REVUE
PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX DE PARIS
BULLETIN MEDICAL
publié par
BOURNEVILLE A. DE MONTMÉJA
TROISIÈME ANNÉE
PARIS
ADRIEN DELA1IAYE, LIBRAIRE-ÉDITEUR
PLACE DE l'ÉCOLE-DE-MÉDECINE
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX DE PARIS
CLINIQUE CHIRURGICALE
DE L'INFLAMMATION PRIMITIVE AIGUË DE LA MOELLE DES OS ( MÈDULLITE AIGUË)
par culot, interne ies hopitaux de paris.
J'ai beaucoup hésité avant de donner un nom nouveau à une maladie qui en a déjà tant subi. — J'aurais pu choisir entre périos-lite aiguë, — suppurée, — phlegmoneuse, — phlegmoneuse dif-fuse, — phlegmoneuse aiguë, — nécrose aiguë, — ostéite épiphy-saire aiguë des adolescents, — ostéopériostite juxta-épiphysaire, — décollement des épiphyses, — abcès sous-périostiques aigus, — ostéo-myélite, — typhus des membres, — inflammation pseudo-rhumatis-male des os et des articulations chez les enfants, — mais le choix était difficile. Toutes ces dénominations, en effet, s'appliquent à des variétés de la maladie, aucune ne la comprend tout entière.
J'ai cru devoir m'arrêter à un nom plus général qui comprît les précédents, tout en indiquant plus nettement le siège anatomique de la maladie.
J'ai suivi dans cette étude l'ordre généralement adopté dans les descriptions pathologiques,— historique, — anatomiepathologique, étioiogie, symptômes, — marche, — durée, — terminaisons, — diagnostic, — pronostic, — enfin traitement. — J'ai cru devoir rappeler rapidement, avant d'entrer dans mon sujet, quelles étaient les parties constituantes de l'os.
aperçu anatomo - physiologique et rôle pathologique des diverses parties constituantes de l'0S.
Si nous pratiquons la section verticale d'un os long adulte ayant longtemps macéré et que nous examinions les diverses parties que
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présente cette coupe, nous trouvons un étui solide, dur, le tissu compacte ; tissu compacte creusé d'une foule de petits canaux ana-stomosés en mailles longitudinales et dont les plus externes s'ouvrent librement à la surface externe de l'os, les internes aboutissant à sa face profonde. Aux extrémités osseuses, l'aspect se modifie, le tissu devient moins dense : les canaux se sont élargis aux dépens des parties dures.
Plus nous approchons de l'épiphyse, plus l'espace rempli par les canaux tend à grandir, plus s'amoindrit le tissu osseux. — Les rapports sont bientôt égaux, mais grandissant toujours ; les canali-cules deviennent dominants en perdant leur aspect primitif, et le tissu osseux, réduit à de simples lamelles et trabécules, ne forme plus que de minces cloisons séparant les canaux ; — c'est le tissu spongieux.
Au-dessous de l'épiphyse, au sommet de la cavité centrale de l'os et quelquefois sur toute la paroi de cette cavité, les trabécules sont plus petites encore, plus ténues que dans l'épiphyse : c'est une véritable dentelle. Elles disparaissent tout à fait au centre de l'os, n'y laissant que leuis canaux fusionnés et forment le canal central ou médullaire de l'os.
Telle est la disposition sommaire, mais exacte, du tissu osseux. L'étude de son développement nous montre la même série de trans-formations. — Compacte à son origine et pourvu de rares canali-cules, l'os, à mesure qu'il se développe, subit cette modification par prédominance des canahcules et se transforme en tissu spongieux, puis réticulaire, pour disparaître tout à fait dans les parties les plus centrales.
Ce processus physiologique si simple se montre encore clans les cas pathologiques, et l'ostéite raréfiante se manifeste par la tendance des canalicuJ.es à devenir dominants.
Sur un os frais, tous ces canaux, ces aréoles, la cavité centrale de l'os sont remplis. Ce sont tout d'abord les vaisseaux artériels et veineux.
De ces vaisseaux, les uns très-nombreux proviennent du périoste ou y aboutissent ; d'autres résultent des divisions successives d'un tronc, généralement unique, quelquefois double et plus ou moins volumineux, l'artère nourricière de l'os. Enfin aux épiphyses, dans les os courts ou plats, on en rencontre encore traversant le périoste et plus volumineux que ceux tamisés par ce dernier avant d'aboutir aux diaphyses.
L'immense majorité de ces vaisseaux remplit fort incomplètement les canaux par lesquels ils passent; tels sont tous ceux des diaphy-ses et la plupart de ceux des épiphyses. Quelques-uns toutefois, des veines, les remplissent complètement et le tissu osseux semble leur faire une tunique supplémentaire. On les trouve aux épiphyses, aux os courts et plats, surtout aux vertèbres. Ce sont de véritables sinus veineux, incapables de s'affaisser et jouant peut-être un rôle pathologique de quelque importance.
A part ces quelques exceptions, les vaisseaux traversent les canaux de Havers, en laissant, à leur pourtour un espace libre rem-pli de substance demi-molle, dans laquelle ils baignent complète-ment. Après s'être anastomosés, divers de ces vaisseaux arrivent à la face interne de l'os, où ils forment un nouveau réseau très-riche.
On peut donc établir que le plus grand nombre des vaisseaux n'ont jamais de rapport intime avec le tissu osseux proprement dit. Partout ils baignent dans une substance particulière demi-molle, qui leur forme une véritable atmosphère et par l'intermédiaire de laquelle s'accomplissent nécessairement la nutrition des os et les modifications pathologiques qui y peuvent survenir.
Ce milieu des vaisseaux osseux, c'est la moelle, dont le siège n'est pas là seulement où on la décrivait, il y a encore quelques années, c'est-à-dire dans la cavité centrale des os longs et dans les aréoles du tissu spongieux, mais encore dans les canaux de Havers et dans cette couche sous-périostique dite ostéoïde par M. Robin, et qui est une véritable moelle externe, Le tissu médullaire, comme l'a dé-montré M. Ranvier, forme pour le même os un tout continu qui le baigne complètement.
11 nous reste, pour avoir donné une idée générale du système osseux, à parler de la membrane qui l'enveloppe, — le périoste. — Le périoste, rangé parmi les tissus fibreux, bien que lanature deses fibres, leur mode d'entre-croisement, sa vascularité le rapprochent plus des lamineux (Robin), forme enveloppe à la plus grande partie de la surface de l'os.
Sa vascularité, son épaisseur, ses adhérences avec le tissu osseux proprement dit, subissent des variations assez considérables suivant l'âge et le lieu où on l'examine. Les enfants ont un périoste très-riche en vaisseaux, épais, peu adhérent ; les os superficiels en sont mieux recouverts que les profonds, les épiphyses que les diaphyses.
Sa stiucture est fort simple : tissu fibreux et tissu élastique y concourent, ce dernier peu abondant dans les couches superficielles
est très-répandu dans la profonde, où il forme souvent presque une membrane. De nombreux vaisseaux artériels et veineux y aboutis-sent, mais la plupart ne font que se ramifier dans la couche externe, se préparer en quelque sorte pour pénétrer en chevelu plus profon-dément. Les lymphatiques de la moelle, tissu osseux et périoste rendus évidents par les faits pathologiques, n'ont pas été anatomi-quemenf démontrés. Les nerfs suivent les vaisseaux.
Si, partant de cette étude succincte de l'os, nous cherchons quelle part peut revenir à chacune de ses parties constituantes, tissu osseux, médullaire et périoste, dans les inflammations décri-tes sous les noms si divers d'abcès sous-périostique, ostéomyélite, nécrose aiguë d, nous trouvons que le périoste et le tissu osseux, incftmestoujours de ces maladies, n'en sont jamais les producteurs, et que la moelle seule peut être primitivement mise en cause,
Le périoste d'abord. Je n'ai pas à faire son procès, mais il faut bien reconnaître cependant qu'il a toujours, ou à peu près, vécu sur ses voisins. 11 a profité de ses qualités physiques, qui le rendaient fort apparent pour attirer à lui tout l'honneur d'un grand rôle phy-siologique et pathologique qu'il n'a jamais pu remplir. — Voisin par sa lace interne d'une petite couche très-active, très-productive, très-irritable, il s'est laissé attribuer tout le travail et les qualités de cette dernière. lia passé pour un régénérateur des os,—on a même cru que, grâce à lui, on ferait de l'os partout où l'on voudrait.— Son inflammation a été redoutée à l'égal des plus graves.
Bichat, l'un des premiers, lui dénia résolument ces rôles emprun-tés. M. Robin, à notre époque, montre cette couche ostéoïde aux dépens de laquelle le périoste usurpait sa réputation, et M. Ollier, grand admirateur cependant de cette membrane, a montré que, réduit à lui-même, privé parle raclage de la petite couche ostéoïde qu'il rete. nait à lui, le périoste n'était plus capable de remplir ses grandes fonctions. M. Ranvier, plus récemment, lui a fait aussi montrer ses titres, et, d'expériences très-bien faites, a conclu que le périoste était une membrane très-peu active, dont il ne fallait ni craindre, ni espérer grand'chose.
11 ne faudrait pas cependant, dans cette réaction, dépasser le but.
Le périosten'est pas seulement « la membrane pauvre en vaisseaux, blanche, mince, d'un brillant pareil à celui des tendons, qui con-stitue l'enveloppe immédiate des os, ce n'est là qu'une partie du pé-rioste et encore bipartie qui est au point de vuepathologique d'une importance secondaire. Sur cette couche interne... est superposée
une couche de tissu cellulaire lâche, qui également doit être consi-déré comme faisant encore partie du périoste. Celte couche externe est le siège le plus fréquent des processus inflammatoires primitifs, aussi bien aigus que chroniques. (Billrolh.) » Mais dansées cas la pé-riostite est externe; c'est un petit phlegmon qui peut, à la rigueur, agir sur la couche ostéoïde, ou moelle externe, à travers la partie la plus profonde du périoste, ou en détruisant celle dernière; mais tels ne sont pas les cas de périostites généralement décrites, et nous parlons ici des faits communs.
Si le périoste n'a rien à faire avec l'origine des maladies qui nous occupent, le tissu osseux en est-il responsable? Je ne le crois pas et ne le comprendrais guère. Le tissu osseux, ce sont les colonnettes du compacte, les trabécules du spongieux ; comment pourraient-ils s'enflammer? Entouré partout du tissu médullaire qui lui sert d'in-termédiaire dans tous ses actes nutritifs, qui partout le sépare des vaisseaux, il n'a pas le droit d'initiative; il subira les influences du tissu médullaire, mais ne pourra jamais lui imposer les siennes.
Toute inflammation est nécessairement précédée d'un trouble nutritif qui ramène les éléments à leur condition première. Comment l'os pourrait-il, alors que la moelle serait saine, remplir ces condi-tions? Le tissu osseux est donc atteint secondairement dans toutes ses maladies. Un trouble, une altération de la moelle a toujours pré-cédé.
Il ne nous reste donc que le tissu médullaire pour supporter la responsabilité de ces inflammations. Or le tissu médullaire, partie essentiellement vivante, partout répandue, ne pouvait récuser théo-riquement ce rôle, et, le pût-elle, les faits analomiquement et physio-logiquement étudiés le condamneraient. Excitons un os en effet par un coup, une piqûre, un écrasement, une brûlure, et bientôt, exami-nant la façon dont il réagit, nous verrons les éléments médullaires sous-périosliqucs proliférer : médullocèles, myéloplaxes, cellules fu-siformes et même adipeuses se multiplient. Mais, se multipliant, elles ont besoin d'un espace plus grand, et, parties molles, elles agissent sur le dur tissu osseux, qu'elles érodent. Les canalicules augmen-tent de diamètre, les trabécules s'amincissent, disparaissent, — et les corpuscules osseux, devenus libres par la disparition de la sub-stance qui les tenait prisonniers, évoluent à leur tour et prennent part au développement, à la multiplication qui se montre par-tout.
Dans ce mouvement formateur, naîtront des cellules plus ou
moins viables, et nous verrons ainsi survenir, suivant les circon-stances originelles, ici du pus, et là de nouvelles formations osseuses ou du moins en voie de développement.
Sans insister davantage sur ces faits, que les travaux modernes, surtout ceux de M. Ranvier, ont rendus incontestables, je crois qu'ils suffiront pour justifier le nom d'Inflammation aiguë primitive de la moelle des os, que j'ai cru devoir donner à mon travail.
historique
L'élude des maladies aiguës des os ne remonte pas à une époque bien éloignée de nous. Boerhaave, dans ses Aphorismes, commentés par van Swieten, semble les signaler le premier. — "Wiedmann, en 1795, en dit quelques mots, bien qu'il insiste surtoutsurla nécrose qui suit la maladie.—Crampton, le premier, parle de periostite (1818). — Everard Home, Usker Pearsons, Wiers publient des observations de periostite suppurée. — Boyer établit des degrés dans la rapidité de production des nécroses : « Elle est aiguë ou chronique; la pre-mière, produite le plus ordinairement par des causes extérieures violentes, est beaucoup plus grave et s'accompagne bien plus sou-vent des symptômes colliquatifs dont nous avons parlé. » Il décrit aussi la terminaison des gommes par suppuration et nécrose. — Roux considère le phlegmon diffus profond comme pouvant résulter d'une periostite. — Graves, en 1835, décrit une forme de periostite circonscrite. ¦— Rognella, en 1855, distingue une periostite diffuse et une. periostite limitée, mais n'insiste que sur cette dernière, dont il emprunte des observations à Crampton.— Lobstein avait décrit déjà trois degrés de l'inflammation périostique.
En 1839, paraît dans les Archives de médecine un extrait d'un mé-moire de Morven-Smilh avec quatre observations d'abcès sous-périos-tiques aigus et ostéomyélite.— M. Maisonneuve fait une Thèse d'agré-gation sur les maladies du périoste et résume l'état de la science.
Bérard, dans le Dictionnaire en 30 volumes, signale plusieurs cas de periostite suppurée avec phénomènes généraux graves ; le pre-mier, il note la pericardite et s'appuie sur elle pour admettre la na-ture quelquefois rhumatismale de la maladie.
Nélaton se borne à dire qu'on serait dans l'erreur si l'on pensait que l'osléite présente toujours ce caractère de chronicité sur lequel ont tant insisté les auteurs.
En 1855, paraît dans les Archives le mémoire de Gerdy sur la pe-riostite et la méduUile, où il signale la possibilité de la suppuration
et l'apparition de symptômes généraux graves. La même année, à Strasbourg, Schutzenberger signale une forme de periostite qu'il décrit sous le nom de periostite rhumatismale, llecht, son aide de clinique, publie avec commentaires une observation à l'appui. Krug-Bass, 1855, Wormser, 1855, traitent le même sujet et apportent quelques fails. — Schulzenberger, en 1856, modifiant ses idées, décrit la periostite phlegmoneuse.— Boeckel, en 1858, établit, sous ce nom, qu'il existe une periostite idiopathique, résultant d'une cause interne occasionnelle et ayant de la tendance à attaquer plu-sieurs os du squelette à la fois. Il admet que cette cause est proba-blement de nature rhumatismale et que son effet s'épuise rarement sur l'endroit primitivement affecté. — Hédoin publiait sa thèse la même année sans rien apporter de nouveau.
La question était aussi étudiée à Paris. M. Chassaignac, en 1855, se fondant sur de nombreuses observations, en fait une étude très-complète : « .l'appelle abcès sous-périostiques aigus, dit-il, ces col-lections purulentes quelquefois considérables qui, s'accompagnant de symptômes généralement graves, se forment entre l'os et le pé-rioste, dans l'espace de quelques jours ou tout au plus de quelques septénaires. » Il distingue des abcès consécutifs aux fièvres typhoïde, scarlatine, variole, dont Morgagni, Poupart, Duverney, Reychell avaient publié des observations; il n'admet pas la nature rhuma-tismale delà maladie, mais reconnaît l'influence du froid local sur son développement. Il dit que, dans les cas où il existait des lésions viscérales, elles n'étaient autres que des lésions propres à l'infec-tion purulente. Un peu plus tard, il décrit l'ostéomyélite, dont il fait une maladie indépendante, quoique intimement liée aux abcès sous-périostiques qui la compliquent. Réunissant à ces deux formes le phlegmon difus et certains cas d'érysipèle, de phlébites graves, il forme un groupe morbide auquel il donne le nom caractéristique de typhus des membres. Toutes ces idées furent reproduites et ap-puyées de nouvelles observations dans son Traite' de la suppuration (1859).
