(1892) Nouvelle iconographie de la Salpétrière [Tome 05] : clinique des maladies du système nerveux
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(1892) Nouvelle iconographie de la Salpétrière [Tome 05] : clinique des maladies du système nerveux

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

DE E

LA SALPÊTRIÈRE

CLINIQUE DES MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX

Imp. Vvc LouRnoT, 33, rue des l3atignolles, 33, Paris.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

DE LA

SALPÊTRIÈRE

CLINIQUE DES MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX

PUBLIEE SOUS LA DIRECTION

Du PROFESSEUR CHARCOT (DE l'institut)

PAR

PAUL RICHER GILLES DE la TOURETTE

CHEF DU LABORATOIRE ' ANCIEN CHEF DE CLINIQUE

ALBERT LONDE

DIRECTEUR DU SERVICE PHOTOGRAPHIQUE

AVEC LA COLLABORATION DE MM.

BOGROFF (Odessa); BLOCQ(P.); CATHELINEAU (H.); CHARCOT (J.-B.); DELPRAT (Amsterdam); DENY ;

DURET; DUTIL; EMIRZÉ(Smyrne); ESTEVES (Buenos-Ayres); FÉRÉ; GUINON (Georges); HALLION;

HUET; KATICHEFF (St-Pétersbourg) ; LANNELONGUE; LAUFENAUER (Buda-Pesth); LUCO TORREGO

(Santiago, de Chiai); MARIE (P.); MARINESCO (Buzharest); MICHAILOWSKI (Sofia); MOCZUTKOVSKY

(Odessa); PARINAUD; PARMENTIER; RAMADIER; SÉGLAS; SÉRIEUX; SOCA (Montevideo); SOUQUES ;

SURMONT; TERRILLON ; TUFFIER; WEIL.

TOME CINQUIÈME

Avec 45 figures intercalées dans le texte et 48 1

1 PARIS .

ANCIENNE MAISON DELAHAYE

L. BATTAILLE ET CIE, ÉDITEURS

23, PLACE DE L'ÉCOLE-DE-MÉDECINE, 23

18g2

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

DE LA SALPÊTRIÈRE

t

CONTRIBUTION A L'ÉTUDE

DE -

L'EXCITABILITÉ ÉLECTRIQUE DES MUSCLES

DANS LA MALADIE DE THOMSEN.

(Dé la Réaction myotonique).

La maladie de Thomsen se caractérise essentiellement, comme l'on sait,

par des troubles des mouvements volontaires. « Le symptôme capital de

cette affection, celui qui pour ainsi dire la constitue toute entière, c'est une

raideur spasmodique survenant au moment d'exécuter un mouvement, ou

plutôt pendant l'exécution même de celui-ci, et siégeant dans les muscles

dont la contraction a été mise enjeu pour le produire. Par la répétition du

mouvement ces raideurs ne tardent pas à disparaître et le malade devient

alors complètement maître de ses membres (-1) ». Le professeur Erb a dési-

gné l'ensemble de ces troubles par la dénomination de « trouble myotoni-

que (2) ».

Les principaux caractères en peuvent être résumés, d'après lui, de la fa-

çon suivante : Une raideur spasmodique apparaît dans les muscles qui en-

trent en jeu pour exécuter des mouvements après un repos plus ou moins

long. Cette raideur entrave, au début, plus ou moins complètement l'exé-

cution des mouvements, puis elle diminue graduellement à mesure que les

mouvements se répètent, enfin elle disparaît et les mouvements redevien-

nent complètement libres. Si, au lieu d'une série de mouvements se sui-

vant les uns les autres, les muscles ont il exécuter un seul mouvement éner-

gique et brusque, la contraction produite par l'influx volontaire se montre

extrêmement tonique, persistante et d'une longue durée ; les muscles sont

(1) P. Marie, Dict. encyc. d. sc. méd. Art. Thomsen (Maladie de), 111° s. 1. XVII.

(2) Erb, Die Thomsen'sche ]{mnkheit (Myotonia congenita). Leipzig, 1886.

v 1

2 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

dans l'impossibilité de se relâcher volontairement et rapidement, ils se dé-

contractent au contraire très lentement et ne recouvrent qu'après un temps

plus ou moins long leur souplesse ordinaire.

En plus de ces troubles dans la contraction volontaire des muscles, la

maladie de Thomsen présente d'autres caractères que nous ne ferons que

rappeler ici : elle est le plus souvent héréditaire ou familiale ; la gêne des

mouvements existe habituellement dès le jeune âge, bien qu'elle ne se ré-

vèle quelquefois que plus tard, en devenant plus prononcée ; elle s'accom-

pagne fréquemment d'un développement exagéré de la musculature volon-

taire(apparence hypertrophique), lapuissance musculaire restant cependant

relativement faible; la sensibilité est intacte dans tous ses modes ; les ré-

flexes tendineux existent tout en montrant quelquefois un peu de diminu-

tion ; enfin, cette affection s'accompagne parfois d'un état psychique assez

spécial, consistant surtout dans une irritabilité prononcée avec tendance à

l'hypochondrie.

Mais le point sur lequel nous désirons particulièrement insister, c'est

l'existence de modifications dans l'excitabilité mécanique et électrique des

nerfs moteurs et des muscles. Ces modifications ont été signalées déjà, en

partie, par les anciens observateurs ; nous citerons en particulier : Seelig-

mûller (1), Bernhardt (2), Strumpell (3), Pétrone (4), Westphal z), Ballet

et Marie (6), Vigouroux (7), Pitres et Dallidet (8), Eulenburg et Mel-

chert (9), etc. Mais c'est surtout à Erb (10), que nous devons nos connais-

sances les plus précises et les plus étendues sur ce sujet. Ayant entrepris,

en effet, cette étude avec une méthode rigoureuse, il a confirmé, d'une part,

un certain nombre de faits anciennement signalés et établi, d'autre part, des

faits nouveaux et importants. Il a reconnu ce que les modifications de l'ex-

citabilité mécanique et électrique des nerfs et des muscles avaient de carac-

téristique dans la maladie de Thomsen, et, les comparant aux troubles myo-

toniques des mouvements volontaires, il les a groupées sous le nom de réac-

tion myotonique (My R.). Il les résume ainsi (l. c. p. 124) : « L'excitabilité

mécanique des nerfs moteurs est normale ou diminuée, celle des mus-

(1) Seeligmuller, Deutsche med. Woclzezzschr., 1816, nos 33 et 34.

(2) Bernhardt, Virchow Arch. Bd. 75, p. 516, 1879.

(3) Strûmpell, Berl. Klin. Wochenselzr., 1881, n' 9.

(4) Petrone, Riv. sperim, di frenatr., 1881.

(5) Westphal, Berl. Klin. Woch., 1883, no 11.

(6) Ballet et Marie, Arch. de Neurol., V, p. 1, 1883.

(7) Vigouroux, Arch. de Neurol., 1884, VIII, p. 273.

(8) Pitres et Dallidet, Arch. de Neurol., sept. 1885, X, p. 201.

(9) Eulenburg et Melchert, Berl. ICl. Woch., 1885, no 38.

(10) Erb, Die Thomsen'sclze Kmnkheit, Leipsig, 1886, et Deutsch. Arch. f. ICI. Med,,

1889. Bd. XLV, p. 529.

ÉTUDE DE L'EXCITABILITÉ ÉLECTRIQUE DES MUSCLES. 3

cles est augmentée ou modifiée (contraction paresseuse, tonique, longue-

ment persistante).

L'excitabilité faradique des nerfs est normale, celle des muscles est un

peu augmentée et elle est modifiée : ici encore contraction paresseuse, to-

nique, longuement persistante. L'excitation des nerfs par de forts courants

faradiques, produit aussi une contraction durable. Les chocs isolés d'ou-

verture ne produisent, par contre, aussi bien -pour les nerfs que pour l'ex-

citation directe des muscles, que des secousses brèves, instantanées. L'exci-

tation faradique prolongée d'un muscle, les électrodes étant maintenues en

place, provoque des contractions irrégulières, ondulatoires.

L'excitabilité galvanique des nerfs est normale, plutôt un peu diminuée

(apparition tardie de NFTe). Toutes les secousses sont, suivant la loi nor-

male, toujours et partout brèves et sans persistance. L'excitation labile des

nerfs peut provoquer aussi des contractions persistantes. Par contre, les

muscles montrent une augmentation de l'excitabilité galvanique avec mo-

dification qualitative : P F agit aussi fortement, parfois même plus forte-

- ment que N F. Toutes les secousses sont paresseuses, toniques, très lon-

guement persistantes. Il se forme localement des dépressions et des sillons

sous l'électrode excitatrice. Enfin on observe ici, avec le courant stable,

le phénomène spécial des contractions rythmiques, ondulatoires. »

Nous avons eu l'occasion d'observer en 1888, à la Salpètrière, lorsque

nous étions interne dans le service de M. le professeur Charcot, un malade

atteint de maladie de Thomsen, qui présentait à un haut degré le désordre

myotonique des mouvements volontaires, ainsi que les divers phénomènes

de la réaction myotonique. En recherchant chez ce malade les modifications

de l'excitabilité faradique des muscles, nous avons constaté par l'emploi de

courants interrompus à intervalles réguliers mais assez espacés z il 10 in-

terruptions par seconde) plusieurs particularités intéressantes, qui, croyons-

nous, n'avaient pas attiré l'attention jusqu'alors et qui nous paraissent

devoir faire partie de la réaction myotonique. C'est le résultat des recher-

ches, que nous avons entreprises à ce sujet, qui fait l'objet principal de

cette étude.

Mais, avant d'entrer dans l'exposé des détails de ces réactions électri-

ques, rapportons d'abord l'observation du malade, que M. Raymond, qui

l'avait observé dans son service à l'hôpital Saint-Antoine, a adressé à la

Salpêtrière à M. Charcot, pour être l'objet d'un des cours du mardi (1).

(1) Charcot, Leç. du mardi, 10 juillet 1888, p. 519.

Nous adressons ici nos vifs remerciments à M. Raymond, qui a bien voulu laisser son

malade à notre disposition pendant plusieurs mois et nous permettre ainsi de poursui-

vre nos recherches.

Cette observation a déjà été publiée dans la thèse de Grenier, Paris, janv. 1890, et

dans celle de Déléage, Paris, juillet 1890. Nous la reproduisons ici, résumée, non seule-

4 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPETRIERE.

Bout... Amédée, miroitier, est entré il la Sal pètrière, le 3 juillet 1888; il

était âgé alors de 34 ans.

Antécédents héréditaires : Son père a eu la gravelle et a subi la lithotritie en

1868. Actuellement bien portant, mais ohèse. Le grand-père paternel est

mort à 60 ans, d'une maladie de poitrine. La grand'mère était originale, d'un

caractère bizarre ; elle est morte très âgée. La soeur de la précédente est morte

démente à l'asile d'aliénés de Bordeaux ; elle avait « la folie des grandeurs ».

Plusieurs autres parents du côté paternel ont été atteints d'apoplexie.

Sa mère, âgée de 56 ans, est très nerveuse, très irritable ; elle n'a jamais eu

de crises d'hystérie. Depuis longtemps elle est sujette à de violentes migraines;

plus tard elle est devenue asthmatique. Dans ces derniers temps elle a éprouvé

pendant quelques mois de la difficulté pour marcher, mais ces troubles ne dé-

pendent pas de la myotonie. Le grand-père maternel s'est suicidé par

asphyxie. La grand'mère, atteinte d'une maladie de coeur, est morte subitement. t.

Un oncle est mort d'une attaque d'apoplexie.

Boul... a eu 5 soeurs. L'ainée, 33 ans, est atteinte de maladie de Thomsen,

depuis son enfance; elle a 2 enfants, bien portants. La 3e est hystérique.

Elle est excessivement violente, irritable, d'un caractère très difficile. Elle a eu

dans sa jeunesse des crises incomplètes d'hystérie. Elle a encore des accès de

sommeil cataleptique, s'accompagnant de grands mouvements, durant d'habi-

tude 3 heures environ, suivis de contractures généralisées se prolongeant sou-

vent plus d'une heure et ne disparaissant que peu à peu. Elle a 4 enfants :

l'un aurait eu la chorée ; les autres sont bien portants. Une autre soeur se

porte bien. Deux sont mortes, l'une en bas-âge, l'autre à 14 ans, de phthisie.

Antécédents personnels : Les troubles des mouvements volontaires existent

chez Boul... depuis son enfance, comme il ressort de ses souvenirs et du récit

des personnes qui l'ont connu il cette époque. Il marché très tard, et il a tou-

jours marché lourdement, les jambes écartées. Ses premiers mouvements ont

toujours été difficiles, raides. A l'école il ne pouvait se lever et quitter son banc

aussi vite que ses camarades ; lorsqu'il voulait écrire il éprouvait au début,

dans les doigts et le poignet, une certaine raideur qui disparaissait bientôt. Il

éprouvait aussi de la difficulté à monter en omnibus ou à en descendre. Il ne

pouvait surtout le faire, la voiture en marche ; plusieurs fois il en a tenté l'es-

sai, mais il est tombé lourdement sur le dos, raidi par un spasme généralisé.

A 7 ou 8 ans, fièvre typhoïde légère et sans suites.

En 1870 il s'est engagé, pendant le siège de Paris, dans la garde ^nationale ;

au début des marches il avait de la peine à suivre ses camarades, et était sou-

vent en retard, mais bientôt il les rejoignait, ses jambes s'étant assouplies. De

même, pendant l'exercice du fusil, il avait de la peine à faire les premiers mou-

ment d'après les notes qui nous ont été communiquées par M. Raymond, et celles que

nous avons recueillies à la Salpétrière, mais encore en empruntant certains détails à la

thèse de Déléage. Cet auteur a pu se procurer des renseignements sur les antécédents

héréditaires de Boul...., que nous n'avions pas pu avoir en 1888. On trouvera encore dans

le travail de Déléage, l'évolution de la maladie de Boul... depuis sa sortie de la Salpe-

trière, et l'exposé de son état actuel au mois de juillet 1890.

ÉTUDE DE L'EXCITABILITÉ ÉLECTRIQUE DES MUSCLES. 5

vements. D'ailleurs il tomba bientôt malade (bronchite et dysenterie) et resta plus

de 6 semaines à l'ambulance.

En 1875, il fut appelé à faire son service militaire et incorporé dans les chas-

seurs à pied. Là encore il éprouvait de grandes difficultés au début de tous les

exercices, soit pour suivre les marches, soit pour faire les autres manoeuvres,

ce qui lui valut de nombreuses punitions ; il put cependant achever ses 6 mois

de service.

De 1875 à 1877 il fut employé aux écritures. En 1877, légère érosion her-

pétique sur le côté du frein de la verge, et bubon. Pas trace de syphilis. Deux

blennorrhagies, à 18 et à 22 ans.

De 12 ans à 21 ans, Boul... a travaillé chez un miroitier; il était coupeur de

verre, n'était pas exposé aux vapeurs mercurielles, et n'a jamais eu d'accidents

d'intoxication par le mercure, en particulier jamais de tremblement, jamais de

salivation.

En 1878, il part en Egypte, où il devient comptable. Pendant son séjour dans

ce pays, qui dure 6 mois, il éprouve un mieux sensible, se sent plus fort, plus

souple et plus dispos. A cette époque, il fit plusieurs promenades à âne et re-

marqua chaque fois une gêne notable pour se mettre en selle et une difficulté

beaucoup plus grande encore pour en descendre.

A son retour en France,-il reste à Marseille où il travaille d'abord au bombage

du verre, occupé onze heures par jour devant un feu ardent. Ses forces dimi-

nuent rapidement, les raideurs s'accentuent et, au bout de 4 mois, il cesse ce

travail et entre dans un bureau.

En 1884, il fait ses 28 jours dans un régiment de ligne et éprouve les mêmes

phénomènes, plus accentués encore, qu'à l'époque de son service militaire, en

1875. Puis il devient placier à Paris, et fait ce métier sans trop de difficulté.

En août 1885, aggravation considérable des troubles moteurs aux jambes et

aux bras. Il en arrive à marcher très difficilement, les jambes fortement écartées

pour élargir sa base de sustentation ; les forces diminuent tellement que bientôt

il ne peut marcher sans s'appuyer sur deux cannes. Il entre alors à l'hôpital

Saint-Antoine (décembre 1885). Les raideurs ont augmenté d'intensité, de fré-

quence et de durée. La faiblesse est très grande et se manifeste, non seulement

lorsque le malade marche ou est debout, mais encore lorsqu'il est couché dans

son lit. Il ne peut ni se lever, ni s'asseoir sans aide, ni rester sur son lit dans

la position assise, il retombe aussitôt. Il a eu à cette époque, dans l'espace de

2 mois, à in tervalles assez espacés, plusieurs douleurs fulgurantes, subites, aiguës,

traversant la jambe droite seule, de haut en bas. Les 3 mois précédents, il avait

eu quelques douleurs pareilles, mais à plus longs intervalles. De plus, il ne

pouvait rester debout les jambes rapprochées, ni marcher les yeux fermés. La

parole était traînante et difficile ; par instants la langue fonctionnait mal. On

diagnostiqua alors une paralysie générale au début, puis on pensa à un tabes

de nature syphilitique. On lui fait suivre alors un traitement mixte : frictions

mercurielles et iodure de potassium, mais sans résultat ; il dépérit, maigrit pro-

gressivement et son état général s'aggrave. Au bout de 6 mois, il quitte l'hô-

pital Saint-Antoine et entre à l'hôpital Saint-Louis dans le service de M. Four-

6 NOUVELLE ICONOGnAPIIIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

nier (1886). Pendant son séjour à l'hôpital Saint-Antoine on avait essayé encore

de lui faire prendre des bains, mais il ne put les supporter ; aussitôt dans la

baignoire, il se trouvait extrêmement faible, suait à grosses gouttes, perdait con-

naissance ; au contraire, il supportait bien les douches.

Quelques jours après son entrée dans le service de M. Fournier, Boul... est

pris de houlimie sans autres troubles digestifs, sans glycosurie. Il est mis alors

au régime du lait et des oeufs crus, puis on lui fait prendre des douches froides.

La boulimie est bientôt supprimée ; au bout de 3 mois, Boul... est très amélioré,

va en convalescence à Yincennes, puis reprend ^on métier de placier pendant

7 mois.

En mars 1887 la faiblesse reparaît, la marche redevient pénible, et en mai, il

entre de nouveau à l'hôpital Saint-Antoine, puis successivement dans deux

autres hôpitaux ; enfin, en juin 1888, il est admis pour la première fois dans le

service de M. Raymond, qui reconnaît alors la maladie de Thomsen, et quelques

jours après, adresse le malade à M. Charcot.

Étal actuel (juillet 1888). Ce qui attire tout d'abord l'attention à l'examen du

malade (Pl. I, II) c'est le développement exagéré du système musculaire, prin-

cipalement aux membres inférieurs. Les cuisses et les mollets, en effet, sont très

volumineux ; cependant le pannicule graisseux sous-cutané n'est pas augmenté

d'épaisseur ; les muscles dessinent fortement leurs reliefs sur la peau ; leur

consistance est élastique, normale. La circonférence de la cuisse mesurée à sa

partie moyenne est de 55 centimètres, celle du mollet de 40 centimètres. Les

fesses sont proportionnellement moins développées. Il n'existe pas d'ensellure

lombaire.

Les membres supérieurs ont aussi un volume assez considérable, beaucoup

moins exagéré toutefois que celui des membres inférieurs ; le bras mesure 27 cen-

timètres de circonférence sa partie moyenne, l'avant-bras 20 centimètres. D'ail-

leurs, au dire du malade, le volume des membres supérieurs aurait un peu di-

minué depuis quelque temps. Les muscles ont une consistance moins ferme

qu'aux membres inférieurs.

Malgré le puissant développement des muscles, la force que peut fournir le

malade, est bien au-dessous do celle d'un homme ordinaire. Si on lui fait serrer

le dynamomètre, on voit que la pression qu'il peut donner est seulement de 29 ki-

logs à droite, et 27 à gauche ; la môme recherche étant répétée plusieurs fois de

suite, la pression devient souvent un peu plus forte, mais de 2 ou 3 kilogs seu-

lement. Si on lui fait étendre la jambe sur la cuisse, on arrive facilement la

fléchir ; inversement on la redresse avec facilité, si au contraire on la lui a fait

fléchir au préalable en lui disant de résister aussi fortement que possible.

Les mouvements volontaires sont troublés à un haut degré par le spasme de

Thomsen ; ces troubles myotoniques sont très étendus et se rencontrent sur

presque toute la musculature volontaire. Si l'on dit au malade de répéter un

certain nombre de mouvements semblables, les premiers mouvements sont lents

et pénibles, rendus difficiles par un certain degré de contracture dont le malade

se rend compte et contre laquelle il s'efforce de lutter, puis, à mesure que les

mouvements se répètent, ils deviennent de plus en plus* faciles et bientôt les

NOUVELLE Iconographie de la SALPETRIERE T, V, PL. 1.

PHOTOTYPE négatif A. LONDE PHOTOCOLLOGRAPHIE Chêne ET LONGUET

Maladie DE THOMSEN

y·· Babé et Cie

ÉDITEURS

Nouvelle Iconographie de la SALPETRIÈRE 7, V. PL. II.

PHOTOTYPE négatif A, LONDE PHornCoLLoGRAPI41E CHÊNE ET LONGUET

Maladie DE THOMSEN

y" J3ABÉ ET FIE

ÉDITEURS

ÉTUDE DE L'EXCITABILITÉ ÉLECTRIQUE DES MUSCLES. 7

muscles retrouvent toute leur souplesse. C'est ce que l'on constate facilement si

on lui fait ouvrir et fermer successivement les doigts, ou si on lui fait faire des

mouvements alternatifs de flexion et d'extension de l'avant-bras, etc. Si, au lieu

d'un certain nombre de mouvements semblables et suivis, on lui fait exécuter

un mouvement qui demande un effort énergique, la contracture est encore plus

marquée et persiste plus longtemps ; ce n'est qu'après un temps très apprécia-

ble que le malade recouvre la liberté de ses mouvements. C'est ce qui arrive,

notamment, si on lui fait serrer fortement un objet (donner par exemple une

vigoureuse poignée de main), il ne peut ensuite lâcher aussitôt l'objet serré et

plusieurs secondes s'écoulent avant qu'il puisse ouvrir de nouveau les doigts; des

effets semblables se produisent si on lui fait donner un coup de poing ou lancer

un coup de pied, etc. '

Ces troubles de la motilité volontaire entraînent une gêne notable dans la

plupart des actes que le malade doit accomplir. Du côté des membres supérieurs,

par exemple, il est gêné lorsqu'il veut se mettre à écrire; il commence d'abord

par exécuter un certain nombre de mouvements des doigts et du poignet pour

assouplir ses muscles ; néanmoins il éprouve parfois encore de la difficulté pour

tracer les premiers mots, puis il écrit bientôt aussi facilement que toute autre

personne. La même gêne se retrouve pour tous les mouvements des bras ou

des mains que le malade veut accomplir, après être resté quelque temps en

repos. Aux membres inférieurs les mêmes troubles se rencontrent et sont très

accusés. Ainsi il éprouve une difficulté très marquée pour se lever de sa chaise

et pour se mettre en marche. Cette gêne se manifeste encore à un très haut

point lorsqu'il doit monter un escalier, au moment de gravir les premiers de-

grés. Sa démarche présente aussi quelque chose de particulier qui la fait res-

sembler, jusqu'à un certain point, à celle d'un ataxique. Il marche, en effet,

en écartant les jambes et en les lançant en dehors. De plus, lorsqu'il est debout,

il tient les jambes écartées, et, si on les lui fait rapprocher, il vacille et ne peut

garder cette position. Ces troubles augmentent encore par l'occlusion des yeux.

Si, pendant la marche, son pied vient à rencontrer un obstacle, l'effort qu'il fait,

pour retenir son équilibre, détermine un spasme étendu à un grand nombre de

muscles, et souvent,- dans ces conditions, il tombe lourdement par terre, le

corps raidi dans sa totalité. Aussi, marche-t-il habituellement avec une canne

pour maintenir plus facilement son équilibre.

Les muscles du tronc sont également très affaiblis et sont aussi soumis à des

spasmes myotoniques très prononcés. Si on le fait coucher sur le sol, étendu

sur le dos, c'est à peine s'il peut soulever la tête et détacher les épaules du sol.

Pour se relever il est obligé de se retourner péniblement sur le ventre, puis de

se mettre à genoux, les mains appuyées à terre, et, il lui est impossible de se

relever davantage, s'il ne trouve un point d'appui à proximité, ou si on ne vient

en ce moment à son aide.

A la face, on voit les contractions durer un long temps dans les muscles qui

entrent en jeu. Ainsi, après le rire, les commissures labiales restent écartées

pendant quelques instants. Au début de la mastication les mâchoires s'écartent

et se rapprochent lentement et difficilement. La langue se meut péniblement

8 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

au début des mouvements, et, il en résulte un certain trouble de la parole,

après un silence assez prolongé. La déglutition toutefois ne parait pas gênée ;

les muscles des paupières, ceux du globe de l'oeil paraissent aussi indemnes.

Tous les troubles que nous venons de signaler dans la contractilité muscu-

laire sont plus prononcés à la suite d'un long repos ; ils sont plus accusés le

matin, au moment du lever ; ils augmentent aussi sous l'influence des émotions

et sous l'influence du froid. Ils diminuent au contraire sous l'influence de la

chaleur, il la suite d'un exercice modéré et encore après l'injection d'une petite

quantité de liqueurs alcooliques.

Nous nous contenterons do rappeler brièvement ici les troubles de l'excitabi-

lité mécanique et électrique des nerfs et des muscles que nous étudierons plus

longuement au cours de ce travail.

Pour les nerfs moteurs, l'excitabilité mécanique est diminuée. L'excitabilité

faradique ne présente pas de modifications quantitatives, et les modifications

qualitatives sont de peu d'importance. Les chocs isolés d'ouverture, même forts,

produisent seulement des contractions musculaires rapides et sans persistance.

Il en est de même pour les courants fréquemment interrompus, d'intensité fai-

ble ou modérée ; c'est seulement lorsque l'intensité devient plus grande que le

tétanos produit dans le domaine du nerf excité se prolonge un peu au delà du

temps de l'excitation. L'excitabilité galvanique n'est pas non plus sensiblement

modifiée en quantité. Le moment d'apparition de NFC, PFC, POC, NOC, reste

sensiblement normal. NFTe se produit toutefois tardivement, mais se montre

presque constamment avant NOC. Toutes les contractions sont brèves, non per-

sistantes, même après NFTe ; elles deviennent durables seulement avec des

courants labiles.

.Pour les muscles, au contraire, l'excitabilité mécanique, faradique et galva-

nique est augmentée, et modifiée qualitativement. La percussion d'un muscle

détermine, suivant la force employée, la formation d'un sillon sous le marteau

percuteur, ou la contraction totale du muscle ; dans les deux cas la contraction

produite persiste un temps très appréciable, qui pour certains muscles, notam-

ment à la cuisse, dépasse parfois une minute. L'excitabilité faradique est aussi

plus grande que normalement ; les muscles se contractent facilement même avec

des courants assez faibles. Les chocs isolés d'ouverture, même avec de forts

courants, ne produisent encore le plus souvent que des contractions semblables

à celles des muscles normaux, c'est-à-dire brèves et sans persistance. Des

courants à interruptions fréquentes produisent facilement la tétanisation du mus-

cle et celle-ci persiste un temps très appréciable, 5, 10, 30 secondes et parfois

même davantage, après la cessation de l'excitation. En prolongeant les excita-

tions, ou en les répétant fréquemment, cette persistance consécutive de la

contraction diminue et parfois même finit par disparaître. Au début de l'excita-

tion les contractions se font lentement, paresseusement ; souvent il se forme des

sillons ou des dépressions plus ou moins persistantes au-dessous de l'électrode

excitatrice ; ces sillons sont très prononcés sur certains muscles, notamment

les vastes internes de la cuisse, les jumeaux, les deltoïdes, etc. Avec des

courants à interruptions assez peu fréquentes (2 à 15 par seconde), des excita-

ÉTUDE DE L'EXCITABILITÉ ÉLECTRIQUE DES MUSCLES. 9

tions courtes (de quelques secondes seulement) provoquent des effets à peu près

semblables aux précédents : après quelques secousses, au début, isochrones avec

les mouvements de l'interrupteur il se produit dans le muscle une contraction

totale, lente, tonique, qui persiste longtemps après que l'excitation a cessé. Si

l'on prolonge l'excitation pendant 3/4 de minute à 1 minute, les muscles n'ayant

pas encore été excités électriquement, on voit se produire pendant les premières

secondes de l'excitation quelques secousses isochrones aux mouvements de l'in-

terrupteur ; puis le muscle se tétanise et reste en contraction tonique pendant

plusieurs secondes (10, 15, 20), les secousses isolées diminuent ou disparaissent;

puis, la contraction tétaniforme cessant, les secousses isolées reparaissent, de-

viennent de plus en plus amples, et les chocs se passent ensuite sensiblement

comme pour un muscle normal, le muscle exploré répondant par une secousse

isolée à chaque choc d'ouverture, qu'il soit ou non en état de tétanos électro-

physiologique incomplet, suivant l'intensité du courant et la fréquence des in-

' terruptions. Si l'excitation est interrompue alors, le muscle se décontracte

rapidement et complètement, et si quelques secondes après on renouvelle l'exci-

tation il se comporte comme un muscle normal et ainsi de même tant qu'on n'a

pas laissé s'écouler un temps de repos suffisant pour que réapparaisse la dispo-

sition du muscle à entrer en état de contraction tonique.

Cependant, des excitations fréquemment répétées, ou longtemps prolongées,

surtout avec des courants un peu forts, provoquent, avec des interruptions

fréquentes, comme avec des interruptions assez peu fréquentes, l'apparition de

mouvements ondulatoires irréguliers, qui se produisent soit pendant l'excitation

elle-même, soit après la cessation de l'excitation et se prolongent souvent long-

temps après (jusqu'à 1 minute et parfois même davantage).

L'excitabilité galvanique des muscles est également augmentée. Le plus sou-

vent NFC PFC, comme à l'état normal : mais PF l'emporte sur NF en pro-

duisant, soit plus tôt, soit d'une façon plus marquée, des contractions lentes,

paresseuses et toniques. De plus PO produit le plus souvent aussi une petite

contraction, lente, tonique et persistante, tandis que NO n'en produit pas, ou

dans les rares cas où il s'en produit, la contraction est courte et rapide. - Enfin

en faisant passer pendant quelque temps un courant assez intense (courant

stabile) à travers un membre tout entier (bras, cuisse, jambe) on produit facile-

ment l'apparition de mouvements rythmiques, ondulatoires.

Les réflexes cutanés sont normaux. Les réflexes rotuliens paraissent abolis à

un examen rapide ; mais, si l'on prend certaines précautions, si l'on met les

muscles dans le relâchement et si l'on cherche alors les réflexes en ayant soin

d'éviter un moment où le triceps fémoral soit en état de spasme myotonique,

on constate que ces réflexes rotuliens sont conservés, mais toutefois notable-

ment diminués.

Le sens musculaire ne parait pas troublé. La sensibilité cutanée est normale

dans tous ses modes. Il n'y a pas de rétrécissement du champ visuel ; l'acuité

visuelle de l'oeil gauche est notablement diminuée (1). Les réflexes pupillaires

sont normaux. L'ouïe est un peu affaiblie, surtout il droite.

(1) Voy. au sujet de l'état de la vision chez ce malade et de la participation des mus-

10 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

La santé générale est bonne. Aucun trouble du côté de l'appareil circulatoire.

Les fonctions digestives sont actuellement normales.

Il n'existe pas de troubles psychiques accusés. Cependant le malade, qui était

autrefois d'un caractère plutôt gai, est devenu depuis quelque temps plus som-

bre, plus irritable ; sa mémoire aussi aurait faibli depuis plusieurs mois.

Pendant son séjour ;i la Salpêtrière, qui s'est prolongé jusqu'au 25 décem-

bre, il ne s'est pas produit de modifications bien appréciables du côté des trou-

bles myotoniques. Le malade a été soumis à un traitement électrothérapique,

il a pris aussi des bains sulfureux qu'il supportait bien à ce moment. Les forces

ont augmenté et au moment de sa sortie il marche sans canne. Jamais depuis

son entrée il n'a eu de douleurs fulgurantes.

(Après sa sortie il a essayé de reprendre son métier de coupeur de verre,

mais il a dû bientôt y renoncer et en mars 1889 il est rentré dans le service de

M. Raymond. Pendant un moment il a présenté de l'atrophie des deltoïdes, mais

celle-ci n'a pas persisté, elle a, au contraire, bientôt disparu. A la fin de 1889,

il est atteint de l'influenza, qui provoque un grand affaiblissement et une aggra-

vation dans son état, mais sa santé s'est remise bientôt et en juillet 1890, il n'y

avait pas de changement bien appréciable dans son état. Le tabes que l'on avait

soupçonné un moment chez lui, comme association morbide, ne s'était pas con-

firmé. L'examen histologique d'un morceau du vaste externe de la cuisse droite

a été pratiqué dans le service de M. Raymond, et a permis de constater de

nouveau les altérations anatomo-pathologiques signalées par Erb. Voy. thèse

de Déléage.)

Nous nous proposons d'étudier maintenant les divers phénomènes de la

réaction myotonique, en faisant porter plus particulièrement cette étude

sur l'excitabilité électrique des muscles. Nous verrons d'abord quelles sont

les modifications de l'excitabilité faradique des muscles, puis nous étudie-

rons les modifications de leur excitabilité galvanique, enfin, en terminant,

nous passerons rapidement en revue les modifications de l'excitabilité mé-

canique des muscles et celle de l'excitabilité mécanique, faradique etgal-

vanique des nerfs moteurs.

I

Excitabilité DES muscles par LES courants faradiques.

Dans l'étude de l'excitabilité des muscles par les courants d'induction,

nous distinguerons trois modes d'excitation différents, suivant la fréquence

des interruptions. On peut, en effet, employer :

cles extrinsèques de l'oeil aux troubles myotoniques une communication de M. Ray-

mond à la Soc. méd. des hop. Séance du 5 juin 4894,

ÉTUDE DE l'excitabilité électrique DES MUSCLES. 11

1° Ou des chocs d'ouverture isolés et espacés à intervalles assez longs

(de une à plusieurs secondes). A chaque ouverture du courant inducteur,

il se produit dans ces conditions, sur un muscle normal, une contraction,

unique, rapide, instantanée.

2° Ou des courants avec interruptions fréquentes et rapprochées (de 15

à 50 interruptions par seconde) qui, dès que le courant est suffisamment

intense pour faire contracter le muscle normal, en produisent la contrac-

tion tétanique.

3° Ou enfin des courants avec interruptions encore fréquentes, mais assez

espacées toutefois (de 2 à 15 interruptions par seconde) pour que le mus-

cle sain réponde par une contraction isolée à chaque interruption, étant

ou non, suivant l'intensité du courant, en état de tétanos incomplet.

Voyons ce qui se produit, en cas de maladie de Thomsen, dans ces trois

conditions différentes d'application du courant faradique.

I. « Avecfles décharges isolées d'ouverture, dit Erb (/. c. page 67),

si fortes même qu'on puisse les choisir, on n'obtient que des contractions

brèves et instantanées. » C'est, en effet, ce qui se produisait communément

chez notre malade. Cependant si l'on prolongeait quelque temps l'examen,

si on employait des courants forts, ou si l'on répétait coup sur coup et à

intervalles assez rapprochés (par exemple de seconde en seconde) les exci-

tations du muscle, on voyait les décontractions devenir plus lentes et le

muscle avait tendance à se tétaniser. Ces modifications de la contractilité

musculaire sont constatables sur plusieurs des tracés que nous avons re-

cueillis dans de pareilles conditions, mais, comme nous n'avons pas poussé

sur ce point nos recherches aussi loin que nous l'aurions voulu, nous n'y

insisterons pas davantage ici.

IL Les courants avec interruptions fréquentes (15 à 50 interruptions

par seconde) provoquent sur les muscles normaux, dès que la force du cou-

rant est suffisamment grande, le tétanos du muscle ; mais ce tétanos cesse

aussitôt que cesse le courant. Il n'en est pas de même dans la maladie de

Thomsen ; mais les effets produits varient suivant la force du courant.

« Les excitations minimales provoquent des contractions qui ressemblent

à celles des muscles normaux, sont presque toujours sans durée, et cessent

en même temps que l'excitation.

Les excitations avec des courants de force modérée, produisent des con-

tractions persistant plus ou moins longtemps après la cessation de l'excita-

tion et ne disparaissant que graduellement, suivant la force du courant,

cette durée de la contraction faradique se prolonge entre 5 et 20 secondes. »

(Erb, /. c. p. 67.)

Il en était ainsi chez notre malade pour les excitations minimales et les

excitations modérées. Aussi nous n'en reproduirons pas ici de tracés myo-

12 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

graphiques, nous contentant de renvoyer à ceux publiés déjà par Pitres et

Dallidet CI). Ces tracés n'enregistrent pas directement la contraction du

muscle, mais l'effet produit par celle-ci, c'est-à-dire, dans ce cas, la ferme-

ture des doigts sur une poire en caoutchouc tenue dans la paume de la

main, par suite de la contraction des fléchisseurs. Les résultats sont néan-

moins comparables de tous points à ceux que nous avons obtenus par l'en-

registrement direct de la contraction musculaire. Les tracés que nous

reproduisons plus loin (voy. section B. Décontractions lentes) quoique pris

dans des conditions un peu différentes, c'est-à-dire avec des interruptions

moins fréquentes, permettront de se faire une idée de la disparition lente

et de la longue durée consécutive des contractions ainsi produites dans la

maladie de Thomsen.

Lorsque les excitations faradiques, avec interruptions fréquentes, sont

plus fortes et plus prolongées, on peut constater un autre phénomène :

« des contractions musculaires avec fort gonflement et avec oscillations ;

toute la masse du muscle est agitée d'un mouvement ondulatoire irrégulier

et continuel, sans toutefois qu'il soit possible de reconnaître dans ces on-

dulations une direction déterminée. C'est, sans doute, le même phéno-

mène qui a été déjà observé et décrit pour la première fois par Bernhardt,

et suivant toute apparence constaté également par Pétrone. » (Erb, l. c.

p. 68.)

Ces mouvements ondulatoires existaient aussi chez notre malade. Nous

les retrouverons plus loin et nos tracés (section C) en donneront une

idée.

III. Il nous reste à parler du troisième mode d'application de l'ex-

citation faradique, c'est-à-dire de l'excitation par des courants avec inter-

ruptions encore fréquentes, quoique assez espacées pour produire à chaque

ouverture du courant une contraction isolée du muscle. Les effets produi ts

sur les muscles atteints de maladie de Thomsen, en se plaçant dans ces

conditions d'application du courant faradique, ne nous paraissent pas

avoir été suffisamment distingués des effets produits par le mode d'appli-

cation précédent. C'est sur ce point que nous nous proposons d'insister

tout particulièrement.

Sur des muscles normaux, ce mode d'excitation produit, avec des cou-

rants de force modérée, une contraction à chaque interruption, c'est-à-dire

à chaque ouverture du courant inducteur. De plus, suivant l'énergie du

courant et aussi suivant la fréquence des interruptions, il peut se produire

un tétanos incomplet du muscle, celui-ci continuant à répondre à l'exci-

tation par des contractions isochrones aux interruptions. Dès que cesse

l'excitation, le muscle revient aussitôt à l'état de repos.

(1) Pitre et Dallidet, Arch. de Neurol., sept. 1885, p. 208.

ÉTUDE DE L'EXCITABILITÉ ÉLECTRIQUE DES MUSCLES. 13

Il n'en est pas ainsi pour les muscles dans la maladie de Thomsen;

mais les effets produits par ce genre d'excitation diffèrent suivant certaines

conditions de l'expérimentation relative à la durée ou à l'énergie de l'ex-

citation. Nous pouvons les grouper sous trois chefs distincts :

A. Excitations prolongées pendant un temps assez long (30, 40,

50 secondes). Effet produit : au début de la première excitation (composée

d'une série de chocs d'induction se succédant au nombre de 2 à 15 par se-

conde, pendant 1/2 ou 3/4 de minute) il apparaît une contraction tonique

et totale du muscle, qui disparaît ensuite graduellement au cours de l'ex-

citation. Dans les excitations suivantes, répétées en laissant entre chacune

d'elles un intervalle de repos d'au moins quelques secondes, le muscle se

comporte, d'une manière générale, comme un muscle normal. (Ce phéno-

mène est comparable au trouble myotonique des mouvements volontaires

dans le cas de répétition des mêmes mouvements.)

B. Excitations courtes (d'une durée de 1 à 2 ou 3 secondes). Effet

produit : contraction tonique du muscle et décontraction lente consécu-

tive. (Phénomène comparable au trouble des mouvements volontaires dans

le cas d'une seule contraction énergique et brusque sous l'influence de la

volonté.)

9'C. Excitations des muscles qui sont sous l'influence de la fatigue, à

la suite des excitations précédentes longtemps répétées, ou par suite de

l'emploi de courants très forts. Effet produit : contraction tonique du mus-

cle, décontractions très lentes et mouvements ondulatoires.

Éludions maintenant en détail les effets ainsi produits sur les muscles

dans les 3 groupes de conditions que nous venons d'établir.

A. Excitations prolongées pendant UN temps assez long, 30, 40, 50

secondes. (Apparition du spasme myotonique à la première excitation, sa

disparition aux excitations suivantes.)

Si nous excitons un muscle de notre malade, dans ces conditions, et en

nous en tenant aux procédés habituels d'électrisation, c'est-à-dire sans

employer d'appareil enregistreur, une électrode indifférente étant placée

par exemple sur le dos ou au devant du sternum, l'autre électrode dif-

férente maintenue avec la main sur le muscle à examiner, voici ce que

nous observons : 1° au moment où commence l'excitation, il se produit

dans le muscle exploré quelques contractions isochrones avec les mouve-

ments de l'interrupteur; z au bout d'une, de deux ou de trois secondes

ces contractions cessent tandis que le muscle tout entier se gonfle, devient

dur, dessine ses contours sous la peau, se comporte en un mot comme un

muscle tétanisé. Il en est ainsi, notamment, lorsque les interruptions du

courant sont d'une fréquence moyenne (6, 7, 8, par exemple à la seconde);

si elles sont moins fréquentes (2, 3, 4 par seconde), on voit encore le mus-

1'N le NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

cle se gonfler et se dessiner sous la peau, comme précédemment, mais les

contractions isochrones au mouvement du trembleur ne cessent pas complè-

tement, elles diminuent seulement d'étendue dans une mesure très appré-

ciable. Cet état de tétanisation plus ou moins complète du muscle, que

nous appellerons, pour abréger le langage, spasme myotonique, dure 10, 15,

20 secondes, quelquefois plus ; 3° on voit t alors les contractions isochrones

aux mouvements de l'interrupteur réapparaître, si elles avaient disparu,

augmenter graduellement d'étendue si leur amplitude avait seulement di-

minué, et après quelques secondes (5, 10, 15) le muscle paraît complète-

ment libéré du spasme myotonique, qui l'empêchait précédemment de se

contracter, et il répond comme un muscle normal à chaque excitation du

courant; ses contractions sont isochrones avec les mouvements du trem-

bleur et ont une amplitude en rapport avec l'énergie de l'excitation ; 4° si

on enlève alors l'électrode excitatrice (l'exploration totale ayant duré 30,

40, 50 secondes), le muscle revient aussitôt à l'état de repos ; 5° renou-

velle-t-on l'exploration quelques secondes après, les mêmes phénomènes

ne se reproduisent pas, le muscle se contracte comme un muscle normal

d'une façon isochrone aux mouvements de l'interrupteur. Il se comporte

encore de même, si quelques secondes après ce nouvel examen on recom-

mence l'exploration, et ainsi de môme tant qu'on n'a pas laissé le muscle

se reposer pendant un temps suffisamment long (au moins quelques mi-

nutes). Assez souvent, en renouvelant l'exploration après un temps insuf-

fisant de repos, nous avons vu les phénomènes précédents se reproduire

seulement à l'état d'ébauche, la phase de contraction tonique était beau-

coup moins longue et le gonflement du muscle moins prononcé. (Si au

lieu de prolonger la première exploration pendant 30, 40, 50 secondes, on

l'interrompt dès les premières secondes, lorsque le spasme tonique du

muscle est produit, on voit le muscle rester contracté pendant un temps

assez long souvent 1/2 minute ou davantage et sa décontraction ne

se faire que graduellement. C'est ce que nous étudierons plus loin. Voy.

B. Décontractions lentes.)

Les phénomènes, que nous venons d'exposer, étaient très manifestes,

chez notre malade, sur un grand nombre de muscles ; ils étaient particu-

lièrement faciles à constater sur les droits antérieurs de la cuisse, les vastes

internes et externes, les jumeaux, pour les membres inférieurs; les biceps,

les deltoïdes, les fléchisseurs des doigts, pour les membres supérieurs, etc.

Sur certains de ces muscles, notamment sur le vaste interne de la cuisse,

on voyait au début de l'exploration se produire une dépression, un sillon

profond sous l'électrode excitatrice, au moment des premières contractions

du muscle, puis le spasme myotonique se produire, et à partir de ce mo-

ÉTUDE DE L'EXCITABILITÉ ÉLECTRIQUE DES MUSCLES. 15

ment le muscle se comporter d'une façon entièrement conforme à ce que

nous avons décrit précédemment.

Etudions, maintenant, sur des tracés myographiques les réactions que

nous venons de constater par l'exploration directe. Nos recherches ont été

faites principalement sur le droit antérieur de la cuisse, que nous avons

choisi de préférence, parce qu'il présentait nettement les réactions à exa-

miner, qu'il était facilement accessible et se prêtait aux conditions de l'ex-

périmentation. Les résultats obtenus ici ont été contrôlés aussi par l'exa-

men d'autres muscles, notamment du biceps huméral, et du fléchisseur

commun des doigts, etc. Le dispositif généralement employé était le sui-

vant : l'électrode indifférente (large plaque cle 16 cm. sur 11 cm.) était

appliquée au devant du sternum ; l'électrode excitatrice, formée par le

myographe de Marey, était appliquée sur le point électro-moteur du mus-

cle, produisait l'excitation et recevait l'effet produit pour le transmettre au

tambour enregistreur. La vitesse du cylindre recevant l'inscription était la

vitesse minimum correspondant àun tour par minute. L'appareil volta-

faradique était le grand chariot- de Tripier avec interrupteur à balancier

de Gaiffe.

Notre première planche de-tracés reproduit l'inscription de trois réac-

tions électriques du droit antérieur de la cuisse avec des intermittences de

fréquences différentes. La première, A, est produite par un courant inter-

rompu 165 fois à la minute (2 interruptions 2/3 par seconde). Pendant la

première seconde, il se produit dans le muscle, à chaque interruption, une

secousse assez étendue ; mais bientôt l'amplitude de ces secousses diminue

en même temps que le muscle se contracte dans sa totalité, comme l'indi-

que son gonllement qui se traduit ici par le niveau de la courbe myographi-

que. Pendant tout le temps que dure ce spasme myotonique du muscle, les

secousses isolées, correspondant à chaque interruption, sont très faibles. Au

bout de 18 secondes (a) elles augmentent graduellement d'étendue, à me-

sure que le muscle se détend. A la fin de l'exploration, qui a duré en tout

45 secondes, elles atteignent une amplitude assez grande, et lorsque cesse

l'excitation, le muscle reprend aussitôt sa ligne de repos. Dans la minute

suivante, après un repos d'une vingtaine de secondes, l'excitation est renou-

velée (A, 2°). Dès le début, les secousses sont amples, et il ne se produit

pas de spasme myotonique. Il en est de même pour les excitations suivan-

tes (3° et 4°), répétées après un intervalle de repos de 4 secondes. A la

fin de chaque excitation le muscle reprend aussitôt l'état de repos.

Les explorations suivantes (B,) ont été faites sur le muscle homologue

du côté opposé, avec 480 interruptions par minute (8 par, seconde). Au

début, comme pour le muscle précédent, il se produit quelques secousses

à chaque interruption, puis le muscle est envahi par le spasme myotonique

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1 FIG. 1. - Bout... (Maladie de Thomsen) 25 juillet {888. -Excitations faradiques du muscle droit antérieur de la cuisse. - Chariot à 6 cm. 9/2. - A. Cuisse gauche. Interruptions

165 par minute (2 3/3 par seconde). - B. Cuisse droite. Interruptions 480 par minute (8 par seconde). - C. Cuisse gauche. Interruptions 660 par minute (11 par seconde). - T.

Temps divise en secondes. - R. Ligne de repos du muscle. - (Réduit de )/2).

E

ÉTUDE DE L'EXCITABILITÉ ÉLECTRIQUE DES MUSCLES. 17

partir de ce moment (h.) le spasme myotonique tend à disparaître, le mus-

cle se détend graduellement et les secousses réapparaissent et augmentent

progressivement d'étendue. A la fin de l'exploration, qui a duré 42 secon-

des, le muscle reprend aussitôt son état de repos, mais les secousses n'ont

pas encore atteint toute leur amplitude; elles l'atteindront seulement au

cours des explorations suivantes. Une vingtaine de secondes après la fin de

la première excitation, on renouvelle l'expérience (B, 2°). Cette fois, le

muscle répond par des secousses assez étendues à chaque interruption du

courant, mais présente cependant encore une ébauche du spasme myoto-

nique, comme l'indique la courbe du tracé. Sur une troisième excitation

et sur une quatrième, renouvelées après un repos de 6 et de 4 secondes

seulement, cette tendance à la production du spasme myotonique disparaît

de plus en plus, et les secousses produites dans le muscle atteignent toute

leur amplitude. (Il faut tenir compte dans nos tracés d'un vice dans l'ex-

périmentation au début de chaque excitation. En raison de l'instrumenta-

tion, dont nous disposions, les 2 ou 3 premières intermittences de l'inter-

rupteur se trouvent plus rapprochées, d'où excitation plus grande du

muscle que dans la suite de l'expérience. Ce défaut seraitfacileàéviterpar

un léger perfectionnement de l'instrumentation ; il n'altère guère d'ailleurs

le résultat de nos recherches. Nous l'avons évité lorsque nous explorions

directement les muscles, sans appareil inscripteur, et les résultats étaient

alors conformes à ceux que nous avons décrits plus haut. On peut voir en

se reportant à cette description que le résultat des explorations avec l'ap-

pareil inscripteur est analogue.) ,

(A suivre) Huet.

CONSIDÉRATIONS

SUR LE

TRAITEMENT DES MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX

PAR LA MÉTHODE DU DOCTEUR MOTSCHOUTKOVSKY

(Suite et fin 1).

Cette circonstance montrait que l'hyperhémie de la substance blanche

dépendait surtout de la pression négative qui se forme sous l'influence de

la suspension.

En cherchant la cause de l'hyperhémie dans la substance grise de la

moelle épinière il était naturel de se demander si la dure-mère et la subs-

tance nerveuse de la moelle subissent un allongement pendant la suspen-

sion et quel est le degré de cet allongement. Pour résoudre cette question,

j'introduisais une épingle dans la dure-mère au niveau d'une des vertèbres

dorsales supérieures, et j'observais ses déplacements. Mais il fallait encore

avoir un point de repère, un point immobile pour pouvoir apprécier l'é-

tendue du déplacement.

A cet effet, j'introduisais un bout d'un fil de fer très mince dans un

des espaces intervertébraux de la colonne cervicale, ensuite je recourbais le

fil de fer de façon à amener son bout libre juste à la hauteur de l'épingle

implantée dans la dure-mère. Ensuite je procédais à la suspension non pas

par la tête, mais en soutenant le cadavre sous les aisselles.

De cette façon, il n'y avait que la partie du rachis au-dessous des ais-

selles, c'est-à-dire la partie dorsale et lombaire qui pouvait s'allonger, tan-

dis que la partie cervicale était restée en dehors de la sphère d'action de

l'allongement, grâce à quoi l'extension de la colonne vertébrale ne pouvait

déplacer le fil de fer et son bout libre.

Si A C présente la partie cervicale et C B le reste de la colonne ver-

tébrale et si la suspension se fait à l'aide des cordes dont les unes pas-

sent au-dessous des aisselles seulement, il n'y aura que la partie C B qui

1. Voir le no 6, 1891.

TRAITEMENT DES MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX 19

pourra s'allonger ; la partie A C, étant située au-dessus du niveau des articu-

lations scapulo-huméralesetne subissant pasde contre-extension, ne pourra

subir un déplacement que si la totalité du corps et de la colonne vertébrale

entière se déplaçait. Si par conséquent, dans les limites de la ligne A C,

nous introduisons au point F le fil de fer dont le bout libre F sera au ni-

veau d'un point quelconque K de la dure-mère, ce point F conservera sa

place pendant la suspension, tandis que le point K, aussitôt que la suspen-

sion produira un allongement de la dure-mère, sera obligé de se déplacer

jusqu'à un point L par exemple. La distance entre F et L nous donnera la

mesure du déplacement au point K. Ce déplacement est d'un millimètre

dans la partie de la dure-mère correspondant aux vertèbres dorsales supé-

rieures. Par le même procédé nous avons pu nous convaincre que la subs-

tance nerveuse de la moelle s'allonge pendant la suspension.

Après avoir excisé la dure-mère, on introduisit une épingle dans la subs-

tance même de la moelle au même niveau que dans l'expérience précé-

dente, le déplacement de l'épingle était un peu moins d'un millimètre, ce

qui prouve que l'allongement de la moelle épinière sous l'influence de la

suspension est un peu moins considérable que celui de la dure-mère. Il ne

restait qu'à déterminer l'allongement total de la moelle sans retirer l'épin-

gle qui marquait sur la substance médullaire le point dont le déplacement

était un peu moins d'un millimètre.

Le corps étant suspendu, j'enlevais la moelle, je l'immobilisais en fixant

son extrémité supérieure et je l'allongeais en tirant sur l'autre extrémité

jusqu'à obtenir un déplacement de l'épingle égal à celui qu'on a observé

pendant la suspension. La différence de longueur de la moelle avant el

après l'extension représentait l'allongement total qui se produisait sous

l'influence de la suspension. Cet allongement était de 4 à 5 millimètres.

L'extension et le déplacement de la dure-mère peuvent être transmis a

la moelle épinière soit par l'intermédiaire du ligament dentelé soit parles

racines des nerfs. Il est facile de se convaincre que la distension peut avoir l'

lieu par l'intermédiaire des ligaments dentelés ; on prend un petit tronçon

de la moelle épinière, on l'incise le long de la ligne médiane et l'on écarte

chaque côté de la dure-mère. On coupe ensuite les racines qui se trouvent 1

dans le sac de la dure-mère. Si maintenant, après avoir fixé le bout supé-

rieur du tronçon et de ses enveloppes, on tire fortement sur le bord infé-

rieur de la dure-mère on constate que l'extension de la moelle épinière

suit celle de la dure-mère et comme les divisions du ligament dentelé sont

beaucoup plus courtes et plus tendues que les racines des nerfs' rachidiens,

le déplacement de la dure-mère se communique il la moelle par l'inter-

médiaire non pas de ces racines mais du ligament.

Quoi qu'il en soit, le fait de l'extension de la moelle est hors de doute,

20 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

et si elle se produit dans le sens longitudinal, elle doit agir nécessairement

dans le sens transversal. L'extension uniquement verticale ne pourrait

avoir lieu que si la force était appliquée rigoureusement dans ce sens. Or

les divisions du ligament dentelé rencontrent la moelle sous un certain

angle et par conséquent le ligament dentelé entraîne la pie-mère dans une

direction non pas verticale mais oblique, ce qui revienf'à dire que la pre-

mière sera tirée en bas et latéralement.

La pie-mère étant adhérente à la moelle, sa traction se traduira par une

augmentation des diamètres longitudinal et transversal de la moelle en

général et de son canal central en particulier. L'augmentation de la capa-

cité de ce dernier sans changement dans le volume de son contenu doit y

produire une pression négative qui, à son tour, amènera une hyperhémie.

L'influence de la pression négative se fera sentir plus fortement sur les

vaisseaux de la partie la plus interne des parois du canal et c'est là par

conséquent que les hémorrhagies devront se produire en plus grande abon-

dance. Comme nous avons vu plus haut, l'examen microscopique confirme

ces déductions théoriques, qui ont encore en leur faveur la dilatation

énorme du diamètre transversal du canal central que nous avons observée

sur les deux chiens. Il serait juste de remarquer que cette dilatation aurait

pu être considérée non seulement comme cause, mais aussi comme consé-

quence des hémorrhagies ; cette dernière explication perd toutefois sa va-

leur si l'on considère que la dilatation avait lieu là aussi où il n'existait

pas d'hémorrhagies.

En faisant dépendre l'hyperhémie de la substance grise également de la

pression négative produite dans le canal central, je ne nie pas l'influence

des autres causes, que je considère au contraire comme indispensables.

Toute tension de la substance de la moelle épinière doit produire une dis-

tension de sa névroglie, de ses vaisseaux et provoquer en même temps un

certain degré d'irritation. Nous laissons ouverte la question à savoir si

l'influence de la pression négative présente la somme de tous ces facteurs

ou de quelques-uns seulement.

En résumant ce que nous venons d'exposer, nous voyons que pendant

la suspension, il y a allongement de la moelle épinière et de la dure-mère ;

l'allongement de cette dernière amène une pression négative dans sa cavité,

l'hyperhémie des méninges et des couches périphériques de la substance

blanche. Au bout de 3 à 5 minutes, l'hyperhémie de la substance blanche

devient plus profonde parce que l'allongement de la dure-mère et la pres-

sion négative continuent à augmenter. A côté de cela, l'allongement de la

dure-mère se transmet, surtout par l'intermédiaire du ligament dentelé, à

la pie-mère et grâce aux prolongements qu'elle envoie dans la moelle, cette

dernière augmente suivant ses diamètres longitudinal et transversal ; il en

TRAITEMENT DES MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX. 21

est de même pour le canal central. La pression négative produite de cette

façon dans le canal central amène une hyperhémie de la substance grise

plus prononcée dans les couches les plus rapprochées de la lumière du canal.

L'hyperhémie, à part les causes que nous venons d'énumérer, est due égale-

ment à l'irritation produite par la distension de la névroglie.

Le canal central se continuant en haut avec les ventricules et la cavité de

la dure-mère rachidienne, avec celle de la dure-mère crânienne, la pression

négative doit avoir une influence sur l'encéphale, c'est-à-dire elle doit dé-

terminer une hyperhémie de la substance grise profonde des ventricules,

celle de l'écorce cérébrale et des nerfs crâniens. Cette hypothèse trouve sa

confirmation dans les expériences de Lombroso et dans le cas avec issue

léthale de Borsati dans lequel l'autopsie a démontré l'existence d'une mé-

ningite cérébro-spinale avec exsudats. De cette façon, l'action jusqu'ici

incompréhensible que la suspension exerçait sur les symptômes céphaliques

en général et sur les nerfs optiques atrophiés en particulier est parfaite-

ment expliquée. J'ajouterai encore que l'hyperhémie de la substance grise

profonde des ventricules nous suggère l'idée de l'application de ce traite-

ment aux maladies où les noyaux des nerfs crâniens sont intéressés; de même

l'hyperhémie de la substance grise de la moelle parle en faveur de l'appli-

cation de la suspension dans les poliomyélites.

Voyons maintenant jusqu'à quel point sont applicables à la thérapeuti-

que les données que nous avons obtenues et comment elles concordent avec

des résultats obtenus du traitement.

Que l'on considère les lésions anatomo-pathologiques des maladies sys-

tématisées du système nerveux comme résultat d'un processus inflamma-

toire ou comme un processus dégénératif produit par la force destructive

des éléments toxiques, les indications thérapeutiques fondamentales restent

toujours les mômes.

Dans la dégénérescence primitive et l'inflammation parenchymateuse, la

fragmentation de la gaine de myéline est toujours suivie de prolifération

et d'épaississement de la névroglie.

Dans les formes interstitielles de l'inflammation, les lésions sont les

mômes, mais elles se produisent dans l'ordre inverse : la prolifération de

la névroglie amène consécutivement la compression et la mort des fibres

nerveuses. Les manifestations extérieures du processus morbide soit in-

flammatoire, soit dégénératif, seront toujours l'expression d'un état d'irri-

tation des fibres nerveuses et de leur atrophie ou compression par la né-

vroglie trop abondante et trop dense.

En puisant les indications thérapeutiques dans l'anatomie pathologique,

nous cherchons à provoquer dans les premières périodes de la maladie une

22 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.

anémie de la substance nerveuse qui doit avoir une action favorable et dans

les états inflammatoires et dans les dégénérescences primitives.

En effet, dans les états inflammatoires, l'anémie diminuera l'état conges-

tif, dans les dégénérescences primitives, l'afflux moindre du sang dimi-

nuera l'apport des éléments toxiques qui produisent la destruction des

fibres nerveuses.

Dans les périodes avancées de la maladie, il devient encore plus évident

que les indications thérapeutiques sont les mêmes dans les maladies sys-

tématisées avec processus inflammatoire ou dégénératif. Dans les deux cas,

nous avons de la sclérose et le traitement devra être dirigé dans le même

but. Malheureusement, nous ne pouvons pas fonder de grandes espérances

sur nos agents thérapeutiques, nous n'osons même pas rêver de faire

revivre les fibres nerveuses détruites et remplacées par du tissu conjonctif

ou do diminuer la quantité de ce (issu quand il est en trop grande abon-

dance ; le seul espoir qui nous est permis d'avoir, la possibilité d'arrêter

la marche du processus morbide n'est qu'un desideratum dont l'accomplis-

sement est réservé pour un avenir plus ou moins éloigné, quand, plus

instruit des causes des maladies, nous saurons les prévenir. En attendant,

contentons-nous de chercher à relever la nutrition des fibres nerveuses et

les préserver autant que possible de l'influence pernicieuse du tissu con-

jonctif qui, en proliférant, les comprime, diminue leur pouvoir fonctionnel

et les tue lentement par une atrophie progressive. Ce n'est qu'à ces indica-

tions que répond le traitement du D' Motschoutkovsky. En provoquant par

la suspension un afflux plus grand du sang, un allongement de la moelle

avec écartement des éléments nerveux, nous rappelons à la vie les tubes

nerveux, nous éveillons leur fonction à demi-éteinte et nous augmentons

leur conductibilité. La suspension répétée amenant chaque fois un afflux du

sang nouveau aux fibres nerveuses comprimées et anémiées améliorera leur

nutrition. L'allongement en masse et l'écartement des éléments de la névro-

glie se répétant souvent, cette dernière perd, pour un temps de plus en plus

long, le pouvoir de revenir à l'état qu'elle présentait avant la suspension,

les libres nerveuses deviendront de moins en moins enserrées par le tissu

conjonctif, et leur fonction commune, leur nutrition pourront pour un

temps de plus en plus long devenir à peu près les mômes qu'à l'état normal.

Le traitement du Dr Motschoutkovsky, bien appliqué, aura par consé-

quent pour résultat : 1" de retarder la mort des éléments nerveux et 2° de ren-

dre possibles les fonctions des tubes nerveux encore vivants. Cliniquement,

ces résultats se traduiront par une amélioration plus ou moins grande des

symptômes morbides et une déchéance fonctionnelle plus tardive de la ré-

gion atteinte.

Mais si tout ce que nous avons dit est exact, il faut s'attendre à ce que

TRAITEMENT DES MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX. 23

la suspension ne donne des résultats favorables que dans des cas bien dé-

terminés et qu'en dehors d'eux, son action soit nulle et même nuisible.

La suspension doit être utile : 1°, là où les manifestations morbides sont

provoquées par la compression des éléments nerveux par le tissu conjonctif

proliféré et 2° quand le trouble des fonctions des fibres nerveuses est lié à

un état anémique et à une nutrition languissante. La suspension sera peu

utile ou inutile dans les cas où les symptômes morbides sont provoqués

par la mort des éléments nerveux ou par un trouble de nutrition irrépa-

rable.

La suspension doit avoir des effets nuisibles dans les cas de l'hyperhémie

déjà existante ou bien quandle sang circulant avec une trop grande acti-

vité amène sans cesse des éléments toxiques. C'est ainsi que la suspension

sera nuisible dans les périodes initiales des processus morbides inflamma-

toires ou dégénératifs. C'est ce qui explique les mauvais résultats du trai-

tement du tabes au début. Le Pr Erb (4), dont les premiers essais por-

taient sur des malades de ce genre, voyait leur état tantôt rester sans

changement, tantôt empirer. Cependant les résultats les plus favorables

obtenus chez les ataxiques par la suspension se rencontrent chez les mala-

des dont les lésions ne sont pas encore trop avancées. Dans les périodes

trop avancées de la maladie, le tissu conjonctif épaissi ne se laisse pas fa-

cilement distendre.

Nous avons déjà dit que les résultats de la suspension ne sont pas les

mêmes pour les différentes maladies ; ils sont très favorables dans les ma-

ladies systématisées primitives et dans certaines névroses et ils le sont beau-

coup moins, dans les dégénérescences secondaires et dans les maladies à

lésions disséminées. En effet, dans les maladies à lésions systématiques,

. les symptômesmorbides sont la manifestation de la compression des éléments

nerveux par le tissu conjonctif; quant aux névroses, la suspension fait

disparaître l'anémie cérébrale qui les accompagne souvent. On peut expli-

quer de même l'activité des fondions génitales; cependant ici la disten-

sion du tissu conjonctif joue un rôle notable. La dégénérescence secondaire

des libres nerveuses se produit par suite de leur séparation d'avec leurs

centres trophiques et on comprend que dans ces cas, la communication ne

pouvant être rétablie, la suspension doit rester sans effet. Ici il y a cepen-

dant une correction à faire; dans des dégénérescences secondaires, il y a

également atrophie des fibres et sclérose consécutive. En se resserrant,

le tissu conjonctif peut déplacer les parties saines de la névroglie, ce dé-

placement a une influence nuisible sur les fonctions des tubes nerveux

intacts et la suspension peut devenir utile même dans les cas des lésions en

foyer avec dégénérescence secondaire d'autant qu'elle remédie à ce dépla-

cement.

24 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

Dans la sclérose en plaques les résultats sontpeu satisfaisants parce que

l'hyperhémie ne peut faire disparaître les foyers sclérosés ; le tissu con-

jonctif ne joue pas un grand rôle dans les manifestations morbides de celle

maladie.

Les myélites tiennent le milieu entre les maladies systématiques el les

dégénérescences secondaires. Suivant l'intensité du processus morbide, elles

seront accompagnées ou non de dégénérescences ascendantes ou descen-

dantes. La suspension dans ces maladies sera tantôt sans résultats, tantôt au

contraire elle exercera une action salutaire sur les manifestations morbides

et comme nous avons dit plus haut cette action est quelquefois considé-

rable. S'il est certain que la suspension donne les meilleurs résultats dans

les dégénérescences primitives, il n'en est pas moins vrai que les résultats

ne sont pas les mêmes pour les fibres des différents systèmes. Ceci paraît

improbable à première vue. Il paraîtrait que la lésion étant la même, l'ac-

tion devrait être identique pour les fibres motrices ou les fibres sensitives.

Cependant les résultats thérapeutiques quand il s'agit du tabes sont infini-

ment supérieurs à ceux obtenus dans les paralysies spasmodiques et la

sclérose latérale amyotrophique. L'explication n'est pas difficile à trouver.

Les symptômes prédominants du tabes sont : l'ataxie, les douleurs, les pa-

resthésies et l'anesthésie. Les douleurs ne sont qu'en partie provoquées par

l'irritation des fibres nerveuses, elles tiennent principalement à la compres-

sion par le tissu conjonctif; les paresthésies tiennent surtout à l'état d'ir-

ritation des fibres nerveuses malades et en partie seulement à la compres-

sion par le tissu interstitiel; quant à l'incoordination et à l'anesthésie, elles

sont dues à la conductibilité défectueuse de tubes nerveux comprimés et

atrophiés.

La suspension amène tout d'abord la distension de la névroglie et par

conséquent elle modifiera avant tout les symptômes provoqués par la com-

pression que celle-ci exerce sur les éléments nerveux.

Il est beaucoup plus difficile de faire disparaître l'irritation des fibres

nerveuses qui tientau processus dégénératif, etparconséquentles symptômes

produits par l'irritation, seront beaucoup plus difficiles à combattre. On

trouve encore des symptômes qui tiennent à la fois à la compression des

fibres, à leur état d'irritation, à leur atrophie. Dans ces cas, l'action de la

suspension variera selon la part qui reviendra à chacun de ces éléments

dans la production des symptômes morbides. Dans le tabes, par conséquent,

les douleurs doivent céder le plus facilement, les paresthésies sont au con-

traire très difficiles à faire disparaître; entre les deux, on doit placer l'in-

coordination et l'anesthésie. C'est ce qui arrive en pratique, sinon toujours,

au moins très souvent.

La paralysie spasmodique est caractérisée par des troubles de la motilité

TRAITEMENT DES MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX. 25

et des phénomènes spasmodiques. Les troubles de la motilité (paralysie)

sont déterminés par la compression des fibres nerveuses et leur atrophie,

les phénomènes spasmodiques, par l'état d'irritation des fibres consécutif à

la dégénérescence. Comme dans cette maladie on ne trouve pas des symp-

tômes uniquement dus à la compression de la fibre nerveuse par le tissu

conjonctif, on constate que l'action de la suspension est ici moins favorable

que dans le tabes, l'amélioration sera très peu prononcée pour les phéno-

mènes spasmodiques et un peu plus pour les phénomènes paralytiques. *

Il faut remarquer ici que l'irritation déterminée par la suspension peut

comme nous l'avons déjà dit avoir une influence fâcheuse sur les phéno-

mènes spasmodiques.

Dans la sclérose latérale amyotrophique où on trouve des paralysies spas-

modiques et des lésions des cellules des cornes antérieures, les résultats du

traitement doivent par conséquent être encore moins favorables.

Nous avons déjà dit plus haut que quand la suspension donne des résul-

tats thérapeutiques favorables, ces derniers ont des caractères bien détermi-

nés :

1° L'amélioration se produit en général très rapidement;

2° Elle devient tous les jours plus prononcée sans dépasser cependant

certaines limites;

3° Les résultats obtenus ne sont pas stables; le traitement une fois inter-

rompu, l'amélioration disparaîtdans la majoritédescasetau boutd'un temps

plus ou moins long la maladie redevient ce qu'elle était avant le traitement.

Tous ces caractères se trouvent en accord complet avec les données théori-

ques que nous venons d'exposer.

L'effet du traitement est rapide parce qu'il se produit déjà après la pre-

mière séance de suspension une distension de la névroglie, une décompres-

sion des fibres nerveuses encore aptes à fonctionner et une activité plus

grande de la circulation qui exagère momentanément la vitalité de ces fibres.

L'action du traitement est limitée parce que d'abord la distension l'est

également et ensuite parce que certains symptômes seulement sont provo-

qués par la compression; les autres dépendent de la mort ou des troubles

de la nutrition des tubes nerveux contre lesquels le traitement est impuis-

sant.

L'amélioration est dans la majorité des cas de peu de durée parce que, la

suspension ne se faisant plus, la névroglie se resserre, les fibres nerveuses

sont de nouveau comprimées et leur nutrition devient moins bonne et leurs

fonctions sont troublées.

L'amélioration des symptômes céphaliques s'explique par l'hyperhémie

du bulbe et des nerfs crâniens. Sous l'influence de cette hyperhémie la nu-

trition s'améliore, il se produit un gonflement et un certain degré de dis-

26 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

tension du tissu interstitiel des nerfs grâce à laquelle la compression des

fibres nerveuses devient moindre et leur conductibilité augmente.

Les symptômes médullaires cèdent plus facilement au traitement que les

symptômes céphaliques, non seulement parce que l'hyperhémie y est plus

grande, mais encore parce que, à part la dilatation vasculaire, il existe une

autre cause de distension non moins importante.

On sait que l'activité musculaire joue un grand rôle dans la circulation.

La contraction musculaire chasse le sang des artères et quand cette contrac-

tion cesse, les artères se remplissent de sang. Pendant la suspension, les

muscles des membres inférieurs sont relativement flasques et l'afflux du

sang dans les artères y est facilité, tandis que le reflux du sang veineux se

fait difficilement, ce qui dépend aussi de la position verticale des membres

inférieurs. Tous les tissus deviennent dans ces conditions imbibés en quel-

que sorte et les nerfs sont gonflés.

Est-ce là surtout qu'il faut chercher la cause de l'action de la suspension

sur les nerfs périphériques ou faut-il considérer la distension comme fac-

teur principal de cette action ? Nous ne saurions encore le dire d'une fa-

çon positive. Ce qui est certain, c'est que la circulation veineuse pendant

la suspension est ralentie, nous n'avons qu'à citer comme preuve les cas

où on a observé pendant la séance l'oedème des membres inférieurs.

III

Une méthode thérapeutique doit offrir tout d'abord au médecin des ga-

ranties de sécurité. Si cette proposition est vraie en général, elle est encore

plus vraie quand il s'agit d'un moyen de traitement dont les effets ne sont

pas encore très bien établis et qui, autant que le permet de dire l'expé-

rience clinique, n'a que fort peu de chance de devenir autre chose qu'un

traitement s'adressant uniquement aux symptômes. Nous avons déjà dit

que la suspension ne répond pas à ce desideratum, puisqu'elle provoque

quelquefois des complications el même des accidents mortels. Une partie

de ces accidents doit être mise sur le compte de la compression des gros

Ironcs nerveux et vasculaires, l'autre doit être imputée à la méthode elle-

même. La clinique et l'expérimentation nous enseignent que la suspension

produit une hyperhémie de l'axe cérébro-spinal et une distension de la

névroglie et il faut dire que cel état des centres nerveux n'est pas sans of-

i'rir quelque danger ; certains états pathologiques peuvent empirer ou même

être provoqués par ce changement de conditions vitales ; l'hyperhémie

peut avoir une influence fâcheuse sur l'état des centres respiratoires et

cardiaques et amener des accidents graves. Enfin, il ne faut pas oublier

TRAITEMENT DES MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX. 27

qu'une distension trop grande et trop brusque accompagnée d'hyperhémie,

peut se terminer par la rupture des vaisseaux et occasionner des hémor-

rhagies dans la substance des centres nerveux. Pour se rendre compte des

dangers de ces hémorrhagies, on n'a qu'à se rapporter aux expériences de

lIoppe-Seyler et de Paul Berl ; les animaux soumis à une pression atmos-

phérique considérable étaient tués sur le champ par la décompression

brusque qui occasionnait des hémorrhagies capillaires dans la moelle épi-

nière, en amenant une dilatation et une rupture des vaisseaux par les gaz

du sang brusquement dilatés.

On voit donc que l'hyperhémie, très souvent utile, offre de grands dan-

gers quand elle survient brusquement ou quand elle est trop intense.On ne

pourrait éviter les dangers qui en résultent que si nous avions un appareil

nous permettant de faire agir la suspension comme une force dont les effets

augmenteraient lentement et progressivement et dont il serait en notre

pouvoir d'activer et de ralentir les effets.

Dans le procédé employé actuellement, l'allongement de la colonne ver-

tébrale est obtenu par l'action du poids total du corps du malade qui peut

être gros ou maigre et par conséquent lourd ou léger; ce qu'il faudrait,

c'est un appareil permettant de fractionner la force agissante, c'est-à-dire

le poids de ce corps. Avec un appareil de ce genre, on pourra non seule-

ment éviter des accidents plus ou moins graves, mais il nous permettra

d'augmenter ou de diminuer à volonté l'hyperhémie et nous conformer de

la sorte aux indications qui varient avec chaque malade et chaque maladie.

J'ai construit un appareil répondant à ces indications en me basant sur

les lois d'action de la pesanteur appliquée sur un plan incliné. D'après

ces lois, l'action de la pesanteur est en proportion directe avec la hauteur

du plan incliné et en proportion inverse avec sa longueur. Ainsi, quand

la hauteur du plan incliné égale 0, c'est-à-dire quand le plan incliné de-

vient horizontal, l'action de la pesanteur sera nulle, mais quand c'est la

longueur du plan incliné qui égale 0, c'est-à-dire quand il devient verti-

cal, l'action de la pesanteur sur un corps posé sur ce plan, sera représentée

par le poids total de ce dernier. Entre ces deux cas extrêmes, il y a évi-

demment une infinité de cas intermédiaires.

En partant de ce principe, nous construisons un appareil représenté par

un plan mobile autour cle son axe transversal. Sur ce plan est posé le ma-

lade qu'on veut suspendre. A mesure que le plan mobile passera de la

position horizontale à la position verticale, l'action de la pesanteur sera

représentée par une fraction de plus en plus grande du poids du corps et

au moment où le plan sera dans la position verticale, la force de la pesan-

teur sera égale au poids total du corps et l'allongement de la colonne ver-

tébrale du corps sera produit par ce poids.

28 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

Il va sans dire que si nous ne voulons pas faire agir tout le poids, nous

pouvons laisser le plan incliné sous un certain angle et c'est l'ouverture de

cet angle qui nous donnera la mesure de la fraction active du poids du

corps.

Dans ces conditions, le poids absolu du corps et le poids absolu de sa

partie active nous restent inconnus. Mais ceci nous importe peu. Ce que

nous cherchons à obtenir, c'est de faire agir à volonté telle ou telle frac-

tion seulement du poids du corps et savoir approximativement, à un mo-

ment donné, si c'est le quart, le tiers ou la moitié du poids total du corps

qui agit. D'ailleurs, on peut, comme l'a fait Walteville pour l'appareil de

Sayre, placer entre le corps suspendu et le crochet de l'appareil, un mano-

mètre à ressort qui indiquera le poids total du corps et le poids de la par-

tie agissante.

Voici la description de mon appareil (fig. 2 et 3).

Entre deux montants en bois de 102 centimètres de hauteur solidement

fixés, passe une tige en fer 9 R. mobile auxquels est fixé par son milieu

un plan en bois K. L. qui a 2 mètres de longueur sur 50 centimètres

de largeur. A la face postérieure de l'extrémité supérieure de ce plan est

vissé un crochet en fer K. M. qui dépasse ce bord supérieur de 20 centi-

mètres.

Le crochet supporte la planche pno dont les deux bouts p et o sont re-

courbés en haut et dont l'écart maxima égale la largeur du plan en bois.

Pour pouvoir lever, baisser ou immobiliser le plan en bois sous un an-

gle voulu, une forte planchette St est fixée à la traverse MO qui réunit les

deux montants. Cette planchette est fixée en arrière de l'axe du plan et de

son côté gauche.

Une manivelle avec une vis sans fin (z) est fixée à la planchette. Le mou-

vement de cette vis est transmis à la roue dentée p. qui le transmet il son

tour à l'arc de cercle denté A B fixé au plan horizontal lui-même. Selon

que l'on déplace la manivelle D de la vis dans un sens ou dans l'autre, la

roue dentée tourne en avant ou d'avant en arrière. Dans le premier cas, ce

plan, d'horizontal qu'il était, devient vertical, dans le second de vertical, il

devient horizontal. Si l'on veut immobiliser le plan sous un angle d'incli-

naison déterminé, on arrête le mouvement de rotation de la vis sans fin, cet

angle une fois obtenu. Comme les saillies de la spirale de la vis sont trans-

versales par rapport aux intervalles entre les dents de la roue, cette der-

nière ne peut tourner si la vis est immobile et le plan reste dans la posi-

tion qu'il avait au moment où on a arrêté le mouvement. Pour pouvoir se

rendre compte de l'angle de l'inclinaison du plan, on adapte à l'extrémité

supérieure de la face externe du montant gauche un arc métallique divisé en

90°. Une aiguille fixée à l'arc mobile du plan, en se déplaçant pendant le

TRAITEMENT DES MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX. 29

mouvement de la planche, indique l'angle d'inclination de cette dernière.

Les pieds des montants ont 96 c. de longueur.

Pour rendre l'appareil moins encombrant, j'ai fait construire ces pieds

G. DEVY r joulen.1-

Fig. 2. Appareil du Dr Bogrolf pour la suspension.

30 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPETRIERE.

de plusieurs pièces se pliant les uns sur les autres. La figure 2 présente

cette disposition : on voit les pièces immobiles ab, a' b' qui n'ont que 37 cen-

timètres de longueur et les pièces mobiles de et F.g Kz et eg qui sont fixées

à la face interne des pieds des montants par des charnières et qu'on peut

étendre complètement comme l'est sur le dessin la pièce de, ou à moitié

seulement comme la pièce z. x. ou faire passer entre les deux pièces fixes

comme l'est la pièce F. g. Quand toutes les pièces mobiles sont perpendi-

culaires aux pièces fixes ab, ab, tout l'appareil repose sur ces dernières qui

Fie. 3. Appareil du D' Bogroff pour la suspension.

TRAITEMENT DES MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX. 31

n'ont que 37 centimètres ; quand au contraire on les étend, les pieds des

montants présentent 96 centimètres de longueur.

Pour donner plus de solidité il la réunion des pièces mobiles avec les

pièces fixes, ces dernières ont vers les deux bouts des pivots qui pénètrent

dans des trous correspondants des pièces mobiles quand elles se trouvent

étendues. Les charnières seules seraient insuffisantes pour tenir les pièces

immobiles quand tout le poids du corps pèse sur l'appareil.

Pour rendre plus facile le déplacement de l'appareil, on adapte des rou-

lettes aux pièces ab, a'b'. '

Après avoir décrit l'appareil, voyons dans quelles conditions doit se

faire la suspension. Nous avons vu plus haut que chez les chiens dont on

étendait le tronc seulement, la partie cervicale de la moelle était aussi in-

jectée et aussi riche en foyers hémorrhagiques que le reste de la moelle.

Par conséquent, le collier qui amène une compression des vaisseaux du

cou est inutile.

On n'a donc pas besoin d'avoir recours au collier qui serait plutôt nuisi-

ble par son action directe sur les vaisseaux du cou ; il en est de même

quant aux courroies qui passent sous les aisselles et qui compriment les

gros troncs nerveux et vasculaires et nous avons renoncé complètement à

l'emploi du collier et de ces courroies. Mitchell (33) a supprimé l'usage

des courroies passant sous les aisselles et prend un point d'appui sous les

coudes, tout en conservant le collier. Quant à nous, nous l'avons supprimé

et ce dernier peut prendre les points d'appui uniquement sur les coudes.

Nous faisons préparer deux gouttières en cuir résistant ouvert en avant.

Chaque gouttière se compose de deux moitiés réunies sous un certain an-

gle. L'avant-bras étant plié jusqu'au même degré sur le bras, on place le

coude dans la gouttière et on réunit en avant les bords libres des gouttiè-

res par des boucles ou des lacets. Pour empêcher t'écartement des coudes

pendant la suspension, les deux gouttières sont réunies par des courroies

dont l'une passe en avant et l'autre en arrière du corps. Du segment supé-

rieur de chaque gouttière partent deux lanières en cuir; la première, plus

longue, vient après avoir passé travers un anneau en fer se réunir à la

seconde à l'aide d'une boucle que porte son extrémité libre. Les anneaux

en fer sont accrochés aux bouts recourbés de la planche pno. Pour faire la

suspension, on place la planche de l'appareil horizontalement (1) et on y

couche le malade sur le dos après lui avoir adapté aux coudes les gouttières

en cuir faiblement lacées. En imprimant un mouvement à la vis sans fin,

(1) La distance de la planche du sol est trop considérable pour que'le malade puisse

y monter directement ; un petit tabouret doit donc figurer parmi les accessoires de

l'appareil.

32 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

on donne à la planche le degré d'inclinaison voulu. L'opérateur varie celle

inclinaison et la durée de la séance selon les indications.

En appliquant la suspension, il faut s'assurer avant tout si le malade peut

supporter le traitement et dans quelle mesure. Dans ce but, on allonge gra-

duellement la colonne vertébrale en ne faisant agir que telle ou telle frac-

tion du poids du corps du malade, ce qui est facile à obtenir en variant

l'angle d'inclinaison de la planche. Ce n'est qu'en dernier lieu, ayant acquis

la conviction que l'état du malade le permet, qu'on exerce la traction sur la

colonne vertébrale par la totalité du poids du corps. L'importance de ces

essais préalables ressort nettement de l'exemple suivant.

Chez un malade atteint d'anémie et d'impuissance à qui je donne des

soins, on constate de la dyspnée et des vertiges chaque fois que la force de

traction exercée sur la colonne vertébrale est représentée par plus de la

moitié du poids total du corps. Voici donc un malade qui peut supporter

la suspension, mais dans de certaines limites seulement. Si pour ce malade

on n'avait pas recours à des essais préalables et qu'on eût appliqué dès le

début la force totale de traction comme cela a lieu dans la suspension telle

qu'elle se pratique actuellement, il aurait pu en résulter des accidents, et clans

tous les cas, le traitement aurait dû être abandonné. Avec la méthode des

essais préalables, au contraire, nous nous sommes rendu compte d'avance du

degré de résistance du malade et nous pouvons continuer le traitement en

toute sécurité.

Quand je commence la suspension, je mets la planche sous un angle de

35 à 40 degrés; la séance dure 8 minutes. On recommence les séances tous

les deux jours en augmentant progressivement l'angle d'inclinaison de 5 à

10 degrés et au bout de 5 ou 10 séances on arrive à déterminer la force de

résistance du malade.

Il va sans dire que le temps employé aux essais n'est pas un temps perdu

pour le traitement. La suspension en effet manifeste déjà son action : les

symptômes morbides, s'ils sont justifiables du traitement, peuvent s'amélio-

rer dès le début, quoique à un degré moindre de celui que donne un traite-

ment plus énergique.

Les essais préparatoires une fois terminés, on commence le traitement

proprement dit et alors il faut se guider sur les données théoriques suivan-

tes : l'action de la pression résulte de la distension de la névroglie et de

l'hyperhémie qu'elle provoque; elle a par conséquent, d'une part une action

purement mécanique, et d'autre part celle d'un agent modificateur de la nu-

trition.

L'action mécanique de la suspension sera d'autant plus prononcée qu'elle

sera plus prolongée et plus énergiquement appliquée et le degré de la dis-

tension de la névroglie et de l'hyperhémie sera en proportion directe av ec

TRAITEMENT DES MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX. 33

la durée et l'énergie de l'acte de suspension. Plus la suspension a été pro-

longée, plus la névroglie distendue tardera à revenir à son état primitif.

Par conséquent, dans tous les cas où nous supposons les symptômes morbi-

des être la manifestation d'une sclérose, nous sommes autorisé à espérer

de soulager le malade et obtenir un soulagement d'autant plus rapide et

prononcé que la distension de la colonne vertébrale sera plus énergique

et plus prononcée. Quand, au contraire, nous pouvons éliminer la sclérose

de la pathogénie et rattacher les symptômes à une anémie, notre conduite

devient différente. Nous n'avons plus besoin d'une action énergique qui

amène des hyperhémies considérables.

Nous chercherons à amener un afflux de sang modéré, espérant par là

améliorer la nutrition et rétablir les fondions de la fibre nerveuse et pour

cela nous demanderons à la suspension une distension modérée, mais sou-

vent renouvelée.

Il va de soi que si, dans certains cas, nous n'avons recours qu'à un de ces

modes d'action, il y en a d'autres où nous serons obligé de les mettre en

action tous les deux. C'est ainsi que dans le tabes, pour obtenir une dispa-

rition des douleurs et d'autres manifestations morbides résultant de la com-

pression des fibres, nous devons avoir recours a des distensions prolongées

et énergiques.

Mais quand la suspension aura donné tout ce qu'on attend d'elle sous ce

rapport, quand au bout d'un certain temps, l'amélioration reste station-

naire, il faudra diminuer l'énergie du traitement. En effet quelquefois,

malgré les apparences de bénignité, le traitement énergique peut activer

la marche du processus morbide; tandis qu'une hyperhémie et une disten-

sion modérées de la névroglie dev iennent suffisantes pour activer la nutri-

tion des régions malades et préviennent le retrait de la névroglie distendue.

Comme je l'ai dit plus haut, je commence par la suspension sous un

angle de 35 à 40 degrés. Les séances peuvent êtres faites journellement et

chaque fois on en augmente la durée de 5 minutes en arrivant progressi-

vement à des séances d'une demi-heure et même d'une heure entière (1).

Nous n'avons pas à insister longuement pour faire comprendre que le degré

de l'hyperhémie n'est pas le môme au commencement et à la fin de la séance;

sous l'inlluence d'une distension môme faible mais prolongée, les muscles

intervertébraux se relâchent et l'obstacle qu'ils niellaient à la distension du

rachis disparaît plus ou moins complètement.

La quantité du sang augmente dans ces conditions, lentement et progres-

(1) La suspension très prolongée peut amener un engourdissement des mains. Pour

remédier à cet inconvénient, on aura soin de serrer le moins possible la gouttière en

cuir. Si cela ne suffisait pas, on remettrait le malade dans la position horizontale pour

30 secondes ou 1 minute et après on recommencerait la suspension.

34 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

sivement, ce qui nous donne toutes les garanties de sécurité, non seulement

quand la distension est modérée, mais aussi quand elle est plus énergique

et prolongée.

Pour obtenir le maximum d'hyperhémie, on doit placer la planche de

l'appareil dans la position verticale pour un temps prolongé. Mais déjà au

bout de 5 minutes de suspension verticale, on a vu des accidents mortels

et il serait très dangereux de vouloir prolonger la suspension dans ces con-

ditions. Il me semble aussi dangereux de faire agir, après une distension

prolongée et modérée, la totalité du poids du corps pendant plusieurs mi-

nutes. Dans ces conditions, il doit se passer quelque chose d'analogue à ce

que j'ai observé sur un chien suspendu et dont les muscles étaient relâchés

sous l'influence du sommeil chloroformique. Quand on faisait passer le

chien de la position inclinée dans la position verticale, le degré de disten-

sion devenait le double de ce qu'il était auparavant déjà au bout de 3 à 5 mi-

nutes.

Les deux procédés suivants doivent être au contraire considérés comme

tout à faits inoffensifs.

1° Le malade étant posé sur la planche, on la fait passer soit à la position

verticale, soit à la position inclinée maximum que supporte le malade et

au bout de 3 à 5 minutes, on fixe la planche pour un temps prolongé sous

un angle d'inclinaison variant de 50 à 60°.

Ou 2° on fixe la planche placée sous angle de 50 à GO° pour un temps

prolongé sans la mettre d'abord dans la position verticale.

Il est entendu que l'augmentation de la durée des séances, que je pro-

longe généralement jusqu'à une demi-heure, doit se faire progressivement

et que si la distension est considérable, on ne doit y avoir recours que tous

les deux jours. Je ferai remarquer encore que quand on veut faire des sus-

pensions prolongées sous un angle de 50 à 00° on doit néanmoins commen-

cer par une inclinaison de 40 degrés et l'augmenter graduellement. J'ai

traité par la suspension prolongée trois tabétiques, leur âge était de 26 à

36 ans. Le début de la maladie remontait à 2 ou 3 ans. Le nombre total

des séances étant de 107, la moyenne pour chacun de 36. Dans tous les

cas, les douleurs lancinantes ont disparu, la marche était améliorée, tout en

laissant beaucoup à désirer. Dans tous les cas, le signe de Rombergest de-

venu moins prononcé. Quant aux paresthésies elles sont restées stationnai-

res. L'impuissance a été suffisamment améliorée dans un cas pour que le

malade ait pu remplir ses devoirs conjugaux après la vingtième séance. No-

tons ici, l'acte conjugal n'était pour lui qu'un devoir, les sensations volup-

tueuses faisant complètement défaut par suite de l'anesthésie.

Parmi les malades dont je parle il y en avait une qui se nommait B...

Rose qui, au commencement de l'été de l'année dernière, était traitée à la

TRAITEMENT DES MALADIES DU SYSTÈME NERVEUX. 35

clinique duDl' Motschoutko-\sky. Elle nous a dit av oir renoncé au traitement

après la douzième séance ne voyant survenir aucune amélioration. En au-

tomne de la même année, je lui avais proposé de se soumettre de nouveau

au' traitement.

La suspension ayant déjà été pratiquée sur la malade je pouvais la sou-

mettre d'emblée à des séances prolongées. Après la 3e séance qui a duré

20 minutes, la malade étant placée sous un angle de 50°, les douleurs ful-

gurantes ont dieparu complètement.

S'il était permis dans le cas présent de faire abstraction delà possibilité

d'un hasard heureux on pourrait conclure que la distension prolongée et

d'une force modérée agit plus rapidement que la distension de courte durée

mais énergique.

Pour me rendre compte de la persistance des résultats obtenus, j'ai in-

terrompu le traitement dans deux cas après la quinzième séance, ayant

constaté préalablement un certain degré d'amélioration. Dans un cas, les

douleurs fulgurantes ont réapparu après 22 jours d'interruption, dans

l'autre après 15 jours; les troubles de la marche et le signe de Romherg

étaient plus accusés (tout en n'arrivant pas au degré qu'ils avaient avant

le traitement) déjà bien plus tôt. Il est intéressant de noter qu'après une

seule séance prolongée, les douleurs ont de nouveau disparu chez les deux

malades et que leur démarche s'est améliorée. Partant de ces faits, nous

pouvons espérer d'arriver à maintenir les malades dans un état relativement

favorable en répétant la suspension tous les 10--14 jours et le traitement

sera justifié, même s'il était démontré qu'il n'est pas capable d'amener la

guérison.

Les meilleurs résultats que j'ai obtenus par la suspension prolongée

concernent les cas de sciatique.

Il m'est impossible encore de dire si les effets du traitement persiste-

ront, mais les sept malades que j'ai soignés ont bénéficié d'une améliora-

tion et cependant parmi eux, il y en avait qui s'étaient montrés rehelles à

tout autre traitement. Généralement pendant la séance et la journée qui la

suit, les douleurs augmentent d'intensité, mais déjà vers le soir, l'amélio-

ration commence à se manifester et après quelques séances, les douleurs

disparaissent complètement.

A part les maladies du coeur, des vaisseaux, des reins (1) et des poumons

les principales contre-indications sont : l'obésité, l'anémie et l'épuisement.

Chez les obèses en raison de leur poids considérable, chez lés individus

épuisés grâce à la flaccidité des ligaments et des muscles, la suspension peut

amener une distension trop considérable du rachis, ce qui peut donner lieu

(1) Fricdreich (Buda-Pesth) a observé dans les affections des reins, des hématuries oc-

casionnées par la suspension.

36 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

à des accidents graves. Mais comme notre appareil permet de fractionner

la force représentée par le poids du corps et remédier de cette façon d'une

part aux inconvénients résultant d'une masse trop pesante et d'autre part au

manque d'élasticité des ligaments, les contre-indications ne doivent plus

entrer en ligne de compte. Mais on doit toujours considérer comme contre-

indications absolues les périodes inutiles des processus morbides inflam-

matoires ou dégénératifs du système nerveux central.

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ALEXANDRE BOGROFF,

Médecin de la division psychiatrique de l'hôpital municipal

d'Odessa.

CONTRACTURE FACIALE BILATÉRALE HYSTÉRIQUE.

Mademoiselle X., âgée de 17 ans, d'une famille nerveuse, vint me con-

sulter en février 1891 pour une déformation de la face, telle qu'on la voit

sur la planche III. La maladie a débuté en août 1890. Elle avait été bien por-

tante jusque là et n'avait jamais eu d'attaques de nerfs. En août 1890, elle

commença à souffrir de maux de dents, spécialement aux incisives supé-

rieures gauches. Lorsque la douleur eut duré environ un mois, elle s'aper-

çut que le côté gauche de la face était contracturé de temps en temps. Ces

contractures temporaires, dont la durée variait d'une demi-heure à trois

heures, se répétaient plusieurs fois dans les 24 heures et s'étendirent après

quelques mois au côté droit de la face. Son médecin lui fit arracher une

des incisives cariées, mais dès ce moment (décembre 1890) la face resta

contracturée de la façon que l'on voit sur la planche III.

X., est une personne anémique, maigre, trop grande pour son âge. Sa face

a une expresssion bizarre, riante. La commissure labiale est élevée du côté

droit, abaissée du côté gauche, le sillon naso-labial du côté droit est beau-

coup plus marqué que celui du côté gauche. Au premier abord, on croirait

à une hémiplégie faciale du côté gauche. Il n'en est rien.

En examinant plus attentivement le côté droit de la face, on voit que le

muscle élévateur commun de la lèvre supérieure droite et de l'aile du nez

est contracture, de sorte que cette narine est plus élevée que celle du côté

gauche. Aussi le grand zygomatique du même côté est-il contracté, les rides

de la peau sont très marquées et souvent la contracture est si prononcée que

l'on voit les dents supérieures du côté droit sans que la malade puisse fer-

mer les lèvres. Le long du nez, à droite, les petites rides de la peau sont

prononcées et l'oeil droit est plus petit que l'oeil gauche à cause d'une lé-

gère contracture de l'orbiculaire palpébral droit, que l'on reconnaît surtout

aux petites rides de la commissure palpébrale externe.

Pourtant elle peut fort bien fermer l'oeil droit et le rouvrir et le frontal

et le sourciller de ce côté sont absolument normaux, la contracture affec-

tant principalement le facial inférieur de ce côté, tandis que le facial su-

périeur ne participe que très peu à la contracture.

Quand on lui demande de montrer ses dents, on voit la contraction de l'é-

NOUVELLE Iconographie de la SALPE7R1$Rg T. V. PL, IV.

Phototype NÉGATIF Y. Haren Noman

fHOTOCOLLOGEtAPHIE Chêne ET Longuet

Contracture faciale bilatérale HYSTÉRIQUE

y..e j3AB¿ et FIE

NOUVELLE Iconographie DE la SALPETRICRE T, V. PL. Il :

Phototype négatif P h otocollo graphie

V. HAREN NOMAN C.È. Longuet.

Contracture faciale bilatérale HYSTERIQUE

YTC .J3ABÉ ET Cie

éditeurs

contracture faciale bilatérale hystérique. 39

lévateur de la lèvre supérieure droite s'accentuer, de manière que non seu-

lement l'on voit les dents supérieures de ce côté, mais aussi une partie de

la gencive. La lèvre inférieure droite est tirée en bas avec force (Pl. IV).

L'ouverture de la bouche figure pour me servir d'une expression de

M. Charcot - un point d'exclamation.

La contracture du facial inférieur droit ne suffit pourtant pas pour ex-

pliquer la défiguration de la face de notre malade. L'examen attentif du

côté gauche nous apprend qu'il y a contracture là aussi. L'abaissement de

la commissure labiale de ce côté n'est pas relatif, il est essentiel, actif.

Tandis que du côté droit le muscle élévateur commun de la lèvre et de

l'aile du nez est contracture, du côté gauche l'aile du nez est tirée activement

en bas et l'orbiculaire des lèvres est contracture dans sa partie supérieure

gauche, de sorte que cette partie fait saillie et est plus rigide au toucher

que la lèvre supérieure droite. Elle couvre presqu'entièrement la lèvre in-

férieure du môme côté, élevée elle-même par la contraction du menton, de

sorte que l'on ne voit presque rien du rouge des lèvres. La houppe du men-

ton est tirée à gauche (Pl. III, IV), et dépasse la ligne médiane. Le muscle

élévateur gauche du menton étant contracture, celui-ci fait une saillie ri-

gide et la peau laisse voir de petites fossettes correspondant aux endroits où

les petites fibres musculaires s'y attachent. On peut aisément produire ces

petites fossettes sur soi-même en élevant le menton avec force.

La contracture est donc évidente, aussi à gauche on la reconnaît main-

tenant facilement sur la planche où la malade fait des efforts pour montrer

ses dents et sur celle qui la représente riante (2).

La malade, quand elle souille, ne « fume pas la pipe », que

la joue gauche n'est pas soulevée comme un voile inerte, l'air s'échappe

plus facilement à droite qu'à gauche. -

Elle peut ou rir la bouche assez facilement, mais l'ouverture est toujours

plus large à droite qu'à gauche.

La langue est tirée droite, il n'y a pas de déviation et elle peut être re-

muée de tous côtés sans efforts.

La luette n'est pas déviée. ,

Le frontal, le sourcilier, l'orbiculaire des paupières du côté gauche sont

en état normal. C'est à peine si ce dernier est un peu contracté.

Le côté droit de la face, examiné pendant que le côté gauche est couvert,

a une expression rieuse, combinée avec une expression de mépris, à cause

de l'élévation de la lèvre supérieure droite et de l'aile du nez.

Le côté gauche, au contraire, examiné à part, a une expression triste, bru-

tale, tant soif peu lascive.

L'action combinée de ces deux expressions qui répondent à des passions

40 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

ou à des affections opposées ne produit pas une résultante expressive. La

physionomie grimaçante en est le résultat.

Lorsqu'on frotte énergiquement la bouche avec les doigts, ou qu'on fa-

vorise avec des courants faibles le menton contracté, la contraction de tons

les muscles cesse presqu'immédiatement tant à droite qu'à gauche et la phy-

sionomie reprend l'expression normale. C'est alors qu'on peut étudier fa-

cilement la manière dont la déformation de la face se faisait.

Après quelques secondes de repos on voit des secousses fibrillaires sur-

venir dans le muscle élévateur commun de la lèvre supérieure et de l'aile

du nez et dans le grand zvgomal iclue droite; chaque secousse laissant après

soi un peu plus de contracture, le muscle est enfin en contraction perma-

nente presque totale.

Pendant que ces secousses étaient en pleine action, les contractions fibril-

se montraient dans l'élévateur du menton seulement du côté gau-

che, le menton se levait, la peau devenait inégale par les pelites fossettes

qui .'y moniraieni.

Le menton n'était pas encore tout à fait élevé, la commissure labiale gau-

che s'abaissait par des secousses, la lèvre supérieure devenait rigide, l'aile

du nez s'abaissait aussi et la lèvre inférieure se glissait en partie au des-

sous de la supérieure.

Tout cela ne durait qu'une à deux minutes et la contracture une fois éta-

blie on ne voyait plus de secousses fibrillaires des muscles, la physionomie

étant en repos dans sa bizarre expression.

D'après les communications de la famille la contracture persistait pen-

dant le sommeil.

L'examen minutieux avec le courant faradique et le courant galvanique

nous apprenait que les muscles mimiques et les deux nerfs faciaux étaient t

en parfaite santé, il n'y avait pas trace de réaction de dégénérescence, seu-

lement le nerf facial droit entrait un peu moins facilement en contraction

par l'électricité que celui du côté gauche. La malade ayant été complète-

ment sourde de l'oreille droite depuis sa première jeunesse à cause d'une

otorrliée de ce côté, il est vraisemblable que la diminution - toutefois

peu intense de l'irritabilité du facial droit doit être rapportée à celle

otorrhée. Dans ces dernières années, la malade n'a éprouvé aucun inconvé-

nient de cette oreille, si ce n'est la surdité complète. De l'autre oreille elle

entend le tic-tac d'une montre à une dislance de plus de cinq mètres.

Nous ne pouvons pas admettre que l'affection de l'oreille droite soit la

cause de la contraction que nous venons de décrire, d'autant moins que

celle-ci affecte aussi le côté gauche. Nous croyons plutôt que les maux de

dents aient provoqué, par action réflexe, la contracture chez notre hystéri-

NOUVELLE Iconographie de la SALPETR1 £ RE T. V. PL. V.

Phototype Y. J- ! AREN OMAN

fHOTOC01.LOGl\.APHIE Chêne ET Longuet

Contracture faciale bilatérale HYSTERIQUE

PHYSIONOMIE NORMALE APRÈ, GUERIJON RIANTE

- ? - ... ? ? ... y"' Babé et Fi.

CONTRACTURE FACIALE BILATÉRALE HYSTÉRIQUE. 41

que, aussi bien qu'ils peuvent être la cause directe du spasme dans le tic

convulsif.

Notre malade est une hystérique. Un seul coup d'oeil sur la planche III

nous en convaincra. Nous ajouterons qu'elle a une hémi-anesthésie farado-

cutanée de tout le côté gauche (face, bras, jambe) : quand on lui faradise la

peau av ec la brosse électrique, la sensation de picotement et celle de douleur

ne sont perçues à gauche qu'avec des courants plus forts qu'à droite.

El si cela ne suffisait pas pour la diagnose d'hystérie, un symptôme qui

survint durant l'observation enlève chaque incertitude. Après sa troisième

visite, elle int me voir un soir en toute hâte en me disant : «Maintenant,

je ne puis plus voir, je ne puis plus marcher seule dans la rue ». En ef-

fet, elle souffrait d'un clignement des yeux répété' peut-être deux fois par

seconde, sa tête était en mouvement constant el ses bras étaient agités de

mouvements choréiformes.

L'application énergique de la brosse faradique, toujours sur le menton,

suflisail pour arrêter immédiatement le clignement. Une fois rentrée chez

elle, il recommença, mais, après trois ou quatre séances de faradisation

énergique du menton, faradisation qui causait beaucoup de douleur,les mou-

vements disparurent pour ne plus revenir. La contracture faciale restait.

Quoiqu'il n'y eût pas de rétrécissement du champ visuel ni pour la

lumière diffuse, ni pour les couleurs, et que les extrémités fussent tout à

fait libres de contracture et de parésie, je crois que la diagnose d'hystérie

est suffisamment justifiée.

Notre cas nous rappelle ceux d'hémispasme glosso-lahié hystérique, fort

rares dans notre pays, dont nous devons la connaissance exacte aux études

de M. Charcot et dont nous trouvons la description entre autres dans ses

Leçons du mardi à la Salpètrière, Policlinique 1887-1888 (1).

Seulement dans notre cas le spasme est bilatéral, il n'est pas compliqué

d'hémiplégie hystérique et la langue n'y participe pas.

Nous n'avons pu trouver de pareils cas dans la littérature soit française,

soit étrangère. Le seul cas que nous ayons pu trouver où les deux nerfs fa-

ciaux étaient affectés, est celui de M. Cullerier, qui en donne une descrip-

tion dans la Gazette des Hôpitaux, 1852. Seulement la description est peu

complète et ne laisse pas voir s'il s'agissait d'un tic convulsif des deux

côtés ou d'une contracture permanente, comme dans notre cas.

Notre malade est parfaitement rétablie, comme on peut le voir sur la

planche V (2).

(1) Voir aussi : La Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière, 1888, 1, p. 80 : Le mascaron

grotesque de l'église Santa Maria Formosa à Venise, et l'laémispasne glosso-labié hys-

térique, par M. Charcot (de l'Institut). ,

(2) Je dois les photographies à la main habile de mon ami, le Dr Van Haren Noman,

professeur de dermatologie à l'Université d'Amsterdam.

42 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

Voici le traitement que j'ai employé : après des tentatives avec la brosse

électrique, qui pendant un certain temps avaient eu un bon effet, mais qui

à la longue empiraient la situation, je renonçai à l'électricité et j'eus recours

à la suggestion, à savoir à la suggestion à l'état de veille, sans hypnose.

Après avoir minutieusement examiné les muscles mimiques avec le cou-

rant faradique et avec le courant galvanique, je lui donnais l'assurance que

ses muscles étaient en parfaite santé et que la seule chose qui lui manquait

était le pouvoir de s'en servir à volonté. Je ne lui disais pas, bien en-

tendu : « allons donc, vous pouvez vous servir de vos muscles mimiques

aussi bien que moi, faites donc. » Cela eût été injuste et incorrect et j'au-

rais manqué totalement mon but. Je lui disais au contraire : « vous ne

le pouvez pas, mais vous pouvez apprendre de nouveau à vous en servir,

comme un enfant apprend à marcher ».

Je lui mettais en main un miroir et la priais de se regarder et de s'ef-

forcer de donner à sa physionomie l'expression normale. Chaque jour je

la laissais s'exercer en ma présence pendant cinq minutes et à chaque mou-

vement des muscles affectés, quelque léger qu'il fût, je l'encourageais :

« Comme ça va bien ! Voyez un peu les progrès ! » etc., même quand

je ne voyais pas trace de mouvement. Cependant elle se donnait de la

peine ! La sueur lui coulait du visage ; on a beau dire que les affections di-

tes hystériques ne sont que des supercheries, ayant vu notre pauvre malade

se tourmenter en s'efforçant de regagner le pouvoir sur ses propres mus-

cles, on aurait immédiatement changé d'opinion.

Après quelques séances, elle réussit à faire une légère relaxation des

muscles et dès ce moment la guérison marcha à grands pas. A la fin de la

quatrième semaine, elle parvint à mettre son visage pendant une vingtaine

de minutes dans son attitude normale; à la fin de la huitième semaine elle

n'avait que de temps en temps des secousses fibrillaires dans les muscles ja-

dis contracturés. Craignant que ces spasmes légers ne devinssent le com-

mencement de nouvelles contractures après sa sortie, je lui montrais le fer

rouge de Paquelin et lui disais que je serais obligé de le lui appliquer, si

ces spasmes persistaient trop longtemps.

Trois jours après, la physionomie était devenue tout à fait normale; d'a-

gitée qu'elle avait été, elle annonçait maintemant le calme intérieur. Il

serait assez difficile de reconnaître dans les planches III, IV, V la même

personne.

Depuis quatre mois il n'y a pas eu de récidive.

C. C. DELPRAT,

Chef de la Policlinique des maladies nerveuses,

à l'hôpital de l'Université d'Amsterdam.

FIÈVRE HYSTÉRIQUE.

I. Il est rare de trouver un état morbide exempt d'élévation de tem-

pérature ; cette dernière et douleur se comptent, au contraire, parmi les

symptômes les plus fréquents. En général, les causes qui produisent la fiè-

vre sont facilement appréciables et l'explication en est aisée ; mais il n'est

pas rare de trouver des malades qui présentent à titre de symptôme uni-

que une élévation de la température dont l'explication scientifique n'est

rien moins que facile.

L'absorption des substances virulentes et septiques donne lieu à des ma-

nifestations symptomatiques particulières suivant leur nature ; elle pré-

sente néanmoins toujours un symptôme : la fièvre. Celte fièvre affecte

dans bien des cas un type constant qui peut même servir comme élément

isolé il formuler un diagnostic. A côté de ces fièvres, on peut en grouper

d'autres qui ne suivent ni une marche uniforme ni un type déterminé et

dont la forme varie dans chaque cas particulier. Le rapport de cause à ef-

fet est cependant facile, et quoique l'élévation de température observée ne

réponde pas à un état morbide bien défini, on peut se l'expliquer.

Les grandes congestions, les inflammations, les traumatismes, les trou-

bles fonctionnels de l'appareil digestif, etc., etc., sont autant de causes de

fièvre et chaque fois que nous la rencontrons coïncidant avec l'un de ces

états, nous établissons le rapport qui les relie. Il en est de même pour les

excitations physiques et morales, et la fièvre peut apparaître après un

exercice musculaire très prolongé, une fatigue intellectuelle, un accès né-

vralgique, une douleur intense de n'importe quelle nature ; il ne s'agit

alors que d'excitations plus ou moins vives du système nerveux, transitoires

ou prolongées, qui dans ces cas élèvent la température. Il n'existe pas alors

de lésion matérielle à proprement parler et l'explication ne saurait être

trouvée que dans l'excitation fonctionnelle névro-centrale.

Jusqu'ici, on trouve un rapport de cause à effet et quoiqu'il soit diffi-

cile d'expliquer comment la lièvre se produit, on sait au moins qu'elle est

un symptôme très commun dans des circonstances pareilles.

Mais quand l'élévation thermique est le seul symptôme que présente un

individu dont les organes et les appareils accomplissent normalement leurs

fonctions et chez lequel manquent même les sensations subjectives qui ac-

/il NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

compagnent la fièvre, il est vraiment impossible de comprendre la cause

de l'augmentation de chaleur. Si ceci est observé chez des individus qui

ont joui jusqu'à présent d'une parfaite santé, il est plus fréquent de le

voir chez les convalescents d'une maladie fébrile prolongée et particuliè-

rement chez les typhiques, malades qui, pendant la convalescence, éprou-

vent des oscillations thermiques des plus bizarres et inexplicables. Je ne

veux pas parler de ceux qui prennent des aliments solides pour la première

fois, car c'est la règle que la température s'élève; mais même alors qu'il

s'est passé plusieurs jours pendant lesquels le malade s'est alimenté sans

faire d'excès, il est fréquent de voir que la température s'élève plus ou

moins sans qu'un examen minutieux révèle l'altération qui en esl la cause ;

nous nous limitons à observer un état fébrile et nous le combattons si

c'est nécessaire, mais il termine sans que nous sachions à quoi l'attribuer.

La fièvre qui se produit dans ces circonstances offre souvent la parti-

cularité que nous avons indiquée déjà ; le malade n'est pas malade à pro-

prement parler, puisqu'il ne s'aperçoit pas lui-même de cet excès de cha-

leur.

On pourra faire toutes les hypothèses possibles pour expliquer des élé-

vations thermiques aussi intempestives, mais ce seront toujours des hy-

pothèses.

Parmi les malades qui ont présenté ce phénomène, je me souviens sur-

tout de deux typhiques dont les températures ne devinrent normales qu'a-

près trois mois chez l'une et deux chez l'autre, sans que cependant elles

aient ressenti la moindre incommodité, comme si leurs organismes s'étaient

habitués à ces hautes températures.

De la même sorte qu'il se produit des phénomènes pathologiques de celte

nature, il n'est pas rare d'en observer d'autres complètement opposés et de

voir évoluer chez certains individus sans fièvre des maladies qui sont es-

sentiellement fébriles.

La suppuration est -le type des complications thermogénésiques et ce-

pendant elle se développe quelquefois sans fièvre. J'ai vu plusieurs ma-

lades de variole qui, à la période de dessiccation, quand leur température

était normale, furent atteints de nombreux abcès dénoncés seulement par

la douleur. Il me fut donné d'observer chez une malade l'évolution de la

variole avec des températures normales et hypo-normales.

Il s'agit de cas exceptionnels très difficiles à expliquer, mais qui se pré-

sentent avec une certaine fréquence.

Il existe donc des états morbides dépourvus, ainsi que nous venons de

le voir, de certains de leurs éléments symptomatiques, mais il en est aussi

qui présentent dans leur marche des symptômes assez étranges pour que

leur absence leur serve de caractéristique. L'hystérie qui peut se présen-

FIÈVRE HYSTÉRIQUE. 45

ter avec toutes les formes imaginables et qui fui considérée dans des lemps

reculés comme une manifestation surnaturelle, ce qui explique les prati-

ques religieuses tendant à expulser les esprits malins, compte depuis peu

de temps parmi ses manifestations variées, l'élévation de la température.

Ceci servira à modifier la définition de l'hystérie donnée par les auteurs

classiques et aussi à supprimer un des caractères distinctifs des névroses

où la fièvre n'était admise qu'à titre de complication (Jaccoud).

Déjà Brochin (1) admet seulement comme caractères des névroses le

trouble spécial des fonctions nerveuses et la dépendance non nécessaire de

lésions anatomiques appréciables, considérant l'apyrexie, l'intermittence ou

la rémittence, la mobilité des symptômes, le mode de commencement, la

durée et la terminaison, comme des caractères accessoires, éventuels el par

conséquent variables. Le même auteur (2) en rapportant l'histoire du doc-

teur Barras, l'auteur de : Les gastralgies, nous dit qu'il était en proie à de

fréquents accès de fièvre nerveuse. Cependanl, il ne nous est pas possible

de savoir si, sous celte dénomination, on prétend indiquer une liév re réelle

ou un état pseudo-fébrile comme celui que décrit Rosenthal (3).

On pourra voir par l'histoire du cas qui va nous servir à étudier la fiè-

vre hystérique, encore peu connue, qu'il s'agit ici d'un exemple très net,

autant par les circonstances qui précédèrent l'élévation de la température

que par l'ensemble des circonstances successives :

IL -N. N. Agée de 17 ans, au tempérament neuro-lymphatique et de faillie

constitution, est issue de parents névropathes ; chacun d'eux offre des bizarre-

ries de caractère qui les rangent dans cette grande famille qui embrasse dans

ses ramifications de si variés exemplaires. Parmi ses oncles, il en est qui peu-

vent se classer parmi les faibles d'esprit ; l'un d'eux est intelligent, quoique

d'un caractère original.

Elle a un tic à la paupière droite et un autre il l'épaule du même coté qu'elle

soulève il de courtes intermittences, surtout lorsqu'elle parle.

L'un de ses frères est un imbécile, et l'autre l'est aussi, si nous nous eau

tenons il la classification de Morel (i) qui appelle faibles d'esprit les individus

qui, présentant des facultés intellectuelles assez développées, manquent nonobs-

tant de jugement et ne savent pas se diriger dans la vie.

Elle avait été élevée jusqu'alors comme une enfant et cette éducation s'har-

monisait bien avec ses goûts, son caractère et son développement retardé.

Elle avait 17 ans et ses règles n'avaient pas paru encore, lorsqu'au mois

d'août 1885, après quelques jours de malaise indéfini, des convulsions franche-

(1) Diction. Encyclop. des Sci. Méd. art. Névroses.

(2) Loc. cit.

(3) Traité clinique des maladies du système nerveux,

(4) Bail, Maladies' mentales, p. 84.

46 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.

ment hystériques se produisirent donnant lieu plus tard à la succession des

états qui permettent de qualifier sa névrose de grande hystérie.

A la fin du mois d'août, les convulsions générales cessèrenl : et la contrac-

ture des membres supérieurs apparut alors. Dans cette situation, la fièvre se

présenta, et la contracture des membres supérieurs disparut immédiatement,

sans que les convulsions revinssent. Le médecin traitant crut que cette fièvre

s'expliquait par une légère rougeur qu'il observa au pharynx, mais la vérité

est que son imagination exagéra l'importance de ce qu'il voyait par la crainte

d'avoir contagionné la malade. (Il avait assisté quelques jours auparavant un polit

enfant atteint de diphtérie.)

Cependant les journées s'écoulaient : l'angine légère disparut ; tous les orga-

nes furent examinés sans qu'on pût y trouver quelque chose qui expliquât l'hy-

pertllermie.

L'unique symptôme qu'on observa pendant plus d'un mois et demi fut la fiè-

vre. La température oscillait entre 39 et 41°, 2 c, sans que la quinine ni l'an-

tipyrine fussent capables de la modifier d'une manière appréciable. Le délire

apparaissait quand la température atteignait ou dépassait 40° et il était de la

même nature que celui de la dernière période des convulsions : elle voyait des

hommes et leur parlait.

Quand la chaleur baissait elle se rendait compte de ce qui l'entourait, et elle

se renfermait dans un mutisme absolu. Durant toute cette période, les vomis-

sements furent continuels, de sorte que l'alimentation fut on ne peut plus impar-

faite.

Peu de temps après l'apparition de la fièvre, on remarqua une éruption mor-

billeuse qui disparut bientôt sans aucun autre symptôme de rougeole. On trouva

dans le lit de la malade une brosse au moyen de laquelle elle s'était probable-

ment frictionnée, ce qui contribua peut-être à rendre l'éruption plus intense ;

mais on ne saurait soutenir qu'elle en fut la cause unique, car nous verrons

plus tard que, sans l'intervention d'une pareille cause, il apparut dans une au-

tre attaque semblable à celle que j'ai décrite des taches érythémateuses.

Je regrette de ne pouvoir entrer ici dans de plus amples détails, mais on ne

releva pas d'observation détaillée et le cadre thermique lui-même est incomplet

puisqu'on n'y trouve que les températures de 14 jours. La température était

prise 4 fois dans les 24 heures : à 7 heures et à 11 heures du matin, à 5 heures

et à 10 heures du soir.

Tout le temps que les températures se conservèrent élevées, les mouvements

respiratoires étaient si lents et si superficiels qu'au premier coup d'oeil on n'au-

rait pas soupçonné 40° de chaleur. On avait grand peine à percevoir en auscul-

tant le murmure vésiculaire.

Elle garda le lit pendant trois mois dont un et demi ayant la fièvre ; l'alimen-

tation avait été très imparfaite ainsi que nous l'avons dit, et cependant elle se

leva conservant son embonpoint et sans que rien dans son aspect trahît qu'elle

venait d'être malade. Le séjour à la campagne suffit pour dissiper les vomisse-

ments et les légères élévations thermiques qui existaient encore. Pendant trois

- FIÈVRE HYSTÉRIQUE. 47

jours, elle vomit tout ce qu'elle mangeait ; tout disparut enfin et elle n'éprou-

vait plus le moindre malaise.

