - Soir : 39°.
28 auril. T. R. 39°. - Soir : 40°.
29 avril. La diarrhée continue; l'abdomen est sonore,
souple, parait peu ou point douloureux. L'enfant est très
abattu; les lèvres sont un peu fuligineuses, mais il n'existe
pas d'état typhoïde accentué. Le visage est pâle et amai-
gri. La percussion est normale ; à l'auscultation on entend
de temps à autre des râles ayant un peu le caractère de
frottements ; l'auscultation est, du reste, difficile à prati-
quer à cause de l'état du malade.
Circonférence du thorax au niveau du mamelon . 55 centim.
Au niveau de l'appendice xyphoide au moment
de l'expiration 57 1/2 centim.
Les avant-bras, les mains, les genoux et les pieds sont
cyanosés. Viande crue, lait, bouillon; eau albumineuse et
laudanum II gouttes. T. R. 3J°,1. - Soir : 39°,7.
30 avril. T. R. 39°. L'enfant meurt à deux heures de l'a-
près-midi sans convulsions. La diarrhée avait cessé depuis
dix heures du matin. Les selles n'ont jamais été sangui-
nolentes ; elles étaient d'un vert grisâtre. II n'y a jamais
eu de vomissements. T. R. après la mort : 40°,5; une heure
après : 39°,8; deux heures après : 38°,7. Poids : 13 kilog.
500 gr.
Autopsie (2 mai 188f). - La cavité abdominale ne con-
tient aucun liquide anormal; les intestins occupent leur
position normale, sauf l'S iliaque qui est très dilatée. L'es-
tomac est de même très dilaté. Le péritoine est sain; pas
de tubercules. Le foie ne déborde pas les fausses côtes; le
diaphragme s'élève de chaque côté à la hauteur ordinaire.
Adhérence partielle du péricarde avec les poumons. Pas
de liquide dans la cavité péricardique.
Coeur normal (90 grammes) dans toutes ses parties; le
trou de Botal est perméable. On constate une adhérence
totale des deux feuillets des plèvres; au sommet du pou-
mon droit, on trouve quelques granulations tubercu-
leuses, et dans le lobe moyen, un noyau de ln'oncho-pneu-
manie. Les ganglions péri-bronchiques sont caséeux.
Poids : P. droit, 2 40 gr.. P. gauche, 165 gr. La rate (90 gr.)
n'offre qu'un peu de périsplénite.
136
REIN UNIQUE.
Fig. 9. - Rein en fer à cheval vu de'face. C., capsule; R. D., rein
droit ; R. G., rein gauche ; C. S., capsule surrénale ; D., diaphragme ;
V. C., veine cave ; V. R. D., veine rénale droite ; V. R. G., veine ré-
n ale gauche ; A. R., artère rénale ; A. R. S., artère rénale supplémen-
taire ; A. R. M. S., artère rénale médiane supplémentaire ; 13., bassi-
net ; u., uretère; A I. P.D., artère iliaque primitive droite ; A. I. P. G.,
artère iliaque primitive gauchi.
REIN UNIQUE. 137
' Le larynx ne présente rien de particulier ; la glande
Fiy. 10.- Rein en fer à cheval vu en arrière. - R. rein; C. S., capsule
surrénale ; A. R., artère rénale ; V. C ? veine cave ; A. R. S , artère
rénale supplémentaire ; U., uretère ; A, I. P. D., artère iliaque primi-
tive droite ; A. I. P. Go artère iliaque primitive gauche ; A. I. E., ar-
tère iliaque externe ; A. I. I., artère iliaque interne.
138 APPAREIL URINAIRE.
thyroïde est légèrement hypertrophiée et en dégénéres-
cence colloïde.
Appareil urinaire. Les uretères sont très dilatés et
présentent la dimension d'une grosse plume d'oie; toute-
fois, la dilatation est beaucoup plus prononcée à la partie
supérieure. - Les deux bassinets sont également très dila-
tés. Au moment de faire la coupe antérieure pour dégager
le rein gauche, l'on s'aperçoit que les deux reins sont unis
par leur extrémité inférieure. Les deux reins sont dirigés
de haut en bas, d'arrière en avant et do dehors en dedans.
Leur extrémité supérieure correspond à l'union de la pre-
mière avec la seconde vertèbre lombaire Le milieu de la
courbure du fer à cheval repose sur le disque qui sépare
la quatrième vertèbre lombaire de la cinquième. Les deux
reins ont subi une sorte de mouvement de bascule qui re-
porte le hile en avant. Les deux uretères descendent obli-
quement, passent à 2 centimètres de la partie médiane an-
térieure du fer à cheval, sur lequel ils laissent leur em-
preinte ; sur la partie médiane antérieure du fer à cheval
se trouve une dépression dirigée de haut en bas et sem-
blant indiquer la ligne de fusion des deux reins. (Fig. 9,10.)
La décortication du rein, qui n'est pas lobule, s'opère
avec facilité. A sa surface se trouvent un certain nombre
d'étoilesdeVerrheyen. A la coupe, le rein paraît normal ; il
est un peu congestionné. Les deux bassinets sont remplis
d'un magma briqueté formant une bouillie liquide. A l'exa-
men microscopique, l'on constate que ce magma, jaune,
sablonneux, est formé principalement par des cylindres
épithéliaux, liyalins et cireux, des cellules épithéliales iso-
lées, des cristaux d'acide urique, d'urate de soude et d'urate
d'ammoniaque.
La longueur totale du fer à cheval est de 23 centimètres
environ; celle de la partie horizontale, de 9 centimètres
(mesures prises sur le milieu de la face antérieure). La
largeur de l'extrémité supérieure est de 4 centimètres; à
l'union de leur extrémité inférieure, cette largeur se trouve
réduite à 2 centimètres et demi. Le bassinet gauche a une
longueur de 4 centimètres et le droit de 3 centimètres.
Description DES artères ET VEINES. - RAPPORTS. - Les
artères diaphragmatiques inférieures, le tronc coeliaque,
les mésentériques supérieure et inférieure occupent leur
situation normale ordinaire et n'offrent aucune anomalie.
- Les artères rénales, ainsi que les veines, sont au nombre
de deux de chaque côté ; elles prennent naissance sur
autopsie. 139
l'aorte et la veine cave à 5 centimètres environ de distance ;
les inférieures naissant à 1 et 2 centimètres au-dessous de
la mésentérique inférieure. Les artères rénales supé-
rieures entrent dans le rein à la partie supérieure du bas-
sinet, quelques-unes de leurs divisions passent en arrière
ou pénètrent dans le rein au-dessus du hile. L'artère rénale
inférieure gauche pénètre par plusieurs divisions dans le
rein en arrière du bassinet à 3 centimètres 1/2 au-dessus
de la supérieure. L'artère rénale inférieure droite s'enfonce
directement dans le rein à 1 centimètre environ en arrière
du hile. Ces artères sont accompagnées par des veines
rénales assez grêles. Enfin nous trouvons une artère mé-
diane venant de l'iliaque primitive droite d'une largeur
d'un centimètre environ et pénétrant dans la substance
rénale par deux divisions au bord inférieur et médian de
la partie transversale du rein, au niveau de la dépression
indiquant l'union des deux reins.
Le canal cholédoque est perméable. - Le duodénum et
l'estomac ne présentent rien de particulier. - Le foie est
normal sauf un peu de périhépatite. - Les ganglions iléo-
cæcaux sont hyperémié3 et hypertrophiés ; à l'ouverture de
l'intestin l'on constate alors que quelques follicules sont
très saillants,que quelques glandes de Peersontutcérées;
une de ces ulcérations qui siège sur l'iléum a une direction
transversale, comprend un tiers de la circonférence de
l'intestin; ses bords sont irréguliers, déchiquetés et décol-
lés ; cette ulcération s'étend en profondeur jusqu'à la
tunique musculaire (tuberculose intestinale). On trouve
encore dans l'intestin quelques lombrics.
Tête. Sur le cuir chevelu on constate une petite
ecchymose à la région temporale gauche. La dure-mère
n'offre rien de particulier. - Les sinus contiennent des
caillots noirs. Toute la partie droite de la base du crâne est
peut-être un peu plus profonde que la gauche. La pie-
mère de la base est partout très vascularisée ; il existe
quelques légères adhérences faciles à rompre entre les
deux lobes orbitaires on avant du chiasma. Encéphale
1220 grammes ; cervelet et isthme 140 grammes. Les
hémisphères cérébraux ont le môme poids. Les nerfs
optiques paraissent égaux, mais la bandelette optique
gauche est plus petite que la droite. Le tubercule ma-
milliaire gauche est un peu plus petit que le droit. - Les
pédoncules cérébraux paraissent égaux; la protubérance
est symétrique.
Lorsqu'on a incisé les deux pédoncules et ouvert les
140 IDIOTIE CONGÉNITALE.
ventricules on aperçoit, placée entre les tubercules quadri-
jumeaux, sur la ligne médiane, à 5 millimètres en avant de
l'extrémité postérieure du corps calleux une petite tumeur
arrondie, d'un gris rosé, de 8 à 10 millimètres de diamètre,
contenue dans les plexus choroïdes ; elle empiète un peu
plus sur la droite ; elle laisse entre elle et la couche
optique un espace de 5 millimètres : cette tumeur n'est
autre que la glande pinéale hypertrophiée.
La pie-mère de la face interne des hémisphères est hyper-
émiée ; on constate de môme une hyperémie fine plus
prononcée, presque ecchymotique,aubord supérieur sur la
face convexe ; elle est aussi prononcée des deux côtés. La
pie-mère est un peu épaissie surtout à la convexité. - La
décortication est partout facile. - La pie-mère cérébelleuse
se décortique également bien ; les hémisphères cérébel-
leux sont égaux et normaux à la coupe. - La protubé-
rance, les olives, les pyramides, le quatrième ventricule
n'offrent rien à noter.
Hémisphère droit. - La première frontale est très
sinueuse, a des sillons profonds, envoie un pli de passage
très sinueux à la partie moyenne de la deuxième frontale
et s'insère en retrait sur la frontale ascendante par deux
insertions. - La deuxième frontale est également très
sinueuse avec des sillons assez superficiels ; elle envoie un
pli de passage à la troisième frontale et s'insère de niveau
sur la frontale ascendante. - La troisième frontale est
plissée, ramassée, et s'insère en retrait sur la frontale
ascendante.-La frontale ascendante, assez volumineuse,
est rectiligne dans sa moitié inférieure, sinueuse dans sa
moitié supérieure. Le sillon de Rolando est profond et
sinueux. La pariétale ascendante est un peu moins
développée que la frontale ascendante mais plus sinueuse.
Le lobule pariétal supérieur est volumineux, plissé
(3 plis) ; il se bifurque en arrière en V qui reçoit entre ses
branches le lobe occipital ; il envoie un pli de passage au
pli courbe. Le lobule pariétal inférieur composé de
trois plis partant de son bord supérieur, l'un descendant le
long de la pariétale ascendante à laquelle il envoie un pli
de passage, les deux autres allant vers la première circon-
volution temporale. Le pli courbe est très sinueux,
doublé en arrière d'un pli bifurqué envoyant un pli de
passage au lobe occipital. Le lobe occipital est peu
développé avec deti sillons très superficiels. Un sillon pro-
fond partant de son bord inférieur et allant s'ouvrir à la
scissure parallèle sépare le lobe occipital du lobe temporal.
CIRCONVOLUTIONS CÉRÉBRALES. 141 1
Le lobule de l'insttla présente trois digitations bifurquées.
La première circonvolution temporale est sinueuse,
assez grosse, envoie deux prolongements au fond de la
scissure do Sylvius. - Les deuxième et troisième circon-
volutions temporales forment une masse ovoïde composée
d'abord de deux plis antéro-postérieurs, puis de trois plis
transversaux. - Le lobule lingual s'arrête loin de l'extré-
mité du lobe occipital. La scissure parallèle s'arrête moins
haut que d'habitude et la scissure perpendiculaire vient
empiéter de plus de 2 centimètres sur la face convexe.
Face interne. - La première circonvolution frontale
très sinueuse reçoit un pli de passage de la circonvolution
du corps calleux, ce qui fait que, dans sa partie antérieure,
elle offre trois plis parallèles, tandis qu'elle ne possède
dans sa partie postérieure que deux plis sinueux. - La
scissure calloso-marginale est peu profonde. - La cir-
convolntion du corps calleux est assez étroite et seu-
lement un peu plissée en arrière. - Le lobule para-
central est très irrégulier, très sinueux, avec deux
encoches sur son bord supérieur et une autre considé-
rable sur son bord inférieur et un sillon vertical. Le
lobe carré est volumineux, très plissé avec des sillons pro-
fonds. - Le coin est petit ainsi que le lobe occipital ; tous
les deux ont des sillons peu profonds. ? La circonvolution
de l'hippocampe est courte, lisse, terminée en massue.
La corne d'tl2nnzo2z n'est pas indurée. - Le ventricule
latéral n'est pas dilaté.
Lobe orbitaire très plissé, sauflogyrus qui est uni. -
Corps strié, couche optique et corps calleux, rien departi-
culier.
