(1884) Recherches cliniques et thérapeutiques sur l'épilepsie, l'hystérie et l'idiotie : Compte-rendu du service des épileptiques et des enfants idiots et arriérés de Bicêtre pendant l'année 1883
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(1884) Recherches cliniques et thérapeutiques sur l'épilepsie, l'hystérie et l'idiotie : Compte-rendu du service des épileptiques et des enfants idiots et arriérés de Bicêtre pendant l'année 1883

RECHERCHES

SUR

L'EPILEPSIE, L'HYSTÉRIE

ET

L'IDIOTIE

RECHERCHES

CLINIQUES ET THÉRAPEUTIQUES

SUR

L'ÉPILEPSIE, L'HYSTÉRIE

ET

L'IDIOTIE

COMPTE RENDU DU SERVICE DES ÉPILEPTIQUES

ET DES ENFANTS IDIOTS ET ARRIÉRÉS DE BICÊTRE

PENDANT L'ANNÉE 1883

PAR

BOURNEVILLE

MÉDECIN DE DlCÈTRE

BONNAIRE, BOUTIER, LEFLAIVE

INTERNES DU SERVICE

P. BHIOON ET SÉGLAS

DOCTEURS EN MÉDECINE

Volume IV avec 8 figures et deux planches.

PARIS

AUX BUREAUX DU

PROGRÈS MÉDICAL

14, rue dos Carmes, 14.

A. DELAHAYE & E. LECROSNIER

ÉDITEURS

Place de l'École de Médecine.

1884

PREMIERE PARTIE

Historique. Statistique.

PREMIERE PARTIE

Histoire du service pendant l'année 1883.

I.

SITUATION DU SIsRVICI3. -ATELIERS.- AMÉLIORATIONS

DIVERSES.

Nous n'avons pas à revenir avec délails sur l'organisa-

tion générale du service; sur l'encombrement déplorable

des dortoirs et des classes; sur la situation abominable du

local qualifié d'infirmerie des enfants : tout ce qu'il y

avait à dire à ce sujet a été dit dans les précédents Comp-

tes rendus (1). Aussi allons-nous aborder, sans plus de pré-

ambule, l'exposé des faits principaux de l'année 1883.

Les enfants du service se divisent, nous le répétons, en

trois catégories : ° les enfants idiots gâteux, épileptiques

ou non, mais invalides et réputés incurables ; - 2° les

enfants idiots gâteux oit non, épileptiquesou non, valides.;

- 3° lesenfants propres, valides, imbéciles, arriérés, épi-

leptiques ou non.

Les enfants du premier groupe sont jusqu'à présent con=

finés à l'infirmerie où on leur apprend : 1° à se tenir debout

à l'aide de barres parallèles d'un genre particulier; 2° à

marchersoitàlamain,soità l'aide des chariots. Les enfants

du deuxième groupe vont à la petite école et ceux du dernier

groupe à la grande école ou école proprement dite.

Ecole. Le personnel se compose d'un instituteur,

M. 1'oIi'I'ILLIIsIi, qui se dévoue à sa tâche avec un zèle et un

(1) Deux fautes d'impression dans le Compte rendu de 1882

doivent être signalées : à la page vu, ligne 2, il faut lire 1880 et 1881,

au lieu de lb8l et 1882.

X ENSEIGNEMENT PRIMAIRE.

dévouement dignes des plus grands éloges; de deux gar-

çons de classe (infirmiers), de 4 administrés de Bicétre qui

reçoivent une allocation de 0 fr. 60 par jour(l'un d'eux

enseigne la danse , un autre l'escrime) ; d'un professeur de

chant, M. Pény et d'un maître de gymnastique, M. Goy.

Dès que la section spéciale sera terminée nous modifierons

cc personnel et notamment nous réclamerons un institu-

teur adjoint.

Le matériel s'est accru des objets et livres suivants :

Méthode de lecture de Dupont, en quatre grandes cartes ;

50 gravures d'histoire naturelle, pour l'enseignement élé-

mentaire d'après Mme Pape Oarpentier; huit bancs-tables

à deux places faits par les enfants dans leur atelier de me-

nuiserie ; 180 volumes divers pour l'enseignement de l'his-

toire naturelle, de la géographie, des connaissances usuel-

les, etc. ]nriii d'une boîte à 16 compartiments contenant

les différents échantillons de blé, son, farine, gruau (1).

A notre arrivée dans le service, nous avons trouvé un

maître d'armes et un maître de danse, tous deux admi-

nistrés de Bicêtre et donnant un enseignement très médio-

cre. Nous les avons conservés, bien que nous considérions

cette-partie de l'enseignement comme d'une utilité secon-

daire. Afin de soulager un peu le maître de danse, qui

chantait pour guider ses élèves, nous lui avons adjoint un

violoniste pris parmi les aveugles administrés.

Petite école. - Le personnel comprenait au commence-

ment de l'année : deux sous-surveillantes, Mlles B. et je

Acinus, une suppléante Mlle Bohain, une infirmière Mme 0.

Germain et un infirmier. Dans le cours de l'année, la popu-

lation des enfants ayant été augmentée par l'installation

de 23 lits dans une partie des ateliers, l'administration

nous a donné une seconde infirmière. Mlle Labbé.

(Il A propos d'un rapporta faire au Conseil municipal sur des tra-

vaux à exécuter à la Boulangerie centrale des hôpitaux (place Scipion),

nous avons eu l'occasion de visiter avec soin cet établissement.

Dans nos visites, le Directeur, M. Rouxel, nous fit voir une boîte

divisée en nombreux compartiments dans lesquels étaient déposés

tous les produits tirés du blé. C'est là que nous avons puisé l'idée

de la boîte qui sert à l'enseignement des enfants de Bicêtre. Elle

serait très utile dans toutes les écoles primaires.

ENSEIGNEMENT PRIMAIRE. XI

Le matériel scolaire se complète progressivement.

Nous avons fait imprimer des feuilles avec de gros chiffres

et de grosses lettres et nous avons profité d'une visite faite

aux enfants par M. V. Goupy, imprimeur du Progrès mé-

dical et membre du Conseil de surveillance de l'Assistance

publique, pour lui demander de nous faire fabriquer de

grosses lettres en bois, afin que les enfants puissent les

prendre et les poser sur les lettres imprimées.

Cette école a fonctionné avec la plus grande régularité

et nous devons nos remerciements les plus vifs au person-

nel. Les médecins, les administrateurs, etc., qui sont ve-

nus visiter la section ont manifesté leur satisfaction en

termes chaleureux. L'un d'eux, M. Puteaux, membre de la

Commission de surveillance des asiles de la Seine, rendant

compte à cette commission de ce qu'il avait vu, s'est ex-

primé ainsi qu'il suit :

« M. Puteaux se hlaitv constater que ce service est fort bien

tenu par les surveillantes laïques, qui font preuve du plus

grand dévouement à l'égard de ces malheureux enfants tous

gâteux ou malpropres et dont la guérison ou même l'améliora-

tion est plus que douteuse. M. Puteaux déclare qu'il ne pensait

pas que des soins aussi dévoués pouvaient être obtenus de

personnes autres que des religieuses; il tient d'autant plus à

signaler ce qu'il a vu, qu'il a voté récemment contre la laïcisa-

tion de l'asile Ste-Anne. » (1)

Un mois plus tard, le Président de la commission,

l'honorable M. Barbier, procureur général près la cour de

cassation, déclarait qu'il « confirmait, en ce qui concernait

la bonne tenue du quartier des enfants de Bicétre, les

éloges adressés par M. Puteaux aux surveillantes laïques

chargées des soins à donner à ces malheureux déshé-

rités. » (- : ).

Lorsque nous avons organisé la petiteécole nous ne dispo-

sions que de la petite salle étroite, située au-dessus d'un

vieux puits (3) et d'une salle-hangar servant de parloir aux

familles des enfants. En août 1880, nous y avons ajouté le

(1) Commission de surveillance des asiles publics d'aliénés de

la Seine : procès verbal de la séance du 6 novembre 1883, p. 187, 183.

(2) Ibid., séance du 4 décembre, p. 200. '

(3) Voir le Compte rendu de 1880, pages sn et xvi.

XII ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL.

service de propreté (1). Enfin, le 25 août, le maître de me-

nuiserie qui occupait la portion du hangar comprise entre

le service de propreté et la petite gymnastique, ayant pris

possession de son atelier dans le bâtiment spécial consa-

cré à l'enseignement professionnel, nous avons demandé

que cette partie du hangar fût nettoyée, blanchie et donnée

aux enfants de la petite école ; c'est ce qui a été fait le 7 oc-

tobre etc'est là qu'ont lieu maintenant les leçons de lecture,

d'écriture, etc.

En 1882, six enfants gâteux sont devenus propres. En

1883, quatre enfants sont devenus propres et ont été mis

en pantalon (2) ; six sont propres, mais ont dû être laissés en

robe (3) ; enfin d'autres ne gâtent plus aussi souvent qu'au-

trefois.

Enseignement Professionnel. - Dans le Compte rendu

de 1882, nous avons dit que, vu l'urgence, il avait été dé-

cidé que l'on détacherait du projet général de reconstruc-

tion de la section des enfants la partie relative aux ateliers

destinés à l'enseignement professionnel. Nous avons ra-

conté comment, grâce à M. Ch. Floquet, alors préfet de la

Seine, toutes les formalités administratives avaient été rem-

plies avec une rapidité qualifiée de scandaleuse par un

haut fonctionnaire de l'Assistance publique. La dépense

était évaluée à 210,5 î0 fr.

Deux puits de 20 mètres ont été creusés du 21 août au

8 septembre, afin de s'assurer de l'état du sol ou devaient

s'élever les ateliers (4). Les travaux de terrassement ont

commencé le 4 octobre 1882. Malheureusement des pluies

presque continuelles ont ralenti et même fait suspendre les

travaux durant la plus grande partie du mois de novem-

bre. De plus, l'opération des premiers déblaiements ayant

révélé une situation particulière du sol, l'Administration a

fait arrêter les travaux. Cette situation, M. Gallois, ar-

chitecte de Bicêtre, la décrivait ainsi :

(1) Ibid., p. xxi.

(2) l3routt ? Duva., Gagnep..., Moquer..., Janss..., Ilug (1882) ;

- Monat..., Duma., Giro..., Cliq.. (1883).

(3) Hans ? Ren., Robin..., Detli ? Guai., Pijo...

(4) L'emplacement est celui qu'avait choisi l'auteur du projet de

l'Administration, pour y construire un bâtiment de trois étages,

mais alors on n'avait pas pensé à explorer le sol.

ATELIERS. XIII

« La masse paraît disloquée et brisée ; elle porte les

traces d'anciennes infiltrations accidentelles, enfin, la

proximité d'un ancien trou de service, vers l'angle N. E.,

constitue un danger. » C'est pour cela que, dans les pre-

miers jours de novembre, M. l'Architecte fit forer trois

puits de recherches. Enfin, sur sa demande, le service des

mines, qui avait été consulté déjà sur l'ensemble de l'em-

placement de la future section (1), et avait reconnu la né-

cessité de faire des travaux de consolidation souterraine

évalués à 1.500 fr., et de descendre jusqu'au sol des carriè-

res les puits de recherches de l'angle N. ive., fut de nou-

veau appelé à donner son avis sur ce point spécial, par

M. le directeur de l'Assistance publique « qui témoignait,

en ce qui concerne le sous-sol, des inquiétudes très vives.» »

L'ingénieur en chef des mines, M. Roger, a répondu le

12 décembre 1882 que « l'examen approfondi, auquel s'est

livré le service des carrières, a montré que les craintes qui

sesontfait jour ne sont nullement fondées. » Voici d'ail-

leurs la copie du rapport adressé à M. Alphand sur cette

affaire :

Par un rapport du 25 novembre 1882, M. l'architecte de l'hospice

de Bicêtre exprime des craintes sur l'état du sol et propose des

travaux exceptionnels de fondations.

Nous avons fait examiner soigneusement les anciennes carrières

de cette région : elles ne présentent absolument aucun danger pour

la stabilité des constructions commencées, et les légers travaux que

nous aurons à y faire consisteront seulement à boucher les vides

qui sont déjà solides par eux-mêmes.

Le tassement du sol, auquel le rapport fait allusion, loin d'être

un danger est, au contraire, une garantie de sécurité, car ce tasse-

ment est fini dans toute sa hauteur, et aucun mouvement ne se

produira plus.

Il n'existe aucune raison qui doive faire faire pour ces bâtiments

des travaux spéciaux de fondation, tels que puits, arceaux, etc., au

moins en raison de la présence des carrières. L'architecte et l'en-

(1) Voici un extrait du rapport de M. l'ingénieur en chef : « Etant

données les connaissances acquises du sous-sol de la partie acces-

sible et la forte épaisseur des terres de recouvrement, nous pensons

que l'on peut, sans inconvénient, établir des constructions relati-

vement de peu d'importance, sans qu'il soit nécessaire d'exécuter

des travaux de consolidation en maçonnerie dont la dépense serait

considérable. » (Rapport du 3 novembre 1882).

XIV ATELIERS.

trepreneur n'ont pas à se préoccuper de leur présence et peuvent

agir comme si le sol était entièrement vierge.

Paris, le 2 décembre 1882.

L'Ingénieur des Mines, Signé : Rigaud.

Comme on le voit, des difficultés se présentaient à la

suite les unes des autres et chaque fois c'étaient de nou-

velles démarches àfairepour activer les solutions. Heureu-

sement, nous avonsrencontré dans M. Alphand le concours

le plus bienveillant et il a fait procéder aux différentes re-

cherches réclamées du service des mines avec la plus

grande célérité.

L'architecte et l'entrepreneur, M. Pradeau, n'étant pas

convaincus qu'il n'y eût pas lieu à prendre des précautions

spéciales, l'architecte adressa, le 24 novembre, à M. le

Directeur de l'administration, un rapport détaillé avec

propositions en vue de donner plus de consistance aux

fondations et de les asseoir en certains points sur des

grillages en charpente.

Une commission spéciale se transporta sur place et

approuva ces propositions. L'entrepreneur persistant à ne

pas trouver suffisant le projet de fondations proposé, malgré

l'avis de M. l'Ingénieur des mines, en date du 2 décembre,

M. Rigaud voulut bien se rendre dans le sein de la commis-

sion d'architecture, le 19 décembre 1882, pour donner

quelques explications techniques.

M. Pradeau avait eu connaissance de cet avis qui portait

« que l'architecte et l'entrepreneur pouvaient agir comme

ci si le sol était vierge ».

L'entrepreneur, à qui les explications verbales de M.

Rigaud avaient été transmises, écrivit le 21 décembre 1882

à l'architecte qu'il était disposé à exécuter les fondations

à la condition : :

1° Qu'il lui en serait donné ordre écrit et détaillé;

2° Qu'une fois le travail fait, une commission spéciale

en reconnaîtrait la bonne exécution et en ferait mention

dans un procès verbal, ad hoc.

L'entrepreneur demandait encore à être déchargé des

obligations de l'article 1792, ce à quoi n'a pas consenti

l'Administration.

M. Pradeau ayant renoncé à cette prétention, l'ordre de

ATELIERS. XV

service lui a été délivré le 3 janvier 1883, et ultérieurement

la commission spéciale a constaté par procès verbal que

les fondations étaient conformes à l'ordre donné.

Enfin, les travaux furent repris le 8 janvier 1883. A

partir de ce jour, ils ont été menés très activement par

M. Gallois età la fin du mois de septembre les ateliers étaient

terminés. Nous allons en donner une rapide description.

Les ateliers sont installés dans un bâtiment ayant la

forme d'un rectangle, faisant face au gymnase de la sec-

tion, long de 25 mètres, large de 14 mètres, haut de 14 m.

15. A ses deux extrémités sont adossés des avant-corps ren-

fermant les cabinets d'aisances. Ce bâtiment comprend un

sous-sol (caves et magasins), un rez-de-chaussée et un

premier étage pour les ateliers. Enfin, dans le comble à la

Mansard sont installés des logements primitivement des-

tinés aux chefs d'ateliers mais qu'on a jugé plus utile

d'affecter au surveillant de la section, aux sous-surveillan-

tes et au sous-surveillant (1).

La construction se compose, sur chacune des façades

principales de huit piles en briques de 9 mètres de haut et

espacées de 2m.50. Elles sont reliées à la partie supérieure

par un arc en briques reposant sur sommet en pierres et à

demi-hauteur par des linteaux en fer supportant les allè-

ges et les appuis des fenêtres.

Ce genre de construction, où la brique et le fer sont heu-

reusement combinés a l'avantage de laisser arriver en pro-

fusion l'air et la lumière et, tout en se présentant sous un

aspect agréable, d'être fait dans des conditions relative-

ment économiques (/t. 1).

Rez-de-chaussée. Au centre, du côté de la cour, se

trouvent le vestibule et l'escalier : -à droite,occupant toute

la largeur du bâtiment,l'atelier de menuiserie ; à gauche,

séparés par un couloir, l'atelier destiné à la charronnerie

ou à la tonnellerie et l'amer de serrurerie. Ces différents

ateliers sont séparés par des cloisons vitrées avec impostes

qui facilitent la surveillance et l'aération. Entre râtelier de

(1) Les chefs d'atelier, et avec raison, ne sont ni logés ni nourris

par 1 l'étab : isseinent,.

Fig. 1.

Via, '2,

XVIII ATELIERS.

menuiserie et celui de serrurerie, on a ménagé deux cabi-

nets, avec matelas, pour recevoir les malades en accès ou

pour les faire reposer après leurs accès. En arrière de ces

cabinets vitrés, afin de rendre la surveillance facile,

existent deux petits bureaux pour les chefs d'atelier

(9 2). ·

Premier étage. Il comprend à droite, sur la cour du

gymnase, l'atelier du tailleur avec un cabinet d'accès et le

bureau du chef d'atelier; en arrière, l'atelier de cordon-

nerie ; à gauche, deux autres ateliers, l'un pour la vanne-

rie et le rempaillage des chaises, l'autre pour une destina-

tion qui n'est pas encore fixée (probablement pour une pe-

tite imprimerie). Entre l'atelier de cordonnerie et celui de

la vannerie ont été disposés comme au rez-de-chaussée, des

cabinets d'accès et des bureaux pour les maîtres. Enfin,

à l'extrémité du couloir qui sépare l'atelier de vannerie de

l'atelier d'imprimerie, on voit un cabinet d'accès et un

bureau (fig. 3).

Nous avons demandé l'adjonction à chaque atelier d'un

cabinet d'aisances, disposé à l'anglaise, parce que nous te-

nons à montrer qu'il est possible, même avec des enfants

malades, d'avoir des cabinets d'aisance très bien tenus (1).

Ces ateliers ont été prévus pour une population de 400

enfants. La population étant, en 1883, do 180 enfants seule-

ment, nous avons estimé qu'il était pratique do n'ouvrir

les ateliers que successivement et nous avons choisi les pro-

fessions qui nous permettraient de montrer vite et bien les

avantages de ces ateliers, non seulement au point de vue

du traitement et de l'instruction des enfants, mais aussi au

point de vue financier. L'atelier de menuiserie, qui existait

déjà et dont nous avons parlé plus haut, a été ouvert le 25

août avec 18 enfants; celui du tailleur avec 9 enfants ; ce-

lui du cordonnier avec 6 enfants le 8 octobre ; enfin l'ate-

lier de serrurerie n'est entré en activité, avec 4 enfants, que

le 16 janvier 1884. Voici comment ont été répartis les en-

fants dans les divers, ateliers, en 1881, 1882 et 1883.

(1) Nous avons souvent insisté, dans nos Rapports au Conseil

municipal, sur la nécessité et la, possibilité d'avoir partout des siè-

ges de ce genre dans les cabinets d'aisances des hôpitaux, des

écoles, etc.

ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL. XIX

Fig. 3.

ENSEIGNEMENT PROFESSIONNEL

XXI

des vieillards de l'hospice (1). Voici les évaluations pour

l'année 1883 :

XXII PROMENADES ET DISTRACTIONS.

recevaient 23 enfants choisis parmi les plus tranquilles.

Nous terminerons l'historique de ce nouveau bâtiment en

disant que, le 6 novembre, le personnel secondaire du

service apris possession des logements du comble à laMan-

sard. Ces logements, disposés de chaque côté d'un couloir

longitudinal central, sont convenables ; ils auraient pu être

très bien si l'architecte avait diminué un peu la largeur

exagérée du couloir et utilisé un emplacement perdu à.côté

de l'escalier. Jusqu'ici les sous-employés de tout grade ont

été si mal logés et si mal considérés que, lorsqu'on

leur donne des logements moins insalubres, moins exigus

que ceux qu'ils avaient la veille, les architectes et l'Admi-

nistration sont satisfaits. A notre avis, cela n'est pas encore

la perfection. Aujourd'hui, chaque fois que l'on construit,

on doit prévoir des logements vastes, bien aérés, pour tous

les sous-employés et des chambres pour toutes les infir-

mières, au lieu des dortoirs infects où l'Administration ose

encore les loger, dans beaucoup d'hôpitaux, en violation de

toutes les règles de l'hygiène (1).

Promenades et distractions. a) Adultes. Durant la

belle saison, nous avons fait faire six promenades aux

épileptiques adultes qui ne sont pas visités ou ne peuvent

profiter des permissions de sortie. 27 à 39 malades ont

bénéficié chaque fois de ces promenades, qui onteulieu à

Montsouris, au bois de Vincennes, à Chevilly, etc. En

outre, les malades cléments ont été promenés aussi'souvent

que possible dans les cours de l'hospice ou aux environs.

Toutes les semaines les malades assistent au concert dirigé

par M. Pény, professeur de chant à l'Ecole des enfants,

avec l'aide des aveugles musiciens et de l'orphéon com-

posé de malades.

b) Enfants.-Les promenades se sont de plus en plus mul-

tipliées. Les enfants sont allés plusieurs fois au Jardin des

plantes, 2 fois au Jardin d'acclimation (2), au Luxembourg,

(1) La visite de la commission administrative pour la réception du

bâtiment a eu lieu le 15 novembre 1883.

(2) Nous remercions ici MM. Geoffroy Saint-Hilaire et Saint-Yves

Ménard de la gracieuseté avec laquelle ils mettent chaque année, à

notre disposition, des cartes pour les enfants de Bicêtre et de la Sal-

pétrière.

VISITES, CONGÉS, ETC. SSIII

au Parc de Montsouris, au bois de Vinconncs, au Conser-

vatoire des arts et métiers, à la foire de la place de la

Nation, au panorama de la Bastille, aux fêtes de Gentilly,

Villejuif, Montrouge, etc., etc. Le nombre des élèves varie

entre 80 et 90, dont 20 à 25 de la petite école.

Dans ces promenades, les enfants sont accompagnes

d'une voiture que l'Administration a consenti à faire

fabriquer spécialement pour eux. Lorsqu'un enfant est

fatigué ou pris d'un accès, ce qui est d'ailleurs très rare,

on le met dans la voiture. Les hémiplégiques peuvent, grâce

à cette innovation, prendre part aux promenades même

éloignées.

Parmi les distractions, nous citerons, en tête.'le concert

annuel organisé par les frères Lionnet, avec le concours

bienveillant d'un certain nombre d'artistes, pour lesquels

c'est une véritable fête de venir consacrer quelques heures

à de pauvres deshérités (1). Puis, les soirées de lanterne

magique, les distributions de jouets faites par l'Adminis-

tration ou par le journal le Gaulois, dont nous devons

mentionner spécialement la générosité, d'autant plus

qu'elle se renouvelle chaque année ; les fêtes du mardi-

gras, de la mi-carême (avec déguisements), etc.

c) Enfants de la petite Ecole. Outre la participation

d'un certain nombre d'entre eux aux grandes promenades,

nous devons mentionner les promenades presque quoti-

diennes dans l'hospice, le jardin maraîcher, aux divers

ateliers, aux environs de l'hospice, etc., promenades dans

lesquelles leurs maîtresses les interrogent sur ce qu'ils

voient. Les plus avancés d'entre eux assistent au concert

hebdomadaire de la grande école.

Visites, permissions de sortie, congés. Les adultes

ont reçu 2.112 visites, les enfants 3.831. Les visiteurs ont

été au nombre de 8.905. Voici la statistique des per-

missions de sortie et des congés :

(1) Au concert assistent non seulement les enfants mais encore les

épileptiques adultes du service, et les aliénés des sections de

MM. J. l'alret et J. Voisin.

.\.\1 V AMÉLIORATIONS DIVERSES.

BAINS ET HYDROTHÉRAPIE, ETC. XXV

les élèves infirmières de l'école de Bicêtre, sous notre

direction et celle de nos internes. Une telle pratique devrait

exister dans tous les services hospitaliers.

Service dentaire. - Nous nous félicitons de plus en plus

de l'heureuse idée que nous avons eue de confier à un

spécialiste les soins à donner à la bouche des enfants idiots

de Bicêtre et de la Salpêtrière. Notre ami, M. le Dr CRUET,

continue à s'acquitter de ses fonctions avec un zèle des

plus louables et il a rendu des services incontestables aux

enfants des deux services.

Bains et hydrothérapie. Aucune modification à si-

gnaler dans les installations. Nous avons continué àrecourir

largement aux bains et à l'hydrothérapie comme le montre

le tableau ci-dessous : '

XXVI ÉPIDÉMIE DE ROUGEOLE.

"XX VIII LA FUTURE SECTION.

Cette épidémie, comme on vient de le voir, a frappé

15 enfants. L'enfant qui en a été le point de départ, entré,

comme nous l'avons dit, le 24 avril, a présenté l'éruption

de rougeole le 26 avril. La période d'incubation aurait

donc été de neuf jours chez les cinq premiers enfants, dont

l'éruption a paru le 6 mai, en admettant que le période

prodromique soit de trois jours. Les complications

ont été légères. - 3 malades sont morts, 12 ont guéri.

II.

LA FUTURE SECTION.

Dans le Compte rendu de 1882 (p. x, xn et XIII), nous

avons raconté comment le Conseil général de la Seine avait

été amené à demander d'urgence la création d'une section

spéciale pour les enfants idiots de Bicêtre; comment le

projet élaboré par l'Administration avait dû être écarté et

remplacé par un projet nouveau, conçu d'après un pro-

gramme dressé par nous et adopté par MM. Imard, ins-

pecteur, Gallois, architecte et Ventujol, directeur de Bicêtre.

Nous avons dit aussi que la partie relative aux ateliers en

avait été détachée, soumise au Conseil de surveillance, puis

au Conseil municipal, et nous venons de voir de quelle

façon cette partie du programme a été réalisée.

Lors de l'examen des plans et devis des ateliers par le

Conseil de surveillance, un schéma du plan d'ensemble de

la section avait été mis sous les yeux de l'Administration

et du Conseil de surveillance. M. Gallois, au mois d'octobre

1882, fut chargé de préparer les plans et devis définitifs.

En présence des retards qui se prolongeaient, nous avons

écrit bien des fois à M. le Directeur pour lui demander de

hâter l'élaboration du projet. Enfin, le 10 mars, MM. Imard,

Gallois, Ventujol et Bussy, se réunirent dans notre cabinet

et, après quelques modifications secondaires, nous fûmes

d'avis d'accepter le plan tel qu'il venait d'être établi par

M. Gallois.

Quelques semaines après, le Conseil de surveillance

nomma, pour étudier le projet, une sous-commission,

composée de MM. Ferry, Goupy, Nicaise, Voisin. Cette

sous-commission se rendit à Bicêtre le 13 avril : inutile de

LA FUTURE SECTION. XXIX

dire que le président de la sous-commission, M. Ferry, n'a

pas songé à convoquer le chef de service, auteur du projet.

Nous aurons l'occasion de revenir l'an prochain en

exposant tous les détails de l'exécution sur les difficultés

qu'il a fallu vaincre pour faire arriver ce projet du Conseil

de surveillance au Conseil municipal; sur l'étrange rap-

port de M. Ferry, rédigé de manière à mettre le préfet

dans l'embarras, en rendant presque impossible l'intro-

duction du projet au Conseil municipal. Nous raconterons

comment nous sommes parvenus à réduire à néant les

dispositions perfides de M. Ferry et de l'Administration.

Aujourd'hui, nous nous bornons à donner le sommaire de

l'histoire de la nouvelle section.

Après des démarches réitérées, le projet fut enfin intro-

duit au Conseil municipal le 30 mai et renvoyé à la 8e com-

mission (Assistance publique) qui nous confia le rapport.

Sachant combien ce projet était miné sourdement ;

sachant également qu'on essayait de faire croire qu'il s'a-

gissait, non pas d'une réforme urgente et d'une utilité ;

incontestable, mais d'une sorte de cadeau que nous voulions

nous faire faire, nous avons insisté vivement pour que tous

les membres de la Commission vinssent juger le projet sur

place. Les visites eurent lieu le 6 et le 18 juin. De plus,

deux autres de nos collègues du Conseil municipal, MM.

Boué et Réty; des membres de l'Administration, MM. Roux,

sous-directeur des affaires départementales, M.Babut, chef

de division et M. Leclère, chef de bureau (service des

aliénés), M. Pelletier, ancien directeur des affaires dépar-

tementales et membre de la Commission de surveillance

des asiles, vinrent visiter la section (1 cr, 29 juin) et tous

furent unanimes à reconnaître qu'il fallait remédier à une

situation indigne d'une ville comme Paris et que l'Admi-

nistration de l'assistance publique aurait dû, depuis long-

temps, faire cesser (1).

(1) Depuis plus de 20 ans, les médecins, chargés successivement du

service, MM. Delasiauve, A. Voisin et J. Falret, réclamaient sans

succès la transformation du service. M. Maxime du Camp en

parle dans ces termes : « Le quartier des idiots à Bicètre est une

hideuse renfermerie isolée tant bien que mal dans d'anciens bâti-

ments trop étroits, etc. » (Paris, t. iv, p. 367; 4° édition).

XXX STATISTIQUE.

Aussi, le 29 juin, quand vint en discussion notre rapport,

nous étions pleinement rassurés. Tout avait été fait au grand

jour; nous avions tenu à faire la conviction dans tous les

esprits : nos conclusions furent adoptées sans discussion.

Il ne s'agissait plus que d'empêcher l'Administration, par

ses lenteurs habituelles, de retarder les travaux. M. Oustry,

à ce moment préfet de la Seine, et M. Vergniaud, secrétaire

général, eurent l'obligeance de presser l'accomplissement

des formalités nécessaires pour la mise en adjudication : elle

eut lieu le 18 août, et le 27 septembre les terrassiers com-

mençaient les tranchées pour les. fondations du premier,

bâtiment, celui des réfectoires. Dans le Compte rendu

de 1884, nous reproduirons le projet imaginé par l'Admi-

nistration, le singulier rapport de M. Ferry, notre rapport

au Conseil municipal, et nous raconterons les différentes

phases subies par la construction. Enfin, pour que chacun

puisse mieux encore apprécier le projet que nous avons

fait prévaloir, [nous joindrons à tous ces documents les

plans, de la section.

III.

STATISTIQUE. MOUVEMENT DE. LA POPULATION.

Le 1 ? janvier 1883, la section contenait 297 malades,

ainsi répartis : 119 adultes épileptiques (51 aliénés, 68 dits

non aliénés) et 178 enfants (71 idiots, 78 épileptiques et 29

épileptiques ou idiots réputés non aliénés).

Des 178 enfants, 80 fréquentent la grande école (1), 80 la

petite Ecole et les autres, idiots, gâteux, invalides ou dc-

ments épileptiques restent à l'infirmerie : quand le temps

le permet, et seulement durant 6 mois, ces derniers sont

descendus à bras dans la cour de la petite école ou dans la

cour du gymnase.

Des 80 enfants de la petite école, 8 prennent part aux

exercices de. la grande, gymnastique;. z72 suivent les le-

çons. de la petite gymnastique ; 33' mangent avec la ?

(1) 24 anciens élevés de l'école, passés, dans les dortoirs- des adultes,

comme ayant atteint l'aide 18 ans, continuent à. fréquenter L'école,,

mais seulement le matin ou le soir.

MOUVEMENT DE LA POPULATION.

XXXI

cuillère ; 31 avec la cuillère et la fourchette; les au-

tres se servent de la cuillère, de la fourchette et du couteau.

43 sont propres et sont en pantalon; toutefois une vingtaine

d'entre eux urinent parfois ou régulièrement au lit; 37 sont

gâteux et portent la robe.

Le tableau ci-dessous résume le mouvement de la popu-

lation en 1883.

DÉCÉS. XXXIII

Décès. Les décès ont été au nombre de 34 : 20 enfants

(au-dessous de 18 ans) et 14 adultes.

Nous nous bornerons à signaler seulement quelques cas :

d'abord ceux de Totai... et de de Bus... Ces deux malades

étaient épileptiques et déments. Chez le premier, nous

n'avons trouvé aucune adhérence de la pie-mère; chez le

second, au contraire, il existait une véritable méningo-en-

céphalite. C'est là une différence anatomo-pathologique

dont l'importance n'échappera à personne. Répond-elle,

au point de vue clinique, à deux syndromes aussi tran-

chés ? Nous sommes obligé de reconnaitre que, jusqu'ici,

malgré nos efforts, nous ne sommes point parvenu à dé-

couvrir des symptômes permettant de poser un diagnostic.

L'autopsie de deux autres malades, Rie... et Dond..

nous a fait découvrir une lésion particulière que, faute de

mieux, nous avons désignée sous le nom d'aspect chagriné.

Il y aura lieu d'en noter exactement les caractères.

BOURN. lit

XXXIV DÉCÈS.

XXXVI POPULATION EN DÉCEMBRE 1883.

XXXVIII PERSONNEL DU SERVICE.

nistrés de l'hospice; d'un surveillant, M. Agnus, d'un

sous-surveillant, M. Lantin ; de trois sous-surveillantes,

Mlles B. et J. Agnus, Mme Jolliot ; de deux suppléantes,

Mlle Bohain et Mme Thierry-Sarrazin; de deux infirmières

de 1 r" classe, quatre de 2e classe; de trois infirmiers de 1"

classe et de vingt de 2° classe. L'enseignement profes-

sionnel se compose de MM. Leroy, maître menuisier; Aliène,

maître tailleur et Perche, maître cordonnier.

DEUXIÈME PARTIE

Clinique.

I.

Du Mérycisme

Par BOURNEVILLE et REGLAS

I. DE LA RUMINATION CHEZ LES ANIMAUX.

« Certains animaux ont la faculté de ramener dans la bouche

pour les soumettre à une nouvelle mastication, à une nouvelle

insalivation, à une nouvelle déglutition les aliments déjà ingé-

rés. Ce mode préparatoire de digestion se nomme rumination.

« Propre à un ordre de mammifères qu'on désigne, par cela

môme, sous le nom de ruminants, le pouvoir de ruminer a été

attribué par quelques naturalistes à d'autres animaux tels que

la taupe-grillon et la sauterelle parmi les insectes; les écre-

visses, les crabes, les limaçons parmi les crustacés et les mol-

lusques ; le saumon, la dorade parmi les poissons; le pélican

et le héron parmi les oiseaux; tels enfin que la marmotte, le

cochon d'Inde, le lapin et le lièvre dans la classe des mammi-

fères. » (Longet'.)

Des études plus précises ont démontré l'erreur de ces asser-

1 Traité de physiologie, 2" éd., t. Ier, p. 1 ? S. 3f. Koerner (Otto) a signalé

dans son travail (voir plus loin), un cas de rumination chez un singe

(cynocéphale hamadryas) , qui lui a été communiqué par M. Max

Schmidt, directeur du jardin zoologique de rraucfort-sur-\Iein. Ce singe,

un mâle, avait plus de dix ans de captivité. Il se masturbait souvent.

Chaque fois qu'il avait mangé des feuilles vertes de salade, qu'il aimait

beaucoup, ses bajoues se remplissaient bientôt, il mâchait la salade et la

ravalait. On ne dit pas si ce singe ruminait d'autres aliments.

BOURNEVILLE, 4883. 1

2 DU MÉRYCISME.

tions, et aujourd'hui les physiologistes sont d'accord pour ne

reconnaître l'existence de la rumination que chez les mammi-

fères de l'ordre des ruminants.

Nous ne donnerons pas ici une description détaillée du tube

digestif de ces animaux. Nous rappellerons seulement que leur

estomac se compose de quatre parties : 1° le rumen ou panse;

2° le bonnet ou réseau; 3° le feuillet; 4° la caillette.

La panse est la plus grande de ces cavités ; c'est là que s'en-

tassent les aliments incomplètement mâchés. Chez quelques

animaux, le chameau en particulier, la panse présente des

groupes de diverticules qui paraissent destinés à servir de ré-

servoir aux boissons, car leur ouverture plus étroite que le

fond n'en permet guère l'accès aux aliments solides. Le

bonnet, qui vient après la panse, est beaucoup plus petit; c'est

le véritable réservoir des liquides. - Le feuillet, ainsi que son

nom l'indique, présente des lames plus ou moins développées,

suivant les animaux; entre ces lames se rassemble la bouillie

alimentaire. La caillette, sécrétant le suc gastrique, consti-

tue l'estomac véritable.

Ajoutons que la panse et le bonnet communiquent directe-

ment avec l'oesophage, qui se continue ensuite sous la forme

d'une gouttière ou demi-canal jusqu'au feuillet, lequel commu-

nique à son tour avec la caillette.

Les animaux chez lesquels on remarque cette conformation

particulière de l'estomac et qui méritent véritablement le nom

de ruminants, sont : le boeuf, le mouton, la chèvre, l'antilope,

la girafe, l'axis, le chevreuil, le daim, le renne, l'élan, le cerf,

le chevrotain, le lama, le chameau.

On trouvera dans les livres spéciaux des détails intéressants

sur les phénomènes et le mécanisme de la rumination chez les

mammifères. Nous nous contenterons ici d'une revue rapide,

sans exposer les expériences ou les théories pour lesquelles

nous renverrons le lecteur aux traités de physiologie.

D'après les expériences de Flourens, les aliments grossiers

tombent en partie dans la panse, en partie dans le réseau,

tandis que les aliments atténués, demi-iluides ou réduits en

bouillie, se rendent à la fois, mais en proportion variable,

dans les quatre compartiments gastriques. Quant aux boissons,

elles tombent directement dans les deux premiers estomacs et

se rendent aussi dans les deux derniers par la gouttière oeso-

phagienne et par le bonnet.

DU MÉRYCISME. 3

Pour ramener les aliments dans la bouche, deux ordres

d'organes doivent intervenir. Les uns, organes immédiats,

sont les estomacs eux-mêmes; les autres, agents médiats ou

auxiliaires, sont les muscles abdominaux et le diaphragme.

Les physiologistes sont très peu d'accord sur le mode d'ac-

tion des premiers. Duverney, Peyer, Perrault, Daubenton,

Flourens, Colin ont fait à ce sujet nombre d'expériences et

émis différentes théories. Ce dernier expérimentateur, trou-

vant inexactes les expériences de Flourens qui donnaient à

la gouttière oesophagienne le principal rôle dans l'acte de la

rumination, explique ainsi le mécanisme de la réjection des

aliments dans l'oesophage : la panse et le réseau se contractent

simultanément; - la première pousse vers l'orifice inférieur

de l'oesophage des aliments très délayés, et le second, des

liquides; l'oesophage semble alors se relâcher et se dilater

pour permettre aux aliments et aux liquides de s'introduire

dans la cavité; puis il se referme et éprouve alors une con-

traction antipéristaltique qui porte les aliments et les liquides

vers la bouche. Les matières alimentaires y arrivent donc dans

un grand état de mollesse et mélangées avec une forte propor-

tion de liquide qui est dégluti par l'animal en une ou plusieurs

gorgées.

Cette théorie est en grande partie conforme à la vérité.

Cependant la cause de la réjection n'est pas telle que l'admet

Colin , ainsi que le démontrent les explications théoriques de

Chauvcau, contrôlées par les recherches expérimentales de

Toussaint. Voici en résumé, et sans entrer dans le détail des

expériences, quel est, d'après ces physiologistes, le mécanisme

de la rumination.

Au moment de la réjection, la glotte se ferme et en même

temps survient une contraction très énergique et très brusque

du diaphragme, qui détermine dans la cavité thoracique une

diminution de pression, par suite de laquelle le poumon, dont

l'élasticité est mise en jeu, attire en tout sens les parois de

l'oesophage. Ainsi dilaté, ce conduit remplit le rôle d'un tube

rigide dans lequel on ferait l'aspiration. Les matières délayées

de la panse se précipitent donc dans l'orifice béant de l'oeso-

phage, et alors une contraction du pilier droit du diaphragme,

séparant les matières engagées, provoque une contraction

antipéristaltique de l'oesophage qui les amène à la bouche.

Cette théorie diffère donc de la précédente en ce quelle

4 DU MÉRYCISME.

refuse un rôle actif à la panse et au bonnet, et qu'elle établit

que la diminution de pression intra-pulmonaire est indispen-

sable à la pénétration des aliments dans l'oesophage. Si, en

effet, on pratique une ouverture à la trachée, ce qui revient il

empêcher les effets de l'occlusion de la glotte, les côtes inter-

viennent alors et se soulèvent brusquement en même temps

que le diaphragme pour produire cette dépression.

Quant au rôle du diaphragme et des muscles abdominaux,

il a été bien établi par Flourens qui, paralysant ces muscles

par la section des deux nerfs diaphragmatiques et de la moelle

au niveau de la sixième vertèbre dorsale, a rendu chez le

mouton la rumination très difficile et même impossible.

Au moment où la pelote alimentaire s'engage dans l'oeso-

phage, on remarque un mouvement brusque dans le flanc de

l'animal; le mouvement se compose d'une inspiration brusque

suivie d'une expiration rapide. Quand le bol est arrivé dans

l'oesophage, il est porté dans la bouche par l'action des fibres

spirales croisées. On peut constater cette ascension par le tou-

cher et même par la vue.

Une fois parvenue dans la bouche, la pelote alimentaire est

soumise à une seconde mastication, qui est suivie d'une se-

conde déglutition très rapide; puis, dès que le bol est descendu

dans l'estomac, un autre bol succède et remonte bientôt vers

la bouche.

Les aliments, après avoir été ramenés dans la bouche, sont

donc redescendus dans les réservoirs gastriques; mais alors,

devenus plus fluides, ils s'engagent plus facilement dans la

gouttière oesophagienne, sans déterminer l'écartement de ses

bords, et peuvent être ainsi conduits directement dans le

feuillet. Béclard admet cependant qu'une partie passe encore

dans la panse et le réseau pour être ruminée de nouveau.

Tel est, aussi succinctement que possible, le mécanisme de la

rumination chez les animaux. Nous allons maintenant aborder

l'étude de ce phénomène dans l'espèce humaine.

II. DE LA RUMINATION CHEZ L'HOMME.

Définition. Nature du mérycisme. - « Nous avons trouvé

dans les meilleures étymologies, disent Percy et Laurent ', que

1 Dictionnaire en soixante volumes, article Mérycisme.

DU MERYCISME. 5

le mot mérycisme, composé de trois autres, signifiait rappeler

de loin et écraser quelque chose : e ]Jro(undo haw'Í1'e et in minu-

tas particulas ? 'MC ! <7p)'e/ ou, mieux encore, comme le disent

quelques hellénistes, revolvere, exedere, replicare cibum,. action

que les Allemands, souvent plus expressifs dans leur langue

que nous le sommes dans la nôtre, ont nommée ividerhauen,

mâcher de nouveau, et que nous avons appelée ruminer ou ru-

mination, sans songer à ce que ces locutions pouvaient avoir

de dégradant pour notre espèce. »

Plusieurs auteurs ont donné des définitions du mérycisme;

la plupart nous semblent exactes. Cependant, nous nous per-

mettrons de relever dans quelques-unes certains points qui

nous paraissent ne pas correspondre à la réalité des faits.

Racle appelle mérycisme « la faculté qu'ont certaines per-

sonnes de vomir à volonté et de choisir parmi les matières

ingérées celles dont elles veulent débarrasser l'estomac ». En

outre, cet auteur assimile complètement le mérycisme au vo-

missement, dont il ne serait qu'une modalité. Pour nous,

comme pour plusieurs auteurs, entre autres Percy, Laurent,

Cambay, le mérycisme doit être bien distingué du vomisse-

ment. Nous ne discuterons pas ce point en ce moment; nous y

reviendrons à propos du diagnostic. L'examen des observa-

tions contenues dans ce travail prouvera lui-même surabon-

damment que la définition précédente, correspondant d'ailleurs

une affection rare, ne peut en rien s'appliquer aux phéno-

mènes du mérycisme.

Il est encore un point sur lequel une autre définition du

méricysme a attiré notre attention. C'est le suivant : on trouve

dans le Dictionnaire encyclopédique des Sciences médicales une

définition dans laquelle les auteurs, tout en indiquant fort

bien en quoi consiste le mérycisme, le qualifient de ma-

ladie.

Or, le mérycisme est-il un phénomène morbide ? Voici la ré-

ponse qu'a faite, antérieurement à cette question, le Dr Cam-

bay, qui était lui-même mérycole :

« Je ne crois pas que le mérycisme soit un phénomène morbide;

et si on lit avec attention les diverses observations de mérycisme,

on ne trouve pas qu'il fût accompagné d'aucun symptôme qui

annonçât un état morbide. Tous ceux qui en étaient affectés se

portaient bien et, chose remarquable, chez plusieurs d'entre eux,

quand ils étaient affectés d'une maladie quelconque, ce phénomène

6 DU MÉRYCISME.

cessait de se produire. Or, puisque chez eux il n'avait lieu que

lorsque toutes les fonctions se faisaient régulièrement, en un mot,

dans un état de parfaite santé, n'est-on pas porté à en conclure

que ce n'est pas une maladie ? Pour mon compte, je puis dire que

je ne le regarde nullement comme tel; j'ai toujours joui d'une

excellente santé, et si quelque chose m'eût indiqué qu'il fût nui-

sible, je l'aurais empêché d'avoir lieu, puisqu'il dépend de ma vo-

lonté ; loin de cela, je le regarde comme très utile, puisque, par ce

moyen, je puis débarrasser mon estomac des substances qui le fati-

gueraient, et par l'élaboration nouvelle que je fais subir aux ali-

ments, je facilite singulièrement son action. »

Cette opinion avait déjà été émise par Pipelet, lorsqu'il écri-

vait (loc. cit., p. 14) :

« Edulium omne ad nutriendum tanto utilius aptiusque com-

muni omnium sententia pcrhibetur, quanto fuerit dentium officia

peniliùs subactum et comminutum. Inde manifesto liquet rumi-

natum cibum reficiendo corpori, utiliorem esse proecipitanter dc-

vorato aut obiter duntaxat prcemanso, nisi latens oegritudo impe-

diat vel proevertat in cibo alendi efficaciam. »

Quant à nous, nous partageons absolument l'avis de ces

auteurs; et l'existence du mérycisme chez des individus bien

portants, sa suspension par les maladies intercurrentes fré-

quemment observée, l'absence de symptômes morbides conco-

mitants, l'influence parfois remarquée de la volonté sur sa

production, la sensation de plaisir qui l'accompagne le plus

généralement, la douleur qui suit l'arrêt volontaire du méry-

cisme (OBs. XX), et, si cet arrêt se prolonge, son influence dé-

sastreuse sur l'état général (Ces. VIII et IX) nous semblent

prouver surabondamment que le mérycisme n'est pas une ma-

ladie. Nous admettrions plutôt le terme affection, dont se

servent, pour le désigner, Percy et Laurent, Littré et Robin. Ce

qualificatif générique pouvant, d'après les derniers, s'appliquer

à toute condition contre nature de l'organisme : monstruosi-

tés, infirmités, vices de conformation.

Maintenant que nous avons insisté sur ce point qu'il nous

paraissait important d'élucider, nous terminerons en donnant

une définition du mérycisme. Celles de Percy, de Littré et

Robin, de Cambay nous paraissent bien dépeindre ce phéno-

mène ; mais la plus nette est peut-être celle de Longet. C'est

elle que nous adopterons en la modifiant toutefois légèrement :

DU MERYCISME. 7

Le mérycisme consiste en ce que, au bout d'un temps plus ou

moins long après le repas, les aliments remontent et la bouche

sans effort et presque toujours sans nausées pour être soumis d

une nouvelle mastication, à une nouvelle insalivation et et une

digestion ultérieure.

Ce phénomène, comme on le voit, se rapproche beaucoup de

celui qu'on désigne chez les animaux sous le nom de rumina-

tion. Aussi, le plus souvent, mérycisme et rumination sont-ils

considérés comme synonymes, bien que mérycisme désigne

particulièrement la rumination dans l'espèce humaine.