M. Gosselin avait, de son côté et dès 1857, observé une forme très-intéressante de la maladie. A l'occasion d'un mémoire de Klose, analysé dans les Archives de 1858, mémoire dans lequel cet auteur, se fondant sur treize observations, décrit le décollement des épi-physes, M. Gosselin publia ses opinions, les appuyant de trois faits bien observés. Pour Klose, il y a suppuration profonde de l'os, méningo-ostéo-phlébite des os longs, empruntant une physionomie
particulière à l'âge des malades. M. Gosselin cherche à établir que c'est une maladie propre aux adolescents, siégeant constamment aux extiémi és épiphysaires et envahissant les articulations. 11 l'ap-pelle ostéite épiphysaire aiguë suppurée et l'oppose à une forme chronique.
La question se limitait beaucoup et ces deux auteurs, abusés par les formes qu'ils avaient pu observer, concluaient sur un point spé-cial de la maladie. Leurs conclusions étaient bien déduites, mais ne pouvaient s'appliquer qu'aux cas semblables.
M. Gamet, élève d'Ollier, reste sur ce terrain et décrit la maladie sous le nom d'ostéo périoslite juxtaépiphysaire. Comme Klose, il place le travail morbide vers l'extrémité diaphysaire.
La question était reportée à sa vraie place par M. Giraldès, qui dans une Leçon publiée par Bournevilie (Gazette des hôpitaux, 1862) t trace un tableau fidèle et complet de la maladie. L'historique et la critique, les symptômes, la marche, les indications thérapeutiques, tout s'y trouve, et décrit avec une précision, une netteté telles, qu'il ne reste guère à y ajouter. L'étude clinique est complète. Dans ses Leçons ultérieures1, M. Giraldès n'a eu qu'à répéter ce qu'il avait dit en 1862. Les faits nouveaux observés avaient sanctionné l'exacti-tude de la description première. Toutefois il tend à admettre la na-ture presque rhumatismale de la maladie, et c'est cette seule de ses opinions que nous aurons à discuter.
En 1862, nous trouvons également la thèse d'Augé, excellent tra-vail qui donne une idée exacte et complète de la maladie.
La question était, du reste, à l'ordre du jour, et des observations nombreuses étaient présentées à la Société anatomique, à la Société de chirurgie. On trouvera à notre article Bibliographie les noms de leurs auteurs.
A F étranger, Frank, Fischer, Demme, Studsgaard apportaient leur contingent. Curling publiait deux Observations. Holmes faisait con-naître un Fait de périoslite aiguë simplement inflammatoire, et, avec une audace que le succès vint justilier, il enlevait la diaphyse en-tière d un tibia nécrosé, sans attendre que cette élimination fût pré-parée par un travail naturel. Stone donnait trois observations très-complètes et très-intéressantes de nécrose aiguë, suivie de pyo-hémie.
1 Voy. Mouvement médical, 1885, et Leçons cliniques sur les maladies chirur-gicales des enfants, recueillies par Bourneville, E. Bourgeois et G. Bouteillier, 1869-70, pages 588, 087 et 781.
Plus près de nous, nous trouvons deux Mémoires très-importants l'un dû à Poser (1865), l'autre à lioeckrl (1869); l'excellente Thèse de Louvet (1867), cel-e de Droin sur l'ostéopériostite, et de Martin, sur la péiïoslite phlegmoneuse aiguë, et un excellent article du Traité de pathologie externe de Follin.
Si, après ce rapide examen des travaux antérieurs, nous en re-cherchons un peu l'esprit, nous trouvons assez nettement marquées deux périodes. Dans la première qui s'étend jusqu'à M. Chassaignac, les auteurs ont déjà observé deux séries de faits : les uns sont des cas bénins, des abcès qui n'ont de particulier que leur siège ; les autres s'accompagnent d'accidents généraux très-graves, mais ils sont rares ; on ne les interprète, ni ne les publie. La question est obscure et attend.
M. Chassaignac apporte de très-nombreux faits bien observés,bien étudiés. 11 reste sagement dans le domaine pralique.
Mais la question était posée. Il fallait interpréter ces faits si graves, si singuliers. Une deuxième période commence, celle des explications, sous laquelle nous vivons encore. On veut isoler abso-lument ces cas des autres maladies aiguës des os ; on en veut faire un état morbide à part, ayant ses caracières propres, sa cause spé-ciale, sa symptomatologie, une entité morbide distincte, tout comme la fièvre typhoïde, la coqueluche, les fièvres éruptives, etc. Telle est la voie suivie depuis 1855. Est-elle bonne, est-elle mauvaise? Je crois n'y devoir pas persister et j'en donnerai les raisons par la suite.
— La suite prochainement. —
PATHOLOGIE
ÉTUDE SUR LES ARTHROPATHIES CONSÉCUTIVES A QUELQUES MALADIES DE LA MOELLE ET DU CERVEAU
par bourneville1
- suite -
i. arthropathies qui s'observent dans le cours de l\ sclérose des cordons postérieurs de la moelle (suite) .
Les deux observations qui précèdent nous fournissent des ren-seignements précieux sur la période d'état des arthropathies. Nous 1 Voir Revue photographique, 4870, pages 193 et 229.
voyons que la jointure affectée est déformée, d'une part, à cause de l'augmenlation de la synovie, plus ou moins altérée d'ailleurs; de l'autre, par le déplacement des surfaces articulaires. Ce dernier varie beaucoup selon la. jointure que l'on considère.
Chez la première malade, il y a une luxation sous-épineuse de l'épaule droite ; cette luxation est complète et il est très-facile d'im-primer, sans douleurs, des mouvements très-variés à la fausse arti-culation. La réduction, possible pendant longtemps, ne l'est plus qu'avec peine aujourd'hui.
Chez la seconde malade, on remarque, à droite, une luxation incomplète du tibia en arrière et un peu en dedans ; à gauche, une luxation incomplète en arrière et en dehors, plus prononcée qu'à droite.
La configuration des extrémités articulaires, autant que le palper permet de la reconnaître, est modifiée d'une façon considérable, surtout dans le premier cas où l'usure de la tête de l'humérus et de la cavité glénoïde nous semble hors de doute. Il n'en serait pas tout à fait de même dans le second cas : en efffet, la rotule a plutôt un volume exagéré et les condyles du fémur, aussi bien que les tubérosités du tibia, ne paraissent pas usées à un haut degré.
Outre ces symptômes, on note des craquements dus au frottement l'une contre l'autre, soit des surfaces articulaires, devenues rugueuses (obs. I), soit de ces surfaces contre les corps étrangers (obs., II). La peau conserve son aspect ordinaire; le plus souvent les veines sous-cutanées ne sont pas dilatées; les jointures occu-pées par ces artbropathies ne sont le siège d'aucune douleur spon-tanée, et les mouvements même sont indolores. Ces derniers sym-ptômes sont parfaitement nets chez notre première malade qui, pour nous, offre un type plus vrai de l'arthropathie des ataxiques que la deuxième.
Une fois parvenue à cette période, l'arthropathie ne se modifie guère : les symptômes que nous avons indiqués s'accentuent de plus en plus, et c'est à peu près tout, jusqu'à ce qu'une cause acci-dentelle mette un terme à l'existence. Il ne nous reste donc plus qu'à décrire les lésions anatomo-pathologiques. Deux autopsies nous fournissent, pour cet objet, des éléments importants : 1° celle de la malade dont nous avons consigné l'observation dans le précédent numéro; 2° celle d'une femme que nous avons observée en 1868.
Oi^ervation II. —Ataxie locomotrice progressive datant de huit
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Planche I.
ARTHROPATHIE DU GENOU
c h t. z une a t a x i q u e (Lésions an a ta m ique s )
à dix ans. — Crises gastriques. — Arthropathie des deux genoux, avec hydarthrose énorme et jambe de Polichinelle des deux côtés (pé-riode de déformation).— Entérite.— Eschare du sacrum. — Œdème des membres inférieurs,etc.—Mort.—Résultats nécroscopiques (Fin).
La diarrhée a continué ; F eschare s'est un peu agrandie et la malade est morte après avoir eu du délire pendant les deux derniers jours.
Autopsie le 25 mars 1871 *. Les cordons postérieurs de la moelle sont atteints de sclérose dans toute leur hauteur.
Genou gauche. Lorsque les téguments et les insertions musculaires sont détachés, on voit que la capsule articulaire est considérable-ment épaissie et qu'elle constitue une espèce de grande poche où l'on sent des frottements semblables à ceux que l'on percevrait si l'on agitait un sac de noix.
Une incision semi-lunaire, faite au-dessus de la rotule et sur ses bords de façon à la rabattre sur la tubérosité antérieure du tibia, donne issue à une assez grande quantité d'un liquide visqueux, assez consistant, de couleur jaunâtre. La synoviale et les tissus fibreux réunis, ont plus d'un centimètre d'épaisseur. 11 n'y a pas d'injection de la synoviale qui, au contraire, est pâle. De la face interne de cette membrane naît une foule de prolongements qui, eux, sont assez vasculaires et revêtent les pédicules d'autant de corps étrangers. Nous allons énumérer les principaux d'entre ceux que l'on voit lorsque la jointure est dans la position indiquée plus haut (voy. Planche 1).
1° Un groupe de trois corps supportés par un pédicule commun d'où partent trois prolongements secondaires ; ces corps, de la grosseur d'une noix, sont placés dans la portion interne du repli supérieur de la synoviale, un peu au-dessus du bord supérieur du condyle interne ;
2° Plusieurs autres corps du volume d'un pois, immédiatement au-dessus de la poulie articulaire ;
5° Un corps étranger, ayant la forme d'une pyramide triangu-laire, long de deux centimètres et demi, haut de deux centimètres, épais d'un centimètre et demi, est attaché à la partie supérieure du
1 Voici l'état des viscères : plusieurs petits tubercules, presque crétacés, au sommet du poumon gauche; pas d'autres lésions pulmonaires. — Cœur, rien. — Foie,sain; un calcul.— Heins, anémie assez prononcée de la substance corticale. — Muqueuse vésicale, arborisations, quelques petites plaques noirâtres.
bord externe du condyle externe du fémur, par un pédicule court, épais et large ;
4° Entre le condyle ex'erne et la tubérositô externe du tibia, deux corps étrangers gros l'un comme un haricot, l'autre comme une praline, sont accolés et supportés par le même pédicule, lequel a deux centimètres de longueur et cinq millimètres d'épaisseur ;
5° Dans le repli de la synoviale situé au-dessous, du bord externe de la tubérosité externe du tibia, existe une sorte de nid où il y a trois corps étrangers volumineux; l'un d'eux, revêtu par la syno-viale, fait saillie sous forme de mamelon cylindrique ;
6° Sur le côté externe de la rotule, corps étranger ayant l'aspect d'une plaque osseuse, très-irrégulière, mesurant deux centimè-tres de longueur sur un et demi de largeur et cinq millimètres d'épaisseur, il est possible de passer le doigt entre cette plaque et la synoviale pariétale qui lui envoie une dizaine de liens plus ou moins allongés; de là résulte, pour ce fragment de la jointure, une configuration assez curieuse.
Les ligaments périarticulaires sont tous hypertrophiés, blancs, mollasses. Les ligaments croisés ont les mêmes caractères, et sont, en outre, fongueux.
Toutes les lésions que nous venons d'exposer sont figurées sur la Planche I, où il est facile de voir presque tous les corps étran-gers précédemment énumérés.
Extrémité inférieure du fémur. 11 n'y a pas, à proprement par-ler, de bourrelets osseux sur les contours des surfaces articu-laires, ni d'usure véritable des os. En revanche, le caitilagequi revêt les condyles est détruit d'une manière complète en beaucoup d'endroits, incomplète en quelques autres.
L'usure intéresse principalement le cartilage du condyle externe. Les parties respectées du cartilage sont blanchâtres. On conçoit sans peine que cette surface articulaire est rugueuse, mamelonnée. (Pl. 11, A.)
Extrémité supérieure du tibia. Les lésions, en général, sont les mêmes. Les deux tiers externes de la surface articulaire sont creu-sés en forme de cavité assez profonde, tandis que le tiers interne du condyle interne est sur un plan plus élevé de 14 millimètres. Cela se comprend vite, si l'on se souvient qu'il y avait, durant la vie, une luxation en dehors, et que la jambe était disposée de façon à faire un angle obtus avec la cuisse. Cette luxation avait pour conséquence d'appliquer les deux tiers externes du tibia sur la
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ARTHROPATHIE DU GENOU
CHEZ U » E a T a X i c.) Il E ( L é si o il s de S 0 s )
partie correspondante du condyle externe. En résumé, les altéra-tions du tibia sont plus avancées que celles du fémur, l'usure du premier os plus prononcée, sans que le cartilage, toutefois, ait disparu partout; il y a encore de petits îlots cartilagineux assez nombreux. (II. II, B.)
Rotule. Elle a une configuration anormale, et offre des bourre-lets osseux ou cartilagineux disposés en plaques, qui lui sont, pour ainsi dire, surajoutés. Son cartilage est usé à un degré bien moin-dre que celui du fémur et du tibia. (Pl. II, G.)
Face postérieure du genou. Après avoir incisé latéralement à droite et à gauche les tissus péiïarticulaires entre le fémur et le tibia, nous avons trouvé en arriére de la tête du péroné deux corps étrangers, du volume d'une pelile noisette, accolés l'un à l'autre, appendus à la synoviale par un pédicule large et court. Entre eux, il y avait deux autres corps étrangers plus petits. En dedans du groupe qu'ils composent, il y a un corps étranger, libre, ovoïde, mamelonné, ayant 12 millimètres de longueur sur 10 millimètres dans les autres sens. (Planchk II, D.)
Enfin, dans la portion de la synoviale et de la capsule répondant à la face postérieure des condyles du fémur, il y avait : 1° un groupe de corps étrangers pédicules, mesurant 5 centimètres de longueur sur 3 de hauteur et 2 d'épais-eur; ce groupe était disposé oblique-ment en arrière du condyle externe, et son extrémité inférieure pointait dans la cavi é articulaire; 2° une production osseuse, al-longée, sinueuse (8 centimètres sur 6 millimètres), et enclavée dans l'épaisseur des tissus ; 3° une production cartilagineuse irré-gulière, placée en face du condyle interne et vers son bord supé-rieur. (Pl. II, E.)
Genou droit. Les lésions trouvées dans celte jointure étaient les mêmes que les précédentes, mais la destruction des cartilages était un peu moins avancée, et surtout les corps étrangers moins gros. Par contre, il y avait un plus grand nombre de petits corps pédi-cules, en forme de grappes.
Observation III. — Ataxie locomotrice progressive. — Fièvres intermittentes. — Chlorose. — Douleurs vagues dans la tête. — Raideur des pieds. — Douleurs des genoux. — Faiblesse des jambes. — Douleurs fulgurantes. — Incoordination des mouvements. — Perte de la notion de position. — Affaiblissement de la vue. — Paralysie des nerfs moteurs à gauche. — Doideurs dans les mem-
bres supérieurs. — Arthropathie de l'épaule gauche. (Observation personnelle.)
LeB,.., Françoise-Yictorine, âgée de 49 ans, à son entrée à la Salpêtrière (service de M. Charcot), le 1er mai 1867, est née à Lo-rient, où elle est restée jusqu'en 1864. Son père serait mort, il y a dix-huit mois, d'une attaque apoplectique. Sa mère aurait succombé, à 45 ans, au moment de la ménopause. De deux sœurs, l'une est morte « de la poitrine » à l'hôpital Necker; l'autre, plus âgée que notre malade, jouit d'une bonne santé. Aucun membre de la fa-mille n'aurait eu d'attaques de nerfs.
Le B... n'aurait eu dans l'enfance ni gourmes, ni accidents cou-vulsifs. Pâles couleurs à 16 ans, puis fièvres intermittentes reve-nant, au début, tous les deux jours, et plus tard tous les trois jours. Réglée facilement et régulièrement à 17 ans ; les règles, peu abondantes, duraient trois à quatre jours, sans douleurs, et n'é-taient pas précédées ou suivies de perles blanches.