Hémisphère gauche.a Face convexe. - La première
circonvolution frontale, très plissée, présente des sillons,
les uns très profonds, les autres superficiels; elle envoie
en avant un pli de passage à la deuxième circonvolution
et s'insère sur la frontale ascendante par deux insertions,
l'une do niveau faisant partie du bord supérieur, l'autre au
fond du sillon.- La deuxième circonvolution frontale est
très sinueuse; elle reçoit un pli de passage de la troisième
frontale qui vient s'emboîter sur une partie un peu ren-
flée ; elle s'attache par deux insertions au fond du sillon,
qui la sépare de la frontale ascendante en formant une sorte
de concavité embrassant une partie arrondie de celle-ci.
- La troisième circonvolution frontale est de même très
sinueuse; elle vient s'insérer sur la frontale ascendante en
142 IDIOTIE CONGÉNITALE.
bas et en retrait. - Les sillons qui séparent les circonvo-
lutions frontales sont profonds.- La circonvolution fron-
tale ascendante est sinueuse, rétrécie par places, légère-
ment oblique de bas en haut et d'avant en arrière. - Le
sillon de Rolando est profond dans ses trois quarts supé-
rieurs, superficiel en bas. - La circonvolution pariétale
ascendante, sinueuse, est plus développée que la frontale
ascendante; elle envoie un pli de passage aux lobules pa-
riétaux supérieur et inférieur, et au lobe carré. - Le lobule
pariétal supérieur est très sinueux et envoie un pli de
passage au pli courbe et au lobe occipital. - Le lobule pa-
riétal inférieur est sinueux, avec des sillons superficiels.
- Le pli courbe est sinueux, très irrégulier ; du sommet de
la scissure parallèle partent en rayonnant quatre sillons qui
séparent le pli courbe et le rendent ainsi irrégulier; entre
le pli courbe et le lobe occipital, il y a une circonvolution
qui, en bas, envoie un pli de passage au lobe occipital. -
Le lobe occipital est composé de circonvolutions petites et
plissées. - Le lobule de l'insula présente trois digitations
toutes bifurquées. - La première circonvolution tempo-
rale, bien développée, sinueuse, envoie trois plis de pas-
sage vers le fond postérieur de la scissure de Sylvius ; ils
sont volumineux et distincts. - Les deuxième et troisième
circonvolutions temporales sont confondues et formées de
plis transversaux; un sillon assez profond les sépare du
lobule lingual. - La scissure parallèle est à peu près
horizontale dans tout son trajet, se prolonge jusqu'au voi-
sinage de l'extrémité de l'hémisphère et n'est séparée de
la scissure perpendiculaire que par un pli étroit. La scis-
sure perpendiculaire empiète de plus d'un centimètre sur
la face convexe.
b) Face interne. - La première circonvolution fron-
tale est sinueuse et assez développée. - La scissure cal-
10.30-marginale est assez profonde et très sinueuse. La
circonvolution du corps calleux est sinueuse; en avant,
entre elle et la première frontale, il existe une petite cir-
convolution qui n'est unie à ces deux circonvolutions qu'à
son extrémité inférieure et qui en reste distincte dans tout
le reste de son étendue. - Le lobe paracentral est assez
gros, avec un sillon profond en forme de V ouvert en
arrière et en haut. Le lobe carré est composé de plis
grêles, séparés par des sillons profonds.- Le coin, assez
peu développé, est formé d'une seule masse. - La scis-
sure pariéto-occipitale est profonde. Le lobe occipital
est peu volumineux, sinueux; il envoie un prolongement
TRAITEMENT DE L'IDIOTIE. j 4 : 3
à la circonvolution de l'hippocampe et au lobule lingual.-
Les circonvolutions de l'hippocampe, la corne d'Ammon,
le corps strié, la couche optique et le corps calleux, le
lobe orbitaire ne présentent rien de particulier.
RÉFLEXIONS. - I. Nous n'avons à relever, dans les anté-
cédents des ascendants, que l'alcoolisme du père et du
grand-père paternel et, durant la grossesse, les chagrins
et les émotions éprouvés par la mère. L'enfant n'a jamais
ressemblé aux autres enfants : dès l'âge de deux mois, on
s'apercevait que son regard n'était pas naturel ; plus tard,
on s'inquiéta du retard de la parole, de la marche et de la
persistance du gâtisme. L'ensemble des symptômes obser-
vés chez cet enfant, joint à l'absence de convulsions, nous
a fait penser qu'il s'agissait là d'un cas d'idiotie congéni-
tale reconnaissant pour cause un arrêt de développement
des circonvolutions.
II. Les accidents divers survenus successivement chez
cet enfant (diarrhée, tuberculose, rougeole, etc.), n'ont
pas permis d'obtenir de résultats sérieux au point de vue
du traitement de l'idiotie; il n'a pu, en effet, participer
aux exercices de la petite école qu'à de rares intervalles.
Néanmoins, on était parvenu à lui apprendre à se servir
d'une cuiller ; aussi, croyons-nous qu'il appartenait à la
catégorie des idiots susceptibles d'une réelle amélioration.
Cette opinion repose principalement sur ce fait que la lé-
sion initiale avait achevé son évolution.
III. Parmi les maladies intercurrentes observées chez
Assas..., nous insisterons sur la rougeole ; non pas parce
qu'elle a présenté quelques anomalies, surtout dans le
développement de l'éruption, mais parce que, l'enfant
étant surveillé à cause de sa tuberculose, il nous a été pos-
sible d'avoir la marche de la température durant la période
prodromique. Le tracé ci-après mérite donc un examen
spécial.- La période prodromique semble s'être annoncée
par une élévation momentanée de la température (icJ ? 2 2
le 2 mai au soir) ; puis la température a baissé, a oscillé
durant deux jours un peu au-dessus de 38°) ; enfin le jour
du début de l'éruption elle a monté à 39°,6 pour atteindre
son maximum vers la fin du premier jour de l'éruption
144 HYPERTROPHIE DE la glande pinéale.
(Fig. 8). Les oscillations suivantes sont peut-être dues à
ce fait que l'éruption s'est produite péniblement (1).
IV. Les lésions notées du côté du cerveau consistaient
en un arrêt de développement relatif des circonvolutions
cérébrales; il n'y avait aucune lésion en foyer ni aucune
trace de sclérose atrophique ou hypertrophique. Mention-
nons encore, un peu à titre de curiosité, l'hypertrophie
de la glande pinéale.
V. Deux autres faits intéressants ont été remarqués chez
ce malade : un phimosis très prononcé et une malforma-
tion des reins. Il serait superflu d'insister sur le phimosis;
(1) Nous rappelons nos lecteurs que le Progrès médical a pu-
blié à diverses reprises, et notamment en 1882-1883, des observa-
tions nombreuses sur la température dans la rougcole.
Fig. 11. x, début de 1 éruption. y, fin de l'éruption.
rein EN fer : 1 cheval. 145
nous y reviendrons lorsque nous exposerons dans un
travail spécial l'ensemble des malformations des organes
génitaux que nous avons eu l'occasion d'enregistrer très
fréquemment chez les épileptiques et chez les idiots.
Les cas de rein en fera cheval sont loin d'être rares (1).
Tantôt l'union se fait par l'extrémité supérieure, tantôt
par l'extrémité inférieure. Les auteurs diffèrent d'opinion
. sur la fréquence de l'un ou de l'autre de ces modes d'union.
Au premier abord il semblerait qu'elle dût se produire
plus facilement par les extrémités supérieures, qui sont
plus rapprochées l'une de l'autre. Dans les cas où l'union
se fait par l'extrémité inférieure, la disposition des vais-
seaux, celle des autres parties du rein, de l'uretère, etc.,
porteraient à admettre que cette union n'a pu se faire que
par suite d'une sorte de bascule du rein, la face antérieure
devenant postérieure et réciproquement.
Nous ne saurions nous prononcer définitivement à cet
égard; en compulsant les observations, il nous a semblé
que la fréquence de ces deux formes était à peu près la
môme. Nous avons vu personnellement l'un et l'autre des
cas dans lesquels l'union avait lieu par l'extrémité supé-
rieure, ou par l'extrémité inférieure.
Malgré le peu de rareté du rein en fer à cheval, nous
avons cru devoir présenter cette pièce à la Société, parce
que, d'une part, la position antérieure des uretères n'est
jusqu'à présent que rarement notée dans la plupart des
cas publiés (3) et que, d'autre part, il est généralement
accepté (3) que cette malformation rénale ne produit aucun
(1) Il serait fastidieux de donner ici la bibliographie (qui ne sau-
rait du reste être complète) des cas de reins en fer à cheval. Des
observations nombreuses en ont été publiées depuis longtemps ;
on en trouve entre autres un grand nombre citées dans Morgagni :
Recherches anatomiques sur le siège et les causes des mala-
dies, ! ils" lettre, p. 398, T. VII. Edition française de 18n ; et dans
Rayer, Traité des maladies des reins, T. III, p. 770, 1811.
(2) Il est vrai de dire que très souvent la position des uretères,
n'est pas mentionnée. Le cas figuré dans l'Atlas de liayer (pl. III
lig. 5), est presque identique au notre, uretères en avant, artères
médianes provenant de l'aorte un peu avant sa bifurcation, etc.
(3/ Lancereaux, art. Rein (pathologie) in Dictionnaire encyclo-
pédique des sciences médicales, 3° série, t. III, p. 172.
Bourneville, 1884. 10
146 ' REIN UNIQUE.
trouble physiologique. Or, l'enfant Assas..., qui fait l'objet
de cette observation, a éprouvé des troubles de la miction
évidemment dus à une compression plus ou moins pro-
noncée des uretères, ce que l'examen nécroscopique a
confirmé. Il est donc hors de doute que dans les cas de
reins en fer à cheval, unis par leur extrémité inférieure
il peut exister des troubles physiologiques dus à la compres-
sion des uretères, quand ceux-ci se trouvent situés en
avant du fer à cheval.
VII.
Instabilité mentale avec perversion des
instincts;
Par Bourneville et BUDOR.
La section des enfants de Bicêtre comprend, à côté
dos idiots, des imbéciles, des épileptiques et des hysté-
riques, un groupe d'enfants dont l'intelligence offre un
développement ordinaire, qui n'ont pas d'accidents con-
vulsifs et que l'on désigne généralement sous le nom
d'impulsifs. Ils présentent un phénomène commun,
c'est qu'ils sont atteints d'une véritable instabilité men-
tale : se plaisant ici aujourd'hui, demain voulant être
ailleurs ; demandant à être menuisier le lundi et le
samedi, déjà dégoûtés, voulant exercer une autre pro-
fession. Mais, tandis que les uns ont conservé à peu près
complète la notion du sens moral, les autres sont affec-
tés d'une perversion des instincts souvent très pronon-
cée et qui les conduit à commettre les actions les plus
- blâmables. L'observation qui suit est un bel exemple
d'instabilité mentale avec perversion des instincts.
Observation. - Père : onanisme, tentative de suicide ;
mort d'apoplexie. Mère migraineuse. - Grand-père
maternel apoplectique. - Oncle maternel aliéné ; cou-
sin germain et scezcn morts de convulsions.
Allaitement par une nourrice aliénée. - Développement
physique et intellectuel lent. Impulsions morbides
précoces : clastomanie. - Noctambulisme. - Accès de
colère. - Crises somnambuliques. - Tentative de so-
domie ( ? ). - Onanisme. - Rapports sexuels avec les
148 instabilité mentale : hérédité.
six soeurs (13 ans). - Excès alcooliques (14 ans). - Im-
pulsions homicides. - Insolation.-Empoisonnements
acctdetets.Jteptomate. Crise convulsive ( I 6 ans).
- Frayeurs nocturnes (épilepsie larvée ? ) Céphalalgies.
Grimpeur. Première admission à l'Asile clini-
que. - Accidents hystériques. - Idées érotiques. -
Tentative d'évasion et de suicide. - Tænia. - Sortie de
l'Asile.
Professions multiples : . mécanicien, horloger, garçon
pharmacien, emballeur, cordonnier, tôlier, jardi-
nier, etc., etc.
Seconde admission à l'Asile clinique. - Envoi à l'Asile
de Vaucluse'. Evasions ; - Vision colorée; - Complot
pour incendier la colonie ; Envoi à Bicêtre,.
Etat physique et intellectuel Li. l'entrée. - T1'aitement :
Ecole, gymnastique, enseignement p1'ofessionnel,etc.-
Marche de la maladie. - Tentatives de simulation.
Amélioration progressive. - Entraves administratives
à la sortie du malade : lettre et arrêté du Préfet de
police. - Sortie définitive (juillet 1883). - mat de S...
depuis sa sortie jusqu'à ce jour.
Si..., Marius, Eugène, né à Paris, le 7 janvier 18GG, est
entré à Bicêtre (service de M. Bourneville) le 4 novembre
1882, à l'âge de 1G ans.
Renseignements fournis par sa mère. Père mort on
1878, à l'âge de 78 ans, d'une attaque d'apoplexie, en qua-
tre jours; très grand « bel homme », domestique « dans
les grandes maisons » : il était sobre, fumait peu. Il n'avait
pas de migraines, mais était sujet à des douleurs do tête
et avait habituellement la face congestionnée. Il s'est marié
à Mans; avant cette époque, et même depuis, il se livrait
à l'onanisme. A partir de son mariage jusqu'en 1878, pas
de maladies. A 57 ans, tentative de suicide à la suite de
pertes d'argent. [Son père, aubergiste, est mort on ne
sait de quoi; on ignore s'il buvait. - Sa mère est morte à
G3 ans; la cause de la mort est inconnue. - Quatre frères
et soeurs sont également morts sans qu'on sache de quelle
maladie. Une autre soeur est morte en couches, laissant
une fille âgée aujourd'hui de 59 ans, bien portante, mais
très nerveuse. Cette femme a eu elle-même 11 enfants,
dont 9 sont morls : 2 du choléra, 1 de la poitrine, 1 de
« jalousie » ; les 2 survivants sont bien portants. - Pas
instabilité mentale : HÉRÉDITÉ. 149
d'aliénés, d'épileptiques, d'apoplectiques, de difformes, de
suicidés, de criminels dans la famille.]
