(1906) Nouvelle iconographie de la Salpétrière [Tome 19] : iconographie médicale et artistique
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(1906) Nouvelle iconographie de la Salpétrière [Tome 19] : iconographie médicale et artistique

NOUVELLE

ICONOGRAPHIE

DE LA

SALPÊTRIÈRE

. TOME XIX

'Avec de nombreuses figures intercalées dans le texte et 84 planches hors texte

1 . IL 9 06

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

DE LA

SALPÊTRIÈRE

J. M. CHARCOT

Gilles DE la TOURETTE, PAUL RICIIER, ALBERT LONDE

Fondateurs

ICONOGRAPHIE MÉDICALE

ET

ARTISTIQUE

- Patronage scientifique :

J. BABINSKI. G. BALLET. E. BRISSAUD

DEJERINE. E. DUPRÉ. - A. FOURNIER. GRASSET

JOFFROY. PIERRE MARIE. PITRES. RAYMOND

RÉGIS. - SÉGLAS

ET

SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE

DE PARIS

Direction : .' Rédaction : .'

PAUL RICHER HENRY MEIGE

TOME DIX-NEUVIÈME

- PARIS

MASSON ET Cie, ÉDITEURS

LIBRAIRES DE L'ACADÉMIE DE MÉDECINE

t20, Boulevard Saint-Germain (6')

igo6 .

NOUVELLE

ICONOGRAPHIE

DE LA SALPÈTHIÈRE

AVERTISSEMENT

L'an dernier, à pareille date, la"Nouvelle Iconographie de la

Salpêtrière annonçaitzi ses lecteurs que la Société de NEUROLOGIE

DE Paris avait bien voulu lui accorder son patronage scientifique.

Elle affirmait en même temps sa résolution de s'en rendre digne

par de nouveaux efforts. Elle a tenu parole : le volume de Tannée

1905 comporte 210 pages de plus que le précédent, et 82 plan-

ches au lieu de 66.

Cette année, la Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière verra

s'accroître encore son crédit scientifique, car désormais les princi-

pales notabilités françaises delà science neuro-psychiatrique lui

ont accordé l'honneur de leur patronage nominal.

Grâce au bienveillant appui et à la collaboration effective de

MM. BABINSKI, GILBERT Ballet, Brissaud, DEJERINE, ERNEST

Dupré, A. Fournies, Grasset, JOFFROY, PIERRE Marie, PITRES,

RAYMOND, Régis, Séglas, la Nouvelle Iconographie de la Salpê-

trière est certaine de tenir toutes ses promesses.

xix 1

HOSPICE DE LA SALPÊTRIÈRE

TRAVAIL DE LA CLINIQUE ET DU LABORATOIRE

DE il. LE PROFESSEUR RAYMOND.

LES PRINCIPALES FORMES DES TROUBLES NERVEUX

DANS LE MAL DE POTT SANS GIBBOSITÉ '

(SÉMÉIOLOGIE ET DIAGNOSTIC)

PAR

L. ALQUIER

Chef des travaux anatomiques à la Clinique des Maladies Nerveuses.

Au cours du mal de Pott ci les troubles dépendant des racines nerveuses

prennent souvent place dès la phase de début. Les douleurs intercostales,

douleurs en ceinture uni ou bilatérales, la douleur épigastrique, les dou-

leurs lombaires, les douleurs irradiées dans les membres inférieurs, ont

presque toujours une forme un peu vague et ne prennent une valeur que

pour l'observateur prévenu.

« Par une exception assez rare, la tuberculose vertébrale peut s'accuser

d'abord par des troubles médullaires : difficulté de la marche, liée à une

parésie des membres inférieurs. Les troubles paraplégiques devancent, de

plusieurs mois, la gibbosité. Ces cas exceptionnels sont la source des plus

grandes difficultés de diagnostic. On éprouve de l'embarras à déterminer

la cause de la paralysie.

« Si le début par des névralgies irradiées et par la paraplégie est peu

fréquent dans l'enfance, il est, au contraire souvent observé chez l'adulte.

C'est surtout à l'âge adulte qu'on rencontre la difficulté spéciale du dia-

gnostic, qui est seulement indiqué d'une manière obscure par des irradia-

tions douloureuses et par la paraplégie. » .

Ces lignes, empruntées au beau livre deM. Ménard (deBerck) (1) énon-

cent un problème dont la solution est dans bien des cas extrêmement dé-

licate. Chez l'enfant, la gibbosité apparaît vite, la lésion tuberculeuse,

envahissant rapidement la totalité des corps vertébraux qu'elle attaque, et

des disques intervertébraux qui les séparent; les troubles nerveux sont,

le plus souvent, consécutifs à la gibbosité et d'importance secondaire

(1) V. Mena un, Etude sur le Mal de Poli. Paris, 1900.

LES PRINCIPALES FORMES DES TROUBLES NERVEUX 3

pour le diagnostic. Chez l'adulte, au contraire, le foyer tuberculeux peut

ne détruire qu'une partie de l'épaisseur des corps vertébraux, et se pro-

pager à l'espace épidural, occasionnant des troubles nerveux avant l'ap-

parition de la déformation rachidienne. « Ollivier d'Angers attirait l'at-

tention sur des cas de mal de Pott qu'on avait complètement méconnus

avant lui. Les malades auxquels il faisait allusion avaient éprouvé des

phénomènes nerveux bizarres : de l'engourdissement et même de la pa-

ralysie des membres inférieurs, bien avant l'apparition de la coudure

vertébrale, puis, la gibbosité pottique une fois produite, on avait vu la

paraplégie disparaître (1).

On connaît, à l'heure actuelle, d'assez nombreux exemples de mal de Pott

ayant évolué d'un bout à l'autre, sans gibbosité : M. le professeur

Raymond et moi, avons rapporté quatre faits de ce genre au récent

Congrès international de la Tuberculose (Paris, octobre 1905), insistant sur

la difficulté du diagnostic en pareil cas.

Sur 20 cas de mal de Pott chez l'adulte, dont 10 suivis d'autopsie, le

D" Touche (de Brévannes) (2) compte 9 cas sans gibbosité.

Sans vouloir passer en revue toutes les observations publiées en France

et à l'étranger, nous nous proposons d'exposer succinctement les principales

formes cliniques des troubles nerveux dans le mal de Pott sans gibbosité,

afin.de mieux souligner les erreurs de. diagnostic dont chacune d'elles

peut être la cause.

§ 1. Principales formes cliniques.

Il serait extrêmement important de pouvoir établir une classification

anatomique des symptômes, et, avant tout, de pouvoir distinguer les

troubles d'origine radiculaire et ceux d'origine médullaire. Dans le tome

II de ses « Leçons du mardi », Charcot a décrit la propagation de la tubercu-

lose osseuse du tissu épidural et montre que cette « pachyméningite externe

caséeuse o est la cause habituelle des troubles nerveux, en déterminant la

compression de moelle, puis, il ajoute : « Il va sans dire que les troncs

nerveux, dans leur trajet à travers des parties ainsi altérées de la dure-

mère sont, à leur tour, le siège de lésions plus ou moins considérables et

qui se sont traduites, durant la vie, paroles symptômes propres » et, plus

loin, à propos du mal de Pott cervical : «Il peut arriver et il arrive assez fré-

quemment, dans cette variété de Mal de Poil, que les nerfs des extrémités

supérieures soient comprimés tantôt au niveau des trous de conjugaison,

tantôt à leur passage au travers de la dure-mère épaissie par la pachy-

méningite externe caséeuse. » Enfin, à propos d'un cas que nous résu-

(1) Brissaud, Leçons sur les maladies du système nerveux. Paris, 1893=i$94.

(2) Touche, Travaux de neurologie chirurgicale, 31 mars 1901.

4 ALQUIER

merons plus loin, il dit que « la névralgie intercostale précédant de

plusieurs mois la paraplégie, est un fait habituel ».

Dans ses « Leçons de la Salpêtrière » (1893-94), M. Brissaud a longue-

ment insisté sur l'importance de la compression des racines, citant à l'appui

de son dire plusieurs exemples personnels sur lesquels nous aurons à

revenir, mais sans tenter de départir. ce qui relève de la compression

radiculaire et de la compression médullaire, Touche (1) dit avoir souvent

constaté des troubles dus à la compression radiculaire dans des cas vérifiés

à l'autopsie, indiquant notamment comme tels : des sensations doulou-

reuses préparalytiques, fourmillements, engourdissements, etc. qui peu-

vent présenter une topographie radiculaire et parfois des anesthésies en

zones radiculaires. Il insiste sur l'extrême variabilité des réflexes, en par-

ticulier dans les compressions du renflement lombaire intéressant à la fois

la moelle elles racines de la queue de cheval et pouvant aller de l'aboli-

tion jusqu'à l'extrême exagération ; il fait remarquer l'extrême importance

du signe de Babinski, pour apprécier ce qui revient à la moelle.

Dans sa remarquable monographie, Fickler(2) rapporte à la compres-

sion radiculaire les douleurs dans la sphère de distribution des nerfs,

le zosler, des paresthésies; la compression médullaire produit toujours

des troubles d'innervation des muscles volontaires, fatigue, difficulté des

mouvements, ataxie aboutissant plus ou moins rapidement à la paralysie.

Les troubles sensitifs sont très variables; enfin, plus tard, à la constipation,

signe précoce, s'ajoutent des troubles sphinctériens et des signes d'excita-

tion motrice : spasmes toniques et cloniques ; puis la paralysie devient

complète, flasque ou spasmodique, ce qui dépend de l'état du tonus muscu-

laire, lequel n'est pas en rapport constant avec l'état des réflexes. Enfin

apparaît l'atrophie musculaire.

Fickler fait observer que la longue intégrité possible de la sensibilité

s'explique par la situation postérieure des voies sensitives, et par le fait

qu'un petit nombre de conducteurs nerveux peut suffire pour assurer les

fonctions sensitives. Charcol, dans ses Leçons faisait déjà remarquer que

la lésion osseuse, atteignant d'habitude les corps vertébraux, la compres-

sion s'exerçait surtout sur la partie antérieure de la moelle, ce qui expli-

que, disait-il, la prédominance des troubles moteurs sur les troubles

sensitifs.

Ces quelques citations suffisent pour montrer où en est actuellement la

question : nous n'avons encore que des données assez vagues sur l'origine

radiculaire ou médullaire des troubles nerveux du mal de Pott ; nous

(1) Touche, Soc. méd. hôpitaux, 24 janvier 1901 et Travaux de neurologie chirurgicale^

31 mars 1901.

(2) Fickler, Deutsche Zeitsschrift sur Nervenheilkunde, t. xvi (1899), 110 pages.

LES PRINCIPALES FORMES DES TROUBLES NERVEUX S

savons seulement que la spasmodicité avec exaltation des réflexes, le signe

de Babinski et la rétention des réservoirs indiquent une lésion médullaire.

Il en est de même pour l'anesthésie étendue à toute la partie du corps

sous-jacente au point de compression : les paralysies flasques avec aboli-

tion des réflexes, atrophie musculaire et anesthésie à topographie radicu-

laire accompagnée de douleurs ayant les caractères des douleurs radicu-

laires, indiquent la probabilité d'une compression radiculaire, la plupart

de ces symptômes pouvant, d'ailleurs, être dus à une lésion médullaire.

Nous ne citerons que pour mémoire la tentative de classification de

Chipault (9 ) puisque la distinction sur laquelle il se basait (troubles sen-

sitifs radiculaires à limites parallèles à l'axe du membre, médullaires à

limites obliques, cordonaux à limites perpendiculaires) est, aujourd'hui,

abandonnée.

On ne saurait, à l'heure actuelle, tenter une classification anatomo--

clinique basée sur les observations publiées, celles-ci étant, pour la plu-

part, trop incomplèles. Toute tentative- de ce genre se heurterait, d'ail-

leurs, à des difficultés presque insurmontables ; en raison de la variabi-

lité des lésions, suivant les progrès de la maladie, il faudrait des examens

cliniques aussi rapprochés que possible de la mort du sujet. Déplus, la

compression étant, d'ordinaire, radiculo-médullaire, et les lésions des

plus difficiles à délimiter avec une précision suffisante, une étude

anatomo-clinique minutieuse ne donnerait bien souvent pas de résultat

certain. Faute de mieux, nous nous contenterons de diviser les accidents

nerveux du mal de Pott, d'après leur seul aspect clinique, en 3 groupes :

1° Cas avec signes de compression de la moelle ou des racines dorsales

et lombaires supérieures.

2° Cas avec signes de compression radiculo-médullaire du cône termi-

nal, de l'épicône et de la queue de cheval.

3° Cas avec signes de compression de la moelle ou des racines cervicales.

I. Cas avec signes de compression de la moelle ou des racines dorsales

et lombaires supérieures.

Ce sont les faits de cet ordre qui sont surtout décrits dans les ouvrages

classiques, ce qui indique leur fréquence.

Tantôt les douleurs radiculaires du début présentent une durée et une

intensité anormales : tel ce malade de Lannelongue, cité par Ménard (2)

qui, durant un an avait souffert de douleurs très vives, sans que plusieurs

examens du rachis aient permis de découvrir aucun autre signe de mal de

Pott. Après une accalmie complète de 4 mois, ces douleurs reparurent : le

(t) CHIPAULT, Congrès français de chirurgie, 1899.

(2) Ménard, loc. cit., p. 272.

6 nr.QUre

malade ayant eu à cette époque plusieurs maladies infectieuses consécuti-

ves, apparurent une légère proéminence de la 1 re dorsale et une sensibilité

à la pression des premières vertèbres lombaires, permettant le diagnostic

de mal de Pott.

D'ordinaire, aux douleurs en ceinture s'ajoutent, plus ou moins rapide-

ment une paraplégie spasmodique, avec rétention des réservoirs, avec ou

sans troubles de la sensibilité, et des troubles trophiques variables, non

seulement d'un malade à l'autre, mais chez le même sujet (par exemple

des eschares qui guérissent et se reproduisent plusieurs fois à intervalles

variables).

On lit dans les « Leçons de Charcot » (1) : « Dans un cas de Liouville observé

dans le service de Béhier, il s'agissait d'un homme d'une cinquantaine d'années,

qui présenta, pendant plusieurs mois, des douleurs intercostales, ce qui, un

instant, avait fait croire qu'il s'agissait là d'une simple névralgie intercos-

tale. Plus tard, en raison de la persistance et du caractère de ces douleurs,

on avait émis l'opinion que la névralgie était symptomatique, sans pou-

voir encore toutefois, préciser la nature de la maladie primitive. Ensuite

survint la paraplégie, qui éclaira définitivement le diagnostic. Le rachis,

jusqu'à la terminaison fatale, conserva sa forme régulière. » Montrant les

pièces anatomiques, Charcot ajoutait : Le rachis, vous le voyez, n'était ici

nullement déformé, bien que le corps de plusieurs vertèbres fût altéré profon-

dément. Le ligament vertébral antérieur au niveau de la lésion osseuse, était

comme dilacéré et la matière caséeuse, d'après le mécanisme indiqué par

M. Michaud, était venue au contact de la dure-mère qui, en conséquence, sur

les points correspondants, présentait un épaississement remarquable (pachy-

méningite externe caséeuse). C'est évidemment l'épaississement de la dure-

mère qui avait déterminé la compression spinale. »

M. Brissaud (loc. cit.) a observé plusieurs faits analogues dont voici le

résumé :

Homme de 30 ans, actuellement porteur d'une gibbosité; longtemps avant

l'apparition de cette dernière « il avait éprouvé une certaine difficulté à mar-

cher, il tenait mal ses jambes et ne pouvait courir. Cela dura plusieurs mois,

et puis, il n'en fut plus question ». Alité, peu après pour une fracture de jam-

be, il fut pris de douleurs lombaires; en voulant le faire lever, on' constata

une paraplégie spasmodique qui est devenue complète, avec rétraction des flé-

chisseurs, et pied-bot, « intolérance vésicale », ce que Brissaud attribue à, la

compression des racines des nerfs des réservoirs. L'absence d'anesthésie, lui

fait pronostiquer « que la moelle n'est pas profondément touchée ». L'eschare

sacrée s'est reproduite 3 fois, après avoir guéri 2 fois.

Un jeune homme qui se plaignait de fourmillements, et, depuis quelque

temps, de faiblesse des membres inférieurs, eut subitement, il y a 20 jours,

(1) CHARCOT, loc. cü., p. 122.

LES PRINCIPALES FORMES DES TROUBLES NERVEUX 7

une paraplégie spasmodique, bilatérale, complète (ce qui éliminerait l'idée d'une

lésion destructive de la moelle) avec anesthésie absolue jusqu'à l'ombilic.- Pas

de gibbosité tuberculose pulmonaire. On diagnostiqua une caverne osseuse

ouverte dans le canal rachidien ; la localisation était possible grâce à l'existence

de troubles vésicaux et rectaux et d'une anesthésie surmontée d'une bande

d'hyperesthésie ; on eut « la main forcée » par l'apparition d'une eschare sacrée

avec gros oedème remontant jusqu'au-dessus de la base du sacrum : le tout

s'était fait en 3 jours de temps avec fièvre et signes de décubitus acutus.

Chipault ayant pratiqué la laminectomie des 8e,9e et 10° dorsales,trouva devant

la moelle une caverne osseuse ramollie grosse comme une noix qui fut traitée

par l'ablation,le grattage à la rugine,la cautérisation ignée et l'iodoforme; 2 jour s

après « le malade va bien » (Jl. Brissaud ne dit pas ce que sont devenus la

paraplégie et les troubles sphinctériens).

Malheureusement Chipault, dans un travail ultérieur où il publie un cas

analogue (1) dans lequel la laminectomie fut suivie, à quelques heures, de

mort subite par embolies pulmonaires, nous apprend que le malade de M. Bris-

saud mourut 5 à 6 mois après l'opération, avec une méningite tuberculeuse

étendue à 5 ou 6 corps vertébraux.

M. Brissaud cite encore brièvement le cas d'un enfant qui lui avait été

adressé pour une myopathie des membres inférieurs : le droit était atrophié en

masse, l'enfant se relevait en grimpant le long de ses jambes, comme un myo-

pathique, mais le réflexe rotulien droit était exagéré ; le palper révélait une

petite gibbosité dorsale, dont les parents ne s'étaient pas aperçus; 6 mois de

repos ont amené une guérison complète, même de l'atrophie musculaire.

Voici le résumé d'une observation de Berbez (Société anatomique, 1881)

intéressante, notamment par la rapidité de son évolution.

A la suite d'une pleurésie, un homme de 4o ans fut pris de douleurs inter-

scapulaires qui se propagèrent ensuite aux côtés du thorax et aux membres in-

férieurs. Flexion et extension de la tête douloureuses ainsi que la pression des

premières vertèbres dorsales, mais l'absence de gibbosité rend le diagnostic

hésitant entre : mal de Pott, anévrysme aortique, cancer. Un mois seulement

après le début, paraplégie incomplète avec rétention des réservoirs, sensibilité

obtuse aux membres inférieurs. Quelques jours après mort dans le marasme.

Autopsie : carie de la Ve vertèbre dorsale.

Nous croyons devoir résumer en quelques mots une observation de M. Sire-

dey (2), bien que la localisation de la lésion osseuse soit, ici, particulièrement

difficile, et malgré l'absence d'autopsie.

Un homme de 59 ans est pris de douleurs vives lancinantes, continuelles,

surtout nocturnes, dans toute l'étendue de la face postérieure du membre in-

férieur droit, puis du gauche. Huit mois après, devant la persistance de ces

douleurs, le traitement antisyphilitique mixte est institué ; mais rapidement

(1) CIIIPAULT, Médecine moderne, 1895.

(2) In Guocrror, Thèse Paris, 1891.

8 ALQUIER

apparaissent des abcès par congestion au bras droit et à l'avant-bras gauche.

Deux mois plus tard, l'examen permet de constater les signes d'une sciatique

double, avec hypoesthésie diffuse aux jambes et aux cuisses, atrophie muscu-

laire sans altération des réactions électriques, réflexes rotuliens exagérés, clo-

nus, intégrité des réservoirs. Plus tard, apparition d'un nouvel abcès par con-

gestion dans la fosse iliaque droite. Aucun signe rachidien.

Bresci rapporte dans sa thèse (i) « un cas de paraplégie flasque avec

abolition des réflexes rotuliens et tlaermo-aneslhésie à partir de l'ombilic ».

Autopsie : carie étendue de la ° vertèbre dorsale à la'lre lombaire avec com-

pression et ramollissement de la moelle. '

Le malade de Verger et Laubie (2) commença à ressentir, à la suite d'une

pleurésie, des douleurs lombaires irradiées vers l'abdomen et les membresinfé-

rieurs, et gênant la marche. Au bout de 6 mois, on constatait en outre, de

l'affaiblissement du côté dès membres inférieurs. Un mois plus tard, apparais-

sait la rétention d'urine, puis, rapidement, une paraplégie complète, flasque,

avec abolition des réflexes tendineux, atrophie musculaire, anesthésie remon-

tant jusqu'au pli de l'aine, avec, au-dessus, une zone d'hyperesthésie ; eschare

sacrée, taches violacées au talon gauche, aux malléoles externes, au bord externe

du pied droit ; oedème du membre inférieur droit, hydarthrose des deux genoux,

mort 15 jours après la paraplégie. Autopsie ; caverne tuberculeuse des 7°, 8°,

9" vertèbres dorsales, ouverte dans le canal rachidien : propagation du foyer

tuberculeux à la moitié antérieure de l'espace épidural. Le mal de Pott avait

- évolué d'un bout l'autre, sans signe rachidien. ,

Citons enfin, à titre de curiosité, le cas curieux de Wert (3), dans lequel le mal

de Pott se révéla par l'ouverture d'un abcès froid dans les bronches ; on trouve,

comme accidents nerveux, des douleurs qui avaient été rapportées il une né-

vralgie phrénique et des troubles vésicaux ayant fait croire à l'existence d'un

calcul. Dans ce cas existait une gibbosité, dont l'auteur voulut essayer le

redressement, par le procédé de Calot. A la suite de ce traitement, le malade

mourut d'un méningite.

Voici le résumé de trois cas personnels, publiés in extenso au Congrès de la

Tuberculose de 1905.

I; Après deux accouchements à 10 mois de distance qui l'ont beaucoup fati-

guée, une jeune femme de 23 ans est prise tous les soirs de douleurs diffuses

le long de la colonne vertébrale, avec irradiations en ceinture et constriction

épigastrique : ces douleurs durent toute la nuit et ne cessent que le lendemain

au réveil. Puis apparaissent des engourdissements, des fourmillements et une

légère parésie des membres inférieurs. Tous ces troubles disparaissent et se

reproduisent alternativement pendant 4 mois. Puis, surviennent des douleurs

qualifiées de sciatique, la région lombaire est faible et douloureuse (surtout

pendant la station assise).

(1) BRESCI, Thèse Doctorat, Zurich, 1899.

(2) VERGER et Laubie, Progrès médical, 27 janvier 1900.

(3) WERT, Cleveland Journ. of med., 1901.

A

B

MAL DE POTT SANS GIBBOSITE

(L...Alquier.)

Masson et Ci-, Editeurs Pootot)1ue Bert6aud, Pa^us

LES PRINCIPALES FORMES DES TROUBLES NERVEUX 9

9 mois après le début on constate une paraplégie spasmodique avec signe de

Babinski, rétention et incontinence des sphincters, douleurs en ceinture, hy-

poesthésie des membres inférieurs, puis eschares. Mort par infection géné-

rale 6 mois plus tard. Pas de gibbosité.

A l'autopsie, caverne tuberculeuse des corps des 2°, 3°, 4* vertèbres dorsales,

ouverte dans l'espace épidural : le foyer tuberculeux remplit à ce niveau la

moitié antérieure du canal rachidien d'une masse caséeuse mais non ramollie

englobant les racines et comprimant transversalement la moitié antérieure de

la moelle à travers la dure-mère dont la face interne est saine et ne présente

pas d'adhérences avec les méninges molles. La moelle est atteinte, au niveau

de la compression, de myélomalacie complète avec désintégration lacunaire

très prononcée de la substance blanche et disparition à peu près complète de

la substance grise (V. PI. I, fig. A).

II. .Une femme de 58 ans,non syphilitique,commence à éprouver des dou-

leurs lombaires qu'on met sur le compte de l'humidité de son appartement.

Peu à peu, ces douleurs augmentent, consistant tantôt en sensation d'écrase-

ment, de déchirure aux reins, revenant par crises, tantôt en pseudo-névralgies

en ceinture sans aucun signe d'affection gastrique. Pendant 9 mois, ces dou-

leurs sont le seul symptôme, puis surviennent des engourdissements, puis des

douleurs des membres inférieurs, qui s'affaiblissent progressivement, à mesure

que s'atténuent les douleurs.

Au bout de 5 mois (14 mois après le début) la paraplégie est complète : aucun

mouvement n'est possible : la paraplégie est spasmodique avec clonus, exagé-

rations des réflexes ; signes d'une sciatique double, hypoesthésie pour tous les

modes, limitée en haut par une zone d'hyperesthésie circulaire à hauteur de la

colonne lombaire. Peu après, les douleurs reparaissent, bientôt accompagnées

d'une rétention complète des urines, rétention et incontinence des matières,

et d'une eschare sacrée qui s'agrandit de jour en jour ; puis apparaît un gros

oedème des membres inférieurs.

Affaiblissement progressif. Mort 16 mois après les premières douleurs.

Aucun signe rachidien.

A l'autopsie (V. PI. I, fig. B), caverne tuberculeuse détruisant la moitié

portérieure des 6" et 78 corps vertébraux dorsaux; propagation au tissu épi-

dural ; de plus, traînée inflammatoire étendue à toute la partie sous-jacente

du tissu épidural, englobant les racines inférieures, lombaires et sacrées;

symphyse méningée presque partout complète entre la dure-mère et les ménin-

ges molles dans leur moitié antérieure, au-dessous de la 6e vertèbre dorsale,

(histologiquement, inflammation mixte tuberculeuse et par infection secon-

daire, probablement due à l'eschare).

III. - Homme de 55 ans, peintre en bâtiment, sans accidents de saturnisme.

Alcoolique ancien. A 52 ans, pleurésie séro-fibrineuse, suivie d'une ascite

aiguë avec oedème des membres inférieurs, qui fut attribuée à une péritonite

tuberculeuse.

10 . ALQUIER

3 ans après, le mal de Pott débutait par des douleurs lombaires provoquées

par les mouvements de la colonne vertébrale, la marche, la station verticale un

peu prolongées. Deux mois plus tard, les jambes deviennent lourdes, s'affaiblis-

sent rapidemeut.

L'examen montre à cette époque une paralysie flasque des deux membres

inférieurs. Le malade marche avec peine à l'aide d'un bâton, à petits pas, le

pied droit traînant sur le sol. On constate un affaiblissement considérable de

tous les segments du membre inférieur droit (pied, jambe, cuisse), simple paré-

sie pour tous les segments du gauche ; affaiblissement notable des réflexes

rotuliens et achilléens, orteil en flexion, réflexes crémastérien et abdominal

nuls. Hypoestbésie pour tous les modes sur la partie antérieure des genoux et

des cuisses ; léger oedème de la moitié inférieure de la jambe droite. Les sphinc-

ters semblent fonctionner normalement.

Les mouvements de flexion antérieure ou latérale, et d'extension du rachis

sont difficiles et douloureux ; douleur à la pression au niveau des apophyses

épineuses de la région dorso-lombaire, surtout XIIe dorsale et Ire lombaire ; à ce

niveau, bande d'hyperesthésie cutanée en ceinture, haute de 5 à 6 centimètres.

Rien à noter du côté des membres supérieurs de la tête et du cou, pas de

troubles intellectuels. Sommet droit douteux.

Quelques jours après l'entrée, les douleurs lombaires augmentent : après

quelques jours de constipation absolue, s'établit brusquement une rétention

complète d'urines. Mort le lendemain. '

A l'autopsie (V. pl. II, fig. c), caverne tuberculeuse de la VIII° dorsale, avec,

dans l'espace épidural, une masse caséeuse non ramollie, englobant les racines

de la 7e à la 10e dorsale et, au niveau des 8e et 9e comprimant la moelle d'avant

en arrière, avec, à ce niveau, quelques adhérences entre la dure-mère et les

méninges molles, que l'examen histologique montre enflammées, peut-être

envahies par la tuberculose. Au microscope, début de myélite lacunaire.

Dans la même séance, M. Achard relatait le cas très intéressant d'une femme

de 78 ans qui, au cours d'une broncho-pneumonie à pneumocoques, devint

paraplégique. On pensa à une myélite infectieuse. Or, à l'autopsie, faite 6 semai-

nes plus tard, on trouva un mal de Pott ancien, siégeant dans le corps de la

5e vertèbre dorsale, et ayant déterminé une pachyméningite dont la nature

tuberculeuse fut vérifiée par l'inoculation.

A propos de ce cas, M. Achard fait les réflexions suivantes : chez l'adulte,

il faut une grosse lésion pour produire la gibbosité, qui est plus rare que

chez l'enfant. De plus, le rachis étant bien moins souple que dans le jeune

âge, on ne saisit pas aussi bien un signe précoce, très important chez

l'enfant, et qui est la flexibilité des régions saines du rachis. A plus forte rai-

son le diagnostic est-il malaisé lorsque la lésion siège en une région pres-

que immobile à l'état normal, comme l'est la région dorsale moyenne.

En somme, dans les cas où les symptômes nerveux sont ceux d'une

NOUVELLE Iconographie DE la SALt'1 ! nUt

T. XIX. Pl. Il

c

D

MAL DE POTT SANS GIBBOSITE

(L. Alqitier.)

LES PRINCIPALES FORMES DES TROUBLES NERVEUX 11

compression de la moelle et des racines dorsales et lombaires supérieures,

le début est, à peu près, toujours marqué par des douleurs en ceinture

ayant les allures de pseudo-névralgies radiculaires (défaut de localisation

sur le trajet exact d'un nerf, caractère intermittent, par crises et, parfois,

apparition et disparition brusques) et qui, en raison de leur fréquence et

de leur précocité, ont une grande importance pour le diagnostic.

A ces douleurs en ceinture, s'ajoutent souvent, par la suite, des sensa-

tions anormales du côté des membres inférieurs : tantôt de simples pares-

thésies (engourdissement, fourmillements), tantôt de véritables douleurs,de

caractères et d'intensité très variables : pseudo-névralgies sciatiques, dou-

leurs fulgurantes, etc. précédant ou accompagnant les troubles moteurs.

Ceux-ci apparaissent de façon très variable : ou bien ils s'installent

de façon progressive, et souvent subaiguë, ou bien après quelques trou-

bles de la marche, la paraplégie apparaît brusquement ou du moins, très

rapidement en quelques jours.

Parvenue à son maximum, la paraplégie est, d'ordinaire spasmodique,

avec contracture, exagération des réflexes rotuliens, clonus, signe de

Babinski. Elle peut être absolue, le malade étant incapable d'exécuter

le plus petit mouvement des membres inférieurs. Son intensité n'est pas

toujours égale des deux côtés. D'ordinaire elle s'accompagne de rétention

des sphincters et, seulement dans un certain nombre de cas, de troubles

objectifs de la sensibilité, hyperesthésie ou anesthésie, de toute la partie

inférieure du corps, souvent limitée en haut par une bande d'hyperes-

thésie en ceinture.

Dans plusieurs observations, se trouve signalé l'oedème des membres

inférieurs; fréquemment apparaissent des eschares au sacrum, plus rare-

ment, aux talons, malléoles, etc. L'eschare sacrée peut guérir et se

reproduire alternativement plusieurs fois de suite, comme chez le malade

de M. Brissaud.

Le cas de MM. Verger et Laubie (notre obs. III) sont des exemples de

paraplégie flasque avec troubles objectifs de la sensibilité permettant de

diagnostiquer une lésion intra-rachidienne siégeant au-dessus du rentle-

ment lombaire, ou à la partie supérieure de celui-ci. Faisons observer que

l'interprétation des symptômes est très difficile, la compression radicu-

laire semblant ne s'exercer qu'au-dessus de la localisation indiquée par

l'examen clinique. La rétention des urines permettait, tout au moins de

localiser la lésion au-dessus du centre vésical.

Le fait de Bresci est en outre, remarquable par l'existence de thermones-

thésie, à partir de l'ombilic, particularité sur laquelle nous aurons à

revenir.

Les faits de M. Siredey et de M. Brissaud montrent la possibilité d'une

12 ALQUIER

atrophie musculaire avec exagération des réflexes et la première observa-

tion de M. Brissaud : « intolérance visicale », avec paraplégie spasmodique,

sont à retenir ; ils permettent de concevoir un grand nombre de modalités

cliniques plus ou moins difficiles à interpréter, pouvant résulter d'associa-

tions variables de la compression médullaire et de la compression radicu-

laire. Le cas de Wert montre jusqu'où peut aller la variabilité des troubles

nerveux : dans celui de M. Achard, comment aurait-on pu éviter une erreur

de diagnostic ?

II. Cas avec compression médullo-radiculaire de l'épic(me, du cône

terminal et de la queue de cheval.

Ce second groupe ne comprend, fort heureusement, qu'un petit nom-

bre de faits, car les troubles nerveux dus à un mal de Pott lombo-sacré

sans signes rachidiens nets sont d'un diagnostic extrêmement difficile, le

plus souvent.

Voici, d'abord, résumées le plus brièvement possible, plusieurs observations

de Siredey relatées dans la Thèse de Groguot, toutes sans antopsie :

1° A la suite de douleurs interscapulaires, paralysie flasque et anesthésie des

membres inférieurs, avec rétention d'urine. Abcès par congestion double aux

aines, provenant vraisemblablement de la région lombaire (ce cas marque la

transition entre notre premier et notre second groupe).

2° Après une pleurésie, névralgie sciatique. unilatérale pendant 18 mois,

Puis violentes crises dans le domaine du plexus lombaire, rapportées à une

colique néphrétique, puis à un phlegmon pari néphrétique (fièvre) ; puis, abcès

par congestion, sur le bord externe du carré des lombes ; incision et curetage

de la poche ; on trouve un trajet qui conduit sur les apophyses transverses

dénudées des te et 3e vertèbres lombaires.

3° Une malade, reconnue ensuite hystérique, est prise brusquement de

douleurs attribuées par plusieurs médecins, à une sciatique unilatérale, et

traitées comme telles, sans aucun succès. Pendant 4 mois ces douleurs reve-

naient seulement le soir et la uuit, puis elles furent continuelles, puis, elles

s'accompagnèrent de douleurs dorsales et thoraciques attribuées à l'hystérie.

Un an après le début, on constate : tuberculose pulmonaire bilatérale : dé-

formation et douleur à la pression au niveau de la région sacrée. Atrophie mus-

culaire très marquée aux membres inférieurs : sciatique douloureuse à la pres-

sion. Après 6 semaines d'immobilisation dans le corset de Sayre, la rachial-

gie a disparu, la sciatique est très atténuée.

Quoique sans autopsie, et d'un diagnostic pas absolument certain, le cas de

MM. Raymond et Huet (1) mérite d'être rapporté.

Il s'agit d'une fillette de 6 ans 1/2, bien portante, sauf une otorrhée chroni-

que, existant depuis l'âge de 3 ans. A 5 ans 1/2, elle commença à éprouver

(1) ltrMOrro et HUET, Revue Neurologique, 1902, p. 1066.

Nouvelle Iconographie DE la Salpêtrière. T. XIX. PI. III

Radiographie Infroit.

MAL DE POTT SANS GIBBOSITE

(L..Alr¡uier.)

LES PRINCIPALES FORMES DES TROUBLES NERVEUX 13

des douleurs dans le genou gauche, avec irradiations à la hanche et aux lom-

bes, exagérées par les mouvements, calmées par le décubitus. L'enfant a été im-

mobilisée, ce qui a amené une sédation des douleurs, tant qu'a duré l'immobi-

lisation. Le diagnostic de « myopathie » a été récemment porté ; en effet, l'en-

fant est maigre, avec les omoplates saillantes, simulant les scapulae alatae de

la myopathie, avec ensellure lombaire ; les membres inférieurs sont particuliè-

rement maigres ; enfin, l'enfant couchée à terre se relève un peu comme une

myopatbique ; se mettant, d'abord, à genoux, puis posant de pied droit à terre,

enfin appuyant la main droite sur le genou droit. Mais on s'aperçoit vite qu'elle

se relève ainsi non par faiblesse des membres inférieurs, mais pour maintenir

immobile la colonne lombaire : elle ramasse les objets à terre entre ses jambes,

et en s'accroupissant sans fléchir la colonne .vertébrale, marche à petits pas,

craignant les heurts, et, dans la station assise, se tient renversée en arrière

et les mains appuyées sur les cuisses. On ne trouve d'ailleurs aucune atrophie

des groupes musculaires préférés par la myopathie (Muscles scapulo-thoraci-

ques et pelviens) , la radiographie que nous pouvons reproduire, grâce à l'obli-

geance de MM. Huet et Infroit (PI. III), montre, d'après les auteurs, une

transparence exagérée de la IVe vertèbre lombaire. D'ailleurs, MM. Raymond

et Huet ne présentent ce cas que sous le titre de mal de Pott probable, « à

cause de la difficulté du diagnostic et des discussions auxquelles il peut donner

lieu ».

Nous ne connaissons que les cas suivants avec autopsie.

Triot (Thèse de Paris, 1879). Un tuberculeux entre à l'hôpital pour des

douleurs ayant siégé d'abord dans la cuisse gauche, 4 mois auparavant, et

occupant actuellement la cuisse droite, avec irradiation jusqu'au milieu de la

jambe ; elles existent au repos surtout la nuit, sont exagérées par la pres-

sion, rendent la marche pénible. Aucun trouble du mouvement ou de la sensi-

bilité objective; 3 semaines plus tard douleurs abdominales, ventre ballonné

et douloureux, matité dans tous les points déclives, affaiblissement général,

diarrhée, vomissements, fièvre ; 24 jours après douleurs en ceinture, fourmil-

lements dans le membre inférieur droit, sensibilité obtuse, retard à la per-

ception des sensations. Mort 6 semaines après les troubles abdominaux.

A l'autopsie,le corps de la XIIe vertèbre dorsale est réduit à une mince coque

osseuse dont le centre est rempli de matière caséeuse. La dure-mère est très

épaissie à ce niveau et recouverte de pus caséeux. Le nerf sciatique droit est

rouge, et d'un volume double du sciatique gauche.

Cestan et Babonneix (1) : une femme de 37 ans commença à ressentir, quel-

que temps après uue chute sur le siège, des douleurs au sacrum, irradiées le

long des deux sciatiques. Un an après, troubles sphinctériens et paraplégie

flasque. 6 ans plus tard; on constatait une paraplégie complète des membres in-

férieurs, avec, seulement conservation des mouvements de flexion, et à un

moindre degré, d'abduction des cuisses, flasque, avec abolition des réflexes

tendineux et cutané plantaire. L'atrophie musculaire remontait jusqu'aux fes-

(1) Gazette des Hôpitaux, 1901, p. 169.

14 ALQUIER

siers, inclusivement. Il existait des troubles sensitifs dont nous reproduisons le

schéma; de l'incontinence et légère rétention des urines, une constipation opi-

niâtre. La partie inférieure du rachis est douloureuse, jusqu'au niveau de la

IIIe vertèbre lombaire mais sans gibbosité. A l'autopsie, carie tuberculeuse du

sacrum, pachyméningite caséeuse comprimant les nerfs de la queue de cheval.

Observation personnelle (publiée in Congrès de la Tuberculose) (1). Un

homme de 39 ans, ancien alcoolique et ayant probablement fait de la tubercu-

lose pulmonaire au régiment, est pris rapidement de pertes des forces, sueurs,

amaigrissement d'une vingtaine de livres. Trois ans après, courbature lombaire

continuelle avec paroxysmes nocturnes, et irradiations le long de la face posté-

rieure des membres inférieurs. Ces douleurs deviennent rapidement intoléra-

bles, obligent le malade à s'aliter.

5 mois après le début on constatait une impotence presque complète des

membres inférieurs, due surtout, semblait-il, à l'intensité des douleurs,

exaspérées par le moindre mouvement. Ces douleurs avaient les caractères d'une

sciatique double. Sensibilité normale aux faces antérieures externes et internes

des membres inférieurs ; on constate seulement un peu d'hypoesthésie au bord

externe du pied droit, et à la dernière phalange des orteils ; la face postérieure

des membres n'a malheureusement pas été assez étudiée, à cause de la dif-

ficulté qu'éprouvait le malade à se retourner, en raison des douleurs. Réflexes

(1) V. aussi : ITALO Rossi, Archives de Neurologie, 1905, p.

D'après Cestan et Babonneix. Schéma des troubles sensitifs

chez leur malade.

' LES PRINCIPALES FORMES DES TROUBLES NERVEUX 15

rotuliens forts, achilléens forts à droite, faibles à gauche, plantaire nul à droite

flexion à gauche ; crémastériens faibles. Peut-être légère atrophie musculaire

diffuse aux membres inférieurs. Lenteur et difficulté de la miction.

En raison de l'alcoolisme évident et considérable, et comme il existait une

légère parésie des extrémités supérieures peut-être même un peu d'atrophie,

on pense à une névrite alcoolique surtout sensitive.

Tourmenté par d'atroces douleurs, que calmait mal la morphine, le malade

se cachectisa et succomba à une broncho-pneumonie 7 mois après le début des

douleurs.

A l'autopsie, carie tuberculeuse de la face postérieure des 2e, 3e, 4e corps ver-

tébraux sacrés, avec propagation à l'espace épidural, qui renferme un tissu

lardacé, contenant des tubercules, et remontant jusqu'à la région lombaire infé-

rieure, englobant les racines lombo-sacrées (PI. II, D).

Dans tous ces faits il y avait des douleurs précoces et intenses, dans les

membres inférieurs, presque toujours dans le domaine du sciatique : ces

douleurs peuvent avoir les caractères principaux d'une névralgie sciatique,

parfois unilatérale (cas de Raymond et Huet, cas de Triot), ce qui ajoute

une nouvelle difficulté au diagnostic, déjà, cependant, si délicat d'habi-

tude. '

Puis, apparaît une paraplégie flasque, avec atrophie musculaire. Lors-

qu'il s'y ajoute une anesthésie à topographie correspondant au territoire

des racines sacrées et lombaires inférieures, ou porte le diagnostic de

lésion de la queue de cheval ou du cône terminal. L'exagération des ré-

flexes rotuliens, la rétention remplaçant l'incontinence habituellement t

observée des sphincters, indiquent la participation de la moelle ; il est,

enfin, bien difficile de préciser la part qui revient à la moelle et aux

racines, comme, d'ailleurs, pour les lésions du cône terminal et de la

queue de cheval, en général.

III. Cas avec compression de la moelle et des racines cervicales.

Dans le mal sous-occipital, on observe un mélange de troubles bul-

baires et spinaux dont nous ne ferons que citer quelques exemples, car son

étude nous entraînerait trop loin, et parce que nous n'avons à apporter

aucune observation nouvelle de ce genre. Au contraire, les troubles nerveux

engendrés par la tuberculose des vertèbres cervicales inférieures nous

arrêtera plus longuement.

A. Mal sous-occipital. Un malade de Decroly (1), bien portant jusqu'à

l'âge de 33 ans ressentit. alors, à la suite d'un brusque mouvement d'extension

de la tête de vives douleurs dans la région occipitale et la nuque : puis survint

une paraplégie avec anesthésie étendue aux 4 membres, sans troubles sphinc-

(1) Decroly Journal de Neurologie, 1903, n° 3.

16 ALQUIER

tériens. Traitement : suspension. Amélioration progressive. Au bout de 2 ans, le

malade put reprendre son travail. En même temps se développait une atrophie

bilatérale de la langue; 4 mois après, nouvelle aggravation rapide; le malade en

arriva à ne plus pouvoir exécuter aucun mouvement. On constata alors une

lordose cervicale avec rapprochement anormal du sternum et du rachis : gêne'

de la déglutition par projections en avant de la paroi postérieure du pharynx :

parole très dysarthrique. La spasmodicité était caractérisée par l'exaltation des

réflexes, du clonus et le signe de Babinski à gauche. L'auteur diagnostique un

mal sous-occipital avec luxation du crâne en arrière et attribue la paralysie

atrophique de la langue à la compression des hypoglosses.

M. Dupré a présenté à la Société de Neurologie (1) un homme de 43 ans

qui, à 4 ans, avait eu un mal sous-occipital post- traumatique. De 8 à 12 ans,

rétablissement de la santé ; il reste seulement l'atrophie linguale bilatérale. Le

malade dut, à 36 ans, cesser la profession de graveur, qu'il exerçait jusque-là,

pour des troubles moteurs progressifs apparus 3 ans avant dans les membres

supérieurs. A 36 ans, troubles analogues dans les membres inférieurs. A 43 ans

on constate, outre l'atrophie linguale, surtout marquée à gauche, un raccour-

cissement notable du cou, sans signes de lésion en activité ; aux membres su-

périeurs, de l'ataxie dans les mouvements délicats, avec troubles du sens sté-

réognostique, sans atrophie musculaire ni altération des sensibilités superfi-

cielles ; aux membres inférieurs, ataxie, légère parésie avec exagération des

réflexes, clonus, signe de Babinski net à gauche, douteux à droite. Inégalité

pupillaire, lenteur du réflexe lumineux.

Bien que le malade soit alcoolique, l'auteur croit pouvoir rapporter tous ces

accidents au mal sous-occipital, éliminant la forme spasmodique de la syringo-

. myélie, malgré certaines ressemblances.

Citons encore le cas de Ruys (2) : crises de dyspnée récurrentielle chez un

enfant, ayant persisté après l'ablation de végétations adénoïdes. Pas de lésions

laryngées. Disparition en 24 heures après l'application d'une minerve, ce qui

fait porter le diagnostic de mal de Pott latent.

Dans sa « Leçon sur le mal de Pott », M. Brissaud résume deux autres cas :

l'un avec atrophie légère diffuse des membres supérieurs, et grosse impotence,

pleurer spasmodique, simple exagération des réflexes rotuliens. Dans l'autre,

dont M. Brissaud n'affirme pas absolument le diagnostic qui est seulement

probable, il y avait du côté droit atrophie musculaire et douleurs dans le mem-

bre supérieur, hémiatrophie linguale ; en outre, pseudo-trismus par paralysie

des muscles abaisseurs de la mâchoire.

B, Mal de Pott avec compression cervicale inférieure. - Cette variété

emprunte son intérêt à la possibilité d'une paralysie flasque des membres

supérieurs, avec atrophie musculaire. Il est exceptionnel de ne constater

(1) Dupré, Revue neurologique, 1903, p. 733.

(2) Ruys, Cercle médical de Bruxelles, 2 mars 1900.

LES PRINCIPALES FORMES DES TROUBLES NERVEUX 17

aucun trouble du côté des membres inférieurs ; l'observation de M. Bro-

ca (1) est, à cet égard, tout à fait intéressante.

Trois ans après le début d'une tumeur blanche du genou, un enfant de 8 ans

présentait une attitude spéciale de la tête : flexion gauche avec légère extension,

immobitité dans cette attitude dont la correction était douloureuse. Un mois

après, paralysie, d'abord du bras gauche, puis du droit flasque, puis, atrophie

rapide de certains groupes de muscles : deltoïde, interosseux, éminence thénar,

notamment. Quelques névralgies avaient précédé cette paralysie : « Au membre

supérieur gauche, la sensibilité était un peu altérée, le sujet prenant pour une

piqûre le simple contact avec un objet chaud ; à droite, rien de semblable. Par

'moments, inégalité pupillaire.»

La contracture musculaire, la douleur à la pression sur la partie latérale

gauche de la 3e vertèbre cervicale permettent le diagnostic : le toucher buccal

montre un léger empâtement de la paroi postérieure du pharynx : l'extension

amena la sédation des douleurs et la correction de l'attitude. Mais la tumeur

blanche du genou ayant suppuré, l'enfant se cachectisa et fut emmené mourant

par ses parents.

D'ordinaire, à la paralysie flasque des membres supérieurs s'ajoute une

paraplégie spasmodique des membres inférieurs. Un tel ensemblesympto-

matique présente un intérêt tout particulier à cause des erreurs de dia-

gnostic auxquels peut donner lieu cette variété, surtout lorsqu'elle s'ac-

compagne d'atrophie musculaire des membres supérieurs et de troubles

. de la sensibilité.

Un homme de 35 ans, dont l'observation a été publiée par M. Touche (2)

reçoit sur la nuque un sac de farine pesant 325 livres. Tout se réduit à un peu

de gêne des mouvements du cou pendant 2 mois, insuffisante pour obliger le

malade à interrompre sou travail. Au bout de 2 mois,douleurs dans les épaules,

puis dans le membre supérieur gauche, présentant la diffusion et les caractères

de douleurs radiculaires. Un mois plus tard, atrophie et paralysie du membre

supérieur, puis du membre inférieur gauche, puis des 2 membres du côté op-

posé. Ou constate alors : atrophie et paralysie flasque des muscles de la main,

de l'avant-bras et du triceps trachial : paraplégie spasmodique complète des

membres inférieurs avec rétention des réservoirs et anesthésie occupant, aux

membres supérieurs, le domaine du plexus brachial inférieur, et étendue à

toute la partie sous-jacente du corps. Près de ans après le début, mort de tu-

berculose pulmonaire. Il n'y avait d'autres signes rachidiens que la gêne et la

limitation des mouvements du cou, avec douleurs dans la rotation de la tête à

gauche, et, quelques jours avant la mort, sensibilité à la pression des VIe et

Vlle vertèbres cervicales. Or l'autopsie montra des jetées osseuses réunissant

les lames des VIe et Vue cervicales, et une carie du corps des VIII, et VIIIe ver-

(1) l3HOCa, Gaz. hebd. de Méd., 1900, n° 125.

(2) Touche, Revue Neurologique, 1900, p. 460.

xix 2

18 ALQUIER

tèbres cervicales : le foyer s'ouvrait dans l'espace épidural : épaississement des

faces antérieures et, surtout, latérales de la dure-mère.

Dans le Mémoire de Long et Machard(l), se trouve l'observation suivante :

Un homme de 42 ans fut pris de douleurs dans le dos et les côtés, avec affai-

blissement progressif des deux membres inférieurs et du membre supérieur

droit. 8 mois après, paraplégie spasmodique sans troubles vésicaux, parésie du

membre supérieur droit surtout à la main et à l'avant-bras,avec très légère atro-

phie de l'éminence thénar; intégrité des réflexes olécranien et des radiaux, pas

d'inégalité pupillaire ; douleur la pression des vertèbres dorsales supérieures

(Il n'est pas fait mention de troubles sensitifs). Amélioration par un traite-

ment tonique. Mort 15 mois après le début. A l'autopsie, carie tuberculeuse de

la 2a vertèbre dorsale ; au niveau des 28, 3e et 4a l'espaceépidural est occupé par

un tissu lardacé non adhérent la pie-mère, qui est normale : au niveau de la

lyre dorsale, nouveau foyer de carie avec épaississement de la gaine des VIII0 ra-

cine cervicale et Ire dorsale droite avec absence de lésions dégénératives dans la

moelle.

Nous avons récemment observé le cas suivant dans le service de M., le

professeur Raymond à la Salpêtrière.

Il s'agit d'une femme de 56 ans, ménagère. Rien d'intéressant dans les an-

técédents héréditaires ou collatéraux. Elle se rappelle avoir pris de l'huile de

foie de morue pour anémie. Mariée à 26 ans, elle eut 5 enfants, dont l'un est

mort à 13 mois, de congestion pulmonaire, 4 fausses couches entremêlées aux

accouchements.

A 55 ans, elle se met à tousser et éprouve des douleurs progressivement

croissantes de la nuque, auxquelles se joignent, 2 mois après, quelques dou-

leurs erratiques dans le dos ; deux autres mois plus tard les mains devinrent

maladroites ; cette maladresse, et des douleurs de la nuque et du bras droit,

survenant dès qu'elle voulait coudre ou éplucher des légumes, l'empêchèrent

bientôt de vaquer à ses occupations ; en marchant ou dans la station assise, elle

était obligée de soutenir sa tête à deux mains ce qui amenait la sédation des

douleurs. 7 mois environ après le début, affaiblissement progressif des mem-

bres inférieurs, puis un matin, paraplégie complète.

La malade étant entrée, à cette époque, à la Salpêtrière, voici les résultats de

l'examen :

Tête penchée en avant avec faiblesse et gêne de tous les mouvements du cou.

Cyphose cervico-dorsale avec scoliose légère (Pl. IV).' La malade ne peut se

servir de ses membres supérieurs, à cause de l'affaiblissement et de l'incertitude

des mouvements : elle ne prend qu'à peine un objet quelconque de la main

droite qu'elle peut cependant porter à son nez, ce qui lui est impossible de la

main gauche. Elle ne peut se tenir debout seule, perdant aussitôt l'équilibre ; en

la faisant marcher soutenue par un aide, on voit que la jambe gauche steppe et

(1) LONG et llincxenn. Revue Neurologique, 1900, p. 330.

NOUVELLE ICO : : OGRAYHI6 DE LA SALPETRfÈRE. T. XIX. PI. IV 1

Photographies Introït.

MAL DE POTT SANS GIBBOSITE

(T. ? lt ! ! Cl ?

LES PRINCIPALES FORMES DES TROUBLES NERVEUX 19

fléchit sous le poids du corps ; la droite est forte et talonne. Elle ne peut toucher

un objet de la pointe du pied, qu'après une série d'oscillations irrégulières.

On constate : aux membres supérieurs, parésie des triceps brachiaux, des

muscles antibrachiaux, et paralysie des muscles de la main, avec atrophie des

éminences thénar et hypothénar (v. pl. IV), avec affaiblissement des réflexes

olécrâniens et du poignet.

Membres inférieurs : parésie surtout des fléchisseurs, avec exagération des

réflexes rotuliens.

Dissociation syringomyélique de la sensibilité ; sensibilité au tact conservée

partout : thermo-anesthésie limitée en haut par une ligne horizontale passant, à

droite au-dessous du sein, et remontant un peu plus haut à gauche ; diminution

de la sensibilité à la douleur dans toute la partie inférieure du corps, mais

remontant moins haut que la thermo-anesthésie.

Incontinence des urines et des matières. Aucun trouble céphalique sen-

soriel ou psychique.

Quelques jours après son entrée, augmentation des douleurs, avec sensation

de chaleur exagérée aux membres supérieurs, et de froid aux inférieurs, les

réflexes du poignet sont plutôt forts, réflexes rotuliens exagérés, signe de

Babinski à gauche ; à droite on obtient l'abduction du pied avec flexion des

3e et 4e orteils.

Fièvre avec délire tranquille. Mort cinq semaines après son entrée à l'hôpi-

tal.

A l'autopsie, intégrité de la partie postérieure des arcs vertébraux : mal de Pott

cervical avec destruction complète du corps de la VIe vertèbre cervicale, pro-

pagation du foyer au corps de la VIIe, et carie superficielle de la partie antéro-

latérale des Ive, Ve et Vlle cervicales. Début d'abcès par congestion périverté-

bral, à ce niveau : d'autre part, le pus caséeux se propage à la partie anté-

rieure de l'espace épidural, bridé par des adhérences étroites entre la dure-

mère et l'os. Les racines cervicales inférieures sont, surtout à droite, engainées

dans un tissu de sclérose dense ; nombreuses adhérences, sur toute la hauteur

de la moelle, entre la dure-mère et les méninges molles (PI. IV).

Ainsi donc, dans le mal de Pott cervical, comme dans la tuberculose

des autres segments du rachis, les troubles moteurs et les modifications

objectives de la sensibilité sont précédés, parfois à longue échéance, de

douleurs radiculaires dont l'importance pour le diagnostic ne saurait être

trop mise en évidence.

Les troubles nerveux ultérieurs se présentent sous deux aspects princi-

paux : .

1e Exceptionnellement ils se résument à la symptomatologie présentée par

le petit malade de M. Broca : douleurs radiculaires, puis paralysie flasque

avec atrophie musculaire et troubles sensitifs aux membres supérieurs,

sans troubles notables de la partie inférieure du corps.

2e Presque toujours la symptomatologie répond à la description qu'en

20 ALQUIER

esquisse M. le professeur Raymond à propos d'un cas de mal de Pott cer-

vical probable, dans les lignes suivantes (1) :

«Au début, surviennent des douleurs sur le trajet des nerfs dont les

racines naissent dans la région comprimée, en particulier sur le trajet des

nerfs du membre supérieur. Plus tard, la compression des mêmes racines

se traduit par l'association de l'anesthésie aux douleurs et aux phéno-

mènes d'hyperesthésie ; presque toujours, l'anesthésie affecte le caractère

dissocié. La paralysie des membres supérieurs suit de près ; elle est géné-

ralement flasque ; tôt ou lard, elle se double d'un certain degré d'atrophie

musculaire, quand la compression s'exerce sur la moelle, il en résulte une

paralysie des quatre membres et du tronc, les réflexes sont exaltés aux

inférieurs. Il peut survenir de la contracture.

« D'autres manifestations peuvent s'ajouter aux précédentes. Elles déno-

tent que la compression s'exerce sur la partie supérieuredu segmentcervical

et sur les origines du grand sympathique. Comme telles, je vous mention-

nerai les troubles pupillaires (myosis, mydriase), leralentissementperma-

nent du pouls, les poussées congestives du côté de la face et des yeux, la

gêne de la déglutition, les vomissements, la toux, la dyspnée.

«Enfin, quand la compression remonte jusqu'aux racines de l'hypoglosse,

au niveau du trou occipital, il en peut résulter une atrophie de la langue,

qui, souvent, n'intéresse qu'une moitié de l'organe. Je vous en ai présenté

un très intéressant exemple, dans une de mes précédentes Leçons du

.vendredi.

« Pour ce qui est des troubles de la miction et de la défécation, ils peu-

vent manquer dans les cas de compression limitée au segment cervical de

la moelle : quand ils existent, ils se réduisent généralement, du côté de la

miction, à de simples besoins impérieux, et du côté du rectum, à une

constipation plus ou moins opiniâtre Rarement ils vont jusqu'à l'in-

continence proprement dite, des urines et des matières. »

Il convient d'attirer plus spécialement l'attention sur les cas où une

compression de la moelle et des racines cervicales inférieures détermine

aux membres supérieurs une paralysie flasque, avec alrophie musculaire,

et l'exagération des réflexes des membres inférieurs (cas de Touche, de

Long et Machard, etc.). Chez notre malade, ce complexus symptomatique,

associé à une anesthésie dissociée (thermo-anesthésie ; anesthésie à la

douleur, pas exactement superposée à la thermo-aneslhésie, sensibilité

tactile conservée), avait pu faire croireà une syringo myélie (d'autant plus

que la malade avait une cyphoscoliose) : Enfin, dans plusieurs observa-

(1) RAYMOND, Semaire Médicale, 1902, p. 91. L'autopsie pratiquée ultérieurement

montra qu'il s'agissait, non d'un mal de Pott, mais d'un sarcome des méninges cer-

vicales avec compression de la moelle.

LES PRINCIPALES FORMES DES TTOUBLES NERVEUX 21

tion, on trouve signalé un certain degré d'ataxie, qui existait chez notre

malade.

§ 2. - Diagnostic.

Tel sont les principaux aspects cliniques des troubles nerveux dans le

mal de Pott; ils peuvent, on le voit, réaliser toutes le variétés des symptô-

mes que peuvent produire la compression de la moelle et des racines. On

conçoit aisément combien le diagnostic peut devenir embarrassant, même

pour un neurologiste exercé, lorsque viennent à' manquer les signes de

certitude de mal de Pott, c'est-à-dire les signes rachidiens, ou bien que

ceux-ci sont seulement ébauchés.

I. Diagnostic différentiel.

Au début, nous l'avons vu dans toutes les formes, et pour toutes les

régions du rachis, le malade vient, le plus, souvent, se plaindre de

douleurs qui, pendant plus ou moins longtemps, peuvent être le seul

signe. Il est classique de dire que ces douleurs ont les caractères

habituels des douleurs radiculaires, c'est-à-dire ne sont pas exactement

localisées sur des trajets nerveux, mais plus diffuses, sont de carac-

tère fulgurant, lancinant, ou s'accompagnent de paresthésies (engour-

dissements, fourmillements), enfin, sont paroxystiques. Il n'en est pas

moins vrai que, dans un certain nombre d'observations, ces douleurs ont

été attribuées à de simples névralgies, ce qui se comprend, surtout lorsque

ces douleurs occupent la face postérieure des membres inférieurs, et qu'on

trouve, soit le signe de Lasègne, soit la douleur à la pression du nerf

(cas de Triot), et surtout si la pseudo-sciatique est unilatérale (cas de

Grognot, de Raymond et Huet). D'autres fois, suivant leur siège, les dou-

leurs pourront en imposer pour une névralgie intercostale, des coliques

néphrétiques, ainsi que nous en avons cité des exemples.

Lorsque le caractère radiculaire n'est pas évident, il pourra être diffi-

cile de rapporter ces douleurs à leur véritable cause; dans les cas dou-

teux, on pourra tenter l'épreuve des injections aiiestliésiantes, sui- le trajet

du tronc nerveux : la douleur sera momentanément calmée si elle est de

cause périphérique : elle le sera moins, si sa cause est intra-rachidienne.

C'est là, d'ailleurs, un moyen auxiliaire et dont il ne faudrait pas exagé-

rer la valeur.

On commence à connaître aujourd'hui les névralgies d'origine radicu-

laire, avec présence, dans le liquide céphalo-rachidien, d'éléments figurés

divers. Or. dans le mal de Poil, la ponction lombaire donne habituelle-

ment, et sauf, bien entendu, le cas d'infection secondaire ou surajoutée,

un résultat négatif, ainsi que l'ont montré Sicard et Cestan (1r La

(1) SMICARD et CESTAN, Société médicale des Hôpitaux, 24 juin 1904.

22 ALQUIER

ponction lombaire pourra donc, dans certains cas, aider au diagnostic.

Les douleurs radiculaires du mal de Pott ont, d'ailleurs, un caractère

dont l'importance a été soulignée depuis longtemps par les cliniciens, et

qui se retrouve dans presque toutes les observations ; exaspérées par la

marche, la station verticale prolongée, elles sont calmées par le décubitus,

si bien que les heureux effets du repos absolu au lit ont, dans plusieurs des

cas anormaux que nous avons résumés, contribué à faire rechercher le

mal de Pott (exemples : cas de Raymond, Huet et de Brissaud, etc...) (1).

On devra donc, en présence d'une douleur névralgi forme, tenace des

membres ou du tronc, et dont la cause n'est pas évidente, toujours penser

au mal de Pott, quel que soit l'âge du sujet. La douleur deviendra un

signe de bien plus grande valeur lorsqu'elle sera bilatérale, à caractères

radiculaires, exagérée par la marche et la station verticale prolongées, at-

ténuée par le repos au lit ; enfin, si la ponction lombaire montre l'absence

d'éléments figurés dans le liquide céphalo-rachidien.

Faisons observer, d'ailleurs, que, si la douleur est un excellent signe

de mal de Pott, son siège est loin de correspondre toujours à celui de la

lésion osseuse, ainsi qu'il ressort nettement d'un certain nombre d'ob-

servations avec autopsie.

Plus tard, aux douleurs, s'ajoutent des troubles moteurs et, d'une façon

moins constante, des troubles objectifs de la sensibilité et des troubles

sphinctériens, sans parler des troubles trophiques (eschares, oedèmes) qui i

ne sont d'aucune utilité pour le diagnostic.

Ce qui attire surtout l'attention du malade et du médecin, ce sont les

troubles moteurs, qui se présentent sous l'un des quatre aspects suivants :

1° Paralysie flasque avec ou sans atrophie musculaire ;

20 Paralysie spasmodique des membres inférieurs avec intégrité des

membres supérieurs ;

3° Paralysie spasmodique des quatre membres ;

4° Paralysie spasmodique des membres inférieurs, paralysie flasque des

membres supérieurs.

1° Il est exceptionnel que la paralysie flasque se localise aux membres

supérieurs comme dans le cas de M. Broca ; d'ordinaire, on trouve tout

au moins l'ébauche d'une paraplégie spasmodique des membres inférieurs :

exagération des réflexes rotuliens, signe de Babinski, etc.

2° La paralysie flasque des membres inférieurs peut au contraire s'obser-

ver, lorsque la compression s'exerce sur les racines de la queue de cheval,

(1) Rappelons que PAINTER (Philadelphia medical journ., 1901) a signalé dans les

scolioses intenses des névralgies que la radiographie lui a montré due à la compression

osseuse des racines ou des nerfs, comme dans le mal de Pott.

LES PRINCIPALES FORMES DES TROUBLES NERVEUX 23

c'est-à-dire dans le mal de Pott lombo-sacré. On l'observe encore dans le

mal de Pott dorso-lombaire, alors que la compression n'atteint encore que

les racines, respectant momentanément la moelle. Dans les deux cas,

cette paralysie flasque des membres inférieurs pourra donner lieu aux

erreurs de diagnostic suivantes :

a) Si l'atrophie musculaire est peu marquée, la constatation d'une pa-

ralysie flasque avec douleurs névralgiformes intenses pourra parfaitement

faire croire à une polynévrite. Nous avons trouvé cette erreur signalée

dans un assez grand nombre d'observations, elle a été commise, notam-

ment, dans quatre de nos faits personnels ; en particulier dans notre ob-

servation IV, le malade étant alcoolique etayant un peu de faiblesse des

mains, on avaitpensé à une polynévrite alcoolique à forme surtout sensi-

tive en raison de la prédominance des douleurs sur les troubles moteurs.

Notons que, chez ces quatre malades, l'examen électrique, pratiqué par

M. Huet, avait montré, soit peu de chose, soit la diminution de l'excita-

bilité électrique des muscles, mais sans fournir désigne net permettant le

diagnostic.

Et cependant, plusieurs particularités rendent, en pareille occurrence,

l'hypothèse d'une névrite peu vraisemblable ; la localisation aux membres

inférieurs avec intégrité habituelle des supérieurs, le fait que les troubles

moteurs ne prédominent pas nettement aux extrémités, comme dans les

névrites : l'absence de douleurs réveillées par le ballottement des masses

musculaires ; enfin, l'existence de douleurs dans le dos ou les lombes, et,

tôt ou tard, dans bien des cas, l'apparition de troubles du sphincter vési-

cal, ne cadrent guère avec l'hypothèse d'une névrite. Les troubles objec-

tifs de la sensibilité et l'atrophie musculaire, souvent diffus, sans limites

nettes, présentent parfois une disposition radiculaire dont la constatation

est précieuse pour le diagnostie.

L'amaigrissementet la faiblesse des membres inférieurs, la manière de

se relever du sujet couché par terre, peuvent, comme dans le cas de MM.

Raymond etHuet, faire croire à la myopathie. Mais, à un examen plus

minutieux les analogies disparaissent et les dissemblances éclatent ; on re-

connaît que le sujet ne prend appui des mains sur ses membres inférieurs

que pour immobiliser le rachis ; l'atrophie et la paralysie respectent d'or-

dinaire les muscles de la ceinture pelvienne et scapulo-thoracique, con-

trairement.à ce qu'on observe dans la myopathie ; cette dernière affection

n'est pas douloureuse et ne détermine pas de troubles vésicaux contraire-

ment au mal de Pott.

b) En cas de spasmodicité des membres inférieurs avec intégrité des

membres supérieurs, les signes ressemblent beaucoup à ceux d'une myélite

transverse, en particulier, de la myélite syphilitique ; après un début tan-

24 ALQUIER , '

tôt lent et d'autres fois brusque, on pense observer une spasmodicité plus

ou moins considérable des membres' inférieurs, soumise à des variations

irrégulières, à des alternatives d'aggravation et d'amélioration, les troubles

objectifs de la sensibilité sont moins fréquents que les troubles moteurs :

Les troubles sphinctériens sont variables : rétention ou incontinence des

deux sphincters vésical et anal ou d'un seul, plus ou moins intenses et pré-

coces. N'y a-t-il pas les plus grandes ressemblances entre ce tableau sym-

ptomatique et celui que Erb a tracé de la myélite transverse syphilitique ?

Celle-ci est, en général, moins douloureuse que le mal de Pott ; la cons-

tatation du signe d'Argyll Robertson vient, dans bien des cas de syphilis

médullaire, corroborer le diagnostic ; enfin la ponction lombaire donne

un bon signe différentiel, lymphocytose dans la syphilis, résultat négatif

dans la tuberculose (Sicard et Cestan). Dans les cas où on a quelque raison

de suspecter le mal de Pott, il ne faut,bien entendu, tenter l'épreuve du trai-

tement antisyphilitique qu'avec une'extrême prudence, car on sait quels

effets néfastes il exerce sur la tuberculose : dans plusieurs des observations

que nous avons recueillies dans la littérature, il est dit expressément que

les accidents du mal de Pott se sont notablement aggravés à la suite du

'traitement antisyphilitique ; nous avons, nous-même, observé deux fois,

cette aggravation. On ne doit pas oublier, d'ailleurs, que le traitement

antisyphilitique peut être absolument inefficace, dans des cas de myélite

syphilitique bien avérée.

Nous n'insisterons pas sur les autres causes d'erreur possibles en pareil

cas, car il faudrait passer en revue une grande partie de la pathologie de

la moelle. Par exemple, nous avons récemment autopsié une malade du

service de M. le professeur Raymond, atteinte d'une paraplégie spasmo-

dique des membres inférieurs avec incontinence et légère rétention des

urines, hypoesthésie remontant jusqu'au-dessous des seins et limitée à ce

niveau par une ligne horizontale ; la sensibilité tactile était moins profon-

dément atteinte que les sensibilités thermique et douloureuse. La pression

et la percussion des apophyses épineuses était douloureuse, de la 3° à la

6e dorsale. Aucun symptôme morbide aux membres supérieurs, à la tête

et au cou. Le traitement antisyphilitique avait été, antérieurement, essayé

sans succès ; il avait, au contraire, semblé aggraver la situation. On eût

pu penser à un mal de Pott, l'autopsie démontra l'intégrité complète de

la colonne vertébrale, qui présentait seulement un léger degré de cypho-

scliose. Il s'agissait d'une syringomyélie anormale, dont nous poursuivons

actuellement l'étude histologique.

3° Paralysie spasmodique des quatre membres. Pour donner naissance

à cette variété, le foyer tuberculeux épidural doit ne comprimer la moelle

et les racines que dans la partie du segment cervical, située au-dessus de

LES PRINCIPALES FORMES DES TROUBLES NERVEUX 25

l'origine des racines du plexus brachial, dont la compression' entraînerait

la 4e variété. Or, même dans le mal de Pott sous-occipital, c'est cette der-

nière éventualité qui se réalise le plus souvent. Aussi nous pardonnera-

t-on de rie pas insister sur la paralysie spasmodique des qualre membres,

dont nous n'avons pas d'observation avec autopsie. La compression de la

moelle supérieure s'accompagne, habituellement, des troubles bulbaires

signalés plus haut.

4° Paralysie spasmodique des membres inférieurs, paralysie flasque des

membres supérieurs . - Lorsque cette dernière s'accompagne d'atrophie

musculaire à topographie radiculaire (muscles du groupe Duchenne-

Erb, ou du groupe Aran-Duchenne), on conçoit que le diagnostic puisse

présenter certaines difficultés. Dans notre Ve observation personnelle,

'l'existence de spasmodicité des membres inférieurs, avec paralysie flas-

que des supérieurs, un certain degré d'atrophie des muscles du groupe

Aran-Duchenne, une dissociation syringomyélique des plus nettes de la

sensibilité, enfin, une légère cypho-scoliose, simulaient assez bien le

tableau de la syringomyélie ; le diagnostic n'avait pu être établi que

grâce à l'intensité et à la précocité des douleurs de la nuque et des

membres supérieurs, qui offraient avec la plus grande netteté tous les

caractères des douleurs radiculaires, telles qu'on les observe dans les

mal de Pott ; l'attitude de la tête, la déformation du cou n'appartiennent

pas à la syringomyélie. Remarquons cependant que, dans le cas anormal

de syringomyélie dont nous parlons plus haut, les apophyses épineuses de

plusieurs vertèbres dorsales étaient douloureuses à la pression.

Telles sont les principales causes d'erreur que rencontre le diagnostic

des troubles nerveux survenant au cours du mal de Pott, sans gibbosité.

Quel que soit le siège de celui-ci, il peut, encore être, parfois simulé par r

les accidents nerveux consécutifs aux fractures ou luxations de la colonne

vertébrale. Dans plusieurs observations on voit un traumatisme vertébral

marquer le début des accidents nerveux du mal de Pott;-or, nous avons

autopsié, il y a quelques mois, une malade qui, trois ans avant sa mort,

avait eu une fracture de la colonne dorso-lombaire. Quelque temps après

ce traumatisme, étaient apparus progressivement des accidents analogues

à ceux qu'aurait pu déterminer un mal de Pott; l'autopsie et l'examen

histologique montrèrent qu'il s'agissait d'une méningo-myélite chronique

non tuberculeuse.

Ajoutons encore les compressions de la moelle et des racines dues à

d'autres causes que le mal.de Pott, par exemple à un anévrysme aortique,

ou à des métastases cancéreuses : les tumeurs de la moelle et des méninges

(cas de M. Raymond), enfin, la méningo-myélite tuberculeuse indépen-

dante du mal de Pott, dont le diagnostic offre les plus grandes difficultés.

26 ALQUIER

Il va sans dire que les quatre variétés donc nous avons rapidement étu-

dié le diagnostic différentiel représentent seulement les aspects les plus

caractéristiques des troubles nerveux du mal de Pott, qui peuvent varier

à l'infini, suivant le siège, l'étendue, l'intensité de la compression.

C'est ainsi que Lannois (1) a publié le cas fort intéressant d'une

femme de 41 ans, qui eut d'abord, pendant quelques jours des douleurs

entre les épaules, puis, brusquement, une paraplégie, d'abord incomplète

puis complète, flasque avec exagération des réflexes rotuliens, clonus du

pied, anesthésie complète, rétention permanente des sphincters. A l'au-

topsie, carie nécrotique des vertèbres 7e c. à 3° d. ; au-dessous, la moelle,

sur une longueur de 3 cent. 1/2, était réduite en bouillie, tout en ayant

conservé une coque périphérique. Histologiquement, foyer de myélite

n'équivalant pas à la section complète; au-dessus et au-dessous, lésions

dégénératives.

II. Eléments du diagnostic positif.

Les signes positifs, permettant de rapporter au mal de Pott les troubles

nerveux constatés, sont de deux ordres : les uns permettent d'affirmer la

tuberculose, les autres indiquent une lésion vertébrale :

t

a) Les signes de tuberculose sont : d'abord les signes généraux de l'in-

fection tuberculeuse, quelle que soit sa localisation dans l'organisme ;

amaigrissement, perte de forces, sueurs, fièvre.

Ces symptômes acquièrent une certaine importance lorsqu'ils surviennent

chez un individu auparavant en bonne santé ; ils indiquent alors l'inva-

sion de la tuberculose ; si, peu de temps après, apparaissent des signes de

compression nerveuse sans cause bien évidente, on doit penser au mal de

Pott et en rechercher les signes ; d'autre part, si l'état général du sujet est

satisfaisant, une injection de tuberculine, en donnant la réaction fébrile

caractéristique, montrera l'existence d'une tuberculose latente; celle-ci aura

des chances d'être vertébrale, si l'examen des viscères est négatif, tandis

qu'il y a des troubles nerveux pouvant dépendre d'une tuberculose ver-

tébrale latente. Or, plusieurs auteurs affirment que : le mal de Pott se

développe, d'ordinaire primitivement (Fickler) (2) ; qu'il évolue, le plus

souvent, comme une maladie locale (Phelps) (3).

(1) LANNOis, Lyon médical, février 1902 ; LANNOis et POROT, Lyon médical, janvier

1905.

(2) FICKLER, Deutsche Zeitschrift f. Nervenheilk., t. XVI.

(3) Phelps, Buffalo med. Journ., septembre 1901.

LES PRINCIPALES FORMES DES TROUBLES NERVEUX 27

Effectivement, dans les 5 cas personnels relatés dans ce travail, nous

n'avons constaté qu'une seule fois une tuberculose pleuro-péritonéale an-

cienne, certainement antérieure au mal de Pott ; dans les 4 autres cas, la

tuberculose vertébrale était bien la seule lésion tuberculeuse constatée

à l'autopsie.

Mais il est loin d'en être toujours ainsi ; en parcourant les protocoles

d'autopsie des pottiques morts à la Salpêtrière, nous trouvons souvent

mentionnées diverses tuberculoses viscérales anciennes, ce qui ôte toute

valeur dans ces cas à l'épreuve de la tuberculine.

b) L'étude des signes rachidiens annonçant le début du mal de Pott a été

faite bien des fois ; nous ne saurions mieux faire que de résumer une cli-

nique de M. A. Broca (1), qui serait à citer tout entière :

L'abcès par congestion n'est pas un signe de début ; il correspond à un

stade assez avancé de l'évolution ; la raideur, les souffrances, tels sont

les symptômes qui donnent, au début du mal de Pott, une physionomie

assez spéciale.

La raideur, signe de début le plus banal de toute tumeur blanche, se

traduit par la maladresse, la gêne, le défaut d'amplitude des mouvements

provoqués. Difficile à mettre en évidence, à la région dorsale, dont les

mouvements sont presque nuls à l'état normal, elle est facile à mettre en

évidence, aux lombes, par la manière classique dont le sujet ramasse un

objet à terre, s'accroupissant sans fléchir le tronc, et s'appuyant sur les

mains pour se relever. La marche est caractéristique, surtout par la len-

teur, l'hésitation que met le sujet pour tourner sur lui-même ; bien avant

la gibbosité, on constate la rectitude de la colonne lombaire, l'effacement

de la lordose normale.

Au cou, la raideur doit être cherchée surtout par la gêne et la limitation

des mouvements de rotation de la tête ; ils seront de plus en plus lents et

limités, et finiront par être supprimés complètement et remplacés par

une rotation du tronc tout entier, autour de la région lombaire, « d'où,

suivant l'expression classique, un air guindé, dû à la rigidité cervicale ».

Au dos, au contraire, la raideur est difficile à mettre en évidence; à

l'appui de son dire, M. Broca présente à ses auditeurs une fillette de 10 ans

qui marche avec aplomb et souplesse, se baisse pour ramasser un objet à

terre sans lenteur et sans prendre appui avec les mains ; c'est à peine si

elle hésite un peu pour faire volte-face ; c'est à peine si, dans la station

verticale, une épaule est plus haute que l'autre, et cependant, l'apophyse

(1) BROCA, Journal des Praticiens, 1904, n-s 9 et 10.

28 ' ALQUIER

épineuse de la 78 dorsale fait urie saillie suffisante pour rendre le diagnos-

tic certain.

Nous avons suffisamment insisté sur les douleurs, pour n'y plus reve-

nir : les douleurs irradiées sont un signe de compression radiculaire, non

un signe de lésion osseuse. Il n'en est pas de même de la douleur réveillée

par la pression ou la percussion des vertèbres malades ; on retrouve cette

douleur dans toutes les tuberculoses osseuses, quel que soit leur siège. A

la région dorsale, on ne peut explorer que les apophyses épineuses ; la

face antérieure de la colonne lombaire peut, dans une certaine mesure,

être explorée par le palper abdominal profond. Au cou, on peut, palper

les masses latérales, et, par le toucher pharyngien, arriver sur la face an-

térieure des vertèbres cervicales moyennes.

Mais ces douleurs osseuses n'ont pas une valeur absolue; elles exis-

taient, avons-nous dit, dans un cas où il s'agissait d'une syringomyélie

anormale, sans lésion rachidienne, à l'autopsie.

Nous avons suivi, pendant plus d'un an, dans le service de M. le

professeur Raymond, un jeune homme de 20 ans atteint de tuberculose

pulmonaire, chez lequel une paraplégie spasmodique des membres infé-

rieurs avec troubles sphinctériens, hypoesthésie limitée par une ligne

horizontale passant un peu au-dessous des seins et douleurs à la pression

au niveau de plusieurs vertèbres dorsales supérieures, avaient permis de

penser au mal de Pott; or, le malade étant mort il y a quelques jours,

l'autopsie démontra l'intégrité complète du rachis.

La radiographie, souvent utile, comme l'a montré M. Kirmisson, au

Congrès de Gynécologie de Nantes (1901), est, malheureusement loin de

permettre le diagnostic dans les cas douteux : elle n'a donné que des résul-

tats tout à fait incertains chez une jeune fille atteinte de paraplégie spas-

modique, avec troubles de la sensibilité, légère incontinence des sphincters

et douleurs à la pression au niveau de plusieurs apophyses épineuses,

alors que tout rendait probable un mal de Pott, qu'il était, cependant, im-

possible d'affirmer catégoriquement.

La recherche de la transmission des vibrations du diapason appliqué

sur les os semblerait, a priori, devoir fournir des renseignements sur les

lésions destructives de ceux-ci, mais des divers travaux publiés jusqu'à ce

jour, il ne se dégage rien de précis ; des nouvelles recherches sont néces-

saires.

Force nous est donc de conclure que, si dans bien des cas, une analyse

clinique minutieuse permet d'arriver à diagnostiquer le mal de Pott avec

LES PRINCIPALES FORMES DES TROUBLES NERVEUX 29

troubles nerveux sans gibbosité, il arrive parfois que le diagnostic est

absolument impossible.

En particulier, il est à peu près impossible de diagnostiquer les

méningo-myélites tuberculeuses indépendantes du mal de Pott, dont on

connaît, à l'heure actuelle, de rares exemples.

Et cependant, il y aurait un intérêt énorme à savoir reconnaître, le

plus tôt possible, cette variété spéciale de la tuberculose vertébrale, que

l'on arriverait peut-être à guérir dans bien des cas, en instituant à temps

le seul traitement du mal de Pott dont l'efficacité soit aujourd'hui bien

reconnue de tous, médecins et chirurgiens, à savoir l'immobilisation : du

sujet par le décubitus, ou, tout au moins, de la lésion, à l'aide d'un

appareil bien fait, jusqu'à guérison complète, à laquelle il faut ajouter le

traitement tonique et la cure d'air.

HOTEL-DIEU

SERVICE DE M. LE P' BRISSAUD.

CYPHOSE PRONONCÉE CHEZ UN TUBERCULEUX

PAR

E. BRISSAUD, et F. MOUTIER,

Professeur à la Faculté de Médecine, Interne des Hôpitaux.

Médecin de l'Hôtel-Dieu.

(Pl. V et V

Ce cas a déjà fait l'objet d'une étude dans cette Revue (1), étude publiée

sous le titre de cyphose d'origine articulaire ou musculaire. Depuis deux

ans, les altérations vertébrales se sont fort accentuées, et la tuberculose,

seulement soupçonnée autrefois, a évolué nettement au cours de 1905.

Rappelons brièvement l'histoire du malade. Il s'agit d'un polisseur sur por-

celaine de 37 ans au moment de son entrée à l'Hôtel-Dieu, en février 1904.

Les antécédents sont dépourvus d'intérêt en dehors de ce qui se rattache à l'é-

pisode actuel. Il eut quelques douleurs vers 1887; dix ans après, il fut pris de

paroxysmes douloureux dans le dos, et ces phénomènes se répétèrent pendant

3 ans. En 1900, le dos a commencé à se voûter, et les souffrances ont cessé.

Lors de la publication précédente, le malade avait 1 m. 49; sa taille était de

1 m. 71 au moment du service militaire. A l'heure actuelle, on constate une

diminution de 12 centimètres et avec un grand effort, le sujet de 1 m. 37 par-

vient à regagner 5 centimètres. Cette petite gymnastique lui cause d'ailleurs

une grande fatigue et un certain essoufflement.

La cyphose est toujours continue et toujours prédominante à la région dor-

sale moyenne. On constate encore une douleur très nette à la pression des 8"

et 9" apophyses épineuses. Il n'existe rien aux autres articufations du corps,

et les côtes ne sont pas déviées. Elles plongent seulement dans l'abdomen, et

à chaque effort inspiratoire, le malade en éprouve quelque douleur. Il n'y a pas

de déformations spéciales du thorax, pas d'éversion notamment du rebord des

fausses côtes, et la région épigastrique est barrée de ou 3 plis profonds comme

on les voit chez tout cyphotique, Paget ou autre.

Il n'y a pas de troubles de la sensibilité ni des réflexes ; les contractions élec-

triques sont normales, si ce n'est au niveau des muscles spinaux très dimi-

nués vis-à-vis de l'excitation faradique. Il existe en outre une atrophie marquée

(1) E. BRISSAUD et H. GRE1VBT, Un cas de cyphose d'origine articulaire ou musculaire

Nouvelle Iconographie, 1904, no 2, 3 pl.

NOUVELLE Iconographie- DE la Salpêtrière. T. XIX. PI. V

CYPHOSE PRONONCÉE CHEZ UN TUBERCULEUX

(Brissaud et Moutier.)

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière

T. XIX. Pl. VI

CYPHOSE PRONONCÉE CHEZ UN TUBERCULEUX

(Brissaud et Moutie ? )

BRISSAUD ET MOUTIER. - CYPHOSE PRONONCÉE CHEZ UN TUBERCULEUX 31

des fesses, accentuée notablement depuis deux ans. En dehors de la gêne

d'une respiration uniquement abdominale, le malade ne souffre pas.

La lésion pulmonaire a progressé sensiblement; à l'heure actuelle la respi-

ration est modifiée aux deux sommets ; le timbre en est rude, et à droite s'en-

tendent quelques gros râles de bronchite. On sent un peu de résistance au

doigt dans les fosses sus-épineuses. Mais de mai à juillet 1905, il y eut une

poussée aiguë, avec élévation thermique, râles fins, nombreux bacilles dans les

crachats. L'expectoration est restée assez abondante si les râles sous-crépi-

tants ont disparu. Enfin, l'amaigrissement est appréciable.

Nous voyons donc que cette cyphose a évolué assez rapidement depuis le

temps où cessèrent les douleurs. La taille est passé en 4 ans de 1 m. 71 à

1 m. 49, et en deux ans de 1 m. 49 à 1 m. 37 ; ces phénomènes n'ont

été précédés ni d'infection syphilitique ou blennorragique, ni de trauma-

tisme. Dans la note précédenle, on avait insisté sur l'absence d'ankylose

complète, sur la faiblesse des muscles spinaux, sur les douleurs du début,

sur l'absence d'arthrite à siège indépendant de la colonne vertébrale. On

avait pu déjà écarter les diagnostics de spondylose de Marie-Strümpell ou

de Bechterew. A l'heure actuelle, il semble que les mouvements soient plus

pénibles et plus fatigants qu'autrefois. Peut-être en certaines régions

y a-t-il quelque lésion ligamentaire ou articulaire; il n'est en effet a

priori rien d'impossible à ce qu'avec le temps un trouble d'abord pure-

ment musculaire s'adjoigne des lésions d'autres tissus. La suppression

d'une fonctionne serait donc pas dépourvue d'influence; et ces ligaments et

surfaces articulaires inutilisés par des muscles impuissants, présenteraient

tout logiquement des altérations secondaires. Il est seulement permis

maintenant de se demander quelle est la valeur pathogénique de la tuber-

culose dans ce cas.

Pour certains cliniciens (1), la coexistence d'une lésion semblable à

celle-ci et d'une bacillose pulmonaire imposerait le diagnostic étiologique.

Sans être absolument affirmatifs, nous rappellerons simplement que les

recherches de Lorenz (2) ont montré la fréquence spéciale des troubles

vertébraux chez les tuberculeux. Dans ses statistiques, il y avait 39 0/0

d'ankyloses chez des bacillaires, et 24.8 0/0 seulement chez les malades

divers. Il ne s'agit donc probablement point de simple coïncidence chez

notre cyphotique.

(1) A. Poncet et M. MAILLANI), Rhumatisme tuberculeux. nlonogr, clin., n 34, p. 30.

Masson, 1903; A. PONCET et R. LERICHE, Rhumatisme tuberculeux ankylosant.

Revue de chirurgie, janvier 1905, pp. 33 et 34.

(2) Louent, Sur la fréquence de la rigidité de la colonne vertébrale et ses rap-

ports avec la tuberculose pulmonaire. Wien. med. Woch., 15 octobre 1904. Analysé in

Sem. méd. du 16 novembre 1904.

HOSPICE DE BICÈTRE

TRAVAIL DU LABORATOIRE DE M. PIERRE MARIE

LA SPONDYLOSE RHIZOMÉLIQUE

ANATOMIE PATHOLOGIQUE ET PATHOGÉNIE

PAR

PIERRE MARIE et ANDRÉ LÉRI.

I

' La Spondylose Rhizomélique a été décrite par Pierre. Marie en 1898 (1)

comme une « affection singulière caractérisée essentiellement au point de

vue clinique par une ankylose à peu près complète de la colonne vertébrale

(spondylose) et des articulations de la racine des membres (rhizomélique).

Les deux malades présentés alors par Pierre Marie présentaient un aspect

très spécial, et il paraissait tout à fait justifié de faire du syndrome cli-

. nique une entité morbide ; c'est ce que, dès cette époque, pensait P. Marie,

« S'il est des cas, disait-il, ou le rhumatisme déformant détermine une an-

kylose du rachis, ces cas diffèrent de ceux de spondylose rhizomélique par

l'existence de déformations extrêmement prononcées des petites jointures

et par une marche différente. La spondylose rhizomélique se distingue

non moins nettement des autres formes d'ankylose rachidienne, notam-

ment de celles dont Bechterew a rapporté plusieurs cas et que j'ai récem-

ment étudiée sous le nom de cyphose hérédo-traumatique. »

Depuis cette description de très nombreux cas ont été signalés ;

P. Marie signalait déjà un cas qu'il avait observé douze ans auparavant

avec Charcot, trois cas dont Strümpell avait fait une sommaire men-

tion, enfin un cas probable observé par Koehler. Dès 1899, dans une

étude d'ensemble (2), Léri a pu en réunir plus de 30 observations, s'oit

personnelles, soit récemment publiées par les auteurs, soit retrouvées

dans la littérature de tous les pays où elles avaient été publiées comme

des faits exceptionnels. Dès cetle époque il a donc pu affirmer « qu'il

ne s'agit certes pas là d'une affection rare, mais d'un complexus morbide

(1) Deux cas de spondylose rhizomélique, par P. Marie, Soc. méd. des hôp., 18 février

1898.

(2) La spondylose rhizomélique, par A. Léri, Revue de médecine, août, septembre

et octobre 1899.

LA SPONDYLOSE RHIZOMÉLIQUE 33

relativement fréquent que les cliniciens ne savaient pas reconnaître parce

qu'il n'avait pas été suffisamment isolé et décrit ». Les événements nous

ont donné raison, car c'est par centaines aujourd'hui que l'on compte les

observations publiées de ce complexus morbide, définitivement admis et

qui a pris droit de cité dans les traités classiques.

Mais, en dehors de la clinique, l'étude de la spondylose n'a guère pro-

gressé. On ne meurt pas de cette affection et les autopsies en sont rares ;

aussi l'anatomie pathologique, que nous avions entreprise en 1899

d'après les résultats d'une seule et jusque-là unique autopsie (1) en est

à peu près encore au point où nous l'avions laissée, compliquée plutôt

que simplifiée par quelques autopsies éparses, imcomplètes, et s'appli-

quant d'ailleurs à des faits disparates.

Les hypothèses pathogéniques n'ont pas manqué pourtant, mais à dé-

faut de base pathogénique elles ont dû s'appuyer uniquement, en dehors

de l'évolution clinique, sur des données étiologiques.

II '

Or Ntiologie de la spondylose rhizomélique n'est guère susceptible

de conduire à une notion pathogénique exacte et à une classification

de l'affection ; c'est en effet une étiologie tout à fait banale. Nous disions

en 1899 qu'il s'agissait d'un « trouble trophique à développement lent,

d'origine sans doute parfois diathésique et probablement plus souvent

infectieuse ou toxi-infectieuse » (2) ; d'après les nombreux cas signalés

depuis, nous maintenons cette affirmation, mais en insistant plus encore

sur le rôle presque constant des infections. La blennorrhagie semble avoir

parmi ces infections une importance prépondérante; la tuberculose est

sans doute aussi souvent en cause. Pierre Marie signalait dès sa pre-

mière communication qu' « il n'est pas improbable que le froid humide

joue un certain rôle » ; MM. J. Teissier et Roque, dans leur bel article

récent sur le « Rhumatisme chronique » (3), croient que dans certains cas le

froid humide jouerait un rôle ou primordial ou du moins fort important ;

nous sommes très enclins à partager cette opinion. En somme il n'y arien

dans cette étiologie qui distingue la spondylose rhizomélique de toutes

les formes du rhumatisme chronique. Comme le rhumatisme chronique

vertébral ankylosant a été récemment l'objet d'importants travaux de la

part de J. Teissier, de Mayet, de Forestier, etc., et comme il ne paraissait se

(1) Exanten du Rachis dans un cas de Spondylose Rhizomélique, par P. Marie et

A. Léri, Société méd. des hôpitaux, 24 février 1899.

(2) Léri, Revue de Médecine, 1899, p. 819.

(3) Le rhumatisme chronique, par J. TEISSIER et Roque, in Traité de médecine de

BROUAIIDEL et Gilbert, 2e édit., 190.

xix ' 3

34 MARIE ET Llhn

distinguer cliniquement de la maladie décrite par P. Marie que par le

défaut de l'ankylose de la racine des membres et par quelques différences

évolutives, on comprend que des auteurs aient volontiers considéré la

spondylose rhizomélique comme une simple variété de rhumatisme chro-

nique. La confusion a pu d'autant mieux se faire que, les causes connues

des deux affections étant les mêmes, il a pu y avoir concomitance dans un

certain nombre de cas.

Et ainsi, loin d'éclairer la pathogénie, la connaissance plus approfondie

de l'étiologie de la spondylose n'a fait qu'embrouiller une question que

seule t'anatomie, jusque-là à peu près inconnue, pouvait logiquement et

scientifiquement résoudre. La plupart des auteurs allemands et bon nom-

bre d'auteurs français des plus autorisés se sont prononcés pour l'identité

des deux processus, spondylose rhizomélique et rhumatisme chronique :

Sachs et Frankel, Schlesinger, Salrnoni, Iollarits, le pr Lépine, MM. Teis-

sier et Roque dans leur premier travail, etc.. Les auteurs italiens ont en

général attribué à la spondylose la valeur d'une entité morbide spéciale :

nous citerons Cardarelli, Cantani, Dana, Silvagni, Donetti, etc...

Mais il y a plus, et il n'y a pas jusqu'au traumatisme portant sur la

colonne vertébrale qui, dans cette maladie infectieuse comme dans toute

autre, ne puisse jouer le rôle de cause occasionnelle ou prédisposante ; le

cas dont nous rapportons plus loin l'examen anatomique en est un bel

exemple. De là à confondre là spondylose rhizomélique avec la cyphose

hérédo-traumatique de Bechterew et avec les autres ankyloses verté-

brales traumatiques, il n'y avait qu'un pas. Aussi, malgré les différen-

ces cliniques, symptomatiques et évolutives, très nettes, certains auteurs

ont voulu confondre dans une même description toutes les ankyloses

chroniques du rachis, toutes les soi-disant a ostéo-arthrites chroni-

ques ankylosantes ». La tendance à la confusion de tous les processus

vertébraux chroniques se trouve nettement exprimée dans la toute récente

« Revue générale » de Labeyrie (1) pour qui les dénominations de spondy-

lose rhizomélique, de cyphose hérédo-traumatique, etc. ne sont que a des

termes souvent personnels ».

L'anatomie pathologique nous a démontré qu'il y a dans la pathologie

des affections chroniques du rachis, comme de toutes les autres parties de

l'économie, autre chose que des variétés de termes, il y a des variétés de

faits.

in

La première autopsie de spondylose rhizomélique que nous avons

(1) Les ostéites non tuberculeuses de la colonne vertébrale 'chez l'adulte, par

G. Labeyrie, Revue génér., in Gazette des hôpitaux, 27 décembre 1905.

LA SPONDYLOSE RHIZOMÉLIQUE : il)

faite, en 1899, n'avait pu comporter que la colonne vertébrale à l'exclu-

sion de toute articulation rhizomélique. Elle avait conduit l'un de

nous (1) aux deux hypothèses suivantes, qu'une nouvelle autopsie, plus

complète, était nécessaire pour confirmer ou infirmer.

4° La spondylose rhizomélique est essentiellement une ossification du

tissu ligamenteux ; si elle ne se manifeste d'ordinaire, en dehors de la

colonne vertébrale, que par l'ankylose des articulations de la racine des

membres, c'est parce que ces articulations sont celles qui sont pourvues

d'un fort renforcement ligamenteux sous la forme d'un bourrelet ou d'un

ménisque. ,

Nous avions en effet trouvé l'ossification des ligaments de presque tou-

tes les articulations de la colonne vertébrale. Les apophyses articulaires

soudées à leur pourtour ne formaient plus extérieurement qu'une colon-

nette moniliforme. Les ligaments jaunes étaient neltement ossifiés sur

place, fibre par fibre, de dehors en dedans, car, si l'on ouvrait la cavité

rachidienne (Fig. 1), on en voyait certains qui, complètement ossifiés

en dehors, l'étaient incomplètement en dedans; on voyait même certaines

fibres, ligamenteuses encore par une extrémité, se terminer à l'autre

extrémité par une aiguille osseuse en stalactite ou en stalagmite. Les

ligaments costo-vertébraux étaient ossifiés ; la plupart présentaient seu-

lement une ossification de leurs faisceaux supérieur et inférieur, de beau-

coup les plus forts, qui se rendent aux corps vertébraux, le faisceau moyen

faible qui se rend au disque, étant respecté (Fig. 2 et 3). Les ligaments

costo-transversaires étaient presque tous ossifiés (Fig. 3). Le ligament

surépineux formait par places des ponts osseux entre les apophyses épineu-

ses voisines. Enfin un mince pont osseux réunissant incomplètement la

partie antérieure de quelques corps vertébraux semblait tenir plus à

l'ossification des disques que du ligament vertébral commun antérieur

(Fig. 4). Les ligaments vertébraux communs antérieurs et postérieurs

étaient' peu près intacts. Nulle part il n'y avait d'exostoses ou d'hy-

perostoses notables, pas de rétrécissement du canal rachidien ou des trous

intervertébraux. 11 y avait seulementpar endroits un rapprochement plus

ou moins accusé de certaines extrémités articulaires, pouvant aller tar-

divement jusqu'à la soudure totale de deux os voisins (côte et apophyse

transverse par exemple). Il s'agissait donc essentiellement d'une ossifi-

, cation ligamenteuse.

Les dessins que nous reproduisons rendent bien compte de ces particu-

larités anatomiques.

Si nous avons été amené à supposer que les bourrelets et les ménisques

(1) Léri, loc. cit., p. 723 et 724.

36 PIERRE MARIE ET A. LÉRI

Spondylose lihizoméligue. - (Autopsie pratiquée en 1899).

Fig. 1. Colonne cervicale (coupe sagit-

tale médiane). Soudure des lames par

ossification des ligaments jaunes ; les

lames et les ligaments ne forment plus

qu'une bande osseuse continue. Inté-

grité des disques. - Volume énorme de

l'apophyse épineuse de l'axis. Soudure

de l'arc antérieur de l'atlas à l'apophyse

odontoïde.

Fig. 2. Colonne dorsale moyenne. -

Allongement des apophyses épineuses.-

Ossification des ligaments costo-verté-

braux, surtout de leurs faisceaux supé-

rieur et inférieur. Ossification des

ligaments costo-transversaires.

Fig. 3. Colonne dorsale moyenne. -

Ossification costo-vertébrale (faisceaux

supérieur et inférieur) et costo-transver-

saire.

Fig. 4. Colonne lombaire. Tubéro-

sités osseuses au niveau des disques.

Nouvelle Iconographie DE la 3ALPÈTRIÈRI. T. XIX PI. VU

DIVERSES VARIETES D'ANKYLOSES VERTEBRALES

(Pierre Marie et A. Léri).

1

5

il : i

2

1-'iG. 1, 2 et 3, Spomlyloscs rbi;ouu'luluos : i) Type de de flexion » ; 2) Type « d'extension n ; 3) type

d'extension avec, en plus, luxation de 1.1 colonne cervicale (malade autopsié en 1905). - Remar-

quer la courbure douce totale du iicliis, l'aplatissement du thoiax, l'intégrité des extrémités.

l'1G. 4. Cyphose bérèdo-traitinaliijrie (malade de P Marie et Astié). Remarquer l'énorme gibbosité,

limitée ,¡ la région dorsale.

LA SPONDYLOSE RHIZOMÉLIQUE 37

jouaient un rôle dans cette ossification, c'est que cliniquement nous avions

remarqué que les douleurs siégeaient partout, au début surtout, dans

toutes les articulations, même celles des extrémités. Pourtant les seuls

articles qui s'ankylosaient étaient les articulations proches de la racine

des membres, la hanche et l'épaule, très souvent le genou, souvent aussi

la sterno-claviculaire, enfin fréquemment aussi la temporo-maxillaire. Or

ces articulations sont précisément celles, et toutes celles qui'ont un bour-

relet ou un ménisque. Le processus ankylosant pourrait d'ailleurs se

poursuivre et, chez les sujets très ossifiés, envahir, comme nous l'avons

vu une fois, quelques articulations des extrémités, des pieds par exemple;

mais cet envahissement est exceptionnel et toujours extrêmement tardif et

très limité ; il faut que l'ossification du ligament seul, non renforcé, soit

assez puissante pour empêcher les mouvements.il nous paraissait donc lo-

gique d'émettre « jusqu'à nouvel ordre, à défaut de constatations anatomi-

ques, l'hypothèse d'une « ménisco-ligamentite ossifiante », si l'on veut. »

2° L'ossification des ligaments de l'ankylose des articulations rachi-

diennes et rhizoméliques ne constitue pas toute la maladie ; il y a dans

le spondylose rhizomélique une raréfaction du tissu osseux en général :

l'hyperossification ne se fait en certains points qu'avec une désossification

en d'autres points, et sans doute cette hyperossification est secondaire,

compensatrice, peut-être curatrice.

Pour croire justifiée cette hypothèse, nous nous appuyions sur des ar-

guments cliniques et anatomiques.

Cliniquement, nous avions pu constater les faits suivants :

a) Il existe toujours une courbure très accentuée du rachis. Cette cour-

bure dans le sens antéro-postérieur, parfois légèrement dans le sens la-

téral, est à peu près régulière, seulement plus acccusée au niveau de la

région cervico-dorsale comme si la partie supérieure du rachis était en-

traînée par le poids de la tête. Nous avons décrit nous-même deux types

de spondylose que nous avons dénommés le type d'extension et le type

de flexion, mais ces deux types diffèrent surtout par l'ankylose en flexion

ou en extension des hanches ; le rachis est toujours assez régulièrement

courbé. On n'observe dans la spondylose ni les ankyloses du rachis en

tige droite, linéaires, que l'on voit dans certains cas de rhumatisme

chronique, ni les ankyloses à courbure angulaire ou brusque que l'on

observe dans certaines affections locales de la colonne vertébrale, comme

le mal de Pott ou le cancer vertébral, ou encore la cyphose hérédo-trau-

matique. Ces différences apparaissent nettement quand on compare soit

les 5 malades représentés planche VII, soit les 3 colonnes vertébrales re-

présentées planche VIII, ou encore quand on examine le schéma ci-joint,

déjà publié en 1899, dans la Revue de Médecine, montrant l'attitude et

38 PIERRE MARIE ET A. LÉRI

la déformation du corps des principaux sujets atteints de spondylose rhi-

zomélique observés à cette date.

b) Cette courbure est modifiable souvent par le simple effet de la pe-

santeur. Ainsi Baumler signale que la tête de son malade, qui était anky-

losée en forte flexion, fut rapidement redressée qnand on la laissa pendre

de son propre poids, la nuque étant soutenue par un coussin rond. Nous

avons nous-même obtenu quelques résultats encourageants par des ten-

tatives de ce genre, que nous n'avons cependant pu poursuivre très loin.

c) La cage thoracique est toujours plus ou moins aplatie d'avant en

arrière ; cet aplatissement, qui se constate nettement sur les figures de la

planche VII, est parfois considérable et rappelle beaucoup celui que l'on

constate dans les myopathies ; or la myopathie est une des affections dans

lesquelles on constate le plus fréquemment une notable atrophie et une

spéciale fragilité des os. Nous avons pu nous assurer que la ceinture pel-

vienne participe aussi à cet aplatissement, déformation que nous avons

également trouvée chez plusieurs myopathiques. [D'ailleurs sur une radio-

graphie de bassin de spondylotique que nous avions publiée en 1899

(Rev. médic., fig. 23, p. 805), nous avons pu remarquer un aplatissement

très net du bassin ; la colonne lombaire semble s'être enfoncée dans le

pelvis, peut-être y a-t-il aussi un léger aplatissement transversal ; il en

résulte que le bassin prend l'aspect radiographique d'un bassin ostéoma-

lacique ; le fait est très net quand on rapproche cette radiographie de celle

d'un bassin normal (Rev. médic., fig. 21). Nous rappellerons d'ailleurs

Schéma montrant les différentes altitudes et les modifications de la taille, dues aux défor-

mations du rachis et à l'ankylose en flexion des hanches, dans les cas de spon-

dylose rhizomélique, publiés en 1899.

La hauteur de tous les sujets, mesurée de la tête aux pieds, en suivant les contours de

la colonne vertébrale, est supposée être identique et égale à celle du sujet normal

Les portions de membres encore mobiles sont en pointillé.

LA SPONDYLOSE RHIZOMÉLIQUE 39

qu'une femme atteinte de spondylose rhizomélique, présentée par Asco-

li (1), avait été prise d'abord pour une ostéomalacique.

d) Il existe toujours une période de douleurs qui précède, et souvent

de longtemps, l'ankylose, d'abord dans la région coccygo-sacro-lombaire,

plus tard dans la région cervico-dorsale. Le processus pathologique est

donc en évolution dans chaque région bien avant que l'ankylose n'appa-

raisse.

Atatotaiq2evtett,nous avionssupposéqu'il eaistaituneraréfactionpréala-

ble des os parce que tous les ligaments denotre colonne vertébrale n'étaient

pas osssifiés,mais que nous avaient paru ossifiés surtout ceux qui occupaient

la convexité des courbures ; par exemple au niveau de la cyphose dorsale

étaient ossifiés ceux de la partie postérieure, les ligaments jaunes, les

ligaments surépineux, la partie postérieure des disques ; à la lordose lom-

baire répondait au contraire l'ossification de la partie antérieure des dis-

ques avec intégrité relative des ligaments jaunes, à la lordose des deux

premières cervicales l'ossification de la partie toute antérieure aussi des

disques avec intégrité du ligament atloïdo-axoïdien postérieur, premier

des ligaments jaunes (V. fig. 1, 2, 3 et 4). Ces ossifications, prédomi-

nantes sur la convexité des courbures, n'avaient manifestement pas pu 1

produire les déformations, mais elles n'auraient pu être mieux placées

pour les limites, comme si elles avaient dû produire la consolidation

d'une colonne vertébrale ramollie et s'affaissant.

Cependant cette répartition pouvait être fortuite dans notre cas unique.

Or IIilton Fagge,dans une observation remarquable publiée en 1876 et que

nous avions eu la bonne fortune de retrouver, avait eu une démonstration

plus directe de la raréfaction des corps vertébraux ; il avait constaté que

« les os étaient si fragiles qu'on pouvait facilement les couper avec un

couteau ». Dans notre cas, le rachis, conservé depuis longtemps, lors de

notre examen, de façon défectueuse dans une solution formulée, ne pré-

sentait pas, quand nous l'avons étudié, de friabilité anormale; le seul fait

qui pouvait nous faire supposer cette friabilité, c'est que, exactement

comme pour le malade de H. Fagge, la colonne avait été fracturée en

mettant le corps sur une civière.

En somme nous n'avions pas de démonstration anatomique absolue de

la friabilité osseuse, et ce n'est que par des déductions de faits cliniques

et de faits anatomiques que nous avions pu être amené à attribuer à la

spondylose rhizomélique la pathogénie et l'évolution suivante : 4° ostéo-

pathie infectieuse systématisée, surtout localisée aux épiphyses, comme

la maladie de Pagel par exemple est surtout localisée aux diaphyses, ca-

(1) Ascoli, Il Policlinico, 1« décembre 1898.

40 PIERRE MARIE ET A. LÉRI

ractérisée par un ramollissement ou une raréfaction osseuse avec défor-

mations et douleurs ; 2° ossification des ligaments et de leurs renforce-

ments, bourrelets et ménisques, consolidant le squelette affaissé, limitant

les déformations, processus compensateur, processus de réparation ou de

guérison. L'ankylose mode de guérison ne serait alors qu'un exemple

d'une loi générale dont les applications ne sont pas rares au niveau de la

colonne vertébrale même.

Mais, à défaut d'une autopsie complète et démonstrative, nous ajoutions

« qu'il ne s'agit là que d'une hypothèse toute personnelle, dans l'énoncé

de laquelle nous tenons à n'engager aucune responsabilité, car elle nous

paraît encore trop manquer de tout appui solide ; et c'est plus de consé-

quences peut-être que nous ne devrions tirer d'une autopsie unique et

même incomplète. »

IV

De 1899 à 1905 nous n'avons pas trouvé l'occasion de faire une nou-

velle autopsie de spondylose rhizomélique ; c'est le résultat d'une au-

topsie faite le 21 mai dernier que nous avons présenté au Congrès de

Liège et que nous publions aujourd'hui : il nous paraît absolument con-

firmatif de nos hypothèses antérieures.

La pièce provient d'un homme âgé de 38 ans soigné dans' le service de

M. Pierre Marie et mort de tuberculose pulmonaire. '

Le squelette a été enlevé tout d'une pièce depuis le genou jusqu'à l'occipi-

tal ; la pièce comprenait toute la colonne vertébrale, toutes les côtes, le bas-

sin et les fémurs.

a) Colonne vertébrale. La colonne vertébrale décrit une courbe douce, à

grand rayon, concave en avant (PI. VIII, fig. 1, A); il subsiste cependant une

très légère tendance à la lordose lombaire ; le rayon de la courbe est plus petit

dans la région cervicale, et la lordose cervicale normale n'existe plus, de sorte

que la tête était fortement penchée, le menton touchant presque le sternum et

le malade regardant ses genoux. Latéralement il y a une légère scoliose de la

région dorsale moyenne avec convexité à droite.

La régularité de cette courbe n'est interrompue qu'au niveau de la 7e cervi-

cale et de^ la première dorsale où l'on voit les traces d'une luxation ancienne

et peut-être d'une fracture. En avant cette luxation se manifeste par un angle

que forme la colonne cervicale avec la colonne dorsale; cet angle ouvert en

avant est très obtus et interrompt à peine la direction générale de la courbe

rachidienne ; au même niveau il y a une très légère déviation transversale et

la colonne cervicale est légèrement inclinée à droite (PI. IX, fig. 1). Le corps

de la 7e cervicale est comme tassé en avant et surtout à droite. En arrière

les lames, les apophyses épineuses et les ligaments jaunes des 6° et 7° cervicales

et première dorsale ne forment plus qu'une lame osseuse unique, plane, régu-

lière, sans dépressions ni saillies, sauf un trou arrondi sur la moitié gauche ; on

NOUVELLE Iconographie DE la SAii'ÊrmfKt ' T. XIX. Pl. VIII

DIFFERENTES VARIÉTÉS D'ANKYLOSES VERTEBRALES

(Pierre Marie et A. Léri.).

1' ! G. 1. Les pièces A et C sont des colonnes vertébrales du spondylose rhizomélique (A Autopsie nou\ el1e, de 1905, malade représente

PI. VII, fig. 3. - C : autopsie de ,899.) La pièce B est une colonne de Clpbose béwdo-lrnmnotigne (malade de P. Marie et

Astié, représenté PI. VII, fig. 4-) - On remarquera dans les spondyloses la courbure douce de la totalité de la colonne, dans la

cyphose la courbure brusque, angulaire, mais tout à fait limitée a la région dorsale moyenne où l'on voit l'ossification du li,7.i-

ment vertébral commun antérieur.

Fie '2. Portion de colonne venébrale

dorso-lombaire dans l'extrémité tinté-

rieure de laquelle nous avons retrouvé

une balle de térolner. - On remarque

l'ossification monilifOll1le 11 ês saillante

- 1 ? 1 ? t-.J.h ? 4 ? 1wM - ........

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière

T. XIX. Pl. JX

SPONDYLOSE RHIZOMÉLIQUE

(Autopsie pratiquée en 1905).

(Pierre Marie et A. Léri).

Fig. I. Vue d'ensemble de la pièce. - Remar-

quel déviation cervicale par libation, les

légers ponts osseux des disques lombaires,

sans exostoses, le bourrelet osseux coxo-

fémoral.

Fin. 2. Région lombo-iliaque droite (vue pos-

térieme). - Itemarquer la forte saillie de

l'épine sciatique a, le bourrelet osseux coxo-

1'emoral b, l'allongement des apophyses épi-

neuses lombaires, la soudure des apophyses

articulaires.

Inc. a. - En A pièce de spnndylnse t-/jnH ! cy<MC ; en B partie correspondante de la pince 69 dit 7lfrrsée DI/puytren

que P. Marie avait supposé en 1898, avant toute autopsie, pouvoir se rapporter d la spondylose. Or les volu-

mineuses exostoses irrégulières du ligament commun antérieur avec intégrité des disques montrent main-

tenant : \ première vue ou'il il .s'.^.mit d'un nrnrpqqilq tnl1t (11(frpnt (rhl1n'tjc : mp ";) c.unhilie : >v

LA SPONDYLOSE RHIZOMÉLIQUE 41

ne peut plus reconnaître si à ce niveau il y a eu des fractures ou des déchirures

ligamenteuses ossifiées. Cette luxation traumatique avait été diagnostiquée pen-

dant la vie et traitée ; elle datait de 4 ans et avait été manifestement en rapport

avec le début de la spondylose ; néanmoins l'aspect du malade et l'évolution

de l'affection uous avaient fait porter le diagnostic de spondylose rhizomélique

dans l'étiologie de laquelle le traumatisme aurait joué ? n rôle de cause occa-

sionnelle, et non d'ankylose traumatique ou de cyphose hérédo-traumatique

où le traumatisme aurait été cause efficiente ; une blennorrhagie antérieure,

une tuberculose pulmonaire actuelle, dont le malade mourut, pouvaient dans

ce cas être invoquées comme causes déterminantes. L'examen détaillé des dif-

férentes portions de la colonne vertébrale et des hanches devait justifier ce

diagnostic.

Le ligament vertébral commun antérieur paraît presque sain ;.il existe ce-

pendant dans toute la région dorso-lombaire de très minces ponts osseux, iné-

galement interrompus, joignant par-dessus les disques le corps des vertèbres

voisines ; ces ponts sont lisses, ne laissent pas voir de fibres ossifiées, ne font

nulle part de saillies notables, nulle part d'exostoses (PI. IX, fig. 1, 2, 3, A) ;

il est douteux qu'ils soient formés sous la dépendance du ligament vertébral

commun antérieur et non pas plutôt de la partie antérieure des disques. A la

région cervicale il existe aussi quelques minces ponts osseux reliant en avant

les vertèbres voisines ; mais, sauf un léger pont reliant la partie gauche des

3° et 4" cervicales, tous ces ponts osseux sont en retrait sur la face antérieure

des vertèbres et manifestement en rapport avec une ossification partielle des

disques intervertébraux et non du grand ligament commun antérieur.

Les apophyses épineuses des vertèbres dorsales supérieures paraissent très

allongées par une ossification partielle du ligament surépineux ; cette ossifica-

tion est totale entre les apophyses épineuses des 4e et 5° dorsales. Il y a aussi

une ossification légère de ce ligament entre les apophyses des vertèbres lom-

baires (PI. VIII, fig. 1, et pl. IX, fig. 2) ; la couleur blanc jaunâtre, ivoire, de

certaines portions osseuses néoformées tranche sur la couleur grisâtre des

apophyses normales.

Les apophyses articulaires paraissent toutes entièrement soudées, les cervi-

cales et les lombaires nettement (PI. VIII, fig. 2), les dorsales moins net-

tement parce que, profondément situées et très obliques, elles ont été moins

faciles à dépouiller complètement des dernières portions de parties molles.

Les ligaments jaunes paraissent beaucoup moins atteints que dans notre

première autopsie, mais, comme nous n'avons pas voulu encore couper longi-

tudinalement la colonne vertébrale et ouvrir le canal rachidien, nous n'avons

pu juger de l'état de leur partie profonde. Pour la même raison nous n'avons

pu apprécier ni l'état des disques ni celui du ligament vertébral commun pos-

térieur et des ligaments d'union de la tête avec la colonne vertébrale.

La colonne a été brisée à son union avec l'occipital ; l'irrégularité extrême de

la face supérieure de l'atlas nous fait supposer qu'il y avait ankylose totale de

cet os avec l'occipital.

b) Côtes et articulations costo-vertébrales. Les articulations costo-verté-

42 PIERRE MARIE ET A. LÉRI

braies sont toutes soudées par l'ossification partielle ou totale de leur ligament

rayonné; en général les deux forts faisceaux supérieur et inférieur, qui joi-

gnent la côte aux deux corps vertébraux voisins, sont ossifiés à l'exclusion du

faisceau moyen, beaucoup plus mince, qui l'unit au disque intervertébral

(PI. IX, fig. 1, 2, 3 A) ; l'un des deux faisceaux, supérieur ou inférieur, est

seul ossifié au niveau de certaines côtes. Les têtes des côtes et la partie voisine

des corps vertébraux paraissent très poreuses et sans doute très vasculaires.

Les neuf premières articulations costo-transversaires à gauche, les dix

premières à droite sont ankylosées par ossification de leurs ligaments ; les der-

nières sont libres, mais normalement il arrive assez souvent que les deux ou

trois dernières côtes ne présentent pas d'articulation costo-transversaire.

Les côtes paraissent particulièrement étroites et minces.

c) Bassin. Le sacrum est uni à la 5e lombaire par des ponts osseux de la

face antérieure et par l'ankylose osseuse des apophyses articulaires.

Les deux articulations sacro-iliaques sont complètement immobilisées par

l'ossification totale et régulière, sans saillie, des grands ligaments rayonnés

sacro-iliaques antérieurs (PI. IX, fig. 1, 2, 3, A). En arrière les articulations

sont profondes, nous n'avons pu voir si elles étaient soudées, mais leurs li-

gaments extrinsèques, à distance, iléo-lombaire et sacro-iliaque postérieur,

n'étaient pas ossifiés.

L'extrémité inférieure droite du sacrum est extrêmement mince et tout à

fait transparente.

Le coccyx s'est brisé au niveau de l'articulation sacro-coccygienne; sa surface

articulaire est saillante et irrégulière, et il était certainement soudé.

La symphyse pubienne subsiste et son cartilage est indemne.

Les épines sciatiques sont tout à fait anormalement saillantes et il existait

une ossification manifeste de la partie externe des ligaments sacro-sciatiques

(PI. IX, fig. 1 et 3, A et surtout fig. 2).

La colonne lombaire semble s'être légèrement enfoncée dans le bassin, de

sorte que le bord postérieur du détroit supérieur est plus aplati que normale-

ment, le détroit est plus triangulaire que circulaire et moins étendu que

le sujet normal. Il semble de plus s'être fait une sorte de bascule autour des

-articulations sacro-iliaques, de façon que le sacrum est devenu plus horizonta-

lement dirigé en arrière et que, si l'on regarde le bassin de face, on n'en voit

plus au-dessous de l'articulation sacro-lombaire que la partie tout à fait infé-

rieure (comparer les fig. 3 et de la PI. IX).

Il existe des irrégularités et des saillies granuleuses, plus accusées qu'à l'état

normal, sur la face externe de la crête iliaque aux insertions du moyen fes-

sier, et sur la partie inférieure du pubis aux insertions des adducteurs et du

grand ligament sacro-sciatique. L'os iliaque au niveeu de la fosse iliaque est des

deux côtés tout à fait anormalement transparent et sa minceur est extrême.

d) Hanches. Les deux articulations coxo-fémorales sont entièrement

soudées ; il subsiste cependant un mouvement d'une fraction de millimètre.

Les fémurs sont ankyloses dans l'extension presque complète sur les os ilia-

6UYELLE Iconographie DE la Salpêtrière. T. XIX Pl. X

SPONDYLOSE RHIZOMÉLIQUE

Coupe oblique de la hanche.

(Pierre Marie et A. Léri.)

FIG. I. Morceau supérieur : le fémur et l'os iliaque en place et adhérents. - Remarquer la persistance

complète de l'interligne articulaire, le bourrelet osseux néoformé qui empêche tout déplacement

atticulaire, l'allongement de la cavité cotyloide osseuse au même niveau, le tissu uniformément spon-

gieux. -

FIG. 2. Morceau inférieur : le fémur et l'os iliaque sépares. - Remarquer les bourrelets osseux néofor-

més extrêmement saillants sur le fémur et sur l'os iliaque à la place du bourrelet cotyloïdien normal ; ? a-ff'Ó- ? ? 1f rn,1..1... 1... ? r;tA rnt",lnïil . la nersistance de l'échancrure ischio-pubienne ; la

SPONDYLOSE RHIZOMÉLIQUE 43

ques ; cliniquement d'ailleurs le malade était un des beaux cas du' type d'ex-

tension (fig. 3, pl. VII).

Ce qui frappe dès le premier examen des articulations, c'est un volumineux

bourrelet osseux irrégulier qui occupe tout le pourtour de la cavité cotyloïde

et de la tête fémorale. Ce bourrelet, beaucoup plus volumineux que le bourre-

let cotyloïdien fibro-cartilagineux normal dont il occupe la place, est des deux

côtés surtout prononcé en bas et en arrière (voir les figures de la pl. IX).

Un examen plus attentif montre qu'il est décomposé en deux bourrelets, un

coxal et un fémoral, par un interligne linéaire, inégal et sinueux, qui tantôt

paraît au sommet de la saillie, tantôt s'enfonce vers sa base du côté du cotyle.

La partie coxale est interrompue au niveau de l'échancrure ischio-pubienne

par le passage du ligament rond conservé, la partie fémorale se continue à ce

niveau, plus forte à droite qu'à gauche, mais des deux côtés plus étroite à cet

endroit qu'en bas et en arrière. ,

Une coupe a été faite obliquement à gauche à travers la cavité cotyloïde, la

tête, le col et le trochanter du fémur ; cette coupe, faite à la scie, a été des plus

aisées et l'os nous a paru particulièrement mou. Une seconde coupe, passant

par les deux branches du pubis, a détaché l'ischion et un morceau du pubis et

du fémur : sur cette coupe les branches du pubis nous ont paru très friables et

dépressibles à la simple pression' des doigts. La surface de section de la tête' *

du col et du trochanter ne contenait pour ainsi dire pas de tissu compact. La

partie supérieure de ce fémur est restée adhérente à l'iléon, la partie inférieure

s'est détachée de l'ischion et du pubis (pl. X, fig. 1 et 6g. 2). "

Nous avons ainsi pu voir que l'interligne articulaire subsistait sur toute

l'étendue de la coupe. L'arrière-fond de la cavité cotyloïde était extrêmement

mince, son épaisseur ne dépassait pas une fraction de millimètre, l'épaisseur

d'une feuille de papier solide, sa transparence était parfaite. La loge du liga-

ment rond subsistait intacte. Le reste de la cavité cotyloïde et la tête fémorale

étaient rugueuses et recouvertes de saillies, mais ces rugosités ne paraissaient

pas assez importantes pour immobiliser l'article; ces parties présentaient en-

core du cartilage. Le bourrelet cotyloïdien fibro-cartilagineux avait au con-

traire été complètement remplacé par un puissant bourrelet osseux, irrégulier

et inégal ; ce vaste bourrelet, sans trace de cartilage, butait contre un bourre-

let de même genre qui entourait la tête fémorale. Très manifestement la seule

mobilisation possible, d'une fraction de millimètre, de la tête fémorale était ar-

rêtée par le contact immédiat des deux bourrelets uniquement séparés par un

espace linéaire.

Sur le col du fémur droit existait une saillie irrégulière (pl. IX, fig. 3) ;

sur les lignes intertrochantériennes antérieures droite et gauche des rugosités

irrégulières très prononcées marquaient les points d'attache normaux des liga-

ments antérieurs, ilio-fémoraux.

Rien d'anormal au niveau du genou droit. ,

Cette nouvelle autopsie nous paraît très confirmative des deux hypothè-

44 PIERRE MARIE ET A. LERI

- ses, alors risquées, que l'un de nous avait timidement émises à la suite de

notre unique et incomplète autopsie de 1899.

1° La spondylose rhizomélique est une ossification tout particulière-

ment localisée aux ligaments, aux bourrelets et aux ménisques.

Or la lésion ankylosante primordiale et capitale au niveau de la hanche

nous a précisément paru être l'ossification du bourrelet cotyloïdien. Il y

avait assurément des lésions au niveau des surfaces cartilagineuses, mais

qui étaient loin d'avoir la même importance dans le processus ankylo-

sant.

Il existait de plus un bourrelet osseux néoformé au pourtour de la tête

du fémur ; or il n'existe pas normalement à ce niveau de bourrelet fibro-

cartilagineux, il n'existe même pas de grosses insertions capsulaires ou

ligamenteuses. Ce bourrelet ossseux fémoral est sans doute en rapport

plutôt avec l'irritation continue des parties du fémur continuellement en

contact immédiat avec le bourrelet cotyloïdien ossifié qu'avec l'ossification

des fibres capsulaires ou ligamenteuses voisines, iléo-pubo et ischio-fémora-

les. Cette supposition nous parait se justifier par le fait qu'au même endroit

en avant de la tête fémorale se trouve à l'état normal une empreinte

rugueuse, l'empreinte iliaque, qui est précisément due au contact répété

avec la partie saillante du sourcil cotyloïdien dans la position assise ou

accroupie : « on voit même très souvent la surface osseuse qui entre en

contact avec l'os iliaque limitée par un bourrelet osseux » (Poirier).

Partout ailleurs les lésions consistent surtout dans l'ossification des liga-

ments, les ossifications rachidiennes sont à peu près les mêmes que celles

que nous avions observées dans notre première autopsie : ligaments surépi-

neux, partie antérieure des disques, ligaments articulaires, ligaments costo-

vertébraux et costo-transversaires, ligaments jaunes. Nous avons pu cons-

tater en outre dans notre nouveau cas l'ossification des ligaments sacro-

iliaques, d'une partie des petits ligaments sacro-sciatiques, de l'origine

des grands ligaments sacro-sciatiques et des ligaments ilio-fémoraux.

Toutes ces ossifications sont régulières, lisses ou légèrement rugueuses,

elles se font sur place, sans exostose ou hyperostose notable.

L'intégrité du genou droit, de ses ligaments et de son ménisque n'est

pas une preuve contre la pathogénie qui nous paraît très vraisemblable ;

car aucune ostéo-arthropathie, infectieuse, toxique ou diathésique, tels les

rhumatismes, soit chronique, soit aiguë, ne frappe également toutes les

articulations qu'elle est susceptible de léser.

2° L'ossification nouvelle est accompagnée, ou sans doute précédée,

d'une raréfaction osseuse. Notre autopsie nous en a fourni de nouvelles

preuves multiples. En dehors du fait que, comme dans le premier cas, les

ossifications rachidiennes portaient surtout sur la convexité des courbures

LA SPONDYLOSE RHIZOMÉLIQUE 45

(partie antérieure des disques à la région lombaire, ligament surépineux à

la région dorsale, etc.) comme pour limiter les déformations, en dehors

aussi de la déviation de la colonne vertébrale dans son ensemble et de son

léger enfoncement dans le bassin, nous avons eu des preuves plus directes

de la fragilité et de la minceur anormale des tissus. Ainsi à la hanche

nous avons pu constater l'extrême minceur de la paroi cotyloïdienne :

l'arrière-fond de la cavité cotyloïde est toujours mince et demi-transpa-

rente, mais jamais nous ne l'avons vu mince et transparente à un tel degré.

Sur la coupe oblique de la tête fémorale, région où normalement il n'existe

que peu de tissu compact, il n'existait à peu près uniquement que du tissu

spongieux, et le Pr Teissier, devant qui nous avons eu le plaisir de pou-

voir faire la coupe, a pu constater avec nous combien l'os paraissait

friable, presque sectionnable au couteau.

Loin même de toute articulation les os présentaient un amincissement

et une friabilité remarquables. Ainsi,le fond des deux fosses iliaques était

presque aussi transparent que le fond des cavités cotyloïdes : le contraste

avec un os normal était très frappant. De même l'extrémité inférieure du

sacrum était presque en dentelle.

Certaines apophyses transverses de la région lombaire se laissaient

comprimer entre les doigts comme une éponge ; il en était de même du

pubis au niveau de la coupe que nous en avons faite. Enfin sur une coupe

transversale soit du fémur, soit du tibia, soit du péroné, la couche com-

pacte apparaissait très amincie.

Nous pouvons donc dire que, même à distance des articulations, il

existait une raréfaction osseuse manifeste, que l'os perdait en certains

points ce qu'il gagnait en d'autres; et ce fait légitimait l'hypothèse, an-

térieurement faite par nous, que la spondylose rhizomélique est une an-

kylose compensatrice et un processus de guérison.

V

L'autonomie du processus anatomique de la spondylose rhizomélique

s'affirme nettement si l'on place en regard d'une colonne vertébrale de

spondylose une colonne de cyphose hérédo-traumatique ou une colonne

de rhumatisme chronique vertébral.

Léri a étudié devant la Société médicale des hôpitaux le 22 juillet 1 gop

la colonne vertébrale du malade qui avait fait l'objet, de la part de P. Mâ"rieMN-

et Astié (1), de la description de la cyphose hérédo-traumatique que 'ces'» ?

auteurs ont identifiée avec la rigidité de la colonne vertébrale de Bech- '"

terew et avec la maladie dite « de Kümmel ». Cette pièce avait été som-

(1) P. Marie et Astié, Presse Médicale, 6 octobre 1897.

46 PIERRE MARIE ET A. LÉRI

mairement présentée à la Société médicale par P. Marie et Dobrowitch,

le 21 mai 1903. Nous en reproduisons des photographies-(pl. VIII,fig.-1,

1;3, et pli XI)'. On remarque une'cyphose très marquée au niveau de la

région dorsale moyenne,avec maximum au niveau des 7e et 8° vertèbres; la' °

colonne dorsale supérieure est presque à angle droit avec l'inférieure. La

presque totalité des lésions portent au même niveau,entre la 6"et la 12e ver-

tèbres dorsales; elles consistent en une ossification en saillie de la plupart

des ligaments,surtout du ligament vertébral commun antérieur,mais aussi

en une ossification très irrégulière et très incomplète de quelques ligaments

jaunes avec nodules osseux saillants dansla cavité rachidienneeten une ten-

dance à l'union des apophyses épineuses par l'ossification du ligament suré-

pineux. Toutes ces ossifications, localisées dans une seule et même région

paraissaient bien être la conséquence de ruptures ligamenteuses par le fait

du traumatisme. La principale de ces ossifications était celle du ligament

vertébral commun antérieur qui formait une bande osseuse moniliforme

de la 6e à la 12e vertèbre dorsale, un peu à droite de la ligne médiane ; or

cette bande osseuse néoformée siégeait précisément dans la concavité de

la courbure, c'est-à-dire à la place qu'elle devait logiquement occuper

pour produire elle-même la déformation cyphotique ou pour l'exagérer,

mais nullement pour la limiter.

Ces constatations anatomiques justifiaient pleinement et expliquaient

ce que, d'après des examens cliniques, nous avions supposé en 1899 (1) :

« La cyphose hérédo-traumatique est une .maladie primitivement locale,

qui ne se propage que parce que le terrain s'y prête, et qui ne se propage

d'ailleurs pas au loin ; la spondylose est une maladie primitivementgéné-

rale. Les caractères de début brusque et d'évolution ensuite progressive,

sans étapes, la gibbosité bien plus accusée, mais bien plus limitée, avec

ankylose plus ou moins étendue, mais non généralisée, éloignent cette

cyphose de la spondylose. »

La cyphose hérédo-traumatique est à rapprocher de différentes affections

traumatiques de la colonne zertébale,dans lesquelles des lésions de ligaments

se séparent par des ossifications saillantes. C'est ainsi que le rachis' d'un

homme, dans un des corps vertébraux duquel nous avions retrouvé une

balle de revolver, présentait des ossifications moniliformes du ligament

vertébral commun antérieur jusque fort loin au-dessous et surtout au-

dessus' de l'endroit atteint (PI. VIII, fig. 2) ; cet homme s'était fortement

voûté et la colonne était incurvée. Dans un autre cas nous avons'pu cons-

taterla consolidation du rachis par des ponts osseux à la suite d'une lami-

nectomie. , '

(1) LÉRI, loc. cit., p. 812.

Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière. T. XIX PI. Si

CYPHOSE HÉRÉDO-TRAUMATIQUE

(Pierre Marie et A. Léri).

(Partie altérée de la colonne représentée Pl. VIII, fig. i, B).

. (Malade représenté l'l. VII, fig. 4).

fie. 1. Ossification monilitorme du ligament vertébral commun antérieur dans la concavité de la courbure,

avec aplatissement en coin des corps vertébraux.

1 ni. . ijjiipe sagittale. - On voit en a, a, l'ossification du ligament vertébral commun antérieur et de la

partie antérieure des corps et disques vertébraux écrasés ; en b, b, deux nodules osseux qui pénètrent dans

la cavité rachidienne,

LA SPONDYLOSE RHIZOMÉLIQUE 47

Le rhumatisme vertébral ankylosant, tel qu'il est représenté dans les

très belles pièces du P' J. Teissier, que nous devons à sa grande obligeance

de pouvoir reproduire ci-contre présente une colonne vertébrale souvent

complètement verticale, rectiligne, avec disparition des courbures nor-

males, une consolidation en masse des corps vertébraux avec ossifica-

tion des disques, une intégrité au moins relative des articulations des

apophyses articulaires, un boursouflement des apophyses épineuses avec

intégrité plus ou moins complète du ligament surépineux, de volumineux

ostéophytes disséminés un peu partout, surtout à la surface des corps ver-

tébraux, un rétrécissement des trous de conjugaison souvent très pro-

noncé, expliquant les vives douleurs par compression des racines rachi-

diennes et peut-être les troubles trophiques accusés du côté des extrémités

et les déformations des articulations des membres. Il y a donc dans le

rhumatisme vertébral chronique un processus différent tant au point de

vue anatomique qu'au point de vue clinique, et nous avons eu la vive satis-

faction de voir le Pr J. Teissier, dans son très remarquable rapport récent

au Congrès de médecine de Liège (septembre 1905) appuyer de sa haute

autorité l'autonomie de la spondylose rhizomélique.

VI

Ces quelques exemples montrent quelle peut être la variété anato-

mique des ankyloses de la colonne vertébrale. Ils justifient l'opinion pre-

mière de Pierre Marie, qui avait fait dès le début de la spondylose rhizo-

mélique une entité morbide spéciale. Nous pensons avoir montré, bien

que des nouvel les recherches soient encore nécessaires, que cette affection,

dont l'étiologie banale avait pu conduire à la confusion, se différencie

hautement, de par l'anatomie et la pathogénie, des autres maladies an-

kylosantes de la colonne vertébrale : la spondylose est primitivement une

ostéopathie infectieuse ou toxi-infectieuse, à tendance surtout raréfiante,

secondairement une ossification ligamenteuse à tendance compensatrice,

frénatrice ou curatrice. ,

( VII .

L'étude de la pathologie du rachis sera certainement fertile en ensei-

gnements thérapeutiques. La pathogénie de la spondylose, telle que nous

venons de l'admettre, comporte déjà à ce point de vue quelques consé-

quences que nous pouvons appuyer sur des faits encore isolés :

, 1° L'ankylose dépendant surtout de l'ossification des ligaments et des

bourrelets, les résections des têtes articulaires seront inefficaces si elles

ne comportent pas en même temps la résection de ces ligaments et bour-

relets. Nous en avons pour preuve l'histoire de l'un des premiers mala-

48 PIERRE MARIE ET A. LÉRI

des présentés par Pierre Marie : un très habile chirurgien lui avait

fait la résection de la tête articulaire des fémurs ; or l'amélioration qui s'en

suivit ne dura que quelques mois, puis l'ankylose reprit et augmenta rapi-

dement, il est actuellement, depuis fort longtemps, complètement ankylosé

des deux hanches comme s'il n'avait pas été opéré.

Fig. a.

Fig. b.

Fig. a. Rhumatisme vertébral chronique avec ankylose complète (Collection du profes-

seur J. TEISSIEII, de Lyon. - Cliché très obligeamment communiqué par le professeur

Teissier).

Remarquer la rectitude de cette colonne vertébrale.

La région cervicale manque sur la figure, mais ne formait aussi qu'un seul bloc comme

sur la ligure suivante.

D'énormes ostéophytes 0,0', relient en avant les corps vertébraux ; soufflure très mar-

quée des apophyses épineuses en 1 ; rétrécissement des trous de conjugaison.- Le

malade avait eu peut-être la syphilis (Comparez avec la fig. 3, B de la planche).

Fig. b. Rhumatisme chronique de la région cervicale (Pièce et cliché du prolesseur

Teissier).

Remarquer la rectitude de cette colonne.- Ossification totale des ligaments réunissant

les différents éléments, gonflement ostéophytique énorme de l'apophyse épineuse de

la 3d cervicale, rétrécissement très sensible des trous de conjugaison.

LA SPONDYLOSE RHLZ0111ÉLIQUE 49

Cependant, pour conseiller la résection des bourrelets ou ligaments

avec ou sans résection de la tête articulaire, il serait nécessaire de savoir

si à un moment donné elle peut être recommandable ; car, si la spondy-

lose est un processus ankylosant curateur, il faudrait être assuré, avant

de rompre les ankyloses, que le processus raréfiant primitif est préalable-

ment éteint ; or nous ne savons encore quelle peut être la durée respective

de chacun de ces processus.

2° La mobilisation précoce, et au besoin forcée, peut" être utile

pour rompre des ossifications encore fragiles. Nous en avons eu une

preuve chez un de nos malades : un élève du service, chargé de faire

exécuter des mouvements passifs à l'épaule à demi-ankylosée de ce malade,

fit un jour un mouvement involontairement un peu brusque ; il perçut

un assez fort craquement et obtint immédiatement une augmentation de

30° dans les mouvements d'abduction du bras. Mais, comme pour les ré-

sections péri-articulaires, nous n'oserions conseiller la mobilisation forcée

tant que des examens ultérieurs ne nous auront pas montré jusqu'à quel

moment l'ankylose est protectrice et quand l'os a pu redevenir assez soli-

de pour se protéger lui-même contre les causes d'affaissement, de frac-

ture ou de destruction. ,

3° Un seul procédé nous paraît recommandable sans hésitation ; c'est

celui qui consiste à utiliser l'influence de la pesanteur sur des os raréfiés

ou peu consistants pour redresser certaines déformations ou donner à

certaines parties plus ou moins ankylosées une position favorable. Ce

procédé a, nous l'avons dit, donné un bon résultat Baumler qui'a rapi-

dement redressé la tête de son malade en-la laissant pendre en arrière,

la nuque reposant sur un traversin dur. Nous avons nous-même obtenu

des résultats favorables par ce procédé qui doit être employé progressive-

ment, car il est souvent assez pénible au début :

On voit par ces qnelques faits l'intérêt pratique que peut présenter

l'étude anatomique et pathogénique de certaines ankyloses vertébrales ;

l'étude de la spondylose rhizomélique, affection relativement assez fré-

quente, présente encore un certain nombre d'obscurités qu'il sera fort

utile d'élucider à l'avenir.

INFANTILISME ET DÉGÉNÉRESCENCE PSYCHIQUE

INFLUENCE DE L'HÉRÉDITÉ NEURO-PATHOLOGIQUE,

PAR

MAGALHAES LEMOS,

Médecin de l'Hôpital Conde de Ferreira

(Porto).

La lumière sur l'infantilisme n'est pas encore complète. Malgré les

travaux récents, il est mal connu à tous les points de vue : dans ses symp-

tômes, dans ses causes, dans sa pathogénie et dans ses affinités morbides ;

et, au sur et à mesure qu'on approfondit son étude, le problème clinique,

loin de s'éclaircir et de se simplifier, semble se compliquer de plus en

plus.

En ce qui concerne les symptômes, la complexité tient à ce que l'in-

fantilisme ne répond pas toujours à « un type uniforme et immuable » ;

il se présente, au contraire, « sous des aspects très variés, assez mal dé-

finis et le plus souvent mal décrits ». Nous n'apercevons pas encore nette-

ment les limites qu'il convient de lui assigner, et qui varient avec les

auteurs. C'estain si que quelques savants rapportent certains cas comme

appartenant à l'infantilisme, et que d'autres, non moins autorisés, discu-

tant ces cas objectifs : « l'infantilisme n'est pas cela » (1).

Voici comment le dissentiment s'accuse dans une question capitale, celle

du diagnostic.

Qu'est-ce donc que l'infantilisme ? ,

Un état caractérisé par la persistance des caractères physiques et psy-

chiques de l'enfance à un âge où l'on n'est plus enfant. C'est peut-être un

peu vague, mais il fauts.e résigner, dès « qu'il n'y a rien de plus ni de

moins à dire » (Brissaud).

Prenant ce point de repère, tel qu'il est, il faut préciser le plus nette-

ment possible les caractères fondamentaux de l'enfance, et éliminer de

l'infantilisme plusieurs cas qu'on y a indûment introduits : tout ce qui ne

rappelle pas une enfance prolongée doit être écarté de l'infantilisme.

(1) BRISSAUD, Leçons sur les maladies nerveuses (Hôpital Saint-Antoine). Paris, 1899,

p. 454.

INFANTILISME ET DÉGÉNÉRESCENCE PSYCHIQUE 51

D'abord, dans ce travail de délimitation, il convient de séparer de l'infan-

tilisme le féminisme et l'androgynisme, « qui ne sont affiliés que de fort

loin à l'infantilisme » (1), le masculisme dont l'expression elle-même est

' assez mal déterminée (Féré), et encore certaines « variétés complexes de

cachexie, d'athrepsie ou de'misère physiologique, relevant de causes très

variées, et se traduisant, les unes et les autres, par un arrêt de dévelop-

pement dans lequel on a voulu voir une sorte d'infantilisme » (Brissaud),

mais où il n'y a, en réalité, et assez souvent, que de « petits vieux ».

Ces éliminations faites, nous restons en face d'un groupe encore très

vaste d'individus, produits divers de dystrophie ontogénique, « auxquels

s'applique logiquement l'appellation d'infantilisme » (Brissaud). Le

domaine de cette affection est ainsi mieux circonscrit ; mais, malgré cela,

les cas qui constituent ce groupe sont encore très différents les uns des

autres, par leurs symptômes et par leurs causes ; et la désignation d'infan-

tilisme ne convient pas à tous indistinctement, avec la même justesse,

avec la même rigueur-de logique.

En 1894, M. le professeur Brissaud, faisant une belle découverte, a

saisi l'existence d'un rapport très intime entre « un certain nombre » de

ces cas et le myxoedëme, les détacha du groupe commun, où ils se trou-

vaient à tort mélangés, inaperçus et confondus, et il créa ainsi un type ou

variété d'infantilisme, qu'il identifia au myxoedème fruste de l'enfant, et

dont il a soutenu l'autonomie nosographique et pathogénique.

L'éminent professeur, dans une magistrale étude, décrit et oppose ces

cas spéciaux, jusqu'alors méconnus ou mal différenciés, à tous les autres

du groupe, qui, pris en bloc, forment un autre type ou variété d'infanti-

lisme.

Et ainsi, ces individus auxquels on donne plus ou moins logiquement

la dénomination d'infantile, ont été divisés par M. Brissaud en deux types

parfaitement distincts par leurs symptômes et par leur nature :

« 1° Le type anangioplasique comprenant les arrêts de développement

liés aux anomalies cardiaques ou artérielles ;

« 2° Le type myxædémateux, dont les caractères et l'origine rappellent

le myxoedème proprement dit (2). »

Le premier type contraste singulièrement avec l'autre par son étendue ;

par la diversité des exemplaires qui s'y trouvent rassemblés un peu artifi-

ciellement, en attendant son classement définitif ; par l'ossification précoce

du cartilage épiphysaire, qui arrête définitivement la croissance ; et, tout

particulièrement, parce que « les attributs morphologiques de l'enfance

(1) Brissaud, Leçons sur les maladies nerveuses (Hôpital Saint-Antoine). Paris, 1899,

p. 444.

(2) Brissaud, loc. cit., p. 144.

52 MAGALHAES LEMOS

sont exceptionnels » chez les individus qui le composent. « On n'a plus

affaire qu'à de pettis hommes ou de petites femmes chez lesquels la sexualité

attend indéfiniment son heure » (Brissaud).

En opposition, le deuxième type est bien plus restreint et défini ; il

présente une homogénéité remarquable, tous les cas se ressemblent ;

l'ossification du cartilage épiphysaire est tardive chez les individus qui y

rentrent, ce qui permet parfois une reprise insolite de croissance ; et,

chose importante, tous ces cas offrent l'aspect d'une enfance prolongée,

c'est-à-dire, qu'ils nous montrent l'infantilisme le plus pur, l'infantilisme

vrai. Nous n'avons plus affaire à de « petits adultes », mais à de « grands

enfants ».

Donc, les différences symptomatiques et pathogéniques, qui existent

entre les infantiles du type Lorain et les infantiles du type Brissaud, sont

remarquables. Magré cela, M. Hertoghe n'admet pas cette division. et ras-

semble tous les infantiles dans un type unique : « L'infantilisme, dit-il, est

un et la cause initiale est de nature dysthyroïdienne. » Une des raisons

qu'il invoque pour cette fusion et unification pathogénique des infantiles,

c'est que le traitement thyroïdien profite aux infantiles anangioplasiques

et aux infantiles dysthyroïdiens. Mais, et comme d'ailleurs le fait remar-

quer M. Brissaud, cela prouve simplement qu'il existe chez tous les

infantiles un fond de nutrition affaiblie, qui est éveillée par la stimulation

thyroïdienne. Cependant, les deux variétés peuvent fusionner lorsque les

facteurs étiologiques se combinent (Brissaud).

Les affinités morbides de l'infantilisme, très fréquentes et d'une im-

portance capitale pour sa conception pathogénique, ont attiré l'attention.

On a constaté son association avec le nanisme, le gigantisme, l'acroméga-

lie, le rachitisme, l'obésité, l'atrophie musculaire, le myxoedème (d'après

M. Brissaud cette association est constante dans les cas du deuxième groupe

et leur appartient en propre), la porencéphalie, la chorée variable des

dégénérés, la maladie de Friedreich, l'hystérie, l'épilepsie, et encore avec

quelques malformations telles que le bec-de-lièvre, et surtout avec les

imperfections des organes génitaux. ,

Et ce n'est pas tout.

On sait que l'infantilisme de Lorain repose le plus souvent, sinon tou-

jours, sur un fond de dégénérescence héréditaire ou acquise, de nature

infectieuse ou toxique. Ces infantiles sont des « dégénérés au premier chef,

dit M. Brissaud, destinés à disparaître ».

Il y a plus, mais ceci devient peut-être une rareté : L'infantilisme de

M. Brissaud, l'infantilisme vrai peut s'associer avec la dégénérescence

psychique héréditaire de nature nerveuse, c'est-à-dire, ayant pour origine

les maladies nerveuses des parents. C'est sur cette association que je vais

INFANTILISME ET DÉGÉNÉRESCENCE PSYCHIQUE 53

insister dans ce travail en étudiant un cas clinique dans lequel elle s'im-

pose à première vue : j'exposerai sa symptomatologie, je chercherai son

étiologie et je discuterai la pathogénie.

Il me semble d'un grand intérêt pour l'interprétation des infantiles

d'examiner soigneusement les cas où la dégénérescence psychique, prove-

nant de l'hérédité neuro-pathologique, et l'infantilisme vrai sont étroite-

ment associés, formant, comme nous allons voir, une dégénérescence spé-

ciale, une dégénérescence à type infantile, qu'on ne saurait pas nier sans

forcer les faits cliniques.

Si je ne me trompe, cetle association morbide jette une grande clarté

sur la genèse de l'infantilisme envisagé comme un trouble de la fonction

du développement individuel, ce qu'il est en dernière analyse.

Je me propose, dans ce travail, de montrer l'existence d'un type mixte,

formé par la fusion de l'infantilisme avec la dégénérescence psychique ;

et de mettre en relief le rôle que l'héréditéneuro-pathologiquepeutjouer

dans la genèse de ces cas.

Observation.

Antécédents héréditaires. Nombreuses maladies mentales et nerveuses

chez les ascendants, ainsi que la tuberculose, le rachitisme, le rhuma-

tisme et le féminisme ? Consanguinité. Grossesse gémellaire.

Histoire du malade : Débilité mentale et déséquilibration intellectuelle. -

Grippe. - Obsessions (doute et phobie). - Nombreux accès maniaques et

mélancoliques, tantôt isolés, tantôt conjugués, et qui ont motivé par 13 fois

l'internement. - Infantilisme : arrêt de développement des organes géni-

taux, absence complète des caractères sexuels secondaires et persistance à

l'âge de 37 ans des attributs fondamentaux de l'enfance, malgré 1 m. 67

de taille. Obésité, pèse 160 kilos. IIlyxoedème fruste (et partiel ? ) -

Sensation incertaine du corps thyroïde. Influence du traitement thyroï-

dien.

Antécédents héréditaires. - L'hérédité est convergente et il y a deux ma-

riages consanguins : les grands-parents du côté maternel ainsi que les parents

étaient cousins germains. .

1° Côté maternel. - Grand'mère : Femme intelligente et nerveuse, a eu

une grossesse gémellaire.

Un grand-oncle est le grand-père paternel. Il est mort d'une chute attribuée

à une attaque apoplectique.

Un autre grand-oncle était atteint de paralysie agitante.

Il eut un fils idiot, dont la physionomie, repoussante à voir, était caracté-

risée par de nombreux stigmates physiques de dégénérescence. La parole était

complètement absente, et, pour exprimer ses sensations, il poussait des gro-

gnements. Il se déchirait et se mutilait. Pour éclairer ce cas d'idiotie congénitale,

S4 , MAGALHAES LEMOS

j'ajoute que la mère du malade était aliénée; elle fut internée avec son fils à

l'hôpital du Conde de Ferreira. ,

Grand' tante : Elle eut une fille débile qui se suicida en se précipitant par

une fenêtre.

Grand' tante : Etait continuellement préoccupée de sa santé et prenaittoujours

des médicaments.

Le grand-père était mal équilibré, excessivement jaloux, et « il avait beau-

coup de manies ».

Une grand'tante était très nerveuse.

Grand-oncle : Débile, mettant, excessivement timide et émotif, fuyait la so-

ciété. Il avait « un esprit féminin » ; ne trouvait plaisir que dans les travaux

des dames qu'il affectionnait surtout. Il passa son existence renfermé dans

la maison à broder, à peindre, etc. « Il semblait même une dame. » En outre,

il a été atteint de mélancolie intermittente.

Un grand-oncle a souffert beaucoup de rhumatisme noueux qui lui déforma

les doigts et les mains.

Mère : La mère du malade, encore vivante, est très nerveuse et hystérique.

Elle souffre de l'utérus.

Revenant en 1866 des Indes portugaises avec son mari et ses deux enfants,

alors qu'elle se trouvait enceinte du malade, ellea été sur le point de périr dans

un naufrage avec les siens. L'émotion morale provoquée par cet accident, agis-

sant au cours du troisième mois de gestation, a pu nuire au développement

ultérieur de l'individu.

Oncle : Avait une très petite taille (presque nain) ; était rachitique et bossu.

N'a jamais pu marcher « malgré les nombreuses applications électriques qu'on

lui a faites ». Est mort à 18 ans.

Jante : Est venue au monde d'un accouchement gémellaire. Il paraît qu'elle

était assez développée, et qu'elle marchait à l'époque normale. Morte à l'âge

de S ans.

Tante : Née ,d'une même couche avec la précédente. Rien d'anormal jusqu'à

9 ans, mais après elle a été affectée d'une grave maladie : la marche devint

progressivement difficile, et, au bout de quelque temps, elle ne pouvait plus

marcher ; a perdu la parole, c'est à peine si elle articulait quelques mots ; la

diglutition était difficile, avalait parfois de travers et il était nécessaire de

lui choisir la nourriture. Elle mourut à 44 ans.

Oncle : A été toujours déséquilibré ; et, à la suite d'une chute qu'il a faite

d'un cheval, à l'âge de 18 ans, « devint tout à fait fou ». Il est aujourd'hui

en démence.

2" Côté paternel. Grand'mère : Déséquilibrée. Devint folle vers la fin

de sa vie, elle avait des hallucinations visuelles et est morte en démence.

Père : Le père du malade était un magistrat intelligent, très instruit, qui

est arrivé à une haute situation politique, mais il était mal équilibré, impulsif,

dissipateur et débauché. Il a eu des maîtresses pendant toute sa vie, avec les-

quelles il dépensait follement, gaspillant sa fortune et s'endettant de plus de

INFANTILISME ET DÉGÉNÉRESCENCE PSYCHIQUE 55

120.000 francs. Ce n'est qu'à sa mort qu'on découvrit les dettes. Contracta la

syphilis après la naissance des fils, devint tabétique et est mort à 64 ans.

Oncle : Intelligent, mais déséquilibré, excentrique, un type d'originalité,

il était considéré par tous comme « maniaque ». Etant possesseur d'une grosse

fortune, il dissipa tout son bien. '

Oncle : Est mort de tuberculose vers l'âge de 50 ans.

Tante : Aliénée. Après avoir fait de nombreuses tentatives de suicide on

l'a trouvée noyée dans un puits.

Tante : Encore vivante, souffre beaucoup de rhumatisme.

Oncle : Excentrique et mal équilibré.

Antécédents personnels. Pas de fausses couches. Pas de gemelliparité

Après un enfant mort-né la mère accoucha à terme successivement de trois

enfants qui sont tous vivants, une fille et deux garçons. Notre malade, qui est

le cadet, naquit le 23 mars 1867, d'un accouchement heureux. Venu au monde,

son développement était normal, il marche à 1 an 1/2, sevrage à 3 ans. Il pa-

raît que la dentition s'est faite à l'époque normale.

Commença son éducation littéraire avec une tante, et savait lire à 5 ans, ce

qui avait permis de fonder sur lui certains espoirs, bientôt déçus. A 6 ans, le

père lui donna une institutrice anglaise pour lui apprendre cette langue, mais

« il se fit une telle confusion dans son esprit », qu'il oublia ce qu'il savait du

portugais ; et, pendant deux ans qu'il vécut avec l'institutrice, c'est à peine

s'il apprit quelques mots d'anglais. Entré au collège à 9 ans, la difficulté qu'il

avait pour l'étude des langues ne fit que s'accentuer, de façon qu'il abandonna

successivement l'anglais et le français, et ne put jamais passer l'examen de

portugais ; manifesta en même temps une inaptitude absolue pour les sciences.

C'était inutilement que les professeurs se dévouaient et entouraient son éduca-

tion de soins spéciaux; et sa famille, convaincue qu'on ne pouvait en rien

faire, le fit sortir du collège après quatre ans.

Ces détails suffisent pour indiquer la faiblesse de son intelligence. Cependant

sa mémoire est bonne, surtout pour les dates et les noms ; mais le pouvoir

d'attention est très limité, ainsi que le champ de la conscience, et le jugement

est sensiblement faible et faux. Il a une certaine facilité d'élocution, mais sa

conversation prolixe et prétentieuse dénonce la débilité de ses facultés intel-

lectuelles.

Voici maintenant ce qui concerne le sens moral et le caractère. Passait fa-

cilement de l'activité à l'apathie, de l'excitation à la torpeur, de l'enthousiasme

au découragement, du rire aux larmes ; était irritable, violent, impulsif, sour-

nois, méchant et d'humeur difficile. « Etait bizarre et terrible. » Après les

vacances, il ne voulait jamais rentrer au collège, et, comme le père s'imposait,

il enrageait, criait, pleurait, etc. et cherchait à se jeter de la voiture qui le

conduisait ; il était nécessaire de l'y maintenir de force. ' .

Il y avait des époques auxquelles il se sentait moins nerveux, et alors il

était un peu plus docile et obéissant.

Il pesait 35 kilogrammes à 13 ans ; c'est après que l'obésité actuelle débuta

56 MAGALHAES LEMOS

en s'établissant progressivement, de façon qu'il pesait 82 kilogrammes à t'age

de 18 ans.

Il eut la grippe au mois d'août 1891. Les symptômes de cette maladie s'a-

mendèrent au bout d'une quinzaine de jours, mais la convalescence traîna

beaucoup ; et deux mois après, lorsqu'il n'était pas encore remis, « sont ve-

nues les peurs », comme dit le malade, ce qui a ouvert un chapitre nouveau

dans son histoire pathologique.

Il faut admettre, qu'à cette époque de la vie, la grippe le mit en état d'op-

portunité morbide, en exagérant l'état névropathique créé par l'hérédité mor-

bide convergente et par la consanguinité. Dans ces conditions, comme nous

allons le voir, se présentèrent des doutes et des phobies, qui étaient en rap-

port avec son éducation religieuse, et son esprit craintif et scrupuleux.

Voici d'ailleurs ce qui s'est passé.

Elevé dans la pratique de la religion, il poussait les choses trop loin, bien

plus loin que sa famille. C'est ainsi qu'il avait toujours son catéchisme au che-

vet du lit pour pouvoir se rappeler, à l'instant même, quelque prière, par

hasard oubliée. Il était donc excessivement scrupuleux. Mais, deùx mois après

la grippe, et pendant la convalescence, il s'imagina qu'il ne savait pas le caté-

chisme, et pour s'en assurer il se posait sans cesse à lui-même des interroga-

gations, et priait les autres de les poser.

Doué d'une bonne mémoire, il se rappelait tout facilement; mais, malgré

cela, il lui semblait qu'il ne savait pas les prières aussi bien qu'il le fallait, et

en restait très inquiet, très préoccupé, très anxieux.

En même temps une grande peur envahit son esprit; c'était une peur vague,

qu'il ne savait pas préciser. Lui, qui auparavant aimait à se promener tout

seul, ne pouvait pas à présent sortir de la maison sans se faire accompagner.

Dans la suite, cet état émotif s'aggrava, et la peur se précisa avec plus de net-

teté.

Il avait peur d'être voué à l'enfer, pour ne pas savoir le catéchisme. Devient

triste, se renferme dans la maison, ne veut pas sortir du lit, et perd l'appétit.

Pas d'idées de culpabilité (excepté celle de ne pas savoir le catéchisme), pas

d'idées hypochondriaques, pas d'idées de ruine; ce qui le dominait, c'était la

peur d'aller en enfer. Lorsque la mère, désolée, lui demandait ce qu'il avait

pour être si triste, il répondait invariablement, en sanglotant : « J'ai peur d'être

voué à l'enfer 1 »

Nul moyen de lui remonter l'esprit ; il ne voulait pas même écouter les pa-

roles de soulagement qu'on lui adressait.

La période aiguë de la maladie s'étant dissipée, disparut aussi avec elle la

peur d'être damné, mais il restait sous l'influence d'une peur vague. Le 14 jan-

vier 1892, par exemple, en rentrant à Lisbonne, il se sentait bien amélioré,

et ne parlait plus de l'enfer, mais tous les soirs, lorsqu'il allait se coucher, il

fallait l'accompagner jusqu'à sa chambre et attendre qu'il fût au lit. Aussitôt

qu'il était couché, la peur disparaissait comme par enchantement et on le

laissait seul. '

INFANTILISME ET DÉGÉNÉRESCENCE PSYCHIQUE 57

C'était le dernier résidu de la maladie qui se dissipa tout à fait au bout de

quelques jours.

Dans l'évolution de cette crise obsessive nous avons eu successivement :

doute, phobie diffuse, monophobie, phobie diffuse et guérison. L'état mélancoli-

que est secondaire.

Je ne peux pas m'appesantir sur les phénomènes que je viens de résu-

mer, mais je tiens à constater, d'ores et déjà, qu'ils sont frappés au coin

d'un cachet franchement dégénératif. C'est la seule particularité qui inté-

resse le but visé dans ce travail.

Reprenons donc l'histoire du malade.

Il a été guéri vers la fin du mois de janvier (1892), mais il ne s'est pas con-

servé longtemps dans son état normal : une vingtaine de jours après il faisait

un nouvel accès, différent du premier. Spontanément, sans l'intervention d'au-

cune cause provocatrice apparente, le malade s'exalta, dormit mal, devint re-

muant et bavard, commença à fréquenter les Chambres, se passionna pour les

discussions, voulut se lancer dans la politiqne, rédigea des discours qu'il appre-

nait par coeur, et les récita emphatiquement à la famille. Pris d'une activité

exubérante, formait mille projets et faisait des achats insolites. Voulait à tort et

à travers se marier avec une bonne ; voulait établir une crémerie ; achetait des

vaches, des chevaux, mille francs de poules, des valises, des livres, etc. ; vou-

lait faire bâtir une maison dans la propriété d'un oncle fou, et chargea un ma-

çon de la construire.

C'est pour mettre un terme à ces actes et projets désordonnés, qu'il fut

interné pour la première fois à l'hôpital du Conde de Ferreira, où il a été reçu

le 22 avril dans mon service, Il m'est arrivé dans un état d'excitation physique

et psychique modérée. Dormait mal et parlait beaucoup ; exposait ses projets

avec animation, mais lentement, d'une façon prétentieuse, en choisissant les

mots, qu'il soulignait avec des gestes exagérés.

Sous l'influence du traitement cette excitation se calma assez vite, et depuis

quelque temps le malade ne parlait plus de chevaux ni de voitures lorsque vers

la mi-août, sans passer par un intervalle normal, il versa tout d'un coup dans la

mélancolie. Du jour au lendemain, il devient triste, découragé et larmoyant ;

et, quelques jours après, le 20 il m'aborda à l'occasion de ma visite en me priant

d'écouter un aveu « excessivement grave », qu'il voulait me faire : Je vous

avoue, dit-il, les larmes aux yeux, que j'ai ¡tué un homme. Et il en donne

l'explication suivante :

Etant interné, il ne peut pas réaliser le projet de la construction de la maison,

et il s'afflige en pensant aux contrariétés que le maçon, chargé de la bâtir, doit

avoir. Il s'imagine que le pauvre homme peut se ruiner pour toujours , rester.

irrémédiablement perdu ; et tout cela pèse sur sa conscience comme une mort.

Les insomnies, dont il s'est plaint dernièrement, sont dues aux remords. Main-

tenant, que je sais tout, il lui semble qu'il est plus soulagé, et me prie de ne

plus lui en parler ; mais, cinq jours après, il vient me déclarer qu'il ne peut

58 MAGALHAES LEMOS

pas continuer à vivre ainsi. Le remords pour la mort de l'homme ne l'aban-

donne pas un instant ; il a perdu le sommeil et l'appétit ; il a besoin de sortir

de cette situation et demande à se confesser. Il a sur la conscience la mort d'un

homme. C'est très grave. Le maçon est bien mort, et il a la responsabilité de sa

mort, parce qu'il l'avait chargé de la construction de la maison. Il entend tou-

tes les nuits la voix de son frère qui dit : « Joseph a tué le neveu d'Emilie. »

Ni la correspondance de sa famille affirmant que le maçon était vivant et en

bonne santé, ni les lettres que le maçon lui-même lui écrivait, ne réussissaient

à atténuer cette idée délirante. Pour tâcher d'y remédier on décida une visite

du maçon, qui eut lieu le 31 octobre. Aussitôt que le malade le vit, il m'em-

brassa tout content en s'écriaut : « Alors l'homme est toujours vivant ? 1 Je ne

l'ai donc pas tué ? ! A la bonne heure ! 1 » ,

Il se montra apparemment satisfait pendant la journée, mais le lendemain

je le trouvais déjà sombre, taciturne, et il m'a confessé qu'il n'avait pas la

conscience bien tranquille. Il est certain que le maçon n'est pas mort, parce

qu'il était venu le visiter. Il ne pouvait donc pas s'accuser d'une mort qui

n'existait pas ; mais si je ne l'ai pas tué, dit-il, je lui ai fait quelque chose.

L'homme comptait sur la construction de la maison, et comme elle ne peut

pas se faire, cela doit lui avoir causé d'importants préjudices pécuniaires avec

plusieurs contrariétés ; et, pour tout cela, lui seul est responsable.

Le 15 décembre, cette phase mélancolique persistait encore ; et, outre

quelques hallucinations visuelles (le malade voyait des flammes dans la cham-

bre), il continuait à être tourmenté par les hallucinations auditives, qui parfois

le jetaient dans un grand trouble.

Il n'y avait pas de mots de consolation pour son esprit abattu. Ce n'était

pas la peine, gémissait-il, de déranger le maçon, de le faire venir ici ; je me

sens compromis de la même manière. Si je n'ai pas tué le maçon, j'ai tué peut-

être une autre personne, ou j'ai fait quelque chose qui se rapporte au maçon

et pour laquelle je dois aller en enfer. Grand Dieu ! Je suis perdu Je ne

devrais jamais être né ! Je suis damné ! .

Tel fut la dernière manifestation de ce délire mélancolique, deuxième phase

d'un accès à double forme, qui se dissipa vers le commencement de février

1893, le malade sortant le 25 mars.

Il rentra chez lui assez bien portant, dans son état normal, mais trois jours

après il eut une discussion avec sa famille, s'exalta, et fut reconduit à l'hôpi-

tal le 1-r avril avec un accès maniaque, qui, présentant diverses aggravations

et rémissions, se prolongea jusqu'au mois de février 1894.

Après quelques semaines d'un état normal, se trouvant encore à l'hôpital,

il eut un accès mélancolique, pendant lequel il fut tourmenté par l'idée que

son père était mort; cet accès se termina au bout de trois mois, le malade»

sortant guéri le 12 juin.

Jusqu'à la fin du mois de mai il a été assez bien, mais à cette époque il eut

uu autre accès à double forme. Il s'exalta de nouveau, donnait tout ce qu'il

possédait, était presque toujours en voyage, puisqu'il ne se sentait nulle part

si bien qu'en chemin de fer, commença à faire des achats insolites, devint

INFANTILISME ET DÉGÉNÉRESCENCE PSYCHIQUE 59

aggressif et attaqua un individu à coups de canne. De ce fait, il est enfermé à

la maison de santé du Felhal, le 2 juin 1895. Cette excitation se termina peu

de temps après, étant immédiatement suivie d'une mélancolie avec des idées

délirantes, qui persistait quand le malade, le 22 novembre, retourna chez sa

famille ; il était encore triste, s'imaginait qu'on voulait le tuer, ne voulait

pas sortir de la maison, fuyait les amis, etc. Cette phase mélancolique se

prolongea encore plus de trois mois, à la fin desquels le malade récupéra son

état normal qui se maintint jusqu'au mois de juin 1896.

Mais il s'excita de nouveau au commencement de ce mois, et se mit à voya-

ger en chemin de fer ; il eut une dispute avec un coiffeur et voulait lui donner

un coup de fusil, etc. Se sentant malade, spontanément, et, sans rien dire à

qui que ce soit, il vint, le 8, se réfugier à l'hôpital du Conde de Ferreira dans

un état d'excitation maniaque, dont il sortit guéri le 24 octobre.

Mais quelques jours après, une grande peur s'empara de lui ; il ne voulait

pas sortir de la maison, passait son temps, soit renfermé dans sa chambre, soit

à la fenêtre. Si sa famille l'obligeait à se promener, il ne le faisait qu'en voi-

ture et avec les stores baissés de façon à ne pas être vu. Il avait peur d'un

homme en relations avec,sa famille, qu'il connaissait très bien, et avec lequel il

n'avait jamais eu de dispute, et qui d'ailleurs, ne l'avait jamais offensé, ni me-

nacé. Cette peur, de tout point injustifiée, est un phénomène morbide dérivant

d'une perversion de l'émotivité, c'est une crainte irraisonnée, une phobie. Cet

état se dissipa au bout de 3 ou 4 mois. ,

Au mois de mai de 1897, se trouvant déjà un peu excité, il se fâcha avec

son frère, parce que, à titre de plaisanterie, il lui avait fermé la porte de sa

chambre, lorsqu'il y était; et, la porte à peine ouverte, il en sortit furieux,

brisa beaucoup de vitres et fit un nouvel accès maniaque, qui obligea à l'in-

terner au Felhal, où il resta 5 mois, à la fin desquels il fut transféré au mani-

come de Ciempozuellos (Espagne), où il arriva encore excité ; mais peu de

temps après il tomba dans un accès mélancolique : devint triste, abattu, ne

faisait que prier, etc. Cet accès se dissipa aussi à son tour pour retomber dans

l'excitation maniaque sans transition, à ce qu'il paraît, d'un état normal ; et

il se trouvait encore excité quand, le 14 mai 1898, il retourna au Felhal,

où il resta jusqu'au 27 octobre, sortant alors guéri.

Nous avons eu, donc, cette fois, et très vraisemblablement, une phase

de folie circulaire, formée par un accès mélancolique intercalé entre deux

accès maniaques.

Quatre mois après sa sortie de la maison de santé, sans cause apparente, il

fut pris d'une nouvelle excitation et interné encore au Felhal le 23 février

1898, sortant guéri le 30 mai. Mais cette guérison eut une durée très courte.

Au bout d'un mois à peine survint une grand einsomnie; il ne peut plus dormir,

se promène dès l'aube, s'exalte et est ramené au Felhal à la mi-juillet, où il

resta jusqu'au 18 janvier 1900, retournant alors guéri dans sa famille.

Le 28 avril il est encore enfermé à la maison de santé du Felhal pour un

accès maniaque, et y resta jusqu'au 30 septembre 1901. Pendant les 17 mois

qu'il y a passés, cet accès disparut et récidiva plusieurs fois.

GO MAGALHAES LEMOS

Depuis-sa sortie jusqu'au 25 mai 1902, il resta à la maison, mais on ne

peut pas dire qu'il était toujours dans son état normal. Au contraire, pendant

cette période, il eut diverses excitations et dépressions, mais si peu intenses,

et de si courte durée, que la famille put le garder. Cependant, à cette époque,

il s'exalta davantage, devint remuant, fuyait la maison pour faire différents

voyages en chemin de fer, etc. ; et, sur ces entrefaites, il fut interné à l'hôpi-

tal du Conde de Ferreira le 25 mai. En outre de son excitation physique et in-

tellectuelle, il m'est arrivé avec une intense poussée eczémateuse aux jambes,

et avec des troubles gastriques assez importants.

Se trouvant déjà remis, je pensais à le faire sortir, lorsque le 2 décembre,

à la suite d'une petite contrariété, éclata un autre accès maniaque, dont il se

rétablit très vite, sortant le 18.

Excepté quelques excitations et dépressions passagères, il se maintint dans

ce que nous appelons son état normal jusqu'au mois de février 1904, pen-

dant une longue période de 14 mois. Mais à cette époque survint une nouvelle

exaltation, la manie des voyages, comme il dit, le reprend ; et, « sentant que

ses nerfs n'étaient pas bien », il vint spontanément se réfugier à l'hôpital du

Conde de Ferreira, le 15 du mois, lorsque la famille éplorée le cherchait par-

tout. Cette excitation s'était dissipée au bout de trois mois, mais je l'engageai

à rester jusqu'au 14 août pour le soumettre, sous mes yeux, au traitement

thyroïdien.

C'est à cette époque que se rapporte la description de l'état morphologique

et physique du malade que je me propose d'examiner et discuter dans ce travail ;

mais avant d'y arriver, et pour finir l'histoire des accès qu'il a eu jusqu'à

présent, je vais indiquer le dernier, postérieur au traitement thyroïdien.

Etant sorti de l'hôpital, il se porta assez bien pendant un mois, mais après

il devient triste, absorbé, perd l'appétit, ne veut pas sortir de chez lui, entend

des voix qui disent des choses les plus désagréables à son adresse, et qui le

poussent au suicide. Enfant de p... ! A quoi sers-tu ? Tu n'as aucune uti-

lité Finis donc ! i

Un jour, dominé par les hallucinations, il chercha à se noyer dans la mer

et fut encore interné à l'hôpital du Conde de Ferreira le 8 novembre. Pleurait

comme un enfant, et disait à chaque instant, en se cachant la figure dans ses

mains et regardant sournoisement à travers les doigts écartés : «je veux voir

maman ». Cet accès se dissipa dans le mois de février et le malade sortit le 19

juin (1905).

Sans vouloir m'engager dans la discussion de la place qui convient aux fo-

lies intermittentes dans la classification des états psychopathiques, il me sem-

ble incontestable que le malade est un intermittent, et de plus qu'il est frappé

de dégénérescence psychique. A mon avis, l'existence de la dégénérescence

s'impose. En effet, ses antécédents héréditaires, l'instabilité de son humeur et

de son caractère, sa facilité à délirer, le début des accès à l'âge de 24 ans, les

obsessions, et surtout le terrain spécial de débilité intellectuelle sur lequel ces

nombreux accès se sont développés, montre que le malade est un dégénéré, ou

alors la dégénérescence n'existe pas.

INFANTILISME ET DÉGÉNÉRESCENCE PSYCHIQUE 61

Mais nous allons examiner des malformations physiques, qui font pendant

avec les symptômes psychiques que nous venons de décrire, et qui parlent dans

le même sens.

Etal actuel. Comme l'examen des formes est de la plus haute importance

dans ce que je vais exposer, il me semble utile d'ouvrir cette partie de mon

^observation par un ensemble de données anthropométriques, sans lesquelles

le tableau somatique resterait incomplet.

Mesures de la tête : .

62 . MAGALHAES LEMOS

A l'âge de 37 ans, il n'y a pas un poil ni aux aisselles ni au pubis. Avoue

se plaire dans la société des femmes et aimer les caresses des filles qui le font.

dit-il, entrer en érection, mais il n'a jamais pratiqué ni même tenté le coït,

qui, d'ailleurs, serait matériellement impossible. Il se masturbe, et prétend

provoquer ainsi une esquisse d'érection et un peu de plaisir, mais il n'a ja-

mais eu aucune pollution. Il est affligé de l'état plus que rudimentaire de sa

verge, et me prie de bien vouloir la mettre en état de fonctionner. , informa-

Les dents, sans être un modèle de perfection, n'offrent aucune malforma-

tion digne de remarque, excepté qu'elles sont gâtées et que la troisième mo-

laire gauche et inférieure n'est pas sortie.

La voix est lente, grêle et aigre. Le cou est gros, large et court. Larynx

peu saillant.

Le corps thyroïde n'est pas bien perceptible à la vue ni à la palpation,

même dans les mouvements de déglutition. Cependant, et malgré le résultat

incertain de cet examen, qui n'est pas aisé à cause de la lipomatose du cou,

nous admettons volontiers que le corps thyroïde n'est pas complètement atro-

phié, parce que la croissance n'a pas été arrêtée, parce que le tableau sympto-

matique du myxoedème n'est pas accentué, et encore parce que, dans ce cas,

il devrait déjà exister un début de cachexie, et l'état de sa santé est en somme

assez satisfaisant.

C'est le syndrome morphologique de l'infantilisme, d'après la descrip-

tion classique de M. Henry Meige que nous avons devant nous. Et, comme

on le voit, ce syndrome est presque au grand complet, excepté pour les

éléments fournis par la configuration du tronc et des membres torse

arrondi, cylindrique, ventre un peu proéminent et membres potelés -

qu'on peut cependant apercevoir, mais qui sont plus ou moins cachés et

déformés par l'accumulation de la graisse dans le tissu sous-cutané, qui

masque les reliefs osseux et musculaires.

Il y a cependant dans le tableau de l'infantilisme, un symptôme assez

important, la petitesse du corps, qui nous manque : notre malade dépasse

de 2 centimètres la moyenne pour les Européens, puisqu'il mesure

1 m. 67 de taille. Mais, malgré que ce caractère soit un des plus

frappants de l'infantilisme, il n'est pas essentiel. Il y a de « petits hommes »

et de « grands enfants ». Les adultes, comme M. Brissaud le remarque

avec justesse, ont bien des manières de rester enfants ; cela dépend d'une

multiplicité de circonstances, de la convergence de causes qu'on ne sau-

rait pas spécifier. Ce qui domine, dans l'évolution physiologique, le pas-

sage de l'enfance vers l'adolescence, c'est, avec la métamorphose plastique

connue, l'apparition de la fonction sexuelle, et les caractères sexuels

secondaires. La taille joue un rôle relativement secondaire, de façon qu'on

peut voir la coexistence de l'infantilisme et du gigantisme. Ainsi que

INFANTILISME ET DÉGÉNÉRESCENCE PSYCHIQUE 63

l'arrêt delà croissance ne suffit pas à justifier le diagnostic d'infantilisme,

l'accroissement normal de la taille, tout bien considéré, ne saurait l'ex-

clure.

Encore un fait à mentionner : je connais le malade depuis le mois

d'avril 1892, et il a aujourd'hui le même aspect qu'il avait alors, pa-

raissant beaucoup plus jeune qu'il ne l'est. Il n'a plus d'âge.

D'après cet ensemble de symptômes physiques, on ne peut douter que

notre malade, malgré sa taille, soit bien infantile. L'enfant a grandi, oui ;

mais, chose essentielle, il ne s'est pas métamorphosé en homme, puisqu'il

garde, à l'âge de 37 ans, les attributs morphologiques fondamentaux de

l'enfance. Et puisqu'il s'agit de constater la présence d'un syndrome mor-

phologique, et de bien le mettre en relief, on peut comparer les photo-

graphies que nous donnons avec beaucoup d'autres, et tout particulière-

ment avec celles publiées par MM- Marfan et Louis Guinon (1) ; on dirait

le même sujet photographié à des âges différents, si on fait abstraction de

l'obésité de notre malade. Et puis « le nom d'infantilisme, dit M. Henry

Meige, sert à désigner un état physique et mental qui s'observe chez les

individus dont l'appareil sexuel a subi, congénitalement ou accidentelle-

ment, un arrêt dans son évolution ».

C'est justement notre cas. En effet, notre malade, je le répète, avec ses

37 ans, a des testicules très petits et un pénis à peine aussi développé que

celui d'un enfant de 5 à 6 ans, il est absolument imberbe, le pubis et les

aisselles n'ont pas un poil. Bref, il est un homme par son âge et par sa

taille, et un enfant par l'état rudimentaire de ses organes génitaux, par

l'absence complète des caractères sexuels secondaires, et encore par ses formes

extérieures. (PI. XII.)

Il s'agit donc, et je tiens à bien fixer, d'ores et déjà, ce point du diagnos-

tic, d'un cas d'infantilisme non pas de l'infantilisme de Lorain, mais

de l'infantilisme de M. Brissaud, de l'infantilisme vrai. C'est même un cas

spécial qui, à cause de la taille, établit une transition très instructive entre

l'infantilisme et le gigantisme à type infantile.

Voilà en ce qui concerne le corps. Voyons maintenant ce que l'esprit

offre de particulier. « Un état mental infantile, dit encore M. Henry Meige

dans sa description, accompagne toujours la malformation corporelle. Il

concorde en général avec celui de t'age que parait conserver le corps :

légèreté, naïveté, pusillanimité, pleurs et rires faciles, irascibilité prompte,

mais fugace, tendresses excessives ou répulsions irraisonnées. En outre,

les facultés morales, affectives et intellectuelles subissent des altérations

en rapport avec les accidents psychopathiques qui relèvent de l'hystérie

dont les sujets sont fréquemment atteints. »

(1) Revue mens. des mal. de l'enfance, 1893, p. 481.

64 MAGALHAES LEMOS

Eh bien, notre malade n'est pas un hystérique. C'est un débile qui pos-

sède à côté d'une bonne mémoire une intelligence très faible : il retient

beaucoup de noms et de dates, mais son raisonnement, comme nous

la'vous dit, est faible et faux..

Nous nous sommes déjà suffisamment occupés de ce sujet pour ne pas

avoir besoin d'y revenir. Ajoutons simplement quelques mots pour mieux

préciser et compléter les anomalies du caractère et du sens moral.

Il est grincheux, irritable et impulsif. Parfois on le surprend à s'amu-

ser comme un enfant, à couper de petits morceaux de papier, à percer un

journal de trous à la façon d'une dentelle, à jouer à la toupie, etc. Les

sentiments affectifs sont conservés, et nemontre pas de mauvais instincts

à l'égard des animaux, excepté des chats qu'il ne peut supporter. Cepen-

dant en se promenant une fois dans là grange de l'hôpital, il s'est emparé

d'un moineau tombé vivant dans un filet ; et, sur le champ et d'un coup

de main, il l'a tué, déplumé et mangé tout cru. Il ne comprend pas ce

qu'il y a d'anormal dans son acte, pi l'étonnement des gardiens qui l'ont

observé, et avoue, en riant, qu'il éprouve un plaisir tout particulier à

manger de la sorte les petits oiseaux ; et qu'il lui arrivait aussi, lorsqu'il

voyait dans la cuisine de la viande sanglante, venue du boucher, d'en

saisir un morceau et de le manger en cachette.

Cet état mental, on peu complexe, tient de l'infantilisme l'enfantil-

lage de l'intelligence et du caractère me semble irrécusable et encore

on ne saurait pas le nier,de la dégénérescence psychique.En effet,notre ma-

lade, comme nous l'avons montré, est un dégénéré de lui-même et par ses

antécédents héréditaires. Dans ses antécédents il y a, à côté de la consan-

guinité, une' considérable accumulation convergente d'affections cérébro-

spinales susceptibles d'influencer la descendance ; et le tableau que nous

en donnons démontre l'influence fâcheuse de l'hérédité morbide rayon-

nant à travers trois générations.

L'examen direct du malade prouve à son tour que la tare constitution-

nelle de sa famille pèse lourdement sur sa personnalité physique et psy-

chique.Elle a mêmefait sentir son influence nocive de très bonne heure,etne

l'a jamais abandonné. La faiblesse native de son état mental, les stigmates

physiques et psychiques que nous avons indiqués, les diverses manifesta-

tions vésaniques, à cachet nettement dégénératif, qui se sont succédé à

différentes reprises, et qui ont obligé la famille à l'interner 13 fois dans

les asiles, où il a séjourné presque tout le temps depuis le premier accès

(1892), parlent hautement de la dégénérescence.

Donc, l'infantilisme est associé ci la dégénérescence mentale. Voilà un

autre point du diagnostic qui me semble indiscutable, et sur lequel je re-

viendrai plus tard à propos de la pathogénie ; mais, avant d'y arriver, je

NOUVELLE Iconographie DE la SALPÊTRIÈRE. T. XIX. PI. XII

INFANTILISME (TYPE BRISSAUD) ET DEGENÉRESCENCE PSYCHIQUE

(Magalhaes Lemos.)

Sujet de 37 ans. Taille : 167 cm. Poids : 156 kilos.

Aspect féminin : volumineuses masses lipomateuscs de la région poplibée.

INFANTILISME ET DÉGÉNÉRESCENCE PSYCHIQUE 65

vais pousser plus loin l'étude clinique du malade au point de vue des asso-

ciations morbides qui se sont donné rendez-vous dans sa personne.

« Si l'infantilisme, dit M. Henry Meige dans sa belle description, peut se

manifester isolément, il n'est pas rare de le voir s'associer à d'autres dys-

trophies congénitales (nanisme, gigantisme, rachitisme, obésité, atrophie

musculaire). La plus fréquente de ces associations est le myxoedème infan-

tile, qui participe à la fois des caractères de l'infantilisme et de ceux du

myxoedème. » Et, j'ajoute, ces associations jettent une vive lumière sur la

pathogénie de l'infantilisme, et aident puissamment à mieux le compren-

dre.

L'obésité apparaît chez les infantiles comme l'exagération de son em-

bonpoint habituel, de cette « couche adipeuse d'une assez grande épais-

seur qui enveloppe tout le corps et marque les reliefs osseux et muscu-

laires », et qui constitue un de leurs caractères.

Eh bien, notre malade est un obèse, il pèse 156 kilogrammes, sans

vêtements. C'est une obésité qui saute immédiatement aux yeux. Ce qui

frappe tout d'abord chez lui, avec l'absence de barbe, c'est l'atteinte portée

à l'harmonie des formes, devenues monstrueuses, par l'accumulation de

la graisse dans le tissu sous-cutané.

Comme on le voit dans les photographies (Pl. XII), et comme d'ailleurs

c'est la règle chez les obèses, le tissu adipeux s'est développé de préférence

dans la partie antérieure et latérale de l'abdomen : lombes,fesses,mamelles,

régions cervicale et sous-mentonnière, joues, régions axillaires, inguinales

poplitées et à la face dorsale des mains. Mais spécifions les principales

altérations produites par cette lipomatose généralisée.

Le menton se continue avec une boursouflure graisseuse qui couvre la

région antéro-latérale du cou, et qui, prenant la forme d'un croissant,

monte des deux côtés, encadre et arrondit la face, et vient mourir au

niveau de l'arête du maxillaire, qu'elle efface. Les seins, « plus volumi-

neux que ceux d'une femme en lactation », tombent de chaque côté de la

poitrine en se continuant avec un énorme pli cutané, qui à la façon d'une

poche, de convexité inférieure, pend des deux côtés du thorax. s'étendant

de l'appendice xiphoïde jusqu'aux dernières côtes, et mesurant dans sa

convexité 0 m. 52. Le ventre tombe aussi comme un tablier sur les cuis-

ses et cache complètement les organes génitaux. Le bord libre de cette

poche mesure 1 m. 15.

De cette façon, le tronc, vu par sa face antérieure, offre trois énormes

plis adipeux, qui le déforment, et lui donnent un aspect féminin très ac-

centué. Regardé par sa face postérieure, le tronc se présente également

(1) Henkt Meige, Deux cas d'hermaphrodisme antique. Nouvelle Iconographie de la

Salpêtrière, ne 4, 1895.

66 MAGALHAES LEMOS

déformé, à cause de la grosseur des cuisses, qui sont en contact, il semble

trop long, ce qui donne au malade un air trapu.

L'adiposité des membres fait disparaître les saillies osseuses et les

fossettes; et il y a de volumineuses masses lipomateuses dans la région

poplitée interne.

Bref, l'adipose sous-cutanée du tronc et des membres a déformé l'aspect

extérieur du corps, qui est devenu plus au moins informe dans son en-

semble et dans chacune de ses parties.

En auscultant le coeur, on entend à la base un dédoublement du second

bruit, qui n'est pas lié à une lésion aortique. Pas de souffles, Le pouls,

qui bat 62 à la minute, est faible et irrégulier ; et le malade s'essoufle fa-

cilement lorsqu'il accélère le pas, fait un effort, ou monte l'escalier.

La marche et tous les mouvements s'exécutent difficilement et lentement.

Parfois on le surprend assis, immobile, la tête penchée sur la poitrine et

dans un certain état de torpeur, plutôt physique qu'intellectuelle.

Il a des varices aux jambes.

La fétidité de la sueur est quelquefois insupportable ; et il souffre d'un

eczéma chronique.

Voilà encore une autre association : - l'obésité.

Est-ce tout ?

Comme nous avons vu, M. H. Meige, se rapportant aux associations de

l'infantilisme écrit : « La plus fréquente de ces associations est le myxoe-

dème infantile, qui participe à la fois des caractères de l'infantilisme et de

ceux du myxoedème. » De son côté, M. Brissaud remarque ceci : «... la

description de l'infantilisme, telle que je viens de la reproduire (c'est la

description de M. H. Meige), s'applique admirablement à l'infantilisme

myxoedémateux, mais à celui-là exclusivement. »

Or, cette même description s'adapte de tout point à notre cas ; donc,

suivant les idées de l'éminent professeur, nous devons avoir un infanti-

lisme myxoedémateux. Examinons :

Tout d'abord, et il ne faut l'oublier, quelques caractères du myxoedème

ont été déjà mentionnés comme faisant partie de l'infantilisme. Mais ce qui

frappe d'abord chez le malade, c'est la physionomie qui est caratéristique.

La face est large, arrondie, en pleine lune ; les joues sont grosses, comme

soufflées et tremblottantes ; le nez est petit et les lèvres épaissies et renver-

sées. Le teint est flétri, terne, rougeâtre, plus foncé et légèrement cyano-

tique sur chaque pommette. La face dorsale des mains, avec ses fossettes

infantiles, est très gonflée, comme capitonnée par un tissu colloïde, ou

distendue par un faux oedème, mou et élastique, où la pression du doigt

ne persiste pas. La peau qui la couvre, légèrement chiffonnée, présente

une couleur foncée, est cyanotique, froide, et sensiblement sèche et squa-

INFANTILISME ET DÉGÉNÉRESCENCE PSYCHIQUE 67

meuse, ce qui peut être dû, en partie au moins, à la diminution des sécré-

tions sudorale et sébacée (PI. XIV).

La physionomie a, parfois, un air hébété et apathique, mais qui ne

répond pas à une vraie torpeur mentale. Si le malade est souvent assis et

immobile, c'est plutôt parce que l'obésité rend les mouvements lents et

difficiles. Il se distrait par moments à lire les journaux.

Le système unguéal est aussi intéressé. Les ongles, surtout ceux du

petit doigt et de l'indicateur, n'ont pas la convexité transversale; ils sont

aplatis et se présentent sous la forme de lames planes. Déplus, les on-

gles sont atrophiés : plus minces qu'à l'état normal, légèrement striés dans

le sens longitudineux, se cassant et s'effritant leur extrémité libre, d'où

se détachent des lamelles très minces.

Qu'est-ce que cela signifie ? Est-ce une apparence de myxoedème ou un

myxoedème ? Etudions les faits sans passion et sans parti pris. Il ne faut

pas pousser notre enthousiasme pour les découvertes récentes jusqu'au

point d'accuser le corps thyroïde de ce dont il n'est pas responsable. Her-

toghe, par exemple, dans son unification pathogénique de l'infantilisme,

étend outre mesure l'influence du corps thyroïde, en lui rattachant des

phénomèmes qui, d'après M. Brissaud, ne lui appartiennent pas primiti-

vement. La coexistence de ces dystrophies rend assez délicate l'interpré-

tation de quelques symptômes, de façon qu'on peut se demander s'ils

appartiennent ou non au myxoedème. Par acquit de conscience, je vou-

drais me renseigner très exactement sur l'état du corps thyroïde, car c'est

le seul moyen d'émettre un diagnostic ferme dans les cas difficiles, mais

l'obésité du cou ne le permet pas. C'est vrai que nous n'avons pas un ta-

bleau myxoedémateux très chargé ; mais on ne l'observe jamais dans l'in-

fantilisme. Ce que nous avons toujours dans ce cas, c'est un myxoedème

atténué, fruste et peut-être incomplet. « S'il n'y avait pas c-wYxoe¡I¡ ?

mes frustes, dit M. Brissaud, il n'y aurait pas d'infantilisme nyxoedéma ?

teux. » Mais il s'agit, de savoir si ce que nous avons est ass6z ? K)urin ?

caractériser le myxoedème. Si nous comparons notre cas avec C611.x (I'in-

fantilisme fruste qui ont été rapportés par MM. Brissaud, Tliibiel-4c ? f

Combe, etc., il ne me semble pas douteux que nous avons affaire à un my-

xoedémateux. Il y a plus qu'il en faut pour le caractériser.

Donc, notre malade est un infantile, un myxoedémateux et un obèse ;

ces trois grandes dystrophies coexistent chez- lui. Cela n'est plus discuta-

ble. Mais il est aussi un dégénéré au premier chef, et il l'est par ses anté-

cédents héréditaires et par lui-même de corps et d'esprit.

La croissance s'est faite d'une façon normale, étant donné que sa taille

mesure 1 m. 67 ; ce qui prouve que l'action du corps thyroïde

sur les cartilagesépiphysaires n'a pas fait défaut ; mais le développement

68 MAGALHAES LEMOS

sexuel ne s'est pas produit de pair avec la croissance : il s'est arrêté de

très bonne heure, dès les premières années. L'harmonie du développe-

ment physique a été de la sorte troublée chez notre malade, qui est un

homme par son âge et par sa taille, et un tout petit enfant par son appa-

reil sexuel. C'est un « grand enfant*», dans toute la force du terme. Mal-

gré le cas si remarquable de Hertoghe (2); le développement sexuel sem-

ble donc obéir à une autre influence que celle qui provoque la croissance,

qui est le fait de l'accroissement des os longs. Est-ce aussi une influence

thyroïdienne ? Dans l'affirmative, il faut de toute nécessité admettre que

la lésion du corps thyroïde chez notre malade est différente de celle qui

arrête d'un coup de développement du squelette et le développement des

organes génitaux (PI. XIII).

Voilà pour le corps. Maintenant, en ce qui concerne l'esprit, il est

aussi évident que son développement s'est fait d'une façon inégale, lais-

sant de grandes lacunes et plutôt dans le sens de la dégénérescence que

dans le sens de l'infantilisme. En effet, l'état mental du dégénéré est

essentiellement caractérisé par la déséquilibration de l'esprit produite par

l'arrêt de développement de certaines facultés, et parfois par l'hypertro-

phie des autres.

Puisqu'il en est ainsi, une question se pose d'elle-même : Quelles sont

les relations de ces trois dystrophies entre elles et avec la dégénérescence ?

Puisque notre malade est si lourdement chargé, si fortement imprégné

d'hérédité névropathique, je suis, priori, tenté d'y trouver l'explication

pathogénique de son état morphologique et psychique, et je me demande

quel est le rôle joué par l'hérédité dans tout cela ; quelle est sa part de

responsabilité dans cette situation, dans cet aboutissement. C'est ce que

je vais discuter, mais avant de m'engager dans cette voie, il est bon de

faire connaître le résultat du traitement thyroïdien, ce qui donne à la dis-

cussion un élément de plus, qui a son importance, puisqu'il permet, dans

une certaine mesure, de séparer ce qui appartient au myxoedème, c'est-à-

dire au corps thyroïde, de ce qui a sa cause en dehors de l'influence thy-

roïdienne.

. Nous ne voulons pas, comme fait Hertoghe, accorder à ce critérium une

importance presque décisive, que M. Brissaud cons teste, sans lui refuser

cependant une certaine valeur. « Etpuis, dit M. Brissaud, se rapportant à

un cas clinique de Hertoghe, jugeons, par les résultats du traitement, à quel

point un diagnostic d'infantilisme : myxoedématcux est exact » (3). Eh bien ! 1

(1) Brissaud, Loc. cil., p. 29.

(2) Cité par Brissaud, Leçons sur les mal. nerveuses (Hôpital Saint-Antoine). Paris

1899, p.457.

(3) Loc. cit., p. 457.

Nouvelle Iconographie DE la Salpêtrière T. XIX. PI. XIII 1 1

Avant le traitement thyroïdien.

Poids : 156 kilos.

Après le traitement thyroïdien.

Poids : 123 kilos.

INFANTILISME (TYPE BRISSAUD) ET DEGENERESCENCE PSYCHIQUE

(Magalhaes Lemos.)

Faciès lunaire. Arrêt de développement des org.lI1cs neniuuv Absence des caractères

INFANTILISME (TYPE BRISSAUD) ET DÉGÉNÉRESCENCE PSYCHIQUE

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INFANTILISME ET DÉGÉNÉRESCENCE PSYCHIQUE - 69

faisons la même chose. Voyons aussi le résultat du traitement thyroïdien

pour juger de l'importance du rôle pathogénique que le corps thyroïde a

joué dans l'état du malade.

Mais, avant, nous allons indiquer le résultat de l'examen radiographi-

que, très important à connaître dans ces cas, et que nous devons à l'obli-

geance de nos amis le Dr Arantes Pereira, directeur de l'Institut Pasteur

de Porto, et du Dr Carteado Mena, médecin assistant. On sait que la radio-

graphie a fourni des renseignements remarquables et très utiles sur le

processus de l'ossification et sur l'état du squelette dans quelques mala-

dies, et elle permet de vérifier jusqu'à quel point le développement sexuel

accompagne le développement ostéogénique.

Comme on voit par les photographies que nous donnons, les soudures

épiphysaires sont faites dans le squelette de la main et du pied, et dans

les articulations radio-carpienne et tibio-tarsienne. Il en est de même

pour les articulations du coude et du genou. Partout les soudures épiphy-

saires semblent complètement achevées. Pas de traces bien nettes de car-

tilages d'accroissement (Pl. XIV).

Le traitement fut commencé le 11 juin 1904 par un lobe du corps

thyroïde de mouton, que se malade ingérait tous les matins, à jeun ;

le 18, cette dose a été élevée à un lobe et demi, et le 29 à deux lobes par

jour, qu'il prit régulièrement jusqu'au 8 juillet. Mais le traitement a été

interrompu alors, parce que se sont manifestés des symptômes d'empoi-

sonnement, qui consistaient dans une faiblesse générale si grande, que le

malade ne pouvait plus monter d'escalier, de façon que je lui ai fait pré-

parer une chambre, au rez-de-chaussée ; il lui était extrêmement

pénible de faire quelques pas. De plus, il se plaignait d'inappétence,

avait des vomissements bilieux, et 112 pulsations avec une température

normale. Ces phénomènes se sont dissipés rapidement et au bout de

8 jours il reprit les deux lobes, qu'il continua à prendre jusqu'au 12 août

(1904), sauf une interruption de 7 jours à cause d'une attaque de grippe.

Pendant le traitement, outre l'examen du pouls, de la respiration, de

la température (axillaire et rectale), et des manifestations myxoedéma-

teuses, l'urine était analysée tous les jours, et le malade fut pesé chaque

semaine.

La modification la plus importante du traitement s'est accusée dans la

diminution du poids, qui est successivement descendu de 156 kilogrammes

que le malade avait le 11 juin à 149 kilogrammes (le 16 juin), à 140 (le

6 juillet), à 133 kil. 500 (le 14 juillet), à 127 (le 23 juillet), etc. pour

arriver à 123 kilogr. 750 le 13 août. Il a donc perdu en deux mois

32 kilogr. 250 ! ! La température centrale, prise au rectum, s'est élevée

de 37°5 à 37°9, et en arrivant même à 38°4. ; mais elle fut presque

70 MAGALHAES LEMOS

toujours au-dessous de 3S," avec de petites oscillations. Le 8 juin, lorsque

j'ai suspendu le corps thyroïde, le pouls, qui s'était élevé de 62 pulsa-

tions à 113, est descendu dans les jours suivants à 108, 98, 96, 88, 83,

81, 66, et enfin à 65 le 16 juin ; mais, reprenant ce jour le traitement, le

pouls augmenta immédiatement le chiffre des pulsations.

La quantité d'urine, qui était de 1.650 centimètres cubes avant le

traitement (en 24 heures), est arrivée à 2.360 centimètres cubes.

Il ne me semble pas devoir indiquer les oscillations que le volume de

l'urine subissait par jour, ni le résultat de l'analyse chimique, qui a été

faite par le Dr Alberto d'Aguiar, professeur à l'Ecole de médecine, et par

le Dr Aarao de Lacerda, professeur à l'Académie polytechnique, parce que

ces données, malgré les renseignements qu'ils donnent sur les processus

chimiques de la nutrition chez les obèses, n'éclairent le problème qui

nous occupe que d'une façon très indirecte.

Donc, comme résultat du traitement, nous avons déjà à enregistrer une

perte de poids supérieure à 32 kilogrammes, la polyurie, l'élévation de la

température centrale et la fréquence du pouls.

Mais ce n'est pas tout. La fétidité de la peau est presque disparue, les

joues ne sont pas si grosses, comme on peut le constater dans les photo-

graphies, les différents bourrelets et plis adipeux se sont sensiblement atté-

nués (PI. XIII).

Voilà l'effet thérapeutique du corps thyroïde, qui s'explique aisément

par la stimulation qu'il a produite dans les actes de la nutrition qui étaient

ralentis. Par ce fait, comme chez le malade de Hertoghe, la substance thy-

roïdienne aurait pu peut-être provoquer une poussée de croissance, si la

taille était infantile, et si, condition sine qua non, un reliquat du cartilage

épiphysaire avait permis une reprise tardive de l'accroissement des os

longs. Cependant en ce qui concerne les organes génitaux, l'action du

traitement a été nulle. Malgré l'importante stimulation des actes nutritifs,

et contrairement à ce qu'on a vu dans le malade de Hertoghe, les organes

génitaux n'ont pas bougé du tout. La verge reste infantile, toujours « à

l'état de promesse », absolument comme elle était avant le traitement ; et

pas un poil n'a poussé ni à la face, ni aux aisselles, ni au pubis (1). Est-ce

qu'il n'y avait plus de possibilité anatomique pour la croissance de l'appé-

tit sexuel et de la pilosité masculine ? On ne saurait se renseigner à ce

sujet d'une façon aussi précise que pour l'accroissement de la taille, grâce

à la radiographie.

(1) La description que je donne ci-dessus se rapporte à l'année précédente. A présent

(juin 1905), que le malade a 38 ans et dix mois, après le traitement thyroïdien, l'état

consigné dans cette description persiste tel que, sans le moindre changement, excepté

pour le pubis qui présente une poussée de poils rares.

INFANTILISME ET DÉGÉNÉRESCENCE PSYCHIQUE 71

La substance thyroïdienne a été également impuissante à modifier bien

d'autres symptômes. Le visage conserve le même teint, les téguments des

mains présentent la même infiltration de faux oedème et le même aspect,

c'est à peine si sa sécheresse s'est atténuée d'une façon appréciable. La

dystrophie des ongles et l'état mental n'ont pas subi le moindre change-

ment.

Tel est le bilan des modifications médicamenteuses. Comme on voit,

l'action du traitement n'a pas été merveilleuse, exception faite de la dimi-

nution du poids, qui a été remarquable. Adiré vrai, la démyxoedématisa-

tion proprement dite est en définitive très faible, presque nulle. Or, en

faisant même quelques réserves nécessaires, ce bienfait partiel et léger

paraît indiquer que le corps thyroïde n'est pas seul responsable de cet

ensemble morbide ; c'est-à-dire que quelques phénomènes présentés par le

malade ont peut-être leur cause ailleurs.

Mais où cela ?

Nous n'avons pas à faire ici une étude particulière de chacune des con-

ditions anatomiques qui, en dehors des lésions tyroïdiennes, peuvent

produire l'infantilisme, ni de leurs causes. Nous dirons tout simplement

que notre malade, avec sa haute taille, ne rappelle en rien les faux infan-

tiles de la syphilis, de la tuberculose, de l'alcoolisme, etc. D'autre part,

si ces agents infectieux et toxiques arrivent quelquefois à réaliser cette va-

riété d'infantilisme qu'on appelle type Lorain, c'est, d'après M. Brissaud,

par l'intermédiaire des anomalies cardio-artérielles qu'ils le produisent (1).

Eh bien ! outre que ces causes n'existent pas chez notre malade, l'aplasie

artérielle n'est pas reconnaissable, et parait, elle aussi, ne pas non plus

exister, parce que nous n'avons pas, à l'âge de 37 ans, ni la néphrite sclé-

reuse, qui coïncide souvent avec elle, ni même la chlorose; et surtout,

parce qu'elle semble incompatible avec la taille du malade.

La circulation joue, en effet, un rôle très important dans la croissance.

« Elle seule, dit M. Brissaud, assure aux tissus l'apport régulier et ininter-

rompu des matériaux indispensables pour que l'édifice s'élève. La glande

thyroïde ne leur donne que bien peu de sa substance. C'est le sang qui

fait les frais de tout ; et nier que la .pauvreté du sang entraîne un retard

quelconque dans le développement, c'est, à mes yeux, nier l'évidence

même. L'augmentation de la taille me paraît donc être subordonnée, dans

une large mesure, à la libre circulation du sang, qu'on appelle couram-

ment, non sans raison, liquide nourricier. »

C'est incontestable. Mais c'est aussi de toute évidence, il me semble,

que la transformation de l'enfant dans l'homme, bien que subordonnée

(1) Loc. cit., p. 446,448.

(2) Loc. cit., p. k71.

72 MAGALHAES LEMOS .

dans une large mesure à la circulation, comme la croissance, obéit à une

influence tout autre. Bref, la circulation du sang est une condition néces-

saire au développement, mais elle n'est pas suffisante.

, Bien des faits le prouvent. D'un côté, cette transformation morphologi-

que peut se faire in situ, et de façon que les proportions de tous les orga-

nes soient conservées, même lorsque la croissance s'est arrêtée. bien au-

dessous de la~moyenne. Cela veut dire qu'elle peut s'opérer avec une

quantité très limitée de matériaux, de liquide nourricier, avec une acti-

vité circulatoire restreinte. Et dans ce cas, nous avons de petits hommes,

des adultes « réduits à l'échelle », comme vus par le gros bout d'une

lorgnette ».

D'autre part, la croissance peut s'opérer pour ainsi dire toute seule,

isolément, sans se faire accompagner de la bien connue métamorphose

plastique, et alors nous avons des enfants augmentés à l'échelle, comme

regardés à travers une lorgnette, de grands enfants, qui réalisent l'infanti-

lisme vrai ; et encore les géants à typé infantile qui s'en rapprochent.

' Le cas que nous rapportons prouve tout particulièrement que la pré-

sence du liquide nourricier ne suffit pas à cette métamorphose, puisque

nous avons un individu, qui, malgré ses 167 centimètres de taille, con-

serve, à l'âge de 37 ans, les formes extérieures de l'enfant.

Le squelette se développa d'une façon normale. L'enfant grandit ; il ne

s'est pas transformé en homme, ce n'est donc pas parce que le sang lui

manqua, ni cette stimulation trophogène du corps thyroïde, qui, d'après

les expériences de Gley et Hofmeister serait nécessaire au cartilage épi-

physaire pour la croissance. C'est bien autre chose qui lui a fait défaut.