Historique. Avant le milieu du ZvIIe siècle, on ne s'était,

croyons-nous, jamais occupé du mérycisme, et encore les ou-

vrages de cette époque sont-ils pleins de confusion et les

observations toutes superficielles Les auteurs, disposés tou-

jours à rechercher le merveilleux et assimilant complètement

le phénomène du mérycisme à la rumination des animaux,

ont cherché à pousser plus loin le rapprochement et ont pré-

tendu que les mérycoles naissaient de parents cornigères ou

l'étaient eux-mêmes (Bartholin, Ettmuller, Bonnet, Rhodius,

Peyer). Cependant, sur cent cas de cornigères réunis par

Sachs, on ne trouve qu'un seul ruminant. D'autres auteurs

ont supposé l'existence de plusieurs estomacs chez les méry-

coles (Salmuth, Bartholin); mais quand on a observé ces cas,

c'était plutôt des loculamen placés dans le ventricule, et en-

core les sujets n'étaient-ils pas mérycoles. C'est, du moins,

l'avis de Morgagni qui, avec Valsalva, avoue n'avoir jamais

rencontré de mérycoles (Lib. 3, ep. XXIX, p. 89).

Peyer (e ? 'ycoo ? a sive de ruminantibus et 1'l,l.1111'natione com-

mentarius, 1685) cite de nombreux exemples de mérycisme,

entre autres celui d'un moine, cornigere, et celui d'un gentil-

homme padouan, issu d'un père cornigère.

Ce fut Fabrice d'Acquapendcnte (De variétale ventris et ziztes-

taizi) qui, le premier, commença à parler plus sagement du

mérycisme, en le séparant de l'existence des cornes dans les

deux cas cités par Peyer. Voici d'ailleurs les faits importants

à relever dans ces deux observations :

1 Saint Augustin rapporte'qu'il y avait certaines gens qui, après avoir

avalé des choses différentes, et les avoir gardées un peu de temps dans

leurs entrailles, rappelaient ensuite celles qu'ils voulaient et les en tiraient

comme d'un sac. [Histoire des Diables de Loudun, p. 115.)

8 DU MÉRYCISME.

Observation I. Chez le gentilhomme padouan, la rumination

était involontaire et provoquait un certain plaisir. Il ne mastiquait

pas les aliments avant de les avaler pour la deuxième fois. Après

la mort, on constata que l'estomac était unique et très dilaté.

Observation II. Quant au moine, il mourut à trente-huit ans,

dans un état de maigreur excessif attribué par Jean Burgower au

vice de digestion dont il était affecté. Son estomac était unique;

l'oesop/tfM/e était très épaissi; aussi Plazoni n'hésite pas à voir là la

cause première du mérycisme.

Parmi les auteurs qui, vers la même époque, ont écrit sur

le mérycisme, nous mentionnerons en passant Daniel Ludwig,

Burgower, Perineti, Sennert, Abraham Will, Wepfer; mais

leurs observations sont toujours bien incomplètes. Ce n'est

guère qu'en 1786 qu'on rencontre un travail sérieux sur le mé-

rycisme ; il est dû à Pipelet. Dans sa thèse (De vomituum di-

versis speciebus accuratius dist1"nguendis), il fait bon marché des

prétendues causes de mérycisme admises jusque-là et surtout

de la présence des cornes chez les mérycoles. Il distingue aussi

le vomissement produit par une lésion accidentelle de celui

qui constitue le mérycisme, et rapporte les deux cas observés

par Fabrice d'Acquapendente ainsi que plusieurs autres em-

pruntés à Winthier, Welsh, Salmuth, etc., et que nous au-

rons d'ailleurs l'occasion de mentionner en divers endroits de

ce mémoire.

Quelques années plus tard, nous trouvons signalé par M. Rou-

cher un cas de mérycisme chez un conscrit de l'armée d'Italie.

M. Delmas cite un cas semblable observé chez un étudiant en

médecine.

En 1808, M. Roubieu (Ann. de la Soc. méd. de Montpellier)

parle d'un fait du même genre qu'il a observé. Percy, dans

l'article Mérycisme (du Dictionnaire en soixante volumes), rap-

porte une observation personnelle, dont le trait le plus saillant

est la suspension par une attaque [de goutte des phénomènes

de mérvcisme.

En 1812, M. Tarbès publie dans la Bibliothèque médicale une

observation de mérycisme survenue chez un enfant de cinq

ans à la suite d'une variole, et guéri à vingt ans par le coït.

Cette observation parait avoir attiré l'attention sur ce point

particulier de la pathologie; car, peu de temps après, et dans

le même recueil, on trouve successivement des cas de rumina-

tion dus à James Copland, George Ness Hill, Bryand.

DU MÉRYCISME. 9

Sans y insister pour le moment, et simplement pour com-

pléter cet exposé rapide des travaux faits sur le mérycisme,

nous citerons un travail sur la rumination dans l'espèce hu-

maine dû àWeiling et publié en 1823 (Uebeo dcts l'ef/e'A'aMe) :

bei AIeî2schen); la thèse de M. Cambay, en 1830 (Du mérycisme

et de la digestibililé des aliments), où l'auteur, mérycole lui-

même, étudie les phénomènes observés sur sa propre per-

sonne ; puis des observations dues à Ducasse (1836, in Froriep's

Nolizen, t. XLYII, p. 95), à Elliotson (Ibid., t. XLV, p. 337).

Des faits analogues ont encore été rapportés par MM. Vincent

(Comptes rendus de l'Académie des sciences, 1853), Rossier

(Journal des conn. méd., 1862), Châtelet (Gaz. des hOp., 1863),

Bourneville (Mémoire sur la condition de la bouche chez les

idiots, 1863), Fronmiiller (Gaz. méd. de Strasbourg, 1866),

Armaingaud'. Nous examinerons plus tard en détail toutes ces

observations.

Plus récemment encore, Ireland, dans son Traité de l'idiotie,

signale en passant l'existence du mérycisme chez les idiots,

mais ne fait que mentionner simplement, à l'appui de son

dire, l'observation de Becco, publiée par l'un de nous.

En 1874, le Dr W. Graham (The Chicago med. Examiner,

1874, 1" mars, p. 118) rapporte l'observation d'un cas de ru-

mination chez l'homme. En 1880, à la séance du 25 octobre, le

Dr Lorenzo Monti a adressé à la Société médico-psychologique

une note, citée à la correspondance, sur un cas de mérycisme

observé chez une imbécile épileptique. En 1881, notre ami,.

M. R. Blanchard, a publié dans le Dictionnaire de médecine et ? :

de chirurgie pratiques, un très-intéressant article sur la rutni

nation auquel nous aurons l'occasion de faire des empruntsl-.1

Nous devons encore une mention spéciale à la thèse de Du- '

mur', aux mémoires de E. PÕnsgen \ de Otto Koerner5 et de

1 Armaingaud. Essai sur la rumination humaine. Thèse do Paris, 1SG.

. Le Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales ne consacre

qu'une dizaine de lignes au mérycisme.

3 Dumur. - De la paralysie du cardia ou mérycisme. Diss. inaug"

Borne, 1839. Malgré de nombreuses recherches, nous n'avons pu jusqu'ici

nous procurer ce trayail.

4 Pônsgen. Disposition des fibres motrices stomacales ; troubles de

leurs fonctions. StrasÙourâ, 1882.

n Haerner (0.) - Contribution à l'étude de la rumination chez

l'homme. (Deutsches Arcltiv f. Klin. Dled. Leipzig, 1883, XXXIII, p. 54ft-

Sa6.) ,

10 DU MÉRYCISME.

M. Bouchaud '. Ces trois derniers travaux ont paru alors que

notre mémoire était composé.

III. DU MERYCISME CHEZ L HOMME SAIN ¡¡'ESPRIT.

Quand nous avons entrepris ce travail sur le mérycisme,

nous nous proposions de l'envisager seulement chez l'idiot ou

l'aliéné dément. Mais le cours de nos recherches nous ayant

amené à recueillir plusieurs cas du même genre observés chez

l'homme sain d'esprit et présentant des particularités intéres-

santes, nous avons pensé qu'il serait bon de joindre ces obser-

vations aux autres, afin de nous faire une idée aussi exacte que

possible du phénomène que nous étudions.

On pourrait presque, avec les faits observés chez les hommes

sains d'esprit, faire une monographie du mérycisme : on y

trouve, en effet, des indications intéressantes sur ses causes,

son mode de début, ses symptômes et sa marche. Cependant,

nous préférons réserver l'étude clinique pour la seconde partie

de notre travail, où les observations prises chez l'idiot sont

souvent plus complètes à quelques points de vue. Nous nous

contenterons pour le moment de signaler les particularités qui

ressortent des observations recueillies chez les individus jouis-

sant de l'intégrité de leurs fonctions intellectuelles, sur les

causes et le début du mérycisme.

Les auteurs anciens, qui ont parlé du mérycisme, ont

tout d'abord considéré ce phénomène comme intimement lié

à la constitution même de l'individu et comme tel se déve-

loppant avec lui. L'Ûge serait donc, dans ce cas, peu impor-

tant à considérer; nous verrons par la suite que cette proposi-

tion est absolument juste et que le mérycisme peut débuter

aussi bien dès la plus tendre enfance que dans l'adolescence ou

même dans l'âge adulte.

Sennert et Daniel Perineti admettent, en dehors de l'âge,

l'influence presque exclusive de l'imitation.

1 Bouchaud (J.-B.). Note sur la rumination citez l'homme et spécia-

lement chez les aliénés. (7oi«'<t. des sciences méd. de Lille, 1883, p. 608 et

G ! a1.) .)

DU MÉRYCISME. 11 t

Observation III. - Daniel Perineti (Med. pract., lib. III, sect. if,

cap. 8) cite le cas d'un enfant de sept à huit ans qui, ayant tété

des chèvres pendant deux ans, se mit à ruminer par imitation.

Observation IV. Sennert (Med. prat., lib. Ill, p. 1) cite le cas

d'un Suisse qui devint ruminant pour avoir vécu avec des bestiaux

et qui communiqua sa maladie à sa femme ( ? ).

D'après cette dernière observation, l'influence de l'imitation

se manifesterait non seulement des animaux à l'homme ;

mais encore de l'homme à l'homme. (Voir OBs. XXIII.)

Si les deux observations qui précèdent peuvent laisser quel-

ques doutes dans l'esprit, nous croyons que l'on doit accepter

sans difficulté celle que nous allons transcrire d'après M. Otto

Koerner, auquel elle a été communiquée par le professeur

A. Freund.

Observation IV Lis. - Hystérie et rumination chez une gou-

vemante : transmission à un garçon de six ans et à une fille

de trois ans. - Renvoi de la gouvernante : guérison des enfants.

- Dans la famille d'un collègue, on engagea une gouvernante

hystérique et ruminante. Les enfants, un garçon de six ans, une

lille de trois ans, apprirent d'elle en peu de temps à ruminer. La

mère vit d'abord que les enfants gardaient dans les bajoues les

aliments qu'ils n'aimaient pas, et les recrachaient quand ils n'é-

taient pas surveillés. On chassa cette propension par des punitions,

on ne vit plus rien d'anormal pendant longtemps, jusqu'au jour où

la mère les surprit au moment où, ne se croyant pas surveillés, ils

étaient debout, penchés en avant, exécutaient des mouvements

avec le ventre et faisaient remonter ainsi pour la recracher une

grande partie de leur repas. Alors, on les surveilla et on fit, après

chaque repas, un examen de leurs bajoues. On découvrit alors

que les deux enfants étaient capables, jusqu'à sept heures après le

repas, de faire remonter les aliments ingérés, pour les recracher

ou les ravaler à volonté. On renvoya la gouvernante ruminante

et la mère très énergique guérit les enfants bien vite par une sur-

veillance incessante.

Ce fait montre que, fort probablement, le mérycisme a joué

un certain rôle dans la production des vomissements extraor-

dinaires, bizarres, réputés miraculeux, dont il est parlé dans les

procès de diablerie. On y trouve, en effet, rapportée l'histoire

de nonnes hystériques qui vomissaient toutes sortes d'objets.

12 DU MÉRYCISME.

L'hérédité surtout, comme nous le verrons plus loin, joue

un très grand rôle dans l'étiologie du mérycisme. Nous avons

déjà dit plus haut que les premiers auteurs, admettant l'iden-

tité comme affection du mérycisme et delà présence des cornes,

pensaient que les mérycoles étaient fils ou pères de cornigères.

Plus tard, on n'admit plus que l'hérédité du mérycisme lui-

même, et les cas de productions cornées, observés dans ces

derniers temps chez les mérycoles (Hebra, Bérard et Lan-

douzy) sont tellement en minorité qu'ils ne doivent être re-

gardés que comme de simples coïncidences. Voici maintenant

quelques faits qui montrent que le mérycisme peut être héré-

ditaire.

Observation V. - J.-B. Winthicr rapporte l'histoire d'un Sué-

dois de quarante-cinq ans, qui, après avoir eu dans son enfance

des éructations acides, fut atteint de rumination il t'age de trente

ans.- Soii fils, il l'âge de vingt-quatre ans, fut atteint de la même

maladie, mais la pudeur la lui fit surmonter, du moins en public !

En dehors de l'influence de l'hérédité, qui nous parait incon-

testable bien que les phénomènes de rumination ne soient t

apparus qu'assez tard, nous signalerons dans cette observation

l'influence de la volonté sur la guérison du rnérycisme chez le

fils ; et la présence antérieure chez le père d'éructations acides.

D'autres fois, et le plus souvent, le mérycisme héréditaire

se manifeste dès l'enfance, ainsi qu'on le voit dans l'obser-

vation suivante :

Observation VI. - Mérycisme héréditaire. - Apparition dès l'en-

fance. - Suspension par les maladies intercurrentes. (Fro1'icp's No-

tizen, t. XLV, p. 337.) - On trouve dans les Trtrctsctclionshhiloso-

]J/tilj ! lCS l'histoire d'un cas de mérycisme relatif à un jeune homme

dc Bristol, âgé de vingt ans, et dont le père était mérycole. Lui-

môme ruminait depuis aussi longtemps qu'il pouvait s'en souvenir.

La rumination, toujours précédée d'une sensation de plénitude à

l'épigastre, commençait environ un quart d'heure après le repas,

s'il y avait eu beaucoup de liquides absorbés, sinon un peu plus

tard. Si ce repas avait été copieux, l'intervalle se prolongeait en

conséquence. Les aliments, remontant dans l'ordre où ils avaient

été digérés, étaient broyés une deuxième fois sans aucun dégoût

delà part du malade, puis redescendaient dans l'estomac sans don-

ner lieu à de nouveaux phénomènes. Les maladies intercurrentes

interrompaient la rumination.

DU MÉRYCISME. 13 3

Cette dernière particularité se retrouve dans l'observation

que nous allons maintenant rapporter et qui, de plus, nous

fournit un nouvel exemple de l'hérédité du mérycisme.

Observation VII. - Hérédité. Mérycisme dès l'enfance, invo-

lontaire, partiel. - Mastication complète. - Santé générale bonne.-

Suspension du phénomène par les maladies intercurrentes. (FI'ol'Íep' s

Notizen, t. XLV, p. 337.) - Le Dr Elliotson rapporte le cas d'une

dame de quatre-vingt-neuf ans qui rumine depuis sa plus tendre en-

fance. Elle jouit d'une excellente santé et vit depuis très longtemps de

la manière suivante : au déjeuner, elle mange du pain blanc et des

pommes de terre; le soir, du thé et quelquefois du café. Elle mâche

complètement les aliments : avant la rumination, cette dame n'éprouve

jamais de sensation de plénitude stomacale. La rumination se pro-

duit en général après chaque repas; elle est constante après le dîner.

Elle arrive parfois aussitôt après le repas, d'autres fois une heure

après ou même davantage : elle est accélérée par l'ingestion d'une

grande quantité d'eau. Les aliments remontent dans la bouche, en

produisant un bruit semblable à un gargouillement ; ce sont les pre-

miers ingérés qui reviennent les premiers. Le vin, la bière, le cidre

ne reviennent jamais; le thé ne remonte que le soir; l'eau remonte

toujours et parait favoriser beaucoup la rumination. Les parties

solides des oranges remontent constamment dans la bouche tan-

dis que le jus reste dans l'estomac. Les substances médicamen-

teuses restent toujours dans l'estomac. Les aliments qui sont rumi-

nés n'ont pas un goût désagréable. Il faut en excepter le thé et

les substances grasses qui, parfois, reviennent à différentes re-

prises jusqu'à ce que la malade les rejette. La rumination est

involontaire. Elle est toujours suspendue dans le cours des mala-

dies intercurrentes.

Le père et l'un des frères de cette personne étaient ruminants ;

mais ils sont morts de bonne heure. -

En dehors du fait d'hérédité, nous remarquerons, sans y

insister pour le' moment, que chez cette mérycole : 1° la

mastication était complète; 2° que le mérycisme était partiel

et involontaire;- 3° qu'il était suspendu sous l'influence des

maladies intercurrentes ; 4° que la santé générale fut toujours

bonne, et cela jusqu'à un âge avancé.

Cette dernière proposition pourrait faire penser à l'innocuité

du mérycisme; prenons garde et remarquons que la mérycole

dont il s'agit ne songea jamais à entraver cette fonction anor-

male. Dans le cas contraire, et les deux observations suivantes

le prouvent, le mérycisme, arrêté dans sa production, peut

influer gravement sur la santé générale.

14 DU MÉRYCISME.

Observation VIII. (Ducasse, Ibiid.) - L'homme qui fait le sujet de

cette observation parvint ci l'âge de soixante-dix ans, bien qu'il ait

ruminé dés sa plus tendre enfance. Chaque fois que le mérycisme

était interrompu ou ne s'accomplissait pas régulièrement, il tom-

hait malade, et n'était bien portant que s'il reprenait de plus belle.

Dans les dernières années de sa vie, il ne ruminait pas aussi bien

qu'auparavant. - A l'autopsie, on constata un squirrhe du pylore;

et une ulcération cancéreuse sur la grande courbure, au voisinage de

la rate.

Observation IX. M. Vincent (Comptes rendus de l'Académie des

sciences; 4 81;3, t. XXXVIII, p. 31) rapporte un cas de mérycisme,

observé chez M. Willame et datant de la jeunesse. Cette perversion

des fonctions digestives avait commencé à se montrer dès le dé-

but d'un voyage en mer ; mais elle avait persisté après le débarque-

ment. La rumination s'opérait environ une demi-heure après

l'ingestion des aliments et, dans l'espace de dix années, elle avait

réduit le malade à un état de marasme qui semblait annoncer

une titi prochaine. Ce fut alors que, sur l'avis d'un médecin, il

essaya de soumettre à une seconde mastication les aliments qui

remontaient de l'estomac presque dansle même étal où ils avaient

été avalés. L'assimilation ne s'exécuta jamais que d'une manière

très imparfaite comme le prouvait l'état de maigreur et de fai-

blesse du sujet. Cependant, avec celle santé languissante, il vécut

encore quarante-cinq ans et atteignit l'âge de quatre-vingt-trois ans.

Nous nous sommes un peu écartés de l'étiologie en faisant

remarquer l'influence du mérycisme sur la nutrition : l'obser-

vation précédente nous y ramène en nous montrant qu'en

dehors de l'hérédité, le mérycisme peut éclater sous l'influence

de causes occasionnelles : ici c'est un aocrGe erz mer; dans le cas ci-

après, c'est une cause à peu près semblable, un traumatisme,

qui provoque l'éclosion des troubles de la digestion.

Observation X. - M. Bouclier, médecin à Montpellier, cite le

cas d'un conscrit de l'armée d'Italie qui fut réformé pour une ru-

mination dont il rapportait la cause à une chute faite sur l'estomac,

et à la suite de laquelle il cracha le sang pendant cinq mois. (Ann.

de la Soc. de méd. de MOllt¡ielliC1', 1807, t. IX, p. 2811.)

Ces deux derniers faitsnousont montrélemérycisme éclatant

sous l'influence de causes traumatiques; dans celui que nous

allons rapporter les mêmes phénomènes sont dus à une autre

cause, la voracité. La voracité a été souvent signalée comme

cause du mérycisme et la vérité est qu'elle se retrouve chez la

DU MÉRYCISME. 15 j

plupart des mérycoles. Maintenant est-ce là une cause ou un

symptôme ? Cela est bien difficile à affirmer ; car, si l'on cite

des mérycoles qui le sont devenus assez tard par suite de

voracité, on en cite d'autres, mérycoles dès l'enfance, et chez

lesquels la voracité était aussi manifeste. Quoi qu'il en soit,

nous ne nous appesantirons pas plus longtemps, actuelle-

ment, sur cette partie de notre sujet et nous rapporterons les

exemples suivants sans commentaire :

Observation XI. - Salmutli (Obs. mal. cent., I, obs, C, p. oïl)

cite le cas d'un écolier de Marienburg qui était atteint de rumi-

nation. Il était très vorace et avalait les aliments presque sans

trituration. Il avait moins de quinze ans.

L'existence de la voracité, très nette dans le cas précédent,

l'est aussi dans bien d'autres (0ns. XVII, XVIII, XIX). Ce fait

presque général, comme on le verra, souffre cependant quel-

ques exceptions, témoin la suivante :

Observation XII Daniel Ludwig (Ephémérides des curieux de la

nature; Déc. I , années IX et X, Obs. CLX) rapporte le. cas d'une jeune

lille, très sobre, atteinte d'une rumination qui la dégoûtait , et

qu'elle ne pût maîtriser tout en diminuant de plus en plus la quan-

tité d'aliments qu'elle ingérait.

C'est là le seul cas, parmi tous ceux que nous avons pu

recueillir, ost la sobriété ait été constatée chez un sujet méry-

cole. L'observation XIII rentre à ce point de vue dans la règle.

Cependant, ici, la cause de l'affection ne fut pas la voracité, car

les premiers phénomènes se manifestèrent à la suite d'une

maladie aiguë, une variole. Affection bizarre, celle dans la-

quelle les mêmes maladies peuvent avoir une action absolu-

ment opposée ! Ici, une maladie intercurrente provoque

1'éclosion du mérycisme, tandis que, dans d'autres cas, parmi

lesquels nous en avons déjà cité quelques-uns au passage, les

maladies intercurrentes ont amené la disparition, au moins mo-

mentanée, de la rumination.

Observation XIII. Mérycisme il la suite d'une variole il l'âge de

sept 11115. - Conservation de l'appétit; voracité'. - Guérison à vingt

ans parle coït1. Il 11 s'agit d'un jeune homme âgé de vingt ans,

1 Filhol et Tarbès in Biblioth. méd., t. XXXIV, p. : ! 4; t. XL, p. 232;

t. Pli, 375; t. LXXII, p. 119.

16 ô DU MÉRYCISME.

d'une assez faible constitution, portant au cou des cicatrices de

scrofule, qui, depuis l'âge de sept ans, ci la suite d'une petite

vérole confluente, éprouve, après chaque repas, des rapports qui lui

font remonter les aliments de l'estomac dans la bouche. A l'ori-

gine, il rejetait ces gorgées d'aliments; mais comme il vit que

bientôt après il souffrait de la faim, il prit le parti de les mâcher

et de les avaler de nouveau. Il mange avec appétit, un peu vite et

ne boit que de l'eau. Une demi-heure après le repas, il éprouve un

sentiment de malaise dans la région épigastrique et la rumination

commence. Les aliments en revenant dans la bouche ne paraissent

avoir subi aucune altération dans l'estomac et n'ont pas mauvais

goût. Aussi les mâche-t-il de nouveau avec plaisir. Quand il s'en-

dort après le repas, il est forcé de se réveiller au bout de deux

heures pour vomir tout à la fois les aliments qu'il n'a pu ruminer.

Ce jeune homme, réformé pour sa maladie, se marie. Le lende-

main même de ses noces (et il affirme n'avoir jamais usé du coït

avant cette époque) le mérycisme commença à diminuer. Huit jours

après, il en était complètement délivré, aussi bien que de la soif

intense qu'il éprouvait auparavant dès qu'il avait fini de ruminer.

Ce fait étrange dela disparition du mérycisme sous l'influence

d'un acte tout physiologique se retrouve encore dans l'obser-

vation suivante, presque analogue de tous points à celle que

nous venons de citer. Peut-être est-ce la même : en effet,

dans la première, le mérycisme débute à sept ans, dans la

suivante à six ans et, la suite de la même maladie; il disparait t

de la même façon au bout de huit jours de mariage chez les

deux sujets, vierges tous deux, à peu près vers le môme âge.

Nous signalons ces rapprochements : comme rien dans nos

recherches ne nous a indiqué que le second cas n'était qu'une

reproduction du premier, nous le citerons ici :

Observation XIV. - Le nommé Claverie, journalier, ne com-

mença à ruminer qu'à l'âge de six ans, à la suite d'une petite vérole;

cela dura ainsi jusqu'à l'âge de vingt-trois ans. A cette époque, il se

maria : le lendemain de son mariage, il remarqua avec surprise que la

rumination diminuait; huit jours après, elle avait totalement cessé,

sans qu'il éprouvât pour cela des douleurs dans un organe quel-

conque. Un fait à signaler est que ce jeune homme affirme n'avoir il

jamais eu de rapports sexuels avant son mariage.

Les troubles fonctionnels de l'estomac paraissent aussi jouer

quelquefois le rôle de causes occasionnelles, comme nous le

'Ducasse. - Froriep's Notizen, t. XLVII, p. 95, 183G.

DU MÉRYCISME. 17 7

verrons tout à l'heure; d'autres fois, le mérycisme exercerait

peut-être une action réciproque du même genre, pouvant

amener le développement d'autres affections de l'estomac :

c'est ce que semblerait indiquer l'Observation ci-dessous ainsi

que l'OBSERvATION VIII.

Observation 1V'. - Cette observation a trait à un soldat qui

mourut à Toulouse à l'âge de cinquante-neuf ans. Dès sa plus tendre

enfance, cet homme eut le pouvoir de rejeter les aliments qui l'in-

commodaient sans que sa digestion eût à en souffrir le moins du

inonde. De lci Ii la rumination il n'y avait qu'un pas. Il fut vite fran-

chi, le mérycisme devint bientôt chez cet homme un acte naturel. Il

disparut cependant dans le cours de la maladie dont il mourut (cancer

du pylore).

A l'autopsie, rien d'anormal dans la conformation de l'estomac

La cavité était simple, sans diverticulum ni rétrécissements.

Nous penserions volontiers que, dans ce cas, le cancer ne

serait qu'un résultat de l'action exercée par le mérycisme sur

les fonctions digestives. Ce phénomène entravant journelle-

mement le fonctionnement régulier de l'estomac, imposant

pour ainsi dire une surcharge de travail à cet organe, peut

parfaitement en avoir fait un locus minons resistentioe favo-

risant l'éclosion des néoplasmes chez un individu en puis-

sance de diathèse.

Quant à la suspension ultérieure du mérycisme par le

cancer, elle peut alors s'expliquer en admettant que le

néoplasme une fois développé, ayant attaqué la structure

môme de l'estomac, ait apporté un trouble dans les fonctions

habituelles de cet organe, surtout si l'on admet avec certains

auteurs que le mérycisme est dû à une susceptibilité exagérée

de la muqueuse de l'estomac ou à une plus grande énergie de

ses fibres musculaires. Cette hypothèse serait aussi applicable

à I'Observation VIII dans laquelle le sujet, mort d'un

squirrhe du pylore, ruminait moins bien à la fin de la vie.

En dehors de la suspension du mérycisme par le fait du

cancer, nous ferons encore remarquer, dans l'observation qui

précède, le mode de début du mérycisme qui ne s'est établi que

graduellement comme dans les Observations IX et XIII.

Nous avons signalé tout à l'heure les troubles des fonctions

digestives comme pouvant occasionner l'apparition de la

1 Ducasse, Ibid. ,

Bourneville, 1883. 2

18 DU MÉRYCISME.

rumination. Nous rappellerons à ce propos l'OBSEUVATioN V

ayant trait à un individu qui avait des éructations acides avant

l'apparition du mérycisme et nous allons rapporter des obser-

vations où le phénomène est survenu à la suite d'une indiges-

tion ou même chez des sujets déjà dyspeptiques. Nous ferons

remarquer aussi que la voracité, le défaut de mastication

presqu'ordinaires chez les mérycoles,peuvent fort bien rentrer

dans cette catégorie de causes et ne favoriser l'apparition du

mérycisme qu'en provoquant d'abord des troubles dans les

fonctions de l'estomac.

Observation XVI. - Mérycisme survenant à la suite d'un excès.

Début graduel. - Suspension par un accès de goutte. Boulimie.

Diminution du mérycisme1. - M. R..., maître de forges, à trente-

deux ans, en 1798, eut, à la suite d'une orgie, une indigestion dont il

pensa mourir. Puis survint après chaque repas un hoquet ramenant

des aliments, qui redescendaient ensuite dans l'estomac, sans avoir

aucun mauvais goût.- La rumination, qui finit par s'établir com-

plètement, était annoncée par une sorte de spasme de l'oesophage et

un besoin d'éructation. En 1806, elle fut suspendue par un accès de

goutte.

En 18d f, il fut atteint d'une sorte de boulimie qui dura près de trois

mois et ne céda qu'en laissant des douleurs épigastriques, des nau-

sées au moindre écart de régime, de l'anorexie, et une diminution

du mérycisme.

On voit donc que, chez ce malade, outre le début graduel

déjà signalé (ORS. IX, XIII, XV), ainsi que la suspension par

les maladies intercurrentes (ORS. VI, VII, XV), le mérycisme

apparut à la suite d'une indigestion. Le fait suivant, plus net

encore à ce point de vue, nous montre le mérycisme apparais-

sant chez un individu souffrant déjà de dyspepsie.

Observation XVII. ? cMme. Dyspepsie préexistante. Début

graduel. Conservation de l'app,jtit; voracité; constipation habi-

tuelle. Les liquides ne sont ruminés que s'ils sont pris en grande

quantité. - Suspension momentanée de la rumination par contraction

de la volonté; mais rejet consécutif des aliments en masse*. 2. - Le

sujet est un homme de moyen âge, d'une assez lionne constitu-

tion, habitué dès sa jeunesse à manger très vite. Depuis quelques

années il avait déjà de la dyspepsie et rejetait deux ou trois heures

1 Percy. Dictionnaire en soixante volumes, art. Mérycisme.

'James Copland. - IJull. méd ? t. LXXIV, p. 417.

DU MÉRYCISME. 19

après ses repas les liquides ingérés qui avaient alors un goût aigre.

Cette affection se changea ensuite en une véritable rumination qui

se compliqua d'une éruption cutanée. L'appétit était conservé : le

malade mangeait gloutonnement sans soif; constipation habituelle.

Sommeil tranquille. Une demi-heure ou une heure après le repas,

une sensation de plénitude dans la région du cardia l'obligeait à

faire une grande inspiration; dès qu'elle se terminait, un bol ali-

mentaire s'élevait de l'estomac et arrivait dans la bouche au com-

mencement de l'expiration. Il en était ainsi jusqu'à ce que tous les

aliments eussent été soumis à une seconde mastication qui était

plus agréable au malade que la première. C'était les premiers ava-

lés qui revenaient les premiers. Les liquides ne remontaient que

s'ils étaient pris en grande quantité. Pas de nausées ni de mauvais

goût dans la bouche. Le malade pouvait retenir les aliments en con-

centrant son attention sur un autre objet au moment de la sen-

sation de plénitude au cardia. Mais quelque temps après, les ali-

ments solides et liquides, devenus acres, amers, revenaient tout à

la fois et étaient rejetés, mais sans douleurs ni efforts de vomisse-

ment.

Cette affection disparut en quelques semaines sous l'influence de

purgatifs, de toniques végétaux, de bains tièdes et de frictions

sèches.

Nous ferons remarquer, à propos du début graduel déjà noté

(OBS. IX, XIII, XV, XVI), un fait curieux qui ressort de cette

observation, c'est que les liquides qui, à l'origine, étaient seuls

ruminés, ne le furent plus tard que s'ils étaient pris en grande

quantité. Ajoutons que ce fait est un exemple de rumination

ayant abouti à la guérison sous l'influence d'un traitement

approprié : déplus, chez le sujet actuel, la volonté était impuis-

sante à retenir les aliments dans l'estomac.

L'observation suivante due à M. Otto Koerner (loc. cil.)

rentre aussi dans la catégorie des mérycoles préalablement

atteints de troubles chroniques de la digestion.

Observation XVII bis. Père ruminant. Développement tar-

dif de la marche et de la parole. Vomissements fréquents. -

Constipation habituelle. - Inflammation intestinale. - Début du

mérycisme il dix-sept ans. - Symptômes et marche de l'affection. -

Rémissions. - Traitements divers . - M. N..., étudiant en philoso-

phie. Il est âgé de vingt ans, fils d'un père ayant autrefois ruminé.

Il dit qu'on ne pourrait apprendre aujourd'hui grand'chose sur la

rumination paternelle, car elle guérit spontanément déjà avant

le mariage du père. Ce dernier se rappelle avoir souvent ruminé

des aliments qui lui plaisaient beaucoup. Cela lui était très

20 DU MÉRYCISME.

agréable, car il avait ainsi une double jouissance. Jamais de pyrosis

dans ces moments. A côté de cela, il se portait fort bien. Le fils n'a

appris tous ces faits qu'à un moment où lui-même ruminait déjà

aussi. Mère un peu nerveuse, soeur autrefois anémique; elle

passe actuellement pour être bien portante.

Ce M. N... a été faible dans l'enfance ; il apprit tard à parler

et à marcher; souvent malade, il vomissait facilement (chaque fois

qu'il allait en chemin de fer, par exemple); il a souffert depuis sa

jeunesse jusqu'à ce jour d'une constipation opiniâtre. Il dit que

cela vient de la mauvaise habitude, prise dans l'enfance, de ne vou-

loir aller à la selle que dans le cas d'absolue nécessité. A l'âge de

douze ans, inflammation intestinale attribuée avec certitude parle

patient à un arrêt des matières. Avant que la rumination ne parût

le malade souffrait déjà souvent de gastrite, d'éructations et de

mauvaise odeur de l'haleine.

La rumination s'est développée à l'âge de dix-sept ans, en deux

mois. Le malade était allé pendant un mois dans les hautes

montagnes et avait pris, matin et soir, un demi-litre de lait len-

lentement, par gorgées, souvent avec un petit pain trempé dedans.

Cette cure ayant été continuée à la maison (dans une grande ville),

avec un genre de vie sédentaire, il se développa une montée invo-

lontaire de coagula de lait nageant dans un liquide très acide,

avec ou sans éructations. D'abord, ces phénomènes se montraient

très vite après l'ingestion du lait, plus tard, seulement une heure

après, et se renouvelaient alors deux ou trois fois en une heure.

Bientôt, mêmes phénomènes après tous les repas, surtout après

le café au lait du premier repas du matin. Le patient s'habitua

peu à peu à mâcher à nouveau les aliments remontés, quand ils

n'étaient pas trop acides; il les ravalait ensuile, quelquefois sans

se donner la peine de mastiquer à nouveau. Souvent, il ruminait si

rapidement que la soupe était déjà ruminée avant que le boeuf ne

fut entamé.

Bientôt il ruminait presque chaque fois qu'il buvait delà bière ou

du vin. Dans le cas seulement où les liquides n'étaient pris que long-

temps après le repas, le malade n'observait qu'un peu d'éructa-

tion acide sans rumination.

La rumination se présentait immédiatement après l'ingestion de

blanc d'oeuf, de crème de lait, de graisse, de salade verte (rarement

après la salade aux concombres). Jusqu'à ces derniers temps, les

gousses des fruits, même des cerises, ainsi que les noyaux des rai-

sinset des groseilles, remontaient régulièrement etétaieutcracbées.

Plus tard, la maladie se montra même après l'ingestion d'ali-

ments sucrés. Le chocolat remontant dans la bouche n'avait quel-

quefois, au dire du malade, aucune acidité au goût, malgré son

odeur acide, et le malade le ravalait avec plaisir. Quelquefois la

rumination est précédée d'un sentiment de poids dans la région

DU MÉRYCISME. 21 1

épigastrique qui dure quelquefois aussi longtemps que la rumina-

tion. Dans ces cas, on observe toujours en même temps des renvois.

Quelquefois les éructations étaient si violentes et si abondantes,

que les matières ne pouvaient être gardées dans la bouche. Jamais

de nausées dans ce cas. Comme les masses ruminées avaient en

général un goût acide, l'acte n'avait rien d'agréable.

Dès que la digestion était entravée (estomac embarrassé ou re-

froidi, surtout aussi pendant la constipation), la maladie augmen-

tait de fréquence et d'intensité. Le patient ne rumine pas quand il

a une conversation animée, surtout quand en même temps il prend

un exercice modéré. Si, en suivant une diète sévère, il attache son

attention à l'observation des règles prescrites, la maladie augmente

de suite.

Le malade fut traité par l'acide chlorhydrique avant le repas,

puis, par suite d'insuccès, par le vin de pepsine avant et l'acide

chlorhydrique après le repas. Alors, la rumination s'arrêta quelque

temps pour reparaître pendant que le malade suivait encore la

médication. L'abstinence simple démets gras, acides et sucrés, n'a

jamais servi de rien à elle seule; en employant en même temps le

bismuth et le bicarbonate de soude, on obtint pendant quelque

temps un mieux sensible.

Peu à peu, la maladie décrut d'elle-même. Le patient croit que

la cause en est dans ce qu'il ne s'intéressait plus à son affection,

n'observait plus de diète et ne prenait plus de médicaments. Tel était

l'état des choses quand M. Koerner fit la connaissance de M. N...

en été 1882. « Lorsqu'il me raconta sa maladie, je lui dis qu'un

malade de M. Pônsgen s'était guéri en arrêLant la rumination par

la volonté et en faisant des mouvements de déglutition. Il essaya

aussi de ce moyen, mais sans grand succès. Quelquefois, quand il

réussissait, il lui semblait, comme dans le cas de Ponsgen, que les

aliments à moitié chemin étaient repoussés dans l'estomac par les

mouvements de déglutition. En juillet, je le présentai au Dr V.

Jeu Vilden, qui fut assez aimable pour examiner avec moi l'esto-

mac. Le malade, vif quoique vivant un peu à l'écart, s'occupe

beaucoup de travaux d'esprit très pénibles. II est petit, malingre.

Thorax peu développé, musculature moyenne, pannicule graisseux

faible. Langue nette. Organes thoraciques et foie normaux. Pa-

rois abdominales minces, épigastre effacé (deux heures après le

principal repas). On entend de forts gargouillements dans l'esto-

mac, pas de mouvements visibles à l'oeil nu, même après friction

de l'épigastre. »

Le matin à jeun, on dilate l'estomac avec de l'acide carbonique

(deux grammes d'acide tartrique et de bicarbonate de soude); l'é-

pigastre, auparavant effacé, se bombe fortement. Toutes les vingt

secondes environ, contractions violentes visibles et tangibles de la

région épigastrique. En frottant la région, il se forme, dans lali-

22 DU MÉRYCISME.

mite où la percussion dénote la présence de l'estomac, une vague

péristaltique allant rapidement de gauche à droite en décrivant

une courbe. La percussion assigne comme limile inférieure il l'es-

tomac, une ligne légèrement courbe, allant de la partie inférieure

de l'arc costal gauche à travers l'ombilic vers l'arc costal droit; là

elle rencontre la matité du foie un peu en dedans de la ligne ma-

millaire. Le bord supérieur n'est pas percutable à cause de la

fuite rapide des gaz. L'acide carbonique sort sous forme de ren-

vois violents.

L'estomac était vide le matin. Un quart de litre d'eau fut avalé il

jeun. La sonde, introduite après, reliée il une bouteille dans laquelle

le vide avait été fait, ramena un liquide clair, neutre, sans mucus

ni albumine.

Pour observer mieux la rumination, on fit prendre au malade

le blanc de deux oeufs durs, coupés en .petits cubes. Au bout de

vingt minutes, pas de rumination; nous donnons une cuillerée à

thé de graine de moutarde dans un peu d'eau; des petits corps

(raisins de Corinthe, etc.), favorisent en effet chez le malade la pro-

duction de la rumination. Bientôt légère sensation de poids dans

l'épigastre qui se soulère un peu. Quelques renvois donnent du

soulagement. Il n'y eut pas de rumination. Sans aucun doute, l'es-

tomac n'avait pas atteint le degré de réplétion (voir plus bas) né-

cessaire à la production du phénomène. Lorsque plus tard, le

malade prit un premier déjeuner composé de café et de petits-

pains, et alla ensuite aux cours, le sentiment de poids, désigné

par lui du mot d'envie de ruminer, se présenta, mais la rumination

fut arrêtée par l'effort de la volonté.

Peu après, le malade quitta Strasbourg. La suite de l'observation

est prise dans les nombreuses lettres qu'il m'a écrites.

On voulut d'abord combattre les phénomènes dyspeptiques indi-

quant sûrement un catarrhe gastrique chronique; on donna du sel

de Carlsbad, une demi-heure avant le repas une cuillerée à thé

dans un demi-verre d'eau chaude. La cure lut prolongée trois

mois, jusqu'à la fin d'octobre. On arriva ainsi à enlever aux ali-

ments ruminés leur goût acide; l'odeur acide disparut aussi. La

rumination diminua un peu de fréquence et ne se présentait plus

d'ordinaire qu'après le premier déjeûner. Le sentiment de poids

dans l'épigastre fut conservé. Les selles ne furent pas intluencées

par le peu de sel pris.

Le patient abandonna le traitement environ huit jours (vers le

commencement de novembre); alors il se développa une constipa-

tion très opiniâtre. M. N... recommença à ruminer plus souvent

avec renvois acides. Il vit cette fois encore la constipation augmen-

ter chez lui la rumination.

A ce moment (fin novembre) je lui proposai, me basant sur

une observation (Observation XXXVI) faite sur un autre ruminant,

DU MÉRYCISME. 23

d'agir directement contre la rumination par l'ingestion de petits

morceaux de glace. Le patient, dès que le poids épigastrique pré-

monitoire s'annonçait, avalait un morceau de glace. Il dit avoir

souvent arrêté ainsi la rumination et l'avoir vu diminuer, ce qui

ne me semble pas démontré.

Au milieu de décembre, palpitations de coeur violentes. Le mé-

decin prescrivit : teint. éthérée de digitale 5 grammes, eau de

laurier-cerise 10 grammes, deux fois par jour 1;i gouttes. Bien-

tôt, anorexie, mauvaise haleine et rumination acide. La cure à la

glace était devenue inefficace et cette aggravation ne disparut qu'a-

près abandon de la digitale.

Depuis ce temps, le besoin de ruminer est devenu très rare, tou-

jours combattu avec succès par les mouvements de déglutition. Les

renvois, l'odeur acide disparurent; mais chaque fois que le ma-

lade déjà constipé éprouvait quelque retard dans ses selles, le be-

soin de ruminer augmentait. Tout cela avait disparu, quand je

revis le patient le 17 avril 1853.

En résumé, dirons-nous avec M. Koerner, il s'agit là d'un

malade faible, souffrant d'un catarrhe chronique de l'estomac et

d'une constipation opiniâtre, ayant un estomac peu dilaté, dont

le père rumina jadis, qui a eu du pyrosis, puis des renvois de-

venant des régurgitations habituelles et qui enfin fut atteint de

rumination. Les accidents concomitants diminuaient et dispa-

raissaient quand le catarrhe allait mieux, pour revenir avec

l'aggravation du catarrhe. La constipation augmentait la rumi-

nation. Les médicaments n'ont pas eu d'effet durable. Au bout

de trois ans, la rumination devint plus rare et s'arrêta presque

complètement, lorsque le catarrhe eut été amélioré par le sel

de Carlsbad.

En outre, comme dans le fait précédant, la volonté était

impuissante à arrêter le mérycisme. Les cas de ce genre sont

relativement fréquents. (OBs. VII.)

Observation XVIII. - Le Dr Delmas a connu un étudiant en mé-

decine à Paris, Helvétien d'origine et gros mangeur, atteint de

rumination involontaire mais non incommode.

Observation XIX. Blumenbach rapporte' quatre exemples de

mérycoles : chez deux la fonction était volontaire et s'accompagnait

d'une véritable sensation de plaisir.

' Froriey's Notizen, t. XLV, p. 337.

2-i- DU MÉRYCISME.

Cependant on voit que la volonté peut aussi avoir quelque

influence sur la production du mérycisme : Darwin cite

l'exemple d'un homme qui choisissait à volonté parmi les

aliments ingérés dans son estomac ceux qu'il voulait ruminer.

Sans être aussi concluante, l'observation suivante nous montre

aussi l'action de la volonté sur la rumination; mais alors la

rétention des aliments s'accompagnait de douleur : on verra ce

point signalé encore plus loin (Cas. XXVIII). Ce fait, ainsi que

l'influence de l'arrêt de la rumination sur la nutrition, prouve

bien que ce n'est pas là une maladie, comme nous l'avons dit

plus haut, mais une sorte de fonction anormale.

Observation XX. - M. Roubieu 1 a observé un jeune homme

d'une constitution faible, d'un appétit vorace, qui, après ses repas,

était'sujet à une rumination qu'il ne pouvait empêcher, sans souffrir

de douleurs épigastriques. La rumination était précédée d'éructations,

ne provoquait pas de dégoût et cessait au bout d'une demi-heure.

11 périt d'hémoptysie à trente ans.

Dans l'OBSERVATION XVII, nous avons vu aussi un homme

suspendant volontairement la rumination. Mais, chez lui, cet

arrêt n'était que momentané et, malgré la concentration de la

volonté, les aliments étaient bientôt rejetés en masse.

Ces quelques exemples nous montrent la volonté agissant

dans les deux sens, soit pour arrêter, soit pour produire le

mérycisme. Ce dernier point ressort encore de l'observation

suivante :

Observation XXI. Mérycisme sans effort ni douleur. Influence

du régime; constipation persistante. Production volontaire du mé-

rycisme - Le Dr rronmüller (de I'ürtb) a observé trois cas

d'hommes ruminants, dont deux superficiellement. Le troisième,

âgé de vingt et un ans, a sa mère atteinte d'une affection chro-

nique de l'estomac. Il a son infirmité depuis l'âge de dix ans et il

l'attribue ci l'ingestion d'une eau fétide provoquée par une soif vive.

Il fut traité sans succès par les vomitifs. Sauf une constipation per-

sistante, il se porte assez bien.

Il rumine sans effort de vomissements, môme souvent avec plaisir,

et la rumination suit de près le repas. Ce sont les viandes et les

boissons qui remontent le moins; les légumes remontent toujours.

Lorsqu'il est tranquille, il peut faire remonter volontairement les

' Ann. Soc. méd. Montpellier, t. IX, p. 283, 1808.

-Gazette médicale de Strasbourg, année 1870, p. 123.

DU MÉRYCISME. 25

aliments, mais sans les choisir comme le ruminant de Darwin; il

peut souvent retenir les aliments. La bouillie alimentaire, d'abord,

épaisse, devient à la fin liquide et amère. Le soir, il ne rumine pas.

Langue toujours chargée.

De plus, cette observation se rapproche de l'OBSERVATion XVII

par le fait de la rumination partielle, c'est-à-dire ne s'exerçant

que sur certains aliments. Nous avons déjà mentionné certains

cas de ce genre. Ainsi, dans l'OBSERVATION VII, les boissons

n'étaient jamais ruminées, de même dans l'OBsERV AT LON XVII ;

ici ce sont les viandes et les boissons, et, de plus, la rumina-

tion ne suit pas tous les repas.

Rapprochons de ces faits le suivant, qui est aussi un

exemple de rumination partielle, mais d'une autre variété, car

le sujet ramène tous ses aliments dans sa bouche, pour n'en

ruminer ensuite qu'une partie.

Observation XXII. - welsch (Obs. med., ép. XXXVI) rapporte l'his-

toire de Edouard Damies qui, une heure ou deux après le repas, ne

pouvait s'empêcher de ramener par une sorte de rumination son

manger dans sa bouche, d'où il rejetait les substances grasses qui

n'avaient pu convenir à son estomac.

Dans le cas suivant, la rumination, après avoir été itateonait-

tente, devint constante.

Observation XXII bis. Abus des fruits verts et entérite durant

l'enfance. - Début du mérycisme à seize ans. -D'abordirttermittent,

il devient constant. Ses caractères. - Mastication incomplète. (Ar-

maingaud, loc. cit., p. 41). xi. C... est âgé de vingt-trois ans; il

fut allai té par sa mère, qui a toujours joui d'une excellente santé, ainsi

que son père, ses grands-pères et grandes-mères. Sa santé ne laissa

rien à désirer jusqu'à l'âge de quatre ans environ; à partirde cette

époque, jusque vers l'âge de neuf ans, il se livra sans discrétion et

sans réserve à son goût prononcé pour les fruits, surtout pour les

fruits verts, et tous les ans, vers le mois de septembre, une entérite

le retenait au lit pendant plusieurs semaines. A l'âge de neuf ans

il entra au collège ; dès lors il ne lui fut plus possible de se livrer

librement à ses instincts frugivores, et l'entérite d'automne cessa

de se manifester. Jusque vers l'âge de seize ans, il ne trouve, dans

son existence matérielle, aucune particularité digne d'être notée.