III. Pendant trois ans, cette personne ne ressentit que de légères incom-

modités. Au mois d'août de 1888, et après cinq jours d'un malaise général, elle

fut obligée de s'aliter à cause d'une céphalalgie supra-orbitraire et occipitale et

de douleurs dans les membres. Point de garde-robes depuis cinq jours, grande

prostration de forces et 38°, 9 c.

Au lieu de prendre 30 centigr. de calomel, elle renforça la dose pour son pro-

pre compte et elle prit encore 60 grammes d'huile de ricin. L'effet ne se fit pas

longtemps attendre et les selles attinrent le nombre de 14 en moins de huit

heures ; les coliques étaient violentes. Les souffrances abdominales furent un

peu calmées par le laudanum et les émollients, mais la céphalalgie était in-

tense. Les symptômes prédominants pendant huit jours sur dix qu'elle garda le

lit furent la fièvre et les douleurs abdominales. Depuis le 11, ;i 8 heures du

matin, jusqu'au 14, à 11 heures du matin, elle n'urina point et la vessie resta

vide. Pendant ces 75 heures, les vomissements furent très fréquents. Depuis

9 heures du soir du 14 jusqu'au 15 à la même heure, on recueillit 350 gram-

mes d'urine claire avec un grand dépôt muqueux : celui-ci se composait de cel-

lules épithéliales, vaginales et vésicales en grand nombre ; le dosage de l'urée

fut de 7 pour 100, de sorte qu'il s'en était excrété en 24 heures, 24 gr. 50.

Dans les 24 heures suivantes il y eut 490 gr. d'urine, avec 7,55 pour 100

d'urée, ce qui revient à 39.80. Elle demeura tranquille après le bain, mais dans

la soirée le ventre devint encore tympanique et douloureux et la température

s'éleva comme la nuit précédente. La quinine ne produisant pas de modification

dans la température, le traitement consista dans des bains tièdes et de la mor-

phine pour calmer les douleurs. Les vomissements continuèrent et il y en eut

même de teintés de sang.

Déjà le 17, la température était arrivée à la normale ; la malade se trouvait

bien et elle ne se rendit pas compte de l'élévation de température de 1° que le

thermomètre révéla dans la soirée du 18.

La constipation continuait depuis le 9 qu'elle avait pris le purgatif jusqu'au 16,

jour où elle expulsa après quatre clystères quelques matières fécales. On avait

employé aussi les jours antérieurs des lavements qui furent retenus. La langue

se conserva toujours nette et un peu sèche.

Elle ressentit le 16 dans le côté gaucho du corps un frisson qui était tout

à la fois subjectif et objectif. On notait facilement la différence de tempéra-

ture entre le côté gauche et le côté droit. La malade est hémi-anesthésique gau-

che. Le pouls a eu une fréquence en rapport avec la température ; la respiration

ne s'est pas comportée de même ; elle était superficielle et lente, on percevait

difficilement à l'auscultation l'entrée de l'air.

Les différences qu'on observait dans l'état de la malade à certains moments

de la journée, étaient tellement remarquables qu'on aurait pu croire quelque-

fois que tout allait se terminer et qu'il ne s'agissait que de troubles fonctionnels.

Le type de la fièvre a été le même que celui de l'année 1885, plus bref et

48 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

moins élevé, ainsi qu'on pouvait le voir dans la courbe 1 CI [le.

Il n'y avait pas un mois et demi qu'elle était rétablie, lorsqu'elle éprouva de

nouveau du malaise, de la lassitude, de l'anorexie qui l'obligèrent il garder le

lit où elle resta le double du temps qu'au mois d'août. A la date du 9 octo-

bre, les symptômes culminants étaient les douleurs lombaires et la céphalalgie.

La température s'élevait il 38 7. Le jour suivant, elle se réveille avec les mê-

mes symptômes, qui se calment vers le milieu du jour pour augmenter dans

l'après-midi. La température qui était au matin de 38° 7 s'était élevée a 3J 7.

Comme la température était haute et que la malade avait le délire, on lui donna

un bain qui, au lieu d'ètre tiède, fut d'une température plus élevée que celle de

la malade.

Quand elle en sortit, le visage était congestionné, le délire avait augmenté,

et la température s'élevait il 40" 5. La température n'était plus dans la matinée

du jour suivant que de 38° 7 et elle oscilla entre ces degrés et 39° 7 jusqu'au 18.

Deux jours après son séjour au lit, elle se plaint de douleurs aux gros orteils

et au genou droit. La douleur persiste dans ces parties et atteiut au quatrième

jour l'épaule gauche et successivement les coudes et les poignets des deux

côtés. Les articulations atteintes ne changèrent point de coloration, ni de

volume, et les douleurs aiguës au point d'arracher des larmes se calmaient il

certaines heures de la journée et permettaient la malade de changer de posi-

tion et de converser gaiement. La fièvre persistait nonobstant et vers le soir

les douleurs s'exacerbaient et la chaleur augmentait.

Le 18, la température commença il décroître et la malade resta trois jours apy-

rétique, mais les douleurs continuaient ayant les mêmes caractères. La fièvre

apparut de nouveau pour peu de jours, et enfin, le 29 octobre, il se produisit

une ascension de 2°. La courbe descend ensuite brusquement el les douleurs

disparaissent. Après que les douleurs articulaires des membres eurent disparu.

une douleur aiguë persista dans la colonne lombaire qui continua il l'incommo-

der quelques jours après son lever.

Etant déjà apyrétique, des taches congestives, petites et de forme irrégulière

apparurent aux bras et il la jambe gauche.

L'appareil digestif ne parut pas altéré, si nous exceptons l'anorexie complète

pendant tout le temps que persista l'attaque fébrile et douloureuse. La langue

fut toujours nette et il n'y eut point de vomissements. Comme précédemment,

le pouls et la température gardèrent le rapport général, l'opposé de la respi-

ration.

La quinine fut administrée de prime abord, elle fut remplacée par l'autipyrine,

dès que les douleurs articulaires apparurent. On dut la supprimer comme le

salicylate de soude cause de leur inutilité. Non seulement elles ne calmaient

pas les douleurs, mais même elles n'agissaient pas sur la température. Les

pressions exercées avec toute la main calmaient les douleurs, tous les topiques

les augmentaient et un soulagement qui permit le sommeil ne fut obtenu que

par la morphine et les hains tièdes. Au bout do quinze jours et vu l'inutilité

des moyens employés, on recourut à la suggestion. Le thermocautère chauffé

au rouge blanc, et promené une certaine distance des points douloureux fut

FIÈVRE HYSTÉRIQUE. 49

l'appareil dont on se servit pour agir sur l'imagination de la malade à laquelle

on assurait que la douleur avait disparu après chaque séance de passes de cha-

leur rayonnante, nom employée par le médecin traitant. La disparition momen-

tanée à la suite des deux ou trois premières séances devint dans la suite durable

et la malade fut guérie.

IV. L'attaque convulsive qui se produsit dans l'année 1885 et qui dura plus

d'un mois, ne pouvait donner lieu a des doutes sur la nature hystérique des

symptômes observés chez cette malade ; mais plus tard, il n'en fut pas de

même et des difficultés surgissaient en voyant que la température s'élevait

d'une façon extraordinaire. Tout d'abord, on ne songea pas même que la fièvre

put être une manifestation d'une si capricieuse névrose. Le médecin traitant

soignait en même temps des malades de diphtérie et il crut qu'il avait infecté

celte malade. On soupçonna plus tard quelques complications cérébrales de

nature inflammatoire et on dut mettre bientôt cette idée de côlé. Les vomisse-

ments ne cessaient pas, et on crut encore que la fièvre était symptomatique

d'une maladie abdominale.

Cependant le temps passait ; la fièvre continuait et le polymorphisme symp-

tomatique ne permettait pas de confirmer les diagnostics formulés. Au mo-

ment où l'on craignait le plus pour la vie de la malade, celle-ci sortait de sa

prostration pour se préoccuper de bagatelles, ce qui rendait la tranquillité à ses

proches et faisait hésiter davantage les médecins.

Les examens les plus minutieux ne permirent pas de découvrir de lésion orga-

nique. Qu'avait donc la malade ? Est-il possible qu'une température oscillant

entre 40° et 41° se maintienne pendant un mois et demi, et que, cette fièvre

étant symptomatique de quelque état morbide organique, on ne le trouve pas

pour le déterminer ?

Les médicaments antipyrétiques ne produisaient point d'effet et les bains

tempérés calmaient seuls la maladeet diminuaient momentanément la fièvre. Mais

on transporte la malade à la campagne et la température tombe brusquement à

la normale et tous les autres symptômes disparaissent pour laisser la patiente

comme si elle n'avait point souffert du tout : de sorte que, non seulement on

ne trouva pas de lésion viscérale, mais encore on peut affirmer qu'eu égard à

la soudaineté avec laquelle la malade passa à son état physiologique, il ne s'est

pas produit les altérations organiques propres aux fébricitants.

Jusqu'à l'époque où ce cas fut observé, il n'existait pas d'expérience cli-

nique qui permit d'admettre sans difficulté l'hyperthermie comme une pure

manifestation hystérique.

La fièvre hystérique,dit Rosenthal (1), se présente ordinairement comme

conséquence d'émotions, de secousses, elle commence souvent par un frisson

suivi de chaleur et de congestion ; les malades ont une sensation de cha-

leur dans la tête, dans le visage; ils ont le délire sitôt qu'ils ferment les

(1) Traité clinique des maladies du système nerveux, page 495. - ·

v 4

50 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE L'A SALPÊTRIÈRE.

yeux ; ils présentent des convulsions, des tremblements, la langue sèche

avec perte de l'appétit, mais ainsi que je l'ai démontré dans plusieurs cas,

malgré un pouls de 100 à 120, la température de la région axillaire ne s'é-

lève qu'el 37° 4, 37° 6 c. tandis que celle de la peau (mesurée sur le visage,

le cou et le thorax), est de 32- 2 ci 36' 4 c. Cet état pseudo-fébrile peut du-

rer plusieurs jours (plusieurs semaines, d'après Briquet) et en disparais-

sant il laisse comme conséquence les paralysies consécutives de la sensibi-

lité et la motilité ; Briquet cite 20 cas de ce genre.

Il est question comme nous voyons de la fièvre hystérique, mais la des-

cription qu'on en fait n'a aucun rapport avec celle que nous décrivons.

Chez notre hystérique, il y a réellement de la fièvre, tandis que chez les

'autres, il s'agit d'un état qui la simule, sans qu'elle existe positivement.

Briand (1) établit trois formes de fièvre hystérique :

1° Forme lente, primitive ou secondaire (celle décrite par Briquet) ;

2° Forme intermittente, généralement de type tierce ;

3° Forme brève, à type typhoïde, ordinairement primitive, marquant le

commencement de l'hystérie. L'auteur publie 3 observations de la dernière

forme. Dans les trois cas, les femmes n'avaient pas eu d'attaques convulsi-

ves antérieures; les phénomènes de la névrose se développèrent postérieu-

rement.

. Debove (2) a publié en l'année 1885, un cas qui offre réellement de

grandes analogies avec le nôtre : il est question d'une jeune personne avec

- hyperthermie hystérique manifestée sans causes connues. La fièvre était de

type continu et elle dura trois mois environ, oscillant entre 39° et 41° 3.

Pendant la période fébrile, on ne put point reconnaître de lésion viscé-

raie. L'hyperthermie céda brusquement et la convalescence fut rapide.

\Vite, cité encore par Manzieri rapporte un cas de fièvre. hystérique obi-

servé chez une jeune personne de dix-huit ans à la Société chimique de

Londres au mois de février 1886. ,

. Pendant deux mois elle eut deux accès fébriles, la température se main-

tenant entre 37° et 40° 4, pour revenir enfin au chiffre physiologique. L'ex-

amen le plus minutieux pour découvrir la cause physique de la fièvre ne

donna pas de résultat positif, et comme il n'yeutni traumatisme ni inflam-

mations dû système nerveux mais bien des symptômes hystériques, on en

conclut que l'altération devait être fonctionnelle.

Dans la môme année Bordoni (3) décrit un cas d'hyperthermie hysté-

rique périodique. Les stigmates hystériques étaient évidents et les mani-

(1) Thèse de Paris no 54, 1877. De la fièvre hystérique in Rev. des Sc. Mes., t. VII,

18 î8, page 180.

; (2) De la fièvre hystérique (Soc. des IIÔB.) La presse méd. belge, 1885, n 15, cit. par

Manzieri in Archivo liai, di clia. méd., 10 août 1888. An. XXVII, Part. III.

(3) Boll, de la soc. fia i cultori di sc. méd. An : IV, 188G, loc. cit. )

FIÈVRE HYSTÉRIQUE. 51

festations pathologiques dela névrose furent provoquées par un traumatisme

à l'épigastre qui dans l'année suivante fut suivi de convulsions. Un an s'é-

coula et elle fut attaquée alors de fièvre intermittente, du type tierce, qui

dépassa en général 41°. Pendant les attaques, elle fut en proie à des phé-

nomènes subjectifs, caractérisés quelquefois par des phénomènes ostéalgi-

ques, d'autres fois par des arthralgies, de la céphalée occipitale, etc.

Bressler (1) croit qu'on peut admettre l'existence d'une fièvre hystéri-

que. Il a observé que dans certains cas la température est plus élevée la

nuit que le matin ; d'autres fois c'est le contraire qui arrive.

Enfin Manzieri (2) publie en l'année 1888 un cas de fièvre intermittente

qu'il classe, avec raison, hypothétiquement, comme hystérique, parce quela

malade entra dans le service clinique attaquée d'une pneumonie migra-

trice. La malade entra le 12 février et les poussées pneumoniques ne ces-

sèrent pas le 2 avril; la courbe thermographique se divisa pendant ce temps

en quatre périodes. On attendait que la malade entrât en une franche con-

valescence, lorsque on commença à constater des élévations thermiques à .i

intermittences irrégulières que l'auteur considère comme étant de proba-

ble nature hystérique. Mais ce cas peut être mis de côté, parce que, en plus

qu'il est difficile de connaître avec certitude la nature de ces pneumonies,

il y a des antécédents douteux d'impaludisme, dont les manifestations se

présentèrent en 1883.

En définitive, on a 6 cas de fièvre dont la nature hystérique n'est point

douteuse. Parmi ceux-ci, trois à forme briève, type typhoïde (Briand) ;

deux, à type intermittent ; l'un tierce (Bordoni), l'autre irrégulier (Wite)

et enfin, deux, à type continu : celui de Debove et celui que je décris. Avec

l'antécédent de la forme fébrile que l'hystérie avait pris chez cette malade, '

il paraîtrait qu'il fut facile de faire le diagnostic des deux accès qu'elle eût

trois ans après ; mais si ceci était simple après cinq où six jours de tem-

pérature élevée, les doutes n'en étaient pas moins grands au commence-

ment. Le malaise que la malade éprouvait six ou sept jours avant de pren-

dre le lit; la céphalalgie, la prostration, l'anorexie, les douleurs dans les

membres et 38° 8 de chaleur avec les oscillations successives et les flux de

ventre déterminés à la vérité par des purgatifs, mais qui furent excessifs,

donnaient l'idée d'une fièvre typhoïde initiale. Cependant au troisième

jour, quoique la température eût pu appartenir à la dothiénenterie, l'en-

semble des autres symptômes et l'état général de la malade pendant toute

la journée commandaient le doute. L'existence de cette maladie était inad-

missible déjà au cinquième jour, car la température était l'unique symp-

(1) Médical Record. 25 Avril 1888.

(2) Loc. cit. Sopra un caso singolare di febbre intermittente di probabile nalura his-

térica. ' - ' .. '

5 £ NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

tome attribuable à la fièvre typhoïde. Le grand tympanisme, les vomisse-

ments, l'anurie, les douleurs abdominales intenses et la dysurie qui se

présenta à la première miction simulaient une péritonite. Cependant,

quoique les douleurs abdominales fussenl si aiguës, la malade supportait

sans grande incommodité une vessie pleine d'eau chaude, les pressions

fortes calmaient les douleurs, et les vomissements si fréquents ne les exas-

péraient pas, tous signes qui ne s'accordent pas avec la péritonite.

L'anurie est un symptôme qui alarme toujours, mais qui n'a aucune im-

portance grave comme phénomène hystérique.

Les observations de Charcot(l),Fernet, Secouet, A.Fabre (2) ont démon-

tré que dans l'anurie ou ischurie hystérique, la santé se conserve jusqu'à

un certain point parfaite pour un temps indéfini, en tant que dans l'anurie

commune et dans la calculeuse, la mort est la terminaison ordinaire. Le

diagnostic d'anurie hystérique assis sûrement, le pronostic était naturel-

lement favorable. Mais jusqu'à quel point la certitude était-elle permise

chez une malade qui, au troisième jour d'une fièvre dont la nature était il

peine reconnaissable, présente la suspension de la sécrétion urinaire, avec

des douleurs lombaires. Précisément une des particularités de l'anurie hys-

térique est l'apyrexie des malades, et dans le cas présent depuis le 11 août

que l'urine fut supprimée, la température s'éleva jusqu'au 14, pour com-

mencer à décroître dès le jour suivant.

L'état général, la coloration de la peau, l'état de la langue, dissipaient

toujours les craintes, en laissant cependant des doutes inquiétants qui dis-

parurent seulement avec l'apparition de l'urine. Il n'y a pas d'élément suffi-

sant pour affirmer dans les cas pareils que l'anurie est simplement une ma-

nifestation de la névrose. Dans les cas ordinaires, le problème est plus

simple : suppression d'urine, vomissements supplémentaires, qui durent un

temps variable sans altération fébrile, ni souffrance générale, mais en pré-

sence d'une malade dont l'attaque a commencé avec une fièvre de nature dou-

teuse, et qui alors qu'on peut la qualifier d'hystérique s'accompagne d'a-

nurie et d'élévation de la température, il n'est ni possible, ni prudent de

se prononcer, car s'il est vrai que, comme dans le cas présent, il s'agisse d'un

phénomène fonctionnel, il n'y a point de raisons convaincantes fournies

par les symptômes pour exclure les altérations organiques. La prudence

exige au moins que le médecin prenne en considération que chez une hys-

térique il peut se développer des maladies avec lésion, surtout quand c'est

un cas exceptionnel.

. L'absence d'élément pathologique dans l'urine confirma la non exis-

tence de lésion rénale et je crois que dans des cas analogues d'anurie hys-

(4) d. 1\1. Charcot-, Leçons sur les maladiesdu système nerveux, p. 275, 398, 1886.

(2) A. Fabre. Les relations pathogéniques des troubles nerveux, p. 120, 1880.

FIÈVRE HYSTÉRIQUE. ' " . '. 53

térique fébrile, c'est là l'unique donnée qui permette d'affirmer que l'anu-

rie est d'origine fonctionnelle.

Après celte attaque, il n'y eut point de rétablissement aussi franc qu'en

l'année 1885. Quand elle tomba malade, elle était plus amaigrie et elle

resta sans appétit. Peu de temps après s'être levée, la température s'éleva

de nouveau et la fièvre se maintint pendant un court intervalle, un mois

environ, simulant une attaque de rhumatisme articulaire.

Au troisième jour de son séjour au lit, elle se plaignit de douleur dans

le gros orteil du pied droit et dans peu de temps les douleurs envahirent,

les genoux, l'épaule gauche, le poignet droit et enfin le coude du même côté

pour ne disparaître qu'après 21 jours.

De prime abord, lorsqu'on observe un malade affecté de douleurs poly-

articulaires et de fièvre, on songe au rhumatisme ; mais une fois l'examen

pratiqué, si les éléments recueillis ne s'accordent pas avec ceux du rhu-

matisme, la première idée est abandonnée ou du moins devient douteuse.

Les jointures attaquées de rhumatisme sont plus ou moins gonflées et la

peau présente une couleur rouge-vif, ou rouge violacée, ou bien, si elle

conserve sa coloration habituelle, elle devient lisse et luisante. Les articu-

lations douloureuses de notre malade n'étaient point gonflées et il n'y avait

pas de changement dans l'aspect de la peau. Les pressions faibles augmen-.

taient les douleurs qui étaient calmées par les pressions fortes ; la compres-

sion des surfaces articulaires n'augmentait pas la douleur, phénomène ab-

solument contraire à ce qu'on observe dans le rhumatisme.

Dans cette maladie l'anémie est rapide et la peau prend un teint pâle;

dans notre cas, le teint fut toujours rosé et la coloration des muqueuses tou-

jours normale, sans qu'on ait pu observer des bruits anormaux cardiaques

ou vasculaires, si fréquents dans le rhumatisme.

Le salicylate de soude et l'antipyrine, si puissants d'ordinaire contre l'é-

lément douleur, restèrent sans effet.

Au lieu des sueurs qui accompagnent toujours le rhumatisme, on cons-

tata la sécheresse de la peau et l'urine, au lieu d'être obscure et riche en

sels, était claire, ne déposait point d'acide urique, et contenait les petites

quantités d'urée sus-mentionnées. Il n'était point question par conséquent

d'un rhumatisme, mais bien d'un jJseudo-1'humatisme de nature hystérique.

Cette névrose simule parfaitement beaucoup de maladies organiques, ce

qui a fait commettre de graves erreurs de diagnostic ; la coxalgie hystéri-

que, par exemple, a induit en des erreurs fréquentes. Il n'y a pas longtemps

que les hémiplégies, les paraplégies, de nature hystérique, sont distinguées

avec certitude des mêmes manifestations de nature organique. Lesarthralgies

hystériques ne sont pas exceptionnelles ; mais il n'est pas à ma connaissance

qu'on les ait observées dans les conditions précitées. Dans les arthralgies, la

51 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

fièvre manque, et cet élément existait dans le cas présent; c'était là la

causedes difficultés pour asseoir notre jugement, puisque la courbe thermo-

graphique aurait pu correspondre au vrai rhumatisme.

S'il pouvait persister encore des doutes sur la nature des douleurs arti-

culaires, il n'y aurait qu'à rappeler qu'après avoir résisté à tout traitement,

elles cédèrent facilement à la suggestion.

Vers la fin de cette attaque, des taches congestives petites et irrégulières-

apparurent au côté gauche; elles avaient apparemment la même cause que

celles d'aspect morbilleux, qui apparurent en l'année 1885.

Il n'est point douteux que les troubles vaso-moteurs si fréquents chez les

hystériques ont joué le principal rôle clans l'une et l'autre occasion.

Ayant en considération les cas observés de fièvre hystérique, on peut con-

clure que la fièvre est une des manifestations possibles de l'hystérie et que

les hautes températures. lorsqu'elles se développent simplement comme ex-

pression de la névrose, n'offrent point de gravité et ne produisent point les

perturbations organiques des pyrexies. De même que dans les observations

d'hystérie pathologique étudiées par Gilles de la Tourette et Cathelineau(4),

il y a une inhibition relative de la nutrition et finalement on doit ajouter

que la théorie nerveuse de la fièvre ne doit pas être mise complètement de

côté, car jusqu'ici, ces cas n'ont point d'autre explication possible.

- J. A. ESTÈYES, professeur agrégé

, Des maladies du système nerveux à la Faculté Buenos-Ayres.

(1) Progrès médical, 10r décembre 1888, n'" 18, 19, 25, 1889 et nos 2, 8 et 9, 1890. La

nutrition dans l'llÿstérie in-8 de 116 p. Lecrosnier et Babé, 1890.

NOUVLLLE Iconographie DE la ALPE1RIÈg . T. V PL VI.

Phototype NEGATII' A. LONDE Photocollographie ARON Frères

COLLECTION J.-M. CHARCOT

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NOUVELLE Iconographie DE la Salpêtrière T. V PL VII.

PHOTOTYPE négatif A. LONDE Photocollographie ARON Frères

COLLECTION J.-M. CHARCOT

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NOUVEAUX DOCUMENTS SATIRIQUES DE MESMER

.. (Suite et fin ).

Les planches VI, VII, VIII ont trait à l'intervention des corps savants

contre Mesmer.

Le gouvernement s'était ému des bruits qui circulaient sur le fameux

baquet ; sur les phénomènes qui se passaient dans la Chambre des crises

où la morale semblait perdre tous ses droits. La Faculté de médecine, d'au-

tre part, ne voyait pas sans quelque chagrin ses clients l'abandonner pour

se rendre en foule moutons de Panurge au traitement du docteur

étranger.

Le 12 mars 1784, le roi nomma une commission composée de Lavoisier,

Franklin, Le Roy, de Bory, Bailly, de l'Académie des sciences ; Guillotin,

Sallin, d'Arcet, Borie, de la Faculté de médecine. C'étaient bien des illus-

trations pour un pareil entrepreneur de guérisons commerciales.

En môme temps, la Société royale de médecine devait faire un autre rap-

port sur l'efficacité de l'agent mis en oeuvre par le sieur Mesmer.

En attendant, la Faculté rejetait de son sein ceux de ses docteurs, en

particulier Deslon, qui s'étaient affiliés à une bande « de charlatans qui,

sous le fallacieux prétexte de les guérir, tendaient des embûches secrètes à

la santé, aux bonnes moeurs et à la bourse des citoyens. »

\ A la santé, aux bonnes moeurs, à la bourse des citoyens : la Faculté avait

été bien inspirée ; on ne pouvait mieux dire. " ,

' Le. Il août 1784, les commissaires signaient un rapport dû à la plume

de Bailly où, sans discuter l'existence et la nature du magnétisme, ils attri-

buaient uniquement à l'imagination les effets observés,- effets bien- sou-

vent défavorables.....

Au rapport destiné au public en était joint un autre adressé également

au roi, mais qui devait rester secret. On y trouve des considérations qui,

au point de vue médico-légal, aujourd'hui encore (1), sont pleines d'in-

térêt. ' \

(1) Voy. le no 6, 1891.

(2) Gilles de la Tourette, L'hypnotisme et les états analogues au point de vue nédiCO-'

légal. Préface de M. le prof. Brouardel, in-8°, 20 éd; 1889. ,

56 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

« Le trai tement magnétique ne peut être que dangereux pour les moeurs.

En se proposant de guérir des maladies qui demandent un long traitement

on excite des émotions agréables et chères, des émotions que l'on regrette,

que l'on cherche à retrouver parce qu'elles ont un charme naturel pour

nous et que physiquement elles contribuent à notre bonheur; mais mora-

lement elles n'en sont pas moins condamnables et elles sont d'autant plus

dangereuses qu'il est plus facile, d'en prendre la douce habitude.... Expo-

sées à ce danger les femmes fortes s'en éloignent, les faibles peuvent y

perdre leurs moeurs et leur santé.

« M. Deslon ne l'ignore pas; 1\'1..Ie lieutenant de police lui a fait quel-

ques questions à cet égard en présence des commissaires dans une assemblée

tenue chez M. Deslon même, le 9 mai dernier. M. Lenoir lui dit : « Je vous

demande, en qualité de lieutenant général de police, si, lorsqu'une femme

est magnétisée ou en crise, il ne serait pas facile d'en abuser ». M. Des-

lon a répondu affirmativement, et il faut rendre cette justice à ce médecin

qu'il a toujours insisté pour que ses confrères voués à l'honnêteté par leur

état, eussent seuls le droit et le privilège d'exercer le magnétisme ».

C'est armé de ce « Rapport des commissaires » que Bailly se présente

sur la planche VI, rapport fulminant au sens strict du mot dont les éclairs

foudroient l'ignorance qui les yeux bandés reste au fond du baquet renversé.

Le sort a changé, les dés sont renversés, la masque a été arraché à l'impos-

ture et au mensonge.

Les malheureux qui assistaientala séance magnétique fuirent épouvantés.

« Bon voyage, Mesmer » semble dire l'un d'eux en entraînant sa femme ;

mais celle-ci est clouée sur place par une vision du sabbat où s'envole le

Pontife coiffé du bonnet d'âne, accompagné du fidèle Pierrot qui ne perd

pas de vue la bourse bien garnie que son maître n'a eu garde d'oublier.

Derrière eux, Deslon armé d'un fouet, allusion aux querelles qu'il avait

avec Mesmer. Les pattes de bouc qui lui tiennent lieu de membres infé-

rieurs, et les femmes nues et les yeux bandés qui soutiennent les draperies,

en cariatides, montrentque le Rapport secret n'était pas connu du roi seul.

La planche VII est la paraphrase de la précédente. Par terre git le père

Ilervier, l'apologiste de Mesmer.

La planche VIII qui ne brille ni par le dessin ni par la composition porte

avec elle son texte explicatif. C'est la Folie qui désormais est chargée d'en-

seigner les vérités contenues dans le « Précis historique des faits relatifs

SM magnétisme animal jusqu'en avril 1781 » publié par Mesmer lequel cher-

che en vain à magnétiser le diable qui l'entraîne dans les enfers.

GILLES DE la Tourette

Le gérant Louis Bataille. "

Imp. Vve Loutdot, 33, ruo des Batignolles, Paris. -

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

DE LA SALPÊTRIÈRE

ÉTUDE CLINIQUE SUR L'ATHÉTOSE DOUBLE

('Cli \\'.111, DE LA CLINIQUE DES MALADIES SERVEUSES, SERVICE DE M. LE l'1t01 ? CHARCOT)

. | I. - Mouvements athétosiques.

Le début de l'atbétose double est habituellement lent, progressif, insi-

dieux et le plus souvent ne peut être rattaché à une cause occasionnelle

apparente; cependant, quoique le fait soit rare, la maladie est quelquefois

précédée par des attaques convulsives plus ou moins répétées (cas de Bour-

neville et Pilliet (1), Ross (2), Delhomme (3), observation personnelle n° 1).

C'est précisément en s'appuyant sur les convulsions initiales accompa-

gnées de délire et de fièvre, que Massalongo assimile les processus créateurs

de l'athétose double congénitale aux poliencéphalites de Strümpell.

Au moment de la naissance et surtout de la première enfance, on voit le

petit malade, athétosique de demain, se développer très mal, parler diffici-

lement ou môme pas du tout, traîner les membres inférieurs raidis, pres-

que comme dans la maladie cle Little. A lous ces symptômes viennent bien-

tôt s'ajouter les mouvements athétosiques de la face et des quatre membres.

Mais les premières manifestations de l'athétose double sont tantôt les trou-

])les moteurs, tantôt les troubles intellectuels qui s'offrent à l'attention de

l'entourage et de l'observateur.

On peut observer des modes de début encore plus exceptionnels. Ainsi

(1) l3ournecille et Pilliet, Deux cas d'alhétose double avec imbécillité, (Archives de

ncur., 1888, pages : 38G-40 : i). .

(2) lloss, On the spasmodic paralyses of inlaiicy. (Brain, 1882).

(3) Delhomme, Contribution à l'étude de l'atrophie cérébrale infantile. (Thèse de Pa-

ris, 1882).

v. 5

118 NOUVELLE ICONOGRAPHIE LE LA SALPÊTRIÈRE.

chez le malade de Greenless (1) une paralysie généralisée et subite marqua

le début de la maladie. Chez le malade de Hughes (2), elle survint après

un accident de chemin de fer, dans le cas d'Ollivier (3), à la suite d'une

chorée de Sydenham.

Massalongo fait remarquer avec raison qu'il est excessivement rare de

trouver l'athétose double généralisée d'emblée; elle s'installe habituel-

lement lentement et envahit progressivement les diverses régions de la face,

des membres supérieurs et inférieurs et du tronc, en commençant par les

uns ou par les autres. Plus rare est le mode de début dans lequel les mou-

vements, d'abord limités à un seul côté du corps mettent ensuite un temps

plus ou moins long à gagner l'autre côté. Deux beaux exemples de déve-

loppement lent et progressif nous sont fournis par Greidenberg (4), Blocq et

Blin ; le malade de Greidenberg eut le bras droit atteint à huit ans, le

bras gauche à quatorze ans. Dans le cas de Blocq et Blin, recueilli clans le

service de notre maître M. le professeur Charcot, les mouvements limités

d'abord au bras gauche (quatre ans) passant au bras droit quatre ans plus

tard (sept ans) et n'envahirent les membres inférieurs qu'à seize ans; enfin

l'articulation des mots devint impossible vers ! 'age de trente ans.

I. DESCRIPTION DES MOUVEMENTS.

Face. Les muscles les plus souvent atteints sont : les risorius, les

zygomatiques, l'orbiculaire des lèpres, les buccinateurs, le transverse

du nez, les élévateurs de la lèvre supérieure el du nez, puis les occipito-

frontaux, les sourciliers et les orbiculaires des paupières. Il est très rare

que l'athétose siège d'un seul côté de la face, comme cela est arrivé, dans

les faits de Barrs (5) et de Leube. Dans les cas de Charcot et Huet, Ku-

rella (6), les mouvements athétosiques étaient limités à la partie inférieure

de la face.

En général ce sont les muscles de la région faciale inférieure qui entrent

en jeu avec le plus de fréquence et le plus de violence. Ricc... ? un des

(1) Greenless, Notes on a case of athetosis associated wilh iasauily. (Brain, 1881).

(2) Hughes. A unique case of bilatéral athetosis. (Weekly m. Rev. Si-Louis 1887 XV,

pages 561-566).

(3) Ollivier. Chorée el alhélose double. (Leçons cliniques sur les maladies des enfants,

1889, page 165).

(4) Greidenberg. Novi Iluchai alélosi. (Vratch. St.-Pétersb. 1882, III, p. 657).

(5) Barrs. A case of bi-lateral athetosis. (lied Times and Gaz. Lond., 1885, I, page 144).

(6) Kurella. Athetosis bilalemlis. (Centralblatt f. Xcrvenli, 1881).

ÉTUDE CLINIQUE SUR L'ATHÉTOSE DOUBLE. 59

malades de Massalongo (1), présentait même des mouvements des oreilles.

Nous trouvons les mouvements de la face, signalés presque dans toutes

les observations bien prises et nous partageons l'opinion de Massalongo qui

croit qu'ils sont constants. Cependant dans les cas de Dreschfeld, Oulmout,

Warner etc... les auteurs affirment très nettement qu'il n'existe chez leurs

malades aucune trace d'anomalie du masque facial. 11 est des observations

qui sont muettes à cet égard.

Clay Scllaw (2) a fort bien observé et étudié ces convulsions faciales :

« Les mouvements de la face, dit-il, sont l'aiment extraordinaires et don-

nent naissance à des expressions variées, les plus fréquentes étant celles

d'un large rire, dû au spasme des rétracteurs des angles de la bouche,

des risorius, des zygomatiques, des libres inférieures cle l'orbiculaire des

paupières qui élèvent légèrement la paupière inférieure, pendant que le

front se ride Puis à cette expression succède celle d'un calme relatif

produite par le relâchement de ces muscles ; mais l'empreinte de leurs on-

dulations se marque par des rides qui vieillissent la figure. On voit se pro-

duire sous les yeux l'aspect de l'étonnement et du chagrin; seulement il

ne semble pas qu'il existe d' émotions correspondantes à celles que parait

dénoter le jeu de certains groupes musculaires, car ces mouvements sont

très passagers Des expressions de physionomie diverses et ne répon-

dant à aucun sentiment réel peuvent aussi s'observer chez les paralytiques

généraux qu'on croirait souvent chagrins, alors qu'ils n'éprouvent rien de

semblable ». Oulmont (3) dépeint ainsi les mouvements de la face : « Un

fait rare dans l'hémi-athétose et qui paraît beaucoup plus fréquent dans

l'athétose double, c'est la participation de la face aux mouvements involon-

taires. Ce sont des contractions isolées, indépendantes, de tous les muscles

de la face, risorius, zygomatique, orbiculaire des lèvres ou des paupières,

occipito-frontal etc.. De là, des grimaces qui représentent toules les varié-

tés des sentiments expressifs ; chez l'un des malades, c'est le rire ; chez

l'autre le découragement ou bien encore l'admiration, la curiosité ». 1

En effet, lorsqu'on regarde les photographies des malades de Clay

Schaw, Massalongo, Greidenberg, Hughes, Audry etc.. les expressions sont

frappantes.

La face nous est présentée, par l'influence des grimaces, ou des senti-

ments provoqués, sous les expressions les plus bizarres et les plus variées.

(1) Massalongo. Dell'alelosi doppia. (Collezione italiana di letture sulla medicina. Sé-

rie V, n° 3).

(2) Clay Schaw, On athelosis or imbecilily with ataxia. Six cases. (St. Barth. Ilosp.

Rep. Lond., 1873, page 130).

(3) Oulmont, Atéthose (Thèse de Paris, 1873).

6U NOUVELLE ICONOGRAPHIE DU LA SALPÊTRIÈRE.

Les plus fréquentes sont celles d'un large rire, mais il n'est pas très rare

de voir le chagrin, le découragement, l'admiration, la douleur el le dé-

dain, même la curiosité se peindre sur les traits.

Ces mouvements et expressions n'étant pas commandées par la volonté

du malade se succèdent de la manière la plus illogique et irrégulière sans

qu'il s'en rende compte. Mais au milieu de tous ces jeux de physionomie

bizarres, inattendus, hors de tout rapport avec l'idée qui remplit momen-

tanément le cerveau du malade, celui-ci peut cependant arriver à exté-

rioriser sur son visage d'une façon à peu près compréhensible une pen-

sée, un désir et suppléer ainsi dans une certaine mesure, lorsque cela est

nécessaire, au trouble de l'articulation des mots.

Clay Scliaw et Massalongo ont remarqué que la face présente souvent

des rides au niveau des régions musculaires agitées par les mouvements

anormaux sans cesse répétés ; un de nos malades est typique sous ce rap-

port. Voici son observation :

013SEItV,TIO.1; I (Personnelle. Inédite). Athétose double, datant

de l'enfance, occupant la face el les quatre extrémités.

E. C..., 48 ans, conducteur de bestiaux, entre à l'hospice do la Salpêtrière,

le 10 octobre 1890 dans le service de M. le professeur Charcot.

Antécédents héréditaires. Père. Mort à 36 ans d'une fièvre typhoïde

avec manifestations cérébrales.

Mère. 76 ans, vit encore. n'a jamais eu de maladies nerveuses. Deux

frères bien portants, une soeur également en bonne santé. Pas de consanguinité.

Du côté pateruel. - Son père était fils unique, ni lui ni ? iiièi-0 ne connais-

sent les antécédents, Du côté maternel. Deux oncles bien portants et cinq

tantes qui n'ont jamais eu de maladies nerveuses. Une do ces tantes est

tuorte'a la Salpètrièrc, où elle était admise à l'asile des vieillards.

Antécédents personnels. - Le malade est ué : à terme, la grossesse a été bonne,

Il n'a jamais eu de convulsions, pas de chorée, ni coqueluche.

Il a marché avant un an, marchait bien, paraissait intelligent, parlait aussi

très bien et apprenait également assez bien. La mère qui a été interrogée dit

n'avoir rien observé d'anormal, qu'il était comme tous les enfants.

A l'âge de 7 ans la mère a remarqué que l'enfant devenait maussade, capri-

cieux, pleurnicheur. En même temps sans cause comme, sans convulsions

(la mère ne se rappelle même pas qu'il eût de la fièvre), le malade se mit peu à

peu à faire des petits mouvements, des grimaces, à avoir de la difficulté à par-

ler et devint raide. Cet élat ne changea plus, et ne fit au contraire qu'augmen-

ter petit à petit. Il a été obligé de cesser ses occupations, le médecin à cette

époque lui fit mettre de côté les livres, les gros ouvrages manuels et ordonna

NOUVELLE iconographie de. la SALPl2RIRE T. V. PL. X.

PHOTOTYPE A. LONDE. Photocollocraphie Chêne & Longuet

SILLONS PERSISTANTS DE LA FACE

DANS L'ATHETOSE DOUBLE

VVE BABÉ & Ces

ÉDITEURS

Nouvelle iconographie de. la SALPÊTRIÈRE

PHOTOTYPE A. LONDE. PHOTOCOLLOGRAPHIE Chêne B Longuet

ATHETOSE DOUBLE

Contraction DES MUSCLES DE la Face

A l'Occasion DE la Parole

VVE BABÉ & CIVE

ÉDITEURS

ÉTUDE CLINIQUE SUR L'ATIIÉTOSE DOUBLE. Gl

le travail avec des petits instruments légers pour le distraire. Comme traite-

ment il eut des bains froids, mais sans résultat. Au bout de quelque temps les

mouvements des membres ont augmenté au point que le malade ne peut plus

tenir rien clans les mains. On lui faisait conduire les bestiaux pour l'occuper.

Etat actuel. Le malade est plutôt de taille grande que moyenne, il est ro-

buste, assez fort. Tendance à l'obésité.

Pas d'asymétrie crânienne, tête bien conformée, palais normal, dentition

bonne, intelligence conservée.

Membres supérieurs. Assis sans bouger quand on dit au malade de se tenir

tranquille sur sa chaise on voit que cela est impossible et que tout son corps

est animé de petits mouvements de peu d'amplitude. Le malade est bien assis

il laisse reposer ses mains sur ses genoux. Ce sont surtout les doigts qui se

meuvent. Ils ne sont pas fléchis, il n'y a pas de déformation permanente, pas

de luxation ni de subluxation des phalanges, ils sont dans l'extension, se lèvent

et s'abaissent alternativement , ,assez vite, comme s'il jouait au piano, les uns

après les autres.

Le malade fait très peu de mouvements du poignet. De temps en temps quel-

ques secousses de l'avant-bras et du bras. Les épaules se lèvent et s'abaissent

et le tronc fait des mouvements de torsion soit à droite soit à gaucho. La tête

qui est serrée entre les épaules tourne de temps en temps aussi.

Membres inférieurs. -- On voit le même phénomène se produire dans les

membres inférieurs. Le malade étant même chaussé on voit que les doigts de

pied exécutent des mouvements. L'extension est plus fréquente aux gros orteils,

aux quatre autres la flexion; ils se fléchissent soit dans toutes leurs articulations

soit isolément dans leur articulation avec le métatarse ou même dans celle de

la première avec la seconde phalange. Même lenteur, même exagération des

mouvements qu'aux doigts, les uns par rapport aux autres, manifeste surtout

entre les gros orteils et les quatre derniers, mais moins de rapidité dans la suc-

cession des mouvements. Ceux-ci persistent plus ou moins longtemps surtout

pendant la marche dans laquelle les orteils fléchis vers le sol à angle droit oppo-

sent la progression un obstacle considérable.

Comme le poignet participe aux mouvements des doigts, le tarséjzi l'articula-

tion tibio-tarsienne accompagnent aussi les mouvements des orteils. C'est tantôt

une circumduction très lente de la pointe du pied produite par le jeu' de .1'arlÍ-

culation médio-tarsicnne, une inclinaison variable sur le bord externe ou in-

terne.

Pas de pied bot varus ni valgus.

Mouvements très limités des cuisses et des jambes.

Face. Ce qui frappe en premier lieu chez le malade c'est son expression de

visage. En bien le regardant on voit que deux expressions se succèdent et se

remplacent. Tantôt c'est l'étonnement, l'hébétement, et tantôt c'est l'anxiété avec

souffrance. Le visage est creusé de rides profondes. Le côté gauche est plus re-

levé que le côté droit (l'l. IX et X).

Bouche pleurarde, toujours ouverte, sillons naso-lahiaux, relevés et profon-

62 NOUVELLE ICONOGHAl'lllE DE LA SAI.PÊTRIÈRF.

dément creusés. Le nez épaté à ses ailes relevées comme quelqu'un qui fait un

effort pour retenir l'expiration, narines dilatées.

Front étroit, fuyant, ridé, les muscles du cuir chevelu avec ceux du front se

contractent souvent ce qui augmente l'expression d'anxiété surtout quand les

sourcils se lèvent; quelques mouvements de la face qui accentuent l'expression

générale surtout dans la bouche. Pas de mouvements des paupières mais par

moment une sorte de crise de mouvements très courts, de durée de 5 à 6 se-

condes.

Parole. En le faisant parler on voit immédiatement une série de grimaces

se produire comme s'il faisait un effort énorme pour ouvrir la bouche. Les sil-

lons se creusent davantage, les rides se prononcent, il fait un mouvement de

bouche, mouvement qui se propage à tout le corps, mouvements des épaules,

des avant-bras, les doigts se meuvent plus vite et plus fort, les membres infé-

rieurs également et après cet effort général on obtient seulement la réponse.

La parole sort de sa bouche comme s'il lui fallait un grand effort pour l'en ar-

racher. Elle n'est pas saccadée, elle est brouillée il cause de la raideur et du mou-

vement involontaire de la langue, mal articulée, nasonnée, mal sonnante, parce

que tous les muscles de la bouche, ceux qui tapissent la caisse de résonnance

sont raides. C'est le type de la parole d'un individu qui a tout ce qui concourt à

former l'appareil servant à la parole dans un état de raideur, de tension.

Il tire la langue hors de la bouche mais accomplit pour cela un effort consi-

dérable de tout le corps. Seule dans la bouche la langue exécute des mouvements

les plus divers, il la pousse tantôt à droite tantôt à gauche, l'applique au palais

ou l'abaisse vers l'arcade inférieure, la creuse en gouttière, etc..

Le malade a tout le temps une sorte de cornage (une inspiration retenue et

poussée avec force) qui tient il ce que les muscles de la glotte sont contracturés,

ou bien simplement un mouvement brusque d'inspiration et d'expiration. Ce

cornage augmente il chaque mouvement intentionnel, à chaque effort ou même

seulement lorsque le malade est simplement émotionné.

Station debout. Dans la station debout on voit se produire les mêmes mou-

vements que dans la position assise, avec plus d'amplitude : flexion et exten-

sion, adduction et abduction des doigts de la main. Mêmes phénomènes aux

pieds ; de temps en temps il fléchit sur ses genoux. '

Marche. Très particulière, il écarte un peu les bras du corps, les étend

en avant, les genoux légèrement fléchis, à plat sur les pieds. Pas de steppage, il

lève bien les pieds, et fait des petits pas très pressés, courts, ce qui est dû il ce

que les cuisses sont raides et fléchies sur le bassin, les jambes au contraire se

plient bien. Pendant tout ce temps les orteils ne cessent de mouvoir. Le malade

marche plus facilement étant déshabillé et nu-pieds que chaussé, la marche ne

paraît pas être influencée parce qu'on le regarde.

Ecriture. Quand on le fait écrire (il sait signer son nom) il se raidit d'a-

bord, fait des grimaces bizarres et effrayantes, les mouvements qui existent à

l'ordinaire augmentent d'intensité, le corps se tortille, le bras fait de grandes

oscillations, les mouvements athétosiques des doigts deviennent plus forts. Ce-

ÉTUDE CLINIQUE SI" ! \ I : ATn(>TOS1 : Dot 63

pendant il ne laisse jamais tomber la plume ; en même temps le visage se con-

tracte, la bouche également jusqu'à laisser sortir la langue ; la tête tourne, il

fait un effort général énorme et tout ce tableau se répète à chaque lettre (V. la

lig. 4). Dans les mouvements intentionnels, comme par exemple pour pren-

dre un objet et le porter à sa houche, le bras est animé de petits mouvements

involontaires, il saisit brusquement l'objet, les doigts s'étendent mais ne lâchent

pas, le pouce faisant office de crochet. Pour le porter à la bouche la direction

est assez bien conservée, les mouvements difficiles il cause de la raideur, la

tète baisse, avance vers l'objet, mais on voit augmenter en approchant au but

des mouvements de tout le corps. Le mouvement du bras lui-même est lent

comme s'il était obligé de vaincre une résistance.

La tète est rentrée dans les épaules et raide.

Cou gros, court, raide, on sent que les muscles sterno-clnido-mastoïdiens sont

hypertrophiés. Thorax assez bien conformé.

Pas d'atrophies ni d'hypertrophies des membres ou des muscles excepté des

sterno-cléido-mastoïdiens. Pas de scoliose mais lorsque le malade se met nlar-

cher, on observe un léger degrédelordose lombaire, le malade marche comme une

femme enceinte. Pas de signes de Romberg,, ses yeux ne peuvent pas rester fer-

més comme il voudrait il cause des mouvements involontaires de fermeture et

d'ouverture des paupières.

Examen des yeux fait le 25 octobre 1890 par M. le D Parinaud. Pas de trou-

bles oculaires, pas do rétrécissement du champ visuel. Pas de nystagmus. Tous

les mouvements des globes oculaires conservés, mais peu stables.

Oreilles assez grandes, bien ourlées, lobule pas adhérent. Sensibilité générale

bien conservée. Pas de troubles tropbiques. Réflexes des poignets normaux. Ré-

flexes rotuliens difficiles à provoquer il cause de la raideur, existent cependant,

nie semblent pas être exagérés.

Température normale.

Toutes les fonctions se font très bien chez C..... : poumons. coeur, reins,

estomac sont normaux, l'appétit sexuel est conservé.

Pas de sucre ni d'albumine dans l'urine. '

Fc. 4.

61 NOUVELLE ICONOGRAPIIIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

En même temps que ces grimaces bizarres de la face se produisent à

l'extérieur, la langue remue continuellement dans la bouche; elle roule

sur le plancher, se renverse en arrière. Quelquefois elle n'exécute que des

déplacements de peu d'étendue.

Ces mouvements involontaires, bien que peu manifestes l'état de repos,

alors que la face parait complètement tranquille et calme, prennent une

intensité assez grande lorsqu'on commande aux patients de tirer la langue

ou d'ouvrir la bouche. En général les malades réussissent à la tirer en dehors

de la cavité buccale, mais à peine est-elle tirée qu'on la voit agitée à droite,

à gauche tordue sur elle-même et dans l'impossibilité de rester en place.

« Lorsque ces mouvements sont très marqués on peut la voir sortir ou

rentrer alternativement comme la tête d'une tortue au dedans et an dehors

de son écaille, ou comme une sangsue. »

Le malade de Massalongo qui prêtait à celte dernière comparaison s'ef-

forçait de la repousser avec les mains.

Dans quelques cas, elle est le siège de mouvements si fréquents et si

violents qu'elle finit par s'hypertrophier et ne peut plus être contenue dans

la cavité buccale. La description de Blocq et Blin est typique à cet égard.

Notons en passant que cette hypertrophie ne s'observe jamais dans la cho-

rée chronique.

On peut retrouver l'influence des émotions sur ces mouvements de la

langue qui, comme nous venons de le dire, varient beaucoup d'intensité el

aussi de rapidité, tout en restant le plus souvent assez lents. Kurella, par

exemple, a noté dix-huit mouvements en avant et en arrière en une mi-

nute, Massalongo quatre seulement.

Membres supérieurs. L'aspectdu malade atteint d'athétose dou-

ble est très frappant : les extrémités supérieures sont toujours bien plus for-

tement prises que les inférieures, les mains sont toujours atteintes el

peuvent l'être seules.

Les mouvements tout en s'exécutant des deux côtés sont presque toujours

plus prononcés d'un côté du corps. Les membres supérieurs sont touchés

de bonne heure, souvent en même temps que la face, rarement auparavant.

Au début ils commencent habituellement par les doigts, les mains et les

poignets et moins fréquemment par la racine du membre. Ce sont ceux de

l'athétose classique, hémiathétose d'Hammond, mouvements incessants des

doigts avec impossible de maintenir ces parties clans la position, quelle

qu'elle soil, où on cherche à les fixer.

Au premier abord les mouvements paraissent très compliqués, mais l'ob-

servation attentive permet d'en faire assezfacilemenl l'analyse. Nombred'au-

teursse sont efforcés de les caractériser : « On dit qu'ils avaient une allure

grotesque, irrégulière, involontaire, exagérée et puissante en apparence.

ÉTUDE CLINIQUE SUR L'ATHÉTOSE DOUBLE. 65

qu'ils offraient quelque chose de spasmodique et de lent, rappelant de loin le

peristaltisme des muscles de la vie organique » (Gairdner). Ils sont ondu-

lants, glissants (Ciay-Schaw). On connaît enfin la comparaison classique

qu'on a faite entre les mouvements des doigts athétosiques et ceux des

tentacules du poulpe ou de l'anénome de mer (Gairdner) (1) .

Les malades fléchissent et étendent les doigts malgré eux, ils les écartent

et les rapprochent les uns des autres, tous les mouvements sont possibles.

Le plus souvent étendus à toutes les articulations phalangiennes, ils siè-

gent surtout à l'articulation du métacarpe avec les doigts. Les mouvements

les plus frappants sont la flexion et l'extension alternatives, sans être

véritablement rhythmées, des doigts, d'où résultent des mouvements de

fermeture et d'ouverture alternatifs de la main. Ainsi s'explique ce fait que

les athétosiques ne peuvent tenir un objet dans' leurs mains sans le laisser

tomber. A ces mouvements de flexion et d'extension s'ajoutent ceux d'ah

et d'adduction qui font que lorsque la main s'ouvre les doigts sont en gé-

néral fortement écartés les uns des autres et rapprochés au contraire lors-

qu'elle se ferme. Les mouvements sont moins prononcés à la troisième

articulation phalangienne qu'aux deux premières. Quant à l'abduction,

elle répond habituellement à deux types : ou bien les doigts sont unifor-

mément écarquillés, en forme de patte d'oie, ou bien le pouce étant isolé./

les autres objets se divisent en deux groupes, formés l'un par l'index et le-

médius, l'autre par l'annulaire et le petit doigt et qui sont en abduction

forcée l'un par rapport l'autre. Dans cette série de contractions, les doigta

jouissent d'une indépendance complète; s'ils son agités souvent par un

mouvement d'ensemble, ils peuvent se mouvoir chacun séparément ; sou-

vent aussi dans ces contractions isolées des doigts se produit cette sorte

d'antagonisme qu'on vient de remarquer il propos de l'abduction entre les

doigts innervés par le médius et ceux qu'inerve le cubital. L'index et le

médius d'une part, l'annulaire et le petit doigt de l'autre forment des

groupes qui se meuvent de préférence ensemble, et dans le même sens,

mais isolément l'un de l'autre.

Les oscillations du poignet ont le même caractère que celles des doigts. Il

peul se mouvoir dans tous les sens : flexion, extension, inclinaison alter-

native sur les bords radial et cubital, mais sur ce dernier de préférence.

Lents comme ceux des doigts, mais moins étendus, se succédant sans régu-

larité, ces mouvements font passer successivement la main par les position*

les plus diverses. A côté de ces mouvements classiques, si l'on peul dire,

on en peut observer une foule d'autre : mouvements de reptation (Clay

(1) Gairdner. Athetosis. (British med. journal, London, 1887).

(j(i NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

Schaw), attitude de pouce simulant grossièrement le tremblement rhyth-

mé de la maladie de Parkinson (Muet) (1) (Audry) (2).

Si l'on cherche à analyser plus à fond les mouvements, on arrive aux

résultats suivants, les muscles interosseux, dorsaux et palmaires sont at-

teints dans tous les cas avec une intensité variable, après viennent les flé-

chisseurs et les extenseurs des doigts long et court, abducteurs du pouce,

les muscles cubital antérieur et postérieur, les deux radiaux.

Les avant-bras et les bras et quelquefois môme la racine du membre su-

périeur peuvent être également le siège des secousses involontaires même

au repos le plus absolu.

Clay Schaw a signalé au niveau des avant-bras, des mouvements de

flexion. d'extension, de pronation el de supination. Un des malades de Mas-

salongo avait les bras tantôt rapprochés, tantôt écartés du thorax. Chez le

patient de Kurella l'avant-bras placé d'abord fortement en abduction, dé-

crivait « un mouvement de rotation rappelant absolument celui qu'on fait

en fermant une serrure aux ressorts rouillés ».

Membres inférieurs. -Dans les neuf dixièmes des cas les membres

inférieurs sont également le siège de mouvements athétosiques. Cepen-

dant il existe un certain nombre d'observations dans lesquelles leur ab-

sence a été dûment constatée. Comme aux membres supérieurs les mou-

vements sont surtout prononcés vers les extrémités des membres, aux or-

teils et aux pieds.

Aux orteils, la flexion et l'extension dominent, tandis que l'abduction

est rare ou peu prononcée. L'extension est plus fréquente aux gros orteils,

aux quatre autres la flexion, ils se fléchissent soitdans toutes leurs articula-

tions, soit dans leur articulation avec le métatarse, ou même dans celle de

la première avec la seconde phalange. Même lenteur, même intensité des

mouvements qu'aux doigts, même indépendance des orteils.

Comme le poignet participe parfois aux mouvements des doigts, l'arti-

culation tibio-tarsienne accompagne aussi dans certains cas les orteils.

C'est tantôt une circumduction très lente de la pointe du pied, produite

par le jeu de l'articulation médio-tarsienne, une inclinaison variable sur le

bord externe ou interne avec prédominance de la position en varus, tantôt

la flexion ou l'extension du pied sur la jambe, avec supériorité notable de

l'extension. Ces mouvements comme ceux des orteils, ne sont ordinaire-

ment qu'une image atténuée de ceux de la main ou plutôt des deux mains :

moins violents, souvent très affaiblis, ils sont presque à coup sûr fortement

exagérés quand on ordonne aux malades d'exécuter un mouvement avec

d'autres parties du corps (élévation des bras par exemple).

(1) Iluet, De la chorée chronique (thèse de Paris, 1888-89).

(2) Audry, Athélose double, 1892.

ÉTUDE CLINIQUE SUR 1,'A'IUlel'OSF DOUBLE. (j7

Un certain nombre d'auteurs ont rencontré des mouvements involontai-

res qui fléchissent les jambes sur les cuisses, les cuisses-sur le bassin, et

qui peuvent être d'une grande fréquence et d'une remarquable intensité.

Ces mouvements onl quelquefois une légère allure de rotation. Nous parle-

rons plus loin de la démarche dans l'athétose double.

Cou et tronc. - La tête oscille lentement sur le cou, en avant, en

arrière, ou latéralement, souvent on observe des mouvements de flexion,

d'extension et de latéralité, qui peuvent du reste se combiner de diverses

façons. Les mouvements des muscles de la tète, du cou et de la face sont

très marqués, dit Clay Schavv, et ressemblent par leurs caractères à ceux des

avant-bras et des doigts. Ils consistent en une protection légère de la tète ,

en avant et en haut d'un côté, et avec la rétraction en bas de l'autre côté.

On peut rencontrer le haussement des épaules, produits par les contrac-

tions spasmodiques des trapèzes.

Dans quelques faits on a observé que l'athétose s'est étendue au tronc.

Nous trouvons dans les observations de Kurella (1) et Adsersen, que les

mouvements peuvent atteindre un degré d'intensité extrême : contractions

excessivement violentes tordant le tronc dans toutes les positions et ame-

nant des ecchymoses malgré un lit matelassé (Adsersen) (2). Dans la posi-

tion assise, on a noté des mouvements antéro-postérieurs et de circumduc-

tion du tronc (Massalongo).

Un de nos malades (obs. 1) présentait quelques troubles de la dégluti-

tion el de la respiration, que nous n'avons pas trouvés signalés dans la

plupart des autres observations. Ils consistaient principalement en ce que

l'inspiration était, de temps en temps et principalement dans les efforts,

rendue sifflante par la contraction spasmodique des muscles des lèvres et

de la bouche. Du côté de la déglutition il arrivait de temps en temps au

malade d'avaler de travers lorsqu'une contraction involontaire des muscles

qui contribuent à cette fonction, venait en troubler le jeu. Il ne s'agit

donc pas à proprement parler de troubles adhérents à la maladie elle-même

mais n'étant que la simple conséquence des mouvements involontaires, par

un mécanisme analogue à celui qui faisait que le malade cassait une assiette

ou un verre qu'il tenait à la main, et rien de plus.

II. - CARACTÈRES GÉNÉRAUX DES MOUVEMENTS

ATHÉTOSIQUES.

Intensité. Les mouvements athétosiques ne conservent pas toujours

la même intensité, certaines conditions en augmentent la fréquence et l'é-

(1) Kurella, loc. cit.

(2) Adsersen. Bildrag til Kasuisliken ouzo; « doppelle alelose ". Hospitals ridende ; ,-

S dje Roekke, IV, In, 49 (1886).

68 ' NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

tendue, d'autres au contraire produisent leur diminution, rarement leur

cessation complète.

Lorsque les malades sont tranquilles et hien au repos, les mouvements

diminuent de fréquence et d'intensité, jamais cependant au point de dis-

paraître complètement pendant l'état de veille.

Rapidité. Ces désordres moteurs peuvent être enregistrés scienti-

fiquement par la méthode graphique ou la photographie instantanée. Un

certain nombre d'auteurs se sont attachés à étudier la rapidité des secousses

athétosiques. Warner (1) en Angleterre a proposé en 1883 « un gantelet

moteur », qui inscrit les secousses indépendantes de chacune des articula-

tions d'une des mains. Kurella en Allemagne s'est servi d'un chronomètre

pour étudier les mouvements d'un de ses sujets. Chez un autre il a compté

en une minute 33 mouvements d'élévation et d'abaissement de la mâchoire

inférieure.

Mais en vérité il il'.%- a pas lieu d'attacher une grande importance aux

résultats obtenus, car celle rapidité varie beaucoup suivant les sujets d'un

moment à l'autre. Les impressions morales, les émotions qui augmentent

l'intensité des convulsions n'accroissent cependant pas toujours la vitesse

des mouvements et dans le cas de Kurella, les grimaces devenaient effroya-

bles mais jamais n'augmentaient de fréquence.

Un fait très important à noter, c'est que les mouvements athétosiques

s'exécutent toujours sans aucunes espèces de l'/¡ ! Jtll1ne. Absolument comme

dans la chorée de Sydenham ou dans la chorée chronique. C'est un ca-

ractère commun avec ces deux maladies, qui les sépare nettement des autres

affections caractérisées ou des mouvements involontaires rhythmés (chorée

hystérique. par exemple).

Influence de la volonté, des émotions, des mouvements vo-

lontaires. Les cas d'l'JulenIlerg et de Lange sont les seuls dans les-

quels on ait pu constater que la volonté put diminuer l'intensité des mou-

vements athétosiques. Les impressions morales, au contrairelesaugmentenl.

souvent dans des proportions épouvantables. Kurella compare la face des

athétosiques doubles aux masques de la comédie antique. Les émotions, les

efforts chez les patients dont les fonctions intellectuelles restent suffisantes,

provoquent une exagération des mouvements athétosiques. C'est ainsi par

exemple le malade qu'on voit assez tranquille au moment où l'on arrive

dans la salle devient beaucoup plus agité s'il s'aperçoit qu'on le regarde.

Les mouvements volontaires produisent également une augmentation no-

table de convulsions athétosiques. Ainsi dans l'acte de se lever de sa chaise

par exemple, le malade penche le tronc en avant, étend fortement les bras

(1) Warner, l3ritis)z /IIpd.j01ll'/lal, sept. 1883.

ÉTUDE CLINIQUE SUR L'ATHÉTOSE DOUBLE.

dans la même direction, les cuisses rapprochées, les genoux collés, les jam-

hes très écartées, les muscles de la face se convulsent et semble faire un

effort considérable.

Il n'y a guère que quelques observations exceptionnelles où l'on trouve

noté que les mouvements ne disparaissent pas toujours complètement pen-

dnltt le sommeil. Chez le malade de Massalongo, on remarquait des mou-

vements de la jambe gauche pendant le sommeil. Kurella déclare, que les

mouvements chez son malade, étaient si intenses, que souvent pendant le

sommeil il tombait de son lit.

Quant à l'influence de la température sur les secousses, Kurella prétend

que chez son malade, les mouvements plus prononcés en été diminuaient

en automne, puis augmentaient de nouveau pendant l'hiver. Adsersena a

noté que les mouvements étaient plus intenses lorsque la température était

plus élevée.

Ni la menstruation, ni les maladies fébriles ou autres, ne paraissent pas

modifier les mouvements à en juger d'après les faits connus. Pour ma part

chez trois de mes malades que j'observe depuis un an et demi, je n'ai pas

constaté l'influence de la température sur les mouvements athétosiques.

Spasme. Rigidité. Un des signes les plus caractéristiques de l'a-

thétose double consiste dans l'état de rigidité des membres qui sont le siège

des mouvements, état si réel, si important que Gowers (1) en a fait à juste

litre un élément nécessaire de la maladie.

Ce caractère, ce signe spasmodique des mouvements est signalé dan»

presque toutes les observations et en particulier dans les faits de Charcot

et Huet, de Déjerine. « Ici on a noté un peu de rigidité clans les bras et

avant-bras, là s'observe un spasme passager du triceps M.

Au repos l'athétose et le spasme diminuent mais aussitôt que le .sujet se

lient debout et se livre à un acte quelconque, ils augmentent. De plus Oul-

mont, Mitchell (2), Bourneville el Pilliet ont constaté l'apparition de vé-

ritables secousses choréiformes, qui ne sont en réalité que l'exagération

des mouvements athétosiques, au moment où le malade veut agir, s'empa-

rer par exemple d'un objet.

On doit à Bourneville et Pilliet, puis à Iluet d'avoir insisté, avec raison,

sur ces désordres et d'avoir établi qu'ils sont le plus souvent, surtout pro-

noncés dans la première moitié du temps nécessaire à l'accomplissement

de l'acte.

Ces spasmes augmentent avec les efforts avec les mouvements et comme

(1) Gowers. On athelosis and post-hemiplegic disorders of movements. (Med. chir.,

Trans., LIX, London 1876).

(2) Mitchell. Athetosis and athetoids movements in the insane. (Ediwb. Ied. Journ.,

vol. XXVII, p. II, 1882).

70 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

le fait remarquer si bien Iluet, l'athétose double se différencie de la chorée

chronique surtout par le défaut de souplesse dans les mouvements t'oloatai-

res et l'existence d'une raideur et d'une rigidité des parties affectées. Au

lieu d'être passagers, ces phénomènes peuvent devenir permanents. Ils

se transforment alors en contractures et Unissent par immobiliser les mem-

. bres supérieurs au niveau desquels peut disparaître l'athétose.

Des mouvements, des spasmes et des contractures dépendent les attitu-

des des membres ; dans les formes légères, c'est-à-dire dans des cas où les

mouvements sont très peu marqués, on ne trouve rien de particulier à si-

gnaler. Au contraire lorsque les mouvements et les spasmes sont violents,

on voit que les malades cherchent certains artifices pour arriver à immo-

biliser leurs membres, dans une attitude moins voyante et moins ridicule.

Ainsi la malade de Barrs, plaçait sa main rebelle entre ses genoux, ou

crispée sur les plis d'un vêlement. Une de mes malades (obs. 2) usait

d'un procédé analogue.

Quelquefois les membres supérieurs offrent des attitudes particulières

qui persistent pendant longtemps, lorsque les contractures sont extrêmes.

Le type le plus commun c'est la flexion de l'avant-bras sur le bras.

Réflexes. La rigidité dont nous venons de parler peut dans cer-

,%*^tains cas rendre l'examen des réflexes tendineux très difficiles. Massalongo,

affirme que les réflexes sont très souvent exagérés, toujours lorsqu'il y a

de la contracture. Un grand nombre d'auteurs déclarent à cause du défaut

de relâchement des muscles, qu'il était difficile d'obtenir les réflexes. Une

autre particularité très notée dans quelques cas et notamment par Adser-

sen ; c'est qu'il peut arriver que les réflexes ne soient pas exagérés mais

qu'en cherchant à les provoquer on détermine une augmentation dans les

spasmes et l'athétose.

- Pour mon compte j'ai pu constater chez la plupart de mes malades que

les contractures rendent l'examen très difficile ; le phénomène du pied

n'existe pas, même avec des réflexes rotuliens exagérés.

Quant aux réflexes cutanés et pupillaires ils n'ont offert aucune anomalie

jusqu'à présent.

III. CONSÉQUENCES DES MOUVEMENTS

Les caractères qui distinguent les mouvements athétosiques, en particu-

lier la raideur, le spasme, l'absence de rhytlnne, ont sur les mouvements ou

actes volontaires des conséquences sur lesquelles il nous paraît inutile

d'insister en ce qui concerne les mouvements ou les gestes simples de la

vie ordinaire. Nous avons déjà signalé l'influence des mouvements volon-

ÉTUDE CLINIQUE SUR L'ATUÉTOSE DOUBLE. 71

taires sur les convulsions athétosiques ; on conçoit facilement quelle peut

être celle des convulsions sur les acles ou gestes volontaires. En général la

direction du mouvement voulu est plus ou moins troublée et le but à at-

teindre la plupart du temps manqué. -

Mais si nous portons notre attention sur d'autres mouvements volontaires

plus compliqués que celui de porter un verre ou une fourchette à sa bou-

che par exemple, tels que les mouvements nécessaires pour l'écriture ou la

parole, il est facile de concevoir que les secousses athétosiques les doivent

modifier de façon notable. Il y a ce point de vue deux éléments à consi-

dérer : tout d'abord le mouvement athétosique, et en second lieu les carac-

tères accessoires dont nous avons parlé dans le paragraphe précédent.

Nous commencerons par étudier la démarche des athétosiques doubles,

qui est si particulière qu'elle mérite d'attirer tout particulièrement l'atten-

tion au point de vue du diagnostic. Puis nous nous occuperons de l'écriture

et de la parole qui sont également troublées chez nos malades, mais d'une

façon moins caractéristique.

Démarche. Avant que les malades se mettent à marcher voici l'at-

titude générale et caractéristique qu'ils prennent : les genoux, fléchis, frot-

tent l'un contre l'autre, les cuisses sont fléchies sur le bassin, les jambes

écartées ; en même temps les bras sont habituellement accolés spasmodi-

quement contre le tronc, tandis que les avant-bras s'en écartent plus ou

moins comme pour servir de balanciers destinés à maintenir l'équilibre.

Pendant ce temps les doigts raidis sont le siège de ces mouvements invo-

lontaires que nous avons déjà décrits. Le tronc également rigide est forte-

ment cambré et les épaules sont, rejetées en arrière ; le cou parait rentrer

dans les épaules.

Ainsi placé le malade se met en marche, dandinant les épaules comme

l'on f it lorsque l'on cherche à marcher en maintenant les deux genoux

l'un contre l'autre. M. le professeur Charcot a très heureusement pour

cette raison comparé la démarche des athétosiques doubles à celle des gal-

linacés. En disant qu'ils marchent « comme des canes » on ne peut mieux

caractériser en quelques mots leur allure si particulière, dans laquelle c'est

évidemment la raideur qui joue le plus grand rôle.

Cette raideur rend la marche difficile et quelquefois impossible. Elle

peut être dans certains cas telle que les malades ne peuvent quitter leur

lit ou leur chaise longue ; et cela d'autant plus facilement qu'au trouble

proprement dit de la démarche s'ajoutent quelquefois de véritables défor-

mations articulaires produites à la longue par les contractures permanen-

tes. Nous reviendrons plus loin sur ce sujet.

Les caractères généraux de la démarche des athétosiques doubles sont

72 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

ceux de la démarche spasmodique classique et si bien décrite par Ollivier

d'Angel', Charcot et Erb.

En ce qui concerne le plus ou moins de fréquence de celte démarche

dans la maladie, on peut dire que dans la moitié des faits la marche est res-

tée possible, mais dans des limites très diverses.

La gène peut être atténuée et même très légère. Elle ne s'affirme qu'au

moment où le malade est ému, lorsqu'il se sent observé ; on voit alors un

des pieds s'immobiliser pour un moment par un spasme passager, le talon

se relever et la jambe traîner sur la pointe des orteils.

A côté de cette démarche spasmodique qui peut être considérée comme

typique, certains auteurs et en particulier Ctay-Schaw ont décrit la démar-

che tabétique, Bourneville et Pilliet nous parlent quelque part « des mou-

vements choréiformes » au moment delà démarche ferme qui s'applique

sans doute à l'augmentation des convulsions athétosiques occasionnées par

la maladie. Mais c'est surtout le malade de Kurella qui est frappant sous tous

les rapports et qui nous offre ces troubles exceptionnels de la démarche au

plus haut degré.

« Le malade marchait fort peu volontiers, tombait habituellement après

quelques pas et ne pouvait se relever. Il se débattait alors sur le sol. Se

mettait-il en marche, il se produisait des mouvements excessivement bizar-

res, des mouvements tournants qui le jetaient souvent à terre sans qu'il pût

se retenir à quelque objet. »

Les troubles de la marche peuvent s'installer de bonne heure, d'une

manière lente et progressive. Souvent susceptibles de s'amender un peu, ils

durent cependant pendant toute la vie clans la plupart des cas et chez quel-

ques-uns ils atteignent un tel degré que la marche devient définitivement

et pour toujours impossible.

Une de nos malades présentait à un haut degré la démarche caractéris-

tique de l'athétose double. Nous donnons ici son observation.

Observation II. (Personnelle. Inédite). Athélose double, datant delà première

enfance, occupant la face el les quatre extrémités. Rigidité des membres infé-

rieurs.

Virginie IL.. âgée de onze ans, entrée il l'hospice de la Salpètrière le 8 dé-

cembre 1890, dans le service ile 11. le professeur Charcot.

Antécédents héréditaires. Père de 39 ans, ouvrier sobre et bien portant

mais très nerveux, s'emporte très facilement. Il a quatre frères et une soeur tous

bien portants. Pas de maladies nerveuses.

Grand-père paternel, mort à 66 ans d'une pneumonie; grand'mère morte à

65 ans on ne sait plus de quoi. Pas de nerveux dans la famille.

Mère âgée de 33 ans, nerveuse, coléreuse; pas d'attaques de nerfs. Elle a trois

frères et une soeur en bonne santé.

NOUVELLE iconographie de la SALPITRIÈRE T. V. PL, XII.

Phototypfs A. LONDE. PHOTOCOLLOGRAPHIE Chêne & Longuet

DIVERSES EXPRESSIONS DE LA PHYSIONOMIE

DANS L'ATHETOSE DOUBLE

Nt"II1V¡ : f.T 'I"'t"INnr ? ...pJ.ft ? nx. LA SALP{TR1f; : R1<. T. v. Pc, xn.

PHOTOTYPE A. LONDE. PHOTOCOLLOGRAPHIE Chêne & Longuet

ATTITUDE ET DÉMARCHE

DANS L'ATHÉTOSE DOUBLE

VVE BABÉ & C'E

ÉDITEURS

ÉTUDE CLiNIQUE SUR L'ATUÉTOSE DOUBLE. 73

Grand'mère maternelle, âgée actuellement de 60 ans, toujours bien portante.

Grand-père en bonne santé également.

Notre malade est l'aînée de cinq enfants : un frère mort de convulsions il

l'âge de quatorze mois. Un autre frère âgé de 7 ans est atteint d'un mal de

Pott.

Un autre frère et une soeur se portent bien.

Antécédents personnels. Pendant que sa mère était enceinte d'elle, à peu

près vers le cinquième mois de la grossesse, elle tomba dans une rivière. La

malade est née il terme, mais l'accouchement fut très pénible ; au bout de trois

jours de douleurs, l'enfant vint au monde en état d'asphyxie, la face noire,

avec des circulaires du cordon au cou. C'est a l'aide de la respiration artificielle

pratiquée pendant deux heures que la sage-femme a pu la rappeler il la v ie.

La mère nous dit n'avoir rien observé d'anormal chez son enfant jusqu'à

l'âge de six mois. A cette époque, un soir la petite s'évanouit et resta sans con-

naissance pendant quelques minutes.

Le lendemain la petite malade était seulement très l'alignée, mais depuis ce

temps elle ne fut plus aussi vive qu'auparavant.

A dix mois la mère s'aperçut qu'en l'espace de trois jours, l'enfant devenait

raide au point de ne pas pouvoir remuer ses membres, manger ou même s'as-

seoir.

A deux ans et demi première attaque de convulsions ; durée de neuf heures

du matin à quatre heures du soir ; quinze jours plus tard nouvelle attaque. De-

puis lors les attaques se sont renouvelées tous les mois ou toutes les six se-

maines. Leur durée n'était alors que de quelques minutes.

Les attaques arrivent toujours de grand matin : la malade devient blanche,

tremble, de petites secousses commencent par la bouche, elle écume et autrefois

laissait échapper de l'urine. Elle ne se mord jamais la langue. L'attaque est pré-

cédée d'une aura consistant eu tremblements, des lèvres et de la langue.

Au dire de la mère, c'est vers la même époque qu'elle s'aperçut de l'existence

de mouvements athétosiques aux doigts de deux mains seulement.

A l'âge de six ans elle sentait ses'crises arriver et prévenait toujours sa mère.

A ce moment .elle tombe malade de la coqueluche et reste au lit pendant qua-

rante jours, sans aucune complication ni modification de sa maladie antérieure.

A l'âge de neuf ans les crises de convulsions cessent et on envoie Virginie a

l'école chez les soeurs, bien qu'elle parle très mal et malgré sa démarche spas-

modique (« elle marchait comme un canard » nous dit sa mère) ; mais it l'école

elle ne peut continuer que quatre mois, car les soeurs avertissent sa famille que

leur enfant apprendra très difficilement il lire, mais ne pourra jamais écrire il

cause des mouvements qu'elle a aux mains.

La mère ne peut pas se rappeler exactement à quel moment les mouvements

des pieds sont apparus.

État actuel. C'est une jeune fille âgée de 11 ans, paraissant plutôt 16 ans,

pas encore réglée, Pas d'asymétrie, tète bien conformée. Palais normal. Dents

bien plantées. Intelligence conservée (psi. NI et XII).

Elle est atteinte de mouvements involontaires siégeant au niveau du la face,

v u 0

71 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

très frappants quand elle parle ou quand elle mange par exemple (PI. XII).

Mais ces mouvements variables comme forme et intensité siègent surtout aux

quatre extrémités.

Les émotions (et la malade est très émotive et très coléreuse) les augmentent

beaucoup,

Le sommeil seul suspend ces mouvements.

Aux mains, aux pieds et à la face surtout quand la malade parle ou marche,

c'est de l'athétose pure, avec ses mouvements, lents, glissants, tantôt en exten-

sion et flexion, tantôt en abduction et adduction. -

Membres supérieurs. La malade est raide, peul cependant s'asseoir. Une

fois dans cette position les bras sont accolés au tronc, les avant-bras fléchis,

les mains unies. Les doigts enlacés reposent sur les cuisses. C'est la une posi-

tion préférée, car ainsi les mouvements involontaires dos doigts et cle la main

sont réduits à leur minimum. Quand les mains reposent sur les genoux, les

doigts et les poignets sont le siège de mouvements lents tout à fait semblables

à ceux de l'hémiathétose,

On voit les doigts des mains s'unir et se désunir continuellement. Chaque

doigt séparément passe de la position de flexion à celle de l'extension et revient

la première (tentacules du poulpe). Ils n'arrivent presque jamais à l'extension

complète sauf le pouce. Celui-ci, dans le mouvement d'extension, va presque

jusqu'à la subluxations ; toute la main rejette vers le bord cubital.

Il résulte de ces mouvements des dispositions bizarres et variées à l'infini et

changeant à chaque instant. C'est ainsi que la malade a souvent à gauche le

poignet fléchi, tous les doigts en flexion, tandis que le poignet droit et les doigts

en extension ou abduction ou encore adduction. Les mouvements des bras et

des avant-bras ont très peu d'étendue.

Quand on place un objet entre les mains de la malade, une plume par exem-

ple, elle la prend maladroitement, serre ses doigts dessus avec effort et la garde

sans la laisser tomber.

On voit alors tous les mouvements augmenter d'amplitude dans des propor-

tions extraordinaires et cette augmentation des mouvements athétosiques est le

fait de l'effort fait par la malade pour arrêter les mouvements des doigts qui

tiennent la plume. Elle n'y réussit ce prix.

Les membres supérieurs sont le siège d'une raideur générale, un peu plus

accentuée à droite qu'à gauche, qui rend les mouvements passifs difficiles, et en

limite l'étendue.

Membres inférieurs. Les mouvements passifs de tous les segments de

ces membres s'exécutent assez difficilement à cause de la raideur qui est en-

core bien plus accentuée qu'aux membres supérieurs. Le côté droit paraît

plus raide que le côté gauche.

Les mouvements involontaires s'exécutent de la même façon qu'aux membres

supérieurs. C'est un passage incessant des orteils de la flexion à l'extension et

de l'adduction à l'abduction. L'extension est plus fréquente aux gros orteils, aux

quatre autres la flexion ; ils se fléchissent soit dans toute leur articulation, soit

ÉTUDE CLINIQUE SUR LATHÉTOSE DOUBLE. 75

isolément. Mémo lenteur, même intensité qu'aux doigts, même indépendance

dans leurs mouvements.

Les jambes et les cuisses sont presque tranquilles.

Cou. tronc, face. La tète fait des légères oscillations, de droite il gauche

et de gauche à droite et de temps à autre de haut en bas.

Le tronc tourne aussi très légèrement.

A la face en état de repos, les mouvements involontaires existent il peine quand

on la fait parler, lorsqu'on provoque un peu d'émotion chez elle tuut simplement

en la regardant, on voit les muscles de la face entrer en mouvements, surtout

les zygomaliques, l'orbiculaire, les risorius et les petits muscles du menton.

Les muscles du front et des paupières sont un peu plus calmes.

Ce qui frappe encore chez cette malade, c'est son expression du visage, tantôt

c'est t'étonnement, l'hébétement et tantôt l'anxiété avec souffrance.

Marclie. Dans l'acte de se lever de sa chaise, la malade penche le tronc

en avant, étend fortement les bras dans la même direction, les cuisses rappro-

chées, les genoux collés, les jambes très écartées, les muscles de la face se con-

vulsent et elle semble faire un effort considérable. La démarche est très particu-

lière, la iiiilideestciiiibrée, ensellée, renversée en arrièrect raide, les jambes sont

légèrement fléchies sur les cuisses et les cuisses sur le bassin, les genoux presque

collés l'un contre l'autre, ainsi que les cuisses, les pieds en varus équin, la

malade marche sur la pointe du pied, c'est la démarche spasmodique type Ollivier

d'Angers, Charcot.

Les deux sterno-cléido mastoïdiens sont assez hypertrophiés.

Légère scoliose il convexité gauche.

Pas de paralysie appréciable, l'étendue des mouvements intentionnels est

limitée il cause de la raideur.

Réflexes rotuliens conservés ; plutôt exagérés il gauche ; a droite très diffi-

cile il produire à cause de la raideur. Pas de phénomènes du pied.

Pas de douleurs, sensibilité générale conservée. Pas de nystagmus ; pas de

signe de Romherg. Troubles vaso-moteurs : les mains et les pieds sont toujours

froids et violacés.

La parole est très embarrassée il cause de la raideur de tous les muscles qui

concourent il l'articulation et la phonation, elle a été toujours embarrassée, au-

trefois encore davantage. L'articulation des mots est difficile, la parole est comme

retenue ou allongée, mais possible.

La langue n'est pas hypertrophiée, ne sort pas hors de la bouche : quand on

lui fait ouvrir la bouche on voit que la langue est à peine remuée de quelques

petits mouvements de peu d'étendue ; mais lorsqu'on lui dit de la tirer, elle ne

peut pas le faire normalement ; elle fait un violent effort qui provoque des

mouvements involontaires intenses dans les muscles des lèvres et de la face,

puis arrive il peine à la sortie d'un ou deux centimètres de dehors ; la langue

ne peut plus rester dans cette position, elle est prise de mouvements involon-

taires qui la font se tortiller, rentrer dans la bouche, presser contre la face in-

terne des joues.

7G NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

Quand. on examine celltc jeune fille toute nue, clle présente un développement l;

général du corps, qui est très frappant pour son âge. Ainsi la partie supérieure

du corps parait beaucoup plus développée que la partie inférieure. Au point de

vue on ne lui donnerait pas onze ans. Les yeux sont grands et brillants. La face

dénote quinze ou seize ans.

La bouche est bien conformée. La lèvre supérieure est teinte d'une ombre de

moustache.

La poitrine est saillante. Deux mamelles d'un volume assez notable s'y remar-

quent. Au niveau du pubis des poils en assez grande quantité. Les cuisses sont

à peu près normales : les jambes sont plutôt courtes. Les bras assez forts.

M. P. Richer, chef de laboratoire de la clinique des maladies nerveuses, a exa-

miné notre malade au point de vue des formes extérieures etc., comparaison

avec une autre enfant à peu près du même âge et de même taille. Voici les

résultats de son examen, qu'il a bien voulu nous communiquer.

Au point de vue des proportions les différences entre la jeune alllélosique

(11 ans) et la jeune hystérique (9 ans) sont les suivantes :

La taille est égale à peu de choses près.

ÉTUDE CLINIQUE SUR T.'ATII1;TOS); DOUBLE. 77

Déformations du tronc et des extrémités. Lésions articu-

laires, etc. Déviations de la colonne vertébrale. -On sait com-

bien les déviations vertébrales sont fréquentes dans des maladies diverses

el en particulier dans les maladies du système nerveux (1),

Il nous sera permis de citer parmi ces affections : la maladie de

Friedreich, la sciatique, la maladie de Morvan, la syringomyélie, les myo-

pathies, athétose double; etc.

D'après Audry, ces déviations se rencontreraient clans un sixième des

cas d'athétose double. Il ajoute quelque part dans son mémoire : «En-

core est-il juste de faire remarquer qu'il s'agit là d'un symptôme qui a passé

pour ainsi dire inaperçu jusqu'ici ». Les faits que nous avons réunis éta-

blissent qu'on peut rencontrer, la cyphose, la scoliose à grande courbure

droite el gauche. En vérité on peut affirmer qu'il n'existe pas un type uni-

forme de déviation,

Nous avons remarqué en parlant de la démarche spasmodique que les

sujets, atteints d'athétose double, cambrent leur région lombaire et forcé-

ment présentent une lordose comparable à celle des femmes enceintes.

Quant au mécanisme de ces déviations, Audry croit qu'elles dépendent de

l'action vicieuse des muscles. Le plus souvent c'est l'état spasmodique qui

doit jouer le principal rôle; les muscles contracteurs finissent par tordre

la colonne vertébrale d'une façon d'ailleurs le plus souvent légère. Mais il

n'est pas impossible qu'il s'agisse quelquefois primitivement non pas d'une

hypertonicité du muscle mais d'un état p'arétique de ce dernier. Du reste,

dans la pathogénie de toutes les scolioses on trouve des partisans de l'une

ou l'autre de ces deux théories qui en somme n'expliquent rien du tout.

En tous cas, déclare Audry, dans les faits précédents, on ne saurai !

songer à incriminer les altérations osseuses de la colonne vertébrale.

Mais si les troubles trophiques osseux sont inconnus dans l'athétose

double, en revanche les lésions articulaires survenant en conséquence des

mouvements y sont relativement fréquentes. Oulmont, Charcot et IInet,

Brousse, Massalongo, Kussmaul, Audry, etc.... ont insisté sur l'intensité

des mouvements involontaires et des spasmes, qui peuvent produire à la

longue une laxité des ligaments telle, qu'il survient spontanément, ou sous

la main du clinicien, de véritables subluxations des phalanges. On a vu

même des déformations permanentes des mains simulant celles du rhuma-

tisme déformant classique. Aujourd'hui on sait très bien que Charcot et

son école font précisément jouer un rôle à l'action musculaire dans les dé-

formations du rhumatisme noueux.

(1) Voira ce sujet, Ilallion, thèse de Paris, 1892,

78 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

Atrophie et hypertrophie. Clay Schaw fut le premier à signaler

la possibilité de l'hypertrophie des muscles de la région cervicale et des

deux bras. Oulmont el Seeligmuller ont prétendu que l'on ne rencontrait

clans l'athétose double ni atrophie, ni hypertrophie.

On n'a pas encore signalé d'atrophie dépendant de l'athétose double;

mais il existe un certain nombre d'observations dans lesquelles l'atrophie

dépend d'une autre maladie et en particulier de-la paralysie infantile. Le

cas de Mitchell est bien net à cet égard, vers ]'age de sept ans son malade

a eu une attaque de paralysie infantile, caractérisée par de violentes atta-

ques convulsives, de la fièvre et une paralysie des membres inférieurs sui-

vie d'arrêt de développement cle ces deux membres. Un fait de Massalongo

se rapproche de celui-la. II s'agit d'un enfant atteint d'une athétose dou-

ble, et chez qui existait une paralysie infantile.

Il faut aussi se rappeler qu'il s'est certainement agi, dans certains cas,

d'hémiplégie spastique bilatérale el qu'on peul observer l'atrophie des

membres au cours de cette dernière.

Massalongo déclare que l'hypertrophie musculaire, localisée à certains

groupes de muscles, est fréquente. « C'est une hypertrophie vraie, dit-il,

toujours associée ci des contractures ».

L'hypertrophie s'explique très facilement, car il ne s'agit pas d'une

pseudo-hypertrophie, mais d'une hypertrophie réelle produite par l'exer-

cice exagéré des muscles qui sont les sièges des convulsions athétosiques.

Audry fait la môme remarque.

Elle se voit plus habituellement au niveau des muscles, qui ont à lutter

contre les contractures et les spasmes violents de leurs antagonistes.

Un certain nombre d'auteurs ont noté l'hypertrophie de la langue, qui

donne quelquefois naissance à une véritable macroglossie. La description

de Blocq et Blin dans leur cas, est des plus frappantes à cet égard.

Pourquoi ne rencontre-t-on pas l'hypertrophie dans les différentes cho-

rées et les tremblements div ers ? C'est, suivant l'opinion d' Audry, parce que

dans ces derniers cas les spasmes et les contractures font défaut et ne trou-

vent pas là pour lutter contre les muscles mis en jeu et forcer ainsi le dé-

veloppement de ces derniers.

Parole. La parole est fréquemment altérée par suite des troubles

moteurs de la langue, des lèvres, du voile du palais, autrement dit par suite

de l'étal de contracture des muscles de l'articulation. -

Clay Schaw décrit très justement l'allongement des paroles, qu'il attribue

ci la réaction lente et graduelle qu'on observe au niveau des commissures

buccales ; il s'était efforcé de distinguer le langage en question de celui

des malades atteints de chorée intense.

ÉTUDE CLINIQUE SUR 1,'ATnÉTOSE DOUBLE. 79

Oulmont nous explique que l'arliculation des mots est gênée par les mou-

vements de la face, que les mots sortent avec peine hors de la bouche et

sont « tirés » lentement et graduellement.

Seeligmüller à son tour nous dit que la parole est lente, comme « tirée

hors de la bouche ».

Bourneville et Pilliet ont beaucoup insisté sur les différences qui sépa-

rent les troubles vocaux de l'athétose double de ceux de la sclérose en pla-

ques et de la maladie de Friedreich.

Huet, quand il fait le diagnostic différentiel de la chorée chronique avec

l'athétose double, nous la peint ainsi :

La parole ne ressemble pas il celle de la chorée chronique; elle se rap-

proche plutôt de celle de la sclérose en plaques, « elle est lente, traînante,

plus ou moins scandée, souvent un peu nasonnée et gutturale », elle s'ac-

compagne de contractions involontaires très prononcées des muscles, des

lèvres et des autres muscles de la face dans lesquels on reconnaît facile-

ment l'état spasmodique.

« Les troubles de la parole, dit Audry, quel que soit le degré fort varia-

ble de leur intensité, sont notés dans plus des deux tiers des cas. Encore

faut-il remarquer que dans les faits restants, à de très rares exceptions près,

on passe sous silence le mode d'élocution. Il semble toutefois, mais pareil

fait doit être très anormal, que le langage puisse être absolument correct.

L'athétose de la face et celle de la langue ont cependant été rencontrées

dans ces dernières conditions.

Il faut, il est vrai, remarquer que des troubles légers peuvent passer

inaperçus à un examen rapide ».

Le trouble de la parole peut être accentué à ce point que le malade de-

vient incapable de se faire comprendre. Mais ce n'est toujours là qu'un

vice d'articulation, bien différent en cela de l'aphasie véritable. « L'apha-

sie, dit Audry, n'existe pas dans l'athétose double. La surdité verbale ainsi

que la cécité verbale ne paraissent jamais avoir été rencontrées, quelques-

uns de nos patients, les plus incompréhensibles, les plus muets compren-

nent facilement les demandes, et y répondent par signes, d'autres, en assez

grand nombre, savent parfaitement lire et même écrire ».

Les sujets en effet, ne sont pas plus des agraphiques que des aphasiques,

au sens réel du mot ; l'écriture et la parole ne deviennent impossibles que

du fait des mouvements involontaires et du spasme des muscles.

C'est du reste l'opinion qu'admettent tous les auteurs qui se sont occu-

pés de la question.'

Il s'agit d'un type morbide qu'on doit faire rentrer dans les dyslalies

de Kussmaul ((roubles par défaut d'articulation des mois). On peut en

effet; en s'adressant il des sujets légèrement touchés, surprendre la façon

sa NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

dont se produisent les troubles en question. On voit chez eux la parole

comme retenue et allongée, par le resserrement spasmodique des commis-

sures, dû à la contraction involontaire des muscles de la langue et d'une

partie de la face.

Dans quelques faits l'hypertrophie de la langue joue probablement un

certain rôle, pour rendre la parole embarrassée et empâtée.

L'examen des cordes vocales pratiqué dans le cas de Haie White (1) a

donné des résultats négatifs ; il n'est pas impossible que le fonctionnement

du larynx puisse être irrégulier, mais pareil fait, s'il existe, doit avoir une

influence bien accessoire et bien effacée.

Mais revenant sur le terrain clinique nous constatons que les malades

sont atteints à des degrés très divers ; chez les uns, les troubles de la parole

sont assez légers pour passer inaperçus à un examen superficiel. Ils sont

alors augmentés par l'émotion, celle-ci développant à peu près régulière-

ment des convulsions et dos spasmes musculaires plus marqués.

Dans ces faits et surtout dans les cas un peu accusés, la parole est vrai-

ment « tirée hors de la bouche », comme s'il fallait un effort au malade pour

l'en arracher.

Certains malades n'ont qu'une à deux syllabes à leur disposition ; un

des clients de Mitchell ne pouvait dire que ay et 1/0. Une des malades de

Friedenreïch n'était capable de prononcer que quelques mots. Un des nôtres

ne peut dire autre chose que « maman, pipi, ourchette » (pour fourchette)

(v. obs. 3).

Dans un certain nombre de faits, le langage est nul, l'articulation des

mots se trouve réduite il un grognement incompréhensible.

Les désordres de la parole sont, est-il besoin de le rappeler, exception-

nels et très effacés au cours de l'hémiathétose. Le fait n'a rien qui doive

nous surprendre, si nous nous souvenions de la rareté en pareilles circons,

tances de l'hémiathétose de la face et de la langue.

L'élocution peut dans quelques cas s'améliorer mais fort peu, en tous

cas, avec le temps (cas de Bourneville) ; elle peut devenir aussi de plus en

plus gênée jusqu'à ce que ce trouble reste stationnaire à un certain degré.

En général il reste pendant longtemps le même.

Au chapitre du diagnostic différentiel nous retrouverons les points de

similitude et de dissemblance qui existent entre la parole de nos athéto-

siques doubles et celle des individus atteint de la maladie de Freidreich,

sclérose en plaque, paralysie générale, chorée chronique, elc...

(1) 1V. Ilale White, Two cases of peculiar movements in childl'ell (Brain, V.X, an-

née 1887, p. 237).

ÉTUDE CLINIQUE SUR L'ATHÉTOSE DOUBLE. 81

Nous verrons encore combien elle se rapproche aussi de celle qu'on ob-

serve au cours du tabès spasmodique infantile ou maladie de Little.

Écriture. Depuis quelques années, on interroge toujours l'écriture,

lorsqu'il s'agit d'un sujet atteint d'une affection nerveuse avec des troubles

de la parole ou du mouvement.

Aujourd'hui on possède quelques observations dans lesquelles se trouve

signalée la façon dont nos malades peuvent écrire.

Dans la plupart des cas, les secousses musculaires sont telles qu'il est

matériellement impossible à ces pauvres gens de tenir une plume. Chez

d'autres malheureusement les facultés intellectuelles ne sont pas suffisantes,

pour que le degré d'instruction nécessaire à cet acte ait pu être acquis et

développé.

Les beaux spécimens publiés par Huet, Audry et Greidenberg, sont sem-

blables d'une façon générale à ceux que nous avons obtenus chez notre ma-

lade de l'obs. 1 et dont nous reproduisons un bel exemple. (V. fig. n,

p. ex.) .

Voici de quelle manière quelques-uns des auteurs qni se sont occupés

de la question, caractérisent l'écriture des athétosiques : écriture difficile ri

lire (Ross), ri peine lisible ou bornée à quelques mots (Massalongo), griffon-

née (White), griffonnée et tremblée (Greidenberg), quelques lettres de di-

mensions exagérées, perdues dans un griffonnage illisible (Hughes).

Les malades se servent généralement de divers artifices pour écrire ou

tenir leur plume. Un malade d'Audry écrivait avec la main gauche, qui

offrait des mouvements moins intenses que la droite ; celui de Greidenberg

pouvait écrire avec les deux mains mais avec certains artifices : ainsi pour

écrire avec la main gauche, il place sa main droite sur la table en s'en

servant comme support, il place sa main gauche au-dessus et de cette fa-

çon il écrit.

Dans le cas d'Audry et dans celui de Charcot et Huet, le crayon était

tenu convulsivement entre le pouce et l'index, les autres doigts étaient trop

fortement serrés et trop mal habiles pour le maintenir et le diriger propre-

ment et suffisamment.

L'écriture est d'autant plus détestable et illisible que le malade est ob-

servé ; on sait en effet que dans le cas de Charcot et Iluet, l'écriture de

leur malade était assez tremblée lorsqu'on le regardait. De plus les let-

tres étaient plus régulières que dans la chorée chronique.

Nous savons parfaitement bien qu'en pareilles circonstances les mouve-

ments volontaires et les spasmes peuvent augmenter énormément d'inten-

sité. Nous croyons intéressant de reproduire ici la description d'Audry.

« La netteté de l'écriture varie beaucoup, suivant le moment où D....

82 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

prend son crayon. Lorsqu'elle est livrée à elle-même seule et tranquille,

elle écrit d'une façon lisible; les traits sont fortement tracés, les lettres

allongées et bouclées (comme 1, b) sont tremblées, celles qui sont plus pe-

tites présentent souvent des angles aigus à leurs sommets, ne sont pas

unies d'une manière régulière et parallèle, mais il n'y a rien qui rappelle

l'écriture désordonnée et à grandes secousses des choréiques, non plus le

tremblement fin et haché de la paralysie agitante. Lorsque D... est ob-

servée, qu'elle est émue, c'est toute autre chose, le crayon heurte brusque-

ment le papier d'une façon presque informes, et se confondent en s'accro-

chant pour ainsi dire les unes aux autres. Il devient impossible de lire la

malade ».

Des actes que les malades peuvent exécuter. L'imbécillité,

les convulsions athétosiques, les spasmes et les contractures entravent né-

cessairement les mouvements volontaires, souvent les plus nécessaires et

les plus simples de la vie de tous les jours.

Ces malades si malheureux sont parfois, du fait même des mouvements

athétosiques, incapables de rien faire. On peut être obligé de les habiller

et déshabiller, de leur donner à manger, et dans certains cas de les tenir

au lit. On en voit quelques-uns qui mangent et boivent tout seuls, mais

c'est très rare de voir les objets dirigés fort adroitement, assez convenable-

ment et sans aucune hésitation vers le but voulu. ,

D'autres se servent d'artifices pour arriver à leur but. Ainsi un de mes

malades saisit le verre à deux mains pour boire.

Presque tous les auteurs ont remarqué que la préhension était gênée.

Le malade de Hughes, pour découper sa viande par exemple, prenait à

pleine main son couteau, comme s'il s'était agit d'un poignard.

Un certain nombre des patients portent souvent plus facilement des ob-

jets lourds que des corps légers et d'un petit volume. Il en était ainsi chez

le malade de Charcot et Huet. Massalongo, Sharkey (1), Beach (2), Audry,

etc... ont rencontré les mêmes phénomènes sous des formes différentes.

2, Troubles intellectuels.

État mental. Clay Schaw, tout en appelant nos malades des imbéci-

les alaxiques, avec raison les classait à part, affirmant qu'ils ne portaient

aucune trace des stigmates physiques et caractéristiques de l'idiotie (dé-

(1) Sharkey, An unusual case of athetosis (Brain, Lond., 1885-86, p. 85-87).

(2) Beach. Athetosis of both sides of the body, not associated with epilepsy (British,

Med. Journ., London 1879, p. 81).

ÉTUDE CLINIQUE SUR L'ATIIÉTOSE DOUBLE. 88

formation crânienne, malformation des dents et des oreilles, otite palatine

ogivale, etc.). Il déclarait que, si on s'occupe de leur éducation, on obtient

quelques résultats, malgré leur faiblesse d'espri tcongénitale ; car ces mala-

des ne tombent jamais dans un élat pareil à la démence choréique, par

exemple. Quoi qu'il existe un état de faiblesse intellectuelle congénitale,

il ne tend pas à augmenter progressivement. La plupart du temps, ajoute

Clay Schaw, on ne se donne pas la peine de les instruire et l'occasion de

développer leurs facultés intellectuelles leur manque. Oulmont croit que

les malades atteints d'athétose double conservent rarement leur intelli-

gence.

Si l'on cherche l'époque où les troubles intellectuels ont fait leur appa-

rition, on trouve qu'ils ont été nettement congénitaux (observations de

Clay Schaw, Huet, Joffroy, Warner, Rau, Ilale-White, Audry, etc.). Ils

se sont développés dans la seconde enfance, l'adolescence ou l'âge adulte,

dans les cas de Barrs, Sharkey, Hughes, Massalongo, etc. Les autres faits

appartiennent à la première enfance et dans les relations il n'est point parlé

de façon précise de la date du début. Il est nécessaire de faire remarquer

que quelquefois, à un examen superficiel et rapide, les malades, même in-

telligents, peuvent fort bien passer pour imbéciles. Leurs grimaces bizar-

res et incessantes, les diverses positions qu'ils prennent, emportés par leurs

mouvements involontaires et surtout le trouble de la parole assez accen-

tué dans certains cas pour les rendre incompréhensibles, font qu'on ne

peut juger que fort mal leur intelligence.

D'autre part, les malades imbéciles ou complètement idiots ne sont pas

beaucoup plus nombreux au total, à en juger d'après les observations, que

ceux que nous venons d'étudier et qui gardent un pouvoir intellectuel suf-

fisant et dans certains cas assez bon. Chez les premiers, les fonctions céré-

brales, toujours très atteintes, le sont plus ou moins. Souvent l'intelligence

est très médiocre; d'autres fois le malade est imbécile, quelquefois absolu-

ment idiot. On trouve de plus dans ces dernières circonstances des stig-

mates physiques de la dégénérescence : malformation des dents, microcé-

phalie et diverses déformations crâniennes.

Richardière (1), Massalongo, Osier prétendent que l'athétose double est

habituellement liée à l'imbécillité. Bourneville et Pilliet disent que la

faiblesse intellectuelle, lorsqu'elle existe, ne tend pas à augmenter. Huet,

qui admet d'ailleurs avec tous les neurologistes des exceptions, assure

qu'il existe presque toujours de la faiblesse mentale et une imbécillité plus

ou moins marquée. Telle semble être aussi la façon de voir d'Audry.

Certes il ne faudrait pas trop généraliser ; il est des cas, comme celui de

(1) Richardière, th. Paris 1881.

81 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

Kurella, où les désordres centraux n'ont fait qu'augmenter et suivre une

marche progressive.

De plus, on peut rencontrer ces troubles alliés à l'épilepsie (cas de

Warner et Mitchell). Greenless signale chez son client des signes d'aliéna-

tion mentale et de démence secondaire. Celui-ci est très rarement excilé,

mais se montre de temps en temps émotif et pleurard.

Nous croyons utile dedonner la liste suivante,'qui comprend l'én1llné-

ration des malades, chez qui l'intelligence paraît être restée bonne on

avoir été relativement peu touchée :

Clay Schaw. Intelligence nette et entière, lit et travaille assez bien.

Idem. Intelligence assez développée. Mémoire intacte.

Warner. Malade intelligente.

Rôss. La malade est incapable de parler, mais elle lit avec facilité,

a appris elle-même à écrire, danse bien, montre du goût pour la musique

et sait jouer du piano.

Barrs. Intelligence claire. Émotivité légère.

Sharkey. La malade parait très intelligente. Mémoire très bonne.

Richardière. Enfant douce et intelligente, sait écrire et compte

(Jeanne). -

Idem. Intelligence assez bonne. Lit et écrit un peu (Andrée).

Blocq et Blin. Intelligence conservée.

Robertson. Intelligence conservée.

Massalongo. Intelligence assez lucide. Mémoire bonne (cas du nommé

Riccardo).

Idem. Intelligence claire. Un peu frivole (Faccini).

Idem. Physionomie assez intelligente. Griffonne en écrivant (Rosina).

Idem. Intelligence passablement développée (Lomhroso).

Charcot et Huet. Mémoire et intelligence bonnes.

Chavanis. L'enfant ne manque pas d'intelligence, sait bien lire.

Rau. Malade intelligente, sait écrire. Mémoire bonne.

Kussmaul et Scluecle. Intelligence conservée.

Hughes. Après avoir périclité, l'intelligence est parfaite.

Joffroy et Huet. Lit et écrit. Mémoire assez fidèle.

Adsersen. L'intelligence et le caractère ne sont pas modifiés.

Audry. Très intelligente (cas de la nommée M. D.).

En somme, sur 87 cas d'athétose double publiés jusqu'aujourd'hui, nous

trouvons l'intelligence assez bien conservée chez 21 malades, autrement

dit dans presque le quart des cas. La présence des troubles intellectuels

existe donc dans la majorité ; mais il y a de fréquentes exceptions à cette

règle.

L'observation suivante, que nous avons recueillie à la consultation ex-

NOUVELLE iconographie DE la SALPL2RIERE T, V. PL, XIII.

PHOTOTYPE A. LONDE. PHOTOCOLLOGRAPHI Chêne & LONGUET

ATTITUDE ET DEMARCHE

DANS L'ATHETOSE DOUBLE

V°ç BABE & Cive

ÉDITEURS

ÉTUDE CLINIQUE SUR L'ATHËTOSE DOUBLE. 83

terne de la Salpêtrière, a trait à un enfant de six ans, dans un état d'imbé-

cillité à peu près complet.

Observation III (Personnelle) ? Alhétose des quatre membres

et de la face. Imbécillité.

Paul G... six ans, est amené à la consultation externe de la Salpêtrière.

État actuel. Etat d'idiotie à peu près complet ; cependant il est susceptible

d'une certaine attention (Pl. XIII).

C'est un enfant naturel, sur lequel il est impossible d'avoir des renseignements

touchant ses antécédents héréditaires ou personnels. Au dire de la dame qui

s'occupe de cet enfant, la mère a eu beaucoup d'ennuis pendant sa grossesse,

elle est très nerveuse et très coléreuse. C'est un petit garçon que l'on habille en

petite fille à cause de son incontinence d'urine, il est modérément développé pour

son âge, sa tête n'est pas très volumineuse. Pas d'asymétrie de la face. Pas de

déformation crânienne. Les dents sont très bien plantées, le palais est normal.

La face est animée de mouvements involontaires presque continuellement ;

la peau du front se plisse en haut en bas. Les quatre extrémités présentent des

mouvements athétosiques d'intensité variable, mais typique : lents, glissants et

amenant les contorsions les plus bizarres et les plus extraordinaires. Le som-

meil seul suspend les mouvements involontaires. Rigidité des membres in-

férieurs. '

Face. Tous les muscles de la face se contractent simultanément et égale-

ment des deux côtés, les frontaux, les orbiculaires, les sourciliers, les deux zy-

gomatiques, les risorii et la triangulaire des lèvres ; mais les mouvements sont

encore plus caractéristiques quand le malade veut parler, rire ou manger, alors

on voit la bouche s'ouvrir; se fermer et le front se plisse, les plis naso-labiaux

et naso-jugaux se creusent alternativement, amenant les contorsions les plus bi-

zarres, les grimaces les plus inattendues et les plus étranges. La langue n'est pas

hypertrophiée, le malade peut la sortir hors de la bouche très facilement, mais

pour peu de temps, car elle remue aussi de droite à gauche ou de haut en bas.

Il ne bave pas.

La parole est interrompue et explosive, du reste le petit malade est imbécile,

il ne sait dire que « Pppaul », « ourchette » (pour dire fourchette) et «ppippi ».

La tête oscille à droite et à gauche, mais surtout de haut en bas. 1

Membres supérieurs. Quand le malade est au repos, assis par exemple, les

bras sont accollés au tronc, les mains se joignent pour se séparer ensuite ; les

doigts s'étendent ou se fléchissent, s'enlacent, s'écartent en éventail, puis se

rapprochent les uns des autres. Les mouvements du poignet sont moins fré-

quents, plus lents ; c'est tantôt de la flexion, tantôt de l'extension. Il y a surtout

un état d'instabilité dans les deux membres supérieurs. .

Il n'y a de déformation nulle part.

On sent un certain degré de raideur des bras quand on veut les écarter ou

les étendre. Les mouvements athétosiques présentent la même intensité à droite

et à gauche. La force est égale des deux côtés.

86 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

Quand on dit au petit malade de porter une cuillère il sa bouche, il faut qu'il

l'empoigne à pleine main et, après quelques mouvements lents et oscillatoires,

il arrive à la porter à la bouche, mais il ne peut pas manger seul, ni s'habiller,

ni se coucher. Il peut très bien saisir de gros objets, les petits objets glissent

assez facilement de ses doigts.

Membres inférieurs. Les mouvements athétosiques sont bien moins pronon-

cés qu'aux extrémités supérieures ; ils consistent en quelques oscillations latéra-

les du pied, et en une légère flexion de la jambe sur la cuisse se produisant si-

multanément et également des deux côtés. Quelques alternatives de flexion et

d'extension des orteils. Le malade n'a jamais pu marcher tout seul, mais il peut

marcher si on le tient par le bras, alors tout le corps se raidit, les cuisses se

fléchissent sur le bassin, les genoux rapprochés l'un contre l'autre, les jambes

écartées, les pieds tournés en dedans, reposant sur leur pointe et leurs bords

externes. La marche s'exécute par secousses, par sauts. C'est plus que de la

marche spasmodique classique. Pendant cet exercice les mouvements athétosi-

ques de la face des doigts et des orteils sont à leur maximum..

Pas de paralysie des membres. Pas d'hypertrophie, ni d'atrophie. Pas do dé-

formation aux pieds. Pas de déviation de la colonne vertébrale.

Réflexes. Les réflexes rotuliens sont difficiles à provoquer à cause de la rai-

deur des membres inférieurs. Pas de trépidation épileptoide. Pas de nystagmus.

Pas de signe de Roml)erg.

La sensibilité générale parait conservée dans tous ses modes autant qu'on peut

en juger chez ce petit malade, presque idiot. Les réactions électriques sont nor-

males.

Pieds et mains rouges et froids.

Presque toutes les fonctions se font bien.

La plupart du temps il laisse écouler sous lui l'urine et le matières fécales.

Attaques épileptiques et apoplectiformes. Convulsions.

Les convulsions sont presque toujours constantes, surtout si l'athétose

double date de la première enfance ; quelquefois les convulsions sont pas-

sagères ; ailleurs elles se répètent pendant une période de plusieurs mois ;

dans d'autres cas elles peuvent ne jamais abandonner le patient ; mais c'est

exceptionnellement. , 1

Elles surviennent quelquefois sans cause occasionnelle, succédant le

plus habituellement à un accouchement pénible, à un traumatisme. Quel-

quefois elles annoncent, dans certains faits, le début de l'athétose double ;

à ce propos n'oublions pas que pour Massalongo, les convulsions sont

presque constantes, lorsque l'athétose double s'installe dès les premières

années de la vie.

Les attaques apoplectiformes s'observent surtout dans l'âge mur, chez les

adultes, suivies quelquefois de phénomènes paralytiques (Sharkey, Green-

less), elles doivent être assez fréquentes chez les enfants aussi, mais comme

la plupart se confondent avec les convulsions de l'enfance et qu'on ne

ÉTUDE CLINIQUE SUR L'ATHÉTOSE DOUBLE. 87

peut avoir recours qu'à des commémoratifs pour étudier ce point, il est

bien vraisemblable que dans la majorité des cas les parents n'auront pas

su faire la différence. Chez un de mes malades l'affection a débuté par une

attaque apoplectiforme au dire de la mère. L'attaque apoplectiforme sur-

vient aussi dans la période ultime de la maladie. Kurella signale chez son

malade une apoplexie dans les derniers jours de sa mort. Quant aux con-

valsions de nature épileptique et hystérique, elles sont excessivement

3. - Symptômes accessoires.

I. TROUBLES MOTEURS.

Contractures. Nous avons vu qu'on observe des contractions partout,

tantôt clans un groupe musculaire, tantôt dans l'autre, contractions qui tor-

dent, dans les positions les plus bizarres et les plus variées, les extrémités

et le tronc.

Les bras sont habituellement dans l'abduction ; les avant-bras se placent

successivement en flexion, en extension, en pronation et en supination, les

mains se fléchissent, et les doigts se placent en flexion sur le métarcarpe,

en s'étendant au niveau des articulations phalangiennes. Au niveau des

orteils et pieds, mêmes contractions se produisent : en abduction et adduc-

tion, flexion et extension. Les contractions et les spasmes quelquefois, au

lieu d'être passagers, peuvent se transformer en contractures et finissent

alors par immobiliser les membres supérieurs, au niveau desquels peut

disparaître l'athétose.

Ces contractures offrent des degrés d'intensité variable : dans le cas de

Joffroy et Huet les adducteurs de la main sont contracturés. Dreschfeld in-

dique chez son malade que les muscles de l'avant-bras sont raides, Massa-

longo les mains sont contracturées. Ces contractures, qui ne dépendent pas

de la paralysie des muscles antagonistes, s'exagèrent comme les mouve-

ments athétosiques, par les excitations (essais de mouvements volontaires,

émotion, etc.). Elles peuvent arriver à immobiliser complètement ou pres-

que complètement les membres supérieurs (obs. de Clay Schav, Richar-

dière, Blocq et Blin), mais elles sont cependant moins fréquentes là qu'au

niveau des membres inférieurs d'après Massalongo.

On sait que dans la maladie de Little, la contracture des membres infé-

rieurs est constante, qu'elle siège quelquefois aux membres supérieurs dans

le type spinal, et souvent au niveau de ces derniers dans le type cérébro-

spinal.

88 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

Le type le plus souvent observé aux membres supérieurs c'est le t) pe ell

flexion, dans lequel l'avant-bras est fléchi sur le bras ; on a aussi constaté

à l'état permanent l'extension du membre, son adduction, la flexion du

poignet, la déviation des doigts vers le bord cubital, etc. Au niveau des

membres inférieurs, les orteils se placent dans des positions forcées, les

pieds se transformentenpieds-bots : les jambes quelquefois se ramènent sous

les fesses du malade au point de l'obliger à marcher sur les genoux et la

partie antérieure des jambes.

Les muscles du cou; immobilisés par le spasme, quelquefois deviennent

le siège de contractures permanentes.

Paralysie. La véritable paralysie n'existe pas dans l'athétose dou-

ble, presque tous les auteurs ont rencontré simplement une légère impo-

tence motrice par l'effet de l'inertie, de la contracture ou des déformations

articulaires. Dans le seul stade ultime de l'affection, l'impotence peut-être

assez marquée pour mériter le nom de parésie.

Le cas de Greenless est tout à fait exceptionnel, l'athétose a débuté par

une paralysie généralisée. Hughes a vu la paralysie brachiale accompagnée

de contracture et qui est guérie avec les restes d'une paralysie faciale. Le

cas de Rau est du même genre.

Troubles vaso-moteurs : Ces troubles, qui sont presque la règle

chez les idiots, ont été signalés par un assez grand nombre d'auteurs dans

l'athétose double : refroidissement au niveau des mains et des pieds, qui

peuvent être rouges, livides, violacés et humides.

Brousse, Leube et Delhomme signalent l'hyperhydrose. Audry insiste

sur l'exagération des sueurs chez sa malade : « Lorsqu'elle était un peu

émue, les mouvements athétosiques augmentaient alors, et la sueur coulait

à grosse goutte sur le visage ». Pour nous, nous n'avons jamais observé ce

phénomène.

(A suivre) Dml'f1\l Ivan lfIICIIA1L011'Shr

UNE ANOMALIE DU COCCYX CHEZ UN ÉPILEPTIQUE

Les déviations du rachis se rencontrent assez fréquemment chez les épi-

leptiques comme chez d'autres dégénérés (1), mais le plus souvent elles

portent sur la région dorsale : sur 158 épileptiques non hémiplégiques

présents dans mon service au 'la février, il y a 2G lordoses, 5 scolioses,

1 cyphose; soit 32 déviations ou 20 pour 100. L'extrémité inférieure ce-

pendant, n'est pas exemple d'anomalies. M. Chudzinski a observé chez le

décapité Kaps une anomalie intéressante du sacrum dont les vertèbres

étaient mal soudées et dont le canal était ouvert en arrière (2).

C'est une anomalie qui peut être rapprochée du spina-bifida qu'on ne

rencontre guère chez les dégénérés parce que celle grave malformation du

rachis n'est pas souvent compatible avec une longue survie. On pourrait

toutefois considérer comme un vestige d'un ' retard de développement

du rachis les touffes de poils lombaires qui se rencontrent assez souvent

chez nos malades, et que j'ai comparée à la queue des faunes. L'hypertri-

chose locale a en effet été rencontrée assez souvent dans les cas de spina-

bifida apparent ou latent (3). Mais l'anomalie pileuse, observée déjà par

Ornstein chez les conscrits hellènes et principalement chez ceux des îles,

et que j'ai rencontrée une douzaine de fois chez des dégénérés peut exister

sans aucune altération de la peau, ni des tissus mous sous-jacents, ni du

squelette, ni des membranes rachidiennes comme j'ai pu m'en assurer ré-

cemment dans deux autopsies.

En même temps que ces anomalies de la peau, j'ai déjà signalé chez quel-

ques épileptiques le redressement du sacrum et du coccyx qui descend

verticalement en esquissant la forme d'une queue (4). Dans le cas actuel,

(1) E. Landois, Des déviations du rachis dans leurs rapports avec les névropathies

héréditaires. Th. 1889.

(2) Chudzinski, Sll1' le sacrum d'un décapité (Bull. de la Soc. d'anll/1'opologie, 1891,

p. 419).

(3) Joachimsthal, Ucber Spina-bifida occulta mil llype1'h'ichosis lumbalis (Berl. klin.

lVoch., 1891, p. 536).

(4) Ch. Féré, La queue des faunes et la queue des satyres (Nouv. Icon. déjà Salpé-

trière, 1890, p. 45). .

v 7

90 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA S A L 1' ET H l E R E.

il s'agit L d'un renversement en arrière de la pointe du coccyx qui donne à la

région un aspect tout-a-fait particulier.

Le nommé G... âgé de 27 ans, né d'un père arthritique et calculons âgé ac-

tuellement de 70 ans et d'uue mère morte à 53 ans dans un état de démence con-

sécutive à une affection mélancolique prolongée. Ilaunesueur aînée âgéede28 ans

bien constituée, qui a deux filles dont l'une a eu des convulsions : un frère âgé

de 23 ans est aussi bien constitué ; une fille venue plus lard est morte en nais-

sant.

G. a toujours été chétif, difficile à élever. Il a été très jeune maltraité par son

père qui l'appelait « le sournois », et le fil travailler dès 12 ans, au métier de

charron. Il continua ce travail jusqu'à l'âge de 18 ans. Sa soeur raconte qu'il

eut alors une otite moyenne il droite, avec abcès qui, après la guérison laissa

une légère surdité et des tintements d'oreille. C'est à cette époque qu'il com-

mença à avoir des vertiges. A la suite d'un traitement local, il aurait été plusieurs

mois tranquille. Il fut incorporé à 20 ans dans un régiment de pontonniers. Peu

de temps après, en faisant un pont de bateaux, il eut sa première attaque, et tomba

il l'eau. Il serait resté sans connaissance pendant près de deux jours. Il fut ré-

formé, bien qu'il n'eut pas eu de nouvelles attaques au régiment; il supportait

d'ailleurs mal le cheval il cause de la malformation sur laquelle nous aurons à

revenir.