La circulation du sang offre tout simplement la matière première,

mais ne suffit pas, je le répète encore, pour que l'édifice humain s'élève

d'après le plan arrêté par l'espèce; il faut que ces matériaux soient em-

ployés judicieusement, harmonieusement, en rapport avec les lois de l'on-

togénèse.

En définitive, acculé par les faits à cette difficulté, nous avons besoin

d'admettre l'intervention d'une force, de quelque chose qui actionne et

dirige la matière, apportée par la circulation du sang, dans le développe-

ment individuel, qui modèle l'individu dans son ensemble et chacun de

ses organes en particulier, d'après la forme et les proportions qu'ils avaient

dans les ancêtres. C'est l'hérédité qui s'en charge.

Eh bien ! cette force initiale et directrice, qui a coulé notre malade dans

un moule si défectueux, nous l'avons vue viciée à travers trois générations

de ses ascendants, qu'elle écarta en grand nombre du type normal, en

leur donnant un système nerveux imparfait, et parfois une organisation

INFANTILISME ET DÉGÉNÉRESCENCE PSYCHIQUE 73

physique défectueuse; et, engendrant ainsi « des êtres nouveaux, anor-

maux, à mécanisme cérébral faussé ».

Il me semble, en conséquence, que l'association de la dégénérescence

avec l'infantilisme n'est pas chez notre malade une simple coïncidence,

la rencontre fortuite de deux affections différentes, ce qui ne comporterait

aucune interprétation pathogénique ; mais, au contraire, qu'elles ont

toutes les deux le même point de départ, une origine commune, une seule

cause initiale : l'hérédité morbide nerveuse.

C'est fort vraisemblablement, à mon avis, l'hérédité neuro-pathologi-

que qui est coupable de cet état ; et je pense qu'elle a pu produire tout

cet ensemble symptomatique, en troublant le développement individuel de

deux façons différentes : a) directement, par son action immédiate sur les

phénomènes d'ontogenèse ; b) et indirectement, par son action sur le corps

thyroïde, et peut-être aussi sur l'hypophyse et les autres glandes vascu-

laires sanguines. 1

Donc, chez notre malade la dégénérescence mentale et l'infantilisme

ont entre eux de grandes affinités, des rapports très intimes, puisqu'il

paraît, jusqu'à plus ample informé, qu'ils tiennent de la même cause

initiale.

Ce sont, je le répète, les maladies mentales et nerveuses successivement

accumulées entre les ascendants, par suite de l'hérédité convergente, qui

ont préparé le terrain et influencé le germe. Mais à côté de cette influence

héréditaire permanente, il faut aussi tenir compte de la violente émotion

morale éprouvée par la mère pendant la grossesse du malade, à l'occa-

sion du naufrage où elle a failli périr avec son mari et ses deux enfants

ce qui représente, en définitive, une influence héréditaire accidentelle et

transitoire. Il n'est pas douteux que la secousse morale, le choc nerveux

provoqué par cet accident, survenu au cours du troisième mois de la gros-

sesse a pu exercer une influence fâcheuse sur le développement de l'enfant

et aggraver de la sorte l'influence néfaste de la tare héréditaire perma-

nente. Ce qui expliquerait la différence qui existe entre le malade d'un

côté, sa soeur et son frère de l'autre.

Il faut, donc, tenir'grand compte de cette cause accidentelle, notoire-

ment dégénératrice et la rapprocher de l'hérédité proprement dite (1), qui

d'après mon maître M. Magnan, reste le « facteur principal » de la dégé-

nérescence (2).

(1) COTARD, Ann. méd. psychol., 1886, t. I, p. 431 ; Christian, Ann. méd. psychol.,

1886, t. II, p. 262 ; Anolade, In Traité de Pathologie mentale, publié par Gilbert

Ballet, p. 27 ; ROUBINOVITCB, In Traité de Pathologie mentale, publié par Gilbert Bail-

LET, p. 1280.

(2) Magnan, Ann. méd. psychol., 1886, t. II, p. 269-284.

74 MAGALHAES LEMOS

Peut-être que l'état pathologique de l'utérus (la mère « en a toujours

souffert ») a joué un rôle quelconque, plus ou moins important, dans la

genèse de notre infantile. D'ailleurs, dans la pratique, et d'une façon

générale, il est à peu près impossible d'isoler, dans chaque dégénéré que

nous observons, la cause principale de sa déchéance, presque toujours due

à une multiplicité de conditions étiologiques, à la convergence de causes

qu'on ne saurait pas doser ni même spécifier. Mais tout cela n'empêche

pas, à mon sens, de proclamer que l'écrasante hérédité névro-pathologi-

que, aggravée par l'émotion morale de la mère pendant la grossesse, a été

le facteur étiologique prépondérant dans notre cas.

En conclusion : rapprochant notre cas de ceux qui ont été publiés, et

en les embrassant tous d'un coup d'oeil général, l'infantilisme nous appa-

raît comme un trouble spécial, anatomique et psychique du développe-

ment individuel, dont les causes lointaines sont variables, mais qui a pres-

que toujours comme cause prochaine une lésion du corps thyroïde. La

dégénérescence héréditaire d'origine nerveuse est, si je ne me trompe fort,

une de ces causes lointaines. Ainsi que l'hérédité de la syphilis, de la tu-

berculose et des autres infections à manifestations chroniques, ainsi que

l'hérédité de l'alcoolisme et d'autres intoxications, l'hérédité morbide

nerveuse, elle aussi, peut produire l'infantilisme indirectement : soit en

portant son action sur le corps thyroïde et créant de cette façon les condi-

tions pathogéniques de l'infantilisme dysthyroïdien ; soit en portant son

action sur l'appareil circulatoire, et produisant les variétés tératologiques

cardio-vasculaires qui amènent à l'infantilisme anangioplasique; soitpeut-

être (qui sait ? ), en s'adressant aux autres glandes trophogènes telles que

l'hypophyse, la rate, le thymus et les capsules surrénales.

Ces ! son action indirecte, qu'on ne saurait pas mettre en doute. Mais,

en vue des malformations somatiques dont elle est coutumière, et tout

particulièrement par son action déformante, si connue, sur les organes

génitaux, et d'autre part, parce que le traitement thyroïdien dans quelques

cas exceptionnels peut être d'une efficacité très mince, presque douteuse,

il me semble logique d'admettre rien ne s'y oppose à priori que l'hé-

rédité nerveuse puisse encore produire l'infantilisme en troublant d'une

façon directe, par elle-même et sans aucun intermédiaire, l'évolution on-

togénique, et en déterminant par ce fait, des retards ou des arrêts de déve-

loppement de l'ensemble de l'individu tout entier ou d'un appareil spécial . z

Enfin, elle pourra encore agir sur le développement individuel directe-

ment et indirectement, et par des processus multiples, simultanés ou suc-

cessifs, fixer à tout jamais un état qui ne devait être que transitoire. Et

c'est probablement ce qui s'est passé dans le cas présent.

INFANTILISME ET DÉGÉNÉRESCENCE PSYCHIQUE 75

On ne saurait donc pas nier l'hérédité neuro-pathologique comme cause

primitive d'infantilisme. A côté des cas vulgaires de dégénérescence qui

encombrent les manicomes, elle peut aussi produire, ainsi que l'hérédité

syphilitique et alcoolique, une dégénérescence toute spéciale, une dégé-

nérescence type infantile, constituée par la fusion des caractères de la

dégénérescence mentale avec les caractères de l'infantilisme du type Bris-

saud.

En d'autres mots, dégénérescence psychique et l'infantilisme « authen-

tique », ayant tous les deux pour origine les maladies mentales et nerveu-

ses des ascendants, peuvent coexister chez le même individu, se pénétrer,

se fondre dans un type mixte.

C'est ce que je tiens surtout à faire ressortir.

Quoi qu'il en soit de la pathogénie, qui peut être discutée, le fait cli-

nique lui-même me semble incontestable.

ACROMÉGALIE PARTIELLE AVEC INFANTILISME

PAR

P. K. PEL,

Professeur de médecine interne à l'Université d'Amsterdam.

Messieurs,

Le jeune homme, que je vous présente ici, s'appelle Floris V ? 16 ans, ori.

ginaire d'un joli petit village, près de notre capitale. Il est né le 1er janvier 1888

de parents pauvres.

L'accouchement fut normal et régulier, mais les assistants remarquèrent

tout de suite le teint bleuâtre et surtout la dimension anormale des mains et

des pieds. Le bébé se développa très bien, mais il semblait pourtant que les

quatre extrémités augmentaient plus en longueur et en largeur que les au-

tres parties du corps. Il ne commença pas tard à marcher, et la période de la

dentition se passa tout à fait régulièrement, excepté des troubles digestifs (

l'âge de 18 mois) avec fièvre et maux de ventre, mais qui disparurent bientôt.

Du reste il ne fut jamais malade pendant son enfance, mais le teint bleuâtre de

la peau et des membranes pituitaires se montra toujours de plus en plus, sur-

. tout après des efforts musculaires, et les mains et les pieds grandissaient-telle-

ment, qu'il lui fallait toujours des sabots spécialement faits pour lui. Ayant

fini l'école, il travailla un peu de ses mains. Au mois de novembre 1903 il

tomba malade de la fièvre, et se plaignit de douleurs dans les extrémités, d'un

sentiment de fatigue, d'insomnie, de manque d'appétit et d'un malaise général.

Le médecin, qui le soignait, m'a raconté que le malade sentait surtout des

douleurs piquantes, lancinantes dans les extrémités distales épipbysaires des

os fistuleux longs, mais que les jointures n'étaient ni enflées ni douloureuses.

Depuis cette maladie fiévreuse les dimensions des extrémités ont énormément

augmenté. Le médecin tâchait de se rendre compte de cette croissance rapide

en se disant, que sous l'influence du processus infectieux la moelle des os et

le périoste avaient été stimulés à une très grande activité. En même temps

un des membres de la famille du malade habitant la même maison que lui, était

atteint de fièvre typhoïde et notre malade ayant souffert pendant plusieurs se-

maines de fièvre accompagnée de diarrhées, le médecin croyait que, peut-être,

cette croissance rapide des extrémités était due à l'influence d'une infection de

fièvre typhoïde atypique, Nous reviendrons plus tard sur ce point. Le médecin

s'intéressa de plus en plus à notre malade, et invita quelques collègues à

ACROMÉGALIE PARTIELLE AVEC INFANTILISME 77

venir le voir avec lui, sans qu'aucun pût exactement se rendre compte de la

maladie dont le pauvre garçon'était atteint. La plupart le croyait souffrant

d'une maladie de coeur congénitale, dont on ne pouvait pas faire pour le mo-

ment un diagnostic exact. '

Le médecin s'étant aussi adressé à moi pour me demander mon opinion sur

ce cas très singulier, je lui conseillai de faire entrer Floris il l'hôpital d'Ams-

terdam, afin de pouvoir l'observer pendant quelque temps. Le père du malade,

journalier, de stature et d'intelligence normales, et qui ne boit et ne fume

pas,m'a raconté encore les détails suivants : F... et le cinquième enfant de sept :

les deux aînés sont atteints de surdité, ainsi que le frère du père. La mère

mourut en 1898 à l'âge de 48 ans, de tuberculose, le grand-père paternel est

mort des suites d'une maladie de coeur, la grand'mère d'une apoplexie. Le

grand-père maternel était toujours bien portant et mourut très âgé; la grand'

mère est morte de tuberculose ; un neveu est actuellement en traitement pour

une affection tuberculeuse articulaire. Nous soulignons, ici que notre malade -

avait donc une forte disposition héréditaire tuberculeuse du côté de sa mère.

Du reste on ne trouve dans cette famille ni des cas de syphilis ni des maladies

nerveuses ou mentales, ni la consanguinité. Jamais il ne s'est montré dans la

famille une maladie pareille à celle dont notre malade est atteint. La nature

de la surdité de quelques membres de la famille est restée obscure. Si nous

posons maintenant encore quelques questions à notre malade, vous appren-

drez qu'il a déjà souffert depuis sa jeunesse de douleurs dans les bras et les

jambes, mais par accès, par intervalles. Il se souvient encore d'avoir eu des

douleurs entre sa 4° et 7° année : depuis la fin de l'année passée elles ont aug-

menté, souvent lancinantes, et non seulement autour des articulations' mais

parfois dans toute l'extrémité. De temps en temps il a des paresthésies dans

le bout des doigts et des pieds. La force musculaire a beaucoup diminué

dans les derniers mois et quand il marche il n'avance que très lentement et

avec beaucoup de peine. Les derniers temps il ne pouvait s'occuper que de

vannerie. Le malade constate lui-même que les extrémités ont énormément

grandi dans les derniers mois. Il nie absolument d'avoir jamais eu des palpi-

tations, des vertiges, des maux de tête, des troubles visuels ou des accès d'épi-

lepsie. Les organes internes semblent bien fonctionner. La digestion n'est pas

troublée, le système uro-poïétique fonctionne très bien. Le sommeil est suffi-

sant, l'humeur est variable. Parfois notre garçon est très triste et abattu,

quand il se rend bien compte de son misérable état. Il a été impossible de

découvrir la cause de ce développement anormal; la grossesse de la mère s'est

passée sans accidents. Voilà tout ce que je peux vous dire du passé de notre

malade, que nous voulons maintenant examiner.

La timidité et le peu d'intelligence de ce garçon de 16 ans vous auront sans

doute déjà frappés, mais pour le reste vous n'apercevez pas grand'chose d'ex-

traordinaire tant que les bras et les jambes sont couverts. Tout au plus serez-

vous frappés de la manière dont il est couché dans son lit, gêné et de travers,

les genoux en flexion, comme s'il ne savait pas où mettre les jambes, ou comme

si le lit était trop court. Dès que je découvrirai le corps et les extrémités, vous

78 PEL '

aurez de la peine à retenir des cris de surprise et d'étonnement. On est stupé-

fait en voyant les troubles remarquables dans le développement de l'organis-

me humain. Vous voyez déjà par un examen superficiel une tête normale, un

corps d'une petite circonférence, mais les bras et les jambes, surtout les mains

et les pieds, les genoux, les poignets et l'articulation des pieds si lourds, si

grands, que l'épithète monstrueux me semble parfaitement justifiée. Regardez

l'orteil gros et lourd, comme il diffère encore de longueur avec les autres doigts

du pied, et comme les bras sont maigres et comme le ventre est creux !

Regardons à présent notre malade plus exactement et de plus près. A l'ex-

ception des parties du corps hypertrophiées, sa taille est plutôt délicate. Le

« panniculus adiposus » est peu développé, la musculature est molle, même

atrophiée en comparaison d'une grande partie du squelette. La peau, et surtout

celle des extrémités, montre une très abondante sueur, beaucoup de poils

lanugineux, celle des extrémités inférieures plutôt lisse et tendre. Ici il est

même difficile de faire un pli à la peau. La peau des paumes a un aspect très

singulier : avec sa couleur grisâtre, sa surface gluante, et ses sillons profonds,

elle ressemble à la peau des mains des blanchisseuses. La tête, la bouche, les

lèvres et surtout le menton et la mâchoire inférieure sont PETITS, surtout en

comparaison avec les autres parties du corps ; l'occiput seul est un peu proé-

minent. La fente palpébrale plutôt large, les globes oculaires grands, sans

exophtalmie, la réaction pupillaire à la lumière et à la convergence est bonne,

les mouvements des yeux ne sont pas limités, la force visuelle normale. Le

champ visuel n'est pas rétréci, et l'examen ophtalmoscopique ne montre au-

cune altération du fond de l'oeil. Le nez est bien formé, peut-être un peu trop

développé, l'oreille gauche, qui montre une petite tubérosité de Darwin est un

peu plus grande que l'oreille droite et plus éloignée de la tête, la langue est

d'une grandeur normale. Les cils relativement longs, les cheveux courts et

roux : il n'y a pas la moindre trace de barbe. La conformation du crâne est,

pour ainsi dire, normale. La circonférence de la tête est un peu agrandie grâce

à la proéminence de l'occiput, le maxillaire inférieur petit et pointu. La figure a

une expression infantile. La voix est peu sonore, même un peu monotone, sans

timbre. Les dents sont trop grandes pour les maxillaires et forment une rangée

irrégulière ; les incisives médianes supérieures sont grandes et très proémi-

nentes. La rangée supérieure des dents dépasse l'inférieure. Ni l'examen

extérieur ni l'examen laryngoscopique ne montrent quelque chose d'anormal.

Après avoir mentionné que notre malade sait très bien distinguer le goût du

doux, du salé et de l'aigre, mais pas très bien des choses amères, qu'il re-

connaît bien l'odeur de la térébenthine, de la menthe et d'autres substances odo-

nantes, que l'ouïe est parfaite, je finirai la description de la tête en vous don-

rant les mesures du crâne.

ACROMÉGALIE PARTIELLE AVEC INFANTILISME 79

80 ' PEL

semble, que surtout les parties osseuses, l'humérus, mais encore plus le radius,

le cubitus, la partie métacarpo-phalangienne ont augmenté de volume, ce qui

n'est pas ou à peine le cas des parties molles. La musculature est peu dévelop-

pée et très flasque. L'articulation du coude est un peu raide : la flexion et l'ex-

tension sont restreintes; ce qui est aussi le cas pour les mouvements de toutes

les jointures des membres supérieurs. -

Les mains larges, camardes, aux longs doigts (type en long), les bouts des

doigts épais, les ongles larges et aplatis, les articulations interphalangiennes

épaissies attireront votre attention au plus haut degré. La peau est couverte de

sueur, et en vous approchant'davantage, vous verrez un réseau de veines à

travers la peau. Je vous'ai déjà montré l'aspect singulier de la peau des

paumes de la main.

Mesures des membres supérieurs.

ACROMÉGALIE PARTIELLE AVEC INFANTILISME 81

gauche jusqu'à la ligne mamillaire. Les bruits du coeur sont faibles mais purs.

Le pouls est en généraltun peu fréquent (90. par, minute), petit, mou, et devient

très fréquent (120) lors d'un effort musculaire.,Sans vouloir prétendre que no-

tre F ? a le coeur malade, cet organe montre pourtant une .certaine- faiblesse,

qu'on peut appeler maladive. La température du matin est de 36°2 à 36°9, le

soir 37 ? . Certains jours quand les douleurs; soit spontanées soit à la pression

soit fortes, le thermomètre monte quelquefois jusqu'à 38-5. Je répète encore,

qu'on n'a pu trouver des signes de la tuberculose, ni dans les, sommets des

poumons, ni dans.les glandes lymphatiques. " , , ,

Cependant Messieurs, vous vous apercevez à présent encore d'un autre symp-

tôme, : qui n'existait pas tout à l'heure. Partout où on a touché, la peau, vous

remarquez des taches rondes, disparaissant par la pression, et qui persistent

pourtant longtemps, signe d'une action contraire des nerfs vaso-moteurs. Et si

je passe sur la peau avec un objet aigu dans une direction longitudinale, c'est-

à-dire, si j'applique une irritation mécanique, alors seulement vous voyez une

ligne étroite, rouge bientôt remplacée par une élévation blanche linéaire de la

peau, entourée d'une zone rouge hyperhémique. De cette façon je pourrais

écrire le nom du garçon sur sa peau. Cet oedème linéaire angio-neurotique

dans lequel les muscles de la peau jouent probablement aussi un rôle est en

premier lieu l'expression d'une irritabilité singulière des vasomuteurs, une

soi-disant angio-neurose. Si nous prions à présent notre malade de quitter le

lit, vous remarquerez combien notre pauvre garçon est infirme, combien de

peine chaque mouvement lui coûte, combien il se traîne en marchant et dans

quelle étrange position courbée il se tient. Alors vous remarquez aussi comme

le pouls s'accélère, comme le teint bleuâtre de la figure et des membranes mu-

queuses se montre seulement à présent très distinctement et comme une cer-

taine tendance à une faiblesse de coeur l'oblige à tout moment à se reposer. S'il

ne se reposait pas, je craindrais même une syncope.

Sa taille est'de 1 m. 72 : son poids de 50 kilogrammes.

Finalement je vous présente deux photographies de notre malade, dans les-

quelles vous retrouverez facilement les symptômes cardinaux de la maladie. De

plus d'importance encore sont les radiogrammes, que je dois à la bienveillance

du docteur Meyers (PI. XV et XVI)..Vous voyez nettement, que ce sont surtout

les parties osseuses, qui ont augmenté en longueur et en largeur, l'épaisseur

énorme des os longs et la longueur anormale des os du métacarpe, ainsi que la

forme très particulière triangulaire du dernier métatarsien, dont le grand dia-

mètre transversal en comparaison du petit longitudinal a frappé sans doute déjà

votre attention. Plus distinctement que par l'examen de nos yeux et de nos

mains, on remarque le disproportion de l'hypertrophie osseuse.Le cartilage épi-

pliysaire est partout à un degré de développement supérieur à celui qui corres-

pond avec l'âge. La spongiose paraît contenir moins de substances calcaires.

Au radius vous pouvez reconnaître. facilement la formation osseuse périostale.

A côté des radiogrammes de notre malade vous, en voyez deux d'un garçon

de 16 ans de développement .normal. En comparant ces deux types vous trou-

verez facilement les différences.

NOUV. ICONOGRAPHIE CE LA SALPÊTRIÈRE. T. XIX, FL, X

ACROMÉGALIE PARTIELLE AVEC INFANTILISME

(P. K. Pel.)

NOUV, ICONOGRAPHIE DE LA SALPETRIERE. T. XIX, PL, XVI.

Garçon normal de 16 ans. Flores.

Garçon normal de 16 ans. Floris. '

ACROMÉGALIE PARTIELLE AVEC INFANTILISME

(P. K. Pec.)

IIASSON ET CI-, Éditeurs.

ACROMÉGALIE PARTIELLE AVEC INFANTILISME 83

L'examen radiographique du crâne ne démontre point d'augmentation d'épais-

seur, excepté à un endroit limité de l'os occipital, rien qui rappellera une tu-

meur cérébrale : la selle turcique n'est pas agrandie, ,

Il me semble que nous avons affaire ici à l'acromégalie : l'agrandissement

monstrueux, dû surtout à l'augmentation de volume des parties osseuses et,

contrastant avec celle-ci, l'asthénie de la musculature, vous rappellent im-

médiatement la maladie que Pierre Marie (1) a décrite avec une précision et un

talent, dignes de son maître Charcot, et à laquelle il a donné le nom susdit.

Les autres troubles trophiques, secrétoires, vaso-moteurs et sensitifs, ainsi

que le réseau de veines très développé aux membres hypertrophiés correspon-

dent parfaitement au tableau clinique de cette maladie remarquable. Le peau

des jambes mince, lisse, luisante, pas facile à soulever, couverte de nombreux

poils lanugineux vous rappellera peut-être le « glossyskin » qui est caractéris-

tique pour certaines formes de névrite. Les bras maigres vous rappelleront le

malade, atteint de diatrophia musculorum progressiva, la station debout de

F... vous rappellera celle des malades de la paralysis agitans - maladie de

Parkinson. La fente oculaire large, l'action fréquente du coeur, la sécrétion su-

dorifique abondante, le sentiment de fatigue, la myasthénie, l'augmentation de

volume supposée de la glande thyroïde et une série de symptômes nerveux

forment ensemble un complexe symptomatique, que nous avons rencontré si

souvent chez nos malades, souffrant de la maladie, de Basedow. Les réflexes

vasculaires pathologiques rappelleront à votre mémoire les « taches cérébra-

les »,que l'éminent maître Trousseau a remarquées déjà dans la méningite basale

des enfants et les stries colorées après l'irritation de la peau, la « dermographie»,

qu'on a rencontrée en étudiant l'hystérie, la syringomyélie et d'autres maladies

nerveuses.

C'est le clinicien anglais sir William Gull, qui a décrit le myxoedème comme

morbus sui generis, ainsi que le symptôme qu'on a appelé « dermographie ».

Plus tard ce sont surtout les cliniciens français qui ont fixé l'attention sur ce

symptôme.

Ensuite je suis convaincu que vous avez reconnu dans le sens contraire à

la température, qu'on peut constater aux deux jambes de notre malade, avec

une sensibilité au tact et à la douleur absolument indemne, un des symptômes

les plus caractéristiques de la syringomyélie, et en même temps un appui pour

l'opinion de ceux, qui admettent des nerfs spéciaux pour conduire les sensa-

tions thermiques au système nerveux central. Comme on rencontre aussi dans

la syringomyélie des troubles dans la croissance des extrémités, surtout un

agrandissement excessif de quelques parties du corps, et que la dermographie

est un symptôme fréquent dans cette maladie, dont on cherche volontiers la

cause dans une prédisposition anormale individuelle, une supposition de votre ,

part, que notre garçon souffrirait de syringomyélie me semble tout à fait jus-

tifiée.

(1) Sur deux cas d'acromégalie. Hypertrophie singulière non congénitale des extré-

mités supérieures, inférieures et céphalique. Revue de médecine, t. VI, 1886.

84 PEL

Plusieurs des symptômes observés nous donnent le droit de demander si la

moelle dorsale de notre malade est absolument intacte. Les exacerbations

temporaires des gonflements symétriques des articulations, qui avec les chan-

gements dans les jointures même nous rappellent la polyarthrite subaiguë

rhumatismale, ne peuvent que soutenir le bon droit de cette question. Et même

la localisation de l'hypertrophie osseuse symétrique aux extrémités supérieures

et inférieures, à la partie inférieure du sternum et des côtes correspondantes

ne vous fait-elle-pas supposer qu'il y a peut-être certains segments de la moelle

dorsale qui participent au processus morbide ? Les douleurs soi-disant rhu-

matismales, tantôt lancinantes tantôt fixées dans les extrémités agrandies, un

symptôme très fréquent et souvent très pénible pour les malades d'acromégalie

pourraient être aussi bien d'origine médullaire et dépendre comme les douleurs

tabétiques d'une irritation des racines postérieures de la moelle dorsale : mais,

il me semble, que dans ce cas-ci les douleurs dépendent plutôt d'une assimi-

lation augmentée, d'une croissance excessive et anormale du système osseux

et d'une hyperesthésie avec forte extension du périoste.

Nous avons aussi appris que le périoste des os longs est sensible, même dou-

loureux au toucher et à la percussion, comme si l'os, le périoste et le cartilage

épiphysaire se trouvaient dans un état plus ou moins inflammatoire. Tout ceci

nous donne l'impression qu'il existe ici non seulement un changement quan-

titatif de la croissance physiologique, mais en effet une surcroissance anormale

avec activité augmentée de l'os et du périoste. Du reste, notre garçon nous a

dit constamment que les douleurs augmentent toujours après un refroidisse-

ment, et je me rappelle encore vivement, comme il se plaignit de fortes dou-

leurs dans les extrémités, spécialement dans les jambes, lorsqu'il avait été

couché découvert pendant quelque temps pour un examen électrique exact.

Il paraît donc justifié de parler de douleurs rhumatismales.

La sécrétion sudorifique constamment augmentée, trouble nullement rare

chez les acromégaliques, nous montre que la fonction des glandes sudoripares

est augmentée anormalement. La faiblesse musculaire considérable appartient

au tableau clinique de l'acromégalie et le muscle du coeur semble participer à

la myasthénie générale. Au moins je ne saurais expliquer autrement la cyanose

et les signes d'une action du coeur insuffisante après des efforts musculaires,

car nous n'avons pas pu trouver de défaut des valvules ni un trouble congéni-

tal ou une dilatation du coeur de quelque importance.

Si je finis par mentionner l'humeur triste et abattue, qui est propre aux ma-

lades d'acromégalie et de même à notre jeune homme, vous aurez avec moi

tiré depuis longtemps la conclusion, qu'en tout cas le système nerveux parti-

cipe pour beaucoup il cette maladie très remarquable.

Toutefois en étudiant la maladie sous d'autres aspects, vous verrez bientôt

qu'il y a plusieurs choses à dire contre notre diagnose. D'abord il manque les

altérations classiques, qui caractérisent la ligure et le crâne dans l'acroméga-

lie. Le menton, la bouche, la langue, la figure entière sont plutôt petits que

grands, le nez seul est grand, mais par extraordinaire, l'occiput seul un peu

proéminent. Je vous rappelle encore le résultat de l'examen radiographique.

ACROMÉGALIE PARTIELLE AVEC INFANTILISME 85

Toute la figure a quelque chose d un enfant, l'apparence, tous ses faits et ges-

tes sont plus ou moins enfantins. Il n'existe point de cyphose cervicale et

dorsale supérieure ni une augmentation de.volume des clavicules, ni des bords

du bassin, symptômes qui ne manquent presque jamais dans l'acromégalie.

Vous voyez donc, Messieurs, que plusieurs signes, caractéristiques pour l'acromé-

galie manquent complètement. Pierre Marie a décrit la maladie sous le titre de :

Hypertrophie singulière non congénitale des extrémités supérieures, inférieu-

res et céphalique, et comme on n'aperçoit aucun symptôme de cette dernière

hypertrophie chez notre malade, je crois que nous avons le droit de poser la

question, si nous n'avons pas affaire à une autre maladie, décrite par Pierre

Marie (1), dans laquelle le crâne et la figure restent intacts, connue dans la

littérature sous le nom de ostéo-arthropathie liypertrophiante pneumique.

Cependant des observations postérieures ont bientôt démontré que les symp-

tômes décrits par Pierre Marie ne se trouvent pas toujours chez les malades

atteints de maladies pulmonaires chroniques.

Le très habile observateur Carl Gerhardt connaissait déjà l'augmentation de

volume des pieds et des mains, l'état douloureux et le gonflement des articula-

tions des extrémités, symptômes très fréquents chez les malades atteints de

pleurésie chronique, de tuberculose, de maladies de coeur, et de bronchiectasie.

Il y a 30 ans déjà il a décrit les « Rhumatoïd-Erkrankungen der Bronchichlau-

ken ».

En laissant de côté la question : quelle place est due à l'ostéo-arthropathie

hypertrophiant dans notre système nosologique, il n'existe entre cette mala-

die toujours secondaire et l'acromégalie qu'une ressemblance superficielle et

tant de différences essentielles, qu'on considère à présent les deux maladies

comme étant à peine apparentées. Pour le moment je ne veux pas décider si

cette opinion est justifiée.

En faisant abstraction des différences extérieures entre les deux maladies,

on admet actuellement de plus en plus l'opinion que l'ostéo-arthropathie est

causée par des influences exogènes, par exemple des produits inflammatoires

de cavernes broncbiectasiques, tandis qu'on considère les altérations de crois-

sance dans l'acromégalie comme étant plutôt d'origine endogène. Si je fais

attention chez notre jeune homme à l'épaississement, le rallongement, et la

lourdeur énormes des extrémités « in toto », à « l'hypervolume assez égal

des parties osseuses, au manque des phalangettes en baguette de tambour, aux

ongles aplatis et larges, ensuite à l'asthénie considérable de la musculature,

ainsi qu'aux troubles du côté du système nerveux, je ne pourrais que ranger

la maladie de notre F... dans la groupe des acromégalies, lors même que toute

altération clinique de la figure et du crâne manquent. Mais nous distinguons

dans la clinique des cas typiques et atypiques : les premiers prévalent dans vos

livres d'étude, les autres dans la vie pratique. En outre, l'acromégalie se pré-

sente aussi sous des formes atypiques : et dans une de celles-ci l'hypertrophie

est restreinte à certaines parties du corps. Comme dans notre cas la tête ne

(1) Revue de Médecine, 1890.

86 PEL .

participe pas il l'augmentation de volume acromégalique : on parle alors d'une

acromégalie partielle, et c'est comme telle que je voudrais considérer la ma-

ladie do notre garçon. Quoiqu'il paraisse étrange qu'une des localisations les

plus constantes et les plus frappantes du procès morbide manque, quand on

pense combien cette maladie est compliquée, que plusieurs appareils glandu-

laires y jouent. un rôle, que ce sont tantôt les parties osseuses, tantôt les par-

ties molles (la peau p. ex.) dans lesquelles les altérations se montrent le plus,

il n'est pas singulier du tout, que dans un cas spécial un symptôme principal

puisse manquer.

La maladie de Basedow, le myxoedème et la maladie d'Addison ne nous

apprennent-ils pas la même chose ? En outre il serait, possible que les change-

ments du crâne et de la figure ne se montrassent qu'après. Erb a vu augmen-

ter le volume du nez et de la langue 20 ans après les altérations des extrémi-

tés, et Pierre Marie lui-même a décrit des cas d'acromégalie, dans lesquels un

symptôme cardinal, par exemple l'agrandissement du maxillaire inférieur

manque.

Cependant il manque encore plusieurs symptômes, qui se trouvent presque

toujours dans l'acromégalie. Ce sont les symptômes cérébraux, des symptômes

indiquant en général une tumeur intracrânienne mais particulièrement une

tumeur de la glande pituitaire. Mais notre malade ne souffre d'aucun symptôme

indiquant une tumeur cérébrale. L'examen ophtalmoscopique ne démontre ni

papillite, ni névrite optique, ni rétrécissement du champ visuel ; spéciale-

ment l'hémianopsie n'existe pas. J'appuie sur ces faits négatifs, parce que

ceux qui considèrent l'acromégalie simplement comme la conséquence d'une

« sécrétion interne » de la glande pituitaire ont invoqué l'appui de leur opi-

nion la fréquence avec laquelle on trouve des changements morbides de cet or-

gane glandulaire dans l'acromégalie.

Il me faut enfin mentionner encore d'autres objections. L'acromégalie n'est

pas congénitale et se montre seulement à un âge plus avancé, et notre F... est

déjà venu au monde avec de grosses mains et de gros pieds.

Pierre Marie appelait l'acromégalie une « hypertrophie singulière non con-

génitale». Eh bien, Msssieurs, il ne me semble pas difficile de protester contre

cette objection. Car en lisant les histoires morbides des acromégales, il en res-

sort, que souvent déjà, dans la toute première jeunesse on a remarqué les di-

mensions relativement grandes des mains et des pieds, d'abord sans troubles

de fonction, et Bregman (1) a fixé l'attention spécialement sur le fait que l'acro-

mégalie est souvent précédée par une hypertrophie des extrémités : il n'est

donc pas étonnant que les géants deviennent souvent acromégaliques. Stern-

berg (2) a calculé que 20 0/0 des acromégales sont en même temps des géants

et que pas moins de 40 0/0 des géants deviennent plus tard des acromégales.

On a même observé qu'une seule partie du corps était hypertrophiée depuis la

(1) Zur Iflinzlc der Alcromégalie, Deutsche Zeitschrift für Nervenheilkunde, B. XVII,

Heft 5-6.

(2) Akromégalie und Riexemouochs, Zeitschrift sur klin.Med.,XXVII.

ACROMÉGALIE PARTIELLE AVEC INFANTILISME 87

naissance, par exemple un doigt macrodiclyle, et que l'acromégalie se mon-

trait plus tard. S'appuyant sur ces faits, des pathologistes français,entre autres

Brissaud et Meige (1), ont même défendu l'identité du gigantisme et de l'acro-

mégalie, dans ce sens que l'acromégalie serait du gigantisme à l'âge adulte et

le gigantisme un trouble de croissance, opinion qui, me semble-t-il, est bien

discutable.

Néanmoins, il est très intéressant que l'acromégalie se développe de préférence

là où il existe des troubles congénitaux dans le développement du corps, et aussi

là où ceux-ci sont bien localisés, par exemple à un doigt.

Je vous ai fait remarquer déjà l'apparence enfantine que notre malade pré-

sente dans sa figure et dans tous ses faits et gestes. Si je vous montre encore

le petit tronc, le ventre creux, l'absence complète de poils pubiens et axillai-

res, les dimensions petites du pénis, testes et scrotum, vous voyez en même

temps, que l'appareil génital extérieur se trouve dans un état rudimentaire. Et

en examinant les belles photographies de la Nouvelle Iconographie de la Sal-

pêtrière, vous reconnaissez immédiatement que notre F..., à côté d'une

acromégalie partielle montre les signes les plus classiques de l'infantilisme. Sur-

tout dans la station debout il nous rappellera par la grande longueur de ses

extrémités et la petite circonférence du corps « le type eunuchial ».

Il n'est nullement rare, que le tableau morbide de l'acromégalie soit compli-

qué par d'autres symptômes, probablement en relation directe avec la maladie

causale. On a même observé des combinaisons tràs remarquables de symptô-

mes, par exemple la coexistence d'acromégalie avec le diabète, la glycosurie,

le myoedbme, la maladie de Basedow, la sclérodermie, le gigantisme, le nanis-

me, l'atrophie musculaire, des exostoses multiples, et de l'infantilisme comme

dans notre cas. Il ne me semble pas douteux qu'il y ait un rapport causal

entre la plupart de ces cas complexes de symptômes, même si nous ne pouvons

pas comprendre les relations plus intimes. Ainsi je ne doute pas du rapport

causal entre l'acromégalie et l'infantilisme chez notre F... Les troubles de la

vie sexuelle et dans les organes génitaux appartiennent aux symptômes cons-

tants de l'acromégalie. Chez l'homme on voit disparaître la potentia virilis,

chez la femme la menstruation, et là où l'acromégalie se développe eu bas âge,

on peut prendre comme règle que l'appareil sexuel reste en arrière dans son

développement. En passant en revue les symptômes cardinaux de notre ma-

lade, il nous présente un tableau morbide très extraordinaire. Le crâne et la

figure normaux, l'absence de tout ce qui rappelle une maladie cérébrale, l'hy-

pertrophie osseuse non limitée aux terminaisons des extrémités, les dimensions

excessives en longueur, largeur, lourdeur des extrémités et « last not least »

l'infantilisme forment ensemble un casus rarissimus dont le pareil manque dans

la littérature médicale.

Posons enfin la question : quelle est l'origine et le rapport des symptômes

observés, quelle en est la patbogënèse ? On pourrait longuement discuter de

(1) Gigantisme et Acromégalie, Journ. de 111Bd, et Chir., 1895.

88 PEL

ces questions et sur bien d'autres, si l'on veut se risquer sur le terrain des

réflexions spéculatives.

Cependant je tâcherai d'éviter ces écueils, préférant la base solide des faits et

de l'expérience. Eh bien, jusqu'à présent l'esprit humain n'a su lever qu'un

tout petit bout du voile, qui couvre la pathogénèse des troubles de croissance

et de développement qu'on vous a montrés. On sait bien dans quelles circons-

tances on rencontre la croissance anormale, plutôt excessive, car l'expérience

clinique, l'observation des malades a déjà démontré cela. A part les influences

locales, on trouve la croissance excessive :

1° Dans quelques maladies nerveuses (névrite, syringomyélie, tabès, sclé-

rose en plaques) ; cependant dans ces maladies on ne trouve que quelques

symptômes rappelant l'acromégalie, par exemple une hypertrophie très res-

treinte, une augmentation de volume d'un ou deux orteils, d'une articulation,

d'une extrémité. Là où se trouve en effet une croissance excessive, qui rap

pelle une acromégalie partielle, il me semble, que le nom acromégaloïde, cor-

respondant avec la signification des mots comme rhumatoïde, épileptoïde, est

plus expressif que celui dont Marie s'est servi : pseudo-acromégalie. Déjà

Charcot, Karg, Petersen, Chantemesse et Schlesinger (1) ont décrit un agran-

dissement acromégalique d'une extrémité, combiné avec atrophie musculaire,

épaississement de la peau ou résidus de panaris chez des malades atteints de

syringomyélie.

Et même Holsecheconikoff) a déposé dans la littérature un cas dans lequel

il existait une augmentation de volume des mains et des pieds avec une proé-

minence des os malaires, un gros nez et de grosses lèvres, et où on a trouvé

la syringomyélie à l'autopsie. Petersons (3) a aussi décrit une pareille comhi-

naison d'acromégalie et de syringomyélie et Fischer (4) y joignit un troisième

cas. Il se peut que notre F... souffre aussi de syringomyélie, cependant je n'o-

serais pas poser ce diagnostic, quoiqu'il présente quelques symptômes, qu'on

rencontre souvent dans cette maladie. Je ne veux pas nier qu'il n'y ait des

changements probables dans la moelle dorsale dans l'acromégalie. Mon confrère

Wintler a trouvé un épaississement de la substance grise centrale dans un

cas d'acromégalie, ce qui ne prouve cependant pas encore un rapport causal.

L'habile observateur Schnltze (5)trouva une dégénération des cordons de Goll

dans l'autopsie d'un acromégale, mais il ajouta, qu'on trouve ces changements

dans beaucoup de cas de faiblesse et de cachexie, de sorte qu'on ne peut pas

accepter un rapport causal'avec l'acromégalie.

2° Syphilis héréditaire. Ce sont surtout les célèbres Fournier, père et fils,

qui ont fixé notre attention sur l'augmentation anormale, et excessive de quel-

(1) Die syringomyélie, Monographie, 1895.

(2) Ein Fall von syringomyélie, vertunden mit trophisaben stol'll1 ! flen (Acromégalie),

Virchow's Archiv, Bd. 119.

(3) A case of akroinégalie, Med, Record. New-York, 1893.

(4) Beitrag zur Casuistik des akromégulie et syringomyélie. Diss. Kiel, 1891.

(5) Schultze ET JORRS, Beitrag zur symptomatologie et anatomie des Alcl'Omeflalie,

Deutsche Zeilschriftf. Nervenheilkunde, Bd. XI, Hell, 1 n. 2.

ACROMÉGALIE PARTIELLE AVEC INFANTILISME 89

ques parties du corps, spécialement du squelette, par exemple du cràne, de la

rotule, des os longs, d'une extrémité, auxquelles ils ont donné le nom de gigan-

tisme.

Simultanément avec une augmentation de volume excessive des extrémités,

spécialement des inférieures, on trouve dans certains cas un développement

insuffisant de l'appareil sexuel, ainsi que du corps et de la barbe, avec une ap-

parence puérile ; dans ce cas là le gigantisme est combiné avec l'infantilisme.

Je puis vous montrer dans la monographie de Fournier (1) une photographie,

qui vous rappellera notre malade. La même longueur anormale des extrémités,

surtout des inférieures, le même petit corps, l'expression infantile, la même

station debout, les jambes et les pieds énormes, surtout à droite ; mais les pro-

portions ne sont pas changées, la forme normale est conservée. Une croissance

excessive du cartilage épiphysaire, dépendant d'une irritation par des toxines

spécifiques est présumée être la cause directe de cette forme de gigantisme.

L'école française me semble parfois un peu trop libérale avec le diagnostic de

l'hérédo-syphilis.

D'après les informations exactes, que j'ai pu avoir sur le passé de notre ma-

lade et de ses parents il me semble, que j'ai le droit d'exclure la syphilis héré-

ditaire chez F.... Les observations intéressantes et les photographies de Lau-

nois et Roy (2) vous prouvent que le gigantisme et l'infantilisme ne se déve-

loppent pas toujours sur la base de la syphilis héréditaire. Voici une de leurs

conclusions : il reste à déterminer la part de l'hypertrophie pituitaire dans la

production de cette croissance anormale.

3° Cyanose chronique congénitale. L'augmentation de volume se limite en

général aux extrémités et aux parties proéminentes de la face (phalangettes,

nez, menton, lèvres), mais dans des cas rares, il semble que, sous l'influence

continuelle du sang asphyxique, une extrémité entière s'agrandit d'une façon

considérable.

Comparez une photographie et le radiogramme dans la Nouvelle Icono-

graphie (1903, n° 1), d'un cas analogue, décrit par Péhu sous le titre

d'acrocyanose chronique hypertrophiante. Vous pouvez facilement vous con-

vaincre, que ce sont seulement les parties molles, qui ont augmenté de vo-

lume.

4° Dans les altérations morbides de certains appareils glandulaires (glandula

thyroidea, hypophysis cerebri ( ? ), testes ( ? ), ovarium ( ? ).

Vous savez, Messieurs, que la théorie selon laquelle certains organes glan-

dulaires ont une soi-disant sécrétion interne, c'est-à-dire la faculté de déverser

dans le sang un produit, absolument nécessaire pour le développement harmo-

nieux et la fonction physiologique de l'organisme sans l'intermédiaire d'un ca-

nal excréteur, est de plus en plus répandue.

Une des fonctions de ces sécrétions consisterait à neutraliser les toxines, qui

(1) EDMOND FOURNIER, Stiqmates dystroplaiques de L'laérédo-syphilis. Paris, 1898.

(2) Gigantisme et infantilisme. Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière, 1903, ne 6.

90 PEL

pourraient se former dans le corps. Ainsi en cas de fonction incomplète une

intoxication menace l'individu. Ici,je veux me limiter exclusivement à la hypo.

physis cerebri et quant la glandula thyroïdea, dont nous connaissons le mieux

les conséquences nuisibles eu cas de changements morbides du tissu glandu-

laire, je vous rappelle que sa fonction incomplète cause non seulement le myxoe-

dème, mais que son type de fonction inverse est lié des plus étroitement à la

maladie de Basedow,mais que l'infantilisme même peut être l'expression d'une

fonction incomplète de la glandula thyroïdea, comme l'ont démontré les recher-

ches exactes du Dr Hertoghe (1) d'Anvers. Est-ce que la glande pituitaire et

spécialement son globule antérieur qui correspond dans beaucoup de points avec

la glande thyroïde, joue le même rôle dans l'acromégalie que la glande thyroïde

dans le myxoedème ? et est-ce que le trouble de sa fonction serait la cause de

l'acromégalie, une opinion que Pierre-Marie a émise le premier ? Ou bien

est-ce que son augmentation de volume n'est qu'un symptôme de l'acromé-

galie et comme tel équivalente à une hypertrophie d'une extrémité ou à une hy-

perplasie de la glandule thymus ou thyroïdea comme Mendel, Dreschfeld et

S1W pell le croient vraisemblable ?

Voilà le coeur de la question de la doctrine de l'acromégalie, qui possède en ce

moment déjà une littérature très étendue. Si le trouble de fonction de l'hypo-

physe est en effet la cause de l'acromégalie, on pourrait attribuer la plupart,

sinon tous les symptômes acromégaliques au même facteur : à l'infection du

sang et des tissus par des produits chimiques ; acide carbonique, toxines de la

syphilis, composition altérée du sang par suite d'une fonction glandulaire in-

suffisante ou pervertie. Et dans les maladies nerveuses il n'en est pas autre-

ment (tabès, neuritis, syringomyélie, sclérose en plaques), car en somme la

cause de toutes ces maladies est un empoisonnement. Depuis les expériences

bien connues de Wagner, qui remarqua chez les animaux une augmentation

de croissance des os avec sclérose après des doses minimales de phosphore,

de mercure et d'antimoine, ce n'est plus une simple théorie mais un fait bien

constaté, que les produits chimiques même dans des quantités minimales peu-

vent influencer la croissance du système osseux. ,

La première théorie, défendue par Pierre Marie est très attrayante, elle

s'accorde bien avec l'esprit du temps, et est plus ou moins soutenue par des

faits analogues dans la pathologie. Myxoedème, la suite d'une fonction incom-

plète,maladie de Basedow d'une fonction trop abondante et pervertie de la glande

thyroïde, acromégalie d'un trouble fonctionnel de la glande pituitaire, maladie

d'Addison d'une fonction anormale des capsules surrénales; diabète d'altéra-

tions morbides des îlots de Langerhans du pancréas, infantilisme et ennu-

chisme la suite d'une sécrétion interne insuffisante des testes, et enfin la

chlorose l'expression d'une sécrétion interne incomplète des ovaires 1 '

Mais je me sentirais bien embarrassé, si je devais vous donner les preuves

de toutes ces théories, car on n'en a trouvé de suffisantes que pour l'impor-

(1) De l'hypothyroïdw bénigne chronique ou myxoedème fruste, Nouvelle Iconographie

de la Salpêtrière, 1899, n* 4.

ACROMÉGALIE PARTIELLE AVEC INFANTILISME 91

tance de la fonction pathologique de la glande thyroïde pour l'organisme et

peut-être aussi pour celle des capsules surrénales.

Mais si je vous rappelle, qu'on trouve le chlorose seulement chez les femmes

et de préférence dans la période de la puberté, et si je vous rappelle ensuite

la fréquence de plus en plus observée des changements histologiques dans les

îlots de Langerhans,dans le diabète et l'influence remarquable que la castration

de l'homme et de l'animal peut exercer sur l'état physique et psychique, vous

serez d'accord avec moi, qu'il y a bien quelque chose à dire en faveur de l'opi-

nion, que, dans tous les cas cités il existe une altération dans la sécrétion in-

terne de certaines glandes. Jusqu'à présent il est impossible de trouver des

preuves que la glande pituitaire malade soit dans un rapport causal avec l'a-

cromégalie. La fréquence avec laquelle on observe des changements morbides

de cet organe glandulaire dans l'acromégalie est suspecte ; cependant elle ne

prouve rien.

Du reste,on trouve aussi l'acromégalie sans changements de l'hypophyse, et

des altérations de cette glande sans acromégalie.

L'expérience sur l'animal vivant, qui souvent nous a fait découvrir tant de

secrets, nous laisse dans ce cas dans l'embarras, car l'ablation opératoire de la

glande entraîne trop de lésions graves, pour que l'on puisse étudier les consé-

quences de l'extirpation de la glande eomme telle. Du reste, les animaux meurent

presque tous peu de temps après l'opération. Les expériences par lesquelles

on a introduit la substance glandulaire soit par la bouche, soit sous la peau dans

le corps animal ont donné peu de résultats. V. Cyon observa une augmen-

tation de la sécrétion rénale ainsi qu'une influence sur la nutrition et l'assimi-

lation. La physiologie n'a pas encore suffisamment fait connaître les fonctions

normales de cette glande. Cependant les expériences bien connues de V. Cyon (1)

rendent très vraisemblable, qu'il faut lui attribuer mécaniquement et chimi-

quement une influence sur l'assimilation, la pression sanguine, la circulation,

la pression cérébrale, et probablement aussi sur la sécrétion rénale.

Enfin il y a encore un obstacle s'opposant à la solution de ce problème. Il

y a sans doute une relation intime, une action réciproque entre les différents

appareils glandulaires, auxquels V. Cyon a donné le nom de « Schutzdrüsen

fiir die Regulung des f3lutlanfs des Hospoechsels ». Les troubles fonction-

nels de l'un ont pour conséquence des altérations dans la fonction de l'autre :

l'expérience et l'observation clinique nous ont appris cela. Si on détruit ou

enlève chez l'animal le pancréas ou particulièrement les îlots de Langerhans

.le sucre paraît dans l'urine, mais la glande thyroïde s'agrandit en même

temps : après l'ablation de cette glande, le sucre disparaît dans l'urine selon

les expériences de Lorand dans le laboratoire de Minkowsky. A côté de l'aug-

mentation de volume ou de la dégénérescence de la glande pituitaire on a sou-

vent en même temps une hypertrophie de la glande du thymus. Erb trouva

une matité relative à la percussion du manubrium sterni chez les malades

atteints d'acromégalie, tandis que d'un autre côté l'atrophie de l'appareil

(1) mur Physiologie der Hypophyse, Pfluger's Arabis. Bd 87, 1901. S. 569.

92 PEL .

sexuel est la règle. On a même observé une augmentation de volume de la

glande thyroïde comme premier symptôme de la maladie, de sorte qu'on

pourrait demander, si celle-ci n'a pas été la cause secondaire des altérations

de l'hypophyse.

Vous voyez donc, Messieurs. rapport remarquable,qu'ily a entreces troubles

différents ; sans connaître les détails de-cette action réciproque, et en acceptant

le rapport entre les appareils glandulaires susdits, nous ne pouvons pas nous

étonner qu'ils manifestent aussi pendant la vie une activité trop peu intense

ou trop vive, et sous cet aspect la coïncidence de l'acromégalie et du diabète

ou de la glycosurie, du myxoedème, de la maladie Basedow ou de l'infantilisme

n'est pas tout à fait incompréhensible. ,

Enfin l'expérience clinique nous apprend que l'acromégalie, maladie de Ba-

sedow et le diabète ont plusieurs points de contact.Je vous rappelle leur début

après des maladies infectieuses aiguës, après des traumatismes physiques et

psychiques, la prédisposition héréditaire, la glycosurie avec ou sans polyurie,

les troubles nerveux, la myasthénie générale. Lorand (1) a fixé notre atten-

tion sur tous ces points dans une monographie très instructive.

Mais, retournons à notre malade. Dans quel état se trouverait la glande pi-

tuitaire. Vous vous rappelez, qu'il n'y a aucun symptôme d'une maladie céré-

brale et vous trouverez par conséquent cette question superflue. Mais n'oubliez

pas, Messieurs, qu'on a vu des cas d'acromégalie dans lesquels les symptômes

d'une tumeur de la glande pituitaire ne se montrèrent que plusieurs années

après le commencement de l'acromégalie. Les tumeurs cérébrales peuvent

exister longtemps à l'état latent. Ne veuillez pas perdre de vue non plus, que

c'est en premier lieu de la fonction et non du volume que dépendent les con-

séquences, et je puis très bien me figurer une glande pituitaire, qui en fonc-

tionnant incomplètement, est en même temps petite. Cette glande n'aurait

qu'une influence chimique nuisible (à distance), non mécanique... les symp-

tômes de tumeur cérébrale manqueraient, tandis que l'acromégalie existerait.

L'observation du cas présent ne pourrait donc pas nous donner de solution

quantau rapport entre l'hypophyse et l'acromégalie.

Malgré la sympathie que j'éprouve pour l'argumentation de Strümpell, qui

à priori ne trouve pas vraisemblable que la glande pituitaire, organe rudi-

mentaire au point de vue phylogénique, est semblant destiné à disparaître,

puisse exercer une influence si importante sur l'organisme, je me sens ce-

pendant obligé de croire qu'il existe un certain rapport entre cette glande et

probablement d'autres appareils glandulaires et l'acromégalie, quoiqu'il ne me

soit pas possible de livrer les preuves en faveur de cette opinion. Cependant

la fréquence des altérations de la glande pituitaire dans l'acromégalie, l'action

réciproque bien connue entre les différents appareils glandulaires (hypophy-

ses, glande thymus, glande thyroïdea, pancréas) les expériences au sujet des

conséquences du trouble fonctionnel de la glandula thyroïdea, ne soutiennent

(1) Die Entslehung der Inckerkrankheil u. ihre Bezielznngen zu den Yerâuslarungen

der Blutigfàssdriisen, Berlin, 1903.

ACROMÉGALIE PARTIELLE AVEC INFANTILISME 93

pas, me semble-t-il, l'opinion de ceux qui considèrent les changements de la

glande pituitaire comme un symptôme de l'acromégalie ; mais je répète encore

que nous n'avons pas ici la base solide des faits, comme c'est le cas avec le

myxoedème.

Les cas de Chauffard (1) et de Gauthier (2) ont donné la preuve, qu'on trouve

aussi des tumeurs de la glande pituitaire en cas d'acromégalie partielle.

Chez notre F... je présume un défaut dans la construction de différents appa-

reils glandulaires (hypophyse, glande thyroïde, testes), peut-être aussi de la

glande thymus, comme conséquence de ce développement incomplet une fonc-

tion pervertie de la soi-disant sécrétion interne, qui, à son tour a mené à une

altération dans la composition du sang et d'autres sucs, qui chimiquement, ou,

ce qui me semble plus vraisemblable par l'influence du système nerveux

(moelle dorsale, vaso-moteurs, système nerveux périphérique) ont troublé entre

autre la croissance harmonieuse et en même temps la relation entre la forma-

tion et la résorption de l'os. Certains observateurs ont cru-même que la nutri-

tion des centres nerveux dépendrait de la glande pituitaire. La supposition ne

semble du reste plausible, que, sous la même influence, peut-être encore sous

d'autres influences diverses se sont produites des périodes d' « irritation inflam-

matoire », pour ne pas parler d'ostéite et de périostite de certains os. Ce n'est

que de cette façon, que l'on pourrait expliquer les douleurs spontanées, les

douleurs a la pression, l'élévation de la température, les gonflements des

articulations, observés de temps Ù autre. Il ne pourrait pas être question ici

d'un simple excès de la croissance physiologique. Il nous est impossible d'ap-

profondir les conditions pathologiques et physiologiques de la croissance. Nous

voyons grandir les enfants autour de nous, l'un plus vite, l'autre plus lente-

ment, tant que le cartilage épiphysaire fonctionne, et après la croissance s'arrête.

Alors le corps est fait. A l'âge mûr se montrent les symptômes séniles. Nous

voyons tout ceci sans connaître l'essentiel, les conditions de ce procédé d'évo-

lution et d'involution, qui est pour nous jusqu'à présent une énigme inso-

luble.

Enfin je reviens encore à l'anamnèse : vous vous rappelez, que notre malade

a une très forte disposition héréditaire pour la tuberculose, et que nous avons

déjà souligné ce fait. Il est remarquable, que dans les cas de prédisposition héré-

ditaire ou de tuberculose si manifeste on voit souvent des troubles de croissance,

qui ont quelque ressemblance avec l'acromégalie.

En vous parlant de l'habitus tuberculeux, je vous ai souvent montré des

jeunes gens très longs et minces, au dos courbé, aux longs bras et aux longues

jambes maigres, les doigts longs, les phalangettes épaisses. Est-il possible, que

chez ces individus, par suite d'une tuberculose latente, des produits chimiques

(toxines) circulant dans le sang, agissent sur certaines parties du corps, en

guise d'irritation formative, ainsi qu'on le suppose aussi dans les broncho-

ectasies et d'autres maladies de poitrine chroniques ? Or est-ce que la prédis-

(1) Acromégalie fruste avec macroglossie, Semaine médicale, 1865.

(2) Un cas d'acromégalie, Le Progrès médical, 1890.

94 PEL

position aune croissance anormale serait déjà acquise par certaines particula-

rités ou qualités du sperme ou de la cellule ovulaire ? Ensuite je vous

remémore l'exacerbation des symptômes acromégaliques chez notre malade,

après une maladie aiguë infectieuse, probablement febris typhoïdea. Ce fait

bien constaté et très remarquable aussi, s'accorde très bien avec l'expérience,

qui nous a appris depuis longtemps, de quelle croissance rapide du corps peut

être suivie une maladie aiguë. "

D'une part, on peut attribuer cette forte croissance au repos absolu du corps

et à la bonne nourriture, qu'on procure dans des circonstances pareilles à

l'organisme affaibli : d'autre part, elle dépend de l'activité d'assimilation, propre

à l'organisme dans le stade d'une convalescence non troublée.

Mais ne s'agirait-il pas ici d'irritations spécifiques pour la croissance, fournies

par la glande thyroïde ? Roger et Garnier à Paris ont examiné plusieurs glan-

des thyroïdes de personnes, ayant succombé à une maladie infectieuse aiguë.

Ils trouvèrent une grande quantité de matière colloïde et cette constatation

semble indiquer une fonction exagérée de la glande. Ne pourrait-il en être de

même avec d'autres appareils glandulaires ?

Le pronostic n'est pas favorable, comme c'est le cas en général avec ces

maladies rares et intéressantes.

Nous tâcherons de soulager notre malade autant que possible. Je crains

cependant que l'effet ne soit pas très grand.

Nous voulons essayer des tablettes d'hypophyse, peut-être plus tard n'im-

porte quelle préparation de thyroïde, et contre les douleurs rhumatoïdes des

médicaments appropriés.

Nous le nourrirons et le soignerons et tâcherons de le distraire aussi bien que

possible.

Vous comprendrez tous, combien il y a encore à apprendre et à examiner

et combien les problèmes scientifiques sont nombreux, qui attendent encore

leur solution. J'espère qu'au moins quelques-uns d'entre vous, qui avez le

privilège de l'élasticité et de la fraîcheur de la jeunesse, l'amour du travail,

éprouveront le désir de tâcher à découvrir un des secrets nombreux de la

pathologie.

NOUVELLE Iconographie DE la SALPÊTRIÈRE. T. XIX PI. XVII

Obs. I

Obs. 11

OEDÈME DES PIEDS CHEZ DEUX IMBÉCILES

(L. Trepsat.)

Masson et Ci-, Editeurs

PIIUlal)(lI ! ! BI'11hDUd, Pans

OEDÈME DES PIEDS

CHEZ DEUX IMBÉCILES,

PAR

L. TREPSAT,

Interne de l'asile d'Evreux.

La question des oedèmes aigus et chroniques qui ne dépendent pas de

lésions cardiaques ou rénales s'enrichit chaque jour de quelques données

nouvelles. A part le myxoedème dont la pathogénie et la thérapeutique

sont si nettes, nous pouvons citer l'oedème aigu de Quinke, le trophoe-

dème de Henry Meige, le pseudo-oedème de Dide dont les analogies sont

très étroites et dont la connaissance ne tardera pas à se préciser.

Quand on examine systématiquement tous les malades d'un asile à ce

point de vue, on est frappé de la diversité et de la fréquence de ces infil-

trations. Nons donnons ci-dessous, les observations d'une imbécile et d'une

idiote de notre service, qui présentent, outre des malformations physiques

considérables, un oedème spécial des deux pieds qui ressemble à l'oedème

myxoedémateux, et au pseudo-oedème des catatoniques (Service de M. le

Docteur Bessières).

Observation I (Pl. XVII).

Imbécillité, gâtisme avec hydrocéphalie et paraplégie avec contracture ; aux

deux pieds infiltration à forme de pseudo-oedème avec cyanose intense et

algidité.

Trip. Victorine, enfant assistée de la Seine, née le 19 août 1879, entre à

l'asile Ste-Anne le 31 août 1883.

Les renseignements nous indiquent seulement que c'est une enfant naturelle

et que sa mère est décédée le 24 mars 1883 à l'hôpital de la Pitié de maladie

inconnue.

Voici le certificat remis au moment du transfert il l'asile d'Evreux : Atteinte

d'hydrocéphalie avec imbécillité et paraplégie, malpropreté. Turbulence habi-

tuelle. Signé : M. Briand.

La malade est transférée à l'asile d'Evreux le 23 avril 1898. Certificat immé-

diat : Idiotie avec gâtisme continuel, hydrocéphalie, excitation fréquente.

a

96 TREPSAT

28 juillet. - Elle est impotente, ne peut pas même s'habiller, est gâteuse.

27 septembre 1902. - La malade reste toute la journée à la même place,

indifférente, le plus souvent calme. Elle est incapable de toute occupation.

20 juin 1904. - Imbécillité. Ses notions sont très restreintes ; elle ne sait

pas son âge ni le lieu de sa naissance ; n'a aucune connaissance des cours du

temps et des saisons ; elle connaît cependant le nom de la religieuse et des

infirmières, le nom des objets les plus usuels. Quand on lui montre des carac-

tères imprimés, elle commence A. B. C ; de D elle va à H ; ne sait pas écrire.

Elle fait preuve de certains sentiments afl'ectifs : prend la défense des infir-

mières, interpelle les autres malades quand elles sont désagréables, salue les

médecins quand ils passent devant elle, est heureuse qu'on s'occupe d'elle ou

qu'on la complimente, elle sourit alors niaisement.

Examen physique. - Hydrocéphalie : le développement frontal est énorme ;

la circonférence occilito-froutale mesure 63 centimètres ; le diamètre biparié-

tal est de 173 millirnètres,l'occipito-frontal de 20 centimètres. On remarque de

l'asymétrie crânienne avec déviation du côté droit, les oreilles sont écartées du

crâne. La face est criblée de taches de lentigo.

La malade est atteinte de paraplégie avec contracture en flexion des cuisses

sur le bassin, et de la jambe sur la cuisse. L'ankylose des articulations est com-

plète et les tentatives d'extension occasionnent la plus vive douleur. Dans le

lit, la malade se couche sur le côté dans une position accroupie : les genoux au

menton. Pas d'atrophie musculaire marquée ni de déviations osseuses.

Les réflexes patellaire et plantaire sont diminués.

La sensibilité à la douleur esl normale partout. Les autres modes de sensibi-

lité n'ont pu être recherchés étant donné l'état mental de la malade.

Le dermographisme est très net, avec ligne centrale, anémique très surélevée

et zone de congestion diffuse large de 2 centimètres.

OEdème des pieds. - Les deux pieds présentént un oedème cotonneux, gé-

latiniforme, très tendu, ne prenant pas l'empreinte du doigt. En arrière des

malléoles existe un empâtement très prononcé, plus fluide. Cet oedème remonte

jusqu'au genou, ce qui donne aux deux jambes l'aspect de deux poteaux arron-

dis. Mais entre le dos du pied et la partie inférieure de la jambe, au niveau de

l'articulation tibio-tarsienne on remarque un étranglement en bracelet très pro-

fond, surtout prononcé en dehors. En arrière des orteils on voit un bourrelet

manifeste et si tendu, qu'à part le gros orteil, les autres doigts sont en flexion

forcée, l'ongle touchant le sol quand le pied y repose. En aucun point la pres-

sion ne forme de godet. '

La teinte de cet oedème est très foncée, cyanotique : elle part des orteils où

elle est noirâtre pour diminuer progressivement jusqu'au milieu de la jambe.

Tranchant sur cette teinte bleu-noir de l'oedème, on remarque de nombreuses

taches plus claires, rouge vif.

La température de l'oedème au niveau du dos dn pied est seulement de ?

c'est-à-dire, de très peu supérieure à la température de la salle, 18°.

De plus, on note à droite, au milieu de la face dorsale du 3e orteil une ulcé-

OEDÈME DES PIEDS 97

ration superficielle de la dimension d'une pièce de 50 centimes, à bords à pic

et à fond blafard (Constatation du 10 juin). '

Les mains présentent aussi de l'infiltration très nette, légèrement cyanotique

mais beaucoup moins tendue qu'aux pieds ; les doigts ont la forme de boudins

(main succulente).

Coeur. A l'auscultation du coeur on constate quelques intermittences, pas

de bruits de souffle. Le pouls est à 76. La tension artérielle prise à la radiale,

qui égale 9 est très inférieure à la moyenne 15. Au doigt le pouls est faible,

dépressible, difficile à percevoir.

La numération des éléments du sang donne : hématies, 2.820.000 ; leucocy-

tes, 4.500 ; les globules rouges et blancs sont diminués.

Urines. L'examen des urines pratiqué à plusieurs reprises n'a jamais per-

mis de déceler ni sucre, ni albumine. L'urine est jaune trouble, la quantité

moyenne est de 800 grammes, la réaction alcaline, la densité 1.015 ; on trouve

3 gr. 84 d'urée, 10 grammes de chlorures, 1 gr. 85 de phosphate par litre.

La température générale prise à l'aisselle matin et soir pendant 8 jours est

légèrement hypo-normale ; elle oscille entre 35°5, 36° le matin ; 36 ? 36°5 le

soir.

La glande thyroïde n'est pas perceptible à une méticuleuse palpation. Les

autres symptômes pouvant relever du myxoedème sont peu marqués : le sys-

tème pileux est moyennement développé au crâne et au pubis, on ne constate

pas de clairières ; la langue est un peu épaisse, la voix est claire, bien timbrée.

Janvier 1905. Nous donnons à la malade chaque matin une tablette de

thyroïdine Catillon et continuons le traitement pendant 3 mois avec un repos

de 5 jours tous les 10 jours.

30 mars. -On a remarqué que la malade est plus agitée, plus énervée, elle

dit des sottises à tout le monde, veut faire la maîtresse dans sa division.

Les pieds sont toujours bleus asphyxiques ; on note quelques ulcérations,

notamment à la racine des 1er, 3e et 4° orteils droits. La teinte bleu-foncé ne

remonte que jusqu'au tiers inférieur de la jambe.

Le bourrelet d'oedème au-dessus des orteils, très net encore est un peu moins

volumineux, l'infiltration du dos du pied est plus tendue, de consistance moins

gélatineuse.

Nous mettons en regard les mensurations des deux jambes prises d'abord

avant le traitement (septembre 1904) et après le traitement (30 mars 1905).

98 TREPSAT

tement rétrocédé, surtout à gauche où elle n'est plus perceptible et où les ten-

dons extenseurs font saillie.

Coeur. - Le pouls est à. 72 ; on note quelques irrégularités, la tension

artérielle n'est pas modifiée.

Les réflexes patellaire et plantaire qui étaient diminués avant le traitement

thyroïdien sont manifestement exagérés. Les réflexes pupillaires sont normaux

à la lumière, mais- il est remarquable-que la pupille gauche est plus dilatée que

la droite."

La température de l'oedème ne s'est pas modifiée. Mais la température

générale prise à l'aisselle pendant tout le mois de mars s'est nettement élevée :

elle oscille entre 36°5 le matin et 37°4 le soir. -

Le poids général du corps était avant le traitement de 40 kil. 400, ce poids a

baissé légèrement sous l'influence du traitement thyroïdien et nous avons les

chiffres suivants : 23 janvier, 40 kil. 400 ; 13 février, 40 kilogrammes; 15 mars,

39 kil. 800 et au 15 avril, après la suppression du traitement, 39 kil. 100.

Urines. - Les urines ne sont modifiées ni en quantité ni en qualité.

Elimination des chlorures (25 octobre 1905). Nous avons donné depuis

3 jours à la malade 20 grammes de chlorure de sodium supplémentaire dans

ses aliments et avons chaque jour déterminé la teneur en chlorure de son urine

par 24 heures. Nous trouvons 14 grammes au lieu de 10. La quantité de chlo-

rures ingérés n'est donc pas complètement excrétée. Mais malgré cela il n'y a

aucune modification de l'oedème, de sa consistance, de son volume '

- Observation II (PI. XVII).

Idiotie avec nombreux stigmates physiques de dégénérescence, micro ce plia lie,

atrophies osseuses et musculaires. - Aux pieds, infiltration élastique du

derme à forme de pseudo-oedème.

. Beauv. Berthe, née en 1881, entre à l'asile le 17 décembre 1897. Son héré-

dité est très chargée : le grand-père maternel était alcoolique : il serait mort

dans une crise de delirium tremens, un oncle maternel s'est pendu, une tante

maternelle s'est noyée, la mère est une semi-imbécile, le père est alcoolique.

La malade a deux frères âgés de 16 ans et de 5 ans, bien constitués aux

points de vue mental et physique.

18 décembre 1897. Certificat immédiat : elle est atteinte d'idiotie avec

nombreux stigmates physiques de dégénérescence.

9 octobre 1899. - Son intelligence est très rudimentaire : quelques cris

inarticulés et les deux seuls mots papa, maman, forment son vocabulaire. Elle

est à peu près étrangère à la vie sociale, est gâteuse, il faut l'habiller, la dés-

habiller, s'occuper d'elle comme d'un enfant,

Son caractère est doux, facile à diriger, elle manifeste quelques sentiments

affectifs, sourit quand on lui parle et qu'on s'intéresse à elle ; se montre ja-

louse des soins qu'on donne aux autres malades, pleure quand on la gronde.

Examen physique. Stigmates de dégénérescence : asymétrie crânienne

OEDÈME DES PIEDS 99

et faciale, oreilles désourlées à la partie moyenne, strabisme convergent, pro-

gnathisme énorme du maxillaire inférieur, microcéphalie : la circonférence

occipito-frontale mesure 46 centimètres, le diamètre occipito-frontal 14 cent. 5

et le bi-pariétal 13 cent. 5.

Déformation de l'humérus et saillie exagérée de l'olécrâne, subluxations des

phalanges aux 3 derniers doigts de la main droite.

Atrophie du membre inférieur droit portant sur le fémur. Aux pieds, le

pied droit est valgus talus, les deux premiers orteils sont subluxés sur le mé-

tatarse, le pied gauche est légèrement varus avec un équinisme marqué.

Le corps thyroïde n'est pas perceptible à la palpation. Le système pileux

est normalement développé.

Circulation. - Le pouls est à 82, on note quelques intermittences ; la tension

radiale à peu près normale, égale 14. L'examen microscopique du sang donne :

globules rouges, 3.870.000, globules blancs, 2.000. Hémophilie marquée : la

moindre piqûre provoque une hémorrhagie prolongée.

Les urines sont normales comme caractères et comme éléments, sauf pour

l'urée qui est diminuée. Nous trouvons les moyennes suivantes : quantité par

24 heures, 1.000 grammes, réaction alcaline ; densité, 1.016 ; urée, 6, 40; chlo-

rures, 13 ; phosphates 2. 59 par 24 heures.

Atrophies musculaires diffuses, sans caractères spéciaux, localisés aux points

suivants : deltoïde droit, éminences thénar et hypothénar des deux côtés, ju-

meaux droits.

Réflexes : patellaire normal, plantaire exagéré. Les pupilles sont égales,

réagissent bien à la lumière et à l'accommodation.

La température générale est franchement hyponormale avec type iuverse.

Prise à l'aisselle matin et soir pendant une semaine, la température oscille

entre 36°5 le matin, et 35°4 le soir.

Le dermographisme est très net, avec ligne ortiée anémique très surélevée,

large de 2 millimètres et zone de congestion diffuse.

OEdème des pieds. La face dorsale des deux pieds est le siège d'un oedème

élastique, tendu, qui ne prend pas l'empreinte du doigt. Cet oedème forme un

bourrelet manifeste à la racine des orteils et un étranglement au cou-de-pied.

Les orteils présentent aussi ce même oedème qui les déforme complètement

et un étranglement à leur base. La jambe présente une infiltration un peu

moins tendue sans godet. La teinte de cet oedème est cyanotique très foncée.

On remarque au milieu de cette teinte des taches ronge-vif bien délimitées.

Aux orteils existent plusieurs ulcérations superficielles (constatation de sep-

tembre 1904), notamment aux 1er, 3e et 5° orteils droits et au 2E orteil gauche.

La température prise sur le métatarse avec le thermomètre à cuvette plate

est très basse : 22° (sept. 1904).

Les mains sont recouvertes d'une peau ridée, beaucoup trop grande pour

leur contenu, ce qui semble indiquer qu'il a. existé autrefois à leur niveau un

oedème chronique aujourd'hui disparu. '

Le repos au lit prolongé, avec régime lacté n'a amené aucune modification

de l'oedème, de sa teinte, ni de sa température.

100 TREPSAT

Traitement par la thyroïdine. Nous avons institué le 1er février 1905,

et poursuivi pendant 2 mois un traitement par la thyroïdine. Les résultats

obtenus furent les suivants :

La température s'est notablement élevée. La moyenne est 37° ; le type in-

verse persiste, les maxima sont 37°5 le matin, les minima, 36°5 le soir.

Le pouls n'est pas plus fréquent : 80 ; il est toujours un peu irrégulier.

Le poids'de la malade qui s'était d'abord abaissé s'est notablement élevé 2 mois

plus tard. Nous avons : 23 janvier, 30 kil. 4 ; 13 février, 30 kil. 4 ; 25 février,

30 kilogrammes ;,15 mars, 30 kilogrammes ; puis 15 avril, 33 kilogrammes ;

15 septembre, 33 kilogrammes.

L'oedème ne s'est nullement modifié : les pieds sont bleu noirâtre, les bour-

relets très tendus avec quelques points rouges purpuriques.

Nous mettons en regard les mensurations de l'oedème prises le 25 septembre

1904 avant le traitement, et après le traitement, le 30 mars 1905. Les dit'té-

rences sont à peine sensibles.

OEDÈME DES PIEDS 101

plémenL11re de 20 grammes de NaCI a amené une certaine rétention des

chlorures puisqu'une très minime quantité passait dans l'urine, mais les

oedèmes n'ont subi de ce fait aucune variation.

Les pieds des deux malades ressemblent fort sur nos photographies à

des pieds de mY,Toedérnateuses : même bourrelet énorme, même étrangle-

ment aux malléoles. L'analogie est bien plus frappante encore à la palpa-

tion : c'est au doigt la même sensation gélatineuse, élastique. On remar-

que encore la même teinte cyanotique, foncée, noirâtre, éclaircie de

taches rouge-vif bien délimitées. Il était intéressant de voir l'effet de l'opo-

thérapie thyroïdienne sur ces infiltrations : on peut dire qu'il a été nul,

au moins chez la malade de l'observation II. Il fallait du reste s'y attendre

puisque chez l'une et l'autre malade l'unique symptôme de myxoedème

partiel était cet oedème.

J'ai déjà insisté dans ma thèse (1), sur l'importance qu'avaient la stase

du membre et l'état cachectique du sujet dans la production du pseudo-

oedème chez les catatoniques. Les mêmes réflexions sont naturelles ici :

nos deux malades impotentes, restent toute la journée immobiles, les

jambes pendantes ; de plus, il existe chez elles un état de débilité physi-

que manifeste. Nous avons maintenu nos malades au lit pendant plu-

sieurs mois en améliorant considérablement leur régime (lait, oeufs,

viandes saignantes), mais les variations de l'oedème ont été insignifiantes

et la température locale n'a pas changé : la teinte seule était un peu plus

claire. Un léger changement de la coloration de l'épiderme, voilà la seule

modification qu'entraine l'abaissement de la température extérieure.

Il nous reste encore à envisager l'influence des vaso-moteurs et' du

système nerveux central. L'appareil vaso-moteur est certainement troublé

chez ces malades ; d'abord le dermographisme est très net : le plus léger

grattage de la peau avec l'ongle ou un crayon produit une ligne blanche,

ortiée qui se surélève rapidement et est entourée d'une zone de conges-

tion diffuse large de 2 centimètres. Cet urticaire une fois produit dure de

1 h. 1/2 à 2 heures.

On constate de plus aux pieds des ulcérations superficielles. Ces petites

eschares ne sont nullement en rapport avec la température extérieure : on

les trouve en juin,juillet ; ni avec la pression puisqu'elles subsistaient,après

2 mois de séjour au lit, en des points où les couvertures n'avaient aucun

contact II paraît rationnel d'attribuer pour la plus grande part la produc-

tion de ces ulcérations superficielles à un défaut de circulation sous l'in-

fluence du système vaso-moteur. Comme chez les catatoniques, ces eschares

évoluent chez des sujets à stéréodermographisme intense et sont précédées

(1) Etude des troubles physiques dans la Démence précoce hébéph),éno-catalonique.

Paris, 1905.

102 . TREPSAT "

de taches purpuriques. Ces taches rouges se soulèvent en bulles pemphi-

goïdes, la bulle se crève et l'ulcération est constituée.

Nous voyons donc ici nettement une paralysie des vaso-moteurs analo -

gué à celle qui se produit dans la gelure chronique, mais d'après ce qui a'

été dit ici, la cause pathogénique n'est pas externe, mais interne. Chez ces

malades le système sympathique et vaso-moteur est touché.

Enfin ces deux malades sont devrais monstres physiques, dont l'appa-

reil cérébro-spinal présente des malformations multiples : l'une est une

hydrocéphale paraplégique avec contracture des membres inférieurs ;

l'autre, une microcéphale avec atrophies osseuses et musculaires, luxa-

tion des doigts, pieds-bots. Dans leur appareil cérébro-spinal défectueux

les centres trophiques sont aussi atteints.

Cet oedème dont la pathogénie est ici assez nette, est à rapprocher des

oedèmes déjà décrits chez les catatoniques, oedèmes s'accompagnant des

.mêmes symptômes, et liés, eux aussi sans doute, à un trouble des centres

vaso-moteurs et trophiques.

HOSPICE DE BICÈTRE

TRAVAIL DU LABORATOIRE ,DE M. PIERRE MARIE.

LE FAISCEAU LONGITUDINAL INFÉRIEUR

ET

LE FAISCEAU OPTIQUE CENTRAL.

QUELQUES CONSIDÉRATIONS SUR LES FIBRES DISSOCIATION

DU CERVEAU,

PAR

LA SALLE ARCHAMBAULT

(Albany, New-York).

Bien qu'il y ait eu dans ces dernières années de nombreux travaux consa-

crés à l'étude des grands faisceaux de l'hémisphère cérébral, la question de

l'origine et de la terminaison de ces faisceaux est encore très discutée et la di-

vergence d'opinion que l'on rencontre, en parcourant les éditions les plus ré-

centes des grands traités d'anatomie, nous démontre jusqu'à quel point ce

problème complexe prête à la confusion.

Nous traversons actuellement une période de réaction dans la conception

anatomique et physiologique des grands faisceaux de l'hémisphère ; les études

remarquables de Flechsig sur la myélinisation des fibres nerveuses et sur

l'existence de « centres d'association » ont marqué le début d'une phase nou-

velle dans l'histoire de l'anatomie nerveuse.

Depuis les importants travaux de Dejerine et de ses élèves Vialet et Miral-

lié l'école française n'a guère contribué à ce chapitre intéressant de l'anato-

mie ; c'est l'école allemande qui a eu la part la plus active, le rôle le plus

important. De nouvelles recherches de la part de Flechsig et de ses élèves,

de Probst, de Redlich et d'autres, sont venues à l'appui des idées émises par

Flechsig, et nous assistons aujourd'hui à la démolition d'un bon nombre de

doctrines classiques.

Notre excellent maître, M. Pierre Marie, a reconnu l'utilité qu'il y aurait

à instituer des recherches sur une question d'une si grande importance et à

la discussion de laquelle l'école française n'a pris jusqu'ici aucune part : il

nous a fait le grand honneur de nous confier 'ce travail et c'est avec empresse-

ment et reconnaissance que uous nous sommes livré à de longues études dans

son laboratoire de Bicêtre.

Nous avons étudié, à l'aide de coupes rigoureusement sériées et colorées par

104 LA SALLE ARCHAMBAULT

la méthode de Weigert ou de Pal, huit cas de ramollissement étendu des

régions postérieures de l'hémisphère cérébral ; le plus souvent il s'agissait des

lésions caractéristiques de l'aphasie sensorielle. Dans un seul cas, nous avons

eu la bonne fortune de ne trouver que des lésions corticales sur une étendue

considérable, sans participation des couches sagittales profondes.

Les faits qui se sont dégagés de l'étude de ces cas nous ont conduit à des

conclusions qui vont nettement à l'encontre des notions classiques et qui ne

concordent que partiellement avec les idées plus récemment émises et sur

l'origine et sur la nature de certains faisceaux, surtout du faisceau longitudinal

inférieur.

Prenons d'abord connaissance de tout ce qui a été dit sur ce faisceau parles

nombreux auteurs qui s'en sont occupés.

Le faisceau longitudinal inférieur était connu de Reil qui, en 1809, le décri-

vit en commun avec les radiations thalamiques sous le nom de « couronne

rayonnante du lobe occipital » ; mais la première description à part en fut faite

en 1822 par Burdach (1) qui lui donna le nom de qui lui est resté, « faisceau

longitudinal inférieur ». Pour Bnrdach, ce faisceau était formé de fibres d'asso-

ciation, prenait son origine dans le lobe occipital, limitait en dehors la cou-

ronne rayonnante et en avant se divisait en deux parties, dont l'une accompa-

gnée du cingulum se rendait au tapetum, dont l'autre entrait dans la constitu-

tion de la partie inférieure de la capsule externe,puis se poursuivait le long de

la face externe du lobe frontal jusqu'au pôle de ce lobe.

Arnold (2) admet l'interprétation de Reil, mais plus tard accepte les idées

de Burdach.

Gratiolet (3) fait preuve d'une puissance d'observation étonnante, étant

donné que dans son temps les modes d'investigation du cerveau étaient plu-

tôt primitifs. Il fait une description remarquable des couches profondes qui,

pour lui, représentent l'expression intra-cérébrale de la bandelette optique ;

il reconnaît deux couches de radiations optiques dont l'une,la branche externe,

croise l'autre, la branche interne, passe au-dessous d'elle, puis se termine

surtout dans le corps genouillé externe, mais aussi dans le pulvinar et dans

le corps quadrijumeau antérieur.

Meynert (4) considère que le faisceau longitudinal ne constitue pas un seul

faisceau, mais plusieurs ; il renferme surtout des fibres de projection. Il le dé-

crit sous le nom de « lame des faisceaux optiques ». Cette opinion est admise

par Wernicke (5) qui propose la dénomination de « substance sagittale du lobe

occipital ».

Sachs (6) fait de nouveau prévaloir les idées de Burdach. Pour lui, le fais-

(1) BURDACH, Von. Bau und Leiten des Gehirns, 1819-1826.

(2) ARNOLD, Fabulae anatomicae, 1838; Bemerkungen übe ? - den Bau des Gehirns und

RW'ken01w'ks, 1838, Handbuch der Anatomie des Menschen, 1851.

(3) GRATIOLBT, Anatomie comparée du système nerveux. Paris, 1839, 1857.

(4 Mayxenr, Psychiatrie, 1884.

(5) Wernicie, Lehrbuch der Gehirnkrankheiten, 1881.

(6) Sachs, Den Ilinterhauptlappen, Lepzig, 1892 ; Ueber Flechsig's Verstandcentren,

Monat. sur Psychiatrie, Bd I.

FAISCEAUX LONGITUDINAL INFÉRIEUR ET OPTIQUE CENTRAL 105

ceau longitudenal inférieur est un faisceau d'association qui provient de la

totalité de l'écorce occipitale et qui se termine entièrement dans le lobe tem-

poral, surtout dans l'écorce des première et deuxième circonvolutions tempo-

rales. La partie interne de ce faisceau se confond avec le cingulum et partie

supérieure avec les fibres de la couronne rayonnante. II fait usage du terme

« Stratum sagittale externum ».

Charcot (1) et Ballet (2) réunissent les deux couches sagittales sous le

nom de « faisceau sensitif ce serait un faisceau de la sensibilité générale qui

formerait la partie externe du pied du pédoncule et qui se terminerait dans le

lobe occipital. '

Brissaud (3) admet ces mêmes idées, mais subdivise le « faisceau sensitif »

en « faisceau sensitif externe » (faisceau longitudinal inférieur) et « faisceau

sensitif interne» (radiations optiques).

C'est Dejerine (4) qui, de nos jours, a fait la description la plus détaillée, la

plus complète du faisceau longitudinal inférieur. Pour cet auteur, le faisceau

longitudinal est un faisceau d'association ayant son origine dans l'écorce du

pôle et de la totalité du lobe occipal. Ce faisceau présente à la base de chaque

circonvolution qui le limite, une sorte d'arête... Ces arêtes sont surtout accen-

tuées au niveau des troisième circonvolution temporale, troisième circonvolu-

tion occipitale et des lobules lingual et fusiforme auxquels le faisceau longitu-

dinal inférieur abandonne un grand nombre de fibres. Dans le lobe temporal et

au niveau du segment rétro-lenticulaire de la capsule interne (qu'il recouvre en

dehors) ce faisceau est mal délimité et ses fibres s'enchevêtrent avec les fibres

de projection des lobes temporal et pariétal. En avant du segment rétro-lenti-

culaire de la capsule interne, le faisceau longitudinal inférieur entoure l'extré-

mité postérieure et le bord inférieur du putamen, contourne la corne sphénoï-

dale et atteint la partie externe du noyau amygdalien où il morcelle avec le

faisceau uncinatus la substance grise qui relie l'avant-mur au noyau amygda-

lien et à l'écorce cérébrale avoisinante. Dans le lobe temporal les fibres des cou-

ches inférieures se rendent dans la circonvolution de l'hippocampe, le lobule

fusiforme et la troisième circonvolution temporale ; un grand nombre de fibres

s'irradient dans la deuxième temporale, un plus grand nombre encore dans la

première temporale.

Un petit nombre de fibres entrent dans la constitution de la capsule externe

dont elles concourent à former les couches les plus inférieures et s'entrecroi-

sent avec les fibres de la commissure antérieure et du faisceau uncinatus. D'au-

tres fibres enfin s'irradient dans l'écorce de la circonvolution du crochet et du

pôle temporal.

(1) CHÀFtCOT,'Leporss sur les localisations dans le* maladies du cerveau . Paris, 1816.

(2) Ballet, Recherches analomiques et cliniques sur le faisceau semitif, etc., Th.

Paris, 1881.

(3) BRISSAUD, Recherches analomo-patho logiques et physiologiques sur la contracture

permanente des hémiplégiques, Th. Paris, 188') ; Anatomie du cerveau de l'homme.

Paris, 1893 : La fonction visuelle et le cunéus. Paris, 1894.

(4) DHJERINB Anatomie des centres nerveux, 1895.

106 LA SALLE AHCHAMBAULT .

Au voisinage de la circonvolution temporale, le faisceau longitudinal infé-

rieur est traversé par un grand nombre de fascicules onduleux fortement colo-

rés par l'hématoxyline, qui s'infléchissent en avant et en dedans, traversent les

radiations thalamiques et entrent dans la constitution du segment rétro-lenti-

culaire de la capsule interne, puis s'irradient dans le pulvinar, dans les corps

genouilllés externe et interne et dans les noyaux externe et interne de la cou-

che optique. Les plus antérieurs de ces fascicules abordent dans la région sous-

thalamique le segment postérieur de la capsule interne et descendent dans le

pied du pédoncule cérébral dont elles concourent à former le cinquième externe

(faisceau de Turck). Le faisceau longitudinal est traversé également par les

fibres temporo-thalamiques, etc. Toutes ces fibres n'appartiennent pas au fais-

ceau longitudinal, elles ne font que le traverser avant d'arriver à destination.

La partie inférieure du faisceau longitudinal constitue exclusivement un fais-

ceau d'association qui relie le lobe occipital, et en particulier la sphère visuelle ,

au lobe temporal. Les lésions limitées du lobe occipital entraînent une dégé-

nérescence qui peut être snivie dans la substance blanche du lobe temporal,

mais souvent, à cause du grand nombre de fibres courtes, cette dégénérescence

ne se poursuit pas sur une longue étendue. Ce faisceau dégénère parfois dans

les deux sens... il est donc probable qu'il renferme, outre les fibres qui vien-

nent de l'écorce occipitale et qui en constituent la presque totalité, un certain

nombre de fibres venant de l'écorce temporale.

A la suite de ses recherches sur la myélinisation des fibres nerveuses chez

les nouveau-nés, Flechsig (1) prétend que le faisceau longitudinal inférieur ne

renferme que des fibres de projection qui se terminent dans le lobe occipital et

particulièrement dans la sphère visuelle. Ce faisceau provient de la partie

inférieure du noyau'latéral de la couche optique et du noyau principal du pul-

vinar ; à cet endroit ses fibres croisent d'autres fibres qui proviennent de la

partie supérieure du corps genouillé externe et qui entrent dans la constitution

du stratum zonale. Après son émergence de la couche optique, le faisceau

longitudinal est accompagné de fibres venant de la couche optique et desti-

nées à la sphère olfactive et à la corne d'Ammon, ainsi que de fibres ayant leur

origine dans le corps genouillé interné et en partie dans la coupe optique et

qui se rendent au lobe temporal et à la sphère auditive. -

La couche sagittale externe de Sachs ne représente pas un faisceau d'asso-

ciation reliant le lobe occipital au lobe temporal... elle est formée exclusivement

de fibres de projection.

Pour von Alonakow (2) le faisceau longitudinal inférieur (qu'il identifie avec

la « couche sagittale ») ne doit pas être considéré comme une entité anatomi-

que. Grâce au resserremeut de ces fibres, à leur gros calibre, à leur coloration

intense par l'hématoxyline et à sa pauvreté en éléments névrogliques, ce fais-

(t) FLECHSIG, a) Weitere Mittheilvngen über die Si/mes und Associationzeniren des

menschlichen Gehirns, 1895. b) Weilere Atitlheilungen zkbei, den Slabkranz des menschli-

chen Grosslzirns, 1896, Neurologisches Centralblatt.

(2) VoN MoN,how, Gehiirnpal/zologie(Nothnagel's, Specielle Pathologie und Therapie,

IX, Band. Wien, 1905. ·

FAISCEAUX LONGITUDINAL INTÉRIEUR ET OPTIQUE CENTRAL 107

ceau se distingue toutefois de la couche des radiations thalamiques qu'il recou-

vre en dehors. Le faisceau longitudinal commence à se dessiner au niveau du

noyau amygdalien et de la circonvolution du crochet... il se poursuit à travers

toute l'étendue du lobe temporal-occipital et constitue la couche externe des

fibres profondes. Dans son trajet postérieur, il reçoit de nombreuses fibres de

la capsule externe et du segment sous-lenticulaire de la capsule interne. La

majorité des fibres dont ce faisceau est constitué appartiennent au système

d'association ; elles proviennent de la capsule externe et des circonvolutions,

temporales et se terminent dans le lobe occipital ; mais il existe, en outre, des

fibres allant dans le sens inverse, et qui proviennent de l'écorce occipitale.

Mais le faisceau longitudinal inférieur renferme aussi un certain nombre de

fibres de projection, de radiations thalamiques.

En réalité il est difficile de délimiter d'une façon absolue les trois couches

situées en dehors de la paroi ventriculaire, toutes trois renferment des fibres

qui proviennent des centres optiques primaires, c'est-à-dire : du corps genouillé

externe, du corps quadrijumeau antérieur et du pulvinar de la couche optique.

Ces ganglions fournissent une grande partie des radiations sagittales qui

se rendent au lobe occipital ; elles concourent à former surtout la couche sa-

gittale interne, mais elles occupent aussi la partie dorsale du faisceau longitu-

dinal inférieur. D'autres fibres tirent leur origine de la sphère visuelle corti-

cale et de l'écorce occipitale et vont s'irradier dans les centres optiques ; les

radiations optiques renferment donc des fibres allant dans les deux sens.

, A la suite de lésions de la région calcarine et du lobe occipital on observe

une dégénérescence des radiations thalamiques, et en plus, de l'atrophie consi-

rable des grosses cellules multipolaires de la partie dorsale du corps genouillé

externe, la dégénérescence s'épuise dans le pulvinar et dans les couches super-

ficielles et moyennes du corps quadrijumeau antérieur. Lorsqu'il s'agit de

lésions intéressaut la substance profonde située en dehors du corps genouillé

externe, on constate une dégénérescence corticipète qui se poursuit jusque

dans le lobe occipital.

Au niveau du carrefour ventriculaire les radiations optiques occupent surtout

la partie moyenne des couches sagittales profondes, aussi bien la couche sa-

gittale externe que la couche sagittale interne.

Les lésions du corps genouillé externe entraînent la dégénérescence des ra-

diations optiques, mais cette dégénérescence occupe aussi le territoire du

faisceau longitudinal inférieur.

Les radiations optiques abandonnent des fibres à la scissure calcarine, au

cunéus, au lobule lingual, au gyrus descendens, à la deuxième circonvolution

occipitale, peut-être aussi aux autres circonvolutions occipitales et à la partie

postérieure du pli courbe.

Le faisceau longitudinal contient donc des fibres appartenant à plusieurs

systèmes; la dégénérescence secondaire nous démontre que la nature de. ses

fibres varie sensiblement d'un niveau à l'autre. En avant il contient des fibres

qui proviennent des centres optiques primaires aiusi que du corps genouillé

interne; il renferme même des fibres commissurales, c'est-à-dire des fibres

108 LA SALLE ARCHAMBAULT

de la commissure antérieure, mais la majorité de ses fibres, cependant, sont

des fibres d'association. ·

Obersteiner (1) admet que le faisceau longitudinal inférieur (stratum

sagittale occipito-temporale externum) est un faisceau d'association provenant

surtout de la sphère visuelle et qui se rend au lobe temporal ; mais la partie

supérieure de ce faisceau renferme des fibres qui passent dans la partie posté-

rieure de la capsule interne. '

Sehellenberg pense que la majeure partie du faisceau longitudinal repré-

sente un faisceau d'association reliant entre elles les circonvolutions du lobe

piriforme et de l'opercule sylvien. Une autre partie représente le pédoncule

(Stiel) du corps genouillé. ,

Probst (2) fait des conclusions sur le faisceau longitudinal supérieur (qui,

pour lui aussi, correspond à la couche sagittale externe) ; dans chacun de ses

nombreux travaux, il modifie assez souvent ses opinions sur l'origine et la

terminaison des fibres qui entrent dans sa constitution, mais n'admet nulle

part que ce faisceau renferme de fibres d'association.

Dans ses premières études (a, b et c) il dit que la couche sagittale interne

contient des fibres qui passent de l'écorce occipitale à la couche optique, et la

couche sagittale externe des fibres dont le trajet est l'inverse, c'est-à-dire

qu'elles proviennent de la couche optique et se rendent à la corticalité. Plus

tard, il insiste sur la délimitation peu précise entre ces deux couches ; un

bon nombre de fibres proviennent des faces externe et interne dn lobe occi-

pital et se rendent au pulvinar, aux corps genouillés externe et interne, au

noyau latéral (partie supérieure) de la couche optique et aux couches superfi-

cielles du corps quadrijumeau antérieur. D'une façon générale, la partie infé-

rieure de cette couche sagittale (commune) recevrait les fibres de trois circon-

volutions occipitales ; elles seraient destinées au pulvinar, au corps genouillé

externe et au noyau latéral de la couche optique ; la partie supérieure renfer-

merait les tibres des circonvolutions pariétales supérieures et inférieures ; -1

ces dernières fibres seraient moins nombreuses que celles qui proviennent des

autres régions.

Dans d'autres de ces travaux, Probst (3) (d, e, f, g) attribue de nouveau à la

(1) Obersteiner, Anleitung beim Studium der Nervôsen Central organe, 1901 ; du

même : Etn porencephalisr.hes Gehirn, Arbeiten aus dem. Neurol Inst. Heft 8.

(2) PnoBsT, a) Pfaysrologiclae, anatomische und pathologische Untersuchungen

des Sehhügels, Archiv für Psychiatrie, Bd. 33, 1900 : b) Experimentelle Untersuchun-

gen ueber die Anatomie und Physiologie des Sehlaü,gel.s, Monat sur Psych. Bd 7, 1900 ;

c) Zur Kentmss des Sagittalmarlces und der Backenfasern des Hinlerhauplslappen,

Jahrbüch für Psych. Bd. 20, 1900.

(3) PROBST, d) Ueber den Bau des Vollsl8nd. bulkenlosen Grosshirns, etc. Archiv sur

Psych., Bd 34, 1901 ; e) Ueber den Verlanf der cenlralen Sehfasern und ihre Endigung

im Zwichen und Dlrttelhirn etc. Archiv f. Psych., Bd. 35 ; f) Ueber die Bedeulung des

Selahü,gel. Wien klinische Wochenschrift, 1902 ; g) Ueber die Leilungsbahnen des

Grosshirns, Jahrbucher f. Psych., Bd.23, 1903 ; h) Zur Kentniss der Grosshirnfaserung

und der cerebralen Hémiplégie, Sitz. bei d. K. Acad. der Wissenschaft in Wien. Band

112 ; Abt. III, Dez. 1903 ; i) Zur Lehre von der. Mikrocephalie und 114acro,gyrte. Ar-

chiv. f. Psych., Bd. 38, 1904.

FAISCEAUX LONGITUDINAL INFÉRIEUR ET OPTIQUE CENTRALE 109

couche sagittale latérale une fonction déterminée, elle représenterait la voie

visuelle centrale, ses fibres proviennent de la couche optique et se rendent à

la sphère visuelle corticale ; parfois (f) il accorde à ces fibres une origine plus

étendue, non seulement dans la couche optique (noyaux latéral et posté-

rieur), mais aussi dans le corps genouillé externe.

Plus récemment, à l'occasion d'un cas de lésion de la couche optique (h),

Probst fait subir à ses idées de grosses modifications. Il a observé une dégéné-

rescence partielle du faisceau longitudinal inférieur qui s'épuise et dans le lobe

temporal et dans le lobe occipital. Parmi les fibres non dégénérées de ce fais-

ceau, il en est qui proviennent du pulvinar et du corps genouillé externe (dans

ce cas, ces parties ne sont pas atteintes par lésion), et d'autres qui tirent

leur origine de l'écorce des circonvolutions temporales, occipitales et des lo-

bules lingual et fusiforme, ces dernières fibres se rendent au pédoncule

cérébral. 1.

Le faisceau longitudinal inférieur renferme donc des fibres thalamo-corti-

cales destinées aux lobes temporal et occipital et, en outre, des fibres qui pro-

viennent de ces lobes et qui passent dans le pied du pédoncule. Ce que l'on

désigne sous le nom de « Radiations optiques de Gratiolet » comprend des libres

corticifuges destinées au pulvinar de la couche optique et au corps quadriju-

meau antérieur. Le faisceau longitudinal n'envoie aucune fibre à la capsule ex-

terne. '

Dans des cas de lésions de la couche optique et sur d-3s coupes traitées par

la méthode de Marchi, Probst a observé une dégénérescence du faisceau lon-

gitudinal qu'il a pu suivre jusque dans l'écorce du lobe occipital et de la scis-

sure calcarine ; il en conclut, comme avant, que la couche sagittale externe

renferme les fibres visuelles centrales et que celles-ci tirent leur origine de la

couche optique.

Dans son mémoire le plus récent Probst (1) étudie les dégénérescence consé-

cutives à une lésion étendue qui atteint la couche optique mais aussi la capsule

interne et le noyau lenticulaire. Le faisceau longitudinal inférieur est en grande

partie dégénéré ; cette dégénérescence tient à la destruction du noyau latéral

de la couche optique dont les fibres passent au-dessus du corps genouillé externe

et par le segment postérieur de la capsule interne pour entrer dans la constitu-

tion de la couche sagittale externe. Une partie du faisceau longitudinal, allant

au lobe occipital est cependant respectée, car ce faisceau reçoit aussi des fibres

du pulvinar et du corps genouillé externe, et dans ce cas, £ ces noyaux sont in-

demnes. '

Les lobes pariétal et occipital envoient des fibres au corps quadrijumeau an-

térieur, ces fibres constituent le faisceau cortico-tectal.

Ecdinger (` ? ) considère que le faisceau longitudinal inférieur est un long

(1) PROBST, Weitere iJalersuchungeh ùber die Grosshirnfaseruny und ùber Rinden-

reizuersuchen Mach Ausschaltung verschiedener Leilungsbahnen. Aus dem Sitzungs-

bericht der Kaiserl. Akad. der Wissenschaft. in Wien, Bd C XIV Abt. 111, april 1905.

, (2) Edinger, Bau der nervosen Central organe, 1904. Geschichte eines Patiente>a

dem operativ der ganze Sclalafelappea entfernl Wurde, Archiv sur klinisch Medizin,

Bd. 13,

110 LA SALLE AHCHAMBAULT '

faisceau d'association qui relie le lobe occipital au lobe temporal et vice versai

Dans un cas où, pendant la vie,' l-'on'aVait'pratiqué l'ablàti'omdu lobe temporal,

l'exàmèn 'démontra qu'une dégÕ'ér'es¿èdèè-considérable du faisceau longitudi ?

nal avait résulté de l'intervention',et cette'dégénérescence se poursuivait jusque

dans le lobé occipital. Pour Edingèr.'ce'cas vient à l'appui' de/l'origine tempo-

rale d'un bon'nombre des fibres dû faisceau longitudinal inférieur.'

Scla7ttz (1) fait la description d'un cas de mycrogyrie avec anomalies consi-

dérables portant sur les lobes temporal Õet'occipital. Le faisceau' longitudinal

inférieur est cependant bien développé et passe du lobe occipital' au mésencé-

phale ; ici l'auteur donne expression à des idées très personnelles sur la cons-

titution du faisceau longitudinal. Ce faisceau contiendrait : a)@des fibres qui lui

viennent directement du nerf optique ; b) des fibres ayant leur origine dans le

mésencéphale. ' ' 1 ? '.

Ces fibres mésencéphaliques ou pédonculaires proviendraient de la partie

latérale du ruban de Reil médian (lemniscus) et seraient'destinées à la pre-

mière circonvolution-temporale ; elles seraient accompagnées d'autres fibres

ayant la même origine et qui se rendraient au noyau médian de la couche

optique et aux circonvolutions rolandiques. Outre ces'fibres'venant du mésen-

cephale, il en est'd'autres que l'écorce cérébrale enverrait aux noyaux moteurs

des régions inférieures du névraxe. Ainsi serait constitué un faisceau dont

les fibres iraient dans le deux sens, ce faisceau représenterait une seconde

voie motrice. ' -1 , 1 il ' 1 , ' ,

Niessl-ll9ayendo·/' (2), élève de Flechsig,après avoir étudié la myélinisation

des fibres nerveuses 'et' pratiqué des coupes dans tous les sens de pièces nor-

males et des coupes frontales d'un cas de ramollissement du'pli courbe et du

pied de la deuxième circonvolution temporale, fait l'analyse succincte de ses

constatations. '

Il se sert surtout des termes que Flehsig a introduits dans le langage ana-

tomique, m : is après en avoir indiqué les synonymes : ' '

1° Les radiations optiques primaires de Flechsig correspondent au faisceau

longitudinal inférieur, à la couche sagittale externe. '" ' '

2° Les radiations optiques secondaires de Fleschsig représentent les radia-

tions optiques de Gratiolet (telles que décrites actuellement), la couche sagittale

interne. '

Les radiations optiques primaires tirent leur origine du'corps genouillé

externe et du noyau latéral de la couche optique,' se dirigent irrégulièrement

en avant et légèrement en haut, puis se coudent, passent en bas et en dehors le

long de la paroi ventriculaire et forment la couche la plus externe des fibres

sagittales profondes. Toutes ces fibres se rendent dans le lobe occipital pour se

terminer dans les deux lèvres de la scissure calcarine.

(1) ScHUTz, Ueber die Beziehungen des unteren Liingsbündel zur Schleife et über

ein neues motorisches Stabkranzsystem.

(2) NIESSL-M.1YENDORF, Vom Fasciculus longiludinalis inferior, Archiv f. Psych., Bd.

31,1903.

· FAISCEAUX LONGITUDINAL INFÉRIEUR ET OPTIQUE CENTRAL lit

, .Les radiations optiques secondaires proviennent surtout de la scissure cal-

carine, mais reçoivent un contingent, du pôle occipital, de la partie la plus

postérieure, du, lobule fusiforme et de la troisième circonvolution occipitale;

elles se terminent,dans le .pulvinar de la couche optique et dans les couches

superficielles et moyennes du corps quadrijumeau antérieur. '

Les radiations optiques primaires et secondaires sont en relation avec cette

partie de l'écorce occipitale délimitée par la strie de Vicq-d'Azyr.

Les fibres,d'association n'entrent nullement dans la constitution de ces deux

couches de fibres. ,

Siarokotlitzki (1) se range parmi les auteurs qui attribuent au faisceau lon-

gitudinal inférieur, un caractère mixte. Pour lui, la partie dorsale ou supé-

rieure de ce faisceau renferme, au niveau des ganglions de la base, des fibres

de projection, mais la partie inférieure de son segment vertical ainsi que la

totalité de son segment horizontal constituent un faisceau d'association passant

de l'écorce occipitale à l'écorce temporale. ·

- Le contingent formé de fibres d'association tire son origine de l'écorce occi-

pitale : circonvolutions de la convexité, lobules lingual et fusiforme et cunéus ;

son origine de cette dernière circonvolution est particulièrement facile à cons-

tater ; ces fibres d'association se terminent dans l'écorce temporale, surtout

dans la partie antérieure du lobule fusiforme et dans la circonvolution de

l'hippocampe, même dans la corne d'Ammon. Au niveau du pôle temporal

d'autres fibres s'irradient dans l'écorce de la circonvolution du crochet et des

trois circonvolutions temporales.

Dans la région des noyaux centraux, un bon nombre de fibres se détachent z

de la partie supérieure du segment vertical du faisceau longitudinal inférieur,

abordent le segment rétro-lenticulaire de la capsule interne, traversent le

champ triangulaire de Wernicke et se terminent surtout dans le pulvinar de la

couche optique, mais aussi dans les corps genouillés externe et interne, dans

le putamen et le globus pallidus du noyau lenticulaire. Enfin d'autres fibres

passent dans le pied du pédoncule cérébral, mais parmi ces dernières, il n'en

est pas que l'on, puisse suivre dans la substance sous-corticale de la première

circonvolution temporale ainsi que le veut Dejerine. Pour ce dernier auteur,

ces fibres venant de la première temporale, concourent, avec d'autres fibres

qui proviennent des deuxième et troisième circonvolutions temporales, à

former un faisceau à part, le « faisceau de Türelc ); ce faisceau ne recevrait

aucun contingent de l'écorce occipitale, ne fait nullement partie du faisceau

longitudinal, mais le traverse tout simplement pour se rendre dans le pied du

pédoncule cérébral dont il constitue le cinquième externe. Starokotlitzki admet

parfaitement l'existence du faisceau de Türck ; il n'est pas démontré que le

lobe temporal ne prend aucune part dans sa constitution, mais pour l'autenr,

la majorité des fibres de ce faisceau lui viennent du lobe occipital, et, de plus,

elles font partie du faisceau longitudinal inférieur.

(1) Starokotlitzki, Das unlere Langsbündel des menschlichen Grosslairns, Inaugural

Dissertation, Breslau, Juill. 1903.

112 LA SALLE ARCHAMBAULT

D'ailleurs, les libres de projection que renferme le faisceau longitudinal dans

la partie supérieure de son segment vertical (au niveau des ganglions de la

base) proviennent, selon Starokotlitzki, presque exclusivement du lobe occipi-

tal ; peut-être en est-il un certain nombre d'origine temporale. Ces fibres,

dont la grande majorité se termineraient dans la couche optique, correspon-

dent aux fibres thalamo-corticales et cortico-thalamiques décrites par Probst.

. Slosel (1), la la suite de recherches sur la myélinisation des fibres nerveuses

des grands faisceaux de l'hémisphère, insiste sur l'apparition précoce de la

myéline pour les fibres de certains territoires bien délimités, à savoir : la lèvre

inférieure de la scissure calcarine, 1-e segment dorso-latéral du corps genouillé

externe et la couche des radiations optiques. Il conclut que le faisceau longitu-

dinal inférieur est un faisceau de projection, qu'il représente la continuation

intra-hémisphérique de la bandelette optique après la terminaison de celle-ci `

dans la partie ventrale du corps genouillé externe.

Schaffer (2) donne expression à des idées très spéciales ; le faisceau longitu-

dinal inférieur renfermerait un bon nombre de fibres provenant des circonvo-

lutions de la face orbitaire du lobe frontal, du pôle temporal et de la première

circonvolution temporale qui poursuivraient un long trajet antéro-postérieur

et iraient se terminer dans le précuneus.

A l'ensemble de ces fibres, l'auteur donne le nom de « faisceau temporo-pré-

occipital » ; ce serait un faisceau d'association,

Redlich (3) a fait de longues recherches sur le faiscean longitudinal chez

l'homme et chez les animaux.

Le faisceau longitudinal inférieur représente en partie la voie visuelle cen-

trale ; il se termine dans l'écorce de la scissure calcarine, du pôle occipital, des

circonvolutions inférieures du lobe occipital et en partie dans l'écorce des cir-

convolutions supérieures de la convexité pariéto-occipale. Dans le lobe temporal,

le faisceau longitudinal n'abandonne aucun contingent nettement appréciable

aux circonvolutions dont il constitue la substance profonde.

La partie dorsale de ce faisceau se confond avec les radiations thalamiques et

fait partie de la couronne rayonnante : elle entre en relation avec la couche

optique et avec le corps genouillé externe, mais la coloration de Weigert ne

permet pas d'établir avec quels noyaux de la couche optique ces relations ont

lieu.

Quant au segment horizontal du faisceau longitudinal inférieur, situé au-

dessous de la paroi ventriculaire sphénoïdale, il représente également pour

Redlich, un faisceau de projection et assure les connexions entre les ganglions

sous-corticaux et l'écorce des circonvolutions de l'hippocampe et de la partie

(1) STOSEL, Uber die Markreifung der sogenannten J(orperfühlsphiil'e und der Riech

und der i : ihestmhlung des Menschen, Archiv f. Psych., Bd XXXVIII.

(2) SCIIAFFER, Ein Fall von ausgedehnter Meningitis syphilitita, Neurologisches

Centralbl., 1904.

(3) Redlich, Zur vergleichenden Anatomie der Associalionsysleme des Gehirns der

Saügelhiere. Fascicules longil1ldinab8 inferior, Arbeitem aus dém Neurolog. lnst (Prof.

OBERSTEINER) XII. Bd. 1905.

FAISCEAUX LONGITUDINAL INTÉRIEUR ET OPTIQUE CENTRAL 113

basale et antérieure du lobe temporal. En tout cas, Redlich pense que cette

partie de la couche externe se termine dans le voisinage de la circonvolution

du crochet et du noyau amygdalien.

L'auteur considère que, d'une façon générale,la couche sagittale externe ren-

ferme des fibres corticipètes, la couche sagittale interne des fibres corticifu-

ges ; mais il insiste sur la délimitation peu nette entre les deux. Ainsi, le fais-

ceau longitudinal inférieur envoie de nombreuses fibres qui lui viennent de

la sphère visuelle corticale et qui se rendent à la capsule interne et enfin au

corps genouillé externe et à la couche optique. Il cite un exemple : il a

observé chez le singe une dégénérescence du faisceau longitudinal à la suite

d'une lésion occipitale située à l'angle inféro-interne de la corne occipitale et

sectionnant les couches sagittales profondes jusqu'à l'épendyme ventriculaire.

On suit cette dégénérescence à travers le lobe temporal, elle passe par la cap-

sule interne et se termine surtout dans le corps genouillé externe, on constate

une décoloration du stratum zonale de ce noyau ; les altérations du côté de la

couche optique sont beaucoup moins accusées.

Dans ce même cas cette partie du faisceau longitudinal qui s'engage dans la

profondeur de la circonvolution de l'hippocampe a été trouvée intacte, il est

donc peu probable, dit l'auteur, que ce segment inféro-interne soit en relation

avec le lobe occipital.

Plus loin, l'auteur revient sur l'origine du faisceau longitudinal et dit que

les fibres qui proviennent du pôle occipital se dirigent horizontalement en

avant, celles qui naissent de la face interne du lobe occipital contournent les

parois ventriculaires, et enfin les fibres qui tirent leur origine des circonvolu-

tions supérieures se portent en bas ; toutes se réunissent et passent dans la

capsule interne. Il semble donc que, pour l'auteur, le faisceau longitudinal in-

férieur renferme avant tout « des fibres corticifuges » destinées à la couche

optique et au corps genouillé externe. Il n'est fait mention nulle part dans son

travail de fibres ayant leur origine dans le corps genouillé externe, cependant

Redlich parle de fibres que le faisceau longitudinal envoie à la calcarine,au pôle

occipital, aux circonvolutions du bord inférieur, au cunéus, au lobule lingual,

à la première circonvolution occipitale.

D'où viennent ces fibres ? On ne parvient pas à se faire une idée exacte des

convictions de l'auteur sur l'origine du faisceau longitudinal. A un endroit, il

dit que ce faisceau provient de la sphère visuelle corticale et, après avoir insisté

de nouveau sur la délimitation peu précise entre les deux couches sagittales, il

donne le nom de « Stratum sagittale occipitale » à l'ensemble des fibres du

faisceau longitudinal et des radiations optiques (Sehstrahlung).

Il ressort de tout cela que, pour Redlich, le contingent corticipète de la cou-

ronne rayonnante du lobe temporo-occipital occupe la couche externe, et le-

contingent corticifuge, qui est de beaucoup le plus considérable, occupe non

seulement la couche interne, mais concourt à former une bonne partie de la

couche externe.

Quoi qu'il en soit, l'auteur considère que la presque totalité du faisceau lon-

gitudinal inférieur représente un faisceau de projection, et que son segmeat

XIX 8

114 LA SALLE ARCHAMBAULT

inféro-interne fait également partie de la couronne rayonnante, qu'il ne peut

guère 's'agir d'un faisceau d'association. '

Toutefois, Redlich ne nie pas que le faisceau longitudinal renferme des fibres

d'association, il considère que cette question n'est pas encore tranchée ; il ad-

. met qu'un certain contingent se rend à la capsule externe. Il insiste à plu-

sieurs reprises sur la grande difficulté qu'il y a à distinguer les fibres du faisceau

de Turck de celles du faisceau longitudinal inférieur.

Enfin Redlich n'admet pas que' l'étude de la myélinisation puisse fournir de

renseignements certains et précis sur l'origine et la terminaison des divers

systèmes de fibres ; tout au plus peut-elle nous indiquer de grandes probabili-

tés. Ce n'est guère que la dégénérescence consécutive à une lésion limitée qui

puisse nous permettre de faire des conclusions justes.

(A suivre.)

HOSPICE DE BICÈTRE

CONTRIBUTION EXPÉRIMENTALE '

A LA

PSYCHOPHYSIOLOGIE DE L'USAGE DES LUNETTES

\

PAR

CH.FÉRÉ

Médecin de Bicêtre.

« L'autorité est une raison d'examiner et non point de croire. » C'est un

enseignement excellent que nous a laissé Descartes, au grand profit de la

recherche de la vérité. J'ai idée depuis longtemps que la recherche de la

vérité aurait encore grand profit si on acceptàit un complément du

précepte cartésien : un témoignage sans prestige n'est pas une raison de

nier, mais de prêter attention.

J'imagine que quelques personnes sont dans le même état d'esprit et sont

capables de considérer quelques faits relatifs à la physiologie de l'oeil pré-

sentés par un auteur sans autorité en ophtalmologie et sans intérêt dans

la construction des instruments d'optique.

Je suis atteint de presbytie (de 7rpEab1Jç, vieillard et de ôty, vue). Cette diffi-

culté indéfinie de la vision rapprochée, conséquence de l'affaiblissement

progressif et physiologique du pouvoir accommodateur, se corrige avec

des verres convexes convenables.

Il y a environ deux ans que sur le conseil de mon ami Valude, le méde-

cin distingué des Quinze-Vingts, je suis muni d'un lorgnon avec des verres

convenablement adaptés. J'étais soulagé pour la lecture ou l'écriture à

courte distance; mais il me restait une grande difficulté'de travail prolongé.

J'ai essayé des lorgnons variés de formes et différents par les ressorts et les

points d'appui, munis des mêmes verres ; il me semblait que les appareils

les plus fixes et les plus légers m'étaient d'un meilleur secours. Mais j'ai

répété la même exploration avec des lunettes ; j'ai trouvé une augmenta-

tion notable de la durée du travail, surtout avec les appareils qui

sont supportés en attirant le moins d'attention, qui sont par exemple

construits d'une matière légère et moins conductrice de la chaleur.

J'ai pris l'habitude de ne me servir d'un lorgnon que lorsque je n'ai besoin

116 FÉRÉ

que d'un secours de quelques minutes ; je ne travaille qu'avec des lunettes.

Plusieurs personnes m'ont fait des remarques du même genre, plus ou

moins précises, signalant la fatigue par le lorgnon.

Guye (1889) a désigné sous le nom d'aprosexie une diminution de

l'attention due à l'obstruction des voies nasales ; mais elle est souvent pro-

voquée par des excitations périphériques diverses très peu intenses mais

continues^ ) ; on peut admettre que la constriction de la base du nez par

un ressort si doux qu'il soit, provoque une irritation continue, cause de

fatigue et d'inattention. J'ai essayé d'apprécier les conditions physiques

de l'attention d'après la valeur du travail avec l'ergographe de Mosso ; à

la suite d'autres expériences j'ai essayé de comparer le travail sous l'in-

fluence des lunettes et du lorgnon ; j'ai constaté des différences très con-

sidérables qui m'ont inspiré une grande défiance ; c'est qu'on ne peut

être assuré des résultats lorsqu'on explore le sujet que quand il n'a subi

aucune influence préalable. Cependant, ces différences m'ont encouragé

à expérimenter en règle. J'ai fait sur moi-même (2) une seule expérience

chaque jour, à la même heure, en travaillant à l'ergographe avec le médius

droit soulevant un poids de 3 kilogrammes, chaque seconde, jusqu'à

l'épuisement complet, tantôt sans appareil, tantôt avec un lorgnon mé-

tallique à patins d'écaille bien adapté, tantôt avec des lunettes métalli-

ques dont les branches sont garnies de tubes de caoutchouc, les deux ap-

pareils munis des mêmes verres. A chaque expérience on répète l'effort

après 18 minutes de repos, repos suffisant pour reproduire un travail

normal (3) ; quand les lunettes ou le lorgnon ont été mis en place immé-

diatement avant le premier effort, ils sont maintenus en position pendant

le repos intermédiaire et pendant le second effort. On peut rendre plus

intelligibles les expériences en les résumant dans le tableau suivant :

PSYCHOPHYSIOLOGIE DE L'USAGE DES LUNETTES . 117

118

FÉRÉ

Fig. 1. Les deux ergogrammes de l'expérience II séparés par 18 minutes de repos

avec les lunettes (réduction photographique).

Fig. 2. Les deux ergogrammes de l'expérience V séparés par 18 minutes de repos

avec le lorgnon (Même réduction photographique).

PSYCHOPHYSIOLOGIE DE L'USAGE DES LUNETTES 119

Quand je travaille à l'ergographe avec des verres je vois plus' clairement,

l'appareil qui immobilise mon bras,l'appareil enregistreur,le métronome,

ma montre sur la table où je suis accoudé ; je ne peux pas douter que le

jour m'éclaire mieux et qu'il en résulte une excitation qui favorise le

travail.

L'augmentation de la capacité du travail, provoquée par les verres, mon-

tre qu'il y a intérêt à aider sa fonction visuelle pour les activités dans

lesquelles la vue ne paraît pas en jeu.

L'utilité des appareils adjuvants domine les inconvénients qu'ils peu-

vent provoquer au point de vue esthétique.

Il n'est pas douteux que les besicles peuvent trahir l'âge, mais cet incon-

vénient est largement compensé par l'économie de fatigue; nos expérien-

ces sur les lunettes montrent que les années qu'on dissimule sont plus

difficiles à porter.

QUELQUES OBSERVATIONS OCULISTIQUES

DANS L'ART ITALIEN

PAR

WIKTOR REIS,

Oculiste à Léopol (Lemberg),

Depuis l'ouvrage de Charcot et Paul Richer intitulé : « Les difformes

et les malades dans l'art » qui rapprocha pour la première fois la méde-

cine et l'art, commence une nouvelle ère pour l'histoire de la médecine.

Ce fut « l'invasion de la pathologie dans l'art », comme disait Charcot.

En ce qui regarde la pathologie spéciale de l'oeil, après avoir étudié les

images d'aveugles, si souvent représentés par les artistes, on se mita à

rechercher les figurations de lunettes, espérant ainsi retrouver l'origine

des lunettes et leur emploi médical.

On peut se convaincre que les lunettes étaient déjà connues auxxme et

xiv° siècles.

L'ignorance des principes de l'optique, le prix très élevé et la façon

grossière des lunettes, expliquent l'emploi des besicles, cependant con-

nues depuis longtemps.

C'est pourquoi nous rencontrons si rarement les lunettes sur les tableaux

des xve et xvie siècles, particulièrement dans la peinture italienne.

Dans les tableaux de Véronèse, Titien et Tintoretto, nous ne voyons

aucun personnage pourvu de lunettes, les tableaux où on les rencontre,

par hasard se rangent pour la plupart parmi les anachronismes artisti-

ques.

Dans deux ouvrages (1) qui traitent de l'histoire des lunettes, on parle

de deux fresques appartenant à l'époque du Quattrocento où se trouvent

figurées des besicles.

Ce sont les fresques de Ghirlandajo ; l'une peinte en 1480 dans l'église

Ognissanti à Florence, représentant saintjéi,ôiiie, assis devant un pupitre,

à côté duquel sont suspendues des bésicles ; l'autre peinte en 1485 dans

(1) PAN51ER, Histoire des lunettes, Paris, 1901 ; l3oea, Die Brille und ilire Geschi-

cltle. Vien. 1903.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

T. XIX. PI. XVIII

QUELQUES OBSERVATIONS OCULISTIQUES DANS L'ART ITALIEN

(llJilzior Reis.)

Tableau représentant le Couronnement de la Vierge, par NICCOLO Alunno DA FOLIGNO (Iq65)

(Pinacothèque du Vatican, Rome)

Masson et CM Editeur

l'IJC)I.oI)l}l BeJ1haud. l'ans

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière. T. XIX PI. XIX

1 Mathieu.

Philippe.

Jacob.

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1 Schémas des globes oculaires dans la sculpture.

1 QUELQUES OBSERVATIONS OCULISTIQUES DANS L'ART ITALIEN

(1,Vikloi- Reis.)

QUELQUES OBSERVATIONS OCULISTIQUES DANS L'ART ITALIEN 121

la chapelle de Sasetti à la Ste-Trinità de Florence, représente les obsèques

de saint François,où l'archevêque qui fait les prières est muni de lunettes.

En visitant la pinacothèque du Vatican, j'ai remarqué sur la predella

du tableau de Niccolo Alunno da Foligno de 1465 toute une série d'apô-

tres et de saints, au milieu desquels se trouvent Philippe, Jacob et Mathieu

dont les deux premiers regardent avec des lunettes une carte écrite ; le

dernier a des bésicles bas placés sur le nez et le regard dirigé en haut

(Pl. XVIII et XIX).

Ce tableau d'autel représente le couronnement de la Vierge, entourée

d'une foule de figures, sur un fond richement doré, qui porte l'empreinte

du style byzantin ; ce n'est que dans les figures inférieures qu'on voit une

tendance vers le réalisme.

La plus intéressante est la figure de Philippe ; en voit que ce qu'il lit

fait impression sur lui : la bouche ouverte comme pour pousser un cri,

la main droite tendue, la gauche ramenée en arrière, expriment bien

l'étonnement. Une tranquillité profonde caractérise la figure de Mathieu,

il ne voit pas le document, dont les premiers mots sont : Sanctam eccle-

siam...

Jacob est encore adolescent, ce que prouve non seulement l'expression

de sa figure, mais aussi ses longs cheveux ondulés, retombant sur les

épaules, contraste frappant avec la tête chauve de ses deux prédécesseurs.

En voulant exprimer le réalisme de figures en question, l'artiste a muni

les apôtres de lunettes. Cet anachronisme artistique prouve que les

lunettes étaient déjà connues par le peintre.

' Ce tableau représente donc un document inédit de la première époque

de la renaissance de la peinture italienne intéressant l'oculistique.

L'anatomie normale de l'oeil et la reproduction du globe oculaire dans

l'art plastique ont été l'objet d'études plus anciennes. Chose curieuse,

pendant de longues années on a soutenu que l'oeil de l'homme différait

dans sa forme de celui de la femme ; les anatomistes du xvii0 siècles louent

le talent d'observation des artistes grecs, qui savaient si bien faire res-

sortir cette différence dans leurs oeuvres.

Un oeil grand et convexe était l'attribut constant de l'homme, tandis

qu'un oeil plus petit, oblong, d'une convexité légère caractérisait l'oeil de

la femme. Vers la fin du xvime siècle, Zinn, ! 'anatomiste célèbre, dit dans

son oeuvre intitulée « Descriptio anatomica oculi hitttati » (1784) :

« Bulbus viri bulbi feminae semper major est, etsi femina virant statua forte

aequet. » , .

122 REIS

Cette opinion de Zinn est confirmée complètement en 1801 par l'ana-

tomiste Soemering.

Ce ne fut qu'en 1892 que Greeff (1) entreprit de réfuter cette antique

erreur en se basant sur des études scientifiques précises. Il fit la mesure

exacte de la courbure de la cornée à l'aide de l'appareil de Javal et Schiotz ;

on ne constata pas une courbure moindre de la cornée et en conséquence

une plus-grande fréquence de l'hypermétropie chez la femme.

Le cristal I in ne remplit pas une fonction de suppléance ce qui arrive sou-

vent chez les animaux (par exemple les poissons), chez lesquels le cristallin

sphérique fait converger plus fortement les rayons, tandis que la cornée

est plate. On peut constater après l'opération de la cataracte chez l'homme

aussi bien que chez la femme que la réfraction de l'oeil diminue dans la

même proportion, si les conditions antérieures étaient les mêmes.

Les mesures comparées de l'exophtalmie normale du globe oculaire des

deux côtés (exophtolmus ambilateralis) n'ont pas non plus donné de résul-

tats confirmatifs. Les différences de mesures ne deviennent visibles que

lorsqu'on choisit selon les indications de l'artiste comme lieu de mesure

un point de l'arc orbitaire supérieur situé au-dessus de la pupille. En mesu-

rant de cette manière l'exophtalmie du globe oculaire on voit une différence

apparente entre l'oeil de l'homme et celui de la femme : l'oeil de l'homme

semble être enfoncé plus profondément dans l'orbite, ce qui dépend de la

couche musculaire, qui chez l'homme est en effet plus développée. Mais

en mesurant l'exophtalmie selon les indications de l'anatomiste près du

bord osseux de l'orbite à la limite de l'angle extérieur des paupières, on

obtient des mesures précises, qui comme les mesures de la grandeur de la

fente palpébrale ne démontrent aucune différence notable.

Il n'y a donc pas de différences dépendant du sexe, et l'interprétation

différente de l'oeil de l'homme et de celui de la femme peut avoir son

origine dans les tentatives de l'artiste qui voulut prêter à ses figures une

expression spéciale des yeux. Les effets de lumière y jouent un rôle im-

portant ;,1'oeil fortement convexe sur les statues d'hommes forme une sur-

face pour le contraste de la lumière et de l'ombre et donne une expres-

sion animée et pleine de courage ; la surface légèrement convexe de l'oeil

sur les statues de femmes, également éclairée, fait paraître toute la figure

douce et tranquille.

Simultanément, aussi en 1892, Conze (2) présenta à l'Académie des

sciences à Berlin une étude sur la reproduction de formes de l'oeil dans la

(1) GREEFF, Studien niber die Plastik des menshlichen Anges an Lebenden und den

Bildverken der Antike. Archiv f. Anat. u Physiol. (Anat. Orbteil.), 1892.

(2) CoNzE, Uber Derstellung des menschlichen Anges in der antiken Sculptur.

Sitrungsber du Akad. der Hisensch. zu Berlin, 1892.

QUELQUES OBSERVATIONS OCULISTIQUES DANS L'ART ITALIEN 123

sculpture antique et le professeur oculiste de Breslau, Magnus (1),

s'occupa du même sujet dans une étude plus détaillée. Tous les deux ont

remarqué l'importance du mode de reproduction de l'oeil pour la déter-

mination des époques de la sculpture antique. La forme de l'oeil est un

important critérium diagnostique.

Le globe oculaire saillant de l'orbite au-dessous de l'arc orbitaire

(Glotzange). d'une surface polie ou peinte, la fente palpébrale largement

ouverte et en partie entourant l'oeil complètement négligées, voilà ce qui

caractérise l'époque archaïque. Ces yeux exophtalmiques qu'on rencontre

si souvent dans l'époque archaïque firent croire que l'exophtalmie était une

particularité nationale chez les Grecs. En comparant cependant les époques

plus avancées, on peut se convaincre que l'exophtalmie de l'oeil était un

artifice grâce auquel le sculpteur tâchait de prêter une expression plus

animée à ses figures.

Après une époque de transition, qui ne dura que peu de temps, vint

la première période de l'âge d'or pour la sculpture grecque, dont le plus

célèbre représentant fut Phidias. Ici nous rencontrons le globe poli dans

une situation normale ou même enfoncé dans l'orbite, la fente palpébrale

ovale, de moyenne grandeur, l'arc orbitaire d'une courbure aplatie, les

parties entourant l'oeil légèrement tracées (Pl. XIX).

A cette époque un progrès considérable se fait remarquer ; les artistes

s'intéressent aux parties qui environnent l'oeil ; ils tâchent d'exécuter les

paupières, les tempes et les joues. En ce qui concerne le jeu mimique

plus expressif de la figure, les artistes de cette époque le représentent

d'une manière moins accentuée et c'est pourquoi ils ne créent que des

figures d'une tranquillité idéale et d'une expression soutenue (Jove

et Otricoli, Themistocle [Musée Vaticano, Roma]).

La seconde époque de la floraison de la sculpture grecque se distingue

par une représentation plus réaliste du sujet, l'expression de la figure

peint des sentiments humains, ce que prouve le groupe de Niobe dans les

Offices de Florence d'après Scopas, Alexandre-le-Grand d'après Lysippe

(M. Capitolino) et venus d'après Praxitèle (M. Vaticano). Le globe est poli,

les parties entourant l'oeil et la fente palpébrale sont dans une harmonie

complète.

L'imitation de l'iris et de la pupille quand on la trouve est pres-

que imperceptible.

C'est justement ce détail purement anatomique qui forme un critérium

diagnostique précieux chez les Dioscures de Monte Cavallo à Rome. Au

pied du monument représentant deux adolescents au moment où ils tâchent

(1) Magnus, Die Darestellung des Anges in der antiken Plastik. Beitr. zur Kunstgerch

N. F, XVII, 1892.

124 reis

de dompter des chevaux, sont sculptés les noms du Phidias et Praxitèle.

Cependant cette reproductien minutieuse de l'iris, de la pupille et du re-

flet de lumière de la cornée, complètement ignorée du temps de l'artiste,

à côté d'autres marques de moindre importance, nous donne la certitude,

que les monuments furent exécutés par les artistes d'une époque plus

avancée, greco-romaine. - -

L'idole de cette époque c'est la nature humaine et la représentation vive

des sentiments qui l'agitent ; nous en avons une preuve dans la figuredu

« Gaulois mourant » au musée du Capitole comme dans le groupe de

« Laocoon » au Vatican, c'est à cette époque qu'appartient la tête du

Perse mourant (« Persiano morente »), de l'école de Pergame aux Thermes

de Dioclétien.

Le masque mortuaire y est parfaitement rendu, la fente palpébrale

rétrécie, la paupière supérieure retombée, les arcs orbitaires inégaux,

le droit fortement relevé. w

Ailleurs nous trouvons le buste de Homère aveugle. Les yeux ouverts,

le regard tourné en haut comme cherchant la lumière, le frond ridé témoi-

gne un grand effort de muscles.

Pour avoir une connaissance plus approfondie du mode de reproduc-

tion de l'iris et de la pupille on n'a qu'à étudier l'époque romaine avec ses

bustes nombreux des empereurs romains et des philosophes.

Ici la représentation des détails du globe oculaire possède sa valeur,

car elle prête à toute la figure une impression individuelle, qui est comme

une image de la vie intérieure du personnage représenté. C'est pourquoi

chacun des artistes a tâché de représenter différemment les conditions

anatomiques de l'oeil.

Sur le schéma ci-joint (PI. XIX) des globes oculaires de différentes épo-

ques, les ouvertures noires se trouvant au milieu du globe représentent la

pupille ; le cercle entier ou bien le croissant forment l'iris et la fente, la

saillie ou bien des parties peu creusées imitent le reflet de lumière de la

cornée (Caracalla, Antonius Pius, Settimius Severus..

Le reflet en question fait l'impression de quelque chose d'étrange et de

manièré, ce qu'on voit dans le buste de marbre, travaillé par Bermini au

vue siècle et qui représente le cardinal Scipione Borghèse (Académie des

Beaux-Arts à Venise).

C'est un principe généralement admis, que pour la représentatiou de

l'expression des yeux il suffit de représenter les parties environnant l'oeil.

Magnus (2) en parle dans son travail en se basant sur les oeuvres de la

sculpture grecque où les globes polis sont le type du vrai-style classique,

(1) Magnums, Das Auge in seinen aslhelisclten und cullur-ge schiclitlichen 13eicletun-

gen, Breslau, 1&76.

QUELQUES OBSERVATIONS OCULISTIQUES DANS L'ART ITALIEN 125 5

Ce n'est que pour les bustes que Magnus change d'avis, en disant que l'ar

tiste peut obtenir une expression plus accentuée de la figure par un tra-

vail minutieux de la partie antérieure du globe.

Schmidt-Rimpler (1) estdu même avis, en disant qu'il est nécessaire de

tracer la partie moyenne du globe oculaire pour indiquer la direction des

yeux ; en même temps il approuve un mode d'exécution de la partie anté-

rieure de l'oeil, qui d'après lui est le plus convenable.

Mais justement cette reproduction du reflet de lumière de la cornée, ap-

prouvée par Schmidt-Rimpler, peut être complètement négligée sans affai-

blir l'expression de l'oeil. Ce qui attire avant tout notre attention dans l'oeil

de l'homme vivant ce sont l'iris et la pupille ; le reflet de lumière est de

moindre importance. C'est en effet d'après la position des pupilles que

nous pouvons deviner l'accommodation et la direction des yeux : ce sont

là les facteurs anatomiques et physiologiques, qui jouent un rôle impor-

tant et changent selon les stimulants physiques ou psychiques.

La reproduction de la pupille, comme moyen de refléter l'état de l'âme

du personnage représenté, sans accessoires secondaires, doit être la ten-

dance de l'artiste ; mais au point de vue de l'oculiste la reproduction de

la partie antérieure de l'oeil, autant que le permettent les matériaux choi-

sis par le sculpteur, nous explique mieux l'expression des yeux qu'une

surabondance des effets de lumière, ',qui donne l'impression de quelque

chose d'artificiel.

Michel-Ange, le grand maître de la Renaissance, en choisissant une ma-

nière moins compliquée, réussit à reproduire la partie antérieure du globe

oculaire de la façon qui se rapproche le plus du naturel. L'iris est repré-

senté par un cercle, faiblement relevé au-dessus de la convexité du globe

et séparé par un petit fossé à la limite du limbe scléro-cornéen ; la pupille

est formée par un trou profondément creusé.

L'importance de ce travail se remarque le plus sur les monuments de

David à Florence et de Moïse, à Rome.

La figure de David adolescent est sculptée en un immense bloc de mar-

bre. La main avec la fronde repose sur l'épaule, mais les yeux fixés sur

un point semblent annoncer que le but est choisi.

Les yeux de Moïse à l'église de S. Pietro in Vincoli sont aussi pleins

d'expression. Les sourcils froncés, le regard qui semble embrasser la foule,

est plein d'indignation et d'intrépidité, comme s'il voulait dompter et écra-

ser tout ce qui s'obstine à sa volonté.

Il serait difficile de s'imaginer ces figures avec des globes^oculaires po-

lis ; à mon avis, ces figures sont la meilleure preuve que la reproduction

(1) Schmidt-Rimpler, Das Auge und seine Vorstellung in Seulptur und hfalerei.Nord

u. Sud. 1892.

126 reis

du globe oculaire poli, sans tenir compte de l'accommodation et de la di-

rection du regard, ne nous permet pas de concevoir la psychologie du

personnage représenté.

Pour finir, je citerai encore une fois Michel-Ange. Il était peintre, sculp-

teur et poète par excellence, mais ce qu'on ignore probablement c'est qu'il

était,en même temps un oculiste non breveté,

On garde dans la bibliothèque du Vatican un recueil de poésies écrites

de sa propre main ; les trois dernières pages renferment dans une rubri-

que intitulée « Secreta-vera ad oculos », des recettes pour les maladies des

yeux.

Les notices biographiques nous apprennent, que ce recueil de recettes

date des dernières années de Michel-Ange ; mais nulle part on ne trouve

une mention, qui puisse nous enseigner la cause de la cécité chez un octo-

génaire. Michel-Ange lui-même fait mention dans ses poésies de vertiges

et de tremblement du globe, qu'il éprouvait pendant ses travaux dans la

chapelle Sixtine.Pendant des semaines entières il demeurait sur l'échafau-

dage, et après avoir fini son oeuvre il ne pouvait ni lire ni examiner les

esquisses dans une position normale,mais cet état disparut bientôt,de sorte

qu'on peut supposer qu'une cataracte ordinaire qui allait se développer

était l'unique cause de la cécité.

Les remèdes employés au xvle siècle sont aujourd'hui presque incom-

préhensibles ; mais d'après la description on peut encore diagnostiquer la

maladie. Dans ce Code (Cod. Vatic. 3211), se trouvent des remèdes con-

tre :

Allô carnaccio delli ochi R mastice, sugo di finochi, e sa colirio e usalo

la sera e la matina (contre les extroissances conjonctives Rp. du mastic,

de l'huile de fenouil, fais en un collyre et l'emploie le soir et le matin)...

Agli peli inversati delle palpebre (trichiasis)...

Item abaca (pannus)...

A lupini délie palpebre (horde olum)...

Allô tremore degli ochi (nystagmus)...

Allô durerra degli ochi che perviene per malinconia naturale (contre

l'endurcissement de l'oeil qui vient de la mélancolie innée, il est possible

qu'on désigne de ce nom le glaucome)...

A conservare la vista e mantenerla in gioventudiae... (pour conserver la

vue et la rajeunir, il faut préparer des différentes herbes et les prendre

mêlés aux mets ordinaires)...

E fanne a modo di spetie sottile e uxane su ogni tuo cibo...

Allapiaga fresca apertaper cyrurgia proceate... (dans les plaies ouver-

tes il ordonne le traitement chirurgical).

Alla ulcéra dell'ochio. In primo lcgli torre sangue della cetalca, poi sello

QUELQUES OBSERVATIONS OCUL1ST1QUES DANS L'ART ITALIEN 127

purga, e fa, efallo dietare. in ogni caso fae come nella optalmia (contre

l'ulcère de l'oeil : saignée, laxatifs, diète et en outre un traitemcnt comme

dans l'ophtalmie).

La copie de ce Code a été publiée par Berger de Munich (1) qui cite ces

mots de Pierre de Nolhac :

A la fin du volume sont trois pages, très serrées toujours de l'écriture

de Michel-Ange, contenant des recettes et des formules de collyres contre

les maladies des yeux. On ne peut les parcourir sans émotion en songeant

que le grand homme mourut presque aveugle :

Io parto a mano a mano

Cresce mi ognor pisi l'ombra e'l sol vien manco

E presso al cadere infermo e stanco.

(1) Berger, Den von Michel, Angelo Buonarroti Eigenhandung geschriebene Augen

tractât. Munchen, 1897.

Le gérant : P. Bouchez.

lmp. J. Thevenot, Saint-Dizier (Haute-Marne).

190 Année N° 2 Mars-Avril

L-DIEU DE PARIS

IE TARDIF ET SCOLIOSE

DES ADOLESCENTS

PAR

E. BRISSAUD ET F. MOUTIER

Professeur à la Faculté de médecine. Interne des hôpitaux.

La nature exacte de la scoliose dite essentielle des adolescents est loin

d'être déterminée. Deux théories, sur lesquelles nous aurons à revenir d'ail-

leurs, sont en présence : l'une attribue les déformations, même tardives,

du squelette au rachitisme, l'autre, d'une façon plus vague, les fait dépen-

dre de dystrophies articulaire, osseuse, ligamentaire, fonction d'un affai-

hlissement général de l'organisme. Il nous a paru intéressant de rapporter

un cas de scoliose de l'adolescence étudié à l'Hôtel-Dieu, scoliose à propos

de laquelle se pose le problème délicat de l'étiologie et du diagnostic.

Le octobre 1905, entre salle Sainte-Madeleine, P... Emilienne, âgée

de 17 ans 1/2. Dans ses antécédents héréditaires, peu de chose est à no-

ter en dehors de la tuberculose pulmonaire du père, infirmier, et de la

mère qui est morte de cette affection. Ni frères, ni soeurs. La jeune malade

a toujours été de faible santé. Elle a marché à 18 mois seulement. Plus

tard à l'école, souffreteuse, elle travaillait avec peu de facilité, mais n'a

fait aucune maladie grave jusqu'à l'âge de 12 ans. À cette époque, la main

droite présente une faiblesse particulière. La malade s'en sert toujours

pour écrire, mais en tout autre but emploie sa main gauche. Ce trouble

dura une année : la jeune fille avait donc 13 ans quand on s'aperçut d'une

attitude vicieuse, l'épaule gauche était abaissée par rapport à l'épaule

droite. Les choses marchèrent par la suite avec une rapidité extrême,

puisqu'en 6 mois à peine se constituait la gibbosité dorsale avec les carac-

tères présentés à l'heure actuelle. Cette évolution si hâtive fut indolore.

Seul, l'état général laissait fort à désirer ; la malade toussa beaucoup, eut

quelques épistaxis, pas d'hémoptysie. Depuis l'âge de 14 ans, elle fut

soignée à diverses reprises pour de la bacillose pulmonaire, et c'est même

cette affection qui la faisait revenir dans le service. Elle présente une in-

filtration limitée des sommets, accusée surtout à gauche ; de temps à autre

xix 9

130 BRISSAUD ET MOUTIER

se produisent des accidents fébriles et les lésions semblent s'étendre. Il s'a-

git là sans doute de poussées congestives d'assez faible durée.

Le passé morbide de la malade est donc vite détaillé. Nous avons déjà

mentionné son âge, 17 ans 1/2. Elle présente un certain degré d'infan-

tilisme, facies à la fois très jeune et un peu vieillot, front bombé, système

pileux très rudimentaire, seins peu développés. Les cheveux sont fins et

secs. Les règles sont survenues à 14 ans ; elles ont toujours été très irré-

gulières, et dans leur date d'apparition, et dans leur abondance. En

moyenne, la malade voit de 2 à 4 fois par an.

La taille est de 1 m. 33. On compte 86 centimètres du sol aux crêtes

iliaques et 47 centimètres des crêtes iliaques au vertex. L'attention

étant immédiatement attirée par l'altération rachidienne ; nous décrirons

celle-ci sans autre préambule. La malade présente une cypho-scoliose

extrêmement marquée de la région dorsale supérieure. Cette scoliose est

à convexité droite ; elle intéresse les dix premières dorsales et le sommet

de la courbe se trouve au niveau delà cinquième. Il existe en même

temps une cyphose assez prononcée. Cette scoliose droite a déterminé

une déformation accusée des côtes; et tout à fait à la partie supé-

rieure, l'hémi thorax droit présente une gibbosité postérieure des plus

saillantes. L'épaule est très élevée et apparaît au-dessus du triangle sus-

claviculaire quand on regarde la malade de face. L'axe de l'omoplate est

en même temps très oblique en bas et en dehors ; le bord interne du

scapulum est à 4, 5 centimètres delà ligne des apophyses épineuses au

niveau de la racine de l'épine, à 7 centimètres au niveau de l'angle infé-

rieur. La flèche de la scoliose supérieure est de 3 centimètres (Pl. XX)-

Immédiatement au-dessus de cette cypho-scoliose dorsale supérieure,

la tête est ramenée à la verticale par une légère courbure de compensation

cervicale à concavité droite. Au-dessous se dessine une scoliose à con-

vexité gauche intéressant la région dorsale inférieure et la région lombaire.

Le rachis est extrêmement cambré à ce niveau; il y a une lordose évidente.

La flèche de la scoliose lombaire est de 1 centimètre environ. En même

temps, par suite de cette concavité droite de la région dorso-lombaire,

les côtes forment une gibbosité postérieure dans l'hémithorax gauche.

Cette gibbosité est immédiatement, dans le plan frontal, inférieure à la

gibbosité alterne de l'hémithorax droit; elle est beaucoup moins abrupte,

et l'omoplate gauche quoique repoussée légèrement en haut par cette vous-

sure, est sur une plan bien inférieur à l'épaule droite. Les deux pôles in-

férieurs des épaules sont dans des plans transverses distants l'un de l'autre

de 2 centimètres, et les distances du bord interne du scapulum gauche à la

ligne épineuse sont aux deux points de repère déjà signalés pour l'os opposé

respectivement de 7,5 centimètres et de 6 centimètres. Ces différences s'ex-

Nouvelle Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XIX. Pl. XX

RACHITISME TARDIF ET SCOLIOSE DES ADOLESCENTS

.. (Brissaud et Moutier) '

RACHITISME TARDIF ET SCOLIOSE DES ADOLESCENTS 131

pliquent par ce fait que l'épine de l'omoplate gauche répond à la conca-

vité de la scoliose supérieure, son angle inférieur à la concavité de la sco-

liose inférieure. Le lourde taille est de 59 centimètres immédiatement

au-dessous des seins. A cette hauteur,le ruban métrique passe,en arrière,

parle maximum de la concavité dorso-lombaire.

Les côtes droites descendent plus bas que les gauches, mais sans attein-

dre la crête iliaque. Le bassin est d'ailleurs normal, sans abaissement de

l'épine iliaque à gauche. Le flanc droit est excavé, et le triangle brachio-

thoracique droit très élargi. Au niveau du thorax, il est peu de chose à noter.

Il n'y a pas de dépression des hypochondres ; le sternum est légèrement

bombé. Enfin, et surtout à droite, on sent bien quelques irrégularités

chondrales, mais sans oser, à proprement parler, en faire un chapelet de

nouures. Ajoutons que le thorax est un peu aplati latéralement.

Il nous reste peu de faits à mentionner. Les genoux et les coudes sont

normaux; on ne constate pas de pied plat, la dentition est passable. Il

existe un faible degré de camptodactylie à l'auriculaire gauche. Les mains

ne présentent rien d'anormal, en dehors d'une laxité particulière du

carpe constatable aux deux poignets. Ce jeu des articulations permet, la

main étant à plat sur la table, d'amener ce segment à l'angle droit avec

l'avant-bras; le mouvement est d'une facilité extraordinaire. La malade le

réalise d'ailleurs volontairement, mais à un plus faible degré. La muscula-

ture des membres est peu développée, sans atrophie.

En résumé, nous nous trouvons en présence d'une scoliose survenue

peu de temps avant la puberté ; elle n'a été précédée d'aucune maladie

grave, d'aucun traumatisme. Parmi les ascendants, on ne relève aucune

déformation analogue. Il n'existe ni pied plat, ni carie vertébrale, ni

sciatique ; la malade n'est pas adénoïdienne ; on ne note point d'affection

pleurale. La déformation est essentielle, comme on a coutume de le dire.

Comment interpréterons-nous [donc ces phénomènes ? Nous avons déjà

mentionné l'existence de deux manières de voir. Les uns, et c'était l'an-

cienne théorie, incriminaient l'anémie, la faiblesse d'un organisme faisant

les frais de la puberté, les attitudes vicieuses de l'enfant ; les autres, par-

mi lesquels Lannelongue, Kirmisson (1), considèrent cette scoliose essen'"

tielle, comme relevant du rachitisme tardif, à l'égal du genu valgum, de

la luxation progressive de Madelung, etc. Certains sont éclectiques : c'est

ainsi que Broca (2) admet pour les garçons du moins la probabilité de l'ori-

gine rachi tique.

(1) Kirmisson, Difformités acquises de l'appareil locomoteur pendant l'enfance et

l'adolescence. Masson, 1902.

(2) Broca, « Déviations ostéo-articulairas de l'adolescence t, Tribune médicale, 3 fé-

vrier 1906.

132 BRISSAUD ET MOUTIER. RACHITISME TARDIF ET SCOLIOSE DES ADOLESCENTS

Il est, à l'heure actuelle, difficile de se refuser à croire au rachitisme

tardif. On a longuement rapporté des cas avec lésions généralisées en tous

points comparables au rachitisme de l'enfance (1). Mais, si nous faisons

abstraction ici des nouures imprécises, de l'impotence passagère et mal

définie de la main droite, nous voyons qu'en notre cas, il reste unique-

ment^ la cypho-scoliose. Mentionnons qu'il fut impossible d'utiliser la

radiographie, notre malade, timide et impressionnable à l'excès, étant prise

d'un violent tremblement dès qu'on l'examine. Ce cas rentrerait donc

dans le cadre du rachitisme tardif mono-symptomatique, et la discussion

serait immédiatement close si nous attribuions d'emblée à tous ces acci-

dents morbides la même pathogénie. Mais, et c'est là le point capital de

cette étude, il nous a semblé trouver chez ce sujet des caractères suffi-

samment particuliers pour même distinguer son affection de la scoliose

banale des jeunes filles et en faire une affection à part, plus nettement

rachitique. En effet, chez cette malade qui marche à 18 mois seulement,qui

estmalingre,chétive,se constitue rapidement en 6 mois une cypho-scoliose

extrêmement marquée. De tels cas ne sont pas une exception, c'est vrai,

mais ils demeurent une rareté. De plus, cette cyphose est dorsale supé-

rieure, et ne commence nullement au niveau de la 5e dorsale, comme

c'est la règle (Kirmisson) dans la scoliose banale de l'adolescence, et

surtout, il s'est formé avec la rapidité que l'on sait, une gibbosité extrê-

mement marquée. Cette bosse est tellement accusée qu'elle semble s'être

formée à la faveur d'une ostéomalacie spéciale des côtes ; elle est telle que

pour un pou on la croirait primitive, et que l'on mettrait la scoliose au

second plan. C'est qu'en règle générale en effet, la scoliose de l'adoles-

cence ne provoque une gibbosité semblable que tardivement, à la longue,

et si une scoliose rapide entraîne une déformation thoracique, celle-ci ne

peut se comparer à ce que nous constatons dans le cas présent. Un obser-

vateur non prévenu diagnostiquerait à coup sûr une déformation de rachi-

tisme infantile.

Il nous semble donc exister, en faisant toutes réserves sur l'étiologie de

la scoliose juvénile en général, des scolioses avec gibbosité très accusée

dominant le tableau clinique, constituée avec une rapidité spéciale, et

que l'on peut faire relever directement du rachitisme. Peut-être même

y a-t-il là un type tout particulier, non encore individualisé, caractérisé

encore une fois par la prédominance évidente de la déformation thora-

cique.

(1) SPILLMANN, Le Rachitisme. Thèse Paris, 1900, Carré et Naud, édit.

SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE DE PARIS

Séance du jar février 1906.

ACHONDROPLASIE PARTIELLE

FORME atypique.

PAR

HENRI DUFOUR.

A côté des formes typiques d'achondroplasie, il existe toute une gamme

de sujets atteints de troubles de l'ossification relevant d'une dyschondro-

plasie partielle. Selon la façon dont s'est répartie cette dyschondropla-

sie on a affaire à des individus qui se rattachent à l'achondroplasie par

un ensemble de signes positifs, mais s'en différencient par l'absence de

quelques-uns des caractères typiques qu'on est habitué à considérer

comme la signature non discutable de cette affection.

M. Félix Regnault a déjà décrit quelques-unes de ces formes anorma-

les, M. Durante également. J'ai eu l'occasion tout récemment d'en étudier

une nouvelle, c'est elle qui fera l'objet de cette présentation : '

Observation.

Geneviève G... est âgée de 14 ans et demi (janvier 1906). Comme antécé-

dent on note que son père est mort tuberculeux, sa mère d'une maladie de

coeur avec hémiplégie. Ils ne présentaient aucune malformation. Deux soeurs

et un frère plus âgés, une soeur plus jeune sont bien conformés.

Geneviève G... n'a eu que la rougeole dans la première enfance. Elle est ré-

glée depuis l'âge de treize ans et demi régulièrement.

Les points intéressants de son histoire sont les suivants : Elle est née avant

terme à huit mois ; dès la naissance on s'est aperçu que ses mains et ses pieds

étaient mal conformés.

Vers l'âge de quatre ans seulement, son entourage aurait été frappé de la

petitesse de sa taille, et c'est vers huit ans que l'enfant se serait arrêtée de

grandir, sinon complètement, du moins d'une façon sensible, car il n'a pas été

fait de mensuration.

En janvier 1906, c'est-à-dire actuellement, elle mesure 1 m. 24, et à pre-

mière vue on est frappé de la petitesse de la taille, comparée au développement

de la tête. Le crâne surtout est augmenté de volume. Mais la face, par l'épa-

134 DUFOUR

tement du nez, par l'empâtement des traits, concourt aussi à donner à l'ensem-

ble céphalique une apparence de maturité qui ne concorde ni avec l'âge ni avec

la taille du sujet. ,

Examinée toute nue, on note chez cette enfant les particularités suivantes :

Les membres inférieurs sont trop courts. Le buste, de la fourchette sternale

au pubis mesure 52 centimètres ; il a l'air trop haut pour la taille. L'ensellure

lombaire est très prononcée. L'abdomen bombe en avant. La musculature gé-

nérale est bien développée, plutôt trop au niveau des fesses, qui sont très

proéminentes, et au niveau des cuisses et des jambes, où les reliefs muscu-

laires sont exagérés (Pl. XXI).

L'extrémité des doigts, les bras pendants, dépasse un peu la limite qui sé-

pare le tiers supérieur du tiers moyen de la cuisse.

Dimensions des différents segments des membres :

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTllIiRE

T. XIX. Pl. XX I

ACHONDROPLASIE PARTIELLE ATYPIQUE

(Fl. Dufotn)

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE

T. XIX. Pl..TIII

Kadiographiestnfroit. Pbololypie Berthaud, Paris

ACHONDROPLASIE PARTIELLE ATYPIQUE

(H. Dufour)

En haut, les mains de l'acliondroplasidue (arrêt de développement du 4e métacarpien).

En bas, son coude (le radius seul est incurvé).

10UV61.1E Iconographie nE la Salpêtrière. T. XIX. PI. XXII

Radiographie; Infrmt. ' . fmtmypm ttoULnud, l'nrm

ACHONDROPLAS1E PARTIELLE ATYPIQUE

(Fl. Dufour)

A gauche, radiographie du genou d'un sujet normal ;

A droite, radiographie de J'achondropL1siquc (la tête du péroné remonte jusqu'aux plateaux

des tibias).

ACHONDROPLASIE PARTIELLE 135

Il a une absence des caractères qu'on rencontre dans l'achondroplasie

typique, ce sont :

Membres supérieurs trop longs, quoique courts ; ils dépassent les crê-

tes iliaques. Absence de main en trident.

Les bras devraient être plus courts que les avant-bras ; les cuisses plus

courtes que les jambes, ce qui n'est pas chez la malade.

CoHcmoH.Je pense que le seul diagnostic à porter est celui d'achon-

droplasie partielle atypique. Il est bon également de remarquer le désé-

quilibre de développement osseux dans les segments de membre, où deux

os sont accouplés, comme l'avant-bras. L'un des deux os le cubitus, est

rectiligne ; le radius, au contraire, est incurvé, et semble ne devoir sa

courbure qu'à l'arrêt de développement du cubitus, qui a en quelque sorte

bridé son satellite. Le radius, plus disposé à grandir, s'est soumis en se

pliant aux exigences retardatrices de son voisin.

SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE DE PARIS

ANOMALIES MULTIPLES CONGÉNITALES

PAR ATROPHIE NUMÉRIQUE DES TISSUS

PAR

M. KLIPPEL

Médecin de l'Hôpital Tenon.

Il faut entendrè par atrophie numérique un arrêt de développement

d'un organe (os, nerf, muscle, etc.) sans aucune autre lésion histologi-

que que la diminution du nombre des éléments anatomiques qui compo-

sent cet os, ce muscle, ce nerf, etc. et au point de vue clinique sans aucun

autre trouble fonctionnel que ceux qui peuvent résulter d'un moindre vo-

lume organique.

Supposons, par exemple, l'atrophie numérique d'un membre consécutive

à une brûlure de la peau ou à une arthrite ancienne, datant de l'enfance.

Tandis que les os, les muscles, les nerfs qui composent ce membre sont

plus grêles et plus courts que ceux du côté opposé (après croissance com-

plète du sujet), les éléments anatomiques qui constituent cet os, ce mus-

cle, ce nerf ont le même volume que ceux du côté opposé et ils ont aussi

la même structure, donc point d'atrophie simple, ni d'atrophie dégénéra-

tive.

Le nombre seul est en défaut. La lésion est purement quantitative, non

qualitative.

Au point de vue fonctionnel, il n'y a aucune paralysie, aucune contrac-

ture, aucune modification des réflexes ou de la contraction électrique, ce

qui est parfaitement en rapport avec l'intégrité de la structure histoiogi-

que. Ce qu'il peut y avoir, c'est une diminution de l'étendue des mouve-

ments, c'est par exemple, un pied équin par la seule brièveté des muscles,

comme dans l'une des observations de mon premier mémoire sur ce sujet.

De tels caractères suffisent à montrer combien l'atrophie numérique

diffère de tant d'autres atrophies avec arrêt de développement (paralysie

infantile, myopathies, etc.) qui se caractérisent par des altérations de

structure, en même temps que par la diminution du nombre des éléments

anatomiques.

ANOMALIES MULTIPLES CONGÉNITALES PAR ATROPHIE NUMÉRIQUE DES, TISSUS 137

Le terme d'atrophie numérique est significatif. Il implique,non seule-

ment qu'il y a diminution du nombre des éléments qui constiluent un

muscle, un nerf, un os, un centre nerveux, etc., mais que cette diminu-

tion de nombre est la seule lésion existante, les éléments anatomiques qui

subsistent ne laissant reconnaître aucune espèce d'altération structurale,

telles que l'atrophie simple,la dégénérescence, la multiplication des noyaux,

les débris de tissus, les altérations conjonctives et vasculaires qui accompa-

gnent les autres formes de l'atrophie et qui sont surajoutées à la dispa-

rition d'un certain nombre d'éléments.

L'atrophie numérique est non seulement d'une grande fréquence,

comme apparaissant après croissance complète, localisée dans le membre,

dans le côté de la face ou du tronc qui durant l'enfance a été le siège

d'une brûlure, d'une arthrite, d'un traumatisme, etc. Elle est encore

une loi générale et il suffit de prendre systématiquement des mensura-

tions chez de tels sujets pour la reconnaître, à un degré ou à un autre, et

d'autant plus nette que la lésion causale a été plus précoce. Partout où elle

se rencontre, on y observe les mêmes caractères. Une brûlure localisée

à la main entraîne un arrêt de développement de tous les segments os-

seux du membre, avant-bras, bras et même omoplate. Une arthrite tuber-

culeuse ou traumatique du genou s'accuse par un arrêt de développement

en volume, même visible au niveau du pied ; une coxalgie s'accompagne

d'une diminution de volume de la crête iliaque ; une brûlure du cou,

d'une diminution unilatérale de la face, parfois du volume de l'oeil et de

celui des dents ; une pleurésie, d'une diminution du thorax du même côté.

Tous les tissus composant les parties en question sont atteints de la

même façon et cela jusque dans les centres nerveux, par exemple dans

la corne antérieure de la moelle, où les cellules, parfaitement normales

pour le volume et la structure, sont exclusivement diminuées de nombre,

ainsi que j'en cite un exemple dans mon deuxième mémoire.

Sans insister davantage sur ces faits d'un ordre général et qu'on trouvera

ailleurs avec détail (1), je voudrais insister ici sur un cas assez particulier

d'atrophie numérique et dont l'origine doit être recherchée dans des

lésions produites pendant la vie intra-utérine.

(1) Klippel, Arrêt de développement des membres à la suite de lésions dans l'enfance.

Atrophie numérique, Rev. de méd., mars 1893. Même sujet, Presse méd., 31 juillet

1897.

DANIEL, Des arrêts de développement consécutifs aux lésions locales datant de l'en-

fance. Atrophie numérique de Klippel. Thèse Paris, 1899,

DURANTE, Atrophie numérique. Traité d'Anat. path. de CORAIL et Ranvieh (nouv.

édit.) '

KLIPPEL, Soc. de neurologie, 6 juillet 1905.

138 KLIPPEL

S'il est certain que l'arrêt de développement décrit dans l'observation

suivante est d'origine congénitale, il parait fort vraisemblable, en l'ab-

sence d'une autopsie qui eût levé tous les doutes, qu'il s'agit en ce cas

d'une atrophie numérique, suivant la définition qui vient d'en être donnée.

Et d'autant plus que cette forme d'arrêt de développement se produit

après la naissance d'une façon d'autant plus remarquable que la maladie

causale a été plus précoce.

L'examen de notre malade fait tout d'abord reconnaître un ensemble

de signes assez complexes et qu'on peut diviser en trois groupes :

1° Des signes qui marquent des arrêts de développements localisés

(atrophie numérique) ; .

2° Des déformations qui sont les conséquences plus ou moins tardives

de ces lésions (callosités, douleurs, impotences) ;

3° Un ensemble de symptômes ressortissant surtout à l'hystérie, impli-

quant une tare générale du sujet (état névropathique).

Ce qui permet surtout de rattacher les premiers de ces troubles à

l'atrophie numérique, c'est l'absence de toute réaction fonctionnelle pa-

thologique du côté des nerfs et des muscles dont le volume est resté en

infériorité notoire par rapport au développement des autres parties.

Certains doigts des mains et des pieds présentent un arrêt de dévelop-

pement surtout marqué au niveau des dernières phalanges. Mais ces der-

nières existent quoique très diminuées de volume, ainsi'que le révèle la

palpation.

Ce fait n'exclut-il pas la possibilité d'amputations dites spontanées ? Et

pour admettre une telle explication ne faudrait-il pas admettre en même

temps la possibilité d'une régénération de ces parties !

La peau qui revêt les extrémités est libre de toutes traces de cicatrices ;

l'ongle est rudimentaire ou fait défaut pour ainsi dire.

Les muscles des avant-bras et des jambes sont fort diminués de volume.

Or les déformations des pieds et de la main s'expliquent par le seul fait

de cette brièveté. Et d'autre part. l'absence de toute contracture, de toute

rétraction (dans le sens strict de ce mot), de toute rigidité ne permet pas

de rapporter l'insuffisance de l'amplitude des mouvements à telles lésions.

La brièveté seule y suffit. Tous les mouvements sont possibles, mais

d'étendue restreinte au degré du défaut de longueur. La contraction

musculaire, les réflexes, la contractilité électrique n'offrent rien d'anor-

mal.

Ce qui doit être encore souligné, mais à un autre point de vue, c'est la

multiplicité des points où se manifeste un tel déficit numérique des tissus.

ANOMALIES MULTIPLES CONGÉNITALES PAII ATROPHIE NUMÉRIQUE DES TISSUS 139

Sans doute, aux extrémités des membres la lésion est tout à fait nette.

Mais en recherchant attentivement, on retrouve encore ailleurs les mar-

ques certaines, quoique plus dissimulées d'un arrêt de développement,

dont le caractère numérique est incontestable.

Ainsi, à la face les muscles sont moins développés à gauche qu'à droite ;

du même côté la commissure labiale se contracte moins pendant la parole.

L'oeil gauche est un peu plus petit que le droit. Le voile du palais se

contracte moins à gauche qu'à droite, la luette est déviée à droite. Il y a

de la difficulté à prononcer certaines lettres.

Observation

La nommée Bust ? 24 ans, domestique, salle Bouillaud no 11, à l'hôpital

Tenon.

Antécédents héréditaires. Mère morte à 43 ans d'hyperthophie du foie ;

fut très nerveuse pendant sa vie, eut des crises de durée diverse où elle se

trouvait mal, se débattait.

Père vivant, 59 ans, atteint de maladie du coeur, très sobre.

Frère, 26 ans, a eu quelques crises de nerfs après excès de boisson.

ire Soeur, 19 ans, chlorotique.

2° Soeur, 28 ans, a eu au. moment de ses premières règles, à 13 ans, des

crises nerveuses qui ont duré pendant 7 ans. A chaque contrariété, chaque

orage elle se trouvait subitement mal, perdait connaissance quelques instants,

puis revenant à elle, sentait un poids sur l'estomac, « une boule qui lui remon-

tait » ; en même temps elle perdait absolument l'usage de la parole, entendant

les autres, mais ne pouvant parler, les comprenant très mal et assistant impas-

sible à tout ce qu'on lui disait. Cela durait 1 h. 1/2, 2 heures au plus, et au

bout de ce temps-là la parole revenait petit à petit et l'état normal se rétablis-

sait peu à peu.

Ces crises ont duré jusqu'au moment où la malade a perdu son mari. Acette

époque la malade était enceinte. Alors ont apparu pendant les derniers mois

de la grossesse des crises assez semblables aux précédentes, mais avec cris,

pleurs, grincement de dents. La malade se débattait et on était obligé de

la tenir. Ces 5 ou 6 crises ont cessé avec l'accouchement d'un petit garçon vi-

vant qui a aujourd'hui 5 ans. Depuis cette époque aucune crise n'est apparue,

et il n'est resté à la malade qu'un névrosisme exagéré, puisqu'elle a encore

au moindre ennui des crises de larmes violentes, néanmoins sa situation s'é-

tant améliorée, sa vie se rapproche de la normale.

Antécédents personnels de la malade. - Est née avec des déformations et

des atrophies osseuses que nous reverrons tout à l'heure. La malade, et sa soeur

affirment la congénitalité de ces déformations.

A marché très tard, à l'âge de 4 ans : encore se tenait-elle très difficilement

sur ses jambes, tombant constamment en avant parce qu'elle appuyait unique-

ment sur le bord externe du pied. De 4 à 10 ans la marche est restée embar-

140 KLIPPEL

rassée et sa soeur qui la conduisait à l'école la gourmandait sans cesse parce

qu'elle marchait mal (déformation) et lentement.

Règles pour la première fois à 18 ans, depuis très irrégulières. Rougeole à

15 ans.

Elle eut, dès 19 ans des crises nerveuses la prenant tous les deux jours

environ avec sensation de boule au cou, convulsions. A 21 ans elle a été soi-

gnée pendant huit jours à la Salpêtrière parce qu'elle avait « un peu perdu la

raison ». Elle était devenue très méchante. Elle s'obstinait à rester à une fe-

nêtre et si on voulait l'en empêcher elle griffait et se débattait, brisant souvent

les objets qu'elle avait entre les mains. Puis elle s'amusait comme les enfants

avec une pelle et du sable.

On lui donne des douches pendant 8 jours et elle sort à peu près rétablie au

bout de 2 mois.

En effet, depuis 2 ans 1/2 elle n'a plus eu de crises convulsives ; cependant

très nerveuse et excitable elle a parfois des crises de larmes profuses. Bonne de

restaurant pendant 2 ans, puis bonne à tout faire pendant les 6 derniers mois,

elle a été obligée d'entrer à l'hôpital le 15 juin pour des douleurs siégeant de-

puis la nuque jusqu'à l'omoplate, se calmant un peu le matin, puis réapparais-

sant très violentes une heure après le lever, et devenant intolérables. En même

temps palpitations de coeur, douleurs de côté, vomissements répétés plusieurs

fois par jour, survenant brusquement au milieu du travail, correspondant avec

mouvement exagéré de la nuque. Ces vomissements étaient alimentaires, les

aliments revenaient non digérés,parfois ceux de la veille ; le lait revenait caillé.

La malade s'affaiblissant entre à l'hôpital.

Depuis l'entrée les douleurs ont diminué; les vomissements ont à peu près

disparu (4 ou 5 dans les premiers jours), mais le point de côté a augmenté.

Tout le côté gauche est douloureux et certains jours, l'oppression est grande.

Dès que la malade à un peu marché « son bras gauche se paralyse un peu »,

la main gauche « devient toute rouge » et les mouvements du membre supé-

rieur sont très douloureux. Après les bains sulfureux qui lui furent ordonnés

« une plaque noire apparaissait au-dessus du sein gauche » puis elle disparais-

sait au bout d'une demi-heure.

Examen de la malade, le 3 juillet 1905.

A. Troubles atrophiques par arrêt de développement.

1.° Pieds. - Ils présentent une configuration tout à fait anormale ; glo-

buleux d'aspect extérieur, relativement volumineux par rapport aux autres

parties du membre inférieur, leur bord externe est très épaissi et durci par la

marche défecteuse. La concavité de la voûte plantaire est fortement exagérée,

surtout du côté interne, car la malade marchant presque uniquement, comme

nous le verrons tout à l'heure, sur le bord externe du pied, la partie externe de

la voûte s'est affaissée pendant que la partie interne se creusait. La voûte, de

plus, présente en deux endroits (talons antérieurs surtout) de volumineux duril-

lons qui témoignent des points d'appui du pied sur le sol. La partie antérieure du

pied est fortement' augmentée de volume et semble avoir tourné par rapport an

ANOMALIES MULTIPLES CONGÉNITALES PAR ATROPHIE NUMÉRIQUE DES TISSUS 141

reste du pied. Sur elle s'implantent 5 doigts de pied dont aucun n'est normal.

Tous d'abord sont en retrait sur le plan vertical tangent à la voûte. Les tendons

extenseurs et les muscles semblent trop courts, d'où les orteils, surtout le pre-

mier et le second semblent luxés en arrière sur le pied (fig. 1). Le gros orteil

est piriforme, son tendon fait une saillie qui soulève notablement la peau et

semble fixer la 2° phalange au métatarsien. Il est pourvu d'un ongle normal,

mais petit.

Le 2e orteil et le 3 sont également en luxation apparente ; de plus, le

2e orteil gauche présente un aspect écailleux qui est une lésion secondaire.

Les plus intéressants sont le 4e et le 5e par suite d'un arrêt de développe-

ment. Bien que présentant les 3 phalanges, ce qu'il est facile de vérifier avec

un peu d'attention, ils ne mesurent qu' à peine 1 cent. 1/2 de long. La peau

qui les recouvre est absolument normale. Mais, chose remarquable, elle est lisse,

ne présentant ni trace d'ongle ni trace d'aucune cicatrice-. Globuleux par étale-

ment de leur base ils semblent accolés l'un à l'autre, la pression, comme du

reste celle du pied entier, en est douloureuse. A la palpation on constate que la

dernière phalange est rudimentaire (fig. 2) (voir radiographie, Pl. XXIV).

Ces troubles sont congénitaux, ainsi que la famille de la malade l'affirme

absolument. Ces lésions des pieds sont symétriques,

Jambes : des deux côtés on remarque une diminution marquée des muscles ; de

plus, la jambe est légèrement déviée en dehors (genu valgum) et forme avec l'axe

du pied un angle rentrant en dedans. Les tibias sont légèrement incurvés en

avant ; leur longueur est de 35 centimètres. Au genou, un léger degré de genu

recurvatum .

FiG. 1. Pieds, aspect extérieur.

142 KLIPPEL

Cuisses à peu près normales.

Membres inférieurs.- l'axe total du membre est en Z de baïonnette

Axe de la cuisse, oblique en dedans.

Axe de la jambe, oblique en dehors.

Axe du pied, oblique en dedans.

FiG. 2. La phalangette du S* orteil, très- vagua sur la radiographie, existe réellement

et est perceptible à la palpation.

Membres supérieurs. Main : on y observe des arrêts de développement,

semblables à ceux des pieds. En effet, le 5e doigt de la main gauche présente

comme les deux derniers orteils l'aspect d'un moignon pyriforme. Les 3 phalan-

1 ic. 3. - Main gaucho.

ges sont formées, ou plutôt esquissées, mais il n'y a ni ongles bien développés,

ni cicatrices et la' longueur du petit doigt (4 cm.) contraste avec celle des au-

tres doigts, dont la longueur moyenne est de 9 centimètres et qui semblent

plutôt augmentés en longueur. Les tendons des doigts sont également très

courts, car il est impossible à la malade d'allonger complètement les quatre

ANOMALIES MULTIPLES CONGÉNITALES

par atrophie numérique des tissus.

.. (Mo Klippel)

ANOMALIES MULTIPLES CONGÉNITALES PAR ATROPHIE NUMÉRIQUE DES TISSUS 143

derniers doigts, et quand la main repose sur le lit, la ire phalange forme une

véritable voûte à concavité inférieure. Seul le pouce est normal.

A la main gauche mêmes déformations, mais moins accentuées (fig. 3).

Le 5" doigt est aussi atrophié (5 cm.), mais il porte un ongle rudimentaire qui

n'a jamais poussé, car la malade n'a jamais eu à le couper. Le pouce et les

deux premiers doigts s'allongent normalement, mais les doigts 3 et 4 et surtout

le 5e ont de la difficulté à s'allonger. La main est assez bien développée (voir

radiographie, PI. XXIV).

Avant-bras : diminution musculaire marquée, surtout du côté gauche, néan-

moins la malade se souvient avoir eu jusqu'à 18 ans des bras de volume rela-

tif encore inférieur, actuellement la circonférence du bras au niveau de l'apo-

physe styloïde radiale est de 14 centimètres.

Bras normal.

Autres déformations osseuses. - Sternum : court,longueur 15 centimètres ;

la pièce moyenne est incurvée en forme de carène entre les deux seins.

FiG. 4. - Asymétrie faciale.

144 KLIPPEL . ·

Colonne vertébrale : n'a pas sa rectitude normale. Elle présente une légère

courbe à concavité tournéeàgauche dans la régioncervicaleetdorsalesupérieure,

puis dans la région dorsale inférieure et lombaire une deuxième courbe à conca-

vité tournée à droite. Quand la malade est debout toute sa colonne se déplace

vers la gauche et la malade penche de ce côté. Il en résulte un abaissement de

l'épine iliaque antérieure et supérieure gauche plus basse que la droite de

1 centimètre. Le membre inférieur droit semble raccourci ; mais, en réalité, à

la mensuration, il est plus long de 1 centimètre, donc raccourcissement appa-

rent et allongement réel.

Voûte palatine : présente une courbure exagérée, ogivale.

Face. On note de l'asymétrie faciale. La joue droite semble plus remplie

et la gauche plus effacée. A l'état de repos la bouche semble déviée à gauche.

Cette déviation s'accentue quand on fait parler ou siffler la malade et les mus-

cles de la joue et des lèvres du côté gauche se constractent avec lenteur.

L'oeil gauche est un peu plus petit que le droit (fig. 4).

Le nez est de conformation normale. Il existe un certain degré de nason-

nement pendant la parole, avec rhinite hypertrophique gauche. Rien au cavum

pharyngien.

Voile du palais. Les piliers gauches se contractent plus faiblement qu'à

droite. La luette est légèrement déviée à droite.

Cavité buccale. - Aplatissement de la joue gauche et éversion en dedans du

massif malaire.

B. Signes fonctionnels.

Les douleurs accidentelles ont diminué, mais toutes les masses musculaires

et osseuses sont encore douloureuses à la pression.

Troubles de la marche : la marche est anormale. La malade marche sur le

bord externe du pied et trébuche souvent. Elle ressent de la faiblesse dans ses

jambes et ne peut rester plus d'une demi-heure debout.

Troubles de la parole : la parole est légèrement embarrassée et la voix est

nasonnée. La malade se fait bien comprendre maintenant, mais jusqu'à l'âge de

12 ans aucun étranger ne la comprenait. Elle parlait très vite et tous ses mots

se confondaient. Depuis elle sépare bien ses mots, mais il est des jours où la

parole est trop rapide pour qu'on la comprenne bien. Du reste, elle a quelque

difficulté à prononcer certaines lettres, surtout l's et ch et confond le b et le p,

sauf attention soutenue.

Troubles de l'ouïe : la malade présente depuis son enfance des bourdonne-

ments d'oreille, en entend même pendant la nuit et dans le silence absolu des

scies qui grincent, des bruits semblables à des coups de marteau, et des

sifflements fréquents. L'ouïe est gênée, la malade entend souvent mal et son

oreille coule par moments une humeur jaune, épaisse, tachant le linge, moins

abondante même aujourd'hui qu'autrefois, si épaisse parfois qu'elle forme

croûte. Enfin depuis 15 jours elle a des vertiges, et tout tourne devant elle.

Toux fréquente depuis 15 jours, la malade se plaint d'un point de côté violent ;

ANOMALIES MULTIPLES CONGÉNITALES PAR ATROPHIE NUMÉRIQUE DES TISSUS 145

l'auscultation pulmonaire ne donne rien, mais au coeur on entend un léger

souffle mésosystolique au-dessus de la pointe.

Urines : rien d'anormal ; pas d'albumine.

C. - Mouvements, sensibilité, état psychique.

Comme nous l'avons vu dans les antécédents personnels et héréditaires de

la malade, celle-ci semble au plus haut point une nerveuse. Outre les crises

hystériques que nous avons déjà décrites, la malade présente encore actuelle-

ment des phénomènes nerveux accentués.

Actuellement les troubles de sensibilité sont nuls, sauf cependant une anes-

thésie plantaire marquée, mais ils ont existé très nets. Avant son entré à la Sal-

pêtrière la malade prenait sans douleur, dit-elle, des objets sortant du feu. Les

troubles de la motilité consistent en diminution des masses musculaires indiquée

plus haut, marche hésitante et faiblesse générale. D'ailleurs, la contraction mus-

culaire est normale ainsi que les réflexes. Réactions électriques normales. Enfin

les troubles psychiques sont apparents. La malade est instruite. Elle apprenait

bien à l'école puisqu'elle a obtenu son certificat d'études primaires, mais elle

se plaint aujourd'hui d'avoir' beaucoup perdu la mémoire, les faits même les

plus importants se brouillent et la malade les place sur le même plan que les

plus insignifiants. Dans ces derniers temps elle oubliait très souvent ce que ses

maîtres lui avaient ordonné de faire.

D. Troubles viscéraux.

Il n'existe aucune lésion organique gastrique, ou pulmonaire. La toux, la

dyspnée, les vomissements que la malade présente par accès et par moments

ont une origine purement névropathique.

Les conclusions principales qui dérivent de ce cas sont relatives à l'atro-

phie numérique et ont été indiquées au début du travail. Il n'y a pas lieu

d'y revenir.

Mais d'autre part cette observation, par quelques-unes de ses particulari-

tés, nous montre encore qu'il y a lieu de rechercher, plus attentivement

qu'on ne la fait jusqu'ici, l'étendue des mouvements dont sont capables

les différents muscles, en particulier ceux de la face, des globes oculaires,

de la langue, etc., chez tous ces sujets dont l'état névropathique (hystéri-

ques, épileptiques, dégénérés mentaux) se lie très souvent à un trouble du

développement même.

On sait que chez beaucoup de ces sujets on observe une asymétrie fa-

ciale.

En recherchant chez eux un défaut d'extension des mouvements, j'ai pu

reconnaître l'existence du moindre développement musculaire et par là

XIX 10

146. KLIPPEL

d'une moindre amplitude des mouvements, soit des deux côtés, soit d'un, e

seul.

Parmi les insuffisances symétriques j'ai noté l'impossibilité de tirer la

langue au delà des arcades dentaires et des mouvements si limités des glo-

bes oculaires qu'ils étaient presque inappréciables et que dans les expé-

riences à suivre un objet le malade était obligé de tourner de suite la tête.

Parmi les insuffisances asymétriques se rapprochant de celles décrites

dans l'observation précédente, j'ai noté : le défaut d'étendue des mouve-

ments latéraux des globes oculaires, de l'élévation de l'aile du nez, de la

commissure labiale pendant la parole, du voile du palais et de la langue.

En tous ces cas il est bien peu probable qu'il y ait des lésions d'atrophie

simple ou de dégénérescences, pour les mêmes raisons que j'ai fait valoir

plus haut. Un arrêt de développement] répondant à l'atrophie numérique

peut rendre compte et de-la brièveté du muscle, et de l'insuffisance

dans l'amplitude des mouvements qu'il exécute.

NOUVELLE ICOXOGRAPIIIL DE LA SALPT1211 : R&.

T. XIX. Pl. XlIV

Photographies Infroit.

Phototypie Berthaud, Pans

HYPOTROPHIE D'ORIGINE BACILLAIRE

Troubles de la voie pyramidale.

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SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE DE PARIS-

HYPOTROPHIE D'ORIGINE BACILLAIRE.

TROUBLES DE LA VOIE PYRAMIDALE,

PAR

H. CLAUDE et P. LEJONNE.

Sous les noms divers d'infantilisme du type Lorain (Brissaud), de na-

nisme (Gilbert), de dystrophie (Landouzy) d'hypotrophie (Variot), on dé-

crit des états pathologiques assez analogues au point de vue clinique et

caractérisés essentiellement parun développement moindre de l'individu

dont la taille est simplement petite, sans qu'il présente de vices particu-

liers de conformation ni de tares organiques importantes (1).

C'est un cas de ce genre que nous rapportons ; il nous paraît intéres-

sant à cause des phénomènes du côté du système nerveux qui accompa-

gnent l'hypotrophie présentée par la malade.

Observation

Il s'agit d'une malade âgée de vingt ans, exerçant le métier de couturière,

entrée le 21 juillet 1905 à l'hospice de la Salpêtrière, salle Charcot, dans le

service du professeur Raymond, pour des troubles de la marche.

On est tout d'abord frappé par la petite taille et l'aspect chétif de cette

malade ; elle ne mesure que 1 m. 42 et son poids n'est que de 32 kilogram-

mes ; son teint est pâle ; ses conjonctives, ses lèvres, ses gencives sont déco-

lorées (PI. XXV). *

La malade est née à terme dans des conditions normales et s'est bien déve-

loppée, jusqu'à l'âge de onze ans. Depuis cette époque sa croissance s'est peu

à peu ralentie ; elle n'a été réglée qu'à 18 ans et toujours de façon irrégulière ;

notons qu'à 15 ans, elle a présenté une hémoptysie assez abondante, qui ne

s'est pas renouvelée.

Dans ses antécédents de famille, il faut remarquer que son père, cocher et

éthylique, est tousseur depuis de longues années et a présenté à plusieurs

reprises des accidents pulmonaires (pleurésie, bronchites répétées) dont l'ori-

gine bacillaire paraît probable. Sa mère, âgée de 48 ans, offre les stigmates

d'une sénilité précoce. Ajoutons que la malade a eu deux frères aînés qui sont

morts en bas âge, de méningite à ce qu'il semble, et deux soeurs cadettes

jumelles dont l'une est morte dans les premiers mois après sa naissance tandis

que l'autre est bien portante et normalement développée.

(1) FANEAU DE Lacoun, Thèse Paris, 1S71 ; Brissaud, Leçons sur les maladies ner-

veuses, 2- série, iS9 ; Variot, Soc. méd. des hôpitaux, 11 février 1898 ; Vivier, Thèse

Paris, 1898.

148 CLAUDE ET LEJONNE

L'auscultation de cette malade montre la présence d'une double lésion car-

diaque mitrale, insuffisance et rétrécissement. Le pouls est régulier, il bat à 80

à la minute et est bien frappé, la tension artérielle est de 17 au sphygmoma-

nomètre de Potain.

L'anémie constatée dès l'abord, est vérifiée par l'examen du sang ; il existe ? 550.000 globules rouges au millimètre cube; les globules blancs sont au

nombre de 4.250. La valeur globulaire est de 0,70 à l'hémocliromountre de

Hayem. L'examen du sang sur lames montre l'absence de tout élément anor-

mal aussi bien rouge que blanc. ,

Il n'existe pas de toril) au niveau des vaisseaux du cou. L'auscultation pul-

monaire révèle l'existence au niveau du sommet droit d'une bacillose à la phase

de début. '

A part la petitesse de la taille, on observe chez cette malade peu des stigmates

du nanisme ; son système pileux, il est vrai, est peu développé au niveau du

pubis et des aisselles ; ses os sont assez grêles, ainsi que l'a confirmé la radio-

graphie, mais toute déformation du squelette, et en particulier de la colonne

vertébrale, fait défaut. On ne trouve chez elle ni les troubles de croissance, ni

les anomalies congénitales, ni les hypoplasies viscérales sur lesquels ont insisté

MM. Gilbert et Rathery (1). Notons particulièrement que le corps thyroïde

semble absolument normal.

Mais c'est pour des accidents d'un autre ordre que la malade est venue con-

sulter à la Salpêtrière : elle présente depuis plus de deux ans des troubles de la

marche ; au printemps de l'année 1903, elle s'est aperçue que ses jambes deve-

naient plus faibles et qu'il lui était pénible de faire ses courses habituelles ; en

même temps elle ressentait des douleurs dans la région lombaire et surtout

dans les membres inférieurs. Elle consulta plusieurs médecins et suivit

même un traitement électrique. De guerre lasse elle vient à la Salpêtrière en

juillet 1905.

Les troubles moteurs présentés par cette malade consistent tout d'abord en

une véritable difficulté qu'elle éprouve à se lever et à se mettre en marche lors-

qu'elle est restée quelque temps assise ; elle y met une lenteur toute particu-

lière et ses jambes lui paraissent toute raides. Cette raideur diminue lorsque

la malade a marché pendant quelques minutes; mais si elle continue sa pro-

menade, au bout de trois quarts d'heure à une heure, elle sent que ses jambes

redeviennent raides et très douloureuses et en même temps plus faibles, si bien

qu'elle est obligée de s'arrêter et de s'asseoir, sinon elle tomberait.

Si l'on regarde marcher la malade, on voit qu'elle présente une certaine rai-

deur des membres inférieurs et un dandinement assez marqué des hanches.

La force musculaire n'est pas très grande, mais sou système musculaire est

d'ailleurs peu développé. *

A part des douleurs au niveau des jambes, douleurs assez vives mais diffuses,

apparaissant pendant la marche, il n'y a aucun trouble de la sensibilité et en

particulier la sensibilité objective est absolument intacte sous ses divers modes ;

(1) Presse médicale, 1901 ; Arch. gén. de médecine, 1904.

HYPOTROPHIE D'ORIGINE BACILLAIRE 149

il en est de même du sens musculaire, de la perception stéréognostique, etc.

Il existe chez cette malade une exagération manifeste de tous les réflexes

tendineux et osseux et plus particulièrement des réflexes rotuliens et achilléens ;

on a même observé du côté droit un clonus du pied des plus nets : il faut ajou-

ter que ce clonus constaté à plusieurs reprises ne paraît plus exister actuel-

lement. Le signe de Babinski est en flexion et les réflexes cutanés sont nor-

maux. Il n'y a aucun trouble du côté des organes des sens.

L'état psychique est à peu près intact : on observe cependant un certain état

d'apathie et d'indifférence, une lenteur intellectuelle assez prononcée ; l'intel-

ligence de la malade semble d'ailleurs au-dessous de la moyenne.

Une ponction lombaire pratiquée chez cette malade a montré un liquide cé-

phalo-rachidien, limpide, sans élément figuré.

L'observation de cette malade soulève plusieurs problèmes intéressants :

tout d'abord, au point de vue général, il s'agit d'une malade atrophique

ou plutôt hypotrophique, pour employer l'expression introduite dans la

science par M. Variot (1), qui l'appliquait, il est vrai, à des enfants.

Il ne s'agit pas d'une dystrophie et on ne note chez elle aucune trace

de rachitisme ; il n'y a pas davantage de signes de myxoedème, le corps

thyroïde est normal ; la malade ne présente pas traces d'arrêt de dévelop-

pement ; elle est peu développée, voilà tout.

C'estbien le type d'hypotrophie décrit par Brissaud sous le nom d'infan-

tilisme anangioplasique, où l'on a affaire à de « petits hommes » ou à de

« petites femmes ». Les formes plastiques ne sont pas celles d'un enfant,

mais plutôt d'un adulte, « d'un adulte vu par le gros bout d'une lor-

gnette » (H. Meige) (2).

On peut rapprocher cette observation des cas de nanisme mitral publiés

ces dernières années ; comme chez ces malades, la lésion cardiaque paraît

bien être congénitale et ne s'être révélée que tardivement par quelques

signes subjectifs, mais ce qui établit une différence capitale,c'est que dans

notre cas il ne s'agit nullement d'un rétrécissement mitral pur : avec le

rétrécissement il existe des signes d'une insuffisance concomitante non

douteuse.

Au point de vue de la pathogénie de cette hypotrophie nous croyons

qu'il faut faire intervenir la lésion cardiaque, mais surtout l'infection,

origine de la lésion cardiaque. On sait depuis les travaux de Potain, de

P. Teissier, de Tripier que diverses lésions cardiaques, le rétrécissement

mitral pur tout particulièrement, reconnaissent souvent pour cause une

endocardite bacillaire foetale. Chez cette malade nous trouvons la bacillose

(1) V. passim, Bulletin de la Soc. média des hôpitaux, 1898, 1904, novembre 1905,

etc.

(2) Voy. Nouv. Iconographie de la Salpêtrière, n" 1 et 4, 1895, 1897, p. 240 ; n° 2,

1898.

150 CLAUDE ET LEJONNE

dans les ascendants (père), les collatéraux (2 frères morts de méningite) ;

elle-même est actuellement une bacillaire pulmonaire. Il n'est pas témé-

raire de croire que sa double lésion mitrale reconnaît pour cause une en-

docardite tuberculeuse survenue avant la naissance et que c'est à l'action

combinée de la bacillose et delà lésion cardiaque qu'est dû son dévelop-

pementmoindre, l'hypotrophie qu'elle présente.

Il n'est d'ailleurs pas indispensable que la lésion tuberculeuse ait évolué

pendant la vie intra-utérine, on peut supposer également qu'elle s'est déve-

loppée dans l'enfance d'une manière absolument patente et rapprocher

ainsi le cas de notre malade des dystrophies tuberculeuses décrites par

M. Landouzy. On sait que des travaux récents ont établi solidement l'exis-

tence de ces endocardites tuberculeuses latentes (1).

Reste à élucider la pathogénie des accidents moteurs, les troubles de la

marche, la spasmodicité caractérisée par de l'exagération de tous les ré-

flexes et une ébauche de trépidation spinale indiquant une atteinte des fais-

ceaux pyramidaux ; cette atteinte est probablement assez légère puisque la

spasmodicité n'est pas très considérable et que le signe de Babinski est

négatif. La ponction lombaire qui a montré l'absence de lymphocytose

fait rejeter toute participation d'un élément méningé.

Il faut nous demander tout d'abord en quel point s'est localisée la lé-

sion pyramidale; s'agit-il d'une lésion cérébrale, ou au contraire d'une

lésion de la voie motrice médullaire ? on conçoit que ces deux hypothèses

sont toutes deux plausibles et que rien ne nous autorise à choisir entre

elles.

D'autre part, pouvons-nous préciser comment ont agi sur la voie pyra-

midale, les toxines bacillaires ? Est-ce en occasionnant une légère sclérose,

ou bien en amenant un arrêt de développement des faisceaux pyramidaux ?

L'hypothèse d'une sclérose acquise et récente nous paraît la moins sédui-

sante,la bacillose légère présentée par la malade semble un peu insuffisante

pour l'expliquer. La seconde hypothèse, celle de l'arrêt de développement

est la plus plausible ; si nous admettons chez cette malade une endocardite

bacillaire foetale dont la double lésion mitrale actuelle est le reliquat,tout

nous autorise à penser que l'infection tuberculeuse a pu agir en même

temps en entravant le développement du faisceau pyramidal,dont on con-

naît l'apparition tardive.

Il est donc très vraisemblable d'admettre que la lésion pyramidale

reconnaît la même cause que la malformation cardiaque, une infection

tuberculeuse foetale. Nées pendant la vie intra-utérine, les deux lésions,

cardiaque et pyramidale sont restées longtemps à peu près latentes et

n'ont manifesté leurs symptômes qu'au moment de la puberté.

(1) Ba,11,LON, Thèse Paris,-4905. , '

DEUX FRÈRES ATTEINTS DE MYOPATHIE PRIMITIVE

PROGRESSIVE.

NOTE additionnelle (1)

PAR

' NOICA

Médecin adjoint de M. le Prof. Memrrssco, à Bucarest.

A la lecture d'un cas de myopathie progressive avec troubles de la sen-

sibilité, article publié par MM. Lannois et Porot dans la Nouvelle Icono-

graphie de la Salpêtrière, 1903, j'ai été surpris de voir que leur malade

avait présenté des douleurs subjectives très fortes et des troubles de sen-

sibilité objective, surtout une hypoalgésie, que les auteurs ont représentée

sur un schéma. Comme nos malades ont aussi eu des douleurs très fortes,

j'ai examiné la sensibilité objective avec beaucoup d'attention et quoique

dans l'observation du service il fût noté (erreur que nous avons aussi

reproduite dans notre article) qu'il n'existait pas des troubles de sensibi-

lité, nous en avons trouvé au contraire de très marqués. Cet examen a été

fait deux fois à des intervalles de cinq mois et il est intéressant de voir

comme les troubles de sensibilité ont progressé d'un examen à l'autre,

comme nombre, comme intensité et comme étendue.

J'ai, de plus, enlevé à un des malades, avec son consentement bien en-

tendu, un bout de nerf. M. Marinesco qui a eu l'obligeance d'examiner

les préparations microscopiques de ce nerf nous a dicté une note que je

reproduirai plus loin.

Je peux dire dès maintenant que M. Marinesco y a trouvé des lésions

pathologiques indiscutables (2).

Cas. I. Le malade J.... T....

1er examen le 17 mai 1905. - On constate une anesthésie tactile (3) presque

sur toute la surface de la peau, sauf sur la peau de la tête, du cou, sur les

(1) Voir Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière, n° 4, juillet-août 1905.

(2) Malheureusement mon article était déjà envoyé à Paris et même déjà sous presse

donc on m'excusera si, pour être complet, je reviens encore une fois sur ces faits.

(3) Cette sensibilité est examinée dans le service, au moyen d'une bandelette de.pa-

pier promenée légèrement sur la surface de la peau.

152

NOICA

paumes des mains et les plantes des pieds où la sensibilité est normale. Sur

la poitrine, la peau comprise entre une ligne horizontale qui passe au-dessus

des mamelons et une ligne qui correspond aux clavicules la peau est seulement

hypoesthésiée (Fig. 1 et 2).

Sur toute la surface de la peau où le tact est disparu complètement ; il existe

une hypoalgésie et un retard dans la perception des sensations douloureuses,

car le malade ne sent pas les piqûres superficielles d'épingle et les piqûres

profondes sont seules perçues, et souvent avec retard.

Font exception à cette règle : la bande d'hypoesthésie au-dessus des mame-

lons, la peau qui couvre le dos des doigts, le dos des orteils, le dos des pieds, la

verge et le scrotum qui, avec la peau des paumes des mains, des plantes des

FiG. 1 et 2. 17 mai 1905. Topographie des troubles de la sensibilité au toucher.

La même, le 10 novembre 1905.

pieds, du cou et de la tête sentent les piqûres les plus superficielles (Fig.

3 et 4).

Légère hypotesthésie au chaud, disposée d'après la même topographie que

l'anesthésie tactile, le froid est presque normalement conservé..

La sensibilité vibratoire au diapason d'Egger et la sensibilité à la pression

sont normales. '

Au contraire la perception des attitudes segmentaires est très altérée aux

doigts et au poignet, aux articulations des orteils et du cou-de-pied.

Le sens stéréognostique est absolument aboli aux mains, le malade est inca-

pable de reconnaître un objet qu'on lui a placé dans la' paume de la main et sur

DEUX FRÈRES ATTEINTS DE MYOPATHIE PRIMITIVE PROGRESSIVE 153

lequel on lui promène les doigts (1) (le malade étant incapable de faire cet

examen tout seul, car il est complètement paralysé des doigts).

Les cercles de Weber examinés sur la peau de la paume de la main et de la

face palmaire des doigts sont si agrandis qu'un écartement des pointes du com-

pas de Weber, tel qu'une pointe sur la pulpe des doigts et une autre sur la

paume de la main au voisinage du poignet donne la sensation d'une seule piqûre.

Il n'existe pas de troubles sensoriels. Les couleurs, violette, bleu-pâle,

rouge, jaune-citron, jaune-orange verte, etc. sont bien reconnues. Il n'a ja-

mais vu double. Le champ visuel n'est pas rétréci. L'ouïe est bonne, le ma-

lade entend de chaque côté à 60 centimètres. Le goût est normal, il sent le doux,

l'amer, l'aigre, le salé, etc. Il sent l'odeur de menthe qui lui est agréable,mais

l'odeur de l'asa-foetida lui est indifférente. '

Le 10 novembre. L'anesthésie tactile sur le dos du corps est la même, mais

sur la face antérieure de la poitrine la bande d'hypoesthésie qui existait entre les

clavicules et une ligne horizontale mamelonnaire est devenue aussi anesthé-

sique. La peau qui couvre les clavicules sent normalement (Fig. S). Toute la

surface de la peau qui était seulement livpoa Igésiqtie,c'est-à -dire qui ne sentait

que les piqûres profondes faites avec uue épingle est maintenant analgésique,

c'est-à-dire incapable à sentir les piqûres les plus profondes. Une bande d'hy-

poalgésie est apparue sur la partie supérieure de la poitrine entre les clavicules

(1) Chez un malade du service atteint de sclérose latérale amyetrophique, le malade

quoique paralysé et atrophié comme celui-ci aux mains, garde tout de même le sens

stéréognostique.

FIG. 8 et 4. 17 mai 1905. Topographie des troubles de la sensibilité à la dou-

leur. Hypoalgésie.

154 NOICA . '

et une ligne horizontale inter-mamelonnaires. Le dos des pieds et des orteils,

le dos des doigts et les organes génitaux sont maintenant hypoalgésiques (Fig. 6

et 7).

FiG. 5. - 10 novembre 1905. - Topographie des troubles de la sensibilité

au toucher.

FiG. 6 et 7. 10 novembre 1905. Topographie des troubles de la sensibilité à la

douleur. Analgésie. Hypoalgésie des organes génitaux, des piads (face dorsale), au-

dessus des mamelons et des doigts.

DEUX FRÈRES ATTEINTS DE MYOPATHIE PRIMITIVE PROGRESSIVE 155

Les sensations thermiques n'ont pas changé.

Le sens musculaire, les champs de Weber et le sens stéréognostique sont

tout aussi troublés qu'au mois de mai.

La sensibilité vibratoire toujours normale.

Au contraire la sensibilité à la pression est très atteinte cette fois-ci, les pres-

sions les plus fortes avec la tige du diapason d'Egger ne lui provoquent aucune

sensation sur tout le corps, sauf sur le cou et la tête où la sensation de

pression est bien perçue.

Il est à remarquer que sur le dos des mains et des pieds les pressions très

fortes provoquent des douleurs. Sur la paume des mains et sur la plante des

pieds il ne sent pas les pressions légères, mais il a la sensation de pression si on

appuie très fort. Si on lui serre la verge avec la plus grande force elle est

insensible, au contraire les testicules sont douloureux (Fig. 8 et 9.

OBS. IL - Le malade M... T...

Le 17 mai 1905. Les troubles de sensibilité objective chez ce malade,

sont moins étendues et moins intenses que le précédent, mais ils se ressemblent

beaucoup comme topographie.

Nous constatons une hypoesthésie tactile très intense sur les membres supé-

rieurs et inférieurs. Sur les premiers, les troubles sont limités en haut par

une ligne horizontale immédiatement au-dessus de la ligne axillaire et sur les

seconds par une ligne horizontal à 4-5 travers de doigt au-dessous de la ligne

inguinale. On remarque que la peau de la paume des mains, y compris celle

des faces palmaires des doigts, et la peau de la plante des pieds y compris celle

FiG. S et 9. - 10 novembre 1905. - Topographie des troubles de la sensibilité à la

pression. Sur les dos des pieds et des mains, les pressions très fortes sont dou-

loureuses.

1 56 NOICA

des faces plantaires des orteils ont la sensibilité tactile normale. Sur le dos des

mains la peau est hypoesthésique, mais celle qui recouvre les faces dorsales des

doigts, le dos des pieds et des orteils, la sensibilité tactile est très peu dimi-

nuée (Fig. 10 et 11).

D'après la même topographie il y a une hypoalgésie, c'est-à-dire les piqûres

d'épingle superficielles ne sont pas douloureuses, et il faut faire des piqûres

profondes pour que le malade sente la douleur. Les sensations au chaud sont

retardées, celles au froid sont normales.

Les sensibilités profondes (vibration, pression, perception des altitudes seg-

mentaires) et le sens stéréognostique ne sont pas altérées.

Les champs de Weber sont agrandis sur toute la peau de la paume des

mains et des faces plantaires des doigts, le malade ne sent deux piqûres en

même temps, que lorsque nous avons écarté les branches du compas de Weber

de 30 centimètres. Nous avons cherché aussi, comme chez le précédent, des

troubles sensoriels et nous n'avons trouvé rien d'anormal, sauf comme chez le

premier que l'odeur d'asa-fsetida n'était pas sentie.

Le 10 novembre z. - Les troubles de la sensibilité se sont accentués et

ont gagné de nouveaux territoires. Partout l'hypoesthésie tactile a été remplacée

par l'anesthésie. La peau du tronc et de l'abdomen présente cette fois-ci un com-

mencement d'hypoesthésie et surtout des troubles de localisation. La peau de

la tête, du cou, celle des faces plantaires, des pieds et des orteils, celle des faces

palmaires des mains études doigts, de la verge et du scrotum sont restées nor-

males.

FiG. 10 et 11. 17 mai 1905. Topographie des troubles delà sensibilité

au toucher.

DEUX FRÈRES ATTEINTS DE MYOPATHIE PRIMITIVE PROGRESSIVE loi 7

Il est à remarquer que l'anesthésie de la cuisse est limitée devant par une

ligne courbe qui passe légèrement au-dessus du pénis.

Sur les dos des doigts et sur le dos des pieds et des orteils la légère hypoes-

thésie est devenue plus intense. Il est remarquer aussi que tandis que la peau

des fesses est anesthésique, la peau sur la ligne inter-fessière. est seulement

hypoesthésique (Fig. 12 et 13). Les troubles de sensibilité thermique au chaud

sont chez ce malade plus intenses que chez l'aîné. Là où le malade ne sent pas

le tact il ne sent pas non plus un tube plein d'eau et chauffée à 50°, et là où il y

a de l'hypoesthésie on constate une hypothermie et du retard dans la percep-

tion. On remarque aussi que la peau de la paume des mains, de la plante des

pieds et de la verge est un peu hypothermique (la peau du scrotum est nor-

male).

La peau de l'abdomen est normale et limitée en bas par une ligne qui passe

au-dessus du pénis correspondant à la ligne du sens tactile et en haut par une

ligne qui passe au-dessous de l'appendice xyphoïde, la première correspond

sur le schéma de Kocher à la 12e dorsale et la seconde à la 7e ou à la 8e dor-

sale.

Les sensations au froid sont bien conservées.

La sensibilité à la douleur beaucoup moins touchée que celle au chaud, c'est-

à-dire il y a seulement de l'hypoalgésie et des fautes de localisation. Elle a

absolument la même typographie que celle au chaud.

Il est à remarquer que les sensibilités an chaud et à la douleur sont un peu

plus accentuées sur le dos des pieds et sur la surface des jambes que sur les

FiG. 12 et 13. 10 novembre 1905. Topographie des troubles de la sensibilité

tactile. Les troubles thermiques, algésiques ou à la pression, ont à peu près la

même topographie.

158 NOICA

cuisses. De même sur le dos des mains et sur la peau des avant-bras plus

accentués que sur les bras. z

Ainsi qu'au premier examen nous ne constatons pas de trouble de sens mus-

culaire et le malade a son sens stéréognostique normal. Au contraire on cons-

tate aussi chez ce malade, des troubles intenses de sensibilité à la pression,

reproduisant presque en entier la, topographie des troubles de la sensibilité

tactile. -

Les membres supérieurs et inférieurs, sauf les faces palmaires des mains et

les faces plantaires des pieds ont complètement perdu cette sensation, on peut

presser tant qu'on peut avec la tige du diapason d'Egger, le malade ne sent ni

une sensation de pression ni une sensation de douleur, tandis que sur les faces

palmaires et plante des pieds, sur la peau de l'abdomen, sur le cou et la tête

les pressions sont normalement senties.