Mère, 55 ans et demi, lingère. Taille moyenne; visage
régulier. Très nerveuse, elle est sujette à des accès de
pleurs et à des congestions céphaliques. - Pas de convul-
sions dans l'enfance. Réglée à 11 ans et 4 mois; très peu
de temps après, migraines venant presque toujours avant
les époques menstruelles : « je rendais beaucoup ». Sou-
vent, alors, elle voyait des lumières bleues, blanches,
jaunes, et cela des deux yeux. Mariée à 27 ans, elle assure
ne pas avoir eu de rapports sexuels avant le mariage. A
partir du mariage, les migraines cessent. De 32 à 37 ans,
alourdissements qui ont repris depuis la ménopause (51
ans).-[on père est mort à 73 ans,à sa 3" attaque de para-
lysie, en quatre heures; il étaitsobre. Sa mère est morte
d'une frayeur qui « arrêta le sang( ? ) »; elle n'était. pas ner-
veuse. Grand'mère maternelle, morte à 90 ans des suites
d'une chute. Pas de renseignements sur les autres grands-
parents. Deux frères : l'un mort à 48 ans d'une pneumonie,
laissant 6 enfants en bonne santé, sans accidents nerveux.
L'autre frère a eu, à 25 ans, un court accès de folie (il
voulait se jeter dans un puits); il a eu quatre enfants et en
a perdu 3, dont l'un de convulsions; le quatrième est en
bonne santé.- Une soeur, morte à 16 ans et demi « ne pou-
vait être réglée ». Ni aliénés, ni épileptiques, etc.]
Pas de consanguinité (père breton, mère marseillaise).
3 enfants : 1° Fille morte à 14 mois, de convulsions;
2° notre malade, né dix ans après; 3° une fausse couche de
3 mois, à la suite d'une frayeur.
Notre malade. - Au moment de la conception, les pa-
rents vivaient, comme toujours, en bonne intelligence.
Grossesse bonne; pas de coups, de chutes ni de constric-
tion du ventre; pas d'alcoolisme, ni d'excès d'aucune
sorte. Accouchement, 3 semaines avant terme (déterminé
par une émotion), naturel, sans chloroforme. A la nais-
sance, pas d'asphyxie; l'enfant était petit mais gros. Il a
été élevé au sein, en nourrice. A 7 mois et demi,lanourri-
ce fut prise d'un accès de manie ( ? ) et ne sévra pas l'enfant.
Coqueluche à 8 mois. S... a marché à 21 mois et a parlé à
3 ans. Pas d'otite, d'ophtalmies, ni de dartres; quelques
croûtes dans les cheveux. Môme durant l'infance, il a tou-
jours été « très drôle », il aimait à détruire, à prendre les
objets et à les cacher.
A 5 ans, il va pour la première fois à Marseille, où il reste
jusqu'à 7 ans. A 6 ans, il a pris l'habitude de se lever la
150 perversion des INSTINCTS.
nuit; le matin, on le trouvait endormi sous son lit; il a
conservé cette habitude jusqu'à 16 ans. Pendant son séjour
à Marseille, il a failli s'empoisonner avec de « petits grains
rouges » dont on n'a pu préciser la nature. A 7 ans, re-
tour à Paris; huit jours après, il a la scarlatine, puis la
rougeole, à peu d'intervalle. Ce n'est qu'après ces mala-
dies, qu'il a commencé à devenir tout à fait propre.
Une fois rétabli de ses fièvres éruptives, on l'envoya à l'é-
cole ; il s'y montra turbulent (on l'appelait polichinelle).-
Il grimpait sur les autres, n'avait peur de rien; jamais,
cependant, il ne faisait l'école buissonnière.
S... n'était pas plus calme en dehors de l'école : il dégra-
dait les murs, arrosait les passants avec le contenu de la
bouteille qu'il emportait à l'école, ouvrait les robinets de
gaz, versait de l'huile dans les escaliers, etc. De là des
plaintes incessantes, qui obligeaient ses parents à déména-
ger. Souvent, il entrait dans de violentes colères, durant les-
quelles il se jetait par terre, ou frappait les personnes pré-
sentes, petites ou grandes; ces violences ne finissaient pas
par des pleurs. A la même époque, on a observé de temps
en temps des accès de fièvre de croissance; il restait huit
jours sans manger.
Vers 7 anset demi, une nuit, à 4 heures du matin, il jette
uncri; sa mère accourt, le trouve immobile dans son lit, les
yeux ouverts, le corps et les membres souples, un peu d'é-
cume non sanglante à la bouche. Il paraissait complète-
ment insensible. On put passer une petite cuiller entre les
dents pour le faire boire. Cette crise, qui ne se compliqua
pas d'évacuations involontaires, dura deux heures; puis
S... revint à lui comme s'il s'éveillait d'un sommeil natu-
rel. Au médecin qui 'l'interrogeait, il répondit : « Je voyais
mon papa, je rêvais ». Ce médecin parla de crise de som-
lzazoLulisnze.
A 8 ans et demi, il retourna à Marseille, où il demeura un
an. Pendant ce séjour, il eut une pneumonie. Là, pas plus
qu'à Paris, on ne put rien en faire; c'était « un mouvement
perpétuel ».
Rentré à Paris il 9 ans et demi, on le plaça chez l'abbé
Roussel, à Auteuil. Il y resta jusqu'à 12 ans. - Etant dans
cet établissement, il dit avoir été l'objet de tentatives de
sodomie de la part d'un jeune abbé, qui l'emmena dans
une cave et lui promit un porte-monnaie s'il voulait se
laisser faire. S... se débattit, et l'abbé ne put arriver à ses
fins ( ? ). -C'est également à celle époque qu'on se serait
aperçu qu'il se livrait à l'onanisme
En sortant de cette maison, il essaya successivement
ONANISME ; RAPPORTS PRÉCOCES \ ALCOOLISME. 151
plusieurs métiers : mécanicien, horloger, emballeur, cor-
donnier. Pendant ce temps, il eut successivement des rap-
ports sexuels avec six petites filles de la même famille,
dont l'aînée avait 13 ans et la plus jeune 4 ans. A propos
de cette dernière seulement, en raison de son très jeune
il manifeste des regrets : « Je ne savais, dit-il, ce que
je faisais; je faisais des bêtises ». Ses rendez-vous avec ses
petites amies avaient lieu à Passy, sur le bord de la Seine;
ils se cachaient entre deux harques qu'ils mettaient l'une
sur l'autre. Il avait l'habitude d'écrire tout ce qui se passait
entre lui et ces fillettes et cachait ses manuscrits sous le
parquet de sa chambre.
AU an ? , il va en Afrique, et y reste un an. Ses impul-
sions mauvaises persistaient : il cassait et sciait les arbres,
etc., d'où un procès. Il fréquentait les Arabes, buvait beau-
coup de café, d'anisette et d'absinthe. Un jour, sous l'in-
fluence de l'ivresse absinthique, il aurait voulu tuer sa
cousine âgée de 6 ans. Pendant son séjour en Algérie, S...
a eu une insolation, pour laquelle il a été soigné à l'hôpital
de Constantine; il était roide, tout noir, avait les dents très
serrées ; il fut sans connaissance de 3 à G heures du matin.
- A Marseille, retour d'Alger, il se plaça comme garçon
pharmacien, et s'empoisonna accidentellement, comme la
première fois d'ailleurs, avec du miel phosphorique; il fut
malade deux jours environ. Il avait alors 15 ans.
Rentré à Paris, on le mit en apprentissage chez un cor-
donnier. Peu après, ayant touché sa paie, il alla avec un
de ses camarades, chanteur ambulant, âgé de 17 ans, dans
une maison publique, et y eut pendant huit jours, tous les
jours, des rapports sexuels avec l'une des femmes. Il con-
tinuait, d'ailleurs, à se masturber. Un peu plus tard, il est
employé chez un tôlier, rue Pascal, auquel, avec l'aide
d'un camarade, il déroba des pièces de 50 centimes (cela,
d'ailleurs, lui arrivait déjà étant enfant, lorsqu'il faisait
des commissions pour sa mère). Avec l'argent volé à son
patron, et celui qu'il gagnait, il achetait des bagues pour
deux filles de 14 et 17 ans, ses bonnes amies, qu'il fréquen-
tait simultanément. Elles habitaient comme lui rue du
Moulin-des-Prés, et ils se donnaient rendez-vous dans les
champs voisins. Ajoutons que s'il ne s'enivrait plus, il bu-
vait encore de temps en temps, et que, le matin, en se
rendant à son travail, il prenait un petit verre de rhum.
C'est vers cette époque, qu'il eut de nouveaux accidents
cérébraux. Après avoir éprouvé de la céphalalgie et perdu
l'appétit pondant trois jours, il est pris, un matin, d'une
crise convulsive : Il jette un cri, on accourt, et on le trouve
152 CRISES NERVEUSES ; CAUCHEMARS ; COLÈRES.
le corps dans l'extension, rigide; les dents serrées. Au
bout de deux à trois minutes, apparaissent quelques con-
vulsions cloniques dans les membres, suivies bientôt d'un
relâchement général et d'un sommeil d'une demi-heure.
On ne remarqua ni écume, ni sang; on ne sait s'il avait
uriné dans son lit. Après cette crise, forte céphalalgie et
courbature. S .. ne gardait, du reste, aucun souvenir de ce
qui s'était passé. Les nuits suivantes, il se promena dans
les chambres, sur lebalcon;lelendemain, il ne se rappelait
pas ses promenades.
En dehors de cette attaque et de celle qu'il a eue à 7 ans
et demi, la mère de S... raconte qu'elle a quelquefois re-
marqué de petites taches de sang sur son oreiller, et, plus
rarement, des traces d'urine dans le lit ou dans le pantalon.
Depuis longtemps déjà, il avait des frayeurs nocturnes,
criait, se couchait sous son lit. Souvent, il souffrait de la
tête, « il lui semblait qu'on le frappait avec un marteau ».
En raison de ces symptômes, de la persistance des accès
de colère, de l'irrégularité de sa conduite, des actes répré-
hensibles qu'il commettait (grimpant sur les toits des mai-
sons voisines, introduisant des pois, des cailloux dans le
trou des serrures pour empêcher les gens de rentrer chez
eux ; se couchant par terre, le soir, en travers de leur
porte afin de les effrayer; répandant de l'huile sur les esca-
liers, etc., etc.), sa mère le plaça à l'Asile clinique (Sainte-
Anne) le 10 septembre 1881.
Durant tout son séjour, qui dura 4 mois, on observa des
accès de colère avec hurlements : il cassait les carreaux, dé-
chirait ses vêtements. Ses frayeurs nocturnes continuaient,
et lorsqu'on lui demandait pourquoi il se cachait sous son
lit il disait : «Je crois voir des hommes, des bêtes qui
veulent me prendre ». Pendant assez longtemps, on ne re-
marqua rien autre chose : mais le7 octobre 1881, ses cama-
rades de chambre l'entendirent tout à coup se mettre à râler
pendant quelques minutes; en même temps, ils le voyaient
agité de fortes secousses. Puis, il se mit à crier : « Au se-
cours ! au secours ! Pompez ! pompez ! Ah ! les feignants,
qui ne veulent pas apporter de l'eau. Au secours ! ». Après
une demi-heure.il demanda tout haut : « Où suis-je ? ». Le
matin, à la visite, S... dit qu'il a mal à la tête, et paraît un
peu hébété; il prétend ne se souvenir de rien, et semble
étonné de ce qu'on lui raconte. Pas de morsure à la lan-
gue, ni d'urine dans le lit.
Il n'eut pas d'autres attaques à Sainte-Anne; mais il se
plaignait d'un mal de tête continu, localisé à l'occiput; de
douleurs et de piqûres le long do la colonne vertébrale ; de
PERVERSION DES INSTINCTS. 1 53
douleurs vagues dans l'estomac, la jambe gauche; d'un
mal de gorge revenant par accès : « c'est souvent, disait-il,
comme une boule qui me remonte à la gorge, qui m'étran-
gle, qui m'empêche de dormir » ; enfin, de bourdonnements
d'oreilles. Parfois, il prétend avoir de la peine à marcher,
ou à se lever s'il est assis; il dit que cela ne dure « qu'un
instant ». Ses voisins, interrogés, affirment qu'à ces mo-
ments, ils n'ont rien remarqué de particulier chez lui, ni
pâleur subite, ni mouvements convulsifs, etc.