Quant il fut rentré dans sa famille, il fut pris de nouvelles attaques, qui tantôt

revenaient tous les quinze jours, tantôt tous les mois, mais quelquefois aussi par

séries de 6 ou 7 par jour. En général il n'est pas prévenu de ses accès, n'a pas

d'aura; il tombe sans connaissance, ne pousse aucun cri ; quelquefois il se mord

la langue. En général il tombe sur le côté droit.

Pendant les 10 premiers mois de son séjour à l'hospice, il n'a eu que deux

accès et un vertige; de temps en temps il se plaignait de bourdonnements d'o-

reilles. Au mois de décembre 1891, il la suite d'une recrudescence de ses bour-

donnements d'oreille et de sa surdité, il eut de nouveau, malgré le traitement

bromure à G grammes par jour, trois accès'coup sur coup. Il avait alors de la

pharyngite. Nous avons- pensé que l'oblitération de la trompe pouvait jouer un

rôle important il la fois sur les s3 mptômes locaux et sur les troubles épileptiques.

M. le D1' Boucheron si qui nous avons envoyé le malade a constaté en effet l'obs-

truction de la trompe, il lui a appris il se faire le cathétérisme et des insufflations,

et depuis lors les bourdonnements d'oreilles ont cessé, la surdité a diminué, et

les accès n'ont pas reparu ; mais le temps seul peut nous apprendre le résul-

tat définitif du traitement.

État physique. - G., quoique maigre, parait bien constitué au premier abord.

Taille 1.77, envergure 1.77, poids 64 kilogs. Son crâne est régulier, il n'a pas

d'asymétrie faciale grossière; mais les oreilles en conque sont asymétriques, la

gauche est plus grande et plus écartée de la tète que la droite. Le maxillaire in-

férieur présente deux apophyses lémnriennes très marquées ; les dents sont mal

plantées et mauvaises. La voûte palatine est très ogivale. Les mouvements de su-

pination des deuxavant-bras sont très limités : lorsqu'il,*) les deux coudes au corps,

Nouvelle iconographie de. LA$ALPÉ7RIÈR6 T. V. PL. XIV.

PHOTOTYPE X'" PHOTOCOLLOGRA@Rik Chêne FT LGNGUET.

ANOMALIE DU COCCYX

CHEZ UN EPILEPTIQUE

VVE BABE & CIVE

ÉDITEURS

UNE ANOMALIE DU COCCYX CHEZ UN ÉPILEPTIQUE. 91

la paume des mains ne peut pas se renverser en dehors au delà d'un angle de

45°. Les mouvements de flexion des phalangettes des deux pouces sont extrême-

ment limités.

Mais l'anomalie la plus intéressante est celle de la partie inférieure de la co-

lonne vertébrale. On voit à la partie inférieure du pli inter-fessier une dépression

en forme de vulve de 4 centimètres de long, d'une profondeur de 1 centimètre 1/2

environ, limitée en bas par la pointe du coccyx recourbée en arrière et fixe dans

sa position. Cette malformation ne gêne pas le malade dans la position assise,

mais lorsqu'il était à cheval, et que le corps venait à se renverser en arrière, le

redressement forcé du coccyx devenait très douloureux. La peau qui tapisse la

dépression rétro-coccygienne ne présente absolument rien d'anormal. La face an-

térieure du coccyxdévié présente une convexité régulière sans iné,,alité(Pi. XIV).

Ce fait n'est pas intéressant seulement au point de vue de l'histoire des

appendices caudiformes chez l'homme (1), mais encore au point de vue de

la morphologie des dégénérés, dont aucun organe n'est respecté.

CH. FÉXK.

' Médecin de Bicêtre.

(1) A propos de ma précédente note sur la queue des satyres et la queue des faunes,

hi. Grafé, professeur à l'Université de Liège, m'a signalé que Ctésias (trad. II. Estienne,

Francfort, 1630, p. 449) parle d'un peuple qu'il appelle Calystrii et qui était muni de

queues : Caudam autem habent omnes, viri et mulieres, supra nates canum more : sed

majorem, magisque pilosam. Je rappellerai à propos de ce document légendaire qu'on

voit figurer dans le Ramayana un peuple cle quadrumanes aussi muni de queues.

CONTI\ ! BU11O : \ A L'ETUDE

DE

L'EXCITABILITÉ ÉLECTRIQUE DES MUSCLES

DANS LA MALADIE DE THOMSEN.

(De la Réaction myotonique). - (suite ').

La 3e série d'excitation', (C. lig. 1) a été faite sur le même muscle que la

Il, série, mais après un repos de 20 minutes. Ici les interruptions sont

beaucoup plus fréquentes, 660 par minute (il par seconde). Elles produi-

saient, avec la même force de courant, sur un autre malade du service, dont

le système musculaire était normal, le tétanos presque complet des muscles.

Que produisent-elles ici ? Au début de la 1 re excitation (2), le muscle répond

pendant 1 seconde 1/2 par des secousses isolées, puis ces secousses dimi-

nuent d'étendue, le spasme ni) otonique apparaît el se maintient pendant

une vingtaine de secondes ; à partir de ce moment (c.), il tend à disparaî-

trie, le muscle se détend, mais ici au lieu de voir se produire, comme pour

les séries précédentes, des secousses de contractions isolées, nous voyons

apparaître un tétanos presque complet, comme pour un muscle normal.

L'excitation interrompue, au bout de 47 secondes de durée totale, le mus-

cle reprend aussitôt l'étal de repos. Les mômes excitations provoquées clans

la minute suivante (2° el 3°), ne produisent plus le spasme myotonique,

mais le tétanos presque complet du muscle, comme dans l'état normal. Ici

encore, à la fin de chaque excitation, retour rapide et complet du muscle à

l'état de repos.

Nous pouvons remarquer sur cette dernière série de tracés que le mus-

cle, qui parait à l'exploration directe fortement gonflé pendant le spasme

myotonique, n'est pas cependant contracté au maximum et que la courbe

myographique, après les premières excitations du début, s'abaisse et con-

serve pendant toute la durée du spasme un niveau inférieur à celui du

plateau de la tétanisation vraie du muscle. Lorsque le spasme disparaît, la

courbe se relève graduellement pour atteindre le niveau du plateau du té-

1. Voir le n° 1, 1892.

2. Voy. fig. 1, P. 16.

ÉTUDE DE L'EXCITABILITÉ ÉLECTRIQUE DES MUSCLES. 93

tanos. Pendant la contraction tétanique, le muscle est donc plus gonflé que

'pendant le spasme myotonique. En se reportant aux tracés précédents (A,

B, fig. I) de la môme planche, il est facile de faire la même constatation.

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- Les 3 planches suivantes (tig. 5. 6. 7) reproduisent les tracés de cour

94 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

bes myographiques, pris dans des conditions analogues, mais donnent, en

même temps que l'inscription des secousses musculaires, celle des inter-

ruptions du courant enregistrées à l'aide du signal de Depretz. (Nous avons

supprimé sur la planche précédente l'inscription d'intermittences du cou-

rant afin de pouvoir réunir sur une même feuille les trois séries d'ex-

plorations). Snr chacune de ces planches, nous avons reproduit aussi des

tracés pris sur des muscles normaux, dans des conditions semblables, afin

de pouvoir comparer l'effet des excitations faradiqnes sur les muscles dans

la maladie de Thomsen et sur les muscles dans l'état normal.

La figure o représente le résultat d'excitations avec des intermittences au

nombre de 190 par minute (3,)/6 par seconde). Nous retrouvons ici, A,

quelques secousses amples au début de l'excitation ; au bout d'une seconde

1/2 le spasme myotonique apparaît, il atteint rapidement son maximum

el disparaît ensuite graduellement. A la fin de celte première excitation,

qui n'a été prolongée que pendant 30 secondes, la décontraction ne se fait

pas encore subitement, elle tarde un peu, mais elle est bientôt complète.

Cinq secondes après, nouvelle excitation, A 2° ; il n'y a plus de spasme

myotonique et les contractions musculaires sont normales. Au bout de

I 2 secondes cessation de l'excitation, retour immédiat et complet du muscle à

l'état de repos. Une minute 1/2 après, troisième excitation pendant 14 se-

condes, absence de spasme myotonique, secousses musculaires normales,

el, au moment où cesse l'excitation, trace de décontraction lente. Les exci-

tations, 4° et 1)°, renouvelées il quelques secondes d'intervalle, ne présen-

tent plus de trace de décontraction lente; les secousses y sont normales

sans aucune apparition de spasme myotonique.

Sur la même figure la ligne supérieure, B, représente le tracé recueilli

sur un autre malade, dont le système musculaire était normal. Les inter-

mittences sont un peu moins fréquentes (170 par minute, 2 5/6 par se-

conde) ; néanmoins ce tracé, qui correspond à la première minute de l'ex-

ploration, montre bien, par comparaison avec la ligne A, la différence qui

existe entre la réaction électrique des muscles dans la maladie de Thomsen

et celle des muscles normaux.

La figure suivante (fig. 6) représente en A et A' le tracé des excitations

produites sur le droit antérieur de la cuisse gauche de notre malade, avec

des intermittences au nombre de 370 par minute (6 1/6 par seconde). A

la première excitation le spasme myotonique apparaît presqu'aussitôt.

Après 7 secondes il commence à diminuer et le retour progressif des se-

cousses isolées est ici très manifeste. Au bout de 17 secondes ces secousses

sont très étendues; mais l'excitation, suspendue alors, n'a pas été suffi-

samment longue pour détendre complètement le muscle, qui se décontracte

lentement et met 9 secondes pour revenir à la ligne de repos. A ce moment

ÉTUDE DE L'EXCITABILITÉ ÉLECTRIQUE DES MUSCLES. 95

commence la seconde excitation ; au début il y a une ébauche très incom-

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9G NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

plète du spasme myotonique, qui disparaît totalement après 3 on 4 secon-

des. A la fin de l'excitation, qui a duré 13 secondes, le muscle est complè-

tement détendu et reprend aussitôt son état de repos. Une minute 1/2 après,

troisième excitation; là encore ébauche très incomplète du spasme myoto-

nique (gonflement du muscle qui continue néanmoins à répondre aux dé-

charges du courant par des secousses isolées); puis au bout de 10 à 13 secondes

le muscle se comporte comme un muscle normal, répondant par une secousse

à chaque mouvement de l'interrupteur, tout en étant en étal de tétanos in-

complet (comparer avec le tracé reproduit au-dessus B, appartenant à un

muscle normal). A la fin de l'excitation, prolongée pendant 40 secondes,

retour complet et immédiat du muscle à l'état de repos.

La figure suivante (fig. 7) représente en A, 1' le tracé d'excitations avec

des intermittences encore plus fréquentes (490 par minute, 8 1/G par se-

conde). On y voit, comme sur les tracés précédents, l'apparition du spasme

myotonique au début de la première excitation, -bientôt après le retour

graduel des secousses musculaires, isochrones aux mouvements de l'inter-

rupteur ; pour les excitations suivantes disparition de plns en plus com-

plète du spasme myotonique, il mesure que les excitations se répètent. Il

est il remarquer sur ces tracés la façon dont se produit la décontraction

lorsque cesse l'excitation. Ici, en effet, les excitations ont été relativement

courtes ; la plus longue, la première, n'a duré que 20 secondes ; lorsque

le courant faradique est suspendu le muscle se décontracté d'abord brus-

quement (h), mais incomplètement; il continue ensuite sa décontraction

lente pour arriver graduellement à l'état de repos (b il 2°). Après la pre-

mière excitation cette décontraction lente se prolonge pendant une 20e de

secondes. Après les autres excitations la décontraction se fait plus rapide-

ment, elle est presque totale après la ae excitation (f). La ligne supé-

rieure, B, représente à titre de comparaison le tracé pris sur un môme

muscle, dans les mêmes conditions, chez un individu normal.

La figure 8 représente les mômes réactions, obtenues dans des conditions

d'expérimentation un peu différentes. Le pôle indifférent reste placé sur le

sternum ; le pôle différent agit sur le point électro-moteur d Il vaste interne ;

un m} ographe de Marey reçoit l'effet prodnit sur le droit antérieur, l'ex-

citation provoquée par le courant s'étendant à ce muscle. On voit ici que

le spasme myotonique est très prononcé et se prolonge longtemps à la [le ex-

citation. A la seconde il n'est qu'ébauché; il disparaît aux excitations sui-

vantes, 30, live, 5e. (La 5e excitation est produite avec un courant plus fai-

ble, l'écarlement des bobines ayant été augmenté de 2 cm.).

Nous reproduisons encore, il tilre de contrôle, des tracés pris sur les flé-

chisseurs de el sur le biceps brachial. On verra par l'examen de

ÉTUDE DE L'L,\CI'CABIL1T1 : ÉLECTRIQUE DES MUSCLES. 97

ces tracés que les réactions, que nous venons d'exposer s'y passent avec les

mêmes caractères.

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La figure 7 représente le tracé pris il l' avant-bras sur les fléchisseurs.

98 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DU LA SALPÊTRIÈRE.

Nous reproduisons ici l'inscription de 14 excitations consécutives pour

bien montrer comment se comportent les muscles dans le cas d'excitations

réitérées. Entre chaque ligne il s'est écoulé un intervalle de repos de 2 à

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ÉTUDE DE L'EXCITABILITÉ ÉLECTRIQUE DES MUSCLES. ! )9

3 minutes. Le spasme myotonique est très marqué et assez prolongé pour

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100 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALP1'l'RIrRE.

la première excitation, il fait il peu près complètement défaut aux excita-

tions suivantes. (Il faut sur ce Iracé tenir compte de ce que le myographe

inscrivait en même temps les hallements du pouls cubital.)

Les tracés de la ligure 10 représentent ceux du biceps brachial gauche.

Là encore le spasme myotonique est très net pour la première excitation ; il

fait presque entièrement défaut pour la seconde et la troisième, répétées ;'1

quelques secondes d'intervalle; il apparaît de nouveau il la quatrième ex-

citation après un repos de 2 3 3 minutes. Oir le retrouve aussi en partie

il la 6e excitation, après un repos de même durée. Les déconlractions sont

traînantes après la première, la seconde el la quatrième excitation, rapides

presque complètes après la troisième. Après la cinquième et la sixième ex-

citation les décontractions sont d'abord très incomplètes puis se continuent

lentement; mais il faut tenir compte de ce que l'excitation ici était relati-

vement forte et nous voyons apparaître une ébauche du phénomène que

nous étudierons plus loin (Voy. section C. Mouvements ondulatoires)..

Les résultats fournis par l'excitation électrique des muscles dans la ma-

ladie de Thomsen. en se plaçant dans les conditions que nous venons d'é-

tudier, rappellent de très près les troubles myotoniques de la contraction

volontaire, dans le cas de répétition successive des mouvements. Nous

voyons, en effet, alors, les mouvements volontaires être plus ou moins en-

través au début par le trouble myotonique, quelquefois même ils sont

complètement empêchés pendant un court espace de temps, puis ils rede-

viennent de plus en plus faciles, à mesure qu'ils se répèlent, jusqu'au

moment où'ils s'effectuent aussi librement que chez un individu normal.

Si quelque temps après on fait recommencer les mêmes mouvements, ils se

font encore librement; c'est seulement après un repos assez long que le

trouhle myotonique réparait. C'est, en somme, la même chose que nous

avons vu se passer dans les exploration-* faradiques précédentes.

Des tracés myographiques, que nous avons recueillis pendant t'exécn-

tion des mouvements volontaire*, font bien ressortir ces analogies. Ainsi

la l''e ligne A de la ligure 9 représente l'inscription de contractions vo-

lontaires des fléchisseurs ,'1 t'avant-bras droit, pendant que le malade exé-

cutait des mouvements de flexion et d'extension des doigts répétés aussi

vile que possible ; le myonralthe appliqué sur les fléchisseurs recueillait

directement la contraction du muscle. On voit qu'au début les contractions

sont très espacées, puis elles se rapprochent de plus en plus il mesure

qu'elles se répètent. Non seulement les contractions deviennent de plus en

plus fréquentes, mais elles deviennent encore de plus en plus étendues;

au début, en effet, le muscle ne se décontracté pas complètement entre

chaque contraction, au contraire il reste en partie contracté et les pre-

mières contractions ont une faible étendue ; l'étal spasmodique du muscle

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Fia. 10. -Bout ... (Maladie de Thomsen) 1" octobre 1888. - Excitations faradiques du biceps huméral gauche. - Bobine à gros fil écartée de 10 centimètres. -Interruptions HO par

minute (7 2/C par seconde). (Réduit de 1/2).

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Fig. 11. - A. et B. Boul... (Maladie de Thomsen) 21 août 1888. - A. Inscription myographique des contractions volontaires des fléchisseurs à l'avant-bras droit. - B. Inscription des

pressions produites par la 11-xion volontaire des doigts. C. Inscription prise dans les mêmes conditions qu'en B chez un individu normal (Réduit de 1/2).

ÉTUDE DE L'EXCITABILITÉ ÉLECTRIQUE DES MUSCLES. 103

se trouve donc indiqué sur le tracé non seulement par l'espace qui sépare

chacune des premières contractions, mais encore par le niveau occupé par

la courbe au-dessus de la ligne de repos du muscle. A mesure que les con-

tractions se répètent, qu'elles deviennent plus libres et plus rapprochées,

elles augmentent aussi d'étendue et le muscle finit par atteindre à chaque

décontraction sa ligne de repos.

Des résultats à peu près semblables sont fournis par le tracé suivant, B.

Celui-ci représente non plus l'inscription directe de la contraction muscu-

laire, mais l'effet de cette contraction, c'est-à-dire les mouvements de flexion

des doigts ; il a été recueilli en faisant tenir par le malade un tambour de

Marey entre l'index et le médius d'une part et le pouce d'autre part. Le

tracé C pris dans les mêmes conditions chez un individu normal fait bien

voir la différence.

L'influence de la répétition des excitations électriques sur la diminution

et la disparition de certains troubles de la réaction myotonique avait déjà

été signalée par MM. Pitres et Dallidet (1), Fischer (2), Buzzard (3). 111. le

-professeur Charcot (4) y a de nouveau insisté dans sa leçon sur le malade

qui a été l'objet de nos recherches, et il a fait ressortir à ce propos t'ana-

logie qui existait entre les troubles myotoniques des mouvements volon-

taires et certaines réactions électriques des muscles, analogie mise en relief

par les tracés que nous avons recueillis dans ce but. Enfin plus récemment

encore, cette influence de la répétition des excitations électriques a été si-

gnalée de nouveau par divers observateurs, en particulier par MM. Blu-

meneau (5), Jolly (6), et Seifert (7).

Nous retrouverons plus loin encore cette influence dans les diverses réac-

tions faradiques ou galvaniques qui nous restent à étudier.

(1) Pitres et Dallidet, Arch. de Neurol. X, 1sus3.

(2) Fischer, Ein Fall von Tlzomsezz'scher Krantlieil. Neurol. Centl'. 1 : ; fév. 1886.

(3) Buzzard, Two Case of Tholl1sen's Disease. Lance 1SS ï, 1, p. 912.

(4) Charcot, Le. du mardi, l. c.

(5) Bluiuerieau, Ueber die eleklrischen Muskelreaclioiien bet der 1'lanzseae'cleezz Kran-

x kheit. Soc. de psychiat. de St-Petersbourg, 1888..\.n. in. Neurol. Centr. l : j déco 1888,

p. 673.

(6) Jolly, Congrès des Neural, et aliénistes de dit sud, Bade, 1 et 8 juin 1890.

Neurol Ceiil2,. 15 juillet 1890.

(1) Seifert, Deutsch. Arch. f, lilin. Med. Bd. XL VII, p. 121. Oct. 1890.

l(j4. NOUVELLE lè 1 C 0 i'I 0 G H A P U 1 DIS LA SALPÊTRIÈRE.

15

EXCITATIONS f : ULlil'IW; DURANT UNE, DEUX OU ' ! R01S SECONDES.

(7)e'co</'f<c<to ? t'<M).

. Nous avons vu précédemment que si l'excitation du muscle par le cou-

rant faradique. avec interruptions peu fréquentes, est très courte, si elle

cesse après une ou quelques secondes, au lieu d'être prolongée pendant

30, 40 ou 50 secondes, la contraction tonique du muscle se maintient après

la cessation de l'excitation el ne disparaît que graduellement ; la décontrac-

lion se fait lentement et le muscle met souvent plus d'une demi-minute

pour revenir l'état de repos physiologique. C'est ce phénomène que nous

allons étudier maintenant. '

On peul le reconnaître déjà facilement par l'exploration directe, sans

appareil enregistreur. On constate, en effet, dans ces conditions, qu'au mo-

ment où cesse l'excitation le muscle est gonllé, dur, et dessine fortement

.ses reliefs au-dessous de la peau ; puis on voit ses reliefs disparaître pro-

gressivement, en même temps le muscle s'affaisse et reprend peu à peu sa

consistance habituelle. Les tracés Ill} ogral'hiques que nous avons pris dans

le but de constater ce phénomène de la décontraction lente permettent de

s'en rendre facilement compte et l'ont reconnaître en outre certains détails

qui échappent à l'exploration directe.

- Le premier tracé, fig. 12, a été pris avec un courant interrompu

8 fois 1/2 par seconde. La première excitation (A, 4°) dure une seconde 3/li;

au moment où elle cesse le muscle se décontracté d'abord assez rapidement

(f à u) pendant les 4 premières secondes ; à ce moment la décontraction

devient beaucoup plus lente et le muscle met 30 secondes à revenir à sa li-

gne de repos ( à 2°). Ici la décontraction totale dure donc 34 secondes.

- Lorsque le muscle a atteint sa ligne de repos nous 'provoquons une

deuxième excitation de près de deux secondes ; aussitôt après le même phé-

nomène de. la décontraction lente se reproduit et ce n'est qu'au bout de

35 secondes que le muscle revient complètement au repos en a". = Deux

minutes après nouvelle excitation (B, 1°) de 1 1/2 seconde. Lorsque cesse

l'excitation le muscle se décontracté. assez rapidement en 1 1/2 seconde

jusqu'en p, puis sa décontraction se fait très lentement jusqu'à ce qu'il ar-

rive à sa ligne de repos ((3 à 2°). La déconlraction totale a mis pour se faire

24 secondes et 1/2. A ce moment nouvelle excitation (B, 2°) prolongée

cette fois pendant 10 secondes. Dans cet intervalle apparaît le spasme myo-

tonique, tel que nous l'avons étudié précédemment, mais, l'excitation ve-

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Fin. 12. -Boul... (Maladie de Thomsen), 25 sept. 1888. Réactions faradiques du muscle droit antérieur de la cuisse gauche. Excitations courtes ; décontractions lentes. Interruptions

8 1/2 par seconde. Bobine à gros fil, écartée de 7 centimètres. T. Temps divisé en secondes. R. Ligne de repos du muscle. (Réduit de 1/2.)

(La suite des décontractions lentes, qui succèdent aux secondes excitations, se trouve inscrite à gauche de la figure en a', b', c'. De plus il été supprime,' droite de la figure, un espace

tracé correspondant à une durée de 5 secondes ; dans cette partie les décontractions a, b, c, décroissaient graduellement et régulièrement.)

106 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

nant à cesser avant que le spasme myotonique ait disparu, le muscle, au

moment où on interrompt le courant, se décontracté d'abord brusquement

(f à 6) mais dans une faible proportion, puis sa décontraction continue

lentement el met 24 secondes à se faire complètement. La troisième li-

gne, C, prise deux minutes après la précédente, montre encore le même

phénomène. La première excitation (C, 1°) dure 4 1/2 secondes. Lors-

qu'elle cesse le muscle se décontracté assez rapidement jusqu'en»/, (moins

brusquement toutefois que dans l'excitation précédente qui a duré plus

longtemps, 10 secondes), mais à partir de ce moment il se décontracte lell-

tement et il met 35 secondes à regagner sa ligne de repos. Il en est de

môme après l'excitation suivante (C, 2°) qui ne dure que 3 secondes, et à

la suite de laquelle le muscle met près de 28 secondes pour se décontracter.

Sur le tracé suivant, fig. 13, nous avons recueilli sur la même feuille

2;) excitations différentes du droit antérieur de la cuisse gauche. Entre

chaque ligne il s'est écoulé un temps de repos de 2 à 3 minutes; sur

chacune d'elles les premières excitations ont été faites il intervalles

d'une minute et quelques secondes, c'est-à-dire après que le cylindre avait

fait un peu plus d'un tour complel ; les dernières excitations ont été faites,

au contraire, pendant le même tour du cylindre, c'est-à-dire à quelques

secondes d'intervalle seulement. (Les chiffres romains correspondant à

chacune de ces excitations indiquent pendant quel tour du cylindre elles

ont été faites.) De plus, dans celte expérience, nous avons recueilli le

tracé d'excitations de plus en plus fortes, depuis les excitations minimales,

jusqu'à des excitations de force modérée (sur tous nos tracés l'ordre de

succession des inscriptions doit être lu de bas en haut, comme l'indique

d'ailleurs, la succession des lettres capitales qui désignent chaque ligne).

Le courant induit était celui de la bobine à gros fil. Sur une première ligne,

que nous n'avons pas reproduite ici, la bobine était éloignée de l'induc-

teur de 10 centimètres el il n'y avait aucune excitation du muscle; pour

les lignes suivantes la distance de la bobine était, comme il est indiqué sur

la figure de 9 centimètres, 8 cm. 1/2, 8 centimètres et 7 centimètres.

On peut voir que déjà avec les plus faibles excitations il se produit une

décontraclion lente qui persiste longtemps. Pour toutes les excitations fai-

tes à une minute d'intervalle cetle décontraction lente est très marquée et

dure suivant les conditions de 45 à 20 secondes; en outre, on voit,

comme sur le tracé précédent, que la décontraction se produit d'abord as-

sez vite dans une première partie, très lentement ensuite et graduelle-

ment dans une deuxième.

Pour les dernières excitations de chaque ligne, répétées à quelques

secondes d'intervalle, et plus longues aussi pour la plupart que les premiè-

res excitations, on voit la décontraction lente durer beaucoup moins long-

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Fin. 13. -Boul... (Maladie de Thomsen), 2G sept. 1888. Excitations faradiques de courte durée portant sur le muscle droit antérieur de la cuisse gauche ; décontractions lentes. Inter-

ruptions 8 1/2 par seconde. Bobine à gros fil écartée de 9 7 7 centimètres. (Réduit de 1/ ? .) .

108 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

temps, souvent même le muscle revient brusquement et presque complè-

tement à son état de repos, au moment où cesse l'excitation. Ceci montre

bien l'influence des excitations répétées ou prolongées sur la disparition du

spasme 11l) otoni(lue. Nous verrons celle dernière influence des plus nettes

sur la dernière ligne du tracé suivant (C. fig. 14). Ce tracé, fig. 14, a été

pris immédiatement après le précédent, Ù la suite d'un repos de quelques

minutes; mais ici la bobine induite au lien d'être la bobine Ù fil gros était

la bobine à lil moven. On voil que l'excitation produite par le fil moyen

esl plus considérable et, que le muscle se contracte déjà énergiquement

avec un plus grand éloignement du chariot (10 CI11. pour la ligne A, et ! ) cm. pour les lignes B el C). Celte excitabilité plus grande pour la bobine

il fil mo3en est la seule différence que nous avions constatée dans son ac-

tion, sur ce tracé comme sur beaucoup d'antres (1). -

Les deux premières lignes de celle figure ont été inscrites dans les mêmes

conditions que pour la figure précédente et mollirent les mêmes phénomè-

nes de la décontraction lente. Aussi nous n'y insisterons pas ; il suffit de

regarder la ligure pour constater ici ce que nous avons déjà dil à propos des

tracés précédents. Nous ferons seulement remarquer la longue durée de

celle décontraction pour les premières excitations de chaque ligne, enpar-

liculier pour celle de la ligne H, où celte durée atteint 4S secondes (f à 11).

Les deux dernières excitations de celle ligne, répétées aussitôt l'une

après l'autre, montrent aussi la disparition de celle décontraclion lente et

(1) Nous avons constaté, a maintes reprises, chez ce malade, celle plus grande excita-

tion des muscles par la bobine a lil moyen, non seulement sur les tracés, mais aussi par

l'exploration directe. Le résultat suivant des explorations faites, le 22 août 1888, sur le

muscle droit antérieur de la cuisse droite avec les trois bobines de l'appareil faradique,

dont nous disposions, en fournit un exemple :

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FiG. ho Boul... (Maladie de Thomsen), 26 sept. 1888. Excitations faradiques de courte durée portant sur le muscle droit antérieur de la cuisse gauche ; décontractions lentes. Interrup-

tions 8 1/2 par seconde. Bobine à fil moyen écartée de 10 à 9 centimètres. (Réduit de 1/2.)

110 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

le retour complet el instantané du muscle à l'étal de repos, après la der-

nière. excitation. La troisième ligne. C, a élé prise dans des conditions

semblables à celles que nous avons étudiées dans la section précédente (ex-

citations prolongées pendant i/2 à 3/ do minute et répétées ensuite

à quelques secondes d'intervalle). Nous la reproduisons ici parce qu'elle

fait voir que les excitations courtes, suiv ies des décontractions lentes, n'é-

puisent que lentement le trouble myotonique du muscle; ainsi la ligne C

inscrite après un repos de deux minutes seulement, il la suite des excita-

lions de la ligne B, nous montre à un point 1res développé la production

du spasme mvolonicjue. y c. sa disparition graduelle, c à c', le retour

complet et brusque 111 mu.cle : i l'ulat Ile repos la fin de la première ex-

citation et il la fin de^ excitations produites pendant la nlinule snivanle, II.

Pour ces dernières excitations le spasme myotonique a disparu, comme

c'est ta règle en pareil cas (voir plus Imlll, section A).

A la cuisse droite les troubles myotoniques étaient beaucoup plus ac-

centués, chez notre malade, qu'a la cuisse gauche. Pendant toute la durée

de nos recherches nous avons pu facilement constater celle différence, aussi

bien pour le courant faradique dans ses divers modes d'application, que

pour le courant galvanique. Le trace suivant, fig. 14, pris sur le droit

antérieur de la cuisse du côté droit, le même jour el dans les mêmes

conditions que les deux traces précèdent du muscle homologue gauche le

montre très nettement. Comme pour la ligure 1 1 nous avons enregistré un

assez grand nombre d'excitations successives du muscle, depuis les excita-

lions minimales jusqu'aux excitations de force modérée. Ces excitations

sont faites il intervalles d'une minute, excepté plusieurs des dernières ex-

citations de chaque ligne laites peudantie môme 10111' (111 cylinttl'e Ù inter-

valle de quelques secondes seulement. Comme les tracés de la figure 1-1

ceux-ci nous montrent la longue durée de la décontraction, se prolongeant

suivant les conditions de 20 il AH secondes; ils nous montrent aussi que

la décontraction diminue de durée et môme devient instantanée après des

excitations répétées Ù courts intervalles (dernières excitations des lignes B

et C), ou après des excitations prolongées pendant un temps plus long (der-

uiére excitation cle la ligne E). Nous n'insisterons pas sur ces phénomènes

analogues il ceux que nous avons déjà étudiés sur les tracés de la figure 13.

Mais ce qui se voit mieux sur les Iracés de la fignre Hi, par su i te dll trouble

myotonique plus accentué du muscle du côté droit, c'est d'une part la fa-

çon dont se produit la contraction du muscle pendant ces excitations, et

d'autre part ce qui se passe immédiatement après la fin de la courte excita-

tion. Nous constatons en effet, ici, qu'au moment où commence l'excitation

le muscle se contracte brusquement, comme l'indique le style inscripteur

qui s'élève presque perpendiculairement à la ligne de repos du muscle,

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i uptions 9 par seconde. Bobine à gros fil, écartée de 9 il 6 centimètres. (Réduit de 1/2.)

112 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

mais, presque aussitôt après, le style s'abaisse de nouveau sans toutefois

atteindre ici la ligne de repos du muscle, puis il remonte graduellement

et dépasse souvent le niveau de la première contraction. On peut, croyons-

nous, se rendre facilement compte des causes qui produisent cet abaisse-

ment puis ce relèvement de la courbe. L'abaissement est dû à ce qu'au

début de l'excitation il se produit sous l'électrode excitatrice un sillon ou

une dépression qu'il est facile de constater de rion pal' l'exploration directe ;

(ces sillons sont très nets sur certains muscles, en particulier sur la vaste

interne de la cuisse, el produisent dans les tracés recueillis sur ce muscle

un abaissement de la courbe qui descend souvent au-dessous de la ligne

de repos du muscle. Ces sillons el par suite les affaissements de la courbe

dans les tracés sont, d'une façon générale, plus marqués pour les premiè-

res excitations). Mais bientôt le sillon disparaît, la contraction du muscle

s'étend régulièrement à sa totalité, toute sa masse se gonfle et sur les tracés

on voit la courbe se relever graduellement. Ceci montre que la contraction

peut être lente aussi dans une certaine mesure et qu'il faut un temps très

appréciable pour que le gonflement musculaire atteigne son maximum.

Quoique les abaissements et le relèvement consécutif de la courbe muscu-

laire soient moins accusés sur les figures 13 et 14 que sur la figure 15 on les

y retrouve cependant, et ils nous montrent que là encore les choses se pas-

sent comme nous venons de le constater.

Que se passe-t-il, maintenant, immédiatement au moment où cesse l'ex-

citation ? Si l'on considère les mômes tracés de la ligure 13 on reconnaîtra

facilement que sur un grand nombre de ces courbes, au moment où cesse

l'excitation, moment indiqué sur la ligure par la lettre f, la courbe, au

lieu de descendre aussitôt, s'élève pendant un court espace de temps, une

fraction de seconde ou une seconde au plus, puis s'abaisse ensuite comme

nous l'avons indiqué pour la décontraction lente. On voit donc qu'alors le

muscle ne commence pas sa décontraction aussitôt que cesse l'excitation,

mais qu'auparavant il se contracte davantage, se trouve plus gonflé qu'il

ne l'était pendant l'excitation, puis aussitôt après il se décontracte lente-

ment et de la façon que nous avons déjà indiquée. Ces contractions du

muscle la fin de l'excitation ne se produisent ici que lorsque les excita-

tions ont été courtes, d'une durée do 3 ou 4 secondes au plus ; lorsqu'elles

ont été prolongées davantage la décontraction commence aussitôt et n'est

pas précédée de cette contraction secondaire.

Cette contraction ou ce gonflement secondaire du muscle sont encore des

plus nets sur les deux premières lignes, A et B de la figure 1(i qui repré-

sentent d'ailleurs comme la ligure 15 l'inscription du muscle droit anté-

rieur de la cuisse droite. En e reportant aux inscriptions analogues pour

le même muscle du côté gauche (fig. 13 et 14), on reconnaîtra que cette

ÉTUDE DE L'EXCITABILITÉ ÉLECTRIQUE DES MUSCLES. 113

contraction secondaire s'y montre également à la suite de quelques excita-

tions.

Sur les tracés que nous avons reproduits jusqu'ici, à propos de cette

étude des décontractions lentes, la fréquence des interruptions du courant

était assez grande (8 à 9 interruptions par seconde). Avec des interruptions

plus rares on constate le même phénomène, comme le montre la figure 16.

Pour la ligne C le nombre des interruptions était seulement de G par se-

conde, et les tracés nous montrent des résultats absolument semblables à

ceux que nous avons étudiés précédemment. De même la ligne D, pour

laquelle les interruptions sont encore plus rares (4 z par seconde), nous

permet de constater encore d'une manière très appréciable la décontraction

lente. Celle-ci est encore plus accusée sur plusieurs autres de nos tracés,

avec interruptions aussi peu fréquentes, mais nous croyons inutile de les

reproduire ici. Les trois lignes, D, E, F, de la figure 16 ont surtout pour

but de montrer, outre le phénomène de la déconlraction lente, l'influence

des excitations répétées à courts intervalles sur ce phénomène, c'est-à-dire

sa disparition dans ces conditions. On voit, en effet, qu'à mesure que les

excitations se répètent, la décontraction lente diminue de durée et que le

muscle revient de plus en plus rapidement à sa ligne de repos, dès que

cesse l'excitation. On peut constater ici que le même effet se produit avec

des interruptions peu fréquentes (4 1/2 par seconde, ligne D), assez peu

fréquentes (8 par seconde, ligne E) et très fréquentes z25 par seconde,

ligne F).

En résumé on voit que, dans la maladie de Thomsen, lorsque les exci-

tations d'un muscle au moyen des courants interrompus sont courtes, de

.une à quelques secondes seulement, le muscle au moment où cesse l'exci-

tation ne se décontracte pas aussitôt et complètement, comme cela se pro-

duitpour un muscle normal ; bien au contraire, sa décontraction ne se fait

que très lentement. Nos tracés montrent que, dans les premières secondes

qui suivent l'excitation, la décontraction est d'abord assez rapide, mais

qu'ensuite elle se fait très lentement, régulièrement et progressivement

jusqu'à ce que le muscle ait atteint son état de repos. La décontraction se

fait ainsi en deux temps, régulièrement et graduellement. Nous n'insistons

pas ici sur les particularités que nous avons constatées dans certains cas

(notamment sur les tracés de la figure 15 et sur les deux premières lignes de

la figure 16, etc.), au moment où cesse l'excitation, que nous avons dési-

gnées du nom de contraction ou gonflement secondaire du muscle, nous

pensons que c'est là une ébauche du phénomène que nous étudierons dans

la section suivante (section C. Mouvements ondulatoires).

Les excitations courtes n'épuisent que très lentement le désordre myo-

tonique du muscle. Lorsqu'on répète ces excitations, à intervalles d'une

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1'tc. 16. - Boul... (Maladie de Thomsen). Excitations faradiques du droit antérieur de la cuisse droite. Bobine à gros fil, écartée de 7 cm. 1/2 et 7 centimètres. Interruptions 9 par

seconde pour A et B ; 6 pour C ; - r 1/2 pour D ; 8 pour E ; 25 pour F.

Les 3 parties de ce tracé ont été prises à un jour d'intervalle les 26, 2' ! et 25 sept. 1888.

ÉTUDE DE L'EXCITABILITÉ ÉLECTRIQUE DES MUSCLES. 115

minute, on voit la décontraction lente se reproduire pendant très longtemps; i

c'est seulement si l'on répète coup sur coup, à quelques secondes d'inter-

valle, ces excitations courtes que l'on voit la décontraction consécutive di-

minuer de durée jusqu'an point de devenir instantanée et complète. Mais,

même dans ces conditions, le désordre myotonique reparaît bientôt, et si

on renouvelle les excitations courtes après un repos de 2 ou 3 minutes,

on constate de nouveau sa présence et on voit la décontraction lente se re-

produire. Il est facile de le constater sur les tracés des figures 13, 14, 15,

dans lesquels chaque ligne d'inscription a été prise après un repos de 2

ou 3 minutes seulement à la suite de la précédente. Au contraire, nous

avons déjà vu plus haut que les excitations prolongées pendant 1/2 ou 3/4

de minute, épuisaient beaucoup plus complètement le désordre myotoni-

que et qu'un repos prolongé pendant plusieurs minutes était souvent né-

cessaire pour voir celui-ci réapparaître.

Il nous semble qu'on peul comparer, dans une certaine mesure, ces dé-

contraclions lentes qui succèdent aux excitations faradiques courtes avec

certains troubles myotoniques des mouvements volontaires, ceux produits

notamment par un influx moteur volontaire, unique, brusque et énergique.

Lorsqu'un malade atteint de maladie de Thomsen, par exemple, veut don-

ner un coup de poing, tous les muscles qui produisent l'extension du bras,

de t'avant-bras, etc. se contractent brusquement et énergiquement et pro-

voquent le mouvement voulu, niais ils sont immobilisés alors dans celte

position pendant un temps plus ou moins long, variable suivant les condi-

tions, mais toujours très appréciable, et il faut que le malade attende que

la décontraction des muscles mis en jeu se soit produite pour pouvoir ra-

mener son bras dans une position autre que celle provoquée par l'exécution

du mouvement. C'est là, pensons-nous, deux sortes de troubles qui se res-

semhlent et présentent l'nn avec l'autre une certaine analogie.

C

Excitations des muscles fatigués par des excitations précédentes réité-

rées, on par des excitations avec des courants forts. Mouvements 0,NDU-

latoires.

Il nous reste à étudier un troisième groupe de modifications dans l'exci-

tabilité des muscles par les courants faradiques-. Ces troubles avaient été-

signalés déjà par Bernhardt (1) et par Pétrone (2) ; Erb a rappelé de nou-

(1) Bernhardt, Virclt. Arch. 13c1. ,iL

2) Pétrone, Riu. spertuienfale di frenatrirt, 1881....

116 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

veau sur eux l'attention : « Sur certains muscles, dit-il, avec des courants

faradiques forts, les électrodes maintenues en place, on peut constater dans

l'observation III le phénomène snivant : des contractions musculaires for

tement houleuses et ondulantes, pendant lesquelles toute la masse du mus-

cle est agitée d'un mouvement irrégulier et incessant ressemblant à celui

des vagues. Toutefois on ne peut reconnaître une direction déterminée

dans ce mouvement ondulatoire ». (ure, l. c., p. G8.)

Dans nos recherches nous avons conslalé maintes fois ce phénomène et

il a été recueilli graphiquement sur un grand nombre de nos tracés. Les

conditions qui nous paraissenl le provoquer sont : la fatigue du muscle,

les excitations avec de forts courants, et peut-être aussi le froid.

Lorsqu'un muscle, en elfel, a élé exploré longtemps dans la même séance,

des courants d'une force moyenne font apparaître des mouvements ondu-

latoires, tandis qu'ils n'en provoquaient pas au début de la séance. L'in-

fluence de la fatigue provoquée par des excitations électriques répétées ou

prolongées est ainsi des plus manifeste. Nous ne savons si la fatigue phy-

siologique c'est-à-dire la fatigue provoquée par les mouvements volontaires

a la même influence sur l'apparition des mouvements ondulatoires, n'avant

pas eu l'occasion de diriger nos recherches dans ce sens. Lorsqu'on aug-

mente la force du courant excitateur et qu'au lieu de courants modérés on

emploie des courants forts, on voit apparaître aussi les mouvements ondu-

latoires ; le même effet se produit facilemenl, encore, lorsqu'on augmente

le nombre des interruptions du courant. La cause réelle, dans ces deux

derniers cas, nous paraît être la même que précédemment, des courants

forts, ou des courants fréquemment interrompus épuisant et fatiguant plus

rapidement le muscle. Les mouvements ondulatoires une fois produits re-

paraissent avec la plus grande facilité, même avec des courants modérés,

soit dans la journée, soit les journées suivantes. La saison froide nous a

paru, aussi, causer l'apparition plus facile des mouvements ondulatoires ;

en effet, à mesure que nous approchions de l'hiver, ces mouvements se

produisaient plus facilement, alors môme que nous avions eu le soin de

laisser reposer les muscles et d'interrompre toute excitation électrique non

seulement pendant plusieurs jours, mais encore pendant une ou plusieurs

semaines. Il nous a paru que cette plus grande facilité dans la produc-

tion des mouvements ondulatoires était bien due au froid, peut-être aussi

à une augmentation dans le degré de la maladie, quoique les troubles myo-

toniques des mouvements volontaires, loin de s'accroître, eussent plutôt

diminué.

Les tracés que nous reproduisons ici montrent que ces mouvements on-

dulatoires se produisent non seulement pendant le temps où le muscle su-

bit l'excitation électrique, comme on parait l'avoir surtout remarqué jus-

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FiG. 17. Bout... (Maladie deThomsen), 28 sept. 1888. - Excitations faradiques du muscle droit antérieur de la cuisse ganeLe ; apparition des mouvements ondulatoires. - Interruptions

6 1/2 par seconde. Bobine Agrès fil, écartee de 9 et de 8 centimètres. (Réduit de 1/2.)

118 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

qu'ici, mais encore qu'ils succèdent il l'excitation et se prolongent après

elle, pendant un temps variable, dépassant parfois une minute. Dans cer-

tains cas, même, par exemple lorsque les excitations ont été courtes ou

peu prolongées, les mouvements ondulatoires n'apparaissent qu'après l'ex-

citation. L'étude des tracés nous fera d'ailleurs mieux connaître les détails

de ce phénomène.

Le premier tracé, figure -1(i, met bien en évidence certaines des condi-

tions dans lesquelles se produisent les mouvements ondulatoires. Pour les

deux premières lignes A et B, qui représentent le début de l'expérience,

le muscle n'ayant pas été exploré depuis 24 heures, les choses se passent

comme nous l'avons indiqué dans une partie précédente de cette étude.

La première excitation cle la ligne A est prolongée pendant six secondes,

elle montre, comme nous l'avons constaté déjà dans de semblables condi-

tions, l'apparition du spasme myotonique au début de l'excitation, puis

sa disparition graduelle.

(A suivre) E. Huet,

Ancien interne

de la Clinique des maladies du système nerveux.

Nouvelle iconographie de. la Salpètrière £ T. V. PL, XV.

Phototype A. LONDE. PHOTOCOLLOGRAPHIE Chêne ET LONGUET.

GRAVURE D'UN TABLEAU ÉGARÉ DE RUBENS

(musée DU LOUVRE)

VVE BABE & C' £

ÉDITEURS

NOUVELLE ICONOGRAPHIE de la Salpltrière T. v. PL. XVI.

Phototype A. LONDE. PHOTOCOLLOGqAPHIE Chêne LONGUET

COPIE D'UN TABLEAU ÉGARÉ DE RUBENS

(COLLECTION TOUDOUZE)

VVE BASÉ & C'E

ÉDITEURS

SUR UN TABLEAU PERDU DE RUBENS

HEl'ItESE\'1W\T LA GUlil1lS0N DE « POSSÉDÉS »

« Nous avons trouvé à la Bibliothèque nationale, disent MM. Charcot et

Paul Bicher, dans leur beau livre sur les Démoniaques dans l'art (1), une

gravure d'après un tableau de Rubens représentant Suint François de Paule

montant au ciel. De nombreux personnages de tous rangs assistent à celle

ascension. Au premier plan, des miracles s'accomplissent. On déliv re de son

suaire un mort qui ressuscite ; plus en avant, deux démoniaques, un homme

et une femme sont en proie aux convulsions. Ces deux figures offrent de

nombreux points de ressemblance avec les démoniaques du Musée de

Vienne, mais autant que permet d'en juger la gravure, ils ne les égalent

pas notre point de vue particulier ».

Et MM. Charcot et Paul Richer ajoutent en note : « Dans le coin à droite

se trouve la mention suivante : Pet. Paul Rubens pillxit. Grill. Collaert

excudit. D'autre part nous avons rencontré dans le catalogue des oeuvres

de Rubens qui fait suite à la Vie de Rubens par André van Hasselt; Bruxel-

les, 1840, sous le numéro 495, l'indication d'un tableau représentant

Saint François montant au ciel avec la mention : gravé par Lommelin.

Quoi qu'il en soit, nous n'avons trouvé aucune autre indication sur le ta-

bleau de Rubens lequel peut-être n'existe plus ».

Nous connaissions celte gravure du Loutre (pl. XV), que nous avait

communiquée notre ami Paul Richer, et nous fûmes frappé de sa ressem-

blance avec un tableau appartenant à M. Toudouze, le peintre bien connu

qui nous autorisa le reproduire (pl. XVI).

Ainsi qu'on en pourra juger, les deux compositions sont bien du même

auteur, de Rubens, ainsi que l'indique la gravure du Musée du Louvre.

Elles ne sont pas de même sens, mais nous savons qu'à cette époque les

graveurs ne retournaient pas leur dessin.

Mais si la composition reste la même dans son ensemble, quelles diffé-

rences dans les détails : il suflit de comparer les groupes de personnages

les uns avec les autres pour remarquer que plusieurs sont absents, sura-

joutés, ou font défaut dans l'une ou l'autre composition. Il est très certain

(t) In-8. Delahaye et Lecrosnier, Paris, 1887, p. fil.

120 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

que, même en admettant toutes les licences que prenaient parfois les artis-

tes, la gravure du Louvre n'a pu être exécutée sur le tableau qui appartient

à M. Toudouze ou mieux sur l'original de ce tableau.

Celui-ci en effet n'est qu'une copie, assez malhabile d'ailleurs, duc il un

peintre fort peu expérimenté dans son art. Le tableau est il la fois trop

« poussé » et trop maladroitement exécuté pour qu'on puisse le considérer

comme une élude émanant directement du maître et qui eût été l'ébauche,

le prenlier jet., de la gravure du Louvre dont l'original est d'une facture sin-

gulièrement plus élevée.

Les rapprochements que nous avons faits du tableau appartenant à

M. Toudouze avec la gravure du Loutre ne nous donnent aucun indice

pour retrouver le tableau primitif aujourd'hui égaré. Ils nous permettraient

plutôt de croire qu'il doit y en avoir deux d'égarés au lieu d'un. Nous trou-

verions une confirmation de celle hypothèse dans ce fait que la gravure du

Musée du Louvre fut exécutée par Collaert, alors que l'indication donnée

par Van Ilasselt porte : « gravé par Lolltlllelin ».

Rubens a probablement fait deux Saint François de Paule montant au

ciel comme il a fait deux Saint If}lIace délivrant une possédée, l'un qui est

au Musée de Vienne, l'autre à Gênes, sans compter un très beau dessin ap-

partenant encore au Loutre et qui fut retouché par Rubens lui-même pour

la gravure.

Nous ajouterons en oulre que dans l'angle de droite du tableau du Musée

de Vienne, on retrouve, mais cette fois très hien traité, le chien que l'on

remarque dans l'angle de droite du tableau appartenant à M. Toudouze.

C'est le même chien, de même race, avec la même altitude, le même col-

lier, la gueule demi-ouverte, que Rubens s'est complu à reproduire dans

deux tableaux qui, s'ils diffèrent entièrement par la composition traduisent

la même idée : la guérison miraculeuse des Possédés.

Gilles DE la Tourette.

Le gérant : Louis Battaille.

Imp. Vve LOUIIDOT, 33, rue des Bali¡;n01lcs, Paris.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

DE LA SALPÊTRIÈRE

HOSPICE DE LA SALPÈTRIÈRE - \I. LE PROFESSEUR C

ARTHROPATHIES COXO-FÉMORALES

Au début du l'abcs ataxique.

( Leçon recueillie par A. Dutil, chef de clinique ).

Messieurs,

Je veux aujourd'hui appeler votre attention sur un cas qui nous a beau-

coup préoccupé, ces jours-ci . L'étude clinique que nous allons en faire avec

vous, vous intéressera et vous instruira certainement, comme elle nous a

instruit nous-même.

Il s'agit d'un épisode assez rarement observé, du moins dans les condi-

tions où il s'est produit, de l'ataxie locomotrice progressive. Ainsi que vous

pourrez en juger par la suite, il fallait étant données les circonstances très

spéciales dans lesquelles le syndrome présenté par noire malade s'est réa-

lisé, il fallait, dis-je, pour arriver à établir le diagnostic un examen très

attentif en môme temps que la connaissance des aspects si multiples et par-

fois si inattendus que peut revêtir le tabes ataxique à son début. Avant

d'entrer dans l'exposé des cas il me paraît nécessaire, pour le bien mettre

en valeur et vous en faire apprécier lotis les détails, de vous présenter, en

manière de préambule, quelques observations sur certains points de l'his-

toire clinique et nosographique du tabes considéré en général.

J'ai fait placer sous os yeux un tableau où se trouvent inscrits et grou-

pés plus ou moins artificiellement les symptômes qui constituent ce que

j'appelle « la série tabétique » ; ils sont au nombre de 18. 20. On les a

répartis, comme vous le voyez, d'une façon toute conventionnelle en :

1° symptômes spinaux ; 2° symptômes lntlúaires et céphaliques ; 3° symptô-

mes viscéraux, et 4° troubles trophiques. Leurs combinaisons variées repré-

sentent, schématiquement, pour ainsi dire, toute la clinique du tabes.

v 9

122 NOUVELLE iconographie de la Salpêtrière.

Vous n'ignorez pas que parmi ces symptômes les uns sont très fréquents,

véritablement vulgaires, comme les douleurs fulgurantes, l'absence des ré-

flexes rotuliens, le signe d'Argyll Robertson, tandis que d'autres, les crises

gastriques, par exemple, les crises laryngées, les fractures, les arlllropa-

thies sont relativement rares. Vous n'ignorez pas non plus que dans le type

classique créé par l'immortelle description de Duchenne (de Boulogne),

type qui répond certainement à la majorité des cas de tabès, les symptômes

classiques se groupent d'une certaine façon, et apparaissent dans un certain

ordre de manière à ce qu'onpuisse distinguer, dans l'évolution plus ou moins

fatalement progressive du mal, des périodes successives.

La première période a été appelée par Duchenne période prodromique.

Elle précède en effet l'incoordination motrice ; mais remarquez-le bien,

elle peut durer quatre, cinq, dix ans et plus, de telle sorte que si vous

attendiez pour faire le diagnostic la venue de l'incoordination motrice,

vous pourriez être fort en retard. Déjà, cela va sans dire, la maladie est

constituée anatomiquement; la lésion spinale existe. Le mot prodromique

caractérise donc bien mal cette première période ; c'est pourquoi j'ai pro-

posé, y a vingt ans, de la désigner du nom de période des douleurs fnlgu-

mntes; car ce sont, dans la règle, ces douleurs si spéciales qui, associées

habituellement à quelques autres phénomènes tels que l'abolition des ré-

flexes rotuliens, les désordres vésicaux, les paralysies oculaires, le myosis

et le signe d'A. Robertson, occupent tout d'abord la scène, et permettent

quand ils parlent d'une façon suffisamment claire, en dehors de toute in-

coordination des mouvements, d'affirmer le diagnostic.

Aujourd'hui, depuis les remarquables travaux de M. le professeur Four-

nier, travaux qui ont complété et étendu, à l'aide d'observations nouvelles

et plus nombreuses que celles que nous avions pu présenter à l'époque,

ce champ d'étude où nous avons posé les premiers jalons, la période des

douleurs fulgurantes, comme nous l'appellions, s'appelle communément

la période préataxiqite, dénomination mieux appropriée que la nôtre et

que nous adoptons sans réserves.

Comme je le disais tout à l'heure, dans l'jmmense majorité des cas, ce

sont : -1° les douleurs fulgurantes à retours périodiques ; 2° le signe d'A.

Robertson et la paralysie de certains muscles de l'oeil amenant la diplopie;

3° l'absence des réflexes rotuliens ; 4° la parésie vésicale, qui constituent

le tableau clinique de la période préataxique. Mais, Messieurs, il n'en est

pas toujours ainsi, loin de là, il y a le chapitre des exceptions et dans l'es-

pèce ce chapitre est très chargé. Alors les difficultés cliniques commencent.

Or, retenez bien ceci, il n'est aucun des dix-huit ou vingt symptômes ou

syndromes de la série tabétique qui ne puisse à lui seul ouvrir la scène.

Heureusement, et c'est là ce qui rend notre tâche relativement facile en

ARTHIIOIIATUTES COXO-FÉMOHALES. 123

ces circonstances délicates, c'est que tous ces syndromes de la série tabé-

lique ont quelque chose de spécial, de spécifique dans leurs allures qui les

fait reconnaître à peu près à coup sûr même dans leur état d'isolement.

Je vais du reste vous citer des exemples : un sujet se présente à vous se

plaignant d'un affaiblissement progressif de la vue : à l'examen ophtalmos-

copique vous constatez une atrophie grise de la papille (papille nacrée).

Vous n'hésiterez pas à diagnostiqueur le tabès même en l'absence de tout

autre symptôme ; car, vous ne l'ignorez pas, la papille tabétique est tout à

fait caractéristique et c'est parfois le seul symptôme qui existe précédant

de plusieurs années les autres manifestations du tabes.

Voici un autre exemple : un homme jusque là bien portant se réveille

au milieu de la nuit sous le coup d'une suffocation accablante; il étouffe,

il fait entendre une sorte de sifflement laryngé ; au bout de quelques heures

tout rentre dans l'ordre. Mais la crise se reproduit pareillement les nuits

suivantes, laissant à sa suite une sorte de ronflement permanent. Il s'agit

en somme d'une crise laryngée tabétique inaugurant le tabes et devançant

à plus ou moins longue échéance l'apparition des autres signes de la ma-

ladie.

Ce que je viens de vous dire des crises laryngées je pourrais le répétera à

propos des crises gastriques que j'ai décrites autrefois, des crises vésicales

ou rectales. Il en est de même des autres syndromes de notre série et no-

tamment de ceux de la catégorie des troubles trophiques, des fractures, des

arthropathies, de la chute des dents, des ongles, etc. Tous ces syndromes

se reconnaîtront, je le répète, à l'aide des caractères qui leur sont propres.

Néanmoins on comprend l'embarras dans lequel peut se trouver le méde-

cin en présence d'un symptôme absolument isolé, marchant à l'avant-garde

du cortège, et, je l'avoue, si ces caractères spéciaux sur lesquels j'insistais

n'étaient pas suffisamment significatifs par leurs allures généralement ori-

ginales, on ferait bien d'attendre avant de se prononcer que quelque autre

phénomène de la même période vienne lever les doutes.

Nous voici maintenant convenablement préparés à interpréter et à appré-

cier toutes les particularités du cas qui va vous être présenté.

Il s'agit d'un homme âgé de 28 ans qui a débuté dans le tabes par de

graves lésions articulaires. Son histoire est assez simple. Bien que la sy-

philis soit très souvent l'origine de la maladie, du moins, si l'on s'en

rapporte aux statistiques, je vous conseille de songer cependant à l'in-

fluence de l'hérédité. Ici nous trouvons un père alcoolique : or, je vous l'ai

"' dit maintes fois, « chaque goutte de liqueur séminale d'un alcoolique con-

tient, en germe, la famille neuropathidue tout entière ». De plus, le grand-

père paternel aurait eu des attaques convulsives sur la nature desquelles

nous sommes mal renseignés. Lui-môme n'a jamais été malade. Il n'est ni

124 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

syphilitique ni alcoolique. Il est marié et sa profession de monteur en

bronze dans laquelle il est, parait-il, habile ouvrier, lui permettait de vivre

dans de bonnes conditions. Voici comment se sont produits les accidents

pour lesquels il est entré dans noire service.

Au mois de septembre dernier, il a dû accomplir sa période d'instruc-

tion militaire, dite des 28 jours, dans un régiment de ligne qui ma-

noeuvrait près de Laon. Du 1er au 10 du même mois il faisait comme ses

camarades de 25 à 30 kilomètres par jour. Le 10 septembre au matin, en

se levant, il ressent une douleur obtuse dans l'aine gauche et commence à

boiter. Le médecin major intervient et ne le reconnaît pas malade. Il est

donc obligé de continuer son service et pendant quatre jours il se traîne

clopin-clopant. Le 3e jour il éprouve au niveau de l'aine droite la même

douleur vague qu'il avait d'abord ressentie à l'aine gauche. Enfin le 4° jour

il tombe, tout à fait incapable d'avancer. On le relève, il est transporté à

Laon et de là renvoyé à Paris où il arrive le 21 (11 jours après le début de

l'affection). Son médecin ordinaire l'examine et diagnostique une « double

arthrite coxo-fémorale » et note l'existence de craquements dans les deux

jointures.

C'est là, n'est-il pas vrai, une arthrite singulière qui prend ainsi tout à

coup les deux articulations des hanches et en quelques jours les disjoint,

comme vous allez le voir, au point de rendre la marche impossible et cela

à peu près sans douleur, sans gonflement, sans aucune réaction fébrile ?

Cela ne devait-il pas donner à réfléchir ?

Le 30 novembre, le malade entre à l'hôpital Tenon dans un service de

chirurgie ; il y est resté jusqu'au 20 janvier, jour de son admission dans le

service de la clinique. C'est pendant son séjour à l'hôpital Tenon qu'il

commença à pouvoir se tenir debout et à marcher en s'aidant de béquilles

comme il fait aujourd'hui. J'avoue qu'au premier abord, lorsque le malade

nous arriva ici, je n'avais pas vu de quoi il s'agissait. Mais en y regardant

de près nous trouvâmes de l'inégalité des pupilles el le signe d'Argyll Ho-

bertson. Cette association d'une double arthropathie à évolution si particu-

lière et du signe pupillaire nous fit immédiatement chercher dans la voie

du tabes. Or l'examen méthodique et très attentif auquel nous nous som-

mes livré nous a fourni des arguments pour et des arguments contre, mais

cependant assez de symptômes positifs pour affirmer que nous sommes en

présence d'une arthropathie tabétique des hanches. Les réflexes tendineux

rotuliens sont conservés, comme vous voyez, mais leur abolition quelque

fréquente qu'elle soit dans le tabes ataxique n'est pas une règle absolue.

D'un autre côté, en interrogeant le malade sur la façon dont s'exécutait

la miction, nous avons appris que depuis les premiers jours de sa maladie,

il ruinait mal, qu'il était parfois obligé de « pousser », de faire des efforts

ARTIIROPATIIIES COXO-FÉ1ORALES. 125

pour pouvoir pisser. Il lui est aussi arrivé d'uriner involontairement dans

son lit. Or il n'existe chez lui, nous nous en sommes assuré, aucune lésion

organique du conduit de l'urèthre ni de la vessie ; il rentre par là dans la

catégorie des faux urinaires de M. le professeur Guyon.

Enfin le malade nous a dit qu'il avait éprouvé à plusieurs reprises, et

cela depuis l'apparition des troubles articulaires, des douleurs dans les

pieds et dans les jambes. Ces douleurs sont vives ; elles le prennent tout à

coup et passent rapidement, « comme des éclairs ».

Nous avons déjà accumulé, je crois, un nombre suffisant de symptômes :

signe d'Argyll Robertson, troubles vésicaux, douleurs fulgurantes, pour

établir notre diagnostic sur des bases indiscutables. Toutefois cet homme

présente encore un autre phénomène qui appartient lui aussi à la série ta-

bétique. Mais celui-ci se serait montré avant le développement des arthro-

pathies, cet autre symptôme c'est le masque tabétique.

Ce signe m'a été indiqué autrefois par Duchenne (de Boulogne). Il s'agit

de sujets dont la sensibilité de la peau de la face est émoussée et qui, en

outre, ont perdu la sensation de l'existence de leur visage; il semble à ces

malades qu'ils sont privés de leur front, de leur nez, de leurs lèvres, de

leurs joues, et qu'il ne leur reste de la tête que la partie postérieure. Cette

sensation, comme vous pouvez l'imaginer, est atroce, insupportable. Aces

troubles s'ajoutent d'habitude de l'anosmie et l'abolition ou bien la perver-

sion du goût. J'ai, depuis, souvent décrit ce syndrome peu connu et fort

intéressant; vous trouverez l'histoire du « 11laschera tabetica » exposée de

main cle maître, d'après mon enseignement, par le regretté Miliotti dans son

livre sur le tabes dorsal.

Notre malade a ce masque, mais d'une façon incomplète. C'est seule-

ment au front qu'il accuse la sensation pénible que vous savez et ce symp-

tôme, je vous l'ai déjà dit, serait antérieur au développement des altérations

de la hanche.

Avant d'examiner les arthropathies coxo-fémorales de notre sujet, je

vous rappellerai que j'ai déjà eu l'oècasion de vous montrer un cas tout à

fait analogue. Vous en trouverez l'observation dans le 1er volume de mes

Leçons du mardi. Il s'agissait d'un homme âgé de 35 ans, mégissier, qui

nous était arrivé avec une arthropathie de la hanche droite. Cette arthropa-

thie avait débuté brusquement, sans prodromes, par une douleur obtuse

localisée clans la région inguinale, pendant que le sujet était à son travail.

Nous fûmes frappé dès l'abord par celle brusquerie du début, par l'indo-

lence de celte arthrite qui avait déjà complètement disloqué l'articulation.

L'histoire de .ce cas esl, je le répète, identique ai celle de notre malade

d'aujourd'hui. On constatait en effet, chez ce mégissier, la même conserva-

tion des réflexes rotuliens, des (roubles vésicaux, des douleurs fulgurantes

126 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

et le signée d'Argyll Robertson tout comme chez notre homme. Il y a ainsi

dans l'histoire clinique du faites quelques groupements de symptômes,

quelques types assez bien définis qui, sans nul doute, répondent à des lo-

calisations précises des lésions médullaires dont on déterminera la topo-

graphie quelque jour.

Examinons maintenant les articulations coxo-fémorales de notre sujet.

Lorsqu'il est couché en décubitus dorsal on peut constater tout d'abord

qu'il n'y a pas d'inégalité de longueur des deux membres inférieurs ; les

talons sont bien sur la même ligne et la distance qui s'étend de l'épine

iliaque antérieure à la malléole externe est la même à droite et à gauche.

Il n'y a pas d'empâtement profond autour des jointures ; les tissus péri-

articulaires ne semblent nullement épaissis en aucun point et la palpation

de ces régions ne réveille aucune douleur. Les hanches sont parfaitement

mobiles dans toutes les directions; elles le sont môme il l'excès. Il est fa-

cile en portant le membre inférieur en adduction avec rotation en dedans

de luxer sans effort la tête fémorale en arrière. On peul alors la sentir ai-

sément sous les parties molles de la fesse. Les déplacements qu'on imprime

ainsi aux deux hanches ne provoquent aucune réaction douloureuse ; mais

par contre ils s'accompagnent de craquements très accentués, comme si

les surfaces articulaires dénudées de leur cartilage frottaient à sec l'une

contre l'autre.

Les trochanters semblent être épaissis. Ils sont évidemment surélevés,

trop rapprochés de la crête iliaque.

Je vais vous montrer maintenant, en examinant notre homme debout,

l'étude qu'on peut faire de ces déformations de la hanche quand on est

guidé par certaines méthodes. Dès longtemps j'ai préconisé la nécessité de

l'étude du nu pour les médecins. Et nous connaissons bien mal, il faut l'a-

vouer, les proportions et les formes du corps.

M. Paul Richer, mon collaborateur el mon chef de laboratoire, a essayé

de combler celte lacune. Dans le cours des recherches qu'il a entreprises

sur l'anatomie des formes, il a imaginé un « canon » de l'homme normal.

Vous savez qu'en termes d'art, on appelle « canon » le rapport des diver-

ses parties du corps, l'une de ces parties, dite module, étant prise pour

unité. La tentative de M. Bicher n'est peul-être pas définitive. Elle

est susceptible de révision. Mais telle qu'elle est, elle a pour nous ce

grand avantage de nous offrir, dès maintenant, pour l'appréciation exacte

des difformités, une règle alors que nous n'eu possédions aucune. En effet,

vous chercheriez en vain quelque chose d'analogue dans nos Traités d'ana-

tomie ou de pathologie chirurgicale. Je vais tout il l'heure lui céder la parole

et il vous exposera dans ses détails le « canon » dont il est l'auteur.

Je causais ces jours derniers avec un de nos artistes les plus distingués

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128 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

réclamons et nous saurons en tirer parti. Le malade que nous étudions en

ce moment vient il l'appui de mon dire.

Si nous le considérons dans la station debout (pl. 23), qu'il garde d'ail-

leurs difficilement et a la condition de rejeter le haut du corps en arrière,

nous constatons à première vue un élargissement très marqué des hanches,

en même temps qu'un écartement des deux cuisses à leur racine, dont les

deux faces internes, au-dessous des organes génitaux, sont distantes de 5

à 6 centimètres. Le-bassin est à peu près horizontal, légèrement incliné à

droite. Il a subi en outre, autour de son axe transversal, un léger mouve-

ment de rotation en vertu duquel la face postérieure du sacrum, au lieu

d'être inclinée, regarde presque directement en arrière, ce qui contribue

à effacer en partie la cambrure lombaire. Les fesses sont très aplaties. Les

grands trochanters fort saillants en dehors sont reportés plus en arrière,

surtout celui de droite qui a subi en outre un mouvement de rotation en

dehors entraînant tout le membre dans cette position. Ils sont, en outre,

rapprochés de la crête iliaque dans une proportion que le système des men-

surations d'après les règles du « canon » permet de déterminer avec une

assez grande précision.

On peut constater tout d'abord que les dimensions en'hauteur du sque-

lette des membres inférieurs ne sont point altérées. Conformément au

type, la hauteur de la jamhe mesurée du sol à l'interligne articulaire du

genou égale la hauteur de la cuisse prise de ce dernier pointa un travers

de doigt environ au-dessus du grand trochauter, au point où les téguments

se laissent facilement déprimer. Dans la profondeur ce point répond au

centre articulaire de la hanche.

Mais les rapports du bassin avec les fémurs sont profondément modifiés.

Sur un homme normal, la ligne sus-trochantériennedontje viens de déter-

miner les deux points extrêmes, coupe le pli de l'aine en son milieu et

aboutit en arrière au sommet du sacrum (fig.19 et fig. 30). Sur le malade,

la ligne sus-trochalltéricnne rencontre les épines iliaques antérieures et

supérieures à cinq centimètres au-dessus du milieu du pli de l'aine. En ar-

rière le sacrum est également descendu environ d'autant. La ligne sus-

trochantérienne, qui doit passer par son sommet, traverse chez notre sujet

les fossettes lombaires latérales inférieures qui correspondent aux tubéro-

sités iliaques.

Le bassin est donc descendu dans son ensemble entre les fémurs qu'il a

écartés, les têtes fémorales apnt glissé dans les fosses iliaques externes

obliques en bas eten dehors. D'où l'élargissement du diamètre Ii-(rocllan-

térien et l'écartement des cuisses.

L'élargissement des hanches entraîne l'aplatissement des fesses et l'a-

baissement du bassin a pour conséquence une obliquité du pli fessier qui

ARTHROPATHIES COXO-rÉMURALGS. 129

d'horizontal devient oblique de bas en haut et de dedans en dehors. Ce

changement de direction s'explique facilement par la descente de l'ischion

qui maintient l'extrémité interne du pli fessier.

Avec le bassin, tout le torse est descendu et la taille a dû diminuer d'au-

tant. En effet, le malade mesure actuellement 1 m. 60 et son livret mili-

taire porte 1 m. 65 de taille. Il aurait donc perdu 5 centimètres, juste la

diminution en longueur qu'a subie la cuisse d'après nos mensurations com-

paratives. Ces mensurations nous démontrent par conséquent que les sur-

faces articulaires des hanches ont subi un déplacement considérable et

que les têtes fémorales se sont élevées il environ 5 centimètres au-dessus

des cavités cotyloïdes.

Il ne me reste plus qu'à vous rappeler en quelques mots quelles

sont les lésions anatomiques qui se traduisent par les manifestations

cliniques que nous venons d'étudier. Vous en jugerez vous-même si vous

voulez bien jeter les yeux sur ces nombreuses pièces qui appartiennent au

Musée anatomique de la Salpêtrière. C'èst, vous le voyez, un véritable

ossuaire tabétique. Ce qui caractérise l'état des extrémités osseuses dans l'ar-

thropathie tabétique, c'est le fait de l'atrophie ou mieux de l'usure. On di-

rait que les extrémités des os, les condyles, les cols ont été usés à dessein,

à la meule ou à l'aide d'une lime. Sur ces pièces qui sont typiques, on ne

rencontre aucune végétati"On, aucun hourrelet osseux, aucun corps étranger

articulaire, comme on en voit toujours dans l'arthrite sèche et exception-

nellement, il esl vrai, dans quelques arthropathies végétantes du tabès ataxi-

que. L'étude du processus de ces arthropathies tabétiques ne saurait être

détachée de celle des fractures de même nature qui se produisent fréquem-

ment dans l'affection spinale dont il s'agit. La modification anatomique

préparatoire que subit en pareil cas le tissu osseux se montre, vous le sa-

vez, par plaques, par foyers disséminés. Quand elle porte sur la diaphyse,

c'est une fracture plus ou moins spontanée qui se produira ; quand l'allé-

ration affecte les épiphyses, elle aura encore pour conséquence une fracture.

Mais alors on doit distinguer deux cas : tantôt la fracture est fragmentaire,

c'est-à-dire qu'elle divise l'extrémité en fragments volumineux; tantôt la

fracture est moléculaire et alors l'épiphyse s'effrite et s'émiette insensible-

ment, et l'on a alors ces os aux extrémités effilées et dont l'aspect justifie

jusqu'à un certain point la dénomination d'os en baguettes de tambour

qu'on leur donne quelquefois. Ces graves désordres, qui s'accompagnent

du relâchement et parfois delà destruction des capsules, des ligaments,

s'accomplissent sans réaction inflammatoire.

En résumé, voici un malade chez lequel un mois a peine après le début

de son affection nous avons pu dépister le lattes bien qu'il se manifestât à

peu près exclusivement par des arthropathies. Or, il importe, croyez-le

130 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

bien, de reconnaître les choses dès l'origine. Dans le cas présent, un dia-

gnostic précoce n'eu pas été inutile; il eut peut-être évité au patient un

effondrement aussi complet, aussi irrémédiable des têtes fémorales. Il eut

fallu dès le début immobiliser ces jointures. Il existe en effet des arthropa-

tries bénignes et d'autres malignes ; celles-ci proviennent souvent de ce que

les malades ne souffrant que peu ou point continuent à marcher.

M. Charcot donne la parole il M. Paul Bicher.

M. P. Richer : --

Messieurs, Avant de vous parler des proportions de l'homme sain et

de vous exposer sommairement la règle de proportion dont vient de vous

entretenir M. Charcot et que vous avez ici sous les yeux, je crois utile de

reprendre les choses d'un peu plus haut et de vous dire en quelques mots

ce qu'on entend sous le nom de canon des proportions du corps humain,

ainsi que l'on désigne habituellement l'ensemble des règles relatives il ces

proportions. Ce rapide aperçu historique me permettra de mieux préciser

la signification du type dont j'ai il vous parler.

Cette étude a été entreprise par deux genres d'esprits bien différents, les

artistes et les anthropologistes.

De tout temps les artistes se sont préoccupés des proportions humaines

et ont cherché il découvrir la loi cachée qui les régit. C'est eux qui ont

émis cetle idée de l'harmonie ou du rapport des diverses parties du corps

entre elles et de chacune d'elles avec le corps tout entier. Le canon al'tis-

tique porte donc dans une de ses parties son uni lié de mesure qu'on ap-

pelle module. Pour les Egyptiens, par exemple, le module était le doigt

médius contenu 19 fois dans la hauteur du corps; pour les Grecs c'était le

palme ou la largeur de la main à la racine des doigts ; pour les modernes

c'est la hauteur de la tète, ou de la face seulement, ou bien aussi quelque-

fois la longueur du pied. Suivant les auteurs, la tête est contenue dans la

hauteur du corps un nombre de fois qui varie, depuis 7 fois, 8 fois, jusqu'à

10 et même davantage. Les canons artistiques sont donc fort nombreux.

Parmi les principaux, je citerai, pour ne parler que des modernes, ceux

d'Albert Durer, de Léonard de Vinci, de Jean Cousin. Ils diffèrent consi-

dérablement les uns des autres. Et la raison en est facile à comprendre,

chaque artiste, en formulant une règle de proporlion, n'ayant d'autre

moyen que son inspiration el d'autre but que la réalisation d'un certain

idéal d'art absolument personnel. Nous sommes loin, comme vous le voyez,

de la méthode et de la rigueur scientifiques.

Quoi qu'il en soit, quelques-uns des rapports découverts empiriquement

par les artistes sont confirmés par les recherches scientifiques et méritent t

d'être conservés.

Avec les anthropologistes, la question est entrée dans une voie nouvelle

ARTHROPATHIES COxO-FÉ111ORALES. 131

vraiment scientifique, il n'y a guère plus d'une vingtaine d'années. Leur

point de vue et leurs méthodes diffèrent essentiellement de ceux des artis-

tes. Sans se préoccuper des rapports des diverses parties du corps entre

elles, ils mesurent le plus grand nombre possible d'individus, consignent

les résultats des mensurations en mesures absolues, métriques et prennent

des moyennes.

Je ne saurais m'étendre ici sur les nombreux travaux auxquels ces recher-

ches ont donné lieu. Presque tous d'ailleurs abordent des points de détail.

Il en est peu qui traitent la question dans son ensemble. La tentative la

plus complète qui ait été faite dans cette direction est celle du Dr Topinard

qui, mettant à contribution un nombre considérable de mensurations em-

pruntées à de nombreux auteurs, a publié un canon scientifique des pro-

portions moyennes de l'homme européen adulte.

Mais cette méthode des mesures absolues, même lorsqu'elles sont for-

mulées en centièmes de la taille, comme l'a fait M. Topinard, rend peu pra-

tique l'emploi de ce canon. Pour les artistes, il est nécessairement lettre

morte. Et pour les médecins la comparaison du type moyen qu'il repré-

sente avec les individualités qu'ils ont sous les yeux, est rendue difficile

il cause de l'intervention obligée de chiffres et de calculs.

D'ailleurs le canon scientifique n'a guère été jusqu'à présent qu'un as-

semblage de mesures auxquelles il a manqué un lien qui les réunit, et une

forme d'ensemble qui en fil pour ainsi dire la synthèse.

J'ai essayé de réunir dans un même type les avantages des deux sortes de

canons, précision, exactitude du canon scientifique et cohésion, propor-

tions relatives du canon artistique. Pour cela j'ai construit sur les don-

nées les plus sûres el les plus précises que nous offre l'anthropologie dans

l'état actuel de la science, une figure. Il va sans dire qu'elle a trait àl'homme

européen adulte sur lequel les matériaux amassés par les anthropologistes

sont le plus considérable. Et sur celle ligure j'ai appliqué les procédés ar-

tistiques cherchant les rapports des diverses parties entre elles. Je pense

avoir été assez heureux pour les établir avec une précision qui manque

aux canons artistiques et avec assez de simplicité pour rendre l'usage de

ce canon facile même pour le médecin clans sa pratique journalière.

Je dois maintenant vous exposer brièvement l'économie générale de ce

canon que vous avez sous les yeux, en insistant sur les poinls de détail qui

peuvent èlre appliqués à l'étude du malade que vous venez de voir.

Ce canon est représenté ici par celle statue et par cette planche murale.

Vous voyez de suite la raison de l'altitude imprimée à la statue. Elle a

d'un côté les membres dans l'extension pour permettre les mensurations

régulières, pendanl que de l'autre côlé les membres sont fléchis à angle

182 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

droit pour faciliter la comparaison des proportions du même membre dans

ces positions différentes.

L'unité de mesure, ou module, est la hauteur de la tète subdivisible

elle-même en moitiés et en quarts. La tète est divisée dans sa hauteur en

deux parties égales par un plan horizontal passant par les angles internes

des yeux.

La tête est comprise 7 fois 1/3 dans la hauteur du corps, du vertex à la

Fig. 21.

ARTHROPATHIES COSO-rÉlSiORALES. 133

plante des pieds. Le tronc, y compris la tète mesure quatre longueurs de

tête. Les subdivisions correspondent ;i des points de repère situés à la par-

tie antérieure et à la partie postérieure du torse. (Voir zig.21 ). Je n'y in-

sisterai pas ici.

La dernière qui termine le tronc par en bas aboutit juste au pli fessier,

point de repère important à cause de sa fixité. En avant elle passe au-des-

sous des organes génitaux, ou bien les coupe à leur partie inférieure.

Le membre inférieur, comme le torse, mesure quatre têtes, du sol, au

pli de l'aine en sa partie médiane qui répond dans la profondeur au centre

articulaire de la hanche. Mais ces deux mesures, tronc et membre inférieur,

chevauchent l'une sur l'autre d'une demi tète, d'où il suit que la hauteur

totale de la figure n'est que de 7 fois 1/2, et que le milieu de la figure cor-

respond juste au milieu de la partie commune, à un point situé à la racine

de la verge.

Le membre inférieur se subdivise ainsi qu'il suit : du sol à l'interligne

articulaire du genou 2 têtes. Cet interligne souvent visible extérieurement

correspond à l'extrémité inférieure de la rotule. De ce point au-dessus du

grand trochanter, il y a également 2 têtes. Je dis au-dessus du grand

trochanter, par ce que si ce relief osseux est toujours facilement apprécia-

ble, sa face externe, la seule accessible, est large et ses limites ne sont pas

toujours faciles à déterminer avec précision. Il y a donc tout intérêt à re-

porter le point de repère au-dessus de lui, à l'endroit où les téguments

s'enfoncent sous la pression du doigt.

La ligne horizontale menée par ce point de repère peut s'appeler la li-

gne épi-trochantérienne. Elle forme la limite supérieure du membre infé-

rieur et ses rapports avec le bassin sont intéressants à noter. Elle coupe le

pli de l'aine en son milieu. L'épine iliaque antérieure et supérieure est

située au-dessus d'elle d'un quart de tète et elle aboutit en arrière au som-

met du sacrum.

Un autre rapport de la hauteur de la jambe avec celle de la cuisse, pris

avec d'autres points de repère est également intéressant à noter. La dis-

tance qui va du sol au centre de la rotule est égale il celle qui sépare ce

dernier point de l'épine iliaque antérieure et supérieure.

Vu par sa face postérieure le membre inférieur mesure 3 têtes 1/2

du sol au pli fessier, ce qui donne 1 tête 1/2 à la longueur de la cuisse

en arrière, 1 tète 1/2 ou 3/ de jambe puisque la jambe mesure 2 tètes.

Cette proportion est utile il retenir à cause de l'application qu'on en peut

faire il l'étude du malade.

Je passe rapidement sur le membre supérieur qui mesure dans sa totalité

de l'acromion à l'extrémité du doigt médius, pas tout à fait 3 tètes 1 '2. En

supprimant le' doigt médius, c'est-à-dire le point fermé, il mesure exacte-

134 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

ment 3 têtes. Je n'insisterai pas ici sur les subdivisions. Je me contenterai

de faire remarquer que la coudée, du dessus de l'olécrane à l'extrémité du

médius mesure exactement deux tètes, ce qui est la longueur de la jambe,

celle de la cuisse et distance que l'on retrouve ainsi au torse, de l'épine

iliaque antérieure et supérieure, au-dessus de la clavicule en ligne directe

ou à la fourchette sternale en direction oblique.

Quant aux mesures de largeur du tronc, je signalerai seulement les deux

suivantes : la plus grande largeur des épaules n'atteint pas tout à fait deux

têtes, et le diamètre bi-trochantérien ou la plus grande largeur des hanches

mesure à peine 1 tête -1 ?

Vous avez vu comment quelques-unes des règles que je viens de vous

exposer ont permis de préciser l'étendue et même la nature de la déforma-

tion dont était atteint le malade que M. Charcot vous a présenté. Je n'ai

pas à reprendre ici la description que vous a faite M. Charcot, je vous de-

mande seulement la permission de rappeler les seuls points qui relèvent

de l'application au malade des données relatives aux proportions moyennes

de l'homme sain.

La hauteur de la jambe prise chez le malade du sol à l'interligne articu-

laire du genou mesure, comme chez le type, exactement 2 tètes. En effet

cette hauteur égale 45 centimètres et la hauteur de la tête du sujetest juste

de 22 cent. 5. Cette mesure reportée sur la cuisse arrive au-dessus du grand

trochanter comme chez l'homme normal. Nous pouvons donc conclure que

les proportions du squelette du membre inférieur sont normales et n'ont

pas été modifiées par la maladie. Mais il n'en est, plus de même si nous re-

cherchons les rapports de la ligne épitrochantérienne. Vous savez que cette

ligne, chez l'homme normal, répond en avant au milieu du pli de l'aine

et qu'elle aboutit en arrière au sommet du sacrum. Or, chez notre malade

elle est située beaucoup plus haut, elle est au niveau des épines iliaques,

et le milieu du pli de l'aine par où elle devrait passer est situé à environ

5 centimètres au-dessous. En arrière, cette ligne qui devrait aboutir au

sommet du sacrum, rencontre bien au-dessus de ce niveau les tubérosités

iliaques (Fig. 19 et 20 et pl. 20, 21, 22). : ,

Si nous recherchons, sur notre malade, la situation du centre de la ro-

tule par rapport au sol et à l'épine iliaque, nous arrivons à un résultat

analogue. Je prends avec un compas la distance du sol au centre de la ro-

tule. Je reporte cette mesure sur la cuisse, et du centre de la. rotule, mon

compas doit atteindre l'épine iliaque. Vous voyez qu'il remonte plus haut

à environ cinq centimètres.

Voyons maintenant le rapport de la jambe à la cuisse vue par sa face in-

terne.et postérieure.

De l'interligne articulaire du genou au pli fessier, la cuisse, d'après le

ARTHROPA'11111 : ,S COXO-I'É11OHALGS. 135

type, doit mesurer 1 tète 1/2 ou 3/4 de jambe. La jambe de notre homme

mesure 45 centimètres. Les 3/4 de 43 = 33 cent. 7. C'est donc 33 cent. 7

que devrait avoir la hauteur de la cuisse, or elle ne mesure que 27 cen-

timètres.

Les fesses sont donc descendues par rapport au squelette des membres

inférieurs, et une des conséquences morphologiques de cette descente du

bassin est l'obliquité du pli fessier de bas en haut et de dedans en dehors

que l'on constate ici. Le pli fessier chez l'homme normal est horizontal.

On doit donc conclure de ces diverses mensurations qui toutes concor-

dent que les rapports du bassin avec les tôles fémorales sont considérable-

ment modifiées. Le bassin est descendu il la manière d'un coin entre les

deux fémurs dont les têtes plus ou moins usées ont quitté les cavités coty-

loïdes également profondément altérées et sont allées se mettre en rapport

avec les fosses iliaques externes. D'où l'élargissement des hanches, l'écar-

lement des cuisses et l'aplatissement des fesses que présente ce malade.

L'abaissement du bassin a également comme conséquence le raccourcis-

sement de la cuisse, et par suite la diminution de la taille. M. Charcot nous

a dit que cet homme qui mesure actuellement 1 mètre 60 centimètres, avait

au moment où il a tiré au sort 1 mètre 65 centimètres, ainsi qu'en témoi-

gne son livret militaire. C'est donc 5 centimètres qu'il a perdu, et cette

diminution de la taille s'est faite aux dépens de la cuisse raccourcie d'au-

tant.

C'est ainsi, Messieurs, que, dans le cas présent, l'application de quel-

ques-unes des règles de proportion du corps humain a pu aider au dia-

gnostic et, comme vous l'a fait remarquer M. Charcot, vous avez là sous

les yeux un exemple frappant des très réels services que peut rendre dans

l'examen des maladies et des difformités, la connaissance de la conforma-

lion normale du corps humain et des proportions qu'il doit avoir dans

l'état de santé.

DES DÉVIATIONS VERTÉBRALES NLVR01'ATI-II(IIIES

Certaines déviations vertébrales, surtout les scolioses, sont fréquemment

associées à diverses maladies du système nerveux. C'est la en neuropatho-

logie un chapitre relativement nouveau, dont l'importance s'accuse de jour

en jour. Tantôt légère, tantôt excessive, ici contingente et accessoire, ail-

leurs presque constante, la déviation vertébrale de cause nerveuse possède

parfois une valeur séméiologique considérable.

Cette question n'intéresse pas seulement la clinique. Cas particulier des

rapports qui unissent l'étal du système nerveux et des muscles au dévelop-

pement et à la nutrition des os, elle se rattache il un problème incomplè-

tement élucidé de la physiologie et de la pathologie générales. Enfin l'étude

de certaines déviations neuropalhiques, nettement déterminées dans leur

mécanisme et dans leurs causes prochaines, semble devoir jeter quelque

lumière sur la pathogénie des déviations d'origine obscure, telles que la

scoliose des adolescents. Ce dernier point n'est pas d'ordre purement spé-

culatif, car ici la thérapeutique s'inspire des interprétations pathogéniques

adoptées.

Ainsi, par lui-même et par les chapitres qui secondairement s'y ratta-

chent, le sujet n'est pas sans intérêt. Nous avons entendu il plusieurs re-

prises M. Charcot en faire observer l'importance et nous nous sommes dé-

terminé, fort des encouragements de noire éminent maître, ,'1 poursuivre

des recherches dans cette direction.

Nous avons rassemblé les documents que nous avons pu recueillir dans

la littérature médicale, el nous y avons adjoint quelques observations et

remarques personnelles. Il est frappant devoir combien l'anatomie patho-

logique des déviations rachidiennes névropathiques a été jusqu'ici négligée;

aussi aurions-nous souhaité vivement notre travail les résultats

de quelques examens nécroscopiques. Cette occasion ne nous a pas été of-

ferte.

L'état de nos connaissances Sur les déviations qui nous occupent ne per-

met pas encore d'en établir la classification rationnelle et définitive, clas-

sification qui devrait s'appuyer à la fois sur l'étiologie, sur les symptômes,

sur l'anatomie pathologique et, si possible, sur la pathogénie. Noire plan

DES DÉVIATIONS VERTÉBRALES N É V R O PATIII Q UES. 137

général ne pouvant s'inspirer d'une classification de ce genre, nous nous

contenterons de passer en revue les différentes maladies nerveuses où se

sont rencontrées, il notre connaissance, des déviations vertébrales, et nous

indiquerons, chemin faisant, les interprétations pathogéniques proposées

par certains auteurs il propos de chaque affection particulière. Cela fait,

nous examinerons l'ensemble des résultais obtenus et nous essaierons, dans

la mesure où la chose est possible, d'en esquisser le classement et de dé-

gager, dans la question de la pathogénie, les données certaines des hypo-

thèses plus ou moins discutables. Enfin nous comparerons il certaines ca-

tégories de déviations névropathiques la scoliose dite essentielle et nous

chercherons si ce rapprochement n'éclaire pas la pathogénie et le mécanisme

de cette dernière. Nous dirons deux mois des rapports fréquents de coïnci-

dence qu'on a constatés entre les scolioses vulgaires et diverses maladies

nerveuses. La scoliose vulgaire accompagnant une névropathie n'est pas à

proprement parler une scoliose névropathiques.

Entrepris avec des matériaux forcément insuffisants, le présent travail

ne saurait être qu'une simple ébauche. Si imparfait qu'il soit, il peut avoir,

pensons-nous, son utilité. Mettre en lumière les faits acquis, c'est, du même

coup, faire ressortir les obscurités et apparaître les lacunes, c'est venir en

aide il de nouvelles recherches et y inciter.

CHAPITRE PREMIER

MALADIES DE LA MOELLE.

Nous n'avons pas il nous occuper ici des déviations secondaires au mal de

Poitou au cancer des vertèbres, altérations qui entraînent souvent, comme

on sait, des lésions médullaires consécutives. Les autres déviations ne pa-

raissent point, par elles-mêmes, capables de déterminer des phénomènes

de compression spinale, au moins dans l'immense majorité des cas.

Des lésions médullaires consécutives aux déviations rachidiennes. Pour-

tant on aurait tort, peut-être, de considérer comme absolument impossible

la compression médullaire à la suite d'une forte déviation rachidienne.

Bien que Cruveilhier (1), Wenzel et d'autres auteurs aient démontré par des

observations remarquables la merveilleuse tolérance de la moelle vis-à-vis

des incurvations les plus accentuées, il semble exister des cas où le rétré-

cissement du canal rachidien, très marqué au sommet des courbures exces-

sives, est allé jusqu'à déterminer une compression de l'axe nerveux.

llampfield (2) en a cité un exemple : une gibbosité, qui n'était pas due

il une carie, était accompagnée de paraplégie et de troubles urinaires.

(1) Cnuveilluer, Atlas d'anal, palhol., t. IV, pl. É.

(2) Bampfield, An essay on curuature and diseases of the spine. Philadelphie, 1844.

v v 10

138 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

Leyden (1), après avoir rappelé ce dernier cas, ajoute qu'il a vu lui-

même « un sujet atteint d'une scoliose très prononcée, qui était faible sur

ses jambes et qui ne pouvait marcher el se tenir debout que difficilement

et durant quelques instants seulement ». Des observations semblables sont

trop peu explicites pour entraîner la conviction, d'autant plus qu'elles ont

été publiées avant que la syringomyélie fût connue et déterminée.

Ce qui est moins rare dans la scoliose, c'est le rétrécissement des trous

de conjugaison aveclésiou des nerfs correspondants. De lil des névralgies

intercostales, lombaires ou abdominales que les mouvements exaspèrent.

Nous en citerons un exemple chez un syringomyélique (observe. de Ballh.).

SYRINGOMYÉLIE.

Les déviations vertébrales peuvent être rangées parmi les symptômes

les plus constants de la syringomyélie. Leur importance a été d'abord mé-

connue. Lancereaux (2), dans une observation ancienne (hypertrophie de

l'épendyme) avait bien signalé la scoliose, mais l'étal du rachis n'est pas

mentionné dans les premiers faits qui ont servi à constituer cette maladie

nouvelle. Au contraire, la plupart des observations récentes signalent ce

symptôme, sur la fréquence duquel Bernhardt, (3) a le premier insiste. De

la statistique dressée par cel auteur, il résulte que la déviation vertébrale

a été indiquée dans 18 cas sur 70, soit une proportion de 25 0/0. Ainsi

que le fait remarquer l3rülll (u), ce chiffre esl bien au-dessous de la vérité ;

et en effet sur 36 observations relativement récentes que Briihl a annexées

à son travail, les déviations se rencontrent dans la proportion de 50 0/0.

Elles existaient 7 fois sur 8 cas inédits qu'il a fait figurer dans sa thèse.

La déviation de beaucoup la plus fréquente est la scoliose, associée par-

fois à un certain degré de cyphose. La cyphose pure est plus rare, la lor-

dose exceptionnelle.

Ce symptôme apparaît d'ordinaire quelques années après le début de la

maladie ; d'autres fois, son apparition est contemporaine du débul des trou-

bles nerveux. Exceptionnellement, la scoliose peut précéder ces derniers

de plusieurs années. C'est ainsi que, dans une observation de Briihl, elle

se montre vers i'age de 16 ans 1/2, tandis que la maladie ne commence il

se caractériser que vers i'age de 33 ans.-On peut se demander, il est vrai,

en pareil cas, s'il ne s'agit pas d'une scoliose vulgaire simplement coïnci-

dante. La plupart du temps il est impossible de préciser I'àae de la dévia-

tion, celle-ci ne s'accompagnait d'aucun phénomène douloureux de quelque

(1) Leyden, Maladies de la moelle, trad. franc..1. B. Baillière, 1879, p. 201.

(2) Bull. de la Soc. de biologie, 18C1.

(3) Bernhardt, Syringomyélie und scoliose. (Centralbl. f. Xe;'venhei)) : undc, 1889).

(4) Bruni, Contribution ri l'élude de la syringomyélie. Th. de Paris; 1890.

DES DÉVIATIONS VERTÉBRALES NÉVROI'.\T111QUES. 139

importance et n'étant remarquée d'ordinaire que lorsqu'elle a entraîné une

déformation très manifeste.

Cependant, exceptionnellement, quelques symptômes douloureux ont

accompagné sa production. On s'est demandé s'il ne fallait pas invoquer

alors un certain degré de méningite, parfois signalée comme accompagnant

k les lésions spinales caractéristiques, on encore un processus d'irritation se

manifestant autour de la néoplasie médullaire ; mais nous ferons observer

que la scoliose dite essentielle peul elle-même déterminer quelques mani-

festations douloureuses.

On a noté également une immobilisation de la partie correspondante du

rachis par une sorte de « contracture réflexe qui entraînerait une attitude

un peu spéciale, et, à la longue, la déviation (Briihl).

Quels sont les caractères des déviations rachidiennes consécutives a la

syringomyélie ? On trouve dans les observations publiées des renseigne-

ments peu explicites à cet égard, et il serait à désirer que l'attention des

auteurs se portât davantage sur ce point.

La lordose est une rareté, elle paraît se localisera la région lombaire.

« La cyphose (moins exceptionnelle) est la plus marquée Ù la région cer-

vicale, cependant l'exploration du rachis par lepharynx donne toujours des

résultats négatifs » (Briild).

C'est presque toujours d'une scoliose qu'il s'agit. Tantôt elle est très lé-

gère et il faut un examen assez attentif pour l'apercevoir; tantôt elle est

extrêmement marquée et atteint, comme chez l3altli..., le degré des dévia-

tions rachitiques les plus prononcées. On signale tantôt simplement une

courbure dorsale, tantôt deux courbures inverses, l'une dorsale, l'autre

lombaire ou dorso-lombaire. \ \ - : \ "

Il ne serait pas sans intérêt, pour la détermination des, causes exerçant

une influence sur la déviation, de savoir s' LU existe une relation entre le

sens de cette dernière et le mode de début du. de répartition des troubles

trophiques ou parétiques musculaires. Nous avons, dépouillé, dans cette

intention, 20 observations suffisamment explicites et nous avons obtenu les

résultats suivants : /.i .' ?

Sur 5 cas où la déviation scoliotique dorsale était il convexité droite,

3 fois les troubles musculaires avaient 'débute par )e'côté,,droit, 2 fois par

le côté gauche. Sur 6 cas avec convexité dorsale' gauche, début des mêmes

troubles 1 fois par le côté droit, 5 fois parlé/côté gauche. Dans ces divers

faits est l'un des membres supérieurs que s'étaient, comme d'habitude,

manifestés les premiers symptômes.

Généralement, ]e côté premier atteint continue à présenter, pendant

toute la durée de la maladie, les symptômes les plus accentués. Nous avons

recherché, sans nous préoccuper cette fois du siège initial des troubles

140 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALP1 ? rItIRE.

musculaires, des observations où fût neltement indiquée une prédominance

unilatérale ou une symétrie assez nette de ces mômes troubles. Sur 7 cas

de convexité dorsale droite, nous avons trouvé 3 fois une prédominance à

droite, 3 fois une prédominance à gauche ; 1 fois, il n'existait aucune inéga-

lité de répartition. Sur 6 cas de convexité dorsale gauche, prédominance à

gauche 5 fois, à droite 1 fois.

Enfin, si l'on choisit les cas où se rencontre d'un côté une prédominance

extrêmement marquée ou une localisation exclusive des symptômes syrin-

gomyéliques, on trouve : convexité dorsale droite, 2 cas : prédominance el

droite. Ce sont les obsei-N atioiis de Schulze (Zeitsch'i ft /7n' Klin. med., XIII,

1888, obs. de C. Br..., 43 ans) et de Bernhardt (Centrralbl. fiir Nerven-

/t7 ? M)if/e, 1887). Conrexité dorsale gauche, 2 cas; prédominance ci gauche.

Ce sont les observations suivantes : Roth. Arch. de Neurol., 1887-1888.

G. M..., paysan, âgé de 27 ans... et St(ll'r. American Journal of med.

sciences, 1888. Dans cette observation, l'auteur attribue la scoliose a l'a-

trophie musculaire des muscles spinaux. L'atrophie a envahi successive-

ment la main, le membre supérieur, l'épaule et le thorax du côté droit. A

gauche il n'y a que de la thermo-anesthésie, nulle part d'atrophie.

Dans une observation de Kahler (Prager medicinische Wochenschrift,

n° 6, 1888), le rachis était normal malgré une forte prédominance de la

maladie à gauche. Il est vrai que les muscles du tronc n'étaient pas altérés.

/ Quoi qu'il en soit, il semble que d'ordinaire la convexité de la déviation

/ dorsale regarde le côté atteint le premier et le plus fortement; cela est vrai

surtout quand une localisation unilatérale est très nettement prépondé-

rante et mieux encore exclusive. C'est une loi qui souffre néanmoins des

exceptions nombreuses et qui ne saurait être acceptée qu'après un supplé-

ment d'enquête.

Observation I (personnelle).

Syringomyélie. Début de la maladie il y a ans, par le côté droit.

Scoliose énorme, dorsale principale, à convexité gauche.

1 Balth...., âgé de 32 ans, entre le 21 juillet 1891, dans le service de lI. le pro-

fesseur Charcot à la Salpêtrière, salle Prus, n° 11.

' A. H. Mère asthmatique. Père mort en 1881 de bronchite chronique. Un

; frère et une soeur plus âgés que le malade se portent bien. 10 frères et soeurs

sont morts ; 9 ont succombé en bas âge à des convulsions. Le malade ne connaît

parmi ses proches, aucun exemple de maladie nerveuse ni de déviation verté-

brale.

A. P. Santé antérieure excellente. Aucune maladie aigué.

Début. Il y a 6 ou 7 ans, sans cause appréciable, le bras droit s'affaiblit

progressivement et deux ans après le début de cette parésie, Balth... dut aban-

DES DÉVIATIONS VERTÉBRALES N É VR 0 PAT HIQ UES. 141

donner son métier, qui ne lui imposait pourtant que des manipulations fort

simples ; il était nickeleur et sa fonction consistait à disposer les objets dans les

bains galvano-plastiques. Il se fait charretier, mais bientôt de l'affaiblissement

et de la raideur apparaissent dans la jambe droite, et au bout d'une année d'exer-

cice de cette profession, Balth.... doit renoncer à tout travail ; il reste chez lui,

aidant sa mère aux soins du ménage,

A cette époque (il y a environ 5 ans) la scoliose commence à apparaître : les

camarades de Balth... s'aperçoivent que son épaule droite s'abaisse.

Le malade est très affirmatif sur l'époque où la déviation devint manifeste.

Une photographie qui le représente à l'âge de 13 à 14 ans le montre parfaitement

droit.

II y a 3 ans, il constate que sa main droite est insensible à la brûlure, un an

, plus tard, même découverte pour la main gauche.

Les membres supérieur et inférieur gauches n'ont commencé à perdre leur

force que depuis 2 ans à 2 ans et demi.

Tous ces phénomènes ont débuté insidieusement et ont augmenté progressi-

vement jusqu'à ce jour. Balth.... n'a consulté aucun médecin, suivi aucun trai-

tement. Il s'est fait seulement soigner récemment à l'hôpital Tenon pendant

quelques jours, pour une forte brûlure, non douloureuse, du dos de la main

droite ; de la, on l'envoya à l'Asile de Nanterre, où il séjourna quelques mois.

Il en arrive directement.

Etat actuel. - Ce qui frappe tout d'abord, c'est une déformation monstrueuse

' du tronc ; nous la décrirons plus loin.

1 lllotilité. Membres supérieurs ; atrophie très notable, plus marquée M droite,

sauf pour les interosseux, qui paraissent plus atrophiés -Il la main gauche, il en

juger par la dépression des espaces intermétacarpiens. Parésie très marquée

pour tous les mouvements de ces deux membres ; elle diminue de plus en plus

à mesure qu'on se rapproche de la racine des membres ; elle est plus considé-

) râblé à droite, la main droite est complètement impotente et le malade se sert

exclusivement de sa main gauche. L'attitude permanente des mains témoigne

1 d'une prédominance do la paralysie sur les extenseurs. Main droite : poignet

'Jeu flexion légère ; doigts très fortement fléchis ; il est impossible au malade de

' les étendre dans la plus faible mesure : ils sont maintenus dans celte position

par une contracture des fléchisseurs, contracture qu'il faut un assez grand

effort pour vaincre. Main yauche en griffe. Flexion des deux dernières phalan-

ges des doigts, de la dernière phalange du pouce : le malade peut étendre seu-

lement les premières phalanges (interosseux) ainsi que le poignet : on redresse

( les doigts sans peine, aucune contracture ne s'y oppose.

1 Membres inférieurs. Force très suffisamment conservée pour tous les

/ mouvements, même au membre inférieur droit qui est atrophié. Seuls les mou-

vements d'extension et de flexion du pied droit sont notablement affaiblis.

Secousses et tremblements fibrillaires dans les muscles, surtout du côté droit.

i Mensuration de la circonférence des membres en centimètres :

142 'NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

NOUVFLLG ICONOGRAPHIE DT LA qAlPrTRErRE T. V. PL. XXIII

PHOTOTYPI-S N{c.ATnS A. LC'1NDF. PHOTOCOLLOGRAPHtE CHLN4 LON(.UI'T

SCOLIOSE DANS LA SYRINGO MYÉLIE.

DES DÉVIATIONS VERTÉBRALES NI : VItOI' : 1'l'FIIQUES. 143

vertébrale, le malade dit avoir perdu beaucoup de son appétit : il est constipe ; J

et passe jusqu'à dix jours parfois sans aller il la selle. Cet hiver, il n'a guère

cessé de toussotter. Respiration un peu courte, essoufflement facile. A l'auscul-

tation, quelques râles de bronchite, sans localisation suspecte. Pas de troubles

cardiaques. Les bruits du coeur sont exagérés : pas de bruits de souffle.

Scoliose (PI. XXIII). - Il existe une déformation énorme, vraiment nions- -

trucuse du tronc, avec gibbosité gauche et postérieure. Celte déformation est'

provoquée par une scoliose des plus accentuées, il courbure dorsale gauche 1

principale. Cette dernière courbure intéresse uon seulement le segment dorsal

du rachis, mais encore la partie inférieure de la colonne cervicale et la portion <

supérieure de la colonne lombaire. Une ligne tirée de la 7" apophyse. épineuse \

cervicale it la 5a lombaire est il peu près verticale, et mesure 24 centimètres. 1

Une perpendiculaire abaissée du point culminant de la courbure sur cette ligne

mesure 8 centimètres. La partie supérieure du rachis cervical présente une 1

courbure de compensation qui place la tète en une position sensiblement verti- I

cale. A la partie inférieure de la colonne lombaire, autre courbure de compen-

sation. Le bassin est très fortement incliné vers le côté gauche; entre les deux 1

épines iliaques alltéro-supérieures la différence de niveau est de 8 centimètres.

Aussi le genou gauche est-il en demi-flexion assez accusée quand le malade

est debout et le membre inférieur gaucho pi-éseiite-t-il un allongement apparent

quand le malade est couché.

Telles sont les incurvations rachidiennes. La déformation du tronc est en

rapport avec ces incurvations. Les figures ci-jointes mollirent, mieux qu'aucune

description, le degré excessif de la difformité. La gibbosité gauche et posté-

rieure, qui a pour corollaire, suivant la règle, une gibbosité antérieure droite,

a son point culminant situé un peu au-dessous et en dehors de la pointe do l'o-

moplate gauche. Un lil à plomb passant par ce point tombe en arrière du pied

gauche il 13 centimètres en dehors d'une ligue antéro-postérieure tracée sur le

sol entre les doux pieds el également distante de chacun d'eux. Le tronc est plié

en deux de telle sorte que, du côté gauche, le rebord costal s'enfonce dans le

bassin au-dessous du niveau de la crête iliaque; de ce côté aussi, la crête ilia-

que répond il l'union du tiers supérieur avec les deux tiers inférieurs de l'hu-

mérus ; la différence de niveau entre la crête iliaque et l'acromion est de 13 cen-

timètres il droite, de 32 centimètres il gauche.

Les courbes décrites par le rachis sont parfaitement régulières. En aucun J

point on ne rencontre aucune saillie brusque, aucuu accident interrompant cette }

régularité. Aucune région n'est douloureuse, ni spontanément, ni il la pression ! i

ou il la percussion. Les modifications de la forme générale du corps el de l'atti-

tude répondent il ce qu'on observerait dans une scoliose spontanée, dans une

scoliose des adolescents, qui présenterait le même degré de courbure.

Bien entendu, une pareille difformité ne va pas sans gêner considérablement J

le malade. De l'inclinaison du bassin et de l'inégalité apparente qu'elle entraîne i !

pour les membres inférieurs, résulte une claudication assez prononcée. De plus t

le malade se sent, lorsqu'il marche, entraîné par le poids du corps en avant et {

144 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

il gauche. Cependant il demeure toute la journée debout ou assis, il va et vient

dans la salle et dans les cours, et n'affectionne pas la position couchée.

Nous avons signalé l'absence de troubles cardiaques objectifs et subjectifs r.l

la gêne respiratoire manifeste.

I Lorsque, le malade étant debout ou couché, on cherche il mobiliser le rachis.

soit pour corriger soit pour accentuer l'incurvation, on constate que les mou-

vements sont assez étendus. On peul, en déployant une certaine force, et en

pressant sur le sommet de la gibbosité, redresser l'axe dorsal, de manière à ré-

duire sa flèche de moitié environ. Le mouvement en sens inverse est limité par

la rencontre de la crête iliaque avec l'aisselle et la paroi costale. Aucune dou-

1 leur n'accompagne ces manoeuvres, non plus .que les mouvements de rotation

l imprimés au rachis. Si l'on commande au malade d'exécuter volontairement ces

mouvements divers, il ne les réalise que dans une faible mesure.

On a donné : W3allll... une canne. Il n'a pu en user il cause de la faiblesse

dos mains. Il n'a pu davantage se servir d'une ou de deux béquilles à cause de

l'instabilité de ses membres supérieurs. Les béquilles s'embarrassaient dans ses

jambes el risquaient tout instant de le faire choir.

5 avril. L'état de la difformité ne paraît pas avoir notablement changé

(non plus d'ailleurs que les autres symptômes). Tout au plus la déviation sem-

ble-t-elle s'être accentuée encore quelque peu.

Il s'est ajouté cependant un phénomène intéressant. Depuis un mois, il cer-

tains jours. « peut-être quand le temps change », dit le malade, il se manifeste

« une douleur dans la colonne et dans le côté droit, quelque chose comme un

tiraillement ». Cette douleur est parfois très intense ; elle siège vers la huitième

vertèbre dorsale, c'est-à-dire au sommet de l'incurvation rachidienne; elle

existe aussi, moins prononcée, dans une zone horizontale passant par cette ver-

tèbre et s'étendant jusqu'à la lig-ne axillaire antérieure droite. Elle n'existe pas

il gauche. Elle apparaît vers 10 heures du malin, et se calme pondant la nuit.

Le malade a trouvé de lui-même un procédé pour la l'aire cesser dans la jour-

née, quand elle est trop pénible, Il se couche en travers de son lit, jambes pen-

dantes d'un côté, tête pendante do l'autre. Dans cette position, la douleur se

calme rapidement. Elle ne tarde pas à reparaître quand le malade se remet de-

bout ou sur son séaul.

/ Quelle est la cause de celle douleur' ? Tout porte il croire qu'il s'agit d'une

/compression des nerfs intercostaux au niveau de la concavité de la courbure

1 dans les trous de conjugaison. La cessation de la douleur pendant la nuit. son

apparition vers 10 heures du matin, c'est-à-dire quand le sujet est demeuré

debout pendant quelques heures, et surtout son amendement dans une position

qui réalise l'extension de la colonne vertébrale, sont conformes à cette hypo-

thèse. »

Il s'agit là d'une syringomyélie, cela n'est pas douteux. D'autre pari la

scoliose, qni est véritablement monstrueuse, relève bien et dûment de

celle affection et il ne saurait être question d'une déviation indépendante,

forliiiteinenl surajoutée. Elle ne s'esl développée qu'a 28 ans, alors que la

DES DÉVIATIONS VERTÉBRALES N1 ? ItOPAIII((UES. 145

syringomyélie s'était annoncée déjà par des symptômes nets. Observons

que la courbure dorsale dirige sa concavité vers le côté atteint le premier

et demeuré le plus profondément atteint par les troubles musculaires, con-

trairement à ce qui parait être le cas le plus fréquent.

C'est là un type de déviation parvenu pour ainsi dire il son parfait dé-

veloppement. Voici l'histoire d'un malade qui présente au contraire une

scoliose légère, premier stade d'une déformation qui pourra par la suite,

ou bien subir un arrêt, ou bien continuer à s'accroître comme chez le

sujet précédent.

L'un et l'autre malade ont fait l'objet d'une leçon clinique de M. Char-

cot dans le courant de cette année.

Observation II (personnelle).

Syringomyélie ayant débuté par la main droite il y a 12 ans. Scoliose

à déviation dorsale droite principale.

Le Pour..., 54 ans, garçon de bureau, entre le 31 octobre 1891, dans le ser-

vice de M. le professeur Charcot, salle Prus.

A. Il. Père hémiplégique il 50 ans. Mère morte de maladie aiguë. 5 frères et

soeurs. Un frère, plus de 10 ans, se porte bien. Les quatre autres ont suc-

combé à des affections aiguës. Pas de maladies nerveuses connues dans la fa-

mille.

Le malade est père de 5 enfants bien portants : son sixième et dernier enfant L

mort-né.

A. P. A l'âge de 22 ans, il a vu trouble pendant 15 jours, il la suite d'un

refroidissement : pas de signes objectifs concomitants du côté des yeux ( ? ) z

Pneumonie à 27 ans. Pas de maladies vénériennes.

Le P... a été successivement cultivateur, puis domestique, et, depuis 1871,

brodeur. En 1879, il exerçait son métier dans un local froid et humide ; il en a

beaucoup souffert ; il a contracté des engelures de main droite, engelures qui,

à partir de cette époque, reparurent tous les hivers, à la même main, jusqu'en

1886.

L'année suivante, en 1880, il constate un affaiblissement de la main droite,

léger d'abord, puis s'accroissant d'une façon lente et continue.

En 1882, il s'introduit une aiguille dans la main droite. Il ne s'en aperçoit

que plusieurs mois après, ce qui suppose une insensibilité de la main en ques-

tion. Cette même main perd peu à peu la finesse de sa sensibilité au contact. Le

malade sentait malles fils avec lesquels il brodait ; il finit par ne plus conserver

que l'impression de la traction exercée sur les fils (sens musculaire). En 1885.

il dut abandonner son métier. Sur les entrefaites, il avait remarqué qu'il se

brûlait à cette main sans rien ressentir.

Il devient garçon de bureau dans une banque. Au bout de 6 ans, en janvier

1891, il est forcé de quitter cette nouvelle profession, empêché par la raideur

et la faiblesse survenues dans les membres inférieurs.

146 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

L'ordre d'envahissement de la paralysie a été le suivant : en 1880, main

droite : en 1885, jambe droite : en 1888, main gauche ; vers janvier 1891,

jambe gauche. La relation entre l'intensité des troubles actuels dans les divers

membres répond à l'ordre d'envahissement.

Etat actuel. La santé générale est bonne.

Motilité. Membre supérieur droit. Les mouvements de l'épaule, du

coude et même du poignet s'accomplissent avec une force normale. Extension

et flexion des doigts légèrement incomplètes et surtout sans force. Los doigls

présentent des déformations qui paraissent tenir à des lésions des articulations

interphalangiennes, et sont particulièrement marquées à l'auriculaire. On ne

peut fléchir complètement la troisième phalange de ce doigt, ni étendre complè-

tement la deuxième : la tête do la première phalange fait une saillie anormale

sur la face dorsale do l'articulation pbaiango-pbaianginienno. Ce doigt est rouge ;

il était le siège de prédilection des engelures dont le malade dit avoir souffert.

Les autres doigts présentent des modifications analogues : on no peut leur im-

poser. même en déployant de la force, ni une extension absolument complète,

ni une flexion normale. L'atrophie musculaire est peu appréciable ; il existe

toutefois une dépression légère des espaces intermétacarpiens.

Membre supérieur gauche. Mêmes constatations, avec un degré beaucoup

moindre des divers phénomènes, notamment pour ce qui concerne l'auriculaire.

Membres inférieurs. Force diminuée, surtout au membre inférieur droit.

Aux pieds notamment, la flexion et l'extension manquent d'énergie. Les mou-

vements du genou droit sont également très affaiblis.

En somme, pas d'amyotrophie notable, si ce n'est aux mains.

Réactions électriques des muscles ; d'après l'examen de M. Vigoureux : lor et

20 interosseux normaux comme réaction, ainsi que t'éminencc tbénar. 3e et 4e in-

terosseux sans réaction. Pas d'autre anomalie.

Réflexes. H¡"l1exe rotulien exagéré des deux côtés, surtout il droite. Pas

de trépidation éliileptoïlle.

Sensibilité cutanée. N'est altérée que dans la moitié droite du corps. Au

contact : légèrement diminuée dans toute cette moitié, sauf au pied et il la main

ainsi qu'a l'avant-bras droits, où la diminution est fort marquée. A la piqûre.

Abolition de la sensibilité au-dessous du milieu du membre supérieur; diminu-

tion légère partout ailleurs, sauf au membre inférieur, où l'anesthésie va s'ac-

croissanl de la racine vers l'extrémité, de manière à être assez prononcée au

pied. A la chaleur (75 à 80°), même, répartition, si ce n'est qu'au membre in-

férieur la sensibilité décroît de haut en bas jusqu'à devenir nulle Ù partir du

tiers inférieur de la jambe. Au froid (glace). Môme répartition, avec celte diffé-

rence que l'anesthésie absolue remonte au membre supérieur jusqu'à la racine

de ce membre, et au membre inférieur jusqu'au genou. A gauche : la sensibilité

est partout normale dans tous ses modes.

Sens musculaire affaibli au niveau du coude droit et au-dessous, non aboli

complètement.

Phénomènes oculaires. ' Champ visuel normal des deux côtés. Nystagmus

DES DÉVIATIONS VERTÉBRALES <\EVROP.1TRIQUGS. 147

léger. La fente palpébrale est à peine un peu plus étroite à droite qu'a gauche.

La pupille droite présente un très léger degré de mydriase.

Troubles vaso-moteurs et irophiques. Les engelures antérieures étaient peut-

être des troubles trophiques. La main droite. qui en était le siège, rougit faci-

lement et se gonfle sous l'influence du froid. Bien que la glace, appliquée sur

cette main. ne provoque aucune sensation, le malade affirme qu'il y éprouve

une impression de froid pénible lorsqu'elle est exposée Ù la température exté-

rieure de l'hiver. Est-ce parce que cette température peut descendre au-dessous

de celle de la glace fondante ? z

Noire collègue Lamy, actuellement interne de M. Charcot, a examiné le ma-

lade le 17 mars 1892. Il ne s'est produit dans son état aucune modification, si

ce n'est que la sensibilité au froid et à la chaleur, intacte d'abord du côté gau-

che, s'est altérée au-dessous du genou, ainsi du. la main et dans la moitié in-

férieure de de ce côté. La sensibilité a la piqûre s'est abolie dans

les mômes régions du membre supérieur gauche. On note également des trem-

blements fibrillaires dans les muscles de l'avant-bras droit, et parfois, quand

le malade s'est fatigué a rester debout, une sorte de palpitation musculaire

dans le triceps crural du môme côté.

Scoliose. II existe.chez ce sujet une scoliose très légère. Le tronc en tota-

lité est un peu déjeté vers le côté droit, grâce à une courbure dorso-lombaire à

convexité gauche; mais la partie supérieure du thorax est au contraire inclinée

vers le côté gauche, par une courbure dorsale droite dominante, et l'épaule gau-

che est à un niveau légèrement plus bas que l'épaule droite. Aucune autre ano-

malie du rachis.

L'asymétrie du Ironc ne permet pas de constate ! par la vue ni par le palper

le volume relatif des muscles des gouttières vertébrales comparées d'un côté à

l'autre. Les mouvements d'inclinaison latérale du rachis paraissent s'exécuter

avec une force sensiblement égale dans les deux sens. Aucune douleur au ni-

veau de la colonne vertébrale, ni spontanément, ni à la pressoin, ni pendant

les mouvements volontaires ou communiqués.

On remarquera que le sens de la déviation dorsale répond ici à la règle que

l'un peut considérer comme assez générale ; c'est-à-dire que la convexité de la

courbure répond au côté le plus fortement atteint et le premier atteint par les

symptômes syringomyéliques sensitifs et musculaires.

Pathogénie. Both, ayant remarqué que les muscles transversales épi-

neux présentaient souvent une atrophie précoce, attribue a la scoliose une

origine musculaire.

Après avoir reproduit celle opinion, après avoir rappelé également l'in-

terprétation de Kroenig (polyarthrite vertébrale) spécialemenl appliquéeanx

déviations des tabétiques, et celle de Morvan, qui explique la scoliose dans

la paréso-analgésie par une perturbation de l'innervation trophique cen-

trale, Briihl tend il se rallier, pour ce qui concerne la syringomyélie, à

cette dernière opinion. « Nous croyons, dit-il, que la scoliose l'ail partie

148 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

des troubles dits trophiques : elle est favorisée sans doute par l'atrophie

musculaire et peut-être par la contracture, à laquelle on a voulu faire jouer

un rôle important dans la palhogénie de la scoliose de la maladie de Frie-

dreich ».

Nous aurons à revenir plus lard sur la palhogénie de la scoliose des

syringomyéliques ; il nous suffit pour le moment d'avoir indiqué les théo-

ries proposées. Ajoutons que M. le professeur Charcol, dans sa classifica-

tion des symptômes de la syringomyélie, range la déviation vertébrale sous

la rubrique : symptômes poliomyéliqlles médians ; c'est dire qu'il tend à la

considérer comme relevant d'un trouble trophique.