Les organes génitaux (verge et testicules), si on les serre, sont sensibles. Sur

le dos et sur le thorax le malade,avec des pressions très fortes, sent très peu la

pression, mais plus souvent une douleur ou une piqûre d'épingle.

Chez ce malade M. T... (l'aîné à cause de la déformation du rachis nous

empêchait de trouver l'espace interpineux) nous avons pu réussir à extraire

goutte par goute un liquide rachidien clair; centrifugée, nous l'avons trouvé

exempt d'éléments cellulaires. Après avoir décrit les troubles de sensibilité

chez les deux frères, voici maintenant la note de M. le professeur Marinesco sur

les lésions du nerf que j'ai enlevé sur le malade J. T.

« Sur une section longitudinale pratiquée sur un rameau cutané du nerf tibial

antérieur enlevé par biopsie et traité par la méthode de Marchi, on observe

dans un grand nombre de fibres, presque la moitié des fibres de chaque fasci-

cule nerveux, dans l'intérieur des fibres nerveuses, une multitude de granula-

tions de volume inégal, de formes variées, quelquefois sous forme de corpus-

cules volumineux, colorés en noir par la méthode de Marchi. Ces granulations

sont disposées en séries et sont disséminées sur presque toute l'étendue de la

fibre nerveuse. Plusieurs de ces granulations, sont libres, c'est-à-dire ne sont

FiG. 14.

DEUX FRÈRES ATTEINTS DE MYOPATHIE PRIMITIVE PROGRESSIVE 159

pas situées dans l'intérieur de la cellule. Quelques-unes sont confluentes,

formant des corpuscules longitudinaux, d'autres sont disposées en grumeau

(amas). Cette confluence est plus apparente que réelle parce que à l'immersion

on reconnaît qu'ils sont si denses qu'on ne peut pas reconnaître une indivi-

dualité quelconque. On dirait quelquefois que ces granulations se trouvent

autour des cellules de la gaine de Schwanou peut-être même dans l'intérieur

de ces cellules. (Voyez le dessin, fig. 14).

Dans les préparations traitées par double coloration on voit très bien que

les noyaux des gaines deSchwann sont plus longs et plus nombreux qu'à l'état

normal. z

Des préparations, par la méthode de Ramon y Cajal n'ayant pas été faites,

nous ne pouvons pas nous prononcer sur les lésions du cylindre-axe, ce qui

constitue une vraie lacune.

Quelle est la valeur de ces lésions, sont-elles artificielles ou sont-elles pro-

duites pendant la vie ?

Si l'on tient compte que notre nerf a été extrait du corps vivant fixé immé-

diatement (1), il n'a pas pu par conséquent présenter des lésions cadavériques et

comme d'un autre côté des semblables granulations les unes fines, d'autres

plus grandes se voient dans les nerfs avec des lésions pathologiques, nous con-

cluons que les lésions que nous avons trouvées sont pathologiques.'

En résumé, dans notre note, nous ajoutons à nos observations deux

nouveaux faits : que nos malades ont des troubles de sensibilité superfi-

cielle et profonde et qu'un bout du nerf cutané enlevé chez l'un d'eux,

présente des lésions pathologiques.

D'après nos schémas on voit encore que ces troubles de sensibilité pa-

raissent être disposés d'après une topographie segmentaire ainsi que

d'après une disposition radiculaire; nous ne pouvons pas affirmer que

les lésions du nerf sont primitives ou dégénératives.

Devant ces deux faits, nous nous trouvons très embarrassés d'inter-

préter nos cas. Certainement ces troubles de sensibilité objective et ces

lésions pathologiques des nerfs ajoutés à d'autres signes cliniques décrits

(1) Le morceau du nerf enlevé, a été mis directement dans le liquide de Muller,

auquel on a ajouté 10 0/0 de formol de commerce. Trois jours après, une portion

de ce morceau est lavée dans l'eau distillée et mise après dans le mélange de

Busch, pour être conservée pendant huit jours. On la retire après, on la lave à l'eau

distillée, puis après l'avoir fait passer par de l'alcool rectifié, alcool [absolu et alcool-

éther, on l'inclut dans la celluloïdine.

Une autre portion du morceau est laissée dans le liquide de Muller pendant trois

semaines, en changeant de temps en temps le liquide. Enfin elle est retirée, pour

faire des préparations avec la méthode de Weigert-Pal et avec la double coloration.

Ces préparations ont été faites dans le laboratoire de M. le professeur Marinesco

par M. le D' Goldstein.

16(' NOICA. DEUX FRÈRES ATTEINTS DE MYOPATHIE PRIMITIVE PROGRESSIVE

dans nos observations comme le début brusque et douloureux, le début

de la paralysie par les extrémités périphériques des membres, la prédo-

minance aujourd'hui des paralysies musculaires aux extrémités plus

qu'aux racines des membres, une conservation relative des réactions élec-

triques aux muscles des racines et une disparition complète aux muscles

des extrémités, l'apparition de temps en temps des douleurs fulgurantes,

les mouvements fibrillaires que nous avons observés dans les muscles de

l'épaule chez le cadet, etc., etc., tous ces symptômes nous font penser à

une polynévrite. Mais pouvons-nous admettre de pareils schémas de sen-

sibilité aux cours des polynévrites ? Mais l'absence de toute réaction de

dégénérescence à l'examen électrique des muscles ? et l'absence d'une

période de paralysie précédant l'apparition des atrophies ? Nous ne voyons

de même aucun arrêt, aucune amélioration dans l'évolution de la maladie,

l'absence de toute douleur sur le trajet des nerfs, etc., tous ces symptômes

négatifs mettent en doute une polynévrite.

Faut-il mettre en doute le diagnostic des myopathies à la suite de

ces nouvelles constatations ? Certainement les troubles de sensibilité ob-

jective et les lésions des nerfs ne font pas partie des myopathies primi-

tives.

Nous reconnaissons pour conclure, que l'affection qui a atteint les deux

frères est difficile à être étiquetée. Pour le moment, il nous semble que

l'opinion de M. le professeur Marinesco. qui croit qu'un élément nerveux

s'est ajouté au cours d'une myopathie primitive progressive, est la plus

plausible.

Nouvelle Iconographie DE la Salpêtrière. T. XIX. PI. XXVI

NEUROFIBROMATOSE GÉNÉRALISÉE

(F. 7Q¡dler)

Masson & Cic, Editeurs

UN CAS DE

NEURO-FIBROMATOSE GÉNÉRALISÉE

NOTE SUR LA NEURO-FIBROMATOSE ANIMALE,

PAR ·

Fernand RUDLER,

Médecin-major à Belfort.

Observation (PI. XXVI).

R... Paul, cavalier réserviste au lie régiment de dragons, 27 ans, mécani-

cien, célibataire, présente les tumeurs cutanées et la pigmentation spéciale de

la maladie de Recklinghausen.

Antécédents héréditaires. - Père mort, à 52 ans, d'un cancer de l'esto-

mac, atteint d'ichthyose. Grand-père et grand'mère paternels morts à 84. et

86 ans.

Mère vivante, 57 ans, bonne santé habituelle. Aïeul mort à 96 ans, grand-

père maternel à 82 ans ; grand'mère maternelle morte subitement à 47 ans.

R... a trois frères et une soeur plus âgés que lui. L'aîné des garçons, atteint .

de palpitations, marié, a quatre enfants sains et normalement constitués. Le

second, que j'ai pu examiner, a fait quatre années de service au 9er dragons,

présente de l'ichthyose des membres supérieurs et du dos (état rugueux de la

peau qui est sèche et semble recouverte d'une couche de collodion), a deux

enfants bien portants. Le troisième, marié, a un enfant normal et souffre de

palpitations. La soeur, mariée, a trois enfants sains et offre une ichthyose

généralisée plus accentuée que chez les autres membres de la famille (peau fen-

dillée, craquelée, engelures rebelles des mains).

Un cousin germain et une cousine germaine ichthyosiques.

Les neveux et petits-cousins de R... sont indemnes de toute tare cutanée.

Pas de tuberculose; père buveur de vin ; pas de syphilis. Pas de tare ner-

veuse.

Antécédents personnels. Le plus jeune des cinq enfants, né à terme.

Cavalier au 13° dragons, 1899-1902, a fait son service militaire sans indispo-

nibilité. Sujet assez fort ; taille 1,67 ; poids, 72 kilogrammes.

Excellente santé habituelle, nutrition générale satisfaisante, teint coloré. Pas

de signe révélateur d'alcoolisme, pas de syphilis* Pas de convulsions ni d'in-

continence d'urine, pas de crises d'épilepsie dans l'enfance. Pas de maladies

infectieuses. Pas de goitre.

XIX il

162 HUDLER

R... a souffert de palpitations, d'origine tabagique, compatibles avec lé ser-

vice actif et avec ses occupations professionnelles. Fumait 20 grammes de tabac

par jour, en cigarettes. Les palpitations ont cessé avec l'habitude de fumer.

Spermatorrhée légère, intermittente, avec symptômes généraux peu accusés

et passagers. A débuté au régiment à 22 ans : pollutions nocturnes provoquées

par des rêves lascifs, fréquentes et abondantes, avec érection et sensation éro-

tique. Après la libération du service militaire, les pertes séminales se répètent

jusqu'à deux fois par nuit, plusieurs jours consécutifs, suivies au réveil de

sensation de,brisement général, de douleurs lombaires, de névralgie sus-orbi-

taire. Ces pertes diminuent sous l'influence du bromure de potassium et ces-

sent pendant plusieurs mois, se reproduisant de préférence au printemps.

Jamais de pertes à l'état de veille, pendant la miction, la défécation ou che-

val. R... n'a jamais abusé du coït. Pas d'onanisme.

A l'école jusqu'à douze ans et demi. Deux frères ont étudié avec difficulté

alors que le père était très instruit et que le frère aîné et la soeur étaient de

bons élèves. R... sait lire. écrire et compter; élève médiocre cependant. Man-

quait de goût et de dispositions ; faisait fréquemment l'école buissonnière, non

par paresse, mais préférait le travail des champsà l'école. Défaut de mémoire

pour la grammaire et le calcul ; aptitude plus marquée pour l'histoire, la géo-

graphie et.la récitation en vers. Sans connaître la musique, R... aimait le

chant, don qu'il tenait de son père, chef de la société chorale de X... En

somme, nullement intellectuel, mais d'intelligence moyenne, largement suffi-

sante à l'emploi du sujet. Ajusteur aux machines à coudre, puis aux automo-

biles, son salaire pour le travail à la journée est de 3 fr. 75 alors que la paie

maxima est de 4 francs ; à la pièce, il atteint 6 francs par jour ; ce chiffre élevé

indique assez une instruction professionnelle sérieuse. -Tempérament calme,

réfléchi, nullement émotif. Ne manque pas de bon sens dans ses propos. Parole z

normale, pas de bégaiement. Pas de particularités saillantes de l'écriture qui

est celle d'un homme écrivant rarement. Pas de troubles psychiques carac-

térisés. Facies quelque peu fruste ; adhérence des lobules des oreilles.

NEURO-FiBROMA/rosE. Au dire de ses parents, R... est né porteur d'un grand

nombre de tumeurs répandues sur le tronc et sur les membres dont deux, ài

droite, sur l'épaule et sur la hanche, se signalaient déjà par leur plus grand

volume; et de taches pigmentaires, couleur de café, attribuées par la mère à

une envie de grossesse.

Les tumeurs se sont développées lentement, progressivement, et ont atteint

les dimensions actuelles à 16 ans ; les deux fibromes volumineux de l'épaule

et de la hanche sont arrivés à complet développement vers la 20° année.

Aucune poussée nouvelle depuis la naissance.

1° Tumeurs cutanées. - Nombreuses, molles, sous-cutanées, allant de la

grosseur d'une petite lentille à celle d'une demi-orange aplatie.

Il existe trois tumeurs majeures :

1) La plus grosse sur la fesse droite, au-dessus de l'ischion, ne gênant pas'

la position assise ; tumeur molle renfermant quelques noyaux indurés, pen-

UN CAS DE NEURO-F1BR0111ATOSE GÉNÉRALISÉE 163

dante comme une mamelle (Feindel), assez lourde. La peau qui la recouvre est

normale de coloration, de consistance, d'épaisseur. Aucune douleur spontanée

ou à la pression ;

2) La seconde, ressemblant à une grosse figue allongée, située à l'origine du

pli cutané formé en arrière par le bras appliqué contre le tronc. Même consis-

tance que la précédente. La peau, chagrinée sur la tumeur, présente de petites

taches brunâtres avec, à leur centre, de petits points pigmentaires noirs.

3) La troisième, à droite de la partie supérieure du pli interfessier, du

volume d'une noix, hémisphérique ; peau normale recouverte de poils.

On observe d'autres tumeurs cutanées, particulièrement sur le dos et les

fesses ; une à la face, à la lèvre supérieure droite, recouverte à sa partie infé-

rieure par la moustache ; une au cuir chevelu, mamelonnée, bosselée, rosée,-

nettement fluctuante, recouverte de poils, apparue au dire du sujet à la suite

d'un traumatisme (coup de pierre); une lentille derrière l'oreille gauche.

Il en existe au thorax, à l'abdomen, aux bras, aux cuisses, plus nombreuses

d'une façon générale en arrière et à droite. On n'en remarque aucune au cou,

aux mains, aux jambes, aux pieds.

En résumé : distribution topographique irrégulière, forme généralement

arrondie à l'exception des deux tumeurs majeures qui pendent en raison de

leur poids; tumeurs sessiles, molles, indolentes, superficielles, non adhéren-

tes ; peau normale, sauf exception signalée.

Les photographies donnent les détails complémentaires sur la morphologie

des tumeurs.

2° Tumeurs des nerfs. - Il n'en existe aucune. Examen du fond de l'oeil

négatif.

3° Pigmentation de la peau. Semis pigmentaire du dos et de l'abdomen,

pointillé formé de taches lenticulaires très petites, brunes, plus abondantes en

arrière où elles simulent un corset ; cette dernière disposition est plus visible

d'ailleurs sur la photographie que sur le tégument lui-même. Rien au visage

ni aux membres. Pas de plaques pigmentées. Pas de noevi pilaires ou vasculai-

res.

Muqueuses normales.

Symptômes fonctionnels. Aucun trouble de motilité : pas de vertige ; pas

de tremblement des membres ou des doigts, pas de tic ni de convulsions ; pas

d'asthénie.

Pas de trouble subjectif ou objectif de la sensibilité : les sensibilités super-

ficielles, tactile, thermique, douloureuse, électrique sont conservées. Pas d'a-

nesthésie ou d'hyperesthésie.

Réflexes tendineux et cutanés normaux.

Pas de troubles trophiques autres que les tumeurs cutanées et la pigmenta-

tion.

Organes des sens normaux

Examen des viscères. Négatif. Rien au coeur, rien aux poumons. Pas de

sucre ni d'albumine dans les urines.

164 RUDLER

R... est atteint de neuro-fibromatose généralisée ; il présente deux ca-

ractères de la triade symptomatiqne de Recklinghausen : il manque au

tableau morbide les tumeurs des nerfs.

Tout diagnostic différentiel est rendu superflu parles reproductions

photographiques.

Quelques particularités méritent-une brève mention z

1 - Le cas de R... est congénital d'emblée. Suivant l'expression de M. E.

Feindel (Th. Paris, 1896, p. 21), « l'influence congénitale a fait elle

seule toute la neuro-fibromatose » ; réserve doit être faite toutefois pour

le molluscum du cuir chevelu qui semble reconnaître pour cause occa-

sionnelle un traumatisme ;

2°R... n'est pas un infantile, comme la plupart des neuro-fibromateux.

Sujet vigoureux, à thorax normal, à système pileux développé, sa nutri-

tion générale est satisfaisante ;

3° R. n'est pas hypothyroïdien ; sa croissance est normale, sa face régu-

lière, il ne présente ni obésité précoce ni sensibilité spéciale au froid.

La spermatorrhée signalée contraste avec l'insuffisance ovarienne observée

par MM. Henry Meige et Feindel chez une infantile myxoedémateuse et

neuro-fibromateuse (« Congrès des.Aliénistes et Neurologistes de Bruxel-

les », t. II, p. 490). Cette suractivité fonctionnelle peut être considérée

comme un signe de vigueur physique ;

4° L'ichthyose reconnue dans les antécédents de R... serait-elle un

équivalent familial de la neuro-fibromatose généralisée ?

5° Le bon état de santé habituel du sujet qui a accompli le service in-

tégral d'un régiment de cavalerie de garnison-frontière et son équilibre

intellectuel constant permettent de porter, en l'espèce, un pronostic favo-

rable, tout au moins de supposer le maintien, pendant de longues années,

d'un état général satisfaisant. L'observation deR... constitue le second cas

de maladie de Recklinghausen observé par nous dans l'armée, et compa-

tibleavec le service militaire (1).

Il s'agit bien évidemment dans les deux cas de neuro-fibromatose, type

dermato-fibreux, et non de neuro-fibro-sarcomatose. (Voir clinique de

M. le Pr Raymond,in Revue internat, de méd. et de chir.,25 sept. 1903.)

*

.... z

La neuro-fibromatose généralisée n'appartient pas exclusivement à

l'homme ; en dépit de son excessive rareté, on la rencontre dans la série

animale, notamment chez le chien.

Chez les solipèdes, « on observe parfois une sorte de fibromatose géné-

ralisée avec localisations principales sur la face interne des membres pos-

térieurs, le dessous du ventre, de la poitrine et en avant de l'épaule ; ces

(t) Fernand Rudler, Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière, 1904, p. 203.

UN CAS DE NEURO-FIBROMATOSE GÉNÉRALISÉE 165

fibromes se rapprochent des fies et verrues et sont inoculables » (1). Ce

dernier caractère, s'il est confirmé, semble détruire toute analogie avec

les fibromes multiples de l'homme.

Les fibromes des ruminants ne se généralisent jamais (2).

Mais les fibromes multiples disséminés ne sont pas très rares chez les

chiens âgés. Ils se développent principalement sur les parties supérieures

du corps, la tête, le cou, le dos ou les parois costales (3). « Ils siègent sur

la peau, dans le tissu conjonctif sous-cutané ou sous-muqueux, dans les

organes glandulaires ; ils se montrent quelquefois en grand nombre » (4),

ainsi que le montre une observation de M. Cadiot : .

Observation résumée de neuro-fibromatose animale (communiquée par

M. le Pr CADIOT, de l'Ecole vétérinaire d'Alfort) (5).

Fibromes de la peau (chien). Chienne épagneule âgée de 7 ans, affectée

depuis plus de deux années de fibromes cutanés multiples disséminés.

Vers la fin de novembre 1889, cette chienne a été abandonnée à l'Ecole

d'Alfort en raison de la maladie incurable dont elle était frappée.

Au premier coup d'oeil l'attention est attirée par une tumeur de la face ex-

terne de l'oreille droite, de la largeur d'une pièce de cinq francs, aplatie, irré-

gulière, excoriée et saignante en son milieu. En examinant la bête de près, on

remarquait d'autres tumeurs plus petites sur l'oreille gauche, la face et les

membres ; on pouvait facilement en compter une centaine sur ces derniers. Il

n'en existait pas sur les différentes régions du tronc.

Excepté la tumeur ulcérée de l'oreille droite, toutes présentaient à peu de

chose près les mêmes caractères : rondes ou ovales, peu saillantes, aplaties,

indolentes, fermes et légèrement rénitentes, quelques-unes mobiles sous la

peau, la plupart développées dans l'épaisseur de celle-ci. Pour déterminer la

nature de ces productions, j'ai incisé plusieurs tumeurs des pattes et un frag-

ment de la tumeur de l'oreille. Toutes présentent la même structure : elles

opposent une grande résistance à l'instrument qui les incise ; les coupes pra-

tiquées dans leur épaisseur ont une coloration blanchâtre, on y distingue des

traînées fibreuses ; elles ne laissent écouler aucun suc, même en les compri-

mant. A l'examen miscroscopique, elles se montrent exclusivement constituées

par des faisceaux fibreux, serrés les uns contre les autres et disposés d'une

façon variable suivant les points : par places ils sont comme emboîtés les uns

dans les autres et forment des sortes de lobules plus ou moins volumineux;

ailleurs, ils affectent une disposition des plus irrégulières et qui échappe à

toute description. La trame des tumeurs développées dans la peau se continue

sans aucune démarcation nette avec la couche profonde du derme. Bien que

(1) Cadéac, Path, chirurgicale de la peau et des vaisseaux, p. 141.

(2) IGid., p. 249.

(3) Ibid., p. 281.

(4) Cadéac, Path. générale et Anatomie path., p. 413.

(5) Cadiot, Société centrale de méd. vét., 28 décembre 1889.

166 RUDLER

la maladie fût relativement ancienne, le sang n'avait subi aucune modification

notable ; la proportion des globules blancs et des hématies était 1/900. L'urine

avait une densité un peu plus élevée que la normale, et elle était légèrement

albumineuse.

Pendant les premiers temps du séjour de la malade à l'Ecole, son état géné-

ral fut excellent ; elle consommait toute sa ration et paraissait n'éprouver au-

cune souffrance, puis, du jour au lendemain, elle devint très triste, ne mangea

plus qu'une faible portion de la nourriture qu'on lui distribuait, fut prise de

vomissements et de diarrhée et s'affaiblit rapidement. Elle succomba au bout t

de quelques jours.

La mort a été provoquée par une altération grave des deux reins. Ceux-ci

sont partiellement détruits par des kystes ; le rein droit, déformé par trois

grosses tumeurs kystiques, était volumineux et pesait 350 grammes ; le rein

gauche ne présentait qu'un seul kyste et pesait 70 grammes.

(Les lésions rénales ne me paraissent avoir aucun rapport avec les nombreu-

ses tumeurs développées dans la peau.)

La littérature étrangère que M. le professeur Cadiot a bien voulu con-

sulter à notre intention n'apporte pas une contribution importante à la

question. Quelques auteurs allemands, Frôhner entre autres, dans sa

« Pathologie chirurgicale générale », signalent la fibromatose ou lui consa-

crent quelques lignes qui n'ajoutent rien à nos connaissances sur le

sujet.

G. Muller signale deux cas de « névrite interstitielle chronique » relatés

par Zietschmann, avec formation de fibro-neuromes,chez le boeuf (1).Les nerfs

atteints présentaient sur leur trajet, au milieu d'un tissu de soutien dense,

des tumeurs des dimensions d'une noisette à celle d'une petite pomme.

L'examen miscroscopique a montré : 1° un accroissement du tissu de soutien

(conjonctif péri-nerveux) des nerfs, formant des néo-productions fibreuses, ou

plutôt fibro-sarcomateuses, analogues à de faux névromes ; 2° des lésions dé-

génératives des faisceaux nerveux ; 3 une stase de la lymphe dans le conjonc-

tif périnerveux et les lymphatiques englobés.

M. Cadiot ajoute qu'aucun sympôme n'a été relevé pendant le cours de la

maladie chez les deux animaux.

Anatomiquement, ces lésions sont à rapprocher de celles observées par

MM. J. Brault et J. Tanton, d'Alger, dans un cas publié dans les « Archi-

ves générales de Médecine » (1905, t. Il, p. 2433).

(1) Zietschmann, Zwei Fâlle von Neuritis inte1'slitialis chronica, mit Fibroneurom-

bildung beim Rinde, Jachs. Bericht, 1901, p. 234.

UN CAS DE NEURO-FIBROMATOSE GÉNÉRALISÉE 167

Sans vouloir établir une comparaison qui serait prématurée entre la

maladie décrite chez l'homme par Recklinghausen et des cas plus ou moins

similaires observés chez l'animal, il semble intéressant, du moins,

de rapprocher l'observation de M. Cadiot et celles de Zietschmann de

plusieurs cas publiés en médecine humaine dans lesquels les tumeurs

cutanées coïncident avec des dégénerescences kystiques ou sarcoma-

teuses des glandes internes. Rappelons seulement le cas de M. A. Bre-

ton (2) dans lequel les capsules surrénales sont remplacées par deux

masses de tissu sarcomateux, et celui de M. L. Bérard, énorme kyste de

l'ovaire avec tumeurs cutanées et sous-cutanées multiples (3), plus curieux

encore par son allure clinique puisqu'à l'ovariotomie succéda la diminu-

tion ou la disparition des nodosités cutanées et des petites tumeurs des

membres; il ne reste en décembre 1905 (malade revue par M. Bérard)

que de rares et minuscules nodosités qui n'ont pas rétrocédé.

A défaut d'observation vétérinaire absolument concluante, le cas unique

de M. Bérard qui repérsente une véritable expérience de laboratoire et

les faits de neuro-fibromatose animale sur lesquels l'attention se trouve

ainsi attirée, sont capables d'éclairer la pathogénie de la maladie de Reck-

linghausen. -

Nous remercions nos amis, MM. Chomel, Drappier, Fauchon, Renou,

vétérinaires de l'armée, M. Moulé, le savant historien de la médecine

vétérinaire, de nous avoir mis en relation, de près ou de loin, avec MM.

les professeurs Cadiot et Petit, de l'Ecole vétérinaire d'Alfort, Cadéac, de

Lyon, Leclainche, de Toulouse. A l'avenir, les cas très rares de neuro-

fibromatose animale seront sans, doute observés et étudiés dans leurs rap-

ports avec la neuro-fibromatose généralisée de l'homme.

(1) Le cas de M. Cadiot est le seul publié en France, à notre connaissance.

2) Journal des praticiens, 10 janvier 1903, n° 2.

(3) Séance de la Société de Chirurgie de Lyon du 13 novembre 1902.

HOSPICE DE BICÊTRE

NOTE SUR QUELQUES CAS DE TRICHOTILLOMANIE

CHEZ DES ALIÉNÉS

PAR

CH. FÉRÉ,'

Médecin deBicêtre.

La trichotillomanie a été signalée par Hallopeau, il y a une quinzaine

d'années ; c'est un besoin irrésistible de s'arracher les poils, tantôt géné-

ralisé, tantôt partiel. C'est souvent une réaction à un prurit intense en

général sans lésion de la peau ou au moins sans lésion grossière ; cepen-

dant il n'existe en même temps aucun trouble intellectuel appréciable. Au

lieu de prurit on a signalé comme point de départ des sensations bizarres

de la peau, de douleur vague, d'énervement, une illusion de peau trop

courte, etc (1).En général les sujets atteints des trichotillomanie souffrent

plus ou moins de troubles de leur sensibilité, de'paresthésies, prurit ou

autres; l'impulsion est une réaction réflexe. Mais certains sujets atteints

de troubles mentaux paraissent agir sans excitation locale préalable ;

j'ai déja signalé un paralytique général qui s'épilait la région génitale

sans avouer aucune sensation (2). Cette absence de sensation subjective

locale est-elle un indice de sensibilité altérée plus grave chez les aliénés ?

Cette absence de sensation subjective peut-elle être une cause -de crainte

d'autres troubles mentaux dissimulés ?

J'ai observé, dans un court espace de temps trois malades, dans mon

service de Bicêtre, atteints de trichotillomanie, vivant dans des locaux dif-

férents sans communication. On ne peut pas soupçonner une contagion

mentale ou autre ; cependant, ce besoin s'est manifesté chez les trois sujets

dans le même mois, l'épilation s'est montrée dans la même région, et au-

cun n'a laissé soupçonner une sensation subjective préalable.

Nous allons nous contenter de donner un résumé succinct de ces trois

faits, dans l'ordre de date où ils se sont présentés.

(1) W. Dubreuilh et P. Magne, La trichotillomanie (Journ. de médecine de Bordeaux,

1905, p. 449).

(2) CH. FÉRÉ, Le prurit et la trichotillomanie chez les paralytiques généraux (Nouv.

Iconographie de la Salpêtrière, 1899, XII, p. 312).

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XIX Pl. XXVII

A

13

C

D

TRICHOTILLOMANIE CHEZ DES DÉGÉNÈRES

(C. Féré) .

NOTE SUR QUELQUES CAS DE TRICHOTILLOMANIE CHEZ DES ALIÉNÉS 169

OBs. Il Dégénérescence mentale, délire polyrnorphe.- Trichotillomanie.

J. P ? âgé de 25 ans, doreur sur bois, est entré à Bicêtre le 14 mars 1905

avec un certificat de M. Garnier ; « est atteint de dégénérescence mentale avec

excitation, désordre dans les idées et les actes, déclamations, idées de persécu-

tion, récriminations incohérentes contre la maîtresse, allures inquiétantes dans

ces derniers temps, excès alcooliques ( ? ), insomnie, père alcoolique » ; et avec

un autre certificat de M. Magnan : « Est atteint de dégénérescence mentale

avec hallucinations ; idées ambitieuses et de persécution, excitation ; loquacité,

propos incohérents ». Quelques jours après son entrée il a eu une attaque

épileptiforme, il a conservé son délire polymorphe, de l'excitation et des hallu-

cinations auditives. A la fin de juin il a eu sur les membres inférieurs une

éruption de furoncles. Mais sur toutes les autres parties du corps la peau était

intacte, ses cheveux et sa moustache étaient bien tenus. Il s'est fait cependant

volontairement les premiers jours de juillet plusieurs égratignures avec des

pierres sur les parties glabres, notamment sur les épaules, et aussi sur le cuir

chevelu. On n'a pas pu obtenir d'explications sur ces violences ; il ne signalait

aucune sensation pénible, ni démangeaisons. Le 4 juillet dans la matinée il

s'est enlevé entièrement la moustache ; l'arrachement a commencé à 9 h. 1/2

et était terminé à 10 h. 1/2. On n'a pu obtenir aucune explication ni le

jour, ni le lendemain. Le 7 juillet dans l'après-midi il s'est épilé les sourcils,

surtout complètement à droite (Pl. XXVII, fig. A). Il n'a pas entretenu cette

destruction ; depuis cette époque la moustache s'est en grande partie reproduite,

de même que les sourcils ; mais le grattage persiste dans les autres parties du

corps bien qu'il ne reste pas de traces de furoncles.

Cas. II.-Pamlysie générale.-Trichotillomanie.- E. G... âgé de 40 ans,

imprimeur, entré le 16 août 1905 à Bicètre ; il n'était entré que depuis 15 jours

à Ste-Anne ; mais il avait des troubles de la parole et de la mémoire depuis au

moins trois ans. Il avait raconté assez clairement ses antécédents syphilitiques,

alcooliques et de surmenage, la syphilis surtout, qu'il a prise à 18 ans. Mais en

quelques jours il fut atteint de troubles de la marche et il garda le lit. C'est

alors qu'il présenta une éruption d'acné qui s'étendait à la face, notamment au-

dessus de la commissure labiale gauche, dans la moustache. Le 27 août dans

l'après-midi il s'est épilé complètement la moustache en quelques minutes

(PI. XXVII, fig. B), il n'a donné aucune explication, ne s'est plaint d'aucune

sensation ni du côté sain, ni du côté de l'acné. Il ne s'est plus occupé de sa

moustache ; malgré la persistance de l'acné, elle a eu le temps de repousser

avant sa mort survenue le 10 octobre.

Ons. III. Paralysie générale. 7'richolillomanie. S. P... âgé de

41 ans, serrurier, est entré le 10 octobre 1903 avec deux certificats constatant

une dépression mélancolique avec embarras de la parole. Sa femme raconta que

depuis 9 mois il perdait la mémoire et devenait maladroit et depuis 7 mois il avait

dû cesser de travailler. Depuis son entrée ses troubles somatiques et psychi-

ques se sont aggravés lentement et il s'avance dans la démence. Le 20 août il

, avait été examiné privé de tout vêtement et on n'avait remarqué aucune lé-

170 ' FÉRÉ

sion cutanée. Le 2S il s'est épilé presque toute la barbe qu'il portait assez

courte d'ailleurs, il n'avait gardé qu'une mèche du côté droit de la ligne mé-

diane de la moustache (fig. C). On ne trouva rien sur la peau et on n'obtint

rien sur des sensations pénibles. Le lendemain, le reliquat de sa barbe avait

été enlevé (fig. D). On n'entendit rien de plus en fait d'explications ; mais

depuis il se gratte dans des régions multiples du corps exemptes de lésions et

il s'est labouré de plaies profondes.

Ces trois malades, avons-nous dit, n'ont eu aucune communication ;

le second était couché dans une salle où les autres ne pouvaient pas

entrer et les deux autres étaient dans deux bâtiments différents séparés par

des grilles et des cours. Il ne peut pas être question de suggestion ou d'i-

mitation.

II n'est pas douteux qu'il y a eu une épidémie d'anthracose qui a pu at-

teindre plus ou moins des sujets sur lesquels on n'a pas vu d'anthrax,

mais ce qui au moins est certain, c'est que les deux malades qui n'ont pas

eu d'anthrax ou de lésions de la peau ont eu un prurit quelconque puis-

qu'ils se labourent la peau en se grattant. Chez nos sujets la trichotilloma-

nie paraît être un phénomène rélléchi et non pas spontané.

J'ai relevé la possibilité d'un prurit sans lésions constatables chez le

paralytique général dont j'ai relaté l'accident autérieurement. Ce prurit

peut donner une explication de cette épilation. On peut invoquer aussi

les synalgésies où la sensation se localise au loin de l'irritation (1).

(1) Dl FRomENTEL, Les synalgésies et les hyperthésies, in-8", 1888 ; Cri. Féré, Note

sur des cas de synalgésie persistante (La Filandre médicale, 1895, ne 18).

SUR UN CAS DE « PARALYSIE DES BÉQUILLES »,

PAR

F. SOCA,

Professeur à la Faculté de Montevideo.

R... Rodriguez, soldat au 6e chasseurs, 30 ans ; antécédents sans intérêt en

l'espèce ; est entré à l'hôpital de la Charité, salle Argerut, le 18 juillet 1904.

Il avait été blessé, à la bataille deTupamboé, d'un coup de feu au tibia vers le

tiers inférieur ; à sa sortie, après guérison, du service de chirurgie, il se vit

pourtant obligé de se servir de béquilles, en raison de l'impuissance de sa

jambe' droite. S'en étant d'abord trouvé très bien, il n'en constata pas moins,

au bout de quelques jours, certains désordres subjectifs dans le bras droit, les-

quels, lors de son entrée dans notre service, dataient d'environ deux semaines.

Ces troubles constitués par des sensations de fourmillement et d'engourdis»

sement par tout le bras, mais sans douleurs d'aucune sorte, se compliquèrent

bientôt d'une diminution des forces qui fut s'accentuant progressivement jus-

qu'à aboutir à l'état dans lequel il fut admis chez nous.

Le malade se plaignait surtout du bras droit ; celui-ci présentait l'attitude

caractéristique de la paralysie saturnine : avant-bras fléchi sur le bras, légè-

ment en pronation ; main en flexion forcée, autrement dit, tombée sur l'avant-

bras ; bref l'aspect typique de la paralysie radiale.

L'analyse de la paralysie du bras montre qu'elle frappe tous les muscles éner-

vés par le radial, y compris le triceps et les long et court supinateurs. Mais,

en réalité, cette paralysie ne se cantonne pas dans le seul territoire du radial ;

elle y prédomine, c'est vrai, mais elle s'étend 'incontestablement jusque dans

l'aire de distribution de toutes les branches du plexus brachial. C'est ainsi que

les muscles de la région antérieure des bras (sphères du médian et du cubital),

les éminences thénar et hypothénar, les interosseux et lombricaux (médian et

cubital) sont manifestement atteints de parésie, fait aisément mis en évidence

par la comparaison des mouvements du côté droit avec ceux du côté gauche. La

paralysie atteignait également les muscles biceps, brachial antérieur et coraco-

brachial, de même que le deltoïde, le sous-scapulaire, les grand et petit ronds,

sus-épineux et sous-épineux, et aussi les rhomboïde, angulaire de l'omoplate, et

grand dentelé, innervés, ces derniers, par les branches collatérales du plexus

brachial. La paralysie de ces muscles a été dûment établie non seulement par

le fait de leur impuissance ou amoindrissement fonctionnel, mais encore par

l'exploration électrique. Cette paralysie a été poursuivie de muscle en muscle,

172 socA

l'excitateur électrique à la main, soit directement, soit comparant le côté droit

avec le gauche ou avec des individus parfaitement sains.

La recherche des réactions électriques était confiée au Dr de Léon, électro-

thérapeute des plus distingués et des plus compétents, qui a pu constater la

réaction de dégénérescence partielle dans tout le territoire du radial et du mé-

dian, et, à un degré moindre, dans les autres nerfs et muscles. 11 existait aussi

quelque anesthésie électrique. La sensibilité avait accusé des désordres très

graves le premier jour que fut examiné le malade ; il y avait de l'anesthésie

douloureuse et thermique dans tout le bras et l'avant-bras, avec conservation

de la sensibilité tactile. Donc, dissociation syringomyélique. Le sens stéréo-

gnostique bien ; le sens musculaire, de même.

Tous ces phénomènes sensitifs, si remarquables, disparurent néanmoins très

rapidement, ne laissant derrière eux qu'une légère hypoesthésie paraissant

plus marquée à la face interne de l'avant-bras et partie du bras. Le bras gau-

che n'était d'ailleurs pas tout à fait indemne lui-même ; le malade y avait res-

senti des fourmillements et engourdissements ; en outre, il ne pouvait faire

doute que les muscles innervés par le plexus brachial, voire ceux innervés

par les branches collatérales étaient, pour le plupart, le siège au moins d'une

légère parésie.

Point de troubles oculo-pupillaires.

A part ceci, tout l'ensemble des autres nerfs, muscles et organes de l'éco-

nomie est parfaitement normal.

Au bout de huit jours, c'est à peine si on notait une modification insigni-

fiante, dans l'état du malade. Seul le deltoïde avait recouvré quelque force. Mais

à partir de ce jour, l'amélioration se déclara franchement ; tous les muscles

du bras et de l'avant-bras récupérèrent lentement et progressivement le mou-

vement, mais avec un retard marqué dans le radial. A la sortie du malade,

26 août 1904, le mouvement n'était pas intégralement rétabli dans les muscles

atteints, si bien que notre homme ne pouvait encore s'employer qu'à des beso-

gnes n'exigeant pas grand effort.

Tel est le cas. Le diagnostic n'est pas douteux. Le malade n'avait

rien, et, après peu de jours de marche avec des béquilles, surviennent les

phénomènes paresthésiques suivis de paralysietrès marquée. Les béquilles

étaient de construction rudimentaire, grossières, un peu trop hautes ; la

première idée donc qui vient à l'esprit est celle de la Paralysie des béquil-

les, qui fut étudiée il y a quelques années par Hérard et Capuron et ad-

mise, à leur suite, par tous les auteurs, comme constituant un des plus

typiques exemples des paralysies du radial par compression, ou, tout au

moins de paralysie- prédominant dans le radial, et s'étendant souvent,

quoique inégalement d'habitude, aux deux côtés, comme c'est le cas dans

notre observation. Au surplus, la très étroite relation de succession entre

l'usage des béquilles et le début de la paralysie du bras, et le fait si sub-

SUR UN CAS DE PARALYSIE DES BÉQUILLES 173

jectif que la paralysie brachiale fut beaucoup plus marquée' du côté de

la jambe malade, voilà de quoi convaincre, même l'esprit le plus prévenu,

de la rigoureuse exactitude du diagnostic «paralysie des béquilles ». Vrai-

ment, le diagnostic est si peu douteux qu'à ce point de vue, notre obser-

vation serait dépourvue de tout intérêt ; ça ne ferait qu'un cas de plus,

ajouté à tous ceux dont la science abonde, et qui ne mériterait, en au-

cune façon, l'honneur de la publication. Mais il y a que je crois devoir,

à ce sujet, présenter une pathogénie absolument nouvelle, tout autre que

celle proposée par Hérard et Capuron et unanimement acceptée. Pour

Hérard et Capuron, forts de nombreuses expériences sur le cadavre, la

paralysie des béquilles était une paralysie par compression s'exerçant sur

toutes les branches du plexus brachial et, plus spécialement, sur le radial,

lequel se laisserait plus facilement comprimer sur l'os. J'ai répété sur le

cadavre nombre des expériences de Hérard et Capuron et je me suis con-

vaincu qu'effectivement c'est le radial qui se laisse le plus facilement et

vigoureusement comprimer sur l'os. Cependant, de par l'étude approfon-

die de mon sujet' et de nouvelles recherches sur le cadavre, j'ai acquis la

conviction que, si la théorie de Hérard et Capuron est en' partie -vraie,

elle n'est pourtant que très peu en mesure d'expliquer l'ensemble des

observations. C'est que, comme le démontre l'analyse de mon observation,

la paralysie des béquilles n'est pas une paralysie terminale, ou une para-

lysie du plexus : c'est une paralysie radiculaire.

En effet, par paralysie radiculaire, il faut entendre celle qui a pour

siège les racines qui vont former le plexus avant qu'elles se joignent pour

le former. Par conséquent, la région radiculaire, si on peut la dénommer

ainsi, s'étend de la sortie des racines à la moelle jusqu'à un peu en dehors

des apophyses transverses, comprenant, par conséquent, une portion intra

et une extra-rachidienne.

Comment reconnaîtra-t-on qu'une paralysie porte sur les racines, sur le

plexus ou sur les branches terminales ?

Si une seule ou deux racines sont lésées, on le reconnaîtra à la distri-

bution spéciale dans les muscles et la peau, distribution qui ne répond

pas à celle du plexus ou du nerf terminal. Ainsi, si la 5e et la 6e racines

cervicales sont atteintes, on aura la paralysie Erb-Duchenne qui ne cor-

respond au territoire d'aucun nerf terminal, et, théoriquement, il y aurait

une bandelette d'anesthésie à la face interne de l'avant-bras et partie du

bras, distribution qui n'est pas davantage celle d'aucun nerf terminal.

Mais si toutes les racines étaient frappées ? En ce cas, il y aurait paralysie

de tout le territoire du plexus brachial, tout comme si c'était le plexus

lui-même qui fût malade. Et même alors, il serait possible de savoir si la

paralysie affecte les racines ou bien le plexus. De quelle manière ? par la

174 SOCA

raison que, en cas de paralysie radiculaire, se trouveront compromises

les fonctions'd'organes qui reçoivent leur innervation directement des

racines.

Par exemple, pour la première paire dorsale et la dernière cervicale, la

pupille et l'oeil, on observera phénomènes oculo-pupillaires et faciaux, à

savoir : étroitesse de la pupille, rétraction du globe oculaire, diminution

de la fente palpébrale, et affaissement de la face du côté malade ; pour

les 5e et 6° cervicales, les muscles grand dentelé, rhomboïde, angulaire de

l'omoplate et encore les sus ou sous-épineux, tous muscles qui reçoivent

leurs nerfs directement des 5e et 6" racines cervicales avant qu'elles se

jettent dans le plexus, avant même qu'elles se soient fusionnées en une

racine unique qui ira former le plexus.

Et maintenant, de quelle forme est la paralysie de notre malade ? Est-ce

une paralysie radiculaire ? une paralysie du plexus ? une paralysie termi-

nale ou simple ? Une paralysie radiculaire évidemment puisque, comme

nous l'avons vu par l'histoire du cas, il existait chez notre malade une

paralysie du grand dentelé, du rhomboïde, de l'angulaire de l'omoplate,

des sus et sous-épineux, muscles, qui reçoivent leurs innervation directe-

ment des 5° et 6e racines cervicales. Les phénomènes oculo-pupillaires,

il est vrai, font défaut, mais ceci, comme nous allons le voir, est question

de localisation de la lésion dans la racine. Pour qu'il y ait phénomènes

oculo-pupillaires, il est nécessaire que la racine soit malade précisément

à l'entrée du trou de conjugaison ou avant, tout le reste de la racine, sa

partie inter-transverse et la partie extra-rachidienne de la 8e paire cervi-

cale et de la tre dorsale peuvent être malades sans donner lieu à phéno-

mènes oculo-pupillaires.

11 n'est donc nullement douteux que nous ayons affaire ici à une para-

lysie radiculaire.

Nous sommes par cela seul fondés à affirmer péremptoirement que la

paralysie des béquilles n'est pas une'paralysie par compression. En effet,

si c'était une paralysie par compression, comment pourrait-il se faire que

les racines fussent intéressées, puisque la béquille n'est en contact qu'avec

les nerfs terminaux, les nerfs qui émanent du plexus brachial, et ne peut

comprimer que ces nerfs seuls, pour la bonne raison qu'il ne s'en trouve

pas d'autres dans l'aisselle qui est le point où s'exerce l'action de la bé-

quille.

Le modus agendi de cette paralysie doit donc être tout autre et absolu-

ment distinct. Pour le faire comprendre, il nous suffira d'étudier briève-

ment le mécanisme de quelques paralysies radiculaires mécaniques. Tous

les auteurs qui se sont occupés de cette question admettent aujourd'hui

que le mécanisme des paralysies radiculaires par traumatismes portant

SUR UN CAS DE PARALYSIE DES BÉQUILLES 175

sur l'épaule, est celui de la traction. Les racines violemment tendues se

rompent dans leur trajet intra-rachidien, inter-transverse ou extra-rachi-

dien, ou, si elles résistent à la rupture et à l'arrachement, toujours est-il

qu'elles subissent une élongation plus ou moins forte d'où résultent des

lésions plus ou moins profondes mais suffisantes pour compromettre la

conductibilité du nerf. La chose a été vérifiée et par l'observation et par

l'expérimentation. -

Les paralysies produites par les coups sur l'épaule déterminant l'abais-

sement de la tête humérale et sa projection en avant les paralysies oc-

casionnées par les mouvements d'abduction forcée en hyperextension

projetant de même la tête de l'humérus en bas et en avant les paralysies,

suite de tractions exagérées sur le bras comme il arrive dans les tentatives

de réduction de certaines luxations ou dans certaines manoeuvres obsté-

tricales les paralysies qui accompagnent les diverses luxations de l'é-

paule toutes ces paralysies (la preuve irréfutable en a été donnée) sont,

dans l'immense majorité des cas, radiculaires, et même, dans la plupart

des observations limitées au groupe Duchenne-Erb, c'est-à-dire au terri-

toire des 5' et 6* cervicales. Et dès qu'il en est ainsi, si ces paralysies sont

des paralysies radiculaires, il est évident qu'on ne saurait invoquer le mé-

canisme de la compression, ainsi que l'ont .fait en d'autres temps de dis-

tingués observateurs, vu que la compression sur l'épaule ne peut, en au-

cune façon, atteindre les racines et que celles-ci ne peuvent souffrir de

lésions dans l'espèce que par l'effet de la traction. Ajoutons que ce méca-

nisme a été vérifié, en de nombreuses expérimentations, par divers ob-

servateurs.

Fieux (Archives de Gynécologie), a montré que la traction sur le bras

distend toutes les racines rachidiennes correspondantes, et, si la force

exercée est suffisante, elle parvient à les rompre. Ceci est surtout vrai

pour les 5' et 6' cervicales qui, en raison de dispositions anatomiques,

sont, de toutes, les plus exposées, et ainsi, s'explique aussi la fréquence

prédominante des paralysies radiculaires limitées au groupe Duchenne-

Erb.

Duval et Guillain (Archives générales de médecine, 1898) ont répété

ces expériences et en ont institué d'autres plus intéressantes encore et

variées. Ils ont mis à découvert, en avant, toutes les racines du plexus bra-

chial dans leur trajet intra-rachidien, et ont vu que, à chaque traction sur

le bras, se produisait la distension des 5* et 6" racines et même de la 7°

cervicale, et de la 4e dorsale que la mise en oeuvre d'une force plus

grande pouvait provoquer leur rupture que, avec un effort encore plus

grand, elles s'aplatissaient sur la pointe des apophyses transverses fonc-

tionnant comme poulie de réflexion, ou, sur le col de la première côte,

176 socA

pour la 1 re dorsale. Par des mouvements d'abduction et d'extension for-

cées, ils ont vu le plexus brachial s'appliquer aussi sur la tête de l'hu-

mérus, comme sur une poulie de réflexion, tandis que les racines s'allon-

geaient jusqu'à se rompre si la traction était portée trop loin. Il est donc

hors de doute que les paralysies radiculaires consécutives aux traumatis-

mes de l'épaule se produisent en général par le mécanisme de la traction.

En- tel état de cause, pourquoi, dans les paralysies des béquilles, le

mécanisme serait-il autre, quand les béquilles constituent une si merveil-

leuse poulie de réflexion sur laquelle doit venir s'appliquer le plexus

brachial tirant vigoureusement à soi les racines rachidiennes ? Si l'on a

pu croire jusqu'à présent qu'il s'agissait de paralysies par compression

comme, à la suite d'Hérard et Capuron, l'admettaient tous les auteurs,

c'est que l'on ignorait avoir affaire à des paralysies radiculaires, et de

ceci, la démonstration est victorieusement faite par le cas présent, le pre-

mier, si je ne m'abuse, en la science, où a été établie, de mode irréfuta-

ble, la nature radiculaire de la Paralysie des béquilles.

J'ajoute que cette théorie de la traction que j'oppose à la théorie de

la compression de Hérard et Capuron a été soumise par moi au contrôle

de l'expérimentation sur le cadavre.

- J'ai fait découvrir en arrière toutes les racines du plexus brachial de

manière à pouvoir observer tout ce qui s'y passerait, après avoir colloqué

une béquille dans l'aisselle et fait exercer sur le bras des tractions figu-

rant dans la mesure du possible, les mouvements naturels du bras chargé

de soutenir le corps sur la béquille. Et bien ! j'ai invariablement vu que,

à chaque mouvement du bras sur la béquille répondait une distension

manifeste de toutes les racines du plexus brachial, distension exactement

proportionnée à l'effort pratiqué, sans avoir noté quelque différence que

ce soit dans la distension des différentes racines, contrairement à ce qu'ont

observé, en des conditions expérimentales, il est vrai, différentes, Fieux,

et Duval et Guillain.

Mais une objection s'impose. A quoi cette prédominance de la paralysie

dans l'aire de la distribution du radial dans le cas qui m'est personnel

comme dans tous les autres publiés jusqu'à ce jour, si bien que tous les

auteurs décrivent la Paralysie des béquilles au chapitre de la Paralysie

radiale ? Mais cette prédominance n'est peut-être pas si absolue qu'on

pense, et il se peut fort bien que, dans beaucoup de cas, il y ail eu insuf-

fisance d'examen, ou encore que les symptômes radiaux aient accaparé

l'attention au détriment de ceux des autres nerfs du plexus brachial. Ainsi,

dans notre cas, il est certain que les lésions étaient très généralisées,

quoique prédominantes dans le territoire du radial.

Il est possible que cette prédominance dans le radial soi la résultante des

SUR UN CAS DE PARALYSIE DES BÉQUILLES 177

conditions de la traction, un peu spéciales dans ce cas-ci ; nonobstant, je

ne ferais aucune difficulté à admettre que ce soit là la part de la compres-

sion ; que, le nerf radial se laissant comprimer dans le creux de l'aisselle

plus facilement que les autres, à la distension et à la traction se surajoute,

en ce qui le concerne, l'effet de la compression directe ; ce serait là une ex-

plication adéquate à J'aspect singulier de ce type de paralysie radiculaire.

CONCLUSIONS

I. La paralysie des béquilles n'est pas une paralysie de plexus, ou

funiculaire, ni terminale, comme on l'a cru jusqu'à ce jour.

II. La paralysie des béquilles est une paralysie radiculaire totale.

III. La compression est absolument insuffisante pour expliquer la

paralysie des béquilles, encore qu'elle puisse revendiquer quelque action

en ce qui est des paralysies du radial.

IV. - Le véritable mécanisme de la paralysie des béquilles est celui de

la traction sur les racines du plexus brachial, la béquille faisant fonction

de poulie de réflexion.

HOSPICE DE B1CÉTRE

TRAVAIL DU LABORATOIRE DE M. PIERRE MARIE.

~ LE FAISCEAU LONGITUDINAL INFÉRIEUR

ET

LE FAISCEAU OPTIQUE CENTRAL.

QUELQUES CONSIDÉRATIONS SUR LES FIBRES D'ASSOCIATON

DU CERVEAU.

(suite et fin)

PAR

LASALLE-ARCHAMBAULT

(Albany, New-York).

Avant d'exposer nos propres idées sur un sujet aussi controversé que celui

dont nous nous entretenons, il est indispensable de nous entendre sur la signi-

fication de certains termes actuellement en usage ; pour nous le mot « faisceau »

ne doit s'appliquer qu'à un ensemble de fibres, se poursuivant sur une lon-

gueur appréciable et occupant un territoire assez nettement déterminé (exception

faite de quelques fibres aberrantes),comme par exemple, le faiseau pyramidal.

Le mot faisceau n'est pas l'équivalent du terme « couche de fibres » ; or depuis

de nombreuses années on a appliqué indifféremment à la couche de fibres la

plus externe du lobe temporo-occipital l'une et l'autre de ces dénominations :

faisceau longitudinal inférieur, couche sagittale externe.

Dans le lobe occipital la distinction entre ces termes n'a guère d'impor-

tance, mais il en est tout autrement dans le lobe temporal, surtout au niveau

de sa partie moyenne où l'on aborde le segment rétro-lenticulaire de la capsule

interne. A cet endroit en effet, la couche sagittale externe contient des fibres

de projection et corticipètes et corticifuges, elle contient en outre un certain

nombre de fibres d'association, elle ne représente nullement la couche sagit-

tale externe du lobe occipital. Plus loin encore, à un niveau antérieur au corps

genouillé externe, la couche sagittale externe contient des fibres de la commis-

sure antérieure et se confond en dehors avec les fibres les plus internes du

faisceau uncinatus. ,

Il ressort nettement de toutes ces considérations que la couche sagittale ex-

terne varie continuellement dans sa constitution d'un niveau à l'autre et que,

prise dans son ensemble, elle ne correspond aucunement à la description clas-

sique du faisceau longitudinal inférieur.

LE FAISCEAU LONGITUDINAL INFÉRIEUR ET LE FAISCEAU OPTIQUE CENTRAL 179

Le but que nous avons en vue est de démontrer : que, la couche sagittale

externe du lobe occipital, le faisceau longitudinal inférieur tel qu'il existe dans

ce lobe, ne contient que des fibres de projection ; il représente pour nous la

Fra. 1. Coupe frontale normale de la partie antérieure du lobe occipital.

Fs : faisceau du cuneus de Sachs.

Foc : faisceau optique central.

Fv : faisceau de Vialet.

Fic. 2. - Coupe verticale au niveau du carrefour ventriculaire.

Cg : cingulum.

Foc : faisceau optique central.

180 LASALLE-ARCHAMBAULT

couronne rayonnante corticipète du lobe occipital, il provient du corps genouillé

externe et se termine dans les deux lèvres de la scissure calcarine. Nous lui

proposons le nom de faisceau optique central afin d'éviter tout malentendu.

Nous allons il l'aide de planches photographiques exposer quelques considé-

rations nouvelles sur l'origine, la terminaison et la nature de la couche sagit-

tale externe du lobe uccipital.

En faisant la description de ces planches nous nous servirons des termes

actuellement en usage... cela étant indispensable à l'exposition simple et com-

préhensible de notre sujet ; mais nous indiquerons, chemin faisant, la disposi-

tion qu'affecte le « faisceau optique central » par rapport à la couche sagittale

externe prise dans son ensemble, à travers toute l'étendue du lobe temporo-

occipital.

1er Cas : Lamb... Hémiplégie gauche. Ramollissement étendu de l'hémis-

phère droit (Pl. XXXII. 43,14,45,16. Schéma n° I) qui détruit la substance cor-

ticale et sous-corticale des deuxième et troisième circonvolutions occipitales, la

partie postéro-inférieure de la circonvolution pariétale supérieure, la totalité

du pli courbe, la partie postéro-inférieure du gyrus supramarginalis et les

deux tiers postérieurs de la première circonvolution temporale ; à ce niveau la

lésion respecte la corticalité mais atteint la substance profonde des deux tiers

antérieurs des deuxième et troisième circonvolutions temporales et le troi-

sième segment du noyau lenticulaire, puis se cantonne à l'insula de Reil sur

Fio. 3. - Coupe frontale au niveau du corps genouillé externe.

FA : faisceau arqué de Burdach.

Foc : faisceau optique central,

Cg (pointillé) : cingulum inférieur de Beevor.

LE FAISCEAU LONGITUDINAL INFÉRIEUR ET LE FAISCEAU OPTIQUE CENTRAL 181

une courte étendue. De nouveau une poussée destructive se déclare, un prolon-

gement remonte le long de la paroi du corps du ventricule latéral et en décolle

a parti e inférieure des circonvolutions frontale et pariétale ascendantes, un

autre envahit le pôle temporal qu'il sépare presque totalement du lobe pariéto-

frontal. Plus en avant la lésion diminue rapidement de volume et se cantonne

à la partie postérieure de la troisième circonvolution frontale.

La coupe la plus antérieure (Planche XXXII, 16) intéresse la première circon-

volution limbique, la première circonvolution frontale, les circonvolutions

frontale et pariétale ascendantes, l'insula de Reil, les trois circonvolutions

temporales, la circonvolution fusiforme et la circonvolution du crochet. Il existe

un degré considérable de dilatation ventriculaire. La lésion détruit la totalité

de l'insula et de la première temporale, envoie un prolongement qui sépare la

circonvolution pariétale ascendante de la paroi ventriculaire. Il existe en outre

des foyers de la frontale ascendante, des deuxième et troisième circonvolutions

temporales. La commissure antérieure grandement dégénérée se dessine net-

tement au niveau du noyau lenticulaire. La partie antérieure du lobe temporal

n'est reliée au lobe pariétal que par la première et quelques fibres du pédoncule

inféro-interne de Meynert.

La prochaine coupe (Planche XXXII, 1S) sectionne les circonvolutions : pre-

Schéma n° I. - Cas Lamb...

Fiv. 4. Ramollissement du pôle occipital. Coupe frontale.

C : scissure calcarine.

Foc : faisceau optique central.

182 LASALLU-ARCT1A111BAULT

mière limbique, première frontale, frontale et pariétale ascendantes, les trois

circonvolutions temporales, le lobule fusiforme et la circonvolution de l'hippo-

campe. Dilatation ventriculaire énorme. Le ramollissement atteint une partie de

la frontale ascendante, la totalité de la pariétale ascendante, de l'insula et la

première circonvolution temporale. La capsule externe et la plus grande partie

du noyau lenticulaire ont disparu. La couche optique est énormément aplatie

et atrophiée et la capsule interne complètement dégénérée. Le corps de Luys et

la bandelette optique ressortent avec une netteté remarquable. Au dehors de

la bandelette optique et longeant la partie supérieure de la paroi ventriculaire

on reconnaît un faisceau qui se continue à l'angle inféro-externe du ventricule

avec la couche sagittale externe. A ce faisceau on a donné le nom de fais-

ceau temporo-thalamique d'Arnold ; il représenterait le contingent de radia-

tions thalamiques provenant de la partie antérieure du lobe temporal et

serait accompagné de fibres que le faisceau de Türclt envoie à la couche opti-

que. Or, ce faisceau est en grande partie respecté sur cette coupe, malgré les

lésions étendues de la partie antérieure du lobe temporal (PI. XXXII, 16).

Nous croyons qu'il appartient à la couronne rayonnante corticipète et qu'il

fait partie du faisceau optique central que nous décrirons plus loin. A côté de

cela on remarque une petite zone arrondie, grandement dégénérée, située entre

la bandelette optique et le faisceau normal ; cette zone est peu considérable et

représente à notre avis la « totalité des fibres corticifuges destinées à la couche

optique » et faisant partie du faisceau temporo-thalamique d'Arnold. En dehors

de la bandelette et du faisceau normal, on voit un bon nombre de fibres dégé-

nérées et disposées de façon à former un arc qui semble relier les deux fais-

ceaux qu'il recouvre. Ces fibres dégénérées appartiennent au faisceau de

Türck et passent dans le pied du pédoncule cérébral. Le faisceau normal ne

se continue pas directement avec la couche sagittale externe (segment inférieur);

en effet ses fibres sont sectionnées directement par la lésion au niveau de la

partie moyenne de la paroi ventriculaire (sphénoïdale) externe, mais sur les

coupes antérieures le ramollissement respecte les couches sagittales profondes,

et alors on constate leur ininterruption.

Au sur et à mesure que l'on considère les régions postérieures, de multiples

prolongements s'étendent jusqu'à l'épendyme et enfin, au niveau du carrefour

ventriculaire et immédiatement en arrière du bourrelet du corps calleux il

n'existe plus de couches sagittales le long de la paroi ventriculaire externe

(Planche XXXII, 14). Sur cette coupe qui intéresse l'isthme de la première cir-

convolution limbique, le lobule paracentral, la circonvolution pariétale supé-

rieure,le pli courbe, les deuxième et troisième circonvolutions temporales, les

lobules fusiforme et lingual, on voit que la lésion atteint l'épendyme presque

partout et qu'il ne reste de la face externe de l'hémisphère qu'une simple coque,

méconnaissable au superlatif. Il n'existe pas de lésion du lobule fusiforme à ce

niveau et la décoloration des circonvolutions inférieures résulte de la dégénéres-

cence des fibres qui s'y rendent ou qui ne font qu'occuper leur profondeur. On

remarque au-dessous de la paroi ventriculaire inférieure un liseré blanchâtre

qui se détache nettement du tissu environnant. C'est le faisceau optique cen-

NOUVELLE ICOOGRAPII1E DE LA SALPÊTRIÈRE

1' XIX Yl. X\\'ÎI1

Rth Sye

1

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3

LE FAISCEAU LONGITUDINAL INFÉRIEUR ET LE FAISCEAU OPTIQUE CENTRAL

(Lasalle- A rclJtl11/ lia IIlt)

S;e. Couche sagittale externe. - Rtb. Radiations thalamiques nettement dégénérées.

Cff l. Corps genollillé externe avec lésion de son angle supéro-emerne.

. `r ? ao., 1 ? A ?

LE FAISCEAU LONGITUDINAL INFÉRIEUR ET LE FAISCEAU OPTIQUE CENTRAL 183

tral dont les fibres sont totalement dégénérées à cet endroit. Il se continue en

dedans avec une couche de fibres saines occupant le lobule lingual et qui

représente le contingent non lésé du faisceau optique. Le forceps major du

corps* calleux est dégénéré de façon diffuse et, grâce à cette dégénérescence, on

voit distinctement un petit fascicule sain provenir de l'isthme de la première

circonvolution limbique et se porter en haut et en dehors vers le lobule para-

central et la circonvolution pariétale supérieure. Ces fibres appartiennent au

cingulum horizontal de Beevor.

La dernière coupe (Planche XXXII, 13), prise au niveau de la pointe delà

corne occipitale, est privée elle aussi de couches sagittales. Le ramollissement

atteint les deuxième et troisième circonvolutions occipitales, mais ne s'étend

pas jusqu'à l'épendyme bien qu'il semble en être ainsi; la décoloration est en

grande partie l'effet de la dégénérescence. On voit s'engager dans la profondeur

du cuneus et du lobule lingual deux bandes extrêmement blanches et régu-

lièrement 'conformées ; elles représentent les fibres dégénérées du faisceau

optique central qui se rendent à la scissure calcarine et en plus les fibres d'as-

sociation provenant de la face externe et destinées aux circonvolutions de la

face interne du lobe occipital.

2° Cas : Ro... Hémiplégie gauche, hémianopsie à gauche, réflexe plantaire

en flexion des deux côtés, paralysie du moteur oculaire externe gauche. 1

Ramollissement des première et deuxième circonvolutions occipitales, de la

partie inférieure du pli courbe, des 3/4 postérieurs de la première circonvolu-

tion temporale, du 1/3 postérieur de la deuxième circonvolution temporale, du

bord inférieur du gyrus supramarginalis, du lobule fusiforme (lésion corticale

de sa partie occipitale) et de la partie postérieure de la circonvolution pariétale

supérieure. En outre, il existe une lacune du pulvinar avec infiltration de la

partie supérieure du corps genouillé externe, mais ce noyau est très peu touché.

D'autres foyers siègent au niveau du corps du noyau caudé et du pied de la

couronne rayonnante et de la partie supérieure du noyau lenticulaire. Toutes

ces lésions occupent l'hémisphère droit (Schéma n° II, Planche XXVIII, 1,2,3).

Dans l'hémisphère gauche il existe un foyer profond du niveau du pli courbe :

Nous commencerons par décrire les coupes postérieures.

La coupe occipitale (Planche XXVIII, 1) intéresse le cunéus, le précunéus,

le lobule paracentral, la circonvolution pariétale supérieure, le pli courbe, la

Schéma n* II. - Cas Ro...

184 LASALLE-ARCHAMBAULT

partie postérieure des deuxième et troisième circonvolutions temporales, les

lobules fusiforme et lingual.

Le ramollissement détruit la partie inférieure du pli courbe et la deuxième

temporale ; le lobule fusiforme contient de petites lésions corticales et sous-

corticales. Le faisceau optique central (couche sagittale externe de cette région)

est en grande partie normal, excepté au niveau du pli courbe où il est directe-

ment touché par la lésion ; il est aussi dégénéré le long de la paroi ventricu-

laire interne. On voit une ligne blanchâtre au niveau de l'ergot de Morand, en-

tre le stràtum calcarinum et le forceps du corps calleux. Cette traînée dégéné-

rée résulte d'une lésion restreinte du cuneus, située un peu en avant de la

région que représente cette coupe, et comprend des fibres du faisceau optique

central, des radiations thalamiques et des fibres d'association.

La couche sagittale interne est partout grandement dégénérée, le tapetum

surtout, le long de la paroi ventriculaire inférieure et supéro-externe. En de-

hors de la couche sagittale externe on constate une décoloration considérable ;

elle ne dépend pas de lésions sur place, mais du foyer profond au niveau du

pli courbe et des lésions corticales du lobule fusiforme. Cette dégénérescence de

la substance profonde porte sur les faisceaux de Sachs, de Vialet et de Wernicke

(pâleur de la pariétale supérieure et de la partie adjacente du pli courbe, de la

partie inférieure du lobule lingual).

Plus en avant (Planche XXVIII, 2) au niveau du carrefour ventriculaire, la

lésion de la face externe est plus considérable et atteint la partie inférieure du

gyrus supramarginalis, la totalité de la première temporale et la majeure partie

de la deuxième temporale. Les autres circonvolutions : première et deuxième

limbiques, lobules paracentral et fusiforme, les circonvolutions pariétale ascen-

dante et troisième temporale sont indemnes. Le foyer s'étend jusqu'à l'épen-

dyme et sectionne les couches sagittales profondes. Le faisceau optique central

est anormal le long de la paroi ventriculaire supérieure ; il est dégénéré sur une

courte étendue au-dessous de la lésion. Cela tient à ce que ces fibres sont lésées

directement à un niveau antérieur à celui-ci. Les radiations thalamiques sont

grandement dégénérées ; le tapetum aussi, mais à un degré beaucoup moindre.

Comme avant on constate une extrême pâleur surtout des circonvolutions de

la face externe de l'hémisphère ; cette décoloration tient à la dégénérescence

des fibres du faisceau perpendiculaire de Wernicke. Ce faisceau contient des

fibres allant dans les deux sens et il a été directement sectionné par la lésion

sur place.

La coupe la plus antérieure (Planche XXXI1,3) intéresse la première circon-

volution limbique, les circonvolutions frontale et pariétale ascendantes, les trois

circonvolutions temporales, le lobule fusiforme et la circonvolution de l'hippo-

campe. Nous abordons la région du segment rétrolenticulaire de la capsule in-

terne, de la partie postérieure de la couche optique. Une lacune considérable du

pulvinar a donné lieu à une infiltration du voisinage immédiat et l'on voit très

nettement sur cette coupe que le bord supérieur du corps genouillé externe est

atteint ; c'est à ce niveau que siège le maximum de la lésion de ce noyau.

Bien que très limité, ce foyer a entraîné une dégénérescence diffuse, mais

LE FAISCEAU LONGITUDINAL INFÉRIEUR ET LE FAISCEAU OPTIQUE CENTRAL 185

appréciable de la partie inférieure de la couche sagittale externe de lobe tem-

poral. Malheureusement, à des niveaux postérieurs, cette dégénérescence se

confond avec celle qui dépend des lésions occipitales. Dans un autre de nos

cas (cas Giro..., planche XXXII ; 1) il existe également une petite lésion de la

couche optique avec participation de la partie attenante du corps genouillé

et là aussi on constate une dégénérescence diffuse de la partie supérieure de la

couche sagittale externe. Dans nos autres cas, alors que le ramollissement

atteint à peu près les mêmes circonvolutions que dans ce cas Ro..., et que le

pulvinar et le corps genouillé sont intacts, il n'existe aucune dégénéres-

cence dans le territoire qu'occupe le faisceau optique central au niveau de la

partie moyenne du lobe temporal. Sur la coupe que nous décrivons, on voit

en dehors du corps genouillé une dégénérescence considérable du segment sous-

lenticulaire et de la partie inférieure du segment rétro-lenticulaire de la capsule

interne. Cette grosse dégénérescence est d'ordre bien compliqué. En premier

lieu, elle renferme les fibres provenant de la partie supérieure lésée du corps

genouillé, ces fibres se sont portées en avant, se sont coudées, puis se sont

mêlées aux autres fibres du segment rétro-lenticulaire de la capsule interne

(en effet, entre le corps genouillé et la strie dégénérée, on voit un champ quel-

que peu décoloré, mais en grande partie respecté). En second lieu, cette zone

dégénérée contient un bon nombre de radiations thalamiques provenant des

régions occipitale et pariéto-lemporale postérieure, enfin elle comprend les

fibres de la première circonvolution temporale destinées au corps genouillé

interne. (La partie inférieure de cette circonvolution est encore lésée à ce

niveau et ne redevient normale qu'en avant du corps genouillé externe).

La grosse dégénérescence siégeant dans le lobe pariétal est en rapport avec

les lésions du noyau caudé et de la couronne rayonnante que nous avons

mentionnées en commençant la description de ce cas; elle est indépen-

dante de la dégénérescence temporale et nous ne nous en occuperons pas.

3* Cas : Lebrum.... -Aphasie sensorielle fruste, alexie sans agraphie. On n'a

jamais réussi, même au périmètre, à déceler chez lui l'existence d'une hémia-

nopsie. Plus tard, à la suite d'un ictus, le malade présente une hémiplégie

droite avec crises jacksonniennes localisées à l'avant-bras et à la main. Il

existe une ébauche d'hémianopsie à droite. Le malade est à demi-conscient

et non pas dans le coma, mais l'état s'aggrave rapidement et il meurt au bout

de deux jours.

A l'examen anatomique on constate que l'hémisphère gauche est le siège

d'un vaste ramollissement, mais que les lésions ne sont pas toutes de même

date. Le ramollissement ancien détruit la partie supérieure du gyrus supra-

margiualis, la majeure partie du pli courbe et la totalité des trois circonvo-

lutions de la face externe du lobe occipital, le cuneus et la scissure calca-

rine ; de tout le lobe occipital il n'y a que la partie supérieure du lobule lin-

gual et la partie adjacente du lobule fusiforme qui soient respectées. Des

lésions récentes occupent la partie postérieure de la deuxième circonvolution

frontale et la partie attenante de la frontale ascendante, la partie supérieure des

186 1.ASAL LE-A ItCHAMBAULT

frontale et pariétale ascendantes et la majeure partie de la circonvolution

pariétale supérieure. Il existe en outre des foyers récents qui lèsent profon-

dément la partie temporale du lobule fusiforme et la moitié interne de la troi-

sième circonvolution temporale (Schéma n° III ; Fig. 4; Planche XXIX, 4,

5, 6, et Planche XXXII, 17, 18).

La figure 4 représente une coupe frontale prise au niveau du pôle occipital,

les lésions sont anciennes et ont détruit la totalité de l'écorce occipitale à l'ex-

ception d'une partie du lobule lingual ; cependant il existe un faisceau ré-

gulièrement conformé, c'est le seul qui ait résisté au processus destructif, il

occupe la profondeur et n'est pas directement atteint par la lésion dans son seg-

ment externe, c'est le faisceau optique central, la couche sagittale externe du

lobe occipital, le faisceau longitudinal inférieur des auteurs classiques.- La

partie interne de ce faisceau a disparu avec les autres fibres situées au niveau

de la scissure calcarine, parce que cette région est elle-même envahie par le

ramollissement.

Plus en avant (Planche XXXII, fig. 17), les lésions sont moins destructives,

mais partout l'écorce occipitale a disparu et c'est encore le lobule lingual qui

est le moins touché. Les contours des circonvolutions se dessinent nettement

mais de multiples foyers occupent et la corticalité et la substance profonde et à

l'exception des « fibrx proprio » des lobules lingual et fusiforme, il n'existe

plus de substance sous-corticale. Le ramollissement s'étend dans la profondeur

au niveau de la scissure calcarine qu'il détruit totalement et sectionne toutes

les fibres qui longent la paroi ventriculaire interne. Sur cette coupe comme sur

la précédente, un seul faisceau est reconnaissable, c'est le faisceau optique

central, le faisceau longitudinal inférieur du lobe occipital; il est lui-même

légèrement touché par un foyer profond au niveau de sa partie moyenne.

Entre cette coupe et la prochaine, un foyer récent, peu étendu dans le sens

antéro-postérieur, occupe la profondeur du lobule fusiforme et sectionne les

couches sagittales.

La coupe suivante (Planche XXIX, 4) intéresse le carrefour ventriculaire.

Une lésion récente détruit la substance profonde du gyrus supramarginalis et

se rend jusqu'au tapetum ; de petits foyers existent encore dans le lobule fusi-

forme. Les autres circonvolutions sont respectées : lobule paracentral, circon-

volutions lombiques, première et deuxième temporales. La couche sagittale

externe est normale, excepté au niveau de la paroi ventriculaire inférieure ;

Schéma n° III. Cas Lebrum...

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XIX. PI. XXIX

Suc 4

4

Sue 5

S fie 6

6

LE FAISCEAU LONGITUDINAL INFÉRIEUR ET LE FAISCEAU OPTIQUE CENTRAL

(Gasalle-drcl.znz6aull)

S¡ ? Conclu sagittale externe, zone dégénérée ; sur la fig. 6, on voit la zone dégénérée se confondre avec

il ....... .1

LE FAISCEAU LONGITUDINAL INFÉRIEUR ET LE FAISCEAU OPTIQUE CENTRAL 187

ici on constate l'existence d'une zone grandement dégénérée à peu près limi-

tée à la couche externe. Cette dégénérescence occupe exactement le territoire

que nous accordons aux fibres corticipètes de la couronne rayonnante du lobe

occipital et, en particulier, à une partie du faisceau optique central. A priori,

cette constatation semble en contradiction avec nos idées, on croirait plus vo-

lontiers que cette dégénérescence dépend des lésions postérieures. Or, ce n'est

certainement pas la lésion profonde du lobule fusiforme (que nous avons men-

tionnée plus haut) que l'on pourrait incriminer, puisqu'il s'agit d'un ramollis-

sement récent et que nous sommes en présence d'une sclérose très accusée.

Cette dégénérescence pourrait-elle résulter de lésion ancienne du pôle oc-

cipital ? Une pareille explication est également inadmissible et cela pour plu-

sieurs raisons : a) en premier lieu on ne peut guère concevoir qu'un ramollis-

sement aussi étendu et aussi intense que celui que nous venons de considé-

rer entraîne une dégénérescence si peu considérable. Nous avons vu- ce

faisceau persister intact partout où il n'était lui-même atteint, alors que

l'écorce occipitale avait presque totalement disparu ; un foyer profond le sec-

tionne au niveau de sa partie moyenne, mais il se reconstitue intégralement

sur les coupes antérieures. Il est évident que ce faisceau ne tire pas son ori-

gine du lobe occipital, autrement il n'en resterait pas trace sur la coupe que

nous étudions actuellement. b) Dans d'autres de nos cas avec lésions occipita-

les profondes, l'on ne retrouve pas cette dégénérescence de la couche sagittale

externe au niveau du carrefour ventriculaire. c) Enfin les lésions que l'on

constate sur la coupe qui suit ne donnent lieu à aucune dégénérescence appré-

ciable de la couche externe des régions antérieures. C'est donc qu'il existe

autre chose à un niveau antérieur quelconque. Nous verrons, en effet,

que cette dégénérescence correspond mathématiquement à une lésion du

noyau lenticulaire, que cette lésion a sectionné les fibres provenant du corps

genouillé et qui traversent la partie inférieure du noyau lenticulaire avant

d'entrer dans la constitution de la couche sagittale externe. Nous sommes donc

en présence de faits dont l'analyse est extrêmement délicate ; il s'agit pure-

ment d'une coïncidence ; la dégénérescence provenant de la lésion lenticulaire

occupe le segment horizontal de la couche sagittale externe au niveau même

de la terminaison antérieure du ramollissement temporo-occipital. Mais nous

avons été nous-même fort embarassé par cette coïncidence et ce n'est qu'après

avoir réexaminé cette série un bon nombre de fois et en la comparant avec

plusieurs autres cas que nous avons trouvé la solution du problème. Nous

avons dit que cette zone dégénérée renferme les fibres du faisceau optique

central ; cela est vrai d'une façon générale, mais il est indubitable qu'elle

renferme également un certain nombre de radiations thalamiques provenant

des circonvolutions lésées. La délimitation entre les couches sagittales externe

et interne est bien moins précise au-dessous du ventricule que le long de sa

paroi externe. On remarque une dégénérescence considérable de la couche

* sagittale interne, mais dans sa partie inférieure cette couche contient un bon

nombre de fibres saines.

A un niveau plus antérieur (Planche XXXII, 18), un nouveau foyer atteint

188 LASALLE-ARCHAMBAULT

les circonvolutions du bord inférieur, la partie inférieure de la circonvolution

de l'hippocampe, le lobule fusiforme et une grande partie de la troisième tem-

porale, et détruit la totalité des fibres situées au-dessous de la paroi ventricu-

laire inférieure. La zone dégénérée que nous avons décrite plus haut a remonté

le long de la paroi ventriculaire externe, occupe le segment vertical de la cou-

che sagittale externe et semble moins considérable que sur la coupe précédente.

La prochaine coupe intéresse le pulvinar de la couche optique (Planche II,

5) et le segment rétro-lenticulaire de la capsule interne. A part un foyer ré-

cent situé dans la substance profonde de la circonvolution frontale ascendante,

il n'existe aucune lésion corticale ou sous-corticale à ce niveau. Une strie dé-

générée traverse le champ de Wernicke et se dirige vers le pulvinar et le corps

quadrijumeau antérieur ; elle semble se continuer avec la zone dégénérée de

la couche, sagittale externe, mais ce n'est là qu'une apparence. Au microscope

on constate que cette strie renferme les fibres de la partie supérieure de la

couche sagittale interne, c'est-à-dire les radiations thalamiques occipitales ; ces

radiations passent en arrière et au-dessus du corps grenouillé externe pour se

terminer dans le pulvinar et dans le corps quadrijumeau antérieur. L'implica-

tion d'un grand nombre de fibres d'association a donné lieu à une pâleur de la

substance profonde des circonvolutions temporales. En dépit de'l'énorme ra-

mollissement que nous avons vu sur la dernière coupe, on remarque la recons-

titution ad iniegrum du segment inférieur de la couche sagittale externe.

En avant, aucun nouveau foyer ne se présente au niveau du lobe temporal.

La décoloration de la substance profonde diminue progressivement et la zone

dégénérée de la couche sagittale externe remonte petit à petit vers le noyau

lenticulaire.

Enfin (Planche XXIX, 6) cette dégénérescence s'engage dans la partie infé-

rieure de ce noyau en passant par la capsule externe. On note la destruc-

tion totale du noyau lenticulaire, les fibres dégénérées de la couche sagittale ex-

terne en émergent ; en dedans et au-dessous, ces fibres sont saines et elles se

recourbent vers la bandelette optique.

4e Cas : Taverni... Astasie-Abasie. Il n'est fait aucune mention d'hémia-

nopsie.

Hémisphère droit (Schéma no IV, Fig. 5 ; Planche XXXIII, 19, 20, 21).

Ramollissement datant de quelques mois qui occupe la partie antérieure de la

deuxième circonvolution occipitale, la totalité du pli courbe, le pied de la

deuxième circonvolution temporale, le bord inférieur du gyrus supramarginalis

et le tiers postérieur de la première circonvolution temporale.

Dans le lobe occipital (Fig. 2), la lésion détruit le pli courbe et la deuxième

circonvolution occipitale, elle s'étend dans la profondeur, mais beaucoup moins

que sur les coupes antérieures, et c'est en avant qu'il faut chercher la cause de

la grosse dégénérescence qui. occupe ici la couche sagittale externe. La moitié

supérieure de cette couche est totalement dégénérée ; bien qu'il existe de la

décoloration partout dans le voisinage, on remarque une strie d'une extrême

blancheur qui se détache nettement des parties environnantes et qui se porte

LE FAISCEAU LONGITUDINAL INFÉRIEUR ET LE FAISCEAU OPTIQUE CENTRAL 189

vers le cunéus. Cette strie renferme les fibres du faisceau optique central des-

tinées à la lèvre supérieure de la scissure calcarine.

Plus en avant, et immédiatement en arrière du carrefour ventriculaire

(Planche XXRIII,49),on aborde le niveau du maximum de la lésion. Cette coupe

intéresse l'isthme de la première circonvolution limbique, le lobule paracen-

tral, la circonvolution pariétale supérieure, la partie antérieure du pli courbe.

la partie postérieure des deuxième et troisième circonvolutions temporales, les

lobules lingual et fusiforme. Le ramollissement a entraîné la disparition de la

presque totalité du pli courbe et de la deuxième temporale, il détruit profon-

dément jusqu'à l'épendyme.

Au-dessous de ce vaste foyer, la couche sagittale externe est intacte, car c'est

ici seulement que les circonvolutions inférieures de la convexité participent à

la lésion, nous verrons qu'en avant il n'y a guère que la première temporale

qui soit lésée. La couche sagittale interne aussi est- en grande partie normale.

Par contre au-dessus du ramollissement une grosse dégénérescence occupe les

deux couches,mais surtout la couche sagittale interne ; elle renferme les radia-

tions thalamiques du pli courbe et en outre des radiations calleuses qui se ren-

dent au splénium. En dehors de la couche sagittale externe et au-dessus et au-

dessous de la lésion, la section des fibres du faisceau de Wernicke a déter-

miné une pâleur appréciable de la substance profonde.

Au niveau du carrefour ventriculaire (Planche XXXIII,20),nous considérons

à peu près les mêmes circonvolutions que sur la coupe précédente,mais le gyrus

supramarginalis a remplacé le pli courbe et la première circonvolution tem-

porale s'est en grande partie isolée. La lésion est beaucoup plus restreinte, elle

atteint la partie inférieure du gyrus supramarginalis,mais se cantonne de plus

en plus à la première circonvolution temporale.

Au-dessous du foyer, la partie supérieure (du segment inférieur) de la

couche sagittale externe est dégénérée, car ces fibres sont directement inter-

rompues à des niveaux antérieurs ; cette zone renferme donc un certain nom-

bre de fibres corticipètes ; mais elle renferme aussi des fibres corticifuges qui

proviennent surtout de la deuxième circonvolution temporale. Au niveau du

gyrus supramarginalis, la dégénérescence occupe encore et la couche externe

et la couche interne, mais elle s'est déjà rapprochée de la partie moyenne de la

Schéma n° IV. - Cas Tavern...

190 LASALLE-ARCHAMBAULT

paroi ventriculaire. Comme sur la coupe précédente, on note la décoloration

des circonvolutions supérieures et inférieures de la convexité.

La coupe suivante (Planche XXXIII, 21) est prise au niveau de la partie

postérieure de la couche optique et du corps quadrijumeau antérieur et inté-

resse la première circonvolution limbique, le lobule paracentral, les circonvo-

lutions frontale et pariétale ascendantes, le gyrus supramarginalis, les trois

circonvolutions temporales, le lobule fusiforme et la circonvolution de l'hip-

pocampe."

Une zone dégénérée considérable occupe la partie inférieure du segment

rétro-lenticulaire de la capsule interne et se rend au pulvinar de la couche

optique. Une traînée pâle, cependant, se continue jusqu'au bord interne de la

couche optique et disparaît dans les couches superficielles du corps quadriju-

meau. Cette zone dégénérée renferme les radiations thalamiques des circonvo-

lutions lésées, mais elle contient aussi des radiations qui proviennent de

parties saines et qui, dans leur trajet antérieur, ont été intéressées par le

ramollissement. Nous avons vu qu'au niveau du pli courbe, la lésion s'étend

dans la profondeur jusqu'à l'épendyme, les radiations de la sphère visuelle

ont donc été -atteintes et c'est leur dégénérescence qui a déterminé la décolora-

tion du corps quadrijumeau. A part cela, le ramollissement ne semble avoir

retenti que sur la couche optique ; sur des coupes postérieures à celle-ci, on

constate de l'atrophie et de la décoloration générale du pulvinar. Un peu en

avant, le corps genouillé interne paraît légèrement pâle en raison de la dégé-

nérescence d'un certain nombre de radiations de ce noyau. On voit que les

couches sagittales se sont entièrement reconstituées, mais que la dégénéres-

cence des fibres d'association a déterminé'un certain degré de pâleur de la

substance profonde des circonvolutions latérales.

L'examen des régions antérieures ne révèle rien de particulier. La dégéné-

rescence s'efface petit à petit et déjà au niveau de la partie antérieure du corps

genouillé externe, là où ce noyau fait place à la bandelette optique, il

n'existe plus trace de la grosse lésion postérieure.

De Cas : Roll... - Aphasie. Epilepsie Jacksonienne. - Hémisphère gauche

(Schéma n° V ; Planche XXX, 7, 8, 9).

Ramollissement qui atteint la partie temporale du lobule fusiforme et les

deux tiers postérieurs de la troisième circonvolution temporale.

Excepté au niveau du corps genouillé externe où un prolongement s'étend

dans la profondeur et sectionne sur une courte étendue (environ 1 cm.) le seg-

ment horizontal de la couche sagittale externe, ce ramollissement n'inté-

resse que l'écorce et la substance immédiatement sous-corticale ; les couches

profondes sont partout ailleurs respectées. Il existe en outre un petit foyer

cortical de la deuxième circonvolution temporale, qui commence dans la

région du carrefour ventriculaire, qui n'augmente guère qu'au niveau du pul-

vinar et disparaît presque aussitôt.

De tous nos cas,ce cas Roll... nous semble le plus important, le plus instructif.

Il s'agit de lésions strictement localisées et,dans l'étude des dégénérescences

nouvelle Iconographie DE la Salpêtrière. " T. XIX. PI. XXX

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LE FAISCEAU LONGITUDINAL INFERIEUR ET LE FAISCEAU OPTIQUE CENTRAL

(Lasalle-Archainbaull)

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LE FAISCEAU LONGITUDINAL INFÉRIEUR ET LE FAISCEAU OPTIQUE CNNTRAL 191

auxquelles elles ont donné lieu, l'on n'est nullement gêné par la coexistence de

foyers surajoutés.

En avant, au niveau du corps genouillé externe, un prolongement a inter-

rompu les fibres du segment horizontal de la couche sagittale externe ; il en a

résulté une dégénérescence qui se poursuit à travers toute l'étendue du lobe

temporal et qui, dans le lobe occipital, se porte progressivement en dedans et

disparaît dans la profondeur du lobule lingual. Ces fibres dégénérées appar-

tiennent à la couronne rayonnante corticipète du lobe occipital. Nous croyons

qu'elles font partie d'un faisceau à part, que ce sont des fibres-géniculo-cal-

cariniennes.

Exception faite de cette dégénérescence occasionnée par la section directe

des couches sagittales profondes, nous n'avons à considérer que les altérations

qui relèvent des lésions purement corticales du lobule -fusiforme et de la troi-

sième circonvolution temporale. Ces altérations portent sur les fibres de trois

systèmes différents, fibres calleuses, fibres de projection (radiations thalami-

ques) et fibres d'association.

Nous savons que les fibres calleuses se rendent au tapetum et les radiations

thalamiques à la couche sagittale interne (d'une façon générale) ; ces fibres

doivent donc, à un moment donné, traverser la couche sagittale externe. Or,

dans le cas que nous étudions, les fibres qui proviennent du lobule fusiforme

et de la troisième circonvolution temporale sont dégénérées , par conséquent

le trajet qu'elles suivent en traversant la couche sagittale externe sera indiqué

par de petites raies blanchâtres, et c'est exactement ce que l'on voit sur les

coupes (Planche XXX, 7, 8, 9). La couche sagittale externe renferme par-

tout de petites lignes blanches qui lui donnent un aspect strié. Cet état de

choses détermine nécessairement de la pâleur générale de la couche sagittale

externe, mais nous ne croyons pas que l'on doit la considérer dégénérée. La

couche externe contient encore un très grand nombre de fibres saines dont

l'ensemble représente la totalité des fibres qui lui sont propres. En d'autres

termes, la couche sagittale externe, étant privée des fibres qni, à l'état nor-

mal, ne font que la traverser (et n'en font nullement partie) existe à l'état de

Schéma n° V. Cas Roll...

1912 LASALLE-ARCHAMBAULT

pureté ; elle présente certainement un aspect tout à fait différent de celui qui

la caractérise sur une coupe normale. Parmi ces fibres saines, il en est qui

concourent à former un faisceau à part, « le faisceau optique central » ; elles

constituent la presque totalité de la couche sagittale externe du lobe occipital,

mais dans le lobe temporal elles n'occupent que le segment horizontal et la

partie inférieure du segment vertical de la couche sagittale externe. Nous

croyons que ces fibres tirent leur origine du corps genouillé externe et qu'elles

se terminent dans les deux lèvres de la scissure calcarine.

La coupe la plus postérieure est prise immédiatement en avant (PI. XXX,

7) du début occipital du ramollissement. La totalité du lobule fusiforme et une

partie de la troisième temporale sont atteintes. La dégénérescence de la couche

sagittale externe occupe l'angle interne de son segment inférieur. Cette partie

de la couche [sagittale interne située au-dessous du ventricule est grandement

dégénérée. On remarque l'extrême pâleur de la substance profonde ; la lésion

a entraîné la dégénérescence du faisceau de Wernicke avec décoloration con-

sécutive des circonvolutions supérieures (pli courbe et circonvolution pariétale

supérieure). Au-dessous du ventricule, on voit une zone très dégénérée, située

immédiatement en dedans de la couche sagittale externe et qui se porte vers

le lobule lingual ; cette zone renferme les fibres du faisceau de Vialet (cin-

gulum inférieur occipital) qui proviennent des circonvolutions inférieures et

externes.

Au niveau du carrefour ventriculaire (Planche XXX, 8) la lésion détruit la

totalité du lobule fusiforme et la majeure partie de la troisième circonvolu-

tion temporale. Il existe, en outre, un petit foyer cortical de la deuxième

temporale. La zone dégénérée de la couche sagittale externe a abandonné sa

position médiane et occupe la partie moyenne du segment horizontal de cette

couche, elle affecte une forme triangulaire. Sur cette coupe, la dégénérescence

délimite avec une netteté remarquable le territoire de la couche sagittale ex-

terne au-dessous de la paroi ventriculaire. Un peu en dedans de l'angle inféro-

externe du ventricule, on voit la couche externe se porter brusquement en

haut, s'accoler à la paroi ventriculaire et se diriger avec elle vers la face mé-

diane. Grâce à cette particularité, les confins du système d'association se préci-

sent également et on remarque, en dedans de la couche sagittale externe, une

zone totalement dégénérée ayant la forme d'une triangle. Ce triangle, dont la

base est dirigée vers le bord inférieur de l'hémisphère et dont le sommet se

porte en haut et en dedans vers la circonvolution de l'hippocampe, renferme

le très grand nombre de fibres dégénérées du cingulum inférieur de Beevor.

Comme sur la coupe précédente, la lésion a retenti sur le faisceau de Wer-

nicke ; il existe une décoloration notable des circonvolutions latérales et qui est

surtout accusée immédiatement en dehors du segment vertical de la couche

sagittale externe où elle constitue un véritable liséré blanchâtre. La couche

sagittale interne est grandement dégénérée, aussi bien le long de la paroi ven-

triculaire externe qu'au-dessous du ventricule.

La coupe suivante (Planche XXX, 9)'passe au niveau du pulvinar et du seg-

ment rétro-lenticulaire de la capsule interne ; elle intéresse la première circon-

duvelle Iconographie DE la Salpêtrière

T. XIX. PI. XXXI

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LE FAISCEAU LONGITUDINAL INFERIEUR ET LE FAISCEAU OPTIQUE CENTRAL

- . (Lasa lle- A r(ha 111 ba ! llt)

Foc. Faisceau optique central. Cg. Cingulum. - Cgi. Partie enclavée du corps genouillé interne entourée de ses radiations dégénérées.

Cira. Corps llu.11 ? t-iiU1l.h ? 1.U .11ltc ? 1 ¡eur. l) ? olol. : ttion considérable des conciles UlJL'1 f1cieJJe<; et J110VèI11H ?

LE FAISCEAU LONGITUDINAL INFÉRIEUR ET LE FAISCEAU OPTIQUE CENTRAL 193

volution limbique, le lobule paracentral, les circonvolutions frontale et parié-

tale ascendantes, le gyrus supramarginalis, les trois circonvolutions tempora-

les, le lobule fusiforme et la circonvolution de l'hippocampe. La lésion occupe

encore le lobule fusiforme et la troisième circonvolution temporale, mais elle

s'étend plus profondément et atteint le segment horizontal de la couche sagit-

tale externe au niveau de son tiers moyen. Le foyer cortical de la deuxième

circonvolution temporale a augmenté de volume et intéresse la substanee sous-

corticale, mais ne s'étend pas dans la profondeur. En raison de l'interruption

des fibres de son segment inférieur et de l'étendue plus considérable du foyer

de la deuxième temporale, la couche sagittale externe semble beaucoup plus

dégénérée que sur les coupes postérieures et beaucoup plus qu'elle ne l'est en

réalité. La couche sagittale interne est entièrement dégénérée, car à ce niveau

les radiations thalamiques occipitales ont déjà passé dans le pulvinar. La dégé-

nérescence du cingulum inférieur se voit encore très nette et se poursuit même

dans la circonvolution de l'hippocampe. La substance profonde des circonvo-

lutions de la face externe accuse une décoloration considérable. La moitié in-

terne de la couche optique est notablement atrophiée et décolorée.

Sur les coupes prises en avant de la lésion, on note une pâleur considérable

des deuxième et troisième circonvolutions temporales, mais il n'y a là rien

d'étonnant puisque le ramollissement s'étend jusqu'à un niveau antérieur au

corps genouillé externe et que c'est même à cet endroit qu'il présente son

maximum d'intensité. Il existe une dégénérescence appréciable du segment

horizontal de la couche sagittale externe au niveau du pôle temporal, car ce

segment ne renferme plus de fibres du « faisceau optique central », il n'est

formé que de fibres d'association.

60 Cas : Gir... Aphasie, Démence sénile. Hémisphère gauche (Schéma

n° VI; Planche XXXI, 10, 11, 12). Ramollissement ancien prenant les deux

tiers postérieurs de la première circonvolution temporale, le tiers postérieur

delà deuxième circonvolution temporale et poussant une pointe en arrière

vers la troisième temporale à l'endroit où cette dernière se confond avec la

troisième circonvolution occipitale. Sur une coupe frontale passant à trois cen-

timètres en arrière du splénium, on Voit que la lésion pénètre jusqu'à l'épen-

dyme ventriculaire. Il existe en outre un ramollissement sur la face interne du

lobe occipital qui détruit la moitié postérieure du lobule lingual et toute cette

partie du lobule fusiforme comprise entre le pôle occipital et une ligne imagi-

naire passant par la partie antérieure du splénium. Un petit foyer de désinté-

gration lacunaire siège au niveau du pulvinar et atteint légèrement le corps

genouillé externe.

Hémisphère droit. - Ramollissement du tiers antérieur des première et

deuxième circonvolutions temporales. *-

Nous n'avons pratiqué des coupes que de l'hémisphère gauche (Planche XXXI)

et nous n'étudierons que certaines particularités qui rendept ce cas spéciale-

ment intéressant.

La première coupe (Planche XXXI, 10) prise au niveau du pulvinar, in-

xix 13

194 LASALLE-ARCHAMBAULT

téresse la première circonvolution limbique, les circonvolutions frontale et pa-

riétale ascendantes, le gyrus supramarginalis, les trois circonvolutions tem-

porales, le lobule fusiforme et la circonvolution de l'hippocampe. Le ramollis-

sement détruit la totalité de la première temporale (excepté cette partie située

au fond de la scissure de Sylvius, la temporale profonde) et empiète légèrement

sur la substance profonde de la deuxième circonvolution temporale. Malgré les

lésions destructives des régions postérieures, on voit que le segment horizon-

tal et la partie inférieure du segment vertical (les régions destinées aux fibres

corticipètes de la couronne rayonnante) de la couche sagittale externe se sont

presque totalement reconstituées.

On note bien cependant la pâleur appréciable de la partie inférieure du seg-

ment vertical, mais il faut tenir compte et de l'infiltration du corps genouillé

externe causée par une lésion thalamique voisine et du passage des fibres qui

proviennent de la deuxième temporale, elle -même totalement détruite à un niveau

légèrement postérieur.La couche sagittale interne est partiellement dégénérée, les

radiations thalamiques postérieures abordent déjà le segment rétro-lenticulaire

de la capsule interne et concourent avec les fibres provenant de la première tem-

porale à former l'énorme zone dégénérée qui, à ce niveau, passe dans le pulvinar

de la couche optique. On remarque l'atrophie considérable et la décoloration du

pulvinar. De petits foyers de ramollissement de la partie inférieure et interne

de la circonvolution de l'hippocampe ont entraîné une grosse dégénérescence

du cingulum inférieur de Beevor et l'on voit très nettement, au-dessous du

segment horizontal de la couche sagittale externe, une large bande très dégé-

nérée, fortement arquée et qui occupe toute la substance profonde de la circon-

volution de l'hippocampe et du lobule fusiforme. Au microscope on se rend

compte que cette dégénérescence intéresse aussi la troisième circonvolution

temporale. Ce cas nous permet d'élucider un problème qui serait fort difficile

si l'on s'en tenait uniquement à l'étude de préparations normales. En effet, il

est généralement admis qu'au-dessous du ventricule la couche sagittale externe

(qui est aussi, à cet endroit, le faisceau longitudinal inférieur des auteurs clas-

siques) se confond avec le cingulum, dr, le cas que nous considérons, pré-

sente à cet égard le plus grand intérêt ; nous nous rendons compte du terri-

toire exact de chacun de ces deux ordres de fibres. Les lésions des première

et deuxième circonvolutions temporales d'une part, de la circonvolution de

l'hippocampe d'autre part ont assuré la disparition de la majeure partie des

Schéma n° VI. Cas Gir...

LE FAISCEAU LONGITUDINAL INFÉRIEUR ET LE FAISCEAU OPTIQUE CENTRAL 195

fibres d'association de la région. Elles ont également retenti sur'la couche sa-

gittale interne, sur le tapetum et sur la partie supérieure de la couche sagit-

tale externe (radiations genouillées), mais la partie inférieure (exception faite

de la pâleur que nous avons expliquée plus haut) est respectée ; elle ne pro-

vient donc pas de l'écorce cérébrale, mais bien des noyaux centraux.

Nous voyons ainsi le contingent corticipète de la couronne rayonnante nette-

ment isolé ; la majeure partie des fibres dont il est constitué appartiennent, pour

nous, à un système à part, c'est-à-dire au système visuel. Nous croyons que ses

fibres tirent leur origine du corps genouillé externe et qu'elles se rendent à la

scissure calcarine. Nous ne prétendons pas que toutes les fibres corticipètes de

la couche sagittale externe proviennent du corps genouillé et qu'elles soient

destinées à la sphère visuelle corticale; il est certain que la couche optique

envoie des fibres au lobe temporal, peut-être aussi au lobe pariétal ( ? )mais

pour nous, la couche sagittale externe du lobe occipital ne renferme que des

fibres géniculo-calcariniennes. Or, au niveau que nous étudions, ces dernières

fibres forment la presque totalité de la partie respectée de la couche sagittale

externe et certaines de ces fibres occupent en plus la couche sagittale interne.

Il est certain que, dès que l'on aborde la région des ganglions de la base et

des divers segments de la capsule interne, il ne peut guère être question de

vouloir délimiter absolument le territoire de tel ou de tel faisceau, nous

n'avons nullement cette prétention ; mais, à un point de vue pratique, il n'est

pas inutile d'établir cette délimitation au niveau des couches sagittale voisines.

Nous avons dit que la dégénérescence du cingulum nous permet d'apprécier

la répartition exacte de la couche sagittale externe au-dessous du ventricule...

or, nous voyons qu'en réalité, le segment horizontal de la couche externe est

peu considérable au niveau du pulvinar, et que, par contre, le cingulum est

fort bien développé. Il est indubitable que dans l'esprit des auteurs, il s'agissait

d'un faisceau longitudinal volumineux et d'un cingulum plutôt grêle ; il

semble bien que ce soit l'inverse qui correspond à la réalité

Grâce à la dégénérescence du tapetum et de la partie inférieure du segment

rétro-lenticulaire de la capsule interne, on voit au-dessous du noyau coudé un

petit fascicule rond qui se détache nettement des parties voisines et qui se

continue en bas avec des fibres qui traversent la couche sagittale interne et se

confondent avec la masse des fibres de la partie inférieure de la couche sagit-

tale externe. Ce fascicule fait partie du faisceau optique central et renferme des

fibres qui naissent de la partie postérieure du corps genouillé externe. A ce

niveau les fibres de ce faisceau occupent le segment horizontal de la couche

externe et le long de la paroi ventriculaire externe elles occupent et la couche

externe et la couche interne ; une ligne imaginaire reliant le noyau coudé

(partie sphéuoïdale) à l'angle inféro-externe de la couche externe représenterait

à peu près le territoire qu'elles occupent. Elles sont donc nécessairement mê-

lées aux fibres du faisceau de Turck, aux radiations thalamiques et genouil-

lées, etc.

La coupe suivante (planche XXXI, 11), prise un peu en avant, intéresse les

mêmes circonvolutions. La deuxième circonvolution temporale est redevenue

196 LASALLE-ARCUAMBAULT

normale en grande partie. Les couches sagittales sont plus volumineuses et

l'on ne saurait isoler maintenant le faisceau optique central.

Les couches sagittales externe et interne se confondent, l'ensemble des deux

renferme les fibres du faisceau optique, du faisceau de Tûrck et les radiations

thalamiques provenant des circonvolutions du bord inférieur du lobe temporal.

La lésion respecte la deuxième circonvolution temporale, mais elle atteint la

majeure partie de la temporale profonde. Le tapetum est encore grandement

dégénèrent le petit fascicule optique, quoique facilement décelable, se confond

plus ou moins avec les fibres qui recouvrent en dehors le noyau caudéet entre

avec ces dernières dans la constitution du segment rétro-lenticulaire de la

capsule interne.

La dégénérescence du cingulum inférieur est encore très accusée et on voit

que les fibres du segment horizontal de la couche sagittale externe se sont por-

tées légèrement en dehors, qu'elles abandonnent petit à petit leur position au-

dessous de la partie interne de la paroi, ventriculaire inférieure.

La zone dégénérée s'est déjà épuisée en partie dans ce pulvinar et occupe

maintenant surtout la partie inférieure de la couche optique, qu'elle traverse

complètement ; arrivée au bord interne, cette zone se divise en deux zones

secondaires dont l'une se dirige vers le corps quadrijumeau, dont l'autre se

recourbe en bas et entoure la partie dn corps genouillé interne, profondément

enclavée dans la couche optique. Ces fibres qui se terminent dans le corps

genouillé interne représentent les radiations de ce noyau et proviennent de la

première circonvolution temporale.

La coupe la plus antérieure (Planche XXXI,12) intéresse à peu près les mêmes

circonvolutions et passe au niveau du corps quadrijumeau antérieur et des

corps genouillés externe et interne. La lésion a abandonné la substance pro-

fonde, mais détruit totalement l'écorce et la substance sous-corticale de la pre-

mière temporale et de la temporale profonde. Comme sur la coupe précédente

il est difficile de distinguer entre couche externe et couche interne ; le tapetum

est toujours dégénéré, mais le fascicule optique ne se dessine plus avec la même

netteté. Le cingulum est encore très dégénéré, mais il un degré moindre que sur

les coupes postérieures. La zone dégénérée n'occupe que la partie inférieure du

segment rétro-lenticulaire de la capsule interne et ne pénètre plus dans la

profondeur de la couche optique, mais on voit nettement la décoloration intense

du corps genouillé interne et des couches superficielles du corps quadrijumeau

antérieur ; cette décoloration correspond aux zones secondaires que nous avons

étudiées sur la coupe précédente. Au niveau de la partie inférieure du segment

rétro-lenticulaire de la capsule interne on remarque un bon nombre de fibres

saines ; ces fibres appartiennent en partie au faisceau optique, en partie au fais-

ceau de Tilrck. La partie inférieure du champ triangulaire de Wernicke est

normale et renferme surtout des fibres du faisceau optique ; sa partie inférieure

est grandement dégénérée et conlient les fibres qui proviennent de la première .

temporale et qui se rendent au corps genouillé interne et au corps quadriju-

meau postérieur, mais elle renferme aussi des libres qui font partie du faisceau

optique central ; nous avons vu en effet, que le corps genouillé externe est

LE FAISCEAU LONGITUDINAL INFÉRIEUR ET LE FAISCEAU OPTIQUE CENTRAL 197

légèrement touché par un foyer de désintégration lacunaire de la couche opti-

que. Cette lésion du corps genouillé a déterminé la pâleur du segment inférieur

de la couche sagittale externe que présente la première coupe que nous avons

étudiée.

Au niveau du pôle temporal, tout rentre dans l'ordre et l'on n'observe qu'une

légère décoloration de la substance profonde des circonvolutions latérales.

Nous venons de faire la description nécessairement brève et incomplète de six

de nos huit cas de ramollissement; nous avons choisi les cas les plus instruc-

tifs. Nos recherches ayant porté tout particulièrement sur la couche sagittale

externe occipitale, sur le faisceau longitudinal inférieur (que nous avons aussi

dénommé faisceau optique central) ; c'est la considération de cette couche, de

ce faisceau qui a réclamé la majeure partie de notre attention; nous ferons

plus loin l'analyse de nos constatations à son égard et nous décrirons le fais-

ceau optique central.

Mais l'étude soignée de huit cas de ramollissement nous a fourni des rensei-

gnements fort précieux sur certains autres faisceaux, sur les fibres appartenant

aux autres systèmes de l'hémisphère ; nous avons vu des faits intéressants sur

la disposition topographique du cingulum inférieur de Beevor et sur ses rela-

tions avec le segment horizontal de la couche sagittale externe.

Nos cas sont également favorables à l'étude de la couche sagittale interne

temporo-occipitale, à l'étude du tapetum, des fibres d'association en général,

du faisceau de Türck, etc.

Ce n'est pas uniquement à l'aide des planches que l'on pourra apprécier les

particularités de tel ou de tel autre faisceau, particularités qui portent sur l'ori-

gine, le trajet, les relations, la dégénérescence,etc. des fibres dont il est cons-

titué. Il est donc indispensable à l'exposition logique des faits qui se sont déga-

gés de notre travail, de décrire brièvement ce que la photographie est incapa-

ble de reproduire ou de rendre avec une netteté suffisante.

Considérons d'abord la couche sagittale interne, nous nous en sommes occupé

chaque fois qu'elle présentait des altérations notables en faisant la description

des planches, mais il reste encore quelques particularités dignes d'être signalées.

Nous avons déjà dit que la couche sagittale externe du lobe temporal ne

représente pas la couche sagittale externe du lobe occipital, sa constitution

est beaucoup plus complexe ; c'est un fait que nous avons indiqué en décrivant

les cas Tavern... et Gir... et sur lequel nous reviendrons plus loin en

faisant la description du faisceau optique central. La couche sagittale interne

se comporte exactement de la même façon ; nous croyons que dans le lobe

occipital, cette couche ne renferme que des fibres corticifuges et que sa

constitution se modifie sensiblement au niveau du lobe temporal ; c'est-à-

dire qu'elle contient à cet endroit et des fibres corticipètes et des fibres corti-

cifuges.

La couche sagittale interne dégénère à la suite de lésions du lobe occipital et

198 LASALLE-ARCHAMBAULT

de la partie postérieure du lobe pariéto-lemporal ; quel que soit le siège du

ramollissement (circonvolutions latérales,médianes ou inférieures), qu'il s'agisse

de lésions purement corticales ou de foyers profonds avec participation des cou-

ches sagittales, on observe toujours la dégénérescence de la couche sagittale

interne, des radiations thalamiques. Nous croyons donc que les fibres dont est

constituée cette couche, proviennent de toutes les circonvolutions occipitales,

ainsi que du pli courbe, de la partie postérieure des deuxième et troisième

circonvolutions temporales et de la partie temporale du lobule fusiforme.

Nous nous servons de l'expression courante « radiations thalamiques »,

mais parmi les fibres corticifuges de la couche sagittale interne, il existe non

seulement des radiations thalamiques, mais aussi les radiations du corps qua-

drijumeau antérieur. Dans le lobe occipital, la majorité des fibres de la couche

sagittale interne proviennent de la sphère visuelle, c'est-à-dire de l'écorce du

cunéus et du lobule lingual ; ces fibres constituent les « radiations optiques

vraies ».

Nous sa vous que ces deux termes : radiations thalamiques et radiations

optiques sont souvent employés indifféremment, mais, pour nous, la déno-

mination « radiations optiques » ne devrait s'appliquer qu'aux fibres que la

sphère visuelle corticale envoie aux centres primaires de la vision ; l'on quali-

fierait alors de « radiations thalamiques » toutes les fibres provenant des autres

régions.

Les radiations optiques vraies se rendent au pulvinar et au corps quadri-

jumeau antérieur; elles sont donc en même temps les radiations thalamiques

de la sphère visuelle et comprennent, en outre, les radiations du corps quadri-

jumeau antérieur.

On pourrait exprimer schématiquement la constitution de la couche sagittale

interne occipitale de la façon suivante :

Couche sagittale interne du lobe occipital renferme des :

a) Radiations thalamiques pures.

b) Radiations optiques vraies;

I. Radiations thalamiques de la sphère visuelle ;

IL Radiations du corps quadrijumeau antérieur.

Les radiations thalamiques postérieures (occipito-pariétales) et les radiations

thalamiques inférieures (temporo-occipitales) se terminent dans le pulvinar et

dans la partie postérieure de la couche optique, à l'exception des fibres qui

entrent dans la constitution du pédoncule inféro-interne de Meynert et qui sont

en relation avec la partie antérieure du noyau interne de la couche optique.

Mais toutes ces radiations thalamiques des régions postérieures de l'hémisphère

n'ont pas la même zone d'irradiation, on parvient à établir les connexions

corticales de noyaux déterminés.

Les radiations thalamiques occipitales se terminent surtout dans la partie

inférieure du pulvinar.

Les radiations thalamiques des parties postérieures du lobe pariétal et des

première et deuxième circonvolutions temporales s'irradient dans la partie

supérieure et externe du pulvinar et dans la partie postérieure du noyau

LE FAISCEAU LONGITUDINAL INFÉRIEUR ET LE FAISSEAU OPTIQUE CENTRAL 199

externe ou latéral. La première temporale envoie, en outre, un ]son nombre de

fibres au corps genouillé interne et au corps quadrijumeau postérieur.

Les radiations thalamiques des circonvolutions du bord inférieur et de la

face interne du lobe temporal (troisième temporale, lobule fusiforme, circonvo-

lution de l'hippocampe) sont en relation avec la partie interne du pulvinar et

le noyau interne de la couche optique.

Nous avons déjà parlé des radiations du corps quadrijumeau antérieur ; nous

croyons qu'elles proviennent surtout, sinon exclusivement, de la sphère visuelle

corticale.

A la suite de lésions occipitales, nous n'avons jamais observé de dégénéres-

cence au niveau du pied du pédoncule cérébral ; par contre nous avons constaté

cette dégénérescence dans les cas de lésion temporale ; mais, nous devons le

dire, les ramollissements favorables à l'étude du faisceau de Türck sont rela-

tivement rares.

De nos huit cas, il n'en est qu'un qui se soit caractérisé par une dégénéres-

cence appréciable de ce faisceau ; il s'agit (cas Gir...) d'un ramollissement

des deux tiers postérieurs de la première temporale et du tiers postérieur (en-

viron) de la deuxième temporale ; la dégénérescence est nette, mais non con-

sidérable. Dans trois de nos cas,, la lésion atteint la moitié postérieure de la

première circonvolution temporale, mais on ne relève rien d'anormal du côté

du pied du pédoncule; il en est de même de deux autres cas avec lésion du

tiers postérieur de la troisième circonvolution temporale. Enfin, nous avons

examiné tout récemment le pédoncule d'un cas de ramollissement des deux

tiers antérieurs des première et deuxième circonvolutions temporales, et,

pour la première fois, nous avons observé une grosse dégénérescence du fais-

ceau de Türck.

Nous croyons donc que ce faisceau provient surtout de la partie moyenne

de la deuxième circonvolution temporale, et en partie de la troisième tempo-

rale.

Quant au faisceau de Wernicke, nos cas nous ont démontré qu'il dégénère

dans les deux sens ; nous l'avons retrouvé aussi bien dans le lobe temporal

que dans le lobe occipital et par conséquent nous n'admettons pas qu'il soit

considéré propre à ce dernier lobe ; nous croyons même que c'est au niveau

du carrefour ventriculaire, en plein lobe temporal, qu'il acquiert son maxi-

mum de développement. Les fibres de ce faisceau proviennent en grande

partie du pli courbe et du gyrus supramarginalis, elles se rendent dans

le lobe occipital aux deuxième et troisième circonvolutions occipitales, et plus

en avant aux deuxième et troisième circonvolutions temporales. Un bon nom-

bre de ses fibres contournent l'angle inféro-externe du ventricule et s'irradient

dans le lobule fusiforme; de plus, ce faisceau renferme un nombre considéra-

ble de fibres qui naissent de l'écorce des circonvolutions inférieures (lobule

fusiforme, troisième temporale) et qui se terminent dans les circonvolutions

supérieures;le la convexité (pli courbe, gyrus supramarginalis).

A la suite de lésions occipitales et de la partie postérieure des lobes tempo-

ral et pariétal, on observe toujours la dégénérescence du tapetum et cette dé-

200 LASALLE-ARCHAMBAULT

générescence se rend au corps calleux, c'est-à-dire au splénim et à la partie

postérieure du tronc du corps calleux. Dans les cas de ramollissement de

la partie antérieure du lobe temporal, on constate la dégénérescence de la

commissure antérieure et aussi de la partie moyenne du corps calleux ; le tape-

tum participe encore ici à la dégénérescence.

Quel que soit le siège de la lésion qui ait retenti sur le tapetum, les fibres

dégénérées sont exclusivement des fibres calleuses et le tapetum est une dé-

pendance du système commissural interhémisphérique ; il ne renferme pas de

fibres d'association, exception faite bien enteudu, des nombreuses fibres cal-

leuses qui relient des régions asymétriques des deux hémisphères et qui, par

le fait même, constituent dans leur ensemble un véritable contingent d'associa-

tion à distinguer du contingent purement commissural, du corps calleux.

Donc, toutes les lésions du lobe temporo-occipital retentissent sur le tapetum,

mais nous n'avons jamais observé, à la suite de ces lésions, la dégénérescence

de la couche saggittale interne du lobe fronlo-pariétal, du faisceau occipito-

frontal. Il existe au niveau de l'angle supéro-externe du corps du ventricule

latéral, au-dessus du noyau caudé et en dedans du pied de la couronne rayon-

nante, un petit faisceau assez bien délimité qui a été, dans ces dernières années

surtout, l'objet des plus vives controverses. Nous ne pouvons pas faire ici l'his-

toire détaillée de cette question ; il suffit de rappeler qu'à l'occasion d'un cas

d'absence de la commissure calleuse, on a décrit un long faisceau d'associa-

tion à direction antéro-postérieure auquel a été donné le nom de faisceau occi-

pito-frontal.

Pour Dejerine, ce faisceau existe également dans le cerveau normal ; il

forme une bonne partie du tapetum, et au niveau du lobe fronto-pariétal, il est

représenté par le petit faisceau que nous venons de décrire brièvement, et qui

est situé au-dessus du noyau caudé. On a donné plusieurs noms à ce faisceau :

« Couronne rayonnante du noyau caudé » (Meynert),« faisceau du corps calleux

se rendant à la capsule interne » (Wernicke, Gratiolet, Foville), zone réticu-

lée de la couronne rayonnante (Sachs), « couche sagittale interne de la cou-

ronne rayonnante » (Anton, Zingerle). .

Nous avons dit que ce faisceau ne dégénère pas à la suite de lésions tem-

poro-occipitales, mais il importe défaire une certaine restriction; ce fais-

ceau occupe un territoire qui renferme d'au très 'fibres, c'est pourquoi nous

préférons nous servir de la dénomination « couche sagittale interne » (An-

ton, Zingerle).

La couche sagittale interne du lobe fronto-pariétal est formée surtout de fas-

cicules plus ou moins séparés les uns des autres, dont les fibres affectent une

direction obliquement antéro-postérieure et se colorent peu fortement par l'hé-

matoxyline. Ces fibres sont les plus abondantes et c'est à leur ensemble qu'où

a appliqué le terme de « faisceau occipito-frontal ». Nous croyons que toutes

ces fibres sont des fibres de projection cooticipétes. A côté de cela, la cou-

che sagittale interne renferme un bon nombre de fibres calleuses (rücklauci-e

Backenfasern de Sachs) qui proviennent des circonvolutions de l'insula ainsi

que de la première circonvolution temporale et des fibres qui se rendent à ces

Nouvelle Iconographie de la SALPÊTRIÈRE. T. XIX, PI. XXXII

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LE FAISCEAU LONGITUDINAL INFÉRIEUR ET LE FAISCEAU OPTIQUE CENTRAL

(Lasa 1 Jc-Archarn ba rr 11)

Nouvelle Iconographie de la SALPftTlllÈRE T. XIX. PI. XXXIII

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LE FAISCEAU LONGITUDINAL INFÉRIEUR ET LE FAISCEAU OPTIQUE CENTRAL

LE FAISCEAU LONGITUDINAL INFÉRIEUR ET LE FAISCEAU OPTIQUE CENTRAL 201 i

mêmes circonvolutions. Pour arriver au tronc du corps calleux, ces fibres pas-

sent par la capsule externe et entre les segments du noyau lenticulaire. Donc,

il ressort de ces considérations qu'un ramollissement qui atteint la première

circonvolution temporale entraîne la dégénérescence partielle de la couche sa-

gittale interne fronto-pariétale.

Mais cette dégénérescence est invariablement petite, porte uniquement sur

les fibres verticales (coupes frontales) de la couche sagittale interne,et les gros

fascicules restent intacts. '

Ces fascicules ne contiennent que des fibres de projection, pour la plupart

corticipètes. Nous n'avons jamais vu ce faisceau dégénérer à la suite de lésions

du lobe frontal ou des circonvolutions du bord supérieur de l'hémisphère (pre-

mière frontale, lobule par;¡central); même lorsqu'il est intéressé par le foyer

au niveau de l'enchevêtrement de ses fibres avec celles de la commissure cal-

leuse, ce faisceau est en grande partie respecté au-dessous, vers les royaux

centraux.

Par contre la couche sagittale interne fronto-pariétale dégénère à la suite de

lésions du noyau caudé qui intéressent la capsule interne ou le pied de la cou-

ronne rayonnante. Les lacunes, même considérables, des noyaux caudé et len-

ticulaires, à condition qu'elles soient limitées à ces noyaux, ne retentissent pas

sur la couche sagittale interne ; il en est tout autrement des lacunes qui siègent

au niveau de la couche optique,surtout dans sa partie supérieure. On constate

alors la dégénérescence, peu considérable, puisqu'il s'agit (dans nos cas) de

quelques lacunes, mais nettement appréciable de la couche sagittale interne ;

cette dégénérescence s'épuise totalement au niveau de la première circonvolu-

tion limbique. Nous reproduisons les photographies (PI.XXaYIII,` ? ` ? ,3 ? ) d'un

cas fort intéressant, car il s'agit d'un foyer de désintégration cérébrale, d'une

lacune, siégant immédiatement au-dessus et en dehors du noyau caudé et qui

ne sectionne que les fibres de la couche interne. Il est inutile de nous étendre

longuement sur la description des planches ; on voit sur la première coupe

toute l'étendue de la lésion dans le sens transversal (environ un centimètre

dans le sens sagittal) et sur les deux autres on constate que la dégénérescence

se cantonne absolument à la couche sagittale interne et qu'elle se dirige en

dedans au-dessus du corps calleux. Nous croyons que les fibres de projection

(de beaucoup les plus nombreuses) de la couche sagittale interne fronto-parié-

tale représentent la couronne rayonnante de la première circonvolution limbi-.

que et que ces fibres tirent leur origine du tubercule antérieur et du noyau

interne de la couche optique.

Occupons-nous maintenant tout particulièrement du faisceau longitudinal

inférieur, de la couche sagittale externe du lobe occipital, car c'est surtout sur

ce faisceau que portent nos conclusions.

Nous avons vu que cette couche de fibres ne dégénère pas à la suite de lé-

sions occipitales ; nous l'avons vu persister intacte alors que la totalité du lobe

occipital était le siège d'un ramollissement, de sorte qu'en plein tissu infiltré

et décoloré le seul faisceau reconnaissable était le faisceau longitudinal in-

férieur des auteurs (fig. 4 et PI. XXXII, 17).

202 LASALLE-ARCUAMBAULT

Dans un autre de nos cas, il existe un ramollissement qui détruit toute la

moitié postérieure de la face externe de l'hémisphère... en avant la lésion se

cantonne à la première circonvolution temporale, mais au niveau de l'insula de

Reil, un prolongement s'étend dans la profondeur et sectionne complètement

toutes les connexions de la partie antérieure du lobe temporal. En dépit de cette

énorme lésion, on constate, à un point intermédiaire, au niveau du corps ge-

nouillé externe, que le faisceau longitudinal inférieur n'accuse qu'une légère

dégénérescence occupant la partie interne de son segment borizontal.(PI.XXXII,

15). Z)

Nous n'avons jamais constaté de dégénérescence du faisceau longitudinal

inférieur, soit à la suite de lésions occipitales (Gg. 6, lésion du lobule lingual

et du lobule fusiforme, la couche, sagittale externe est normale), ou de lésions

de la partie antérieure du lobe temporal (à condition que ces dernières soient

purement corticales et qu'elles ne sectionnent pas les couches sagittales pro-

fondes).

Par contre, nous avons toujours vu le faisceau longitudinal inférieur dégé-

nérer à la suite de lésions antérieures (fig. 5, le segment supérieur de la cou-

che sagittale externe occipitale est totalement dégénéré à la suite d'une lésion

profonde du pied de la première temporale, du pli courbe et de la partie adja-

cente de la deuxième circonvolution occipitale), lésions profondes avec partici-

pation des couches sagittales (PI. XXXII,13, 14 et PI. XXX) ; nous l'avons vu

dégénérer à la suite de lésions du noyau lenticulaire, du corps genouillé ex-

terne, de cette partie de la couche optique immédiatement attenante.

Nous avons suivi la zone dégénérée à travers toute l'étendue du lobe tempo-

ral ; dès que l'on dépasse le bourrelet du corps calleux, le liseré blanchâtre oc-

cupe la couche sagittale externe du lobe occipital et,selon qu'il siège dans la

partie supérieure ou inférieure de cette couche, on le voit s'engager dans la

profondeur du cunéus ou du lobule lingual et se perdre dans l'écorce de ces

circonvolutions, surtout dans la lèvre supérieure ou inférieure (selon le cas)

de la scissure calcarine (Fig. 5 et PI. XXXII, 13).

En présence de ces faits, nous ne pouvons plus admettre l'opinion classique

qui veut que le faisceau longitudinal inférieur soit essentiellement un long

faisceau d'association. Pour nous, il représente un faisceau de projection, la

couronne rayonnante corticipète du lobe occipital ; nous croyons avoir précisé

son origine dans le corps genouillé externe et sa terminaison dans la sphère

visuelle corticale, c'est-à-dire dans la scissure calcarine. Nous verrons, en l'étu-

diant de plus près, qu'il correspond en grande partie, surtout dans son trajet et

dans ses relations, au faisceau longitudinal tel qu'il est décrit dans les traités

d'anatomie. C'est pourquoi nous l'avons appelé jusqu'ici « faisceau longitudinal

inférieur». Mais il existe parmi les auteurs une si grande diversité d'opinions

sur la disposition topographique de ce faisceau que, pour éviter toute erreur d'in-

terprétation, nous parlerons dès maintenant du « faisceau optique central ».

Le faisceau^ optique central prend son origine dans la partie supérieure et

externe du corps genouillé externe. Les fibres provenant de la partie antérieure

de ce noyau se portent obliquement en bas et en dehors, longent la paroi

LE FAISCEAU LONGITUDINAL INFÉRIEUR. ET LE FAISCEAU OPTIQUE CENTRAL 203

externe de l'extrémité antérieure de la corne sphénoïdale, où elles se Confondent

plus ou moins avec les fibres du faisceau uncinatus, les fibres de la commissure

antérieure et les courtes fibres d'association de la région, puis elles se coudent

et se dirigent horizontalement en arrière et légèrement en dedans, sous la partie

externe de la paroi ventriculaire inférieure.

Les fibres qui tirent leur origine de la partie moyenne du corps genouillé

entrent dans la constitution de la partie inférieure du segment postérieur de la

capsule interne, traversent l'angle inférieur du troisième segment du noyau

lenticulaire, se coudent au niveau de la partie postérieure et inférieure de la cap-

sule externe, se dirigent obliquement en bas et en dedans et passent en partie

dans la couche sagittale externe, en partie dans la couche sagittale interne, elles

s'enchevêtrent à ce niveau avec les fibres du faisceau de Türck et avec les fibres

corticipètes et corticifuges de la première circonvolution temporale.

Les fibres qui naissent de la partie postérieure du corps genouillé concourent

à former le champ triangulaire de Wernicke, abordent le segment rétrolenticu-

laire de la capsule interne, se portent en dedans et se réunissent en fascicules

compacts qui embrassent la partie inférieure et le bord externe du noyau caudé

sphénoïdal. Ces fibres sont extrêmement dissociées par les radiations thala-

miques des régions occipitale, pariétale et temporale qui, à ce niveau, passent

dans le pulvinar de la couche optique.

Nous voyons donc que ce faisceau optique central, à l'exemple des autres

parties de la couronne rayonnante, ne reconnaît aucune disposition nettement

déterminable au niveau des ganglions de la base ; il est en effet dissocié par

toutes les fibres qui se rencontrent dans cette région. Cette irrégularité est con-

forme à la règle générale; nous ne croyons plus comme autrefois que, tandis

que la voie pyramidale occupe les deux tiers antérieurs du segment postérieur de

la capsule interne, le tiers postérieur de ce segment représente le « carrefour

sensitif».

FiG. 5 - Coupe frontale du lobe occipital. Foc, faisceau optique central.

204

LASALLE-ARCHAMBAULT

Immédiatement après son émergence du corps genouillé externe, les fibres

du faisceau optique central sont refoulées, par les fibres corticifuges se ren-

dant aux noyaux centraux et à la capsule interne, dans l'angle qui sépare le

corps genouillé externe (et plus en avant, la bandelette optique) du noyau

caudé sphénoïdal, il concourt à former la presque totalité de ce qu'on a décrit

sous le nom de « faisceau temporo-thalamique d'Arnold », mais il existe à cet

endroit bon nombre d'autres fibres, à savoir, les fibres de la lame cornée, des

fibres que nous croyons appartenir à la commissure antérieure et aussi quel-

ques radiations thalamiques de la partie antérieure du lobe temporal.

Suivons maintenant le faisceau optique central depuis le lobe occipital jus-

qu'à la partie antérieure du lobe temporal et voyons quelle disposition il affecte

aux différents niveaux. Sur des coupes vertico-transversales, ce faisceau cons-

titue dans le lobe occipital la couche sagittale externe de Sachs, le faisceau

longitudinal inférieur des auteurs (f1g. 1) ; ses libres sont plus abondantes sur

la moitié inférieure de la paroi ventriculaire externe et sur la paroi ventricu-

laire inférieure; sur la paroi ventriculaire supérieure, il ne contient que quel-

ques fibres et le long de la paroi interne, ce faisceau n'est décelable qu'au mi-

croscope. Des angles supéro-interne et inféro-interne se détachent continuel-

lement des fibres qui vont s'irradier dans l'écorce de cette partie du cunéus et

du lobe lingual qui constitue la scissure calcarine.

Au-dessous du ventricule, le faisceau optique central se confond en partie

avec le faisceau de Vialet ; le faisceau de Vialet proviendrait de la lèvre infé-

rieure de la scissure calcarine et enverrait des fibres à la convexité occipitale,

mais il a été trouvé intact dans certaines lésions occipitales. Pour nous, ce

Fio. 6. - Coupe frontale du lobe occipital.

Fs : faisceau du cuneus de Sachs.

Foc : faisceau optique central.

LE FAISCEAU LONGITUDINAL INFÉRIEUR ET LE FAISCEAU OPTIQUE CENTRAI. 205

fait démontre que parmi les fibres du faisceau de Vialet existe un bon nombre

de fibres de projection, que ces fibres ne tirent pas leur origine de la scissure

calcarine, mais qu'elles s'y terminent, que ce sont des fibres géniculo-calcari-

niennes. A côté de cela, nous admettons parfaitement qu'il y ait au-dessous

de la corne occipitale, de nombreuses fibres d'association plns ou moins systé-

matiquement réparties ; certaines de ces fibres naisseht de la lèvre inférieure de

la scissure calcarine, mais nous croyons que la plupart proviennent de la face

externe du lobe occipital et que d'autres appartiennent au faisceau de Wernicke,

contournent l'angle inféro-externe de la corne occipitale et s'irradient dans le

lobule fusiforme et dans le lobule lingual. A la suite de lésions étendues, mais

limitées à la corticalité, du lobule fusiforme, de la troisième circonvolution

temporale, nous avons toujours constaté que la dégénérescence la plus intense

occupe la profondeur du lobule lingual.

Ce que nous avons dit pour le faisceau de Vialet s'applique également au

« faisceau transverse du cunéus » de Sach ; que ce faisceau soit composé

surtout de fibres d'association c'est indubitable ; il provient en partie de la lèvre

supérieure de la scissure calcarine et reçoit de nombreuses fibres de la con-

vexité occipitale, mais il contient en outre les fibres de la partie supérieure de

la couche sagittale externe qui vont se terminer dans le cunéus et qui font par-

tie de la couronne rayonnante corticipète du lobe occipital. Nous voyons donc

l'intimité de relation qui existe entre ces deux ordres de fibres de nature

essentiellement différente (fig. 1 et 6).

Au niveau du carrefour ventriculaire, de cette partie du lobe temporal où la

corne sphénoïdale atteint ses plus grandes dimensions, la couche sagittale ex-

terne ne représente plus la couche sagittale externe du lobe occipital ; elle en

diffère sensiblement. Les fibres du faisceau optique central se resserrent et

n'occupent que le segment horizontal (sous-ventriculaire) et environ le tiers

inférieur de son segment vertical (fig. 2) et déjà, à la jonction des tiers infé-

rieur et moyen de la couche sagittale externe, les fibres du faisceau optique

central commencent à se porter en haut et en dedans, et plus loin en avant,

dès que la partie recourbée du noyau caudé apparaît le long de la paroi ventri-

culaire externe, les fibres du faisceau optique se groupent en fascicules com-

pacts et entourent sa partie inférieure. Quelques fibres éparses du faisceau

optique, cependant, occupent encore la partie moyenne de la couche sagittale

externe.

Nous pourrions donc, pour simplifier l'exposition de nos idées sur la réparti-

tion des fibres au niveau de la partie postérieure du lobe temporal, résumer de

la façon suivante :

a) Le tiers supérieur de la couche sagittale externe contient la couronne

rayonnante du-lobe pariétal.

b) Le tiers moyen : les fibres de projection corticipètes,mais surtout cortici-

fuges des première et deuxième circonvolutions temporales, et en plus, quel-

ques fibres du faisceau optique central.

c) Le tiers inférieur : les fibres du faisceau optique central.

d) Le tiers moyen de la couche sagittale interne contient un bon nombre de

206 LASALLE-AL1CHA11BAULT

fibres du faisceau optique intimement mêlées aux radiations thalamiques de la

sphère visuelle corticale.

e) Le tiers inférieur renferme les radiations thalamiques des régions posté-

rieures de l'hémisphère en général,mais surtout des circonvolutions du bord

inférieur.

Ce que nous venons dé dire ne s'applique qu'aux fibres qui longent la paroi

ventriculaire externe. Quant à la répartition des fibres situées sous la paroi

ventriculaire inférieure, elle est à peu près la même que dans le lobe occipital,

c'est-à-dire que la couche externe comprend surtout les fibres du faisceau opti-

que central et la couche interne des fibres thalamiques provenant des circon-

volutions inférieures de la face médiane.

Il va sans dire que ce résumé ne correspond pas mathématiquement à la réa-

lité, mais nous croyons qu'il n'est pas inutile de schématiser ainsi, lorsqu'il

s'agit d'un sujet aussi controversé et d'une aussi grande délicatesse d'interpré-

tation que celui dont nous nous entretenons.

Dans la partie moyenne du lobe temporal, au niveau du pulvinar, une grande

partie des fibres du faisceau optique central s'est portée en dedans et correspond

à une ligne imaginaire reliant le noyau caudé à l'angle inférieur du segment

vertical de la couche sagittale externe; quelques fibres occupent la partie la

plus supérieure ou dorsale de la couche sagittale externe et entrent dans la

constitution du segment rétro-lenticulaire de la capsule interne..

On pourrait dire qu'à ce niveau les fibres du faisceau optique central se

divisent en deux fascicules de volume inégal, dont l'un, plus considérable, est

refoulé vers la paroi ventriculaire, dont l'autre se confond avec toutes les fibres

entrant dans la constitution du segment rétro-lenticulaire de la capsule interne

et que cette dissociation du faisceau optique est nécessitée par le passage des

radiations thalamiques dans le pulvinar de la couche optique, des radiations

du corps quadrijumeau antérieur et du corps genouillé interne, du faisceau de

Türck, etc.

Nous voulons insister davantage sur cette dissociation du faisceau optique

central, car nous croyons qu'elle, a prêté à beaucoup de confusion, qu'elle est

responsable d'un bon nombre d'erreurs devenues classiques. En décrivant

ce faisceau au niveau du carrefour ventriculaire, nous avons dit que ses fibres

se portent obliquement en dedans vers la paroi du ventricule ; c'est à cet

endroit, en effet, que débute une transposition partielle, mais progressive des

fibres qui constituent les deux couches sagittales.

Il se fait un véritable entrecroisement des fibres du faisceau optique et des

radiations thalamiques, entrecroisement qui s'accentue au sur et à mesure

que l'on se rapproche des ganglions de la base. Peu appréciable dans la région

temporale postérieure, puisque les fibres affectent à ce niveau une direction

antéro-postérieure, cet entrecroisement devient extrêmement net (coupes fron-

tales) dès que l'on considère les plans antérieurs et que l'on aborde le segment

rétro-lenticulaire de la capsule interne, le pulvinar de la couche optique.

A cet endroit, les fibres deviennent verticales, et alors on constate que

les plus externes (fibres du faisceau optique) se portent obliquement en haut

LE FAISCEAU LONGITUDINAL INFÉRIEUR ET LE FAISCEAU OPTQUE CENTRAL 207

et en dedans, côtoient le bord externe du noyau caudé sphénoïdal, puis s'arrê-

tent brusquement à la partie inférieure du champ de Wernicke. Elles sont par-

tout croisées par les radiations thalamiques qui, abandonnant la couche sagit-

tale interne, se dirigent en haut et légèrement en dehors, traversent l'amas

des fibres du faisceau optique central, se cuudent fortement au niveau de la

partie interne du segment rétro-lenticulaire de la capsule interne et s'irradient

dans le pulvinar.

Avec l'interposition du corps genouillé externe, on note le déplacement pro-

gressif du champ d'entrecroisement qui remonte le long de son bord externe ;

en effet pour arriver à leur destination, les radiations thalamiques, les radia-

tions du corps genouillé interne et des corps quadrijumeaux passent mainte-

nant au-dessus du corps genouillé externe.

Enfin, au niveau du bord antérieur de ce noyau, c'est le faisceau de Turck

qui établit la limite antérieure de cet entrecroisement de fibres corticipètes et

corticifuges. En arrière du pulvinar, le faisceau de Türck occupait encore la

couche sagittale externe, mais au sur et à mesure que les radiations thalami-

ques abandonnent la couche sagittale interne pour passer dans la capsule in-

terne et se terminer dans les noyaux centraux, elles sont remplacées par les

fibres du faisceau deTürck ; et sur les coupes intéressant la partie antérieure

dû corps genouillé externe,c'est ce faisceau qui constitue la plus grande partie e

du segment vertical de la couche sagittale interne : c'est peut-être ce qui a

porté Flechig à considérer ce faisceau de Türck comme partie des radiations

optiques.

Il est indubitable que cet entrecroisement a été la cause de bien des erreurs

d'interprétation. Nous avons vu que Probst, Redlich et bien d'autres considè-

rent qu'il est impossible de répartir les fibres sagittales du lobe temporo-occi-

pital en deux couches bien délimitées ; ils ne veulent admettre que des fibres

thalamo-corticales et cortico-thalamiques ne reconnaissant aucune distribution

particulière. Cela nous paraît quelque peu exagéré ; qu'il en soit ainsi au ni-

veau de la partie moyenne du lobe temporal,cela est indubitable; mais dans la

région du carrefour ventriculaire, on arrive à établir (ainsi que nous l'avons

fait plus haut) une délimitation relativement exacte. Enfin, dans le lobe occi-

pital, il n'est plus question de confondre les fibres des couches sagittales ;

la couche externe est franchement corticipète et la couche interne franchement

corticifuge. Parmi les fibres dont parle Dejerine, fibres qui s'infléchissent en

dedans au niveau des première et deuxième circonvolutions temporales et qui

se colorent fortement par l'hématoxyline, il en est un bon nombre qui appar-

tiennent au faisceau optique central, d'autres au faisceau de Türck et aux ra-

diations du corps genouillé interne.

Les faits que nous venons d'exposer sur l'entrecroisement des fibres sagitta-

les, surtout au niveau du segment rétro-lenticulaire de la capsule interne,

ne sont pas absolument nouveaux ; ils étaient connus de Gratiolet, mais les

merveilleuses descriptions de ce grand savant n'ont jamais trouvé faveur au-

près de ceux qui lui out succédé ; elles n'ont même pas éveillé de soupçons.

Encore ici, nous devons dire que ce n'est pas à l'anatomie normale qu'il

208 LASALLE-A RCilAlliBAULT · -

faut avoir recours pour l'étude du trajet des fibres nerveuses; c'est à l'aide

des dégénérescences secondaires que nous avons pu nous convaincre des faits

que nous venons de décrire.... mais comme toujours, une fois la chose bien

vue, l'on arrive ensuite plus ou moins facilement à reconnaître sur des coupes

normales, les détails d'entrecroisement des fibres sagittales. Les fibres corti-

cipètes se colorent fortement et présentent souvent une teinte verte, les fibres

corticifuges, surtout les radiations thalamiques et les fibres du faisceau de

Türck, prennent une coloration nettement plus faible ; elles se distinguent

par leur teinte plutôt grise ou brune. Enfin ces distinctions de couleur et de

trajet ne se constatent facilement que sur des coupes relativement fines (40-

60 fi- environ).

Revenons à la répartition des fibres du faisceau optique central au niveau'

du corps genouillé externe ; dès que s'est effectué le passage de toutes les

fibres corticifuges destinées au pulvinar, au corps genouillé interne, au pied

du pédoncule cérébral, ces fibres du faisceau optique qui longent encore la

paroi ventriculaire abandonnent petit à petit leur position, deviennent verti-

cales, se portent vers la partie inférieure de la capsule externe (fig. 3),traver-

sent l'angle inférieur du noyau lenticulaire et se recourbent' vers le corps ge-

nouilllé externe.

Nous avons déjà décrit le trajet du faisceau optique central après son émer-

gence du corps genouillé externe, nous avons vu la direction que prennent ses

fibres avant de se réunir au-dessous et en dehors delà corne sphènoïdale du

ventricule latéral, nous ne reviendrons pas sur ces détails ; mais nous n'avons

pas suffisamment insisté sur la disposition des fibres de ce faisceau dans la par-

tie antérieure du lobe temporal ainsi que sur leurs relations avec les fibres d'as-

sociation de la région. En parlant de ce faisceau optique au niveau du lobe occi-

pital, nous avons insisté sur la délimitation peu précise entre ces deux ordres de

fibres bien distincts ; délimitation impossible sur des coupes normales, mais

grandement facilitée par la dégénérescence secondaire. Or, il en est absolument

de même dans le lobe temporal, avec cette différence toutefois qu'en raison de

la configuration de l'hémisphère à ce niveau, le problème déjà difficile dans le

lobe occipital se complique plus que jamais.

Dans le lobe occipital, la corne ventriculaire est petite, il n'existe pas de com-

missure calleuse ou de masses grises centrales, les scissures et les sillons (excep-

tion faite de la calcarine) sont peu profonds et par conséquent entre les couches

sagittales qui entourent ie ventricule et l'écorce, il existe un vaste champ des-

tiné à recevoir les faisceaux d'association ; la preuve, c'est que l'on a décrit un

bon nombre de faisceaux d'association propres au lobe occipital. Personnelle-

ment nous admettons que ces faisceaux, surtout par l'intermédiaire de leurs

fibres profondes, se mêlent plus ou moins aux fibres les plus externes de la cou-

che sagittale externe, mais nous ne croyons pas que cet enchevêtrement soit très

marqué, ou du moins assez considérable pour que l'on puisse donner à l'ensem-

ble de ces deux couches de fibres le nom de faisceau longitudinal inférieur ; s'il

en était autrement on ne se serait pas donné la peine de décrire un faisceau de

Sachs, un faisceau de Wernicke et un faisceau de Vialet. La description à part

LK FAISCEAU LONGITUDINAL INFÉRIEUR ET LE FAISCEAU OPTIQUE CENTRAL 91) : )

de ces faisceaux est une excellente garantie que dans l'esprit, des auteurs ? ces

faisceaux étaient bien indépendants de la couche sagittale externe occipitale, et

c'est ce que nous croyons nous-même, exception faite, bien entendu, de leur

juxtaposition, particularité purement topographique, question d'intimité de voi-

sinage. Mais ce que nous ne croyons pas, c'est que ces faisceaux soient propres

au lobe occipital.

Nous devons donc nous éloigner momentanément de notre sujet et briève-

ment exposer quelques idées personnelles sur les fibres d'association en général.

Comme Beevor, nous croyons que le cingulum postérieur ou inférieur est in-

dépendant du cingulum horizontal qui occupe la première circonvolution lim-

bique. Cela est vrai d'une façon générale ; cependant lorsque l'isthme de la pre-

mière circonvolution limbique contourne le splénium du corps calleux et s'u-

nit au lobule lingual pour constituer la circonvolution de l'hippocampe, les deux

parties du cingulum,occupant exactement les régions sous-corticales qui se sont

fusionnées, s'enchevêtrent plus ou moins ; mais la plus grande partie du cingu-

lum horizontal conserve son individualité, se continue vers le pôle occipital et

occupe le cunéus et le précuneus, il prend ici le nom de faisceau transverse du

cunéus de Sachs et comprend en réalité le « stratum proprium cunei » de ce

même auteur. Nous savons que pour certains auteurs, pour Déjerine en parti-

culier, le cingulum. horizontal reçoit et émet des fibres pour la première circon-

volution frontale, pour le lobule para-central, le précuneus, etc., nous parta-

geons absolument cette manière de voir et avons eu l'occasion maintes fois de

vérifier ces relations du cingulum. Or, la même chose se passe au niveau du

lobe occipital,' le faisceau transverse de Sachs est l'analogue du cingulum.

horizontal et le stratum proprium cunei représente le contingent que ce fais-

ceau reçoit et émet pour les 'circonvolutions médianes et supérieures du lobe

occipital. Ces deux faisceaux font partie d'un seul système, constituent le

cingulum supérieur du lobe occipital et ne diffèrent dans leurs caractères

physiques du cingulum de la première circonvolution limbique qu'en raison

de l'absence d'une commissure calleuse et des autres éléments, qui, à des ni-

veaux antérieurs augmentent dans le sens transversal, le territoire occupé par

la corticalité.

Il en est de même aussi pour le cingulum inférieur de Beevor ; il se continue

en arrière du bourrelet du corps calleux et occupe le lobule lingual au niveau de

la scissure calcarine, on lui a donné le nom de faisceau de Vialet, mais pour

nous il représente le cingulum inférieur du lobe occipital : il émet pour le lobule

fusiforme, la troisième circonvolution occipitale et (plus en avant) pour la troi-

sième circonvolution temporale un bon nombre de fibres et en reçoit également

de ces mêmes circonvolutions. Tous ces faisceaux, ou plutôt toutes ces subdivi-

sions d'un seul et même faisceau, se délimitent plus ou moins nettement selon

le degré de compression auquel ils sont exposés, à condition que l'axe de leurs

fibres diffère de celui des faisceaux voisins. C'est ainsi que l'on reconnaît facile-

ment le stratum calcarinum et que le faisceau perpendiculaire de Wernicke,

qui est difficile à suivre sur une coupe normale, se transforme en faisceau régu- z

xix 14 '

210 0 LASALLE-ABCF11MBA UB'r

fièrement conformé dès qu'il existe de la dilatation ventriculaire au niveau de la

corne occipitale.

Les faisceaux de Sachs et de Vialet contiennent des fibres sectionnées (coupes

frontales) en travers et sur la longeur ; ces dernières sont surtout situées vers

les parties médianes et se délimitent assez bien des fibres de la couche sagittale

externe, excepté aux angles supéro-interne et inféro-interne, c'est-à-dire là où

la couche sagittale externe abandonne des fibres à la scissure calcarine. Par

contre vers les parties moyennes et latérales, les faisceaux de Vialet et de Sachs

ne contiennent que quelques fibres dirigées transversalement en dehors, pour la

plupart, ces fibres sont dirigées dans le même sens que les fibres de la couche

sagittale externe, s'enchevêtrent plus ou moins avec ces dernières, et ce n'est

que grâce au peu de compression qui existe à cet endroit, que l'on peut dire

d'une façon générale : cette zone plus compacte appartient à la couche sagittale

externe et cette ombre immédiatement en dehors représente les faisceaux de

Sachs et de Vialet (Fig. 1 et 6).

Si nous faisons une application pratique de ces considérations en étudiant les

relations du faisceau optique central au niveau de la partie antérieure du lobe

temporal, nous voyons qu'ici, comme dans le lobe occipital, il existe un fais-

ceau d'association, absolument analogue au faisceau de Vialet, dont les fibres les

plus internes sont plus visibles parce qu'elles sont comprimées dans l'axe de leur

direction, là où elles passent entre les fibres propres de la circonvolution de

l'hippocampe et la cloison ventriculaire qui sépare la corne d'Ammon de cette

même circonvolution. Les fibres les plus externes, les plus inférieures ont une

direction antéro-postérieure comme celles du faisceau optique central ; mais à

ce niveau, en raison de l'interposition des glanglions de la base, de la présence

de la commissure calleuse, de scissures profondes (scissure de Sylvius, sillon de

Rolando),de l'existence de circonvolutions d'ordre particulier(corne d'Ammon et

insula de Reil), l'aspect de l'hémisphère s'est sensiblement modifié, toutes les

relations des divers systèmes de fibres ont grandement changé, mais ces sys-

tèmes eux-mêmes existent encore.

Nous ne nous occupons que du lobe temporal. Ses circonvolutions sont sépa-

rées par des sillons profonds, entre la paroi ventriculaire inférieure et l'écorce,

la substance blanche est d'une extrême minceur (fig. 3) et nous disions que les

fibres d'association des parties internes se dessinent plus nettement que les

fibres inférieures et externes. Aux fibres internes,on a donné le nom de cingulum

postérieur pu inférieur, mais ces dernières sont, à notre avis, inséparables des

fibres qui occupent les plans inférieurs, et l'ensemble des deux représente pour

nous la continuation temporale du faisceau de Vialet. Or, quel parcours allons-

nous accorder à ces fibres, puisque la substance profonde de cette région leur

refuse le vaste champ qu'elles avaient dans le lobe occipital ? Évidemment elles

devront forcément occuper le même territoire que les fibres de projection et se

confondre avec celles-ci dans une certaine mesure.

Nous admettons donc l'impossibilité de séparer ces deux ordres de fibres sur

des préparations normales, mais quand l'un ou l'autre est dégénéré, on se rend

compte de la répartition des fibres appartenant à chacun.Nous avons (PI.IV) une

LE FAISCEAU LONGITUDINAL INFÉRIEUR ET LE FAISCEAU OPTIQUE CENTRAL 211

lésion de la circonvolution de l'hippocampe avec dégénérescence du cingulum

inférieur de Beevor, et alors nous constatons que les fibres dégénérées passent

en dessous des couches sagittales, mais qu'un grand nombre traverse ces cou-

ches et non seulement la couche sagittale externe, mais aussi la couche sagittale

interne et même le « tapetum » ; ces fibres dégénérées se rendent surtout aux

circonvolutions fusiformes et troisième temporale, et en plus petit nombre à la

deuxième circonvolution temporale. Elles ont une direction surtout transversale,

mais aussi oblique, et se poursuivent sur un certain nombre de coupes (fron-

tales). ,

Allons-nous dire que ces fibres font partie du faisceau optique ceutral, ou

même du faisceau longitudinal inférieur ? Nous ne croyons pas qu'il convienne

de grouper ainsi les choses, pas plus que de faire du faisceau de Vialet et de la

couche sagittale externe occipitale un seul et même faisceau. Or, comme on n'a

jamais songé à cette union pour le lobe occipital, pourquoi faire exception du

lobe temporal ? Disons plutôt que délimitation plus ou moins facile en arrière

devient excessivement difficile en avant, même impossible sur des coupes nor-

males, mais que la dégénérescence, secondaire nous permet de résoudre le pro-

blème. ·

En parlant du cingulum, nous avons dit que son segment horizontal reçoit

des fibres de la troisième circonvolution frontale, du lobule para-central et du

précuneus, et qu'il émet des fibres pour les mêmes circonvolutions. Nous irons

plus loin et nous dirons que les circonvolutions de la face externe de l'hémi-

sphère ont absolument les mêmes relations avec le cingulum, soit avec son

segment horizontal, soit avec son segment inférieur. En effet, les lésions limi-

tées à la face latérale retentissent sur le cingulum. (fig. 2 et 7).

La figure 2 représente une coupe frontale au niveau du carrefour ventricu-

laire. Il s'agit d'un ramollissement ayaut atteint la partie postérieure du gyrus

FiG. 7. - Coupe frontale du lobe frontal.

F3 : Troisième circonvolution frontale en grande partie détruite.

Cg : cingulum.

212 LASALLE-ARCHAMBAULT .

supramarginalis, le pli courbe, la partie postérieure des. deuxième et troisième

circonvolutions temporales ; la lésion s'étend dans la profondeur et sectionne

les couches sagittales profondes au niveau de la partie supérieure de la paroi

ventriculaire externe. On constate une dégénérescence considérable du cingulum

aussi bien dans son segment inférieur (lobule lingual) que dans son segment

supérieur (isthme de la première circonvolution limbique). On voit, en outre,

un fascicule normal traverser le tissu décoloré au-dessus du forceps du corps

calleux et se porter vers le gyrus supramarginalis ; ce fascicule représente les

fibres normales du cingulum provenant des circonvolutions non lésées. de la

face interne de l'hémisphère.

' La figure 7 a trait à une lésion de la troisième circonvolution frontale et de la

partie inférieure de la frontale ascendante. Sur cette coupe frontale, prise au

niveau du genou du corps calleux, on constate également une dégénérescence

des deux parties du cingulum, c'est-à-dire au-dessus et au-dessous du corps

calleux. '

Nous avons observé des faits analogues dans un bon nombre de cas ; des

lésions de la troisième circonvolution temporale et du lobule fusiforme entraî-

ner une dégénérescence appréciable du cingulum de Beevor (PI. XXX).

Il semble donc que ces fibres qui passent de la face externe de l'hémisphère

à sa face interne et vice versa, existent en nombre considérable ; cependant,

. elles ne sont pas disposées de façon à constituer de véritables faisceaux ; au-

trement ces faisceaux auraient depuis longtemps trouvé leur place dans les

'traités classiques.

) Nous avons déjà parlé de ces fibres dans le lobe temporal et avons dit que,

pour nous, elles représentent un système analogue au faisceau de Vialet ; de

mêmes, les fibres du lobe fronto-pariétal constituent un faisceau de Sachs de

cellobe.

, On ne .se rend pas compte de l'existence de ces fibres pour les raisons que

nous avons déjà indiquées pour le lobe temporal. Or, dans le lobe fronto-parié-

tal, ces fibres, destinées à relier la convexité à la première circonvolution lim-

bique,doivent traverser toute la largeur de la partie supérieure de l'hémisphère, .

et cela à des niveaux où le cerveau atteint son maximum de développement.

Elles se perdent donc dans la masse des fibres de la couronne rayonnante, mais

nous n'irons pas dire qu'elles en font partie.

Le faisceau arqué de Burdach n'est bien délimité qu'en avant ; en arrière il

se confond avec les fibres de projection, mais personne n'a prétendu jusqu'ici

qu'il appartient à la couronne rayonnante du lobe pariétal.

Pour nous, il existe une couronne rayonnante du lobe temporo-occipilal 1

absolument identique à celle du lobe fronto-pariétal ; elle est partout entourée

de fibres d'association ; à certains endroits ces deux ordres de fibres occupent

à peu près le même territoire, mais, ainsi qu'est reconnue l'indépendance de

ces fibres dans le lobe fronto-pariétal, de même nous insistons sur leur indé-

pendance dans le lobe temporo-occipital.

Au niveau du corps genouillé externe, les fibres du faisceau optique central

longent surtout la paroi ventriculaire externe et occupent encore en grand

LE FAISCEAU LONGITUDINAL INFÉRIEUR ET LE FAISCEAU OPTIQUE CENTRAL 213

nombre la partie inférieure du segment vertical de la couche sagittale externe;

elles n'existent qu'en très petit nombre au-dessous du ventricule. Au sur et à

mesure que l'on se rapproche du pôle temporal, les fibres du faisceau optique

abandonnent le segment horizontal de la couche sagittale externe, deviennent

verticales, se groupent en fascicules compacts le long de la paroi ventriculaire

externe, et enfin, au niveau du globus pallidus du noyau lenticulaire, elles

n'occupent guère que la partie supérieure de la couche verticale peu différenciée

de la région. De pair avec le déplacement du faisceau optique, s'est opéré le

rétrécissement de l'extrémité antérieure de la corne sphénoïdale, la substance

profonde occupe un territoire de plus en plus vaste et les fibres d'association se

sont de nouveau rassemblées en un faisceau situé au-dessous du ventricule ; ces

fibres d'association constituent, au niveau du passage de la commissure anté-

rieure sur la ligne médiane, la presque totalité du segment horizontal de la

couche sagittale externe. Ce segment horizontal semble se continuer avec le seg-

ment vertical, mais il n'en fait nullement partie.11 contient des fibres qui appar-

tiennent surtout au cingulum inférieur de Beevor, mais aussi au faisceau uncina-

tus ; il représente au niveau de la partie antérieure du lobe temporal le faisceau

de Vialet du lobe occipital.

Nous nous sommes étendu longuement sur la considération des fibres d'asso-

ciation ; cela nous a paru indispensable à l'élucidation d'un sujet fort complexe,

nous avons voulu dégager de la masse de fibres dont est constituée la couche

sagittale externe du lobe temporo-occipital, un faisceau à part, qui est, à notre

sens, extrêmement important et que personne n'a réellement décrit jusqu'à ce

jour.

Si nous avons fait usage du terme « faisceau optique central », ce n'est pas

que nous ayons été poussé tant par le désir d'introduire un néologisme dans le

vocabulaire scientifique que par celui de donner à l'exposition de nos idées le

cachet de netteté et de précision qui lui est nécessaire. Il n'en est pas moins

vrai que dans son trajet et dans ses relations, le faisceau optique central s'iden-

tifie en grande partie avec le faisceau longitudinal des auteurs ; seulement le

faisceau longitudinal prend son origine dans lobe occipital et se termine dans

l'écorce du lobe temporal, tandis que notre faisceau optique tire son origine du

corps genouillé externe etse termine dans les deux lèvresdela scissure calcarine,

surtout dans sa lèvre inférieure.

Nous avons vu que pour certains auteurs, Flechsich (1), Probst (2), Red-

lich (3) et autres, qui comme nous, n'admettent dans le faisceau longitudinal

inférieur ou dans la couche sagittale externe, que des fibres de projection,

ces fibres seraient essentiellement thalamo-corticales et cortico-Liiilaniiqlles

(1) FLECIlS1G; nreilae Dlitleiluu4ez über den Slabltranz des menschlichen Grosshirns.

Neurologisches Centralblatt VX, 939(i.

(2) Probst, Archiv sur Psychiatrie, Bd 33, 1900.-lllonatsch. sur Psychiatrie, Bd 7,1900.

Jahrbuch sur Psychiatrie, Bd 20, 1901. - Archiv für Psychiatrie, Bd 35.- Wienn-

klinische Wochenschrift, 1902.

(3) HEIJL1CH, Zur vergleicheuderz Anatomie der Association système des Gehirns des

Saugellaiere. Arbeiten aus dem neurologischen Inst (Prof. Obersteiner) Band XII, 1905,

214 LASALLE-ARCHAMBAULT

mais ces auteurs parlent indifféremment de faisceau ou de couche sagittale.

Pour nous, ainsi que nous l'avons déjà fait remarquer, il existe une différence

appréciable entre ces deux termes ; la couche sagittale externe contient le

faisceau longitudinal inférieur des auteurs classiques et en plus : des fibres du

faisceau de Turck, des fibres qui passent de la première circonvolution tempo-

rale au corps genouillé interne, etc. Les auteurs qui ont fait la meilleure des-

cription du faisceau longitudinalinférieur ont eu le soin d'insister que toutes

ces fibres ne font que traverser le faisceau longitudinal et qu'elles n'en font

nullement partie. Il est évident que ces deux dénominations ne sont pas syno-

nymes.

Mayendorf (1) est le seul auteur dont les idées se rapprochent des nôtres.

Dans un cas de ramollissement du pli courbe et de la deuxième circonvolution

temporale, il a observé une dégénérescence de la couche sagittale externe dans

le lobe occipital et a vu ses fibres se terminer dans les deux lèvres de la scissure

calcarine ; mais lui aussi parle de la couche sagittale externe sans préciser

davantage et fixe son origine dans le corps genouillé externe et dans le noyau

latéral de la couche optique.

Pour nous, le faisceau optique central ne provient que du corps genouillé

externe et nous ne croyons pas que les lésions de la couche optique retentissent

sur le lobe. occipital ; exception faite, bien entendu, de ces lésions situées dans

la partie postérieure et inférieure de la couche optique et qui, en raison même

de leur siège, atteignent nécessairement les fibres provenant du corps genouillé

et entraînent la dégénérescence. Notre excellent collègue et ami, M. Roussy,

a eu l'amabilité de mettre à notre disposition des coupes sériées de cas de

lésions de la couche optique ; il s'agissait de foyers plus ou moins éloignés du

corps genouillé et nous n'avons constaté aucune dégénérescence appréciable

dans le territoire qu'occupe le faisceau optique central.

Quant à la couche sagittale externe du lobe temporal, nous admettons parfai-

tement qu'elle renferme un certain nombre de fibres thalamo-corticales et un

nombre infiniment plus grand de fibres cortico-thalamiques.

Après avoir exposé en détail les multiples particularités du faisceau optique

central, nous nous trouvons en présence de faits qui ne prêtent guère à aucun

doute le « faisceau optique central » s'identifie, d'une façon remarquable

avec le « faisceau longitudinal inférieur », - nous croyons que ces deux fais-

ceaux ne font qu'un.

On nous dira que le faisceau longitudinal est un faisceau fort bien développé

et que le corps genouillé externe ne peut guère représenter son noyau d'origine.

A cela nous répondrons que le faisceau longitudinal est beaucoup plus petit que

l'on ne pense. Il est facile de se créer des illusions sur le volume d'un faisceau

dont le territoire est constamment traversé par des fibres qui ne lui appartien-

nent pas. Pour entrer dans la constitution du tapetum et de la couche sagit-

tale interne, les radiations calleuses et les radiations thalamiques doivent tra-

(1) MAYENDORF, Vom Fasciculus longitudinalis inferior. Arch. f. Psych., 1903,

t XXXVII.

LE FAISCEAU LONGITUDINAL INFÉRIEUR ET LE FAISCEAU OPTIQUE CENTRAL 215

verser le faisceau longitudinal inférieur. Ce passage de fibres débute dans le

lobe occipital et se continue sur toute l'étendue comprise entre le pôle occipital

et les ganglions de la base ; enfin, au niveau du carrefour ventriculaire, les ra-

diations thalamiques et genouillées des première et deuxième circonvolutions

temporales ne passent pas dans la couche sagittale interne, mais se confondent

avec les fibres du faisceau longitudinal et concourent avec ces dernières à for-

mer la couche sagittale externe fort compliquée de cette région. Il est donc évi-

dent que sur des coupes normales, on ne voit pas le faisceau longitudinal tel

qu'il existe en réalité; mais lorsque l'on a la rare chance d'étudier un ramollis-

sement strictement localisé à l'écorce, disons de la troisième circonvolution

temporale et du lobule fusiforme, les courtes fibres d'association, les fibres

calleuses et les radiations thalamiques qui proviennent de. ces circonvolu-

tions sont dégénérées, on constate que la couche sagittale externe est partout

traversée par de petites raies blanchâtres, mais qu'elle renferme encore un très

grand nombre de fibres normales. Ces fibres saines sont les fibres de projection

corticipètes de cette couche, elles représentent l'ensemhle des fibres qui consti-

tuent le faisceau optique central, le faisceau longitudinal. Ce faisceau existe

alors à l'état de pureté et il diffère sensiblement du faisceau longitudinal d'une

coupe normale.

Nous nous croyons donc autorisé à déduire de toutes ces considérations les

conclusions suivantes :

CONCLUSIONS

1) Il existe un faisceau qui, dans le lobe temporal, occupe en partie la couche

sagittale externe, en partie la couche sagittale interne et qui, dans le lobe occi-

pital, constitue la presque totalité de couche sagittale externe. Ce faisceau qui

représente la couronne rayonnante corticipète du lobe occipital, tire son ori

gine du corps genouillé externe et se termine dans les deux lèvres de la scissure

calcarine, mais surtout dans sa lèvre inférieure. Nous proposons pour ce faisceau

le nom de « faisceau optique central », ou mieux encore, celui de « faisceau

géniculo-calcarinien ».

2) Ce faisceau doit être séparé des fibres d'association qui envahissent cons-

tamment son territoire. Si, pour des raisons de simplicité, l'usage veut que

l'on considère comme faisant partie d'un faisceau tout ce qui ne fait que le tra-

verser, nous dirons que le « faisceau longitudinal inférieur » des auteurs clas-

siques comprend : a) le « faisceau optique central » et, en plus, b) un certain

nombre de fibres d'association.

3) Quelle que soit l'étendue d'une lésion du lobe occipital, tout rentre dans

l'ordre au niveau de la partie antérieure du lobe temporal et nous n'admettons

pas l'existence chez l'homme de longues fibres d'association des auteurs.

4) Le cingulum n'a pas pour fonction de relier la première à la deuxième cir-

convolution limbique, mais de relier chacune d'elles aux circonvolutions de la

face médiane et aussi de la face latérale de l'hémisphère et vice versa. Les -deux

segments du cingulum, segments 'horizontal et inférieur de Beevor, se conti-

216 LASALLE-ARCfIAMBA ULT

nuent dans le lobe occipital où ils prennent les-noms de faisceaux de Sachs et

de Vialet.

5) Les faisceaux de Sachs et de Vialet ne sont pas propres au lobe occipital,

mais existent également dans la lobe pariéto-temporal, et ne sont facilement

décelables qu'en raison de la configuration particulière de cette région.

6) Le faisceau perpendiculaire ou vertical de Wernicke n'est pas propre au

lobe occipital, il se retrouve dans le lobe temporal ; c'est même au 'niveau

du carrefour ventriculaire qu'il atteint son maximum de développement.

7) Les radiations thalamiques postérieures (pariéto-occipitales) et inférieu-

res (temporo-occipitales) proviennent de toutes les circonvolutions des lobes

temporal et occipital et de la partie postérieure du lobe pariétal.

8) Le tapetum est formé exclusivement de fibres calleuses ; il ne renferme

pas de fibres d'association.

9) La couche sagittale interne de la couroune rayonnante du lobe fronto-

pariétal, la zone réticulée de la couronne rayonnante de Sachs, constitue un fais-

ceau de projection allant à la première circonvolution limbique et tire son ori-

gine de la couche optique.

10) Il n'existe pas chez l'homme de faisceau d'association occipito-frontal.

11) Aucune fibre de l'écorce occipitale ne passe dans le pied du pédoncule

cérébral ; toutes les fibres que les régions postéro-inférieures de l'hémisphère

envoient au pédoncule proviennent du lobe temporal, surtout de la partie

moyenne de la deuxième circonvolution temporale, et en partie de la troisième

circonvolution temporale. Ces fibres constituent le faisceau de Turck.

Le gérant : P. BOUCIIEZ.

Imp. J. Thevenot, Saint-Dizier (Haute-Marne).

19e Année N° 3 MAI-JUIN

(travail DU laboratoire d'histologie DE l'école DES hautes-études

AU COLLÈGE DE FRANCE ET DU SERVICE DE M. LE Dr BABINSKI, A L'HÔPITAL DE LA PITIÉ).

RÉGÉNÉRATION COLLATÉRALE DE FIBRES NERVEUSES

T>JRM1NÉL,S ? ? ARM`ÛES MASSUES DE CROISSANCE, A

L'ÉTAT PATHOLOGIQUE ET 'A L'ÉTAT NORMAL ; LÉSIONS

TABÉTIQUES DES RACINES MÉDULLAIRES,

PAR

J. NAGEOTTE

Médecin de Bicêtre.

La méthode de Ramon y Cajal (alcool-ammoniaque et argent réduit),

appliquée à l'étude des ganglions et des racines des tabétiques,1 permet de

constater des faits nouveaux, qui jettent une vive lumière sur le processus

anatomique du tabes, et qui, considérés à un point de vue général, jouent

un rôle important dans la biologie normale des neurones.

Deux points attireront successivement notre attention : 1° l'etatmonili-

forme des cylindraxes radiculaires antérieurs et postérieurs, et la localisa-

tion remarquable de cette altération dans le tabes incipiens ; 2° les curieux

phénomènes de régénération qui se passent dans les ganglions et dans les

racines postérieures pendant toute la durée du tabes, parallèlement à la

destruction progressive des fibres radiculaires.

Dans ce deuxième chapitre nous serons conduit vers une interpréta^

tion inattendue de la nature et du rôle physiologique des fibres terminées

par des boules sous-capsulaires et intracapsulaires,découvertes par Ramon

y Cajal dans les ganglions rachidiens à l'état normal ; nous verrons que

ce sont vraisemblablement des organes de réparation, destinés à rempla-

cer les fibres qui disparaissent par suite de l'usure normale des racines ;

nous verrons également qu'il existe dans la substance grise de la moelle,

à l'état normal et à l'état pathologique, des formations analogues, qui

'jouent sans doute le même rôle à l'égard des fibres médullaires. De ces

faits, jusqu'ici inconnus, nous tirerons la conclusion qu'il s'agit là d'un

phénomène général, ou tout au moins propre à plusieurs catégories de

neurones.

XIX 1;;

218 NAGEOTTE

Avant d'entrer dans la description détaillée des nouvelles lésions et des

régénérations, et avant d'entreprendre la discussion des questions géné-

rales qu'elles soulèvent, je dois donner les détails indispensables sur les

matériaux utilisés et indiquer brièvement les résultats fournis par les mé-

thodes anciennes. Cette étude préalable servira à établir la topographie de

la région en cause et à préciser les concordances qui existent entre les

lésions déjà connues et celles que je me propose de décrire.

Les matériaux mis en oeuvre, sans compter les pièces de comparaison

entièrement normales, proviennent de deux cas de tabès amyotrophique

ancien, un cas de paralysie générale sans tabes appréciable par les mé-

thodes usuelles et un cas de névrite radiculaire à polynucléaires chez une

femme atteinte de cancer du rectum.

Cas. I. Tabes amyolrophique chez un homme de 46 ans, mort dans le

service de M. Babinski. C'est le cas que j'ai publié dans ma note du 20 mai

1905 à la Société de Biologie. Les lésions médullaires sont celles du tabes

avancé classique ; la dégénération des racines postérieures à la région lombo-

sacrée est très considérable, c'est à peine s'il reste quelques rares fibres à

myéline intactes. Les racines antérieures présentent les lésions que j'ai dé-

crites à plusieurs reprises ; leurs grosses fibres sont en grande partie rempla-

cées par des paquets de fibres à myéline fines très serrées ; ces paquets, dans

les dissociations, se présentent comme de longs cylindres parfaitement arron-

dis, d'où ne s'échappe aucune fibre je laisserai de côté, dans le présent tra-

vail, cette régénération de la racine antérieure, qui peut être étudiée tout

entière par l'acide osmique et la méthode de Weigert-Pal, puisque ses produits

sont pourvus de gaines de myéline.

Les nerfs radiculaires présentent les lésions de sclérose conjonctive ancienne

que j'ai décrites précédemment. Les coupes de ces nerfs, faites suivant la mé-

thode de Cajal, montrent qu'il existe un nombre énorme de fibres fines amyé-

liniques dans les racines postérieures, là où la méthode de Pal ne décèle

qu'un nombre très restreint de fibres conservées.

Cas. II. Tabes amyottophique, chez une femme de 38 ans, morte dans le

service de 111. Babinski. Ce cas est identique au précédent ; c'est lui qui

m'a fourni le plus grand nombre des préparations utilisées dans ce mémoire.

Cas. III. Paralysie générale avec tabès incipiens chez un homme de 56 ans

mort dans le service de M. Séglas à Bicêtre. La moelle présente des lésions

tabétiques peu avancées (Pl. XXXIV, fig. 2) ; la systématisation habituelle du

tabes incipiens est visible, néanmoins les zones radiculaires postérieures présen-

tent déjà un aspect pâle tandis que la sclérose n'est pas encore très intense dans

les zones radiculaires moyennes ; ce n'est donc pas un cas très pur du type

connu sous le nom de tabes incipiens ; c'est en réalité un tabes fruste qui a

Nouvelle Iconographie DE la Salpêtrière

T. XIX. Pl. XXXIV

Fig. 2

Fig. 3

RÉGÉNÉRATION DES FIBRES NERVEUSES

/Y ATrf1.)'/f.L. . m««M<tjL jt !

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPËTRIBHE k

T. XIX. PI. XXXV

Fig. 1

Fig. 2

Fig. 3

Fig. 4 ·

Fig. 5

.REGENERATION DES FIBRES NERVEUSES

(I N.7,o-eotte.)

RÉGÉNÉRATION COLLATERALE DE FIBRES NERVEUSES 219

une tendance à produire dans les cordons postérieurs une lésion radiculaire

discrète mais diffuse, plutôt qu'une sclérose intense et nettement systématisée.

Cette remarque ne doit d'ailleurs jeter aucun soupçon sur la légitimité du ta-

bes dans ce cas ; ceux qui ont coupé beaucoup de moelles tabétiques savent

en effet combien sont nombreuses les variétés de cette affection, dans laquelle

la systématisation classique peut même être complètement renversée (1).

La figure 1 de la planche XXXIV représente côte à côte trois coupes du 4° nerf

radiculaire lombaire et trois coupes d'un nerf normal pratiquées aux mêmes

niveaux. En a, on voit' que le nerf radiculaire présente un aspect presque

normal ; pourtant la dure-mère est légèrement épaissie et la racine posté-

rieure, quoique non sclérosée, a, par rapport la racine antérieure, un volume

moins considérable qu'à l'état normal ; on peut estimer à 1/5 approximative-

ment la diminution de la surface de section et par conséquent du nombre des

fibres de cette racine. En b, l'épaississement des méninges a augmenté et il se

forme au centre du nerf radiculaire une cavité communiquant avec l'espace

sous-arachnoïdien, détail qui a été signalé déjà par Sicard ; la racine antérieure

est subdivisée en fascicules, mais c'est là une disposition normale, qui se

retrouve dans la coupe b prise comme terme de comparaison. En c, la névrite

radiculaire transverse présente sa plus grande intensité, la cavité centrale

persiste. La racine postérieure est bouleversée dans sa structure ; ses fasci-

cules sont rendus plus pâles par la névrite interstitielle qui les a envahis ; de

plus, ils sont irrégulièrement écartés les uns des autres par un tissu mésoder-

mique épais, qui, dans les coupes colorées à l'hématoxyline, apparaît comme

une sclérose riche en éléments cellulaires, avec des lésions vasculaires im-

portantes. Les fascicules de la racine antérieure sont également le siège d'une

névrite interstitielle, qui rend leur coloration moins intense,et ils sont dissociés

par un épaississement de leurs enveloppes,qui donne l'aspect d'une sclérose à la

fois annulaire et insulaire ; mais il n'existe pas de faisceaux de régénération,

ce qui indique l'absence de lésion destructive des éléments nobles dans cette

racine.

En résumé, le nerf radiculaire est le siège d'une inflammation interstitielle

caractérisée par de la périnévrite et de l'endonévrite ; les fibres de la racine

antérieure paraissent intactes, tandis que la racine postérieure a perdu une

fraction déjà assez importante des siennes. Nous verrons plus loin qu'en réa-

lité un grand nombre des fibres de la racine antérieure a subi une altération

décelable seulement par la méthode de Cajal. Nous verrons aussi qu'il existe

dans le ganglion une vigoureuse repousse de fibres assendantes destinées à rem-

placer les fibres radiculaires postérieures détruites, mais que les massues, qui

terminent ces fibres, sont arrêtées dans le nerf radiculaire par le foyer inflam-

matoire qui y siège.

Cas. IV. - Paralysie générale chez un homme de 34 ans, mort dans le

service de lll. Séglas en état de cachexie,avec de larges eschares. La moelle,

(1) Babinski et NAGEOTTE, Noie sur un cas de tabes à systématisation exceptionnelle.

Soc. de Biol., 1905.

20 NAGEOTTE

à part l'état de légère inflammation diffuse qui est habituel dans le tabes, ne

présente pas d'autres lésions nerveuses, visibles par la méthode de Pal, au

niveau de la Ire sacrée,qu'une sclérose des faisceaux pyramidaux et une lésion

à peine perceptible d'une zone très étroite d'un cordon postérieur, répon-

dant, par sa situation, au trajet d'une des racines sacrées les plus inférieures ;

les racines qui pénètrent au niveau de la coupe paraissent absolument saines ;

la moelle n'est pas atrophiée dans son ensemble et les cordons postérieurs ne

sont pas diminués de volume. Les deux nerfs radiculaires de la : 1. r8 paire sacrée

ainsi que leurs ganglions, ont seuls été recueillis ; le droit a été étudié à l'aide de

coupes transversales sériées, colorées les unes par la méthode de Weigert-Pal,

les autres à l'hématoxyline ; le gauche a été traité par la méthode de Cajal, et

débité en coupes longitudinales.

Les coupes transversales du nerf radiculaire montrent l'existence d'une né-

vrite, très nettement caractérisée par l'épaississement considérable des gaines

conjonctives dont le tissu est riche en noyaux arrondis ; il existe des lésions

inflammatoires des vaisseaux ; en un mot l'état de cette région est très compa-

rable à celui qui a été décrit et figuré dans l'observation précédente. Toutefois

deux caractères très importants différencient cette névrite radiculaire de celle

du cas précédent : 1° les coupes colorées à l'hématoxyline ne montrent de mul-

tiplication des noyaux à l'intérieur des fascicules nerveux que dans des points

très limités, donc il n'existe que peu d'endonévrite interstitielle et la lésion con-

siste presqu'exclusivement en une périnévrite ; 2° il n'existe aucune lésion

des éléments nobles de la racine postérieure qui soit visible par la méthode de

Weigert-Pal : cette racine a conservé son volume habituel et sa coloration nor-

male. Nous verrons néanmoins que la méthode de Cajal montre dans le gan-

glion symétrique de nombreuses massues de croissance, terminant des fibres

néoformées ; ce cas est remarquable en ce qu'il montre que des lésions des ra-

cines peuvent être décelées par la présence de fibres régénérées, avant que la .

sclérose des cordons postérieurs soit appréciable.

OBs. V. Névrite radiculaire à polynucléaires chez une femme de 63 ans

morte d'un cancer du rectum. Parmi les pièces de comparaison, je crois de-

voir donner à ce cas une place à part ; en effet,il existe une inflammation aiguë

intense des nerfs radiculaires, qui est caractérisée par une infiltration abon-

dante de polynucléaires autour des fascicules nerveux ; néanmoins les éléments

nobles sont intacts, à part quelques gonflements de cylindraxes très discrets,

et il n'y a, dans le ganglion, pas plus de massues d'accroissement qu'à l'état nor-

mal. Ce cas est un bel exemple de névrite radiculaire banale sans retentisse-

ment sur l'élément noble ; il doit être mis en regard des quatre observations

précédentes, où la névrite radiculaire peut être considérée comme étant de

nature syphilitique et où les éléments nobles sont lésés, des degrés variables.

I. - Altérations des cylindraxes radiculaires antérieurs et postérieurs

(Gonflements, état moniliforme).

Cette lésion est banale dans sa forme; nous savons en effet de longue

RÉGÉNÉRATION COLLATÉRALE DE FIBRES NERVEUSES 221

date que les gonflements et l'état moniliforme qui en résulte, sont des

modes habituels de réaction du cylindraxe à l'égard des agents morbides

les plus divers ; ce qui est important c'est surtout la topographie de cette

altération dans le tabes incipiens. Aussi me servirai-je surtout de l'ob-

servation III pour la décrire. Elle consiste dans un état moniliforme des

cylindraxes, qui est amené par des gonflements irréguliers, espacés de

distance en distance et séparés par des intervalles sains, ou bien rappro-

chés les uns des autres et se succédant sans interruption sur un long trajet

de la fibre atteinte (Pl. XXXV, fig. 3 et 5).

Il serait intéressant de savoir comment se comportent les fibrilles au

niveau de ces gonflements, mais mes préparations ne se sont pas trouvées

favorables à l'étude des neuro-fibrilles.

Les gonflements en question se rencontrent dans la racine postérieure

et aussi dans la racine antérieure. La figure 2 (Pl. XXXV), demi-schéma-

tique, représente sa distribution.

Dans la racine postérieure cette lésion se rencontre dans toute l'étendue

visible sur mes préparations, c'est-à-dire dans le nerf radiculaire et dans

les 3 ou 4 centimètres situés au-dessus ; on la suit également sur les

fibres radiculaires qui pénètrent dans le ganglion, mais de ce côté on la

perd bientôt. Malheureusement la moelle de ce cas, conservée entière

pour une étude topographique des lésions par la méthode de Weigert-Pal,

n'a pas été traitée par la méthode de Cajal ; aussi ne puis-je savoir si

cette lésion remontait jusqu'à l'extrémité supérieure du neurone. Mais

dans les deux cas de tabes ancien, où les cylindraxes radiculaires conser-

vés présentent la même lésion, on peut la suivre jusque dans les cordons

postérieurs. Il semble donc que les éléments nerveux atteints dans les

racines postérieures du tabes sont altérés, puis détruits, sur toute leur

étendue, probablement depuis leur extrémité supérieure jusqu'à la bifur-

cation en T de l'axone, qui marque l'origine des fibres radiculaires ; nous

verrons plus loin, en effet, que l'on ne voit plus de bifurcations en T dans

les cas de tabes avancé.

11 n'échappe que peu de fibres de gros et de moyen calibre à cette lé-

sion, qui épargne complètement certaines fibres très fines groupées, en

faisceaux riches en noyaux allongés (Pl. XXXV, fig. 3). La nature de ces

dernières fibres est douteuse ; autant il est facile de reconnaître, dans leur

ensemble, les fibres régénérées amyéliniques d'une racine postérieure de

tabes avancé, qui ne contient presque plus de fibres à myéline, autant il

est difficile de savoir la signification de certaines fibres en particulier,

lorsqu'elles sont au milieu de très nombreuses fibres myéliniques conser-

vées. On peut se demander si ce ne sont pas des fibres de nouvelle for-

mation, qui doivent leur intégrité à cette qualité ; ou hien si 'ce sont les

222 11) NAGEOTTE

fibres fines contenues à l'état normal dans la racine postérieure, qui sont

plus résistantes que les autres au processus tabétique, et qui sont plus

apparentes dans le tabes, par suite de la disparition d'une certaine quan-

tité de fibres de gros et de moyen calibre.

La comparaison que j'ai faite avec des pièces normales me ferait pen-

cher plutôt du côté de la seconde hypothèse, qui compte encore à son actif

ce fait que, comme nous le verrons plus loin, les massues de croissance

des fibres régénérées ne franchissent pas le nerf radiculaire dans ce cas ;

on pourrait, il est vrai, supposer que ces fibres résultent d'une poussée

régénérative antérieure, distincte de celle qui a produit les massues visi-

bles dans le ganglion, mais cette hypothèse est peu vraisemblable. Je rap-

pellerai de plus à ce sujet l'opinion de Lissauer, qui admettait la résis-

tance prolongée des fibres fines dans le tabes et qui mettait sur son compte

la conservation relative, dans le tabes, des zones qui portent son nom ; nous

savons aujourd'hui que ces zones sont endogènes, mais la remarque de

Lissauer sur la conservation des fibres fines dans les racines tabétiques

garde sa valeur.

Dans la racine antérieure, on retrouve la même altération, mais plus

discrète et limitée nettement à la portion qui est située au niveau et au-

dessous du nerf radiculaire. Au-dessus de ce point les cylindraxes sont

entièrement normaux, comme le montre la figure 4 de la planche XXXVI,

et ce fait est extrêmement important, car il décèle nettement le point d'at-

taque qui siège dans le foyer inflammatoire du nerf radiculaire.

On m'a beaucoup reproché autrefois d'avoir admis comme un axiome

que la racine antérieure est plus résistante que la postérieure, et de m'être

appuyé sur cet axiome pour expliquer l'intégrité des racines antérieures

dans le tabes, malgré leur passage à travers le foyer inflammatoire du

nerf radiculaire. Je ne crois pas avoir mérité cette critique, carje n'ai ja-

mais admis à priori la résistance supérieure de la racine motrice, mais je

l'ai déduite à posteriori,en voyant cette racine sortir,le plus souvent,beau-

coup moins altérée que la racine sensitive du foyer de névrite interstitielle

où elle avait été soumise à la même épreuve. J'ai pu montrer en outre que

cette résistance des fibres motrices est loin d'être égale dans tous les cas,

et qu'il faut ranger les lésions des fibres radiculaires antérieures parmi

les lésions éventuelles du tabes ; en effet,dans un nombre considérable de

cas de tabes on trouve des lésions de ces libres, qui s'accusent par la pré-

sence de faisceaux de régénération ; la relation proportionnelle qui

existe entre la destruction des fibres motrices et celle des fibres sensitives

varie tellement que, dans certains cas, les fibres motrices paraissent com-

plètement intactes, tandis que dans d'autres elles sont autant et même

plus atteintes que les fibres sensitives (tabes amyotrophique).

NOUVELLE Iconographie de la Salpêtrière

T. XIX. Pl. XXXVI

Fig. 6

Fig. 7

REGENERATION DES FIBRES NERVFi7SF'C

NOUVELLE ! CONOGHAPHOE PB LA SALPÊTHItKF.

T. XIX. 111. XXXVII

.Fig. 8

1

Fig. 9

Fig. 10

Fis. 1

il ? RÉGÉNÉRATION DES FIBRES NERVEUSES

RÉGÉNÉRATION COLLATÉRALE DE FIBRES NERVEUSES 223

L'observation que je viens de relater complète la série des faits; elle

montre que la racine antérieure peut sortir lésée du foyer inflammatoire,

même dans des cas où elle paraîtrait avoir résisté d'une façon absolue, si

l'on s'en tenait aux méthodes anciennes.

La lésion que je viens de décrire est-elle le premier indice de la souf-

france des cylindraxes ? Il est permis d'en douter, car dans l'observation IV

où la racine postérieure a subi une atteinte très légère, mais indubitable,

comme en témoigne la présence de massues de régénération abondantes

dans le ganglion, les cylindraxes ne présentent que des traces insignifian-

tes de gonflement.

Pour compléter ce qui a trait à cette lésion, j'indiquerai qu'elle se re-

trouve, très accentuée, dans les deux cas de tabes ancien observés, mais

que son étude y est moins intéressante parce que le nombre des fibres non

détruites dans les deux espèces de racines est très restreint, ces cas appar-

tenant tous deux à la classe des tabes amyotrophiques.De plus, l'extension

en hauteur de la lésion radiculaire motrice, extension qui se rencontre

dans tous les cas anciens, a altéré la topographie initiale, si caractéristique,

de la lésion.

Je dois ajouter enfin que l'objection d'une lésion artificielle se trouve

écartée par plusieurs considérations : 1° cette lésion ne se retrouve pas

sur les pièces de comparaison traitées de la même manière; 2° elle n'existe

dans l'observation III que dans les points que j'ai indiqués : la partie su-

périeure de la racine antérieure est complètement indemne et on ne trouve

que de très rares gonflements analogues dans le nerf sensible périphérique

à sa sortie du ganglion ; 3° elle se retrouve avec la même topographie et

les mêmes caractères dans les trois nerfs radiculaires de la région lombo-

sacrée qui ont été étudiés dans ce cas.

Il. - Fibres régénérées dans les racines postérieures et massues de

croissance encapsulées dans les ganglions rachidiens et dans la

substance grise de la moelle.

La néoformation de fibres dans les ganglions et dans les racines posté-

rieures des tabétiques est mise en évidence, par la méthode de Cajal, avec

une netteté incomparable; le bourgeonnement du corps cellulaire et de

l'axone, qui est l'origine des fibres régénérées, le trajet souvent compli-

qué de ces fibres, leurs ramifications en bouquet, leurs enroulements et

leur terminaison par des massues encapsulées, sont parmi les spectacles

des plus saisissants qui puissent s'offrir à l'observation de l'histologiste.

L'intérêt de ces formations ne se limite d'ailleurs pas aux renseignements

qu'elles nous donnent sur l'anatomie pathologique du tabes; elles ont

une signification plus large et peuvent servir à élucider certains points de

224 NAGEOTTE

la biologie des neurones ; en effet, elles existent à l'état physiologique, où

Ramon y Cajal les a décrites comme des organes auxquels il paraissait diffi-

cile d'assigner une fonction précise. Ce qui établit leur nature morbide

dans le tabes, c'est simplement leur multiplication excessive, qui dévoile

du même coup leur rôle d'organes réparateurs. La pathologie nous fournit

ainsi, en réalisant une expérience naturelle, l'explication d'une disposi-

tion que l'anatomie norniale, livrée à ses seules ressources, n'aurait pas

pu élucider.

Sur les coupes transversales et longitudinales des ganglions et des nerfs

radiculaires les régénérations apparaissent sous la forme de fibres extrê-

mement fines pour la plupart, qui remplacent les fibres radiculaires dé-

truites, dans le tabes ancien, ou qui se mêlent aux fibres radiculaires

épargnées, dans le tabès jeune. Ces fibres sont excessivement abondantes

dans le tabes ancien où il est manifeste que leur nombre dépasse de

beaucoup celui des fibres qu'elles sont destinées à remplacer : c'est là une

disposition commune à toutes les régénérations nerveuses, qui a pour

effet de mieux assurer l'obtention du résultat. Elles sont, au moins pour

la plupart, dépourvues de myéline ; elles restent simples ou se ramifient

etse terminent par des massues encapsulées grosses, moyennes ou petites,

arrondies, pyriformes ou irrégulières. Nous étudierons successivement

leur origine, leur trajet et leur terminaison.

Origine des fibres néoformées. Ces fibres naissent soit du corps cel-

lulaire, soit de la portion intracapsulaire de l'axone, c'est-à-dire du glo-

mérule, soit enfin de la portion extra-capsulaire des fibres nerveuses.

Parmi ces trois modes d'origine, celui qui se fait au niveau du glomérule

paraît être le plus fréquent; la naissance des fibres directement du corps

cellulaire est la plus rare, au moins pour les fibres qui s'en vont au loin ;

au contraire, les fibres qui restent incluses dans la capsule péri-cellulaire,

avec leurs boules terminales, partent souvent du corps de la cellule. Très

fines dès l'origine, les fibres qui naissent de la cellule simulent des axo-

nes ; celles qui naissent du cylindraxe ont l'aspect de collatérales.

Dans le tabes incipiens (obs. III) les fibres nouvelles naissent isolé-

ment et ne paraissent pas se ramifier beaucoup (Pl. XXXVI, fig. 6).

Dans le tabes ancien (obs. I etII),au contraire, on voit souvent plusieurs

fibres nouvelles naître de points très rapprochés de l'axone (PI. XXXVII,

fig. 10 ; PI. XXXVIII, fig. 12, j, j'), et se ramifier abondamment tout près

de leur origine, de façon à former un bouquet de fibres. On voit souvent

aussi un même neurone donner naissance à des fibres multiples par tous

ses organes : corps, glomérule, portion extra-capsulaire de l'axone.

Trajet des fibres néoformées. Les fibres qui partent du corps et du

glomérule, sont, à l'origine, contenues dans la capsule péri-cellulaire,

NOUVELLE Iconographie de la Salpêtrière ' T. XIX. PI. XXXVHI

RÉGÉNÉRATION DES FIBRES NERVEUSES

RÉGÉNÉRATION COLLATÉRALE DE FIBRES NERVEUSES 225 5

ainsi que les boules qui les terminent. Ultérieurement elles perforent t

cette capsule et se rendent, comme celles qui sont nées de la portion ex-

tra-capsulaire de l'axone, dans la substance blanche du ganglion. Elles

sont manifestement attirées par la moelle, car aucune ne pénètre dans le

nerf périphérique ; elles se dirigent vers la racine, dans laquelle un cer-

tain nombre d'entre elles s'engagent ; mais la plupart ne quittent pas

le ganglion, et leurs massues terminales s'accumulent à son extrémité su-

périeure, comme nous le verrons plus loin. Celles qui ont pénétré dans

la racine deviennent rapidement moins nombreuses à mesure que l'on re-

monte vers la moelle ; je n'ai pas pu m'assurer si quelques-unes d'entre

elles arrivent à destination et pénètrent dans la moelle ; il est en effet

impossible de distinguer avec certitude les fibres régénérées des fibres

fines épargnées, lorsqu'elles sont isolées.

Le trajet des fibres régénérées dans le tabes incipiens peut être très

simple, comme le montre la figure 6 de la planche XXXVI ; la fibre se di-

rige obliquement à travers la substance blanche, puis elle se recourbe pour

se placer parallèlement aux fibres des faisceaux radiculaires, le long des-

quels elle remonte ; pendant son parcours il arrive souvent qu'elle change

de volume; née très fine, elle acquiert progressivement un calibre plus

considérable et se renfle notablement au voisinage de sa massue termi-

nale. Dans le tabès ancien, le trajet est souvent beaucoup plus compliqué

et s'accompagne d'épisodes variés : enroulements en spirale, formation

de méandres capricieux, bifurcations et ramifications de divers types, épais-

sissements en boules arrondies ou ovoïdes.

Les enroulements sont des formations extrêmement curieuses, qui affec-

tent des dispositions variées. Tantôt on voit une ou plusieurs fibres, nées

du glomérule d'une cellule,se ramifier en forme de corymbe presqu'aussi-

tôt après leur naissance et donner naissance à une quantité de branches qui

s'enroulent irrégulièrement autour de l'axone, sur un point limité de

son étendue, pour s'échapper ensuite dans toutes les directions en perforant

la capsule (PI. XXXVIII, j'j'). Tantôt un enroulement plus lâche se pro-

duit sur une très grande étendue autour d'une fibre plus volumineuse,

ancienne ou de nouvelle formation (PI. XXXVII; fig. 11, b et PI. XXXVIII,

/). Parfois deux ou plusieurs fibres très fines cheminent de concert en

s'entrelaçant d'une façon irrégulière. Enfin certaines fibres forment sur

leur trajet des pelotons très serrés en décrivant d'abord plusieurs anses et

en s'enroulant ensuite à plusieurs reprises autour de ces anses (Pl. XXVIII,

g); ou bien il se forme simplement un écheveau embrouillé aux dépens

d'une ou de plusieurs fibres enlacées.

Les ramifications se forment suivant des modes divers ; en peut distin-

guer tout d'abord une ramification en corymbe, que nous avons déjà

226 NAGEOTTE

mentionnée, et qui se fait très près du point d'origine de la fibre néofor-

mée ; la tige primitive est notablement plus volumineuse que chacune

des fibres du bouquet auquel elle donne naissance (Pl. XXXVIII, i).

Un second mode de division est la bifurcation dichotomique : une fibre

se divise en deux branches divergentes, chacune de ses branches se divise

à son tour en deux et ainsi de suite; souvent on voit une boule de petit

volume au^ niveau de chaque bifurcation. Dans la troisième forme de divi-

vision les branches, très fines, naissant comme des collatérales à angle

presque droit d'une fibre plus grosse, qui ne modifie pas sa direction au

point d'émergence ; dans ce cas, lorsque la fibre qui émet la collatérale

présente un certain volume, il est souvent impossible de savoir s'il s'agit

d'une division de fibre régénérée, ou de la naissance d'une fibre régénérée

sur un axone ancien (Pl. XXXVIII, h, le', h").

Le volume des fibres régénérées est en effet assez variable ; la plupart

sont extrêmement fines et se colorent en noir foncé ; mais, certaines offrent

un volume qui se rapproche de celui d'un cylindraxe normal et on ne

peut les en distinguer que lorsqu'elles se terminent par une massue

(PI. XXVIII, f) ; ces grosses fibres se colorent en jaune ou en rouge.

Une particularité des fibres régénérées les plus fines est la présence de

boules arrondies ou ovoïdes plus ou moins régulières, réparties sur leur

trajet ; on trouve souvent ces boules aux points de bifurcation ; lorsque

deux fibres cheminent de concert, il arrive parfois que chacune d'elles

porte des boules à des niveaux qui se correspondent. (

Enfin il faut mentionner ce fait très important, que dans leur trajet les

fibres néoformées sont enveloppées dans une membrane conjonctive qui

leur forme un étui et qui porte des noyaux allongés espacés de distance en

distance (gaine de Henle) ; cette membrane forme autour des boules ter-

minales une capsule nucléée très remarquable, que nous aurons à décrire

plus loin.

Terminaison des fibres régénérées ; massues de croissance encapsulées,

Ces massues sont les formations les plus caractéristiques des fibres

régénérées ; elles représentent à l'âge adulte ce que sont les cônes de

croissance à la période embryonnaire. Les plus volumineuses mesu-

rent environ 10 micra de diamètre et quelquefois plus ; dans le tabes

avancé on en voit de très petites, qui mesurent seulement 2 à 3 micra.

Leur forme est parfois arrondie, mais le plus souvent elles sont pyri-

formes ou ovoïdes ; parfois elles sont très allongées, cylindriques, et pré-

sentent des étranglements ; enfin on en voit qui sont en forme de faulx,

ou bilobées, ou encore irrégulièrement contournées. La plupart sont orien-

tées vers la moelle, au moins dans le tabes incipiens ; d'autres sont rétro-

grades, mais souvent dans ces cas le point de réflexion de la fibre qui leur

RÉGÉNÉRATION COLLATÉRALE DE FIBRES NERVEUSES 227

donne naissance est situé très près de la massue, de telle sorte que l'on voit

dans un même champ microscopique à la fois le trajet direct, la coudure,

et le trajet rétrograde de la fibre, ainsi que la boule qui termine celle-ci.

Les dispositions qu'affectent la fibre au moment où elle aborde la mas-

sue sont variables ; parfois elle garde son calibre très fin jusqu'au contact

de la massue arrondie ou ovoïde ; le plus souvent elle se renfle progressi-

vement pour aboutir à la petite extrémité d'une massue pyriforme, et dans

ce cas les dernières portions de la fibre sont habituellement contournées en

spirale ou simplement sinueuses; parfois il existe, à une certaine distance

de la massue, un renflement brusque de la fibre, qui garde néanmoins une

forme cylindrique jusqu'au voisinage immédiat de sa terminaison.

Suivant l'âge du tabes les massues présentent certaines particularités ;

dans le tabes jeune elles sont plus volumineuses, plus régulières et d'un

aspect plus vigoureux (fig. 1) ; dans le tabes ancien au contraire, on voit

apparaître des formes très petites, ou bien des massues irrégulières et dif-

formes (Pl. XXXVIII, b, b", c, c', c", c ? d).

Quelle que soit la variété à laquelle appartiennent les massues, il ne

m'a pas été possible d'y déceler de neurofibrilles ; leur substance paraît

homogène ou granuleuse. Certaines d'entre elles sont muriformes et se

F1G, 1. - Massues terminales de la substance blanche d'un ganglion, avec leurs

capsules nucléées, dans un cas de tabes incipiens (obs. III).

228 NAGEOTTE

colorent en noir intense, même dans les préparations où les autres sont

colorées en rouge, ce qui est peut-être un indice d'altération.

. Les rapports des massues varient suivant leur siège. Les unes sont res-

tées incluses dans la capsule péricellulaire du neurone qui leur a donné

naissance ; on peut voir un grand nombre de ces formations incluses dans

une même capsule, au milieu des cellules épithéliales péricellulaires ; ces

massues terminent des fibres simples ou ramifiées, nées du corps cellulaire

ou du glomérule ; certaines, qui sont sans doute à la première phase de leur

développement sont infiniment petites (PI. XXXVII, fig. 11, a). A un stade

ultérieur, les boules primitivement intracapsulaires ont perforé la capsule

et siègent, de même que les fibres, en plein tissu mésodermique ; elles se

comportent dès lors comme celles qui sont nées hors de la capsule ; toutes

les massues qui se trouvent hors des espaces péricellulaires s'entourent,

en effet, d'une formation conjonctive particulière qui dépend de la gaine

propre de la fibre, signalée plus haut. La gaine conjonctive des massues

est formée d'une membrane souvent assez lâche ; elle porte de nombreux

noyaux allongés et recourbés, qui se modèlent sur la massue ; l'ensemble

prend ainsi l'aspect d'un corpuscule sensitif (Cajal).

Il nous reste à étudier la répartition de ces formations dans l'intérieur

du ganglion et des racines, qui est fort intéressante. D'une façon générale

elles sont toutes attirées par la moelle; ainsi que je l'ai déjà indiqué. Dans

le tabes incipiens, on les voit monter vers le pôle supérieur du ganglion,

où elles s'accumulent; le pôle inférieur en est absolument dépourvu et

pas une ne s'égare dans le nerf périphérique. Un certain nombre d'entre

elles s'engagent dans la portion de la racine postérieure la plus rappro-

chée du ganglion; mais, bien que les espaces conjonctifs paraissent libres,

aucune ne traverse le foyer de névrite radiculaire; il semble y avoir là

une influence qui les arrête complètement, et cette influence paraît être

la même que celle qui a produit la destruction des fibres qu'elles tendent

à remplacer. Les choses se passent comme si le nerf radiculaire était im-

prégné d'un poison qui anesthésie et paralyse les massues ; en effet, dans

cette région les massues, sur lesquelles on n'aperçoit d'ailleurs aucune

trace d'altération, semblent frappées d'inertie ; il n'y a pas en ce point les

enchevêtrements, les enroulements et les tourbillons qui se forment lors-

qu'un obstacle purement mécanique vient s'opposer au passage des fibres

régénérées ; il n'y a, en un mot, aucune apparence de névrome ; les dis-

positions sont absolument simples et les massues rétrogrades ne sont

même pas plus nombreuses qu'au centre du ganglion, loin du foyer inflam-

matoire. Le seul fait qui apparaisse, c'est l'arrêt pur et simple des fibres

régénérées.

Dans le tabes ancien les choses se passent un peu autrement; les fibres

RÉGÉNÉRATION COLLATÉRALE DE FIBRES NERVEUSES 229

ne sont plus arrêtées par le foyer de névrite radiculaire, qui a perdu son

acuité ; un certain nombre de massues passent dans la racine postérieure,

qui en contient toutefois infiniment moins que le ganglion. Je n'ai pas

pu préciser exactement jusqu'à quel point de la racine remontent les

massues terminales dans ces cas ; en tout cas je n'en ai vu aucune dans

les cordons postérieurs ; je ne prétends pas, bien entendu, que le fait ne

puisse se rencontrer, mais il doit être exceptionnel.

Pour compléter l'étude des ganglions tabétiques j'indiquerai que les

cellules nerveuses pourvues de dendrites, avec multiplication des cellules

de la capsule péri-cellulaire, considérées par Ramon y Cajal comme des

cellules séniles, sont particulièrement abondantes dans le tabes avancé,

même chez des sujets relativement jeunes ; cette sénilité précoce n'est pas

faite pour surprendre. Les cellules fenêtrées de Cajal sont également fré-

quentes, ainsi que les cellules entourées d'un riche réseau sous-capsulaire

décrites par le même auteur ; relativement à cette dernière catégorie, je

me suis demandé si certaines d'entre elles ne résultaient pas d'un pelo-

tonnement de fibres néoformées, nées sous la capsule, autour de la cel-

lule d'origine; mais les images sont tellement compliquées que je n'ai pu

acquérir aucune certitude à cet égard.

' Massues des centres nerveux (cervelet et substance grise de la moelle). -

Des massues terminant des fibres nerveuses ont été vues par Ramon y

Cajal dans l'écorce du cervelet de jeunes chiens tués au début de l'état

morbide désigné sous le nom de « maladie des jeunes chiens » ; M. Cajal,

qui avait d'abord considéré cette formation comme normale, m'a écrit

dernièrement qu'il ne l'a pas retrouvée chez des chiens entièrement nor-

maux ; il conclut de ce fait que les boules observées par lui précédemment t

sont de nature pathologique.

D'autre part, dans les cornes de la moelle, j'ai décrit des massues qui ont

même forme, même aspect que les massues des ganglions rachidiens, sauf

l'absence de capsule, et qui terminent des fibres fines ou moyennes du

réticulum nerveux des cornes antérieures et postérieures. Leur volume

est inférieur en moyenne à celui des massues ganglionnaires.

Ces massues, non connues jusqu'à présent, sont situées en plein tissu

nerveux, et non dans les espaces vasculo-conjonctifs d'origine mésoder-

mique comme le sont les névromes intra-médullaires bien connus ac-

tuellement ; aussi ne présentent-elles pas de capsule conjonctive; elles

sont au contact immédiat des éléments nobles, neurones et névroglie; je

n'ai constaté aucune structure névroglique particulière autour d'elles.

Ces formations se rencontrent dans toute l'étendue de la substance grise,

mais elles s'accumulent particulièrement le long du bord antérieur de la

230 NAGEOTTE

corne antérieure, ou elles se rassemblent en amas de 20 à 30, et aussi le

long du bord interne de la corne postérieure. Dans l'observation IV ces

formations élaient particulièrement nombreuses ; dans les observations I

et II, on en trouve moins ; dans des moelles que l'on pouvait considérer

comme sensiblement normales je les ai constamment retrouvées. Nous

verrons plus loin comment on doit interpréter ces faits.

Signification des fibres terminées par des massues. Tous les

détails donnés précédemment démontrent que les fibres terminées par des

massues sont des néoformations ; il est non moins évident que, dans les

ganglions des tabétiques, cette production de fibres nouvelles est desti-

née à réparer les dégâts des racines postérieures. -

En effet leur nombre, leurs divisions et leurs enroulements dans le ta-

bes ancien, prouvent que ce ne sont pas des fibres démyélinisées en voie

d'atrophie ; leur terminaison par des massues directes ou rétrogrades,

semblables à celles que Ramon y Cajal a découvertes dans les cicatrices

expérimentales des nerfs, achève d'entraîner la conviction. Ces massues

représentent, à l'âge adulte, les cônes de croissance de la période em-

bryonnaire ; dans le tabes elles ont le même volume, la même forme et la

même capsule que dans les cicatrices nerveuses ; un seul point diffère :

tandis que dans la régénération expérimentale, les massues possèdent un

réseau fibrillaire, celles du tabes s'en sont montrées dépourvues, jusqu'à

présent elles partagent d'ailleurs ce caractère avec les boules norma-

les du ganglion et de la substance grise de la moelle, dont nous aurons à

nous occuper plus loin mais, pour intéressante que soit cette différen-

ce, si elle se confirme, on ne saurait trouver une raison de rejeter une

analogie que tous les autres détails établissent. La présence, dans les ra-

cines antérieures, au même niveau, d'une régénération de fibres à myé-

FiG. 2. - Fibres terminées en massue dans la substance grise de la moelle. Les mas-

sues sans indication proviennent de,l'obs. IV; celles qui sont marquées T provien-

nent d'un cas de tétanos à marche très rapide (6 jours) chez un homme de 25 ans,

normal auparavant ; les autres portent les numéros des observations auxquelles elles

se rapportent.

RÉGÉNÉRATION COLLATÉRALE DE FIBRES NERVEUSES 231

line faite sur le type classique, disposition que j'ai depuis longtemps si-

gnalée, vient encore éclairer la signification des fibres qui nous occupent.

Il s'agit donc bien d'une régénération qui, pour des raisons qui nous

échappent, reste amyélinique.