D'ailleurs, toujours turbulent, il se dispute avec ses ca-
marades, les taquine, les injurie, les frappe avec une pierre
roulée dans son mouchoir; ou bien il veut leur faire man-
ger des matières fécales, urine sur eux, leur montre ses
organes génitaux et offre de les masturber. Il écrit souvent
des phrases telles que celles-ci : « J'aime Célestine, je la
vois en rêve : je lui ai donné de l'argent, des sous, des bon-
bons n, ou encore : « Je ne pense qu'aux filles, je n'ai que
ça dans la tête, je veux les.... Il. Il dit aussi avoir composé
des manuscrits : le Mémoire d'un amoureux, l'Amour et
la Victoire, qu'il aurait cachés dans la terre. Il tente con-
tinuellement de s'évader par-dessus les murs ou par les
portes. Une fois, il a essayé de se pendre. Comme maladie
incidente, il eut, à Sainte-Anne, un ténia. On lui admi-
nistra du kousso,qui expulsa un ruban de 10 mètres, mais
sans la tête (1).
Bien que l'état mental, ainsi qu'on vient de le voir, ne
fut pas sensiblement modifié, sa mère, cédant à ses instan-
ces, demanda à le reprendre en janvier 1882. C'est alors
qu'elle le conduisit à Necker, auprès de la soeur Augustine,
qui lui donna une potion contre le taenia à la suite de la-
quelle il rendit vingt mètres y compris cette fois la tête. Du-
rant le premier mois, il fut assez tranquille; il travaillait
au Jardin des Plantes ; bientôt on le renvoya parce qu'on le
surprit se masturbant avec un de ses camarades. Peu après
(20 avril 82) sa mère le fit admettre à l'Ecole d'horticulture
de Villcprcux. Il y resta peu de temps, et essaya, dit-il,
de s'y tuer avec un couteau. Bientôt il s'évada.
Voici, au sujet de son séjour à 'illepreu, la lettre que
nous avons reçue de M. Guillaume, l'habile directeur de
l'école, interrogé par nous :
Monsieur,
Le jeune Sim... est arrivé chez moi le 20 avril 1882. Il n'était
(Il Les renseignements relatifs au séjour de S... à l'Asile clini-
que nous ont été fournis par notre ami M. Magnan.
154 HALLUCINATIONS ; CAUCHEMARS ; ÉVASIONS.
pas mauvais sujet, mais quand il avait une idée en tête, aucun rai-
sonnement ne pouvait lui faire changer sa détermination. Il se ré-
veillait le matin en proie à des hallucinations ; il voyait une chouette
partout, et avait fini par effrayer ses camarades. C'est alors que
que je priai l'Administration de le placer dans une maison où il
pourrait être traité. L'enfant ne m'a pas donné le temps de le re-
conduire ; le 2 mai, il prit tout soûl le chemin de Paris, profitant
d'un moment où il n'était pas gardé 11 vue, et se rendit directement
chez sa mère.
Agréez, etc. Signé.' L. Guillaume.
Sa mère fut bientôt obligée de le reconduire à Sainte-
Anne où il ne resta, cette fois, que 9 jours, au bout des-
quels on l'envoya à la Colonie d'enfants idiots et arriérés
de l'asile de Vaucluse. Son instabilité mentale était la
même. Il s'évacla une première fois avec son camarade
Derangi... Arrêté au moment où il volait du raisin dans
les vignes il est reconduit à Sainte-Anne et réexpédié de
suite à Vaucluse. Peu après il s'en échappe de nouveau et
va droit chez sa mère; il raconte qu'en y arrivant, comme
il voulait s'asseoir, subitement, une couleur bleue lui
passa devant les yeux, et il tomba. Il ne se rappelle pas ce
qui suivit cette chute.
Sa mère le reconduit à Vaucluse au bout de 12 jours. Ses
mauvaises habitudes persistent; pour un prétexte futile il
frappe un gardien. Il se livre à l'onanisme. Vers le mi-
lieu d'octobre 1882, il se met à la tête d'une quinzaine de
ses camarades pour organiser un complot consistant à
mettre le feu à la colonie et à s'échapper à la faveur du
tumulte. Ils avaient ramassé des copeaux qu'ils allaient
allumer quand un gardien survint. A cette occasion, M. le
docteur Bigot demanda le transfert de S... à Bicêtre, et fit,
en conséquence, le certificat suivant ; -,
a Je soussigné, médecin en chef, directeur de Vaucluse, certifie
que le nommé S..., âgé de 4(i ans, jardinier, est atteint de débilité
mentale avec instincts mauvais. Use dit épileptique, et dit avoir eu
fies accès chez lui il y a 7 ou 8 jours, lors de sa seconde évasion
de Vaucluse. Constamment, il bat ses camarades les plus faibles,
ou les excite à s'évader. Hier il a comploté de mettre le feu ; s'il
eût réussi, il eut incendié la colonie. Pendant l'incendie, il devait
se sauver avec 7 de ses camarades. Vicieux, il a fait partie d'une
bande de vauriens pendant sa seconde évasion ; il en était le chef,
dit-il, sous le sobriquet de « la Giberne », et il s'en vante. Tous
avaient des maîtresses (1).
(1) C'est 3 Vaucluse même que ce surnom lui a été donné, et, : 1. maintes reprises, H.... nOl1s a assuré qu'il n'avait j;unais ['I> ! I1-
ÉTAT DU MALADE. 155
En somme, son caractère est celui d'un épileptique méchant,
mais il n'a pas eu d'attaques ici;'on n'a reconnu qu'une méchan-
ceté sournoise et tenace qui le rend impossible à Vaucluse. Sa
place est à Bicêtre, peut-être dans une maison de correction,
. Signé ; Dr Bigot.
Entré à Bicêtre le 4 novembre 1882. Etat actuel.
Poids : 41 kilogr.; Taille : 1 ? 48.
La tête est régulièrement conformée; la région occipitale
est très peu saillante et présente un large méplat à sa par-
tie supérieure. Les bosses pariétales ne sont pas exagérées.
Le front, assez haut (6 cent.), offre des dépressions sur les
côtés, et à un moindre degré au-dessus des sourcils. Les
bosses frontales sont peu proéminentes.
156 ÉTAT DU MALADE.
Membres inférieurs bien conformés. Ils ont les mêmes
dimensions.
Peau. Cheveux châtains-foncés, assez abondants. Sour-
cils moyennement fournis. Cils assez longs. Très fin duvet
à la lèvre supérieure. Rien aux aisselles. Poils rares
au pénil et à la racine de la verge. Quelques poils sur
les membres inférieurs. Tronc et membres supérieurs
glabres. Pas de glandes. Deux cicatrices de vaccine très
apparentes sur chaque bras. Par suite d'une plaie con-
tuse, cicatrice de 3 cent., un peu sinueuse, sur le bord cu-
bital de la main gauche. - Ongles assez mal conformés.
Verruessur le dosdes mains et les doigts. Pigmentation as-
sez marquée de toute la peau.
Organes géniaux.Vere assez longue ; gland moyen-
nement développé,' découvert. Méat étroit. Testicules assez
gros, égaux.
Système digestif. - La dentition est régulière ; la voûte
palatine peu profonde. Les gencives sont en bon état. La
luette et les piliers sont normaux; l'amygdale gauche est
volumineuse, le fond de la gorge rouge. L'appétit est bon,
sans perversion; le ventre est normal ; les selles sont régu-
lières. Le foie et la rate n'offrent rien de particulier.
Système respiratoire. S... tousse assez souvent ; il n a
jamais eu d'hémoptysie. L'auscultation et la percussion
donnent des résultats négatifs.
Système circulatoire. - Les battements du coeur sont
réguliers. Pas de bruits anormaux. Le pouls est régulier.
Les muqueuses sont pâles. S... prétend que dans la course
il a des points de côté. Il est sujet à des épistaxis qui s'ar-
rêtent spontanément.
Force musculaire. - On trouve, au dynamomètre Ma-
thieu, moyen :
SOMNAMBULISME ; ANESTHÉSIE. 157
cité plus haut ; il n'a jamais eu d'otite. Il dit avoir des bour-
donnements et des sifflements dans les oreilles. La vue
est bonne des deux côtés, il distingue bien les couleurs.
Il ne voit pas de phosphènes, etc. L'odorat et le goût sont
conservés.
Intelligence. - Elle est moyennement développée. La
mémoire est très faible. La parole est libre; l'association
des idées est exacte. S... se rend compte qu'il a commis de
mauvaises actions et semble le regretter.
Dès son entrée, il est envoyé à l'école et placé dans la
3e division ; l'instituteur nous remet la note ci-après : Lec-
ture courante, mais sans expression; calcul, S... com-
mence la multiplication; histoire, géographie, aucune no-
tion : mé noire très faible; compréhension lente; attention
insuffisante; gymnastique, S... entredans la dernière (41)
division.
Marche de la maladie. 7 novembre. Dans la nuit du
4 au 5 novembre 1882, il s'est réveillé en sursaut, s'est as-
sis sur son lit, agitant les bras, disant : « D'quoi qu'tu te
t'mèlcs ? » Interpellé, il répond qu'il n'a rien, et se rendort
immédiatement.
8 novembre. La nuit dernière, S... s'est réveillé 4 ou 5
fois; il s'assied sur son lit, gesticule, prononce quelques
paroles très vivement; puis, sans qu'on lui ait rien dit. il se
recouche et s'endort. Les nuits suivantes on n'observe rien
de particulier.
18 novembre. On l'envoie à la menuiserie 2 heures par
jour.
11 décembre. Amygdalite légère.
13 décembre. S... se plaint d'être courbaturé à cause
« d'accès de somnambulisme » qui le fatiguent. La sensi-
bilité est diminuée dans toute la moitié gauche du corps.
18 décembre. Hier, vers 9 heures du soir, S... est sorti
de son lit, s'est mis à tâtonner, paraissant chercher quel-
que chose. Puis, brusquement, il a arpenté la salle à grands
pas, comme s'il poursuivait quelqu'un De temps en temps,
il dit assez distinctement : «Attends, le voilà, je l'attrape-
rai tout de même, il faut que je lui casse les reins. » Son
allure s'accélère alors,comme s'il croyait atteindre le but de
sa poursuite. Après avoir fait plusieurs fois le tour do la
salle, il se heurte à une armoire et se réveille. Il s'arrête
alors près du veilleur qu'il paraît reconnaître, et comme
cet homme lui demande ce qu'il cherche, il répond « Vi-
158 AMÉLIORATION.
gnan (tu Que lui veux- tu « Jc veux le tuer. » Il paraît à ce
moment avoir parfaitement conscience de ce qu'il dit, et
peut-être ne parle-t-il ainsi que dans le but d'effrayer ses
camarades qui se sont réveillés. Cette scène a duré une
demi-heure. Ensuite S... se laisse coucher sans difficulté,
mais il se relève au bout d'un quart d'heure pour se pro-
mener. 11 vient bientôt so recoucher de lui-même et s'en-
dort.
28 décembre. S... se lève et parcourt la salle en disant
qu'il va chercher du papier. On le recouche, et, presque
aussitôt, il tente de s'habiller et d'ouvrir la fenêtre pour se
sauver. Tout cela ressemble à de la simulation.
30 décembre. S... se glisse sous les lits et essaie d'ef-
frayer ses camarades. Il se laisse facilement recoucher et
s'endort.
1883. 12 janvier. Depuis deux jours, le malade se plaint
de la gorge qui est légèrement rouge; pas d'adénite. Ces
accidents disparaissent en quelques jours. Pendant les
mois de janvier et février, S... est assez calme.
Février. Amélioration sensible. Nous promettons au ma-
lade de l'envoyer en congé, durant quelques jours, chez sa
mère, si sa conduite ne laisse rien à désirer.
7 mars. Il est allé en congé de 5 jours et sa mère assure
qu'il a été très raisonnable.
13 mars. Aucun phénomène particulier ne s'est produit.
Depuis qu'il est à Bicêtre, S... dit no plus entendre de
voix, mais se plaint de sifflements qu'il compare au repas-
sage de couteaux; ces sifflements, toutefois, deviendraient
moins fréquents. Il accuse aussi de violents maux de tête
venant surtout le soir, et occupant tout le pourtour du
crâne. Il est d'ailleurs raisonnable, et a cessé de se mas-
turber, « dans la crainte, dit-il, de devenir idiot. »
11 avril. S... a eu un congé de 15 jours. Pendant ce
temps, conformément à notre désir, il a travaillé, non pas,
ainsi que nous l'avions conseillé chez un menuisier, mais
chez un émailleur photographe qui en est très content.
Sa mère, qui le ramène, dit également avoir été très sa-
tisfaite de sa conduite. Si elle ne l'a pas placé chez un me-
nuisier, c'est parce qu'on ne voulait lui donner que 50cen-
times par jour, tandis que chez le photographe il reçoit
2 francs.
Ce jour-là, sa mère promettant de le surveiller, nous
renouvelons le congé afin qu'il ne perde pas sa place, et
nous faisons le certificat de sortie.
(1) C'est le nom d'un des enfants du service.
RÉSISTANCE DE LA PRÉFECTURE DE POLICE A LA SORTIE. 159
17 avril. Nous recevons par erreur la lettre suivante qui
était destinée à M. le Dr Blachez, chargé par la Préfecturo
do police, de l'inspection des enfants à Bicêtre :
Paris, 17 avril 1883.
Monsieur,
Lo 12 courant, M. le Directeur de Bicôtre m'a transmis sur lo
nommé S.... Marius Eugène un certificat médical ainsi conçu :
a Instabilité mentale avec perversité des instincts ; peut être rendu
à sa mère qui le réclame ; s'est amélioré sous tous les rapports ;
envoyé en congé d'essai pendant 15 jours,il s'est très bien conduit. 0
D'autre part, à la date du 22 octobre précédent, le directeur de
Vaucluse m'a adressé sur ce malade un certificat détaillé dont je
vous envoie ci-joint copie (11, d'où il résulte que le nommé S...,
qui s'est plusieurs fois évadé de divers asiles où il était interné, et
dont les instincts semblent pervers, aurait de mauvaises habitudes,
et pourrait, à l'occasion, devenir dangereux pour son entourage.