MALADIE DE MORVAN.

Les déviations observées dans la maladie de Morvan doivent se placer à

côté de celles qui existent dans la syringomyélie. Ces deux maladies, en

effet, sont proches parentes, si elles ne sont même identiques. Bernhardt,

qui a mis en lumière l'importance des déviations de la syringomyélie, avait

précisément invoqué ces modifications du rachis, semblables dans les deux

affections, comme un argument en faveur de leur identité.

Broca, le premier, a attiré l'attention sur cette manifestation de la ma-

ladie de Morvan. Proull' en signale ensuite un cas. C'est alors que Morvan

lui-même, à qui ce symptôme avait d'abord échappé, porta ses investiga-

tions sur ce sujet, et, réexaminant 12 des 18 malades qu'il avait antérieu-

ment observés, trouva la scoliose chez six d'entre eux. Il en trace les ca-

ractères et en discute la pathogénie.

Symptomatologie. Dans les cas observés par Morvan, la déviation était

toujours à droite, comme c'est la règle pour les scolioses qui surviennent il

un certain âge. La courbure occupait toute la région dorsale, sauf dans un cas

où elle n'intéressait que la partie supérieure du dos. La scoliose était tou-

jours assez peu marquée, de sorte que les malades en ignoraient l'existence;

on ne pouvait donc savoir à quelle époque elle avait commencé. « L'exis-

tence de la scoliose ne tient, dit Morvan, ni à l'ancienneté, ni au degré ou

à l'étendue de la paréso-analgésie... Elle ne paraît pas en rapport avec

l'existence de lésions artlwopatliques des membres... En revanche, il y a

une relation marquée enlre le début de la scoliose et le côté qui a été pri-

mitivement frappé de paréso-analgésie ». Dans les huit cas de scoliose con-

nus de Morvan, la paréso-analgésie a débuté, en effet, six fois à droite et

deux fois à gauche. Cela expliquerait la fréquence proportionnellement

plus grande de la scoliose chez l'homme (G hommes et seulement deux

femmes) le début se produisant plus souvent à gauche chez la femme, in-

versement à ce qu'on observe chez l'homme.

DES DÉVIATIONS VERTÉBRALES YrVROPATUIQUES. 149

Pathogénie. L'hypothèse de Broca, acceptée par Prouff, puis combat-

tue par Morvan, et d'après laquelle la paréso-analgésie serait consécutive

il la scoliose, est peu acceptable, même dans les cas où la scoliose précède

les manifestations nerveuses caractéristiques.

D'ailleurs Broca lui-même s'est rallié, du moins pour la généralité des

faits, à l'interprétation de Morvan, et il range la scoliose de la paréso-

analgésie dans le groupe des déviations qu'il a dénommées scolioses troplii-

ques (1). « La scoliose, dit Morvan, viendrait se placer à côté du panaris,

de l'arthropathie, de la fracture spontanée, de l'ostéophyte ». Autant de

désordres trophiques du système osseux qui ressortissent à la paréso-anal-

gésie.

PARALYSIE INFANTILE SPINALE.

Heine (2) fut le premier, sinon il signaler, du moins il différencier et à

décrire nettement la paralysie spinale infantile. Il y fut conduit par l'étude

des déviations racbidiennes. C'est dire que ces dernières appartiennent à

la symptomatologie de l'affection. Laborde (3) leur consacre dans sa mo-

nographie un intéressant chapitre. Leyden (4), Erb, en ont discuté la pa-

thogénic.

Il est, dans la paralysie infantile, des déviations dont le mécanisme est

facile à comprendre. Une lordose paralytique surviendra dans les cas, d'ail-

leurs rares, où les muscles sacro-lombaires sont frappés de paralysie. Nous

parlons ailleurs de cette variété décrite par Duchenne de Boulogne, et dont

Heine figure un exemple dans son ouvrage (fig. 28, planche XIII). Nous

n'y insistons pas. La cyphose par paralysie des extenseurs du rachis est

plus rare encore. Laborde en cite une seule observation, encore le diagnos-

tic était-il, dans ce cas, assez suspect. Enfin certaines déviations paraissent

résulter d'une inclinaison vicieuse du bassin. Des rétractions dans les

muscles fléchisseurs de la cuisse sur le bassin, s'opposeront à l'extension

complète de la hanche, exagéreront l'inclinaison du bassin et provoque-

ront une lordose compensatrice. L'un des membres inférieurs est-il atro-

phié, raccourci, comme il arrive assez souvent, alors le rachis lombaire

s'inclinera vers le membre sain, il surviendra une scoliose dorso-lombaire

à convexité dirigée vers le côté malade, et une incurvation dorsale secon-

daire en sens inverse. C'était le cas chez une petite fille que nous avons eu

l'occasion d'examiner. L'atrophie frappait le membre supérieur droit et la

jambe gauche. Le membre inférieur gauche était raccourci, l'épine iliaque

(1) Gazette hebdos, de méd., 1888, no 39, p. 617.

(2) Leyden, Maladies de la moelle épinière. Trad. franç., p. 'no.

(3) Thèse de Paris, 1864, p. 70 et suiv.

(4) Voir J. Heine, Spinale Ieiidei-1--h ? )tuiig, Stuttgart, 1860.

150 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

abaissée de ce côté. Il existait une scoliose dorso-lombaire principale à

convexité gauche, avec courbure dorsale en sens inverse. L'épaule.droite

était un peu plus élevée que la gauche. Autant que l'asymétrie du tronc

permettait d'en juger, les muscles moteurs du rachis étaient indemnes, et

de force égale des deux côtés.

Il est des cas de scoliose où la pathogénie est moins nette, et dans les-

quels il est difficile d'invoquer une pure altitude compensatrice.

Laborde prétend que ces cas sont au moins exceptionnels ; il ajoute que

d'ailleurs la paralysie se localise rarement, si ce n'est à la première pé-

riode, dans les muscles du tronc, et qu'elle « n'y entraîne point les phé-

nomènes d'atrophie el de rétraction consécutives si fréquents dans d'autres

parties ». Tel n'est pas l'avis de Heine. D'après lui, la paralysie frappe

souvent toute la partie supérieure du tronc, et y persiste dans une certaine

mesure. « De là des déviations considérables, essentiellement différentes

des autres scolioses, et assez souvent une déformai ion énorme de tout le

haut du corps et revêtant d'une façon manifeste le type paralytique ».

D'autres auteurs, comme Leyden, les rattachent à des (roubles trophi-

ques osseux, cc Les vertèbres et les côtes sontoxtraordinairement molles

et d'une structure spongieuse; leur substance corticale est très mince, leur

tissu spongieux est prédominant » ; le poids du corps fait ployer le rachis :

les contractures musculaires constituent une cause adjuvante.

Un traitement orthopédique rationnel a fourni à Heine d'excellents ré-

sultats.

.MALADIE DE FI111 ? Dlil ? ICII.

Les déviations vertébrales associées à la maladie de Friedreich présen-

tent une grande ressemblance avec celles de la syringomyélie. Soca, dans

sa thèse, leur consacre un court chapitre, où sont résumés leurs principaux

caractères. La déviation existe au moins dans la moitié des cas. Elle appa-

raît d'ordinaire 2 à 5 ans après le début de la maladie. Cependant elle

peut précéder les autres symptômes, et dans un cas de Friedreich, les

premiers troubles ataxiques apparurent à l'âge de 17 ans, alors que la sco-

liose existait depuis trois années ; on peut se demander, il est vrai, s'il ne

s'agissait pas d'une scoliose vulgaire, fortuitement concomitante.

Notons encore un cas cle M. Déjerine (1) dans lequel cypho-scoliose

fut remarquée par la mère dès l'âge de 4 ans. Il s'agissait d'un malade âgé

de 28 ans, qui avait ressenti à l'âge de 14 ans les premiers symptômes ca-

ractéristiques de la maladie. La déformation était très prononcée (cypho-

scoliose dorsale droite).

(1 ) Médecine moderne, 1890,h. 477.

DES DÉVIATIONS VERTÉBRALES NËVROPATHIQUES. 151

Il s'agit d'une scoliose à convexité dorsale droite dans un cas sur trois,

avec légère courbure de compensation lombaire ou dorso-lombaire. La dé-

formation du tronc ne diffère pas de ce qu'on voit dans toute scoliose. Au

lieu d'une scoliose pure et simple, on observe, dans un quart des cas de dé-

v iation, une cypho-scoliose. Parfois ce n'est pas de la cyphose, mais de la

lordose qui complique la déviation scoliotique. « Il y a alors, d'après Soca,

une scoliose dorsale et une lordose lombaire ; dans quelques cas, la lor-

dose a occupé le même endroil que la scoliose (1) ».

La lordose ou la cyphose indépendantes de toute déviation latérale sont

exceptionnelles.

Pathogénie. Soca (thèse, p. 93) se demande quelle est la pathogénie

des déviations vertébrales, si fréquentes dans la maladie de Friedreich :

« Une analogie séduisante, dit-il, conduit à les rapprocher du pied-bot et t

à les faire relever de la contracture. Mais les conditions ne sont pas tout à

fait les mêmes, et si la contracture pouvait bien en être la cause, ce dont

je ne sais rien, la paralysie, la parésie, l'atonie elle-même suffiront à ex-

pliquer la déviation racbidienne.... Etant donné qu'il y a des forces phy-

siques tendant constamment à courber la colonne vertébrale, l'action mus-

culaire pourrait ne pas suffire à la maintenir dans sa situation normale,

et si nous supposons, ce qui est très vraisemblable, certain même, que

l'action musculaire soit insuffisante, la déviation alors serait excessivement t

facile C'est donc sûrement le manque de résistance des muscles spi-

naux qui est la cause de la déviation vertébrale ». Dans ce fait, que la dé-

viation se produit suivant la même direction que dans la scoliose vulgaire,

il voit une nouvelle preuve en faveur de la théorie précédente. Il ajoute

que peut-être la faiblesse des muscles prédomine à droite et qu'il n'y aurait

rien là d'étonnant de la part d'une maladie qui commence d'habitude par

s'attaquera des muscles isolés (interosseux du pied, etc.).

Tabes.

Kroenig (2), dans un intéressant travail, a réuni trois cas, observés par

lui, de lésions vertébrales chez des tabétiques. Ainsi qu'il le rappelle,

Pitres et Vaillard (3) en avaient signalé déjà deux exemples. Les déviations

observées dans ces divers cas constituent une variété très particulière, un

groupe homogène, qui ressortit à des lésions anatomiques bien définies.

A côté de celte variété, il semble qu'une place doive être réservée à un

(1) On trouvera dans le T. I de la Nouvelle Iconographie de la Salpe.trière, pl. XI,

page 8, une photographie représentant un cas de scoliose dans la maladie de Friedreich.

(2) Zeitsch1'i{t {il¡' Klinische .11edicin, 1888.

(3) Pitres et Vaillard, Contribution a l'étude des névrites périphériques chez les tahé-

tiques. Revue de méd., ! 886, p. 171.

152 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

autre genre de déviations, ressemblant davantage, comme aspect clinique,

il ce qu'on trouve dans la syringomyélie et la maladie de Friedreich, et

dépendant peut-être d'un processus anatomique différent du premier.

' I. Al'tll1'opathies et fractures de la colonne vertébrale.

Symptomatologie. En raison de leur importance, nous donnerons un

court résumé des observations cliniques de Pitres et Vaillard et de Kroenig.

Elles présentent, en effet, certains détails spéciaux il chacune d'elles, et

qui ne peuvent trouver place, pour le moment du moins, dans une des-

cription d'ensemble. 0

Observation III. (Pitres et Vaillard, loc. cil.).

C... Marie, 66 ans. En 1860, il de 41 ans, sans douleur préalable, sans

traumatisme, déboîtement de la hanche. droite ; immobilisation iuutile ; marche

restée possible avec une canne, malgré le raccourcissement du membre. « Quel-

que temps après, elle devint presque subitement bossue ». Vers la même époque,

douleurs fulgurantes. « En 1871, la marche devient tout il coup beaucoup plus

difficile ». Le 11 novembre 1885, fracture spontanée de la jambe gauche'.

Le 26 novembre, la malade examinée présente, outre sa fracture, des signes

divers de tabes. Ar tllropatliies tabétiques des deux hanches. « La coloune ver-

tébrale est déviée. La région lombaire forme un angle il sommet dirigé eu ar-

rière ». Mort le 31 décembre, par pneumonie.

L'autopsie et l'examen histologique révèlent les lésions tabétiques des cordons

postérieurs. En outre, les extrémités postérieures des cornes postérieures pa-

raissent sclérosées dans les régions dorsale et lombaire. Névrite des racines

postérieures delà queue de cheval et de différents nerfs périphériques. On note

simplement : « Arthropathies types des deux articulations coxo-fémorales et de

la colonne vertébrale ».

Observation IV. (Pitres et Vaillard, loc. cit.).

Bad... Jean, 56 ans. Les premiers symptômes tabétiques nefs semblent dater

de 1870 : troubles de la marche, douleurs fulgurantes. « A la fin de 1882, sans

douleurs vertébrales préalables, il devint bossu. L'année suivante, il s'aperçut,

un matin en se levant, que ses hanches étaient disloquées. Sa taille diminue

ainsi du jour au lendemain de 23 centimètres. A partir de ce jour il fut tout il

fait infirme », se traînant il la façon des culs-dc-jatte.

Le 6 mai 1885, l'état est le suivant : outre des symptômes divers de tabès,

on constate des arthropathies des genoux et des hanches. « La région dorso-

lombaire de la colonne vertébrale est le siège d'une forte gibbosité. Le corps des

vertèbres correspondantes est augmenté do volume et en palpant la crête formée

par les apophyses épineuses, on sent des nodosités volumineuses, des boinbu-

DES DÉVIATIONS VERTÉBRALES NÉVROPATIIIQUES. 153

res, dures, indolentes, qui contribuent pour une bonne part à augmenter la

déformation de cette région ».

A l'autopsie, sclérose des cordons postérieurs de la moelle. Lésions intenses

des racines postérieures lombaires et de divers nerfs des membres inférieurs.

Arthropathies tabétiques types des deux articulations coxo-fémorales. Nous

rapporterons plus loin ce qui a trait au rachis.

Les deux observations qui précèdent sont succinctes en ce qui concerne

les caractères cliniques des lésions rachidiennes. Le mode de début est in-

téressant. Ces deux faits tirent une grande valeur de la sanction que leur

a donnée l'autopsie.

Les faits de Kroenig sont plus complètement étudiés au point de vue

clinique ; ils paraissent ressortir a des cas de fractures vertébrales, combi-

nés sans doute à des arthropathies. La première des observations qui sui-

vent est particulièrement typique. Aussi la reproduisons-nous avec quel-

que détail. 1.

Observation V. (Kroenig, loc. cil.).

Deplancltte, ancien employé des postes, 54 ans. « Douleurs rhumatismales »

en 1866, puis en 1871 el depuis. A partir do celle époque, paresthésies variées,

surtout dans la région lombaire. L'ataxie des jambes date de 1881. Actuellement

il persiste un grand nombre de symptômes caractéristiques du tabès : perte du

réflexe pupillaire, signes de Romberg, douleurs fulgurantes, crises viscérales.

abolition des réflexes rotuliens, etc. Mais ce qui nous intéresse c'est l'état du

rachis, qui est, notons-le, la seule partie altérée du squelette.

Interrogé sur l'intervention possible d'un traumatisme antérieur, le malade

se rappelle qu'en 1877, il a éprouvé subitement comme une commotion doulou-

reuse ; toutefois, pendant les 3 années suivantes, rien d'anormal ne survint du

côté du rachis. En 1880, il prétend avoir non seulement senti, mais encore

perçu par l'oreille un déplacement des os, au niveau de la colonne vertébrale,

un peu au-dessous du milieu de cette dernière. Enfin, en 1882, un jour qu'il

traversait une rue, se hâtant pour éviter une voiture, il aurait senti, suivant

son expression, comme une houle dure pressant d'arrière en avant sur le bas-

ventre, et lui faisant perdre l'équilibre, il n'évita une chute en avant qu'en re-

jetant fortement le torse en arrière. Depuis ce temps, il a tendance à choir en

avant, la marche esl difficile, il ne peul se passer d'une canne.

Actuellement il est fortement déformé. Etant debout, il se tient fortement

penché en avant. Le thorax s'est rapproché du bassin, en même temps il s'est

considérablement incliné à droite. La distance de la symphyse il l'appendice

xiphoïde est de 19 centimètres, au lieu de 23 à 25 centimètres, qui représente-

raient la distance normale. Le rebord costal, adroite, descend dans le bassin,

et la crête iliaque le déborde; à gauche, il repose simplement sur celle crête.

Le rachis présente une configuration anormale. Dans la région cervicale, efface-

ment de la lordose physiologique ; les saillies épineuses se rangent suivant une

v 11

154 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

ligne verticale que condiment les apophyses des 5 premières vertèbres dorsales.

Au-dessous de la 5e vertèbre du dos, jusqu'au sacrum, le rachis décrit une

courbe à convexité gauche : en même temps, on note une lordose de la partie

inférieure du segment thoracique. et une légère cyphose lombaire. « La 9° apo-

physe dorsale est épaissie et douloureuse a la pression ; la 7° et la 8° sont, elles

aussi, douloureuses à la pression, mais a un moindre degré; un intervalle exa-

géré les sépare. Au rachis lombaire cet endolorissement est marqué surtout au

niveau des apophyses transverses ; il a son maximum en un point situé a droite,

à trois centimètres de la crête iliaque, à quatre centimètres de la ligne médiane ».

Eu ce point aucune modification objective n'est appréciable au palper. Parmi les

mensurations prises, nous relevons ceci : la taille, que le liv ret militaire éva-

luait à 178,55 centimètres, n'est plus que de 172.2 centimètres, soit 6.35 cen-

timètres en moins. Hauteur de la crête iliaque droite : 97.5 centimètres : gau-

che, 97.0 centimètres.

Le malade étant assis, la déviation latérale devient encore plus évidente. On

peut., en soulevant le thorax, augmenter de5 centimètres la distance qui sépare

l'appendice xiphoïde de la symphyse ; la palpation. pratiquée pendant cette ma-

noeuvre, ne décèle nettement aucune lésion, aucune mobilité anormale des corps

vertébraux. On peut, par des manoeuvres appropriées, redresser notablement le

thorax.

Le sujet étant couché sur le ventre, les modifications des régions dorsale in-

férieure et lombaire se laissent reconnaître avec plus d'exactitude. Les apophy-

ses épineuses lombaires semblent épaissies, difficiles à délimiter par la palpa-

lion ; ou a la sensation de masses calleuses siégeant à ce niveau el contribuant

pour une grande part à la production de la cyphose lombaire. En cette région,

la pression, la percussion provoquent une sensation désagréable, qui n'est pas

une douleur véritable. Malgré la maigreur du patient, il est impossible de dis-

tinguer les unes des autres les apophyses épineuses, de la 7e à la 3e dorsales :

il semble donc qu'il 3· ait I;i des masses calleuses englobant et réunissant les

apophyses en question.

Dans le décubitus dorsal, on arrive sans peine à percevoir à travers l'abdo-

men, à un centimètre environ au-dessous d'une ligne réunissant les deux épi-

nes iliaques antéro-supérieures, un corps dur, il arête aiguë, légèrement inégal,

possédant une large surface dirigée en bas et en arrière ; c'est vraisemblable-

ment le disque intermédiaire il la 5 vertèbre lombaire et au sacrum. Sur la face

antérieure, à deux centimètres au-dessus du bord à arête aiguë, se trouve une

saillie qui répond au bord antérieur, légèrement proéminent, de la vertèbre

sus-jacente. La saillie étant douloureuse au palper, et le malade ayant refusé de

se laisser endormir au chloroforme, il fut impossible de compléter davantage

l'exploration. Le reste du segment lombaire est facile à sentir ; il paraît être

porté en totalité d'arrière cu avant.

Dans le décubitus latéral, on peut déplacer le thorax entier de gauche à droite,

sans qu'un déplacement correspondant se manifeste du côté des corps verté-

braux palpés dans le même temps a travers l'ahdomen.

DES DÉVIATIONS VERTÉBRALES N É VR OP ATH IQUES. 155

Observation VI. (Kroenig, loc. cit.).

Hoeckc, 35 ans, boulanger. Depuis 1872, douleurs, progressivement accrues,

dans les membres inférieurs ; parestitésios. En 1882, il glissa en descendant un

escalier, et dégringola quelques marches. 11 aurait t Ù ce moment perçu un cra-

quement dans les lombes. Mais il put poursuivre sa marche sans douleur, et

continua sou métier. Cependant la démarche devint peu à peu mal assurée ; il

y avait tendance à choir en avant.

En -1881" on constate les symptômes nets du labcs. Aucune trace de syphilis

ni de rachitisme.

Thorax rapproché du bassin. La distance des crêtes iliaques aux épaules,

étant donnée la taille du sujet, devrait être de 38 à 40 ceutimétie ; or elle est

de 32 centimètres. Lordose dorso-lombaire dont la courbe va de la 5e lombaire

à la 8" dorsale. Rotation légère du segment lombaire vers la gauche ; déviation

scoliotiquc droite du segment thoracique à partir de la 10'' vertèbre dorsale.

« Le sujet étant couché sur le côté, on s'aperçoit eu cherchant à produire des

mouvements passifs du rachis, que la colonne lombaire peut aisément subir un

glissement de va-ct- vient », sans douleur, s'accompagnant de craquements d'in-

tensité variable ; et cela sans que l'apophyse épineuse de la 5e vertèbre lombaire

participe en rien à cette translation. Celle apophyse est le siège d'un épaissis-

sement calleux, et manifestement déplacée d'avant on arrière (nach Irintrn dis-

locirt).

Dans le décubitus dorsal, on soit 1res bien, à plusieurs centimètres au-des-

sous du niveau des épines iliaques autéro-supérieurcs, la dernière lombaire pro-

labée, en légère rotation à gauche. Aucune inégalité dos corps vertébraux lom-

baires. Dans le sommeil chloroformique ou sent assez bien la cinquième lom-

baire, débordant le promontoire. Inclinaison du bassin peu modifiée ; mensura-

tions du bassin normales; rétroversion et concavité légèrement exagérée du

sacrum..

Le sujet se lient incliné en avant, la moitié droite du thorax appu3vc sur la

crête iliaque correspondante.

Observation VIL (Kroenig, loc. ci ? ).

lleinricll, 52 ans, cocher. En 1865, douleurs dans les jambes, surtout à gau-

che, avec sensation de raideur musculaire. Ensuite, surtout' partir de l'an-

née 1868, paresthésies, douleurs fulgurantes, émoussemcl de la sensibilité

plantaire, incertitude de la marche. En 1880, démarche talonnante. En 1883,

hissant une caisse sur un évier, il glisse, ressent une douleur lombaire violente,

mais peul néanmoins remonter sur son siège en se faisant un peu soutenir, et

ne suspend son travail qu'un seul jour. Les douleurs lombaires diminuent peu

à peu, mais il subsiste comme une sensation de pression sur le rachis et les

lombes ; il semblait au malade que sa colonne vertébrale « se séparai ! de ses

reins » ; le haut du corps tournait il gauche, le bas du corps à droite. A partir

de ce moment, attitude de plus en plus penchée en avant.

156 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

Actuellement, symptômes caractéristiques du tabes. Tronc incliné en avant

et droite, épaule droite abaissée; genoux légèrement fléchis. Proéminence et

épaississement des plus manifestes de l'apophyse épineuse de la 58 lombaire.

Au-dessus de celle-ci, incurvation lordolique et scoliotique gauche jusqu'à la

9° dorsale. La 4e et la 5e lombaires sont séparées l'une de l'autre par un inter-

valle très exagéré, dans lequel on sent une boucle (Spanye) dirigée en haut et à

droite et qui paraît représenter un fragment vertébral détaché, ayant subi une

rotation de gauche à droite autour de son axe vertical. Pas d'autres anomalies

du rachis lombaire. La taille du sujet quand il était militaire atteignait 170 cent. 8;

elle est maintenant de 168 cent. La distance des épaules au niveau des crêtes

iliaques est de 37 cent, tandis qu'une taille de 171 cent. peu près comporte-

rait une distance de 40 cent. Dans le décubitus dorsal, le palper de la colonne

lombaire est assez imparfait, même sous le chloroforme, le sujet ayant quelque

embonpoint. On sent néanmoins ;i environ 1 centimètre au-dessous d'une ligne

unissant les épines iliaques antéro-supérieures, un corps large, dur, arrondi,

terminé par une surface plane.au côté duquel bat l'artère hypogastrique. C'est,

suivant toute vraisemblance, le 5A corps vertébral lombaire.

Les observations publiées diffèrent par quelques détails, mais elles pré-

sentent des analogies frappantes. Par leurs traits essentiels, les lésions ta-

bétiques du rachis, arthropathies et fractures, sont conformés au type gé-

néral dont la connaissance est due à M. Charcot.

Cette complication peut survenir alors que le tabes ne s'est pas encore

affirmé par des symptômes bien caractéristiques ; dans tous les cas rappor-

tés les malades n'avaient pas suspendu leurs occupations habituelles quand

s'est manifestée la lésion rachidienne. Le début est brusque. Presque su-

bitement, le sujet s'aperçoit qu'il est devenu bossu (Pitres). Ou bien (ceci

parait vrai surtout des fractures vertébrales) c'est à l'occasion d'un trauma-

tisme insignifiant, d'nn effort, que l'altération osseuse se révèle. Un cra-

quement se produit dans la région lombaire ; le rachis se déforme, le tronc

s'incline en avant, et cette attitude va s'exagérer par la suite. Particularité

bien remarquable, le sujet n'éprouve aucune douleur, ou c'est une douleur

légère, bientôt dissipée. Il reprend vite ses occupations pour un temps plus

ou moins long. z

L'intérêt des signes objectifs se concentre sur la région lombaire. C'est

le corps de la 50 vertèbre lombaire qui est le siège de prédilection des lé-

sions, du moins en ce qui concerne les fractures. L'apophyse épineuse cor-

respondante, épaissie, proémine en arrière ; elle peut être détachée du

corps vertébral correspondant. Ce dernier, déplacé en avant, pourra être

perçu par le palper abdominal et par le toucher rectal, surtout durant le

sommeil chloroformique; il existe une spondylolistèse nettement caracté-

risée. Kroenig a pu dans un cas mobiliser l'un sur l'autre les deux segments

DES DÉVIATIONS VERTÉBRALES NËVHOPATUIQUËS. 157

du corps séparés par la dernière vertèbre lombaire, et percevoir; pendant

cette manoeuvre, des craquements nets.

Le rachis peut être, au-dessus de la lésion fondamentale, diversement

dévié, surtout dans les régions lombaire et dorsale inférieure. Nous ne ré-

péterons pas la description que nous avons faite, d'après Pitres et Kroenig,

pour chaque cas particulier. Ce sont des déviations compensatrices dans le

plan médian et dans le plan transversal, dont le sens est déterminé sans

doute, comme dans un cas de Pitres, par la modification de forme d'une

ou de plusieurs vertèbres altérées. Mais la déviation n'est pas la seule par-

ticularité observée. Dans la région lombaire et dorsale inférieure, les apo-

physes épineuses sonl peu distinctes les unes des autres, épaissies, et comme

empâtées par des « masses calleuses», la crête épineuse présente des « bom-

bures » ; parfois deux apophyses sont séparées par un écartement anormal,

d'après Kroenig. Enfin, le rachis peut être légèrement douloureux à la

pression dans les régions précédentes.

Traitement. Kroenig fit porter à ses trois patients des corsets ortho-

pédiques. Chez l'un on appliqua le corset plâtré de Sayre ; chez les deux

autres, un corset imaginé par le Dr Beely, corset avec acier et baleines,

que Kroenig recommande chaleureusement.

Notamment chez le malade nommé Moecke, ce traitement fit merveille,

et fut jusqu'à un certain point réellement curatif. Auparavant ce sujet ne

pouvait, sans bâton, se tenir debout ni marcher ; même avec un bâton il

était incapable de rester longtemps debout et il se tenait fortement penché.

Le corset lui rendit la marche facile, toute réserve faite pour les troubles

d'incoordination, et la canne devint inutile. Kroenig a appris qu'une

grande amélioration s'était montrée par la suite. « Le malade à présent

quitte souvent son corset et peut néanmoins marcher sans canne, dans une

attitude assez correcte. Il faut donc admettre que l'immobilisation prolon-

gée a favorisé la production de jetées osseuses ou ligamenteuses, capables

d'empêcher d'une manière définitive le glissement du corps vertébral.» »

Anatomie pathologique. - Pathogénie. -Les altérations rencontrées par

Pitres et Vaillard dans deux autopsies ; celles qui existaient à n'en pas

douter dans les observations purement cliniques de Kroenig, rentrent dans

la catégorie des troubles trophiques osseux el articulaires que M. Charcot

a le premier décrits. D'ordinaire localisés aux os longs et aux articulations

qui les terminent, ils peuvent aussi s'attaquer aux os courts, aux corps

vertébraux comme aux os du tarse.

Voici comment Pitres et Vaillard décrivent ces lésions dans l'observa-

tion de Bad...

« La colonne vertébrale est fortement déviée. Elle forme un angle sail-

tant en arrière et ;i gauche. C'est au niveau des première el deuxième ver-

'158 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALI'1 ? l'RfliG.

tèbres lombaires qu'existent les plus graves lésions. La première est pres-

que totalement détruite. Elle a la forme d'un coin dont le tranchant serait

dirigé vers la droite, de telle sorte qu'à son niveau colonne vertébrale

esl fortement déviée latéralement avec une courbure a concavité tournée

vers le côté droit. La deuxième esl remarquable par le développement

d'osléopbytes recouvrant son corps et ses apophyses transverses, et leur

donnant un volume relativement très considérable.

« Les autres vertèbres lombaires sont beaucoup moins altérées que les

deux premières. Leur corps est cependant recouvert de petites saillies, de

légères aspérités ostéoph) tiques. Des aspérités analogues se rencontrent

également sur le corps des 5 dernières vertèbres dorsales. Nulle part on

ne trouve, clans les vertèbres malades, de cavités remplies de substance

caséeuse ou de pus, ni de tumeurs.

« La dure-mère rachidienne qui recou\re la face postérieure des corps

des vertèbres altérées est un peu épaissie, tomenteuse, mais on ne trouve

pas de dépôt caséeux ni de suppuration à sa face externe M.

La palhogénie de ces altérations vertébrales rentre donc clans la ques-

tion plus générale du processus des ostéo-artbropathies tabétiques. Kroenig

se demande s'il n'en faut pas chercher la cause dans les névrites périphé-

riques dont Oppenheim et Siemerling (1), Pitres et Vaillard, el surtout

comme on sail, M. Déjerine ont démontré l'existence, sinon l'importance

pathogénique réelle, dans l'ataxie locomotrice progressive. Il s'agirait d'une

névrite des nerfs lombaires. Ce n'est là qu'une hypothèse.

II. Déviations ne relevant pas tic lésions osléo-arllrrohatiyues localisées.

Indépendamment des déviations que nous venons d'étudier, le rachis

des tabétiques ne peut-il présenter des modifications analogues il celles qui

se mollirent clans la syringomyélie ou dans la maladie de Friedreich et qui

paraissent s'étendre uniformément il toute la colonne vertébrale, sans foyer

de prédominance ?

Un dessin de M. P. ficher, qui ligure dans le musée de la clinique des

maladies nerveuses, et qui représente une femme tabétique assise, vue de

dos, montre une scoliose bien nette, semblable comme aspect il la scoliose

vulgaire. Nous reproduisons ce dessin. Malheureusement nous ne possé.

dons pas et n'avons pu retrouver l'observation correspondante.

Nous avons examiné le rachis de 12 tabétiques, sans trouver aucune dé-

viation, aucune anomalie notable. Nous avons, déplus, parcouru les nom-

breuses observations reproduites par Topinard dans sa monographie (2).

(1) Archiv. {in' psychiatrie, t. 18.

(2) Topillnrd, Aluxie locomotrice. 1RI;¡ (pubs. 210, empruntée à Dujardin-l3eamnefr et

I : ;\ -;i

DES DÉVIATIONS VERTÉBRALES NP\'RO1'A'l'CIIQUES. 159

Sans parler des faits cle Friedreich, qui constituent une affection particu-

lière, distincte du talles, on relève dans cet ouvrage deux cas de scoliose

chez des ataxiques. Mais tout indique qu'il ne s'agissait pas là du tabès

vulgaire, et nous n'avons par conséquent pas à en tenir compte.

Sclérose en plaques.

Les déviations vertébrales appartiennent-elles parfois aux manifestations

de la sclérose en plaques ? Nous trouvons dans la monographie de Bourne-

ville et Guérard (1) deux observations qui tendraient à le démontrer.

L'une appartient à Valentiner (2). Il s'agit d'une femme chez laquelle

débutent, à l'âge de 17 ans, les symptômes d'une sclérose en plaques. Celle-

ci évolue suivant la forme cérébro-spinale et se termine par la mort à l'àge

de 24 ans. Dans le courant du mois qui précède la mort, on note un « af-

faiblissement des muscles extenseurs du dos, à droite, d'où scoliose vers la

droite ». On peut se demander si ce n'est pas la présence même de la sco-

liose qui a fait conclure t l'existence de cet affaiblissement musculaire. Il

est probable que celui-ci n'a pas été constaté par l'examen direct.

L'autre observation est celle du docteur Pennock, empruntée à The Ame-

rican Journal of the med. Science. Les premiers symptômes de la maladie

dataient de 24 ans, quand le malade succomba à une tuberculose pulmo-

naire intercurrente. L'autopsie montre, conformément au diagnostic, une

sclérose en plaques de la moelle, avec intégrité du cerveau. Nous relevons,

dans le compte-rendu de l'autopsie, les détails suivants : « Corps bien cons-

titué. très légèrement émacié... Incurvation spinale latérale gauche à

convexité antérieure depuis la 7e vertèbre cervicale jusqu'à la 2e ou 3e dor-

sale.

« Squelette. Toute la colonne vertébrale est très ramollie : le scalpel

coupe facilement les vertèbres. Même élat des trochanters, des rotules, de

la tête du tibia et des os du tarse. A l'extrémité inférieure du sacrum, apo-

physe épineuse, probablement celle de la dernière vertèbre sacrée, se pro-

jetant en arrière, jusqu'à un quart de pouce de la peau ».

Tout isolées qu'elles sont, ces observations sont intéressantes. Elles

prouvent qu'on doit examiner attentivement le rachis des sujets atteints de

sclérose en plaques. Il est probable que l'attention une fois fixée sur ce

point, de nouveaux cas surgiraient. Cependant les déviations liées à cette

affection cérébro-spinale sonl, à n'en pas douter, relativement rares; in-

comparablement moins fréquentes que celles de la syringomyélie, par

exemple. En effet nous avons examiné le rachis de dix malades affectés de

(1) Deutsche 71)i ? lR6, n. 14.

(2) De la sclérose en plaques, etc.

llil) NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

sclérose en plaques sans rencontrer ni scoliose, ni autre déformation ver-

tébrale manifeste. Il est évident qu'une semblable série négative n'aurait

pu résulter d'investigations portant sur le môme nombre de syringomyéli-

ques pris au hasard.

Pathogénie. Nous av ons v u que Valenliner inv oquait, pour expliquer

la scoliose, une parésie musculaire unilatérale des extenseurs du rachis.

MM. Bourneville et Guérard. croient plutôt" un trouble de nutrition

des os.

Maladies spinales ne s'accompagnant pas de déviations

vertébrales.

On peul dire que la plupart des maladies de la moelle épinière peuvent,

dans une mesure variable, engendrer des déviations vertébrales el surtout

des scolioses. A l'énumération faite précédemment il faudrait joindre l'a-

trophie musculaire progressive, qne Jasinski (1) aurait vue s'accompagner

d'une scoliose. Nous n'avons pu nous procurer le travail de cet auteur.

A part la sclérose en placlues, dans laquelle la scoliose paraît d'ailleurs

être au moins fort rare, les affections médullaires énumérées s'accompa-

gnent toutes de lésions systématisées, bilatérales, sensiblement symélri-

ques. Certains cas de syringomyélie font toutefois exception.

Notons l'absence de toute déviation dans la sclérose latérale amyolrophi-

que ; nous avons pu nous-même constater celle absence dans deux cas bien

nets.

CHAPITRE II

1)I : W1'l'IO\S l'.11t PARALYSIE OU CONTRACTURE DES MUSCLES

.MOTEURS OU RACHIS.

Nous étudierons dans ce chapitre les déviations vertébrales manifeste-

ment et exclusivement liées à la paralysie ou à la contracture de certains

muscles moteurs du rachis. Nous écarterons pour le moment les théories

plus ou moins fondées qui expliquent la genèse de diverses déviations par

l'intervention des muscles. Nous nous en tiendrons aux faits bien établis,

que Duchenne (de Boulogne) a .surtout contribue il mettre en lumière (2).

(1) 11. Jasinski, Des scolioses néVl'opathiql1es Przeglad lekw'ski, 1890, n" 1 et 8

(anal, in Revue d'orthopédie).

(2) De l'éleclrisalion localisée, : 10 édIt., 1812, p. 1011 et surtout : Physiologie des mou-

vements, 18li1, 30 partie, eha[1. 2.

DES DÉVIATIONS VERTÉBRALES N É V R O PAT OE I Q U ES. 161

Ainsi qu'il était naturel de le penser, c'est dans les cas de lésions mus-

culaires bilatérales, symétriques, que se produisent des déviations antéro-

postérieures : cyphose ou lordose. Au contraire des lésions musculaires

unilatérales, asymétriques, entraînent des scolioses.

Cyphose.

La paralysie des extenseurs dorsaux et cervicaux produit une cyphose

oo-ee;'u : c/c, sans lordose lombaire compensatrice. La verticale tirée

par le point le plus saillant peut passer jusqu'à 10 et 15 centimètres en

arrière du sacrum. Pour que le centre de gravité ne reste pas en arrière

de la base de sustentation, il faut que les cuisses se placent en extension

forcée.

La paralysie des extenseurs du cou (dont ne font pas partie les extenseurs

de la tète) engendre une cyphose cervicale. La tête se trouve ainsi portée

en avant, d'où un déplacement du centre de gravité dans le même sens.

Pour compenser ce déplacement, la tête s'étend fortement sur le cou et de

plus il se produit : 1° une lordose dorsale; 2° une exagération légère delà

courbure dorso-lombaire.

Lordose.

Fait paradoxal, que Duchenne a mis en évidence et clairement expliqué,

une paralysie symétrique des muscles moteurs du rachis lombaire produit

la lordose, aussi bien lorsque cette paralysie atteint les extenseurs, que

lorsqu'elle frappe les fléchisseurs, leurs antagonistes ; seulement le méca-

nisme de la déviation diffère, ainsi que sa forme, dans l'un et l'autre cas.

A l'état normal, dans la station debout, l'équilibre du rachis lombaire

est assuré par la contraction simultanée de ces deux groupes antagonistes.

Supposons une paralysie des /léalhisseurs, c'est-à-dire des muscles dela paroi

abdominale antérieure; l'ensellure lombaire physiologique s'exagère; le

centre de gravité se trouverait rejeté trop en arrière si le bassin, s'inclinant

sur les cuisses, ne le ramenait en avant. Dans cette variété, grâce il ce mou-

vement de bascule du bassin, les apophyses dorsales les plus postérieures

sont ramenées suffisamment en avant pour que la verticale tombant de ces

apophyses ne passe pas en arrière du sacrum, mais bien par cet os ou en

avant de lui.

Supposons, au contraire, une paralysie bilatérale des extenseurs lomúai-

res, c'est-à-dire des muscles spinaux lombaires. La partie supérieure du

tronc tend naturellement à basculer en avant, entraînée par les fléchisseurs

lombaires prépondérants. Mais pour contrebalancer l'action de ces derniers,

1612 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

le centre de gravité du corps se porte instinctivement en arrière, et

libre de la partie supérieure du tronc sur sa partie inférieure est obtenu

par la lutte entre deux puissances, l'une passive, c'est le poids du tronc

qui lend il entraîner celui-ci en arrière, l'autre active, c'est la contraction

des muscles abdominaux. Pour que la verticale abaissée du centre de gra-

vité ne tombe pas en arrière de la base de sustentation du corps, il faut

que les cuisses s'étendent fortement sur le bassin. Dans cette variété de

lordose paralytique, le fil il plomb tombant des apophyses dorsales les plus

saillantes passe il une certaine distance en arrière du sacrum, contraire-

ment à ce qu'on observe dans la paralysie des fléchisseurs. Cette forme de

lordose est habituelle dans beaucoup de myopathies primitives, qui inté-

ressent les masses sacro-lombaires.

Scoliose.

Si la lordose et la cyphose ont été observées surtout, sinon même ex-

clusivement, il la suite de lésions paralytiques, la scoliose, au contraire,

est plutôt le résultat d'une contracture. Il existe pourtant des scolioses par

paralysie.

A. Scoliose par contracture.

Il s'agit toujours ou presque toujours de contractures hystériques. Du-

chenne (1), qui en a observé et décrit plusieurs cas, ne dit pas que chez

ses sujets l'hystérie fût en cause, mais il note que les malades attribuaient

les phénomènes a un travail forcé ou il une chute. On ne connaissait pas

encore à cette époque l'hystéro-trau1llatisme, il est probable que les faits

rapportés par Duchenne se rapportent à cette étiologie. Il en est de même

d'une observation de Landry (2). Enfin Grancher ( : 3), Duret (4), llirl (5),

incriminent nettement la névrose.

Voici comment évoluent les symptômes, si on en juge d'après les cas

assez longuement suivis. A l'occasion d'une chute, d'un traumatisme local,

d'une vive émotion, se produit, suivant le mode habituel des accidenls

hystéro-traumatiques, une contracture musculaire qui infléchit le rachis.

Nous dirons tout à l'heure quels sont les caractères de la déviation ; indi-

quons pour le moment ceux de la contracture. Tantôt elle se montre exclu-

sivement pendant la station debout, tantôt elle persiste dans la position

(1) Loc. cil., p. ï49.

(2) Landry, Moniteur des hôpitaux, 2 juillet 48afi.

(3) In th. de Besson, Déviation de la taille d'origine réflexe (Paris, 1888).

(4) Duret, Déformation de la région lombaire de nature neuro-musculaire. Cypho-sco-

liose hystérique. Nouvelle iconographie de la Salpê/¡'iè1-e, 1888, p. 191, 2 fig.

Fi) llirt, Manuel de pathologie ncrreiiie. Trnduct. franc. Voir les fie. 133 el 1.11.

DES DÉVIATIONS VERTÉBRALES N É V R O PAT H I OU ES. 163

couchée. Les muscles contractures peuvent être douloureux il la pression

ou à la traction. Les phénomènes persistent pendant des mois puis ils s'a-

mendent, soit brusquement, comme dans une observation de Pravaz, soil

plus lentement comme chez le malade de Grancher. Le sommeil chlorofor-

mique a triomphé de la contracture dans le cas de Durel, et la guérison

s'est maintenue il la suite. On reconnaît dans ces différents caractères les

allures habituelles des contractures hystéro-traumatiques. Il serait intéres-

sant d'étudier systématiquement l'étal de la sensibilité cutanée au niveau

des muscles atteints. Il est probable qu'on trouverait là des modifications

importantes, semblables à celles qu'on observe dans la pseudo-coxaigie

hystérique.

Les déviations rachidiennes consécutives, varient suivant le siège des

contractures.

a. Celles-ci affectent une prédilection particulière pour les muscles pu-

rement fléchisseurs latéraux de la colonne lombaire, c'est-à-dire le carré des

lombes et peul-être les inter-lransversaires. Ces muscles déterminent, d'a-

près Duchenne, une simple flexion latérale de la colonne vertébrale, tan-

dis que les muscles spinaux lombaires produisent, en même temps que

cette flexion, une rotation du rachis. De celle relation, quand elle existe,

résulte une asymétrie facilement appréciable de la région, un relief exagéré

au niveau d'une des gouttières vertébrales. Or cette inégalité de relief

manquait dans les observations de Duchenne; elle faisait également défaut

dans le cas de Duret. Il semble donc que la contracture épargne d'ordi-

naire les muscles de la masse sacro-lombaire, nous verrons tout a l'heure

que, par contre, la paralysie unilatérale de ces derniers muscles se ren-

contre et constitue une variété de scoliose.

Outre la courbure lombaire dont la concavité répond au muscle contrac-

ture, il se produit une courbure dorsale compensatrice de sens inverse, et

l'épaule esl abaissée du côté sain. La scoliose peut ne se manifester que

dans l'altitude debout ou assise, el disparaître dans la position couchée,

ou du moins, comme chez le sujet de Grancher, diminuer beaucoup p

dans celle position.

La contracture résiste à tous les ell'orls qu'on lente pour redresser la co-

lonne, el cette manoeuvre peut provoquer de la douleur dans le muscle af-

fecté. On sent d'ailleurs, en déprimant le flanc du côte infléchi, le muscle

tendu el l'ésislanl.

Assez souvent, le plus souvent même, d'après Duchenne, le rachis rega-

gne sa souplesse dans la position couchée ; fait important, on voit dispa-

raître la contracture dans le sommeil ebloroformique (Duret).

Outre cette déviation latérale, il peut se produire une déviation antéro-

poslél'ieul'r. r,'t''iail le l',l'; (Jan.; Ips oh.;cnalion.; de (;.ralll'hcl' pI (1r nlll'pl :

164 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

il existait une cyphose-scoliose et la gibbosité dorso-lombaire ou lombaire

qui en résultait pouvait, faute d'un examen attentif, en imposer pour un

mal de Pott. L'erreur était surtout possible chez le malade étudié parDnret.

En effet, chez cet homme, âgé de 23 ans, le début des accidents avait été

marqué par une « attaque » suivie de troubles urinaires ; puis le rachis

s'était fortement infléchi au bout de quelque temps. Les symptômes vési-

caux joints à la difficulté de la marche qu'entraînait la flexion du tronc

étaient de nature à égarer le diagnostic. Une critique minutieuse des divers

symptômes, et surtout l'épreuve du chloroforme, permirent d'éviter l'er-

reur. Duret put reconnaître que la cyphose coïncidant avec la déviation la-

térale avait pour origine une contracture du psoas iliaque, associée à celle

du carré lombaire. Cette cyphose, en effet, n'était pas produite par les

muscles antérieurs de l'abdomen, qui étaient manifestement relâchés.

Il existe une observation de Jasinski (1) dont nous n'avons pu consulter

l'original, et dans laquelle est signalée une double déviation rachidienne,

attribuée par l'auteur il des contractures. Il s'agit d'un jeune sujet affecté

depuis 4 ans de mouvements choréiformes dans le membre supérieur gau-

che et la face, avec contracture de divers muscles, particulièrement aux

membres supérieurs, à l'épaule gauche et au cou (sterno-mastoïdien gau-

che). Il existait une très forte lordose lombaire. Il existait de plus une sco-

liose cervico-dorsale droite avec scoliose lombaire compensatrice.

b. De ces faits il convient de rapprocher une observation rapportée par

Pravaz. Il s'agil d'une contracture du trapèze du côté droit, ayant déter-

miné une double inflexion du rachis avec courbnre principale supérieure

à convexité tournée à droite. « La hanche gauche était fortement saillante,

et, par suite de l'inclinaison totale du tronc droite, paraissait plus élevée

que la droite... Mais le phénomène le plus remarquable était l'élévation

extrême de l'omoplate droite », avec rotation de cet os autour de son angle

interne et supérieur, de telle sorte que l'angle inférieur s'était porté forte-

ment en dehors et en arrière. La portion cervicale du trapèze était dure et

douloureuse au palper. La difformité était excessive, et pouvait en impo-

ser pour une scoliose des plus sévères ; mais la maladie, apparue rapide-

ment il la suite d'une émotion morale, guérit tout à coup, près d'une

année plus lard ; les interventions thérapeutiques paraissent n'avoir eu

dans ce résultai qu'une part minime, quoi qu'en pense l'auteur.

13. - Scoliose paralytique. '

Duchenne en a observé des exemples bien nets. Toutefois il ajoute que

les incurvations rachidiennes « sont très peu prononcées, lorsqu'elles sont

(1) II. Jasinski. Przegl. lekarski, Krakow, 1890. XXIV, p. 89 et 102. (Anal, il ! Sch-

i) ? s ? t ? 't., t. 2'-) î).

DES DÉVIATIONS VERTÉBRALES NÉVROPATIIIQUES. 165

dues uniquement à l'action musculaire», tant que les vertèbres ne sont

pas déformées. La paralysie peut frapper soit les muscles spinaux lombai-

res seuls, soit les muscles spinaux lombaires et dorsaux du même côté. Ces

deux groupes musculaires, bien qu'anatomiquement comparables, sonl

en effet bien indépendants dans leur fonctionnement et dans leurs altéra-

tions pathologiques (Duchenne).

Les muscles spinaux lombaires sont-ils seuls affectés, il se produit une

scoliose à convexité tournée vers le côté malade, avec courbure de compen-

sation dorsale. Si les muscles spinaux dorsaux participent à la lésion, il

se produit une seule et longue courbure latérale lombo-dorsale.

La courbure qui se produit ainsi au niveau des muscles atteints est en-

gendrée par l'action prépondérante des muscles de même nom du côté

sain, qui infléchissent la colonne vertébrale de leur côté.

Cette action est un peu différente de celle qu'exercent le carré des lom-

bes et les inter-transversaires, car, ainsi que nous le disions tout à l'heure,

ces derniers sont purement et simplement fléchisseurs latéraux. Les spi-

naux font en outre tourner les vertèbres autour d'un axe vertical, ils atti-

rent à eux les apophyses spineuses, et les corps vertébraux sont déviés

vers la convexité de la courbure (Duchenne) ; il y a rotation du rachis.

Traitement.

Duchenne (1) s'est préoccupé du traitement à appliquer aux diverses

variétés de déviations que nous venons de signaler.

Dans la lordose paralytique des muscles abdominaux, un « corset pro-

thétique de l'ahdomen » suppléera à l'insuffisance musculaire. Dans la lor-

dose paralytique des muscles spinaux lombaires, on pratiquera l'électrisa-

tion localisée de ces muscles.

Dans la cyphose cervico-dorsale par paralysie des spinaux dorsaux et

cervicaux, on emploiera des brassières maintenant les épaules en arrière ;

on renforcera l'action des muscles paralysés et aussi du long dorsal par

l'électrisation et par une gymnastique appropriée.

Dans la scoliose paralytique, ces mêmes procédés seront appliqués aux

spinaux et aux carrés lombaires. On y adjoindra le traitement mécanique ;

on fera asseoir le sujet sur un siège dont une moitié est plus élevée que

l'autre, et on se servira avec avantage du « corset à forces élastiques »

imaginé par Duchenne conformément aux données physiologiques qu'il

a mises en lumière.

(1) Duchenne, De l'électrisation localisée, 3" édition, 1872, p. 1011 et sulv,

166 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

Résumé.

Les paralysies et contractures des muscles moteurs du rachis détermi-

nent des déviations. Ces déviations se produisent dans le plan médian,

quand la lésion porte sur les muscles extenseurs ou fléchisseurs d'une fa-

çon bilnérale el symétrique. Elles se produisent dans la direction Irans-

versale quand l'action musculaire s'exerce d'une manière asymétrique.

La guérison de l'état pathologique du muscle est suivie du redressement

de la colonne infléchie. Cette guérison el, comme conséquence, le redres-

sement, peuvent se produire rapidement el même brusquement dans les

cas de contracture forte.

Le traitement comme le pronostic sont subordonnés il la cause.

CHAPITRE III

SC : ).\.T ! QL') ? i ? )Pi.) ! (;i) : S.

Sciatique.

llistoriyne. -1.a scoliose liée if la sci;flictne; ou; pour employer l'ex-

pression plus concise de M. Brissaud, la scoliose sciatique esl une des va-

riétés les plus connues et les mieux étudiées des déviations Il {'\l'opa1 h ill lies.

Cependant il y a peu de temps qu'on a appris il la rechercher. M. Charcot

la remarquait pour la première fois le septembre 188(i, et en observait

peu de temps après un deuxième cas. Instruit de cette découverte, M. Bal-

let en Irouve et en publie l'année suivante un exemple. Mais c'est un

mémoire de M. Babinski (1), alors chef de clinique il la Salpètrière, qui,

en 1888, attire l'attention des cliniciens sur ce sujet.

Des revendicalions de priorité s'élevèrent de divers côtés, mais il faut

avouer que si la déviation latérale du tronc causée par la sciatique avait

élé signalée dans quelques observations, elle n'avait pas encore fait l'objet

d'une étude spéciale et approfondie; c'est il partir du travail de M. Ba-

hinski qu'elle a pris véritablement place dans les préoccupations des ob-

servateurs.

Ce point d'historique a été traité avec détail par notre ami et collègue

Souques dans un travail récent. Gusscnhauer (2) a revendiqué la priorité

(1) Babinski, Sur une déformation particulière du tronc causée par la sciatique (Arch.

de Neurol., janvier 1888).

(2) Gussenbauer, Ueber Ischias scoliolica (Prag. med. lVochen., 1890, XV, 211, 22roi).

DES DÉVIATIONS VERTÉBRALES N É VROPATHIQ UE S. 167

pour lui-même, Scllüdel (1) pour son maître Rocher, Massalongo (2) pour

l'italien Vanzetti (lequel n'avait, il esl vrai, rien publié sur sa découverte).

On l'a réclamée également pour Nicoladoni (3), pour Albert (4). Mais

comme le l'ail observer Souques, si celle déformation a existé de tout temps,

si elle a de tout temps été vue, mentionnée peut-être, « autre chose est

voir, autre chose regarder, décrire complètement et rapporter les faits à

leur véritable cause ».

A partir du mémoire de M. Babinski, les travaux se multiplient. Citons

les travaux de Berbez (5), Bouchaud (G), Texier (7), Toralbo (8), Gus-

senbauer (9), Massalongo (10), Souques (-1-1). BonsdorlT (12), Gorllan (13),

une revue générale et des observations de Lamy (14), des observations de

Remak (15) et de Brunelli (16).

Une mention toute particulière est l1ue ail mémoire de}I. Brissaud (17).

Cet auteur a montré que la déviai ion vertébrale pouvait se produire, dans

certaines circonstances qu'il a déterminées, en sens inverse de sa direction

habituelle.

La scoliose sciatique est assez fréquente, si l'on lient compte des formes

peu accentuées, capables d'échapper facilement il un observateur non pré-

venu ; on peut au contraire la regarder comme une rareté, si l'on considère

les cas où elle constitue une forte difformité. Elle complique de préférence

les formes graves de la sciatique, répondant il la sciatique névrite et s'ac-

compagnant volontiers d'atrophie du membre. Brunelli fait remarquer

(1) Schiidel, Arch. f. Klin. Chier., SY\Vlll, 1.

(2) llassalongo, L'atrofiatnusculnre nelle paralise isterisclie (Anal. nz Giorn. di .Yeuo1'J1.,

anno V, p. 46.

(3) Nicoladoni, Wien. meut;. Presse, 1S86, no' 26 et 7 et 1SS i, n" 39, p. 1323.

(4) Albert, Wien. med. Presse, nos 1 et 3, 1886.

(ti) Berbez, Dcux cas de sciatique déformante (France méd., 1887).

(6) Bouchaud, Attitude du corps dans la sciatique (Journal des scienc. méd. de Lille,

1888).

(7) Simon Teaicr, Déformation particulière du tronc causée par la sciatique (Thèse de

Paris, 1888).

(8) Toralbo, Etiologia délia sciatica et di una defol'1llllzione particolal'e del tronco

causata dalla sciatica (Gazz. méd. lonzb., mitans, 1889).

(9) Loc. cit.

(10) Loc. cil.

(11) Souques, Nouvelle Iconographie, 1890, p. 230.

(12) Bonsdorff, Et), faillit' ischias scoliotica. Finska 1,l'karrslellisk. handl. 1890, XXXV,

p. 33S.

(13) Ad. Coran, Ueber scoliosis ischiadica. Wiezzer Klin. TFochensch1'it1, 1890, ne 21. 1.

(14) Lamy, Revue d'orthopédie, i 891, p. 210 et : Deux cas de sciatique spasmodique avec

déviation homologue du tronc. Progrès méd ? janvier 1891.

. (15) Remak, Alternirende scoliose bei ischias. Detitsche med. 1Y0chensch., 12 fév. 1891, 1,

p. 237 (Anal, in L3cv. d'01'th.).

(16) Brunelli, La scoliose dans la sciatique. Archivio d'01'topcdia, 1891, 3 et 1, p. L il-1G5

(Anal, in Rev. d'0)'</t.).

(47) Brissaud, Des scolioses dans les névralgies sciatiques (Arch. de Neurol., janvier

1890).

168 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

qu'elle apparaît seulement quand les douleurs, tout en étant vives, ne

vont pas jusqu'à empêcher la marche.

On distingue depuis le travail de M. Brissaud, deux variétés de scoliose

sciatique ; variétés qu'il a désignées sous les noms de scoliose croisée et de

scoliose homologue.

I. Scoliose sciatique croisée.

Cette forme est la plus commune. C'esl elle qui a été décrite par Ba-

binski. Pour bien l'observer, il faut examiner les malades nus et debout.

M. Babinski formule ainsi l'attitude du malade : Inclinaison du tronc du

côté opposé ri la sciatique : absence complète de soulèvement du pied du côté

malade. La scoliose mérite, en raison de celte inclinaison vers le côté sain,

la dénomination de scoliose croisée que lui a imposée M. Brissaud.

L'inclinaison se produit par le moyen d'une incurvation dorso-lombaire,

dont la convexité regarde le côté malade. Si celle incurvation existe seule,

l'épaule est naturellement abaissée du côté sain. Mais d'ordinaire il existe

une courbure de compensation dorsale supérieure qui ramène l'épaule du

côté malade au niveau de sa congénère, ou même à un niveau inférieur. Le

rapprochement entre la crête iliaque et le rebord costal du côté sain, par-

fois la formation de plis horizontaux dans le flanc correspondant, sont. les

conséquences de l'incurvation lombaire.

Le membre malade est toujours plus ou moins fléchi. Alors de deux

choses l'une. Ou bien la plante du pied repose sur le sol par toute sa sur-

face : cela répond à la règle formulée par M. Babinski, ou bien la pointe

seule louche le sol : cela constitue une exception signalée par M. Charcot.

Dans le premier cas l'épine iliaque est forcément abaissée du côté malade :

cela exagère encore l'incurvation lombaire, puisque le tronc et le bassin

s'inclinent respectivement en sens inverse ; c'est l'attitude hanchée, typli-

que; la hanche fait une forte saillie du côté malade. Dans le deuxième cas,

le bassin reste horizontal dans son diamètre transverse.

Le malade étant assis, la déviation rachidienne persiste. Dans le décubi-

tus, elle disparaît parfois; parfois aussi, surtout quand elle est forte et

ancienne, elle se maintient et oppose une résistance invincible aux tenta-

tives de redressement.

Il existe quelque gêne respiratoire dans les cas très prononcés.

I IALLIUN,

Ancien Interne de la Clinique îles maladies du système nerveux.

CONTRIBUTION A L'ETUDE

LE

L'EXCITABILITÉ ÉLECTRIQUE DES MUSCLES

DANS LA MALADIE DE THOMSEN.

(De la Réaction myotonique). - (suite ').

Pendant la seconde excitation (2), renouvelée secondes après la fin de

la première, le muscle se comporte comme un muscle normal. Il en est de

même pour les trois excitations de la ligne suivante, inscrite après un re-

pos d'une minute ; ces excitations se succèdent pendant la même minute à

quelques secondes d'intervalle. Il n'y a plus de spasme myotonique; le

muscle esl en tétanos très incomplet et, à chaque ouverture du courant,

présente une contraction isolée el assez étendue ; à la lin de chaque exci-

tation il revient immédiatement et complètement à son état de repos, R,

surtout en B' el li". A la ligne C la force du courant esl augmentée,

la bobine, induite à gros fil n'est plus écartée que de8 centimètres, au lieu

de 9 centimètres comme pour les deux lignes précédentes, l'excitation du

muscle est prolongée pendant 27 secondes, toujours avec le même nombre

d'intermittences (6 1/2 par seconde), pendant l'excitation le muscle est plus

fortement tétanisé, quoique restant encore en tétanos incomplet, et déjà

apparaissent des ondulations dans la ligne du tétanos. Au moment où cesse

l'excitation, f, le muscle se décontracté seulement en 1res faible proportion,

presqu'aussitôt après il se contracte cle nouveau (contraction secondaire,

que nous avons déjà signalée précédemment, Voy. section B), puis il ne

regagne sa ligne de repos qu'après une demi-minute, et pendant tout ce

temps il est le siège de mouvements ondulatoires, comme l'indiquent les

sinuosités de la courbe cle la décontraclion lente. Pour la ligne D la

première excitation, faite après un intervalle de repos d'une minute, est

très courte (2 secondes et 1/3); lorsqu'elle cesse, f, le muscle se décon-

tracté lentement, et reste d'abord fortement gonllé comme l'indique la

1. Voir les n" 1, 2, 1893.

2. Vn3·, Fig. 17, page in.

v 12

170 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

convexité de la courbe, puis lorsqu'il a atteint la ligne de repos en d, il

continue à être agité de faibles mouvements ondulatoires. La seconde exci-

tation, faite seulement au 3° tour du cylindre (III), c'est-à-dire après un

intervalle de deux secondes, est prolongée pendant plus longtemps, pendant

18 secondes. Au courant de cette excitation le spasme myotonique appa-

raît, puis quand elle cesse, f, le muscle se décontracté très lentement, et

il est le siège de mouvements ondulatoires pendant tout le temps cle la dé-

contraction lente. C'est seulement après 22 secondes qu'il regagne sa ligne

de repos en d'.

En continuant l'expérience, les mouvements ondulatoires augmentent,

comme le montre le tracé suivant, figure 18. Ce tracé a été pris aussitôt

après le précédent ; la bobine induite était écartée de 10 centimètres pour

les deux premières lignes, et de 11 centimètres pour la troisième, mais

c'était la bobine à fil moyen, qui, nous l'avons vu précédemment, excite

davantage la conlractilité des muscles. Pour la première ligne l'excitation

a été prolongée pendant 49 secondes. Au début le muscle se contracte for-

tement comme le montre l'élév ation de la ligne d'inscription, puis le spasme

myotonique se produit et se montre régulier jusqu'en A' ; à partir de ce

moment apparaissent des oscillations dans la contraction du muscle qui

continue néanmoins à répondre par des contractions isolées aux chocs d'ou-

verture du courant; les ondulations du tracé sont très nelles ici dans la

seconde partie de l'excitation, a, ,, oc. Au moment où cesse l'excitation

le muscle se décontracte faiblement, puis se contracte de nouveau et les

mouvements ondulatoires continuent pendant tout le temps que se fait la

décontraction lente du muscle, c'est-à-dire pendant près d'une minute, ce

n'est qu'à ce moment, en W, que le muscle a regagné sa ligne de repos, Il.

(En raison du format de la Nouvelle Iconographie, nous avons dû retran-

cher à la droite du tracé un espace correspondant à 7 secondes, mais afin

de ne rien supprimer des courbes des mouvements ondulatoires nous en

avons rapporté à gauche du tracé la partie ainsi retranchée, a', b', c'. La

succession des lettres (a, a', a", etc.) indique dans quel ordre se suivent

les courbes de la décontraction lente et des mouvements ondulatoires.)

Pour la seconde ligne, B, au lieu de prolonger l'excitation pendant 3/4 de

minute, nous avons, fait une excitation courte de 2 secondes seulement.

Au moment où cesse l'excitation le muscle se comporte comme nous l'a-

vons vu précédemment, dans la section B, c'est-à-dire qu'il se produit

une petite contraction secondaire, puis le muscle se décontracte assez ra-

pidement et atteint sa ligne de repos en p, mais aussitôt commencent de

nouveau des alternatives de gonflement et de relâchement, c'est-à-dire des

mouvements ondulatoires, qui se lisent sur le tracé pendant le premier

tour du cylindre, 1, 1. Au bout de 25 secondes, en ? le muscle regagne

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FiG. 18. -- Boul .. (Maladie de Thomsen), 28 sept. 1888. - Excitations faradiques du muscle droit antérieur delà cuisse gauche provoquées aussitôt après celles de la ligure précédente, avec

le mime nombre d'interruptions (6 1/3 par seconde). - Bobine à fil moyen, écartée de 10 et de 1 1 centimètres. Mouvements ondulatoires. (Réduit de 1/2.)

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1. I : . 19. Boul... (Maladie de Thomsen), 1" oct. 1888. Réactions faradiques du muscle droit antérieur de la cuisse ; mouvements ondulatoires. A, B, C, côté gauche ; D, E, côté droit.

Bobine à gros fil. Interruptions 6 2/3 par seconde. (Réduit de </9.)

ÉTUDE DE L'EXCITABILITÉ ÉLECTRIQUE DES MUSCLES. 173

de nouveau sa ligne de repos, et pendant une dizaine dé secondes, on

pourrait croire la décontraction achevée el l'étal de repos rétabli, mais

le muscle se gonfle de nouveau, recommence des mouvements oscillatoires

de p" en ? ; ensuite apparaît une nouvelle période de repos apparent de

8 secondes, puis les mouvements ondulatoires recommencent au second

tour du cylindre, 2, 2, 2, et le muscle ne retrouve définitivement l'état de

repos qu'en 0>, c'est-à-dire après 80 secondes de décontraction lente et de

mouvements ondulatoires. -La troisième ligne, C, du tracé, se comporte

presque identiquement comme la précédente, à la suite d'une excitation

également courte, toutefois avec un écartement plus grand de la bobine

induite ; ici la décontraction lente et les mouvements ondulatoires se pro-

longent encore pendant plus d'une minute et au courant de la décontrac-

tion le muscle semble revenir à son état de repos pour recommencer ses

contractions et ses oscillations quelques secondes après, y' ; c'est seule-

ment pendant le second tour du cylindre en «qu'il regagne définitivement

sa ligne de repos.

Le tracé suivant, figure 19, montre ces mouvements ondulatoires à un

haut degré de développement. Les trois premières lignes représentent l'ins-

cription recueillie sur le muscle droit antérieur de la cuisse gauche, la bo-

bine induite à gros fil écartée de 8 et de 7 centimètres. Pour les deux pre-

mières lignes l'excitation est prolongée de 45 à 50 secondes. On voit d'une

part les mouvements ondulatoires apparaître au cours de l'excitation, et se

prolonger d'aulre part longtemps après l'excitation. Au second tour du

cylindre ils sont encore très accusés, décontraclion lente et mouvements

ondulatoires ne cessent qu'après une minute de durée. A la troisième li-

gne, C, deux excitations, la première assez longue, la seconde plus courte,

sont renouvelées à quelques secondes d'intervalle. Les mouvements ondu-

latoires ont apparu dans le cours de la première excitation, et se conti-

nuent après. Au moment de la seconde excitation ils sont interrompus

momentanément par la tétanisation presqne complète du muscle, puis

reprennent quand l'excitation a cessé et se continuent pendant tout le se-

cond lour du cylindre, c'est-à-dire pendant plus d'une minute.

Le muscle droit antérieur de la cuisse droite examiné le même jour

dans des conditions identiques, montre également ces mouvements ondula-

toires très développés, lignes D etE, figure 19.

Les mouvements ondulatoires s'accompagnent parfois d'une sorte de

tremblement irrégulier, qui apparaît dans le muscle exploré en même temps

qu'eux et cesse comme eux. Ce tremblement est facile à reconnaître sur

les tracés A, B, C, de la figure 20. Le premier tracé, A, a été pris avec

une excitation prolongée pendant 45 secondes. A la lin de l'excitation le

muscle reste fortement contracté, et pendant une minute il est le siège de

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Fir. 20. Boni... (Maladie de Thomsen), 28 sept. 1888. - Excitations faradiques du muscle droit antérieur de la cuisse droite. A et B, bobine à gros fil, écartée de 8 centimètres ; inter-

ruptions 6 par seconde. C, bobine à fil moyen, écartée de 10 centimètres ; interruptions 8 1/2 par seconde. (Réduit de ! /2.)

ÉTUDE DE L'EXCITABILITÉ ÉLECTRIQUE DES MUSCLES. 175

mouvements ondulatoires; mais, en même temps, ainsi que l'indique le

tracé, il est agité par un tremblement menu et irrégulier, qui ne cesse éga-

lement qu'au bout d'une minute, en ? à ce moment la décontraction du

muscle n'est pas encore complètement achevée, mais elle continue à se

faire régulièrement, sans mouvements ondulatoires et sans tremblement.

Pour le second tracé, B, l'excitation a été également longue, et prolon-

gée pendant 40 secondes. Comme pour le tracé précédent le spasme myo-

tonique apparaît au cours de l'excitation ; lorsque celle-ci cesse, le muscle,

au lieu de se décontracter, se contracte au contraire davantage, et en

même temps il est le siège d'un tremblement semblable à celui du tracé

précédent. Au bout d'une vingtaine de secondes la décontraction commence,

accompagnée d'abord du même tremblement pendant une dizaine de secon-

des environ, b" à p ; à ce moment le muscle est fortement décontracté, mais

n'est pas encore revenu complètement à l'état de repos ; il met encore une

demi-minute à achever sa décontraction, régulière maintenant et sans trem-

blement, à N. La troisième ligne, C, représente des tracés de décon-

tractions lentes à la suite d'excitations courtes, de quelques secondes seu-

lement. Ici ces décontractions lentes s'accompagnent de mouvements

ondulatoires et d'un tremblement analogue à celui des tracés précédents.

(Sur cette ligure les lignes a', b', c', représentent la suite de l'inscription

musculaire a, b, c, que le format de la Nouvelle Iconographie nous a obligé

à retrancher à la droite des tracés ; les inscriptions musculaires se conti-

nuent ensuite régulièrement sur les tracés au second tour du cylindre en

a", b", et c".)

Lorsque les mouvements ondulatoires se produisent, soit parce qu'on

emploie des courants forts, soit parce que les muscles ont été fatigués par

des explorations répétées dans la même journée ou les jours précédents,

soit, peut-être encore, par suite de dispositions particulières des muscles,

sous l'influence du froid, par exemple, ou bien aussi peut-être sous l'in-

fluence du degré des altérations, la régularité des phénomènes que nous

avons étudiés plus haut (section AetB) en est parfois troublée; la figure 21

en représente des exemples.

Nous avons vu, section A, que des excitations prolongées, avec interrup-

tions assez peu fréquentes, 2 à 15 par seconde, produisent au début de la

première excitation, lorsque les muscles ont été laissés auparavant suffi-

samment en repos, l'apparition d'un spasme myotonique qui se résout gra-

duellement, et qu'ensuite le muscle répond à chaque choc faradique par

une contraction isolée et étendue comme le ferait un muscle normal. Pen-

dant les excitations suivantes répétées à quelques secondes d'intervalle le

muscle continue à se comporter comme un muscle normal ; à la fin de cha-

que excitation il se décontracte immédiatement et complètement, et revient

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FIG. 21. (Maladie de Thomsen). Excitations faradiques du droit antérieur de la cuisse. -Bobine à gros fil. -A, B, C, côté gauche : interruptions 4 i/2 par seconde (29 sept.). z

D, E, côté droit : interruptions 6 par seconde (27 sept.). (Réduit de il ? )

NOUVELLE iconographie DE la SwLP6TRICRE, , 'T. ç. *î r-. six

JlPHOTOOYP PIfGnTIF A. LO""DE". RPiOTOCOLLOGAPHIE CHt'thE A LONGUET

ARTHROPATHIE ATAXIQUE

DES DEUX HANCHES

VVE BABÉ & C'E

EDITEURS

NOUVELLE iconographie de la Salpètrière. T. v. PL, %V : I,

PHOTOYYP6 NIGAllF A. LONDF, PHnrOCn1AlOGRPHII : . CH £ .. "- h Ll VGVFT,

ARTHROPATHIE ATAXIQUE

DES DEUX HANCHES

VVE BABE & C"

EDITEURS

NOUVELLE iconographie DE la SALPPTRIERE. T. v. PL. XVIII

Phototype Négatif A. LONDE. PH01'OCOLLOGRAPHIE Chêne "" LONGUET.

ARTHROPATHIE ATAXIQUE

DES DEUX HANCHES

VVE BABE & CIE

EDITEURS

PHOTOtYPES N1.GATtf'S A. LONDE

Photocollographie CHN1 : : & LON.t..1UET.

CANON DES PROPORTIONS DU CORPS HUMAIN

ÉTUDE DE L'EXCITABILITÉ ÉLECTRIQUE DES MUSCLES. 177

aussitôt à l'état de repos. C'est cette dernière partie de la réaction muscu-

laire qui se trouve surtout modifiée par la production des mouvements on-

dulatoires. La figure 21 montre bien ce qui se produit dans ces conditions.

Ces tracés A, B, C, ont été pris sur le muscle droit antérieur de la cuisse

du côté gauche, une demi-heure après l'inscription sur d'autres tracés d'une

série de mouvements ondulatoires ; la bobine induite, à gros fil, était écar-

tée de centimètres, les interruptions au nombre de 4 1 /2 par seconde. Nous

voyons ici qu'à la première excitation, le spasme myotonique se produi t, de

la façon que nous avons indiquée plus haut, et disparaît ensuite progressi-

vement. Mais, au moment où cesse l'excitation le muscle au lieu de revenir

à l'état de repos se gonfle de nouveau et reste à demi-contracté. Quelques

secondes après, le muscle étant encore dans cet état de demi-contraction,

nous provoquons une nouvelle excitation, A' ; il répond à chaque choc fa-

radique par des contractions distinctes et assez étendues, mais lorsque

cesse l'excitation il se comporte comme tout à l'heure, reste à demi-con-

tracté, et des oscillations assez étendues se produisent pendant sa décon-

traction lente, qui se prolonge pendant le second tour du cylindre et dure

près d'une minute. Après un repos de deux minutes, une nouvelle exci-

tation est provoquée, B ; à cette troisième excitation le muscle se comporte

à peu près comme à la seconde ; au moment où elle cesse il se décontracte

lentement avec des alternatives de gonflement et de relâchement et n'at-

teint sa ligne de repos qu'après une vingtaine de secondes. A ce moment

quatrième excitation, B', même résultat immédiat, le muscle se comporte

à peu près comme un muscle normal ; puis, lorsque cesse l'excitation, on

constate le même effet qu'après les excitations précédentes, c'est-à-dire des

alternatives de gonflement et de relâchement avec une décontraction lente

se prolongeant plus d'une demi-minute. Lors d'une cinquième excitation,

C, faite après un repos de deux minutes, et prolongée pendant un temps

un peu plus long, 34 secondes, on constate une ébauche du spasme myo-

tonique, qui disparaît bientôt; à la fin de l'excitation gonflement et relâ-

chement alternatifs du muscle et décontraction lente pendant près d'une

minute.

Les deux lignes suivantes représentent les tracés myographiques du mus-

cle homologue du côté droit. Ils ont été pris le môme jour que le tracé C

de la figure 21. (Voy. section B, décontractions lentes) et immédiatement

après, mais avec un écartement moindre des bobines, c'est-à-dire avec un

courant plus fort. Ils montrent à la première excitation (ligne D, figure 21),

prolongée pendant 39 secondes, l'apparition du spasme myotonique, sa

disparition graduelle, puis, après que l'excitation a pris fin, la persistance

de la contraction du muscle avec des alternatives de gonflement et de relâ-

chement, et aussi la production du tremblement sur lequel nous avons

178 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

attiré plus haut l'attention. A partir de d la décontraction lente continue il

se faire régulièrement jusqu'à ce que le muscle ai t atteint sa ligne de repos,

en w, plus d'une minute après la fin de l'excitation. -La ligne suivante E

montre comment les muscles se comportent dans les conditions que nous

étudions actuellement, lorsqu'au lieu d'excitations prolongées on produit

des excitations courtes, de quelques secondes seulement. En comparant

cette ligne à la ligne C de la figure 16 on se rendra compte de la différence

qui existe entre les décontractions lentes régulières, telles que nous les

avons étudiées alors, et les décontractions lentes accompagnées de mouve-

ments ondulatoires.

Nous n'insisterons pas davantage, pour le moment, sur les mouvements

ondulatoires qui parfois accompagnent et suivent la contraction des mus-

cles dans la maladie de Thomsen. On voit qu'ils peuvent être produits par

l'excitation des muscles avec les courants faradiques dans certaines condi-

tions qui ont surtout comme effet, croyons-nous, de provoquer la fatigue

ou l'épuisement musculaire. On les voit, en effet, apparaître lorsqu'on em-

ploie de forts courants, ou bien après des excitations réitérées d'un même

muscle. Certaines autres conditions, le froid par exemple, ou un degré

plus prononcé dans l'altération des muscles, nous paraissent aussi avoir

une influence manifeste sur leur production. Nous verrons plus loin que

les courants galvaniques peuvent provoquer aussi les mêmes mouvements

ondulatoires, et que cet effet se produit dans des conditions analogues.

II

EXCITABILITÉ DES MUSCLES PAR LES COURANTS GALVANIQUES.

Les troubles de l'excitabilité galvanique des muscles, dans la maladie de

Thomsen, ne présentent pas moins d'intérêt que ceux de l'excitabilité fa-

radique. Signalés déjà, en partie, par les anciens observateurs, ils ont été,

aussi, étudiés méthodiquement et très complètement par le professeur Erb.

Voici, en résumé, les résultats auxquels il est arrivé (/. c., p. G8 et suiv.) :

«Les modifications de l'excitabilité galvanique sont quantitatives et qua-

litatives :

Sous le rapport de la quantité l'excitabilité galvanique paraît un peu

augmentée. Des courants d'une intensité de 1/4, z, 1 ou 2 milliampères

produisent souvent, déjà, des secousses de fermeture au pôle négatif, comme

au pôle positif. Cette augmentation se manifeste encore par ce fait qu'en

excitant un muscle on voit apparaître aussi des contractions dans les mus-

cles voisins, par propagation du courant.

Les modifications qualitatives sont les suivantes : d'abord les deux pôles

ÉTUDE DE L'EXCITABILITÉ ÉLECTRIQUE DES MUSCLES. 179

produisent assez souvent des secousses de fermeture à peu près égales ; tan-

tôt NF l'emporte, tantôt PF. Dans ce dernier cas la réaction myotonique

rappelle, dans une certaine mesure, la réaction de dégénérescence, d'autant

plus que ces secousses de clôture se distinguent encore par un caractère

très marqué de lenteur, de tonicité, et de durée. Celte lenteur, cette pa-

resse et ce caractère tonique des contractions se manifestent à PF souvent

même avec les faibles courants. A NF les premières secousses sont fré-

quemment encore brèves, et elles ne deviennent lentes et toniques qu'avec

des courants plus forts. On reconnaît facilement sur un grand nombre de

muscles cette lenteur, cette paresse, et ce caractère tonique des contrac-

tions soit parce qu'on voit les muscles se tendre lentement et progressive-

ment, soit parce qu'il se forme sous l'électrode excitatrice un sillon ou une

dépression plus circonscrite apparaissant lentement et persistant un long

temps. Lorsqu'on emploie des courants forts on constate aussi à l'ouverture

du courant une contraction tonique d'une durée plus ou moins longue et

ne disparaissant que graduellement. La durée de cette contraction d'ouver-

ture atteint suivant les cas, et suivant les muscles de 5 à 30 secondes. (On

verra sur les tracés que nous rapportons plus loin que chez notre malade

cette secousse d'ouverture était très accusée à PO et qu'elle s'y montrait

lente et paresseuse ; elle faisait au contraire le plus souvent défaut à NO.)

Enfin une dernière modification qualitative de l'excitabilité galvanique

signalée par Erb consiste dans l'existence de contractions ondulatoires, sous

l'influence de courants stabiles. Ce phénomène tout particulier apparaît

surtout lorsqu'on place l'électrode excitatrice, non directement sur le mus-

cle, mais sur sa terminaison tendineuse, ou plus bas encore. Si la force du

courant est suffisamment intense, on voit d'abord apparaître une contrac-

tion tonique du muscle, puis celui-ci continue à être agité de mouvements

ondulatoires réguliers, ressemblant aux ondulations des vagues. La succes-

sion de ces mouvements ondulatoires se fait tantôt plus vite, tantôt plus

lentement ; on en compte souvent de 1 à 3 par seconde ; il est facile de re-

connaître qu'ils se produisent dans une direction déterminée et vont du

pôle négatif vers le pôle positif ; par exemple, si le malade tient dans la

main le pôle négatif, les contractions ondulatoires courent dant les fléchis-

seurs de l'avant-bras de bas en haut, s'il tient au contraire le pôle positif,

elles se dirigent de haut en bas. »

Chez notre malade toutes ces modifications quantitatives et qualitatives

de l'excitabilité galvanique des muscles se retrouvent à peu près telles

qu'elles ont été décrites par Erb. Il n'existe que de faibles divergences sur

certains points de détail. Les tableaux et les tracés, que nous reproduisons

plus bas, montrent bien la présence de ces principales modifications ; ils

font voir aussi les quelques divergences, auxquelles nous venons de faire

180 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

allusion, el que nous signalerons plus complètement dans la suite, à me-

sure que nous les rencontrerons.

Sous le rapport de la quantité l'excitabilité galvanique était manifeste-

ment augmentée chez Boul...; avec des courants de faible intensité nous

voyions apparaître déjà des secousses de fermeture ; celles-ci se produi-

saient, suivant les muscles, à 1/2, 3/4, 1 ou 2 milliampères. Mais presque

toujours nous avons vu persister la différence qualitative, qui existe à l'é-

la[ normal, relativement au moment d'apparition des secousses de ferme-

ture au pôle négatif et au pôle positif. Au lieu que NFS et PFS apparus-

sent, comme chez les malades de Erb, avec des courants d'intensité à peu

près égale, tantôt l'un des pôles l'emportant, tantôt l'autre, nous voyons

le pôle négatif conserver, sous ce rapport, la prédominance qu'il possède

à l'état normal.

Les tracés, que nous reproduisons plus loin, montrent aussi que l'am-

plitude des contractions reste toujours plus considérable à NF qu'à PF.

Relativement à la forme de la contraction nous constatons, comme Erb l'a

signalé, que PF l'emporte sur NF pour produire des contractions lentes,

paresseuses et toniques. Non seulement, en effet, les secousses de ferme-

ture au pôle positif se montrent dès les premières lentes, paresseuses et to-

niques, mais encore leurs caractères de lenteur, de paresse et de tonicité

sont beaucoup plus marqués qu'avec le pôle négatif, comme l'indique sur

les tracés la forme arrondie que prend la courbe de la contraction.

Enfin sur nos tableaux et sur nos tracés on peut constater encore la lon-

gue durée et la persistance des contractions, soit après les secousses de fer-

meture, soit après l'ouverture du courant. Relativement à cette durée nous

n'avons pas à signaler de différence appréciable entre l'action du pôle né-

gatif et celle du pôle positif ; peut-être en existe-t-il, mais nous n'avons

pas suffisamment dirigé nos recherches dans ce sens pour pouvoir rien af-

firmer à ce sujet. Mais, à propos des secousses d'ouverture, nous retrouvons

une différence d'action très appréciable entre les deux pôles. A PO, en

effet, avec des courants suffisamment forts, nous voyons presque toujours

apparaître une secousse, et là encore cette secousse présente un caractère

.manifeste de lenteur, de paresse et de tonicité, moins marqué toutefois

qu'à PF. Sur les tracés ce caractère des secousses de PO est très évident;

on y peut constater aussi que cette secousse d'ouverture du pôle positif est

beaucoup plus petite que la secousse de fermeture ; de plus on y voit qu'a-

près cette secousse d'ouverture le muscle reste encore contracté pendant

un temps très appréciable et ne revient que lentement à son état de repos.

Au pôle négatif, au contraire, il y a rarement des secousses à l'ouverture

du courant; lorsqu'il en existe elles sont brèves, instantanées (voy.

fig. 24) ; le plus souvent, au moment de l'ouverture du pôle négatif, le

ÉTUDE DE L'EXCITABILITÉ ÉLECTRIQUE DES MUSCLES. 181

muscle qui se décontractait lentement se décontracte brusquement dans

une certaine étendue, et continue ensuite sa décontraction lente jusqu'à

son état de repos.

Il est encore un point que nous avons étudié sur nos tracés, c'est l'in-

fluence des secousses répétées sur la forme de la contraction. Cette influence

se manifeste par la disparition graduelle de la lenteur, de la paresse et de

la tonicité des contractions, qui se rapprochent de plus en plus des con-

tractions normales.

On se fera mieux une idée des diverses particularités que nous venons

d'énumérer en consultant les tableaux et les tracés suivants :

muscle biceps brachial DROIT (22 sept. 1888).

182 NOUVELLE iconographie DE la SALPÊTRIÈRE.

muscle DROIT antérieur DE la cuisse gauche (21 sept. 1888).

ÉTUDE DE L'excitabilité ÉLECTRIQUE DES MUSCLES. 183

184 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE. '

était appliquée sur le point électro-moteur du muscle et était constituée par

le myographe de Marey, c'est dire qu'elle était de dimensions assez petites,

elle avait 2 centimètres de diamètre, en y comprenant la rondelle de peau

de chamois interposée entre la partie métallique de l'électrode et la peau.

L'appareil, dont nous nous sommes servi, était une batterie de 36 éléments

de Gaiffe au chlorure de zinc et biox) de de manganèse. Tous les tracés que

nous reproduisons ont été pris sur les muscles que nous avons choisis, déjà,

dans la plupart de nos recherches avec les courants faradiques, c'est-à-dire

le plus souvent les droits antérieurs de la cuisse.

(A suivre) E. HUET,

Ancien interne

de la Clinique des maladies du système nerveux.

ÉTUDE CLINIQUE SUR L'ATHÉTOSE DOUBLE

(TRAVAIL DE LA CLINIQUE DES MALADIES NERVEUSES, SERVICE DE M. LE PROrr CHARCOT)

3. Symptômes accessoires [suite)*.

II. TROUBLES SENSITIFS

Sensibilité générale. Le plus souvent les troubles sensitifs sont

absents; cependant dans quelques cas on a observé un certain degré d'hy-

peresthésie, explicable d'après un certain nombre d'auteurs de deux maniè-

res différentes. Dans le premier cas, il convient de faire intervenir l'hys-

térie concomitante; dans le second, il semble que ce soient les spasmes

répétés qui puissent être le point de départ de douleurs musculaires habi-

tuellement légères et passagères (Audry, Blocq et Blin). Bourneville et

Pilliet signalent une hyperesthésie généralisée. Massalongo déclare une

hyperesthésie unilatérale, qu'il est difficile d'attribuer à l'un ou à l'autre

de ces points de départ.

On rencontre quelquefois une anesthésie plus ou moins prononcée, ré-

sultant de l'idiotie qui émousse, à des degrés divers, les facultés percepti-

ves. Enfin, deux ou trois observations paraissent établir nettement l'inté-

grité du sens musculaire (Huet et Simpson).

Sensibilités spéciales. Vision. Des mouvements involontaires

probablement d'origine spasmodique peuvent s'observer au niveau des glo-

bes oculaires, il s'agit toujours des troubles moteurs plus ou moins mar-

qués dans le jeu des muscles extrinsèques, qui font mouvoir les globes.

Déjerine et Sollier, Roller ont observé le strabisme. Massalongo etFrie-

denreich le nystagmus.

L'examen ophthalmoscopique, pratiqué un certain nombre de fois, n'a

révélé aucune altération pathologique.

(1) Voyez le n 2 de 1892.

'" .... V" . l' ' - . ? .

186 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

Notre ami M. Parinaud a pratiqué en diverses reprises l'examen ophthal-

moscopique dans 3 de nos cas, mais le résultat était toujours négatif..

Audition et olfaction. Elles peuvent être émoussées quelquefois,

en raison des troubles psychiques ou autres ; mais en somme les troubles

sensitifs en général sont fort peu fréquents.

L'excitabilité électrique. Un grand nombre d'observations sont

muettes à cet égard. Massalongo déclare que la contractilité électrique reste

intacte dans l'athétose double. Dans mes cas, l'examen électrique prati-

qué par M. Vigouroux est toujours resté négatif.

Quant au fait de Mitchell la diminution de la contractilité électrique

s'explique très bien. Son malade avait une paralysie infantile outre son

athétose double.

Déformations crâniennes. Elles ne sont notées que par les au-'

leurs suivants (il n'en est parlé dans aucune autre observation) :

Dreschfeld. (Cas du nommé 0. L.). Tête asymétrique. Éminence

pariétale gauche plus prononcée.

Jougla. La microcéphalie n'est pas seulement très apparente, elle af-

fecte encore une forme particulière par suite de l'aplatissement de la par-

tie postérieure du crâne.

Kurella. Diamètres crâniens augmentés.

Massalongo,. (Lombroso). Dolichocéphalie très prononcée.

Idem. (Cas du nommé Espositi). Front bas.

Gibotteau. Crâne notablement déformé. Toute la partie droite est

portée en avant.

Déjerine et Sollier. Persistance de la suture médiane du frontal. Base

du crâne asymétrique.

Comme on le voit, les déformations crâniennes sont assez rares dans l'a-

thétose double. Le côté intéressant de cette question, c'est de savoir si les

alhétosiques doubles avec les déformations crâniennes et en particulier les

microcéphales présentent les troubles intellectuels à un plus haut degré

que les athétosiques sans déformations crâniennes. Cette question n'est pas

encore traitée par les auteurs qui se sont occupés de l'athétose double. En

lisant les observations des auteurs qui ont noté les déformations crânien-

nes, il nous semble que les facultés intellectuelles chez les athétosiques

avec déformations crâniennes sont moins développées que chez les autres,

mais elles sont supérieures à celles des vrais microcéphales. De plus on

observe des athétosiques sans déformations avec des troubles intellectuels

en plus haute. Il paraît d'après cela qu'il n'y a pas un rapport bien net ni

ÉTUDE CLINIQUE SUR L'ATHÉTOSE DOUBLE. 187

bien constant entre les déformations crâniennes et les troubles intellec-

tuels chez les athétosiques.

III. FONCTIONS ORGANIQUES

Toutes les fonctions de la vie organique s'accomplissent habituellement

d'une façon normale, à moins de complications fortuites. Il semble qu'on

doit considérer comme telles les troubles digestifs graves qu'Eulenburg a

signalés chez son patient (Douleurs stomacales et vomissements opiniâtres,

qui ont nécessité une cure à Carlsbad). Le sujet de Pollak avait, parait-il,

une soif extrême. Audry nous raconte que la boulimie de sa malade était

telle, qu'elle ne pouvait se contenter du régime hospitalier et demandait

de l'huile de foie de morue pour satisfaire sa faim. Mais ce phénomène,

qui n'est pas absolument rare chez les idiots, se rencontre très rarement

chez les athétosiques doubles. Un de nos malades présentait des troubles

de la déglutition, de temps en temps, il avalait de travers. Nous en avons

parlé plus haut.

L'appareil circulatoire ne présente pas d'altérations notables, nous n'a-

vons pas trouvé de lésions cardiaques chez nos malades ; les désordres car-

diaques observés par Bernhard et Leube sont sans doute accidentels ou

dus à des complications.

Les auteurs n'ont pas non plus noté de Troubles du côté de l'appareil

respiratoire; Adseren dit que les muscles de la respiration peuvent être

pris; son malade n'avait pas de dyspnée. Un malade d'Audry respirait

péniblement. Chez un de nos malades la respiration était gênée principale-

ment pendant les efforts, on entendait l'inspiration bruyante et l'expira-

tion presque sifflante, causées probablement par les contractions spasmodi-

ques des muscles des lèvres et de la bouche.

Il n'y a pas de (roubles notables de la miction ni de la défécation ; pas

de troubles du côté des sphincters ; l'incontinence des matières et des

urines ne se montre qu'à une période avancée, lorsque par suite de leur

profonde déchéance physiologique les malades sont devenus galeux.

Dans l'athétose double l'urine ne présente pas de modifications notables

dans sa composition chimique. On n'y trouve ni albumine ni sucre.

De plus la quantité d'urée, d'acide phosphorique, excrétée dans les ingl-

quatre heures, y reste dans des proportions normal. L'appétit génésique

est conservé dans certains cas. Le cas de Barrs est unique : sa malade, at-

teinte d'athétose double, se maria, eut une grossesse sans accident, un ac-

couchement à terme, d'où naquit un enfant. Celui-ci vécut 6 mois « et

mourut par simple dépérissement, sans avoir jamais présenté les manifes-

188 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

tations de la syphilis congénitale. Pas d'autre grossesse ». Le sommeil chez

les athétosiques doubles est généralement calme, el dans la majorité des

cas fait cesser les mouvements.

4. Marche. Durée. Terminaison. Pronostic et traitement.

Nous avons vu déjà en grande partie, en étudiant la symptomatologie,

l'évolution que suivait généralement l'athétose double, et l'ordre de suc-

cession ordinaire de ces manifestations symptomatiques.

Nous avons vu aussi que son début pouvait se manifester de différentes

façons. La marche de l'athétose double est donc à peu près connue et nous

nous contenterons de résumer dans ce chapitre ses traits principaux : L'a-

thét05e double se développe presque toujours insidieusement el progres-

sivement dans la première ou seconde enfance, très exceptionnellement

dans l'âge adulte. Elle se prolonge presque toujours dans ce dernier.

D'habitude ce sont les troubles moteurs qui ouvrent la scéne consistant'

essentiellement en mouvements involontaires, lents et conlinuels, qui oc-

cupent les quatre extrémités, en particulier les doigts et les orteils, la face

et parfois certains muscles du tronc. Par suite de ces contractures il est

souvent très difficile d'examiner les réflexes tendineux. L'athétose s'accom-

pagne presque toujours de faiblesse intellectuel le (imbécillité) pi us ou moins

marquée, qui ne tend pas à augmenter progressivement comme c'est l'ha-

bitude dans la chorée chronique (démence). La démarche particulière est

un autre élément de diagnostic. Ces contractures sont difficiles parfois même

complètement impossibles pendant assez longtemps et très souvent les pau-

vres malades ne peuvent commencer à marcher qu'à un âge déjà avancé.

On n'observe pas de paralysie motrice à proprement parler dans l'athé-

tose double. La parole aussi est Iroublée par suite de l'état de contracture

des muscles de l'articulation; elle se rapproche plutôt à la parole de la

sclérose en plaques, elle est lente; traînante, difficile à sortir, retenue pour

ainsi dire et plus ou moins scandée et quelquefois un peu nasonnée el gut-

lurale; mais loule description de la parole chez les athétosiques doubles

esl forcément au-dessous de la réalité, caril faut l'avoirentendueetsurtont

avoir vu en même temps les grimaces très caractéristiques de la face chez

ces malades.

- Un autre caractère important, c'est que les mouvements athétosiques per-

sistent même au repos le plus absolu.

Le sommeil seul peut les faire suspendre. Iluet est le premier d'avoir

insisté sur un signe capital dans l'athétose double : c'est la raideur dans

les membres athétosiques si je peux m'exprimer ainsi; les mouvements in-

volontaires ne se font pas avec les moelleux comme clans la chorée chroni-

1 ÉTUDE CLINIQUE SUR L'ATHÉTOSE DOUBLE. 189

que ; au lieu de s'accomplir avec souplesse ils s'accompagnent de raideur,

de rigidité des parties affectées, il y a une contracture plus ou moins pro-

noncée de tous les muscles.

Ces mêmes raideurs, ces contractures existent dans l'accomplissement

des mouvements volontaires ; elles sont très appréciables aussi dans les

muscles de la face, surtout lorsque les malades parlent.

Au repos les contractures diminuent, mais lorsqu'on examine les ma-

lades, ou les fait marcher elles reparaissent de nouveau : elle» ne sont pas

cependant d'habitude telles que les muscles ne puissent mouvoir leurs

membres ou qu'il ne soit possible à l'observateur de changer la position de

ceux-ci.

Ces contractures finissent quelquefois par déterminer du côté des mem-

bres, surtout aux mains, des déformations articulaires semblables à celles

qui existent dans le rhumatisme noueux. Les déformations articulaires et les

déviations vertébrales manquent dans la chorée chronique.

Mais revenons à la marche de notre maladie. Le plus souvent elle reste

en élat stationnaire ainsi que les signes concomitants de la maladie; pen-

dant longtemps les mouvements involontaires restent peu étendus et assez

lents, ce sont des mouvements à petit rayon ; diminuant ou progressant

comme intensité, en se montrant surtout violents dans les régions ou les

extrémités envahies les dernières (Massalongo). Les troubles intellectuels

se développent aussi lentement et progressivement, et suivent dans une

certaine mesure une marche parallèle aux troubles moteurs. Au début l'in-

telligence est souvent atteinte, les malades sont seulement tristes, leurs

mouvements athétosiques, leur imbécillité rendent leur situation pénible

dans la vie sociale, mais ils vont rarement jusqu'à la démence comme c'est

l'habitude dans la chorée chronique.

La durée de l'athétose double est assez longue, la malade de Blocq et

Blin est morte à 57 ans, un de nos malades est âgé actuellement de 49 ans.

Quoi qu'il en soit on ne connaît pas encore dans la littérature médicale un

seul cas de guérison complète de l'athétose double. Ajoutons aussi que dans

les cas où la mort a eu lieu, c'est toujours par une autre maladie que les

malades sont morts :

Elle a lieu chez les malades de Kurella, Déjarine et Sollier, par la tu-

berculose ; chez celle de Lange par suicide. Dans le cas de Blocq et Blin,

autopsie faite par Huet, de la tuberculose. Dans le cas d'Adsersen par scar-

latine ; sur trois de mes malades parmi lesquels, ceux dont l'observation

clinique et anatomo-pathologique m'a été si aimablement communiquée par

M. Bourneville, la mort est survenue : chez l'une à la suite d'une pleuré-

sie purulente, chez les deux autres à la suite d'une congestion pulmonaire.

190 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

De ces considérations il est facile de déduire le pronostic de l'athétose

double. L'affection persiste toujours sans amélioration appréciable, par

conséquent c'est une maladie grave, incurable, malgré qu'elle ne menace

pas directement l'existence et permette une assez longue survie. Mais elle

compromet l'existence sociale des sujets par suite du ridicule qu'on attri-

bue souvent à leurs mouvements involontaires et à cause de l'incapacité

presque incomplète cle tout travail soit anormal soit intellectuel dans la-

quelle ils se trouvent.

,In Traitement. Les diverses médications qui ont été essayées jusqu'à

ce jour contre l'athétose double sont restées à peu près sans résultat.

Ainsi le traitement médical n'a rien fait pour ces malheureux êtres si cruel-

lement frappés. Nous avons employé chez nos malades les bromures à doses

élevées et prolongées, le sulfonal, le chloral, l'antipyrine, l'électricité, l'hy-

drothérapie, la suspension par la méthode de Moutchokowsky. Nous n'a-

vons pas obtenu de modifications appréciables du côté des troubles moteurs. '.

Dreschfeld et Bourneville conseillent la gymnastique qui a réussi dans

des limites très restreintes chez leurs patients. Mais malheureusement la

gymnastique est souvent difficile à appliquer chez les malades de ce genre.

.... Lange paraît avoir atténué la lassitude musculaire dans le cas de Mlle L...

'^par le massage et l'administration des injections arsenicales.

Mais les efforts thérapeutiques devront être dirigés plus encore contre

les troubles intellectuels. Comme l'ont remarqué Clay-Schaw et Massa-

longo il faut s'occuper des malades à ce point de vue, favoriser le dévelop-

pement de leur intelligence au plus haut degré possible, calmer leur

excitabilité qui est souvent fort grande et contribue à rendre les mouve-

ments plus exagérés. Il faut donc autant que possible mettre les sujets at-

teints de l'athétose double, au repos et au calme absolu, les rendre ainsi

moins nerveux et leur ordonner un régime tonique et hygiénique.

Quant au traitement chirurgical, certains malades ont besoin d'un siège

spécial approprié à leurs attitudes ; chez d'autres il faut essayer contre les

contractures et les positions vicieuses certains appareils orthopédiques.

Mais lorsque ceux-ci échouent, doit-on ou ne doit-on pas recourir à la té-

notomie ? Little a eu certains succès dans le tabes spasmodique infantile.

Gowers n'en est pas partisan. Du reste il faut le dire, la ténotomie n'est

d'ailleurs de mise que lorsqu'oll essaie de lutter contre les contractures ;

elle ne s'adresse pas directement ni à l'athétose, ni aux spasmes.

On sait qu'on a pratiqué contre l'athétose unilatérale, l'élongation des

nerfs. Greidenberg fut le premier à la faire pratiquer dans l'athétose dou-

ble ; chez son malade, le résultat semble avoir été négatif. Aujourd'hui

les progrès de la chirurgie moderne, paraissent nous encourager à la dis-

ÉTUDE CLINIQUE SUR L'ATHÉTOSE DOUBLE. 191

cussion d'une intervention bien plus grave, je veux parler de la trépanation.

En 1885, Sarah Mac Nuit en parlant du traitement primitif de l'hémi-

plégie spasmodique infantile double, propose dans les cas d'accouchements

difficiles, lorsque les convulsions suivent pendant des jours entiers, d'ou-

vrir le crâne de l'enfant et d'enlever les foyers hémorrhagiques qui sonl.

comme on le sait, très fréquents au niveau des méninges.

Iiorsley déclare au Congrès international de Berlin (1890), qu'il a opéré

un athétosique, en lui enlevant un morceau d'écorce cérébrale : « Malheu-

reusement, dit-il, en quantité insuffisante, car les secousses convulsives

réapparurent ». Il dit que les athétosiques peuvent bénéficier de la chirur-

gie. Citons, à ce propos, une opération d'Oppenheim, chez un enfant hé-

miplégique depuis l'âge de 14 ans et atteint d'athétose. Les accès épilepti-

formes augmentant, trépanation amenant une diminution des accès épilep-

tiques et de l'athétose (Congrès de Berlin).

Broca a aussi trépané dans un cas de monoplégie brachiale du type in-

fantile spasmodique avec athétose et épilepsie Jacksonienne. Celle-ci a été

un peu atténuée (Congrès de chirurgie).

Tout le monde connaît aujourd'hui la craniectomie proposée par M. le

professeur Lannelongue pour le traitement de l'hydrocéphalie avec idiotie.

Il est évident que l'absence de toute lésion constatée à l'autopsie rend ab-

solument inutile à priori toute intervention chirurgicale de ce genre, qui

doit être par conséquent formellement contre-indiquée.

Se plaçant à un autre point de vue, M. Audry, qui considère l'athétose

double comme un simple syndrome, en particulier d'affections cérébrales,

discuta l'indication chez les athétosiques doubles de ces deux opérations

(trépanation, craniotomie) et malgré tout parait en être peu partisan.

5. Diagnostic.

Le diagnostic de l'athétose double est aujourd'hui assez facile depuis que

dans ces dernières années nous avons appris à mieux connaître certaines

maladies nerveuses.

Nous nous proposons donc, dans ce chapitre, d'étudier les différentes af-

fections pouvant simuler l'athétose double, telles que les chorées, les ma-

ladies des tics, la maladie de Friedreich, la sclérose en plaque, paralysie

agitante, etc., affections autonomes et bien distinctes et enfin les mouve-

ments athétoïdes, c'est-à-dire tous les mouvements involontaires, qui par

leur aspect extérieur ressemblent à ceux de la maladie qui nous intéresse,

mais qui en doivent être nosologiquement et cliniquement séparés, soit

grâce à quelque caractère objectif qui les en distingue, soit surtout grâce à

192 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

l'adjonction de quelque symptôme différent qui est, au même titre qu'eux,

l'effet de la cause première qui les a produits.

Les caractères des mouvements involontaires dans l'athétose double,

permettraient à eux seuls de faire le diagnostic.

Rappelons-nous, en effet, que ces mouvements involontaires sont incoor-

donnés, illogiques et contradictoires, sans rythme et sans systématisations,

qu'ils s'exécutent avec une lenteur relative, sans brusquerie, que les mem-

bres qui en sont le'siège présentent toujours un certain degré de raideur,

qu'ils cessent ou diminuent pendant quelque temps à l'occasion de cer-

tains mouvements intentionnels, mais augmentent d'intensité et de fré-

quence par la marche et par les impressions morales, qu'ils se calment un

peu par le repos ; sans toutefois disparaître complètement pendant l'état de

veille ; le sommeil chloroformique et le sommeil naturel peuvent les faire

d'habitude cesser complètement.

Si, à ces caractères on ajoute ceux lires de l'évolution de la maladie et

enfin l'état mental (imbécillité), on aura tous les éléments nécessaires pour

reconnaître l'athétose double.

` Il AFFECTIONS POUVANT SIMULER

L'ATHÉTOSE DOUBLE

Chorée de Sydenham. En ce qui concerne cette affection, il faut

établir une distinction, suivant que la chorée est à sa période d'état, et d'une

intensité moyenne, ou bien, suivant qu'elle est son début, à son déclin ou

simplement très bénigne. Mais pour simplifier le fait, supposons que nous

nous trouvons en face d'une malade atteinte de la chorée de Sydenham, à la

période d'état, le premier signe qui nous frappe comme dans l'athétose dou-

ble ce sont les mouvements involontaires de la face et des quatre extrémités y

compris le cou et le tronc; les caractères de mouvements involontaires diffè-

rent beaucoup dans les deux affections, qu'il nous suflise d'indiquer quel-

ques-uns de leurs caractères propres qui ont une grande importance au point t

de vue du diagnostic ; le choréique est agité par les mouvements IeS 1é-

sordolés, ainsi il porte brusquement la tète de tous côtés, grimace étrange-

ment ;aune ou ferme convulsivement la bouche avec une intensité telle

que Tuck,rell a vu chez une petite fille (rois incisives brisées à la suite du

rapprochement des mâchoires, les joues se plissent; la langue frappe con-

tre le voile du palais en produisant un bruit analogue à celui que font les

cochers pour exciter leurs chevaux. Dans quelques cas il y a des morsures

de la langue et des lèvres. Aux membres supérieurs l'enfant relève brus-

quement le bras, choque le visage, fait un détour, un grand mouvement

excentrique, en un mot c'est la folie musculaire des auteurs..

'ÉTUDE CLINIQUE SUR L'ATHÉTOSE DOUBLE. 193

Aux membres inférieurs l'instabilité musculaire est encore plus mar-

quée qu'aux membres supérieurs, de là une démarche toute spéciale ; des

espèces d'enjambées, des glissades, des écarts, des sauts irréguliers. Parfois

la cuisse est fléchie violemment sur le bassin et le choréique tombe.

Les mouvements athétosiques sont-ils les mêmes ? Sans doute ils peu-

vent se confondre par quelque côté, mais il existe toutefois des différences :

les mouvements athétosiques sont lents, ils s'accompagnent de raideur, il

y a une contracture plus ou moins prononcée de tous les muscles.

Cette même rigidité, ces contractures existent dans l'accomplissement

des mouvements volontaires ; elles sont très appréciables aussi dans les

muscles de la face. Ces contractures finissent par déterminer du côté des

membres, principalement aux mains, des déformations semblables à celles

qu'on observe dans le rhumatisme noueux. La olonté n'a aucune influence

sur les mouvements involontaires dans les deux affections.

Les impressions morales les augmentent aussi dans les deux cas. La parole"

est presque toujours modifiée considérablement dans la chorée comme dans

l'athétose double mais les différences sont très accentuées. Lorsqu'on ob-

serve attentivement le choréique, on trouve que sa parole est plus explo-

sive, il y a de l'hésitation, un degré de bégaiement. Il y a des choréiques

qui éprouvent de l'hésitation il lancer le premier mot et ensuite parlent

avec une volubilité excessive. La voix s'échappe som eut par saccades, quel-

quefois interrompue par un son involontairement proféré, par une expi-

ration ou une inspiration bruyante involontaire, et donne lieu à des noies

graves et aiguës. Chez les athétosiques la parole est plus lente, spasmodi-

que si l'on peut ainsi parler.

Le» mouvements brusques des mains dans la chorée suffisamment accen-

tuée, rendent l'écriture impossible et souvent le malade rejette au loinla

plume qu'il tient. Au contraire si l'athétosique a conservé ses facultés in-

tellectuelles, s'il a appris il écrire, malgré les mouvements involontaires et

les spasmes, avec certains artifices il peut quelquefois arriver à griffonner

son nom.

L'état mental des choréiques est modifié dans les deux tiers des cas d'a-

près Marcé (1). On observe des troubles intellectuels, diminution de la

mémoire, mobilité des idées, impossibilité de fixer l'attention.

Les troubles plus graves qui peuvent survenir dans certains cas ne nous

occupent pas ici. Le plus souvent les troubles intellectuels cessent avec les

mouvements convulsifs. Dàns l'athétose double les troubles de l'intelligence

datent de l'enfance (imbécillité). '

Les contractures très fréquentes chez les athétosiques, manquent chez

(1) Marcé, De l'état mental dans la chorée (ilém. de l'Ac. de Méd., 1860).

194 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

les choréiques. Les paralysies rares dans l'athétose double, sont fréquentes

dans cette forme de chorée, qu'on appelle encore chorée molle. C'est à l'a-

thétose double qu'appartiennent les déformations crâniennes et autres.

Les troubles sensitifs nuls chez les athétosiques, existent chez les cho-

réiques. Il y a de la céphalalgie et de la rachialgie, des sensations pénibles,

mal définies, des douleurs spontanées sur le trajet des os au voisinage des

articulations.

L'évolution de la chorée de Sydenham est relativement rapide; elle se

termine par la guérison, au plus tard en quelques mois, dans l'immense

majorité des cas. L'athétose double est toujours congénitale, lente et pro-

gressive, ne guérit jamais.

L'étiologie de la chorée seule pourra fournir les éléments de diagnostic.

Elle se développe exceptionnellement avant l'âge de six ans, le plus sou-

vent à l'origine, elle est limitée à une partie du corps, surtout au côté gau-

che, elle se généralise ensuite rapidement.

Chorée chronique. La chorée chronique est à peu près la seule

affection avec laquelle il soit facile de confondre l'athétose double. C'est

pourquoi le diagnostic nous arrêtera un moment.

Clay-Schaw autrefois et Huet plus récemment se sont occupés beaucoup

du diagnostic différentiel de ces deux maladies.

A vrai dire lorsque la chorée chronique est bien caractérisée, lorsqne ses

mouvements sont bien tranchés et reproduisent en somme tous les caractè-

res que nous indiquions précédemment à propos de la chorée de Sydenham,

la distinction ne sera pas bien difficile. Mais il n'en est pas, tant s'en faut,

toujours ainsi et quelquefois les mouvements involontaires de la chorée

chronique de moyenne intensité ressemblent un peu à ceux de l'athétose

double, ils ont le même siège : la face et les quatre extrémités, et quoique

ces caractères peuvent, sans doute se confondre par quelque côté, il existe

toutefois une différence ; c'est que, à l'occasion des actes intentionnels, les

mouvements athétosiques augmentent beaucoup, principalement dans la

première moitié du temps nécessaire à l'accomplissement de l'acte.

Mais ce qui distingue surtout l'athétose double de la chorée chronique,

c'est que dans la première les mouvements involontaires ne se font pas avec

moelleux comme dans le second (Muet) ; au lieu de s'accomplir avec sou-

plesse, ils s'accompagnent au niveau des parties affectées, d'une raideur

qui en somme est le caractère distinctif essentiel lorsque l'on parle de

chorée chronique et d'athétose.

Il y a une contracture plus ou moins prononcée de tous les muscles.

Ces mêmes raideurs, ces contractures existent dans l'accomplissement

des mouvements volontaires ; elles sont très appréciables aussi dans les

ÉTUDE CLINIQUE SUR L'ATHÉTOSE DOUBLE. 195

muscles de la face surtout lorsque les sujets parlent. Quand les malades

sont au repos, les contractures diminuent, mais aussitôt qu'on veut exami-

ner les patients, elles reparaissen t de nouveau avec la même intensité ; elles

ne sont pas cependant d'habitude telles que les malades ne puissent mou-

voir leurs membres ou qu'il ne soit possible à l'observateur de changer la

position de ceux-ci. Ces contractures finissent par déterminer du côté des

membres, principalement aux mains, des déformations et subluxations des

doigts assez semblables à celles qui existent dans le rhumatisme noueux ;

ces déformations et ces subluxations manquent dans la chorée chronique.

La démarche est très particulière dans l'athétose double et ne ressemble en

rien à celle de la chorée chronique ; elle est en effet spasmodique, les ma-

lades marchent sur la pointe des pieds, les genoux rapprochés l'un contre

l'autre ; tandis que dans la chorée chronique on constate que les malades

marchent par une espèce de propulsion momentanée, entrecoupée par des

arrêts brusques, des gesticulations extrêmement variées, des déviations de

côté et d'autre de la ligne droite.

La parole est défectueuse dans l'athétose double comme dans la chorée

chronique, mais lorsqu'on observe bien attentivement les choréiques, on

trouve que la « parole est plus explosive, plus bégayante », plus lente,

plus allongée chez les athétosiques.

« Dans la chorée chronique, dit Clay-Schaw, les paroles sont vivement

projetées au dehors ; dans l'athétose double, elles sont allongées par le re-

trait lent et graduel des angles de la bouche ». Les mouvements de la lan-

gue diffèrent aussi ; ils sont plus rapides et brusques dans la chorée, plus

lents dans l'athétose double. Les déformations, les subluxations, l'hypertro-

phie musculaire manquent toujours dans la chorée chronique.

La marche de la maladie est plus régulièrement progressive dans la

chorée.

Au point de vue des troubles de l'intelligence on peut les caractériser en

deux mots : le choréique chronique devient à la fin un dément, l'athétosi-

que double est né un imbécile, au moins dans la majorité des cas où la

maladie s'accompagne de troubles mentaux. En tout cas dans la chorée chro-

nique le désordre mental va toujours progressant tandis que dans l'athétose

double on peut arriver à éduquer le malade et à en faire quelque chose.

Chorées électriques. La chorée électrique de Bergeron se sépare

toute seule de l'athétose double, par ses secousses musculaires brusques qui

n'ont rien du caractère des mouvements athétosiques ; en effet on ne remar-

que jamais dans cette forme, les mouvements involontaires lents, coordon-

nés, exagérés par l'action musculaire intentionnelle, qui sont l'essence de

l'athétose double; les malades sont au contraire dans un repos absolu, et de

196 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

temps en temps seulement, toutes les cinq minutes par exemple, surviennent

des « secousses fulgurantes », particulièrement dans les muscles de la nuque

et des épaules, mais dans d'autres parties aussi. Elles ont la plus grande ana-

logie avec les secousses produites par un faible courant d'induction ; elles

sont en règle générale faibles et passent si rapidement qu'il faut parfois une

observation très attentive pour les apercevoir. La parole n'est pas troublée.

Le malade peut également écrire ou faire son travail. De plus elle évolue

très rapidement et cède bien facilement au traitement.

La chorée électrique de Dubini. Dans la maladie deDubini, les secousses

im olontaires s'accompagnent d'attaques convulsives, laissant après elles un

certain degré de paralysie des membres et de déviations de. la face, telle

qu'elle existe dans l'hémiplégie.

L'évolution en est toujours continue et progressive ; la durée oscille entre

quelques jours et cinq mois et dans 90 0/0 des cas la terminaison est

fatale.

Paramyoclonus multiplex. Friedreich a signalé le premier, en

1881, en lui donnant le nom de paramyoclonus multiplex, une affection ca-

ractérisée aussi par des mouvements involontaires.

En 1886, P. Marie faisait connaître en France celte nouvelle maladie el

en publiait la première observation recueillie dans le service de M. le pro-

fesseur Charcot. Depuis, de nouveaux cas ont été rapportés par Chauffard,

Lemoine et Lemaire, Valllair, Farge, etc...

A en juger d'après Seeligmuller et Rubini qui prétendent que quelque-

fois les mouvements involontaires de paramyoclonus multiplex sont assez

voisins de l'athétose double, le diagnostic doit se poser. Mais les mouve-

ments involontaires dans le paramyoclonus sont grandement différents de

ceux de l'athétose double, les secousses musculaires sont brusques, comme

les contractions provoquéespar une décharge électrique. Enoutreelles ne se

produisent que par intervalles irréguliers au lieu d'être continues comme

dans l'athétose double. On peut les provoquer par des excitations diverses,

pincement de la peau, percussion des muscles, etc., souvent il existe des

contractions musculaires incomplètes, fibrillaires ou fasciculaires, qui se

dessinent sous la peau, mais sont insuffisantes pour produire un mouve-

ment.

Marie croit que la symétrie peut être considérée comme un signe carac-

téristique et que les spasmes musculaires peuvent produire le déplacement

des membres atteinls.

D'après Silvestrini et Seeligmuller les ell'orts de la volonté sont capables

. (1) Jlubini, Atetosi et paramioclono multiplo, (Riforma medica et Bull. de clin., Milans,

1886).

ÉTUDE CLINIQUE SUR L'ATHÉTOSE DOUBLE. 197

de diminuer ou même faire cesser les mouvements myocloniques. Le som-

meil ne les arrête pas toujours, au contraire, il les augmente parfois; il

en est autrement dans l'athétose double. La guérison est fréquente avec

récidives.

Enfin les trois signes caractéristiques et qui n'existent pas dans l'athé-

tose double sont : .

1° L'instantanéité des spasmes ; 2° leur incoordination absolue et leur

ressemblance avec des secousses électriques; 3° le siège des muscles atteints.

Aussi est-il facile d'après ces différents caractères, de ne pas confondre le

paramyoclonus avec l'athétose double.

Tics convulsifs. La maladie des tics que nous ont bien fait con-

naître, dans ces dernières années, Charcot (1) et ses élèves, en particulier

Gilles de la Tourette et G. Guinon (2), pouvait être confondue avec l'athé-

tose double par la date habituelle de son apparition dans le jeune âge,

par les mouvements involontaires de la face et les quatre membres. Mais

un examen attentif des mouvements des malades et la connaissance d'au-

tres particularités symptomatiques permettront de faire le diagnostic.

En effet dans la maladie des tics les mouvements sont brusques, rapides,

instantanés ; ils n'ont pas cette lenteur des mouvements de l'athétose dou-

ble ; ils se représentent toujours les mêmes et'dans un même ordre au lieu

d'être continuellement changeants, et sans ordre, comme l'a montré G. Gui-

non. « Ils ne sont pas incoordonnés mais sont la représentation ou la cari-

cature des gestes naturels : clignotement, reniflement, crachotement, action

de se frapper le front, le visage, la poitrine, etc..., élévation des bras

comme dans un mouvement de défense, etc. Ils sont donc systématisés »,

ils ne sont pas continus mais surviennent par accès plus ou moins répétés

et plus ou moins longs ; les malades peuvent par un effort de leur volonté

les arrêter pendant un temps parfois assez long, mais l'effort qu'ils font

pour dominer leurs tics et les dissimuler aux personnes présentes s'accom-

pagne habituellement d'un sentiment d'angoisse très prononcé, puis à la

suite il se produit une sorte de décharge et leurs mouvements éclatent pour

un temps, avec plus d'intensité et plus d'étendue.

Celte possibilité qu'ont les liqueurs d'arrêter par la volonté leurs gesti-

culations a pour effet de leur permettre d'accomplir sans troubles des actes

intentionnels mais alors leurs mouvements involontaires sont complète-

ment suspendus, il n'en est pas absolument de même dans l'athétose dou-

ble, nous avons vu, en effet, que chez les athétosiques l'influence de la

volonté pouvait très exceptionnellement arrêter leurs mouvements atbétô-

(1) Charcot, Semaine méd., 1SS6.

(2) G. Guinon, Rev. de meut ? 18SG et 4sus7, et Dict. encyclop. des sciences méd. Arti-

cle : tic convulsif. 1

198 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

siques et leur permettre d'accomplir tel ou tel acte déterminé. Ainsi par

les seuls caractères des mouvements involontaires, on pourra déjà distin-

guer la maladie des tics de l'athétose double.