Il est non moins évident, par ailleurs, que cette régénération est desti-

née à remplacer des fibres radiculaires détruites, comme le prouve l'orien-

tation des massues et leur accumulation au pôle supérieur des ganglions.

Quant aux massues qui existent dans la substance grise de la moelle,

on peut se demander si elles n'appartiennent pas à des fibres radiculaires

postérieures qui seraient arrivées jusqu'à proximité de leur but ; telle

n'est pas, à mon avis, leur signification ; en effet le cas où elles sont le

plus abondantes est précisément celui où les lésions radiculaires sont le

moins marquées (obs. IV) ; de plus,l'absence de ces massues dans la subs-

tance blanche de la moelle et leur accumulation en certains points à la. li-

mite de la substance grise, tendent à prouver qu'il s'agit de fibres qui

cherchent à sortir des cornes, plutôt que de fibres qui y ont pénétré. Ce

sont très probablement des régénérations de neurones endogènes de la

moelle.

La régénération des racines postérieures est-elle capable, dans le tabes,

d'aboutir à la restauration de la fonction ? la chose n'est pas absolument im-

possible au point de vue théorique, mais les constatations directes montrent

qu'en fait il n'en est pas ainsi, au moins dans les cas que j'ai observés. Pour

arriver à destination, les fibres de régénération devraient tout d'abord

traverser le foyer inflammatoire, à longue évolution, qui a détruit les fibres

normales ; or nous avons vu (obs. III) que l'influence de ce foyer sur les

fibres régénérées se manifeste très nettement par l'arrêt des massues d'ac-

croissement.Il est même probable que les fibres qui, dans le tabes avancé,

parviennent à vaincre cette résistance et à pénétrer dans le nerf radicu-

laire, sont en partie destinées à disparaître et provoquent à leur tour de

nouvelles poussées régénératives ; c'est du moins ainsi que l'on peut con-

cevoir l'évolution des lésions, et expliquer l'abondante ramification des

fibres de nouvelle formation dans les cas-anciens.

Régénération collatérale et l'état pathologique. Si l'ensemble de ce

processus représente une régénération, il n'en est pas moins évident que

cette régénération possède des caractères très spéciaux, qui la distinguent

de la forme actuellement classique et qui en font une catégorie à part, non

encore décrite. En effet, la seule forme de régénération que nous connais-

sions actuellement est celle qui a été décrite par Ranvier : un cylindraxe

partiellement détruit remplace sa portion manquante par un pinceau de

fibres fines qui naissent à l'extrémité de la portion conservée ; c'est là un

phénomène qui mérite le nom de régénération terminale.

232 0-> NAGEOTTE

Dans le tabes il n'existe rien de pareil ; je n'ai pu apercevoir aucun

cylindraxe tronqué, donnant naissance par son extrémité à un pinceau de

fibres régénérées, aussi ai-je supposé, comme je l'ai indiqué plus haut,

que les axones radiculaires atteints se détruisent rapidement jusqu'à leur

insertion sur les axones périphériques,de telle sorte que la bifurcation en

T disparait ; les cellules radiculaires deviendraient effectivement unipo-

laires,-s'il ne se développait des axones de remplacement, qui sont

les fibres régénérées dont nous nous occupons ; ces axones néoformés

naissent non pas aux dépens des restes des fibres détruites, mais en un

point quelconque des neurones décomplétés : corps cellulaire, glomérule,

cylindraxe périphérique. Il ne s'agit donc pas, à proprement parler, de la

restauration d'un organe lésé, mais bien de la suppléance d'un organe

disparu par d'autres organes équivalents

Je propose de donner le nom de régénération collatérale à ce mode par-

ticulier de réparation du système nerveux, qui n'est certainement pas pro-

pre exclusivement au tabes, mais qui constitue, sans aucun doute, un

phénomène très répandu dans la pathologie nerveuse et aussi très proba-

blement, ainsi que nous le verrons plus loin, une disposition normale

destinée à remédier à l'usure physiologique des fibres nerveuses.

Tandis que dans la régénération terminale la repousse se fait directe-

ment au point lésé, dans la régénération collatérale les fibres nouvelles

naissent des parties du neurone qui sont les plus rapprochées de son centre

vital. On peut comparer cette formation à celles des bourgeons adventifs

qui sortent de la souche ou de la racine chez certains végétaux, lorsque la

tige est détruite ou simplement malade.

D'autre part, la régénération terminale exige pour se produire, la des-

truction complète de la portion à réparer ; au contraire, on peut supposer

à priori que cette destruction préalable n'est pas indispensable pour l'ap-

parition de la régénération collatérale. Dans la figure 3 j'ai représenté

Fia. 3. Schéma de la régénération collatérale dans un neurone radiculaire posté-

rieur, telle qu'elle se produit dans le tabes. 1 état normal ; II disparition de l'axone

radiculaire ; III apparition des axones de remplacement.

RÉGÉNÉRATION COLLATÉRALE DE FIBRES NERVEUSES 233 3

schématiquement,à côté de l'état sain primitif (I),tes deux phases du proces-

sus ; en II le cylindraxe radiculaire est détruit ; en III il est remplacé par

les produits de la régénération. Mais rien ne prouve que les phases sont

aussi tranchées que le figure mon schéma ; il est beaucoup plus vraisem-

blable, au contraire, que les deux actes sont simultanés et que la repousse

des fibres collatérales n'attend pas, pour se produire, l'achèvement de la >

destruction radiculaire. Peut-être même la recherche de la régénération

collatérale deviendra-t-elle le procédé de choix pour déceler dans certains

cas les premières traces de la souffrance des neurones.

En tout cas les constatations de l'observation IV semblent être en faveur

de la simultanéité de la régénération collatérale et de la lésion qui la pro-

voque ; en effet dans ce cas, concernant un paralytique général, en regard

d'une lésion des racines postérieures' qui est encore presque inappréciable

par les moyens dont nous disposons, il existe déjà de nombreuses mas-

sues de régénération dans les ganglions (1).

Régénération collatérale à l'état normal. - Les phénomènes de régé-

nération que nous venons d'observer au cours de maladies définies du sys-

tème nerveux ne sont que l'exagération d'un processus qui existe à l'état

de santé normale.

On sait que Ramon y Cajal a donné récemment une description magis-

trale de formations singulières qui existent à l'état normal dans les gan-

glions rachidiens et sympathiques chez l'homme et les grands mammi(s;1"

et qui avaient été entrevues, il y a plusieurs années, par Huber chez-une, \

espèce de grenouille américaine. Ce sont des fibres très fines, terminées

par des boules, qui naissent soit du corps cellulaire, soit du glomérule, soit. : ... :

de la portion extra-capsulaire de l'axone; ces fibres peuvent rester incluses

à l'intérieur de la capsule, ainsi que les boules qui les terminent, mais

elles peuvent aussi en sortir pour se rendre dans des points éloignés, et

dans ce cas leurs boules s'encapsulent ; en un mot l'identité de ces forma-

tions normales avec celles que je viens de décrire à l'état pathologique est

absolue, seul leur nombre est différent.

D'autre part, j'ai pu me convaincre que les massues observées par mot

(1) Depuis que ce travail a été remis à la rédaction, j'ai eu l'occasion d'étudier un

cas de paralysie générale (homme de 38 ans), provenant du service de M. Çhaslin à

Bicêtre, dans lequel, avec une lésion sensiblement nulle des fibres radiculaires posté-

rieures, il existe une très abondante néoformation de fibres terminées en massue

dans les ganglions ; la régénération est encore à une phase peu avancée de son évo-

lution, car il n'existe que peu de massues dans les fascicules du pôle supérieur du

ganglion ; par contre les massues sont extrêmement abondantes et remarquablement

vigoureuses au voisinage immédiat des cellules. Ce cas est très démonstratif ; il

prouve que la régénération collatérale commence à produire dès les premières attein-

tes portées sur les cylindraxes et bien avant que ceux-ci soient détruits.

xix 10

234 NAGEOTTE

dans la substance grise de la moelle chez un paralytique général et chez

deux tabétiques (obs. I, II et IV), existent en réalité chez l'homme nor-

mal ou tout au moins dans des cas où elles paraissent complètement indé-

pendantes de l'affection dont est mort le sujet ; ici encore, la seule diffé-

rence qui sépare l'état pathologique de l'état sain réside dans la multipli-

cation de ces organes.

Enfin nous avons vu qu'il existe des massues identiques dans le cervelet

du chien, dans certaines circonstances, sans que le tissu de cet organe

paraissent autrement lésé (Cajal).

Il est donc certain que ces formations n'appartiennent pas aux seules

cellules des ganglions ; les recherches ultérieures montreront sans doute

que des espèces variées de neurones possèdent la même propriété de pro-

duire, à l'état normal, comme à l'état pathologique, des fibres terminées

en massue, qui ont la signification d'axones de remplacement, si l'on en

juge par ce que l'on observe dans le tabes.

La nécessité de l'élaboration continue de fibres de suppléance à l'état

normal n'apparaît pas tout d'abord ; les neurones sont en effet des élé-

ments immuables. Mais cette qualité, qui appartient indubitablement aux

corps cellulaires, ne s'étend peut-être pas aux différents prolongements

des cellules. Ramon y Cajal a montré récemment que, sous certaines in-

fluences, et en particulier au cours de la. sénilité,- qui est un état subnor-

mal, il apparaît des prolongements dendritiques sur les cellules des gan-

glions, qui en sont habituellement dépourvues ; il n'est pas impossible

que certains facteurs, encore indéterminés, provoquent la formation de

nouveaux prolongements cylindraxiles. Un de ces facteurs est évidem-

ment la suppression du cylindraxe primitif, comme nous l'a montré

l'anatomie pathologique; mais on peut supposer aussi que les neurones

sont capables de donner naissance, sous l'influence de certaines excita-

tions, à des bourgeons nerveux destinés soit à rester au repos, comme les

oeils dormants des végétaux, soit à se développer éventuellement si les cir-

constances ultérieures l'exigent. Nous avons vu précédemment qu'il existe

des raisons de supposer la simultanéité de la régénération collatérale et

de la destruction cylindraxile causale ; il n'est même pas impossible que

l'ébauche de cette régénération apparaisse préventivement en vue d'assu-

rer un rétablissement plus rapide des connexions au cas où le cylindraxe

viendrait à être détruit ultérieurement.

Ceci n'est encore qu'une vue de l'esprit, mais il est un fait certain, qui

peut suffire à lui seul pour expliquer la présence de la régénération col-

latérale à l'état normal, c'est l'existence constante d'un petit nombre de

fibres altérées que décèle la méthode de Marchi chez tous les animaux,

même ceux qui sont en parfaite santé. S'agit-il d'un fait entièrement phy-

RÉGÉNÉRATION COLLATÉRALE DE FIBRES NERVEUSES 235

siologique, d'une sorte de mue normale des cylindraxes,' ou bien cette

disposition trahit-elle en réalité un état pathologique ? Il est assez difficile

de le dire ; pourtant l'augmentation notable du nombre de ces fibres chez

les animaux âgés ou moins bien portants laisserait croire qu'il s'agit en

réalité d'une altération légère du système nerveux. D'ailleurs la limite

précise entre la santé et la maladie n'a jamais pu être tracée et il est pro-

bable que l'état idéalement sain n'est qu'une limite impossible à atteindre

dans la pratique ; si l'on songe aux conditions de la vie, aux multiples cau-

ses de destruction qui assaillent sans cesse les êtres vivants, à la quantité

énorme et à la fragilité des éléments nerveux, on ne s'étonnera pas de

trouver constamment un petit nombre d'entre ces derniers qui présen-

tent des traces de souffrance au niveau de leurs parties les moins résis-

tantes, c'est-à-dire au niveau de leurs prolongements les plus longs. On

peut supposer que c'est à ces lésions infimes que répondent les fibres

terminées en massues observées à l'état normal, soit qu'elles se montrent

au moment même où elles sont rendues nécessaires, soit qu'elles appa-

raissent préventivement.

De nombreuses recherches sont nécessaires pour établir définitivement

le bien-fondé de cette hypothèse, qui m'a paru être suffisamment étayée

par des commencements de preuves pour mériter d'être exposée en dé-

tail ; mais il ne faut pas se dissimuler que ces recherches seront rendues

très délicates par la difficulté des comparaisons numériques qui devront

être établies entre les produits de la régénération supposée et les fibres

altérées ou détruites : en effet, toute régénération se manifeste par la pro-

duction d'un nombre de fibres qui est variable, mais toujours plus grand

que celui des fibres détruites ; d'autre part, l'évolution de la régénération

est lente et certains de ses éléments peuvent rester en place indéfiniment

tandis que les traces des fibres détruites disparaissent rapidement ; enfin

les altérations légères de la myéline, décelées par la méthode de Marchi,

peuvent ne pas toujours répondre à des lésions cylindraxiles suffisantes

pour provoquer l'apparition des régénérations. On doit donc s'attendre à

trouver un nombre de massues tantôt supérieur, tantôt inférieur à celui

des fibres altérées, si l'hypothèse que je propose est exacte.

Conclusions.

I. A côté de la forme de régénération nerveuse qui est seule connue

actuellement et que l'on peut appeler régénération terminale, il existe

une autre ferme, à laquelle convient le nom de régénération collatérale.

Dans la première les fibres néo-formées naissent à l'extrémité du moignon

de l'axone amputé ; dans la seconde la repousse des fibres se fait au ni-

veau des partions du neurone les plus rapprochées de son centre vital,

236 NAGEOTTE ·

soit du corps cellulaire lui-même, soit du prolongement nerveux, sous la

forme de collatérales. Comme celles de la régénération terminale, les

fibres néo-formées de la régénération collatérale se terminent par des

« massues de croissance » (Cajal), qui représentent à l'âge adulte les

cônes de croissance de la période embryonnaire.

II. La régénération collatérale pathologique n'est que l'exagération

d'un processus de régénération collatérale normale, qui s'observe facile-

ment dans les ganglions rachidiens et sympathiques de l'homme et des

animaux, même jeunes (fibres terminées par des boules encapsulées de

Cajal).

' On retrouve des formations analogues dans la substance grise de la

moelle humaine à l'état normal et à l'état pathologique; Cajal en a observé

dans l'écorce du cervelet de chiens atteints de la maladie des jeunes

chiens ; il ne s'agit donc pas d'un processus appartenant exclusiveme.nt

aux neurones radiculaires postérieurs, mais c'est probablement un phéno-

mène général.

III. - La régénération collatérale pathologique peut être étudiée faci-

lement dans les ganglions rachidiens des tabétiques, où elle tend à sup-

pléer les axones radiculaires détruits, sans parvenir à remplir son but

physiologique, au moins dans les cas observés.

IV. Il existe dans le tabes une lésion des fibres radiculaires, décela-

ble par la méthode de Cajal, qui précède leur destruction ; cette lésion,

qui consiste dans un gonflement moniliforme des cylindraxes, occupe dès

le début toute la hauteur des fibres radiculaires postérieures ; dans la ra-

cine antérieure elle ne se rencontre, au débuldu tabes, qu'au niveau et au-

dessous du foyer inflammatoire de la névrite radiculaire transverse.

Bibliographie.

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S. Ramox CAJAL. - Tipos cellulares de los ganglios sensitivos. Trabajos del labora-

torio de invesligacior2es biologicas de la Universilad de Madrid, IV, 1905.

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Mecanismo de la regeneracion de los nervios, ibid.

J : NAGEOTTE. - Un cas de tabes amyotrophique étudié par la méthode à l'alcool am

moniaque de Ramon y Cajal ; régénération de fibres à myéline dans les racines an-

térieures, de fibres sans myéline dans les racines postérieures. Soc. de Biol. 20 mai

1905.

Note sur la régénération amyélinique des racines postérieures dans le tabes et sur

les a massues d'accroissement » qui terminent les fibres néo-formées. Soc. de Biol.,

3 mars 1906. '

MARINESCO. - Contribution à l'étude de l'histologie et de la pathogénie du tabes. Sem.

méd., 18 avril 1906.

J NAGEOTTE. - Note sur la régénération collatérale 'des neurones radiculaires posté-

rieurs dans le tabès et sur la signification physiologique des « cet; nies pourvues

RÉGÉNÉRATION COLLATÉRALE DE FIBRES NERVEUSES 237

d'appendices terminés par des boules encapsulées » de Ramon y'Cajal. Soc. de

- Biol., 28 avril 1906.

Note sur la présence de massues d'accroissement dans la substance grise de la

moelle, et particulièrement' dans les cornes antérieures, au cours de la paralysie gé-

nérale et du tabes. Soc. de Biol., 12 mai 1906.

Explication des planches.

Planche XXXIV.

Fig. 1. - a, b, c, coupes du 4e nerf radiculaire lombaire à l'état normal, pratiquées

suivant les lignes a, b, c, du schéma, Pl. XXXV, fig. 1. a', b', c', coupes du même

, nerf aux mêmes niveaux dans le cas III (tabes incipiens). - Méthode de Weigert-

Pal. Grossissement de 10 diamètres.

Fig. 2. Obs. IIL(tabes incipiens). Coupe de la moelle à la hauteur de la 4" lom-

baire. Méthode de Weigert-Pal.

Fig. 3. Obs. III (tabes incipiens). Photographie d'une portion de substance blan-

che au pôle supérieur du 4" ganglion lombaire ; massues de croissance. Méthode de

Cajal. Grossissement de 75 diamètres,

Planche XXXV. Méthode de Cajal.

Fig. 1. - Obs. III (tabes incipiens). Coupe longitudinale du 4° ganglion lombaire et

de son nerf radiculaire ; accumulation des massues de croissance au pôle supé-

rieur ; a, b, c, niveaux des coupes représentées, Pl. XXXIV, fig. 1 (figure demi-sché-

matique).

Fig. 2. Même cas, même ganglion ; répartition des lésions cylindraxiles dans les

racines antérieure et postérieure (état moniliforme).

Fig. 3. Etat moniliforme des cylindraxes dans la racine postérieure au point 1 du

schéma précédant. '

Fig. 4. Racine antérieure au point 2 du schéma ; absence de lésions.

Fig. 5. Etat moniliforme des cylindraxes dans la racine antérieure point 3 du

schéma.

Planche XXXVI. - Méthode de Cajal.

Fig. 6. - Obs. III (tabes incipiens). Trois massues de croissance dans la substance

blanche d'un ganglion sacré. L'une d'elles termine une fibre dont on voit l'origine

au niveau du glomérule d'une cellule. Noyaux des capsules des massues.

Fig. 7. - Obs. II (tabes avancé). Cellule d'un ganglion sacré. Le cylindraxe fenêtre,

part de la cellule par deux branches qui se réunissent bientôt. Plusieurs fibres ,

pourvues de boules sous-capsulaires de dimensions variables, partent du corps cel-

lulaire et du glomérule. Une boule, dont les connexions ont sans doute été coupées,

parait libre dans l'espace sous-capsulaire. En outre il existe quelques prolongements

dendritiques (état sénile de Cajal).

Planche XXXVII. Méthode de Cajal.

Obs. II (tabes avancé). - Fig. S. - Coupe longitudinale d'un fascicule radiculaire au

pôle supérieur d'un ganglion sacré. Très nombreuses fibres néoformées ; plusieurs

sont terminées par des massues directes ou rétrogrades munies de capsules nucléées.

Quelques fibres décrivent des trajets compliqués. A gauche une petite boule sous-

capsulaire mûriforme termine une fibre courte naissant du glomérule d'une cellule

dont le corps a été enlevé par le rasoir. ,

Fig. 9. Coupe transversale d'un fascicule semblable ; fibres néoformées ; une seule

fibre ancienne conservée ; trois massues dont les connexions n'apparaissent pas.

238 NAGEOTTE

Fig. 10. Portion de cellule ganglionnaire avec son cylindraxe, dont la portion glo-

mérutaire est très simple. Capsule péri-cellulaire et noyaux des cellules sous-capsu-

laires. Plusieurs collatérales néoformées, simples ou ramifiées, naissent du cylin-

draxe, les unes en dedans, les autres en dehors de la capsule. Celles qui naissent

dans la capsule restent incluses dans celle-ci et se terminent par des boules ; les

autres envoient leurs ramifications au loin.

Fig. 11. - a) Cellule pourvue d'un appendice naissant du corps cellulaire et terminé

par une boule sous-capsulaire ; une fibre très fine, terminée par une boule plus pe-

tite naît- d'un renflement irrégulier de cet appendice; plusieurs appendices sembla-

bles, mais infiniment petits, se voient au bas de la cellule.

b) Cellule dont le cylindraxe, suivi sur une très grande longueur, porte une seule fibre

régénérée en forme de collatérale ; cette fibre présente un renflement fusiforme à

peu de distance de son origine. En outre le cylindraxe est entouré par un plexus

lâche de trois fibres néoformées fines, venues d'ailleurs, munies de petits renfle-

ments ovoïdes.

Planche XXXVIII. - Méthode de Cajal.

Fig. 12. - Obs. II (tabes avancé). - a, a') Massues de croissance volumineuses, entou-

rées de leurs capsules nucléées. - b, b') massues petites. - c, c', c", c"'), massues

allongées ou difformes (la capsule n'a été figurée que sur quelques massues). - d)

massue précédée d'un renflement fusiforme. - e) fibre ramifiée dont deux branches

se terminent, dans la préparation, par des massues. f) massue terminant une

fibre régénérée de gros calibre, entourée d'un plexus serré de fibres fines. g)

fibre ramifiée dont une branche, terminée par une massue, s'enroule sur elle-

même en spirale simple. g') spirale plus compliquée. - h, h' h") naissance de

fibres en forme de collatérales sur des fibres plus volumineuses, anciennes ou néo-

, formées ; en /¿',une fibre est emhrassée par la bifurcation d'une autre fibre volumi-

neuse, qui est évidemment de nouvelle formation. -i) fibre volumineuse bifurquée

(bifurcation en T ? ) dont une branche porte une collatérale ramifiée en corymbe. -

j, j') portions de glomérules intracapsulaires d'où naissent des collatérales abon-

damment ramifiées, qui s'enroulent en spirale autour de la fibre d'origine avant de

s'échapper de la capsule pour aller au loin.

ABCES CÉRÉBRAL, NÉCROSE CORTICALE,

SYNDROME MÉNINGÉ

PAR

E. DUPRÉ et A. DEVAUX.

L'histoire des encéphalopathies montre la variété et l'incertitude des

rapports qui existent entre les lésions et les symptômes. L'obscurité des

corrélations anatomo-cliniques se marque surtout dans l'étude des abcès

cérébraux et des encéphalites diffuses. A vrai dire, les abcès cérébraux

les plus nettement circonscrits, s'ils représentent grossièrement des lé-

sions en foyer, équivalent en réalité, par l'extension lointaine de leurs

produits toxiques, à des encéphalopathies histologiquement diffuses, dont

l'expression clinique trahit le caractère général et la nature toxique. L'un

de nous a insisté sur cette notion dans l'éludé psycho-diagnostique des

abcès cérébraux (1).

Nous apportons ici une observation où la constatation nécroptique de

deux ordres de lésions successives, mais différentes, éclaire l'évolution

clinique en deux temps d'une encéphalopathie complexe à forme surtout

méningée, et qui en imposa pour une méningite tuberculeuse terminale

chez un phtisique. La nécropsie révéla l'existence de deux gros abcès cen-

traux dont l'évolution demeura latente, et celle d'une nécrose diffuse du

cortex avec intégrité des méninges.

Observation.

Antécédents. V..., âgé de 55 ans, homme de peine, sans antécédents hé-

réditaires notables, entre à l'hôpital au mois d'août 1904, pour des symptômes

de tuberculose pulmonaire : toux, dyspnée, hémoptysies, pour lesquels il dut

faire, les années précédentes, plusieurs séjours dans différents services hos-

pitaliers.

Syphilis à 23 ans, fièvre typhoïde dans la jeunesse, coliques de plomb il y a

deux ans.

Etat actuel. - Signes physiques de ramollissement des .deux sommets.

Altération grave de l'état général. Amaigrissement, asthénie, malgré la con-

servation de l'appétit et l'absence de fièvre.

(1) DUPHÉ, Psychopathies organiques, in Traité de path. mentale de Gilbert-Ballet.

240 ' DUPRÉ ET DEVAUX

Evolution. Les premiers jours de septembre, irritabilité psychique. Le

4 septembre, pendant le déjeuner, douleurs brusques très violentes dans le

bras droit ; céphalée intense, légère difficulté à parler. Les symptômes dou-

loureux disparaissent dans la journée, mais il persiste jusqu'au lendemain une

légère impotence du membre supérieur droit et un violent mal de tête.

6 septembre. Nouvel ictus plus grave, avec douleurs et convulsions dans

le côté droit, suivi d'hémiplégie droite avec aphasie.

Le lendemain, petite hémoptysie à laquelle succède un nouvel ictus. Le ma-

lade, à peu près comateux, présente une hémiplégie flasque à droite, avec dé-

viation conjuguée de la tête et des yeux, abaissement de la commissure la-

biale, effacement des plis cutanés' de la face à droite. Pas de troubles pupillai-

res, pas de syndrome méningitique. Ni sucre ni albumine dans les urines,

abolition des réflexes tendineux.

8. Troubles sphinctériens.

9. - Légère amélioration. Le malade essaye de parler et arrive à re-

connaître, quoique avec difficulté, les personnes qui l'entourent.

10. - V... parvient à répondre à quelques questions qu'on lui adresse.

Il accuse une grande fatigue, mais dit qu'il se sent mieux.

13. Légère céphalée ; à droite, on observe au membre inférieur de la

contracture et de l'exagération des réflexes tendineux ; au membre supérieur,

une monoplégie flasque, de l'hypoesthésie s'étendant jusqu'à la face, et l'ab-

sence de réaction plantaire.

14. On constate, à droite, le signe de Babinski et des secousses spas-

modiques dans les masses musculaires de la cuisse et du'mollet : aphasie sen-

sorielle, pas d'hémianopsie.

Les jours suivants, le malade reste plongé dans un état de torpeur continue

avec indifférence et apathie. Il ne comprend ni la conversation ni les gestes

qu'on exécute devant lui (cécité psychique).

19. L'aphasie devient plus complète ; l'extension des orteils se cons-

tate des deux côtés, surtout à droite. Les jours suivants,' devant l'aggravation

de l'état général, l'altération du pouls qui devient petit et dépressible, la ré-

traction du ventre, la raie méningitique, on pose le diagnostic de méningite

tuberculeuse.

26. Coma, extension permanente du gros orteil droit (Dauer-Babinski) :

hyperesthésie généralisée, bâillements.

Après une semaine, pendant laquelle s'aggravent le coma, la dénutrition

générale, le marasme rapidement progressif et apparaissent des sueurs profuses,

de la bronchoplégie, une hypothermie de quelques 1/10, le malade meurt le

4 octobre, un mois après le début des phénomènes cérébraux localisés.

NÉCROPSIE

Poids du cerveau : 1.275 gr. Cervelet, protubérance et bulbe : 240 gr.

Pachyméningite légère avec quelques adhérences à la boîte crânienne et

ABCÈS CÉRÉBRAL, NÉCROSE CORTICALE 241

leptoméningite prédominante dans les scissures sylviennes et autour du chias-

ma, sans granulations, ni suppuration. Extérieurement le cerveau gauche, plus

volumineux que le droit, est nettement fluctuant, surtout à sa partie moyenne.

Une série de coupes frontales parallèles, espacées les unes des autres' de 2

centimètres environ, la première passant à 3 centimètres du pôle frontal,

demontre l'existence des lésions suivantes :

Fm. 1.

FiG. 2.

FIG. 3.

1° Un abcès de la grosseur d'une noix, bien circonscrit, situé dans la subs-

tance blanche du lobe frontal gauche, empiétant sur la substance grise de

l'écorce de la partie orbitaire et interne du lobe. Le contenu en est liquide,

épais, cohérent, visqueux, franchement vert (Fig.1, 2, 3). '

Un second abcès, beaucoup plus vaste, de même contenu, de la dimension

approximative et de la forme d'une orange, creusé aux dépens de la région pa-

riéto-occipitale des centres de l'hémisphère gauche. Le raclage de la poche de

242 DUPRÉ ET DEVAUX

cet abcès montre que le tissu cérébral environnant est de couleur noirâtre. Dans

le pus, qui est d'odeur très fétide, nagent des détritus de substance cérébrale

irrégulièrement dissociée. Rien d'appréciable à l'oeil nu dans la moelle : foie gras.

Coeur, quelques plaques athéromateuses dans la région sus-sigmoïdienne.

Léger degré de sclérose rénale.

Au sommet du poumon gauche, quelques îlots de tuberculose solide, dissé-

minés, avec emphysème. -

Au poumon droit, adhérences pleurales, tuberculose infiltrée subaiguë, avec

ulcérations, cavernes dans la moitié supérieure.

Etude ! lista-pathologique. Nous avons fait l'étude d'abord des parois des

abcès et ensuite de l'écorce cérébrale, examinée dans les différentes circonvo-

lutions.

Parois de l'abcès. On distingue dans la paroi de l'abcès 3 zones : une

externe, une moyenne, une interne.

La zone externe renferme des cellules nerveuses dont les altérations ne dif-

fèrent guère de celles que nous décrirons bientôt dans l'écorce.

Le protoplasma des cellules névrogliques a proliféré ; les nombreuses rami-

fications en sont devenues très visibles, grâce à leur réfringence plus accentuée

et aux fines granulations qui les recouvrent ; le noyau, clair, est un peu plus

gros que normalement. Plus près de la zone moyenne, on rencontre d'autres

cellules névrogliques à protoplasma volumineux rarement ramifié, dont les li-

mites imprécises sont à certains endroits marquées par un fin piqueté. Ce proto-

plasma est formé par une masse opaque, que le bleu de méthylène teinte en bleu

sale tirant sur le violet. Le noyau, toujours excentrique, de petite dimension par

rapport au protoplasma, est assez foncé ; la membrane nucléaire en est visible,

mais l'agencement du réseau chromatinien est beaucoup moins net. Nissl dé-

signe sous le nom de « Gemstete Zellen » (littéralement : cellules farcies) cet

aspect spécial de la dégénérescence des éléments névrogliques (Pl. XXXIX).

Les vaisseaux ont des parois constituées par une ou plusieurs couches de cel-

lules à noyau volumineux allongé, très clair, riche en chromatine, surmonté

à ses deux pôles d'un mince chevelu protoplasmique. Les extrémités de ce

chevelu ont tendance à se diriger vers la périphérie. Sur bon nombre de ces

éléments le noyau est en kinèse.

Au milieu de ces cellules modifiées du tissu cortical, se trouvent des éléments

étrangers représentés par des leucocytes, des gitterzellen (cellules réticulées)

et des plasmazellen (PI. XXXIX).

Les leucocytes (polynucléaires, quelques lymphocytes) peu nombreux sont t

rares en dehors des gaines périvasculaires ou du voisinage immédiat des vais-

seaux.

Les gitterzellen, très abondantes, augmentent au sur et à mesure qu'on se

rapproche de la deuxième zone, et varient d'aspect suivant le degré de leur

développement. La forme de ces éléments est généralement arrondie : la limite

externe en est facile à délimiter. Le protoplasma est constituée par un réseau

très ténu, dont les mailles à angle mousse présentent de véritables lacunes

renfermant, enclavés, des noyaux de leucocytes et du tissu nécrosé. Ce réseau

Nouvelle Iconographie DE la Salpêtrière T. XIX. PI. XXXIX

ABCÈS CÉRÉBRAL. NÉCROSE CORTICALE. SYNDROME MÉNINGÉ.

(E. Dupré ct .A. Devaux.)

A. Paroi de l'abcès. 2e zone ; capillaire de néoformation avec cinq cellules en réseau.

B. - Paroi de l'abcès. 2e zone ; partie voisine de la zone de nécrose ; plasmazellen et deux cellules

réticulées. '

C. - Paroi de l'abcès. ire zone; cellules névrogliques en dégénérescence. '

D. - A droite, altérations nécrotiques des cellules nerveuses de l'écorce, petites et moyennes pyra-

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ABCÈS CÉRÉBRAL, NÉCROSE CORTICALE 243

se colore par toutes les couleurs basiques et devient surtout très visible avec

l'éosine. Le noyau occupe le plus souvent le centre. Sa membrane renferme des

grains de chromatine fortement teintés qui se détachent nettement sur le fond

nucléaire bleu foncé. Il n'est pas rare de rencontrer des formes multinucléaires

et des figures de karyokinèse. Dans la gitterzelle en dégénérescence, on

observe un noyau beaucoup plus petit, entouré d'un protoplasma creusé de

grandes lacunes. Certains éléments ne sont plus formés que par une circonfé-

rence circoncrivant un espace clair, au milieu duquel on aperçoit le noyau,

qu'entourent encore des débris du réseau protoplasmique.

Les plasmazellen, facilement reconnaissables à leurs affinités colorantes, et à

l'agencement spécial de leur chromatine nucléaire, s'ordonnent surtout autour

des vaisseaux.

Zone moyenne. Au faible grossissement elle apparaît constituée par un

lacis serré de canaux vasculaires, entre lesquels se trouve un tissu formé de

cellules allongées arrondies, à noyaux très foncés.

Les vaisseaux apparaissent, au fort grossissement, avec des parois embryon-

naires, constituées par une ou deux couches de ces gros éléments à noyau clair,

surmonté aux deux pôles d'une houpette protoplasmique. Le processus de néo-

formation semble très actif comme en témoignent les ligures karyokinétiques et

les nombreuses pointes vasculaires qu'on y observe.

Dans les mailles du réseau vasculaire se trouvent des fibroblastes et de nom-

breuses plasmazellen. ,

Réunies en amas assez volumineux, ces dernières se présentent surtout

sous la forme de gros éléments dont le protoplasma irrégulier prend avec le

bleu de méthylène un aspect floconneux tout spécial, et renferme toujours un

espace clair à bords estompés.

Leur forme, très irrégulière, est tantôt ovoïde, tantôt polygonale à angles

très accusés. Le noyau toujours excentrique, est plus clair. La chromatine,

abondante, avide de colorants, est formée de masses volumineuses, conoïdes

dont la base s'accole à la membrane. L'arrangement régulier de toute la péri-

phérie du noyau de ces masses rappelle l'aspect d'une rosace. A côté de ces

formes adultes, il en existe d'autres, plus petites, où le protoplasma réduit à

une mince zone périphérique, affecte le même aspect. L'ordonnancement si

spécial de la chromatine nucléaire permet de différencier ces jeunes plasma-

zellen des noyaux des lymphocytes.

Les gitterzellen sont très abondantes ; logées dans le réseau inter-capillaire,

elles ont un protoplasma plus régulièrement réticulé ; on ne retrouve plus ces

grandes lacunes avec des enclaves; les noyaux sont moins volumineux et plus

foncés. Il semble que ces cellules appartiennent à un tissu plus stable et que

le rôle de ces éléments soit moins actif.

Les leucocytes, en petit nombre, sont représentés surtout par des polynu-

cléaires.

Zone interne. Celle-ci est formée des éléments précédents, en voie de

désintégration ; on y distingue des débris de plasmazellen, et il semble que le

protoplasma réticulé de ces dernières soit beaucoup plus résistant. 1

24 . DUPRÉ ET DEVAUX

On ne trouve nulle part, dans la paroi de l'abcès, de cellules géantes et la

recherche des bacilles de Koch est restée négative.

ETUDE niSTOLOGtOUE DE l'écorce.

Faible grossissement. Pas de modification dans l'architecture des couches

cellulaires corticales. La stratification spéciale à chaque circonvolution est faci-

lement reconnaissable.

Des altérations profondes des cellules nerveuses se retrouvent sur toute la

surface de l'écorce. Les corps cellulaires sont contournés, irréguliers, ainsi

que les prolongements protoplasmiques, devenus apparents sur une très grande

longueur. L'origine du cylindraxe est devenue colorable parles couleurs basi-

ques, les noyaux sont foncés, irrégulièrement teintés.

Les noyaux névrogliques sont plus nombreux que normalement, les vais-

seaux ont des parois épaisses, mais non infiltrées.

Fort grossissement. L'étude à l'immersion des divers éléments anato-

miques montre, à un examen très attentif, des modifications profondes, toutes

traduisant un processus très actif. qui a frappé de mort les différentes cellules

avant qu'aucune réaction défensive ou réparatrice ait pu se produire.

Les contours des cellules nerveuses sont ratatinés, anguleux ; les prolonge-

ments sont irréguliers, sinueux, bordés d'épines. A d'autres endroits les bords

cellulaires sont fort imprécis.

La masse qui constitue le fond de la cellule est très difficile à décrire ; quel-

quefois bleu intense, elle est fréquemment grisâtre et uniforme. Au plus fort

grossissement (immersion 1/12, oc. 12), on voit une substance bleu pâle, dif-

fuse, sur laquelle se détache en figures plus ou moins -régulières une autre

matière beaucoup plus sombre. Sur les moyennes pyramides ou sur les petits

éléments de la troisième couche, la substance foncée dessine un réseau très

irrégulier, à mailles allongées ou arrondies, dont les contours mousses, parfois

difficilement saisissables, rappellent l'aspect des petits anneaux libres, qui ca-

ractérisent un des processus nécrotiques les plus particuliers de la cellule. Ici

et là, une très fine granulation ou une sorte de renflement donnent à quelques

mailles un aspect moniliforme.

Çà et là, certaines figures tout à fait pâles, à peine visibles avec un petit dia-

phragme, et qu'on pourrait prendre pour des éléments mal colorés, représen-

tent un degré plus avancé de la lésion précédente. Ce sont de véritables fan-

tômes cellulaires. -

Les altérations nucléaires ne sont pas moins importantes. De forme arrondie

ou allongée, tous les noyaux sont très colorés, et il est impossible de différen-

cier le noyau d'un petit élément, foncé à l'état normal, de celui d'une pyrami-

dale. Les limites du noyau sont très imprécises ; la membrane, à peine percep-

tible, apparaît gaufrée, avec des prolongements coniques dans le protoplasma.

De couleur bleu foncé tirant sur le vert, constituée par des granulations extrê-

mement fines, agglomérées, la masse nucléaire donne l'impression d'une

poussière très ténue, d'aspect granité. Ici et là, sur les cellules très altérées se

ABCÈS CÉRÉBRAL, NÉCROSE CORTICALE . 245

rencontrent, à côté d'espaces clairs, des masses plus foncées, qui pourraient

être confondues avec le nucléole.

Bosselé et plus gros qu'à l'état normal, presque toujours excentrique, bleu

presque noir, le nucléole présente en son centre une vacuole irrégulière, à

bords déchiquetés, bien différente de celle que Nissl a décrite à l'état normal ;

enfin, sur certains petits éléments nerveux, se colorent les corpuscules po-

laires. ' .

Les cellules névrogliques, qui se présentent sous des aspects divers assez

faciles à distinguer, paraissent être toutes en régression. Nulle part, en dehors

des parois mêmes de l'abcès, on ne rencontre ces gros éléments prolifératifs que

nous décrirons plus tard.

Dans la couche directement sous-pie-mérienne, certaines cellules névrogli-

ques irrégulièrement allongées, contournées dans tous les sens, présentent à

leurs extrémités des petits filaments, vestiges protoplasmiques. Ces restes d'é-

léments névrogliques, dont la structure a disparu et qu'on retrouve dans

presque tous les cerveaux d'individus âgés, sont ici plus nombreux qu'à l'état

normal, surtout dans les régions frontales et motrices.

Une deuxième forme d'altération est représentée par toute une série de pe-

tits éléments, dont le noyau arrondi possède une coloration métachromatique,

dont le corps protoplasmique est à peine indiqué par un très mince liseré clair

et dont le noyau présente un aspect très particulier. La membrane nucléaire

n'existe plus, c'est une suite de granulations que limite un contenu bleu clair

irrégulièrement opaque : sur ce fond se détachent de petits grains qui tendent

à se grouper autour de deux points symétriques ; il en résulte une figure dont

la coloration et la forme rappellent l'aspect du nucléole d'un noyau névroglique.

Cet aspect, difficile à interpréter, présente certaines analogies avec celui des

figures karyokinétiques que rappellent la disparition de la membrane, et la

tendance au groupement des grains chromatiques ; mais contre la supposition

d'une Içitièso, plaide l'absence des stades ultérieurs de division du noyau, et

de la teinte métachromatique.

L'interprétation de tout cet ensemble de lésions histologiques aboutit

aux conclusions suivantes :

Un processus nécrotique, rapide et généralisé, frappé tous les éléments

de l'écorce, principalement les cellules nerveuses et névrogliques.

Du côté des cellules nerveuses, les modifications profondes des contours

du noyau, du nucléole, qui intéressent tous les éléments, et que nous

avons longuement décrites, se retrouvent sur l'écorce, et indiquent, par

la série des caractères que Nissl a bien décrits, la mort de la cellule. La

nécrose de la cellule se déduit beaucoup plus des altérations du noyau que

de celles du protoplasma.

Du côté des cellules névrogliques, la série des altérations que nous avons

observées indique également la rapidité, la diffusion et la gravité dupro-

246 DUPRÉ ET DEVAUX. ABCÈS CÉRÉBRAL, NÉCROSE CORTICALE

cessus morbide. La présence dans les couches sous-pie-mériennes des élé-

mentsirrégulièrementallongés que nous avons signalés indique l'existence,

dans les zones supérieures de l'écorce, d'altérations plus anciennes et d'un

processus plus lent.

L'étude des parois de l'abcès, nous montre au contraire l'existence d'un

processus inflammatoire localisé subaigu beaucoup plus lent, qui a permis

toutes les réactions défensives dans les tissus intéressés.

En résumé, deux ordres de lésions, intéressants à opposer l'un à l'au-

tre, coexistent dans ce cerveau. Les unes, celles des abcès circonscrits,

de nature inflammatoire, d'évolution lente, ont été produites par l'infec-

tion mixte, bacillaire et poly-microbienne, du centre ovale, en deux volu-

mineux foyers représentant les abcès encéphaliques consécutifs aux infec-

tions pulmonaires chroniques. Les autres, celles de l'écorce, diffuses, de

nature nécrotique, d'évolution aiguë, relèvent de l'imprégnation toxique

du cortex, par les produits émanés des gros foyers septiques centraux.

Il est intéressant de rapprocher la double évolution clinique des acci-

dents, de la double évolution anatomique des lésions. Aux lésions centra-

les et lentes des régions tolérantes correspond le syndrome insidieux et

fruste des abcès cérébraux latents. Aux lésions corticales, rapides et mas-

sives, aiguës, correspond l'explosion des symptômes manifestes d'une mé-

ningo-encéphalopathie diffuse, aiguë, dont le tableau était celui d'une mé-

ningite tuberculeuse.

Il est intéressant de constater ici l'absence de toute lésion tuberculeuse

spécifique dans les méninges et les zones supérieures de l'écorce, chez un

phtisique en pleine évolution de tuberculose cérébrale. Il est encore plus

intéressant de constater l'absence de toute lésion méningée, et l'intégrité

histologique de toutes les séreuses cérébrales chez un sujet qui a offert le

tableau clinique classique de la méningo-bacillose.

Cette constatation démontre, après tant d'autres, que, comme l'un de

nous l'a dit, la pathologie des méninges est presque toute d'emprunt, et

que certaines encéphalopathies peuvent revêtir,en l'absence de toute lésion

méningée, une expression clinique que l'on qualifie ordinairement de mé-

ningitique, alors qu'elle ne relève que de l'intoxication corticale. 1

Une remarque intéressante, et qui confirme d'ailleurs une notion clas-

sique de l'histoire des abcès cérébraux, c'est le caractère clinique presque

latent de cette double lésion centrale, si volumineuse que, comme le dé-

montrent les figures, elle avait détruit plus du tiers de l'hémisphère

gauche.

Cette évolution en deux temps des accidents cliniques s'éclaire par les

constatations nécroptiques qui permettent de superposer aux deux actes

de drame clinique les deux étapes du processus anatomique.

CLINIQUE PSYCHIATRIQUE DE GENÈVE

DE QUELQUES ALTÉRATIONS DU TISSU CÉRÉBRAL

DUES A LA PRÉSENCE DE TUMEURS

(Suite).

PAR

le Professeur R. WEBER.

(de Genève)

Il m'est possible aujourd'hui d'ajouter deux observations à la série pu-

bliée en collaboration avec M. le D Papadal;i (Iconogr.,n° 2, 1905). L'une,

analogue à nos cas IV et V en diffère cependant par un mode d'action

spécial. L'autre, d'un genre nouveau, est de nature à démontrer les effets

d'une trentaine de germes cancéreux arrivés par voie vasculaire au cer-

veau et au cervelet.

Il me faut convenir que je mets la patience du lecteur à contribution

d'une façon disproportionnée aux maigres résultats obtenus par un travail

très long et minutieux. Le fait seul que la coupe en séries de tumeurs

cérébrales a été peu pratiquée jusqu'ici, que les lois d'après lesquelles

ces néoplasmes influent sur l'encéphale sont encore peu connues,m'excuse.

Observation VI

B... Joseph, né eu 1861, garçon de café. Entré le 19 février 1904. Décédé

le 16 mai 1904.

Une soeur morte poitrinaire ; pas d'hérédité nerveuse. B... est garçon de café

depuis l'âge de 20 ans, mais ne serait pas alcoolique. Marié depuis 1882 ; sa

femme a eu deux enfants, pas de fausse couche. Travailleur, bon père de famille.

En 1898, pleurésie.; en 1903, au printemps bronchite dont il ne se remit plus

jamais. Affaiblissement corporel progressif; entré à l'hôpital cantonal en mai

1903. Comme son état empirait, sa femme le reprit chez elle en septembre 1903.

Il né pouvait plus marcher. En novembre 1903 il aurait été soigné pour ménin-

gite ; il se plaignait de violents maux de tête, mais ne délira pas. Depuis lors

garde le lit, a de la peine à parler, est gâteux. L'apparition de ce dernier symp-

tôme nécessita son internement.

Status d'entrée. Dit être né en 1861, âgé de 22 ans, marié, père de deux

entants. Nous sommes en janvier 1881. Il est malade de la poitrine. Travail

intellectuel nettement ralenti.

248 ' WEBER

. Très maigre, visage exprimant l'indifférence, peu innervé mais sans para-

lysie. Pupilles larges, égales, ne réagissant presque pas à la lumière. Ataxie

de la langue, des bras et des jambes. Marche presque impossible, spastique.

Réflexes patellaires exagérés. Urine, rien de particulier. Tuberculose pulmo-

naire avancée.

Marche de la maladie. Etal psychique. - La torpeur intellectuelle s'ac-

centua d'abord ; par périodes lé malade délirait, parlait à des êtres imaginaires,

mais on parvenait à le réveiller de son délire, en insistant, en répétant les ques-

tions. On eut en somme toujours l'impression qu'il s'agissait beaucoup plutôt

d'un ralentissement, d'une inhibition du travail intellectuel que d'une des-

truction en bloc. Enfin, détail très remarquable, à la période ultime et en

opposition à la déchéance corporelle excessive, B... fut suffisamment orienté,

répondit sensément à nos questions, l'obnubilation avait disparu en bonne

partie.

Phénomènes somatiques. - B... fut sujet à de fréquentes poussées fébriles ;

il toussa et finalement ne put plus expectorer. Le pouls ne fut jamais ralenti.

Pas de vomissements. La parole redevint plus facile vers la fin de la vie. Les

mouvements des bras et des jambes se firent de plus en plus faibles, bientôt la

station debout fut impossible. Les pupilles dilatées au maximum perdirent toute

réaction à la lumière. En même temps on nota une légère divergence des bulbes

et l'impossibilité de les rapprocher pour fixer les objets à courte distance. Per-

sistance du gâtisme. Exitus en état de marasme. '

B... fut interné comme éthylique et dément. A l'asile on le considéra d'abord

comme paralytique général, ce qui paraissait justifié par le status et les anté-

cédents (garçon de café). Cependant bientôt le désaccord entre les phénomènes

corporels et psychiques, leur marche inverse forcèrent à abandonner ce dia-

gnostic. On pensa alors à l'existence d'une tumeur, de préférence un tubercule

' dans la région des corps quadrijumeaux.

Autopsie. - Tuberculose très avancée des poumons. Eschares. Marasme.

Dure-mère assez tendue ; à l'ouverture il s'en échappe passablement de liquide

clair. Pie-mère légèrement épaissie. Poids du cerveau : 1.380 grammes. Après

ouverture du ventricule le cerveau fit l'effet d'un sac en bonne partie vidé.

Les indices habituels de la pression exagérée (sillons fermés, circonvolutions

aplaties, etc., étaient si peu marqués qu'il fallut la découverte du tubercule T

(Pl. XL, fig. 1 et 2) dans l'hémisphère gauche du cervelet pour confirmer le

diagnostic. Or l'examen histologique (professeur Askanazy) démontra que ce

tubercule était en réalité un sarcome.

. Examen des coupes sériées.

A. Cerveau. Les ventricules latéraux sont fortement dilatés ; mesurant

leur pourtour à l'aide du curvimètre en différents endroits, on obtient par rap-

port à un cerveau normal : 12,9 ; 8, 5 ; 4,3. Inversement l'espace qui sépare

le ventricule de la périphérie est plus petit que normalement, environ 8, 9.

Ces chiffres ne sont évidemment pas absolus ; leur constance et leur corrélation

seules y donnent quelque valeur. Le gros de cette perte de substance est sur-

DE QUELQUES ALTÉRATIONS DU TISSU CÉRÉBRAL 249

venu aux dépens de la substance blanche et plus particulièrement des faisceaux

d'association. Ceux de projection paraissent avoir peu perdu. Le corps calleux

est fortement altéré, réduit par exemple sur les coupes qui passent par les

tub. mamil. à une bandelette de 2 millimètres.

L'épendyme est épaissi partout et traversé assez fréquemment par des pin-

ceaux de fibres très fines, rappelant ceux qu'a décrits Chaslin chez des épilep-

tiques (Archives de méd. expérim., 1891). Vient ensuite une zone vacuolée,

atteignant une profondeur de 5-8 millimètres. Les vacuoles sont très petites,

de direction parallèle aux libres, arrondies dans les faisceaux coupés en biais ou

transversalement. Dans cette zone on remarque au carmin des cellules « arai-

gnées » gonflées, et au Weigert des fibres variqueuses, en chapelet, dont le nom-

bre va diminuant à mesure qu'on s'éloigne du ventricule. L'état vacuole cesse

à 3 centimètres du pôle frontal. Thaï, opt., noyaux caudés et noyaux lenticu-

laires paraissent normaux.

Le nombre des cellules nerveuses de l'écorce est diminué ; on en voit dont

les prolongements sont devenus indistincts, dont le corps a pris une forme

ratatinée. Cependant les cellules d'apparence normale prédominent de beau-

coup. Il y a diminution aussi des fibres nerveuses, mais les réseaux suprara-

diaire et tangentiel sont nettement démontrables. On n'y voit même que peu

de fibres variqueuses.

Corps quadrijumeaux et cerveau postéreur. L'aqueduc de Sylvius est

d'abord dilaté et le tissu environnant vacuole (com. post. et moelle du noyau

r.). Plus tard l'aqueduc ne subsiste plus qu'à l'état de mince fente. Le corps

quadrijumeau postérieur gauche est aplati mais pas détruit du tout (PI.IL) ;il

en est de même du noyau de la 3° paire, plus déformé à droite qu'à gauche,

plus comprimé dans sa moitié postérieure que dans l'antérieure. Le noyau du

pathétique se retrouve parfaitement, enclavé dans le faisceau longitudinal pos-

térieur.

xix 17

Fia. 1. Coupe oblique ; maximum d'extension du sarcome.

250 WEBER

La figure 1 (coupe presque horizontale) correspond à l'extension la plus

grande du néoplasme : c'est un sarcome, subdivisé ici en 4 noyaux principaux.

Il n'a que fort peu détruit directement ; il a seulement repoussé et déformé les

faisceaux, que l'on retrouve tous.

La planche XL, fig. 1 et 2, montre la moelle intacte ; le sarcome fait proé-

minence dans le 4e ventricule et se trouve en contact avec le plexus choroïde,

d'où il prit peut-être son origine.

Au cervelet on rencontre dans les parties blanches avoisinant la tumeur des

fibres variqueuses et le même état vacuole qu'au cerveau; la PI. XL en indique

la répartition. La relation entre ces lésions et une partie des symptômes corpo-

rels présentés par B... me paraît hors de doute.

1. Par obstruction de l'aqueduc de Sylvius un néoplasme de petites di-

mensions put soumettre tout le cerveau à une pression exagérée, d'où

résulta surtout une dégénérescence des tissus situés sur le pourtour des

ventricules. Cela démontre une fois de plus l'existence d'un courant pas-

sant des ventricules latéraux au 3e ventricule et de là par l'aqueduc au

4e ventricule. S'il se fût agi d'un tubercule, comme je le supposais, on

eût pu dire que par suite par exemple de caséification il serait survenu

une diminution de volume de la tumeur; cela aurait permis à la circula-

tion du 3e au 4e ventricule de se rétablir. Il est certain que chez B... l'état

psychique fut beaucoup meilleur vers la fin de la vie et l'on ne saurait

nier une relation étroite entre ce fait et celui du manque de symptômes

de pression à l'autopsie. Le néoplasme étant un sarcome, sans hémorrha-

gie, sans foyer de destruction, l'explication de cette rémission, frappante

chez B... m'échappe complètement.

2. On pourrait objecter que l'amincissement du corps calleux est com-

pensé par la surface plus grande qu'il couvre. Cela supposerait pas mal

d'élasticité des fibres nerveuses et n'expliquerait pas les varicosités et

les dégénérescences très prononcées de ce faisceau.

3. Il est remarquable que, la tumeur étant à gauche, c'est le noyau de

de l'oculomoteur commun droit qui a le plus souffert (fig. 2) ; que,

malgré cette déformation notable, les troubles moteurs des yeux n'aient

pas été plus graves.

FIG. 2. - Coupe à la hauteur des corps quadrijumeaux postérieur.

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XIX. PI. XL

ALTÉRATIONS DU TISSU CÉRÉBRAL DUES A LA PRÉSENCE DES TUMEURS

(R. Weber.)

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DE QUELQUES ALTÉRATIONS DU TISSU CÉRÉBRAL 251

Enfin le symptôme constant chez B... de la dilatation pupillaire et du

manque de réaction à la lumière est peu en accord avec le fait quela partie

postérieure du noyau de la 3° paire fut directement plus comprimée que

l'antérieure.

4. Le mécanisme de la compression du cervelet doit être encore plus

compliqué que celui du cerveau. Il y a eu sans doute action combinée du

sarcome (locale) et de la pression exercée par le cerveau dilaté sur le ten-

tor. cerebelli. Enfin le foramen occipital pourrait avoir été plus ou

moins obstrué par refoulement de la moelle.

Observation VII.

C... Pierre, né en 1864, est amené à Bel-Air sans aucune anamnèse le

6 avril 1904, venant d'un hôpital où il avait été placé d'urgence 4 jours aupa-

ravant. Affection en apparence aiguë. Impossible d'obtenir des renseignements

de lui ; lorsqu'on l'interroge il cherche à porter la main à la tête, mais sans

y arriver. C'est un homme de grande taille, bien nourri; les yeux très proémi-

nents lui donnent un facies spécial. La paupière droite est en ptosis léger,

l'oeil droit diverge parfois en dehors et sa pupille est dilatée. La réaction à la

lumière paraît abolie des deux côtés, mais l'examen est fort difficile. Les plis

naso-labiaux sont effacés ; le visage est bouffi. C... sort un peu la langue sur

commandement, puis oublie de la rentrer. Réllexes patellaires d'intensité nor-

male. Pouls accéléré, environ 100 par minute. Température : 38°5. Urine, rien

de particulier.

Le malade est dans un état de torpeur profonde et meurt au bout de 36 heures

environ, sans en être jamais sorti.

L'autopsie de la tête put seule être faite. Dure-mère tendue, face interne

lisse, sèche. Pie-mère légèrement épaissie. Circonvolutions aplaties, sillons

effacés. Poids du cerveau : 1.545 grammes.

On est immédiatement frappé de l'aspect spécial de l'hémisphère gauche, qui

empiète sur le droit. Cela se traduit sur la coupe (PI. XL, 3 et 4) par un

aplatissement apparent et par une proéminence très nette de la région du corps

calleux. Le trigoue est repoussé à droite. -

Après que le cerveau eut été extrait du crâne, le pôle frontal gauche dépassa

le droit; on y remarqua une coloration jaunâtre, puis un endroit où la subs-

tance cérébrale dilacérée laissait apparaître un tissu plus ferme. Par cette

ouverture s'échappait un petit filet de sang. ,

Le cerveau a été débité en coupes sériées ; j'y ai constaté la présence de

16 tumeurs : 4 sont de dimensions microscopiques et purement corticales ;

8 sont entièrement dans la substance blanche ; 3 intéressent les deux substances.

Ces 11 dernières atteignent en partie la grandeur d'un pois. Reste enfin la

grande tumeur du lobe frontal gauche (Pl. XL, 3).Signalons encore deux petits

foyers dans l'épendyme des ventricules occipitaux.

Tous ces néoplasmes répartis également sur les deux hémisphères sont com-

posés de cellules cylindriques et appartiennent au type adéno-carcinome. Le

252 . WEBER li

foyer primaire est resté inconnu en raison de l'autopsie incomplète ; le cerveau

a sans aucun doute été envahi par la voie vasculaire. Cela semble démontré

entr'autres par la figure 3, où un embolus cancéreux est en train de se déve-

lopper juste à la bifurcation d'un vaisseau.

Ces tumeurs ont ceci de commun, qu'elles sont toutes nettement délimitées ;

elles ont disséqué en quelque sorte la substance cérébrale dans leur entourage,

beaucoup plus qu'elles ne l'ont « mangée ». i

Les métastases de la substance blanche sont seules régulièrement entourées

d'une zone vacuolée, qui paraît augmenter avec les dimensions du cancer et

son éloignement de la périphérie du cerveau. ,

La tumeur du lobe frontal gauche baigne dans une hémorrhagie de date

récente qui souvent en efface et en dépasse les limites (PI. LX).

Les cornes frontales des ventricules sont aplaties, ressemblent une fente,

à gauche encore plus qu'à droite ; les occipitales par contre se sont arrondies

de façon à atteindre le maximum de capacité, mais le pourtour n'en est pas

agrandi.

L'épendyme s'épaissit aux approches du grand néoplasme ; à gauche plus

qu'à droite on voit à la face inférieure du corps calleux les mêmes pinceaux

de fibres que dans l'observation VI.

Substance blanche. Rien de particulier à relever dans l'hémisphère droit,

pas plus que dans le gauche, jusqu'à une coupe passant un peu en avant de la

commissure antérieure. La préparation ayant la consistance du caoutchouc fut

très difficile à couper en cet endroit. On trouve ici des espaces périvasculaires

di la tés, contenant quelquefois de petites hémorrhagies.Deux zones se différencient

(à gauche) (Pl. LX, 3 et 4) : une centrale (démarquée par une ligne pointillée)

se colorant mal au Weigert-Pal. Elle est occupée par des fibres nerveuses plus

ou moins dégénérées, variqueuses, et d'innombrables vacuoles arrondies, en

majeure partie vides, quelquefois remplies de masses amorphes. En dehors de

cette zone et surtout aux endroits A de la Planche LX, la coloration d'après Van

Gieson, dévoile la présence d'une quantité de cellules remarquables : un corps

gros, gonflé, entouré de courts prolongements semblables à ceux des « arai-

gnées ». Ici la coloration des fibres à myéline réussit très bien.

Fig. 3.- Métastase cancéreuse à la bifurcation d'un vaisseau.

DE QUELQUES ALTÉRATIONS DU TISSU CÉRÉBRAL 253

15 millimètres plus en avant apparaît l'hémorrhagie(PI.LX) qui va grandis-

sant, à limites irrégulières, traversée de faisceaux qui prennent encore le

Weigert. Cette région est riche en grosses cellules à 1 ou 2 noyaux, chargées

de détritus (Koernchenzellen).

Enfin à 2,5 cent, en avant de la pointe de l'hémorrhagie commence le tissu

cancéreux, dont la Planche LX rend les dimensions les plus grandes. On y

remarque du pigment provenant sans doute de petits épanchements sanguins

plus anciens. L'hémorrhagie efface par endroits les limites, sans cela nettes,

de la tumeur. A son pourtour beaucoup d'espaces périvasculaires sont occupés

par des amas de cellules cancéreuses ou du sang. Bientôt il ne subsiste plus

qu'une fine bandelette de substance blanche et le néoplasme émerge même

complètement au pôle frontal.

Les deux zones décrites plus haut se retrouvent à travers tout le lobe frontal

gauche, mais à mesure que la tumeur grandit la zone vacuolée s'étend aux

dépens de celle des grosses cellules araignées.

Ecorce (Coloration au carmin en bloc et rouge de Magenta). Ne paraît

pas altérée jusque vers le maximum d'extension de la tumeur. Ici on re-

trouve, semées irrégulièrement, les mêmes « araignées » gonflées que dans la

substance blanche. Enfin, où le néoplasme est contigu à l'écorce les cellules

nerveuses ne sont souvent plus perpendiculaires à la surface du cerveau.

Par endroits elles sont transformées en petites masses amorphes ratatinées.

Cependant, même là, on en rencontre d'antres encore bien conservées.

Jusque bien avant dans la région frontale on peut constater l'existence de la

couche des fibres tangentielles.

Cervelet. - Le lobe gauche contient une quinzaine de métastases dont les

plus grandes ont 2, 3 millimètres ; à droite deux métastases seulement. Toutes

communiquent -avec la méninge; une est exclusivement méningée. Phéno-

mènes de compression font défaut. '

Remarques.

1. De même que dans l'observation III, la circulation ventriculaire

n'ayant été obstruée par aucune des tumeurs, les lésions des tissus en

tant que démontrables par nos procédés, sont restées très localisées.

2. Les métastases, même les petites, à condition qu'elles soient situées

dans la substance blanche, ne tardent pas à s'entourer d'une zone va-

cuolée. Celles de l'écorce ne le font pas. Cela peut tenir à l'histologie

différente de ces tissus et au fait que les échanges nutritifs se font plus

difficilement à mesure qu'on s'éloigne de la superficie.

3. La tumeur de l'observation III, extra-cérébrale, est plus grande que

toutes celles de l'observation VII. Ici, au contraire, les altérations de la

substance blanche sont notablement plus étendues que là.

// paraît logique d'admettre que les néoplasmes se développant en pleine

substance blanche, la disséquant en quelque sorte, sont particulièrement

254 WEBER. DE QUELQUES ALTÉRATIONS DU TISSU CÉRÉBRAL

bien placés pour intercepter le courant lymphatique qui se dirige vers les

ventricules.

4. Il serait sans doute erroné de considérer les grosses cellules araignées

comme le produit d'une prolifération, d'une inflammation réactive par

exemple. Elles font en effet défaut autour des petites métastases. Leur

localisation au lobe frontal gauche fait supposer qu'il s'agit d'un gonfle-

ment oedémateux des cellules névrogliques, dû à la pression aiguë exercée

par la grande hémorrhagie.

5. L'aplatissement des cornes frontales des ventricules latéraux fait

entrevoir que l'évacuation de liquide céphalo-rachidien peut constituer un

moyen de remédier à l'augmentation de pression produite par la croissance

d'une tumeur.

En pratique, cela pourrait permettre à un néoplasme de rester latent

pendant une certaine période, ou expliquer des rémissions (1).

6. Il n'est pas inutile de rappeler que la parésie de l'oculo-moteur com-

mun droit n'a pu être qu'un effet à distance et aurait conduit à une

erreur de localisation.

Remarques générales.

1. L'écorce résiste mieux à la pression que la substance blanche. Sans

doute que la nutrition y est plus facile ; peut-être aussi jouit-elle d'une

vitalité plus grande si l'on peut s'exprimer ainsi. Cela ne rappelle-t-il

pas ce que l'on constate assez fréquemment dans les malformations congé-

nitales ? Cette analogie ne se retrouve-t-elle pas aussi dans l'atrophie très

prononcée du corps calleux, dans l'intégrité relative des masses grises de

la base, des faisceaux de projection par rapport à ceux d'association ?

2. L'épendyme paraît réagir à l'augmentation de pression par un. épais-

sissement et la formation de pinceaux de fibres (Chaslin). Cette réaction de

son côté, augmentant la résistance des parois pourrait être une défense

contre la pression du liquide intra-1)entriculaire.

3. L'épendyme épaissi est contigu il des fibres nerveuses eu dégénérescence.

Pour l'observation VII, il ne peut guère s'agir que d'un effet de pression ;

pour l'observation VI, il y a sans aucun doute effet combiné de pression et

de traction, par suite de la dilatation ventriculaire.

4. Je confirme les conclusions 1, 2, 3, 4 et 6 de notre précédente pu-

blication.

(t) Coupant actuellement une gomme pariéto-temporale où les cornes occipitales

sont en partie soudées, je me réserve de revenir plus tard sur ce mécanisme.

HOSPICE DE LA SALPÊTRIÈRE

TRAVAIL DE LA CLINIQUE ET DU LABORATOIRE DU PROFESSEUR RAYMOND.

ÉTUDE SUR LES PARAPLÉGIES PAR RÉTRACTION

CHEZ LES VIEILLARDS

PAR

P. LEJONNE et J. LHERMITTE

Introduction et historique.

Les causes qui sont susceptiblesd'amener chez le vieillard une impotence

plus ou moins marquée des membres inférieurs allant même jusqu'à la

paralysie complète sont, ainsi que nous l'avons indiqué dans un précédent

travail (1), des plus variées. Chez l'individu en voie de sénescence on

retrouve, en effet, une multitude de facteurs pathologiques qui, suivant leur

affinité spéciale ou la réaction particulière du sujet frappé, détermineront

des processus pathologiques dont l'aboutissant sera suivant les cas l'encé-

phalomalacie à type lacunaire de P. Marie, la sclérose médullaire polyfas-

ciculaire ou enfin la myosite chronique diffuse dont nous voulons exposer

aujourd'hui les caractères cliniques et anatomiques.

Pour n'être pas exceptionnelle, du moins chez les femmes âgées (nous

n'enconnassons aucun exemple dans le sexe masculin), cette affection ne

nous paraît pas avoir beaucoup attiré l'attention des médecins. Confondue

avec des types cliniques assez voisins, il«est vrai, au point de vue objectif,

mais radicalement différents quant à leur cause et à leur substratum ana-

tomique, ce type de paraplégie nous parait mériter une place à part dans

le groupe si disparate des paraplégies du vieillard. Nous espérons pou-

voir montrer qu'en face d'un malade alteint de rétractions musculo-ten-

dineuses il est possible, si l'on peut reconstituer son passé pathologique,

de faire le diagnostic et de séparer cette affection des syndromes qui peu-

vent plus ou moins s'en rapprocher.

Lorsqu'on recherche la raison du peu de renseignements que nous

fournit à cet égard la littérature médicale, on la trouve dans ce fait que

les auteurs qui ont constaté ce type clinique l'ont classé d'emblée dans

(1) P. LEJONNE et J, LIIERHITTE, Archives gén. de médecine, 1905. Les Paraplégies d'o-

rigine lacunaire et d'origine myélopathique chez les vieillards.

256 LEJONNE ET LHERMITE

des groupes morbides qui en apparence peuvent ressembler à la paraplégie

par rétraction : le rhumatisme chronique fibreux, la sclérose médullaire

polyfasciculaire.

A une certaine période de la maladie dont le développement est, ainsi

que nous le verrons, d'une lenteur excessive, il est bien certain que ces

malades se rapprochent de certains rhumatisants chroniques ou encore

de paraplégiques immobilisés depuis longtemps dans leur lit, atteints de

contractures secondaires à la sclérose polyfasciculaire,; mais, nous le répé-

tons, le diagnostic de ces différents états est possible dans la pluralité des

cas. Si ce diagnostic n'a point, quant à présent du moins, une importance

considérable au point de vue du traitement, il ne saurait être indifférent t

de le poser avec précision pour établir le pronostic.

Paraplégiques lacunaires, myélopathiques, myopathiques, s'ils évoluent

dans le même sens, du moins ils le font avec une rapidité différente et

l'échéance fatale, rapprochée dans la paraplégie lacunaire, est presque in-

définiment reculée dans la paraplégie de cause myopathique.

Si cette paraplégie dont la caractéristique clinique est de s'accompagner

de rétractions musculo-tendineuses avant d'aboutir à une impotence com-

plète n'a pas été suffisamment remarquée, ce n'est pas à dire que les muscles

des vieillards n'aient pas fait depuis longtemps l'objet de nombreuses étu-

des en vue de préciser soit leurs caractères anatomiques, soit les symptô-

mes morbides auxquels les altérations de la sénilité pouvaient donner

lieu.

Dans ce qu'on peut appeler la sénilité simple non compliquée, il est

de règle de constater un affaiblissement de la motricité plus marqué aux

membres inférieurs qu'aux membres supérieurs (Durand-Fardel (1), De-

mange (2), Charcot (3) ), accompagné parfois d'un certain degré d'éma-

ciation musculaire. Dans ces cas, l'examen anatomique des muscles permet

de constater une atrophie volumétrique des fibres musculaires, une proli-

fération assez marquée des noyaux du sarcolemme avec une très légère

sclérose interstitielle. Diminution individuelle, pourrait-on dire, de cha-

que fibre musculaire ; prolifération des noyaux du sarcoplasma et du tissu

conjonctif interfascieulaire ; tels sont les trois termes de l'altération sénile

physiologique.

Nous ne parlons pas des lésions de sclérose artérielle ou de celles qui

frappent si souvent les nerfs intra-musculaires, leur développement est

variable et sans rapport direct avec l'altération du muscle dans ces cas.Les

caractères négatifs sont aussi importants à relever : pas de modifications

(1) DURAND-FARDEL, Maladies des vieillards.

(2) Démange, Traité de la vieillesse, 1886.

(3) Charcot, OEuvres complètes, Maladies des vieillards.

PARAPLÉGIES PAR RÉTRACTION CHEZ LES VIEILLARDS 257 7

dans la striation des fibres, celles-ci ne sont le siège d'aucun phénomène

dégénératif, enfin entre les faisceaux musculaires n'existent que de très

rares vésicules adipeuses.

Macroscopiquement ces muscles sont moins rouges que ceux des jeunes

sujets et à la coupe les travées conjonctives se détachent plus nettement.

Nous ne saurions être de l'avis d'Otto Weber pour qui les fibres muscu-

laires du vieillard auraient toutes les mêmes dimensions contrairement à

celles de l'adulte ; les coupes que nous avons pratiquées chez le vieillard

dont, cliniquement, les muscles paraissaient sains, nous portent à penser au

contraire, que l'irrégularité de taille est presque de règle dans les fibres

musculaires des sujets ayant dépassé 70 ans.

Quant aux autres caractères mentionnés par certains auteurs : infiltra-

tion adipeuse, dégénérescence vacuolaire, pigmentaire ou graisseuse,

fragmentation des fibres, ils appartiennent, nous semble-t-il, non pas aux

muscles du vieillard valide, mais de celui chez lequel on peut relever des

troubles de la motilité.

De plus, dans l'interprétation des lésions observées chez le vieillard

normal, doit-on prendre garde à la cause de la mort et éliminer les cas où

la terminaison fatale fut provoquée par une maladie chronique et cachec-

tisante ; les altérations musculaires relèvent dans ce cas non plus de la

sénilité, mais de la cachexie dont l'action sur le système musculaire strié

est si prépondérante, ainsi que l'ont montré les recherches de M. Klip-

pel (1).

Ainsi que cet auteur l'a constaté, le vieillard est plus sensible qu'aucun

autre à l'action des toxines cachectisantes ; aussi bien, d'une extrême fré-

quence sont chez ces sujets les troubles ressortissant aux altérations du

système musculaire strié ; chez certains la faiblesse musculaire va jusqu'à

l'impotence; confinés au lit, ces malades sont de véritables paraplégiques,

mais quoique bien souvent leur paraplégie soit provoquée par des modi-

fications plus ou moins grossières de l'appareil musculaire la cause, l'évo-

lution de cette affection secondaire, à la cachexie, sont assez particulières

pour nous autoriser à la rejeter du cadre cette étude.

Il est aussi un syndrome morbide ayant pour caractéristique l'affaiblis-

sement progressif des muscles du vieillard dont la cause reste ignorée mais

dont les lésions aujourd'hui définies sont, comme dans les paraplégies des

cachectiques, localisées au système musculaire strié.C'est à M.Empis (2) que

nous devons la première description de cet ensemble symptomatique, com-

(1) KLIPPEL, Thèse Paris, 1889.

(2) Empis, De l'affaiblissement musculaire progressif, Archives générales de lI1éde-

cine. -

258 LEJONNE ET LHERMITE

plètement étudié et défini sous le terme, trop compréhensif maintenant,

d'affaiblissement musculaire progressif chez les vieillards.

Quoique, à proprement parler, cette étude ne rentre pas strictement dans

le cadre de ce travail, nous ne pouvons la passer sous silence en raison des

recherches dont elle fut le point de départ, et de la facilité qu'elle nous

donnera pour préciser les rapports de la paraplégie par rétractions avec

les autres affections musculaires du vieillard.

Au début de son travail, Empis fait remarquer que cet affaiblissement

musculaire n'est pas l'apanage exclusif de la vieillesse, que l'âge y joue

certes un rôle important parmi les facteurs étiologiques, mais qu'il doit

être non pas considéré comme une cause efficiente et suffisante, mais seule-

ment comme « une condition d'aptitude », suivant son expression.

Les signes fondamentaux du syndrome sont constitués par une faiblesse

musculaire extrême, la marche est gravement compromise, les malades

marchent en titubant, se servent de points d'appui, se font aider.

Dans les cas plus avancés, la marche devient impossible et l'alitement

nécessaire. A ces troubles de la motilité se joignent des phénomènes gé-

néraux divers, oppression, dyspnée, vestiges, bourdonnements d'oreille.

La température reste normale et l'examen objectif ne permet de rien dé-

celer qui explique un pareil état.

Quant l'évolution de la maladie, elle esl d'une durée qui se juge par

années ; son début est extrêmement insidieux et souvent les malades sont

incapables d'en préciser l'époque d'apparition. La terminaison est fatale,

précédée d'une décrépitude à marche galopante, souvent hâtée par une com-

plication intercurrente.

Pour ce qui est du diagnostic, il est en général des plus simples ; l'ab-

sence de perversion etde la réflectivité de la sensibilité, les symptômes géné-

raux éloignent l'idée d'une affection des centres nerveux et tendent à faire

admettre au contraire que cet état ressortit à un trouble plus général. En

raison du peu de modifications macroscopiques des muscles, toutefois

« pâles et décolorés », Empis rapproche ce syndrome de la chlorose des

jeunes filles ; tous deux s'accompagnent de troubles généraux et sont in-

dépendants d'un substratum anatomique, mais, ajoute l'auteur, si l'affai-

blissement des vieillards n'est pas une maladie cela tient à ce que « la

vieillesse se caractérise mons par des altérations de texture que par les

modifications dans les fonctions organiques ». Si le syndrome clinique

décrit par Empis devait rester, les conclusions de cet auteur sur la nature

de ces paraplégies devaient bientôt être réfutées par Vulpian (1) et son

élève Douaud (2), dont les recherches montrèrent que, en réalité, les mus-

(1) VULPIAN, Leçon de physiologie générale et comparée. Paris, 1866.

(2) Douaud, Thèse Paris, 1867.

PARAPLÉGIES PAR RÉTRACTION CHEZ LES VIEILLARDS 259

cles des sujets atteints d'affaiblissement musculaire étaient le siège d'alté-

rations manifestes dont les plus importantes consistaient dans une dégéné-

rescence graisseuse de la plupart des fibres.

Principalement localisées sur les muscles des membres inférieurs et de

la paroi abdominale ces modifications se traduisent macroscopiquement

par une couleur « pâle, feuille morte » (Vulpian). Dans tous les cas exa-

minés, Vulpian dont l'attention fut attirée spécialement par le système

nerveux, ne put constater aussi bien dans la moelle que dans les nerfs péri-

phériques aucune altération.

Il s'agit donc bien là d'une affection à siège musculaire, sous la dépen-

dance d'une perturbation de l'état général de cause indéterminée.

Il en est demême de l'atrophie fébrile des vieillards décrite par B.Bail (2),

du morbus climatericus de Lobstein. Dans ces affections, l'émaciation du

sujet évolue avec rapidité, les masses musculaires fondent chaque jour en

même temps que se manifestent des symptômes généraux ; dyspepsie,

amaigrissement,constipation, semblables,on le voit,hormis la rapidité d'é-

volution à ceux qui accompagnent l'affaiblissement progressif d'Empis.

Etant donné l'incertitude dans laquelle nous sommes encore aujourd'hui

sur la nature de ces affections cachectisantes du vieillard dont le symptôme

fondamental, essentiel, est l'affaiblissement joint à l'atrophie du système

musculaire strié, on est en droit de rapprocher, sinon d'identifier ces deux

syndromes,l'un à marche subaiguë : le morbus climatericus, l'autre à allure

traînante, essentiellement chronique, l'affaiblissement musculaire pro-

gressif d'Empis (3).

Les paraplégies dont nous voulons entreprendre la description ont plus

d'un trait commun avec les affections dont nous venons de parler, mais

cependant en raison de leurs caractères cliniques très spéciaux, de leur

évolution et des lésions anatomiques qui les caractérisent, elles nous sem-

blent mériter une place à part dans les alrophies musculaires du vieillard.

L'auteur qui, à notre connaissance, a remarqué le premier l'affection

dont nous nous occupons et qui en a soupçonné la nature, est M. le pro-

fesseur Ilayem.

Dans son article du Dictionnaire Dechambre, sur les atrophies muscu-

laires, M. Hayem fait observer que dans les hospices des vieillards on re-

marque chez les déments et chez certains cachectiques une rigidité mus-

culaire spéciale.« Confinés au lit, extrêmement maigres, ces malades sont

comme raidis, leurs muscles durs et tendus forment sous la peau des cor-

des dont la saillie s'exagère dès qu'on essaye d'imprimer aux membres

(1) GEIOT, Klinick der Greisenkrankheiten. Erlangen, 1860. , .

(2) B. BALL, Diction. Dechambre, article atrophie.

(3) G. HAYIOE, Diction. Dechambre, article muscle.

260 LEJONNE ET L11ERMTTE

des mouvements passifs. Dans ces circonstances, ajoute-t-il, les lésions

musculaires ne sont pas douteuses et c'est vraisemblablement à elles qu'on

doit rapporter la rigidité des muscles.» D'après ces quelques lignes, on se

rend compte qu'il s'agit bien d'une maladie très spéciale déterminant une

atrophie musculaire très prononcée; atrophie qui, fait important, s'accom-

pagne de rétractions musculaires.

Les faits que nous rapportons sont tout à fait superposables à ceux que

cliniquement avait observés M. Ilayem et qu'il supposait en l'absence

d'autopsie, ressortir non pas au rhumatisme ou à une affection des cen-

tres nerveux, mais essentiellement aux altérations musculaires secondaires

à la démence ou à la cachexie.

Il nous semble inutile d'insister sur les différences qui séparent la pa-

raplégie par rétraction du vieillard des diverses formes de rhumatisme

chronique avec déformation des muscles et principalement de la forme

décrite par Jaccoud (1) en 1867.

Dans ces faits on retrouve une étiologie rhumatismale très nette, les

rétractions occupent surtout les extrémités, les cordons fibreux immobi-

lisant et déformant les jointures des phalanges et des orteils ne répondent

pas à des tendons, mais sont constitués par des néoformations conjonc-

tives.

Ce n'est pas à dire que la paraplégie par rétractions ne puisse être con-

fondue, à un examen superficiel, avec le rhumatisme chronique, la litté-

rature médicale en fourn i plusieurs exemples, non plus d'ailleurs qu'avec

la paraplégie d'origine myélopathique, ainsi qu'on en trouve un exemple

dans le travail de Démange.. Cet auteur qui avait si bien vu et décrit la

paraplégie spastique par sclérose polyfasciculaire nous semble avoir rangé

à tort dans le cadre de cette affection l'observation d'une malade atteinte

d'une paraplégie avec rétraction considérable des membres inférieurs.

Nous croyons devoir la donner ici en résumé pour en signaler les parti-

cularités qui autorisent à la classer dans la forme myopathique.

Le sujet dont parle Démange était une femme âgée de 80 ans,

beaucoup plus âgée par conséquent que les paraplégiques myélopathi-

ques ; la maladie débute chez elle à la suite d'une fracture du col du fé-

mur (nous insisterons sur le rôle du traumatisme). Un an après survien-

nent des douleurs bilatérales dans les membres inférieurs, la jambe droite

puis la jambe gauche se rétractent, la sensibilité objective est intacte. Les

réflexes tendineux,forts au début, disparaissent. Plus tard les membres su-

périeurs deviennent raides et douloureux, l'état général s'affaiblit et la

malade succombe à une crise d'asystolie. La durée de la maladie fut de

(1) Jaccoud, Clinique de la Charité.

PARAPLÉGIES PAR RÉTRACTION CHEZ LES VIEILLARDS 261

4 ans. A l'autopsie Démange constata un athérome généralisé; l'encéphale

était normal. Quant à la moelle, l'étude histologique fit voir un étatathé-

romateux des vaisseaux spinaux, mais une intégrité absolue de tout le cor-

don antéro-latéral dans la moelle dorsale et lombaire ; il existait seule-

ment dans une région très limitée de la moelle cervicale une sclérose

légère touchant le faisceau pyramidal croisé. Les cornes antérieures étaient

bien conservées ; on y remarquait un état pigmentaire des cellules gan-

glionnaires ainsi qu'il est de règle de l'observer chez les vieillards. L'étude

des nerfs et des muscles n'a pas été faite, mais nul doute qu'on aurait

trouvé dans ce cas des lésions musculaires, car nous croyons qu'il est im-

possible d'expliquer par la minime lésion médullaire les troubles qu'a

présentés cette malade et,d'autrepart, l'artério-sclérose des vaisseaux spi-

naux et l'épaississement de la névroglie autour d'eux sont incapables de

produire de pareils syndromes ainsi que nous avons essayé de le démon-

trer dans notre premier travail (1).

C'est après avoir étudié dans le service de M. Klippel une malade at-

teinte de paraplégie progressive avec rétractions tendineuses très accen-

tuées et en avoir fait l'autopsie que l'un de nous eut l'attention attirée sur

ce fait que la moelle ne présentait pas les lésions habituelles des paraplé-

gies séniles et se demanda s'il ne s'agissait pas là d'un syndrome spécial

par sa physionnomie clinique et ses lésions. Depuis, nous avons continué

ces recherches dans le service de M. le professeur Raymond dont le riche

matériel nous a été précieux et grâce auquel il nous a été possible en deux

ans de recueillir 8 cas de l'affection que nous désirons décrire ici.

Étiologie.

L'étiologie de cette affection est des plus obscure. L'âge très avancé

constitue un des éléments essentiels des conditions étiologiques, mais évi-

demment ici, comme dans toutes les manifestations de sénilité, l'âge ne

saurait être considéré comme une cause efficiente, mais plutôt comme une

cause prédisposante à certaines manifeslations pathologiques. II est à re-

marquer cependant que les malades atteints de paraplégie avec rétractions

sont plus avancés en âge que ceux dont l'impotence motrice a pour cause

une altération du système nerveux. C'est après 70 ans que se développe

surtout l'affection que nous étudions ; d'après nos observations, 6 fois sur

7 les malades avaientdépassé 75 ans.

Nous ne saurions affirmer que le sexe ait une influence sur le dévelop-

pement de cette paraplégie, mais il n'est pas irrationnel de le penser, étant

donné que dans les hôpitaux généraux nous n'avons pu en constater un

(1) P. Lejonne et J. Lhermitte, loco cilato.

262 LEJONNE ET LHER1111TE

seul cas chez l'homme, tandis que nous en avons observé 2 cas typiques

chez les femmes. Rappelons que c'est aussi dans les divisions de la Salpê-

trière que Démange et M. le professeur Hayem ont eu l'occasion d'observer

les exemples d'atrophie musculaire suivie de rétraction dont nous avons

parlé.

Ce dernier auteur spécifie que les athrophies se produisent chez les ca-

chectiques ou les déments ; il est ici nécessaire de faire quelques distinc-

tions.

En effet, ainsi que l'a remarqué M. Hayem dans la démence sénile par-

venue au stade marastique, on observe une émaciation parfois colossale

des muscles striés prédominant sur les membres inférieurs,suivie ou non

de rétractions tendineuses. Il en est de même de certains vieillards frap-

pés de cachexie lentement progressive dont la cause reste inconnue. Mais

d'une part, les cas de démence sénile s'accompagnant de rétractions et d'a-

trophies musculaires sont rares, d'autre part,un grand nombre de cachec-

tiques de causes les plus diverses ne font pas de rétractions bien que leurs

muscles soient plus ou moins grossièrement atrophiés. De plus, et ce fait

nous paraît primordial, on peut observer des vieillards atteints de para-

plégie a trophique avec rétractions progressives indemnes de toute cachexie

et de toute démence. Il existerait donc deux types au point de vue étiolo-

gique, l'un dans lequel les altérations musculaires accompagneraient un

état démentiel ou cachectique, l'autre évoluant avec une intégrité absolue

de la nutrition générale et des fonctions du cerveau. A y regarder d'un

peu plus près toutefois, la réalité de ces deux types s'évanouit et si l'on

constale chez les uns, un état marastique prolongé, et chez les autres un

habitus floride, cela tient à ce fait qu'on observe des sujets dont la maladie

est à des périodes évolutives différentes. La cachexie marastique étant l'a-

boutissant de toutes ces paraplégies, il n'y a pas lieu de s'étonner de ces

différences; de plus, si l'on peut reconstituer le passé pathologique de ces

malades, on voit qu'ils n'ont pas toujours été aussi gravement atteints au

point de vue de l'état général, que même arrivés à la phase de rétrac-

tion complète des membres inférieurs, ils s'alimentaient très suffisam-

ment, ne maigrissaient pas et pouvaient s'occuper à l'aide de leurs mem-

bres supérieurs à différents travaux.

En dehors des conditions étiologiques dont nous venons de parler on ne

retrouve aucun élément susceptible d'être pris en considération, si ce n'est,

d'une manière générale, toutes les causes qui amènent le confinement au

lit, et c'est parmi celles-ci que nous croyons pouvoir classer la démence et

les cachexies.

Dans deux cas, l'alitement fut déterminé par une fracture du col du

fémur, une fois il s'agissait d'une femme ayant reçu un traumatisme (coup

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière T. XIX. PI. XLI

PARAPLÉGIES PAR RÉTRACTION CHEZ LES VIEILLARDS

(P. Lejoiiiie et J. Lber11lille.)

PARAPLÉGIES PAR RÉTRACTION CUEZ LES VIEILLARDS 263

de pied) dans la région lombaire. Dans ces différents cas le' traumatisme

local doit être mis hors de cause, les altérations musculaires se sont pro-

duites avec une égale rapidité tant du côté lésé que du côté primitivement

sain.

La démence sénile ou simplement la faiblesse intellectuelle et physique

de certains vieillards dont l'activité se réduit aux nécessitès immédiates

agissent par un mécanisme analogue dans la genèse du processus patholo-

gique et, nous le répétons, l'immobilité à laquelle ces sujets sont con-

damnés (fracture, traumatisme, cachexie primitive) ou se condamnent

(démence sénile ou affaiblissement et limitation de l'activité intellectuelle)

si elles paraissent être des conditions importantes au développement des

paraplégies atrophiques avec rétraction, n'en sont pas les éléments

étiologiques essentiels et dans la plupart des cas l'anamnèse permet de

retrouver seulement les accidents habituels au passé du vieillard. Il est à

remarquer toutefois, et cette constatation a son intérêt, que nos malades

étaient indemnes de toute tare rhumatismale.

Étude clinique (Pl. XLI).

C'est à un âge très avancé que débute la maladie, les sujets que nous

avons pu observer étaient d'un âge qui variait de 75 à 84 ans. Ainsi qu'il

arrive dans la contracture tabétique de Démange (sclérose médullaire

polyfasciculaire) l'affection se dissimule pendant longtemps, et l'époque

de son début ne saurait être exactement précisée. Assez souvent toutefois,

les malades ont consulté autrefois pour des douleurs vagues dans les

membres inférieurs comparées à des crampes, des tiraillements, des tor-

sions profondes dans les muscles des mollets surtout. Ces douleurs assez

vives mais pouvant dans certains cas faire défaut durent peu, remplacées

qu'elles sont par une lourdeur progressivement croissante des membres

inférieurs. Les malades marchent comme si elles avaient des « bottes de

plomb ».

Assez rapidement cet affaiblissement s'exagère et contrairement à ce

ce qui s'observe dans la paraplégie myélopathique, les malades se met-

tent au lit. Pendant toute cette période qui peut durer des mois, on ne

constate aucun trouble des sphincters pas plus que de la sensibilité objec-

tive. Les réflexes tendineux et cutanés sont normaux, l'intelligence in-

tacte.

On ne saurait non plus constater bien nettement d'amyotrophie dans

les membres inférieurs, les muscles sont mous, flasques, donnant une

réaction très vive à l'excitation mécanique (augmentation de la contracti-

lité idio-musculaire, myoedème) mais ne sont que fort peu diminués de

volume.

264 LEJONNE ET LHERMITË

Ce qui est beaucoup plus net et qui facilement, dès cette période peut

être mis en évidence c'est l'affaiblissement musculaire prédominant sur

les membres inférieurs. Tous les mouvements sont indistinctement affai-

blis, parfois cependant on observe que les mécanismes de flexion sont

plus touchés que ceux de l'extension. Assez exceptionnellement l'amyo-

trophie peut se montrer dès cette époque, diffuse et globale pourrait-on

dire,. elle n'est jamais très accentuée.

Au contraire, dès que les malades se sont alités, les muscles de la jambe

subissent une diminution assez rapide en même temps que les jambes

primitivement dans l'extension se placent en flexion plus ou moins mar-

quée. Au début ce raccourcissement en flexion des membres inférieurs

peut être en partie corrigé par une traction lente et continue, mais tou-

jours douloureuse. Dans plusieurs observations nous avons remarqué que

la rigidité musculaire était proportionnellement plus développée sur le

groupe des muscles adducteurs que sur celui des fléchisseurs.

Bientôt, les jambes se placent en adduction, les cuisses en flexion sur

le bassin, les jambes en flexion sur les cuisses, les pieds en extension.

La palpation des muscles atrophiés et rétractés donne la sensation de

cordes rigides, une pression un peu. forte détermine des douleurs assez

vives, les troncs nerveux ne sont pas hyperesthésiés.

Il est en général facile de juger le degré de l'amyotrophie car d'après

nos observations ces malades, émaciés par une nutrition insuffisante ainsi

qu'en témoigne l'hypothermie fréquente, ont perdu tout pannicule adi-

peux sous-cutané. Les reliefs osseux deviennent très apparents, au con-

traire les loges musculaires s'affaissent et se creusent.

Les articulations ne sont pas déformées, ainsi que le confirme l'épreuve

radiographique. -

La plupart des mouvements sont encore possibles, mais limités.

L'abduction et l'extension surtout ne peuvent s'accomplir complète-

ment, la jambe forme un angle obtus avec la cuisse, les muscles posté-

rieurs sont tendus et saillants ; dans les mouvements imparfaits d'abduc-

tion on sent la corde des adducteurs plus ou moins prononcée.

Les réflexes tendineux et cutanés sont normaux, ces derniers souvent

affaiblis comme chez les vieillards en général.

En deux à trois ans la maladie fait des progrès sensibles. La rétraction

est alors extrêmement prononcée et l'aspect de la malade caractéristique.

En décubitus latéral, les cuisses complètement fléchies sur le bassin, les

jambes repliées sur elles-mêmes, le mollet entrant en contact avec la face

postérieure de la cuisse, les talons touchant les fesses, le tronc incurvé,

les malades restent immobiles tout le jour, craignant le moindre déplace-

ment de leurs membres. Si les douleurs subjectives sont très supportables,

PARAPLÉGIES PAR RETRACTION CHEZ LES VIEILLARDS 265

celles qui accompagnent la mobilisation des articles sont fort pénibles et

s'étendent à toute la continuité du membre.

La pression des muscles, du quadriceps fémoral, du groupe postérieur

de la jambe ou de la cuisse fait pousser des cris au malade, on peut ma-

laxer au contraire les troncs nerveux périphériques sans que la malade

ressente de douleurs bien nettes. Le signe de Lasègue est absent ; et s'il

existe une douleur très vive à l'extension de la jambe, son siège n'est pas

du tout sur le trajet du sciatique dont les points douloureux font défaut.

Examen électrique. L'examen électrique des muscles montre que

dans les membres inférieurs les plus rétractés la perturbation des réac-

tions n'est pas très considérable. Il n'existe en effet aucune modification

qualitative, pas de D R, mais cependant l'excitabilité galvanique et

faradique est diminuée d'une manière sensiblement égale des deux

côtés. Le muscle le plus atteint parait être le quadriceps fémoral.

Immobilisés par leurs rétractions musculaires les malades n'en sont pas

moins capables d'exécuter quelques mouvement volontaires qu'arrête seu-

lement la limite d'élasticité de leurs muscles sclérosés. La force musculaire

affaiblie mais jamais abolie complètement est au prorata' de l'amyotro-

phie. Avec les progrès de la maladie celle-ci s'étend et gagne les muscles

de la ceinture pelvienne. Jamais elle ne s'accompagne de secousses fibril-

laires. Les membres supérieurs, le cou, le tronc ont conservé la liberté

de leurs mouvements, mais toutefois déjà les masses musculaires ont perdu

leurs reliefs, l'amyotrophie tend à se généraliser.

A cette époque l'examen du malade montre que la sensibilité objective

est intégralement respectée dans tous ses modes, aussi bien sur la peau

que dans la profondeur. Le sens articulaire est absolument normal.

L'examen des réflexes tendineux apprend que ceux-ci sont conservés,

aussi bien aux membres supérieurs qu'aux membres inférieurs, un peu

faibles si l'amyotrophie est très développée. Il va sans dire que dans cette

recherche on ne doit tenir aucun compte de l'amplitude du mouvement

exécuté par le membre puisque ce dernier est immobilisé par les rétrac-

tions, mais seulement du gonflement du muscle dont on percute le tendon

ainsi que de la rapidité de la contraction musculaire.

L'excitabilité mécanique des muscles atrophiés est en général augmentée

et après la percussion de la masse charnue se produit le myoedème ou

une onde lente de contraction. Dès que l'atrophie est extrême le phéno-

mène disparait.

Les réflexes cutanés persistent normaux ainsi que le phénomène d'Op-

penheim ou de Mendel.

Par suite de son évolution progressive, la maladie ne tarde pas à attein-

dre toutes les masses musculaires ; atrophiés de partout, ces malades

xix 18

266 LEJONNE ET LUEHIIIITE

offrent le degré le plus avancé de la cachexie. Le squelette thoracique se

dessine sous la peau ; les vertèbres sont saillantes, les omoplates déchar-

nées.

Sur les membres les articulations paraissent énormes, relativement au

reste du membre.Cela ne veut pas dire qu'elles soient atteintes, mais mon-

tre à quel point sont réduits les muscles qui s'insèrent autour d'elles.

Les^membres supérieurs jusqu'ici à peu près' respectés deviennent

rigides et s'immobilisent en flexion bien que celle-ci soit toujours moins

accusée qu'aux jambes. L'extension complète de l'avant-bras sur le bras

est impossible; à angle obtus le biceps très amaigri forme un relief dur

et douloureux.

La flexion du bras est toujours possible. L'état général s'aggrave pro-

gressivement, le facies est pâle, terreux, sans expression, les yeux excavés,

le regard brillant, l'appétit considérablement diminué. Malgré cette ca-

chexie, l'intelligence reste claire, le fonctionnement des réservoirs n'est

jamais troublé. Les troubles trophiques cutanés sont l'exception, la peau

est écailleuse, sèche, parfois ichtyosique ; sur la face dorsale du pied ou

autour des malléoles, on constate parfois un pseudo-oedème dur, non

dépressible, mais toujours peu accusé.

La terminaison fatale survient dans le marasme profond avec adynamie.

L'hypothermie, l'affaiblissement cérébral indiquent presque avec certi-

tude l'imminence du dénouement.

Au cours de la description précédente nous avons volontairement laissé

de côté l'état des viscères et du système vasculaire. Dans tous les cas

que nous avons observés (8) il nous a été impossible de découvrir une

altération des émonctoires, des poumons, du coeur. Ce dernier n'est pas

augmenté de volume, la pression artérielle varie de 17 à 14 ; les artères

périphériques dans deux cas ne présentaient aucun signe d'athérome,

dans les autres les radiales étaient indurées, bien que la tension ne dépas-

sât pas 17 de Hg au sphygmomamomètre de Polain. Dans deux cas où la

pression était basse (14) nous avons constaté à l'autopsie une atrophie des

parois du coeur qui est peut être responsable de ces faibles pressions.

- Evolution. Pour être progressive, la marche de cette affection n'en

est pas moins d'une excessive lenteur et ses différentes phases se jugent

par années. Nous suivons entre autres une malade depuis trois ans et nous

n'avons constaté que des modifications très légères dans son état depuis

le premier jour où nous l'avons examinée.

La phase initiale de la maladie se caractérise par une paraparésie dou-

loureuse avec ou sans amyotrophie, puis l'alitement devient nécessaire du

fait de l'affaiblissement moteur qui marche de pair avec l'amyotrophie.

La flexion des membres inférieurs s'établit progressivement et devient

PARAPLÉGIES PAR RÉTRACTION CHEZ LES VIEILLARDS 261

irréductible. La maladie semble alors ralentir son allure et bien des ma-

lades restent pendant des années à ce stade de son évolution, puis les

muscles de la ceinture pelvienne se prennent,enfin ceux des membres su-

périeurs et du cou s'enraidissent et s'atrophient; la phase terminale est

arrivée, le marasme s'établit plus ou moins vite et la malade assiste en

pleine connaissance à sa déchéance progressive.

Diagnostic clinique. Le diagnostic des paraplégies qui s'accompa-

gnent de rétractions est en général assez facile; on le comprend aisé-

ment si l'on se souvient de ce que nous avons dit au sujet des distinc-

tions nécessaires parmi les maladies myopathiques du vieillard. C'est en

réalité seulement pendant la première période de l'affection, alors que

les rétractions sont au début de leur développement ou tout à fait ébau-

chées que le diagnostic prête à des hésitations.

L'affaiblissement moteur qui frappe les membres inférieurs du vieil-

lard peut relever des causes les plus diverses, être d'origine cérébrale,

médullaire, névritique, myopathique.S'ait-il d'une paraplégie par lésion

encéphalique ? alors, ou bien la malade aura présenté des ictères succes-

sifs et l'exaltation des réflexes tendineux,les phénomènes de Babinski, d'Op-

penheim, viendront affirmer le diagnostic d'hémiplégie double ; ou bien

la parésie se sera installée progressivement sans ictus ; dans ce cas exis-

teront le plus souvent les symptômes révélateurs d'une dégénération de

la voie motrice, enfin des troubles sphinctériens, un léger début d'affai-

blissement intellectuel constitueront par leur réunion un ensemble symp-

tomatique suffisant pour faire rejeter l'hypothèse d'une lésion autre que

celle du cerveau.

Plus difficile est dans bien des cas le diagnostic de la paraplégie muscu-

laire d'avec la paraplégie myélopathique. Un même début insidieux, par-

fois des douleurs dans les membres inférieurs analogues peuveut tromper

sur la nature de la maladie ; mais si on peut voir parfois la paraplégie par

sclérose polyfasciculaire se compliquer de rétractions musculo-tendineu-

ses, du moins celles-ci ne se montrent qu'à une période tardive de l'af-

fection ; depuis bien des années la malade était paraplégique, elle pré-

sentait le phénomène de Babinski, l'exaltation des réflexes tendineux,

signes qui éloignent l'idée d'une affection à siège exclusivement muscu-

laire.

Au cas où on n'a pu reconstituer les antécédents pathologiques d'une

malade atteinte de rétraction l'examen objectif peut encore lever les doutes.

La recherche négative du signe de l'orteil ou du phénomène d'Oppenheim,

l'existence d'une amyotrophie considérable portant surtout sur les mollets

et la partie inférieure des cuisses, permettront d'exclure une altération

médullaire.

268 LEJONNE ET LRERMITE

Quant à la polynévrite, outre qu'elle n'est pas fréquente chez le vieil-

lard, elle se reconnaîtra facilement grâce à l'existence de douleurs vives

le long des troncs nerveux, douleurs réveillées par la pression et affectant

une allure paroxystique bien différente par conséquent de celles qui

accompagnent la maladie que nous étudions.

L'examen électrique pourra dans les cas douteux être d'un grand secours.

En réalité le seul diagnostic délicat est à faire avec le rhumatisme chro-

nique. Mais dans ce dernier cas les jointures sont plus ou moins défor-

mées, quelquefois des altérations à peine appréciables au palper sont

rendues très évidentes par la radiographie ; elles sont ou ont été doulou-

reuses.

Lorsqu'on mobilise les divers segments des membres inférieurs on

peut s'assurer facilement que le siège des douleurs qui provoque cette ma-

noeuvre est très différent suivant qu'on a affaire à un rhumatisme ou à la

polymyosite chronique. Dans le premier cas le siège de la douleur est

articulaire, dans le second au contraire, c'est dans la profondeur des mus-

cles que le malade accuse de pénibles tiraillements.

Il est exceptionnel que les déformations du rhumatisme se localisent

strictement aux membres inférieurs, en général les mains sont prises à

des degrés variables, alors que jusqu'à la fin elles restent intactes dans la

polymyosite.

Le plus souvent enfin il est facile de retrouver un passé rhumatismal

évident ; la marche de la maladie se fait par poussées irrégulières se li-

mitant à certains articles pour les quitter plus ou moins vite, y revenir à

plusieurs reprises avant de s'y fixer définitivement. Rien de tout cela n'est

comparable à la progression régulière de la paraplégie par myosite. Ainsi

que nous l'avons dit à l'introduction, le diagnostic avec le rhumatisme

fibreux décrit pour la première fois par Jaccoud n'est pas à faire, il s'agit

dans ce dernier cas de jeunes sujets à antécédents rhumatismaux très nets

et, de plus, les déformations et les rétractions qu'ils présentent ne ressem-

semblent que de fort loin à celles qui sont décrites ici.

Dans certains cas le rhumatisme se localise surtout dans les tissus pé-

riarticulaires, et peut déterminer des déformations notables ; il est tout à

fait exceptionnel de ne pas rencontrer d'altérations aux grosses jointures,

celles-ci ont leur synoviale épaissie, et l'épreuve radiographique y fait

constater des modifications plus ou moins notables, enfin l'affection ne se

confine pas aux membres inférieurs, les bras et surtout les mains sont

atteints, fait qui manque toujours dans la myosite chronique.

Nous ne pouvons insister sur les affections musculaires du vieillard, ce

seraitnous exposer à des redites ; il est à remarquer seulement que ces

affections myopathiques (type de Empis, de Bail), s'accompagnent

' 1 J Nouvelle Iconographie DE la SALPÈTRIÈRF. . T. XIX. PI. XLII

A f Atdiwt zu

13 LlçàMi-

c

'1 PARAPLÉGIES PAR RETRACTION CHEZ LES VIEILLARDS

( (P, Lejol111e et J. Lberlllilte.) .

I A. - Coupe longitudinale du soléairc. Adipose interstitielle considérable. Atrophie

j des libres musculaires, prolifération du tissu conjonctif et de l'adventice des vaisseaux.

t ? \r71,Ul;¡ ? i> -,g z ? .JI.iÓ" 1.. \ ... . -1 . - . 1. 1 11.1 1

' PARAPLÉGIES PAR RÉTRACTION CHEZ LES VIEILLARDS 269

d'un état général plus ou moins grave tandis que le sujet paraplégique

reste pendant de très longues années avec une santé bien conservée et des

fonctions viscérales normales pour un vieillard. Enfin l'amyotrophie de

la paraplégie n'est pas diffuse, c'est tardivement qu'elle frappe les mem-

bres supérieurs ; à cette époque la rétraction est très développée sur les

jambes tandis qu'elle manque constamment dans les autres myopathies

séniles.

Quant aux affections musculaires de l'adulte, il suffit de les citer car

tout diffère chez ces dernières de la myosite avec rétraction. La dermato-

myosite décrite par Unverricht (1) s'accompagne d'un état général grave,

d'un gonflement de la peau et des muqueuses, elle ne donne jamais lieu

à des rétractions; la neuro-myosite de Senator (2) se traduit par des trou-

bles de sensibilité, de vaso-motricité qui ne sauraient passer inaperçus.

Quant à la polymyosite hémorrhagique de Prinzing (3), la présence d'hé-

morrhagies cutanées et sous-cutanées, d'oedème des extrémités,de troubles

cardiaques importants, suffit à la différencier des autres affections mus-

culaires et l'éloigné des myosites avec rétractions.

Anatomie pathologique (Pl. XLII).

Le cadavre est très émacié, les tendons des muscles rétractés saillent t

sous la peau. Lorsqu'on essaie par des tractions vigoureuses d'allonger les

muscles enraidis et de mouvoir les membres on rencontre les mêmes résis-

tances que pendant la vie et les attitudes vicieuses ne peuvent être cor-

rigées.

La fixité de position des membres est assurée en effet, tant par la sclérose

des muscles que par rétraction des tissus fibreux périmusculaires et apo-

névrotiques. Le manchon fibreux qui constitue l'aponévrose d'engaine-

ment de la jambe est augmenté d'épaisseur. Sa section circulaire permet

d'allonger légèrement le membre, mais toutefois la résistance la plus con-

sidérable vient surtout des muscles rétractés.

La dissection des muscles est fort instructive et montre que si tous sont

très atrophiés, ils n'ont pas une même consistance. Ceux rétractés sont

fibreux non pas seulement au voisinage de leurs tendons, mais dans l'é-

paisseur de leurs ventres charnus. Leur section est difficile à cause des

larges brides fibreuses qui cloisonnent les faisceaux musculaires ; leur

couleur tire sur le gris pâle ou le jaune, car souvent malgré la maigreur

extrême du sujet, ils sont infiltrés de graisse.

Quant aux antagonistes des muscles qui participent au travail de fibrose

(1) Unverhicht, Deutsche med. Wochenschrift, 1891.

(2) SENATOR, Deutsche med. Wochenschrift, 1888.

(3) PIHNZING, Munchener med. Wochenschrift, 1890.

270 LEJONNE ET LHERM1TE

leur atrophie est excessive. Le quadriceps par exemple ne recouvre la

face antérieure du fémur que par une écharpe musculaire de 5 à 6 milli-

mètres d'épaisseur, dont les fibres sont séparées par des stries jaunes. Les

muscles les plus scléreux sont naturellement ceux du groupe postérieur

de la cuisse (biceps, demi-membraneux, demi-tendineux) et de la jambe

(triceps et fléchisseurs profonds, jambier postérieur) ; ceux de la loge

antéro-externe de la jambe sont toujours bien moins altérés. Suivant que

l'affection s'est généralisée aux quatre membres ou qu'elle est restée

localisée aux membres inférieurs, la musculature des bras apparait

comme relativement saine, muscles rouges, diminués de volume mais sans

infiltration dégraisse, sans fibrose, ou bien présente des altérations sembla-

bles à celles que nous avons relevées sur les muscles des jambes.

L'examen des articulations est ici de la plus haute importance puisqu'on

sait que dans certains cas, ces phénomènes de rétraction peuvent se voir

consécutivement aux arthropathies du rhumatisme chronique. -

Chez les S sujets dont nous avons pu faire l'autopsie, les articulations

des hanches, des genoux, les tibio-tarsiennes avaient leur synoviale légè-

ment dépolie, la capsule articulaire était épaisse mais il n'existait aucune

lésion qui put faire penser au rhumatisme articulaire chronique.

Ces modifications' s'expliquent d'ailleurs facilement par l'immobilité

prolongée, et si des ankyloses ne se sont pas produites, la cause en est, sui-

vant nous, aux légers mouvements que peuvent encore exécuter les malades

malgré de considérables rétractions. ' "

Tous les viscères sont en état d'atrophie plus ou moins prononcée. Le

grand épiploon est rétracté sur le côlon, l'estomac et l'intestin très réduits,

le foie et le pancréas durs à la coupe, en voie de cirrhose ; les poumons

sont emphysémateux et dans un cas existaient aux sommets quelques tu-

bercules crétacés.

Chez un sujet le coeur était en état d'atrophie manifeste et pesait, vide de

sang 170 grammes ; les parois du ventricule gauche avaient l'épaisseur

de celles du ventricule droit normal.

Les altérations des gros vaisseaux sont variables ; tantôt l'aorte est très

athéromateuse sur tout son trajet et principalement dans l'abdomen, les

crurales, poplitées, tibiales postérieures ont des parois infiltrées de pla-

ques calcaires ; tantôt au contraire l'athérome est extrêmement discret.

Sur les coronaires, toute l'aorte thoracique, il est possible de ne découvrir

aucune plaque athéromateuse saillante et sur l'aorte abdominale d'en

remarquer seulement quelques-unes de faibles dimensions et calcaires.

Il en est ainsi parfois des grosses artères des membres inférieurs qui

sont presque indemnes de lésions.

Le cerveau et la moelle offrent microscopiquement les caractères de la

sénilité, les plexus veineux pie-méricns sont à peine dilatés.

PARAPLÉGIES PAR RÉTRACTION CHEZ LES VIEILLARDS 271

Histologie pathologique. ? Dans le cerveau, on observe de nombreux

corps amyloïdes, une réaction névroglique modérée, une atrophie des cel- '

Iules pyramidales pigmentées; en somme rien que de très banal dans

l'encéphale d'un vieillard.

Sur les coupes des noyaux gris et de la capsule interne aucune lésion ne

mérite d'être signalée. Il en est de même des pédoncules et de la protu-

bérance. ,

Dans la moelle,des coupes colorées suivant les diverses techniques,mon-

trent une sclérose marginale telle qu'on la rencontre fréquemment chez le

vieillard. Dans un cas les cordons de Goll étaient un peu sclérosés à la ré-

gion cervicale, mais les faisceaux pyramidaux sont toujours respectés.

Comme les gros vaisseaux, les artères spinales peuvent être manifeste-

ment athéromateuses ou au contraire n'offrir ni endartérite ni périarté-

rite. Une fois la moelle était remarquablement saine étant donné l'âge du

sujet (76 ans).

Par la méthode de Nissl nous nous sommes assurés de l'intégrité des

cellules motrices des cornes antérieures, chargées seulement de granula-

tions pigmentaires.

En somme, ces lésions sont celles qui accompagnent la sénilité dite phy-

siologique et ne peuvent être considérées somme la cause de la maladie.

Les nerfs périphériques sont indemnes d'altération névritique, leurs

vaisseaux ont les parois épaissies et le périnèvre est légèrement sclérosé.

Ainsi que nous l'avons dit par avance, ce sont les muscles qui présentent

le maximum d'altérations. Après avoir décrit la topographie des lésions,

nous envisagerons successivement celles du tissu conjonctif, des vaisseaux,

puis celles plus délicates de la fibre musculaire elle-même. -

Sur une coupe transversale intéressant toute l'épaisseur du muscle ré-

tracté, on peut étudier la répartition du tissu conjonctivo-adipeux.Geluirci,

peu abondant sous l'aponévrose, prolifère surtout à la partie centrale des

muscles. Formant là de larges placards, il envoie des expansions ramifiées

dans toute l'épaisseur de la masse charnue. Il est a remarquer qu'au centre

de ces îlots de tissu conjonctif épaissi se détachent des orifices vasculaires.

Les plaques de fibrose ne sont pas toujours aussi denses et sur certains

muscles, elle apparaissent infiltrées de vésicules adipeuses en traînées.

Pour ce qui est des fibres musculaires, celles-ci sont réparties inéga-

lement dans de vastes loges dont les cloisons sont formées par des expan-

sions conjonctive-adipeuses venues des îlots périvasculaires. A un plus

fort grossissement, la sclérose constituée par des fibres épaisses renfer-

mant peu de noyaux allongés entoure des paquets de faisceaux musculaires

et envoie des expansions qui se perdent sur les gaines sarcolemmatiques

épaissies. En de certains endroits, chaque fibre musculaire paraît isolée,

entourée qu'elle est par une lame conjonctive.

272 LEJONNE ET LHERMITE

Sur des coupes longitudinales on constate très nettement que les fibres

les plus atrophiées sont celles qui bordent les travées fibreuses; par en-

droits ces fibres striées, amincies à leurs extrémités se continuent avec

des faisceaux connectifs, ou bien se perdent dans des traînées graisseuses;

certaines d'entre elles sont isolées et noyées dans du tissu adipeux. Les

artères musculaires plongées au sein de cette gangue conjonctive semblent

ne faire qu'un avec le tissu fibreux. La mésartère est épaissie à un degré

moindre-que l'endartère. Ces artères peuvent parfois prendre un dévelop-

pement considérable et proliférer dans le tissu conjonctif épaissi ; on suit

facilement les branches de division des vaisseaux dont la paroi est hyper-

trophiée et souvent l'adventice entourée d'un grand nombre de noyaux.

Toutefois, nous devons ajouter que dans un cas les artères musculaires

enveloppées par le tissu conjonctif proliféré avaient leur tunique interne

presque normale.

Quant aux altérations de la fibre musculaire elle-même, celles-ci sont

variables dans leur nature et leur intensité.

Au sein d'une masse de fibres ayant l'apparence normale sans la proli-

fération de leurs noyaux, certaines présentent la dégénération trouble par

hyperplasie de leur sarcoplasma masquant ainsi la striation. Les noyaux

du sarcolemme en prolifération très active pénètrent la fibre elle-même

et ébauchent des divisions longitudinales. Lorsqu'on peut suivre sur une

grande étendue une fibre musculaire aux environs d'un îlot fibreux, on

voit qu'après avoir présenté des divisions longitudinales, elle se termine

en éparpillant ses fibrilles primitives à la manière des poils d'un pinceau.

Au sommet aminci de quelques fibres s'amassent des noyaux qui don-

nent l'apparence d'un capuchon ; peut-être s'agit-il ici d'une ébauche de

régénération du type de Neumann.

Autour de la plupart des fibres ayant gardé leur striation et leur dia-

mëtre normaux on observe une extrême abondance de noyaux allongés,

ovoïdes, sériés en file sous le sarcolemme. Certains sont encore réunis

par leurs extrémités et font penser à une division directe.

Sur aucune de nos coupes nous n'avons pu constater la présence de

macrophages non plus que de polynucléaires en dehors des vaisseaux.

Les muscles les plus atteints (demi-tendineux, biceps fémoral, triceps

sural) présentent sur des coupes transversales des gaines sarcolemmati-

ques vides ou ne contenant que des granulations colorables par l'orange,

représentant probablement les débris de la fibre musculaire fragmentée.

La prolifération nucléaire n'est pas ici très intense.

La méthode de Marchi donne des résultats variables. Le plus souvent

la dégénérescense graisseuse se limite à quelques fibres. Celle-ci se pré-

sente sous forme d'un piqueté noir très ténu, les granulations sont sériées

en files régulières entre les faisceaux primitifs ; plus rarement, on observe

PARAPLÉGIES PAR RÉTRACTION CUEZ LES VIEILLARDS 273

des goutelettes colorées par l'osmium, irrégulières, volumineuses, rem-

plissant toutes la gaine du sarcolemme et ne laissant plus voir la substance

striée.

L'infiltration adipeu'se est d'intensité variable, plus marquée autour des

artères d'un certain calibre qu'en aucun autre endroit.

La méthode osmique met encore en évidence des amas de granulations

pigmentaires à la périphérie de la fibre ; visibles surtout sur les coupes

transversales, ils se disposent à la face interne du sarcolemme et se tei-

gnent en brun par le Marchi ; on ne saurait les confondre avec les granu-

lations graisseuses dont nous avons parlé précédemment. On peut observer,

mais plus rarement, d'autres modifications structurales de la fibre muscu-

laire. C'est ainsi que dans un cas, certains muscles des jambes présen-

taient outre une densification extrême du tissu conjonctif,une modification

particulière des fibres. Celles-ci tortueuses, renflées par endroits perdent

tout caractère histologique distinctif et se réduisent à une masse irrégu-

lière occupant toute la gaîne sarcolemmatique, colorée en violet clair par

l'hématoxyline (Voir figure).

En de certains points, où toute la fibre n'est pas dégénérée, cette subs-

tance apparaît limitée à des fragments très réduits de la fibre, présentant

la forme des boules ovoïdes bosselées. La nature de cette substance nous

est inconnue, l'acide osmique ne la colore pas, elle nous semble résul-

ter d'une désagrégation de la fibre musculaire ; elle existait très nettement,

quoique moins accusée, dans un cas de myopathie avec rétraction (Céstan et

Lejonne) (1). Nous rappellerons que nous n'avons pu dans nos cas, trou-

ver de fibre en hypertrophie manifeste.

Histogénèse.

Nous devons maintenant qu'est achevée la description des lésions mus-

culaires de cette paraplégie, essayer d'en dégager les caractères princi-

paux, ceux qui en font une maladie bien à part et nous efforcer de montrer

comment évolue la lésion avant d'aboutir à l'atrophie et à la sclérose accu-

sée du muscle.

Tout d'abord, ici comme dans toutes les altérations musculaires, on

doit faire le départ de ce qui revient à la maladie propre et de ce qui est

surajouté, contingent. Si l'atrophie du muscle est l'aboutissant forcé de

la plupart des altérations susceptibles de le frapper, du moins cette atro-

phie survient-elle de façon assez variée. Avec la majorité des auteurs, on

peut considérer l'atrophie de la fibre comme résultant de deux processus

différents bien que susceptibles de s'associer : l'atrophie simple avec ré-

(1) CESTAN et P. LEJONNE, Myopathie avec rétraction, Nouvelle Iconographie de la

Salpêtrière, 1904.

274 LEJONNE ET LHERMITE

gression cellulaire et l'atrophie consécutive aux processus dégénératifs.

Dans la paraplégie par rétractions on rencontre les deux processus d'a-

trophie ; mais si l'un d'eux est constant : l'atrophie simple, l'autre apparaît

comme nettement surajouté. Tandis, en effet, que le premier caractérisé

par l'émaciation de la fihre avec prolifération nucléaire intense, aug-

mentation du sarcoplasma, division et éparpillement des fibres, se montre

dans tous les cas, le second n'a pu être observé que d'une manière acci-

dentelle pourrait-on dire. Certains musclée profondément altérés ne pré-

sentent aucune lésion en rapport avec une dégénérescence et cependant la

prolifération des noyaux, l'atrophie des fibres, les divisions dont elles sont

le siège sont très marquées. Nous croyons qu'il s'agit ici d'un processus

d'atrophie simple avec disparition graduelle et progressive de la plupart

des fibres, remplacées qu'elles sont par du tissu conjonctif.

La question du rôle que jouent les cellules musculaires dans l'édifica-

tion du tissu conjonctif nouvellement formé est ici comme ailleurs extrê-

mement difficile à trancher, et une pareille discussion serait hors de

propos. Quanta l'infiltration adipeuse si souvent rencontrée, elle paraît

résulter de la transformation adipeuse des éléments du muscle ; à la suite

de leur exfoliation, les cellules musculaires revenues à l'état embryon-

naire se chargent de graisse et remplissent les gaines sarcolemmatiques

vides de toute substance contractile. Quoi qu'il en soit de cette interpré-

tation formulée d'abord par Krusing pour les myopathies, cette infiltration

adipeuse ne saurait être rapprochée de la dégénérescence graisseuse avec

laquelle elle n'a rien de commun.

Si on veut maintenant se faire une idée du développement histogéné-

tique du processus myopathique dont l'aboutissant est la rétraction, on

aboutit à celle conclusion qu'il doit probablement s'agir d'une altération

primitive de la fibre musculaire dont les éléments revenus à l'état indif-

- férent contribuent il la suite de transformations successives à l'édification

du tissu conjonctif. Il est possible et même probable que, soit sous l'in-

fluence de la même cause pathogène, soit secondairement il la destruction

des fibres musculaires le tissu conjonctif interfasciculaire est irrité et pro-

lifère plus ou moins abondamment selon l'intensité de la cause patho-

gène.

Atrophie simple de la fibre musculaire (division, prolifération nucléaire,

régression à l'état embryonnaire) d'une part, prolifération abondante du

tissu conjonctif, d'autre part, tels sont en dernière, analyse les deux

termes histologiques caractéristiques de cette affection musculaire. L'alté-

ration des vaisseaux est également constante avec toutefois quelques va-

riations dans son intensité. Dans quelques cas, les veines et surtout les

artères des muscles présentent des altérations extrêmement accusées ;

PARAPLÉGIES PAR RÉTRACTION CHEZ LES VIEILLARDS 275

l'endartère et la périartère principalement ont leurs éléments considéra-

blement proliférés, rétrécissant ainsi la lumière du vaisseau ; quant à

l'adventice, elle se confond avec le tissu fibreux au sein duquel elle est

plongée et ne peut en être différenciée. Ces altérations essentiellement

chroniques, car jamais on ne trouve d'infiltration embryonnaire périvas-

culaire,nous paraissent devoir être remarquées, car elles n'arrivent jamais

à ce degré dans les myopathies. Il est plus difficile d'élucider la part qui

revient aux altérations des vaisseaux dans la genèse de la maladie. Certes,

dans tous les cas les altérations des vaisseaux sont indéniables et nous

avons fait remarquer que le tissu fibreux et les modifications des fibres

musculaires étaient plus développés autour des artères que nulle part

ailleurs. Toutefois, le fait qu'on a pu trouver non seulement dans les

muscles, mais dans la plupart des viscères des rétrécissements plus ou

moins serrés des vaisseaux nourriciers sans modifications de la substance

noble, fait sur lequel M. Brault a tout particulièrement insisté, nous

engage à réserver cette question et rend probable l'hypothèse d'une action

irritante agissant sur tous les éléments à la fois (vaisseaux, tissu con-

jonctif, fibres musculaires) avec une prédominance au début pour l'élé-

ment le plus différencié, par conséquent le plus fragile, dans l'espèce la

fibre musculaire.

L'affection dont nous avons entrepris ici l'étude est donc bien particu-

lière à tous égards. Les symptômes : parésie progressivement croissante

des membres inférieurs, puis douleurs et rétractions marquées aboutis-

sant au confinement absolu au lit; les lésions, exclusivement limitées à

l'appareil musculaire strié sans que le système nerveux présente d'autres

modifications que celles qu'il est habituel de rencontrer chez l'homme âgé,

différencient donc de la manière la plus complète ce syndrome anatomo-

clinique d'une part des paraplégies dont la cause revient à un processus

encéphalique ou médullaire et, d'autre part, du rhumatisme chronique

avec lequel certains auteurs ont confondu la paraplégie par rétraction.

La constatation d'une lésion qui, pour être étendue, ne s'en localise

pas moins à un seul appareil, montre que chez le vieillard la déchéance

de l'organisme se fait pièce à pièce, que pendant longtemps un organe

peut être gravement lésé sans que l'organisme en ressente de graves per-

turbations'et, qu'enfin, bien que les altérations des vaisseaux ne soient

pas négligeables, du moins, elles ne semblent pas dans tous les cas être

l'agent unique et indispensable des perturbations fonctionnelles ou orga-

niques.

FACULTÉ DE MÉDECINE DE NANCY

ARTHROPATHIE NERVEUSE

CHEZ UN PARALYTIQUE GÉNÉRAL NON TABÉTIQUE

PAR

. G. ÉTIENNE et M. PERRIN.

OBSERVATION.

Le malade, âgé de 40 ans, exerçait la profession de coupeur en confections ;

il est amené à l'Hôpital civil de Nancy, par sa propriétaire qui veut s'en dé-

barrasser à cause de son état mental.

C'est un homme bien constitué, de taille moyenne. Dès l'abord on est frappé

par les symptômes suivants : inégalité pupillaire, parole scandée caractéristi-

que, instabilité mentale, exagération des réflexes, tuméfaction énorme du genou

droit.

X... est né dans le nord de la France en 1864 ; nous n'avons pas de rensei-

gnements précis sur sa famille ; sa mère serait morte il y a un an seulement.

Lui-même a eu la rougeole dans son enfance. Il a fait quatre ans de service mili-

taire. Il nie avoir eu la vérole et se fâche si on insiste, mais il présente sur le

frein une cicatrice blanche. Il a été marié et a eu une enfant qui a succombé à

l'âge de 8 mois, il ne sait pas de quoi. Sa femme n'a pas fait de fausses cou-

ches ; est morte à l'âge de 22 ans, d'une embolie, dit-il ; elle n'a pas eu d'ictus,

elle n'avait pas de phlébite, elle n'a pas craché de sang, mais « elle est morte

vivement » ; c'est tout ce que le malade donne comme renseignements et nous

n'avons pu en avoir d'autres. Il parle d'ailleurs de ces deuils sur un ton absolu

d'indifférence alors qu'autrefois il en a été très affecté.

Le début des troubles mentaux est impossible à préciser. La seule chose

certaine est que X... présentait déjà il y a une douzaine d'années une grande

exaltation intellectuelle ; il était un militant politique et un des principaux

meneurs de la grève générale des ouvriers de l'habillement dans une grande

ville du nord de la France, grève qui fut une des plus importantes par le nom-

bre de ceux qui y prirent part. C'est à la suite de cet événement que, n'étant

plus accepté dans aucun atelier de cette région, X... est venu il y a douze ans

à Nancy où il a trouvé une place de coupeur en chaussures.

Il prétend avoir depuis lors gagné des sommes considérables « jusqu'à cin-

quante francs par jour ». En réalité il avait seulement un bon salaire d'ouvrier

sur lequel il prélevait 10 francs par mois pour les envoyer à sa mère. Il n'a

ÉTIENNE ET PERRIN. ARTROPATHIE NERVEUSE CHEZ UN PARALYTIQUE 277

interrompu son travail que pour soigner son genou. Il ne s'alcoolisait pas et a

pu économiser quelques centaines de francs malgré des achats, bien grands

pour ses ressources, de beaucoup de journaux et de brochures. Ses compa-

gnons d'atelier et tout son entourage ont, dès le début, remarqué son exalta-

tion et l'étrangeté de son regard ; il parle avec volubilité, mais depuis un an il

bredouille un peu. Autour de lui règne un grand désordre, mais « il abat beau-

coup de besogne » : c'est ce qui lui vaut d'être conservé par son patron dont il

supporte mal l'autorité. Au milieu d'une conversation, il change brusquement

de ton et « envoie promener » son interlocuteur. Il fait à l'atelier de la propa-

gande pour ses idées, il l'a fait avec emballement, parle malgré l'inattention

de ses voisins, et quand il a fini, se fâche de n'avoir pas été mieux écouté.

Membre militant de divers comités et syndicats ouvriers, il exerçait une cer-

taine influence ; il a fait des conférences à Nancy et dans la région ; nous n'a-

vons pu savoir comment elles étaient faites. Il a fait partie du conseil départe-

mental du travail en qualité de secrétaire d'un syndicat. Dans son milieu

politique on le considérait comme un bon propagandiste, mais comme un « sale

caractère ». Tout son entourage a remarqué que sa mise,très soignée et même

élégante autrefois,est devenue très négligée dans ces derniers temps.

Dans le quartier où il demeurait, il ne s'était lié avec personne; parfois^s'il

lui arrivait de causer à quelqu'un, il s'emportait facilement quitte à s'excuser

ensuite.

Il recevait de nombreux journaux et était instruit ; mais les renseignements

et explications qu'il donnait en art ou en littérature comme en politique n'é-

taient jamais ni complets, ni suivis. Sa chambre était arrangée sans ordre et

sans goût, encombrée de brochures et de papiers entassés, tellement qu'un jour

plaçant sa lampe au milieu de tout cela il a provoqué un commencement d'in-

cendie.

Il y a cinq ans, il aurait pris de l'iodure de potassium, de sa propre autorite

« pour se purifier le sang ». Il ne dit d'ailleurs pas quelle cause exacte l'a dé-

cidé à absorber ce médicament dont il a continué l'usage pendant 4 mois

environ.

Il se vante d'avoir été capable de faire sans fatigue jusqu'à 60 kilomètres par

jour; ce qui est certain, c'est qu'il n'avait jamais présenté de troubles de la

marche avant d'être atteint de l'artlaropathie.

En 1901, le malade est examiné par notre ami M. le. Dr Adam, qui constate

une hydarthrose volumineuse, récente, du genou droit; il suspend son travail

pendant 3 mois,le reprend ensuite pendant 6 mois ; à ce moment, le Dr Adam

trouve,en outre de l'hydarthrose, la grande augmentation de volume des deux

extrémités osseuses, avec distension des ligainents ; mobilité anormale dans tous

les sens : l'arthropathie nerveuse était complètement établie.

A ce moment, son arthropathie est radioscopée et radiographiée par notre

collègue, M. le professeur agrégé Froelich, qui constate une grande trans-

lucidité des extrémités osseuses subluxées, se traduisant sur le cliché négatif

par leur teinte grise.

278 " ÉTIENNE ET PERRIN

Depuis le début de l'arthropathie, son caractère est devenu plus inégal,

l'exaltation faisant souvent place à de la tristesse, à de la dépression ; il reste

habituellement satisfait et vantard, mais il se montre facilement grincheux et

se met en colère pour un rien ; enfin il est devenu incohérent ; ce qui oblige

son entourage à le conduire à l'Hôpital au début d'août 1904.

Etat actuel. Nous constatons alors l'état suivant :

La peau ne présente rien d'anormal, sauf un durillon banal au gros orteil

gauche. Il existe au niveau du frein du prépuce une cicatrice blanchâtre dont

le malade n'explique pas la provenance. Il est fort possible que ce soit la cica-

trice d'un chancre méconnu ou nié.

Le genou droit du malade est très tuméfié, avec subluxation (Voy. pl. XLIII)

ayant pour résultat un léger raccourcissement du membre et surtout une dévia-

tion de la jamhe en dehors. Cette tuméfaction du genou est assez régulièrement t

sphérique avec quelques nodosités; la peau est sillonnée de veinosités bleuâtres.

Au palper, on perçoit un épaississement des condyles et du plateau du tibia

avec des masses osseuses abondantes englobant les extrémités articulaires. Le

genou droit mesure 42 centimètres de circonférence, le gauche 34 centimètres

seulement ; au niveau du plateau du tibia, à droite 36 centimètres, à gauche

29 cent. 1/2. La rotule est encore mobile à droite, et de même dimension

qu'à gauche (6 cent. de largeur). Il y a un peu d'atrophie musculaire de la

cuisse (38 à droite, 40 à gauche à la région moyenne) et de la jambe : il

résulte de celle-ci un léger pied-bot. Les jambes étant symétriques, il y a

78 centimètres de l'épine iliaque antéro-supérieure droite à la malléole externe

droite ; à gauche il y a 94 centimètres entre ces mêmes points de repère ;

cette différence est due en grande partie au déjettement de la jambe en dehors.

Celui-ci est tel que l'axe du tibia droit prolongé en haut vient passer à 2 cen-

timètres en dehors de l'épine iliaque antéro-supérieure gauche. Si on réunit

par une ligne l'épine iliaque antéro-supérieure droite à la malléole externe

droite, cette ligne passe à 10 centimètres d'écartement du plateau du tibia.

Quand les genoux sont juxtaposés, les malléoles internes restent écartées de

15 centimètres.

La radiographie actuelle, due à notre collègue, M. le professeur agrégé

Guilloz, ainsi que les réactions ci-dessous, montre une exostose volumineuse

apparaissant au niveau de la partie inférieure et interne du fémur ; un épais-

sissement fusiforme du plateau du tibia, courbé : et des calcifications périos-

tées, ligamentaires et capsulaires surajoutées. La densité osseuse paraît dimi-

nuée ; elle le serait moins, d'après M. Froelich, qu'au moment de sa première

radiographie mentionnée plus haut.

Voici l'état des réactions électriques :

1° Excitabilité au courant faradique :

A gauche : normale à la jambe ; un peu exagérée au bras.

A droite : normale au bras ; diminuée un peu dans les muscles antérieurs

de la cuisse, davantage dans les adducteurs, davantage encore dans les mus-

cles postérieurs de la cuisse; abolie dans les muscles de la jambe.

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière

T. IIY. Yl. 1LIII

ARTROPATHIE NERVEUSE

CHEZ UN PARALYTIQUE GÉNÉRAL NON TABÉTIQUE

(G. Etienne et M. Perrill.)

Masson et Cie, Editeurs

Phototypie Berthaud. Pans

3RTROPATIIIE NERVEUSE CHEZ UN PARALYTIQUE GÉNÉRAL NON TABÉTIQUE 279

2° Excitabilité au courant galvanique :

Normale dans les bras et la jambe gauche.

Diminuée dans le droit antérieur et le vaste interne ; contraction lente dans

le biceps et tous les muscles postérieurs de la cuisse ; diminution et contrac-

tion lente dans les muscles de la jambe avec contraction à distance' du cou-

turier, des adducteurs, du biceps et un peu des muscles antérieurs de la

cuisse ; .

L'excitation de la plante du pied provoque des contractions à distance plus

marquées à droite qu'à gauche. Nulle part il n'y a d'inversion de la formule.

Aux membres inférieurs, comme aux membres supérieurs, pas la moindre

trace d'incoordination quel que soit le mouvement exécuté.

Persistance du sens musculaire sous toutes ses formes.

Les réflexes rotuliens sont exagérés avec tendance à la contracture du côté

droil ; réflexes crémastérien et cutané abdominal très nets ; tremblement épi-

leptoïde du pied ; réflexe de Babinski en extension. Les réflexes tendineux des

membres supérieurs sont également exagérés.

Les sensibilités paraissent absolument intactes (nous devons dire que le ma-

lade répond un peu au hasard) ; il ne se plaint d'aucune douleur.

Le malade peut se tenir debout et marcher, grâce à une légère flexion du

genou droit ; il a besoin d'un appui.

L'étal mental du malade est actuellement une véritable démence, avec al-

ternatives de périodes calmes pendant lesquelles il manipule sans cesse des

papiers et des journaux ou déroule et replace la bande qui entoure son genou,

et de périodes d'agitation avec colères subites, criailleries, ou bien séries de

phrases quelquefois liées, souvent incohérentes, parfois débitées avec volu-

bilité : récrimination contre ceux qui lui ont fait une jambe orthopédique qui

ne va pas ; récit d'un procès possible avec la trésorerie générale qui refuse de

lui donner 500 francs parce qu'elle les réserve aux héritiers ; projets de se faire

masser aux Bains Marceau par le masseur qui pèse 134 kilogrammes, etc. Il

possède 120 livres (il en a effectivement beaucoup) dont un « Soleil du diman

che » de 1.400 pages et deux dictionnaires de 7.000 pages ensemble. Les pro-

jets sont vite oubliés puis repris. Un jour il est parti jusqu'à la porte de l'hô-

pital pour s'en aller : arrêté par le concierge, il rentre dans la salle sans

récrimination. Il avait confié à un ami les quelques centaines de francs qui lui

restent ; il veut les réclamer (pour pouvoir aller trouver le masseur précité),

mais quand il en l'occasion il n'y pense plus. Deux membres du comité de

son syndicat viennent le voir, il n'en reconnaît qu'un seul. Il veut aller à la

radiographie, oubliant qu'il y est allé la veille. Il ne se consolera jamais de la

mort de sa femme et de son enfant, mais il en parle sur le ton de la plus grande

indifférence. On bien encore il rit en parlant de ses deuils, etc.

Il écrit sans incoordination des mouvements, mais l'écriture est irrégulière,

hésitante, tremblottante avec des mots erronés. C'est ainsi que pour 1864, année

de sa naissance, il écrit 1900 mais il s'en aperçoit et corrige ; pour faire des

traits il annonce qu'ils ne seront pas droits ; il hésite et se reprend en les tra-

çant ou en écrivant.

280 ÉTIENNE ET PERRIN

La face présente quelques contractions fibrillaires. Les pupilles sont très iné-

gales,la droite étant la plus dilatée ; la gauche est un peu excentrique,de forme

oblique ovalaire. La langue est animée d'un tremblement fibrillaire incessant ;

la parole est hésitante, traînante, 'embarrassée avec achoppement de syllabes,

c'est la parole typique du paralytique général. Il y a un léger tremblement de

la tête et des bras, mais il est variable et non continuel. Les dents sont mal

plantées et irrégulières.

Eclat diastolique à l'auscultation de la base du coeur.

A son entrée le malade urine par regorgement, la vessie est énorme, disten-

due ; on le sonde pendant trois jours puis les urines reprennent leur cours.

Pendant son séjour à l'hôpital les troubles psychiques s'accentuent dans le

sens de la démence et le genou paraît se dévier davantage quand le malade

est debout. Dans les premiers jours de septembre, il est agité,. veut partir,

il arrive près de son lit, renverse tout et trouble le sommeil de ses voisins.

Après une journée de calme absolu, il recommence de la même façon et on est

obligé de l'évacuer sur l'asile de Maréville.

A Maréville, il arrive jusqu'aux extrêmes limites de la cachexie démentielle

sans avoir jamais présenté le moindre signe clinique de tabes dorsal. ,

A l'autopsie, l'examen de la moelle a vérifié l'absence de toute lésion du tabes.

Nous nous contentons actuellement d'indiquer ce point, l'étude anatomo-pa-

thologique détaillée de cette moelle devant faire l'objet d'une prochaine com-

munication.

Deux observations d'arthropathies nerveuses, répondant bien au type

de Charcot, sont surtout connues : celle du professeur Joffroy et celle de

Lloyd.

Cette seconde (1), sur la nature de laquelle la figure annexée à l'étude

du professeur Brissaud (2), ne peut laisser de doute,concerne un individu

atteint de paralysie générale, mais dont la maladie primordiale fut certai-

nement un tabes caractérisé cliniquement par des douleurs fulgurantes et

hislologiquement par une sclérose systématique des cordons postérieurs.

Le professeur Joffroy (3) a rapporté le cas d'un malade qui avait long-

temps souffert de douleurs attribuées à une sciatique rhumatismale et qui

fut atteint d'arthropathie du genou avec articulation volumineuse, défor-

mée, et renfermant un grand nombre de corps étrangers extraits par une

opération chirurgicale. Trois ans plus tard, cet homme fut atteint d'une

attaque apoplectiforme suivie d'une hémiplégie, inaugurant la série des

(1) J. H. Lloyd, Arthl'opathy in gênerai paresis, Philadelphia Ilospital Reports,

1892.

(2) BRISSAUD., Arthropalhies tabétiques et troubles de la sensibilité. Leçons sur les

maladies nerveuses, 1895, p. 313.

(3) Joffroy, Journal de médecine et de chirurgie pratiques, 1891, 10 avril, p. 283.

ARTROPATHIE NERVEUSE CHEZ UN PARALYTIQUE GÉNÉRAL NON TABÉT1QUE 281

symptômes qui permirent à M. Joffroy le diagnostic rétrospectif d'une

paralysie générale à évolution régulière. M. Brissaud croit pouvoir établir

que ce malade fut atteint, avant sa paralysie générale, d'un tabes sensitif

pur, dont la sciatique prolongée et très douloureuse fut un prodrome.

Dans ces deux cas, les arthropathies nerveuses paraissent bien avoir

évolué, non parce que les malades étaient des paralytiques généraux, mais

parce que les paralytiques généraux étaient aussi, et antérieurement, des

tabétiques.

Il n'en est pas de même dans notre observation dont la pathogénie nous

paraît encore fort obscure.

xix 19

SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE DE PARIS

(SÉANCE DU 7 DÉCEMBRE 1905).

UN CAS DU MALADIE DE RECKLINGHAUSEN

AVEC DYSTROPIIIES MULTIPLES ·

ET PRÉDOMINANCE UNILATÉRALE.

PAR

M. KLIPPEL ET G. MAILLARD

Médecin de l'hôpital Tenon.. Interne des hôpitaux.

Le casque nous allons rapporter et qui concerne un malade atteint de

maladie de Recklinghausen d'une forme spéciale, malade que nous avons

présenté à la Société de Neurologie (séance du 7 déc. 1905), est intéres-

sant à plusieurs points de vue :

1° Par la pluralité des tissus atteints par la dystrophie.

2° Par son étiologie familiale.

3° Par une prédominance unilatérale des troubles trophiques el de cer-

tains troubles fonctionnels.

Observation.

Eugène B ? 31 ans, tourneur sur bois.

Antécédents héréditaires. -1. Mère, rhumatisante ; elle a une anky-

lose de l'épaule.

2. Père, atteint de varices ; présente sur le dos des taches brunes, arron-

dies, dont quelques-unes ont la largeur d'une pièce de 1 franc.

3. Une soeur dit père, rhumatisante.

Le malade a deux soeurs dont l'une fut atteinle de chorée et dont l'au-

tre, qui a eu à plusieurs reprises des attaques de rhumatisme articulaire

aigu, présente sur un bras une large tache nccvique.

Antécédents personnels. N'a pas eu d'autre maladie qu'une attaque

de rhumatisme articulaire aigu, à l'âge de 17 ans : cette attaque dura à

peu près un mois et presque toutes les articulations furent prises.

Il porte sur le corps, depuis sa naissance, des taches brunes de couleur

café au lait, de dimensions variables, de forme ronde ou allongée et sur

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière

T. XIX. Pl. XL1V

MALADIE DE RECKLINGHAUSEN AVEC DYSTROPHIES MULTIPLES

A PRÉDOMINANCE UNILATÉRALE

KLIPPEL ET MAILLARD. UN CAS DE MALADIE DE RECKLINGHAUSEN 283

lesquelles nous reviendrons ; il avait en particulier, au niveau de la face

externe du bras droit, une grande tache lisse et sans relief, s'étendant de

la région du coude à l'épaule et descendant très légèrement dans le dos :

on en voit encore les contours aujourd'hui, malgré que toute la région ait

changé d'aspect.

A l'âge de 18 ans, 4 ou 5 mois après son attaque de rhumatisme articu-

laire aigu, se produisit un incident important : un jour qu'il était à son

travail, occupé tourner un manche d'outil, il sentit brusquement, au

moment où il faisait un très léger effort de torsion avec la main droite,

une sorte de déclanchement, se produire dans son épaule droite : en même

temps il se rendit compte qu'il ne pouvait plus que difficilement mouvoir

son bras, il lui était impossible de l'élever pour, par exemple, porter la

main à la bouche : une luxation spontanée de l'épaule venait de se pro-

duire.

Très rapidement son épaule se tuméfie et il y ressent de vives douleurs

qui persistent pendant une huitaine de jours ; puis la tuméfaction semble

glisser peu à peu le long du bras ; la peau se plisse, se gaufre et forme

bientôt de grands replis ; c'est seulement alors que l'on s'aperçoit de la

luxation de l'épaule. Le malade est adressé à M. Doyen qui fait une ré-

section osseuse et profite de l'intervention pour enlever trois petites tu-

meurs, sous-cutanées qui s'étaient développées en même temps que la

région se déformait et qui siégeaient l'une sur la face antéro-interne du

bras elles deux autres sur la face externe. Cette opération améliora nota-

blement la fonction du membre et le malade put reprendre son métier.

Mais la déformation de l'épaule et du bras ne tarda pas à s'accroître

davantage; la peau semblait s'allonger, elle proliférait en larges replis

flasques et pendants, en même temps que la coloration café au lait de la

grande tache congénitale faisait place à des placards plissés de couleur

rosée ; bientôt l'apparence que donnait cet ensemble de lésions était celle

d'une pélerine jetée sur l'épaule droite et descendant en passant sur la

face externe et sur la face antérieure du bras jusqu'au niveau de la taille.

Cette énorme tumeur devenait une gêne par son poids ; elle s'ulcérait

facilement par le frottement des vêtements et le malade dut se résigner à

une seconde intervention ; un autre chirurgien de Reims lui réséqua la

plus grande partie de cette masse pendante. Cette opération eut lieu

en 19U2.

Mais depuis cette époque le repli que l'on voyait au niveau de la paroi

antérieure de l'aisselle, se mit à son tour à s'accroître jusqu'à atteindre

les dimensions que l'on voit sur la PI. XLIV (photographie faite en dé-

cembre 1905).

Enfin, dernier épisode, en octobre 1905, il fait une chute et tombe sur

284 KLIPPEL ET MAILLARD

le bras droit ; au niveau du point contusionné se développe rapidement t

une tumeur de consistance dure, facile à délimiter par la palpation et pour

laquelle il entre à l'hôpital Tenon, demandant à être débarrassé de cette

tumeur gênante ; il fut opéré par M. Rochard ; la tumeur était constituée

par un hématome.

Quand on examine ce malade, ce qui frappe tout d'abord, ce sont,

des tumeurs et des troubles de la pigmentation.

Des fumeurs : la plus importante est cette énorme déformation de la région

scapulo-humérale droite qui consiste,au moment où nous l'observons,en une

prolifération de replis cutanés, bridés par le tissu fibreux des cicatrices

opératoires,pendant en avant de l'aisselle en un large repli Ilasque,repous-

sés au niveau de la face externe du bras par une tumeur dure profonde

(l'hématome non encore opéré), recouverts en bas par les traces de l'ancien

noevus pigmentaire auquel fait suite au niveau du pli du coude un noevus

pilaire,et recouverts à la partie moyenne et en haut par des placards de peau

excoriée, rosée et finement plissée dans le sens vertical, comme distendue

par le poids de la première tumeur ; ce sont aussi de petites tumeurs ron-

des, molles, analogues d'aspect à de petits lipomes, ne dépassant pas la

dimension d'une petite noisette et disséminées sur le reste du corps, sur-

tout au niveau du dos.

Des troubles de la pigmentation : troubles diffus, taches de vitiligo, por-

tions de peau inégalement colorées sans limites bien nettes, plaques de che-

veux blancs disséminées au milieu d'une chevelure presque noire ; et

taches caractéristiques de couleur café au lait, de forme ronde, ovalaire

ou très allongée, réparties surtout sur le dos, sur le bras et sur les cuisses,

ayant des dimensions très variables, depuis celles qui sont à peine visibles

jusqu'à l'énorme tache que nous avons déjà décrite sur l'épaule et le bras

droit.

Mais au cours de l'examen de notre malade, nous avons pu constater

encore un certain nombre d'autres anomalies :

Du prognathisme inférieur : l'arcade dentaire inférieure dépasse l'arcade

supérieure de près de un centimètre (nous relevons une observation ana-

logue dans la thèse de Sarazanas) (1).

De l'asymétrie faciale due surtout à l'asymétrie du maxillaire inférieur ;

cet os présente une différence de 1 cent. 1/2 en moins du côté droit.

Une légère hypertrophie du sein droit : le mamelon est un peu plus vo-

(1) SARAZANAS, Thèse de Paris, 1904.

UN CAS DE MALADIE DE RECKLINGHAUSEN 285

lumineux que celui du côté opposé et la palpation permet de sentir sous

le pannicule adipeux des nodules de consistance glandulaire.

De l'atrophie très marquée du testicule du même côté ;

De l'abaissement des deux testicules et des bourses qui sont particulière-

ment pendantes.

Le foie est sensiblement abaissé surtout quand le malade est debout, le

bord inférieur de l'organe dépassant de plusieurs travers de doigt le re-

bord des fausses côtes.

De l'emphysème pulmonaire.

Lorsque l'on fait tousser le malade, on voit se produire dans la région

sus-claviculaire droite une énorme intumescence s'étendant du bord supé-

rieur du trapèze droit au bord interne du sterno-cléido-mastoïdien gau-

che : cette tumeur sonore à la percussion paraît être due au poumon fai-

sant hernie pendant les efforts d'expiration de la toux. L'hypothèse d'une

trachéocèle ayant été soulevée, M. Vicart a eu l'obligeance de pratiquer

l'examen des voies aériennes supérieures et nous a remis la note suivante :

« aucun diverticule pharyngien ni trachéal visible au laryngoscope ; on

observe toute la longueur de la trachée cervicale où n'apparaît aucun ori-

fice latéral. Donc pas de trachéocèle dans toute cette région cervicale ; le

diagnostic de hernie du poumon se confirme davantage par cet examen ».

La sensibilité d'une façon générale est nettement diminuée sur tout le

côté droit ; du côté des organes des sens il existe d'une façon très nette

une diminution de l' acuité auditive et de Vacuité visuelle du côté droit.

La force musculaire est également diminuée du même côté : le malade

nous dit qu'il a toujours été bien plus faible du bras droit que du bras

gauche et qu'il se servait toujours de ce dernier quand il avait un effort

assez considérable à déployer.

Au point de vue psychique, s'il présente une bonne intelligence générale,

il se plaint cependant d'avoir toujours eu une mémoire très mauvaise ; il

ne retient presque rien de ses lectures et, étant enfant, avait la plus grande

peine à apprendre ses leçons. -

I. Si nous reprenons l'ensemble des troublesitrophiques [présentés par

notre malade, nous constatons que l'on peut les diviseren deux catégories

distinctes : ce sont d'une part les noevi et les petites tumeurs dont l'ensem-

ble est tout à fait caractéristique delà maladie de Recklinliausen'etd'an-

tres dystrophies sur lesquelles nous allons maintenant insister.

La maladie de Recklinghausen5 est généralement] considérée comme

une dystrophie portant sur les tissus d'origine ectodermique ; si l'on admet

286 KLIPPEL ET MAILLARD

que chez notre malade ces petites tumeurs sous-cutanées, un peu molles

et roulant sous la peau sont de petits névromes, la coexistence de noevi

et de ces petites tumeurs mérite donc bien le nom de 11euro-fibromatose

généralisée et il s'agit en ce qui les concerne d'une dystrophie portant d'une

façon à peu près exclusive sur les tissus développés aux dépens du feuil-

\ ! et externe de l'embryon.

/ Mais il existe de plus chez notre malade une autre dystrophie qui lui est

superposée et qui porte sur le tissu fibro-élastique, donc d'origine mé-

sode1"lnique ; cette dystrophie du feuillet moyen se caractérise ici par tout

un ensemble bien particulier : la luxation de l'épaule qui ne peut s'expli-

quer, d'après la façon dont elle se produisit, que par une laxité tout à fait

particulière des ligaments de cette articulation; la volumineuse hernie

pulmonaire pendant la toux : pour expliquer ce phénomène il faut admet-

tre que tout l'ensemble ligamenteux décrit par M. Sébileau sous le nom

d'appareil suspenseur de la plèvre et par M. Bourgery sous le nom de dia-

phragme cervico-thoracique est atrophié à un degré.; l'abaissement du foie

qu'il faut attribuer en l'absence de toute autre cause à la faiblesse des li-

gaments suspenseurs de cet organe ; l'abaissement des testicules et des

bourses ; l'emphysème pulmonaire par atrophie des fibres élastiques ; le

glissement des téguments de l'épaule et de la partie supérieure du bras

vers les régions les plus déclives par laxité des plans sus-aponévrotiques

et produisant la difformité que représentent les photographies.

11 y a donc lieu de distinguer de la maladie de Reckl inghausen une mala-

die plus complexe dans laquelle la trophicité est modifiée congénitalement à la

fois dans les tissus qui dépendent du feuillet externe et dans ceux qui dépen-

dent dit feuillet moyen de l'embryon. A ce titre nous devons rapprocher les

lésions rencontrées chez notre malade de cette dystrophie congénitale du

tissu fibro-élastique, étudiée par l'un de nous (1) et bien décrite par Buis-

son (2), qui s'observe chez certains sujets porteurs de varices, de hernies

et emphysémateux, véritable dystrophie qui débute à une phase précoce du

développement ontogénique, qui dans la suite s'accuse et s'étend progressive-

ment par des manifestations nouvelles et successives (insuffisance du tissu

fibro-élastique des orifices abdominaux, des veines, des alvéoles pulmo-

naires, etc., en coïncidence fréquente chez le même sujet).

II. Au point de vue étiologique, il y a eu manifestement dans ce cas

transmission héréditaire et il semble même que la maladie ait pris le carac-

tère familial ; certaines des anomalies observées chez notre malade exis-

(1) KLIPPEL, Dystrophie congénitale multiple du tissu élastique, Arch. gén. de mé-

decine, 13 janvier 1903.

(2) Buisson, Thèse de Paris, année 1904.

UN CAS DE MALADIE DE RECKLINGHAUSEN 287

taient d'une façon isolée ou comme à l'état d'ébauche chez d'autres mem-

bres de sa. famille. Nous signalons aussi les antécédents rhumatismaux

observés chez la plupart d'entre eux et chez lui-même.

111. - Enfin il existe chez notre malade une autre particularité qui mé-

rite d'être relevée : c'est l'unilatér alité de la plupart des troubles trophi-

ques.

Remarquons en effet que la luxation de l'épaule, le glissement des té-

guments, la hernie du poumon, le noevus pilaire et le grand noevus

pigmentaire, la plupart des autres noevi et des tumeurs, la plus grande

plaque de décoloration des cheveux (tempe droite, voir la photographie)

siègent du même côté, à droite.

Comment expliquer ce fait ?

Il faut admettre en partie ici l'influence du système nerveux central. Les

deux hémisphères cérébraux sont loin d'avoir, même à l'état normal, une

valeur identique (1). Mais cette non-équivalence n'est jamais accusée, à

l'état normal, au point de troubler l'harmonie apparente du corps humain.

A l'état pathologique, en ce qui concerne spécialement les perturbations

dynamiques (hémiplégie hystérique, hémianesthésie), l'hémisphère droit

est plus souvent en cause que l'hémisphère gauche; l'hémiasthénie en relève

plus souvent ; tandis que le cerveau gauche est au contraire plus prédis-

posé aux lésions organiques et profondes, son activité fonctionnelle et nu-

tritive étant plus grande.

En ce qui concerne le développement de l'organisme, les quelques dif-

férences que l'on observe physiologiquement sont en règle générale en

rapport avec une infériorité relative de l'hémisphère droit.

Ici, au contraire, les troubles dystrophiques ont leur maximum ou

même siègent exclusivement du côté droit du corps.

C'est que, chez notre malade, tout ce côté droit nous apparaît en état

d'infériorité manifeste. Nous ne savons pas si ce malade était gaucher

dans le sens complet du mot, c'est-à-dire s'il utilisait intellectuellement

surtout son hémisphère droit ; mais il a dit qu'il se servait toujours de sa

main gauche de préférence pour un travail nécessitant adresse ou force,

même avant la luxation qui rendit impotent son bras droit. Le côté gauche

de son corps a toujours été plus fort que le côté droit. On peut donc le

considérer comme gaucher au moins d'une façon relative.

Son côté droit pèche non seulement par la force musculaire, mai en-

core par la sensibilité générale, par l'acuité visuelle et auditive que nous

avons vues nettement diminuées à droite.

(1) I(LIPPI(L, La non-équivalence des deux hémisphères cérébraux. Presse médicale,

29 janvier 1898.

288 KLIPPEL ET MAILLARD '

A côté de cette diminution dynamique du côté droit, il existe aussi de

ce côté un défaut de développement général : asymétrie faciale, hyper-

trophie du sein et atrophie du testicule à droite, comme si les caractères

mâles avaient eu tendance, au cours du développement ontogénique, à di-

minuer de ce côté au profit des caractères féminins.

- Ainsi, ce malade présente un type morbide assez complexe qui nous pa-

raît pouvoir être compris de la façon suivante : sur un terrain présentant

des tares héréditaires manifestes et sur la partie en état d'infériorité de

cet organisme, a évolué, avec une luxuriance de symptômes tout à fait re-

marquable, la double dystrophie congénitale déjà ébauchée chez quelques-

uns des membres de sa famille : la dystrophie d'origine ectodermique

(maladie de Recklinghausen) et la dystrophie d'origine mésodermique

(dystrophie fibro-élastique).

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SLPÊTKt ÈRE.

T. XIX. Pl. XLV

A

B

C

D

SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE DE PARIS

(séance DU 5 AVRIL 1906).

ICONOGRAPHIE DE L'ÉVOLUTION

D'UN CAS DE MALADIE DES TICS

PAR

J. ROUBINOVITCH,

Médecin adjoint de la Salpêtrière.

L'intérêt de cette observation me semble résider dans ce fait que le

malade a pu fixer lui-même, devant l'objectif photographique, l'ordre chro-

nologique dans lequel ont évolué chez lui, depuis dix ans,. les tics dont il

est atteint, ordre dont l'exactitude a pu être confirmée par les témoignages

de l'entourage du sujet. Le cas est peut-être intéressant aussi au point de

vue thérapeutique, car il démontre que la volonté propre du tiqueur ne

suffit pas toujours pour faire disparaître ses mouvements et que, employée

sans ordre, sans méthode, sans direction rationnelle, sans moyens adjuvants

tels que le repos, la rééducation réglée, etc..., cette volonté peut n'a-

boutir qu'à la transformation des tics, ou bien à leur extension.

OBSERVATION

Il s'agit d'un garçon de 23 ans, enfant naturel né à Paris.

Antécédents héréditaires. - Père imparfaitement connu : était officier

de marine et paraissait jouir d'une santé robuste.

Mère nerveuse, impressionnable, sans maladies antérieures, nettement

caractérisées.

Pendant sa grossesse, a été inquiète et obligée de se cacher de sa famille.

Antécédents personnels. Jusqu'à l'âge de sept ans, élevé en nourrice

où il aurait subi toute sorte de privations. Fièvre typhoïde à 12 ans ; peu de

temps après, embarras gastrique. La croissance a été particulièrement rapide

consécutivement à ces deux affections fébriles. Grippe accompagnée d'ictère, à

l'âge de 22 ans.

H. M. - Pendant la convalescence de la fièvre typhoïde ou immédiatement

après, et sans cause apparente, se manifeste en 1894 un tic consistant à ouvrir

démesurément les yeux en fermant les lèvres et en écartant les mâchoires.

Cette grimace se produit d'abord rarement (Pl. XLV, fig. A). Mais en se for-

290 ROUBINOVITCU

çant lui-même à empêcher la production de ce tic, L... contractait les muscles

extenseurs du cou (Fig. B), et en 1896 il a deux tics : celui de la face et celui

de l'extension du cou. Il en est ainsi pendant trois ans. A l'âge de 17 ans, L...

entre dans une école, où il est obligé de fournir une somme considérable de

travail et là ses deux tics s'accentuent et deviennent de plus en plus fréquents.

Ses camarades s'en aperçoivent et lui donnent toute sorte de surnoms qui le

vexent et le poussent à faire des efforts pour s'abstenir de faire des grimaces.

Or, en`voulant empêcher la production de ces dernières, il exécute entre 1899

et 1901 deux mouvements défensifs qui deviennent à leur tour deux tics nou-

veaux : il se frotte la région épigastrique avec le poignet de la main gauche en

se donnant l'attitude d'un homme qui répéterait indéfiniment la phrase de

« mea culpa »... ; ou bien avec le médius de sa main gauche il fait un mouve-

ment rapide de frottement sur le front ou sur le menton (Fig. C et D).

Son travail à l'école a été couronné de succès, mais ses efforts ont été supé-

rieurs à la-moyenne. Doué d'une mémoire faible, il a dû travailler plus que tout

autre, et cela pendant trois Il se privait de récréation, et pour gagner du

temps, ne dormait que six heures par nuit.

En 1902, il sort de l'Ecole, et pendant quelque temps ses tics diminuent

d'intensité et de fréquence.

En 1903, il fait son service militaire, et là,'en répétant les exercice de toute

sorte qu'on lui faisait exécuter au commandement, il contracte un tic nouveau :

de temps à autre, eu dehors de tout exercice, il soulève brusquement ses épau-

les, les raidit et les rejette en arrière en même temps qu'il rejette la tête un

peu en arrière, fléchit légèrement les membres supérieurs et prend dans l'en-

semble l'attitude forcée et raide d'un soldat prussien (PI. XLVI, Fig. E). Ce

tic dure deux ans.

Au retour du régiment, en 1904, il entre en qualité d'employé dans une

compagnie d'assurance ; là, tous les tics qui se sont produits chez lui depuis

1894 reprennent avec plus de force que jamais et se compliquent dans l'espace

de deux ans de trois tics nouveaux : frottement de poignets l'un contre l'autre ;

flexion et entrecroisement des doigs de deux mains (Fig. F, G) ; contorsion

générale du corps dans l'attitude rappelant celle d'un homme qui se prépare

à courir (Fig. H) ; roulement du dos ; mouvements des hanches ; étirement

des bras, des jambes, du cou ; frottement du nez ou des yeux.....

Actuellement, en 1906, ces divers tics se produisent les uns et les autres,

sans ordre apparent. Leurs plus grandes fréquence et intensité sont le soir,

après une journée de travail ; ils sont à peine accusés dans la matinée, après

une nuit de repos. Les nuits sont en effet très bonnes et exemptes de tics. Ces

derniers augmentent surtout dans les moments d'ennui, d'inquiétude, de souci

de l'avenir. Dans les intervalles de repos, de distraction, ils sont rares ou même

absents.

L... continue très régulièrement son travail ; seulement, de temps à autre

il est obligé de s'arrêter pour se livrer à quelques tics... Il appelle ce besoin ir-

résistible d'exécuter ces mouvements : « besoin de détendre mes nerfs. »

Les tics dont L... est atteint lui font commettre parfois des maladresses : il

NOUVELLE Iconographie de la Salpêtrière T. XIX. Pli. XLVI

E

F

G

H

EVOLUTION D'UN CAS DE MALADIE DES TICS

UN CAS DE MALADIE DES TICS 291

laisse tomber des objets qu'il tient ou bien il risque de se blesser ou de blesser

quelqu'un, lorsqu'il a dans les mains des instruments tels que grattoir, plu-

mes, etc... Parfois, les tics des doigts l'empêchent d'écrire. Très émotif de-

vant ses chefs il « bafouille » en leur parlant, parce qu'il articule trop vite et

« avale » la moitié des mots. Cette émotivité va parfois jusqu'à le faire pleurer

pour un rien, Plus il avance dans la vie, plus L... devient sensible, impres-

sionnable, enclin à voir tout en noir...Or, mesure que ces inquiétudes augmen-

mentent, ses tics se multiplient et s'aggravent. L... est constamment dans un

état de surexcitation qui se manifeste actuellement par des tics dont les plus

fréquents sont : soulèvement d'épaules, frottement des poignets, flexion et en-

trecroisement des doigts, contorsion générale du corps, torsion des épaules,

étirement des membres, mouvements saccadés du bras avec épaule correspon-

dante raidie, main crispée autour du poignet, frottement du poignet contre le

bouton de manchette, etc...Tous ces mouvements sont absolument irrésistibles

et créent à leur tour dans l'esprit de L... des craintes sur des maladies qui

pourraient se déclarer chez lui si les tics continuent; il redoute surtout, dit-il,

la danse de Saint-Guy ou l'épilepsie.

On ne trouve chez L... aucun stigmate d'hystérie, d'épilepsie, de neuras-

thénie ou d'alcoolisme.

Le cas est bien celui d'une maladie des tics quoique différant par plu-

sieurs particularités du syndrome de Gilles de la Tourette.

Il ne s'agit pas ici de spasmes, pour les raisons suivantes :

Tous les mouvements convulsifs exécutés par ce malade et représentés

par lui-même dans les photographies que je viens de montrer sont d'une

systématisation fonctionnelle évidente ; les efforts de la volonté, l'attention,

le repos, les distractions, exercent une action sur les mouvements en les

atténuant ou en les transformant ; ces mouvements sont le résultat d'un

besoin irrésistible de se « détendre les nerfs » et sont suivis d'un senti-

ment de repos, de satisfaction ; ils disparaissent pendant le sommeil ; ils

existent sans qu'on puisse trouver chez le malade de troubles de la sensi-

bilité, des réflexes ou delà trophicité ; ils sont absolument indolores ;

enfin, ils se manifestent chez un garçon qui présente en même temps deux

autres signes indiquant un état de myopsychie de Joffroy, de prédispo-

sition aux troubles psychiques, notamment une émotivité anormale et une

tendance à la nosophobie.

Le cas diffère cependant de la maladie des tics telle qu'elle a été décrite

par Gilles de la Tourette, en ce que le malade n'a présenté jusqu'à présent

aucun tic respiratoire, phonatoire, ni d'écholalie, ni de coprolalie.

Jusqu'à présent, ses forces intellectuelles sont restées assez bonnes,

pour lui permettre d'avancer assez brillamment dans sa carrière.

292 ROUBINOVITCH

Le pronostic s'annonce, cependant, comme devant être sérieux, car depuis

dix ans, le malade, poursuivant sans cesse et avec acharnement son désir

« d'arriver » à une belle situation, se refuse à tout repos et à tout traite-

ment régulier qu'il considère comme une perte de temps.

Il ne la traite que par sa volonté d'arrêter certains tics gênants, mais

les résultats de ce traitement, absolument insuffisant, sont peu encoura-

geants. -

Nouvelle Iconographie DE la SALPÎ.TRITRE.

T. XIX. Pl. XLVII

Phototypie l3ert6aud Paris

L'OPÉRATEUR

Tableau de GÉRARD Dow (collection Léopold Favre, il Genève).

UN BARBIER-CHIRURGIEN DE GÉRARD DOW

(COLLECTION LÉOPOLD FAVRE A GENÈVE)

PAR

HENRY MEIGE.

Dans la riche collection de peintures anciennes que possède M. Léo-

pold Favre, de Genève, les maîtres néerlandais sont fort bien représentés.

Parmi eux, Gérard Dow figure avec un tableau intitulé Le Chirurgien.

M. Léopold Favre a bien voulu faire faire à notre intention une

photographie de ce tableau, pour laquelle nous tenons à lui adresser

nos plus vifs remerciements. Grâce à cette obligeance, nous pouvons

donner ici une description et une reproduction de cette intéressante pein-

ture, encore peu connue (Pl. XLVII). ,

C'est une scène de chirurgie rustique, telle que les affectionnaient les

peintres des Pays-Bas. J'en ai reproduit dans cette Revue de nombreux

spécimens, à propos des Arracheurs de pierres de tête, des Pédicures,

du Mal d'Amour, des Dentistes, etc. (1). Le tableau de M. Léopold Favre

vient heureusement augmenter cette collection.

La scène se passe dans un intérieur très simple, un peu délabré, hum-

ble officine d'un pauvre barbier de village : des murs décrépits, des contre-

vents à demi pourris, un plafond enfumé, un mobilier plus que sommaire.

Mais un jour éclatant pénètre par une fenêtre cintrée, garnie de vitraux,

et ce large rayon de lumière se répand sur tous les acteurs, tandis que les

recoins de la demeure se perdent dans un habile clair obscur.

Assis sur un solide fauteuil de bois, le patient subit son opération, non

sans douleur. C'est un homme du commun, aux chausses rapiécées, avec

de gros souliers et une escarcelle de cuir à la ceinture. Sa main gauche

crispée sur le bras du fauteuil, son poing droit serré convulsivement, mon-

trent combien il souffre 1

(1) V. Nouv. Iconographie de la Salpêtrière, années 1895 à 1905,

294 HENRY MEIGË

Cependant, debout derrière lui, le haut du corps seul visible, le praticien

opère, calme, attentif, inaccessible aux hurlements de son client. C'est un

vieillard, coiffé d'un bonnet informe, où brillent quelques ornements.

Ses deux mains sont occupées. L'une, la gauche, solidement appliquée

sur le crâne du malade tient une sonde ou un bistouri.La main droite

tient un autre instrument ; les deux armes se rencontrent sur le champ

opératoire, dans la région temporale, au-dessus de l'oreille droite.

De quelle opération s'agit-il ?

Est-ce une saignée ? Il n'y a ni linge ni éponge à proximité. Serait-ce

l'ablation d'une petite tumeur, d'un kyste du cuir chevelu ? C'est possible. ' «

Ou bien serait-ce encore une de ces opérations fantaisistes ayant pour but

d'extirper du crâne une tumeur imaginaire ? Aurions-nous affaire à l'un de

ces « arracheurs de pierres de tête » qui firent fortune dans les Pays-Bas ?

Mais» il n'y a aucun indice de cette supercherie : pas le moindre petit

caillou sur la table ni sur le sol, et le chirurgien est bien sérieux... Il n'a

pas ce sourire gouailleur des prestidigitateurs du bistouri dont Jan Steen

nous a laissé tant d'amusantes répliques. Non,vraiment c'est une opération

bien réelle. Ne cherchons pas à la définir davantage. Constatons seule-

ment qu'elle est fort douloureuse, témoin la grimace de l'opéré, une de

ces grimaces lamentables que Brauwer chérissait tout particulièrement.

Au milieu de la composition se trouve une table ronde couverte d'un

épais tapis. Sur cette table quelques accessoires ne nous renseignent pas

davantage sur la nature de l'opération. Ils nous apprennent simplement

que le propriétaire de céans est bien à la fois chirurgien et barbier. Un

platà barbe en métal, un peigne, des ciseaux : voilà pour le barbier. L'ar-

senal du chirurgien se borne aux instruments dont il se sert actuellement.

Une étagère appliquée contre le mur contient la maigre réserve d'onguents

et de drogues où il puise à l'occasion : pots de pharmacie en faïence

de Delft, flacons mal bouchés, un plat à barbe de réserve et un petit cof-

fret pour les médicaments plus précieux, poudre de vipères ou de corne

. de cerf

L'opérateur et l'opéré ne sont pas les seuls personnages de cette scène

chirurgicale. A gauche, se détachant en silhouette sur la fenêtre, une

vieille femme contemple l'opération ; sa mimique attristée, ses mains

jointes témoignent de la sincérité de son émotion. Les peintres flamands

et hollandais ont affectionné ce type. La même vieille attendrie se retrouve

dans plus d'une scène médicale de Téniers, de van Ostade et de Brauwer.

Jan Steen ne l'oublie presque jamais, mais il nous la montre moins

apitoyée, souvent même un peu railleuse. C'est la même vieille que Gé-

rard Dow nous fait voir de face dans son Arracheur de dents de la galerie

de Schwerin : même expression attendrie, mêmes mains croisées supplian-

UN BAHBIER-CIIIHURGIEN DE GERARD DOW 29

tes. C'est aussi une femme inquiète qui vient consulter ]'Urologue de Gé-

rard Dow dans la galerie de M. Sideboicham, à Erlesdene (Cheshire) (1).

Et l'on retrouve dans ce dernier tableau le même fauteuil, les mêmes pots

de pharmacie, les mêmes fioles qui figurent dans la peinture de M. Léopold

Favre. On y trouve aussi la même petite cage' accrochée à la même place

près de la même fenêtre cintrée.

Un quatrième personnage se tient derrière le groupe principal, c'est

l'aide du barbier-chirurgien, jeune garçon aux cheveux bouclés, qui porte

un petit vase. Ce comparse est presque constant dans les tableaux de

Téniers.

A droite, on distingue dans la pénombre la porte entr'ouverte de l'ap-

partement. Dans un enfoncement obscur s'aperçoit la cheminée au man-

teau très élevé, avec quelques ustensiles de ménage.

Et c'est tout.

Malgré la simplicité du décor et des accessoires, cette scène retient

l'attention. Le groupe chirurgical, plein de vérité el de vie, est admira-

blement traité ; la présence de la vieille commande l'émotion ; elle retient

le sourire que la grimace du patient risquerait peut-être de provoquer.

Seul, le jeune assistant est dans une attitude hésitante, discutable; mais ce

n'est qu'un personnage secondaire.

Parmi les nombreuses peintures que Gérard Dow a'consacrées aux scènes

de médecine et de chirurgie, celle-ci méritait d'être signalée. Sans doute,

les personnages n'ont ni le charme ni la distinction de ceux de la Malade

d'amour, de Buckingham Palace.Ce vieux chirurgien n'est pas aussi huppé

que le galant médecin qui lorgne l'urinal. Et pourtant, moins ferré que lui

sur le grec et le latin, ne fait-il pas plus de bien aux pauvres gens avec

son méchant bistouri que l'élégant docteur en bonnet de fourrure, qui pré-

tend diagnostiquer les maladies de l'àme d'après la couleur des urines ?

C'est un praticien de la même espèce que l'Arrachez¿¡' de dents de la ga-

lerie de Schwerin ; et, chose curieuse, le patient, lui, rappelle singulière-

ment par son attitude et par son costume celui qu'opère un autre Arracheur

de dents de Gérard Dow, celui du musée du Louvre.Dans un troisième Ar-

racheur de dents de Gérard Dow, qui se trouvait dans la galerie Six, à Ams-

terdam, on retrouve encore la vieille femme au regard anxieux, compri-

mant avec sa main gauche les battements de son coeur. Cette note apitoyée

s'accorde bien avec le talent délicat et sentimental de Gérard Dow. Dans son

Urologue de la collection Pescatore, à Luxembourg, la vieille femme est

(1) Henry Meige, Les Urologues. Archives générales de médecine) mai-juin 1900.

296 HENRY MEIGE. - UN BARBIER-CHIRURGIEN DE GÉRARD DOW

remplacée par une jeune : mais cette jeune est une mère qui tient son en-

fant dans ses bras. La consultation n'en est que plus émouvante (1).

Nous avons eu l'occasion d'étudier dans ce recueil toutes les composi-

tions médicales de Gérard Dow ; il serait superflu d'y revenir. Il suffira

de faire remarquer une fois de plus la variété que le maître hollandais a

su introduire dans les scènes de ce genre. Les peintures deTéniers, celles

de Brauwer, de van Ostade, quoique fort riches en détails intéressants pour

l'histoire de la médecine, pèchent un peu par leur monotonie; les person-

nages, les accessoires et le décor ne varient guère. Gérard Dow, au con-

traire, malgré d'inévitables réminiscences, s'est efforcé de varier les types,

les costumes, et surtout les éclairages.

Tantôt la scène se passe à l'intérieur d'une chambre sombre, mais au

milieu d'une raie de lumière qui traverse les vitraux, tantôt comme dans

l'Arracheur de dents du musée de Dresde, les personnages sont eux-mêmes

à la fenêtre, en plein jour, et c'est de l'extérieur que nous les voyons.

Les peintures d'intérieur sont assurément les plus liabiles. A ce titre

artistique le tableau de M. Léopold Favre mérite une place très hono-

rable. Il offre par surcroît un réel intérêt pour le médecin.

(1) HENRY MEIGE, Les Urologues (documents complémentaires). Nouv. Iconographie

de la Salpêtrière, no 1, 1903.

Le gérant : P. Bouchez.

Imp. J. Thevenot, Saint-Dizier (Haute-Marne).

19e Année N° 4 Juillet-Août

LABORATOIRE DU Pr DEJERINE

HOSPICE DE LA SALPÉTRÈRE

DE L'INFLUENCE

DE LA

SECTION EXPÉRIMENTALE DES RACINES POSTÉRIEURES

SUR L'ÉTAT DES NEURONES PÉRIPHÉRIQUES

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DES FIBRES CENTRIFUGES

DES RACINES POSTÉRIEURES.

PAR

- e J. Ch. ROUX et Jean HEITZ 1

Anciens internes des hôpitaux.

Le présent travail nous a été suggéré par le désir d'apporter des faits expé-

rimentaux à l'appui des théories diverses qui ont été émises au cours de ces

dernières années au sujet de la pathogénie du tabes. Nous avons voulu nous

rendre compte de l'influence que pouvaient avoir sur l'état des ganglions spi-

naux, des nerfs cutanés et des sympathiques, les lésions profondes des racines

postérieures, telles que peut les réaliser la résection expérimentale, lorsqu'on

laisse survivre longtemps les animaux opérés.

Dans un article publié en 1903 (1), en effet, Nageotte émettait l'hypothèse que

le neurone sensitif du tabétique, attaqué dans son prolongement central par la

névrite radiculaire d'origine méningitique, manifestait sa souffrance par l'atro-

phie du prolongement périphérique, atrophie se produisant tout d'abord à l'ex-

trémité la plus reculée, c'est-à-dire dans les rameaux cutanés.

Cette hypothèse s'accordait assez bien avec les faits anatomo-cliniques.

Étant donné d'une part le caractère radiculaire des anesthésies tabétiques, et

de l'autre ce fait que les nerfs cutanés sont constamment dégénérés dans les

zones anesthésiées, on doit admettre en effet, avec notre maître Dejerine (2), que

les lésions des nerfs cutanés sont proportionnelles en général à celles des

racines postérieures.

(1) NAGEOTTEJ Pathogénie du tabès dorsal. Presse médicale, 10 décembre 1902 et

3 janvier 1903.

(2) DEJBRIlVB, Séméiologie du système nerveux, 1900.

xix . 20

9-98 ROUX ET UE1TZ

Si donc, quelques mois après la résection des racines postérieures, on pouvait

arriver a constater dans les nerfs cutanés et dans les cellules ganglionnaires,

des lésions analogues à celles que l'on voit chez les tabétiques, ce résultat

expérimental constituerait certainement un argument de valeur en faveur de

l'hypothèse proposée par Nageotte.

Dans le cas contraire, si après cette, section des racines postérieures, les

nerfs périphériques et les cellulesganglionnaires restaient indemnes, il faudrait

admettre que la lésion décrite par Nageotte au niveau du nerf radiculaire ne

joue dans la production du tabes qu'un rôle accessoire. Il faudrait en arriver à

considérer le tabes comme une affection portant une atteinte complexe à tout le

système nerveux : telle était autrefois l'opinion de Babinski (1), reprise récem-

ment par Brissaud et de Massary (2), qui placent à la base de la maladie la dé-

générescence du protoneurone sensitif dans son ensemble, dégénérescence

débutant par les extrémités du neurone pour se propager progressivement et

lentement jusqu'au corps cellulaire.

Nous n'avons pas tardé à nous rendre compte, qu'en pratique, il n'est pas

possible de réduire la question à l'une ou l'autre de ces deux solutions, les

phénomènes de la vie du système nerveux étant infiniment trop complexes

pour rentrer facilement dans ce cadre trop réduit. ,

Nous avons noté tout d'abord, chez les animaux sacrifiés au ajour après

l'opération, des lésions importantes des nerfs périphériques, localisées exacte-

ment dans le domaine des racines sectionnées. Cette première constatation sem-

blait nous orienter vers la première hypothèse. Mais en prolongeant de quelques

mois la survie de nos animaux, nous avons vu que les lésions, si manifestes

au 250e jour, disparaissaient au 340e, et qu'il n'en restait comme trace que des

gaines vides. Nous nous sommes alors demandé, si les figures de dégénérescence

que nous avions vues au 250e jour, n'appartenaient pas à des fibres centrifu-

ges venues de la nioelle par des racines postérieures. C'est ainsi que nous avons

été amenés à faire entrer dans notre étude, la question disculée depuis si long-

temps de l'existence de ces fibres centrifuges. La réponse donnée à cette ques-

tion, tout en éclaircissant certains points obscurs, n'en laisse pas moins, comme

on le verra, subsister encore d'importantes difficultés. Mais avant d'entrer plus

avant dans la discussion des résultats, nous croyons d'abord nécessaire d'ex-

poser le détail de nos expériences et des constatations faites au niveau des

différentes portions du système nerveux.

Technique expérimentale.

Nous avons choisi pour ces expériences le chat, animal qui supporte admira-

blement les opérations longues et sanglantes, et ne nous sommes adressés au

chien qu'exceptionnellement, lorsque nous n'avons pu nous procurer de chats

(1) Babinski, Gaz. hebdomad., août 1891.

(2) DE Massary, Le tabès, dégénérescence du proto-neurone centripète. Thèse Paris,

1896, et Presse médicale, si juin 1903.

SECTION EXPÉRIMENTALE DES RACINES POSTÉRIEURES 299

en temps utile. Dans tous les cas, nous avons opéré des animaux adultes, con-

trairement à la manière de certains auteurs qui ont expérimenté sur déjeunes

animaux, et nous pensons que là doit être cherchée peut-être la raison de cer-

taines divergences existant entre nos résultats et ceux de plusieurs autres expé-

rimentateurs. ,

Les opérations ont été pratiquées dans le sommeil artificiel provoqué par

l'ingestion de chloralose dans les aliments, à la dose de 2 centigrammes par

kilo d'animal. Il nous a fallu, le plus souvent, compléter l'anesthésie par quel-

ques inhalations d'éther.

La section des racines a toujours été pratiquée dans l'intérieur du canal

rachidien, les lames vertébrales enlevées avec une forte pince coupante. Pen-

dant cette partie de l'opération, nous avons eu souvent à lutter contre des

hémorrhagies profuses, dont nous n'avons pu triompher le plus souvent que

par le tamponnement prolongé.

A la région thoracique, nous avons pratiqué chez 3 chats, la section des

racines postérieures dans leur trajet extradural, immédiatement après leur

sortie de la dure-mère, à une certaine distance du ganglion, lequel n'a jamais été

découvert. Chez le chat I, nous avons coupé les trois premières racines tho-

raciques ; chez les chats V et VI, les 10e et 11° thoraciques, dans tous les

cas d'un seul côté, de manière à conserver les racines symétriques comme

contrôle. 1

A la région lombo-sacrée, nous avons abordé la dure-mère par une brèche

osseuse pratiquée à travers les deux dernières vertèbres lombaires et la 4r° sa-

crée. Les racines ont été sectionnées après incision de la dure-mère dans leur

trajet intradural, condition nécessaire pour ne pas léser simultanément les

racines antérieures qui dans le trajet extradural sont enveloppées dans la même

gaine fibreuse que les racines postérieures correspondantes. Après écoule-

ment d'une quantité, d'ailleurs modérée, de liquide céphalo-rachidien, nous

avons réséqué sur une longueur de 3 à 4 millimètres en moyenne, chaque fois

4 à 5 filets radiculaires, toujours d'un seul côté de la ligne médiane. Ces filets

répondaient habituellement, comme l'ont montré les autopsies, à une, deux, ou

trois racines postérieures, selon les cas, depuis la dernière lombaire jusqu'à la

4° sacrée. Dans ces opérations sacrées, nous sommes restés toujours, plus encore

qu'à la région thoracique, très loin du ganglion spinal.

Les sutures ont été faites sur trois plans, et nos animaux (à l'exception de

deux chiens), ont guéri sans suppuration, par première intention. Le chien

de l'observation VIII a succombé 15 jours après l'opération par méningite sup-

purée, ce qui nous a obligé à n'utiliser chez lui que les nerfs périphériques. Le

chien de l'observation XI a eu également un peu de suppuration, laquelle n'a

pas dépassé les plans superficiels.

Ces animaux ont été conservés un temps plus ou moins long, selon les néces-

sités de l'expérience. Les chiens X et XI n'ont été gardés que 15 jours, les

chats VII et IX, 77 et 97 jours, c'est-à-dire le temps utile pour laisser se pro-

duire les premières dégénérescences. Les autres animaux ont été conservés

un temps beaucoup plus long en vue des dégénérescences secondaires possi-

300 ROUX ET HEITZ

bles. Pour éviter tout risque de confusion d'animal, et aussi tout risque de

fuite. nous avons dû les conserver en cage jusqu'au jour de l'autopsie. Sauf le

chat I, mort d'entérite au 247e jour, les autres chats sont parvenus en excel-

lent état de santé, grâce à la propreté minutieuse maintenue dans leurs cages,

jusqu'au 242e (chat II), 2S2" (chat III), 338" (chat V)et 382" jour (chat IV).

Deux de ces animaux ont présenté très passagèrement de légères parésies

du train postérieur, complètement disparues au bout de quelques jours. Chez

aucun d'eux nous n'avons remarqué d'incoordination, fait compréhensible,

étant donné le petit nombre des racines sectionnées.

Aucun d'eux non plus n'a présenté dans la région cutanée correspondant

aux racines sectionnées, d'ulcérations ou de trouble trophique d'aucune sorte..

Quelques auteurs qui nous ont précédés dans cette voie de recherches avaient

décrit chez certains de leurs animaux des empâtements sous-dermiques, des

alopécies ou décolorations de touffes de poils [Joseph (1), Bonne (2), Küster (3)].

Il est à noter à ce propos que ces troubles tropbiques s'étaient produits très

rapidement, chez des animaux conservés bien moins longtemps que les nôtres

restés pourtant indemnes. La survie maxima des chiens de Bonne avait été,

en effet, seulement de 106 jours.

A l'autopsie, nous avons été surpris de rencontrer, chez les animaux opé-

rés depuis longtemps, un canal rachidien refermé en grande partie ou même

complètement refermée La large brèche osseuse pratiquée 8 à 12 mois aupara-

vant n'existait plus chez les animaux I, III et IV. Chez les chats II et V, il

subsistait un hiatus d'à peine un centimètre de large, oblitéré par d'épais trous-

seaux fibreux. La dure-mère ne faisait qu'une avec ces masses fibreuses, et du

tissu cellulaire lâche, facile à disséquer, la séparait des racines postérieures.

Dans tous les cas, sauf chez le chien XI, nous avons pu vérifier l'intégrité

des racines antérieures.

Nous avons, dans un certain nombre de cas, prélevé les deux bouts de la

racine sectionnée, en même temps que les racines symétriques, comme con-

trôle. Nous n'avons pas pu retrouver toujours l'extrémité attenante à la moelle

de la racine sectionnée, mais le plus souvent avons relevé des filaments

grisâtres, atrophiés, qui s'inséraient d'un côté sur le sillon latéral de la moelle,

et de l'autre sur la face profonde de la dure-mère. A une certaine distance, sur

cette même dure-mère, était fixée l'extrémité supérieure des filets radicu-

laires attenant aux ganglions, filets qui avaient gardé à peu près leur colora-

tion et leur volume normal. La distance séparant les deux bouts de la racine

était à peu près celle du segment réséqué lors de l'opération.

A toutes les autopsies (sauf chez les .chiens X et XI, sacrifiés au 15e jour),

nous avons prélevé les ganglions spinaux correspondant aux racines section-

nées ainsi que les ganglions symétriques.

(1) Joseph, Zur Physiologie der spinal Ganglien. Arch. f. Anat. u. Phys., 1881.

(2) Bonne, Recherches sur les éléments centrifuges des racines postérieures. Th.

Lyon, 1897.. ,

(3) KÓ5TER, Zur Physiologie der spinal Ganglien und de)- lrophischen Nervin, sowie

zur Palleogenese der Tabès dorsalis. Leipsig, Engelmann, 1904.

SECTION EXPÉRIMENTALE DES RACINES POSTÉRIEURES 301

Dans deux cas (X et XI), nous avons pris spécialement.les nerfs efférents

du pôle périphérique des ganglions, avant leur fusion avec la racine anté-

rieure.

A toutes les autopsies nous avons disséqué les filets nerveux cutanés dans

le domaine des racines sectionnées, et prélevé aussi, chaque fois que nous

l'avons pu, les troncs nerveux commandant ces filets cutanés. Presque tou-

jours, nous avons aussi disséqué les filets nerveux symétriques du côté opposé,

pour contrôle, et quelques-uns des filets cutanés des autres parties du corps.

Pour les fixations, nous avons fait grand usage du réactif de Thomas- Hauser,

c'est-à-dire d'un mélange à parties égales de solution aqueuse saturée de

sublimé, et de solution d'acide osmique au 1/100. Les nerfs ont été plongés

24 ou 48 heures dans ce réactif, lavés avec soin, et traités quelques jours par

le picro-carmin vieux. Nous verrons ultérieurement la technique utilisée pour

l'étude des ganglions spinaux.

Examens des nerfs périphériques.

Avant d'aborder pour chacune des régions du système nerveux, l'exposé de

nos propres constatations, nous croyons utile de passer une revue rapide des

travaux antérieurs.

Il ne semble pas qu'antérieurement à nos expériences l'état des nerfs péri-

phériques ait été systématiquement recherché à la suite de la section des

racines postérieures. Cependant, six à huit semaines après cette section,

Joseph (1) trouva les nerfs périphériques normaux. Au bout du même délai,

Vegas (2) trouva dans les nerfs périphériques quelques faisceaux étroits, et

mal colorés. Quatre mois après la section simultanée des racines antérieures

et postérieures, Benucci examinant le nerf sortant du pôle périphérique du

ganglion, le trouva atrophié.

Dans un cas seulement sur 6 animaux opérés, Bonne (3) examina au bout

de 106 jours, les nerfs du derme de la patte, sans y trouver aucune altération.

Il faut arriver enfin aux recherches récentes de Kleist (4), qui, 3 et 4 mois

après l'opération, trouva intacts le prolongement de la racine postérieure au

pôle périphérique du ganglion de même que les nerfs cutanés.

Presque en même temps, nous communiquions à la Société de biologie (5) nos

premières constatations, et simultanément paraissait la thèse de Koster sur les

(1) Joseph, loc. cil.

(2) VEGAS, Ein beitrag cur Anat. und Phys. der Spitialganglien. J. D. Mtinchen,

1883.

(3) Bonne, loc. cit.

(4) ILEIST, Exper. anatom. Untersuchungen Mer die Beziehungen der hinteren

Rückenmarkswitrzeha zu der Spinalganglien. Virchow's Archiv. f. path. Anat., 1904.

(5) J.-Ch. Roux ET Jean HRITZ, Note sur les dégénérescences observées dans les nerfs

cutanés chez le chat, plusieurs mois après la section des racines médullaires posté-

rieures correspondantes. Soc. biologie, 24 décembre 1904.

302 ROUX ET HEITZ

dégénérations des nerfs périphériques et des ganglions consécutives à la section

expérimentale des racines postérieures.

Nous apportions les résultats de l'examen des nerfs cutanés des 3 pre-

miers chats : le chat 1 opéré à la région thoracique, section extradurale, ayant

survécu 247 jours; le chat Ilot le chat III opérés à la région lombo-sacrée;

section intradurale, ayant survécu 242 et 252 jours (soit une moyenne de

8 mois). Nous décrivions chez ces 3 animaux des dégénérescences à type wal-

lérien, dans le territoire cutané correspondant à la racine coupée, sans essayer

encore d'en donner une interprétation.

Les figures 3 et 4 de la planche XLIX donnent une idée assez exacte de ces

dégénérescences. La figure 3 représente une dissociation d'un filet cutané du

chat I, provenant d'une branche perforante du nerf intercostal du côté opéré.

On y distingue en nombre à peu près égal, de ce côté, comme du côté sain,

des fibres grosses et fines à myéline. Les fibres en dégénérescence appartien-

nent ordinairement à la seconde catégorie. Les grosses fibres dégénérées sont

plus rares, elles peuvent manquer dans certains filets, alors que leur propor-

tion reste relativement importante dans d'autres.

Histologiquement, cette dégénérescence ne se distingue en rien de la dégéné-

rescence wallérienne. Le degré en est d'ailleurs variable d'une fibre à l'autre.

C'est ainsi que certaines fibres ne sont plus représentées que par de petites

boules noires ou brunes, entourées de minces zones protoplasmiques et réunies

les unes aux autres par de minces gaines qui se renflent de loin en loin autour

d'elles. D'autres fibres, au contraire, donnent l'impression de n'être encore

qu'aux premiers stades du processus.

Du côté non opéré il n'y a pas de fibres en dégénérescence. Il en est de-

même dans les filets musculaires. Les troncs des nerfs intercostaux parais-

sent sains à un premier examen, mais en multipliant les dissociations, il

nous a été possible de retrouver dans chacun des 3 troncs correspondant aux

3 racines sectionnées, quelques fibres dégénérées, de calibre plus fin que

celles que nous voyons planche XLIX. Ces fibres dégénérées sont manifestement

plus rares dans les troncs mixtes que dans les rameaux cutanés qui leur font

suite, et aussi d'une manière générale plus avancées. Mais leur nombre reste

suffisant pour qu'on ne puisse les négliger dans l'interprétation des faits.

Chez le chat II, du côté opéré les nerfs de la queue et de la plante étaient

normaux : ceux de la face postérieure de la jambe et de la cuisse présentaient

des lésions analogues à celles de l'animal précédent. Les nerfs symétriques

.étaient sains.

Chez le chat III enfin, opéré comme le chat II à la région sacrée, de nom-

breuses fibres dégénérées se voyaient dans certains filets du périnée et de la

'croupe (ria. q, planche XLIX). Ici aussi, les fibres altérées étaient en majorité de

petit calibre. Les nerfs de la queue et de la plante du côté opéré, étaient nor-

maux, de même que les nerfs symétriques. Chez ces deux derniers animaux les

troncs mixtes n'ont pas été examinés. '

SECTION EXPÉRIMENTALE DES RACINES POSTÉRIEURES 303,

Dans le travail de Koster (1) dont nous n'eûmes connaissance que quelques

semaines plus tard, étaient rapportés d'assez nombreux examens de l'état des

nerfs cutanés quelques mois après la section (toujours extradurale) des ra-,

cines postérieures. Par la lecture des observations annexées à ce travail, on peut

se rendre compte que ces examens ont été pratiqués dans 16 cas. Quatre de,

ces animaux ayant subi simultanément la section des racines antérieures et

postérieures doivent être écartés, l'interprétation des dégénérescences étant

chez eux très difficile : ce sont ceux chez lesquels Koster a décrit des altéra-

tions névritiques cutanées très marquées et multiples après 122, 249, 260 et

284 jours de survie.

Il subsiste donc 12 observations inattaquables. Dans deux cas, au 26° et au,

60e jour, il n'existait aucune altération. Au 66 et au 80e jour, apparaissaient

des altérations légères (apparence fusiforme de la myéline par endroits). Au,

4e mois, Koster note des altérations prononcées du côté des rameaux cutanés

les plus fins, altérations qui diminuent considérablement dans les troncs ner-

veux plus gros (au 96e et au 119e jour chez des chats opérés sur la 2° racine

cervicale). Chez 5 sujets enfin, autopsie après 193, 196,221,287 et 330 jours,

les altérations des rameaux cutanés étaient tout à fait légères, on ne remarquait

que quelques rares petites boules au milieu des fibres saines. Chez l'un de ces

animaux Koster notait l'existence de gaines vides.

Du côté des nerfs mixtes, il avait remarqué, et seulement dans quelques cas,

des petites boules de myéline éparses, associées à l'altération fusiforme ou à

l'atrophie simple. L'auteur en concluait à l'existence des névrites périphéri-

ques à marche lente, se développant au bout de quelques mois dans le territoire

cutané des racines postérieures sectionnées.

Si nous rapprochons les constatations de Koster de celles fournies par l'autop-

sie de nos trois premiers animaux, nous voyons que l'accord est facile à établir

entre elles. Rien ne distingue les lésions vues par nous au 250e jour de celles

vues par Koster au 1006.

L'autopsie de deux autres chats, au 338° et au 382e jour, devait modifier com-

plètement notre manière de voir (2). Chez le premier d'entre eux, les nerfs

cutanés du côté sectionné ne présentaient, au total sur toutes les préparations,

qu'une seule fibre dégénérée. On distinguait par contre sur plusieurs prépara-

tions d'assez nombreuses gaines vides, lesquelles n'existaient pas sur les nerfs

du côté opposé. Chez le dernier animal enfin, il n'existait aucune dégénéres-

cence ni dans les troncs nerveux (ide et 1 tue nerfs intercostaux) ni dans les nerfs

cutanés, mais seulement des gaines vides. Ces dernières constatations sont inté-

ressantes à rapprocher de celles faites quelques mois auparavant chez le chat I

(autopsié au 247e jour) et où les mêmes nerfs et les mêmes rameaux cutanés

(1) RÕSTER, loc, cil. ,

(2) J.-Cn. Roux et Jean HEITZ, Deuxième note sur la dégénérescence des nerfs cutanés

observés chez le chai à la suite delà section des racines postérieures correspondantes.

Soc. biologie, 8 juillet 1905.

304 ROUX ET HEITZ

montraient des dégénérescences si nettes. On doit en conclure qu'aux lie et

13e mois, ces dégénérescences étaient arrivées à leur terme, à la disparition

complète de la fibre.

Revenons maintenant au travail de Koster, et constatons tout d'abord qu'il

n'existe pas de contradiction absolue entre les faits observés par l'auteur alle-

mand et les nôtres.Koster n'a conservé aucun animal aussi longtemps que nous.

Si nous faisons abstraction de ceux ayant subi la section simultanée de la ra-

cine antérieure, nous voyons que les deux seuls que Poster ait gardés plus de

240 jours, présentaient au 287e et au 330e jour, des lésions de très peu d'im-

portance « geringfüzig ». Dans les nerfs périphériques de l'un d'eux, à côté de

quelques rares fibres dégénérées, il y avait aussi des gaines vides.

Nous nous croyons donc en état de conclure que le processus de dégénéres-

cence des nerfs périphériques, après section des racines postérieures corres-

pondantes, n'est pas continu et progressif, mais qu'il s'épuise au contraire

au bout de 11 à 12 mois.

Dans une troisième série d'expériences enfin, nous avons recherché l'état

des nerfs cutanés peu de temps après la section des racines correspondantes.

Chez les chats VII et IX, ces examens ont été pratiqués au bout de 77 et de

97 jours. Chez ces deux animaux, la section avait porté sur les 2 premières

racines postérieures sacrées. Parmi les filets cutanés examinés au niveau de la

face postérieure de la cuisse et du genou, un ou deux seulement d'entre eux

(chat VU), contenaient un petit nombre de fibres en état de dégénérescence

avancée. C'étaient des fibres très fines.

Chez le chat IX, les nerfs cutanés de la face postérieure du genou contenaient

également quelques libres fines dégénérées. Les autres nerfs examinés (cuisse,

fesse) étaient normaux.

Chez le chien VIII, 15 jours après la section des 2 premières sacrées, sur

5 préparations des nerfs de la plante, uue seule contenait 2 groupes de fibres

fines dégénérées (un de ces groupes de 3, et l'autre de 2 fibres).

Chez le chien X (section des deux dernières sacrées) dans les nerfs de la

queue, un des filets examinés contenait également deux fibres fines dégénérées.

Chez le chat XII, enfin (section de racines thoraciques), les troncs intercos-

taux correspondants présentaient de même au 18e jour, quelques fibres fines

dégénérées. -

Les nerfs symétriques examinés du côté sain ne nous ont jamais montré de

semblables dégénérescences.

Il semble donc que l'on puisse conclure dans cette dernière série d'expérien-

ces que les nerfs cutanés, et les troncs mixtes, dans les premières semaines

qui suivent la section des racines postérieures, présentent, d'une manière cons-

tante, et dans quelques filets seulement sur un certain nombre examinées, de

fibres en dégénérescence wallérienne : ces fibres, en nombre restreint d'ailleurs,

semblent appartenir exclusivement à la catégorie des fibres fines.

SECTION EXPÉRIMENTALE DES RACINES POSTERIEURES 305

Examens des cordons et des ganglions sympathiques.

L'influence de la section des racines postérieures sur l'état du sympathique est

également de date récente. Bonne, dans sa thèse de 1897, dissocia le cordon

sympathique chez un seul des 6 animaux qui constituaient son matériel de re-

cherches : 9 jours après la section des 5e, (il et 7° lombaires, il ne trouva dans

le sympathique du même côté aucune fibre altérée, ni au-dessus ni au-dessous

des racines sectionnées.

En 1899, les publications de l'un de nous (1) démontrèrent l'existence dans

le sympathique de fibres qui dégénéraient après la section des racines postérieu-

res. Chez 5 animaux (4 chats adultes, et un jeune de 4 mois), J.-Ch. Roux sec-

tionna un certain nombre de racines postérieures la région thoracique, du côté

gauche. Les animaux furent sacrifiés au bout de 18 à 24 jours, et dans chacun

des cas, vérification faite de l'intégrité des racines antérieures,il fut trouvé dans

le cordon sympathique du même côté, au-dessous des racines sectionnées, un

nombre relativement. considérable de fibres à myéline, fibres fines, quelques-

unes même très fines, en voie de dégénérescence avancée. Les figures 4 et 5 de la

planche XLIX représentent les dissociations de l'un de ces sympathiques à deux

grossissements différents (130/1 et 280/1). Les fibres dégénérées y sont beau-

coup plus nombreuses dans les nerfs intercostaux correspondant à ces mêmes

racines (obs. XII). Quant aux grosses fibres à myéline, épaisses et noires

comme celles des nerfs périphériques, elles sont par contre toujours conser-

vées dans le sympathique. Elles ne dégénèrent qu'après ablation du ganglion

spinal, ce qui prouve bien qu'elles sont originaires des cellules de ce ganglion

(J.-Ch. Roux) (2). Le cordon sympathique du côté opposé reste toujours com-

plètement indemne de toute altération.

Vers la même époque, un travail de Trouchkowsky (3) apportait confirmation

de ces faits. Cet auteur avait toujours trouvé des dégénérescences dans le cordon

sympathique après section des racines postérieures.

On peut donc affirmer l'existence dans le sympathique de fibres venues de la

moelle en passant par les racines postérieures, fibres qui dégénèrent de la

moelle vers la périphérie. Laignel-Lavastine (4) a montré récemment que ces

fibres prenaient pour la plupart leur origine dans les petites cellules de la

corne latérale.

Nous pouvons ajouter aux faits que l'on vient de voir des constatations nou-

(1) J. Cn.-Roux, Note sur l'origine de la terminaison des grosses fibres à myéline du

sympathique. Soc. biologie, juillet 1900.

(2) J.-Cn. Roux, Les lésions du grand sympathique dans le labes. Thèse Paris, 1900.

(3) Trouchkowsky, Rapports du grand sympathique et du système nerveux central.

Moniteur neurol. russe, 1899, p. 55.

(4) Laionel-Lavastine, Recherches sur le plexus solaire, Thèse Paris, 1903.

306 ROUX ET HE1TZ

velles, portant sur l'état du sympathique non plus 2 à 3 semaines après la sec-

tion des racines postérieures, mais au bout d'un délai beaucoup plus long.

Chez le chat I {ayant survécu 247 jours), nous avons examiné les cordons

sympathiques thoraciques au-dessous de la 3e racine thoracique, la plus basse

des racines sectionnées. La figure 7 (planche XLVIII) représente une coupe trans-

sale du cordon gauche (côté opéré). On y distingue nettement une zone en tra-

pèze, occupant par sa base la plus large environ un sixième de la périphérie

du tronc nerveux, zone où les fibres fines myéline apparaissent très raré-

fiées. est aisé de noter de plus, dans cette même zone, la multiplication des

noyaux, ce qui implique un certain degré de réaction interstitielle. Les grosses

fibres à myéline ne semblent pas participer à ce processus raréfiant, mais ce

point est difficile à apprécier étant donné l'irrégularité de la distribution de ces

fibres sur les coupes de sympathiques normaux. Le cordon sympathique droit

était d'apparence normale.

Nous avons fait la numération des fibres des deux variétés sur les coupes

des deux cordons, il des niveaux correspondants.

Le cordon sympathique droit (côté sain) contenait 2880 fibres fines et

382 grosses fibres.. .

Le cordon gauche (côté opéré) contient 2202 fibres fines et 3 i 3 grosses

fibres.

Le déficit des fibres fines (678 unités) est donc évident. Nous n'oserions

nous prononcer au sujet des grosses fibres : rappelons-nous en effet qu'au-

cune d'elles n'apparaissait dégénérée 3 semaines après l'opération (obs. XII)'.

Sur les dissociations de ces mêmes cordons thoraciques (chat I), nous avons

pu retrouver quelques fibres dégénérées, fines de calibre, infiniment plus rares

que sur les dissociations de la troisième semaine : il est bien évident qu'au

huitième mois, ces dégénérescences étaient presque toutes terminées. Il est,

d'autre part, extrêmement difficile de distinguer dans le sympathique les gai-

nes vides des fibres de Rémak, au moins avec les techniques courantes.

Chez lechat V (survie 338 jours), nous avons trouvé sur les coupes du

cordon sympathique côté opéré, au-dessus des racines sectionnées (10e et 11e

thoraciques), une zone démyélinisée en croissant. Nous n'avons pu malheu-

reusement faire la comparaison avec le côté sain, ce dernier ayant été rendu

inutilisable par une faute de technique.

Chez ce même chat V, au-dessous des racines sectionnées, il n'existait dans

le cordon du côté opéré qu'une très petite zone dépeuplée, et les numérations

comparatives n'ont pas montré de différence entre les deux cordons. Ce fait est

intéressant à rapprocher de cette constatation de J.-Ch. Roux, lors de ses pre-

mières expériences de 1900, que 3 semaines après la section des paires thoraci-

ques inférieures, il n'existait dans le cordon thoracique au-dessous des racines

sectionnées qu'un très pelit nombre des fibres dégénérées. Faudrait-il donc

admettre qu'à ce niveau, les fibres d'origine médullaire sont en majorité ascen-

dantes dans le sympathique ?

L'examen des splanchniques chez le même animal les a montrés normaux,

avec un nombre de fibres à peu près égal des deux côtés, que les splanchni-

Explication des planches.

PLANCHE XLVIII

Fia. 1. Coupe longitudinale du 48r'ganglion sacré gauche (observ. IV, chat

adulte, sacrifié 382 jours après section de la racine postérieure correspondante du

côté gauche dans son trajet intra-dural). La coupe représente le ganglion au voisi-

nage du pôle médullaire. A droite de la figure, on aperçoit la racine antérieure nor-

male. Les cellules ganglionnaires sont normales de nombre, de dimension et de

structure. On distingue les fibres des racines postéiieures, partiellement en état de

dégénérescence rétrograde {fixation par le sublimé osmique, coloration par le picro-

carmin en masse, Obj. 4,ocul. I, Sliassnié).

Fio. 2. Coupe longitudinale du 1er ganglion sacré droit (même observation, chat

adulte, la racine postérieure correspondante est restée normale). Région du ganglion

à peu près analogue à celle représentée 6gaz Les cellules ganglionnaires ne se dis-

tinguent pas de celles de la coupe précédente, les fibres sont normales (même tech-

nique, même grossissement).

Fio. 3. Détail à plus fort grossissement de la coupe de ganglion représentée figure 1.

On voit sur cette figure l'intégrité des cellules ganglionnaires, de leur noyau et de

la capsule péri-cellulaire. Les fibres à myéline présentent certains caractères patho-

logiques, tels que l'irrégularité de calibre de la gaine, la présence par places dans

cette gaine de petites boules noires, et par endroit la fragmentation (Obj. 7, ocul. 2).