Mariée à 21 ans, elle a eu trois enfants. Un seul sut vit : c'est une fille, âgée de 27 ans, laquelle est bien portante. A partir de son dernier accouchement, qui a été pénible, la malade a éprouvé des douleurs vagues dans la tète : il lui semblait qu'on l'enlevait de terre; cette sensation lui causait des frayeurs et, lorsqu'elle sor-tait, lui faisait redouter des accidents. Jamais de maladies graves, jamais de rhumatismes. A 59 ans, elle s'est aperçue que les cous-de-pied devenaient roides, ce qui rendait la marche plus difficile. Peu après sont apparues des douleurs dans les genoux et de la faiblesse dans les jambes. Bientôt elle ne put marcher que soutenue par les bras (45 ans). Elle est alors entrée à l'hôpital Saint-Louis, d'où elle est sortie, au bout de deux mois, sans amélioration. Vers cette époque sont survenues des douleurs fulgurantes. Elles se montraient par crises, traversaient les genoux, les jambes ouïes cuisses « comme des éclairs. » D'un autre côté, elle ressentait dans les pieds des douleurs eonstrictives : son pied lui semblait pris dans un étau. Ces deux espèces de douleurs, qui exis!aient aussi bien à droite qu'à gauche, disparaissaient rapidement. D'autres fois, elle éprouvait des douleurs fulgurantes, apparaissant par crises, occu-pant tantôt▶ toute la jambe, ◀tantôt▶ la cuisse, et persistant, pendant quarante-huit heures, avec des exacerbalions.
A 45 ans, la marche était tout àfait impossible. En 1865, Le B... est étonnée en se réveillant de voir qu'elle a une chute de la pau-pière supérieure gauche, avec strabisme externe; mais, déjà, la
vue s'était affaiblie, bien qu'elle pût lire sans lunettes. Elle n'avait d'ailleurs aucun autre trouble de la vision. A la même date, elle aurait perdu la notion de position des membres inférieurs. Jusqu'à son entrée à la Salpêtrière, la malade, chez elle, restait assise; elle sentait très-bien la résistance du sol ; elle n'avait pas de dou-leurs en ceinture, mais de temps en temps, elle éprouvait dans les côtés du thorax des douleurs « comme si on lui enfonçait une côte.» Ces douleurs, qui s'effaçaient très-vite, « la faisaient sauter. »
Depuis cinq ans environ, la malade déclare avoir fréquemment le bout des doigts comme mort et ne pouvoir saisir les petits objets, une épingle par exemple. Jusqu'en 1867, elle se servait assez bien de ses bras. Les fonctions respiratoires et circulatoires s'accomplis-saient normalement. La malade a toujours été maigre ; appétit pas-sable, constipation habituelle.
État actuel, 27 avril 1868. —Les membres inférieurs sont éga-lement amaigris. Incoordination dans les mouvements, pas de notion de position, parfois la malade est obligée de chercher ses jambes et prend la gauche pour la droite. La force musculaire est conservée, un peu moins bien toutefois à gauche.
La sensibilité aux contacts légers est abolie. La sensibilité à la douleur est notablement émoussée ; il ne paraît pas y avoir de retard dans la perception. Pince-t-on la malade, elle éprouve plutôt une sensation de chaleur que de souffrance. La sensibilité au froid, loin d'être affaiblie, paraît un peu exagérée. Le B... perçoit le chatouillement à la plante des pieds, bien que cette manœuvre ne détermine que de légers mouvements réflexes. Elle dit avoir souvent des fourmillements, avec sensation de chaleur à la plante des pieds ; elle compare ces phénomènes à un bouillonnement. Les membres inférieurs, affectés au même degré, sont encore le siège des douleurs que nous avons mentionnées plus haut. Les crises sont quelquefois assez fortes pour faire pleurer la malade. La marche est impossible ; les jambes se jettent en dehors, parfois les deux du même côté, d'autres fois elles se croisent. On ne peut réussir, même en soutenant la malade sous les deux épaules, à lui faire exécuter plus de deux ou trois pas. Elle sent le froid et larésistance du pavé de la sa le. Assise, il lui est impossible de disposer de ses jambes pour se relever; si on la soulève pour la remettre debout, elle oublie de lâcher les bras du fauteuil.
Membres supérieurs. La malade serre assez fortement des deux côtés, un peu plus cependant à droite. Elle mange seule. Incoordi-
nation des mouvements, mais moins prononcée qu'aux membres inférieurs. La notion de position semble conservée ; il en est de même de la sensibilité au contact, à la température et au chatouil-lement. La sensibilité à la douleur est légèrement diminuée. Pas de retard dans la transmission des impressions. Sur le tronc, la sensi-bilité est normale.
Incontinence d'urine de temps en temps ; pour accomplir la miction, Le B... est obligée de faire des efforts; sans cela le jet s'arrête. A part de la constipation, les fonctions digestives s'accom-plissent convenablement, la malade a des picotements et des élan-cements à l'anus et souvent de faux besoins de défécation. Rien du côté des poumons et du cœur. Parfois, bouffées de chaleur à la face. Elle sue un peu des mains et des aisselles.
L'ouïe, conservée à droite, e.^t affaiblie à gauche ; bourdonnements dans les oreilles, venant à des intervalles plus éloignés qu'autre-fois. — Le goût et Y odorat sont intacts. — La vue est diminuée, plus à gauche qu'à droite ; à gauche, strabisme externe, chute de la paupière supérieure, que la malade peut néanmoins relever. La pupille droite est légèrement dilatée, la gauche normale: toutes les deux sont peu contractiles. Larmoiement, surtout à gauche, quand la malade lit pendant quelque temps. Parfois diplnpie; pas d'autres troubles de la vision. — Point de céphalalgie. Intelligence nette ; le caractère n'a pas subi de modification notable.
Arlhropathie ; début. Au commencement du mois de juin 1868, la malade a éprouvé pendant plusieurs jours des douleurs lanci-nantes dans l'avant-bras gauche. Puis, un malin (9 juin), en se réveillant, elle s'est aperçue que tout le membre supérieur, depuis le poignet jusqu'à l'épaule, était considérablement tuméfié; la peau était « rouge, comme bronzée. » Au bout de trois jours, le gonfle-ment a disparu à l'avant-bras et au bras: l'épaule seule est restée volumineuse. En appuyant la main sur cette articulation et en fai-sant exécuter des mouvements au bras, on perçoit des craque-ments.
Période d'état. 18 juin. 11 existe à la partie antérieure de l'épaule et au-dessous de l'extrémité externe de la clavicule, une tumeur du volume d'une orange, offrant delà fluctuation et paraissant due à une distension de la synoviale. Les craquements persistent.
1er juillet. L'épaule gauche est toujours volumineuse. La peau est normale ; quelques veines sous-cutanées sont légèrement dilatées. La saillie antérieure est la même. En arrière, il y a un peu d'em-
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
Planche III.
ARTHROPATHIE DEL ÉPAULE
chez une ataxique ( /. (' s X (I II 0 S S C II Se)
pâtement, des craquements, pas de douleurs. Rien dans le coude ni dans le poignet gauche, ni dans les jointures du bras droit.
2 août. Cette femme a été prise d'une diarrhée, d'abord peu in-tense, mais qui n'a pas tardé à prendre une apparence choléri-forme. Elle a succombé dans un état de cyanose très-prononcé, le 15 août. Peu de jours avant la mort, Y articulation malade s'était sen-siblement dégonflée.
Autopsie le 16 août. La moelle épinière offre une atrophie avec dégénération grise très-prononcée des cordons postérieurs dans les régions dorsale et lombaire. La région cervicale est aifectée aussi, mais à un moindre degré. Les racines postérieures sont atro-phiées.
Epaule. Le volume de l'articulation était normal. Les tissus péri-articulaires offraient une coloration noirâtre, mais ne présentaient d'ailleurs rien d'anormal. 11 existait une bourse synoviale énorme sous le deltoïde; la distension de cette cavité séreuse (qui, du reste, était complètement dégonflée au moment de l'autopsie) avait sans doute beaucoup contribué à la tuméfaction apparente de l'épaule.
La synoviale articulaire, proprement dite, porte les traces d'une distension considérable. A l'ouverture de l'articulation, sa surface interne avait un aspect un peu grisâtre. Elle renfermait un peu de liquide citrin. La synoviale était épaissie, fongueuse, sans traces d'arborisations vasculaires. On voyait quelques concrétions ossi-formes dans l'épaisseur de la capsule, mais il n'existait pas de corps étrangers intra-articulaires.
L'extrémité supérieure de Thumérus a une forme très-singulière. La surlace articulaire est rugueuse, érodée, et ne présente plus aucune trace du cartilage d'encroûtement. Une portion considé-rable de la tôle de l'os a disparu, comme si le frottement l'avait usée; dans son état actuel, cette pièce ressemble à l'extrémité supérieure du cubitus. (La planche III donne une idée fidèle de ces destructions, que fait encore ressortir la comparaison avec l'extré-mité d'un humérus sain.) Au pourtour de l'os ainsi altéré, il y a quelques ostéophytes arrondis, mais on ne voit pas ces bourrelets osseux élargissant la surface articulaire, comme dans l'arthrite sèche. On constate, au contraire, une véritable atrophie de la tête de l'humérus.
La cavité glénoïde de l'omoplate présente des lésions analogues : sa surface, est rugueuse, érodée comme celle de l'humérus, mais à un moindre degré. Le cartilage est détruit. Il n'y a pas de bourrelets
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osseux. De même que l'extrémité de l'humérus, elle est atrophiée. La clavicule et Vacromion sont indemnes de toute altération.
— La suite au prochain numéro. —
THÉRAPEUTIQUE
DE L'EMPLOI DU CMLORAL DANS LE TÉTANOS TRAUMATIQUE
revue analytique par g. peltier, interne des hopitaux1
— fin —
Les plaies et accidents causés par les projectiles de guerre sont venus donner une trisle actualité au sujet qui nous occupe ; déjà ils ont fourni trop souvent, l'occasion d'expérimenter l'action du nouveau médicament.
Ainsi M. Boinet a observé tout récemment, dans son service d'ambulance, trois cas de tétanos, qu il a traités par le chloral à haute dose, soit 8 grammes par jour en moyenne. De ces trois bles-sés, l'un avait reçu un éclat d'obus qui avait pénétré dans la cuisse, et qu'il a fallu extraire. Chez le second, une balle avait également pénéiré dans la cuisse à une grande profondeur; le troisième avait reçu une balle dans la main. Tous ces projectiles ont été extraits. Le tétanos s'est développé à une époque tardive, huit ou dix jours après la blessure. De. ces trois malades, deux ont guéri; un a suc-combé.
M. Alph. Guêrin a également observé trois cas de tétanos qu'il a traités par le chloral à la dose moyenne de 8 à 10 grammes par jour ; il n'a pas eu à se louer du médicament, car tous les malades ont succombé sans avoir présenté, pendant la durée de la maladie, la moindre marque d'une amélioration quelconque.
De son côté, M. Giraldès a signalé une forme particulière du téta-nos qui débute d'emblée par la contracture des muscles pharyn-giens et qui rend difficile, sinon impossible, l'administration du chloral, comme de tout autre médicament par la bouche. Dans cette forme, les malades succombent généralement avec une extrême rapidité. M. Giraldès l'a observée récemment chez un blessé bava*
1 Voir Revue photographique, 1810, pages 184, 210 et 238.
rois atteint d'une blessure à la cuisse sans phénomènes extrêmement graves en apparence. Au bout de quelques jours, le blessé a été pris de tétanos à forme dysphagique, et l'on a été obligé de lui faire prendre le chloral par le rectum. La mort est survenue en quelques jours.
Un enfant, amené dans le service de M. Giraldès, pour une plaie de Lavant-bras, a été également affecté de tétanos à forme dyspha-gique et a succombé rapidement, malgré l'emploi du chloral en lave-ment.
Enfin, dans un des trois cas, un soldat qui avait eu le corps tra-versé par une balle a été pris d'accidents tétaniques qui ont duré treize jours avec une forme bénigne en apparence. Malgré l'emploi du chloral administré parla bouche et par le rectum, le malade a été pris de contracture pharyngienne, aux suites de laquelle il a bientôt succombé.
Ne serait-il pas préférable, dans des cas semblables, d'adminis-trer le chloral en injections hypodermiques? L'absorption serait cer-tainement plus complète, et il ne semble pas que l'on ait beaucoup à redouter la production d'accidents locaux. A ce sujet, citons l'ob-servation suivante que nous communique notre ami Bourneville, et qui est intéressante à plusieurs points de vue.
Observation XXVIII. — Plaie du pied droit : amputation du pied.— Plaie contuse étendue de la cuisse gauche. — Tétanos onze jours après le traumatisme. — Température. — Injections hypodermiques, répé-tées, de chloral. — Mort. (Observation recueillie par Bourneville.)
Bichm... (Alfred), âgé de 24 ans, mobile du département de la Marne, est entré, le 2 décembre 1870, à l'ambulance baraquée du Jardin des plantes1, pavillon 111, n°45 (service de M. Polaili.on). Il a été blessé le 1er décembre par des éclats d'obus : 1 ' au pied droit ; 2° à la cuisse gauche. Les accidents du côté du pied ont nécessité l'amputation immédiate. Quant à la seconde plaie, qui mesure 15 à 20 centimètres de hauteur et 10 à 12 de largeur, elle est située au niveau du tiers moyen de la face interne ; elle est anfractueuse et, au fond, on voit le paquet des vaisseaux fémoraux. Enfin, elle com-
1 Celte ambulance, construite sur les conseils de M. Micbel Lévy, se composait de douze pavillons contenant chacun 20 lits, et placés à la suite les uns des autres dans la grande avenue du Jardin. Leur disposition était telle qu'il eût été difiieile d imaginer, pour la saison et les circonstances, une construction plus coûteuse et plus mauvaise.
rauaique, par un trajet sous-cutané, avec une autre plaie ayant 4 à 5 centimètres et répondant au bord supérieur du condyle interne.
11 déc. Abcès circonscrit, à la partie supérieure et interne du moignon; ponction. La cicatrisation du lambeau marche avec len-teur. La plaie crurale bourgeonne assez bien. Le malade, d'un tem-pérament très-nerveux, se plaint beaucoup à chaque pansement. Voici, sur ses antécédents, les détails qu'il nous fournit : ii n'aurait pas eu de signes de scrofule dans l'enfance; à deux mois et demi, il a eu des convulsions qui ont duré environ cinq heures. Il est sujet à des migraines (céphalalgie, vomissements). Quand il est contrarié, il pleure facilement et il éprouve une sensation de constriction à la région laryngienne. Durant les quatre dernières années, il a fait des excès de boisson, surtout de vin.
12 déc. La physionomie a quelque chose de particulier : le regard est sardónique, moqueur. Les pupilles sont égales, un peu contrac-tées. Les sillons naso-labiaux sont plus accusés que d'habitude; les narines sont dilatées. Le malade ne peut éloigner l'une de l'autre les arcades dentaires de plus d'un demi-centimètre. Ces accidents auraient débuté hier soir. — R .. s'inquiète d'une sensation de roi-deur sur chaque côté du cou et fléchit difficilement la tête en raison de la contracture des muscles extenseurs. La soif est vive; la déglu-tition est facile. 11 n'y a pas eu de garde-robe depuis le 10 décembre, soir. Le pouls est à 120, la respiration à 20. — Julep avec chloral, 4 gammes.
Soir. Le malade n'a pas eu son julep, parce qu'il n'y a pas de chloral a la pharmacie de l'ambulance1. Nous faisons faire, à l'hô-pital de la Pitié, une solution avec :
Eau............. 10 grammes.
Chloral...........10 grammes2.
et nous pratiquons au malade des injections sous-culanées au niveau de la région massélérine gauche et des pectoraux (environ 2 gr. de chloral).
Le trismus est un peu plus intense que le matin : c'est à peine si le malade arrive à écarter les mâchoires de trois millimètres. Parfois,
1 11 en a été de même pour la plupart des médicaments : vin de quinquina, extrait de quinquina, etc.; et cela depuis le 4 décembre jusqu'au 4 mars! ce sont de petits faits à mettre encore sur le compte de l'intendance.
- C'est là une proportion très-forte et que nous n'avons prescrite que parce qu'il fallait agir vite, d'une part; et que, d'un autre côté, nous ne pouvions multiplier les piqûres, le malade étant très-nerveux.
on note de la gêne de la respiration; parfois aussi un certain degré d'abattement. P. 120, assez développé; R. 16-20; T. Ax. 39°,4.
15 déc. Le malade, plus affaissé, gémit sans cesse. Les paupières, entr'ouvertes, laissent voir les globes oculaires immobiles, sans ex-pression; les pupilles sont normales, contractiles. Céphalalgie fron-tale. Par moments, la figure prend une expression tout à lait sardó-nique. Le trismus est le même qu'hier soir. R... boit au biberon et avale sans difficulté. Il lui est maintenant impossible d'incliner le menton vers le sternum. Pas de garde-robes. Huile de ricin, 50 grammes; huile de crotón, une goutte. Injection sous-cutanée de 2«r,50 de chloral. P. 128; R. 20; T. ax. 59°. — 2 heures de l'après-midi, injection de 2 grammes de chloral.