En même temps qu'ils se livrent à leurs gesticulations les tiqueurs pro-

fèrent souvent des exclamations ou des mots entiers qui varient suivant les

malades ; les mots que les tiqueurs répètent malgré eux sont souvent des

mots orduriers, des expressions grossières, c'est ce que Gilles de la Tou-

rette (1) a désigné sous le nom de capl'olalie, les mêmes sujets sont quel-

quefois portés à répéter involontairement les mots qu'ils entendent ou les

gestes que l'on fait devant eux, echolalie, echokinésie. Enfin l'état mental,

dans ces deux affections est bien différent, chez les malades atteints de

tics convulsifs, il est fréquent de rencontrer des idées fixes, des troubles

émotifs, divers mots obsédants, arithmomanie, agaraphobie, claustropho-

bie, folie du doute, délire du toucher, etc... Ce qui domine chez les athé-

tosiques doubles est un affaiblissement des facultés intellectuelles (l'imbé-

cillité).

Nous insisterons peu sur le diagnostic différentiel de l'athétose double

et des autres maladies avec tremblements ; ce qui serait sortir de notre sujet.

Le fait seul de se trouver en présence d'un tremblement, c'est-à-dire d'os-

cillations rhythmiques et régulières d'une part et d'autre de la position

normale suffira pour faire écarter l'hypothèse de l'athétose double, affec-

tion dans laquelle les mouvements involontaires sont irréguliers, lents et

contradictoires; on pourra éviter ainsi, par ce seul caractère, la confusion

avec les tremblements hystériques, toxiques, alcooliques, mercuriels, etc...,

le tremblement sénil, etc. Cependant leur coïncidence avec certains symp-

tômes pourrait, dans quelques cas, faire légèrement hésiter, au premier

abord, le clinicien.

Maladie de Parkinson. La présence d'un véritable tremblement,

l'attitude spéciale des malades, leur air soudé, leur masque immobile et

figé, la raideur extrême de leurs membres et de tout le corps, les propul-

sions et les rélropulsions, sensation de chaleur, etc., empêcheront une mé-

prise.

Les mouvements involontaires des doigts et surtout de la face dans l'a-

thétose double, ont une irrégularité qui ne se retrouve pas dans la maladie

de Parkinson. En effet, le tremblement dans cette dernière maladie se

compose d'oscillations rhythmées de petite étendue et de durée courte ; la

main et les doigts tremblent individuellement, les phalanges sont étendues,

les unes sur les autres, mais les doigts sont fléchis sur le métacarpe. Le

(1) Gilles de la Tourette, Arch. Neurol., 1884 et 1885.

ÉTUDE CLINIQUE SUR L'ATHÉTOSE DOUBLE. 199

pouce en adduction vient s'appuyer par sa pulpe sur l'index imitant ainsi

la position de la main qui tient une plume à écrire, et les mouvements qui

agitent toutes ses parties rappellent quelquefois l'acte de rouler une bou-

lette. Ce tremblement est continu (sauf pendant le sommeil) et se manifeste,

fait important, en dehors de tout mouvement volontaire. L'écriture quand

elle est possible est très particulière. Elle est généralement rapetissée, les

jambages des lettres sont sinueux, formés par une série de lignes brisées.

La démarche avec propulsion ne ressemble à rien de la démarche spas-

modique de l'athétose double; et enfin la parole n'est pas altérée dans la

paralysie agitante.

Sclérose en plaques. L'athétose double se confondrai ! plus facile-

ment encore avec la sclérose en plaques. Massalongo, Bourneville et Pil-

liet et d'autres insistent sur la ressemblance et les différences de l'athé-

tose double et de la sclérose en plaques. Pourquoi une pareille confusion

serait-elle possible ? à cause du trouble de la parole et du tremblement qui

caractérisent la sclérose en plaques.

Les troubles de la parole ont en effet quelque ressemblance avec ceux

de l'athétose double, mais les différences sont assez nettes. Tandis que dans

la sclérose en plaques, elle est scandée, traînante, au contraire dans l'a-

thétose double elle est allongée, bégayante et spasmodique. Dans cette der-

nière seule l'émission du son s'accompagne de mouvements convulsifs sié-

geant dans la langue, les lèvres et les autres muscles de la face.

Les tremblements de la sclérose en plaques, à l'inverse des mouvements

athétosiques, cessent lorsque les malades sont abandonnés à un repos com-

plet, couchés dans leur lit par exemple. Voulez-vous faire réapparaître le

phénomène partiellement dans un membre ? Commandez au malade de por-

ter à sa bouche un verre. Au moment de la préhension du verre, les oscil-

lations sont peu accusées mais elles s'exagèrent progressivement pour at-

teindre leur maximum au moment où le verre approche de la bouche. A

bien examiner les choses la confusion ne paraît pas possible entre ce

tremblement et les mouvements involontaires si caractéristiques dans l'a-

thétose double, en extension, flexion, adduction et abduction avec la par-

ticipation de la face et qui existent même en état du repos.

La paraplégie spasmodique, si fréquente dans la sclérose en plaques, est

exceptionnelle dans l'athétose double.

(A suivre) ' DiMITHI IVAN Michaïlowski

LA VENTOUSEUSE -

PAR QUIRYNG BREKELENKAM

Nous avons déjà eu l'occasion de signaler dans ce journal (1) un remar-

quable petit tableau d'un peintre hollandais fort estimé, QuiryngBrekelen-

kam, le seul'de ce maître que possède le Musée du Louvre, et remarqua-

ble autant par sa facture que par ses qualités d'expression. Il est intitulé

« la Consultation ». L'auteur ne met en scène que deux personnages,'un

médecin et une malade, mais tous deux sont représentés avec.tant'de vé-

rité et de sincérité, que, malgré la simplicité et presque la vulgarité de la

scène, il s'en dégage un sentiment intime et profond qui captive et retient

le spectateur. Ce sont des qualités semblables qui distinguent un autre ta-

bleau du même maître que M. le Dr A. de I'ung de la Haye nous a fail

connaître et dont il a bien voulu nous envoyer une photographie. Nous

pensons être agréable à nos lecteurs en en donnant ici une. reprodilcli on'.

Ce tableau fait partie de la collection privée deVl. le Dr Bredius, l'émi-

nent directeur du Musée Royal de la Haye. Le sujet qu'il .représente est

- également fait pour intéresser les médecins, mais ce n'est plus l'homme de

l'art lui-môme' qui -entre en scène, comme dans le tableau- du.Louvre,' c'est

un'de'ses'aides obscurs, modestes collaborateurs chargés d'exécuter les in-

fimes opérations de la petite chirurgie. C'est ici une.vieille femme qui ap-

plique -(les - ventouses. Le tableau, est connu en Hollande sous le nom do

«.K9pstei',¡¡. ! Kopster. estde nom d'une : femme qui pose des ventouses/

Il.- Havard'le'cite'dans'son oeuvre « L'Art'et'les artistes hollandais »

(tom : IV, p. 124) sous ce titre « la Malade » : La ventouse est : appliquée

sur le dos du 'poignet.' Du sang.qui coule. nous fait supposer qu'il s'agit

d'une. véritable saignée . locale, obtenue, au moyen de quelques scarifica-

tions préalables. La malade tout attentive n'en paraît pas autrement émue.

Elle est',vêtue de 'riches effets,'une étoffe grossière posée sur ses genoux

protège son costume et" c'esl elle-même qui tient la cuvette au-dessous dit

poignet, siège.de l'opération : La vieille'ventouseuse s'acquitte de sa lâche

avec conscience et gravité. A sa portée se trouvent une.bougie allumée el

une jatte probablement remplie d'eau (Pl. XXIV). "

¡ - ? .... . - J. M. CHARCOT (de l'Institut)'. ?

PAUL RICIIER.

(1) Nouv. Iconographe., 1889, p. 1S2.

Le gérant : Louis BATTAII,1,1-.

Imp. Vve LouRDOT, 33, rue des Batignolles, Paris.

Nouvelle iconographie de la Salpètrière. T. v. PL. xxiv.

Cliché A. LONDE. PHOTOCOLLOGRAPHtE Chêne & LONGUET

LA VENTOUSEUSE

(par QuiZYNG BREKELENKAM)

VVE BABE & C'E

EDITEURS

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

DE LA SALPÊTRIÈRE

TROUBLES TROPHIQUES SYMÉTRIQUES DES MAINS

ET DES AVANT-BRAS

D'ORIGINE probablement HYSTÉRIQUE

(Hôpital Saint-Louis. Service de M. le professeur Fournier).

Nous voulons simplement exposer le cas suivant qui a donné lieu à un

certain nombre d'interprétations. La malade, hystérique confirmée, pré-

sentée à la Société de dermatologie et a été accusée de simulation ; d'autre

part, on trouve dans les auteurs des cas qui paraissent beaucoup se rap-

procher de celui que nous avons observé et qui ont été nettement rappor-

tés à des troubles trophiques d'origine hystérique.

A... est venue en 1892 à la consultation de l'hôpital St-Louis, service

de M. le professeur Fournier.

Cette malade, âgée de 17 ans, ne donne que des renseignements très in-

complets sur ses antécédents héréditaires. Nous savons seulement que sa

mère a toujours été nerveuse et émotive. Elle-même n'a jamais eu, dit-

elle, de maladies notables, elle est irritable, pleure et se désole facilement.

Une seule fois, à la suite d'une contrariété, elle a eu une légère attaque

de nerfs avec perte de connaissance.

Depuis deux mois, cette malade présente des poussées successives d'élé-

ments éruptifs, disséminés et groupés, d'une façon symétrique, sur la peau

des régions carpiennes et métacarpiennes des deux mains et sur les avant-

bras. Voici en quoi consiste cette éruption : sur la peau saine apparaît (au

dire de la malade) une petite tache rouge sur laquelle s'élève, après quel-

ques heures, une petite saillie. Au moment où la malade vient consulter

nous constatons en effet ces éléments éruptifs, vésiculeux, portant au cen-

tre un point noirâtre, déprimé, ombiliqué. Cette petite vésicule est très peu

saillante, elle est entourée d'une aréole rouge. Au bout de 4 à jours

v 14

202 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

cette vésicule s'étend, le liquide devient louche, il se forme une vésico-

pustule surmontée d'une croûtelle jaunâtre. Si on enlève cette croule, on

trouve une petite ulcération, dont les bords sont nets, taillés à l'emporte-

pièce.* Le fond est recouvert d'un'enduit purulent, blanchâtre ou jaunâtre,

très adhérent. Peu à peu la croûte se dessèche, devient noirâtre et la lésion

se termine par une cicatrice brunâtre à bords bien limités (PI. XXV).

L'évolution complète d'un de ces éléments dure un mois environ.

On trouve sur la malade des éléments à toutes les périodes de leur évo-

lution. Tous ces éléments sont régulièrement disséminés et séparés les uns

des autres par de la peau saine. Ils ont le diamètre d'une lentille environ.

Au point de vue subjectif, la malade se plaint de ressentir au moment

des poussées, des douleurs très vives'siégeant profondément dans les mus-

cles de l'avant-bras ; ces douleurs sont-passagères.-

Cette éruption rappelle la maladie décrite par M. Brocq sous le nom de

« folliculites symétriques à tendances cicatricielles ».' Cependant chez notre

malade les éléments éruptifs tout à fait au début avaient des caractères ob-

jectifs bien spéciaux.

Nous avons entrepris quelques recherches. sur la pathogénie de cette

éruption. Les recherches bactériologiques sont restées négatives. La-vési-

cule tout à fait au début ne contenait pas d'organisme malgré des examens

microscopiques répétés et de nombreuses tentatives decultures. Leséléments

plus âgés contenaient au contraire les bactéries habituelles du pus,.mais il

s'agissait alors d'une infection secondaire.

.Nous avons alors songé à des troubles trophiques. Cette dernière hypo-

thèse est bien vraisemblable, on trouve en effet sur notre malade presque

tous .les stigmates de l'hystérie : .analgésie, rétrécissement du champ vi-

suel, etc. ; il ne peut y,avoir de doute à ce sujet, l'examen ayant été fait

par M. Gilles .de. la Tourelle qui présenta la malade à M. le professeur

Charcot

Nous nous sommes enfin demandé s'il ne s'agissait pas là de lésions air-

tificiellement provoquées par des brûlures, en- un mot d'une maladie simu-

lée..L'examen du caractère de la, malade, -son genre,de vie, les renseigne-

ments recueillis dans son entourage rendent cette hypothèse peu probable;

malheureusement la malade n'ayant'pas pu rentrer dans un service hospi-

talier il nous a été impossible' d'exercer sur elle une surveillance rigou-

reuse qui aurait été nécessaire 'pour lever. tous les doutes.. j'

' 'L'a maladie fut traitée par le'bromure de potassium et les douches froi-

des qui ont amélioré son état, mais pour des raisons indépendantes de notre

volonté nous avons cessé de la voir avant sa complète guérison.

Bibliographie bornée aux lésions gangreneuses de la peau survenant chez les hysté-

riques. Obs. XI de la thèse d'Athanasio. Des troubles trophiques dans l'hystérie.

NOUVELLE Iconographie de la Salpètrierp. r. V. PL. X"{V.

CtICHF x. PHOTQCOLLOGi ? APHIE CHIlNF lOT LONGUr

TROUBLES TROPHIQUES D'ORIGINE probablement Hystérique

LOUIS BATTAILLE & C,E

EDITEURS

TROUBLES TROPIIIQUES SYMÉTRIQUES 203

Paris, 1890. Deux cas de gangrène spontanée de la peau chez les hystériques dans

Kaposi : Pathologie und Therapie der IIautlcrankheiten, 3° éd., 1881, p. 318. - Ibid.

Ueber poste1' gang1'ænosus hystericus ; Viel'teljah1'sch1'ift sur Dermatologie und Syphilis,

ISSU, Heft 4. - Obs. XXX de la thèse de Leloir, 1881. Gangrènes mulliples de la peau

chez une jeune fille de 18 ans. Sangster. A Case of supposed neurotic encoriation.

Congrès de Londres, t. 3, 1881, p. 184. Renaut. Sur une forme de la gangrène succes-

sive et disomnie de la peau. La Médecine moderne, 20 février 1890, no 9, p. 1G1. Si-

iniilalioii. Strumpell. Ueber cinen Fall von schwerer Selbstbeschædigung bei einer

Hysterischen. Deulschen Zeitsc ! t1'ift sur Nervenheilk. II 13d.

VLILLON,

Interne des hôpitaux.

DES DEVIATIONS VERTÉBRALES NLVROPATHI(IIII : S

- (Suite et fin 4).

D'autres particularités, moins constantes, peuvent s'adjoindre à la dé-

formation que nous avons décrite; c'est parfois une légère inclinaison du

tronc en avant, ou bien une rotation de la colonne vertébrale, en vertu de

laquelle l'une des épaules, l'une des épines iliaques proéminent davantage

en avant.

L'évolution de la scoliose sciatique est assez variable. Tantôt elle débute

en môme temps que la sciatique elle-même, tantôt elle ne se manifeste

que plusieurs mois après que cette dernière est apparue. Brunelli, qui a

noté la date du début clans 5 cas, a donné les chiffres suivants : la dévia-

tion s'est montrée, 2 fois, un mois après le commencement des douleurs ;

3 mois après, dans deux cas ; enfin au bout de 6 mois dans un autre.

D'ordinaire peu marquée au début, elle s'accentue progressivement,

devient persistante, même dans le décubitus, et oppose une résistance, de

plus en plus grande aux efforts de redressement. Il suffit souvent que la

sciatique s'amende sans se calmer complètement, pour que la déviation

disparaisse ; mais on doit craindre alors un retour de la scoliose, si la dou-

leur elle-même s'exagère à nouveau. Ce fait a été observé en particulier

par Bonsclorff. Au contraire une déformation forte et de date ancienne

peut survivre longtemps, peut-être indéfiniment, à l'affection primitive.

Il y aurait lieu de penser, en pareil cas, à des rétractions fibreuses telles

qu'il s'en produit à la suite de contractures prolongées (2). M. Babinski

pense avec raison que l'examen sous le chloroforme permettrai de discer-

ner les cas de ce genre. On sait aujourd'hui que la déformation peut dis-

paraître complètement dans ces conditions ; le phénomène inverse prouve-

rait à coup sûr une lésion surajoutée à la contraction musculaire, el le

pronostic se trouverait modifié.

Quoi qu'il en soit, il est de règle que la guérison de la difformité aille

de pair avec celle de l'affection douloureuse. De ce que la déviation a sur-

vécu quelque temps à l'affection première, on ne saurait conclure qu'elle

(1) Voy. len»3, 1892.

(2) Charcot, Progrès méd. 188 i. î.

DES DÉVIATIONS VERTÉBRALES NÉVROPATHIQUES. 205

est indélébile. Pour l'affirmer, il faudrait pouvoir suivre le malade pen-

,dant un temps assez long.

La pathogénie proposée par M. Charcot et développée par M. Babinski est

hors de contestation. Il s'agit évidemment au début d'une attitude instinc-

tive ayant pour but d'atténuer la douleur en portant le poids du corps sur

la jambe saine. La vigilance musculaire qui maintient celle attitude devient

à la longue très voisine de la contracture; les muscles fléchisseurs latéraux

de la colonne lombaire entrent dans une sorte de spasme fonctionnel, du

côté opposé à la sciatique. Ainsi s'explique ce fait signalé par M. Debove,

que les pulvérisations de chlorure de méthyle peuvent supprimer la dou-

leur sans faire cesser aussitôt la déviation. Dès lors peuvent se produire,

soit des réactions fibreuses, soit des déformations osseuses vertébrales, ren-

dant la scoliose définitive. Des examens anatomo-pathologiques seraient

nécessaires pour élucider ce dernier point.

Peut être faut-il faire intervenir aussi l'atrophie des muscles latéraux du

rachis lombaire du côté de la sciatique, car l'atrophie peut s'étendre au

delà de la sphère de distribution du sciatique. D'ailleurs Sctuidel a trouvé

par la dissection qu'une branche du plexus sacré se distribue au muscle

sacro-lombaire après avoir passé par le premier trou sacré postérieur. Ainsi

s'explique, d'après cet auteur, la possibilité d'une parésie de ce muscle

directement liée à la scialique. On a dit aussi que les nerfs sensitifs, éma-

nés du même plexus, et qui, pour se rendre à la peau, traversent les mas-

ses musculaires, pouvaient rendre douloureuse la contraction des muscles.

C'est ainsi que L. Laquer (1) cherche à expliquer une cyphose lombaire liée

à la compression de la queue de cheval ; dans ce cas, la même action se

produisant des deux côtés tendait à engendrer non plus une scoliose, mais

une incurvation cyphotique.

Nous n'insisterons pas sur le traitement. Il est essentiel évidemment de

chercher avant tout la guérison de la sciatique. On ne négligera pas toute-

fois, surtout quand la déformation est prononcée ou ancienne, les procé-

dés usuels de traitement des déviations vertébrales : massage, gymnastique,

orthopédie.

II. Scoliose sciatique homologue.

Le tronc s'incline du côté malade. Celle variété a été signalée pour la

première fois par M. Brissaud. Nous en avons nous-mème observé un exem-

ple qui répondait à la description de cet auteur; le cas a été communiqué

en 1890 à la Société clinique par notre ami Lebon, alors notre collègue

dans le service de M. IIayem, Lamy, Remak en ont publié des observa-

tions. '

(1) L. Laquer. Uber compression de;' cauda equina. Neurol. centralbl. 1891, nQ 1, p. 203.

206 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

Cette forme est beaucoup plus rare que la précédente. La convexité de

la courbure rachidienne regarde le côté sain ; l'intervalle costo-iliaque du

côté malade est diminué d'étendue. Le bassin peut être diversement incliné;

il se penche tantôt vers le côté de la sciatique, tantôt en sens inverse. Dans

le premier cas, il y a allongement apparent du membre malade, qui est

dès lors forcé de se fléchir dans la station debout. Dans le deuxième cas,

il y a raccourcissement de ce membre, et le pied reste élevé à quelques

centimètres au-dessus- du sol ; le malade vu de dos ressemble à un sujet

atteint de coxalgie hystérique.

Ainsi donc, la position du bassin et celle du membre inférieur malade,

solidaires l'une de l'attire, sont variables. Ce qui est constant, c'est le rac-

courcissement de l'espace coxo-iliaque.

Dans la station verticale, le malade doit ici, comme dans la variété

croisée, porter le poids du corps sur la jambe saine. Mais l'inclinaison du

tronc tend à produire l'effet inverse. Le malade est obligé, pour rétablir

l'équilibre, de faire saillir fortement la hanche du côté sain. Quoi qu'il en

soit, la station et surtout la marche sont beaucoup plus difficiles que dans

la variété habituelle. Elles sont môme tout à fait impossibles sans aide,

lorsqu'il s'est produit, du côté malade, ascension du bassin et raccourcis-

sement apparent du membre.

Comme on voit, c'est ici la hanche du côté sain qui fait saillie, contrai-

rement à ce qui se passe dans la scoliose croisée.

Telles sont les déformations. Il nous reste à signaler certaines particu-

larités mises en lumière par M. Brissaud et qui éclairent la pathogénie.

L'exploration du flanc du côté malade montre que les muscles sonl con-

tractures et douloureux à la pression. C'est là évidemment la cause directe

de la déviation. Mais ce n'est pas tout. On constate dans le membre affecté

la trépidation épileptoïde, l'exagération du réflexe rotulien et un état de

contracture des muscles périarticulaires déterminant une pseudo-ankylose

coxo-fémorale.

Ce phénomène appartiendrait donc spécialement à une espèce particu-

lière de sciatique, à la sciatique spasmodique, analogue à d'autres névral-

gies spasmodiques, telles qu'il s'en montre à la face, par exemple. L'état

spasmodique peut s'étendre, d'après M. Brissaud, aux muscles tributaires

du plexus lombaire, d'où la scoliose homologue. Cela parait d'autant plus

vraisemblable que, dans les cas de ce genre, certains points douloureux :

point crural, point obturateur, point fessier supérieur, trahissaient la

participation de ce plexus. Bref, il s'agirait ici de néualgies lomho-sacrées

spasmodiques.

Les observations sont encore trop rares pour permettre de tracer l'évo-

lution de la maladie. Dans un cas de Lamy, la déviation a débuté et dis-

DES DÉVIATIONS VERTÉBRALES NÉVROPATHIQUES. 207

paru en même temps que la douleur elle-même. Il est légitime de penser

qu'ici, comme dans toute contracture, des modifications définitives peuvent

survenir et assurer la permanence de la scoliose.

Le diagnostic des scolioses sciatiques est facile. Toutefois la déformation

est souvent légère et demande à être cherchée.

Bien que l'attitude qui en résulte ne soit pas absolument spéciale et

puisse se montrer notamment chez les hémiplégiques et dans les divers

cas de contracture des muscles fléchisseurs latéraux du rachis lombaire,

elle peut néanmoins permettre souvent de découvrir à première vue l'exis-

tence et le siège d'une sciatique. M. Charcot a montré que ce symptôme

pouvait déceler une sciatique fruste ; M. Ballet a présenté à la Société mé-

dicale des hôpitaux, un malade chez lequel l'affection s'était dénoncée de

cette manière.

Il sera parfois fort difficile d'établir le diagnostic entre la coxalgie hys-

térique et la sciatique spasmodique avec scoliose homologue, lorsque la

première s'accompagne de douleur sciatique. L'attitude est la même dans

les deux cas. On tiendra compte des autres signes de la névrose, de l'hyper-

esthésie des téguments, du degré plus fort de la contracture, de son ex-

tension à tout le membre, autant de caractères plus spéciaux à la coxalgie

hystérique. ,

Signalons ici un fait, sur lequel M. Charcot attirait récemment notre

attention et qui est intéressant au point de vue du diagnostic entre les deux

variétés de scoliose sciatique. Un sujet entre dans le service de la clinique

dans le courant de l'année dernière, pour une douleur sciatique du côté

droit. La déviation était homologue, c'est-à-dire que le tronc penchait vers

le côté malade. Aucune exagération des réflexes associée à la sciatique. En

interrogeant le malade, on apprend qu'il avait souffert antérieurement

d'une sciatique gauche, plus douloureuse que la sciatique droite actuelle,

et qui s'était amendée depuis trois mois environ pour faire bientôt place à

la localisation actuelle. Il s'agit donc en réalité, suivant toute vraisem-

blance, d'une scoliose croisée, vestige d'une sciatique antérieure, et, en

apparence seulement, d'une scoliose homologue associée à la sciatique pré-

sente.

En terminant ce chapitre, notons qu'on pourrait observer d'après Remak

une scoliose sciatique alternante. Cet auteur a vu un homme de 40 ans, at-

teint de sciatique, et qui, pour soulager ses douleurs pendant la marche,

pouvait imprimer à son rachis lombaire soit une courbure à convexité

gauche, soit une courbure à convexité droite. Remak n'a pas trouvé là une

forme particulière de sciatique, avec participation des nerfs lombaires et

phénomènes spasmodiques dans le territoire de ces nerfs.

208 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPETRIERE.

Hémiplégies.

Les conditions de la statique sont fort comparables chez les hémiplé-

giques et chez les sujets atteints de sciatique. Ceux-ci évitent de porter le

poids du corps sur la jambe douloureuse, ceux-là sur la jambe paralysée.

Les uns et les autres, dans la station debout, adoptent l'attitude han-

chée, avec flexion plus ou moins marquée du membre inférieur malade.

C'est chez les sujets affectés d'hémiplégie depuis plusieurs années et suffi-

samment restaurés pour se tenir debout, qu'on rencontre cette attitude à

un degré bien caractérisé.

Deux cas peuvent s'observer. Dans l'un, l'aspect des malades répond à

la scoliose croisée des sciatiques ; la flexion légère du membre inférieur

droit paralysé entraîne un abaissement de l'épine iliaque droite. Si le tronc

se maintient dans la verticale, il en résulte naturellement une inflexion

latérale du rachis lombaire, avec concavité regardant le côté sain. A plus

forte raison celte inflexion s'exagère-t-elle, si le tronc s'incline vers ce

dernier côté. Enfin, une courbure dorsale compensatrice tend à se produire.

Tout se passe en un mot comme dans l'attitude hanchée physiologique

habituelle.

Mais il n'en est pas toujours ainsi, et souvent (cela nous paraît même

être la règle chez les hémiplégiques anciens) voici ce qu'on rencontre. Le

bassin est incliné vers la jambe paralysée, qui est demi-fléchie. Comme

dans le cas précédent, les dernières vertèbres lombaires, perpendiculaires

à l'axe transversal du bassin, se trouvent donc penchées vers le côté ma-

lade. Mais les vertèbres lombaires supérieures ne se redressent pas comme

tout à l'heure jusqu'à devenir verticales ou même jusqu'à s'incliner en sens

inverse. Au contraire la colonne lombaire demeure rectiligne ou bien pré-

sente une concavité vers le côté paralysé. C'est dire que le tronc tout en-

tier s'incline dans ce dernier sens. Supposons une hémiplégie gauche ;

c'est à gauche que le tronc se penche. Ici, l'incurvation lombaire, loin de

combattre l'inclinaison du tronc qui résulte de l'abaissement d'une moitié

du bassin, concourt avec cette dernière cause pour produire ce résultat.

Mais alors le poids du corps va tomber sur le membre malade ; le centre

de gravité va se projeter verticalement du côté du pied paralysé ? Non, car

le bassin va subir une translation vers le côté sain ; celte translation est

obtenue par l'adduction forcée du membre inférieur intact, et l'abduction

du membre inférieur impotent.

On le voit, ce deuxième cas réalise une véritable scoliose homologue. Le

banchement a lieu dans le même sens que tout à l'heure ; il est beaucoup

plus accentué.

DES DÉVIATIONS VERTÉBRALES NÉ VHOPATUIQUES. 209

Certaines attitudes physiologiques réalisent l'un et l'autre type. Le pre-

mier type répond à l'attitude hanchée du soldat au repos. Supposons

maintenant qu'un sujet hanche de cette manière ait à s'incliner vers le

côté opposé à la hanche saillante, pour ramasser un objet à terre, par

exemple : il est facile de voir que le hanchement s'exagère alors beaucoup;

ceci répond au deuxième type.

Telles sont les attitudes des hémiplégiques. Prolongées -pendant des an-

nées, elles peuvent entraîner, surtout chez les sujets demeurés relative-

ment actifs, des déviations permanentes du rachis. Mais jamais nous n'a-

vons, pour notre part, observé de fortes scolioses ; c'est à peine même si

le terme de scoliose est applicable aux déformations que nous avons cons-

tatées. La rotation vertébrale paraissaitfaire défaut ; tout semblait se borner

à des inflexions latérales.

Quelle interprétation pathogénique convient-il d'adopter ? Pour le type

croisé, rien de plus simple ; nous n'y insisterons point. Pour le type homo-

logue, comment s'expliquer cette inclinaison du tronc vers le côté malade ?

On peut invoquer une certaine participation des fléchisseurs latéraux lom-

baires à la contracture consécutive aux hémiplégies anciennes. M. Ter-

rier (1) a observé un cas où une contracture de ce genre, exagérée par un

traumatisme, avait déterminé une incurvation considérable de la colonne

vertébrale, un véritable pleuro-sthatonos. Nous devons dire que, dans les

cas du moins que nous avons eus sous les yeux, cette contracture n'était

pas appréciable, et les muscles en question se laissaient distendre aisément.

Une autre interprétation est possible, et nous nous y rattacherions volon-

tiers ; dans cette hypothèse ce n'est pas la contracture, mais la paralysie

des muscles fléchisseurs latéraux lombaires, qui engendrerait l'attitude

décrite, et cela par le même mécanisme qui détermine une lordose dans le

cas de paralysie des muscles extenseurs directs du rachis lombaire. Voici

la théorie que nous proposons. Les fléchisseurs latéraux sont paralysés du

côté droit (ou, pour mieux dire, parésiés). Leurs antagonistes ne sont plus

contrebalancés dans leur action, et tendent à incliner le tronc de leur côté,

le centre de gravité se déplace donc vers la gauche. Dès lors, ce n'est plus

seulement l'état de tonicité ou d'activité des muscles du côté droit prépon-

dérants, mais encore le poids du tronc qui lutte contre les muscles gau-

ches. Ceux-ci, paralysés, ne sauraient réagir contre cette double force;

l'équilibre est de plus en plus compromis; comment va-t-il se rétablir ?

Instinctivement, le tronc s'incline vers le côté gauche; le centre de gravité

passe dès lors à gauche de la colonne lomhaire, et de cette manière une force

passive, le poids du tronc, remplace et pour ainsi dire supplée la puissance

active des muscles fléchisseurs gauches. Ainsi se trouve assurée la fixité du

(1) Terrier, Rev. mens, de méd. et de chier., 1819, t. 111, p. 169.

210 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

tronc sur le bassin ; mais le bassin et les parties qui le surmontent sont

dès lors, dans leur ensemble, penchés vers le côté gauche ; le centre de

gravité du corps se trouve par là déjeté de ce dernier côté. Pour que ce

centre de gravité ne se projette pas en dehors à gauche de la base de sus-

tentation formée par les deux pieds, il est nécessaire que le bassin se

déplace vers la droite, ou, ce qui revient à dire la même chose, il faut

que la base de sustentation se déplace vers la gauche ; cela est obtenu

par l'adduction (16 la cuisse droite et l'abduction de la cuisse gauche.

Ainsi, l'axe du tronc et l'axe des membres inférieurs se dirigent respecti-

vement en sens inverse, et forment un angle obtus ouvert à gauche.

Il y a plus, le membre inférieur gauche, étant paralysé, ne doit pas, ou

doit peu participer à la sustentation, d'où la nécessité pour la hanche

droite d'exagérer encore sa saillie.

Il est facile de voir que le mécanisme que nous proposons est identique

à celui de la lordose paralytique des muscles extenseurs lombaires. Les

termes sont superposables clans les deux cas : 1° concavité du rachis tour-

née vers le côté paralysé ; 2° bassin déplacé vers le côté sain ; 3° membres

inférieurs déjetés vers le côté paralysé.

Ainsi, la prépondérance d'action des muscles du côté sain peut théori-

quement provoquer, aussi bien que la contracture des muscles du côté op-

posé, la déviation que nous venons de décrire. Si le malade se sert de son

bras sain pour porter des objets, pour travailler, il lui deviendra d'autant

plus nécessaire d'adopter une attitude inclinée vers le côté paralysé.

Nous avons di t due cette attitude des hémiplégiques n'engendrait pas des

déviations permanentes d'un degré très accentué. Il était intéressant de

chercher ce qui se passe dans l'hémiplégie infantile, et de voir si un rachis

en voie de développement ne se modifierait pas d'une toute autre manière

sous l'influence de la paralysie unilatérale.

Hémiplégie infantile. Heine (1) indique l'absence de déviations verté-

brales dans l'hémiplégie spasmodique infantile (dont il rapporte 12 obser-

vations), comme un des caractères qui la distinguent de la paralysie atrophi-

que de l'enfance. M. Laborde (2) tient la scoliose pour très exceptionnelle

dans la première de ces affections : il en cite pourtant un cas : il s'agissait

d'une scoliose principale il convexité tournée vers le côté sain, avec cour-

bure lombaire compensatrice. Dans son remarquable article du Dictionnaire

encyclopédique, M. Marie distingue deux types d'hémiplégie infantile, l'un

avec contracture et déformation prononcée des membres, l'autre allié-

tose vraie. Dans le premier type, « le Ironc, dit-il, est parfois imparfaite-

ment développé du côté malade, la cage thoracique plus étroite, la clavi-

(1) Loc. cit.

(2) Loc. cit.

DES DÉVIATIONS VERTÉBRALES NÉVROPATIIIQUES. 211

cule plus courte, le bassin étroit et oblique, le rachis courbé de façon à

présenter une convexité assez prononcée du côté sain ».

Nous avons examiné plus de vingt sujets atteints de l'hémiplégie infan-

tile, appartenant soit au service de M. Charcot soit au service de M. Jules

Voisin à la Salpêtrière. La plupart étaient des enfants ou des adolescentes :

quelques-unes étaient adultes. Elles offraient des types variés de l'affec-

tion, tant comme répartition que comme intensité et comme mode des

troubles musculaires et tropbiques. Chez aucune de ces malades, nous n'a-

vons rencontré de forte déviation vertébrale. Tout se bornait à une légère

incurvation dorsale il convexité dirigée vers le côté sain, avec une courbure

lombaire de sens inverse ; ces inflexions méritaient à peine le nom de sco-

liose ; elles se laissaient corriger facilement et ne persistaient pas dans le

décubitus.

Tel est le type habituel. Cependant, chez deux sujets frappés d'une

atrophie très manifeste d'un membre supérieur, de l'épaule et du thorax

du même côté, la courbure dorsale était plus prononcée, sans constituer il

est vrai une difformité considérable; on peut invoquer dans ce cas une

participation du rachis à l'atrophie osseuse unilatérale.

En somme, ce qui nous paraît digne surtout de remarque, c'est le faible

degré des déviations latérales du rachis clans l'hémiplégie infantile. Cette

affection détermine une attitude vicieuse, que personne assurément ne

s'occupe de corriger, du moins chez les idiotes hémiplégiques. Cette atti-

tude persiste pendant toute la durée du développement du squelette, ou

peu s'en faut. Et pourtant, l'accroissement du rachis s'accomplit, aussi

bien pendant l'adolescence que pendant l'enfance, d'une manière sensible-

ment symétrique. C'est dire que le rôle des attitudes vicieuses doit être,

sinon absolument nul, du moins très restreint, dans la pathogénie des sco-

lioses de l'adolescence.

CHAPITRE IV

DÉVIATIONS VERTÉBRALES DANS DIVERSES AUTRES MALADIES NERVEUSES.

Aliénation mentale. Paralysie générale.

Il résulte des recherches d'un certain nombre de médecins étrangers,

et surtout d'aliénistes anglais, que l'ostéomalacie est fréquente chez les

aliénés de diverses sortes et particulièrement chez les paralytiques géné-

raux. De là des fractures fréquentes, atteignant surtout les côtes, et aussi

des déviations du rachis. Les déviations les plus communes paraissent être

des scolioses; la cyphose n'est pas rare ; enlin très souvent ces deux défor-

212 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

mations se combinent. C'est Davey (1) qui a attiré l'attention sur les alté-

rations osseuses des vésaniques. Mac-Intosh, Clouston, Pester, Atl;ins (2),

en Angleterre, Wagner (3), Gudden (4) en Allemagne, Biaute (S), en

France, et beaucoup d'autres auteurs (G) ont produit des travaux sur le

même sujet. Bien que les observations fournies ne soient pas toujours très

explicites sur l'état du rachis, on trouve les déviations vertébrales souvent

mentionnées. - '

Il faut dire toutefois que divers aliénistes, parmi lesquels Christian (7)

ont nié l'existence de ces altérations osseuses chez les aliénés, et n'ont

voulu voir dans les faits rapportés que de pures coïncidences.

La pathogénie de ces lésions osseuses est en tous cas mal connue. Cer-

tains auteurs rapprochent les cas de ce genre de l'osléomalacie de cause

nerveuse admise par Virchow, par Litzmann (8).

Peut-être y aurait-il lieu parfois de rechercher dans les lésions médul-

laires associées à la vésanie l'agent intermédiaire des troubles trophiques

osseux et en particulier des troubles vertébraux. Les déviations vertébrales

sont en effet fréquentes, comme on sait, dans plusieurs affections spinales,

et d'autre part il n'est pas rare de rencontrer chez les aliénés, et spéciale-

ment chez les paralytiques généraux, des scléroses médullaires systémati-

sées ou d'autres altérations de la moelle. Ce n'est là qu'une hypothèse ;

nous la donnons comme telle. Notons que dans une observation « d'ostéo-

malacie survenue dans un cas de démence chronique », observation appar-

tenant à Alpins (9), il est signalé des altérations spinales portant principa-

lement sur la substance grise.

Athéthose double.

Audry le premier, dans une récente étude sur l'athétose double (10), a

fait ressortir la fréquence des déviations vertébrales dans cette maladie.

Indépendamment de l'ensellure qui accompagne la démarche spastique

(1) Davey, 31ed. Times, 1842, t. VII, p. 195, et surtout Thc ganglionic nervous syslem,

1858.

(2) Atkins, Bi,ilisch med. Journ., juin 1880, t. 1, p. 9G5.

(3) Wagner,.JahrL. für psychiatl'ia, IX, 1 et 2.

(4) Gudden, Arch. f. psych., XXXVII, I, p. 12.

(5) Biaute, Annales méd. psych., nov. 1876.

(6) Voir Talamon, Lésions osseuses et articulaires liées aux maladies du système ner-

veux. Rev. de méd., 1878, et Christian, Annales méd. et psycleol., 1885, p. 412.

(7) Christian, Ann. médico-psych., 1885.

(8) Litzmann, Die Formen des Becloens. Berlin, 1861.

(9) Loc. cil.

(10) Chez J. B. Baillière. Paris 1892. Voir aussi Michaclowitcli, th. Paris, 1892 et Nouv.

Iconogr. de la Salep., 1892.

DES DÉVIATIONS VERTÉBRALES NÉ VR 0 PATIII QUE s. 213

(Ollivier d'Angers, Charcot), ensellure qui parfois, chez les sujets atteints

d'athétose double, s'observe même en dehors de la marche et « peut aller

quelquefois jusqu'à un opisthotonos passager », Audry a relevé 13 obser-

vations, appartenant à divers auteurs (soit une proportion de 1 pour 6) et

dans lesquelles il est fait mention d'une déviation rachidienne. Cette der-

nière est tantôt une cyphose, tantôt une scoliose avec incurvation dorsale

droite ou gauche ; la déformation est ordinairement légère.

Pour ce qui est de la pathogénie, on ne saurait, d'après Audry, mettre

ici en cause des altérations osseuses du rachis : il s'agirait plutôt d'un état

spasmodique, et peut-être parfois d'une paralysie des muscles moteurs du

rachis.

Myopathies primitives.

. On observe dans plusieurs variétés de myopathies primitives, notam-

ment dans le type paralysie pseudo-hypertrophique de Duchenne, dans le

type Erb, dans le type Landouzy-Déjerine une altération des muscles ex-

tenseurs de la masse sacro-lombaire. Il en résulte une des deux variétés

de lordose paralytique que nous avons décrites d'après Duchenne de Bou-

logne. A cette lordose lombaire s'associe une cyphose dorsale plus ou moins

prononcée. A propos de la paralysie pseudo-hypertrophique. M. Ray-

mond (1) critique l'interprétation de cet auteur. « Duchenne, dit-il, at-

tribue cette déformation à la faiblesse des muscles extenseurs du tronc,

mais elle me paraît due plutôt à ce que, en marchant et dans l'attitude de-

bout, les malades s'efforcent de déplacer d'arrière en avant le centre de

gravité du tronc ». D'après les observations que nous avons faites surplu-

sieurs malades des types Erb et Landouzy-Déjerine, il nous semble hors

de doute que le centre de gravité du tronc n'est pas déplacé en avant, mais

en arrière, soit par rapport à la colonne lombaire, soit par rapport aux

articulations coxo-fémorales. Comme l'attitude est la même dans la para-

lysie hypertrophique, la même remarque s'applique, suivant nous, à cette

dernière. D'ailleurs dans cette maladie les muscles fessiers et les muscles

du mollet sont particulièrement frappés. Aussi, pour se maintenir dans la

station debout, les malades ont-ils intérêt à faire agir les muscles antago-

nistes, c'est-à-dire les muscles fléchisseurs du bassin sur la cuisse et ex-

tenseurs du genou. Les premiers sont propres à assurer la fixité du bassin,

quand le centre de gravité du tronc, rejeté en arrière, tend à faire basculer

le bassin autour des articulations coxo-fémorales. Si le centre de gravité

était en avant de celles-ci, ce sont les muscles fessiers surtout qui auraient

à lutter contre le poids du tronc. Ainsi, la répartition de la paralysie aux

membres inférieurs, aussi bien que son siège dans la région lombaire, ré-

(1) Maladies du système nerveux. Amyotrophies.

214 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

clament un déplacement du centre de gravité du tronc d'avant en arrière,

et non en sens inverse.

Dans l'ouvrage de M. Raymond, dans le mémoire de MM. Landouzy et

Déjerine (1) et dans plusieurs observations de myopathiques que nous avons

parcourues, il n'est pas question de déviations latérales du rachis. Chez

deux malades de ce genre, atteints d'atrophie très marquée des muscles des

gouttières vertébrales, nous avons vainement cherché la scoliose. Un troi-

sième malade, dont nous avons communiqué récemment l'observation il la

Société clinique (2), présentait au contraire, à un degré très léger, il est

vrai, ce genre de déviation. C'était un petit garçon de 13 ans et demi, at-

teint depuis son extrême enfance d'une myopathie généralisée, progressi-

vement accrue, empêchant la marche depuis deux années, et offrant avec

quelques légères variantes la forme décrite par Erb. L'atrophie musculaire

était à peu près générale; toutefois elle respectait la face; elle atteignait

les membres inférieurs plus que les supérieurs, frappait les bras et les

cuisses plus que les avant-bras et les jambes, le côté droit plus que le côté

gauche. Elle était très intense au niveau du tronc, et particulièrement,

ainsi que nous avons pu nous en assurer dans un examen récent, au ni-

veau des gouttières vertébrales. Des rétractions fibreuses associées à l'atro-

phie des membres inférieurs empêchent le malade de se tenir debout. Assis,

il se maintient. Incliné en avant, il ne peut se redresser sans s'appuyer

sur les mains; ce fait a pour cause l'altération des extenseurs lombaires.

Le rachis dorsal présente deux courbures latérales. L'épine de la 3e vertè-

bre dorsale est très notablement déviée à gauche de la ligne médiane ;

l'épine de la 4e vertèbre dorsale se dévie, au contraire, brusquement en

sens inverse. Ces deux vertèbres forment les points culminants de deux

déviations scoliotiques se compensant mutuellement, et que limitent, en

haut la 1'" dorsale, en bas la 8e ou 9° dorsale environ. Celte déformation

porte exclusivement sur la ligne épineuse ; c'est à peine si, au regard de

chaque convexité, les gouttières vertébrales font un relief un peu plus mar-

qué que du côté opposé. Bref, la difformité est légère et n'apparaît qu'à

une investigation attentive. Peut-on même parler de scoliose ? Ne s'agit-il

pas là d'une de ces déviations de la croie épineuse qui sont indépendantes

de toute déviation des corps ertébraux, simples anomalies dont Cruvei Huer

a rencontré plusieurs exemples chez des individus nullement scoliotiques.

Ajoutons qu'il existait, chez le sujet en question, une gracilité excessive de

tous les os, une déformation de la cage thoracique devenue quadrangulaire,

(1) Ilallion, Myopathie primitive des lésions osseuses ; fracture spontanée probable;

France médicale, 1891, n 47, p. 73 ï. î.

(2) Landouzy et Déjerine, Rev. de méd., 1886.

DES DÉVIATIONS VERTÉBRALES NÉVROPATHIQUES. 215

et enfin, au niveau du fémur droit, les traces probables d'une fracture

spontanée.

Chez deux autres myopathiques, nous avons trouvé, outre l'atrophie des

muscles spinaux et la lordose consécutive, une très faible incurvation sco-

liotique. Chez tous deux existait une double courbure : dorsale droite et

dorso-lombaire gauche. De ces deux malades, l'un avait vu son affection

apparaître dès l'âge de ans ; âgé de 19 ans, il ne peut plus se tenir debout

ni marcher depuis la quatorzième année. L'autre, âgé de 30 ans, peut aller

et venir, et tolère la station debout prolongée.

Conclusion : les myopathiques atteints d'atrophie des muscles des gout-

tières vertébrales et de la masse sacro-lombaire sont affectés de la lordose

paralytique avec cyphose dorsale que Duchenne a décrite comme consé-

quence de ces insuffisances musculaires. Chez eux, pas de scoliose, ou sco-

liose insignifiante. Nous verrons comment cetle constatation peut éclairer

la pathogénie des scolioses vulgaires.

Maladies nerveuses diverses.

Il nous reste à citer quelques maladies nerveuses où les déviations ver-

tébrales sont trop rares ou trop insuffisamment étudiées pour mériter un

paragraphe spécial.

On les trouve signalées dans l'idiotie ; dans les observations appartenant

à cette catégorie, on note surtout la scoliose. Nous pouvons affirmer que

le rachis ne présente pas chez les idiots, des difformités fréquentes, au

moins des difformités graves et manifestes à première vue. Nous avons exa-

miné, superficiellement il est vrai, une quarantaine d'idiotes non hémiplé-

giques appartenant pour la plupart au service de M. le D' Voisin, il la Sal-

pêtrière et nous n'avons rencontré chez aucune, de déviation notable. Nous

ne garantissons nullement un examen attentif on n'eût pu découvrir

chez quelques-unes des courbures latérales légères ; mais encore une fois,

c'étaient assurément des déviations bien insignifiantes.

Gowers et Feer ont noté la présence des déviations vertébrales dans le

tabes spasmodique infantile. Il est vrai que d'après Audry (1), le premier de

ces auteurs parait avoir confondu cette maladie avec l'athétose double.

Signalons encore les déviations associées à l'acromégalie, si toutefois

cette maladie doit prendre place parmi les affections nerveuses. M. Broca (2)

a étudié le rachis d'une femme acromégalique dont l'observation avait été

publiée par M. Marie. Il a trouvé une cypho-scoliose dorsale gauche prin-

cipale, avec faibles courbures de compensation cervicale et dorso-lombaire.

(1) A. Broca, Arch. de méd., 1888, t. 22, p. G56.

(2) J. Audry, L'athétose double..., Paris, J. B. Baillière, 1892.

216 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.

Nous avons rencontré tout récemment un cas de scoliose extrêmement

marquée chez une jeune fille hydrocéphale morte à l'âge de 20 ans. Nous

nous proposons d'étudier ce fait avec soin, et notamment de pratiquer

l'examen histologique de la moelle, qui nous a paru altérée. Le durcisse-

ment des pièces est encore insuffisant, et nous ajournons la publication

détaillée de cette observation, intéressante à plusieurs égards.

CHAPITRE V

DE LA PATHOGÉNIE ET DE LA CLASSIFICATION DES DÉVIATIONS VERTÉBRALES

NÉVROPATIIIQUES. - SCOLIOSES NËVROPATHIQUES ET SCOLIOSE VULGAIRE.

I. Classification et pathogénie des déviations vertébrales aaévaopcrt7aiq2ees.

Nous pouvons dès maintenant isoler certains groupes de faits que rap-

prochent des analogies incontestables.

1° Les déviations vertébrales par ostéo-arthropathies tabétiques, bien ca-

ractérisées par des symptômes et des lésions d'un genre particulier.

2° Les déviations vertébrales de cause musculaire. Les faits où la cause

musculaire est absolument indéniable se divisent en deux groupes.

A. Les déviations se font dans le sens antéro-postérieur quand l'altéra-

tion frappe les muscles qui meuvent le rachis dans le plan médian. Elles

ont été observées dans les cas de paralysie ou d'atrophie symétrique 1° des

muscles abdominaux, fléchisseurs du rachis lombaire (une des deux variétés

de lordose paralytique de Duchenne de Boulogne), 2° des muscles sacro-spi-

naux, extenseurs du rachis lombaire (autre variété de lordose paralytique

de Duchenne), 3° des muscles extenseurs de la colonne dorsale et cervicale

{cyphose paralytique cervicale et dorsale).

B. Les déviations s'opèrent dans le sens transversal quand il s'agit d'al-

térations musculaires unilatérales, ou nettement prédominantes d'un côté

du rachis.

Elles se subdivisent en plusieurs classes :

a) Scolioses paralytiques. La paralysie peut frapper la masse sacro-

lombaire d'un seul côté ; la scoliose est alors due à la prédominance des

muscles symétriques. Il se produit une convexité lombaire regardant le

côté malade, avec rotation des vertèbres, et une courbure de compensation

dorso-cervicale.

Quand la paralysie frappe il' la fois les muscles sacro-lombaires et les

muscles spinaux dorsaux du même côté, elle donne lieu à une longue et

unique courbure occupant à la fois le dos et les lombes, avec rotation des

vertèbres, et la courbure de compensation fait défaut.

DES DÉVIATIONS VERTÉBRALES NÉVROPATIIIQUES. 217

b) Scolioses par contracture. La contracture est habituellement, sinon

toujours, de nature hystérique. Elle siège le plus souvent dans le muscle

carré des lombes; dans ce cas elle ne s'accompagne pas de rotation verté-

brale ; elle produit une simple flexion latérale du rachis lombaire, avec

convexité tournée vers le côté opposé, et une courbure de compensation

dorsale. On l'a vue également s'attaquer au trapèze (cas de Pravaz). Elle

peut déterminer une cypho-scoliose lombaire, quand elle s'empare à la fois

du carré des lombes et du psoas-iliaque (Duret).

c) Scolioses sciatiques. - Ces scolioses, qu'elles soient homologues, ce

qui est rare, ou croisées, ce qui est habituel, doivent être attribuées en

tous cas à une contraction musculaire prolongée des fléchisseurs latéraux

lombaires.

d) Scolioses des hémiplégiques. Elles paraissent être la conséquence

de la paralysie d'un membre inférieur. Elles résultent d'une contraction

musculaire semblable à celle qui se manifeste dans la sciatique. Le dépla-

cement du poids du corps vers la jambe saine a pour effet une scoliose

croisée.

En dernière analyse toutes ces scolioses sont dues à l'action dominante

des muscles moteurs du rachis d'un côté du corps ; il existe, soit un excès

d'action de ces muscles, soit un défaut d'action des muscles du côté opposé.

L'évolution de ces déviations parait être solidaire de la marche des trou-

bles musculaires qui les engendrent. Elles guérissent complètement quand

ceux-ci disparaissent, pourvu du moins que la cause n'ait pas duré un temps

trop long.

A côté de ces faits, il en est dont la pathogénie reste obscure. Nous avons

cité chemin faisant les théories proposées par divers auteurs pour expli-

quer les déviations dans. les maladies de la moelle ou du cerveau. On a

invoqué deux théories principales :

1° Théorie trophique (osseuse, articulaire, ligamenteuse) ;

2° Théorie musculaire (paralysies, contractures).

Il serait superflu de discuter longuement ces opinions qui reposent sur

de pures hypothèses. Nous nous contenterons de quelques remarques.

On peut, de l'identité des formes cliniques, conclure avec beaucoup de

probabilité à l'identité des processus pathogéniques. A ce point de vue il

n'est pas sans intérêt de comparer entre elles, d'une part, les déviations

de cause reconnue, d'autre part les déviations de cause obscure.

Parmi ces dernières choisissons l'exemple de la syringomyélie. Si l'on

compare les déviations syringomyéliques aux déviations par arthropathies

tabétiques, on voit que les symptômes diffèrent. Dans le cas d'arthropa-

thies tabétiques, on rencontre par l'exploration du rachis, à une hauteur

variable, généralement dans la région lombaire, des signes qui révèlent

v 15

218 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.

une lésion plus ou moins localisée des vertèbres.; Rien de pareil dans la

syringomyélie. Il s'agit donc d'une autre variété anatomique.

En poursuivant cette discussion nous aurons surtout en vue le cas de

Balth..... D'abord c'est là un cas parfaitement développé, présentant par

conséquent au plus haut degré les caractères du type. De plus nous avons

pu l'étudier à loisir et nous avons l'avantage de bien le connaître. Les des-

criptions des auteurs concernant les cas qu'ils ont rencontrés sont insuffi-

santes et ne nous fournissent pas les éléments d'une discussion de ce genre.

Nous ne croyons pas que l'action vicieuse des muscles moteurs du ra-

chis ait pu produire la scoliose de Balth..... D'abord il ne saurait être

question d'un trouble bilatéral égal et symétrique de l'action musculaire,

puisque la déviation s'est faite dans le sens latéral.

S'agit-il d'une faiblesse relative des muscles d'un côté ? D'après les des-

criptions des auteurs et d'après nos propres observations, les déviations

dues à cette cause n'atteignent pas un pareil degré, même lorsque la para-

lysie unilatérale des muscles spinaux coïncide, comme dans certains cas de

paralysie infantile, avec la période de développement du rachis.

S'agit-il d'une contracture ? Dans certains cas, nous avons vu la contrac-

ture unilatérale produire des déviations assez considérables, mais elle pa-

raît incapable de produire une difformité aussi grande que celle de Balth...

Chez ce dernier malade d'ailleurs, on pouvait assez facilement redresser

les courbes rachidiennes, fait incompatible avec l'existence d'une contrac-

ture énergique. Enfin, la courbure principale était à la région dorsale, or

c'est le rachis lombaire qui est pourvu des fléchisseurs latéraux les plus

puissants ; c'est à ce niveau que d'ordinaire se manifestent les contractu-

res les plus énergiques ; c'est là que siège habituellement la courbure prin-

cipale dans les cas où la contracture est en cause.

Pour toutes ces raisons, l'action musculaire nous paraît insuffisante pour

expliquer la scoliose de Balth...

Au contraire, cette scoliose ressemble fort à certaines déviations qui re-

lèvent d'un trouble trophique osseux. Elle se rapproche par ses caractères,

par son intensité, des scolioses ostéomalaciques ou rachitiques.

Nous sommes ainsi conduit à admettre que les déviations syringomyéli-

ques relèvent d'une altération des os vertébraux, diminuant la résistance

du rachis à l'action de la pesanteur. Cette théorie peut seule rendre compte

des déviations semblables à celle de Balth... Quant aux déviations moins

prononcées, elle suffit a fortiori pour les expliquer.

Toutefois nous sommes disposé à accorder un certain rôle à l'action

anormale des muscles. Celle-ci peut produire à elle seule des déviations

légères. Elle peut, en outre, déterminer le sens des déviations d'origine

essentiellement osseuse. Comme nous l'avons fait remarquer, il semble que

DES DÉVIATIONS VERTÉBRALES NÉVROPATHIQUES. 219

0

la convexité de la courbe scoliotique dorsale regarde de préférence le côté

du corps envahi le premier et le plus fortement atteint par les troubles

musculaires syringomyéliques. Peut-être, au moment où le rachis, altéré

dans sa structure, est prêt à ployer, l'action des spinaux dorsaux est-elle

prédominante du côté relativement respecté, et la concavité de la courbure

première a-t-elle tendance à se tourner de ce côté. Les autres courbures

se produiraient à la suite dans un but de compensation.

L'existence assez fréquente, dans la syringomyélie, de troubles trophi-

ques osseux et articulaires variés, confirmerait l'opinion que nous avons

émise. Peut-être faut-il voir, dans les déviations rachidiennes, l'expression

d'un état morbide de tout le système osseux. Les vertèbres, os courts et

spongieux, en subiraient plus particulièrement les conséquences. Si les

fractures des membres sont relativement rares, cela est dû peut-être à ce

que l'impotence condamne bientôt le malade à une inaction relative. Au

contraire, pendant presque toute la durée de l'affection ils marchent, ils

se tiennent debout ou assis et leur rachis est soumis à un poids qu'il est

devenu impuissant à porter.

Nous nous arrêtons là dans l'examen des hypothèses. Nous voulons

moins arriver à une conclusion définitive qu'indiquer la vérification pos-

sible des théories par la comparaison des formes cliniques de déviations

névropathiques les unes avec les autres. Pour le moment, nous disposons

de documents encore insuffisants et nous ne pouvons obtenir que des pré-

somptions concernant la pathogénie des difformités qui nous occupent.

Un mot encore sur les déviations des maladies médullaires. Nous ferons

observer qu'elles appartiennent surtout à des affections systématisées, avec

lésions le plus souvent symétriques. Ce sont : la syringomyélie, la paralysie

infantile, la maladie de Friedreich, le tabes. Toutes ces affections attei-

gnent, à des degrés divers, la substance grise de la moelle. La région de

la substance grise, frappée dans la maladie de Friedreich, est celle des co-

lonnes de Clarke. Faudrait-il chercher dans cette partie, où l'on a voulu

localiser des centres vaso-moteurs, des lésions nerveuses capables de causer

une altération des os, et en particulier des vertèbres ?

II. Sur la pathogénie de la scoliose des adolescents.

L'étude des déviations vertébrales névropathiques éclaire la pathogénie

tant discutée de la scoliose des adolescents ; elle ruine complètement, sui-

vant nous, la théorie musculaire pure adoptée par certains auteurs.

On a invoqué, pour expliquer certaines scolioses des adolescents, une

attitude vicieuse longtemps prolongée. Nul doute que cette cause suffise à

rendre compte de certaines déviations légères. Mais sans aucun doute aussi,

220 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

elle est incapable d'engendrer de très fortes incurvations vertébrales, telles

qu'il s'en rencontre dans les cas accentués de scoliose des adolescents. La

preuve en est dans l'hémiplégie spasmodique infantile. Dans cette affec-

tion, non seulement il existe une attitude vicieuse persistante, liée à l'im-

potence musculaire d'un côté du corps, mais de plus, pour expliquer la

déviation vertébrale en pareil cas, on pourrait invoquer d'autres causes,

à savoir, un certain état parétique et spasmodique des muscles du tronc

et même un défaut de développement des os du côté affecté. Fait important

à noter, l'attitude vicieuse débute ici à l'âge le plus tendre, et persiste pen-

dant toute la durée du développement de la colonne vertébrale. Et cepen-

dant le rachis est toujours faiblement dévié. L'argument nous parait pé-

remptoire.

On a dit : la scoliose des adolescents frappe des sujets dont le système

musculaire est faiblement développé ; les muscles situés de chaque côté

du rachis cessent de le maintenir dans le plan médian, et la colonne ver-

tébrale s'incurve latéralement. Cette opinion est insoutenable. En effet

l'examen des déviations d'origine nettement musculaire démontre qu'une

faiblesse générale des muscles des gouttières vertébrales, portant sur les

deux côtés simultanément, engendre des déviations antéro-postérieures, et

non des scolioses. Si nous avons trouvé chez quelques myopathiques des

incurvations latérales, celles-ci étaient tout à fait insignifiantes. Et pour-

tant, les muscles des gouttières vertébrales étaient autrement atrophiés que

chez les adolescents atteints de scoliose vulgaire.

Nous concluons de ces faits que la scoliose des adolescents, capable d'en-

gendrer, comme on sait, des déviations très accentuées, n'est pas justiciable

d'une théorie musculaire pure. Comme Bouvier, comme Kirmisson et

comme la plupart des chirurgiens français, nous croyons que cette affection

relève d'un trouble portant sur le squelette du rachis et non sur son appa-

reil musculaire.

III. Scoliose des adolescents associée aux névropathies.

On a remarqué que la scoliose vulgaire frappait volontiers les sujets

chargés de tares nerveuses héréditaires. Landois (1) a récemment produit

à l'appui de ce fait un certain nombre d'observations intéressantes, qu'on

désirerait seulement plus explicites.

Nous avons nous-même observé récemment à la Salpêtrière, dans le ser-

vice de médecine générale provisoirement créé dans cet hospice et rattaché

à la Clinique des maladies nerveuses, un exemple intéressant de cette as-

sociation. C'est notre ami et collègue Souques qui nous a signalé ce ma-

(1) Landois, th. de Paris, 1890.

DES DÉVIATIONS VERTÉBRALES NÉVROPATHIQUES. 221

lade, et qui a bien voulu relever pour nous les traits saillants de son his-

toire.

Observation VIII (Personnelle).

Hypertrophie des mains et des pieds avec troubles vaso-dilatateurs de ces extrémi-

tés chez un hystérique. Scoliose. Névropathie et scoliose ( ? ) dans les anté-

cédents.

Delat..., 23 ans, maçon, entré le 30 mars 1892, salle Parmentier, à la Sal-

pêtrière.

Antécédents héréditaires. Père très alcoolique. Mère hystérique, issue elle-

même d'une mère présentant des attaques convulsives. La mère du malade est

de plus bossue; « ce serait de naissance » ( ? ).Le malade, peu intelligent, ren-

seigne mal sur ce dernier point ; il ne peut fournir de renseignements sur le

reste de sa famille si ce n'est sur ses frères et soeurs, qui sont au nombre de 7.

L'un de ceux-ci est mort à l'âge de 5 ou 6 mois, il était « déformé » ; « il n'avait

pas les côtes faites » ; de certains détails vagues fournis par le malade, il semble

résulter qu'il avait une exstrophie viscérale. Deux autres ont succombé à des

convulsions dans leur première année. Quatre sont vivants, bien portants, bien

constitués.

Antécédents personnels. - Il est né à terme. Favus dans l'enfance ; rougeole

à 10 ans ; érysipèle de la face (du type migrateur) à 15 ans. En février 1890,

il entre à l'hôpital Cochin pour une pleurésie droite, qui nécessite une ponction

et qui dure 5 mois ; le liquide extrait était purement séreux.

A en croire le malade, c'est à la suite de cette pleurésie qu'est apparue la

déviation vertébrale dont il est atteint. Tout au moins cette déviation était-elle.

avant la pleurésie, demeurée complètement inaperçue ; c'est à partir de ce mo-

ment qu'elle est devenue gênante.

Ses pieds ont toujours été de dimensions quelque peu exagérées, les mains

aussi, peut-être ; mais leur augmentation considérable de volume aurait été

consécutive à cette même pleurésie.

Actuellement, le malade ne présente aucun vestige stéthoscopique de l'affec-

tion pleurale ; aucun signe de tuberculose ; il n'a que de la bronchite banale.

Les mains et les pieds sont le siège d'une hypertrophie régulière, accompa-

gnée de rougeur et de coloration violacée des téguments, avec abaissement de

la température locale ; ces extrémités sont douloureuses et parésiées.

Le thorax est fortement déformé. On constate une scoliose cervico-dorsale

principale à convexité droite, déterminant une gibbosité dont l'angle postérieur

des côtes forme le point culminant. L'épaule droite est un peu plus élevée que

la gauche ; la partie supérieure du thorax est rétrécie transversalement.

Le malade est hystérique ; il présente de l'hémianesthésie gauclie sensitivo-

sensorielle ; il a eu trois attaques revêtant le type classique ; la première il y a

3 ans (un an avant sa pleurésie), la dernière il y a 10 mois.

Il est intéressant de voir la dégénération se manifester, dans une même fa-

mille, à la fois par des affections nerveuses, et par des malformations diverses,

222 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

les unes congénitales, les autres acquises. Peut-être l'hypertrophie des mains et

des pieds doit-elle être, dans l'espèce, rapprochée au point de vue pathogénique

de la déviation vertébrale apparue en même temps. Peut-être aussi peut-on lui

attribuer une origine « pneumique », et admettre que la pleurésie a suscité,

sinon l'hypertrophie elle-même qui paraît antécédente, du moins l'exagération

de cette difformité, auparavant peu marquée.

Quant à la scoliose, qui seule nous intéresse directement, nous ne saurions

la rattacher à l'affection pleurale. Si cette 'relation existait, si un travail de

sclérose pleuro-pulmonaire avait arqué peu à peu le rachis, ce n'est pas à droite

que siégerait la convexité dorsale, mais à gauche, c'est-à-dire du côté opposé au

siège de la pleurésie. Au contraire le sens de la déviation, l'âge auquel elle s'est

produite, répondent bien aux lois ordinaires de la scoliose des adolescents.

Notre maître, M. Brissaud, nous a dit avoir observé à plusieurs reprises,

dans certaines familles, l'association de la scoliose avec les affections ner-

veuses. M. Tuffier de son côté nous en citait récemment un exemple ob-

servé dans sa pratique privée.

Il paraît donc bien établi que cette association n'est pas rare. Doit-on

maintenant, parce que scoliose et névropathie montrent une certaine affi-

nité réciproque, considérer la première comme une émanation directe de

la seconde ? Non. Il suffit d'admettre que, dans certaines familles, un vice

général de l'évolution se peut traduire, simultanément ou séparément, par

un défaut de résistance des divers tissus et appareils de l'organisme, défaut

de résistance d'où résultent des troubles du système osseux, aussi bien que

des troubles du système nerveux; ces deux systèmes seraient frappés cha-

cun pour leur compte. Rien ne prouve que la lésion nerveuse soit néces-

sairement la première en date et la cause primordiale de la scoliose. Aussi

n'avons-nous pas rangé les scolioses vulgaires survenues dans les conditions

que nous venons de dire parmi les scolioses névropathiques. Une telle dé-

nomination impliquerait en effet une conception pathogénique insuffisam-

ment justifiée.

HALLION,

Ancien interne de la Clinique des maladies du système nerveux.

NOTE SUR QUELQUES ATTITUDES RARES

OBSERVÉES DANS LA MALADIE DE PARKINSON

Ayant eu l'occasion depuis quelques mois, d'observer à la Salpêtrière,

un assez grand nombre de sujets atteints de maladie de Parkinson, nous en

avons rencontré quelques-uns dont l'aspect s'éloigne notablement du type

classique, et nous avons pensé que la description de leur attitude n'était

pas sans présenter quelque intérêt. Deux d'entre eux, M. Beh. et Mme Ot.,

nous ont paru mériter de prendre place à côté des cas décrits par M. le pro-

fesseur Charcot sous le nom de type d'extension dont deux exemples

remarquables ont été rapportés dans ce journal par M. P. Richer en 1888,

et par M. Dutil en 1889.

Quant au troisième malade, Rab., il simule au premier abord, une con-

tracture post-hémiplégique, dans laquelle une déformation exagérée de la

main attire surtout l'attention.

Voici d'ailleurs leur histoire résumée :

Oss. I. M. A. Beh., 1)2 ans, ancien magistrat, a suivi pendant quelques se-

maines le traitement par le fauteuil trépidant à la Salpêtrière. Les renseigne-

ments sur ses antécédents héréditaires sontrestés absolument négatifs; lui-même

aurait toujours joui d'une santé satisfaisante.'

M. Beli. fait remonter le début de sa maladie actuelle au mois de novembre

1887, et l'attribue à une grande frayeur ; mais l'interrogatoire permet de s'as-

surer qu'il s'était plaint plusieurs mois avant, de douleurs rhumatoïdes dans

l'épaule gauche et qu'il avait à la suite conservé une raideur assez marquée dans

le bras du même côté. Quoiqu'il en soit, au moment même de la frayeur incri-

minée, il fut pris d'un tremblement généralisé qui disparut bientôt pour rester

localisé à la main gauche ; pendant trois années, ce fut presque le seul symp-

tôme avec la raideur du membre ; au commencement de 1891, la jambe droite

commençait à être envahie, et depuis 15 mois, le mal n'a fait qu'augmenter.

Quand on voit M. Beh. pour la première fois, on est tout de suite frappé par

l'aspect singulier que présente cet homme de haute taille, d'une maigreur ex-

trême, le corps fortement renversé en arrière, avec les épaules voûtées, et la tête

penchée sur la poitrine comme s'il était dans une profonde méditation, mar-

chant tout d'une pièce à petits pas mal assurés, droit devant lui, sans se préoc-

cuper des obstacles qu'il pourrait rencontrer, tenant de la main droite une

224 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

canne dont il ne se sert pas, tandis qu'il donne la main gauche à une fillette

qui agite continuellement le bras en lui imprimant de grandes secousses. Le

malade vient-il à s'arrêter, on voit le corps se renverser davantage en arrière,

il semble qu'il va perdre l'équilibre, tomber à la renverse et que s'il évite la

chute c'est grâce au soutien que lui offre sa compagne. Veut-il changer de di-

rection, faire volte-face, le trouble est encore plus marqué. Si on l'observe de

plus près en cherchant à analyser les détails, on remarque que le pas est petit,

les pieds glissent l'un à côté de l'autre sans se détacher du sol, le genou est lé-

gèrement fléchi, les cuisses en extension sur le bassin, le tronc est renversé en

arrière et présente une ensellure assez marquée au niveau de la région lombaire,

la tête est immobile, penchée en avant et légèrement inclinée sur l'épaule gauche.

M. Beh. est continuellement en mouvement, si on le prie de s'arrêter pour l'ob-

server dans la station debout, il ne peut y rester que quelques instants; l'aspect

général est le même que pendant la marche, les membres inférieurs restent

accolés l'un à l'autre, les cuisses et le tronc forment une ligne oblique dirigée

en arrière jusqu'au niveau de la troisième vertèbre dorsale ; il ce niveau, la

colonne vertébrale se porte en avant brusquement ce qui accentue la voussure

des épaules, une verticale abaissée de ce point tomberait bien loin en arrière des

talons.

Le membre supérieur gauche est en extension complète long du tronc,

l'épaule un peu abaissée, l'avant-bras étendu sur le bras, et la main sur l'avant-

bras. La main est déformée, les articulations métacarpo-phalangiennes volumi-

Beli. maladie de Parkinson.

Fig. 2G. - Altitude anormale. Renversement du tronc. Extension du bras.

(Dessin demi-schématique de M. P. Richer, d'après une photographie).

ATTITUDES RARES DE LA MALADIE DE PARKINSON. 225

neuses ; les quatre derniers doigts étendus dans leur ensemble et accolés les

uns aux autres sont en demi-flexion sur le métacarpe; la première phalange du

pouce est en extension forcée; la phalangine, demi-fléchie, frotte continuellement

sur l'index. Au niveau des deux dernières phalanges, la peau est lisse, tendue,

amincie.

Le tremblement occupe les doigts et la main ; il ne monte pas plus haut que

l'avant-bras, du moins quand le malade n'est pas sous l'influence d'une émo-

tion ; il présente les caractères ordinaires du tremblement parkinsonnien ; son

amplitude est peu étendue, son rythme est exactement de 5 oscillations par se-

conde. La roideur du membre supérieur constitue une des principales causes de

gêne pour le malade ; aussi, il fait faire à chaque instant des mouvements de

flexion des doigts, du poignet, du coude ; c'est aussi pour combattre cette rigi-

dité que pendant la marche, il fait imprimer à son bras un mouvement conti-

nuel de balancement.

Depuis quelques semaines, la roideur a envahi le côté droit, aussi bien le

membre inférieur que le supérieur.

La physionomie est immobile et comme couverte d'un masque qui donne au

sujet un air de tristesse, les sourcils sont tirés en haut, le front sillonné de ri-

des profondes, les yeux fixes et brillants. M. Beh. éprouve un besoin continuel

de se mouvoir ; ainsi, il passe la journée entière à marcher, et c'est seulement

le soir qu'il éprouve un peu de bien-être.

Les réflexes tendineux sont normaux. Il n'y a pas de trouble de la sensibilité.

La parole est lente, tramante ; les sons émis ont un timbre sourd tout parti-

culier, mais les mots, même les plus difficiles, sont bien articulés.

Malgré ses idées tristes, et son masque indifférent, l'intelligence parait in-

tacte, et l'activité cérébrale est conservée.

Ce qu'il y a surtout d'intéressant dans l'observation de ce malade, c'est

son habitus extérieur, son attitude spéciale de renversement exagéré du

tronc avec flexion au niveau des épaules et du cou, aspect qu'on a rarement

constaté dans la maladie de Parkinson, et qui se rapproche beaucoup de

celui qui a été publié par M. Bidon dans la Revue de médecine en 1891.

Cas. II. Mme OL. Fanny, âgée de 30 ans, ne présente rien à noter dans

ses antécédents héréditaires. Pendant son enfance, elle a eu des convulsions à

deux reprises différentes. Mariée à 19 ans, elle a eu 3 enfants nés à terme, dont

l'un est mort de méningite à un an. Au mois d'octobre 1890, elle a fait un avor-

tement de deux mois qui a été suivi d'une métrorrhagie abondante et d'accidents

puerpéraux.

Histoire de la maladie. Mme Ot. raconte que sa maladie a débuté dans les

premiers mois de 1890 à la suite d'une grande frayeur ; mais en la question-

nant, on ne tarde pas à se convaincre qu'en réalité, en 1888, la main et le bras

gauches étaient le siège d'une roideur et d'une faiblesse augmentant après le

travail ; le pouce aurait présenté un tremblement très menu qui n'a gagné le

reste de la main que plus tard, et deux ans après il la suite de la frayeur dont

226 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

elle parle, s'est étendu à tout le membre supérieur, et enfin au membre inférieur

du même côté. Depuis le mois d'août 1891, le cou et la tête ont été atteints a

leur tour d'une rigidité qui imprime à la malade une attitude tout à fait spé-

nialo (Pl. xxvi, xxvn, xxvIII).

Le tronc est légèrement penché en avant ; si elle essaye de le redresser, il lui

est impossible de marcher ; la tête est inclinée sur l'épaule droite, un peu ren-

versée en arrière avec,un certain degré de torsion du cou qui a pour résultat de

porter le menton gauche ; la malade parait regarder en. haut et à gauche ; son

aspect rappelle de très près celui d'un torticolis... Cette déviation de la tête et

du cou s'est accentuée progressivement sans déterminer de douleur ; il y avait

seulement une sensation de raideur analogue à celle qui existe dans les mem-

bres du côté gauche. Mme Ot. peut spontanément corriger pour quelques ins-

tants cette attitude vicieuse. Mais alors la tête est prise d'un tremblement peu

marqué. Quand on essaye, en saisissant la tête, de la ramener dans la position

normale, on rencontre de la part des muscles une certaine résistance dont on

triomphe sans provoquer de douleurs. L'exploration des muscles du cou montre

le sterno-mastoidien et le trapèze durs et tendus, ils ne sont nullement doulou-

reux pas plus que la colonne cervicale au niveau de laquelle il n'y a pas de cra-

quements, la tête ne peut être inclinée aussi fortement du côté gauche que du

côté droit. Pendant la marche, le tronc et la tête ne semblent former qu'une seule

pièce absolument rigide, l'inclinaison du corps et la torsion du cou sont plus

marqués encore- que pendant le repos ; le bras reste un peu éloigné du tronc, le

coude demi-fléchi, de même que le poignet; la main est ramenée vers la cein-

ture, les doigts en demi-flexion, le pouce appliqué contre l'index sur lequel il

frotte continuellement. Le tremblement occupe tout le membre supérieur

gauche. ,

Le membre inférieur fléchit pendant la marche ; le pied se détache mal et

frotte Contre le sol ; il y a une tendance marquée ;i la propulsion et à la chute

en avant.

Quand la malade est assise, le tronc et la tête gardent la même attitude ; la

main en pronation repose sur la cuisse : la jambe est fléchie ; le pied présente

un certain degré d'équinisme et ne touche le sol que par sa pointe. Le trem-

blement se manifeste dans le membre inférieur quand la malade est émotion-

née ; au membre supérieur, il existe continuellement ; ses oscillations ont peu

d'amplitude ; leur rythme est de 5 par seconde ; il diminue sans disparaître pen-

dant les mouvements volontaires, et ne cesse entièrement que pendant le som-

meil. '

La figure a encore conservé son expression, et n'a pas l'aspect figé du mas-

que parkinsonnien ; pourtant, depuis quelques semaines, il semble qu'il y ait

un peu- moins de mobilité. -. '

Pas de, troubles de. la sensibilité, pas de rétrécissement du champ visuel.

Le sommeil est- agité et troublé de cauchemars incessants ; malgré la gêne des

mouvements, il y tin besoin continuel de changer de position.

Cette malade est-elle réellement atteinte de paralysie agitante ? On est

Nouvelle iconographie DE la Salpêtrière £ T. v. PL. XXVII XXVII, xxviii

Phototypes S N1CATIFS A. LONDE PHOTOCOLLOGRAPHIE Chêne & LONGUET.

Attitude anormale simulant UN TORTICOLIS dans la maladie DE Parkinson

Nouvelle Iconographie DE la SALPÊTRIERE T. V. PL. XXX, xxxi.

PHOTOTYPES Négatifs A. LONDE.

PHOTOCOLLOGRAPHI6 C"tNd & Longuet.

Déformation DE la main dans la maladie DE Parkinson simulant UNE contracture.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPI2THIERE. 1. V PL. XXIX

PHOTOTYPE NiGATIF A. LONDE. PHOTOCOLIOOItAPIiIF CHÎN6 ET Longuet.

Attitude pendant la Marche dans la

maladie DE parkinson.

LOUIS BATTAILLE & Ce

ÉDITEURS

ATTITUDES RARES DE LA MALADIE DE PARKINSON. 227

resté longtemps hésitant lors des premiers examens ; aujourd'hui, le doute

est peut-être encore permis, quoique la marche de la maladie fasse beau-

coup incliner de ce côté ; si c'est, comme nous le croyons, une véritable

maladie de Parkinson, l'attitude de la tête simulant un torticolis est tout à

fait en dehors de ce qu'on observe d'ordinaire; c'est surtout à ce titre que

cette observation nous a paru présenter quelque intérêt.

OBS. III. Rab. Léon, 37 ans, boucher, est venu le 21 juin, consultation du

mardi, où M. le professeur Charcot l'a présenté concurremment avec deux au-

tres sujets atteints de la même affection, bien que présentant un aspect exté-

rieur différent.

On ne relève aucune tare dans ses antécédents héréditaires ; lui-même n'avait

jamais été malade jusqu'à il y a ans. C'est un homme de petite taille, bien

proportionné ; il nie tout excès alcoolique, il n'a pas eu la syphilis.

La maladie aurait débuté il y a 4 ans à la suite d'une blessure légère qu'il

s'est faite à la face antérieure du poignet droit, avec un couteau. Quinze jours

après, il remarquait déjà un certain degré de raideur, dans la main et l'avant-

bras droits ; au bout de 6 à 8 mois, le tremblement apparut, limité aux doigts

et à la main, la raideur dominant toujours, et imprimant une certaine déforma-

tion à la main ; puis, un an après l'accident, le membre inférieur droit était at-

teint à son tour, de raideur d'abord, d'un léger- tremblement limité au pied, en-

suite ; progressivement, tout le côté droit du tronc, dos membres et du cou furent

pris et l'affection resta unilatérale jusqu'en novembre 1891 ; dans ces derniers

mois, elle s'est installée du côté gauche, en même. temps que la rigidité et la

déformation devenaient plus prononcées à droite.

A l'heure actuelle, quand on voit marcher le malade, on aurait à première

vue tendance à le croire atteint d'hémiplégie droite avec contracture... Il s'a-

vance le corps penché en avant, la tête immobile sur les épaules, tout d'une

pièce ; la démarche précipitée se fait de la façon suivante : le malade semble

prendre appui presque uniquement sur le pied gauche ; il incline fortement le

tronc de ce côté, le membre inférieur droit en extension soulevé à un centimè-

tre à peine du sol, est porté, directement en avant et retombe lourdement, puis

la jambe gauche est à son tour portée en avant comme dans la marche physio-

logique ; la cadence du pas se précipite, le corps s'incline de plus en plus en

avant, et le malade est menacé de tomber ; la rétropulsion existe également,

mais à un degré moindre (Pl. xxix, xxx, xxxi).

Le membre supérieur droit tombe le long du tronc, allongé et raide, le coude

étendu, le poignet fléchi, la main en pronation est ramenée au devant de la cuis-

se ; elle est dans son ensemble fortement déviée vers le bord cubital, les doigts

sont complètement fléchis, surtout les trois derniers, au point que parfois les

ongles laissent leur trace sur la peau de la face palmaire, la flexion de l'index

est moins marquée, et le pouce en adduction vient se placer sur la face pal-

maire de la seconde phalange. Cette contracture des fléchisseurs n'est qu'ap-

parente, car on arrive avec un peu de peine, il est vrai, à étendre complète-

228 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

ment la main et les doigts, qui après quelques mouvements provoqués conservent

un instant cette position. La main droite est cyanosée et presque constam-

ment couverte de sueur.

Le membre supérieur gauche est légèrement fléchi ; la main ne présente pas

de déformation notable. Au dynamomètre M. D. = 17. - M. G. - 16.

Les réflexes tendineux du poignet ne sont pas augmentés ; le réflexe rotulien

est également fort des deux côtés.

Les caractères du tremblement doivent être signalés : Après avoir existé pen-

dant plus de deux ans dans les membres droits, il a disparu depuis que la roi-

deur et les déformations se sont accusées et ne se manifeste plus que dans cer-

taines conditions. La main gauche offre il l'état de repos un tremblement peu

accusé qui augmente pendant les mouvements volontaires et sous l'influence de

l'émotion ; il est surtout exagéré par les mouvements du membre du côté opposé.

Le nombre des oscillations est de 6 par seconde.

La physionomie est immobile et sans expression, les yeux fixes et brillants.

Parole lente, sourde, monotone.

La sensibilité est égale des deux côtés. Pas de sensation de chaleur ; besoin

continuel de se donner du mouvement. Le sommeil est assez bon. Pas de trou-

bles digestifs ; il y a seulement de la constipation. Pouls : 80.

Le caractère s'est légèrement modifié ; l'intelligence est intacte.

En somme, il est facile à l'heure actuelle, malgré la déformation de la

main, de reconnaître due Rab. est atteint de la maladie de Parkinson, mais

pendant longtemps, alors que les troubles étaient limités au côté droit, et

surtout au membre supérieur, il a été impossible de préciser la nature de

l'affection, et l'on s'explique aisément les soupçons de contracture hysté-

rique et d'hémiplégie vulgaire, mis en avant par deux de nos jeunes maî-

tres les plus compétents en pathologie nerveuse; le diagnostic ne fut for-

mulé d'une façon précise par M. Charcot que vers le mois de juin 1891.

E. BECIIET,

.. Ancien interne des asiles d'aliénés

de la Seine.

CONTRIBUTION A L'ETUDE

DE

L'EXCITABILITÉ ÉLECTRIQUE DES MUSCLES

1 DANS LA MALADIE DE THOMSEN.

` (De la Réaction myotonique). (Suite el fin ').

La première planche de ces tracés, figure 22, se divise en 2 parties. La

première ? à 5°, représente l'inscription des secousses produites par la

fermeture et l'ouverture de courants galvaniques d'une intensité de 15, 17

(1) Voir les nez i, 2, 3, 1892.

Ftc. 27. - Boul... (Maladie de Thomsen), 27 juillet 1888. - Excitations galvaniques du muscle droit antérieur

de la cuisse gauche.

1° à 5* Secousses de fermeture, F, et d'ouverture, 0.

6° à 80 Secousses par inversion du sens du courant.

(Sur ce tracé et ceux qui suivent les chiffres romains indiquent le nombre d'éléments employés, les chiffres

arabes l'intensité du courant en milliampères. An : pôle positif; Ka : pôle négatif. Tous ces traces sont ré-

duits au 1/3.) .

230 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

et 20 milliampères (1). Elle montre que les contractions produites à la fer-

meture du courant par le pôle positif sont lentes, paresseuses et toniques.

Ces caractères sont en général plus accusés pour les premières contractions

de chaque ligne, mais se retrouvent aussi aux contractions suivantes pro-

voquées après des intervalles de quelques secondes. A la suite de cette con-

traction lente, paresseuse et tonique, dont la courbe prend sur le tracé une

forme arrondie ou en plateau, la décontraction du muscle se fait lentement,

même avec des courants assez faibles. A chaque ouverture du pôle positif

il y a aussi une contraction, également lente et tonique, mais plus petite

qu'à la fermeture, suivie aussi d'une décontraction lente et paresseuse.

Toutes ces contractions de PO se ressemblent beaucoup en forme, étendue

et lenteur. Les fermetures du pôle négatif produisent une contraction

plus rapide que celles du pôle positif, en outre il se produit sous l'électrode

excitatrice, après la secousse initiale, surtout pour les premières contrac-

tions de chaque ligne, une dépression profonde, comme l'indique sur les

tracés la chute de la courbe. Bientôt après la courbe se relève de nouveau,

la dépression précédente a disparu et le muscle se contracte régulièrement

et en totalité ; il reste quelque temps en état de contraction tonique et se

décontracte paresseusement. Lorsqu'on ouvre le courant il n'y a pas à NO

comme à PO de nouvelle contraction, mais au contraire on constate d'abord

une chute brusque de la courbe, c'est-à-dire une décontraction rapide du

muscle, mais celle-ci n'est que partielle et la décontraction continue à se

faire paresseusement jusqu'à ce que le muscle ait regagné son état de repos.

Les secousses de NF répétées quelques secondes après les premières, ne

sont plus suivies de ces fortes dépressions localisées au-dessous de l'élec-

trode ; de plus le muscle se maintient contracté beaucoup moins longtemps

qu'à PF, presque aussitôt il se décontracte en partie, puis achève ensuite

de se décontracter lentement. Ces dernières courbes de NF ressemblent

beaucoup aux contractions tétaniques provoquées sur des muscles normaux

avec des courants d'une intensité élevée (Voy. figure 30, 3° et 4°).

La seconde partie de la figure 26, de 6° à 8°, représente des secousses pro-

duites en faisant avec le commutateur des inversions du courant. Ces tra-

cés montrent que les secousses sont moins élevées, mais plus toniques au

pôle positif qu'au pôle négatif. Nous croyons inutile d'insister sur la des-

(1) Les intensités indiquées pour tous nos tracés, pris avec les courants continus, sont

plus fortes qu'elles n'étaient en réalité, parce que le galvanomètre dont nous nous ser-

vions n'étant pas apériodique, l'aiguille oscillait pendant longtemps et, pour éviter de

modifier peut-être l'excitabilité des muscles par un courant de longue durée, nous no-

tions l'intensité seulement à la fin de l'expérience, alors que la résistance avaient souvent

beaucoup diminué.

En outre, en raison des oscillations de l'aiguille, les intensités ont souvent aussi été

notées plus fortes.

ÉTUDE DE L'EXCITABILITÉ ÉLECTRIQUE DES MUSCLES. 231

cription de ces différences, il suffit de jeter les yeux sur le tracé pour les

reconnaître.

A titre de comparaison avec les tracés précédents et avec les suivants

nous reproduisons, dans la figure 27, l'inscription de réactions galvani-

ques de muscles normaux recueillie sur un autre malade de la clinique

(homme hystérique). Les deux premières lignes représentent les secousses

produites par la fermeture du courant avec le pôle positif, 1°, et avec le

pôle négatif, 2°. On voit qu'avec un courant ayant une intensité de

15 milliampères les secousses de fermeture avec le pôle positif sont brè-

ves, instantanées et sans durée. Aussitôt après la contraction le muscle se

décontracte brusquement et complètement. Au moment de l'ouverture du

courant, en 0, il ne se produit pas de contraction. Le pôle négatif, 2°, avec

un courant d'une intensité un peu plus faible, 12 milliampères, produit

cependant des secousses plus élevées que le pôle positif, mais également

brèves, instantanées, et suivies aussitôt d'une décontraction complète. A

l'ouverture du courant il n'y a pas non plus de contraction. Lorsqu'on em-

ploie des courants plus intenses on voit se produire, à l'état normal, des

contractions toniques et durables. Ainsi la ligne 3 de la figure 27 repré-

sente des secousses produites par le pôle positif, avec un courant d'une

intensité de. 26 milliampères, chez le même malade dont le système mus-

culaire était normal. Elle montre qu'après la secousse initiale de fermeture

le muscle ne se décontracte pas complètement mais reste, pendant le pas-

sage du courant, en tétanos incomplet et irrégulier. A l'ouverture du cou-

rant il se produit de nouveau une contraction, mais elle est beaucoup plus

brève que dans la maladie de Thomsen. De même les secousses suivantes

de PF, avec le même courant de 26 milliampères, ne sont pas brèves

comme pour les lignes précédentes (1° et 2°), mais au contraire la con-

traction se prolonge pendant une durée très appréciable et il se produit à

PO de petites contractions. La ligne suivante, 4°, avec un courant plus

faible, de 22 milliampères seulement, montre qu'à la fermeture du pôle

négatif il se produit une forte contraction, plus élevée qu'avec le pôle po-

sitif, où cependant le courant était plus intense, et également de durée

persistante ; mais ici nous ne voyons pas de contraction à l'ouverture du

courant. Il s'en serait produit vraisemblablement avec des courants plus

forts.

La comparaison de ces tracés, pris sur des muscles normaux, avec les

tracés recueillis sur notre malade, permettra mieux que toute description

de se rendre compte de la différence qui existe dans la forme de la contrac-

tion, même dans les cas où les contractions des muscles normaux devien-

nent tétaniques.

Enfin dans la De ligne de la figure 27, nous avons reproduit les tracés

232 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

de secousses provoquées par le pôle négatif et le pôle positif, en inversant

le sens du courant. Nous voyons ici qu'avec les intensités employées, 12,

6 et 4 milliampères, les secousses sont brèves et sans durée, et de plus que

les secousses de NF l'emportent de beaucoup en étendue sur celles de PF.

Avec un courant d'une intensité de 4 milliampères les secousses de PF dis-

paraissent alors que celles de NF restent encore assez fortes. Sur le même

sujet nous avons obtenu, sur d'autres tracés, encore des secousses au pôle

positif avec des courants de celte intensité de 1. milliampères, et même

avec des courants plus faibles, mais nous croyons inutile de les reproduire,

la différence précédemment signalée dans l'étendue des secousses de NFet

de PF restant toujours aussi accusée. Toujours les secousses de NF l'em-

portaient en hauteur sur celles dePF, et celles-ci avaient disparu alors que

celles-là persistaient encore. Mais ce sont là des notions classiques pour les

secousses produites par l'excitation galvanique des muscles normaux et il

est inutile d'y insister davantage.

La figure suivante, figure 28, représente des secousses de fermeture et

d'ouverture, produites avec des courants d'une intensité assez élevée (jus-

qu'à 20 milliampères) sur notre malade atteint de maladie de Thomsen.

Fig. 28. Excitations galvaniques du muscle droit antérieur de la cuisse chez un individu normal. (Réduit au

1/3.)

ÉTUDE DE L'LXCI'l'.1D1L1'l'É ÉLECTRIQUE DES MUSCLES. 233

On y voit que les secousses de PF sont lentes, paresseuses et toniques, sur-

tout au début de l'expérience, ligne 1°. Plus tard, lignes 3° et 'il', elles

sont plus brèves, mais restent Ioniques, même avec des courants d'une in-

tensité assez faible (12 milliampères). Les secousses de PO sont toutes leu-

tes et paresseuses, plus petites que les secousses de PF, el également toni-

ques. Les secousses de NF sont plus élevées et d'une façon générale

plus brèves que celles de PF, mais elles sont également toniques. A NO

avec un courant de 20 milliampères, ligne 2°, il y a une petite secousse,

mais elle est brève, et non tonique; elle est suivie aussitôt de la décon-

traction presque complète du muscle, puis celui-ci achève de .se décontrac-

ter lentement. Avec des courants plus faibles, 15 et 12 milliampères, il

n'y a plus de secousse il NO, le muscle se décontracte aussitôt, d'abord

brusquement, puis plus lentement.

Les tracés de la figure 29 font suite aux précédents et ont été pris sur le

même muscle, le même jour, après un repos de 10 minutes. Ils représen-

tent des secousses produites au pôle négatif et au pôle positif, en inversant

le sens du courant. Ils montrent que les secousses du pôle positif sont,

d'une façon générale, moins élevées et souvent plus toniques que celles du

pôle négatif. En outre on y voit l'influence de la répétition des secousses,

principalement pour la ligne 2e ; les dernières secousses de cette ligne, en

effet, deviennent beaucoup plus brèves el se rapprochent notablement des

secousses produites sur des muscles normaux.

Sur les tracés de la figure suivante, figure 30, nous voyons qu'au début

v 16

Fic. 28. - Uuul... (.Maladie du Titomsen), 3 août l8tt ? livcUaUUns galvaniques du muscle droit antérieur de

la cuisse gauche. Secousses de fermeture et d'ouverture. Temps divisé en secondes. (Réduit au 1/3.)

03t NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

FiG. 29. - Roui ... (Maladie de Thomsen), 3 aofit 188S. - Excitations galvaniques du muscle droit antérieur de

la cuisse gauche. Secousses de fermeture à An et à la par renversement du sens du courant. (Réduit au 1/3).

Pta. 30. Boul... (Maladie de Thomsen), 4 août 1588.- Excitations galvaniques du muscle droit antérieur do

la cuisse gauche. Secousses de fermette et d'ouverture. (Réduit au 1/3).

ÉTUDE DE L'EXCITABILITÉ ÉLECTRIQUE DES MUSCLES. 235

de l'expérience la fermeture du pôle négatif produit une contraction ex-

trêmement Ionique et de longue durée. Il est a remarquer que le courant

était d'une forte intensité, 25 milliampères. A l'ouverture du courant il

ne se produit pas de secousse et le muscle se décontracté lentement. Pour

la ligne suivante, 2°, où le courant avait la même intensité de 25 milliam-

pères, et la ligne 4°, où l'intensité du courant était plus faible, de 17 mil-

liampères seulement, les tracés représentent encore l'inscription des secous-

ses produites par le pôle négatif. Là les secousses sontmoins toniques qu'au

début de l'expérience et ressemblent à la plupart des secousses de NF que

nous avons déjà rencontrées sur les tracés précédents. Au moment de la

fermeture il y a contraction forte et rapide, qui cède en partie, puis le mus-

cle reste en contraction tonique. Au moment de l'ouverture il n'y a pas de

secousse, le muscle se décontracté d'abord rapidementpuislentement. Après

la décontraction rapide il y a une petite contraction secondaire comme sur

plusieurs tracés analogues des figures précédentes. Les secousses de

fermeture du pôle positif, ici encore, sont manifestement plus toniques que

celles du pôle négatif; mais, sur cette figure, elles l'emportent en étendue

sur celle du pôle négatif, pour des courants d'une même intensité. Ce n'est

que pour les deux dernières lignes, G° et 7°, où le courant est seulement

d'une intensité de 8 milliampères, que les secousses du pôle positif sont

plus petites que celles du pôle négatif, mais elles restent encore plus toni-

ques. Comme précédemment, aussi, il se produit à chaque ouverture du

pôle positif une contraction petite, lente et tonique.

Nous avons recherché, aussi, pour les courants galvaniques, comme nous

l'avons fait pour les courants faradiques, quelle était l'influence de la ré-

pétition fréquente des secousses. Les tracés de la figure 31 ont été pris dans

ce but. Nous voyons qu'au commencement de l'expérience les secousses

du pôle positif, avec un courant de 20 milliampères, sont durables et for-

.tement toniques. En raison, vraisemblablement, de la tonicité et de la per-

sistance de la contraction de fermeture il ne se produit pas de secousses à

l'ouverture du courant, pour les 2 premières excitations, mais ensuite nous

voyons apparaître à chaque ouverture une secousse petite, lente et tonique.

A mesure que se répètent les excitations, les secousses de fermeture de-

viennent plus brèves, plus courtes et plus instantanées, mais longtemps

encore elles sont suivies d'un état de contraction Ionique du muscle, moins

prononcé toutefois pour les dernières excitations de la ligne 1°. Les con-

tractions toniques d'ouverture persistent également pour toute cette pre-

mière ligne, bien que vers la fin elles diminuent d'étendue, mais elles sont

constamment toniques. Un point également que nous devons faire, remar-

quer ici, c'est le niveau occupé par la courbe des secousses. On voit qu'il

se trouve bien au-dessus de la ligne de repos du muscle, surtout au com-

236 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

mencement de l'expérience; il s'abaisse ensuite graduellement pour se

rapprocher, à la fin, de la ligne de repos du muscle. Ceci indique que le

muscle, en outre des secousses qui se produisent il la fermeture et il l'ou-

verture du courant, reste en partie contracté pendant toute la durée de

l'expérience, mais que cet état de contraction tonique diminue à mesure que

les excitations se répètent.

Dans la seconde partie de la figure, ligne 5, nous voyons pour le pôle

négatif des effets il peu près semblables produits par la répétition des se-

cousses, c'est-à-dire que les secousses de fermeture deviennent de plus en

plus brèves et surtout de moins en moins toniques. Ici comme dans les tra-

cés précédents il n'y a pas de secousse d'ouverture avec le pôle négatif.

Nous devons faire remarquer toutefois que la ligne 5, représentant les se-

cousses du pôle négatif, n'est comparable que dans une certaine mesure à

la ligne 1, relative aux secousses du pôle positif. Non seulement, en effet,

le courant était d'une intensité plus faible (14 milliampères, au lieu de

20 milliampères), mais encore l'expérience, pour le pôle négatif, a été

faite sur le même muscle, dans la même journée, après un repos de quel-

ques minutes seulement à la suite des excitations du pôle positif. Il est pos-

sible que les premières excitations du pôle négatif aient été plus toniques,

si elles eussent été faites, comme celles du pôle positif, sur un muscle

resté pendant 24 heures au repos de toute excitation électrique. Tout en

Fin. 31. Boul... (Maladie de Tliomsen), 13 août 1888. - Excitations galvaniques du muscle droit antérieur de

la cuisse gauche. Secousses de fermeture et d'ouverture à intervalles rapprochés : 1- à 4° avec le pule positif ;

5" à 7- avec le pôle négatif. (Réduit an 1/3.)

ÉTUDE DE L'EXCITABILITÉ ÉLECTRIQUE DES MUSCLES. 237

tenant compte de ces remarques retenons cependant que le tracé nous mon-

tre, d'une façon manifeste, que la répétition des excitations produit pour

le pôle négatif, comme pour le pôle positif, la diminution de la tonicité des

secousses. Nous avons vu, plus haut, que le même effet était produit pour

les courants faradiques par la répétition des excitations.

Mais il est d'autres particularités que la figure 31 nous permet encore de

constater. Les lignes 2, 3 et 4, représentant des secousses produites au

pôle positif, sont entièrement comparables, par suite des conditions où ces

tracés ont été pris, aux lignes 6 el 7 représentant des secousses produites

au pôle négatif. Elles nous montrent que les secousses du pôle négatif ap-

paraissent plutôt que celles du pôle positif, que celles-là sont plus éten-

dues et moins toniques que celles-ci. En effet les premières secousses du

pôle positif n'apparaissent qu'avec des courants de 8 milliampères tandis

que celles du pôle négatif se montrent déjà avec un courant de 6 milliam-

pères ; la forme des tracés montre que les secousses du pôle positif sont

déjà manifestement toniques, même pour les plus faibles, tandis que celles

du pôle négatif restent beaucoup plus brèves et moins toniques; enfin, avec

un courant de 8 milliampères les secousses du pôle négatif sont déjà plus

élevées que celles du pôle positif avec un courant de 13 milliampères.

D'autres de nos tracés confirment ces diverses particularités, mais elles

sont suffisamment démontrées par les tracés de cette ligure. L'exploration

directe fait d'ailleurs reconnaître les mêmes faits, et ils ont déjà été signa-

lés notamment par Erb, Vigouroux, etc.

Nous avons recherché encore les modifications qui se produisaient non

plus en répétant fréquemment les secousses galvaniques, mais en les répé-

tant à intervalles assez espacés, pendant un temps prolongé. Les tracés des

figures 32 et 33 ont été pris dans cette intention. La figure 32 représente

des secousses de fermeture et d'ouverture du pôle positif, inscrites pen-

dant Il minutes consécutives, en produisant de 3 à 4 fermetures du cou-

rant par minute. Entre les lignes 8 et 9, il s'est écoulé un intervalle de re-

posée quelques minutes nécessité par le changement du cylindre.

Pendant ce temps la résistance au passage du courant a diminué et l'inten-

sité du courant s'est trouvée portée, pour le même nombre d'éléments, de

17 à 20 milliampères. (Sur cette figure nous avons supprimé les lignes 4,

5, 6 et 7, identiques aux lignes 3 et 8.) Nous voyons ici qu'au début de

l'expérience les secousses de fermeture du pôle positif sont extrêmement to-

niques et persistantes, et qu'ensuite, pendant la seconde, mais surtout

pendant la 3° minute ces secousses diminuent de tonicité ; elles se compo-

sent alors d'une secousse initiale, brève, suivie d'une décontraction par-

tielle et rapide du muscle, qui reste longtemps encore ensuite en état de

contraction tonique. A partir de la 3" minute toutes les secousses se res-

- 238 NOUVELLE )CONOBRAPUtE DE LA HALPËTIUÈRE.

semblent à peu de chose près, jusqu'à la fin de l'expérience. A l'ouverture

du courant il se produit sur tous ces tracés une secousse petite, lente et to-

nique, suivie d'une décontraction lente du muscle, comme nous l'avons

constaté déjà sur les tracés précédents pour le pôle positif.

La figure 33 représente l'inscription de secousses produites pendant

14 minutes consécutives par le pôle négatif, dans les mêmes conditions que

les tracés précédents du pôle positif. Ici. encore nous avons supprimé les

lignes, 4, 6 et 8 qui ne présentaient pas de différences appréciables avec

les lignes les précédant immédiatement. Entre les lignes 10 el Il il s'est

écoulé aussi un intervalle de repos de quelques minutes pendant lequel le

cylindre a été changé. Pendant cet intervalle la résistance électrique a éga-

lement diminué, comme l'indique l'augmentation de l'intensité du courant

pour le même nombre d'éléments. Sur cette figure nous voyons qu'au dé-

but de l'expérience les secousses de fermeture du pôle négatif avec un cou-

rant de 16 milliampères sont extrêmement toniques et se maintiennent

très toniques pendant plusieurs minutes. Ce n'est que peu à peu que di-

minue ce caractère tonique et que l'on voit apparaître après la secousse

initiale un crochet indiquant une faible décontraction partielle du muscle.

A partir de la 10e minute ce crochet est très marqué et les tracés ressem-

blent de tous points à la plupart des tracés de fermeture du pôle négatif

FiG. 32. - Bout ... (Maladie de Thomsen), 13 août 1888. - Excitations galvaniques du muscle droit antérieur de

lacuissedroite. Secoussesdefermelurectd'ouvertureaupdlepositif : 1° i 8o XX éléments, 17 milliampères.

9° et 10° ]0 ? - 20 -

Il- XVI 15

ÉTUDE DE L'EXCITABILITÉ ÉLECTRIQUE DES MUSCLES. 239

que nous avons vus dans les précédentes figures. Ici il l'ouverture du

courant il n'y a pas de secousse, absolument comme nous l'avons vu déjà

pour les autres tracés des excitations par le pôle négatif. (Nous ferons re-

marquer que les tracés des figures 32 et 33 ont été pris sur le muscle droit t

antérieur de la cuisse droite qui, ainsi que nous l'avons déjà constaté il

propos des excitations par les courants faradiques, présentait chez notre

malade des troubles de la réaction myotonique beaucoup plus accusés que

le muscle homologue cle la cuisse gauche.)

Il était facile de produire, chez notre malade, par les courants galvani-

ques stabiles, les mouvements ondulatoires décrits par Erb, et l'on recon-

naissait sans peine qu'ils se dirigeaient du pôle négatif vers le pôle positif.

Sur la figure 34 nous avons inscrit quelques-uns de ces mouvements on-

dulatoires. Ici le dispositif de l'expérience était un peu différent de celui

employé pour les tracés précédents. Le pôle indifférent était toujours placé

au-devant du sternum ; le pôle différent, formé par une électrode d'un dia-

mètre de 3 centimètres, était placé immédiatement au-dessus de la rotule ;

enfin, les mouvements produits étaient recueillis par un myographe placé

sur le droit antérieur de la cuisse. Avec un courant de 22 milliampères il

Cc. 33. - Houl... (Maladie de Tliomsen), Il août 188. Excitations galvaniques du muscle droit antérieur

de la cuisse droite. Secousses de fermeture et d'ouverture au pôl(négal1f : 10 à 1C. XX éléments, 15 milliam-

pères ; pour les autres lignes comme il est indiqué sur le tracé. (Réduit au i/3. )

210 NOUVELLE ICONOGRAPTIIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

se produit dans le muscle, avec le pôle posilif, une première contraction

de fermeture faible et légèrement Ionique; plusieurs fermetures produites

ensuite ne provoquent aucune nouvelle secousse el il n'apparaît pas de

mouvements ondulatoires. Avec le pôle négatif, le courant ayant une même

intensité, il se produit à chaque fermeture une secousse forte, lente et to-

nique, et après la 3e fermeture apparaissent des mouvements ondulatoires.

Le courant étant porlé à une intensité cle 35 milliampères il se produit avec

le pôle positif, à chaque fermeture, des secousses relativement faibles, mais

lentes et Ioniques; aucun mouvement ondulatoire n'apparaît. Avec le pôle

négatif la secousse de fermeture est plus élevée, elle est lente et tonique,

puis elle est suivie, bientôt, de mouvements ondulatoires. L'intensité du

courant est alors diminuée et ramenée il 18 milliampères ; avec le pôle né-

gatif il se produit des secousses de fermeture lentes et paresseuses, mais il

ne se montre plus cle mouvements ondulatoires; avec pôle positif on

n'observe ni secousses, ni mouvements ondulatoires.

III

Il nous resterait, pour faire une élude complète de la réaction myoto-

nique, ai passer en revue les modifications de l'excitabilité mécanique des

muscles et celles de l'excitabilité mécanique, faradique et galvanique des

nerfs moteurs. Le temps, dont nous disposions, ne nous a pas permis d'é-

tudier aussi longuement ces divers points, au moyen do la méthode gra-

phique ; nous nous sommes contenté de constater par l'exploration directe

FiG. 34. - Boul... (Maladie de 111Omsell) ? 4 JUllltl 1888. Ëxcnauonssainnjues des muscles de la cuisse

gauche ; mouvements ondulatoires. (Electrode excitatrice placée au-dessus de la rotule, myographe inscripteur

sur le muscle droit antéiieur.) (Réduit au 1/3.)

ÉTUDE DE L'EXCITABILITÉ ÉLECTRIQUE DES MUSCLES. 241

les diverses modifications qui existaient chez le malade qui a été l'objet de

nos recherches; nous allons les signaler brièvement.

Excitabilité mécanique des muscles : Elle est très augmentée, pour un

grand nombre de muscles, notamment aux vastes internes et externes et

aux droits antérieurs de la cuisse, aux jumeaux, aux deltoïdes, aux biceps,

aux fléchisseurs et aux extenseurs des doigts, aux pectoraux, etc. Un choc,

même léger, avec le marteau percuteur, détermine la formation d'un sil-

lon ou d'une dépression, qui ne disparaît ensuite que lentement, après

plusieurs secondes. Si le choc est plus fort on détermine non seulement la

formation d'un sillon à l'endroit percuté, mais encore la contraction totale

du muscle; le muscle reste alors longtemps contracté et ne se relâche que

très lentement. Cette contraction persistait sur certains muscles au delà

d'une minute. Ainsi nous l'avons vue se prolonger plus d'une minute sur

le triceps fémoral du côté gauche el près de deux minutes sur celui du côté

droit, qui, ainsi que nous l'avons constate plus haut, présentait également

des troubles myotoniques plus prononcés de la contractilité électrique, et

aussi de la contraction volontaire. Le D'' Déléage a étudié dans sa thèse, au

moyen de la méthode graphique, cette augmentation de l'excitabilité mé-

canique du triceps fémoral, sur le même malade. II en rapporte un tracé

(/. c. p. 125, lig. 8) qui montre que la contraction se fait rapidement au

moment du choc, et que la décontraction consécutive est très lente. De

plus, pendant tonte la durée de cette décontraction le muscle est agité de

petits mouvements irréguliers, analogues à ceux que nous avons étudiés

plus haut à propos de l'excitabilité faradique des muscles (Voy. partie I,

section C). L'existence de ces petits mouvements irréguliers présente, à

notre avis, une certaine importance ; elle semble indiquer que cet état que

nous avons vu se produire chez Boni..., à la suite de la fatigue ou de for-

tes excitations électriques, tend à se maintenir, et il nous parait être la

marque d'un degré plus accentué dans le trouble myotonique.

Il n'est pas sans intérêt, non plus, de comparer l'effet de la percussion

du tendon rotulien, il l'effet de la percussion directe du triceps fémoral.

On pourra faire celle comparaison dans le travail du Dr Déléage (p. 128,

fig. il). Le réllexe rotulien chez Boul... est affaibli, mais non aboli, elles

recherches graphiques du Dl' Déléage lui ont montré, que, d'une façon

générale, les contractions musculaires du triceps, par excitation mécani-

que de son tendon, sont brusques, contrairement aux contractions volon-

taires et aussi aux contractions par excitation directe du muscle lui-même

qui sont torpides. Parfois, cependant, les contractions du triceps fémoral

produites par les premières excitations du tendon avaient une certaine ten-

dance à se prolonger. De plus M. Déléage a constaté que le temps perdu

entre l'excitation du tendon et la contraction du muscle était plus long

242 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

qu'à l'état normal, autrement dit que la période d'excitation latente était

augmentée.

Signalons aussi, à ce propos, qu'une constatation analogue a été faite

pour la contractilité électrique des muscles :

M. Blumenau (Soc. de psychiatrie de St-Pétm'sbourg, sept. 1888) (1) a

trouvé, dans un cas type de maladie de Thomsen, que la période d'exci-

tation latente, pour les courants galvaniques comme pour les courants fa-

radiques, était augmentée ; au lieu d'être de 0, O10 de seconde, elle était

portée à 0",025 et 0",030.

Excitabilité mécanique, et galvanique des nerfs moteurs. L'ex-

citabilité mécanique des nerfs moteurs était diminuée chez notre malade,

comme c'est la règle en pareil cas. En effet, la percussion du tronc du fa-

cial, des nerfs du plexus brachial, et des divers autres troncs nerveux, ne

déterminait pas de contraction musculaire.

L'excitabilité faradiqueneprésentait pas de modifications appréciables sous

le rapport de la quantité. Les modifications qualitatives étaient aussi de peu

d'importance. Les décharges isolées d'ouverture, alors même qu'elles étaient

fortes, produisaient seulement des contractions musculaires rapides et sans

durée consécutive. Il en était de même pour des courants avec interrup-

tions fréquentes, lorsqu'ils étaient de faible intensité; ce n'est que lorsque

l'intensité du courant devenait assez grande que le tétanos produit dans les

muscles innervés par le nerf présentait une durée se prolongeant au delà

de l'excitation, et encore cette persistance était peu marquée, elle durait au

plus quelques secondes.

L'excitabilité galvanique, aussi, n'était pas sensiblement modifiée sous

le rapport de la quantité. Les premières NFC apparaissaient avec des cou-

rants de faible intensité, de 1 à 2 milliampères ; les premières PFC avec

des courants un peu plus forts, 2, 3 et 4 milliampères ; POC avec des cou-

rants à peu près de même intensité. NFTe se produisait tardivement à 6,

8 et 10 milliampères ; enfin presque toujours NOC se produisait après

NFTe.

Les secousses musculaires obtenues par l'excitation des nerfs étaient brè-

ves, rapides, instantanées ; même après NFTe la contraction musculaire ne

persistait pas ; on voyait seulement la contraction devenir durable si l'on

faisait glisser l'électrode excitatrice le long du nerf, c'est-à-direen employant

le courant labile.

Dans l'étude que nous venons de faire nous avons retrouvé, à peu près

en tous points, les diverses modifications de l'excitabilité mécanique, fara-

dique et galvanique des nerfs et des muscles signalées par Erb, et groupées

(1) An. in Neurol. Cent1'Ulbl., 15 décembre 1888, p. 619.

ÉTUDE DE L'EXCITABILITÉ ÉLECTRIQUE DES MUSCLES. 243

par lui sous le nom de réaction myotonique. La même constatation a été

faite par la plupart des auteurs qui ont observé, depuis le travail de Erb,

des cas de maladie de Thomsen, et cette réaction paraît de plus en plus

réellement spéciale à cette affection. -Aussi, pour terminer cette étude,

croyons-nous utile de résumer les caractères de la réaction myotonique

d'Erb, en signalant, à l'occasion des diverses parties de cette réaction, les

points particuliers que notre travail avait pour but d'exposer.

Dans la réaction myotonique, MyR, les modifications de l'excitabilité

des nerfs moteurs et celles de l'excitabilité des muscles sont très différentes.

Pour les nerfs moteurs l'excitabilité mécanique, faradique et galvanique

est sous le rapport quantitatif à peu près normale ; elle serait plutôt dimi-

nuée qu'augmentée. Qualitativement la loi des secousses produites par l'ex-

citation électrique des nerfs reste normale : NFC apparaît d'abord, et avec

des courants assez faibles, entre 0, 5 et 2 milliampères ; puis se montre

PFC, puis POC. Toutefois NFTe apparaît souventplus tard que d'habitude,

tandis que NOC se montre souvent en même temps, quelquefois même avant

NFTe.

La forme des secousses reste normalepour toutes les excitations isolées,

c'est-à-dire que les contractions produites par de telles excitations, aussi

bien avec les courants faradiques qu'avec les courants galvaniques, sont

brèves et sans durée consécutive, même après NFTe.

Seules les excitations accumulées (courant galvanique labile, courant

faradique à interruptions fréquentes) provoquent des contractions Ioniques

et persistantes, dont la durée toutefois est moins grande que pour l'excita-

tion directe des muscles.

C'est, en effet, par l'excitation musculaire directe, mécanique ou élec-

trique que se produisent les modifications les plus nombreuses et les plus

importantes des contractions. Cette façon différente, dont les nerfs et les

muscles se comportent vis-à-vis des agents qui provoquent leur excitabilité,

constitue déjà par elle-même un des caractères importants de la réaction

myotonique. Non moins remarquables sont les modifications de l'excitabi-

lité mécanique, faradique et galvanique des muscles considérées en parti-

culier.

Muscles : Leur excitabilité mécanique est très notablement augmentée.

Des percussions légères, soit avec le marteau, soit avec le bout du doigt,

suffisent pour produire la contraction tonique du faisceau musculaire tou-

ché, se traduisant par la formation plus ou moins durable d'un sillon,

d'une dépression, parfois d'un bourrelet au point percuté. Lorsque la per-

cussion est plus énergique, le muscle tout entier peut entrer en contrac-

tion et former sur la peau des reliefs saillants et plus ou moins durs. Les

contractions toniques ainsi produites sont persistantes et durent un temps

24t NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

variable suivant les muscles, et aussi suivant l'intensité de l'excitation;

elles se prolongent habituellement de 5 à 30 secondes, et, dans certains

cas, peuvent dépasser une minute.

L'excitabilité faradique des muscles est aussi manifestement accrue : des

courants assez faibles provoquent déjà facilement la contractilité muscu-

laire. De plus celle-ci est modifiée qualitativement, et, ces modifications

consistent d'une part dans la production de contractions toniques, dura-

bles, persistent plus ou moins longtemps (5 à 20 secondes en moyenne)

après que l'excitation a cessé, d'autre part dans la production de mouve-

ments ondulatoires, sans direction déterminée. Les contractions toniques,

avec durée consécutive, sont provoquées facilement par des courants fré-

quemment interrompus et de force modérée ; les mouvements ondulatoi-

res se produisent avec des courants également fréquemment interrompus,

de forte intensité, et en prolongant l'excitation, c'est-à-dire les électrodes

étant maintenues en place. Les décharges isolées d'ouverture, même

très fortes, ainsi que les excitations minimales avec les courants fréquem-

ment interrompus, ne produisent, au contraire, que des contractions cour-

tes, sans durée consécutive.

Telles sont, en résumé, les modifications qui ont été signalées par Erb,

et la plupart des auteurs qui ont rapporté depuis des cas de maladie de

Thomsen, dans l'excitabilité faradique des muscles, à propos de la réaction

myotonique. Tontes ces modifications existaient, comme on l'a vu, dans le

cas que nous avons observé ; mais, de plus, nous pensons avoir montré,

dans l'étude que nous en avons faite précédemment, l'existence de certai-

nes autres particularités, en tenant davantage compte de la fréquence des

interruptions du courant (interruptions rares, peu fréquentes, et fréquen-

tes), de la durée de l'excitation (excitations prolongées et excitations cour-

tes) et de la répétition des excitations.

1° Avec des interruptions rares, espacées l'une de l'autre de plusieurs

secondes, ou autrement dit avec des chocs isolés d'ouverture, les contrac-

tions que nous avons obtenues, même avec de faibles courants, étaient nor-

males, brèves, instantanées et sans persistance. Toutefois avec des courants

très forts, ou en répétant un peu plus fréquemment les secousses (de se-

conde en seconde, par exemple) les contractions manifestaient déjà une

tendance à devenir toniques et persistantes.

2° Avec des courants à interruptions assez peu fréquentes (de 2 à 15 in-

terruptions par seconde) il se produisait clans le cas d'une excitation pro-

longée (de 1/2 à 3/4 de minute) et une intensité modérée de courant, d'a-

bord quelques secousses correspondant aux premières interruptions,, puis

apparaissait un spasme myotonique plus ou moins complet, et plus ou moins

durable (10-15-20 secondes) ; ce spasme disparaissait ensuite graduellement

ÉTUDE DE L'EXCITABILITÉ ÉLECTRIQUE DES MUSCLES. 245

et des secousses musculaires isochrones aux mouvements de l'interrupteur

réapparaissaient; ces secousses se montraient progressivement de plus en

plus étendues, se rapprochaient de plus en plus des secousses normales, et

à la fin de l'excitation le muscle se décontractait comme un muscle normal,

instantanément et complètement, si l'excitation avait été suffisamment pro-

longée et si l'intensité du courant était suffisamment modérée pour ne pas

faire apparaître de mouvements ondulatoires. La résolution du spasme

myotonique une fois produite, le muscle semblait revenu à des conditions

normales de contractilité, et, si quelques secondes après on renouvelait

l'excitation faradique, il se comportait comme un muscle normal, et ainsi

de même tant qu'on ne l'avait pas laissé au repos un temps suffisant (10 à

15 minutes au moins).

Lorsque, avec les mêmes courants il interruptions assez peu fréquentes,

les excitations étaient courtes (de quelques secondes seulement) le muscle,

au moment où cessait l'excitation, était en état de spasme myotonique, et

alors, au lieu de se décontracter instantanément et complètement, il se dé-

contractait lentement et progressivement; cette décontraction lente se pro-

longeait, suivant les cas, 1/2, 3/4 de minute et même davantage. Ces ex-

citations courtes n'épuisaient que très lentement la tendance des muscles il

entrer en état de spasme myotonique et on pouvait reproduire un grand

nombre'de fois les mêmes phénomènes, tant qu'on n'avait pas fait dispa-

raître cetle disposition spéciale des muscles soil par uue excitation pro-

longée, soit par des excitations courtes répétées fréquemment et coup sur

coup.

Dans certaines conditions, lorsque les muscles se trouvaient fatigués par

des explorations répétées ou par des excitations avec des courants forts, on

voyait apparaître des mouvements ondulatoires qui, non seulement se

montraient pendant le temps de l'excitation, mais encore se prolongeaient

souvent longtemps après (parfois jusqu'à Il minute et même davantage).

Lorsque ces mouvements ondulatoires apparaissent, ils troublent la ré-

gularité des diverses manifestations myotoniques précédemment exposées ;

ils modifient surtout la décontraction normale, instantanée et complète que

nous avons signalée après l'épuisement de la disposition du muscle au

spasme myotonique.