Les digestions s'exécutaient normalement; mais un soir, une demi-

heure environ après son dîner, quelques amandes qu'il avait man-

gées à son repas, remontèrent dans sa bouche spontanément, sans

26 DU MÉRYCISME.

efforts; leur saveur n'étant pas altérée, il les mâcha complètement

et les avala de nouveau ; ce fut chez lui la première manifestation

du mérycisme ; il ne se souvenait pas avoir fait, ce jour-là, un re-

pas plus copieux qu'à l'ordinaire. A partir de ce moment, la ru-

mination fut établie, mais d'une manière irrégulière, c'est-à-dire

que les aliments ne remontaient dans la bouche pour être remâ-

chées, qu'après certains repas et non après chaque repas; mais peu

à peu le mérycisme s'établit définitivement, et les repas après les-

quels les aliments ne remontaient pas à la bouche, devinrent de

plus en plus rares; il ne lui est jamais arrivé, même dans les pre-

miers jours, de rejeter les aliments qui revenaient ainsi de l'esto-

mac, parla raison que jamais leur saveur n'était altérée, quoique

la régurgitation eût quelquefois lieu plus de deux heures après le

repas; toujours il les soumettait à une seconde mastication, sans

répugnance aucune, quelquefois même avec un certain sentiment

de jouissance, et ils descendaient de nouveau dans l'estomac. Ce

qu'il y a de remarquable, c'est que cette nouvelle fonction lui sem-

blait si naturelle qu'il n'en fit jamais part à aucun de ses cama-

rades ni à sa famille, et que personne ne s'aperçut jamais de ces

régurgitations qui s'opéraient chez lui.

Il se rappelle aujourd'hui que, depuis plusieurs années au moins,

il ne fait subir aux aliments qu'il introduit pour la première fois

dans sa bouche, qu'une mastication incomplète ; mais comme il

ne saurait dire si cette habitude existait chez lui avant la première

manifestation du mérycisme, ou bien si elle n'a été contractée

que depuis cette époque, il est difficile de se prononcer sur la ques-

tion de savoir si la mastication incomplète a joué un rôle dans la

production du mérycisme, ou bien, si, au contraire, M. C... n'a

pris que peu à peu et insensiblement l'habitude de ne mâcher qu'à

moitié ses aliments, sachant qu'ils allaient se représenter de nou-

veau sous ses ddnts.

Ce que je viens de dire se rapporte aux souvenirs de M. C...; ce

que je vais dire se rapporte à l'époque actuelle, à ce quej'ai observé

moi-même directement.

M. C... a un tempérament tympathico-nerveux, une constitution

assez bonne. Nous prenions nos repas ensemble depuis plusieurs

mois sans que j'aie pu m'apercevoir des phénomènes insolites qui

se passaient chez lui; mais un jour, une demi-heure après son di-

ner, le voyant mâcher pendant plusieurs minutes sans qu'il eût

rien introduit dans sa bouche, je lui demandai la raison de ces

mouvements de la mâchoire; il m'apprit alors qu'il remâchait les

aliments qu'il avait avalés pendant son repas, et que la même chose

se produisait après chaque repas ; il fut même très étonné d'appren-

dre que ce phénomène n'était pas normal, car il avait toujours cru

que cette fonction lui était commune avec tous les autres hommes.

A partir de ce jour, mon attention fut vivement excitée, et je ne

DU MÉRYCISME. 27

passai pas un seul jour sans observer les faits suivants : M. C... ne

mange pas plus copieusement que ses commensaux, il est au con-

traire très sobre. Un quart d'heure environ après le repas, la ru-

mination commence; une petite partie des aliments ingérés re-

monte dans la bouche sans aucun effort, sans secousses, et presque

à l'insu du sujet, qui ne s'aperçoit, le plus habituellement, des

contractions qui font remonter les aliments que lorsque ces derniers

sont arrivés dans la cavité buccale; je dis, le plus habituellement,

parce qu'il arrive assez souvent que les aliments ne remontent pas

spontanément; mais alors il éprouve une sensation de gêne à l'é-

pigastre qui l'engage provoquer l'ascension des matières, ce qu'il

fait en contractant légèrement les muscles abdominaux; l'estomac

ainsi comprimé, réagit, se contracte et expulse doucement une

partie de son contenu; mais la plupart du temps, il n'éprouve point

ce sentiment de plénitude et les aliments remontent spontanément.

Ils n'ont point changé de saveur, leur odeur n'est point désagréable ;

quand ils ont été remâchés et de nouveau insalivés, ils redescendent

dans l'estomac et une autre portion, suivant le même trajet, est

soumise aux mêmes actes, et ce va-et-vient se continue pendant

un temps variable, quelquefois une heure seulement après le re-

pas, d'autres fois deux heures, quelquefois même quatre heures.

La portion d'aliments ainsi ruminée ne dépasse pas habituellement

le quart de la quantité ingérée pendant le repas; la plus grande

partie reste habituellement dans l'estomac, et pour cette portion

la digestion se passe comme chez tout le monde. J'ai déjà dit que

la ration alimentaire de M. C... était loin de dépasser la moyenne,

mais je le repète, parce qu'on aurait pu supposer qu'il s'agit ici

d'une régurgitation par trop pleine, hypothèse à laquelle il fau-

drait du reste renoncer en présence des faits suivants : Ce sont

surtout les aliments de difficile digestion qui reviennent dans la

bouche, et même lorsqu'ils ont été introduits les premiers. Cesont

toujours eux qui reviennent les premiers. Hier encore, voici ce que

nous observions : M. C... avait mangé d'abord de la viande de porc,

puis ensuite du boeuf rôti, et enfin des fraises; quelques minutes

après le repas, nous le priâmes de rendre dans une assieltelapre-

mière portion alimentaire qui reviendrait à la bouche; l'ayant

examinée, nous reconnûmes que c'étaient des parcelles de porc,

sans aucun mélange. Du reste, cet examen n'était pas absolument

nécessaire, car le goût de ces parcelles était parfaitement conservé,

et il m'en avaitannoncé la nature avant de les avoir rendues dans

l'assiette.

Il faut ajouter que la rumination se prolonge d'autant plus après

le repas, que la première mastication a été plus incomplète; ceci

est la loi générale, mais il faut dire aussi que lamasticalionlaplus

complète n'empêche jamais le mérycisme de se produire à un cer-

tain degré; il est diminué, mais jamais il ne peut être complète-

28 DU MERYCISME.

ment évité. Quand M. C... fume ou quand il prend du café, toutes

choses égales d'ailleurs, la rumination est diminuée. Au contraire,

s'il se met au travail immédiatement après son repas, il ne cesse

de ruminer, et c'est dans ces conditions que le mérycisme se ma-

nifeste encore quatre heures et même cinq heures après le repas.

La volonté aidée d'une attention soutenue peut quelquefois sus-

pendre le mérycisme et l'empêcher de se produire, mais il n'ob-

tient cette, suspension qu'au prix d'une douleur sourde, mais très

gênante dans la région épigastrique. M. C... n'éprouve jamais

d'éructations ; son haleine n'est nullement mauvaise; les résidus

de la digestion sont expulsés régulièrement sans diarrhée ni cons-

tipation, en un mot ses selles sont tout à fait normales.

Bien que cela soit rare, il peut arriver que le mérycisme soit

provoqué : tel est le cas de M. le professeur Brown-Séquard,

rapporté par M. R. Blanchard.

Observation XXIII. - « Chez M. Brown-Séquard, dit-il, le méca-

nisme s'établit à la suite d'expériences, par lesquelles ce physiolo-

giste cherchait à déterminer la durée du séjour que devaient

faire dans l'estomac, les divers aliments, pour s'y digérer complè-

tement. Dans ce but, il reproduisait sur lui-même les expériences

classiques de Héaumur et de Spallanzani : il avait une éponge,

maintenue au dehors par une ficelle, et au centre de laquelle se

trouvait l'aliment. Ces expériences allèrent hien pendant quelque

temps, puis, à un certain moment, l'estomac se révolta et rejeta

l'éponge. M. Brown-Séquard lutta longtemps contre son estomac,

dans l'espoir de déterminer en lui une accoutumance ; mais le rejet

de l'éponge persistant et s'accompagnant même de la régurgita-

tion des aliments, il dut s'avouer vaincu et cesser ses expériences.

La l'éjection n'en persista pas moins et constitua pendant long-

temps une véritable infirmité. »

Nous dirons avec M. R. Blanchard que « ce nombre restreint

de cas ne peut évidemment donner aucune idée de la quantité

relative de mérycoles qui existent de par le monde, car, le plus

souvent, le trouble fonctionnel dont sont atteints les mérycoles

ne constitue point une infirmité et n'a même rien que de très

agréable : les personnes de cette catégorie n'ont donc aucun

intérêt à consulter un homme de fart, n'étant aucunement

gênées par le retour des aliments. D'autres mérycoles ruminent

inconsciemment, pour ainsi dire, sans se douter que cet état

physiologique leur est particulier, et on les étonnerait assuré-

ment beaucoup si on leur apprenait que cette fonction ne leur

DU MÉRYCISME. 29

est point commune avec tous les autres hommes ; tel était le cas

du sujet observé par M. Armaingaud. Tel est aussi mon propre

cas. Je n'ai aucun souvenir de l'époque à laquelle le mérycisme

a pu s'établir chez moi : en tout cas, il remonte à ma plus

tendre enfance, et il m'incommode si peu que je l'aurais consi-

déré comme un phénomène physiologique normal, si les livres

ne m'eussent appris le contraire. Je m'inquiétais du reste fort

peu de savoir si les personnes de mon entourage ruminaient

également, tant la chose me semblait naturelle ».

Observation XXIV.Outre les détails qui précèdent, concernant

son propre cas, M. Blanchard en ajoute d'autres qu'il a consignés

dans l'article du Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques,

d'où la citation précédente est tirée. Il a remarqué «qu'il ruminait

davantage quand il prenait rapidement son repas, se livrait, au

sortir de table, à un travail intellectuel». Suivant sa propre observa-

lion, chaque réjection serait déterminée par l'abaissement du dia-

phragme, et la dépression des muscles abdominaux. « Ces muscles,

,cjoute-t-il, peuvent, du reste, se contracter à des degrés divers, et,

même en observant dans une glace, leur action peut très bien pas-

ser inaperçue ». Et dit encore : « qu'il mange de préférence cer-

tains mets, uniquement dans l'attente de l'agréable sensation qu'ils

lui procureront lors de la rumination. Quand, cependant, les ali-

ments séjournent dans l'estomac depuis trois ou quatre heures, il

est assez fréquent de leur trouver un goût désagréable, amer ou

acide, suivant le cas. »

Nous avons terminé la première partie de notre travail et

rapporté tous les cas à nous connus de mérycisme observés

chez les individus sains d'esprit. Nous n'en tirons en ce

moment aucune conclusion générale ; nous espérons qu'on

nous pardonnera nos longueurs et des redites inévitables.

Mais nous avons pensé qu'il serait bon de réunir toutes ces

observations jusque-là disséminées et d'en faire une sorte de

préface à l'étude complète du mérycisme, que nous allons

aborder maintenant à propos des cas observés chez les idiots

ou les aliénés.

IV. DU MERYCISME CHEZ LES IDIOTS ET LES ALIENES.

i.'tioloflie. Les causes du mérycisme peuvent se diviser en

deux classes : les causes occasionnelles et les causes prédispo-

30 DU MÉRYCISME.

santés. Nous venons d'en passer quelques-unes en revue dans

le chapitre précédent; aussi nous ne ferons que les rappeler

pour mémoire dans cette classification.

Causes occasionnelles. Les causes occasionnelles du méry-

cisme sont assez nombreuses. Nous avons déjà signalé comme

pouvant rentrer dans cette classe de causes : 1'anilatiou(Oss.IlI,

IV et IV bis); en voici encore un nouvel exemple, dont nous

ne discuterons d'ailleurs pas la valeur.

Observation XXV. Abraham Will rapporte le cas d'un idiot,

né d'une mère idiote, qui s'accoutuma it ruminer après avoir passé

des années avec des animaux ruminants. (Dictionnaire en soixante

volumes, art. Mérycisme.)

Nous avons vu aussi le mérycisme apparaitre à la suite de

maladies aiguës (Obs. XIII et XIV), d'un voyage en mer (Obs. IX),

d'une chute sur l'estomac (OBs. X). De ce dernier genre de

causes, on pourrait en rapprocher une qui aurait, suivant

Cambay, une certaine valeur : c'est la compression de l'estomac

par les vêtements trop serrés.

Mais, le plus souvent, c'est à l'occasion de troubles survenus

dans les fondions digestives que se développe le mérycisme.

Nous avons déjà vu trois observations (V, XVI et XVII) dans

lesquelles le mérycisme est apparu à la suite d'une indigestion

grave ou chez des individus ayant déjà des éructations acides

ou souffrant de dyspepsie. Toutes les causes qui viennent en-

traver les fonctions de l'estomac peuvent par cela môme pro-

voquer, dans certains cas, l'apparition du mérycisme. C'est

ainsi qu'agirait la voracité, presque ordinaire chez les méry-

coles, puisque, sur toutes les observations où l'on a songé à la

rechercher, une seule fois (Ces. XII) elle a fait défaut; on

comprendrait sous cette dénomination l'action d'introduire

dans l'estomac une trop grande quantité d'aliments à la fois et

de manger trop vite, de sorte que l'estomac se trouve rempli

instantanément.

A la voracité se rattachent les troubles de la mastication, très

fréquemment observés chez les mérycoles, qui, pour la plu-

part, ne mâchent qu'imparfaitement ou même point du tout

les aliments avant de les avaler pour la première fois. L'insuf-

fisance de Yinsalivalion, accompagnant presque toujours celle

de la mastication, rentre dans le même ordre de causes.

DU MÉRYCISME. 31

Les altérations du système dentaire peuvent agir dans le

mémo sens, puisqu'elles sont un obstacle à la mastication.

Dans beaucoup de cas, on n'a pas songé à signaler ce point;

dans l'OBSERVATION XXVIII seulement, il est noté que le sujet

était absolument privé de dents. Chez les idiots que nous avons

observés à Bicêtre, le système dentaire était toujours défec-

tueux, chez Gren.. surtout, où, avec les incisives supérieures,

presque toutes les molaires font défaut ou sont presque com-

plètement cariées. On comprend parfaitement que, dans des cas

semblables, malgré les efforts du sujet, la mastication est tou-

jours incomplète, surtout s'il y a coexistence de la voracité,

comme chez Gren ? et doit occasionner par suite des troubles

de la digestion. Il n'y aurait donc rien d'étonnant à ce que les

altérations du système dentaire soient une cause peut-être

indirecte, mais en tout cas efficace, du mérycisme.

On trouve encore, signalées par Cambay, plusieurs causes

occasionnelles de mérycisme qui n'agiraient toujours qu'en

troublant plus ou moins l'exercice de l'estomac. Telles sont,

par exemple, l'élude et les travaux stalionnaires peu ou point

actifs immédiatement après le repas; les aliments réfractaires

à l'action de l'estomac, les aliments crus, trop peu ou trop

cuits, les parties tendineuses, aponévrotiques, les substances

facilement altérées par le suc gastrique, le lait, les oeufs peu

cuits ; certains poissons, la morue salée, la raie fraiche, les

oeufs de hrochet; les viandes dures, coriaces; les corps gras,

principalement la graisse de mouton; les substances de mau-

vaise qualité. Cette dernière cause serait celle du mérycisme

dans l'OBSERVATION XXI, où ce phénomène a suivi l'ingestion

d'une eau fétide. Enfin, l'insuffisance des sucs digestifs (Dict.

cneyet, des Sciences méd.) a été signalée comme pouvant avoir

une action sur la production du mérycisme.

Telles sont à peu près toutes les causes que l'on peut appe-

ler occasionnelles de la rumination chez l'homme, en ce sens

qu'elles en déterminent l'apparition à un moment donné et en

favorisent ensuite l'exercice. Mais aucune d'elles n'est assez

puissante pour la produire nécessairement; il faut en plus une

prédisposition particulière tenant à des causes que nous allons

maintenant examiner.

Causes prédisposantes. - L'(ige, avons-nous dit plus haut,

parait n'être qu'une cause de faible importance, car le méry-

cisme débute à peu près à tout moment de la vie. Cependant,

32 DU MÉRYCISME.

sa fréquence paraît diminuer à mesure que l'on avance en âge.

En effet, sur vingt-trois observations où l'on a noté autant que

possible l'âge des sujets au moment du début du mérycisme,

on voit que quinze fois il est apparu avant 15 ans; sept fois

entre 20 et 32 ans; une seule fois, le sujet avait atteint 40 ans.

Le sexe semble avoir une certaine influence comme cause

prédisposante de la rumination. Nous n'oserions pas trop affir-

mer cette proposition : que l'homme est plus sujet à la rumi-

nation que la femme. Nous nous contenterons de dire que,

sur toutes les observations de mérycoles parvenues à notre

connaissance, il n'y a que cinq individus du sexe féminin en

comptant le fait observé chez une idiote épileptique, par le

Dr Lorenzo Monti, et que nous n'avons pu nous procurer.

Nous avons déjà fait remarquer plus haut le rôle de l'héré-

dité dans la production du mérycisme (013s. I, V, VI, VII) ;

nous ne reviendrons pas ici sur ce point; on trouverad'aillcurs

encore plus loin (ost. XXVIII) un fait de mérycisme hérédi-

taire.

Ces causes prédisposantes générales ou spéciales, même

avec le concours des causes occasionnelles, sont bien insuffi-

santes pour expliquer le développement du mérycisme. Aussi

se voit-on réduit à invoquer une prédisposition particulière de

l'individu. Tous les auteurs qui se sont occupés du sujet n'hé-

sitent pas à en placer le siège dans l'estomac; mais ils ne sont

plus d'accord pour en expliquer la nature. Les uns invoquent

une plus grande excitabilité de la muqueuse de l'estomac et

une plus grande énergie de ses fibres musculaires tenant à leur

développement exagéré (Cambay); d'autres attribuent le méry-

cisme à une paralysie du cardia (Echo médical, 1859, p. 648);

d'autres, enfin, en font une névrose de la digestion ou le

mettent sous la dépendance d'une conformation particulière

de l'estomac (Littré et Robin). Cette diversité d'opinions tient

vraisemblablement au petit nombre d'autopsies de mérycoles

que l'on possède et au peu de renseignements qu'elles donnent

sur les causes de ce phénomène, comme nous allons le voir

dans le chapitre suivant.

Analonzie pathologique. Nous avons essayé de démontrer

plus haut que le mérycisme n'est pas un phénomène morbide :

aussi ne faut-il pas s'étonner de trouver dans les quelques au-

topsies de mérycoles qu'on a pu faire une absence complète

de lésions organiques. L'anatomie pathologique ne peut guère

DU MÉRYCISME. 33

nous fournir que des données sur des anomalies de confor-

mation ou de structure de l'organe qui doit être regardé

comme le siège du mérycisme, c'est-à-dire de l'estomac, encore

ces données sont-elles bien vagues.

Etant donnée l'identité presque complète du mérycisme et

de la rumination des animaux, la première idée qui vient à

l'esprit est de pousser plus loin l'analogie, et l'on est enclin à

s'imaginer que l'estomac des mérycoles, par un vice bizarre de

conformation, doit se rapprocher beaucoup de celui des mammi-

fères ruminants. C'est ainsi que Salmuth, Bartholin, avaient

supposé chez les mérycoles l'existence de plusieurs estomacs;

mais quand on a fait l'autopsie de ces cas, on n'a vu que des di-

verticulumsplacésdansl'estomac. L'autopsie n'ajamais montré

rien d'anormal dans la conformation de l'estomac des individus

atteints de mérycisme. Dans les Observations I, II, VIII, XV,

ainsi que dans les suivantes, l'estomac était toujours unique,

la cavité simple, sans diverticulum ni rétrécissements.

La dilatation de l'estomac est peut-être l'état qu'on a le plus

fréquemment observé à l'autopsie. Arnold en a vu trois cas;

Peyer l'a aussi notée. (OBs. I.) Dans l'autopsie de l'individu qui

fait le sujet de 1'0nsEIlvATION XXIX on trouve que la grosse

tuúérosité de l'estomac était plus développée que d'ordinaire et

en contact avec le diaphragme, même à l'état de vacuité.

La position de l'estomac, normale d'ailleurs, était plus verticale

que de coutume ; en outre, le diaphragme était notablement

épaissi. Nous ajouterons que Rossier a constaté sur le vivant

cette dilatation de l'estomac. (OBs. XXVIII.) Bryand a trouvé

le contraire dans l'observation suivante. (2Mb< ? méd., t. LU,

p. 117.)

Observation XXVI. Anne Ferry, fille d'un tisserand, eut à l'âge

de quinze mois la coqueluche qui dura pendant quatre mois. A

cette époque, ses parents aperçurent quelques symptômes d'imbé-

cillité, qu'ils n'avaient point encore remarqués. A onze ans, elle

pouvait rejeter à volonté par la bouche les aliments que conte-

nait son estomac ; mais cette faculté fut accompagnée au bout de

quelques mois, de toux, de dyspnée, de maigreur, qui firent des

progrès rapides et se terminèrent par la mort.

Autopsie. Léger épanchement d'un fluide jaunâtre entre la

dure-mère et l'arachnoïde ; vaisseaux de la pie-mère engorgés ;

plaques nombreuses de lymphe coagulée sur la surface du cervelet;

Bourneville, 1883. 3

3t DU MÉRYCISME.

épanchement semblable des ventricules droit et gauche ; poumons

remplis de tubercules ; adhérences de la plèvre costale. Estomac

très contracté; muscula,rité du pylore évidemment augmentée; quantité

considérable de lymphe coagulée à la surface des intestins

grêles; pancréas très volumineux, dur, comme cartilagineux.

La « muscularité » plus développée du pylore, à laquelle l'au-

teur attribue la faculté de rumination, n'a été notée que dans

ce seul cas. Nous en rapprocherons l'OBSERVATioN II où l'oeso-

phage a été trouvé très épaissi, et l'OBSERVATION XXIX où la

même remarque fut faite à propos du diaphragme.

D'un autre côté, M. Hill a publié dans son Essai sur les

moyens de prévenir et de guérir l'aliénation mentale, un

exemple de mérycisme. Le malade ayant succombé à une

attaqtced'épaTepscé, l'on a remarqué, l'ouverture de son cadavre,

.que l'estomac avait une ténuité extrême et que les rides de la

membrane muqueuse étaient entièrement usées. Ajoutons que

les deux autopsies de mérycoles que nous avons pratiquées ne

nous ont donné que des renseignements négatifs. Les fibres

musculaires, soit de l'oesophage, soit de l'estomac, ne parais-

saient pas hypertrophiées. Nous n'avons pas trouvé l'antre car-

diaque qu'on aurait signalé dans trois cas, au dire de M. Kocr-

ner. On sait d'ailleurs que cet antre se rencontre quelquefois

chez des individus n'ayant jamais ruminé, ainsi que cela ras-

sort notamment des recherches de M. Pônsgen '.

En résumé, absence de vices de conformation et dilatation

de l'estomac, tels sont les deux points mis en relief par les au-

topsies. Quant au développement exagéré du système muscu-

laire des organes de la digestion, invoqué comme cause du

mérycisme, nous ne pouvons guère, d'après les recherches sur

le cadavre, l'ériger en principe. D'un autre côté, si les phéno-

mènes de rumination n'avaient été observés que chez des

idiots, on eut pu se croire autorisé à former l'hypothèse d'une

cause cérébrale; mais le grand nombre de faits observés chez

des gens sains d'esprits réduit à néant cette idée. Il résulte de

toutes ces considérations que l'on se trouve conduit à n'admettre

1 L'autre car(liaqlic- ne -ci@it cet qti'tine ino(liricatioii

1 L'antre cardiaque- ne représente, écrit cet auteur, qu'une modification

faible de l'état on entonnoir de l'oesuphag'e il son extrémité inférieure.

Sur vingt-doux estomacs sains d'adultes, il a vu quatre fois l'oesophage

ne pas présenter d'entonnoir; dix fois il y avait un entonnoir évident et

huit fois un antre cardiaque.

DU MÉRYCISME. 35

comme principe du mérycisme qu'une disposition nerveuse.

particulière, susceptibilité exagérée de la muqueuse stomacale.

d'après Cambay ; à en faire, en un mot, avec les auteurs que

nous citions tout à l'heure, et en attendant mieux une névrose

de la digestion.

Symptômes et mécanismes Avant d'aborder l'étude de

l'acte du mérycisme, il nous paraît utile d'examiner en quelques

mots l'état des voies digestives et le mode d'ingestion des ali-

ments chez les individus qui y sont sujets.

Du côté des voies digestives il n'y a rien de bien particulier

à noter. La langue est bonne, l'appétit conservé et même aug-

menté, sauf certains cas exceptionnels comme celui deRossier

(Ons. XXVIII), où le sujet, déjà malade, avait encore vu son

état s'aggraver sous l'influence de vomitifs répétés. La soif est

plus souvent modérée; l'abdomen est souple, non distendu; ce-

pendant, dans l'OBSERVATION XXVIII, on a noté une dilatation

notable de l'hypochondre gauche ; nous n'avons jamais relevé

ce fait. Chez nos idiots, les selles étaient toujours normales et

régulières; il n'en est pas toujours ainsi; on a, en effet, signalé

quelquefois (OBs. XVII, XXI, XXVIII, etc.) une constipation

persistante. Le seul point défectueux de l'appareil digestif

serait peut-être l'insuffisance du système dentaire, qui pré-

sente, comme on le verra par les observations suivantes, des

altérations souvent considérables. (Cas. XXVIII, XXX.)

Quant à l'assimilation, elle se fait généralement bien, à con-

dition toutefois, comme nous l'avons déjà dit, qu'on n'inter-

rompe pas le cours de la rumination.

Le mode d'ingestion des aliments présente des particularités

plus importantes. Nous avons déjà signalé l'existence de la

voracité dans plusieurs observations; on va la retrouver encore

dans celles qui vont suivre; c'est là un fait presque général et

il est même quelquefois étonnant de voir des mérycoles se

bourrer de viandes, de pommes de terre, de pain, qu'ils avalent

gloutonnement sans même boire pour en faciliter l'ingestion.

(OBs. XXX.) Voici d'ailleurs un bel exemple de voracité déjà

publié par l'un de nous 1.

Observation XXVII. - En dépit de tous les soins dont il était

l'objet, X... avait conservé une voracité insatiable; une surveillance

1 Bourneville. Mémoire sur la condition de la bouche chez les idiots,

1862.

36 DU MÉRYCISME.

perpétuelle était indispensable; car ordures, débris de légumes,

excréments même..., tout était bon pour son inépuisable appétit.

A table, placé à côté d'un mailre, isolé de ses camarades, il dévo-

rait en un clin d'oeil ce qu'on lui donnait. Son assiette était-elle

vide, on le voyait, le regard fixe, convoitant voluptueusement la

part de son petit compagnon d'infortune le plus rapproché. Celui-ci

était-il distrait une seconde, Becco (c'était le surnom du malade)

se précipitait comme un trait, le produit du vol était englouti.

On lui coupait sa viande par morceaux ; mais, pour lui, les dents

étaient inutiles, il ne daignait pas s'en servir. Puis une heure,

plus ou moins, après le repas, on le surprenait mâchonnant avec

une sorte de bonheur, les yeux brillants de plaisir, des morceaux

entiers de chair, restés presqu'intacts, qui reprenaient bientôt le

chemin de l'estomac.

Il est fort aisé de comprendre qu'avec une pareille voracité,

il ne peut y avoir une mastication et une insalivation suffisantes.

Aussi, à part l'OBSERVATION VII, toutes les fois qu'on a songé à

examiner la digestion buccale, l'a-t-on trouvée imparfaite. Nous

avons noté le fait dans nos observations de Bicêtre, car il nous

est arrivé de retirer les aliments de la bouche du malade au

début de la rumination et de les trouver alors presqu'intacts.

Les aliments sont ingérés : que va-t-il maintenant se passer ?

Il y a généralement un certain intervalle entre le repas et le

début de la rumination; mais cet intervalle est très variable,

et cela chez le même sujet. Nous avons souvent observé le début

de la rumination quelques minutes après le repas, tandis

qu'une autre fois, le même individu n'avait pas encore com-

mencé à ruminer au bout d'une heure. L'intervalle qui sépare

le repas du début de l'acte est certainement sous l'influence de

quelques conditions particulières : c'est ainsi qu'un repas co-

pieux, l'ingestion d'une grande quantité de liquides ou de

certains aliments particulièrement agréables au goût de l'indi-

vidu peuvent hâter le moment de la rumination. Quoi qu'il en

soit, l'espace de temps qui la sépare du repas peut varier de

quelques minutes à une heure et plus : en général, c'est au

bout d'un temps assez court, d'un quart d'heure en moyenne,

que se produit la première régurgitation.

Mais, avant que la première bouchée ne soit remontée dans

la cavité buccale, il peut se produire certains phénomènes,

sortes de prodromes de l'acte qui va s'accomplir. Presque tous

ceux que l'on a pu constater sont consignés dans l'observation

suivante :

DU MÉRYCISME. 37

Observation XXVIII. - Démence épileptique. - Mérycisme ; vora-

cité ; défaut de mastication. - Description du mérycisme. État des

voies digestives. - Diminution des phénomènes sous l'influence d'un

traitement belladone (Rossier, Jo ? en. des Connaissances méd., 1862,

p. -184). - Louis C..., agriculteur, âgé de soixante-cinq ans en

,1860, a joui d'une bonne santé jusqu'à l'âge de cinquante-six ans.

Il ne peut donner aucun renseignement sur ses parents.

En 18 : ;2, il cut, un jour, un accès de manie avec grande excita-

tion et hallucinations de la vue. Quelque temps après, il tomba

subitement à terre sans connaissance. Au bout d'un moment, il

sortit de son état comateux avec des cris, une grande agitation

et de l'écume sanglante à la bouche. Des accès pareils se sont

répétés dès lors cinq à six fois par an, jusqu'en <858. Depuis

lors, jusqu'en 1860, il n'eut aucun accès. Cette année, il en eut un

à peu près par mois.

Lors de la première chute, le malade resta un mois sans parler,

puis les mots revinrent peu à peu ; mais il éprouva toujours pour

parler une difficulté qui va s'augmentant; en même temps, la

mémoire s'affaiblit graduellement.

Un peu après l'accès de folie qui caractérisa le début de la ma-

ladie, C..., qui de tout temps avait mangé fort avidement et pres-

que sans mâcher, commença à ruminer. Cela n'arrivait d'abord que

pour la salade. Peu à peu, cet acte suivit toute espèce d'aliments

et chaque repas. Depuis six mois, le malade, qui vaquait à ses

affaires, s'affaiblit de plus en plus. Depuis la recrudescence des

accès épileptiques qui s'est manifestée au début de cette année,

il a commencé à ressentir souvent des vertiges pendant la station

et la marche. Ces vertiges sont devenus si pénibles que depuis

trois mois, il a été obligé de garder le lit. Dans les derniers temps,

il a été traité presque exclusivement par l'usage des vomitifs répétés

tous les huit jours et cette médication a considérablement aggravé

son mal. Les forces déclinent; l'appétit, autrefois exagéré, est presque

perdu : il y a des renvois acides et des vomissements spontanés peu

abondants après les repas , phénomène qui ne se produisait

jamais alors que le malade pouvait encore suivre ses occupations.

État actuel, 14 mai 1860. - Le malade est au lit; c'est un homme

bien proportionné, d'un tempérament lymphatieo-sanguin, amaigri

par une longue maladie. Il porte sur sa figure un cachet d'imbé-

cillité que sa parole semble confirmer. - L'intelligence est obtuse,

la mémoire affaiblie. Ce qui le préoccupe surtout, c'est la rumina-

tion, puis les vertiges. La première se montre générale ment peu

de minutes après les repas. Elle n'est habituellement précédée

d'aucun sentiment douloureux, et le malade n'a pas conscience

de son début. Seulement, depuis l'usage des vomitifs, il ressent

une pesanteur à l'épigastre, surtout au moment où commence le

retour des aliments. Il peut retenir mais non empêcher l'acte par

38 DU MÉRYCISME.

l'effet de la volonté; mais alors il éprouve à l'estomac un poids si

insupportable qu'il est obligé de laisser le phénomène se produire.

Il peut ruminer dans toutes les positions, plus facilement dans la

position assise. Quand cela lui arrive, il y a, en général, fort peu

d'intervalle entre deux gorgées; cependant, lorsque la rumination

tire à sa fin, les intervalles augmentent. Quand le malade peut se

tenir debout ou marcher, les intervalles sont plus longs, mais la

durée totale s'allonge en proportion. Celle-ci était habituellement

de deux à trois heures pour le dîner, d'une demi-heure à une

heure pour le déjeuner ou le souper; depuis l'emploi des vomi-

tifs, elle varie de trois à quatre heures pour le diner. Autrefois le

goût des aliments ne forçait jamais à les recracher : depuis les

vomitifs, cela lui est arrivé quelquefois, parce qu'il leur trouvait

alors une saveur insupportable.

L'ordre de retour des aliments est le suivant : ce sont les lé-

gumes qui se présentent les premiers à la bouche, puis la viande ;

ils sont habituellement fort peu altérés, le malade avalant glouton-

nement la nourriture presque sans la mâcher. Vers la fin de la

rumination, ils consistent plutôt en une bouillie qu'en parties ali-

mentaires distinctes. Les liquides ingérés ne reviennent jamais

seuls à la bouche; mais les gorgées sont plus nombreuses quand le

malade avale de grandes quantités d'aliments liquides qu'il affec-

tionne, vu la perte de ses dents et la faiblesse de son estomac.

Avant le traitement, le nombre des gorgées est de 6-12 pour le

déjeuner; 4f-` ? -t pour le diner; 7-16 pour le souper.

La bouche est complètement privée de dents ; la langue rugueuse,

couverte d'un enduit épais et portant plusieurs traces de mor-

sures ; le ventre, ballonné vers le haut, donne à la pression dans la

région épigastrique un gargouillement comme celui d'une outre à

moitié remplie de liquide. Toute celte région, depuis l'ombilic

jusqu'à la région costale gauche donne le même timbre de percus-

sion. On trouve une matité relative dans les parties qui corres-

pondent au liquide évidemment accumulé dans l'estomac dilaté.

Les régions inférieures de l'abdomen n'offrent aucune matité. Le

foie et la rate ont le volume normal.

Depuis nombre d'années, la constipation est habituelle : elle a

augmenté depuis l'usage des vomitifs. Soif modérée; urines nor-

males. Rien au coeur; un peu d'emphysème; sensibilité et moti-

lité intactes.

Le malade fut d'abord mis à une diète sévère et, le 19 mai, on

régla son régime de la façon suivante : Suppression des légumes,

soupes, bouillies, liquides. Usage de viandes blanches rôties, de

pain et de vin coupé avec de l'eau de Seltz. On prescrivit aussi des

pilules d'aloès et de rhubarbe.

Le 26 mai, le malade va mieux ; il se lève un peu et a moins de

vertiges. L'appétit est bon, la rumination se montre encore tous

DU MÉRYCISME. 39

les jours. Le nombre des régurgitations est toujours le même ;

mais elles se font sans aucune gêne. La langue est nette, les selles

quotidiennes. Plus de gargouillement abdominal à la palpation.

Le 9 juin, on prescrit l'extrait alcoolique de noix vomique (0,07;i)

et sous l'influence de ce remède, le nombre des régurgitations di-

minue des deux tiers. - Mais à la fin de juillet le retour plus fré-

quent des vertiges, l'existence de soubresauts musculaires, font

reprendre le premier traitement. - Les mois d'août et septembre

se passent sans aggravation.

Avec le mois d'octobre on reprend la noix vomique. Les vertiges

deviennent très fréquents.îLe 24 octobre, C... est pris d'un accès

d'agitation maniaque, qui se renouvelle le 2 novembre. Alors, on

cherche à conjurer ces attaques par la belladone (0,02 d'extrait

environ par jour), à doses croissantes et avec quelques intermis-

sions le régime alimentaire reste le même.

Le 15 février le malade va bien : les vertiges ne reviennent plus

que rarement, l'hébétude est moins marquée, la parole plus fibre.

La langue est nette, l'appétit modéré; les régurgitations persistent,

mais moins fréquentes (six à dix par jour) et seulement au

diner.-Depuis quelque temps, le malade a pu reprendre quelques

occupations.

Sans nous occuper dans ce cas de la description du méry-

cisme et de son traitement, dont nous aurons à parler dans la

suite, nous relèverons parmi les phénomènes prémonitoires

de l'acte : des éructations fréquentes, quelquefois même du

hoquet, que nous avons aussi observés, surtout les premières,

presque constamment chez nos malades. D'un autre côté, nous

n'avons pas trouvé le ballonnement abdominal signalé dans le

fait précédent. La sensation de plénitude à l'épigastre, dont il

est parlé dans ce cas et mentionnée par Cambay, a été notée

encore chez d'autres mérycoles (CES. VI, XIII, XVII) ; nos

malades étant en général incapables de fournir aucun rensei-

gnement, nous n'avons rien de personnel à dire sur ce point.

Ajoutons, à ces prodromes, l'absence de nausées et le spasme de

l'oesophage qui ont été indiqués quelquefois. (Oss. XVI.)

Ces symptômes se manifestent, en général, pendant un temps

très court et sont suivis presque immédiatement du renvoi de

la première bouchée. Comment ce renvoi se produit-il ? C'est

ce que nous allons maintenant examiner.

Le mécanisme du rejet des aliments dans la rumination,

qui n'est pas indiqué dans le fait précédent, se trouve déjà

tracé à grandes lignes dans une autre observation que nous

40 DU MÉRYCISME.

jugeons utile de rapporter avant d'aller plus loin dans l'étude

des symptômes.

Observation XXIX. - Idiotie; mérycisme. - Voracité; pas d'in-

salivation ni de mastication : fonctions digestives intactes. Début de

la rumination deux ou trois minutes après le repas. Mécanisme, arrêt

momentané par le décubitus dorsal. (Châtelet, Gaz. des hôpitaux, 1863,

p. ` ? 15, et Jott7,2z. de méd. de Lyon, 1866, p. 303.) -Jean G..., âgé de

quatorze ans, est entré à l'hospice de l'Antiquaille le 1 î mars 81n,

Il est né à Villefranche. Il est impossible d'avoir des renseigne-

ments sur sa famille ou sur ses premières années.

Il a la taille d'un enfant de douze ans à peine et est idiot dans

toute la vigueur de l'expression. Les manifestations intellectuelles

sont nulles; il ne prononce jamais une parole; il est calme, tran-

quille. Le frontest bas, couvert en partie par les cheveux. Les lèvres

sont volumineuses et paraissent plus saillantes encore, grâce à un

mouvement de succion qui lui est familier.

Il se tient habituellement accroupi dans un coin, les yeux fixés

à terre, immobile ou imprimant à la tête un balancement mono-

tone. Sa physionomie n'exprime habituellement ni peine ni plaisir.

11 ne manifeste ses sensations que dans un seul cas et d'une seule

manière. Lui fait-on mal, souffre-t-il, il pousse un cri inarticulé,

toujours le même, puis il rentre dans son calme ordinaire.

Il ne sait pas prendre les aliments qui sont devant lui pour les

porter à sa bouche. Il faut les lui mettre dans la main ou mieux

dans la cavité buccale. Lorsque cette dernière estrestée vide quelque

temps, on voit bientôt la salive s'en écouler au niveau de chaque

commissure et tomber sur les vêtements.

Sa nourriture de prédilection consiste en pain, soupe et viande.

Il mange difficilement les légumes, les fruits; souvent même il refuse

de les avaler.

Ce qui frappe d'abord chez lui, c'est la manière dont il prépare

le bol alimentaire. A peine les aliments sont-ils dans la bouche,

que la déglutition s'opère sans qu'il y ccit presque insalivation et mas-

tication. On peut lui faire absorber ainsi une très grande quantité

de mie de pain par exemple et cela sans boire. A peine peut-on

lui faire accepter quelques gouttes de liquide.

Dès qu'on a cessé de lui remplir la bouche, il semble se re-

cueillir ; après un temps très court, deux ou trois minutes, il penche

la tête en avant, étend le cou, contracte simultanément son diaphragme

et ses muscles abdominaux, il ajoute une légère inspiration, et bientôt

un premier bol alimentaire remonte sans effort dans la bouche. 11

s'accompagne parfois d'un léger gargouillement qui siège au pha-

rynx. A ce moment seulement commence la mastication.

Les premiers bols sont composés d'aliments presque normaux :

après quelque temps, ils commencent à s'altérer ; à la fin de l'opé-

DU MÉRYCISME. 41 1

ration ils n'offrent plus l'aspect que d'une pâte chymeuse. Le temps

de la rumination varie avec la quantité d'aliments ingérés dans

l'estomac. On peut suivre ainsi les diverses altérations que subit

le bol alimentaire dans l'acte stomacal de la digestion : pendant

tout le temps que dure le travail, il a les yeux fixés; loin de pa-

raître souffrir, il se frictionne parfois la poitrine avec un air de

satisfaction assez marqué.

Quand toute la masse ingérée a subi cette seconde mastication,

il reprend son immobilité première et la salive ne tarde pas à

s'écouler de nouveau. Tel est le spectacle que nous offre cet idiot

après chaque repas. Malgré cela la santé générale est intacte, les

forces sont normales, les selles régulières, les urines rares. Rien en

un mot ne semble, dans l'organisme, souffrir de ce trouble patho-

logique qui semble presque physiologique chez notre malade.

Chez ce jeune mérycole, on arrêtait pour un moment le

cours de la rumination, si on le maintenait couché sur le dos, la tète

renversée en arrière. Voici maintenant les résultats de l'autopsie :

Malgré le mérycisme physiologique du malade, rien d'anormal

dans son estomac, si ce n'est peut-être la grosse tubérosité plus

développée que de coutume. Sa position était aussi un peu plus ver-

ticale que d'ordinaire. Cette grosse tubérosité était en contact avec

le diaphragme, même à l'état de vacuité. Le diaphragme était

épaissi d'une manière très notable.

Voûte crânienne amincie ; épanchement sanguin sous les tégu-

ments du crâne; -méninges normales;- circonvolutions indurées,

lassées contre les enveloppes par l'expansion des ventricules laté-

raux distendus par de la sérosité. Corps calleux'aminci,jaunâtre.

On trouve cinq tumeurs cérébrales, siégeant toutes sur le trajet

des plexus choroïdes, sur les plexus eux-mêmes, sur le plancher

des ventricules. Bien que la lésion soit surtout à droite (trois tumeurs

dont deux volumineuses mesurant de cinq à sept centimètres acco-

lées vers bipartie antérieure de la couche optique, entrant un peu

dans la corne frontale), il n'y a jamais eu hémiplégie, strabisme ou

paralysie. Le trigone est ramolli, déformé; le septum lucidunz a

disparu; les corps striés et les couches optiques sont ramollies.

Les J'eins sontdurs, volumineux, présentent une grande quantité de

tumeurs de volume variable, pédiculées ou non et s'attachant sur

la substance corticale ou dans l'intérieur des pyramides. - Une tu-

meur (volume d'une noisette) semblable a été trouvée dans le foie.

Examen miscroscopique. -Les tumeurs du cerveau ont un aspect

encéphaloïde : elles renferment un suc blanchâtre analogue au suc

cancéreux et présentent de grosses cellules avec de gros noyaux à

nucléoles comme les cellules cancéreuses. On trouve aussi des élé-

ments de nature conjonctive.

Dans les tumeurs des reins, on trouve un grand nombre de

noyaux conjonctifs en général peu difformes. Les canalicules urini-

42 DU MÉRYCISME.

pares ont disparu dans les points envahis. Les cellules épithéliales

de leur face interne se trouvent encore, mais infiltrées de graisse.

La tumeur du foie est constituée surtout par des noyaux conjonc-

tifs peu altérés dans leur forme et réunis par une matière amorphe

peu consistante et très granuleuse.

Nous reviendrons tout à l'heure sur la description du mé-

rycisme une fois établi : pour l'instant nous ne nous occu-

perons que de son mécanisme. D'après le fait précédent, la

flexion de la tête, l'extension du cou, la contraction simultanée

du diaphragme et des muscles abdominaux, une légère inspira-

tion, une sorte de gargouillement, et tous ces phénomènes

avec peu ou pas d'efforts, tels sont en somme les phéno-

mènes qui se produisent généralement au moment où

la rumination s'opère : nous retrouverons la plupart d'entre

eux chez les sujets que nous avons observés. Entre tous,

le plus important est incontestablement la contraction du

diaphragme et des muscles abdominaux ; aussi est-ce celui qui

a le plus fixé l'attention des observateurs et sur lequel ont

porté les discussions. Certains médecins, Percy et Laurent, ont

nié absolument l'action de ces muscles dans la production du

mérycisme; et voici, d'après eux, le mécanisme de ce phéno-

mène. On y retrouvera, d'ailleurs, la plupart des points que

nous venons d'indiquer.

« Quand les regorgements vont se produire, la tête est portée en

haut et en avant ou en bas contre le sternum. Un bruit sourd et

comme un bouillonnement se fait entendre d'abord dans le pha-

rynx ; puis un autre bruit plus clair, plus brusque (tic), comme celui

d'une soupape qui s'ouvrirait tout à coup. Au milieu de ces mou-

vements, l'oesophage éprouve des tractions, des succussions qui sol-

licitent l'estomac et en attirent plutôt qu'elles n'en font expulser

une portion des matières qui y sont renfermées....... Aucun effort

du côté de l'enceinte musculaire abdominale ni du diaphragme,

aucune action appréciable de la part de l'estomac quoique bien

sûrement celui-ci ne soit pas étranger à ce qui se passe au dedans

de lui-même. Le mérycole attentif et inquiet attend le commen-

cement de la rumination. Il le hâte en faisant entrer de l'air dans

l'oesophage où son accès serait si propre à produire cet état de ré-

plétion et de trop plein qui favorise de plus l'évacuation de cet

organe. Il cherche à en attirer de l'un et de l'antre pour l'excréter;

il allonge et élargit tour il tour le canal oesophagien, le tic a lieu.

C'est le signal de l'ouverture du cardia par lequel une colonne d'a-

liments fait aussitôt irruption comme si elle eut été poussée par

DU MÉRYCISME. 43 3

une puissante compression ou qu'un mouvement particulier qu'on

appellera, si l'on veut, antipéristaltique l'eût forcée par ses puis-

santes ondulations à s'échapper ainsi. »

Un autre auteur, Cambay,donne une explication qui s'éloigne

passablement de celles que nous venons de rapporter. Pour

lui, l'appel d'air que fait souvent le mérycole au moment de

ruminer, n'a pas pour effet la dilatation de l'estomac, car cet

air n'est pas avalé. C'est une simple inspiration qui a pour

but d'abaisser le diaphragme ; en même temps il y a une légère

contraction des muscles de l'abdomen. L'estomac, qui se trouve

alors comprimé par les deux plans musculaires et par les

intestins, qui sont refoulés vers lui, réagit sur les substance»

qui le distendent, et une masse alimentaire force le cardia,

gagne l'oesophage et le pharynx dont les contractions suc-

cessives l'amènent dans la cavité buccale. Tout en admettant

la participation du diaphragme et des muscles de l'abdomen,

l'auteur ajoute que leur action est si faible que le mérycole

lui-même ne la perçoit que s'il y fait attention. En outre, elle

n'existerait que pour la première gorgée après laquelle les

contractions de l'estomac, que l'auteur localise dans la grande

courbure, suffiraient seules pour continuer le mérycisme. Par

ce dernier point, cette théorie se rapproche de la précédente,

dont elle ne diffère, somme toute, que par l'action attribuée

aux muscles abdominaux et au diaphragme.

Pour nous, voici, d'après ce que nous avons observé, la façon

dont se produit la rumination.

Il nous semble évident que le mérycole sent approcher l'ins-

tant où la rumination va se produire ; car, à ce moment, il

semble se recueillir et attendre. Cet instant est quelquefois

très court, quelques secondes à peine, comme chez Juven...

(ÛB3. XXXI), qui n'interrompait guère son balancement habi-

tuel quand labouchée allait remonter. Chez Gren... (OBS.X1X),

ce fait était plus visible, car il cessait ses cris ou ses rires pen-

dant un peu plus de temps, jusqu'à ce que le bol alimentaire fut

revenu à la bouche. Chez ce dernier enfant, d'ailleurs, tous

les phénomènes du mérycisme étaient beaucoup plus nets que

chez l'autre. En même temps le haut du corps est générale-

ment incliné en avant et la tête portée en avant et en haut.

Que se passe-t-il alors ? Nous avons vainement recherché

l'inspiration initiale dont parlent quelques auteurs. Le sujet

z te DU MÉRYCISME.

étant mis à nu, nous n'avons jamais vu le thorax se dilater,

les intestins s'abaisser, les muscles inspirateurs se contracter.