Soir. Le trismus a un peu diminué. Les mâchoires s'écartent d'un centimètre ; en revanche, les muscles de la région postérieure du cou sont plus contractures; par instant aussi, on remarque des mouvements spasmodiques dans les membres supérieurs. — H y a eu deux selles abondantes. Injection de 5sr,50 de chloral sous la peau des régions iliaques. — P. assez petit, 120; R. 56; T. ax. 59",6.
14 déc. Hier soir et cette nuit, agitation, mouvements convulsifs des bras. Le malade dit souffrir beaucoup de la tête et demande souvent qu'on la lui relève parce qu'elle est trop basse : c'est là une fausse sensation due à l'extension. Il est difficile de l'asseoir à cause de VopistJiotonos qui se prononce de plus en plus. Pas de dyspnée: quelques râles sonores à l'auscultation.
La déglutition s'effectue moins bien qu'hier. Les liquides sont parfois rejetés. Soif très-vive ; pas de vomissements; deux selles; miction normale. La sensibilité au contact, à la douleur, etc., est conservée. Rien d'extraordinaire vers les membres intérieurs.— Injection de 5gr,50 de chloral sous la peau de l'abdomen. P. 156; R. 40; T. ax. 59°.
2 heures de l'après-midi. Injection de 5gr,50 de chloral.
Soir. Le trismus a diminué, les mâchoires s'écartent de 2 cen-timètres ; mais la dysphagie et Y opistholonos ont augmenté : les liquides s'accumulent dans la bouche et nécessitent, pour être avalés, des efforts considérables ; la tête est en quelque sorte en-foncée entre les deux épaules. — De temps en temps, mouvements convulsifs (tétaniques) dans les membres supérieurs. — Pepuis deux heures, le malade a du délire. Relevons, en passant, que les pan-sements n'ont jamais paru si peu pénibles que depuis le début du
tétanos. — Injection en deux points de la fesse gauche, de cinq grammes de chloral. P. 152; R. 40; T. ax. 38°,4.
Peu après notre dépait, les phénomènes dyspnéiques se sont ag-gravés et le malade a succombé à minuit. Il n'a pas élé possible de faire l'autopsie.
« Deux points méritent d'être relevés d'une façon plus spéciale, ajoute notre ami Bourneville. C'est, en premier lieu, le mode d'em-ploi du médicament qui n'a pas élé donné souvent en injections sous-cutanées. Mais, dans les conditions où nous nous trouvions, ayant affaire à des infirmiers novices, sans pratique sérieuse, il y avait médiocrement à compter sur l'administration régulière d'une potion. Il était, de plus, urgent d'agir vite. La méthode hypoder-mique nous assurait une action rap de, et d'ailleurs nous avions pratiqué en maintes circonstances et avec profit des injections sous-cutanées de chloral1 ; jamais, cependant, à un degré de concentra-tion aussi fort, et c'est là le second point sur lequel nous devons nous arrêter.
« Presque toujours nous avons été obligé d'injecter une assez grande quantité de la solution dans le même point, parce que chaque piqûre produisait une surexcitation pénible. C'était là une circonstance déjà un peu défavorable, car l'accumulation du liquide donnait lieu à une petite tumeur plus ou moins arrondie, dont le centre, très-pâle, légèrement soulevé, présentait une plaque simu-lant celle de l'urticaire. Comme phénomène immédiat, on notait une douleur cuisante qui durait environ une dizaine de minutes. Quant aux accidents consécutifs, nous avons remarqué : l°de petites bulles irrégulières autour de deux piqûres, bulles dues à la sortie de quelques gouttelettes de la solution; 2° une coloration violacée, ou jaunâtre, diffuse, dans plusieurs endroits. Ces lésions étaient d'autant plus marquées que le tissu de la région était plus serré ; en effet, les piqûres pratiquées sous la peau des parties moyennes et latérales de l'abdomen ne se sont accompagnées d'aucun symptôme particulier. L'opposition faite à l'autopsie ne nous a point permis, par malheur, de vérifier l'étendue et la profondeur des altérations locales qu'il était possible de mettre sur le compte du chloral. »
Nous avons pu observer nous-même trois cas de tétanos trauma-
1 Nous nous sommes servi, dans les cas auxquels nous faisons allusion, d'une solution avec 2 gr. et 4 gr. de chloral pour 10 gr. d'eau.
tique traités sans succès par le chloral ; nous allons les analyser brièvement, et nous terminerons cette revue, déjà trop longue, par les quelques conclusions qui nous paraissent en ressortir.
Le premier cas, observé à la Ramaurie, près de Sedan, se mani-festa chez un blessé qui avait une plaie de la cuisse par éclat d'obus : pris de convulsions tétaniques le sixième jour, il mourut le neu-vième, malgré le traitement, qui consista en potion administrée toutes les deux heures et contenant six grammes de chloral.
Le deuxième cas, observé à Àrtenay, se montra sur un jeune of-ficier prussien qui, le 10 octobre, avait eu le mollet traversé par une balle. La plaie semblait aller assez bien lorsque, onze jours après la blessure, il fut pris de trismus ; on lui administra égale-ment du chloral, mais il succomba le 25 octobre, quatre jours après le début des accidents.
Le troisième cas fut observé à Loury (Loiret). Le blessé était un jeune zouave que l'on avait amputé de la jambe pour une plaie par éclat d'obus. Au bout de quelques jours, il fut pris de roideur dans les mâchoires; on lui donna du chloral, en potion, environ un gramme toutes les deux heures ; son état sembla s'améliorer un peu, mais il mourut cependant le quatrième jour, sans que les convul-sions eussent gagné d'autres muscles que ceux delà mâchoire. L'au-topsie fut faite; elle ne donna que des résultats négatifs.
Si nous jetons maintenant un coup d'œil rétrospectif sur les di-verses observations que nous avons analysées, nous trouvons bon nombre de guérisons qui, de la manière la plus certaine, nous font voir l'influence considérable de l'hydrate de chloral sur la marche des accidents tétaniques. Nous voyons aussi que ce médicament a eu ses insuccès, que nous avons notés avec soin ; il y a là un ensei-gnement clinique important qu'il ne faut pas négliger si l'on veut arriver à se faire une idée juste de son action, si l'on veut parvenir à déterminer à quel moment, comment et à quelles doses il faut l'administrer.
Nous allons d'ailleurs résumer, dans le tableau suivant, les obser-vations que nous avons analysées dans le cours de notre travail. Ce tableau permettra au lecteur de se rendre mieux compte des ré-sultats de l'action du chloral.
Ce sont là, à notre connaissance, tous les cas de tétanos trauma-tique qui ont été traités par le chloral ; une fois sur trois on a pu obtenir la guérison des malades. Il nous faut espérer que la statis-tique sera plus favorable encore lorsque l'on connaîtra mieux les
règles qui doivent présider à l'administration du chloral, et que l'on pourra éviter des tâtonnements nuisibles au succès de la médica-tion.
Ce sont ces règles que nous allons essayer de formuler, d'après la revue analytique que nous venons de faire.
1° 11 faut donner le chloral, dès l'apparition des premiers spasmes tétaniques.
2° Il faut le donner à une dose considérable (8 à 10 grammes par jour), et n'abaisser cette dose que quand les spasmes ont cessé com-plètement et depuis un certain temps.
5° Il faut faire prendre le médicament dans une potion que l'on donne par fractions jusqu'à ce que le malade s'endorme. Si l'on ne peut le faire prendre par potion, il faut l'administrer alors en injec-tions sous-cutanées ou en lavements.
CLINIQUE OBSTÉTRICALE
NOTES ET OBSERVATIONS SUR QUELQUES MALADIES PUERPÉRALES
par bourîneville 1 iii. exemple de rupture de l/ui'ÉRUS.
Observation. — Grossesse à terme. — Douleurs. — Tentatives obstétricales; insuccès. —¦ Rupture de l'utérus. — Péritonite. — Mort. — Autopsie.
R... Clarisse, 36 ans, piqueusede bottines, est entrée le 14 octo-bre 1869 à J'hôpiial Saint-Louis, salle Ferdinand, n° 1. Réglée à 13 ans, elle a eu son premier enfant à 19 ans; le second, à 20 ans; le troisième, à 21 ans (présentation du siège, application du for-ceps) ; le quatrième à 25 ans; une fausse couche (six mois) à 24 ans; le sixième enfant, à 26 ans; le septième, à 28 ans; le hui-tième, à 31 ans; le neuvième, à 34 ans 1/2. La malade, enceinte pour la dixième fois, n'a pas vu ses règles depuis le 10 janvier. La grossesse a été moins bonne que les précédentes, car elle s'est accompagnée de sensations de pesanteur, de douleurs dans les
1 Voir Revue photographique, 1870, pages 155, 11G, 216 et 247.
aines, le bas-ventre, obligeant cette femme à se placer dans le décubitus dorsal pour les calmer.
Le 10 octobre, R... n'éprouvait aucun malaise, mais dans la nuit du 10 au 11, elle eut des douleurs très-fortes. A neuf heures du matin, le 11 octobre, elle perd les eaux de l'rmnios. Une sage-femme qu'elle avait appelée dit qu'elle sentait une main, et après avoir fait plusieurs explorations alla chercher un médecin. Celui-ci aurait déclaré que la présentation était normale.
R... affirme que le médecin et la sage-femme l'ont touchée une dizaine de fois, et ont môme introduit la main entière dans le vagin. A partir de ce jour, le médecin n'a pas reparu. Quanta la sage-femme, elle aurait continué chaque jour ses visites, et à chaque fois l'aurait touchée de nouveau. Les douleurs ont été très-fortes, le 11 et le 12 octobre, semblables à celles qu'elle avait ressenties aux couches précédentes. Elles ont cessé tout à fait le 13. De-puis le 11 jusqu'à ce matin, la malade dit avoir eu des vomisse-ments verdàtres, abondants, ne plus sentir remuer son enfant depuis un mois; et, enfin, ne pas avoir ressenti de douleurs vives, subites, durant les explorations dont nous avons parlé.
Le toucher, pratiqué le 14 octobre dans la soirée, fut assez diffi-cile, parce que le col de l'utérus était situé tout à fait à droite, et à une assez grande hauteur. Il permet de reconnaître que la dila-tation était peu avancée (environ 2 centimètres 1/2), et que les bords de l'orifice étaient tendus, irréguliers. On sentait la tête du fœtus, sans interposition de la poche des eaux, et, de plus, une sorte de chevauchement des os de la tête les uns sur les autres. L'auscultation ne fait pas découvrir les bruits du co;nr. Le palper abdominal est douloureux et à peu près au même degré dans tous les points. Bagnols; bain.
15 octobre. Pouls très-petit, 120. Le toucher, pratiqué par de Soyre, donne les mêmes résultats qu'hier. La malade a eu, cette nuit, des vomissements bilieux abondants. La péritonite est évi-dente. A quoi est-elle due? Probablement à une rupture de l'utérus. Cataplasmes laudanisés, toniques.
Soir. Langue large, légèrement rouge, avec enduitblanchâtre; sé-cheressede la bouche; soifvive ; pasde vomissementsdepuislematin ; ventre un peu ballonné, partout sensible à la pression et, en par-ticulier dans les flancs; six selles abondantes, diarrhéiques, fétides. Pouls très-petit, à 132. Pommettes rouges, chaudes. Les traits sont un peu tirés ; les yeux modérément enfoncés ; la voix nor-
maie. — Cataplasmes laudanisés; frictions onguent napolitain; potion de Todd; Bagnols; 1 pilule extrait thébaïque, 0«r,05; glace.
16 octobre. P. 116, petit, fréquent. Les symptômes n'ont pas changé; la diarrhée persiste. ¦— Soir : P. 120-124. Même état.
17 octobre. Le pouls varie de 120 à 128 du matin au soir. Écou-lement d'un liquide fétide par le vagin ; pas de sang. Traitement ut supra.
18 octobre. Pas de changement. Le col ne s'est pas modifié. Pouls 116 et 124. Point de vomssements depuis le 15.
19 octobre. Le matin, pouls à 136; le soir, à 124; respiration costale à 28. Les yeux sont enfoncés dans leurs orbites, le regard sans expression; la conjonctive oculo-palpébrale a une teinte sub-ictérique. La face, la peau, en général, sont jaunâtres. Langue sèche, rouge au centre, saburrale sur les bords; nausées ; ventre le môme, peu douloureux ; garde-robes involontaires, fétides, noi-râtres. L'auscultation ne dénote rien d'extraordinaire.
20 octobre. Nuit passable. La coloration ictérique augmente. Amaigrissement. Pas de frissons. P. 124. — Soir : P. 128, régu-lier; Pi. costale, 24.
21 octobre. La situation de la malade est toujours grave. Sub-delirium. — Soir : muguet; délire; voix plus faible; se plaint sans cesse d'avoir trop chaud; seins flasques. P. 136, très-petit ; Pi. 52.
25 octobre. Ni frissons, ni vomissements. Mêmes caractères des selles. Ecoulement vaginal peu considérable, noirâtre. Miction et défécation inconscientes. Peau chaude, ni sèche, ni sudorale. Le muguet s'étend. Délire plus intense. Les autres symptômes n'ont pas changé. Il en est de même le soir. — La malade meurt le 24 octobre à six heures.
Autopsie le 25 octobre. La peau de l'abdomen a une couleur verdâtre. La rigidité cadavérique est très-prononcée. Les ¦poumons sont un peu congestionnés à leur base. Cœur, rien. Lorsque l'on a eu incisé la paroi abdominale, il s'est écoulé un liquide sanieux, noirâtre, fétide. Le péritoine pariétal est recouvert de fausses membranes épaisses, verdàtres. 11 en existe de semblables entre les anses intestinales. Le gros intestin, disfendu, offre la même coloration, l'ai tout les fausses membranes se rompent sans peine.
Le placenta est situé dans la fosse iliaque gauche, au-dessus de PS iliaque, et repose sur l'épaule gauche du fœtus, dont le corps,
placé au-dessous du colon transverse, est dirigé obliquement de gauche à droite et de bas en haut. Le dos regarde en avant; le bras droit appuie sur le pubis; le gauche est caché sous le placenta. Le membre inférieur gauche est fléchi, le talon accolé à la fesse droite ; la jambe droite descend dans l'excavation pelvienne. Le cordon ombilical vient apparaître entre les deux membres du côté droit, puis entre eux et le tronc, remonte le long de l'épaule droite, passe derrière elle, arrive sur la nuque, et enfin aboutit au placenta.
Le corps de Yutérus, verdâtre, revenu en partie sur lui-même, est placé entre le côté gauche du fœtus et le rachis, et un peu plus à droite qu'à gauche. Il présente sur sa face antérieure et son bord supérieur une déchirure de 10 centimètres au moins, dont les bords sont amincis, un peu irréguliers et noirâtres.
Le fœtus a subi une. macération complète. L'épiderme, soulevé, ridé, se détache en larges lambeaux. La peau est molle, flasque, d'un rouge vineux ; à la coupe, elle est comme graisseuse. Les muscles sont violacés, un peu gluants au toucher. Les os du crâne sont, pour ainsi dire, tout à fait disséqués. Les yeux sont trans-formés en une masse blanchâtre1.
— La suite au prochain numéro. —
BIBLIOGRAPHIE
Traité clinique et pratique des maladies puerpérales, suites de couches,
par le docteur E. Hlrvieux, médecin de la Maternité "2.
Une des plus importantes publications médicales de ces derniers temps est, sans contredit, le Traité clinique et pratique des maladies puerpérales, que vient de publier M. Ilervieux. On peut, sur certains points, ne pas partager les opinions du médecin de la Maternité, mais il est impossible de ne pas reconnaître ce qu'il a fallu de tra-vail et de persévérance pour mener à bonne fin cette laborieuse en-treprise.
Jusqu'à ce jour, nous ne possédions aucun ouvrage d'ensemble sur ce point de la pathologie abandonné presque exclusivement aux
1 La pièce a été présentée à la Société anatomique.
- Un fort volume in-8° de 1160 pages, avec figures intercalées dans le texte, chez Adr. Delahaye, libraire-éditeur.
accoucheurs qui, préoccupés surtout de ia pratique obstétricale et des difficultés opératoires qu'elle peut présenter, avaient rélégué sur un plan tout à fait secondaire l'étude clinique des maladies puerpé-rales. Et cependant, c'est un sujet qui n'a eu que trop souvent le mérite de l'actualité, si on se reporte aux lamentables épidémies qu'on a pu observer, à diverses époques, dans la plupart des ser-vices d'accouchements !