Ces mouvements ondulatoires se produisaient plus facilement et d'une

façon beaucoup plus marquée, chez notre malade, quelques semaines

après son entrée à la Salpêtrière. Faut-il voir dans ce fait l'influence seule

de la saison froide, ou ne faut-il pas y reconnaître en même temps l'indice

d'une altération plus accentuée des muscles ? Nous serions assez porté à

admettre, dans une certaine mesure, cette dernière influence. Nous remar-

querons, en effet, que depuis nous le D1' Déléage a constaté la production

246 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPETRIÈRE.

de ces mouvements ondulatoires, chez le même malade, par la seule exci-

tation mécanique des muscles, et nous inclinons à penser que ces mouve-

ments se produisent d'autant plus facilement que les altérations des muscles

atteignent un degré plus élevé.

3° Avec des courants à interruptions fréquentes (de 15 à 50 par seconde)

on retrouve à peu près les mêmes phénomènes qu'avec les courants à in-

terruptions semi-fréquentes. Mais, comme ces courants fréquemment inter-

rompus provoquent le tétanos électro-physiologique des muscles, les parti-

cularités que nous avons signalées sont moins frappantes qu'avec des

courants à interruptions moins rapides. Là encore, cependant, il faut tenir

compte de la durée de l'excitation et de la répétition des excitations.

Lorsque les excitations sont assez prolongées (pendant 1/2 à 3/4 de minute)

et le courant de force modérée, on voit encore le spasme myotonique se

produire au début de l'excitation, puis, à mesure que ce spasme se résout,

il fait place au tétanos électro-physiologique normal. A la fin de l'excita-

tion, suffisamment prolongée pour avoir épuisé la disposition du muscle

au spasme myotonique, la décontraction se produit immédiatement et tota-

lement. Des excitations reproduites quelques secondes après provoquent la

tétanisation normale du muscle, sans spasme myotonique, la décontraction

du muscle se fait de nouveau instantanément et totalement dès que cesse

l'excitation, et ainsi de suite, tant qu'on n'a pas laissé le muscle en repos

un temps suffisant pour que la disposition au spasme myotonique repa-

raisse, ou tant qu'on n'a pas fatigué le muscle au point de produire des

mouvements ondulatoires.

Avec des excitations courtes (de quelques secondes seulement) on pro-

voque aussi l'apparition de décontractions lentes consécutives, qui peuvent

être reproduites ici encore un assez grand nombre de fois, ces excitations

courtes épuisant lentement la disposition des muscles à la production du

spasme myotonique.

Mais il ne faut pas oublier que les courants à interruptions fréquentes

provoquent beaucoup plus rapidement que les courants à interruptions

semi-fréquentes la fatigue musculaire, et que par suite ils font apparaître

facilement les mouvements ondulatoires, si l'intensité du courant est un

peu élevée, ou si l'examen est quelque peu prolongé. Ces mouvements on-

dulatoires modifient alors la régularité des phénomènes précédents.

L'excitabilité galvanique des muscles est augmentée aussi d'une façon

manifeste. Cette augmentation se reconnaît non seulement en ce que des

courants de faible intensité (1/4, 1/2, 1 et 2 milliampères) provoquent

déjà des contractions musculaires, mais aussi par le fait qu'en excitant tel

ou tel muscle il se produit souvent des contractions dans des muscles voi-

sins, par propagation du courant. ,

ÉTUDE DE L'EXCITABILITÉ ÉLECTRIQUE DES. MUSCLES. 2t7

Sous le rapport qualitatif il existe aussi des modifications importantes

dans la contractilité galvanique des muscles. Tandis qu'à l'état normal le

pôle négatif a sur le pôle positif, à la fermeture du courant, une prédomi-

nance d'action bien accusée dans la réaction myotonique, cetteprédominance

est moins marquée, souvent l'action des 2 pôles devient égale, parfois

même leur prédominance est intervertie.

De plus les contractions des muscles sont, môme avec de faibles courants,

lentes, paresseuses et toniques. Le pôle positif parait, dans la majorité des

cas observés, l'emporter sur le pôle négatif, et provoquer davantage cette

lenteur, cette paresse et cette tonicité de la contraction ; il en était mani-

festement ainsi dans le cas que nous avons observé, comme le montrent

nos tracés et l'étude que nous en avons faite. Tandis que souvent les pre-

mières PFC sont déjà lentes, paresseuses et toniques, les premières NFC

restent encore brèves et ne deviennent lentes et toniques qu'avec des cou-

rants plus forts. Ces modifications de la contraction musculaire se recon-

naissent facilement à la lenteur avec laquelle se produit la contraction,

parfois à la formation de dépressions plus ou moins durables au-dessous de

l'électrode, et enfin à la persistance de la contraction qui suivant les cas

atteint 5, 10, 30 secondes ou davantage.

Quelques auteurs admettent parmi les troubles de la contractilité galva-

nique, dans la réaction myotonique, l'absence de secousse d'ouverture.

Erb reconnaît cependant qu'avec des èourants forts il reparait régulière-

ment à l'ouverture une contraction tonique, qui se prolonge plus ou moins

longtemps (de 5 à 30 secondes) suivant l'intensité du courant, et qui dis-

paraît graduellement. Sur le malade que nous avons observé ces contrac-

tions d'ouverture existaient d'une façon constante au pôle positif, même

avec des courants assez peu intenses ; elles étaient plus faibles que les con-

tractions de fermeture, mais étaient, comme celles-ci lentes, paresseuses,

Ioniques et d'une durée consécutive plus ou moins prolongée. Ces contrac-

tions d'ouverture au pôle positif sont très nettes sur nos tracés. Au contraire,

au pôle négatif, les contractions d'ouverture font presque toujours défaut,

et, lorsqu'il en existe, elles se montrent brèves, au lieu d'être lentes, pa-

resseuses et toniques, comme les précédentes.

La répétition fréquente des excitations produit avec les courants galva-

niques le même effet qu'avec les courants faradiques, c'est-à-dire que les

caractères myotoniques des contractions musculaires provoquées s'atténuent t

progressivement sous l'influence de cette répétition et les secousses se rap-

prochent de plus en plus des secousses normales.

Enfin un dernier trouble dans la contractilité galvanique des muscles,

dans la réaction myotonique, est la production de mouvements ondulatoi-

res avec des courants stabiles. Ces mouvements ondulatoires, sur lesquels

248 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

Erb a surtout attiré l'attention, se produisaient facilement chez notre ma-

lade. Plusieurs observateurs, depuis Erb les ont constates également, tan-

dis que d'autres ne les ont pas retrouvés. Cependant ces mouvements pa-

raissent devoir être constants clans la réaction myotonique; ils exigent,

parfois, pour être mis en évidence, certains artifices, comme Erb l'a mon-

tré dans un récent mémoire (1) et dans une communication, en réponse il

Seifert, au congrès de IIeidelber de septembre 1889 (2). Ces mouvements

ondulatoires paraissent être provoqués plus facilement lorsque l'électrode

différente est appliquée plutôt sur les terminaisons tendineuses des muscles

que sur les muscles eux-mêmes. Ils se montrent également lorsque l'on

fait passer un courant slahilc à travers un membre entier, le bras par

exemple, ou un segment de membre, la cuisse, la jambe. On voit, alors,

bientôt apparaître une contraction tonique des muscles, u laquelle succède

des mouvements rythmés, ondulatoires, semblables au mouvement des va-

gues, et ayant habituellement une direction déterminée, allant du pôle

négatif vers le pôle positif. C'est dans les fléchisseurs, et dans les biceps

humoraux pour le bras, les vases internes, externes et droits antérieurs

pour la cuisse, les gastrocnémiens pour la jambe, que l'on constate le plus

facilement ces mouvements ondulatoires. Il est nécessaire, pour les provo-

quer, d'employer des courants d'une intensité assez forte el tels que cer-

tains malades, à sensibilité un peu développée, ont peine il les supporter.

En outre, pour les faire apparaître, il est parfois nécessaire d'user de cer-

tains artifices, tels que l'augmentation et la diminution répétées à plusieurs

reprises de la force du courant, des inversions plusieurs fois renouvelées

du sens du courant, le glissement des électrodes sur la région examinée,

la répétition fréquente de l'examen. Tous ces moyens, en somme, nous pa-

raissent placer les muscles dans les conditions où nous avons vu se pro-

duire, déjà, les mouvements ondulatoires avec les courants faradiques, c'est-

à-dire la fatigue musculaire. Aussi, ces mouvements ondulatoires, qu'ils

soient provoqués par des excitations mécaniques, faradiques ou galvaniques,

doivent être considérés, croyons-nous, comme des phénomènes d'un môme

ordre.

On voit par ce qui précède que la réaction myotonique, présente des

caractères bien tranchés qui la différencient nettement de la réaction de

dégénérescence et des autres modifications actuellement connues de l'exci-

tabilité mécanique, faradique et galvanique des nerfs moteurs et des mus-

cles. Ces modifications, dans la réaction myotonique, portent presque

exclusivement sur l'excitabilité des muscles ; tandis, en effet, que l'excita-

(1) Deutsch. Arch. f. Klin. 31edici ? z, 1889, XLV, p. 529.

(2) Neurolog. Cent1'alb., 1" oct. 1889, p. 561.

ÉTUDE DE L'EXCITABILITÉ ÉLECTRIQUE DES MUSCLES. 24U

bilité cles nerfs reste il peu de chose près normale, celle des muscles se

trouve profondément modifiée sous le rapport quantitatif et sous le rapport

qualitatif. Quantitativement elle est augmentée; qualitativement elle est

altérée et cette altération est essentiellement la même, qu'il s'agisse d'exci-

tations mécaniques, faradiques ou galvaniques; elle consiste principale-

ment dans la lenteur, la paresse, la tonicité et surtout la persistance des

contractions ainsi provoquées. Ces caractères sonl il leur maximum au début

de l'exploration ; la répétition des excitations produit des effets semblables

à ceux qui se passent dans le domaine de la motilité volontaire, c'est-à-dire

la diminution et même la disparition plus ou moins complète de ces trou-

bles de la contractilité. Par une abstention suffisamment prolongée de toute

excitation, les modifications premières de la contractilité se reproduisent

bientôt. Des excitations prolongées ou des excitations violentes, capables

de produire la fatigue des muscles, provoquent t'appari tion des mouvements

ondulatoires, d'autant plus facilement, croyons-nous, que les altérations

musculaires, constituant la maladie de Thomson, sont plus accusées.

Ce qui fait l'importance de celle réaction myotonique c'est qu'elle est

spéciale aux muscles atteints de maladie de Thomson. Jusqu'à présent, en

effet, on l'a trouvée, avec tons les caractères précédents, uniquement dans '

ces cas. Nous avons, de notre côté, pendant les recherches que nous avons

exposées dans ce travail, examiné titre de comparaison de nombreux

malades atteints d'affections diverses du système nerveux ou du système

musculaire (myopalhies primitives diverses, myopathies secondaires, né-

vrites périphériques avec réaction de dégénérescence, ataxie locomotrice,

ataxie de Friedreich, elc.) ; dans tous ces cas (1) nous n'avons rien trouvé

de comparable il la réaction myotonique. Aussi concevra-t-on facilement

(1) Dans certains cas de névrites périphériques l'excitation mécanique et électrique des

muscles provoque des contractions toniques et persistantes, mais celles-ci sont dou-

loureuses et présentent tous les caractères des véritables crampes. Des différences bien

tranchées permettent de les distinguer des contractions toniques, lentes et persistantes

de la réaction myotonique. Pour ne parler que de l'excitabilité faradique des muscles

nous dirons seulement que : 1° cette excitabilité est diminuée souvent dans des propor-

tions considérables ; 2° des courants tétanisants seuls (c'est-à-dire des courants forts et

avec interruptions fréquentes) provoquent ces contractions toniques et persistantes ;

celles-ci sont douloureuses ; pendant leur durée le muscle est contracté au maximum,

très dur, et en état de crampe véritable ; 3° les courants avec interruptions assez peu

fréquentes (2 à 15 à la seconde) ne provoquent rien de semblable à ce que nous avons

étudié dans la section A de ce travail, c'est-à-dire l'apparition d'un spasme myotonique,

suivi bientôt du retour graduel et progressif du muscle aux conditions de l'excitabilité

hormale. - Nous avons observé ces troubles de la contractilité musculaire sur un ma-

lade de la Clinique de la Salpètrière, qui a été l'objet d'un cours de M. Charcot (Leçons

du mardi, 1888-89, p. 84 et suivantes) et sur un malade que M. Babinski avait dans son

service, chez lequel il avait constaté ces modifications dans l'excitabilité de certains

muscles et qu'il a bien voulu nous montrer.

v 17

250 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.

que la constatation de celle réaction puisse être d'une grande importance

dans certains cas où les troubles myotoniques de la motilité volontaire sont

peu prononcés ou mal caractérisés. Sa présence permettra encore d'écarter

toute idée de simulation, lorsque celle-ci peut être soupçonnée, puisque

l'existence bien constatée des modifications qui constituent cette réaction,

fournit des signes objectifs autorisant ;'1 affirmer le diagnostic de maladie

de Thomsen. -

E. HUET,

Ancien interne de la Clinique des maladies

du système nerveux.

ÉTUDE CLINIQUE SUR L'ATHÉTOSE DOUBLE

(TRAVAIL DE LA CLINIQUE DES MALADIES NERVEUSES. SERVICE DE M. LE PROF'' CIL111C01'

(Suite ').

Les réflexes tendineux et rotuliens très exagérés dans la sclérose, le.sont

rarement chez nos malades. Les contractures et la marche spasmodique

sont communs aux deux maladies. La sclérose en plaques, bien qu'on puisse

l'observer dans l'enfance, a cependant en général son début dans l'adoles-

cence et surtout dans l'âge adulte. Il est rare qu'il soit aussi précoce que

celui de l'athétose double. En ce qui concerne l'évolution, à l'encontre de

ce qui se passe dans l'affection athétosique, on peut observer de grandes

améliorations et d'une façon générale des alternatives de rémission et d'ag-

gravation caractéristiques clans la sclérose en plaques.

Ataxie héréditaire ou maladie de Friedreich. Elle pré-

sente peut-être plus de points de ressemblance avec l'athéthose double.

Massalongo, d'Espine et Picot (2), Bourneville et Pilliet, admettent la

possibilité d'une pareille erreur.

La maladie de Friedreich présente non seulement de l'incoordination

motrice, mais encore même au repos, une sorte d'instabilité continuelle

dans la position de la tête, du tronc et des membres. La démarche est ti-

tubante, mal assurée, enfin la parole est aussi modifiée. -

Mais en analysant ces divers signes, on trouvera des différences fonda-

mentales qui permettront très nettement de distinguer la maladie de Frie-

dreich de l'athétose double. En effet les mouvements involontaires peuvent

être de deux sortes : 1° Instabilité choréiforme qu'on observe pendant l'état

de repos, une sorte d'oscillation irrégulière de la tête et du tronc. En de-

hors de tout mouvement quand la tête se trouve sans appui, elle branle

alors, suivant la comparaison de Friedreich, comme celle d'une personne

qui s'endort étant assise sur une chaise. Parfois au lieu de cette instabilité

on voit de temps à autre des petites secousses de peu d'étendue, aux mem-

bres et quelquefois des petites grimaces sans rhythme. Ces secousses ne

(1) Voy. les n" 2 et 3, 1892.

(2) D'Espine et Picot, Manuel des maladies de l'enfance, 1889.

252 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

ressemblent en rien aux convulsions athétosiques qui sont tantôt en exten-

sion et flexion, tantôt en adduction et abduction, et de plus, plus multi-

pliés, plus variés, plus irréguliers ; 2° l'incoordination motrice, la préhen-

sion des objets se fait d'une façon particulière, la main plane pendant un

assez long temps au-dessus de l'objet avant de le saisir. Enfin pas de rai-

deur des muscles.

Quant à la parole, elle est surtout scandée, comme dans la sclérose en

plaques, mais non spasmodique comme dans l'athétose double.

La démarche est particulière dans l'ataxie héréditaire. C'est la démarche

titubante. Le malade progresse, les jambes écartées en chancelant comme

un homme ivre. A une période avancée la marche et la station debout de-

viennent impossibles. Nous sommes loin de la marche spasmodique de l'a-

thétose double.

A l'ataxie héréditaire appartient le signe de Romberg, les verliges, le

nyslagmus, l'absence des réflexes rotuliens, le pied-bot, la scoliose; les pre-

miers symptômes se montrent d'ordinaire à l'époque de la puberté, la ma-

ladie serait plus commune chez les filles que chez les garçons.

Dans les deux maladies la marche est lente et progressive et l'on ne con-

naît pas d'exemple de guérison.

La maladie de Friedreich est héréditaire ou familiale, ce qui ne s'ob-

serve pas dans l'athétose double.

Chorée hystérique ou rhythmique. C'est à M. le professeur

Charcot que nous devons une exacte description de cet état pathologique.

Il est presque impossible de la confondre avec l'athétose double. La grande

chorée se présente sous forme de véritables attaques, lesquelles sont pro-

voquées par certaines influences telles que l'émotion, le tiraillement d'un

membre, parfois par la compression ou l'excitation de points hystérogènes ;

souvent elle peut être arrêtée par un procédé analogue, l'excitation de

zones hystéro-frénatrices. ,

Dans l'intervalle des attaques, les malades sont dans l'état normal.

Les secousses de la chorée hystérique se succèdent à intervalles égaux,

suivant un rhythme établi d'avance, d'où le nom de chorée rhythmée.

En ce qui concerne les mouvements involontaires eux-mêmes, ils sont

tellement caractéristiques, qu'il est presque impossible de les confondre

avec d'autres. Ils sont toujours la reproduction plus ou moins exacte des

gestes professionnels. Certains malades sautent sur leurs pieds d'une façon

rhythmée, absolument comme s'ils dansaient; quelquefois ce mouvement

prime tous les autres, d'où le nom de saltatoire, que l'on a donné à cette

forme de chorée.

D'autres fois, le sujet frappe à coups répétés sur un objet imaginaire,

ÉTUDE CLINIQUE SUR L'ATHÉTOSE DOUBLE. 253

imitant le geste des forgerons qui frappent sur leur enclume (chorée mal-

léatoire).

Les mouvements sont très variés; citons encore le geste des rameurs

qu'exécutent souvent les malades, et le mouvement du moulin qu'ils imi-

tent, en faisant exécuter dans l'espace à leur bras une sorte de mouvement

gyratoire analogue à celui des ailes d'un moulin à vent.

Tous ces mouvements très variés, mais toujours rhythmiques, représen-

tant des mouvements systématisés divers, se succèdent toujours dans le

même ordre et pour ainsi dire suivant un plan établi d'avance.

Dans la majorité des cas il n'existe pas de perte de connaissance au mo-

ment de l'attaque de chorée rhythmée. Cependant l'attaque d'hystérie avec

perte de connaissance peut revêtir la forme de chorée rhythmée (1). Enfin

il existe souvent en même temps d'autres manifestations hystériques et des

stigmates de cette névrose. D'après les caractères que nous venons de tra-

cer, on voit qu'il est à peu près impossible de confondre la chorée hysté-

rique avec l'athétose double.

Nous signalons, pour mémoire la chorée rhythmée à forme non paroxys-

tique dans laquelle les mouvements, ressemblant à ceux de la chorée hysté-

rique à forme paroxystique, diffèrent totalement de ceux de l'athétose

double.

Hémichorée. - L'hémichorée peut être dans certains cas confondue

avec l'athétose double. Les mouvements qui la caractérisent sont en effet

tout à fait analogues à ceux que nous avons décrits dans un précédent cha-

pitre. Car dans l'alhétose double il n'y a pas que des mouvements athéto-

siques, il y a toute une série de mouvements involontaires que l'on pour-

rait aussi bien appeler choréiformes et auxquels ceux de l'hémichorée res-

semblent de fort près.

Mais la différence fondamentale consiste en ce fait, dont la dénomination

des deux maladies donne immédiatement l'idée nette : l'athétose double

atteint les 2 côtés du corps, l'hémichorée est limitée à une moitié, soit

droite, soit gauche.

Cela dit, il semble qu'il n'y ait plus besoin de s'occuper de diagnostic

entre les deux maladies, lequel diagnostic doit être aussi facile à faire

qu'enlre l'athétose unilatérale post-hémiplégique et l'athétose double. Ce-

pendant il est bon de faire remarquer que le concours possible de circons-

tances analogues dans l'un et l'autre cas doit attirer l'attention. Nous ne

parlons pas ici bien entendu de l'hémiplégie survenant dans l'âge adulte et

suivie à plus ou moins bref délai d'hémichorée post-hémiplégique. Pour

celle-ci, la question ne se pose point. Il suffira de regarder en arrière dans

(1) Charcot, Leçons sur les mal. du syst. nerv., t. III.

254 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

e

la vie du malade et d'apprendre que l'hémiplégie est survenue à l'age de

25, 35, 60 ans, pour écarter toute idée d'athétose double.

Mais il peut n'en pas être de même dans l'hémichorée post-hémiplégi-

que qui suit si fréquemment l'hémiplégie infantile par lésions cérébrales.

Dans ce cas l'état mental souvent affecté dans l'un et l'autre cas, l'âge du

début de la maladie, les convulsions qui en ont marqué l'éclosion, peuvent

certainement induire en erreur un examen un peu superficiel. Mais, en

ce cas encore, la constatation de la limitation des mouvements à un seul

côté doit suffire il lever tous les doutes. Je n'insiste pas sur les signes anam-

nestiques ou actuels d'hémiplégie spasmodique : exagération des réflexes

tendineux, trépidation épileptoïde, arrêt de développement des membres

du côté atteint, etc., etc., qui n'existent nécessairement pas dans l'athé-

tose double.

Tabes dorsal spasmodique. Ainsi nommé par M. le professeur

Charcot, puis étudié par Little sous le titre de « Congénital partiel rigidi-

ty of limbs », le tabes dorsal spasmodique grâce aux recherches plus ré-

centes d'Erb, de Rupprecht, de Feer est mieux connu aujourd'hui. Les

malades qui présentent le tableau de l'athétose double se confondent quel-

quefois avec ceux qui sont atteints de tabes dorsal spasmodique et de fait,

on peut être fort empêché pour établir un diagnostic différentiel. La prin-

cipale cause d'erreur, c'est la démarche.

Dans le tabès spasmodique tant que ces malades sont capables de mar-

cher on voit parfaitement bien que ce n'est pas seulement la parésie mus-

culaire, mais encore la raideur des jambes qui s'oppose à la locomotion.

Les malades s'avancent péniblement et à petits pas, c'est à peine si la

jambe se plie dans l'articulation du genou et que les pieds se soulèvent de

terre. Ceux-ci semblent « collés au sol » et sont lentement entraînés en

avant, en même temps que, parla contracture qui se produit dans les mus-

cles du mollet, il existe une tendance manifeste à marcher sur la pointe

des pieds. Lorsque la contracture des membres inférieurs atteint son maxi-

mum, les malades sont souvent dans l'impossibilité complète de s'asseoir.

Aux membres supérieurs il n'y a pas de contracture manifeste, mais il

est bien rare qu'il n'y ait pas une grande maladresse, une légère raideur

des mouvements, surtout de ceux des doigts. Dans l'athétose double la rai-

`deur est moins prononcée mais plus généralisée,

Les réflexes et en particulier les réflexes rotuliens sont toujours exagé-

rés dans le tabes dorsal spasmodique, à moins que comme dans l'athétose

double la raideur n'empêche le phénomène de se produire.

Les mouvements involontaires, si fréquents dans l'athétose double, man-

quent presque toujours dans le tabes dorsal spasmodique ; s'ils s'observent

ÉTUDE CLINIQUE SUR L'ATHÉTOSE DOUBLE. 255

par hasard quelquefois, ils sont d'abord limités seulement aux membres

supérieurs et ne surviennent qu'au moment des mouvements volontaires et

jamais au repos.

Un caractère très important qu'on observe dans le tabes dorsal spasmo-

dique et qu'on ne voit presque jamais dans l'athétose double est l'amé-

lioration relative de la maladie. En effet à mesure que les malades atteints

de tabes dorsal spasmodique avancent en âge, on constate une amélioration

assez satisfaisante, une détente des phénomènes spasmodiques. Les mem-

bres supérieurs en particulier recoud l'en), à partir de l'âge de u 10 ans,

la presque totalité de leurs fonctions. La rigidité des membres inférieurs

disparaît parfois suffisamment. Déplus un certain nombre des sujets ainsi

frappés ont même pu se marier et avoir des enfants sains.

En ce qui concerne les autres symptômes de l'une et l'autre affections,

la plupart se confondent. L'étiologie est la même (frayeurs de la mère pen-

dant la grossesse, accouchements difficiles), ainsi que les troubles intellec-

tuels. En prenant les observations "en bloc, Feer, sur 178 cas de tabes dor-

sal spasmodique publiés, a trouvé 78 fois l'idiotie.

Mais en somme dans les différences que nous avons signalées plus haut

il y a certainement de quoi éviter une erreur.

Tétanie. On évitera aussi facilement de confondre l'athétose dou-

ble avec la tétanie.

La tétanie, dans sa forme commune, est aussi une affection de l'enfance

et cle l'adolescence ; cette règle cependant souffre des exceptions, et on a vu

des cas survenant chez les femmes adultes.

Chez les femmes, les processus de la vie sexuelle semblent exercer une

action spéciale, la genèse de la tétanie. C'est surtout chez les nourrices que

l'affection se montre avec prédilection, au point que Trousseau lui a donné

le nom de contracture des nourrices.

Or, on observe chez les tétaniques des mouvements involontaires. Mais

ceux-ci ne sont que la conséquence des contractures qui s'établissent dans

les extrémités et de plus, phénomène important, celles-ci, loin d'être con-

tinues et permanentes, surviennent seulement par attaques.

L'attaque de tétanie commence d'ordinaire par certains signes précur-

seurs qui consistent en un malaise général de faible intensité, mais

surtout une sensation douloureuse et un sentiment de faiblesse, de raideur

qui prédominent dans les bras. Donc c'est une maladie qui survient par

accès, et caractérisée par certains prodromes, signes n'existant pas dans

l'athétose double, maladie congénitale et sans prodromes.

Les mouvements convulsifs se déclarent dans la tétanie aux bras et sur-

tout aux doigts, s'étend de là à tous les muscles brachiaux et puis aux ex-

256 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

trémités inférieures où la convulsion atteint aussi tout d'abord les orteils.

Les deux moitiés du corps sont presque toujours atteintes d'une manière

symétrique.

La plupart du temps la convulsion s'empare de préférence des fléchis-

seurs, de façon à produire des attitudes en contracture caractéristique.

(La main de l'accoucheur lorsqu'il veut l'introduire dans le vagin, d'après la

comparaison de Trousseau.) -

Les muscles du tronc, de la face et le diaphragme sont assez rarement

convulsés.

L'intensité de ces convulsions Ioniques est très considérable. La durée

de l'attaque est tantôt de quelques minutes, tantôt de quelques heures ou

même de quelques jours. Une fois l'accès terminé, ce qui se fait graduel-

lement et jamais brusquement, les malades sont parfaitement à l'aise.

Chose rare dans l'athétose double, car les mouvements persistent même

pendant le repos, c'est-à-dire en dehors des mouvements volontaires.

Dans l'intervalle des accès, il reste cependant quelques symptômes ob-

jectifs très caractéristiques de tétanie, ce sont : 1° l'excitabilité électrique

des nerfs périphériques; z l'excitabilité mécanique des nerfs, ou phéno-

mène de Trousseau, qui consiste en ce qu'on peut, dans la plupart des cas,

produire les convulsions artificiellement pendant la période intercalaire,

en comprimant les gros troncs artériels et nerveux des bras (nerfs médians

et les artères brachiales par exemple).

La fréquence des accès varie beaucoup. La durée totale ne dépasse pas

quelques semaines, la terminaison presque toujours favorable.

A l'athétose double appartiennent, la démarche spasmodique, l'embar-

ras de la parole, l'imbécillité, les différentes déformations et l'incurabilité

de la maladie.

II. MOUVEMENTS ATHÉTOIDES

Qu'entendons-nous par ce terme de mouvements athétoïdes et pourquoi

les étudions-nous ici même dans le chapitre du diagnostic de l'alhétose dou-

ble ? Les considérations qui vont suivre répondent en grande partie à cette

question qui se confond en réalité avec celle de l'unité de l'athétose double

ou de la multiplicité des athétoses doubles. Ce point est très important à

connaître et bien que la lumière ne soit pas encore entièrement faite, on

peut cependant, à notre avis, se faire déjà une opinion à cet égard.

On sait que les partisans de la multiplicité des alhétoses doubles ou en

d'autres termes de l'athétose double-syndrome admettent l'existence d'une

athétose double tabétique, paralytique, infantile, névrotique, hystérique.

Tel n'est point noire avis, el nous croyons que c'esl possible de prouver

ÉTUDE CLINIQUE SUR L'ATHÉTOSE DOUBLE. 257

que les mouvements involontaires qui s'observent dans les susdites mala-

dies, n'ont point tout d'abord exactement tous les caractères des mouve-

ments athétosiques vrais (et c'est pourquoi nous les appelons athétoïdes) et

de plus qu'ils ne s'accompagnent pas de la série de symptômes dont l'en-

semble constitue le complexus de l'athétose double, telle que nous venons

de l'étudier.

Nous considérerons dans cette étude les mouvements involontaires d'al-

lure athétoïde qui s'observent dans l'une des maladies que nous venons

d'énumérer. Puis nous insisterons sur les analyses qui les rapprochent et

les différences qui les distinguent.

Ataxie locomotrice. A ne considérer que les mouvements invo-

lontaires qui caractérisent normalement la période d'incoordination des

tabès, il n'existe aucune ressemblance entre les mouvements ataxiques et

les mouvements athétosiques. Mais on sait aujourd'hui que les ataxiques

peuvent offrir des secousses et des mouvements involontaires d'autre es-

pèce, lesquels peuvent imiter assez bien les mouvements athétosiques.

Il existe dans la science une dizaine d'observations des mouvements in-

volontaires survenus au cours de l'ataxie locomotrice (Rosenbach, Bern-

hardt, Audry, Laquer, etc.). A cause de cette ressemblance, certains au-

teurs ont voulu créer une athétose double de nature tabétique. Sans vouloir

discuter ici la pathogénie de ces mouvements involontaires dans l'une et

l'autre maladie, il nous semble qu'il existe, au point de vue clinique entre

les unes et les autres, des différences assez nettes pour être remarquées.

Les caractères des mouvements involontaires des ataxiques ne sont ordi-

nairement qu'une image atténuée de ceux des mouvements athétosiques

que nous avons étudiés dans notre premier chapitre, moins violents, très

affaiblis et quelquefois presque imperceptibles; ils se limitent bien plus

ordinairement aux extrémités, contrairement à ce qu'on observe dans l'a-

thétose double et ne s'accompagnent naturellement pas de troubles intel-

lectuels, ni de troubles de la parole. Enfin la démarche spasmodique des

athétosiques doubles est tout autre que celle des ataxiques.

Mais les deux caractères très importants qu'on n'observe jamais dans

l'athétose double et qui nous servent pour faire le diagnostic, sont : 1° que

les mouvements involontaires des ataxiques, sont signalés toujours à titre

de complication, c'est-à-dire, survenant quand l'ataxie était déjà confirmée.

2° Que ces mouvements sont presque toujours fugaces, ne durent que

quelques semaines, quelques mois : à l'inverse de ce qui se passe dans l'a-

thétose double et qu'ils peuvent être aussi bien limités à un seul côté que

bilatéraux. Voici le résumé de quelques cas de ce genre :

258 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

Observation de Rosenbach (1).

Joanna H..., cinquante-sept ans.

L'auteur donne la description des antécédents de sa maladie, des symp-

tômes ataxiques dont celle-ci était atteinte.

En 1874 « les mains, que la patiente tient étendues sur le lit, attirent

immédiatement l'attention par leurs mouvements singuliers, qui se produi-

sent d'eux-mêmes en dehors de la volonté et qui ne se forment nullement

à l'élévation et à l'abaissement réguliers des phalanges, etc. La durée des

mouvements involontaires était observée pendant des années, leur dispari-

tion pendant le sommeil et leur suspension pendant un érysipèle que la

malade a eu.

Observation d'Audry (2).

A. D..., tailleur, cinquante-deux ans. Entré le 31 mai 1882. Ataxie

confirmée, ensuite surviennent les mouvements involontaires. Le 15 octo-

bre les mouvements involontaires ont à peu près disparus.

Observation de Laquer (3).

Employé, 36 ans. Ataxique. Parole normale, 4 ans après les crises ataxi-

ques surviennent d'abord à gauche, puis quelques mois après à droite, des

mouvements involontaires qui persistent jour et nuit.

En comparant toutes ces observations d'ataxiques présentant des mou-

vements involontaires avec les observations des athétosiques doubles,. nous

ne voyons en réalité rien qui simule cette dernière affection.

Paralysie infantile. Tout récemment, Massalongo vient de rappor-

ter un cas dans lequel il a observé des mouvements involontaires, au cours

d'une ancienne paralysie infantile. Il fait remarquer qu'il était impossible

chez son malade de soupçonner l'existence d'une affection autre que la pa-

ralysie infantile et cela du fait de l'atrophie, de l'arrêt de développement

des membres, de l'intégrité des mouvements de la face, de la lucidité de

l'intelligence.

« L'enfant a la tête volumineuse, la physionomie très intelligente, les

yeux vifs, la parole facile et prompte. Aucune anomalie ne se révèle dans

les mouvements de la face, de la langue ni dans les sens spécieux ».

Quoique le cas soit unique dans la science, le diagnostic est peu embar-

rassant, car il n'y a ici qu'un signe unique pour simuler t'athétose double.

(1) Arch. f. path. An. und Phys. von Virchow, 1876.

(2) Revue de médecine, 1887.

(3) Cité par Audry.

ÉTUDE CLINIQUE SUR L'ATHÉTOSE DOUBLE. 259

Ce sont les mouvements involontaires. En effet ceux-ci étaient limités aux

extrémités seulement.

Tous les autres signes de l'athétose double faisaient défaut. De plus l'exis-

tence d'une maladie confirmée avant l'apparition des mouvements invo-

lontaires devait empêcher toute erreur.

Névrites périphériques. -Lowenfeld fut le premier à signaler, dans

les névrites périphériques, l'existence de mouvements involontaires qu'il

rapporte il l'athétose double symptomatique de ces névrites.

L'observation de Lowenfeld a été l'occasion d'une polémique entre l'au-

teur et Remak qui publiait, peu de temps après lui, la relation d'un fait

de névrites généralisées, dans lequel il avait rencontré des tremblements

et des secousses involontaires des doigts. Remak déclarait que, dans son

cas et dans celui de Lowenfeld il ne s'agissait pas de mouvements athéto-

siques. Cette affirmation provoqua une réponse de celui-ci. Tout en recon-

naissant que le malade de Remak n'avait pas eu d'athétose, il défendait

l'existence de celle-ci chez son malade.

Du reste les faits sont d'une interprétation discutable même pour les

auteurs qui soutiennent que l'athétose double est un syndrome. Mais en

admettant même qu'il existe des mouvements involontaires au cours des

névrites périphériques, la confusion se limitera toujours aux mouvements

involontaires et nous en ferons toujours le diagnostic par le manque de

tous les autres signes habituels de l'athétose double.

Hystérie. Il existe, d'après M. Audry, dans la littérature médicale,

une seule observation des mouvements involontaires au cours de l'hystérie.

Le cas est rapporté par Wiszwianski. Il nous semble, d'après la description

de cet auteur, qu'il s'agit là de mouvements involontaires quelconques,

mais n'ayant aucune ressemblance avec les mouvements involontaires de

l'athétose double. Une autre raison qui nous confirme dans cette opinion,

c'est la guérison si rapide, car la malade de Wiszwianski est entrée le

7 juillet et le 12 août elle sortait de l'hôpital complètement guérie de son

trouble moteur.

On ne peut nier cependant que l'hystérie, cette grande simulatrice, ne

puisse, en cas de contagion par exemple, simuler ou plutôt imiter les mou-

vements involontaires de l'athétose double.

Mais sans vouloir discuter l'interprétation des cas de Wiszwianski, le

fait seul que les mouvements involontaires sont survenus chez une hysté-

rique, leur mode de début, la disparition rapide et brusque, les symptômes

accessoires, l'absence des troubles cérébraux, des secousses de la face et des

désordres de la parole, nous suffit pour le diagnostic.

260 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

Sans vouloir discuter ici la pathogénie des mouvements involontaires

qu'on voit toujours dans l'alhétose double et ceux observés quelquefois au

cours d'une maladie quelconque, ataxie ou autres, il nous paraît certain

qu'il existe certaines différences entre eux ?

De la cette distinction nécessaire des mouvements athétosiques qui repré-

sentent le prototype, les mouvements de l'athétose vraie (hémathétose d'o-

rigine organique, athétose double) et des mouvements ATIIÉTOIDES.

Cette dernière dénomination sera réservée aux mouvements involontaires

qui présentent certaines analogies avec les mouvements athétosiques, bien

qu'ils en diffèrent à certains points de vue et qui surviennent à titre de

complication au cours d'une maladie nerveuse. Leur début est toujours

accidentel, jamais congénital, ni infantile. Les caractères des mouvements

athétoïdes ne sont ordinairement qu'une image atténuée de ceux des mou-

vements athétosiques que nous avons étudiés dans notre premier chapitre,

moins violents, très affaiblis et quelquefois presque imperceptibles. Comme

siège, ils se limitent plus ordinairement aux extrémités, ils n'occupent pas

la face el ne s'accompagnent nalurellemenl pas de troubles cérébraux. De

plus, ces mouvements athétoïdes peuvent être fugaces, ne durer que quel-

ques semaines (Audry) ou persister des mois ; mais enfin on obtient la

guérison.

En résumé sur quoi repose cette notion d'athétose double paralytique,

tabétique, hystérique ? Il nous semble qu'elle doit être abandonnée, puis-

que d'une part les mouvements qui servent à caractériser ces syndromes

présentent des différences assez sensibles avec ceux de l'athétose double

vraie et que d'autre part tous les autres signes de cette dernière font

défaut. D'après cela ce n'est pas athétose double hystérique, tabétique, etc.

que l'on doit dire, mais mouvements athétoüles dans le tabès, l'hystérie, etc.

6. Etiologie. Anatomie pathologique et pathogénie.

Étiologie. Hérédité similaire. - Max Schaede, dans sa dissertation

sur l'athetose, déclare qu'on ne saurait encore dire si celle-ci peul être

transmise par l'hérédité.

Massalongo a publié les observations cle trois frères et soeur qui en étaient

atteints. Le frère d'un autre de ces malades souffrait de symptômes bizarres

qui semblaient se rapprocher beaucoup de l'athétose. L'auteur italien fait

remarquer qu'on n'a pas encore signalé l'hérédité similaire directe ou col-

latérale, allant du père au fils, de l'oncle au neveu.

Hérédité de transformation. Celle-ci au contraire est assez fréquente.

Les maladies des parenls sonl représentées par les types morbides variés

que tous les auteurs ont notes dans les antécédents, des malades atteints

ÉTUDE CLINIQUE sur l'athétose DOUBLE. 261

d'affections nerveuses. L'hystérie de la mère a été observée par Richardière,

Charcot et Huet, par Massalongo. Un malade de J. Dreschfeld avait un

grand-père épileptique. Le mal comitial se retrouve encore dans les famil-

les des athétosiques, étudiés par Bourneville et Pilliet, Mitchell, Poila\ ?

Un de nos malades a un frère et une soeur qui sont idiots, le frère est ac-

tuellement à Bicétre dans le service de M. Bourneville.

Dans un cas d'Hâte White, un oncle avait été atteint d'aliénation men-

tale et enfermé dans un asile.

Chez le malade de Greidenberg, douze frères et soeurs sont morts de

convulsions, de semblables accidents sont signalés chez les parents par

Bourneville et Pilliet, Richardière, Massalongo, etc.

On signale encore chez les ascendants la démence sénile, le rhumatisme

et même la syphilis. Mais il faut reconnaître que, dans un bon nombre de

faits, nous trouvons nettement indiquée l'absence de pareils antécédents.

L'alcoolisme des parents parait assez fréquent et nous signalerons à ce

propos les observations de Richardière, Mitchell, Grasset, Bourneville et

Pilliet, Massalongo, Audry, etc.

Enfin on a remarqué dans certains cas que les parents étaient très âgés

lorsque leur enfant était venu au monde, dans le fait de Déjerine et Sol-

lier, et que Bourneville a noté la consanguinité.

Les accidents qui traversent la grossesse maternelle peuvent, comme on

le sait, agir d'une façon très fâcheuse sur le centre nerveux de l'enfant ;

l'athétose double n'échappe pas à la loi commune, et on retrouve, dans

l'histoire des malades, des faits assez rares, mais qui ne permettent pas de

mettre en doute une pareille influence. Ce sont quelquefois des maladies

infectieuses ou autres qui sont notées; la fièvre typhoïde (Oulmont), lypé-

manie (Massalongo).

Une frayeur plus ou moins vive est signalée dans les observations sui-

vantes : Mitchell, Bourneville et Pilliet, Kussmaul et Schaede, la mère de

notre observation n° 2 est tombée dans une rivière à son cinquième mois

de la grossesse, la mère a eu des émotions.

Age. C'est habituellement dès la première enfance que se manifestent

ces premiers indices de l'athétose double ; on peut même dire que c'est là

la règle ; il en est ainsi dans la plus grande partie des cas.

Il suffit pour s'en convaincre de compulser les observations qui ont été

publiées par les auteurs qui se sont occupés de la question. A la seconde

enfance appartiennent encore, dans un certain nombre de faits, les débuts

de t'athétose double.

Quelques auteurs ont signalé l'athétose double se développant chez les

adolescents et les adultes.

Remarquons aussi qu'un certain nombre d'auteurs ne précisent pas

262 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

exactement le début de la maladie. Nous croyons, avec Richardière, Massa-

longo et Audry, qu'elle doit très fréquemment se développer dans les deux

premières années de la vie. C'est d'ailleurs à cette époque qu'apparaissent

généralement nombre d'affections cérébrales : scléroses, pachyméningites,

méningo-encéphalites, poliencéphalites de Strumpell auxquelles Massa-

longo fait jouer un rôle important.

Le rôle de l'accouchement est fort intéressant à étudier. On sait aujour-

d'hui que les accidents qui l'accompagnent trop souvent sont à même de

retentir pendant la vie tout entière sur les fonctions intellectuelles et mo-

trices du malade.

C'est à Little qu'on doit d'avoir établi l'influence des accouchements

prématurés et difficiles. Depuis, les travaux sur ce sujet se sont multipliés,

et on pourrait citer nombre d'auteurs qui ont insisté sur ce point, entre

autres, Erb, Seeligmuller, Rupprecht, Ross, Ranke (1), Gowers (2), Osier,

Sinkler (3), Bourneville, Fletcher-Beach, Feer et Jacobi, etc.

Ce sont les accouchements prématurés et difficiles, si souvent signalés

dans le tabes spinal spasmodique, et qu'on peut retrouver aussi dans l'athé-

tose double. Autrefois l'accouchement n'a pas nécessité d'intervention ins-

trumentale, il s'est fait à terme, mais l'enfant est venu au monde avec un

état asphyxique plus ou moins prononcé, celui-ci pouvant être le résultat

d'un travail trop long, de l'existence de circulaires dans la région cervi-

cale, signalés très nettement dans les observations suivantes : d'Osier, Go-

wers, Bourneville, Sollier, Pilliet, Audry, un cas personnel (obs. n° 2).

(A suivre) DIAiITRI IVAN MICHAÏLOVSKI

(1) Ranke, Jahrb. f. Kind. Bd., 188G.

{2) Loc. cit.

(3) Sinkler, Paralyses of Children. The med. News, 1885.

NOUVELLE Iconographie de la Salpètrière. £ . T. V. PL. XXXII.

PHOTOTYPE X. PHOTOCOILOGRAPHIE Chêne FT LONGUET.

TOBIE RENDANT LA VUE A SON PÈRE

LOUIS BATTAILLE & CE

ÉDITEURS

UN BAS-RELIEF D'ALFRED -BOUCHER -

TOBIE RENDANT LA VUE A SON PÈRE

Il nous a paru intéressant de faire une incursion dans le domaine de l'art

moderne et de reproduire une. des premières oeuvres du sculpteur Alfred

Boucher : Tobie rendant la vue à son Père. -

Pour plusieurs raisons nous nous. sommes départi de notre ligne de con-

duite habituelle de ne reproduire que des oeuvres anciennes ayant trait aux

choses de la médecine. La. première tient à la beauté de la composition et

à l'exactitude du rendu au point de vue spécial qui nous intéresse. La

secondé est que cebas-relief,n'a pas reçu la publicité qu'il méritait, car.il

n'en existe qu'un moulage actuellement au musée de Troyes (Pl. XXXII).

La guérison miraculeuse de Tobie a une histoire. Exécutée pour le con-

cours de Rome elle obtint le premier grand prix dans la section de sculp-

ture. Ce choix ne fut pas ratifié par les architectes, les peintres et les mu-

siciens et l'appoint de leurs voix fit pencher la balance en faveur d'un autre

candidat. Depuis cette époque, l'élu non couronné de la section de sculp-

ture n'a pas failli à la,bonne opinion que ses maîtres avaient de lui : les

Coureurs, la Terre, la Femme endormie ont valu tour à tour le Prix du Sa-

loi et la Médaille d'honneur à Alfred Boucher qui est aujourd'hui l'un des

plus grands maîtres' de la sculpture contemporaine.

L'ensemble de la composition est d'une fraîcheur charmante d'impres-

sion ; c'est l'oeuvre d'un sculpteur jeune encore, déjà très habile, qui s'a-

bandonne tout entier à l'émotion que lui inspire la scène biblique.

Pendant que l'ange Raphaèl, les bras levés au ciel dans un geste tradi-

tionnel, implore l'assistance du Très-Haut, Tobie se penche vers son père

et s'apprête à toucher ses yeux avec le fiel du poisson miraculeux.

L'attitude de l'adolescent est d'une grâce achevée ; l'ange l'a déjà si mer-

veilleusement tiré du péril que la guérison de son père ne fait pas pour lui

le moindre doute. C'est un croyant qui opère et semble dire : « Allons

mon bon Père, dans un instant vous verrez la lumière et vous bénirez le

Seigneur » .

L'attitude de la mère forme un constraste frappant avec celle du fils. Elle

aussi croit mais non d'enthousiasme ; connaissant les déceptions de la vie,

264 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

elle éprouve encore le besoin de prier : certainement le fiel du poisson

guérira les yeux du malade, mais n'y a-t-il pas quelque danger à employer

ce remède et son fils n'a guère qualité pour se livrer à semblable opéra-

tion. C'est la statue de la Raison placée par l'artiste vis-à-vis celle de la Foi.

Quant au Père, le plus intéressant de tous pour nous médecins, c'estlemor-

ceau capital de l'oeuvre. Il aime son fils et croit en lui, déplus il a si grand

désir de revoir les cieux ! Son bras droit étendu semble retenir sa femme

que la foi n'anime pas et qui a déjà dû faire des objections sur la difficulté

et peut-être sur le danger de celle cure. La main gauche s'appuie dans

un geste de confiance et d'abandon sur l'épaule de ce fils tendrement aimé

qui vient accompagné d'un messager du ciel.

Et le Père se livre tout entier dalls un transport de foi, aide puissante

du miracle. Il ouvre les yeux démesurément dans une sorte d'extase, pour

que le remède pénètre et agisse à souhait. Dans cet effort Lous les muscles

de la face entrent en action, le front se plisse, la bouche s'entrouvre natu-

rellement : la tête est merveilleuse d'expression.

Boucher, qui dans la composition montrait ainsi qu'il était déjà un mai-

tre, se révèle encore dans ce bas-relief comme le virtuose d'exécution que

l'on connaît maintenant. La tête de la mère est d'un modèle fini; tout le

nu de l'aveugle nous fait pressentir la sûreté de main, la vigueur du futur

auteur de la Terre.

Les détails sont moins approfondis dans les figures de Tobie et de l'Ange,

mais il ne faut pas oublier qu'il s'agit là d'une pièce de concours à temps

très limité. Nul doute que le groupe de droite n'eût été aussi bien traité,

aussi serré de près dans l'exécution que le groupe de gauche si le temps

l'eût permis.

Telle qu'elle est la « Guérison de Tobie » reste une oeuvre de haute va-

leur, dans laquelle on sent la main d'un sculpteur qui s'élèvera aux plus

hauts sommets de son art.

Gilles DE la Tourette.

Le aérant : Louis BATTAILLE.

Ínip. Vve Lourdol, 33, rue des BatignoHes, Paris.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

DE LA SALPÊTRIÈRE

CONSIDÉRATIONS SUR LA MÉDECINE VIBRATOIRE

SES APPLICATIONS ET SA TECHNIQUE

Dans le Progrès médical du 27 août 1892, nous avons publié sur la mé-

decine vibratoire une leçon de M. le professeur Charcot (1). Nous ne pouvons

mieux faire que de la reproduire en l'accompagnant de quelques considé-

rations sur la technique de cette nouvelle méthode thérapeutique et sur les

documents dont elle a suscité la publication.

I

« C'est en 1878 (2), dans mon service de la Salpêtrière, que M. Vigou-

roux commença les essais d'une méthode dont je veux vous entretenir au-

jourd'hui : le traitement de certaines affections du système nerveux parles

vibrations mécaniques.

M. Vigouroux étudia d'abord les effets de ces vibrations sur plusieurs

hystériques. A l'aide d'un énorme diapason, mis en action au moyen d'un

archet et monté sur une caisse de résonnance, il parvint à faire disparaître

l'hémianesthésie et à rompre des contractures presque aussi rapidement

qu'avec l'aimant ou l'étincelle électrique. Chez une malade atteinte d'n-

1(t.iie locomotrice, il calmait les crises douloureuses en introduisant les

jambes dans la caisse de résonnance. A la suite d'un certain nombre d'ex-

périences de même ordre, il put établir que les vibrai ions du diapason

ont exactement la même action physiologique que les métaux, l'aimant et

(1) J.-M. Charcot : La médecine vibratoire. Application des vibrations rapides et con-

tinues au traitement de quelques maladies du système nerveux. Leçon recueillie par

Gilles de la Tourette.

(2) Progrès médical, 1818, p. 116.

v 18

266 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

l'électricité statique. L'année suivante, Schiff arrivait théoriquement à la

même conclusion.

Ces recherches ne furent pas poursuivies et il faut arriver en 1880,

époque à laquelle un électricien distingué, M. Boudet de. Paris, institua

de nouvelles expériences qui le conduisirent à des résultats très impor-

tants (1). -

M. Boudet de Paris étudia surtout les vibrations localisées ou mieux

qu'il faisait agir localement. Il fit construire un diapason monté électri-

quement et adapta à la planchette-support du diapason, au point où les vi-

brations se font sentir avec le plus d'intensité, une petite tige de cuivre, lon-

gue d'une dizaine de centimètres et terminée par un disque qu'on appliquait t

sur la partie du corps ou le nerf qu'on désirait soumettre aux vibrations.

Le disque était de petites dimensions en surface afin d'empêcher la diffu-

sion des vibrations ; pour mieux les localiser d'ailleurs, on peut le termi-

ner par une pointe mousse.

Les premières expériences de M. Boudet de Paris portèrent sur l'homme

sain, indemne de toute altération de la sensibilité. En appliquant la tige

vibrante sur un point cle la peau assez sensible, la région sus-orbitaire par

exemple, il produisit, au bout de quelques instants, une analgésie locale et

même une anesthésie très marquée, pouvant se prolonger de 8 à 20 minu-

tes suivant les sujets : « La même expérience tentée, dit-il, sur différents

points du corps amène le même résultat avec cette considération que les

effets sont d'autant plus rapides et plus complets que : 1° on agit plus près

d'un rameau sensitif ; 2° les tissus ont moins d'épaisseur et le plan sur lequel

ils reposent est plus résistant. Le maximum d'effet sera donc obtenu sur

le front, sur les tempes, sur les gencives, sur les apophyses mastoïdes, etc.

en un mot sur tous les points où les nerfs peuvent facilement être compri-

més sur une surface osseuse par le disque vibrant. »

En agissant ainsi on arriverait à calmer rapidement diverses névralgies,

la névralgie faciale en particulier. Le nombre des vibrations par minute

serait de peu d'importance; il n'en serait pas de même de l'intensité et de

l'énergie qui, dans des limites données, sont indispensables.

L'article qu'il publia à ce propos renfermait encore d'autres considéra-

tions qui pour être moins bien mises en lumière n'en sont pas moins inté-

ressantes.

« Lorsqu'on applique, dit-il, l'instrument sur un des points (de la face)

que nous venons de citer, les parois du crâne se mettent ,'1 vibrer à l'unis-

son du diapason comme le feraient les parois d'une caisse de résonnance

et l'on éprouve une sensation toute particulière que certains sujets compa-

(1) Traitement de la douleur par los vibrations mécaniques, Progrès médical, 5 fé-

vrier 1881.

CONSIDÉRATIONS SUR LA MÉDECINE VIBRATOIRE. 261. ,

rent à un commencement de vertige et qui chez d'autres détermine rapide-

ment un besoin très marqué de sommeil.

« Dans les cas de migraine même bénigne, ces vibrations très rapides

communiquées aux parois crâniennes et par suite à l'encéphale, amènent

la détente au bout de quelques minutes et souvent même coupent court à

l'accès lorsqu'il est pris au début. Nous avons pu grâce à ce procédé nous

éviter des accès de migraine qui nous paralysaient ordinairement pendant

de longues heures et nous sommes certains que beaucoup de dyspeptiques

et de rhumatisants affligés du même mal trouveront là un précieux remède

à leurs souffrances ».

Et M. Boudet de Paris, termine en émettant l'hypothèse fort vraisembla-

ble que la transmission des vibrations au cerveau joue un rôle dans la pro-

duction de ces effets.

A peine l'auteur avait-il publié son article qu'il fut en butte à une récla-

mation de priorité.

M. le lil' Jennings écrivit une lettre que le Progrès médical (1) rendit pu-

blique, dans laquelle il était dit que depuis 4 ans le Dr lIortimer-Granville,

de Londres, appliquait la môme méthode des vibrations pour la guérison

de la douleur. Il avait même inventé un instrument spécial « le percuteur »

qui avait été expérimenté avec un succès relatif dans un hôpital de Paris.

M. Boudet de Paris, rappella les expériences de Vigouroux, dit que

M. Mortimer-Granville pas plus que lui d'ailleurs n'avait « inventé les vi-

brations » et désireux peut-être d'éviter toute polémique ultérieure arrê-

tant net ses recherches.

Il n'en fut pas de même de M. M. Granville qui dans un livre paru en

1883 (2) nous fait connaître les résultats de la méthode qu'il a employée

dans le traitement de certaines maladies du système nerveux.

L'ouvrage de M. M. Granville peut être divisé en deux parties : une théo-

rique, une pratique, la'seconde découlant directement de la première.

La vibration rend au nerf qui lui sert de conducteur l'énergie qu'il avait

perdue. M. IVIortimer-Granville se propose toujours d'agir localement. 11 se

sert d'un percuteur le « clokwork percuteur » dont le mécanisme rappelle

(1) N» du 19 février 1881, p. 149

(2) Nerve vibration and excitation as agents in the treatment of funclionnal disorden

and oi-gaizic disease. Londres, Churchill, 1883, in-8» de 12S p.iet fig.-Dans cet ouvrage,

M. M. Granville rapporte qu'en 1862-61 il fil confectionner des petites boites pleines d'un

mélange réfrigérant qu'on appliquait localement pour calmer les douleurs des nouvelles

accouchées. Les résultats qu'il obtint le conduisirent à une théorie de l'arrêt de la dou-

leur par le stock. Aussi fit-il construire par M. Stréeter un percuteur dont les plans da-

tent du 5 janvier 1887. Ce percuteur fut employé au National Hospital de Londres et à

l'hôpital Laënnec de Paris en 1818. Les publications de M. M. Granville sur la matière

sont un article de The Lancet 10 juin 1880 ; ibid., 19 février 1881 ; Brilish med. Journ.,

10 mars 1882. - A new treatment of sleeplessness, ibid ? 10 mars 1883.

268 8 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

celui de certaines sonneries. Cet appareil est bon pour le praticien, il est

portatif et se dérange difficilement, mais le médecin qui s'adonne particu-

lièrement il la percussion emploiera de préférence le système actionné par

l'électricité. La tige percutante bien plutôt que vibrante est de forme va-

riable : c'est un bouton, un disque, un petit marteau il tète plate, un pin-

ceau ou une brosse suivant qu'on veut agir localement ou sur une surface

plus étendue ; on peut même placer le pied douloureux dans l'eau par exem-

ple et se servir de celle-ci pour faire diffuser les vibrations. Les séances

sont d'une durée variable suivant les cas.

Les résultats qu'il a obtenus dans le traitement de certaines névralgies,

en particulier de la névralgie faciale seraient remarquables, Mais le traite-

ment est surtout recommandable dans la neurasthénie à forme cérébrale ou

spinale, dans la migraine et dans l'insomnie.

Si le mal de tôle est localisé, on percute et fait vibrer localement les nerfs

et les plexus nerveux de voisinage, s'il est plus étendu, comme dans la mi-

graine, on promène d'avant en arrière une brosse vibrante. Le même pro-

cédé s'applique aux douleurs de la neurasthénie localisées le long de la co-

lonne vertébrale.

Retenons ces divers procédés de traitement, nous aurons à les rappeler

dans un instant.

II

Depuis longtemps, j'avais appris des malades atteints de paralysie agi-

tante, qu'ils retiraient un grand soulagement des voyages en chemins de

fer ou en voiture. Pendant toute la durée du voyage, les sensations si pé-

nibles et parfois si douloureuses qui sont le cortège presque obligé de cette

maladie, semblaient disparaître presque complètement ; le bien-être per-

sistait un certain temps, le voyage terminé.

J'eus bien souvent l'occasion de porter ces faits à la connaissance des élè-

ves qui suivent mes cours et j'émis plus d'une fois l'hypothèse des bons ef-

fets d'un traitement cle la maladie de Parkinson par un procédé qui rap-

pellerait l'ensemble des mouvements communiqués au corps par une voiture

en marche.

Un de mes auditeurs, le Dl' Jégu, me proposa de chercher un appareil

réalisant ces desiderata. Aidé par un ingénieur distingué, M. Solignac, il

fit construire un fauteuil auquel un mécanisme spécial communiquait des

mouvements rapides d'oscillation autour d'un axe antérieur et latéral. Ces

mouvements, combinés et contrariés, produisaient une vibration, une tré-

pidation rapide fort analogue, ainsi que vous pouvez en juger par vous-

même, en vous asseyant sur ce fauteuil, à celle que l'on ressent lorsqu'on

estassis sur la banquette d'un wagon en marche. L'appareil installé, M. Jégu

CONSIDÉRATIONS SUR LA MÉDECINE VIBRATOIRE. 269

n'eut pas de peine à recruter des sujets d'expérience parmi les malades de

mon service et ceux qui fréquentent ma policlinique, mais la mort vint

brusquement le surprendre au milieu de ses recherches.

A ma demande, M. Gilles de la Tourette, mon ancien chef de clinique,

voulut bien continuer à surveiller les expériences qui avaient été interrom-

pues. Celles-ci ont porté jusqu'à présent sur huit sujets, six hommes et deux

femmes. Malheureusement, il s'agit, pour la plupart, de sujets n'appartenant

pas au service, et plusieurs, pour des causes diverses, ont suivi le traite-

ment irrégulièrement.

Sans chercher à analyser un à un les résultats satisfaisants qui ont été

obtenus, il est permis dès maintenant de se faire une idée générale de l'ac-

tion du traitement.

L'amélioration se fait généralement sentir dès la 5° ou 6e séance de tré-

pidation. Elle porte surtout sur les phénomènes douloureux qui accompa-

gnent si fréquemment la maladie de Parkinson.

Aussitôt descendu du fauteuil trépidant, le malade se sent plus léger, il

semble que sa raideur ait disparu, il marche mieux qu'avant. Phénomène

presque constant, les nuits deviennent bonnes, le malade qui s'agitait sans

cesse péniblement dans son lit dort d'un sommeil calme qui lui procure un

grand soulagement Sauf dans un cas, le tremblement n'a pas paru être

sensiblement influencé. Ce bien-être se fait surtout sentir le jour du trai-

tement, d'où la nécessité de faire des séances quotidiennes. Malheureuse-

ment cela est difficile à la Salpêtrière. Le mécanisme du fauteuil est mis en

marche par un moteur électrique et trois fois par semaine il nous faut nous

servir de cette électricité, pour actionner des machines statiques. De même,

les séances n'ont-elles peut-être pas été assez prolongées. En effet, il est

difficile d'accorder, lorsqu'on est en présence d'un certain nombre de ma-

lades, plus d'un quart d'heure à 20 minutes à chaque sujet. Nous espérons

pouvoir bientôt combler ces desiderata ; quoiqu'il en soit, les résultats que

nous avons obtenus sont des plus encourageants, les recherches seront pour-

suivies et j'aurai l'occasion de vous tenir au courant de ce que nous obtien-

drons. C'est déjà beaucoup que de soulager les paralytiques agitants sur les-

quels les remèdes ordinaires agissent avec le peu d'efficacité que vous savez.

III

M. Gilles de la Tourette ne s'est pas borné à surveiller le fonctionnement

du fauteuil trépidant et à noter les résultats, il a cherché d'autres applica-

tions de la méthode vibratoire.

Les résultats que je vous ai indiqués, obtenus par MM. Boudet de Pàris

et Nlorlimer-Granville avaient frappé son attention. Guérir certaines né-

270 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

vralgies, posséder un remède qu'on disait presque héroïque contre la mi-

graine, rendre le sommeil aux malades, faire disparaître les symptômes de

la neurasthénie, ce n'est pas peu de chose en médecine. '

M. Gilles de la Tourette avait remarqué en lisant l'article de M. Boudet

de Paris que celui-ci émettait l'hypothèse que les vibrations locales se dif-

fusant à toute la boîte crânienne, mettaient à leur tour le cerveau en vibra-

tion et que les résultats obtenus pouvaient bien être dus à ces vibrations

mécaniques transmises à l'encéphale.

. Il n'est pas douteux du reste qu'en dehors de la tige pointue, les dis-

ques et la brosse dont se sert M. Mortimer-Granville ne puissent agir dans

le même sens.

Sur sa demande, deux électriciens distingués, MM. Larat et Gautier, ai-

dés de M. Gaiffe, construisirent un appareil (fig. 35) dont voici la des-

cription :

Il se compose d'une sorte de casque à lames séparées, fort analogue au

conformateur des chapeliers ; à l'aide d'un artifice très simple les lames de

ce casque emboîtent exactement la tête du sujet en expérience. Le casque

est surmonté d'un plateau sur lequel se trouve placé un petit moteur spé-

cial actionné par une simple pile. Tout l'appareil est facile à manoeuvrer,

très portatif, et ses rouages peuvent marcher pour ainsi dire sans interrup-

tion sans crainte de dérangements. Le petit moteur donne environ 6,000

tours à la minute, tous très réguliers, produisant une vibration continue

qui se transmet au crâne tout entier par l'intermédiaire des lames du cas-

que. La tête tout entière vibre dans son ensemble ainsi qu'il est facile de

s'en assurer en plaçant les mains sur une apophyse mastoïde. L'appareil

Fig. 35. - Casque vibrant.

Nouvelle Iconographie un la SALPCTRILRR T. Y. PL. YXZII6.

PHOTOTYPE A. LoNni- PHQTOCOLLOCRAPH1F 1 F CHÊNE & LONfrURT

Fauteuil trépidant EN usage A la SALPÊTRIÈRE POUR LE traitement

DE la Paralysie AGITANTE

JOUIS )3ATT.AILLE A ....cI ? tDITLUPS

CONSIDÉRATIONS SUR LA MÉDECINE VIBRATOIRE. 271

en marche fait entendre un bruit continu, sorte de bourdonnement doux qui

n'est peut-être pas indifférent à noter au point de vue de la pathogénie des

résultats obtenus. On peut à volonté augmenter ou diminuer et le nombre

et l'amplitude des vibrations par un procédé de réglage fort simple.

L'appareil posé sur la tète d'un sujet sain est parfaitement toléré et sa

marche ne cause aucune gène. Au bout de 7 à 8 minutes on a une sensa-

tion d'engourdissement qui envahit toute l'économie et porte presque in-

variablement au sommeil. De fait, l'expérience a démontré qu'une séance

de 10 minutes faite vers 6 heures du soir procurait un sommeil calme dans

la nuit correspondante. Huit ou dix séances triomphent de l'insomnie lors-

que celle-ci n'est pas liée à une affection organique de l'encéphale.

- Dans trois cas, la vibration s'est montrée comme l'avait vu déjà Boudet

de Pâris très efficace pour faire avorter des accès de migraine.

Trois personnes atteintes de neurasthénie ont été traitées de cette façon,

deux ont guéri, la troisième a interrompu le traitement alors qu'elle était

déjà améliorée mais non guérie.

La vibration agit en faisant disparaître d'abord les symptômes céphali-

ques en particulier les vertiges et le casque douloureux si spécial à cette

affection. Ce qui semble bien montrer que les vibrations agissent particu-

lièrement sur l'encéphale c'est que dans un cas où les phénomènes spinaux

étaient prédominants, la plaque sacrée, la faiblesse des membres inférieurs,

l'impotence sexuelle relative disparurent sans qu'on eût besoin de recou-

rir à des vibrations le long de la colonne vertébrale. Chez ce malade l'élec-

tricité statique avait complètement échoué.

Il n'est pas douteux, d'après tout ce que je viens de dire, que la vibra-

tion ainsi pratiquée ne soit un sédatif puissant du système nerveux.

On sait que depuis longtemps les médecins aliénistes emploient, dans le

traitement de certaines formes de l'aliénation mentale, des courants trans-

cérébraux. On conçoit que les vibrations rapides propagées à l'encéphale

puissent amener des modifications bienfaisantes. Dans un cas de dépression

mélancolique, des résultats très favorables ont été obtenus et la vibration

semble avoir complètement enrayé la marche d'un accès qui, à l'époque où

le traitement avait été commencé, ne présentait aucun indice de rétroces-

sion.

Je ne puis en dire davantage pour le moment, car, vous le voyez, les

expériences sont en pleine période d'activité : ce que j'ai rapporté est suf-

fisant pour vous montrer les avantages que l'on peut retirer de la médecine

vibratoire. »

La leçon de M. Charcot suscita, avons-nous dit, la publication d'un cer-

tain nombre des documents.

272 NOUVELLE ICONOGRAPIIIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

Signalons tout d'abord un article du D' Cabanes dans l'Intermédiaire

des chercheurs et curieux reproduit par la Gazette des hôpitaux (10 sept.

1892).

Le D'' Cabanes rapproche avec raison du fauteuil trépidant qui trouve

son emploi dans la paralysie agitante d'un appareil assez analogue imaginé

en 1734 par un certain abbé de St-Pierre. Le trémoussoir ou fauteuil de

poste, avait pour but, en somme, de faire accomplir surplace, il l'instar de

certains appareils de gymnastique actuellement employés, des exercices

physiques à toute une catégorie d'individus sédentaires par état, et qui

n'en éprouvaient que plus le besoin de se trémousser pour employer l'ex-

pression alors consacrée.

Le trémoussoir eut paraît-il un grand succès, Voltaire en vante les bien-

faits dans une lettre au comte d'Argentai (sept, 1744), puis il tomba dans

l'oubli. La leçon de M. Charcot donne à cet appareil un regain d'actualité ;

il ne faut pas oublier toutefois que notre maître emploie uniquement le

fauteuil trépidant pour les cas bien déterminés de paralysie agitante dans

laquelle il produit une sédation très marquée des phénomènes qui forment

un si douloureux cortège à cette cruelle affection.

M. Enrico Morselli s'est placé à un autre point de vue que le D'' Caba-

nes. Après avoir rappelé les noms des auteurs qui se sont occupés de la

médecine vibratoire, parmi lesquels il cite Maggiorani, il émet l'opinion que

tous les appareils inventes ne sont en somme que des instruments au ser-

vice d'une force unique, celle que les nerfs ressentent par la mise en oeu-

vre d'une action rhytmique, monotone, résultant des vibrations mécaniques

continues.

A peine, en 1880, Boudet de Paris avait-il publié son mémoire que

M. G. Morselli fit construire un appareil que nous avons toutes raisons de

croire analogue à celui de cet auteur, par M. Luigi Corino, mécanicien de

l'Institut physiologique de Turin et il exécuta avec l'aide de son assistent

le Dr Gabriel Buccola pendant les années 1882 et 1884 une longue série

d'expériences thérapeutiques sur des cas variés de folie, particulièrement

sur cette forme de mélancolie associée à des névralgies localisées dési-

gnée par Seliiiie sous le nom de distinct neuralgica.

Le Dr Buccolla vint à mourir, ses papiers furent égarés, mais de quelques

notes sauvées du naufrage, M. E. Morselli croit pouvoir tirer les déductions

suivantes (1) :

1° « La méthode vibratoire paraît avoir surtout des indications précises

dans les psychopathies accompagnées de symptômes localisés, particulière-

ment chez les aliénés atteints de névralgies.

(1) E. Morselli, Sulle vibrazione meccaniche nella cura délie malattie nervose e men-

tali. Ga ? ella degli ospilali, no 102, 25 août z2, p. 951.

CONSIDÉRATIONS SUR LA MÉDECINE VIBRATOIRE. 273

2° La mélancolie simple ou passive à son début, la mélancolie avec né-

vralgie intercostale, la folie avec idées fixes furent surtout parmi les psy-

chopathies celles qui quelquefois retirèrent des bénéfices du diapason vi -

brant appliqué soit au niveau du point douloureux, soit sur le front.

3° Dans quelques cas d'hypocondrie avec névralgie occipitale on réussit

à procurer une courte période de calme.

4° Dans le traitement de l'insomnie des aliénés la méthode vibratoire

semble tout à fait inefficace ; elle présenta ou contraire quelques avantages

dans l'insomnie des neurasthéniques et des hystériques.

5° L'action de la méthode vibratoire fut dans la moitié de nos cas

fugace et éphémère ; ce fait joint à nos connaissances modernes plus avan-

cées par rapport aux effets de la suggestion me fait penser qu'il s'agissait

d'une influence purement suggestive, analogue à l'action de même ordre

qui résulte actuellement des nombreuses applications de l'électro-thérapeu-

tique.

6° La méthode vibratoire, à rencontre de son action sédative peut exer-

cer une action excitante sur le système nerveux ; en fait elle est contre-in-

diquée dans toutes les formes de manie, sauf dans la manie hystérique,

dans la mélancolie anxieuse el agitée, surtout dans les psychoses épilepti-

ques.

7° La méthode vibratoire ne s'est pas montrée efficace, comme nous l'es-

périons dans les états de stupeur ; elle est défavorable à l'instar de l'exci-

tation galvanique chez les aliénés atteints d'hallucinations de l'ouïe...

8° Dans nos expériences nous avons en général, trouvé peu pratique

et trop faible l'action vibratoire de l'appareil de Boudet de Paris ; nous con-

sidérons comme supérieur le procédé indiqué par Maggiorani consistant

en un gros diapason vibrant fixé sur une caisse résonnante, ou un gros dia-

pason mis en action par une pile électrique et appliqué sur les points d'é-

lection usités en électrothérapie )). ».

Le désir de M. E. Morselli fut toujours de reprendre l'étude de cette ques-

tion qu'il avait laissée sans solution et il sera heureux si sa courte commu-

nication peut engager les aliénistes à étudier d'une façon plus complète et

plus précise l'action de la thérapeutique vibratoire dans le traitement des

maladies mentales.

Malgré leur décousu pour ainsi dire, les considérations qu'émet M. Mor-

selli sont intéressantes. Il en résulte que si les essais tentés n'ont pas tou-

jours été couronnés de succès il n'en reste pas moins que, de l'avis de l'au-

teur, c'est là une méthode qui mérite toute l'attention des médecins alié-

nistes.

Nous considérons avec M. Morselli que l'action de l'appareil inventé par

Boudet de Paris, et encore plus du percuteur imaginé parMortimer-Gran-

274 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

ville est beaucoup trop faible. D'autre part l'application du diapason de

Vigouroux et de Maggiorani monté on non sur une caisse résonnante est fort

difficile et n'a que des indications très limitées. Le casque vibrant que nous

avons fait construire par M. Gaiffe en collaboration avec MM. Larat et Gau-

thier nous semble, outre qu'il réunit les avantages des deux précédents ap-

pareils, beaucoup plus pratique et certainement bien plus efficace.

Il produit des vibrations rapides, égales, qui se diffusent à toute la boîte

crânienne qu'elles font uniformément vibrer. Leur énergie est suffisante

pour qu'elles se transmettent d'une façon sensible jusque dans la région cer-

vicale. 1

Nous ne reviendrons pas sur les résultats obtenus, que M. Charcot a si-

gnalés dans sa leçon et sur lesquels M. Chouppe a insisté en apportant de

nouveaux cas dans une excellente revue sur la Médecine vibratoire (4 ). Nous

nous bornerons à dire que l'action du casque vibrant nous a toujours paru

être éminemment sédative et qu'il nous a donné les meilleurs résultats dans

les céphalées neurasthénique et hystérique, la migraine, l'insomnie, et

aussi dans certains cas de dépression mélancolique. Evidemment il faudra

encore de nombreuses expériences pour juger de la méthode, mais les ré-

sultats obtenus jusqu'à présent sont des plus encourageants d'autant qu'on

s'est adressé à des malades dont l'affection avait jusqu'alors résisté aux mé-

dications les plus variées.

- Nous voudrions seulement compléter en quelques mots la technique des

appareils usités actuellement dans la thérapeutique vibratoire.

En ce qui regarde le traitement de la paralysie agitante par le fauteuil

trépidant, les séances doivent durer une demi-heure, et être autant que pos-

sible quotidiennes ; la sensation de bien-être que le malade éprouve après

la trépidation est au prorata de la longueur de celle-ci. Toutefois le terme

d'une demi-heure parait ne pas devoir être dépassé sous peine d'entraî-

ner de la fatigue. Il faut aussi pouvoir, grâce à un dispositif approprié, mo-

dérer la rapidité et l'intensité de la trépidation ce qui est facile à obtenir

avec l'appareil actuellement employé ; c'est là une pure question de moteur.

Parfois se trouvera-t-on bien de couper la séance par une pause de quelques

minutes. On sai combien est individuelle pour ainsi dire la maladie de Par-

kinson, etil faudra s'inspirer les conditions inhérentes au malade lui-même.

Nous ne nous attarderons pas à donner une description détaillée du méca-

nisme du fauteuil, cela nous entraînerait trop loin. Disons qu'il peut être

mis en mouvement directement à bras mais qu'il est beaucoup plus facile

d'employer un moteur à gaz, à vapeur, électrique ou à air comprimé.

(PI. XXXIII).

(1) Bulletin médical, no 82, 12 octobre 1892, p. 1290.

CONSIDÉRATIONS SUR LA MÉDECINE VIBRATOIRE. 275

Pour ce qui est du casque vibrant la technique de son application est des

plus simples. Grâce à sa conformation spéciale, il se moule exactement sur

toutes les têtes. Aussitôt en place on met le moteur en mouvement en pla-

çant les fils de la pile dans les bornes situées sur les parties latérales ainsi

que l'indique la figure 36. La mise en marche, les fils posés, se détermine

en actionnant d'un léger coup avec l'index la petite pièce de cuivre située

à l'extrémité du moteur. La durée moyenne de la séance doit être de 10 il

15 minutes dans les cas de céphalée neurasthénique, de migraine et d'in-

somnie. Il faut encore tenir compteici des susceptibilités individuelles, mais

il faut bien savoir aussi que la tolérance devient de plus en plus parfaite

avec la répétition des séances et aussi avec la durée même de la séance.

Dès le début de son application le casque semble lourd, mais aussitôt que

la vibration a commencé c'est au contraire une sensation de légèreté qu'é-

prouve le malade que le poids du casque n'incommodera plus désormais.

Nous ne ferons que rappeler ce que M. Charcot a publié déjà en disant que

l'effet de cette vibration ne reste pas localisé au crâne ; son action dans les

cas de neurasthénie n'est pas seulement efficace dans la céphalée par exem-

ple, elle amène une sédation de tout l'organisme. Cette action est durable ;

les maladies neurasthéniques soumises à notre observation ont été toujours

très améliorés ou guéris après quinze séances environ, celles-ci étant fai-

tes tous les deux jours. Si au bout de 8 il 10 séances l'amélioration n'est pas

sensible, la méthode restera inefficace. Suivant l'amélioration obtenue, on

peut s'il est nécessaire continuer son application au delà de 15 séances, le

malade du reste peut parfaitement appliquer, une fois démonstration faite,

le traitement lui-même, la méthode ne présentant dans tous les cas aucun

danger ni immédiat ni éloigné ainsi que nous avons pu nous en convaincre.

Pour nous résumer, nous pouvons dire que la méthode vibratoire ima-

ginée par M. le professeur Charcot a donné jusqu'ici les résultats les plus

encourageants. Nous sommes désormais, après bien des t,^ttoniieiiients,eiipos-

session d'appareils variés et perfectionnés qui rendent son application des

plus facile. En dernier lieu, pour répondre à une question qui nous a été

posée à plusieurs reprises, nous dirons qu'en ce qui regarde le casque en

particulier de même que pour le fauteuil, il s'agit là de vibrations et de tré-

pidations purement mécaniques ; le mouvement est transmis au fauteuil par

un moteur qui peut être très varié : électricité, vapeur, gaz, air comprimé ;

le moteur du casque est actionné par une pile, mais il est isolé du casque,

et l'électricité n'intervient que pour déterminer des vibrations mécaniques

et non des excitations électriques.

GILLES DE la TOURETTE,

Ancien chef de clinique des maladies du système nerveux.

DEUX CAS D'ANOREXIE HYSTÉRIQUE

L'anorexie hystérique est une affection qui ne s'observe que chez les

jeunes filles, en général de 15 à 20 ans ; je ne l'ai du moins jamais rencon-

trée chez un garçon.

Elle est ordinairement, à part quelques caractères tirés de la sensibilité

et de l'examen du champ visuel qui permettent de la classer parmi les va-

riétés de cette névrose, la principale et le plus souvent la seule manifesta-

tion de l'hystérie, les accidents convulsifs qui constituent la forme habi-

tuelle de cette maladie ne se montrant ni avant son apparition, ni pendant

sa durée.

Sa persistance et son aggravation lorsqu'on n'intervient pas énergique-

ment, l'entêtement dont ces malades font preuve et l'étonnante aberration

esthétique qu'elle suppose, obligent à considérer comme sa condition pa-

thogénique une certaine dégénérescence nerveuse.

Sa durée est indéfinie, on pourrait dire qu'elle n'a pas de tendance à

guérir d'elle-même et qu'elle n'a d'autre limite que la lassitude de l'entou-

rage des malades. Par cette raison môme, la terminaison habituelle est

l'obligation pour ceux-ci d'accepter de gré, et le plus souvent de force, une

nourriture que l'estomac supporte toujours très bien. Mais quand elle est

abandonnée à elle-même, et que sa faiblesse des parents s'oppose à l'adop-

tion de la contrainte ou d'un moyen plus efficace de traitement qui est l'i-

solement de la famille, elle s'est terminée plus d'une fois par la mort. De

plus, l'état de déchéance organique où vivent'ces jeunes filles les expose

davantage aux maladies ambiantes et font d'elles en particulier un terrain

tout préparé pour la tuberculose.

Je ne m'étendrai pas sur les symptômes qu'on trouvera au complet dans

les deux observations suivantes, mais je dois signaler le besoin de locomo-

tion et d'agitation qu'on remarque chez les anorexiques. Il ne manque

jamais : ces malades sont des marcheuses infatigables et elles ont vite fait t

de lasser les personnes préposées à leur compagnie. Or, on ne trouve pas

d'ordinaire chez les jeunes filles des connaissances physiologiques assez

avancées, pour admettre que cette dépense musculaire et respiratoire exa-

gérée soit un moyen insidieux de maigrir quand même, comme cela est

arrivé dans un des deux cas rapportés ci-dessous.

NOUVELLE Iconographie de la Salpètrière T. V. PL. X%XIV XXXV.

Phototype négatif X. PHOTOCOÜOGCAPH16 CHLNP & Longuet

ÉMACIATION DANS L'ANOREXIE HYSTÉRIQUE

O}J3ATTAILLE A ^Clfj^V LDfTHuns

DEUX CAS D'ANOREXIE HYSTÉRIQUE. 277

A son arrivée à l'établissement hydrothérapique d'Auteuil, Mlle B., âgée

de 17 ans, est dans un état d'émaciation prononcée : les os sont saillants

sur tout le corps, les muscles très accusés, la peau terne, flasque, froide

et visqueuse. Les yeux sont enfoncés dans l'orbite, les lèpres boursouflées,

la langue sale, l'haleine fétide (PL XXXIV, XXXV).

Sur les jambes, la peau est couperosée et il y a un léger oedème sur le

pied et au ni` eau des malléoles où le doigt laisse un instant son empreinte.

Les règles sont supprimées depuis plusieurs mois. La constipation est

habituelle.

La taille de cette malade est de 1 m. 60, son poids de 27 kilogs 670 r.

278 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

. La malade n'a point trop caché que la cause de cette résolution de ne pas

manger, devenue presque sans efforts une habitude, était la crainte de se

voir un peu forte. Elle ne croyait pas que cet état d'extrême maigreur fut

déplaisant et que la coquetterie eut dû l'engager à s'arrêter plus tôt dans

cette voie.. -

Quoique Mlle B... eut quitté l'établissement j'ai pu prendre son poids

chaque semaine pendant quelque temps. Le voici : 27-k. 670, 27 k. 995,

28 k. 335, 29 k. 020, 29 k. 670, 31 k. 270, 31 k. 820, 32 k. 470,

33 k. 470, 3. k. 470. -

A ce moment elle était encore très loin d'avoir retrouvé la santé robuste

où la représente la photographie prise avant la maladie.

Les fonctions menstruelles s'étaient alors rétablies.

C'est au moment où Mlle V... est entrée comme pensionnaire au cou-

vent à 12 ans 1/2, que l'idée lui est venue qu'elle était trop grosse après

avoir vu dit-elle des camarades qui s'efforçaient de'se faire maigrir en

buvant du vinaigre et en ne mangeant pas à leur faim. Depuis cette épo-

que, elle a toujours essayé d'obtenir ce résultat et à cette fin elle mangeait

très peu et prenait tout ce qu'elle croyait mauvais pour son estomac.

Malgré ces tentatives ce n'est qu'au bout de près de deux ans qu'elle

réussit à dépérir (PL XXXVI, XXXVII).,

, A ce moment elle cessa de manger, n'acceptant plus que, des fruits aci-

des et l'amaigrissement prit une marche rapide. : Interrogée sur les motifs de sa résolution voici textuellement ce qu'elle

m'a répondu.

, - « « Il y a comme une force qui m'arrête quand je veux manger.

Je ne voudrais surtout pas grossir, mais de plus il y a maintenant une

habitude prise, c'est comme une manie. ,.

- J'aime mieux être comme ça que comme j'étais avant.

Après être restée sans manger pendant quelque temps, l'appétit a dis-

paru, j'ai été pendant plusieurs mois sans avoir faim du tout, ensuite la

faim est revenue. Maintenant je voudrais manger mais c'est plus fort que

moi, je ne peux pas, c'est comme ,si ça m'était défendu, je mangerais

encore bien des choses qui ne nourrissent pas mais ce que je sais être nour-

rissant, c'est ça que je ne veux pas. Si je savais que je ne deviendrai pas

trop forte, j'aurais peut-être la force de surmonter cette répugnance mais

ce n'est pas sûr.

Il n'y a que la force qui réussira ou alors qu'on m'ôte celte idée de la

tête, qu'on mette l'idée de manger à sa place.

Je finirai peut-être par me persuader quand je verrai qu'on me donne

plus de nourriture par la sonde et que je gagnerai à manger seule pour en

avoir moins».

NOUVELLF ICONOORAPEIL DL 1,ASALPiTRIÈRE ,

Foc. 1

Fi.. 2

Fie 3

FlG.4 4

Phototype NLCAT71 A Londe PHOTOCOLLOGftAPHIE Chêne h LONGUET

ÉMACIATION DANS L'ANOREXIE HYSTÉRIQUE-

Fia. 1 ! État normal. FIG. 2, 3, 4, Anorexie

J;ou IS J3""TTAILLE & ...eu

LDITEURS

DEUX CAS D'ANOREXIE HYSTÉRIQUE. 279

Lors de son entrée à l'établissement hydrothérapique, le visage n'est pas

trop amaigri, les sillons autour des commissures labiales et les rides du

cou sont peu prononcés, la peau est restée assez élastique et ne garde pas

les plis qu'on y fait, la langue n'est pas sèche ni l'haleine forte.

Les pieds jusqu'aux chevilles sont le siège d'un oedème assez prononcé

et que la marche exagère; ils sont enflés depuis un mois, le doigt s'y en-

fonce et sa trace est assez persistante.

Elle a constamment froid aux mains et aux pieds ce qui l'oblige enjuil-

let-août à les garantir avec des mitaines et des bas chauds. Parfois elle

sent un froid qui semble siéger dans les os, dit-elle, et se fait sentir dans

le dos surtout.

L'appétit est conservé, les aliments qu'on sert près d'elle la tentent par-

fois et elle les met clans la bouche pour en avoir le goût qui lui procure

une sensation de plaisir mais elle les crache ensuite. Ce qu'elle mange est

bien digéré ; elle n'a jamais senti son estomac.

La constipation est très opiniâtre.

Le sommeil est régulier.

Depuis plus d'un an la menstruation est supprimée.

280 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

UN CAS D'HYPERTROPHIE DES PIEDS ET DES MAINS

AVEC TROUBLES VASOMOTEURS DES EXTRÉMITÉS CHEZ UN HYSTÉRIQUE

Nous avons eu l'occasion d'observer dans le service de notre maître M. le

professeur Charcot un hystérique mâle qui présentait un développement

exagéré des mains et des pieds accompagné de douleur, de parésie et de

troubles vaso-dilatateurs. Ce cas nous a paru intéressant à rapporter, en

raison de la complexité des phénomènes morbides ; le voici en résumé.

Del... Achille, âgé de 23 ans, exerçant la profession de maçon, est en-

tré le 30 mars 1892 salle Parmentier, service temporaire de M. le pro-

fesseur Charcot.

Antécédents héréditaires. Du côté paternel, le père de D... âgé de

53 ans n'a jamais été malade mais il est franchement alcoolique; ni on-

cles, ni tantes ; grands-parents morts âgés. Du côté maternel, D... ne con-

naît que sa mère ; elle est âgée de 46 ans, elle est souvent malade, se plai-

gnant constamment de douleurs, de maux de tête; elle a fréquemment,

presque chaque mois, des crises de nerfs avec perte de connaissance et

grands mouvements. Le malade a eu six frères et une soeur : trois frères

sont morts tout jeunes, nous n'avons pas de renseignements sur le pre-

mier, le deuxième est mort à 21 mois sans avoir marché, le troisième était t

difforme (exstrophie des viscères abdominaux ? ) il est mort très jeune.

Les trois autres frères plus jeunes que notre malade sont bien portants

et out des extrémités régulièrement conformées, de volume normal. La

soeur est faible de constitution, mais,pas nerveuse.

Antécédents personnels. D... aurait eu une fièvre muqueuse à qua-

tre ans, la rougeole à sept ans, le favus à onze ans; ce favus a envahi

toute la moitié droite du cuir chevelu et a entraîné de ce côté de la lète

une alopécie irrégulière encore existante. A quinze ans, il a un érysipèle

de la face, qui dure deux mois et envahit le thorax (type ambulant, à re-

chutes) ; un abcès derrière l'oreille gauche se montre à sa suite, la cica-

trice en est encore visible. -

En 1889, D... âgé de 21 ans, vient à Paris, après avoir toussé tout l'hi-

ver, il entre en février 1890 à Cochin. On constate dans cet hôpital une

v 19

282 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

pleurésie droite et on lui applique plusieurs vésicatoires, D... sort bien-

tel, malgré le chef de service, quitte Paris et rentre chez lui, en Norman-

die. Là, il éprouve des accès d'étouffement, on lui fait une ponction qui

donne environ deux litres de liquide. Il ne se relève du lit que deux mois

après. A celte époque il est réformé au conseil de revision, revient à Pa-

ris, travaille très irrégulièrement pendant cinq ou six mois, et, toussant

toujours, se touvant faible, il entre salle-Parmentier, le 30 mars z ? .

Etat actuel. Alcoolique, D... est de plus hystérique; la sensibilité

générale au tact, à la douleur et à la température est complètement abolie

clans toute la moitié gauche du corps et fortement diminuée du côté droit :

les mains, en particulier, sont absolument insensibles des deux côtés. Pas

de zones hystérogènes, pas de points douloureux. Le réflexe pharyngien

est absent : Du côté des sens : l'ouïe est intacte, l'odorat est obnubilé des

deux côtés, le. goût est aboli à droite et à gauche, le champ visuel est ré-

tréci à 40° à droite, à 35° à gauche, les pupilles sont égales, le réflexe cor-

néen conservé. Le sens musculaire et articulaire est aboli à gauche. Enfin

le malade a eu trois'attaques de nerfs avec aura céphalique, bruit de sif-

fler-battements des tempes, constriction de la-gorge, perte de connais-

sance, grands mouvements, sans morsure de la langue, sans miction in-

volontaire. La première de ces attaques a eu lieu il y a trois ans, avant

la pleurésie, la dernière il y a dix mois. Depuis, D... est pris de temps

en temps de céphalalgie et de vertiges.

Quand on examine le malade on est d'abord frappé de la disproportion

qui existe entre ses extrémités (pieds et mains) qui sont énormes et le reste

du corps qui est de volume moyen. -

' La face est légèrement asymétrique, le nez est un peu cyanosé, l'oreille,

normale, bien ourlée avec le lobule adhérent, les dents saines, la voûte

palatine normale ; le volume de la langue n'est pas exagéré, les amygdales

très grosses forment une saillie prononcée dans le fond du pharynx, le

maxillaire inférieur, les lèvres n'ont rien de spécial. En somme on ne

trouve dans la tête aucune des déformations de l'acromégalie.

Le thorax est très rétréci en haut, les épaules très rapprochées semblent

ramenées fortement en avant. Les clavicules ont une courbure très accen-

tuée, elles ne sont pas hypertrophiées. La colonne vertébrale présente dans

la région cervicale inférieure et dorsale supérieure une scoliose dont la

convexité est tournée à droite ; cette scoliose semble antérieure à la pleu-

résie, elle en est en tous cas indépendante, ainsi que l'indique le sens de

la courbure. L'angle costal postérieur des côtés droites est saillant et sou-

lève l'omoplate correspondante, le muscle trapèze se trouve également

soulevé à droite et déborde le cou plus qu'à gauche.

Du côté desmembres, les anomalies sont limitées aux extrémités, pour

Nouvelle Iconographie de la SALPtTRIÈRE T, V. PL XXXV111.

PHOTOTYPE Nf.CATtl' A LONDE PHOTOCOLLOGRAPHOE ( ? H £ NE & LONGUET

Hypertrophie DES PIEDS ET DES mains avec TROUBLES

VASO-MOTEURS CHEZ UN HYSTÉRIQUE

(COMPARAISON AVEC LES EX1.RLMITLS D'UN INDIVIDU NORMAL DE MEME AGE ET DE MEME TAILLL)

JOUIS 'J3ATTAILLE & VIE

ÉDITEURS

UN CAS D'HYPERTROPHIE DES PIEDS ET DES MAINS. 283

le reste tout semble normal. Les mains (PI. XXVIII) sont très grandes et très

larges mais régulièrement conformées, l'augmentation de volume porte éga-

lement sur la portion métacarpienne el sur les doigts, la largeur des doigts

est en harmonie avec leur longueur, les phalangettes, les ongles striés lon-

gitudinalement, ne sont pas déformés. Comparées à la dimension de la face

suivant les canons artistiques elles dépassent notablement les propor-

tions moyennes ; comparées aux mains d'un sujet sain de même taille, de

même âge et cle profession similaire, ces mains paraissent énormes. Cette

augmentation de volume a surtout été remarquée depuis deux ans, sans

que D... puisse préciser d'une façon exacte si le début de l'hypertrophie

est antérieur ou postérieur à la pleurésié. Il dit cependant qu'au cours des

hivers de 1891 et 1892 ses mains sont devenues plus grosses encore. A l'é-

tat normal, leur coloration est rose pâle comme chez les sujets sains, mais

sous l'influence du froid, de la position déclive et peut-être aussi de la sim-

ple émotion elles deviennent successivement bleuâtres, violettes, ardoisées.

Cette teinte cyanotique très intense remonte jusqu'à trois travers de doigts

au-dessus du poignet, elle envahit à la fois toute la main sans qu'on puisse

remarquer si elle commence par un doigt plutôt que par un autre ; la pres-

sion la fait disparaître, mais la coloration revient presque aussitôt que la

pression cesse, au contraire de ce qu'on voit dans la maladie de Raynaud.

Jamais elle n'a été précédée de syncope locale avec décoloration complète

des téguments. En même temps on constate un abaissement notable de la

température locale, cette abaissement facilement perceptible au toucher,

mesuré au thermomètre donne 29°6 (pour une température extérieure de

19°) tandis que deux sujets sains donnaient au même moment 33°5 et 33°.

Quant aux symptômes douloureux, ils consistent surtout en fourmille-

ments et en crampes dans les doigts et dans la main, avec de temps en temps

des sensations de brûlure et d'élancements des plus pénibles. Ces douleurs

sont paroxystiques, les accès reviennent chaque jour et plusieurs fois par

jour, elles sont assez vives pour forcer le malade à làcher les objets qu'il

tient dans ses mains, le travail les exagère, elles cèdent sous l'influence

du repos. Malgré l'apparente énergie de ses mains, le malade est remar-

quablement faible, on sent à peine leur pression et c'est tout juste si il

atteint, par un violent effort, le n° 14 d'un dynamomètre qu'un homme de

son âge fait facilement monter jusqu'au 55°, 60° (échelle de pression).

Il n'y a pas de tremblement. On ne constate pas actuellement de troubles

trophiques, mais D... raconte qu'il a eu, il y a 2 ans, sur les doigts, des ul-

cérations précédées de phlyctènes, dont il est difficile de déterminer le siège

et la nature, faute de renseignements précis donnés par le sujet.

Les pieds sont très grands et très gros (PI. XXXIII) ; ils présentent égale-

ment des troubles vasomoteurs caractérisés par de la cyanose qui respecte la-

284 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

face dorsale et envahit seulement les orteils et la plante du pied ; ils sont

douloureux, les douleurs sont localisées aux malléoles, le malade les com-

pare à des piqûres, à un broiement ; la marche et la pression des chaussures

les exaspèrent, dételle manière que depuis deux ans, D... a dû renoncer à

ses souliers habituels devenus trop étroits et trop courts, et porter des sa-

bots,'preuve caractéristique de ce fait que si D... avait déjà avant sa pleurésie

des pieds volumineux, il y a eu à partir, de ce moment un accroissement

très manifeste. La marche est pénible et le sujet se fatigue très vite.

Les réflexes tendineux sont normaux, égaux des deux côtés, les réflexes

cutanés conservés.

L'état général est satisfaisant; à part une bronchite légère, les divers

viscères sont sains ; le coeur est normal, l'appétit n'est pas exagéré, les di-

gestions sont faciles, les urines normales. Le corps thyroïde, les organes gé-

nitaux n'offrent rien de particulier à signaler. Enfin il n'y a pas de troubles

psychiques, mais l'intelligence est plutôt au-dessous de la moyenne.

En résumé, il s'agit d'un malade, manifestement hystérique, offrant en

outre, au niveau des extrémités, de l'hypertrophie, des troubles parétiques,

douloureux et vasomoteurs. Il ne semble pas que tous ces troubles relèvent

de la névrose, bien que les phénomènes vasomoteurs rappellent l'oedème

bleu signalé par M. Charcot chez les hystériques, mais à quoi pourrait-on

les rapporter ? L'hypertrophie des extrémités pourrait faire penser à l'os-

téopathie hypertrophiante pneumonique de Marie, en effet le malade a eu

une pleurésie et c'est à la suite de cette pleurésie que l'augmentation de vo-

lume a apparu ou du moins a pris des proportions considérables. Mais il

s'agit ici d'une pleurésie simple qui a complètement guéri, et on ne retrouve

pas dans ces déformations les caractères de l'ostéo-arthropathie où l'aug-

mentation de volume porte surtout sur la phalangette, où les ongles ont

une courbure exagérée, en verre de montre, où les autres articulations

du membre sont généralement atteintes, poignet, cou-de-pied, etc.

Quant à l'acromégalie, à la maladie de Paget les différences sont trop

grandes pour qu'on puisse y songer dans ce cas.

II y a par contre deux affections qui ne sont pas sans analogie avec l'ob-

servation que nous venons de relater, ce sont l'érytllromélalgie et l'asphyxie

locale des extrémités. Mais d'une part, dans l'érythromélalgie il n'y a pas

d'hypertrophie et les troubles vasomoteurs se caractérisent non plus par

la cyanose et l'abaissement de température, mais par une coloration rouge

foncé, une sensation de brûlure intense survenant par crises et correspon-

dant à une température de plusieurs degrés plus élevée que dans l'inter-

valle des crises.

D'autre part, la maladie de Raynaud présente quelques,traits que nous

UN CAS D'HYPERTROPHIE DES PIEDS ET DES MAINS. 285

n'avons pas retrouvés dans notre observation : c'est le prélude par la syn-

cope locale, ce sont les troubles trophiques sur l'existence desquels nous

ne pouvons pas être fixés chez notre malade, et les phénomènes réaction-

nels qui terminent les accès d'asphyxie. Toutefois c'est certainement ce

syndrome qui présente le plus de ressemblance avec l'observation que

nous avons mentionnée. Du reste on a déjà, à diverses reprises, rapproché

la maladie de Raynaud et l'hystérie.

Quoiqu'il en soit, nous devons en terminant poser la question suivante :

les diverses manifestations morbides constatées chez D... ont-elles entre

elles une relation de cause à effet ou sont-elles indépendantes les unes des

autres, bien qu'elles semblent à peu près contemporaines ? Pour l'hyper-

trophie des extrémités, elle ne nous paraît pas pouvoir être mise sur le

compte de l'hystérie, pas plus que sous la dépendance des troubles vaso-

moteurs ; quant à ces troubles vasomoteurs eux-mêmes, à la rigueur, ils

pourraient, ainsi que nous l'avons déjà dit, relever de la névrose hystéri-

que. Mais, en somme, tout ce qu'on peut dire d'une manière générale,

c'est qu'il s'agit d'un sujet hystérique malformé (scoliose, hypertrophie

des extrémités) et d'un anomal, porteur de stigmates psychiques et physi-

ques de dégénérescence lesquels pourraient bien relever tous d'une même

origine : l'hérédité névropathique que l'on retrouve très évidente et très

rapprochée chez ses ascendants.

A. SOUQUES,

Ancien interne

Médaille d'or des hôpitaux.

G. GAINEZ

Interne provisoire des hôpitaux.

UN NOUVEAU CAS DE SYRINGOMYÉLIE TYPE MORVAN

Charles M... 62 ans, marchand des quatre saisons, entre à la Salpè-

trière, salle Prus, dans le service de M. le professeur Charcot, le il août

1891.

Antécédents héréditaires. Ses grands parents lui sont inconnus;

son père est mort de pneumonie ( ? ) et sa mère d'hémoptysie foudroyante.

Il a eu vingt-cinq frères ou soeurs qui étaient, paraît-il, tous forts et vigou-

reux ; ceux qui vivent encore sont bien portants. Rien d'intéressant à si-

gnaler du côté de ses collatéraux.

Antécédents personnels. M... est né à Paris de parents parisiens. Il

a eu la variole à onze ans et depuis lors n'a jamais été malade. Pas de sy-

philis, pas d'alcoolisme.

A 20 ans, il part dans la marine où il sert durant dix-huit ans. A son

retour, il devient marchand des quatre saisons. Il a toujours depuis exercé

ce métier mais il a dû l'abandonner, il y a dix mois, à la suite de douleurs

dans les pieds qui survenaient après une courte station debout et l'emp8-

chaient de marcher.

DÉBUT de la maladie actuelle. Au mois d'octobre 1885, il s'est un

jour brûlé les mains à son poële sans le sentir; il ne s'en est aperçu qu'en

constatant les traces de celle brûlure. Ces brûlures se sont renouvelées de-

puis dans les mêmes conditions. Il se rappelle en outre qu'à la même époque

il ressentait dans ses doigts quelques fourmillements et quelques engour-

dissements. Peu de temps après, il a remarqué que ses mains maigrissaient

et se déformaient : l'amaigrissement était apparent au niveau des éminen-

ces thénar et les doigts se fléchissaient vers la paume. Ces déformations se

sont produites lentement, progressivement, sans réaction douloureuse.

En 1887, au mois de mai, un panaris survint au médius droit, suivi de

fistule, de nécrose et d'élimination de la deuxième phalange, le tout sans

douleur. M... entra alors à l'hôpital St-Antoine, dans le service de M. le

Dr Monod. A cette époque il présentait aux mains et aux pieds des troubles

trophiques et des déformations qui ont été minutieusement décrites par

UN nouveau cas DE syringomyélie TYPE MORVAN. 287

MM. Monod et Reboul, dans un très intéressant travail auquel nous ren-

voyons (1). Pendant son séjour à l'hôpital il eut une série d'accidents, de

panaris qui nécessitèrent l'amputation successive du médius droit, de l'in-

dex gauche et de l'index droit. Toutes ces amputations furent pratiquées

sans anesthésie et supportées sans douleur. De la description détaillée que

donnent MM. Monod et Reboul, nous voulons signaler surtout ce qui a trait

à la sensibilité : « Membre supérieur droit : anesthésie complète de la

main ; à l'avant-bras, anesthésie limitée au coude, très nette sur les régions

internes des faces antérieure et postérieure. Membre supérieur gauche :

même distribution de l'anesthésie, cependant elle est moins complète sur

l'avant-bras que du côté droit. Membre inférieur gauche : au pied, anes-

thésie sur la face dorsale, la partie antérieure de la face plantaire et le talon,

sensibilité conservée à la voûte plantaire ; à la jambe, anesthésie du tiers

inférieur de la face antérieure ; à la cuisse, sensibilité diminuée sur la face

externe. Membre inférieur droit : au pied, anesthésie limitée aux orteils ;

à la jambe et à la cuisse, l'anesthésie occupe les mêmes régions qu'à gau-

che. Sensibilité diminuée à la face. Les réflexes du poignet et du coude

sont exagérés. Sensibilité articulaire disparue, des deux côtés, au coude, au

poignet, au cou-de-pied et au genou. Trépidation épileptoïde peu accusée.

Sens : depuis sept ou huit mois odorat diminué ».

Il n'est pas question dans cet exposé de dissociation de la sensibilité,

l'attention n'ayant pas encore été attirée à cette époque sur cepoint. L'exa-

men des nerfs des doigts amputés fait par M. Gombault montra l'existence

d'une névrite périphérique.

Depuis la publication de cette observation les troubles morbides ont

évolué. Ce malade a eu un quatrième panaris qui a exigé une nouvelle am-

putation laquelle a été subie, comme les autres, sans anesthésie et sans

douleur. Il a quitté St-Antoine en 1888. Depuis lors l'affection a continué

à évoluer lentement. Du côté des mains, rien de saillant n'est survenu,

sauf que l'atrophie a progressé, que les doigts se sont de plus en plus dé-

viés et fléchis et que peu à peu ces mains sont devenues complètement in-

formes (pl. XXXIX). Du côté des pieds, les orteils se sont étendus sur la face

dorsale, des panaris sont survenus avec fistules et élimination de séques-

tres osseux. Ces phénomènes se sont succédés sans douleur : le malade ex-

trayait lui-même les phalanges nécrosées et continuait à marcher. De temps

à autre, se montraient des maux perforants, rebelles, au niveau du talon

antérieur de l'un ou l'autre pied. Entre temps, il s'est brûlé sans le savoir,

à la face externe de la jambe droite ; cette brûlure assez étendue a laissé

(1) Monod et Reboul, Contrib. à l'étude du panaris analgésique (Maladie de Morvan)

in Archiv. gén. de Méd., 1888, p. 28.

288 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

une cicatrice dont on voit aujourd'hui la trace pigmentée (PL XXXIX).

Il y a dix mois, il a été obligé de renoncer à la marche et à son métier.

En effet il a ressenti des douleurs dans les mains et surtout dans les pieds.

C'étaient des douleurs lancinantes, courtes, survenant par accès trois ou

quatre fois dans la journée, chaque accès durant une dizaine de minutes.

Elles siégeaient, dit le malade, au niveau des articulations de préférence,

sans dépasser les genoux et les poignets. Aux pieds, ces douleurs étaient

provoquées par la marche. A peine avait-il marché durant un quart d'heure,

que la crise apparaissait. Peu de temps après, il a éprouvé des crampes

clans' les mollets, surtout quand il voulait étendre ou fléchir les jambes.

Vers la même époque, sont survenus aux deuxpieds des maux perforants qui

persistent encore, en même temps que des phénomènes paralytiques .dans

le territoire des extenseurs de la jambe. Tous ces accidents l'ont décidé à

faire quelques séjours dans divers services hospitaliers.. Depuis deux ou

trois mois enfin, notre malade se plaint d'engourdissement dans la. face

du'côté' droit (il lui semble qu'on lui projette de l'eau sur le visage) et de

fourmillements dans les lèvres. - .

Etat actuel (14 août 1891). - M... est encore un homme vigoureux

et d'un bon état général, quoiqu'il affirme avoir récemment beaucoup

maigri.

Motilité. Le malade présente une paralysie double des extenseurs

du pied, complète à gauche, incomplète à droite. Les deux pieds sont tom-

bants ; le gauche ne peut être relevé, le droit ne l'est que très incomplè-

tement. Tout mouvement des orteils est impossible. La force musculaire

est à peine diminuée dans les jambes ; elle est normale au niveau des cuis-

ses : le malade résiste bien aux mouvements passifs de flexion, d'exten-

sion et d'abduction. Malgré ces troubles moteurs, la marche est possible :

elle est cependant gênée, steppante et douloureuse au bout de dix à quinze

minutes. `

Aux membres supérieurs, il n'y a ni parésie ni paralysie notables ; la

force musculaire y est normale à droite et à gauche.

1 1 . J l' .

Les réflexes sont un peu exagérés des deux côtés, sans trépidation spi-

nase., - - ..

. Sensibilité. -,Pas.de-troubles, subjectifs appréciables,, sauf. quelques

élancements douloureux surtout le soir, quand-le malade s'est un peu fa-

tigué, dans la journée.- , / ' ' . ' 1 , '. 1

Les' troubles' objectifs sont par contre très accusés, 'mais deux explora-

tions séparées donnent parfois quelques différences soit dans la limite

exacte de l'anesthésie soit dans les caractères eux-mêmes de cette anesthé-

sie. Le malade dit parfois qu'il sent soit la douleur, soit le contact, soit

NOUVELLE Iconographie de la SALPJ1TJHÈRE T, V PL. XXXVI.

Phototype X PHOTOCOLLOGRAPHIE Chêne & Longuet

Troubles TROPHIQUES dans la syringomyélie

TYPE MORVAN

JOUIS 'j3A7TAILLE & WIC

Í j} ! ! ÍYJ¡¡

UN NOUVEAU CAS DE SYRINGOMYÉLIE TYPE MORVAN. 289

la température dans un point limité où il ne sentait pas la veille, mais

même dans ces cas il commet des erreurs de lieu et de sensation considé-

rables. De même, des explorations répétées coup sur coup, sur un même

point, semblent parfois amener le retour de la sensibilité. Mais ces per-

ceptions, si elles existent, sont passagères et erronées. Du reste ces varia-

tions inconstantes sont négligeables et n'empêchent point de dire que

cette anésthésie est complète.

L'anesthésie frappe les quatre membres symétriquement. Aux membres

supérieurs, elle est limitée en haut par la région du coude. Aux membres

inférieurs elle s'élève jusqu'à la moitié de la cuisse (schéma) en respectant

la voûte plantaire dans chacun des deux pieds (nous avons constamment

trouvé cette région sensible). La distribution de cette anesthésie ne varie

pas notablement, suivant qu'on examine tel ou tel mode de la sensibilité

cutanée, et le schéma ci-joint convient approximativement à tous les modes

d'anesthésie (contact, douleur, température à 80° et à 0°). Dans la zone de

transition située entre la partie anesthésique et les parties normales nous

avons parfois mais pas toujours trouvé la dissociation syringomyélique.

Dans les autres régions du corps, la sensibilité générale est normale.

Au point de vue sensoriel, la sensibilité est intacte. Il n'y a pas de ré-

trécissement du champ visuel (le malade distingue la couleur blanche à 80°

du périmètre).

Dans les régions anesthésiques, la sensibilité musculaire et articulaire

est abolie.

Troubles trophiques et déformations. - Les planches ci-jointes complè-

teront notre description.

Au rachis, on voit un peu de cyphose et une légère scoliose, dont la con-

vexité regarde à droite dans la région dorsale. Ces déformations scolio-cy-

photiques demandent à être recherchées.

Aux membres supérieurs, à droite et à gauche, l'avant-bras, le poignet, le

bras sont de volume et de force normale. Les déformations portent ici sur

les mains : elles sont symétriques et très considérables. Les intérosseux,

les éminences thénar et hypothénar ont disparu presque complètement, d'où

des gouttières et des méplats accusés en ces régions. Les deux pouces sont

sur le même plan que lès autres doigts et ne peuvent exécuter qu'un très

léger mouvement de flexion vers la paume. La deuxième phalange du pouce

est fléchie à angle droit sur la première et immobilisée dans cette position.

Dans les deux mains, le médius et l'index font défaut (amputation). A la

main droite l'auriculaire et l'annulaire sont déviés dans la paume et fixés

dans cette situation. A la main gauche, l'annulaire et l'auriculaire sont

complètement déformés : la première phalange est à peu près normale, la

290 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

deuxième et la troisième confondues pour ainsi dire en une seule, sontllé-

chies et immobilisées sur la première, leur pulpe étant déviée en dehors.

Les ongles sont bosselés, épaissis, irréguliers. A la main, la peau est d'as-

pect normal ; aux doigts, elle est lisse, fine et rosée.

Aux membres inférieurs, la peau de la face dorsale des pieds est tendue,

amincie, pigmentée, sans oedème. Les déformations portent symétriquement

sur les deux pieds et les font paraître raccourcis mais c'est un raccourcis-

sement apparent. En réalité, la déformation ne porte que sur l'avant-pied

ou plutôt sur les orteils. Les deux gros orteils sont un peu fléchis et très

fortement déviés en dehors au-dessous des autres doigts qu'ils soustendent.

Les deux seconds doigts sont un peu diminués de volume mais ce sont sur-

tout les trois derniers qui rapetissés, ratatinés, sont réduits à une seulepha-

lange arrondie en boule. On dirait trois petites billes accolées, sessiles sur

le métatarse et renversées sur la face dorsale du pied. Il n'existe là en ef-

fet que la dernière phalange, les deux autres ayant disparu par nécrose et

élimination. Ce, sont ces déformations qui expliquent le raccourcissement

apparent des pieds. Les ongles des orteils sont très épaissis et striés dans

les deux sens longitudinal et transversal : Sur la face plantaire, on voit plu-

sieurs maux perforants : (Pl. XL) deux sur le pied droit, trois au pied gau-

che, qui sont indolents et rebelles. ,

Aux jambes on aperçoit quelques varicosités et sur la face externe de la

jambe droite une cicatrice (Pl. XL) pigmentée, vestige d'une ancienne bril-

lure.

A la cuisse, rien digne d'être noté.

Examen électrique (pratiqué par M. Vigouroux). Aux mains, pas de

réaction des intérosseux, excepté pour le premier de la main droite qui

présente la réaction complète de dégénérescence. Aux jambes, le nerf scia-

tique poplité externe est inexcitable ; le jambier antérieur présente une

diminuation de l'excitabilité faradique et galvanique. Pour cette dernière

la contraction est plus forte au pôle positif qu'au pôle négatif. Asz>Isz.

Pas de contraction appréciable de l'extenseur commun. Péroniers latéraux

et triceps sural normaux.

L'état général du malade est satisfaisant, les urines sont normales. Les

divers viscères ne présentent aucune altération appréciable. Ce malade a

été considéré comme un type de maladie de Morvan et décrit comme tel,

à une époque où il était véritablement impossible de le classer sous une

autre rubrique.

Actuellement ce cas doi t rentrer dans la syringomyélie, tout comme l'ob-

servation que nous avons rapportée, ici même, l'an dernier (1). En effet,

(1) Un cas de syringomyélie type Morvan, Nouv. Iconogr. 1891, p. 255.

NOUVELLE Iconographie DE la SALPÊTRIÈRE t. V. PL. XL.

PHOTOTYPE X. PHOTOCOLLOGRAPHIE CHLNC & Longuet

TROUBLES TROPHIQUES dans la syringomyélie

TYPE MORVAN

¿;OU¡S }3A'rT.\ILLr : : A «-Or, £ t>uRs

UN NOUVEAU CAS DE SYRINGOMYÉLIE TYPE MORVAN 291

la maladie du Morvan a vécu comme entité morbide ; elle n'est plus à

l'heure actuelle qu'une forme, qu'un type clinique de la syringomyélie.

Les deux autopsies de MM. Joffroy et Achard et la leçon de notre maître

M. le professeur Charcot ont établi cette doctrine unitaire sur des bases

qui paraissent inébranlables.

A. SOUQUES,

Ancien interne, médaille d'or de la clinique

des maladies du système nerveux.

ÉTUDE CLINIQUE SUR L'ATHÉTOSE DOUBLE

(TRAVAIL DE LA CLINIQUE DES MALADIES NERVEUSES. SERVICE DE M. LE PROF'' CHARCOT')

(Suite et fin ').

Maladies infectieuses. Massalongo leur attribue la plupart des cas

d'athétose double qui sure iennent dans l'enfance. Il invoque : ') ce propos l'as-

similation qu'il conviendrait, d'après lui, d'établir entre les lésions céré-

brales infantiles qui entraînent l'athétose double et les poliencéphalites de

Strumpell. Il est inutile, d'autre part, de rappeler le rôle qu'on a fait jouer,

dans ces dernières années, à ces maladies infectieuses, dans l'établissement

des scléroses cérébrales et de bon nombre d'altérations encéphaliques ou

médullaires. L'auteur italien considère comme des processus morbides de

nature infectieuse, ces états fébriles avec convulsions et délire fréquents,

qui surviennent assez souvent dans le jeune âge et laissent à leur suite des

troubles cérébraux. Pareils faits semblent se rencontrer quelquefois au

début de l'athétose double. Chez un de nos malades (obs. n°2), la maladie

a débuté par des convulsions. Ollivier rapporte un cas, dans lequel un en-

fant atteint de chorée vulgaire contracte la rougeole et dont l'athétose dou-

ble se déclara peu de temps après.

Causes occasionnelles. Un certain nombre de circonstances ont été in-

criminées par les malades et citées par les auteurs comme ayant précédé

l'apparition des premières manifestations de la maladie. Parmi elles il nous

faut citer en particulier le traumatisme dont l'influence paraît très évidente

dans les observations de Ross et de Hugues. Dans celle de Ross, une petite

fille, bien portante jusque là, tombe sur le front du haut de sa chaise; dans

celle de Hugues, le malade a été victime, à l'âge de neuf ans, dans un dé-

raillement de chemin de fer, d'un accident assez grave.

Le refroidissement et le rhumatisme ne sont signalés que très rarement

dans des antécédents personnels des malades.

Dans la plupart des cas la maladie s'est développée sans cause occasion-

nelle appréciable.

(1) Voyez les numéros 2, 3 et 4, 1892.

ÉTUDE CLINIQUE SUR L'ATHÉTOSE DOUBLE. 393

Presque tous les auteurs ont considéré l'athétose double comme très rare.

Nous croyons, avec Massalongo, Osier et Audry, que cette affection n'est

pas si rare que çà. Nous savons, d'autre part, que plusieurs malades con-

sidérés comme atteints de chorée, de tabès spasmodique infantile, doivent

être confondus avec les athétosiques doubles.

Audry, dans son mémoire, a réuni 79 cas.

Anatomie pathologique. Pathogénie. L'anatomie pathologi-

que de l'athétose double, malgré les recherches auxquelles elle a donné lieu,

reste encore un des points les plus obscurs dans l'histoire de cette maladie.

Nous rappellerons d'abord que Hammond supposait dans l'athétose l'exis-

tence d'une lésion des ganglions intra-crâniens et de la portion supérieure

de la moelle peut-être du corps strié, queClay-Scliaw conseillait, si l'occa-

sion s'en présentait, de chercher du côté de la portion cervicale de la moelle,

du noyau de la septième paire et du corps strié.

Oulmont considère la nature de l'athétose double comme inconnue et

croit cependant qu'on peut la rapprocher de l'hémiathétose primitive qui,

elle aussi, n'est pas précédée des signes ordinaires d'une lésion cérébrale.

Il existerait entre l'athétose double et l'hémiathétose les mêmes rapports

qu'entre la chorée el l'hémichorée. Grasset fait de l'athétose double une

espèce de chorée dont la nature n'est pas encore fixée, qui paraît souvent

liée, comme l'hémiathétose, à l'atrophie cérébrale, mais qui peut aussi se

développer sans cause connue.

Gowers, Osier et Sarah M. Nuit ont insisté beaucoup sur les hémorrha-

gies méningées.

Seeligmuller croit que l'athétose double a probablement une origine cé-

rébrale.

Richardière pense que l'athétose double est l'expression symptomatique

de la sclérose cérébrale. Massalongo croit à des altérations semblables il

celles de la paralysie générale.

La plupart des auteurs ne se sont pas prononcés, d'autres au contraire

sachant les altérations cérébrales de l'hémiathétose d'IIammond et ont in-

voqué en conséquence les uns, les altérations des ganglions oplo-striés, les

autres, celles des zones corticales psycho-motrices.

Mais toutes ces opinions ne reposent sur aucun fait d'autopsie et par

conséquent ne sont que des pures hypothèses. Ce court chapitre a pour but

d'énumérer les cas dans lesquels l'examen post mortem a pu être pratiqué.

Les autopsies sont assez rares ; leur nombre est de 8 y compris les nôtres.

On peut dire qu'on n'a pas trouvé de lésions constantes jusqu'à présent,

ce sont des lésions organiques, variables ou banales, quoique dans le cas

de Kurella l'auteur signale de la pachyméningite et l'atrophie cérébrale ;

294 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

dans celui de Déjerine et Sollier, les anomalies de certaines circonvolu-

tions, l'asymétrie des hémisphères, du cervelet et du bulbe qui sont atro-

phiés à gauche. Nous sommes autorisés par M. Sollier de dire que l'examen

microscopique fait par lui sur toute l'étendue du névraxe, les faisceaux

pyramidaux et les circonvolutions n'ont rien révélé comme lésions. Dans

les faits de Putnam, la première autopsie à un examen qu'il reconnaît trop

superficiel, n'a pas décélé la moindre altération cérébrale, dans la seconde,

l'auteur a trouvé deux anciens abcès des lobes temporaux avec dégénération

d'un seul pédoncule.

M. Rourneville a bien voulu nous donner les trois autopsies de ses ma-

lades morts dans son service de Bicêtre ; à leur nécropsie, on n'a décou-

vert rien d'appréciable à l'oeil nu, ni au cerveau, ni la moelle. L'examen

microscopique que MM. Blocq el Parmentier ont bien voulu pratiquer sur

ces trois autopsies, a été stérile à cause de la mauvaise conservation des

pièces anatomiques.