Nous pensons, au contraire, vu l'absence de mouvements appa-

rents du côté du thorax pendant ces quelques secondes que le

malade interrompt seulement sa respiration, emprisonne l'air

qui reste dans la cavité pulmonaire, et immobilise ainsi son

diaphragme. Quant à l'appel d'air, plus ou moins marqué,

mais qui, néanmoins, existe presque toujours, il se fait, à notre

avis, du côté des voies digestives, et cela, à cause des éructa-

tions sonores qui accompagnent le renvoi des aliments. Ce fait

était surtout manifeste chez Gren..., qui avalait de l'air, pro-

duisait alors une sorte de fausse éructation suivie presqu'instan-

tanément d'une autre vraie accompagnant les aliments qui

remontaient en produisant en plus cette espèce de gargouille-

ment déjà signalé ci-dessus. Si l'on ajoute à cela une légère

contraction des parois abdominales, portant surtout sur les

droits antérieurs qui se tendent, avec une légère dépression

des fosses iliaques, on aura tous les phénomènes apparents

qui provoquent le retour des aliments dans le pharynx. Ajou-

tons que cette contraction abdominale est très peu marquée, et

qu'il faut même parfois la rechercher soigneusement pour pou-

voir la constater : ainsi, chez Juven ? on ne voyait guère qu'une

sorte d'ondulation de la paroi; mais, chez d'autres malades,

nous avons observé le fait pendant toute la durée de la rumina-

tion ; cependant, il partir du moment où les aliments remontent

à l'état de pâte, cette contraction devient à peine visible.

Disons enfin qu'elle est toujours instantanée.

On voit donc, en somme, que, pour nous, le mécanisme se ré-

duit aux trois points suivants : appel d'air dans l'estomac, im-

mobilisation de la cage thoracique et par suite du diaphragme,

légère contraction des parois abdominales, le tout sans aucun

phénomène d'effort. Mais, en définitive, ces agents ne nous

paraissent pas suffisants, et nous croyons que le principal

réside dans l'exagération des mouvements de l'estomac, qui

doit se contracter et réagir sur les matières qui le distendent

pour en provoquer l'expulsion; et peut-être aussi, dans la con-

traction des fibres longitudinales de l'oesophage nécessaire

pour dilater le cardia qui, on le sait, reste sans cela fermé

même sous de fortes pressions de gaz contenues dans l'estomac.

Quant aux mouvements, péristaltiques de l'oesophage et du

pharynx, nous ne serions pas éloignés de croire qu'ils existent;

DU MÉRYCISME. 45

car nous avons observé qu'il s'écoulait un espace de temps

faible, mais appréciable, entre les phénomènes apparents indi-

qués ci-dessus et l'arrivée des aliments dans la bouche. Cela

nous fait penser que ces aliments ne sont pas rejetés violem-

ment en masse, ce qui s'explique bien par la faiblesse des

forces mises en jeu, mais qu'ils cheminent plus lentement,

grâce aux mouvements du canal oesophagien.

Nous avons exposé longuement diverses théories cherchant

à expliquer le mécanisme de la rumination; il nous reste à

examiner maintenant ce qui va se passer une fois que les

aliments sont revenus dans la bouche. L'observation suivante

nous donnera, à ce sujet, de nombreux renseignements :

Observation XXX. -Idiotie : hérédité (grand'mère, grand' tante et

cousine cclééa2ées).- Mère migraineuse. Grand'mère maternelle hys-

tériq1lc. Mérycisme : Altérations considérables du système dentaire.

Voracité. - Troubles de la mastication. Description du méry--

cisme. - Pas de troubles digestifs. - Santé générale bonne. - Idiot

grimpeur. Albert Gren..., né à Paris le 2 juin 1867, est entré à

Bicêtre le 2 août 1876. (Service de M. Bourneville.)

Antécédents. (Renseignements fournis par sa mère, 9 décembre

1880). Père, quarante ans, marié à vingt-cinq ans et demi, sobre,

calme, n'a jamais fait de maladies ; pas de migraines, taille petite.

[ Père, mort il y a longtemps, on ne sait de quoi; ne buvait pas.-

Mère, bien portante, pas de migraine, ni d'attaques de nerfs. Elle

était enceinte du père de notre malade avant d'être mariée et

l'abandon de son amant la rendit comme folle pendant quelques

semaines, mais elle ne fut pas enfermée. - Une tante maternelle

a été folle. Une cousine germaine, devenue folle à la suite d'une

grossesse, a été enfermée à Sainte-Anne en -1879. - Un cousin yer-

main, aliéné, a été à Sainte-Anne en 1878 : il a eu aussi la syphilis.

- Pas de suicides, ni de criminels, ni de difformes.]

Mère : trente-sept ans, couturière, bien portante, de taille

moyenne. Elle a, depuis deux ans, des migraines fréquentes, surtout

avant ou après les règles, accompagnées parfois de vomissements,

de bourdonnements d'oreille, de vertiges, et la forçant à garder le

lit pendant deux jours. Elle n'a jamais eu d'attaques de nerfs, ni de

maladies graves. [Père, mort par accident, buvait beaucoup, n'a

jamais eu de troubles nerveux. - Mère : cinquante-six ans, con-

cierge, bien portante ; d'un caractère irritable, aurait eu une ving-

taine de fois environ, à la suite de contrariétés, des attaques de

nerfs durant de cinq minutes aune heure; pas de migraines.

Pas d'aliénés, etc., dans la famille.] Pas de mérycoles ni du côté

du père, ni du côté de la mère. - Pas de consanguinité.

46 DU MÉRYCISME.

Deux enfants : 1° notre malade ; 2° une fille, bien conformée,

morte à treize jours, en nourrice, de convulsions.

Notre malade.- Grossesse bonne; durant son cours, pas d'alcoo-

lisme, pas d'émotions vives, pas de traumatismes. - Accouche-

ment à terme, lent (quatorze heures) : la tête resta longtemps

au passage et l'enfant était tout noir en venant au monde; la tête

était très développée.- Il fut nourri au sein par sa mère jusqu'à qua-

torze mois. A cette époque, il commença il marcher et ses premières

dents parurent, la dentition était complète à deux ans; pour le

reste, il était très en retard : à trois ans, il ne disait que : « papa,

maman«, et quelques monosyllabes. Seulement on ne s'en inquiétait

pas parce que le père avait lui-même parlé très tard. A trois ans et

demi, il fut atteint d'une hydropisic qui envahit les mains, les pieds,

les jambes, l'abdomen : il fut soigné par M. Triboulet; il n'avait

pas eu la scarlatine. Cette maladie dura trois mois et demi, plus

deux mois et demi de convalescence. Avant cette maladie, il était

gai, caressant, intelligent; après, l'intelligence disparut de plus en

plus. A quatre ou cinq ans, il avait, par moments, des crises (trois

ou quatre par jour) dans lesquelles il se cognait la tête contre les

murs, ou se jetait par terre.

Le mérycisme fut observé pour la première fois à l'âge de

quatre ans et demi. A l'origine, la rumination ne se produisait

que lorsque Gr... était en colère, peu à peu elle devint constante

et suivit chaque repas. C'était les aliments solides qui étaient ru-

minés. Gr... était très vorace, mangeait avidement avec ses mains

de tous les aliments et les avalait de suite sans mâcher. Pas de

salacité, jamais de vomissements ; selles quotidiennes, diarrhée

rare; gâtisme; Gr... n'a, d'ailleurs, jamais été propre. 11 n'a jamais

eu de convulsions, de croûtes, de glandes, de dartres, d'ophthal-

mies, etc. Sommeil bon.

Il a la manie de grimper partout où il trouve une issue ; il ne

vole pas, sauf les gâteaux et les poupées : il aime beaucoup la rue,

la musique, et tout ce qui tourne, les roues de voitures, les tour-

niquets. Actuellement encore on lui apporte des jouets qui tournent.

État actuel (août 1882). - Tête, petite; voûte du crâne un peu

irrégulière. Du côté gauche, on sent, à l'union du frontal avec le

pariétal, une dépression allongée transversalement. En arrière

l'asymétrie est plus prononcée, la bosse occipitale gauche est à

peine sensible, tandis que la droite est très saillante. Front bas,

les bosses frontales ne font pas de saillie, les arcades sourcilières

sont peu marquées : circonférence de la base, 51 centi ? diamètre

antéro-postérieur (compas Budin), 17,3; diamètre bi-temporal,

14,3; diamètre bi-pariétal, 14,6. Pas d'asymétrie de la face.

Regard vague; iris gris brun, pupilles normalement dilatées, égales

et contractiles. Pas de strabisme ni de conjonctivite. Nez court,

écrasé. Bouche, très grande, lèvres très épaisses, saillantes et ren-

DU MÉRYCISME. 47

versées en dehors, surtout l'inférieure. - Voûte palatine régulière,

symétrique, assez profonde; voile du palais, luette, piliers, amyg-

dales réguliers. Maxillaire supérieur régulier et symétrique. Les

deux incisives médianes, cariées jusqu'à la gencive, font défaut,

ainsi que les deux grosses molaires gauches, la première petite

molaire droite et la première grosse molaire du même côté.

La deuxième grosse molaire gauche et la deuxième petite molaire

droite sont cariées au sommet de la couronne.

Maxillaire inférieur régulier et symétrique. La première petite

molaire et la première grosse molaire manquent à droite et à

gauche. La deuxième petite molaire gauche est gâtée à la cou-

ronne. Les dents qui restent sont bien rangées, l'articulation est

normale.

Oreilles grandes, très détachées de la tête, bien ourlées; lobule

semi-adhérent.

Cou court. - Thorax bien conformé ; pas de déviation du rachis.

L'abdomen ne présente pas un développement exagéré.

Les membres supérieurs, bien conformés, sont courts. Les doigts

sont aussi très courts : les ongles sont complètement rongés à

cause de la succion continuelle, et l'épiderme est comme macéré.

Les membres inférieurs, bien conformés, ne présentent aucune trace

de rachitisme ni de scrofule; orteils courts, voûte plantaire nor-

male.

Organes génitaux : Verge petite ; prépuce très long formant

un phimosis. On ne sent pas les testicules dans le scrotum; rien

à l'anus. Onanisme fréquent.

Cheveux et sourcils châtains ; absence de poils aux aisselles, aux

jambes, au pubis. Pas de cicatrices. Un petit nOEV1lS du côté gauche

au-dessous des fausses côtes, et deux autres aux extrémités du

bord interne de l'omoplate du côté droit.

Rien dans les poumons ni au coeur. Langue nette. Abdomen

souple, foie et rate normaux ; pas de dilatation stomacale; selles

régulières sans constipation ni diarrhée, rumination, gâtisme.

La sensibilité générale est conservée, mais les sensations sont

perçues assez lentement. Les sens spéciaux, surtout l'odorat, sont

assez obtus. Taille, 1 mètre 20; poids, 26 kil. 200.

Gr.. aime toujours la musique,les roues et les voitures où il essaye e

de grimper. Il n'est pas coléreux, ne se bat pas avec ses camarades ;

parait assez craintif, et a surtout peur des chiens et des chats. - Il

a souvent des accès de cris, qui durent de quinze à trente minutes, à

la suite desquels, il se roule par terre et se cogne la tête. Pas de

grincement de dents, pas de balancement ; il ne bave pas, mais suce

continuellement ses doigts. Il sait se déshabiller, mais ne peut

s'habiller ni se laver seul; il a l'habitude, en se couchant, de défaire

complètement son lit et de jeter les oreillers par terre; il veut

aussi avoir toujours les bras nus, et il retrousse continuellement ses

48 DU MÉRYCISME.

manchesjusqu'au-dessus ducoude.P<n'o<e nulle. Gr... reconnaît sa

mère; quand il l'aperçoit, il va au-devant d'elle, la prend par la

main, la fait asseoir ets'empare du sac qu'elle apporte pour regarder

dedans. Onanisme fréquent et devant n'importe qui ; il parait

cependant comprendre qu'il fait mal, mais éclate de rire lors-

qu'on le gronde.

Il est très gourmand : quand les aliments arrivent au réfectoire,

il va toujours soulever les couvercles et flairer les plats. Si cela

lui convient, il retourne à sa place en sautant; si, au contraire, les

aliments lui déplaisent, il crie et tape contre les murs ou trépigne.

Si quelque chose lui plaît à table, et que son assiette soit vide ou

qu'on serve les autres avant lui, il pousse des cris épouvantables.

Il mange à peu près de tout ; cependant il a des préférences

marquées pour les viandes rôties, les pommes de terre et le ma-

caroni ; en général, il ne mange pas beaucoup de légumes, surtout

les choux, les petits pois, les carottes; il refuse absolument les

OEufs et le ris au lait. 11 n'aime pas beaucoup le vin.

Il mange seul, la plupart du temps avec ses doigts; pourtant on a

obtenu qu'il emploie aussi quelquefois la cuiller. La première chose

qu'il fait, une fois servi, est de casser son pain en plusieurs morceaux

qu'ilmetdansson assietteavec la viande. Généralement il commence

par manger la viande, à moins qu'il n'y ait des pommes de terre

avec elle, et garde le pain pour la fin du repas. 11 est excessivement

vJ1'ace; le plus souvent, il avale des bouchées absolument intactes,

en mettant quatre ou cinq dans sa bouche à la fois. Nous l'avons

vu ainsi manger deux côtelettes en l'espace d'une minute. Quelque-

fois cependant, mais rarement, il semble faire des mouvements de

mastication; mais, même dans ce cas, elle est tout à fait insuffi-

sante, et l'on s'aperçoit lorsque les aliments remontent ensuite,

qu'ils n'ont pas été triturés le moins du monde. Lorsqu'il a vidé

son assiette, il va prendre avec ses doigts la viande de ses voisins,

surtout lorsque c'est un de ses mets favoris. Jamais il ne vole les

légumes. 11 ne mange son pain qu'en dernier lieu et parait le

mastiquer plus longtemps que la viande. Il ne boit pas du tout

pendant le repas, ni à la fin et même lorsqu'on le fait boire, il dé-

tourne le plus souvent la tête, ou n'avale qu'une gorgée en faisant

la grimace. 11 préfère tremper dans son vin des morceaux de pain,

ou même des aliments, barbotter dedans avec ses mains et jeter

le tout ensuite dans son assiette ou surtout sur la table. Il ne

manque jamais de se livrer à cet exercice, si on laisse son gobelet

à sa portée. Lorsqu'il a fini son repas, ce qui, en général, ne

demande que quelques minutes, il se lève quelquefois, erre de côté

et d'autre sous les tables et ramasse des croûtons qu'il avale;

mais, le plus souvent, il reste sur sa chaise, et attend tranquillement

le moment de la rumination, en suçant toujours ses doigts.

La rumination se produit au bout d'un temps assez variable,

DU MÉRYCISME. le9

quelquefois cinq minutes, d'autres fois une heure et plus après le

repas. Elle arrive plus rapidement lorsque le repas s'est composé

des mets favoris de l'enfant; en moyenne, il faut compter vingt

minutes avant le retour des aliments. Il est évident pour nous que

le malade sent arriver le moment où la régurgitation va se pro-

duire ; car alors il cesse de téter ses doigts, se recueille, penche la

tête sur le sternum ; puis il la porte en avant, allonge le cou et

fait un appel d'air qu'il introduit évidemment dans l'estomac, car

on voit fort bien le mouvement de déglutition : il provoque ainsi

toujours une éructation très sonore, immédiatement suivie d'une

seconde, accompagnant les aliments qui remontent alors en pro-

duisant un bruit de gargouillement. Ajoutons qu'entre ces deux

éructations, lil avait légèrement contracté la paroi abdominale

(tension des droits antérieurs, dépression des fosses iliaques) , le

tllolax restant d'ailleurs absolument immobile. Tous ces faits se

passent presqu'instantanément, en quelques secondes, et l'on ne

peut guère les observer qu'en s'y prenant à plusieurs reprises.

Notons encore que jamais nous n'avons remarqué de nausées, ni

aucun phénomène d'effort ; la face reste la même, et la respiration

ne subit pas de modifications appréciables ni dans son rythme, ni

dans sa fréquence.

Les aliments remontent alors dans la bouche, non pas en masse,

mais plutôt, croyons-nous, d'une façon successive. Car, à ce moment,

l'enfant penche le thorax en avant en tendant le cou, gonfle les

joues, ferme les yeux et la bouche, devant laquelle il met même

souvent sa main, et il se passe un temps appréciable, pendant

lequel on entend distinctement le bouillonnement des aliments qui

remontent, avant que la bouche soit ouverte et que la mastication

commence. Ce temps doit correspondre au trajet du bol alimen-

taire depuis le cardia jusque dans la cavité buccale.

Une fois tout le bol alimentaire revenu dans la bouche, Gr...

se renverse sur sa chaise, gesticule, tape des mains, rit aux éclats.

Puis la mastication commence : elle est généralement assez longue,

surtout pour les premières bouchées, et dure quelquefois quatre à

cinq minutes pour la même. Les bouchées qui remontent les der-

nières sont à peine mastiquées et sont, pour ainsi dire, ravalées de

suite. Pendant ce temps, l'enfant manifeste le plus grand plaisir,

et il interrompt même souvent la mastication par un rire prolongé.

Pas do mouvements de latéralité de la mâchoire. Une fois mâchés

suffisamment, les aliments reprennent le chemin de l'estomac et

une nouvelle bouchée ne tarde pas à remonter.

Le bol alimentaire qui remonte ainsi comprend généralement

dans sa composition une partie de tous les aliments qui ont formé

le repas; cependant ce sont toujours les viandes qui dominent, le

pain et les légumes sont en moindre quantité. Cela est très facile

il constater, du moins au début, car, à la fin de la rumination,

BOURNEVILLE, 1883. 4

50 DU MÉRYCISME.

l'aspect de la masse alimentaire qui remonte rend toute distinction

impossible.

Cet aspect change, en effet,à mesure que la rumination s'avance.

Les premières bouchées se composent de matières presqu'in-

tactes et ne portant aucune trace de mastication antérieure.

mesure que la rumination se fait, ces matières primitivement

solides ne remontent plus dans la bouche qu'à l'état de hachis et

plus tard se présentent enfin sous l'aspect d'une pâte chyncusc.

Les intervalles des gorgées varient aussi suivant le moment de

la rumination. Au début, Gr..., après avoir mâché très longtemps

les aliments revenus dans sa bouche, finit par les avaler de

nouveau. Puis immédiatement il provoque une éructation et la

gorgée suivante remonte de suite sans intervalle appréciable. Au

contraire, à mesure que la rumination tire à sa fin, les gorgées

s'espacent de plus en plus et les dernières sont quelquefois sé-

parées par un intervalle d'une demi-heure. En même temps nous

avons remarqué que la durée de la mastication était abrégée pour

chaque bouchée et que les dernières étaient avalées presque de

suite après deux ou trois mouvements des mâchoires. D'un autre

côté, les efforts des muscles abdominaux, déjà faibles au début,

sont encore moins appréciables à la fin de la rumination et passent

souvent même inaperçus; les éructations manquent aussi sou-

vent à cette période.

La durée de la rumination ainsi que le nombre des gorgées est très

variable. Parfois, le nombre des gorgées peut arriver à la trentaine

et la rumination durer d'un repas à l'autre. D'autres fois il n'y a

que deux ou trois régurgitations et, au bout d'une demi-heure, tout

est fini. Nous avons observé que la durée la plus habituelle de la

rumination était de une heure et dentie à deux heures et le nombre

des gorgées de douze à quinze. Cette différence de durée de ru-

mination peut tenir à une foule de causes, et nous avons vu que,

chez le sujet actuel, la rumination était plus lente à se produire et

durait moins longtemps, si l'on contrariait l'enfant, si on changeait

ses habitudes, si on lui donnait à manger des mets dont il était

peu friand ou s'il était indisposé.

La rumination suit tous les repas, aussi bien le déjeuner que le

diner, et se présente toujours sous le même aspect. Sa durée ne

subit pas non plus de modifications sensibles. Après la soupe du

matin, l'enfant rumine encore le plus souvent ; mais alors il n'y a

guère que deux ou trois gorgées qui remontent. La rumination

est, dans le cas actuel, un fait habituel et il est rare qu'elle manque

après un repas. Pourtant, depuis un an, ce fait, jadis inconnu, se

présente quelquefois.

Toutes les substances ingérées sont ruminées. Néanmoins il en

est quelques-unes dont l'ingestion semble favoriser et prolonger la

rumination. Ce sont, d'ordinaire, les substances solides,les viandes,

DU MÉRYCISME. 51

surtout les viandes rôties, et, parmi les légumes, les pommes de

terre : nous avons dit plus haut que c'étaitlà les mets favoris de G...

Les soupes sont ruminées aussi, mais d'autant plus facilement

qu'elles sont plus épaisses; et il arrive souvent que les potages li-

quides ne sont pas ruminés. Dans tous les cas, ces aliments sont

ruminés de suite et ne remontent plus après l'ingestion des autres

substances qui composent le repas. Parmi les liquides, c'est le lait

qui remonte le plus facilement; les boissons en général nesont pas

ruminées, d'ailleurs l'enfant souvent ne boit pas. Cependant lorsque

les liquides sont ingérés en grande quantité et coup sur coup, ils re-

viennent presqu immédiatement dans la bouche; ou bien même sont

rejetés instantanément dans le gobelet, puis ravalés de nouveau.

La rumination s'exécute aussi bien dans la position assise que

dans la station debout. Le décubitus dorsal la suspend un moment;

mais elle ne tarde pas à reprendre comme auparavant. Il se pro-

duit aussi quelquefois une suspension momentanée, lorsqu'on

cherche à distraire l'enfant et à occuper son attention. Dans tous

les cas, la rumination se fait avec plaisir et chaque régurgitation

est généralement suivie d'un accès de rire bruyant. Jamais l'enfant

n'a de vomissements et ne rejette ses aliments. Il arrive parfois

qu'il prend dans la main la bouchée qui vient de remonter : il fait

alors un espèce de triage avec ses doigts, jette ce qui lui déplaît,

par exemple les tendons... mais remet dans sa bouche le reste

qu'il mâche et avale ensuite.

Ajoutons, pour terminer, que l'enfant ne souffre nullement du

mérycisme, que la santé générale est excellente et que son poids il

augmenté de 2 kil. 300 de juillet 1881 à juillet 1883, et la taille de

11 centimètres.

La pepsine, administrée d'abord à la dose de 50 centig., puis de

75 avant chaque repas, n'a pas produit de modifications sensibles

sur le mérycisme. Le premier jour, il ne s'est produit ni le matin

ni le soir; le deuxième jour, il a manqué aussi le matin; et l'en-

fant n'a ruminé le soir que deux gorgées après sa soupe, rien après

le repas. Le troisième jour, il n'a ruminé que deux fois le matin,

une heure après le repas ; le soir, il n'a pas ruminé. Le jour sui-

vant, le mérycisme a repris comme d'habitude et n'a plus présenté

aucune modification.

Sans insister à propos de cette observation sur les caractères

particuliers de l'idiotie, l'hérédité, etc., nous signalerons l'état

de délabrement du système dentaire qui n'est pas sans doute

sans influer beaucoup sur la production du mérycisme par

suite des troubles de mastication qui en résultent; puis la

voracité, très marquée chez Gr... D'ailleurs, cet enfant étant

un type parfait de mérycole, on trouve, nettement indiqués

52 DU MÉRYCISME.

chez lui, les phénomènes qui peuvent servir à expliquer le

mécanisme de l'acte en même temps que la description de

l'acte lui-même. La plupart de ces faits se retrouvent dans les

observations précédentes, ainsi que dans celle que nous allons

rapporter.

Observation XXXI. - Idiotie; épilepsie. Mérycisme; voracité.-

Influence des aecésépileptiques sur le mérycisme.-Santé générale bonne.

- Juven.. (Ferdinand-Albert-Philippe), né à Paris le 2 juillet 1872,

est entré le 20 octobre 1877 à Bicêtre. (Service de M. 130UItNE-

ville.)

Antécédents.-Renseignements fournis par le père (24 octobre 18 î 9).

Père, quarante et un ans, forgeron, vigoureux et bien portant;

pas d'excès de boisson, aurait eu à dix-huit ans « un coup de

sang » et le « sang brûlé ». Pas de syphilis. [Père, soixante-dix-

huit ans, receveur d'octroi, bien portant. Pas de maladies ner-

veuses, excès de boisson. - Mère, morte subitement à cinquante-

neuf ans de la rupture d'un anévrisme : « C'était une femme bien

sage. » Aucun antécédent nerveux. Deux frères bien portants, ma-

riés, ont quatre et sept enfants tous bien portants, n'ayant jamais

eu de convulsions.]

Mère, quarante-deux ans, lingère, intelligente, assez forte,

asthmatique, facilement irritable; elle n'a jamais eu d'attaques de

nerfs.-Pas de névralgies, de migraines ; variole grave en 1870. Pas

de dermatoses. [Père, mort d'une inflammation d'inte5-h'.o : aucun

excès, pas de maladies nerveuses. - Mère, bien portante, intelli-

gente, pas de maladies nerveuses. Trois soeurs bien portantes ont

des enfants très bien constitués : un seul, de sept ans, a une

tête très grosse, mais est intelligent : il louche et a eu des convul-

sions. Un cousin germain est mort fou à l'asile de Nantes.]

Pas de consanguinité.

Deux enfants : -1° notre malade; 2° une fille, bien constituée,

morte à cinq semaines d'une diarrhée cholériforme.

Notre malade. Pendant la grossesse, à cinq mois, la mère a eu

une peur si violente qu'elle s'est trouvée mal sur le coup etn'a re-

pris ses sens qu'au bout d'un quart d'heure. Accouchement à terme,

facile. Elevé au sein par sa mère jusqu'à ving-six mois. Rougeole

à quatre mois; vacciné, pas de variole. -A trois ans, contusion

violente de la tête à la suite d'une chute; croup à cinq ans. A

sept semaines, on a remarqué des petites secousses dans les bras

avec des crispations dans les mains et des mouvements dans les

yeux. Il fut soigné pendant cinq ans par le bromure de potassium ;

les accès sont allés en augmentant jusqu'à l'entrée. Le minimun

des accès en vingt-quatre heures était de sept à huit, et le maximun

de trente. A un moment, il y eut une période de trois mois qui se

DU MÉRYCISME. 53

passa sans accès etpendant laquelle il maigrit beaucoup. Les accès

sont diurnes et nocturnes; pas d'étourdissements. Juv... n'a jamais

prévenu. Il n'a marché qu'à quatre ans, n'a jamais parlé, a toujours

gâté. Pas d'ophthalmies, d'abcès, de dartres, de croûtes dans les

cheveux; un abcès sur le côté droit du cou dont la cicatrice reste

visible. Onanisme fréquent : on était obligé de lui attacher les bras.

Il a commencé à ruminer à dix mois, après avoir mangé ou bu.

Il avalait ses aliments de suite, gloutonnement; pas de salacité.

On n'avait jamais vu de ruminants dans la famille.

Etat actuel (iioùl 48S ? ).- Tête très volumineuse, développée dans

sa partie postérieure, saillie très prononcée de l'occipital au niveau

de la protubérance. La calotte crânienne est plate et semble taillée

suivant un plan incliné de droite à gauche. Front bas et étroit;

bosses frontales saillantes; au-dessous d'elles, dépression assez

marquée. Pas de saillie des arcades sourcilières : la partie gauche

du front parait un peu plus déprimée que la droite. Circonférence

de la base, 50 centimètres; d'une oreille à l'autre, 30 ; diamètre

antéro-postél'ieur (compas Eudin), 16,3; diamètre bi-pariétal, 4 4,2;

diamètre bi-temporal ; 12. Face ronde, symétrique. Yeux : iris gris

brun, pupilles normales, égales et contractiles, pas de strabisme,

ni de conjontivite. - Nez petit; bouche moyenne, lèvres peu épaisses.

Voûte palatine assez large, profonde, symétrique ; voile du palais,

amygdales, luette, piliers réguliers et symétriques. Maxillaire su-

périeur, régulier et symétrique. Les deux incisives médianes sont

larges et dentelées : la canine droite, la canine gauche et la pre-

mière molaire gauche manquent. Les deux petites molaires droites

sont cariées jusqu'à la gencive. - Maxillaire inférieur, régulier et

symétrique : la deuxième molaire gauche est détruite.

Oreilles grandes, séparées de la tête, bien ourlées ; lobule détaché.

Cou court : cicatrice d'abcès ganglionnaire sur le bord antérieur

du sterno-mastoïdien gauche ; pas de glandes.

Thorax bien conformé, colonne vertébrale rectiligne. Abdomen

souple, sans développement exagéré.

Membres supérieurs bien conformés, assez gros; doigts longs.

Membres inférieurs. - Pas de traces de rachitisme, rectilignes,

assez musclés; doigts longs; voûte plantaire normale.

Organes génitaux : testicules descendus ; verge normale; prépuce

long, sans phimosis.

Peau. Cheveux châtain foncé très abondants; sourcils, cils longs

et fournis. Pas de poils aux aisselles, au pubis, ni sur les membres.

Pas de ganglions au cou, aux aisselles, ni aux aines.

Sensibilité générale intacte; sens spéciaux obtus.- Rien au coeur

ni auxpoMmo ? M. Langue bonne; appétit conservé; 7-iii ? îi ? z(ttioiz. -

Selles normales, pas de vomissements, pas de dilatation stomacale.

- Foie et rate normaux. Poids, 23 lui. 600 ; taille, 1 mètre 16.

54 DU MÉRYCISME.

Cet enfant marche très bien, grimpe partout, mais ne sait pas

descendre les escaliers. Il est toujours en mouvement, court après

les feuilles, tourne dans les cours en secouant ses mains, ou en les

tapotant l'une contre l'autre et en poussant de petits cris : « Euh !

euh ! » ou en soutlant ! Lorsqu'il aperçoit une porte ouverte il soit

sans savoir où il va aller et sans idée du danger, s'il y en a. Il

aime à clapoter dans l'eau et à pousser les cailloux avec ses pieds.

Parfois colère, surtout quand on le débarbouille, quand on lui

coupe les cheveux. Bave, balancement, suce rarement ses doigts;

a plutôt l'habitude de les mettre dans ses oreilles. Il est vorace,

gourmand et voleur; pas de salacité; gâtisme; onanisme persis-

tant. Il ne sait ni se laver, ni s'habiller, ni se déshabiller. Parole

nulle : ne dit que « papa, maman ». 11 ne comprend rien et ne fait

même aucun signe. Il reconnait maintenant son père et sa mère,

ce qu'il ne faisait pas t'entrée. Il est caressant, et paraît affec-

tionner d'une façon particulière l'enfant Perrin qui s'occupe un

peu de lui. Il est impossible de fixer son attention.

L'épilepsie se traduit chez lui par des accès et des vertiges : en

1880, il a eu 132 accès et 4 : i vertiges; en 1881, 286 accès et 512 ver-

tiges; en 1882, 347 accès et 142 vertiges; en 1883, 3)6 accès et

67 vertiges. Il a eu, en janvier 1881, une rougeole qui a duré six se-

maines et pendant laquelle il n'a eu aucune manifestation épilep-

tique. (Voir Progrès médical, 2 septembre 1882, p. 663.) (Fig. '1) '.

Description des accès 2. Chez cet enfant, les grands accès eux-

mêmes n'ont jamais une grande intensité. Le plus ordinaire-

ment, il pousse un cri, penche le dos en arrière, tend la tête

et les bras en avant; les pieds et les mains sont dans l'extension

et la rotation en dedans. En même temps les globes oculaires sont t

tournés en haut et la bouche est largement ouverte. (Période to-

nique.) Petites secousses tétaniformes dans les membres, mais sur-

tout dans les paupières; puis secousses cloniques généralement

de peu d'étendue et de durée : elles sont quelquefois moins pro-

noncées à droite. Ronflement, bave sanguinolente, émission d'u-

rine; sommeil. Les accès se produisent surtout après les repas.

J... ne sait pas manger seul. 11 est très vorace. Sitôt que son re-

pas est devant lui, il se saisit du pain qu'il se met à manger tout

d'abord; puis il prend les autres aliments à pleine main, même

les bouillie ? et les porte à sa bouche en en laissant tomber la plus

1 Voir aussi : Bourneville et 13ouuaire, Recherches cliniques et thé-

rapeutiques sur l'épilepsie, l'hystérie et l'idiotie, compte rendu du service

pendant 1881, p. 97.

t Comme le lecteur l'a sans doute remarqué, nous continuons à donner

dans nos observations la description dis accès, afin d'arriver bientôt à

racer un tableau aussi exact que possible des diverses variétés d'accès

épileptiques.

DU MÉRYCISME. 55

grande partie. Lorsqu'on le fait manger, il avale la plupart des

aliments de suite, sans les mâcher. Parfois quelques bouchées

ne sont avalées qu'après des efforts de mastication. Pendant tout

le temps du repas, il ne cesse de gratter la table avec les ongles. ? 1.

56 DU MÉRYCISME.

Il ne manifeste pas de répugnance pour les liquides; néanmoins,

la plupart du temps il boit peu, et finit à peine sa portion de vin.

Il lui arrive souvent de prendre avec sa main ce qui se trouve dans

l'assiette des voisins; mais ces emprunts sont toujours faits au ha-

sard et sans distinction d'aucun mets, différent en cela de Gr...

qui, lui, ne vole jamais que la viande. Il n'a de préférence pour au-

cun aliment.

Cet enfant, qui d'ailleurs est toujours très remuant, n'a pas plu-

tôt fini ses repas qu'il se met à courir de tous côtés en tapant dans

ses mains et en poussant ses cris habituels. Il ne reste assis que

si on le place sur une chaise basse : mais, même dans ce cas, il se

balance la plupart du temps en soufflant bruyamment et en agi-

tant ses mains. Lorsqu'il reste par hasard tranquille, il se penche

en avant, met l'index de chaque main dans l'oreille correspon-

dante et demeure ainsi quelques minutes, puis reprend son balan-

cement. II ne suce ses doigts que très rarement ; ne cesse de baver.

La rumination met toujours un certain temps avant de se pro-

duire et ce n'est, en général, que 35 ou 40 minutes en moyenne

après le repas que la première régurgitation se produit. A ce mo-

ment, il allonge le cou, penche un peu la tête, provoque une é1'UC-

tation, qui est suivie du rejet des aliments qui remontent avec bruit

dans la bouche. Ces phénomènes sont constants. Chez cet enfant

les efforts sont encore moins marqués que chez Gr... et même en

l'observant avec attention et à plusieurs reprises nous n'avons noté

ni grande inspiration, ni mouvements du thorax, mais seulement

parfois une légère ondulation de la paroi abdominale. La respiration

est régulière,le visage reste le même et l'enfant interrompt à peine

son balancement ou sa promenade. Parfois il demeure quelques

secondes la tête penchée en avant, les joues gonflées, semblant

attendre que toute la gorgée soit revenue. Alors il la retourne dans

sa bouche comme s'il se gargarisait, fait à peine trois ou quatre

mouvements de mastication et la ravale de suite. Pas de mouve-

ments de latéralité.

Il nous a été impossible de reconnaître ici l'ordre de retour des

aliments et leur état au commencement et à la fin de la rumina-

tion. Cet acte s'accomplissait toujours la bouche fermée et à cha-

que tentative que nous avons faite pour l'ouvrir, J... avalait pré-

cipitamment ce qu'il avait dans la bouche, de telle sorte que nos

efforts sont restés infructueux.

Au début de la rumination, les gorgées ne sont guère séparées

que par un intervalle d'une minute ; mais, à mesure qu'elle s'a-

vance, cet intervalle augmente, et peut, à la fin, atteindre trente mi-

nutes et plus. A ce moment, il est impossible de saisir la moindre

trace d'effort; d'un autre côté, la mastication, toujours peu longue

même au début, ne se fait plus et les bouchées sont ravalées ins-

tantanément.

DU MÉRYCISME. 57

Il est assez difficile, dans le cas actuel, d'être fixé sur la durée

précise de la rumination et le nornbré des gorgées. En effet, Juv...

a très souvent, après ses repas, des accès épileptiques qui inter-

rompent toujours la rumination et l'empêchent même de se mani-

fester lorsqu'elle n'est pas commencée. Lorsque ce contre-temps

ne se produit pas, nous avons observé que la moyenne des gorgées

était de douze à quinze et que la durée de la rumination variait

d'ordinaire entre une heure et demie et deux heures.

La rumination suit aussi bien le diner que le déjeuner et se

présente toujours sous le même aspect. Cependant il arrive assez

souvent que, même en dehors des accès d'épilepsie, l'enfant ne

rumine pas après un repas, qui alors est toujours celui du soir;

d'autres fois, mais plus rarement, la rumination manque toute

une journée. Ce fait ne s'est montré que cette année.

Toutes les substances ingérées sont également ruminées ; ce-

pendant ce sont toujours les matières solides qui le sont le plus.

Les liquides ou les potages ne le sont pas constamment, et, s'ils

reviennent, ce n'est qu'un petit nombre de fois et de suite, après

leur ingestion, avant que l'enfant n'ait pris le reste de son repas.

La rumination ne parait provoquer aucun dégoût. Juv... rumine

également bien, assis ou debout. Le décubitus dorsal ne fait que

suspendre momentanément les régurgitations. Jamais les aliments

ne sont rejetés au dehors.

Le mérycisme semble être ici un acte physiologique : l'enfant

a belle apparence, sa santé est bonne ; son poids a augmenté de

6 kil. 200 depuis le mois de janvier 1880 jusqu'au 31 décembre 1883

et sa taille de 13 centimètres. Poids fin décembre, 25 kil. ? 00;

taille, 1 mètre 20.

La pepsine, Ir la dose de 50 puis 75 centigr., avant

chaque repas, n'a donné aucun résultat.

Nous noterons encore, dans ce cas, un fait que nous avons

déjà signalé dans le précédent : le mauvais état des dents. D'un

autre côté, la voracité, ainsi que tous les autres caractères de

la rumination, se retrouvent ici, moins marqués, il est vrai,

que chez Gr..., mais pourtant très évidents.

Les aliments, une fois revenus dans la bouche, sont soumis

à une seconde mastication, généralement longue et conscien-

cieuse. A ce propos, Burgower avait signalé chez les mérycoles

des mouvements de latéralité de la mâchoire. On ne les a

notés nulle part et nous ne les avons pas observés chez nos

idiots. Quoi qu'il en soit, cette seconde mastication, complète au

début de la rumination, est moins longue à mesure que l'acte

s'avance et les dernières bouchées sont presque avalées de suite

58 DU MÉRYCISME.

après leur régurgitation. Cela peut s'expliquer assez facilement

si l'on considère l'état des aliments qui remontent au commen-

cement et à la fin de la rumination. Dans le premier cas, en

effet, ils reviennent presque intacts ; c'est alors qu'intervient

énergiquement la mastication; plus tard ils ne se présentent

plus que sous l'aspect de hachis ou même de pâte (Ous. XXI,

XXVIII, XXIX, XXX) et l'on conçoit dès lors qu'ils nécessitent

bien moins le secours des dents.

Quant au mode de retour des aliments, le résultat de nos

recherches ne concorde pas avec ce que nous trouvons dans les

Observations VI, vis, XVII où il est dit que les aliments re-

viennent dans l'ordre où ils ont été ingérés. Nous avons tou-

jours vu les aliments ingérés, du moins les solides, entrer tous

à la fois dans chaque gorgée; quant aux liquides, s'ils remon-

taient, c'était de suite après l'ingestion, à condition, toutefois,

que le malade ne mangeât plus rien après.

L'intervalle qui sépare les gorgées varie aussi aux différents

moments de l'acte. I'resqu'insensihle au début, il va toujours

en augmentant à mesure que la rumination progresse. Rossier

avait signalé cette particularité. (Oss. XXVIII.)

Les considérations qui précèdent nous montrent, en somme,

qu'on peut distinguer dans l'acte de la rumination deux pé-

riodes : dans la première, tous les phénomènes sont plus

accusés, contractions abdominales, éructations, mastication;

le nombre des régurgitations est plus grand, leur intervalle

très court. A ce moment, les aliments reviennent intacts. Dans

la seconde période, qui partirait du moment où les substances

qui remontent prennent l'aspect d'une pâte, les contractions,

les éructations sont à peine sensibles, les bouchées sunt ava-

lées de suite presque sans mastication et ne reviennent plus

qu'à de longs intervalles.

L'espace de temps qui s'écoule entre le repas et la rumination,

la durée de celle-ci, le nombre des gorgées sont bien diffi-

ciles à déterminer d'une façon générale, car elles varient sui-

vant les sujets et même chez un seul sujet. - L'apparition du

mérycisme, qui se fait tantôt quelques minutes, tantôt une

heure après le repas, peut être retardée par la volonté, ou accé-

lérée par l'ingestion d'une grande quantité de liquides (Uns. VI,

VII) ou même d'aliments solides flattant le goût du sujet. Cette

dernière cause peut influer aussi sur le nombre des gorgées, et

DU MÉRYCISME. 59

partant, sur la durée de la rumination. (OBS. XXVIII et XXX.)

Cette durée, qui est en moyenne de une heure ou deux, nous a

paru varier très peu suivant les repas, contrairement à ce que

Rossier avait observé chez son malade. (OBs. XXVIII.) En re- z

vanche, elle peut être modifiée par la position que l'on donne

au sujet. La majorité des mérycoles ruminent debout ou assis;

si on les place dans le décubitus dorsal, on arrête momen-

tanément la rumination qui reprend plus tard, et l'on conçoit

que la durée s'allonge en proportion. (OBs. XXIX et XXX.)

Il en est de même de l'influence de l'attention. Des causes

analogues peuvent produire un effet contraire. Ainsi, chez

Juv ? les accès d'épilepsie abrégeaient toujours la durée de

la rumination qui cessait avec l'accès. Mais quelle que soit la du-

rée de la rumination, il est un fait constant, c'est l'absence de

dégoût et souvent même le plaisir qui l'accompagne. Ce point est

signalé dans toutes nos observations, sauf une seule. (OBs. XII.)

Il est encore une cause à laquelle Cambay attribuait une

grande influence sur la durée de la rumination, c'est la d¿"ges-

tibûité des aliments. On est maintenant d'accord pour dire

qu'un aliment est plus digestible qu'un autre, quand il cède ses

parties chymifiables plus promptement que cet autre, quel que

soit du reste le lieu où s'opère la dissolution, que ce soit

l'estomac ou l'intestin. Mais ce n'est pas absolument dans ce

sens que Cambay emploie le terme digestibilité, et il ne

l'apprécie que par le séjour plus ou moins long que l'aliment

fait dans l'estomac. Dès lors, les aliments dits lourds, ceux dont

le séjour dans l'estomac est plus long, seraient ruminés plus

souvent et plus longtemps que les aliments dits légers. Cela est,

en somme, très facile à comprendre et nous avons vu quelque

chose de semblable dans l'OBsERVA'noN XXX, où la majeure

partie des bouchées qui remontaient était formée de viande.

Les légumes étaient en très petite quantité. Quoi d'étonnant à

cela ? Nous savons, en effet, que si on donne à un animal, dans

un même repas, de la viande et des végétaux, l'estomac retient

la première et laisse passer les seconds dont il n'a que peu de

substances nutritives à extraire. Or, l'estomac étant le siège de

la rumination, on conçoit aisément que les matières, destinées à

subir plus longtemps la digestion stomacale, doivent chez un mé-

rycole revenir à la bouche plus longtemps et aussi plus souvent.

Suivant Percy et Laurent, cette sélection des aliments s'expli-

querait par les mouvements péristaltiques de l'estomac, plus

60 DU MÉRYCISME.

sensibles sur certains points, et agissant sur les matières

qui correspondent à l'endroit où l'agitation est la plus marquée.

Cette explication nous parait une simple hypothèse et nous

préférons adopter la précédente, beaucoup plus physiologique.

C'est ainsi que nous pourrons nous expliquer comment les po-

tages liquides et les boissons sont toujours, chez nos malades,

ruminés dans un temps très court après l'ingestion et ne re-

viennent jamais après le repas. Ces substances, n'ayant besoin

que d'une digestion stomacale très courte, passent rapidement

dans l'intestin et, pur suite, sont soustraites à l'action du mé-

rycisme.

Cependant, il est des cas très bizarres où ce sont ces subs-

tances seules qui sont ruminées. Nous avons vu souvent les

liquides en grande quantité favoriser la rumination, mais sans

ètre ruminés eux-mêmes ou ne l'être qu'après une ingestion

très copieuse. Nous avons signalé, d'un autre côté, des faits de

mérycisme partiel, par exemple, l'OBSERvATION VII, où le viu, la

bière, le cidre, le jus des fruits, les médicaments ne remon-

taient jamais à la bouche. Nous allons maintenant rapporter

trois cas que nous avons observés à Bicètre où le mérycisme ne

porte que sur les liquides sans qu'il soit besoin de les prendre en

grande quantité.

Observation XXXII. - Idiotie, épilepsie. - Tics, tournoiement,

mérycisme partiel (liquides). - Secousses : traitement par le curare.

Obstruction du larynx par un morceau de viande : mort.

Autopsie. Vau... (Ernest-Joseph), né le -I-1 février 1872 à Paris,

est entré le 25 mai 1878 à Bicêtre (service de M. l3omwnLLi;).

Antécédents. - Renseignements fournis par sa mère (16 août 1880).

Père : quarante-trois ans, petit, mais bien portant ; pas d'excès de

boisson, nerveux, impressionnable ; pas de migraines, quelques

névralgies dentaires. [Père : pas d'excès alcooliques, ni d'affections

nerveuses. - Mère : asthmatique, morte à soixante ans d'une

fièvre typhoïde ; impressionnable, pas d'attaques de nerfs. Un

frère est mort jeune, de convulsions. - Pas d'aliénés, d'épilep-

tiques, de difformes].

Mère, quarante ans, petite, très nerveuse ; pas d'attaques de nerfs,

de migraines, de névralgies; pas de strabisme. Elle a eu pendant

deux mois, après sa quatrième couche, des idées tristes et de sui-

cide. Elle souffre de calculs biliaires. Intelligence ordinaire. -

[Père : mort phthisique à cinquante-trois ans, après avoir eu le

choléra; aucun excès. - Mère : morte à soixante-deux ans d'un

cancer utérin.- - Un frère bien portant; un autre est mort tout

DU MÉRYCISME. 61

jeune de la cholérine et un troisième de la coqueluche; enfin une

soeur a succombé à une fièvre typhoïde. Pas d'accidents nerveux

dans la famille. - Pas de mérycoles du côté du père ni de la

mère.] Pas de consanguinité.

Six enfants : deux filles mortes de bronchite, l'une à sept mois

et demi, l'autre à dix-sept mois; pas de convulsions, bien con-

formées. Deux garçons juozeazex 1 : l'un est mort à trois jours de con-

vulsions, l'autre est notre malade. - Un garçon, bien conformé,

mort il treize jours, sans convulsions, d'un « épanchement au

cerveau ». Une fille de trois ans et demi, bien portante, intelli-

gente ; n'a pas eu de convulsions, est très peureuse.

Notre malade. Grossesse accidentée par une chute à cinq mois, et

une peur à sept mois et demi. Accouchement à terme, facile.

Elevé au biberon par sa mère jusqu'à trois ans. Dès la naissance,

on remarqua que « les yeux se tournaient » ; à deux mois, il a eu,

pendant vingt et un jours, des convulsions semblables à celles qu'il

a aujourd'hui et durant cinq à six heures par jour. A la suite, on

s'est aperçu qu'il avait une paralysie du côté gauche; on assure que

« les mouvements étaient pareils des deux côtés ». Le pouce gauche est

resté contracture dans la paume de la main, pendant six mois. Rien

de semblable à droite ; il ne s'est jamais servi du bras droit pendant

près d'un an. A partir de là, il a eu des crises quotidiennes,

la nuit et le jour. En 1876, il est resté six mois sans en avoir,

après avoir pris du bromure de potassium ; puis elles sont reve-

nues plus fortes.

V... a marché à quatre ans, tout d'un coup. Après ses accès, il

traînait la jambe gauche pendant une demi-heure. Il a parlé à

cinq ans, mais ne prononçait bien aucun mot; chantonnait les

airs qu'il entendait. Pas d'accidents scrofuleux, pas de maladies

antérieures.

11 ne portait attention à rien, n'a jamais rien appris, n'a jamais

su s'habiller, ni se déshabiller. Il avait de nombreux tics, faisait

continuellement des grimaces; très entêté, coléreux; pas gourmand

ni salace ; ne suçait pas ses doigts, flairait toujours ce qu'on lui don-

nait et le rejetait si l'odeur ne lui plaisait pas; il affectionnait les

aliments solides. On prétend qu'il n'a jamais ruminé à la maison ( ? ).