Dans un livre traitant exclusivement des maladies puerpérales, une question, une grave question doit être débattue tout d'abord. Quelle est la cause des épidémies puerpérales? Existe-t-il une fièvre puerpérale, pouvant rendre compte de tous les faits morbides ob-servés? — La théorie de la fièvre puerpérale, admise généralement au siècle dernier, est maintenant très-sérieusement compromise. Déjà, en 1858, à l'Académie de médecine, elle fut très-discutée et ne fit que perdre du terrain, malgré les éloquents plaidoyers de MM. Dubois, Danyau, Depaul. A présent, on est à peu près d'accord pour admettre {'empoisonnementpuerpéral, théorie qui a trouvé un fervent apôtre dans l'auteur même du livre que nous analysons, théorie rendant parfaitement compte des affections puerpérales multiples que nous sommes à même d'observer. Cette doctrine dif-fère en effet de celle de la fièvre puerpérale par un point capital : c'est qu'elle donne aux maladies puerpérales pour point de départ» non pas la puerpéralilé, qui est un état physiologique, mais l'empoi-sonnement puerpéral, qui est un état morbide.
Cette théorie, une fois admise et prouvée, il faut chercher quelles sont les causes de lempoisonnement puerpéral et quelle peut en être la prophylaxie. Ces questions ont été l'objet de discussions approfondies, dans ces derniers temps surtout; à la Société de chi-rurgie, à la Société médicale des hôpitaux, elles ont fait l'objet d'é-tudes ou de rapports importants, de la paît d'hommes très-compé-tents, tels que MM. Trélat, Lefort, Bourdon, Tarnier, etc. Pour donner un résumé de l'exposé très-lumineux que nous fait M. Ilervieux, nous nous bornerons à donner les conclusions qu'il formule lui-même dans son livre :
« 1° La détresse morale et physique, la primiparité, la longue durée du travail, les difficultés de l'accouchement, les manœuvres obstétricales ne jouent, dans l'empoisonnement puerpéral, que le rôle de causes prédisposantes. — 2° L'infection et la contagion sont les causes efficientes et propagatrices par excellence de cet empoi-sonnement. — 5° La viciation de l'air par les sécrétions multiples,
soit physiologiques, soit morbides, des nouvelles accouchées, l'oc-cupation permanente des salles de femmes en couches et l'encom-brement, telles sont les circonstances qui donnent lieu à la création du principe infectieux. — 4° L'accouchement à domicile et chez les sages-femmes devra être organisé sur les bases les plus larges pos-sibles. — 5° La première mesure à prendre contre une épidémie puerpérale, c'est l'évacuation complète du service ou de la maison d'accouchement où celte épidémie se déclare. — 6° La prophylaxie de l'empoisonnement puerpéral comprend un grand nombre de moyens parmi lesquels nous citerons : l'occupation alternée des salles et des lits, l'espacement suffisant de ces derniers, l'emploi de la ventilation naturelle et artificielle, la suppression des rideaux, le renouvellement des literies, le lessivage des murs à l'eau chlo-rurée, etc. »
Nous avons cru devoir signaler tout particulièrement cette pre-mière partie du livre de M. Hervieux, car c'est à la suite de l'empoi-sonnement puerpéral que va se dérouler tout le cortège des affec-tions puerpérales. Et, en effet, cet empoisonnement ne se conçoit pas sans manifestations morbides plus ou moins graves ; c'est de lui que procèdent les péritonites générales ou partielles, la métrite et ses variétés, l'ovarite, les phlegmons du ligament large et vingt autres affections que nous aurons plus tard l'occasion d'étudier.
Tout d'abord l'auteur s'occupe des maladies du péritoine; il con-sacre un long chapitre à la péritonite généralisée qui, selon lui, n'est pas toujours, ainsi que cela est à peu près universellement admis, une péritonite généralisée, mais qui est quelque'bis géné-rale d'emblée. Peut-être ces cas existent-ils, mais ils doivent être très-rares et presque toujours in cadavere; il est possible de trou-ver dans l'utérus ou dans ses annexes le point de départ de la lésion morbide. La péritonite est étudiée avec soin dans ses altérations anntomiques, dans ses symotômes, et c'est avec intérêt que nous avons lu les récitals que l'on peut tirer du pouls et de la tempéra-ture observés et notés régulièrement1. Les péritonites partielles trou-vent leur place naturelle après lélude de la péritoni!e généralisée; elles jouent un rôle considérable dans la pathologie de la femme en couche, et on ne peut les méconnaître sans s'exposer à tomber jour-nellement dans les erreurs pratiques les plus grossières. Elles peu-vent être bornées, et cela a lieu le plus souvent, à la région hypogas-
1 Voir aussi Revue photographique, 1870, page 247.
trique ; elles se concentrent ainsi en quelque sorte aux environs de l'utérus, mais elles peuvent aussi affecter certains autres points, tels que la surface du foie, le mésentère, l'épiploon, etc.; ce sont là autant de particularités envisagées avec soin dans le Traité des ma-ladies puerpérales.
Après les maladies du péritoine viennent celles de l'appareil génital, et c'est alors que nous trouvons la métrite puerpérale, les ruptures de l'utérus1 et du vagin, les métrorrhagies, l'ovarite, la vaginite et la vulvite puerpérales, ainsi que les thrombus de la vulve et du vagin. — L'anatomie pathologique de la métrite est faite avec un soin presque méticuleux, et nous serions presque tenté de nous plaindre de l'abondance des descriptions et de la superfluité des di-visions et subdivisions. C'est ainsi que nous trouvons notées et étudiées successivement : 1° Yendométrite, qui peut être inflamma-toire, suppurée, pseudo-membraneuse ou diphthériiique,putrescente ou nécrobiotique, gangreneuse ; 12° Yidiometrite ou métrite paren-chymateuse, qui peut être simple ou suppurée, ou nécrobiotique ou gangreneuse ; o° Yexométrite, qui peut être hypérémique, suppurée, angioleucitique, etc. Si chacune de ces formes se distinguait par des symptômes propres ou par une thérapeutique particulière, nous ne nous plaindrions certainement pas ; mais il faut bien l'avouer, il est à peu pires impossible de faire le diagnostic de ces diverses variétés, et le traitement doit être celui de la métrite puerpérale en général. Dans ce traitement, M. Hervieux accorde une grande efficacité aux injections intra-utérines, efficacité qui nous paraît avoir été démon-trée d'une façon évidente dans un travail très-intéressant, dû à M. Fontaine, ancien interne de la Maternité2.
On ne peut nous demander de passer en revue chacune des parties de ce volumineux ouvrage; nous venons de signaler celles qui trai-tent des maladies des organes pelvi-abdominaux, maladies qui sont de beaucnup les plus fréquentes chez la nouvelle accouchée. Vien-nent ensuite les maladies du système circulatoire, dont l'importance, au moins pour quelques-unes d'entre elles, est si considérable ; c'est là que nous trouvons l'étude de la phlébite puerpérale, de la phlé-bite utérine, de la phlébite des veines du bassin, de la phlébite cérébrale et méningée, de l'angioleuciie puerpérale, des thromboses artérielles, des embolies, et enfin de l'endocardite puerpérale.
1 Voir aussi sur ce point les notes insérées à la page 25.
i Étude sur les injections utérines après l'accouchement, 1869.
Le Gérant : a. de montméja.
Sur un plan secondaire sont reléguées les maladies de l'appareil respiratoire et celles des centres nerveux; moins importantes, moins fréquentes surlout, elles sont cependant notées avec des dé-tails suffisants et en particulier pour ce qui concerne les pleurésies, les pneumonies, ainsi que les paralysies puerpérales. — Les trois dernières sections sont consacrées, l'une à l'étude des maladies dia-thésiques (diathèses purulente, diphthéritique, gangreneuse); une autre aux maladies accidentelles (érysipèle, scarlatine et miliaire, variole, ictère, dothiénentérie, choléra); la dernière traite de la mort subite dans l'état puerpéral, et celte mort subite peut être causée, soit par l'empoisonnement puerpéral, soit par une lésion ou du système circulatoire, ou des organes respiratoires ou des centres nerveux.
Nous nous arrêtons ; dans cet ouvrage, à côté de la clinique, de l'observation journalière, on voit sans cesse l'idée doctrinale, la théorie de l'empoisonnement puerpéral ; c'est guidé p-ir elle, comme par un flambeau, pour nous servir de l'expression même de l'auteur, que M, Ilervieux « a pu fouiller, pour ainsi dire, tous les recoins de la pathologie des femmes en couches, trancher bien des questions restées jusqu'à ce jour sans solution, et, dans tous les cas, apporter quelques données utiles comme contribution à l'his-toire des parties inexplorées du sujet. »
Tel est, en résumé, le pian suivi par M. Hervieux dans son Traité clinique et pratique des maladies puerpérales ; tel est le cadre dans lequel sont entrées les maladies des femmes en couches. Toujours les descr plions sont faites avec beaucoup de soin, quelquefois peut-être avec trop de longueur et de complaisance, mais c'est là un léger reproche pour un ouvrage qui n'est pas une œuvre de compila-tion, qui porte le cachet d'une certaine individualité, et qui est le ré-sultat d'une des plus vastes expériences que jamais médecin puisse acquérir des maladies puerpérales.
G. Peltier.
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
EGAGROPILE
: H E Z V N C II A T
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
Le mot égagropile, comme l'indique son étymologie, implique l'idée de concrétions formées de laines feutrées ou de poils. Cette définition est incomplète, car aujourd'hui, il est bien démontré que souvent les éléments de l'égagropile se rencontrent dans les végétaux dont se nourrit l'animal.
Ces espèces de calculs se trouvent surtout dans les organes di-gestifs des herbivores, principalement chez les chèvres; il en existe en outre chez le cheval, chez le chien, chez le porc, chez le chat. C'est de l'appareil digestif de ce dernier animal que provient celui qui est représenté dans la Planche IV. Il siégeait dans l'œsophage, qu'il obstruait complètement, et descendait jusque dans l'estomac, où il formait hernie. Une incision pratiquée, d'une part, sur l'œso-phage, qui était distendu d'une façon notable, de l'autre, sur la face antérieure de l'estomac, montre les deux extrémités de cet égagro-pile. D'une forme rappelant celle du sablier, il mesurait 16 centi-mètres de longueur, 8 de circonférence et était composé de poils agglutinés par le mucus. L'animal est mort d'accidents dyspnéiques qui, parfois, prenaient la forme d'accès.
Les animaux atteints de maladies de peau avec prurit, forcés de se gratter et de se lécher continuellement, ont souvent des égagro-piles. Les chiens et les chats sont surtout dans ce cas. A Paris, res-tant constamment dans les appartements, nourris avec beaucoup de viande, ils ont, au bout de peu d'années, des affections exanthé-matiques prurigineuses, incurables le plus souvent. Il en est quel-quefois ainsi pour le cheval, tout au moins quant au mécanisme de
58 année. 5-4
DES HOPITAUX DE PARIS
PATHOLOGIE COMPARÉE
DES ÉGAGROPI LES
par raymond
la formation de l'égagropile, dans certaines maladies de peau. On trouve également chez cet animal des égagropiles végétaux; habi-tuellement, le centre de la concrétion est solide, formé de sels cal-caires et c'est autour de ces noyaux que se déposent, par couches concentriques, les poils végétaux ou les poils animaux.
Les chèvres ont des égagropiles, comme nous l'avons déjà dit ; développées dans les conditions indiquées précédemment, ces con-crétions ont été, chez elles, appelées bézoards pileux, mais mieux vaut la première expression, qui est plus générale et qui est bien comprise. Chez le mouton, les égagropiles ont reçu le nom de gobbes ; ces concrétions auxquelles pendant longtemps on a attri-bué des propriétés malfaisantes, sont formées, en partie, de ma-tières animales et, en partie, de matières végétales; on les trouve surtout dans la caillette, jamais dans l'intestin. Les plantes de la famille des synanthérées sont celles qui donnent habituellement naissance aux égagropiles. 11 est facile de comprendre pourquoi, chez le mouton, il entre dans la composition de l'égagropile des produits végétaux. Sur le mouton au râtelier s'attachent des plantes que mangent les animaux voisins, entraînant en même temps un peu de laine ; si le mouton va au pâturage, il laisse sur les haies des touffes de laine qu'il avale plus tard lorsqu'il vient brouter les plantes vivaces.
Le volume et la forme des égagropiles varient beaucoup. — Il en est qui pèsent 3 à k kilogrammes ; d'autres sont simplement gros comme une noisette ; entre ces deux termes extrêmes, les va-riétés sont nombreuses. — Sphériques, ovoïdes ou diversement allongés, ils sont quelquefois aréoles, comme ceux qu'on rencontre dans le caecum du cheval.
En envisageant la composition des égagropiles d'une manière générale, on voit que les uns sont exclusivement composés de substances animales, d'autres de substances végétales, et que d'autres sont mixtes; enfin quelquefois s'adjoignent des corps solides venant, soit du dehors, soit des sels insolubles des sucs in-testinaux.
Breschet a classé les égagropiles, relativement à leur composition, de la manière suivante :
1° Egagropiles simples : ils sont formés par des poils venant de l'animal ou par des plantes, et ils sont simplement agglutinés par le mucus digestif. Ils sont en général petits.
2° Égagropiles encroûtés : ce sont les plus remarquables; sou-
vent ils acquièrent un grand volume. Les poils toujours feutrés, plus denses à la circonférence qu'au centre, ne sont jamais disposés en tourbillon. Ils sont caractérisés par une enveloppe, sorte de vernis, pouvant acquérir 5 à 4 millimètres d'épaisseur; cette en-veloppe est surtout formée de mucus, de phosphate de chaux, d'un peu de silice. — Cette variété ne se rencontre que chez le bœuf.
3° Égagropiles composés ou calculeux : dans cette variété le centre est dur, solide ; c'est un petit calcul autour duquel les poils se sont tassés avec ordre. Quelquefois il y a des couches alternatives de substances calculeuses et de poils. — Celte variété ne se rencontre que chez les solipèdes, dans le esecum, ou dans la deuxième portion du gros intestin. Mentionnons encore les gobbes du mouton formées de poils animaux et de poils végétaux.
Les symptômes qui décèlent à un moment donné la présence des égagropiles ne diffèrent pas de ceux qui annoncent les calculs, envisagés d'une manière générale. Il y a des variantes qui tiennent à l'espèce animale, mais les symptômes sont toujours ceux de l'oc-clusion intestinale simple ou compliquée de phlegmasie plus ou moins étendue, déterminée par la présence du calcul dans un point quelconque de l'intestin.
Nous nous bornons à ces quelques lignes ; il nous a fallu re-monter jusques en 1838 pour retrouver l'histoire des égagropiles, et encore l'article publié à cette époque 1 n'est-il que le tableau un peu étendu d'un mémoire publié en 1791, à propos d'un procès scandaleux né en Normandie 2.
ACCUMULATION DE CHEVEUX DANS L'ESTOMAC D'UNE FEMME
par le docteur gull
Nous trouvons dans la Presse médicale belge (1871, page 243) une courte observation, qui nous semble avoir sa place naturelle à la suite de l'article précédent.
« Une femme mariée, âgée de 32 ans, chez laquelle personne n'avait remarqué ni l'habitude d'avaler des cheveux, ni aucun dé-rangement d'esprit, a eu trois enfants; sept mois avant sa mort, elle n'a pas cessé de vomir. Le 27 janvier 1871, elle accoucha après sept mois de grossesse, et elle eut une péritonite qui la fit
1 Par Hurtrel d'Arboval.
2 L'article de Verheyen, publié en 1856, n'est qu'un abrégé par trop sommaire.
mourir en deux jours. A l'autopsie, on observa une perforation in-testinale (?) et dans l'estomac une grande quantité de cheveux s'é-tendant à travers le pylore jusqu'au duodénum ; ils avaient trois couleurs : celle de ses cheveux et celle des cheveux de ses enfants.