Fic. 4. Détail de la coupe de ganglion représentée figure 2, pour servir de compa-

raison avec la figure précédente. Tous les éléments, cellules et fibres, sont normaux

(obj. 7, ocul. 2).

FiG. 5. - Coupe transversale du 10* ganglion thoracique droit (observ. V, chat

adulte, sacrifié 338 jours après la section de la racine postérieure correspondante du

côté droit, dans sou trajet extra-durai). La coupe est située aux environs de la por-

tion moyenne du ganglion. Les cellules sont normales en nombre, dimensions et

structure. Les fibres à myéline sont sensiblement moins nombreuses que du côté

opposé ; coupées transvei salement elles paraissent noimales (même technique, obj. 4,

ocul. 2).

FiG. 6. Coupe transversale du 10, ganglion thoracique gauche (même observation,

la racine postérieure correspondante est restée normale), région ganglionnaire ré-

pondait à peu près à celle de la figure 1 (même technique, même grossissement).

FiG. 7. Coupe transversale du cordon sympathique thoracique gauche au-dessous de

la 3' racine dorsale (observ. 1, chat adulte, sacrifié 247 jours après la section des 3

premières racines dorsales postérieures- gauches dans leur trajet extradural). On re-

marque dans la partie supérieure de la coupe, une zone en croissant où les fibres

fines à myéline sont considérablement raréfiées. En même temps, il existe un cer-

tain degré de multiplication des noyaux (même technique, obj. 5, ocul. 2).

1 fit. 1.

FIG. 3,

1

Fig. 2.

Fic. .

Fie. 5.

luu. 6.

Fio. 7.

SECTION EXPÉRIMENTALE DES RACINES POSTÉRIEURES

Brsssm del ? C. Roux et J. HCtf;.) Masson et Ciel Editeurs.

SECTION .EXPÉRIMENTALE DES RACINES POSTÉRIEURES 307

ques naissent principalement des 5e à 9e racines thoraciques, par suite au-des-

sus des racines sectionnées chez le chat V. '

Les dissociations pratiquées sur les splanchniques n'ont donné, comme on

pouvait le' prévoir, aucun résultat. Celles des rami-communicantes des IOB et

11e n'ont montré au total qu'une seule fibre dégénérée (1).

Les ganglions semilunaires, examinés chez les deux animaux I et V présen-

taient des deux côtés un aspect identique. Le fait est surtout intéressant à noter

chez le chat I, où les fibres afférentes à ce ganglion étaient partiellement lésées.

Il semble donc résulter de tous ces examens, que la dégénérescence des fibres

fines du sympathique, évidente à la 3e semaine, est à peu près terminée au

8e et ait 11e mois, et qu'elle ne retentit pas, même au bout de ce laps de

temps, sur l'état des cellules ganglionnaires sous-jacentes.

' Examens des ganglions spinaux.

L'état histologique des ganglions spinaux après section des racines posté-

rieures est certainement, parmi les points abordés dans ce travail, celui qui a

suscité avant nous les plus nombreuses publications. Il existe d'ailleurs entre

celles-ci des contradictions capitales, à tel point que malgré le travail accu-

mulé sur ce sujet, la question ne semble pas encore définitivement résolue.

En 1856, Waller (2), après avoir coupé chez le chat la deuxième racine cer-

vicale postérieure, sacrifiant l'animal au bout de 10, 30 et 60 jours, concluait que

lorsque l'opération avait été pratiquée assez loin du ganglion et sans trop grands

délabrements anatomiques, le ganglion restait indemne de toute altération.

Mêmes constatations de Bidder, 1865, sur des animaux sacrifiés au 5° mois.

En 1883, Vegas (3), opérant sur le ganglion jugulaire et la 2e cervicale, puis

en 1887, Joseph (4), dans les mêmes régions, trouvèrent tous deux les gan-

glions intacts au bout de 6 à 8 semaines.

En 1890, Singer et Münzer, chez de jeunes animaux, arrivèrent à des con-

clusions identiques après 4 semaines de survie. Lugaro (5) en 1896, conclut

d'une série d'expériences qu'après section de la racine postérieure, les ani-

maux étant abattus au bout de 8, 12, 30 et 40 jours, on ne pouvait distinguer

(1) Il existait dans les rami-communicantes, à côté des grosses fibres intactes, un

nombre relativement considérable de fibres fines normales; cette constatation vient

confirmer une fois de plus les constatations déjà anciennes de Schiff, Courvoisier et

Vulpian, et celles plus récentes d'Onuf et de Trouchkowsky, au sujet de l'existence

dans les rami de fibres fines à myéline issues des ganglions sympathiques et se diri-

geant vers la moelle par les racines postérieures. Laignel-Lavastine les a retrouvées

dégénérées dans les racines postérieures après ablation expérimentale des cordons

thoraciques.

(2) RALLER, Gaz. médicale. 1856.

(3) VRGAS, loc. cit.

(4) Joseph, loc. cit.

(5) LUGARO, Sur les altérations des cellules nerveuses des ganglions spinaux à la suite

de la section de la branche périphérique ou centrale de leurs prolongements. Rivista

die patolog. nerv. mentale, 1896. ,

308 ROUX ET HEITZ

dans les ganglions, aucune altération cellulaire (fixation sublimé, coloration

thionine). Au contraire, la section du nerf périphérique déterminait de graves

lésions et même la disparition des cellules ganglionnaires. Ces résultats néga-

tifs furent confirmés par Van Gehuchten (1), par Nissl, par Marinesco (2).

La même année paraissait la thèse de Bonne (3), qui, au bout de 9, 30, 42,

64, 80 et 106 jours de survie, avait trouvé les cellules ganglionnaires intactes

dans 5 cas. Chez le sixième animal, il existait de légères lésions d'origine in-

flammatoire. Dans tous les autres cas, les coupes ne présentaient que des al-

térations que cet auteur n'hésita pas à considérer comme artificielles, dues à

l'action des réactifs.

En 1902, Bumm (4), ayant opéré un jeune chat de 14 jours, et l'ayant sa-

crifié 4 mois plus tard, nota dans le ganglion correspondant à la racine section-

née, une raréfaction cellulaire, diffuse, mais particulièrement intense au pôle

médullaire et le long du bord dorsal et du ganglion. A la place des cellules

disparues s'étendait du tissu conjonctif. Les fibres efférentes du pôle périphé-

rique étaient faiblement colorées et en partie atrophiées. ' '

L'année suivante Kleist (5) devait confirmer presque sur tous les points les

faits avancés par Bumm. Chez quatre animaux, Kleist a étudié l'histologie fine

des cellules ganglionnaires depuis le 58 jour jusqu'au 5e mois après l'opéra-

tion. Au 5e jour, il a constaté un état de chromatolyse fine ou en amas dans

un grand nombre de cellules du ganglion, chromatolyse portant habituellement

sur tout le corps cellulaire ; plus rarement, il avait observé l'ordination fusi-

forme des éléments chromatiques ou la vacuolisation. Au bout de 15 jours, la

chromatolyse tendait à diminuer, mais ne pouvait dès ce moment reconnaître

quelques éléments déjà ratatinés. Au 4e mois, la chromatolyse avait à peu près

disparu ; beaucoup de cellules se montraient en voie d'atrophie, près d'un tiers

avait disparu, notamment (comme l'avait indiqué Bumm), au voisinage du pôle

médullaire et du bord dorsal. Les cellules disparues appartenaient principale-

ment à cette catégorie que Kleist décrit comme cellules de grandes tailles, mu-

nies d'un seul prolongement dirigé vers la moelle.

Un tissu conjonctif pauvre en noyaux s'étendait à la place occupée par les cel-

lules disparues, et l'ensemble du ganglion paraissait légèrement réduit de vo-

lume. Quant aux fibres nerveuses, un certain nombre d'entre elles, au pôle mé-

dullaire se voyaient privées de myéline, mais toutes étaient normales au pôle

périphérique. Le fait contraire observé par Bumm s'expliquait, selon Kleist, par

le jeune âge de l'animal opéré par lui.

La même année, Koster (6) reprenait ces expériences sur un nombre d'ani-

maux beaucoup plus considérable. Sa technique histologique consistait à fixer

les ganglions par le réactif de Van Gehuchten, et à colorer au Nissl. Contrai-

(1) Van GEIIUCIITEN, L'anatomie fine de la cellule nerveuse. La Cellule, 1897.

(2) MARINESCO, Presse médicale, 1898.

(3) BONNE, lac. cit.

(4) Bumm, Sitzungber. d. Gesells. f. Morph. u. Physiol. in Mùnchen, 1902.

(5) KLEIST, loc. cit.

(6) KOSTER, loc. cit.

SECTION EXPÉRIMENTALE DES RACINES POSTERIEURES 309

rement aux affirmations de Kleist, du 5° au 40° jour, Küster.ne note pas de

différence entre les cellules ganglionnaires de l'un et de l'autre côté. Il pense

même que certains signes de dégénérescence cellulaire, tels que l'excentricité

du noyau, sa coloration, la chromatolyse du protoplasma, l'orientation fusiforme

de ses éléments peuvent se voir également des deux côtés; le ganglion spinal

contiendrait à l'état physiologique un certain nombre d'éléments anormaux. Le

début des lésions véritables doit être fixé seulement au quatrième mois, où ap-

paraît la diminution générale de la grandeur des cellules, et l'atrophie d'un

certain nombre d'entre elles. Cette atrophie fait des progrès continus jusqu'au

200e jour; à partir de cette date, l'état reste stationnaire (constatations du

330e jour).

Dès le 200e jour, et dans tous les cas, Küster constate d'une manière tout

à fait évidente,un grand nombre de cellules atrophiées disséminées au milieu des

éléments restés normaux. Les cellules malades sont d'abord simplement irré-

gulières, encore normales de structure; plus tard surcolorées, en surcharge

pigmentaire, enfin tout à fait revenues sur elles-mêmes. Cette atrophie porte si-

multanément sur le noyau et le protoplasma, et fait capital, les rapports sont

toujours conservés intimement entre le protoplasma et la capsule endothéliale,

ce qui élimine nécessairement l'idée d'une lésion artificielle. Enfin certains

éléments ont tout à fait disparu. A leur place on constate d'épaisses couron-

nes de cellules conjonctives d'origine capsulaire, puis de simples amas nu-

cléaires, enfin des nappes de tissu conjonctif dense, semées de noyaux allongés

et dont les travées se glissent jusqu'entre les éléments normaux. Comme Kleist,

Koster considère le ganglion comme de volume réduit dans son ensemble. Les

lésions, par contre, lui paraissent toujours être restées diffuses, sans localisation

spéciale, sans même être plus prononcées au pôle médullaire.

Il existait d'ailleurs, chez les animaux de Koster, d'importantes différences

individuelles ; c'est ainsi qu'il a vu les dégénérescences cellulaires plus mar-

quées chez un chien au bout de 190 jours que chez un autre au 260., et dans

les deux cas que chez le chat conservé 330 jours. Il n'y avait même pas un

degré identique de lésion dans les différents ganglions du même animal.

Au sujet des lésions des fibres nerveuses, Kuster est à peu près d'accord

avec Kleist. Dès le 60e jour, il note des fibres plus étroites et moins colorées

au pôle médullaire, avec disparition partielle de la myéline (méthode de Mar-

chi). Ces dégénérescences s'avancent peu à peu jusque dans l'intérieur du gan-

glion (maxima au 330° jour). Quant aux fibres efférentes du pôle périphérique

elles sont normales au 330e jour, certaines seulement un peu rétrécies.

En concluant, Küster déclare que ces lésions ne peuvent s'expliquer autre-

ment que par l'atrophie des cellules à la suite de la destruction de leur pro-

longement centripète. Il ne croit pas à une influence directe de l'acte opéra-

toire sur le ganglion, n'ayant jamais aperçu ce dernier dans aucune de ses

opérations. Dans un cas où il avait simplement découvert les racines sans les

sectionner, il n'avait retrouvé ultérieurement qu'un peu d'épaississement de la

capsule du ganglion. Il admet avec Kleist que les différences entre ses constata-

310 ROUX ET llEITZ

tions et celles des autres auteurs s'expliquent par la faible durée de survie des

animaux dans toutes les expériences antérieures.

Dans un article récent enfin, Marinesco (1) déclarait que de nouvelles expé-

riences lui avaient permis de confirmer les faits avancés par Kleist et par Kas-

ter, et que la section des racines postérieures déterminait des modifications

des cellules, et des ganglions spinaux, lorsqu'on laissait vivre les animaux assez

longtemps. Les méthodes de Nissl et de Cajal lui avaient montré des lésions cel-

lulaires (diminution plus ou moins accusée des dimensions, et prolifération

des cellules capsulaires ainsi que du tissu interstitiel).

Quant à nos résultats personnels, ils ont été tout à fait différents, et

cependant la durée de survie de nos animaux a été plus longue que dans les

séries que nous venons de voir. Deux chats seulement ont été gardés moins

de 100 jours (77 et 97 jours, obs. VII et IX). Les autres ont atteint le 8e,

le lue, et même le 13e mois.

Quant à la nature de l'opération, elle a été extradurale, dans deux cas

(obs. I et V), comme dans les expériences de Küster, sans que le ganglion ait

été approché. Chez les autres animaux, nous avons sectionné les racines dans

leur trajet intradural (à la région lombo-sacrée), très loin par suite des gan-

glions, et nous avons noté aux autopsies dans tous les cas que les ganglions

n'avaient pas été compris dans les adhérences cicatricielles.

Les ganglions prélevés ont été, en partie, fixés par l'alcool faible, coupés à la

paraffine, et colorés soit par la méthode de Nissl, soit par l'hématéine éosine.

L'autre partie a été fixée au sublimé osmique, puis lavée avec soin, et colorée

en masse par un séjour d'un mois environ dans le picro-carmin vieux.

Les coupes ont été faites longitudinales on transversales selon les cas, mais

toujours dans le même sens pour les deux ganglions de la même paire. Nous

n'avons pas recherché par la méthode de Nissl les altérations fiues décrites

par Kleist, ces altérations n'existant qu'au premier mois, alors que nos autop-

sies les plus précoces avaient été faites seulement au 3 £ . L'importance de ces

lésions est d'ailleurs minime et nous désirions surtout nous rendre compte de

l'état des cellules et des fibres nerveuses au bout de plusieurs mois.

Nous avons utilisé la méthode de Nissl pour l'étude des cellules ganglion-

naires chez quelques animaux sacrifiés au 9e mois. Pour ce qui est des corpus-

cules chromatiques, ces examens nous ont conduits à partager l'opinion de

Thomas et Hauser (2), que la méthode de Nissl ne peut pas fournir pour le

ganglion spinal des résultats aussi concluants que pour la moelle et le cerveau.

Outre qu'il existe plusieurs types cellulaires avec de nombreuses formes de

transition, pour une même espèce de cellules les éléments chromatiques peu-

vent différer en ordination, colorabilité, etc. Il est souvent difficile de dire s'il

y a ou non chromatolyse. Pour ce qui est des dimensions et du nombre des

1

(1) Marinesco, Contrib. à l'élude de l'histologie el de la pathogénie du tabès. Sem.

médicale, 18 avril 1906.

(2) Thomas ET Hauser, Les altérations du ganglion rachidien chez les labétiques.

Nouv. Iconog. de la Salpêtrière, 1904, ne 3.

SECTION EXPÉRIMENTALE DES RACINES POSTERIEURES 311 1

cellules, la méthode de Nissl ne donne pas de résultats supérieurs à ceux de

la méthode osmique au carmin, cette dernière possédant par contre l'avantage

précieux de nous montrer en même temps l'état des fibres à myéline, et de

permettre de faire il première vue la distinction de l'espace occupé par les

fibres et par le tissu interstitiel. Aussi, avons-nous donné dans' nos constata-

tions, la première place aux notions relevées dans les coupes colorées par la

seconde méthode.

D'une manière générale, nous n'avons jamais remarqué de diminution de

volume du ganglion. Nous n'y avons jamais remarqué non plus d'augmentation

du tissu conjonctif. Le nombre des cellules, enfin, nous a toujours paru compa-

rable des deux côtés, et nous n'avons jamais constaté de zones dépeuplées dans

les ganglions du côté opéré. Il est d'ailleurs aisé de se rendre compte de

l'identité d'aspect des ganglions symétriques d'après les figures 1 et 2 de la

planche XLV III (coupes longitudinales des premie rs ganglions sacrés gauche et

droit du chat IV survie 382 jours), ou d'après les figures 5 et 6 de la même

planche (coupes transversales des 10es ganglions thoraciques droit et gauche

du chat V, survie 338 jours).

Les cellules ganglionnaires nous ont paru bien conservées, sans diminution

de leur volume, ni atrophie à aucun degré, au moins pour l'immense majorité

d'entre elles (fig. 3 et 4, planche XLVIII). Il ne faut attacher aucune impor-

tance, comme l'ont bien vu tous les auteurs qui ont travaillé l'histologie des

ganglions spinaux, aux rétractions du corps cellulaire dans l'intérieur de la

capsule, rétractions artificielles dues à l'action des réactifs. Pour affirmer l'a-

trophie, il est nécessaire que la capsule endothéliale soit restée complètement

appliquée sur le corps cellulaire.

Nous avons remarqué cependant sur quelques préparations du 2e ganglion

sacré gauche (chat IV), une ou deux cellules d'apparence rétractées, petites,

surcolorées ; mais de telles cellules sont extrêmement rares, et en examinant

les coupes en série du ganglion symétrique du côté sain, nous avons pu y

retrouver aussi quelques cellules d'aspect à peu près identique. Ajoutons que

sur les coupes du chat VII (suivies 77 jours), nous avons pu constater égale-

ment, des deux côtés, quelques cellules très fortement pigmentées et ratatinées

dans leurs capsules. Rappelons-nous enfin que Marinesco (1) a déclaré qu'il était

rare de ne pas trouver dans les ganglions spinaux quelques cellules altérées,

reliquat des injections et intoxications antérieurement subies par le sujet.

La seule différence réelle que nous avons pu trouver entre les coupes des

ganglions du côté opéré et de ceux du côté sain, a été, chez les animaux ayant t

survécu plus de 7 mois, la présence de fibres à myéline en état de dégénéres-

cence au milieu d'une majorité de fibres normales. Ces fibres altérées se voyaient

surtout au niveau du pôle médullaire, et on pouvait reconnaître qu'elles prove-

naient de la racine postérieure, dans laquelle il n'existait que de rares fibres nor-

males. Elles s'avançaient d'autre part dans le gangliou à peu près jusqu'à son

milieu. Sur la figure 3 (planche 1LVI11),ou distingue bien ces gaines avec leurs

(1) t4twRINfiSCO, Semaine médicale, 1886.

312 ROUX ET HEITZ

caractères pathologiques : frangées sur les bords, alternativement renflées et

rétrécies. La myéline est même fragmentée en certains endroits, formant des

boules éparses dans le tissu conjonctif. Ces fibres altérées contrastent avec les

fibres intactes des racines antérieures (fig. 1, même planche), et les fibres éga-

lement tout à fait normales du pôle périphérique des mêmes ganglions. La pré-

sence de ces fibres dégénérées indique de la façon la plus formelle que la sec-

tion expérimentale a bien porté sur les racines correspondantes à ces ganglions.

-Retenons donc ce fait intéressant qu'après une survie d'un an, les cellules

ganglionnaires correspondantes aux fibres sectionnées étaient en apparence

indemnes de toute altération. Notre maître, le Professeur Dejerine, a bien voulu

examiner nos préparations, et son opinion a été, comme celle de son chef de

laboratoire, notre ami André Thomas, qu'en dehors des dégénérescences des

fibres radiculaires, il était impossible de trouver de différence appréciable

entre les ganglions du côté opéré et les glanglions du côté témoin.

Examen du bout ganglionnaire des racines postérieures.

Il existe entre les auteurs, à ce sujet, des divergences presque aussi marquées

qu'au sujet de l'état des cellules ganglionnaires. Tous admettent que le bout

ganglionnaire dégénère au bout d'un certain temps, mais l'accord n'est pas fait

sur la nature des fibres dégénérées.

Waller, en 1856, avait conclu que si l'opération était faite dans de bonnes

conditions, le bout ganglionnaire ne dégénérait pas. En 1887, Joseph constatait

que quelques semaines après la sectionnes fibres du bout ganglionnaire restaient

normales à l'exception de quelques-unes qui dégénéraient rapidement et qu'il

considéra comme fibres centrifuges venues de la moelle. En 1896, Bonne revit

sur les racines sacrées ces fibres qui dégénéraient, peu nombreuses, par grou-

pes de ou de 4, dès le 9 jour. Il parvint à les mettre en évidence au 9° et au

46° jour sur des coupes du ganglion jusqu'au voisinage du pôle périphérique

de ce dernier. Au bout de 30 à 106 jours, l'examen des racines montrait de

très nombreuses libres fines qui n'existaient pas (ou très rares) au 9e jour, et

qu'il considérait comme des fibres régénérées. A cette époque les fibres dégéné-

rées n'étaient plus représentées que par des gaines vides difficiles à reconnaître.

Kleist décrivit dans la racine postérieure, au bout de mois, un processus

de dégénérescence allant en diminuant d'intensité de la section au ganglion. La

description de Koster nous montre, au Marchi, des fibres étroites, mal colorées,

avec çà et là disparition de la myéline. '

Personnellement, nous avons trouvé le bout ganglionnaire dans un état

très différent aux diverses époques où nous l'avons examiné. Chez deux ani-

maux (X et XI) n'ayant survécu que quinze jours après la section des racines

sacrées, on distinguait au milieu d'un grand nombre de fibres saines un certain

nombre de fibres dégénérées, presque toutes de faible calibre. Les fibres saines

se partageaient en grosses fibres et en petites fibres, ces dernières contrairement

1'1 l'opinion de Bonne, presqu'aussi nombreuses que les grosses.

SECTION EXPÉRIMENTALE DES RACINES POSTÉRIEURES 313

Chez deux autres animaux (VII et IX), la survie avait été de 77 et de 97

jours. Dans ces deux cas, au milieu d'une très grande majorité de fibres tout

à fait intactes, nous avons retrouvé les mêmes fibres fines dégénérées (fig. 7,

8 et 9, planche L).

Au 247° jour (chez le chat I), les fibres à myéline, examinées sur coupe,

étaient amincies, et mal colorées. Chez le chat IV et le chat V (aux 338e et

382° jours) les racines postérieures se présentaient très altérées, sur les coupes

comme sur les dissociations. Les grosses gaines de myéline revêtaient l'aspect

que nous avons déjà étudié sur les coupes des ganglions spinaux (voir le dessin

des dissociations, fig. Il et 12, planche L). Elles se présentaient irrégulières,

étalées par places, ou à peine colorées ; en certains points la gaîne était frag-

mentée, même plusieurs fois sur l'étendue d'un seul segment interannulaire.

On ne pouvait malheureusement juger de l'état du cylindraxe, mais la gaîne

protoplasmique paraissait en différents points augmentée.

Ces lésions, tardives dans leur apparition, puisqu'elles n'existent encore à

aucun degré au début du 4° mois, rentrent dans le cadre des dégénérescences ré-

trogrades. Elles s'éloignent cependant sur beaucoup de points de la description

de Durante. Nous n'avons retrouvé nulle part sur nos préparations la résorption

de la gaîne de myéline au voisinage du cylindraxe avec persistance de la zone

externe seule. Nous n'avons pas rencontré non plus l'atrophie de la gaîne, ni la

désintégration de la myéline en boules minuscules. A côté de ces grosses fibres

malades, les dissociations mieux que les coupes, nous montraient aussi au 11° "

mois un grand nombre de fibres fines serrées, et d'aspect tout à fait normal.

On ne les distinguait pas sur les coupes des racines du chat I, mais comme

nous n'avons pas fait des dissociations dans ce dernier cas, nous ne sommes

pas en droit d'affirmer leur absence au 250e jour. De toutes manières, elles

donnaient l'impression de fibres régénérées, et nous verrons l'étude du bout

médullaire confirmer cette impression.

Il est donc relativement facile d'interpréter les lésions radiculaires tardives,

mais il n'en est pas de même des lésions précoces de ces mêmes racines. Ces

fibres que l'on trouve en nombre restreint, dégénérées dès le 15e jour, dans

les racines postérieures comme dans les troncs mixtes et les nerfs cutanés, ne

sont-elles pas des fibres centrifuges venues de la moelle ? Pour la seconde fois,

nous nous trouvons en face de cette question et le moment nous paraît venu de

chercher à la résoudre.

Etat du bout médullaire des racines sectionnées. Les fibres centrifuges

des racines postérieures.

Nous ne nous étendrons pas sur les recherches des physiologistes qui ont

provoqué des phénomènes de vaso-dilatation périphérique par l'excitation du

bout ganglionnaire des racines postérieures et en ont conclu à l'existence de

fibres centrifuges (Stricker, Dastre et Morat, Verzilow). Arrivons de suite aux

preuves histologiques.

xix 21

314 ROUX ET HE1TZ ,

En 1890, Cajal (1) découvrait chez l'embryon du poulet, au 5e jour, par l'im-

prégnation au chromate d'argent, des fibres qui sortaient de la corne latérale,

s'engageaient dans les racines postérieures et traversant les ganglions sans

s'y arrêter, passaient enfin dans "les nerfs périphériques. Ces fibres furent

revues par Martin, par Lenhossek (2), Van Gehuchten (3), mais elles ne purent

jamais être imprégnées chez l'embryon de plus de 11 jours, non plus que chez

les mammifères (Külliker). Seul Retzius parvint à les retrouver chez l'embryon

du chat.

Chez l'animal adulte, les expérimentateurs s'essayèrent à les retrouver avec

des fortunes diverses. Déjà Waller avait vu que, 10 a 15 jours après la section

des racines postérieures, il subsistait dans le bout médullaire, environ 3 0/0 de

fibres intactes. En 1887, Joseph retrouva ces fibres intactes dans le bout mé-

dullaire au milieu des autres fibres totalement dégénérées, en même temps que

dans le bout ganglionnaire mettait en évidence quelques fibres dégénérées.

Quelques années plus tard, avec la collaboration de Gad, il confirmait ses pre-

mières constatations. Par contre Singer et 111ünzer (4), Gabri (5;, Tarulli, ne

retrouvèrent aucune fibre intacte dans le bout médullaire.

En 1895, Sherrington (6) n'aboutit sur le même terrain qu'à des résultats

contradictoires. Dans une première série d'expériences, peu après la section des

racines postérieures, il trouva dans le bout médullaire toutes les fibres dégéné-

rées, mais au bout de 7 semaines, ce même bout médullaire était rempli d'un

grand nombre de petites fibres à myéline (moins de 4 ? ) ayant l'aspect de fibres

régénérées. Dans le bout ganglionnaire toutes les fibres étaient saines sauf

quelques dégénérescences s'expliquant par le traumatisme opératoire.

Dans une seconde série d'expériences, il réséqua le ganglion spinal. Au

33e jour, il existait dans le bout médullaire de nombreuses petites fibres,

minces, tortueuses groupées par 2 ou 3 avec les noeuds de Ranvier peu visi-

bles, fibres ayant toutes les apparences des fibres régénérées ; mais Sherrington

restait très embarrassé pour indiquer leur centre trophique. Dans une autre

observation, il subsistait en tout dans le but médullaire 9 fibres à myéline, lar-

ges de 12 à 20 lx. Dans ce troisième cas, au 42° jour, rien que des fibres de 4 IL.

Reprenant ces expériences en 1897 (7), Sherrington coupa chez des chats et

des singes, les 4e, 5e, 6e racines dorsales. Au bout de 14 et de 18 jours, pas de

fibres intactes dans le bout médullaire. Il semble résulter du texte de Sherring-

ton que ces recherches ont été faites par la méthode des coupes.

Nous avons déjà parlé de la thèse de Bonne. Au 9e jour, l'auteur lyonnais

trouva dans le bout médullaire quelques fibres normales peu nombreuses. Au

30" jour, ces fibres se voyaient plus facilement, les débris de myéline étant

('t) CAJAL, Anat. Anzeiger, 1890, p. 112.

(2) Lenhossek, Anat. Anzeiger, 1890, p. 360.

(3) VAN Gehuchten, Anat. Anzeiger, 1893, p. 215.

(4) Singer et MÜNZER, Denkschrift d. Kaiserl. Akad. in Wien, 1890.

(5) GABai, Monitore Zoologico.

(6) Sherrington, J. of. physiology, 1894.

(7) Sherrington, J. of. physiology, 1897.

NOUV. ICONOGRAPHIE DE LA SALFETRIERE , T. XLX, PL. XLIX.

Fig. 2.

Fic.. 1.

Fig. 3.

1"10. 4.

Fio. >3.

FIG. 6.

Fig. 7.

1"10.8.

Fig. 9.

SECTION EXPÉRIMENTALE DES RACINES POSTÉRIEURES

(J.-C. Roux et J. Heil.) -

PLANCHE XLIX

FiG. 1. Dissociation du cordon sympathique thoracique gauche au-dessous de la 5,

racine dorsale (observ. XII, chat adulte, sacrifié 18 jours après la section des 3',

. 4° et 5e racines dorsales postérieures, extradurale). Présence de nombreuses fibres

à myéline de fin calibre, en voie de dégénérescence wallérienne (fixation acide os-

mique au 1/100 ; obj. 5, ocul. 1).

Fic. 2. - Dissociation du même cordon à plus fort grossissement. Dégénérescence

de très fines fibres à myéline (obj. 8, ocul. 1). .

Fio. 3 et 4. Dissociation de 2 branches nerveuses cutanées issues d'un nerf inter-

costal (observ. I, chat adulte, sacrifié 247 jours après la section de trois racines dor-

sales postérieures du même côté dans leur trajet extradural). On distingue de nom-

breuses fibres fines et quelques fibres grosses à myéline, ces dernières plus rares,

en état de dégénérescence wallérienne avancée (fixation sublimé osmique, obj. 5,

ocul. 1).

Fic. 5. Dissociation d'un nerf cutané du périnée, (observ. III, chat adulte, sacrifié

252 fours après la section des 2e et 3 racines postérieures du même côté, intra-dura-

le). Nombreuses fibres fines en dégénérescence wallérienne {même technique, même

grossissement).

FiG. 6 et 1 (obs. X). - Dissociation du bout adhérent à la moelle des 3° et 4* racines

sacrées postérieures (16 jours après la section). Présence de fibres centrifuges restées

saines, au milieu des masses myéliniques fragmentées, provenant des fibres à direc-

tion centripètes.

FiG. 8 et (obs. X). - Dissociation du nerf efférent du ganglion, continuant la

racine postérieure, au niveau de la jonction avec la racine antérieure (16 jours

après la section de la racine postérieure). Présence de fibres dégénérées en petit

nombre ou au milieu des fibres saines.

SECTION EXPÉRIMENTALE DES RACINES POSTÉRIEURES 315

moins nombreux. Il existait de plus quelques filets très fins à' peine teintés

(fibres régénérées ? ). Nous avons vu qu'il parvint à suivre ces fibres centrifuges

dégénérées jusqu'au pôle périphérique du ganglion spinal.

Plus récemment ni Kohnstamm (1), ni Kleist, ni Koster ne parvinrent à voir

des fibres restées intactes dans le bout médullaire. Le dernier auteur ne trouva

pas non plus de fibres dégénérées dans le bout ganglionnaire peu après la sec-

tion. Au bout de plusieurs mois, Koster rechercha à nouveau l'état du bout

médullaire, sans y trouver de fibres régénérées ; il ne concevait pas d'ailleurs la

possibilité de cette régénérescence, étant donné l'atrophie, constatée par lui,

du bout ganglionnaire. Enfin Scaffidi (2) a nié également l'existence des fibres

centrifuges, en s'appuyant sur 3 expériences personnelles dans lesquelles,

il avait examiné le bout ganglionnaire 10 jours après la section des racines pos-

térieures. Dans deux cas, il avait trouvé quelques fibres en dégénérescence

périaxile type Gombault (un segment atrophié entre deux segments normaux).

Il attribua ces dégénérescences aux pincements occasionnels produits pendant

l'opération, car dans un troisième cas où il les avait évités soigneusement, il

n'avait plus, au 65e jour, rencontré aucune fibre altérée. Scaffidi n'a pas exa-

miné les bouts médullaires. C'est là cependant, à notre avis, qu'il faut recher-

cher les fibres centrifuges, sur des dissociations plutôt que sur des coupes,

car il est extrêmement difficile dans les dernières de distinguer les fibres

restées intactes au milieu des débris de myéline.

Les résultats auxquels nous sommes arrivés pour notre part nous parais-

sent démonstratifs.

La présence de fibres dégénérées au 18e jour dans le sympathique (chat XII,

fig. 1 et 2, planche XLIX) et dans les nerfs cutanés (chat XII, chiens VIII

et X), nous semblaient constituer des preuves indirectes de leur existence. Il

restait à retrouver les fibres intactes dans le bout médullaire.

Or, au 15e jour, nous avons vu, avec une grande netteté sur les dissocia-

tions de ce bout médullaire, des fibres saines, très fines, conservées intactes au

milieu des masses myéliniques fragmentées provenant des fibres à direction

centripète (chiens X et XI,fig. 6 et 7, planche XLIX). Il est assez difficile de voir

ces fibres intactes à cause de leur finesse, de leur rareté (surtout au niveau des

dernières racines sacrées),et de ce fait aussi qu'évoluant entre les blocs de myé-

line,elles quittent continuellement le point du microscope. Nous sommes persua-

dés qu'il doit être extrêmement difficile, sinon impossible, de les suivre sur des

coupes même longitudinales, et telles sont sans doute les raisons qui les ont fait

passer inaperçues sous les yeux de nombreux observateurs. Ajoutons enfin que

la dissociation doit être faite très fine et avec beaucoup de douceur, car ces

fibres cassent très facilement. Comme contre-épreuve, le bout ganglionnaire

chez les mêmes animaux contenait un nombre comparable de fibres dégénérées

que nous avons pu suivre jusque dans le nerf efférent du ganglion un peu

avant sa fusion avec laracine antérieure (fig. 8 et 9, planche XLIX).

Il

(1) Kohnstamm, Deut. Zeitschrift sur Nervenheilkunde, 1902. ·

(2) SCAFNIDI, Policlinico, 1902, sulle questione de la presenza di fibre efferenti nelle

recidi posteriori.

316 ROUX ET HRITZ

Au 3° mois (chats VII et IX), nous avons retrouvé les mêmes fibres dégé-

nérées dans le bout ganglionnaire des lre et 2e sacrées. Quant au bout mé-

dullaire, il n'a pu être retrouvé à l'autopsie du chat VIT, mais chez le chat IX

nous avons pu en faire de nombreuses dissociations dont piusieurs sont repro-

duites planche L. La figure 1 montre un des filets qui ne contenaient aucune

fibre intacte. Les filets représentés figures 2 à 6, renferment, par contre, cha-

cun 2 à 3 fibres de différents calibres, qui se distinguent ici bien plus facilement

qu'on ne pouvait le faire au 15e jour. Les boules de myéline se sont, en effet,

déjà résorbées en grande partie et les fibres indemnes apparaissent relative-

ment plus nombreuses grâce au tassement des gaînes vides.

Chez le chat IV, au 382e jour, le bout médullaire (fig. 10, planche L) se

montrait au contraire entièrement composé d'un ensemble de fibres très fines,

très nombreuses, serrées presque parallèles, qui étaient évidemment des fibres

régénérées. Au milieu d'elles on voyait encore quelques boules de myéline.

Rappelons à ce propos que des fibres régénérées ont été décrites par Bonne

dans le bout ganglionnaire, puis dans le bout médullaire des racines section-

nées et que ces fibres ont été revues récemment par Marinesco, à l'aide de

la méthode de Cajal (1). Marinesco ajoute que cette régénérescence est plus

lente et plus tardive que dans les nerfs périphériques. '

Les fibres régénérées du bout médullaire nous paraissent succéder aux fibres

fines, que nous avons vues dans le bout ganglionnaire au milieu des grosses

gaînes en état de dégénérescence rétrograde. Il est seulement difficile de com-

prendre comment ces fibres peuvent se trouver dans la partie de la racine com-

prise entre le ganglion et le niveau de la section. Il faudrait admettre que les

fibres régénérées naissent, non pas du dernier segment à partir de la section,

mais de la cellule ganglionnaire elle-même. D'autre part cependant, comment

des fibres en voie de dégénérescence auraient-elles pu fournir cette poussée

intense de fibres neuves ? Il semble plus vraisemblable, en y réfléchissant, de

placer le point de départ de cette poussée dans le corps cellulaire lui-même, et

ceci d'autant plus que l'examen des coupes du ganglion nous a montré leur

conservation normale (2).

Quoi qu'il en soit de cette question, ce n'est point sur des examens aussi

éloignés de la date de la section.que l'on peut espérer résoudre la question de

l'existence des fibres centrifuges. Par contre les pièces provenant des chats IX,

X et XI, ne nous semblent pas prêter liane à la critique. On pourrait soutenir

que les fibres du bout médullaire du chat IX sont des fibres régénérées. Nous

ne le croyons pas, vu leur rareté relative, leur aspect le plus souvent isolé

leur calibre en moyenne assez fort (certaines sont de grosses fibres à myéline,

et toutes sont beaucoup plus larges que les fibres régénérées du chat IV),

N'oublions pas enfin que les racines postérieures avaient été non pas section-

nées, mais réséquées sur une longueur de plusieurs millimètres, ce qui devait

rendre la régénération beaucoup plus longue et plus difficile.

(1) Marinesco, Semaine médicale, 18 avril 1906.

(2) Voir à ce sujet l'article de NAGEOTTE, paru dans le numéro précédent de la Nouv.

Icon., article dont nous avons eu connaissance alors que le présent mémoire avait

déjà été remis à la rédaction.

PLANCHE L

Fio. 1. - Dissociation du bout attenant à la moelle de la 2* racine sacrée postérieure

gauche (observ. IX, chat adulte, sacrifié 97 jours après résection sur une longueur

de 3 à 4 millimètres de cette racine dans son trajet intradural). La fibre représentée

ne renferme que des gaines vides avec d'assez nombreuses boules de myéline pro-

venant des gaines complètement dégénérées. On ne distingue aucune fibre restée in-

demne (fixation sublimé osmique, obj. 5, ocul. 1).

Frc. 2 à 6. - Dissociations des mêmes filets. Conservation au milieu des gaines vides

dans chaque filet, de quelques fibres a myéline indemnes, fines, moyennes et même

de fort calibre (fig. 2) qui sont vraisemblablement des fibres centrifuges des racines

postérieures (même technique, même grossissement).

1 cc. 7 à 9. - Dissociations du bout attenant au ganglion de la 2° racine sacrée posté-

rieure gauche (observ. IX, chat adulte, sacrifié après 91 jours). Quelques fibres fines

dégén'él ées au milieu des fibres normales (même technique, même grossissement).

]-'16. 10. - Dissociation du bout attenant à la moelle delà tr' racine sacrée postérieure

gauche (ubserv. IV, chat adulle, sacrifié 382 jours après résection sur une longueur

de 3 à 4 millimétrés de cette racine dans son trajet intradural). Le filet représenté

renferme de très nombreuses fibres fines à myéline, vraisemblablement régénérées

au milieu desquelles on distingue encore quelques boules de myéline (même techni-

que, même grossissement).

FIG.f1 et 12. Dissociations du bout attenant au ganglion de la même racine, Ire sacrée

postérieure gauche (même observation après 382 jours). Dégénérescence rétrograde

des grosses gaines à myéline. Fibres fines intactes ; quelques boules de myéline, ves-

tiges des fibres centrifuges disparues (même technique, même grossissement).

SECTION EXPÉRIMENTALE DES RACINES POSTÉRIEURES 317

Il subsiste de nombreuses inconnues dans l'histoire des fibres centrifuges des

racines postérieures ; il reste au point de vue de leur nombre, de leur distri-

bution périphérique, de leur rôle physiologique, nombre de questions actuelle-

ment sans réponses. Nous avons voulu simplement ici donner les preuves de

leur existence, au moins en certaines régions radiculaires. Ce point éclairci,

il nous nous sera plus facile de nous orienter au milieu des faits complexes que

nous venons d'exposer.

Réflexions.

Il nous faut maintenant rassembler tous ces faits et tous les arguments que

nous a fournis l'expérimentation pour en dégager la réponse à la question posée

au début de ce travail : Quelle est l'influence de la section des racines posté-

rieures sur l'état des neurones périphériques et quelles déductions pouvons-

nous en tirer pour l'étude de la pathogénie du labes ? ' !

Du côté DES neurones sensitifs, les dégénérescences que nous avons consta- '

tées dès le 15" jouir dans les nerfs mixtes (chat XII) et dans les filets cutanés

(chiens VIII, X) des racines sectionnées, s'expliquent très aisément si on les

considère comme appartenant aux fibres centrifuges. La' rareté de ces fibres

dégénérées, le faible volume des boules qui les constituent concordent avec

le petit nombre et le fin calibre de ces fibres centrifuges. Nous ne sommes

pas en situation de dire pendant combien de temps ces figures de dégénéres-

cence peuvent persister dans les nerfs périphériques; peut-être disparaissent-

elles plus lentement qu'on ne le croit généralement, car nous les avons consta-

tées au se mois et même encore au 13° mois, dans le bout ganglionnaire des

racines sectionnées. Il nous paraît très probable que certaines des dégénéres-

cences constatées par Koster du 5je au 150e jour dans les nerfs cutanés, sont

également dues à la persistance de restes de fibres centrifuges.

Au voisinage du 2DO. jour, les dégénérescences importantes que nous avons

constatées dans les nerfs cutanés peuvent-elles être expliquées de la même

manière ? C'est ce qu'il nous paraît difficile d'admettre. On comprendrait mal,

en effet, pourquoi ces dégénérescences apparaissent plus nombreuses dans les

nerfs cutanés que dans les troncs mixtes. Sans doute la présence d'un grand

nombre de fibres motrices dans les troncs mixtes doit faire paraître les autres

fibres moins nombreuses, et d'autre part, il existe probablement dans les filets

cutanés, en plus des fibres venant des nerfs mixtes, d'autres fibres d'origine

sympathique. Rien, en tout cas, ne pourrait faire comprendre pourquoi les

fibres lésées se montrent plus nombreux au 950e jour qu'au 15e, et pourquoi

ces lésions qui portaient exclusivement au début sur les fibres fines, atteignent

au 7e mois aussi un certain nombre de fibres moyennes.

On est amené alors à admettre l'existence d'un certain degré de névrite

périphérique, névrite à type wallérien, et portant presqu'exclusivement sur

les rameaux cutanés les plus fins. Il est probable même que cette névrite peut

apparaître avant le 8e mois, car chez des animaux sacrifiés par Koster au 90s

318 ROUX ET HEITZ

et au 116' jour, il existait déjà des altérations tout à fait semblables en étendue

et en distribution à celles que nous-mêmes avons constatées au 250e jour.

A cette même époque où apparaissait chez nos animaux le processus de névrite

périphérique, le bout ganglionnaire de la racine sectionnée commençait aussi

à s'altérer : les fibres à myéline y apparaissaient plus minces, moins colorées

(chat au z178 jour) ;au 3e et 48 mois ces fibres étaient encore tout à fait nor-

males (chats VII et IX). Pendant que se développait cette dégénérescence de

leurs deux prolongements, les corps cellulaires, contrairement à ce qu'avaient

vu Kleist et Koster, restaient normaux en nombre et en dimensions.

Vers la fin de la première année, le processus de névrite périphérique appa-

raît comme éteint dans les nerfs cutanés (chats IV et V). A la place des figu-

res de dégénérescence, nous ne trouvons plus que des gaînes vides. Rappelons

que chez les animaux autopsiés par Koster au 287° et au 330° jour, il existait

également des gaînes vides à côté d'un très petit nombre de fibres dégénérées.

A la même époque, dans le bout ganglionnaire de la racine sectionnée, les gros-

ses gaînes nous apparaissent en dégénérescence rétrograde très accusée ; mais à

côté de ces fibres frangées, irrégulières, fragmentées même, se voient d'autres

fibres fines, tout à fait normales d'aspect, et qui semblent être des fibres régé-

nérées.

Le bout médullaire de cette même racine est rempli de fibres régénérées

très nombreuses, continuation selon toute vraisemblance de celles que nous

venons de voir dans le bout ganglionnaire. Les cellules ganglionnaires, comme

au 8e mois, se présentent toujours absolument normales.

Si nous voulons synthétiser ces faits, nous nous trouvons obligés de nous

aider de plusieurs hypothèses. Nous devons admettre que parmi les neurones

sensitifs attaqués dans leur prolongement central par la section expérimentale,

quelques-uns seulement, du ire au 8e mois, manifestent leur souffrance par la

dégénérescence de leurs deux prolongements. La dégénérescence du prolonge-

ment périphérique prend le type wallérien et reste localisée aux terminaisons

les plus lointaines, la partie voisine de la cellule restant indemne. La dégénéres-

cence du prolongement central, plus lente à se manifester, plus généralisée,

ne se caractérise tout d'abord que par l'atrophie simple de la gaîne de myéline.

Au 12e mois, la dégénérescence du prolongement périphérique est à son

terme. Les fibres atteintes ne sont plus représentées que par des gaînes vides.

Du côté des racines postérieures, en même temps que les anciennes fibres

continuent leur dégénérescence rétrograde, il apparaît de nouvelles fibres

minces régénérées, qui se dirigent vers la moelle par les anciennes gaînes vides

de la racine sectionnée. Ces fibres régénérées auraient leur origine dans les

cellules ganglionnaires restées inaltérées.

En résumé, l'interprétation la plus plausible des faits observés nous amène à

concevoir à la suite de la section de la racine postérieure, la production d'un

processus atrophique portant sur les deux axones du neurone, processus qui

s'arrête au bout de 10 à 11 mois pour céder la place à un processus de régéné-

rescence. Nous ne nous dissimulons nullement la faiblesse et les nombreuses

lacunes de cette interprétation. Elle nous semhle cependant être la seule sus-

SECTION EXPÉRIMENTALE DES RACINES POSTERIEURES 319

ceptible de s'accorder avec les faits. Un point qui nous semble mériter d'être

mis en évidence est la différence considérable, au point de vue biologique,

que ces faits nous montrent exister entre les deux prolongements de la cel-

lule ganglionnaire, différence déjà signalée par de Massary et par Koster. Le

prolongement périphérique, moins fragile, dégénère seulement dans sa por-

tion terminale selon le type wallérien, tandis que le prolongement central

subit un processus d'atrophie rétrograde jusqu'au voisinage de la cellule.

Nous ne croyons pas de longs développements nécessaires pour montrer en

même temps que les ressemblances superficielles, les différences profondes

qui séparent l'évolution que nous venons'de voir, de celle du tabes.

Du côté des cellules ganglionnaires, nous n'avons retrouvé chez aucun de nos

animaux les lésions décrites chez les tabétiques par de nombreux auteurs au

cours de ces dernières années. Sans doute, Guizetti, Dinkler, Maragliano consi-

dèrent les ganglions spinaux comme habituellement intacts dans le tabes, et

Schaffer (1) dans 3 cas n'a pas trouvé d'altérations appréciables au Nissl. Mais

par cette même méthode Juliusberger et Meyer (2) ont trouvé le nombre total

des cellules diminuées, beaucoup d'entre elles petites, pigmentées, ou de

forme anguleuse. Wollenberg (3), dans 14 cas de tabes, a trouvé l'hyperpig-

mentation cellulaire, la dégénérescence graisseuse et une forte augmentation du

tissu conjonctif. Stroebe (4) a vu les cellules ratatinées, vacuolisées, quelque-

fois complètement atrophiées et même disparues, les capsules endothéliales

proliférées. Oppenheim et Siemerling, Redlich, ont noté des lésions de même

ordre.

Thomas et Hauser (5), par la méthode de fixation au sublimé osmique et de

coloration au carmin, ont vu dans presque tous les cas de tabes (sauf tout à fait

au début), des altérations cellulaires, d'autant plus accusées que les racines

étaient plus malades. Ils ont noté la diminution du nombre total des cellules et

leur raréfaction par placards. Ils ont vu un bon nombre de cellules altérées,

c'est-à-dire atrophiées dans leur ensemble, légèrement ou presque complètement,

l'atrophie portant assez souvent aussi sur le noyau. Les capsules endothéliales

étaient assez souvent proliférées en couronnes de plusieurs assises. Le tissu

conjonctif était anormalement augmenté.

Dans un article récent enfin, Marinesco (6) considère qu'il n'y a pas de cas de

tabes sans lésion des cellules ganglionnaires spinales, lésion qui est habituel-

(1) SenaFFSrs, Das Verhalten der Spinalgangien bei Tabès auf Grund von Nissl's

Farbung, Neur. Centralbl., 1898.

(2) jLLujsBERGEH et Meyer, Beitrag zur Path. de ? , Spinalganglienzelle. Neur.

Centralbl., 1898.

(3) W9LT.ENBERG, Untersuchungen über der Verhallen der Spinalganglien bei der

Tabès. Arch. f. psychiatrie, 1892.

(4) Sthoebe, Uber Verânderungen der Spinalganglien bei der Tabès. Centralbl. f. allg.

Path., 1894.

(5) Thomas et IIAUSGR, Les altérations du ganglion rachidien chez les tabétiques.

Nouv. Iconogr. Salpêtrière, 1904, no 3.

(6) Marinesco. Semaine médicale, 18 avril 1906.

320 .. noux ET HEITZ

lement l'atrophie, et dont l'intensité est sous la dépendance du degré de dégé-

nérescence des racines postérieures.

En face de ces lésions caractérisées, constatons seulement que nos examens

expérimentaux nous ont montré des cellules ganglionnaires intactes ; ce fait,

il est vrai, est en contradiction avec des lésions décrites par d'autres auteurs

après la même section des racines postérieures, mais les faits que nous appor-

tons démontrent, pour le moins, l'inconstance de ces lésions cellulaires expéri-

mentales. -

Du côté des nerfs périphériques les tabétiques présentent des altérations

très fréquentes, constantes même pour Nonne, et qui ont été bien décrites par

Dejerine, Pierret, Pitres et Vaillard, Joffroy et Achard. Ces lésions portent pres-

qu'exclusivement sur les terminaisons cutanées,et les gros troncs sont habituel-

lement indemnes (Dejerine) (1). Le nerf efférent du ganglion est toujours

intact (Thomas et Hauser) (2), quoique Stroebe et Chiari aient vu à ce niveau des

fibres dégénérées rares, mais certaines, dans des tabès très avancés : Histologi-

quement, les nerfs cutanés malades des tabétiques comprennent de nombreu-

ses gaînes vides ; les fibres intactes ont une coloration grisâtre ; les fibreségé-

nérées à type wallérien sont très rares, la plupart sont simplement atrophiées,

et cette atrophie se fait suivant le type segmentaire (Shaw, Dejerine et Tho-

mas) (3).

Si nous comparons cette description à celle des dégénérescences expérimen-

tales, nous voyons que les ressemblances s'arrêtent à ce point que les lésions

portent dans les deux cas à peu près exclusivement sur les terminaisons péri-

phériques et que les troncs sont en général épargnés. Par contre les carac-

tères histologiques sont très différents. La névrite expérimentale ne diffère en

rien de la dégénérescence wallérienne, elle aboutit rapidement à la disparition

complète de la fibre et à la gaîne vide, sans le stade intermédiaire et indéfi-

niment prolongé de l'atrophie. Enfin au lieu d'un processus essentiellement

chronique, comme dans le tabes, nous avons ici un processus aigu qui se ter-

mine en moins d'un an. ,

Du côté des racines postérieures, mêmes différences importantes. Dans le

tabes, la dégénérescence wallérienne est très rare ; on trouve à l'examen mi-

croscopique des gaînes vides, et des fibres altérées dans leurs gaines ; en»

certains points il y a désintégration de la myéline en poussière de grains noirs,

en d'autres la gaîne est gonflée, étalée irrégulièrement sur la longueur d'un

segment, alors que le segment suivant est souvent atrophié au maximum. Les

fibres altérées se voient mélangées aux fibres saines (4).

Expérimentalement,au contraire,nous avons vu toutes les gaînes atteintes par

un même processus rétrograde, lequel n'avait à aucun degré le caractère seg-

mentaire. Ajoutons que chez nos animaux, il existait au 11" mois des phénomè-

nes de régénérescence qui, s'ils existent dans le tabes, comme la méthode de

(1) DEJERINE, Altérations des nerfs cutanés dans le labes. Arch. physiologie, 1883, p.72.

(2) Thomas et HAusEn, loc. cil.

(3) DEJERINE et Thomas, Maladies de la moelle in Traité Brouardel-Gilbert, t. IX.

(4) Thomas et Hausser, Etude sur les lésions radiculaires et ganglionnaires du tabes.

Nouv. Iconogr. de la Salpêtrière, 1902.

SECTION EXPÉRIMENTALE DES RACINES POSTÉRIEURES 321

Cajal l'a montré à Nageotte (1) et à Marinesco (2), y apparaissent comme peu

intenses et sans vigueur. Les cylindraxes régénérés, très fins, ne s'entourent

jamais de gaîne de myéline, et ne semblent pas dépasser le niveau du nerf

radiculaire.

En un mot, si nous comparons les deux processus sur toute l'étendue du pro-

toneurone sensitif, le processus tabétique apparaît comme essentiellement chro-

nique, à tendance atrophique prédominante, sans que nous y voyions apparaî-

tre nulle part la dégénérescence à type wallérien ; la cellule ganglionnaire ;

spinale y présente des lésions notables.

Le processus consécutif à la section expérimentale, au contraire, est beau-

coup plus aigu; la dégénérescence périphérique y prend le type wallérien et

s'éteint en moins d'un an ; la dégénérescence centrale fait place vers la même

date à la régénérescence, la cellule ganglionnaire reste normale.

Du côté DES neurones SYMPATIQUES, après la section des racines postérieu-

res, la dégénérescence porte exclusivement sur les fibres fines centrifu-

ges des racines postérieures. Il semble en être de même dans le tabes (J.-Ch.

Roux) (3). Il est en effet à peu près certain que les lésions du cordon cervical,

par exemple, sont proportionnelles aux lésions des racines du renflement cer-

vical (J.-Ch. Roux (4), Jean Heitz) (5). L'aspect des cordons sympathiques,

8 mois après la section expérimentale, rappelle tout à fait celui de ces mêmes

cordons dans le tabes.

Il faut ajouter cependant qu'au niveau des plexus viscéraux, la lésion des

nerfs sympathiques prend, chez les tabétiques, des caractères nouveaux. Dans

les nerfs qui composent le plexus cardiaque, la diminution des fibres fines à

myéline est beaucoup plus accusée que dans les cordons (72 0/0 de diminution

en moyenne au lieu de 40 0/0) (Jean Heitz) (6). Il existe de plus, dans le

plexus, une diminution très importante du nombre des grosses fibres à myéli-

ne, alors que dans les cordons ces fibres étaient encore en nombre normal. No-,

tons cependant qu'elles commençaient déjà à diminuer dans le splanchnique

(Ch. Roux). Si nous nous souvenons que ces grosses fibres sont d'origine gan-

glionnaire, nous sommes conduits à penser que chez les tabétiques, restées

intactes dans leur portion centrale, elles s'altèrent dans leur portion périphé-

rique, c'est-à-dire, puisqu'il s'agit du sympathique, au niveau des plexus viscé-

raux. Il semble donc exister dans le sympathique des tabétiques, en plus

de la disparition des fibres centrifuges des racines postérieures, un processus s

de névrite périphérique, comparable à celui qui existe du côté des neurones

sensitifs. Or nous ignorons si la section expérimentale des racines postérieu-

res pourrait reproduire des lésions analogues du côté des plexus viscéraux.

(1) NAGEOTTE, Soc. biologie, 20 mai 1905 et Soc. biologie, 3 mars 1906.

(2) Marinesco, Semaine médicale, 18 avril 1906.

(3) J.-CH. Roux, Les lésions du grand sympathique dans le tabès, thèse Paris, 1900.

(4) J.-Ca. Roux, loc. cit.

(5) Jean HEITZ, Les nerfs du coeur chez les tabétiques, thèse Paris, 1903.

(6) Jean Heitz, loc. Cil.

322 ROUX ET HEI'1Z -

En résumé donc, nous ne pouvons partager cette opinion de Koster (1), que

la section expérimentale des racines postérieures détermine des altérations des

nerfs périphériques et des ganglions tout à fait semblables à celles du tabes,

et que, par suite, dans cette dernière affection, lésions névritiques et ganglion-

naires doivent être considérées comme étant sous la dépendance d'une dégé-

nérescence primordiale des racines postérieures. La seule différence entre

les deux processus se trouverait, selon Koster, dans la rapidité plus ou moins

grande des lésions, celle-ci s'expliquant par la différence de la lésion radiculaire

dans les deux cas.

Nous croyons pour notre part, qu'il résulte des faits précédemment exposés

qu'en dehors de leur rapidité plus ou moins grande, il existe entre les deux

processus des différences capitales, portant sur le mode des lésions histologiques

et sur la nature même du processus dont l'évolution conduit à des conséquences

tout à fait contraires. La chose n'est d'ailleurs pas surprenante, si nous réflé-

chissons à la différence de l'atteinte apportée dans les deux cas à l'intégrité des

racines postérieures. Dans un cas, il s'agit d'une lésion brutale, instantanée, ca-

ractérisée par une interruption totale de toutes les fibres, sans que cette inter-

ruption ait été accompagnée ni suivie d'une irritation permanente, puisque la

section a été faite dans des conditions d'asepsie minutieuse. Dans la maladie, si

nous acceptons momentanément la manière de voir de Nageotte, il s'agirait

d'une lésion d'endonévrite, c'est-à-dire d'une lésion irritative, permanente, à

longue évolution. La cause étant différente, les effets doivent être également

différents.

Une conclusion ferme nous paraît prématurée, mais nous croyons cependant

que les ressemblances superficielles qui existent entre les deux processus

permettent de penser que dans le tabes une certaine part doit être gardée à

l'altération des racines postérieures, comme cause initiale des altérations névri-

tiques sensitives, et des altérations sympathiques. Cette opinion s'accorde avec

' les conclusions du travail récent de Paviot (2), à savoir que les lésions ménin-

gées sont selon toutes probabilités les lésions primitives du tabes. Peu importe

en l'espèce que ces lésions méningées se localisent au niveau du nerf radiculaire

transverse (Nageotte) (3), ou sur la longueur dela racine postérieure (Thomas et

Hauser) (4), ou sur tout le système lymphatique postérieur de la moelle (Marie

et Guillain) (5). '

Mais, d'autre part, les différences qui existent tant dans le détail histologi-

que, que dans le sens général de l'évolution entre les deux processus, tendent

à faire admettre qu'à côté de la lésion radiculaire d'origineméningée, une cer-

taine part doit être faite aussi, dans la pathogénie du tabes, à la toxicité du virus

syphilitique (Dejerine et Thomas) (6).Seule cette influence toxique rend compte

(1) Koster, loc. cit.

(2) Paviot, Des lésions méningées du labes dorsal. Lyon médical, 10 décembre 190 5.

(3) NAGEOTTE, Presse médicale, 3 janvier 1903.

(4) Thomas ET HAusFa, Nouv. Iconog. Salpêtrière, 1902.

(5) Marie et GUILLAIN, Les lésions du système lymphatique postérieur de la moelle

sonl l'origine du processus aaatomo pallaolo,gigue du tabes. Soc. Neur. Paris, 15 jan-

vier 1903.

(6) Omm¡ ? ¡¡ et Thomas, Maladies de la moelle, 1902.

SECTION EXPÉRIMENTALE DES RACINES POSTÉRIEURES 323

de la lenteur extrême de l'évolution, de la tendance atrophiqué, de l'avortement

du processus régénératif, enfin des altérations cellulaires du tabes. Elle nous

paraît s'exercer non seulement sur l'ensemble du proto-neurone sensitif, comme

l'ont bien dit Brissaud et de Massary (1), mais même sur l'ensemble du sys-

tème nerveux (Jean Lépine) (2). Nous admettrions volontiers qu'il e.riste une

certaine prédominance de celle action toxique, non seulement sur lés proto-

neurones sensitifs (Dejerine et Thomas), mais encore sur les neurones sympa-

thiques, alors que l'influence sur les nerfs musculaires apparaît comme beau-

coup moins constante. +

Conclusions.

4 Il existe dans les racines postérieures des mammifères, des fibres à myé-

line à trajet centrifuge. Ces fibres sont relativement peu nombreuses, presque

toutes fines de calibre, quelques-unes cependant moyennes ou même grosses.

Ces fibres persistent intactes, quinze jours après la section des racines posté-

rieures, dans le bout radiculaire attenant à la moelle ; elles dégénèrent dans le

bout ganglionnaire, et on peut les retrouver sous forme dé boules éparses dans

le nerf qui sort du ganglion pour fusionner avec la racine antérieure.

2° La plus grande partie de ces fibres centrifuges passe par les rameaux com-

municants dans les cordons sympathiques, où les dissociations les montrent

dégénérées trois semaines après la section des racines postérieures. Au bout de

7 mois, il ne subsiste comme trace de cette dégénérescence dans le sympathi-

que', que des zones raréfiées, nettement visibles sur les coupes transversales.

3° Une plus faible partie de ces fibres se dirige vers les nerfs périphériques

où elles peuvent être mises en évidence, 18 à 20 jours après l'opération, dans

le tronc des nerfs mixtes et jusque dans les filets cutanés du territoire corres-

pondant à la racine sectionnée.

4° 7 à 8 mois après la section des racines postérieures, on observe dans les

nerfs cutanés correspondant à ces racines, des figures de dégénérescence wal-

lérienne, figures plus nombreuses que celles constatées au bout de 2 à 3 semai-

nes, et portant à la fois sur les fibres fines et sur les grosses fibres. Il existe

aussi des fibres dégénérées dans les nerfs mixtes, mais elles y sont beaucoup

plus rares.

A la même époque, le bout ganglionnaire de la racine coupée commence à

dégénérer suivant un processus rétrograde. Les cellules des ganglions spinaux,

que certains auteurs ont décrites, à cette époque, comme partiellement atro-

phiées, nous ont paru rester normales en nombre et en dimension.

5° Un an après l'opération, les nerfs périphériques ne contiennent plus de

fibres dégénérées, mais seulement des gaines vides. Le bout ganglionnaire de

la racine sectionnée a accusé sa dégénérescence ; il contient cependant encore des

fibres fines assez nombreuses et d'aspect tout à fait normal. Le bout médullaire

(1) DE MASSARY, loc. cit.

(2) Jean Lépine, A propos de la méningite spinale du tabès. Lyon médical, 1905,

p. 981.

324 ROUX ET HEITZ

de cette même racine présente de très nombreuses fibres fines régénérées. Les

cellules ganglionnaires ont gardé leur aspect normal.

6° Il est difficile de tirer de ces faits expérimentaux, des déductions appli-

cables utilement à l'étude de la pathogénie du tabes. On ne saurait, en effet,

assimiler les conséquences d'une lésion brutale et instantanée comme la sec-

tion de la racine, à un état pathologique permanent et d'évolution très lente

comme est celui des racines postérieures dans le tabes.

Il existe d'ailleurs, entre les lésions expérimentales et les lésions tabétiques,

des différences importantes et nombreuses. C'est ainsi que chez les animaux

opérés par nous, il n'existait pas de lésions ganglionnaires semblables à celles

décrites dans le tabes par différents auteurs et en dernier lieu par Thomas et

Hauser. D'autre part, les dégénérescences fies nerfs périphériques (à type wallé-

rien chez l'animal) différaient au point de vue histologique des névrites cuta-

nées des tabétiques (atrophie simple à type segmentaire). Il n'y a pas non

plus d'assimilation possible entre la dégénérescence rétrograde de la racine

postérieure sectionnée et l'état d'atrophie segmentaire des racines tabétiques.

Seules les lésions du sympathique se ressemblent dans les deux ordres de

faits, tout au moins dans les grands cordons, mais nous ignorons si l'expéri-

mentation reproduirait, au niveau des plexus viscéraux, les lésions qui s'y

voient chez les tabétiques et avec les mêmes particularités.

D'une façon générale, après la section des racines postérieures, les processus

atrophiques secondaires semblent avoir une tendance à s'arrêter au [bout d'un

certain temps et à céder la place à la régénérescence.

7° Il se dégage de tout ce qui précède cette impression, qu'en dehors de l'ac-

tion méningitique directe sur la racine postérieure, une certaine part doit être

faite, dans la pathogénie du tabes, à l'influence toxique exercée par le virus

syphilitique sur l'ensemble du système nerveux. Cette action toxique se ma-

nifesterait en première ligne sur le proto-neurone sensitif et sur les proto-

neurones centripètes du sympathique.

Observations.

Observation I. Chat adulte. - Section des 3 premières racines thoraciques

postérieures gauches. - Survie 247 jours. - Intégrité des cellules des

ganglions spinaux ; dégénérescence partielle du cordon sympathique gau-

che descendant ; fibres de gros et de fin calibre en dégénérescence wallé-

rienne dans les nerfs cutanés du territoire des racines sectionnées ;

mêmes dégénérescences moins nombreuses dans les troncs mixtes corres-

pondants. Intégrité des nerfs symétriques droits.

Chat de 4 k. 600, opéré le 7 février 1904, chloralose-éther. On enlève à la

pince coupante les lames vertébrales à la hauteur des premières vertèbres tho-

raciques. Section ext1'adurale des trois premières racines thoraciques posté-

rieures gauches à la sortie de la dure-mère.

3 jours après l'opération, légère parésie du train postérieur qui disparaît

complètement au bout de quelques jours ; cicatrisation par première intention.

SECTION EXPÉRIMENTALE DES RACINES POSTÉRIEURES 325

Dans le milieu de l'été, l'animal est pris de dysenterie, l'appétit cependant

conservé et même exagéré ; il maigrit et meurt le 12 octobre 1904, à 5 heures

du soir.

Autopsie faite le 13, il 8 heures du matin. Aucune ulcération, aucun trouble

trophique dans les régions correspondant aux racines coupées. La brèche os-

seuse pratiquée 8 mois auparavant a été comblée par un bourgeonnement os-

seux des deux bords du canal rachidien ouvert ; il faut la rouvrir à la pince.

A la partie supérieure où les bourgeons n'adhèrent pas, ils sont séparés par

une mince fente, remplie de tissu fibreux.

La dure-mère adhère aux racines postérieures par du tissu cellulaire lâche,

plus serré du côté sectionné. Les racines postérieures coupées n'ont laissé, au

voisinage de la moelle que des tractus atrophiés. Les racines antérieures sont

intactes.

Nous prélevons les ganglions spinaux correspondant aux trois racines section-

nées des deux côtés ; les cordons sympathiques au-dessus de la dernière racine

sectionnée ; les ganglions semilunaires ; les trois nerfs intercostaux (troncs et

ramifications cutanées), des deux côtés.

Examens HISTOLOGIQUES. - Les ganglions spinaux droits sont examinés sur

coupes colorées au Nissl et à l'hématéine-éosine. Ces coupes présentent un cer-

tain nombre de cellules surpigmentées et quelques-unes en état de chromato-

lyse partielle. Des ganglions gauches (côté opéré) les deux premiers ont été exa-

minés également au Nissl : légères altérations cellulaires ne se distinguant en

rien de celles des ganglions droits. Pas d'atrophie ni de raréfaction des cellules,

pas de modification des capsules endothéliales ni du tissu interstitiel. Le

3e ganglion thoracique fixé à l'acide osmique, coloré au carmin, ne présente

pas de modification de sa structure. Les coupes de la racine postérieure cor-

respondante (bout ganglionnaire) montrent les gaînes de myéline amincies

et mal colorées, les fibres efférentes sont normales au pôle périphérique.

Les nerfs périphériques des deux côtés, ont été examinés sur dissociation.

A droite (côté sain), pas de dégénérescence ni dans les troncs intercostaux ni

dans les terminaisons cutanées. A gauche, au contraire, la plupart des ra-

meaux cutanés présentent d'assez nombreuses fibres à des degrés divers de

dégénérescence. Lesfigures 3 et 4(planche XLIX) représentent 2 filets cutanés,

perforants postérieurs d'un des nerfs intercostaux gauches. On y voit des fibres

à myéline grosses, fortement colorées, mélangées à des libres plus fines et plus

pâles les unes et les autres dans la même proportion que dans les filets symé-

triques droits. On distingue un certain nombre de fibres dégénérées, quelques-

unes de gros calibre, la plupart fines. En général, les dégénérescences sont

moins abondantes que sur les filets dessinés, choisis parmi les plus altérés ; sur

quelques rameaux même, elles manquent complètement. Les fibres malades

sont atteintes isolément, au milieu des fibres restées normales et le degré de la

dégénérescence semble variable d'une fibre à l'autre. Les lésions sont celles

de la dégénérescence wallérienne, caractérisées par la formation de boules de

myéline, grosses ou petites, de coloration noire ou seulement brunâtre, sans

qu'on puisse noter de relation nette entre leur grosseur et leur coloration. Elles

326 Roux et HEITZ

sont réunies entre elles par de minces gaînes qui se renflent autour des restes

protoplasmiques et myéliniques.

Les troncs des nerfs intercostaux présentaient à gauche, également, des

fibres malades, mais certainement plus rares et aussi plus complètement dé-

générées que dans les fibres cutanées. Elles nous avaient même échappé à pre-

mier examen, mais en examinant de nouvelles dissociations, nous eu avons vu,

dans chacun des troncs nerveux, un nombre assez considérable pour qu'on ne

puisse les considérer comme accidentelles et négligeables.

Les cordons sympathiques ont été examinés sur dissociations et sur coupes.

Les dissociations n'ont rien montré à droite ; mais à gauche, des recherches

minutieuses nous ont montré des fibres dégénérées, rares, fines en presque tota-

lité, n'étant plus représentées que par des gaines vides se renflant sur des

boules de myéline très petites et très espacées.

Les coupes après coloration osmique-carmin, ont été examinées à 1 cm. au-

dessous de la dernière racine sectionnée : le cordon droit avait son aspect nor-

mal et comprenait (après numération à l'oculaire-quadrille) 382 fibres à myé-

line de gros calibre et 2.880 fibres fines.

Le cordon gauche montrait une zone en trapèze dont le côté le plus large se

trouvait au niveau du bord de la coupe, comprenant environ le sixième de la

section totale, zone dans laquelle les fibres à myéline apparaissaient comme

très raréfiées. En même temps on notait un certain degré de multiplicité des

noyaux (fig. 7, planche XLVIII). La numération a donné, de ce côté, 313 grosses

fibres et 2.202 fibres fines (soit un déficit de 69 grosses fibres et 678 fibres

fines).

Les ganglions semilunaires ne présentaient pas d'altérations notables.

Observation II. Chat adulte. Section des 2" et 3° racines sacrées posté-

rieures, du côté gauche. - Survie 212 jours. - Intégrité des cellules des

ganglions spinaux; figures de dégénérescence wallériennedans lesrameaux

cutanés du territoire correspondant aux racines coupées. Intégrité des

filets symétriques droits. '

3 kilos 500, opéré le 28 février 1904, choloralose-éther. On enlève à la pince

les lames des deux dernières vertèbres lombaires et de la première sacrée. Sec-

tion intradurale de deux racines postérieures du côté gauche, que l'autopsie

a montré plus tard être les 2e et 3e sacrées, avec résection sur 3 à 4 millimètres

de long.

Réunion par première intention, pas de paralysie ni d'incoordination. L'a-

nimal vit en excellente santé jusqu'au 28 octobre 1904, où il est sacrifié.

Autopsie. - Pas d'ulcérations ni de troubles trophiques. Brèche osseuse

refermée partiellement, quoique moins complètement que chez le chat T. Dure-

mère adhérant aux racines postérieures des deux côtés, mais faciles à en sépa-

rer. Les deux bouts des racines sectionnés sont fixés de part et d'autre sur la

face profonde de la dure-mère, séparés l'un de l'autre par 2 à 3 millimètres.

Racines antérieures tout à fait intactes. Le bout inférieur des racines posté-

rieures sectionnées aboutit au 2° ganglion sacré et aussi sans doute au 3-.

Nous prélevons les deux ganglions spinaux corresoondants de chaque côté ;

SECTION EXPÉRIMENTALE DES RACINES POSTÉRIEURES 327

et disséquons sysmétriquement de chaque côté les deux nerfs- saphènes exter-

nes, les nerfs plantaires cutanés, les nerfs de la face postérieure de la jambe

et de la cuisse, les nerfs de la queue.

Examens histologiques. Les ganglions spinaux (Nissl, hématoxyline-

éosine) présentent un aspect semblable à ceux de l'observation I ; quelques

légères altérations cellulaires égales des deux côtés ; aucune trace d'atrophie

ni de raréfaction cellulaire.

Les nerfs périphériques, sur dissociations, ne présentent pas de fibres dé-

générées du côté droit. A gauche, intégrité des nerfs de la queue, des nerfs

plantaires, mais dégénérescence des nerfs de la face postérieure de la jambe

et de la cuisse, soit exclusivement dans le territoire cutané de la 2e racine

sacrée. Ces dégénérescences avaient tout à fait les mêmes caractères que dans

l'observation précédente.

Observation III. - Chat adulte. Section des 2e et 3e racines sacrées posté-

rieures gauches. - Survie 252 jours. - Intégrité des ganglions spinaux ;

nombreuses fibres dégénérées dans les rameaux cutanés du territoire des

racines sectionnées. Intégrité des rameaux cutanés symétriques droits.

Chat de 5 kilos, opéré le 6 mars 1906, chloralose-éther. Incision lombo-

sacrée, section à la pince des lames des 3 dernières vertèbres lombaires et de

la 1re sacrée; résection intradurale, sur une longueur de 3 gaz 4 millimètres,

de 3 ou 4 filets radiculaires postérieurs gauches, correspondant aux 2. et 3'

nerfs sacrés. '

Guérison par première intention, sans paralysie. Santé parfaite jusqu'au

13 novembre 1904, où il est sacrifié.

Autopsie. Pas de troubles trophiques ni d'ulcérations. Canal rachidien

complètement fermé par un pont osseux, sauf à la partie tout à fait supérieure

de la brèche pratiquée 8 mois 1/2 auparavant. Les racines antérieures sont

intactes. Nous prélevons les 2e et 3e ganglions sacrés des deux côtés, et dissé-

quons, symétriquement des deux côtés, des rameaux nerveux périphériques,

à' ! a croupe, au périnée, à la queue, aux faces postérieures des cuisses et des

jambes, à la région plantaire.

Examens iustologiques. - Les ganglions spinaux, examinés au Nissl et à

l'hématéine-éosine, présentent le même aspect que dans les deux observations

précédentes, c'est-à-dire absence de toute différence appréciable d'un côté à

l'autre. '

Les nerfs périphériques cutanés, sur dissociations, étaient tout à fait nor-

maux du côté droit, sauf qu'une des préparations montrait une fibre dégéné-

rée, d'ailleurs unique (à la croupe droite).

Du côté gauche, les nerfs du périnée contenaient d'assez nombreuses fibres

dégénérées, au moins dans certains filets. La figure 5 (planche LXIX) représente

la dissociation d'un des filets du périnée, et comme on le voit, l'aspect est tout

à fait celui des nerfs cutanés de l'observation I. Il existait, sur d'autres filets,

également des dégénérescences de fibres moyennes et même de grosses. Dégé-

328 ROUX ET HEITZ

nérescences identiques dans certains filets cutanés de la coupe. Au. contraire,

état normal des nerfs cutanés de la queue, de la jambe et de la plante.

Observation IV. Chat adulte. Section de la 5e lombaire et des 3 pre-

mières sacrées postérieures gauches. - Survie 382 jours. Intégrité des

cellules ganglionnaires des deux côtés avec dégénérescence rétrograde des

fibres venues des racines sectionnées ; fibres efférentes normales au pôle

pétiphé1 igue des ganglions; nombreuses fibres régénérées dans le bout

médullaire des racines sectionnées ; racines postérieures droites normales.

Pas de dégénérescences dans les nerfs cutanés correspondants, mais

assez nombreuses gaines vides ; nerfs cutanés droits intacts.

Chat adulte de 4 kilos 500, opéré le 4 avril 490, chloralose-éther. Incision

lombo-sacrée, ablation à la pince des lames des 3 derniers vertèbres lombaires

et de la p. sacrée. Résection intradurale sur 6 à 7 millimètres de 4 à 5 filets

radiculaires du côté gauche, correspondant, comme l'a montré plus tard l'au-

topsie, à la dernière lombaire et aux trois premières racines sacrées. Réunion

par première intention sans suppuration. Aucune paralysie consécutive.

L'animal se porte très bien jusqu'au 21 avril 1905, où il est sacrifié.

Autopsie. Aucun trouble trophique, aucune ulcération. Le canal rachi-

dien est refermé presque complètement au niveau de la partie inférieure de la

brèche osseuse.

Nous reconnaissons les restes complètement grisâtres et atrophiés des

extrémités attenant à la moelle des racines seetionnées. Ils sont complète-

ment adhérents à la face profonde de la dure-mère, d'où on ne les détache

qu'avec une certaine difficulté. Ces extrémités médullaires sont enlevées et

fixées par le sublimé-osmique. L'extrémité attenant aux ganglions de ces

mêmes racines est également prélevée dans sa partie extradurale. Nous gar-

dons également comme comparaison les racines postérieures du côté droit. Les

racines antérieures sont vérifiées intactes.

Nous prélevons aussi le 5e ganglion lombaire et les trois premiers gan-

glions sacrés des deux côtés.

Enfin, sont disséqués un certain nombre de filets nerveux cutanés symétri-

ques, dans les régions de la queue, de la croupe et du périnée, de la face posté-

rieure de la jambe et de la plante de la patte.

Examens IrISTOLOGIQUES. Les ganglions spinaux des deux côtés, ont été

coupés dans le sens longitudinal, depuis la racine jusqu'au nerf émergent, la

racine antérieure restant accolée à leur face ventrale. Les éléments cellulaires,

leurs capsules, le tissu conjonctif, et l'enveloppe fibreuse apparaissent sur les

coupes en rose plus ou moins foncé ; les gaines de myéline tranchent sur ce

fond en noir intense.

La figure 1 de la planche XLVIII, montre une portion de la coupe longitudi-

nale du ler ganglion sacré gauche. On distingue à la droite de la figure, les fibres

noires, régulières et serrées de la racine antérieure normale. Les fibres à myéline

del'intérieur du ganglion sont en majorité saines, mais entremêlées de fibres

dégénérées que l'on distingue plus aisément sur la figure 3 de la même plan-

SECTION EXPÉRIMENTALE DES RACINES POSTÉRIEURES 329

che, exécutée à un plus fort grossissement. Ces gaines de myéline sont épais-

sies par place, amincies en d'autres, elles sont même en certains endroits com-

plètement fragmentées en une série de boules myéliniques noires. Il s'agit,

sans aucun doute, des fibres des racines postérieures, prolongements cen-

traux des cellules bipolaires du ganglion.

Ces altérations des fibres myélinisées n'ont été constatées que sur les coupes

des deux premiers ganglions sacrés du côté gauche.

Il a été impossible de trouver des figures de dégénérescence au niveau du pôle

périphérique du ganglion, où les fibres efférentes apparaissent comme tout à

fait normales avant de s'unir un peu plus loin à la racine antérieure.

Du côté droit, les gaînes de myéline sont tout à fait normales (fig. 2 et 4

de la planche XLVIII).

Les cellules ganglionnaires sont d'aspect normal, de la grandeur habituelle,

le noyau est central. Il n'existe aucune prolifération des petites cellules capsulai-

res. La forme du corps cellulaire est normale à l'exception de quelques rétrac-

tions évidemment d'origine artificielle. A plus forte raison n'existe-t-il aucune

espèce de raréfaction des cellules ganglionnaires, comme il est aisé de le cons-

tater en comparant la figure 1 avec la figure 2, laquelle représente une coupe

longitudinale du ganglion symétrique du côté droit, orientée de la même ma-

nière, et choisie comme celle du côté gauche, au niveau de la partie moyenne

du ganglion sectionné.

L'examen de chacune des 4 paires de ganglions ne montre aucune différence

du nombre ni de la structure des cellules ganglionnaires d'un côté à l'autre.

Nous devons constater seulement que sur quelques coupes du 2e ganglion sacré

gauche, nous avons pu relever en tout 2 ou 3 cellules hypercolorées et à corps

manifestement rétracté. En examinant avec soin les coupes du ganglion symé-

trique, nous avons dû constater, du côté droit, la présence de quelques cellules,

également très rares, et présentant des altérations tout à fait analogues quoi-

que peut-être un peu moins prononcées.

Les racines postérieures ont été examinées par dissociation. Le bout attenant

au ganglion (tig. 11 et 12 de la planche L), présentait beaucoup de fibres dégé-

nérées, presque toutes de grosses fibres, alors que les fibres fines se voyaient

au contraire intactes et nombreuses.

Les grosses fibres présentaient l'aspect frangé, rétréci et dilaté alternative-

ment, que nous leur avons vu dans l'intimité des coupes du ganglion. Elles

étaient aussi fragmentées par places. A côté de ces fibres dont la dégénérescence

ne faisait que débuter, selon toute vraisemblance, se voyaient d'autres fibres

dont la dégénérescence semblait au contraire plus avancée, et qui n'étaient plus

représentées que par quelques rares boules myéliniques, éparses de loin en

loin, et. reliées par des gaînes vides.

Le bout attenant à la moelle comprenait également quelques rares boules

noires ou brunes éparses, au milieu d'un nombre très considérable de fibres

extrêmement fines, colorées en brun par la myéline, libres légèrement ondulées,

serrées les unes contre les autres et qui avaient l'aspect de fibres régénérées

xix 22

330 nOUX ET llEITZ

(fig. 10, planche L). Ces libres étaient comparables aux fibres fines, indemnes en

apparence de toute dégénérescence, que nous venons de noter dans le bout

ganglionnaire de ces mêmes racines. Au milieu de ces fibres régénérées, on

distinguait un certain nombre de fibres légèrement plus grosses, qui pouvaient

être les fibres dont nous avions relevé les traces sous forme de gaînes vides

dans le bout ganglionnaire des mêmes racines.

Les racines du côté droit étaient normales.

Enfin les nerfs cutanés, examinés avec soin, n'ont présenté des figures de

dégénérescence ni du côté gauche ni du côté droit, en aucun des filets des dif-

férentes régions (plante, cuisse, périnée, queue). En une préparation sur six

de la région de la croupe, il a pu être déterminé cependant une seule fibre dégé-

nérée. Par contre ces différents nerfs présentaient du côté gauche de nombreu-

ses gaines vides, lesquelles n'apparaissaient pas sur les nerfs du côté opposé.

Observation V. - Chat adulte. -Section des 10e et 11* racines thoraciques pos-

térieures, du côté droit. - Survie 338 jours. Intégrité des cellules des

ganglions spinaux des deux côtés, avec dégénérescence rétrograde partielle

des fibres à myéline sur les coupes des ganglions droits ; intégrité des

splanchniques el des ganglions semi-lunaires, zone de raréfaction des fibres

fines dans la corde sympathique droite au-dessus des racines sectionnées.

Sur les dissociations des troncs nerveux et des filets cutanés, correspon-

dant aux racines sectionnées, absence de figures de dégénérescence, mais

nombreuses gaînes vides.

Chat adulte de 5 kilos, opéré le 12 avril 1904, chloralose-éther ; section à la

pince des lames des 10° et il,, vertèbres dorsales. Section des deux racines

postérieures du côté droit, à leur sortie de la dure-mère (racines 10° et lie tho-

raciques).

Réunion sans suppuration. Pas de troubles consécutifs de la marche.

L'animal reste en bonne santé jusqu'au 15 mars 1905, où il est sacrifié. Pas

d'ulcérations ni de troubles trophiques.

Autopsie. Le canal rachidien n'était qu'incomplètement refermé par des

bourgeons osseux insuffisants.

Nous vérifions que les 10" et 11° racines postérieures droites ont bien été

sectionnées, et que les racines antérieures sont normales.

Nous prélevons les ganglions thoraciques 10e et 41e des deux côtés, les nerfs

splanchniques droit et gauche, les rami-communicantes 10e et 11" des deux

côtés, les cordons sympathiques au-dessous de la section et au-dessus de

celle-ci des deux côtés, enfin les deux ganglions semilunaires.

Nous prélevons du côté droit, comme du côté gauche, des fragments des

troncs des nerfs intercostaux et des rameaux cutanés issus de ces nerfs.

Examens IIISTOLOGIQUES. Les ganglions spinaux ont été examinés sur

coupes transversales, sériées depuis le pôle central jusqu'au pôle périphérique.

L'examen comparatif des coupes du ganglion droit (côté des racines section-

nées), et du ganglion gauche (côté sain), n'a montré aucune différence nota-

ble entre les cellules ganglionnaires de l'un et de l'autre côté. Aucune diminu-

SECTION EXPÉRIMENTALE DES RACINES^ POSTÉRIEURES 331

tion du nombre des cellules, aucune trace de ratatinement ni d'atrophie. Sur

les coupes de la racine postérieure au voisinage du ganglion nous avons pu

vérifier que sur cet animal comme chez l'animal IV, il existait des altérations

' de dégénérescence rétrograde tout au moins d'un certain nombre de fibres. Les

gaînes de myéline étaient pâles, irrégulières, et en quelques endroits même

fragmentées. Simultanément, on pouvait noter une augmentation de la gaîne

protoplasmique. Nous avons pu suivre ces fibres malades sur les coupes du

ganglion droit, moins facilement que chez l'animal IV, vu l'orientation trans-

versale des coupes. Par contre les fibres efférentes du pôle'périphérique étaient

absolument normales et tout à fait comparables à celles du côté sain.

Du côté du système sympathique, les dissociations ont porté sur les deux nerfs

splanchniques droit et gauche, et sur les rami communicantes des deux côtés ;

aucune des préparations de ces différents filets n'a montré de fibres dégé-

nérées.

Après coloration en masse par le picro-carmin, des coupes ont été faites

des splanchniques et du cordon sympathique thoracique au-dessous et au-dessus

du niveau opéré. Malheureusement, le cordon sympathique gauche au-dessus

de ce niveau avait été rendu inutilisable par un accident de technique.

Le splanchnique droit (côté opéré), comprenait sur une coupe transversale

358 fibres de gros calibre et 3.161 plus fines à myéline.

Le splanchnique gauche, symétriquement, comprenait 441 grosses fibres et

3.302 fibres fines. Il n'existait sur les coupes de ces deux nerfs aucune zone

de sclérose ni de raréfaction des fibres. Le splanchnique droit pouvait donc

être considéré comme normal, ce qui s'explique facilement, le nerf splanchni-

que tirant son origine des 5e, 6", 7e, 8" et 9° racines thoraciques, lesquelles

n'avaient pas été touchées par l'acte opératoire.

Les cordons thoraciques, au-dessous du niveau opéré, ont été examinés par

le même procédé. Le cordon droit comprenait 337 fibres grosses et 4.155 fibres

fines. Les fibres fines étaient légèrement raréfiées dans une très petite zone, sur

environ 1/16 de la périphérie. Du côté gauche (côté sain), il n'existait pas d'ap-

parence semblable et cependant le nombre des fibres fines était légèrement

moindre (4.071, avec 441 grosses fibres), il est bon d'ajouter que le diamètre

total de ce cordon était sensiblement plus petit que du côté droit.

Au-dessus du niveau opéré, nous n'avons pu examiner que le cordon'du

côté droit, lequel présentait une zone en croissant, périphérique, presque tota-

lement privée de fibres à myéline. Sur des coupes plus élevées, cette zone pre-

nait une forme triangulaire. Nous n'avons pas fait de numération, manquant

de point symétrique pour comparaison.

Les nerfs périphériques ont été examinés par dissociation. Les prépara-

tions de troncs nerveux, ou de filets cutanés, du côté droit, ne nous ont mon-

tré aucune figure de dégénérescence. Par contre, ils renfermaient d'assez nom-

breuses gaînes vides qui ne se retrouvaient pas dans les nerfs du côté opposé.

332 . ROUX ET lOEITZ

Observation VI. Chat adulte. - Section des 10°, 1 la et zu racines

thoraciques postérieures. - Meurt le 10e jour.

Chat de 4 k. 500, opéré le 4 mai 1904, chloralose-éther. On fait sauter à la

pince les lames des 10e, 11e et 12e vertèbres thoraciques et on sectionne à la a

sortie de la dure-rnère, les racines postérieures portant les mêmes chiffres.

Réunion sans suppuration, mais un traumatisme involontaire de la moelle au-

dessous du niveau d'origine dès racines sectionnées, a provoqué chez l'animal

une paraplégie du train postérieur.

. Il ne mange pas et meurt le 14 mai, après une survie de 10 jours.

Observation VII. Chat adulte. Section des deux premières racines sa-

crées postérieures gauches. Survie 77 jours. Intégrité des cellules et

des fibres à myéline des ganglions correspondants ; dans les racines posté-

rieures sectionnées (bout ganglionnaire) la grande majorité des fibres sont

intactes, quelques-unes se présentent en état de dégénérescence wallérienne

avancée.

Chat de 4 kil. 800, opéré le 21 mai 1905, chloralose-éther. Incision lombo-

sacrée, section à la pince des lames vertébrales des 3 dernières lombaires et de

la lle sacrée. Incision de la dure-mère, et résection sur une longueur de 3 à

4 mm. de 4 à 5 filets radiculaires du côté gauche, correspondant aux ire et zu

racines sacrées. Réunion sans suppuration, pas de paralysie consécutive.

L'animal reste en bonne santé jusqu'au 6 août 1905, où il est sacrifié.

Autopsie. -Aucun trouble trophique. Nous prélevons facilement le bout

inférieur des racines sectionnées, aboutissant aux ganglions. L'extrémité mé-

dullaire de ces racines se voit à peine tant elle est atrophiée, les filets sont fixes

sur la face profonde de la dure-mère à laquelle ils sont adhérents. Racines an-

térieures anormales.

Nous prélevons aussi les racines symétriques du côté droit et les deux pre-

miers ganglions sacrés de chaque côté.

Enfin nous disséquons des deux côtés symétriquement les nerfs de la queue,

de la fesse, du périnée, de la face postérieure de la cuisse et de la jambe.

Examens HISTOLOGIQUES. Les ganglions spinaux des deux côtés ont été

fixés au sublimé osmique,colorés en masse par le picro-carmin,et coupés dans le

sens transversal. Sur les coupes, on ne distingue aucune sorte d'altération

cellulaire spéciale aux ganglions du côté gauche (côté opéré). On note sur

quelques coupes, d'un côté comme de l'autre, quelques rares cellules fortement

pigmentées, et ratatinées d'une manière manifeste. Il existe donc dans ces

ganglions quelques cellules en voie d'atrophie comme celles que nous avions

remarquées, très rares également, dans les ganglions du chat IV.

Nous n'avons rencontré, sur les coupes des ganglions du côté droit, non

plus que sur les coupes de la partie y attenante de la racine postérieure, au-

cune fibre à myéline altérée, comme nous avions pu en noter dans les gan-

glions et les racines postérieures des chats IV et V. Ici, les fibres à myéline

de la racine sont encore intactes, et ne présentent aucun signe de dégénères-

SECTION expérimentale DES racines postérieures 333

cence. Les fibres efférentes du pôle périphérique sont de même tout à fait

normales.

Les racines postérieures ont été examinées par dissociation. Celles du côté

droit sont tout à fait normales. Du côté gauche, nous avons cherché sans résul-

tat à dissocier le tissu conjonctif détaché de la dure-mère et qui nous semblait

devoir représenter l'extrémité médullaire des racines sectionnées. Nous n'avons

trouvé dans ce tissu conjonctif aucune trace des fibres nerveuses normales ni

altérées. Par contre, les dissociations du bout ganglionnaire de ces racines

ont montré au milieu d'une très grande majorité des fibres intactes, quelques

fibres beaucoup plus rares,fines en majorité, et en état de dégénérescence très

avancée.

Du côté des nerfs périphériques nous n'avons pu examiner que les nerfs

cutanés de la face postérieure de la cuisse et du genou. Nous n'avons trouvé

sur les dissociations qu'un très petit nombre de fibres dégénérées, l'imprégna-

tion des gaines par l'acide osmique étant très défectueuse, et nous ayant em-

pêché de multiplier les dissociations.

Observation VIII. Chien adulte. Section des 4 premières racines sacrées

postérieures gauches. SU1'vie 14 jours. Figures de dégénérescence

wallérienne avancée en nombre restreint, dans les rameaux cutanés du

territoire de la 1" racine sacrée.

Chien de 8 kilos, opéré le 13 décembre 1903, chloralose et chloroforme.

Section à la pince coupante des lames des 3 dernières vertèbres lombaires et

de la lre sacrée. Résection intra-duremérienne de 4 filets radiculaires, qui

correspondent aux 2 premières racines sacrées postérieures gauches.

L'animal meurt le 27 décembre de méningite suppurée, après une survie de

14 jours. A l'autopsie, nous constatons que les sutures cutanées ont cédé, et il

existait un vaste décollement avec du pus dans le canal rachidien. Nous pré-

levons simplement les nerfs de la patte du côté opéré. Une des préparations

sur 5, montre à la dissociation deux groupes de fibres en état de dégénéres-

cence wallérienne, l'une de 3 à 4 fibres, l'autre de 2 ou 3 (ces fibres se trou-

vant dans le territoire de la lre ou de la 2e racine postérieure sacrée).

Observation IX. Chat adulte. Section des 2 premières racines sacrées

postérieures gauches. - Survie 97 jours. - Intégrité des cellules et des

fibres des ganglions spinaux correspondants ; persistance de fibres à myé-

line intactes dans le bout médullaire des racines sectionnées, et présence

d'un nombre correspondant de fibres dégénérées au milieu des fibres saines,

dans le bout garzglionrzaire des mêmes racines. -- Quelques fibres dégé-

nérées dans les filets cutanés du territoire de la 2e sacrée.

Chat de 4 kil. 200, opéré le 24 mai 1905 (chloralose-éther). Incision lombo-

sacrée, section la pince des lames des 3 dernières vertèbres lombaires et de

la 1" sacrée. Résection de 2 à 3 filets radiculaires du côté gauche, dans leur

trajet intra-dure-mérien. Ces racines correspondaient, comme le montra l'au-

334 ROUX ET HEITZ

topsie, aux 2 premières racines sacrées. Réunion sans suppuration, parésie

des membres postérieurs très légère et transitoire. L'animal reste en bonne

santé jusqu'au 30 août, où il est sacrifié.

Autopsie. - Pas de troubles trophiques. Du côté droit, les racines posté-

rieures, non touchées par l'opération, peu adhérentes à la dure-mère, sont pré-

levées.

Du côté gauche, nous relevons avec la dure-mère à laquelle elles adhèrent

fortement, le bout médullaire des racines sectionnées, extrêmement atrophié

et grisâtre. Nous prélevons également le bout ganglionnaire de ces mêmes ra-

cines sectionnées. Les racines antérieures étaient intactes. Enfin, symétrique-

ment, nous relevons les nerfs cutanés des fesses, de la fosse ischio-rectale, de la

face postérieure de la cuisse et du genou, des deux côtés.

Examens histologiques. Les ganglions spinaux, traités par le sublimé-

osmique, puis par l'immersion dans le picro-carmin, ne présentent sur coupes

transversales aucun caractère pathologique, ni des cellules ni des fibres.

Les racines postérieures du côté droit sont normales sur dissociations.

Les racines du côté gauche ont été de même dissociées. Les figures 1 à 6 de

la planche L représentent un certain nombre de filets dissociés du bout médul-

laire. On voit que certains filets (fig. 1) sont complètement dégénérés, et qu'on

n 'ypeut'retrouver aucune fibre à myéline normale de quelque calibre que ce

soit. A peu près aussi nombreux, sont d'autres filets (fig. 2 à 6) où au milieu

de très nombreuses fibres complètement dégénérées, se voient un certain

nombre de fibres ayant persisté intactes, et qui viennent évidemment de la

moelle par voie centrifuge. Certains filets ne comprennent que deux ou trois

fibres à myéline fines, au milieu des gaines vides. D'autres peuvent en conte-

nir jusqu'à 4 ou même 5, parmi lesquelles, comme dans la figure 2, on peut

même voir exceptionnellement des fibres de gros calibre. Il est assez difficile

de se rendre compte de la proportion exacte de ces fibres centrifuges par rap-

port aux fibres centripètes, celles-ci complètement détruites, s'étant tassées

les unes contre les autres. On en jugera plus facilement en examinant les dis-

sociations du bout ganglionnaire de ces mêmes racines où les fibres centrifuges

apparaissent en dégénérescence au milieu des fibres saines beaucoup plus

nombreuses. Ces dissociations sont figurées planche L, figures 7, 8 et 9. A ce

point de vue, elles sont tout à fait analogues à celles du même bout ganglion-

naire chez le chat VII. Le nombre de fibres dégénérées dans le bout ganglion-

naire semble sensiblement équivalent à celui des fibres restées intactes dans le

bout médullaire des mêmes racines.

Nous avons dissocié enfin les nerfs cutanés des deux côtés, et avons trouvé

dans les rameaux cutanés de la face postérieure du genou un certain nombre

de fibres en état de dégénérescence wallérienne, territoire de la 2° racine

sacrée.

Les nerfs de la plante n'ont malheureusement pu être examinés. Dans les

filets de la peau de la fesse et de la cuisse gauche, nons n'avons pas noté de

dégénérescences.

SECTION EXPÉRIMENTALE DES RACINES POSTÉRIEURES 335

Observation X . - Chien adulte. Section des 3°, 4° et 51 racines postérieu-

res sacrées du côté droit dans leur trajet intradural. Survie de 16 jours.

- Présence, dans bout médullaire des racines sectionnées, d'un certain

nombre de fibres restées saines ; présence dans le bout ganglionnaire de

ces racines d'un nombre correspondant de fibres dégénérées, lesquelles se

retrouvent dans nerf efférent du ganglion, avant sa réunion avec la

racine antérieure. Quelques fibres dégénérées dans les nerfs cutanés cor-

respondants.

Chien de 10 kilos, opéré le 8 mai 1906, endormi par une injection intra-vei-

neuse de chloral-morphine ; section à la pince des lames des deux dernières ver-

tèbres lombaires des deux premières sacrées. Résection sur une longueur de

3 à 4 millimètres, de 3 à 4 filets radiculaires postérieurs du côté droit dans

leur trajet intra-dure-mérien. Réunion par première intention. Pas de paralysie

consécutive.

L'animal est sacrifié le 24 mai. Pas de troubles trophiques cutanés.

Autopsie. Nous recherchons, à travers les plans fibreux en formation,

les restants des racines postérieures droites sectionnées, prélevons les filets

attenant à la moelle encore assez aisément visibles, adhérant à leur autre

extrémité sur la dure-mère. Nous prélevons également le bout ganglionnaire

de ces racines dans leur trajet intradural.

. D'autre part, nous suivons ces racines jusqu'aux ganglions correspondants,

et nous prenons séparément la portion extradurale de la racine postérieure, le

ganglion, et le nerf efférent de ce ganglion avant sa réunion à la racine anté-

rieure, pour chacune des racines sectionnées lesquelles paraissent aboutir aux

3e, 4e et peut-être aussi aux 2° et 5e nerfs sacrés. Nous disséquons enfin un

certain nombre de filets nerveux cutanés de la croupe et de la queue de

l'animal.

Examens HISTOLOGIQUES. - L' extrémité médullaire des racines sectionnées

renferme au milieu de nombreux débris de fibres en dégénérescence un cer-

tain nombre de fibres saines et normales (fig. 6 et 7, planche XLIX). Ces fibres

sont assez difficiles à apercevoir, étant donné qu'elles sont en partie masquées

par des débris de myéline non encore résorbés. Elles semblent moins nom-

breuses que sur les dissociations des mêmes racines du chat IX, et le sont

peut-être en réalité, la section ayant porté sur des racines plus basses. Mais il

faut tenir compte aussi de ce fait que les gaînes remplies de débris myéli-

niques, n'ont pas eu encore le loisir de se tasser, ce qui fait paraître les fais-

ceaux plus volumineux, et par suite les fibres persistantes, relativement moins

nombreuses.

Dans le bout ganglionnaire de ces filets, au milieu de nombreuses fibres

saines, on distingue un nombre appréciable de fibres en voie de dégénéres-

cence. Ces fibres dégénérées se retrouvent enfin, aussi nombreuses, dans les

nerfs efférents des ganglions 3e, 4° et 5e sacrés, avant leur réunion aux racines

antérieures (fig. 8 et 9, planche XLIX).

Les nerfs cutanés ont été examinés seulement dans la région de la queue.

336 ROUX ET HEITZ

L'un des filets présentait un groupe de fibres de petit calibre en voie de dégé-

nérescence avancée.

Observation XI. Chien adulte. Section des 3e et 4' racines sacrées posté-

rieures du côté gauche dans leur trajet intradural. - Survie de 14 jours.

Présence de fibres fines intactes dans le bout médullaire des racines sec-

tionnées ; présence des fibres fines dégénérées dans le nerf efférent du

ganglion. -

Chien de 11 kilos, opéré le 10 mai 1906 (chloral-morphine). Même opéra-

tion que chez le chien de l'observation X. Le chien maigrit, ne mange pas.

Sacrifié le 24 mai, on remarque chez lui une petite fistule purulente aboutis-

sant à un assez vaste décollement approchant des méninges, lesquelles sont

restées protégées par une couche de bourgeons charnus. Pas de troubles tro-

phiques.

Autopsie. On prélève, comme chez le chien précédent, les extrémités

médullaires et ganglionnaires (intra-durales) des racines sectionnées (côté

gauche). On prélève également les racines postérieures, les ganglions et le

nerf efférent du pôle périphérique de ces ganglions. Les racines sectionnées

paraissent avoir été celles des 2eue et peut-être 2e et 5e sacrées. Nous dissé-

quons enfin quelques filets nerveux cutanés de la croupe et de la queue.

Examens rrISTOLOGIQUES. - Le bout médullaire des racines postérieures

présente un certain nombre de fibres intactes, comparables à celles de l'obser-

vation précédente. Il existe dans le nerf efférent du pôle périphérique du gan-

glion spinal, un certain nombre de fibres fines en dégénérescence.

Un filet des racines antérieures a dû être sectionné par erreur, car on trouve

de très nombreuses dégénérescences dans la portion extradurale des filets ra-

diculaires au niveau où sont accolés dans une gaîne commune les filets anté-

rieurs et postérieurs.

Observation XII. - Chat adulte. Section des 3e, 4° et 5e racines thoraci-

ques postérieures gauches. -Survie 18 jours. - Nombreuses fibres fines

dégénérées dans le sympathique thoracique gauche; fibres dégénérées moins

nombreuses dans les troncs intercostaux, quelques-unes grosses, la plupart

de petit calibre. '

Chat adulte, opéré sous éther le 21 juillet 1899 ; section des 3°, 4e et 5e raci-

nes dorsales postérieures gauches, entre la moelle et le ganglion. L'animal se

rétablit sans paralysie.

Autopsie le 8 août après survie de 18 jours. On vérifie l'intégrité des raci-

nes antérieures.

Examens histologiques . - Le sympathique thoracique gauche, sur toute

son étendue au-dessous de la 4e côte, présente des fibres dégénérées très nom-

breuses (voir planche XLIX, fig. 1 et 2). Le sympathique droit est intact. Les

3a, 4* et 5' nerfs intercostaux du côté gauche dissociés complètement et exa-

minés minutieusement, renferment un certain nombre de fibres fines et aussi

quelques grosses fibres dégénérées.

HOSPICE DE BICÊTRE.

LABORATOIRE DE M. PIERRE MARIE

SCLÉROSE EN PLAQUES ET SYPHILIS

PAR

GIUNIO CATOLA

Assistant à la Clinique psychiatrique de Florence.

L'opinion prédominante au sujet de l'étiologie de la sclérose en plaques

est celle qui reconnaît à la maladie une origine infectieuse (P. Marie).

Les infections le plus souvent incriminées sont la fièvre typhoïde et la

variole; mais on a aussi observé la sclérose en plaques à la suite de la

rougeole et de la scarlatine et, plus rarement, comme conséquence de

la diphtérie (Henschen), de la fièvre puerpérale (Oppenheim), de l'éry-

sipèle, de la dysenterie, du choléra (Joffroy, P. Marie, Catola), du rhu-

matisme cérébral (Charcot), de la pneumonie et des fièvres paludéennes.

En outre, dans ces derniers temps, Nolda, Massalongo et Silvestri,Rendu,

Maixner l'ont décrite à la suite de la grippe ; Lannois et Paviot en ont

relaté un cas lié à la tuberculose.

Si on a reconnu ainsi que la plupart des infections penvent jouer

un rôle étiologique dans le développement de la sclérose en plaques, on a,

au contraire, contesté ce même rôle à l'infection syphilitique. Oppen-

heim, dans son Traité sur les maladies du système nerveux, dit que la

sclérose en plaques n'a rien à voir avec la syphilis ; il reconnaît cependant

l'existence d'une forme de syphilis cérébro-spinale à foyers disséminés.

P. Marie dans l'article consacré à la sclérose, en plaques dans le Traité de

médecine de Charcot et Bouchard, s'exprime à ce même propos de la façon

suivante : « Je ne crois pas, pour ma part, que cette infection (la syphi-

lis) prenne une part notable dans la production de la sclérose en plaques,

du moins telle qu'elle est comprise dans le présent article». Mais ce

même auteur pose la question un peu différemment dans son Traité sur

les maladies de la moelle épinière lorsqu'il écrit : « Je ne saurais admet-

tre, comme le font la plupart des auteurs, que tous les cas dans lesquels

on a constaté des foyers de sclérose médullaire plus ou moins nombreux,

plus ou moins disséminés, soient par cela même compris sous la déno-

mination de sclérose en plaques. Il y a lieu, à mon avis, d'établir ici des

338 GIUNIO CATOLA

différences tranchées. Dans quelques autopsies on trouve en effet des

plaques peu nombreuses, souvent limitées à la moelle, à contours très

irréguliers et pleins d'anfractuosités. Le microscope montre que ces

plaques présentent assez souvent une destruction plus ou moins pronon-

cée non seulement des gaines de myéline mais encore des cylindraxes

(c'est dans ces cas surtout qu'on observe des dégénérescences secondaires);

enfin leurs limites à la périphérie n'ont pas la netteté, l'aspect en em-

porte-pièce que nous avons décrit plus haut dans la sclérose en plaques ;

elles se continuent ou du moins se prolongent dans le tissu ambiant et

méritent, jusqu'à un certain point, le nom de sclérose diffuse.

« Au point de vue clinique, cette forme morbide se distingue également

par quelques caractères ; elle survient en général à un âge plus avancé

(surtout à partir de 40 ans) ; elle se présente ordinairement par les symp-

tômes classiques de la sclérose en plaques, notamment le tremblement,

les troubles de la parole, les troubles oculaires, etc. ; elle s'accompagne

plutôt de paralysie ; enfin sa marche n'est pas la même que celle de la

sclérose en plaques, elle se montre souvent beaucoup plus rapide et se

complique d'accidents nerveux graves qui peuvent en quelques mois en-

traîner la mort. Quant à son étiologie je pourrais vous donner des rensei-

gnements bien précis ; mais tout en pensant que pour elle comme pour la

sclérose en plaques proprement dite, les maladies infectieuses jouent un

rôle important, je suis cependant convaincu que ces deux espèces de sclé-

rose en plaques naissent dans des conditions différentes : c'est ainsi par

exemple que la syphilis, qui ne produit guère la sclérose en plaques pro-

prement dite, pourrait être dans certains cas considérée comme la cause

de cette seconde variété. Il m'a semblé que ces différences étaient à la fois

assez nombreuses et assez importantes pour justifier la disjonction de ces

deux espèces morbides, et bien qu'en réalité toutes deux soient dans la

commune acception du mot des scléroses en plaques, je vous proposerais

de réserver ce nom à la variété classique et de désigner la seconde sous

un autre nom, par exemple celui de sclérose multiloculaire diffuse. Cette.

dernière forme, en conclusion, pourrait être mise sur le compte étiologiqùe

de la syphilis. »

Nonne dans sa monographie sur la Syphilis du système nerveux dit que

quoiqu'on puisse avoir des foyers multiples d'origine spécifique dans le

tissu nerveux, néanmoins le tableau symptomatique n'est pas le même que

celui de la sclérose en plaques ordinaire. Si dans l'anamnèse du malade

on rencontre la syphilis,cela n'en constitue pas nécessairement une preuve ;

au contraire on peut considérer comme certain que la syphilis n'a aucune

valeur étiologique dans le développement de la sclérose en plaques.

Suivant l'avis de Müller, l'existence d'une sclérose multiple syphili-

SCLÉROSE EN PLAQUES ET SYPHILIS 339

*

tique est uniquement admissible dans le sens qu'il s'agit' d'une sclérose

multiple secondaire à une artérite syphilitique. Cela serait surtout dé-

montré par les cas de Bechterew, Michailow, Woioshaikin, Fournier,

Scheikiewitsch et Pini. Cela confirme l'existence possible de foyers d'ori-

gine spécifique disséminés dans le tissu nerveux, foyers qui d'ailleurs

ont été déjà démontrés par Charcot, Gombault, Bechterew, etc..

Gowers aussi décrit dans la syphilis du système nerveux des formations

sclérotico-inflammatoires semblables à celles qu'on retrouve dans la sclérose

en plaques vraie ; il fait remarquer que les deux processus ont la même

évolution, et que leur distribution est aussi à peu près la même, mais qu'il

est douteux que leur nature histologique justifie une assimilation entre les

deux formes. D'après lui, la différence essentielle est constituée par la

présence de nodules caséeux caractéristiques de la syphilis.

L'existence d'une syphilis à foyers disséminés étant admise, on a objecté

que ces foyers n'ont pas les mêmes caractères histologiques que les foyers

de la sclérose en plaques vraie. Dans les zones scléreuses de la myélite

syphilitique en plaques, les cylindraxes et les cellules nerveuses ne se-

raient pas conservés au milieu du tissu gliomateux ; au-dessus et au-

dessous des foyers on aurait toujours des dégénérescences secondaires

ascendantes et descendantes, les vaisseaux présenteraient des lésions plus

ou moins considérables ; somme toute on y retrouverait surtout les carac-

tères d'une inflammation chronique d'origine vasculaire. Or tout cela

n'appartiendrait pas à la structure des foyers de la sclérose en plaques

pure. Ici on aurait, au contraire : intégrité plus ou moins complète des

éléments cellulaires et des cylindraxes des libres nerveuses, lésions vas-

culaires légères ou absentes, absence de dégénérescences secondaires.

En conclusion, tandis que dans la myélite disséminée syphilitique la

prolifération de la névroglie représente surtout un processus de réparation,

dans la sclérose en plaques la gliose ne serait pas en rapport avec la dis-

parition des éléments nerveux ; elle semblerait plutôt constituer. un pro-

cessus primitif. Cette thèse a été soutenue par plusieurs auteurs, parmi

lesquels je citerai Charcot, Leo, Liouville, Joffroy, Hirsch, Schüle, Leube,

Zenker, Ebstein, Kelp, Otto, Buchwald, Berlin, Jolly, Engesser, Putzar,

Werding, Uthoff, Schuster, Bielschowsky, Probst, Thomas.

Il ne faut pas oublier cependant que d'aulres théories ont été émises.

Ziegler, Jutzler, Strümpell, Rossolimo, IVIüllerpensent que la prolifération

est causée par des agents propres à l'individu et que la cause extérieure,

la cause appareille, constitue seulement le moment qui provoque la mani-

festation de cette propriété latente.

Adamkiewicz, Unger, Rheinhold, Hiiber, Redlich, Sander, Schlagen-

haufer, Herz, Kopfer, Fürstner, Erhen affirment que le processus anato-

340 GIUNIO CATOLA

mique dans la sclérose en plaques commence dans le tissu nerveux. Ils

arrivent à cette conclusion surtout parce qu'ils n'ont pas trouvé dans

leur cas d'altérations évidentes des vaisseaux. Ces lésions au contraire ont

été rencontrées dans certains cas et considérées comme primitives par

beaucoup d'autres auteurs, parmi lesquels il me suffit de citer Dejerine,

Marie, Weigert, Popoff, Williamson, Goldscheider, Borst, Finkelnburg,

Flatau et Koelichen, Bielschowsky.

Dejerine décrit un cas à forme de sclérose latérale amyotrophique, et

ayant trouvé des lésions assez prononcées des vaisseaux il leur attribue

le rôle principal dans le processus histopathologique. Il dit que dans ce

cas l'origine vasculaire des plaques rend compte et de leur configuration

et de leur dissémination. La même année, P. Marie écrivait dans le Progrès

médical : « La sclérose en plaques n'est que la localisation médullo-encé-

phalique de la détermination vasculaire des maladies qui semblent être

constamment de nature infectieuse. »

Rossolimo lui aussi dans le Traité d'anatomie pathologique du système

nerveux publié par Jacobson, Minor et Flatau, au chapitre de la sclérose

en plaques, a fait remarquer que assez souvent on voit les plaques de

sclérose suivre le trajet des vaisseaux. Il reconnaît en même temps qu'on

peut trouver des altérations dans la plupart des vaisseaux et qu'il n'est pas

rare de voir de petits îlots scléreux contenant en leur centre une artère

ou une veine altérée ou thrombosée. '

Pour les auteurs qui considèrent la sclérose en plaques comme une

gliose disséminée primitive d'origine congénitale, on comprend aisément

qu'ils excluent la syphilis des causes de la maladie, et même qu'ils en

excluent les autres maladies infectieuses. La question a été encore derniè-

rement discutée par Edouard Muller. Dans son livre il distingue une sclé-

rose en plaques d'origine endogène (sclérose en plaques vraie) et une sclé-

rose en plaques d'origine exogène.

La première, qu'on devrait appeler plutôt gliose multiple, devrait être

rapportée à une anomalie congénitale de développement La seconde, au

contraire, serait à considérer comme une forme acquise ; elle aurait pour

origine des infections, des intoxications, l'artériosclérose. La syphilis, pou-

vant déterminer des lésions vasculaires spécifiques, entrerait ainsi en

ligne de compte dans l'étiologie delà maladie au même titre que toute au-

tre infection.

Cela donné, il ne s'agirait pas, dans ces cas, d'une sclérose en plaques

vraie, mais d'une sclérose disséminée secondaire nettement distincte de la

première. Entre les deux processus existeraient les différences histologi-

ques que nous avons déjà ci-dessus énumérées.

Les auteurs qui soutiennent l'origine infectieuse de la sclérose en pla-

SCLÉROSE EN PLAQUES ET SYPHILIS 341 i

ques tout en acceptant une forme de myélite syphilitique disséminée, éta-

blissent entre cette forme et la sclérose en plaques légitime (qu'ils attribuent

à l'action d'une infection antécédente), les mêmes caractères histologiques

que fait Müller en séparant celle qu'il considère comme liée à une anomalie

congénitale de développement de la sclérose en plaques de n'importe

quelle origine infectieuse.

Cependant tous les auteurs n'excluentpasd'une façon décisive l'infection

syphilitique de l'étiologie de la sclérose en plaques. Déjerine et Thomas

dans le Traité des maladies de la moelle épinière au chapitre du traitement t

de cette maladie, conseillent de mettre à l'essai l'iodurede potassium et le

mercure, car, disent-ils, il n'est pas démontré que la sclérose en plaques

ne puisse reconnaître la syphilis comme cause. Cela d'autant plus que

dans la bibliographie on rencontre des observations qui viennent à l'appui

d'une telle hypothèse. En effet dans certains cas elle est la seule maladie

qui semble avoir joué un rôle dans l'apparition de la sclérose (Babinski,

Greiff, Orlowsky, Thomas et Long).

Dans le cas d'Orlowsky il s'agissait d'une sclérose en plaques associée à

une myélite syphilitique. Dans les foyers scléreux les cylindraxes étaient

conservés ; les dégénérescences secondaires faisaient défaut.

Greiff mentionne la combinaison de la sclérose diffuse du cerveau et de

la moelle avec la sclérose en plaques.

Long rapporte une observation fort intéressante :

La malade, âgée de 34 ans, était syphilitique. Quatre ans après le début

de la syphilis elle présenta des troubles visuels, une paralysie progressive

de la jambe droite, des troubles de la sensibilité et du sens musculaire,

une certaine faiblesse des sphincters. Dans les quatre années qui suivirent

on eut d'abord un peu d'amélioration, mais ensuite la parésie et l'incon-

tinence s'accentuèrent de nouveau. Quelque temps après on remarqua

encore des paresthésies, des douleurs, de la parésie du bras droit et dimi-

nution de la sensibilité de la main droite et de la jambe gauche. Enfin ap-

parurent une contracture dans la jambe droite, le clonus du pied et l'exa-

gération des réflexes tendineux des deux côtés.

Le réflexe plantaire était aboli à gauche, très vif à droite. Rien de par-

ticulier aux yeux. La malade succomba à la suite d'une pleurésie.

A l'examen anatomo-pa,tliologique on trouva : moelle petite au niveau

de la partie supérieure et moyenne, épaississement des méninges, deux

plaques de sclérose multiple vraie au niveau de la moelle cervicale et

une myélite syphilitique dans la moitié droite de la moelle (du 2e au 6e

segment). De ce dernier foyer partaient des dégénérescences secondaires

ascendantes et descendantes. Au point de vue histologique il différait

de la structure des deux premiers par l'épaississement des méninges et des

342 GIUNIO CATOLA

septums, par l'augmentation des vaisseaux et l'épaississement de leurs pa-

rois, par le grand nombre des corps amylacés, par le petit nombre des

cellules de névroglie, par la destruction des cylindraxes et des cellules

nerveuses. L'auteur conclut en admettant la coexistence de la sclérose

multiple avec la syphilis spinale.

Il ne considère pas cette association comme rigoureusement certaine ;

mais il fait remarquer que-la syphilis ne peut pas être mise hors decause

d'une façon absolue. Cette observation avec ses conclusions a été critiquée

par Ladame. « La complication d'une syphilis spinale par une sclérose

en plaques de nature différente, dit-il, est certainement une chose possible,

probable même, si l'on veut, mais l'observation qui a fait le sujet de la

thèse de M. Long ne nous paraît pas suffisamment concluante pour en dé-

montrer la réalité clinique. » Dans sa critique Ladame considère ce cas

comme un cas d'affection syphilitique rare. Il pense qu'on peut avoir des

plaques scléreuses tout à fait semblables à celles de la sclérose en plaques

vraie sans être en même temps une vraie sclérose en plaques. Cela d'au-

tant plus, suivant son avis, que la syphilis cérébro-spinale présente sou-

vent des lésions multiples, disséminées, sur la nature desquelles les anato-

mopathologistes n'ont pas dit leur dernier mot.

Wernicke dans son Traité sur les maladies du cerveau admet qu'une

petite partie des cas de sclérose en plaques repose sur l'infection syphi-

litique.

Moncorvo a maintes fois insisté sur le rôle que la syphilis héréditaire

peut jouer dans ['étiologie de la sclérose en plaques. Il croit que la sy-

philis héréditaire ne doit pas être oubliée parmi les maladies générales

de nature infectieuse auxquelles il y a lieu de rattacher les lésions vas-

culaires comme le point de départ du processus hyperplasique de la

sclérose multiple de l'enfance.

Une sclérose disséminée dans la syphilis héréditaire a été décrite aussi

par Jacobsohn chez un enfant avec kératite interstitielle, hépatite et péri-

hépatite, hyperplasie de la rate, périsplénite, néphrite interstitielle. Dans

ce cas les plaques de sclérose n'avaient pas tous les caractères histologi-

ques des plaques de la sclérose multiple vraie.

Cardarelli en 1897 a relaté un cas de combinaison du tabes avec la

sclérose en plaques qu'il juge avoir une origine certainement syphilitique.

Il s'agissait d'un individu de 43 ans, syphilitique depuis l'âge de 19 ans.

La maladie débuta avec de la faiblesse aux membres inférieurs et de l'im-

puissance génitale ; ensuite se manifestèrent des troubles visuels et des

altérations de la parole à type bradylalique et dysarthrique.

Lorsque l'auteur examina le malade, celui-ci présentait : ataxie, phé-

nomène de Romberg, tremblement intentionnel, contractions fibrillaires

SCLÉROSE EN PLAQUES ET SYPHILIS 343

dans la langue et les masséters, parole scandée, exagération du réflexe

rotulien, diminution de l'acuité visuelle, nystagmus, myosis et rigidité

pupillaire, atrophie grise des papilles.

Cette étude bibliographique démontre que la question est encore bien

loin de sa solution. La difficulté de la résoudre est d'autant plus grande

qu'à côté des foyers de sclérose en plaques avec tous les caractères histo-

logiques classiques décrits depuis Charcot, il y a des foyers avec une

destruction plus ou moins complète des cylindraxes (forme destructive

de [Babinski). Les difficultés deviennent encore plus grandes si à cela on

ajoute le fait qu'il n'est pas rare de rencontrer au niveau de ces foyers

des lésions vasculaires plus ou moins accentuées. En effet, les lésions vas-

culaires sont dans la sclérose en plaques plus fréquentes qu'on ne l'a-

vait pensé autrefois. En dehors des cas aigus ou subaigus où l'on a trouvé

l'augmentation du nombre des vaisseaux(Schuster etBielschowsky),l'épais-

sissement de la paroi, la prolifération des noyaux de l'intima, l'infiltration

de la paroi et l'espace péri-vasculaire plus ou moins dilaté, des lésions

vasculaires, on a trouvé les mêmes lésions dans les cas chroniques

rose en plaques. On y a décrit de l'épaississement de la paroi (Rindfleisch,

Schüle, Bourneville et Guérard, Hess, Popoff, Redlich, Buchwald, Lou-

ville, Kôppen, Balint, Uhthoff), le rétrécissement de la lumière parti-

culièrement dans les foyers très anciens (Charcot, Dejerine, Hess, Balint),

la dilatation de la lumière et l'infiltration de la paroi par des cellules

rondes ou granuleuses (Otto, Probst, Rossolimo), de l'infiltration péri-

vasculaire par des petites cellules (Huber, Probst, Thomas). Schüle,

Goldscheider et Balint y ont décrit des métamorphoses régressives. Dans

les espaces périvasculaires des vaisseaux de ces mêmes plaques scléreuses

on a encore rencontré des leucocytes, des cellules granuleuses, des gra-

nules graisseux ou pigmentés, des corps amylacés (Hess, Buchwald, Put-

zar, Ebstein, Berlin, Kôppen, Buss, Probst, Leyden).

Borst a vu des dilatations non seulement autour des vaisseaux sanguins,

mais aussi autour des cellules nerveuses de la substance grise.

Cramer, Greiff et quelques autres ont trouvé des vaisseaux à paroi très

épaissie ou oblitérée dans la partie centrale de presque toutes les plaques.

Enfin Rossolimo et Williamson ont vu la sclérose localisée dans tout le

territoire d'irrigation d'une artère, et l'occupant tout entier.

Cela dit au sujet des altérations vasculaires il nous reste encore à enre-

gistrer un autre fait non moins important : à savoir que persistance des

cylindraxes plus ou moins déformés ne présente pas un caractère histolo-

gique exclusif aux foyers de la sclérose en plaques vraie ; on l'a maintes

fois décrite aussi dans les foyers scléreux d'une autre origine, les foyers

d'origine syphilitique y compris.

344 GIUNIO CATOLA '

En somme nous pouvons conclure :

1° Dans la sclérose en plaques on a le plus souvent la conservation plus

ou moins complète des cylindraxes ; mais dans certains cas ils peuvent

disparaître plus ou moins complètement et donner -lieu à des dégénéres-

cences secondaires. Les auteurs qui ont constaté la destruction complète

des cylindraxes sont assez nombreux; il me suffira de citer Valentiner,

Leube,Berlin, Putzar, Jolly, Russ, Siemerling, Lapinsky, Redlich, Ba-

binski, Popoff, Oppenheim, Werding. La dégénérescence secondaire a été

observée par Jolly, Babinski, Werding, Buss, Reinhold, Schuster et

Bielschowsky, Lapinsky, Redlich, Siemerling, Probst.

2° Dans les zones de sclérose n'appartenant pas à la sclérose en plaques

vraie, y compris celles d'origine syphilitique, on a fréquemment la des-

truction de la fibre nerveuse entière ; mais parfois cependant les cylin-

draxes peuvent être conservés et les dégénérescences secondaires faire plus

ou moins complètement défaut.

Si à ces conclusions on ajoute que dans la sclérose en plaques vraie on

rencontre souvent des lésions vasculaires plus ou moins accentuées ainsi

nous venons de le dire et quela théorie vasculaire de cette maladie est la

plus vraisemblable, on conçoit aisément que dans certains cas il serait t

absolument impossible de faire un diagnostic différentiel entre une forme

consécutive par exemple à une fièvre typhoïde et une forme de myélite

disséminée syphilitique à foyers un peu particuliers. En effet si dans le

premier cas on a des lésions vasculaires plus ou moins accentuées et dans

le second une certaine intégrité des cylindraxes, cela peut suffire à ren-

dre le diagnostic histologique extrêmement délicat. L'état des méninges ne

représente pas non plus un argument, différentiel péremptoire car elles

aussi ont été maintes fois trouvées altérées dans la sclérose en plaques

classique (Borst et d'autres).

Cela considéré, il ne nous semble pas entièrement justifié d'éliminer

dans tous les cas la syphilis des facteurs étiologiques de la sclérose en pla-

ques. A ce propos je ferai aussi remarquer que rien ne me semble plus

spécieux que la critique de Ladame au travail de Long. En effet si la lésion

que Long a décrite présente réellement les caractères histologiques des

foyers de la sclérose en plaques vraie et si elle est réellement due à l'in-

fection syphilitique, ainsi que Ladame semble le reconnaître, on ne conçoit t

pas pourquoi on la doit considérer comme une forme rare de syphilis ner-

veuse. Car si la syphilis est capable de donner naissance à des plaques de

sclérose tout à fait comparables à celles de la sclérose multiple, cela cons-

titue bien une forme spéciale de syphilis nerveuse, mais il n'y a pas de

raisons pour refuser à cette forme l'étiquette de sclérose en plaques uni-

quement parce que dans son étiologie figure la syphilis.

SCLÉROSE EN PLAQUES ET SYPI11LIS 345

Après avoir passé ainsi en revue les opinions qui ont été émises à pro-

pos du rôle étiologique de l'infection syphilitique dans le développement

de la sclérose en plaques, je vais rapporter deux observations personnelles

que j'estime assez intéressantes pour le problème qui nous occupe. Je dois

les matériaux utilisés à l'amabilité inépuisable du mon cher maître, M. P.

Marie et je suis heureux de trouver ici l'occasion de lui adresser mes plus

vifs remerciements et de lui témoigner les sentiments de la plus sincère

reconnaissance.

Observation I (Planches LI, LU, LUI).

Wag..., âgé de 31 ans, aide-pharmacien, entré à Bicêtre le 28 juin 1901.

Antécédents. Père mort à 71 ans des suites d'un accident ; mère morte à

54 ans de tuberculose pulmonaire. Il a un frère de 16 ans et trois soeurs qui

ont toujours eu une très bonne santé : un autre frère est mort en Afrique à

la suite des fièvres malariennes.

Il a eu à 9 ans la rougeole dont il guérit sans avoir présenté de compli-

cations. Dès lors aucune maladie éruptive ou infectieuse n'est venue troubler

son état de santé. Cependant à 14 ans il a présenté des adénites cervicales qui

ont suppuré, et vers l'âge de 15 ans des suppurations au niveau de la jambe

droite. A 16 ans il a été sujet à des douleurs rhumatismales siégeant aux deux

membres supérieurs, douleurs qui depuis ont reparu de temps à autre.

L'histoire de sa maladie actuelle paraît remonter à 1891. A cette époque

il éprouva de fortes douleurs dans toute la région du dos. Ces douleurs sur-

venaient surtout la nuit.La première fois qu'elles survinrent il futincapablepen-

dant trois jours de se tenir couché sur le dos. Depuis lors il s'aperçut que sa

marche devenait pénible et qu'il traînait la jambe droite tandis que la gauche

fonctionnait encore assez bien. Il fut examiné à cette époque et l'on constata

de l'exagération des réflexes patellaires et du clonus du pied. Il continua à

exercer sa profession jusqu'en 1897, date à laquelle des phénomènes nou-

veaux survinrent l'empêchant de continuer son travail. Dans le membre

inférieur droit il commença à éprouver des douleurs fulgurantes et des sen-

sations de constriction. Cette même sensation il l'avait aussi fréquemment

au niveau de la base du thorax. En même temps se manifesta un tremble-

ment qui était assez marqué sous l'influence des émotions, mais qui se tra-

hissait surtout dans l'écriture ; l'écriture était tremblée. Il fut admis alors

dans un hôpital de New-York où il habitait et soumis à un traitement d'é-

preuve iodo-mercurique étant syphilitique. Ce traitement n'eut pas une in-

fluence notable sur les symptômes de la maladie.

Il resta à l'hôpital 16 mois ; puis il rentra en Europe et vint s'installer à

Paris. Mais comme l'état de sa santé s'aggravait toujours il entra d'abord à

l'hôpital Tenon (14 mai 1901) et puis à Bicêtre (30 octobre 1901).

Etat actuel. - A l'inspection,le malade se présente les cuisses en forte ad-

duction et les genoux fléchis : Il rappelle un peu l'attitude des coxalgiques. Les

XIX 23

346 GIUNIO CATOLA

cuisses sont de même un peu fléchies sur le bassin. Les pieds sont en exten-

sion sur la jambe. Les divers segments des membres inférieurs sont fixés dans

'l'attitude décrite ; on arrive avec peine à écarter un peu les deux cuisses ser-

rées l'une contre l'autre. Les membres inférieurs peuvent être étendus pas-

sivement, presque complètement. Cette attitude date d'il y a un an et l'empê-

che de se tenir debout et de marcher. Ses membres supérieurs ne présentent

pas de raideur. La flexion, l'extension,la rotation de la tête sont bonnes. Quoi-

que^ les membres supérieurs n'aient pas de raideur évidente, les mouvements

délicats sont difficiles, et parésiés. L'examen dynamométrique donne 15 à

droite et 18 à gauche.

L'écriture n'est plus possible depuis un an. '

La sensibilité tactile est conservée au niveau de la face, des membres supé-

rieurs et du tronc ; elle est très émoussée au niveau des cuisses et disparaît

totalement au niveau des genoux. Même constatation pour la sensibilité à la

douleur et la sensibilité thermique. Le sens stéréognostique semble aboli tan-

dis que le sens des attitudes segmentaires semble assez bien conservé.Leder-

mographisme est très apparent.

Le réflexe plantaire est en extension des deux côtés.

Les réflexes abdominaux et crémastériens sont abolis bilatéralement.

Les réflexes rotuliens sont forts des deux côtés.

Le clonus du pied existe de même des deux côtés.

Les réflexes du poignet et du coude sont un peu forts, mais l'exagération

n'est pas très marquée.

L'acuité auditive est un peu affaiblie.

La vision est peu nette ; il ne distingue pas les traits des gens à moins qu'ils

ne soient très rapprochés. Souvent il voit très trouble. Pendant deux ans et

jusqu'à juin 1901 il a présenté de la diplopie passagère. Actuellement il pré-

sente du nystagmus transversal. Les pupilles sont à peu près égales ; peut-

être la droite est-elle légèrement plus étroite que la gauche. Elles réagissent

faiblement à la lumière. Au repos le malade ne présente aucun tremblement,

mais à l'occasion d'un mouvement voulu, quand on lui donne un objet à por-

ter à sa bouche, les bras sont agités d'un tremblement à oscillations étendues

dont l'amplitude et la fréquence s'accroissent au sur et à mesure qu'il s'appro-

che du but. Quand il est émotionné ou à l'occasion de mouvements intention-

nels, sa tête tremble et ses dents s'entrechoquent. ,

Les membres inférieurs ont un peu maigri.

Le champ visuel n'est pas rétréci.

La langue est agitée par les mouvements fibrillaires.

La parole est spasmodique, scandée.

Troubles passagers de la mémoire. Il pleure très facilement.

Pas de troubles de la déglutition.

Pas de vomissements.

Il ne perd pas ses matières. Incontinence d'urine. Il est obligé d'avoir un

urinai en permanence.

25 juin 1903. - Depuis 5 ou 6 jours le malade dit qu'il voit double le matin

SCLÉROSE EN PLAQUES ET SYPHILIS 347

au moment où il se réveille et que ce phénomène persiste 10 à 15 minutes en-

viron. La vue est très affaiblie ; il est incapable de reconnaître les personnes

qui se trouvent autour de son lit.

On pratique la ponction lombaire qui donne une lymphocytose discrète.

Le lendemain il se plaint d'une légère céphalalgie, mais il prétend que sa

vue est meilleure et que depuis la ponction il n'a plus vu double.

26. Le malade se sent notablement soulagé. La diplopie n'a pas reparu.

Pas de céphalalgie.

Dans les jours qui suivent le tableau clinique s'aggrave de nouveau.

z Le malade se trouve dans un état subcomateux ; il est très pâle et se ré-

veille difficilement ; ensuite il répond péniblement aux questions qu'on lui pose.

30. L'état subcomateux persiste. La température s'est élevée à 40°3.

Urine purulente. Eschare étendue au niveau de la fesse gauche.

31. La température donne 39- 5 ; l'état du malade est un peu meilleur

qu'hier. Il répond assez bien aux interrogations.

14 novembre. Le malade présente sur la face une éruption de papulo-

pustules ombiliquées, qui ressemblent un peu à celles de l'acné iodique. On

trouve quelques éléments jusqu'à la partie supérieure du thorax. La jambe

gauche présente une desquamation par larges squames épaisses et cornées. Au

niveau du talon gauche il y a une petite excoriation. L'eschare fessière sup-

pure assez abondamment.

Les muscles des membres inférieurs sont atrophiés, surtout à la jambe ; les

membres supérieurs sont, eux aussi, quoique un peu moins, nettement atro-

phiés. ·

Les membres inférieurs conservent l'attitude que nous avons ci-dessus dé-

crite. Aux membres supérieurs au contraire, les mouvements sont assez bien

conservés quoique très gênés par le tremblement intentionnel et leur force

musculaire est très diminuée. Les mouvements de la tête restent toujours bien

conservés.

Les réflexes olécraniens sont conservés des deux côtés, mais ne sont pas exa-

gérés. Le réflexe du poignet existe à gauche non exagéré, mais il fait défaut

à droite.

EN résumé : Début de la maladie en 1895 par des douleurs dans le dos. Para-

plégie spasmodique progressive ; douleurs fulgurantes et sensations de constriction

aux membres inférieurs et à la base du thorax. Tremblement intentionnel progres-

sif. Difficulté des mouvements au niveau des membres supérieurs.

Diminution de la sensibilité aux cuisses et aux genoux.

Sens stéréognostique aboli tandis que le sens des attitudes segmentaires semble peu

touché. Clonus du pied, signe de Babinski des deux côtés. Légère exagération des

réflexes des membres supérieurs . Affaiblissement de la vue ; pendant deux années un

peu de diplopie. Pupilles légèrement anisocoriques et réagissant faiblement à la

lumière. Nystagmus transversal. Parole spasmodique, scandée. Facilité à pleurer

à la suite de la cause la plus insignifiante. Atrophie évidente des muscles des

membres inférieurs. Eschare sacrée suppurante et fièvre élevée pendant quelques

jours, éruption papulo-pustuleusé, état subcomateux. Mort. Le sujet, qui était

348 ' GIUN10 CATOLA-

syphilitique, avait été soigné il y ce deux. ans à New-York par des frictions mercu-

rielles. , ' , 1

La ponction lombaire pratiquée pendant le dernier mois de maladie donna une

lymphocytose discrète.

Autopsie. - La boîte crânienne et la dure-mère sont normales. La pie-mère

est épaissie dans la région opto-pédouculaire. Les hémisphères cérébraux et le

cervelet ne présentent aucune altération à l'examen extérieur. Les vaisseaux

-delà base du cerveau ne sont pas atteints d'artério-sclérose.

Sur des coupes longitudinales et transversales on voit dans les hémisphères

cérébraux des plaques grises en très petit nombre, au niveau de la couche

sous-épendymaire.Les parois ventriculaires et les plexus choroïdiens n'ont au-

cune lésion. Les coupes faites à travers le cervelet montrent les noyaux den-

tés atrophiés, rabougris et d'une couleur grisâtre rappelant celle des foyers

scléreux.

Le pont et le bulbe ne présentent rien d'anormal à l'examen macroscopique.

La moelle est de volume normal. La méninge postérieure est très épaissie sur-

tout au niveau de sa partie dorso-lombaire.

Examen microscopique. Région protubéranlielle supérieure. Mé-

thode de Weigert et Weigert-Pal (PI. LI, fig. 1).

Calotte. - A gauche, destruction du pédoncule cérébelleux supérieur, du

faisceau longitudinal postérieur, de la petite racine motrice descendante du

trijumeau, de l'entrecroisement de la IVe paire, du faisceau central de la calotte,

du ruban de Reil médian, de la toenia pontis et de la substance réticulée grise

sauf une partie comprise entre le ruban- de Reil médian, le pédoncule cérébel-

leux supérieur et le faisceau central de Bechterew. Une partie aussi du lem-

niscus latéral est conservée. A droite, la destruction est limitée au coude formé

par le ruban de Reil médian et sa partie latérale, à une partie du faisceau cen-

tral de la calotte et du pédoncule cérébelleux supérieur, au faisceau loncitu :

dinal postérieur, sauf quelques fibres. La petite racine motrice descendante du

trijumeau est conservée de même que la IVe paire.

Partie antérieure. A gauche, existe une zone scléreuse qui détruit le pé-

doncule cérébelleux moyen, le stratum profundum et le stratum superficiale

des fibres transversales du pont et une partie de la voie pédonculaire. A droite

elle occupe seulement un peu le stratum superficiale.

Les cellules des noyaux centraux supérieurs, des noyaux latéraux et de la

substance grise du pont sont presque complètement conservées des deux côtés.

Région protubérantielle inférieure (fig. 2). La moitié gauche de la pro-

tubérance est profondément lésée. Les parties restées indemnes de sclérose

sont, en résumé, les suivantes : les fibres transversales du stratum profundum,

quelques fibres du corps trapézoïde et du ruban de Reil médian, une partie

des fibres du stratum superficiale et du pédoncule cérébelleux supérieur et

moyen. Le faisceau pyramidal contient peu de fibres à gaîne myélinique nor-

male qui est ou disparue ou atrophiée. La moitié droite est encore plus pro-

fondément atteinte par la sclérose comme il résulte de la figure. Avec tout cela

il ne faut pas oublier que les cellules des uoyaux des VIe, VIII" paires, du

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière T. XIX. Pl. LI

Fig. 2

Fig. 3

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XIX. Pl. LU

Fig. 4

Fig. 5

Fig. 6

Fig. 7

Fig. 8

Fig. 9

SCLÉROSE EN PLAQUES ET SYPHILIS

(Catola.)

Masson & Ci«, Éditeurs

SCLÉROSE EN PLAQUES ET SYPHILIS 349

noyau central inférieur, de l'olive supérieure et des noyaux du pont sont pres-

que complètement conservées. '

Région bulbaire supérieure. La zone de sclérose occupe les deux pyra-

mides, les noyaux arqués, la couche plus superficielle du corps restiforme et

le tubercule acoustique. Les faisceaux latéraux du bulbe sont plus clairs que

d'ordinaire. Les olives, le feutrage olivaire interne et externe ne sont pas at-

teints ; de même les systèmes des fibres arquées. Toutes les lésions sont symé-

triques. '

Région bulbaire moyenne. - Dans la moitié gauche, la pyramide, les deux

tiers antérieurs de l'olive, le noyau rétropyramidal, la racine descendante du

trijumeau, le faisceau latéral du bulbe, le corps restiforme et le faisceau solitaire

sont complètement remplacés par des zones scléreuses. Dans la moitié droite

l'olive est moins touchée (fig. 3).

Les noyaux de la XIIe paire et les noyaux postérieurs de la XI" paire montrent

avec des colorations opportunes, toutes leurs cellules encore intactes.

Région olivaire inférieure du bulbe au-dessous de l'olive. A ce niveau

toute la section transverse du bulbe est transformée en une zone de sclé-

rose ; on y rencontre encore quelques fibres éparses du système des fibres

arciformes interréticulées. Pas de trace de l'entrecroisement piniforme.. Mal-

gré cela les cellules des noyaux de Goll et de Burdach et de la substance gélati-

neuse de Rolando semblent en nombre normal lorsqu'on compare ces coupes

à d'autres faites au même niveau sur un bulbe normal. On peut dire la même

chose à l'égard des noyaux latéraux antérieurs et postérieurs du bulbe et des

noyaux de la XlIe paire.Au niveau de l'entrecroisement moteur n'existe pas

une seule fibre colorable avec le Weigert ou Weigert-Pal. Les cellules des

cornes de la moelle sont présentes. '

Moelle cervicale supérieure.- Dans toute la section transverse de la coupe il

n'existe plus une seule gaine myélinique colorée avec la méthode de Weigert et

Weigert-Pal. Les cornes de la substance grise sont encore bien reconnaissables

grâce à la conservation presque complète de leurs cellules. Les racines pos-

térieures qui se trouvent sur la même coupe présentent un tiers environ de fibres

normales : des autres fibres, une partie est constituée par des fibres à gaine

myélinique non colorée par la laque hématoxylinique, une partie par des cy-

lindraxes très clairs et un peu gonllés, entourés ou non par un mince cercle

plus foncé représentant le résidu de la gaine myélinique qui va disparaître.

Moelle au niveau de la 8° racine dorsale. - Jusqu'à ce niveau la moelle ne

présente aucune gaine myélinique colorable par la méthode de Weigert et

Weigert-Pal. A partir de ce niveau il n'y a plus que quelques fibres dans la

partie périphérique du cordon antérieur. Les racines antérieures et postérieu-

res contiennent deux tiers de fibres normales ; d'autres sont représentées par

de petites zones circulaires légèrement jaunâtres (PI. LII, fig. 4).

Deux racines plus bas, la moitié gauche de la moelle ne contient qu'un petit

groupe de fibres nerveuses normales situées à peu près au niveau de la partie

postérieure du faisceau de Burdach. La moitié droite, au contraire, est beau-

coup moins touchée (fig. 5).

350 GIUNIO CATOLA

Au niveau de la lié racine dorsale, le cordon latéral gauche est presque

complètement normal ainsi qu'une grande partie du cordon de Burdach des

deux côtés : tout le reste de la coupe ne contient plus une seule fibre ner-

veuse colorable avec la méthode de Weigert. Les cellules de la substance grise

sont en grande partie conservées. Les fibres des racines antérieures et posté-

rieures sont, elles aussi, en très bon état (fig. 7).

Au niveau de la 2e racine lombaire, les cordons postérieurs sont pres-

que normaux. A gauche est bien conservée aussi une partie du cordon antéro-

latéral, tandis qu'à droite il n'en reste pas de trace (fig. 7).

Un segment plus bas les rapports sont complètement invertis (fig. 8).

Au niveau des 4° el 5" racines lombaires, les cordons antéro-latéraux et

les cordons postérieurs sont à peu près normaux, sauf una légère sclérose .sy-

métrique bornée aux faisceaux pyramidaux (fig. 9).

En conclusion, à partir de la région bulbaire immédiatement sous-olivaire,

jusqu'à la 8° racine dorsale, presque toute la substance nerveuse, sauf quel-

ques petits îlots disséminés, est remplacée par du tissu scléreux. A partir de

la susdite racine jusqu'à la totalité de la moelle lombaire on rencontre des pla-

ques de sclérose avec ou sans dégénérescence secondaire. Avec cela dans toute la

moellecervico-dorsale,les fibres radiculaires intramédullairesneprésententplus

leurs gaines myéliniques colorables par la laque hématoxylinique tandis que

leur portion extramédullaire apparaît tout à fait normale. Ce fait et celui de l'in-

tégrité des cellules nerveuses au milieu de zones complètement sclérosées cons-

tituent une autre preuve très importante qui fait reconnaître à cette forme de

sclérose des caractères identiques à ceux qu'on est habitué à voir dans la sclé-

rose en plaques ordinaire.

Pie-mèrs.- La pie-mère spinale est épaissie et infiltrée (PI. LUI, fig.10). L'in-

filtration est constituée par des lymphocytes, par des éléments polynucléaires et

par des cellules à noyau assez grand, rond ou ovalaire, entouré d'une couche

très mince de protoplasma. Cette infiltration est surtout très prononcée au ni-

veau du sillon longitudinal postérieur et autour des vaisseaux et présente ceci

de caractéristique que les éléments polynucléaires sont très nombreux dans la

méninge de la partie inférieure de la moelle, tandis que dans les parties supé-

rieures on trouve presque exclusivement des mononucléaires. On peut pen-

ser qu'à l'infiltration lymphocytaire préexistante et déjà décelée par la ponc-

tion lombaire, a pu se surajouter une méningite septique ascendante due à l'es-

chare du sacrum qui dans les derniers jours de la maladie s'était mise à suppu-

rer abondamment. Tous le vaisseaux de la pie-mère ont leurs parois plus ou

moins épaissies et infiltrées : très souvent l'infiltration s'étend à la gaine péri-

vasculaire et au tissu avoisinant (fig. 11).

Dans les vaisseaux de la substance médullaire transformée en plaques de

sclérose, on observe : augmentation en nombre des capillaires, épaississement

de la paroi des petits vaisseaux avec augmentation des noyaux et rétrécisse-

ment de la lumière vasculaire.

En général les espaces périvasculaires ne sont pas infiltrés. Quelques vais-

seaux à parois très épaissie se présentent colorés uniformément avec les ca-

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière

T. XIX. PI. LUI

Fig. 10

fig.13

Fig. 11 t

Fias

Fig. 12

Fig. 15

SCLÉROSE EN PLAQUES ET SYPHILIS

(Catola.)

SCLÉROSE EN PLAQUES ET SYPHILIS 351 1

ractères d'une métamorphose hyaline ou colloïde. Un certain nombre de capil-

laires est complètement obstrué et remplacé par un petit amas de noyaux po-

lymorphes de grandeur différente.

Dans la substance médullaire, en dehors des plaques de sclérose, les vais-

seaux sont très souvent accompagnés par une infiltration parvicellulaire plus

ou moins abondante.

La névroglie est proliférée par ci par là dans le tissu non encore envahi

par des foyers scléreux, d'une façon plus ou moins prononcée. En certains

endroits les noyaux y figurent trois ou quatre fois plus nombreux qu'à l'ordi-

naire (fig. 12). Dans les foyers scléreux nous n'avons trouvé que du tissu tibril-

laire et des noyaux de névroglie de grandeur moyenne ; les cellules géantes y

sont assez rares. Les tourbillons de fibrilles maintes fois décrits dans la sclérose

en plaque n'y sont pas évidents.

Au niveau des plaques de sclérose il n'existe presque plus une fibre nerveuse

avec sa gaine myélinique. Un certain nombre seulement possèdent encore cette

gaine mais elle n'est pas colorée par la méthode de Weigert et est représentée

par de petites zones pâles contenant ou non le cylindraxe encore bien visi-

ble à leur intérieur. Une partie des fibres ainsi transformées présente un degré

variable d'hypertrophie, parfois très prononcée, surtout dans les zones

intermédiaires entre le tissu sain et le tissu scléreux, où, en même temps

on trouve aussi d'autres fibres plus ou moins atrophiées.

Dans -les zones de sclérose existent, éparses, quelques cellules granuleuses,

mais les corps amylacés y font défaut complètement.

Au sujet des cylindraxes étudiés avec le carmin, la méthode de Stroebe et

de Kaplan, on peut dire que dans certaines plaques ils laissent déceler leur pré-

sence sur une très grande échelle, mais que dans d'autres, au contraire, ils

ne sont plus reconnaissables. D'ailleurs, lorsqu'ils persistent ils sont presque

toujours plus ou moins modifiés dans leur aspect anatomique. Les modifica-

tion les plus fréquentes qu'on y rencontre avec ces méthodes sont les sui-

vantes : l'hypertrophie, l'atrophie, les varicosités et la pâleur. Nous n'avons

pas pu mettre profit les méthodes spécifiques pour la coloration des fibrilles

comme de celle Bethe,de Bielschoosky,de Cajal,etc.,car le durcissementque les

pièces avaient déjà subi préalablement, ne nous permettait pas de les utiliser.

Les cellules nerveuses sont presque complètement conservées partout. Dans

certaines coupes colorées avec 1'liéinitoxyline-éosine, la coloration des corps

thyroïdes est si bien réussie qu'elle nous permet d'apprécier avec exactitude

la structure normale des cellules, même dans les endroits où la sclérose sem-

ble la plus complète.

L'examen histologique du cervelet a mis en relief que les régions des noyaux

dentés sont envahies par une gliose assez prononcée. Les cellules ganglionnai-

res tout en conservant leur structure normale ne gardent plus leur position

ordinaire, mais elles se trouvent déplacées et situées plus ou moins irrégulière-

ment. Parmi les noyaux de névroglie il y en a un grand nombre de petits ronds,

fortement colorés par la laque hématoxylinique et d'autres, par ci par là, eux

aussi, assez nombreux, d'une forme variée, parfois même fort bizarre, granu-

352 GIUNIO CATOLA

leux, variables en dimension, mais, en général, assez grands. Ces noyaux

parfois sont très nombreux (fig. 13).

Les vaisseaux du cervelet dans cette même région et un peu dans toute la

substance blanche extraciliaire, présentent presque tous une infiltration péri-

vasculaire plus ou moins prononcée et assez souvent aussi une augmentation

très évidente de la névroglie qui les entoure (fig.l4).A cet égard il faut remar-

quer que les altérations périvasculaires peuvent revêtir des aspects différents au

moins pour l'extension du processus anatomique qui les caractérise. Ainsi par-

fois on observe une couche très mince d'infiltration nucléaire située entre l'ad-

ventice du vaisseau et le tissu uerveux sans aucun espace vide intermédiaire

(fig. 13) ; parfois, au contraire, entre la paroi vasculaire et la substance ner-

veuse, outre un nombre plus ou moins considérable de noyanx, on rencon-

tre un espace vide plus ou moins large, une vraie formation lacunaire (fig. 15).

Cette ressemblance avec les lacunes de désintégration cérébrale telles qu'elles

ont été décrites chez les vieillards hémiplégiques, est d'autant plus étroite que

la paroi qui les limite du côté de la substance nerveuse est en général repré-

sentée par un anneau de névroglie fibrillaire très pauvre en noyaux. Cependant

la paroi de ces formations cavitaires est toujours beaucoup plus régulière

que dans les lacunes de désintégration.

Les noyaux qui constituent les infiltrations périvasculaires sembleut appar-

tenir à des lymphocytes, des platsmazedlen,à des cellules de l'adventice ; ce-

pendant les lymphocytes y prédominent.

La paroi de tous ces vaisseanx parfois ne semble pas modifiée dans sa

structure; parfois,au contraire, elle est un peu épaissie et légèrement infiltrée ;

un certain nombre des capillaires ne conserve plus son intégrité, car on les

retrouve remplacés par un amas de 8-10 noyaux à forme et à dimension va-

riable.

Cette constatation d'une sclérose assez prononcée des régions des noyaux

dentés nous semble fort intéressante, d'autant plus que nous l'avons rencontrée

aussi dans un autre cas de sclérose en plaques légitime. Il vaudrait la peine

d'examiner régulièrement ces zones dans tous les cas de sclérose en plaques

et particulièrement dans ceux qui présentaient de la titubation ou de la démarche

cérébelleuse pour voir, si à défaut d'autres lésions du cervelet ou de ses pé-

doncules, cette localisation présente un intérêt particulier.

Les lésions vasculaires et périvasculaires que nous avons décrites dans cet

organe,de même que celles que nous avons rencontrées dans la moelle et dans

la méninge confirment, à notre avis, la nature spécifique de la sclérose et lui en

impriment un certain cachet histologique qui s'éloigne un peu de ce que nous

trouvons habituellement dans la sclérose en plaques commune; mais, d'un

autre côté, nous ne saurions assez insister sur ce qu'au niveau des plaques sclé-

reuses l'identité est absolue,ce qui du reste explique l'identité symptomatique.

EN résumé : Epaississement de la pie-mère cérébrale au niveau de la région

opto-pédonculaire et de la pie-mère spinale. Infiltration de celle-ci par des lympho-

cytes et par des éléments polynucléaires, assez nombreux dans la partie inférieure

de la moelle. Quelques plaques de sclérose sous l'épendyme des ventricules latéraux.

(UVELLElCOKOGRAPHIEDELASALPÊTKIÈXE.

T. XIX. Pl. LIV

1 Fig. 1

Fig. 2

i Fig. 3

t

Fig. 4

4

,1 : \ Fig. 5

11

I i SCLÉROSE EN PLAQUES ET SYPHILIS

1 (Catola.)

SCLÉROSE EN PLAQUES ET SYPHILIS 353

Sclérose des zones ciliaires et périciliaires du cervelet ; plaques scléreuses disséminées

dans les pédoncules et la protubérance. Le bulbe et la moelle sont les parties les

plus atteintes. A partir de la région bulbaire inférieure jusqu'à la 88 racine dor-

sale existent de très larges zones de sclérose entrecoupées par des petits îlots de

tissu nerveux sain ou à peu près. Les racines antérieures et postérieures apparais-

sent presque complètement normales partout. Tous les vaisseaux de la pie-mère et

de la moelle présentent des altérations plus ou moins prononcées : épaississement

de la paroi, infiltration, parfois dégénération hyaline. Sclérose des zones ciliaires

et periciliaires du cervelet avec lésions vasculaires, conservation de la plus grande

partie des cylindraxes et des cellules ganglionnaires dans les zones des sclérose,

absence de dégénerescences secondaires.

Je vais relater maintenant une observation de myélite syphilitique à

foyers disséminés, où on verra de nouveau que ceux-ci peuvent réaliser

les caractères histologiques des plaques de la sclérose multiple légitime.

Dans ce cas le tableau clinique était dominé par une paraplégie spasmo-

dique qui ne laissait absolument pas prévoir l'existence d'une myélite à

plaques avec les caractères que nous décrirons.

Observation II (Pl. LIV).

Demonc ? âgé de 65 ans, entré à l'hospice de Bicêtre en 1902 avec le dia-

gnostic de paraplégie syphilitique.

Le père du malade est mort en 1889 très âgé : il avait été un grand buveur

de vin ; la mère est morte en 1884 d'une cachexie qu'on ne peut pas préciser.

Il est né à terme d'une couche normale. En fait de maladies infectieuses il

a eu la rougeole à l'âge de 3 ans. A 20 ans il présenta une hémoptysie qui de-

puis s'est renouvelée maintes fois. Infection syphilitique à 31 ans.

L'histoire de la maladie actuelle remonte au mois d'octobre 1873. Un soir le

malade en entrant chez un marchand de vin ressent une sensation compa-

rable à une secousse électrique qui tout d'un coup frappe ses jambes et ne

laisse au malade que le temps de prendre appui à un bec de gaz pour ne pas

tomber. Puis à l'aide d'un camarade il rentre péniblement chez lui et il se cou-

che. A ce moment le malade a la jambe droite paralysée et le membre supé-

rieur droit malhabile et plus faible qu'à gauche.

En juillet 1874 il entre dans le service de M. Ferrand. L'état de son bras

droit s'améliore et il peut recommencer à travailler.

En 1875 le malade entre de nouveau à l'hôpital où on le considère comme

un ataxique. Il demeure quatre mois dans le service et c'est pendant celte pé-

riode que la jambe gauche s'est prise à son tour.

Depuis 1892 il est confiné au lit ; à cette époque il entre à Bicêtre.

Examen : 1902. Rien de particulier aux yeux. Membres inférieurs extrême-

ment amaigris. Ils sont le siège de tiraillements spasmodiques sous l'inflence

d'excitations psychiques.Le malade ne peut pas les remuer sans l'aide des mains.

354 GIUNI0 CATOLA

La flexion, l'extension de la cuisse et de la jambe sont abolies. L'abduction

est nulle, l'adduction presque nulle.

Les membres supérieurs sont amaigris mais à un degré moindre que les in-

férieurs. Il faut d'ailleurs considérer qu'on a affaire avec un amaigrissement

généralisé et que le malade présente des lésions tuberculeuses assez avan-

cées.

La force de la main droite est nettement amoindrie.

Face. Rien de remarquable.

Les réflexes rotuliens sont très exagérés. Il y a du clonus du pied très mar-

qué.

Le réflexe de Babinski est présent des deux côtés. Le réflexe du poignet est

plus fort à gauche qu'à droite. Il n'y a pas de trouble de la sensibilité ni du

sens stéréognostique. Le sens musculaire est conservé. Il pleure facilement.

Incontinence d'urine et parfois des matières. Impuissance génitale.

Autopsie. - Rien de particulier ne s'observe à l'examen extérieur des ménin-

ges cérébrales et du cerveau. Les coupes horizontales et verticales portées à

travers les hémisphères et le cervelet avant et après le durcissement ne décè-

lent aucune lésion appréciable.

La moelle épinière offre à l'observation un certain degré d'épaississement

des méninges postérieures. Les racines ne sont pas grises. Tout ce qu'on peut

dire de la moelle c'est qu'elle apparaît un peu plus petite qu'à l'ordinaire,par-

ticulièrement au niveau de sa portion dorsale.

Examen histologique. En procédant de haut en bas on arrive à la pre-

mière racine cervicale sans trouver la moindre trace d'une lésion quelconque.

A ce niveau on constate une très légère raréfaction des fibres myéliniques

tout autour de la moelle à la façon d'un mince anneau plus clair. Cette ra-

réfaction s'étend aussi au faisceau de Goll (fig. 1). Au niveau de la 3e racine

cervicale existe une plaque scléreuse qui occupe le faisceau de Goll et un peu

le faisceau de Burdach, l'anneau de raréfaction périphérique, persistant

(fig. 2). A la 5° racine le cordon latéral droit est remplacé par une zone de

sclérose dans toute sa moitié antérieure. La sclérose occupe en même temps

la commissure grise,le cordon de Goll, la zone cornu-commissurale et la corne

latérale droite (fig. 3).

Au niveau de la, 6° racine dorsale toute la moitié droite de la moelle, la com-

missure, les cordons de Goll et de Burdach et la partie médiane du cordon

antérieur du côté gauche sont atteints par la sclérose : il y reste un petit état

de tissu sain dans la zone radiculaire interne (fig. 4). Au niveau des li'etl2°

racines dorsales on observe seulement une très légère raréfaction périphérique

des cordons antéro-latéraux (fig. 5). Au-dessous de ce niveau la moelle se

présente absolument normale. Il suffit de jeter un coup d'oeil sur ces cou-

pes photographiées pour voir immédiatement que les zones de sclérose, au

moins certaines d'entr'elles, ne sont pas destructives, dans ce sens qu'elles

ne sont pas suivies par des dégénérescences secondaires . Cette démonstration

indirecte d'ailleurs est confirmée par l'examen direct ; en effet, avec le carmin,

la cochenille, la méthode de Stroebe et de Kaplan nous avons pu mettre en

SCLÉROSE EN PLAQUES ET SYPHILIS 355

évidence dans les territoires scléreux une grande quantité de cylindraxes nus

plus ou moins modifiés dans leur aspect anatomique. Certes, nous regrettons

de ne pas avoir pu appliquer à cette étude les méthodes propres à mettre en évi-

dence les neurofibrilles car,comme nous l'avons fait observer à ce même propos

dans la première observation, les pièces avaient déjà subi un durcissement qui ne

permettait plus l'utilisation de telles méthodes ; mais il suffit pour notre thèse

d'avoir démontré que ces foyers présentaient une conservation plus ou moins

bien directement démontrable des cylindraxes nerveux.

L'étude des plaques de sclérose y met en évidence une augmentation non

douteuse des petits vaisseaux et des capillaires. Tous les vaisseaux contenus

dans leur intérieur ont leur paroi épaissie et d'aspect plus ou moins homogène.

Beaucoup d'entre eux ont leur lumière tout à fait filiforme et quelques-unes se

trouvent complètement oblitérées. L'espace périvasculaire est en général formé

par une zone claire remplie d'un tissu très mou et contenant parfois des noyaux

ronds ou ovalaires. Tout autour de cette zone la névroglie est plus dense et

contient un plus grand nombre de noyaux que dans les autres parties des pla-

ques. Au niveau de la grande plaque de sclérose du 6e segment dorsal (fig. 5),

les cellules des cornes antérieures sont conservées seulement d'une façon par-

tielle ; mais en d'autres plaques, comme, par exemple, au niveau de la 5e racine

cervicale (fig. 3), elles subsistent toutes absolument intactes. Voilà donc un

autre caractère qu'on a considéré comme spécifique pour les foyers de la sclé-

rose en plaques classique. '

La pie-mère médullaire est un peu plus épaisse qu'à l'état normal, surtout

postérieurement et au niveau des foyers scléreux de la moelle sous-jacente.

Elle y contient des vaisseaux à parois plus ou moins épaissies et très'souvent

d'aspect homogène ou fibrillaire.

Les racines antérieures partant des segments scléreux comme, par exem-

ple, c'est le cas au niveau du segment de la 6e dorsale (fig. 5), présentent tou-

jours leurs fibres presque complètement intactes : quelques-unes seulement

sont ou atrophiées ou très peu colorées par la laque hématoxylinique.

En résumé : syphilis à 31 ans. Début de la maladie à 34 ans d'une façon

brusque sans perte de connaissance avec paralysie complète de la jambe droite et

faiblesse du bras du même côté. Plus tard,paralysie de la jambe gauche et troubles

moteurs qu'on considère comme de l'ataxie. Exagération de tous les réflexes tendi-

veux. Clonus du pied et extension du gros orteil de deux côtés. Facilité à pleurer.

Incontinence d'urine et parfois des matières. Lymphocytose non douteuse.

Aucune lésion grossière microscopique du système nerveux central. Léger épais-

sissement méningé surtout dans la partie postérieure de la moelle et au niveau des

zones scléreuses. Plaques de sclérose disséminées sans dégénérescences secondaires

et sans destruction des cellules ganglionnaires. Lésions vasculaires (épaississement

et dégénéralion de la paroi) surtout dans les plaques scléreuses et dans la méninge

épaissie.

Dans ce cas donc,nous voyons réalisée à nouveau l'existence de plaques

de sclérose d'une origine sans doute syphilitique, qui présentent la plus

356 GIUlVIO CATOLA

grande partie des caractères histologiques essentiels décrits dans la scié

rose multiple légitime.

Sans vouloir aborder ici la discussion sur les différences cliniques exis-

tant entre la myélite syphilitique disséminée et la sclérose en plaques,

nous ne pouvons omettre une remarque : Certains auteurs prétendent que

la syphilis cérébro-spinale ne réalise jamais la symptomatologie de la

sclérose en plaques. Nonne dans son livre,admet qu'elle ne copie exclusi-

vement que des formes frustes ou atypiques. Müller dit que si le diagnos-

tic est douteux on doit surtout tenir compte de ce fait que le tremblement

intentionnel, le vrai nystagmus et la parole scandée sont des symptômes

peu communs de la myélite syphilitique : dans celle-ci on aurait plutôt

de la simple dysartrie. Or s'il y a des manifestations telles que la lésion

des nerfs de la base, les symptômes méningés, l'altération des réflexes

pupillaires, l'atrophie du nerf optique, la céphalée intense, les spasmes

d'origine corticale, ceux-ci lorsqu'ils existent, plaident plus en faveur

d'une syphilis cérébro-spinale. Mais il faut penser que ces symptômes

peuvent ne pas figurer dans le tableau clinique de la syphilis spinale, ce

qui rend alors extrêmement délicat le diagnostic différentiel. Ce fait

d'ailleurs est reconnu aussi par Nonne et Müller eux-mêmes et par d'au-

tres auteurs qui se sont occupés de cette question.

Que la syphilis cérébro-spinale puisse donner lieu à une symptomato-

logie très analogue ou identique à celle de la sclérose en plaques, ceci est

démontré aussi d'une façon indubitable par le cas de Schuster. Il s'agissait

d'un homme de 32 ans,syphilitique. Le malade souffrait depuis mois de

tremblement intentionnel des membres supérieurs et inférieurs ; il traînait

les pieds en marchant et chancelait. Il présentait encore de l'exagération des

réflexes tendineux une légère contracture des membres, de la trépidation

spinale, du nystagmus vrai. En même temps il portait une ulcération

syphilitique au pharynx, il avait les ganglions indurés et de la périostite

du tibia droit. L'auteur, par l'application du traitement mercuriel obtint

la guérison de tous les symptômes, y compris les symptômes nerveux. La

critique que Rumpf fait à cette observation ne nous paraît pas détruire sa

valeur fondamentale. La symptomatologie du malade était si comparable

à celle de la sclérose en plaques qu'il ne nous semble pas justifié de lui

refuser cette étiquette à cause de l'étiologie spéciale et des conséquences

thérapeutiques. Nous admettons bien que la syphilis chronique du sys-

tème nerveux, disséminée ou non, puisse être assez souvent facilement

diagnostiquée comme telle, mais nous pensons aussi que parfois, nous

devons le répéter, le diagnostic différentiel est très difficile sinon tout à

SCLÉROSE EN PLAQUES ET SYPHILIS 357 -1

fait impossible. Car dans la myélite disséminée syphilitique on a maintes

fois décrit des troubles, tels que la diplopie, la parésie spastique, l'atro-

phie du nerf optique, la parole scandée, le tremblement intentionnel, le

nystagmus, les troubles vésicaux, tout comme on les rencontre dans le

tableau de la sclérose en plaques vraie. Notre premier cas est particu-

lièrement démonstratif à ce sujet. Ajoutons que la nature spécifique des

lésions anatomo-pathotogiques de ce cas était confirmée par les lésions

périvasculaires que nous avons décrit, soit dans la moelle épinière son

dans le cervelet, dans la substance nerveuse non encore transformée en

plaques scléreuses.

En conclusion, les données bibliographiques et les matériaux que nous

avons rapportés nous documentent suffisamment sur le fait que nous vou-

lions démontrer, savoir que les foyers de la sclérose syphilitique peu-

vent posséder tous les caractères histologiques de la sclérose en plaques

commune. Nous arrivons ainsi à admettre que la syphilis peut jouer un

rôle assez important dans l'étiologie de la sclérose en plaques et qu'on

est fondé à admettre une forme de sclérose en plaques syphilitique tout à fait

comparable aux formes de n'importe quelle autre origine infectieuse.

EXPLICATION DES PLANCHES

Planches LIl, LI, lui (OBS. I

FI. 1. Protubérance dans sa moitié supérieure. '

Fio. 2. Idem dans sa moitié inférieure.

FiG. 3. Bulbe dans sa partie moyenne.

FiG. 4. Moelle au niveau de la T'-8° racine cervicale. -Elle ne contient aucune

libre avec gaine colorée avec la méthode de Weigert.

FiG. 5. Moelle au niveau de la 10° racine dorsale.

FiG. 6. - Moelle au niveau de la 11, racine dorsale.

FiG. 1. Moelle au niveau de la 2° racine lombaire.

FiG. 8. Moelle au niveau de la 30 racine lombaire.

F1O, 9. Moelle au niveau de la 41-58 racine lombaire.

FiG. 10. - Pie-mère épaissie et infiltrée. Coloration liématoxyline-éosine. - Grossis-

sement : Ocul. 4 comp., Ob. A. Zeiss.

FiG. 11. - Infiltration de la paroi vasculaire et du tissu périvasculaire dans une ar-

tère de la pie mère spinale. Coloration : hématoa3yline-éosine. Grossis-

sement. Ocul. 4 comp., Ob. DD. Zeiss.

FIG. 12. Augmentation des noyaux de névroglie dans la corne antérieure d'une

zone médullaire non transformée dans une plaque de sclérose. Colora-

tion : hématoxyline d'Ehrlich. - Grossissement : Ocul. 6 comp., Ob. A.

Zeiss.

Fig. 13. - Augmentation des noyaux de névroglie dans la région des noyaux dentés

' du cervelet. Coloration : hématoxylineéosine. - Grossissement : Ocul. 6

comp., Ob. A. Zeiss. ? '

FiG. 14. Infiltration et gliose périvasculaires dans la même zone. Coloration'\, hé-

matoxyline-éosine. Grossissement : Ocul. 4 comp., Ob. DD. Z&ss.

FiG. 15. Une espèce de formation lacunaire. Même région et même coloration.

Grossissement : Ocul. 4 comp., (lb. A. Zeiss.

358 GIUNIO CATOLA

Planche LIV (OBS. Il)

Fis. 1. - ira racine cervicale.

FiG. 2. - 3*-4o racine' cervicale.

FiG. 3. - 506° racine cervicale.

Fir. 4. - 6° racine dorsale.

FiG. 5. lle-12e racine dorsale.

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Cet index bibliographique ne contient que les travaux cités dans le texte.

x.x 24

LES APHASIES MUSICALES

- PAR

Joseph INGEGNIEROS

Professeur à l'Université de Buenos-Aires.

1. -Premières observations de Charcot.

On avait déjà nettement défini la psychologie clinique des aphasies,

leur anatomie pathologique et leur classification, en constituant ainsi un

chapitre complet de la névropathologie, quand on commença à signaler

quelques particularités relatives au langage musical des aphasiques. On

observa que, chez quelques malades, la perte du langage ordinaire n'était t

pas nécessairement accompagnée de la perte du langage musical ; et,

aussi, on a décrit quelques cas, fort rares, dans lesquels la perte du lan-

gage musical ne coïncidait pas avec la perte du langage verbal ordinaire.

Ainsi, on observa des aphasies sans amusie et des amusies sans aphasie.

Dans le concept général que nous avons adopté, l'étude des aphasies

musicales, ou amusies, fait partie des asymbolies, de même que les apha-

sies verbales ordinaires.

Blocq (1), qui a publié une excellente revue de la question, définit

l'amusie, ou aphasie musicale, comme « une des formes de l'asymbolie.

un mode d'altération de l'emploi des signes dont l'homme se sert pour

exprimer ou pour comprendre les idées ou les sentiments, presqu'au

même titre que l'aphasie, à laquelle, d'ailleurs, elle s'associe habituelle-

ment ».

L'étude de ces troubles est récente, parce que rarement on les observe

isolés, et que quand ils apparaissent associés aux aphasies, ils ont toujours

une importance secondaire.

En outre, chez les sujets qui manquent de culture technique spéciale

- les « illettrés musicaux » - l'amusie combinée avec l'aphasie se

présente comme un simple épiphénomène de cette dernière, et manque

d'intérêt clinique : le sujet qui ne parle pas, ne chante pas ; celui qui

ne comprend pas les paroles, ne comprend pas le chant. Mais le cas n'est

(1) BLocQ, Eludes sur les maladies nerveuses, ch. xvi, Paris, 1894.

INGEGNIEROS. - LES APHASIES MUSICALES 363

plus le même chez les « lettrés musicaux », chez ceux qui savent lire

et écrire la musique, et qui ont éduqué, en plus, l'exécution instrumen-

tale. Dans ce cas le trouble est perceptible et ses effets sont plus sérieux

pour l'individu. C'est pourquoi, les premières observations cliniques se

rapportent à des sujets musicalement éduqués : les deux malades classi-

ques de Charcot furent un copiste professionnel de musique et un chef

d'orchestre.

Le premier cas, bien clair, de dissociation entre l'aphasie et l'amusie

fut observé par Bouillaud (1) ; il rapporte l'histoire d'un malade atteint

d'aphasie motrice avec conservation relative du chant : le sujet pouvait

chanter la Marseillaise, mais sans prononcer les paroles; il avait conservé

la mémoire tonale, bien qu'il lui manquât la mémoire des images néces-

saires à l'articulation.

L'année suivante, Proust (2) publia une observation d' « alexie musi-

cale » ou cécité' musicale; le malade conservait normalement les autres

formes du langage musical : il chantait, il écrivait la musique, il exécu-

tait et il comprenait, comme auparavant, la musique entendue. Douze ans

plus tard, Grasset (3) fit connaître un cas très intéressant : un ouvrier,

dont le langage était réduit aux expressions pardi et b, ne pouvant pas

prononcer isolément les mots enfant et patrie, chantait pourtant très exac-

tement la première strophe de la Marseillaise , en prononçant normalement

tous les vers.

En 4883-4884., Charcot posa définitivement les bases cliniques des

aphasies musicales ; ce fait mérite qu'on s'y arrête.

Plusieurs auteurs, ignorant l'étude minutieuse de Charcot, attribuent à

Knoblauch l'instauration clinique des amusies. Blocq lui-même, disciple

de Charcot, partage cette erreur : « il est nécessaire, en effet, d'arriver

jusqu'à 1888, date de l'ouvrage de Knoblauch, pour rencontrer un véri-

table travail d'ensemble sur ce point spécial ; jusqu'alors, nos connais-

sances sur les amusies se réduisaient aux rares particularités observées

au cours des aphasies ». Nous verrons qu'on en savait un peu plus, grâce

au même Charcot.

Dans les leçons de 1883-84, réunies et publiées par Miliotti (4) et édi-

tées plus tard en un volume portant le visa de Charcot (5), l'illustre maî-

tre de la Salpêtrière fit cinq conférences sur les aphasies musicales

(1)'BouILLAuD, Bulletins de l'Académie de Médecine, 1865.

(2) PROUST, Archives de Médecine. Paris, 1866.

(3) Grasset, Montpellier Médical, 1818 (Cité par Blocq).

(4) MILIOTTI : Dans la « Gazzetta degli Ospedali », 1885.

(5) MILIOTTI : « Lezioni cliniche delle malattie del sistema Nervoso « (J.-M. Charcot,

redatte da Domenico Miliotti). Editeur Vallardi, Milano, 1886.

364 IKGEGN1EROS

(t6mai,30 mai, 13 juin, 20 juin,. 27 juin), traçant les grandes lignes de

son tableau clinique. Ces leçons, publiées en Italie par Miliotti, sont peu

connues en France ; elles ne figurent même pas dans la collection des

« OEuvres complètes de Charcot » éditée par Le Progrès Médical. Blocq,

dans ses indications bibliographiques, cite seulement une publication

faite dans Le Progrès en 1883, publication très insuffisante si on la com-

pare aux cinq leçons de Miliotti. Cette omission des éditeurs des « OEu-

vres complètes de Charcot » - et il est curieux qu'on l'ait signalée, pour

la première fois, de Buenos-Ayres est cause qu'on ignore ou qu'on passe

sous silence que c'est lui le véritable créateur des amusies ou des aphasies

musicales.

Le 8 mars Charcot présenta deux malades : un jeune homme atteint d'une

forme transitoire d'aphasie, se présentant par accès, et un musicien,

joueur de trombone, privé de la faculté d'exécuter sur son instrument

et de copier de la musique, en quoi il excellait auparavant. Charcot s'oc-

cupa encore de ce deuxième malade dans les leçons suivantes.

. Le sujet, musicien de profession, se vit tout à coup privé de son seul

moyen d'existence, qui était de jouer dans les orchestres ; il perdit en

même temps l'aptitude de copier la musique, en quoi il était spécialiste,

travaillant pour les principaux compositeurs de musique de Paris, parmi

lesquels il suffit de citer Massenet. Charcot rapprocha cette aphasie musi-

cale des aphasies ordinaires. « Habituellement nous exprimons notre pen-

sée par le langage vulgaire, c'est-à-dire par la parole articulée et l'écri-

ture. En d'autres cas nous pouvons exprimer nos idées, moins efficacement

pourtant, à l'aide du geste, c'est-à-dire, par le langage mimique. Le ma-

thématicien communique ses concepts à l'aide de chiffres et de calculs, et

il est parfaitement compris par ceux qui connaissent ce langage. Nous

arrivons ainsi à la pensée musicale, qui se manifeste par des phrases, des

harmonies, des mélodies, et se sert d'une écriture spéciale.

. . « Le rapprochement, donc, entre celui qui a perdu la faculté de parler,

l'aphasique ordinaire, et celui, qui a perdu la faculté de jouer d'un ins-

trument, l'aphasique musical, est parfaitement légitime. » Le malade avait

,j5 ans, et jouait du trombone à coulisse. Cet instrument est plus difficile

que le piston parce qu'il se compose de deux tubes recourbés qui peuvent

entrer l'un dans l'autre, n'ayant pas de clés, et qu'on obtient les diffé-

rents sons en allongeant ou en raccourcissant l'instrument même ; quant

à copier, cet art exige une bonne connaissance de la musique, afin de

pouvoir lire vite, bien écrire, et même corriger les fautes qui peuvent être

échappées à celui qui a composé ou écrit la partition. En septembre

1883, après des excès de travail et d'autre genre, il s'apprêtait à copier

de la musique quand il s'aperçut qu'il était tout à fait incapable de le faire.

LES APHASIES MUSICALES 365

Il voyait la musique, il la lisait, il pouvait la chanter mentalement, mais

ne pouvait pas la copier. En vain l'essaya-t-il à plusieurs reprises ; cepen-

dant la mobilité de la main était normale et il n'éprouvait aucune diffi-

culté pour l'écriture ordinaire. Il avait donc, une agraphie musicale (Char-

cot la nomma ainsi) sans agraphie de l'écriture ordinaire. Après cela, le

malade prit un jour son instrument sans en pouvoir jouer, c'est-à-dire

qu'il était incapable de l'allonger ou de le raccourcir convenablement, et

de placer les lèvres et la langue comme il fallait ; le malade conservait

parfaitement sa pensée et. sa parole musicale : il entendait mentalement

ce qu'il désirait jouer, mais il se trompait en faisant les mouvements né-

cessaires avec l'instrument ; de même l'aphasique moteur conserve l'idéa-

tion et la faculté d'entendre les paroles. Cette aphasie musicale n'était

pas accompagnée d'aphasie verbale, sous aucune forme. Le malade était

un paralytique général progressif à sa première période.

Charcot, après avoir exposé le cas, analysa longuement les aphasies or-

dinaires, afin d'appliquer plus sûrement ses conclusions à l'interprétation

des aphasies musicales. Il croyait pouvoir ainsi démontrer que son

schéma sur le mécanisme des centres cérébraux dans les aphasies, pouvait

s'appliquer au mécanisme physiopathologique des amusies.

De même que des groupes déterminés de cellules cérébrales se spéciali-

sent pour la parole ordinaire et vont constituer les centres auditif, visuel,

articulaire et graphique des paroles, chez les personnes qui apprennent la

musique,autant de centres se spécialisent de même pour le langage musical ;

c'est-à-dire, pour les images musicales auditive, visuelle, articulaire, gra-

phique et mimique. Le cerveau, organe en évolution perpétuelle, pourvu

d'un très grand nombre de neurones disponibles, peut aussi en spécialiser

une certaine quantité pour le langage musical, ce qui est démontré par

l'existence d'amusies sans aphasie,etd'aphasies sans amusie.Dans ces cas le

centre d'idéation est isolé et indépendant'. Ce malade, avec amusie et sans

aphasie, dévoila à Charcot que les centres du langage musical ne sont pas

les mêmes que ceux du langage ordinaire. Et, selon que l'un ou l'autre

de ces centres serait lésé ou serait dans l'impossibilité de fonctionner

pour une cause quelconque, on aurait les mêmes formes que pour le

langage ordinaire. « Dans le cas concret du malade présenté, l'image to-

nale (auditive) des notes existait, puisqu'en lisant la musique (images

visuelles conservées) le malade entendait mentalement (parole intérieure

musicale), de même qu'il reconnaissait l'exactitude de la musique jouée

par un autre-; mais il y avait impossibilité de jouer et de copier de la

musique (images motrices'd'articulation) » ; d'où Charcot conclut qu'il

- s'agissait d'un cas d'agraphie et d'aphasie musicales.

366 INGEGNIEROS

Cette longue citation de la leçon presque ignorée de Charcot a été faite

pour rectifier l'attribution erronée de la première étude précise sur les

amusies à Knoblauch ; nous ajouterons seulement que Charcot a établi les

diverses phases de son sujet avec son habituelle clarté et méthode scienti-

fique.

II. Classification des aphasies musicales.

Vers la même époque Brown Séquard (1) présenta à la Société de Biolo-

gie de Paris une autre observation ; il s'agissait d'un aphasique qui avait

perdu la parole articulée, mais qui conservait l'aptitude pour le chant ;

jusqu'à Brown Séquard exception faite pour Charcot on ne signalait

ces particularités que comme des complications ou des anomalies des apha-

sies. Kast (2) étudia les rapports entre les amusies et les aphasies, en

essayant de démontrer l'existence d'une mémoire spéciale pour les images

musicales, localisées en centres spéciaux; comme on voit, Kast marchait

sur les brisées de Charcot. Son malade présentait une aphasie motrice et

une cécité verbale ; mais ce qui appelait principalement l'attention, c'é-

tait l'impossibilité de chanter, bien qu'il entendit et comprit très bien la

musique jouée devant lui. En 1885 parut le livre de Stricker (3) sur le

mécanisme psychologique du langage musical intérieur ; bien qu'il ne

traitât pas spécialement des aphasies musicales, ce livre marqua un pro-

grès dans l'étude de leur psychophysiologie. Bernard (4), dans sa thèse

universitaire sur les aphasies, ne se crut pas autorisé à consacrer un cha-

pitre spécial à celles de caractère musical. Ballet (5) dans sa thèse sur le

langage intérieur reconnut cependant l'indépendance des troubles du lan-

gage musical : « Quelques faits, dit-il, démontrent la réelle indépen-

dance des images motrices des mouvements du larynx et du thorax desti-

nés à la production des sons musicaux. Il y a, en effet, une aphasie

motrice pour la musique, comme il y en a une pour les paroles. » Les

neurologistes et les psychologues de l'époque aboutissaient à cette même

conception, sans se décider à suivre le chemin tracé par Charcot et à cons-

tituer un chapitre à part pour l'étude des aphasies musicales ou amusies.

Hospital) (6) décrivit un cas de paraphasie musicale, qu'il appelle a ataxie

du son ». Son malade était un aliéné, lequel terminait involontairement

(1) Brown-Séquard, Comptes rendus de la Société,de Biologie, 19 avril 1884, Paris.

(2) Kast, Uber Stoerll''igen des Gesangs und des hfüsikalischen Gehoers bei Afasis-

chen. Aertzlichs Intelligenzblatt. No 44, 1885 (cité par Blocq).

(3) Stricker, Le langage et la musique (trad. française). Paris, 1885.

(4) BERNARD, De l'aphasie et de ses diverses formes. Paris, 1886.

(5) Ballet, Le langage intérieur. Paris, 1886.

(6) PIERRE HOSPITAL, Histoire médicale de la musique et de la danse. Clermont-Fer-

rand, 1887.

LES APHASIES MUSICALES 367

toutes ses réponses par 4 ou 5 notes musicales qui s'élevaient de ton jus-

qu'à la dernière syllabe ; Hospital croit que cela provenait de l'hésitation

de la parole et des sons émis. Dans ce même travail il fait remarquer que

Brazier et Lichteim avaient déjà décrit des cas de surdité musicale (1).

Knoblauch (2) fut le premier qui se décida à unifier et classifier ces

faits cliniques, et en ajouta d'autres non encore observés, mais qui, logi-

quement, devaient compléter le groupe clinique des amusies, d'après ce

que l'on savait déjà des aphasies. Ses études se ressentent pour cela de

schématisme théorique. Il se proposa, pour ainsi dire, de tracer un « cadre

sans tableau », c'est l'expression même employée par Charcot; il créa neuf

types d'amusies, fondées sur les analogies présumables avec les types

d'aphasies décrits par Lichteim dont il suivait les critériums et dont il

adopta le schéma si connu. Ces études eurent, cependant, une influence

considérable et bienfaisante, puisqu'ils en provoquèrent d'autres ulté-

rieures qui ont mieux différencié les troubles du langage musical et celles

du langage courant. Knoblauch s'en inspira pour exposer d'intéressantes

considérations sur les aphasies de conductibilité et sur les amusies cor-

respondantes.

Après Knoblauch, ce fut Wallascheck (3) qui donna la plus grande

impulsion à l'étude des amusies ; sa publication est un essai complet de

systématisation des désordres du langage musical. Cet auteur distingue

six formes cliniques :

1° L'amusie motrice (ou aphémie musicale) : le malade comprend la

musique,mais ne peut pas la chanter ; 2° l'amusie sensorielle : le sujet mé-

connaît la valeur tonale des sons ; 3° la parainusie : le patient chante,

mais il se trompe sur la hauteur, la durée et les accidents des tons qui

composent le chant ; 4° l'agraphie musicale : impossibilité d'écrire les no-

tes ; 5° l'alexie musicale : impossibilité de lire la musique ; 6° l'amimie

musicale : impossibilité d'exécution instrumentale.

Ce tableau, plus clinique que celui de Knoblauch, fut adopté par Blocq

et Onanoff (4) dans leur excellente séméiologie du système nerveux,bien

qu'ils aient groupé les types d'amusie par leur caractère sensitif ou mo-

teur en excluant les paramusies, comme on le verra dans le tableau sui-

vant, compris dans leur schéma général des asymbolies.

(1) HosrirnAL, loc. cit., p. 30. ' 1

(2) Knoblauch, Ueber Stierungen der Dlüsilealiscken Losstmegsfahiglceit infolge von

Gehirnloesionem Deutsches Archiv. sur Klinische Medicin, 1888, Brain, n° 41, 1890.

(3) WALLASCHIIK, L'aphasie et l'expression musicale. Vieterlsjahrschrift sur Diüsik-

wissenschaft, fas. I, 1891.

(4) BLOCQ et ONANOFF, Maladies nerveuses, séméiologie et diagnostic. Paris, 1892.

368 1NGEGNIEROS

¡A 11l'ùsie sensorielle véritable (le

Réceptive ou sujet ne distingue pas les sons).

sensorielle. Alexie musicale (il ne lit pas

Àiîiîtsie (altéra- les notes).

Amusie (altéra- . , Amzcsie naotrice véritable (im-

tions du langage / Amusie motrice véritable (im-

tions du langage \ possibilité de chanter). \

musical). v ° \ possibilité de chanter),

musical). - \ MtMne mMSîca ('1 ne peut

' Motrice. ) Amimie musicale (il ne peut

Motrice. { ] pas jouer d'un instrument).

pas jouer un instrument).

\ I Agraphie musicale (il ne peut

' ^ pas écrire de musique).

Ces auteurs décrivent les divers types d'amusie comme formes spéciales

des aphasies correspondantes.

III. Amusies simples et complexes. ,

En 1892 Brazier (1) publia dans la Revue philosophique, de Ri-

bot, une revue générale de la question, qui est une des plus claires et des

plus complètes. Après une synthèse critique, Brazier aborde les amusies

avec un critérium propre et se spécialise dans l'étude de la psychophysio-

logie de ce trouble. En se basant sur de nouvelles observations cliniques,

il compléta la description des amusies, en les divisant en deux grands

groupes : complexes et simples ; il subdivisa ces dernières en amusies

de réception (auditive et visuelle), et en amusies de transmission (chant,

écriture et exécution instrumentale). Cette classification concorde avec

l'antérieure et fut adoptée par Blocq dans ses.études publiées deux ans

après, où il fait à cette monographie des éloges mérités.

Brazier divise les amusies en simples et complexes ; les premières n'af-

fectent qu'une forme du langage musical, tandis que les dernières dépen-

dent de la suppression de plusieurs, ou de toutes les mémoires musicales.

Les amusies simples seraient, d'après plusieurs auteurs, plus rares

que les complexes ; cependant les exemples d'amusies simples sont plus

clairs et mieux connus. Pour leur analyse nous suivrons les indications

de Brazier, Blocq, Bernard, Dejerine, Ferrand, etc.

La surdité musicale amusie sensorielle véritable a été, en effet,

signalée, il y a déjà longtemps. Dans sa forme pure le sujet devient in-

capable de reconnaître les sons et les mélodies qu'il entend, et qui lui

paraissent n'être plus que des bruits dépourvus de tout caractère ; cepen-

dant il comprend parfaitement la parole parlée. Brazier rapporte le cas

d'un homme de cinquante ans, qui, depuis- trois ans souffrait de migrai-

(1) Brazier, Du trouble des facultés musicales dans l'aphasie, Revue philosophique.

Paris, octobre 1892.

LES APHASIES MUSICALES 369

nes ophtalmiques ; après une crise de ce genre il fut pris de surdité to-

nale ; il ne reconnaissait aucun morceau joué au piano, pas même La

Marseillaise jouée par la musique d'un régiment qui passait sous son

balcon. « Il attribuait parfaitement les sons qu'il entendait à leur cause,

aux instruments, mais il était incapable d'appréèier ces sons, en ce qu'ils

avaient de musical. » Il connaissait les morceaux et on pouvait s'en

rendre compte en lui demandant d'en dire les paroles ; il n'avait donc

pas de surdité verbale.

Les cas où la surdité musicale est accompagnée de surdité verbale sont

beaucoup plus fréquents ; ceux publiés par Wernicke et Bernard sont

très connus. Le Dr Ireland (1), en une étude générale de la question,

cite des cas de' cette nature. D'autres sont mentionnés en une brève mo-

nographie d'Edgren (2). Dans sa monographie sur le langage et les apha-

sies, Ferrand (3) admet « des surdités verbales qu'on ne doit pas ignorer,

celle des notes, par exemple». Dans quelques observations on a noté que

la surdité musicale coexistait avec la surdité des paroles (observation de

Cantalamessa). Dans une observation de Wernicke la surdité verbale co-

existe avec la conservation et la perception des tons musicaux. Bernard

croit que chez certains malades la surdité verbale pourrait être limitée

il leurs propres paroles ; mais ce point est difficile- à résoudre. Il dé-

crit, ensuite, un cas de surdité verbalepure et complète, chez une femme

de 51 ans ; la malade présente aussi un certain degré ^'amusie senso-

rielle, et bien qu'elle perçoive les sons musicaux, il paraît qu'elle les

apprécie plutôt comme des bruits que comme des sons distincts. Les sons

graves sont pour elle « comme le tonnerre » et les sons aigus « comme

une cloche ». Elle reconnaît le clairon comme « une musique de soldats » ;

elle n'arrive pas à nommer le violon qu'elle entend, mais elle se souvient

l'avoir entendu avec plaisir le 14 juillet ; quand elle entend jouer de la

flûte, elle d'il que « c'est quelque chose de religieux » et elle prend une

attitude dévote, bien qu'il s'agisse d'une valse gaie. Elle est incapable de

reconnaître la musique qu'elle écoute, prenant le Clair de lune pour « une

marche funèbre », la Marseillaise pour une musique grave, et les chan-

sons les plus gaies pour des chants d'église. Il est possible qu'il y ait eu,

en ce cas un certain degré de surdité psychique ; en réalité, la distinction

tonale est aussi défectueuse que l'interprétation mélodique. Le chant

des oiseaux est pris, par exemple, pour des voix de femme ; mais ces

(1) IRELAND, Music and the musical facully in insanily. Journal of mental science,

1894.

(2) EOGREN, Amusie, Vl2csikalisclze aphasie, Deutsche Zeitsch. für Nervenh., décembre

1894.

(3) Ferrand, Le langage, la parole et les aphasies. Paris, 189,4.

370 INGEGNIEROS

erreurs ne sont pas constantes et le souvenir en est bien conservé. D'autre

part, la malade n'est pas sourde, mais elle méconnaît la valeur des paro-

les et des tons.

, Ferrand, en un travail postérieur (1), a insisté sur ces formes patholo-

giques de « surdité tonale », semblables aux formes congénitales décrites

avec le même nom par Dauriac (2).

Mirallié (3) observa les cas d'un musicien d'orchestre qui, tout à coup,

à son pupitre, fut pris d'aphasie sensorielle, sans hémiplégie ; peu de

jours après survint une surdité verbale et musicale, avec cécité verbale

incomplète, jargonaphasie très accentuée et agraphie totale. En même

temps le malade ne reconnaissait pas la plus grande partie.des notes, il

était incapable de tenir son violon, de manier l'archet et il ne pouvait pas

fredonner de mémoire ni déchiffrer la musique. Dans ce cas il n'y avait

pas de surdité musicale pure, mais amusie complexe.

. La cécité musicale - alexie musicale se caractérise par la perte de

la faculté de lire les notes musicales, quand la vision générale et la vision

des lettres est conservée. Charcot a relaté l'histoire d'un malade, musicien

distingué, lequel un jour,se mettant au piano, se trouva dans l'impossibi-

lité de déchiffrer les notes. Proust parle d'exemples analogues (malade

qui pouvait écrire la musique et était incapable de la lire) ; Finkelbourg

cite un musicien qui jouait très bien de mémoire ayant perdu la lecture

musicale. Bernard parle d'un malade pouvant chanter de mémoire et

n'étant plus à même de déchiffrer la musique, tout en lisant les paroles

qui figuraientsur la portée ; c'est-à-dire, sans cécité verbale. Hospital (4)

mentionne des observations de cécité musicale pure avec conservation de

la lecture ordinaire ; il appelle cette perturbation « amnésie visuelle ».

La cécité musicale peut précéder la cécité verbale et se montrer sépa-

rée, comme dans le cas précédent, ou bien l'accompagner. En dehors du

cas de Bernard il y a une observation de cécité pure et complète. La ma-

lade observée par Brazier chantait, jouait du piano de mémoire (elle n'a

vait pas d'amusie motrice), elle appréciait très bien la musique entendue

(elle n'avait pas de surdité musicale), mais ne pouvait pas lire les notes,

tout en ayant conservé la lecture des caractères ordinaires(elle n'avait pas

de cécité verbale).

Selon Dejerine (5), la cécité verbale est ordinairement accompagnée de

(1) F.mRANo, Essais physiologiques sur la musique, Bull. de l'Académie de Médecine,

1895, n° 32, p. 283.

(2) DAURIAC, Essai sur l'esprit musical Alcan, Paris, 1903.

(3) Cité par Dejerine, dans la Pathologie générale de Bouchard, vol. VI, Paris, 1901.

(4) HOSPITAL, loc. Cil.

(5) Dejerine, loc. Cit :

LES APHASIES MUSICALES 371

cécité musicale et empêche le malade de déchiffrer la musique. Le cas le

plus connu (1) est celui d'un malade atteint de cécité verbale pure.qui pré-

sentait aussi de l'alexie musicale pure : il chantait très bien mais il lui était

impossible de lire une note de musique. Il put apprendre à chanter, par

coeur, les partitions de « Sigurd » et d' « Ascanio » parues postérieure-

ment à sa cécité verbale. La pathogénie de ce cas est très intéressante puis

que la perturbation n'était pas liée à la destruction du centre visuel des

paroles (pli courbé),mais à la rupture des communications entre le centre

visuel commun (cuneus) et le centre spécial.

Ferrand (2) observe que, de même qu'il y a des surdités verbales par-

tielles, il y a aussi des cécités verbales partielles ; on a signalé des cécités

de lettres, de syllabes, de paroles, de certains mots, cécité musicale ou

impossibilité de lire la musique ; cette dernière, selon Ballet, accompa-

gnerait généralement la cécité verbale ; Franckl-Hochwart (3) a décrit

cinq cas d'aphasies sensorielles, toutes accompagnées d'une altération

variable des facultés musicales.

Dans l' amusie motrice vraie ou aphémie musicale - le sujet a perdu

la faculté de chanter ou de fredonner des morceaux de musique connus de

lui. Les exemples sont nombreux. Il arrive fréquemment, par contre

et cela prouve l'autonomie relative du centre des images motrices du lan-

gage musical que beaucoup d'aphasiques, incapables de parler, conser-

vent la faculté de chanter. L'aphasique de Béhier chantait la Marseillaise

en employant le seul monosyllabe qu'il pouvait articuler; celui de Char-

cot chantait la même marcheavec un son guttural, etc. Dans notre service

de l'hôpital Saint-Roch (clinique du professeur Ramos Mejia) nous avons

. pu personnellement observer plusieurs cas d'aphasie motrice avec per-

sistance de l'aptitude pour le chant ; c'est, sans doute, la forme. moins

rare du dédoublement pathologique du langage parlé et du langage musi-

cal. On a aussi décrit des cas où les malades peuvent articuler, en les

chantant, certains mots qu'ils ne peuvent pas prononcer en parlant (Brown-

Séquard, Grasset, Knoblauch, Gowers, Bouillaud, Limbeck, Finkelbourg,

Opphenheim). z

Par contre, dans l'amusie motrice les sujets conservent la parole arti-

culée, mais perdent la parole chantée. Une malade de Proust reconnaissait

la musique entendue et jouait parchoeur,mais elle ne pouvait pas chanter,

la malade de Grasset n'était pas capable de chanter la musique qu'elle exé-

cutait au piano. Dejerine (4) observe que chez les aphasiques l'intona-

(1) DEJERINE, Cécité verbale avec aphasie, Société de Biologie, février 1892.

(2) Ferrand, loc. cit.

(3) Ireland, loc. Cit. '

(4) Cité par FERRAND, loc. cit.

372 -INGEGNIEROS

tion varie avec la richesse du vocabulaire. Selon que le malade possède

un plus grand nombre de vocables, son intonation sera plus parfaite et

exprimera mieux les nuances de sa pensée. Mais en règle générale chez

l'aphasique moteur cortical l'intonation est altérée et le malade perd les

plus délicates modulations de la voix. Le chant peut être mieux con-

servé que la parole parlée. En chantant, le malade ne conserve pas seu-

lement la mélodie, mais il peut aussi articuler des paroles qu'il ne pouvait

pas prononcer dans la conversation. Dejerine observa Bicêtre.un malade

dont la parole spontanée se réduisait à peu de mots, et qui le soir donnait

des concerts à ses camarades de l'hospice en chantant sans difficulté des

morceaux de « Mignon » et « Si j'étais Roi ». Mais si on demande à ces

malades de réciter les vers de la romance qu'ils viennent de chanter, cela

leur est très difficile et, quelquefois même impossible.

Kast (1) mentionne le fait significatif d'un jeune homme qui, après un

traumatisme à la tête, ne pouvait plus exécuter un seul morceau en res-

pectant les tons et les intervalles; cependant il pouvait lire les notes (il

n'avait pas d'alexie musicale) et il reconnaissait fort bien les notes faus-

ses dans un morceau qu'on jouait devant lui (il n'avait pas de surdité mu-

sicale). Dans un autre cas de Grasset, cité par Bernard, le malade pouvait

jouer très bien du piano, sans qu'il lui soit possible de dire le titre ou les

paroles du morceau, ou d'en fredonner la mélodie ; t'aphémie verbale

coexistait avec l'aphémie musicale.

L'agraphie musicale pure est rare ; nous ignorons qu'on en ait décrit

aucun cas.

On sait que l'agraphie verbale pure' est extrêmement rare, à tel point

que Dejerine, Wernicke et d'autres nieraient volontiers l'existence d'un

centre spécial pour cette perturbation du langage courant. Cependant,

les observations de Charcot et Pitres induisent à l'accepter, étant corrobo-

rées par les cas d'agraphies pures, sans la moindre trace de cécité verbale,

publiés par Charcot, Bernard, Pitres, etc.

Ferrand dit que « l'agraphie, de même que l'aphémie, n'est pas tou-

jours totale ; il y a des agraphies partielles. Quelques malades ne peuvent

écrire une seule lettre et ne savent que tracer des lignes informes, d'au-

tres écrivent des lettres séparées ou coordonnent des syllabes; d'autres

enfin arrivent jusqu'à écrire des paroles sans signification. Enfin, il y a

des agraphiques qui, incapables d'écrire les lettres,peuvent écrire les chif-

.fres. Jolly cite un agraphique ne pouvant écrire qu'en caractères arabes.

Bouillaud parle d'un musicien qui pouvait seulement écrire la musique

qu'il avait lui-même composée.

(1) KAST, loc. cit. ,

LES APHASIES MUSICALES 373

, Brazier et Blocq ne disent rien sur les agraphies musicales'pures. 1

, L'agraphie musicale complexe, moins rare, a été observée ; le cas- est

évident chez le musicien de Charcot qui copiait les originaux de Massenét.

Dans les agraphies verbales associées à d'autres formes d'aphasie motrice

qui sont fréquentes l'agraphie musicale coexiste d'habitude comme

complication courante.

L'aphémie instrumentale (amimie motrice instrumentale) est la perte de

l'exécution instrumentale. Elle est rare en sa forme pure;, fréquente

dans la forme complexe. Le cas de Charcot est un des mieux décrits et ob-

servés. ' ' : ' ,

I ? Amusies pures et combinées. '

De même qu'il y a des amusies associées aux aphasies, il peut y avoir

des amusies sans aucune perturbation du langage verbal ordinaire. Les

premières sont les amusies combinées que nous venons d'analyser, les

secondes sont les amusies pures.

Ireland (1) affirme « qu'il n'y a pas d'exemple d'une affection céré-

brale qui prive un homme de la faculté musicale isolément ». Celte opi-

nion est justifiée, mais elle est erronée. La bibliographie des amusies pu-

res est presque nulle ; les cas cités n'ont pas été l'objet d'études sérieuses

et méthodiques. Nos observations d'amusies pures hystériques sont les

premières ayant été l'objet d'une sérieuse étude clinique (2)..

Dans les amusies pures les fonctions du langage verbal restent indem-

nes. Un sujet, par exemple, devient incapable de comprendre la musique

qu'il entend et de chanter, tout en conservant la. faculté de répondre

correctement '(il n'y a pas d'aphasie) aux paroles qu'il entend (il n'y a

pas de surdité verbale). Wallaschecka cite vaguement des, faits de cette

nature ; Brazier (3) cite deux observations concluantes. La première se

, rapporte à un ténor, qui en pleine représentation, s'aperçut tout à coup

qu'il n'entendait plus ce que les autres artistes chantaient et qu'il ne

pouvait plus émettre une seule note, bien qu'il perçût parfaitement le

langage ordinaire et qu'il n'eût pas d'aphasie. Le deuxième cas est' celui

d'un pianiste lequel, pendant un concert, perdait la mémoire musicale

visuelle (il ne pouvait pas lire la musique), la mémoire auditive (il ne

(1) Ireland, loc. Cite . · ,

(2) INGEGh1ER05, Amusia pura total hisleriea. Archivos de psiquiatria y criminolo..

gia. Buenos-Aires, avril 1903 ; - Les troubles du langage musical chez les hystériques .

Journal de psychologie normale et pathologique. Paris, mars-avril 1906 ; Sul lin-

guaggio musicale negli islerici. Il Manicomio. Nocera inferiore, Anno XXI, no 3 ';

- Le langage musical et ses troubles hystériques. Revue de psychiatrie. Paris, mai 1906;

It. Annales médico-psychologiques. Paris, février, 1906.

(3) Brazier, Loc. cit., Revue philosophique. 1/

374 INGEGNIEROS

comprenait pas les sons de l'orchestre qui l'accompagnait), et la mémoire

motrice instrumentale (il était incapable de jouer), sans éprouver aucun

symptôme d'aphasie verbale. ' .

Nous croyons utile de signaler que ces deux cas d'amusie totale pure,

décrits par Brazier, pourraient être interprétés comme étant des amusies,

émotives ou des amusies hystériques. Dans le premier cas elles durent

autant que l'émotion, tandis que dans le second elles peuvent persister

davantage. On n'excfut pas la possibilité que l'amusie puisse être hysté-

rique et avoir pour cause une émotion quelconque. Mais Brazier ne dit

pas qu'il s'agit d'accidents hystériques ; nous faisons cette remarque

parce que la ressemblance est notable entre un de ses cas et celui d' « amu-

sie pure totale hystérique » que nous avons observé et que nous croyons

être le seul publié jusqu'ici.

V. Amusies de conductibilité.

Pour compléter les données énoncées, nous exprimerons en schéma

les idées de Wysman (t) sur les corrélations entre les amusies et les

aphasies, et sur les amusies de conductibilité . Cet auteur dans son schéma

des aphasies, ne présente qu'un centre différencié pour le langage musi-

cal : le centre des images motrices du chant.

Il admet donc, que les amusies peuvent survenir en deux cas. A,

quand il existe une altération des centres : B. quand les voies de commu-

nication qui réunissent les divers centres entre eux se trouvent interrom-

pus.

. A. 1° Suppression du centre des images motrices du chant (Erinne-

rungsbilder Gesangbewegung). Il y a l'impossibilité absolue de chanter

et de répéter le chant entendu ; toutes les autres fonctions restent intac-

tes. '

, 2° Suppression du centre des images de sons (Lautbild). Il y a perte de

la compréhension des mélodies, impossibilité de composer, de chanter

volontairement ou en répétant, de lire les notes musicales; les autres fonc-

tions restent intactes.

3° Suppression du. centre des images visuelles des objets (Objectbild).

Il y a impossibilité de. reconnaître les objets que l'on voit, perte des re-

présentations visuelles, des troubles de la parole et de l'écriture volon-

Jaire, perte de la compréhension de la lecture, impossibilité de dessiner

.volontairement ou en copiant, de lire les chiffres, et aussi la perte de la

lecture dés notes (alexie musicale). Sont respectés : la parole répétée, la

fi) Wvsxart, Aphasie und vervandle zustande dans les Deutsch, Arch. für. klin.

Med. (Cité par Blocq).

LES APHASIES MUSICALES 375

lecture à haute voix, léchant volontaire, l'écriture dictée et. la possibilité

de copier. ,

4° Suppression des représentations motrices graphiques. Ce qui déter-

mine l'impossibilité absolue d'écrire ou de dessiner, soit spontanément,

soit sous dictée, soit en copiant ; toutes les autres fonctions restent in-

tactes.

B. - 1° Interruption des communications entre le centre des représen-

tations graphiques et les noyaux des nerfs moteurs destinés à l'écriture.

Elle détermine l'agraphie complète, et conséquemment, l'agraphie musi-

cale.

2° Interruption des communications entre le centre visuel des images

des objets et le centre des représentations graphiques. Elle détermine l'a-

graphie musicale en même temps que celle du dessin volontaire ou copié

et de la faculté d'écrire les chiffres.