- Il n'a jamais été propre ; cependant il urinait seul dans une

terrine. Affectueux, reconnaît ses parents. Le nombre des accès

a été de vingt-neuf en 1879; trente-cinq en 1880; vingt-huit, en

,188,1 ; trois en 1882; trois de janvier à mai J883 ; jamais de ver-

tiges. Rougeole en janvier 1881 (V. Progrès médical, '1882, p. 720,

et Bourneville et hounaire, loc. cit., p. 10 ? )

Etat actuel (août 1882). - Tête régulière et symétrique, en forme

1 Contrairement il ce qu'on observe on général, il n'y aurait pas eu, ici,

de jumeaux ni dans la famille du père, ni dans celle de la mère.

62 DU MÉRYCISME.

de pain de sucre : les bosses sont à peine marquées. L'occipitale

ne fait aucune saillie et, de ce côté, la tête parait plate et taillée

suivant un plan vertical.

Front bas, étroit, proéminent, sans saillies des bosses frontales;

pas de dépressions latérales; arcades orbitaires peu marquées :

circonférence de la base 47 centimètres 12; diamètre antéro-pos-

térieur (compas Budin) 'tua,2; diamètre bi-pariétal, 14; diamètre

bi-temporal, 11 412.

Visage rond, peut-être un peu plus large en bas, symétrique.

Yeux caves; iris gris brun, pupilles contractiles, égales; pas de

strabisme, ni de conjonctivite. - Oreilles grandes, bien ourlées,

lobule semi-adhérent. Nez court, un peu large, très déprimé il

la racine.

Bouche moyenne, lèvres épaisses. Voûte palatine, très profonde,

assez étroite, symétrique. Voile du palais, amygdales, luette, piliers

réguliers et symétriques. Maxillaires inférieur et supérieur symé-

triques. Dents bien rangées, saines ; la deuxième petite molaire

supérieure droite seule est cariée. La partie inférieure de la face

est très saillante.

Con court, sans traces de scrofule; thorax régulier, colonne ver-

tébrale rectiligne.- Abdomen très développé et saillant.

Membres supérieurs grêles, mais bien conformés; mains petites,

doigts longs, ongles intacts malgré la succion.- Membres inférieurs

maigres; légère concavité des tibias dans les deux tiers inférieurs.

Orteils longs; voûte plantaire normale.

Organes génitaux : verge petite, prépuce très long; phimosis.

On ne sent pas les testicules dans le scrotum.

Peau : cheveux chatain-clair assez fournis; poils follets jusque

dans le milieu du dos; sourcils peu abondants. Pas de poils aux

aisselles, ni sur les membres, ni au pubis. - Trois cicatrices de vac-

cin sur l'insertion inférieure du deltoïde droit, deux sur le deltoïde

gauche. Un névus de la grosseur d'une lentille, avec quelques

poils, sur le tendon d'Achille gauche.

Rien au coeur, ni dans les poumons. Langue bonne, appétit

bon; foie et rate normaux ; pas de dilatation stomacale; selles

régulières. Sensibilité générale intacte. Sens spéciaux assez obtus,

même l'odorat.

V... est désobéissant, coléreux, parfois méchant, frappe et pousse

ses camarades; suce ses doigts, ne bave pas, ne se balance pas;

gâtisme; onanisme la nuit, jamais le jour. V... ne parle pas, mais

répète tout ce qu'il entend, paroles ou airs de musique; il cause et

chante continuellement, et cela sans aucune suite. On l'a surnom-

mé Coco, parce qu'il répète toujours « Coco à maman ». Il joue

avec des boutons et en a constamment dans les mains, même en

mangeant. Il ne reste jamais en repos; grimace continuellement,

fermant les yeux, agitant la main devant l'oeil gauche, remuant la

DU MÉRYCISME. 63

bouche, tournant la tête; souvent il gonfle les joues, remue la

bouche comme s'il se gargarisait et souffle bruyamment. Lorsqu'il

est debout, il lui arrive souvent de tourner sur lui-même pendant

longtemps.

Il n'est pas gourmand, ni salace ; vole quelquefois le vin de ses

voisins, jamais la viande. 11 conserve toujours la même place à

table et pleure si on le met ailleurs. 11 mange assez proprement

seul, avec la cuiller : il flaire ses aliments et souffle toujours dessus

avant de les porter à sa bouche. II mange très lentement, mastique

bien; tout en mangeant, il chante ou répète les mêmes phrases,

joue avec ses boutons, fait des grimaces. 11 boit seul, en mettant

son gobelet du côté gauche de la bouche, regardant le contenu de

l'oeil droit. Il boit généralement d'un trait.

La rumination des liquides est loin d'être constante ; lorsqu'elle

se produit, la régurgitation se fait de suite après l'ingestion, sans

effort, avec une éructation; l'enfant tourne les liquides deux ou trois

fois dans la bouche et les ravale ensuite. Il y a quelquefois quatre

ou cinq régurgitations successives. Les potages liquides remontent

quelquefois et de la même façon. Les aliments solides ne sont ja-

mais ruminés.

11 se passe quelquefois un grand nombre de repas sans que la ru-

mination des liquides se produise. Souvent on est tenté de croire

que l'enfant rumine, car il fait le geste de se gargariser en gontlant

les joues; mais alors c'est un de ses tics, car ces mouvements u'ont

pas été précédés d'éructations ni de régurgitations comme lorsque

les liquides reviennent, et ils ne sont pas suivis de mouvements de

déglutition. En outre, ils se produisent souvent longtemps après le

repas, une heure et plus, c'est-à-dire à un moment où les liquides

ne doivent plus être dans l'estomac : quelquefois même nous avons

observé ce tic, alors que l'enfant était à jeun.

Au mois de décembre 1882, on remarque chez l'enfant de nou-

veaux accidents : par moments, tout le corps est agité par une se-

cousse, et alors V... incline fortement la tête sur l'épaule droite. -

On le soumet, pour ses secousses, au traitement par les injections

sous-cutanées de curare.

24 décembre. Dix gouttes de la solution à 2/100 (1 centigr. de cu-

rare.)

26 décembre. Onze gouttes (11 milligr.).

31 décembre. Douze gouttes (12 milligr.).

4883. - 8 janvier. Les secousses semblent avoir diminué d'inten-

sité et de fréquence.

6 février. Dix-neuf gouttes. Pas de modification appréciable.

si février. Vingt gouttes.

8 mars. Les secousses sont devenues plus rares; on injecte à ce

moment douze gouttes de la solution à 4/100.

z DU MÉRYCISME.

6 avril. Dix-huit gouttes de la même solution. Les secousses sont

moins fréquentes et moins fortes.

15 mai. Huit gouttes d'une solution plus forte. - 18 mai. Neuf

gouttes.

19 mai. Dix gouttes. Depuis le commencement du mois, le nombre

des accès augmente après l'injection. V... a eu, parait-il, un accès

après lequel il est resté bleu pendant longtemps.

20 mai. Dix gouttes. Accès d'une durée plus longue que les pré-

cédents.

21 mai. Onze gouttes. L'injection a été faite vers onze heures,

sans qu'on ait remarqué rien de particulier. L'enfant étant redes-

cendu au réfectoire, est pris, en mangeant, d'un accès à la suite

duquel il a paru s'assoupir. On s'est aperçu, dix minutes après,

qu'il devenait bleu, qu'il respirait difficilement, et on l'a monté

à l'infirmerie. La face est bleue, cyanosée, mais cette coloration

est fréquente dans ses accès : la respiration est faible, anxieuse;

les mouvements respiratoires espacés, mais très réguliers. Pouls

petit, filiforme; écume abondante, pas de stertor. Lotions vinai-

grées, injection sous-cutanée d'éther, inhalations d'ammoniaque,

sinapismes. On pratique la respiration artificielle : en ouvrant la

bouche, on voit au fond de la cavité buccale, un gros morceau

de viande qui obstruait le larynx. On l'enlève, l'enfant fait quelques

mouvements respiratoires spontanés : ils cessent bientôt, et malgré

la respiration artificielle, l'électrisation du diaphragme, une nou-

velle injection d'éther, V... ne tarde pas à succomber.

En résumé, il semblerait : 4° que dans les derniers temps, la

période de stertor se compliquait d'accidents asphyxiques; 2° que

ces accidents se montraient surtout dans les accès qui suivaient de

près l'injection du curare. Dans l'asphyxie mortelle, trois causes

paraissent avoir agi : 1° l'asphyxie propre à l'accès; 2° peut-être

l'injection de curare; 3° et surtout l'obstruction des voies aériennes

par un corps étranger.

DU MÉRYCISME. 65

plus gros que le droit. Les pédoncules cérébraux paraissent égaux.

L'héinispièi,ù droit pèse 940 gr. de moins que le gauche, et est

en arrière en retrait de 18 millimètres. Le cerveau est un peu

mou, tremblotant, d'aspect gélatiniforme. Pas de lésions à pre-

mière vue. Pas d'induration de la corne d'Ammon. Les ventricules

latéraux et les masses centrales n'offrent rien de particulier à

signaler.

Hémisphère cérébral gauche. - La première circonvolution fion- z

taie (Fi) est assez développée et sinueuse; ses sillons sont superfi-

ciels ; elle aune seule insertion. La seconde circonvolution fron-

tale (F) est large, tassée, très irrégulière, son insertion a la forme

d'une sorte de crochet. La troisième circonvolution frontale (F3)

est comparativement beaucoup plus petite; elle est très sinueuse et

envoie à la deuxième circonvolution un pli assez volumineux, re-

montant le long de la frontale ascendante. - Les sillons qui sé-

parent les circonvolutions frontales sont peu profonds.

La frontale ascendante (Fa) est très irrégulière, coupée en deux

par un sillon transversal, profond, entre les deux extrémités du

crochet qui la rattache à Fi . Le sillon de Rolando est profond.

- La pariétale ascendante est assez régulière, presque rectiligne,

et se termine en pointe à son extrémité supérieure.

Le lobule de l'insula offre quatre digitations non bifurquées.

La scissure de Sylvins a une disposition normale. Le lobe occipi-

tal n'a rien de particulier.

Les plia pariétaux supérieur et inférieur ont des. sillons superfi-

ciels ; le premier est assez gros; le deuxième irrégulier. - Lelrli

courbe est petit. S

La première temporale est assez volumineuse et sinueuse. La

scissure parallèle est profonde. Les autres circonvolutions temporales

sont irrégulières et en partie soudées.

Face interne. La circonvolution frontale est volumineuse, bien

plissée. La circonvolution du corps calleux (C. C.) est assez

grosse. Le lobe ]Jill'acentl'al est volumineux, présente deux sil-

lons verticaux occupant les deux tiers de la hauteur; l'antérieur

vient s'ouvrir dans le sillon calloso-marginal; le postérieur, dépas-

sant le bord convexe de l'hémisphère, vient couper la partie

supérieure de la frontale ascendante. - Le lobe quadrilatère est

volumineux, irrégulier, plissé. - Le coin, le lobe occipital n'offrent

rien de spécial. - La circonvolution de l'hippocampe (C. H.) est

unie.

Hémisphère droit. - Les trois circonvolutions frontales sont très

irrégulières. Fi, dans sa moitié antérieure, se compose de plis si-

nueux, transversaux et dans la moitié postérieure de deux plis longi-

tudinaux, en partie confondus; son insertion, petite, se fait au fond

du sillon qui la sépare de la front.ale ascendante. Entre son extré-

Bouit,ir,VILLr, 1883. 5

66 DU MÉRYCISME.

mité postérieure et Fcc, il existe sur le bord convexe de l'hémis-

phère une encoche d'un centimètre. D'une façon générale, cette

circonvolution a la forme d'une hache dont le manche répondrait

à la moitié longitudinale et la lame à la moitié transversale (anté-

rieure). L'encoche, dont nous avons parlé, contraste avec l'insertion

de la première circonvolution frontale gauche qui, elle, se fait de

niveau et contribue à former le bord supérieur de l'hémisphère.

- La deuxième circonvolution frontale est très sinueuse; en avant,

elle se confond avec F3 par trois plis de passage; elle se replie

deux fois transversalement, décrit une double S et s'insère de

niveau et largement sur Face. - F3 est beaucoup plus petite que Fa

et F; son extrémité postérieure est en retrait par rapport aux

parties voisines. Ftt est volumineuse et sinueuse. Le sillon de

Rolando est profond.

Toute la partie de l'hémisphère que nous venons de décrire et

qui est située en avant du sillon de Rolando présente des circonvo-

lutions qui ont un aspect extérieur normal, sont lisses, à bords

arrondis; mais il n'en est plus de même de toute la portion de

l'hémisphère postérieur au sillon de Rolando.

La pariétale ascendante est plissée, comme chagrinée ; dans sa moi-

tié supérieure, elle n'a que cinq à six millimètres d'épaisseur et

dans sa moitié inférieure, trois à quatre millimètres. Ses trois

faces sont ridées. Les lobules pariétaux, le pli courbe sont égale-

ment réduits dans leurs dimensions et ridées dans la portion qui

correspond à la face convexe; ils le sont à peine sur les faces qui

répondent aux sillons. Toutes ces circonvolutions ont des bords

tranchants.

Toute la partie de la circonvolution d'enceinte de la scissure de

Sylvius, comprise entre la base de la pariétale ascendante jusqu'à

l'extrémité postérieure de la première temporale, ainsi que la se-

conde et la troisième circonvolutions temporales sont très petites,

légèrement blanchâtres, lisses et tranchent, par conséquent, avec

les régions d'aspect chagriné. Le lobe occipital est peu volumi-

neux. - Le lobule de l'insula présente trois digitations dont l'anté-

rieure est bifurquée; les digitations postérieures ont le même

aspect que la première temporale et, comme elles, ont subi un no-

table arrêt de développement.

Face interne. - La circonvolution frontale est bien développée,

sinueuse. - Le lobe paracentral est très irr-éulier, petit; son sil-

lon est vertical et s'ouvre dans le sillon calloso-mtrgiiial.-Le lobe

quadrilatère est aussi irrégulier et atrophié. -- La circonvolution

du corps calleux est simple; un pli volumineux la relie à la circon-

volution frontale. Le coin et le lobe occipital sont peu volumineux.

Des deux côtés, les lobes orbitaires n'offrent rien de spécial.

Voici les dimensions comparatives des deux hémisphères céré-

braux :

DU MÉRYCISME. 67

68 DU MÉRYCISME.

nous a permis d'examiner les organes digestifs, notamment

l'oesophage et l'estomac : ni l'un ni l'autre ne nous ont paru

différer dans leur aspect et leur conformation de l'état normal '.

Notons, en passant, que chez Vaut... l'idiotie était due à une

lésion très prononcée de l'hémisphère droit, se traduisant entre

autres par une différence de poids de 110 gr., et rendant bien

compte de la paralysie du côté gauche.

Observation XXVIII.- Idiotie complète par arrêt de développement.

- Tante maternelle idiote; cousine <,'p ! p<tMc. Début, des acci-

dents nerveux à quatre mois : grincement de dents, voracité, méry-

cisme partiel à début graduel, recroquevillement. Autopsie.

Degr... (Edmond), né à Paris le 28 février 1878, est entré à Bicêtre

le 5 juillet 1882 (service de M. Bourneville).

Antécédents. - (Renseignements fournis par sa mère. 13 juillet

1882). Père, trente-cinq ans, mécanicien, très bien constitué,

très sobre. Aucune maladie; pas de migraine, d'accidents nerveux,

de syphilis. [Aucun antécédent névropathique dans sa famille;

pas d'aliénés, d'épileptiques, de difformes, de suicidés, de crimi-

nels, etc.]

Mère, vingt-neuf ans, couturière,' bien portante. Pas de maladies

antérieures, de migraines, de céphalalgies ; elle est nerveuse et

impressionnable, pleurant souvent sans motifs ; jamais d'attaques

de nerfs ni de syncopes. [Père et mère : ils n'ont présenté d'acci-

dents nerveux d'aucune sorte. -- Deux tantes du côté paternel n'ont

jamais marché; l'une est morte à six ans. - Une cousine germaine

du côté maternel, âgée de vingt-six ans, est épileptique et à peu

près démente.]

Pas de consanguinité.

Un seul enfant : notre malade. - Rien de particulier lors de la

conception. - Dès le second mois de la grossesse, la mère a eu sans

cesse la préoccupation d'accoucher d'un enfant qui ne serait pas

bien portant : vers le troisième mois, elle s'imaginait à chaque

instant que le feu était dans le voisinage, et, la nuit, elle se relevait

pour s'en assurer. Ces imaginations ont persisté durant deux mois.

Accouchement à terme, naturel, sans chloroforme. A la nllisslln, : e,

la tête de l'enfant était très allongée : elle était restée au passage

pendant trois heures. Pas d'asphyxie. - Il été élevé au sein par

sa mère jusqu'à dix-sept mois. Vers le troisième mois, on s'est

aperçu qu'il ne tenait pas sa tête, qu'il la laissait tomber. C'est un

mois plus tard que « les nerfs l'ont pris » ; lui qui, auparavant, dor-

' Nous avions soumis cet enfant aux infections sous-cutanées de curare

à cause des secousses dont il était atteint. Nous utiliserons les notes rela-

tives à ce point particulier dans un autre travail.

DU MÉRYCISME. 69

niait continuellement « comme une marmotte », et qu'il fallait

réveiller pour lui donner le sein, se réveillait alors et tressautait

au moindre bruit; il se tordait, mais ne criait pas, grinçait des

dents, ce qu'il a continué d'ailleurs de faire jusqu'à ce jour. A

partir de deux ans, habitudes d'onanisme très développées; il se

frottait continuellement la verge soit contre les tapis, soit contre

sa petite voiture ou avec ses mains et « au point de s'en mettre en

sueur » ; depuis un mois, il n'aurait plus ces habitudes.

11 n'a jamais eu de convulsions, ni de vertiges. Pas de fièvres

éruptives, pas de croup ; pas de dartres ni de gourmes, pas d'ophthal-

mie ; otorrhée de l'oreille gauche. H avait souvent, à peu près une

dizaine de fois par an, des accès de fièvre qui duraient deux ou trois

jours. Ces accès ont disparu en avril 188-I.

La parole est nulle : V... ne reconnaît personne, ne peut rien

tenir dans sa main, est toujours gâteux. 11 ne se balance pas, bave

peu, tette continuellement son pouce et grince des dents : il ne fait

que commencer à se tenir sur ses jambes, mais ne marche pas en-

core.

11 novembre. - Depuis quelques jours, on a remarqué chez l'en-

fant des troubles digestifs qui n'existaient pas à l'entrée ; l'appétit

est vorace comme autrefois, la mastication nulle, mais après le

repas, il semble gêné et a souvent des vomituritions dans lesquelles

les aliments remontent sans le moindre effort ; pas de rumination.

Ce n'est qu'en avril 1883 qu'est apparu le mérycisme.

1883. 10 avril. État actuel. Depuis quelque temps, l'enfant a

beaucoup maigri; toutes les saillies osseuses se dessinent en relief :

la l'ace a un aspect absolument simien. La bosse frontale droite est

plus saillante que la gauche, tandis que la moitié gauche de l'occi-

pital estplus saillante et plus arrondie que la droite, qui est aplatie;

en un mot, la moitié droite du crâne avance en avant sur la moitié

gauche et est en retrait en arrière sur cette dernière moitié. La

région pariétale droite est arrondie, tandis que la gauche est

aplatie.

70 DU MÉRYCISME.

voile du palais continue leplan de la voûte. Amygdales peu volu-

mineuses; luette et piliers normaux.

Rachis normal; thorax un peu élargi il sa base, très amaigri :

toutes les côtes se dessinent, les omoplates et les apophyses épi-

neuses sont très saillantes'.

Membres supérieurs et inférieurs bien conformés, mais très grêles

et très amaigris. Au lit, l'enfant se lient ratatiné, les cuisses demi-

fléchies sur le bassin, les jambes complètement fléchies sur les

cuisses, les talons reposant sur les fesses; les pieds ont l'attitude

du varus équin. Quand on étend les membres inférieurs, on

éprouve une certaine résistance due il la rigidité des genoux et, des

hanches. Les membres supérieurs sont d'habitude disposés en

anse, les mains et les doigts fléchis.

Cheveux blonds, peu abondants : système pileux très développé

tout le long de la branche montante du maxillaire inférieur;

duvet abondant sur la partie postérieure du cou, du tronc et. sur

les faces antérieure et externe des cuisses. Les testicules ne sont

pas encore descendus; le prépuce est le siège d'un gonflement

oedémateux dû à l'onanisme répété.

Battements du cour un peu irréguliers : pouls petit, à 92. Sonorité

du thorax normale; en arrière, respiration un peu forte à gauche

et en bas. - Ventre souple, foie et rate normaux, pas de dilatation

de l'estomac. Appétit assez bon, l'enfantmange de tousles aliments,

soif vive; langue humide, légèrement saburrale; selles quoti-

diennes, molles et verdâtres. Degr... ramène dans sa bouche les

aliments et surtout les liquides; au bout de quelques minutes, il en

rejette une partie et ravale l'autre ; le mérycisme est donc aujour-

d'hui complètement établi.

L'enfant mange et surtout boit avec avidité : la mastication est il

peu près nulle. La rumination débute d'ordinaire assez rapidement

après le repas, parfois même avant qu'il ne soit tout à fait terminé;

ce cas se présente surtout si Degr... n'a ingéré que des substances

liquides (potages), ou s'il y a eu simultanément ingestion d'une

certaine quantité de hoissuns. L'enfant pousse un petit cri, ouvre

largement la bouche, allonge la langue en forme de gouttière; en

même temps il contracte légèrement les parois abdominales dans

un effort correspondant à l'expiration. Des flots de liquides

remontent à ce moment, s'arrêtent quelquefois Il l'isthme du gosier,

tantôt reviennent jusqu'aux arcades dentaires, et en général sont

ravalés très vite.

L'intervalle des renvois varie suivant la nature des substances

ingérées et suivant le moment de la rumination. Lorsque l'enfant

n'a fait que boire, les gorgées qui remontent se succèdent presque

sans interruption. Les substances solides ne sont pas ruminées; les

aliments semi-liquides, comme les soupes, le sont souvent; la partie

liquide, bouillon ou lait, revient la première; plus tard, surtout si

DU MERYCISME. 71 I

l'on fait boire l'enfant, on voit apparaître des bouchées de pain.

L'ingestion des liquides diminue d'ailleurs l'intervalle des renvois.

D'un autre côté, plus la rumination s'avance, plus les renvois

s'espacent. La durée de la rumination est en général assez courte,

elle peut quelquefois pourtant se prolonger pendant une heure;

elle ne suit pas tous les repas.

7 mai. L'amaigrissement est de plus en plus prononcé. L'enfant

tousse beaucoup; sonorité normale en avant et en arrière. La

respiration est ronflante aux sommets, surtout à gauche. T. R. 40°.

- Soi1' : T. R. 40°.

8 mai. T. R. 40°.4. -Soir : 40°,4.

9 mai. L'enfant est mort ce matin al 7 heures. T. posl mortem : 40°,6.

L'appétit avait beaucoup diminué les jours derniers; l'enfant ne

huvait plus que du lait, et ne ruminait plus.

72 DU MÉRYCISME.

une insertion sinueuse sur l'extrémité inférieure de la frontale as-

cendante. Celle-ci est très plissée et bien développée.- Le sillon de

Rolando est profond. La pariétale ascendante, un peu irrégulière,

offre à sa partie moyenne une sorte de sillon transversal incom-

plet. Le lobule pariétal supérieur a la forme d'un quadrilatère

avec un sillon en forme d'x; le lobule pariétal inférieur est réduit

à un simple pli. Le pli courbe est rudimentaire; le lobe occipital,

composé de trois replis, est assez gros. La première circonvolution

temporale est très distincte, la deuxième et la troisième en partie

confondues. La circonvolution de l'hippocampe est très petite; la

corne d'Ammon ne présente rien de particulier.

La fate orbitaire du lobe frontal est très plissée ; le lobule de l'in-

sula a trois digitations non bifurquées.

Sur la face interne, les circonvolutions sont beaucoup plus rudi-

mentaires que sur la face convexe. La circonvolution du corps cal-

leux et la première frontale sont confondues : en avant cette confu-

sion leur donne, dans une hauteur de trois centimètres, l'aspect du

lobe quadrilatère, en ce sens qu'un sillon assez superficiel d'ailleurs

le sépare de la partie postérieure de ces deux circonvolutions. Il

n'y a pas de sillon c(illoso-inÉtî,gii2ttl. Le lobe })(l1'accntml forme une

sorte de boucle dont les branches descendantes aboutissent au

corps calleux et sont séparées par un sillon assez profond qui, lui

aussi, aboutit au corps calleux. - Le lobe quadrilatère, moitié plus

long que large, offre un sillon supérieur transversal et un sillon

vertical qui aboutit au corps calleux. - Le coin a la forme d'une

enclume, dont la partie horizontale se confond en arrière avec le

lobe occipital. Les sillons sont assez profonds sur la face convexe,

et en général plus superficiels sur la face interne, surtout en

avant. Les corps striés, la couche optique n'ont rien de parti-

culier.

Hémisphère droit. La première circonvolution frontale est con-

fondue en grande partie avec la seconde : il n'y a qu'une attache

située au niveau du bord supérieur pour les deux circonvolutions.

La troisième frontale est tout à fait dislincte, avec une attache à la

frontale ascendante dans sa partie inférieure. Ainsi, à gauche,

c'est la deuxième et la troisième frontales qui sont confondues ; à

droite, c'est la première et la deuxième. La frontale ascendante, à

25 millimètres au-dessus de son extrémité inférieure, se divise en

deux parties réunies par un pli de passage à un centimètre du

bord supérieur. - Le sillon de Rolando est profond. La pariétale

ascendante est régulière. Le lobule pariétal supérieur, l'inférieur, le

pli courbe, le lobe occipital sont rudimentaires; les circonvolutions

temporales sont sinueuses, petites, mieux distinctes que de l'autre

côté. Le lobule de l'insula a trois digitations.

A la face interne, même confusion entre la circonvolution fron-

tale, celle du corps calleux et le lobule paracentral ; absence du sillon

DU MÉRYCISME. 73

calloBo-rr¡(l1'rrinal. Même disposition qu'il gauche du lobe pctrcreentral :

cependant la partie antérieure de la boucle est moitié moins

épaisse que la postérieure. Le lobe quadrilatère, moitié moins large

que long, diffère de celui du côté gauche; le coin et le lobe occi-

pital offrent la même disposition.

Les corps striés et la couche optique, le ventricule latéral, etc.,

n'ont rien de particulier. Nulle part il n'y a trace de sclérose :

c'est, en somme, un cas d'idiotie complète type par arrêt de déve-

loppement.

Quant aux renseignements anatomo-pathologiques que nous

pouvons déduire de ces observations, ils nous apprennent

seulement que l'appareil digestif, l'estomac surtout, était sain,

bien conformé, tout à fait normal, et sans lésions d'aucune

espèce. Ces résultats, d'accord avec ceux des auteurs, nous

confirment dans cette opinion : que c'est bien dans le sys-

tème nerveux qu'il faut chercher la cause première du méry-

cisme.

Nous citerons encore un cas de mérycisme partiel du même

genre rapporté déjà par l'un de nous (Progrès médical, octobre

1882; Bourneville et Bonnaire, loc. cit., p. 112). Nous en

extrayons le passage qui nous intéresse :

Observation RX\IV.- Idiotie : premiers indices de l'absence d'in-

telligence. - Rumination des liquides. - Amélioration. Ictère. -

Rougeole; 6roncho-pnewnonie,o guérison. - « L'enfant Cli... est

gourmand, vole les aliments de ses camarades et mange avec ses

mains. Souvent, après le repas, on note des régurgitations (rumi-

nation pour les liquides) : il ramène dans sa bouche non seulement

le liquide de la soupe, mais encore le pain ; puis ravale le tout.

Il est idiot, gâteux, non salace. » Cet enfant fut atteint en 1881

d'une rougeole compliquée de broncho-pneumonie, pendant la-

quelle le mérycisme fut suspendu et ne reparut qu'au bout de quelques

mois, non plus d'une façon continuelle, mais intermittente.

Voilà donc des cas de mérycisme partiel ne portant que sur

les substances liquides, boissons, potages, sans qu'il soit besoin

de les prendre en grande quantité. Le mécanisme et les symp-

tômes de la rumination sont alors les mêmes. Les seuls faits

à noter sont les suivants : dans les cas particuliers, l'intervalle

qui sépare le renvoi des substances ruminées au moment de

l'ingestion est excessivement court; et par suite, si l'enfant a

ingéré les liquides au début du repas, il rumine et mange à la

74 DU MÉRYCISME.

fois. D'un autre côté, la durée de la rumination est très courte,

à moins qu'on ne veuille la prolonger en faisant boire de nou-

veau le sujet.

Diagnostic. - Dans un des premiers chapitres de ce mé-

moire, nous avons dit, en définissant le mérycisme, qu'il devait

être distingué du vomissement. En effet, si, à première vue, ces

deux phénomènes offrent quelque analogie, ils doivent, au

point de vue physiologique et clinique être absolument distin-

gués l'un de l'autre.

« Le vomissement, dit Longet, s'annonce par une sensation par-

ticulière qui est la nausée, sensation accompagnée de malaise et

d'anxiété générale. Il v a de l'oppression, de la douleur à la région

épigastrique, la face devient pâle, le pouls petit et faible; la bouche

se remplit de salive ; survient ensuite une inspiration forte et par-

fois sonore, pendant laquelle l'air pénètre dans la poitrine pour y

rester emprisonné par le resserrement subit de la glotte. Le dia-

phragme, les muscles abdominaux, /'oesopha ! jl ! , etc.. entrent immé-

diatement et simultanément en contraction. Pendant ce temps, la

respiration est suspendue et la cavité du ventre est resserrée de

toutes parts, comme dans le phénomène de l'effort. Sous la pres-

sion brusque des puissances musculaires, les matières contenues

dans l'estomac sont lancées à travers le cardia; l'oesophage s'en

emplit; le cou se tend, le larynx est porté en avant, l'isthme du

gosier se dilate en même temps que le voile du palais tendu

se relève pour protéger les arrière-narines ; enfin, la bouche

s'ouvre largement et laisse passer les matières qui s'échappent au

dehors. »

Quelle différence entre ce tableau et celui du mérycole au

moment où il rumine ! Ici rien de convulsif, pas le moindre

symptôme d'effort, pas de nausées, d'anxiété; souvent même, au

contraire, la figure du malade exprime la béatitude; la colora-

tion de la face reste la même, la respiration n'est altérée ni

dans son rythme, ni dans sa fréquence; l'action des puissances

musculaires est souvent si peu sensible qu'elle échappe même

à l'oeil de l'observateur; enfin, les aliments loin de s'échapper

au dehors, sont gardés par le sujet, qui, à l'instant où la

gorgée remonte, s'empresse de fermer les lèvres et de les

contracter pour la retenir dans sa bouche.

Percy et Laurent avaient déjà fait celte distinction. « Nous

ne saurions trop, disent-ils, insister sur la différence qui exist

DU MÉRYCISME. 75

entre le vomissement et le mérycisme. Dans ce dernier, il n'y

a point de nausées; dans le premier, il y en a toujoursplus ou i

moins. Dans l'un, les hypochondres s'évasent, le ventre s'apla-

tit, tout se roidit autour de l'estomac; la bouche est béante, le

cou tendu, la respiration suspendue ou inégale; rien de tout

cela ne se remarque dans l'autre. »

Le vomissement est, en somme, un acte éminemment con-

vulsif ; il est, à ce titre, involontaire. Ce fait et le trouble mar-

qué qui l'accompagne exige qu'on le considère comme un phé-

nomène anormal et pathologique, dont l'existence continue

est une gêne et parfois un danger pour le malade. Ce ne sont

pas là les caractères du mérycisme qui, parfois volontaire, le

plus souvent agréable, se produit presque sans effort, n'intro-

duit aucun trouble dans les fonctions digestives, ni dans l'as-

similation,ne compromet en rien l'existence, et peut, en somme,

être regardé comme un phénomène, anormal, il est vrai,

mais on pourrait presque dire aussi, physiologique. Ces faits

ont d'ailleurs été signalés de longue date et Pipelet, rappor-

tant l'opinion de Peyer, dit dans sa thèse (p. 11 et 14.) : « Ti-

mendum ne incautos illudat error, vomitum cum merycismo

confunlens..... In recta ruminatione cibus non modo in

os refunditur, sed etiam remcnsus iterum deglutitur, utposteà

e ventriculo per intestina transiens, famem saturet ».

Au point de vue physiologique, le mérycisme se distingue

aussi du vomissement. Nous avons vu, dans le chapitre précé-

dent, quel était le mécanisme de cette fonction ; or, il ne rap-

pelle que de loin celui du vomissement qui exige toujours un

effort énergique du diaphragme, et des parois abdominales,

qui sont les principaux agents de sa production et dans lequel

le rôle actif de l'estomac est très contesté. Or, les auteurs ont

surtout admis dans le mérycisme l'action de l'estomac : les uns

rejettent absolument l'action du diaphragme et des parois abdo-

minales; les autres ne l'acceptent que pour le renvoi de la pre-

mière gorgée, et elle est quelquefois si faible qu'elle peut passer

inaperçue. Chez les malades que nous avons observés, nous

avons recherché souvent cette action des puissances muscu-

laires, mais très souvent nous n'avons rien remarqué et, dans le

cas où des contractions se sont produites, leur peu de durée et

d'intensité ne peut les faire assimiler aurcontractions énergiques

qui provoquent le vomissement. Pour achever l'étude de ce

76 ô DU MÉRYCISME.

point, nous citerons enfin un autre élément de diagnostic qu'un

mérycole seul peut apprécier. « Ce qui me porte à admettre,

dit le Dr Cambay, que l'acte du mérycis : ue se passe surtout

dans la grande courbure de l'estomac, c'est la différence de

sensation que j'éprouve dans cet organe dans le mérycisme

et dans le vomissement. Dans le dernier phénomène, il semble

que les contractions partent d'un point plus éloigné de l'oeso-

phage, qu'elles ont une étendue bien plus considérable et

qu'enfin une partie de cet organe que je crois être la plus

active , c'est-à-dire l'extrémité pylorique , est tout à fait

inerte dans le mérycisme. Aussi le vomissement involon-

taire m'est-il très pénible, tandis que le mérycisme m'est plu-

tôt agréable. »

Il est un fait étrange observé chez certaines personnes qui

sont sujettes non à ruminer, mais à vomir après les repas et

chez lesquelles l'estomac ne rejette que certaines matières qu'il

ne veut ou ne peut pas digérer. On a quelquefois confondu avec

le mérycisme cette espèce de vomissement et c'est à lui que

s'appliquerait bien la définition que Racle a donnée du méry-

cisme. Cette confusion est une erreur ; en effet, nous ne re-

trouvons pas là les phénomènes du mérycisme, qui n'est pas un

vomissement comme nous venons de le voir, et dans lequel,

même lorsque le sujet semble pouvoir exercer une sorte de

sélection sur les substances qu'il veut ruminer, les aliments

ne sont pas rejetés au dehors, mais sont soumis à une nouvelle

digestion buccale pourreprendreensuitele chemin de l'estomac.

Le phénomène, dumoins,sepasseainsi dans les cas de mérycisme

avéré. Cependant, certains mérycoles peuvent, dans des circons-

tances exceptionnelles, présenter des symptômes qui amènent

cette confusion. Ainsi, au début du mérycisme à marche

graduelle, on peut quelquefois observer le rejet des aliments

(OBS. IX, XIII, XV); mais ce fait est transitoire et la rumina-

tion s'établit bientôt avec tous les symptômes que nous avons

décrits. Autre part (OBs. VII), nous avons vu que le thé et les

substances grasses étaient rejetés; mais ce n'était qu'après

avoir été ruminés à plusieurs reprises. Le sujet de l'OBSERVA-

TION XXII aurait pu donner lieu plutôt à une méprise, car il

rejetait de suite les substances grasses; toutefois, il faut remar-

quer qu'il ruminait complètement les autres aliments qui re-

montaient en même temps dans la bouche. On voit donc que,

DU MERYCISME. 77 Î

même dans ces cas exceptionnels, le mérycisme ne doit pas

être confondu avec le vomissement facultatif de certaines subs-

tances, et l'on évitera l'erreur en se rappelant que « le méry-

cisme ne vide pas violemment l'estomac et qu'il n'en fait sortir

que peu à peu et sans effort une certaine quantité d'aliments

en général assez prompts à y rentrer. » (Dict. en soixante vo-

lumes.)

Un autre phénomène qui présente beaucoup plus d'analogie

avec le mérycisme estcelui de la régurgitation, que l'on observe

souvent chez les enfants à la mamelle ou chez les gros

mangeurs. Là, comme dans la rumination, les substances re-

prennent le chemin de l'estomac ; les agents musculaires in-

terviennent bien comme dansle vomissement, mais leur action

est bien moins énergique et il n'y a pas de phénomène d'ef-

fort. Souvent même la volonté intervient pour produire la ré-

gurgitation, en agissant sur l'estomac pir des pressions exté-

rieures, par des contractions des muscles abdominaux, en fai-

sant de grandes inspirations, ou en répétant ces fausses éruc-

tations au moyen desquelles on cherche quelquefois à en

produire de véritables. Mais, dans ces cas, jamais les substances

solides ne sont soumises à une seconde mastication comme

dans le mérycisme qui, d'un autre côté, fait partie du modus

m'vendi de l'individu, tandis que la régurgitation n'est qu'un

phénomène accidentel.

Marche, durée, pronostic. La plupart du temps, le mé-

rycisme, dès son apparition, se présente avec tous les symp-

tômes que nous avons passés en revue. Cependant, dans

quelques cas, le début est tout différent et ce n'est que d'une

façon graduelle que les individus arrivent à ruminer. Nous

avons déjà vu au passage plusieurs exemples de ce fait. Tantôt

les individus qui rumineront plus tard, commencent par rejeter

les aliments (OBs. IX, XIII, XV). D'autres fois (OBs. XVI) le

mérycisme n'arrive qu'après une période où le sujet n'a que de

simples régurgitations; quelquefois enfin il peut commencer

par être partiel et ne s'installer complètement que plus tard.

(013s. XVII et XXVIII). Mais, somme toute, ces cas sont rares

et le mérycisme survient d'ordinaire d'emblée avec tous ses

symptômes.

Une fois déclaré, il continue sa marche, la plupart du temps

7S DU MÉRYCISME.

toujours identique à lui-même; pourtant, on a remarqué par-

fois qu'il diminuait avec l'âge (Uns. VIII et XVI), mais sans

disparaitre. Il est rare, en effet, que sa durée ne se prolonge

pas toute la vie. Il est néanmoins certaines circonstances qui

peuvent interrompre un certain temps sa production. Ainsi,

les maladies intercurrentes en suspendent communément le

cours pendant leur durée : ce qui est une analogie de plus

avec la rumination des animaux qui ruminent moins bien ou

cessent même de ruminer lorsqu'ils sont malades. Quel ruerais

même il se peut que le mérycisme ne reparaisse pas après la

maladie comme dans l'observation de Cliq ? mais nous

ferons remarquer, à ce propos, que le mérycisme était partiel

et ne s'exerçait que sur les liquides.

Nous avons vu encore la rumination disparaître sous l'in-

tluence d'une toute autre cause : le coït. (Oss. XIII, XIV.)

Enfin, nous citerons trois nouvelles observations dans les-

quelles le mérycisme disparut spontanément 1.

Observation XXXV. Imbécillité. - Mérycisme héréditaire.

- Dt6'p'H'tonspon<(tnëe ? Louis C..., le fils, (le trente-

cinq ans, homme lent, d'une intelligence faible, d'un tempérament

lymphatique, s'adouue à la boisson. A vingt-cinq ans, il eut un

accès d'épilepsie à la suite duquel il se mit à ruminer son dîner.

Jamais cette rumination n'a atteint le même degré que chez son

père. C'est tout au plus s'il lui revenait après le repas quatre ou

cinq bouchées de matières solides. Après les avoir mâchées, il les

avalait de nouveau. Cet état dura quelques mois et disparut sans

traitement. - A trente-deux ans, seconde attaque d'épilepsie à la

suite de laquelle le mérycisme n'a pas reparu.

Observation XXXVI. - Catarrhe tastz·o-intcstin«l chronique dans

l'enfance. - Dysenterie. Constipation. - Début de la rumination

à treize ans; ses caractères. - Influence des mouvements et du tra-

vail intellectuel. - Guérison spontanée. (Obs. de Otto Iiou : wcn).

Un collègue, le Dr X..., ruminait il y a douze ans. Famille en bonne

santé. Etant enfant, il eut un catarrhe gastro-duodénal de fort lon-

gue durée et eut, dans la dixième année, vingt-cinq accès de dscn-

1 Nous ferons remarquer que, dans les deux dernières observations du

mémoire de NI. Koerner, les malades sont sains d'esprit. Mais notre tra-

vail étant déjà composé, nous n'avons pu les placer qu'a la fin.

' Rossier. - Loc. cit. 11 s'agit du fils du malade de l'OBSEItVATI0,N

XXVIII.

UU MÉRYCISME. 79

série suivis de constipation opiniâtre. Les selles ne se présentaient

d'abord que tous les trois ou quatre jours, le plus souvent après de

violentes douleurs o.olicoïdes; plus tard elles furent plus fréquen-

tes, mais il y eut constipation habituelle jusqu'à l'établissement de

la rumination. Elle fut combattue par l'abstention des mets riches

en cellulose et en amidon, par les lavements et la gymnastique de

chambre suédoise. l'âge de treize ans, le malade eut lelleineul

à travailler à l'école, qu'il eut un genre de vie absolument séden-

taire (le corps penché en avant). 11 avait l'habitude de prendre des

repas très abondants, composés surtout de viande avec des condi-

ments acides. Ace moment, la rumination se développa rapidement.

Elle ne se montrait jamais qu'après le dîner de midi, une demi-

heure après et durait une heure et demie. Bientôt, le quart du re-

pas fut en partie ruminé et avalé, en partie craché, à ce qu'estime

le patient. Il prétend avoir ruminé surtoutles aliments acides (con-

combres, salades de légumes et vertes), les petits radis et le pain

noir '. La glace à la vanille, que le malade prenait souvent de

suite après le repas en grande quantité, ne fut jamais ruminée

et empêchait la rumination des autres aliments. S'il la prenait

fondue, l'effet favorable manquait, elle revenait même dans la

bouche. Les mets ruminés conservèrent toujours leur goût naturel.

Le patient n'avait pas de sensation de malaise après la rumina-

tion, mais la maladie lui était désagréable au point de vue social.

Il ruminait en se promenant dans son jardin. Il reconnut bientôt

que le mouvement musculaire exagéré diminuait le mal, mais que

la vie sédentaire et le travail de tête le faisaient durer jusque vers

minuit. Après une durée d'un an environ, la rumination disparut

peu à peu dans un voyage dans les Alpes, très fatiguant, et n'est

plus revenu. - La percussion de 1 estomac dilaté par l'acide car-

bonique, faite par nous avec le D' von den Velden, donna des li-

mites normales. On ne put constater les mouvements stomacaux,

les parois abdominales étant trop fortes. Le patient ne vomit pas,

malgré le développement des gaz; il n'eut pas de sensations désa-

gréables de l'estomac. On peut donc admettre un certain état de

faiblesse musculaire de l'organe.

Lecas suivant a été communiqué à M. Koerner par le DrLucae

(de Francfort-sur-le-Mein).

Observation XXXVII. -- Début du mérycisme à trente ans. - Ses

symptômes. - Guérison en cinq mois. - X..., philologue. La mala-

1 Il 110 faut pas trop s'attacher aux dires des malades, qui se souvien-

nent mieux des substances très acides ou ayant un fort goût, ruminées,

que des autres à yoùt moins marqué.

80 DU MÉRYCISME.

die s'était développée au commencement de son mariage, un peu

après l'âge de trente ans, et disparut après six mois environ. Il ne

peut indiquer de cause; l'estomac est sain et les selles régulières. A

cette époque, régulièrement après le repas du midi, quelquefois

après celui du soir, des parties d'aliments ingérés remontaient sous

forme de boules solides de deux centimètres de diamètre environ.

Il les sentait remonter dans l'oesophage et pouvait quelquefois les

repousser en avalant des liquides. Eructations rares. Les boules étaient

composées de la plupartdes aliments pris auparavant, qui tousavaient

conservé leur goût'naturel et n'étaient pas acides. Les boulesétaient

assez solides, elles ne se brisaient pas d'elles-mêmes dans la hou-

che ou à l'air; elles furent tantôt recrachées, tantôt ravalées, dans

ce cas après qu'elles eurent été remâchées ou écrasées avec la lan-

gue. Le Dr Lucae avait ordonné de l'eau de quassia et de l'absinthe

légère.

On voit donc qu'à part certains cas exceptionnels, qui se

terminent spontanément par la guérison, le mérycole vit et

meurt avec son affection.

En meurt-il ? non. Le pronostic du mérycisme est, au con-

traire, très bénin. Livré à lui-même, il ne compromet en rien

la vie, et l'on a vu des individus qui en étaient affectés, arriver

à un âge très avancé. (OBs. VI, VIII, IX.)

Cependant, lorsque le mérycisme a été précédé ou s'accom-

pagne de dyspepsie, le pronostic peut avoir une certaine

gravité. « Le ruminant simple, dit M. Koerner, atteint un

grand âge avec sa rumination, le dyspeptique maigrit, dans le

cas où il enlève, en les crachant, les aliments destinés à l'or-

ganisme et revenant de l'estomac. Dans d'autres cas, ajoute-

t-il, le malade augmente sa dyspepsie en ravalant les aliments

sans les mâcher, ce qui assombrit le diagnostic. Il en était

ainsi dans le second cas de Ponsgen où la rumination se déve-

loppa chez une dame après une diarrhée de longue durée, avec

pyrosis et renvois rances. La malade rejetait tous les ali-

ments ou les ravalait sans les remâcher quand elle était en

société. Aussi observa-t-on bientôt des phénomènes de constipa-

tion avec amaigrissement. »

Formes. M. 0. Koerner a essayé de distinguer deux

formes : l'une simple ou idiopathique ; l'autre symptomatique

et liée à des troubles dyspeptiques. Voici les caractères sur

lesquels il s'appuie :

DU MÈI{YCI : 5ME. KI

Mérycisme simple.

Le mérycisme succède il une.forte

réplétion de l'estomac.

Il commence une demi heure

après l'ingestion.

Conservation du goût des ali-

ments qui remontent.

Redéglntilion des bouchées ali-

mentaires.

Conservation de l'embonpoint.

Mérycisme dyspeptique.

Il se montre après l'ingestion de

petites quantités d'aliments.

Il commence presque aussitôt

après l'ingestion.

Goût acide, désagréable, des ali-

ments qui remontent.

Rejet des aliments de retour.

Amaigrissement.

Cette distinction n'est pas suffisamment justifiée, car les

caractères sur lesquels elle repose peuvent s'observer dans les

deux formes. Quelquefois dans le mérycisme simple, la rumi-

nation commence aussitôt après le rejet des aliments même

donnés en petite quantité; si, eu général, dans le mérycisme

simple, les aliments ont conservé leur goût, d'autres fois, ils

sont acides, etc.

Fréquence. - M. R. Blanchard évalue le nombre des cas

de mérycisme connus dans la science à trente-six seulement.

Ainsi qu'on peut le voir par les faits rassemblés par nous, ce

chiffre est beaucoup trop faible. M. Bouchaud (Ion. cit., p. 609)

assure que sur les cinq cent soixante-onze malades de l'asile

de Lommelet, qu'il a examinés avec soin, quatorze sont rumi-

nants : onze d'entre eux sont idiots (il y a cent idiots ou imbé-

ciles à l'asile) et les trois autres sont atteints de l'une des

formes de l'aliénation mentale (sur quatre cent soixante-onze

aliénés. En ce qui concerne les aliénés, il a relevé trois cas,

sur quatre cent soixante-onze malades. En est-il de même dans

les autres asiles ? Cela est peu probable, car, dans les ouvrages

consacrés à l'aliénation mentale, nous ne voyons pas mention-

née la rumination. Relativement aux idiots, la proportion qu'il

a constatée est plus considérable que celle qui a été observée

par nous. En effet, sur une centaine d'enfants idiots présents à

Bicètre, nous n'avons noté que cinq cas. Le tableau ci-après

donne une idée des quarante-six cas réunis par nous, sans

compter les quatorze cas de M. Bouchaud (soit en tout soixante

cas) :

BOI1RNEVILLE, 1883. 6

82 ), DU MERYISME.

Asile de Lornmelet.-Nombre des malades le.11, janvier 1883 : 574 (imbéciles et idiots, 100; autres aliénés, 471)

DU MÉRYCISME. 85

Traitement. - Lorsque le mérycisme est sous la dépendance

de la volonté, on peut essayer de le faire cesser en empê-

chant à chaque fois la première régurgitation de se produire

par la fixation de l'attention et par un effort de volonté.