M. Huet a fait l'autopsie de la malade dont l'observation avait été pu-

bliée par Blocq et Blin, et a bien voulu mettre en nos mains une petite note

préliminaire des résultats qu'il a obtenus et dont il nous a autorisé à faire

usage.

L'examen macroscopique n'a fait reconnaître aucune lésion ; l'examen

microscopique ayant porté sur la partie supérieure de la circonvolution

frontale ascendante, et sur une circonvolution occipitale n'a décélé égale-

ment aucune modification. Sur la coupe de Flechsig les corps opto-striés

et la capsule interne présentent une disposition normale sans lésion appré-

ciable. La moelle examinée à l'oeil nu sur des coupes transversales prati-

quées à différentes hauteurs dans les régions cervicale, dorsale et lombaire

paraît absolument saine. L'examen microscopique de ces coupes montre

qu'il existe un peu d'épaisissement de la névroglie sans localisation spé-

ciale, très léger degré de sclérose diffuse avec une certaine prédominence

au niveau des faisceaux pyramidaux. La substance grise était intacte.

En somme, absence, variabilité et banalité des lésions, ainsi peuvent se

résumer nos connaissances au sujet de l'anatomie palhologique de t'atlié-

tose double.

En ce qui concerne le mécanisme suivant lequel les lésions, lorsqu'on en

a constaté, peuvent produire l'athétose double, nous n'abordons cette ques-

tion qu'avec beaucoup de réserve, d'une part, parce que la pathogénie des

mouvements athétosiques ne repose pas sur des résultats certains d'autop-

sie, d'autre part, parce que les connaissances théoriques, à cet égard, ne

sont pas encore suffisamment riches pour nous permettre de créer une

hypothèse.

Rappelons cependant la façon de voir des auteurs qui se sont préoccupés

ÉTUDE CLINIQUE SUR L'ATHÉTOSE DOUBLE. 295

de la question et dont nous avons déjà, à plusieurs reprises, exposé les

idées en général sur l'athétose double.

Deux théories ont été soutenues, sans compter les nombreuses divergen-

ces sur des points de détails. Les uns ont admis que l'athétose double était

une maladie, les autres qu'il ne s'agissait la que d'un syndrome.

Tout le monde convient qu'il s'agit d'une affection de l'encéphale. Mais

les divergences d'opinions commencent, lorsqu'il s'agit de savoir quels

peuvent être le siège et la nature des lésions.

Massalongo, tout récemment, pense qu'il s'agit primitivement d'une lé-

sion des circonvolutions cérébrales pouvant s'accompagner d'un processus

de dégénération secondaire descendante, de telle sorte qu'en réalité l'athé-

tose double peut être considérée comme une affection céréGro-spiaccle; mais

les autopsies ne permettent pas encore de conclure dans un sens affirmatif

et nous rappellerons à cet égard les cas de Kurella, de Déjerine et Sollier,

de Putnam et de Iluet, dans lesquels l'examen microscopique de la moelle

n'a pas révélé d'altération.

En résumé, l'affection décrite pour la première fois par Clay-Schaw est

une véritable entité morbide, à lésion probablement cérébrale mais encore

inconnue ou à peine entrevue. A placer à côté des chorées chroniques qui

paraissent être dans le même cas, sans vouloir préjuger de la localisation

des lésions chez l'une et les autres.

Si nous nous rappelons la description de l'athétose double, le tableau est

frappant et il ne se retrouve nulle part ailleurs dans spn ensemble.

Evidemment si nous considérons à part chacun des termes qui constituent

l'affection, nous pourrons retrouver ces termes épars dans d'autres affec-

tions du système nerveux. De même par exemple que l'hémiplégie appar-

tient aussi bien à l'hystérie qu'à l'hémorrhagie cérébrale, il est incontesta-

ble que certains malades présentent des troubles moteurs (mouvements

involontaires), presque analogues à ceux qui existent chez nos malades ; de

la certains auteurs et encore tout récemment Audry a voulu faire un syn-

drome de l'athétose double, nous ne saurions souscrire en aucune façon

à cette opinion.

L'athétose double est caractérisée par un ensemble symptomatique pres-

que toujours identique à lui-même, à marche fixe, à pronostic connu, à

diagnostic certain ; comme toute autre affection, il est incontestable qu'elle

présente des degrés ; mais que le nombre des cas complets est aujourd'hui

assez considérable pour ne laisser aucune place au doute.

296 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPETRIERE

OBSERVATIONS

Observation IV (Personnelle).

Athétose double datant de la première en fance, occupant la face et

les membres supérieurs. Rigidité des membres inférieurs.

Germaine B..., 8 ans, demeurant chez ses parents à Rouen.

Antécédents héréditaires. Fille de 2 cousins germains. Sont eux-mêmes du

mariage de 2 cousins germains.

Deux soeurs et un frère plus jeunes que notre malade, sont bien portants mais

très nerveux.

Antécédents personnels. Bien portante et intelligente jusqu'à l'âge de 5 ans,

très vive, mouvements normaux, parole facile, caractère très bon et doux.

A partir de cet âge jusqu'à 6 ans 1/2 humeur changeante d'abord : mouve-

ments inconscients ; parole difficile; démarche commençant à devenir hésitante.

Membres supérieurs et inférieurs presque toujours froids. Agitation pendant le

sommeil. Du reste bonne santé on apparence ; appétit très régulier. Aucun trai-

tement. A partir de 6 ans 1/2 : parole de plus en plus embarrassée. Démarche

de plus en plus hésitante. Mouvements des extrémités de plus en plus incertains.

L'enfant a ou à 3-4 reprises des incontinences et s'est oubliée aussi bien le

jour que la'nuit. Depuis cette époque jusqu'à l'age de 7 ans, elle a absorbé

1 gramme d'iodurc de potassium par jour. Pendant 6 mois, on a continué le

régime à l'iodure en y ajoutant des frictions mercurielles sous les aisselles et à

l'aine ; de temps en temps du bromure de potassium. Depuis le mois de mars

dernier, elle suit uniquement le traitement de bromure de potassium.

Du reste, quel qu'ait été le traitement suivi, la situation ne s'est pas améliorée ;

tantôt plus mauvaise, tantôt un peu meilleure pendant 2 ou 3 jours, jamais

plus; mais les symptômes relatés ci-dessus n'ont pas cessé d'exister un seul ins-

tant. N'a pas eu de convulsions, ni d'attaques d'épilepsie. Pas de causes occa-

sionnelles connues.

Etat actuel. C'est une petite fille bien développée, au crâne bien conformé.

Pas d'asymétrie appréciable. Palais normal, oreilles rien de particulier. Elle est

douce et affectueuse, parle avec grande difficulté. Aujourd'hui, bien qu'elle ait

8 ans, elle ne peut lire, ni même répéter bien correctement l'alphabet. Elle

semble comprendre ce qu'on lui dit, mais sa mémoire est faible, et il est difficile

de fixer son attention.

Parole embarrassée, difficile à sortir, presque inintelligible.

Au repos la face ne présente aucun mouvement, mais lorsqu'elle veut parler,

ou il suffit de regarder la petite malade, do la mettre en émotion, tout de suite

tous les muscles de la face se contractent simultanément et en même temps des

deux côtés, provoquant par l'effort des grimaces involontaires do la face, qui

n'existent pas au repos. Du reste même assise il y a une certaine titubation de

la tête qui pourrait faire croire à la maladie de Friedreich.

ÉTUDE CLINIQUE SUR L'ATHÉTOSE DOUBLE. 297

Membres supérieurs. Mouvements athétosiques des mains et des doigts

plutôt rapides ; en extension, flexion, adduction et abduction. Ne peut rien sai-

sir dans ses mains ; mange seule, mais très maladroitement et salement.

La position habituelle des membres supérieurs : Bras fléchis et contre le tronc.

Pas d'hypertrophie. Pas de secousses.

Membres inférieurs. Pas de mouvements athétosiques appréciables des

pieds ; quand la malade est au repos, mais lorsqu'elle se lève pour marcher, on

voit tout de suite les orteils qui se contractent. Démarche manifestement spasmo-

dique (en canard), jambes rapprochées, genoux raides, un certain degré de ti- 1

tubation. Au repos, on arrive assez facilement il vaincre la raideur des jambes,

mais cette rigidité empêche de se rendre bien compte de l'état des réflexes roi

tuliens. Pas de phénomènes du pied. Pas d'incoordination véritable des mem-

bres inférieurs. Pas de signe de Romberg. Pas de nystagmus. Pas de strabisme;

rien aux pupilles.

Sensibilités générale et spéciale sont indemnes. Contractilité électrique, n'est

pas explorée. Troubles vaso-moteurs, les mains surtout toujours rouges et froi-

des.

Fonctions organiques normales sauf pour le pipi, mais jamais plus.

Observation V (Inédite, due il l'extrême obligeance de

M. Bourneville).

Athétose double datant de la première enfance occupant les quatre extrémi-

tés et la face. Rigidité des membres inférieurs. Imbécillité.

Paul Poupart, né il Paris le 9 novembre 1878. Entré à Bicêtre dans le ser-

vice de M. Bourneville le 23 février 1887.

Antécédents héréditaires . - Père 36 ans, charretier, taille ordinaire, fort bien

portant, fume très peu et rarement. Excès de boisson (vin), rentre une ving-

taine de fois excité par la boisson, mais jamais complètement ivre ; parfois cé-

phalalgie : pas de migraine, ni de névralgie, ni de rhumatismes, ni de maladie

de peau, aucun indice de syphilis. Caractère emporté. Père mort à l'hôpital de

la Charité, il y a 15 ans, d'excès alcoolique. Mère morte en couches de lui (lo

père de l'enfant) 6 semaines après l'accouchement.

Grands-parents paternels, pas de détails. Un seul oncle du côté paternel.

Le père de la mère de l'enfant. Pas de tare nerveuse. Un frère est mort tout

petit on ne sait pas de quoi ? Une soeur bien portante, sans accidents nerveux, a

2 filles bien portantes (18 et 13 ans).

Pas d'aliénés, pas d'épileptiques, d'idiots, pas de criminels, pas de débauchés.

Mère 3t ans, couturière autrefois, maintenant fait son ménage. Assez grande,

brune, physionomie régulière plutôt agréable, pas de convulsions de l'enfance

(ni son mari), assez nerveuse, pas de céphalalgie, ni de migraine, ni de né-

vralgie, ni de rhumatismes, ni dartreux, aucun accident nerveux. Mariée à

20 ans. Père mort d'une chute d'un arbre. Mère d'une attaque d'apoplexie avec

paralysie droite en 11 jours.

v 20

298 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPETRIERE.

Les père et mère paternels morts on ne sait de quoi. Grand-père maternel

mort à 91 ans. Grand'mère maternelle morte il plus de 80 ans on ne sait de

quoi. Un oncle paternel (le frère de son mari), trois oncles maternels. Un mort

de traumatisme. Un de la variole. Troisième on ne sait de quoi, mais pas d'ac-

cidents nerveux. Leurs enfants seraient bien portants. Un frère mort à deux ans

pendant le siège. soeurs bien portantes, sans aucun accident nerveux, 3 ont

des enfants bien portants, sans convulsions. Pas d'aliénés. Les consanguinités

(cousins germains tous deux s'appellent,'Poupart) :

Quatre enfants.

, 1° Fille 11 ans, pas de convulsions, intelligente, apprend bien.

. 20 Fille morte à 13 ans.

. 30 Notre malade.

- 4° Garçon 8 ans 1/2, pas de convulsions.

Les parents intelligents.

Notre malade. A la conception, qui a eu lieu au 10° mois de l'allaitement de

l'enfant précédent, tous deux étaient bien portants, vivaient d'accord, ne sem-

blant pas avoir été fait pendant l'ivresse ; quand il avait bu il aimait mieux dor-

mir. Grossesse bonne, elle a sevré la précédente enfant quand elle était enceinte

de 3 mois, pas de coups, de chute, de constriction du ventre, pas d'alcoolisme.

Dans sa maison habitait chez son grand-père un enfant riche, idiot, malformé

qui est dans le service. Elle le rencontrait souvent et jamais elle n'a été impres-

sionnée ; malgré cela, son mari dit qu'elle a dû avoir un regard sur le riche

(impression maternelle nulle, car la mère répète qu'elle n'a jamais été impres-

sionnée), pas d'oedème des pieds, pas d'attaque, pas de syncope. Accouche-

ment à terme naturel, sans chloroforme, en une heure, aux plus grandes douleurs

à la naissance. Cet enfant, gros, non pesé, pas d'asphyxie, a crié de suite. Elevé

au sein par la mère, sevré Ù 2 ans.

Première dent à 6 mois. Il était précoce pour ses dents mais pas pour mar-

cher. Quand il marchait il s'appuyait sur la pointe des pieds et jamais sur le

talon, mais il n'a jamais marché seul, il marchait à peu près tenu par une main;

ce n'est que quand on a essayé de le faire marcher qu'on s'est aperçu que sou

pied n'était pas naturel.

On assure qu'au lit son pied était droit, qu'il le tenait droit dans le soulier.

Il a commencé à dire papa et maman à un an, depuis il n'a acquis que, très peu

de mots : oui, non, dada. Ce n'est qu'à un an que sa mère s'aperçut que son

enfant n'était pas naturel.

Il reconnaissait le monde. riait, il comprenait tout mais ne savait pas s'en

servir. Son regard était hagard, il l'a toujours eu, on le voit sur son portrait.

L'enfant est resté 8 mois à Berck, il en est revenu gros, sans changement au

point de vue de la marche et il avait perdu quelques mots qu'il prononçait.

A 7 ans. conduit à la consultation de M. de St-Germain, qui lui a sectionné

les tendons. A partir de l'opération il a maigri tous les jours. Le 7 novembre

1886 était admis dans le service de M. le professeur Grancher, parce que depuis

3 mois l'enfant rejetait sa tête en arrière et que ses bras d'abord et surtout le

gauche se tournaient. Sommeil bon.

ÉTUDE CLINIQUE SUR L'ATHÉTOSE DOUBLE. 290

Pas de bronchite. Pas de variole. Pas de chorée ordinaire. Rougeole à

2 ans 1/2. Il a eu une chute sur la tète, bosse qui a disparu en quelques jours,

pas de fracture.

État actuel, 10r mars 1887.

Face immobile, seulement de temps en temps contraction de la peau du front,

front peu élevé, 6 centimètres de la racine du nez. Bosses frontales assez sail-

lantes à ce niveau. Cheveux rares à la racine. Sourcils bruns, arcades sourcil-

lières peu saillantes. Yeux bien ouverts, gris, l'enfant les tient constamment

tournés en haut et à gauche comme un hémiplégique. Cependant on peut en

l'excitant en faisant passer la main devant ses yeux, lui faire cligner les pau-

pières et à ce moment l'oeil se meut et la pupille revient presque la normale.

Nez court évasé à la base. Bouche moyenne, lèvres minces, menton rond

bien fait.

Dents mal plantées, irrégulièrement. Crâne, front fuyant, aplatissement de la

partie supérieure du crâne. Saillie des régions pariétales.

La région occipitale forme une sorte d'angle avec la partie supérieure. Bipa-

riétale est aplatie à sa partie supérieure.

Cheveux bruns-clairs. L'enfant laisse toujours tomber sa tète en arrière quand

il est debout, mais il ne semble pas qu'il y ait contracture, car on peut la ra-

mener en avant sans difficulté. Couché il tient sa tète reposée sur l'oreiller la

face tournée en haut, la promenant de droite à gaucho et regard de temps en

temps souriant quand on le regarde, quand on lui touche les joues.

Oreilles larges, écartées du crâne, présentant surtout à gauche un lobule au

niveau du bord de la conque, le lobule est double au niveau de l'oreille gauche.

Cou court, la tète étant toujours en extension on voit de la saillie du sterno-

mastoïdien.

Thorax aplati à la face antérieure amaigrie. L'enfant reste couché étendu dans

son lit, remuant un peu la tête de côté, et de temps en temps les membres infé-

rieurs, les bras sont écartés du tronc, les avant-bras demi-fléchis.

La main droite reste plus souvent fermée légèrement, fléchie sur le poignet,

portée vers le bord radial. Avec quelques mouvements des doigts, de temps à

autre, on peut facilement étendre les doigts et la main ; elle n'a pas de contrac-

ture, souvent il place son pouce entre son index et le médius en fermant la

main ou bien le met comme les épileptiques, quand il veut prendre un objet avec

cette main il étend à demi ses doigts et prend l'objet entre la paume de la main

et tous les doigts réunis.

Circonférence du bras à sa racine 16 1/2 c.

du pli du coude 15 1/2 c.

du poignet il 1/2 c.

Pas de contracture du niveau du membre supérieur droit.

A gauche l'écartement du tronc est plus prononcé, l'avant-bras plus fléchi, on

éprouve une certaine résistance à étendre l'avant-bras. La main est portée sur

le bord cubital du poignet d'oit saillie arrondie en forme de talon du poignet au

bord extérieur.

300 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

Lo pouce eu flexion forcée appliqué contre la paume de la main ainsi que de

quelques mouvements d'adduction et d'abduction.

Les phalanges des doigts sont dans l'extension forcée telle qu'ils prennent une-

forme concave à concavité postérieure tandis qu'ils sont animés en entier de

mouvements se passant dans l'articulation métarcarpo-phatangienno et caractérisés

par de petits mouvements antéro-postérieurs incessants (de flexion), commençant

par le petit doigt pour s'étendre aux autres, mais peu tendus et en même temps

de mouvements d'adduction et d'abduction de tous les doigts conformes aux pre-

miers se passant au niveau de la même articulation. Pour saisir un objet il fait

la même manière que la main droite.

ÉTUDE CLINIQUE SUR L'ATHÉTOSE DOUBLE. 301

On arrive à fixer l'attention do l'enfant en l'appelant, en lui offrant un sou

qu'il prend surtout de la main droite.

L'enfant se tient debout à la condition de tenir une chaise.

Mardis. A la marche, qui ne peut avoir lieu que si on le maintient sous les

bras des deux côtés, l'enfant lient sa tête penchée en arrière, avance assez bien.

Le pied gauche maintient le pied droit écarté, le soulève plus difficilement et

le pied tombe.

Complètement gâteux. Nystagmus. Pupilles dilatées, égales.

Traitement. - Bains salés. Sirop iodure de fer, et quelques exercices de la

marche et de la parole. Demi-école.

Le 7 novembre 1887. L'enfant meurt d'une congestion pulmonaire.

Autopsie. - Têle, cuir chevelu mince, pas de graisse. Os du crâne minces

très durs. Liquide céphalo-rachidien en très petite quantité.

Encéphale, pèse 1130 grammes.

Les sutures fronto-pariétales seules sont transparentes dans la moitié supé-

rieure, les autres sutures sont fermées.

La pie-mère n'est pas congestionnée.

Vascularisation fine par place avec taches laiteuses le long du bord supérieur

des deux hémisphères dans leur moitié antérieure. Légères adhérences de la pie-

mère au niveau de la circonvolution des nerfs olfactifs, les artères sont symé-

triques ainsi que les nerfs olfactifs, optiques, les tubercules maxillaires, les

pédoncules et les deux moitiés de la protubérance.

Les pyramides antérieures sont un peu aplaties et la moitié interne de la py-

ramide antérieure gauche présente une coloration grise très nette.

Pendant cette première partie de l'examen et lorsqu'on y sépare les deux

hémisphères il s'écoule 130 grammes de liquide céphalo-rachidien.

302 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

Ni sur les bulbes, ni sur les ventricules latéraux, on ne trouve trace ni sur

la moelle, de sclérose.

ÉTUDE CLINIQUE SUR L'ATHÉTOSE DOUBLE. 303

Parole nulle, mais le malade se fait comprendre par gestes. Complètement

gâteux.

Décédé le 16 décembre 1889 à midi à la suite d'une congestion pulmonaire.

Autopsie le 17, 24 heures après la mort.

Tète. - Pas de lésion du cuir chevelu. Les bosses pariétales et frontales sont

symétriques.

Les fontanelles sont ossifiées, mais les sutures fronto-pariétales et sagittales

sont plus transparentes que le reste du crâne. A un travers de pouce en arrière

de la fontanelle antérieure, de chaque côté de la suture inter-pariétale, existe un

point translucide, de même quelques points moins opaques de chaque côté de

la suture inter-frontale dont il n'existe plus de trace. ' .

Liquide céphalo-rachidien en quantité normale.

La dure-mère n'est pas adhérente à sa surface interne, est lisse et ne présente

point de lésion.

Les fosses frontales, temporales, occipitales sont symétriques.

Les veines du cerveau et du cervelet sont gorgées de sang.

Les artères de la base sont symétriques.

SOi NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

coupe, les 2 lobes supérieurs sont normaux ; pas d'adhérences pleurales ; le lobe

inférieur est épaissi, la surface de la coupe, dure, laisse échapper par pression

un liquide spumeux peu abondant. Toutes les parties de ce lobe plongent au

fond de l'eau. La surface de la coupe est grisâtre au raclage.

Poumon gauche (170 gr.). Lobe supérieur normal ; lobe inférieur et à la

base, congestion légère. Toutes les parties de ce poumon surnagent.

Coew' (60 gr.). - Pas d'épanchement péricardique ; la surface externe du coeur

est lisse. Les valvules sigmoïdes il l'origine de l'aorte sont normales, la valvule

mitrale est saine sur ses deux faces auriculaire et ventriculaire. Trou de Botal

oblitéré. Les valvules sigmoïdes de l'aorte sont saines ; rien dans les valvules

tricuspides.

Foie (510 gr.). - Persistance du canal cholédoque. Vésicule biliaire remplie

de bile verdâtre. Le foie est un peu gras il la coupe.

Rein droit. j (50 gr. ) normaux la coupe, pas de plis, se décorti-

Rein gauche. 1 quent facilement.

Rate (25 gr.), normale.

.Muqueuses stomacales oesophagiennes, saines.

Pancréas (15 gr.), normal.

Vessie, contient 200 grammes d'urine, normale.

Observation VII (Inédite, due à l'extrême obligeance

de M. BOURNEVILLE).

Athétose double, occupant les extrémités supérieures seulement

et la face. Imbécillité.

Jules Vi... âgé de 6 ans, entré dans le service de M. Bourneville le 10 no-

vembre 1888.

Impossible d'avoir des renseignements héréditaires ou personnels, car la mère

est venue très rarement il l'hospice.

État actuel :

Membres supérieurs émaciés ; les mains sont cyanosées ; raideur de tous les

muscles du bras et de l'avant-bras ; les bras sont appliqués contre le thorax, les

avant-bras sont fléchis, les mains sont fléchies sur les avant-bras et les doigts

sont fléchis dans la paume de la main, le pouce en deliors. Ce type de flexion est

peu marqué il gauche ; de ce côté les mouvements spontanés paraissent plus

rares et plus limités qu'à droite. A droite et à gauche l'état de raideur augmente

dès qu'on cherche il étendre les membres ; il droite comme il gauche l'enfant

étend ses mains par instant et il se produit alors des mouvements athétosiques

de tous les doigts pendant une demi-minute environ. La ligne épineuse des ver-

tèbres fait saillie sous la peau ; elle ne présente pas de courbure anormale.

Membres inférieurs rétractés vers l'abdomen ; flexion complète des cuisses sur

le bassin avec adduction ; les genoux tendent à s'entrecroiser. Flexion complète

des jambes sur les cuisses. Les pieds sont en extension presque complète avec

adduction et rotation en dedans. Les orteils sont légèrement fléchis. Même rai-

ÉTUDE CLINIQUE SUR L'ATHÉTOSE DOUBLE. 305

deur et même émaciation qu'aux membres supérieurs (on ne remarque pas de

mouvement athétosique des orteils). De temps : 1 autre, l'enfant allonge complè-

tement ses membres inférieurs de préférence à droite.

Quand on veut faire marcher l'enfant il étend ses deux membres inférieurs

surtout le gaucho et ébauche quelques pas pendant lesquels il doit être maintenu

sous peine de perdre l'équilibre. D'ailleurs ces mouvements sont très irré-

guliers et très imparfaits, les jambes s'entrecroisant et les pieds portant sur le

sol tantôt par leur face plantaire tantôt par leur extrémité, les orteils étant flé-

chis ou étendus. La vue semble bonne.

L'exploration des autres sens reste infructueuse : cependant l'enfant semble

réagir lorsclu'on lui met de la poudre de coloquinte sur la langue et un flacon

d'ammoniaque sous les narines ; il repousse le flacon et redouble ses cris.

Pendant tout le temps que dure l'examen, l'enfant pousse des cris d'abord

sourds et plaintifs puis plus perçants. Il semble souffrir : dès qu'on le met au

lit il se calme.

Quelques mouvements athétosiques de la face (front, lèvres). De temps en

temps grincement de dents.

Le 13 janvier 1889, l'enfant meurt d'une pleurésie purulente.

14 janvier. Autopsie.

Tête. Cuir chevelu très amaigri ; point d'ecchymose. Calotte crânienne sy-

métrique, fontanelles fermées mais translucides ; les 2/3 inféro-postérieurs des

pariétaux sont encore très transparents. La dure-mère est un peu épaisse ; il

existe un espace assez grand entre elle et l'encéphale.

Liquide céphalo-rachidien en petite quantité. Quelques adhérences très lé-

gères de la dure-mère à la pie-mère au niveau des lobes frontaux. Quelques

caillots noirs dans les sinus occipitaux. Les différentes parties de la base sem-

blent symétriques et le trou occipital normal.

306 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

Les nerfs olfactifs, optiques, les tubercules mamillaires, les pédoncules cé-

rébraux, la protubérance, sont symétriques. L'olive droite semble un peu plus

grosse que la gauche,

Hémisplière cérébral droit. Sur la face interne la pie-mère est très mince, se

déchire très facilement, cependant on l'enlève sans entraîner de substance

grise.

La substance cérébrale est très consistante. Les circonvolutions sont assez

bien développées, elles ont une coloration générale, un peu couleur hortensia ;

les sillons paraissent assez profonds : les bords des circonvolutions sont un peu

carrés ; pas de lésion apparente ; pas d'aspect chagriné des circonvolutions qui

sont un peu humides sans avoir l'aspect gélatiniforme.

Hémisplière cérébral gauche. - Même aspect de la pie-mère, la coloration

violacée des circonvolutions est moins prononcée. Les bords des circonvolu-

tions sont plus arrondis. Quant au reste, même chose que pour le côté droit.

Cou. Pas de trace de thymus. Corps thyroïde normal (5 gr.), pas do

kyste.

Larynx normal ; pas de corps étrangers ; rien dans la trachée ni dans les bron-

ches. Il existe dans la plèvre droite un épanchement séro-purulent, fétide d'un

litre environ. Dans la plèvre gaucho pas de liquide ni d'adhérence.

Poumon droit (120 gr.). Le lobe moyen et le lobe inférieur présentent une

coloration jaune-verdâtre, le lobe supérieur est d'un gris-rose ; odeur gangre-

neuse ; mollesse du tissu ; à la coupe pas de caverne ; congestion autour des

foyers gangreneux : la plèvre diaphragmatique droite est recouverte d'une néo-

membrane d'aspect gangreneux. La paroi thoracique de l'autre côté (muscles

intercostaux, parties molles superficielles) offre une coloration verte, une

odeur gangréneuse très prononcée.

Poumon gauche (120 gr.), pas de lésion.

Coeur (60 gr.). -Pas de liquide dans le péricarde, quelques caillots dans les

cavités ; trou de Botal oblitéré ; pas de lésion d'orifice, péricarde normal.

Estomac. Pas de lésion ; la muqueuse forme des plis nombreux dus à la

rétraction de l'organe.

Pancréas (20 gr.) normal il la coupe.

Foie (390 gr.). Consistance molle ; un peu pulpeux et mou à la coupe.

Rate (20 gr.). - Consistance plus ferme que celle du foie.

Iléon et coecum, pas de vers, pas de scybales, pas d'ulcération.

Valvule iléo-coecale normale.

La vessie est distendue par l'urine, pas de calculs.

Testicules infantiles (1).

(1) Nous bornons là l'exposé des observations intéressantes non inédites qu'on trou-'

vera dans la thèse du Dr Michailowski, 1892, l'index bibliographique suivant en don-

nera l'indication. (N. D. L. R.)

e ÉTUDE CLINIQUE SUR L'ATUËTOSE DOUBLE. 307

CONCLUSIONS.

1° L'athétose double paraît être une affection autonome, sur les lésions

de laquelle nos connaissances actuelles en anatomie pathologique ne peu-

vent fournir encore d'indication précise ni définitive.

Pour cette raison on pourrait la ranger à côté des chorées chroniques.

2° Les caractères des mouvements involontaires de l'athétose double

(mouvements athétosiques), leur bilatéralité, la présence de tous les symp-

tômes accessoires (troubles du langage, de l'intelligence, etc.) suffisent pour

distinguer t'athétose double ainsi comprise des complications qui peuvent

survenir dans certaines maladies nerveuses, sous forme de mouvements

involontaires.

Dans ces derniers cas ceux-ci mériteraient en opposition le nom de mou-

vements athétoïdes.

3° Au point de vue clinique les mouvements athétoïdes se distingueront

des mouvements athétosiques par ce fait qu'ils ne sont pas identiques dans

leur forme, leur localisation, leur extension plus ou moins grande, leur

uni ou bilatéralité.

De plus derrière les mouvements athétoïdes existeront toujours les si-

gnes des affections qu'ils viennent compliquer (tabes, paralysie infantile,

névrite périphérique, hystérie), ce qui ne s'observera point dans l'athétose

double, sauf les cas de combinaisons neuro-pathologiques, qu'il estbon d'a-

voir présente à l'esprit, surtout en ce qui concerne l'hystérie.

4° C'est en cela que réside en réalité la seule difficulté du diagnostic de

l'athétose double. En ce qui concerne le diagnostic d'avec les autres affec-

tions qui peuvent la simuler (tabes dorsal spasmodique, maladie de Frie-

dreich, chorée chronique, etc.), il sera fait facilement en général d'après les

symptômes propres à chacune de ces affections.

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DIAiITIII IVAN IICIIAÏLON%SIl.

CANON DES PROPORTIONS DU CORPS HUMAIN (1)

Nous allons maintenant justifier ce que nous avons dit sur les caractères

scientifiques de notre canon des proportions du corps humain. Il nous suf-

fira pour cela de le comparer aux statistiques obtenues par les anthropolo-

gistes.

Nous avons réuni dans un même tableau les mensurations prises sur no-

tre canon et celles que le Dr Topinard (2) assigne à l'homme européen

adulte dans son canon que nous pouvons considérer comme résumant, sur

ce sujet, l'état actuel de la science. Il a été composé, en effet, avec un soin

scrupuleux, en dehors de toute idée artistique préconçue et en mettant à

contribution tous les travaux parus jusqu'à ce jour offrant les meilleures

garanties de précision et d'authenticité.

Nous avons ajouté quelques mesures empruntées au canon déjà plus an-

cien d'un anthropologiste belge éminent, Quételet. Ce canon, bien que

d'une valeur moins absolue et d'un intérêt plus local puisqu'il repose sur

un petit nombre de cas, tous empruntés à la nationalité belge, nous a néan-

moins été utile parce qu'il contient certaines mesures négligées par le ca-

non du Dr Topinard, dont il ne s'éloigne pas d'ailleurs beaucoup pour le

reste. Il donne en effet pour les mensurations du torse et du membre infé-

rieur des points de repère que nous retrouvons facilement sur notre canon,

tandis que le procédé du Dr Topinard qui mesure la longueur du torse chez

l'homme assis, excellent sur le vivant, était pour nous inappliquable. Nous

avons rappelé, en outre, quelques chiffres des remarquables statistiques

américaines (3) qui portent sur un si grand nombre d'observations.

(1) M. Paul Richer va incessamment publier à la librairie Ch. Delagrave son Canon des

proportions du corps humain dont nous avons déjà reproduit la figure dans les plan-

ches XX, XXI, XXII, no 3, 1892. Nous sommes heureux de pouvoir compléter au-

jourd'hui la description que notre collaborateur en donnait alors.

(2) Éléments d'anthropologie générale, 1885.

(3) B.-A. Gould, Investigations, de New-York, 1869, et J.-II. Baxter, Statistiques an-

tlzropologiques, 2° vol., Washington, 1875.

CANON DES PROPORTIONS DU CORPS HUMAIN 311

Fig. 36. Parties du corps ayant une tête comme commune mesure.

Fig. 37. Parties du corps ayant deux têtes comme commune mesure.

Fig. 38. Parties du corps ayant trois et quatre têtes comme commune mesure.

312 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA ? L1'LTItII : HE.

CANON DES PROPORTIONS DU CORPS HUMAIN. 313

La proportion de sept tôles et demie, conforme, ainsi que nous venons

de le voir, aux données de la science, a d'ailleurs été adoptée par les ar-

tistes dans plusieurs de leurs canons dont nous rappellerons ici quelques-

uns des plus connus.

Le canon donné par CL Blanc dans sa Grammaire des arts du dessin,

comme étant en usage dans les écoles, mesure sept tètes et demie.

« On divise la face en trois parties : la première contient le front, la se-

conde le nez, la troisième la bouche et le menton. Le visage a de la sorte

trois longueurs de nez. Le corps humain ayant dix faces ou trente longueurs

de nez, on répartit ces longueurs comme il suit :

« Depuis le sommet du crâne jusqu'à la naissance des cheveux, un tiers

de face ou un nez ; depuis la naissance des cheveux jusqu'à l'extrémité du

menton, trois nez ou une face.

« Depuis le menton jusqu'à la fossette du cou, entre les clavicules, deux

tiers de face ou deux nez ;

« De la fossette du cou au bas des pectoraux, une face ; des pectoraux

au nombril, une face; du nombril au pénil, une face; ,

« Du pénil au genou, deux faces ; le genou contient une demi-face ; du

bas du genou au cou-de-pied, deux faces ; du cou-de-pied au sol, une demi-

face.

« Total, dix faces ou trente longueurs de nez.

« L'homme étendant les bras esl, de l'exlrémilé de la main droite à l'ex-

trémité de la main gauche, aussi large que long.

« La plus grande largeur des épaules est le quart de toute la figure, et

la plus grande largeur des hanches est le cinquième (1) ».

Ce canon n'est en somme qu'une altération du canon de J. Cousin dont

nous parlerons plus loin. Il est d'ailleurs incomplet puisque les mesures

des membres supérieurs n'y sont pas données. Si l'on veut en faire usage,

il faut remonter à la source et prendre les proportions du hras du canon de

J. Cousin. Mais ce dernier canon ayant huit têtes de hauteur, les membres

lion .'i la préfecture de police, nous communique fort obligeamment son très intéressant

mémoire sur « les lois mathématiques de l'anthropologie en général, et plus spéciale-

ment du signalement anthropométrique » encore inédit, et dans lequel il consacre un

curieux chapitre au canon artistique. Je ne saurais entrer ici dans la discussion des

idées ingénieuses et originales qu'il émet, mais je ne puis m'empêcher de signaler la

concordance parfaite qui existe entre notre canon et les mensurations de M. Bertillon

qui peuvent lui être appliquées. Les observations de M. Bertillon portent sur 4000 su-

jets parisiens de 21 à 41 ans. Les mensurations relevées sont au nombre de 12, parmi

lesquelles les 3 seules que nous pouvons utiliser, la taille, le médius et la coudée, sont

dans des proportions relatives absolument conformes à celles de notre canon. C'est ainsi

que, pour M. Bertillon le médius est compris 4 fois dans la coudée et 15 fois dans la

taille. Or, on se rappelle que pour nous le médius est compris 2 fois dans la hauteur de

la tête, et que la coudée égale 2 têtes et la taille 7 têtes et demie.

(1) Gr. des Arts du dessin, pag. 41.

v 21

314 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

supérieurs ne sauraient convenir à une figure de sept têtes et demie, et

sont alors manifestement trop longs. D'autre part, l'égalité donnée entre la

grande envergure et la taille, suivant la tradition artistique, suppose, au

contraire, des membres supérieurs trop courts. Nous avons vu que la scien-

ce, tout au moins pour les proportions de l'homme moyen, n'a point con-

firmé ce rapport qui remonte jusqu'à Vitruye, et que la grande envergure

n'égale point la taille, mais la dépasse sensiblement.

Si l'on veut se donner la peine de construire un type sur les mesures du

canon de Ch. Blanc, on constatera facilement que, comparé au nôtre, le

cou est trop long, et cela surtout aux dépens du torse également raccourci

par en bas.

Je ne citerai le canon de Lomazzo que parce qu'il a été remis récemment

en honneur. Il mesure dix faces ou sept tôles et demie. Il suffit de jeter un

coup d'oeil sur la figure qu'en donne l'auteur pour constater combien il s'é-

loigne de la nature. Le milieu du corps est bien placé, mais le cou est trop

long, le torse trop court et surtout les jambes beaucoup trop longues rela-

tivement aux cuisses. Les proportions les plus variées se trouvent dans la

nature et certainement il n'y a rien d'invraisemblable à supposer que les

rapports déduits du canon de Ch. Blanc, cou long et torse court, puissent

se rencontrer chez quelques individus. Mais les proportions du membre in-

férieur de Lomazzo dépassent les limites du possible, et ne peuvent guère

se rencontrer qu'à titre de difformité.

Le canon de son compatriote Chrysostome Martinez, qui mesure égale-

ment sept têtes et demie, nous semble de beaucoup préférable. Il reproduit

d'ailleurs presque exactement les mesures de hauteur du canon de Ch. Blanc.

Il n'y a d'exception que pour le genou placé un peu plus bas dans le canon

de Martinez.

Je signalerai, pour terminer cette courte revue, deux essais d'auteurs

modernes, M. Ch. Rochet, statuaire distingué, et M. le colonel Duhousset,

bien connu par ses études sur le cheval aujourd'hui classiques.

Le canon de M. Ch. Rochet (1) malgré ses proportions de huit têtes doit

être rapproché de notre type de sept têtes et demie. La hauteur de huit tê-

tes n'est atteinte, en effet, que grâce à un artifice qui consiste à placer les

pieds du sujet sur un plan incliné qui en abaisse la pointe. Il en résulte,

pour les dimensions du membre inférieur et particulièrement de la jambe,

une assez grande incertitude, outre que des mesures prises dans une atti-

tude aussi peu naturelle ne peuvent guère servir clans la pratique (2).

(1) Le prototype humain, par Ch. Rochet, 1884.

(2) C'est ainsi que, dans les dessins de l'auteur lui-même, il est aisé de relever des in-

certitudes. Par exemple la jambe dessinée page 29, par la position du talon, donne au

CANON DES PROPORTIONS DU CORPS HUMAIN. 3l5

Les poin ts de repère des membres inférieurs manquent donc de précision.

Quant il la moitié supérieure de l'individu, torse et membres supérieurs,

elle reproduit à très peu de chose près les proportions du canon de huit tè-

tes de J. Cousin.

M. le colonel Duhousset (1) a été conduit à s'occuper des proportions du

corps humain par le désir de déterminer exactement les dimensions du ca-

valier relativement à sa monture. Il a donné un type de proportions qui

rappelle un certain nombre de rapports simples entre les diverses parties

du corps, rapports faciles à retenir, empruntés pour la plupart aux anciens

canons artistiques ; ce type s'éloigne peu du nôtre. Il en diffère cependant

par le torse un peu plus court, et, la différence de longueur portant sur ses

deux extrémités, il en résulte que, comme dans le canon de Ch. Blanc, le

cou est un peu plus long et aussi les membres inférieurs. Les membres su-

périeurs sont semblables.

M. le colonel Duhousset n'a pas recherché d'ailleurs subdiviser le corps

et ses différents segments au moyen de la hauteur de la tête prise comme

unité de mesure. Nous signalerons néanmoins, en raison de leur intérêt,

les principaux points relevés par l'auteur.

Comme dans le canon de Ch. Blanc le torse se subdivise, du creux ster-

nal au pubis, en trois segments égaux chacun à une face ou trois quarts de

tête.

Le membre supérieur rappelle l'égalité déjà signalée par Léonard de

Vinci. La distance qui sépare l'acromion de l'extrémité des métacarpiens

est divisée par le coude en deux parties égales, et chacune de ces parties a

pour mesure deux faces, or deux faces égalent une tète et demie qui est la

mesure que nous avons adoptée.

Les mensurations d'après le palme, retrouvées par M. Guillaume sur le

doryphore de Polyclète, peuvent également s'appliquer au canon du colo-

nel Duhousset. On trouve six fois le palme (le palme mesure quatre travers

de doigt) dans la hauteur de la jambe, six fois depuis le dessus de la rotule

jusqu'au nombril ; six fois de ce point au bas du lobe de l'oreille ou mieux

du trou auditif; six fois de l'attache du col au bas de la région pubienne...

Mais la mesure vraiment originale que nous présente ce canon consiste

dans la « hauteur prise du sol à ligne articulaire du genou (limite du tibia,

au-dessous des rotules) ; puis, à partir du tibia, cette même longueur se

trouve égaler le fémur depuis sa base jusqu'à son point extrême, duquel on

type la proportion de sept télés deux tiers, pendant que celle de la page 32 répond il la

proportion de sept têtes et demie.

(1) Revue d'anthropologie, 3'' série, t. IV, 1889, pag. 38, et Gazelle des beaux-arts,

Be période, t. III, pag. 59.

3lui NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

peut la reporter une troisième fois pour atteindre la fourchette slcrnale à

la jonction des clavicules ».

Les deux premières égalités se retrouvent sur notre canon avec cette dif-

férence que notre mesure du sol à l'interligne articulaire est légèrement

plus courte et égale exactement à deux longueurs de tête. Quant à la troi-

sième égalité, celle qui répond au torse, elle ne s'applique plus à notre

type dont le torse la dépasse. D'ailleurs les exemples tirés des antiques, sur

lesquels s'appuie M. Duhousset pour'la justifier., ne nous paraissent pas

absolument probants. Car ces mesures sont prises sur des statues qui tou-

tes sont dans l'attitude souvent fort accentuée de la station hanchée, et une

des conséquences de cette attitude est la diminution constante de la hau-

teur du torse mesurée suivant le procédé dent. Duhousset.

Canon de huit têtes (type héroïque).

Conformément à ce que nous avons fait pour l'homme de sept têtes et

demie, nous avons cherché, dans la construction de notre type de huit têtes,

à nous rapprocher autant que possible de la réalité. Ainsi que je l'ai déjà

dit, ces proportions bien que rares peuvent se rencontrer clans la nature,

et elles s'appliquent alors aux hommes de haute stature atteignant ou dé-

passant 1 m. 78.

Une première question à résoudre est la suivante. Les proportions sont-

elles les mêmes chez les individus de haute taille que chez ceux de taille

inférieure. Autrement dit, les proportions varient-elles avec la taille, ou

bien les grands squelettes ne sont-ils que de petits squelettes amplifiés ? La

réponse ne saurait être douteuse. Il est, en effet, d'observation vulgaire,

que la tête ne change guère de volume malgré la taille et que les hommes

petits ont relativement la tête plus forte. Les proportions varient donc avec

la taille. Mais la difficulté est plus grande lorsqu'il s'agit d'établir dans quel

sens se font les variations des autres parties du corps. L'élévation de la

taille est-elle due à un accroissement relatif du tronc ou des membres infé-

rieurs ? Individuellement, on observe, à ce propos, les plus grandes varia-

tions. On voit de petits hommes qui ont le torse court et des hommes grands

qui ont le torse long. Dans certaines familles, ces variétés de conformation

paraissent héréditaires (1). D'autre part, que deviennent les membres su-

périeurs ? dans les hautes tailles sont-ils proportionnellement plus longs ou

plus courts ? Sur ce dernier point nous constatons quelques variations dans

les résultats auxquels sont arrivés les différents ailleurs.

(1) Hamy (communication orale).

CANON DES PROPORTIONS DU CORPS HUMAIN. 317

Il faut d'abord mettre hors de question les proportions de la tête qui est,

manifestement et d'un accord unanime, plus forte en proportion dans les

petites tailles, et par suite, plus petite dans les grandes.

L'accord règne également au sujet des proportions relatives du tronc et

des membres inférieurs, le tronc devenant plus court et le membre infé-

rieur plus long dans les grandes tailles. Mais il y a divergence sur les pro-

portions du membre supérieur. M. Collignon, par exemple, le fait plus

court dans les grandes tailles, M. Topinard plus long, et M. Sappey tient

le milieu avec deux séries de mesures, l'une dans laquelle le membre su-

périeur est plus court et l'autre dans laquelle il est plus long.

Peut-on déduire de la connaissance de la grande envergure quelques

conséquences qui puissent aider à la solution de la question. Par exemple,

que devient la grande envergure, par rapport à la taille, chez les gens de

haute stature ? Le carré des anciens qui est une erreur quand il s'agit de la

taille moyenne, ainsi que nous l'avons vu, ne serait-il point une vérité pour

ce qui est des grandes tailles ? Les statistiques de M. A. Bertillon permet-

tent, à peu de chose près, de répondre par l'affirmative. Nous y voyons, en

effet, que plus la taille s'élève, plus l'écart entre la taille et la grande en-

vergure diminue. C'est ainsi que pour la taille de Il 65 la grande envergure

est de il9, tandis que pour la taille de 184, elle est de 185.

Pour nous résumer, nous dirons que la tête et le torse diminuent avec

la taille, pendant que les membres inférieurs augmentent. Quant aux mem-

bres supérieurs, en nous appuyant sur les résultats que donnent la grande

envergure, nous acceptons l'opinion des auteurs qui pensent que, comme

la tète et le torse, ils diminuent avec la taille, et nous nous rallions, pour

ce qui est des grandes .tailles, à l'ancienne formule artistique de l'homme

inscrit dans le carré, c'est-à-dire considéré comme aussi haut que large, les

bras étendus en croix, la grande envergure égalant la taille (voy. la figure,

pag. 78).

Il est bien entendu que toutes les variations de longueur, augmentations

ou diminutions, des diverses parties du corps suivant la taille ne sont que

relatives. En réalité, tous les segments du corps sont en mesure absolue

plus grands chez l'homme de haute taille que chez l'homme petit (1), et

ce n'est que relativement à la taille, que les différences s'accusent dans le

sens que nous avons dit.

Notre canon de huit tètes, construit d'après les données qui précèdent,

se subdivise ainsi qu'il suit (Fig. 39) :

Le milieu de la figure est situé plus bas que dans le canon de sept têtes

(1) M. A. Bertillon arrive également cette conclusion dans un article de la Bévue

scientifique du 2 avril 1889. ? ,

318 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

et demie. Au lieu de correspondre à la racine des organes, il les partage

environ par le milieu.

La tête comprise huit fois dans la hauteur de tout le corps se divise

comme précédemment.

Le torse mesure plus de quatre têtes du vertex au pli fessier. Les sub-

divisions sont il peu près les mêmes que dans le canon de sept têtes et de-

mie, mais il faut faire observer que les parties qu'elles délimitent dans ce

dernier, les dépassent un peu, par en bas, dans le canon de huit têtes. C'est

Fig. 39. Canon de 8 têtes (Type héroïque.)

(Vue antérieure et vue postérieure réunies)

CANON DES PROPORTIONS DU CORPS HUMAIN. 319

ainsi que la deuxième tête finit aux tétons, la troisième au-dessus du nom-

bril et la quatrième au milieu des organes, en un point répondant, en ar-

rière, à la partie inférieure de la fesse et non plus au pli fessier.

La cinquième division coupe la cuisse, la sixième se trouve au-dessous

du genou, au tubercule antérieur du tibia, et la septième traverse la jambe,

la huitième touchant le sol.

La jambe est donc proportionnellement plus longue que dans le canon

de sept têtes et demie. Nous voyons, en effet, la mesure de deux tètes n'at-

teindre, du sol, qu'au tubercule antérieur du tibia, au lieu d'arriver à l'in-

terligne articulaire du genou. Deux autres têtes mesurées du tubercule du

tibia aboutissent au-dessous du grand trochanter. Il n'en est pas moins vrai

que, si l'on prend la mesure de la jambe du sol à l'interligne articulaire

du genou, on trouve, comme pour le canon de sept têtes et demie, que cette

mesure égale la longueur de la cuisse de l'interligne articulaire au-dessus

du grand trochanter.

Si les mesures du torse sont moins précises que dans le canon de sept

têtes et demie, le membre supérieur comporte, par contre, une mensura-

tion plus facile. Il mesure exactement trois tôles et demie, de la clavicule

(extrémité externe) à l'extrémité du doigt médius, et ces trois têtes et demie

se répartissent de la façon suivante : de la clavicule il la saignée en avant,

ou à l'olécrâne en arrière, une tête et demie; de ce point à l'extrémité du

médius, deux têtes (avant-bras et main).

Les égalités du membre supérieur subsistent comme dans le canon pré-

cédent. L'olécrane, ou le point condylien, sépare en deux parties égales la

distance de l'acromion à l'articulation métacarpo phalangienne du médius.

De môme pour le membre inférieur. Le milieu de la rotule partage éga-

lement la distance du sol il l'épine iliaque.

On trouve aussi que la longueur de la jambe, du sol au-dessus de la ro-

tule, égale la hauteur du torse de la fourchette sternale au pubis.

Quant aux mesures de largeur du torse, elles sont à peu près celles déjà

admises précédemment. La plus grande largeur des épaules égale deux tè-

tes ou un quart de la figure. La plus grande largeur des hanches est de une

tête et demie ou un cinquième de la hauteur totale. Ces mesures données

par J. Cousin sont très faciles il retenir et certainement bien proches de la

réalité.

Si, pour nous résumer, nous comparons notre canon de huit têtes à ce-

lui de sept têtes et demie, nous voyons que le premier diffère du second

surtout par les proportions des membres inférieurs qui atteignent quatre

tôles du sol au-dessous du grand trochanter. Le point de repère médian qui

marque la mesure de deux têtes n'est pas moins précis ; au lieu d'être à

320 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALP1STRIÈItC.

l'interligne articulaire du genou, il est au tubercule antérieur du tibia ou

il la tète du péroné située il la même hauteur.

Quant aux subdivisions du torse, elles sont à peu près les mêmes dans

les deux canons, celles du canon de huit tètes étant un peu plus courtes et

n'atteignant pas tout il fait les repères du cauon de sept têtes et demie. Il

est vrai que la précision en souffre un peu.

Enfin dans l'un comme dans l'autre,-les subdivisions du membre supé-

rieur, d'ailleurs fort peu différentes, comportent une égale précision.

Ce canon n'est pas éloigné de celui de J. Cousin dont il pourrait être

considéré comme une interprétation plus claire et plus précise. Le canon de

J. Cousin, en effet, lorsqu'on y regarde de près, présente quelques contra-

dictions qui se traduisent par le manque de concordance des figures de dé-

tail avec les figures d'ensemble. C'est ainsi que, sur les figures consacrées

séparément au torse et aux membres isolés, les mesure» ne sont plus les

mêmes que sur la planche qui représente l'homme tout entier.

Notre canon de huit tètes reproduit les proportions du membre supérieur

de la figure d'ensemble de J. Cousin, le môme membre supérieur présen-

tant des proportions bien moindres sur les figures consacrées aux membres

séparés. Par contre, c'est sur ces derniers dessins que le membre inférieur

est conforme à celui de notre canon, pendant qu'il esl, sur la figure d'en-

semble, bien plus long.

Quant aux subdivisions du torse, elles diffèrent dans les deux sortes de

dessins. Si nous considérons le dessin consacré au torse seul, nous voyons

sa limite inférieure nettement marquée comme sur notre canon, c'est-à-dire

coupant les fesses à leur partie inférieure, notablement au-dessus du pli

fessier. Mais supérieurement la délimitation est mauvaise, et la ligne qui

touche aux clavicules devrait être reportée au menton, comme elle l'est

d'ailleurs sur la figure d'ensemble. Mais, sur cette dernière, si les subdi-

visions supérieures sont bonnes, celle qui limite le torse par en bas ne l'est

plus, car elle correspond juste au pli fessier, ce qui fait le torse trop court.

Pour réaliser ces dernières proportions, en effet, il suffirait, par exemple,

de prendre notre canon de sept têtes et demie et, sans rien changer au torse,

d'allonger les membres inférieurs d'une demi-tête. Or nous avons vu que

si l'accroissement de la taille se faisait surtout grâce il l'allongement des

membres inférieurs, il n'en dépendait pas exclusivement. Le torse croît

également, bien que dans des proportions moindres, et ce n'est que pro-

portionnellement il ta taitte qu'il paraît plus court.

Le canon de Gcrdy, qui a suivi à peu près les proportions de J. Cousin,

présente, comme ce dernier, un torse trop court et les membres inférieurs

trop longs. Le membre supérieur, en outre, esl trop courtpuisclu'il ne me-

CANON DES PROPORTIONS DU CORPS HUMAIN. 321 1

sure de l'acromion il l'extrémité du médius que trois têtes au lieu de trois

têtes et demie.

Le canon donné par Salvage dans son « Anatomie du gladiateur com-

battant » et qui mesure également huit tètes reproduit très exactement la

proportion du torse et des membres inférieurs. Il se rapproche d'ailleurs

beaucoup du nôtre.

Notre type de huit tètes offre également de grandes analogies avec le ca-

non de Léonard de Vinci. Dans ce dernier, le milieu du corps correspond

à la racine des organes, ce qui augmente un peu le torse aux dépens de la

cuisse. D'autre part, la hauteur de la jambe est bien la même dans les deux

canons, elle mesure deux têtes du sol au-dessous du genou, au tubercule

antérieur du tibia.

Proportions de la femme.

A part des différences dans les diamètres transverses du torse, les artis-

tes ont généralement donné à la femme les mêmes proportions qu'à l'hom-

me. Les subdivisions du corps en hauteur sont les mêmes, les points dere-

Fig. 40.

322 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

père les mêmes également. Notre intention n'est pas davantage de consacrer

à la femme un canon spécial. Il nous faut toutefois faire remarquer que,

comparée à l'homme, les proportions qui lui conviendraient le mieux se-

raient celles propres aux hommes de taille moyenne ou môme de petite

taille. Le canon de huit têtes ne saurait donc lui être appliqué.

La taille de la femme, en effet, est moindre que celle de l'homme d'une

quantité notable qui serait de 10 centimètres d'après Quételet et même de

12 d'après Topinard et Rollet.

Nous nous contenterons d'exposer ici quelques faits qui découlent des

recherches des anthropologistes et qui nous paraissent de nature à intéres-

ser les artistes.

Il résulte des tableaux de Quételet, que, comparée à l'homme et relati-

vement à sa hauteur totale, la femme a la tête un peu plus haute, le cou

plus court, le tronc plus long, et les quatre membres plus courts. Le pied

est plus petit, la main de même dimension.

D'où l'on peut conclure que la hauteur de la taille reste au-dessous des

sept têtes et demie, que le milieu du corps est situé plus haut que chez

l'homme et que la grande envergure plus courte se rapproche de la taille.

La diminution de la grande envergure ne dépend pas seulement de la briè-

veté des membres, elle tient aussi à la diminution des diamètres du thorax.

Chez la femme, en effet, le thorax estplus étroit dans les deux sens antéro-

postérieur et transverse, sans être pour cela plus développé en hauteur.

Mais c'est surtout dans les diamètres transverses supérieur et inférieur

du tronc que résident les plus grandes différences de mesure entre l'homme

et la femme. Les anciens accentuaient ces différences plus que de raison et

commettaient à ce propos une erreur relevée avec raison par M. le profes-

seur M. Duval dans son Précis d'anatomie artistique ; « chez l'homme et

la femme, disaient-ils, le tronc représente un ovoïde, c'est-à-dire un ovale

comparable à celui que figure un oeuf, ayant un gros bout et un petit bout,

mais chez l'homme cet ovoïde est à gros bout supérieur, tandis qu'il est à

gros bout inférieur chez la femme. Cela revient à dire que chez la femme

le diamètre des hanches l'emporte sur celui des épaules, tandis que chez

l'homme c'est le diamètre des épaules qui l'emporte sur celui des hanches.

Cette formule pour ce qui est de la femme est évidemment exagérée... La

formule exacte, ajoute M. M. Duval, est la suivante : chez l'homme comme

chez la femme, le tronc représente un ovoïde à grosse extrémité supérieure;

mais tandis que chez l'homme la différence entre cette large extrémité su-

périeure et la petite extrémité inférieure est considérable, chez la femme

cette différence est beaucoup moindre (1) ».

(1) Précis d'anatomie artistique, par M. Duval, page 125.

CANON DES PROPORTIONS DU CORPS HUMAIN. 323

Proportions de l'enfant, lois de la croissance.

Notre intention n'est point de faire ici une étude détaillée des lois du dé-

veloppement humain. Cette question, toute capitale qu'elle soit, est loin

d'être élucidée (1).

Nous nous bornerons ici à exposer les faits principaux susceptibles d'a-

voir un intérêt pratique au point de vue des proportions à donner à l'en-

fant dans les différents âges. Chez l'enfant, en effet, les proportions ne sont

point stables, elles subissent de perpétuels changements et ne sauraient

être séparées des phénomènes d'évolution et de croissance qui les régis-

sent. l.

Très rapide dans la première période de la vie, la croissance diminue au

sur et à mesure des progrès de l'âge. La taille s'accroît jusqu'à trente ans

chez l'homme, mais dans une très faible proportion à partir de vingt-cinq

ans.

« En considérant la grandeur absolue, dit Quételet, la croissance devient

d'autant moins rapide qu'on s'éloigne davantage de l'époque de la nais-

sance. Dans la première année, le développement en hauteur est de près

de 2 décimètres pour les filles comme pour les garçons ; pendant la deuxième

année, il se trouve réduit de moitié et ne s'élève pas à un décimètre. L'ac-

croissement annuel est réduit au quart ou à 5 centimètres vers douze ans,

et il continue à diminuer jusque vers l'âge de vingt ans, où il devient à peu

près nul pour les filles; pour les hommes, il se termine un peu plus

tard ».

La croissance subit toutefois des irrégularités, des temps d'arrêt sous

l'influence de certaines conditions physiologiques encore mal déterminées.

Il résulte d'un certain nombre d'observations régulièrement prises qu'elle

s'accélère, d'une façon manifeste, aux approches de la puberté. Quant à

la taille finale, c'est presque uniquement du sexe et de la race qu'elle dé-

pend.

Quand aux autres dimensions du corps, largeur, épaisseur, elles ne su-

bissent pas un accroissement proportionnel à l'accroissement en hauteur.

Les dimensions en largeur du torse, par exemple, ne croissent pas propor-

tionnellement à la taille, et il est constant que les individus de petite taille

sont généralement plus trapus que ceux de haute stature.

(1) Les renseignements les plus complets que nous possédions sur ce sujet sont ceux

de Scliadow (Polyclète ou Théorie des mesures de l'homme, Berlin, 1866), de Liharzik (la

Loi de croissance et la Structure de l'homme, Vienne, 1S58) et surtout de Quételet (An-

th1'opomét1'ie, 1811) auquel nous avons fait de nombreux emprunts.

324 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

Des recherches de Quételet, on peul conclure avec une approximation

suffisante que l'enfant, à sa naissance, a un peu moins du tiers de la hau-

teur totale il laquelle il parviendra, à trois ans il a atteint la moitié de celte

hauteur, vers sept ans les deux tiers et vers dix ans les trois quarts.

Mais un autre point important à connaître pour fixer les proportions de

l'enfant, c'est l'accroissement relatif des diverses parties du corps aux dif-

férents âges. C'est encore dans les travaux du savant anthropologiste belge

que nous trouvons les renseignements les plus précis à ce sujet.

D'une façon générale on peut dire que les parties les plus développées au

moment de la naissance sont celles qui se développent ultérieurement le

moins vite. Quételet dit un peu différemment que la croissance est d'au-

tant plus grande qu'elle s'éloigne davantage du sommet de la tête. C'est ce

que démontrent, en effet, les faits observés par cet auteur, parmi lesquels

les plus intéressants à relever pour nous sont les suivants :

A la naissance, la hauteur de la tête est à peu près la moitié de ce qu'elle

sera après le complet développement de l'individu. La tête se développe

plus en hauteur que transversalement; toutes les mesures verticales se

doublent à peu près, et c'est surtout par les parties inférieures que cet ac-

croissement s'opère. Ainsi la longueur du nez qui est de 20 millimètres à

la naissance est de 49 millimètres après 18 ans. La distance de la bouche

à la pointe du menton varie de 19 à 42 millimètres. Les mesures transver-

sales ne croissent que dans la proportion de 2 à 3.

Il en résulte que l'enfant a la figure d'un ovale plus court que celui de

l'adulte, et que la ligne horizontale qui divise la tête en deux parties éga-

les étant située, chez l'adulte, au niveau des angles internes des yeux, doit,

chez l'enfant, être reportée plus haut.

Le cou croit dans les mêmes proportions que la tète.

Le tronc triple sa hauteur initiale. Le diamètre transverse du thorax est

un peu plus que doublé. Le diamètre antéro-postérieur ne s'augmente que

de 1 à 2,36.

La longueur du membre supérieur moins la main est doublée entre 4 et

5 ans, triplée entre 13 et 14 ans, puis quadruplée au moment du dévelop-

pement complet.

D'autre part, la main est doublée entre et 7 ans, puis triplée à l'âge

adulte.

Des os du membre supérieur, ce sont ceux de l'avant-bras qui croissent

avec le plus d'intensité.

Le membre inférieur est doublé avant la troisième année, triplé à 7 ans,

quadruplé à 12 ans et quintuplé il 20 ans. La cuisse acquiert 5 fois sa lon-

gueur primitive. La jambe s'accroît dans le rapport de 1 à 5,52.

Chez l'enfant comparé à l'adulte, on peut conclure de ce qui précède que

CANON DES PROPORTIONS DU CORPS HUMAIN. 325

tous les membres sont plus courts ce qui donne au torse plus d'impor-

tance et les membres inférieurs plus courts encore que les membres su-

périeurs.

Le milieu du corps est donc situé, chez l'enfant, bien au-dessus du point

où il se trouve chez l'adulte, et sa détermination suivant les âges aidera il

fixer la longueur relative des membres inférieurs et du torse.

A la naissance, le point médian du corps, dans le sens de la hauteur, est

au-dessus du nombril ; à 2 ans, il est au nombril ; à 3 ans, sur la ligne qui

joint les hanches ; à 10 ans, sur celle qui joint les trochanters ; et à 13 ans,

au pubis. Chez l'adulte, il est situé plus bas, comme nous l'avons vu, à la

naissance des organes.

Que devient, chez l'enfant, le rapport de la grande envergure à la taille ?

Nous savons que chez l'adulte la grande envergure dépasse la taille d'une

façon notable : chez l'homme elle égale 105, chez la femme 101, la taille

étant prise pour 100. Il est intéressant de noter qu'à la naissance le con-

traire existe. La grande envergure est moindre que la taille. Elle l'égale

vers 3 et 5 ans. Et ce n'est que vers l'âge de 14 ans qu'elle s'accroît d'une

manière sensible.

De la connaissance du rapport de la grande envergure à la taille, on peut

déjà tirer quelques indications sur les proportions du membre supérieur.

Si nous comparons ce dernier au membre inférieur, voici quelques remar-

ques intéressantes. Vers 7 ans la longueur du bras jusqu'à l'extrémité de la

main égale la hauteur de la bifurcation (périnée) au-dessus du sol. Avant

cette époque, le bras est comparativement plus grand ; après, il est moin-

dre.

Relativement à la taille, voici quelles sont les proportions du pied et de

la main. A partir de 5 ans, la main est le neuvième de la taille. A tous les

âges, le pied forme environ 0,15 ou 0,16 de la hauteur totale prise pour

unité. A 10 ans, le pied égale la hauteur de la tête. Avant 10 ans, le pied

est plus court, après il est plus long.

Enfin les rapports simples de la taille à la hauteur de la tête sont les sui-

vants :

La hauteur de la tête est.comprise dans la hauteur du corps :

4 fois à 1 an ;

5 fois à 4 ans ; ,

6 fois à 9 ans ;

7 fois à la période de l'adolescence ;

7 fois 1/2 chez l'adulte arrivé à son complet développement.

Nous avons pensé que les données générales qui précèdent pouvaient ai-

der les artistes dans la représentation de l'enfance, sans qu'il soit néces-

saire de leur fournir, pour chaque âge, un t pe déterminé de proportions.

326 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

Il est cependant un âge qui, réunissant bien les caractères propres à l'en-

fant, paraît avoir particulièrement attiré l'attention des maîtres, c'est l'âge

de 4 il 5 ans. J. Cousin a donné, dans son livre des proportions, une figure

d'un enfant de cet âge que nous reproduisons ici d'autant plus volontiers

qu'elle est, à peu de chose près, conforme aux faits déduits de mensura-

tions méthodiques et exposés plus haut. C'est ainsi que la tête est comprise

5 fois dans la hauteur du corps, ce qui, d'après ce que nous avons vu, s'ob-

serve à l'âge de 4 ans. Le milieu du corps se trouve situé au-dessous du

nombril, un peu au-dessous de la ligne qui joint les hanches. La grande

envergure est égale à la taille. Il nous faut néanmoins faire observer, à

Fig. 41. Figure de Jean Cousin.

CANON DES PROPORTIONS DU CORPS HUMAIN. 327

propos de cette dernière mesure, que, sur le dessin deJ. Cousin, les mem-

bres supérieurs sont peut-être un peu longs, car l'extension du poignet qui

existe sur les deux mains raccourcit la mesure prise en ligne droite et mar-

quée par de petites croix. Enfin nous ferons également remarquer que les

hauteurs relatives des diverses parties de la tête sont parfaitement obser-

vées (Fig. 41).

Appendice.

Procédés pour établir la comparaison entre un sujet quelconque et le type

moyen figuré par le canon de sept têtes et demie.

. Pour comparer entre eux plusieurs sujets au point de vue des propor-

tions relatives des diverses parties du corps, un procédé très simple consiste

à les considérer tous comme ayant mémetaille. C'est d'ailleurs la métho-

de adoptée par les anthropologistes qui ont l'habitude de considérer la taille

Fig. 42. - Compas.

328 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALJ>Ib'¡UÈHE.'

comme égale à 100 et d'y rapporter toutes les mesures. C'est le motif qui

nous a conduit à donner à la statue du canon la hauteur de 1 mètre ou

100 centimètres. Il suffira donc pour lui comparer un modèle quelconque

de ramener par un calcul très simple toutes les mesures prises sur ce mo-

dèle à la même taille égale à 100. Ce calcul se réduit à une simple règle

de trois.

Un procédé encore plus simple etsurtout plus rapide pour arriver au

même résultat consiste dans l'usage d'un compas dont je me sers d'ordi-

naire pour ces sortes de recherches et que j'ai fait spécialement construire.

L'idée en est fort simple, elle consiste à remplacer le calcul par une cons-

truction graphique et elle repose sur la théorie des triangles semblables.

Le compas est à quatre branches en forme d'X (voy. fig. 42).

D'un côté, la longueur des branches est fixe, elles mesurent exactement

50 centimètres du centre d'articulation (D) à leur extrémité (A, A'). De

l'autre côté, la longueur des branches (B,B') est variable. A cet effet elles

sont munies de coulisses (bY) qui permettent de les allonger de 60 centi-

mètres jusqu'à 98 centimètres. Il suffit de donner à ces dernières branches

la longueur de la moitié de la taille du modèle à mesurer. Et toutes les

mesures prises sur lui avec ces branches se trouvent du côté opposé rame-

nées à sa taille égale à 100. Pour chaque sujet l'instrument devra donc

être réglé à nouveau. Mais une fois cette condition remplie, la comparai-

son de toutes les mensurations partielles deviendra on ne peut plus rapide

et facile. Un demi-cercle gradué, fixé sur la branche AB, permet de lire en

centimètres, en eé, l'écartement des pointes AA', grâce à une glissière E

fixée sur la branche B.

PAUL BICHER,

Chef du laboratoire de la Clinique des maladies du

système nerveux.

Le gérant : Louis BATTAILLE,

Imp. Vve Lounnor, 33, rue des Batignolles, Paris.

Supplément an n° 6 de la Nouvelle Iconographie de la Salpêtrière.

Les cinq premières années de la nouvelle Iconographie de

SUPPLÉMENT A LA NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE

REVUE PHILOSOPHIQUE

DE LA FRANGE ET DE L'ÉTRANGER

- Dirigée par Th. RIBOT Il

Professeur au Collège de France.

... .

Dix-huitième année. 1893

La REVUE PHILOSOPHIQUE paraît tous les mois, par livraisons de 6 à 7 feuilles grand in-8,

et forme ainsi à la fin de chaque année deux forts volumes d'environ 680 pages chacun.

CHAQUE NUMÉRO DE LA. REVUE PHILOSOPHIQUE CONTIENT :

1° Plusieurs articles de fonds ; 2, des analyses et comptes rendus des nouveaux ouvrages

philosophiques français et étrangers ; 3° un compte rendu aussi complet que possible des

publications périodiques de l'étranger pour tout ce qui concerne la philosophie ; 4° des

notes, documents, observations, pouvant servir de matériaux ou donner lieu des vues

nouvelles.

PRIX D'ABONNEMENT :

Un an, pour Paris, 30 fr. Pour les départements et l'étranger, 33 francs.

La livraison 3 francs.

Les années écoulées se vendent séparément 30 fr. et par livraisons de 3 fr.

Table des matières contenues dans les douze premières années (1876-1887), 3 fr.

La Revue philosophique n'est l'organe d'aucune secte, d'aucune école en particulier.

Tous les articles sont signés et chaque auteur est seul responsable de son opinion. Sans pro-

fesser un culte aveugle et exclusif pour l'expérience, la direction, bien persuadée que rien

de solide ne s'est fondé sans cet appui, lui fait la plus large part et n'accepte aucun travail

qui la dédaigne.

Elle ne néglige aucune partie de la philosophie, tout en s'attachant cependant à .celles

qui, par leur caractère de précision relative, offrent moins de prises aux désaccords et

sont plus propres à .rallier toutes les écoles. La psychologie, avec ses auxiliaires indispen-

sables, l'anatomie et la physiologie du système nerveux, la pathologie mentale, la psycho-

logie des races inférieures et des animaux, l'anthropologie ; la logique déductive etin-

ductive, trop négligée en France de l'aveu de tout le monde ; les théories générales

fondées sur les découvertes scientifiques : tels sont les principaux sujets dont elle entre-

tient le public.

Elle fait aussi une bonne part à l'histoire de la philosophie, qui a donné lieu chez nous,

à de nombreux travaux dont il importe que la tradition ne reste pas interrompue. '

En un mot, par la variété de ses articles et par l'abondance de ses renseignements, elle

donne un tableau complet du mouvement philosophique et scientifique en Europe.

Aussi a-t-elle sa place marquée dans les bibliothèques des médecins et des physiologistes,

de ceux qui se destinent à l'enseignement des sciences ou qui s'intéressent au développe-

ment du mouvement scientifique.

On s'abonne sans frais :

Chez FÉLIX ALCAN, éditeur, 108 boulevard Saint-Germain, à Paris ;

chez tous les libraires de la France et de l'étranger, dans tous les bureaux

de poste de France et de l'Union postale.

Imp. Vve Louunor, 33, rue des Batignolles, Paris.

NOUVELLE ICONOGRAPHIE

DE LA SALPÊTRIÈRE

DE L'HYSTÉRIE SIMULATRICE DES MALADIES ORGANIQUES

DE L'ENCÉPHALE CIIEZ LES ENFANTS.

Au cours de notre dernière année d'internat, nous avons eu l'occasion

d'observer à l'hôpital des Enfants-Malades un cas complexe d'hystérie qui

simulait à s'y méprendre le type clinique spécial de l'hémiplégie spas-

modique infantile. La simulation tenace et rebelle de l'hystérie a pu être

démasquée bien avant que ne survînt une guérison brusque, confirmant

le diagnostic. De là nous est venue l'idée de cette thèse.

Il fallait des limites à notre sujet. En nous bornant déjà à étudier chez

les enfants seulement les rapports de l'hystérie simulatrice avec les mala-

dies nerveuses organiques, un nouveau choix s'imposait parmi ces mala-

dies. Nous avons choisi les maladies organiques de l'encéphale pour con-

server un cadre naturel à notre observation primitive, éliminant ainsi les

maladies organiques de la moelle épinière dont notre collègue et ami Sou-

ques avait analysé si parfaitement « les syndromes hystériques simula-

teurs » dans sa thèse inaugurale. Comme lui d'ailleurs, nous n'avons pu

nous occuper que des types principaux; mais ces types, étant plus nom-

breux dans notre travail, sont forcément plus incomplets ; quelques-uns

même sont à peine ébauchés. Les observations nous manquaient, le sujet

était encore trop vaste.

Embrassant en effet les diverses parties de l'encéphale qui sont loin de

former un ensemble aussi homogène que la moelle épinière, il nous était

indispensable d'adopter des divisions répondant à la fois aux divers orga-

nes encéphaliques, et aux principaux genres de lésions qui les peuvent

frapper.

Or, il est constant que le cerveau par exemple peut présenter des lésions

du foyer, c'est-à-dire collectées dans une même région, d'ailleurs plus ou

v 22

330 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPËTIUHHM.

moins étendue, et des lésions disséminées en des régions très distinctes et

parfois très éloignées les unes des autres. Ce mode de répartition des lé-

sions domine le tableau clinique et commande les symptômes. S'agit-t-il

de lésions du foyer ? la maladie offre d'ordinaire un type régulier, unila-

téral ou symétrique. S'agit-il de lésions disséminées ? tout est sans aucun

ordre, sans la moindre symétrie, incohérent et disparate.

Les manifestations de l'hystérie s'adaptent aussi bien chez les enfants

que chez les adultes à l'un et à l'autre de ces types; la simulation peut

être parfaite dans les deux ordres de faits; car, c'est une erreur de croire

que dans l'hystérie tout est laissé au hasard. - « Tout s'y passe au con-

traire, dit M. le professeur Charcot, suivant des règles, toujours les mê-

mes.... » et ce qui montre bien qu'il n'y a pas la, dans la pathologie, une

classe d'affections à part, gouvernées par d'autres lois physiologiques que

les lois communes, « c'est que leur symptomatologie se rapproche toujours

et souvent très étroitement de celle qui se rattache aux maladies à lésions

matérielles. La ressemblance est parfois si frappante qu'elle rend le dia-

gnostic des plus ardus ». La conclusion en est facile à tirer : il faut que

les syndromes hystériques simulateurs soient étudiés parallèlement avec

les iésions en foyer et les lésions disséminées de l'encéphale. Aux lésions en

foyer sera consacrée la première partie de ce travail ; aux lésions dissémi-

nées, la deuxième partie.

Avant de commencer cette étude parallèle de l'hystérie simulatrice et

des maladies organiques de l'encéphale, nous avons cru qu'il n'était pas

hors de propos de présenter quelques considérations générales où nous

examinons plus spécialement les problèmes relatifs à l'hystérie infantile.

Tout n'est pas encore résolu dans une question aussi délicate et nous

nous sommes heurté plus d'une fois à de sérieuses difficultés; d'autres

fois les documents nous ont fait défaut et il nous a fallu suivre des voies à

peine tracées. Signaler ces difficultés et ces lacunes, n'était-ce. pas prépa-

rer une première excuse aux imperfections de ce travail, et si celte excuse

n'était pas suffisante, nous en tramerions d'autres certainement dans l'im-

portance pratique du sujet et dans l'intérêt qui s'attache pour tout méde-

cin à décider si tel syndrome est le fait de l'hystérie ou de lésions nerveu-

ses organiques. C'est surtout vrai lorsqu'il s'agit des enfants.

Considérations historiques et critiques.

1. Conception actuelle de l'hystérie.

Quels que soient les progrès réalisés depuis moins de vingt ans dans l'é-

tude de l'hystérie, il serait à noire avis souverainement injuste de ne pas

MALADIES ORGANIQUES DE L'ENCÉPHALE CHEZ LES ENFANTS 331

tenir compte des travaux de nos devanciers. D'autant que parmi ces tra-

vaux, les plus considérables et les plus justement appréciés restent encore

l'honneur de la vieille clinique française et que le Traité clinique et théra-

peutique de l'hystérie de Briquet, paru en 1859, marque décidément une

phase nouvelle dans l'histoire de cette affection.

Il suffit, pour s'en convaincre, de se reporter quelques années seulement

en arrière. Un auteur, aujourd'hui un peu oublié, mais qui voyait vers 1850

ses travaux récompensés par l'Académie nationale de médecine, le doc-

teur Rotli, avait écrit la même année une Histoire de la musculation irrésis-

tible ou de la chorée anormale. Cet ouvrage, d'environ 300 pages, rempli

de faits curieux et intéressants, méritait, paraît-il, la faveur de ses con-

temporains. Or, beaucoup d'observations rapportées par l'auteur en ques-

tion offrent, il n'en pas douter, le tableau très complet et très exact d'atta-

ques d'hystérie; mais il s'agit souvent d'hommes ou d'enfants qu'on n'est

pas encore habitué à considérer comme des hystériques et l'embarras s'en

accroît d'autant pour donner à leur maladie une étiquette convenable. On

en vient alors à imaginer des divisions bizarres, suivant la prédominance

de tel ou de tel phénomène : propulsion, rétrocession ou mouvement de

recul, rotation, station, ascension, gymnastique de saltimbanque et la mus-

culation irrésistible qui n'est elle-même qu'une variété de chorée ou chorée

anormale, suffit à expliquer et à cataloguer les affections les plus dispara-

tes du système nerveux. Voici d'ailleurs les conclusions de l'auteur : « La

physiologie nous enseigne, dit-il, que le corps peut être transporté et équi-

libré de plusieurs manières, en avant, en arrière, autour de son axe per-

pendiculaire, autour de son axe horizontal, par le saut irrégulier et par le

saut régulier et rhytmique. Ces espèces différentes de mouvements consti-

tuent autant d'espèces de musculation irrésistible de transport. »

Un tel exemple, pris un peu au hasard, est néanmoins assez typique pour

donner une idée du chemin parcouru depuis 1850 dans la connaissance

des maladies du système nerveux et de l'hystérie en particulier. C'était là

notre seul but. Il est forcément incomplet, mais nous ne pouvons ici pas-

ser en revue ni suivre à travers les cages les diverses conceptions de l'hys-

térie. Disons-le même très sincèrement : nous n'oserions rien écrire sur

un pareil sujet, après les savantes recherches que lui a consacrées M. Gilles

de la Tourette et qu'il a consignées avec tant d'art dans son Traité clinique

et thérapeutique de l'hystérie. Il ressort de son premier chapitre que seuls,

les noms de Ch. Lepois, de ltaulin et Georget parmi nos compatriotes, et

parmi les étrangers, ceux de Villis, de R. Whytt, du grand Sydenham sur-

tout, et plus près de nous, de Brodie, méritent d'être conservés il l'histoire

de l'hystérie avant l'apparition du livre de Briquet.

Pour en revenir Ù l'oeuyre de Briquet, c'esl pour lui un très grand mé-

332 Nouvelle ICONOGRAPHIE DE la salpètbièue.

rite d'avoir continué chez nous la réaction commencée par Georget en 1831,

en combattant la théorie antique qui ne voyait dans l'hystérie qu'une ma-

ladie incohérente, bizarre ou même honteuse. Dans son admirable préface,

il espérait qu'un temps viendrait où « le mot hystérie serait tout simple-

ment un nom propre, comme or, fer, plomb ». Le vrai moyen d'amener ce

résultat, c'était de démontrer l'existence de l'hystérie chez l'homme et sur-

tout chez l'enfant, en reprenant à ce sujet les idées de Ch. Lepois et de

Sydenham, auxquelles Briquet avait ajouté ses observations personnelles.

Ce pas décisif fut fait par M. le professeur Charcot et l'École de la Sal-

pètrière, en même temps qu'étaient nettement établies les lois de l'attaque

hystérique et les formules presque mathématiques qui régissent la grande

névrose. Aujourd'hui donc, quand il s'agit d'hystérie, il ne saurait plus

être question de « protée insaisissable », et la défaveur ancienne de ce mot

a disparu devant les exigences de la vie courante et de la médecine prati-

que. Non seulement le médecin légiste qui doit statuer sur des accidents

de chemin de fer où se sont produits des traumatismes hystériques et où

sont engagés de gros intérêts, mais le médecin ordinaire qui doit décider

de la nature organique ou fonctionnelle des troubles neneux, le chirur-

gien lui-môme qui doit faire le pronostic des contractures et des douleurs

locales, tous ceux, en un mot, qui se rattachent par quelque côté à notre

profession, doivent rompre avec les errements passés et se familiariser avec

l'étude de l'hystérie.

« Il ne faudrait pas croire pour cela, dit M. Raymond (1), que l'hysté-

rie soit plus fréquente aujourd'hui qu'autrefois. Si les faits d'hystérie se

multiplient de nos jours, c'est que cette maladie est déjà mieux connue.

Cela est vrai surtout pour l'hystérie mâle qui, ignorée il y a encore quel-

ques années, tend aujourd'hui a être considérée comme plus fréquente

que l'hystérie féminine », d'après les statistiques récentes de Marie (1889),

de Souques et de Bitot (1890). M. Babinski (2) n'admet ces propositions

que pour la petite hystérie et croit la grande hystérie seulement « l'apanage

.l'une aristocratie névropathique, la première, au contraire, est en quel-

aue sorte à la portée de tout le monde. »

Encore plus erronée était la croyance qui portait considérer l'hystérie

comme un produit des raffinements de la civilisation, puisqu'on la rencon-

tre, dit M. Charcot (3), « chez des individus bien trempés en apparence,

rustiques et vigoureux. C'est souvent sous celle rude enveloppe qu'on a dû

la démasquer ». Et il ajoute dans la même leçon. « Pas n'est besoin pour

l'affirmer de trouver tous les stigmates; attaques, points hystérogènes,

(1) Société médicale des hôpitaux, 12 juin 1891.

(2) id. id. 12 nov. 1892.

(3) Semaine médicale, 8 juin 1892.

MALADIES ORGANIQUES DE L'ENCÉPHALE CHEZ LES ENFANTS 333

hémianesthésie sensitivo-sensorielle, réflexe pharyngien aboli. Un seul

peut suffire, le rétrécissement unilatéral du champ visuel concentrique qui

devient pathognomonique. »

Les stigmates hystériques eux-mêmes auxquels on prêtait une mobilité

proverbiale dont on prétendait faire la caractéristique de la maladie, of-

frent au contraire dans la plupart des cas, chez la femme comme chez

l'homme, une ténacité et une permanence remarquables, en sorte que ('l),

« pour le médecin qui veut rechercher la névrose, la constatation des stig-

mates permanents apporte plus de certitude mathématique dans le dia-

gnostic que n'importe quel signe d'auscultation pulmonaire dont l'inter-

prétation est souvent plus malaisée. Seulement, il faut dépister l'hystérie

qui ne cherche qu'à se dissimuler ».

Ainsi donc, multiplicité de formes, unité de fonds, c'est la double con-

clusion qui se dégage en résumé des découvertes les plus récentes faites

dans le domaine de l'hystérie, au point de vue de la conception de cette

névrose. Il n'y a pas à proprement parler une hystérie toxique, une hys-

térie traumatique, une hystérie émotive, une hystérie masculine ou fémi-

nine, mais une seule hystérie, dit M. le professeur Charcot, « une et indri-

visible ».

Cela est très clair et, comme pour toutes les choses claires, une défini-

tion ne pourrait que l'obscurcir. Un esprit original et profond, le profes-

seur Lasègue, l'a dit en excellents termes : « La définition de l'hystérie n'a

jamais été donnée et ne le sera jamais ».

II. Études sur l'hystérie chez les enfants.

Nous avions besoin de poser ces prémisses pour aborder la solution de

problèmes qui seront discutés plus loin. Quelque intérêt qui s'attache à

ces questions générales, on nous saura peut-être gré de les avoir écourtées

pour entrer plus franchement dans le coeur de notre sujet. C'est en effet

des enfants que nous nous occupons ici spécialement ; c'est chez les en-

fants que nous étudions, après bien d'autres, les manifestations de l'hys-

térie. Nous ne saurions l'oublier.

Ch. Lepois et Sydenham qui avaient admis les premiers l'hystérie mas-

culine sont également les premiers à l'admettre chez les enfants. Georget

(1831), après Hoffmann, Cullen et Raulin, en donne plusieurs observa-

tions. Enfin, Briquet réunit plus de 80 cas d'hystérie chez des enfants seu-

lement de 1 à 12 ans. Il est conduit comme Georget à l'affirmation de l'hys-

térie infantile par la connaissance des lois de l'hérédité nerveuse. « Il est

(1) Charcot, loco citato.

334 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

clair, dit-il dans son Traité (1), que plus l'hystérie aura eu d'intensité

chez les parents, plus les enfants auront eux-mêmes des chances de devenir

hystériques ».

Depuis Briquet, il nous faut attendre en France jusqu'en 1880 pour

voir reprendre, principalement par l'Ecole de la Salpêtrière, la question de

l'hystérie infantile. On l'étudié conjointement avec l'hystérie masculine;

mais les deux n'ont pas marché de pair et l'histoire de la première est en-

core aujourd'hui beaucoup moins avancée que celle de la seconde, malgré

d'intéressants travaux que nous regrettons de ne pouvoir tous analyser ou

même signaler ici. Nous devons pourtant citer, après les leçons magistra-

les de M. le professeur Charcot, les Recherches cliniques de Bourneville et

de ses divers collaborateurs sur 1'liystéi@o-épilepsie (1880, 1881, 1883,

1889), l'ouvrage de M. Paul Richer sur le même sujet (1885) et la thèse

de Peugniez, parue la même année. Une mention spéciale est due ai la thèse

de M. Clopatt, d'Ilelsingfors (1888), dont M. Gilles de la Tourette a pu

dire ce qui fait le mieux sont éloge : « C'est, comme statistique, le travail

le plus complet que nous connaissions sur l'hystérie infantile ». Il a gran-

dement facilité la lâche et les recherches bibliographiques à ceux qui

viendront après lui.

En dehors de l'Ecole de la Salpêtrière, Legrand du Saulle, dans son

livre sur les Hystériques (1883), a consigné plusieurs faits d'hystérie rela-

tifs à des enfants. Mais son point de vue est un peu spécial et trop subor-

donné aux troubles psychiques.

Parmi les médecins actuels qui s'occupent chez nous de pédiatrie, notre

excellent maître, M. Jules Simon fut le premier et presque le seul a abor-

der franchement le problème de l'hystérie chez les enfants. C'est lui qui,

dès 1880, inspire les thèses de Paris et de Guiraud sur ce sujet; il le re-

prend ensuite pour son compte et en maints endroits de ses Conférences

thérapeutiques et cliniques, on peut le trouver enrichi d'intéressants et nou-

veaux aperçus.

Après cela, on serait en droit, il semble, de demander aux livres classi-

ques qui traitent chez nous de la pathologie infantile, sinon d'importants

développements, au moins un court chapitre sur l'hystérie des enfants.

L'impressionnahilité naturelle de leur système nerveux et les lois de l'hé-

rédité, admises par tout le monde, auraient pu suffire, à défaut d'autres

raisons, pour expliquer et imposer au besoin cet enseignement. Eh bien !

non,dansla dernière6di tion de l'important Traité de Rilliet et Darthez (1884),

nous cherchons en vain le chapitre demandé, le titre même est absent.

Nous avions donc bien raison de dire plus haut que la question de l'hys-

(1) Briquet, Traité clinique et thérapeutique de l'hystérie, p. 90.

MALADIES ORGANIQUES DE L'ENCÉPHALE CHEZ LES ENFANTS 3 : J0

térie infantile était beaucoup moins avancée que celle de l'hystérie des adul-

les. Sans doute, les difficultés de cette élude sont plus nombreuses, les re-

cherches plus délicates; mais encore aujourd'hui, nous répéterions volon-

tiers, à propos de l'hystérie infantile, ce que M. Charcot disait naguère de

l'hystérie masculine : « Voilà, parait-il, qui passe l'imagination. Rien n'est

mieux prouvé cependant, et c'est une idée à laquelle il faudra se faire.

Cela viendra comme pour tant d'autres propositions qui sont aujourd'hui

établies dans tous les esprits à l'état de vérités démontrées, après n'avoir

rencontré pendant longtemps que le scepticisme et souvent l'ironie (1) ».

S'il nous reste une consolation, c'est certainement celle de ne pas être

dépassés à l'étranger par les travaux parus sur l'hystérie chez les enfants.

En Allemagne, c'est seulement à partir de 1880 que de nombreux au-

teurs, parmi lesquels Smidt et Seeligmuller, Schafer, Weiss, Riesenfeld,

Laufenauer, Tuczeck et Emminghaus, ont relaté, principalement dans les

revues de pédiatrie, des faits particuliers qui sont parfois extraordinaires

et qui ne se rapportent souvent que de très loin il l'hystérie. Au reste, il

ressort d'un mémoire assez récent (1889), publié par Duvoisin de l3àle

dans les Annales des maladies de l'enfance de Leipzig, que pour la majo-

rité des Allemands, à la suite de Liebermeister, ce sont les phénomènes psy-

chiques qui tiennent le premier rang dans les symptômes de l'hystérie in-

fantile. Duvoisin tend lui-même il prouver que la plupart de ses hystéri-

ques, vus il l'hôpital dans leur jeunesse, sont devenus plus tard des aliénés.

Cette tendance à faire de l'hystérie, même infantile, une maladie pure-

ment psychique, se remarque en effet chez presque tous les auteurs alle-

mands : IIenoclt y échappe à peine; c'est néanmoins dans les leçons du

célèbre professeur de Berlin qu'on trouve, avec le moins de parti-pris, le

plus d'observations de valeur. En France même, on peut retrouver un

écho de ces doctrines dans l'ouvrage de Legrand du Saulle (1883) et dans

la thèse récente de Burnet (1891), inspirée par M. Ollivier.

L'Ecole de Vienne, au contraire, avec Leidesdorf (1884) voit dans le

côté psychique plutôt une complication qu'un élément essentiel de la né-

vrose.

En Angleterre, à part quelques observations de West, Roberts et Thomp-

son, la littérature médicale est très peu riche en ce qui nous intéresse.

Nous ne voulons pas croire pour cela que nos voisins d'Outre-Manche en

soient encore à partager- l'opinion de leur compatriote Russel Reynolds

(1868), qui niait l'hérédité dans l'hystérie.

Enfin, les auteurs américains nous transmettent dans leur Index cata-

logue les titres de nombreux mémoires concernant l'hystérie et en parti-

(1) Charcot, Levons sur les maladies du sysl. tPTU., t. III, p. 2.'i2.

336 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

culier les syndromes hystériques simulateurs dont ils sont presque les seuls

à parler. Mais, nous regrettons vivement de n'avoir pu nousprocurer le texte

original de ces divers travaux à la bibliothèque de la Faculté de médecine.

Si aride que soit cette nomenclature, même incomplète, des travaux pro-

duits en France et à l'étranger sur l'hystérie infantile, nous l'avons jugée

nécessaire pour mieux fixer l'état de la question, avant d'en venir à discu-

ter les points qui prêtent le plus à la controverse. Cette discussion peut se

ramener, croyons-nous, à l'examen de deux chefs principaux :

10 L'hystérie existe-t-elle chez les enfants, à tous les âges* !

2° L'hystérie, chez les enfants, est-elle différente de l'hystérie chez les

adultes ?

Pour l'âge qui précède immédiatement la puberté, les auteurs sont à peu

près unanimes à admettre l'existence de l'hystérie. C'est Ch. Lepois (6618),

dit M. Gilles de la Tourette, qui a le premier signalé sa fréquence vers

12 ans. La statistique de Briquet comprend 87 cas ayant également débuté

avant 1`2 ans ou à cet âge, mais elle ne s'adresse qu'à des filles. C'est

Hoffmann, dit encore M. Gilles de la Tourette, qui a le premier mentionné

des cas d'hystérie chez les jeunes garçons (Genève, 1740). M. Clopatt, qui

a tenu compte dans sa statistique non seulement des anciens travaux, mais

des travaux les plus récents sortis de la Salpêtrière, arrive à établir la pro-

portion d'un garçon pour deux filles atteintes d'hystérie. A mesure que

l'hystérie masculine sera mieux connue, il est possible que cette propor-

tion soit changée chez les enfants comme elle l'a été chez les adultes.

Dans la seconde enfance, les observations d'hystérie deviennent plus

rares. Raulin, nous dit Briquet, a cité trois cas d'affections hystériques hé-

réditaires qu'il avait vus chez, des enfants de 2 à 3 ans ; Briquet en ajoute

lui-même un assez grand nombre. Celte période de l'enfance qui va de

3 à 10 ans figure à peu près pour un quart des cas dans la statistique de

Clopatt. Dans sa thèse (1891), Burnet soutient l'opinion un peu vague

de M. Ollivier que l'hystérie existe et n'est même pas très rare chez les en-

fants au-dessous de 5 ans. M. Vibert a rapporté récemment deux cas très

nets de névrose traumatique, survenus chez des enfants de 3 à 5 ans (1).

Nous arrivons enfin au point le plus discuté, celui de l'existence de

l'hystérie chez les nouveau-nés et dans la première enfance. Les statisti-

ques précédentes, bien qu'affirmant l'hystérie « dès l'enfance tendre »,

ne nous fournissent à ce sujet que des renseignements trop vagues et par

conséquent, ne nous sont pas d'une grande utilité.

M. le professeur Grancher (2) a observé un cas pour lequel l'hystérie

débuta très nettement chez une petite fille à l'âge de 18 mois. Voici d'ail-

(i) Vibert, Soc, de méd. légale, juin 1892.

(2) Grancher, Journ. de méd. et de chirurgie pral., février 1888.

MALADIES ORGANIQUES DE L'ENCÉPHALE CHEZ LES ENFANTS 337

leurs son opinion formulée en termes clairs et précis : « L'hystérie est

aussi très commune, même chez les tout jeunes enfants, où elle revêt des

formes frustes quelquefois bien curieuses (1) ».

M. le professeur Pitres, dans ses Leçons cliniques, consacre une courte

étude à ce qu'il appelle « les prodromes lointains de l'hystérie » chez les

enfants en bas-âge. C'est là un chapitre, dit-il, qui est encore à écrire, et

pour y contribuer, il cite, entr'autres faits, le cas particulier d'une para-

plégie, suite de convulsions, ayant persisté six mois chez un enfant de

2 ans.

Le travail le plus récent sur l'hystérie des nouveau-nés et des tout jeu-

nes enfants a été communiqué à l'Académie de médecine, au mois de dé-

cembre 1891, par le D1' Chaumier (de Tours). M. Ollivier, dans son

rapport déposé au mois d'août 1892, a soutenu les conclusions de ce tra-

vail et une longue discussion s'en est suivie dont il est difficile de dégager

la lumière. Des cliniciens aussi distingués que MM. Hardy et Peter ont af-

firmé, contre M. Magilot, l'existence des troubles de la dentition chez les

enfants, mais sans pour cela adhérer nettement aux théories soutenues

par M. Ollivier. Peut-être, cette adhésion de l'Académie eût-elle été plus

franche, si le Dr Chaumier n'avait dans des conclusions, proposé la subs-

titution un peu trop radicale de l'hystérie à l'éclampsie des nouveau-nés

et aux accidents de la dentition qui resteront, malgré tout, des entités mor-

bides bien établies dans la pathologie infantile. Nous voulons bien faire

la part de l'hystérie dans les convulsions de l'enfance ; mais de là à exclure

toutes les autres causes, même les plus banales en apparence, il y a loin,

et cette distance, nous ne saurions la franchir.

Il n'en reste pas moins probable qu'en dépit de toutes les difficultés in-

hérentes à l'étude de l'hystérie chez les nouveau-nés et les jeunes en-

fants, cette hystérie existe. Rien n'autorise à la rejeter à priori; au con-

traire, les lois de l'hérédité et la susceptibilité nerveuse du premier âge

l'expliquent suffisamment, « En réalité, dit le professeur Pitres (2) on naît

hystérique, on ne le devient pas. L'hérédité crée la dialhése, les causes oc-

casionnelles ne font que provoquer les accidents ». Mais il faut attendre

de nouveaux faits avant de porter un jugement définitif et complet.

Pouvons-nous maintenant saisir des différences entre l'hystérie chez les

enfants et l'hystérie chez les adultes ?

Nous avons indiqué plus haut les théories de l'Ecole allemande pour la-

quelle, les phénomènes psychiques tiendraient le premier rang dans les symp-

tômes de l'hystérie, même infantile, et seraient comme les avant-coureurs

de l'aliénation mentale. Ces théories, disions-nous, ont été défendues en

(1) Id. Bulletin médical, 30 juillet 1890.

(2) Pitres. Leçons cliniques sur l'hystérie, 1891, t. I, p. 37.

338 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

France par Legrand du Saullc el un peu par M. Ollivier (Thèse de l3nr-

net, 1891).

Une première objection se présente d'abord il l'esprit, c'est qu'il est

très difficile d'apprécier et de limiter ce que l'on entend par troubles psy-

chiques chez de jeunes enfants, alors que la raison n'est pas encore for-

mée et que l'instinct conserve tous ses droits. Le plus souvent en effet, il

ne s'agit dans les observations que de phénomènes légers, tels que vivacités,

emportements, pleurs et rires faciles, et qui sont regardés par les auteurs

comme des troubles psychiques. Celle impressionnabilité qui constitue le

fonds même du caractère des enfants ne saurait suffire il nos yeux pour

porler le diagnostic d'hystérie et encore moins pour soupçonner un état

mental particulier. C'est là pécher par excès et affecter, croyons-nous, une

tendance dangereuse, contre laquelle il est temps de réagir, parce que

trop souvent hélas ! on se paie de mots à propos d'hystérie et qu'on ne

tient pas assez compte des conditions spéciales à l'enfance.

Loin de nous d'ailleurs l'idée de nier certaines formes délirantes d'hys-

térie infantile, si bien décrites par M. le professeur Charcot (1), dans les-

quelles les accès de délire alternaient avec certaines phases de l'attaque

hystéro-épiteptique.

Mais tous les cas ne sont pas aussi nets et ici vient se placer notre

seconde objection. On peut en effet rencontrer chez les enfants de ces

associations pathologiques où les maladies mentales prennent le pas sur

l'hystérie pure. Alors, suivant la judicieuse remarque de M. Gilles de la

Tourette (2), « ce qui domine, le fonds immuable, c'est la dégénérescence

mentale ». « Combien de ces cas, ajoute-il, ne sont-ils pas étiquetés,

purement et simplement hystériques ! » C'est là pécher par défaut et

négliger une distinction capitale que nous réclamons de notre côté pour

l'avenir. Ainsi sera dissipée la double confusion que nous venons de signa-

ler el qui tend à se glisser dans la conception de l'hystérie infantile, sous

le couvert des doctrines allemandes.

On a dit encore que chez les enfants, l'hystérie offre une plus grande mo-

bilité de symptômes, une moins grande prédominance des attaques et des stig-

mates soma tiques (Burnet, thèse 1891) ; bref, qu'elle réalise chez eux, il

l'inverse des adultes, le type des accidents intermittents et fugaces.

Tout cela est sans doute fort possible dans lel cas particulier ; mais peut-

être serait-il imprudent de vouloir encore généraliser ces propositions.

M. le professeur Charcot a déjà démontré leur peu de fondement en ce qui

concerne l'hystérie féminine; pareille démonstration ressorl assez claire-

ment pour l'hystérie infantile de plusieurs de nos observations. Quand on

(1) Charcot, Leçons du mardi, 1888, p. 199.

(2) Gilles de la Tourette, Traité clin, ri Ilu·rrip. de l'hystérie, 1). ;Il.

MALADIES ORGANIQUES DE L'ENCÉPHALE CHEZ LES ENFANTS 339

sera plus habitué la recherche des stigmates, peut-être les tromera-l-on

moins souvent absents qu'on veut bien le dire. Un fait qui nous revient

actuellement à l'esprit et que nous avons observé aux Enfants-Malades est

assez typique à cet égard; on pourrait même en dégager quelque notion

touchant l'implantation successive et la ténacité croissante des manifesta-

tions hystériques chez les enfants. Il s'agissait d'un enfant de 10 ans, at-

teint pour la troisième fois de tremblements hystériques d'un des membres

supérieurs. La première atteinte avait duré 15 jours, la seconde six se-

maines, la troisième dura près de six mois et tout cela s'était passé dans le

cours d'une seule année. Ajoutons que les stigmates hystériques existaient

pour la plupart.

Il nous semble donc plus sage d'adopter ici les conclusions suivantes du

professeur Pitres (1) : « Les divisions de l'hystérie fondées sur l'âge ou le

sexe des malades, n'ont guère plus d'importance que les divisions fondées

sur la marche de la maladie, sur la localisation ou la nature des symptô-

mes. Elles correspondent à des variétés cliniques mal définies, et non pas

à des espèces nosologiques distinctes. Il est certain que l'hystérie infantile

est en général moins complète et moins bruyante que l'hystérie juvénile ;

les attaques convulsives y sont moins fréquentes et moins nettement carac-

térisées. Certains accidents comme la toux, la céphalée, l'abasie se ren-

contrent plus souvent chez les petites filles ou les petits garçons que chez

les adultes. Mais dans un {¡on nombre de cas, les symptômes sont identiques

chez des sujets d'âges très différents. « En résumé, l'hystérie est une et in-

divisible, ses manifestations varient selon une foule de circonstances con-

tingentes ; mais au fond, c'est toujours la même maladie qui est en cause.

Les divisions qu'on a voulu établir dans son étude n'ont aucune importance

nosographique. Les expressions d'hystérie infantile, viscérale, traumati-

que, etc., signifient que l'hystérie s'est développée chez un enfant, que ses

symptômes principaux siègent sur un viscère, qu'ils ont été provoqués par

un traumatisme. Mais cela n'implique aucune différence essentielle dans la

nature de la maladie ». '

III. Études sur les syndromes hystériques simulateurs.

Si nous nous plaignions déjà, au cours du dernier paragraphe, de la pé-

nurie des documents relatifs à l'histoire générale de l'hystérie infantile, et

des nombreux desiderata qui nous reslaientÙ formulerpourarriver à la mieux

connaître, c'est bien pis maintenant qu'il nous faut aborder la question plus

spéciale de l'hystérie simulatrice des maladies nerveuses organiques chez les

enfants. Mais avant d'en faire l'application à la pathologie infantile, c'est

(1) Pitres, Op. cil., t. 1, p. : : t.

340 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPETRIÈRE.

de plus haut et de plus loin qu'il nous faut envisager « les syndromes hys-

tériques simulateurs ».

Tout le monde connaît ce qu'écrivait Sydenham en 1681 sur la grande

névrose simulatrice; ses écrits restent toujours absolument vrais et on ne

saurait trop les citer. Depuis, on a répété surabondamment que la simula-

tion des maladies par l'hystérie s'étendait à la pathologie tout entière et

qu'il y avait-d'un côté les maladies organiques, de l'autre celles qui ne

l'étaient pas et qui prenaient leur masque. Il semblerait donc que la litté-

rature de l'hystérie simulatrice fût très riche en documents de valeur ; elle

est au contraire très pauvre pour ceux de notre époque qui ont le devoir et

le droit d'être plus exigeants que nos devanciers sur le diagnostic ferme de

la névrose.

Cette pauvreté d'observations utilisables s'explique par ce premier fait

que l'hystérie était mal connue autrefois, que ses stigmates physiques n'é-

taient ni- assez souvent, ni assez soigneusement recherchés, alors même

qu'il s'agissait de la dépister dans la simulation de maladies dont la con-

naissance était familière il tout le monde, comme les maladies des organes

digestifs ou respiratoires.

Pour ce qui est des maladies organiques du système nerveux, leur étude

était naguère encore si peu avancée qu'il fallait les reconnaître d'abord

avant de songer à leur simulation par l'hystérie. Il y avait donc il leur égard

une double difficulté d'observation, leur propre physionomie étant pres-

que aussi inconnue que leur masque. D'autre part, leur simulation par

l'hystérie peut dans un grand nombre de cas être si parfaite que beaucoup

de ces cas ont dû passer complètement inaperçus et donner le change. Vou-

loir relever les erreurs probables, en forçant 'parfois la pensée des auteurs,

nous paraît au moins aussi singulier que d'accepter sans réserves des ob-

servations forcément incomplètes ou mal taillées sur le sujet qui nous oc-

cupe. En fin de compte, le parti le plus sage est encore de considérer ce

sujet comme neuf ou peu s'en faut, ce qui augmente sérieusement ses diffi-

cultés, mais ce qui permet aussi de lui donner à l'avenir toute la rigueur

scientifique désirable.

Telle est la conclusion qui est adoptée par notre collègue et ami Sou-

ques (1) dans sa thèse des « syndromes hystériques simulateurs des mala-

dies organiques de la moelle épinière ». Nous n'hésitons pas à regarder son

travail comme le plus important qui ait paru sur l'ensemble de la ques-

tion, quand bien même il ait seulement en vue quelques-unes des mala-

dies de la moelle. Il a tracé la méthode il suivre qui est de tous points

excellente et qui suffit aux cas les plus complexes, ceux par exemple des

associations pathologiques et ceux de l'hystérie 1nonosymptomatique. Démon-

(1) Thèse Paris, 1891.

MMLADIES ORGANIQUES DE L'ENCÉPHALE CHEZ LES ENFANTS 31l

trer, dit-il, qu'un malade est hystérique, c'est bien ; mais il faut encore

démontrer qu'il n'est qu'hystérique, faire la part de la névrose et celle des

maladies organiques, quand elles se combinent. N'est-ce pas là le côté le

plus nouveau, mais aussi le plus ardu de la question ?

C'est M. le professeur Charcot qui, dès 1865, a posé les termes du pro-

blème des associations pathologiques et des combinaisons de l'hystérie avec

les maladies organiques du système nerveux; il en a fourni deux exem-

ples où les lésions avaient suivi l'hystérie (1), le professeur Grasset (2),

de son côté, et M. Cénas (3) (de Lyon) ont rapporté plusieurs observations

où l'hystérie avait suivi les lésions. La thèse de Souques vient par de

nouveaux faits confirmer cette doctrine générale et la récente communi-

cation de M. Babinski est des plus intéressantes à cet égard (4).

Il paraît donc démontré actuellement que si l'hystérie peut simuler les

maladies organiques du système nerveux, elle peut aussi bien se combiner

de diverses façons avec ces maladies. Que penser dès lors de la théorie de

Buzzard (5), qui soutient au contraire la simulation de l'hystérie par les

maladies nerveuses organiques ? Nombre de cas rapportés par cet auteur

peuvent s'expliquer sans doute par la doctrine des associations, et d'ail-

leurs, n'en pourrait-on donner encore aucune explication, que cela n'in-

firmerait en rien la valeur des cas contraires, beaucoup plus nombreux et

non moins bien observés. Tant pis si l'hystérie et les maladies nerveuses

organiques s'identifient au point d'être souvent confondues ; tant pis si ces

affections s'associent parfois d'une façon si intime en mêlant tous leurs

symptômes. Nous n'y pouvons rien changer, et notre attention doit être

d'autant plus en éveil pour se prémunir contre les erreurs possibles de

diagnostic. « Cette ressemblance, dit M. Charcot (6), qui désespère par-

fois le clinicien, doit servir d'enseignement au pathologiste qui, derrière

le syndrome commun, entrevoit une analogie de siège anatomique, et,

mutais mutandis, localise la lésion dynamique, d'après les données four-

nies par l'examen de la lésion organique correspondante. Et ceci nous

conduit il reconnaître que les principes qui régissent l'ensemble de la pa-

thologie sont applicables aux névroses, et que, là aussi, on doit chercher

à compléter l'observation clinique, en pensant anatomiquement et physio-

logiquement. »

(1) Charcot, Gazelle hebdoniad. (1865) et Leçons sur les malad. du syst. nerveux, t. I,

p. 361.

(2) Grasset, Leçons sur les malad. du syst. nerf" 1879, livre Il, p. 608 et Montpell.

médic., 1892.

(3) Cénas, Société méd. chÜ'w'g. de Lyon, 1881.

(4) Babinski, Soc. méd. hdpit., 11 nov. 1892.

(5) Buzzard, On the simulation of hysteria by ol'yanie disease of the nel'vous System,

London (1891).

(6) Charcot, Leçons sur les malad. du syst. nerveux, t. III, p. in.

312 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPETRIERE.

Nous menons de voir quelle pari considérable revenait encore à M. le

professeur Charcot et à son école dans l'étude complexe des syndromes

hystériques simulateurs des maladies nerveuses organiques. Pour être jus-

tes, nous ne devons pas oublier plusieurs observations de même nature

publiées dans le Traité des névroses (1883) d'Axenfeld et Iluclmrd, ainsi

qu'un travail d'ensemble, fort bien compris, du docteur Fabre (de Mar-

seille) sur l'hystérie simulant les affections cérébrales (1). Plus loin, au

chapitre des pseudo-méningites, nous compléterons ces renseignements

bibliographiques.

Mais ces différents auteurs ne traitent pas spécialement de l'hystérie si-

mulatrice chez les enfants, et leurs observations ne concernent guère que

des adultes. Il y a bien des raisons pour cela. Beaucoup ont été énoncées

plus haut, quand nous faisions l'histoire critique de l'hystérie infantile en

général ; la meilleure est assurément qu'on s'estjusclu'ic présent très peu oc-

cupé de cette question dans la pathologie infantile. Pourquoi ? se demande

M. Charcot (2). « C'est, dit-il, qu'on a eu longtemps l'idée que c'était

de la simulation, que les prétendues attaques d'hystérie étaient des farces ».

Ainsi, après West, les professeurs de pédiatrie avaient leur siège fait,

les petits hystériques n'étaient que des simulateurs, des menteurs. Il était

d'autant plus difficile de détruire ces préjugés qu'ils fournissaient une

excuse à l'ignorance des médecins, au grand détriment de leurs malades.

Que les maladies simulées existent chez les enfants, nous ne songeons

pas à le contester (3). Mais ce genre de simulation qui est ayant tout un

produit de la volonté ou de l'instinct a forcément des limites comme la vo-

lonté ou l'instinct ; c'est l'oeuvre du psychologue de la découvrir et tout

médecin devient malgré lui un psychologue quand il possède bien sa pa-

thologie.

Tout autre est la simulation que nous avons en vue ; celle-ci s'impose au

sujet comme une maladie et il ne saurait la forger de toutes pièces, alors

môme que l'imitation concourt à la produire. Cette maladie a beau s'appe-

ler l'hystérie, elle n'en est pas moins sérieuse, même chez l'enfant et on

ne fera plus croire à personne qu'un enfant puisse simuler des mois ou

des années une contracture permanente, des tremblements, une rémiz

plégie ou une monoplégie, encore moins des troubles profonds de la sen-

sibilité. Enfin, pour enlever leur dernière ressource aux partisans quand

même et partout des maladies simulées, nous ne saurions mieux faire que

de les renvoyer encore à ces lignes de M. le professeur Charcot qu'il faut

citer décidément il tout propos ; ils y trouveront le moyen de prouver ex-

(1) Fabre, Marseille médical, 1883.

(2) Charcot, Leçons du mardi, 1888, p. ` ? 0,3.

(3) Dufestcl, Maladies simulées chez les enfants, thèse Paris, 1888.

MALADIES ORGANIQUES DE L'ENCÉPHALE CHEZ LES ENFANTS 343

périmentalement la simulation qu'ils soupçonnent : « Désormais, il appar-

tient au médecin véritablement instruit dans ces matières de dépister la

fourberie partout où elle se produit et de dégager au besoin des symptômes

réels faisant foncièrement partie de la maladie, les symptômes simulés que

l'artifice des malades voudrait y snrajouter. Nous aborderons donc avec pru-

dence sans doute, mais aussi avec confiance l'étude de ces affections redou-

tées, pénétrés que nous sommes de la sûreté des méthodes qui sont entre

nos mains (1) ».

PREMIÈRE PARTIE

HYSTÉRIE SIMULATRICE DES MALADIES ORGANIQUES

DE L'ENCÉPHALE AVEC LÉSIONS EN FOYER

Chez l'enfant comme chez l'adulte, les lésions du foyer, variables dans

leur nature et dans leur origine, relèvent le plus souvent d'altérations vas-

culaires, dont elles ne sont qu'une conséquence plus ou moins éloignée, et

peuvent intéresser les diverses parties de l'encéphale : cerveau, cervelet,

pédoncules et protubérance, origines des nerfs crâniens.

Le cerveau tient évidemment la première place par l'importance et le

nombre des lésions dont il est le siège ; mais chez l'enfant, la participation

de l'écorce cérébrale aux lésions du cerveau est une règle plus constante

que chez l'adulte. L'hémorrhagie cérébrale, par exemple, n'est pas dans le

premier âge aussi souvent localisée au voisinage des corps opto-striés et de

la capsule interne qu'elle le sera dans un âge plus avancé. Nous nous bor-

nerons donc à étudier, en premier lieu, avec leurs syndromes hystériques

simulateurs, les lésions en foyer de l'écorce cérébrale cliez les enfants, et en-

core, nous ne saurions prétendre à tout dire sur un sujet aussi vaste.

Nous aurions voulu parler ensuite des lésions du cervelet et des formes

d'hystérie qui pouvaient simuler ces lésions. Mais les fonctions de cet or-

gane sont encore trop peu connues et sa pathologie trop rudimentaire pour

que nous lui opposions, surtout chez l'enfant, des faits de nécrose simu-

latrice qui sont encore à trouver.

En ce qui touche les lésions des pédoncules cérébraux et de la protubé-

rance, la doctrine des localisations parait un peu plus avancée : M. le pro-

fesseur Charcot a pu fournir récemment un cas unique d'hystérie simula-

trice du syndrome de Weber chez un jeune sujet. Nous n'oserions rien ajouter

après cet illustre maitre.

(1) Charcot, Leçons sur les maladies du syst. nerv., t. III, p. 20.

344 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

L'hystérie peut enfin simuler, du côté de l'appareil de la vision, des lé-

sions organiques de l'encéphale qui semblent devoir intéresser surtout les

noyaux et les origines de plusieurs nerfs crâniens. C'est donc par un ra-

pide aperçu de cet ordre de manifestations hystériques chez les enfants que

nous terminerons la première partie de notre travail, en faisant remarquer

que les lésions de l'appareil de la vision peuvent servir de transition natu-

relle entre les vraies lésions en foyer de l'encéphale et les lésions dissémi-

nées des méninges, dont les rapports avec l'hystérie seront traités dans la

deuxième partie.

A. Lésions de l'écorce cérébrale.

De même que nous avons déjà choisi dans l'étude des lésions en foyer du

cerveau l'étude plus spéciale des lésions de l'écorce et de l'hystérie simu-

latrice correspondante, nous allons faire encore un nouveau choix et ne

considérer, parmi les lésions corticales du cerveau, que celles des localisa-

tions motrices, affectant par conséquent les trois circonvolutions dont l'en-

semble constitue la zone motrice (frontale ascendante, pariétale ascendante,

lobule paracentral).

Nous sommes forcé de nous restreindre ainsi pour obéir aux données

classiques. Nous avons d'ailleurs tout avantage à ne pas nous égarer dans

l'inconnu et à n'accepter comme certains que les centres moteurs dont on

peut prédire à coup sûr la lésion correspondante par le tableau du syn-

drome révélateur. Ce tableau étant lui-même reproduit plus ou moins

exactement par l'hystérie simulatrice, il y a lieu d'étudier parallèlement

les syndromes hystériques simulateurs de chaque forme de lésion des cen-

tres moteurs.

Or, ces formes varient surtout suivant l'étendue des lésions : c'est ainsi

que les hémiplégies totales d'origine corticale sont produites par des lésions

étendues de la zone motrice.

Les paralysies partielles sont produites au contraire par des lésions li-

mitées des mêmes circonvolutions (Charcot et Pitres) (1).

L'aphasie étant un syndrome plus complexe que les hémiplégies totales

ou les monoplégies, il est logique, croyons-nous, de lui consacrer un cha-

pitre à part.

Ainsi s'expliquent nos divisions relatives aux syndromes hystériques

simulateurs des lésions corticales du cerveau.

(1) Charcot et Pitres, Localisai, motrices de l'écorce cérébrale. Revue de médecine,

1883.

MALADIES ORGANIQUES DE L'ENCÉPHALE CHEZ LES ENFANTS 315

CHAPITRE PREMIER

SYNDROMES HYSTÉRIQUES SIMULATEURS DE L'HÉMIPLÉGIE

SPASMODIQUE INFANTILE.

ftf

Décrire, comme l'a si bien fait M. Marie (1), l'hémiplégie spasmodique

infantile, ce n'est pas, dit-il, décrire d'une façon générale, l'hémiplégie

chez les enfants, mais bien « une expression symptomatique » où entre

comme un des facteurs essentiels « la participation de l'écorce cérébrale aux

lésions (abstraction faite de la nature et même de la localisation étroite de

celles-ci) ».

Heine en 1860 donne à cette maladie le nom qui lui est resté; mais

c'est encore à l'Ecole de la Salpêtrière crue reviennent la priorité et la

plus large part des travaux que cette maladie a inspirés et qui nous ont

amenés à sa conception actuelle, telle qu'on la retrouve dans l'article de

M. Marie.

La prédominance des lésions corticales et de l'atrophie partielle du cer-

veau (Cotard, 1868) n'est pas la seule particularité propre à l'hémiplégie

spasmodique infantile ; il nous faut encore noter l'époque du début des ac-

cidents, variable entre 1 et 8 ans, mais ne dépassant jamais cet âge, et le

laps de temps assez considérable qui s'interpose entre ce début et l'évolu-

tion complète des symptômes.

Ce sont là les traits essentiels, fondamentaux de la maladie. Comme

phénomènes contingents dans le tableau général de l'hémiplégie spasmo-

dique infantile, il nous reste à signaler l'attaque convulsive du début,

l'arrêt de développement avec atrophie des os et des muscles du côté pa-

ralysé, la contracture avec déformations prononcées des membres, l'hé-

michorée et 1'liéniialliétose, les troubles delasensibilité, lesattaques épilep-

tiformes, les troubles intellectuels et l'aphasie. Il entre donc dans le cadre

de l'hémiplégie spasmodique des formes où les phénomènes spasmodiques

n'occupent pas la place prépondérante que semble leur assigner le titre

même de cette maladie.

Voyons maintenant comment l'hystérie peut simuler cette forme clini-

que d'hémiplégie chez les enfants. En d'autres termes, y a-t-il dans l'hys-

térie d'une part, clans cette maladie organique des centres nerveux d'autre

part, des ressemblances assez grandes de symptômes pour constituer un

syndrome commun ? Nous ne pourrons l'affirmer qu'après avoir examiné

parallèlement chacun des symptômes principaux de la maladie copiée par

l'autre.

(1) P. Marie, Dict. encyclopédiq. des se. médicales (1888), 4' série, t. 13, p. 206.

v. 23

346 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

Nous étudierons ensuite les différences qui permettront de fixer le diag-

nostic en faveur de la névrose ou de la lésion organique.

Après ce double travail, l'interprétation des faits observés sera d'une

déduction plus facile et plus sûre.

Nous avons vu dans le court tableau tracé plus haut de l'hémiplégie

spasmodique infantile que le phénomène initial semblait être le plus sou-

vent l'attaque éclamptique. L'hémiplégie hystérique peut aussi débuter par

des convulsions et l'apoplexie exister clans un cas comme dans l'autre (1).

L'hémiplégie faciale n'est pas la règle ou est très atténuée chez l'enfant

atteint d'hémiplégie spasmodique. On sait également que si la paralysie du

facial inférieur peut exister dans l'hémiplégie hystérique, elle n'en cons-

titue pas moins une rareté et que l'opinion de Todd reste encore vraie pour

la majorité des cas (2).

L'atrophie des membres peut faire complètement défaut dans les lésions

corticales des enfants : c'est la règle la plus commune dans les paralysies

hystériques. Mais au cas môme où celle atrophie existerait, sans raccour-

cissement des membres, ce ne serait pas un signe suffisant pour rejeter

l'hystérie (3).

La contracture, même consécutive aux altérations du faisceau pyramidal,

peut être modérée dans l'hémiplégie spasmodique infantile et en rapport

avec le degré d'altération dudit faisceau ; dans tous les cas, elle est sur-

tout marquée au niveau des extrémités des membres ; le même fait se re-

trouve chez les hystériques.