3 Interruption des communications entre le centre des représentations

motrices et le noyau moteur des nerfs qui fonctionnent pour l'émission de

la voix ; elle cause la perte de la faculté de chanter spontanément ou de

répéter le chant.

4° Interruption des communications entre le centre des images du son

et le centre des représentations motrices du chant. Perte du chant

volontaire et de la répétition du chant entendu. Cependant,on peut chan-

ter la mélodie d'une chanson connue dont on entend les paroles. :

5° Interruption des communications entre le centre de représentations

motrices des paroles et le centre des images du chant. Elle détermine

l'impossibilité de pouvoir chanter une chanson, en adaptant régulièrement

les paroles à la musique.

Ce résumé démontre que la conception de Wysman est inacceptable.

Non seulement elle est hypothétique, comme l'observe Blocq, mais elle

se borne à représenter les déductions que cet auteur tire d'une théorie

générale des aphasies, fondée elle-même sur une subordination des cen-

tres, admise par lui, mais qu'il est bien loin d'avoir démontrée.

VI. Corrélation entre les aphasies et les amusies.

L'étude de la psychophysiologie du langage musical et de ses troubles

pathologiques, prouve sa corrélation intime avec le langage verbal ordi-

naire ; c'est pourquoi nous observons un parallélisme marqué entre les

aphasies ordinaires et les aphasies musicales ou amusies.

Qu'il s'agisse de leurs éléments sensoriels (auditifs et visuels) ou de

leurs éléments moteurs (oral, écrit et mimique), la corrélation est visible

en tous. les cas ; ce fait devient plus évident si on considère les nombreux

37C INGEGNIEROS

aphasiques chez lesquels l'amusie coexiste. puisque généralement les trou-

bles du langage verbal et du langage musical sont homologues.

A la rigueur le mécanisme est semblable, ainsi que nous avons pu l'ob-

server dans une autre étude (1), puisque les deux formes du langage ont

une valeur purement symbolique. D'ordinaire les hommes communiquent

entre eux à l'aide du langage verbal et du langage mimique ; mais par une

éducation spéciale, ils acquièrent d'autres moyens d'expression, dont la

valeur est aussi symbolique et conventionnelle : le mathématicien exprime

des idées avec des chiffres et des calculs, le chimiste moyennant des for-

mules, le musicien par des notes et des accidents. Il suffit de méditer' un

peu sur la question pour comprendre que le musicien écrit et entend des

notes comme le mathématicien entend et écrit des chiffres ou des signes

algébriques ; le mécanisme psychologique de celui qui écrit ou lit des mé-

lodies ou des harmonies est le même que celui qui écrit ou lit un pro-

blème mathématique. Il est vrai que la musique exprime des états psycho-

logiques moins concrets que ceux exprimés par le langage parlé ou par

les mathématiques ; mais ce caractère est inhérent au contenu psycholo-

gique, à l'intelligence musicale, et non pas au langage musical qui est

seulement son moyen d'expression (2). Il n'est pas possible d'exprimer

d'une façon définie des états psychologiques indéfinis.

Pour cela, tout ce que l'on sait des aphasies peut, dans ses lignes géné-

rales, s'appliquer aux amusies ou aphasies musicales. Les schémas classi-

ques de Kussmaül, de Charcot-Ballet, de Grasset, de Ferrand, de Blocq,

peuvent également s'appliquer à l'interprétation du mécanisme des apha-

sies et des amusies.

VII. Nouvelle nomenclature clinique.

Les amusies peuvent cliniquement se présenter de bien des façons.

Puisqu'il faut une nomenclature, nous établirons la suivante, pour que

chaque expression ait une signification exacte. Elle est claire et simple ;

nous l'adopterons dans toute la partie clinique de cette monographie.

1° La perturbation du langage musical n'est accompagnée d'aucun trou-

ble du langage verbal : l'amusie est pure. Elle est accompagnée d'apha-

sie : elle est combinée.

2° La perturbation affecte toutes les formes du langage musical : l'amu-

sie est totale ; elle en affecte deux ou plus, mais pas toutes : elle est multi-

ple ; elle affecte un seul mode d'expression musicale : elle est partielle.

(1) Ingegnikros, La psychophysiologie du langage musical. Revue de philosophie.

Paris, avril 1906.

(2) IYGEIVfIEH05, Formas y Evolucion de la inteligencia musical. Ideas. Buenos*

Aires, avril 1904.

LES APHASIES MUSICALES 377

3° La perturbation, empêche de façon absolue la fonction affectée : l'a-

mnsie est complète ; elle l'empêche partiellement : l'amusie est incomplète.

On comprend que ces types se combinent en clinique, et que les varié-

tés suivantes peuvent en résulter : .

1 Amusie pure totale complète.

2 » » » incomplète.

3 » » multiple complète.

4 » » » incomplète.

5 » » partielle complète.

6 » » » incomplète.

7 » combinée totale complète.

8 » » » incomplète.

9 » » multiple complète.

40 » » » incomplète.

11 » » partielle complète.

12 » » » incomplète.

Ainsi par exemple, l'amusie }Jure totale complète est celle qui affecte sezc-

lement le langage musical (il n'y a pas d'aphasie), en toutes ses formes et

empêche d'une façon absolue son fonctionnement. Dans Y amusie pure

partielle incomplète le langage musical est seul affecté (il n'y a pas d'apha-

sie),en un seul de ses modes d'expression (alexie musicale, par exemple),

et elle permet un fonctionnement défectueux de la fonction.- Dans l'anau-

sie combinée multiple complète les perturbations du langage musical sont

accompagnées d'aphasie, affectant plusieurs modes de fonctionnement,

bien que pas tous, et supprimant leurs fonctions de façon absolue. Par ces

exemples on peut facilement induire le caractère clinique des autres types

mentionnés dans la nomenclature que nous proposons.

VIII. Méthode pour l'examen du langage musical.

Ballet (1) recommande, pour l'examen clinique de la parole chez les

aphasiques l'étude des huit modes fondamentaux qui constituent son mé-

canisme : -

1° Compréhension de la parole parlée.

2° Compréhension de la parole écrite (lecture).

3° Parole articulée volontaire.

4° Ecriture volontaire.

5" Parole répétée.

6° Lecture à haute voix.

7° Ecriture sous dictée.

8° Ecriture copiée.

(1) Ballet, soc. cit.

xix 25

378 . 11VGEGNIEItoS

Pour l'amusie nous proposons une méthode analogue, en la complétant

comme suit :

1° Compréhension de la musique entendue.

2° Compréhension de la musique écrite.

3° Chant volontaire.

4° Ecriture musicale.

5° Répétition d'une phrase .musicale.

6° Lecture musicale chantée.

7° Ecriture d'une phrase musicale entendue.

8° Copie de musique écrite.

9° Exécution instrumentale.

10° Notion du rythme.

Il est évident que chacun de ces modes de fonctionnement est suscep-

tible d'analyses spéciales permettant des différenciations et des dissocia-

tions très complexes. Le bon sens personnel du clinicien sera, en chaque

cas, le meilleur guide pour l'examen du malade.

IX. Autres perturbations du langage musical.

Bien que les amusies ou aphasies musicales représentent les troubles in-

trinsèques du mécanisme psychophysiologique du langage musical, on peut

observer d'autres perturbations de ce dernier, se rapportant à l'intelli-

gence musicale ou à des états spéciaux de l'activité psychologique de l'in-

dividu.

Morselli (9 ) estime que les fonctions du langage musical peuvent se per-

turber de trois manières différentes, qu'il assemble sous la désignation

collective de Dysmusies.

1° Les amusies, correspondant aux aphasies, dont nous venons de syn-

thétiser et de coordonner l'étude, en suivant les traces d'illustres névro-

logistes et psychologues. Les faits cliniques sont nombreux, et permet-

tent des inductions bien définies. Les formes complexes et combinées sont

fréquentes ; les formes simples et pures sont rares. La bibliographie est

étendue et il y a peu de faits nouveaux que l'on puisse ajouter à ceux

mentionnés par les auteurs.

Nous avons pu observer une seule nouvelle forme de dissociation du

langage musical, dans la clinique neuropathologique de l'hôpital Saint-

Roch, à Buenos-Aires. Il s'agissait d'un aphasique, par lésion diffuse de

l'écorce cérébrale de nature syphilitique. C'était un aphasique moteur

(impossibilité de parler et d'écrire), sans aphasie sensorielle (le sujet con-

servait l'audition verbale et la lecture des paroles écrites). Son langage

(t) i\¡OH8LLI, Semeiolica, vol. Il, p. 305.

LES APHASIES MUSICALES 379

musical présentait des perturbations correspondantes à celles du langage

ordinaire : amusie motrice complète (impossibilité de chanter et de pincer

la guitare ; le malade n'écrit pas la musique, mais il a de l'agraphie ordi-

naire), sans amusie sensorielle (l'audition musicale est parfaitement con-

servé : le sujet ne sait pas lire la musique, mais il conserve la lecture

ordinaire). C'est donc une amusie motrice apparemment complète. Cepen-

dant nous avons pu observer cette particularité notée par le chef de clini-

que du service, M. Emile Bondénari : le sujet pouvait parfaitement siffler

la musique qu'il connaissait antérieurement et, en effet, il siffla plusieurs

fois et à des jours différents l' « Hymne National Argentin » et la « Mar-

che de Garibadi » (le malade était un argentin issu de parents italiens).

Cette dissociation motrice du langage musical n'a jamais été décrite. Les

inductions que ce cas autorise sont de deux ordres. Physiologiquement il

prouve que chaque fonction systématique se spécialise en un centre fonc-

tionnel ; les images motrices des mouvements musculaires nécessaires

pour siffler, constituent un subcentre fonctionnel et anatomique différen-

cié des autres modes fonctionnels du centre d'exécution motrice ; il équi-

vaut au centre de phonation,à celui de l'écriture ou à n'importe quel centre

d'exécution instrumentale. Cliniquement, on induit que le mécanisme

mental du langage était intact ; tous ces centres étaient indemnes, moins

les centres de la phonation articulée et de l'écriture ; mais, la lésion était

limitée et n'affectait pas les noyaux des muscles respiratoires et buccaux

qui constituent le centre physiologique de la fonction de siffler, par l'as-

sociation systématique, comme tous les autres centres moteurs du langage.

2° Les hypermusies sont des exagérations morbides des fonctions musica-

les. Elles comprennent les impulsions musicales et d'autres phénomènes

semblables.

Un travail de Lôwenfeld (1) et deux monographies de Sante de Sanctis

méritent une mention spéciale.La première monographie de De Sanctis se

rapporte aux impulsions et aux obsessions musicales (2), et la deuxième

étudie les équivalents musicaux des attaques épileptiques (3). Il décrit

deux cas d'attaque de chant. Dans le premier le chant accompagnait l'atta-

que convulsive ; dans le deuxième l'accès de chant constituait toute l'atta-

que épileptique, il le remplaçait,c'était un véritable équivalent musical de

l'attaque convulsive. Des faits semblables ont été décrits par deux clini-

ciens distingués, Christiani et Lévi-Bianchini, confirmant les observations

de De Sanctis.

(1) Lôwenfeld, Ueber musikalische Zwan,gsvorslellun,g. Centrabllat für Nervenheilk.

und Psychiatrie, n° 1, 1897.

(2) DE SANCTIS, Ossessioni e impulsioni musicali. Estratto, Rome, 1896.

(3) DE SANCTIS, Equivalenti musicali di attachi epilettici. Riv. di Psicol. Psich. e

Neuropatologia. Rome, 15 Luglio, 1897.

380 1NGEGNIEROS

Ce groupe clinique comprendrait aussi certains cas de verve, d'imagi-

nation créatrice, des crises intellectuelles qu'on a observées chez quelques

musiciens de génie ; selon Lombroso (1) et d'autres auteurs, ces impul-

sions ou raptus sont fréquents et seraient une des caractéristiques psycho-

logiques propres du génie. ,

3° Les paramusies comprennent de nombreuses perturbations atypiques

du langage musical ; elles ne sont pas caractérisées par la suppression ou

l'exagération d'une ou de plusieurs fonctions élémentaires du langage,

mais par leur déviation de la forme ordinaire. Font donc partie de ce

groupe les goûts pour les sons désagréables, les phobies musicales, les

transpositions sensorielles (audition colorée, odorat musicalisé, etc.), les

perversions du goût musical,les perturbations dans la perception du rythme

et de la sonorité, etc.

Hospital (2) rappelle que Fénélon, dans ses fables, dans le Voyage il

l'Ile de Plaisirs, raconte qu'on le conduisit dans un salon ou il put en-

tendre une musique de parfums ; Fourier promettait une symphonie de

couleurs aux hôtes de ses phalanstères; un physicien anglais offrit à ses

amis, à Londres, l'audition d'une ouverture de Chopin, en couleurs, à

Saint-James Hall. Il ajoute que Treitel a observé des cas de « diplacousie »

chez des musiciens professionnels; la perturbation consistait en ce que le

sujet, en entendant de la musique, entendait une deuxième voix qui chan-

tait sur l'octave de la véritable.

On peut comprendre dans ce groupe quelques associations morbides

des émotions musicales. Vaschide et Vurpas (3) ont signalé son association

avec des excitations sexuelles et citent trois cas intéressants. Dans le pre-

mier, l'audition de musique symphonique provoquait une émotion de

plaisir semblable à une excitation sexuelle; dans le second l'audition

musicale agissait comme stimulant au point de devenir un véritable trai-

tement de l'impuissance; dans le troisième l'audition musicale équiva-

lait au plaisir sexuel, mais sans amener la satisfaction complète. Nous

croyons que ces cas doivent se'considérer comme étant produits par l'as-

sociation systématique de l'émotion musicale avec des idées érotiques. La

première fois l'association est occasionnelle ; ensuite le sujet la répète,

plus ou moins volontairement, en s'autosuggestionnant ; à la fin l'associa-

tion se systématise et se change en un véritable réflexe involontaire et iné-

vitable. C'est le processus psychologique même de l'audition colorée, par

exemple.

.(1) Lombroso, L'Uomo di Genio (6' édition). Torino, 1891.

(2) Hospital, loc. cil.

(3) Vaschide 0t VUNPAS, De l'excitation sexuelle dans l'émotion musicale. Arch.de

l'Anthrop. crini., mai 1904.

LES APHASIES MUSICALES 381

'L'étude'des hypermusies et des paramusies complète très bien celle des

amusies ou aphasies musicales, bien qu'elle corresponde davantage à l'é-

tude de l'intelligence plutôt qu'à celle du langage. Les observations de

phénomènes ayant de l'affinité, sont un des meilleurs éléments de compa-

raison et de contraste qu'on peut employer pour la critique des faits cli-

niques.

Les divers types ont pu être observés cliniquement dans presque toutes

leurs formes ; la maladie ne nous montre pas seulement le langage musi-

cal décomposé dans ses éléments constitutifs, mais elle nous montre aussi

ses déviations du type normal. Elle peut ainsi nous permettre d'étudier

non seulement le mécanisme du langage, mais aussi le mécanisme de l'in-

telligence musicale et les rapports entre les deux. Les données brièvement

énoncées suffisent à compléter le tableau des troubles du langage mu-

sical.

X. Schéma général. -

Comme conclusion de cette revue générale nous proposons le schéma

suivant pour les troubles du langage musical.

Nous combinons la division de Morselli, en ses lignes générales, avec

le schéma particulier de Brazier-Blocq, en leur faisant les modifications

de classification et de nomenclature fondées sur les raisons exposées.

/ f Amusie senso-

Sensorielle oui \ riellevraieousur- , , vraieou sur-

Sensorielle / dite musicale,

, de réception. ] A,

r / Alexie musi-

cale.

Amusie motrice

Amusies ou vraie ou aphémie

aphasies musical musicale.

- les. Motrice T I Agraphie musi-

Motriceoudex-1 i

. otrlce . ou (ex- ca 1 e.

amusies pression. cale. ins-

D< P ? s'on. P 1 mIe ins-

. trumentale (appe-

lée à tort « ami-

\ mie musicale). »

. Hyperniusies \ < Exagérations et impulsions musi-

'" Ca 1 es. .

1 Plaisir morbide pour les bruits,

phonophobie, obsession musicale,

audition colorée, associations mor-

bides, etc.

382 11VGEGNIEItOS

De nos jours, ce sont les faits cliniques qui sont appelés à résoudre les

nombreuses inconnues renfermés dans le langage musical. On a dit que

des faits bien observés valent mieux que les meilleures hypothèses, les-

quelles peuvent seulement servir de guide pour l'étude. Il ne sera donc

pas stérile pour la science d'étudier quelques cas qui présentent des ca-

ractéristiques nouvelles, et qui contribuent à l'accumulation des maté-

riaux servant à cimenter l'étude définitive de la psychopathologie musi-

cale.

Sur ces bases claires et certaines, nous ferons l'étude clinique des trou-

bles du langage musical d' origine hystérique, chapitre absolument nouveau

dans la pathologie des dysmusies.

NOUVELLE Iconographie de la SALPBTRtÈHt T. 111. PI. LV

HÉMORRAGIES PROTUBÉRANTIELLES

(F. Marie et Pierre MOlltier).

SOCIÉTÉ DE NEUROLOGIE DE PARIS.

DEUX CAS D'HÉMORRHAGIE PROTUBÉRANT1ELLE.

HYPERTHERMIE. MORT RAPIDE (1).

PAR

Pierre MARIE et F. MOUTIER.

(Planche LV)

Les hémorrhagies protubérantielles sont loin d'être très communes, aussi

nous a-t-il paru intéressant d'en présenter deux exemples. Ces cas sont

d'ailleurs comparables, et leur étude permet quelques observations que

nous développerons plus loin.

,

OBs. I. Ch..., âgé de 86 ans, entre à l'infirmerie de Bicêtre le 16 mai.

Le malade nous est précédemment connu : les antécédents n'ont rien de

particulier. Il s'agit de sinélité banale. Le 16, au déjeuner, Ch... a été

pris de vomissements'. Dans l'après-midi, il a perdu connaissance. Il

ne sortira plus du coma. La température vespérale est ce jour-là de 38°.

Le 17 mai, on constate une hémiplégie gauche très caractérisée. Ses

traits sont déviés vers la droite avec une grande intensité. La tête est éga-

lement tournée à droite. Il n'y a pas de déviation des yeux : d'ailleurs,

depuis l'âge de 40 ans, le malade est atteint d'une cécité d'origine incon-

nue. Les membres du côté gauche sont flasques; il existe une certaine rai-

deur à droite. Les réflexes patellaires et les réflexes des poignets sont vifs

des deux côtés, principalement à gauche. L'excitation plantaire détermine

à gauche de l'extension en éventail ; le réflexe est indifférent à droite. Le

réflexe cutané abdominal est aboli à gauche. '

La température est ce jour-là de 38°8 le matin et de 38°6 le soir. Une

ponction lombaire est pratiquée le matin : on laisse couler les. premières

gouttes. Le liquide est incolore, [mais, par centrifugation, on obtient un

culot d'hématies d'un volume égal à celui d'une tête d'épingle environ.

Ajoutons que le malade réagit à la piqûre, mais d'une façon incoordon-

née : il. grimace, remue son bras droit (quel que soit le côté piqué), fléchi t-

ses membres inférieurs et même son bras gauche.

Le 18 mai, à 9 heures du matin, la température est de 40°8. La tête est

plus déviée que la veille vers la droite. Le côté droit est également plus

(1) Communication faite à la Société de Neurologie de Paris (séance du 7 juin 1906).

384 MARIE ET MOUTIER

raide, elles membres gauches décèlent, eux aussi, un certain manque de

souplesse. Cependant, le malade réagit encore aux piqûres. Le réflexe plan-

taire est en extension et éventail comme la veille à gauche ; à droite, les

orteils se déploient en éventail, mais en position intermédiaire.

Le décès survient à midi ce même jour.

Examen anatomique. Ni le cerveau, ni la moelle ne présentent de

particularités à signaler ici. On constate une hémorrhagieprotubérantielle

qui s'est faite à l'union du tiers supérieur avec les deux tiers inférieurs de

la protubérance. Le foyer a pris naissance dans l'hémipont droit et a dé-

truit presque entièrement le faisceau moteur de droite et le septum mé-

dian, mais s'est à vrai dire peu infiltré dans l'hémipont gauche.

L'hémorrhagie a remonté presque jusqu'aux limites supérieures de la

protubérance, mais n'est pas descendue au delà de la moitié inférieure.

Le ruban de Reil est intéressé par l'hémorrhagie à droite. Au niveau

supérieur de l'émergence du trijumeau, le tiers interne seulement du

ruban de Reil est atteint. Le pes lemniscus est détruit. Les faisceaux trans-

verses du pédoncule cérébelleux moyen forment des brides résistantes

entre lesquelles se voient des caillots et une bouillie pulpeuse : c'est là

ce qui reste de la plus grande partie des faisceaux moteurs. Nulle part le

foyer hémorrhagique n'est en rapport avec les ventricules,mais la pie-mère

qui se trouve dans l'angle de rencontre des pédoncules avec la protubé-

rance est légèrement teintée de sang.

OBS. II. Auz..., âgé de 47 ans, est un malade antérieurement exa-

miné. C'est un lacunaire présentant de la démarche à petits pas, des

réflexes rotuliens vifs des deux côtés, un réflexe plantaire en flexion à

droite, indifférent à gauche. Il se déboutonnait difficilement avec la main

gauche, un peu plus facilement avec la main droite.

On conduit le malade à l'infirmerie le 13 mai. Il gâte depuis trois semai-

nes environ, mais ce jour particulier, on a noté une augmentation subite

de son impotence et de la fièvre : 37°8.

Le 14, le malade a 38°7, et présente une hémiplégie gauche caracté-

ristique. Ces traits sont déviés vers la droite, la tête se tourne également

de ce côté. Le malade cligne sans cesse, aussi ne peut-on préciser s'il y a,

ou non, hémianopsie. Myosis prononcé. Pas de déviation des yeux. Il

existe une raideur des quatre membres, beaucoup plus prononcée à droite.

Le réflexe plantaire est en extension à gauche, douteux à droite. Les

patellaires et les poignets sont très vifs, surtout à gauche. Enfin, quand

on pique le malade à droite, il grimace, et de sa main droite cherche le

lieu de la piqûre. La même épreuve répétée à gauche ;détermine de l'a-

gitation, mais il n'est point tenté de localisation. La ponction lombaire

donne issue à un liquide limpide sans éléments anormaux.

DEUX CAS D'HÉMORIHIAGIE PROTUBÉKANT1ELLE 385

Le décès survient le 15 mai au matin ; la température est peu de temps

avant la mort de 2°t.

Examen anatomique. - Il existe un ramollissement récent du terri-

toire de la cérébrale antérieure à droite. L'artère était complètement t

thrombosée.

Au niveau de la protubérance se rencontre une hémorrhagie de faible

volume. Elle siège dans l'hémipont droit, intéressant surtout la partie

postérieure du faisceau moteur, laissant libre plus de sa moitié antérieure.

La calotte est légèrement entamée. Le faisceau de Reil est atteint dans ses

deux tiers internes.

Le foyer est rond ; il présente 1 centimètre de diamètre environ. En

hauteur, il laisse intact le tiers supérieur de la protubérance. La lésion

commence à 4 millimètres environ au-dessus de l'émergence du trijumeau.

Son maximum est au niveau des fibres supérieures de ce nerf. Enfin,

sur le plan d'émergence des. fibres les plus inférieures de la cinquième

paire, la lésion n'a plus que à 6 6 millimètres. A cet endroit d'ailleurs,

le faisceau moteur cesse d'être intéressé, la lésion lui est immédiatement

postérieure et s'arrête enfin à 5 millimètres au-dessus du sillon bulbo-

protubérantiel.

Plusieurs particularités retiendront notre attention dans ces différents

cas. Le début a été brusque, l'évolution rapide. Entre l'hémorrhagie et l'is-

sue fatale, il ne s'est pas écoulé plus de 48 heures dans chaque occur-

rence. La diagnostie porté fut « hémorrhagie cérébrale » ; et la ponction

lombaire,'négative dans le second cas, douteuse dans le premier, ne con-

tribua en aucune façon à éclairer le diagnostic. De fait, aucun des foyers

n'était en communication directe avec le quatrième ventricule; et c'est

tout au plus si, dans le cas de l'hémorrhagie la plus étendue, on a pu no-

ter de l'infiltration sanguine de la pie-mère.

Dans les deux cas encore, il y eut déviation de la tête du côté de la lé-

sion. Il a été impossible de se rendre compte de l'existence d'anesthésie

croisée du trijumeau, l'état comateux des malades rendant trop précaires

les recherches et conclusions de cet ordre. On a noté toutefois un symptôme

que signalent les traités et articles classiques parmi les signes des hémor-

rhagies protubérantielles, c'est le myosis (4). Il était des plus accusés dans

l'unique cas où il était possible d'étudier la pupille, un de nos deux ma-

lades étant aveugle depuis plus de 40 ans.

Il est également intéressant de noter l'état de la motilité et de la sen-

sibilité'. La paralysie n'a été flasque que dans un cas et tout à fait au dé-

but. Il y a toujours eu raideur du côté de la lésion, et plus tardivement t

(1) V. une observation récente de LORTAT-JACOB et HALBRON : Hémorrhagie de la p1'O-

lubé1'a11 ce , Soc. anat., 23 février 1906.

386 MARIE ET MOUTIER

raideur généralisée. La photographie des lésions justifie ce syndrome : des-

truction de certains faisceaux, compression ou'irritation d'autres groupes

de fibres. Enfin, malgré l'atteinte plus ou moins prononcée du ruban de

Reil il n'y a pas eu d'hémianesthésie, mais seulement agnosie sensitive :

les malades sentaient la piqûre du côté paralysé, réagissaient par des gri-

maces, des déplacements de leurs membres. Mais cette agitation était ir-

raisonnée et presque réflexe, le malade ne pouvant ni reconnaître la nature

de l'excitation cutanée, ni en localiser le siège.

Nous insisterons en terminant sur l'hyperthermie que ces deux vieillards

ont présentée.

L'élévation de température fut intense, puisqu'elle atteignit (en chiffres

ronds) 41° dans un cas, et 43° dans le second. Il serait intéressant d'être

fixé exactement sur la valeur diagnostique de telles températures obser-

vées au cours de lésions des centres nerveux. Malheureusement,les recher-

ches entreprises à ce sujet, tànt expérimentales que cliniques n'ont pas

abouti. Cependant, on sait que de telles élévations thermiques se rencon-

trer un peu dans toutes les maladies cérébrales (1), il est vrai, mais spécia-

lement dans les lésions des noyaux gris centraux (2) ainsi que J. F. Guyon

l'a toul particulièrement signalé dans sa thèse, et les altérations protubé-

rantielles. Des observations comparables aux nôtres ont été publiées déjà

par Rosenstein (3), Joffroy (4), etc. En présence d'hémiplégies à.début

apoplectique, à marche rapide, s'accompagnant de myosis (ce qui peut

faire à tort invoquer l'urémie )et d'hyperthermie, il y a donc lieu de son-

ger à une lésion mésocéphalique.

(1) Ers, cité par LACASSAGNE, Médecine légale. Masson, édit., 1906, p. 281.

(2) J. F. Guyot, Contribution à l'élude de l'hyperthermie centrale consécutive aux

lésions de l'axe cérébro-spinal, en particulier du cerveau. Thèse Paris, 1898.

(3) ROSENSTEIr, Encephalohiimo7'7'hagien in den Pons und die corpora strata. l'ra'-

nortale temperat1ÏI'steige¡'ung. Berliner klin. Woch., 1866, p. 6.

(4) Joffroy. Archives de Physiologie, 1886, 1°' semestre, p. 305 et suiv. ; in Re-

cherches sur la putréfaction.

FACULTÉ DE MÉDECINE DE NANCY

ARTHROPATHIES SÉNILES DES DOIGTS

PAR

P. PARISOT ET ' G. ETIENNE

Professeur à la Faculté de Chargé de la Clinique des maladies

médecine de Nancy. des vieillards.

Nous avons eu l'occasion (1) déjà de signaler chez un certain nombre

de vieillards, hommes et femmes, une déformation des articulations pha-

langiennes pouvant, à un examen superficiel être confondue avec le rhu-

matisme noueux, d'où l'intérêt d'en indiquer les caractères cliniques.

La fréquence de cette déformation dans un'hospice de vieillards renfer-

mant des pensionnaires et des indigents appartenant à toutes les classes

de la société, montre bien qu'elle est une manifestation de la sénilité. Sur

un groupe de 88 vieillards, hommes et femmes, âgés de 75 ans et au-

dessus, observés dans nos services de l'Hôpital St-Julien,nous la trouvons

70 fois, soit 80 0/0. Elle est accentuée à un degré variable :

388 PARISOT ET ETIENNE '

Cette déformation consiste essentiellement en un épaississement de la base

des articulations phalangiennes , formant une sorte de plateau saillant. Le

maximum siège habituellement au niveau des articulations phalango-pha-

langiniennes, puis phalangino-phalangettiennes, et surtout au médius,

puis l'index, puis à l'annulaire. Parfois la déformation de la phalangette

produit une sorte d'étalement; d'autres fois la phalangette prend une

forme nettement cylindrique.

- L'aspect est rendu plus frappant lorsqu'il coïncide avec un amai-

grissement ou une sclérose des tissus mous du corps des doigts ; mais elle

est indépendante de cet amaigrissement, car elle peut manquer sur des

doigts très amaigris, et par contre être très marquée sur des doigts nulle-

ment émaciés. '

Cette forme sénile ne comporte nulle déviation, le doigt restant en di-

rection bien rectiligne, sans être déjeté vers le bord cubital, ce qui est si

fréquent dans le rhumatisme déformant ; jamais non plus de déviation

dans les poignets.

Nos photographies (PI. LVI, fig. 1 et 2) rendent compte de cet en-

semble de caractères ; la figure 3, en opposition, montre la main normale

du vieillard bien conservé, dont il a été déjà parlé.

Pas de craquements dans les articulations des doigts.

La lésion ne s'accompagne d'aucune douleur au niveau des jointures ;

parfois il a existé quelques douleurs de névrite ou d'artérite dans les doigts,

mais jamais dans les articulations. Et même la grande majorité de nos

vieillards (plus de 40 sur 70 cas) déclare n'avoir jamais éprouvé aucune

douleur dans les mains ; ils ne se plaignent pas de leur déformation, sauf

au point de vue esthétique ; elle demande donc à être recherchée.

La déformation est habituellement généralisée à tous les doigts d'une

main ; le plus souvent symétrique aux deux mains ; en tous cas, elle

atteint à peu près toujours au moins plusieurs doigts, parfois plus mar-

quée à certains doigts (médius, index, annulaire).

L'examen radioscopique et radiographique, pratiqué par notre collègue

M. le professeur agrégé Guilloz, a montré (V. radiog.9 , PI. LVII) une modi-

fication dans la forme et le volume des têtes des phalanges et des métacar-

piens (extrémité inférieure) ; les épiphyses sont hypertrophiées, élargies,

avec petites proliférations osseuses sur le pourtour des extrémités ; épais-

sissemenls péri-articulaires, surtout au niveau des articulations phalango-

phalanginiennes et phalangino-phalan; ettiennes. Au niveau des bords des

phalanges (notamment au bord interne de la phalange du 5° doigt, radio-

graphie n° 1), sont parfois des irrégularités indiquant que le bord de l'os

a subi une prolifération d'origine périostique.

Souvent il paraît se joindre à ces déformations des irrégularités dans la

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière

T. XIX. Pl. LVI

Fig. 1

F2 2

Fig. 3

Fig. --1

ARTHROPATHIES SÉNILES DES DOIGTS

(Parisot et Etie1ll1e).

Nouvelle Iconographie de la SALPCTRI·raE.

T. XIX. Pl. LVII

Fig. l'

Fige

Fig. 3'

ARTHROPATHIES SÉNILES DES DOIGTS

(Pnrisot ri Etienne).

ARïHROPATUIES SÉNILES DES DOIGTS 389

transparence osseuse, avec opposition relative entre l'état de condensation

osseuse dans les épiphyses et dans les diaphyses ; il parait y avoir raré-

faction osseuses au niveau des épiphyses; et peut-être dans les diaphyses

des travées ou des îlots plus condensés, inégalement et irrégulièrement

(V. radiogr. n° '1, PI. LVII). '

Les cartilages et les espaces interosseux ne sont pas altérés.

Aucun dépôt uratique.

En opposition avec cet aspect, nousp laçons la radiographie (PI. LV11,

radiogr. 2') de la main du vieillard bien conservé, déjà signalé comme ne

présentant pas l'aspect clinique rapporté (fig. 4, PI. LVI) : on voit que les

extrémités phalangiennes ne sont pas épaissies, et qu'il n'existe pas d'op-

position entre la densité osseuse des épiphyses et des diaphyses.

Cette dystrophie n'est pas un rhumatisme déformant. Le diagnostic

différentiel clinique se base :

1° Sur l'aspect clinique ; notre déformation ne s'accompagne d'aucune

déviation des doigts, déviation qui est la règle dans l'arthrite déformante.

Le type rectiligne d'arthrite déformante (P. Vidal) s'accompagne habi-

tuellement de flexion ou de nodosités d'Heberden ;

2° Le maximum siège au niveau des phalanges, puis des phalangines,

tandis que le rhumatisme présente surtout son maximum sur la phalan-

gette ;

3° Sur l'absence constante de douleurs au niveau même des articula-

tions des doigts, qu'au contraire nous avons toujours vues douloureuses,

soit constamment, soit par crises dans le rhumatisme déformant ;

4° La dystrophie ne s'accompagne jamais, comme l'arthrite, de contrac-

tures ou d'atrophies musculaires ;

5° La dystrophie est nettement plus rare chez la femme que chez

l'homme : 70 0/0 des cas au lieu de 88 0/0. On sait que l'arthrite est au

contraire beaucoup plus fréquente chez la femme ;

6° L'examen radiographique ne permet non plus aucune assimilation.

Enfin, on peut voir coïncider chez le même malade, parfois sur une

même main, la déformation dystrophique et le rhumatisme déformant,

chacun d'eux conservant son individualité.

Il n'existe d'ailleurs pas de motif pour que le rhumatisme déformant

épargne des doigts frappés de dystrophie. La coïncidence est cependant

exceptionnelle. Notre photographie n° 4 et notre radiographie n° 3, mon-

trent cette coïncidence, caractérisée surtout par l'épaississement des épi-

physes, combiné à certaines déformations rhumatismales, notamment à un

beau type de pouce en croissant type P. Marie et Léri.

Existe-t-il un rapprochement entre cette forme demain sénile et le type

spécial indiqué par M. Teissier, d'après P. Marie et Léri, sous le nom de

390 PAHISOT ET ETIENNE

« Rhumatisme diathésique sénile » ? Nous ne le croyons pas,malgré cer-

tains points de contact : l'âge des malades, la marche insidieuse, indolore,

le gonflement du dos des articulations par du tissu dur. Mais le type de

P. Marie et Léri paraît surtout caractérisé cliniquement par des subluxa-

tions, notamment par le pouce en croissant, par la bosselure métacarpo-

phalangienne de l'index,qui manquent dans la plupart de nos cas,qu'une

fois cependant nous avons vu~coïncider avec les déformations sur lesquel-

les nous insistons. Quant au point de vue radiographique, on voit sur

la photographie de M : Léri des dépôts d'infiltration urique et des lésions

naissantes d'arthrite tropho-névrotique avec disparition de l'interligne

articulaire, qui manquent complètement chez nos vieillards.

L'étiologie et la pathogénie de cette arthropathie sont obscures. Ce que

nous en savons, c'est que son apparition est indépendante des conditions

professionnelles anciennes ou plus ou moins récentes, et du surméenage

des mains.Nous la trouvons tout aussi marquée chez des cultivateurs, des

charrons, des vignerons, des scieurs de bois, que chez des brodeuses, des

lingères, des commerçantes, et dès retraités ; nous la voyons au contraire

très peu accentuée chez un maçon, un charpentier, un forgeron, un jour-

nalier, un jardinier ; elle manque complètement chez un menuisier.

Au contraire de ce que P. Marie a signalé chez ses ostéo-arthropathi-

ques, nous n'avons rien constaté de spécial du côté de l'appareil respira-

toire : certains de nos vieillards sont plus ou moins emphysémateux ;

d'autres ont leurs poumons en état physiologique.Pas non plus de rapport

appréciable avec le régime alimentaire.

Par contre, cette déformation est certainement, d'après les radiogra-

phies, un trouble de trophicité osseuse et articulaire, et l'hypothèse d'un

rapport entre ces troubles et l'état de la moelle sénile semble pouvoir

se présenter à l'esprit. C'est ce que nous espérons pouvoir prochainement-

contrôler.

UNIVERSITÉ DE MONTPELLIER

TRAVAIL DE LA CLINIQUE DE M. PROFESSEUR GRASSET.

UN CAS D'ACROMÉGALIE

AVEC LÉSION DE L'HYPOPHYSE ET DE LA SELLE TURCIQUE.

PAR ,

GAUSSEL.

Chef de clinique médicale à l'Université de Montpellier.

Bien que les relations entre l'acromégalie et les lésions du corps pitui-

taire soient aujourd'hui bien connues, il est toujours intéressant de pu-

blier les faits avec autopsie apportant une confirmation nouvelle de la

théorie pathogénique qui fait de ce syndrome une insuffisance hypophy-

saire. L'observation du malade dont on lira plus loin les détails démon-

tre une fois de plus comment, en présence de signes incontestables d'a-

cromégalie, l'existence d'une lésion du corps pituitaire doit être soupçon-

née en clinique et doit être recherchée à l'autopsie. Elle nous a permis

d'étudier les lésions histologiques de l'adénome de la glande pituitaire

qui constituent la modification anatomique le plus souvent décrite dans

les cas d'acromégalie ; nous devons la description des lésions observées

dans notre cas à la bienveillance de M. le professeur Bosc : c'est dans

son laboratoire qu'ont été faites les préparations.

Voici d'abord le résumé de l'histoire clinique du malade :

Le nommé Etienne R..., âgé de 69 ans, entre dans le service de M. le pro-

fesseur Grasset, salle Fouquet, (n° 16, le 30 octobre 1905 pour des oedèmes gé-

néralisés avec prédominance aux membres inférieurs, pour une dyspnée assez

vive et de l'oligurie. Ces symptômes sont survenus progressivement mais

paraissent avoir été exagérés par un refroidissement ces jours derniers, le

malade ne s'est pas traité et en particulier n'a pas modifié son régime.

L'examen direct permet de constater des symptômes d'oedème pulmonaire

aux bases, le coeur est à peu près normal, les urines renferment 4 grammes

d'albumine. D'après le passé du malade (bronchites à répétition, crampes dans

les jambes, pollakiurie nocturne, etc.) le diagnostic semble être : polysclérose

avec poussée subaiguë de néphrite sur un rein scléreux.

Prescriptions : ventouses scarifiées sur la région lombaire, eupnine, régime

lacté.

L'amélioration est rapide et le malade étant moins abattu que les premiers

3H2 GAUSSEL

jours on peut faire un examen plus approfondi du syndrome qui avait attiré

l'attention dès l'entrée du malade, mais que l'on avait laissé volontairement au

second plan pour traiter la néphrite.

Le sujet présente en effet des signes évidents d'acromégalie, l'aspect de sa

face, de ses mains, de ses pieds, les dimensions de sa taille sont caractéris-

tiques.

Il est impossible d'abord d'examiner le sujet levé car il a facilement des

vertiges, et nous devons étudier les diverses parties de son corps par le détail.

A la tête on constate que la partie supérieure est plus réduite que la face,

le front est légèrement fuyant, les bosses frontales sont peu marquées.

A la face le maxillaire inférieur est augmenté de volume, surtout dans le

sens de la longueur et constitue un prognathisme assez accentué ; la lèvre

inférieure proémine sur la supérieure sans cependant être pendante et décou-

vrir les'dents (PL. LVIII).

Le nez est gros, large, les narines largement ouvertes ; les pommettes ne

sont pas exagérées comme dimensions.

La langue n'est pas grosse ; il n'y a pas de déformation de la voûte pala-

tine ; les orbites sont de dimension normale, les yeux ne présentent aucune

anomalie ; le pavillon de l'oreille est nettement détaché et peut-être plus grand

que normalement, mais sans exagération.

La photographie montre assez nettement les caractères de ce facies d'acro-

mégalique vu de profil.

Du côté du thorax, bien que ce sujet soit un vieux tousseur légèrement

emphysémateux on ne trouve pas le thorax globuleux, bombé, mais plutôt une

cage thoracique réduite de volume eu égard à la taille.

Les mains sont surtout remarquables par leurs dimensions en longueur ; de

l'articulation radio-carpienne à l'extrémité du médius, elles mesurent 22 cen-

timètres tandis que chez un adulte de taille moyenne cette même mensuration

donne seulement 18 centimètres. L'augmentation de volume porte surtout sur

la longueur, la largeur des mains n'est pas disproportionnée à leur longueur.

Les doigts sont réguliers,mais présentent un peu l'aspect capitonné, arrondi,

« en saucisson », que l'on observe dans certains cas.

Sur le profil de la main du sujet que nous avons dessiné à côté du profil 1

d'une main d'adulte on peut apprécier la différence des dimensions.

Les pieds sont également augmentés de volume, surtout dans le sensantéro-

postérieur, mais leurs dimensions sont moins exagérées par rapport à la taille

du sujet. Cette dernière est de 1 m. 81,ainsi que nous avons pu nous en ren-

dre compte lorsque le sujet, convalescent, a demandé à se lever.

Examiné debout, il présente en outre une cyphose de la région dorsale su-

périeure qui le fait marcher légèrement voûté ; cette cyphose intéresse plu-

sieurs vertèbres et ne fait pas de saillie mais une courbure régulièrement ar-

rondie ; la tête se dégage nettement au-dessus de la colonne cervicale et n'est

pas enfoncée entre les épaules.

Considéré dans son ensemble, hormis les dimensions exagérées des extré*

UN cas D'ACHOMÉGAUE 393

mités, les membres gardent leurs proportions régulières eu égard à l'ensemble

de la taille.

Le sujet n'accuse aucun symptôme paraissant lié à cet état d'acromégalie,

il n'y a aucun trouble de la sensibilité, aucun trouble sensoriel (en particulier

pas d'hémianopsie bitemporale). La nutrition musculaire est en rapport avec

l'âge du sujet, les facultés intellectuelles paraissent être adéquates à sa situa-

tion sociale.

Le malade n'a pas remarqué ce qui fait l'objet de nos investigations, c'est-à-

dire son acromégalie ; il n'a pas remarqué le développement anormal de ses

extrémités. La cyphose remonte déjà à plusieurs années.

Rien de spécial à signaler dans ses antécédents héréditaires.

La poussée de néphrite subaiguë paraissant s'améliorer ce malade est envoyé

un matin au laboratoire des cliniques pour y être radiographié et photographié,

mais il est pris d'un vertige dans le couloir et doit être ramené à son lit ; le

lendemain il se plaint d'un point de côté à gauche et présente les signes d'un

épanchement léger dans la plèvre de ce même côté, grâce au traitement, sur-

tout au régime lacté, ce nouvel incident se calmait lorsque désireux de se sous-

xix 26

Profils de la main gauche d'un adulte de taille moyenne et de la main

du malade acromégalique.

394 GAUSSEL

traire au régime de l'hôpital, le malade demande à sortir malgré qu'il ne soit

pas guéri de sa complication pleuro-pulmonaire.

Il quitte le service à la fin du mois de novembre.

Un mois et demi après il y est ramené en pleine urémie,à forme pulmonaire

surtout, et il meurt le soir même de son arrivée.

Autopsie. Elle a été pratiquée 24 heures après le décès.

Il est d'abord un ensemble de lésions qui sont sans intérêt pour le sujet qui

nous occupe et que nous ne faisons que signaler : on trouve des altérations

rénales qui confirment le diagnostic de mal de Bright et d'urémie et des lésions

pleuro-pulmonaires (vérification des constatations cliniques).

Du côté du crâne les lésions sont plus intéressantes.

On constate des adhérences nombreuses qui partant des méninges entourent

la selle turcique : après les avoir prudemment détachées, le cerveau est en-

levé. Sur la face supérieure de la selle turcique, apparaît une tache d'aspect

rougeâtre, revêtue d'une légère membrane; la dimension de cette tache arron-

die est celle d'une pièce de vingt centimes. L'apophyse clinoïde est branlante,

la substance osseuse qui la compose n'existe presque plus et elle est remplacée

par un tissu fibreux assez épais. ,

Après avoir enlevé la pellicule conjonctive très fine qui recouvre la tache,

on se trouve en présence d'un bouillie épaisse qui remplit la cavité de la selle

turcique. A grand'peine on parvient à en enlever deux fragments irréguliers,

de la grosseur d'une lentille qui ont servi à l'examen microscopique.

La selle turcique vidée de cette substance molle et fluente, on aperçoit dans

le plancher une cavité creusée dans l'épaisseur de l'os même. Dans cette ca-

vité profonde de 2 centimètres environ, on peut engager facilement le bout

de l'index, les parois sont lisses et arrondies : il n'existe aucune fente, aucun

pertuis pouvant faire communiquer la cavité avec les sinus sphénoïdaux.

L'on peut donc penser qu'on se trouve en présence d'un corps pituitaire

complètement ramolli, logé dans la selle turcique et dans la cavité supplémen-

taire creusée dans le sphénoïde. Les lobes antérieur et postérieur de l'hypo-

physe ne sont plus apparents, il est même impossible de retrouver la tige

pituitaire.

Examen histologique de la glande pituitaire. - L'examen des coupes faites

dans l'épaisseur de la glande recueillie aussi exactement que possible montre

les particularités suivantes :

1° En certains points de la coupe, il existe un processus d'infiltration conjonc-

tive jeune à cellules allongées qui suit les capillaires interalvéolaires et qui, à

mesure qu'il s'accroît, pénètre et détruit les alvéoles et les capillaires intermé-

diaires. Il arrive à constituer les placards de tissu conjonctif adulte, lamelleux

qui renferme des vaisseaux encerclés d'un épais manchon de tissu scléreux.

2° On constate une hyperplasie glandulaire épithéliale manifeste qui s'étend

à la plus grande partie de la glande. Les cellules proliférées et très souvent

hypertrophiées forment des amas volumineux qui se tassent les uns contre les

autres, rompent, par endroits, les travées conjonctives, réduisant le tissu con-

jonctif à une travée très peu apparente et entraînant l'oblitération d'une grande

UN CAS d'acromégalie 395

partie des capillaires interalvéolaires. Ces amas cellulaires ne renferment pas

de substance colloïde apparente en amas.

L'aspect général de la préparation laisse penser à une transformation adéno-

mateuse de la pituitaire.

La sclérose active d'une partie de la glande et la transformation adénomateuse

de l'autre laissent penser à une fonctionnalité amoindrie ou disparue de l'or-

gane, la modification adénomateuse des éléments glandulaires entraînant la dis-

parition de leur fonctionnement spécifique.

Cerveau, moelle, ganglions du grand sympathique, corps thyroïde.

Ces différents organes examinés au microscope ne présentent aucune alté-

ration appréciable.

La seule lésion complète dans ce cas est donc celle du corps pituitaire.

Chez le malade dont on vient de lire l'observation, le diagnostic ne pou-

vait guère être hésitant et l'hypothèse d'une acromégalie s'imposait. Nous

trouvions en effet chez lui la plupart des symptômes caractéristiques de la

maladie. Du côté des extrémités tout d'abord l'hypertrophie des mains et

des pieds était manifeste.

On sait qu'il existe deux types de chiromégalie : l'un dans lequel l'aug-

mentation de volume de la main se fait dans le sens de la largeur ; la main

est alors cubique, massive, courtaude, en battoir, elle est large et épaisse

sans que la longueur soit beaucoup augmentée; un autre type est celui

où le développement se fait en longueur, la largeur gardant des dimen-

sions proportionnées à la longueur; la main est alors moins difforme.

C'est à ce type que répondaient les mains de notre malade.

De même aux extrémités inférieures, on décrit un pied élargi et épaissi,

sans augmentation notable de la longueur. Chez notre malade la longueur

du pied était accrue et ce segment du membre inférieur était dispropor-

tionné, non dans ses propres dimensions mais avec tout le reste du corps.

Le facies acromégalique n'était pas au complet chez notre sujet, nous

retrouvons sans doute chez lui un prognathisme très accusé du maxillaire

inférieur, la lèvre inférieure proéminente, le nez gros, large, légèrement

épaté au niveau des narines, mais il ne présentait ni la macroglossie ni

l'hypertrophie du maxillaire supérieur.

Nous aurions désiré avoir une radiographie de la face et de la boîte

crânienne pour rechercher les trois signes décrits par Béclére (épaissis-

sement très irrégulier des parois crâniennes développement extraordi-

nairement exagéré en hauteur et en profondeur des sinus frontaux et des

sinus maxillaires augmentation très notable dans le sens vertical et

surtout dans le sens antéro-postérieur de la fosse pituitaire qui donne

l'image d'une large coupe de forme hémisphérique). fies circonstances

indépendantes de notre volonté nous ont empêché de faire cette radioura-

396 GAUSSEL

phie du crâne et celle des mains, le malade, au moment de son premier

séjour, ayant quitté l'hôpital au moment où il eût été possible de le faire

accompagner au laboratoire de radiographie et son second séjour ayant

été des quelques heures qui précédèrent la mort, dans une crise d'urémie.

Cet acromégalique présentait au niveau du thorax la cyphose cervico-

dorsale qu'il est classique dedécrire chez ces malades.

On sait que parfois le thorax est augmenté de volume dans le sens an-

térieur avec aplatissement latéral, projection en avant de la partie anté-

térieure de façon à réaliser la double bosse de polichinelle (P. Marie).

La netteté des symptômes rendait facile le diagnostic différentiel dans

notre cas.

Bien que notre malade accusât quelques poussées de bronchite dans

ses antécédents il n'y avait pas à hésiter pour écarter l'hypothèse de l'os-

téo-arthropathie hypertrophiante pneumique ; cette affection (1) s'ac-

compagne de déformations des mains portant sur les doigts, en particulier

sur la phalangette qui est renflée en baguette de tambour ; elle laisse la

région carpo-métacarpienne à peu près normale au lieu de transformer

la main en battoir comme l'acromégalie, elle amène une déformation

énorme du poignet qui est élargi, tuméfié et fait une volumineuse saillie

au-dessus de la face dorsale de la main, elle respecte les maxillaires et

produit rarement la cyphose ; quand il y a une déviation vertébrale c'est

une scoliose. Enfin l'origine pneumique de l'ostéo-arthropathie est nette.

Notre malade n'avait ni le facies en pleine lune, ni l'atrophie du corps

thyroïde, ni les altérations cutanées,ni les troubles mentaux du myxoedé-

mateux.

Il n'est guère utile d'insister sur le diagnostic différentiel avec la mala-

die osseuse de Paget. Cette affection se caractérise par « l'augmentation

considérable du volume et de la courbure des os longs des membres et

des os du tronc et de la tête produisant un aspect tout particulier : les

fémurs et les tibias sont fortement courbés en avant,les jambes sont écar-

tées, le tronc et le cou sont fixés dans une flexion antérieure très accen-

tuée, par suite de lésions analogues du rachis ; la respiration est gênée et

à type presque exclusivement diaphragmatique à cause de l'hypertrophie

et de la soudure des côtes » (P. Marie).

Cette maladie osseuse de Paget se distingue facilement de l'acromégalie ;

elle frappe les os sans ordre, sans symétrie, tandis que le développement

de l'acromégalie est régulier et symétrique. Dans l'acromégalie seule on

observe le prognathisme et la localisation aux extrémités ; on n'y signalé

pas la déformation si caractéristique des os longs.

(1) RAUZIEII, Revue de médecine, 1891.

NOUVELLE Iconographie de la Salpêtrière

T. XIX. Pl. LVIII

UN CAS D'ACROMÉGALIE

AVEC LÉSION DE L'HYPOPHYSE ET DE LA SELLE TURCIQUE

(GausseZ) .

Masson & CI-, Éditeurs

Pbototypi. Berthaud, Pan 1

UN CAS d'acromégalie 397

En somme le diagnostic d'acromégalie s'imposait chez notre malade ;

aussi a-t-il été porté dès le premier examen fait par M.le professeur Gras-

set et a-t-il permis de supposer une altération de la glande pituitaire

que l'autopsie a démontrée.

On aurait pu aller plus loin et dire que si le corps pituitaire était hy-

pertrophié, l'augmentation de volume ne s'était guère faite dans le sens

antérieur puisque nous ne trouvions pas le signe caractérique de la com-

pression du chiasma à sa partie postérieure, c'est-à-dire l'hémianopsie

bitemporale. L'autopsie démontra en effet que l'appareil optique n'était

nullement intéressé.

La lésion constatée était une hypertrophie du corps pituitaire,une trans-

formation adénomateuse de la glande, c'est-à-dire en somme la lésion la

plus habituelle dans ces cas (Souques, Parona).

Notre observation est un exemple de plus confirmant la loi de coïnci-

dence anatomo-clinique entre l'acromégalie et l'altération du corps pitui-

taire.

L'altération de la glande pituitaire a été la seule lésion constatée parmi

celles que l'on a signalées chez les acromégaliques.11 n'existait nulle trace

de reviviscence du thymus ; le corps thyroïde avait gardé ses dimensions et

sa structure normale ; le cerveau, la moelle et les nerfs périphériques

étaient intacts.

Il paraît donc logique d'invoquer une fois de plus un trouble du fonc-

tionnement normal de la glande pituitaire comme élément nosologique

de syndrome observé chez notre malade : c'est à ce titre qu'il nous a semblé

intéressant de publier son observation complète.

Nous n'avons pas discuté le diagnostic entre l'acromégalie et le gigan-

tisme qui a fait le sujet de brillantes discussions entre les partisans de la

théorie dualiste (P. Marie) qui séparent nettement les deux affections,

et les partisans de la théorie uniciste (Brissaud, Launois et Roy). D'après

ces derniers auteurs,ces deux états pathologiques sont fonction d'un même

trouble de la glande pituitaire, l'acromégalie serait le gigantisme de l'a-

dulte et le gigantisme serait l'acromégalie de l'adolescent.

Notre malade ne précisait pas le moment d'apparition des caractéristi-

ques pathologiques qui avaient permis de conclure de son vivant à l'acro-

mégalie, mais leur développement s'était certainement fait à l'âge adulte

Il s'agissait donc bien d'un acromégalique.

CLINIQUE PSYCHIATRIQUE DE L'UNIVERSITÉ DE BUDAPEST

SERVICE DE M. LE PROFESSEUR ERNEST-EMILE MORAVCSIK.

ÉTUDE COMPLÉMENTAIRE

SUR UN CAS DE GIGANTISME PRÉCOCE.

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE DE L'OSSIFICATION

. par

CHARLES HUDOVERNIG

Chef de clinique psychatrique à Budapest.

En 1903 j'ai publié dans'le n° 3 de la Nouvelle Iconographie de laSal-

pêtrière, et en collaboration avec mon défunt ami, M. Uros Pétzy-Popo-

vits la description d'un jeune sujet chez lequel nous avions constaté un

gigantisme précoce allié à un développement précoce des organes génitaux.

Ce garçon, depuis lors, a été continuellement observé. Il s'est produit,

chez lui des changements considérables, non pas fortuits, mais liés à une

thérapeutique, basée elle-même sur une hypothèse que nous avions émise

dans notre premier travail. '

Il est nécessaire de récapituler brièvement l'histoire de ce malade et

de rappeler nos conclusions et nos hypothèses précédentes.

11 s'agissait en 1903 d'un garçon âgé de cinq ans et demi, nommé Char-

les H..., fils d'un père buveur et d'une mère un peu nerveuse; il était le

deuxième enfant de ses parents. Son frère aîné et sa petite soeur étaient

d'une taille moyenne, tandis que, dès sa naissance, notre malade était

d'une taille au-dessous de la moyenne. A l'âge d'un an et demi, il eut

une affection fébrile (méningite),avec otite suppurée accompagnée de vio-

lents maux de tête et de délire. Quinze jours plus tard survinrent des

convulsions de la moitié droite du corps, à la suite desquelles le pied

droit demeura « faible », mais sans paralysie véritable ; en peu de temps

l'enfant guérit complètement. Peu de temps après, il commença à gran-

dir de façon extraordinaire, et à deux ans, il dépassait déjà la taille des

enfants de son âge ; depuis lors il a continué à grandir avec excès. A l'âge

de 5 ans et 9 mois l'enfant avait l'apparence d'un garçon de 15 à 1G ans,

pesait 35 kil. 500, mesurait 1 m. 37 centimètres de hauteur. Ses

organes génitaux avaient déjà atteint un développement presque complet.

HUDOVERNIG. - SUR UN CAS DE GIGANTISME PRÉCOCE 399

Le pubis était couvert de poils aussi touffus que ceux d'un adulte, mais

il y en avait peu aux aisselles. La verge mesurait 9 centimètres à l'état de

flaccidité.Les testicules étaient très développés ; et il y avait des érections.

La voix était forte, et basse dans le chant. Crâne et face asymétriques,

plus développés à droite ; bosses frontales saillantes ; commissure labiale

déviée à gauche. Aucune lésion oculaire. Ouïe bonne. Corps thyroïde et

tous les viscères normaux. Les membres inférieurs étaient très fortement

musclés, mais proportionnellement un peu courts.

Â.u point de vue mental,notre malade était incontestablement un arriéré ;

il n'avait qu'une notion imparfaite du temps, et se montrait capricieux,

batailleur, emporté, versatile, indifférent à tous, aggressif ; mais il avait

un goût très prononcé pour la musique. Cet infantilisme psychique exagéré

contrastait beaucoup avec son aspect corporel très développé. L'examen

de l'ossification était intéressant; et notamment la radiographie de la main

montra que les cartilages épiphysaires des métacarpiens tendaient à dis-

paraitre et que les épiphyses des phalanges étaient presque soudées,

comme on le voit sur le squelette d'un enfaut de 15 à 16 ans, mais jamais

chez un enfant de 5 à 6 ans. La radiographie de la tête montrait égale-

ment que les os du crâne étaient très développés, et l'on constatait en

arrière de la cavité orbitaire une tache claire qui semblait indiquer un

élargissement de la selle turcique et la présence d'une anomalie de l'hy-

pophyse.

Il y a trois faits sur lesquels j'ai surtout insisté dans mon premier

travail ce sont :

1° L'âge du malade et son développement gigantesque qui permettaient

de le considérer comme le plus jeune des géants connus dans la littérature

médicale ;

2° L'état des organes génitaux dont le développement précoce n'est pas

en proportion avec l'état habituel de ceux des géants pathologiques chez

lesquels l'on trouve d'habitude une aplasie ou une hypoplasie des orga-

nes génitaux et de la torpeur sexuelle ;

3° L'état et l'influence de la glande hypophysaire. En envisageant ce

dernier point nous mentionnâmes que la plupart des auteurs, et surtout

les auteurs français admettent que le gigantisme et l'acromégalie sont des

processus morbides identiques, provoqués par une hyperfonction de l'hy-

pophyse. Un grand nombre de faits dans l'examen clinique de Charles II...

viennent à l'appui de cette opinion.

*

si

Déjà dans notre premier travail j'ai émis une hypothèse pour donner

une explication du processus pathologique dans notre cas, hypothèse à

400 HUDOVERNIG

laquelle je suis arrivé en envisageant différentes particularités bien con-

nues de l'ossification.

Un grand nombre de faits cliniques et anatomo-pathologiques prouve

que la croissance exagérée des os, et l'hyperfonction ou l'hypertrophie de

l'hypophyse sont en connexion ; du moins, il existe une coïncidence entre

ces deux moments, et les études physiologiques faites sur l'hypophyse ne

contredisent pas cette assertion, comme je l'ai indiqué dans mon premier

travail. D'autre part, c'est un fait bien connu que la fonction génitale (pu-

berté) coïncide avec l'achèvement de la croissance des os ; mais beaucoup

de faits prouvent aussi que l'absence de fonction génitale produit chez les

individus encore en voie de développement, une prolongation remarqua-

ble de la croissance des os : chez les eunuques et chez les animaux castrés

les os des extrémités deviennent plus longs. Enfin l'on voit chez la plu-

part des géants le tableau nosographique suivant : la croissance excessive

des os, l'infantilisme, hypertrophie de la glande hypophysaire, et une os-

sification fort tardive. Chez Charles H... au contraire il y avait croissance

excessive des os, hypertrophie de l'hypophyse et en même temps un dé-

veloppement excessif des organes génitaux.et une ossification précoce.

En comparant ces faits aux opinions des auteurs cités dans mon pre-

mier travail, je suis arrivé à l'hypothèse suivante : '

« La fonction exagérée de l'hypophyse active le processus de croissance

des os (fonction ostéogénique), ce que l'on voit dans le gigantisme et dans

l'acromégalie avec hypertrophie ou hyperfonction de la glande hypophy-

saire ; la défaillance de la fonction génitale augmente aussi- le processus

de la formation des os, en ralentissant l'ossification (ainsi s'expliquerait

l'allongement des os chez les individus et animaux castrés) ; finalement

l'excès de la fonction des organes génitaux accélère l'ossification « (En fa-

veur de cette dernière remarque, je me contente de mentionner la coïn-

cidence de la puberté avec l'achèvement de l'ossification).

C'est justement ce dernier point de mon hypothèse sur lequel j'ai in-

sisté pour expliquer l'existence, chez notre malade, de quelques différences

avec les autres géants, parce qu'il présentait contrairement à la règle

générale un développement précoce des organes génitaux et une ossifica-

tion précoce, et que malgré ces particularités extraordinaires le malade

était bien un géant pathologique, présentant aussi l'hypertrophie ou l'a-

grandissement de l'hypophyse. Je ne savais comment expliquer la manière

,dont la fonction génitale pouvait influencer l'ossification ; mais j'ai signalé

la possibilité qu'ici la glande thyroïde devait jouer un certain rôle.

Récemment MM. Parhon et Goldstein ont étudié l'action réciproque de

l'ovaire sur le corps thyroïde et de ce dernier sur les ovaires, et l'influence

réciproque du corps thyroïde et des ovaires sur le système osseux (Arclai-

SUR UN CAS DE GIGANTISME PRÉCOCE 401

ves générales de médecine, 1905, n° 3). Les conclusions' de ces auteurs ne

diffèrent pas beaucoup des miennes. Je dois faire remarquer que j'ai pu-'

blié mon hypothèse en 1903, c'est-à-dire deux ans auparavant et que j'ai

commencé chez mon malade le traitement avec l'extrait d'ovaires dès le

mois de septembre 1904.

Le but principal de ce travail est de faire connaître les résultats théra-

peutiques obtenus chez Charles H... pendant une période de 30 mois,

à partir du mois de janvier 1903 jusqu'au mois de juin 1905.

J'ai trois fois modifié le traitement, et comme le premier changement

eut lieu au bout de dix mois, ce délai fut observé aussi dans la suite ; de

sorte que j'ai finalement trois périodes égales pour pouvoir apprécier les

résultats obtenus dans les différentes périodes de ce traitement.

La première nécessité qui se posait lors de la détermination de la mé-

thode du traitement, était de préciser les symptômes pathologiques, dont

la modification était désirable et possible. Ce furent en premier lieu la

débilité psychique et la croissance pathologique et excessive des os, que

je désirais modifier. Les médicaments de nature purement chimique ne

semblaient pas être susceptibles d'exercer une action efficace, de sorte que

j'ai préféré des médicaments organo-thérapeutiques, capables d'influencer

l'action pathologique des glandes, et dans le cas présent, de la glande hy-

pophysaire.

L'on sait que dans la plupart des cas d'acromégalie et de gigantisme

c'est à l'hypophyse qu'on attribue la croissance pathologique des os. Dans

mon cas la radiographie avait démontré une hypertrophie de cette glande.

Avec des tablettes d'hypophyse j'aurais obtenu une augmentation de la

fonction hypophysaire, c'est-à-dire j'aurais exagéré une fonction déjà pa-

thologiquement augmentée. Ce ne pouvait pas être le but d'un traitement

rationnel ; et comme il n'y a pas de médicaments organo-thérapeutiques ca-

pibales de diminuer la fonction de l'hypophyse, j'ai dû renoncer à influen-

cer directement la fonction de la glande hypophysaire.

Dans mon premier travail j'avais envisagé la possibilité d'une influence

sur l'hypophyse et les organes génitaux internes exercée peut-être par

l'intermédiaire de la thyroïde. D'ailleurs, il y avait chez Charles H..., un

certain degré d'imbécillité,dont on lesaitpar des nouvelles expériences

thérapeutiques - le médicament presque spécifique est l'extrait de thy-

roïde. Ces faits encourageaient à essayer chez le malade l'action thérapeu-

tique de la thyroïdine ; par cette médication, je pouvais espérer, sinon la

cessation de la' croissance pathologique, au moins l'amélioration de l'état

psychique, cequi était le point le plus important pour le malade lui-même.

402 HUDOVERNIG

Pour ces raisons, j'ai traité le malade pendant les dix premiers mois

avec la thyroïdine ; ce traitement dura du mois de janvier jusqu'au mois

de novembre 1903. Dans les premiers jours la dose quotidienne fut d'une

demi-tablette et cette dose fut successivement portée à deux tablettes à

partir des six premières semaines. Pendant ces dix mois il n'y eut au-

cune modification de la croissance, la taille du jeune garçon s'éleva

de 137 à 142 cent. 7 soit de 5 cent. 7 . Dans l'état psychique il n'y

eut presque aucune modification, sauf que le malade devint un peu

plus tranquille. Sa vie sexuelle se développait ; il y avait essais d'ona-

nisme.

Ces résultats ne pouvaient être qualifiés de'satisfaisants puisque aucun

des buts proposés n'était atteint, à savoir : diminution de la croissance et

amélioration psychique. J'ai pourtant obtenu une amélioration légère et

vu que la thyroïdine est le médicament presque spécifique de l'imbécil-

lité, il ne me sembla pas opportun de cesser immédiatement ce traite-

ment ; mais je me proposai de le combiner avec l'action de l'iodure de

potassium. Ce traitement combiné, thyroïdine et iodure de potassium,

fut appliqué pendant dix mois, c'est-à-dire à partir du mois de novem-

bre 1903 jusqu'au mois d'août 1904, soit pendant la deuxième période du

traitement total. Dans cette période je n'ai obtenu aucun résultat : la

taille de Charles H... s'éleva de 142 cent. 7 à 147 cent. 7, donc de

5 centimètres ; la croissance avait été de cent. 7 pendant le traitement

avec la thyroïdine maintenu aussi une dizaine de mois. Dans l'état psy-

chique il n'y eut aucune amélioration, et plutôt même une agqrava-

tion. Pendant les dix premiers mois le malade était devenu un peu plus

tranquille,mais cette amélioration a bientôt disparu,et l'enfant fut encore

plus insupportable qu'avant le traitement,il ne respectait personne,essayait

de battre sa mère ; d'ailleurs son instinct sexuel se développait fortement;

il devint amoureux d'une jeune fille âgée de seize ans; mais il préférait

rester seul dans sa chambre et s'habiller en femme. C'est aussi pendant

ce temps là que se montrèrent les premières traces de barbe et de mous-

tache. Durant cette deuxième période de traitement le malade atteignit

l'âge de sept ans, en juin 1904.

Ainsi, pendant les deux premières périodes du traitement je n'avais ob-

tenu aucun résultat.

On sait que le corps thyroïde favorise le développement et la croissance

des os ; mes expériences thérapeutiques confirmaient cette donnée. Sans

doute la croissance osseuse fut moindre pendant la deuxième période,

mais une différence de 7 millimètres est tellement minime que je ne pou-

vais pas la considérer comme une conséquence thérapeutique. Le second

but du traitement, l'amélioration de l'état psychique, ne fut pas obtenu

SUR UN CAS DE GIGANTISME PRÉCOCE 403

davantage. Il était donc nécessaire de choisir une nouvelle thérapeutique

pour atteindre les buts proposés.

Déjà, dans mon premier travail,j'avais soutenu que « l'excès de la fonc-

tion des organe génitaux accélère l'ossification ». Chez Charles II... il y

avait une double cause d'augmentation du processus de l'ossification :

d'abord l'hyperfonction de la glande hypophysaire activait le processus de

croissance longitudinale des os (fait prouvé parla taille extraordinaire de

l'enfant). De plus, il y avait chez lui une hyperfonction génitale, d'où, ré-

sultait chez lui la précocité de l'ossification (fait prouvé par la radiogra-

phie).

En me basant sur cette idée je pensai qu'en augmentant chez le malade

la sécrétion interne des organes génitaux, je pouvais accélérer chez lui le

processus physiologique de l'ossification et ainsi empêcher mécanique-

ment la croissance des os. Si le succès de la médication venait à l'appui

de cette idée, c'était aussi la confirmation de l'hypothèse théorique, déve-

loppée dans mon premier travail.

Pour ces- raisons, j'ai résolu de recourir aux extraits d'organes génitaux.

N'ayant pas de spermine à ma disposition,j'ai appliqué l'ovarine. Il nesem-

hlait guère probable en effet que l'action de l'ovarine sur l'ossification fût

différente de celle de la spermine, l'ossification s'effectuant également

dans les deux sexes. En agissant ainsi, je ne pensais pas pouvoir influen-

cer l'état psychique, résultat que je n'avais pu obtenir par la thyroïdine ;

mais, selon mon opinion, il était possible d'exercer quelque influence sur

le processus de l'ossification.

Dans la troisième période du traitement le malade consomma donc

des tablettes d'ovarine ; cette période dura du mois de septembre 1904

jusqu'à la fin du mois de juin 1905, de sorte qu'elle occupa aussi un espace

de dix mois ; la dose quotidienne fut d'abord d'une tablette et fut en peu

de temps portée à six tablettes par jour. Pendant ce traitement j'ai obtenu

un résultat remarquablement favorable. La taille de l'enfant s'éleva,

mais relativement peu, de 9 47 cent. 7 à 10 cent.8 soit de 3 cent. 1 (pen-

dant les deux périodes précédentes il y'avait eu une augmentation de

5 cent. 7 et 5 cent. 0). Mais c'est surtout l'état psychique qui subit des

améliorations inattendues : l'enfant imbécile devenait peu à peu obéis-

sant, doux et tranquille; il s'intéressait aux choses de la vie quotidienne ;

ses facultés intellectuelles augmentèrent ; la perception devint satisfaisan-

te, ses'réponses logiques et comprénensibles, sa mère lui enseigna à écrire

et à lire ; son écriture était bien lisible et il lisait assez couramment ; il

est même devenu capable d'exécuter des calculs simples. Les premières

traces de cette amélioration notable apparurent déjà après un traitement

de deux mois, et trois mois plus tard il lisait déjà assez bien.

404 HUDOVERNIG

Les altérations profondes de l'état psychique, et le ralentissement de la

croissance des os, justifiaient un nouvel examen du système osseux par

les rayons Rôntgen. En rapportant les résultats de cet examen, je crois

bon de les comparer avec ceux qui furent décrits dans mon premier tra-

vail. '

Tête et main (en comparant les radiographies de 1903 à celle de 1905,

Pl. LIX). La radiographie du crâne montra sans modification les mêmes

faits qu'en 1903 : ossification très avancée des os du crâne, et constatation

en arrière de la cavité orbitaire de la même tache claire qui semble indi-

quer un élargissement de la selle turcique et la présence d'une anomalie

de l'hypophyse. L'état de cette glande ne fut donc pas altéré par les diffé-

rentes médications pendant les trente derniers mois.

La radiographie de la main droite a montré des modifications fort re-

marquables ; l'ossification a beaucoup avancé après le traitement. S1'1']a

radiographie de la main on constata en 1903 que l'ossification de tou : les

os était avancée ; l'ossification des métacarpiens était déjà accomplie les

fissures correspondant aux cartilages épiphysaires des os longs, et- ient

apparentes, mais plus étroites qu'il n'est ordinaire chez les enfants de 5 à

6 ans. Les cartilages épiphysaires des Il9 et Ve métacarpiens à leur e-tré-

mité distale étaient à peine visibles ; à l'extrémité proximale, ils n'étaient

plus visibles ; on remarquait seulement les traces de ces cartilages à la

première phalange aux extrémités distales, et dans les phalanges du qua-

trième doigt aux extrémités proximales.

En comparant à celte radiographie celle de 1905 on remarque que sur

la dernière l'ombre des phalanges, métacarpiens et os du carpe est complè-

tement homogène, c'est-à-dire que le cartilage épiphysaire proximal des

os est aussi complètement ossifié ; les fissures correspondant aux carti-

lages épiphysaires des os longs sont encore visibles, mais beaucoup plus

étroits qu'en 1903, et les parties moyennes de ces cartilages sont déjà

complètement ossifiés.

Les faits cliniques et le résultat de la radiographie prouvent donc que

l'ossification de Charles H... fit de remarquables progrès pendant le trai-

tement entier, c'est-à-dire pendant les trente mois écoulés depuis le pre-

mier examen. Ce progrès est le même pour tout le système osseux, comme

l'ont prouvé les autres examens faits à l'aide des rayons Rôntgen. Enfin

les différentes mensurations, faites systématiquement tous les deux mois,

ont prouvé que le ralentissement de la croissance n'a pas eu lieu pendant

les deux premières périodes du traitement (thyroïdine, puis thyroïdine

NOUVELLE ICOS"OGHAf'HTE DE LA SALPËtRtFRE. T. XIX. PI. LI`

Radiographie faite en 19°3.

Radiographie faite en 1906.

GIGANTISME PRÉCOCE

' SUR UN CAS DE GIGANTISME PRÉCOCE 408

combinée avec l'iodure) : mais s'est effectué seulement pendant le traite-

ment ovarien.

Or, si le ralentissement de l'ossification s'est effectué seulement pendant

le traitement ovarien, ce fait confirme absolument la thèse que j'ai soute-

nue dans mon premier travail, en disant que « l'excès de la fonction des

organes génitaux accélère l'ossification ». En employant l'expression « ex-

cès de fonction » je n'ai pas entendu et je n'entends pas autre chose

qu'une augmentation de la sécrétion interne des organes génitaux inter-

nes ; j'emploie cette expression dans le même sens pour l'hypophyse. En

traitant le malade par l'extrait d'ovaire je ne songeais pas à autre chose

qu'à une augmentation thérapeutique et préméditée de la sécrétion in-

terne des organes génitanx. Je sais bien qu'un seul cas ne suffit pas pour

entraîner la confirmation définitive de mon hypothèse, mais les résultats

obtenus sont sans doute susceptibles de venir à l'appui de mon opinion.

Il y a encore un fait singulier reconnu pendant le traitement ovarien

chez Charles H... ; c'est une diminution manifeste des testicules vers la fin

du traitement ovarien. Dans mon premier travail j'ai mentionné que les

organes génitaux du malade avaient déjà atteint un développement presque

complet : le pubis était couvert de poils, la,verge mesurait 9 centimètres

au repos, et les testicules étaient très développés, leur grandeur était en

proportion avec la verge. Après les dix mois du traitement ovarien la

verge n'a pas changé, mais les testicules ont diminué de telle façon qu'ils

n'étaient plus en proportion avec la verge, de sorte qu'on pouvait presque

penser à un état infantile des testicules. Cet infantilisme n'était qu'appa-

rent, les testicules semblant être petits par rapport à la verge extrêmement

développée ; mais eu égard à l'âge de l'enfant, ils étaient encore fortement

développés. '

Enfin, l'instinct sexuel du garçon ne fut pas modifié par le traitement

ovarien.

Il est impossible de préciser la cause de cette diminution des testicules.

On pourrait penser à une action spéciale de l'ovarine sur les glandes, mais

avec une seule constatation de ce genre on ne peut pas décider de la ques-

tion.

Le développement corporel ultérieur de Charles H... sera fort intéres-

sant et permettra peut-être de contribuer à trancher la question de l'iden-

tité de l'acromégalie et du gigantisme, opinion soutenue par MM. Brissaud

406 IiUDOVERN1G

et Meige. On sait que ces auteurs supposent la même cause pathologique

pour l'acromégalie et pour le gigantisme : une croissance excessive causée

par une tumeur ou une hyperfonction de l'hypophyse. Si cette croissance

s'effectue avant l'achèvement de l'ossification, l'individu devient gigan-

tesque ; mais si elle s'effectue après l'achèvement de l'ossification, l'indi-

vidu devient acromégalique.

Chez mon malade il existe sans doute une croissance exagérée des os

qui causa jusqu'à présent du gigantisme ; actuellement, l'ossification n'est

pas loin d'être complète, les épiphyses étant presque toutes soudées. Si

la croissance ne se continue plus, peut-être le malade sera-t-il à quinze

ans de taille très ordinaire, voire même petite. Mais si la fonction ostéogé-

nique se poursuit encore avec excès, même après l'achèvement de la sou-

dure des épiphyses, ce garçon sera probablement un jour acromégalique,

fait qui viendra à l'appui de l'opinion de MM Brissaud et Henry Meige

QUELQUES TYPES DE PLAIES PÉNÉTRANTES DU CRANE

PAR LES PROJECTILES MODERNES

PAR

J.-J. MATIGNON,

Médecin-major, membre de la mission militaire aux

armées japonaises de Mandchourie.

Toutes les photographies ci-jointes, sauf une, représentent des plaies

perforantes du crâne par balles de petit calibre, tirées à des distances

variables.

Toutes ces blessures ont été faites par des balles japonaises de 6 milli-

mètres : les blessés sont en effet des Russes que nous prîmes, au moment

de notre entrée à Moukden et que leur état avait rendu intransportables

par l'armée en retraite. '

Le vieil adage disait : « Le plomb est l'ami de l'homme», c'est-à-dire,les

tissus le supportent bien quand il lui plaît d'y séjourner.

La balle actuelle, tirée de loin, traverse sans de trop grands inconvé-

nients le cerveau.

Tirée de près au contraire, jusqu'à 500 mètres elle détermine des effets

explosifs terribles. J'avais déjà eu l'occasion pratiquement, pendant le

siège des Légations de Pékin, où presque tous nos tués le furent par des

balles de petit calibre tirées à moins de 100 mètres, de vérifier pratiquement

ce que M. Delorme avait démontré,par ses belles expériences sur les effets

explosifs de balles de fusil Lebel. Au cours de la guerre russo-japonaise,

j'ai de nouveau fait des constatations identiques sur des cadavres tombés

à quelques centaines de pas des positions ennemies, le crâne ouvert, vidé

en partie de sa pulpe cérébrale.

La guerre actuelle est-t-elle plus meurtrière que celles d'autrefois ? Non.

Après les batailles de Liao Yang, du Cha-Ho, de Moukden,on a prononcé

le mot de « véritables boucheries » : ces batailles ont cependant été pro-

portionnellement, moins sanglantes que les grandes batailles de la guerre

franco-allemande.

A Liao-Yang, les Japonais ont eu, en chiffres ronds 5.000 tués et

18.000 blessés : la bataille a duré 10 jours.

Au Cha-Ho, pour 13 jours de lutte, le chiffre des pertes est de 3.500

tués et de 16.000 blessés.

408 IIATIGNON

La bataille de Moukden dure 15 jours, avec16.000 tués et53.000bles-

sés.Moukden a été la plus sanglante de toutes les batailles de la campagne.

Mais ce n'est pas celle dans laquelle la proportion des pertes a été le plus

élevée. La 2e armée, avec laquelle je me trouvais, et qui fut la plus

éprouvée, perdu 27 0/0 de son effectif en 10 jours de combat, soit 2,7 0/0

par jour, ce qui est, en somme, peu considérable.

Les blessures légères sont les plus nombreuses. On peut établir comme

moyenne que sur 100 blessures il y a :

7 à 10 0/0 de blessures très légères (les blessés ne quittent pas le rang).

55 à 60 0/0 de blessures légères ;

30 à 40 0/0 de blessures graves.

C'est l'infanterie qui est toujours « la reine de batailles », c'est-à-dire

que c'est son jeu qui fait le plus de mal à l'adversaire et comme corol-

laire, c'est elle qui souffre surtout des projectiles ennemis.

Sur 100 blessures :

80 à 85 sont faites par,balles ;

8 à 12 par obus.

Le reste par armes blanches, explosifs divers.

La proportion des tués ou blessés est restée ce qu'elle avait été jusqu'ici,

malgré la bravoure exceptionnel le des belligérants en présence : 1 tué pour.

4 à 5 blessés, exceptionnellement, 1 tué pour 3 blessés.

Ces chiffres ne comportent guère d'enseignement. La guerre russo-ja-

ponaise a eu cependant un caractère particulièrement instructif. Elle a

montré comment une hygiène bien comprise et bien appliquée peut être

le grand facteur de la victoire, en conservant aux armées le maximum de

leurs effectifs. 1

Jusqu'ici, on savait qu'une armée en campagne avait en moyenne de

4 à 10 morts de maladies pour 1 tué. Les médecins japonaise et aussi

l'admirable climat de la Mandchourie ont renversé la proportion.

L'armée japonaise, pendant une campagne de 18 mois, a eu 43.349 tués

et 112.542 blessés pour un peu plus de 10.000 morts de maladies, soit

1 mort pour 4, 3 tués. C'est un record 1

PI. LX. n. 1. Hernie cérébrale.

Plaie pénétrante du crâne par balle de petit calibre tirée à 1.000 mè-

tres environ. Entrée au milieu de la région frontale. Trajet oblique en

haut, en arrière et en dehors. Sortie à la naissance des cheveux.

Longue incision faite par les chirurgiens russes. Explosion osseuse.

Ablation d'esquilles. Volumineuse hernie cérébrale de 10 centimètres de

long,4 à 5 de large. Sa hauteur en certains points est de 2 et 2 1/2 centi-

mètres.

Troubles intellectuels assez légers. Difficulté de l'articulation des mots.

NOUVELLE Iconographie de la Salpêtrière

T. XIX. PI. LX

Fig. 1

Fixa. 2

Fia. 3

Fig. 4

PLAIES PÉNÉTRANTES DU CRANE PAR LES PROJECTILES MODERNES

(J. J. Llatignoia).

N outille Iconographie DE la Salpêtrière

T. XIX. PI. LXI

Fig. 1

Fig. 2

Fig. 3

Fig. 4

Fig. 5

PLAIES PÉXÉTHANTES DU CRANE PAR LES PROJECTILES MODERNES 409

Comprend, mais assez lentement quand on lui parle. Peut marcher seul,

mais perd rapidement l'équilibre.

PI. LX. n° 2. - Hernie du cerveau.

Blessure du crâne et de la face par balle de petit calibre. Distance in-

connue. Entrée à 3 centimètres au-dessus du rebord supérieur de l'oreille

droite. Sortie au niveau de l'extrémité interne du sourcil gauche.

Explosion de l'os.Dilacération des tissus. Plaie cutanée de 7 centimètres

de long sur 4 de large, à bords déchiquetés. , .

La portion supérieure du maxillaire droit, l'os nasal sont détruits. De

même l'oeil droit.

L'os frontal ouvert au niveau de son sinus laisse passer une hernie cé-

rébrale de la grosseur de la pulpe de l'index.

Pas de troubles intellectuels, moteurs ou sensitifs.

PI. LX. n° 3. Double hernie cérébrale.

Plaie perforante du crâne par balle de shrapnell tirée à une distance

inconnue. Entrée par le sinus frontal. Sortie à 3 centimètres en dehors

de la queue du sourcil droit. Le projectile étaitrestésous la peau.

Incisions libératrices faites par les chirurgiens russes. Os détruit sur

le trajet du projectile. Ablation d'esquilles.

Petites hernies cérébrales à l'entrée et à la sortie du projectile.

Pas de troubles intellectuels. Troubles de la vision à droite. Distingue

à peine les objets. Pas de troubles de la motilité.

Pl. LX, n° 4. Hernie cérébrale.

Plaie pénétrante du crâne par balle de petit calibre. Distance inconnue.

Entrée à 3 1/2 centimètres au-dessus de la queue du sourcil gauche. Sor-

tie après un trajet horizontal dans la fosse temporale.

Incision de 12 centimètres faite par les médecins russes. Au fond de

l'incision se voit la plaie osseuse. Le crâne est ouvert sur une longueur de

7 centimètres et 1 centimètre de largeur. Après l'incision les esquilles

osseuses ont été enlevées.

Hernie cérébrale de 7 centimètres de longueur et de 2 centimètres de

hauteur.

Pas de troubles moteurs, sensitifs ou intellectuels.

. PI. LXI. n° 5. Double hernie cérébrale.

Plaie pénétrante du crâne par balle de petit calibre tirée à 1.600 mètres'.

Pas d'explosion d'os. Au niveau des orifices d'entrée et de sortie du pro-

jectile, hernie cérébrale de la grosseur d'une noisette.

Paralysie des extrémités des membres supérieur et inférieur gauche.

Pas de troubles intellectuels.

110 ' MATIGNON

PI. LXI. na 2. Volumineuse hernie cérébrale.

Plaie pénétrante du crâne par balle de petit calibre. Distance inconnue.

Entrée au niveau de l'éminence pariétale gauche. Sortie à droite au niveau

de la protubérance occipitale.

Large incision des tissus mous réunissant les deux orifices. Ablation de

nombreuses esquilles. Plaie osseuse de centimètres de long sur 2 de large.

Hernie du cerveau.

Aucun trouble, si ce n'est une légère dilatation pupillaire.

Pl. LXI. n° 3. -Hernie cérébrale.

Plaie pénétrante du crâne par balle de petit calibre tirée à 700 mètres.

Incision de 15 centimètres sur le trajet de la sagittale correspondant au

trajet du projectile.

Fracture osseuse. Ablation des esquilles. Le crâne reste ouvert sur une

longueur de 7 centimètres et une largeur de 1 centimètre. Par cette ouver-

ture le cerveau fait une légère hernie. '

Parésie légère des membres inférieurs. Légers troubles de la sensibilité.

La force de constriction des doigts est légèrement diminuée.

PI. LXI. n° 4. Volumineuse hernie cérébrale.

Plaie pénétrante de l'occiput par balle de petit calibre tirée à 700 mè-

tres environ. Aucun renseignement. Entrée vraisemblable à droite. A

gauche, au niveau de la sortie probable, volumineuse hernie.

Paralysie des extrémités. Troubles intellectuels et de la sensibilité. Pas

de troubles oculaires.

PI. LXI. n° 5. Hernie cérébrale.

Plaie perforante du crâne par balle de petit calibre tirée à 900 mètres.

Le projectile a pénélré par le vertex à gauche à 1 cent. 1/2 de la ligne

médiane, et est ressorti à 7 centimètres transversalement et à droite de

son point de pénétration. ' `

Explosion de l'os sur le trajet du projectile. Incision du péricrâne qui

maintenait les fragments. Ablation des esquilles. Régularisation à la pince-

gouge. Hernie cérébrale. Légère suppuration de la pulpe cérébrale super-

ficiellement dilacérée.

Diminution de la motilité et de la sensibilité dans les membres supérieur

et inférieur droits.

Déviation légère de la langue à droite.

Légère obnubilation des idées. Réponses assez claires aux questions.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE

T XIX. P1. LXII ? pée- dessinée, et ciselée, par le Maître Graveur Jules l3tvr/eazo

offerte par ses' amis el,

Mr Le Professeur PAUL RICHER

à l'occasion, de son. élection à l'Académie de,r l3rczu.z -llrt.r

22 Jnrllel jfJ05.

Masstm 8 : C" Editeurs He ! '09SchutzenbefrPan9

HOMMAGE A M. PAUL RICHER

A l'occasion DE SON ÉLECTION A l'académie DES beaux-arts

A l'occasion de l'élection de M. le professeur PAUL Richer à l'Académie des

Beaux-Arts, le 22 juillet z, ses élèves et ses amis, sous l'inspiration de

M. le professeur Raphaël Blanchard, se sont réunis pour lui offrir un souve-

nir. Nos lecteurs trouveront PI. LXII la reproduction de la belle oeuvre d'art <

qui fut exécutée à cet occasion par M. Jules Brateau. Ils liront également ci-

après l'allocution prononcée par M. R. Blanchard, le 6 juin 1906, jour où

fut remis à notre Directeur ce souvenir digne de plaire à l'artiste et au savant

dont il est la vivante alliance.

Aux hommages d'admirateurs illustres et d'amis dévoués, la Rédaction delà

Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière tient à ajouter modestement le sien.

Elle ne saurait oublier que la tradition qu'elle s'efforce de perpétuer est due à

l'auteur de ['Anatomie et de la Physiologie artistiques, secondé, sous la haute

approbation de Charcot, par le regretté Gilles de la Tourette et la compétence

photographique d'Albert Londe. '

C'est en restant fidèle il cette tradition que la Nouvelle Iconographie de la

Salpêtrière est parvenue à conquérir une place enviable- parmi les publica-

tions scientifiques. C'est en sentant ses efforts soutenus par la spéciale com-

pétence de son directeur, Paul Richer, qu'elle a pu s'engager avec sécurité

dans une voie nouvelle et féconde.

La rédaction de la Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière croit pouvoir

trouver dans ses sentiments de reconnaissance le droit d'ajouter son propre

hommage d'affection et d'admiration à ceux dont M. le professeur Raphaël

Blanchard s'est fait l'interprète. J

Henry lfIEIGE.

. *

L'élection de M. le professeur Paul Richer à l'Académie des Beaux-Arts,

le 22 juillet 1905, est un événement assez significatif pour que les amis du

nouveau membre de l'Institut aient eu la pensée de le célébrer. Pour la pre-

mière fois, croyons-nous, depuis sa fondation déjà ancienne, l'Académie des

Beaux-Arts accueillait dans son sein un savant dont toute l'oeuvre pouvait

être revendiquée comme l'une des plus curieuses manifestations de l'art

contemporain, ou, si l'on veut, un artiste dont l'oeuvre entière démontrait

412 HOMMAGE A M. PAUL RICHER

un tempérament scientifique des plus originaux. Car, en Richer, l'artiste

et le savant sont si intimement confondus qu'il est véritablement impossible

de les séparer.

Quelques-uns de ses amis, presque tous médecins, accueillirent avec

empressement la proposition que je leur fis d'offrir au Professeur Paul Ri-

cher, en cette circonstance mémorable, un souvenir qui pût, en quelque

sorte, la symboliser, en rappelant la double source, médicale et artistique,

d'un talent universellement apprécié. Une souscription fut ouverte dans un

cercle très restreint d'amis et bientôt l'on put faire appel à l'un des maîtres

de la gravure française, M. Jules Brateau. Celui-ci ne tarda guère à pré-

senter au comité de souscription une de ces oeuvres délicates et puissantes

qui réunit tous les suffrages.

Celte oeuvre remarquable, quela plaiiclieLX11répioduitunpeti réduite,

consiste en une épée de Membre de l'Institut.Bien qu'enserré dans d'étroites

limites et gêné par le type officiel, qui ne lui permettait pas de donner li-

bre essor à toute sa fantaisie, M. Brateau a su réaliser un bijou délicieux,

bien marqué au coin de son talent si original.

Le 6 juin 1906, Madame Paul Richer accueillait dans ses salons les amis

de son mari et l'arme pacifique était offerte à celui-ci, au milieu d'une fête

intime et cordiale, non exempte d'une émotion partagée de tous.

La Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière, dont le professeur Paul Richer

à été l'un des fondateurs et qu'il a orientée avec tant de succès, dans la voie

médico-artistique, ne pouvait rester à l'écart d'une semblable manifesta-

tion. C'est pourquoi il nous a paru opportun de reproduire ici l'oeuvre

d'art exécutée par le maître Jules Brateau et l'allocution toute familière que

nous avons adressée à notre éminent ami, au cours de la fêle dont il vient

d'être question.

R. Blanchard.

Allocution prononcée par 111. le Professeur Raphaël Blanchard,

membre de l'Académie de médecine.

Cher ami,

Ceux qui, ce soir, se pressent autour de vous sont des amis qui, de lon-

gue date, vous connaissent et vous aiment Les joies de voire famille sont

aussi les leurs, toutau moinsen iii)t (Iti'el les ,(ius concernent personnelle-

ment el qu'elles niellent en cause le savanl, le professeur ou l'arli.Me. C'esl

pourquoi nous avons résolu de fêter ce soir votre récente élection ü l'Aca-

démie des Beaux-Arls et de vous offrir, à l'occasion de cet heureux événe-

ment, un souvenir qui pût vous rappeler tout à la fois vos origines médi-

cales et votre brillante évolution artistique. Tout le monde comprendra quel

HOMMAGE A M. PAUL RICHER 413

sentiment nous a guidés ; vous seul, sans doute, en serez surpris. Votre

modestie est si grande, quej'ai reçu la mission délicate et flatteuse de vous

expliquer les raisons de cette réunion intime. f

Le 9 mars 1874, le Dr Meillet soutenait une thèse sur les déformations

permanentes de la main. Charcot présidait : il loua fort ce travail et fut

émerveillé des trois planches à l'eau-forte dont était orné. « On ferait le

diagnostic sur ces dessins» ,s' écria-t- i 1. Il voulut en connaître l'auteur. Celui-

ci n'était autre qu'un étudiant en médecine qui concourait alors pour l'in-

ternat et dont le succès paraissait certain (il fut effectivement nommé le

troisième de la promotion suivante). Comprenant à quel point lui serait

précieuse la collaboration d'un artiste aussi plein de promesses, le Maître

lui offrit spontanément une place d'interne de quatrième année dans son

service de la Salpêtrière.

Le jeune homme chez lequel s'affirmait déjà d'une façon si heureuse

cette double qualité d'artiste et de médecin, c'était vous, mon cher ami. Voilà

dans quelles circonstances est née votre association avec le professeur Char-

cot, qui devait être si féconde et si profitable à chacun de vous. Après deux

années de chirurgie et une année de médecine, vous entriez finalement, en

1878, dans cette clinique de la Salpêtrière où vous deviez passer tant d'an-

nées, d'abord comme interne, puis comme chef de laboratoire. La science

vous intéressait vivement, mais l'art vous fascinait : comme autrefois Léo-

nard de Vinci, vous aviez pour destin de cultiver avec un égal talent ces

deux tendances, ordinairement contradictoires. Avec une admirable pon-

dération d'esprit, vous avez poursuivi tantôt vos recherches scientifiques,

tantôt votre rêve d'art, mais vous avez chéri d'une égale tendresse ces deux

séduisantes sirènes; elle vous ont inspiré l'une et l'autre des oeuvres d'une

rare originalité, où l'on ne sait s'il convient de louer davantage la partie

purement scientifique ou la partie artistique. Pour nous, médecins, c'est,

incontestablement, cette dernière qui nous charme le plus. Non que la par-

tie scientifique de voire oeuvre soit de mince mérite, mais il est notoire que

vos qualités d'artiste vous donnent une personnalité tout à fait incompa-

rable. z

Loin de moi la pensée de retracer par le menu votre carrière laborieuse

et brillante ; un tel discours ressemblerait trop à un éloge académique,

mais il m'a semblé intéressant de noter les circonstances qui ont décidé de

voire carrière. Chaque homme a dans sa vie une minute critique d'où dé-

pend l'orieutation de toute son existence ; il importe au psychologue d'être

renseigné sur ce moment décisif ; sans ce fil d'Ariane, il ne peut explorer

et comprendre les divers aspects que revêt le talent de l'artiste ou du sa-

vant.

Avec des milliers de malades, présentant le tableau de toutes les misé-

414 HOMMAGE A M. PAUL RICHER

res humaines, la Salpêtrière a été pour vous un incomparable champ d'ob-

servation.Là où d'autres, comme un Callot,un Brouwer ou Goya, n'eussent

vu que grimaces et contorsions, vous avez découvert une humanité pitoya-

ble, qui ne pouvait laisser indifférent un artiste pénétré de cette grande

compassion qu'engendre l'étude de la médecine. L'étrangeté des attitudes,

l'imprévu des expressions, la déchéance physique et morale des malheu-

reux au milieu desquels vous viviez momentanément, voilà les modèles

que vous aviez sous les yeux. Connaissant les raisons anatomiques de ces

décrépitudes, vous avez résolu de les interpréter en une oeuvre qu'aucun

artiste n'avait encore réalisée; laissant le burin pour reprendre la plume,

quittant celle-ci pour saisir le scalpel ou l'ébauchoir, vous avez écrit, des-

siné, gravé, sculpté l'histoire de ces deshérités qui sont, malgré tout, des

hommes, et, à ce titre, suivant le mot de Térence, sont dignes de notre

intérêt.

Vos Etudes cliniques sur la grande hystérie (1881), puis votre livre sur

les Paralysies et les contractures hytériques furent vos premiers travaux.

Ils firent sensation, notamment en raison des admirables eaux-fortes dont

ils étaient illustrés. Votre nom devient aussitôt célèbre dans le monde mé-

dical ; d'autres oeuvres vont l'imposer aussi à l'attention du monde artis-

tique.

Avec Charcot, vous publiez des études sur les Démoniaques dans l'art

(1887), puis sur les Malades et les Difformes dans l'art (1889) ; la docu-

mentation en est abondante et judicieusement choisie. Il en ressort, à la

surprise générale, cette notion que les peintres, graveurs ou sculpteurs

qui ont représenté des états pathologiques les ont effectivement étudiés

d'après nature, bien loin de donner un libre cours à leur imagination fer-

tile.

Vous ouvrez ainsi un domaine insoupçonné à l'histoire de lamédecine;

vous créez ces études de médecine artistique qui depuis ont trouvé tant

d'adeptes, en France et à l'étranger. Un organe nouveau vous semble

même nécessaire pour les centraliser ; avec Charcot, avec A. Londe et

avec notre regretté ami Gilles de la Tourelle, vous fondez la Nouvelle Ico-

nographie de la Salpêtrière. Depuis dix-neuf ans, ce recueil poursuit sa

glorieuse carrière, c'est-à-dire qu'il persévère avec un succès sans égal 1

dans la voie que vous lui avez tracée. Il est devenu de la sorte une source

précieuse de documents pour l'histoire médico-artistique ; l'Art et la

Science, si longtemps étrangers, l'un à l'autre, y fraternisent étroitement

et vous êtes le principal auteur de cette union féconde. D'ailleurs, votre

prédilection pour ces études captivantes ne s'est jamais démentie et ré-

cemment encore elle s'affirmait en un livre impérissable, l'Art et la Mé-

decine (1 ü02).

HOMMAGE 1 M. PAUL RICHER 4*5

Tout en exécutant ces travaux remarquables, vous rêviez de représen-

ter par la sculpture quelques-uns des types morbides que, médecin, vous

aviez étudié d'une façon si complète : sans avoir passé par aucune école,

vous vous improvisez sculpteur. Vos « statuettes pathologiques », faites à

la Salpêtrière, ne sont connues que d'un petit nombre, mais elles ont

laissé dans l'esprit de ces favorisés un souvenir ineffaçable. La paralysie

agitante, le myxoedème, la myopathie progressive, la paralysie labio-

glosso-laryngée sont symbolisés par des personnages d'une vérité criante ;

c'est le cas de répéter le mot de Charcot : « On fait le diagnostic sur ces

statuettes. » Chaque clinique devrait en posséder la série, tant est péné-

trante leur puissance de démonstration. '

Désormais, vous êtes en pleine possession de votre talent, vos produc-

tions artistiques et littéraires vont se multiplier, toutes dominées par la

grande pensée que j'ai tenté de mettre en relief. Vous n'avez pu représen-

ter avec tant de justesse la flétrissure maladive de vos modèles que grâce

à une connaissance profonde de l'anatomie normale. Le premier de tous

les artistes, vous avez comparé l'homme malade à l'homme sain et vous

avez tiré de ces éludes des notions toutes nouvelles sur la valeur expres-

sive des attitudes et des mouvements. Vous acquérez ainsi des conceptions

personnelles sur la fonction artistique des muscles, du tégument et du

squelette, et la nécessité s'impose à votre esprit de donner une forme con-

crète aux vérités qui se sont révélées à vous.

Tel que nous vous connaissons, nous ne saurions être surpris de vous

voir réaliser ce projet de diverses manières, dont chacune eût pu suffire

à la gloire d'un esprit moins bien doué. En 1890, vous publiez l'Anato-

mie artistique ; en 1895, la Physiologie artistique de l'Homme en mouve-

ment ; en 1902, l'Introduction à l'étude de la figure humaine. En même

temps, vous modelez la série des exercices athlétiques : le lancement du

poids, la lutte, la boxe, le coup de poing, etc., et cet admirable groupe

de la course dont il fut question d'orner la salle des Pas-Perdus de l'Aca-

démie de médecine. Vous exposez au Salon le Premier artiste, qui fut

acheté par l'Etat et qui orne actuellement le Muséum d'histoire naturelle.

Le professeur de Quatrefages ne se méprenait pas sur la haute valeur de ce

bronze, où vous avez synthétisé, en quelque sorte, toutes vos idées sur

l'anatomie artistique.-

J'en ai dit assez, mon cher ami ; parlant au nom d'une majorité de

médecins et médecin moi-même, je veux m'en tenir au côté médico-artis-

tique de votre oeuvre si variée. Je connais et apprécie hautement vos au-

tres productions ; j'ai admiré le Faucheur du Musée de Chartres, dont la

sincérité avait séduit le maître Dalou ; je ne saurais contempler avec in-

différence le Bûcheron qui se dresse devant le Musée de Sèvres ; vos mé-

416 HOMMAGE A M. PAUL RICHER

dailles si délicates me sont connues : je vous ai vu exécuter dans votre ate-

lier votre splendide Monument de Pasteur et j'assistais à Chartres à son

inauguration. De toutes les faces de votre talent multiple, aucune ne

m'échappe, mais je n'ai point la compétence voulue pour apprécier comme

il convient ces oeuvres magistrales, que je me contente d'admirer avec un

sentiment de vieille et profonde affection.

Ce sentiment, tous vos amis l'éprouvent aussi vivement que moi ; ils

m'ont confié la tâche très agréable de vous l'exprimer en leur nom. Nous

avons ressenti une grande joie quand l'Académie de médecine vous a of-

fert un fauteuil, puis quand l'Ecole des Beaux-Arts vous a confié sa chaire

d'anatomie. Mais ce n'étaient là que les deux premières étapes d'une glo-

rieuse route que vous deviez parcourir tout entière. La -consécration

finale vous était due ; nous l'attendions avec confiance. Elle s'est réalisée

le 22 juillet 1905, quand l'Académie des Beaux-Arts vous reçut dans son

sein, donnant ainsi sa haute approbation à un talent dont, depuis long-

temps, nous savions tout le charme et toute la puissance. C'est la pre-

mière fois qu'un médecin prend rang dans cette illustre Compagnie. Fiers

pour notre ami, fiers pour notre profession, nous avons eu la pensée de

vous offrir, en commémoration de ce grand événement, un modeste sou-

venir.

Nous étions certains de vous causer une satisfaction bien vive, en con-

fiant l'exécution de ce souvenir au maître ciseleur, Jules Brateau, un ar-

tiste auquel vous attachent des liens d'étroite amitié. Son oeuvre est digne

de vous : c'est un pur bijou, dont vous pourrez admirer tout à la fois la

délicate inspiration et l'exécution magistrale. Elle symbolise de la façon la

plus gracieuse l'union de l'Art et de la Science,sous les auspices de Minerve,

déesse de la Sagesse.

Et mainlenant, mon cher ami, vous connaissez les raisons de cette fête,

où vos amis les plus anciens éprouvent une des plus douces émotions de.

leur vie. Madame Paul Bicher nous a fait un grand honneur en nous per-

mettant de venir vous exprimer ce soir notre inaltérable affection et notre

orgueil ; elle a été si intimement associée à vos travaux et à vos triomphes,

qu'elle daignera nous autoriser à lui exprimer également nos félicitations

.et à lui offrir ces fleurs, en témoignage de notre très respectueuse défé-

rence.

Le gérant : P. Bouchez.

Imp. J. Thevenot, Saint-Dizier (Haute-Marne)

oc ANNÉE ? 5 SEl'TED1BRE-UCTOBItE

RECHERCHES SUR ? 1 ? 11RESCLNCC DE LA MOELLE

PAR

G. MARINESCO et J. MINEA.

Professeur à la Faculté de Médecine Professeur du Laboratoire de-

de Bucarest. la Clinique des maladies nerveuses.

La question de la régénérescence de la moelle a été le sujet d'un grand

nombre d'études expérimentales et anatomo-pathologiques de la part de

différents auteurs,mais les résultats auxquels chacun d'eux est arrivé sont

différents. Chez les vertébrés inférieurs, un certain nombre de savants

avaient constaté une régénérescence plus ou moins complète. Muller a

observé la régénérescence de la moelle épinière sectionnée chez les tritons,

et les lézards ; Brown-Séquard a constaté la régénérescence presque

complète des éléments nerveux après la section de la moelle chez des pi-

geons. A côté des résultats positifs que nous venons de signaler, on trouve

un bon nombre de faits négatifs. Ce sont ceux qu'ont constatés MM. Giu

liano et Margini chez le lézard, Picolo et Santi Serebe chez le pigeon, le

lapin et le chien ; enfin, les recherches expérimentales de M. Schieffer-

decker, de M. Cohen, de M. Mondino et celles de l'un de nous rentrent

aussi dans ce groupe. Il faut reconnaître que tous les auteurs précédents

n'ont pas eu alors des procédés de coloration spécifique du cylindraxe. Ce

n'est qu'avec les recherches de Stroebe, de Bickeles et Fickler,de Mari-

nesco, de Bielschowsky, de Ramon y Ca,jal,de Minea etlllarinesco, que la

question est entrée dans une nouvelle phase.

C'est à Stroebe (1) que nous devons les connaissances les plus étendues

et les plus exactes sur la régénérescence expérimentale de la moelle. Cet

auteur a pratiqué des sections complètes ou partielles de la moelle du

lapin adulte entre la région dorsale et la région lombaire. Les animaux ont

été sacrifiés de 1 à 45 jours après l'opération. Après 24 heures, on trouve

au niveau de la section, une sorte de bouillie constituée de débris de

myéline, de nombreux leucocytes contenant des granulations grosses et

fines de myéline, et des globules de sang. Dans les deux bouts de la sec-

(1) STROEIJE, Zieglers Beitrage. Bd. 16.

xix 28

418 MARINESCO ET MINEA

tion, il y a les phénomènes qui caractérisent la dégénérescence traumati-

que. Les cellules endothéliales des vaisseaux montrent, au niveau de la

dégénérescence traumatique, des mitoses typiques.

Après deux jours,il y a une prolifération cellulaire intense des deux côtés

de la section. Il en résulte un tissu embryonnaire formé de grosses cel-

lules, de vaisseaux et d'autres cellules. Il constitue une espèce d'enveloppe

au niveau de la section, puis, petit il petit, il pénètre dans la profondeur.

Une partie des fibroblastes provenant des grosses cellules du tissu em-

bryonnaire absorbent par voie de phagocytose les grosses et les petites

boules de myéline donnant ainsi naissance aux corps granuleux. Tandis

que la prolifération des cellules névrogliques reste toujours infime, celle

des cellules des vaisseaux, et surtout des petits capillaires, s'accentue de

plus en plus dans la zone de dégénérescence des bouts sectionnés et donne

ainsi naissance à une zone de croissance comparable à celle qui a été for-

mée par la première. Le tissu embryonnaire, qui fait son apparition au

niveau de la section s'accroît de plus en plus de tous les côtés et se subs-

titue il celui détruit par le traumatisme, à mesure que les débris de la

myéline et du cylindraxe ont été enlevés par les fibroblastes.

Plus tard, les cellules granuleuses, surtout du côté de la pie-mère, se

transforment en cellules fusiformes ou ramifiées, et surtout à la place

du tissu d'inflammation se développe un tissu cicatriciel compact. Cepen-

dant, même au bout de 47 jours, on peut voir encore entre les traînées

fibreuses de la cicatrice des globules granuleux. Cette prolifération du tissu

conjonctif existe non seulement sur les bords de la section, maison la trouve

encore à une certaine distance de la dégénérescence traumatique. Stroebe

insiste aussi sur les renflements piriformes, ovales ou ronds du cylindraxe

au niveau de la dégénérescence traumatique. Il pense que par des trans-

formations successives, ces renflements donnent naissance aux corpuscules

amylacés. Stroebe a constaté au bout de deux semaines, la formation de

fibres fines à myéline provenant des cordons latéraux et antérieurs.

Ces fibres s'infiltrent entre les éléments cellulaires de la cicatrice sui-

vant un trajet irrégulier et formant un feutrage plus ou moins dense. Ces

fibres présentent une ressemblance parfaite avec les fibres jeunes des nerfs

périphériques, c'est-à-dire qu'elles s'accompagnent de cellules fusiformes

conjonctives provenant de la cicatrice. L'auteur soutient avec juste raison

que les cellules de la gaîne de Schwann ne sont pas des neuroblastes,

mais des formations secondaires d'origine mésodermique. Malgré cette

néoformation des fibres nerveuses, la régénérescence de la moelle n'est t

cependant pas comparable à celle des nerfs périphériques.

La cicatrice médullaire, avec sa structure irrégulière ne constitue pas

une voie conductrice favorable à la croissance nerveuse, comme cela ar-

· RECHERCHES sur la ftEGËNÈHESCENCË DE la moelle 41'J

rive dans les nerfs périphériques. D'autre part, si les fibres médullaires

de néoformation ne progressent pas ou bien se perdent dans la cicatrice,

il faut en chercher la raison dans le fait qu'elles ont une tendance nor-

male ci la production de collatérales. Aussi, après la section de la moelle

il ne se produit pas des fibres puissantes, longues, mais des fibres fines

qui s'épuisent facilement par des divisions successives.

Fickler (U ) a fait des expériences de section et de contusions de la moelle

chez le chat et chez le lapin. Il a pu constater des phénomènes de régéné-

rescence du côté des fibres de la substance blanche. Beaucoup de fibres de

nouvelle formation proviennent des racines postérieures et pénètrent dans

la moelle avec les vaisseaux de nouvelle formation partis de la pie-mère.

Il y a par conséquent une régénérescence double, l'une partie des racines

postérieures et l'autre de la substance blanche de la moelle.

L'un de nous (2) a décri sommairement dans un travail récent la régé-

nérescence des racines postérieures et de la moelle consécutive aux sec-

tions expérimentales. Il a vu que le processus de régénérescence est iden-

tique à celui qui a lieu dans les nerfs périphériques : la neurotisation du

bout dégénéré se fait par l'intermédiaire des tubes nerveux partis du bout

central qui traversent la cicatrice pour arriver dans le bout périphérique.

En ce qui concerne la régénérescence de la moelle,nos recherches ont porté

sur des cobayes et sur des chiens ayant vécu de 51 à -lU9 jours après

l'opération.

Dans tous ces cas, on voit une régénération des fibres nerveuses ni In ti l

d'une part, du point de section des racines postérieures vers la moelle

(quelques-unes de ces fibres pénètrent dans la cicatrice), et, d'autre pari,

de la moelle vers la cicatrice. Le mécanisme de régénération des libres des

racines postérieures est tout à fait semblable à celui que M. Ramon y Cajal

et nous-mêmes avons décrit dans les nerfs périphériques ; c'est-à-dire que

les fibres de nouvelle formation prennent naissance la plupart du temps

par division des vieilles libres. Dans une note communiquée à la Société

de Biologie, nous avons montré la possibilité d'une régénérescence très

étendue des fibres nerveuses détruites chez l'homme par le processus pa-

thologique (3).

A son tour, Bielschowsky (4) a étudié les modifications du cylindraxe

(1) FICKLEH, Experimentelle Untel'suchungen zur Anatomie des traumalischen Dege-

nervation und der Régénération der Huclcenmarckes. Deutsche Zeistchrift sur Nerven-

keilkunde, 1905. Bd. 24.

(2) G. YIARII\ESCO, Contribution à l'élude de l'histologie et de laxalhogénis du labes.

Semaine Médicale, 28 avril 1906.

(3) G. MARINESCO et J. Minera, Note sur la régénérescence de la moelle chez l'homme.

Comptes rendus hebdomadaires des séances de la Société de Biologie, 22 juin 1906.

(4) BICLSCIIO\VSICI, Uber das Verlrallender Achsenzyhinder in Geschtviilsleit desNer-

420 marinesco ET MINEA

dans deux cas de gliome du cerveau. Il décrit, au voisinage de ces tumeurs

l'apparition de faisceaux de cylindraxe de nouvelle formation, dépourvus

de myéline et terminés par un bouton qu'il identifie avec le cône de

croissance de Cajal et avec le pied terminal de Hetd. Il décrit également

des plexus de fibres nouvellement formées autour des vaisseaux qui à coup

sûr ne représentent pas des fibres vaso-motrices, mais des fibres régé-

nérées.

Tout récemment, Ramon y Cajal (1) a publié trois expériences sur la

régénérescence de la moelle chez le chat. Dans la première, il s'agit

d'un animal âgé d'une semaine auquel on a sectionné presque complète-

ment la moelle lombaire. Cicatrisation sans suppuration. Sur des coupes

longitudinales, on constate, au niveau de la section, une cavité en conti-

nuation avec l'épendyme. Les parois de cette espèce de kyste présentent

une couche épaisse de tissu embryonnaire, inflammatoire, dans l'épaisseur

de laquelle se terminent les fibres de la substance blanche et grise. Les

bouts traumatisés des cordons de la moelle présentent beaucoup d'axones

altérés et finissent par une boule terminale volumineuse qui s'avance plus

ou moins à l'intérieur du tissu cicatriciel. Les boules sont pourvues d'une

capsule et même dans la cicatrice, on en trouve qui sont entourées de

quelques éléments satellites. Les ramifications de fibres dans la cicatrice

sont rares. Les axones situés au-dessus de la section sont cylindriques et

bien colorés, mais d'autres sont moniliformes. Dans quelques fibres, les

renflements moniliformes sont considérables et peuvent présenter des

cavités où s'accumule la myéline désintégrée. Mais partout, on peut

voir plus ou moins bien les neurofibrilles de l'axone souvent séparées par

des vacuoles et comme chassées vers la périphérie à la suite de la com-

pression. Ces fibres moniliformes représentent le premier degré de dé-

générescence à la suite de leur séparation d'avec le centre trophique La

cicatrice est constituée par deux parties bien distinctes ; l'une, conjonctive

formée par la prolifération des éléments de la pie-mère pénétrant plus ou

moins dans la solution de continuité de la moelle ; et l'autre, qui parait

résulter de la névroglie dans laquelle on rencontre souvent des corpuscu-

les amylacés.

Chez le deuxième chat, Cajal a pratiqué une hémisection de la moelle

lombaire et l'animal a été sacrifié 20 jours après l'opération. Au niveau

de la section, on reconnaît une espèce de kyste et des restes d'hémorragie.

vensystems und in Kompressions gebietem des 7M : c&eMma)'/fs. Journal sur Psychologie

und Neurologie, juin 1906.

(1) Ramon Y CAJAL, Notas perventivas sobre la Régénéracion y Régénêracion de las

vias nerniosas centrales. Trabajos des laboratorio de investigaciones biologicas. Ma-

drid, 1906.

recherches SUR la régénérescence DE la moelle 421

Ce kyste, tapissé par un prolongement de t'épithétium épendymaire, offre

à certains endroits un riche tissu embryonnaire où pullulent les faisceaux

de fibres nerveuses se terminant par des boutons. Le fait le plus intéressant t

consiste dans l'existence d'arborisations nerveuses de néoformation dont

les rameaux se disséminent entre les cellules de la cicatrice et dont quel-

ques-unes arrivent jusqu'à la frontière de la cavité kystique. Les fibres

ramifiées appartiennent à tous les cordons, mais elles sont plus abondan-

tes dans les faisceaux de la région antérieure des cordons postérieurs. Il

s'agit la pluparL du temps d'axones assez réguliers qui après avoir pénétré

dans la cicatrice se lypotomisent à angle ouvert, ces branches à leur tour,

se divisent en ramilles flexueuses à trajet très compliqué. Pendant leur

itinéraire cicatriciel, ces ramifications, comme leur cône d'origine sont

dépourvues de gaines médullaires et de noyaux marginaux. Il s'agit là

sans doute d'arborisations terminales de néoformation provenant des

cylindraxes sectionnés par le traumatisme. Du reste, dans l'épaisseur de la

cicatrice comme dans les cordons, les massues de croissance, à ce qu'il

semble se trouvent aussi en voie de progression. De certaines d'entr'elles,

se détachent une ou plusieurs ramifications qui se divisent et pénètrent

dans la cicatrice.

Le troisième animal a subi une hémisection de la moelle et sacrifié

36 jours après l'opération. Les bouts de la moelle apparaissent interrom-

pus par une masse cicatricielle à l'intérieur de laquelle il existe un kyste

qui se prolonge dans le sens de l'axe médullaire. L'une des racines posté-

rieures a été sectionnée entre le ganglion et la moelle. L'examen micros-

copique de la cicatrice montre que celle-ci est excessivement mince et

réduite en plusieurs endroits à une lame névroglique tapissée del'épithé-

lium épendymaire. Les fibres de nouvelle formation, de même que les

boules terminales qui avaient pénétré dans la cicatrice dans le cas précé-

dent ont diminué considérablement. On dirait que les axones et les arbori-

sations de nouvelle formation, après une période de lutte employée pour

franchir la formation kystique, ont souffert un processus d'atrophie, de

résorption. Même les fibres moniliformes ont disparu en grande partie,

on rencontre seulement par ci, par là, quelques sphères, pâles et granu-

leuses représentant des restes d'axones dégénérés. Les fibres persistantes

de la substance blanche changent de direction au niveau de la cicatrice pour

se recourber et pénétrer dans l'axe gris, ce qui prouverait que la branche

ascendante ou descendante des axones des cordons coupés par la section,

concernent seulement le rameau utile, c'est-à-dire celui qui établit des

connexions avec les neurones normaux.

La portion post-ganglionnaire des racines postérieures coupée dans celle

expérience de Cajal présente un processus de régénérescence actif donnant

422 marinesco ET minea .

naissance à un névrome cicatriciel semblable à celui des nerfs sectionnés.

Ce névrome est constitué par un grand nombre de faisceaux nerveux sans

myéline, disposés en plexus et disséminés dans une trame conjonctive

épaisse dérivant du névrilème. Ils pénètrent entre les lèvres de la section

et aboutissent à la paroi du kyste épendymaire sans envahir la trame ci-

catricielle d'origine ectodermique. En résumé, ces expériences démontrent

suivant Cajal, que les axones des racines postérieures et la substance

blanche médullaire sont susceptibles de régénérescence, montrant des

boutons de croissance et des arborisations de néoformation. Elles prouvent

en outre que la formation du kyste intramédullaire, et aussi bien l'absence

de cellules capables de sécréter des substances chimiotaxidues qui puissent

attirer les fibres de nouvelle formation, de même que d'autres conditions,'

encore indéterminées, font échouer le processus de réparation. Les pous-

sées nerveuses s'atrophient et il persiste seulement des portions de con-

ducleur qui établissent des connexions entre les neurones. Nous arrivons

il présent à la description des faits que nous avons eu l'occasion d'étudier

soit expérimentalement, soit après les lésions anatomo-patholoiques.

Section de la moelle chez un petit chien âgé d'un mois. - L'animal a été

sacrifié 7 jours après l'opération. Les deux bouts de la moelle sectionnée sont

réunis par un tissu cicatriciel de constitution très complexe. A l'extrémité

inférieure du bout supérieur, on peut voir un nombre considérable de massues

terminales de grandeur inégale et que nous retrouvons déjà à une certaine

distance au-dessus du niveau de la section. Ces massues terminales se ren-

contrent aussi bien à l'extrémité des fibres du faiscean latéral qu'au niveau

des cordons postérieurs, leur direction est tantôt ascendante, tantôt descen-

dante. On ne peut pas toujours s'assurer si ces globes sont ou non la terminai-

son d'une fibre, car on en trouve d'isolées, sans aucune continuité avec les

axones et sans cellules-satellites. En outre, il n'est pas rare do rencontrer

aussi des fibres hypertrophiées et d'autres présentant des renflements fusi-

formes sur leur trajet, de dimensions parfois considérables.

Il se dégage du bout central un riche système de vaisseaux anastomosés

qu'on peut suivre sur un long parcours et entre lesquels il existe un grand

nombre d'éléments cellulaires, dont la plupart sont représentés par des ma-

crophages bourrés de débris de dégénérescence. Entre ces cellules, on en trouve

d'autres, fusiformes, longues, isolées ou réunies en faisceaux et analogues à

celles que nous avons décrites dans les processus de. dégénérescence des nerfs

périphériques. Nous remarquons en outre qu'un petit nombre de ces cellules

sont en voie de dégénérescence.

Des deux extrémités des deux bouts de la moelle, et surtout du bout supé-

rieur, se détachent des colonies de cellules fusiformes, réunies en faisceaux

assez compacts, qui s'étendent comme des ponts pour réunir entr,'eux les deux

bouts sectionnés (Pig. t).L;a où ces colonies cellulaires rencontrent la masse des

cellules émigrées, elles ne suivent plus leur direction longitudinale, elles s'épar-

. recherches SUR la régénérescence DE la moelle 423

pillent ou bien décrivent des espèces de tourbillons. Ces colonies existent

non seulement dans la cicatrice et à la face interne de la pie-mère, mais égale-

ment en dehors de cette dernière. Les fibres de nouvelle formation, de calibre

et d'aspect très différent, suivent la direction des cellules-satellites. Ces fibres

sont parfois réunies en faisceaux peu denses, mais leur nombre diminue à me-

sure qu'on se rapproche de la région moyenne de la cicatrice. En dehors de

ces fibres fines, on en rencontre d'autres plus épaisses se ramifiant à plusieurs

reprises sur leur trajet (Fig. 2) et dont les ramifications donnent parfois nais-

sance à un véritable plexus. Nous avons trouvé un faisceau de fibres fines égaré

dans ces ponts cellulaires bien loin des extrémités sectionnées de la moelle.

Certaines fibres de nouvelle formation sont moniliformes ou présentent des

espèces de renflements, de plus, elles peuvent se trouver aussi bien à l'intérieur

des cellules satellites qu'entre leurs interstices.

La présence de certaines fibres de nouvelle formation à l'intérieur des cel-

Iules-satellites ou dans leurs interstices nous confirme encoie davantage dans

l'opinion que Cajal a émise et que nous avons adoptée, sur le rôle joué par

ces cellules qui attirent les jeunei axones dans la cicatrice par voie chimio-

taxique, pour les diriger plus loin à travers tous les obstacles créés par la

présence de toute espèce d'éléments (1). Parfois cependant, les fibres de nou-

velle formation suivent le trajet des vaisseaux.

Les fibres hypertrophiées contiennent indiscutablement un réseau dont la

structure n'est pas la même dans toutes les fibres. Dans certaines, il s'agit

(1) G. Marinesco, Etudes sur le mécanisme de la régénérescence des fibres nerveuse"

des nerfs périphériques. Journ. f. Psychologie und Neurologie. Bund. VII, 1906.

Fra. 1. Porlion de la cicatrice qui s'est formée entre les deux bouts de la moelle

sectionnée chez un jeune chien, 7 jours après l'opération. On y voit des colonies de

cellules apotrophiques, fusiformes, à noyaux oblongs constituant des faisceaux

réunis entre eux par des traînées de ces cellules. Elles circonscrivent des cavités de

différentes grandeurs où logent des leucocytes mono et polynucléaires.

zizi marinesco ET minea

d'un réseau ondulé, à travées plus ou moins égales, dans d'autres, au con-

traire, on voit des travées primaires, superficielles, noires, assez épaisses,

reliées entr'elles par des travées plus minces, et plus profondément,un autre

réseau très fin.

A l'extrémité supérieure du bout inférieur nous trouvons les mêmes phéno-

mènes que plus haut, à savoir ; l'existence de massues terminales dont quel-

ques-unes à direction ascendante et d'autres rétrogrades ; des fibres hypertro-

phiées avec renflements parfois considérables. Puis, des colonies de cellules

fusiformes disposées en faisceaux plus ou moins volumineux entre lesquels

siègent les macrophages bourrés de débris de fibres dégénérées. En outre,

on voit très clairement comment ces fibres eu voie de dégénérescence pénètrent

dans la cicatrice en suivant le trajet des cellules-satellites ou des faisceaux

qu'elles forment. De plus, on remarque que certaines fibres fines ou de calibre

moyen présentent des renflements moniliformes, espacés entr'eux et formant

ainsi une espèce de chapelet. Le trajet des fibres de nouvelle formation à

travers la cicatrice est des plus irréguliers. On dirait que celles qui se trou-

vent enfermées à l'intérieur des cellules-satellites consomment leur protoplasma

pour leur nutrition, car on voit de temps en temps de ces fibres régénérées

entourées d'une couche de protoplasma granuleux et de noyaux Quelquefois,

mt

FiG. 2. Détails de structure relatifs au processus de régénérescence des fibres

nerveuses à la suite de la section de la moelle pratiquée depuis 7 jours. La partie

dessinée avoisine la cicatrice. On y voit une fibre épaisse, rouge, présentant la

bifurcation et une autre division secondaire. Puis, plusieurs autres fibres noires,

en état de division en Y, fn, fn', rn", et encore deux massues rétrogrades, mt,

mt'.

RECHERCHES SUR LA RÉGÉNÉRESCENCE DE LA MOELLE 425

on trouve plusieurs fibres à l'intérieur dé ces cellules. La plupart des cellules-

satellites ne contiennent pas de fibres de nouvelle formation. Là où les macro-

phages sont très abondants, les fibres de nouvelle formation suivent le trajet

des cellules-satellites ou des vaisseaux, aussi, leur direction est-elle des plus

variables, cependant ce n'est pas là une règle absolue et on en peut voir quel-

ques-unes dont le trajet ne correspond pas avec celui des cellules.

Section de la moelle chez un jeune chien sacrifié 17 jours après l'opéra-

tion. La cicatrice intermédiaire entre les deux bouts est mieux organisée que

celle du cas précédent, mais cette organisation s'est surtout effectuée au voisi-

nage des bouts sectionnés, tandis que dans la partie centrale elle est consti-

tuée en grande partie par des éléments cellulaires émigrés. A l'extrémité in-

férieure du bout supérieur de la moelle il y a également une accumulation con-

sidérable de leucocytes et de globules de sang. Dans la substance grise, même

dans cette masse d'éléments émigrés, il existe un nombre assez important de

Fia. 3. - Section de la moelle chez un jeune chien sacrifié 17 jours après l'opération.

Cette figure montre les détails concernant les rapports de la cicatrice avec le bout

supérieur de la moelle. La cicatrice présente une espèce d'entonnoir dans lequel

descendent les fibres de nouvelle formation. Le cône est bordé par des faisceaux

de fibres fines et épaisses, présentant parfois des épaississements sur leur trajet :

Dans le goulot de l'entonnoir on voit seulement des fibres fines, flexueuses ou

enroulées, en c, c' on voit deux cônes de croissance de volume moyen revenant

sur eux-mêmes. Dans le bout supérieur on voit pas mal de fibres nerveuses, iso-

lées ou réunies en faisceaux, affectant des directions variables. Certaines d'entre

elles sont pourvues d'une massue terminale mt, ml'.

r, r' remplacements sur le trajet des fibres.

p. pinceau, cp, cp', petit cône de croissance, f, faisceau des fibres.

426 MARINESCO ET MINEA

massues terminales et de fibres de nouvelle formation. Ces fibres isolées ou réu-

nies en faisceaux descendent à travers les cellules [émigrées dans la cicatrice

et se présentent sous différents aspects. Tantôt il s'agit de fibres rouges, sans

gaine de myéline, pourvues quelquefois d'un cône à leur extrémité et desquel-

les se détachent parfois des ramifications collatérales qui à leur tour peuvent

se diviser. Il y a ensuite des fibres plus fines, moniliformes, se ramifiant

souvent et dont les ramifications s'éparpillent entre les cellules émigrées

constituant parfois une espèce de plexus irrégulier (Fig. 3). ,Dans la substance

blanche latérale, on constate un grand nombre de boules terminales, de volume

et d'aspect très différents, situées à différentes hauteurs. Leur nombre diminue à

mesure qu'on se rapproche de la cicatrice. Une certaine quantité de ces boules

sont constituées par deux couches : l'une, périphérique, pâle, granuleuse ;

l'autre, centrale très colorée et d'aspect réticulé. La partie centrale est parfois

représentée comme une espèce de peloton. Il est probable que toutes ces boules

n'ont pas la valeur des véritables massues terminales et que quelques-unes re-

présentent des espèces de renflements situés sur le trajet de quelques cylin-

draxes dégénérés et isolés du reste de la fibre. Il y a en effet des fibres fortement

altérées qui subissent la dégénérescence variqueuse et d'autres qui offrent la dé-

générescence qu'on pourrait appeler « kystique » Cette dernière consiste dans

la présence de dilatations parfois considérables produites par l'accumulation

d'une substance probablement albuminoïde sur le trajet des fibres. Si on examine

de plus près ces dilatations kystiques, on constate assez souvent un réseau élé-

gant, très délicat dont les mailles sont dilatées à différents degrés. Lorsque la

pression du liquide qui se trouve à l'intérieur de ces dilatations est trop forte,

les travées du réseau se rompent et il se produit alors les cavités kystiques.

On rencontre également dans la substance blanche latérale un certain nombre

de fibres nouvelles provenant des fibres préexistantes sous forme de plexus, de

faisceaux, ou simplement isolées se dirigeant en bas. Cependant, la plupart

d'entr'elles, au lieu de prendre une direction verticale et de pénétrer dans la ci-

catrice sont obliques au contraire, ou curvilignes et s'en vont vers l'axe de la

moelle. On dirait qu'elles évitent de passer à travers la cicatrice à cause de la

résistance que celle-ci leur oppose. Néanmoins, à la périphérie de la substance

blanche, on voit quelques fibres descendant verticalement.

Un certain nombre de vieilles fibres et de fibres de nouvelle formatton

épaisses présentent une structure fibrillaire des plus caractéristiques. Quel-

ques-unes de ces fibrilles, de volume inégal, ont la valeur de fibrilles pri-

maires, qui en s'entrecroisant, forment un réseau, tantôt lâche, tantôt serré.

Ce réseau est très apparent dans les fibres épaisses et au niveau des plaquettes

qui existent aux points de bifurcation. La pie-mère, épaissie au niveau de la

cicatrice, est constituée par un tissu fibro-cellulaire ; par ses tractus, elle se

délimite de l'extrémité supérieure et inférieure de la moelle sectionnée et enve-

loppe de tous côtés les éléments jeunes émigrés entre les deux bouts. L'ex-

trémité supérieure du bout inférieur de la moelle est coiffé par une bande de

cellules fusiformes fort analogues à celles que nous trouvons dans le bout pé-

riphérique des nerfs sectionnés.

RECHERCHES SUR LA IIÉGÉNÉRESCENCE DE LA MOELLE 427

Ces colonies sont séparées par des cellules mono et polynucléaires. La plupart

du temps nous ne sommes pas arrivés à trouver des fibres de nouvelle formation

dans l'intérieur ou dans les interstices de ces cellules. Il n'y a qu'à la région

immédiatement avoisinante de la ligne de section qu'on trouve des fibres de

nouvelle formation d'aspect très différent, ainsi que des massues terminales.

Ces dernières du reste, arrivées à la hauteur de cette ligne suivent une direc-

tion oblique et rétrograde, néanmoins quelques-unes sont cependant engagées

dans la cicatrice. Certaines de ces massues possèdent dans leur région centrale

un réseau noir, bien indiqué, à mailles plus ou moins larges, quelquefois ce

réseau occupe une grande partie de la massue et ses travées sont grossières.

Les fibres de nouvelle formation arrivées dans la cicatrice par voie de divi-

sion, au lieu de continuer une direction longitudinale, s'éparpillent entre les

colonies de cellules et se perdent bientôt.

A l'extrémité du bout inférieur on constate des espèces de lacunes, d'aréoles,

formées par des dilatations vasculaires, lacunes qui existent également à l'ex-

trémité du bout supérieur.

Section de la moelle de chien adulte : 90 jours. La cicatrice qui a pour

point de départ la pie-mère est asymétrique et elle est plus épaisse dans une

moitié que dans l'autre, étant plus large du côté où la moelle est le plus en-

dommagée. Elle s'étend comme des espèces de bras du côté de la périphérie,

et de la périphérie vers l'axe de la moelle. Elle présente une excavation ; de

sorte que dans son ensemble, la cicatrice a la forme d'un x irrégulier, dont la

ligne de jonction serait très épaisse. Les extrémités de la moelle se terminent

en une espèce de cône dont les sommets pénétreraient dans la cicatrice. Sur

les côtés des bouts supérieur et inférieur, on rencontre un certain nombre

demassues terminales dont certaines en continuation avec des fibres. Certaines

massues offrent une région centrale colorée en orange et une région périphé-

rique jaune.Puis, y a des fibres dégénérées avec des épaississements volumi-

neux moniliformes, et parfois ils constituent des espèces d'ampoule. L'extré-

mité des deux bouts est vascularisée et sur certaines régions, elle est consti-

tuée par un réseau vasculaire décrivant des aréoles dans lesquelles se trouvent

des débris de dégénérescence des fibres nerveuses et des cellules granuleuses.

La cicatrice est essentiellement constituée par un tissu conjonctif fibreux

plus ou moins riche en cellules qui se. présentent sous forme de fibroblastes

ou de cellules étoilées siégeant dans les interstices du tissu conjonctif. Cette

cicatrice ne contient que de rares fibres nerveuses de nouvelle formation et

rarement réunies en faisceaux. Ces fibres pénètrent dans les fentes du tissu

conjonctif et donnent parfois des divisions latérales sur leur trajet. Un bon

nombre de fibres nerveuses ne pénètrent pas dans la cicatrice à cause de la

résistance considérable que celle-ci leur oppose ; aussi, après avoir suivi la

direction longitudinale, abordent-elles la cicatrice sans pouvoir pénétrer

dans son épaisseur.

Les cellules nerveuses situées tout près de la région traumatisée présentent

différents degrés de lésion dont le premier est représenté par la dégénérescence

granuleuse.

428 MARINESCO ET MINEA

Section de la moelle : 109 jours,chien.- Sur les côtés de la cicatrice,on voit

un tissu graisseux très abondant. La cicatrice elle-même est constituée par un

tissu conjonctif fibreux qui coiffe le sommet des deux bouts de la moelle, décri-

vant ainsi une sorte de capuchon.Ensuite, elle paraît étranglée au niveau de sa

partie moyenne là où pénètre le tissu graisseux au niveau d'une extrémité. Il

rentre dans la cicatrice des fibres et des faisceaux de fibres de nouvelle for-

mation qui s'infiltrent dans des espaces interstitiels des lames conjonctives.Dans

le bout supérieur, ces fibres, peu nombreuses, au lieu de traverser la cicatrice

décrivent un tracé curviligne et se perdent dans les interstices du tissu con-

jonctif. Le nombre des massues terminales est restreint, elles sont dégénérées

et disséminées par ci, par là, dans la substance blanche. La partie moyenne de

la cicatrice est excavée en entonnoir et à ce niveau on trouve quelques rares

fibres à court trajet, pauvres en ramifications secondaires et qui s'engagent

dans le tissu cicatriciel. Le bout inférieur présente à son extrémité plus de mas

sues terminales que le bout supérieur ; certaines d'entr'elles possèdent une par-

tie centrale mieux colorée que le reste où aboutit le cylindraxe, lequel décrit

une spirale ou bien un peloton avant d'arriver la boule. Le contour de la

cicatrice à ce niveau est excavé, sinueux, l'excavation pénètre l'extrémité du

bout inférieur de la moelle, mais le tissu nerveux, à ce niveau, est altéré,assez

souvent aréolaire ou cavitaire. La cicatrice est composée par des lames fibreuses

uniformes, dans les interstices desquelles on voit un certain nombre de cellules

d'aspect très différent suivant l'orientation de la coupe. Tantôt, elles sont fusi-

formes, oblongues, longues, représentent des espèces de fibroblastes, d'autres fois,

elles paraissent rondes, on ne voit alors que le noyau, enfin elles sont étoilées,

etc. En outre, on observe dans ce tissu des espèces de fentes dans lesquelles

FiG. 4. Portion du centre de la cicatrice conjonctive dans un cas de section de la

moelle après 109 jours (chien). On y voit des lames de tissu conjonctif d'aspect uni-

forme entre lesquelles il y a des fibroblarts, fb, fb' fb". On y voit, en outre, des

faisceaux de fibres de nouvelle formation (F) affectant des connexions intimes avec

les cellules apotrophiques ca, en ?

RECHERCHES SUR LA RÉGÉNÉRESCENCE DE LA MOELLE 429

logent les fibres nerveuses, isolées ou réunies en faisceaux, fibres assez épais-

ses, sans myéline, habituellement courtes, traversant parfois le protoplasma de

certaines cellules fusiformes. Ces fibres assez peu nombreuses sont disséminées

dans l'épaisseur de la cicatrice (Fig. 4).

Les modifications des racines postérieures sectionnées sont tout à fait caracté-

ristiques ;-en effet, le bout ganglionnaire offre des phénomènes d'excitation nutri-

tive consistant dans la formation de produits polybiformes, dans la formation de

fibres nouvelles et surtout d'un nombre considérable de massues terminales au

niveau ou tout près delà section, elles sont volumineuses, jaunâtres, pourvues

d'un ou plusieurs noyaux qui, suivant leur siège,en modèlent la forme (Fig. 5).

Nous allons donner maintenant le résultat de nos recherches dans deux

cas de compression de la moelle.

La première observation se rapporte à un malade âgé de 38 ans, entré à

l'hôpital 17 jours après un traumatisme violent du rachis. A ce moment il

présentait tous les signes d'une section complète de la moelle ; à savoir : abo-

lition des réflexes cutanés et tendineux au-dessous de la région lésée, de la

paraplégie flasque et de l'anesthésie de toutes les formes de sensibilité. Il est

mort 29 jours après l'accident. A l'autopsie, on constate une fracture de la

première vertèbre lombaire avec déplacement du corps de celle-ci, au niveau

Fic.. 5. Coupe longitudinale de la racine postérieure dans son trajet arachnoïdien

(section de la moelle, chien, 109 jours). On y voit un grand nombre de massues

terminales, volumineuses, pourvues de noyau à siège variable. Presque toutes ces

massues, mt, mt', mt", mt ? nZt ? mi ? se dirigent des ganglions vers la moelle,

il n'y a que la massue,mh. qui est rétrograde ; à remarquer que les noyaux se logent

dans des espèces de cavités creusées dans les massues. On voit en outre que la

racine est constituée, par des fibres fines sans myéline, réunies pour la plupart

du temps en faisceaux.

430 MARINESCO ET MINEA

de la compression où la moelle est plus mince et forme comme une espèce de

pont entre le bout supérieur et le bout supérieur tuméfiés. Les racines com-

prises à ce niveau sont la cinquième lombaire et la première sacrée. La moelle

au niveau de la compression est amincie et d'une coloration gris rosâtre.

Pour l'étude histologique de la moelle, on a fait usage de la méthode de Ca-

jal, en employant l'alcool ammoniacal et puis le nitrate d'argent. On a débité

cette moelle en coupes longitudinales sériées dont l'aspect varie suivant le ni-

veau. Dans le bout supérieur situé au-dessus de la compression, la partie cen-

trale de la section est excavée et contient encore des débris de dégénéres-

cence et de nombreux macrophages logés librement ou situés dans les mailles

des vaisseaux de nouvelle formation. Sur les bords de cette excavation,on voit

d'une part, des cylindraxes gonflés, moniliformes à trajet irrégulier et de nom-

breuses boules et massues terminales. Du côté opposé également en bas de

cette excavation, on voit de nombreux vaisseaux de nouvelle formation, se

ramifiant de plus en plus et donnant des branches qui pénètrent dans la par-

tie nécrosée située dans l'excavation décrite plus haut.

Dans les interstices de ces vaisseaux, on trouve des cellules émigrées dont t

la plupart présentent une structure spongieuse et jouent le rôle de macro-

phages. Beaucoup de ces dernières sont chargées de granulations noires. De dif-

férents points de la région de la substance blanche partent des faisceaux et des

FiG. 6. Coupe destinée à montrer la relation étroite qui existe entre les fibres de

nouvelle formation avec la' paroi vasculaire qui leur sert de conducteur. Dans les

mailles du réseau vasculaire on voit des cellules migratrices. En bas de la figure,

il y a une masse constituée par ces cellules et dépourvue de vaisseaux. (Compres-

sion de la moelle par fracture de la 1" vertèbre lombaire.)

RECHERCHES SUR LA HÉGÉi\ÉII [,CI £ NCI £ nls LA MOELLE 431

fibres de nouvelle formation suivant la plupart du temps le trajet des ramifi-

cations vasculaires et pénétrant dans les zones nécrosées qui avoisinent les ré-

gions mieux conservées de la substance blanche (Fig.6). Par conséquent, le tis-

su de nouvelle formation est constitué par un système de vaisseaux qui circons-

crivent des cavités dans lesquelles siègent des lymphocytes et des macrophages.

A mesure que le nombre de vaisseaux augmente et que s'organisent leurs pa-

rois, le nombre des macrophages ou de lymphocytes diminue. L'aspect, la to-

pographie et le trajet des fibres de nouvelle formation varient suivant la région

considérée.

Les vaisseaux situés tout près de la périphérie de la moelle et particulière-

ment dans les régions où ils possèdent une paroi épaisse, sont entourés de

faisceaux de fibres qui constituent parfois de véritables plexus couvrant plus s

ou moins les parois vasculaires (Fig. 7). On voit nettement que certaines de

ces fibres finissent par des massues terminales. D'autre part, nombreuses sont

les fibres qui donnent des ramifications secondaires de plus en plus fines et qui

présentent des petits boutons à centre clair sur leur trajet, Sur des coupes

longitudinales on voit très bien l'enlacement des fibres nerveuses épaisses au-

Fin. 7. - Détails de structure relatifs à la constitution d'un plexus périvasculàire

(Compression de la moelle produite par la fracture de la première vertèbre lom-

baire). Cette figure nous montre la relation étroite qui existe entre le trajet vascu-

laire et la direction des fibres du plexus. En effet, l'artériole dessinée ici présente

une espèce de coude au niveau C et change de direction. Les fibres changent éga-

lement de direction au niveau de ce coude, se replient sur elles-mêmes pour sui-

vre le vaisseau. Remarquer que la plupart des fibres présentent des épaississements

sur leur trajet et que le vaisseau traverse une masse de macrophages, m m'.

432 MARINESCO ET MINEA

tour des vaisseaux (Fig. 7) Sur des coupes transversales, on s'aperçoit que

les fibres circulent dans la gaine externe, on dirait même qu'elles pénètrent

parfois dans la gaine musculaire ( ? ). Ces fibres de nouvelle formation présen-

tent des épaississements réticulés sur leur trajet, ou bien elles ont souvent un

aspect moniliforme irrégulier. Les fibres de nouvelle formation ne restent pas

cantonnées dans le domaine des vaisseaux, mais des ramifications qui se déta-

chent d'elles pénètrent entre les macrophages qu'elles embrassent pour ainsi

dire (Fig. 8). Au contraire, les vaisseaux qui sont situés près de la substance

grise et de la substance blanche fortement altérée ne présentent pas de fibres

ni de faisceaux nerveux de nouvelle formation.

Il y a d'autres régions vasculaires, probablement d'origine plus récente qui

ne possèdent pas d'aussi riches plexus de fibres nerveuses nouvellement for-

mées, ou bien ces dernières sont peu nombreuses.

La cicatrice intermédiaire de 1 cent. 1/2 environ qui s'est formée au niveau

de la compression de la moelle a une constitution très complexe. A l'extrémité

inférieure du bout supérieur on voit un tissu vasculaire extrêmement riche

formant un réseau dans les mailles duquel il existe un certain nombre de fibres

nerveuses, épaisses, à rendements fusiformes sur leur trajet. Une autre, région

est formée de détritus, où se trouvent aussi des cellules spongieuses, des lym-

phocytes et des globules de sang. Plus bas encore, on rencontre de grands vais-

seaux très dilatés constituant des espèces de sinus entre lesquels il y a un tissu

conjonctif dérivé de la pie-mère et d'aspect très variable. Ici, il est formé d'une

substance fondamentale dans les interstices de laquelle on constate des cellules

FM. 8. Plexus de fibres nerveuses de nouvelle formation qui s'infiltrent entre les

espaces libres qui existent entre les macrophages. Ces plexus circonscrivent des

mailles, dans lesquelles sont logées ces cellules d'aspect spongieux.

RECHERCHES SUR LA RÉGÉNÉRESCENCE DE LA MOELLE 433

étoilées, polygonales ou fusiformes ayant l'apparence d'un tissu conjonctif mu-

queux. Là ce tissu est plutôt fibreux et entre ses lamelles on voit des fibroblas-

tes. Enfin, on trouve encore un tissu conjonctif très lâche dans les mailles du-

quel il y a des macrophages. La partie moyenne de la cicatrice contient un grand

nombre des cordons de fibres de nouvelle formation qu'on peut suivre sur un

grand trajet provenant évidemment des racines postérieures sectionnées par la

compression. On retrouve dans ces cordons de jeunes axones il tous les degrés

de développement (Fig. 9). Ces cordons sont bien visibles à un faible grossisse-

ment à cause de la présence de corps granuleux (les vrais macrophages du

système nerveux central et des nerfs périphériques), disposés en séries linéaires

accumulés en groupes ou disséminés, parfois même dans les faisceaux nerveux

les corps granuleux sont en grande abondance. Les fibres des cordons sont

amyéliniques traversant des bandes protoplasmiques. Ces^fibres sont fines, bien

colorées', traversant par deux, trois, ou même davantage les gaines de proto-

plasma. Le noyau des cellules des bandes protoplasmiques est allongé, fusi-

forme et granuleux. Dans leur protoplasma on trouve parfois des granulations

sériées qui leur donnent un aspect strié ; je ne saurais affirmer s'il s'agit là ou

non d'un produit artificiel. A l'intérieur de la bande protoplasmique, on peut par

xix 29

Fic.. 9. - Coupe longitudinale d'une portion de la cicatrice qui s'est formée au ni-

veau delà compression due à la fracture de la première vertèbre lombaire. On y

voit des faisceaux et des libres de nouvelle formation entre lesquels sont dissémi-

nées quelques cellules granuleuses cg, rg'. Quelques-unes de ces fibres fa, fa' traver-

sent évidemment les cellules apotrophiques.

434 MARINESCO ET MINEA

fois voir des fibres pourvues d'un cône de croissance. Certaines fibres de nou-

velle formation ont un aspect tout à fait caractéristique ; en effet, elles se com-

posent de segments assez épais, réunis par des parties beaucoup plus fines. Ce

n'est pas là à proprement parler des épaississements fusiformes on bien une

disposition moniliforme; les fibres minces offrent parfois un petit nodule sur

leur trajet. Enfin, on peut voir des cylindraxes assez épais qui se continuent

par une fibre mince sur un long trajet, fibre finissant à son tour par un cône

de croissance. Dans cette région de la cicatrice, comme dans la précédente, les

cordons de fibres nerveuses sont séparés par des tractus de tissu conjonctif

formés de lames légèrement granuleuses dans les interstices desquelles il y a des

fibroblastes, des cellules triangulaires ou bien même étoilées. Dans ce tissu

conjonctif on n'observe pas de fibres de nouvelle formation.

Quelle est l'origine des cordons cellulaires et des fibres de nouvelle forma-

tion que nous avons décrits dans la cicatrice et particulièrement dans sa partie

moyenne ? Evidemment qu'elles proviennent des racines postérieures englobées

dans le processus pathologique. En effet, la racine postérieure dans son trajet

arachnoïdien présente les phénomènes morphologiques qui caractérisent la ré-

générescence. C'est ainsi qu'on y voit des libres fines disposées en faisceaux et

présentant les caractères de fibres de Remack. Puis, nous constatons un grand

nombre de massues terminales capsulées, du reste, on peut suivre la continuité

entre les faisceaux de la racine et certains de ces cordons cellulaires dont nous

venons de parler,

Au niveau du bout supérieur de la moelle, là où il y a des vaisseaux de

nouvelle formation, on voit quelques grosses libres disséminées dans le tissu.

Ces grosses fibres, habituellement bien imprégnées, présentent sur leur trajet

des rendements moniliformes, rendements parfois uniformes, d'autres fois, au

contraire un aspect aérolaire ou vasculaire à cause de la dilatation du réseau

par la substance interfibrillaire. Ces grosses fibres à trajet irrégulier, ou ser-

pentin, offrent des divisions sur leur trajet ou bien se bifurquent après un tra-

jet plus ou moins long. En dehors de ces fibres épaisses on en trouve d'autres

plus fines, très longues, sinueuses avec des épaississements de distance en

distance.

Dans d'autres régions, .et même là où il y a des corps granuleux, on cons-

tate un plexus très riche de nouvelle formation presqu'inextricable, parfois, les

fibres qui le constituent s'entortillent de toutes les manières et leur trajet de-

vient par suite très irrégulier, Cette disposition est due sans doute aux nom-

breuses difficultés que ces fibres rencontrent dans leur progression. La densité

du plexus varie d'une région à l'autre ; fait important : ce plexus existe là même

où il n'y a que des macrophages. On voit bien comment ces fibres s'insinuent

entre les macrophages, et qu'elles suivent quelquefois le trajet des vaisseaux.

A l'autre extrémité inférieure, on voit des régions où les vaisseaux de uuu-

velle formation sont entourés de faisceaux nerveux disposés parfois en plexus.

A l'extrémité inférieure, on voit l'existence d'un grand nombre de fibres de

nouvelle formation, épaisses ou minces, isolées ou réunies en faisceaux ; elles

suivent plus ou moins le trajet des vaisseaux ou du tissu conjonctif; quelques-

RECHERCHES SUR LA DÉGÉNÉRESCENCE DE LA MOELLE 435

unes de ces fibres finissent par des massues volumineuses ou par un cône de

croissance. Les massues peuvent être ou non garnies de cellules-satellites.

Souvent.leur région centrale est uniforme, tandis qu'u la périphérie, on dis-

tingue une structure réticulée ; on voit aussi au milieu de ce tissu, de grosses

boules jaunâtres, absolument uniformes, sans connexion aucune avec les fibres

nerveuses, elles ressemblent aux corpuscules amylacés. On voit en outre, sur

le trajet de quelques cylindraxes, un état de dégénérescence granuleux et des

renflements considérables qui représentent assurément un produit de dégéné-

rescence des fibres nerveuses.Beaucoup de fibres ramifiées,dont les branches

dedivision sont souvent inégales.A l'extrémité des fibres fines, on voit parfois

une espèce d'arborisation, ou mieux, des plaques terminales. Il se détache de

certaines fibres des ramifications fines qui aboutissent par une espèce de bou-

ton analogue à celui qu'on connaît autour des cellules radiculaires. Un certain

nombre de ces fibres de nouvelle formation présentent la dégénérescence des

neuro-fibrilles ou bien un état de gonflement.

Les fibres des racines postérieures disposant de capacités plus grandes de régé-

nérescence, apportent un contingent plus considérable de fibres nervenses ainsi

que nous l'avons montré dans un travail antérieur. Aussi, le grand nombre de

fibres de nouvelle formation que nous trouvons dans la cicatrice proviennent

des racines postérieures, car elles présentent tous les caractères des fibres pé-

riphériques de ces dernières. Sans doute que les fibres de la moelle proprement

dite ne restent pas inertes non plus en face du traumatisme occasionné par la

compression ou la section,et les nombreux plexus nerveux fibrillaires que nous

avons décrits autour des vaisseaux de nouvelle formation sont des fibres en

régénérescence provenant de la moelle. D'autre part, nous avons également

signalé d'autres plexus de fibres nerveuses presque inextricables autour des ma-

crophages qui ont détruit la substance grise, or, il est certain qu'ils provien-

nent des extrémités de la moelle épinière. Les fibres d'origine médullaire ne pa-

raissent pas être si résistantes que celles d'origine radiculaire. Nous avons

parfois rencontré à l'intérieur des vacuoles digestives des macrophages, des

bouts et des morceaux de cylindraxe non encore digérés.

Second cas. C'est l'observation d'un adulte âgé de 42 ans qui avait pré-

senté pendant la vie, à la suite d'un traumatisme de la colonne vertébrale,

un complexus symptomatique analogue à celui qui a été décrit par Minor sous

le nom de syndrome de l'épicône, avec cette différence que chez notre malade

les réflexes rotuliens étaient abolis. Quelque temps avant sa mort, le malade a

eu des douleurs atroces qui ont nécessité l'injection de plusieurs centigrammes

de morphine par jour. A l'autopsie on a trouvé une luxation de la première ver-

tèbre lombaire. Lorsqu'on a retiré la moelle du canal vertébral, on n'a rien cons-

taté d'anormal, on ne voit pas de déformations ; mais en coupant la dure-mère

on voit qu'à partir du deuxième jusqu'au quatrième segment lombaire la moelle

apparaît rétractée et réduite de volume,de sorte que les deuxième et quatrième

segments lombaires paraissent confondus au premier abord. Par suite de cette

anomalie la direction des racines est changée el leur différenciation est diffi-

436 ' MARINESCO ET MINE A

cile.Les méninges sont normales et ne paraissent pas épaissies. Rien à noter du

côté des racines.

Les racines postérieures sont essentiellement constituées au niveau de la

compression par des fibres fines flanquées de distance en distance de noyaux

oblongs ou fusiformes, riches en chromatine. Ces fibres fines n'ont pas une di-

rection parallèle, mais elles s'entrecroisent et affectent différents rapports avec

ces noyaux. Assez souvent -les fibres passent à côté des noyaux, d'autres fois,

au contraire, réunies par deux ou trois, divergent au niveau du noyau qu'elles

embrassent. Parfois les unes s'enroulent autour des autres formant ainsi une

sorte d'appareil spiral entre les spires duquel on peut distinguer parfois des

noyaux oblongs. De plus, on rencontre encore par ci, par là des massues ter-

minales capsulées et présentant uue structure réticulée vague. Certaines d'en-

tr'elles semblent être enclavées dans le tissu interstitiel malgré qu'un bon nom-

bre d'axones de nouvelle formation présentent les caractères des fibres de

Remack, il y en a d'autres qui se revêtent d'une enveloppe de myéline. Ces

dernières digèrent des précédentes par leur coloration brunâtre, sont plus épais-

ses, présentent de distance en distance de petites expansions ou bien des épines,

elles offrent évidemment une couche mince de myéline et des incisures de

Lautermann. Immédiatement au-dessous de la pie-mère, où les racines sont

comprimées, on constate un cordon de fibres fines qui s'entremêlent de toutes

fio. aU. - faisceau de libres nerveuses de nouvelle formation dont quelques-unes se

terminent par un cône de croissance (c, c'), par une massue capsulée ({. m), ou bien

par une erpèce de pinceau (p), ou bien une arborisation (a).

RECHERCHES SUR LA RÉGÉNÉRESCENCE DE LA MOELLE 437

les manières et qui présentent les caractères généraux de celles que nous ve-

nons de décrire dans les racines postérieures ; on distingue aussi quelques fibres

qui se couvrent de myéline. Comme on trouve dans l'épaisseur de la pie-mère

et entre ses lamelles des fibres et des faisceaux de fibres de nouvelle formation,

il est à supposer que le cordon pie-mérien que nous venons de décrire est de

provenance radiculaire. Aussi bien dans les racines comme dans la moelle, il

y a beaucoup de pigment sanguin contenu dans les hématophages. Si on exa-

mine la moelle au .niveau de la compression, on constate qu'elle est constituée

principalement par des faisceaux nerveux, volumineux,visibles la loupe; se

divisant souvent, ayant une direction longitudinale, parfois oblique (Fig H).

A mesure qn'on se rapproche de la partie supérieure, ces faisceaux se réunis-

sent par groupes, changent de direction ; les uns continuent leur trajet plus ou

moins oblique, mais un grand nombre paraissent coupés transversalement. Ces

faisceaux isolés ou par groupes, sont séparés par des tractus de tissu conjonc-

tif, fibreux, compact, très pauvre en cellules. Là où ce tissu est trop abondant

les faisceaux nerveux diminuent de nombre et ils apparaissent comme étran-

glés parle tissu conjonctif. On pourrait dire que dans ce cas, toute l'épaisseur

de la moelle est constituée au niveau de la compression par des faisceaux de

fibres de nouvelle formation généralementdépourvues de myéline ; cependant on

FiG. il. - Portion de la cicatrice médullaire qui s'est formée au niveau de la com-

pression de la moelle par luxation de la première lombaire. Elle est constituée

presque exclusivement de faisceaux nerveux de dimensions à peu près égales, à direc-

tion variable, ils sont tantôt rectilignes, ondulés ou bien décrivent des courbes.Cer-

tains d'entr'eux se bifurquent, fnb, fszb'. Quelques faisceaux sont coupés transver-

salement ft, Il'.

438 MARINESCO ET MINEA

en rencontre rarement et isolées possédant une gaine de cette substance

(Fig. 12). A ce propos il est fort probable que les auteurs qui ont décrit des

névromes dans la moelle n'ont eu surtout en vue que les derniers,et c'est pré-

cisément pour cette raison que les fibres sans myéline ont échappé à leur

attention.

Sur quelques coupes, on voit l'épithélium épendymaire hyperplasié, dis-

posé sous forme de nodules, mais le fait le plus important c'est l'existence d'un

grand nombre de fibres uerveuses jeunes entre les cellules de cet épithélium.

Les fibres sont fines et ne paraissent pas suivre un trajet régulier et se rami-

fient assez souvent. Dans la névroglie péri-épendymaire, on ne voit que peu

de fibres de nouvelle formation. On rencontre encore des faisceaux nerveux

autour des vaisseaux qui se trouvent dans cette névroglie épendymaire ou à son

voisinage. Il est curieux de remarquer la préférence qu'ont les faisceaux ner-

veux de nouvelle formation pour la paroi vasculaire.

Sur toute l'étendue de la région comprimée, mais surtout à ses extrémités,

il existe dans le tissu interstitiel et entre les faisceaux uerveux un nombre plus

ou moins considérable d'hématophages.

Les faisceaux nerveux de nouvelle formation que nous avons décrits au ni-

veau de la compression existent également dans le septum antérieur suivant

de près la direction des vaisseaux (Fig 13). Ils ne sont pas si volumineux que

ceux de la cicatrice. Dans la substance grise et blanche située immédiatement

au-dessus de la région comprimée on voit par ci par là des zones de nécrobiose

dans lesquelles il n'y a que des tissus nerveux ou des vaisseauxnouvellement for-

més, des corps granuleux et un tissu névroglique. A la périphérie de ces foyers,

les neurofibrilles des cellules nerveuses présentent iadégérescence granuleuse,

Il y a également des espèces de globes granuleux pâles provenant probable-

ment de la dégénérescence des cylindraxes en partie disparus.

Fia. 12. Même cas que la figure précédente. Portion d'un faisceau de fibres de

nouvelle formation dessinée à un fort grossissement. On voit des fibres de nouvelle

formation dont quelques-unes ressemblent à celles de Remack. On voit en outre

deux fibres à myéline et avec des scissures de Lautermann (fm, fin').

RECHERCHES SUR LA RÉGÉNÉRESCENCE DE LA MOELLE 439

La région des cordons postérieurs, au-dessus de la compression, est parsemée

d'un grand nombre de corps granuleux, on voit en outre des cylindraxes noirs,

d'aspect et de trajet très différents, isolés pour la plupart du temps ou réunis par

trois ou quatre. Ces fibres présentent des nodosités sur leur trajet qui est plns ou

moins irrégulier et s'entremêlent. En dehors de ces fibres d'un certain calibre ;

on en voit d'autres plus fines avec des épaississements et se divisant parfois en

deux branches flexueuses très longues. Il y'a ensuite des fibres encore plus

fines que les précédentes et à peine visibles. Enfin on voit des fibres rouges, épais-

ses, de court trajet et présentant des rendements de distance à distance ; ce sont

là évidemment des fibres dégénérées. Il est possible que les corpuscules amylacés

qu'on trouve dans cette zone de dégénérescence proviennent de ces rendements

des cylindraxes altérés. Les fibres fines avec des ramifications, des anneaux et

des épaississements sur leur trajet sont des fibres de nouvelle formation. Dans

la substance grise située immédiatement au-dessus de la région comprimée nous

avons trouvé des signes de régénérescence nerveuse consistant dans la présence e

de quelques rares massues terminales, des fibres nerveuses, tantôt minces tan-

tôt épaisses et qui se divisent. Quelquefois ces fibres de nouvelle formation

donnent lieu il des espèces de plexus. Comme dans le cas précédent nous avons

également trouvé dans celui-ci des fibres de nouvelle formation même dans les

zones de nécrobiose, In où il n'y a que les corps granuleux intercalés dans les

mailles d'un réseau vasculaire.

En somme, entre les sections expérimentales et les compressions pa-

thologiques de la moelle épinière, il 'n'y a point de différences sensibles

au point de vue des résultats observés. Dans les deux cas il se produit une

néoformalion de libres nerveuses suivant les deux types décrits par Cajal

et nous-mêmes dans les nerfs périphériques : d'une part, accroissement

FiG. 13. - Coupe longitudinale du septum antérieur dans un cas de compression de

la moelle par luxation de la première lombaire. On y voit des artères et des veines

(v, v', v", v"') dilatés. Dans leurs adventices, il existe par ci, par là, des faisceaux

de fibres de nouvelle formation fng, fnp, lisp'. En (l117 on voit un faisceau nerveux,

assez considérable, compact, constitué de fibres qui s'entrecroisent et se mêlent de

différentes manières situé dans le tissu conjonctif intervasculaire.

440 MARINESCO ET MINEA

progressif des fibres anciennes, et ensuite, multiplication par ramifications

successives des fibres de nouvelle formation. Ce dernier procédé est même

assez fréquent dans la régénérescence médullaire, on voit les fibres se

bifurquer tout d'abord, puis, chacune de ces branches donner des ramifi-

cations successives sur leur trajet. Les branches collatérales se divisent à

leur tour et deviennent de plus en plus minces. Malgré ce double proces-

sus de régénérescence médullaire el. radiculaire, la moelle ne reprend pas

ses fonctions et nos malades sont restés complètement paralysés jusqu'au

dernier moment. Il y a donc eu régénérescence anatomique sans restaura-

tion fonctionnelle. C'est qu'en effet, pour que l'axe spinal puisse reprendre

ses fonctions normales, il faudrait qu'il se rétablisse des connexions utiles

entre les différents neurones préposés à la conduction centripète et cen-

trifuge. Or, les faisceaux et les libres de nouvelle formation ne parviennent

pas à la longue à établir de pareilles connexions. Dans le long trajet qu'ils

ont à parcourir d'un bout ;i l'autre de la moelle, les faisceaux et les fibres

nerveuses s'égarent et malgré leur tentative de franchir les obstacles in-

terposés. ils ne rencontrent pas la plupart du temps les neurones corres-

pondants.

' Le lecteur a rencontré, au cours de ce travail, le nom de cellules aJ1(Jtro-

phiques, nous pensons qu'il est utile de nous expliquer sur la signification

de ce mot. Nos recherches antérieures sur la régénérescence des nerfs

périphériques nous ont montré qu'il se forme dans le bout périphérique

d'un nerf, quelques jours après sa section, des colonies de cellules fusifor-

mes juxtaposées et superposées et qui possèdent un noyau fusiforme riche

en granulations de chromatine. Dans certaines conditions, ces cellules

s'allongent et possèdent plusieurs noyaux, méritant ainsi le nom qui leur

a été donné de bandes protoplasmiques. Ces cellules et ces bandes jouent

un rôle important dans le processus de régénérescence des fibres nerveu-

ses. Elles possèdent en effet des propriétés chimiotaxiques auxquelles les

jeunes axones de nouvelle formation du bout central sont très sensibles.

Le plus souvent elles attirent les axones à leur intérieur, plus rarement

dans leurs interstices et les nourrissent.

On dirait que tout au moins les fibres d'un certain calibre se dévelop-

pent aux dépens du protoplasma de ces cellules : c'est là la raison qui nous

a engagés à les appeler cellules apotrophiques. c'est-à-dire qui attirent

et nourrissent les fibres nerveuses. Elles jouent un rôle essentiel, non

seulement dans la régénérescence des nerfs périphériques, mais aussi dans

celle des fibres des centres nerveux ; aussi nous avons vu qu'il se forme de

pareilles colonies dans la cicatrice de la moelle sectionnée.

HOPITAL DES ENFANTS MALADES

ÉTUDE CLINIQUE ET ANATOMO-PATHOLOGIQUE

D'UN CAS DE POLIOMYÉLITE DIFFUSE SUBAIGUE

DE LA PREMIÈRE ENFANCE

(AMYOTROPHIE CHRONIQUE D'ORIGINE SPINALE D'HOFFMANN)

PAR 1\

P. ARMAND-DELILLE, G. BOUDET,

Chef de la clinique à l'Hôpital Interne des hôpitaux.

des Enfants Malades.

1

La poliomyélite subaiguë ou chronique de l'enfance est une affecti

fort rare, le nombre des cas qui en a été signalé jusqu'à présent

assez restreint; comme on le verra plus loin, celui des autopsies

extrêmement minime, et aucun n'a trait à des sujets de moins d'un a

Ayons eu l'occasion d'étudier un nourrisson atteint de cette affection,

dont l'autopsie suivie d'examen histologique nous a permis de vérifier le

diagnostic, nous avons pensé qu'il était intéressant de rapporter cette

observation en détail. 4 ce propos, nous avons recherché dans la littérature

médicale ce qui avait trait à cette affection, et nous avons été ainsi amenés

à faire suivre notre observation d'un aperçu des travaux publiés jusqu'à

présent sur le même sujet.

Observation et compte rendu de l'autopsie et de l'étude histologique du

cas Lort...

Lort... Justin, âgé de 6 mois, est amené à l'Hôpital des Enfants-Malades pour

une paralysie généralisée remontant à plusieurs mois et s'accompagnant depuis

quelque temps de crises de suffocation qui ont inquiété la mère. Il est reçu à

la Crèche, dans le service du professeur (brancher.

L'enfant est né de parents bien portants, parmi les ascendants ou collaté-

raux desquels on ne retrouve aucun cas de paralysie analogue ; le père

nie toute syphilis et n'en présente aucun stigmate, pas plus que la mère, qui

cependant a fait une fausse couche trois mois après son mariage. Cet enfant est

ne au terme de la 26 grossesse qui a évolué sans incidents.

A la naissance l'enfant pesait 3 kil. 625, il était absolument normal,tous ses

mouvements se faisaient bien, il a été nourri exclusivement au sein jusqu'il

présent et son accroissement de poids s'est fait d'une façon régulière.

442 ARMAND-DELILLE ET BOUDET

Vers l'âge de deux mois, la mère a remarqué que l'enfant ne pouvait pas soute-

nir sa tête, et qu'elle retombait, suivant la position du corps, soit en arrière,

soit en avant ou sur les épaules ; en même temps les membres devenaient

flasques et leurs mouvements de plus en plus faibles,si bien que vers le 4e mois

l'enfant remuait à peine, et seulement les extrémités. Depuis le 5e mois,

l'enfant a présenté par moments de la difficulté à respirer, s'accompagnant de

véritables crises d'étouffements qui font craindre pour sa vie.

- A l'examen, l'enfant, déshabillé et posé sur le lit, ne fait aucun mouvement

ni du tronc, ni du cou, ni des membres inférieurs ; aux membres supérieurs,

on constate quelques très faibles mouvements, de très peu d'amplitude, des

avants-bras et des mains. On peut constater également, par instants, de très

petits mouvements de flexion et d'extension des orteils.

Si on met l'enfant sur son séant, on constate qu'il « ne se tient pas »,tout le

corps s'affaisse sur lui-même, la tête est absolument ballante et retombe sans

aucune résistance,les membres sont complètement flasques ; si on les soulève,

ils retombent sans aucune résistance, ils ont perdu tout tonus musculaire.

Si ou examine la poitrine de l'enfant, en étudiant les mouvements respiratoi-

res, on constate que non seulement les inspirateurs accessoires sont paralysés,

mais que les muscles intercostaux le sont également, la respiration est unique-

ment diaphragmatique, la contraction du diaphragme se fait par saccades,

groupées par deux, et peudant la contraction maximum, on constate que les

espaces intercostaux se dépriment et que le thorax s'aplatit latéralement.

Les réflexes tendineux (patellaire, acliilléen, olécranien, radial, et fléchis-

seur des doigts) sont totalement abolis. La recherche du signe de Babinski est

impossible parce que l'orteil ne remue ni dans un sens ni dans l'autre sous l'in-

fluence de l'excitation cutanée.

L'examen électrique pratiqué par M. Larat, montre à la date de l'entrée,

qu'il n'existe pins aucune réaction ni l'excitation galvanique, ni à l'excitation

faradique, sauf dans les muscles extenseurs du bras droit et seulement avec

une intensité de 30 milliampères.

La sensibilité générale est conservée à tous ses modes, ainsi que les sensi-

bilités spéciales, .autant qu'il est permis d'en juger vu l'âge de l'enfant ; les

yeux son vifs, il n'y a pas de strabisme, les réactions pupillaires sont normales.

L'intelligence paraît intacte par rapport à l'âge de l'enfant.

L'examen des téguments montre que la peau est comme infiltrée, épaissie et

adhérente aux parties profondes dans toute son étendue ; en palpant les mem-

bres, on a une sensation spéciale de tension, assez analogue à celle du mixoe-

dème,mais qui résulte de ce fait que les masses musculaires sont difficilement

perçues; aux mollets, par exemple, elles paraissent complètement disparues

et remplacées par un tissu conjonctif qui adhère au pannicule cellulo-graisseux

sous-cutané.

Il faut signaler également l'aspect particulier de la tête, dû à ce que le

menton est fuyant, ainsi que le front; de plus, le facies est assez voisin du

facies myopathique, la bouche est constamment entr'ouverte et les traits im-

mobiles, seuls 'les yeux ont conservé l'intégrité de leurs mouvements.

POLIOMYÉLITE DIFFUSE SURAIGUE DE LA PREMIÈRE ENFANCE 443 3

Les fonctions organiques se font normalement ; l'enfant' n'a ni constipation

ni diarrhée, il augmente régulièrement de poids, il tète facilement, mais sou-

vent avec fatigue et a souvent au moment de la tétée une crise d'étouffement.

Il y a 24 inspirations par minute, le pouls est difficilement perceptible, il est

très rapide, presque incomptable.

Le traitement institué est le suivant : séance quotidienne d'électrisation fara-

dique et galvanique, et chaque jour une injection hypodermique de 1/10 de

milligramme de strychnine.

Evolution :

8 juillet. En électrisant l'enfant on constate que la contractilité galvanique

et faradique réapparaît très faiblement dans les muscles des membres supé-

rieurs et inférieurs, mais les intercostaux ne réagissent pas.

14. L'enfant a une grande crise de dyspnée, puis une période d'apnée qui

nécessite la respiration artificielle.

15. L'enfant paraît plus vif, et les mouvements des orteils ont acquis un

peu plus d'amplitude. Une ponction lombaire montre une lymphocytose légère

du liquide céphalo-rachidien.

18. La réaction électrique, dans les muscles des membres, se fait avec 9

ou 10 milliampères. On constate nettement la réaction de dégénérescence dans

le groupe antéro-externe de la jambe droite.

17 et 18. - L'enfant deux crises de dyspnée, suivis d'apnée avec cyanose,

durant 5 à 6 minutes et nécessitant la respiration artificielle.

21. L'enfant prend difficilement le sein, nouvelle crise de dyspnée pro-

longée. La température s'élève un peu.

22. Pâleur, dyspnée ; on constate des signes de broncho-pneumonie à la

base gauche. Pendant la nuit, l'enfant meurt brusquement de syncope.

AUTOPSIE.- La moelle et le cerveau sont d'apparence normale ; le thymus est

volumineux (20 gr.) ; foyer de broncho-pneumonie à la base du poumon gauche.

Les autres viscères normaux.

Les troncs nerveux ne sont pas hypertrophiés. Les muscles sont très petits,

blanchâtres, très difficile à retrouver au milieu du tissu conjonctif.

ETUDE histologique. - Elle a porté sur les muscles, les nerfs périphériques,

les troncs nerveux, les ganglions, les racines nerveuses et la moelle.

1° Muscles. Un certain nombre de muscles, prélevés au moment de l'au-

topsie, ont été fixés au liquide de Müller formolé, puis inclus à la paraffine et

les coupes colorées par l'hématéine-éosine-orange et par la méthode de Van

Gieson. -Voici les résultats de l'examen des coupes :

Muscle jumeau interne gauche. - Sur les coupes longitudinales, on cons-

tate des lésions d'atrophie simple très marquées. Il existe quelques fibres

d'aspect normal, qui paraissent saines, mais la presque totalité présente des

modifications atrophiques extrêmes, les fibres sont extrêmement grêles ou même

filiformes, les noyaux sont extrêmement abondants et en certains points pres-

quejuxtaposés. Certains faisceaux semblent complètement disparus et rem-

placés par du tissu conjonctif scléreux. Il existe un certain degré de sclérose

444 ARMAND-DELILLE ET BOUDET

périvasculaire et de sclérose interstitielle; au contraire, l'adipose est très peu

marquée.

Sur les coupes transversales, on constate que tandis que certains champs de

Cohnheim présentent une conservation relative, la presque totalité des autres

est atrophiée, souvent à l'extrême, avec une prolifération intense des noyaux ;

il existe de plus un certain degré de sclérose interfasciculaire. De plus,

sur toutes les coupes examinées, on constate qu'une bande de faisceaux

sous-aponévrotiques est beaucoup moins dégénérée, mais à ce niveau, les

fibres musculaires ne présentent plus l'aspect grenu et fibrillaire, elles présen-

tent l'aspect de blocs homogènes qui se colorent vivement en rose par la

fuchsine acide et présentent tous les caractères de la dégénérescence vitreuse

ou hyaline.

Muscle jumeau externe gauche. - On constate des lésions analogues à

celles du muscle jumeau interne, mais sur les coupes examinées, ces lésions

paraissent encore plus marquées. Il n'existe aucune fibre saine, toutes sont

en voie d'atrophie simple avec prolifération excessive des noyaux. On constate

aussi sur quelques faisceaux mieux conservés comme volume, les caractères de

la dégénérescence vitreuse décrits pour le muscle précédent.

Muscle jambier antérieur gauche. On constate les mêmes lésions d'atro-

phie simple avec prolifération nucléaire que sur les muscles précédents; quel-

ques fibres cependant, bien qn'en voie d'atrophie, sont encore assez volumi-

neuses, un certain nombre d'entre elles ont gardé l'aspect fibrillaire normal,

quelques-unes présentent les caractères de la dégénérescence vitreuse.

Muscle demi-membraneux gauches On constate sur la plupart des faisceaux

des lésions extrêmement marquées d'atrophie simple avec prolifération nu-

cléaire, comme dans les muscles ci-dessus étudiés, mais on trouve à côté des

faisceaux malades, quelques faisceaux dont l'intégrité est presque absolue. Sur

les coupes colorées au Van Gieson, quelques-unes de leurs libres, sans prendre

nettement la coloration rouge cerise caractéristique de la dégénérescence hya-

line, présentent cependant une coloration brunâtre tranchant sur la coloration

jaune vif des autres fibres.

Muscles des gouttières vertébrales de la région dorsale moyenne. - On

constate également sur ces muscles des lésions dégénératives, mais l'atrophie

en est notablement moins marquée que celle des muscles des membres infé-

rieurs. Il existe des lésions d'atrophie simple, mais elle est moins prononcée,

la prolifération des noyaux est également moins abondante. Il existe des es-

paces conjonctifs plus larges entre les faisceaux. Certains faisceaux présentent

l'aspect vitreux homogène avec disparition des fibrilles qui caractérise la dégé-

nérescence hyaline, et se colore en brun-cerise par le Van Gieson.

Muscle diaphragme. Les coupes frappent immédiatement par leur aspect

tout différent des muscles ci-dessus ; il y a intégrité presque absolue. Les

fibres ont leur aspect, leur dimension et leur striation normaux, les noyaux

sont cependant un peu plus abondants que normalement et il existe de place

en place quelques fibres dégénérées.

POLIOMYÉLITE DIFFUSE bUUAIGUE DE LA PREMIERE ENFANCE 445

2° Nerfs. L'étude d'un certain nombre de nerfs a été fait par fixa-

tion à l'acide osmique à 1 0/0, coloration au picro-carmin, et dissociation à l'ai-

guille.

a) Nerfs moteurs : Nerf intra-mitsculaire du jumeau externe gauche. -il

n'y a pas de gaines de myléline granuleuses en abondance ; on voit de place

en place des manchons de myéline en voie de dégénérescence, il persiste une

quantité notable de fibres d'aspect normal (mais grêles), à côté de celles-ci

il existe un nombre considérable de gaines vides.

Nerf intra-musculaire du jumeau interne gauche. - Mêmes aspects et

mêmes lésions que pour le nerf du jumeau externe.

Nerf du jambier antérieur gauche. Il existe de très nombreuses gaines

vides, mais cependant quelques fibres sont conservées et intactes.

b) Nerf sensitif : Nerf cutané péronier. Il y a intégrité absolue de

toutes les fibres, la gaine de myéline est intacte.

3° Racines. Elles ont été étudiées par la méthode de Pal, sur des coupes

transversales intéressant la moelle, et sur des coupes longitudinales des gan-

glions rachidiens, également par la méthode de Pal.

Les coupes du 5° ganglion cervical 2° ganglion dorsal 2° lombaire montrent :

Atrophie très considérable des racines antérieures, qui présentent de nom-

breuses gaines atrophiées ou en voie de dégénérescence. Intégrité des racines

postérieures qui sont absolument normales, avec gaines de myéline très bien

colorées.

4° Ganglions. Les cellules des ganglions rachidiens, étudiés par le Nissl

et le carmin, sont absolument normales ; elles ne présentent aucune altération

de leur substance chromatique.

50 MOELI,E.- La moelle a été fixée au Muller (à part deux segments,le 6e cer-

vical et le 2e lombaire, fixés à l'alcool par la méthode de Nissl). Les segments

numérotés ont été inclus à la celloïdine et débités en coupes sériées. Pour

chaque segment, de nombreuses coupes ont été colorées par la méthode de Pal,

par le carmin, par l'hématéine-éosine et pour quelques-uns, par la méthode

de Van Gieson. Les segments correspondant à la 6° paire cervicale et la 2°

lombaire ont été inclus à la paraffine et les coupes" colorées par la méthode de

Nissl modifiées avec le bleu de toluidine. -

Dans l'ensemble, les lésions constatées portent sur la substance grise, tandis

que l'intégrité des cordons blancs est absolue, toutes les gaines se colorent in-

tensivement en noir par la méthode de Pal,et le carmin ne montre aucune sclé-

rose interstitielle. La méthode de Marchi, pratiquée seulement sur le 2" segment t

cervical, montre également une intégrité absolue des cordons blancs, il n'y

existe aucun grain noir.

Les altérations de la substance grise portent uniquement sur les cornes an-

térieures.

On constate, sur toute la hauteur de la moelle, mais avec une intensité crois-

sante à mesure que l'on descend de la région cervicale vers la région sacrée,

une atrophie très intense des cellules radiculaires, avec un certain degré de

446 .11111e1\D-DISLILLE et BOUDER

sclérose interstitielle, mais sans altérations vasculaires comme celles qui se

montrent dans la paralysie infantile.

Sur les coupes colorées au picro-carmin, on constate que les grandes cellules

radiculaires sont très diminuées de volume, comme étranglées, elles se colorent

mal et d'une manière diffuse, le noyau et le nucléole sont difficilement visi-

bles. Comme on le verra ci-dessous, il ne semble pas y avoir de véritable

-diminution numérique, mais la plupart des cellules sont si atrophiées qu'elles

devaient être fonctionnellement disparues. Il existe en tout cas, d'une façon

indiscutable, un degré marqué de sclérose névroglique dans toute l'étendue des

cornes antérieures (PI. LXIII).

Par la méthode de Nissl, on constate qu'aucune cellule n'est intacte, toutes

présentent des lésions d'atrophie simple et progressive. Il y a désintégration

des éléments chromatophiles dont les vestiges ne sont conservés qu'à la périphé-

rie de la cellule, il y a chromatolyse centrale et souveut état poussiéreux de

toute la cellule. Le noyau est trouble, poussiéreux, le nucléole est excentré et

se colore fort mal ou à peine dans de nombreuses cellules. Certaines cellules

ont perdu leur contour, elles sont si atrophiées et en état de désintégration

moléculaire si prononcée qu'elles sont à peine visibles. Enfin il existe de place

en place, autour de certaines cellules, quelques figures de neuronophagie.

Par contre, la colonne de Clarke est absolument intacte. Il n'existe pas de

lésions appréciables des cornes postérieures, les collatérales courtes et longues

sont intactes, aussi bien que les racines postérieures à leur pénétration dans la

moelle (PI. LXIII).

Les méninges sont absolument intactes ainsi que leurs vaisseaux.

Afin de vérifier s'il existait une atrophie numérique, nous avons compté les

cellules des cornes antérieures dans chaque étage de la moelle, après repérage

à la chambre claire.

Voici le résultat de cette numération.

A. Coupe de la moelle au niveau de la XII" dorsale, montrant l'atrophie des cellules radiculaires

de la corne antérieure en contraste avec l'intégrité des cellules vésiculaires de Clarke.

B. Cellules radiculaires antérieures en divers stades d'atrophie (Méthode de Nissl).

POLIOMYÉLITE DIFFUSE SUBAIGUE DE LA PREMIÈRE ENFANCE 447

448 ARMAND-DELILLE ET BOUDE'1

(patellaire, olécranien, etc.) et diminution très considérable de l'excitabi-

lité faradique et de l'excitabilité galvanique.

L'enfant étant mort de broncho-pneumonie on fit une autopsie suivie

d'un examen histologique détaillé qui se résume ainsi, d'après l'auteur :

Affection symétrique et systématique de la moelle épinière, portant sur

les cornes antérieures, et caractérisée par l'atrophie à différents stades des

cellules radiculaires, existence de dégénérations variables et peu marquées

dans les cordons antéro-latéraux, dégénérations des racines antérieures,

atrophie simple des différents muscles examinés.

Fait intéressant, l'auteur eut l'occasion d'observer le développement

de la même affection chez un autre enfant à peu près du même âge,

mais avec moins d'intensité ; à l'âge de 3 ans, il existait de la parésie des

membres inférieurs empêchant la station et la marche ; de la parésie,mais

moins marquée, du membre supérieur, et un certain degré de faiblesse

des muscles du cou et de la nuque. L'excitabilité galvanique et faradique

était très diminuée.

L'auteur n'a pas suivi l'enfant ultérieurement, mais une biopsie prati-

quée sur le muscle droit antérieur du quadriceps, montra de l'atrophie

simple avec un certain degré de dégénérescence graisseuse et de prolifé-

ration des noyaux.

Hoffmann a publié, en 1893, sous le nom d'atrophie musculaire chro-

nique de l'enfance d'origine spinale et de nature familiale, quatre cas dont t

il donne la description clinique; dans l'un d'entre eux, il a pu l'aire

l'autopsie suivie d'examen histologique des muscles, des nerfs et des cen-

tres nerveux. Les lésions étaient absolument semblables à celles que nous

avons observées, l'évolution clinique fut très analogue, mais l'affection

débuta plus tard et la mort survint quand l'enfant avait déjà 4 ans.

Voici le résumé de sa première observation.

Il s'agit d'une fille de 4 ans amenée à l'hôpital, pour paralysie.

D'après les renseignements fournis par la mère, l'enfant se serait compor-

tée comme un enfant normal jusqu'à son 10e mois environ, pouvant

s'asseoir sur son lit, se laisser porter sur le bras et se tenir debout lors-

qu'on la soutenait, mais à partir de ce moment, la force et les mouvements

des membres inférieurs diminuèrent, au point que l'enfant ne put plus

s'asseoir sur son lit ni se déplacer de côté et d'autre ; elle pouvait cepen-

dant encore faire quelques mouvements des pieds,et les bras étaient encore

relativement intacts, mais ils faiblirent bientôt eux-mêmes, en même

temps que tous les précédents symptômes augmentaient, d'intensité. Il n'y

eut jamais de fièvre, les sphincters restèrent normaux et les fonctions

organiques continuèrent à s'accomplir sans aucun trouble.

A l'examen,on constata chez cette enfant de développement normal pour

POLIOMYÉLITE DIFFUSE SUBAIGUE DE LA PREMIÈRE ENFANCE 449

son âge, et présentant une intégrité complète des muscles de la face, de

la langue, et de la musculature oculaire intrinsèque et extrinsèque, une

paralysie presque complète, sans pseudo-hypertrophie, des muscles du

cou, qui rendait impossible à la malade de soulever sa tête au-dessus du

plan du lit, bien qu'elle pût la tourner à droite et à gauche, et qui la ren-

dait t ballante lorsqu'on essayait de l'asseoir. On observait également une pa-

résie très marquée de tous les muscles des membres inférieurs, des muscles

du dos et de la paroi abdominale, l'enfant ne pouvait se tenir assis, ni se

retourner sur le ventre, il faisait à peine quelques mouvements des mem-

bres inférieurs. 1

Les réllexes tendineux étaient tous abolis, la sensibilité était intacte.

L'examen électrique montra une diminution très considérable de l'exci-

tabilité faradique et galvanique des muscles des membres, avec réaction

de dégénérescence.

La sensibilité était intacte : enfin on observa une crise de dyspnée au

cours d'un examen électrique. L'enfant fut repris par les parents et mou-

r ut quelques mois après de broncho-pneumonie.

A l'autopsie, qui put cependant être faite, on constata une atrophie

musculaire très marquée, et en prélevant la moelle, une atrophie également

évidente des racines antérieures. Les conclusions de l'examen histologique

peuvent se résumer ainsi : atrophie ou disparition de la plupart des cellu-

les radiculaires des cornes antérieures dans toute la hauteur de la moelie,

plus marquée dans la partie inférieure de celle-ci, atrophie très intense

des racines antérieures depuis leur origine intramédullaire, s'accompa-

gnant d'atrophie de certains faisceaux des nerfs mixtes et d'atrophie géné-

ralisée et très marquée des nerfs intramusculaires, atrophie très inlense

des muscles correspondants ayant tous les caractères de l'atrophie simple.

On notait de plus quelques dégénérations sans importance et de peu d'éten-

due dans les cordons antéro-latéraux, mais les voies sensitives étaient

intactes. Il y avait également intégrité du bulbe et du cerveau.

Des 3 autres cas d'Hoffmann, aucun n'a pu êlre suivi d'autopsie, mais il

s'agissait très probablement de la même affection dans le cas n° 2, qui a

trait à un frère de la petite malade précédente. L'enfant qui fut examiné

pour la première fois à 1'tige de 2 ans et 9 mois,avait présenté,vers l'âge de

9 mois également, le début de l'affection, puisqu'il ne put apprendre ni à

marcher, ni même à se tenir debout. Au moment de l'examen, on constata

une parésie très marquée des muscles de la nuque, du cou, des épaules,

des membres supérieurs et des muscles du tronc. La paralysie flasque était

peu marquée aux membres inférieurs, ceux-ci très atrophiés présentaient

soitla réaction de dégénérescence, soit une complète inexcitabilité éiectri-

xix 30

450 ARMAND-DELILLE ET BOUDET

que. 6 mois après, la paralysie avait progressé vers les parties supérieures

du corps et en particulier au tronc et dans les membres supérieurs.

L'enfant ne put être suivi ultérieurement, mais on put relever dans les

antécédents familiaux, que sur 15 frères et soeurs, quatre aînés, morts

pendant leur 2e ou 3e année de maladies infectieuses diverses, avaient

présenté des troubles parétiques analogues. C'est en se basant sur ce fait t

que Hoffmann a décrit l'affection comme familiale.

La loi de la série, suivant l'expression de l'auteur, lui a permis d'ob-

server, à la même époque, deux autres cas analogues, l'un concernant un

enfant de 9 mois, qui présentait de la paralysie flasque des muscles de la

nuque, ducou et du tronc, ainsi que des membres, dont l'amyotrophie était

très marquée avec contractions fibrillaires et réaction de dégénérescence ;

il y avait au contraire intégrité de la sensibilité. L'affection avait com-

mencé à l'âge de 5 mois, et évolué d'une manière progressive.

Le lié cas concerne un nourrisson, âgé de'14 mois, observé par Schultze

à Bonn, à sa consultation. C'était le 6e enfant de parents sains et sans

tare nerveuse, dont seul le leur né avait présenté des troubles parétiques

des muscles du tronc et de la nuque. Les 4 autres enfants âgés de 3 à 8

ans, étaient bien portants. - Le petit malade en question avait depuis

plusieurs mois les jambes faibles et n'avait pu apprendre à marcher, puis

les bras avaient été pris également. Son développement intellectuel était

normal.

On constata la réaction de dégénérescence dans les muscles quadriceps

et tibial antérieur.

L'auteur réunit ces quatre cas dans une description d'ensemble pour les

rapprocher des cas observés par Werdnig, et pense qu'on peut rassembler

tous ces cas sous la dénomination qu'il a choisie.

En résumé, dit Hoffmann, dans deux familles saines, sans tares ner-

veuses,on a vu l'affection se développer et frapper 6 enfants sur 15 dans la ? première, deux enfants sur 6 dans la seconde.

ri"Dans tous ces cas, l'enfant, normal à la naissance, remuant parfaitement

11 ? Lous,ses muscles pendant les premiers mois, se développe bien physique-

çfjnfht et intellectuellement, mais, le plus souvent dans la deuxième moitié ? de la première année se développe une paralysie progressive évoluant d'une

manière subaiguë ou plutôt chronique, sans fièvre ni convulsions ni vomis-

sements. Elle est caractérisée d'abord par la diminution de la force, de la

rapidité et de la facilité des mouvements des membres inférieurs, puis de

la faiblesse des muscles du dos. Si l'enfant avait appris à marcher, il

cesse de pouvoir se tenir debout et même assis dans son lit, puis progres-

sivement, les muscles du tronc et de la nuque, les muscles de la ceinture

scapulaire et des membres supérieurs se prennent. La paralysie s'accompa-

POLIOMYÉLITE DIFFUSE SUBAIGUE DE LA l'1tE\III : IiE ENFANCE £ -4Si 1

gned'atrophie'musculaire avec réaction de dégénérescence ou même inex-

citabilité électrique complète. On constate en même temps de l'adipose

sous-cutanée compensatrice.

Tandis que se développe cette paralysie absolument symétrique, les

sphincters restent intacts, la sensibilité n'est pas touchée, on n'observe ni

paralysie bulbaire ni aucun trouble cérébral. La mort survient dans les

premières années de la vie ; dans les cas observés, la survie n'a'pas dépassé'

4 ans.

L'auteur, au point de vue des lésions anatomiques, insiste sur : l'alro-

phie musculaire progressive sans pseudo-hypertrophie ni adipose muscu-

laire, l'abolition des réflexes, l'existence de contractions fibrillaires, et

comme symptômes négatifs sur l'intégrité des nerfs périphériques à la

palpation, l'intégrité de la sensibilité et l'intégrité du diaphragme, l'inté-

grité du domaine des nerfs crâniens (voix, parole, langue, joues, pharynx

et musculature oculaire). Il discute enfin le diagnostic avec la paralysie

infantile, la paralysie d'origine cérébrale, l'atrophie névritique Charcot

Marie, la myopathie pseudo-hypertrophique de Duchenne-Dejerine, et

la myopathie du type Leyden-Moebius.

Aux travaux de Werdnig et d'Hoffmann il faut ajouter les publications

faites depuis, par différents auteurs, de quelques cas, dont on trouvera

l'indication ci-dessous; un seul mérite d'être rapporté, parce qu'il est

accompagné d'autopsie : c'est celui de Bruce et John Thomson. Il s'agil

d'un enfant de 4 ans, que les auteurs ont suivi de novembre 1889 ;'1 no-

vembre 1891 ; le début de l'affection s'était fait entre le 12e et le 18e mois

de la vie, ou était apparue une parésie des membres inférieurs. Un an

après, la paralysie atteignait les bras et la nuque, l'évolution fut progres-

sive, l'atrophie musculaire était marquée, et s'accompagnait de contrac-

tions fibrillaires, il y avait diminution de l'excitabilité électrique faradi-

que et galvanique, sans réaction de dégénérescence bien nette, la mort se

fit par affection pulmonaire. A l'autopsie on constata de l'atrophie simple

des muscles, avec atrophie des nerfs périphériques, atrophie des cellules

des cornes antérieures de la moelle cervicale, dorsale et lombaire, et atro-

phie légère des racines antérieures.

Tels sont les cas jusqu'à présent publiés qui se rapprochent le plus du

nôtre, il nous faudrait signaler aussi celui de Mya et Luisada, mais bien

que la clinique donne des symptômes très analogues à ceux des cas rap-

portés ci-dessus, les auteurs n'ont constaté aucune lésion nerveuse à l'au-

topsie et concluent à une affection musculaire primitive.

Tous ces cas concernent d'ailleurs des enfants plus âgés que celui que

452 ARMAND-DELILLE ET BOUDET

nous avons observé ; cependant trois observations d'enfants aussi jeunes

ont été rapportées à la séance de la Société de pédiatrie du 21 février 1899.

Dans cette séance, M. Sevestre a présenté « un enfant de 2 mois et demi

qui présente depuis sa naissance une paralysie flasque avec atrophie

musculaire affectant les quatre membres et tous les muscles du tronc

(à l'exception du diaphragme) et depuis quelques semaines, des crises

nerveuses paraissant avoir leur point de départ dans la région du bulbe ;

en outre, deux autres enfants de la même famille ont été atteints d'une

affection analogue et sont morts dans les premiers mois de la vie ». L'ex-

ploration électrique a montré l'abolition totale de la contractilité faradi-

que ; par l'excitation galvanique, on constatait la réaction de dégénéres-

cence. .

A propos de cette présentation, M. Mutine ! a cité deux cas analogues

qu'il avait observés récemment. Malheureusement aucune des autopsies

- de ces trois cas n'a été publiée.

Nous ne nous attarderons pas à faire le diagnostic de ces cas avec la pa-

ralysie infantile généralisée, les myopathies de l'enfance et les atrophies

par polynévrile, il ne serait possible à aucun neurologiste de s'y mépren-

dre, par contre, nous tenons à signaler en terminant la difficulté du dia-

gnoslic très grande qu'il pourrait y avoir parfois entre cette affection et

celle qu'Oppenheim a récemment décrite sous le nom de myatonie et dont

M. Comby a récemment rapporté un cas sous le nom d'atonie musculaire

congénitale et à propos duquel il fait une revue de tous ceux qui ont été

publiés jusqu'à présent (11 cas).

« En général, dit-il, l'enfant vient au monde à terme et bien constitué;

mais rapidement on s'aperçoit que les membres supérieurs et inférieurs,

parfois les quatre membres et même la tête, ne peuvent se mouvoir libre-

ment. Il existe une paralysie flasque, diffuse, qui rend le nouveau né

inerte ou moins vivace qu'il ne devrait être. Cependant les masses mus-

culaires ne s'atrophient pas, elles réagissent faiblement à l'excitation fa-

radique ou galvanique, lès réflexes rotuliens sont abolis ou diminués.

Cette alonie musculaire généralisée serait susceptible de guérison ; après

avoir duré quelques mois ou quelques années, elle disparaîtrait. »

Certains des cas rangés dans cette catégorie par Jovane, par Sorgente, se

sont terminés par la mort dans les premières semaines de la vie et parais-

sent au contraire se rapprocher de la maladie de Hoffmann.

L'étude anatomique que nous avons faite de l'enfant par nous observé,

montre du moins que cette affection, l'atrophie musculaire chronique

d'origine spinale de l'enfance, peut s'observer dès les premiers mois de

la vie, et peut évoluer assez rapidement pour amener la mort avant la fin

de la première année. Les examens histologiques de la moelle nous mon-

POLIOMYÉLITE DIFFUSE SUBAIGUE DE LA PREMIÈRE ENFANCE 453

trent de plus que, même dans ces cas à marche rapide,il'n'y a aucune lésion

inflammatoire des cornes antérieures de la moelle, et qu'il s'agit bien là

d'une affection primitive du neurone moteur périphérique, très analogue

sinon semblable, à celle de la polyomyélite antérieure chronique ou subai-

guë de l'adulte et dont la cause reste tout aussi obscure.

INDEX BIBLIOGRAPHIQUE.

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HOFFMANN. Deutsche Zeitschr. sur Nervenheilk., 1893. Ueber c/zronische spinale

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lare coza,yenila di Oppenheim.

P. SoxGEXTE. La Pediatria, mai 1906. Due casi di alollia 111uscolare congenila di

Oppenheim.

UNIVERSITÉ DE MONTPELLIER

TRAVAIL DE LA CLINIQUE DE M. LE PROFESSEUR GRASSET.

SYRINGOMYÉLIE OU LÈPRE

PAR '

GAUSSEL, et A. LÉVY,

Chef de clinique à l'Université de .. Externe des hôpitaux.

Montpellier. '

Le diagnostic'entre la syringomyélie et la lèpre anesthésique est souvent

assez délicat pour que la clinique ne puisse à elle seule trancher la ques-

tion. Dans certains cas, la constatation seule du bacille de Hansen chez le

sujet en observation permet de rapporter à une névrite tépreusetesaccidents

nerveux constatés en clinique.

Nous avons eu l'occasion de voir traiter dans le service de M. le profes-

seur Grasset un homme qui avait été envoyé à l'hôpital avec le diagnostic

de syringomyélie et qui présentait certains symptômes permettant de dis-

cuter le diagnostic de lèpre. Bien que la question n'aitpu être absolument

résolue, le malade s'étant refusé à toute investigation biopsique, il nous a

paru intéressant de rapporter l'histoire clinique de ce cas, en joignant à

notre exposé des photographies qui rendent assez exactement les symptô-

mes objectifs présentés par le sujet.

Observation (PI. LXIV). -

Antoine C..., 26 ans, menuisier, originaire d'un petit village près de

Valence (Espagne), entre dans le service de M. le professeur Grasset, à t'hô-

pital suburbain lelermai 1906 pour une maladie, remontant déjà à huit

ans, et qui se caractérise aujourd'hui par des troubles objectifs de la sensi-

bilité et une déformation des deux mains, rappelant le tableau de la sy-

ringomyélie, et par des placards cutanés érythémateux dont l'interprétation

peut prêter à discussion.

Voici le récit fait par le malade du mode de début et de l'évolution de

son mal. 11 s'est aperçu un jour par hasard, il y a 8 ans, que pendant son

travail (il est menuisier) des clous ou des échardes de bois pouvaient en-

trer dans sa peau sans-lui faire de mal. A la même époque, il s'est brûlé

à l'avant-bras avec sa cigarette et ne l'a pas senti.

La main gauche a commencé a faiblir, a se fatiguer plus vite que de

NOUVELLE Iconographie de la Salpêtrière.

T. XIX. P1. 1.XIV

SYRINGOMYÉLIE OU LÈPRE

(Gaussel et A. Lév).

GAUSSEL ET LÉVY. - SYRINGOMYÉLIE OU LÈPRE '455

coutume ; un an après les mêmes signes de faiblesse se constatent à la

main droite. La jambe gauche devient, en même temps, lourde et insensi-

ble ; le malade ayant par mégarde laissé couler de l'eau bouillante sur

cette jambe n'a pas souffert de la brûlure. La maladie progressait très len-

tement, depuis un an seulement la jambe droite est un peu faible. A cause

des progrès des troubles trophiques au niveau des mains, cet homme a dû

quitter son travail depuis un an. -.

Rien dans ses antécédents personnels ou héréditaires ne mérite d'être

retenu.

Examen du malade au moment de son entrée à l'hôpital. C'est un su-

jet d'apparence vigoureuse, robuste, dont l'attitude en griffe des deux

mains trahit seule, au premier examen, l'état de maladie.

Etudions en détail les accidents nerveux et les, accidents cutanés que

présente ce malade, les autres appareils fonctionnent normalement.

Motilité. La force musculaire paraît assez bien conservée dans les

différents segments des membres, sauf au niveau des mains qui sont le

siège d'une atrophie très marquée, et au niveau du pied droit.

Amyotrophie. Aux membres supérieurs, l'atrophie musculaire porte

surtout sur les éminences thénar et hypothénar, sur les inlerosseux, et

détermine l'attitude en grille caractéristique, bien visible sur les photo-

graphies ci-jointes.

Au membre inférieur droit il existe un peu d'amyotrophie des muscles

de la jambe avec une diminution de la force musculaire dans le pied

droit. Aucune amyotrophie au niveau du tronc ou de la face.

Sensibilité. - il n'y a jamais eu de troubles subjectifs de la sensibilité,

ni douleurs, ni paresthésies. Au contraire on constate très nettement la

dissociation syringomiélique de la sensibilité.

Les zones où cette dissociation syringomyélique s'observent se distri-

buent de la façon suivante : aux membres supérieurs l'anesthésie porte

sur tout le membre jusqu'à la racine (à l'exception d'une plaque au ni-

veau de la face antérieure du pli du coude qui reste sensible). Elle est

nettement plus marquée le long du bord radial que sur le bord cubital, ce

qui donne à la distribution de l'anesthésie une apparence radiculaire;

aux membres inférieurs l'anesthésie envahit toute l'étendue des tégu-

ments (sauf le creux poplité) et se limite en haut par une ligne qui suit la

limite supérieure des fesses et le pli de l'aine de chaque côté; l'anesthé-

sie n'existe pas au niveau des bourses et, sur le tronc ou la face, on la

constate seulement au niveau des plaques que nous décrirons tout à

l'heure.

Etat des réflexes. Les réflexes tendineux sont normaux.

Il n'existe pas de scoliose.

456 GAUSSEL-ET LÉVY

Symptômes cutanés. Le malade présente sur le tronc, la face posté-

rieure des cuisses, la région deltoïdienne, la région maxillaire inférieure

des placards qui tranchent légèrement par leur coloration rosée sur la peau

voisine, surtout après exposition à l'air, et au niveau desquels on observe

la chute des poils et la dissociation syringomyélique de la sensibilité.

La plaque située sous le sein gauche et s'étendant transversalement de-

puis la ligne médiane antérieure jusqu'au-dessous de l'angle de l'omoplate

est très caractéristique. Elle présente un fond légèrement rosé, piqueté de

points plus rouges et est limitée par une zone de couleur brun foncé ci

bords arrondis. Cette pigmentation du bord est apparente sur la photo-

graphie au-dessous du sein gauche. Au niveau de la plaque les poils sont

tous tombés, ce qui fait ressortir nettement les limites de la plaque sur le

thorax très velu du sujet. Ce placard n'est pas symétrique, sauf un peu

dans la région du dos.

Il existe d'autres plaques présentant les mêmes caractères, en particu-

lier nous signalons celle de la face postérieure des cuisses qui s'étend

également sur les fesses, mais ne gagne pas la face antérieure- D'après les

schémas joints à notre travail on pourra se rendre compte de la distribu-

tion des autres plaques.

Le malade est un sujet intelligent, qui répond très bien et ne présente

aucun autre symptôme il part cenx que nous avons exposés.

Placards cutanés où l'on constate la chute des poils et la dissociation

, syringomyélique de la sensibilité.

SYRINGOMYÉLIE OU LÎ'sPIIE 457

Les seuls diagnostics qu'il y ait lieu de discuter chez ce sujet sont la

syringomyélie et la lèpre.

A ne considérer que les troubles de la sensibilité, l'amyotrophie, on

pense immédiatement à la syringomyélie.

Nous trouvons en effet chez le malade une anesthésie à dissociation

syringomyélique bien marquée, distribuée à l'avant-bras suivant une to-

pographie radiculaire, tandis que dans la lèpre la dissociation des sensibi-

lités est moins nette et la distribution radiculaire ne s'observe pas. L'amyo-

trophie porte surtout sur les doigts et respecte les orteils, elle ne

s'accompagne point de mutilations malgré la longue durée de la maladie,

caractèresqui sont plutôt en faveur de la syringomyélie. Puis ce mêmedia-

gnostic a pour lui la lenteur de l'évolution, l'absence de toute manifesta-

tion tuberculeuse de la lèpre, l'intégrité des nerfs cubitaux qui ne son pas

noueux et fusiformes comme dans la lèpre, l'absence de paralysie faciale.

Que pourrions-nous invoquer en faveur de la lèpre ?

Tout d'abord,rappelons que ce malade vient d'une province d'Espagne

où la lèpre est assez fréquente (province de Valence) et que le diagnostic

de lèpre a été discuté par un des médecins appelés ;t lui donner des soins

dans son pays. En second lieu, nous appelons l'attention sur les placards

légèrement érythémateux il bord brunâtres, à surface dépourvue de poils

et présentant la dissociation syringomyélique des sensibilités ; ce trouble

trophique cutané sur lequel nous avons déjà insisté dans l'observation a

été le symptôme qui a fait hésiter le diagnostic entre la syringomyélie et

la lèpre.

Ces placards ne sont pas signalés dans la syringomyélie comme troubles

trophiques, la plupart des ouvrages traitant de la syringomyélie sont muets

sur ce point. D'autre part, l'aspect de la peau au niveau des parties dé-

pourvues de poils et anesthésiques n'est pas celui des manifestations cuta-

nées de la lèpre. Il n'y a pas ici cette mélanodermie caractéristique et même

l'aspect érythémateux franc d'un placard éruptif. A peine sur les bords

y a-t-il une zone légèrement pigmentée, large environ d'un centimètre.

Pour trancher le diagnostic, il faudrait dans les coupes d'un fragment

de peau prélevé au niveau d'une des plaques d'anesthésie, rechercher le

bacille de la lèpre : le malade s'est absolument opposé à toute biopsie. Il a

même refusé de se laisser piquer le doigt pour recueillir du sang dans le-

quel nous nous proposions de rechercher [et de compter les éosinophiles

(l'éosinophilie n'été donnée comme un signe hématologique de la lèpre).