Mais ce moyen ne réussit pas toujours : il peut occasionner

des douleurs (OBs. XX), et ne pas empêcher le retour des

aliments qui n'est, en définitive, que retardé (OBs. XVII,

XXVIII).

Quand le mérycisme est involontaire, on peut recommander

aux malades de manger lentement, de bien mâcher leurs

aliments avant de les avaler.

Tous ces moyens sont impraticables chez les idiots, on

pourra alors restreindre la quantité de nourriture; mais l'On-

SERVATION XII ne donne pas, à cet égard, des résultats encoure-

geants, et notre propre expérience nous a montré qu'on ne

faisait ainsi que retarder l'heure de la rumination.

La suppression de certains aliments qui semblent favoriser

la rumination, tels que les légumes (OBs. XXI), les liquides en

grande quantité (Obs. VII et XVII), est aussi indiquée dans

quelques cas particuliers, de même que l'interdiction de subs-

tances difficiles à digérer, telles que les graisses (OBs. III, XXII).

On pourra aussi essayer, mais sans grandes chances de

succès, de certains moyens empiriques qui parfois mettent un

obstacle à la rumination, par exemple le décubitus dorsal,

(Cas. XXIX et suivantes), le repos absolu (OBs. XXI), la

station debout (Cas. XXVIII).

Quant aux médicaments prescrits contre le mérycisme, ils

sont en petit nombre, et d'une efficacité douteuse. Nous cite-

rons cependant l'aloès et les amers dont l'emploi a donné peu

de succès; les vomitifs ont échoué lorsqu'ils ont été employés

(OBs. XXI et XXVIII); les toniques, les purgatifs ont donné de

bons résultats (OBS. XVII) ; la noix vomique, la belladone ont

produit aussi quelques effets favorables (Cas. XXVIII). La pep-

sine, que nous avons essayée chez nos malades (Cas. XXX

et XXXI), à la dose de 0,7.3 centigrammes avant chaque repas,

n'a pas eu d'action sensible sur le mérycisme. Enfin, nous

rappellerons que l'un des malades de M. Koerner avait obtenu

un arrêt de la rumination par l'emploi de la glace 1.

' Nous devons la traduction du mémoire de l. Ottn Koerner à notre

ami In 1), Vo;;t.

86 DU MÉRYCISME.

Il nous reste maintenant à poser cette question : Faut-il

traiter le mérycisme et chercher à en arrêter le cours ? Nous

avons déjà insisté plus haut sur ce point, et nous croyons avoir

prouvé que le mérycisme n'était pas une maladie, mais un

acte presque physiologique bien qu'anormal; nous avons

montré aussi qu'il ne compromettait nullement l'existence des

individus qui y étaient sujets; nous avons vu enfin que, par-

fois, si on cherchait à en interrompre le cours, la santé géné-

rale'pouvait être gravement atteinte (Obs. VIII, IX). Aussi, en

présence de tous ces faits, sans aller, avec Cambay, jusqu'à

comparer le mérycisme à un exutoire dont la suppression

peut entraîner de graves conséquences, nous pensons qu'il

serait souvent bon de ne pas y mettre obstacle surtout lors-

qu'il existe depuis longtemps '.

1 Ce mémoire a été composé dans les premiers mois de 1882, et aurait

dû paraître vers le milieu de cette même année. Nous avons été amenés

par les circonstances à céder le pas à des travaux plus pressés de nos

collaborateurs des Archives de Neurologie, ce qui a retardé cette publica-

tion de plus d'un an. Il en est résulté que nous avons été obligés de faire

des additions successives qui ont quelque peu modifié notre travail pri-

mitif et l'ont rendu moins concis que nous ne l'aurions désiré. - Il est

un point sur lequel nous avions été d'abord très réservé : c'était l'influence

de l'imitation; plus tard, nous avons été amené à l'accepter, en présence

du cas de M. O. Koerner. Enfin, aujourd'hui, nous avons dans notre ser-

vice un exemple nouveau qui ne laisse prise à aucun doute : c'est celui

de l'enfant Carter... qui imite avec habileté la plupart des tics des autres

enfants et qui a pris l'habitude de se placer devant l'enfant Gren... et de

ruminer comme lui.

II.

Nouvelle Observation d'Hystéro-épilepsie chez un

jeune garçon; guérison par l'hydrothérapie;

Par BOURIVEVI1.LE et BONNA.IRE

Depuis quelques années, l'hystérie chez l'homme a été l'objet

de plusieurs publications intéressantes et, de plus, les recueils

périodiques ont enregistré un certain nombre d'observations

curieuses à plus d'un titre. Personnellement, nous avons eu

l'occasion d'observer une douzaine de cas d'hystérie plus ou

moins graves chez des hommes ou chez de jeunes garçons.

Déjà trois d'entre eux, relatifs à des enfants, ont été pu-

bliés'. Celui qui va suivre, de même que les précédents,

confirme la ressemblance symptomatologique que nous avons

été l'un des premiers à établir, entre l'hystérie de la femme

et celle de l'homme.

Observation. Père alcoolique. Deux soeurs mortes de convul-

sions. - Une soeur hystérique et syndactyle. - Teigne. - Syndacty-

lie. - Début de l'h,ystéro-épilepsie à douze ans; cause. Description

de l'aura et des attaques. Vertiges hystériques et attaques syncopales.

- Variétés, attitude du crucifiement. - Contorsions. - Translation.

- Arc de cercle, etc. Compression testiculaire. Etat de la sens ! -

bilité. - Zones )rystérogénes. - Action des aimants, des métaux. -

1 Progrès médical, 1880, p. 949; lbid., 1882, p. 645; - Ibid., 1883,

et Recherches cliniques et thérapeutiques sur l'épilepsie, l'hystérie et

l'idiotie, par Bourneville et d'Olier, 1880; p. 30; - lbid., par Bourne-

ville, Bonnaire et WuVlamié 9881, p. 51 ;-Ibirl., par B., Dauge et Bricon,

1882, p. 122.

88 DE 1,'IIYSTiIiO-PILFPSIE.

Hypnotisme. - SomnamlJ1llisme. - Développement physique intellec-

tuel. Traitement par l'hydrothérapie; guéridon. - Etat du malade

depuis sa sortie.

Buch... (Jean), âgé de treize ans, est entré à l'hospice de Bicêtre

(service de M. BOUR1OEVILLE) le 9 octobre 1880.

Antécédents. (Renseignements fournis par sa mère). (2; octobre 1880).

Père, cinquante-sept ans, briquetier. C'est un homme de taille,

moyenne dont la santé a toujours été bonne. Excès de boisson envi-

ron deux fois par mois. [Père, mort à soixante-six ans, mère, morte

à soixante-sept ans, on ne sait de quoi. Deux frères bien portants ;

l'un a cinq enfants en bonne santé. Deux soeurs dont l'une a cinq

enfants et l'autre deux, sans affections nerveuses. -- Pas de névro-

pathes, de difformes, de suicides, etc., dans la famille.

Mère, cinquante-six ans, de taille moyenne et d'une intelligence

ordinaire. Elle ne présente ni troubles nerveux, ni affections cons-

titutionnelles; elle est atteinte d'un prolapsus utérin qui date de la

naissance de notre malade. [Père, mort d'une fluxion de poitrine;

mère morte d'une hydropisie ; un frère a trois enfants ; une soeur en

a deux; tous sont bien portants. Pas d'affections nerveuses dans la

famille]. - Pas de cjnsanguinité.

Six enfants : 1° une fille, morte à douze ans de fièvre typhoïde :

elle était intelligente et n'avait pas eu d'accidents nerveux;

2° une fille, mort-née par strangulation (circulaires du cordon);

3° une fille, morte de convulsions à treize mois; - 4° une fille, morte

de convulsions à un mois; - 5" une fille, âgée de quinze ans, qui

parait assez intelligente et qui n'a pas eu de convulsions infantiles;

la parole présente chez elle, comme caractère particulier, un zézaie-

ment très prononcé. Cette jeune fille est hystérique; elle a éprouvé

une première crise nerveuse, à l'âge de quatorze ans, et, pendant

l'année qui vient de s'écouler, elle a eu dix ou onze attaques; rémis-

sion depuis quatre ou cinq mois. Les crises survenaient à l'époque

des règles, dès le premier jour de l'écoulement ; la jeune fille n'a-

vait pas la sensation de boule, mais « elle sentait le sang lui mon-

ter à la tête»; elle avait le temps de prévenir ses amies de rappro-

che de la crise, et, une fois celle-ci terminée, elle pleurait et souf-

frait de douleurs abdominales. Ouvrière en chaussures, elle travail-

lait chez une femme qui la maltraitait, en même temps que son

zézaiement l'exposait aux taquineries de ses camarades d'atelier.

Notre malade. - Grossesse bonne; accouchement, à terme, sans dif-

ficulté, en cinq minutes. L'enfant fut élevé au biberon par sa mère,

marcha à dix mois et demi, fut propre avant un an et n'eut pas de

convulsions. De trois à quatre ans, teigne traitée à l'hôpital Saint-

Louis. Depuis, Buch... a eu une éruption eczémateuse à la jambe, qui

a subi des variations d'intensité, mais a toujours persisté.

DE L'HYSTI : ItO-ÉPILhP51E. 89

Le début de l'hystérie remonte, chez notre malade, à l'âge de douze

ans et demi et a eu pour cause prochaine une peur violente : Reve-

nant de son travail, la nuit, alors qu'il montait l'escalier de sa mai-

son, il fut accosté par un homme ivre qui le menaça de l'assassiner

s'il tentait de rentrer chez lui. Il s'enfuit, terrifié, en appelant sa

mère à son secours. Un mois après, sans avoir rien présenté d'extra-

ordinaire dans l'intervalle, il fut pris de sa première attaque-pendant

son travail habituel, dans une verrerie ; la seconde survint le len-

demain, puis deux autres dans la quinzaine qui suivit. Enfin, du-

rant le mois de mai )880, il y eut une série de trois ou quatre crises

consécutives dans un laps de six heures. L'enfant abandonna à

ce moment sa profession de verrier pour emhrasser celle de chau-

dronnier ; il ne put rester que deux ou trois jours dans son nouvel

atelier et en fut renvoyé à la suite d'une attaque. Du mois de mai

au mois d'août, les crises furent très fréquentes, presque quoti-

diennes et quelquefois multiples dans une même journée. En août,

il y eut une rémission de treize jours.

D'après les renseignements fournis parla mère de 13...,voici quels

auraient été les principaux caractères des crises observées par elle

avant l'admission à l'hospice. Les attaques étaient toujours diur-

nes, survenaient sans aura, ni cri initial, elles se caractérisaient

par de la rigidité généralisée, sans secousses, sans stertor ni appa-

rition d'écume sanglante ou non aux lèvres. Elles ne s'accompa-

gnaient jamais d'évacuations involontaires et n'étaient pas suivies

de somnolence.

Le caractère de l'enfant est doux d'habitude : jamais il ne se met

en colère ni ne se livre il des actes de violence; il n'a non plus au-

cun mauvais penchant et se montre affectueux. La mémoire semble

avoir diminué depuis le début de l'affection ( ? ). Le sommeil est facile,

calme, et n'est pas interrompu par des terreurs nocturnes. Il en a

toujours été de même avant comme pendant le cours de la maladie.

L'en tant serait devenu peureux depuis son séjour à t'asile Sainte-An ne.

1880. 26 octobre. - Examen physique. Dans son ensemble, le corps

est régulièrement conformé. La tête est assez développée, sans

prédominance de la région occipitale; le front est saillant, élevé,

avec des dépressions sus-sourcilières assez marquées; les bosses

frontale droite el pariétale gauche sont plus accusées que leurs

homologues. La moitié gauche delà face paraît moins développée

que la moitié droite; la bouche est de moyenne grandeur avec des

lèvres épaisses. Les arcades dentaires sont régulièrement rangées :

on remarque toutefois un développement en largeur exagéré des

incisives supérieures médianes. Le voile du palais et la voûte

palatine sont symétriques ; cette dernière est ogivale et pro-

fonde. Les oreilles, très développées, présentent un bourrelet

épais et ont le lobule adhérent. Le nez est aquilin. - Les membres

supérieurs sont régulièrement conformés. Le pied gauche présente

90 DE l'hystéro-épilepsie.

une malformation congénitale qui existe également chez la soeur

de notre malade atteinte de la même névrose; on l'avait constatée

aussi chez une autre soeur, morte à treize mois; cette malformation

consiste en une syndactylie des 4e et ;i° orteils gauches. Le doigt

unique, ainsi formé, est large de deux centimètres et se termine

par un seul ongle, offrant un sillon médian, indice de la réunion

anormale. On ne sent au palper de l'orteil qu'une seule première

phalange; on ne peut se rendre compte s'il en est de même pour

la phalangine et la phalangette.

La peau est blanche, fine, pigmentée de taches de rousseur au

visage et au cou. Les cheveux et les sourcils sont roux et abon-

dants ; le pénil est déjà recouvert de quelques poils qui n'existent

pas ailleurs. ,

Les fonctions digestives sont régulières et l'appétit est bon ; tou-

tefois le malade présente une appétence prononcée par les ali-

ments épicés. Les fonctions respiratoires et circulatoires sont nor-

males. Les organes génitaux sont bien conformés; l'enfant avoue

des habitudes d'onanisme assez fréquentes.

La sensibilité cutanée est parfaite. Les sens spéciaux ne présentent

que quelques particularités peu importantes : l'ouïe serait plus

fine du côté droit tandis que l'olfaction semble plus développée de

la narine gauche. La vue est bonne; on note parfois un léger de-

gré de diplopie au moment des attaques. Pour ce qui est de l'état

intellectuel, il est moyennement développé; l'enfant sait lire et

écrire couramment, etc. (Voir p. 97, etc.) ,

Description des attaques. - La grande variété que nous avons

observée dans les attaques de notre malade, dépendant de la durée

et de la violence des phénomènes nerveux, ou de la prédominance

de certains symptômes, ne nous permet pas de les décrire sous un

type uniforme, et nous ne pouvons que rapporter in extenso la des-

cription de quelques-unes des crises auxquelles nous avons assisté.

Au dire de l'infirmier chargé de la surveillance, l'enfant aurait eu,

au début de son séjour à Bicêtre, de très fréquents vertiges : « Il se

laissait, dit-il, aller tout à coup en arrière et on aurait dit

qu'il était mort » ; il revenait à lui au bout de quelques secondes,

sans avoir de convulsions et continuait son travail, comme si rien

d'anormal n'était survenu. (Attaque syncopale.)

1881. 11 janvier. - L'enfant étant à la classe assis et occupé

à écrire est pris subitement d'une attaque : il rejette brusquement

son cahier et agite les bras en tous sens en repoussant les objets

qu'il rencontre dans ses mouvements. Le tronc reste immobile, les

paupières sont ouvertes, les pupilles légèrement dilatées, le re-

gard fixe; le visage est pâle et ne présente pas de grimaces convul-

sives. Pendant environ une minute, l'attitude reste la même et les

mouvements de circumduction des bras continuent avec prédomi-

nance du côté gauche. Lorsque l'enfant revient à lui, il est d'abord

DE L'IIYS'l'BI;O-ÉPILEPSIE. 91

hésitant et semble ne pas savoir où il se trouve, et, quand la con-

naissance est totalement rétablie, il ignore ce qui s'est passé : il

s'agit là d'une attaque avortée, comparable à un vertige.

14 janvier. - Nous sommes témoins, à la classe, d'une autre

attaque : le malade pousse un cri, on l'enlève de son banc et on

l'étend sur le sol non sans quelques difficultés, par suite des con-

vulsions dont il est agité : les membres s'étendent et se fléchissent

alternativement avec violence, tandis que le corps se tortille en

tous sens à terre ; au bout d'un instant, survientune rigidité absolue :

la tête est fortement élendue en opisthotonos, les membres infé-

rieurs se maintiennent en extension, tandis que les bras prennent

l'attitude du crucifiement avec les poings fermés, les pouces en

dehors. Cette phase de tétanisme dure environ z secondes; au

bout de ce temps, l'enfant ouvre les yeux et prononce plusieurs

fois de suite les syllabes « tata... tata... ». Il se relève ensuite,

ajuste ses vêtements et regarde les assistants d'un air surpris en

murmurant toujours « tata... tata... ». Un instant après, il a com-

plètement repris ses sens et se remet au travail. Cinq minutes

s'écoulent, au bout desquelles il est de nouveau interrompu dans

son occupation par un vertige analogue à celui que nous avons dé-

crit à la date du 1 janvier, accompagné de grands mouvements de

circumduction des bras et des jambes et qui se termine de même.

23 janvier. - A cinq heures et demie du soir, au moment où

l'un de nous entrait à l'infirmerie, il voit l'enfant chanceler et

tomber lourdement, soutenu par d'autres malades, sans pousser

un cri : étendu à terre sur le dos, il est pris aussitôt de con-

vulsions cloniques : le corps se déplace en cercle autour d'un

pivot formé par les deux épaules fixées au sol. Cette locomo-

tion circulaire dure environ 15 secondes et cesse pour faire place

à des mouvements de projection du bassin sur place. Ceux-ci vont

en diminuant de violence et d'amplitude jusqu'à ce que le corps

tombe immobile et se fixe en contraction. Les bras se mettent en

croix; les jambes sont en extension; les pieds croisés, (Attitude du

crucifiement). Les mains se fléchissent fortement sur les avant-bras

et les poings se ferment, les pouces en dehors. Bientôt, à la con-

tracture des membres, succède une trémulation convulsive et, peu

d'instants après, l'enfant se relève de lui-même : il reste debout

quelques secondes, sans mot dire ni prêter attention aux questions

qu'on lui adresse; puis il fait quelques pas, titubant et chancelant

décote, pour venir s'appuyer au rebord d'une table ; il est pris, dans

cette position, d'une nouvelle crise.

Elle débute par de grands mouvements des bras et des jambes;

l'enfant tombe. Les convulsions reparaissent alors sous forme d'une

trépidation dont les oscillations vont en augmentant d'amplitude

jusqu'à dépasser en violence celle de la phase initiale. Le malade

embrasse fortement la jambe d'un assistant et s'en sert comme de

92 DE L'HI STERO-PII,I;PSIE.

pivot pour projeter lourdement et dans tous les sens ses membres

inférieurs . En môme temps que ces phénomènes, il présente de la

rougeur de la face et son visage prend un aspect grimaçant consis-

tant surtout en une sorte de moue due à la projection des lèvres.

Les pupilles sont modérément dilatées et ne se contractent pas à

l'approche d'une lumière.

A cette phase clonique succède, comme tout à l'heure, la rigidité

tonique; le corps entre en extension forcée, de façon à ne reposer

que sur les talons et l'occiput et à former un nrc de cercle qui dure

à peine une seconde. Le tronc retombe à plat, les bras se portent

aussitôt dans l'attitude du crucifiement, tandis que les membres in-

férieurs se mettent dans un étatd'extension telle qu'ils ne touchent

plus le sol et que les talons restent une ou deux secondes élevés à

environ 30 centimètres du sol. Comme complément de cette atti-

tude, nous notons l'inflexion de la tôle sur l'épaule droite.

Période de délire. - L'attaque dure depuis une minute environ,

lorsque se produit une véritable détente. L'enfaut se couche sur le

côté gauche, puis se relève aussitôt et reste debout, immobile,

pendant deux secondes; son visage revêt une expression de fureur

concentrée ; il s'avance vers un infirmier en disant d'une voix me-

naçante : « Ah ! tu veux toi... » et se jette sur lui en le frappant.

Bien que très robuste, cet homme a peine à maintenir l'enfant qui

se débat pendant quelques instants. L'attaque enfin cesse subi-

tement ; le malade annonce que « c'est fini » et qu'il n'a qu'un

peu de céphalalgie.

Interrogé sur les sensations qu'il a éprouvées au début de la

crise, il raconte qu'elle s'est annoncée par une sorte de chatouille-

ment qui s'est manifesté au niveau de l'ombilic et qui est remonté

à travers la poitrine pour venir se transformer au cou en une sen-

sation d'étouffement : c'est à ce moment qu'il a perdu connais-

sance.

25 janvier. Autre attaque. L'enfant tombe sans pousser de

cri. Lesbrasse mettenten extension et s'élbventperpendiculairement

au tronc; on note cinq secousses tétaniformes rapides, suivies de

rougeur à la face et de quelques convulsions cloniques. Après un

premier répit de courte durée, apparaissent de grands mou-

vements des membres et des tortillements du tronc.

Nouveau repos et, à la suite, réapparition des mouvements de

translation au cours desquels l'enfant se glisse sous un lit.

9°r février. - Attaque épileptoide. Pendant qu'on pratique l'exa-

men physique du malade, assis sur son lit, on voit ses yeux se con-

vulser en haut et il cesse aussitôt de répondre aux questions qu'on

lui pose ; le corps devient rigide, les paupières restent immobiles ;

les pupilles se dilatent, la face rougit peu à peu, à mesure que la

respiration se suspend. Les bras s'étendent roides, un peu soulevés

au-dessus du lit; la main gauche est en griffe et la main droite se

I) L'HI'S'l'Eltt)-I·',f·ILIsPSII ? 93

ferme, le pouce en dehors. Les membres inférieurs sont rigides,

en extension (phase tonique). Au bout de quelques secondes sur-

viennent des secousses tétaniformes, avec clignotement spasmodique

des paupières (phase tétaniformes) et, après quelques convulsions clo-

niques (phase clonique), apparaît la résolution musculaire, accom-

pagnée de stertor et de production d'écume buccale non sanguino-

lente (phase de stertor). Cet ensemble de phénomènes constitue un

type de la période épileptoide de la grande attaque.

Pendant ce temps, on a pratiqué une compression modérée des

testicules, comme moyen abortif de l'attaque, mais on n'a pas

constaté de résultats appréciables. Après quelques minutes de

rémission, le tétanisme se reproduit et détermine une incurvation

du corps en arc de cercle, assez prononcé pour permettre de passer

deux poings superposés sous l'ensellure lombaire. Cet état, qui

constitue la seconde période de la grande attaque, dure une minute,

puis l'enfant s'assied, regarde les assistants d'un oeil étonné,

cherche à les écarter de la main et se recouche en se cachant dans

ses draps. Quelques instants après, reparaissent quelques convul-

sions épileptoïdes et l'attaque se termine. - La troisième pé-

riode de la grande attaque, celle de délire, a donc fait défaut.

Le malade revient à lui et se plaint d'une sensation de boule

qui l'ét.reint à la gorge.

9 février. - L'enfant est pris d'une attaque dans laquelle on

note, comme particularités : l'attitude du crucifiement; l'arc de

cercle très prononcé pendant environ une minute; quelques vagues

abdominales après la fin de la première période ; enfin, des mou-

vements de projection du bassin, et une dyspnée intense. La com-

pression testiculaire ne produit aucun effet ; la pression sur les fosses

iliaques donne un résultat très douteux.

6 avril. - Buch... demande avec instance à prendre des

douches et, comme on lui oppose un refus à cause de l'évolution

du vaccin qu'on lui a inoculé récemment, il est aussitôt pris d'une

attaque; celle-ci est analogue à quelques-unes des précédentes ;

elle se réduit à la période épileptoide avec prédominance du téta-

nisme et prend fin, sans stertor, par des soupirs et par quelques

mouvements de déglutition, suivis de sommeil.

Il 1 juillet. -A l'occasion d'une contrariété insignifiante, le refus

de lui donner des douches, l'enfant tombe en attaque. On observe

la période épileptoïde avec rigidité tonique, convulsions cloni-

ques et apparition d'écume salivaire aux lèvres. La compression des

zones hystérogènes (voir plus loin) ne donne aucun résultat. Après

une phase de résolution musculaire de quelques instants, le malade

se relève sur son séant, se frotte les yeux et se met à exécuter sur

place des mouvements de circumduction des membres inférieurs ;

sur l'ordre qu'on lui intime de se relever, il se dirige en se

traînant sur les mains et les fesses, suivant une longueur de trois

91 de L'HITERO-EP11EYSIE.

à quatre mètres, vers une porte dont il se sert comme de support

pour se mettre sur pied. Revenu à lui, il redemande à prendre des

douches et, sur un nouveau refus, retombe en attaque : la période

épileptoïde se déroule dans toutes ses phases jusqu'à celle de réso-

lution musculaire inclusivement ; après deux ou trois minutes

d'immobilité, survient un accès de toux gutturale, accompagné de

cyanose de la face, avec efforts de vomissements. Ces phénomènes

durent peu, et, à la suite, le malade s'assied sur son séant et

recommence les mouvements de circumduetion .et de translation de

l'attaque précédente.

Examen de la sensibilité. A aucune période de la maladie, en

dehors des attaques et de l'état d'hypnotisme, nous n'avons

observé de troubles de la sensibilité générale chez notre malade

et, de même qu'il n'y a jamais eu d'anesthésie, jamais nous n'avons

constaté de paralysie. Toutefois, à différentes reprises et pendant

toute la durée du séjour à l'hospice, nous nous sommes assurés de

l'existence d'un certain nombre de points, douloureux à la pression,

analogues aux zones hystérogènes qui existent chez les femmes

hystériques, avec cette différence que, dans le cas actuel, il aura

toujours été impossible en comprimant de provoquer ou d'arrêter

les attaques. Ces points hyperesthésiques ont été rencontrés

dans les régions suivantes :

1° Une surface de l'étendue d'une pièce de cinq francs, sise à

deux centimètres du vertex et empiétant à gauche de la ligne

médiane; la pression et le passage du peigne sont douloureux en

ce point (clou hystérique), mais ne déterminent pas d'irradiations.

Il parait cependant, qu'à la suite d'un coup de règle appliqué par

un camarade et reçu sur le vertex, l'enfant serait tombé en atta-

que ; - 2° au niveau des gouttières des 4e, 5° et (je vertèbres dor-

sales, avec prédominance à gauche (rachialgie), la douleur est par-

fois spontanée dans cette région ; toujours elle est déterminée par

la pression, mais il n'y a ni irradiation, ni troubles hyperesthé-

siques ou vaso-moteurs de la peau; - 3° et 4° deux zones symé-

triques au niveau du deuxième espace intercostal, de chaque côté

du sternum ; - 5° un point sensible au-dessus du mamelon droit ;

- 6, et i° deux zones douloureuses symétriques, au niveau des

flancs, dont la pression s'accompagne d'anxiété respiratoire;-

8° et 9" deux régions situées à 3 centimètres de l'épine iliaque, en

deux points correspondant au siège de l'ovaire chez la femme ; à

cet endroit la pression du doigt est péniblement supportée et détrr-

mine une sorte d'étouffement qui serait susceptible, au dire du

malade, d'aboutir à une attaque, si on la prolongeait.

Aura. - Interrogé de nouveau sur ce point, l'enfant nous a

fourni des renseignements qui peuvent se résumer ainsi : dans

certains cas, les phénomènes prémonitoires de l'attaque consistent

DE L·HYS'l'ERO-EY1LI;PSIE. 95

en une sensation douloureuse, dirigée d'une zone iliaque à l'autre

et produisant, d'après le malade, l'effet « d'un chemin de fer qui

passe ». Le plus souvent, comme nous l'avons rapporté plus haut,

l'aura débute par une sensation de boule qui naît au-dessous de

l'ombilic « semblable à une grosse bille » et qui remonte à l'épi-

gastrc. De là, tantôt elle se porte jusqu'au cou et y détermine un

étouffement. En même temps le malade voit trouble; il entend

des « ding... ding... ding... et éprouve des douleurs à la région

temporale, le tout avec prédominance du côté gauche. L'attaque

suit immédiatement l'apparition de cet ensemble de phénomènes.

D'autres fois, parvenue à l'épigastre, cette sensation de boule re-

descend vers le pubis, disparaît, et, en ce cas, la crise avorte.

Magnétismeminéral. Métalloscopie. Nous nous sommes enquis, à

maintes reprises, de l'intégrité de la sensibilité chez notre malade,

et nous avons tenté de la modifier par différents moyens. C'est

ainsi que nous avons soumis l'enfant à l'action de deux forts

aimants que nous avons laissés en place, près de la peau et à la

hauteur du bassin, durant plus d'une heure; le malade nous a dit

avoir ressenti pendant ce temps comme des bouffées de vent

dirigées du tronc vers les extrémités inférieures, mais la sensibilité

ne s'est en rien modifiée. - Bien qu'il ne fût pas anesthésié, nous

avons recherché si l'application de divers métaux sur les téguments

ne pourrait pas avoir quelque retentissement sur la sensibilité, et

il nous a semblé que, sous l'influence d'un bracelet de plaques de

cuivre, les sensations tactiles devenaient un peu émoussées. Le

malade percevait douloureusement la piqûre d'une épingle, mais

ne se rendait pas compte du frottement de la pointe sur les

téguments. Ce résultat, toutefois, nous a semblé assez peu net pour

que nous ne le rapportions que sous réserves.

Hypnotisme. - Pour déterminer l'anesthésie, nousavonseu recours

d'autre part à l'hypnotisme et, par ce procédé, nous avons obtenu

les résultats les plus concluants. Dans de nombreuses expériences,

il nous a toujours été facile d'endormir notre malade soit au moyen

de la fixation des yeux par le regard, soit au moyen de passes ma-

gnétiques, soit enfin en lui faisant regarder avec persistance un

objet brillant. Jamais, cependant, nous n'avons pu produire chez

lui l'état cataleptique, et c'est en vain que nous avons frappé ses

sens d'impressions vives et subites, tantôt en portant un coup brus-

que sur un gong placé près de son oreille à son insu, tantôt en pro-

duisant inopinément devant ses yeux une flamme vive, celle que

détermine, par exemple, la poudre de lycopode projetée sur une

lampe à alcool. Non plus que l'état cataleptique d'emblée, nous

n'avons pu déterminer de véritable catalepsie au cours de l'hypno-

tisme, ainsi qu'on peut s'en rendre compte par l'exposé qui suit de

quelques-unes de nos expérimentations.

96 DE L'HYSTERU-ÉrILJ £ I' : 5lE.

Première expérience (21 avril -IS8f).- L'un de nous s'assied vis-à-

vis du malade et dirige fixement le regard sur ses yeux. Au bout de

quelques minutes, on observe quelques battements des paupières

qui se ferment progressivement, en même temps que les yeux se

couvrent de larmes et se dirigent en haut. L'enfant est plongé dans

le sommeil hypnotique et, de ce moment, toute sensibilité disparait.

La transfixion de la peau des avant-bras par une épingle et la pi-

qûre du visage n'amènent aucun mouvement réflexe. Il n'y a pas

d'hyperexcitabilité musculaire (tapotements des muscles et des

avant-bras, du biceps, du sterno-cléido-mastoïdien, etc.). On élève

le bras gauche et en même temps on écarte les paupières du côté

correspondant, mais on n'obtient pas de catalepsie et le membre

retombe inerte. Après six minutes de sommeil hypnotique, le ma-

lade revient à lui sans conserver aucun souvenir de ce qui s'est dit

autour de lui et de ce qu'on lui a fait.

Deuxième expérience (23 avril). - On endort le malade par la

fixation du regard, en six minutes. Les phénomènes qui annoncent

l'invasion et la cessation de l'hypnotisme sont les mêmes que précé-

demment. On incise une pustule d'acné pendant le sommeil anes-

thésique, qui dure trois minutes. On recommence immédiatement

l'expérience et l'état hypnotique dure, cette fois, cinq minutes. La

sensibilité reparaît immédiatement avec le réveil. Pendant l'expé-

rience, le pouls a battu 60 et les mouvements respiratoires ont été

de ? 0 à la minute.

Troisième expérience (29 avril). - Le malade est endormi par le

regard en trois minutes; pendant le sommeil qui dure deux minu-

tes, on projette quelques gouttes d'eau sur la peau abdominale, et

ce contact détermine un mouvement spasmodique des muscles du

ventre; le réveil s'annonce par de profonds soupirs. A une seule

reprise, le contact de l'eau froide sur le tronc produit des spasmes

musculaires.

Quatrième expérience (5 mai). Le sommeil hypnotique est obtenu

en faisant fixer du regard une baguette de verre, pendant trois mi-

nutes. On ordonne à l'enfant de se lever et de marcher; bien que

ses yeux soient exactement clos, il suit avec précision et sans hési-

ter dans sa démarche l'expérimentateur qui l'a endormi, il évite ha-

bilement les obstacles nombreux et variés qu'on place devant ses

pas. On tente, d'autre part, de déterminer chez lui l'aphasie cata-

leptique, en lui soulevant subitement l'une et l'autre paupières pen-

dant qu'il compte à haute voix. Cet essai demeure infructueux.

Cinquième expérience (4 juillet). - L'enfant est mis en état d'hyp-

notisme au moyen de passes magnétiques; on parvient, par ce

procédé, à prolonger le sommeil pendant douze minutes, et on

constate les mêmes phénomènes que dans les expérimentations

précédentes. Les paupières étant fermées, on étend ou on élève les

de L'IIYST);RO-PILEPSIE. 97

bras, et ceux-ci conservent pendant un assez long temps la posi-

tion qu'on leur a imposée. L'enfant est assis sur le bord d'une

chaise, on soulève simultanément ses deux membres inférieurs, de

telle sorte que leur axe devienne presque perpendiculaire à celui

du tronc, et on les abandonne sans soutien dans cette position in-

supportable à l'état normal. Le malade reste néanmoins immobile,

fixé dans cette position, et ce n'est qu'au bout de dix minutes que

les talons sont graduellement descendusjusqu'à terre. On a élevé les

bras en même temps que les jambes, et on les a également main-

tenus en extension perpendiculaire à l'axe du tronc. Le réveil

s'annonce par quelques mouvements de déglutition, en même temps

que le visage se couvre de sueur. A la suite de cette expérience, plus

prolongée que de coutume, le malade reste quelques instants sans

revenir totalement à lui, et, au bout de deux minutes, il est pris

d'une attaque à forme épileptoïde.

1882. il juin. - On fait une dernière tentative d'hypnotisme. Le

malade est endormi par la fixation du regard avec un peu plus de

difficulté que par le passé et, pas plus qu'autrefois, on ne peut

obtenir de contracture artificielle. On fait marcher l'enfant, les

yeux fermés, comme dans les expériences précédentes.

Le nombre des attaques, très considérable dans les premiers temps

du séjour à l'hospice, est allé en déclinant, surtout dans la der-

nière moitié de -1881, et le malade a pu sortir guéri en juin 1882.

Nous reproduisons ci-contre, sous forme de tableau synoptique,

l'ensemble des attaques qu'on a observées durant le séjour à

l'hospice :

98 DE 1.'IIYSTizo ? pir,i,psiE.

ce sujet par les professeurs chargés de l'instruction de l'enfant.

La première, prise à l'entrée à l'école le 9-I octobre 1880, est ainsi

conçue : «Buch... commence à lire couramment et à écrire en fin;

il connaît exactement la table de multiplication, mais ne possède

aucune connaissance de l'orthographe ; il n'a aucune notion en

gymnastique. »

La note du 1 cr juillet 4 88 dit : «L'écriture est nette et régulière;

sans faire de progrès sensibles, l'enfant possède des notions d'arith-

métique assez étendues et fait exactement les problèmes d'ap-

plication ; il a de temps à autre des bizarreries de caractère ; son

instruction primaire est peut-être suffisante, mais la civilité fait

défaut ». - En gymnastique, on constate, à la même date, beau-

coup de progrès.

13 décembre 1881. Le malade est envoyé à l'atelier de serru-

rerie ; il s'y montre turbulent et difficile à maintenir au travail;

il ne pense qu'à jouer et « cherche à aller aux cabinets avec les

autres enfants ».

M décembre. Intelligence assez ouverte; - caractère violent

à la classe; il tient des propos inconvenants et obscènes et on a

peine à le maintenir. »

24 mai 1882. « Lecture courante et assez expressive; l'enfant

comprend bien les problèmes; sa mémoire est bonne et il apprend

aisément l'histoire et la géographie ; il se rend nettement compte

des démonstrations qu'on lui fait. En résumé, il se montre intelli-

gent, mais il est turbulent et d'un caractère difficile. »

Pendant son séjour à Bicêtre, en dehors de la névrose qui l'y a

amené, l'enfant est généralement resté en bonne santé, à part

toutefois quelques accidents d'origine scrofuleuse : amygdalites,

impétigo du cuir chevelu et des oreilles, bronchites, eczéma des

jambes, etc.

Le traitement général de l'hystéro-épiiepsie que nous avons mis

en oeuvre a consisté en hydrothérapie (douches); en bromure d'ar-

senic administré, à diverses reprises, à la dose de deux à cinq cen-

tigrammes augmentant d'un centigramme tous les huit jours,

dirigé à la fois contre la névrose et les accidents cutanés; en sirop

d'iodure de fer, huile de foie de morue et vin de gentiane à cause

des manifestations scrofuleuses. Le malade s'est sérieusement dé-

veloppé sous le rapport physique, comme le démontrent les notes

suivantes :

DE L'HYSTRO-ÉPILEPSIE. 99

Autant que possible, nous faisons revenir à notre consultation,

de temps en temps, les malades sortis, améliorés ou guéris. Nous

avons eu l'occasion de revoir Buch... plusieurs fois et nous avons

recueilli les notes ci-après :

48S2. Octobre. Depuis sa sortie, l'enfant a exercé la profession

de chaudronnier jusqu'à la fin d'août. Il a été pris d'une attaque

en juillet et de deux dans le courant du mois d'août, toutes trois

très légères. Sa mère est contente de lui : « C'est un bon garçon,

dit-elle, il fait tout ce que je dis ». Il se montre très affectueux et

très complaisant et ne dispute pas ; enfin, s'il se met en colère, il

revient rapidement au calme. Son sommeil serait troublé par des

rêves fréquents, n'affectant pas le caractère de cauchemars, et

ayant trait à son travail : il cause parfois à haute voix pendant son

sommeil. Son occupation actuelle consiste à aider sa mère dans

les travaux duménage. La sensibilité est parfaite, et les zones Ilysté-

ro;ènes ont disparu. - L'eczéma, en voie de guérison, est limité à

la jambe droite (lier, de Fowler ; tisane de sené et pensée sauvage ;

bains d'amidon).

1883. 22 mai. - B... n'a paseu d'attaques jusqu'au 6 de ce mois.

Ce jour-là, un ouvrier de son atelier, prétextant à tort que B...

avait battu son frère, s'est jeté sur lui à l'improviste, et lui a donné

des coups sur la tête. Cette rixe a causé une vive émotion à B... ; sur

le moment, il n'a ni pleuré, ni tremblé; il s'est remis au travail,

mais au bout de dix minutes, durant lesquelles il assure n'avoir rien

éprouvé de particulier, il est tombé brusquement par terre, sans

connaissance, le corps tout roide. Presque aussitôt, il s'est relevé;

on lui a lotionné la figure avec de l'eau froide, et il a recommencé

à travailler. Depuis lors jusqu'à ce matin, il n'a pas eu de nou-

velles attaques. Son sommeil est tranquille. Deux ou trois fois par

mois, depuis la fin de 1882, il a des douleurs de tête, prédominant

au niveau du front ; la vue est brouillée. « Si, dit-il, je regarde le

soleil, je vois des boules de toutes les couleurs... Dès que j'ai vomi,

c'est passé. » Toutes les fonctions sont normales; il ne présente

aucun trouble de la sensibilité générale et spéciale. '

Sa mère est toujours satisfaite de sa conduite. Il travaille bien

(cartonnier), gagne 3 fr. 85 par jour, rapporte tout son gain à la

maison. Il fait partie de la Société des clairons dé Pantin.

29 octobre. - B... a eu une attaque le 21. La veille, il a eu une

peur occasionnée parla chute d'un monte-charge. La crise n'a duré

que deux minutes, et il s'est remis aussitôt à son travail. Les mi-

graines persistent et reviennent chaque mois.

I. Nous n'avons rien à relever dans les antécédents hérédi-

taires, à l'exception des excès alcooliques du père qui sont pro-

bablement plus fréquents qu'on ne nous l'a dit; il n'est pas

100 DE L'HYSTÉRO-ÉriLEPSIE.

rare, en effet, que les mères de nos malades, ouvrières, femmes

d'ouvriers, déclarent que leurs maris « boivent comme tout le

monde», ou même sont sobres quandil ne leur arrive derentrer

ivres qu'assez rarement et alors ne se montrent pas violents

envers elles : il y a là une sorte d'indulgence singulière. A l'ap-

pui de notre hypothèse, nous rappellerons que deux soeurs du

malade sont mortes de convulsions; qu'une autre est atteinte

de zézaiement et d'hystérie; que le malade ainsi que deux de

ses soeurs offrent une malformation des orteils : la syndactylie.

Ajoutons encore que Buch... présente une asymétrie du cràne et

de la face et notons, en passant, que, s'il est hystérique, il

n'est pas épileptique.

II. L'hystérie a débuté à douze ans et demi, à la suite d'une

vive frayeur; c'est la cause occasionnelle la plus ordinaire.

III. Les attaques, annoncées en général par une aura, revê-

taient des aspects divers, a) En premier lieu, la forme syncopale,

consignée si fréquemment chez les hystériques démoniaques

ou extatiques d'autrefois et que l'on retrouve chez les hysté-

riques de nos jours.

b) La forme vertigineuse se présentait ici avec des caractères

ressemblant beaucoup à ceux des vertiges épileptiques. C'est

là une des manifestations les plus curieuses et les moins bien

étudiées de l'hystérie. L'un de nous en a donné de nombreuses

descriptions, mais il reste à faire un tableau d'ensemble. Cer-

taines hystériques, par exemple Geneviève B...', ont, à cer-

taines époques, durant plusieurs semaines, de nombreux ver-

tiges. Tant que celle-ci était sous le coup de ses vertiges, son

intelligence semblait diminuée; la physionomie exprimait un

certain degré d'hébétude ; les forces physiques paraissaient af-

faiblies et on notait un amaigrissement assez prononcé. Mais

dès que les vertiges cessaient, la malade revenait à son état

intellectuel antérieur. Si l'on en jugeait d'après les cas, encore

trop peu nombreux, que nous avons observés, il y aurait donc

une différence notable entre les accidents vertigineux des hys-

tériques et les vertiges épileptiques qui, comme on le sait,

ont une action si redoutable sur les facultés intellectuelles.

c) Quant aux grandes attaques, elles ont été souvent incom-

1 Voir Boumcvine et P. Regnard. Iconographie photographique de

laSalpétrièrc, t. 1, p. 49, et t. II, p. 202.

DE I,'IIYSTRO-ÉPIIFP'31E. 101

plètes; mais, si l'on fait la synthèse des attaques observéesà di-

verses époques, on y retrouve les périodes classiques : 1° la pé-

riode épzleptoïde était le plus souvent très courte; parfois elle se

montrait avec les phases ordinaires (tonique, tétaniforme, clo-

nique, stertor), par exemple le 1 cr février 1881; - 2° la pé-

l'iode clonique se compliquait de mouvements de circumduction,

de translation, de projection du bassin ; de plus, on notait des

vagues abdominales, au moment des rémissions'; - 3° l'atti-

tude du cl'uGifiement2 qui était très commune, l'arc de cercle

qui était très accusé, constituent encore de nouvelles analogies

avec les attaques hystériques de la femme; - 4° la période de

délire était tout à fait passagère et avait un caractère spécial 1

de violence.

IV. Signalons encore les accès de toux gutturale, les zones hys-

térogèncs à l'état rudimentaire; l'inefficacité de la compression

de ces zones ou de la compression des testicules sur la production

ou l'arrêt des attaques; l'absence de troubles de la sensibilité.

V. Les expériences instituées pour produire l'hypnotisme

ont montré que les effets obtenus, complets en ce qui concerne

la période de résolution musculaire, d'insensibilité absolue,

ainsi que le démontre l'incision d'une grosse pustule d'acné,'

étaient incomplets en ce sens que nous n'avons jamais pu dé-

terminer de catalepsie, ni d'aphasie cataleptique. Le somnambu-

lisme nous a paru incontestable chez ce malade. Inutile de dire

que, dans ces expériences, toutes les précautions possibles ont

été prises pour déjouer toute supercherie de la part du malade.

1 Ces mouvements, qui transportaient violemment et avec rapidité les

malades, avec projections des membres de côté et d'autre, étaient fré-

quents chez les possédées d'autrefois et donnaient lieu à des scènes

tantôt comiques, tantôt scandaleuses. - Parlant de citoyens d'Ammon

démoniaques, Jean Wier écrit : « Le troisième se mit à croupeton et se

recourba du tout en devant, puis se roula vers la porte de la chambre,

par laquelle soudainement ouverte il se ietta, et tomba du haut en bas

des degrez sans se faire mal. (J. Wier. Histoires, disputes et discours

des illusions cl impostures des diables, etc. Réimpression en cours, t. T,

p. 531). - Un de nos jeunes malades, durant la période clonique, exé-

cute des mouvements de translation circulaire, ayant la tète pour centre,

et s'accompagnant de mouvements extrêmes de flexion et d'extension des

membres inférieurs qui frappent bruyamment le parquet.

= Dans le Procès-verbal fait pour délivrer une fille possédée du malin

esprit à Louviers (la9t), qui forme le second volume de la Bibliothèque

diabolique, il est dit que Françoise « estoit tombée à terre sur son doz

toute de son long, ayant les deux bras es tendus en croix » (p. 25-30).

102 de L'EYSTÉRO-ÈPILEPSIE,

VI. De même que dans les trois cas que nous avons publiés

autrefois, c'est à l'hydrothérapie que nous devons la disparition

des attaques de notre malade. 11 est sorti alors qu'il n'avait

plus de crises depuis quatre mois. Et, depuis cette époque, il n'a

eu que des accidents très légers, occasionnés par des émotions

vives et à des intervalles très éloignés, Il ne présente aucun signe

permanent de l'hystérie; son développement physique s'est

fait d'une façon régulière, son caractère est devenu plus égal

et ses facultés intellectuelles suivent leur évolution normale.

Note complémentaire. 23 janvier 1884. Le 4 décembre dernier,

B... a été blessé à la main gauche par un laminoir. On lui fit

plonger la main dans de l'eau froide. Au moment de l'immersion,

il fut pris d'une petite attaque qui ne dura que quelques instants.

Le traumatisme a exigé un repos de onze jours. - Le 17 décembre,

trois attaques très fortes. - Depuis lors, jusqu'à ce jour, aucun

accident. - Il est toujours sujet à des colères sans motif. Les

migraines n'ont pas reparu depuis le 10 novembre.

B... n'a pas de barbe. Les poils sont nombreux à la racine de la

verge qui est grosse et assez longue. Les bourses sont pendantes,

les testicules de la dimension d'une noix. Le prépuce est long, le

gland découvrable. B... assure ne pas se toucher, ne pas avoir eu

de rapports sexuels et ne pas y penser.

23 avril. B... n'a pas eu de nouvelles attaques. Renvoyé de son

atelier à la fin de mars, parce qu'il n'y avait pas d'ouvrage, après

quelques semaines, il avait trouvé de l'occupation'dans une fabrique

de carton.Mais, peu après, une ouvrière, qui l'avait vu chez son pré-

cédent patron, ayant raconté qu'il avait des attaques, on l'a

remercié. Il vient demander un certificat constatant qu'il n'est

que très rarement malade.

Nous voyons la soeur de B... Elle est grande, blonde, a une phy-

sionomie assez régulière. Elle zaso2nc plutôt qu'elle ne bégaie; la

voûte palatine est profonde, ogivale, étroite; l'arcade dentaire

supérieure est saillante. Son intelligence parait au-dessous de la

moyenne. - Ses attaques ont été occasionnées par la peur d'un

chien sur lequel elle est tombée, en voulant se sauver. C'est une

demi-heure après l'émotion qu'a éclaté la première attaque. Elle

n'en aurait eu que cinq ou six. Mariée à dix-sept ans, elle a eu

un enfant au bout d'un an. Les attaques, qui avaient cessé vers

quatorze ans et demi, n'ont pas reparu jusque deux semaines après

ses couches (dix-huit ans).Un soir, son mari, qui est ivrogne et vio-

lent, la bat, en rentrant ivre. Il a voulu avoir des rapports avec

elle ; elle a refusé, s'est levée, a passé la nuit debout. Le lende-

main matin, elle a eu une attaque qui a duré une demi-heure.

Depuis cette époque, pas d'attaques.

III.

Idiotie et épilepsie partielle consécutives à une

méningo-encéphalite chronique ;

Par BOURNEVILLE et X. ]F- IEC X A, X X7 ]F-.

Le fait qu'on va lire fournit un nouvel exemple de la forme

d'idiotie, consécutive à une méningo-encéphalite chronique,

sur laquelle l'un de nous a déjà appelé l'attention à diverses

reprises. Le diagnostic anatomique a pu être porté durant la

vie; il est donc probable que, dans un temps prochain, il sera

possible de tracer un tableau complet de cette forme d'idiotie,

qui, dans ce cas, était compliquée d'épilepsie partielle.

Observation. - Grand-père et grand'mère paternels paralysés

Oncle maternel paralytiquegéné¡'¡tl. - F1'è¡'es et soelll's morts de con-

vulsions.