« M. Gull, qui a vu d'autres cas semblables, pense qu'ils ont pour cause un instinct analogue à celui de certains animaux. Très-souvent les chattes pleines se suicident en avalant les poils de leur fourrure. — Le docteur Hebershen parle d'un cas dans lequel une masse de cheveux avait pris la forme exacte de l'estomac. — M. Langdon-Down, médecin de l'asile d'Earlswood, rapporte le fait d'un idiot, employé chez un matelassier, qui mourut d'une obstruc-tion et d'une péritonite, et dans le jéjunum duquel on trouva une grande quantité de cheveux. »
PATHOLOGIE EXTERNE
PLAIE DU GENOU AVEC FRACTURE DU CONDYLE EXTERNE; TÉTANOS; CHLORAL; TEMPÉRATURE.— APPAREILS PLÂTRÉS.
par e. dupuy, interne provisoire des hôpitaux de paris.
Gaulier-Frimbeaux, 76 ans, marchand des quatre saisons, est entré le 19 novembre 1870 à l'hôpital de la Pitié, salle Saint-Gabriel, n° 44 (service de M. Polaillon). Cet homme, robuste mal-gré son grand âge, a été atteint d'un coup de feu à la jambe gauche au moment où il maraudait dans les champs de Bondy. 11 tomba aussitôt sans pouvoir se relever et fut transporté dans une ambu-lance de rempart, où il resta trois jours. On explora sa plaie avec un stylet, sans en retirer aucun corps étranger, et, comme le sang sortait abondamment, on fit une compression avec de l'amadou et un bandage roulé. L'hémorrhagie s'arrêta, et le malade put être envoyé à l'hôpital de la Pitié.
20 novembre. A la partie supéro-externe du creux poplité, au niveau du tendon du biceps crural, on constate l'orifice d'entrée du projectile. — La plaie est assez nettement circulaire ; les bords sont rouges et légèrement indurés. Bien que la compression ait été en-levée la veille, l'hémorrhagie ne s'est point renouvelée : on sent, du reste, les battements de l'artère pédieuse. Le genou est tuméfié et
douloureux, mais il n'existe point d'épanchement intra-articulaire.
En introduisant le doigt dans la plaie à une profondeur de trois centimètres et demi, on arrive sur un fragment osseux dont l'une des surfaces est arrondie et lisse, tandis que l'autre, plus interne, est rugueuse et ne peut être contournée complètement. Il est bien évident que c'est là le condyle externe du fémur.
Malgré le débridement de l'orifice d'entrée du projectile, il est im-possible de sentir celui-ci ; l'exploration et la palpation de la région antéro-latérale du genou ne donnent aucun renseignement sur l'en-droit où séjourne la balle.
Diagnostic. Plaie de l'articulation du genou avec complication de fracture du condyle externe; persistance d'un corps étranger dans l'articulation ou, tout au moins, au voisinage de celle-ci.
En présence de désordres aussi graves, l'amputation immédiate de la cuisse était indiquée, mais l'extrême gravité de cette opéra-tion chez les vieillards, le mauvais état sanitaire des salles de l'hôpital et la situation de la blessure, qui permettrait l'écou-lement facile du pus, furent les raisons qui déterminèrent M. Po. laillon à attendre. L'orifice d'entrée du projectile ayant été large-ment débridé, ainsi qu'il a été dit plus haut, on immobilisa l'articulation avec un appareil plâtré disposé ainsi qu'il suit : une attelle, formée de tarlatane pliée en plusieurs doubles et trempée dans un bain de plâtre, futappliquée sur la face antérieure du genou, qu'elle dépassait largement en haut et en bas. Une deuxième attelle analogue à la première, mais d'une longueur double, fut appliquée par son milieu sous la plante du pied, tandis que ses deux extrémités étaient portées sur les faces latérales du membre. Le tout fut fixé au moyen d'une bande de toile ordinaire, afin de mouler exactement l'appareil plaire sur les parties molles. — Pouls, 84 ; température axillaire, 57°,4. —Pansement simple; potion avec 1 gramme de chloral.
Soir. On enlève la bande roulée; les attelles, déjà sèches et so-lides, sont maintenues en trois endroits avec des embrasses de diachylon, et vernissées avec du vernis copal ordinaire. — P. 100 ; T.Ax. 38°,8.
21 nov. Le malade a passé une nuit excellente. Depuis que son genou est immobilisé, il souffre beaucoup moins et, pour la pre-mière fois, il a pu sommeiller un peu. — La plaie n'a pas changé d'aspect ; ses bords sont, toutefois, un peu plus tuméfiés. — Cata-plasmes. — P. 92 ; T.Ax. 58°,4.— Soir: P. 96; T.Ax. 59u,2.
22 nov. Pas de souffrances dans la jambe ; sommeil passable. La tuméfaction du genou a cependant augmenté.—La suppuration par la plaie est séreuse et peu abondante.—P. 88 ; T. Ax. 38°,2.—Soir : P. 104; T. Ax. 39°.
23 nov. P. 88 ; T. Ax. 38°,4. — Soir : P. 100 ; T. Ax. 39°,2.
24 nov. P. 88; T. Ax. 39°— Soir: P. 96; T. Ax. 39°,5.
25 nov. Le genou est considérablement tuméfié, surtout à sa partie externe. La capsule articulaire est distendue par un épanche-ment, et la rotule projetée en avant. La percussion donne un son tympanique. La jambe est œdématiée. — Après avoir enlevé l'attelle antérieure et écarté légèrement l'attelle externe, M. Polaillon prati-que une incision profonde qui livre passage à du pus séreux et fétide mélangé de bulles gazeuses. — P. 88; T. Ax. 38°,4. — Soir : P. 92; T.Ax. 39°.
26 nov. A la partie interne de l'articulation, au-dessous et en de-dans de la rotule, les téguments sont rouges et tendus ; on sent de la fluctuation. Deux larges incisions donnent passage au pus, et l'on introduit un tube à drainage. Le malade est pris d'un léger frisson après cette courte opération. P. 108; T. Ax. 38°,6.
Soir. On constate un peu de trismus et de roideur des muscles de la nuque ; pas de sueurs. Potion avec chloral, 4 grammes. P.92; T.Ax. 37°,8; température rectale, 38°,2.
27 nov. Le trismus et la roideur tétanique des muscles de la nuque se sont accentués notablement depuis hier soir. Il y a, ce matin, de la roideur des muscles du tronc ; les mouvements de déglutition provoquent des contractions cloniques excessivement douloureuses. — Les muscles des membres ne sont pas atteints. P. 96; T. Ax. 39°,3. Chloral, 6 grammes. — Soir : Râles trachéaux, respiration difficile, entrecoupée. P. 100; T. Ax. 39°,7.
28 nov. Mort à deux heures du matin.
Nécropsie pratiquée le 29 novembre. — A la partie supéro-externe de la région poplitée, plaie d'environ quatre centimètres de lon-gueur (orifice d'entrée du projectile largement débridé). En dissé-quant attentivement son pourtour, on trouve dans le tissu cellulaire sous-cutané une des branches superficielles du nerf sciatique poplitc externe aboutissant à la plaie où elle se trouve coupée. Une veine peu considérable, venant de la face postérieure du mollet, se trouve aussi sectionnée au même endroit. — Les autres vaisseaux et nerfs de la région sont intacts.
De l'orifice d'entrée part un trajet à parois gangrenées, aboutis-
sant bientôt à un foyer de suppuration, situé au niveau du condyle externe ; celui-ci n'adhère plus au fémur que par son périoste; il est renversé en dehors et divisé en deux fragments. D'autres es-quilles moins volumineuses du fémur sont également adhérentes à leur périoste. A ce niveau, travail d'ostéite au début et suppuration grisâtre remontant le long de la face postérieure du fémur, entre le périoste et la couche musculaire profonde. Les cartilages articu-laires ne présentent pas d'altérations appréciables à l'œil nu ; vascu-larisation de la synoviale en plusieurs points. — En avant du foyer de suppuration précédemment décrit, on trouve le projectile : c'est une balle bavaroise de forme ovalaire.
Méninges rachidiennes : normales. — Moelle : Un peu conges-tionnée à la surface. A la coupe, les cornes présentent, d'un côté, une coloration brunâtre très-marquée.
Méninges cérébrales normales. — Adhérences notables de la dure-mère à la voûte crânienne. La surface du cerveau ne présente rien d'insolite. A la coupe, marbrures couleur hortensia des corps striés et des couches optiques, s'observant aussi bien dans la substance blanche que dans la substance grise.
Plèvres : adhérences anciennes, surtout marquées à gauche.— Poumons : œdème et congestion à la base ; emphysème des bords et du sommet.— Cœur : flasque, surcharge graisseuse considérable.
Foie: Cirrhose avancée; lobe gauche complètement ratatiné.— Rate : de consistance et de volume normaux. — .Rems conges-tionnés.
Réflexions. — En publiant l'observation de ce malade, notre désir est d'attirer l'attention sur deux points : 1° les rapports de la courbe thermométrique avec les accidents convulsifs; 2° l'utilité incon-testable de l'emploi des appareils plâtrés pour des cas identiques.
Etudions d'abord le premier point. Si nous jetons les yeux sur le tracé thermométrique, nous voyons la température, qui est normale au début, monter rapidement et atteindre, au cinquième jour, un premier maximum de 39°,5. L'ascension quotidienne du soir se fait régulièrement : elle est, en moyenne, de de degré. Le sixième jour, la température commence à baisser, et, le septième, au mo-ment de l'apparition du trismus, nous trouvons un abaissement notable au lieu de l'ascension habituelle du soir. — Le lendemain, sept heures ante mortem, le thermomètre remonte à 59°7. (Voir Planche V, fig. 1.) En résumé, la courbe thermométrique représente exactement les trois phases par lesquelles a passé le malade :
Première phase. Fièvre traumatique : ascension rapide de la tem-pérature axillaire se maintenant, pendant cinq jours;
Deuxième phase. Apparition des phénomènes tétaniques : abais-sement brusque;
Troisième phase. La température remonte jusqu'au moment de la mort.
Comme on le voit, il serait difficile de trouver un type plus par-fait de tétanos à forme apyrétique, puisque la fièvre traumatique préexistante tombe le jour même où apparaissent les premières con-vulsions. (L'ascension thermométrique qui se produisit le lende-main est inséparable de l'issue finale.)
Déjà nous avions connaissance d'un certain nombre de cas ana-logues et, maintenant, nous sommes de plus en plus porté à ad-mettre l'opinion suivante : l'apyrexie dans le tétanos n'est pas un. fait aussi exceptionnel qu'on le suppose généralement; les tempéra-tures élevées, dépassant 42°, signalées par les auteurs allemands, sont sans doute une des particularités de cette affection étrange à tant d'égards, mais elles sont loin d'être constantes. En tout cas, rien ne prouve que cette élévation énorme de la température soit due aux contractions musculaires, ainsi que l'établissent les expé-riences de Leyden, puisque l'existence de ces contractions n'exclut pas l'apyrexie.
Quoique la marche rapide des accidents tétaniques n'ait permis de retirer aucun résultat de l'application des attelles plâtrées, nous désirons attirer l'attention sur divers avantages que présentent ces appareils.
Dans le cas particulier dont il s'agit, les gouttières en fil de fer employées d'habitude devaient être rejetées formellement. En effet, l'orifice d'entrée du projectile se trouvant à la partie postérieure du membre, et la suppuration par cette plaie étant notable, il devenait urgent, pour renouveler le pansement, de sortir chaque jour la jambe de sa gouttière : ce- qui n'aurait pu se faire sans imprimer à l'articulation des mouvements aussi douloureux pour le malade que nuisibles à la guérison. Une gouttière plâtrée complète, moulée sur les deux tiers antérieurs du membre, ne convenait pas davantage; car l'arthrite traumatique étant imminente, il devenait nécessaire de pouvoir examiner et palper à son aise toute la région du genou.
L'application de deux attelles latérales renforcées par une attelle antérieure remplissait, au contraire, toutes les indications. — L'at-telle antérieure, sorte d'opercule, pouvait s'enlever sans que l'im-
mobilisation fût moins complète(les attelles latérales restent enplace). Aussi l'exploration du genou fut-elle toujours des plus faciles ; l'on put même, sans difficulté aucune, faire les contre-ouvertures et les drainages nécessaires. — Tout l'appareil ayant été convenablement vernissé, l'emploi des cataplasmes, des irrigations détersives, des fomentations émollientes, etc., devint possible sans nuire, en au-cune façon, à sa solidité.
Si nous sommes entré dans ces divers détails, c'est pour faire ressortir la simplicité et l'utilité des appareils plâtrés, dont l'usage ne s'est pas encore suffisamment vulgarisé partout. N'avons-nous pas vu récemment, pour un cas identique au nôtre, coucher le ma-lade dans une des grandes gouttières de Bonnet !
L'emploi du plâtre, sous formes d'attelles et de gouttières ren-dues imperméables par le vernissage, mérite une place importante dans la thérapeutique des plaies compliquées de lésions osseuses ou articulaires. — Outre que ces appareils fournissent un des mpyens les plus parfaits de coaptation et d'immobilisation, ils laissent la plaie accessible à l'exploration et aux traitements les plus divers.
NOTES SUR LA TEMPÉRATURE DANS LE TÉTANOS
par bourneville
La Planche V représente les tracés thermométriques de trois malades qui ont succombé au tétanos traumatique. Le premier (fig. 1) est relatif au vieillard, dont notre ami Dupuy a rapporté l'observation plus haut (nage 56). Il est d'autant plus intéressant que la tempé-rature, ayant été prise dès l'entrée du malade à l'hôpital, c'est-à-dire six jours avant le début des phénomènes tétaniques, on a, en quelque sorte, la température initiale du tétanos (+ 37°,8).
Cette température, qui coïncidait avec l'apparition du trismus, était inférieure à celle du matin (38°,6), ce qui semblerait indiquer que, à l'origine du tétanos, au moins dans ce cas, il y a un abais-sement de la chaleur centrale. Les diverses explorations ont été faites dans l'aisselle et, pour expliquer cet abaissement, on pourrait arguer de cette circonstance si, le même jour, M. Dupuy "n'avait eu soin de vérifier le chiffre donné par l'exploration axillaire, en prenant la température rectale, laquelle étant à 58°, ne s'écartait pas de la différence que l'on note d'ordinaire entre les températures axillaire et rectale.
La mort est survenue avec rapidité (32 heures), et la température, bien qu'elle ait offert une élévation progressive, n'a pas atteint tou-tefois un chiffre exagéré (59°,7, 8 heures avant la mort)1.
Le second tracé (fig. 2) concerne un enfant âgé de neuf ans qui, à la suite d'une plaie du genou par écrasement, ayant nécessité l'amputation de la cuisse, fut pris de tétanos et mourut au bout de six jours2.
Après être restée pendant deux jours et demi entre 38° et 59°, la température, au moment d'un frisson, il est vrai, atteignit 40°. Puis, et c'est là le point que nous voulons signaler, elle descendit à 37°,8s. Malgré le soin que nous avions mis à prendre ces températures, nous avons cru pendant quelque temps à une erreur; mais nous avons rejeté cette idée, quand nous avons obtenu le troisième tracé.
Celui-ci (fig. 3) se rapporte au malade, dont l'observation se trouve relatée dans le travail de Peltier, sur l'Emploi du chloral dans le tétanos *. 11 s'agissait d'un mobile, âgé de vingt-quatre ans, blessé le 1er décembre 1870, par des éclats d'obus, au pied droit et à la cuisse gauche. L'amputation du pied fut pratiquée le 2 décembre. Neuf jours plus tard, on vit débuter le tétanos. Durant deux jours, la température oscilla entre 39° et 39",6. Le troisième jour, six heures avant la mort, la température tomba à 38°,4.
Dans ces trois cas, le tétanos a marché avec rapidité vers une issue fatale. La dernière exploration thermométrique, surtout dans le second etle troisième, a donné un chiffre peu élevé: 37°,8 ; 38°,4. 11 y a loin de ces résultats à ceux que Wunderlich a obtenus chez plusieurs tétaniques. Les températures les plus hautes mentionnées par ce savant médecin sont les suivantes : 42°,22 peu avant la mort; 44°,75 au moment de la mort ; 45°,31 après la mort.
Pourquoi une si grande différence? « C'est, en général, dit M. Charcot, à la suite d'accès répétés qu'a lieu l'élévation finale de la température ; mais néanmoins on ne peut invoquer, comme cause
1 Elle répond sur la figure au signe o.
2 L'observation du malade est consignée dans notre mémoire intitulé : de l'Em-ploi de la fève de Calabar dans le traitement du tétanos. 1867.
3 Voici l'explication de signes de la figure 2 : — température deux jours après le début; O température au moment d'un frisson; ± température six heures avant la mort.