L'athétose, bien qu'on la considère le plus souvent comme symptomati-

que de lésions cérébrales, peut se rencontrer néanmoins dans d'autres af-

fections. Déjà M. Oulmont, dans sa thèse (1878), distinguait une forme

primitive, indépendante de toute lésion nerveuse organique. La thèse

récente de Michaïlowski (4) vient confirmer et étendre ces vues sur l'auto-

nomie de l'athétose double, élevée au rang d'une entité morbide distincte.

D'ailleurs, à côté de l'athétose vraie, il existe une foule de mouvements de

transition avec la chorée et les tremblements hystériques, mouvements encore

mal déterminés, mais qui s'accordent assez bien avec nos idées actuelles

sur le polymorphisme des tremblements hystériques (5). M. IIuchard (6),

après W. Mitchell, avait signalé déjà la pse1¿do-athétose hystérique. Plus

(1) Achard, Thèse Paris, 1887.

(2) Charcot, Clinique des malad. du syst. nerv. G. Guinon, 1892, t. 1, p. 283.

(3) Voir sur le même sujet : Babinski, Soc. biologie, 1886. - Brissaud, Arch. physio-

log., 1887. Debove, Soc. méd. Ad/)., 1889. Gilles de la T. et Dutil, Iconographie,

1890. - Féréol, Soc. méd. hôpit., mai 1890. Athanassio, Thèse Paris, 1890.

(4) Michaïlowski, Élude sur l'athétose double. Thèse Paris, 1892.

(5) Voir à ce sujet : Rendu, Soc. médic. hôpit., avril 1888. -Idem, janv. 1892. Ray-

mond, Soc. méd. hôpit., janv. 1892. Dutil, thèse, Paris, 1891.

(6) Axenfeld et IIuchard, Traité des névroses, 1883, p. 1011.

MALADIES ORGANIQUES DE L'ENCÉPHALE CHEZ LES ENFANTS 347

récemment, Sollier (1) a observé la présence de ces mouvements athétosi-

ques chez une jeune fille hystérique. Une autre observation, due à Perret

(de Lyon) (2) mentionne, chez une enfant de 11 ans, une forme hémiplé-

gique de mouvements innommés que l'auteur rattache sans hésiter à l'hys-

térie infantile.

Quant à l'hémichorée, plus encore peut-être que l'hémiathétose, elle a

perdu son droit de cité exclusif dans les lésions organiques des centres ner-

veux. M. Raymond lui-même, dans sa remarquable thèse (1875), à côté

des cas d'hémichorée où il a trouvé la lésion classique de la capsule in-

terne, signale beaucoup d'autres cas où les mouvements choréiformes étaient

le résultat d'autres lésions, ce qui n'est pas fait pour augmenter le prestige

absolu de la localisation classique. Depuis, Chambard (3) (1881) a rap-

porté un cas d'hémichorée associé à une forme d'héttre.aableaent hystéri-

que. M. le professeur Debove (4) (1890), MM. Joffroy et Séglas (5) (1891)

ont insisté sur les rapports de la chorée avec l'hystérie et sur la transforma-

tion possible, chez un même sujet hystérique, de la chorée de Sydenham en

chorée rhythmée, ou inversement. La thèse de Dutil (1891) et les récentes

communications de MM. Rendu et Raymond (6) sont venues établir d'une

façon décisive le polymorphisme des tremblements hystériques que nous

avons déjà invoqué pour la classification des mouvements athétosiques et

qui n'est pas moins indispensable pour celle des mouvements choréifor-

mes. Ces derniers travaux complètent donc le premier et important mé-

moire de M. Rendu sur les tremblements hystériques (7), ainsi que les le-

çons de M. le professeur Pitres sur le même sujet (8). « L'histoire des trem-

blements hystériques, conclut M. le professeur Charcot (9), est donc un

chapitre de plus, à ajouter à l'histoire si intéressante et déjà si chargée cle

la simulation hystérique des diverses maladies du système nerveux.

Poursuivant notre comparaison de l'hémiplégie spasmodique infantile

avec l'hystérie simulatrice, nous devons retenir encore l'existence possible

de troubles de la sensibilité dans la maladie organique et à plus forte raison

dans l'hystérie dont ces troubles constituent un des stigmates essentiels.

Enfin, si les troubles intellectuels et l'aphasie manquent souvent dans l'hé-

miplégie corticale des enfants, ce ne sont pas là non plus des traits carac-

téristiques de l'hystérie infantile.

(1) Sollier, France médicale, 22'janv. 1892.

(2) Perret, 1891. Journ. de médec. et de chÏ1'1l1'[J, pratiques.

(3) Chambard, Encéphale, 1881.

(4) Debove, Semaine médicale, 1890, p. 382.

(5) Joffroy et Séglas, Soc. médic. hôpit., avril 1891.

(6) Rendu et Raymond, loco citato.

(1) Rendu, 1889, loco citato.

(8) Pitres, Progrès médical, 1889, et Leçons cliniques sur l'hystérie, 1891.

(9) Charcot, Clin, des mal. du syst. ne1'v. - G. Guinon, t. I, 1892.

348 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

Les ressemblances sont donc nombreuses et importantes dans les deux

maladies ; l'une peut copier l'autre sans cesser d'être elle-même. C'est le

résultat très net qui ressort de cette étude parallèle de leurs divers symp-

tômes.

Il y a pourtant des différences qui tiennent d'abord à ce que la simula-

tion hystérique ne saurait être absolue et qu'elle rencontre forcément des

limites et des obstacles ; en second lieu, l'hystérie elle-même jouit d'attri-

buts qu'il lui est impossible de dépouiller dans ses diverses manifestations

et qui doivent la faire découvrir, si on les recherche.

Nous croyons inutile d'insister sur ces derniers qui se confondent en

grande partie avec les stigmates de la névrose et qui lui confèrent son in-

dividualité propre. Lorsque les stigmates ne sont pas au complet, lorsqu'il

s'agira surtout d'hystérie 1/lonosymptomatique, avant d'affirmer son diag-

nostic, on interrogera l'étiologie et l'évolution des accidents, parfois même

l'influence des divers agents thérapeutiques.

Mais la considération des phénomènes en eux-mêmes, ne laisse pas pour

cela de jeter une grande clarté dans le débat. Jamais l'hystérie ne produira

chez les enfants, à notre connaissance du moins, des troubles trophiques

aussi graves que ceux qu'on rencontre dans certaines hémiplégies cortica-

les. Mais, chose étrange, l'impotence fonctionnelle des parties paralysées

qui n'est généralement pas complète dans l'hémiplégie spasmodique infan-

tile, peut être parfois très accentuée dans l'hémiplégie hystérique, surtout

quand il s'y joint de la contracture.

Il n'y a pas encore d'observation qui signale nettement l'athétose vraie

dans un syndrome hystérique ; on peut donc la maintenir jusqu'à plus

ample information dans le cadre des symptômes propres aux lésions orga-

niques.

Quand elle existe dans l'hémiplégie spasmodique infantile, la diminution

de la sensibilité n'est jamais aussi grande que dans l'hémianesthésie hys-

térique. Les troubles des sens spéciaux sont extrêmement rares dans le pre-

mier cas, ils sont fréquents dans le second.

Enfin, si on était en face de troubles intellectuels et d'attaques comitiales,

ce qui se présente seulement dans les formes graves d'hémiplégie spasmo-

dique infantile, on n'hésiterait pas à se prononcer pour la lésion organi-

que des centres nerveux.

Mais les difficultés de diagnostic ne sauraient exister pour les cas extrê-

mes. Nous ne discutons ici que les cas où la simulation est possible, c'est-

à-dire les cas où la maladie organique, affectant un type dégrade, peut se

confondre avec un syndrome hystérique simulateur. C'est pourquoi nous

avons insisté plutôt sur la similitude des symptômes que sur leur antago-

MALADIES ORGANIQUES DE L'IL>iCÉPHALE CHEZ LES ENFANTS 9/9

nisme. Nous sommes donc plus aptes maintenant il comprendre les faits

observés.

Observation I (personnelle). Syndrome hystérique simulateur de l'hémiplégie

spasmodique infantile : guérison brusque au bout de 10 mois.

Adolphe T..., âgé de 12 ans 1/2, entré le 28 janvier 1892, salle Blache, n° 1,

dans le service de M. le Dr Jules Simon, à l'hôpital des Enfants-Malades.

Antécédents héréditaires. Grand-père paternel mort aliéné à l'asile de

Clermont (Oise).

Grand'mère paternelle encore vivante, mais paralysée depuis 7 ans de la moi-

tié gauche du corps, qui serait en même temps le siège de mouvements invo-

lontaires dont la nature reste pour nous indéterminée, puisque nous n'avons pu

les observer. Mais l'enfant qui fait le sujet de cette observation a vécu quelque

temps auprès de sa grand'mère, avant l'époque de sa maladie, et son imagina-

tion paraît encore frappée de ces mouvements dont il a été le témoin.

Père actuellement âgé de 45 ans, de constitution peu robuste. Dans son mé-

tier de mécanicien, il est souvent forcé de s'interrompre pour cause de maladie :

c'est un alcoolique et un fumeur. Il y a environ dix ans, on a dû le soigner pour

une affection du fond de l'oeil qui a laissé après elle un affaiblissement notable

de la vision. Depuis, il a été enfermé successivement il Ste-Anne et à Ville-

Evrard pour des accès de délire probablement alcoolique. Ces accès lui revien-

nent encore fréquemment.

Mère âgée de 49 ans, bien portante, nie toute tare nerveuse dans sa propre fa-

mille. Aeu 2 enfants d'un premier mari, 4 autres de son dernier. Parmi ceux-ci,

Adolphe T..., vient le deuxième par rang de naissance ; l'aîné est mort de diph-

térie à 4 ans, le troisième de convulsions à 16 mois ; le quatrième, âgé mainte-

nant de 7 ans, est sujet depuis quelque temps il des accès de terreurs nocturnes

qui inquiètent beaucoup sa mère.

Antécédents personnels. Rien il signaler dans la première enfance. Nourri

au sein par sa mère, a marché vers un an, a parlé de bonne heure. Développe-

ment normal du corps et de l'intelligence ; mais caractère très impressionnable,

capricieux, emporté, avec tendance à la paresse.

Vers l'âge de 5 ans, Adolphe T... est pris d'une frayeur subite, le hasard des

circonstances l'ayant mis en présence d'une personne âgée et respectable qu'il

avait huée, avec d'autres gamins, quelques jours auparavant. Craignant les re-

montrances de cette personne en présence de son père, il est cloué sur place :

ses jambes se dérobent sous lui, sans qu'il perde connaissance, et son père est

forcé de le prendre entre ses bras pour le ramener à la maison.

Là, il reste quatre jours sans pouvoir marcher, parlant à peine, passant des

nuits fort agitées par des cauchemars et des crises convulsives. Au bout

de ce temps, on remarque que ses membres du côté droit sont animés de

mouvements involontaires, existant à l'état de repos et s'exagérant dans les

actes intentionnels. Ces mouvements s'étaient manifestés en dehors de toute at-

taque, sans aphasie ni paralysie concomitante.

350 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

Autant que nous ayons pu en juger par les anamnestiques et les certificats

des médecins, il s'agissait là d'une hémichorée avec mouvements arythmiques,

plus marqués au membre supérieur qu'au membre inférieur, et gênant beau-

coup la préhension et la marche du côté droit. Cependant, la force musculaire

était conservée ou peu diminuée, puisque l'enfant portait facilement de lourds

fardeaux avec sa main droite, alors que de la même main, il ne pouvait que diffi-

cilement tenir des objets légers, à cause des secousses qu'il leur imprimait.

Quand il marchait, il plaçait de même sa main droite dans la poche droite de

pantalon, afin d'en diminuer les secousses ; il traînait un peu la jambe droite,

le pied légèrement dévié en dedans. La course était possible.

Cet état d'hémichorée, avec alternatives d'intensité plus ou moins grande, a

duré 7 années entières, de l'âge de 5 ans à t'age de 12 ans.

Au cours de ces 7 années, nous devons mentionner encore chez Adolphe T...

de fréquents accès de terreurs nocturnes, se terminant souvent par une crisedelar-

mes; déplus, une période de surexcitation particulière, causée parla rencontre d'un

chien qui s'était jeté sur lui en voulant le mordre, et durant laquelle notre ma-

lade menaçait, parait-il, de mordre ceux qui l'entouraient; enfin, une indispo-

sition plus ou moins simulée pour ne pas aller à l'école que le médecin rappor-

tait d'abord à une méningite, mais qui guérit assez rapidement, quand on eût

cédé à ses volontés.

A la fin de l'année 1891, vers la fin du mois de décembre, se place un inci-

dent qui ouvre une nouvelle phase dans l'histoire d'Adolphe T.... Il était occupé

à jouer avec des camarades quand, au cours d'une querelle, l'un d'eux lui tendit

un croc-en-jambe qui le fit tomber sur le rebord d'un trottoir. Adolphe T... ne

put se relever; on dut le transporter chez un pharmacien, et de là, chez ses

parents. Le médecin appelé ne constata aucune lésion des téguments, ni fracture,

ni entorse; mais il s'était produit, sous l'influence du choc, une contracture de

tout le côté droit du corps qui était primitivement le siège de l'hémichorée.

L'avant-bras droit était fléchi à angle obtus sur le bras au devant du tronc ; le

pied droit était considérablement dévié en dedans, en varus équin, de sorte que

ni la préhension, ni la marche n'était plus possible du côté droit, la contracture

avec déformation des membres s'étant surajoutée à leurs mouvements choréi-

formes.

A partir de cet accident jusqu'à son entrée à l'hôpital, Adolphe T... a dû

garder le lit et il a été pris chez lui d'attaques convulsives généralisées, se ré-

pétant cinq ou six fois dans les 2t heures, de durée variable, mais ne s'accom-

pagnant jamais de perte de connaissance, ni de morsure à la langue. La surveil-

lance de son enfant devenant alors de plus en plus pénible à sa mère, elle se

décida à le transporter à l'hôpital des Enfants-Malades, où il fut admis le 28 jan-

vier 1892 (1).

(1) Ce n'est que plusieurs jours après son entrée qu'il nous a été possible d'examiner

ce jeune malade ; M. Simon étant alors absent, le diagnostic de l'affection, tel que nous

le formulerons plus loin, fut porté par M. Déjerine, qui voulut bien en cette occasion

nous aider de ses lumières et de ses conseils ; nous le prions d'agréer une fois de plus

tous nos remerclments.

MALADIES ORGANIQUES DE L'ENCÉPHALE CHEZ LES ENFANTS 351

Etat actuel. A la fin du mois de février 1892, Adolphe T... est toujours

incapable de se lever du lit ; il peut à peine se dresser sur son séant, la roideur

et l'hémichorée du côté droit le forçant à garder le décubitus dorsal ou latéral

droit.

Les crises convulsives ne se sont pas renouvelées. Le malade qu'au premier

abord on est tenté de considérer comme atteint d'une lésion cérébrale organique

à forme hémiplégique et à caractère spasmodique, a néanmoins l'aspect d'une

bonne santé et les principales fonctions s'accomplissent bien ; aucun trouble de

la miction ni de la défécation. De plus, la physionomie est intelligente et la pa-

role nullement embarrassée ; le caractère est inégal, sournois et peureux.

L'examen de la motilité, de la sensibilité et de la nutrition donne les résul-

tats suivants ;

I. Troubles DE la motilité. Attitude de repos. Dans l'attitude de repos

qui est le décubitus dorsal ou latéral droit, le malade fixe son bras droit derrière

le dos, de manière à l'immobiliser entre son corps et le plan du lit et à suppri-

mer ainsi ses secousses involontaires.

Cette immobilisation est impossible pour le membre inférieur droit qui est

constamment agité de mouvements choréiformes ; la jambe droite croise la gau-

che en passant pardessus, le pied droit est en position de varus équin et le ta-

lon droit repose sur le cou-de-pied gauche où il marque son empreinte.

Contracture. Ces différentes particularités dans l'attitude du malade à l'é-

tat de repos, résultent de la contracture permanente des membres du côté droit.

En effet, le bras droit est étroitement accolé au tronc, en passant derrière Lui ;

l'avant-bras se coude à angle obtus sur le bras dans une position également ri-

gide et le poignet est maintenu de même en légère flexion sur l'avant-bras. Les

doigts, immobilisés par le décubitus dorsal ou latéral, sont fixés tantôt dans l'ex-

tension, tantôt restent fléchis dans le creux de la main droite.

Mais quand on vient à forcer la contracture des divers segments du bras droit,

en le séparant brusquement du tronc, il est agité de mouvements désordonnés,

en fléau, d'une amplitude considérable. Dans cette position, des mouvements

particuliers amènent en outre l'extension et la flexion brusques des doigts de la

main droite. Le malade ne tarde pas à ramener son bras à l'attitude de repos,

afin de supprimer les mouvements dont il n'est pas le maître.

Au membre inférieur droit, il n'est pas, nous l'avons vu, de position de re-

repos ; mais la contracture existe comme au membre supérieur. On peut en

effet par le pied droit soulever le malade tout entier du plan du lit, comme par

un levier rigide. La hanche et le genou sont donc maintenus en extension ;

le pli inguinal est plus accentué à droite qu'à gauche et le membre tout entier

paraît remonté. Le pied droit est en varus-équin ; les orteils en flexion légère.

Ces diverses contractures ne cèdent que sous l'effort.

Au membre inférieur gauche, il existe aussi un léger état de contracture,

beaucoup moins marqué que du côté droit et qu'on peut faire disparaître, quand

on a soin de maintenir solidement la jambe opposée, de façon à rendre indépen-

dants les mouvements des deux côtés.

Rien de particulier pour le bras gauche.

352 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

A la face, il faut noter dans la moitié droite et dans le domaine du facial in-

férieur, un hémispasme labial peu prononcé à l'état de repos, mais qui s'accuse

mieux par le rire ou les larmes. La langue n'est pas déviée.

Tout ce qui précède se rapporte il l'examen du malade au lit, dans le dé-

cubitus dorsal ou latéral droit. Si on le transporte sur un siège pour l'y asseoir,

il tend à glisser en avant et ses membres inférieurs ne se plient qu'avec peine

sur le tronc. Le bras droit est toujours immobilisé sous la fesse droite, de façon

à ne pas remuer.

La station debout et la marche sont complètement impossibles, tant il cause

de la contracture que des mouvements liémicloréiques du cote droit.

Fig. 43. - Graphiques des tremblements à l'ctat de repos.

A. Jambe droite. B. Bras droit.

MALADIES ORGANIQUES DE L'ENCÉPHALE CHEZ LES ENFANTS 353

Hémichorée. Ces mouvements choréiformes, que nous devons maintenant

étudier, s'observent naturellement au membre inférieur droit qui n'est pas

immobilisé ; nous avons vu par quelle manoeuvre on pouvait les provoquer au

membre supérieur du même côté. (Fig. 43).

Leur forme est la même, c'est-à-dire arythmique, désordonnée à la jambe

comme au bras ; ils s'exagèrent également par les émotions et dans les actes

volontaires ; ils disparaissent pendant le sommeil.

On doit cependant noter quelques légères différences : leur nombre est géné-

ralement plus fort au bras qu'à la jambe, 60 à 80 pour la jambe, 100 à 120 pour

le bras à la seconde ; leur amplitude est également plus considérable au bras

qu'à la jambe. Enfin, les orteils du pied droit ne sont pas, comme les doigts de

la main droite, le siège de mouvements particuliers, pseudo-athétosiques, en-

traînant la flexion et la déflexion brusque des phalanges.

D'après ce qui précède, il n'y a pas, à proprement parler, de paralysie des

mouvements volontaires, correspondant à l'hémi contracture et à l'hémichorée

du côté droit. C'est bien plutôt l'impossibilité d'atteindre un but fixé avec les

deux membres que l'impossibilité de les mouvoir.

La force musculaire paraît d'ailleurs peu modifiée à droite ; mais, de même

que les réflexes', il est impossible de l'évaluer, à cause de la contracture des

muscles et de leur instabilité.

Les réflexes sont normaux du côté gauche, la force musculaire intacte.

II. Troubles DE la sensibilité. - Sensibilité générale. La sensibilité est

complètement abolie sur toute la moitié droite du corps, membres, face et tronc,

exactement à partir de la ligne médiane, pour toutes les impressions de tact, de

douleur, de température.

Le sens musculaire, en tant que notion de la position des membres, n'existe

pas non plus pour les membres du côté droit. On peut aussi tirer de toutes ses

forces sur les jointures du même côté, sans déterminer chez le malade la moindre

sensation douloureuse. L'anesthésie existe donc pour les parties profondes, aussi

bien due pour les parties superficielles, sur toute la moitié droite du corps.

Sur la moitié gauche, on constate une hyperesthésie généralisée, avec les

points hystérogénes suivants :

10 Région sus et sous-mammaire ;

2° Région pseudo-ovarienne ;

3° Plusieurs points sur le rebord costal et les espaces intercostaux du côté

gauche;

4° Un ou deux points sur la crête iliaque ;

5" Le testicule gauche.

Une pression, même légère, de tous ces points, provoque immédiatement une

crise de douleurs et de larmes.

Pas de sensations anormales ni de douleurs spontanées en dehors des crises.

Pendant les crises, sensation d'étouffement à la gorge.

Le réflexe pharyngien est conservé.

SENSIBILITÉ spéciale. Vue. L'examen de l'appareil de la vision a été fait

354 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

par M. Rochon-Duvignaud, chef de clinique de M. Panas, qui nous a remis la

note suivante :

Les pupilles réagissent normalement à gauche comme à droite : 1° à la lu-

mière ;

2° A la convergence ;

3° Aux impressions tactiles de la conjonctive.

L'acuité visuelle donne pour l'oeil gauche V = 2/3 environ, oscillations de

l'acuité visuelle, fatigue asez rapide.

Pour l'oeil droit, aucune acuité visuelle. C'est un oeil supprimé au point de

vue de la fonction ; il ne donne aucune sensation positive ou négative.

Champ visuel.- A gauche, rapidement pris pour le blanc, il se montre nor-

mal comme étendue. Rapidement pris en dehors pour le rouge et le vert, il

se montre d'abord d'étendue normale, puis se rétrécit rapidement pour ces

deux couleurs, si l'on prolonge l'examen.

A droite, il ne saurait être question de champ visuel (fig. 44).

Examen oplatalmoscopique. Le fond de l'oeil est normal et l'on n'observe

aucune différence entre le côté gauche et le côté droit.

L'expérience avec la boîte de Fiées est concluante.

Ouïe. - Le tic-tac d'une montre est perçu à une distance normale par l'o-

reille gauche.

A aucune distance, il n'y a de perception pour l'oreille droite ; c'est donc une

oreille complètement supprimée au point de vue fonctionnel.

Odorat. La narine gauche perçoit toutes les odeurs. La perception est

nulle à droite.

Goût. Le quinine et le sel ne provoquent aucune saveur sur la moitié

droite de la langue. Perception très nette du côté gauche.

III. Nutrition ET réaction ÉLECTRIQUE. - L'aspect du membre inférieur

droit qui est remonté et en légère adduction pourrait d'abord faire croire à un

Fig. 44.

MALADIES ORGANIQUES DE L'ENCÉPHALE CHEZ LES ENFANTS 355

raccourcissement et à une diminution de volume du côté droit. Ce n'est là

qu'une fausse apparence qui tient à la contracture de la hanche droite et il n'y

a pas de différence notable entre les deux côtés à la mensuration. Du côté droit.

on constate une anémie plus grande à la piqûre.

L'autographisme est manifeste sur toute l'étendue de la peau.

M. le Dr Vigouroux, qui a bien voulu examiner les réactions électriques, a

constaté ce qui suit :

La sensibilité électrique est abolie à droite pour la peau et les muscles ; elle

est très vive au contraire du côté gauche.

La contractilité musculaire est intacte des deux côtés. On peut par l'applica-

tion prolongée d'un courant faradique faire cesser la contracture du pied droit,

qui est en varus équin, en agissant sur les muscles antagonistes.

La résistance, mesurée au courant galvanique, donne pour le côté sain une

résistance totale de Ruz87 ohms et pour le côté malade R 9-395 ohms.

La franklinisation, en détournant sans doute l'attention du malade, diminue

et supprime même la contracture du pied droit qui tombe ballant le long du

tabouret électrique ; il n'y a pas de transfert de sensibilité à la première expé-

rience par la pointe électrique.

Marche de la maladie. A partir de la première application d'électricité fa-

radique, le 10 avril, on constate d'abord une augmentation de nombre des mou-

vements choréiformes du côté droit ; au membre inférieur, on peut compter jus-

qu'à 160 mouvements à la minute, et ces mouvements persistent la nuit. Cette

exaltation de l'hémichorée dure 5 à 6 jours, puis, le nombre des mouvements

étant descendu au ohiffre habituel, 60 à 80 par minute, il est facile de voir que

leur forme s'est modifiée. Ce sont maintenant des oscillations 1'hytmiqlles à l'é-

tat de repos, se rapportant soit à la chorée rhytmée, soit il certaines formes de

tremblement hystérique et s'exagérant par l'acte intentionnel, comme dans la

sclérose en plaques.

Les deux graphiques ci-joints (fig. 43), pris à cette période et dus à l'obligeance

de M. Dutil, se rapportent l'un aux mouvements du bras droit, l'autre aux mou-

vements de la jambe droite ; ils représentent l'attitude de repos de ces deux

membres, c'est-à-dire leur attitude en dehors des actes volontaires. Le nombre

moyen des oscillations est à la minute de 180 pour le bras droit, de 120 pour

la jambe droite. Ce ne sont pas là des chiffres absolus, car ils peuvent varier

suivant le moment et les dispositions du sujet.

En plus de ces modifications dans le nombre et la forme des mouvements de

l'hémichorée, la première application d'électricité faradique eût encore ce ré-

sultat de diminuer notablement la contracture du côté droit, mais sans permet-

tre encore la marche.

Le 10 mai. Application de l'aimant en permanence.

Le 11. Retour de la sensibilité profonde sur tout le côté droit. Le malade

dit qu'on lui fait mal à l'os quand on serre vigoureusement le mollet, la cuisse

ou le bras. La peau est insensible ; le tremblement n'a pas varié.

Le 12. A la visite du matin, le malade est de très mauvaise humeur,

sans qu'on sache pourquoi ; il ébauche devant nous une sorte de crise convul-

356 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

sive, ouvrant et fermant alternativement la mâchoire, comme s'il manquait

d'air ou qu'il eût une sensation d'étouffement à la gorge. La crise dure environ

une heure et se termine par des larmes.

Le 15. Retour de la sensibilité cutanée, mais seulement par plaques irré-

gulièrement disséminées et avec un certain retard de perception.

Le 10 juillet. - Les modifications indiquées plus haut dans la forme de l'hé-

michorée, de la contracture, et le retour -de la sensibilité générale sous l'in-

tluence de l'aimant se sont maintenues à peu près fixes ; mais il n'y a aucun

fait nouveau à signaler.

Le malade, quoiqu'amélioré, est encore impuissant à se tenir debout, à mar-

cher et à se servir de son bras droit. Il demande pourtant à se lever et se fait t

traîner sur une chaise.

Il est actuellement soumis au traitement par l'électricité statique. On n'a

encore essayé sur lui ni la suggestion, ni l'isolement, ce dernier mode de trai-

tement étant à peu près impraticable à l'hôpital.

' ' ' Conclusions.

Cette observation qui peut sembler un peu longue, nous a paru néan-

moins comporter tous ces développements, puisqu'il s'agit non seulement

d'un cas intéressant, mais d'un cas nouveau. C'est en vain que nous avons

cherché le pareil ou même l'analogue dans la littérature médicale.

Nous aurions même hésité il le publier sous notre nom, si nous n'avions

pu nous autoriser du témoignage de neuropathologistes compétents qui ont

vu le malade et qui ont porté, M. Déjerine le premier en date, le diagnos-

tic d'hystérie.

Il nous reste maintenant il justifier ce diagnostic et nous croyons pou-

voir pour cela résumer notre argumentation, en examinant les trois points

suivants :

1° Par quels signes notre malade se rapproche du type clinique de l'hé-

miplégie spasmodique infantile, avec lésions organiques;

2° Par quels signes il s'en éloigne ;

3° Enfin, sur quelles bases on peut asseoir le diagnostic de syndrome

hystérique.

Les signes qui plaidaient en faveur du type clinique de l'hémiplégie spas-

modique.infantile, tel qu'il a été décrit par M. le Dr Marie dans son remar-

quable article du Dictionnaire encyclopédique, reposaient dans leur ensem-

ble sur la forme de l'affection qui était nettement hémiplégique et sur les

caractères de cette hémiplégie, survenue chez un enfant, s'accompagnant de

phénomènes spasmodiques tels que l'hémichorée, la contracture, les décor-

mations prononcées des membres et même, à un examen superficiel, d'une

apparence de troubles trophiques avec raccourcissement du membre infé-

NOUVELLE IC040CPAPRIE DE LA SaLPÉTRiCrE £

T. V PL. XL. XLE

Phototype négatit A. LONDE PHOTOCOLLOGRAPHIÊ Chêne & Longuet

SYNDROME HYSTÉRIQUE simulant L'HÉMIPLÉGIE spasmodique infantile

État DE REPOS - État DE MOUVEMENT

Ty. BATAILLEZ oS : t-CIF.J Éditeurs

MALADIES ORGANIQUES DE L'ENCÉPHALE CHEZ LES ENFANTS 357

rieur. Il n'y avait pas jusqu'à l'athétose elle-même qui ne fût ébauchée,

pour rendre la ressemblance plus frappante. On pouvait donc s'y tromper.

Recherchons maintenant quelles singularités permettaient d'éviter cette

erreur, et par quels signes notre malade s'éloignait du type clinique de

l'hémiplégie spasmodique infantile.

Les singularités étaient nombreuses, quand on étudiait le mode de début

et la marche de l'affection ; nous y reviendrons plus loin. Ce que nous vou-

lons surtout retenir ici, c'est qu'il est rare, d'après M. Marie, de voir une

hémiplégie spasmodique infantile débuter après l'âge de 4 ans. Quant

aux caractères mômes de l'affection, ils présentaient des notes discordantes.

En premier lieu, la disproportion entre l'impotence fonctionnelle du ma-

lade et sa lésion supposée, les hémiplégiques de cet ordre pouvant le plus

souvent s'aider de leurs membres, malgré la contracture et l'hémichorée.

Venaient ensuite l'attitude particulière au malade, dans l'état dé repos

et dans les actes volontaires ; l'absence d'épilepsie, de troubles intellec-

tuels et d'aphasie, l'absence de déformations incorrigibles des membres et

d'arrêt de développement des os ; l'intégrité des muscles et de leurs réac-

tions électriques. Enfin, si l'hémichorée affectait une forme spéciale, il

n'était pas possible de décrire comme athétose vraie les mouvements d'ex-

tensionetde flexion des doigts de la main droite.

Pour toutes ces raisons, il y avait donc lieu de rejeter l'idée d'une hé-

miplégie spasmodique infantile, avec lésions organiques du cerveau.

Il restait donc à discuter l'hystérie et à expliquer par elle ce qui ne pou-

vait s'expliquer d'ailleurs. Les stigmates d'hystérie étaient évidents ; nous

ne citerons que l'hémianesthésie sensitivo-sensorielle, l'existence de points

hystérogènes, de crises convulsires. Nous insisterons davantage sur le début

et la marche de l'affection. L'hémichorée qui dure depuis 7 ans a suivi une

grande frayeur; la contracture n'est aperçue elle-même que fort tard,

subitement, il la suite d'un choc traumatique, en sorte que l'affection ac-

tuelle a évolué par saccades et brusqueries, en dehors de toute règle pa-

thologique, pour ainsi dire. Ces irrégularités se sont encore poursuivies

sous nos yeux. La première application d'électricité faradique n'a-t-elle

pas diminué la contracture et modifié la forme de l'hémichorée ? Aux mou-

vements incoordonnés, arythmiques, ont succédé des oscillations rhytmi-

ques, régulières comme dans certaines formes de tremblement hystérique.

La thèse de M. Dutil, les dernières observations de MM. Joffroy et Seglas,

de M. Raymond, de M. Rendu à la Société médicale des hôpitaux viennent

confirmer notre manière de voir, en établissant d'une façon décisive le

polymorphisme des tremblements hystériques. Enfin, est-il besoin de rap-

peler le retour de la sensibilité chez notre malade sous l'influence de

l'aimant ?

358 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPTRIÈRÉ.

Ce sont là, nous pensons, tout autant de preuves en faveur de la nature

hystérique du syndrome complexe que nous venons d'étudier. L'hystérie

s'impose; elle suffit d'autre part à l'interprétation de tous les faits. C'est

donc à l'hystérie et à l'hystérie seule que nous devons les rapporter.

(13 juillet 1892.)

Nota. Cette observation fondamentale avait été rédigée avec ses con-

clusions à la date ci-dessus pour être publiée à part, lorsque Adolphe T...

guérit subitement et complètement dans les premiers jours du mois de no-

vembre 1892. Il est fort probable que sa guérison fut influencée par le

voisinage d'un de ses camarades guéri avant lui et de la même façon d'un

tremblement hystérique.

Quoi qu'il en soit, Adolphe T... considéré comme infirme avait gardé le

lit près d'un an ; nous l'avons revu tout récemment et rien dans sa démar-

che ni dans ses mouvements ne dénote une ancienne hémiplégie. Les stig-

mates de l'hystérie persistent néanmoins.

Mieux que tous les raisonnements, ce fait que nous sommes heureux

d'enregistrer ici démontre le bien fondé du diagnostic.

(13 novembre 1892.)

(A suivre) A. BARDOL,

Interne des hôpitaux.

HYSTÉRIE TRAUMATIQUE

Messieurs,

I. Nous allons aujourd'hui nous occuper d'un cas de névrose trau-

matique. C'est un cas intéressant à cause de la netteté avec laquelle les

phénomènes nerveux se sont produits, à cause de la nature particulière de

ces phénomènes, et de la lumière qu'ils jettent sur la genèse, encore très

obscure, de ces formes de l'hystérie qui peuvent être provoquées par les

traumatismes.

Le malade que je vous présente est un homme de 40 ans, vigoureux, qui

a mené la vie de journalier : travail fatigant, grandes privations, et man-

que absolu de toute hygiène.

Il ne peut nous dire s'il y a des antécédents névropathiques dans sa fa-

mille. Il a eu 10 enfants parmi lesquels 7 sont morts, tous dans le premier

âge, et de maladies étrangères au système nerveux.

Pour ce qui regarde ses antécédents personnels, il se rappelle avoir souf-

fert seulement d'une affection fébrile dans son enfance ; d'épistaxis fré-

quentes, et de divers traumatismes sur la tête dont quelques-uns ont occa-

sionné de grandes hémorrhagies.

Ces traumatismes ont laissé des cicatrices que l'on rencontre à la moitié

antérieure de la tôle. Une de ces cicatrices correspond à une légère dépres-

sion du crâne située sur le pariétal droit, très près de la ligne moyenne

de la tête.

Cette lésion est la dernière reçue par notre malade, et le point de départ

des phénomènes que nous allons observer. Nous devons fixer l'attention

sur les détails de ce traumatisme dont nous apprécierons ensuite l'impor-

tance.

L'histoire remonte à 3 ans. Notre malade travaillait dans les salpêtriè-

res du nord. Un bloc de salpêtre se détacha d'une pile de ce produit, et

lui tomba sur la tête, d'une hauteur d'à peu près 3 mètres.

Le choc produisit seulement un léger étourdissement, qui n'arriva pas

à lui faire perdre connaissance. Après avoir reçu le coup, le malade pût se

360 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

diriger à pied au campement qui était éloigné d'à peu près un kilomètre

et demi, on lui pansa sa blessure et il retourna immédiatement reprendre

son travail. La blessure par elle-même ne produisit qu'une légère hémor-

rhagie.

Mais l'ébranlement nerveux fut très intense, et vous voyez que notre

malade conserve encore, trois ans après, l'expression palpitante de la ter-

reur peinte sur sa physionomie, dans son attitude, ses manifestations pa-

thologiques, et, chose curieuse ! jusque dans les moindres détails de ses

troubles fonctionnels.

Vous avez observé la marche du malade : lente, raide, la tête fixe, les

yeux grandements ouverts et complètement immobiles. Déjà votre attention

aura été appelée par le tremblement qui agite ses membres, surtout les bras,

qui pendent inertes de chaque côté du corps. Quand notre malade parle,

vous le voyez bégayer, sa langue tremble, et il trouve les paroles avec dif-

ficulté.

Eh bien ! cela serait absolument l'attitude et les mouvements d'un ac-

teur qui voudrait sur le théàtre représenter l'expression de la terreur.

Mais ce tableau, à présent si complet, s'est développé lentement. Trois ou

quatre mois après le choc nerveux, notre malade commença à éprouver un

poids et un sentiment de froid dans les bras ; un an plus tard apparaît le

tremblement dans les extrémités supérieures ; l'année suivante, la tête se

fixe, s'immobilise et apparaissent les phénomènes de l'oeil ; à présent la

pesanteur et le tremblement des extrémités inférieures commencent à s'ac-

centuer.

Avant d'aborder l'examen du malade, permettez-moi d'insister sur l'as-

pect de sa physionomie. Vous observez les rides profondes du front, l'élé-

vation de l'arcade sourcillière, ces caractères si accentués d'une physiono-

mie mélancolique, qui forment contraste avec l'immobilité paisible et

sans expression de la moitié inférieure de la figure. Ce facies contradic-

toire s'observe assez fréquemment dans les névroses que nous étudions,

et toujours derrière lui, nous trouvons le même état psychique que nous

présente notre malade. C'est un état dans lequel la tristesse et l'inquiétude

dominent : la tristesse profonde et cette inquiétude vague de celui qui se

sent menacé d'un éminent danger. « J'ai une grande peur » nous répète

à chaque instant le malade. Ses facultés intellectuelles sont très déprimées,

surtout la mémoire; la volonté est perdue, et le malade n'éprouve ni le

désir ni la force de rien faire, et se laisse entraîner à un abattement ré-

signé.

Le malade ne dort pas bien. Il éprouve fréquemment des cauchemars

avec des visions terrifiantes, qui ont dans ces cas l'importance d'un symp-

tôme.

HYSTERIE TRAUMATIQUE 361

II. - Procédons à présent à l'examen du malade.

Vous voyez un homme fortement constitué et qui ne présente aucune

irrégularité organique apparente.

Vous voyez sur la tôle plusieurs cicatrices.

En examinant la sensibilité de la peau, nous la trouvons diminuée dans

la moitié gauche de la face, dans le bras, le tronc et la jambe du même

côté. Nous observons une analgésie du côté gauche. Le malade perçoit fai-

blement le contact mais n'éprouve pas la sensation douloureuse de la pi-

qûre. La sensibilité thermique ne manifeste pas d'altération.

Du côté droit, la sensibilité se conserve intacte dans toutes ses formes.

Nous trouvons seulement une plaque analgésique sur la poitrine.

Le sens de l'ouïe, du côté gauche, est diminué dans sa force de percep-

tion.

L'odorat est aboli du côté gauche pour la perception des odeurs fortes,

mais conservé pour les odeurs faibles : il ne perçoit pas l'odeur de l'éther

ou de l'ammoniaque, mais il perçoit celle des roses.

Le goût a disparu dans la moitié gauche de la langue. Nous ferons re-

marquer que le malade se plaint d'une sensation de sécheresse du môme

côté de la cavité buccale et d'une augmentation considérable de la saliva-

tion du côté droit de la bouche.

Le malade éprouve dans les deux yeux une sensation d'ardeur, et une

abondance de larmes plus considérable dans l'oeil gauche que dans le droit.

Le champ visuel se trouve réduit dans les deux yeux comme vous le voyez

dans le schéma que je vous présente. Celle réduction concentrique du champ

visuel est également plus prononcée dans l'oeil gauche que dans le droit.

L'acuité visuelle est normale dans les deux yeux. (Fig. 45).

L'étude de la vue nous a en outre révélé un trouble intéressant.

Il y a quelques années» le Dr Parinaud appela l'attention sur la polyopie

v ' 24

Fig. 5.

362 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE tA'SALPÊTRI¡);H8.

monoculaire des hystériques. Cette polyopie (diplopie ou triplopie) n'ap-

partient pas exclusivement à l'hystérie, mais se présente avec des caractè-

res qui permettraient de la reconnaître, et que le professeur Charcot a

résumé en étudiant ce phénomène qui à son avis « à défaut d'autres phé-

nomènes pourrait acquérir une grande importance et contribuer puissam-

ment à découvrir l'hystérie dans un cas de diagnostic difficile (1). »

Cette polyopie s'observe dans la paralysie de l'accommodation produite

par l'atropine, dans la contraction de l'accommodation produite par l'esé-

rine, on la voit aussi chez les vieillards, dans la cataracte commençante,

dans certains cas d'astigmatisme par suite de kératite ou congénital. Comme

vous voyez, il est facile d'éliminer toutes ces causes et de savoir, si nous

nous trouvons en présence d'une polyopie monoculaire qui n'est pas accom-

pagnée de myosis, de cataracte, ni d'astigmatisme par lésion de la cornée,

chez un individu qui n'est pas âgé, et chez lequel on n'a pas employé l'a-

tropine ni l'esérine et qui en revanche vient accompagné d'autres phéno-

mènes de la vision. Suivant l'observation du D'' Parinaud, la macropsie et

la micropsie seraient des phénomènes inséparables de la polyopie et on ne

les observerait pas dans les autres cas.

Nous prenons cette assertion si concluante, si péremptoire dans l'étude

du professeur Charcot auquel nous nous sommes rapporté. Après l'avoir

citée, le Professeur de la Salpêtrière ajoute : Placez devant Porcz.... un

crayon, verticalement, à une distance de quelques centimètres de l'un des

yeux, l'autre étant fermé : il distingue une seule image. Mais si l'on éloi-

gne le crayon, peu à peu, à partir de ce point, apparaissent bien vite deux

images : à huit ou dix centimètres de l'oeil elles sont bien séparées l'une

de l'autre et bien claires. En outre, quand on place le crayon près de l'oeil

il semble démesurément gros, tandis qu'à la distance de 15 à 20 centimè-

tres, il semble deux fois plus petit que ce qu'il devrait être à l'état normal.

Telle est la polyopie monoculaire spéciale, qui associée à des troubles sen-

soriaux ou sensitifs produira une base d'appréciation très significative.

Dans ce cas, les phénomènes que nous observons ne se présentent pas

sous cette même forme. Nous n'avons pas pu rencontrer la polyopie mo-

noculaire, la vue double ou triple d'un objet, mais nous avons rencontré

la macropsie et la micropsie. En plaçant verticalement le crayon devant

l'oeil du malade, à une distance quelconque, l'image ne se double pas, elle

reste toujours une ; mais quand le crayon est près de l'oeil, il le voit ex-

cessivement gros, et à 15 ou 20 centimètres excessivement petit.

Dans ce cas la polyopie n'existe pas, mais nous trouvons la macropsie

et la micropsie bien caractérisées. C'est-à-dire, que les deux phénomènes,

(1) Voyez Maladies du système nerveux, t. III, p. 323 et suivantes.

HYSTÉRIE TRAUMATIQUE 3G3

qui selon l'affirmation si catégorique du Dr Parinaud, sont toujours insé-

parables se présentent ici dissociés, et sous une forme exceptionnelle.

Avant d'abandonner ce fait, nous allons également en vérifier un autresur

lequel on n'a pas à ce que je sache, appelé l'attention jusqu'à présent. Voici

le fait.-» Si je me place à une certaine distance du malade, il me dit qu'il

me voit « très petit » el si je m'éloigne encore davantage il dit qu'il me

voit « très grand ». La vue à distance présente donc une augmentation,

et une diminution inverse de celle que nous trouvons dans la vue de près.

Il est curieux d'observer que cette micropsie de la vue à distance n'est

pas un phénomène constant comme la macropsie qui se produit dans ce

cas.

III. Poursuivons notre examen. Jusqu'ici nous avons rencontré : un

trouble de la sensibilité qui intéresse la moitié gauche, une diminution

de la sensibilité du tact, une perle de la sensibilité à la douleur, la sensi-

bilité thermique se conservant.

Du côté droit, la sensibilité apparaît intacte : nous trouvons seulement

une plaque d'analgésie située sur la poitrine.

A côté de ces altérations de la sensibilité, nous trouvons des troubles

sensoriels de l'ouie, de l'odorat, du goût et de la vue qui affectent égale-

ment le côté gauche et qui se présentent accompagnés d'une réduction con-

centrique du champ visuel plus accentuée dans l'oeil gauche. C'est-à-dire

que, nous avons déjà constaté la présence de presque tous les stigmates sen-

sitifs et sensoriels les plus significatifs de l'hystérie.

Passons à présent à l'étude des phénomènes moteurs :

Nous commençons par observer un tremblement de la tôle, des bras et

des extrémités inférieures. Ce tremblement n'est pas constant; il disparait

pendant le sommeil, et parfois à de longs intervalles pendant le jour ; en

général il s'atténue d'une façon très considérable quand les membres sont

au repos. Les mouvements volontaires le provoquent, mais ne l'accélèrent

pas, ils augmentent seulement l'amplitude des vibrations. Ce tremblement,

qui se manifeste davantage dans les extrémités supérieures, nous rappelle

par tousses caractères, ce tremblement hystérique, d'apparence intention-

nelle, qui imite le tremblement de la sclérose en plaques et le tremblement

mercuriel, qui, lui-même, d'après les observations de Letulle, serait très

fréquemment un tremblement hystérique.

Nous avons déjà dit que le malade éprouve une difficulté à parler, qu'il

bégaye et prononce les mots d'une façon pénible et lente. Si nous lui de-

mandons de tirer la langue, nous voyons qu'il ne peut la maintenir hors

de la bouche et quelle est animée de contractions fibrillaires, la pointe se

présentant recourbée en crochet.

Comme symptômes subjectifs dominant la scène : une impression de

361 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

crainte constante, une impression d'effroi ; des palpitations cardiaques qui

s'exagèrent par accès et un sentiment de faiblesse et d'impuissance. Ces

symptômes sont ceux qui préoccupent le plus vivement le malade, ceux

dont il se plaint et qui en premier lieu attirent l'attention.

Vous voyez cependant des bras bien musclés ; le dynamomètre placé

dans la main droite marque 31 kilogrammes et 29 dans la main gauche.

Pour l'instant je veux seulement appeler votre attention sur un symptôme

curieux. Si nous lui demandons de prendre un mouchoir et de se l'appro-

cher des lèvres, il nous répond qu'il ne peut le faire et cependant il peul

souder facilement un corps pesant et le porter il sa bouche.

IV. En présence du tableau symptomatique que nous av ons esquissé,

le diagnostic s'impose. La grande névrose est là seus ses traits les plus ca-

ractéristiques et dans ce cas, comme dans beaucoup de cas analogues, l'hys-

térie se trouve provoquée par une action traumatique.

Mais il y a quelque chose qui n'est pas ordinaire, et donne un cachet

spécial et très instructif, il notre avis, aux manifestations pathologiques

auxquelles nous assistons.

Comme manifestation de l'hystérie nous ne voyons pas ici de phénomè-

nes capricieux, des symptômes incohérents, des troubles désordonnés, per-

mettez-moi l'expression ; mais des phénomènes parfaitement coordonnés,

complètement logiques. Jusqu'à un certain point, nous voyons se repro-

duire sous l'influence d'un traumatisme, des effets vérifiés sous l'influence

de l'hypnotisme.

Cet ensemble de phénomènes, comme nous l'avons dit, est celui qu'es-

sayerait d'imiter sur la scène un acteur qui voudrait représenter la terreur.

Ce même ensemble de phénomènes est celui qu'éprouve d'une manière

passagère, l'individu qui se trouve sous l'influence de la peur.

Eh bien ! si cette impression passagère, devient habituelle, persistante,

devient un état mental de l'individu, les phénomènes physiques qui tra-

duisent cette impression doivent aussi devenir durables, persistants et

constituer la manière d'être ordinaire de celui qui éprouve cette impres-

sion. La terreur agite continuellement son esprit et les manifestations ex-

ternes de cette terreur, agitent constamment son corps. Cet enchaînement

de l'état psychologique et de l'état physique, est ce que nous montre notre

malade d'une façon si éclatante, si claire, si nette, comme on le rencontre

seulement dans l'expérimentation hypnotique.

Vous savez que lorsqu'un individu se trouve en état d'hypnotisme, il est

facile de lui suggérer une idée et que cette idée se traduit avec toutes ses

manifestations extérieures. Si nous suggérons une idée gaie, l'individu sur

lequel nous expérimentons, se met à rire, sa physionomie, son attitude

entière reflètent cette impression. Si nous suggérons l'idée du froid, de la

HYSTÉRIE TRAUMATIQUE 365

terreur, etc., ces idées viennent accompagnées de tout le cortège de mou-

vements qui leur sont associés. Vous savez que ces manifestations persis-

tent chez l'hypnotisé, tout le temps que dure la suggestion qui les provo-

que.

Eh bien ! ce qui se passe dans cet état provoqué par l'hypnotisme est

très analogue à ce qui se passe dans l'état particulier, de notre malade pro-

voqué par le traumatisme.

Jusqu'à présent les phénomènes observés chez l'hystérique et provoqués

par un choc nerveux, ont été des phénomènes capricieux : paralysies, con-

tractures, convulsions hystériques ou hystéro-épileptiques, etc., et son

interprétation se présentai tentouréededifficul tésqui disparaissentengrande

partie dans le cas que nous étudions.

Le professeur Charcot avait émis ce propos une hypothèse à l'appui de

laquelle viennent les phénomènes auquels nous assistons.

Dans une série d'intéressantes expériences, le professeur de la Salpè-

trière commença par faire voir qu'au moyen d'une suggestion, on pouvait

produire chez un individu hypnotisé les phénomènes paralytiques provo-

qués par un traumatisme, et démontra ensuite que si, au lieu d'une

suggestion au moyen de la parole, en produisant un choc, on pouvait pro-

voquer artificiellement les phénomènes paralytiques que développe le trau-

matisme.

A ce propos, dit le professeur Charcot en commentant ces expériences

dans une de ses leçons, il est permis de se demander, si l'état mental oc-

casionné par l'émotion, par le choc nerveux éprouvé au moment de l'ac-

cident et qui lui survit quelque temps, n'équivaudrait pas, jusqu'à un cer-

tain point, à l'état cérébral déterminé chez les hystériques par les pratiques

de l'hypnotisme.

Dans cette hypothèse, la sensalion particulière accusée par nos femmes

hystériques dans le membre soumis au choc, et que l'on peut supposer

s'être produit au même degré et avec les mêmes caractères chez nos deux

hommes par suite de la chute sur l'épaule, cette sensation dis-je, pourrait

être considérée comme la raison pour laquelle est venue naître chez ceux-

ci comme chez celles-là, l'idée de l'impuissance motrice du membre.

Eh bien ! par suite de l'obnubilation du moi, produite dans un cas par

l'hypnotisme et dans l'autre cas, comme on se l'est imaginé, par le choc

nerveux, celte idée s'installe, se fixe dans l'esprit, domine sans contre-

poids, se développe et acquiert la force nécessaire pour se réaliser objec-

tivement sous la forme de paralysie. La sensation dont il s'agit, aurait en

conséquence joué le rôle dans les deux cas d'une véritable suggestion ».

Comme vous le voyez, l'hypothèse du professeur Charcot est non seule-

ment brillante, mais repose également sur une hase expérimentale. Mais

/

36G NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

vous savez que les phénomènes hystériques provoqués par un traumatisme,

ne se manifestent pas immédiatement après que l'individu a reçu le choc

nerveux; qu'ils apparaissent après deux ou trois mois et quelquefois après

des années, quand nous sommes déjà très éloignés de cet état psychique

dans lequel on a éprouvé la sensation qui fai naître l'idée que nous voyons

se traduire objectivement par une paralysie. Ce long intervalle entre le

choc et les manifestations de l'idée qu'il a inspiré, est une difficulté qui

se dresse dans la voie de cette explication, en se rapportant aux faits ob-

servés par Charcot.

D'autre part, dans ces observations, on ne voit pas bien clairement la

manière dont est liée la cause qui provoque le désordre nerveux, avec les

phénomènes par lesquels celui-ci se traduit; on ne voit pas bien claire-

ment pourquoi le choc produit l'idée d'une paralysie.

Mais le cas que nous observons nous place dans un terrain sur lequel

tout se simplifie, sur lequel ces points obscurs s'éclaircissent.

Le traumatisme reçu par notre malade, vient le surprendre avec toute

sa violence, produit l'impression de la terreur, impression qui naturelle-

ment surgit dans des circonstances analogues. Cette impression ne l'aban-

donne plus depuis le moment où il subit le choc nerveux. Il la ressent

constamment depuis ce jour, elle le domine depuis lors comme une véri-

table suggestion traumatique, et à mesure qu'elle semble aller en s'accen-

tuant dans son esprit, les phénomènes qui traduisent extérieurement cette

impression vont en se développant.

Mais l'hypothèse émise par Charcot ne suffit pas à expliquer tous les cas

dans lesquels nous voyons apparaître des phénomènes hystériques après

un traumatisme.

Vous connaissez les expériences de Duret et pouvez apprécier à sa juste

valeur l'importance des secousses, et de la projection violente du liquide

céphalo-rachidien. Ces faits expérimentaux doivent nécessairement se re-

produire sous l'influence des grands chocs de la tête, qui parfois provo-

quent les phénomènes hystériques.

Dans d'autres cas, selon les observations de Nieles (braira, -1890, p. 224)

ces perturbations fonctionnelles, peuvent avoir pour base une rupture de

la gaîne de myéline, des fibres nerveuses et la formation de substances

colloïdes, lésions qui seraient le résultat d'une secousse violente et brus-

que de la substance cérébrale.

C'est-à-dire que dans tous les cas où nous voyons apparaître des phéno-

mènes hystériques après un traumatisme il n'y a pas simplement une sug-

gestion traumatique. Au moins dans quelques-uns de ces cas, le trouble

nerveux est le résultat d'une lésion réelle des tissus produite par le choc

cérébral.

HYSTÉRIE TRA UMA TI ? v - 367

Des considérations que nous avons développé anléneu 111ent se déduit

le traitement que nons devons suivre dans ce cas. Nous alloll. OU11\etll'e

notre malade au traitement ordinaire de l'hystérie.

Nous essayerons avant tout l'action de l'hypnotisme qui dans des cas

semblables, a produit les plus brillants résultais.

Nous essayerons les bains sulfureux, l'électro-thérapie, l'action des fer-

rugineux, les injections hypodermiques d'hyoscinè, tout l'arsenal en un

mot de la thérapeutique de l'hystérie. Nous chercherons à influer par tous

les moyens qui sont à notre portée sur l'esprit du malade, le poussant à

faire de nouveaux efforts avec une exagération systématique des résultats

favorables que nous obtiendrons.

J'ai la conviction que cette thérapeutique nous amènera à la guérison,

mais je crains que cette guérison ne soit très lente et ne se fasse attendre

quelque temps.

C'est qu'en effet le pronostic des névroses Iraumaliquesesld'aulanlplus

défavorable que le développement des symptômes qu'elles présentent a été

plus graduel et lent, et parmi les diverses manifestations de ces névroses

les moins favorables sont les formes convulsives, double circonslance que

nous trouvons malheureusement chez noire malade.

Dol* A. ORREGO Luco,

Directeur de l'Ecole de médecine et professeur de Clinique

des maladies du système nerveux : l Santiago (Chili).

LA FARADISATION THÉRAPEUTIQUE

DES NERFS VASO-MOTEURS ET DU NERF PNEUMO-GASTRIQUE.

Il y a environ quarante ans qu'on connaît la fonction des nerfs vaso-

contricteurs contenus dans le grand sympathique. Leur action se manifeste

surtout dans l'expérience suivante de Cl. Bernard. Quand on coupe le

grand sympathique, les vaisseaux du côté de la lésion se dilatent; en fara-

disant le bout périphérique de ce nerf, on provoque leur resserrement.

Cette expérience physiologique nous donne l'indication la plus nette de

faradiser le grand sympathique dans tous les cas où il y a une hyperémie

d'un organe dont les fibres vaso-motrices émanent de lui.

Cependant, jusqu'à ces derniers temps c'est la galvanisation, et non la

faradisation du grand sympathique qui est pratiquée partout en Europe ;

on se trouve encore sous l'influence de Remak qui a introduit ce mode d'a-

gir sur le nerf en question. Les résultats ne sont pas du tout satisfaisants ;

nombre d'auteurs refusent même toute efficacité à cette manipulation élec-

tro-thérapeutique. Cela ne nous doit pas paraître étonnant : 1° parce que

l'excitation du grand sympathique ne peut provoquer autre chose que le

resserrement des artères auxquelles il envoie des fibres, tandis que Remak

voulait encore provoquer des actions trophiques, bien difficiles à détermi-

ner ; 2° parce qu'on se servait d'après Remak des courants continus, tandis

que les physiologistes ont établi l'existence des nerfs vaso-constricteurs au

moyen des courants induits.

On pourrait croire que la faradisation du grand sympathique au cou (point

où les courants électriques le peuvent atteindre le plus facilement) doit

être douloureuse et pénible pour le sujet qui s'y soumet, en irritant les

nerfs sensibles de la peau et en provoquant de fortes contractions muscu-

laires brusques et désagréables. Mais c'est une erreur d'employer de forts

courants induits dans ce but. Il suffit, comme le démontre l'expérience thé-

rapeutique, de commencer par des courants faibles et de les augmenter

jusqu'à l'apparition de contractions musculaires très modérées. La môme

expérience démontre encore que toute sensation douloureuse est à éviter si

l'on veut obtenir un résultat satisfaisant. C'est sur l'addition des effets des

L.\ -1" A l\ .\ 1) 1 s : , T ION T II 1'] Il.- .- U T 1 QUE ? 3G9

courants induits apparaissant et disparaissant QIl'I1 ? 11t compter dans ce

cas. Cette addition a élé démontrée par Vulpian, invesligaLvll' français cé-

lèhre, dans une de ses expériences physiologiques.

On ne s'occupait jusqu'à ces derniers lemps de la galvanisation du grand

sympathique, qu'en appliquant au cou les rhéophores d'une pile galvani-

que. J'ai eu l'idée de provoquer le resserrement des artères des membres

au moyen delà faradisation modérée et prolongée des artères dans diverses

affections où ce procédé promettait un succès d'après des lois physiologi-

ques.

Chaque artère est ccompagnée de fibres vaso-motrices. De là, ressort l'in-

dication de faradiser Tarière d'un organe si celui-ci est enflammé ou hype-

rémié. On peut môme espérer agir sur les muscles des artères presque direc-

tement parce qu'il ne s'agit ici que des artères superficielles. Dans les cas

où il y inflammation d'une partie du membre inférieur c'est à la faradisa-

tion de l'artère fémorale qu'on peut recourir. Je place pour la pratiquer

les deux rhéophores d'une bobine entre le vaste interne et les adducteurs

en ménageant autant que possible les saphènes et leurs ramifications

.s'ils sont irrités ou trop irritables (comme cela se rencontre surtout chez

les sujets nerveux). Un rhéophore peut être placé au point correspondant

à l'entrecroisement du couturier et de l'adducteur ; j'applique alors l'autre

rhéophore au-dessus de ce point. (On peut tenir les deux rhéophores d'une

main, réservant l'autre main pour la correction du courant.) Je fais agir

le courant induit pendant 5-10 minutes. Voici les résultats que j'obtiens.

Dans les cas d'inflammation des tissus de la jambe d'origine traumatique,

rhumatismale ou syphilitique, la faradisation de l'artère fémorale est suivie

immédiatement d'un soulagement de la douleur, et d'un abaissement de la

température locale très prononcé. Le résultat est le même dans l'arthrite.

Si c'est le genou ou l'articulation tibio-tarsienne qui sont le siège d'un

travail inflammatoire, c'est la même artère qu'il faut faradiser. On verra

ici les mouvements devenir plus faciles et moins douloureux et la tempé-

rature locale s'abaisser. La faradisation de l'artère fémorale est enfin encore

indiquée dans la névrite (inflammatoire, non dégénérative) des nerfs scia-

liques et de la partie tibiale du grand saphène. J'obtiens dans la névrite des

membres inférieurs des résultats tout aussi satisfaisants que dans l'arthrite

elles inflammations traumatiques, des résultats même plus satisfaisants

encore, comme je le crois, parce que dans la névrite il n'y a que rarement

un exsudat considérable ou une altération du tissu nerveux grave. Les

douleurs de la sciatique disparaissent ou diminuent, et si le malade n'est

pas au lit, je le vois toujours mieux marcher; le membre affecté devient

370 NOUVELLE 1 rv ? tfAPIlIE DE LA SALPETRIERE,

plus ferme et je ne^rS"1"us le malade lui épargner avec soin tout effort.

L'amenden l est pas du tout fugace ; il dure, selon les particularités

( 1 u C ielques heures ou presqu'une journée, et même plus longtemps

^encore. Je reviendrai plus loin sur la pathogénie de cet amendement

énorme qui peut paraître incroyable et je passe maintenant il d'autres par-

ties du membre inférieur et du corps. Pour en finir avec le membre infé-

rieur, il faut ajouter encore qu'on peut faradiser les ramifications de l'artère

fémorale et même ses branches terminales dans les cas où l'inflammation

réside dans la partie la plus inférieure de la jambe ou à l'extrémité du

pied, aux orteils par exemple. La faradisation périphérique vaso-constric-

tive n'est impossible, à cause des douleurs trop vives, que dans la névrite

du nerf crural et des saphènes. Cette impossibilité est à regretter quoique

rien ne prouve que c'est l'artère fémorale qui nourrit principalement le

nerf crural et la partie du grand saphène situé sur la cuisse. J'ai vu en

1889, beaucoup de sujets atteints par J'influenza qui se plaignaient de dou-

leurs aux membres pelviens qu'il fallait expliquer par la sciatique la plus

fâcheuse et qui remontaient jusqu'au bassin. La faradisation de l'artère

fémorale donnait dans ces cas un résultat des plus brillants; non seule-

ment elle calmait immédiatement la douleur qui siégeait à la jambe et à la

cuisse, mais aussi la douleur qui résidait au bassin. Il m'était démontré

ainsi que la faradisation d'un nerf vaso-moteur a non seulement une action

descendante, resserrant les vaisseaux au-dessous de l'endroit où les rhéo-

phores sont appliqués, mais qu'elle a encore une action ascendante qui re-

monte au centre vaso-moteur spinal. Comment expliquer autrement l'a-

mendement de la douleur du bassin ? Ma simple explication ne paraîtra pas

étrange, parce qu'il est établi depuis longtemps dans la physiologie qu'une

fibre nerveuse conduit l'irritation vers le centre comme vers la périphérie.

Mais l'effet de la faradisation de l'artère fémorale qui surpassait ce que

j'attendais était néanmoins frappant ! Notre observation démontre que la

règle s'applique aux nerfs vaso-moteurs comme aux nerfs moteurs des mus-

cles striés et aux nerfs sensitifs, et le fait est digne d'être retenu.

Si l'on a à faire à une inflammation des tissus du membre supérieur d'o-

rigine quelconque on peut tenter la faradisation de l'artère brachiale et de

ses ramifications, comme je le fais presque toujours depuis quelque temps.

Dans les cas d'arthrite rhumatismale des membres supérieurs j'obtiens les

mêmes résultats qu'aux membres inférieurs par la faradisation de l'artère

fémorale. Mais quant à la névrite du membre supérieur, il faut dire qu'il

est en général impossiblede le traiter par la faradisation cle son artère prin-

cipale parce que celle-ci est accompagnée par les nerfs cubital et médian qui

sont presque toujours atteints dans ce cas et dont l'irritation peut avoirdes

conséquences fâcheuses. Il n'est pas même permis de faradiser l'artère sous-

LA FARADISATION TIIÉIt"F]UTIQUE e '-173

clavière qui est assez superficielle et accessible au cirant induit ? fut Pas

que celui-ci peut irriter le plexus hrachial, dont l'irritation retentit t\ser-

jours sur les nerfs du membre supérieur atteints de la névrite. ¡ser-

Que faut-il faire dans ces cas et dans tant d'autres, ou c'est le cerveuellt

la moelle épinière, le poumon ou un autre viscère qui est inflammé ou hy-'

perémié ? Les centres nerveux et les viscères sont-ils inaccessibles au trai-

tement par la faradisation vaso-constrictrice ou non ? Quelle doit être la

méthode s'il s'agit d'une affection d'un centre nerveux ou d'un viscère ?

Le grand sympathique contenant des fibres vaso-motrices qui remontent

au cerveau et à la tête en général, il paraît rationnel de le faradiser là où

il s'agit d'une congestion, inflammatoire ou non, du cerveau, de l'oreille,

de la face etc., en faisant agir le courant induit sur la région supérieure

du cou. Au contraire, on ne peut se promettre rien de cette manipulation

dans les maladies de la moelle épinière et des viscères. En ce qui concerne

la moelle épinière, c'est du troisième ganglion cervical du grand sympha-

thique que partent les fibres vaso-constrictrices de cet organe. Ces fibres se

rendent à l'artère sous-clavière dont elles accompagnent les ramifications,

entre autres, l'artère vertébrale qui nourrit la moelle épinière, le bulbe,

la protubérance, le cervelet et, en partie, le cerveau. C'est donc la région

inférieure du cou qu'il faut faradiser pour modérer l'afflux du sang à la

moelle épinière et à ses méninges. L'anatomie nous indique deux endroits

pour poser les rhéophores en vue de l'excitation des nerfs vaso-moteurs

qui se rendent à l'artère vertébrale. On peut poser le rhéophore actif à la

région cervicale postérieure, à côté de la septième vertèbre cervicale, ou

bien à la région cervicale inférieure, au-dessus de la clavicule. Dans le

premier cas c'est le ganglion inférieur du grand sympathique qui ressen-

tira les effets d'un courant induit plus dense ; dans l'autre, on excitera da-

vantage les nerfs vaso-moteurs qui accompagnent l'artère vertébrale.

L'origine des nerfs vaso-constricteurs des poumons n'est pas connue avec

précision. On peut être sur qu'au moins une grande partie de ces nerfs

provient du nerf pneumogastrique. Mais les anastomoses des plexus thora-

ciques me font croire que les poumons possèdent aussi des fibres vaso-cons-

trictrices issues du grand sympathique. La faradisation de la région cervi-

cale inférieure esta un certain degré efficace dans l'hyperémie des poumons ;

j'en donnerai l'épreuve clinique plus loin.

Dans son trajet à travers la cavité du thorax l'aorte est accompagnée

d'un plexus à qui elle donne son nom. Ce plexus commence depuis sa

crosse et traverse avec elle le diaphragme. Tous les plexus nerveux abdo-

minaux sont reliés à lui par des anastomoses, et on peut admettre que

certaines fibres vaso-motrices des ramifications de l'aorte abdominale, même

des artères iliaques primitives, sont des continuations immédiates des

370 NOUVELLE ICOY '·n'111L h[i L.1 A SALPÈTRIÈRE.

plus feu' ce plexus ou^^au moins qu'il y a une liaison entre elle et lui.

brosse de l'aort'st située tout près de l'extrémité supérieure du ster-

du -1 ; il doit donc être possible d'exciter par le courant induit les fibres

"enI)1otrices contenues dans le plexus de l'aorte thoracique et de provoquer

au moyen du courant induit le resserrement des vaisseaux dilatés du foie,

de la rate, de la matrice, etc.

..

Nous passons maintenant aux preuves cliniques qui justifient les lignes

précédentes et aux interprétations de l'efficacité de la faradisation vaso-

constrictrice dans diverses affections. Je préviens le lecteur que ces inter-

prétations laisseront beaucoup à désirer parce que je ne puis entrer ici

dans tous les détails que contiennent mes publications russes.

J'ai commencé mes études cliniques sur la faradisation vaso-constrictrice

thérapeutique en 1876. Ma première observation porte sur une jeune dame

qui se plaignait d'une céphalalgie accidentelle laquelle cède à la faradisa-

tion de la région supérieure du cou pendant quelques minutes. Encouragé

par le résultat, j'ai répété cette manoeuvre chez plusieurs sujets qui souf-

furent de céphalalgie causée par l'hyperémie cérébrale, et les résultats

étaient tout aussi satisfaisants que dans le premier cas. Mais il fallait voir

l'action de la faradisation des nerfs vaso-constricteurs sur un tissu hype-

rémié.

J'ai choisi comme objet de l'observation l'hyperémie de la myringite et du

catarrhe de l'oreille moyenne. Je me suis addressé à feu mon collègue et ami

P. Dobrotvorsky otiologiste habile et fort recherché. Il a bien voulu tra-

vailler avec moi ; ma reconnaissance lui a survécu. Il observait le tympan

ou l'oreille moyenne en même temps que je faradisais la région cervicale

supérieure du côté de l'affection.

On pose suivant Remak, pour galvaniser le grand sympathique, le rhéo-

phore actif en arrière de l'angle de la mâchoire inférieure et l'on comprime

à un certain degré les tissus sous-jacents pour faciliter le passage du cou-

rant à travers la peau, la parotide et le gros tissu ligamenteux qui l'en-

toure; le rhéophore indifférent est placé au sternum ou n'importe à quel

point du corps. Le courant galvanique ne provoquant pas la dilatation de

la pupille évidente (1), je cherchais un autre point pour l'application du

rhéophore actif. Il m'a paru qu'il serait plus avantageux de le poser entre

le cartilage thyroïde et le bord interne du muscle stemo-clêido-mastoïdien.

Ce rhéophore est alors posé plus près du grand sympathique et le courant

n'a pas à traverser la parotide et les ligaments qui la séparent des tissus

environnants. L'autre rhéophore, étant alors placé à la face dorsale de la

(1) Eulenburg et Schmidt n'ont pu constater qu'une dilatation minima de la pupille,

qui n'est visible qu'il l'aide d'un système optique.

LA FARADISATION TIIÉHAPEUTIQUE u73

main, je m'attendais à voir une dilatation de la pupille. Quelle ne fut pas

ma surprise quand je vis un resserrement de la pupille ! J'ai répété l'obser-

vation plusieurs fois, et en voici le récit sommaire. On voit outre le resser-

rement de la pupille qui est fréquent mais pas constant, un changement

de la coloration de l'iris, des ligures très intéressantes à sa surface ; la

coloration devient en général moins foncée. Le phénomène le plus inté-

ressant est un enfoncement du bord interne de la pupille de sorte qu'elle

forme un entonnoir. Quelquefois aussi l'oeil parait s'enfoncer dans l'orbite,

à cause de la diminution de son volume. Dans quelques cas rares j'ai vu

la pupille se dilater à un degré considérable. Mais j'ai observé plus sou-

vent une action antagoniste des muscles dilatateur et sphincter de la pu-

pille ; par exemple la partie inférieure de l'iris s'élargit tandis que la

partie supérieure devient plus mince ou disparait en se resserrant comme

un rideau ; ou bien ce sont les parties latérales de l'iris qui deviennent

plus minces, etc. De là je conclus que la partie cervicale du grand sympa-

thique contient, outre, les fibres destinées au muscle dilatateur de la pu-

pille des fibres destinées à son antagoniste. Il est possible que ces fibres

dans la cavité crânienne se rejoignent à celles qui constituent la quatrième

paire. Quoiqu'il en soit, on voit chez certains individus des phénomènes

qui indiquent qu'on peut vraiment exciter le grand sympathique en appli-

quant le rhéophore actif entre le cartilage thyroïde et le bord interne du

sterno-cléido-mastoïdien. En plaçant le rhéophore actif en arrière de l'an-

gle de la mâchoire inférieure, je provoquais des phénomènes pupillaires

semblables, mais il fallait toujours augmenter la force du courant.

La faradisation du cou excite encore d'autres nerfs que le grand sympha-

thique ; il est clair qu'elle doit influencer les plexus carotidiens dont l'ex-

citation n'est qu'avantageuse dans l'hyperémie de l'encéphale Le pneumo-

gastrique doit être aussi atteint par le courant ; mais son excitation ne se

manifeste par aucun phénomène (la faradisation de la région supérieure

du cou dont nous traitons maintenant ne l'excite pas). Le pouls est plus

fréquent qu'au repos à l'état normal grâce à l'excitation des nerfs cardia-

ques accélérateurs provenant du grand symphatique.

Je reviens maintenant aux observations que j'ai faites avec mon collègue

P. Dobrotvorsky. Des deux modes d'application du rhéophore actif, il fal-

lait décider lequel est le plus efficace dans l'hyperémie du tympan et de l'o-

reille moyenne ; il fallait en outre comparer l'efficacité des courants in-

duits et celle des courants continus.

Nous avons constaté une influence énorme de la faradisation modérée de

la région supérieure du cou sur l'hyperémie du tympan et de l'oreille

moyenne qui était quelquefois visible grâce à la perforation du premier.

La rougeur inflammatoire pâlissait graduellement et sans interruption jus-

374 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

qu'à ce qu'il ne restât qu'une teinte rosâtre ou jusqu'au retour de la colo-

ration normale. La séance durait 3, 5, 10 minutes. La douleur causée par

la maladie cédait à notre faradisation en même temps que pâlissait la rou-

geur du tissu affecté. Mais nous dûmes constater qu'il est d'autant plus diffi-

cile d'obtenir un résultat satisfaisant que l'hyperémie est plus prononcée.

Même une faradisation qui durait 10, 15 minutes ne suffisait pas dans les

cas graves pour faire disparaître la rougeur inllammatoire, quoiqu'elle fut

toujours plus ou moins modérée. Si la coloration revêtait une teinte livide,

c'était toujours cette teinte livide qui disparaissait avant tout.

La faradisation était moins efficace si le rhéophore actif était placé en

arrière de l'angle de la mâchoire inférieure. II fallait alors augmenter la

force du courant ce qui n'est pas toujours possible, et l'effet appa-

raissait après un plus long espace de temps et était moins prononcé, on

voyait souvent le tympan s'enfoncer sous l'influence de ce mode de faradi-

sation (on doit attribuer ce phénomène il une excitation accidentelle du

nerf facial).

Il nous fut bientôt démontré que la disposition des rhéophores la plus

avantageuse est celle où tous les deux sont actifs. Si l'on pose un rhéophore

en arrière de l'angle de la mâchoire inférieure et l'autre entre le cartilage

thyroïde et le bord interne du sterno-cléido-mastoïdien, on obtient un ré-

sultat satisfaisant dans le minimum de temps.

A la fermeture du courant continu, la congestion du tympan et de l'oreille

moyenne devient plus pâle, elle diminue après la fermeture en général en-

core pendant quelque temps (pendant une demi-minute à peu près dans

la majorité des cas) ; dès que ce temps est écoulé, la congestion reste la

même jusqu'à l'ouverture du courant qui est à son tour souvent suivie

d'une diminution. Il faut fermer et ouvrir le courant plusieurs fois pour

obtenir un résultat plus satisfaisant (1), c'est-à-dire qu'il vaut mieux dans

notre but recourir au courant induit qu'au courant galvanique continu.

L'amendement que produit la faradisation de la région supérieure du

cou n'est pas du tout fugace; il peut durer plusieurs heures comme dans

les maladies des membres dont nous avons parlé plus haut. Notre manipu-

lation peut remplacer à un certain degré les sangsues. On voit qu'ayant

calméla congestion on calme aussi l'irritation nutritive pour quelque temps;

dès que ce temps est écoulé, la congestion s'établit de nouveau. Je ne pré-

tends pas que notre faradisation vaso-motrice suffise seulepour guérir lamy-

ringite et les autres maladies de l'oreille. Tout en étant un moyen puissant

(1) Le resserrement des vaisseaux non dilatés sous l'influence de la faradisation di-

recte du grand sympathique dans l'expérience physiologique n'est pas aussi prononcé

que dans nos observations cliniques. Il en ressort qu'il est plus facile de provoquer au

moyen delà faradisation, le reserrement d'une artériole dilatée quede diminuer la lumière

d'un vaisseau normal.

LA FARADISATION THÉRAPEUTIQUE 375

contre la fluxion, elle n'annéantit pas l'irritation nutritive. Elle n'est qu'un

moyen calmant fort puissant, valant beaucoup mieux que toute médication

locale irritante.

Le courant faradique traversant le cou, l'excitation des fibres vaso-mo-

trices de la carotide externe est inévitable. Il ressort donc que la faradisa-

tion de la région supérieure du cou est indiquée dans l'hyperémie du tissu

sous-cutané de la face et de la pulpe dentaire comme dans la méningite et

dans l'otite catarrhale. Notre manipulation peut, d'après mes recherches,

calmer l'odontalgie si le malade ne l'empêche pas lui-même en échauffant

la joue avec sa main (1). Ne pouvant pas entrer ici dans tous les détails je

me bornerai à mentionner encore que la faradisation de la région supérieure

du cou est utile dans la prosopalgie odontalgique surtout dans les cas chro-

niques dans lesquels le tissu sous-cutané est tuméfié dans une certaine

partie de la face.

La faradisation suffit souvent seule pour guérir la céphalalgie surtout si

le malade se repose après et s'il n'y a pas de fièvre. Mais elle est rarement

indispensable dans ces cas.

C'est par la faradisation du cou que je traite l'hémiplégie cérébrale causée

par une hémorrhagie. Je sais très bien que ce traitement de l'hémiplégie

doit paraître étrange et je vais m'expliquer.

Une hémorrhagie cérébrale produit la paralysie en comprimant certaines

fibres nerveuses et en déchirant d'autres ; c'est par un choc qu'elle agit

quand elle est rapide. Il en ressort que l'hémorrhagie cérébrale doit être

suivie de lésions curables et incurables. Le choc est un état passager, mais

la continuité de certaines fibres nerveuses reste lésée pour toujours. La

guérison complète est très rare, et je me garde toujours de la promettre

quoique j'espère toujours faciliter les mouvements encore possibles.

Les membres sont flasques immédiatement après l'apoplexie et ils restent

ainsi pendant quelques semaines. Puis les mouvements passifs rencontrent

une résistance, qui au début n'est que momentanée, mais qui est plus pro-

longée au bout de quelque temps ; les mouvements réflexes sont exagérés,

les mouvements actifs et passifs sont souvent suivis d'un tremblement très

prononcé; la résistance que rencontrent les mouvements passifs augmente

de plus en plus et devient dans certains cas insurmontable; on dit alors que

c'est la contracture tardive.

Les auteurs ont émis plusieurs hypothèses sur la nature de la contracture

(1) Grâce il cette inquiétude des malades, la faradisation du cou est dans ces cas plus

difficile que dans tous les autres ; il faut tâcher de tranquilliser et d'encourager les ma-

lades, surtout les femmes.

376 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

tardive ; celle de M. Charcot est actuellement la plus répandue, et c'est

seulement de l'hypothèse de cet éminent et illustre maître que je m'occu-

perai ici.

D'après M. Charcot, la contracture tardive et due à la sclérose descen-

dante du faisceau pyramidal, et je reconnais parfaitement que l'anatomie

pathologique justifie son opinion. Mais quelques faits cliniques ne sont pas

en accord avec l'hypothèse de l'illustre maître.

M. Charcot dit que la contracture tardive indique l'incurabilité de l'hé-

miplégie. Il est vrai qu'on voit en général dans les cas légers (où l'on ne

peut pas supposer Une rupture des fibres nerveuses) le retour des mouve-

ments volontaires sans que la contracture tardive s'établisse; mais il y a

d'autres cas où l'on voit le retour de certains mouvements volontaires en

même temps qu'on constate une résistance momentanée aux mouvements,

passifs, en même temps qu'apparaît le clonus de la main ou du pied et

l'exagération des mouvements réflexes. Le mouvement actif que regagne le

malade est embarrassé presque dès son retour par des contractions des

muscles dont l'action lui est antagoniste. C'est à une pseudo-paralysie qu'on

a à faire dans ces cas. Le mouvement est saccadé, ralenti, limité ou même

impossible. On peut apaiser les contractures antagonistes par le massage

ou par la gymnastique passive, habile, et cela réussit d'autant plus que le

cas est plus invétéré. On voit alors le retour de la fonction de tel ou tel

groupe musculaire dont le malade était privé.

Il y a enfin des cas où les contractions antagonistes n'apparaissent qu'a-

près que les mouvements volontaires récupérés ont été pendant quelque

temps faciles quoique plus ou moins affaiblis.

Les faits qne je viens de mentionner me font penser que la contracture

tardive ne dépend pas de la sclérose descendante du faisceau pyramidal

qui est tout à fait persistante, inaccessible au traitement quand le proces-

sus morbide s'est achevé, et qu'il y a une relation entre la contracture de

l'hémiplégie et la tendance régénératrice naturelle.

La contracture tardive est moins prononcée le matin que le soir; elle est

plus prononcée après une série des mouvements et après les efforts. Cela

indique qu'elle est un phénomène irritatif et non paralytique. Les efforts

des hémiplégiques sont quelquefois suivis de mouvements involontaires

différents selon le cas ce qui est parfaitement en accord av ec notre théo-

rie : une névrose peut varier tandis que la sclérose du faisceau pyrami-

dal est toujours la môme. On voit enfin dans la contracture tardive des

manifestations d'une force musculaire très considérable nullement expli-

cables par la sclérose latérale qui est une dégénéralion. Il est par exemple

souvent très difficile de fléchir l'avant-bras étendu d'un hémiplégique, et

LA FARADISATION THÉRAPEUTIQUE 377

la résistance étant variable selon les circonstances on ne peut pas l'expli-

quer par une arthrite du coude concomitante.

Chez une de mes malades la contracture disparut comme par enchante-

ment, à la suite de la seconde attaque apoplectique; la paralysie était de

nouveau flasque et complète, tandis que plusieurs mouvements étaient pos-

sibles avant ce second ictus.

M. Charcot cherche la source de la contracture de l'hémiplégie dans l'ex-

citation des cellules motrices de la moelle épinière, par l'intermédiaire des

fibres transverses du cordon latéral ; cependant, dès que ces fibres sont sclé-

rosées, la source de l'excitation des cellules motrices en question doit être

épuisée. La contracture des hémiplégiques est néanmoins, on le sait, per-

manente.

Je crois que toute contracture de l'hémiplégie cérébrale est due à un ef-

fort régénérateur de la nature. La lésion de l'hémorrhagie est énorme, le

travail régénérateur de la nature doit être énorme comme la lésion et la

résultante de ce travail lui doit être égale. Cette hypothèse explique bien

ces fortes contractions musculaires spasmodiques qu'on observe dans l'hé-

miplégie et la persistance de la contracture tardive. Ce travail régénérateur

doit se produire, non seulemen dans les fibres détruites par l'hémorrhagie,

mais aussi dans celles dont elle altère la nutrition par la compression, l'in-

filtration sanguine et l'imbibition, et qui peuvent encore récupérer leur

fonction. Cette supposition est d'accord avec les faits cliniques. On voit en

effet la contracture tardive dans les cas graves presque toujours, qu'il y ait

ou non retour des mouvements volontaires.

Le travail régénérateur dont nous traitons nous reste un mystère pro-

fond. Mais on peut supposer que la fluxion est un moyen de la nature pour

provoquer la contracture et la restitution de la conductibilité des fibres

nerveuses. Cela est d'autant plus admissible que toute irritation est suivie

d'une fluxion. Au début c'est probablement le caillot qui irrite le tissu

cérébral ; au bout de quelque temps la fluxion est produite à notre avis,

par le travail régénérateur de la nature.

Dans les cas très invétérés on n'observe que très rarement une grande

résistance aux mouvements passifs, et le massage, la gymnastique passive

habile ont plus de succès que dans les cas où la contracture tardive est

moins ancienne. C'est que l'effort de la nature est enfin épuisé.

Les résultats de la faradisation du cou dont l'action n'est que vaso-cons-

trictrice justifient mon hypothèse. Après 3, 5, 10 minutes de faradisation

de la région supérieure du cou je constate souvent que les mouvements

actifs comme passifs sont plus faciles, moins limités ; ou bien je constate

v - 25

378 NOUVELLE ICONOGRAPHIE nn LA A L P 1; 'J' HI È HE

qu'il n'y a que de la pseudo-paralysie de tel ou tel groupe musculaire.

Dans les cas plus graves la contracture peut disparaître sans que le malade

recouvre les mouvements volontaires. Le tremblement disparaît, ou il est

moins prononcé il la suite de notre faradisation. L'amendement n'est pas

fugace. Si l'on retient bien jusques à quel degré tel mouvement actif ou

passif était possible avant la première séance on constate par la comparai-

son que l'amélioration persiste môme deux ou trois jours après la pre-

mière séance, tout en diminuant graduellement. En combattant la fluxion

on calme l'irritation. L'axiome dit : « Ubi irrilatio, ibi /I2cxzcs; irrita-

tione alla/a, cessât Ilîtx2ts ». En disant, mutatis vazelandis : « Ubi fluxus,

ibi irritatif : allato /hex2c cessat irritalio », nous donnons une explication

de l'effet de la faradisation vaso-motrice.

L'état du malade est encore meilleur après une série de séances. Mais

le succès est plus ou moins considérable selon les particularités du cas.

Même dans les cas les plus heureux il reste toujours quelque chose de l'hé-

miplégie. Je n'ai obtenu une guérison complète que dans deux cas d'hé-

miplégie spasmodique que j'attribue à une encéphalite consécutive au

typhus. Dans les cas ordinaires on ne parviendra qu'à modérer la réaction

excessive.

C'est dans l'hémiplégie cérébrale que la faradisation de la région supé-

rieure du cou est indiquée le plus souvent. Les personnes qui offrent la dé-

génération graisseuse du coeur ne la supportent pas, parce que la fréquence

des contractions du coeur engendrées par l'excitation du sympathique épuise

bientôt la force du coeur dégénéré. Quant à la méningite cérébrale et l'en-

céphalite, les observations me manquent. Les altérations anatomiques qui

constituent ces affections ne promettent pas de succès à notre traitement.

Nous passons maintenant il la faradisation de la région inférieure du cou

qui contient le troisième ganglion du grand sympathique, l'artère sous-

claviére et l'artère vertébrale qui est destinée il la moelle épinière. J'ai dit

déjà plus haut que le courant faradique peut atteindre l'artère sous-cla-

vière : le pouls radial est dur et ralenti pendant la faradisation de la région

cervicale inférieure. Est-il possible d'affirmer que le courant atteintle grand

symphatique ? Mes recherches à ce sujet ont été faites avec mon ami Dobrot-

vorsky chez un malade atteint de m ringite perforante. Grâce à la perfora-

tion l'oreille moyenne était visible. La surface de cette dernière et les restes

du tympan étaient considérablement injectés. Le sujet ayant un cou remar-

quablement long on ne pouvait pas penser que le ganglion cervical supé-

rieur serait atteint par un courante ! ' une intensité suffisante pour l'exciter.

J'ai donc posé les rhéophores au-dessus et au-dessous de la clavicule.

LA FARADISATION THÉRAPEUTIQUE 379

Après une faradisation de 5 minutes l'injection des restes du tympan était

moins prononcée. J'ai posé alors les rhéophores à la région supérieure du

cou : les restes du tympan et de la surface de l'oreille pâlirent à un degré

plus considérable.

Il était démontré ainsi que le courant passant par la région claviculaire

peut exciter le grand sympathique à la hauteur de cette région. Cependant,

comme on le voit, dans ce but il est plus avantageux d'exciter le premier

ganglion de ce nerf. Je me contente de donner une épreuve olinique, la

manipulation électrique queje recommande n'étant pas du tout dangereuse,

et les observations faites sur les animaux n'étant pas toujours irréprocha-

bles (1).

Le courant circulant dans les tissus de la région claviculaire doit exciter

aussi les fibres vaso-motrices qui accompagnent l'artère sous-clavière et son

rameau, l'artère vertébrale qui est destinée à la moelle épinière. C'est donc

dans les maladies de cet organe qu'il faut recourir à la faradisation de la

région claviculaire. Mais je dois dire d'abord quelques mots sur le traite-

ment de la phthisie par le même procédé, parce que mes observations qui

se rapportent à la phthisie concourent à établir la méthode.

J'ai choisi la première phase de la phthisie. Ayant constaté par la per-

cussion et l'auscultation du sommet du poumon un son obtus et l'affaiblis-

sement ou l'absence du bruit \ésiculaire, des râles sous-crépitants je pas-

sais il la faradisation en posant les rhéophores au-dessus et au-dessous de la

clavicule. J'ai fait plusieurs observations tout seul et d'autres avec l'assis-

tance d'un aide.

Voici ce nu'on observe avec un courant modéré. On voit la respiration

devenir plus ample : l'électrisation parait faciliter la respiration, tandis que

le malade semble profiler avidemment de l'occasion de respirer. Un aide per-

cutant la région sus-épineuse tous les 5, 10 secondes remarque que la poi-

trine devient de plus en plus sonore. Ayant fait agir le courant 5 minutes

ou environ de chaque côté, je constatais le retour du bruit vésiculaire et

dans les cas où il y avait crépitation, une crépitation plus grossière.

Je ne saurais expliquer ces résultats qu'on peut trouver incroyables, sans

l'intervention de l'excitation du pneumo-gastrique, ce qui est d'autant plus

admissible que ce nerf est plus superficiel dans la région inférieure du cou

que dans sa région supérieure. On sait que le pneumo-gastrique est un nerf

(1) Comparez les reproches faits par Ziemssen à Lowenfeld à propos de ses observa-

tions sur des chiens, sur l'influence de la galvanisation des centres nerveux sur le ca-

libre de leur vaisseaux. Ziemssen, ,Elec{1'Íc¡{at in der Médian, 20 partie, Berlin, 1885.

380 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

inspirateur, à qui nous devons attribuer l'innervation des bronches. L'ef-

fet de la faradisation de la région claviculaire dans la première phase de

la phthisie me paraît due, en partie du moins, à l'évacuation des bronchio-

les, dans les bronches d'un plus gros calibre, à un appel d'air vers les

vésicules pulmonaires vides et aux contractions du diaphragme plus vives

qu'à l'état ordinaire. On peut attribuer tous ces facteurs à l'excitation du

pneumo-gastrique. L'évacuation des mucosités ne peut être expliquée que

parles contractions des muscles des bronchioles. Une diminution de la tu-

méfaction de la muqueuse des bronchioles concourt probablement à faci-

liter l'inspiration qui est si ample sous l'influence du courant (1).

Les malades se portent mieux quelque temps après la séance, mais la ma-

nipulation électrique dont nous traitons ne suffit pas pour guérir la phthi-

sie, et la raison en est claire. Dans une période avancée de la maladie la

faradisation de la région claviculaire n'est que fatigante et tout à fait

inutile.

La faradisation de la région inférieure du cou excitant certaines fibres

du pneumogastrique, on pourrait craindre d'exciter par ce procédé les

fibres cardiaques de ce nerf. Mais je n'ai jamais vu un danger. Le pouls est

ordinairement plus fréquent qu'au repos. Quelques sujets accusent des an-

goisses qu'il faut attribuer peut-être à l'excitation des fibres en question.

Pour éviter ces angoisses j'éloigne le rhéophore que je place au-dessus de

l'extrémité acromiale de la clavicule. Il est toujours préférable que le

tampon de ce rhéophore ne soit pas trop gros.

Passons maintenant au traitement des affections qui siègent dans le canal

vertébral.

Il faudrait commencer par la méningite spinale pure, mais cette affec-

tion étant rare, je n'ai pu faire porter mes recherches sur elle.

La myélite est beaucoup plus fréquente chez nous. Je vais relater som-

mairement les observations qui se rapportent à son traitement.

La myélite tend à détruire la substance de la moelle. La rapidité du

processus morbide varie selon les cas. Dans les plus graves une certaine

partie de la moelle est définitivement détruite en quelques jours et la ter-

minaison fatale n'est pas rare. Dans d'autres cas, non seulement le malade

ne meurt pas, mais les éléments nerveux de la moelle résistent jusqu'à un

certain point, à la destruction; on ne voit pas comme dans les cas de la

(1) J'ai démontré l'effet de la faradisation de la région claviculaire dans la première

phase de la phthisie dans une séance de la Société des médecins russes à S. Pétersbourg,

sous la présidence de M. le professeur Slaviansky.

LA FARADISATION THÉRAPEUTIQUE 381

première catégorie la perte des mouvements et delasensibilité complète; on

voit une parésie des membres pelviens. La sensibilité est en partie conser-

vée, mais elle est obtuse ; il y a incontinence de l'urine, des contractures,

des paresthésies. Dans les cas les plus favorables les malades sont même

en état de marcher, étant soutenus par une ou par deux personnes ou s'ap-

puyant sur un bâton. Il n'y a pas de terminaison fatale rapide et la mala-

die évolue lentement.

Ce n'est que dans les cas de la seconde catégorie qu'on peut attendre des

résultats de la faradisation de la région claviculaire. Moins la lésion est

prononcée, plus notre traitement est efficace. Les malades qui offrent une

parésie légère ont plus de chances que ceux dont la paraplégie est grave,

et le degré de la paraplégie a à mon avis, en général plus d'importance pour

le pronostic que la date de la maladie à l'exclusion toutefois des cas tout à

fait invétérés.

Je n'ai pas besoin de justifier la faradisation de la région claviculaire

dans la myélite, parce que tout le monde est d'accord sur la nature de la

maladie ; c'est une affection inflammatoire. Tout en reconnaissant que ce

n'est pas la fluxion seule qui constitue anatomiquement l'affection, tous les

auteurs recommandent des moyens qui tendent à diminuer l'afflux du

sang vers la moelle : le froid le long de l'épine dorsale, les vésicatoires,

les scarifications et les cautérisations.

J'affirme en m'appuyant sur des faits cliniques que la faradisation de

la région claviculaire est le moyen le plus puissant pour combattre la

fluxion dans la myélite. Je cite comme effets immédiats de notre manipula-

tion : l'amendement des mouvements volontaires qui gagnent en facilité et

en étendue, la disparition des contractures et du tremblement. Dans le

1 cas où le malade peut marcher, le pas est après la faradisation plus grand

et plus ferme. L'effet est plus ou moins encourageant selon les particula-

rités du cas; une paraplégie grave ne disparait jamais à la suite d'une

séance, mais on ne saurait citer tant d'amélioration immédiate à la suite

de l'usage d'un autre moyen quelconque. Ces effets me semblent dus au

resserrement des vaisseaux dilatés de la moelle épinière parce que je ne

puis attribuer à la faradisation de la région claviculaire qu'une action

vaso-constrictrice. Le courant induit excite la partie cervicale inférieure

et la partie thoracique supérieure du grand sympathique, les fibres vaso-

motrices qui accompagnent les artères sous-el a, ière et vertébrale. Delà l'ex-

citation est portée par ces fibres jusqu'à leurs terminaisons dans les artè-

res dilatées de la région malade et, il en doit résulter un resserrement de

ces artères lorsque leur tunique moyenne n'est pas encore altérée profon-

dément. L'artère vertébrale n'est pas la seule artère qui nourrisse la

moelle ; les artères intercostales lui envoient aussi des rameaux. Ces rami-

382 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

fications sont sous la dépendance des ganglions dugrand sympathique. Je

crois que l'excitation est portée jusqu'à ces ganglions par les fibres nerveuses

qui les relient entre eux. Le succès de notre méthode dans les cas favora-

bles plaide en faveur de cette hypothèse. Mais j'ai obtenu aussi dans les

cas les plus graves des résultats satisfaisants après une série de séances. ,'

L'atrophie musculaire décrite par Duchenne est une affection dans le

genre de la myélite. Je n'ai pas eu l'occasion de traiter un cas aigu ; dans

les cas chroniques, la faradisation du cou n'est pas du tout indiquée. Il

faut se contenter alors de la faradisation périphérique des membres, ainsi

que le recommande Duchenne (de Boulogne).

Dans le tabes spasmodique, la faradisation de la région claviculaire est

encore plus efficace que dans la myélite. La sclérose des cordons latéraux

qui, comme on le suppose, constitue anatomiquement cette affection, ne

tend pas à détruire les éléments nerveux rapidement.

Notre procédé est très efficace dans le tabes dorsal. Il calme ici les dou-

leurs et amende la marche. L'ataxie souvent disparaît parfaitement après

la première séance. Dans d'autres cas l'ataxie ne disparait pas, mais la

démarche est toujours plus ferme et plus correcte. Il est plus difficile

d'amender le signe de Romberg. Cependant on observe souvent que la

chute ne suit plus immédiatement l'occlusion des yeux, comme cela avait

lieu avant la faradisation et que le malade peut rester debout les yeux

fermés quelques instants, quelquefois même sans le moindre balance-

ment, qui n'apparaît qu'après quelque temps ; ce temps de station ferme

devient bientôt plus long après les séances suivantes, si le cas est favora-

ble. Quant à l'anesthésie, les malades n'avouent ordinairement qu'ils sen-

tent mieux qu'après une assez longue série des séances.

Je n'ai pas besoin de justifier ici le traitement du tabes dorsal par la

faradisation de la région claviculaire, parce que d'après les auteurs fran-

çais les plus éminents comme M. le professeur Charcot et Vulpian le tabes

dorsal est au fond une myélite, tandis qu'en Allemagne on dit actuelle-

ment que c'est une dégénération primitive. Je partage parfaitement l'opi-

nion des deux auteurs éminents que je viens de nommer. Le tabès étant

donc une inflammation chronique on ne peut nier qu'une médication qui

tend à resserrer les vaisseaux dilatés ne soit indiquée dans cette affection.

Mais l'effet immédiat d'une séance sur les mouvements des membres infé-

rieurs peut paraître étrange et j'ajouterai quelques mots pour expliquer

cet effet immédiat.

On ne peut pas attribuer l'ataxie locomotrice à la perte de la sensibilité.

D'autre part l'explication de l'ataxie par un trouble de la coordination des

LA FARADISATION THÉRAPEUTIQUE 88H

mouvements est vague. Les mouvements anormaux des tabétiques ne res-

semblent pas aux troubles de la coordination qui suivent l'extirpation des

organes coordinateurs, troubles qui sont décrits par les physiologistes.

Dans l'expérience physiologique les mouvements ne sont pas incoordon-

nés, ils sont impossibles. La conception de la coordination qu'on trouve

dans la « Physiologie des lIwUI'ements » de l'immortel Duchenne (de Bou-

logne) est beaucoup mieux éclairée par les expériences physiologiques que

par l'ataxie des tabétiques.

Les auteurs ont incriminé la destruction des fibres coordinatrices pas-

sant par les cordons postérieurs de la moelle. Mais l'ataxie peut être pas-

sagère. Un sujet qui offrait tous les symptômes du tabes dorsal fut par-

faitement guéri par Erb au moyen de la galvanisation de la moelle. L'a-

taxie, les douleurs disparurent pour toujours après une série de séances.

Le sujet mourut 7 ans après à la suite d'une intoxication. L'autopsie fut

faite et décrite par Schuitze (1) qui constata que les cordons postérieurs

étaient dégénérés. L'ataxie ne saurait disparaître si elle dépendait de la

dégénération de quelques fibres dès cordons postérieurs. J'ai vu l'ataxie

disparaître plusieurs fois. Les malades marchaient mieux ou plus mal il

y avait quelque fois de la faiblesse des membres pelviens croissante. Ces

observations et le cas Erb-Schultze parlent eu faveur de l'opinion de

Trousseau que l'ataxie est un phénomène irritatif, spasmodique.

Je suppose que le processus morbide siégeant dans les cordons postérieurs

excite certaines fibres et que l'excitation est portée aux cellules motrices de

la moelle et aux fibres qui en partent. Le signe de Romberg est à mon avis

un phénomène d'un autre ordre que l'ataxie proprement dite. C'est un

trouble de l'innervation. Chez les tabétiques l'innervation réflexe automa-

tique de la station est affaiblie grâce à la destruction d'une certaine quan-

tité de fibres centripètes; elle doit être compensée par des stimulations

centrifuges, provenant de la vision. De là la chute à l'occlusion des yeux.

J'ai vu l'ataxie disparaître même là où elle était très prononcée. Cela ne

doit pas paraître étrange après l'explication précédente. Leprocessus mor-

bide exagère l'excitabilité des cellules motrices, les impulsions centrifu-

ges sont traduites par des mouvements excessifs ; elles sont en outre por-

tées d'un groupe des cellules motrices aux groupes voisins; de là les

mouvements accessoires, inutiles des tabétiques. L'irritation due au pro-

cessus morbide doit être accompagnée d'une fluxion ; la faradisation de la

région claviculaire étant un moyen puissant contre l'hyperémie de la moelle

supprime donc l'ataxie.

Mais j'ai dit plus haut qu'elle amende aussi la station lors de l'occlusion

(1) Schultze, Zur Frage voit der Ileilbarkeil de;' Tabes (Arch. f. Psychiat. und Ner-

venkr, 1341. XII, page 233).

384 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÈTRIÈRE.

des yeux. Je me permets d'expliquer ce résultat par la diminution de la

pression sanguine dans la moelle à la suite du resserrement des vaisseaux

et j'admets qu'elle peut engendrer la résorption du liquide extravasé (1).

Je crois que la souplesse des membres des ataxiques est la suite de leurs

mouvements excessifs, en partie du moins. La faradisation vaso-constric-

trice n'exerce aucune influence sur l'état du tissu péri-articulaire.

Je n'ai pas d'observations se rapportant à l'arthrite tabétique qui est rare

en Russie.

(à suivre) J. KATICHEFF,

Saint-Pétersbourg.

(1) Les pathologistes modernes ne parlent pas de ce liquide extravasé. Mais la proli-

fération du tissu conjonctif est inséparable d'un certain degré d'épanchement de liquide.

LES HERMAPHRODITES DANS L'ART

Un curieux exemple de conformation féminine chez un jeune hystérique

du service de M. le professeur Charcot, nous a conduit à faire quelques re-

cherches sur la représentation du type de l'hermaphrodite dans l'art an-

tique. Et nous avons trouvé, entre les oeuvres des anciens statuaires et le

sujet que nous avions sous les yeux, des analogies frappantes que nous

avons cru intéressant de mettre en lumière.

On connaît la légende grecque où l'art antique a puisé le type de l'her-

maphrodite. Fils de Mercure et de Vénus, Hermaphrodite était doué d'une

merveilleuse beauté. A 15 ans, il quitta le Mont-Ida où il avait été élevé

par les Naïades et se rendit en Carie. Arrivé près d'Halicarmasse il s'arrêta

pour se baigner dans une fontaine à laquelle présidait la nymphe Salmacis.

Cette dernière éprise de la beauté du jeune homme, chercha, mais en vain

à lui faire partager son amour. C'est alors qu'elle l'enlaça étroitement et

demanda aux dieux d'unir d'une façon indissoluble et pour toujours leurs

deux corps. Son voeu fut exaucé.

Pour transporter dans le marbre ou le bronze ce mythe symbolisant la

fusion des deux sexes en un seul être, les artistes de l'Antiquité ont dû

chercher une formule plastique, et ils ont adopté la suivante : Sur un corps

jeune présentant les caractères féminins plus ou moins accentués, ils ont

mis les organes génitaux du mâle. Cette forme, est-elle exclusivement le

produit de leur imagination, ou bien l'ont-ils rencontrée dans la nature et

copiée plus ou moins servilement ? L'exemple que nous avons en ce mo-

ment sous les yeux pourrait donner quelque vraisemblance à la seconde

hypothèse. Il n'y a pas lieu , toutefois de s'y arrêter plus que de raison, et

le simple rapprochement que nous faisons ici ne saurait être considéré

comme une preuve péremptoire. L'androgyne est représenté dans les atti-

tudes les plus variées : tantôt il est étendu mollement dans un état de demi

sommeil voluptueux, tantôt il est debout avec des attributs divers.

Sans avoir la prétention de rappeler ici tout ce que l'art antique a pro-

duit sur ce sujet, nous allons passer en revue quelques-unes des statues

d'hermaphrodite les plus connues et les plus remarquables, dans l'inten-

tion d'en dégager le type morphologique adopté.

Le musée des Antiques au Louvre possède deux statues d'hermaphrodites

couchés provenant de la villa Borghèse. L'une d'elles est considérée comme

un chef-d'oeuvre de la statuaire grecque et l'on est fondé à croire que ces

386 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

deux hermaphrodites sont une imitation du célèbre hermaphrodite en

bronze de Polyclès fils de Timarcilide, artiste grec des premiers temps cle

la période gréco-romaine et qu'il ne faut pas confondre avec le grand Po-

lyclète de Sicyone. D'ailleurs les statues du Louvre ne seraient pas les

seules' répétitions de l'aeuvre de Polyclès. Les musées étrangers possèdent

un certain nombre d'hermaphrodites couchés fort semblables. Le plus re-

marquable est sans contredit celui, du Musée. des Offices à Florence : mais

il en existe aussi à Londres (British VIusenm); Bome, (galerie Borghèse),.

et au musée d'Athènes. Nous avons fait reproduire ici' sur' une même

planche l'hermaphrodite de Florence et celui de la galerie Borghèse à Rome

(l'1. XLIV et XLV). Toutes ces statues qui sont évidemment copiées' sur'

un même modèle représentent une jeune femme étendue sur une draperie,

un coussin ou une peau de fauve, dans le décubitus latéral droit, la jambe '

gauche demi fléchie, la tête appuyée sur le bras relevé et tournée la face

en arrière ; les yeux sont clos. Le corps tout entier offre le modèle achevé

des formes féminines dans'toute leur jeunesse et' leur grâce. Mais l'artiste

y a ajouté les. signes delà virilité sous la forme d'organes génitaux dont-

le pénis est" en état de demi-érection. ' . ' , '

Parmi les hermaphrodites qui sont représentés debout, il en est deux

que possède le musée du Louvre et qui méritent également une mention.

L'un d'eux est soustrait aux regards du public à cause de l'indécence de

sa posture, qui nous empêche également d'en donner ici l'image. Il est

vêtu d'une longue tunique dont il relève toute la partie antérieure jusqu'au

dessus du pubis pour montrer le signe de la virilité. Le pénis est en érec-

tion complète ; et tonte' l'altitude du corps, les jambes légèrement fléchies,

le bassin porté en avant; là tête penchée, etc., concourent à mettre en lu-

mière cette inconvenante 'exhibition. On, ne saurait nier la valeur artisti-

que de cette statue, les cuisses surtout sont d'un très beau modelé et d'une

forme' essentiellement féminine.

Le second hermaphrodite debout du Louvre, est catalogué sous le nom.

d'Apollon, n° 82 du catalogue. Il présente en effet les apparences effémi-

nées sous lesquelles le Dieu des arts est souvent figuré. Mais le caractère'

de la fêté,' l'agencement de la coiffure, suivant la remarque que nous en a

faite M.'Chartes Ravaisson-Mollien, la proéminence des seins, le dévelop-'

7 l 1 , ,

pement des hanches suffisent pour. rattacher cette statue au typé des her-'

maphrodites. Hanche à droite, le fils de-Mercure et de Vénus a les jambes

recouvertes .d'une, draperie, dont une extrémité remonte par derrière jus-'

que sur l'épaulé gauche.' La' main droite s'appuie sur' la hanche, pendant'

que la gauche levée devait tenir un attribut. Mais un des plus remarqua-

bles parmi les hermaphrodites debout, c'est sans contredit celui du Musée

de Berlin. Entièrement nu, la tôle seule recouverte d'une courte draperie,

Nouvelle Iconographie DE la Salpétr[ £ rk 1 T. V. PL. XLIII

Phototype négatif A. LONDE PHOTOCOLLOGRAPHIr. Chêne &. LONGUET

Hermaphrodite DU MUSÉE DE BERLIN

. J3ATAILLE & Cle

Éditeurs

NOUVELLE Iconographie DE la Salpètrière T. V. PL. XLIV

HERMAPHRODITE (GA ! .E¡¡IE B3RGHÈSE, ROME)

T. V. PL. XLV

PHOTOTYPE NLCATIT A LONDE FHOTOCOLLOORAP H CHENE 3. LONQUI ? 1'

Hermaphrodite (musée DES offices, FLORRNCE)

1. Bataille k 'Cm ! ii¡¡I11¡;\I.IIo,

LES HERMAPHRODITES DANS L'ART 387

il tient de la main droite élevée un tronçon de lance pendant que l'autre

bras est abaissé. Derrière lui, à sa gauche, est un vase à parfum que re-

couvre son vêtement. Je possède un bon moulage du torse de cette statue

(voy. Pl. LIII) ; ce qui m'a permis de l'étudier de près. Or il offre un

type morphologique des plus remarquables, qui est une sorte d'hybride,

d'état intermédiaire fort habilement conçu et exécuté entre les formes de

la femme et celles de l'homme. Les organes génitaux sont mutilés.

On peut encore citer : un hermaphrodite en bronze de Florence qui se

rapproche assez du précédent ; trois autres à Rome dont un à la collection

Chablais, un autre à villa Pamphili et le troisième à la-villa Albani ; un

groupe en marbre, à Florence, représentant Hermaphrodite assis le haut

du corps nu, le reste couvert d'une draperie, lutiné par un Pan ; deux

hermaphrodites à Londres, l'un dans la collection Hope, l'autre au musée

britannique, etc., etc. J'ai, en outre, relevé, parmi les peintures de Pom-

pée, une fresque représentant la toilette d'un hermaphrodite qui se dis-

tingue par son aspect féminin et la largeur exagérée de ses hanches.

En résumé, nous pouvons au point de vue morphologique classer ces

divers hermaphrodites en deux catégories distinctes, l'une dans laquelle

les formes féminines sont parfaitement développées comme dans les her-

maphrodites couchés, l'autre qui présente des formes féminines atténuées,

sorte de parti pris intermédiaire entre l'homme et la femme et dont le

type se trouve réalisé dans la statue du musée de Berlin.

En dehors de ce type de l'androgyne spécialement consacré à la pro-

miscuité des formes mâles et femelles, l'antiquité a très souvent doté de

formes efféminées plusieurs personnages mâles de son Panthéon, en parti-

culier Bacchus, Apollon et l'Amour. Nombre de statues de Bacchus ont ab-

solument la tête, le bassin et les cuisses d'une femme ; un bas-relief du mu-

sée national de Naples en est un exemple frappant. On le représente même

parfois avec des habits de femme, comme en témoigne une statue du Vati-

can. Il en est de même de quelques représentations d'Apollon, dont une sta-

tuette en bronze trouvée à Pompéi, actuellement au musée de Naples, est

un joli spécimen. Pour ce qui est de l'Amour, si l'on veut bien examiner

la très belle collection des figurines en terre cuite trouvées à Myrina et

exposées au musée du Louvre, on sera frappé du nombre de statuettes re-

présentant Eros adolescent et offrant une conformation féminine fort accen-

tuée du bassin, des hanches et des membres inférieurs.

Examinons maintenant notre malade et nous verrons qu'il se rattache

au type de l'hermaphrodite antique, non pas par sa parfaite similitude de

ses formes avec celles de la femme, mais par la présence chez un homme

de caractères féminins nettement accusés.

Des cas analogues ont été décrits sous le nom d'infantilisme ou mieux de

féminisme (Lorrain, Brouardel). Ne pourrait-on pas les classer dans une

.388 NOUVELLE ICONOGRAPHIE DE LA SALPÊTRIÈRE.

catégorie particulière d'hermaphrodisme, dans laquelle ce que l'on appelle

les caractères sexuels secondaires, d'ordinaire laissés de côtés, seraient ap-

pelés à entrer en ligne de compte et que, par suite du rapprochement que

nous établissons ici, on pourrait désigner sous le nom d'hermaphrodisme

antique ?

Notre malade (Pl. XLVI, XLVII, XLVIII) présente des organes gé-

nitaux mâles complets, mais atrophiés. Le pénis est peu volumineux

et les testicules sont de la grosseur d'une noisette. Il n'existe aucune

malformation, et, de par les organes génitaux, notre sujet appartient

évidemment au sexe mâle. Mais d'un autre côté nous relevons dans

l'habitus général nombre de caractères nettement accentués que le sexe

féminin réclame. C'est ainsi que bien qu'âgé de 27 ans, il est absolu-

ment imberbe. La surface de tout le corps est glabre sauf au pubis

qui est garni de quelques poils. Le thorax est assez développé, les

épaules sont relativement larges, et la taille est peu dessinée. Les seins,

surtout le droit, sans être très volumineux sont manifestement dévelop-

pés. Mais c'est surtout au bassin et aux cuisses que se trouvent les carac-

tères féminins les plus marqués. Les fesses sont volumineuses et arron-

dies. Le sillon de la hanche est presque effacé en arrière, où la fossette

lombaire latérale et inférieure se détache seule comme chez la femme, à la

région sacrée. Les hanches sont larges et le tissu cellulaire abondant donne

aux cuisses, épaisses à leur racine, un aspect fuselé et arrondi. Les mem-

bres inférieurs dans leur entier sont d'un beau modèle simple et ferme.

J'ai déjà dit que les organes génitaux étaient atrophiés. Leurs fonctions

sont réduites à néant. Notre sujet présente le type de la frigidité la plus

complète et, par là, diffère des hermaphrodites antiques dont beaucoup

sont représentés en état d'activité génitale.

Au point de vue mental, c'est un déséquilibré. Peu instruit, il a quel-

que prétention et fait des vers. Dans une lettre de lui, nous avons relevé

un fait curieux : il met souvent au féminin les adjectifs ou participes qui

se rapportent à lui,' bien qu'il n'y ait jamais eu aucune méprise, ni aucun

doute sur la réalité de son sexe.

D'autre part, son cas, au point de vue pathologique, est des plus intéres-

sants. Il présente des attaques de sommeil d'une forme spéciale et nons ne

saurions mieux faire, à ce sujet, que de renvoyer à l'intéressant mémoire

de M. Parmentier (1), interne du service où l'observation de notre malade

a été publiée avec tous les développements qu'elle comportait.

PAUL Richer,

Chef du Laboratoire de la Clinique des maladies

du système nerveux.

(1) Parmentier, De la forme narcoléptique de l'attaque du sommeil hystérique, Arche-

ves gén. de méd., nov. et déc. 1891.

OLtELLI : ICO1OGRAP111C DE la SALPLTRIIRE T. V PL. OLtI \ 1

PHOTOTYPE négatif A. LONDE Photocollographie L SAUVE.

CONFORMATION FÉMININE DU CORPS

COÏNCIDANT AVEC DES ORGANES GÉNITAUX MALES

(HERMAPHRODISME ANTIQUE)

, VUE ANTERIEURE

LOUIS Bataille & C'E

EDITEURS

OU\'HLE IcONOGRAI'IIIL DL LA 5UPL TRIER1 . T. V PI . \W 11.

Phototype NFGATIF A. LONDE PIIOTOCOLLUGNAI'I11F L SAUVE.

CONFORMATION FÉMININE DU CORPS

COÏNCIDANT AVEC DES ORGANES GÉNITAUX MALES

(HERMAPHRODISME ANTIQUE)

VUE POSTÉRIEURE

LOUIS Bataille & CE

ÉDITEURS

OL\ELLEICONOGRAPIfIEInELASA1PETRIFRt. T. V PL.7vL\III.

Phototype NtGA71F A. LONDE Photocoliographii L SAUVE.

CONFORMATION FÉMININE DU CORPS

COÏNCIDANT AVEC DES ORGANES GÉNITAUX MALES

(HERMAPHRODISME ANTIQUE)

VUE latérale

LOUIS BATAILLE & CI"

ÉDITEURS

TABLE DES MATIÈRES

Athétose double (Etude clinique sur 1' ), 1

par Michaïlowski, 57, 183, 251, 292.

Ras-relief d'Alfred Boucher, par Gilles de

la Tourette, 263.

Canon des proportions du corps humain,

par Paul Richer, 310.

Déviations vertébrales névropathiques, par

Hallion, 136, 204.

Epileptique (Une anomalie du coccyx chez

un -), par Féré, 89.

Faradisation thérapeutique des nerfs vaso-

moteurs et du nerf pneumogastrique, par

Katicheff, 368.

llystérie traumalique, par Orrego Luco, 339.

Hystérique (Deux cas d'anorexie -), par

Wallet, 276. (Contracture faciale bilaté-

rale -), par Delprat, 38 ; (Fièvre -), par

Estevès, 43 ; (Troubles trophiques symé-

triques des mains et des avant-bras d'ori-

gine probablement), par Veillon, 201 ;

(Un cas d'hypertrophie des pieds et des

mains avec troubles vaso-moteurs chez

un -), par Souques et Gasne, 281.

Mesmer (Nouveaux documents satiriques

sur -), par Gilles de la Tourette, S5.

Rubens (Sur un tableau perdu de - répré-

sentant la guérison de possédés), par Gil-

les de la Tourette, 119.

Syringomyélie (Un nouveau cas de -), type

Morvan, par Souques, 286.

Tabès ataxique (Arthropathies coxo-fémo-

rales au début du -), par Charcot, 121.

Thomsen, maladie de (Contribution à l'étude

de l'excitabilité électrique dans la -), par

Huet, 1, 92, 169, 229.

Traitement des maladies du système ? ici,-

veux (Considérations sur le -, par la mé-

thode du Dr Motschoutkovsky), par Bo-

groff, 18.

Ventouseuse, la - per Quiryng Brekelen-

kam, par Charcot et P. Richer, 199.

Vibratoire (Considérations sur la médecine;

ses applications et sa technique), par

Gilles de la Tourette, 265.

TABLE DES AUTEURS

Bardol, 329.

Bogroff, 18.

Béchct, 223.

Charcot (J ? L), 1` ? 1, 109.

Delprat, 38.

Estèves, 43.

Féré, 89.

Gasne, 281.

Gilles de la Tourette, 35; 119, 263, G ?

llallion, 136, 204.

Fluet, 1, 92, 169, 229.

Katicheff, 368.

Luco (Orrego), 359.

.Michaïlowski, 57, 185, 251, 292.

Richer (Paul), 199, 310, 38 : i.

Souques, 281, 286.

Vallon, 201.

Ballet, 76.

TABLE DES PLANCHES

Ataxique (Arthropathie - des deux han-

ches), ii, 18, 19.

Athétose double (Attitude et démarche dans

l' -), 13 ; Physionomie dans l' -), 9, 10,

11, 12.

Ras-relief d'Alfred Boucher, 32.

Canon des proportions du corps humain,

20, 21, 22.

Coccyx (Anomalie du chez un épilepti-

que), 14.

Fauteuil trépidant, pour le traitement de la

paralysie agitante, 33.

Hermaphrodites, 43, 44, 45, 46, 47, 'rE.

Hystérique (Contracture faciale bilatérale

- ), 3, 4, 5 ; Emaciation dans l'anorexie

), 1, 33, 36, 3-1 ; Ilypertrophie des pieds

et des mains avec troubles vaso-moteurs

chez un -), 38 ; (Syndrome simulant

l'hémiplégie spasmodique enfantile), 41,

42 ; Troubles trophiques des mains et des

avant-bras d'origine probablement ), 2.

Maladie de Thomsen, 1, 2.

Maladie de Parkinson (Attitude anormale

simulant un torticolis dans la -), 26, 21,

28, (Altitude pendant la marche dans la

- ), 29 ; (Déformation de la main simu-

lant une contracture dans la -), 30, 31.

Mesmer (Documents satiriques sur -), 6,

7,8. 8.

Rubens (Copie d'un tableau égaré de ) ),

16 ; (Gravure d'un tableau égaré de -), 15.

Syringomyélie (Scoliose dans la -), 23 ;

(Troubles trophiques dans la -), 39, 40.

Ventouseuse (La) de Quiryng Brekelenkam,

24.

TABLE DES FIGURES

Athétose double (Ecriture dans l' -), 4.

Canon des proportions du corps humain,

' 18, 19, 20, 21, 36, 37, 38, 39, 40, 41, 42.

Casque vibrant, 35.

Hystérie (Rétrécissement du champ visuel

' dans l' -), 44, 45; (Tremblement -), 43.

Maladie de Thomsen (Tracés de secousses

musculaires dans la -), 1, 5, 6, 7, 8, 9,

10, il, 12, 13, 14, 15, 16, 17, 22, 23, 24, 25,

21, 28, 29, 30, 31, 32, 33, 34.

Maladie de Parkinson (Attitude anormale

dans la -), 2G..

Suspension (Appareil du Dr Bogroff pour

la -), 2, 3.

Le gérant : Louis Battaii.le.

Imp. Vve LouRDoT, 33, rue des Batignolles, Paris.