Bien que la majorité des arguments soient en faveur de la syringomyé-

lie, le diagnostic de lèpre ne peut être écarté d'une façon absolue on sait

que, dans un cas analogue de MM. Pitres et Sabrazès, le diagnostic put être

fait seulement par la recherche des bacilles de Hansen.

ÉPILEPSIE ET STUPEUR SYMPTOMATIQUES

D'UN GLIO-SARCOME DU LOBULE SPHÉNOÏDAL

CHEZ UN CHIEN

PAR R

L. MARCHAND, et G. PETIT,

Médecin adjoint de l'asile de Blois. Professeur à l'Ecole nationale

vétérinaire d'Alfort.

L'épilepsie symptomatique de tumeur cérébrale s'allie ordinairement,

chez l'homme, à d'autres symptômes assez nets pour que le diagnostic de la

cause puisse être établi. Les caractères de l'accès épileptique qui, le plus

souvent, prend la forme jacksonienne, la rareté des vertiges épileptiques,

les symptômes moteurs et sensoriels, les lésions du fond de l'oeil per-

mettent le diagnostic et quelquefois la localisation de la tumeur. A côté

de ces cas, il en est d'autres où l'épilepsie est le seul symptôme de la ma-

ladie cérébrale et l'on classe primitivement ces cas dans le groupe de

l'épilepsie idiopathique, jusqu'au jour où l'autopsie vient montrer la cause

du mal comitial. L'un de nous a publié un cas semblable (1).

M. le professeur Raymond, dans une de ses cliniques (2), mettant en re-

lief ces cas où l'épilepsie est le principal symptôme d'une tumeur cérébrale

ajoute : « La céphalalgie tenace et violente, continue et exacerbante,cons-

titue la manifestation la plus fréquente des tumeurs cérébrales ; les atta-

ques convulsives peuvent revêtir le caractère des attaques épileptiques ; il

faut se défier de ces attaques qui surviennent sans cause apparente chez

une personne ayant dépassé la trentaine. » Parmi les différents symptô-

mes pouvant permettre le diagnostic des tumeurs cérébrales il faut ajou-

ter la stupeur. Celle-ci, dont la cause anatomique n'est pas encore connue,

est cependant fréquente et peut être le seul symptôme du néoplasme en-

céphalique.

L'observation suivante se rapporte à un chien qui présentait des atta-

ques épileptiques et de la stupeur symptomatiques d'une tumeur cérébrale.

(1) L. Marchand, Tumeur cérébelleuse et épilepsie. Congrès de Limoges, 1901.

(2) RAYMOND, Clinique des maladies du système nerveux, 1897-1898, ; 3' série. Doin,éd.

MARCHAND ET PETIT. GLIO-SARCOME DU LOBULE SPHÉNOÏDAL 459

Nous l'avons autopsié aussitôt après la mort et nous avons fixé immédia-

tement le système nerveux dans du formol à 10 0/0. Ainsi, les lésions que

nous décrirons plus loin ne pourront être considérées comme des lésions

surajoutées. De plus, ce fait d'anatomie pathologique comparée peut ap-

porter quelque contribution à l'interprétation de ces états de stupeur si

communs chez les aliénés et les malades atteints de tumeur cérébrale. Nous

insisterons enfin sur les caractères histologiques particuliers du néoplasme.

L'intéressant malade qui fait l'objet de l'observation suivante nous a

été procuré par M. Pécard,chef des travaux de clinique à l'École d'Alfort.

Observation. - Chien de taille moyenne, âgé de 10 ans, amené à la consul-

tation d'Alfort le 30 mars 1906 pour des « attaques d'épilepsie » apparues depuis

une quinzaine de jours seulement et d'abord à de longs intervalles ; elles sont

devenues si fréquentes que le propriétaire a pu la veille en compter jusqu'à

douze. Il s'en produit précisément une au moment où le malade nous est pré-

senté. La crise est annoncée par de courts prodromes : le chien paraît anxieux,

piétine quelques instants, puis brusquement tombe sur le côté, secoué par de

violentes convulsions particulièrement accusées aux membres et à la mâchoire

inférieure. Les yeux grands ouverts, les pupilles dilatées, les lèvres et les joues

tirées par les contractions donnent à la face un aspect grimaçant. Une bave

mousseuse s'écoule de la bouche. L'attaque est de courte durée, d'une à deux

minutes au plus, mais laisse après elle un état de torpeur qui n'est pas tou-

jours dissipé lors d'une nouvelle crise. Pendant 48 heures, les crises se succè-

dent presque sans interruption à raison de 1 ou 2 par heure.

Le 1er avril, soit naturellement, soit sons l'influence du bromure administré,

elles commencent à s'espacer et cessent définitivement le 3. ,

Malgré la disparition des attaques épileptiformes l'état général ne s'améliore

pas. Le chien reste constamment couché, immobile, somnolent, la tête appuyée

sur ses membres antérieurs allongés, les paupières closes, indifférent à ce qui

l'entoure.

Sorti de sa cage et mis debout, son état de stupeur ne disparaît pas complète-

ment. Son équilibre est instable, .il titube, steppe légèrement et marche la tête

baissée, comme un automate. Il va tantôt en ligne droite, mais plus souvent

tourne d'un côté ou de l'autre suivant un cercle qui se rétrécit peu à peu rt il

finit par tomber.

La chute se fait habituellement sur la tête, mais aussi en arrière, à la renverse

ou sur le côté. D'ordinaire, il parvient à se relever seul après quelques efforts.

Les paupières restent constamment closes et l'animal n'évite pas les obstacles ;

lorsqu'il rencontre un mur, souvent il y reste appuyé pendant de longs mo-

ments. Les globes oculaires sont tirés au fond des orbites et déviés vers le bas ;

les pupilles également contractées et immobiles. La vision parait abolie. Le

sens de l'ouïe est conservé,car le chien réagit aux bruits environnants,au moins

.orsqu'il est debout.

La sensibilité cutanée persiste aussi.

460 MARCHAND ET PETIT. GLIO-SARCOME DU LOBULE SPllÉNOIDAL

Le malade touche à peine à ses aliments ; la stupeur ne fait que s'accuser et,

le 5 avril, la mort arrive dans le coma. '

Nécropsie. On ne trouve rien de particulier à l'ouverture, du crâne ; l'ex-

traction du cerveau se fait normalement. Sur les coupes vertico-transversales

du cerveau, et même avant toute section, on observe une tumeur occupant

le lobule sphénoïdal gauche (fig. 1). Cette tumeur est molle, gélatineuse,

légèrement transparente et adhère intimement il la substance cérébrale

voisine ; le tissu néoplasique se confond insensiblement avec le tissu sain, sans

ligne de démarcation nette.

Il n'existe aucune autre tumeur dans les autres organes.

Examen histologique. L'examen a porté sur la tumeur, sur les régions

motrices droite et gauche, sur le bulbe. Les méthodes employées sont celles de

Nissl, de Weigert-Pal, de Weigert pour la névroglie, de Van Gieson, la colora-

tion au picro-carmin.

La tumeur est formée de petites cellules rondes à gros noyaux. Ces cellules

sont espacées les unes des autres et on peut remarquer dans leurs interstices

des fibrilles névrogliques. De place en place,on observe des cellules pyramida-

les ; ces dernières sont éparses irrégulièrement au milieu du tissu néoplasique;

leur configuration est si bien conservée qu'on ne peut mettre en doute leur na-

ture nerveuse (fig. 2). La tumeur est peu vascularisée à son centre ; mais, sur

tout le pourtour, il existe de nombreux vaisseaux qui lui forment comme une

paroi vasculaire ; ces vaisseaux sont de petite dimension, gorgés de sang, ne

présentent aucune inflammation et leur paroi est formée d'une seule couche

de cellules endothéliales. Sur les coupes traitées par la méthode de Weigert-

Pal, on remarque qu'un grand nombre de fibres à myéline existent encore au

milieu du tissu néoplasique, mais ces fibres ont pris une coloration pâle, sont

fragmentées, effritées, formées de petits grains à myéline irrégulièrement dis-

posés ; elles sont en voie de dégénérescence ; tout autour de la tumeur, les fibres

à myéline sont également mal colorées par la laque hématoxylinique et dégé-

nérées en partie. Il existe d'ailleurs, à ce niveau, une sclérose névroglique que

nous avons pu mettre en évidence par la méthode de Weigert pour la névroglie.

Cette sclérose n'est pas également intense autour du néoplasme ; certaines ré-

Fic;. 1. - Coupe vertico- transversale passant par les lobules sphénoïdaux.

. CULZ UJS" CU1EN 461

gions sont peu sclérosées ; d'autres au contraire sont envahies parles fibrilles

névrogliques qui forment un feutrage épais.

Dans les zones intermédiaires au néoplasme et au tissu cortical sain, on re-

marque que les petites cellules rondes néoplasiques envahissent peu à peu le

tissu nerveux sans le détruire immédiatement. Il existe une zone où cellules

pyramidales, cellules névrogliques et cellules tumorales sont rassemblées les

unes à côté des autres. Il est enfin remarquable de voir les sillons avec leur

méninge molle offrir une barrière à la tumeur (fiâ. 3). Les cellules néoplasi-

ques gagnent les parties voisines en faisant le tour du sillon et n'attaquent

l'iG. 2. - Tissu néoplasique. 1. Cellules nerveuses ; 2, Fibrilles névrogliques

3. cellules sarcomateuses.

Fio. 3. - 1. Tumeur; 2. Cortex sain; 3. Sillon et pie-mère; 4. Cellules nerveuses.

462 MARCHAND ET PETIT. GLIO-SARCOME DU LOBULE SPHÉNOIDAL

jamais le cerveau en passant à travers la pie-mère,même si les deux lèvres des

circonvolutions sont intimement soudées.

Les autres parties du cortex ne présentent que de très fines lésions consis-

tant en la pigmentation de quelques cellules pyramidales et l'accolement à ces

cellules de petites cellules rondes qui paraissent être des lymphocytes. Pas de

lésions méningées.

Il est intéressant de constater qu'une tumeur localisée en dehors des zo-

nes motrices a donné lieu à de l'épilepsie et à un état de stupeur. Ces deux

symptômes peuvent s'expliquer par la compression du cerveau sous l'in-

fluence de l'excès de pression du liquide céphalo-rachidien. L'examen his-

tologique montre nettement que la tumeur était oedématiée ; ses éléments

sontécartés les uns des autres ; les fibrilles névrogliques forment de lar-

ges mailles. Cette pression, en s'étendant aux autres éléments de l'écorce, a

donné lieu à l'état de stupeur. Les lésions présentées par les autres parties

du cortexsont trop peu accentuées pour qu'onpuisse leur rattacher ce symp-

tôme.I1 faut encore relever ce fai t que notre chien était devenu aveugle, tan-

dis que les autres sens étaient intacts. Cette cécité, ainsi que l'immobilité

des pupilles et la rétraction des globes oculaires peuvent être aussi rappor-

tés à la compression des nerfs optiques et des nerfs ciliaires résultant de

l'oedème cérébral.

La tumeur, d'après les considérations histologiques que nous avons émi-

ses plus haut, est un glio-sarcome. Il est curieux de trouver des cellules

pyramidales bien conformées éparses au milieu du tissu cancéreux. Les cel-

lules pyramidales, considérées généralement comme des cellules peu ré-

sistantes, ont ici conservé une apparence qu'on peut considérer comme nor-

male chez quelques-unes d'entre elles. Les fibres à myéline, au contraire,

ont en partie disparu dans la tumeur et celles qui ont persisté sont si

altérées qu'on peut les considérer comme n'ayant plus aucun rôle physio-

logique. Cette observation montre que, dans notre cas, les fibres à myéline

ont été plus vulnérables que les corps cellulaires. Cette constatation esta à

rapprocher de ce qui s'observe dans le cerveau des aliénés chroniques, où

on trouve souvent une disparition très accentuée des fibres tangentielles

sans altération, notable du moins, des cellules de la corticalité.

Dans notre cas, comme le fait a été déjà observé, le néoplasme a gagné

les parties voisines du cortex en contournant les sillons. Malgré une adhé-

rence intime des deux lèvres des circonvolutions, la tumeur ne traverse

pas la méninge pour gagner l'autre circonvolution.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

T. XIX. PI. LXV

P6ututypte Uerthaud, Pans

AGÉNÉSIE TOTALE DU SYSTÈME RADIAL

lll. Frrl1lrn i ç ri AT. FCTlYrr 1.

HOSPICE DE LA SALPÊTRIÈRE

TRAVAIL DU SERVICE DE M. LE PROFESSEUR RAYMOND.

AGÉNÉSIE TOTALE DU SYSTÈME RADIAL (1)

PAR R

HENRI FRANÇAIS ET MAX EGGER

La jeune fille que nous présentons n'offre rien de particulier dans ses

antécédents héréditaires. Son père et sa mère, morts de maladies acciden-

telles, étaient bien constitués. Elle a eu trois frères ou soeur, morts dans

l'enfance, et elle a actuellement un frère et une soeur bien portants.

Personne dans sa famille n'a présenté de vices de conformation. Elle est

née'à terme et a marché à l'âge de 2 ans. Elle n'a pas eu de convulsions

dans l'enfance, et n'a jamais été atteinte d'aucune maladie.

Le défaut de développement sur lequel nous attirons l'attention est

congénital. Il est surtout accusé à la main et à l'avant-bras droits, et il

intéresse en outre, en diverses régions, le côté droit du corps (Pl. LXV).

Si nous comparons les deux membres supérieurs l'un avec l'autre, nous

constatons que le bras droit mesuré, de la tête humérale à l'épicondyle

n'a qu'une longueur de 30 centimètres au lieu de 33 du côté gauche. La

circonférence de ce bras au niveau de sa région la plus saillante est de

19 centimètres, au lieu de 22 du côté opposé.

L'avant-bras présente une direction curviligne à convexité postérieure :

sa longueur n'est que de 15 centimètres, tandis que l'avant-bras gauche

bien constitué est long de 24 centimètres. Par la palpation de ce segment t

de membre droit, on ne sent que fort peu de saillies musculaires.

La main droite est nettement dirigée en dedans ; elle forme avec l'avant-

bras un angle dièdre ouvert en haut et en dedans ; c'est en définitive une

main-bot en varus.

Le pouce fait entièrement défaut. Le petit doigt est le plus volumineux

et le seul dont les mouvements s'accomplissent bien. Les trois autres

doigts (annulaire, médius et index) sont grêles, dépourvus de saillies

musculaires. Ils présentent une ankylosé partielle de leurs articulations

phalangiennes, et ne peuvent ni s'étendre ni se fermer complètement.

L'éminence hypothénar est assez bien conservée et dessine une saillie

nette, mais le bord externe de la main (côté de l'éminence thénar) est

tout à fait déprimé et mince.

Le mouvement de flexion de la main est normal ; celui d'extension

(1) Communication â la Société de Neurologie de Paris.

464 FRANÇAIS ET EGGER

est imparfait, il aboutit seulement à placer la main sur le prolongement

de l'avant-bras. Les mouvements de flexion et d'extension de l'avant-bras

sur le bras se font bien. Il en est de même des mouvements du bras

et de l'épaule. L'examen des radiographies faites par M. Infroit nous

montre que cette importante déformation de l'avant-bras et de la main

tient non seulement à l'absence du pouce, mais aussi à l'absence du radius

et des os du carpe en relation avec le pouce, le scaphoïde et le trapèze.

Les membres inférieurs sont normaux. On remarque seulement une

légère diminution (1 à 2 cent.) de la périphérie des deux principaux seg-

ments.

La tête fait saillie en avant ; elle est enfoncée entre les épaules. Le cou

n'existe pour ainsi dire pas ; la colonne cervicale est très courte; et sem-

ble formée seulement de 3 ou 4 vertèbres. Cette attitude a quelque analo-

gie avec celle des syringomyélies spasmodiques. La colonne vertébrale

présente un faible degré du scoliose dorsale supérieure à convexité droite.

Le rebord inférieur de la cage thoracique est de 4 centimètres moins

élevé à droite qu'à gauche ; son bord supérieur est aussi moins élevé

du côté droit. La hauteur du thorax mesurée du bord supérieur de la cla-

vicule jusqu'au rebord costal est de 28 centimètres à droite, de 35 à gau-

che. Mais la circonférence thoracique est d'nn centimètre plus longue du

côté droit que du côté gauche (côté sain).

L'explication de ce fait nous est fournie par la radiographie. Les côtes

gauches ont leur obliquité normale et suivent nettement les mouvements

respiratoires ; les côtes droites au contraire se rapprochent beaucoup plus

de la direction horizontale et restent à peu près immobiles pendant la res-

piration (Pl. LXV).

Nous avons cherché à obtenir des tracés comparatifs des mouvements

respiratoires à droite et à gauche à l'aide du pneumographe de M. Egger ;

ces tracés étaient peu nets, ils nous ont néanmoins montré une amplitude

plus grande des mouvements respiratoires du côté gauche que du côté

droit.

Le front est un peu aplati et déprimé à droite ; toute la face est moins

développée de ce côté, les cheveux y sont moins abondants, et il y a un

peu de strabisme externe de l'oeil droit.

L'état général est excellent; la nutrition est bonne. La sensibilité et

les réflexes sont normaux partout, sauf au membre supérieur droit où il

n'y a pas de réflexe du poignet et où le réflexe olécranien est à peu près

nul. L'intelligence est bien developpée.

Les cas d'absence congénitale du radius, sans être fréquents, ont été

déjà signalés, et presque toujours en coïncidence avec l'absence du

, AGÉNÉS¡F1 TOTALE DU SYSTÈME RADICAL 465

pouce. Geoffroy Saint-Hilaire en a rapporté un cas vu par J.-L. Petit. Otto

en a observé quatre exemples. Davaine a constaté cette malformation chez

des foetus qui tous étaient en même temps dépourvus des premiers méta-

carpiens et des pouces. Chez l'un d'entre eux, plusieurs vertèbres cervi-

cales étaient anormales ; leurs corps se présentaient sous forme de petits

tubercules disposés sans ordre, les lames vertébrales étaient diminuées de

nombre et considérablement élargies.

Notre malade présente aussi une anomalie du développement de la co-

lonne cervicale sur la nature de laquelle l'examen radiographiquene nous

a pas bien fixés. Quoi qu'il en soit, Davaine a conclu de ses observations

que : '1° l'absence du radius entraîne celle du pouce et de son métacar-

pien ; 2° que la main non maintenue par le radius forme un angle plus

ou moins aigu avec le cubitus ; 3° que l'absence du radius coïncide avec

quelque autre anomalie soit du système osseux, soit d'autres organes. Ces

conclusions sont rigoureusement applicables à notre cas. Il convient d'a-

jouter que l'absence du trapèze etduscaphoïde coexiste avec celle du ra-

dius et du pouce.

, Ces faits sont difficiles à expliquer. Il est peu probable qu'il s'agisse

d'un retard de développement,car l'ossification du radius précède celle du

cubitus.

Les os de la première rangée du carpe apparaissent tous simultanément,

.et le développement du premier métacarpien contemporain de celui des

autres métacarpiens est antérieur même à celui du radius.

Il est en outre impossible de rapprocher une semblable déformation de

dispositions normales rencontrées chez certains animaux. Chez quelques

mammifères, les ruminants, les chéiroptères, c'est le cubitus qui est ru-

dimentaire et le radius est parfaitement développé. Enfin chez d'autres

animaux tels que le cachalot, l'hippopotame, le cubitus et le radius sont

soudés entre eux. Mais tous les animaux dont la conformation des membres

est comparable à celle de l'homme, sont pourvus d'un radius.

. Pour l'interprétation de ces malformations, il convient de tenir compte de

ce fait que le pouce et le radius (ainsi que le trapèze et le scaphoïde) ont

une corrélation et une connexion si intimes qu'ils doivent être soumis aux

mêmes lois anatomiques, physiologiques et embryogéniques. II faut les

considérer comme faisant partie d'un même système anatomique et phy-

siologique comprenant aussi les muscles qui s'insèrent sur ces os, leurs

vaisseaux et leurs nerfs, et qu'on peut appeler le système radial.

A ce système doit correspondre chez l'embryon un noyau spécial qui

préside à son développement. Il s'agit vraisemblablement d'une agénésie

complète de ce noyau radial et d'une agénésie partielle d'un certain nombre

d'autres systèmes appartenant surtout au côté droit.

mu 31

TRAVAIL DE LA CLINIQUE DU PROFESSEUR RAYMOND A LA SALPÊTRIÈRE. ? DYSTROPHIE D'ORIGINE PULMONAIRE (1)

- PAR

". ' ' P. LEJONNE et M. CHARTIER.

A côté de l'infantilisme type Lorain, état pathologique caractérisé parla a

persistance des formes juvéniles et l'arrêt d'évolution du système génital,

à côté du type d'hypotrophie simple où les formes sont celles d'un adulte

réduit, infantilisme anangioplasique (Brissaud), on peut encore rencon-

trer des dystrophies dans lesquelles les troubles de la conformation consis-

'tent en des vices du développement aboutissant à des tares organiques

et intellectuelles.

' La malade que nous présentons nous a paru rentrer dans le groupe des

dystrophies acquises. Son passé pathologique et les symptômes qu'elle

présente actuellement permettent de considérer les lésions de l'appareil

respiratoire comme étant la cause de cette anomalie d'évolution.

C'est une malade de 20 ans,sans profession. Sa mère l'a amenée consul-

ter le 5 juin 1906, à la clinique des maladies nerveuses, à la Salpêtrière,

pour des manifestations mentales survenues depuis quelques mois. ,

La petitesse de la malade (taille : 1 m. 28), sa tête volumineuse attirent

de suite l'attention. Dans sa famille, aucun membre n'est petit ou mal-

formé ; personne ne présente de maladies nerveuses. Le père, bien por-

tant, n'est pas buveur; la mère est également en bonne santé; elle n'a

pas fait de fausse couche.

Rien ne permet de soupçonner la syphilis chez les procréateurs. Elle

avait un frère grand et fort, mort il y a 5 mois, à l'âge de 22 ans, de tu-

berculose pulmonaire.

La grossesse de la mère fut troublée par des ennuis de ménage. L'en-

fant naquit à terme, dans de bonnes conditions. Elle fut nourrie au sein

jusqu'à un an. Elle était petite à la naissance, et son développement fut

un peu retardé : elle commença à marcher entre 15 et 17 mois ; la pre-

mière dent apparut à 8 mois.

Elle ne fit dans son enfance aucune maladie grave, aucune fièvre érup-

tive. Elle ne présenta ni nouures ni courbure des membres; en somme,

(1) Communication à la Société de Neurologie de Paris.

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XIX I'1. LXVI

Phototypie Uerthaud Pans

DYSTROPHIE D'ORIGINE PULMONAIRE

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LEJONNE ET CHARTIER. - DYSTROPHIE D'ORIGINE PULMONAIRE 467

pas de symptômes accusés de rachitisme. Depuis son plus jeune âge, elle

éprouvait, la nuit surtout, quelque difficulté à respirer. Elle dormait la

bouche ouverte ; elle ronflait. Elle toussait, mouchait, crachait continuel-

lement. Elle était facilement essouflée. Cet état persista, avec des aggra-

vations, à travers l'adolescence, jusqu'à l'époque actuelle. Elle présentait

en outre des troubles inlestinaux, des diarrhées périodiques, si impé-

rieuses qu'elle laissait parfois échapper des matières.

Jusqu'à 13 ans, elle est restée à l'école. Elle y a appris à lire et un peu

à écrire ; mais est toujours restée très en retard. Son intelligence générale

s'est peu développée. Elle a toujours été taciturne et solitaire.

Depuis cinq mois, c'est-à-dire depuis la mort de son frère,son caractère'

s'est transformé. Elle accuse une mauvaise humeur continuelle, elle est

violente par instants. Elle casse volontairement les objets ; les déchire, les

cache, sans raison apparente.

Son aspect général est relativement satisfaisant. Elle n'est pas maigre.

Son teint et ses muqueuses sont colorés. La peau, brune, présente quel-

ques naevi pigmentaires. Sur la partie droite du thorax, on constate les

traces cicatricielles d'un zona thoracique très étendu, surtout en arrière

et survenu vers l'âge de 1 ¡-¡ ans. La peau est souple, n'est pas épaissie ;

elle n'est le siège d'aucune dermatose. Les cheveux, assez longs, tombent

jusqu'au milieu du dos. Ils sont fins, déliés, sans aucune sécheresse. Les

poils du pubis et des aisselles sont en rapport avec une puberté datant seu-

lement de deux ans (Pl. LXVI).

Le crâne est carré, assez volumineux (circonf. 53 cent. 5) olympien.

Les fontanelles se sont soudées tardivement. Vers la fin de la première an-

née des veines se dessinaient sous la peau du cuir chevelu. Disons tout

de suite qu'elle a depuis l'enfance un certain degré d'amblyopie. L'examen

actuel des yeux dénote une atrophie partielle des deux papilles, plus ac-

cusée à gauche. Les pupilles légèrement inégales, la gauche plus étroite,

présente des réflexes lumineux et accommodateurs affaiblis. Ces lésions ac-

tuellement stationnaires et datant probablement de l'enfance, paraissent

être dues, comme l'augmentation de volume du crâne à un léger degré

d'hydrocéphalie.

Le nez est petit, pincé, en lame de couteau. Les ailes sont.immobiles,

affaissées. Les joues aplaties traduisent l'atrophie des sinus maxillaires. Le

menton est proéminent. Le facies en général est vieillot.

Le thorax, peu développé (circonf. au-dessous des seins : 68 cent.), est

déprimé latéralement. Le sternum est cambré en avant, il existe de légères

nouures aux articulations chondro-sternales. La colonne vertébrale pré-

sente une scoliose dorsale à convexité droite avec courbure lombaire decom-

pensation.

468 LEJONNE ET CHARTIER 1

Les membres supérieurs et inférieurs sont par rapport au tronc norma-

lement proportionnés. Les mensurations respectives des divers segments

affectent le type normal : le segment proximal est plus long que le segment

distal. Pas de nouures, pas d'hypertrophie des extrémités ; pas d'exosto-

ses, ni d'irrégularité à la face antérieure des tibias.

Les mains sont courtes et larges,; les dernières phalanges sont épaissies,

en baguette de tambour, violacées et froides. L'ongle est mince, cassant

facilement, débordant latéralement, concave en tous sens, arrondi, en verre

de montre. Les pieds sont petits, très courts, les orteils surtout. ,

La radiographie nous montre des os absolument normaux dans toute

leur longueur (PI. LXVI, LXVII). Les épiphyses radiales et cubitales, ni-

mérales,.tibiales et fémorales sont soudées, un peu prématurément même.

Seule, la crête iliaque n'est pas encore réunie au corps de l'os ; mais,

d'après Poirier, elle ne se soude qu'entre 21 et 24 ans.

Le larynx est petit, peu saillant. Le corps thyroïde, lobes et isthme, est

parfaitement senti dans les mouvements de déglutition.

La malade tousse depuis son jeune âge. De bonne heure, alors que les

enfants ne crachent pas, elle expectorait de petits crachats muco-purul en ts ;

mais elle n'a jamais eu d'hémoptysies. Actuellement, elle expectore des

crachats jaune verdâtre, assez abondants, avec une quantité considérable

de mucus. La nuit, elle éprouve parfois des crises d'asthme ; elle se dresse

sur son séant, en proie à un accès d'étouffement. Au bout de quelques-

heures, elle tousse, crache abondamment ; la dyspnée disparaît alors. -

La percussion dénote une sonorité partout normale, plutôt exagérée au.

sommet. L'inspiration est rude, un peu humée; l'expiration est longue.

Aux deux temps de la respiration,on perçoit des râles ronflants et sibilants,

des râles bulleux et sous-crépitants qui peuvent disparaître après une

forte quinte de toux et une expectoration abondante. Ils ne sont pas

groupés en foyer; ils varient de siège d'un jour à l'autre. L'examen mi-

croscopique des crachats n'a dénoté ni fibres élastiques, ni bacilles de

Koch.

Le coeur ne présente aucun symptôme anormal. Le pouls est à 90°.

Il n'existe aucun signe clinique de chloro-anémie. '

L'examen du sang fournit les données suivantes :

Globules rouges : 4.600.000. Aspect normal.

Globules blancs : 1 pour 5.500 globules rouges.

Formule leucocytaire normale.

Du côté du tube digestif : la lèvre est fissurée sur la ligne médiane. La

langue est normale. Les dents, cariées et absentes en partie, n'ont pas l'ap-

parence hérédo-syphilitique. Le palais forme une voûte ogivale. Le pha-

NOUVELLE TCOXOGRAPIIIE ni ? LA SALP11TRltRE.

T. XIX. Pl. LX\ ! l

Phototypie Berthaud, Paris

DYSTROPHIE D'ORIGINE PULMONAIRE

(Lejonne el Chartier).

DYSTROPIIIE D'ORIGINE PULMONAIRE ' 469

rynx supérieur est très réduit dans ses deux diamètres. Le doigt perçoit

encore des végétations derrière le voile.

Depuis son plus jeune âge, elle vomit fréquemment. Elle a presque

constamment des selles dîarrhéiques, entremêlées par périodes de glaires

et de sang. Les côlons sont légèrement douloureux.

L'appareil génital s'est développé un peu tardivement mais d'une façon

normale. Elle est réglée depuis l'âge de 18 ans, et depuis, ses époques

sont apparues régulièrement. Les seins, les organes génitaux externes, les

poils sont normalement développés. Toutefois, au dire de sa mère, elle

n'a pas accompli sa puberté intellectuelle, elle n'éprouve point les senti-

ments de coquetterie d'une jeune fille.

La température oscille entre 37° et 37°7. Poids : 32 kil. 500.

Le système nerveux n'offre rien à signaler au point de vue somatique,

sauf une certaine vivacité, sans exagération, des réflexes rotuliens.

Au point de vue intellectuel,c'est une débile. Ses sentiments affectifs sont

développés. Elle aimait beaucoup son frère qui est mort, et l'irritabilité de

son caractère, les gestes impulsifs et les violences datent de cette époque.

Le jugement est très infantile. La mémoire des faits récents est bonne ;

celle des faits anciens, défectueuse. Elle ne lit pas couramment, et ne

répète que les mots usuels Calligraphiquement l'écriture est assez bonne ;

mais l'insuffisance des idées ne lui permet guère autre chose que son nom

et son adresse. Elle est incapable de la plus simple opération de calcul ;

elle ne sait pas écrire sous la dictée un nombre de 3 chiffres.

Pour résumer cette observation, il s'agit d'une malade remarquable

surtout par la petitesse de sa taille et atteinte depuis son enfance d'une

affection pulmonaire chronique.

Dans quelle classe de nains doit-on la ranger, si l'on prend comme

définition du nanisme celle du Dictionnaire DeJlaabre, la nanisme est

une anomalie de l'être humain caractérisé par une diminution de volume

de toutes les parties du corps et par l'exiguïté de la taille ?

Lorsqu'il s'agit d'un' individu petit,mais bien conformé,de « l'adulte vu

parle gros bout de la lorgnette», on dit qu'il y a selon les diverses

expression usitées, infantilisme anangioplasique (1), nanisme simple (2),

hypotrophie (3). La grosse tête, les malformations faciales, thoraciques,

(1) Brissaud, Leçons sur les maladies nerveuses, 9895 ; Meige, Gazette des hôpitaux,

1902 ;.Iconog. delà Salp., 1895-1891, ., '

(2) GILBERT et I;ATIIERY, Presse médicale, 1901 ; Arch. générales de médecine, 1904.

(3) VARIOT, Soc. médicale des hôpitaux, 1898-190t-1905 j CLAUDE et LEJONNE, Icono-

graphie de la Salpêtrière, mars 1906 ; ? ,....... , " ,

,

470 LEJONNE ET CHARTIER .

des extrémités, la débilité intellectuelle existant chez notre malade la

distinguent suffisamment de ce premier groupe. 1

Lorsque à la petitesse de la taille s'ajoute la non-apparition des carac-

tères sexuels secondaires, lorsque la face reste arrondie, le torse cylindri-

que, les membres potelés, tout comme chez l'enfant, on est en présence

d'un autre type d'infantilisme. Ici,-les organes génitaux et les poils sont

formés, les membres et le bassin sont développés ; notre malade ne sau-

rait donc rentrer dans ce deuxième groupe. D'ailleurs, la configuration

générale de son corps, l'évolution défectueuse de certaines parties accu-

sent chez elle non pas un arrêt de développement,mais une dystrophie.

Or, il faut diviser ces dystrophies en deux groupes. Dans le premier,

le nanisme est créé par un trouble local du squelette (rachitisme, achon-

droplasie) (1). Dans le second, la cause à mettre en jeu est d'ordre plus gé-

néral, troubles de la nutrition (2), myxoedème (3), hérédo-syphilis (4).

A laquelle de ces étiologies faut-il rapporter le cas présent.

L'examen du squelette éloigne toute idée d'achondroplasie. Les propor-

tions des membres relativement au tronc, des segments de membres en-

tre eux sont normales. 11 ne s'agit pas non plus de rachitisme : le thorax

ne présente pas les déformations en entonnoir,en carène, que l'on rencontre

dans cette affection. Il n'existe ni nouures épiphysaires,ni courbures des os

longs. Seuls la scoliose Jégère, l'augmentél tion de volume de latête, le front

olympien peuvent rentrer dans le cadre du rachitisme. Mais cette dystro-

phie osseuse peut être la conséquence de tous les troubles dénutrition du

jeune âge; et si elle se manifeste ici par quelques traces légères, elle

n'est point elle-même la cause de la petitesse de la taille.

L'hérédo-syphilis ne semble pas devoir entrer ici en ligne de compte.

Elle n'apparaît pas dans les antécédents; la recherche de ses stigmates

est négative.

Rien ne rappelle chez elle le myxoedème : la peau n'a pas perdu sa sou-

plesse ; les cheveux sont assez longs et souples; le visage n'est pas en

pleine lune ; il n'y a pas de torpeur intellectuelle ; le corps thyroïde est

perceptible. Enfin, l'examen radiographique permet de constater la sou-

dure complète et précoce des épiphyses des os longs el courts, ce qui est la

règle dans les dystrophies non myxoedémateuses (Springer et Serbanesco),

alors que l'ossification est considérablement retardée dans le myxoedème.

(1) CESTAN, Iconographie de la Salpêtrière, 1901.

(2) LA11DOUZY.

(3) Brissaud, Leçons sur les mal. nerveuses, 1895-1898, Iconographie delà Salpê-

trière, 1897.

(4) En. FoumuEn. Thèse de Paris, 1898.

DYSTROPHIE D'ORIGINE PULMONAIRE ' 471

L'attention est d'ailleurs rapidement attirée sur l'appareil respiratoire.

Etant enfant, la malade a été une adénoïdienne, et une adénoïdienne non

traitée.

L'interrogatoire de la mère nous l'apprend ; la petitesse du nez, l'affais-

sement du tissu maxillaire, la réduction du pharynx, la voûte ogivale,

l'examen fait au doigt, tout nous le confirme. On sait que les adénoïdiens

sont des terrains tout préparés aux affections pulmonaires ; elle a eu des

bronchites successives ; puis une bronchite chronique avec asthme et em-

physème. Les troubles intestinaux qu'elle éprouve depuis son jeune âge

sont probablement en relation avec la déglutition des produits septiques des

bronches et du pharynx : les rapports de l'entérocolite avec les adénoïdes

ont été signalés depuis quelque temps (1).

Y a-t-il de la tuberculose ? Il serait permis de le supposer, en se basant

sur la possibilité de la contagion par le frère. Les crises d'asthme, loin

d'éloigner cette idée ne font qu'attirer l'attention sur elle. Toutefois, l'élude

des signes physiques ne permet pas de conclure dans ce sens ; l'examen

des crachats, fait à plusieurs reprises, est resté négatif. Le diagnostic de

bronchite chronique avec emphysème nous parait le plus vraisemblable.

Quant aux malformations des extrémités digitales, elles cadrent mieux

avec l'hypothèse d'une lésion pulmonaire simple, chronique, qu'avec celle

d'une tuberculose. Il n'y a point là la phalange fuselée et l'ongle hippo-

cratique du bacillaire; mais bien le doigt en baguette de tambour, l'ongle

en verre de montre de Pierre Marie (2).

Ainsi comprise, cette malade, venue au monde petite, peut-être 5 cause

des ennuis moraux éprouvés par la mère pendant la grossesse, a débuté

dans la vie comme une adénoïdienne. Devenue ensuite bronchitique, em-

physémateuse, asthmatique, sa nutrition a été fortement compromise et

son développement entravé tant à cause de l'insuffisance de l'hématose

qu'en raison des toxines provenant de la pullulation bactérienne des voies

respiratoires. Elle nous semble donc devoir être considérée comme un

type de dystrophie d'origine à la fois adénoïdienne (3) et broncho-pulmo-

naire.

(1) Discussion de la Société de Paediatrie, avril 1906.

(2) Marie, Revue de médecine, 1890.

(3) BESANçON et Israël de Jortc, Arch. gén. de méd., 1904.

(4) Gérard, Thèse de Paris, 1894.

EUNUCH1SME ET EROTISME

PAR R

A. MARIE.'

Médecin en chef des asiles.

Au cours d'une récente mission d'étude en Orient, j'ai eu l'occasion

d'observer, grâce à l'extrême obligeance de mon collègue .M.. le Dr War-

nock, un cas de psychose à caractère érotique et hallucinatoire chez un

eunuque de l'asile égyptien d'Abbassie. J'ai cru pouvoir, en raison de

la rareté des faits publiés de ce genre, en apporter ici un court résumé

avec quelques photographies. (PL. XVIII et LXIX). -

Le malade, S. A. Allam, âgé d'environ 40 ans, était interné depuis mars

1903. Il l'avait été à la suite d'une altercation et de mauvais traitements

vis-à-vis d'une femme rencontrée par lui dans la rue.

Il était esclave d'un maître qui est mort depuis quelques années.

t <

Il s'intoxiquait habituellement par le haschisch. Dès l'entrée il manifesta

des idées de grandeur et de satisfaction en rapport avec des troubles de

la sphère .génitale. Il se disait possédé par une princesse invisible. Elle

se livre sur lui à des attouchements fréquents. Il entend fréquemment

sa voix. Elle veut l'épouser, et attend avec impatience ce moment. Inter-

rogé sur la raison de ses voies de faits vis-à-vis de la femme inconnue

qu'il a rencontrée et frappée, il répond qu'elle voulait aussi de lui et

voulait le violer pour se faire épouser, mais il a tenu à se défendre pour

rester fidèle à sa princesse. 11 se dit déjà marié d'ailleurs selon le Coran

à d'autres femmes et en avoir des enfants.

Des voix lui répètent qu'il doit maintenant épouser sa princesse.'

Il a été castré dans le Kordofan étant toutenfant; malgré cela, dit-il,

beaucoup de femmes l'ont épousé et il a beaucoup de force sexuelle et des

sensations fréquentes et intenses.

Quand la princesse le possède, dit-il, il en éprouve une jouissance

extrême et éjacule. C'est elle qui pénètre dans son corps qu'elle habite et

possède (idées de possession à base de troubles cénesthésiques probables,

combinées à l'érotisme psychique). Il se plaint parfois de douleurs et de

crampes dans les membres et les attribue à des fatigues sexuelles causées

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XIX. Pl. LXVIII

Phototypie Berthaud, Paris

EUNUCHISME

(A. Marie, médecin de Villejuif).

Masson et Ci», Editeurs

NOUVELLE ICONOGRAPHIE Dr LA SAlPÊTRIÈRE.

T. XIX. Pl. LXIX

Phototypie Berthaud, Pari»

EUNUCHISME

(A. Marie, médecin de ViIlcj/llJ).

Masson et C«\ Editeur;

A. MARIE. EUNUCHISME ET ÉROTISME' 473

par « ses indulgences excessives à l'égard des femmes » (sic). Parle vo

lontiers de sa puissance sexuelle ainsi que de ses puissantes facultés untel-

lectuelles, etc.

Après la phase d'excitation maximum contemporaine de l'entrée à

l'asile ce malade est devenu moins cohérent et plus déprimé, mais cet état

variait d'un jour à l'autre et rappelait un état de démence précoce para-

noïde traversé de bouffées d'excitation ; après deux ans d'alternative d'ex-

citation et de dépression il est entré dans une période de calme continu, a

pu s'occuper régulièrement et a pu être porté sortant en 1905. La- seule sur-

vivance des troubles mentaux observés consistait dans la persistance de

sensations génitales subjectives et dans la conviction de son état de mariage

princier imaginaire. En somme, dégénérescence acquise et débilité congé-

nitale avec bouffée délirante confuse d'origine toxique, surajoutée, note'

dominante érotique et ambitieuse. Le malade que nous avons pu observer

à la phase où il présentait encore de l'hébétude rappelant certains étals :

catatoniques, était comme la plupart des eunuques d'une stature au-des-

sus de la moyenne malgré une légère incurvation de la colonne vertébrale

dorsale et une déviation des membres inférieurs caractérisée par l'obli-

quité du fémur et le genu valgum.(l m. 82). -

Elargissement concomitant du bassin, légère gynécomastie et paquets'

adipeux sous-cutanés contribuant à donner au corps l'aspect féminin.1

L'allongement des membres inférieurs malgré leurs déviations est la cause

principale de la station élevée comme cela s'observe chez la plupart des

eunuques castrés en bas-âge ; pas de système pileux abondant, visage gla-

bre, aisselles et pubis à poil rare.

Pas de développement exagéré des extrémités des membres ni de pro-

gnatisme plus marqué que chez les autres nègres soudanais. -

Rien d'anormal dans les fonctions générales de circulation, respiration

ou digestion. Pas d'anomalie des réflexes, force musculaire au-dessous de

la moyenne à la pression des mains, mais pas d'inégalité apparente ni fai-

blesse marquée; marche normale, culture nulle et débilité mentale évi-

dente reflétée dans son délire fruste.

Au point de vue génital, la cicatrice de castration n'a laissé aucune

saillie de moignon des corps caverneux ni repli scrotal, le méat urinaire

s'ouvre à la peau entre deux surfaces planes.

Le toucher rectal montre une prostate normale avec saillie nette de la

vésicule spermatique non atrophiée.

Nous avons donc affaire à un eunuque par castration totale avant la

puberté complète chez lequel il n'y a pas eu infection ascendante pro-

pagée du cordon aux vésicules. On s'explique, selon la théorie d'Abbate-

Pacha, la persistance possible d'un orgasme vénérien par éjaculation du

474 A. MARIE. EUNUCHISME ET ÉROTISME

contenu des sécrétions non spermatiques des glandes de la vésicule con-

servée.

Cet orgasme et cette éjaculation sont affirmés par le malade ; quant

à l'objectivation de sensations périphériques en l'absence d'organes, elle

peut s'expliquer par transposition d'excitations réelles dues à l'irritation

de la muqueuse uréthrale (le méat béant des castrés nécessite l'emploi de

tubes de plomb toujours malpropres, où la souillure par l'urine et la

décomposition ammoniacale caractéristique par son odeur chez' les

eunuques).

D'autre part, le foyer de cicatrice où sont compris les filets primitive-

ment distribués aux organes génitaux supprimés pourrait être le siège de

dégénérescences centripètes comme chez certains amputés,et lephénomène

du membre fantôme pourrait être invoqué en certains cas d'eunuchisme

bien que cette hypothèse semble plutôt invocable dans les cas de castra-

tion post-pubère.

Quoi qu'il en soit, l'observation que nous résumons ici montre, après

bien d'autres, l'indépendance possible de l'érotisme psychique par rapport

aux aptitudes fonctionnelles périphériques. Elle vient à l'appui de la

thèse que j'ai développée ailleurs, de la concordance fréquente des psy-

chopathies sexuelles sur un fond d'insuffisance génitale plus ou moins

complet.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE la SA ! .PhTRIÈRE,

T. XIX. Pl. LXX

Phototypie Berthaud, Paris

TAPISSERIE DE LA CATHÉDRALE DE TOULOUSE

(Jean Heitz).

Masson et Cm, Editeur ?

NOTE SUR QUELQUES FIGURATIONS PATHOLOGIQUES

RELEVÉES DANS

UNE TAPISSERIE DE LA CATHÉDRALE SAINT-ETIENNE

DE TOULOUSE

PAR

JEAN HEITZ.

La nef de la cathédrale Saint-Etienne de Toulouse est décorée d'une suite

de très belles tapisseries d'Arras, tissées selon toute vraisemblance vers la

fin du xv° siècle, et dont l'une peut tout spécialement intéresser le méde-

cin par les nombreuses ligures pathologiques qui s'y offrent à son étude

(PL LXX),

C'est une très grande tapisserie, longue de plus de 5 mètres sur 2 à 3 de

hauteur. Elle esl restée fort belle de ton. La scène se déroule dans un

décor architectural des plus intéressants. Saint Etienne se tient debout, la

tête auréolée, au milieu d'une vaste cour entourée de colonnades Renais-

sance, et dominée à droite et à gauche vers le fond, par de grandes cons-

tructions dont l'une est encore tout à fait féodale. Dans le paysage qui

s'étend au loin, les collines supportent des forteresses à tours crénelées.

De la main droite le saint fait le geste de l'exorcisme : deux de ses doigts

étendus vers un jeune homme demi-nu, musclé et vigoureux qui se tient

assis, les mains jointes. La physionomie de ce personnage est calme

autant qu'on en peut juger .Au-dessus de lui, vole une petite figure ailée de

démon. La crise est terminée, le malade vient d'être guéri par la puissance

dn saint. Un peu plus loin,à l'arrièie-plan,iine femme se tord encore dans

de violentes convulsions. Un vieillard cherche à la maintenir, quelque peu

mollement semble-t-il.L'attitude de la démoniaque est assez bien observée,

la tête est bien convulsée en arrière, la bouche ouverte, les bras étendus.

Notons par contre, l'invraisemblance des mains ouvertes et comme pâmées.

Pas de ligure ailée ici : le démon n'a pas été chassé de ce corps dont il com-

mande encore tous les mouvements.

L'extrême droite de la composition est garnie par un groupe assez heu-

reusement planté,mais que l'on distingue difficilement sur la reproduction

ci-contre. Les plis de la tapisserie ont en effet empêché la mise au point

exacte. On reconnaît une femme debout, implorant la pitié en faveur d'un

malheureux à genoux, dont la jambe droite est enveloppée de bandages,

476 HEITZ. - QUELQUES FIGURATIONS PATHOLOGIQUES ,

et que d'après la gourde qu'il porte à la ceinture,on pourrait peut-être con-

sidérer comme un lépreux. La gourde personnelle au malade était impo-

sée par les règlements du moyen âge, afin d'éviter les causes de contagion.

A la gauche du saint, se tient un autre groupe presque symétrique. Au

premierplan, nous reconnaissons un aveugle à l'attitude générale de son

corps, à sa main tendue en avant et qui maintient par une cordelette deux

petits chiens pour guider ses pas hésitants. De la droite, il s'appuie sur un

long bâton. La face se dresse haute, les yeux morts regardent au loin,

comme dans la fresque d'Angelico à la chapelleNicolasV auVatican,ou dans

la belle eau-forte de Rembrandt. Ajoutons que ce pauvre aveugle est encore

estropié aux jambes et qu'il marche le genou gauche fléchi sur un pilon.

Un instrument de musique, une vieille, sans doute, est suspendu à son côté.

Par derrière el séparé de lui par un petit enfant à longue robe,, se

dresse un grand diable, aux gestes de brigand et au large' chapeau de

feutre, s'appuyant de l'épaule droite sur une primitive béquille qu'il

maintient d'une main contracturée. Comme la jambe droite semble aussi

s'appuyer difficilement sur le sol, le diagnostic d'hémiplégie se présente

naturellement à l'esprit. Au dernier plan, enfin, un troisième personnage,

.à genoux, semble remercier le ciel de sa guérison.

Si le dessin de tous ces personnages n'est pas toujours d'une justesse

absolue, il est bon de reconnaître que les attitudes sont le plus souvent

pleines de vie ; aussi cette tapisserie nous semble-t-elle mériter une place

honorable dans la série toujours plus nombreuse des documents médico-

artistiques pour la grande part déjà parus dans cette revue.

Un distique latin, qui s'étend au-dessous de la composition, proclame

'la gloire de saint Etienne : '

. ' Signa patret nord, prodigiis miracula jungat,

Nullll1n ipso siyticnt majus erit Stephallo,

ce qui peut, traduit littéralement, vouloir dire : qu'il accomplisse de nou-

veaux signes, qu'il ajoute les miracles aux prodiges ; aucun signe (signe de

puissance supérieure) ne sera plus grand qu'Etienne lui-même. z

Le gérant : P. Bouchez.

Imp. J. Thevenot, Saint-Dizier (Haute-Marne).

\

9° Année N° 6 Novembre-Décembre

HOSPICE DE LA SALPÊTRIÈRE

SUR LA NÉVRITE INTERSTITIELLE

HYPERTROPHIQUE ET PROGRESSIVE DE L'ENFANCE

(2e OBSERVATION SUIVIE D'AUTOPSIE)

PAR Il

J. DEJERINE et ANDRÉ-THOMAS

Dans un travail publié il y a treize ans,en collaboration avec le Dr Sot-

tas (1), l'un de nous a rapporté deux observations d'une affection fami-

liale, ayant atteint le frère et la soeur, caractérisée cliniquement par les

symptômes suivants : ataxie des quatre membres avec atrophie muscu-

laire ; troubles très marqués de la sensibilité avec retard dans la trans-

mission ; douleurs fulgurantes, nystagmus, myosis avec signe d'Argyll-

Robertson, cyphoscoliose ; hypertrophie très marquée avec dureté très

accusée de tous les troncs nerveux des membres accessibles à la palpa-

tion ; ces symptômes étaient ceux du tabes ordinaire arrivé à une période

assez avancée de son évolution, mais associé à une atrophie musculaire

généralisée, une cyphoscoliose et un état hypertrophique des nerfs.

La soeur étant morte dans le courant de l'année 1892, l'autopsie futpra-

tiquée et révéla l'existence d'une névrite interstitielle hypertrophique à

marche ascendante, ayant successivement atteint les nerfs périphériques,

les troncs nerveux, les racines antérieures et postérieures, avec lésions

médullaires consécutives ; d'oit le nom de Névrite interstitielle hypertro-

phique et progressive de l'enfance donné à cette singulière affection.

Le frère, alors hospitalisé à l'hospice de Bicêtre, en sortit au bout de

fort peu de temps; errant d'hôpital en hôpital, il venaitplusieurs fois par

an se soumettre à notre examen à l'hospice de la Salpêtrière ; la maladie

ne se modifia guère, mais sa santé s'altéra profondément : syphilitique,

(t) J. DEJERINE et J. SOTTAS,SUI'Ia. névrite interstitielle hypertrophique et pognes-

sive de l'enfance. Mémoires de la Société de Biologie, 18 mars 1893.

xix 32

478 DEJERINE ET ANDRÉ-THOMAS

alcoolique, livré à la débauche malgré ses infirmités, il devint tubercu-

leux et succomba emporté par la phtisie à l'hospice de la Pitié dans le

service du Dr Babinski.

Ainsi que cela était à prévoir, l'examen anatomique et histologique

n'a fait que confirmer en tous points le résultat de la première autopsie.

C'est cet examen que nous avons proposé d'exposer dans le présent mé-

moire. Une des raisons qui. nous ont encore incités à le faire, c'est

que quelques auteurs onl cherché à contester à la névrite interstitielle

hypertrophique une existence autonome et ont .voulu n'y voir qu'une

variante d'une autre maladie également familiale, l'Atrophie musculaire

type Charcot-Marie. Ainsi que nous le montrerons dans le travail actuel

il n'y a aucune analogie quelconque à établir entre ces deux affections.

OBSERVATION

Homme de trente-quatre ans. Atrophie musculaire avec troubles de la

sensibilité et douleurs fulgurantes, ayant débuté à l'c £ ge de quatorze ans.

Début de l'atrophie par les muscles des jambes s'étendant plus tard aux nitis-

cles des mains. Intégrité des muscles de la racine des membres. Pieds-bols

équins. Atrophie des muscles des mains, type Aran-Duchenne. Contractions

fibrillaires dans les muscles des membres et de la face. Altération considéra-

ble de la contractilité faradique et galvanique sans réaction de dégénéres-

cence. Cypho-scoliose. Ataxie des membres inférieurs et supérieurs avec im-

possibilité de marcher la nuit. Dérobement des jambes. Signe de Romberg :

Nystagmus dynamique. Myosis avec signe d'Argyll-Roberlson. Surdité. Pa-

ralysie de la corde vocale gauche. Abolition des réflexes palellaires et olécra-

niens ainsi que du réflexe cutané plantaire. Altérations considérables des

divers modes de sensibilité diminuant en remontant de bas en haut. Retard

dans la transmission des sensations. Hypertrophie très marquée avec durelé

trèsprononcée de tous les nerfs des membres accessibles à la palpation. Dou-

leurs fulgurantes extrêmement intenses faisant parfois tomber le malade.

Intégrité des sphincters et des fonctions génitales. Pas de troubles trophiques

cutanés. Syphilis à l'âge de vingl-qualre ans. Excès alcooliques. Etat men-

tal de dégénéré. Mort à quarante-cinq ans. Autopsie.

Antécédents personnels. - A l'âge de onze ans, luxation de l'épaule. Ad-

mis à l'hospice des Enfants-Assistés, il serait resté quatre mois sans pouvoir

se servir de son bras. On l'envoie, trois ans après, à Berck-sur-Mer pour une

déformation de la colonne vertébrale et il est traité par le corset de Sayre. (La

cypho-scoliose dont il est atteint a été remarquée par sa mère, vers l'âge de

quatre à cinq ans.)

Les symptômes de son affection remontent à sou séjour à Berck (quatorze

ans).

Il tombait facilement en courant, avait une certaine difficulté à se servir de

Nouvelle Iconographie DE la Salpêtrière.

T. XIX. PI. LXXI

NEVRITE INTERSTITIELLE HYPERTROPHIQUE

Extrémité inférieure de la moelle épinière et queue de cheval.

Hypertrophie des racines.

(Dejerine et Thomas.)

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière.

T.lIt. Pl. 11111

9- z

C

D

E

il s

NÉVRITE INTERSTITIELLE HYPERTROPHIQUE ET PROGRESSIVE DE L'ENFANCE 479

ses mains, et sa parole commença à présenter les caractères qu'elle a mainte-

nant.

A la même époque également, il commmença à ressentir daus les membres

inférieurs et supérieurs, dans les inférieurs surtout, des douleurs très pénibles

qui lui traversaient les membres comme un éclair. A cette époque également,

il remarqua que son écriture se modifiait : il écrivait moins facilement et

moins vite. Il travaillait alors comme compositeur dans une imprimerie, et

quelques semaines après, il fut forcé de cesser son travail par suite d'une

inhabilité manuelle qui l'empêchait de prendre les lettres dans les cassetins.

Les troubles de la marche avaient continué à progresser, surtout lorsque le

malade se levait pour se mettre en marche, il titubait alors et oscillait sur ses

jambes. Jusqu'à l'âge de vingt et un ans, ces accidents restèrent à peu près

stationnaires. A cette époque, il se fracture la cuisse droite en luttant avec

un camarade, fait un séjour de trente jours à l'hôpital. Pendant sa convales-

cence, il se casse de nouveau la cuisse droite en tombant d'une chaise et fait

un second séjour de trente jours à l'hôpital. A partir de cet accident, les

troubles de la motilité des membres supérieurs et inférieurs vont en augmen-

tant avec une certaine rapidité, il est obligé de cesser son travail, et reste

chez sa mère à trier des vieux papiers. '

Depuis cette époque, il touche à l'Assistance publique, comme infirme, un

franc par jour. A l'âge de vingt-quatre ans il contracte la syphilis (chancre et

plaques muqueuses). Depuis l'âge de vingt ans jusqu'à aujourd'hui, il a fait

quelques excès alcooliques.

Les troubles de la motilité allant toujours en augmentant, le malade entre

à Bicêtre dans le service de M. Déjerine, le 10 février 1890.

Etal actuel (le 10 février 1890). Malade de taille au-dessous de la moyenne,

facies pâle, anémique, présentant une déformation très prononcée des deux

pieds et des mains, avec atrophie musculaire, le membre inférieur droit (frac-

ture ancienne) est raccourci (PI. LXXII C). '

Les deux pieds présentent la déformation suivante : équinisme très pro-

noncé avec convexité du tarse (Pl. LXXII C).La première phalange des orteils,

celle du gros orteil principalement, est en flexion dorsale, les deuxième et troi-

sième, en flexion plantaire légère, et la flexion est plus prononcée pour la pha-

lange unguéale que pour les autres. Les tendons des extenseurs des orteils,

celui du gros orteil principalement,sont tendus et se dessinent sous la peau. L'é-

quinisme des pieds n'est pas tout à fait direct, mais s'accompagne d'un léger r

degré de varus. La convexité de la voûte plantaire interne est très exagérée,

c'est un véritable pied creux, et partant le diamètre antéro-postérieur du pied

est raccourci, le talon antérieur étant beaucoup plus rapproché du talon pos-

térieur qu'à l'état physiologique. Cette attitude est maintenue, d'une part, par

un certain degré de rétraction du triceps sural pour l'équinisme ; et pour le

pied creux, par des rétractions fibreuses, étendues du calcanéum à la tête

du premier métatarsien, trousseaux fibreux qui se tendent fortement dans la

flexion passive. Les thénars des deux pieds sont nettement atrophiés ; pour les

interosseux, l'atrophie paraît moins prononcée. Les muscles des deux jambes

480 DEJERINE ET ANDRÉ-TnOMAS

sont notablement atrophiés, surtout dans le groupe antéro-externe. Les mou-

vements obtenus sont les suivants : le malade, à l'aide du jambier antérieur,

peut produire un très léger degré de flexion dorsale, et avec les muscles de la

région postérieure de la jambe, un très léger degré de flexion plantaire, ne mo-

difiant du reste en rien la déformation du pied. Les mouvements possibles des

orteils se bornent à l'exagération de l'extension dorsale de la première pha-

lange du gros orteil de chaque côté, et une saillie notable du tendon de l'ex-

tenseur du gros orteil. Les muscles des cuisses, sans être nettement atrophiés

sout cependant peu développés ; sur la cuisse droite (ancienne fracture) les

masses musculaires sont plus diminuées qu'à gauche.

La station debout et la marche sont possibles, mais à l'aide de souliers spé-

ciaux et d'une canne (pieds nus, la marche est presque impossible). Sans canne

pour s'appuyer, même avec ses souliers, le malade ne peut se tenir debout, il

oscille et tomberait si on ne le retenait (ataxie statique). Debout et pieds nus,

on constate quelques mouvements athétosiques des orteils. Dans la station de-

bout, qui n'est possible qu'en élargissant fortement la base de sustentation,

l'hyperextension des premières phalanges du pouce et des orteils est encore

augmentée.

Les pieds appuient sur le sol, sur les talons antérieur et postérieur, ainsi que

sur l'extrémité antérieure du cinquième métatarsien, qui présente, comme les

deux autres points d'appui, un épaississement épidermique avec bourse séreuse.

Le pied, en effet, appuie sur le bord externe par suite d'un léger degré de

varus. <;

'J La force musculaire des cuisses et des jambes est assez développée. Les mus-

cles-présentent des contractions fibrillaires. Le malade marche en talon-

nant,lançant légèrement ses jambes en avant et de côté, il ne marche pas en

ligne droite, mais en festonnant comme un cérébelleux. Pour marcher, il appuie

sa main droite sur une canne. Sans ses souliers conformés d'une façon spéciale,

il peut seulement faire quelques pas. Signe de Romberg très accusé.

Membres supérieurs Atrophie musculaire, type Aran-Duchenne, égale

et symétrique des deux côtés, main simienne avec griffe cubitale légère,

atrophie très prononcée des éminences thénar et hypothénar, ainsi que des in-

terosseux. L'extension des deux premières phalanges des doigts, l'adduction et

l'abduction des doigts,'se font encore des deux côtés, mais sans grande force.

Les mouvements des muscles des thénars sont presque abolis. Quelques con-

tractions fibrillaires dans le long abducteur du pouce à droite. Les muscles des

avant-bras sont peu développés, et le groupe épitrochléen de chaque côté est

atrophié. Les mouvements des muscles des avant-bras' sont'conservés, mais

affaiblis en particulier dans les fléchisseurs des doigts et de la main. Le.long

supinateur et les radiaux sont intacts des'deux côtés, il en est de même pour

les muscles des bras et des épaules, qui, bien que peu développés, ^ne parais-

sent pas nettement atrophiés.' Les muscles du cou, de la face -et de la nuque

sont intacts, il en est de même pour ceux du larynx, du pharynx, du voile du

palais et de la langue. La colonne vertébrale est déformée, il existé une cypho-

scoliose à concavité gauche dans la région dorsale moyenne, avec saillie de

NÉVRITE INTERSTITIELLE HYPERTROPHIQUE ET PROGRESSIVE DE L'ENFANCE 481

la partie postérieure des côtes du côté droit, qui bombent en arrière, d'une fa-

çon très prononcée.

Sensibilité. - Membres inférieurs, sensibilité tactile très altérée. Nulle sur

les pieds et les jambes, elle commence à réapparaître au niveau des genoux, .

à ce niveau la sensibilité tactile est encore très diminuée, et le malade fait

des erreurs de lieu. Ainsi, quand on le touche sur la face interne du genou

gauche, il reporte la sensation à la moitié supérieure de la cuisse. Dans les

parties où la sensibilité tactile commence à être perçue, il existe un retard

dans la transmission, retard qui, comme l'anesthésie, diminue à mesure que

l'on se rapproche de la racine du membre. Le chatouillement de la plante du

pied n'est presque pas senti. Sensibilité à la douleur, très altérée également.-

Il existe un retard notable dans la transmission, sept à huit secondes pour le

dos du pied, retard qui diminue en remontant. La localisation de la sensibilité

douloureuse se fait assez exactement. La sensibilité douloureuse est pervertie

par places, c'est ainsi qu'une piqûre d'aiguille sur la jambe droite détermine

une sensation de brûlure. Mêmes^altérations pour la sensibilité thermique (eau

à 81 degrés), retard de plusieurs secondes dans la transmission avec thermo-

anesthésie très prononcée. Mêmes particularités pour le froid (glace), dimi-

nution et retard qui, pour la sensibilité à la température comme pour les

autres, sont d'autant plus prononcés, qu'on examine des régions plus éloignées

de la racine des membres. . ,

Membres supérieurs. Les différents modes de sensibilité, tact, douleur,

température, sont également altérés ; l'altération, un peu moins prononcée

qu'aux membres inférieurs, diminue aussi ici en remontant le-long des mem-

Fia. 1.

Fig. 2.

482 DEJERINE ET ANDHÉ THOMAS

bres. Le retard, très prononcé sur la peau des mains, diminue également en

remontant.

Sur la face antérieure et postérieure du tronc, la sensibilité tactile et dou-

loureuse est également diminuée. Sur la face et la muqueuse buccale, la sensi-

bilité est intacte sous tous ses modes.

Abolition des réflexes patellaire et olécranien, ainsi que du réflexe cutané

plantaire. Sens musculaire normal.

Etat de la motilité. La démarche été décrite plus haut. Le malade étant

couché dans le décubitus dorsal et les yeux ouverts, l'incoordination des

membres inférieurs est peu prononcée, et si on lui dit de toucher son cou-de-

pied gauche avec son talon droit, les mouvements transversaux, avant d'arriver

au but, sont geu marqués. Au contraire, les yeux fermés, le malade n'arrive

à exécuter le mouvement qu'en faisant décrire à son pied une série de mouve-

ments transversaux, puis, il laisse tout d'un coup tomber son talon, lorsqu'il

croit être arrivé dans la bonne direction. Aux membres supérieurs, l'incoor-

dination est plus marquée.

Les yeux ouverts, si l'on dit au malade de prendre un objet sur la table

(plume, verre), sa main exécute de légers mouvements de latéralité, puis s'abat

sur l'objet. Les yeux fermés, cette incoordination augmente beaucoup.

Ainsi, par exemple, lui dit-on de se toucher le nez ou une oreille avec l'index

de l'une ou de l'autre main, les mouvements de latéralité s'exagèrent et le doigt

tombe à droite ou à gauche du but désigné.

Le malade peut écrire avec un crayon, mais son écriture est altérée, heurtée,

quoique encore très lisible. Le sens musculaire est intact dans les quatre

membres; le malade, les yeux fermés, indique facilement dans quelle situation

on les place. La notion de poids est très altérée, le malade ne perçoit pas des

différences de poids, placés dans ses mains, si cette différence ne dépasse pas

30 grammes.

Sens spéciaux. Vue. Légère inégalité pupillaire (la pupille droite est un

peu plus dilatée que la gauche). Les deux pupilles présentent, du reste, un

certain degré de myosis. Réflexe lumineux aboli, réflexe accommodatif con-

servé (signe d'Argyll-Robertson).

A l'état de repos, pas de nystagmus. Pendant les mouvements des globes '

oculaires, nystagmus très net. Si l'on dit au malade de suivre le doigt que l'on

promène lentement devant ses yeux, soit de droite à gauche, soit de haut en

bas, on voit le globe oculaire animé de très légers mouvements transversaux

ou verticaux, suivant que l'oeil se meut dans l'un on l'autre sens.

La vue est bonne, la malade lit facilement. Pas de troubles des autres sens

spéciaux.

Pas de troubles génito-urinaires. État général satisfaisant. Pas de lésions

viscérales. Puissance génitale conservée.

Douleurs fulgurantes. Depuis l'âge de dix-sept ans, le malade ressent

dans les membres inférieurs des douleurs ayant tous les caractères des dou-

leurs fulgurantes, comme rapidité et intensité de douleur. Il lui arrive assez

souvent, lorsqu'il marche, d'être pris tout d'un coup dans les membres iufé-

NÉVRITE INTERSTITIELLE UYPERTROPIliQUE ET PROGRESSIVE DE L'ENFANCE 483

rieurs, tantôt dans le droit, tantôt dans le gauche, d'une douleur lancinante

extrêmement intense, parcourant le membre du haut en bas.

Cette douleur est tellement aiguë qu'elle l'arrête brusquement dans sa

marche, parfois même elle est si forte, qu'il sent ses jambes s'affaisser sous

lui et qu'il tombe à terre. Au lit, ces douleurs se manifestent également et

quand il les ressent, il met instinctivement ses jambes en extension. La durée

de ces douleurs est de quelques secondes, elles surviennent assez fréquem-

ment, deux à trois fois par semaine. Pas de douleurs constrictives ni téré-

brantes. Pas de douleurs dans les membres supérieurs.

L'intelligence du malade est assez développée. Il parle facilement, mais la

parole est légèrement scandée. Etat mental de dégénéré. Il se targue volon-

tiers de ses vices, qui sont nombreux.

État de la contractilité électrique, le 17 février 1890. Courants faradi-

ques (chariot), minimum d'excitation : 9 c. 5.

484 DEJERINE ET ANDIIÉ-THOMAS

L'observation précédente résume l'état du malade en 1890. A partir de cette

époque jusqu'à aujourd'hui, les phénomènes notés ont été les suivants : Tout

d'abord le myosis s'est accentué et le réflexe lumineux est complètement éteint

depuis un an. En outre la pupille droite est un peu déformée, allongée dans le

sens vertical. . z

L'atrophie musculaire n'a que très peu progressé depuis cette époque, et

la force des bras, des jambes, est encore à l'heure actuelle (mars 1893) très

développée.

Par contre, les symptômes d'incoordination ont augmenté, le malade se sent

moins assuré sur ses jambes. Il peut marcher, aller facilement à pied depuis

Bicêtre à l'avenue d'Italie, en s'aidant d'une canne et en regardant attentive-

ment le sol. Les yeux fermés, il ne peut se tenir debout et peut encore moins

marcher. Depuis près de trois ans il ne peut plus marcher la nuit, aussi ren-

tre-t-il rarement le soir, et il ne peut le faire que si, en descendant du tramway,

il trouve quelqu'un pour le soutenir par un bras et le diriger jusqu'à l'hospice.

S'il ne trouve personne, il s'assied par terre jusqu'à ce que passe un cama-

rade qui puisse l'accompagner. Il éprouve très souvent aujourd'hui un symp-

tôme qu'il ne ressentait que rarement autrefois, à savoir, le dérobemeut des

jambes (Giving way of llae legs) des auteurs anglais. Ce phénomène se montre

chez lui sans aucune raison ; étant debout, appuyé sur sa canne, tout à coup

il tombe assis à terre. L'incoordination des membres supérieurs a également

augmenté. Les troubles de la sensibilité et les douleurs fulgurantes présentent

autant d'acuité qu'autrefois. Lorsqu'il ressent ces douleurs, il tombe générale-

ment à terre.

La cypho-scoliose a un peu augmenté.

Sens musculaire. Si le malade peut, les yeux fermés, reproduire assez

exactement avec un membre les attitudes passives imprimées à l'autre mem-

bre, par contre, la notion de position est chez lui très altérée. Lorsqu'on lui

dit de toucher, les yeux fermés, une partie quelconque de l'un ou l'autre de ses

membres, il commet des erreurs de lieu considérables et n'arrive à l'endroit

désigné qu'en glissant son doigt sur la peau jusqu'a ce qu'il ait atteint le but.

A la face, il existe depuis plus d'un an des symptômes spéciaux : contractions

fibrillaires très nettes des releveurs des commissures avec saillie des lèvres

et renversement en dehors de la lèvre inférieure. Le malade peut faire la moue

et siffler, mais il siffle beaucoup moins facilement qu'autrefois. Rien du côté

du facial supérieur. Ce malade, qui avait déjà autrefois l'ouïe dure, est atteint

actuellement d'une surdité assez prononcée qui s'est développée progressive-

ment. L'examen des yeux pratiqué par M. Viallet, le 16 mars 1893, fournit

les renseignements suivants : OEil gauche et oeil droit,' hypermétropie et as-

tigmatisme, vision normale après correction. Fond de l'oeil normal. Nystag-

mus dynamique. Pupilles : myosis double, pupille droite un peu plus dilatée

que la gauche, déformée, elliptique à grand axe oblique en bas et en dedans.

Réaction pupillaire abolie pour la lumière, conservée pour la convergence. Si-

gne d'A. Robertson. Sens chromatique normal. Champ visuel normal. L'état

mental est toujours le même, c'est celui d'un dégénéré vicieux racontant sa vie

\

NÉVRITE INTERSTITIELLE HYPERTROPUIQUE ET PROGRESSIVE DE L'ENFANCE 485

passée (il a été souteneur jusqu'à l'âgé de vingt ans), sans regret comme sans for-

fanterie, comme une chose toute naturelle. Aucune notion du bien et du mal.

Enfin, symptôme important que nous avons été amené à chercher chez ce ma-

lade après avoir pratiqué l'autopsie de sa soeur, tous les troncs nerveux des

membres accessibles la palpation, à savoir : le' cubital au coude, le radial

dans la gouttière de torsion, le médian à la face interne du bras, le sciatique

poplité externe au niveau de la tête du péroné, tous ces nerfs sont augmentés

de volume, d'un diamètre double de celui de l'état ordinaire et très durs' la

palpation. Ils ne paraissent cependant pas sensiblement plus douloureux à la

pression que dans l'état normal.

Nous revîmes régulièrement ce malade plusieurs fois chaque année de

1893 à 1900. Son état resta sensiblement le même au point de vue de l'atro-

phie musculaire des membres, l'incoordination motrice augmenta légèrement.

Le facies toutefois se modifia nettement, la paralysie faciale inférieure aug-

menta. Les lèvres devinrent plus saillantes et donnant l'apparence d'une bon-

che de myopathique. Rire transversal : contractions fibrillaires très nettes

dans l'ôrbiculairè des lèvres. La surdité progressa également et devint com-

plète. Chez ce malade l'examen du larynx pratiqué en février 1896 a permis

de constater l'existence d'une paralysie laryngée. M. le Dr Natier, qui a pra-

tiqué cet examen, m'a remis la note suivante : « La corde vocale gauche est

contracturée en adduction sur la ligne médiane. Le cartilage aryténoïde gau-

che est luxé en avant et en dedans et il est complètement immobilisé. A l'ex-

ploration de la sensibilité avec le stylet on ne constate aucun trouble et le

larynx réagit normalement. La voix est absolument conservée. Le malade

parle avec sa corde vocale droite..» L'existence chez ce malade d'une para-

lysie laryngée rapproche encore la symptomatologie de la névrite interstitielle

hypertrophique de celle du tabes classique, affection où, ainsi qu'on le sait,

les paralysies laryngées sont loin d'être rares.

En 1900 le malade présente des signes très nets de tuberculose pulmonaire.

Il entre à la Pitié dans le service de M. Babinski où il meurt en janvier 1901.

M. Babinski eut la grande amabilité de bien vouloir nous envoyer les pièces

et nous sommes heureux de le remercier ici, ainsi que M. Nageotte qui prati-

qua l'autopsie.

Autopsie. Nous laisserons de côté l'examen des viscères et nous nous

bornerons à exposer les résultats de l'examen des centres nerveux,des muscles

et des nerfs. ,

Examen macroscopique. Le cerveau paraît absolument normal.

Ce qui frappe le plus, quand on examine la moelle, c'est l'hypertrophie con-

sidérable des nerfs de la queue de cheval; ils sont lisses, grisâtres et ne pré-

sentent pas de rugosités à leur surface (PI. LXXI). Certainement ils ont beau-

coup plus du double du volume normal. Comparées aux racines d'un sujet nor-

mal,les racines dorsales et cervicales sont également hypertrophiées, beaucoup

moins cependant que les nerfs de la queue de cheval.

Quand on examine ceux-ci sur tout leur trajet, ou- remarque que l'hypertro-

phie est plus considérable pour les racines antérieures que pour les racines

486 DEJERINE ET ANDRÉ-THOMAS

postérieures ; que pour les racines antérieures l'hypertrophie diminue pro-

gressivement depuis la moelle jusqu'au canal dure-mérien ; que pour les racines

postérieures c'est l'inverse qui tend à se produire, l'extrémité ganglionnaire

étant un peu plus épaisse que l'extrémité médullaire.

Ces différences entre les racines antérieures et postérieures, et pour cha-

cune d'elles entre l'extrémité ganglionnaire et l'extrémité médullaire, sont

inappréciables, du moins à un simple examen macroscopique; pour les racines

delà moelle dorsale et cervicale.

La moelle n'est ni diminuée, ni augmentée de volume ; on ne constate que

l'atrophie des cordons postérieurs qui sont moins larges et ont une teinte gris

rosé. Les cornes postérieures sont très rapprochées l'une de l'autre. Il exsste

également un léger degré de leptoméningite au niveau des cordons postérieurs :

la dure-mère ne présente aucune altération.

Les ganglions rachidiens sont très notablement hypertrophiés. -

Les nerfs crâniens, à leur émergence du bulbe, sont plus gros que ceux d'un

individu normal, mais l'hypertrophie est moins prononcée que pour les racines

médullaires. Le sympathique n'a été examiné que dans la région cervicale. Il

est plus du double d'un sympathique normal. Il en est de même pour les

pneumogastriques qui sont très augmentés de volume.

Tous les nerfs du membre supérieur et inférieur sont en quelque sorte

gigantesques : le grand sympathique cervical (avec ses ganglions) et le pneu-

mogastrique atteignent des dimensions extraordinaires. ,

Si on compare les nerfs du plexus brachial aux racines correspondantes de

la région cervicale, on remarque que l'hypertrophie est beaucoup plus consi-

dérable pour les nerfs périphériques que pour les racines.

Certains muscles étaient extrêmement atrophiés : pour d'autres, l'atrophie

était moins prononcée ; malheureusement il ne nous a pas été possible de pra-

tiquer nous-mêmes l'examen macroscopique et- la dissection des membres,

comme cela avait été fait pour la soeur du malade; il eût été intéressant de

juxtaposer ces deux examens et de les comparer entre eux.

Examen IIISTOLOGIQUE. - Pour l'exposé de cet examen nous suivrons à peu

près le même ordre que pour l'observation précédemment publiée et le lecteur

pourra ainsi comparer plus facilement les résultats obtenus dans les deux cas.

Nous n'avons pas eu à notre disposition de nerfs périphériques fixés par

l'acide osmique et nous n'avons pu par conséquent en pratiquer l'examen sur

dissociation : nous n'avons pu recourir à cette méthode que pour quelques

faisceaux du sciatique, pour les racines antérieures et postérieures.

Mais nous avons pu suivre, sur les coupes de muscles, des petits filets

nerveux intrafasciculaires, c'est pourquoi nous commencerons cette étude par

l'examen des muscles, nous la continuerons par l'examen des rameaux nerveux

intra-musculaires,

Examen des muscles. Cet examen a été fait après fixation par le liquide

de Muller et coloration soit par 1'liématoxyline-éosine, soit par la méthode de

Marchi.

Plusieurs muscles ont été examinés : fléchisseur superficiel et profond,

NÉVRITE INTERSTITIELLE HYPERTROPHIQUE

(Dejerine et André Thomas.)

Masson & Cie, Editeurs

NÉVRITE INTERSTITIELLE UYPERTROPHIQUE ET PROGRESSIVE DE L'ENFANCE 487

muscles de l'éminence thénar, deltoïde, biceps, etc... aux' membres supé-

rieurs ; muscles de la région antéro-externe de la'jambe, triceps fémoral...

aux membres inférieurs. Les coupes, soit longitudinales, soit transversales,

ont été faites après inclusion à la celloïdine ou à la paraffine : les coupes lon-

gitudinales, à la paraffine, colorées à l'hématoxyline-éosine, sont particulière-

ment favorables pour suivre le processus histologique de l'atrophie muscn-

laire. -

Dans les muscles de l'éminence thénar, on trouve à peine quelques vestiges

de fibres musculaires : la plupart ont disparu et sur celles qui persistent,

l'atrophie est extrême, la striation n'est plus reconnaissable : les noyaux sont

rares, les fibres disparues sont remplacées soit par des vésicules adipeuses, soit

par du tissu cellulaire, soit par du tissu fibreux adulte, relativement compact

par endroits. Les vaisseaux sont presque [tous malades, leurs tuniques sont

épaissies.

L'examen du triceps fémoral est plus intéressant parce que les lésions y sont

moins avancées. On remarque tout d'abord que toutes les fibres ne sont pas

atteintes d'atrophie, celle-ci procède par zones, des petits groupes de fibres

atrophiées sont séparés par des groupes de fibres normales, et le champ des

fibres malades est nettement délimité.

Un certain nombre de fibres n'ont subi qu'un processus d'atrophie simple,

le sarcolemme est très légèrement épaissi et les noyaux ne sont guère mul-

tipliés.

Ailleurs ce sont des placards dans lesquels on distingue à peine quelques

fibres atrophiées. Le plus grand nombre est réduit à des déchets protoplas-

miques, à des amas pigmentaires, le tout entouré de noyaux nombreux et très

gros ; quelques-uns même sont gigantesques. Ils se colorent inégalement par

l'hématoxyline : quelques-uns ont une coloration violette intense ; d'autres

sont pâles et on distingue à leur intérieur quelques granulations plus foncées,

par endroits toute la fibre prend une coloration légèrement violette comme

si la substance nucléaire s'était intimement mélangée à la fibre musculaire.

Entre la fibre simplement atrophiée et cette fibre encombrée de noyaux et de

déchets, qui donne l'impression d'une fibre en quelque sorte digérée par les

noyaux hypertrophiés et multipliés (myophagie), il existe tous les intermé-

diaires. Par contre quelques fibres paraissent augmentées de volume, hyper-

trophiées ; enfin la dégénérescence hyaline a envahi quelques fibres, atrophiées

ou hypertrophiées.

Le tissu interstitiel est relativement peu proliféré, un tissu conjonctif fihril-

laire s'insinue entre les fibres les plus malades. Par places il y a un peu d'adi- v

pose interstitielle. La paroi des vaisseaux (principalement la tunique externe)

est légèrement épaissie. z

Les coupes longitudinales des muscles de la région antéro-externe de la

jambe montrent encore plus clairement toutes les phases de ce processus. C'est

la même distribution par zones de l'atrophie ; en outre, des libres déjà très

réduites ont conservé leur striation transversale, d'autres sont striées longi-

tudinalement ; enfin la dégénérescence n'atteint pas en bloc toute la fibre mus-

4Sô' ' ' . - DEJERINE ET ANDIiG-'l'Ii0111AS

culaire, certaines parties sont malades alors que les parties adjacentes ne sont

nullement altérées ; on voit alors des fibres creusées de petites logettes occu-

pées par de nombreux noyaux, quelquefois volumineux, mais souvent mal

colorés par l'hématoxyline, par des débris ou des blocs de substance muscu-

laire : la fibre prend parfois à ce niveau une coloration uniformément violette.

Les fibres disparues sont par places remplacées, par du tissu fibreux plus ou

moins abondant. Ces divers aspects donnent l'impression que les noyaux

contribuent à achever la dislocation de la fibre musculaire.

Sur les muscles traités par la méthode de Marchi, les aspects sont un peu

différents suivant les muscles ; mais d'une façon générale, du moins sur ceux

que nous avons examinés,.la stéatose interstitielle n'est pas très prononcée.

Ainsi sur le long supinateur quelques fibres contiennent un grand nombre

de fines gouttelettes de graisse colorées en noir par l'acide osmique ; et ou cons-

tate encore ici que cette dégénérescence graisseuse se fait par zones, des petits

groupes de fibres dégénérées sont plongés au milieu de fibres saines ; les fibres

qui ont subi ce mode de dégénérescence ne sont d'ailleurs nullement ou rela-

tivement peu atrophiées; les fibres qui sont les plus réduites ne contiennent

plus de gouttelettes, on n'y trouve que du pigment.

Examen des nerfs périphériques. Cet examen a porté sur les petits

filets intra-musculaires ; comme les fibres musculaires, ils ont été colorés par

l'éosine et l'hématoxyline ou par le picro-carmin. Sur tous, la plupart des fibres

nerveuses ont presque complètement disparu, et chaque filet nerveux n'est

plus représenté que par des petits fascicules de fibres conjonctives, assez

espacés les uns des autres ; cependant il est rare que même sur les fascicules

les plus dégénérés, il ne persiste par une ou deux fibres à myéline au centre

de laquelle on distingue encore un cylindre-axe.

Sur chacune de ces fibres la myéline prend avec l'hématoxyline une colora-

tion légèrement violette et elle est entourée d'une gaine conjonctive plus ou

moins-épaisse ; les noyaux sont extrêmement rares. Le périnèvre est relati-

vement peu épaissi. ,

Examen des troncs nerveux. Nous n'avons pas eu à notre disposition

des nerfs à leur terminaison et il est regrettable que nous n'ayons pu vérifier

ce qui avait été constaté au cours de la première autopsie, à savoir que les

nerfs présentent des altérations qui, d'une façon générale, sont plus marquées

dans les parties terminales et vont en diminuant à mesure que l'on considère

des points plus voisins de leur origine ; cependant la comparaison des nerfs

intra-musculaires et' des troncs nerveux permet d'affirmer qu'il y a moins

/ de fibres dans les premiers. Comme type des lésions nous prendrons le tronc

du sciatique à mi-hauteur de la cuisse. ,

A un faible grossissement on remarque que l'hypertrophie porte surtout sur

les fascicules et le tissu interfaspiculaire, l'épinèvre n'est pas sensiblement

épaissi (PI. LXXVB).

Dans chaque fascicule il y a à considérer les fibres nerveuses et le périnèvre.

Les fibres à myéline sont très rares, mais dans chaque fascicule on en dis-

NOUV. ICONOGRAPHIE DE LA SALPÉTR11RE. T. XIX, PL. LXXIV

A. Coupe de la moelle au niveau de la Vile racine cervicale.

Racines hypertrophiées. Méthode de Pal.

A'. - Coupe de la moelle au niveau de la IIe racine sacrée.

Racines hypertrophiées. - Méthode de Pal.

Dissociation d'une racine lombaire antérieure après fixation

par l'acide osmique et coloration par le carmin.

A". Une fibre ne veuse isolée dans une racine. Gaine de Schwann hypertrophiée.

NÉVRITE INTERSTITIELLE HYPERTROPHIQUE

(De je ri ne el A. Tllonh1s.) Massov et O", Éditeurs. ! \[ASSO'l ln Cio, Editcurs.

NOUV. ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE. T. XIX, PL. LXX y )

B. - Coupe du nerf sciatique vue à un faible grossissement.

B'. - La même coupe vue à un plus fort grossissement. Les fibres nerveuses

sont entourées d'une gaine de tissu conjonctif. Color. par l'hématoxyline-éosine.

B". - IV" racine lombaire an'érieure droite à égale distance de la moelle

et du ganglion. Color. par l'hématoxyline-éosine.

NÉVRITE INTERSTITIELLE llYPERTROPH1QUE ET PROGRESSIVE DE L'ENFANCE 489

tingue quelques-unes ; elles se voient mieux sur les coupes colorées par la

méthode de Pal. ' .

Chaque fibre à myéline est entourée par une gaîne de. tissu conjonctif dont

les fibres sont imbriquées les unes autour des autres, comme une pelure d'oi-

gnon et très intensivement colorées soit par l'éosine, soit par. le carmin

(PI. LXXV B'). La gaîne de myéline se colore en violet pâle par l'hématoxy-

line alunée et le cylindre-axe en rouge intense. L'épaisseur : de cette gaîne est

extrêmement variable d'une fibre à l'autre : d'ailleurs la plupart de ces gaines

sont vides et il est impossible de découvrir au centre ni myéline, ni cylindre-

axe. L'agencement des fibres entre elles est lui-même assez variable. Par en-

droits elles sont tassées, accolées les unes aux autres ; en d'autres endroits

elles sont groupées par fascicules, ou isolées et séparées les unes des autres

par un tissu cellulaire lâche dans lequel il existe peu de noyaux et peu de fibres

conjonctives ; les noyaux sont également rares dans les gaînes conjonctives qui

entourent chaque fibre nerveuse ; il s'agit en effet d'un tissu complètement or-

ganisé, en quelque sorte cicatriciel.

Le périnèvre est épaissi et forme autour de chaque fascicule un anneau

scléreux, dense.

Les fascicules sont séparés entre eux et de l'épinèvro par un tissu fibreux

très abondant dont les faisceaux sont irrégulièrement dissociés par un tissu

cellulaire larges mailles. 1

On n'observe nulle part de lésion d'inflammation récente. , La paroi des vais-

seaux est le plus souvent épaissie.

Les coupes des nerfs crural, radial, médian, cubital, circonflexe nous ont

révélé des lésions absolument identiques : sur les coupes du crural il existe

peut-être un peu plus de noyaux dans la gaîne conjonctive de, chaque fibre

nerveuse, mais ce sont des différences à peine appréciables.

Quelques faisceaux du nerf sciatique ont été dissociés après fixation par

l'acide osmique et le picro-carmin. L'aspect des fibres est à peu près le même

que sur les racines à l'examen desquelles nous renvoyons le lecteur : cepen-

dant les fibres pourvues d'une gaîne de myéline y sont moins nombreuses et

la sclérose monotubulaire y est plus nette. '

On retrouve les mêmes lésions mais à un degré moins avancé sur les nerfs

crâniens.

Sur le pneumogastrique à la région cervicale, les lésions se présentent avec

une intensité variable : par endroits elles font défaut ou sont à peine apprécia-

bles ; ailleurs elles sont des plus nettes et les fibres sont engaînées par un

tissu conjonctif riche en noyaux. ·

Le grand sympathique présente des altérations semblables.

' Examen des racines par dissociation.

Cet examen a été fait après fixation par l'acide osmique et coloration en masso

par le picro-carmin.

Nous avons examiné par ce procédé une racine lombaire (racine antérieure

et racine postérieure).

490 DEJERINE ET ANDHÉ-TilOMAS

Racine antérieure. A un faible grossissement on peut déjà constater le

petit nombre des fibres à myéline : presque toutes les fibres ont perdu en effet

leur gaine de myéline; et celles qui en sont encore pourvues sont irrégulières,

moniliformes; enfin il existe, d'une façon générale, une multiplication intense

des noyaux ; mais la dégénérescence wallérienne (segmentation en boules) fait

défaut. `

L'agencement des fibres entre elles est assez variable. Sur certains groupes,

les fibres représentées pour la plupart par des gaines vides assez épaisses sont

juxtaposées les unes aux autres, sans entrelacement : le tissu conjonctif inters-

titiel ne paraît pas manifestement proliféré. Sur d'autres groupes l'aspect est

tout différent, ce sont des petits faisceaux que les aiguilles n'ont pas réussi à

dissocier, ou qui se sont rompus dans les tentatives de division ; en effet c'est

un entremêlement de fibres conjonctives et de gaines vides semées denoyaux de

volume et de forme divers, le tout contenant une ou quelques rares fibres à

myéline enroulées en spirale autour de l'axe de cea faisceaux; quelques-uns de

ces faisceaux donnent au premier abord l'aspect de fibres envoie de régénération.

(PI.LXXIV A"). Il est difficile de faire la part de ce qui revient, dans cet en-

chevêtrement, aux fibres nerveuses,aux gaines vides et au tissu conjonctif; ce-

pendant en quelques points où la dissociation a pu être poursuivie un peu plus

loin on peut constater la présence d'un tissu conjonctif plus ou moins abondant

en fibres ou en noyaux ; les noyaux sont volumineux, le plus souvent de forme

circulaire, mais assez irréguliers, et se distinguant par ces caractères des

noyaux allongés des gaines de Schwann, qui sont eux aussi relativement nom-

breux.

Les gaines à myéline qui persistent sont très altérées de forme,leur diamètre

est irrégulier, elles sont comme boursouflées par endroits, un segment inter-

annulaire de gros calibre se continue avec un segment interannulaire de petit

calibre ; il est exceptionnel de rencontrer des images semblables à celles de la

dégénérescence wallérienne, cependant nous avons rencontré sur quelques

fibres de gros blocs de myéline entremêlés à des débris pigmentaires et à des

amas de noyaux. Il n'est pas facile d'isoler complètement une fibre ayant en-

core sa gaine de myéline et de différencier nettement la gaine de Schwann du

tissu environnant; cependant nous avons pu y réussir sur quelques-unes et il

en existe dont la gaine de Schwann est hypertrophiée (PI. LXXIV A").

Notre attention ayant été attirée, à un simple examen macroscopique, par la

décroissance du calibre des racines antérieures depuis la moelle jusqu'à la péri-

phérie, il nous a paru intéressant de diviser une racine en deux segments, un

segment médullaire ou central, et un segment périphérique et d'en pratiquer

séparément la dissociation.

Les résultats ont été les suivants : sur le segment médullaire ou central, les

fibres présentent pour plupart l'aspect enchevêtré,en nattes que nous avons

décrit précédemment ; les noyaux volumineux et irréguliers sont plus nombreux

et les gaînes de myéline le sont également. ,

Toutefois cette prolifération des noyaux ne se voit pas sur toute la longueur

de la fibre ; elle n'existe que par places : suivant les endroits que l'on examine

NÉVRITE INTERSTITIELLE 11YPERTR0PHIQ0E ET PROGRESSIVE DE l'ENFANCE 491

ce sont les fibres conjonctives ou les noyaux qui prédominent ; ces constatations

tendent à démontrer que ce processus n'envahit pas chaque fibre isolément et

simultanément sur toute sa longueur.

Dans le bout périphérique l'aspect en nattes se voit encore, mais beaucoup

moins que sur le bout central ; la transition de l'aspect en nattes à l'aspect de

simples fibres juxtaposées se rencontre quelquefois ; les racines se présentent

alors à peu près sous le même aspect que des racines de tabétiques, si ce n'est

que les gaines de Schwann paraissent plus grosses, les noyaux plus gros et

plus nombreux ; il n'est pas facile, en présence de telles figures, de différencier

le tissu conjonctif des gaînes vides.

Racines postérieures. Elles présentent un aspect un peu différent des

racines antérieures : les faisceaux de fibres enchevêtrées figurant des nattes,

sont plutôt rares ; par places il existe des amas de gros noyaux ou de tissu con-

jonctif ; plusieurs faisceaux paraissent constitués par une fibre nerveuse entou-

rée de tissu conjonctif. '

En résumé,les fibres radiculaires paraissent souvent engainées dans un man-

chon de tissu conjonctif, dans lequel prédominent le plus souvent des fibres

adultes, mais quelquefois aussi des noyaux, surtout dans le bout central des

racines antérieures ; mais nous n'avons pu isoler nettement des cellules fusifor-

mes comme dans le premier cas et les dissociations sont insuffisantes pour

nous renseigner sur la participation exacte du tissu conjonctif et des gaînes

vides dans la constitution de ce manchon. C'est pourquoi il est important de

comparer l'état des racines sur dissociation à celui qu'elles présentent sur

coupes.

Examen des racines sur coupes.

Racines antérieures. Nous avons partagé la IVe lombaire droite et la Ve

lombaire gauche en trois tronçons : un central ou^médullaire, un périphérique

ou ganglionnaire, un intermédiaire. Sur chacun de ces tronçons nous avons fait

des coupes transversales fiues à la paraffine et nous les avons colorées par 1'lié-

matoxyline-éosine. Le tronçon médullaire est formé de petits cylindres jux-

taposés les uns aux autres, de dimensions variables.Le centre de ces cylindres

est souvent occupé par une fibre nerveuse dont la myéline se colore en gris

violet et dont le centre est occupé par un cylindre-axe coloré en rouge. Cette

fibre est entourée d'un manchon constitué par des fibres et des noyaux dispo-

sés sur plusieurs couches concentriques : les uns et les autres laissent entre

eux des petites logettes ou vacuoles dont la plupart sont inoccupées,mais dont

quelques-unes contiennent cependant un cylindre-axe.

L'aspect du tronçon périphérique est notablement différent : le calibre des

cylindres est en effet très réduit ; les vacuoles et les noyaux sont rares autour

de chaque fibre et le manchon qui l'engaine est plus souvent formé ici par du

tissu fibreux très dense, disposé, en plusieurs lames imbriquées les unes dans

les autres comme la pulpe d'un oignon.

Sur le tronçon intermédiaire, les lésions tiennent le milieu entre celles qui

existent dans le bout central et dans le bout périphérique (PI. LXXV B").

492 DEJERINE ET ANDn¿-TllOMAS

1 Les petits cylindres que nous avons décrits sont isolés les uns des autres

par un tissu conjonctif lâche, relativement peu proliféré, la paroi des vais-

seaux est épaissie et a subi la dégénérescence hyaline.

Après la comparaison des dissociations et des coupes l'interprétation devient

plus aisée. ,

Tout d'abord les petits cylindres constitués par une fibre nerveuse centrale

et une gaine dans la constitution de laquelle entrent des fibres nerveuses de

plus petit calibre, des vacuoles, du tissu conjonctif et des noyaux, répondent

aux faisceaux enchevêtrés, en nattes, que nous avons vus plus abondants sur

la dissociation du bout central de la racine antérieure. Les cylindres constitués

par une fibre centrale myélinisée ou non myélinisée engainée d'un simple

manchon de fibres conjonctives tassées les unes contre les autres, correspondent

aux petits faisceaux dans lesquels il ne nous a pas toujours été possible, sur

les dissociations, de différencier le tissu conjonctif et les gaines vides.

Si on remarque que les fibres nerveuses sont plus nombreuses dans les raci-

nes antérieures que dans les troncs nerveux et dans les nerfs mtra-musculaires;

si d'autre part on compare les aspects différents que prend la racine antérieure

suivant qu'on l'envisage à des niveaux plus ou moins éloignés de la moelle, la

plus grande richesse de la gaine en noyaux et en éléments jeunes dans les par-

ties plus centrales, prédominance du tissu conjonctif adulte dans les par-

ties les plus éloignées de la moelle, il devient très vraisemblable du moins pour

ce qui concerne les racines antérieures que les lésions sont plus jeunes au cen-

tre qu'à la périphérie et que c'est là qu'elles ont dû débuter : elles ont suivi en

quelque sorte pour les nerfs moteurs une marche ascendante.

Racines postérieures. Rien n'est plus intéressant que de comparer les

racines antérieures et les racines postérieures au voisinage du ganglion rachi-

dien. C'est ainsi qu'immédiatement au-dessus du cinquième ganglion lombaire

gauche, alors que les fibres radiculaires antérieures sont devenues complète-

ment scléreuses, les fibres radiculaires postérieures sont engainées par des

manchons analogues à ceux de la racine antérieure au voisinage de la moelle.

Au-dessous du ganglion l'aspect de la racine postérieure se rapproche davan-

tage de celui de la racine antérieure; il est fâcheux que nous n'ayons pas eu

à notre disposition des nerfs cutanés pour faire la comparaison ; mais ce que

nous avons observé dans les troncs nerveux du membre supérieur, ou inférieur,

nous permet d'appliquer à l'évolution du processus histologique dans les nerfs

sensitifs les mêmes considérations que pour les nerfs, moteurs ; les lésions

paraissent d'autant plus jeunes qu'on se rapproche davantage des centres ner-

veux.

Ganglions rachidiens.

Le nombre des cellules est légèrement diminué. Les cellules sont pour la

plupart petites, atrophiées. Les capsules péri-cellulaires sont peu proliférées ;

quelques-unes ont subi la dégénérescence hyaline ; la pigmentation n'est pas

exagérée.

Quelques vaisseaux ont subi la dégénérescence hyaline, leur paroi est relati-

vement peu épaissie. La capsule ganglionnaire n'est pas hypertrophiée.

NÉVRITE INTERSTITIELLE HYPERTROPHIQUE ET PROGRESSIVE DE L'ENFANCE 493

L'hypertrophie des ganglions est due uniquement à l'augmentation de volume

des fibres qui les traversent.

Le ganglion sympathique cervical moyen, très hypertrophié, présente des

altérations analogues.

Exanzen de la moelle épinière.

La moelle durcie dans le liquide de Muller, a été étudiée sur des coupes

transversales, pratiquées à tous les étages ; des coupes longitudinales ont été

également faites à divers niveaux. Elles ont été colorées par la méthode de

Weigèrt-Pal, par le picro-carmin, par l'hématoxyline-éosine.

Sur toute la hauteur de la moelle, les cordons antéro-latéraux sont absolu-

ment sains.

Dans leur trajet intra-médullaire les racines antérieures sont absolument-

intactes ; cependant au niveau de la deuxième et de la première sacrées, les

racines antérieures paraissent plus volumineuses dans leur trajet médullaire

entre la corne antérieure et la circonférence de la moelle et le diamètre antéro-

postérieur des cordons antéro-latéraux à ce niveau est augmenté ; en tout cas les

fibres des racines antérieures ne sont nullement dégénérées dans leur trajet in-

tra-médullaire et, comme cela avait été déjà consigné dans l'observation de la

soeur de R..., il existe un contraste frappant avec l'aspect des fibres radiculaires

à leur émergence, où plupart ont perdu leur gaîne de myéline.

L'altération des cordons postérieurs, déjà des plus manifestes à l'oeil nu,

occupe une situation variable suivant l'étage de la moelle ; c'est pourquoi nous

étudierons successivement les diverses régions.

A l'extrémité inférieure de la moelle, au niveau de la IVe sacrée, par

exemple, sur les coupes colorées par la méthode de Pal, le cordon postérieur

est décoloré sur toute sa surface, cependant il existe encore des fibres à myé-

line colorées en bleu, mais clairsemées ; elles sont un peu plus nombreuses,

de chaque côté, sur les bords du septum médian. Les zones de Lissauer sont

également plus pâles. Les cornes postérieures sont petites et les fibres à myé-

line y sont très diminuées de nombre ; cependant elles ne sont pas toutes dis-

parues : d'autre part on constate encore la présence de quelques collatérales

réflexes.

L'aspect est à peu près le même au niveau de la Ille sacrée ; la dégéné-

ration est un~peu plus intense dans la zone radiculaire moyenne et dans la

zone de pénétration des racines. Au niveau de la 111, sacrée la zone cornu-

commissurale et le centre ovale de Flechsig tranchent sur les coupes colorées

au Pal, par leur teinte plus foncée : tout le reste du cordon postérieur est au

contraire pâle, il en est de même de la zone de Lissauer (PI. LXXIX A').

La corne postérieure est très réduite et pauvre en fibres à myéline.

Au niveau de la IV' lombaire, les lésions sont les mêmes, si ce n'est que

les fibres sont un peu plus abondantes sur les bords du septum médian,

dans la zone radiculaire postéro-externe et dans la zone de Lissauer. L'atrophie

des cornes postérieures est la même : les fibres collatérales réflexes sont

presque complètement disparues.

xx 33

494 DEJERINE ET ANDRÉ-THOMAS

Ile et Ire lombaires. L'intégrité relative des zones cornu-commissurales,

du septum, des zones radiculaires postérieures est encore plus apparente ; les

fibres sont également mieux conservées sur le bord interne de la corne posté-

rieure. Les collatérales réflexes sont rares. Les colonnes de Clarke apparais-

sent ; leur réseau myélinique est presque complètement disparu : la commis-

sure postérieure est intacte.

XII° dorsale. - La dégénérescence est plus marquée vers la ligne médiane ;

il ne persiste à ce niveau qu'une très mince bande de fibres le long du septum

médian, ainsi qu'un petit triangle à l'extrémité postérieure du septum. Dans

la partie externe du cordon postérieur la raréfaction est beaucoup moins con-

sidérable ; elle est cependant encore très appréciable au niveau de la zone

radiculaire moyenne; les fibres sont au contraire relativement bien conservées

dans les zones cornu-commissurales et dans l'angle postéro-externe du cordon

postérieur.

1 Les diamètres de la corne postérieure sont à peu près revenus à la normale

et son réseau myélinique, bien coloré, a récupéré en grande partie son aspect

habituel. Mais, comme sur les coupes précédentes, les collatérales réflexes sont

très diminuées. Le réseau des colonnes de Clarke est très diminué et elles

tranchent par leur coloration pâle sur le reste de la coupe.

Sur les coupes des XIe, Xe, IXe, VIII0 et VIle dorsales les modifications sont

à peine appréciables.

VIe el Ve dorsales. Le cordon postérieur est sensiblement réduit dans

son diamètre transversal, les cornes postérieures sont rapprochées." Le fais-

ceau de Goll est très pâle, les fibres y sont très clairsemées ; elles sont un

peu plus abondantes le long du septum médian et surtout en avant où elles

se confondent avec celles des zones cornu-commissurales. Le faisceau de Bur-

dach est au contraire relativement bien coloré, surtout en avant (zone cornu-

commissurale) et en arrière (zone radiculaire postéro-externe), un peu moins

dans son tiers moyen (zone radiculaire moyenne) ; en somme les fibres y sont

beaucoup plus nombreuses que dans les régions sous-jacentes. Les cornes pos-

térieures et leur réseau, les colonnes de Clarke se rapprochent sensiblement

de la normale.

Le tassement qu'a subi le cordon postérieur rend certainement les dégéné-

rescences moins importantes qu'elles ne le sont en réalité.

1 Ve et Ille dorsales. - Aucune modification notable. La même différence

subsiste entre le cordon de Burdach et le cordon de Goll, celui-ci est relative-

ment moins dégénéré en avant, et en arrière il est séparé de la périphérie par

une mince bande de fibres à myéline. Dans le faisceau de Burdach, la dégéné-

ration prédomine toujours dans la partie moyenne ; mais elle n'est pas très

franchement délimitée, elle est plutôt diffuse.

Ire dorsale. - La même dégénération diffuse subsiste dans les cordons pos-

térieurs, la zone cornu-commissurale est seule intégralement respectée, dans

le reste il existe une dégénération diffuse atteignant son maximum dans le

cordon de Goll où les fibres sont très rares ; la même différence existe entre le

cordon de Goll et le cordon de Burdach que dans les niveaux sous-jacents de

NÉVRITE INTERSTITIELLE HYPERTROPIIIQUE ET PROGRESSIVE DE L'ENFANCE 493

la région dorsale ; la zone radiculaire moyenne est toujours la plus prise.

Les cornes postérieures sont à peine plus petites qu'à l'état normal, mais

leur réseau myélinique est maigre, de même les fibres sont très clairsemées

dans la zone de Lissauer, les collatérales réflexes font presque complètement

défaut.

Dans les segments inférieurs de la région cervicale ( VIlle, VIle et VIe cervi-

cales), les dégénérescences se cantonnent de plus en plus dans la partie pos-

térieure du cordon de Goll ; dans les cordons de Burdach, elles prédominent

toujours dans la zone radiculaire moyenne ; cette zone est particulièrement

pâle au niveau de la VIIe racine cervicale (PI. LXXIV A).

Les cornes postérieures ont à peu près leurs dimensions habituelles, leur

réseau est pâle, amaigri, et même les fibres de la zone de Lissauer sont très

clairsemées ; les collatérales réflexes sont absentes.

Dans les segments supérieurs de la région cervicale (Ve, IVe, IIIe) la dégéné-

rescence du cordon de Goll se limite de plus en plus vers le tiers postérieur,

de même les limites du cordon de Goll et du cordon de Burdach sont plus in-

tensivement colorées : la zone radiculaire moyenne est toujours la zone la plus

prise dans les cordons de Burdach : l'aspect de la corne postérieure et de son

réseau, de la zone de Lissauer, est le même que dans la région cervicale infé-

rieure.

Un fragment de la moelle a été prélevé à la région cervicale et à la région

lombaire pour être examiné par la méthode de Nissl. En outre un autre frag-

ment a été examiné par la méthode de Weigert pour la névroglie.

Méthode de Nissl. Les cellules sont peut-être un peu moins nombreuses

qu'à l'état normal : quelques-unes sont pâles, décolorées, atrophiées, le réseau

chromatique est à peine visible ; mais sur beaucoup de cellules qui ont conservé

leur volume normal et dont les prolongements sont intacts, le réseau chro-

matique se colore intensivement et ne présente aucune altération. Rapprochées

des altérations des racines et des nerfs, ces altérations sont en quelque sorte

négligeables.

Méthode de Weigert pour la névroglie. Elle permet de constater dans

le cordon postérieur une très riche prolifération névroglique formée principa-

lement par des fibrilles et au milieu de laquelle, du moins dans la partie cen-

trale du cordon postérieur, on ne trouve qu'un nombre très restreint de cylin-

dres-axes. 1\

Les cellules de la colonne de Clarke, du tractus intermédio-latéralis sont

normales.

Le bulbe, la protubérance et le cerveau sont normaux.

Nous n'avons pas l'intention de donner dans ce travail une description

détaillée de la symptomatologie de la névrite interstitielle hypertrophique

et nous renverrons aux travaux publiés par l'un de nous sur ce sujet. Le

tableau clinique est celui d'un ataxique atrophique avec cypho-scoliose et

hypertrophie des troncs nerveux. Les troubles de la sensibilité, souvent

496 DEJERINE ET ANDRÉ-THOMAS

très accusés, diminuent en remontant vers la racine des membres et, leur

distribution paraît appartenir à la topographie périphérique. Nous disons

« paraît » car chez la soeur de ce malade, examinée en 1892, elle ne fut pas

recherchée au point de vue radiculaire de même que chez le jeune sujet

dont l'un de nous a publié l'observation en 1896 et chez lequel les trou-

bles delà sensibilité cutanée étaient très marqués. Chez le malade dont nous

rapportons l'autopsie dans le présent travail la recherche de la topogra-

phie radiculaire de l'anesthésie fut pratiquée plusieurs fois en 1898 et

1899, mais il était tellement sourd à cette époque qu'un examen précis n'a

pu être pratiqué sur le territoire de' chaque racine. Il est cependant pos-

sible que, dans la névrite hypertrophique, comme dans le tabes, les trou-

bles de la sensibilité cutanée se présentent avec une topographie radi-

culaire. C'est là une question à étudier sur de nouveaux cas. Quoi

qu'il en soit, ces troubles de la sensibilité peuvent être très accusés et c'est

encore là un caractère clinique de cette affection que nous tenons à mettre

en relief. Aussi rapporterons-nous ici en les résumant, deux autres obser-

vations du reste déjà publiées, à savoir celle de la soeur du malade de l'ob-

servation I (1) et celle d'un sujet observé par l'un de nous en 1896 (2).

Cas. II (résumée). Femme de 45 ans, soeur du malade précédent.

Atrophie musculaire et troubles de la sensibilité chez une femme de quia-

rante-quatre ans. Début de l'affection dans le bas âge par une déformation

des pieds, pour laquelle on pratiqua la téuotomie à l'âge de douze ans. Double

pied-bot varus extrêmement prononcé. Atrophie extrême des muscles des

jambes et des cuisses plus marquée à la périphérie. Atrophie des membres

supérieurs type Aran-Duchenne, diminuant également de bas en haut.

Cypho-scoliose excessive. Troubles très marqués de la sensibilité avec retard

dans la transmission, diminuant de la périphérie au centre. Douleurs fulgu-

rantes. Incoordination très nette des membres supérieurs, moins nette aux

membres inférieurs du fait de l'atrophie. Marche possible, mais difficile et

incertaine. Impossibilité de se tenir debout les yeux fermés, - signe de Rom-

berg. Légers mouvements cloréjformes de la tète et du tronc. Abolition des

réflexes patellaires et olécraniens, ainsi que du réflexe cutané plantaire. Myosis

avec réflexe lumineux très lent. Nystagmus dynamique. Contractions fibril-

laires dans les muscles des membres ainsi que dans ceux de la face. Intégrité

des sphincters et de la nutrition de la peau. Altération très marquée de la con-

tractilité électrique sans réaction de dégénérescence (PI. LXXII E, F).

Sensibilité. Membres inférieurs. Sensibilité tactile abolie complètement

jusqu'au niveau du tiers supérieur de chaque jambe ; réapparaît peu à peu en

(1) Dejerine et Sottas (loc. cit.). Il s'agit de la malade de l'obs. 1, dont l'autopsie

a été pratiquée.

(2) J. DEJERInE, Contribution à l'étude de la névrite interstitielle hype¡'tl'ophique et

progressive de l'enfance. Revue de Médecine, 1896, p. 88t.

NÉVRITE INTERSTITIELLE HYPERTROPHIQUE ET PROGRESSIVE DE L'ENFANCE 497

remontant vers la racine. Sensibilité douloureuse : retard de plusieurs secondes

dans la transmission, diminuant de haut en bas, la sensation douloureuse

est, sauf le retard, perçue comme à l'état normal. Sensibilité thermique très

altérée, l'eau à 85 degrés n'est perçue qu'après un retard de plusieurs

secondes et très atténuée comme sensation. Même retard pour le froid avec

perversion. Un morceau de glace n'est perçu qu'avec un notable retard, et la

malade croit qu'on la touche avec un corps chaud.

Membres supérieurs : altération très prononcée de la sensibilité tactile des

doigts et des mains.

Lorsque la malade tient quelque chose dans ses doigts, elle ne s'en rend pas

compte. Elle ne peut différencier par le toucher une étoffe d'une autre, la toile

de la laine, par exemple ; pour s'en rendre compte elle touche l'étoffe avec ses

lèvres ou sa langue. Mêmes modifications de la sensibilité douloureuse et ther-

mique que'dans les membres inférieurs, avec retard diminuant de bas en haut.

La malade actuellement ne ressent aucune espèce de douleur.

Pendant plusieurs anuées, elle a souffert dans la cuisse gauche de douleurs

ayant tous les caractères des douleurs fulgurantes. Au tronc et à la face la

sensibilité est nOl'male='Léger nystagmus dynamique. ,

L'examen précédent date de l'année 1890 ; pendant l'année 1891, les phéno-

mènes observés n'ont pas changé de caractère, ils étaient seulement plus

accentués.

Un nouvel examen pratiqué en novembre 189t donne les résultats suivants :

La malade ne peut plus marcher, mais peut se tenir debout eu s'appuyaut ;

si dans cette position on lui ferme les yeux, elle perd l'équilibre. La face ne

présente pas de symptômes paralytiques nets dans le domaine du facial supé-

Fig. 3.

Fig. 4.

498 DEJERINE ET ANDRÉ-TII011ZAS

rieur, car la malade peut fermer les yeux, froncer les sourcils, rider son front

comme à l'état normal. Du côté du facial inférieur, au contraire, certains

symptômes montrent que l'orbiculaire des lèvres ne fonctionne pas comme à

l'état physiologique, les lèvres sont saillantes, la lèvre inférieure est tombante

et renversée en dehors, il existe de plus dans les releveurs des commissures

des contractions fibrillaires très nettes. Des contractions fibrillaires existent

également dans les muscles des bras et des épaules.

Vue. La malade a été opérée d'une cataracte de l'oeil gauche. A droite,

il existe du myosis ; le réflexe lumineux est conservé mais il est extrêmement

lent et souvent difficile à percevoir. A l'état de repos du globe oculaire, il n'y

a pas de nystagmus, ce dernier ne se montre qu'à l'occasion des mouvements

de latéralité du globe de l'oeil et il est très net. Le fond de l'oeil, examiné par

M. Rouffinet, ne présente pas d'altérations. L'incoordination motrice a aug-

menté, et, si elle est diffficile à apprécier dans les membres inférieurs, du

fait de l'intensité extrême de l'atrophie, il n'en est pas de même aux mem-

bres supérieurs. La malade en effet ne peut se servir de ses bras pour s'ha-

biller, pour coudre, etc. Lorsqu'on place un objet sur une table (couteau,

stéthoscope) et qu'on dit à la malade deje prendre, pour y arriver elle fait

exécuter à sa main une série d'oscillations transversales et l'abat ensuite

sur l'objet. 1

Lorsqu'on lui dit de toucher son nez avec l'index gauche ou droit, elle n'y

arrive qu'après avoir exécuté des mouvements de latéralité analogues.

L'occlusion des yeux augmente de beaucoup le degré d'incoordination de

ces derniers mouvements.

Sens musculaire. Lorsque, la malade ayant les yeux préalablement fer-

més, on place son bras dans une attitude quelconque et qu'on lui dit ensuite

de reproduire cette attitude avec l'autre bras, elle la reproduit exactement.

Il semblerait donc que le sens musculaire fût conservé chez elle, et cepen-

dant la notion de position des membres est très altérée, car si l'on dit

à la malade de porter la main sur son gros orteil, sur un genou, sur l'un ou

l'autre de ses coudes, elle commet des erreurs de lieu très marquées et n'at-

teint l'endroit indiqué qu'en faisant glisser son doigt sur la peau jusqu'à ce

qu'elle arrive au point demandé..

L'examen électrique des muscles, pratiqué à cette époque, a donné les ré-

sultats suivants : Contractilité faradique abolie dans les muscles des jambes,

des cuisses et des mains, diminuée aux avant-bras. La contractilité galvanique

l'est au même degré que la contractilité faradique et sans inversion de la for-

mule. La sensibilité électrique est très diminuée.

La sensibilité cutanée présente les mêmes altérations que lors du dernier

examen. Les sphincters sont toujours intacts. L'état général est mauvais,

bronchite chronique et emphysème. Sans être aussi altéré que chez son frère,

l'état mental de notre sujet est loin d'être normal, pas de volonté, émotivité

facile, caractère un peu enfantin à certains égards. Cette femme a un fils, âgé

aujourd'hui de huit ans, qui jusqu'ici est très- bien portant. La malade sortit

de l'hospice de Bicêtre à la fin de l'année 1891 et se retira dans sa famille.

NÉVRITE INTERSTITIELLE 11YPERTR0PH1QUE ET PROGRESSIVE. DE L'ENFANCE 499

Quelque temps après, elle succomba à une affection intercurrente, le 18 jan-

vier 1892.

Oas. III (Résumée). Ataxie locomotrice et atrophie musculaire chez un

jeune homme de vingt ans. Début de l'affection entre sept et huit ans par des

troubles de la marche. Atrophie musculaire des quatre membres diminuant de

la périphérie vers la racine. Aux membres inférieurs double pied-bot équin

varus avec pied creux. Aux membres supérieurs atrophie musculaire type

Aran-Duchenne. Mains simiennes sans griffe cubitale. Cypho-scoliose très

accusée. A la face lèvres saillantes et rire transversal. Contractions fibrillaires

dans les muscles des membres et dans l'orbiculaire des lèvres. Altérations

marquées de la contractilité électrique avec réaction partielle de dégénéres-

cence. Incoordination marquée des membres supérieurs et inférieurs. Signe de

Romberg très accusé. Altérations très prononcées de la sensibilité diminuant

de la périphérie vers le centre Retard très marqué dans la transmission des

impressions. Altération très accusée de la notion de position. Inégalité pupil- I-

laire. Myosis à droite, mydriase légère à gauche. Signe d'Argyll-Robertson.

Nystagmus dynamique. Hypertrophie très marquée et dureté très prononcée de

tous les nerfs des membres accessibles à la palpation. Pas de troubles trophi-

ques cutanés. Intégrité des sphincters. Evolution lente de l'affection. Pas

d'hérédité similaire.Frères et soeurindemnes.Pas desyphilis(PI.LXXIII A et B).

Sensibilité. Pas de douleurs spontanées, fulgurantes ou autres.

1° Sensibilité tacite examinée à l'aide d'un pinceau. Membres inférieurs.

Complètement abolie sur la face plantaire du pied et des orteils, ainsi que

sur la face dorsale jusqu'au niveau de l'articulation tibio-tarsienne.A ce niveau

elle commence à réapparaître un peu et augmente en remontant vers la

Fig. 5.

Fig. c.

500 DEJERINE ET ANDRE-THOMAS

racine des membres,mais il faut arriver jusqu'au dessus de l'ombilic pour que

le malade accuse une sensation de contact aussi nette que lorsqu'on lui touche

la face. Desdeux côtés les troubles de la sensibilité tactile sont les mêmes.

Membres supérieurs. A droite, anesthésie absolue sur toute l'étendue de la

face palmaire des doigts et de la main, et sur la face dorsale, jusqu'à l'interligne

métacarpo-phatangien. Peu à peu, en remontant le long du bras, retour de la

sensibilité tactile, qui ne redevient normale que sur le sommet de l'épaule. A

gauche, même état pour la face palmaire des doigts et-de la main. Sur la face

dorsale des doigts, la sensibilité réapparaît très atténuée au niveau de l'interli-

gne phalango-phalanginien et augmente peu à peu de bas en haut comme à

droite.

2° Sensibilité à la douleur examinée à l'aide d'une épingle.

Membres inférieurs. A droite la sensibilité à la douleur est abolie au pied

dans la mêmeétendue que pour la sensibilité tactile, elle réapparaît très affai-

blie au-dessus et augmente en remontant pour redevenir normale sur la face

antérieure de l'abdomen et la région fessière supérieure. A gauche la sensibi-

lité à la douleur n'est abolie complètement que dans les deux tiers antérieurs

de la voûte plantaire et se comporte ensuite comme à droite. '

Dans les régions totalement analgésiques et dans celles où la sensibilité dou-

loureuse est très altérée, si on fait une excitation douloureuse forte trans-

fixion de la peau avec l'épingle, pincement énergique prolongé, - on constate

un retard dans la transmission, atteignant 4 à 5 secondes pour les régions

plantaire et dorsale des pieds et diminuant de bas en haut. Ce retard est

accompagné d'un certain degré d'hyperesthésie.

Membres supérieurs. Les troubles de la sensibilité douloureuse ont la

même topographie que ceux de la sensibilité tactile et diminuent progressive-

ment et régulièrement de bas en haut. Sur la face palmaire des doigts, il y a un

retard de transmission de 1 à 2 secondes avec hyperesthésie légère consécutive.

La sensibilité thermique est également altérée. Membres inférieurs. Chaleur

(eau à 70 degrés). Très diminuée sur la face plantaire et dorsale des pieds, avec

retard de 2 h 3 secondes à ce niveau et hyperesthésie consécutive, elle réapparaît

peu à peu et redevient normale au niveau de l'ombilic et des fesses ; aux mem-

bres supérieurs altérations également très marquées sur la face dorsale et pal-

maire des mains, diminuant de bas en haut et ne disparaissent qu'au niveau

des épaules. A cet égard le père du malade me dit avoir observé depuis plu-

sieurs années que lorsqu'on servait des oeufs à la coque au repas, son fils pou-

vait tenir ces oeufs dans la main très longtemps, ce qu'aucun membre de la

famille ne pouvait faire. Froid (mélange réfrigérant à 9 degrés). Mômes trou-

bles et même retard que pour la sensibilité à la chaleur.

La sensibilité est intacte dans tous ses modes sur les deux tiers supérieurs

des régions antérieure et postérieure du tronc, ainsi que sur la face, le crâne,

les muqueuses buccale, linguale et nasale.

Sens spéciaux. L'odorat, le goût, l'ouïe sont normaux.

Vue. Pas de strabisme, pas de chute des paupières. Nystagmus dyna-

mique transversal très accusé des deux yeux. Inégalité pupillaire. A droite

NÉVRITE INTERSTITIELLE HYPERTROPIIIQUE ET PROGRESSIVE DE L'ENFANCE 501

myosis, à gauche légère mydriase. Réflexe lumineux aboli. Réflexe de la con-

vergence conservé. Signe d'Argyll-Robertson. Acuité visuelle normale. Champ

visuel intact. (Examen pratiqué par Vialet.)

Ouïe, goût, odorat, intacts des deux côtés. '

D'après ces trois observations on peut se rendre compte combien sont

marqués les troubles de la sensibilité dans la névrite interstitielle hyper-

trophique.

L'atrophie musculaire quoique toujours très accusée chez ces malades

peut être, suivant les cas, d'intensité variable. Excessivement prononcée

chez les sujets des observations II et III, elle est moins intense quoique très

marquée cependant chez celui de l'observation I. Cette atrophie a comme

caractère de prédominer aux extrémités et de diminuer à mesure que l'on

se rapproche de la racine des^membres. Nous tenons enfin à attirer de

nouveau l'attention sur la participation des muscles de la face à la paraly-

sie et à l'atrophie,signalée déjà par l'un de nous dans son mémoire de 1896.

Chez les sujets des observations I et III l'analogie avec le facies d'un myo-

pathique est très grande : lèvres saillantes-et renversées en dehors avec

profusion en avant de la lèvre supérieure - lèvre de tapir. Il existe éga-

lement ici, toujours dans le domaine du facial inférieur, les particulari-

tés symptomatiques décrites dans le faciès myopathique par Landouzy et

l'un de nous, à savoir : le rire transversal, la difficulté de faire la moue,de

siffler, etc. Par contre chez les malades que nous avons observés jusqu'ici,

la domaine du facial supérieur paraissait encore intact. Nous ajouterons

enfin que chez tous ces malades, du fait de l'atrophie des muscles des jam-

bes et de la plante du pied, le pied présente une déformation qui est tou-

jours la même. Il est en varus pied creux..Les orteils présentent une dé-

formation spéciale : la première phalange du pouce est en flexion dorsale

forcée, tandis que sa phalange unguéale est en flexion plantaire, formant

un angle droit avec la précédente. Mêmes déformations pour les quatre

derniers orteils, dont la première phalange est en flexion dorsale égale-

ment forcée, tandis que la deuxième phalange est en flexion à angle droit

sur la précédente et que la phalange unguéale continue l'axe de la pre-

mière. En un mot il existe ici une véritable griffe des orteils,.griffe très

régulière, caractérisée par la flexion dorsale forcée de la première phalange

de tous les orteils, la deuxième et la troisième phalange formant avec la

première un angle droit ouvert en bas (fig.). -A la voûte plantaire, par

suite de la saillie marquée de la tête du premier et du cinquième métatar-

siens, il existe dans la partie moyenne une véritable rigole à diamètre

antéro-postérieur.

Aux membres inférieurs les troubles fonctionnels sont la conséquence

de l'atrophie et de t'ataxie. Les malades marchent en steppant, mais non

502 DEJERINE ET Ancré-thomas

comme steppent les myopathiques ou les sujets atteints d'une paralysie

des extenseurs des orteils et du jambier antérieur. Ils steppent avec brus-

querie, soulevant leurs jambes d'une manière saccadée et les lançant en

dehors, les pieds retombant brusquement sur le sol. Ils ne peuvent mar-

cher qu'avec une canne dans la main droite et marchent la tête penchée

en avant et regardant le sol avec soin. D'habitude ils donnent le bras gau-

che à quelqu'un pour marcher plus facilement et peuvent marcher assez

longtemps dans ces conditions. Lorsqu'on leur dit de changer de direction,

de tourner sur eux-mêmes, ils le font lentement, avec précaution et en

fixant le sol. Lorsqu'on leur dit de se tenir debout les talons rapprochés

et sans soutien, ils oscillent sur leurs jambes et ne peuvent se tenir immo-

biles. Si, dans cette position, on leur fait fermer les yeux ils tombent.

Aux membres supérieurs l'incoordination n'est pas moins nette. Les

yeux ouverts, les sujets peuvent avec l'index toucher l'extrémité de leur

nez en ne faisant qu'une erreur de deux à trois centimètres, tandis que les

yeux fermés, l'erreur est beaucoup plus considérable et, le doigt arrive

sur la joue ou sur la pommette.

Si on dit aux sujets de toucher avec l'index une partie quelconque de

leur corps, les yeux étant fermés, ils commettent des erreurs de lieu con-

sidérables ; c'est ainsi que pour le gros orteil ils toucheront la malléole

interne, etc. Dans tous ces mouvements il s'agit d'incoordination véritable,

comme dans le tabes classique arrivé à un certain degré de développement.

Il n'existe dans ces cas ni oscillations latérales des mains comme dans la

maladie de Friedreich, ni tremblement.

Ajoutons enfin que dans la névrite interstitielle hypertrophique il existe

constamment une cypho-scoliose,du nystagmus dynamique et des troubles

delà réaction pupillaire, variant depuis l'extrême lenteur de la contrac-

tion (obs. II) jusqu'à l'immobilité complète de la pupille signe d'Argyll-

Robertson (obs. I et III). Dans ce dernier cas il existait de l'inégalité pupil-

laire.Comme dans le tabès, on peut observer de la paralysie des muscles du

larynx (obs. I) mais, chose intéressante, et qui ne se rencontre pas dans

le tabes classique, dans la maladie de Duchenne (de Boulogne), les sphinc-

ters sont toujours intacts et il en est de même de la puissance génitale.

Cesontlà des particularités cliniques importantes que nous avons déjà

signalées autrefois et sur lesquelles nous croyons devoir à nouveau attirer

l'attention. L'hypertrophie des troncs nerveux enfin est d'une constatai ion

facile, non seulement sur les gros nerfs des membres médian, cubital,

radial, origines du plexus brachial dans le triangle sus-claviculaire, scia-

tique poplité externe au niveau de la tête du péroné mais encore sur

les rameaux nerveux cutanés d'un certain volume. L'augmentation de

volume des nerfs est d'environ le double du diamètre normal, c'est une

NÉVRITE INTERSTITIELLE HYPERTROPHIQUE ET PROGRESSIVE DE L'ENFANCE 503

hypertrophie régulière, sans saillies ou nodosités aucunes, la consistance

des nerfs est très augmentée et leur palpation donne la sensation que l'on

éprouve en palpant les artères d'un cadavre préalablement injectées à la

gélatine. La pression enfin de ces troncs nerveux, même intense, ne ré-

veille pas de douleur. Il existe en effet, dans la névrite interstitielle hyper-

trophique, une véritable analgésie des troncs nerveux à la pression et à

l'excitation électrique.

Les lésions que nous avons observées chez le malade de l'observation I

sont tout à fait semblables à celles qui ont été décrites à propos de l'autop-

sie de sa soeur (obs. II) en 1893. Elles sont de trois ordres : musculaires,

nerveuses et médullaires.

Les lésions musculaires consistent en un processus d'atrophie dont la

caractéristique topographique est l'invasion par zones et la caractéristique

histologique une atrophie progressive, débutant quelquefois par la dégé-

nérescence graisseuse et aboutissant souvent à la désintégration de la libre

musculaire, après prolifération des noyaux du sarcolemme; mais l'atro-

phie peut rester simple jusqu'à la fin, la fibre très atrophiée conservant

encore sa striation transversale. Ces lésions n'ont rien de spécifique ; elles

sont en grande partie sous la dépendance de la dégénérescence des nerfs ;

peut-être, en raison de leur répartition irrégulière, peuvent-elles être en-

visagées comme partiellement primitives ? En tout cas elles ne dépendent

nullement des lésions de sclérose vasculaire qui sont contingentes ou tout

au moins indépendantes.

De même les lésions médullaires ne sont que la conséquence de la dégé-

nérescence des racines postérieures, elles ne diffèrent en rien de la sclérose

des cordons postérieurs qu'on observe dans le tabes ; nous ne nous y arrête-

rons donc pas.

Les lésions des nerfs sont au contraire très particulières et donnent à

la maladie un cachet très spécial.

Elles sont de deux ordres, parenchymateuses et interstitielles.

Parenclî ? J1 ? ! ateuses,eJles ne se distinguent guère^des dégénérescences des

nerfs, lorsque celles-ci sont arrivées à leur terme et que la fibre est

réduite à une gaine de myéline vide; cependant toutes les fibres ne sont

pas dépourvues de leur gaine de myéline : celle-ci persiste encore sur

quelques éléments des nerfs ou des racines; en tout cas la dégénérescence

wallérienne n'a été constatée nulle part et les gaines vides paraissent

plus épaisses que dans les dégénérations de nerfs habituellement obser-

vées.

Interstitielles, elles sont absolument typiques, parce que la proliféra-

tion du mésoderme ne s'est pas faite indifféremment entre les éléments

nerveux comme dans certains processus d'endonévrite : la sclérose est ici

504 DEJERINE ET ANDRÉ-THOMAS ..

orientée suivant l'axe des fibres nerveuses, formant à chaque fibre et quel-

quefois à plusieurs une gaine isolante; mais ces éléments engainés sont

accolés les uns aux autres et entre eux le tissu conjonctif de l'endonèvre

n'est pas sensiblement augmenté. Lorsque plusieurs fibres sont engainées

dans le même manchon fibreux, c'est la fibre centrale qui est le mieux

conservée,elle a quelquefois encore sa gaine de myéline, les autres en sont

au contraire le plus souvent dépouillées ; quelques-uns de ces pelotons de

fibres, examinés sur les coupes ou sur les dissociations, donnent tout d'a-

bord l'illusion de fibres régénérées et la même pensée était venue à l'esprit

de Gombault et Mallet,-sans qu'ils aient osé résoudre la question.

Nous croyons qu'il faut faire des réserves sur cette hypothèse et en-

visager plutôt ces formations comme dues à l'enrobement de plusieurs

fibres dans la même gaine fibreuse ; la persistance d'une fibre à myéline

au centre de ces éléments ne permet guère de considérer les autres comme

des fibres régénérées.

Quand on compare les aspects divers que prend cette névrite hypertro-

phique, suivant qu'on examine les nerfs périphériques, les troncs nerveux

ou les racines, on est tout disposé à admettre qu'elle a débuté à la péri-

phérie pour s'étendre ensuite aux troncs nerveux et aux racines : les

lésions sont plus marquées pour les nerfs et les racines des membres in-

férieurs que pour ceux du tronc et desmembres supérieurs; elles décrois-

sent donc de bas. en haut ; elles sont beaucoup moins marquées pour les

nerfs bulbaires ; elles ne font défaut que sur le nerf optique et le nerf

olfactif.

Comment interpréter l'histogenèse des lésions ? S'agit-il d'une névrite

ordinaire dont le processus dégénératif s'est compliqué à un moment

donné d'une sclérose interstitielle secondaire, ou bien la sclérose hypertro-

phique est-elle primitive et a-t-elle occasionné la dégénérescence en étouf-

fant les éléments nerveux ? Ces deux hypothèses ne nous semblent pas

conformes à la réalité et ici comme dans beaucoup d'autres maladies du

reste, il serait exagéré de vouloir à tout prix subordonner, l'une à l'autre,

l'altération parenchymateuse et la prolifération interstitielle.

C'est qu'en effet la prolifération conjonctive que nous avons décrite est

exceptionnelle dans les autres névrites et pour notre part nous ne l'avons

jamais rencontrée (1), quelles qu'aient été leur durée et leur incurabilité ;

et d'autre part, il n'y a pas une corrélation absolue entre la dégénération

et la névrite interstitielle : ici la gaine conjonctive est formée de tissu

adulte dense, tassé, et cependant il existe encore une fibre à myéline au

(1) Elle a été mentionnée une seule fois par Hayem sur les racines postérieures

dans un cas d'atrophie musculaire deutéropathique (IInrw, Atrophie musculaire

progressive, Dic.,encsclop. des Se. médic" 2° série, t. XI, 1816, p. 1).

NÉVRITE INTERSTITIELLE HYPERTROPHIQUE ET PROGRESSIVE DE L'ENFANCE 505

centre : là la gaine conjonctive est formée de tissu jeune, riche en noyau

et le centre n'est plus occupé par une fibre à myéline. Il nous semble par

conséquent plus logique d'admettre que lui dégénération et la névrite hy-

pertropliique ont évolué simultanément et indépendamment, influencées

par la même cause.

Il est évident que si on n'envisage que l'ensemble des dégénérescences

et si on en rapproche les symptômes, on ne peut que constater des analo-

giesfrappantes entre cette affection et le tabes,et c'est à cette interprétation

que s'étaient ralliés Gombaultetl\Iallet(1) qui en ont publié la première

observation : ils considéraient en effet leur cas « comme un exemple d'ataxie

locomotrice de cause spinale développée dans le jeune âge, plutôt que

comme une affection spéciale caractérisée par des lésions particulières et

dont les symptômes tendraient, il est vrai, à se confondre avec ceux du ta-

bes ». Pour nous au contraire il s'agit d'une affection nouvelle, et tout en

reconnaissant les analogies avec le tabes, nous devons faire remarquer

qu'il est exceptionnel même dans les tabes les plus anciens de trouver des

dégénérescences des racines antérieures aussi marquées que dans la névrite

hypertrophique ; enfin jamais dans les tabes ordinaires nous n'avons ob-

servé, tant dans les nerfs périphériques que dans les racines, une prolifé-

ration conjonctive telle que celle qui constitue la base anatomique de

cette affection. La névrite interstitielle hypertrophique et progressive de

l'enfance est une rareté : et dans les publications antérieures à 1892, il

n'existe qu'une observation : celle de Gombault et Mallet à laquelle nous

faisions précédemment allusion. En 1896 (2), l'un de nous observait un

nouveau cas. absolument typique et particulièrement intéressant, parce

que le sujet qui en était atteint était encore tout jeune, âgé de 0 ans. A

propos de cette observation la question des rapports qui peuvent exister

entre la névrite hypertrophique de l'enfance et l'affection désignée en

France sous le nom d'atrophie musculaire type Charcot-Marie (en Angle-

terre du type péronier de l'atrophie musculaire progressive [ Tooth }, en

Allemagne d'atrophie musculaire progressive névritique , fut

discutée (3).

(1) Gombault et Maillet, Un cas de tabès ayant débuté dans l'enfance, Autopsie.

Arch. de médecine expérimentale, 1889, p. 385, pi. X.

(2) J. DEJEUNE. Contribution à l'élude de la névrite interstitielle hypertrophique et

progressive de l'enfance, Revue de Médecine, novembre 1896.

(3) F. Raymond, Clinique des maladies du système nerveux, t. 6, p. 184.

M. Piehhe Marie a présenté l'an dernier à la Société de Neurologie (7 juin 1906)

deux malades, appartenant à une famille de sept enfants, tous atteints de la même

maladie, qu'il décrit comme une « orme spéciale de névrite interstitielle hypertrophie

que progressive de l'enfance ». D'après Pierre Marie, ses malades diffèrent de ceux

observés par l'un de nous et par Sottas et il éprouve un certain embarras quant à la

dénomination de leur affection. Pour nous, il n'y a aucun doute que les malades de

506 DEJERINE ET ANDRÉ-THOMAS

C'est qu'en effet dans un travail paru en 1894, Marinesco ('1) a soutenu

que la névrite interstitielle hypertrophique et l'atrophie musculaire type

Charcot-Marie ne seraient qu'une seule et même affection. Nous nous pla-

cerons surtout, pour réfuter cette opinion, sur le terrain anatomique :

nous rappellerons cependant que dans aucune observation de l'atrophie

musculaire type Charcot-Marie, il n'est fait mention d'incoordination des

mouvements, de troubles intenses de la sensibilité, désigne d'Argyll-Ro-

bertson, de cypho-scoliose, d'hypertrophie des nerfs, symptômes au con-

traire constants de la névrite hypertrophique, et cela quel que soit l'âge

des malades, quelle que soit l'anciennelé de l'affection. Les différences

Pierre Marie ne soient atteints de la même affection que ceux dont nous venons de

rapporter les observations. On retrouve en effet chez eux la même déformation des

pieds, la cyphoscoliose, l'abolition des réflexes, la diminution de la sensibilité, la

difficulté de la marche et de la station debout, l'atrophie musculaire et enfin l'hyper-

trophie considérable des troncs nerveux dont nous avons pu nous rendre compte par

nous-mêmes.

Pierre Marie croit trouver une différence entre ses malades et les nôtres dans l'atrophie

musculaire, qui dans ces cas n'atteindrait que les muscles propres du pied et de la

jambe, tandis que dans les nôtres l'atrophie musculaire serait généralisée. Or, s'il est

vrai que l'atrophie musculaire est excessive aux membres inférieurs chez les malades

de Pierre Marie et que les membres supérieurs sont au contraire peu atrophiés, moins

atrophiés certainement que chez les nôtres, il faut tenir compte de l'âge différent des

malades. D'ailleurs, dans la première publication qui a été faite sur ce sujet par

l'un de nous avec Sottas, il a été mentionné qu'il s'agissait surtout d'une atrophie

des extrémités et que les extrémités inférieures étaient presque toujours plus prises

que les supérieures. Par conséquent, à l'encontre de l'opinion de Pierre Marie, l'atro-

phie musculaire observée chez ses malades les rapproche encore des nôtres.

De même Pierre Marie invoque comme une deuxième dirîérence l'absence de signe

d'Argyll-Robertson chez ses malades, mais il a observé une diminution de l'intensité

de la réaction à la lumière : cette diminution est des plus manifestes. Cette diminu-

tion ne doit-elle pas être considérée à son tour comme le début du signe d'Argyll et

n'est-ce pas de cette façon qu'elle est envisagée chez les tabétiques, lorsque l'abolition

du réflexe à la lumière n'est pas encore complète.

L'absence de troubles sphinctériens et d'impuissance rapproche encore cesdeux ca-

tégories de malades.

Pierre Marie dit que dans la famille qu'il a observée l'ataxie fait défaut; le trouble

moteur serait très analogue à celui de la sclérose en plaques ; nous ferons simple-

ment remarquer à ce sujet qu'il est quelquefois difficile d'établir des limites précises

entre le tremblement et l'ataxie. En réalité, les malades présentés par Pierre Marie

rentrent tout à fait dans le cas de la névrite interstitielle hypertrophique progressive et

héréditaire de l'enfance, aucun des caractères fondamentaux de cette affection ne leur

manque et ils ne présentent d'autre part aucun signe qui permette de créer une nou-

velle affection. Ici, comme ailleurs, il n'existe que des petites différences de degré ou

d'évolution : le tabès est plus polymorphe que la névrite interstitielle hypertrophique,

il y a souvent plus de différences d'une observation à une autre, et cependant nous les

rangeons dans le même groupe pourvu que les signes capitaux de la maladie soient

nettement constatés !

(1) Maiunesco, Contribution à l'étude de l'amyotrophie Charcot-Marie. Archives de

pathologie expérimentale et comparée, 1895.

NÉVRITE INTEhSTITIELLE HYPERTROPHIQUE ET PROGRESSIVE DE L'ENFANCE 507

cliniques sont donc suffisamment tranchées pour que les deux affections

ne soient pas confondues et qu'on établisse une démarcation très nette

entre elles deux.

Récemment, dans ses Cliniques de 1903, Raymond,se ralliant aux idées

de Bernhardt et de Marinesco, considère lui aussi la névrite intterstitielle

hypertrophique comme une variété de l'atrophie type Charcot-Marie,

opinion qui vient encore d'être reprise par Bedaschi (1906). C'est là une

erreur absolue. Jamais à l'autopsie d'un cas d'atrophie type Charcot-Ma-

rie, il n'a élé constaté d'hypertrophie des nerfs et cela quelle que soit l'an-

cienneté de la maladie. D'un autre côté chez le sujet de l'observation III,

examiné à l'âge de vingt ans, les nerfs étaientau moins aussi gros si ce n'est

davantage que chez les malades des observations I et II que nous avons au-

topsiés. La durée de l'affection n'a donc rien à voir avec l'hypertrophie des

nerfs. Quant à l'opinion de Raymond qui regarde le type Charcot-Marie

comme une forme fruste de la névrite interstitielle hypertrophique et qui

déclare que cette dernière n'a pas de symptômes pathognomoniquesqui la

différencient du type Charcot-Marie et que l'augmentation de volume et

de consistance des nerfs ne peut être considérée comme telle, les faits

cliniques montrent qu'elle est inexacte.

La scission s'impose encore davantage quand on se place sur le terrain

anatomique.

Et tout d'abord quel est le subslratum anatomique de l'atrophie type

Charcot-Marie ? Les autopsies en sont rares et très imparfaitement con-

cordantes. Sainton (2) fait remarquer, à juste raison,qu'il convient de faire

des réserves sur les observations de Virchow (3) et de Friedreich (4) : et cela

parce que l'observation de Virchow est sommaire aupoint devue clinique et

que l'autopsie a été faite à une époque où la technique du système nerveux

était encore peu avancée ; parce que les observations de Friedreich compor-

tent quelques particularités cliniques, telles que la pseudohyperlrophie

des muscles des jambes, l'asymétrie de l'atrophie dans les muscles des mem-

bres supérieurs, qui s'écartent du tableau clinique ordinaire à la maladie.

C'est cependant en s'appuyant sur ces observations que Hoffmann (5)

considère l'atrophie musculaire type Charcot-Marie comme une névrite in-

terstitielle des nerfs moteurs avec dégénération ascendante, d'une lésion

semblable des nerfs sensitifs avec dégénération ascendante dans les cordons

(1) V. Bedaschi, Le forme fruste della neurite intersliziale ipertrofica e progres-

siva de ll'infanzia. Rivista di Pathologia nervosa e mentale, 1906, p. 10.

(2) Sainton, L'amyotrophie type Charcot-Marie. Th. de Doctorat, 1899.

(3) Virchow, Ein Fall von Muskelatrophie. Virchows Archiv, VIII, p. 537.

(4) FitEDREiCu, Ueberblusl.elatrophie, 1873.

(5) HOFFMANN, Ueber progressive neurotische Muskelatrophie. Archiv für Psychia

trie, 1889.

308 DEJERINE ET ANDItÉ-THO11AS

postérieurs de la moelle.- L'observation de Dubreuilh (1), qui au point

de vue clinique rentre tout à fait dans le cadre de la maladie, diffère

beaucoup des observations précédentes, parce que l'examen anatomique

révéla l'existence de lésions nerveuses périphériques diminuant de bas en

haut, et l'intégrité de la moelle épinière : Sainton se demande même

si en raison des différences qui existent entre cette observation d'une

part et celles de Marinesco et de lui-même, il s'agit dans le cas de Du-

breuilh d'atrophie musculaire type Charcot-Marie ou d'un syndrome plus

ou moins analogue, mais non identique ? Restent les deux observations

de Marinesco et de Sainton dans lesquelles sont signalées des altérations

des nerfs périphériques et des racines postérieures sans état hypertrophi-

que, et des lésions des cordons postérieurs analogues à celles que l'on ren-

contre dans le tabes ordinaire.

Enfin dans un cas observé par l'un de nous et dont l'examen anatomique

a été publié en collaboration avec Armand-Delille (2), les lésions consta-

tées furent une atrophie simple des nerfs musculaires, l'intégrité des nerfs

cutanés, des racines antérieures et des racines postérieures (sauf dans la

région dorsale,où elles présentent peut-être une diminution des fibres à

myéline) ; mais ces altérations ne sont en aucune manière comparables à

celles du tabes : enfin dans la moelle il existait des dégénérescences com-

parables à celles du tabes au-dessus de la région lombaire inférieure. Nulle

part il n'existait de névrite interstitielle ni d'hypertrophie des nerfs. Au

contraire; en effet chez cette femme qui mourut à l'âge de cinquante ans,

après trente années de maladie, les troncs nerveux étaient d'un volume

au- dessous de la normale.

Ces' diverses autopsies fournissent des résultats assez concordants dans

les grandes lignes mais qui diffèrent un peu dans les détails.

Sainton reconnaît que les lésions de l'atrophie musculaire type Charcot-

Marie ne sont pas les mêmes que celles de la névrite hypertrophique.

Marinesco, Bernhardt, Raymond soutiennent une opinion contraire : pour

Marinesco l'hypertrophie des troncs nerveux et des racines médullaires

serait une conséquence de l'évolution de l'affection et cette hypertrophie

serait d'autant plus accusée que la maladie serait de date plus ancienne.

Cet argument a été déjà réfuté plus haut, l'hypothèse de Marinesco est

en effet en opposition formelle avec tout ce qu'enseigne l'anatomie pa-

thologique générale ; nous ne connaissons pas encore de sclérose qui atro-

phique d'emblée, devienne la longue sclérose hypertrophique; d'ailleurs

(1) Dubreuilh, Etude sur quelques cas d'atrophie musculaire limitée aux extrémités

et dépendant d'altération des nerfs périphériques. Rev. de 111éd., 1890.

(2) J. DEJEMKE et Armand-Delille, Un cas d'atrophie musculaire, type Charcot-Ma-

rie, suivi d'autopsie. Société de neurologie, 3 décembre 1903.

NÉVRITE INTERSTITIELLE HYPERTROPHIQUE ET PROGRESSIVE DE L'ENFANCE 50j

dans le cas de Dejerine et Armand-Delille, la malade est morte trente ans

après le début de l'atrophie musculaire et sur aucun nerf il n'a été pos-

sible de constater l'hypertrophie et la névrite interstitielle ; leur volu-

me était même au-dessous de la normale. La névrite interstitielle et l'hy-

pertrophie étant mise à part, il est un autre argument qui s'oppose à. la la

théorie soutenue par Marinesco : la répartition des lésions n'est pas abso-

lument la même dans les deux maladies : dans l'atrophie type Charcot-

Marie, l'atrophie n'atteint pas les racines antérieures et c'est là encore

une grande différence entre les deux maladies ; enfin il existe une oppo-

sition notable entre l'état des nerfs cutanés et celui des nerfs musculaires :

,. les premiers sont intacts ou relativement peu touchés, alors que les nerfs

musculaires sont profondément dégénérés. Dans la névrite hypertrophi-

que au contraire, les uns et les autres sont également altérés.

La névrite interstitielle hypertrophique est donc une maladie autonome,

distincte du tabes et de l'atrophie musculaire type Charcot-Marie, elle

doit occuper une place à part dans la nosologie des maladies familiales

du système nerveux. 1

Avant de terminer, nous attirerons l'attention sur quelques particu-

larités cliniques. Chez notre malade l'atrophie musculaire avait gagné les

muscles de la face et du larynx ; la corde vocale gauche était paralysée en

adduction ; cette paralysie laryngée, et le signe d'Argyll-Robertson rappro-

chent encore la symptomatologie de la névrite interstitielle hypertrophi-

que de celle du tabes classique ; par contre l'absence de signes génito-

urinaires l'en distingue nettement.

La névrite interstitielle hypertrophique est une des rares'affectionsoùse

constate le signe d'Argyll-Robertson, en dehors de la syphilis, du tabès et

de la paralysie générale. Ce signe existait dans deux de nos cas (obs. I

et III). Chez le malade observé plus récemment (1896) par l'un de nous

(obs.III),la syphilis héréditaire ou acquise pouvait être mise certainement

hors de cause ; chez le malade dont nous venons de rapporter l'observation

et l'autopsie(obs. I) la présence de ce signe a moins de valeur, puisqu'il

avait contracté très jeune la syphilis. Quant à sa soeur (obs. I) qui n'avait

pas eu la syphilis, bien qu'il n'y eut chez elle pas de signe d'Argyll-Ro-

bertson, la réaction à la lumière était extrêmement lente.

Nous rappellerons enfin que sur quatre enfants, deux seulement furent

atteints de. cette maladie (obs. I, II), les deux autres et les parents étaient

indemnes; nous avons pratiqué l'autopsie de la mère et nous n'avons

trouvé aucun vestige de cette affection, qui dans le cas présent est pure-

ment familiale et non héréditaire.

xix . 31

HOSPICE DE LA SALPÊTRIÈRE

TRAVAIL DU LABORATOIRE DE M. LE PROFESSEUR RAYMOND

QUINZE AUTOPSIES DE MAL DE POTT CHEZ L'ADULTE '

ÉTUDE DES LÉSIONS NERVEUSES

' PAR

) L. ALQUIER, ,

Chef des travaux anatomiques à la Clinique des Maladies nerveuses.

Pour expliquer les accidents nerveux du mal de Pott,on invoque actuel-

lement plusieurs facteurs,le plus souvent coexistants de façon variable, et

dont l'importance est diversement appréciée par les auteurs.

Voici, le plus brièvement possible, les principales lésions de la moelle

épinière décrites au cours du mal de Pott, en dehors bien entendu du mal

sous-occipital, généralement considéré comme une variété à part.

Beaucoup moins souvent que ne le pensait Louis, mais d'une manière

indéniable dans certains cas, la moelle est comprimée par la lésion osseu-

se, après que se sont effectués l'effondrement des parties détruites, et le

tassement du rachis. Tantôt, la partie postérieure des corps vertébraux sus-

jacents à la carie, et relativement intacte, est repoussée vers le canal ra-

chidien, lorsque se forme la gibbosité; d'autres fois, les débris des corps

vertébraux détruits sont fortement refoulés en arrière, lors du tassement.

Dans l'un et dans l'autre cas, la moelle peut être écrasée contre la paroi

postérieure du rachis, si la lésion siège à la région dorsale, où le canal

rachidien est moins large qu'ailleurs; le plus souvent on trouve, l'autop-

sie, un espace libre en arrière entre la dure-mère et les arcs vertébraux ;

la moelle, fixée par les racines et le ligament dentelé, est aplatie d'avant

en arrière et coudée, comme élongée sur les racines par la saillie osseuse,

On rapproche généralement de ces faits, les rares cas où un abcès tu-

berculeux, collecté sous le périoste ou le ligament longitudinal postérieur,

exerce sur la moelle une action analogue à celle de la compression os-

seuse.

D'ordinaire, le calibre du canal rachidien est normal ou même élargi

au niveau du foyer osseux. Il en est de même des trous de conjugaison

dans lesquels les racines sont, généralement, logées très à l'aise.

Le plus souvent, comme l'ont montré Eicheverria, Charcot et Michaud,

ALQUIEIi. QUINZE AUTOPSIES DE MAL DE POTT CHEZ L'ADULTE SU

la compression est produite par la propagation du foyer tuberculeux à

l'espace épidural, et par les lésions inflammatoires qui entourent les

masses tuberculeuses. L'ensemble de ces lésions est désigné souvent sous

le terme de péripachyméllingite externe.

Aux autopsies, on trouve, soit des abcès tuberculeux plus ou moins

vastes,soit des masses caséeuses,soit des fongosités grisâtres," lardacées »,

collées sur la face interne de la dure-mère avec laquelle elles font corps.

Etendues irrégulièrement « en carte de géographie » sur une hauteur par-

fois considérable, débordant irrégulièrement sur les côtés de la dure-

mère, ces lésions peuvent agir sur les racines et sur la moelle.

Très rapidement les racines sont englobées, parfois tiraillées ; au

microscope, leur sclérose a été souvent constatée, parfois même avec

altérations dégénératives, qui, pour les racines postérieures, ont été suivis,

dans certains cas, jusque dans les cordons postérieurs. Fréquemment, les

auteurs signalent des altérations des gangiions rachidiens. L'étude des

racines antérieures et des nerfs, après la compression, paraît avoir été

négligée jusqu'ici. Enfin, rarement, la tuberculose traverse la dure-mère

périradiculaire ; parfois cependant, elle envahit les ganglions spinaux.

La moelle peut être atteinte de différentes façons :

Tantôt, les lésions épidurales atteignant jusqu'à1 cm 1/2 d'épais-

seur, compriment et déforment mécaniquement la moelle, sur laquelle

elles marquent leur empreinte. Cette compression se fait à travers la dure-

mère qui est saine, le plus souvent, au moins dans sa moitié interne.

2° Rarement, la dure-mère est franchie, soit, en avant, au niveau de la

lésion osseuse, soit, sur les côtés, au niveau des racines, et la tuberculose

ou l'inflammation se propagent aux méninges molles et à la moelle. ,

3° Dans d'autres cas, les lésions inflammatoires et tuberculeuses restent

extradurales, et, d'autre part, n'atteignent pas une épaisseur suffisante

pour comprimer mécaniquement la moelle : celle-ci n'est ni déformée,

ni diminuée de volume ; elle peut même apparaître plus grosse qu'à

l'état normal.

Histologiquement on trouve, dans la première et la dernière éventua-

lité, au niveau du foyer épidural, les mêmes lésions de la moelle épinière,

qui diffèrent suivant l'âge du processus morbide :

1° D'abord, on constate la tuméfaction irrégulière (fusiforme, et boules

en chapelet) de certaines gaines de myéline, dont le cylindre-axe, normal

par endroits, apparaît, ailleurs, gonflé. Ces lésions doivent être étudiées

sur des coupes longitudinales : elles prédominent, d'ordinaire, dans la

région centrale des cordons latéraux et postérieurs. A leur niveau, la

névroglie apparaît épaissie, comme tuméfiée, granuleuse, mais sans multi-

plication des noyaux. Les vaisseaux sanguins sont, en général de volume

512 - ; ALQUIER

normal, ou même congestionnés. Les voies lymphatiques périvasculaires et

interstitielles sont plus ou moins dilatées.

, Dans la substance grise les lésions sont moins considérable : les cellules

nerveuses sont en chromatolyse, et peuvent être déformées, aplaties. Dans

un certain nombre de cas, l'axe gris est plus ou moins déformé, disloqué,

même.

Enfin, à ces lésions peuvent s'ajouter des foyers d'hémorragie ou de

ramollissement, ces derniers, souvent en forme de coin à base périphéri-

que, ce qui semblerait indiquer leur origine vasculaire. Au voisinage de

ces foyers, et en leur absence, on peut trouver des vaisseaux plus ou moins

volumineux, rétrécis ou thromboses.

2° Dans les cas anciens, les lésions de la première phase peuvent avoir

plus ou moins complètement disparu : on constaste la sclérose et l'épais-

sissement des méninges molles, des parois vasculaires et de la névroglie,

avec dégénérescences ascendantes et descendantes plus ou moins intenses

et étendues.

D'ordinaire, on ne trouve pas d'accumulation leucocytique autour des

vaisseaux des méninges molles et de la moelle : en plus de l'épaississe-

ment fibreux que peuvent présenter les méninges molles, elles contractent

parfois, au niveau du maximum des lésions épidurales, quelques adhé-

rences avec la dure-mère, dont la signification n'a pas été précisée.

Telles sont, en gros, les principales lésions : leur interprétation est

délicate et controversée.

Lorsqu'on trouve des lésions d'endo et de périvascularité, dans les

méninges molles et la moelle, avec de véritables traînées de lymphangite

spinale, on peut envisager l'hypothèse d'une action analogue à celle qui,

dans la syphilis nerveuse, engendre les lésions spinales.

L'ischémie, notamment celle produite par compression et oblitération

des artères radiculaires (Ziegler), peut expliquer certaines lésions en

foyer, hémorragies ou ramollissements : on peut admettre, avec Schmaus,

que des artères thrombosées se détachent des embolies capables de créer

de nouveaux foyers.

Mais ces explications sont loin de comprendre tous les faits. La dilata-

tion des gaînes myéliniques,avec tuméfaction des cylindres-axes, épaississe-

ment de la névroglie,' lésions qui paraissent pouvoir aller jusqu'à la

myélomalacie, indépendamment des vaisseaux sanguins (Schmaus), enfin,

la dilatation des voies lymphatiques, sont rapportées par presque tous les

auteurs, à l'oedème de la moelle. D'ailleurs, les chirurgiens disent cons-

tater cet oedème au cours de leurs interventions : même aux autopsies, la

moelle est fréquemment trouvée plus volumineuse qu'à l'élat normal, aux

QUINZE AUTOPSIES DE MAL DE POTT CHEZ L'ADULTE 513

endroits où le microscope révélera les lésions sus-indiquées. Quelle est la

cause de cet oedème ? Deux courants d'opinion sont en présence :

1° Pour les uns, il s'agit d'un oedème mécanique. L'oblitération des

vaisseaux, au niveau et autour des lésions tuberculeuses de l'espace épi-

dural, la compression mécanique des veines de la pie-mère, engendre

une stase veineuse et lymphatique (Kahler), causes de l'oedème.

2° Pour d'autres, la stase veineuse ou lymphatique n'explique pas tout.

L'oedème peut exister aussi bien au-dessus et au-dessous du point com-

primé ; son intensité est loin d'être proportionnelle au degré de la com-

pression : enfin, et surtout, on l'observe ailleurs que dans les compressions

de la moelle. Schmaus a pu le réaliser expérimentalement, en introdui-

sant sous la dure-mère de chiens, non seulement de petites masses de

cire fondue ou d'argent, ne pouvant exercer, vu leur petit volume, qu'une

compression minime, mais encore il a obtenu un résultat identique en

injectant des cultures stérilisées de staphylocoques. Les lésions « d'oe-

dème » s'observent également dans les myélites aiguës.

Pour toutes ces raisons Schmaus admet, en plus de la stase veineuse et

lymphatique, une autre cause d'oedème ; celui-ci serait, en partie, tout au

moins, un oedème actif, d'origine toxique, comme les oedèmes viscéraux

des inflammations aiguës. Cette manière de voir a rencontré des partisans

et des détracteurs.

En tout cas, quelle que soit son origine, rien n'empêche d'admettre un

oedème précoce, survenant, autour du foyer tuberculeux épidural,.alors

que celui-ci n'a encore pris qu'un faible développement, absolument

comme l'oedème précoce, qui est l'un des premiers signes d'une tumeur

blanche, ou d'une coxalgie (Ménard).

Depuis deux ans, j'ai pratiqué l'autopsie de 15 pottiques ayant pré-

senté des troubles nerveux, dans le service de M. le professeur Ray-

mond.V ici, le plus brièvement possible, les 'principales constatations

anatomo-histologiques faites dans ces 15 cas. '

Pour me rapprocher le plus possible de la clinique et afin de ne rien

préjuger des lésions, je divise ces cas en 3 groupes, suivant le siège, dor-

sal, lombaire, cervical du mal de Pott, mettant à part quatre faits com-

plexes (trois cas de mal de Pott chez des syphilitiques, un cas de mal de

Pott terminé par méningite).

I. - Mal de Pott dorsal.

Cas. I (cas 880 du Laboratoire). Evolution clinique en 2 ans et 4 mois.

Compression osseuse nette.

'JN1 ALQUIER

Homme de 28 ans. A eu deux pleurésies à 8 ans ; à 11 ans, rougeole puis

scarlatine. '

Débuta 25 ans par des douleurs interscapulaires exaspérées par les mouve-

ments et bientôt remplacées par une sensation de « ceinture de plomb J.

A 26 ans, il ressent des picotements dans les jambes, qui s'affaiblissent uu

mois plus tard, et passe 9 mois à l'hôpital, alité, les jambes « raides comme des

barres de fer ». Le repos calme les douleurs,que réveillent des bains sulfureux :

il n'y avait alors pas d'autre signe rachidien qu'un peu de gêne de la rotation du

tronc à droite.

Rentré chez lui, le malade passe au lit 10 autres mois, pendant lesquels, la

paraplégie va en progressant. Incontinence des urines. ,

Puis, il entre dans le service de M. le professeur Raymond, où l'on constate

ce qui suit : les membres inférieurs contracturés, rétractés en flexion, ne peu-

vent quitter le plan du lit, et sont le siège de douleurs intermittentes. Clonus.

Pas de troubles sensitifs ni sphinctériens. Rien aux membres supérieurs ni à

la face ; examen ophtalmoscopique négatif. Gibbosité de la région dorsale

moyenne.

Mort 9 mois après l'admission, dans un état cachectique avec émaciation

considérable.

Autopsie. Symphyse pleurale. Pas de tuberculose viscérale nette. Foie

gras.

Centres nerveux supérieurs Cerveau, cervelet, bulbe, protubérance.

Aucune lésion macroscopique, ni à l'examen histologique de fragments traités

parles méthodes de Pal Marchi, Nissl, l'hématéine-éosine-orange, etc.

Rachis.- Carie ancienne avec effondrement des VIe et Vile corps vertébraux

dorsaux.La partie postérieure du VI" fait une saillie accusée dans le canal rachi-

dien, réduisant son;diamètre antéro-postérieur à 5 millimètres environ. Il s'agit

d'un foyer tuberculeux ancien, sans fongosités ni masses caséeuses ni dans

l'os, ni dans l'espace épidural. La dure-mère, non épaissie, adhère étroitement t

à l'os, sur tout le pourtour du canal.

Les méninges molles sont complètement indépendantes de la dure-mère.

La moelle est, au niveau de l'éperon osseux (7° segment dorsal),très aplatie

d'avant en arrière, réduite à un diamètre antéro-postérieur de 3 à 4 millimè-

tres et élargie transversalement, avec déformation très marquée de l'axe gris

(Pl. LXXVI, fig. 2, le N° 2 de cette figure correspond à la compression osseuse :

le N° 1 montre la dégénération ascendante, les N° 3 et 4, les dégénération des-

cendantes).

Elude histologique. -Au niveau de la compression : épaississement consi-

dérable de la névroglie ; çà et là, surtout à la périphérie de la moelle, des gai-

nes myéliniques très dilatées, avec tuméfaction considérable des cylindres-axes.

Au Pal et aulllarchi, lésions dégénératives diffuses, plus intenses à la périphé-

rie de la moelle. Méninges molles et vaisseaux sanguins sans lésions ; cellules

nerveuses : les unes aplaties, déformées, d'autres normales. Canal épendy-

maire très aplati d'avant en arrière, représenté seulement par un amas de cel-

lules irrégulières, polymorphes, sans paroi ni lumière reconnaissables. Racines

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière. T. XIX. PI. LXXV !

Fig. 1

Fig. 3 .

Fig.2 '2

Fig. 4

MAL DE POTT

'r"hJ¡,¡,1't&;1 : ¡ ,;a : fjJ ? (L. A/ouïe¡-) '- "

QUINZE AUTOPSIES DE MAL DE POTT CHEZ L'ADULTE 515 5

très sclérosées, avec atrophie intense de nombreuses fibres nerveuses, et dispa-

rition de nombreux cylindres-axes. Pas de lésion des méninges radiculaires.

Ces altérations disparaissent dans les segments voisins du point comprimé.

Au-dessus, on trouve simplement une dégénération intense du faisceau de Goll

remontant jusqu'au bulbe ; au-dessous, dégénération des faisceaux pyramidaux

direct et croisé, avec pâleur diffuse des cordons antéro-latéraux. Quelques cel-

lules nerveuses sont en chromatolyse légère, avec pigmentation.

Cas. II (nu801). Mal de Fott ayant débuté cliniquement à 70 ans.

Mort 7 ans après. Coudure de la moelle sur un éperon osseux (1).

Femme de 77 ans. Début à l'âge de 70 ans : douleurs et cyphose dorsale,

sciatique double et paraplégie des membres inférieurs, qui se serait constituée

en 15 jours. Elle fut alors admise à la Salpêtrière. 6 ans après, on constatait

une paralysie, presque complète des membres inférieurs, avec exagération des

réflexes rotuliens, orteil indifférent, pas de troubles sphinctériens. Gibbosité dor-

sale inférieure douloureuse à la pression. Mort un an après.

Autopsie. - Tuberculose cavitaire des poumons.

Rachis. Foyer tuberculeux ayant détruit les corps des X°, Nid, XII0 ver-

tèbres dorsales ; les vestiges de la XIe forment un éperon légèrement saillant

dans le canal rachidien, adhérant à la dure-mère, et sur lequel la moelle est

légèrement coudée. De la in paire dorsale jusqu'à la 1 ? sacrée, la partie anté-

rieure de la dure-mère est recouverte de fongosités, présentant leur maximum

d'épaisseur (1 cm. 1/2) au niveau des 2° et 3° lombaires, et englobant plusieurs

racines, surtout à gauche. Aucune adhérence entre la dure-mère et les ménin-

ges molles : la partie antérieure de la moelle est légèrement aplatie au niveau

des lor et 2e segments lombaires, juste au point où les fongosités épidurales

présentaient l'empreinte nette de l'éperon osseux.

Histologiquement on trouve, à ce niveau, le foyer épidural, formé de tuber-

cules rares, disséminés dans du tissu fibreux adhérant intimement à la dure-

mère : épaississement léger des méninges molles ; raréfaction des fibres ner-

veuses, diffuse avec prédominance dans la partie antérieure des cordons an-

téro-latéraux, et dans la partie centrale des postérieurs ; léger épaississement de

la névroglie ; dans les cellules nerveuses à peine de chromatolyse ; les vais-

seaux, largement perméables, pleins de sang, présentent un léger épaississe-

ment de leurs^parois. Canal épendymaire oblitéré. Sclérose des racines. Au-

dessus et au-dessous de cette région, on trouve seulement les dégénérations

ascendantes et descendantes habituellement observées à la suite de lésions des-

tructives siégeant à ce niveau.

Cas. III (n° 874). Après des douleurs rachidiennes ayant duré plusieurs

mois, paraplégie brusque des membres inférieurs, avec anesthésie et incon-

tinence des réservoirs, chez une femme de 73 ans, atteinte de bronchite avec

emphysème et néphrite chronique. Foyer épidural peu considérable. -

Lésions légères de la moelle.

(1) Une étude histologique de ce cas ainsi que des NI, 754. 155, 198, a été publiée

par Rossi. Arch. de neurol., janvier 1906.

1G A ! .OU)Eh

Femme de 73 ans, obèse, autrefois très éthylique. Hospitalisée à la Salpêtrière

à l'âge de 69 ans, elle se plaignait de douleurs- dorsales, exagérées par les mouve-

ments, depuis quelques mois, au cours desquels elle fut soignée à trois reprises

à l'infirmerie, pour bronchite, avec emphysème pulmonaire. Gros oedème des

membres inférieurs, avec albuminurie. L'examen du rachis et du système ner-

veux était toujours demeuré négatif, lorsque 3 semaines après son dernier

séjour à l'infirmerie, les douleurs redoublèrent, pendant que les jambes s'affai-

blisaient.Quelques jours plus tard, brusque incontinence des urines et des ma-

tières ; le lendemain, paralysie complète des membres inférieurs,flasque, mais

avec signe de Babinski. Anesthésie complète pour tous les modes de la sensibi-

lité, dans toute la moitié inférieure du corps, disparaissant graduellement entro

l'ombilic et l'appendice xyphoïde. Réflexes abdominaux nul. La région dor-

sale moyenne présente une convexité régulière, non douloureuse au palper et

à la percussion.

Huit jours plus tard, mort subite, par crise d'angine de poitrine à l'occasion

d'un mouvement.

Autopsie. Calcification et sténose notables des coronaires. Néphrite chroni-

queavec poussée aiguë. Emphysème pulmonaire avec, au sommet droit, tubercule

ancien, du volume d'une noix.

Rachis.- La section antéro-postérieure montre (pi. I, fig. 3) un foyer tuber-

culeux détruisant le disque séparant les IVe et Ve vertèbres dorsales,et les parties

adjacentes de ces dernières, communiquant avec deux masses caséeuses : l'an-

térieure, prévertébrale, plus volumineuse; la postérieure, épidurale, mesure

2 centimètres de hauteur sur 1/2 d'épaisseur ; elle est collée sur la face anté-

rieure de la dure-mère, à hauteur des 6° et 7e paires dorsales, qui sont légè-

rement englobées à gauche.

Histologiquement, ce foyer est entièrement extra-dural ; la moelle ne présente

à son niveau qu'un léger épaississement de la névroglie, dans la partie profonde

des cordons latéraux et postérieurs, avec début de nécrose,et 2 ou 3 petits foyers

d'hémorragie capillaire, notamment dans les cordons postérieurs. Intégrité

complète des autres vaisseaux et des méninges. Pas de lésions dans les autres

régions de la moelle.

Les cellules nerveuses présentent, dans toutes les régions du névràxe, des

lésions de chromatolyse avec pigmentation. Il existe en outre un peu d'épais-

sissement des méninges molles, à la base du cerveau, ainsi que des traces dou-

teuses d'oedème cortical : toutes ces lésions nous paraissent dues à la néphrite

et à l'artério-sclérose plutôt qu'au mal de Pott.

Cas. IV (n° 75 ! ). - Mal de Pott dorsal. Mort 16 mois après les premiers

symptômes. Infection secondaire et symphyse des méninges molles.

Femme de 59 ans. Convulsions dans l'enfance. Fièvre typhoïde et, proba-

blement, tuberculose pulmonaire ancienne. Elle nie la syphilis et l'alcoolisme.

Début à 58 ans, par des'crises de douleurs lombaires, irradiées en ceinture; -,

elles sont remplacées, 6 semaines plus tard, par des crises d'écrasement, de

déchirure dans la région lombaire.

QUINZE AUTOPSIES DE MAL DE POTT Chez L'ADULTE' 517

Neuf mois après, s'y ajoutent un engourdissement (sensation de froid), puis

des douleurs diffuses dans les membres inférieurs, qui s'affaiblissent. Les

troubles moteurs progressent, tandis que les douleurs diminuent.

14 mois après le début, elle entre dans le service de M. le professeur Ray-

mond, avec une paraplégie complète aux pieds et aux jambes, moins marquée

aux cuisses, prédominant dans les fléchisseurs des divers segments. Exagé-

ration des réflexes rotuliens ; orteil indifférent. Masses musculaires légèrement

douloureuses à la pression : signe de Lasègue net des deux côtés. Hypoesthé-

sie pour tous les modes, au-dessous d'une bande d'hyperesthésie passant, en

arrière, au niveau des reins et descendant obliquement vers l'hypogastre.

Voussure de la colonne dorsale inférieure, indolore au palper et à la percus-

sion, et dont la malade ignorait l'existence.

Quinze jours plus tard, les douleurs des membres inférieurs se réveillent,

plus violentes que jamais.

Quinze autres jours après, rétention des réservoirs, avec incontinence par

regorgement, puis escarre sacrée, rapidement considérable. Fièvre, hecticité,

amaigrissement, oedème des membres inférieurs. Mort 16 mois après le début,

2 mois après l'admission à la Salpètrière.

Autopsie. - Pas de tuberculose viscérale. Foie décoloré, jaunâtre.

Rachis.- Carie des corps vertébraux des VIe et VIIe dorsales, s'ouvrant dans

l'espace épidural. A partir de ce point jusque dans la région sacro-lombaire,

la face externe de la dure-mère est recouverte, sur sa partie antérieure, de

masses irrégulières, fongueuses, lardacées, lui adhérant étroitement. Leur

épaisseur maxima n'atteint pas 1/2 centimètre. Au-dessous de la région dor-

sale moyenne, on trouve des adhérences nombreuses, entre la pie-mère et la

dure-mère, aussi bien en arrière qu'en avant ; elles augmentent en descen-

dant, et, à la partie inférieure, deviennent une symphyse complète englobant

les racines de la queue de cheval. La moelle présente partout sa forme et son

volume normaux.

Histologiquement les masses épidurales sont constituées par un tissu d'in-

flammation banale, contenant de nombreux tubercules, d'apparence jeune et

en pleine évolution. Il semble qu'on puisse reconnaître dans la moelle et les

méninges molles deux ordres de lésions.

1° Dans la région lombaire (de il ! ' à Ve L) de nombreuses gaines myéliniques

très dilatées avec tuméfaction des cylindres-axes dans toute l'étendue de la subs-

tance blanche, avec, par places, épaississement léger des travées névrogliques

et oblitération du canal épendymaire. A partir de cette région, dégénérations

ascendantes et descendantes légères.

2° Les méninges molles sont infiltrées' d'un nombre énorme de leucocytes

polynucléaires,avec,ça et là, quelques cellules géantes et petits foyers nécroti-

ques. Les vaisseaux intra-médullaires et intra-radiculaires sont entourés d'un

manchon de polynucléaires. Ces lésions vont comme la symphyse entre la dure-

mère et la pie-mère, en diminuant à mesure qu'on remonte, et, comme elle,

disparaissent dans la région dorsale moyenne.

Les cellules nerveuses présentent des lésions de chromatolyse avec amas de

518 ALQUIER

pigment jaune dont l'intensité semble parallèle à celle des lésions des méninges

molles.

OBs. V (n° 814). Mal de Pott ayant cliniquement évolué en 6 semaines, en

même temps qu'une néphrite aiguë. Gros foyer épidural comprimant

légèrement la moelle, début de myélomalacie.

Homme de 55 ans, peintre en bâtiments. Alcoolisme sans saturnisme.

52 ans, pleurésie avec épanchement ponctionné, puis oedème des membres

inférieurs avec ascite ponctionnée deux fois et diagnostiquée péritonite tuber-

culeuse. '

55 ans, douleurs lombaires vagues, exagérées par la marche, la station verti-

cale prolongée, les mouvements du rachis. Un mois après, affaiblissement ra-

pide des membres inférieurs. Au bout de huit jours, à son entrée à la

Salpêtrière, on constate une paralysie presque complète pour tous les segments

du membre inférieur droit, plus marquée à l'extrémité à gauche, simple pa-

résie,1,léflexes rotuliens et achilléens faibles,de l'orteil en flexion, ciémastérien

nul à droite, faible à gauche, abdominal nul. Pas de douleur spontanée ou pro-

voquée. Légère hyperesthésie diffuse à la face antérieure des genoux et des

cuisses. Léger oedème péri-malléolaire droit,pas de troubles sphinctériens.Rien

aux membres supérieurs et à la tête.

Rachis : mouvements gênés dans la région dorso-lombaire qui est douloureuse

an palper,surtoutau niveau des Xlle dorsale et Ire lombaire légèrement saillantes.

A ce niveau, ceinture d'hypoesthésie cutanée large de 5 a 6 centimètres.

Constipation complète : les jours suivants, la région lombaire droite devient

douloureuse, en même temps que les urines sont de plus en plus rouges et

rares. Au 5e jour de l'entrée, rétention brusque d'urines. Mort le lendemain.

Autopsie. Symphyse pleurale. Quelques adhérences et épaississements

fibreux du péritoine, mais sans tuberculose, non plus qu'aux poumons. L'un des

ganglions trachéo-bronchiques, du volume d'un haricot, présente à la coupe

l'aspect « mastic de vitrier ». Grosse néphrite aiguë.

L'encéphale est sain à l'oeil nu.Au microscope, on constate : dans les circon-

volutions frontale et pariétale ascendantes gauches, une chromatolyse diffuse

sans pigmentation, et avec légère désorientation des cellules nerveuses. Multi-

plication diffuse des noyaux névrogliques. Rien aux méninges ; quelques rares

amas leucocytiques dans les vaisseaux sanguins.

Pas de lésions du cervelet, en particulier, des cellules de Purkinje. Bulbe :

pas de méningite, chromatolyse et pigmentation légères de certaines cellules

des olives et des noyaux du plancher du' IVe ventricule. A la partie inférieure,

dislocation et oblitération du canal central. Epaississement diffus de la

névroglie.

Rachis. - Foyer tuberculeux du corps de la VILLE dorsale, se propageant

dans l'espace épidural, où on trouve une masse caséeuse épaisse non ramollie,

étendue, contre la dure-mère au devant des 7e-10° segments dorsaux débordant

sur les côtés et englobant les racines correspondantes. Au niveau des 8e et 9e

racines, la moelle est légèrement aplatie d'avant en arrière. Les méninges

QUINZE AUTOPSIES DE MAL DE POTT CHEZ L'ADULTE 519

molles, libres partout ailleurs, présentent en ce point quelques adhérences

avec la dure-mère, sur la face antérieure de la moelle.

Histologiquement, le foyer épidural a la structure d'un tubercule jeune, en

pleine évolution, refoulant la dure-mère, dont les lames externes sont enva-

hies, les plus internes étant respectées.

Racines sans lésion nette : la pie-mère présente sur la face antérieure de la

moelle, au niveau du foyer épidural, quelques amas embryonnaires. La moitié

antérieure de la moelle est nettement aplatie, avec élargissement et déformation

de la substance grise : le volume total de la moelle est plutôt supérieur à la

normale. Les cellules nerveuses sont déformées, aplaties, mais c'est à peine si

quelques-unes, soit dans les cornes antérieures, soit dans la colonne de Clarke,

présentent un peu de chromatolyse discrète, sans pigmentation. Dans la partie

centrale des cordons latéraux et postérieurs, grosse dilatation de nombreuses

gaines myéliniques, avec tuméfaction des cylindres-axes, et épaississement de

la névroglie. Ces lésions sont au maximum dans le cordon latéral gauche, où

elles s'accompagnent de phénomènes nécrotiques nets, aboutissant à la for-

mation de plusieurs petits foyers de myélomalacie, limités à la substance blan-

che du cordon latéral.

Les vaisseaux sanguins largement perméables, pleins de sang, présentent

peut-être un léger épaississement de leurs parois. Pie-mère non épaissie. Ca-

nal épendymaire méconnaissable, remplacé par un amas de cellules polymorphes.

Au-dessus du foyer, pas d'autres lésions qu'un peu de pàleur et quelques

granulations noires par le Marchi de la région centrale des cordons postérieurs ;

cellules nerveuses intactes : oblitération du canal épendymaire.

Au-dessous, chromatolyse et pigmentation de certaines cellules nerveuses :

canal épendymaire dilaté, plein de débris épithéliaux. Quelques granulations

noires diffuses par le Marchi.

Vaisseaux sanguins partout largement perméables, les veines plutôt dilatées,

sont pleines de sang.

OBs. VI (no 755). Mal de Pott sans gibbosité, ayant évolué cliniquement en

15 mois. - Gros foyer tuberculeux épidural comprimant notablement la

moelle. Myélomalacie.

Après deux accouchements, à 10 mois de distance, qui l'ont beaucoup fati-

guée, une jeune femme de 23 ans est prise tous les soirs de douleurs diffuses

dans la colonne vertébrale, avec irradiation en ceinture et constriction épigas-

trique, persistant toute la nuit et ne cessant qu'au matin, puis engourdissements,

fourmillements et légère parésie des membres inférieurs. Ces troubles appa-

raissent et disparaissent à plusieurs reprises pendant 4 mois,puis surviennent

des douleurs qualifiées de sciatique ; la région lombaire est faible et doulou-

reuse surtout pendant la station assise.

9 mois après le début, la malade étant entrée dans le service de M. le profes-

seur Raymond, on constate une paraplégie complète des membres inférieurs,

avec spasmodicité,exaltation des réflexes rotuliens,signe de Babinski bilatéral,

amaigrissement diffus des masses musculaires, surtout prononcé aux jambes ;

520 ALQU1EU

à l'examen électrique : simple diminution de l'excitabilité galvanique et fara-

dique pour les muscles contracturés, mais sans D R. Rétention et incontinence

des sphincters. Hypoesthésie des membres inférieurs.

Apparition d'escarres multiples, hecticité, cachexie, oedème périmalléolaire.

Mort 6 mois plus tard. Pas de gibbosité pendant toute cette évolution.

Autopsie. - Pleurésie double séro-hémorragique; congestion récente des

lobes inférieurs des poumons : semis de granulations milliaires grises d'aspect

récent. Gros reins blancs non congestionnés.

Rachis.- Carie tuberculeuse des IIe,llIe,lye corps vertébraux dorsaux,s'ou-

vrant en arrière dans le canal rachidien où ou trouve un gros foyer caséeux non

ramolli dansl'espace épidural, englobant les racineset s'effilant en pointe en haut

et en bas. Ce foyer, très volumineux, comprime latéralement la moelle, surtout

à gauche, où il y imprime nettement son empreinte (V. pl. LXXVII, fig. 1).

Pas d'adhérences entre la dure-mère et les méninges molles ; la moelle au ni-

veau du foyer est déformée, offre l'aspect d'un prisme triangulaire à sommetanté-

rieur ; son volume normal est diminué d'un tiers environ. Au-dessus et au-

dessous, elle reprend vite sa forme et ses dimensions normales.

Histologiquement le foyer épidural a la' structure d'un tubercule en pleine

activité, tout entier situé en dehors de la dure-mère qui est respectée. Au ni-

veau. du foyer, les méninges molles et leurs vaisseaux sont intacts : les racines

sclérosées avec atrophie des gaînes de myéline qui sont en voie de dégénéra-

tion au Marchi, semblent présenter des points nécrosés : plusieurs sont comme

enchâtonnées dans la moelle, qui paraît s'être gonflée. La moelle est atteinte

de myélomalacie,avecdisparition complètedetotite différenciation (Y.pl. LXX VII,

fig. 2). On ne trouve plus qu'une trame névroglique irrégulière, nécrosée, sur-

tout dans les parties centrales, avec vestiges des gatnes myéliniques très dégé-

nérées par la méthode de Marchi. Le canal central ne peut être nettement dif-

férencié des vaisseaux intra-médullaires, qui apparaissent béants, plutôt dilatés,

les uns contenant encore quelques hématies, d'autres complètement vides.

Au-dessus et au-dessous, lésions diffuses se propageant aux segments voisins

à distance, lésions dégénératives très accentuées, ascendantes et descendantes

des fibres longues des faisceaux blancs (cordons de Goll, cérébelleux direct, py-

ramidal).

A distance (région lombaire), les cellules nerveuses présentent à peine une

ébauche de chromatolyse avec pigmentation légère. Il en est de même au ni-

veau des circonvolutions frontale et pariétale ascendantes gauches. Cervelet,

pas de lésions.

De ces 6 observations de mal de Pott dorsal, les deux premières sont

des exemples nets de Compression osseuse.

Dans la première, la moelle est aplatie d'avant en arrière par un

éperon osseux, réduisant à 5 millimètres au maximum le diamètre antéro-

postérieur du canal rachidien au niveau de la VIe vertèbre dorsale; il n'y

a pas de foyer épidural proprement dit, mais seulement des adhérences

nombreuses et étroites entre la dure-mère et l'os.

Nouvelle Iconographie DE la Salpêtrière. T. XIX. PI. LXXVII

Fig. 1

Zig. 2

MAL DE POTT

(L. Alquier).

QUINZE AUTOPSIES DE MAL DE POTT CHEZ L'ADULTE 52 ! '

Dans le second cas, un fragment du corps de la XIe vertèbre dorsale,

presque complètement détruite, est repoussé en arrière, comprimant la

partie antérieure de la moelle, qui est coudée sur lui. Ici encore, l'éperon

osseux adhère nettement à la dure-mère.

Pour les quatre autres cas, il ne saurait être question de compression os-

seuse. Mais, dans les deux derniers, le foyer épidural comprime nettement la

moelle : aplatissant sa partie antérieure (obs. V),l'étranglant latéralement

(obs. VI).

Les racines, au niveau du foyer, étaient atteintes de sclérose dans les

3 cas suivants :

Obs. I, où cette sclérose pouvait s'expliquer par la compression exercée

par le tissu fibreux, d'apparence cicatricielle, du tissu épidural ;

Obs. II et VI, où leur englobement par le tissu lardacé était considéra-

ble ; leur sclérose est plus marquée dans l'obs. II où il s'agissait d'un

foyer'tuberculeux fibreux, datant au moins de 7 ans, que dans l'obs. VI

où le début des accidents était plus rapproché, et le tissu épidural moins

fibreux.

Dans les autres cas où le foyer épidural était moins considérable, attei-

gnait moins les racines et semblait, cliniquement et anatomiquement, de

date plus récente, nous n'avons pas trouvé de lésions scléreuses des ra-

cines. ,

Dans la moelle, les lésions sont analogues dans les obs. 1 (avec com-

pression osseuse), V, VI (compression par le foyer épidural), III (pas de

compression nette). Elles consistent essentiellement en épaississement

diffus de la névroglie avec dilatation parfois énorme de nombreuses

gaines myéliniques dont les cylindres-axes sont, le plus souvent, irré-

gulièrement tuméfiés. Ces lésions semblent bien, comme l'admettent les

auteurs, pouvoir être rapportées à l'oedème de la moelle, qui paraissait

net dans l'observation VI. D'ordinaire, les espaces périvasculaires ne

sont pas dilatés. Dans les observations V et VI, à ces lésions s'ajoutait

une myélomalacie avec nécrose, [qui semble bien (obs. V) commencer

par petits îlots aux points présentant les lésions précédentes.

Dans l'observation II (cas datant de 7 ans), il n'y avait que de la sclé-

rose névrogliqueet de l'atrophie de certaines fibres nerveuses, sans dila-

tation des gaines de myéline, ni tuméfaction des cylindres-axes.

Nous omettons à dessein l'observation IV où les lésions médullaires

semblent complexes, et d'interprétation délicate.

Nous avons toujours trouvé les vaisseaux sanguins largement perméa-'

bles. Aussi bien dans les méninges molles que dans la moelle elle-même

et, en.général, pleins de sang.

522 ALQUIER

Dans tous les cas, le canal épendymaire est oblitéré,souvent méconnais-

sable.

Les lésions dégénératives des faisceaux blancs pyramidaux (cordons de

Golf) semblent en rapport, plutôt avec les altérations de la moelle qu'avec

celles des racines.

Le foyer épidural est, dans cas,localisé au niveau de la lésion osseuse,

et ne dépasse pas la dure-mère ; en profondeur,c'est à peine si les ménin-

ges molles présentent, à son niveau, quelques adhérences avec la dure-

mère ; il en est tout autrement dans le 6e cas (obs. IV) où nous trouvons

un foyer épidural diffusé sur une grande hauteur, avec symphyse étendue

des méninges molles. Dans ce cas, les lésions des méninges molles étaient

nettement dues à une infection secondaire (peut-être causée par l'énorme

escarre fessière) ; elles étaient caractérisées par une infiltration massive

de polynucléaires, dans les méninges molles,avec propagation à l'intérieur

des racines et de la moelle. Etant donné la présence de cellules géantes

d'apparence jeunes, dans ce tissu d'infection secondaire, et les caractères

spéciaux (diffusion, tubercules jeunes, mal formés) du foyer épidural, on

est en droit de se demander si l'infection banale des méninges n'a pas joué

un rôle analogue à celui de la broncho-pneumonie dans la tuberculose

pulmonaire, lui donnant une intensité nouvelle et permettant une diffu-

sion rapide et étendue, que l'on n'observe pas dans les autres cas où man-

que cette infection adjuvante.

II. Mal de Pott lombaire.

Nous serons extrêmement bref sur deux cas, qui, en raison de leur im-

portance toute spéciale, méritent une étude plus approfondie que ne le

comporte ce travail (le n° 684 a déjà été publié in extenso (1), le 886 le

sera bientôt).

Ces. VII (n° 681). Mal de Pott sacré sans signes rachidiens. - Englo-

bement et lésions des racines, dilatation du canal épendymaire.

Un homme de 39 ans, ancien alcoolique et ayant probablement été tubercu-

leux,maigrit rapidement d'une vingtaine de livres,perd ses forces, a des sueurs

nocturnes. 3 mois après, courbature lombaire avec irradiation le long de la

face postérieure des membres inférieurs ; ces douleurs, surtout nocturnes, de-

viennent intolérables, l'obligent à s'aliter.

5 mois après, il entre dans le service de M. le professeur Raymond pour ces

douleurs, qui ont le caractère d'une sciatique double, sont exagérées par le

moindre mouvement, et semblent expliquer l'impotence presque absolue que

l'on constate aux membres inférieurs. Ceux-ci, en effet, n'ont maigri qu'à

(1) Roussi, Arch. de neurologie, août 1905 ,

QUINZE AUTOPSIES DE MAL DE POTT CHEZ L'ADULTE z3

peine. Réflexes : rotuliens forts ; achilléens, fort à droite, faible à gauche ;

plantaire, nul à droite, flexion à gauche ; crémastérien faible.

Les douleurs persistent nuit et jour; le malade se cachectise, une escarre fes-

sière apparaît ; il meurt de broncho-pneumonie 7 mois après le début. Aucun

signe rachidien, pendant toute l'évolution.

Autopsie.- Pas de tuberculose pulmonaire. Plusieurs foyers d'ostéite costale

tuberculeuse; à la face postérieure des IIe,IIIe, IVe corps vertébraux sacrés,carie

tuberculeuse ouverte dans l'espace épidural où existe une série de masses tas-

dacées, irrégulières, peu volumineuses, disséminées au-devant de la dure-mère

et des racines de la queue de cheval, remontant jusqu'aux dernières paires lom-

baires.

Histologiquement les lésions sont surtout radiculaires ; les racines englo-

bées sont sclérosées, parfois d'une manière intense avec des lésions dégénéra-

tives des cordons postérieurs présentant leur maximum au niveau des 2e et3*

paires sacrées et remontant jusqu'à la 4° lombaire. Les racines antérieures des

5e lombaires et 18 dorsales sont légèrement atteintes à leur sortie de la moelle.

La pie-mère est intacte, ses vaisseaux largement dilatés, ceux des racines,

épaissis mais encore perméables.

Dans la moelle, au-dessus de la région lombaire, pas d'autre altération qu'un

peu de pigmentation avec chromatolyse des cellules nerveuses. De la partie

supérieure du 1er segment lombaire jusqu'à la partie inférieure du 4" le canal

épendymaire présente une dilatation atteignant,au maximum, 2 millimètres de

diamètre : la paroi est formée d'une rangée de cellules cylindriques entourée

d'une zone de fibres névrogliques mesurant de 1 à 2 millimètres d'épaisseur.

Au niveau de cette dilatation, les parties voisines de la substance grise sont ra-

réfiées ; la lumière du canal renferme une substance vaguement grenue se co-

lorant en rose par l'éosine.

Ors. VIII (n° 886). Mal de Pott lombaire sans signes rachidiens ; syn-

drome des affections de la queue de cheval. Englobement par des masses

lardacées des racines lombaires et sacrées.

En soulevant un cadre de 200 kilos, un homme de 37 ans, auparavant en

bonne santé, ressentit dans les reins un craquement et une vive douleur qui

disparut-au bout de 15 jours. Mais, 15 autres jours plus tard, elle reparaissait,

étendue au sacrum, et le long de la face postérieure des membres inférieurs,

dans toute leur hauteur, durant jour et nuit, exacerbée par les mouvements et

la marche.

Deux mois environ après le début, brusque rétention des réservoirs, qui, au

bout de 12 jours, fil place à l'incontinence vésico-rectale avec frigidité.

6 semaines plus tard, recrudescence des douleurs qui, au bout d'une quin-

zaine de jours, disparurent définitivement, à la suite, dit-il, de l'évacuation par

l'anus, d'une grande quantité de sang et de pus.

5 mois après le début, il fut admis dans le service de M. le professeur Ray-

mond, on constata : z

Paralysie de tous les fléchisseurs et abducteurs des membres inférieurs,

824 ALOUiER

flasque avec orteil en flexion, conservation des extenseurs, adducteurs et du

psoas-iliaque : [signes d'une sciatique double; anesthésie dans le domaine des 2",

38, e sacrées à gauche des 3e et 4e à droite; incontinence; réaction de dégéné-

rescence dans les muscles paralysés.

Cet état s'aggrave après une phase d'amélioration transitoire ; une volumi-

neuse adénopathie sus-claviculaire (que l'autopsie montre tuberculeuse), puis

une escarre fessière font leur apparition ; cachexie avec fièvre hectique ; mort

- 47 mois après le début. Pas de signes rachidiens pendant toute l'évolution.

Autopsie. Tuberculose pulmonaire et des ganglions trachéo-bronçhiques ;

caverne tuberculeuse des 3 dernières vertèbres lombaires s'ouvrant dans l'es-

pace épidural où l'on trouve (pl. LXXVI, fig. 3) des amas irréguliers de tissu lar-

dacé englobant les racines lombaires et sacrées, irrégulièrement, à leur sortie

de la dure-mère. Incisée, celle-ci ne présente que de faibles et rares adhérences

avec les méninges molles. Ces dernières englobent les racines de la queue de

cheval, au-dessous[du cône terminal,dans une mince toile btanchâtre(pt.LXXVt,

fig. 4) constituée, au microscope, par un tissu d'inflammation banale et dis-

crète.

Les racines englobées présentent, à un degré variable, les lésions suivantes :

tuméfaction irrégulière des gaînes de myéline et de leurs cylindres-axes, sclé-

rose variable d'une racine à l'autre ; les ganglions présentent des cellules en

chromatolyse. Dans la moelle lombo-sacrée épaississement des méninges mol-

les ; lésions banales des cellules nerveuses , dégénérescence des cordons pos-

térieurs correspondant aux racines malades.

Ces deux faits présentent un intérêt clinique sur lequel nous n'insiste-

rons pas.

Anatomiquement, les lésions sont surtout radiculaires ; peu marquées

dans le premier cas, intenses avec dégénérations secondaires dans le second.

Remarquons que, dans l'obs. VIII, les symptômes semblaient indiquer l'in-

tégrité des premiers segments lombaires dont les racines étaient, cepen-

dant, englobées par les masses lardacées. Il n'y a donc pas concordance

absolue entre la clinique et l'anatomie pathologique : l'englobement des

racines par des masses lardacées peut n'avoir occasionné aucuns symptô-

mes, ce qui montre la nécessité d'une extrême prudence, dans les tenta-

tives d'explication anatomique des symptômes radiculaires. 1

Dans l'obs. VII, existait, dans la région lombo-sacrée, une dilatation du

canal central entourée d'une zone de sclérose névroglique. Nous ren-

voyons pour l'étude de cette lésion, si un autre travail fai tavec Lhermi tte (4 ).

(t) ALQUfEIi ét Lheruitte, Mal de Poil, syri71gomyélie.ï{eva.e neurol,30 décembre 1906.

QUINZE AUTOPSIES DE MAL DE POTT CHEZ L'ADULTE 525

illi. - Mal de Pott cervical et cervico dorsal.

OBs. IX (nO 835). Destruction complète de la Ve cervicale. - Evolution

en 8 mois 1/2. Paralysie fiasque avec amyotrophie aux membres sllpé-

rieurs, spasmodique aux inférieurs ; dissociation syringomyélique de la

sensibilité ; compression de la moelle par le foyer épidural.

Une femme de 56 ans, qui a peut-être été atteinte autrefois de tuberculose

pulmonaire, se.met tousser à l'âge de 55 ans, et éprouve dans la nuque des

douleurs qui, bientôt, irradient dans le bras droit, et sont réveillées par les

mouvements des membres supérieurs, qui deviennent maladroits.

7 mois-plus tard,» paraplégie complète des membres inférieurs ; elle entre

dans le service du professeur Raymond où on constate ce qui suit : la tête

est penchée en avant, raide et immobile ; aux membres supérieurs, atrophie du

type Aran-Duchenne avec participation des triceps brachiaux, une légère ataxie

avec affaiblissement des réflexes tendineux; aux membres inférieurs, parésie

surtout des fléchisseurs avec exagération des réflexes rotuliens ; troubles sensitifs

avec dissociation syringomyélique (thermo-anesthésie de toutes les parties si-

tuées au-dessous d'une ligne circulaire passant au-dessous des seins, analgé-

sie remontant moins haut, sensibilité tactile partout conservée). Inconti-

nence des réservoirs.

Aggravation rapide, apparition du signe de Babinski, fièvre avec délire tran-

quille, mort 5 semaines après son entrée à l'hôpital.

Autopsie. Pas de tuberculose viscérale ou ganglionnaire. Destruction com-

plète du corps de la Ve vertèbre cervicale empiétante sur les voisines [début d'ab-

cès par congestion prévertébrale ; en arrière, masse lardacée occupant l'espace

épidural dans sa partie antérieure et englobant les racines cervicales inférieu-

res, surtout à droite, dans un tissu de sclérose dense ; après incision de la dure-

mère, nombreuses adhérences entre la dure-mère et les méninges molles

sur toute la hauteur de la moelle. Celle-ci est, surtout à gauche, aplatie d'avant

en arrière, depuis la région cervicale moyenne, jusqu'au le, segment dorsal,

c'est-à-dire au niveau du foyer épidural. Celui-ci a la structure d'un tubercule

en activité, entouré d'un tissu fibreux, irrégulièrement envahi par la tubercu-

lose.

Histologiquement l'aplatissement de la moelle est évident; dans la région

cervicale inférieure, les cornes, absolument aplaties d'avant en arrière, surtout à

gauche, présentent de nombreuses cellules aplaties, presque lamellaires, avec

chromatolyse diffuse et pigmentation légère. On remarque une sclérose diffuse de

la pie-mère et de la névroglie, celle-ci surtout marquée au niveau des cordons

de Goll ; pas de gaînes dilatées ni de cylindres-axes tuméfiés ; les vaisseaux san-

guins partout bien perméables, quoique de calibre un peu réduit. Le canal épen-

dymaire est remplacé par un amas de cellules polymorphes, aplati d'avant en

arrière, sans lumière ni parois. Les racines sont bien plus englobées par le

tissu épidural à gauche qu'à droite ; elles présentent un épaississement con-

sidérable de la névroglie, avec atrophie des fibres nerveuses, dont les cylindres-

axes sont irrégulièrement tuméfiés.

xix ' 35

526 ' ALQUIER

A distance, on trouve, au-dessus,une pâleur diffuse de la partie centrale des

cordons postérieurs, disparaissant presque complètement vers C 11. Dans la ré-

gion lombo-sacrée, pas de lésion dégénérative nette, mais un épaississement des

méninges avec infiltration de polynucléaires. Cellules nerveuses en état de

légère chromatolyse avec pigmentation.

Des fragments de l'écorce cérébrale (circonvolutions pontale et pariétale

ascendantes gauches) ne présentent que des lésions insignifiantes de quelques

cellules.

OBS. X (n° 877 ? Carie minime de la face postérieure des corps des Ve et VIe

vertèbres cervicales : foyer épidural comprimant nettement les racines el,

à un degré plus léger. la moelle. Evolution en 6 mois 1/2 ; douleurs rndicu-

laires des membres supérieurs ; à la période terminale, syndrome de Brown

Séquard aux membres inférieurs.

Homme de 47 ans. A 38 ans, pleurésie ayant duré 8 mois. A 47 ans, tortico-

lis gauche, avec douleurs irradiées, d'abord dans le bras gauche, 2 mois après

dans le droit également. 4 mois après le début, il entre dans le service de

M. le professeur Raymond où on constate : Mal de Pott avec gibbosité cervico-

dorsale douloureuse au palper et à la percussion ; il évite tout mouvement de

la tête, qu'il tient inclinée en avant et à gauche, et des membres supérieurs,

qu'il tient croisés, et ne peut se coucher dans un lit à cause de la douleur : il

passe ses nuits sur un fauteuil ; les branches collatérales et terminales du plexus

brachial sont douloureuses à la pression; l'examen électrique pratiqué par

M. Huet montre à gauche : DR partielle dans le deltoïde,le triceps, le brachial

antérieur, le long supinateur ; trous dans le triceps, l'extenseur commun, les

palmaires, pas de D R dans les fléchisseurs des doigts et les muscles de la

main, non plus que dans le trapèze et le rhomboïde. A droite, réactions bien

conservées, sans DR.

Rien aux membres inférieurs : pas de troubles sphinctériens ; examen oph-

talmoscopique négatif ; tuberculose pulmonaire.

Quelquesjours plus tard,le membre inférieur gauche s'affaiblit ; en trois jours,

il se paralyse complètement; les réflexes sont forts, avec signe de Babinski bi-

latéral ; à droite,hypoesthésie de toute la partie du corps située au-dessous d'une

horizontale passant à mi-hauteur entre l'aisselle et la clavicule. En même temps

on constate une forte albuminurie; la température s'élève progressivement et

atteint 40 degrés le soir du quatrième jour. Mort le lendemain.

Autopsie. Pas de tuberculose pulmonaire.La face postérieure des corps des

Ve et VIe vertèbres cervicales présente deux petits foyers de carie superficielle

(pl. LXXVIII, fig. 1) ; à leur niveau, l'espace épidural renferme des masses de

fongosités d'aspect lardacé, collées à la face externe de la dure-mère. A gauche

ces masses atteignent un développement assez considérable et englobent les 5e et

6e racines ; à droite, elles sont moins développées,entourent incomplètement les

racines. La face interne de la dure-mère est complètement respectée; les mé-

ninges molles sont légèrement épaissies, d'aspect trouble opalescent, sur toute

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière T. XIX. PI. LXXVIII

Fig. 1

Fis. 2

MAL DE POTT

(L. Alquier).

Masson & Cie, Editeurs

Ph"...t ? u..rw ? a o....

QUINZE AUTOPSIES DE MAL DE POTT CHEZ L'ADULTE 527

la hauteur de la moelle, et présentent, çà et là, quelques adhérences avec la

dure-mère, décollables la plus légère traction.

Au niveau des 5° et 6° segments cervicaux, la moelle est léèrement compri-

mée ; la substance grise est déjetée à droite.

Elude histologique. Au niveau des 5e et 6e segments cervicaux, la moelle

aplatie, d'avant en arrière dans sa moitié gauche, présente un début de myé-

lomalacie dans les deux cordons latéraux et dans la zone de Lissauer droite,

immédiatement au-dessus du maximum de la compression (fit et 5° segments) ;

au niveau de cette dernière (6e segment), le côté gauche seul présente des

lésions de désintégration sous-méningée irrégulière, avec tuméfaction des gaî-

nes de myéline et des cylindres-axes ; les cellules des cornes antérieures, glo-

buleuses, sont en état de chromatolyse avec pigmentation ; le canal est repré-

senté par un amas irrégulier de cellules polymorphes, sans paroi ni lumière

reconnaissables : les racines droites et l'antérieure gauche semblent saines ;

la postérieure gauche renferme des cylindres-axes irrégulièrement tuméfiés ; la a

myéline ne se colore pas bien par les méthodes de Pal et de Marchi mais sans

dégénération nette, la névroglie est irrégulièrement épaissie. Au-dessous de

la compression (7° segment), au niveau du cordon antéro-latéral droit, la super-

ficie delà moelle est saillante, tuméfiée, avec dilatation des gaînes myéliniques,

tuméfaction des cylindres-axes, désintégration de la névroglie : les racines gau-

ches et les cellules nerveuses offrent les mêmes lésions que dans le 6e segment,

mais seulement plus légères.

Partout ailleurs, la moelle et les racines sont saines : pas de lésions d'au-

cune sorte ; cependant dans la région lombaire supérieure, les gaines lympha-

tiques périvasculaires apparaissent dilatées, mais sans leucocytes : le canal

épendymaire est rempli d'éléments embryonnaires.

Aucune lésion dégénérative au-dessus ou au-dessous du siège de la compres-

sion.

Les centres nerveux supérieurs (cerveau, cervelet, bulbe, protubérance) pa-

raissent sains à l'oeil nu et au microscope.

Ons. XI (n° 890). Mal de Polt sans gibbosité, détruisant complètement le

corps de la III9 vertèbre dorsale.- Foyer épidural englobant les deux pre-

mières paires dorsales, surtout gauches Cliniquement : pamplégie spasmo-

dique des membres inférieurs, troubles sensitifs et sphinctériens, inégalité

pupillaire. Evolution en 4 mois 1/2.

Femme de 48 ans. Début par des crises de douleurs lancinantes, cervico-

dorsales, avec irradiations le long du rachis. 3 mois plus tard, la jambe gauche

devient raide et se paralyse, puis la droite se prend à son tour. 8 jours après,

rétention brusque des urines, nécessitant le cathétérisme ; au bout de 15 jours,

s'y joint l'incontinence des matières dont l'émission n'est plus perçue. La ma-

lade entre alors à la Salpêtrière.

A l'examen, on constate : paraplégie complète des membres inférieurs, très

spasmodique, avec exaltation des réflexes, signes de Babinski et d'Oppenheim

particulièrement nets à gauche ; abolition complète des sensibilités superficiel-

528 ALQtJIER

les et profondes, au-dessous d'une ligne horizontale,passant par la 6e dorsale.

Rien aux membres supérieurs ni à la face ; myosis gauche ; pas de signes pul-

monaires. Escarre fessière vaste et profonde ; fièvre à grandes oscillations

montant progressivement jusqu'à 39°2. Hématuries répétées. Mort un mois

après l'entrée à l'hôpital sans avoir présenté de gibbosité.

Autopsie . Femme très obèse. Pas de tuberculose viscérale ou ganglion-

naire. Foie et reins amyloïdes..

Rachis. - Le corps de la hop vertèbre dorsale est entièrement détruit par un

foyer tuberculeux ancien, représenté seulement par des fongosités rouges, non

caséeuses ; la destruction empiète sur les deux corps immédiatement voisins.

En avant, existe un abcès tuberculeux du volume d'une noix, enkysté dans

une coque fibreuse épaisse, indépendant des viscères médiastinaux, et conte-

nant les mêmes fongosités rouges, sans pus ni caséum.

Dans le tissu épidural, des fongosités rouges s'étalent sur la face antérieure

de la dure-mère au niveau des deux premières paires dorsales, qui sont étroi-

tement englobées à droite, moins nettement à gauche. Quelques fougosités

semblables existent devant les VIIIe racines cervicales (pl. LXXVIII, fig. 2) ;

la face interne est partout saine, sans adhérences avec les méninges molles.

La moelle n'est ni comprimée ni déformée.

Les centres nerveux supérieurs sont sains, macroscopiquement et histologi-

quement.

Histologiquement, au niveau du foyer, et jusque dans le VIIe segment cer-

vical, on trouve des signes de myélite diffuse légère ; désintégration diffuse des

fibres nerveuses, dont les gaines de myéline ne se colorent presque plus au

Pal, et prennent au contraire une coloration noire par le Marchi avec nom-

breuses boules irrégulières de myéline, et corps granuleux. Les lésions sont

plus accentuées à droite, et ne s'accompagnent pas de la tuméfaction irrégu-

lière des gatnes myéliniques et de leurs cylindres-axes. Cellules nerveuses à

peine touchées ; très légère chromatolyse, peut-être ébauche d'aplatissement

dans le sens antéro-postérieur. Pas de sclérose névroglique ; méninges et vais-

seaux sanguins intacts : grosse dilatation des gaînes lymphatiques des veines

juxta-épendymaires ; canal épendymaire rempli d'éléments polymorphes. Ces

deux dernières altérations se retrouvent, à un degré moindre, dans la moelle

lombaire.