Convulsions de deux mois ci deux ans, - Méningite à trois ans,

suivie d'affaiblissement paralytique du côté gauche. - Premiers ver-

tiges ci trois ans et demi. - Premiers accès vers quatre ans.-

Diminution progressive des facultés intellectuelles ; idiotie, ou mieux

démenée. - Traitement des accès par l'acide sclérotinique. - État

de mal. -Température élevée.- Amélio1'ation,- l3rozzcho-pzezz-

monie. - Mort.

Autopsie : Adhérences de la pie-mère ci la substance grise. -

Décortication totale, par foyers, de la substance grise. - Induration

et atrophie de la substance blanche sous-jacente. Différence de 120

grammes entre les deux hémisphères cérébraux. - Lésions pul-

monaires.

13ourgui..., âgé de six ans, est entré le 11 septembre 1882, à

Bicêtre (service de AI. BOURNEVILLE).

104 IDIOTIE ET ÉPILEPSIE. ,

Renseignements fournis par son père (10 novembre 1882). Père,

quarante-cinq ans, homme de peine ; pas d'excès d'aucun genre ;

assez intelligent; pas d'accidents nerveux. [Père, cultivateur, mort

à soixante-quatre ans «de paralysie, un peu de partout, mais surtout

de la langue».- Mère, quatre-vingt-deux ans, bien portante, pas

d'attaques de nerfs. - Grand'mère maternelle, morte paralysée.-

Pas d'aliénés, etc., dans la famille.

Mère, trente-sept ans, fait son ménage, intelligente, d'habitude

bien portante, actuellement convalescente d'une fièvre typhoïde ;

elle n'a pas d'attaques, mais est très nerveuse et se trouve quel-

quefois mal, à la suite de contrariétés. [Père, soixante-quatre ans,

fruitier, en bonne santé. Mère, morte de la poitrine à vingt-huit

ans. Un frère est mort de paralysie générale progressive dans le

service de M. J. Voisin, à Bicêtre, il y a un an, après y être resté dix-

huit mois; il avait commis de nombreux excès de boisson.- Pas

d'autres aliénés, pas de paralysés, pas de difformes, ni de suicidés

ou de criminels dans la famille.] -Pas de consanguinité. ,

Dix enfants et fausses couches : 1° garçon, quatorze ans, intel-

ligent, pas de convulsions;- 2° fille, morte à neuf ans d'accidents

pulmonaires ayant duré huit jours; convulsions jusqu'à quatre ans,

était très intelligente ; 3° fille, morte en nourrice à deux mois,

on ne sait de quoi; aurait eu de légères convulsions ; 4° garçon,

mort de diarrhée à un mois ; pas de convulsions ; 5° garçon,

bien portant, a eu des convulsions jusqu'à trois ans; 6° fausse

couche à six mois, sans motifs ; - 7° fille, morte à deux ans et

demi de méningite, avait déjà eu des convulsions; - 8° fausse couche :

9° notre malade; - 10° fille, de sept mois, pas de convulsions.

Notre malade. Rien de particulier lors de la conception, durant la

grosesse, ni à la naissance. Nourri au sein par sa mère jusqu'à dix-

huit mois. A deux mois, premières convulsions ayant duré de cinq

à dix minutes. Depuis cette époque jusqu'à l'âge de deux ans, il en

aurait eu à cinq ou six reprises; elles étaient courtes et légères;

pas d'autres détails. Il a commencé à parler et à marcher seul à

un an et a été propre vers quinze mois. A trois ans, il était bien

constitué, ressemblait aux autres enfants et allait à l'asile. C'est à

cette époque qu'il a eu une méningite qui aurait duré six semaines,

et pendant laquelle il aurait été quinze jours sans connaissance,

délirant, mais n'aurait pas eu de convulsions. Dans le cours de la

maladie, le bras gauche perdit la sensibilité et le mouvement; le

médecin n'aurait pas exploré la jambe. Après cette maladie,

B... marcha difficilement et eut toutle côtégauche plus faible; mais,

au bout d'un mois, il marchait bien et pouvait se servir de son bras

gauche. La parole était plus' lente qu'avant la maladie ; il ne

bégayait pas.

Deux moisaprèslaconvalescence, il retourna à l'asile; il apprenait

IDIOTIE ET ÉPILEPSIE. 105

bien et avait de la mémoire, mais, tous les huit à dix jours, il avait

un « étouodisscmentu : il tombait par terre brusquement et se rele-

vait aussitôt. Six mois plus tard, ces étourdissements ayant augmenté

de fréquence, il fut renvoyé de l'asile; il était âgé d'environ

quatre ans. Il resta alors à la maison. Les étourdissements devinrent

plus fréquents et finirent par être quotidiens; souvent il se blessait,

et il s'est ainsi cassé toutes les dents.

Le premier accès eut lieu en novembre 1881. Dans un accès

(février 488 ? ), il se brûla le cou et la figure avec une marmite de

soupe et cette brûlure mit.six. semaines à guérir.

A partir de l'année 1882, il eut plusieurs vertiges et plusieurs

accès par jour sans jamais avertir. La parole devint de plus en

plus difficile, et, à partir du mois de juillet, la déchéance intellec-

tuelle s'est accusée : il est devenu gâteux, vorace ; la marche s'effec-

tuait difficilement, il désapritl'usage du couteau et de la fourchette

et mangeait lentement avec une cuiller. Il bave depuis dix-huit

mois. Il reconnaît son père, mais moins sa mère; autrefois cares-

sant, il est maintenant indifférent. Les accès et les étourdissements

au moment de l'entrée revenaient jour et nuit; mais, la nuit, ce sont

plutôt des étourdissements. Depuis sa méningite, il a très rarement

des cauchemars; il n'en n'avait jamais eu auparavant. Traitement

antérieur par le bromure de potassium. Ni succion, ni balancement,

ni grincement de dents. Pas d'accès de contracture. Aucune

fièvre éruptive. Croûtes fréquentes du cuir chevelu. Diagnostic :

Idiotie consécutive à une méczictqo-eatcéplcctlile; épilepsie.

Du 5 au 28 octobre, la température s'est toujours maintenue

entre 38° et 38n,8, sauf une élévation isolée à 40°, le 8 au matin.

Le 26, revacciné sans succès avec du vaccin humain à droite et du

vaccin de génisse à gauche; du 39 octobre au 8 novembre, la tempé-

rature a oscillé entre 38° et 3 vil),6.

1er décembre. - Injections hypodermiques d'acide sclérotinique 1

(X gouttes de la solution Prévost = 1 centigramme 1/2).

z 3 centigrammes d'acide sclérotinique.

15. 4 centigrammes 1/2. Pendant le mois de décembre,

il y eut 194 vertiges, dont 169 pendant le jour (maximum 20, le

13); pendant la nuit, il n'y en eut que deux fois : une fois 10 et

l'autre 15. Les accès, dans la même période, ont été au nombre de

156. Les diurnes ont été quotidiens, sauf une interruption de deux

jours et une de trois. Ils ont été au nombre de 133, et leur maxi-

mum a été de 11 (25 décembre). La nuit, il y en eut 5 du 1 or au 29;

6 dans la nuit du 29 au 30, et 10 dans la nuit du 30 au 31. Ces

accès ont toujours été localisés au côté droit.

'Voir Bourneville et Bricon. Manuel des injections sous-cutanées.

106 IDIOTIE ET EPILEPSIE.

30. - Le malade qui descendait à la petite école, se trouve trop

faible pour se lever, et reste au lit.

31. T. R. 39". Soir : T. R. 39°,4. Dans la nuit du 31 dé-

cembre au 1 or janvier, 10 accès.

1883. 1er janvier. - Les injections d'acide sclérotinique sont

portées à XX gouttes (6 centigrammes); ces injections n'ont ja-

mais produit d'accidents locaux, ni généraux. T. R. 39°, 6. Dans la

journée 120 accès. A 3 heures, T. 42°, 6 ; à 3 heures, T. 41 °,8 ; à

7 heures, T. 41°,6.

Dans la nuit du 1 Cr au 2, 30 accès ; T. à 9 heures du soir, 40°;

à 11 heures, T. 42°; à 1 heure du matin, T. 42 ? à 3 heures,

T. 4`3°,S.

2. -T. R. 4 ? r. Dans la journée, 199 accès. La tête, le tronc, et

les membres sont symétriques. Organes génitaux normaux. Le ma-

lade est dans le décubitus latéro-dorsal droit; la tête repose sur la

joue droite; la face est pâle; les yeux sont cornés; les paupières

enflammées sont closes; en les soulevant, on voit que les globes

oculaires sont dirigés vers la droite; pupilles égales et contractées

malgré l'obscurité relative ; narines pulvérulentes ; lèvres sèches,

couvertes de fuliginosités.

Le bras droit est rapproché du tronc; l'avant-bras est en demi-

flexion et demi-pronation; la main est fléchie ; les doigts sont à

demi-fléchis sur le métacarpe; les phalanges sont étendues; le

pouce est dans l'adduction,

La cuisse droite est étendue sur le bassin ; la jambe est presque

étendue. Pas de contracture; le pied est fortement fléchi et dans

l'adduction; les orteils sont en position normale.

Du côté gauche, la flexion incomplète prédomine aussi, mais le

malade modifie de temps en temps et spontanément sa position.

On imprime facilement des mouvements à la tête et au cou. Il y

a un peu de raideur des muscles extenseurs du rachis.

Le malade, depuis hier matin, n'a pris qu'un potage. Pas de

dysphagie, ni de vomissements ; selles diarrhéiques involontaires.

L'enfant ne tousse pas ; rien à l'auscultation.

Cet état habituel est traversé par des crises revenant à inter-

valles variables; il y en a quelquefois plusieurs en cinq minutes ;

mais aujourd'hui, il est rare qu'il y ait plus de cinq minutes entre

deux accès.

Description d'un accès. L'attitude habituelle s'exagère; les mem-

bres du côté droit se raidissent davantage ; puis, on observe une

trémulation du membre inférieur droit, pendant laquelle la jambe

se fléchit un peu sur la cuisse, tandis que le pied s'étend sur la

jambe.

A la face, trémulation des muscles du côté droit, plus marquée

sur les muscles qui attirent à droite la commissure labiale; la di-

IDIOTIE ET EPILEPSIE. 107

rection des yeux à droite s'exagère aussi; mouvements du rele-

veur de la paupière et des élévateurs de l'aile du nez.

Pendant ce temps, du côté gauche, se montrent des mouve-

ments irréguliers, consistant surtout dans les mouvements de cir-

cumduction de l'épaule, l'abduction du bras, et la flexion de la

jambe. Ni stertor, ni écume. Lorsqu'on remue le malade, il

pousse quelques gémissements très faibles. L'état comateux est

permanent; nul indice de connaissance dans l'intervalle des accès.

Traitement : Sulfate de quinine, 1 gramme en 4 paquets ; eau-

de-vie allemande, 15 grammes ;1 sangsue derrière chaque oreille.

3. - Dans la nuit, on a compté 35 accès. T. R. 40°. A la visite du

matin, l'état de l'enfant paraît s'être notablement amélioré : il est

moins incliné à droite; il ouvre spontanément les yeux et semble

regarder autour de lui ; les sensations désagréables se traduisent

par des gémissements plus accentués; le chatouillement de la

plante des pieds produit des réflexes très marqués à droite, très

peu à gauche; il n'y a pas d'exagération des réflexes rotuliens. Le

bras droit soulevé retombe aussitôt, tandis que le bras gauche se

maintient un peu. Même chose aux membres inférieurs.

Sonorité normale dans la poitrine. - Le malade prend un peu

de lait. T. R. à une heure 41 0.- Le soir T. R. 41 ? 2. Dans la journée

soixante-dix-huit accès. Traitement : deux injections sous-cutanées

de 0 gr. 10 de sulfate de quinine; eau-de-vie allemande, 20 gr.;

lotions vinaigrées.

4. 1)iiis la nuit, qui a été mauvaise, douze accès. Le matin,

amélioration. T. R. 39°. - Le malade est couché sur le dos, les yeux

ouverts; de temps en temps, on note des mouvements de la bouche.

L'enfant est assez éveillé, il demande spontanément à boire. Selles

abondantes. - Même traitement ; les injections d'acide scléroti-

nique sont suspendues. T. R. à une heure 41 ? r. Dans la journée,

quatre-vingt-quinze accès dont quatre-vingts après la visite (onze

heures). - Soir : T. R. 42°,2.

5. - Durant la nuit, quatre accès T.R. 39°,G. Les convulsions sont

toujours limitées au côté droit. Léger érythème des fesses. In-

jections de sulfate de quinine; -lavement purgatif; -- une sang-

sue derrière l'oreille gauche. T. R. à une heure, 39°,3.-Soi· : T. R.

40 ? r. Dans la journée cinquante accès.

6. - Neuf accès pendant la nuit. A cinq heures T. R. 40° ; à

huit heures 39°; - à une heure de l'après midi, T. R. 42°, 6. Dans

la journée vingt accès.

7. - Le malade n'a eu dans la nuit qu'un seul accès ; il appelle

sa mère et demande à boire. T. R. 40°; à une heure, T. R. 39°,G.

- - Soir : T. R. 39° ; pas d'accès.

8. - Un accès dans la nuit. T. R. 39°. - Soir : T. R. 39°,6. Un

seul accès dans la journée.

108 IDIOTIE ET EPILEPSIE.

9. Pas d'accès dans la nuit, qui a été bonne ; l'amélioration

s'accentue. Le malade répond à quelques questions, demande du

lait et repousse le bouillon. Les mains sont fraîches ; le pouls est

assez fort (84). T. R. 38°,8. Le malade qui, il son entrée, pesait

seize kilogr.,n'en pèse plus que quatorze. Soir : T. R. 39°,6. Les

accès ont disparu.

10. Le malade est éveillé et dit : «Mère, j'ai soif». La face est

pâle; les joues sont pleines; les pupilles égales et normales; les

lèvres sèches.- L'enfant donne lesdeuxmains quand on les lui de-

mande, mais la droite semble plus faible; il soulève les deux

jambes sans qu'on note de différence; cette nuit, il s'est tenu assis.

Il tousse un peu : sonorité légèrement diminuée aux deux bases;

respiration un peu forte en arrière et à droite. Soif vive, ventre

volumineux, mais souple, diarrhée.T.R. 40°. -Traitement : ipéca;

lait, deux oeufs. Soir : T. R. 40°.

H. - Face pâle, cyanosée. Le malade tousse un peu, se plaint t

sans cesse. Pas d'oppression. La poitrine résonne mal en arrière

et à droite. Respiration rude, mêlée de quelques râles fins au voisi-

nage de l'aisselle droite. T. R. 39°,6. Soir : T. R. 40°. Dans la

soirée, le malade a été pris d'oppression et n'a plus voulu rien

prendre. Toux rare.

12. - Le malade est cyanosé surtout aux lèvres et aux paupières;

il prend un peu de lait avec beaucoup de peine; ne parle plus et

reste dans la position qu'on lui donne, la tête dans l'extension; P. à

134, fort, régulier ; R. 44 ; T. R. 40°. A la percussion, le son est obs-

cur et, à l'auscultation, la respiration est soufflante par places en

arrière et à droite. - Langue humide, soif vive; pas de vomisse-

ments ; ventre volumineux, souple, non douloureux; le colon parait

distendu; diarrhée jaunâtre, glaireuse. - A la fin de l'examen, le

malade prononce quelques mots. - Inaction de la main droite. La

jambe droite ne répond qu'aux excitations un peu fortes; alors elle

se fléchit, mais il y a une différence très sensible avec le côté gauche.

A partir de cinq heures de l'après-midi, l'enfant a cessé de

parler et a refusé de boire. Il aurait rendu « de la mousse» par la

bouche et le nez. La diarrhée a cessé. T. R. 40°,6.

13. - Le malade est comme endormi, les paupières fermées, les

entr'ouvrant à peine quand on l'interpelle; pupilles égales; traits

notablement altérés.-Respiration très brusque, saccadée. Toux peu

fréquente. Râles dans les grosses bronches et quelques râles fins au

moment de la toux à la région moyenne et postérieure du poumon

droit. Un peu de raideur de la nuque ; le malade a grincé des

dents; les mâchoires sont un peu serrées. T. R. 42°. Dans la journée

l'altération des traits s'est accentuée; pas de vomissements; consti-

pation. Toux et plaintes fréquentes; mâchoires un peu serrées.

Rejet de mousse. - Soir : T. it. 41°.

IDIOTIE ET EPILEPSIE. 109

14. - Mort à cinq heures du matin. T. R. après la mort 440.

Poids, 12 kilogr. 800. '

Les accès et les vertiges ont eu la marche ci-après :

110 IDIOTIE ET EPILEPSIE.

elle la couche superficielle de la substance grise dans la moitié de

son étendue. La circonvolution frontale ascendante est comme

hypertrophiée dans sa moitié supérieure ; la pie-mère ne lui adhère

qu'à son extrémité tout à fait inférieure. Le sillon de Rolando est

assez profond et normal. La circonvolution pariétale ascendante

n'est libre d'adhérences que dans les 2/4 moyens de sa face anté-

rieure ; elle est comme atrophiée dans toute sa hauteur, et surtout

dans sa moitié supérieure où elle n'atteint que le quart de la lar-

geur de la partie correspondante de la frontale ascendante. Le

sillon qui limite en arrière la pariétale ascendante, présente dans

toute sa hauteur une sorte d'infiltration cellulaire et a une colo-

ration noire, ocreuse.

Tout le lobe pariétal, et la partie postérieure des circonvolutions

temporales sont adhérents, sauf en quelques points, à la pie-mère qui

s'enlève difficilement; sur certaines circonvolutions môme, en dé-

cortiquant, on enlève toute la substance grise et on met ci nu le sque-

lette de substance blanche, laquelle est indurée et atrophiée. Ce foyer

se prolonge en avant sur toute la première circonvolution frontale

où se trouve cette dernière lésion, ainsi que sur les deux digitations.

postérieures du lobule de l'insu la qui sont atrophiées et indurées.

On détache facilement la pie-mère des digitations antérieures du

lobule de l'insula, de l'extrémité antérieure du lobe temporal, de

la face inférieure du lobe frontal, de la face convexe du lobe oc-

cipital et de la face interne des lobes temporo-occipitaux.

A la face interne, on trouve quelques adhérences superficielles à

la partie moyenne de la circonvolution du corps calleux; à la partie

supérieure de la première circonvolution frontale, il existe des

adhérences plus marquées, et une atrophie relative de la partie supé-

rieure du lobe carré, qui limite en dedans le foyer décrit plus haut.

Le ventricule latéral offre une dilatation uniforme; mais une

couche encore assez épaisse le sépare du foyer.

Hémisphère gauche. - Les circonvolutions sont bien développées

et non disproportionnées comme de l'autre côté. En décortiquant la

pie-mère, on enlève en un certain nombre de points une couche

plus ou moins épaisse de substance grise, notamment : 1°sur toute la

moitié postérieure de la première circonvolution frontale; 2° sur

toute la partie moyenne des frontale et pariétale ascendantes ; 3° sur

l'extrémité supérieure de ces deux circonvolutions ; 4° sur quelques

points de la deuxième frontale (la troisième frontale est à peu près

saine); : i° sur les deux premières temporales et sur le pli courbe.

A la face interne, on note quelques adhérences au niveau du

lobe carré, du lobe temporal, à la partie antérieure du lobe para-

central, à la partie avoisinante de la Ire frontale et enfin à la

partie antérieure de la circonvolution du corps calleux.

RËFLHxios.I. Il s'agit, ici, d'un enfant qui, sauf quelques

IDIOTIE ET EPILEPSIE. f 11 I

convulsions légères et éloignées, survenues de deux mois à

deux ans, se développait normalement tant sous le rapport

physique qu'au point de vue intellectuel, lorsque, à trois ans, il

fut atteint d'une méningite aiguë grave. Durant la convalescence,

on remarqua seulement qu'il avait le côté gauche plus faible :

ce qu'expliquent les lésions étendues de l'hémisphère droit qui

pèse cent vingt grammes de moins que le gauche.

II. Alors que l'enfant semblait rétabli, il a été pris de ver-

tiges, d'abord très distants, puis de plus en plus rapprochés.

Bientôt des accès d'épilepsie vinrent s'y ajouter.

III. Sous l'influence de ses accès, et surtout des vertiges,

les facultés intellectuelles, qui, dit-on, n'avaient guère été

modifiées par la méningite, ont décliné avec une grande rapi-

dité et l'enfant ne tarda pas à offrir tous les symptômes cliniques

de l'idiotie complète : parole embarrassée, mémoire affaiblie et

ensuite presque nulle, difficulté progressive de la marche, bave,

gâtisme, perte des sentiments affectifs, etc., etc.

Cet ensemble symptomatique, que l'on a coutume de désigner

sous le nom d'idiotie, nous parait beaucoup plutôt comparable

à la démence paralytique et, n'était le langage reçu, nous pré-

férerions cette dernière dénomination.

En nous fondant sur les antécédents et sur l'état du malade

à l'entrée, nous avons porté le diagnostic : rnémilgo-encéphalite

chronique, que l'autopsie est venue confirmer.

IV. Les lésions observées à l'autopsie rendent parfaitement

compte de la déchéance des facultés intellectuelles. Relevons

encore une fois cette décortication totale, par foyers, de quelques

circonvolutions, dont l'un de nous a publié, il y a quelque

temps, un très bel exemple'.

V. L'état de mal, auquel a succédé la broncho-pneumonie

terminale, a offert tous les caractères classiques. Le nombre

des accès a été considérable et, particularité intéressante, du-

rant ce temps, les vertiges ont été supprimés.

VI. Considérés en eux-mêmes, les accès ont présenté des

symptômes spéciaux : les convulsions étaient limitées au côté

droit du corps. Nous avions donc sous les yeux un exemple

1 Bourneville et `Vuillamü : . - Archives de Neurologie, t. III, p. 327,

ll. VIII, c, Compte rendu de Bicêtre, pour 18S2.

112 IDIOTIE ET EPILEPSIE.

typique de l'épilepsie hémiplégique. Si l'on se rappelle que,

après la méningite aiguë, l'enfant avait une paralysie du côté

gauche, on pourrait s'étonner que les convulsions existassent,

au contraire, du côté droit et y fussent limitées. Nous voyions

là, en effet, une sorte d'anomalie. Mais l'autopsie est venue

nous fournir l'explication de ce fait, en nous montrant des foyers

de méningo-encéphalite au niveau du lobe pal'acent1'al et des cir-

convolutions frontale et pariétale ascendantes de l'hémisphère

GAUCHE.

EXPLICATION DE LA PLANCHE I.

Méningo-encéphalite : face convexe de hémisphère droit.

Fa, frontale ascendante.

Pa, pariétale ascendante.

P, pli pariétal supérieur.

T, partie postérieure des circonvolutions temporales.

Tl, première temporale.

La Planche montre, entre P et T, un vaste foyer intéressant le pli pa-

riétal inférieur, le pli courbe, etc.

Ménitgo-encéphalite : face interne de l'hémisphère droit.

Ce, circonvolution du corps calleux.

F, face interne de la première circonvolution frontale.

Lq, lobe carré.

IV.

Idiotie consécutive à l'hydrocéphalie ;

Par BOURNEVILLE et LEFLAIVE.

L'observation que nous allons rapporter présente un in-

térêt au double point de vue de la clinique et de l'anatomie

pathologique. Elle nous' fournit un nouvel exemple de

l'idiotie par hydrocéphalie dont plusieurs cas ont été déjà

publiés par l'un de nous.

Observation. Père et grand'mère paternels alcooli-

ques. Mère nerveuse. Oncle maternel imbécile ; ?

oncles et tantes maternels morts de convulsions.

Emotions durant la grossesse. Tête volumineuse à

la naissance ; son développement progressif ; ses di-

mensions. - Convulsions limitées à gauche (6 mois). -

Hémiplégie consécutive ; amélioration. Développe-

ment rapide de la tête (7 mois). -Etat du malade à l'en-

trée (10 mois). -Tête : fontanelles ; hyperostose. - Stra-

bisme, etc. - Manifestations intellectuelles. - Pernphi-

gus. Athrepsie. Hémorrhagie méningée ; troubles

trophiques ; fonte purulente des yeux ; contracture ; élé-

vation de la température ; diminution subite du volume

de la tête. Mort. - Résultats de l'autopsie.

Alli., Eugène, âgé de 10 mois, est entré le 21 mai 1883,

à l'hospice de Bicêtre (service de M. BOURNEVILLE).

Renseignements fournis par sa mère (14 juin).- Père,

33 ans, lithographe, commettait au commencement du ma-

riage de nombreux excès de boisson; actuellement, il est

sobre; santé d'habitude bonne; aucun accident nerveux.

[Père, mort d'une maladie de coeur, à 50 ans, non alcooli-

que. Mère, 60 ans, intelligente, s'est mise à boire depuis

sept ans à la suite de chagrins. Ni aliénés, ni épilepti-

ques, etc., dans le reste de la famille].

Bourru. - 1883.. 8

114 IDIOTIE : ANTÉCÉDENTS.

Mère, 22 ans, petite, faible, dit être bien portante; elle

serait sujette, depuis l'accouchement, à des migraines très

violentes; bien que très nerveuse, elle n'aurait pas eu d'at-

taques, mais a souvent des éblouissements, des tintements

d'oreilles ; elle se met facilement en colère, et cela depuis

l'enfance. [Père, 46 ans, sobre, administré de Bicêtre, où

il est entré pour un rhumatisme chronique. - Mère-

morte à 31 ans, en couches.- Grand'mère paternelle morte

en 1878, à la Salpêtrière, était atteinte de rhumatisme chro-

nique. Grand'mère maternelle morte de paralysie.-

De 12 frères et soeurs, il n'y a plus de vivants qu'elle et un

garçon de 20 ans, bien portant, peu intelligent, « en retard

sur tout », et atteint d'un défaut de la parole. Parmi les

autres, on signale un garçon mort de convulsions à 2 ans

ainsi que deux filles jumelles, et enfin, une fille morte à

13 ans, à l'hôpital Sainte-Eugénie, d'une fièvre typhoïde.]

Pas de consanguinité.

Notre malade. La conception s'est produite aussitôt

après une fausse couche de six mois. A cette époque, le

ménage était troublé par des disputes, parce que le père se

grisait fréquemment et ne rapportait pas son salaire à la

maison; les rapports conjugaux étaient rares durant

l'ivresse. Pendant la grossesse, ces scènes ont continué ; le

père allait au cabaret jusqu'à deux ou trois heures du ma-

tin, et sa femme était obligée de l'accompagner. Quant à

elle, pour la moindre raison elle se mettait en colère jus-

qu'à se rouler sous le lit. La grossesse a cependant été

bonne. L'accouchement a été assez rapide (4 heures),

bien que la tête fut volumineuse. A la naissance, pas

d'asphyxie. Les yeux de l'enfant, dit la mère, n'étaient pas

comme ceux des autres enfants; ils étaient presque verti-

caux ( ? ), enfoncés dans les joues; il n'y avait pas de stra-

bisme. La tête augmentait peu à peu de volume, ce dont

la mère s'apercevait parce que les bonnets de l'enfant de-

venaient trop petits. Dans les six premiers mois, pas d'autre

maladie qu'une ophthalmieà quinze jours. Alli... futnourri

au sein par sa mère jusqu'à six mois, puis élevé au bi-

beron sur le conseil d'une sage-femme, qui déclara à la

mère que l'enfant « devait avoir quelque chose dans la

tête ».

A cet âge, sans cause connue, convulsions portant uni-

quement sur le côté gauche, et accompagnées de cris con-

tinuels. Ces accidents se sont reproduits trois ou quatre

fois dans une même nuit. A la suite, pendant deux mois,

l'enfant a cessé de se servir de son bras et de sa jambe gau-

IDIOTIE ET HYDROCÉPHALIE. 115

ches; cette paralysie a disparu peu à peu. A partir de ce

moment, « les yeux sont revenus en place » ; mais, vers

sept mois, l'augmentation de volume de la tête s'est accu-

sée davantage. Pas d'autres convulsions.

L'enfant est calme, ne pleure que quand on veut le pren-

dre ; il « gazouille » depuis l'âge de 2 mois; il rit volontiers,

moins cependant aujourd'hui que dans les mois précé-

dents ; il reconnaît son père et sa mère. Fonctions diges-

tives bonnes ; selles régulières. Poids à l'entrée : 7 kil.

700. Taille : 0,78 cent.

Etat actuel (18 juin 1883). La tête est arrondie, très déve-

loppée dans sa portion crânienne (voir plus loin le tableau

des mensurations). Par la palpation, on reconnaît facile-

ment les fontanelles, qui sont très grandes. La fontanelle

antérieure commence presque immédiatement au-dessus

de la racine du nez; à droite, un prolongement en forme

de croissant vient rejoindre la fontanelle postérieure; à

gauche, il y a soudure des os à 10 cent. 1/2 au-dessus de la

racine du nez. La fontanelle postérieure, très irrégu-

lière, mesure 2 cent. 1/2 sur la ligne médiane, entre les pa-

riétaux et l'occipital ; à droite, elle se prolonge à 11 centi-

mètres de l'articulation occipito-vertébrale, puis elle se

rétrécit et se continue avec le prolongement de la fonta-

nelle antérieure; à gauche comme en avant, la fontanelle

est moins grande et limitée par la réunion des os. Sur

les parties latérales de la tête, petite fontanelle de 2 cen-

timètres de côté. Au sommet de la tête, le crâne offre

une saillie convexe, où les os sont plus durs, paraissent

plus épais que partout ailleurs (h ypeostose), plus marquée

à gauche de la ligne médiane.

Le front, de la racine du nez à la naissance des cheveux,

mesure 7 centimètres : il est bombé, asymétrique, un peu

plus saillant à droite. Les arcades sourcilliè1'es sont tout à

fait déprimées et les yeux semblent excavés, surtout en

haut; les paupières inférieures sont au contraire saillantes;

légère blépharite. Habituellement, il existe du strabisme

divergent, soit à droite, soit à gauche; on peut cependant

arriver à rendre le regard direct. Iris gris bleuâtre. Au-

dessus de la racine du nez se voit une veine demi-circu-

laire à convexité supérieure, d'où partent des arborisations

veineuses qui se répandent sur le crâne; trois d'entre

elles sont plus importantes. - Le nez est petit, écrasé,

presque aussi large à la racine qu'à la base. Les sillons

naso-labiaux sont très accusés quand l'enfant pleure, et

alors la commissure labiale droite paraît un peu plus en-

116 HYDROCÉPHALIE : TEMPÉRATURE.

traînée dans ce sens. La bouche est assez grande; les lèvres

sont minces; les dents font encore défaut. Les oreilles

sont bien ourlées, le lobule est adhérent; la droite mesure

4 cent., la gauche 4 cent. 1/2.

Le cou est court : il a 24 cent. 1/2 de circonférence. Le

thorax est bien conformé, un peu bombé en avant; la co-

lorme vertébrale est un peu déviée à la région dorsale et

forme une convexité gauche. L'embonpoint est assez pro-

noncé.

Les membres supérieurs sont réguliers, égaux : des

deux côtés : 13 cent. 1/2 de circonférence au niveau de

l'aisselle, 12 1/2 au pli du coude et 8 1/2 au poignet.

Les membres inférieurs ne présentent à signaler qu'un

peu d'incurvation des tibias; la circonférence de la cuisse

au niveau du pli de l'aine est de 22 cent. de chaque côté;

elle est de 17 cent. au jarret et de 9 cent. 1/2 au niveau des

malléoles. Pas de malformation des organes génitaux.

Léger érythème des fesses.

L'enfant dort les paupières entr'ouvertes. Parfois, il a

des accès de cris, rappelant ceux des enfants de son âge et

que l'on attribue à des coliques, car l'application de cata-

plasmes sur le ventre les fait rapidement cesser. Il semble

reconnaître les gens du service et sourit à leur approche.

Chaque fois qu'on le remue pour l'asseoir ou pour le sortir

du lit, sa tête tombe en arrière et il pousse des cris, indices

de souffrance; il paraît cependant aimer la station assise,

mais à la condition que la tête soit soutenue.

Aucune paralysie ni des bras, ni des jambes; le cha-

touillement est perçu sans exagération des réflexes; le phé-

nomène du tendon est normal.

7 juillet. La saillie convexe notée au niveau de la suture

interpariétale paraît s'accuser. En ce point, l'os paraît très

résistant. Une grosse veine part de l'oreille droite et re-

monte en S sur la région temporale. Légère desqua-

mation épithéliale aux jambes et aux genoux. P. 116, régu-

lier. Pendant cet examen, l'enfant n'a cessé de pousser

des cris un peu étouffés, mais non hydrencéphaliques; ces

cris augmentent quand on lui relève la tête.

12 juillet. Diarrhée verdàtre. Eau de chaux ; laudanum,

1 goutte.-La température, régulièrement prise matin et

soir depuis l'entrée, s'est toujours maintenue et se main-

tient toujours autour de 37°,5, sauf le 13 juillet au soir,où

elle a atteint 38°. La diarrhée a cessé le 16 juillet.

10 août. Hier, apparition d'une vingtaine de petites

bulles pemphigoïdes, sans aucune élévation de la tempé-

APOPLEXIE MÉNINGÉE. 117 î

rature (du 7 au 14 août, minim. 37°, maxim. 37°,8). Ail...

n'a plus de diarrhée; néanmoins, depuis quelque temps il

pâlit.

17 août. L'enfant dépérit, ainsi que le montre la succes-

sion de ses poids; l'amaigrissement est général et porte

même sur les diamètres transversaux de la tête. AU...boit

deux litres de lait par jour, prend un peu de bouillie; il n'a

pas de vomissements. La diarrhée a reparu il y a trois

jours; selles fétides, vert sombre. Pas de toux; voix moins

forte, plaintive. Conjonctivite oculo-palpébrale avec

alternatives d'amélioration et d'aggravation.

Depuis le 14 (T. R. 3î°,L le matin, 37°, 4 le soir) jusqu'à

ce matin (17 août), on avait, par erreur, cessé de prendre

la température. On la trouve aujourd'hui brusquement

élevée, et cette élévation se maintiendra jusqu'à la mort,

comme le montrent les chiffres ci-après. Soir : T. R.

39°,9.

18 août. T. R. 38°,7. Soir : 39°,5.

19 août. T. R. 38°,3. Soir : 39°,4.

20 août. T. R. 39°. Coloration plombée de la face et des

extrémités; exulcérations aux oreilles; excoriations des

lèvres (surtout aux commissures) et de la langue, avec for-

mation d'une pellicule blanchâtre simulant des plaques

muqueuses. Pas une seule dent. Pas de muguet. Ventre

ballonné; pas de vomissements; diarrhée verte; érythème

et papules aux fesses. Rien à signaler du côté de l'appareil

pulmonaire. On constate un pou de raideur clans les mem-

bres inférieurs, surtout dans le droit; cependant, l'enfant

remue également les quatre membres quand on les cha-

touille ; le phénomène du tendon rotulien est un peu plus

marqué à gauche qu'à droite. Soir : T. R. 39°.

21 août. L'enfant cesse de boire au biberon et ne prend

plus de lait qu'à la cuiller. Conjonctivite et kératite dou-

bles. T. R. 39°. Soir : 39°,2.

22 août. T. R. 38°,9. Soir : 39°,6.

23 août. L'enfant ne prend plus aucune nourriture ;

diarrhée peu abondante, mais selles fréquentes d'un jaune

grisâtre. Depuis deux jours, il n'a plus la force de crier et

ne se plaint même pas à voix basse. La figure est très pâle,

les traits tirés, la bouche entr'ouverte; les lèvres sont cou-

vertes de croûtes et de petites ulcérations. L'oeil droit est

complètement fondu; l'oeil gauche présente un état louche

de la cornée qui permet à peine d'apercevoir la pupille au-

dessous ; la cornée est conique et présente un peu à droite,

au-dessous du centre, une ulcération arrondie de 3 milli-

mètres de diamètre. La conjonctive est rouge non seule-

118 APOPLEXIE MÉNINGÉE : TROUBLES TROPHIQUES.

ment par injection vasculaire, mais encore par suite de

petites ecchymoses. (Troubles trophiques.)-Contracture

légère des membres, qui se meuvent à peine ; le bras droit

est un peu plus raide que le gauche ; la même différence

ne s'observe pas aux membres inférieurs.

A l'auscultation, respiration faible; quelques râles dans

le poumon gauche. Les bruits du coeur s'entendent à peine.

En appliquant le stéthoscope sur la poitrine et sur les mem-

bres, il produit une petite dépression circulaire qui met

quelque temps à disparaître.

Le même jour, à six heures du soir, l'enfant meurt, sans

que cette mort ait été précédée de convulsions ou de cris.

Mais, une heure avant la mort, la tête a commencé à climi-

nuer sensiblement, les sutures non ossifiées se sont dé-

primées en gouttière; la médio-frontale, en particulier, a

une largeur de 3 centimètres; elle paraît comme creusée à

la gouge entre les deux moitiés du frontal. En bas, elle va

jusqu'à la racine du nez; en haut, elle se continue avec

une dépression irrégulière qui représente la fontanelle an-

térieure. Le volume total de la tête est évidemment très

inférieur à ce qu'il était le matin. La température rectale

était ce matin de 39°, 1 ; de 40°, à 5 heures du soir. Prise

après la mort (6 heures), elle était de 39",9 au bout d'un

quart d'heure; de 39°,5 au bout d'une heure; de 37°, au

bout de deux heures.

Nous avons réuni en un tableau les diverses 2nezzsura-

tions de la tête de l'enfant, ainsi que la succession de ses

poids, qui montre bien sa déchéance progressive.

HYDROCÉPHALIE : AUTOPSIE. 119

120 HYDROCÉPHALIE : ÉTAT DES OS.

externe est formé par le frontal pour les 2/3 antérieurs et

par le pariétal pour le 1/3 postérieur.

La fontanelle postérieure a la forme d'un triangle isocèle

dont la base est tournée en haut et dont le sommet tronqué

aboutit à l'angle supérieur de l'occipital. La base, longue de

9 centimètres, est formée par l'os surnuméraire, inter-

fronto-pariétal ; les autres côtés, assez irréguliers, formés

par les pariétaux, ont environ 14 centimètres. L'angle in-

férieur est occupé par trois os wormiens ayant chacun un

peu plus d'un centimètre carré de superficie, et quoique

indépendants, placés en contact les uns des autres et des

os voisins. L'angle supérieur droit se prolonge avec la

partie droite de la suture sagittale comme nous l'avons

déjà indiqué; l'angle gaucho se prolonge avec une suture

membraneuse analogue mais très peu large, longue de cinq

centimètres et allant jusqu'à la réunion des os frontal et

pariétal.

En outre des trois os wormiens que nous venons de

signaler, il en existe deux autres, allongés dans le sens

antéro-postérieur et occupant la ligne médiane de l'aire e

de la fontanelle postérieure. Le plus élevé est blanchâtre,

d'aspect cartilagineux; il a un cent. et demi de long sur

un cent. de large. Immédiatement au-dessous se trouve le

second, qui a 5 cent. de long sur 3 de largo et qui présente

les apparences d'une ossification plus avancée. Enfin, au-

dessous de l'angle supérieur droit se trouve un triangle

d'apparence cartilagineuse, de deux centimètres de long,

dépendant du pariétal, mais dont la mobilité montre la

réunion incomplète.

Les sutures fronto-pariétales ne sont pas ossifiées, mais

à ce niveau les os sont contigus. A leur jonction avec les

sutures qui représentent la sagittale dédoublée se voit une

petite fontanelle. La suture lambdoïde est normale : en

quelques points on remarque une disposition manifeste à

la formation de dentelures. Quant aux sutures squa - z

meuses, on n'en découvre pas de traces ; le temporal semble

faire corps avec le pariétal sans aucune délimitation.

L'épaisseur des os du crâne est très faible ; ils sont

presque partouttranslucides, laissant voir çà et là des points

opaques; cette opacité est surtout marquée au niveau de

l'os fronto-pariétal où la voûte crânienne paraît avoir son

maximum de solidité. Les os ont une certaine élasticité

que l'on constate aisément aux points où le trait de scie a

divisé le temporal.

Le frontal, comme nous l'avons déjà indiqué, est double ;

il n'offre rien de bien particulier à signaler, sinon que son

OS SURNUMÉRAIRE. 121

angle supérieur, déjeté latéralement, s'insinue entre l'os

surnuméraire et le pariétal et qu'il est relativement aigu.

- Les pariétaux, unis à la portion écailleuse du temporal,

font partie de la moitié postérieure du crâne ; ils sont larges

et minces, et ont environ 15 centimètres de dimensions

antéro-postérieures. Leur bord antérieur est en rapport

avec le frontal, le postérieur avec l'occipital; l'inférieur

n'existe pas, puisqu'il est soudé au temporal ; le supérieur

est arrondi, convexe; son quart antérieur est en rapport

avec l'os surnuméraire que nous appelons inter-fronto-

pariétal,ses 3/4 postérieurs forment les côtés de la fontanelle

postérieure. L'ccaille de l'occipital paraît peu développée

relativement au reste de la voûte crânienne ; elle est d'as-

pect normal, sauf un point membraneux qui a persisté de

chaque côté, à 4 centimètres de la ligne médiane,au niveau

des fosses cérébelleuses.

Il ne nous reste plus à décrire que l'os surnuméraire

inter-fronto-pariétal. Il occupe exactement le sommet du

crâne ; il est à peu près régulièrement circulaire, et son

- centre est très saillant; nous avons déjà signalé son épais-

seur relativement considérable. Son diamètre est de plus

de 15 centimètres si l'on suit sa courbure, et à peine de 13

centimètres si on ne la suit pas. Le centre en est nettement

osseux; la périphérie a un aspect blanchâtre qui rappelle le

cartilage. Libre en avant et en arrière où il limite les fon-

tanelles, il l'est encore du côté droit; à gauche, il est libre

dans le tiers postérieur (au niveau du pariétal), mais non

dans les 2/3 antérieurs où il est presque complètement uni

au frontal dont il semble une dépendance.

En examinant la boîte crânienne par sa face interne, on

voit la dure-mère peu épaisse, très transparente, laissant

apercevoir l'arbre artériel de la méningée moyenne. La

faux du cerveau est très peu développée, surtout dans sa

moitié antérieure où elle n'a pas plus d'un centimètre de

hauteur; en arrière, au niveau de l'angle supérieur de

l'occipital, elle se bifurque pour se continuer avec la tente

du cervelet qui forme une sorte de cul-de-sac médian assez

aigu, dont le sommet se dirige en haut et s'élève à 5 centi-

mètres au-dessus du plan des parties latérales. La faux

du cervelet n'est pas appréciable.

Une veine du volume d'une plume de corbeau provenant

de la surface de l'hémisphère cérébral gauche et aboutis-

sant au sinus latéral du même côté est oblitérée par une

thrombose ainsi que ce sinus. (Fig. 3, u, v).

122 HYDROCÉPHALIE KYSTE.

De chaque côté de la faux clu cerveau se trouve une

membrane qui cloisonne la cavité crânienne de la même

façon que cette faux. Ces membranes s'écartent de la ligne

médiane au niveau de la partie supérieure de la fontanelle

antérieure et viennent se réunir à la tente du cervelet à 4

ou 5 centimètres de la bifurcation de la faux du cerveau.

La poche qu'elles circonscrivaient atteint 8 à 10 centimètres

de large à droite, et seulement 6 à 7 à gauche. Ces mem-

branes sont minces, transparentes, peu résistantes; à leur

voisinage, la dure-mère parait saine, non épaissie. Elles

paraissent formées par le feuillet arachnoidien viscéral qui,

accolé au feuillet pariétal, s'en détacherait un peu plus

loin. Ce qui parait confirmer cette apparence, c'est que :

1° en certains points il est facile de séparer cette membrane

de la dure-mère qui semble alors se dédoubler; 2° tandis

que tout le reste de la membrane qui tapisse la cavité

crânienne est lisse, unie, sans prolongement de tissu con-

jonctif, comme la dure-mère normale, au niveau de la

poche ainsi circonscrite, cette membrane présente quelques

prolongements de tissu conjonctifet forme quelques aréoles

analogues à celles du tissu cellulaire insufflé; 3° cette

poche a été trouvée pleine d'un liquide séreux, en tout

analogue au liquide céphalo-rachidien avec lequel il

paraissait communiquer; nous devons dire toutefois que,

au palper, cette collection donnait la sensation d'un kyste.

En enlevant à la fois la calotte crânienne que nous ve-

nons de décrire et le cerveau, on trouve ce dernier nageant L

dans le liquide cépltalo ? aclziclien. En avant, l'extrémité

antérieure vient presque au contact des os frontaux ; en ar-

rière, l'extrémité occipitale est assez éloignée de la paroi

crânienne. En introduisant la main entre le crâne et le

cerveau on constate que celui-ci est comme refoulé en bas

et en arrière par une sorte de kyste (la poche décrite ci-des-

sus) dont on déchire les parois qui s'implantent sur la

dure-mère. En palpant la surface du cerveau on la sent se

déprimer comme une paroi kystique peu tendue; on obtient

la sensation que l'on aurait en déprimant légèrement la

paroi d'un petit ballon de caoutchouc crevé.

Cerveau. - Le cerveau, par suite de la distension de ses

parois par le liquide céphalo-rachidien, a une surface très

grande; il est tellement dilaté et ses parois sont tellement

amincies que lorsqu'on veut le transvaser du crâne dans

une cuvette pour l'examiner, il se rompt dans toute lalon-

gueur du corps calleux, quelles que soient les précautions

que l'on ait prises dans cette opération. Le cerveau se pré-

DESCRIPTION GÉNÉRALE DU CERVEAU. 123

sente alors sous l'aspect d'une vaste poche formée par la

dilatation extrême des ventricules latéraux, et largement

ouverte en haut sur la ligne médiane. Cette poche a envi-

ron 15 centimètres de longueur ; les parois en sont for-

mées par l'écorce cérébrale très amincie.

On ne retrouve comme vestiges du corps calleux que de

petits ponts purement membraneux, en avant et à la partie

moyenne ; tout à fait en arrière, il a 3 à 4 millimètres

d'épaisseur. Il est également à peu près impossible de re-

trouver le trigone ; le ventricule moyen un peu dilaté s'ou-

vre dans les ventricules latéraux et semble ne former avec

eux qu'une seule cavité. -Le septum liccidtn2 est cepen-

dant bien reconnaissable. Détaché de son insertion supé-

rieure par l'ouverture accidentelle du cerveau, il a la forme

d'un triangle allongé à base postérieure, effilé en avant;

il s'étend depuis la partie antérieure des ventricules la-

téraux jusqu'à la partie antérieure du ventricule moyen,

mince et très transparent en avant, il est plus épais en ar-

rière. (Fig. 3, CL).

Les circonvolutions cérébrales des faces interne et ex-

terne sont très multipliées, aplaties, déformées à un tel

point qu'elles sont méconnaissables et qu'on ne peut leur

appliquer la nomenclature ordinaire. Cependant, il est aisé

de voir que la scissure de Sylvius naît plus près de l'ex-

trémité postérieure qu'à l'état normal et qu'au lieu de se

diriger en arrière et en haut, elle se porte en avant et en

haut. Les deux lèvres de la scissure, aussi bien à droite

qu'à gauche, sont accolées. (Fig. 2 et 3, S S).

A la base du cerveau la région de l'hexagone de Willis

se trouve à peu près à l'union du 1/3 postérieur de l'encé-

phale (cervelet compris) avec les 2/3 antérieurs. Ces 2/3

antérieurs sont constitués par l'accollement des deux lo-

bes frontaux qui viennent au contact l'un de l'au-

tre sur une longueur de 11 centimètres et sur une hauteur

de plus de 2 cent. En un mot, il semble que la substance

des hémisphères ait été, comme le cerveau tout entier, re-

foulée en bas et en avant. Au niveau de l'hexagone, nous

devons signaler : 1° la minceur extrême de l'espace inter-

pédonculaire au niveau duquel le sommet du ventricule

moyen est réduit à une simple toile membraneuse et

transparente; 2° l'amincissement et l'élargissement des

bandelettes optiques ; 3° l'absence apparente des tuber- .

cules mamillaires;- 4° l'aplatissement des pédonoules cé-

rébraux qui sont d'ailleurs symétriques. Quant aux

nerfs et aux artères de la base, ils ne nous ont paru présen-

ter rien de particulier.