Afin d'apprécier si ce jeune homme doit être rendu à la liberté,
je tiens il connaître votre opinion sur son état mental actuel. Jo
vous prie, en conséquence, de vouloir bien examiner S..., et me
transmettre le plus tôt possible un certificat avec conclusion for-
melle au point de vue de la sortie du malade, ou de sa maintenue
dans un asile d'aliénés.
Recevez, etc. Pour le Préfet de Police,
Le chef de la 1 re division.
X...
Cette lettre ayant été renvoyée à M. Bradiez, celui-ci a
répondu la lettre qui suit au directeur de Bicêtre.
23 avril.
Monsieur,
Par une lettre du 19 avril, vous voulez bien me donner avis
de la sortie du jeune S..., rendu provisoirement à sa famille par
M. le Dr Bourneville, et vous me demandez s'il me convient de
visiter cet enfant. Mes attributions ne comportent aucun contrôle
do ce genre sur une sortie jugée nécessaire par le médecin du
service qui peut, mieux que tout autre, apprécier l'état de son
malade.
Agréez, etc.
Dol BLACHEZ, médecin inspecteur des services
d'aliénés de Bicêtre.
19 avril. Nous voyons S... avec sa mère. Sa conduite est
régulière ; mais, comme son travail le retient tard, afin
d'éviter les mauvaises rencontres, sa mère lui cherche une
autre place. N'ayant pas de réponse de la Préfecture de
(1) Voir ce certificat à la page 154.
160 o LETTRE DU PRÉFET DE POLICE.
police, on renouvelle le congé, et on fait un second certificat
de sortie.
30 avril. S... quitte la photographie sur le désir de sa
mère, et entre chez un fabricant de couleurs qui est, nous
assure-t-on, très satisfait de sa conduite et de son travail.
Cependant cet homme, interrogé plus tard par l'un de nous,
dit que S..., qui n'est resté que fort peu de temps chez lui,
s'est montré cachottier, de mauvais caractère ; il ajoute
qu'il se tenait assez mal comme propreté.
Quelques jours après le second certificat, l'un de nous a
adressé au Préfet de police une lettre lui signalant l'absence
de réponse aux deux certificats ; à cette lettre M. le Direc-
teur de Bicêtre a reçu la réponse qu'on va lire :
Monsieur, Par votre lettre du 28 avril dernier, vous m'avez prié
de régulariser la situation du jeune S..., qui, en vertu d'un congé
temporaire, a quitté Bicêtre où il avait été interné d'office, et n'y
est pas rentré depuis lors.
Vous ajoutez que ce jeune garçon ne doit plus retourner à
l'Asile, et qu'il a été placé par sa mère chez un patron qui se
trouve satisfait de sa conduite.
Mon administration, dans aucun cas, ne peut procéder de la
sorte ; elle le peut encore moins dans l'espèce actuelle. Il s'agit en
effet, d'un jeune garçon qui a déjà été séquestré quatre fois dans
les asiles d'aliénés, qui s'est montré pendant longtemps anime de
mauvais instincts ; qui a été, jusqu'ici du moins, sujet à des im-
pulsions matérielles tellement dangereuses, qu'il n'a pu être con-
servé à Vaucluse, et a du être transféré dans votre établissement
à la suite du complot qu'il avait formé, et qui consistait à mettre
le feu à la colonie, afin de pouvoir, au milieu du tumulte, s'évader
avec 7 de ses camarades. Je dois ajouter qu'il se vantait d'avoir été
avant la séquestration le chef d'une bande de jeunes malfaiteurs
sous le pseudonyme de la Giberne.
C'est en présence de ce grave antécédent, que pour mettre com-
plètement à couvert la responsabilité de l'Administration, j'ai cru
devoir, après la réception du certificat afin de sortie que vous
m'avez transmis le 12 avril, charger M. le docteur Blachez de visiter
le jeune S.. , et de me fournir un certificat très explicite de son
état mental.
S... n'étant pas rentré à l'Asile, ainsi du reste que vous en
avez informé le D Blachez, à la date du 19 avril, l'examen médical
dont il s'agit n'a pu avoir lieu.
Dans tous les cas, mon intervention, je le répète, n'a plus de
raison d'être en présence du fait accompli.
Recevez, etc. Le Préfet de Police,
Signé : CAMescassE.
Dans cette lettre que M. le Préfet a certainement signée,
sans en connaître les termes, nous relèverons deux points :
OBSTACLES MIS A LA SORTIE. 161
1° M. le Préfet oublie que c'est lui-même qui, sur notre
demande, a autorisé les congés; que, par conséquent, en
accordant un congé au jeune S... et en le renouvelant, on
ne commettait aucune irrégularité.
2° Il oublie encore que ses bureaux avaient commis une
erreur en adressant à l'un de nous la lettre destinée à
M. Blachez.
3° Enfin, nous ajoutons qu'en faisant parvenir à M. Bla-
chez la lettre dont nous venons de parler,nous le prévenions
que l'enfant était en congé, mais qu'il lui serait conduit par
sa mère là où il le désirerait, afin de lui éviter tout dérange-
ment.
7 mai. La conduite de S... continue à être bonne. Il va
exactement à son travail, ne découche point, passe ses di-
manches à la Société de patronage de la rue Corvisart. Sa
santé est bonne. S... assure de nouveau quec'est seulement
à la colonie de Vaucluse qu'il a porté le nom de « la Giber-
ne. » - Un agent de la préfecture est venu le visiter ; il a
paru satisfait des renseignements, et fait espérer que la
sortie serait bientôt définitivement accordée. - Le congé
de S... est renouvelé.
28 ? nai. S... est allé avec sa mère chez M. le Dr Blachez
qui s'est étonné des difficultés apportées à la sortie. Malgré
les conseils que nous avons donnés à sa mère, celle-ci a
encore changé Marius de place ; il est maintenant en ap-
prentissage chez un corroyeur, rue Poliveau.
A maintes reprises, en mai et en juin, l'un de nous a eu
l'occasion de rappeler l'affaire de cet enfant à M. Camescasse.
Enfin, le 10 juillet, trois mois après la signature du certi-
ficat de sortie, le directeur de Bicétre a reçu l'arrêté sui-
vant.
Nous, Préfet de Police,
Vu notre arrêté en date du 18 octobre 1882 ordonnant la sé-
questration dans un asile d'aliénés du jeune S... (Marius-Eugène),
âgé de 16 ans, natif de Paris, domicilié chez sa mère, rue du
Vieux-Chemin, 20, à Ivry (Seine); Vu le certificat délivré le
12 avril 1883 par M. le Dr Bourneville, médecin à l'asile de Bi-
cêtre, constatant que le jeune S..., atteint de kleptomanie, pyro-
manie, etc., a quitté ledit asile en congé d'essai de 15 jours ; qu'il
s'est amélioré et qu'il y a lieu de le laisser en liberté ;
Vu les certificats en date des 19 avril et 28 mai derniers, où le
même médecin insiste pour que la situation du jeune S... soit régu-
larisée quoiqu'il ne soit pas rentré à l'asile ;
Vu les certificats rédigés les 26 avril et 20 juin 1883 par M. le Dr
Blachez, médecin-inspecteur des aliénés traités dans les asiles pu-
blics, commis par nous 11 1 "effet d'examiner le jeune S... au point
BOURNEVILLE, 1884. 11
162 ÉTAT DU MALADE DEPUIS SA SORTIE.
de vue mental, et de nous rendre compte de l'état intellectuel dans
lequel le jeune homme se trouve aujourd'hui; Vu enfin les ren-
seignements par nous recueillis, et desquels il résulte que la santé
du jeune S... s'est notablement améliorée, qu'il travaille régulière-
ment et que, depuis son départ de l'asile, il n'a éprouvé ni convul-
sions épileptiques, ni accès de trouble mental dangereux ;
Arrêtons : 1" Notre arrêté du 18 octobre 1882 ordonnant la sé-
questration du nommé S... (Marius-Eugène), est rapporté, et devient
nul, et de nul effet à partir d'aujourd'hui ; 2° Le présent arrêté,
dont une ampliation devra être adressée au directeur de Bicêtre,.
sera, en outre, notifié par le commissaire 'de police de la circons-
cription d'Ivry au jeune S... et à sa mère.
Le Préfet de Police,
- Signé : Camescasse.
11 juillet. La mère de S..., avertie que l'arrêté de sortie
avait été pris, nous amène son fils ce matin; elle répète que
sa conduite est bonne, que son patron est très satisfait de
lui, et qu'il est toujours dans la même maison.
1884. 15 janvier. Nous revoyons le malade à Bicêtre. Sa
mère, qui l'accompagne, assure qu'il a toujours travaillé
rue Poliveau, qu'on y est très content de lui. Tous les
samedis, il apporte sa paye à sa mère. Il va régulièrement à
l'école du soir de la rue Beaudricourt. Les dimanches, il
reste avec sa mère. Il n'a de fréquentation qu'avec un de
ses camarades d'enfance. Ni onanisme, ni rapports sexuels.
Léger duvet à la lèvre supérieure et sur les joues; les poils
commencent à être abondants à la racine des bourses qui
sont légèrement pendantes. Très légorvaricocèlo à gauche.
Testicules de lagrosseur d'une noix. Verge bien développée,
longue. Méat étroit, insertion du frein à droite. Gland
découvert, disposé en marteau d'une façon très pro-
noncée. Le jeune homme, pris à part, répète qu'il ne se
masturbe pas et qu'il n'a pas de rapports sexuels.
Sa mère, interrogée également à part, répète qu'elle en
est très contente. De temps à autre, encore, S... se mettrait
en colère ; il se contrarie vite, n'aime pas les observations.
C'est lui-même qui a demandé à venir nous revoir. La
santé physique est bonne ; le sommeil est en général excel-
lent. S... n'a plus « ses rêves dans lesquels il se levait la
nuit. » ,
4 mars. Il no travaille plus à son métier de corroyeur
parce qu'il n'y a pas d'ouvrage (on a renvoyé dix ouvriers).
Il voudrait entrer comme infirmier, métier pour lequel il a,
dit-il, toujours eu du goût.-Sa santé est bonne. Il assure
se bien conduire : je me méfie, dit-il. Taille : 1 m. 55.
ÉTAT DU MALADE EN 1884. 163
24 avril. Il est entré comme infirmier à la Pitié ; il y est
resté 15 jours, et a été renvoyé parce qu'il avait introduit
du kirsch. Il est actuellement sans ouvrage.
26 mai. S... est toujours sans place depuis qu'il a été
renvoyé de la Pitié. Il a travaillé un peu dans les cadres.
Depuis 3 semaines il ne fait rien. Pour la première fois, il
se présente aujourd'hui mal tenu, sa chemise déboutonnée
est sale, sa cravate tout de travers. De plus, il porte une
contusion à l'oeil droit : il s'est battu avec un de ses cama-
rades avec lequel il jouait de l'argent.
Depuis 3 semaines, il a une bonne amie qui a 16 ans ;
elle travaillerait ; c'est elle qui lui donne de l'argent pour
payer le garni où ils vont coucher ensemble.
28 mai. Hier, le directeur de Bicêtre s'est décidé à l'ac-
cepter dans la maison ; il l'a placé à la cuisine, mais on a
dit de suite à la mère que son fils était trop faible, qu'il ne
pouvait porter les marmites, et que, par conséquent, on
ne le garderait pas. Il est cependant à l'essai pour 24 heu-
res. Le lendemain il a été placé comme veilleur à l'Infir-
merie générale.
24 août. S... est toujours infirmier veilleur àl'Infirmerie.
Sa conduite avait été bonne jusqu'à la fin de juillet. Depuis
lors, il a été moins obéissant, cherche à sortir le plus sou-
vent possible. Il est moins poli, passe une partie de ses après-
midi à se promener dans les cours au lieu de se reposer.
Il a continué à avoir des relations avec la jeune ouvrière
dont il a été question et qu'il va voir quand il sort. En un
mot, aujourd'hui, sa conduite sans être mauvaise d'une
façon générale, laisse un peu à désirer. On n'a d'ailleurs
observé aucun trouble intellectuel, aucun acte malhonnête.
- Poids : 49 kilogr. 100. Taille : 1 m. 56.
Avant d'exposer les réflexions que nous semble com-
porter l'observation qui précède, nous croyons utile
d'en rapporter une autre, encore plus intéressante, et
dans laquelle les désordres pathologiques, qui, chez
Sim... (Marius), ont seulement entraîné l'internement
dans les asiles, ont eu des conséquences beaucoup
plus graves.
VIII.
Hystéro-épilepsie ( ? ) ; instabilité mentale avec
perversion des instincts ; impulsions ;
Par BOURNEVILLE, et LEFLAIVE.
Sommaire. - Père, peintre en bâtiments; saturnin,
alcoolique, aliéné ; mort d'urémie. - Grand-père pater-
nel, excès de boisson. Grand'mère paternelle morte
d'une congestion cérébrale. Grand'tante paternelle
suicidée. amère, convulsions dans l'enfance. - Grand.
père maternel alcoolique. Tante maternelle hémi-
plégique. - Sono" convulsions.