4 Voy. Revuephot, des hôpitaux, page 19, obs. XXVIII.
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
TRACÉS THERMOMÉTRIQUES
(Télo non)
de cet accroissement considérable de la chaleur, la contraction musculaire, car, dans les cas ordinaires, qu'il s'agisse du tétanos ou de l'épilepsie, les convulsions les plus intenses ne produisent qu'une élévation relativement peu prononcée de la température. (A. Monti, Beitrâge zur Thermometrie des Tetanus in Centralblatt, 1869, n° 44.) Rarement le chiffre thermométrique atteint alors 39°. D'autre part, dans les cas où l'on note cette grande élévation termi-nale, les convulsions ont parfois cessé depuis longtemps, et ont fait place à un coma -plus ou moins profond 1. »
Ainsi, nous voyons, d'une part des cas accompagnés de convulsions qui, en se multipliant, suffisent pour amener la mort; d'autre part, des cas dans lesquels le coma vient compliquer ou remplacer les convulsions. Dans la première catégorie, température peu élevée; dans la seconde, température pouvant atteindre un chiffre beaucoup plus considérable. Cette explication est justifiée par l'examen attentif des faits, en particulier de ceux qui se terminent par la guérison et qui n'ont pas été accompagnés de coma. En voici deux à l'appui, empruntés à la pratique de Wunderlich 2.
I. Enfant de 14 ans, atteint de tétanos traumatique, à forme très-douloureuse. Opisthotonos ; contracture d'un grand nombre de muscles, surtout de ceux delà face ; convulsions réflexes, spontanées et multiples. En même temps, sueur profuse et éruption miliaire confluente. Au début, température presque normale (37°,4 à 38°,5) et exagération à peine appréciable de la fréquence du pouls. La plaie, point de départ de la maladie, n'offre rien de spécial. — Morphine à la dose de 1 à 5 centigrammes; bains à 54°. La plupart des symptômes s'atténuent, mais momentanément. — Aconit : dix gouttes de teinture, quatre fois par jour, ce qui équivaut, à la fin du traitement, à 24 grammes de teinture et à 2 grammes d'extrait. — Durant la diminution des symptômes, température normale (57°,2 à 37°,5) et ralentissement du pouls, qui tombe au-dessous de la moyenne ordinaire.
II. Homme de 30 ans, peu vigoureux, ayant les poumons malades. Tétanos spontané généralisé. Trismus et opisthotonos prononcés ;
1 Charcot, de VImportance de la thermometrie dans la clinique des vieillards, leçon recueillie par M. Joffroy. (Gaz. hebd., 1869, p. 743.)
2 Presse médicale belge, 1871. p. 143, d'après le Journal central de méde-cine de Berlin,
simultanément, contracture d'un grand nombre d'autres muscles; convulsions réflexes, spontanées et multiples; éruption miliaire et sueur abondante ; température à peine fébrile (38°,5); pouls faible-ment accéléré. Une pneumonie intercurrente ne modifie pas les convulsions, mais elle élève un peu la température (38°,5 à 38°,7) et détermine un léger mouvement fébrile. La température tombe bientôt à 37°,7 et le pouls diminue He fréquence. La morphine, administrée à l'intérieur au début, et plus tard en injections, — le chloroforme, en frictions sur les parties convulsées etenembrocations sur le reste du corps, amènent une amélioration, mais seulement passagère. L'emploi de Y aconit change au contraire complètement l'état du malade : 5 gouttes administrées trois fois par jour, en tout dOgr,8 de teinture. Au commencement de l'amélioration, et pendant sa durée, la température est normale (36°,8 [à 37°,5); le pouls est plutôt au-dessous de la moyenne.
Ces deux faits confirment, on le voit, la catégorisation que nous avons rappelée. Nous bornons là ces commentaires, car notre but n'était pas d'étudier à fond la température dans le tétanos, mais seu-lement de relever les particularités des trois cas que nous avons cités, et de donner à nos lecteurs un spécimen des tracés thermo-métriques obtenus parla photographie.
CLINIQUE CHIRURGICALE
DE L'INFLAMMATION PRIMITIVE AIGUË DE LA MOELLE DES OS (MÉDULLITE AIGUË)
par culot, interne des hopitaux de paris. — su1tr —
ét10logie.
C'est en vain que, dans les nombreuses observations que j'ai pu rassembler, j'ai recherché quelque cause générale, quelque diathèse prédisposant à la médullite aiguë primitive. Je fais exception, cepen-dant, pour la syphilis, dont les manifestaiions gommeuses, qui sont de véritables inflammations de la moelle, suppurent assez souvent, J'excepte aussi cet état qui succède à certaines maladies graves,
variole-, rougeole, scarlatine, fièvre typhoïde, et dans lequel on voit survenir des médullites ◀tantôt▶ localisées, quelquefois généralisées, comme il ressort des observations d'Ancell, cle Valleix, deBertrandi, de Cullerier, peut-être celle de M. Guéniot, où les antécédents man-quent. Ces faits forment un groupe à part dont je ne puis m'occuper ici.
La scrofule, si tréquente chez les enfants, n'est notée que dans un nombre de cas fort restreint cl ne semble nullement avoir in-fluencé la naissance du mal. La nature rhumatismale de lamédullite semble mieux et plus positivement établie. Je doute cependant qu'elle puisse être démontrée. Les auteurs qui lui ont fait jouer un rôle important se sont fondés sur trois ordres de faits : l'influence du froid humide sur le développement de la maladie, les douleurs arti-culaires et musculaires, les lésions endopéricardiques concomitantes. Ces trois raisons me semblent insuffisantes pour la démonstration.
On ne peut nier que le froid humide, agissant physiquement, ne soit très-souvent la cause occasionnelle d'une maladie rhumatis-male, mais cle ce qu'il produit très-souvent une maladie rhumatis-male, on n'en peut conclure qu'il ne produit pas antre chose. Et l'on comprend aisément que, semblable à tout autre agent physique ou mécanique, le froid puisse agir directement sur la moelle sous-pé-rioslique et y déterminer une inflammation.
Quant aux douleurs articulaires et musculaires, on sait qu'elles existent dans tous les mouvements fébriles un peu prononcés, et nous tâcherons de montrer que ces douleurs, quand elles sont très-vives, sont consécutives à la médullite et en marquent une compli-cation. Les faits s'expliquent très-suffisamment de cette façon.
Les lésions endopéricardiques constituent, en faveur de la nature rhumatismale de la maladie, une raison plus sérieuse, mais aussi spécieuse au fond. Trop souvent, en effet, nous rencontrons en même temps que ces lésions d'autres altérations qui doivent bien mieux nous éclairer sur leur nature. Ce sont des apoplexies pulmo-naires, des abcès métastatiques des poumons, des reins, etc. L'en-semble de ces lésions plaide bien plus l'admission d'une complica-tion, septicémie, pyohémie, que celle d'une nature rhumatismale.
Et, en admettant que les raisons précitées fissent incliner vers la nature rhumatismale de la malade, il faudrait au moins admettre là une singulière forme de rhumatisme : rhumatisme n'alternant jamais avec d'autres formes plus modestes, car je ne trouve aucun fait où des antécédents rhumatismaux personnels soient signalés ;
rhumatisme localisé dans la presque totalité des cas ; rhumatisme aboutissant très-rapidement à la suppuration : trois ordres de faits qui me semblent tellement contraires au type général de l'affection rhumatismale, qu'ils devraient suffire seuls à juger la question.
Nous pouvons donc établir, je crois, que scrofule et rhumatisme sont également impuissants à expliquer l'origine de la maladie. — Y a-t-il quelque cause spéciale? M. Gosselin admet un vice interne, et M. Gamet appuie sur cette idée : « Ce que nous voulons avant tout, dit-il, c'est une infection antérieure qui préside aux manifestations locales. » M. Roser a donné à cette hypothèse un développement extrême. Sa fièvre pseudo-rhumatismale des adolescents est une maladie distincte, indépendante ; c'est une entité morbide. Le pro-cessus frappe les grandes diaphyses, mais peut attaquer primitive-ment les articulations, le tissu cellulaire, exceptionnellement les plèvres, le péricarde, les reins, les poumons.
M. Bœckel pense que la périoslite phlegmoneuse est le plus sou-vent sous la dépendance d'une cause générale dyscrasique et se rallie à l'opinon de Roser.
Au fond, ces opinions sont semblables, et sauf un nom et l'idée de multiplicité de tissus primitivement frappés, Roser n'a fait qu'em-prunter l'idée de M. Gosselin. Nous discuterons donc ces opinions réunies.
11 nous faut d'abord établir que les médullites, même avec sym-ptômes généraux les plus graves, peuvent reconnaître une cause locale.
Des faits que nous avons recueillis nous-même, il ressort bien nettement que la médullite aiguë de cause externe peut ame-ner des accidents typhoïdes. Ce sont là des faits positifs, inébran-lables; l'enchaînement des phénomènes est évident. Pouvons-nous en conclure que, dans tous les cas de médullite, la cause locale a existé? Non, évidemment ; mais nous pouvons au moins affirmer que le vice interne admis par Gosselin, la dyscrasie de Roser, n'est pas toujours nécessaire. D'ailleurs, cette dyscrasie n'est qu'un mot destiné à voiler notre ignorance, et, hypothèse pour hypothèse, j'aimerais mieux, s'il fallait opter, choisir la violence externe indéniable dans nombre de cas, que la dyscrasie, que l'on ne peut jamais démontrer. MM. Gosselin, Roser, Bœckel, donnent d'ailleurs un petit rôle à leur cause interne, déterminer la localisation première de la médullite, ou les localisations, quand il y en a plusieurs. Cela fait, l'état local suffira pour expliquer la suite des phénomènes. « Dans la maladie
dont nous nous occupons, dit M. Gosselin, l'infection arrive, selon moi, parce que le pus provenant d'un organisme épuisé par une fièvre grave s'altère facilement et fournit des matériaux toxiques au contact de l'air, et parce que ce même organisme assailli ne peut lutter efficacement contre l'action de l'empoisonnement miasmatique purulent. » Comme on le voit par ce passage, il y a une nuance, ce-pendant, entre l'opinion de M. Gosselin et celle deRoser etBœckel. M. Gosselin admet une cause générale telle qu'il est bien difficile de faire sa part et celle de l'empoisonnement secondaire dans la terminaison, bien que lui-même fasse jouer le plus grand rôle à l'empoisonnement secondaire.
M. Bceckel, avec Roser, est plus net : « La fièvre est causée par la résorption des liquides septiques épanchés sous le périoste ou dans la cavité médullaire. Aussi indique-telle toujours l'existence de ces liquides, en l'absence de toute sensation de fluctuation, et motive-t-elle l'ouverture immédiate du foyer. » J'admets sans réserve cette proposition, mais que devient la dyscrasie ? Pour faire tant que de l'admettre, on eût pu se montrer plus généreux à son égard.
Malgré la grande autorité des noms qui acceptent une cause gé-néiale antérieure aux localisations de la médullite aiguë, nous sommes amené à la rejeter, parce que, suivant nous, elle n'est qu'une hypothèse, et une hypothèse inutile.
Les causes locales ont une influence bien plus saisissable. Roser assure, un peu malicieusement, qu'en remontant à quelques mois, on les trouve toujours et facilement, et de là il nie leur action. Les faits répondent.
Sur 47 cas où la cause a été soigneusement recherchée, 22 ré-sultent d'une violence extérieure, 12 succèdent à l'action locale du froid, 3 à des fatigues, 3 au froid et à la fatigue réunis; 6 seule-ment semblent venus spontanément.
Je citerai quelques faits. Un garçon de 12 ans, plein de santé, tombe en dansant sur le genou droit; il se relève et continue de dan-ser, sans se plaindre ; le lendemain, douleurs intolérables ; des phénomènes typhoïdes surviennent; l'enfant meurt au 3e jour. (Boeckel.) Un garçon de 16 ans tombe en courant, la jambe porte; \e lendemain, vives douleurs. Entre, cinq jours après, à l'Hôtel-Dieu, présentant plutôt des troubles généraux que locaux. Jobert fait l'am-putation de la cuisse. — Un garçon de 19 ans tombe sur l'épaule gauche. Douleur très-vive. Le lendemain, fièvre, puis état ty-phoïde. Mort. (Ch. Martin, Thèse, Paris, 1869).
Dans un autre ordre de faits, ce sont des ligaments, des muscles insérés sur le périoste qui ont, dans un mouvement forcé, tiraillé ce périoste, et, par suite, la couche sous-jacente.
Un garçon de 21 ans, forgeron : longues fatigues du bras ; puis, à la suite des douleurs vives à l'extrémité supérieure du bras droit, le surlendemain, aspect typhoïde. (Fournier.)—Un garçon de 12 ans a le bras droit fortement tiraillé en amenant à lui un sac de poudre-Le soir, douleur, puis fièvre intense. (Chipault.)
Ou bien ce sont des fatigues, des marches prolongées et forcées. M. Gosselin a beaucoup insisté sur cette étiologie. Dans un autre groupe, nous avons l'action du froid humide. C'est un garçon de 9 ans, pris de douleurs dans la jambe gauche, après des courses pro-longées dans les fossés humides des fortifications. (Boeckel.) — C'est une fille de 30 ans qui porte, un temps assez long, sur son bras nu, du linge qu'elle vient délaver. (Verneuil.) — Ce sont les quatre cas de Morven-Smith1.
A côté de ces nombreux faits, nous en trouvons quelques-uns où l'on a attentivement et vainement recherché quelque cause (Hen-rot), et beaucoup d'autres où l'observateur s'est tu sur ce point fort intéressant.
Il est donc bien probable que, dans la grande majorité des cas, sinon toujours, la médullite aiguë reconnaît pour cause une irri-tation directe de la couche sous-périestique; que cette irritation provienne d'un coup directement appliqué, du froid, du tiraillement de la face externe de l'os par les muscles qui s'y insèrent. On pour-rait même, allant plus loin, établir que, dans les cas où la cause lo-cale échappe, elle doit reconnaître quelque mouvement musculaire exagéré ou par son énergie ou par sa répétition. Mais ce serait en-trer dans les hypothèses, et, si commode que puisse être cette ex-plication, je dois reconnaître que, dans quelques cas, la cause lo-cale nous manque.
Des objections ont été faites à cette idée. Roser demande pour-quoi les jeunes soldats, si souvent soumis à des marches forcées, ne présentent pas, et fréquemment, ces abcès sous-périostiques.
M. Larrey a répondu en partie à l'objection en 1853. « Les con-scrits, disait-il dans la discussion qui suivit le travail de M. Chas-saignac sur les abcès sous-périostiques, les conscrits sont dans un
1 Rognetta signale certains ërysipèles alteignant des régions peu fournies en parties molles (crâne, sternum, clavicule, tibia) et se compliquant de médullite. Il cite un l'ait de Crampton.
âge où ces abcès se développent fréquemment. D'autre part, les con-tusions reçues dans les exercices du fusil ou du gymnase sont une cause occasionnelle de ces collections sous-périostiques. On les voit surtout au tibia ; une incision prompte et large lui paraît donner les résultats les plus favorables. » Il ne parle pas des marches for-cées, et sur ce point on ne peut répondre aux faits négatifs de Roser que par l'opposition des faits positifs des autres auteurs.
Un autre fait assez singulier est l'extrême rareté de la médullite à la suite des fractures simples. Mais je n'ai point à l'expliquer. Là encore ce sont des faits négatifs qui ne peuvent prévaloir contre les positifs, et, tout en tenant compte des objections, je suis amené à conclure que l'inflammation aiguë de la moelle des os reconnaît, dans la grande majorité des cas, une cause locale.
La réaction contre la cause locale n'est pas toujours immédiate-ment sensible, et la médullite franche apparaît après un temps va-riable. Il faut bien distinguer ici la douleur immédiate qui suit l'application de la cause de celle qui résulte de la médullite. Dans le cas de M. Boeckel, par exemple, l'enfant se relève après sa chute sur le genou et continue à danser. Il dort la nuit, et c'est le lende-main, en voulant se lever, que la douleur survient. Les espaces de temps minimum entre ces deux faits-ne sont guère signalés, et souvent ils semblent un peu confondus. Comme maximum accep-table, nous trouvons, chez une petite fille de 12 ans, observée par M. Giraldès, une durée de 15 jours; 15 jours encore dans un fait de mon excellent ami Bourneville ; entre les deux nous rencontrons 8 jours ; 4 jours dans le cas de M. Verneuil. On pourrait établir, en examinant tous les faits, une série complète, et variant de quelques heures à 15 jours et plus, et dans tous on aurait mêmes raisons d'af-firmer la certitude de relation entre la cause et l'effet.