Les racines postérieures du côté gauche présentent, au niveau du foyer épi-

dural, un certain degré d'épaississement de la névroglie.

Au-dessus du foyer tuberculeux, légère dégénérescence des cordons de

Goll ; au-dessous, dégénérescence très légère du pyramidal croisé particulière-

ment nette dans la partie inférieure (lombo-sacrée) du faisceau.

Dans ces 3 cas, la compression osseuse faisait défaut ; la moelle, dans

- l'observation IX, est fortement infléchie au niveau de la gibbosité, mais

non comprimée par elle.

Au contraire, le foyer épidural comprime et déforme nettement la

moelle, dans les observations IX et X.

QUINZE AUTOPSIES DE MAL DE POTT CHEZ L'ADULTE 529

Les racines sont englobées dans les trois cas, elles présentent des lésions

histologiques dégénératives d'intensité variable, mais plus marquées pour

les racines postérieures.Il est difficile de dire exactement quelle part revient

aux lésions des racines et aux lésions des cellules motrices dans la patho-

génie des troubles moteurs des membres supérieurs (atrophie musculaire,

dans l'observation IX, réaction de dégénérescence dans l'observation X).

A l'autopsie, en effet, l'englobement des racines paraît tout aussi marqué

dans l'observation XI, pour les deux premières paires dorsales, et cepen-

dant, il n'y avait dans ce cas, aucun autre signe clinique de compres-

sion du plexus brachial inférieur, que le myosis gauche.

Histologiquement,dans l'observation IX les cellules des cornes antérieu-

res et les racines sont altérées ; dans l'observation X les cellules sont glo-

buleuses avec chromatolyse et pigmentation, lésions d'apparence banales;

les racines antérieures, paraissent saines. Comment expliquer la réaction

de dégénérescence musculaire observée cliniquement ?

Quant aux racines postérieures, elles sont atteintes dans les trois cas,mais

sans que leurs lésions, d'ailleurs d'aspect récent, aient encore détermi-

né des dégénérations ascendantes des cordons postérieurs.

Dans la moelle (Obs. X),les lésions « d'oedème » sont très manifestesau-

dessus et au-dessous dupointde compression,plut8tqu'ci son niveau même ;

elles font totalement défaut dans les observations IX et XI, et pourtant

l'évolution clinique n'avait duré que mois environ pour l'observation XI

contre 6 et demi pour l'observation X.

Pour la seconde fois, nous trouvons, dans l'observation IX, de nom-

breuses adhérences entre la dure-mère et les méninges molles, princi-

palement dans la région lombo-sacrée ; ici encore, les méninges molles

présentaient les lésions de l'inflammation banale, avec accumulation au-

tour des vaisseaux, de nombreux polynucléaires. Ici, comme dans l'ob-

servation IV, le malade avait une vaste escarre fessière.

Remarquons enfin les nombreuses différences que présente le tableau

symptomatique dans ces trois cas, où cependant le siège des lésions épi-

durales et médullo-radiculaires est presque au même niveau.

IV. Cas complexes.

Nous mettons à part quatre observations, à cause de leur complexité ;

dans les trois premières, les malades étaient en même temps syphiliti-

ques, et on verra combien il est difficile de distinguer chez eux les symp-

tômes et les lésions du mal de Poil et de la syphilis ; dans la 4e, une ménin-

gite cérébro-spinale terminale, ayant les allures cliniques de la méningite

tuberculeuse, vient compliquer l'interprétation des lésions.

Voici, le plus brièvement possible, ces observations :

530 ALQUIER

Cas avec syphilis. ,

OBS. XII (n° 862). - dlal de Pott dorsal inférieur se traduisant par de simples

douleurs névralgiformes lombo-sacrées, et succédant à des accidents de

syphilis spinale.

Homme de 41 ans. Il s'agit d'un malade syphilitique ayant présenté, depuis

un an, des accidents de syphilis spinale, qui avaient disparu depuis plusieurs

mois sous l'influence du traitement spécifique, lorsqu'il fut pris de douleurs dor-

solombaires exagérées parla marche, les trépidations, les mouvements du tronc

Il constata alors l'existence d'une gibbosité dorso-lombaire. Admis à la Salpê-

trière,il y demeura 6 mois présentant seulement des douleurs névralgiques dans

le domaine des plexus lombaire et sacré, avec signes d'une névralgie sciatique

double. Il mourut au bout de 6 mois de tuberculose pulmonaire, avec amaigris-

sement et fièvre.

Autopsie. Broncho-pneumonie caséeuse : effondrement des XIe et XIIe

vertèbres dorsales avec gibbosité anguleuse et présence d'un éperon osseux

saillant dans le canal rachidien dont il diminue (notablement) le diamètre an-

téro-postérieur (V. la radiographie, pl. LXXIX, fig. 1) ; une section médiane

antéro-postérieure du rachis montre que cet éperon ne fait qu'effleurer la moelle,

qui n'est pas déformée, seulement coudée.

Dans l'espace épidural, foyer tuberculeux en activité, englobant les racines

lombo-sacrées. Le foyer remonte plus haut que la lésion osseuse. Quoique très

étalé, ce foyer n'a qu'une épaisseur minime et ne semble pas pouvoir comprimer

notablement les racines ni les vaisseaux. Les méninges molles n'adhèrent à la

dure-mère qu'au point correspondant à l'arête osseuse.

Il semble qu'on puisse, au microscope, distinguer deux ordres de lésions :

a) Des lésions probablement syphilitiques : épaississement dans la région

lombo-sacrée des méninges postérieures, avec sclérose notable des leptomé-

ninges, au niveau des nerfs radiculaires, particulièrement de la 1" lombaire

qui présente une ébauche de lésions dégénératives ; la 2e racine cervicale

gauche est, de même, englobée dans un tissu très dense avec multiplication

discrète des noyaux.

b) Des lésions probablement tuberculeuses se réduisant au foyer épidural et

à, l'englobement des racines. Quelques fibres des cordons postérieurs dans la

région sacrée prennent le Marchi un peu plus intensément qu'à l'état normal ;

le canal épendymaire est oblitéré, rempli de cellules polymorphes. Chroma-

tolyse légère des cellules nerveuses, les vaisseaux sont dilatés, pleins de sang.

Ces. XIII (n° 798). Mal de Poil dorsal chez une syphilitique probable,

lésions tabétiformes dans la région lombo-sacrée.

Femme présentant depuis t'age de 30 ans un mal de Pott dorsal avec gibbo-

sité. A 50 ans, douleurs vagues dans les memhres supérieurs, affaiblissement

progressif des inférieurs; un mois plus tard, rétention des sphincters pendant t

quelques jours ; 2 mois après le début, admission il la Salpêtrière où on cons-

tate une cyphose dorsale moyenne indolore : paralysie flasque des membres iu-

NOUVELLE Iconographie de la SALPÊTRIÈRE. T. XIX. Pl. LXXIX

Fig. 1

ng

21t ! r. zut

.

mi

Fig. 2

Fig. 3

QUINZE AUTOPSIES DE MAL DE POTT CHEZ L'ADULTE 531

férieurs complète à droite, moins intense à gauche, mais avec signe de Babinski

bilatéral sans amyotrophie. Signe d'Argyll,troubles sphinctériens par moments.

Escarre fessière, fièvre, mort.

Autopsie. - Tuberculose pulmonaire ancienne. Mal de Pott avec destruc-

tion du 4e corps dorsal, lésions des 2 voisins, gibbosité angulaire.

Au niveau des 6e-7e paires cervicales (pl. LXXVII, fig. 1), un gros tubercule

ancien est contenu dans un tissu de sclérose situé dans l'espace épidural ; les

racines, englobées dans ce tissu semblent tiraillées, élongées ; la moelle est

nettement déprimée par le tubercule. La face interne de la dure-mère est in-

tacte, non envahie par la tuberculose et libre d'adhérences avec les méninges

molles.

Histologiquement, méninges molles épaissies, ne présentent quelques élé-

ments embryonnaires que dans les culs-de-sac méningés des racines englobées

par la sclérose.

Au niveau du foyer tuberculeux, dilatation irrégulière des gaînes myélini-

ques, avec tuméfaction des cylindres-axes, sclérose névroglique, et lésions dé-

génératives au-dessus et au-dessous.

Dans toute la hauteur de la moelle, cellules nerveuses globuleuses ; ébauche

de chromatolyse avec pigmentation.

Dans la région sacrée, lésions dégénératives des cordons postérieurs,diffuses,

mais avec prédominance pour les zones radiculaires. En dehors de la moelle,

les racines paraissent intactes.

Cas. XIV (n° 870). Tuberculose vertébrale dorsale ancienne : tubercule

épidural de la région cervicale. Tabès incipiens lombo-sacr, probable.

Homme de 36 ans, a eu un chancre qualifié de mou. A 36 ans, il tousse, mai-

grit, perd ses forces. Au bout de 3 mois, s'établit en 3 jours une paraplégie

incomplète des membres inférieurs, avec paresthésie des membres inférieurs,

rétention et incontinence des réservoirs.

On constate : paraplégie presque complète à droite,moins marquée à gauche,

avec abolition des réflexes. Babinski douteux, soubresauts musculaires à droite;

hypoesthésie pour toutes les sensibilités (superficielles et profondes) remontant

jusqu'à la base du thorax ; le tronc est raide, ses mouvements douloureux; il

existe des douleurs thoraciques vagues; au palper les apophyses épineuses

sont douloureuses de la Ville à la Xle .Au cou,adénopathie «scrofuleuse». Signe

d'Argyll avec quelques secousses nystagmiforl1les. Hésitant entre syphilis et

tuberculose, on pratique une injection de calomel.

Aggravation rapide. Mort subite quelques jours plus tard (4 mois environ

après le début de l'amaigrissement).

Autopsie. Congestion pulmonaire, petits tubercules anciens. Intégrité

des centres nerveux supérieurs (même au microscope) ; pas d'amyotrophie.

Rachis : de la VIe à la VIIIe dorsale, foyer de carie ancienne au centre des

corps vertébraux s'ouvrant en plusieurs endroits dans le canal rachidien ; sur la

partie postérieure du VIe corps,foyer tuberculeux en activité, se prolongeant dans

dans l'espace épidural, où on trouve (pl. L1XIX, fig. 3, face antérieure de la

532 ALQUIER

moelle : ug. 2 face postérieure) deux masses lardacées englobant les racines et

entourant presque complètement la moelle, qui n'est nullement déformée.

Quelques adhérences légères unissent les méninges molles à la dure-mère au

niveau des 60 racines dorsales (maximum du foyer épidural).

Histologiguement le foyer épidural a la structure d'un tubercule en activité ;

à son niveau ( ? 7° dorsales), la moelle est atteinte de sclérose névroglique dif-

fuse,prédominante à la partie antérieure des cordons antérieurs et postérieurs.

Dans les cordons latéraux, un certain nombre de gaînes myéliniques très dila-

tées avec cylindres-axes tuméfiés semblent avoir repoussé les parties voisines et

refoulé l'une contre l'autre les cornes postérieures. Mêmes lésions, mais plus

légères,dans la partie superficielle des cordons postérieurs. Canal central oblitéré,

cellules nerveuses globuleuses avec chromatolyse et pigmentation dans toute

la hauteur de la moelle, sclérose des méninges molles. Vaisseaux largement

remplis de sang, plutôt dilatés. Lésions dégénératives diffuses au Pal et au

Marchi.

Dans la région lombaire, légères lésions dégénératives au Pal et au Marchi

des racines postérieures ; dans les cordons postérieurs, dégénération nette,

respectant la zone commissurale et la partie marginale des cordons postérieurs.

Dans la région cervicale supérieure, on trouve, au niveau des cordons pos-

térieurs, deux zones dégénérées : 1° l'une à la partie interne des cordons de Bnr-

dach, semble correspondre aux lésions médullo-radiculaires situées en regard

du foyer tuberculeux ; 2° l'autre occupe la partie médiane des cordons de Goll ;

séparée par une bande de tissu sain de la précédente, elle semble correspondre

aux lésions lombo-sacrées (Tabes incipiens ? ).

On voit combien il serait difficile de tenter, dans ces trois cas,de dire ce

qui revient à la syphilis ou à la tuberculose : le problème est particulière-

ment complexe, pour le dernier cas, où les troubles nerveux semblent

indiquer l'évolution simultanée d'un tabès incipiens bien probable ana-

tomiquement et d'un mal de Pott ;.dans l'observation XII nous voyons, au

contraire, ce dernier succédera la syphilis, que l'anatomie pathologique

montre presque éteinte ; en tout cas., sans infiltrations péri vasculaires. Les

lésions tabéti formes sont douteuses dans l'observation XIII.

Dans ces cas, trois les lésions observées au niveau du foyer épidural ne

diffèrent pas notablement de celles observées dans le mal de Pott simple ;

' il semble que les deux maladies aient évolué parallèlement sans influer

beaucoup sur leurs lésions réciproques.

Cas avec méningite, probablement tuberculeuse.

Uns XV. Mal de Pott dorsal. Guérison apparente après 8 mois d'immo-

bilisation. 15 jours plus tard méningite tuberculeuse. '

Jeune fille de 18 ans. A 16 ans, à la suite d'une chute sur le dos, fréquents

maux de reins, déviation vertébrale : 18 mois plus tard, après une chute sans

cause (paraplégie brusque) pour mal de Pott par l'immobilisation complète;

QUINZE AUTOPSIES DE MAL DE POTT CHEZ L'ADULTE 533

8 mois après guérison apparente. Mais, la jours plus tard, se déclare une mé-

ningite tuberculeuse rapidement mortelle.

Autopsie. Tuberculose pulmonaire et des ganglions trachéo-bronchiques.

Méningite cérébro-spinale des méninges molles, sans tubercules nets. Foyer de

carie sur le corps de la Xe vertèbre dorsale, limité à sa face postérieure, et

pointant vers l'espace épidural, qui n'est pas nettement envahi.

Au devant de la dure-mère, collé à elle, est un tissu de sclérose sans tuber-

cules, contenant de nombreux vaisseaux sanguins artériels et veineux, remplis

de sang, et largement perméables ; en dehors de la dure-mère, les racines cor-

respondantes à la lésion osseuse sont englobées par un tissu inflammatoire,

avec nombreux lymphocytes, sans tubercules. Les méninges molles, spinales et

radiculaires sont infiltrées de nombreux lymphocytes : cette infiltration se pro-

page autour des vaisseaux à l'intérieur de la moelle et des racines. La moelle

présente de légères lésions d'oedème et un foyer de myélomalacie étendu sur

une hauteur de plusieurs segments au niveau des cordons postérieurs à la

région dorsale moyenne.

' Tels sont les faits : leur interprétation soulève deux questions princi-

pales : 1° quelle est la genèse et la signification des lésions nerveuses ob-

servées ; 2° quelles indications pratiques peut fournir la confrontation des

symptômes et des lésions ?

1° Genèse et signification des lésions osseuses.

Compression osseuse. - Trois fois, un éperon osseux représenté par

le bord postérieur d'un corps vertébral détruit et effondré dans sa par-

tie antérieure, venait faire dans le canal rachidien, une saillie notable,

dont l'action sur la moelle, variait d'un cas l'autre.

Obs. XII : la saillie formée par la XIIe dorsale, bien que réduisant envi-

ron de moitié le diamètre antéro-postérieur du canal rachidien, ne dé-

terminait qu'une légère coudure de la moelle, sans lésions nettes au mi-

croscope. 1

Obs. II : la saillie osseuse est sur la XIe dorsale; la coudure et la

compression de la moelle sont nettes, et déforment la partie antérieure de

la moelle. Mais il est impossible de préciser la part qui revient dans la

genèse des lésions, à la compression osseuse et à la présence des lésions

épidurales. '

Obs. I. : la saillie de. la VIe dorsale, aplatissant la moelle contre les

arcs postérieurs, réduit déplus de moitié, son diamètre antéro-posté-

rieur ; la dure-mère n'est pas nettement épaissie ; on serait tenté de con-

sidérer ce cas comme un fait de compression osseuse pure. Mais la dure-

mère est réunie à l'os par de nombreux tractus fibreux denses qui pour-

534 ALQUIER

raient représenter un foyer tuberculeux épidural guéri actuellement,

mais susceptible peut-être d'avoir, à un moment donné, contribué à la ge-

nèse des lésions médullaires.

Ainsi donc, même dans les cas de compression osseuse évidente, il est

difficile d'éliminer les autres facteurs et de préciser la part qui revient,

dans la genèse des lésions nerveuses à la compression osseuse,

Il convient cependant de~remarquer que celle-ci, nette 3 fois sur 15,

c'est-à-dire, dans un cinquième de nos cas, est loin de représenter un élé-

ment négligeable. '

Dans les autres cas, il ne saurait être question de compression osseuse.

Compression par le foyer épidural. - Cinq fois, le foyer épidural

comprimait et déformait nettement la moelle. -

Obs. VI : elle est comprimée latéralement et prend la forme d'une

prisme triangulaire à arête antérieure. Au point ainsi comprimé, existe une

myélomalacie complète (V. pl. LXXVII, fig. 1).

Obs. V, IX, X : la partie antérieure ou inléi-o-Iiléralegauclie est plus

ou moins nettement déformée.

Obs. XIV (pl. LXXIX, fig, 2) : un gros tubercule, entouré d'une coque

fibreuse épaisse qui le fixe aux racines, incurve la moelle cervicale. en

arc à concavité antérieure, en l'élongeant en quelque sorte,sur ses racines.

L'oedème médullaire est très net dans l'observation immédiatement

au-dessus et au-dessous de la compression, plutôt qu'à son niveau. Dans

l'observation V, les gaînes de myéline étaient dilatées par places, avecépais-

sissement de la névroglie, ces lésions indiqueraient, d'après les auteurs,

l'oedème histologique de la moelle.

La myélomalacie est totale dans l'observation V1, et semble en rapport

avec l'intensité de la compression. Dans les observations V et X, aux points

où « I'oedème » est à son maximum, existe un début de myélomalacie qui

semble bien dû simplement à l'exagération de ces lésions, et ne répond à

aucune distribution vasculaire.

« L'oedème » manquait totalement dans les observations IX et XIV où

les lésions semblent d'ailleurs être d'âge plus ancien.

Lésion des racines. Elles sont toujours englobées par les lésions épi-

durales, dès que celles-ci acquièrent un développement suffisant. Nous

n'avons pas recherché avec assez de soin si elles étaient ou non, compri-

mées dans les trous de conjugaison pour pouvoir tirer des conclusions

fermes, dans tous les cas, mais, le plus souvent, les Irons de conjugaison

nous ont paru sains, pas notablement rétrécis par des fongosités ; la

compression des racines semble se faire, le plus souvent, entre l'os et la

dure-mère.

Il est très difficile de dire à partir de quel degré les lésions périradicu-

QUINZE AUTOPSIES DE MAL DE POTT CHEZ L'ADULTE 535

laires pouvent agir sur les racines ; dans plusieurs cas, nous avons trouvé,

englobées dans le foyer épidural, des racinesqui, cliniquement, paraissaient

indemnes ; dans l'observation VIII, les signes indiquaient une compression

des racines lombo-sacrées, alors que les lombaires supérieures étaient éga-

lement entourées de masses lardacées. Dans le cas XIV l'autopsie montre

les 6e racines cervicales enserrées dans un tissu de sclérose ; cette com-

pression n'avait, cliniquement, déterminé aucun symptôme. '

L'examen histologique nous a montré des lésions variables des racines ;

tantôt, tuméfaction irrégulière des cylindres-axes avec épaississement de

la névroglie, désintégration de la myéline, ou bien sclérose avec atrophie

des fibres nerveuses, et, au Pal et au Marchi, lésions dégénératives. Ces

lésions sont nettes dans les observations I et II (Mal de Pott dorsal avec

compression osseuse), elles apparaissent surtout dans les cas de mal de

Pott lombaire ou cervical. '

Il nous est difficile d'apprécier exactement l'importance des lésions des

racines antérieures ; remarquons seulement que, dans l'observation VII,

l'examen des nerfs et des muscles, pratiqué par Rossi, lui a montré des

lésions d'atrophie musculaire dans plusieurs des muscles innervés par le

plexus sacré.

Pour les racines postérieures qui, cependant, paraissent, d'ordinaire

plus atteintes que les antérieures, trois fois seulement (obs. 1, VIII, XIII)

nous voyons dans les cordons postérieurs, des lésions de dégénération

ascendantes, en rapport, par leur siège et leur intensité, avec les lésions

des racines.

Les ganglions spinaux n'ont pu être examinés que dans un trop petit

nombre de cas, pour que nous puissions rien dire, d'une manière générale,

de leurs altérations ; celles-ci étaient peu considérables, dans les cas exa-

minés.

Lésions des méninges molles. - Jamais nous n'avons vu les lésions tu-

berculeuses franchir la dure-mère directement, en regard du foyer osseux ;

toujours elle leur a opposé une barrière suffisante ; les méninges molles

étaient, dans tous nos cas, sauf deux, respectées, sans tuberculose ni in-

flammation en activité ; parfois seulement, elles sont un peu épaissies,

scléreuses, et l'on trouve parfois, quelques adhérences filamenteuses entre

la dure-mère et les méninges molles, au niveau du maximum des lésions

épidurales.

Deux fois,au contraire (obs.IV et IX),nois avons constaté des adhérences

nombreuses, entre la dure-mère et les méninges molles, qui présentaient les

lésions de l'inflammation aiguë avec infiltration massive de polynucléaires

et, ça et là (Obs. IV), des tubercules jeunes. Il s'agit évidemment d'une

lepto-méningite par infection secondaire, peut-être due à l'escarre fes-

sière : les tubercules, d'apparence jeune, en pleine activité semblent de

536 ALQUIER

formation récente. Il est possible que l'infection banale ait ici précédé

la tuberculose, et favorisé l'envahissement'des méninges molles, respectées

dans les autres observations. En tout cas, l'aspect des lésions est bien

différent de celles de l'observation XV, dans laquelle existait une lepto-mé-

ningite tuberculeuse cérébro-spinale ; ici, les méninges molles sont très

pauvres en tubercules, infiltrées de lymphocytes, et non de polynucléaires,

avec de nombreux foyers d'endartérite aiguë, sténosante, qui manquaient

dans les deux faits dont nous venons de parler.'

D'une manière générale, les vaisssaux sanguins étaient dans nos obser-

vations, largement perméables, aussi bien au-dessus qu'au-dessous des lé-

sions épidurales ; même, dans plusieurs cas, ils étaient notablement di-

latés.

Il est évident que, au niveau des lésions tuberculeuses de l'espace épi-

dural, les vaisseaux sanguins sont oblitérés comme dans tout tubercule,

mais il ne semble pas que cette oblitération puisse causer dans la moelle

des troubles circulatoires bien accentués ; nous n'avons pu trouver aucun

parallélisme entre l'état des vaisseaux sanguins de la moelle et les lé-

sions de celle-ci d'une part, et les oblitérations vasculaires au niveau du

tubercule épidural, d'autre part. Une seule fois (obs. 111), dans un cas

compliqué de néphrite chronique avec forte poussée aiguë, chez une artério-

scléreuse, la moelle présentait de petites hémorrhagies, d'ailleurs insi-

gnifiantes. Dans l'observation XV, existait, dans les cordons postérieurs,

un foyer étendu de myélomalacie, peut-être d'origine vasculaire.

Lésions de la moelle. Dans la moelle, nous trouvons, tantôt des lé-

sions « d'oedème »,, tantôt des lésions de sclérose, avec dégénérations,

souvent les deux mélangés. Que penser de la nature de ces lésions ?

Les partisans de leur origine mécanique feront valoir que l'oedème

existe dans l'obervation I, où la compression osseuse est prédominante et

sans lésions tuberculeuses en activité. Mais son degré est loin d'être tou-

jours parallèle au volume du foyer épidural et au degré de la compres-

sion ; dans l'observation X, l'oedème existe aussi marqué au-dessus et au-

dessous de la compression : nous avons vu qu'on ne peut prouver, dans

nos cas, la stase sanguine ni l'ischémie'; la dilatation des voies lymphati-

ques nous a semblé rare et localisée.

Nous n'avons pu, non plus, établir aucune relation entre le degré de

l'oedème et l'âge ou l'activité des lésions tuberculeuses.

Les cellules nerveuses peuvent être aplaties, déformées mécaniquement

lors des compressions de la moelle avec déformation accentuée. Hormis

ces cas, elles nous ont paru saines, lorsque le processus tuberculeux seul

est en jeu ; toutes les fois que nous avons rencontré des lésions tant soit

peu importantes, de chromatolyse, avec ou sans pigmentation, celles-ci

pourraient être attribuées à d'autres causes qu'à la tuberculose rachi-

Quinze autopsies DE MAL DE POTT CHEZ l'adulte 531

dienne. Ceci concorde bien avec ce que nous avions déjà vu dans un

cas de volumineux tubercule protubérantiel (V. Reo. neurol., 1906, p. 325)

où les cellules nerveuses étaient saines, immédiatement en dehors du

processus tuberculeux. ,

Souvent nous avons vu le canal épendymaire remplacé par un amas de

cellules irrégulières polymorphes, sans paroi ni lumière ; nous ne revien-

drons pas sur le cas curieux (obs. VII) de dilatation notable du canal avec

paroi névroglique, que nous avons publié à part in Revue neurologique

(30 décembre).

2° Indications pratiques résultant de la confrontation

des symptômes et des lésions.

Les signes rachidiens : endolorissement à la pression, raideur, ne coï-

cident pas toujours absolument avec le siège des lésions osseuses ; dans

l'obervation V, la douleur spontanée et provoquée, la raideur,semblaient

indiquer une localisation dorso-lombaire, alors que la carie détruisait le

corps de la VIIIe vertèbre dorsale.

Les douleurs rachidiennes du début n'ont pas manqué une seule fois et

constituent l'un des meilleurs signes, précoces. Leur constatation prend

une importance particulière lorsqu'au mal de Pott s'ajoutent ceux d'une

autre affection nerveuse ; dans l'observation XII, la myélite syphilitique

n'avait occasionné aucune douleur rachidienne ; après sa guérison, le mal

Pott était apparu, annoncé, dès son début, par des douleurs rachidiennes.

Les douleurs radiculaires s'ajoutent presque toujours aux précédentes.

Fréquemment, elles prennent, aux membres inférieurs, les caractères

d'une sciatique double ou simple avec laquelle elles sont- souvent con-

fondues.

Ces douleurs radiculaires du début sont, en général, en rapport avec

le siège des lésions épidurales, mais ne peuvent servir de guide permettant

leur localisation exacte.

Les symptômes radiculaires objectifs particulièrement importants quand

le mal de Pott est lombaire ou cervical, ont assurément une grande im-

portance, mais qui d'ordinaire ne peut être précisée exactement. Dans nos

deux premiers cas de mal de Pott cervical, comment distinguer, parmi les

troubles des membres supérieurs, les symptômes radiculaire et les symp-

tômes médullaires, alors qu'une localisation exacte n'est possible, ni pour

les symptômes ni pour les lésions ?

Une seule fois (obs. V) nous avons noté une zone d'anesthésie radiculaire,

isolée entre deux régions où la sensibilité était normale ; cette zone d'anes-

thésie ne coïncidait ni avec la lésion osseuse, ni avec le maximum des lé-

sions épidurales. '

La coexistence variable des lésions médullaires et radiculaires permet

538 1 ALQUIER

de comprendre en partie, la multiplicité des troubles moteurs sensitifs et

sphinctériens, et quelques-unes de leurs variations.

Des troubles médullaires nous dirons peu de chose : . -

La paraplégie spasmodique présente, généralement, une marche irrégu-

lière avec des alternatives d'amélioration et d'aggravation ; dans l'observa-

tion I (compression osseuse) elle avait présenté une marche progressive,

une absence complète de rémissions, enfin, des rétractions musculo-tendi-

neuses,qu'on n'observe pas, d'habitude, au cours du mal de PoU; ces carac-

tères seraient à rechercher dans les cas de compression osseuse intense.

Les troubles sensitifs ont une intensité et un siège des plus variables,

qui sont loin d'être en rapport constant avec le siège, l'intensité, la nature

des lésions nerveuses.

Une fois nous avons noté la dissociation syringomyélique' de la sensi-

bilité (obs. IV) ; une autre fois (obs. X) le syndrome de Brown-Sé-

quard.

On sait combien le pronostic des accidents nerveux du mal de Pott pré-

sente de difficultés ; on ne sait trop sur quels éléments se baser.

Les troubles sphinctériens peuvent disparaître une ou plusieurs fois ;

leur apparition n'indique pas toujours une mort prochaine ; il en est de

même pour l'escarre sacrée. Cependant ces troubles doivent être considé-

rés, d'une manière générale, lorsqu'ils sont intenses, comme un facteur

de gravité ; c'est, du reste, l'avis de tous les auteurs.

La rapide aggravation des symptômes est, également, un facteur de gra-

vité ; en particulier, le pronostic est bien mauvais lorsqu'à une paraplé-

gie intense, apparue rapidement, s'ajoutent à court intervalle les troubles

sensitifs, sphinctériens, l'escarre fessière.

Parmi les troubles viscéraux susceptibles d'aggraver le pronostic, nous

signalerons les complications rénales, qui, sans être recherchés, ont été

trouvées, cliniquement, chez 5 de nos malades, soit dans un tiers des cas.

Il s'agit de néphrite aiguë ou chronique, ou de dégénérescence amyloïde.

Onze de nos malades présentaient d'autres lésions tuberculeuses, en

dehors du rachis, soit cliniquement, soit à l'autopsie seulement. Cette

fréquence (plus de 2/3 des cas) restreint singulièrement la valeur de l'é-

preuve de la tuberculose ou de la séro-réaction de Courmont, que l'on

a proposées comme moyens de diagnostic dans le cas de mal de Pott, sans

signes rachidiens.

Enfin, la radiographie pratiquée, dans l'observation X sur la colonne

cervicale isolée et sectionnée sur la ligne médiane n'a pu, même alors,

déceler la lésion minime existant à la face postérieure des Ve et VIe corps

vertébraux ; c'est dire qu'on ne saurait compter sur elle pour le diagnos-

tic des caries vertébrales limitées à une partie seulement de l'épaisseur

des corps vertébraux.

CLINIQUE MEDICALE DE LAENNEC

SERVICE DE : 11. LE PROFESSEUR L. LANDOUZY.

HÉHASYNERG1E DROITE PAR HÉ111ORRHAGIC DANS LA

SUBSTANCE BLANCHE DE L'HÉMISPHÈRE CÉRÉBELLEUX

DU MÊME COTÉ AVEC DÉGÉNÉRESCENCE HOMO-LATÉ-

RALE PARTIELLE DE L'OLIVE CÉRÉBELLEUSE, DES PÉ-

DONCULES CÉRÉBELLEUX SUPÉRIEURS ET INFÉRIEURS

ET DE L'OLIVE BULBAIRE DU COTÉ OPPOSÉ, SANS DÉ-

GÉNÉRESCENCE MÉDULLAIRE

PAR 1

M. LAIGNEL-LAVASTINE.

Chef de clinique

La rareté des autopsies dans les cas d'hémiasynergie cérébelleuse (1) et

la complexité du système cérébelleux nous ont fait étudier, en coupes

sériées, par les méthodes de Pal et de Marchi, les pédoncules cérébraux, le

cervelet, la protubérance, le bulbe et la moelle d'un homme, dont nous

avons déjà ailleurs (2) présenté l'observation anatomo-clinique.

A la suite d'un ictus, il fut atteint pendant deux ans d'hémiasynergiecé-

rébelleuse droite sans tremblement. La force musculaire était diminuée à

droite.

La station debout n'était possible qu'un instant; le malade accusait

presque constamment des vertiges ; il oscillait sur lui-même les jambes

écartées, sans déplacement des pieds. Il marchait, les jambes écartées, en

festonnant et s'appuyait sur les lits de la salle pour ne pas succomber au

vertige, et, quand il tournait, il serait tombé, si on ne l'avait soutenu.

Les réflexes tendineux étaient moins forts à droite qu'à gauche. Le

réflexe cutané plantaire était en flexion des deux côtés. Le malade disait

moins sentir le contact et la douleur à droite qu'à gauche, alors que la

(1) V. BA1311VSKI, Hèmiasynergxe et hémi-tremblement d'origine cérébello-prolubéran-

lielle. Soc. de Neurologie, 1 février, 18 avril 1901.- BanI,tsKI e1'NAGCOTTa.Hémiasyner-

gie, latéropulsion et myosis bulbaires avec hémianesthésie et hémiplégie croisées.

Nouv. Iconographie de la Salpêtrière, novembre-décembre1902.

(2) A. Vionufoux et Laignel-Lavastine, Un cas d'hémiasynergie cérébelleuse avec

autopsie. Soc, de Neurologie, 6 février 1902.

540 LÀIàNiL-LAVASTINÈ

chaleur était nettement reconnue des deux côtés, mais cette constatation,

est sujette à caution, car le malade était dément. La vue était conservée.

Les pupilles égales réagissaient normalement. L'audition paraissait dimi-

nuée des deux côtés.

Quelques jours avant l'ictus mortel, le réflexe rotulien était rial à droite

et très fort à gauche. Les pupilles étaient en myosis. Pendant l'ictus, la

percussion du tendon rotulien gauche provoquait une contraction forte

du quadriceps droit et aucune contraction du côté gauche, alors que la

percussion du tendon droit produisait une contraction des deux côtés.

A l'autopsie, le cerveau et la moelle étaient sains. Les artères encépha-

liques étaient très athéromateuses.

Une coupe horizontale du cervelet, passant parles olives, montrait que

la partie postéro-externe de la substance blanche de l'hémisphère céré-

belleux droit était détruite par une lésion ovale, longue de 2 centimètres,

large de 1 cent. 5, roux jaunâtre, à bords durs, à fond poussiéreux.

Une coupe horizontale de la protubérance montrait également un foyer

hémorrhagiquequi avait détruit la moitié droite de la partie ventrale.

Pour tirer quelques déductions anatomo-cliniques de cette observation,

nous avons fait l'examen histologique des deux foyers hémorrhagiques

protubérantiel et cérébelleux.

Le foyer protubérantiel était récent. Il fut la cause de la mort.

Le foyer cérébelleux, vieux de deux ans, a entraîné des dégénérescences

secondaires que nous avons suivies dans le cervelet et dans le tronc céré-

bral, au-dessus et au-dessous de cet organe,

1. -- Elude histologique des deux foyers hémorrhagiques,

protubérantiel et cérébelleux.

Le foyer protubérantiel (fig. 9'H) a son maximum d'étendue sur une coupe

de la région protubérantielle supérieure, perpendiculaire à l'axe longitudinal

de la protubérance et passant à 2 millimètres au-dessous du sillon pédon-

culo-protubérantiel. Il occupe la moitié antérieure droite de la partie ven-

trale de la protubérance. Mesurant 18 millimètres dans le sens frontal et 16

millimètres dans le sens sagittal, il ne touche pas la périphérie protubérantielle,

laissant intacte la moitié superficielle de la couche transversale superficielle de

l'étage antérieur du pont, la partie antérieure du pédoncule cérébelleux moyen

et le tiers externe de la substance grise antérieure du pont.

Il s'arrête sur la ligne médiane. Il a détruit la partie profonde de la couche

transversale superficielle de l'étage antérieur du pont, la partie antérieure de

la couche transversale moyenne et la moitié antérieure de la voie pédonculaire

droite. 1 .

Dans le foyer, on ne voit que des hématies fraîches, et nulle part de vieux

pigment hématique.

HËMIASYKERGIE DROITE ta l'

Sur les bords, il n'existe pas de sclérose, ni de réaction leucocytaire.

Il s'agit donc d'un foyer récent. De plus, ce foyer récent ne s'est pas greffé

sur un foyer ancien.

En effet, sur toutes les coupes protubérantielles où le foyer existe, nulle part

on ne voit de reliquat d'une vieille lésion.

En hauteur, ce foyer s'étend depuis la partie inférieure de la région pédon-

culaire, où il cesse brusquement, jusqu'à la région protubérantielle inférieure,

où il n'est plus indiqué que par trois taches d'infiltration sanguine dans les

faisceaux moyens de la voie pédonculaire et la couche transversale moyenne

de l'étage antérieur du pont. A ce niveau, il n'existe autour des nappes sangui-

nes que quelques leucocytes et pas de sclérose. Au contraire, disséminés dans

la protubérance on voit autour de quelques vaisseaux des grains de pigment

hématiques mélangés à des noyaux, noyaux leucocytaires ou noyaux névro-

gliques.

Sur les coupes passant par la partie moyenne de la protubérance, le foyer

hémorrhagique, de forme vaguement triangulaire à sommet antérieur, et à

base postérieure, mesure 14 millimètres dans le sens frontal et 13 millimètres

dans le sens sagittal.

Il est formé par une accumulation récente d'hématies uniformément infiltrées

dans le parenchyme et détruisant plusieurs faisceaux de la voie pédonculaire,

sans trace d'ancienne lésion.

Sur les mêmes coupes, on remarque, immédiatement sous la moitié droite du

plancher du 4e ventricule une artère assez volumineuse thrombosée. Sa lumière

est aux trois quarts constituée par un caillot organisé, où l'on distingue des

leucocytes plongés dans une substance rouge amorphe. L'artère est entourée

d'un mince manchon de cellules migratrices.

Le foyer cérébelleux occupe la moitié postéro-inférieure de la substance

blanche de l'hémisphère droit.

Sur une coupe horizontale passant par les olives, nous avons vu ses dimen-

sions. ! 1 ne touche ni à la substance grise des lobes hémisphériques et du vermis,

ni à l'olive. Il occupe le feutrage sous-lobaire indifférencié des lobes grêle,

quadrilatère postérieur et semi-lunaire.

Sur une coupe parallèle à la précédente et passant à 5 millimètres au-dessus,

il a disparu.

Sur une coupe également parallèle à la précédente, mais passant à 5 milli-

mètres au-dessous, est réduit à un petit foyer allongé antéro-postérieur dans

le feutrage sous-lobaire du lobe semi-lunaire supérieur.

Enfin sur des coupes horizontales encore plus inférieures, on remarque 3

petites hémorrhagies corticales parallèles à la surface de la substance grise,

larges de 1 .millimètre, longues de 3 ou 4, ocreux, jaune rougeàtre, occupaut

le lobe semi-lunaire inférieur et le quart postérieur du lobe grêle.

II. Etude des dégénérescences liées au foyer cérébelleux.

Le temps écoulé entre l'époque de formation du foyer cérébelleux et la mort

xix 36

542 LAIGNEL-LAVASTINE

fut particulièrement favorable à l'étude des dégénérations secondaires par la

méthode de Marchi. Aussi le cervelet, sectionné lors de l'autopsie horizontale-

ment, comme l'indique le schéma précédemment publié (1) a-t-il été débité en

tranches sagittales pour son fragment supérieur et horizontales pour son frag-

ment inférieur. De ces tranches numérotées les unes ont été mises dans la so-

lution de Marchi et les autres laissées dans la liqueur de Muller pour être,après

coupes,traitées par le procédé de Pal. La protubérance,le bulbe et la partie su-

périence de la moelle cervicale ont été de même débitées en tranches perpen-

diculaires à l'axe du tronc cérébral et traitées ensuite alternativement par les

méthodes de Marchi et de Weigert-Pal.

De plus, des surcolorations ont été faites à l'hématoxyline-éosine et au Van

Gieson.

Nous étudierons les dégénérescences visibles sur ces différentes coupes,d'abord

dans le cervelet,ensuite dans le tronc cérébral au-dessus et au-dessous du cer-

velet.

*

1° Dans le cervelet. - Laissant de côté les lésions primitives que nous

avons déjà décrites, nous n'envisagerons que les altérations qui, par leurs

caractères histologiques, granulations noires, régulières, plus ou moins volu-

mineuses mais non poussiéreuses du Marchi,décoloration plus ou moins mas-

sive tranchant sur l'aspect bleu violet des régions voisines au Pal, permettent

d'affirmer une dégénérescence secondaire.

Au premier examen, on remarque immédiatement l'intégrité de l'hémisphère

cérébelleux gauche par rapport à l'hémisphère droit.

Nous n'étudierons donc que l'hémisphère droit sur des coupes sagittales et

horizontales.

a) Coupes sagittales du fragment supérieur. Sur des coupes convena-

blement choisies, on constate les faits suivants :

Sur une coupe de la région de transition entre le vermis et l'hémisphère

cérébelleux droit, intermédiaire entre les coupes S. 5 et S. 6 de Dejerine (2)

on voit l'arbre de vie de la région de transition du cervelet, le pédoncule céré-

belleux inférieur, la branche horizontale de l'arbre dévie médian, et les lobes,

central, quadrilatères antérieur et postérieur. Il existe de grosses granulations

noires de dégénérescence au Marchi dessinant le territoire du pédoncule céré-

belleux inférieur et de grosses granulations dans la partie inférieure et la moitié

postérieure de l'arbre de vie, paraissant correspondre aux fibres semi-circu-

laires internes. Immédiatement au-dessus la partie de l'arbre de vie précédant

la branche horizontale médiane est percée de vaisseaux très dilatés et entourés

de grains noirs (Fig. 1).

Sur une coupe (Fig. 2), passant en dehors de la précédente et intermédiaire

aux coupes sagittales S. 7 et S. 8 de Dejerine, on voit l'arbre de vie du lobe

(1) Vigouhoux et LAIGNEL-LAVASTIIVE, lac. cit., p, ' 134.

(2) V. DRJHRINE, Anatomie des centres nerveux, t. il, f. 1, p. 588.

IIÉMIASYNERGIE DROITE 543

latéral du cervelet, l'olive cérébelleuse, les feutrages intra-ciliaire,extra-ciliaire

et sous-lobaire,les fibres semi-circulaires externes du cervelet et les pédoncu-

les cérébelleux moyen et inférieur. Il existe 4 foyers de dégénérescence. L'un,

en avant, en virgule à tête antérieure, correspond au pédoncule cérébelleux

inférieur (PCI), un second, en arrière, le continuant, mais plus grêle, longe

l'olive cérébelleuse et correspond aux fibres senai-circulaires externes du cer-

velet (FSCE) ; un 3e, au-dessus du précédent, dans le feutrage sous-lobaire

(FSL) ; un 4° enfin occupe les 2/3 antérieurs du feutrage intra-ciliaire

(FIC).

Sur la même coupe grossie il est facile d'étudier la topographie exacte dans

l'olive de la dégénérescence de ce feutrage intra-ciliaire. Les granulations

sont orientées suivant des lignes courbes à concavité aritéro-supérieure.

Sur une coupe passant en dehors de la précédente et correspondant à la

coupe S. 8 de Dejerine, on voit 3 foyers de dégénérescence lFig. 3).

Les deux supérieurs, antérieur el postérieur, correspondent aux fibres semi-

FIG. 1

ric. 2

544 Ü'IGNEL-LAVASTINÊ

circulaires externes (FSCE) et l'absence de dégénérescence dans la partie

moyenne de leur trajet met en évidence la courbe qu'elles décrivent dans le plan

horizontal en plus de leur courbe dans le plan sagittal.

Le 3° foyer occupe les 3/4 antérieurs de la moitié inférieure du feutrage

intra-ciliaire (FIC).

Enfin sur une coupe (Fig. 4), passant en dehors de la précédente et cor-

respondant à la coupe 9 de Dejerine, on ne voit plus que deux foyers de

dégénérescence ; l'un antéro-supérieur, à grosses granulations, indique les

fibres semi-circulaires externes (FSCE) ; l'autre, inférieur, dans la partie

moyenne du feutrage intra-ciliaire (FIC).

b) CoUpes horizontales dû' fragment inférieur. Sur les plus supérieures

de ces coupes on trouve des lésions directement en rapport avec le foyer. Il

est d'ailleurs facile de les reconnaître à l'intensité de la réaction qui les accom-

pagne et à leur peu de propagation et de systématisation. Au contraire les

Fia. 3

Fin. 4

hémiasynergie DROITE 545

dégénérescences secondaires, limitées et systématisées, se suivent facilement

de coupes en coupes.

Sur des coupes convenablement choisies, en allant de haut en bas,on remar-

que les faits suivants : .

Sur les premières coupes,où coexistaient les lésions primaires et les dégéné-

rescences secondaires, nous les étudions successivement.

Sur une coupe (Fig. 5) passant immédiatement au-dessous du laye/' dest1'11C-

li/, dont un prolongement occupe la partie postéro-externe de la substance

blanche, on voit l'olive cérébelleuse centrant la substance blanche limitée en

dehors par le lobe semi-lunaire supérieur, en arrière le lobe quadrilatère posté-

rieur et en avant le lobe digastrique et le flocculus.

Sont sclérosés les territoires des fibres semi-circulaires externes en arrière

et en dehors de l'olive et une bande linéeuse antéro-postérieure séparant la

substance blanche du lobe semi-lunaire supérieur et occupée par le feutrage

sous-lobaire.

En plus de cette sclérose,on remarque,par la méthode de Marchi, 2 ordres.

de foyers granuleux, l'un à grains volumineux et inégaux dans le feutrage sous-

lobaire du lobe semi-lunaire supérieur, indiquant la terminaison du foyer hé-

Fio. 5

546 LAIGNEL-LAVASTINE

morrhagique, et les autres à granulations moyennes et régulières, caractéris-

tiques de dégénérescences secondaires.

Ils occupent les territoires :

4° Des fibres semi-circulaires internes (FSCI) dans le tiers postérieur de

l'olive ;

2° Des fibres semi-circulaires externes (FSCE) en arrière de l'olive ;

3° Des fibres de la pyramide de lllalacarne (FPM), dans un croissant à

concavité antérieure allant de la partie postérieure de l'olive au feutrage sous-

lobaire du lobe semi-lunaire supérieur;

4° Et du pédoncule cérébelleux inférieur (PCI) en dehors de l'olive.

Sur une coupe (fig. 6), passant au-dessous de la précédente, on voit la fin

de l'épanchement sanguin, lamelliforme, dans le feutrage sous-lobaire du

lobe semi-lunaire supérieur. Au niveau de ce foyer il existe une sclérose

adulte très nette,formée de fibres conjonctives mélangées aux hématies jeunes,

aux blocs de pigment hématique brunâtre et aux granulations noires.

Dans l'olive les hémorrhagies sont seulement péri-vasculaires.

Les dégénérescences occupent essentiellement 3 territoires :

1° Le tiers postérieur du feutrage intra-ciliaire (FIC) ;

2° La substance blanche médiane immédiatement en avant de l'olive cor-

respondant au pédoncule cérébelleux inférieur (PCI) ;

3° Et le croissant rétro-olivaire (CRO) aboutissant au feutrage sous-lobaire.

FIG. 6

HÉM1ASYNERGIE DROITE . 547

Sur un coupe (fig. 7) passant au-dessous de la précédente, la substance

blanche diminue proportionnellement au reste de la coupe.

Le foyer sous-lobaire du lobe semi-lunaire supérieur forme une dégénéres-

cence massive.

On distingue de plus 5 foyers : .

Deux antérieurs, l'un externe, l'autre médian, en rapport avec le pédon-

cule cérébelleux inférieur (PCI).

Deux médians, l'un intra-ciliaire, l'autre dans le feutrage extra-ciliaire,

et le dernier dans la substance blanche postérieure.

Sur une coupe (fig. 8) plus inférieure, le foyer de dégénérescence intra-

ciliaire'a disparu.

Plus bas, on distingue encore 3 foyers : l'un antérieur, formé de deux segments

externes et médian, indiquant le pédoncule cérébelleux inférieur , le 2° médian

extra-ciliaire ; et le 3° dans le feutrage soits-lobaire du lobe semi-lunaire

supérieur.

2° Dans le tronc cérébral, au-dessus et au-dessous du cervelet. Sur les

coupes comprenant la partie supérieure de la protubérance et l'origine des

pédoncules cérébraux, il est facile de suivre la dégénérescence ascendante

d'une partie des fibres du pédoncule cérébelleux supérieur.

Ainsi,sur une coupe(fig.9)perpendiculaire à l'axe du tronc cérébral et passant

par l'étage antérieur et la calotte de la région protubérantielle supérieure, on

FIG. 7

Fia. 8

548 LAIGNEL-LAVASTINE

voit le pédoncule cérébelleux supérieur, la formation réticulée, le noyau

central supérieur, le faisceau longitudinal postérieur, le faisceau central de la

calotte,et le ruban de Reil avec les fascicules aberrants de la voie pédonculaire.

Deux foyers de dégénérescence sont évidents au Marchi, l'un à droite, l'au-

tre à gauche.

Le foyer droit (PCSD) dans l'axe du pédoncule cérébelleux supérieur est

formé de 4 lignes se croisant , à concavité antéro-interne et oblique en

avant et en dehors.

Le foyer gauche (PCSG) formant un croissant transversal à concavité

antéro-interne correspond à la partie postéro-externe du pédoncule cérébelleux

supérieur gauche. Ce sont les fibres ascendantes du pédoncule cérébelleux

supérieur droit après décussation.

Dégénérescence descendante du système cérébelleux inférieur. - Sur cou-

pes sériés de la protubérance, du bulbe, et de la moelle cervico-dorsale, il est

facile de suivre la dégénérescence descendante des fibres atteintes parle foyer

cérébelleux.

La grosse lésion est la sclérose de l'olive bulbaire du côté opposé.

Dans la protubérance, par la méthode de Marchi, on ne voit des granulations

de dégénérescence que dans le pédoncule cérébelleux inférieur droit. Par la

Ftc.9 9

NOUVELLE Iconographie de la Salpêtrière T. Zizi. Pl. LXXX

A

Il >j

C

LÉSIONS DE L'OLIVE BULBAIRE

A. Coupe du bulbe; décoloration de l'olive gauche; raréfaction des fibres du corps

restiforme droit.

B. Olive gauche (à un plus fort grossissement) disparition du feutrage cortical ; dimi- ?

± nnrinn ci feutra intn-"livlirf " ' i.iiii.LMM'-J.tlrl^^a^^^a,^

HÉIIfIASYNERGIE DROITE 549

méthode de Pal on ne voit pas de raréfaction appréciable des fibres du pé-

doncule cérébelleux moyen.

A la limite de la protubérance et du bulbe, au Pal, on constate une tache de

décoloration dans le pédoncule cérébelleux inférieur droit, en même temps

qu'on voit un peu de sang diffusé entre ses fibres.

Les coupes transversales du bulbe passant par les olives présentent les lésions

maxima.

Au Pal (PI. LXXX,A) on voit, à l'oeil nu,une tache massive de décoloration

au niveau de l'olive gauche et une légère raréfaction de fibres du corps resti-

tiforme droit. Il n'existe pas de différence entre les fibres arciformes droites et

gauches.

A un plus fort grossissement, on constate dans l'olive gauche la disparition

du feutrage cortical, et des fibres d'intersection qui s'épanouissent dans l'écorce

olivaire et la diminution du feutrage intra-olivaire (Pl. LXXX, B).

La méthode de Van Gieson montre une forte sclérose de l'olive gauche avec

maximum en deux points sous forme de deux foyers scléreux. On voit une

lacune de désintégration autour d'un vaisseau à paroi épaissie.Les cellules ner-

veuses sont diminuées de nombre.Celles qui persistent sont la plupart altérées.

Beaucoup contiennent des vacuoles dans leur protoplasma et du pigment jeune et

souvent leur noyau a subi la migration périphérique (PLLXXX,C). Dans l'autre

olive, au contraire,il n'y a pas de sclérose, pas de foyer scléreux, pas de dimi-

nution de nombre des fibres et des cellules nerveuses. Quelques cellules seule-

ment ont des vacuoles et du pigment jaune. On remarque aussi une petite lacune

de désintégration autour d'un vaisseau.

Dans la moelle cervicale, on ne voit pas de lésions, par les méthodes de Pal

et de Marchi. Il en est de même dans la moelle dorsale,

III. - Remarques azatozo-clinirizces.

Cette observation permet quelques remarques sur la systématisation

des fibres cérébelleuses et le mécanisme de quelques troubles moteurs.

Au point de vue de la systématisation des fibres cérébelleuses, elle est

dans son ensemble conforme à la description classique et dans quelques

détails elle confirme des faits récemment découverts.

Les dégénérations ascendantes dans le pédoncule cérébelleux supérieur r

et son entrecroisement sont classiques et montrent qu'il contient des

fibres dont l'origine est cérébelleuse.

L'absencede dégénérescence du pédoncule cérébelleux moyen s'explique,

puisque ses fibres centrifuges sont les cylindres-axes des cellules de Pur-

kinje. Les dégénérations descendantes dessinent schématiquement, dans

le pédoncule cérébelleux inférieur, le faisceau cérébello-olivaire.

De plus, le peu d'intensité des lésions du corps restiforme droit com-

parées à celles de l'olive bulbaire gauche est conforme aux faits signalés

550 LAIGNEL-LA'ASTINE

par André Thomas (1 ) et est en faveur de l'opinion que la conductibilité se

fait de l'olive vers le cervelet. Dans ces conditions, l'atrophie de l'olive et

du corps restiforme consécutivement à une lésion cérébelleuse doit s'ex-

pliquer en admettant qu'il s'agit d'une atrophie rétrograde.

Enfin notre cas est confirmatif de la description donnée par Babinski

et Nageotte des fibres olivo-7ciliaii-es (2). « Ces fibres, disent-ils, émanant

des deux olives bulbaires,,constituent d'abord les fibres pré,inter et rétro-

trigéminales, puis vont se grouper à la partie profonde des corps resti-

formes, avec lesquels elles pénètrent dans le cervelet. Bientôt elles tra-

versent en réseau les corps restiformes et vont se grouper dans leur angle

postérieur. Elles montent ainsi jusqu'à la partie supérieure du corps ci-

liai're et se recourbent pour descendre entre l'embolus et l'olive, ainsi

qu'à la face interne de la moitié postérieure de l'olive où elles prennent

part au plexus intra-ciliaire. Un certain nombre d'entre elles se dirigent

directement dans la toison pendant leur trajet ascendant. Ces fibres se ter-

minent dans l'embolus et l'olive cérébelleuse, et ne se rendent pas à

l'écorce comme on l'avait supposé. A la dénomination de fibres olivo-cé

rébelleuses, il convient donc de substituer celle d'olivo-ciliaires qui indi-

que leur origine dans l'olive bulbaire et leur terminaison dans le corps

ciliaire du côté opposé. »

Or, sur nos coupes on voit, d'une part, la dégénérescence d'une partie

du feutrage intra-ciliaire dans sa moitié postérieure ; d'autre part,on cons-

state dans l'olive bulbaire du côté opposé, la réaction à distance des cellu-

les nerveuses, et on ne voit pas dans l'écorce cérébelleuse de réaction à

distance des cellules de Purkinje.

Ces diverses constatations nous empêchent donc d'admettre l'opinion de

Kôlliker (3) qui considère le faisceau olivaire du corps restiforme comme

prenant son origine dans l'écorce cérébelleuse et se terminant dans l'olive

homolatérale ; ses fibres seraient les prolongements cylindraxiles des cel-

lules de Purkinje.

Au point de vue du mécanisme des troubles moteurs, l'examen histolo-

gique de ce cas atteste la valeur pathognomonique de l'hémiasynergie

cérébelleuse pour le diagnostic des lésions du système cérébelleux.

Cet examen confirme l'hypothèse que nous avions émise précédemment,

quand nous expliquions l'hémiasynergie par la lésion de l'hémisphère cé-

rébelleux, à l'exclusion de la lésion protubérantielle, qui a tous les carac-

tères macroscopiques d'une lésion récente.

(1) A. Thomas, Thèse de Paris, 1897.

(2) BABINSKI et NAGEOTTE, loc. cil.

(3) IÍ.OELL1KEP., Ilandbuch der Gewebelehra des lvlenschcn, Bd. Il. 1896.

HÉMIASYNERGIE DROITE 551

Babinski et Nageotte (1) admettent dans leurs cas trois lésions explicatives

de l'hémiasynergie et de la latéropulsion : 4° la lésion des faisceaux olivo-

ciliaires ; 2° la lésion unilatérale du faisceau qui met en rapport le noyau

de Detiers avec la moelle, faisceau de Marchi, faisceau cérébelleux descen-

dant ; 3° l'interruption de la voie centripète constituée par le faisceau de

Gowerss.

Dans notre cas,de ces trois lésions la première seule existant,nous avons

tendance à admettre que l'hémiasynergie eut pour principal facteur, la

lésion du faisceau olivo-ciliaire du même côté.

Nous pensons d'ailleurs que ce trouble de l'équilibration cinétique peut

être fonction de lésions siégeant en divers points du système cérébelleux.

. (1) Loc. cit.

MALADIE D DUPUYTREN

ET

ARTÉRIOSCLÉROSE MÉDULLAIRE

PAR

A. JARDINI

Médecin neurologiste de l'Institut des Rachitiques de Milan.

La pathogénie de la maladie de Dupuytren est aujourd'hui ainsi définie.

Dans un certain nombre de cas il s'agit d'une trophonévrose en rapport

avec des lésions de la substance grise médullaire ; dans d'autres cas les

plus nombreux on croit que cette affection est due à des lésions périphé-

riques, enfin elle est considérée comme la manifestation demaladies cons-

titutionnelles diathésiquesou toxi-infectieuses. On admet donc un dualisme

étiologique pour la rétraction palmaire, en opérant une distinction entre

les cas symptomatiques d'altérations nerveuses et les cas dans lesquels on

n'a pu constater aucun rapport entre elle et les lésions du système ner-

veux : le mécanisme de l'affection dans ces derniers cas est, jusqu'à pré-

sent, purement hypothétique.

Les cas de rétraction palmaire dont l'origine trophonévrotique a pu être

sûrement établie, si l'on veut bien tenir compte de la fréquence relative

de ce syndrome morbide, ne sont pas très nombreux ; la clinique explique

leur origine nerveuse par certains arguments comme l'influence hérédi-

taire, le caractère familial, la coexistence d'autres phénomènes nerveux :

l'anatomie pathologique a confirmé les notions cliniques en constatant

l'existence de lésions dans la substance grise médullaire; cependant, on

ne peut considérer toutes ces démonstrations comme suffisantes car, jus-

qu'à présent, elles ne se rapportent qu'à neuf cas.

Les altérations trouvées par tous les auteurs (une observation de Bie-

ganski, trois de Testi, une autre de Shlesinger, une de Neutra, deux de

Oppenheim, une de Perrero) appartiennent à la syringomiélie, de sorte

que la maladie de Dupuytren, d'après ces faits, peut être considérée

comme une manifestation clinique de la syringomiélie.

Il nous est permis, pourtant, de croire que ce très petit nombre de faits

JARD1NI. MALADIE DE DUPUYTREN ET ARTERIOSCLEROSE MÉDULLAIRE 553

positifs n'est qu'une faible partie des cas qui donnèrent lieu à un étude

anatomo-pathologique et qui ne furent pas publiés parce que les consta-

tations avaient été négatives. Quoi qu'il en soit, le caractère même de la

lésion rencontrée fait croire que ces constatations sont très rares parce

que la syringomiélie est une maladie peu fréquente.' '

Enfin, doit-on conclure, à cause de cela, que la rétraction palmaire est

rarement le fait d'un trouble trophique ?

L'objet de cette étude est de prouver, que dans la plupart des cas, cette

interprétation pathogénique est exacte parce que, dans les lésions mé-

dullaires qui peuvent provoquer la maladie de Dupuytren, peut interve-

nir un autre processus morbide, bien plus fréquent que la syringomiélie :

l'artério-sclérose médullaire.

Nul auteur, jusqu'à présent, n'a établi les relations casuistiques entre

l'artério-sclérose et la maladie de Dupuytren. Pic et Bonnamour qui, ré-

cemment ont étudié l'artério-sclérose médullaire au point de vue ana-

tomo-clinique, et Grasset, qui, analysant tous les symptômes méiopra-

giques dérivant des différentes localisations de l'artério-sclérose dans la

moelle, a fait la classification d'une grande quantité de syndromes plus

théoriques que cliniques, n'ont pas fait allusion à la possibilité d'une

artério-sclérose de la substance grise centrale avec ce syndrome.

Celte nouvelle interprétation pathogénique de la maladie de Dupuytren,

en nous permettant d'appliquer la théorie nerveuse à une plus grande

quantité de cas, nous fait comprendre aussi certaines particularités clini-

ques qui se rapportent à leur maladie, par exemple son développement

plus fréquent chez les personnes âgées, avec des manifestations surtout

sclérogènes, telles que la goutte, le diabète, l'arthritisme.

Mais, avant d'aller plus loin, je veux rapporter brièvemeut une obser-

vation.

Observation.

L... P...., 80 ans, industriel. Cliniquement il présente les signes de cardio-

néphro-sclérose avec des accès d'hyposystolie et d'asthme urémique. Les uri-

nes contiennent de l'albumine en certaine qnantité, avec des cylindres hyalins

granuleux et des cellules rénales. A la main gauche il a les difformités typiques

de la maladie de Dupuytren : à la main droite il n'a rien d'anormal. Il persiste

à dire que cette difformité lui est venue rapidement, il y a trois ans. Au

commencement, il a eu des fourmillements à la main ; après, la sensibilité aux

doigts et aux paumes est devenue de moins en moins vive : la peau est deve-

nue froide et cyanotique ; elle est presque toujours en sueur. Les articulations

des phalanges de l'index présentent des lésions de l'arthrite chronique ; sur le

dos de la main et sur les deux côtés il y a des taches ecchymotiques parfaite-

ment symétriques et grandes comme un écu.

Les espaces interosseux sur le dos,. sont amaigris, notamment les 4e et e

S54 JARDIN !

espaces. La partie extérieure de la région hypothénar est aplanie et l'éminence

thénar a l'apparence normale. A l'avant-bras on remarque une pronation ha-

bituelle ; la supination active et passive est limitée. A la face postérieure, le

' cubitus est plus proéminent que dans la normale, et sur la face interne, aussi

bien que sur l'externe, les masses musculaires ont totalement disparu : on peut

toucher directement au-dessous de la peau, l'espace interoseux. Les reliefs des

muscles épicondyliens sont formés par le grand supinateur et par le Ier et le

IIe radiaux qui sont les seuls muscles de la région postéro-externe. La région

épitrochléenne est aplanie dans sa partie la plus latérale et la plus externe t

(Pl. LXXXI, A, A', B).

Position de la main : elle est légèrement fléchie vers le carpe, les trois der-

niers doigts ont la première et la seconde phalange fléchies, et la troisième

étendue ; le second doigt est fléchi dans sa première phalange et étendu dans

les autres. Les trois derniers doigts, placés de cette façon, entrent dans le creux

de la main : le pouce est étendu dans ses deux phalanges avec le l°r métacar-

pien déplacé en avant et en opposition ; il est ainsi en contact avec la seconde

phalange fléchie du troisième doigt, et dans l'angle qu'ils forment il y a l'in-

dex étendu.

Les deux derniers doigts ne peuvent pas s'étendre dans leur articulation mé-

tacarpienne au delà de l'angle droit, le troisième doigt peut être éloigné jusqu'à

former un angle obtus, le second peut-être étendu presque complètement ; la

seconde phalange des deux derniers doigts est fixée dans sa position de flexion.

. Sensibilité : Il y a anesthésie tactile et hypoalgésie dans les parties dorsale

et ventrale des deux derniers doigts et des deux métacarpiens correspondants

et dans les mêmes régions la sensibilité thermique est distinctement diminuée.

Le restant de la main et de l'avant-bras ont une sensibilité normale. La sensa-

tion de la position segmentaire et la sensibililé vibratoire sont normales.

Examen électrique : Avec le courant faradique on trouve : inexcitabilité dans

le groupe des extenseurs des doigts (extenseur commun, extenseur propre de

l'index, extenseur long et court et long abducteur du pouce), du cubital pos-

postérieur ; hypoexcitabilité accentuée du cubital antérieur ; inexcitabilité de

muscles de l'éminence hypothénar et des interosseux, excepté le premier. Le

supinateur, le premier et le second radial, se contractent normalement ainsi

que les muscles de la région antérieure, ceux de l'éminence thénar et le pre-

mier interosseux.

L'exameu avec le courant galvanique nous donne une excitabilité normale des

muscles qui ont une réaction normale à l'examen faradique et une réaction dé-

générative totale des autres muscles (surtout évidente dans les interosseux).

Absence complète des symptômes oculo-pupillaires, réflexes des articulations

supérieures faibles, mais présents ; ceux des membres inférieurs sont normaux.

Autopsie (faite 12 heures après la mort).

Diagnostic anatomique : Aortite chronique avec sclérose myocardique et

artérite des coronaires, emphysème sénile, bronchite diffuse, périsplénite chro-

nique, sclérose rénale intense. La moelle et les nerfs périphériques (radial et

Nouvelle Iconographie DE la Salpêtrière T. XIX. PI. LXXXI

A

A'

B

VIIIe segment cervic.il ; cavité creusée

dans la commissure gauche.

La même cavité vue il un plus fort

grossissement.

Corne antérieure gauche (VII' cerv.).

Sclérose; disparition des groupes cellulaires

sauf le groupe antéro-externe.

Corne antérieure droite (VII* cerv.).

Les groupes cellulaires sont moins

atteints.

MALADIE DE DUPUYTREN ET ARTÉRIOSCLÉROSE MÉDULLAIRE

(Jardilli.)

MALADIE DE DUPUYTREN ET ARTÉRIOSCLÉROSE MÉDULLAIRE 555

cubital) ont été prélevés et fixés dans un mélange de bichromate, sublimé et

formaline.

Les nerfs présentent un épaississement notable du périnèvre et du tissu con-

nectif, disparition d'une quantité de fibres nerveuses, et lésions dégénératives

en activité irrégulièrement reparties.

A la moelle on a fait des coupes sériées du segment VII et VIII cervical et

du le, dorsal, choisissant pour la coloration le bleu polychrome de Unna, après

imprégnation préalable par l'alun ferrique et le Van Gieson. La lésion la plus

importante est celle des artères : partout on voit des lésions péri-endoartériques

et une sclérose péri et paravasale. On voit fréquemment que les espaces péri-

vasaux sont occupés par des leucocytes, ou bien qu'ils sont entourés de places

vides ou pleines de détritus. Les veines et les capillaires sont dilatés.

La pie-mère est très épaissie : et, près de celle-ci, ainsi que près des sclé-

roses périvasales, partent des gros septa conjonctifs qui s'enfoncent dans la

substance médullaire. Les faisceaux postérieurs et latéraux sont sclérosés avec

diminution évidente des fibres. Par ci, par là, dans la substance grise on

trouve de petites hémorragies périvasales. Au niveau du huitième segment cer-

vical, à gauche du canal central, et, plus en bas, dans la première dorsale,

aussi à droite, on voit une cavité creusée dans la substance grise tout

autour d'un groupe de vaisseaux : on la voit à peine à l'oeil nu, mais avec le

microscope on voit qu'elle occupe la plus grande partie de la commissure et

qu'elle est la cause de sa destruction presque complète. On y trouve des

détritus et des leucocytes ; les vaisseaux sont épaissis, mais, cependant, ils

sont perméables. Le contour est formé de tissu épaissi, irrégulièrement dé-

coupé (PI. LXXXI). La cavité, à gauche, s'étend sur tout le huitième segment

cervical et la première dorsale n'ayant que quelques courtes interruptions ; le

canal central est oblitéré et représenté par un petit amas de cellules épendy-

maires. Dans les cornes grises antérieures on voit des cavités périvasales un

peu plus petites. Les cellules radiculaires vont se perdre irrégulièrement de

chaque côté : mais l'atrophie est prédominante dans les groupes cellulaires de

gauche (PI. LXXXI) ( ? ). Dans quelques coupes on ne trouve pas même une

cellule : dans quelques autres elles sont très peu nombreuses, taudis qu'en

d'autres coupes tout près de celles-ci, leur nombre est à peu près normal.

L'irrégularité de la distribution n'est pas seulement à considérer pour le

niveau, mais aussi pour son extension à chaque groupe d'un même plan ; tan-

tôt, c'est le groupe antéro-interne qui en est pris, puis c'est l'externe tantôt

d'un côté, tantôt de l'autre. Enfin, l'examen histopathologique peut se résumer

ainsi : sclérose médullaire diffuse (sous pie-mérienne, périvasculaire), périen-

doartérites, hémorragies miliaires, engorgement capillaire, infiltrations péri-

vasales,'lacunes de désintégration, disparition irrégulière des cellules radicu-

laires.

Le syndrome que le patient nous a présenté est-il vraiment celui de la

maladie de Dupuylren ?

La présence des atrophies musculaires pourrait faire croire à une dif-

S6 JARDIN

formité d'origine myopathique ; et, vraiment la position du pouce est pré-

cisément la position typique de la paralysie des abducteurs et de ses

extenseurs ; mais la position des doigts qui est bien celle de la rétraction

palmaire ne peut être obtenue par aucun déséquilibre dynamique muscu-

laire.

Si nous considérons la connexion qui existe entre la rétraction palmaire

et les lésions médullaires, nous la voyons évidemment dans ce cas, comme

dans les autres cas déjà décrits, sous le nom de maladies de Dupuytren

d'origine nerveuse ; en effet, la lésion nerveuse, sinon par sa nature du

moins par son extension et sa localisation, reproduit parfaitement les'

caractères des lésions indiquées par les autres observateurs. Mon cas est,

lui aussi, susceptible de la même objection qu'on peut faire aux autres :

comment peut-on admettre qu'une lésion de la substance grise periépen-

dymaire puisse donner lieu à la rétraction palmaire, quand on ne connaît

bien ni les fonctions de la première, ni la manière dont se produit la se-

conde ? Naturellement, l'induction ne nous donne pas l'explication des

phénomènes, mais elle nous fait entrevoir les lois grâce auxquelles ils se

produisent; et l'observation répétée de la coexistence des deux faits, suffit

pour établir entre eux un certain rapport. Le rapport apparaît plus claire-

ment si on peut établir une analogie avec d'autres faits bien connus. Or,

dans notre cas, la coexistence de la rétraction palmaire avec une amyotro-

phie et avec des troubles sensitifs et trophiques qui dérivent sûrement des

lésions médullaires, nous permet d'attribuer une valeur causale aux lésions

pathologiques de la moelle dans la production de la rétraction palmaire.

Il nous reste maintenant à démontrer l'origine vasculaire des nombreu-

ses lésions médullaires. On peut s'appuyer sur bien des faits pour expli-

quer l'action dystrophiante de l'artério-sclérose : la sclérose des septa,

les infiltrations et la sclérose périartérielle, l'engorgement de la circulation

veineuse, et aussi la raréfaction des cordons et les atrophies cellulaires

dépendent de l'artério-sclérose médullaire dont ils sont une fréquente

manifestation (Pic etBonnamour).

Mais, l'artério-sclérose ne limitait pas son action à la moelle, parce que

tous les autres orga nés présentaientctiniquementdesphénomenes d'insuffi-

sance fonctionnelle, et à l'examen anatomique des lésions de sclérose dif-

fuse. On pourrait objecter que dans ce cas, ainsi que dans plusieurs au-

tres, des échanges, défectueux ont pris part à la production de la maladie ;

mais l'unilatéralité du processus qui, dans l'espace de quatre ans, n'a pas

même commencé à s'étendre de l'autre côté, ne pourrait pas facilement

s'expliquer par une action toxique circulatoire. La lésion locale en foyer

nous donne l'explication de l'apparition rapide de la maladie (caractère

important des lésions vasculaires), et de sa limitation.

MALADIE DE DUPUYTREN ET ARTERIOSCLEROSE MEDULLAIRE 557 Ï

L'artério-sclérose agit dans la moelle comme dans tous les autres orga-

nes, produisant, avant tout, des troubles de fonctionnement (méiopragies),

et après des lésions organiques durables. A la première période, l'examen

histopathotogique ne montre rien d'anormal et nous laisse seulementprésu-

mer l'altération du fonctionnement de l'organe par la sclérose des artères.

Mais quand la lésion a fait des progrès, on trouve l'explication anatomi-

que du phénomène clinique. Sans doute, lorsqu'il s'agit des régions dont

on connait peu la structure et les fonctions, comme celles de la substance

grise, il est très difficile de faire l'évaluation des altérations qui ne soient

pas très grossières et de faire la démonstration de l'action dystrophiante

artérielle; or, il en découle que les lésions de l'artério-sclérose doivent

,y être plus fréquentes qu'on ne peut le démontrer.

Quoi qu'il en soit, chaque fois qu'on aura déterminé, comme dans mon

cas, le rapport entre ces lésions et l'artério-sclérose, pourquoi ne pourra-

t-on pas dire que celle-ci peut déterminer, dans ces régions, des troubles

fonctionnels, lors même qu'elle n'arrive pas jusqu'à produire des lésions

destructives ? et pourquoi ne pas supposer que la maladie de Dupuytren

n'est, dans bien des cas, que la simple manifestation d'une altération dy-

namique des centres nerveux ?

Le mécanisme de production, de la maladie de Dupuytren serait donc

unique : une altération de la substance grise spinale, qui dépend de cau-

ses variées, dont la plus commune est l'artério-sclérose. La théorie nerveuse

trouve là une confirmation nouvelle et une application plus générale.

Aux arguments cliniques déjà cités à son appui : familialité, hérédité

directe ou alterne (Cardarelli, Vizioli, Guérin, Durel, Tranquilli), coexis-

tence avec d'autres trophonévroses telles que l'asphyxie symétrique

(Luzzatto), le vililigo(Tesli), les troubles vasomoteurs et l'hyperhydrose

(Tranquilli et Testa), et aux rares preuves anatomiques, déjà acquises, de

minutieuses recherches dirigées par cette nouvelle conception pathogéni-

que pourront ajouter une longue série de résultats démonstratifs.

La théorie de l'origine nerveuse périphérique de la maladie de Dupuy-

tren est soutenue seulement par quelques-uns (Eulenbourg, Guinebault et

Cenas). Si dans beaucoup de cas les lésions névritiques manquent, il n'y

a pas de réelles objections contre cette origine, parce qu'on dit, et juste-

ment, que pour la production des lésions trophiques, il n'est pas nécessaire

de constater une suppression de la fonction, mais seulement une altération

de celle-ci, un état d'irritation qui intéresse le seul trophisme; pour cela

même l'objection que les cas de névrite dégénérative ne sont pas accompa-

gnés de rétraction palmaire, ne peut se soutenir. Pourtant, cet état d'irri-

tation, qui devrait être la base du dérangement trophique, ne peut-il pas

avoir une action à travers la moelle, produisant le trouble par une voie ré-

xix 37

558 JARDINI

flexe ? Quoi qu'il en soit, les cas démonstratifs sont très peu nombreux;

celui dont parle Cenas qui, après un traumatisme de la main, villa rétrac-

tion survenir à l'autre main, est tout à fait favorable à la théorie médul-

laire : et, tout en plaidant aussi pour la théorie névritique, il peut être

appliqué à un petit nombre de cas. ,

Le cas que j'ai étudié doit encore être considéré au point de vue des

résultats qu'il ajoute à la connaissance de l'artério-sclérose médullaire

dans ses manifestations cliniques et anatomo-pathologiques, en particulier

pour ce qui concerne les amyotrophies et l'état lacunaire de la moelle.

L'atrophie musculaire dont l'origine est artério-scléreuse et qui n'est pas

accompagnée des symptômes des lésions des voies pyramidales, ne me

semble pas avoir été jamais décrite. Demange qui a fait beaucoup d'études

sur l'artério-sclérose médullaire a parlé d'une foule des symptômes qui en

dépendent, mais non pas d'une variété d'amyotrophie : dans la plupart des

cas il s'agit de scléroses latérales ou combinées et de scléroses latérales

amyotrophiques. Cette dernière forme a dans toutes les observations le type

tonique de Gowers avec prévalence de contractures sur les atrophies. On

peut se demander, dans mon cas, à propos de la pathogénie des atrophies,

si la maladie de Dupuytren n'a pu avoir quelque influence pour les dé-

terminer soit après l'inactivité, soit par action réflexe sur la moelle.

La première possibilité doit être exclue pas le fait que dans mon cas

existait une forte réaction dégénérative et par la distribution irrégulaire de

l'atrophie ; la seconde doit être refusée de même pour des motifs semblables

et pour d'autres encore.En effet,si on voulait l'admettre, on ne pourraitplus

comprendre la rareté des amyotrophies dans la maladie de Dupuytren ; et

encore s'il est vrai que l'expression histopathologique des réflexes sensitifs

et vaso-moteurs anormaux qui produisent les atrophies abarticulaires est

bien souvent une raréfaction du reticulum fibrillaire des substances grises

(Pighini, Beduschi et Jardini), le défaut de cette constatation peut ex-

clure cette hypothèse.

Les atrophies, donc, se rapportent à l'artério-sclérose de la moelle :

leur distribution est suffisante pour faire rejeter l'idée d'une origine péri-

phérique ou radiculaire. Les atrophies musculaires myélopathiques d'ori-

gine toxique, dégénérative, affectent une allure et des caractères bien dif-

férents : il n'arrive jamais qu'un muscle persiste au milieu de la destruc-

tion de tous les autres, la polyomyélite seulement pourrait faire des distri-

butions aussi bizarres, peut-être parce qu'elle aussi a pour fondement

pathogénique des artérites infectieuses.

Sans avoir la prétention de faire d'un seul cas une règle générale, je

voudrais noter comme caractère des amyotrophies d'origine artério-

MALADIE DE DUPUYTREN ET ARTÉRIOSCLÉROSE MÉDULLAIRE 559

scléreuse, toutes ces irrégularités de distribution qui sont la conséquence

de l'irrégularité des lésions artérielles qui la provoquent. En outre on peut

admettre qu'elle est fréquemment accompagnée d'autres symptômes mé-

dullaires, troubles sensitifs et trophiques. Son évolution est aussi carac-

téristique : elle n'est pas fatalement progressive ; au contraire, après un

commencement rapide, elle peut rester longtemps stationnaire, se con-

formant en cela au caractère des lésions vasculaires. L'exposant anatomo-

pathologique est la disparition des cellules radiculaires et la sclérose des

cornes antérieures.

La formation des lacunes dans la moelle est un fait rare contrairement t

aux autres lésions histologiques de l'artério-sclérose médullaire qui sont

très connues. C'est donc ainsi que, dans la plupart des observations on

parle seulement des endopériartérites généralisées, des hémorragies capil-

laires anciennes et récentes, des infiltrations périvasales, des scléroses

fasciculaires diffuses, et, rarement, on fait allusion à la formation des

lacunes.

Leur pathogénie doit avoir une analogie avec celle des foyers de désin-

tégration cérébrale ; à ce propos, Léri, rapporteur au dernier congrès de

Lille sur le « cerveau sénile », reconnaît que des causes différentes peuvent

produire de semblables cavités : hémorragies miliaires, ramollissements

incomplets, scléroses péri et para-vasales.

Ainsi que les foyers de désintégration cérébrale, les lacunes médullai-

res ont pour caractéristique d'avoir, dans le milieu, un vaisseau perméa-

ble entouré par une substance amorphe et par des détritus, dans lesquels

on peut trouver quelques globules blancs et rouges, et d'avoir les bords ir-

réguliers des tissus sclérosés. Leur lieu de prédilection est la substance

grise, et, dans mon cas, la substance grise périépendymaire. Cet état pa-

thologique peut être nommé pour analogie avec la cérébro-sclérose lacu-

naire (Grasset), myélosclél'ose lacunaire.

Les conclusions par lesquelles je veux résumer mon étude, sont :

1° L'artério-sclérose peut causer la maladie de Dupuytren quand elle se

localise dans la substance grise centrale de la moelle.

2° La plupart des maladies de Dupuytren dépendantes de l'arthritisme,

de la goutte, du diabète, du saturnisme, de la sénilité, sont, probablement,

l'effet indirect des échanges altérés, parce que ceux-ci aident l'artério-

sclérose.

3° Il est probable que l'artério-sclérose peut causer la maladie de Du-

puytren, non seulement par les lésions organiques de la substance médul-

laire, mais aussi, et, peut-être, plus fréquemment, par de simples trou-

bles dynamiques.

560 , JARUtKt

4° L'amyotrophie, dont l'origine est l'artério-sclérose, est caractérisée

par une grande irrégularité de distribution et de marche.

5° L'artério-sclérose peut causer dans la moelle des cavités semblables

à celles de la désintégration cérébrale, et. cet état anatomo-pathotogique

peut être nommé myélo-sclérose lacunaire.

BIBLIOGRAPHIE

Pic ET BONNA1JOUII : Revue de médecine 1901. Des troubles médullaires de l'artério-

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CENAS : pour les travaux respectifs, voir la bibliographie complète recueillie par

TESTI, Rev. Crit. di Clin. Med., 1903, n° 2-3. ·

Pighini : Rivista spel'irnenlale de ireniatria 1902.

Bedusciii et JI1D1NI : Arch. di Ortopedia, 190 ? Fasc. 2.

Démange : Revue de Med., 1881-1885.

Léri : XVIO Congrès de Lille, 7 août 1906.

LE FAISCEAU LONGITUDINAL INFÉRIEUR

. ET LE FAISCEAU OPTIQUE CENTRAL

PAR R

LASALLE ARCHAMBAULT

(Albany, New-York'.

Première partie.

Nous avons en le privilège, grâce au précieux appui de notre maître

M. Pierre Marie, d'exposer à la séance de la Société de Neurologie de novem-

bre 1905, les résultats de nos recherches anatomiques sur certains faisceaux

de l'hémisphère cérébral et nous n'avons pas pensé que même dans cette im-

portante circonstance il nous fut permis d'atténuer la nuance quelque peu

radicale de nos idées sur l'anatomie des centres nerveux.

Nous avions présumé que notre thèse susciterait, selon toute probabilité,

des objections plus ou moins redoutables. M. et Mme Dejerine nous ont fait

le grand honneur de nous consacrer deux courtes notes dans lesquelles se

trouvent habilement condensée la majeure partie de la question des dégéné-

rescences secondaires. Ils ont voulu démontrer que nos conceptions sont

inexactes et inadmissibles,

Le sentiment de profonde admiration que nous avons pour les auteurs de

l'Analomie des centres nerveux nous porterait à garder en face d'eux le silence.

Mais, comme, involontairement sans doute, nos opinions se trouvent resserrées

dans des termes qui ne donnent plus le sens exact de notre manière de voir,

il est de notre devoir de rétablir la véritable portée de celle-ci.

Nous nous reconnaissons faillible et admettons l'utilité d'une critique même

sévère, à condition qu'elle soit conforme à la réalité des faits.

Mais que l'on ne nous attribue pas des interprétations auxquelles nous

n'avons jamais songé, et que nous nous sommes même efforcé d'écarter de

l'esprit de nos lecteurs.

C'est ainsi que dans une première critique (Rev. Neurol., 1905, n° 22,

p. 1111) Mme Dejerine fait remarquer : « M. Archainbault admet que le

faisceau longitudinal inférieur, c'est-à-dire, la couche sagittale externe tout

entière du lobe occipito-temporal provient de la partie externe du corps ge-

nouillé externe. »

Il suffit de prendre connaissance de ce que nous disons à la première page

de notre article (Rev. Neurol., 1905, n° 22, p. 105');) pour se convaincre

qu'eu abordant ce sujet complexe notre premier effort a été d'éviter le piège,

562 - LASALLE ARCHAMBAULT

auquel invite la synonymie fallacieuse actuellement tolérée. Nous transcrivons

textuellement : « Pour nous, le mot faisceau ne doit s'appliquer qu'à un en-

semble de fibres, se poursuivant sur une longueur appréciable et occupant un

territoire assez nettement déterminé, comme par exemple, le faisceau pyra-

midal. Le mot faisceau n'est pas l'équivalent du terme « couches défibres ».

Or, depuis de nombreuses années on a appliqué, indifféremment à la couche

de fibres la plus externe du lobe temporo-occipital, l'une et l'autre de ces

dénominations : faisceau longitudinal inférieur, couche sagittale externe. Dans

le lobe occipital la distinction entre ces termes n'a guère d'importance, mais il

en est tout autrement dans le lobe temporal, etc. » Ensuite « Le but que

nous avons en vue est de démontrer : que la couche sagittale externe du lobe

occipital, le faisceau longitudinal inférieur tel qu'il existe dans ce lobe, ne

contient que des fibres de projection, il représente la couronne rayonnante

corticipète du lobe occipital, il provient du corps genouillé externe et se ter-

mine dans les deux lèvres de la scissure calcarine ».

On voit donc qu'on nous a fait dire tout autre chose que ce que nous n'avons

dit, ce qui est une manière facile d'étayer un argument, mais n'en demeure pas

moins un procédé sans valeur logique.

- Serait-ce que Mme Dejerine admet, elle aussi, l'indissolubilité de ces deux

termes ? . Nous nous en étonnons beaucoup, car il est dit avec une netteté irré-

prochable dans le tome 1 (Anal. cent, nerv., pp. î73-775) : « Que la plupart

des fibres que l'on voit se détacher de la couche sagittale du lobe occipito-tem-

poral, pour s'irradier dans le pulvinar, les corps genouillés externe et interne,

etc., n'appartiennent pas en propre au faisceau longitudinal inférieur, qu'elles

ne font que le traverser, et qu'elles appartiennent soit à la couronne rayon-

nante du lobe occipital, soit a la couronne rayonnante du lobe temporal. » On

ne saurait être plus clair ; malgré son enchevêtrement avec la couronne

rayonnante, le faisceau longitudinal était un faisceau à part, car on ne voulait

reconnaître alors qu'un seul caractère à chaque faisceau.

Les auteurs de l'Anatomie des centres nerveux ont évidemment fait subir

quelques modifications à ces idées (ce qui est d'ailleurs le privilège de chacun)

puisqu'ils disent aujourd'hui : « Que le faisceau longitudinal inférieur, reçoive

des fibres du corps genouillé externe ou lui en envoie, la chose est indiscu-

table. » A l'appui de cette opinion nouvelle, on nous renvoie au tome I de

l' Anatomie des centres nerveux (1895), p. 773. Mais ainsi qu'on voit par le

passage cité plus -haut, on n'y trouve que la défense acharnée de l'indépen-

dance absolue du faisceau longitudinal et de la couronne rayonnante. Peut-

être serons-nous plus heureux en nous reportant il la deuxième indication de

nos éminents contradicteurs (tome II, 1901, p. 67) ; mais, ici encore, à notre

grande surprise, les opinions de 1901, bien que sensiblement modifiées, se

séparent très nettement des nôtres.

En effet, il est question à cette page 67, du tome II, des radiations du corps

genouillé interne et du tubercule quadrijumeau antérieur.

« Ces radiations appartiennent au système visuel et forment, avec les fibres

cortico-thalamiques postérieures, les radiations optiques de Gratiolet. Elles

LE FAISCEAU LONGITUDINAL INFÉRIEUR ET LE FAISCEAU . OPTIQUE CENTRAL TJG3

prennent leur origine dans la sphère visuelle, plus particulièrement dans les

lèvres de la scissure calcarine et affectent, dans le centre ovale et dans la cap-

sule interne, le même trajet que les fibres cortico-thalamiques postérieures

auxquelles elles sont intimement unies . » De plus (p. 65) « ces fibres font

partie intégrante des couches sagittales, en particulier, de la couche sagittale

interne ».

Il est donc question de fibres corticifuges et de couche sagittale interne...

alors que nous, lors de notre communication (séance du 9 nov. 1905) et dans

notre mémoire (Revue Neurol., n° 22,il905), n'avons considéré que la couche

sagittale externe (en insistant sur la disposition topographique du faisceau

longitudinal inférieur qu'elle renferme) et nous n'avons maintenu le caractère

purement corticipète de cette couche qu'au niveau du lobe occipital. Surtout

n'avons-nous pas eu le tourment de vaciller quant la destination des fibres qui

assurent les connexions entre la sphère visuelle et le corps genouillé externe ;

il ne s'agissait pas de soutenir que le faisceau longitudinal reçoit des fibres du

corps genouillé externe ou lui en envoie, mais bien de démontrer que ces fibres

(géniculo-calcariniennes) sont uniquement corticipètes.

Encore faut-il s'en rapporter à la p. 12 de ['Anatomie des centres nerveux

(t. II), pour apprendre que les fibres du segment postérieur de la couronne

rayonnante, « proviennent de la pointe et des faces externe, interne et infé-

1 ieure, du lobe occipital ; en avant viennent s'ajouter les fibres du précunéus,

du pli courbe, des circonvolutions pariétales supérieure et inférieure, etc. ».

« Les fibres du segment postérieur se disposent en deux couches sagittales,

l'une externe, l'autre interne. Nous avons étudié dans le tome I, la couche

sagittale externe sous le nom de faisceau longitudinal inférieur et avons mon-

tré qu'elle contient à côté d'un grand nombre de fibres d'association, des

fibres de projection (mais que en 1895, on avait soigneusement séparées du

faisceau longitudinal) destinées aux ganglions infracorticaux. » Il ressort de

tout cela que les deux couches sagittales renferment et des fibres d'association

et des fibres de projection, et que ces dernières sont presque exclusivement

corticifuges. Tout au plus est-il fait mention (pp. 68,368) d'un contingent cor-

ticipète, soit en parlant des radiations cortico-genouillées, soit en faisant la

description du corps genouillé externe, mais la description en est sommaire

et que de fois ne retrouve-t-on pas cette conception dominante que les radia-

tions cortico-genouillées externes dégénèrent à la suite de lésions de la sphère

visuelle corticale.

D'où nous concluons que, malgré ses affirmations, notre éminent adversaire

n'a pas réussi, nous semble-t-il, à établir qu'on doit considérer comme des faits

d'ordre ancien, les vues que nous croyons nouvelles et que nous avons expo-

sées dans notre mémoire sur le système visuel central.

Le second grief émis contre nous ne nous paraît qu'une adroite redite de la

part du distingué préopinant, puisque ce grief consiste il nous faire refuser à

la couche sagittale externe, le rôle très important d'assurer les connexions

entre le thalamus et l'écorce temporale. Pourtant, ces relations se trouvent

très clairement spécifiées dans notre article (Rev. Neurol., 1905, n° 22, pp.

564 LABALLE ARCHAMBAULT

1057-9, 1064-5) ; et nous avons très bon souvenir que lors de notre communi-

cation, nous avons eu le soin d'insister sur la modification capitale qu'apporte

à la constitution de la couche sagittale externe, l'arrivée, au niveau du carre-

four ventriculaire, des fibres du faisceau de Turck, des radiations cortico-ge-

jouillées internes et thalamiques temporales.

C'est même aux courtoises discussions qu'a soulevées cette thèse inconsti-

tutionnelle, que nous devons d'en avoir gardé un indélébile souvenir.

Pour faire ressortir la fragilité de nos constructions fasciculaires, Mme Dejerine

invoque les travaux de : Vialet,Henscben,von Monalow,Ii.edlich,Sachs,Weber,

etc., c'est-à-dire tous les auteurs qui reconnaissent au faisceau longitudinal in-

férieur, un fort contingent d'association. Il convient toutefois d'éliminer de ce

groupe, Redlich, dont la dernière monographie (Voy. Nouvelle Iconographie,

1906, n° 1, p. 112) le rapproche de l'école de Flechsig, qui compte parmi ses

partisans ; Probst, von Mayendorf, Stosel, etc. dont Mme Dejerine ne parle

pas; c'est parmi ces anatomistes que nous avons timidement émis la préten-

tion de nous ranger. Bien que nous ne puissions accepter dans sa totalité la

doctrine de cette dernière école, nous sommes chaud partisan de son principe

cardinal dans cette question, à savoir : « Que les couches sagittales externe et

interne du lobe pariéto-temporu-occipital ne sont constituées que par les fibres

de la couronne rayonnante, que les libres d'association n'en font aucunement

partie intégrante. »

En terminant la première critique, notre contradicteur admet que « bien

que le contingent géniculo-calcarinien soit très grand, on ne peut dire que

ces fibres forment la totalité ou la presque totalité de la couche sagittale exter-

ne ». Elles sont mélangées dans cette couche « avec des fibres provenant de

territoires corticaux autres que la scissure calcarine (pointe, faces externe

et inféro-interne), ou de régions thalamiques autres que le corps genouillé ex-

terne, telles que le pulvinar, par exemple. La dégénérescence si intense de la

couche sagittale externe que l'on observe à la suite de lésions intéressant les

centres optiques primaires ou la partie inférieure du segment sous-lenticulaire

de la capsule interne, peut être suivie non seulement dans la région calcarine

mais encore dans toute la convexité occipitale (Voy. nos cas Cogery et Dautri-

che) s.

Voilà ce que nous ne saurions admettre, car d'une part, les fibres que la

corticalité occipitale envoie aux noyaux centraux occupent la couche sagittale

interne et non la couche sagittale externe ; et d'autre part les fibres par

lesquelles le pulvinar contribue à la formation de la couche sagittale externe

(si réellement tel contingent existe et que notre imagination nous le représente

assez menu), s'épuisent certainement au niveau des lobes pariétal et temporal.

Nous n'en avons jamais retrouvé dans la région occipitale. Pour nous, les seu-

les fibres qui s'unissent aux fibres géniculo-calcariniennes pour constituer la

couche sagittale externe, sont des fibres et corticipètes et corticifuges, ces der-

nières beaucoup plus nombreuses, destinées à relier les circonvolutions parié-

tales postéro-inférieures et les circonvolutions temporales aux ganglions infra-

corticaux (de la région sous-optique du rhombencéphale, etc.)

LE FAISCEAU LONGITUDINAL INFÉRIEUR ET LE FAISCEAU OPTIQUE CENTRAL 565

Nous ne parlons, bien entendu, que de cette partie de la couche sagittale

externe qu'implique la discussion actuelle, et qui, du reste, représente la pres-

que totalité de ce que l'on peut raisonnablement dénommer la « couche sa-

gittale externe » de la couronne rayonnante postéro-inférieure. Il importe d'é-

liminer le secteur pariétal dont les fibres se disposent plutôt en une seule cou-

che mal différenciée.

Cette explication nous a paru nécessaire, car il est fait mention de « seg-

ment postérieur » dans la note additionnelle (p. 1112, no 22, 1905). Bien que

l'on ne puisse pas varier les divisions de la couronne rayonnante de façon à

plaire à chacun, nous tenons à dire que notre point de départ n'est autre que

la couche sagittale externe occipitale. Nous acceptons cependant le pli courbe

qui est compris dans la note de notre distingué contradicteur.

Voyons maintenant ce que nous enseignent les cas très intéressants aux-

quels l'on nous prie de nous rapporter, et [dont certaines particularités sont,

certes, éminemment dignes de retenir notre attention.

Dans le premier cas (cas Cogery) une lésion centrale circonscrite a totale-

ment détruit entre autres centres, le corps genouillé externe ... et l'on nous

fait remarquer (Anat. des centres nerveux, t. II, p. 176) « la dégénérescence

très nette des couches sagittales des segments inférieur et postérieur de la cou-

ronne rayonnante, intéressant plus particulièrement la partie externe de la

couche sagittale externe, et la partie interne de la couche sagittale interne. Cette

dégénérescence peut être suivie dans le lobe temporal et jusqu'à la pointe occi-

pitale ».

Mais on ne nous dit pas où s'épuise cette dégénérescence. Se cantonne-t elle

à la région calcarine (qui, elle aussi, atteint la pointe occipitale, ou rayonne-t-

elle également vers tous les points de la convexité, comme le veut maintenant

Mme Dejerine ? Pour nous, cette dégénérescence traduit, en grande partie, la

réaction corticipète qu'implique la lésion genouillée.

Le second cas (cas Dautricbe) a trait deux lésions capsulaires, dont l'une

occupe le segment rétrolenticulaire et l'autre la partie moyenne du segment t

postérieur de la capsule interne (c'est un siège admirable, une union de foyers

prédestinée presque à interrompre la majeure partie des fibres géniculo-calca-

riniennes).

On observe (pp. 182-184), « la dégénérescence complète des couches sagit-

tales du segment postérieur de la couronne rayonnante (faisceau longitudinal

et radiations thalamiques) pouvant être suivie jusque dans la pointe occipitale ».

Malheureusement, dans l'un et l'autre de ces cas, on a oublié d'insérer les

planches destinées à la topographie de la décoloration occipitale.

S'il ne fallait tenir compte que de ces deux cas, la question qui nous occupe

serait vite réglée, puisqu'il est admis : que les lésions des centres optiques pri-

maires ou du segment sous-lenticulaire de la capsule interne se traduisent par

« la dégénérescence très nette », même « complète des couches sagittales », et

que l'on n'établit pas les confins du territoire qu'elle occupe au niveau du lobe

occipital. Ainsi, l'on abandonnerait l'ancienne théorie qui accorde aux deux

couches sagittales du segment postéro-inférieur de la couronne rayonnante, une

566 ' LASALLE ARCHAMBAULT

alimentation essentiellement corticifuge ; nous proclamons que, pour notre

part, nous ne saurions qu'accueillir avec enthousiasme cette confirmation si

éloquente de nos propres idées.

Reste la redoutable question du << pulvinar ». Si l'on songe que c'est à ce ni-

veau que se rencontrent la majorité des voies importantes du névraxe entier,

que le pulvinar offre passage aux faisceaux qui se rendent du tronc encéphali-

que à l'hémisphère, il faut reconnaître que c'est là un organe à propos duquel

la discussion peut devenir presque inextricable.

Quoi qu'il en soit, nous sommes loin de prétendre que les deux cas que nous

venons d'étudier soient absolument confirmatifs de nos idées sur l'origine de la

couche sagittale externe occipitale ; ils ne suffisent certainement pas à établir

qu'elle est exclusivement genouillée. Mais, nous tenons à maintenir qu'ils sont

encore beaucoup moins propres à assurer à la couche sagittale externe, le pa-

tronage du pulvinar.

Somme toute, je me permettrai d'énoncer cette idée que la réponse de

Mme Dejerine ne semble pas apporter de documents très défavorables à notre

thèse.

Dans un premier ordre d'idées, on a voulu établir l'ancienneté de faits que

nous considérons comme nouveaux. Or, les renvois qu'on nous a indiqués ne

nous ont permis de constater qu'une chose, c'est que, il y avait entre nous une

grande divergence d'opinions et d'interprétations.

En second lieu, les cas que l'on a choisis pour démontrer l'inexatitude de nos

conceptions se prêtent plutôt leur justification.

Passons maintenant à l'analyse de la critique plus récente que nous a attirée

le précieux témoignage de notre maître M. Pierre Marie, lors de sa communi-

cation à la séance de mars (Rev. Neurol., 1906, n° 6, p. 291).

Cette fois, on nous présente le tableau des dégénérescences secondaires de la

totalité du lobe pariéto-temporo-occipital. ·

Viennent d'abord les lésions du lobe occipital, « elles entraînent une dégé-

nérescence du faisceau longitudinal inférieur pouvant être suivie d'une part

dans les segments rélro et sous-lenticulaires de la capsule interne, et de là

dans le pulvinar, le corps genouillé externe et la zone triangulaire de Wer-

nicke ; et d'autre part dans la substance blanche du lobe temporal. A cet

égard l'on nous prie de nous en rapporter aux cas Courrière et Bras ; nous

nous permettrons donc d'analyser brièvement ces cas :

Dans la première observation (cas Courrière) il s'agit d'une lésion de la

pointe et de la face interne du lobe occipital, intéressant la base du cunéus,

l'écorce des lèvres des scissures calcarine et collatérale, s'étendant en profon-

deur jusqu'à l'épendyme du plancher de la corne occipitale et sectionnant à ce

niveau, les couches sagittales (en particulier, le faisceau longitudinal) et le

tapétum.

On observe (Anatomie des centres nerveux, t. II, p, 109) : « Une dégéné-

rescence très intense du segment postérieur de la couronne rayonnante dans

les couches sagittales qui tapissent la paroi inférieure et la moitié inférieure

de la paroi externe de la corne occipitale et du carrefour ventriculaire. Cette

LE FAISCEAU LONGITUDINAL INFÉRIEUR ET LE FAISCEAU OPTIQUE CENTRAL 567

dégénérescence se poursuit dans la couche sagittale externe (faisceau longitu-

dinal inférieur) du segment inférieur de la couronne rayonnante, le long de la

paroi externe et du plancher de la corne sphénoïdale jusqu'au noyau amygda-

lien ; une partie des fibres dégénérées du faisceau longitudinal inférieur s'ir-

radie dans l'écorce du lobe temporal dont la substance blanche est très dégé-

nérée (fibres longues d'association), l'autre partie se recourbe ? et s'irradie...

dans la partie inférieure du pulvinar. »

L'inspection du schéma (p. 110) et la coupe frontale (p. 114) qui accompa-

gnent la description de ce cas nous permet de préciser la topographie des

lésions.

On note que le foyer ancien sectionne, au niveau du bourrelet du corps cal-

leux, le faisceau longitudina linférieur dans son segment sous-ventriculaire ; on

serait porté à croire que bien que limitée, cette plaque jaune ancienne peut

facilement atteindre un niveau nettement antérieur à celui-ci, en se dirigeant

peut-être légèrement en dehors.

Comment s'expliquer la décoloration si intense des circonvolutions médianes

non lésées, et reconnaître l'intégrité du segment limbique du faisceau longitu-

dinal inférieur (longues fibres d'association de provenance occipitale), en

admettant que nous sommes à la partie antérieure du foyer ancien (p. 114) et

que ce tableau est l'expression d'une lésion purement occipitale ?

Nous nous trouvons en présence de faits tellement contradictoires de tout ce

que nos cas nous ont enseigné, qu'il nous est impossible d'accepter l'interpré-

tation que l'on donne à celui-ci. Nous demandons donc de proposer à cet

ensemble de faits si complexés une plus facile solution.

Ainsi, ayant constaté (p. 114) que le foyer ancien a formulé la frontière

temporale, qu'il empiète sur le segment inférieur de la couche sagittale externe,

sur une étendue indéterminable, mais non moins significative, nous invoque-

rions comme une très grande probabilité la manière de voir ci-contre.

Nous croyons que la dégénérescence très intense des couches sagittales (en

particulier, du faisceau longitudinal) qui tapissent la paroi inférieure et inféro-

latérale de la corne occipitale et du carrefour ventriculaire, répond en grande

partie à l'interruption des fibres dont elles sont constituées, à un niveau incon-

testablement antérieur à celui que nous considérons. Quant à la dégénérescence

de l'écorce temporale qui se poursuit jusqu'au noyau amygdalien, elle tient

(croyons-nous) à la section - non pas du faisceau longitudinal mais des

fibres d'association qui l'entourent de si près et qui se sont certainement trou-

vées intéressées par le foyer du bord inférieur de l'hémisphère. On sait com-

bien ces fibres sont abondantes à cet endroit ; combien intimes les relations

qu'elles assurent entre l'insula et la circonvolution première temporale d'une

part, le lobule fusiforme et la circonvolution de l'hyppocampe d'autre part; on

conçoit facilement que, de par son siège, le foyer ancien en ait interrompu un

grand nombre.

Sur cette coupe (p. 44.) on voit au niveau de la partie moyenne de la pa-

roi ventriculaire externe, une zone en grande partie respectée que l'on dési-

gne Rth. ; il doit donc s'agir de libres cortico-thalamiques, de fibres cortici-

z 6 8 LASALLE ARCHAMBAULT

fuges, mais nous ne voyons pas très bien quelle peut en être la provenance.

Etant donné l'étendue de la lésion calcarine et la profondeur qu'elle atteint au

niveau de la paroi ventriculaire inférieure, nous devons dire que pour nous,

ces fibres normales, sont au contraire des fibres corticipètes et qu'elles'font

partie du faisceau optique central que nous avons décrit. Leur localisation dans

la couche sagittale interne à cet endroit, tient à la « transposition de fibres

corticipètes et corticifuges » que nous avons signalée dans notre mémoire de

- l'année dernière et sur lequel nous avons particulièrement insisté dans une

publication ultérieure (Nouvelle Iconographie, 1906, n° 2, pep.205-208).

Enfin d'où vient ce faisceau longitudinal vigoureux qui occupe la circonvo-

lution limbique ? provient-il de cette région même ? Ce serait accorder à ce

faisceau une origine nouvelle, car nous ne la lui connaissions pas. Nous nous

permettrons de l'assimiler en partie aux fibres de projection et de lui proposer

comme origine des centres antérieurs. En effet, le dessin nous invite à con-

sidérer que la plaque jaune ancienne sert de trait d'union à deux parties sai-

nes d'un seul et même faisceau qui existerait dans sa totalité si le trait d'union

n'y était lui-même pour en assurer la division. En d'autres termes nous re-

connaissons sur cette coupe, les fibres géniculo-calcariniennes de la couronne

rayonnante postérieure ; elles constituent la majeure partie des fibres sagitta-

les respectées. C'est au foyer profond qu'elles sont redevables de ce si mer-

veilleux isolement ; autrement (à moins d'uue lésion purement corticale), elles

seraient masquées par les radiations temporales, et nous y perdrions.

En dernier lieu, il existe dans ce cas, un ramollissement (récent, il est vrai)

de la sylvienne et l'on peut se demander s'il n'est pas en partie responsable

de cette grosse dégénérescence des couclies s'agittales que l'on observe au ni-

veau du tiers inférieur de la paroi ventriculaire externe. Si nous faisons cette

observation c'est que l'auteur fait remarquer (p. 111) : « On voit l'extrémité an-

térieure du ramollissement récent... la coupe passe au-dessus du maximum de

la zone de dégénérescence. On constate néanmoins une dégénérescence très

nette des couches sagittales (radiations thalamiques et faisceau longitudinal

inférieur). » Cela nous paraît très important, car nous savons que certains ra-

mollissements sont lents et progressifs dans leur évolution, et combien il est

difficile parfois d'en établir, même approximativement, la date d'apparition.

Combien plus difficile encore de juger de l'ancienneté du point de fusion de deux

ramollissements, ou même des altérations que comporte le simple voisinage,

le territoire intermédiaire.

Nous voyons donc les très grandes possibilités d'erreur contre lesquelles

nous devons constamment lutter et jusqu'à quel point la multiplicité des lésions

peut compromettre nos conclusions.

La seconde observation (Cas Bras, hémisphère droit) a trait à une double

lésion des centres corticaux de la vision.

Voici, du reste, la topographie telle que décrite par l'auteur : « On constate

deux plaques jaunes anciennes dont l'une occupe la partie centrale du cunéus

et la lèvre supérieure de la scissure calcarine ; dont l'autre détruit les lobules

lingual et fusiforme sur une étendue antéro-postérieure de 6 centimètres ;

LE FAISCEAU LONGITUDINAL INFÉRIEUR ET LE FAISCEAU OPTIQUE CENTRAL 569

cette dernière plaque commence en arrière à 2 centimètres du pôle occipital,

atteint en bas le bord inférieur de l'hémisphère mais respecte en haut la lèvre

calcarine du lobule lingual et ne dépasse pas en avant une ligne verticale ra-

sant l'extrémité postérieure de la couche optique, elle sectionne à ce niveau

l'isthme de la circonvolution de l'hippocampe et le pilier postérieur du tri-

gone, etc. » .

Il ressort donc très nettement de cet exposé que la lésion n'est pas unique-

ment occipitale, mais également et franchement temporale. Nous admettons

très volontiers, que les ramollissements strictement localisés soit à un lobe,

soit à un certain groupe de circonvolutions, sont fort rares ; car, selon toute

probabilité, ce sont les tracés que suggèrent la pathologie qui répondent le

plus fidèlement à la répartition véritable des diverses sphères fonctionnelles.

Mais, il n'en est pas moins vrai, que nos maîtres insistent sur ce que l'u-

nité de la nomenclature anatomique constitue l'élément le plus indispensable à

l'harmonieux progrès de l'anatomie nerveuse.

C'est donc conformément à ce principe que nous nous refusons ai admettre

comme « type de lésion occipitale » la vaste plaque jaune que présente ce cas

Bras. Un ramollissement est occipital ou il ne l'est pas ».

Quand l'on songe que c'est au niveau du pulvinar que le faisceau génicuto-

calcarinien (que nous croyons digne d'être individualisé) se cantonne au seg-

ment horizontal (coupe frontale), et à la partie inférieure du segment vertical

de la couche sagittale externe, on ne trouve guère étonnant que le foyer oc-

cipito-temporal, actuellement à l'étude, ait déterminé « une dégénérescence

très intense des couches sagittales des segments postérieur et inférieur de la

couronne rayonnante J'.

Abordons maintenant la considération d'une seconde série de lésions ; les

lésions temporales représentées par le cas Neumann (Anat., t. 11, p. 145) :

« Il s'agit d'une plaque jaune n'intéressant que le lobe temporal, et en

particulier la partie moyenne des deuxième et troisième circonvolutions tem-

porales. La lésion intéressait l'écorce et la substance blanche sous-jacente,

mais ne sectionnait pas les couches sagittales de la région. »

Ce cas nous paraît fort précieux et nous rappelle la lésion assez analogue

de notre cas Roll. (Nouvelle Iconog., 1906, n° 2, p. 190) ; ramollissement des

deux tiers postérieurs de la troisième circonvolution temporale et de la partie

temporale du lobule fusiforme, sans participation, excepté sur une courte

étendue au niveau du cçrps genouillé externe, des couches sagittales profondes.

Nous sommes peu surpris d'apprendre que dans le cas que rapportent nos

distingués contradicteurs : « la dégénérescence du faisceau longitudinal infé-

rieur (il s'agit vraisemblablement de la couche sagittale externe) peut être

suivie jusqu'à la pointe temporale et à la partie inférieure de la capsule externe.

« Nous savons, eu effet, qu'à ce niveau temporal les fibres de projection et

d'association sont intimement mélangées ; que les libres de projection occu-

pent surtout le segment sous-lenticulaire de la capsule interne.

Il est donc tout naturel qu'une lésion des deuxième et troisième circonvolu-

tions temporales se traduise par une grosse dégénérescence du faisceau longi-

570 LASALLE ARCHAMBAULT

tudiual (dans'sa partie antérieure) ; et évidemment la lésion est trop rappro-

chée du pôle temporal pour ne pas en déterminer la décoloration intense. Mais,

nous avouons ne pas très bien comprendre que cette dégénérescence puisse

également être suivie « jusqu'à la pointe occipitale », étant donné que les cou-

ches profondes ne sont aucunement lésées. Ce qui ajoute à notre difficulté,

c'est de ne trouver dans le texte qu'une seule figure consacrée à l'hémisphère

de ce cas... le schéma de-la lésion.

, Quoi qu'il en soit, nos résultats personnels nous oblignent à interpréter

autrement les réactions consécutives aux lésions temporales superficielles.

Dans notre cas Roll ? le ramollisement ne s'étend dans la profondeur qu'au

niveau des ganglions de la base, où il atteint la couche sagittale externe à

l'angle de réunion de ses deux lames. Cependant l'on n'observe sur les plans

postérieurs qu'une zone de dégénérescence très limitée, elle se porte en dedans

et s'épuise rapidement dans la région sous-corticale du lobule lingual, et cela,

bien en avant de la pointe occipitale dont les coupes peuvent servir de prépa-

rations normales.

Nous n'hésitons pas à maintenir que « lorsque l'on observe une dégénéres-

cence considérable de la couche sagittale externe occipitale, il s'agit soit d'une

lésion des ganglions infracorticaux, soit d'un foyer profond des régions cor-

ticales antérieures, c'est-à-dire du lobe temporal ».

Pour être plus précis encore, nons ajouterons la formule inverse, qui peut

paraître dogmatique mais qui n'en est que plus utile : « à la suite d'une lésion

centrale ou d'un ramollissement temporal intéressant les couches profondes,

la réaction occipitale se cantonne presque exclusivement à la couche sagittale

externe ».

S'il s'agit d'un foyer profond de la région temporale postérieure, et surtout

si cette lésion est ancienne, on constate également sur les plans postérieurs une

dégénérescence rétrograde de la couche interne. Mais cette dernière s'épuise

assez rapidement, et en région franchement occipitale on ne retrouve guère de

dégénérescence que dans le territoire de la couche sagittale externe.

Reste à considérer : les lésions profondes du lobe pariétal ainsi que les

lésions des segments sous et rétro-lenticulaires de la capsule interne; deux

catégories nettement distinctes, mais que la critique ayant singulièrement

rapprochées, nous nous proposons également de réunir dans une seule et

briève discussion.

M. et Mme Dejerine nous rappellent qu'ils ont démontré : -

a) Que dans les lésions pariétales « on observe toujours une dégénérescence

secondaire des couches sagittales se faisant dans les deux sens, du côté de la

pointe occipitale d'une part, du côté du segment rétrolenticulaire de la capsule

interne et du pulvinar d'autre part. Ces faits montrent nettement que les cou-

ches sagittales du lobe occipito-pariéto-temporal contiennent à la fois des fibres

corticifuges et des fibres corticipètes ».

b) Que les lésions rétro et sous-lenticulaires entraînent « en amont du foyer

primitif, une dégénérescence très intense des couches sagittales externe et

interne, pouvait être suivie presque dans la pointe occipitale, etc. ».

LE FAISCEAU LONGITUDINAL INFÉRIEUR ET LE FAISCEAU OPTIQUE CENTRAL 571

Nous tenons à faire remarquer qu'il s'agit cette fois de « couches sagittales ».

Or, nous n'avons pour notre part, jamais interprété autrement ces faits que

viennent proclamer de nouveau nos éminents confrères ; rien de plus admis-

sible, en effet, que le caractère et corticipète et corticifuge des couches sagit-

tales de la couronne rayonnante. Nous nous permettrons de rappeler à notre

tour, que la discussion porte non pas sur les couches sagittales, mais sur « la

couche sagittale externe ».

Aussi, nous ne voyons pas très bien comment le cas de dégénérescence du

« faisceau longitudinal inférieur » (se faisant d'avant en arrière, à la suite

d'une lésion supramarginale) présenté par notre maître M. Pierre Marie, con-

firme complètement la manière de voir de M. et Mme Dejerine. Cela nous est

d'autant plus difficile à concevoir que, en novembre dernier, l'on insista sur ce

que nos opinions « ne sont pas conformes » à la doctrine qu'enseigne l'Analo-

mie des centres nerveux.

Il est un autre élément que nos contradicteurs font entrer dans le cadre de

cette discussion lorsqu'ils invoquent, en parlant des lésions rétro et sous-

lenticulaires, « la dégénérescence ascendante rétrograde, cellulipète des fibres

de projection corticales, etc. » (Rev. Neurol., 1906, n° 6, p. 291).

Nous ne sommes pas prêt à nous prononcer sur cette question de la dégé-

nérescence dite « rétrograde », mais, sans nier que ce phénomène joue un rôle

véritable dans la résolution des problèmes anatomo-pathologiques, nous croyons

que son importance a été de beaucoup exagérée.

Il est indéniable que la dégénérescence cellulifuge ne traduit pas, à elle

seuie, la réaction entière que détermine la lésion du neurone ; nous savons',

en effet, que la section d'une fibre nerveuse retentit sur sa cellule d'origine

(on y constate de la chromatolyse déjà au bout de quelques jours), et que le

segment cylindraxile proximal présente certaines modifications.

C'est à l'ensemble des altérations du fragment cylindraxile proximal que

s'applique la dénomination « dégénérescence rétrograde » (proprement dite).

Bien que d'une variabilité extrême, il est généralement admis que cette dégé-

nérescence ne se poursuit que sur une étendue relativement courte (nous par-

lons de l'hémisphère cérébral) ; elle est rarement complète ; encore, n'est-elle

appréciable que lorsque la lésion causale remonte à une date éloignée. En elles-

mêmes, ces particularités sont déjà suggestives, mais allons plus loin, et faisons

remarquer qu'il est certains facteurs dont on ne tient habituellement aucun

compte.

Il nous vient à l'idée que dans le voisinage d'une lésion destructive les élé-

ments nerveux doivent forcément plier sous l'onde de répercussion ; que leur

vitalité est compromise sur une étendue variable; enfin que des troubles cir-

culatoires ; tant peu considérables qu'il soient, peuvent persister et exercer une

certaine influence sur l'avenir du neurone. Que savons-nous des échanges nu-

tritifs au niveau du prolongement cylindraxile ? '

Dans les deux cas très intéressants que nous exposent M. et Mme Dejerine

(Cas Cogery et Dautriche, que nous avons eu le privilège d'examiner déjà à

un autre point de vue), il s'agit de lésions centrales circonscrites. Dans l'un,

873 LASALLE ARCHAMBAULT

le pulvinar et le corps genouillé externe sont méconnaissables au superlatif ; dans

l'autre ces noyaux mêmes sont respectés, mais deux foyers siègent conforta-

blement dans la partie moyenne du segment postérieur et dans le segment ré-

trolenticulaire de la capsule interne. Ces lésions, disent les auteurs, «entraî-

nent en amont du foyer primitif une dégénérescence très intense des couches

sagittales externe et interne (faisceau longitudinal inférieur et radiations tha-

lamiques) pouvant être suivie presque dans la pointe occipitale. Elle est due

à la dégénérescence des fibres, qui, prenant leur origine dans le corps genouillé

et le pulvinar, se terminent dans l'écorce du lobe temporo-occipital, ainsi qu'à

la dégénérescence ascendante, rétrograde, cellulipète, des fibres de projection

corticoles qui se terminent dans le corps genouillé et le pulvinar ».

Que l'on veuille bien nous permettre d'exprimer peu de convictions et beau-

coup d'incertitude au sujet de cette question si compliquée de la dégénérescence

rétrograde. Ce phénomène encore mal compris dans les autres régions, devient

presque indémontrable au niveau de l'hémisphère.

Notre conviction ne traduit que le résumé d'une doctrine universellement

admise aujourd'hui, à savoir : que dans les lésions centrales circonscrites, l'at-

teinte portée aux cellules mêmes ou aux fibres qu'elles enlacent encore, égale,

la condamnation du neurone, la suppression totale du système de fibres inté-

ressé. Les localisations si favorables qu'affectent les lésions actuellement à l'é-

tude, ne laissent aucun doute que l'interruption de la presque totalité des fibres

corticipètes de la couronne rayonnante postéro-inférieure se soit effectuée;

non seulement l'interruption des fibres géniculo-calcariniennes, mais aussi

« du contingent que le pulvinar envoie à la couche sagittale externe ».

Ce sont de très beaux foyers destructifs qui s'accompagnent de dégénéres-

cences temporo-occipitales également belles, et en plus de décoloration intense

des ganglions correspondants. Mais, ce qu'il est difficile de concevoir, c'est

que l'on doive incriminer la dégénérescence cellulipète des radiations corti-

cales, pour que la grosse réaction des régions postérieures trouve une expli-

cation logique.

.Peut-on parler de dégénérescence rétrograde des couches sagittales, alors

que l'on insiste sur leur constitution complexe, qu'on leur propose un fort con-

tingent corticipète, que l'on reconnaît l'extrême variabilité de leur disposition

réciproque d'un niveau à l'autre, qu'on leur accorde un complément d'associa-

tion de provenance essentiellement occipitale ? 2

Est-il juste d'affirmer la dégénérescence rétrograde de faisceaux, dont l'ori-

gine réelle, le trajet exact et les terminaisons ont été l'objet des plus vives

controverses ?

Ne sait-on pas que cette éclosion de travaux de si fraîche date est la signa-

ture même du progrès de ce désaccord ?

Etant donné que cette question est encore à la merci de l'avenir, il devient

fort difficile, sinon impossible, d'établir, dans la majorité des cas de lésions

centrales ou temporales antérieures, la nature rétrograde de telle, ou de telle

autre dégénérescence des régions postérieures.

Les planches qui se rapportent aux cas très instructifs que l'on met à notre

LE FAISCEAU LONGITUDINAL INFÉRIEUR ET LE FAISCEAU OPTIQUE CENTRAL z

disposition, laissent certainement entrevoir, un peu en arrière du pulvinar,

des couches sagittales qui renferment, à côté d'une grosse dégénérescence, des

fascicules encore assez solides.

Il nous parait raisonnable de maintenir que le seul moyen de résoudre ce

problème difficile, ce serait de faire voir la réaction, non pas occipitale, mais

simplement temporale, dans un cas de lésion ganglionnaire circonscrite, sans

lacunes de désintégration du centre ovale postérieur. Un tel cas supposé,il fau-

drait constater, sur une coupe prise, disons-nous, au niveau de la partie posté-

rieure du carrefour ventriculaire,et passant par le splénium du corps calleux, la

dégénérescence de la totalité ou de la presque totalité de ce segment des couches

sagittales qui longe la moitié inférieure de la paroi latérale et coiffe l'angle in-

féro-externe du ventricule. Ainsi, il n'y aurait plus de doute possible, et sans

connaître le trajet exact des fibres constitutives des couches externe et interne,

on pourrait dire sans crainte : la lésion centrale a entraîné une grosse dégéné-

rescence cellulifuge (contingent corticipète) et la fraction qui reste (indétermi-

nable mais non moins importante) est le juste partage de la dégénérescence

rétrograde, cellulipète, des radiations thalamiques, faisceau de Türck, etc.

Or, un pareil cas n'a pas encore été publié, du moins à notre connaissance,

et le jour de sa publication, nous nous ferons un devoir de brûler, le premier,

ce que nous adorons aujourd'hui.

Ces possibilités, ces doutes, nous tenons à le dire, n'infirment aucunement

la doctrine de la dégénérescence rétrograde en tant que phénomène particulier.

Les réactions de ce genre au niveau du tronc encéphalique sont bien connues,

et ayant eu l'occasion d'étudier deux cas de dégénérescence indéniablement

rétrograde, mais de courte étendue (l'une de la pyramide bulbaire, l'autre du

lemniscus latéral), nous sommes loin d'en nier l'existence. Il convient toutefois

de faire remarquer que le trajet de la voie motrice et du ruban de Reil au

niveau du pédoncule et du bulbe représente le chapitre le plus solide de l'ana-

tomie nerveuse ; il faut admettre aussi que c'est à la base du cerveau et formant

une véritable capsule pour le tronc encéphalique que l'on trouve les gros ra-

meaux vasculaires.

Si réellement la dégénérescence rétrograde peut atteindre une intensité

considérable, pourquoi n'a-t-elle pas gêné l'orientation de nos poursuites ? Or,

c'est la constance de nos résultats qui nous oblige non pas à contester la

réalité de la dégénérescence cellulipète mais à combattre la thèse qui lui

fait jouer un rôle vraiment trop beau dans le dénouement des intrications

sagittales.

Un dernier mot sur le mode d'évolution de la dégénérescence rétrograde.

Cette extrême lenteur à se constituer lorsque le neurone est lésé en un point

éloigné de sa cellule; cette marche qui s'évalue en années, même en dizaines

d'années, ne fait-elle pas songer à l'inactivité fonctionnelle ? Ne serait-ce pas

là une cause logique, non seulement des atrophies nucléaires, mais aussi d'une

certaine fraction de la dégénérescence rétrograde ? L'on sait que la méthode

de coloration de Weigert-Pal nous donne de précieux renseignements sur

XIX 38

574 LASALLE ARCHAMBAULT

l'état des gaînes myéliniques, mais il est peu facile de se rendre compte au

niveau de l'hémisphère de l'état réel du prolongement cylindraxile.

Seconde partie

La constitution de l'étage antérieur du tronc encéphalique, telle qu'elle

nous avait été léguée par toute une pléiade de maîtres dont la célébrité

rayonne jusqu'à nous était de beaucoup trop complexe et prêtait à plus d'une

inexactitude. Ce n'était là qu'une des nombreuses erreurs dont nous avions

hérité, et si cette erreur nous est mieux connue que d'autres, c'est que les re-

marquables travaux de l'école française eu ont débarrassé de bonne heure la

science contemporaine.

On sait, depuis 1893, que l'étage antérieur du tronc encéphalique ne ren-

ferme que des fihres d'origine corticale, et que la pyramide ,bulbaire est le do-

maine exclusif des fibres qui constituent au niveau de la moelle les faisceaux

pyramidal direct et pyramidal croisé. La démonstration de la nature unique-

ment corticale du pied du pédoncule cérébral et de la pyramide bulbaire mar-

que donc le début d'une ère nouvelle en anatomie nerveuse; on peut prédire

que cette acquisition importante exercera une influence durable, car la préci-

sion est l'essence même du progrès.

Le faisceau longitudinal inférieur de Burdach est un autre exemple de ces

divisions d'ordre purement macroscopique et dont la constitution véritable est

encore loin d'être connue.

Au cours de recherches poursuivies dans le laboratoire de notre maître,

M. Pierre Marie, nous avons réussi à dégager de la masse des fibres du fais-

ceau longitudinal inférieur un contingent dont la réaction est tellement cons-

tante que nous l'avons individualisé sous le nom de « faisceau optique central

ou encore de « faisceau géniculo-calcarinien, » conformément à la nomencla-

ture récemment introduite avec beaucoup d'à propos par Edinger. Il s'agit

d'une voie de projection corticipète, qui tire son origine du corps genouillé ex-

terne et qui n'a d'autre zone d'irradiation que la sphère visuelle corticale.

On nous a reproché- on nous reproche encore de donner au faisceau

longitudinal inférieur une origine exclusivement genouillée.

Cette mésiuterprétation évidente de nos idées nous oblige à apporter à l'ap-

pui de notre thèse, quelques considérations nouvelles qui nous paraissent dé-

montrer que le faisceau optique central possède réellement une parfaite iudivi-

dualité.

A priori, l'opinion qui accorderait à la totalité du faisceau longitudinal infé-

rieur un caractère uniquement géniculo-calcarinien, serait certes trop étrange

pour que l'on s'y arrêtât. Mais, heureusement pour nous, nous n'en sommes

plus à la phase des « à priori», et nous ferons remarquer que dès le début

nous avons eu le soin : 1° de ne comparer le faisceau longitudinal avec la

couche externe qu'au niveau du lobe occipital ce que nous avons établi tex-

tuellement dans un article récent ; 2° de nous étendre longuement sur l'in-

timité de voisinage des fibres de projection et d'association, mais d'en plaider

chaudement la séparation. Cela nous entraînerait trop loin d'insister de noua

LE FAISCEAU LONGITUDINAL INFÉRIEUR ET LE FAISCEAU OPTIQUE CENTRAL 57H

veau sur cette inépuisable source d'erreurs (Rev. Neurol ? 1905, n° 22,

p. iUGU-iU6k) ; nous nous contenterons de poser une question à ce sujet.

Pourquoi; les auteurs qui reconnaissent comme nous (mais longtemps

avant nous), au faisceau longitudinal, un contingent considérable de fibres de

projection, pourquoi, disons-nous, n'ont-ils pas rejeté depuis longtemps cet

ennuyeux élément d'association à même titre que le cingulum inférieur et le

faisceau uncinatus en avant, les faisceaux de Sachs, de Vialet et de Wernicke

dans le lobe occipital ? Nous tenons à le dire, « toutes les fibres d'association

que l'on attribue au faisceau longitudinal depuis Burdach jusqu'à nos jours,

ne sont autres que les fibres profondes des divers faisceaux qui l'entourent et

que l'on a affranchis ». Le faisceau longitudinal se contracte alors i vue d'oeil

et continue de s'amoindrir jusqu'à ce qu'il puisse passer par la capsule du

corps genouillé externe ; noyau que l'on sait joliment plus gros que ne le

laisse soupçonner la saillie inféro-externe que présente le thalamus.

Nous voilà réduit à ce qui reste de l'ancien faisceau longitudinal inférieur,

à savoir, le « laisceau optique central ». Il suffit de se le représenter(au ni-

veau de la partie moyenne du lobe temporal) sous forme de trait d'union,

entre le contingent inférieur que l'on considérait autrefois comme étant « ex-

clusivement un faisceau d'association », et la partie supérieure « intimement

unie au segment rétro-lenticulaire de la capsule interne » et qui contient des

fibres de projection. Autrement dit, « il réunit de vieilles connaissances après

dix ans de séparation ».

Or, ce fait est extrêmement important et nous croyons utile d'ajouter que

ce trait d'union n'emprunte qu'un certain contingent à l'une et l'autre des

parties que l'on avait cloisonnées ; non pas la totalité, ce qui équivaut à « cou-

che sagittale externe », et l'on sait que sur ce point nous aimons à diverger

de la majorité des auteurs.

Nous n'avons pas l'intention de préciser ici le pourcentage du faisceau op-

tique central dans la constitution de la couche sagittale externe. La descrip-

tion de ce faisceau est déjà faite (Rev. Neurol., 190â, n° ` ? ` ? et Nouvelle Ico-

nog., 1906, n° 2, p. 201), et elle nous paraît encore suffisamment claire.

Il ressort nettement de ces considérations que le « faisceau optique central »

est de souche longitudinale, mais que le manteau qu'a mesuré l'art d'autrefois

s'est effrangé depuis l'avènement de la précision eu anatomie nerveuse.

Nous nous demandons si l'on ne s'est pas laissé fasciner par cette proposi-

tion synthétique de notre mémoire : « Le faisceau optique central s'identifie

d'une façon remarquable avec le faisceau longitudinal inférieur ; nous croyons

que ces deux faisceaux ne font qu'un. » Admis ! ce fut très imprudent, mais

nous nous permettrons d'exiger la clémence de l'usage, qui nous défend de

donner aux choses les noms qui nous les traduisent. Nous avions transgressé

en désignant par le néologisme. « faisceau optique central », le contingent ge-

nouillé (qui mérite d'avoir sou propre cachet) du faisceau primitif. Mais, ar-

rivé au moment décisif, il fallait le voiler, le revêtir de la véuérahilité classi-

que afin que la Neurologie en connut l'existence.

C'était bien la seule fois que nous avions mêlé les éléments si opposés que

576 ,LASALLE ARCIIAMBAULT

renferme le faisceau de Burdach, et nous pourrions nous justifier en faisant la

transcription fidèle de nos propres idées : sur le voisinage des fibres d'associa-

tion ; sur le volume réel du faisceau longitudinal dans les cas de lésions super-

ficielles ; enfin, en copiant notre seconde conclusion (Rev. Neurol., 1905, no 22,

p. 1064-1065). Mais tout cela ne nous paraît pas indispensable, car bien que

nous n'admettons pas que notre mémoire soit équivoque, nous tenons à dire

que s'il l'était, si nous -avions dit que le faisceau longitudinal inférieur pro-

vient exclusivement du corps genouillé externe, nous trouverions encore un

puissant appui.

Il s'agit d'un principe et l'on sait que ['Anatomie des centres nerveux demeure

fidèle à ses principes. C'est pourquoi, le faisceau longitudinal inférieur, pure-

ment d'association en 4Z;95, mais ayant acquis un contingent de projection en

1901, dut sacrifier son titre de faisceau et se laisser englober par la couche

sagittale externe. Ce même principe a encore été très éloquemment défendu

à une date beaucoup plus rapprochée. A-t-on oublié l'accueil que l'on fit en

1904 aux fibres parapyramidales d'origine mésencépbaiique ? Avec quelle vi-

gueur on leur refusa de partager le domaine et la physiologie du faisceau py-

ramidal direct d'origine corticale ? Nous demandons que l'on ne se méprenne

pas sur les raisons qui nous obligent de rappeler l'application pratique qu'a

déjà trouvée ce principe de l'unité ; il n'y va que du principe et il nous pa-

rait fort précieux '

Nous sommes d'ailleurs d'autant plus autorisé à l'évoquer que l'on a établi

une comparaison entre la voie pyramidale et le faisceau longitudinal inférieur;

que l'on a même rapproché, à notre grande satisfaction, nos fibres géniculo-

calcariniennes des fibres pyramidales (liev. l7eiii-o 1., 1905, no 22, p. 1111-1112).

L'on comprendra l'utilité de faire ressortir la portée véritable que l'on ac-

corde à la terminologie, quand nous dirons que la similitude des faisceaux py-

ramidal et optique central (ou géniculo-c31carinien), esquissée déjà par nos

maîtres, est en réalité de beaucoup plus grande qu'on ne voudrait supposer.

On ne niera pas que les lois en vigueur au niveau du tronc encéphalique

sont également applicables à l'hémisphère cérébral, sauf dans le voisinage im-

médiat de la capsule interne.

La couche sagittale externe temporale égale l'étage antérieur pédonculo-pro-

tubérantiel. Quaut à la pyramide bulbaire, elle se réfléchit dans le lobe occipital.

Nous avons vu que la pyramide bulbaire ue renferme que des fibres d'ori-

gine corticale ; par conséquent lorsqu'elle est totalement dégénérée, la réac-

tion que l'on observe au niveau de la moelle, délimite absolument le territoire

qu'occupe, dans le cas particulier, la voie pyramidale. Quelque irrégulière que

soit la topographie de cette réaction médullaire, quelque grandes les difficultés

d'interprétation, cela ne change rien. Tout s'explique par les modalités si va-

riables de la décussation, par l'enchevêtrement des fibres pyramidales avec les

autres fibres du cordon atitéro-litéral. Bref, il faut revenir au point de départ,

au principe de l'unité de la pyramide bulbaire. En effet, l'origine exclusive-

ment corticale de la pyramide bulbaire est devenue en neurologie « un article

.de foi », que nous le premier, tenons à hautement respecter.

LE FAISCEAU LONGITUDINAL INFÉRIEUR ET LE FAISCEAU OPTIQUE CENTRAL 577

Que l'on veuille bien nous permettre d'appliquer la même logique aux faits

que nous a enseignés l'étude, non pas de la couche sagittale externe tout en-

tière, mais de son secteur occipital qui est également (pour nous) à ce niveau,

le faisceau longitudinal inférieur (pris dans sa phase de pureté).

Pour nous aussi, le jour vint que nous ne pûmes plus étaler sur toute l'é-

tendue du domaine qu'avait reçu le faisceau classique, les fibres que la dégé-

nérescence secondaire avait triées, rapprochées et enfin réunies indissoluble-

ment en un tout « occipital ».

Il s'était produit en effet un fendillement du faisceau 'primitif aux dépens

des couches superficielles de ses segments inférieur et iriféro-latéral ; il en ré-

sulta une série de faisceaux secondaires dont les fibres sont courtes et de lon-

gueur intermédiaire. Or,ces fibres ne constituent pas un faisceau dans le sens

propre du mot, mais une suite de faisceaux; de plus, l'ensemble de ces fibres

n'appartient pas au même système que les autres qui sont de toute longueur,

mais à un système spécial, au système d'association ; enfin ce sont de vérita-

bles fibres pamlongiludinales, car on les retrouve au contact des fibres lon-

gitudinales vraies en tout point du trajet de ces dernières. Il convient donc de

les rejeter sans retard et sans scrupule; mais nous pourrions en désigner

l'ensemble sous le nom de « couche sagittale extrême », cette nomenclature

étant actuellement en vogue. Nous devons ajouter que cela correspond d'ail-

leurs à la réalité. La pathologie nous permet de faire cette assertiou. La cou-

che sagittale extrême existe à l'état d'ébauche sur certaines de nos planches

(Nouvelle Iconog., 1906, ne 2, PI. XXVIII, 1-2 ; Pl. XXX, 7-8 ; raie blanche

en dehors du segment latéral de la couche externe) ; nous espérons en faire

voir de plus nettes dans notre prochain mémoire.

Cette heureuse scission a donc isolé l'élément de projection, le contingent de

prime importance que (pour ne rien préjuger) nous avons dénommé « faisceau

optique central » Or, ce contingent est le seul qui rencontre, non pas toutes,

mais la majorité des obligations du faisceau longitudinal inférieur. Le faisceau

optique central est la seule image fidèle du long faisceau dont avait rêvé notre

antiquité.

Suivons maintenant le faisceau optique central d'une région à l'autre et

voyons jusqu'à quel point l'analogie qu'il présente avec la voie pyramidale, en

fait, au niveau de l'hémisphère, l'équivalent sensoriel du grand faisceau mo-

teur du tronc encéphalique.

Avant de procéder, nous voulons prévenir le lecteur que, en raison de la

disparité morphologique qui s'observe entre les divers niveaux correspondants

que traversent ces faisceaux, nous devrons présenter les choses sous un aspect

un peu différent de celui que l'usage a rendu familier.

Ce moyen est d'ailleurs d'autant plus légitime qu'il répond à la réalité des

faits.

En premier lieu, le faisceau optique central représente pour nous une entité

anatomo-fonctionnelle qui mérite d'être connue. C'est un faisceau sensoriel

corticipète, c'est donc en sens exactement opposé qu'il faut établir le parallèle.

Nous considérons, pour ainsi dire, le revers de la médaille.

578 LASALLE ARCHAMBAULT

Le faisceau optique central tire son origine du plus important des noyaux de

la base, du noyau le plus riche en cellules, le corps genouillé externe. Comme

couronne rayonnante il a le champ triangulaire de Wernicke dont il occupe la

partie antérieure, et dans le sens vertical environ le tiers moyen. Il entre im-

médiatement dans la constitution surtout du segment sous-lenticulaire de la

capsule interne où il est (à l'exemple de toutes les fibres du cerveau) grande-

ment dissocié. -

C'est la partie antérieure (un peu moins que la moitié) du lobe temporal qui

lui sert de pédoncule. Il faut dire, en effet, que l'on peut véritablement se fi-

gurer un pédoncule intra-cérébral, moins parfait et apparemment moins volu-

mineux que son semblable extra-cérébral, mais qui en possède totalement la

physionomie.

Les couches sagittales ne présentent plus le même aspect dès que l'on dé-

passe en avant le plan postérieur du corps genouillé externe ; entre ce niveau

et le noyau amygdalien, les fibres qui occupent le segment latéral ou perpen-

diculaire de la couche sagittale, deviennent obliquement ou franchement ver-

ticales. Elles sont sectionnées (coupe frontale) sur la longueur comme le sont

les fibres qui passent du genou et du segment postérieur de la capsule interne

dans le pied du pédoncule; ainsi que ce dernier se confond avec la capsule in-

terne, de même les couches sagittales passent-elles insensiblement dans la cons-

titution du segment lenticulaire de cette capsule.

Sans vouloir établir de limites très précises, nous croyons pouvoir dire que

« le segment perpendiculaire de la couche sagittale compris entre le noyau

caudé sphénoïdal au-dessus et l'angle saillant qui réunit les deux lames de cette

couche au-dessous », constitue un pied de pédoncule assez convenable.

Dans le sens horizontal, le pied du pédoncule classique se dirige d'arrière en

avant, en dedans et légèrement en haut ; son analogue a le même point de dé-

part (niveau du corps genouillé externe) et se porte plus directement en avant,

ainsi qu'en dehors et en bas. C'est parce que ce dernier est moins franchement

transversal, qu'il est plus gracile et allongé, au lieu de présenter le large ruban

compact qui caractérise le pied du pédoncule cérébral ; aussi sa constitution

est-elle plus complexe, mais pas il un degré extrême. Au sur et à mesure que

l'on aborde les plans antérieurs au corps genouillé externe, les fibres situées

au-dessous du noyau lenticulaire se disposent de nouveau en deux couches plus

ou moins régulières. Elles sont séparées ça et là, par des îlots de substance

grise qui se détachent de l'angle inférieur du noyau lenticulaire ou qui relient

l'avant-mur au noyau amygdalien; la partie recourbée du noyau caudé y est

aussi pour une bonne part. Enfin cette disposition qui rappelle certainement

la configuration du pédoncule cérébral devient frappante lorsque la substance

innominée le Reicliert sépare le globus pallidus du pied de notre pédoncule de

même façon que le locns niger s'iuterpose entre le noyau rouge et le pied dn

pédoncule cérébral. La réunion de ces deux pieds de pédoncule forme donc un

V ouvert en avant, et dont la pointe très émoussée et dirigée en arrière, cor-

respoud au passage du faisceau de Türck dans la capsule interne.

Bien que cela ne soit pas rigoureusement exact, nous croyons que la couche

LE FAISCEAU LONGITUDINAL INFÉRIEUR ET LE FAISCEAU OPTIQUE CENTRAL 579

externe de ces fibres verticales entre le corps genouillé et le noyau amygda-

lien, renferme surtout des fibres corticipètes (on sait que le pied du pédoncule

cérébral est, par contre, corticifuge) ; c'est naturellement de cette lame que

nous voulons faire un pied de pédoncule provisoire.

Le faisceau de Tùrck passe dans le pied du pédoncule en arrière et au-dessous

(coupe frontale) du faisceau pyramidal et constitue son cinquième externe ; il

passe dans la capsule interne en arrière et au-dessus du faisceau optique qu'il

sépare du faisceau pyramidal et concourt également à former le cinquième in-

terne et postérieur du pied du pédoncule que nous décrivons. Bien entendu,

ces divisions sont approximatives, nous n'avons pas l'intention de rétablir la

précision mathématique dans les localisations capsulaires. Nous ajouterons que

les fibres du faisceau optique central occupent environ les deux cinquièmes

suivants du pédoncule intra-cérébral, mais surtout (comme la voie pyramidale)

le deuxième cinquième interne (au lieu d'externe).

Nous avons exposé ces faits pour rendre compréhensible notre conception

d'un pédoncule intra-hémisphérique et faciliter la comparaison que nous avons

entreprise et qu'il importe d'établir d'une façon méthodique. Mais cette question

n'entrant pas autrement dans le cadre de ce mémoire, nous n'en ferons la

description complète que dans un travail ultérieur.

Passons à la protubérance de notre faisceau optique central, que nous em-

prunterons à cette partie du lobe temporal comprise entre le pulvinar et le

splénium du corps calleux. Ainsi que nous l'avons dit dès notre première des-

cription, le faisceau optique est grandement dissocié dans cette partie de son

trajet : par les fibres calleuses de régions antérieures qui se rendent à la partie

postérieure du tronc du corps calleux ; par les nombreuses fibres d'association

qui relient entre elles les circonvolutions des faces inféro-interne et externe

de l'hémisphère (que nous avons comparées au faisceau de Vialet), et dont un

bon nombre rappellent les fibres transverses (couches moyenne et profonde)

du pont de Varole. Enfin cette dissociation tient à la transposition de fibres

corticipètes et corticifuges sur laquelle nous avons longuement insisté et qui

est véritablement de la plus grande importance (Rev. Neurol., 1905, n° 22,

p. 1058-1059 ; Nouvelle Iconog., 1906, n° 2, p. 205-208). A ce niveau le fais-

ceau optique central se dispose en fascicules, comme le fait le faisceau pyramidal

dans l'étage antérieur de la protubérance ; il occupe et la couche externe et la

couche interne et concourt largement à former le tiers moyen (environ) du

segment vertical de cette dernière. Ainsi que la voie motrice est recouverte de

la couche superficielle des fibres transverses ponto-cérébelleuses, de même le

faisceau optique central est-il séparé de- l'épendyme ventriculaire par l'épais

tapétum au niveau du 'carrefour du ventricule latéral. Au-dessous de la paroi

inférieure, les fibres du faisceau optique ne se localisent pas entièrement dans

la couche sagittale externe, mais empiètent plus ou moins sur la couche interne.

Ce sont là des faits dont il faut tenir compte. On rencontre des variations à ce

niveau comme on en rencontre ailleurs. Les modifications dépendent surtout

du degré de dilatation ou de contraction ventriculaire.

Enfin en arrière du bourrelet du corps èalleux les fibres du faisceau optique

580 ' LASALLE ARCHAMBAULT

central se déploient progressivement et se cantonnent dans le lobe occipital,

à la couche sagittale externe dont elles constituent la presque totalité. C'est

donc dans ce lobe que nous trouvons une pyramide optique ; elle est excavée

mais non moins précieuse.

Les fibres du faisceau optique central se terminent surtout dans les deux

lèvres de la scissure calcarine, dont les cellules correspondent (non pas mor-

phologiquement, mais au.point de vue de notre comparaison) aux cellules des

cornes antérieures de la moelle qu'entourent les ramifications pyramidales.

Où est la décussation ? Si l'on tient compte du fait que le segment visuel

extra-cérébral, c'est-à-dire le nerf optique, n'a jamais été classé, mais est resté

avec le nerf olfactif dans une catégorie à part, et en plus, si l'on considère que

nous n'avons qu'un seul faisceau et non deux ; si l'on ne néglige pas ces par-

ticularilés, disons-nous, il devient évident que c'est au chiasma qu'il faut

avoir recours.

Nous nous trouvons donc obligé de nous éloigner du domaine qu'intéresse

plus particulièrement notre comparaison et de nous occuper du segment péri-

phérique ou extra-cérébral de l'un et de l'autre des faisceaux que nous com-

parons. Nous tenons à dire que l'importance de cette question légitime, cette

digression est plus apparente que réelle. Il est en effet indispensable d'établir

le parallèle entre le segment moteur périphérique et le segment extra-cérébral

de la voie visuelle pour comprendre que tout en étant extra-cérébrale, la

décussation optique ne diffère de l'entrecroisement pyramidal qu'en appa-

rence.

Le neurone moteur périphérique comprend la cellule multipolaire de la

corne antérieure, sa racine, le nerf périphérique et ses terminaisons muscu-

laires (plaques motrices). Le faisceau pyramidal ne s'entrecroise qu'en arri-

vant près de son semblable dans le bulbe et en un point rapproché des grou-

pes cellulaires auxquels il apporte le stimulus cortical, l'influence du psy-

chisme ; la décussation se fait donc dans le sens de sa conductibilité.

C'est des cellules du type inférieur que naissent les racines motrices dont

l'ensemble représente, pour ainsi dire, le faisceau moteur périphérique ou

trophique. Nous savons cependant qu'il existe également dans la moelle, un

système compliqué de collatérales, de voies réflexes, auquel l'élément pyra-

midal contribue largement. On ne peut guère parler d'une voie visuelle péri-

phérique, puisque l'embryologie nous enseigne que le nerf optique fait partie

de la vésicule oculaire et que celle-ci représente un prolongement de la subs-

tance cérébrale. Toutefois, le mode d'origine du nerf optique se rapproche

certainement de celui du nerf olfactif et aussi du nerf cochléaire ; c'est un

équivalent tout au moins. Ainsi, cet équivalent (il s'agit d'une comparaison)

du neurone moteur périphérique est représenté par la rétine et le nerf optique;

mais ce segment extra cérébral ne donne pas, il reçoit. Il reçoit des impres-

sions lumineuses, mais au meilleur de notre connaissance, il n'est pas encore

démontré que ces impressions soient également visuelles (à proprement parler).

Quoi qu'il en soit, au point de vue embryologique, trophique, le neurone

visuel fondamental prend naissance en dehors de l'hémisphère cérébral ; s'il

LE FAISCEAU LONGITUDINAL INFÉRIEUR ET LE FAISCEAU OPTIQUE CENTRAL 581

n'est pas périphérique dans le sens propre du mot, il se comporte d'une façon

assez analogue. Or, la rétine qu'on ne peut assimiler aux éléments nerveux

périphériques, se rapproche certainement de l'écorce cérébrale et correspond

(pour nous) en grande partie à la zone rolandique. Comme cette dernière, elle

est' subdivisée en régions fonctionnelles (nasale, temporale et maculaire), mais

elle en diffère en ce sens qu'elle n'est pas en relation immédiate avec le reste

de l'écorce (fibres commissurales et d'association). Ce n'est donc pas au ni-

veau de la rétine que se fait l'échange des impressions ; elle acquiert de par

le fait, une certaine ressemblance avec les ganglions rachidiens et crâniens

(ganglions de Gasser, ganglions acoustiques, cellule olfactive). Bref, la rétine

semble réunir au point de vue de l'origine du premier neurone, le type moteur

(centre cortical) et le type sensitif (ganglion cérébro-rachidien). Nous n'avons

pas l'intention de considérer ici l'histologie de la rétine, mais nous ferons re-

marquer que les divers types de cellules que l'on y rencontre, se prêtent assez

.bien à notre manière de voir, qui n'est du reste qu'une hypothèse. La dispo-

sition laminaire est tout à fait comparable à l'écorce, mais pour la plupart,

les éléments superposés ressemblent aux formations nerveuses des ganglions

crâniens ou aux arborisations périphériques. La cellule bipolaire est certaine-

ment l'analogue des cellules des ganglions acoustiques ; les cônes et bâtonnets

rappellent quelque peu les arborisations de certaines variétés des plaques mo-

trices (éminences et plaques terminales). Quant aux cellules ganglionnaires

elles sont pour nous des formes modifiées des grandes cellules que l'on ren-

contre en divers endroits de la corticalité.

Le nerf optique est à la fois centrifuge et centripète (par rapport au corps

genouillé externe), et doit, à l'exemple des autres nerfs d'origine extra-céré-

brale, étaler sur une certaine étendue de l'une et l'autre des régions symétri-

ques qu'il dessert, les impressions qui lui viennent du dehors. Il y a deux nerfs

optiques de même que deux voies pyramidales, mais contrairement à ce qui se

passe pour celles-ci, les noyaux principaux du premier neurone visuel sont

très éloignés l'un de l'autre, ils siègent dans des régions embryologiquement

distinctes et sont séparés par toute la largeur du pédoncule cérébral.

La discussion est donc nécessairement extra-cérébrale, mais elle est centrale

et parfaitement conforme à la caractéristique pyramidale : « décussation entre

le centre d'origine et le noyau terminal du premier neurone ». A un point de

vue pratique ne pourrait-on pas considérer que l'entrecroisement moteur est

lui-même extra-cérébral ? C'est-à-dire que le tronc encéphalique est réellement

un segment extra-cérébral.

Devons-nous ajouter que le chiasma est la copie presque parfaite de la décus-

sation pyramidale ? Nous y reviendrons plus loin.

La bandelette optique se termine surtout dans la partie inférieure du corps

genouillé externe ; ce noyau reçoit, d'après von Monakow, environ 80 0/0 des

fibres rétiniennes.

Nous croyons que ce ganglion primaire de la vision représente un ensemble

fonctionnel, qu'il est comme la rétine une formation atypique, un ganglion

composé. Il correspond (au point de vue de notre comparaison, en tant que

382 LASALLE ARCHAMBAULT T

second centre trophique), au centre pyramidal inférieur, à l'ensemble des

cellules multipolaires des cornes antérieures destinées à recevoir les ramifica-

tions terminales de l'une des voies motrices. Mais cette écorce rétinienne étant

sensorielle, la partie inférieure du corps genouillé externe devient comparable

au noyau pontique de la racine sensitive du trijumeau, ou mieux encore, au

noyau acoustique ventral.

D'après nos connaissances actuelles, le complément des fibres optiques (le

moindre nombre) se rend au pulvinar et au corps quadrijumeau antérieur.

Etant donné que ce contingent provient de la rétine (que nous avons compa-

rée à l'écorce) qui n'est qu'une expansion distale de la vésicule oculaire primi-

tive ; que ses libres se rendent directement au pulvinar sans interruption au

niveau de relais ganglionnaires ; ne pourrait-on pas, par analogie, dénommer

ce contingent : les radiations thalamiques de la sphère rétinienne ? De plus,ces

fibres thalamiques répondraient aux libres que chaque nerf sensitif ou sensoriel

envoie à la couche optique, soit directement soit indirectement. Ce fait rappro-

che de nouveau la rétine de la corticalité.

Quant aux libres qui vont au corps quadrijumeau. elles sont comme les pré-

cédentes, des fibres rétiniennes directes ; elles concourent à former le bras du

tubercule quadrijumeau antérieur et passent par conséquent en avant et au-

dessus du corps genouillé externe pour arriver à leur noyau pédonculaire. Ces

fibres quadrigéminales abordent donc les divers niveaux dans le même ordre

que la voie motrice : rétine (écorce), capsule interne (entre le corps genouillé et

la zone réticulée), pédoncule; mais sont séparées du faisceau de Tûrck et de

la voie pyramidale par la zone réticulée. Ce petit fascicule létino-quadrigémi-

nal affecte, cependant, des relations avec les ganglions de la base et présente

des caractères morphologiques qui le rapprochent beaucoup plus du type sen-

sitif. Il se rend au corps quadrijumeau antérieur ; la voie acoustique centrale

se termine en partie dans le corps quadrijumeau postérieur.

Or, nous savons que le pulvinar et le tubercule quadrijumeau antérieur sont

considérés par certains auteurs comme point de départ d'un faisceau descen-

dant du tronc encéphalique ; par exemple le « faisceau optique descendant »

de Van Gehuchten qui tire son origine du corps quadrijumeau. Cette branche

descendante serait alors l'analogue de la racine descendante du trijumeau, de

la racine descendante vestibulaire, etc., et posséderait vraisemblablement un

caractère moteur.

Le contingent rétino-quadrigéminal correspond également aux radiations du

corps quadrijumeau antérieur de provenance occipitale, ce qui est encore en

faveur de la nature vraisemblablement corticale de la rétine.

Ainsi, on serait porté à concevoir que l'écorce rétinienne et la corticalité occi-

pitale (surtout l'écorce calcarinienne) font partie d'un centre fonctionnel pri-

mitivement commun et que l'embryologie a divisé plus tard en deux segments :

dont l'nn, cérébral, est fonctionnel, réflectif et fait partie du mécanisme psychi-

que ; dont l'autre extra-cérébral est simplement trophique, passif et appartient à

l'automatisme. Ce dernier constitue pour ainsi dire une véritable écorce péri-

phérique, mais ne représente qu'un simple récepteur sensoriel.

LE FAISCEAU LONGITUDINAL INFÉRIEUR ET LE FAISCEAU OPTIQUE CENTRAL 583

On serait douc en présence d'un système qui possède deux corticalités, ou

plutôt d'un appareil nerveux comprenant deux lobes ; les deux réunis par l'in-

termédiaire du corps genouillé externe, qui entre alors dans la constituti on

de l'un et de l'autre. Le lobe extra-cérébral est morphologiquement l'analogue

du type pyramidal. La rétine envoie la majorité de ses fibres au corps genouillé

externe, mais l'existence de fibres allant en sens inverse n'est admise que par

certains auteurs. A ce propos nous dirons que nous nous rallions à l'idée

qu'un petit nombre de fibres passent des noyaux centraux dans la bandelette

optique ; nous croyons qu'elles proviennent du corps quadrijumeau antérieur

ou des amas ganglionnaires profonds de l'aqueduc de Sylvius. Ces fibres mésen-

céphaliques rappellent les fibres que l'on a décrites comme venant des cornes

antérieures de la moelle et qui se rendent aux racines postérieures ; car la

bandelette est sensorielle. Le lobe occipital représente le lobe intra-cérébral

de l'appareil visuel et reçoit le neurone terminal, c'est-à-dire le neurone géni-

culo-calcarinien ; ce dernier étant corticipète devient donc, de par son siège,

l'équivalent sensitif de la voie optique.

On sait que le lobe occipital envoie de nombreuses fibres aux ganglions in-

fracorticaux : corps genouillé externe, corps quadrijumeau antérieur et pnlvi-

nar, c'est-à-dire aux noyaux mêmes qui reçoivent les fibres rétiniennes. Mais,

tandis que la rétine entre en connexion surtout avec le corps genouillé, les

radiations occipitales se rendent eh plus grand nombre au pulvinar et au corps

quadrijumeau antérieur. Au point de vue anatomique (sinon physiologique)

nous ferons remarquer que la rétine et l'écorce occipitale se comportent vis-à-

vis des centres primaires de la vision, d'une façon presque mathématiquement

complémentaire. Nous allons exposer ces faits d'une manière schématique;

mais nous tenons à dire que bien qu'ils ne soient pas rigoureusement exacts,

ils reposent sur des constatations personnelles. Il ne s'agit donc pas ici d'une

simple hypothèse.

a) La rétine envoie : -

1° Au corps genouillé externe 80 0/0 (environ) de ses fibres.

2° Au corps quadrijumeau antérieur les libres qui forment le stratum zonale

de ce noyau, ou, la couche superficielle.

3° Au pulvinar, un très petit nombre de fibres.

b) Le lobe occipital envoie :

1° Au corps genouillé externe, les 20 0/0 de fibres corticales qui lui man-

quent ; ce sont les radiations cortico-genouillées externes. Nous ne croyons

pas que ces radiations proviennent de la sphère visuelle même, de l'écorce cal-

carinienne qui seule correspond à la rétine. Pour nous, ces fibres proviennent

des circonvolutions de la face externe, peut-être aussi du lobule fusiforme.

2° Au corps quadrijumeau antérieur (uniquement de la sphère visuelle) des

radiations cortico-quadrigérninales. Elles concourent à former le stratum zonal

de ce noyau, mais se rendent surtout à la couche moyenne.

3° Au pulvinar (de la totalité de son écorce) de nombreuses fibres, des ra-

diations thalamiques. C'est de la sphère visuelle cependant que proviennent

la majeure partie de ces radiations.

584 LASALLE ARCHAMBAULT T

Le neurone visuel intra-cérébral ne provient que du corps genouillé externe.

Nous ne croyons pas que le pulvinar et le corps quadrijumeau concourent à

la formation du neurone corticipète.

Ces faits semblent donc venir à l'appui de notre supposition que la rétine

n'est qu'une écorce modifiée et destinée ? rencontrer les exigences de la phy-

siologie. Nous revenons à notre idée première, que bien qu'elle ne soit aucune-

ment périphérique dans le sens propre du mot, elle doit nécessairement jouer

le rôle d'équivalent. On pourrait dire qu'elle est morphologiquement corticale

et fonctionnellement périphérique. Par conséquent, c'est le lobe occipital seul,

qui renferme une corticalité visuelle réellement parfaite.

Revenons au corps genouillé externe. Nous lui avons donné un caractère

composé et avons déjà discuté son rôle purement trophique, disant qu'il cor-

respond, au point de vue de notre comparaison des faisceaux pyramidal et

optique central, aux cellules des cornes antérieures (cellules multipolaires).

Mais, le nerf optique étant sensoriel, il est préférable de comparer le ganglion

visuel central au noyau acoustique ventral (nerf cochléaire) dont il a certaine-

ment l'aspect. Comme les noyaux sensitifs des nerfs crâniens, le corps ge-

nouillé est le point de départ du second neurone et nous croyons qu'il est

relié à son semblable par des fibres commissurales qui passent par la com-

missure postérieure.

Or, ce centre optique primaire ne siège pas dans les régions inférieures du

tronc encéphalique, mais au niveau de la base, c'est le mieux développé des

noyaux thalamiques ; il devient donc en même temps et au point de vue fonc-

tionnel, l'analogue du noyau ventral de la couche optique qui reçoit les fibres

du ruban de Reil. Mais le corps genouillé externe diffère beaucoup de ce der-

nier noyau, car il ne reçoit que le premier neurone ; s'il est sensoriel et sous-

cortical ou thalamique, il est également cortical quant au mode que reconnaît

son mécanisme fonctionnel. Il est tout à fait comparable au centre moteur

cortical. Cette manière de voir peut paraître étrange, mais il faut bien dire.que

les noyaux de la couche optique ne sont contraires qu'au point de vue topogra-

phique; ils correspondent fonctionnellement, du moins en grande partie, à

l'écorce cérébrale. Bien que cela ne soit pas conforme à la doctrine admise,

nous devons dire que pour nous, le lemniscus médian, le ruban de Reil, a

comme centre terminal de prime importance, le noyau central du thalamus.

Nous ne croyons pas que la voie sensitive in loto reparte de ce noyau central

pour s'irradier dans l'écorce; certainement que de nouvelles fibres prennent

naissance dans la couche optique et se rendent à la partie postérieure de la

région rolandique, ce sont de véritables fibres tllalamo-corticales qui trans-

mettent les impulsions sensitives à la zone motrice. Mais pour nous, ces fibres

sont peu nombreuses en comparaison avec le volume réel du lemniscus et

elles jouent plutôt le rôle de collatérales ou voies réflexes. Il en est de même

pour la voie auditive, le lemniscus latéral, mais à un degré moindre. Le man-

teau cérébral est la sphère du physiologisme acquis. Que l'on rencontre de

l'hémianesthésie dans des cas de lésions purement corticales, le fait n'est

LE FAISCEAU LONGITUDINAL INFÉRIEUR ET LE FAISCEAU OPTIQUE CENTRAL S85

guère douteux ; mais nous croyons qu'elle est rarement permanente et qu'elle

tient beaucoup plus à la désorientation qu'à l'anesthésie vraie. D'ailleurs, la

lésion se trouve rapprochée du thalamus, et le noyau ventral perçoit un

ébranlement qui suffit à suspendre temporairement sa susceptibilité.

Le corps genouillé externe est un noyau lhalamique sensoriel ; son siège et

son caractère fonctionnel le rapprochent donc des noyaux sensitifs. Mais, ainsi

que le noyau ventral de la couche optique est (pour nous) l'analogue de l'é-

corce sensitive, de même le corps genouillé externe est-il l'analogue de l'écorce

motrice ; nous le répétons, il s'agit du mécanisme fonctionnel qu'il suit.

Ce centre ganglionnaire de la vision reçoit la majeure partie des fibres ré-

tiniennes, mais nous avons vu que la rétine représente une écorce imparfaite,

qu'elle est plutôt un centre trophique de type inférieur, puisqu'elle n'entre pas

en relation avec le reste de la corticalité à l'aide de libres commissurales et de

fibres d'association. Nous croyons qu'il est très probable que le corps genouillé

externe supplée en partie à ce déficit, qu'il joue le même rôle que l'écorce ro-

landique mais dans une mesure beaucoup moindre. Ainsi que la région mo-

trice est stimulée par des impressions sensitives qui lui viennent de la couche

optique et réagit sur les masses grises inférieures et sur le thalamus, de même

le corps genouillé externe reçoit-il les impressions lumineuses et visuelles de

la rétine et de l'écorce occipitale (directement surtout, mais peut-être indirec-

tement aussi par l'intermédiaire du pulvinar et du corps quadrijumeau anté-

rieur) et réagit sur les noyaux du mésencéphale, et sur la corticalité calcari-

nienne. Ce n'est là bien entendu qu'une hypothèse, mais elle repose sur un

certain nombre de faits qui la rendent assez vraisemblable.

La zone rolandique reçoit dans sa partie postérieure les fibres thalamo-cor-

ticales destinées à transmettre les impressions de la sensibilité ; l'intimité des

relations est telle que nous ne savons pas encore quelle topographie affecte ce

que l'on dénomme la sphère sensitive corticale. Le corps genouillé externe est

le noyau d'origine du faisceau optique central et c'est dans sa partie postérieure

et supérieure que s'épuisent les radiations cortico-genouillées ; dans sa partie

inférieure et antérieure que pénètrent les fibres rétiniennes. Les fibres cortico-

genouillées ne proviennent pas de la scissure calcarine, mais des circonvolutions

de la face inféro-externe et latérale du lobe occipital.

L'analogie est grande et fait ressortir que l'échange des impressions par con-

tact (à la façon pyramidale) n'est possible qu'au niveau du corps genouillé ex-

terne.

Le tronc du corps calleux est avant tout un système interhémisphérique

d'association ; la région rolandique possède certainement son contingent com-

missural, mais c'est au niveau du « centre terminal du neurone physiologi-

que », entre les divers groupes cellulaires des cornes antérieures de la moe ! le,

qu'existe toute une suite de commissures motrices véritables. De la même façon,

les corps genouillés sont reliés par un système commissural fort complexe; nous

croyons que la commissure postérieure renferme un certain nombre de ces

fibres. Quant à la grande commissure visuelle, elle se retrouve dans le lobe

occipital ; elle constitue la majeure partie du splénium calleux.

586 LASALLE AItCIIA\II3AUL'C

Le corps genouillé externe entre aussi en relation avec des régions fonc-

tionnelles autres que la corticalité occipitale; nous reviendrons sur ces faits,

dans un travail ultérieur.

Enfin, nous avons vu que ce ganglion optique primaire est le point de dé-

part d'un faisceau corticipète, qui présente aux différents niveaux de son tra-

jet, absolument la disposition fasciculaire que reconnaît la voie pyramidale

depuis l'écorce jusqu'à la pyramide bulbaire.

Avant de reprendre l'étude de cette analogie au niveau du lobe occipital, il

reste un détail digne d'être compris dans notre comparaison, à savoir. la dé-

cussation optique. Il importe de s'y arrêter à nouveau et de la reconsidérer,

car si nous avons vu la raison d'être de sou siège extra-cérébral, nous n'a-

vons pas exposé les particularités qui servent à établir sa ressemblance avec

l'entrecroisement pyramidal.

Le faisceau nasal (faisceau pyramidal croisé) est supéro-interne dans le

chiasma, inféro-interne dans la bandelette.

Le faisceau temporal (faisceau pyramidal direct) est inféro-externe dans le

chiasma, supéro-externe dans la bandelette. Le faisceau maculaire central est

l'équivalent du contingent homolatéral du faisceau pyramidal croisé. Il suffit

d'observer l'entrecroisement moteur en tenant le bulbe de façon à ce que la

face ventrale soit supérieure et la face dorsale (plancher du ventricule) infé-

rieure, pour se convaincre qu'il n'y a aucune différence entre la décussation

optique et la décussation pyramidale.Un seul changement, c'est que le faisceau

optique'direct est latéral et le faisceau pyramidal direct est, au contraire, dé-

placé vers la ligne médiane au niveau de la moelle mais il faut dire que les

voies pyramidales se rapprochent en descendant et que les voies visuelles di-

vergent en se rendant aux noyaux centraux. La bandelette passe donc dans

l'hémisphère avec la même disposition que la voie pyramidale dans une moitié

de la moelle.

Que devient le contingent temporal non-croisé qui correspond au faisceau

pyramidal direct ? La physiologie et la clinique nous enseignent que contraire-

ment à ce qui se passe dans la moelle, il n'y a pas d'entrecroisement des fibres

rétiniennes temporales. D'ailleurs, les fibres de la bandelette optique s'enche-

vêtrent tellement au niveau des ganglions de la base qu'il est impossible de

préciser le lieu de terminaison de l'un ou de l'autre des faisceaux rétiniens.

Quoi qu'il en soit, toutes les fibres optiques se terminent dans les ganglions

primaires de la vision et nous croyons que le corps genouillé externe envoie

des fibres à la commissure postérieure à même titre que le pulvinar et le corps

quadrijumeau antérieur. Nous ne disons pas que ces fibres sont nombreuses,

mais nous en avons certainement vu dans deux de nos cas. Ces fibres com-

missurales peuvent représenter des fibres rétiniennes nasales ou maculaires

qui s'entrecroisent de nouveau et vont s'irradier dans les ganglions corres-

pondants du côté opposé; des libres genotiillées qui se rendent à la couronne

rayonnante du lobe occipital contra-latéral ; enfin, de simples fibres agenouil-

lées commissurales.

LE FAISCEAU LONGITUDINAL INFÉRIEUR ET LE FAISCEAU OPTIQUE CENTRAL S87

D'après les auteurs le faisceau maculaire se termine essentiellement dans le

corps genouillé externe et concourt largement à la formation de la voie visuelle

intra-cérébrale. Pour notre part, nous sommes plutôt d'avis que le faisceau

maculaire n'abandonne que le moindre nombre de ses fibres au corps genouillé,

que ce sont surtout le corps quadrijumeau antérieur et la substance grise de

l'aqueduc de Sylvius qui représentent son noyau terminal de prime importance.

Nous ne nions pas que le second neurone maculaire se rende à la corticalité

cérébrale, mais nous croyons que la majorité de ses fibres passent dans les

régions inférieures du tronc encéphalique ou entre en relation avec certains

noyaux du thalamus.

Ainsi, nous revenons à notre idée première, à savoir, l'origine exclusive-

ment genouillée du neurone visuel intra-cérébral, que nous avons dénommé,

« faisceau optique central » ou « faisceau géniculo-calcarinien ». Ce faisceau est

la continuation de la proportion 80 0/0 de fibres rétiniennes qu'a reçue le corps

genouillé, quel que soit le caractère de ce contingent ; qu'il renferme des fibres

nasales, temporales ou maculaires ; qu'il s'agisse d'un mélange soit de deux,

soit de trois de. ces espèces. Le premier neurone est exclusivement rétinien,

le second exclusivement genouillé ; les fibres extra-cérébrales proviennent de

l'écorce visuelle périphérique (la rétine), les fibres intra-céréhrales se termi-

nent dans la sphère visuelle corticale, qui n'est qu'une rétine intra-cérébrale.

Ainsi que l'ensemble des racines motrice, constituerait un faisceau plus

volumineux que le faisceau pyramidal, de même le faisceau optique central

est-il certainement plus développé que la bandelette optique. Il en est de même

aussi du lemnicus par rapport à l'ensemble des libres qui se terminent dans

les noyaux des cordons postérieurs.

Cependant le faisceau optique central est sensiblement moins volumineux

qu'il ne paraît. La configuration de l'hémisphère prête à l'illusion, les faisceaux.

sont étalés sur une étendue beaucoup plus considérable qu'au niveau des ré-

gions inférieures du névraxe, et partant, leurs fascicules sont beaucoup plus

relâchés et les chances d'enchevêtrement multipliées. Nous n'avons pas l'in-

tention de revenir sur ces faits, sur lesquels nous croyons avoir suffisamment

insisté dans notre premier mémoire (Rev. Neurol., 1905, n° 22, p. 1038-1039,

1065 ; Nouvelle Iconog., 1906, n° 2, p. 205-208 et Cas Roll, p. 190).

Le faisceau optique central prend naissance au niveau de la base, mais il est

déjà entrecroisé, grâce au parcours extra-cérébral de son premier neurone.

Ainsi que le trajet central du nerf auditif, de la racine sensitive du trijumeau,

a, comme premier échelon dans la gamme des niveaux, le sillon bulbo-protu-

bérantiel ou la partie moyenne du pont de Varole, de même la voie visuelle

intra-cérébrale débute-t-elle par la base et continue son trajet en passant par

la capsule. interne et à travers le centre ovale du lobe temporo-occipital pour

s'irradier dans l'écorce calcarinienne. Ce faisceau visuel central ressemble

beaucoup à la voie pyramidale d'un niveau à l'autre, mais naturellement qu'en

parlant d'un pédoncule, d'une pyramide, il ne s'agissait pas de le sortir de

l'hémisphère ou de lui donner un caractère moteur. C'est un faisceau sensoriel

88 LASALLE ARCHAMBAULT

corticipète que l'on pourrait comparer (mais ce serait fort difficile) avec d'autres

des voies du tronc encéphalique : le lemniscus médian ou latéral. Nous avons

voulu démontrer qu'il possède absolument la caractéristique du faisceau py-

ramidal ; il y a entre ces deux faisceaux une similitude de disposition fascicu-

laire qui nous parait remarquable.

Ceci nous ramène il la considération du trajet du faisceau optique central

au niveau du lobe occipital ; il reste en effet quelques particularités dignes d'être

-signalées. '

La voie pyramidale comporte des fascicules aberrants, mais elle ne reçoit

aucun contingent des ganglions de la base ou des noyaux du tronc encéphali-

que. Elle se sépare au niveau du pédoncule, des fibres corticales destinées aux

noyaux moteurs des nerfs crâniens et aux masses grises de la calotte ; elle n'est

accompagnée dans l'étage antérieur de la protubérance que des libres qui se ter-

minent dans les noyaux pontiques. Bien que dissociée à cet endroit, la voie py-

ramidale regagne son indépendance et c'est à l'état de pureté qu'elle constitue

la pyramide bulbaire. Ainsi on arrive à établir qu'un certain contingent d'ori-

gine corticale, conserve son individualité à travers les différents niveaux du

tronc encéphalique ; que la pyramide bulbaire égale le deuxième cinquième ex-

terne du pied du pédoncule cérébral. En d'autres termes, le faisceau pyramidal

a parcouru le long trajet cortico-bulbaire sans subir de modifications de volume

ou de qualité.

Il en est absolument ainsi du faisceau optique central. Ses fibres font partie

intégrante des couches sagittales et s'enchevêtrent plus ou moins avec les autres

fibres de la couronne rayonnante, mais ce faisceau traverse la totalité du lobe

temporo-occipilal sans souffrir d'atteinte a son intégrité.

Il est au niveau du lobe occipital ce qu'il est dans la partie moyenne du

lobe temporal ; il change d'aspect mais non de volume et encore moins de

qualité. La réalité de ce fait est facile à constater sur les planches qui se rap-

portent à la description de notre cas Roll. (Nouvelle Iconog., 1906, n° 2,

p. 190).

Le faisceau optique central se termine uniquement dans l'écorce du cunéus

et du lobule lingual, tout particulièrement dans les deux lèvres de la scissure

calcarine, surtout dans sa lèvre inférieure. Nous avons dit que c'est à ce

niveau qu'existe la pyramide optique, nous pouvons presque dire que c'est

également ici que se dessine une moelle assez véritable. Les fibres du faisceau

optique se déploient lentement et forment un anneau complet qui cercle la

corne occipitale, mais, ainsi que nous l'avons dit, ce cercle n'est pas d'épaisseur

uniforme. La majorité des fibres géniculo-calcariniennes occupent la moitié

inférieure du segment latéral (externe) et la moitié externe du segment sous-

ventriculaire de la couche sagittale externe occipitale. Les libres qui siègent

dans le segment sus-ventriculaire de cette couche et longent la paroi médiane

(interne) sont disposées en une couche très mince, que comme la grande majo-

rité des auteurs, nous ne pouvons déceler qu'au microscope. Or, le contingent

plus considérable qui est situé au-dessous et en dehors de la corne occipitale

LE FAISCEAU LONGITUDINAL INFÉRIEUR ET LE FAISCEAU OPTIQUE CENTRAL 589

représente le faisceau pyramidal croisé (en tant que morphologie), le mince

complément supéro-interne égale le faisceau pyramidal direct. Que ces notions

sont plus réelles que chimériques nous a été démontré de deux façons. En

premier lieu nous avons vu dans trois cas (dont deux, récemment) une petite

dégénérescence dans la profondeur du lobule lingual alors qu'il existait sur

un certain nombre de coupes antérieures, soit une lacune, soit un petit foyer

analogue détruisant les couches sagittales à l'angle supéro-interne de la corne

occipitale, c'est-à-dire dans la substance blanche du cunéus.

Il se fait donc un entrecroisement quelconque entre les fibres optiques des-

tinées à l'une et à l'autre des lèvres calcariniennes ; il ne s'agissait certaine-

ment pas d'une dégénérescence du stratum calcarinum.

Quelle est la signification de ces faits, nous ne saurions dire, mais il est

intéressant de noter que cette décussation se fait aux dépens du contingent

qui répond (au point de vue de notre comparaison) au faisceau pyramidal

direct. Evidemment nous n'attachons aucune importance à ce détail, mais ces

constatations nous permettent d'affirmer qu'un entrecroisement des fibres

géniculo-calcariniennes de chaque hémisphère a lieu. La décussation ne se

fait que lorsque les fibres du segment latéral ont contourné la corne ventricu-

laire et viennent côtoyer sa paroi médiane ; de plus, nous croyons que cet

entrecroisement n'intéresse qu'un nombre restreint de fibres optiques.

En second lieu, il est un autre fait qui invite à établir cette similitude de

trajet entre le faisceau optique central et les faisceaux médullaires de la voie

pyramidale. Une fois que l'on dépasse en arrière la corne occipitale, on cons-

tate la disparition du faisceau optique direct ; il ne reste au niveau de la pointe

qu'une seule lame, la continuation de ce que nous avons appelé (par analogie)

le faisceau optique croisé. Cette lame s'épuise rapidement, grâce au territoire

plus vaste qu'occupe au niveau du pôle occipital, la scissure calcarine. Ces

particularités sont absolument conformes aux descriptions du trajet médullaire

de la voie pyramidale : disparition à un niveau variable (le plus souvent dor-

sal supérieur) du faisceau direct et irradiation rapide dès que l'on aborde le

renflement lombaire. Le faisceau optique central présente les mêmes variations

de trajet, de volume et de disposition fasciculaire que le faisceau moteur.

Il importe d'insister sur ce fait, que la configuration d'un niveau ou d'une

région y est pour beaucoup dans l'explication des anomalies des irrégularités

de trajet. '

Au niveau de l'hémisphère, le grand facteur c'est le degré de dilatation

ventriculaire et l'on sait combien cette dilatation est variable et inconstante.

Quelle n'est pas la différence entre la répartition des couches sagittales d'un

lobe occipital avec symphyse ventriculaire et celle d'un lobe occipital hydro-

céphalique ? 2

Les libres géniculo-calcariniennes constituent la presque totalité de la cou-

che sagittale externe occipitale, mais elles obéissent à la règle générale, pour

arriver à leur destination, elles affectent le trajet le plus court. Ainsi, les

fibres qui se détachent des angles supéro-externe et inféro-externe pour aller

iix 39

390 0 LASALLE ARCHAMBAULT

s'irradier dans l'écorce calcariuieuue, devront forcément prendre la voie de la

couche interne et même se mêler aux radiations calleuses, pour arriver au

point terminal. Cela sera d'autant plus indispensable que la dilatation ventri-

culaire est plus accusée et que, de par le fait, la scissure calcarine se trouve

plus éloignée du segment inférieur ou horizontal (coupe frontale) des couches

sagittales. Ces deux segments du faisceau optique central sont exposés comme

le sont les deux faisceaux de la voie pyramidale à être refoulés, déplacés ; les

autres fibres s'enchevêtrent avec les fibres géniculo-calcariniennes, surtout

le long de la paroi interne de la corne ventriculaire.

Nous devons ajouter que le stratum calcarinum, véritable commissure cal-

carine ou cunéo-linguale, est la commissure antérieure de la moelle, et qu'il

n'est aucune partie du corps calleux aussi directement commissurale que l'est

le splénium.

Il nous semble inutile de poursuivre davantage cette comparaison ; nous

croyons avoir démontré suffisamment que le faisceau optique central est au

niveau de l'hémisphère ce qu'est la voie pyramidale dans son trajet pédonculo-

médullaire. Incidemment nous avons fait ressortir que la voie visuelle, voie

sensorielle admise de tous, réunit les deux types : moteur et sensitif. Au point

de vue morphologie, elle remplit à la perfection le rôle pyramidal ; quand à sa

physiologie et quant ses localisations régionales elle se rapproche du type

sensitif. Nous revenons sur ce fait que, jusqu'à ce jour,il n'est aucun faisceau

de projection corticipète qui ait été individualisé et dont le trajet intra-hémi-

sphérique soit établi.

La voie motrice est nettement démontrée et au niveau de l'hémisphère et au

niveau du tronc encéphalique; la voie sensitive' se cantonne presque exclusi-

vement aux régions inférieures du névraxe (moelle et rhombencéphale) ; la voie

sensorielle est mieux délimitable dans son travail intra-hémisphérique que la

voie pyramidale et possède en outre un segment extra-cérébral qui est de beau-

coup mieux isolé que l'est soit la voie motrice, soit la voie sensitive au niveau

du tronc encéphalique.

Au segment intra-cérébral et corticipète de la voie visuelle, nous avons donné

le nom de « faisceau optique central » afin de rendre au contingent très impor-

tant que renferme un ensemble classique, son cachet véritable.

Quel est ce faisceau dont les fibres de toute longueur existent à l'état de pu-

reté presque dans la couche sagittale externe du lobe occipital, entourent d'un

anneau la corne ventriculaire de ce lobe, occupent en avant le segment infé-

rieur de la couche externe temporale, passent par la capsule externe (partie

postéro-inférieure) et se retrouvent encore parmi les fibres sagittales au niveau

du globus pallidus lenticulaire ? Nous savons ce que répondrait Burdach,

mais nous ferons plutôt revivre (en la modifiant un peu) l'idée admirable de

Gratiolet et dirons que la branche externe renferme l'expansion intra-cérébrale

du nerf optique ; que le second neurone visuel existe à l'état de pureté dans

la couche sagittale externe du lobe occipital.

Ainsi qu'une lésion cérébrale se traduit par une réaction médullaire qui

LE FAISCEAU LONGITUDINAL INFÉRIEUR ET LE FAISCEAU OPTIQUE CENTRAL 591

n'intéresse que le,, faisceaux pyramidal direct et pyramidal croisé, de même

une lésion circonscrite des noyaux centraux ou de la partie antérieure du

lobe temporal ne détermine que la dégénérescence de la couche externe, au

niveau du lobe occipital.

M. et Mme Dejerine terminent leur réponse en nous reprochant de donner

au faisceau longitudinal inférieur une origine exclusivement genouillée. Evi-

demment, ils se refusent à reconnaître le sens de nos idées, et nous obligeront

ainsi à revenir sur un fait que nous croyons être de prime importance.

Nous tenterons de démontrer, dans un prochain article, que le faisceau

optique central existe tel que nous l'avons représenté au début, et qu'il est

aussi individualisable que l'est le faisceau pyramidal.

QUELQUES PHOTOGRAPHIES

D'ARABES SYPHILITIQUES ET PARALYTIQUES GÉNÉRAUX

PAR

A. MARIE

Médecin en chef des Asiles .

/

J'ai présenté à l'Académie le résultat de mes observations sur les alié

nés arabes de l'asile indigène d'Abassieh(Egypte). Je crois avoir pu démon-

trer que, contrairement à l'opinion établie, la paralysie générale est fré-

quente parmi les aliénés arabes (5 p. 100) en Egypte du moins ; il en entre,

en moyenne annuelle, une quarantaine pour un asile de 600 lits. Chez ces

paralytiques généraux arabes, la syphilis est fréquente ; d'après le D1' War-

nock,Médecin-Directeur de l'Asile, elle serait six fois plus fréquente que

chez les aliénés arabes non paralytiques (Sur 34 entrées en 1905 nous

avons relevé 28 syphilis certaines).

Ces données relatives à la pathologie cérébrale des arabes d'Egypte

n'infirment pas forcément les données contraires fondées sur l'observation

d'autres milieux (Algérie, Tunisie), mais on ne saurait attribuer à ces

dernières une portée définitive tant qu'il n'existera aucun asile colonial

permettant l'observation scientifique exacte des faits.

A l'appui de ma communication, j'ai présenté les photographies de

vingt-cinq des Arabes examinés par moi à Abassieh, tous malades atteints

de paralysie générale et sypliilitiques pour la plupart.

Nous avons cru intéressant de donner ici les principales de ces photo-

graphies à Litre- de document conlirmatif de l'existence fréquente de la

paralysie générale chez les Arabes (PI. LXXXII et LXXXIII).

Nous ajoutons à cette note quelques indications complémentaires rela-

tives à ces cas de paralysie générale exotique.

Les statistiques très obligeamment communiquées par M. le Dl' Warnock

ont révélé que la syphilis est très fréquente chez les Arabes et que la pro-

portion des cas de syphilis pour l'effectif total de l'asile soumis à l'exa-

men est d'environ 12 p. 100. On a compté, ! pour la seule année 1901,79 cas

de syphilis, sur 561 admissions.

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière T. XIX. PI. LXXXII

ARABES SYPHILITIQUES ET PARALYTIQUES GÉNÉRAUX

par

A. Marie

Médecin de Villejuif.

- l¡-H ? MAC;;O ? n diteurs ?

Nouvelle Iconographie DE la Salpêtrière. T. XIX. PI. LXXXIII

ARABES SYPHILITIQUES ET PARALYTIQUES GÉNÉRAUX

par

A. Marie

Médecin de Villejuif.

M'1c : : c : nn r Pic r.r ? I1'

A. MARIE. ARABES SYPHILITIQUES ET PARALYTIQUES GÉNÉRAUX 593

Dans cette même année, 22 sur 25 paralytiques généraux étaient certai-

nement syphilitiques. En 1904, on relevait 23 syphilitiques sur 35 Ara-

bes paralytiques généraux, en )905, 28 sur 34.

La paralysie générale est donc fréquente chez les Arabes, en Egypte;

la proportion des syphilitiques parmi les Arabes paralytiques semble nota-

blement plus forte que parmi les autres Arabes aliénés de ce pays;

Que deviennent-ils ? Une partie meurent dans les quartiers de gâteux,

comme le font les paralytiques généraux dans tous les pays ; une partie,

dans l'état de démence calme, sans cachexie trop avancée, sont rendus

aux villages d'origine, et s'éteignent au loin.

Quant à ceux qui meurent à l'asile, et dont l'autopsie est presque tou-

jours faite, ils présentent les lésions habituelles, sans qu'on puisse plus

que dans d'autres pays signaler l'existence de lésions spécifiques associées.

Parmi les causes associées les plus fréquentes signalons l'alcool (40 p.100

avérés), malgré la défense sévère du Coran, puis le haschich et aussi la

pellagre.

Les médecins de l'asile d'Abassieh ne considèrent pas l'intoxication

chronique parle haschich comme entraînant des altérations organiques de

l'encéphale. Mais la pellagre en Egypte comme ailleurs, est le résultat

d'une intoxication alimentaire, et ses symptômes ont permis de décrire

une pseudo-paralysie générale pellagreuse, dont les accidents cachectiques

de la fin sont de tous points analogues à ceux de la paralysie générale ; en

ce qui concerne nos paralytiques arabes, outre la spécificité d'une fré-

quence extrême, il y avait donc un élément étiologiqùe, topique, variable,

alcool, pellagre ou haschich ; quant aux antécédents héréditaires, ils sont

particulièrement difficiles à rechercher et à définir et nous n'avons pu

songer les reconstituer.

594 A. MARIE. ARABES SYPHILITIQUES ET PARALYTIQUES GÉNÉRAUX

TABLEAU DES CAS DE PARALYSIE GÉNÉRALE ADMIS EN 1905 A L'ASILE ÉGYPTIEN

DU CAIRE AVEC LEURS ANTÉCÉDENTS PERSONNELS PRINCIPAUX

NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière T. XIX. PI. LXXXIV

Phot. Giovanni Pizsett.t. (Varallo).

L'AVEUGLE DE GAUDENZIO FERRARI

Sacro monte di Varallo (Italie).

(Portigliolli.)

LES AVEUGLES DANS L'ART

L'aveugle DE GAUDENZIO FERRARI

(VARALLO, « SACRO Monte », ITALIE),

PAR

GIUSEPPE PORTIGLIOTTI

(de Gênes).

Des études médico-artistiques sur les aveugles ont été déjà présentées

dans ce recueil par Charcot, Paul Richer, Henry Meige. Mais je ne crois

pas qu'on ait reproduit un aveugle de Gaudenzio Ferrari fort intéressant

au point de vue de la médecine dans l'art. '

Parmi les Démoniaques que Charcot et Faut Richer ont fait connaître,

on n'a certainement pas oublié la Possédée du « Sacro Monte » de Varallo

(Italie), oeuvre remarquable, artistiquement et cliniquement parlant, de

Gaudenzio-Ferrari.

C'est à côté de cette femme, en proie à de terribles convulsions hystéri-

ques, que se trouve le groupe dont la photographie est reproduite sur la

planche. Ce groupées ! composé d'un aveugle et d'un enfant (PI. LXXXIV).

L'aveugle, aux bruits desguérisons miraculeuses qneJésus opérait dans

son voyage travers la Galilée, s'est rendu à l'endroit où le Prophète se

trouvait. Avec la main gauche il va, tâtonnant l'épaule de l'enfant qui lui

sert de guide. Ses paupières sont à demi-closes, mais on voit la blancheur

un peu éteinte de la sclérotique. Sa tête est tournée à droite ; et ce fait est

caractéristique chez tous les aveugles qui se promènent. L'incertitude des

mouvements est ici admirablement représentée.

Cet aveugle peut être placé parmi les meilleurs représentations artisti-

ques de la cécité. On y reconnaît la main du grand artiste, scrupuleux

observateur de la vérité pathologique, à qui on doit la belle Possédée du

Sacro Monte.

D'autres statues intéressantes au point de vue des maladies et des ano-

malies humaines qu'elles représentent se trouvent dans les chapelles du

« Sacro Monte ». On y voit des paralytiques, des naines, des goitreux, etc.

Tout ce petit monde des difformes et des malades est représenté avec une

exactitude vraiment saisissante. Nous y reviendrons probablement sous

peu.

TABLE DES AUTEURS

ALQUIER. Les principales formes des trou-

bles nerveux dans le mal de Pott sans

gibbosité \4 pl.), 2.

Alquier. Quinze autopsies de mal de Pott

chez l'adulte (4 pl.), 510.

Armand-Delille et BouDET.Un cas de polyo-

myelite dilluse subaiguë de la première

enfance (2 pl.), 441.

BLANCTIA11D. Hommage à Paul Richer (1 hé-

liogr.), 411.

BouDET et Dcr.n.LF (Ann ? n). Un cas de po-

liomyélite dill'use subaiguë delà première

enfance (2 pl.), 44t.

BRISSAUD et Moutier. Cyphose prononcée

chez un tuberculeux (2 pl.), 30.

Brissaud et Moutier. Rachitisme tardif et

scoliose des adolescents (1 pl.), 129.

CATOLA. Sclérose en plaques et syphilis

(3 pl.), 337.

CIIARTIER et Lejonne. Dystrophie d'origine

pulmonaire (2 pl.), 466.

CLAUDE et LEJONNE. Hypotrophie d'origine

bacillaire, troubles de la voie pyramidale

(1 pl.), 147.

Dejerine et Thomas. Sur la névrite intersti-

tielle hypertrophique (5 pl., 6 sch.),477.

DEVAUX et Dupré. Abcès cérébral, nécrose

corticale, syndrome méningé (3 Ilg.,

i pl.), 239.

DuFouR. Achondroplasie partielle forme

atypique (3 pl.), 133.

Dupré et DEVAUX. Abcès cérébral, nécrose

corticale. syndrome méningé (3 fig.,

4 pl.), 239.

Eccr : n (maux) et Français (IL). Agénésie to-

tale du système radial (1 pi ), 463.

ETIENNE et P1RISOT. Arthropathies séniles

des doigts (2 pl.), 381.

ETIENNE et Perron. Arthropathie nerveuse

chez un paralytique général non tabéti-

que(lpl.),216 :

Féré. Contribution expérimentale à la psy

chophysiologie de l'usage des lunettes

(2 fig.), 115.

Féré. Note sur quelques cas de trichotillo-

manie chez des aliénés (1 pl.), 168.

Français et MAX Egger. Agénésie totale du

système radial (1 pl.), 463.

GAUSSEL. Un cas d'acromégalie (1 pl.,

2 dess.), 391.

GAUSSEL et A, 1ÉVY. Syringomyélie ou lèpre

(2 sch., 1 pl.), 454.

Heitz (J.) et Roux (J.-C.). De l'influence de

la section expérimentale des racines

postérieures sur l'état des neurones pé-

riphériques (3 pl, dont 1 en couleur), 297.

Heitz (.T.). Note sur quelques figurations

pathologiques relevées dans une tapisse-

rie de la cathédrale de Toulouse (1 pl.),

415.

Hudovernig. Un cas de gigantisme précoce

(étude complémentaire) (t pl.), 398.

Ingegnieros. Les aphasies musicales, 362.

Janmn.\taladie de Dupuytren et artériosclé-

rose médullaire (1 pl.), 552.

ICr.irreL. Anomalies multiples congénitales

par atrophie numérique des tissus (1 pl.,

4 dess.), 136. '

KLIPPEL et Maillard. Un cas de maladie de

Recklinghausen avec dystrophies multi-

ples et prédominance unilatérale (1 pl.),

282.

L,UG/OEL-LAV.\STINE. Hémiasynergie droite

par hémorragie de la substance blanche

de l'hémisphère cérébelleux du même

côté avec dégénérescence homolatérale

partielle du côté opposé sans dégénéres-

cence médullaire (1 pl., 9 dess.), 539.

Lasalle-Arciiambault. Le faisceau longitu-

dinal inférieur et le faisceau optique

central (suite et fin) (6 pl.. G sch., 7 flg.),

1031118.

598 TABLE DES AUTEURS

LASALLE-ARCIL131BABLT. Le faisceau longitu-

dinal inférieur et le faisceau optique cen-

tral, 561.

Lejonne et Chartier. Dystrophie d'origine

pulmonaire.(2 pi.), 466.

LEJONNE et CLAUDE. Hypotrophie d'origine

bacillaire, troubles de la voie pyramidale

(t pl.), 147.

LEJONNE et LHERMITTE. Etude sur les para-

plégies par rétraction chez les vieillards

(2 pl.), 255.

LEMOS. Infantilisme et dégénérescence psy-

chique (3 pl.), 50.

Léri (A.) et Marie (Pierre). La spondylose

rhizomélique, anatomie pathologique et

pathogénie (5 pl., 7 dess ), 32.

L>;vr (A.) et Gaussel. Syringomyélie ou

lèpre (2 sch., 1 pl.), 454.

Lhermitte et LEJONNE. Etude sur les para-

plégies par rétraction chez les vieillards

(2 pi.), 255.

Maillard et ILIPPEL. Un cas de maladie de

Recklinghausen avec dystrophies multi-

ples et prédominance unilatérale (1 pl. ),

282.

Marchand (L.) et G. PETIT. Epilepsie et stu-

peur symptomatiques d'un gliosarcome

du lobule sphénoïdal chez un chien

(3 dess.), 458.

Marie (Pierre) et A. Léri. La spondylose

rhizomélique, anatomie pathologique et

pathogénie (5 pl., 7 dess.), 32.

Marie (Pierre) et F. Moutier. Deux cas d'hé-

morragie protubérantielie (1 pl.), 383.

Marie (A.). Eunuchisme et érotisme (2 pl.),

472.

Marie (A.) Quelques photographies d'Arabes

syphilitiques et paralytiques généraux

(2 pl.), â92.

Marinesco et MINE,\. Recherches sur la ré-

générescence de la moelle (13 fig.), 497.

IATIGNON. Plaies pénétrantes du cràne par

les projectiles modernes (2 pi.), 407.

MEME (Henry). Un barbier-chirurgien de

Gérard Dow (collection Léopold Favre, à

Genève) (1 pl.), 293.

Minea et Marinesco. Recherches sur la ré-

générescence de la moelle (13 ûg.), 417.

Moutier et BRISSAUD. Cyphose prononcée

chez un tuberculeux (2 pl.). 30.

Moutier et BRISSAUD. Rachistisme tardif et

scoliose des adolescents (1 pl.), 129.

Moutier (F.) et Marie (PIERRE). Deux cas

d'hémorragie protubérantielle (1 pl.),

383.

NAGEOTTE. Régénération collatérale des

fibres nerveuses terminées par des mas-

sues de croissance, à l'état pathologique

et a l'état normal. Lésions tabétiques des

racines médullaires (3 fig., 5 pl.), 211.

NoïcA. Deux frères atteints de myopathie

primitive progressive (Note addition-

nelle) (11 fig.), 151.

Parisot et Etienne. Arthropathies séniles

des doigts (2 pl.), 387.

PEL. Acromégalie partielle avec infanti-

lisme (2 pl.), 16.

PERRIN et Etienne. Arthropathie nerveuse

chez un'paralytique général non tabéti-

que (1 pl.), 276.

Petit (G.) et Marchand (L.). Epilepsie et

stupeur symptomatiques d'un gliosar-

come du lobule sphénoïdal chez un chien

(3 dess.), 458.

PORTIGLIOTTI. L'aveugle de Gaudenzio Fer-

rari, au S.icro monte di Varallo (1 pl.), 595.

Itms (\V.). Quelques observations oculisti-

ques dans l'art italien (2 pl.), 120.

HOUDINOVITCII. Iconographie de l'évolution

d'un cas de maladie des tics (2 pl.), 289.

Roux et Heitz. De l'influence de la section

expérimentale des racines postérieures

sur l'état des neurones périphériques

(3 pl. dont 1 en couleurs) 291.

Rudler. Un cas de neuro-tibromatose géné-

ralisée (1 pi ), 161.

Soca. Sur un cas de « paralysie des bé-

quilles », 171.

Thomas et Dejerine. Sur la névrite inters-

titielle hypertrophique (5 p1.,0 sch.),477.

Trepsat. 01 ? dime des pieds chez deux im-

béciles (1 pl.), 95.

Weber. De quelques altérations du tissu

cérébral dues à la présence de tumeurs

(3 fig., 1 pl.), 241.

TABLE DES MATIÈRES

Abcès cérébral, nécrose corticale, syndrome

méningé (3 fig., 1 pl.), par Dupré et DE-

veaux, 239. '

Achondroplasie partielle, forme atypique

(3 pl.), par DUFOUR, 133.

Acromégalie {un cas d') (1 pl., 2 dessins),

par GAUSSEL, 391.

Acromégalie yac lielle avec infantilisme

(2 pl.), par PEL, 76.

Agénésie totale du système radial (1 pl.),

par H. Françus et M\x EGGER, 463.

Anomalies multiples congénitales par

atrophie numérique des tissus (1 pl.,

4 dess.), par Klippel, 136.

Aphasies musicales), par Ingegnieros, 362.

Arabes syphilitiques et paralytiques géné-

raux, par A. Marie, (2 pi.), 592.

Arlhropalhie nerveuse chez un paralytique

général non tabétique (1 pi.) , par

Etienne et Perrin, 276.

Arthropathie sénile des doigts (2 pl.), par

PARISOT et Etienne, 387.

Aveugle de Gaudenzio Ferrari, par Porti-

GLIOTTI. (1 pi.), 595.

Barbier chirurgien de Gérard Dow (Col-

lection Léopold Favre à Genève (1 pl.),

par Henry Meige, 293.

Crâne (plaies pénétrantes du - par les

projectiles modernes) (2 pl.), par Mati-

GNON, 401.

Cyphose prononcée chez un tuberculeux

(2 pl.), par Brissaud et Moutier, 30.

Dystrophie d'origine pulmonaire (2 pl.),

par Lejonne et G'11.111TIEft, 466.

Epilepsie el stupeur symptomatiques d'un

glio-sarcome du lobule sphénoïdal chez

un chien (3 dess.), par L. Marchand et

G. Petit, 458.

Eunuchisme et érolisme (2 pi.), par A.

Marie, 412.

Faisceau longitudinal et faisceau optique

central, par LASALLE-ARCHAMBAULT, 561.

Faisceau longitudinal inférieur el faisceau

optique central (tuile et fin) (6 pl., 6 sch.,

7 lig.), par L.1S\LLE-1RCII111OULT, 978·

Faisceau lo«ltlmlrnal et faisceau optique

rentrai, par L \5 \LLf;-AHCII,UIU,\ULT, 103.

Fibres nerveuses terminées par des massues

de croissance, à l'état pathologique et à

l'état normal (régénération collatérale

des), par NAGEOTTE, 217.

Figurations pathologiques relevées dans

une tapisserie de la cathédrale de Tou-

louse (noie sur quelques} (1 pl.), par J.

HEITZ, 475.

Gigantisme précoce {un cas de) (Élude

complémentaire) (1 pl.), par Hudovernig,

398.

Hémiasyxergie droite cérébelleuse , par

LAIG : >EL-LAVA5TlNE, (1 pl., 9 dess.), 539.

Hémorragie protubérantielle (deux cas d'),

par Pierre Marie et F. Moutier, 383.

Hypotrophie d'origine bacillaire ; troubles

de la voie pyramidale (1 pL), par CLAUDE

et Lejonne, 147.

Infantilisme et dégénérescence psychique

(3 pl.), par M. Lemos, 50.

Lunette ! {contribution expérimentale à la

psychophysiologie de l'usage des) (2 fig.),

par Féré, 115.

Mal de Pott sans gibbosité (les principales

formes des troubles nerveux dans le)

(4 pl.), par ALQUIER, 1.

Malde Poil chez l'adulte (quinze autopsies),

par Alquier (4 pl.), 510.

Maladie de Dupuytren et artériosclérose

médullaire, par J.nnINI (1 PI.),552.

Maladie de Recklinghausen avec dyslro-

phies multiples et prédominance 1wila-

térale (un cas de) (1 pi.), par KLIPPEL et

Maillard, 282.

Moelle (recherches sur la régénérescence

de la) (13 fig.), par Marinesco et Minea,

417.

600 . TABLE DES MATIÈRES

Myopathie progressive (deux frères at-

teints de) {note additionnelle) (11 fig.),

par NoïcA, 951. '

Neurofibromatose généralisée (un cas de)

(1 pl.), par RUDLER, 161.

Névrite interstitielle hypertrophique^ pi.),

par DEJERINE et Thomas, 477.

Oculisliques dans l'art italien (quelques

observations) (2 pl.), par W. Reis, 120.

OEdèrne des pieds chez deux imbéciles

(1 pi.), par TREPSAT, 95.

Paul nicher (hommage à) (1 héliogr.), 4H.

Paralysie des béquilles (sur un cas de),

par SocA, 171.

Paraplégies par rétraction chez les vieil-

lards (éludes sur les) (2 pi.), par LrioNNr

et Lhermitte, 255.

Poliomyélite diffuse subaigué de la pre-

mière enfance (un cas de) (2 pl.), par

Armand-Delille et BOUDET. 441.

Rachitisme tardif et scoliose des adoles-

cents (1 pl.), par BRISSAUD et Moutier,

129.

Racines postérieures (de l'influence de la

section expérimentales des - sur l'étal

des neurones périphériques), par J.-C.

Roux et J. HEITZ, 297.

Scléroses en plaques et syphilis (3 pl.), par

GATOLA, 331.

Spondylose rhizomélique, anatomie patho-

logique et pathogénie (5 pl., 7 dess.),

par Pierre Marie et A. Léri, 32.

Syringomyélie ou lèpre (2 sch., 1 pl.), par

GAUSSEL et A. Lévy, 454.

Tabétiques des racines médullaires (lé-

sions) (3 fig., 5 pl.), par NncEOTTe, 217.

Tics (iconographie de l'évolution d'un cas

de maladie des) (2 pl.), par ROUBINOVITC11t

289.

Trichotillomanie chez les . aliénés (notes

sur quelques cas de) (1 pl.), par Féré,

168.

Tumeurs (de quelques altérations du tissu

cérébral dues à la présence de) (3 fig.,

1 pl.), par Weber, 241.

TABLE IDES PLANCHES

Abcès cérébral. Nécrose corticale, syn-

drome méningé (E. DUPRÉ et A. DEVAUX),

XXXIX.

Achondroplasie partielle atypique (H. Du-

FOUR), XXI, XXII, XXIII.

Acromégalie (GAUSSEL), LVIII.

Acromégalie partielle avec infantilisme

(P. K. PEL), XV. XVI.

Agénésie totale du système radial (H.

Français et M. EGGCR), LXV.

Altération du tissu cérébral due à la pré-

sence des tumeurs (R. 'VÉDER), XL.

Ankyloses vertébrales (Pierre Marie et A.

Léri), VII, VIII. '

Anomalies multiples congénitales (M. KLIP-

reL), XXV.

Arthropathie nerveuse chez un paralytique

générd non tabétique (G. Etienne et M.

PERRIN), XLIII.

Arthropathies séniles des doigts (PARISOT et

ETIENNE), LVI, LVII.

Arabes syphilitiques et paralytiques géné-

raux (A. Marie), LXXXII, LXXXIII.

Aveugle de Gaudenzio Ferrari (P.11STI-

GLIOTTI), LXXXIV.

Cyphose hérédn-traumalique (Pierre Marie

et A. LÉRI), XI.

Cyphose prononcée chez un tuberculeux

(Brissaud et Moutier), V, VI.

Dystrophie (LEJONNE et Charmer), LXVI,

LXVII.

Epée offerte à M. Paul nicher, LXII.

Eunuchisme (A. Marie), LXVIII, LXIX.

Faisceau longitudinal inférieur et le fais-

ceau optique central (L.1S : 1LLE-AfiCIIAM-

BAULT), XXVI11 , XX1X, XXX, XXXI,

XXX11, XXXIII.

Gigantisme précoce (Hudovernig), LIX.

Hémorragie cérébelleuse (LAIGNEL-LAvAs-

TINE), LXXX.

Hémorragies protubérantielles (F. Marie et

P. Moutier;, LV.

Ilypotioplne d'origine bacillaire (H.

CLAUDE et P. LFIONNE), XXIV.

Infantilisme (type Brissaud) et dégénéres-

cence psychique (MAGALHAES LExos), XII,

XIII, XIV.

Maladie de Dupuytren et artério-sclérose

médullaire (JAaurnu), LXXXI.

Mal de Pott sans gibbosité (ALQUIER), I, II,

III, IV.

Mal de Pott (Alquier), LXXVI, LXXVII,

LXXVIII, LXXIX.

Maladie de Recklinghausen avec dystro-

pilles multiples a prédominance unilaté-

rales (I{L1PPEL et MAILLARD), XLIV.

Neurotribromatose généralisée (F. RUDLER),

XXVI.

Névrite interstitielle hypertrophique (De-

JERL"OE et Thomas,, LXXI, LXXII, LXXIII,

LXXIV, LXXV.

Oculistiqlles dans l'art italien (WIKTOR

Reis), XVIII, XIX.

OE ièti]2 des pieds chez deux imbéciles

(L. TREPSAT), XVII.

Opérateur de Gérard Dow (Henry Meige),

XLVII.

Paraplégies par rétraction chez les vieil-

lards (P. LEJONNE et. J. Lhermitte), XL1, z

XLII.

Plaies' pénétrantes du crâne (J.-J. Mati-

gnon), lux, LXI.

Poliomyélite subaiguë de l'enCance(ARnaND-

DELILLE et BOUDET) LXIII.

602 TABLE DES PLANCHES

Rachitisme tardif et scoliose des adoles-

cents (BRISSAUD et Moutier), XX.

Racines postérieures (sections) (J.-C. Roux

et J. HEiTz), XLVIII, XLIX, L.

Régénération des fibres nerveuses (J. NA-

GCOTTE), XXXIV, XXXV, XXXVI,XXXVII,

XXXVIII.

Sclérose en plaques et syphilis (CATOLA),

LI, LII, LUI, LIV.

Spondylose rhizomélique (Pierre Marie et

A. Léri), IX, X.

Syringomyélie (GAUSSEL et A. Lévy), LXIV.

Tapisserie de la cathédrale de Toulouse

(Jean HEITZ), LXX.

Tics (maladie des) (.T. Roubinovitch), XLV,

XLVI.

Trichotillomanie chez les dégénérés (C.

Féré), XXVII.

Le gérant, P. Bouchez.

Imp, J. THEVBPTOT, Saint-Dizier (Haute-Marne). >