Conception durant l'aliénation du père. Grossesse acci-
dentée par des émotions; perte de connaissance.
Premières convulsions à 2 ans et demi.- Cauchemars.
- Fugues solitaires et fréquentes. Arrestations
pour vagabondage. Apprentissages multiples. -
Première condamnation pour vagabondage etm.araude.
Seconde condamnation (décembre 1879). - admis-
sions successives dans divers hôpitaux. Simulation.
De 13 à 16 ans, syncopes. Début des attaques
en juillet 1880 (17 ans). État de mal hystérique.
- Contusions. - Admission à la Pitié : nouvelles
attaques. Envoi à Sainte-Anne. - Etat du malade
à l'entrée à Bicêtre. - Hémianesthésie incomplète à
droite. - Influence de l'aimant. - Hypospadias. -
- Onanisme rare. - Accusation de simulation ; aveux.
- Tentative de suicide. - Tentative d'évasion.
Amélioration. - Exeat. Conduite régulière :
5 mars-août 1881. Fugue subite. Arrestation au
Havre pour vol d'un pain. - Condamnation à la
prison. Peine subie à la prison de Gaillon : incidents
durant son séjour. Retour à Paris; conduite régulière
ANTÉCÉDENTS HÉRÉDITAIRES. 165
du 16 mars au 20 octobre. -Nouvelle fuite; vagabon-
dage ; vol en commun : arrestation : condamnation a
8 ans de prison et 10 ans de surveillance. - Confir-
mation en appel. - Intervention auprès du Président
de la République et du ministre de la justice : insuccès
complet. - Tuberculose pulmonaire. - Mort.
Le nommé Brig... Albert, âgé de 17 ans, est entré à
Bicêtre le 1" septembre 1880 (service de M. Bourneville).
Renseignements fournis par sa mère (15 nov. 1880).
Père, peintre en bâtiments, n'aurait jamais eu de coliques
de plomb, ni de paralysie, bien qu'une note de M. Magnan,
à Sainte-Anne, constate qu'il présentait les signes de
l'intoxication saturnine. Sa femme en parle comme d'un
homme très rangé u de conduite », ne faisant pas d'excès
alcooliques, fumant modérément, et tellement régulier
qu'il serait resté 37 ans chez le même patron. Il était sujet
à des colères très fortes, mais toujours motivées; il n'au-
rait jamais été malade avant 1869, où il fut admis à Cochin
« déraisonnant déjà » puis transféré à Sainte-Anne en
1870. Rendu à sa famille au bout de six mois, il est mort à
Necker en 1875, d'accidents urémiques, à l'âge de 53 ans.
De ce côté, on ne nous signale comme accidents nerveux
que de l'insensibilité du côté gauche, à plusieurs reprises
(voir plus loin). Son fils au contraire nous le représente
comme ayant eu des coliques de plomb et étant sujet à des
attaques de nerfs. Il raconte même avoir assisté à plusieurs
de ces crises qui auraient consisté en grandes convulsions
toniques et cloniques, avec congestion de la face et agita-
tion violente ; après un certain temps de calme relatif,
l'attaque reprenait et ainsi de suite pendant plusieurs
jours ; à la suite de ces crises, ajoute-t-il, il persistait une
exaltation durant plusieurs mois et pour laquelle on l'a
fait entrer à Sainte-Anne. Il y aurait été à trois reprises et
environ 8 à 10 mois chaque fois. Enfin, M. Magnan a bien
voulu nous envoyer des renseignements desquels il résulte
qu'admis à Sainte-Anne le 4 février 1870, cet homme était
alcoolique, que ses facultés intellectuelles avaient nota-
blement baissé, qu'il était en proie à des poussées de délire
alcoolique, à des hallucinations et à des idées mélanco-
liques. Le 25 juin 1870, au bout de 5 mois de traitement,
il fut rendu très amélioré à sa femme. [Père, mort à
83 ans de la pierre ? peintre en bâtiments, aurait fait quel-
ques excès de boisson. D'après les dires de notre malade à
la fin de sa vie, il s'enfermait chez lui, croyant qu'on vou-
166 ANTÉCÉDENTS PERSONNELS.
lait le tuer. Mère, morte probablement d'une congestion
dérébrale, était lingère, sobre, aurait eu quelquefois des
moments d'absence dans les dernières années de sa vie.
Rien de plus à signaler du côté paternel de notre malade,
sinon le suicide d'une soeur de son grand-père].
Mère, 48 ans (en 1880), coloriste, bien portante, n'a pré-
senté comme accident nerveux que des convulsions dans
l'enfance : sa tenue est convenable ; elle a une intelligence
ordinaire. [Père, alcoolique, mort du choléra en 1849. -
Mère, non nerveuse, morte à 51 ans d'une fluxion de poi-
trine. Une sceur. paralysée du côté droit depuis l'âge
de 30 ans, est morte à la Salpêtrière en 1883. Pas d'aliénés,
etc.] - Pas de consanguinité.
Noire malade a eu un frère et trois soeurs, dont une
seule a présenté des convulsions (morte à 6 mois); une
autre est morte à 3 ans du croup. Les autres 'sont bien
conformés et bien portants.
Deux mois avant la conception de notre malade, son
père avait eu la tête un peu dérangée pendant quinze
jours : il ne travaillait pas, ne dormait pas, parlait sans
cesse et avait des idées absurdes. Pendant la grossesse.
la mère eut des chagrins causés par plusieurs accès de
folie de son mari, qui, sous l'influence de son délire, vou-
lait se jeter par la fenêtre. Vers le 4" mois, pendant la
nuit, un accès de ce genre lui causa une telle peur qu'elle
perdit connaissance pendant trois heures. L'accouche-
ment se fit à terme et fut naturel. L'enfant, qui ne présen-
tait rien d'anormal à la naissance, fut élevé au sein par sa
mère pendant deux mois, puis par une nourrice jusqu'à
14 mois. A ce moment, il commençait à parler, était pro-
pre, mais n'a marché qu'à 18 mois.
Envoyé à l'asile à 3 ans, puis à l'école, il y resta jusqu'à
près de 13 ans ; il apprenait assez bien et ne causait guère
de désagréments à sa famille. A 2 ans 1/2, il eut des
convulsions pendant 10 à 15 minutes, avec agitation des
membres sans prédominance d'aucun côté. A quatre ans,
il eut la rougeole, puis une légère varioloide et enfin, vers
5 ans, la scarlatine.
Très impressionnable, colère, il était, dès ses premières
années, sujet à des peurs, à des visions la nuit. Ces
cauchemars, ces terreurs nocturnes, qui lui faisaient pous-
ser des cris, ont duré jusqu'à l'âge de 13 ans. Mis alors en
apprentissage comme régleur, il n'y est resté que 2 mois,
nous dit sa mère ; comme il s'ennuyait elle le fit travailler
avec elle. A la maison il était tranquille, mais de temps
ANTÉCÉDENTS PERSONNELS; ARRESTATIONS. 167
en temps, presque toutes les semaines, il se sauvait de chez
lui; toute la journée il restait dehors, ne rentrant que dans
la nuit, sans avoir mangé; « il dévorait en rentrant. » Il
paraît que pendant longtemps, dans ces fugues, il évitait
tout le monde ; à maintes reprises, des voisins l'ont trouvé
seul auprès des fortifications. Trois fois il aurait été arrêté
comme vagabond et rendu à sa mère.
Suivant la version de notre malade, au sortir de l'école, il
fut condamné pour vagabondage à 2 mois de prison subis à
la Petite Roquette. Mis en apprentissage chez un peintre, il
n'y resta que peu de temps et fut successivement employé
comme régleur, pendant un an, puis comme tireur de
feuilles pendant quelques mois. Vers la fin de janvier 1879,
il alla en compagnie de quelques enfants de son âge,
vagabonder et marauder aux environs de Paris; il fut pour
cela condamné à 6 jours do prison. D'après une lettre qu'il
écrivit à M. Macé dans les premiers temps de son séjour
à Bicêtre, les jeunes gens qu'il fréquentait alors, étaient
des maraudeurs qui dévalisaient Clamart et Vanves, et
qui joignaient à cette industrie la fabrication de fausse-
monnaie ( ? )
Nous n'avons guère de renseignements sur ce qu'il fit
en sortant de prison. D'après ce qu'il écrit à M. Macé, il
semble avoir continué à fréquenter ce qui restait de la
bande des faux-monnayeurs de Clamart. Il nous raconte
qu'enfin, le 19 août 1879, il était allé avec trois amis déva-
liser un jardin qu'ils croyaient inhabité. Signalés par des
ouvriers qui leur jetèrent des pierres, poursuivis par le
gérant do la maison, ses camarades se sauvèrent, mais lui
fut pris et conduit à Mazas. Là, il tenta de se suicider ( ? )
et pour ce fait, fut mis en cellule double. Après avoir
dénoncé toute la bande, il fut jugé le 15 octobre et con-
damné à G mois de prison, qu'il lit à la Santé (6 décem-
bre 1879-6 juin 1880).
Les renseignements qu'il donne sur ce qui se passa à sa
sortie de prison sont peu précis. Les dénonciations qu'il
avait faites, ainsi que sa mère, et qui avaientété suivies de
condamnations, lui ayant attiré la haine de ses anciens
amis, il ne paraît pas avoir repris sa vie de maraudeur et
de vagabond. Ses anciens camarades, pour s'en venger,
venaient la nuit, en bande de 8 ou 10, devant la maison
qu'il habitait, criant : Brig...). Brig... ! , l'injuriant. Parfois
ils suivaient sa soeur et la menaçaient. C'est pour ces rai-
sons que sa mère changea de domicile. Durant quelques
mois, B... se fit successivement admettre dans plusieurs
hôpitaux pour des motifs variables. De ses récits discor-
168 II1'ST);ItO-LPILI;P.sI.
dants, on peut conclure qu'au commencement de 1880,
il entra à Laënnec où, dit-il, il fit semblant de tomber. Il
dit également avoir été soigné par M. Bernutz, à la Cha-
rité, pour un rhume, avoir passé les mois d'avril et mai
1880 à l'Hôtel-Dieu, chez M. Sée, pour de l'anémie et une
fissure à l'anus (dilatation brusque) ; enfin, au commence-
ment du mois d'août, il entra chez M. Dumontpallier à la
Pitié. Comme il troublait le repos des autres malades, par
ses attaques, M. Dumontpallier le fit conduire à Sainte-
Anne, d'où il fut dirigé sur Bicêtre le 1er septembre 1880.
D'après ses dires, qui, du reste, coïncident avec les ren-
seignements donnés par sa mère, la maladie nerveuse qui
l'a fait entrer dans cet hospice, aurait débuté en juillet
1880. Notons cependant que depuis l'âge de 13 ans, il aurait
eu de temps en temps, cinq fois par an environ, des syn-
copes. Dans les premiers jours de juillet, il avait eu une
dispute avec des camarades et était tombé à l'eau ; de là
une grande émotion, mais sans accidents immédiats. Huit
jours après, il se promenait avec sa mère, quand tout à
coup il eut une sensation de froid au niveau du front, s'ir-
radiant dans tout le corps jusqu'aux pieds ; en même
temps, il sentit comme une petite boule qui lui remontait
de l'épigastre au cou et produisait là une sorte de cons-
triction. Il eut à peine le temps de dire à sa mère qu'il se
trouvait indisposé ; puis, subitement, il tomba à terre et
fut pris de convulsions qui durèrent une heure et un
quart. Deux heures après la première attaque en survint
une seconde, puis une troisième. De nouvelles attaques
se produisirent ainsi pendant trois jours, ne présentant
entre elles que des intermittences très courtes. On avait
dû disposer des matelas à terre et son corps était couvert
de bleus et d'égratignures. Cet élat de mal hystérique ne
cessa que sous l'influence d'inhalations de bromure ou
d'iodure d'éthyle(' ? ). Les attaques ne tardèrent pas à repa-
raitre, et c'est alors que Brig... entra à la Pitié, chez
M. Dumontpallier. Là, il aurait encore eu de nouvelles
attaques. C'est à cause des inconvénients résultant, pour
les autres malades, de ses attaques, que M. Dumontpallier
se décida à l'envoyer à l'Asile clinique (Sainte-Anne).
Etat actuel (5 septembre 1880). Tête régulière; front
assez élevé, droit ; visage symétrique ; oreilles à peine
ourlées, lobule adhérent.
ÉTAT DU MALADE EN 1880. 1 69p
170 ZONES HTSTI31loGisN.S; AIMANT.
ron un an, nous dit le malade. Le coté droit de la langue
est insensible aux substances sapides et aux piqûres.
L'ouïe est moins bonne à droite; le bruit de la montre est
cependant perçu de ce côté à une distance de dix centimè-
tres. L'odorat est obtus du môme côté-seulement.
Zones hystérogènes. Pas do clou, mais douleur coustric-
tivc au niveau du front au moment où il va avoir son
attaque. Au-dessous des fausses côtes de chaque côté,
points grands comme une pièce de cinq francs où la pres-
sion produit une sensation de chatouillement intense, que
le malade compare à la sensation causée par le chatouille-
ment de la plante du pied et qui lui répond dans la tête.
Plus bas, au niveau de la fosse iliaque droite, autre point
grand comme une pièce de cinq fraucs, où la pression
même légère, donne la sensation d'un poids considérable
et répond dans la tête en donnant au malade une sensation
particulière. Bien que cette zone existe du côté de l'hémi-
anesthésie, la sensibilité cutanée est conservée à ce niveau.