124 FOYER HÉàlOR11HAC.IQrJE.

A la partie postérieure du bord supérieur de l'hémis-

phère cérébral gauche, dans la région qui correspond au

lobe carré, la substance cérébrale est indurée et forme un

noyau volumineux au niveau duquel les circonvolutions

paraissent plus larges que dans le reste du cerveau. La

pie-mère, par transparence, montre là un foyer hémorrha-

gique, avec du sang coagulé au centre, se continuant à la pé-

riphérie par une dégradation insensible (Fig. 2 et 3, fh).L'en-

semble du foyer a 8 cent. de long et envahit les deux faces

(interne et externe). En pratiquant, en ce point, une sec-

tion, on trouve qu'elle a à peu près la consistance du tissu

hépatique. Toute l'épaisseur de l'écorce cérébrale est en-

vahie par du sang plutôt infiltré que collecté en foyer. Ce-

pendant,à un centimètre environ de la surface, on voit une

strie sanguine plus foncée indiquant une sorte de foyer en

nappe. Une veine du calibre d'une petite plume est obturée

par un caillot. Elle part de la partie inférieure et anté-

rieure de la face interne du côté gauche; elle se dirige le

long de cette face en passant au milieu de la surface du

foyer; elle gagne ainsi la partie postérieure du bord supé-

rieur du cerveau, s'incline en bas et va se jeter dans le si-

nus latéral gauche ainsi que nous l'avons vu à la descrip-

tion du crâne. Les veines afférentes au niveau du foyer hé-

morrhagique sont également thrombosécs. (Fig. 3, vu).

Le cervelet pèse 140 gr.; ses hémisphères sont égaux.

La protubérance est bombée, assez dure; sa moitié droite

est un peu moins haute que la gauche. Les parties qui

constituent le bulbe sont presque tout à fait confondues ;

les pyramides antérieures ont une apparence rubanée ;

les olives, assez grosses, se confondent avec le reste du

bulbe. Le collet du bulbe, plus accusé que d'habitude,

semble étrangler la moelle qui est peu volumineuse.

Au niveau de la partie antérieure de la face supérieure

du cervelet, il y a des adhérences entre la surface de ce

dernier et la toile membraneuse, vestige du corps cal-

leux.

La pie-mère paraît s'enlever partout avec facilité ; elle a

été laissée en place pour augmenter la résistance de l'é-

corce cérébrale, et à cause des particularités qu' elle pré-

sentait au niveau du corps calleux.

Après cet examen très difficile, ainsi que c'est la règle en

pareil cas, l'encéphale a été mis dans l'alcool. Le durcisse-

ment s'est opéré assez imparfaitement, aussi le dernier

DESCRIPTION DES CIRCONVOLUTIONS. 125

examen, dont nous allons indiquer les résultats, a-t-il été

lui-même très laborieux. La décortication de la pie-mère,

même après cette macération, se fait difficilement, en

raison de la ténuité de cette membrane. Il s'ensuit que,

par places, on entraîne des lambeaux assez larges de la

substance cérébrale.

La face orbitaire des deux lobes frontaux est confondue

avec la face convexe et, comme nous le dirons tout à l'heure,

la face interne est extrêmement réduite.

Hémisphère gauche. Face inférieure. Toutes les cir-

convolutions du lobe frontal (fig. 2, L F.) se dirigent

d'avant en arrière vers la lèvre antérieure de la scissure de

Sylvius, S S, au niveau de laquelle elles s'enfoncent ver-

ticalement. Toutes ces circonvolutions sont assez sinueuses

et ont des bords un peu rectangulaires ; elles présentent

quelques plis de passage. A son origine, la scissure de

Sylvius est séparée de la scissure inter-hémisphérique par

un intervalle de trois centimètres, de telle sorte que le lobe

frontal se termine en forme de pointe arrondie.

En arrière de la scissure de Sylvius, entre elle et le bord

externe de l'hémisphère cérébelleux, existent six circon-

volutions qui convergent toutes vers la lèvre postérieure de

la scissure de Sylvius et qui forment deux groupes (L M,

L P). Un sillon assez profond, s s, sépare les deux groupes,

tandis que les circonvolutions qui constituent chaque

groupe ne sont séparées que par des sillons superficiels.

Hémisphère droit. Face inférieure. Elle offre la même

disposition que la face correspondante de l'hémisphère

gauche, ainsi qu'on peut aisément s'en rendre compte en

comparant les deux moitiés de la fig. 3. Toutefois nous

devons faire remarquer que, tandis qu'à gauche le groupe

L P est plus petit que le groupe L M, on observe, à

droite, une disposition inverse.

Des deux côtés, le lobule de l'insula, L I, est aplati,

très irrégulier. Des deux côtés aussi, les circonvolutions

sont tassées, accolées; les sillons ressemblent par consé-

quent à des lignes ; sauf sur les lobes frontaux où un cer-

tain nombre de sillons sont sinueux, la plupart des autres

sont rectilignes. Lorsqu'on les écarte, on s'aperçoit qu'ils

sontassez profonds.Malgré un séjour prolongé dans l'alcool,

les circonvolutions ont conservé une très grande mollesse,

la plus légère pression suffit pour entraîner la couche

superficielle. Ce défaut de consistance établit un contraste

frappant avec les lobules de l'insula (L I) qui sont résis-

126 DESCRIPTION DES CIRCONVOLUTIONS.

tants et surtout avec la protubérance et le bulbe qui sont

très durs.

Nous allons décrire maintenant la face convexe que nous

n'avons pu faire dessiner,etnous commencerons par l'hé-

misphère droit, où l'on observe les particularités les plus

intéressantes. -

Hémisphère droit. Les circonvolutions qui répondent

au lobe frontal se dirigent horizontalement (l'une d'elles

est assez volumineuse et assez épaisse) ; celles qui ré-

pondent au lobe moyen (LM) se dirigent, les antérieures,

obliquement en avant, les postérieures verticalement; les

Fig. 2. - L F, lobe frontal. - L M, lobe moyen. L O, lobe occipital. z

S S, scissure de Sylvius. - L I, lobule de l'insula. - P, protubérance. z

B, bulbe. M, moelle. s s, scissure qui sépare LM de L O. - f h, indique le

foyer hémorrhagique placé en dehors. "j

DESCRIPTION DES CIRCONVOLUTIONS.

127

premières sont très amincies, presque réduites à l'état de

membrane semi-transparente ; les secondes sont relative-

ment assez épaisses. Enfin, les circonvolutions qui ré-

pondent au lobe postérieur de la face inférieure (L P) se

dirigent, les plus antérieures verticalement, les posté-

rieures obliquement d'avant en arrière.

(Cette figure et la précédente sont de demi-grandeur naturelle

mais après macération dans l'alcool).

Il ressort de cette description que les circonvolutions de

la face convexe se développent en forme d'éventail, dont la

scissure de Sylvius formerait le manche. Les circonvo-

luttons sont assez sinueuses, mais très élargies et les

Fig. 3. - V L, ventricule latéral. - C L, cloison. transparente. - C R, cir-

convolution retournée. - CS, corps strié. C 0, couche optique.- Vil, ven-

tricule moyen. - T Q, tubercules quadrijumeaux. - C, cervelet. - F, première

circonvolution frontale. - s s, scissure. - L P, lobe paracentral. - L Q, lobe

carré. - C C, corps calleux. - L 0, lobe occipital. - f h, foyer hémorrhagique.

128 DESCRIPTION DES CIRCONVOLUTIONS.

sillons, au lieu d'être réduits, comme à la base, à de simples

lignes, sont, au contraire, très agrandis surtout dans la

partie moyenne des deux tiers antérieurs de la face convexe ;

en arrière, les sillons sont peu larges, mais profonds. Enfin,

le long des deux tiers antérieurs du bord supérieur de

l'hémisphère, les sillons sont si effacés et les circonvolu-

tions si aplaties, que cette région de la face convexe est

presque unie.

Hémisphère gauche. D'une façon générale, les cir-

convolutions ont la même disposition en éventail ; mais

elles sont beaucoup moins élargies et ont conservé une

épaisseur que l'on peut évaluer à deux ou trois fois celle des

circonvolutions correspondantes de l'hémisphère droit.

Nous arrivons maintenant à la description de la face

interne.

Hémisphère droit. Onvoit d'abord une circonvolution

large, amincie, divisée en trois parties par deux larges

sillons et qui paraît répondre à la fois à la première cir-

convolution frontale et à la circonvolution du corps calleux

(fig. 3, F.). Nous n'avons pas trouvé d'indice du sillon

calloso-marginal, à moins que l'on ne regarde comme tel,

le second sillon vertical fzg. 3, s s.); dans cette hypo-

thèse, la seconde partie de la circonvolution que nous

venons de décrire correspondrait à la circonvolution du

corps calleux.

En arrière existe une circonvolution allongée, aplatie,

sans sillon, qui est peut-être le lobe paracentral (fig. 3,

L P). Viennent ensuite des circonvolutions moins unies,

plus bombées et un peu plus épaisses et sillonnées (L Q)

qui semblent répondre au lobe carré et au coin. Quant

au lobe occipital (L O), il est assez épais et parait faire

suite à la région L P de la face inférieure. - La hauteur

de la face interne varie entre un et deux centimètres.

Hémisphère gauche. Les circonvolutions de la face

interne sont ici notablement plus épaisses et plus sinueuses.

Il est possible d'y distinguer la première frontale et la cir-

convolution du corps calleux dont la direction est modifiée

(fig. 3). Les circonvolutions de la région moyenne sont en-

core plus épaisses ; c'est là que siège le foyer hémorrha-

gique (f h) dont il a été question plus haut et que l'on

voit sillonné par la veine thrombosée (v.v.).

La pie-mère est restée adhérente. A l'état frais, il a été

HYDROCÉPHALIE Lez 129

impossible de la détacher et, après macération dans

l'alcool, lorsque nous avons essayé de nouveau de l'enlever,

malgré les précautions les plus minutieuses, nous avons

entraîné un fragment de l'hémisphère (5 à 6 centimètres de

long sur 2 à 3 de haut). La face interne mesure en avant

deux centimètres ; à la partie moyenne, trois centimètres

et tout à fait en arrière près de deux centimètres.

Voici quelques mensurations qui montrent encore mieux

le degré de distension subie par les hémisphères :

130 HYDROCÉPHALIE : SYMPTÔMES.

bres, du thorax, etc., ne portaient aucune marque de ra-

chitisme ; toutefois nous devons mentionner l'existence,

le long du quart inférieur du bord externe du cubitus

droit, d'une exostose d'un centimètre de hauteur, sur cinq

millimètres de largeur et deux d'épaisseur.

L'observation que nous venons de relater avec détails

nous paraît offrir plusieurs particularités intéressantes sur

lesquelles'il nous semble utile d'insister.

I. L'étiologie de l'hydrocéphalie est encore très vague.

Ici, de même que dans beaucoup d'autres maladies ner-

veuses, nous pouvons relever : du côté paternel, l'al -

coolisnte; du côté maternel, la migraine, l'insuffisance

mentale, les convulsions.

II. Dès la naissance, on a remarqué le volume anormal

de la tête de l'enfant. Durant les six premiers mois de la

vie, la tête a grossi progressivement, mais avec une certaine

lenteur. A cette époque surviennent des convulsions

intéressant uniquement la moitié gauche du corps et

suivies d'une paralysie transitoire affectant le même côté.

Après ces accidents convulsifs, la tête augmente rapide-

ment. Enfin, pendant le séjour de l'enfant dans le service,

des mensurations comparatives nous ont permis de cons-

tater un accroissement continu de l'extrémité céphalique,

portant principalement sur la plus grande circonférence,

la demi-circonférence auriculo-bregmatique et sur la demi-

circonférence antéro-postérieure. Si quelques dimensions

ont paru diminuer quelques jours avant la mort, ce résultat

est attribuable à l'amaigrissement. Comme on le voit, l'hy-

drocéphalie a eu une marche progressive, avec accélération

à la suite des convulsions. On sait que, parfois, elle offre

des intermittences.

L'aspect général de la tête et de la face, considéré

isolément ou par rapport au reste du corps, n'a offert rien

de particulier : il est conforme à la description classique.

L'intelligence n'était pas tout à fait abolie ; l'enfant re-

connaissait ses parents et les infirmières qui le soignaient;

il gazouillait et souriait.

Si l'on en jugeait par cette observation, l'hydrocéphalie

retarderait la dentition, puiaqu'à 13 mois, All.. n'avait au-

HYDROCÉPHALIE : COMPLICATIONS. 131

cune dent; mais ce serait sans doute s'aventurer, car M.

Douchut parle d'un hydrocéphale âgé de deux ans qui avait

douze dents saines et huit autres prêtes à percer (1).

Les membres et le tronc avaient d'ailleurs une confor-

mation régulière ; il n'y avait ici ni bec de lièvre, ni pieds

bots, ni spina bifida comme l'un de nous en a vu plusieurs

exemples à l'hôpital des Enfants malades, dans le service

de M. Giraldès (2).

Après avoir un peu diminué de poids, par suite sans

cloute du changement occasionné par le séjour à l'hospice,

All.. semblait devoir se développer; mais, à partir du 21

juillet, il pesa de moins en moins et perdit 1300 grammes

en 32 jours.

Parallèlement à cet amaigrissement, se produisent des

troubles trophiques, d'abord du pemphigus àpetites bulles,

puis une double kératite avec fonte purulente rapide des

yeux (3), peut-être susceptible d'être rattachée, dans une

certaine mesure, à l'hémor1'hagie méningo-encép)zalidue.

accompagnée de contracture, d'élévation de la tempéra-

ture, etc. Cette complication a-t-elle été déjà signalée ?

Nous ne savons. Toutefois, Barthez et Rilliet disent avoir

« constaté des épanchements sanguins dans la cavité

arachnoïdienne (4) Il,

Il est une autre particularité qui mérite d'être relevée.

Divers auteurs font remarquer que, assez souvent, après

la mort, il se produit une dépression des fontanelles. Or,

dans ce cas, la dépression s'est opérée avant la mort et a

été très accusée.

III. a) Les os clu crâne, suivant la règle, étaient très

(t) Clinique de l'hôpital des Enfants malades, 1884, p. 23.

(2) Frank (loc. cit., p. 528) énumère encore d'autres malforma-

lions : l'absence des yeux et des reins, la présence de capsules surré-

nales d'un très grand volume, la séparation des parois abdominales

et la brièveté des membres inférieurs, les os, excepté les vertèbres,

à l'état cartilagineux, les reins changés en une masse informe,

l'absence d'anus, etc.

(3) Barrier cite un cas dans lequel il a noté peu de temps avant la

mort « une ophthalmie purulente très grande, qui entraîna en très

peu do jours la fonte des globes oculaires. » (Traité pratique des

maladies de l'enfance, 3' édit., t. II, p. 462).

(4) Traité clinique et pratique des maladies des enfants.

2" émit., 1861, t. II, p. 172. ,

132 HYDROCÉPHALIE.

minces, quelques-uns presque transparents. Mais, en plus

des os qui composent régulièrement la voûte du crâne, il

existait plusieurs os surnuméraires. C'est sans doute de

ces os qu'a voulu parler Frank lorsqu'il écrit que « l'examen

cadavérique a fait voir... des os sésamoïdes (1), surtout

dans le trajet de la suture lambdoide (2), et à son sommet (3),

quelquefois dans la fontanelle antérieure. » Le principal

de ces os surnuméraires, celui que nous avons décrit sous

le nom d'os inter-fronto-pariétal, situé sur le trajet de la

suture lambdoide, avait de grandes dimensions et une

épaisseur de sept millimètres. Parce dernier caractère,cet os

se distingue des autres et il permet de se rendre compte de

ce qui arrive dans des cas, d'ailleurs exceptionnels, où

l'on trouve sur le crâne des bosses frontales ou pariétales

très saillantes, ce qui est dû en partie à l'épaississement

des os (4). 11 peut arriver aussi, d'après Barthez et Rilliet

que « les os du crâne acquièrent une épaisseur inaccou-

tumée destinée à résister à la pression qui s'exerçait sur

eux (loc. cit., p. 157). » Si l'épaississement se fait d'une

façon irrégulière, il en résulte une asymétrie plus ou moins

prononcée du crâne.

b) Quant aux dimensions de la tête, elles n'avaient

encore rien d'exagéré chez AU.. La plus grande circon-

férence n'a pas dépassé 59 centimètres et demi. Barthez et

Rilliet disent qu'ils ont vu « un enfant de 14 mois dont le

crâne avait 58 centimètres de circonférence, 38 depuis la

protubérance occipitale externe jusqu'à la racine du nez, et

33 entre la racine des deux oreilles jloc. cit., p. 157). Plus

loin (p. 162) ils rapportent l'observation d'un autre enfant

dont la circonférence de la tête était de 58 centimètres ; la

distance de la pointe du nez à la base occipitale 41 cent.;

celle d'une oreille à l'autre, 37 centimètres. Dans certains

cas extrêmes isolés, dit Steiner (5), la circonférence du crâne

(1) Sandifort (Muséum analom., lib. II, cap. 1) ; Blumenbach

(Geschile der ICnochen, p. 180) et Meckel (loc. cit., p. 293), soup-

çonnent que la présence de ces os tient à une hydrocéphale (Frank.

Traité de pathologie interne, t. II, p. 534.)

(2) Blumenbach, loc, cit., p. 175, - Soemmcring, Knochenlehre,

p. 230 (Frank, ibid.)

(31 Meckel, ! oc. cit., p, 318 (Frank, ibid.).

(4) Sandifort, loc. cit., tab. 7. (Frank, ibid.)

ln Steiner. - Compendium des maladies des enfants, etc.,

HYDROCÉPHALIE : VARIÉTÉS. 133

atteint 60 à 70 centimètres ; chez un enfant de neuf mois,

elle était de 83 centimètres : tandis que la longueur de son

corps ne dépassait pas 58 centimètres, la hauteur céphalique

mesurait 19 centimètres et demi. »

M. Giraldès a cité, d'après Bright, le fait d'un hydrocé-

phale, nommé Cardinal, mort à 24 ans, dont la tête avait

86 centimètres et demi de circonférence (1). Il ajoute avoir

vu au musée de l'hôpital Saint-Georges, à Londres, la tête

d'un hydrocéphale décédé à 7 mois, et chez lequel la plus

grande circonférence était de 81 centimètres.

c) L'hydrocéphalie peut être, on le sait, aiguë ou chro-

nique, idiopathique ou symptomatique, acquise ou con-

génitale. Dans le cas actuel, il s'agissait d'une hydrocé-

palie idiopathique, congénitale et chronique. Cette

forme offre elle-même des variétés : tantôt le liquide est

collecté entre la dure-mère et l'arachnoïde, pour ainsi dire

enkysté ; tantôt il est renfermé dans la grande cavité de

l'arachnoïde; -tantôt il est contenu dans les ventricules.

Parfois, chez le même sujet, on trouve une collection abon-

dante de liquide et dans la cavité arachnoïdienne et dans

les ventricules.

Ici l'hydrocéphalie était à la fois ventriculaire et arach-

noïdienne. Les détails consignés dans le procès-verbal de

l'autopsie nous dispensent d'insister de nouveau sur ce

point. Nous rappellerons seulement que, dans la ca-

vité arachnoïdienne, une partie du liquide était enkystée

entre la dure-mère et l'arachnoïde, croyons-nous ; par

conséquent, il s'agissait la,mais partiellement,d'une hy-

drocéphalie externe, pour employer l'expression de Steiner.

C'est sans doute à cette disposition qu'il est fait allusion

par Blache et Guersant quand ils disent que « dans quel-

ques cas, les liquides sont accumulés dans des espèces de

kystes (2). »

remanié et augmenté par L. Fleischmann et M. Herz, trad. Ké-

raval. Paris, 1880, p. 101.

(1) Leçons cliniques sur les maladies chirurgicales des enfants

rec. par Bourneville, E. Bourgeois et Bouteiller, p. 13.

(2) Extraits de pathologie infantile, publiés par R. Blache, 1833,

p Dans le cas de]\[. Christian, dont il est question plus loin,

il existait dans la cavité droite de l'arachnoïde, un kyste fibreux

volumineux, appliqué sur la face interne de la durs-mère et ren-

fermant 450 gr. de caillots et de sérosité sanguinolente.

134 HYDROCÉPHALIE.

Mais il est une autre particularité que nous de-

vons relever : c'est que l'hydrocéphalie n'avait pas déter-

miné une dilatation uniforme, non seulement par rapport

aux deux moitiés de l'encéphale, mais encore par rapport

aux diverses régions de chacun des ventricules latéraux.

Nous avons vu, en effet, que la poche kystique était beau-

coup plus grande à droite qu'à gauche et que le ventricule

latéral droit était, lui aussi, notablement plus large que le

gauche. Enfin, la dilatation des ventricules latéraux consi-

dérée en elle-même était inégale puisqu'elle intéressait, à un

degré bien plus prononcé, la corne frontale que les cornes

temporale et occipitale, c'est cette inégalité de dilatation

qui explique les variétés d'asymétrie que présente le crâne

des hydrocéphales.

d) Le liquide, renfermé dans la cavité crânienne, re-

cueilli avec soin, pesait 1650 gr. sans compter la quantité

qui s'était résorbée durant l'agonie.

Barthez et Rilliet ont trouvé dans l'hydrocéphalie ven-

triculaire 250, 500, quelquefois plus de 1000 gr. de liquide.

La quantité serait à peu près la même dans l'hydrocépha-

lie arachnoïdienne; le chiffre maximum qu'ils indiquent

est 1 kilogramme 1/2 (loc. cit., p. 165). D'après Steiner

(loc. cit., p. 103), elle varierait entre 4 à 6 onces et 6 à 7 li-

vres. M. Bouchut écrit que l'on a vu la quantité de liquide

atteindre le chiffre énorme de 20 à 25 litres (loc. cit., p. 27).

Frank (loc. cit., p. 534) mentionne un cas dans lequel le

cerveau était remplacé par une poche renfermant 50 livres

de sérosité (1).

c) L'analyse du liquide céphalo-rachidien a été prati-

quée par notre ami Yvon qui nous a remis la note sui-

vante :

Analyse du liquide céphalo-rachidien. Composition

pour 1,000 f/1 ?

Volume, 1,630 cc.

Couleur jaune rosé.

(1) Lechel apud Meckel, loc, cil. et Haller ex Spoerlino in

Opusc. a.nat., note 8 (Frank, loc. cit., p. 534, note 80). A la page

suivante, note 109, il cite d'autres faits : sept livres, Dixon. Neuf

livres deux onces et demie, Hartell. 18 et 20 livres, Auriville et

l3uttnor. -L'liydrocéphalo du musée do Cruikshank avait environ

27 livres de sérosité.

. LIQUIDE CÉPHALO-RACHIDIEN. 135

Aspect légèrement trouble, s'éclaircit peu près entièrement par

le repos. - Dépôt floconneux peu abondant et de couleur rose.

Odeur peu accentuée.

Consistance très légèrement visqueuse.

Réaction nullo au moment de l'examen.

136 v HYDROCÉPHALIE : DIAGNOSTIC.

parition presque complète du centre ouale, l'amincissement

du corps calleux, l'agrandissement des sillons au niveau

de la face convexe des hémisphères, l'élargissement du

lobule de l'insula, la singulière disposition des corps opto-

striés, etc., nous ne pourrions que répéter ce que nous

avons déjà dit. - '

V. Dans ce cas, le diaa1ostic de 1'li ? j(li,océl)lialie n'offrait t

aucune difficulté. Parfois, mais nous croyons que c'est là

une circonstance assez rare, il n'en est pas tout à fait de

même. C'est pourquoi la plupart des auteurs établissent

un parallèle entre cette maladie, le rachitisme du crâne,

l'hypertrophie du cerueau,et surtout l'encéphalocèle et la

méningocèle (1). Ici, il était impossible de confondre l'hy-

drocéphalie avec le rachitisme du crâne ; cette confusion

est possible lorsque, l'hydrocéphale ayant survécu, les su-

tures se sont fermées et nous aurons sans doute un jour

l'occasion, à propos de l'un de nos malades, d'examiner

ce point particulier (2). Nous laisserons aussi de côté l'hy-

(1) Voir sur ce sujet : Giraldès. - Leçons sur les maladies chi-

rurgicales des enfants, pages 19, 244, 368.

(2) Il va de soi que, dans les cas d'hydrocéphalie chronique avec

ossification des fontanelles et des sutures, ainsi quo cela existe chez

les hydrocéphales âgés, il n'y a pas de confusion possible avec,

l'encéphalocèle. ,

Fig. 4. - (Empruntée aux Leçons de M. Giraldès).

HYDROCÉPHALIE ET ENCi,PH,\LOC1;LE.

137

perlrophiedu cerveau afin de ne pas étendre démesurément

ces commentaires et nous n'insisterons que sur l'encëpha-

locèlé.

On sait que l'encéphalocèle est une tumeur constituée

par 'un contenant membranes cutanées et encéphaliques

et par un contenu portion herniée du cerveau et sé-

rosité. On sait également que la méningocèle n'en diffère

que par son contenu, composé de la sérosité seule. L'en-

céphalocèle et la méningocèle, d'ordinaire circonscrites,

se distinguent avec facilité de l'hydrocéphalie généralisée;

mais l'erreur peut être commise si l'hydrocéphalie prédo-

mine d'un côté du cerveau ou surtout si elle n'intéresse

que l'une des cornes ventriculaires. Alors on s'appuiera sur

les différences suivantes :

Encéphalocèle.

Siège le plus fréquent à la ré-

gion occipitale (53 fois sur 75.)

Tumeur circonscrite.

Bourrelet osseux, irrégulier ; se

développe en dehors des fonta-

nelles et des sutures, « par une

trouée des os du crâne (Gi-

rallès). »

Hydrocéphalie.

Le plus souvent générale; ex-

ceptionnellement bornée à la

région occipitale.

Tumeur diffuse.

Pas de bourrelet osseux ; se

développe au niveau des fon-

tanelles persistantes et des su-

tures écartées.

1,"ig. 'i.

138 HYDROCÉPHALIE : PRONOSTIC.

Encéphalocèle.

Réductible parla comprossion.

Parfois la peau est recouverte

d'un tissu érectile.

Tumeur assez souvent bilohée

et quelquefois pédiculée.

Hydrocéphalie.

Non réductible.

Peau saine ou présentant un

peu de desquamation.

Tumeur uniforme à base ordi-

nairement large, non bilobée.

A tous ces caractères différentiels, il est bon d'en joindre

un autre dont l'importance est considérable : il est tiré de

l'aspect de la face. Tandis que la face conserve sa configu-

ration normale dans l'encéphalocèle (fig. 4), elle offre,

dans l'hydrocéphalie, un aspect tout à fait particulier et

connu de tout le monde (fig. 5). (1)

(1) M. Fr. S. Palmer vient de communiquer il The Lancet (1884, 1,

p. 1072) le cas d'une primipare qu'il a accouchée d'un enfant màlo

atteint d'une encéphalocèle. La tumeur avait environ 8 pouces an-

glais de longueur et la grosseur d'une petite noix de coco. Elle était

recouverte en partie par la peau, en partie par une membrane séro-

fibreuse. Durant l'accouchement, qui se fit d'ailleurs naturellement,

la partie fibreuse se rompit. L'enfant était bien conformé dans le

reste de son corps. La mère eut, quelques jours après, une métrite

puerpérale, attribuée au contact du liquido et du sang coagulé

contenus dans la tumeur et sortis par la rupture pendant l'accou-

chement. Le foetus a été envoyé au Collège Royal des chirurgiens

et examiné par M. Fr. S. Eve qui a remis la note suivante : «Le

kyste ost une encéphalocèle formée par la hernie des méninges

à travers un trou situé à la place de la protubérance occipitale et

répondant à l'intervalle des quatre points d'ossification de l'occipi-

tal. Le kyste contient aussi une petite portion de la substance cé-

rébrale allongée. »

Nous avons vu, en 1862, dans le service de M. Giraldès, outre

le cas d'encéphalocèle représenté dans la fig. 47,un autre cas moins

accusé. Il s'agissait d'un enfant mâle âgé de 9 mois, nommé Mor...

Germain. L'encéphalocèle siégeait au niveau de la partie posté-

rieure du pariétal droit et de la partie avoisinante de l'occipital. La

tumeur faisait une saillie extérieure qui ne dépassait pas 10 à 14

millimètres ; elle était allongée, piriforme, ayant sa petite extré-

mité en avant, au-dessus de l'oreille et la grosse extrémité au ni-

veau de l'occipital. On notait un petit étranglement à l'union du

tiers antérieur avec le tiers moyen. La tumeur était molle, circons-

crite par un bord osseux. La peau qui la recouvrait avait sa cou-

leur normale, mais elle paraissait un peu amincie et les cheveux

qui la recouvraient étaient plus fins et moins abondants que sur le

reste de la tête. A la pression on sent les battements du cerveau

qu'on peut refouler dans l'intérieur de la cavité crânienne. L'en-

fant, entré le 29 octobre, est sorti le 10 novembre.

HYDROCÉPHALIE : DURÉE. 139

Nous ne dirons rien du pronostic. Nous nous bornerons

à dire que certains hydrocéphales peuvent vivre long-

temps. L'un de nos malades, Pet..., a 17 ans. M. Giraldès

cite un hydrocéphale du nom de Cardinal, qui est mort à

34 ans. Selon Barrier « quelle que soit la nature de l'hy-

drocéphalie, c'est une maladie des plus graves et constam-

ment mortelle. Celle qui est congénitale permet à quelques

sujets de vivre quelques années ; un petit nombre ont pu

dépasser même l'âge moyen (loc. cit., II, p. 476) ». M. Bou-

chut écrit qu' « il a rencontré dans le cours de sa carrière

un diplomate et un sculpteur fort connus, lesquels présen-

taient à l'âge de 50 ans les marques les plus certaines d'une

hydrocéphalie de naissance (loc. cit., p. 26) » (1).

(1)'M. Christian a communiqué à la Société médico-p1'atiquc

(juillet 1881) le cas d'un hydrocéphale mort de broncho-pneumonie

à l'âge de 44 ans « alors, ajoute-t-il, que l'hydrocéphale ne permet

pas à ceux qui en sont atteints de dépasser la première enfance. »

Des faits, assez nombreux, contredisent cette opinion, M. Christian

lui-même, dans la discussion qui a suivi sa communication, a cité le

fait d'une idiote hydrocéphale âgée de 40 ans.

V.

Idiotie consécutive à une atrophie simple des

circonvolutions cérébrales. Dysentérie. -

Abcès du foie. Tuberculose pulmonaire ;

Par E. 13OUTIER, interne des hôpitaux.

Notre maître, M. Bourneville, s'efforce, depuis qu'il a

pris possession du service des enfants de Bicêtre, d'établir

une classification des idioties. Les unes, comme il l'a fait

voir, sont dues à 1'liydiocéplialie, d'autres à la microcé-

plzalie ; d'autres à la méningo-encéphalite, ou à la sclérose

atrophique, ou encore à la sclérose tubéreuse ou hypertro-

phique. Enfin, dans certains cas, l'idiotie reconnaît pour

cause un arrêt de développement (porencéphalie, etc.), ou

une atrophie simple des circonvolutions; survenue à une

période plus avancée. Le cas que nous allons rapporter

appartient à cette dernière catégorie.

Observation. Père absinthique, suicidé par pendai-

son. Grand-père et bisaïeul paternels alcooliques.

Mère nzigraineuse.- Cousin maternel arriéré. -Con-

sanguinité.

Arrêt de développement congénital. - Premières convul-

sions à 3 azs. - Troubles du sommeil. - A trésie dn

méat urtatre. Tuberculose pulmonaire. - Diarrhée :

amélioration. Dysenterie : Mort.

Atrophie simple des circonvolutions. - Tubercules mi-

liaires et cavernes pulmonaires. Ulcération du gros

intestin. - Abcès du foie.

Bul ? 14 ans, est entré à Bicêtre le 6 mars 1882 (service

de M. BOURNEVILLE).

.Renseignements fournis par sa mère (22 mars 1882).

Père, tapissier, buveur d'absinthe, suicidé par pendaison

IDIOTIE COMPLÈTE. 1-il

en 1841; il était âgé de 42 ans. [Grand-père paternel alcoo-

lique, mort phtisique; bisaïeul maternel alcoolique, sui-

cidé par pendaison. Pas d'aliénés, d'épileptiques, de dif-

formes, etc.]

Mère, 35 ans, couturière, intelligente, nerveuse, mais

sans attaques, sujette à des migraines. [Père alcoolique,

mort phtisique . Mère en bonne santé. Une scieur

morte phtisique, laissant un enfant arriéré.]

Consanguinité (cousins germains). Cinq enfants : 1° une

fille, âgée de 15 ans, d'une taille exiguë pour son âge; in-

telligente ; 2° notre malade; 3° un garçon, bien conformé,

mort de convulsions à 18 mois ; 4° un garçon, 7 ans, bien

portant, intelligent, sans convulsions; 5° une fille bien con-

formée, morte à 15 jours d'une bronchite.

Notre malade. Lors de la conception, le père ne fai-

sait pas encore d'excès de boisson. Grossesse bonne. Ac-

couchement à terme, naturel; pas d'asphyxie à la nais-

sance. Elevé au sein par sa mère jusqu'à 14 mois ; à 3 mois,

eczéma qui a reparu à diverses reprises. B.... a commencé

à parler à 7 mois, mais la parole ne se développa que len-

tement et ne devint jamais parfaite; il a marché à 3 ans,

mais n'a jamais été propre. A 3 ans, premières convul-

sions, attribuées à une peur; elles ont duré 10 minutes.

De 3 à 5 ans, les convulsions se sont montrées deux fois

par mois; elles étaient égales des deux côtés et duraient

10 à 15 minutes; elles ont cessé à 5 ans.

Depuis cet âge, l'enfant se trouve mal pour des motifs

insignifiants : la vue du sang, par exemple; la figure de-

vient alors pâle pendant 1, 2 ou 3 minutes; mais on ne

croit pas qu'il ait eu d'étourdissements. Il n'a pu appren-

dre à lire, il connaissait seulement quelques lettres : il ré-

pétait le nom de celles qu'on lui désignait en les nommant.

mais il ne les disait pas spontanément. Pas d'initiative; il

n'aide ni à l'habillement ni à la toilette. Pas de kleptoma-

nie ni de pyromanie; ni salacité ni rumination. L'enfant

était vorace, sujet à la diarrhée; il avait un sommeil très

agité, pendant lequel il jetait des cris, s'éveillait en sur-

saut, se recouchait et se rendormait; il était peureux. Il

s'est toujours montré affectueux pour sa mère. Pas d'ona-

nisme ni de vers. Rougeole et coqueluche à 3 ans ; pas

d'autres fièvres. B.... est sujet à s'enrhumer. Première

dent à 7 mois; les autres ont apparu de bonne heure. Ni

bave, ni succion, ni balancement; le malade éprouve un

incessant besoin de changer de place. Ajoutons qu'il est

142 dysenterie : autopsie.

né à Paris, et qu'il n'a jamais quitté cette ville ; on verra

tout à l'heure pourquoi nous signalons ce détail.

Etat actuel (mars 1882). L'examen direct permet de vé-

rifier les renseignements donnés par la mère de l'enfant.

De plus, on note la symétrie de la face, du cou, du tronc et

des membres. L'auscultation et la percussion décèlent tous

les signes de la tuberculose pulmonaire. Les organes gé-

nitaux sont normaux ; toutefois le méat urinaire parait

étroit. Les dents de la mâchoire supérieure sont régulières

et en bon état, sauf les premières grosses molaires, qui

sont cariées; il en est de même à la mâchoire inférieure.

Voûte palatine normale. Appétit médiocre; pas de vomis-

sements ; le foie et la rate ont leurs dimensions naturelles;

le ventre assez gros; selles quotidiennes, souvent diarrhéi-

ques. Gâtisme complet; érythème et papules occupant les

fesses, la région lombaire, la partie supérieure des cuisses.

Adénites cervicales et inguinales; extrémités cyanosées.

- Poids, 21 kil. 40; taille, 1 mètre 25.

9 mars. Revacciné sans succès avec du vaccin humain

à gauche et du vaccin de génisse à droite.

10-31 mars. La température rectale oscille entre 38° et

39°,8.

lot-22 avril. La température varie entre 38° et 3; °,G.

Mai. Amélioration assez notable; l'enfant quitte l'infir-

merie et va à la petite école. Diarrhée assez fréquente,

glaireuse, renfermant souvent du sang.

Juin. Poids, 24 kil. 500; taille, 1 mètre 25.

24 août. La diarrhée est devenue plus abondante, et per-

siste malgré des doses élevées de bismuth.

4-21 septembre. La température n'atteint que rarement

38°,8 : elle se maintient presque toujours entre 38°,2 et

37°,6.

5 novembre. - Les selles sont toujours très fréquentes,

mais peu abondantes ; elles contiennent du sang ; on en

compte une dizaine par jour ; elles ne semblent s'accompa-

gner ni de douleur, ni de ténesme. Pas de vomissements.

25 nov.-1G décembre. La température ojcille entre

37°,8 et 37-.6.

1883. Il ? 10 janvier. Congestion pulmonaire double sur-

tout marquée à droite; la température varie entre zon",6 et

38°,4. La diarrhée persiste toujours, ' séreuse et ne conte-

nant plus de sang. L'amaigrissement est extrême; salacité;

pas d'ictère ; pas d'escharres. Mort le 10 janvier. T. R.

po5st mortem : 38",1. Poids : 19 k. 900.

DESCRIPTION DE L'ENCÉPHALE. 143

Autopsie, le 11 janvier.-Tête : cuir chevelu, rien de par-

ticulier, vertex très développé, très élevé; os assez minces.

Base du crâne, symétrique, régulière. Encéphale : 1100 gr.;

liquide céphalo-rachidien en quantité normale; légère

vascularisation de la pie-mère à la face convexe, rien à la

base ; pas de traces de méningite ancienne. L'artère coz7z-

1/tunicante postérieure droite est beaucoup plus petite que

la gauche. Les tubercules mamillaires, le chiasma, les

pédoncules, etc., sont normaux. Cervelet et isthme

120 gr.; hémisphères cérébraux et cérébelleux égaux.

Hémisplière droit : Longueur 15 cent. ; hauteur, 9,5.

Les circonvolutions du lobe frontal présentent, à une dis-

tance de leur point d'insertion sur la frontale ascendante,

qui varie pour chacune d'elles (un centimètre pour la 3°,

1 cent. 5, pour la 2e, 2 cent. pour la 1 r.), un sillon transver-

sal qui les divise en deux parties : l'une antérieure, allant j us·

qu'à l'extrémité du lobe frontal, où les circonvolutions sont

petites, arrêtées dans leur développement, sans lésion ap-

parente, mais assez plissées avec des sillons assez profonds ;

l'autre postérieure, comprise entre ce sillon transversal et

le sillon qui précède la frontale ascendante, où les circon-

volutions sont bien développées. Frontale et pariétale as-

cendantes bien conformées. Sillon de Rolando normal.

Le lobule de l'insula présente six digitations. Le lobule

pariétal supérieur est assez développé ; mais le lobule pa-

riétal inférieur l'est moins, ainsi que le lobule du pli

courbe : tous deux présentent le même arrêt de dévelop-

pement que les circonvolutions frontales. Le lobe occi-

pital est petit, plissé; les circonvolutions temporales sont

également peu développées.

Face interne : la première circonvolution frontale est

très sinueuse ; le lobule paracentral irrégulier, mais assez

gros ; le lobe carre est assez volumineux ; ses sillons sont

relativement superficiels. Le coin est peu volumineux, ainsi

que le lobe occipital. La circonvolution du corps calleux,

le corps calleux, le ventricule latéral, la corne d'Ammon

sont normaux. La couche optique et le corps strié sont

assez développés. La face orbitaire du lobe frontal présente

des circonvolutions petites, mais assez sinueuses.

Hémisphère gauche : longueur, 16 centim. : hauteur,

9 centim. 5. Les circonvolutions frontales n'offrent pas le

même degré de petitesse que celles du côté opposé, ni la

division que nous avons indiquée; elles sont bien plissées

et séparées par des sillons assez profonds; leurs attaches

111 ABCÈS DU FUIE : RÉFLEXIONS.

sont distinctes. Circonvolutions fl'ontale etpai'iétale wsæ/t- '

dantes normales, sinueuses. Sillon de Rolando, rien de

particulier. Le lobule de l'insula a six digitations. Les

lobules pariétaux, celui du pli courbe paraissent réguliers,

sans arrêt de développement. Lobe occipital, normal.

Face interne : circonvolution frontale très sinueuse,

lobule paracentral beaucoup plus plissé que de l'autre côté ;

lobe carré, plissé, sinueux, ainsi que le coin. Circonvolu-

tions du corps calleux, corps calleux, rien de particulier ;

ventricule latéral normal; masses centrales bien dévelop-

pées.

Cavité thoracique. Poumon gauche : granulations

miiiaires et quelques petites cavernes au sommet. l'ou-

mon droit congestionné, partout perméable, sauf à la base,

au voisinage du foie, où la plèvre est épaissie. Pas de li-

quide dans les plèvres ; ganglions péri trachéaux et bron-

chiques, caséeux. Coeur normal; 130 gr.; rien dans le

péricarde.

Cavité abdominale. PérihépatHe très marquée, surtout

vers le bord postérieur et la face supérieure du foie, où on

trouve une vaste poche purulente, se prolongeant vers le lobe

gauche, et contenant environ un litre d'un pus grumeleux,

sans crochets : cette poche vidée,le foie pèse 1180 gr.; pas de

calculs. Rate : 80 gr. ; quelques granulations tuberculeu-

ses. Rein gauche sain (100 g'r.);droitcong'estionné (115 gr.)

L'intestin grêle est congestionné dans toute son étendue;

pas d'ulcérations. Dans le ccecum et le côlon ascendant,

fausses membranes d'un blanc grisâtre, de dimensions va-

riables, transversalement placées, très adhérentes au tissu

sous-jacent, séparées les unes des autres par des intervalles

dans lesquels la muqueuse est fortement congestionnée et

offre un petit piqueté de même coloration que les fausses

membranes. Dans ces intervalles, et, seulement au voisi-

nage de l'appendice iléo-coecal, on voit trois ou quatre

ulcérations, linéaires, transversales; à bords nettement

découpés. Rien dans le côlon transverse; le rectum, ni la

fosse iliaque.

RÉFLEXIONS. - Quelques points intéressants sont à rele-

ver dans cette observation.

I. La dysenterie chronique, survenant d'emblée chez un

individu qui n'a jamais quitté les pays tempérés, est rare ;

elle a, en outre, revêtu chez B... des caractères spéciaux;

ATROPHIE SIMPLE DES CIRCONVOLUTIONS. 145

si le malade présentait depuis longtemps, une tendance à la

diarrhée et si les selles, à la fois peu abondantes et fré.

quentes, contenaient souvent du sang, elles ne se sont

jamais accompagnées de ténesme rectal ou vésical; les

symptômes douloureux ont été nuls comme il arrive pres

que toujours chez les sujets idiots ou déments. C'est par

cette absence de réaction à la douleur' qu'on peut expli-

quer l'évolution insidieuse de l'abcès du foie qui ne s'est

révélé par aucun signe local ni par l'ictère qui, d'ailleurs,

est rare. Développé sous le diaphragme et vers le bord pos-

térieur du foie, il n'a jamais fait saillie vers la paroi abdo-

minale. Enfin, la température, qui s'est toujours main-

tenue à un degré modéré, n'a jamais eu le type de la fièvre

de suppuration. Il est, en outre, intéressant de signaler

qu'une collection purulente aussi vaste n'a développé au.

cun accident de voisinage, à part un léger degré de péri-

tonite. La plèvre n'a pas été intéressée, et il ne semble pas

qu'on puisse établir,entre la congestion pulmonaire double

survenue avant la mort et l'abcès du foie, la moindre rela-

tion (1).

II. Cet enfant paraissait en retard des enfants de son âge

jusqu'à trois ans, époque où se sont montrées les premiè-

res convulsions. Elles ont d'ailleurs été de courte durée

et nous manquons de détails précis sur leurs caractères.

Elles se sont ensuite reproduites à peu près tous les quinze

jours, de 3 à 5 ans, et ont eu pour conséquence l'idiotie

complète.

L'autopsie permet do rattacher l'arrêt du développement

intellectuel à une atrophie simple, sans induration, des

circonvolutions, intéressant les deux tiers antérieurs du

lobe frontal droit, le lobe pariétal inférieur, le pli courbe,

et, à un moindre degré, les circonvolutions temporales du

même côté.

(1) Nous avons eu l'occasion d'observer dans le service deux autres

cas d'abcès du foie et un cas de péritonite enkystée de la région

épigastrique ; nous les publierons dans un prochain Compta rendu

et nous les rapprocherons do cette observation. (nOUI\HVILLE),

BOURN. 1883. a 0

146 ATROPHIE SIMPLE DES CIRCONVOLUTIONS.

L'intégrité des circonvolutions frontale et pariétale as-

cendantes explique l'absence de toute paralysie des mem-

bres : c'est là une particularité bonne à noter, au point de

vue des localisations.

TABLE DES MATIÈRES

Première partie.

HISTOIRE DU SERVICE PENDANT L'A ? \f : E 1883.

TABLE DES MATIÈRES. 147

Deuxième partie.

CLINIQUE.

148

BOURNEVILLE. Écoles municipales des infirmières laïques; laïcisation

de l'Assistance publique. (Discours prononcés en 188u,t88t, te,1883).

Quatre brochures in-8°. -Prix de chacune de ces brochures : 50 c.- Pour

nos abonnes ............................ 30 c.

BOURNEVILLE et BLQNDEAU. Des services d'accouchements dans

les hôpitaux de Paris. Brochure in-8" de 49 pages. Paris, 188t.- Prix :

1 fr. Pour nos abonnés , ... 75 c.

BOURNEVILLE et D'OLIER. Recherches cliniques et thérapeutiques

sur l'épilepsie, l'hystérie et l'idiotie. Comble rendu du service des

épileptiques et des enfants idiots et arriérés, de Bicètre, pendant l'année

1880. Brochure in-S" de 74 pages. -- Prix S fr. Pour nos abonnés 2 fr.

BOURNEVILLE. BONNIIRI, et VUILLAII. Recherches cliniques et

thérapeutiques sur l'épilepsie, l'hystérie et l'idiotie. Compte rendu

du service, des épileptiques et des enfants idiots et arriérés de Bicêtre,

pour 1881. Un volume in-8^ de 180 pages, avec 18 figures et 7 planches

en chromo-lithographie. - Prix : 6 fr. - Pour nos abonnés.... 4 fr.

BOURNEVILLE, (jAUGE et BRICON. Recherches cliniques et thérapeu-

tiques sur l'Epilepsie, l'Hystérie et l'Idiotie. Compte rendu du

service des épileptiques et des enfanls idiots de Bicêtre en 1882. In-8" de

152 pages. - Prix : 4 fr. - Pour nos abonnés 2 f. 75

BOURNEVILLE et BRICON. Manuel des injections sous-cutanées. -

Volume in-32, de 175 pages. - Prix : Broché. 2 fr. 50. -Pour nos

abonnés 2 fr.

Le Même. Joli cartonnage Bradel.- Prix : 3 fI'. Pour nos abonnés, 2 fr. 50

BOURNEVILLE et L. GUÉRARD. De la sclérose en plaques dissémi-

nées. Vol. gr. in-8 de zoo pages avec 10 fig. et 1 planche. Prix :

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BOURNEVILLE et REGARD. Iconographie photographique de la Sal-

pêtrière. Cet ouvrage parait par livraisons de 8 à 16 pages de texte et

4 photo-lithographies. Douze livraisons forment un volume. Les trois

premiers volumes sont en vente. Prix de la livraison : 3 fr. Prix

du volume : 30 fr. Pour les abonnés du Progrès médical, prix du

volume, 20 fr. - 31 volume complet : 1" livraison, nouvelle observation

d'hystéro-épilepsie ; 2* livraison, variétés des attaques hystériques ;

3' et 4* livraisons, des régions hystérogènes;-5°, 6' et 7'livraisons, du

sommeil des hystériques; 71-12, livraisons, des attaques de sommeil;

hypnotisme, somnambulisme, catalepsie, sabbat, etc. Nous avons fait

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abonnés 2 fr. 50. (Tirage dont il ne nous reste que quelques exemplaires);

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la folie au point de vue légal. Paris, 1865. Brochure in-8 de 16 pages.-

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PA¡\1S. - IT1P. V. GOUPY fi'C JOURDAN, RUE DE RZNNfit3, 71.

EXPLICATION DES PLANCHES

150 EXPLICATION DES PLANCHES.

Planche I.

Méningo-encéphalite : face convexe de l'hémisphère droit.

Fa, frontale ascendante,

Pa, pariétale ascendante.

P, pli pariétal supérieur.

T, partie postérieure des circonvolutions temporales.

. 7*1, première temporale.

La Planche montre, entre P et T, un vaste foyer intéressant le pli pa-

riétal inférieur, le pli courbe, etc.

.mp ,Becquet ! T,Pari",

1-r : : p. tiecquet ]T, Paris.

EXPLICATION DES PLANCHES. WC

Planche II.

Alléningo-encéphalite : .Face interne de l'hémisphère droit.

Cc, circonvolution du corps calleux.

Tj, face interne de la première circonvolution frontale.

Le, lobe carré.