Au-dessous des côtes, au niveau des carrés lombaires, de
chaque côté, existe encore une région large comme la
moitié de la paume de la main, et où la pression produit
une sensation de chatouillement toute spéciale qui, selon
l'expression du malade, « le retourne tout entier. u La
pression sur les apophyses épineuses et dans les gouttières,
ne réveille aucun point spécial. Ces points ne sont pas du
reste de véritables zones hystérogènes, mais plutôt des
régions où la pression cause une sensation particulière de
chatouillement exagéré.
24 septembre. Un aimant est appliqué sur la partie ex-
terne de la cuisse droite à 1 h. 17 du soir; la sensibilité,
préalablement explorée, est très obtuse de ce côté ; les plus
forts pincements ne sont pas perçus sur la région externe
du membre, ni au pied. Au tronc, la sensibilité est très
obtuse, mais incomplètement abolie. A 1 h. 28, sensation
de grande pesanteur et de fatigue dans le membre infé-
rieur droit. A 1 h. 30, fourmillements aux extrémités des
orteils ; la sensibilité est revenue aux environs des pôles
de l'aimant et un peu à la partie la plus externe du mem-
bre inférieur; mais la face interne est encore absolument
insensible ; le membre inférieur gauche est très sensible.
Le bras droit commence a être sensible. A 1 h. 31,.oscil-
lation. La zone qui entoure le point d'application de l'ai-
mant perd la sensibilité qu'elle avait acquise, mais le reste
du membre devient sensible ; sensation de tiraillement au-
SIMULATION. 171 1
dessus du genou. A 1 h. 42, la sensibilité reparaît vers les
pôles de l'aimant ; elle diminue un peu dans la région cor-
respondante de la cuisse gauche; la pesanteur dans le
membre droit persiste, surtout vers le genou. A 1 h. 45, la
sensibilité existe dans tout le côté droit, sauf aux doigts de
la main, et sur le côté droit de la muqueuse buccale. Le
tiraillement des poils n'est pas perçu au niveau de la cuisse
droite. L'état des yeux n'a pas changé ; c'est toujours le
droit qui est le moins bon ; la vue est brouillée de ce côté.
L'état ainsi obtenu a persisté jusqu'au 7 octobre, et
pendant toute cette période, le malade n'a pas eu d'atta-
ques. Elles ont reparu avec l'hémianesthésie, qui est com-
plète à la date du 15 octobre. (Les recherches relatives à
la sensibilité, ont été faites avec les plus grandes précau-
tions).
4 novembre. Deux lettres anonymes de ses compagnons
l'accusent d'être un simulateur. Lui-même écrit à M. Bour-
neville qu'il a simulé des attaques et de l'hélllianesthésie à
Laënnec pour passer l'hiver à l'hôpital; qu'il a fait sem-
blant de tomber à la Pitié et qu'il a continué ce rôle pour
venir à Bicêtre. La sensibilité est en grande partie reve-
nue à droite ; la douleur à la pression sur les zones hysté-
rogènes est très diminuée.
8 décembre. Depuis quelque temps, Brig... est employé
dans l'après-midi à la buanderie. Hier vers 3 ou 4 heures
on l'a trouvé au fond de la cour de l'étendage, pendu à un
treillage haut de 1 m. 60; ses pieds traînaient par terre.
On s'est aperçu de suite de cette tentative de suicide, et on
l'a détaché. Pas de modification de la face ; la constriction
ne paraissait pas avoir été très forte ; ses pieds, d'ailleurs,
touchaient le sol. On l'a ramené sur un brancard ; mais du
lieu de la tentative au brancard, il a fait cinq ou six pas,
les yeux ouverts et ayant sa connaissance. On l'a monté à
l'infirmerie, on l'a couché ; il grelottait de froid. Au bout
de quelques instants, il a fait un arc de cercle durant trois
ou quatre secondes, et est tombé sur son lit. Puis on lui a
fait boire un peu de vin et il a dit se trouver mieux. Dans
la soirée il a manifesté le regret de n'avoir pas réussi à se
pendre.
17 décembre. Douleur névralgique lancinante dans la
gouttière vertébrale au niveau du 5° espace intercostal et
au niveau du rebord des fausses côtes du côté gauche.
Douleur intermittente dans le genou s'accompagnant de
flexion de la jambe sur la cuisse, comme par une secousse.
Injections de morphine.
26 décembre. La sensibilité existe des deux côtés.
172 SORTIE. NOUVELLE ARRESTATION.
1881. 3 janvier. Tentative d'évasion hier soir en compa-
gnie d'un de ses camarades. Envoyé à la Sûreté.
5 mars. Depuis le mois de décembre, il n'a pas eu d'at-
taques. Sa conduite a été bonne. Pendant son séjour il a
été régulièrement à l'école, où il n'a fait que des progrès
insignifiants.
DERNIÈRE ARRESTATION. MORT. 173
jours de cachot pour injures aux agents, murmures. Du
15 mars au 14 avril, il va 8 fois à la visite sous des pré-
textes variés. Dans les nombreux motifs invoqués, on ne
constate de réel qu'une adénite cervicale. Du 15 avril au
13 juillet, il encourt quatre condamnations successives de
cachot ou de consigne (trois mois au total) pour refus de
travailler (1).
Pendant le reste de son séjour à Gaillon, il ne s'attire
plus de nouvelles peines, mais il ne cesse d'aller à la
visite médicale. Une fois seulement, il est admis à l'infir-
merie pour indigestion. Sorti de prison, du 16 mars au
20 octobre 1883, il travaille avec sa mère. A ce moment, il
la quitte pour vagabonder avec trois ou quatre hommes et
une jeune femme. Le 8 décembre, il est arrêté pour avoir
engagé sous son nom, au Mont-de-Piété, une montre
volée. Durant son absence, il est venu plusieurs fois au
voisinage du domicile de sa mère, l'a fait appeler pour lui
demander quelques secours. Celle-ci l'a engagé à revenir
mais la jeune fille qui était avec lui, l'a retenu. Le 11 dé-
cembre 1883, il a été condamné en police correctionnelle,
à 8 ans de prison et 10 ans de surveillance, jugement qui
a été confirmé en appel, le 15 janvier 1884. c
Nous sommes intervenus, sur la demande de la mère
d'après l'avis de l'avocat ; mais ni le certificat circonstancié
que nous avons remis, ni nos appels à la bienveillance
de M. le président de la République et de M. le ministre
de la justice n'ont eu de résultat.
Peu après sa condamnation, étant à Maxas, il est tombé
malade et a été envoyé à l'infirmerie de la prison de la
Santé, où il est resté environ une semaine. Il a été ensuite
envoyé à la Grande Roquette. Au bout de peu de temps,
sa maladie s'étant aggravée, il a été transféré de nouveau
à la Santé, où il est mort de tuberculose pulmonaire, le
7 juin 1884.
(1) Le régime du cachot consiste en pain sec, eau et soupe
seulement tous les 4 jours; il ne peut être infligé pendant plus de
30 jours consécutifs.
IX.
Réflexions sur les deux observations qui
précèdent.
Examinons tout d'abord la situation des familles et
les antécédents de ces deux malades.
I. Le père de Sim... larius, sur les ascendants duquel
nous manquons de renseignements précis,était 017 c2n2St;
il avait essayé de se suicider; il est mort apoplectique.
Sa mère a été sujette à des migraines et à des étourdis-
sements. L'un de ses grands pères maternels est mort
à sa troisième attaque de paralgsie. Un oncle du
même côté a eu un accès de folie. Une soeur, née
avant lui, a succombé aux convulsions. A cet ensemble
de mauvaises conditions du fait de l'hérédité, il faut
ajouter la disproportion d'âge des parents que divers
auteurs ont accusé de jouer un certain rôle dans la
production des dégénérescences.
Or, à l'époque de la naissance de Sim..., son père
avait 66 ans et sa mère 39, soit une différence de
vingt-sept ans. Ce n'est pas tout encore : Sim... est né
avant terme et la femme qui le nourrit devint folle et
n'en continua pas moins l'allaitement.
Toutes ces influences devaient agir sur la constitu-
tion de Sim... et la modifier dans un sens profondément
pathologique. C'est ce qui est arrivé. Dès l'enfance, il
manifestait des penchants à la destruction et présentait
des phénomènes nerveux inquiétants. Depuis lors
jusqu'à son entrée à Bicêtre, son existence a été acci-
dentée soit par des faits témoignant de son instabilité
INFLUENCE DE L'HÉRÉDITÉ. 175 5
mentale et de sa perversion morale, soit par des
troubles morbides graves.
A ces derniers se rattachent l'habitude de se lever la
nuit, les accès de colère, le somnanbulisme, une con-
gestion méningitique consécutive à une insolation, des
crises nerveuses qui ont été rattachées à l'hystéro-épi-
lepsie par M. Magnan, les frayeurs nocturnes, les tenta-
tives de suicide, les hallucinations de la vu e, etc.
L'instabilité mentale est mise en relief par le
besoin incessant de S... de changer de place, par les
nombreux essais d'apprentissage qui ont été tentés.
Quant à la perversion morale, elle est caractérisée
par ses instincts de destruction, par sa manie du vol
(kleptomanie), sa turbulence qui l'avait fait surnommer
Polichinelle, ses habitudes d'onanisme, ses tendances
à l'ivrognerie, les nombreuses irrégularités de sa con-
duite, son besoin de grimper partout, de jouer de mau-
vais tours à ses voisins, de casser, de briser, de déchi-
rer, d'incendier, de tramer des complots, etc.
Cinq mois après son admission à Bicêtre, la conduite
de S. étant convenable et tous les troubles intellectuels
ayant disparu, nous avons cru qu'il était de notre
devoir de le rendre à la liberté. On a vu quelles diffi-
cultés cette mesure avait rencontrées : nous n'y revien-
drons pas. Depuis cette époque, avril 1883, jusqu'à la
fin de 1884, sa conduite, sans être absolument bonne, a
été passable et, en tout cas, il ne s'est rendu coupable
d'aucun méfait.
II. L'hérédité, qui a joué un si grand rôle chez
Sim..., n'a pas eu une moindre influence chez Albert
Brig... Deux de ses grands parents ont fait des excès de
boisson. Son père a été aliéné, il a fini par succomber.
L'une de ses grand'mères est morte d'une congestion
cérébrale; l'une de ses grand'tantes s'est suicidée;
une tante a été paralysée; enfin sa mère a été atteinte
des convulsions durant son enfance. Mais il n'y a pas
176 INFLUENCE DE L'HÉRÉDITÉ.
que l'hérédité à invoquer aupoint de vue de l'étiologie ;il
y a encore l'action de deux causes puissantes, réunies chez
le père : l'alcoolisme et l'intoxication saturnine. Tout
le monde s'accorde à reconnaître les mauvais effets de
l'alcoolisme des parents sur leurs enfants. Pour être de
connaissance moins vulgaire, l'influence des professions
insalubres, telles que la profession de peintre en bâti-
ments, n'en est pas moins certaine. Notre ami, le
Dr F. Roque, l'a mise en évidence dans une note inté-
ressante (1).
Tandis que Sim... a été allaité par une nourrice
folle, Brig... a été conçu alors que son père était aliéné
et sa mère, en le portant, a été sans cesse exposée à des
émotions profondes par l'aliénation de son mari. Brig...
naquit avec une malformation de la verge très pro-
noncée, un hypospadias. Dans son enfance, il a eu des
convulsions, puis, de même que Sim..., des frayeurs
nocturnes et, plus tard, à la suite d'une peur, des
attaques cl'hystdi-o-épilepsie. De même aussi que Sim ?
il essaya, plus ou moins sérieusement et à plusieurs re-
prises, de se suicider. L'instabilité mentale s'est tra-
duite chez lui par des fuites fréquentes et non motivées
de la maison maternelle. Il errait seul pendant toute
une journée et rentrait le soir exténué de fatigue et de
faim, sans avoir commis le plus léger délit. D'autres
fois, craignant des reproches qui s'accentuaient sans
doute à mesure de la répétition de ses fautes, il n'osait
rentrer. C'est dans ces conditions qu'il a été arrêté trois
fois comme vagabond et rendu il ses parents.
Durant une période assez longue, il s'isolait dans ses
fuites ; mais il était trop exposé à rencontrer de mau-
vaises compagnies pour y échapper. Aussi ne tarda-t-il
pas à être entraîné par d'autres jeunes gens de conduite
suspecte. C'est à partir de là qu'il est arrêté et condamné
à des peines de plus en plus sévères.
(1) Roque (F.). Des dégénérescences héréditaires produites
par l'intoxication saturnine lente.
TABLEAU DES ARRESTATIONS. 177
Nous avons tenu à vérifier tous ses dires et le récit de
sa mère. Nous avons demandé des renseignements dans
les divers hôpitaux où il a été successivement admis.
Les réponses ont été conformes. En ce qui concerne ses
arrestations et ses condamnations, le relevé ci-après
montre aussi que ses déclarations avaient été exactes.
22 novembre 1876. Arrêté, avec un nommé Isab..., pour vaga-
bondage. Ce dernier prétendait avoir été entraîné par Brig... à
Versailles, afin d'assister au spectacle. Brig... avoua qne c'était la
troisième fois qu'on l'arrêtait pour vagabondage. Il fut rendu à sa
mère.
10 juillet 1877. Trouvé la nuit couché dans une voiture à bras,
sur la voie publique. Déféré au parquet. Rendu sans condamna-
tion.
17 février 1879. Arrêté par la gendarmerie de Montrouge pour
vol d'une boite de sardines chez un épicier. Condamné à 8 jours
de prison (8 mars 1879).
19 avril 1879. Arrêté à Gentilly avec deux autres jeunes gens de
son âge, pour filouterie (dépense de 5 fr. chez un marchand de vin
qu'ils n'ont pu payer). Condamné le 21 avril à un mois de prison.
9 août 1879. Vol de pommes de terre dans les champs, auprès
d'Arcueil. Condamné, le 15 octobre, à huit mois de prison. (C'est
pendant qu'il faisait cette peine qu'il a été conduit à la Pitié (ser-
vice de M. Dumontpallier), transféré à Sainte-Anne, et enfin à
Bicêtre).
16 septembre 1882. Arrêté dans la Seine-Inférieure pour tenta-
tive de vol d'un pain, et condamné, à Rouen, à dix-huit mois de
prison. (Cette peine a été subie à la prison de Gaillon. Voir p. 172.)
31 août 1883. Arrêté pour complicité de vol et condamné à 8
ans de prison et 10 ans de surveillance.
L'histoire de Sim..., Marius, et de Brig..., Albert,
montre d'une façon indubitable, croyons-nous, qu'il s'a-
gissait là de deux malades. Le premier a eu la chance
de n'encourir aucune condamnation; l'autre, au con-
traire, a subi des condamnations de plus en plus graves :
c'était un récidiviste. A notre humble avis, il aurait dû
être sérieusement examiné au point de vue médical, et
au lieu d'être emprisonné, il aurait dû être interné dans
un asile, en attendant que la société, plus humaine, ait
créé des établissements spéciaux pour ces dégénérés,
et, dans la plupart des cas, parfaitement susceptibles
d'être améliorés. Si parmi les jeunes gens récidivistes,
il en est qui sont responsables, il y en a un grand nom-
BOURNEVILLE, 1884. 12
178 DÉGÉNÉRÉS ET RÉCIDIVISTES.
bre, comme Brig..., qui méritent l'indulgence et sont
tout à fait dignes de pitié. ,
. Peut-être aurions-nous hésité à présenter ces consi-
dérations si nous n'y avions été encouragé par le sou-
venir des paroles prononcées autrefois par l'un de nos
maîtres, le professeur Axenfeld, à la fin de sa mémo-
rable conférence sur Jean Wier et les sorciers.
ce Quand vous entendrez dire de certaines natures
scélérates que leurs mauvais instincts se sont révélés
dès l'enfance, s'écriait-il dans sa péroraison, que le démon
de la perversité les poursuit, que ce sont des anomalies,
des monstres vomis par l'enfer, il vous semblera recon-
naître dans ce langage comme un écho de celui que
parlaient le Moyen âge et la Renaissance. L'idée de
prédestination, de fatalité, d'asservissement que ces
mots expriment (ou plutôt qu'ils trahissent), peut-elle se
concilier avec celle de liberté absolue ? N'implique-t-elle
pas l'enchaînement de la volonté, ou tout au moins
l'absence de cet équilibre idéal, où l'un imagine les ré-
sistances proportionnelles aux impulsions, la raison aux
penchants ? Que devient la terrible uniformité du juge-
ment en face de l'aptitude infiniment inégale des indi-
vidus pour le bien et pour le mal ? Là, Messieurs, là est
la circonstance atténuante universelle, et comme pre-
mier bénéfice, elle devrait rendre la personne humaine
sacrée, même sous ses aspects les plus repoussants.
« Mais ces parias, ces types dégradés de l'espèce,
déformations à peine reconnaissables de l'être normal,
qui se sentira jamais le courage de les regarder de près
et en face ? Qui ? Le médecin; l'homme qu'aucune lai-
deur ne fait reculer et qui a désappris tous les dégoûts.
Peut-être parmi les jeunes esprits à qui j'ai l'honneur
de m'adresser en ce moment, s'en trouvera-t-il un qui
se laissera gagner à l'attraction de cet important sujet
d'étude; peut-être un médecin nous montrera-t-il un
jour à quelles conditions primordiales de l'organisme se
lient le vice et le crime, qui sont comme la diathèse et
DÉGÉNÉRÉS ET RÉCIDIVISTES. 179
la maladie morale; d'après quelles lois ils s'associent
aux défectuosités intellectuelles ou physiques, ou s'en
isolent; pourquoi les influences éducatrices les mieux
dirigées n'en peuvent toujours préserver, pas plus que
l'hygiène ne décide à elle seule de l'éclosion ou de
l'avortement des germes morbides innés. La vérité qui
se dégagera de ces investigations, c'est qu'en définitive
l'infirmité la plus haïssable est aussi la plus digne de
pitié (1). »
(1) Conférences historiques faites à la Faculté de médecine
de Paris, pendant l'année 1865. ' z
NOTE
Nous avons reçu de M. le procureur général de la République
à Rouen, la note suivante, relative à l'arrestation et à la condam-
nation de Brig..., à Rouen. Un sieur Lee..., habitant une commune
des environs du Havre, labourait près de son habitation; il
entendit un bruit de vitres brisées et s'empressa d'en rechercher la
cause, il surprit 'dans une pièce de sa maison, Brig ? qui s'y était
introduit en brisant une fenêtre, après en avoir escaladé le support.
Son camarade faisait le guet autour de la maison.
Quand il fut. appréhendé, Brig..., présenta à Lee..., un morceau
de pain qu'il tenait il la main et qui fut saisi comme pièce it
conviction ; il prétendit n'avoir pénétré dans la maison, que poussé
par la faim et pour s'emparer du pain qu'il avait aperçu au travers
des carreaux.
Devant le juge d'instruction, le témoin Lee... a affirmé que. le
pain qui se trouvait chez lui, était du pain de ménage, tandis que
celui saisi sur Brig... était du pain de boulanger; on a dû croire
par suite, que l'intention de Brig..., arrêté avant d'avoir pu
s'emparer de quelque objet plus utile, était de ne pas s'en tenir à
un vol de pain et qu'il n'avait fait par ce moyen qu'un simulacre.
C'est il, cela que se réduit cette affaire. Le 22 août 1881, Brig...,
fut condamné à 18 mois de prison, par le tribunal du Havre,
jugement confirmé sur son appel, le 16 septembre suivant.
Voici une autre note, qui, comme la précédente, nous arrive un
peu en retard, concernant les motifs de la dernière arrestation.
« Le 22 octobre 1883, Br... et un nommé Ramb..., après avoir
passé la soirée en compagnie du sieur Loise ? et l'avoir enivré au
« Château-Rouge », cabaret mal famé de la rue Galande, se sont
jetés sur lui dans la rue de la l\1ontagne-sainte-Geneviève et l'ont
dévalisé... »
TABLE DES MATIÈRES
PREMIÈRE PARTIE
Histoire du service pendant l'année 1884.
TABLE DES MATIÈRES. 181
DEUXIÈME PARTIE
Clinique.
LÉGENDE DU PLAN
"
HOSPICE DE BICÊTRE
EXPLICATION DES PLANCHES
184 EXPLICATION DES PLANCHES.
PLANCHE I.
Face convexe de l'hémisphère droit; foyer ancien.
Par une erreur, qui n'a pu être réparée, de l'imprimeur litho-
graphe, il faut lire les lettres à rebours.
Fl , F2, F3 , Première, seconde. et troisième circonvolutions
frontales.
i Fl, Insertion de la première circonvolution frontale.
i F2, Insertion de la seconde circonvolution frontale.
F a, Frontale ascendante.
P a, Pariétale ascendante.
SR, Sillon de Rolando.
P,, Pli pariétal supérieur.
PC, Pli courbe.
Ti, Première circonvolution temporale ; elle envoie un pli de pas-
sage au lobule de l'insula dans le fond de la scissure de Sylvius.
T2, Seconde circonvolution temporale.
SPP, Scissure parallèle.
LC (il faudrait LI), Lobule de l'insula.
Leuba. litho ' Imp3ecqueH.fr. Pari
Leu«6a, Iiik. 1-mp -Becquet ir.Paris.
EXPLICATION DES PLANCHES. 185
PLANCHE II.
Face interne de l'hémisphère droit; foyer ancien.
FI, Première circonvolution frontale.
LP, Lobe paracentral. *
LC, Lobe carré.
LC, Coin.
LO, Lobe occipital.
CC, Circonvolution du corps calleux.
0, Corps calleux.
CS, Corps strié.
CO, Couche optique.
CH, Circonvolution de l'hippocampe.
Ti, Quatrième circonvolution temporale.
186 EXPLICATION DES PLANCHES.
PLANCHE III.
Face convexe de l'hémisphère gauche.
Même erreur d'impression.
Fl, F, F3, Première, deuxième et troisième -circonvolutions
frontales.
F a, Frontale ascendante.
P a, Pariétale ascendante.
Pl, Pli pariétal supérieur.
P2, Pli pariétal inférieur.
P c, Pli courbe.
LO, Lobe occipital.
Tt Première circonvolution temporale.
LI, Lobule de l'insula.
P, Pli de passage envoyé au lobule de l'insula par la première
circonvolution temporale.
Cette planche permet de comparer la face convexe de l'hémis-
phère sain avec l'hémisphère malade et de se rendre compte du
retentissement de la lésion sur les circonvolutions non lésées.
Leuba killi.
1mp.B ecque L [,. Paris.
l.euba litli. Imp.Bec'J.uet &. Paris.
EXPLICATION DES PLANCHES. 187
PLANCHE IV.
Face interne de l'hémisphère gauche.
FI, Première circonvolution frontale, coupée par un sillon ver-
tical, S.
C c, Circonvolution de corps calleux.
C, Corps calleux.
LP, Lobe paracentral.
LQ, Lobe carré.
LC, Coin.
LO, Lobe occipital.
CS, Corps strié.
CO, Couche optique.
CH, Circonvolution de l'hippocampe.
Cette planche permet de se rendre compte par comparaison des
modifications déterminées par la lésion sur les circonvolutions non
atteintes. Les lobules paracentraux (LP), les lobes carrés (LQ), le
coin (LC), les lobes occipitaux (LO), les circonvolutions temporales
présentent entre eux de grandes différences, offrant une asymétrie
très prononcée. On verra aussi, par cette comparaison, que le corps
strié du côté droit est notablement plus petit que le gauche. Les
couches optiques paraissent à peu près d'égale dimension.
188 EXPLICATION DES PLANCHES.
PLANCHE V.
Ancien {oye1' (pseudo-hyste), ayant détruit tout le lobe temporal.
Hémisphère droit (fig. 1, 2, 3), dessins demi-schématiques, gran-
deur naturelle après macération dans l'alcool.
Fig. 1. Coupe pratiquée sur l'extrémité inférieure de la parié-
tale ascendante, le tiers inférieur du sillon de Rolando, etc.
F[, première circonvolution frontale. - FA, Frontale ascen-
dante. - PA, Pariétale ascendante. - CC, corps calleux. -
VL, Ventricule latéral. - CO, Couche optique. - NV, Noyau
intra-ventriculaire du corps strié. - CI, Capsule interne. -
NE, Noyau extra-ventriculaire du corps strié. - LI, Lobule do
l'insula. TA, TA, Tissu aréolaire. - PM, pie-mère épaissie,
limitant le pseudo-kyste, PK.
Fig, 2. Coupe pratiquée sur le lobe quadrilatère, les lobules
pariétaux supérieur et inférieur.
Pi, Coupe du lobule pariétal supérieur. - P2, Lobule pariétal
inférieur. LQ, Coupe du lobe carré. - VL, Ventricule laté-
ral. - CS, Corne sphénoïdale. - TA, TA, Tissu aréolaire.
PM, Coupe de la pie-mère épaissie.
Fig. 3. - Coupe pratiquée sur le lobe occipital et vers l'extrémité é
du pseudo-kyste.
LO, Lobe occipital. LC, Coin. CO, Corne occipitale.
TA, TA, tissu aréolaire.
Hémisphère gauche. (fit. ! 1, 5 et 6; dessins demi-schématiques,
grandeur naturelle). - Les coupes ont été fabriquées aussi
symétriquement que possible à celles de l'hémisphère malade.
La face convexe de l'hémisphère a été aplatie par un défaut de
conservation.
Fig. 4. - CCC, circonvolution du corps calleux. - CC, corps
calleux. - VL, Ventricule latéral. NV, Noyau intra-ventri-
culaire du corps strié. - CO, Couche optique. - NE, Noyau
extraventriculaire du corps strié. CI, Capsule interne.
LI, Coupe du lobule de l'insula. - CS, Coupe de la corne sphé-
noidale du ventricule latéral. - FI, première circonvolution
frontale. - FA, Frontale ascendante. CE, Capsule externe
(le trait s'arrête un peu trop en avant). - PA, Pariétale ascen-
dante. T, Première circonvolution temporale.
Fig. 5. LQ, Lobe quadrilatère. - VL, Ventricule latéral. -
CS, Corps strié. Pi, Lobule pariétal supérieur. - P2, Lobule
pariétal inférieur. TT, Circonvolutions temporales.
Fig. 6. - LO, Lobe occipital. - CO, Corne occipitale.
PARIS. - IIIP. V. GOUKÏ ET JOURDAN, RUE DE RENNES, 71