Cette longue durée de la maladie à l'état en quelque sorte latent permet de croire que souvent une cause locale a passé inaperçue. Mais chez quels sujets une lésion médullaire occasionnelle a-t-elle le plus de chance de déterminer une médullite aiguë? La question est ici fort difficile. Parmi les faits établis sont les suivants :
L'adolescence est de beaucoup l'époque où la médullite aiguë est la plus fréquente. Nous trouvons, en effet, à 18 mois, 2 ; 2 à 6 ans, 7; 6 à 10 ans, 10; 10 à 14 ans, 21 ; 14 à 18 ans, 53 ; 18 à 22 ans, 8 dont 6 à 18 et 19 ans ; 1 à 29 ans ; là 30.
C'est là, du reste, un fait parfaitement établi, et qui avait frappé les premiers observateurs.
5-4*
Un autre fait est lajprédominance considérable pour le sexe mas-culin : 55 garçons, 25 filles. La première règle a été expliquée, et l'explication suffit par l'activité de formation osseuse à cet âge.
Toutefois, l'on comprendrait assez mal si on ne tenait compte que de ce fait, la rareté relative de la maladie chez les petits enfants, dont l'ossification est plus active encore, et chez lesquels lespérios-tites secondaires se manifestent avec une si grande énergie. Il faut ici faire intervenir les occupations, les jeux, en un mot, les chances plus grandes de cause locale. Or il apparaît à tous que les petits en-fants y sont bien moins sujets que les adolescents, et les filles que les garçons.
Si nous voulons sortir de ces faits démontrés, nous n'avons plus que des hypothèses. Les enfants mal nourris, mal vêtus, vivant dans de mauvaises conditions hygiéniques, les débiles, les lympha-tiques, sont-ils plus fortement impressionnés, et une réaction mor-bide surviendra-t-elle plus facilement chez eux? Autant de questions auxquelles les faits acquis ne permettent pas de répondre d'une ma-nière satisfaisante. Il serait, certes, fort intéressant aussi de savoir pourquoi des phénomènes typhiques surviennent chez l'un et pas chez l'autre; chez quels individus ils sont plus probables. Mais sur ce point également nous ne connaissons rien.
(La suite au prochain numéro.)
ANUS CONTRE NATURE DE CAUSE TRAUMATIQUE
par f. villard, interne des hopitaux de paris
B.....Antoine, âgé de 25 ans, est entré le 29 mai, à l'hôpital de
la Pitié, dans le service de M. Trélat (salle Saint-Gabriel, n° 49). Cet homme raconte que, le 25 mai, il a été blessé au ventre par une balle, et qu'immédiatement après cet accident, il fut transporté dans une ambulance où il est resté quatre jours.
Voici l'état dans lequel il se trouve au moment de son admission à l'hôpital : la blessure siège sur la paroi abdominale du côté droit. En examinant attentivement cette région, on voit qu'il existe une plaie en séton dont les orifices présentent la disposition sui-vante : l'orifice d'entrée du projectile est situé immédiatement au-dessous de l'épine iliaque antérieure et supérieure droite, qui a été en partie dénudée ; l'orifice de sortie est placé sur un plan inférieur au précédent et se trouve à une distance d'environ 2 centimètres
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DES HOPITAUX
ANUS CONTRE NATURE
de la ligne blanche. La direction du trajet est légèrement oblique de haut en bas, et de droite à gauche.
Les deux plaies de l'abdomen n'offrirent rien de particulier, les deux jours qui suivirent l'arrivée du malade à l'hôpital; mais à la fin du deuxième jour, on s'aperçut que, par les orifices de ces deux plaies, il y avait un suintement de matières fécales. Il fut alors évident que le projectile avait touché l'intestin et déterminé une mortification en un point des parois de ce canal. Le suintement, d'abord léger, devint de plus en plus abondant, et, au bout de quel-ques jours, toutes les matières alimentaires sortaient par les orifices abdominaux.
Le 15 juin, M. Trélat réunit par une incision les deux orifices '. on n'avait plus, par conséquent, qu'une plaie unique, offrant dans son plus grand diamètre une étendue de 15 centimètres. Cette plaie avait la forme d'un triangle irrégulier, à base supérieure, à sommet dirigé un peu obliquement en bas du côté de la ligne blanche. C'est dans l'angle interne de ce triangle, à 2 centi-mètres environ de son sommet que l'on observe l'anus contre na-ture. La disposition de cette ouverture intestinale est assez cu-rieuse : les replis que forment la muqueuse donnent assez exacte-ment l'idée de la corolle d'une fleur. Avec un peu d'attention on distingue aisément deux orifices : l'un, situé en dehors et qui re-présente le bout supérieur de l'intestin, ainsi que le démontre la sortie des matières intestinales ; l'autre, interne et dirigé en dedans, et représentant le bout inférieur ; des sondes introduites dans cha-cun de ces orifices indiquent, d'ailleurs, leur direction respective. Entre ces deux orifices, on aperçoit assez nettement par intervalle l'éperon qui les sépare. (La planche VI donne une idée exacte de ces différentes lésions. On voit en dehors un endroit ombré qui ré-pond à l'épine iliaque.)
Les matières intestinales s'écoulent d'une manière incessante par l'orifice externe ; leur aspect indique qu'elles sont arrivées à une période avancée de la digestion intestinale.
30 juin. — Le malade a maigri considérablement depuis un mois : il est profondément anémié, et l'auscultation des poumons permet de constater des signes avancés de tuberculisation pulmo-naire. Il meurt dans la nuit.
Autopsie. On trouve les poumons, et principalement celui du côté gauche, profondément désorganisés par des tubercules. Il existe des adhérences pleurales très-résistantes.
Du côté de Xabdomen, on voit quelques granulations tuberculeuses à la surface de la séreuse peritoneale. Au niveau de la plaie abdo-minale, on trouve des adhérences intestinales très-résistantes qui englobent le caecum, une partie du côlon ascendant, et une assez longue portion de l'intestin grêle. Après avoir détruit une partie de ces adhérences, on parvient assez facilement à établir le niveau où s'est fait l'anus contre nature, et on trouve que c'est à 80 cen-timètres environ au-dessus de la valvule iléo-cœcale, que les tuni-ques de l'intestin ont été détruites et que les bords de la solution de continuité se sont soudés à la paroi abdominale.
PATHOLOGIE INTERNE
ETUDE SUR LES ARTHROPATHIES CONSÉCUTIVES A QUELQUES MALADIES DE LA MOELLE ET DU CERVEAU
par bourneville 1
- SUITE -
1. arthropathies qui s'observent dans le cours de la sclérose des cordons postérieurs de la moelle. (Fin.)
Nous aurions pu multiplier les cas d'arthropathies que l'on observe dans le cours de l'ataxie locomotrice; mais ceux que nous avons rapportés nous semblent suffisants pour édifier nos lecteurs. Aussi croyons-nous devoir borner là cette enumeration et terminer cette première partie de notre travail par un résumé clinique de ces manifestations articulaires encore peu connues.
Symptomatologie. Début. Les accidents articulaires, — M. Charcot d'abord, puis M. Bail, l'ont déjà fait remarquer, — surviennent le plus souvent à la fin de la première période de la maladie ou au commencement de la seconde, pour le membre que l'on considère. Ainsi, chez deux de nos malades, l'ataxie était arrivée à une période déjà ancienne dans les membres inférieurs, et était à peine à la seconde période aux membres supérieurs ou, en d'autres termes, l'incoordination ne faisait qu'y paraître, quand l'arthropathie est survenue.
1 Voy. hevue photographique, 1870, pages 193 et 229; 1871, p. 9,
La condition générale delà maladie étant connue, voyons main-tenant comment se manifeste l'arthropathie.
Le premier phénomène qui, en général, attire l'attention des malades, c'est le gonflementl. Il se montre d'ordinaire sans accidents fébriles, sans rougeur ni douleur 8. Les malades que nous avons vues, et en particulier la première, ne laissent aucun doute à cet égard. Il existe non-seulement au niveau de la jointure, mais encore au-dessus et au-dessous d'elle. Dans un cas d'arthropathie du coude gauche, il s'étendait d'un côté sur l'avant-bras et de l'autre jusqu'au tiers inférieur du bras. (Charcot, Archives de physiologie, 1868, p. 162.) Chez M. X... (Arthropathie du genou droit), la séreuse arti-culaire n'était pas seule affectée, car le gonflement avait envahi à la fois la moitié inférieure de la cuisse et le tiers supérieur de la jambe. (Ibid,, p. 165.) —L..., atteinte d'une arthropathie delà même jointure, avait la jambe correspondante uniformément gonflée depuis la cheville jusqu'au genou. (Ibid, p. 165.) — Chez deux de nos malades il y avait une tuméfaction, un empâtement de l'avant-bras, et surtout du bras et de l'épaule.
Ce symptôme,— le gonflement,— ainsi que l'indique l'énumération précédente, est toujours plus prononcé au niveau de la jointure. Il diffère de l'œdème ordinaire en ce que la pression du doigt, pour laisser une trace même légère, doit être assez énergique. Simulta-nément la peau, à part la distension qui rend les veines sous-cutanées plus apparentes, n'est ni rouge, ni chaude ; elle est plutôt pâle, quelquefois luisante.
Au bout d'un temps assez court, quelques jours habituellement, la tuméfaction, qui occupait le tissu cellulaire sous-cutané, se cir-
1 Ménil, toutefois, avait senti auparavant quelques craquements dans la join-ture qui allait être envahie. (Obs. I, p. 198.)— Un matin, sans autre cause appré-ciable, la malade, observée par notre ami Ch. Rouchard, ressentit des craque-ments dans le genou gauche.
2 M. Bail cite un malade chez lequel il y avait de la fièvre (120 puis.) et quel-ques douleurs vagues sur d'autres points. [Loc. cit., obs. II, p. 7.) Or le seul symptôme donné, ici, comme symptôme de la fièvre, c'est-à-dire la fréquence du pouls, n'a pas, du moins dans l'ataxie, une signification absolue : à une fréquence parfois considérable du pouls correspond souvent, nous l'avons déjà dit (1870, p. 229) une température normale. — La malade de M. Bouchard, dont nous avons déjà parlé, trouve « son genou très-gros et très-rouge. Un médecin appelé im-médiatement fait appliquer des sangsues. Le lendemain, la malade se lève, mais le genou, quoique moins rouge, est encore douloureux et le gonflement s'est étendu à la jambe et au pied... » (P. Dubois, Étude sur quelques points de l'a-taxie locomotrice progressive, 1808, p. 47.) La réalité de la fièvre n'st pas dé-montrée; les renseignements n'ont pas été pris au moment de l'accident; ils sont notés d'après les souvenirs de la malade.
conscrit, ne se voit plus qu'autour de la jointure, et bientôt elle disparaît, permettant alors de constater l'hydarthrose.
Afin de rendre notre description aussi claire que possible, nous distinguerons deux périodes : l'une d'état, l'autre de déformation.
Période d'état. L'articulation où siège l'arthropathie est volumi-neuse. La synoviale est distendue par une quantité plus ou moins considérable de liquide, et le palper y fait reconnaître aisément la fluctuation. Le liquide, ainsi que des ponctions pratiquées dans plusieurs circonstances l'ont démontré, est clair, citrin, visqueux. En raison de sa présence, les surfaces articulaires sont écartées l'une de l'autre, et partant la jointure peut exécuter des mouvements anormaux.
Si, en même temps qu'on rapproche les surfaces articulaires, on imprime au membre des mouvements, manoeuvres qui, du reste, ne sont pas douloureuses, on entend des craquements, indices de l'usure des os. Souvent le palper permet de constater l'atrophie des extrémités articulaires. A cette époque de l'affection, pas plus qu'au début, on ne note de douleurs spontanées.
Période de déformation. La maladie poursuivant sa marche, il se produit des luxations qui varient selon l'espèce de jointure affectée et modifient par conséquent, d'une façon très-diverse, leur aspect extérieur. A l'origine, ces luxations se réduisent avec facilité et demeurent même réduites durant quelque temps ; mais bientôt la luxtion devient permanente.
Fréquemment la quantité de liquide épanché diminue; cela nous semble vrai, surtout pour l'épaule, où il peut disparaître. Il suit de là que, au palper, on se rend mieux compte de la configuration des extrémités articulaires. Ainsi, on remarque : 1° l'usure qui, croyons-nous, constitue la lésion principale pour l'épaule ; 2° les bourrelets osseux et les corps étrangers qui se rencontrent plus particulièrement dans les genoux. Les planches I et II en fournissent de beaux spé-cimens.
Les mouvements, à cette période, loin d'avoir plus d'amplitude qu'à l'état normal comme dans la première période, sont au con-traire plus limités, et cette limitation, est en rapport avec la nature de la luxation. Toutefois ils sont toujours suffisants pour faire per-cevoir les craquements; il n'est pas rare alors d'entendre les ma-lades se plaindre de douleurs dues au pincement de la synoviale par
les corps étrangers. Nous devons signaler encore l'épaississemen des parties molles, et les saillies plus ou moins irrégulières e mobiles formées par les corps étrangers,
Marche. La durée de ces deux périodes est très-différente. Dans la première, les lésions marchent vite ; en quelques semaines elles sont profondes, incurables. La seconde période, elle, dure en quel-que sorte indéfiniment ; le travail pathologique, s'il s'arrête quel-quefois, progresse le plus souvent, quoique avec beaucoup plus de lenteur que dans les premiers temps.
Il n'est pas rare non plus que l'hydarthrose ne se reproduise de nouveau, chez certains malades, et cela de même que la première fois, sans cause extérieure appréciable, ni coups, ni chocs, etc. Il est probable que, alors, la lésion de la moelle à laquelle on est autorisé de rattacher la production de l'arthropathie, éprouve une nouvelle poussée.
De ces considérations il découle évidemment que le pronostic est sérieux, non point parce que les arthropathies sont capables d'oc-casionner par elles-mêmes la mort, mais parce qu'elles aboutissent à des altérations irrémédiables et qu'elles annoncent un trouble profond dans la nutrition. Cette explication est rendue plus plau^ sible parla coïncidence dans le tiers des cas (6 sur 18, Bail) avec les arthropathies, des troubles viscéraux. Les crises gastriques, entre autres, paraissant dépendre d'une lésion du grand sympa-thique.
Siège. « 11 est assez variable. Sur les 16 cas que nous avons rassemblés, dit M. Bail, les localisations se répartissent de la ma-nière suivante :
Les deux genoux au même degré.......... 1 cas.
Genou droit (prédominance)............ 5 —
Genou gauche................... 5 —
Épaule droite................... 3 —
Épaule gauche ..... ............. 0 —
Coude gauche.................... 1 —
Articulation coxo-fémorole............. 1 —
Articulations métacarpo-phalangiennes gauches. ... 2 —
D'après ce tableau, l'arthropathie occuperait de préférence les genoux. « Cette prédisposition, dit M. Bail, se rattache à la fatigue que supportent ces articulations dans la marche ; car ce sont les
jointures dont le malade fait le plus habituellement usage qui pa-raissent être les plus exposées à ce genre d'arthropathie. En effet, l'épaule a été trois fois le siège de la maladie, et chaque fois l'af-fection occupait le bras droit. Ce singulier privilège s'explique sans nul doute par les mouvements continuels qui se passent dans le bras droit, tandis que le bras gauche, qui demeure habituellement au repos, se trouve moins exposé aux accidents que nous venons de décrire. Il n'en est pas ainsi pour les genoux, qui fonctionnent tous les deux dans la marche ; on voit donc l'arlhropathie s'établir indifféremment sur le membre inférieur droit ou sur celui du côté gauche. » (hoc. cit., page 59.)
Cette explication nous semble sujette à caution, au moins pour les membres supérieurs, car s'il est vrai que l'arthropathie inté-ressait l'épaule droite dans trois cas, dans un cas elle occupait le coude gauche, et dans deux autres, les articulations métacarpo-pha-langiennes gauches, ce qui établit l'égalité entre les deux membres supérieurs. 11 serait peut-être aussi rationnel d'admettre un rapport direct entre l'arthropathie et le degré plus ou moins avancé de la lésion dans le côté correspondant de la moelle.
Anatomie pathologique. — En raison des détails nécroscopiques consignés dans deux de nos observations, nous serons brefs sur ce point.— Œdème profond, étendu, envahissant en général presque tout le membre ; hydarthrose, liquide clair, citrin, sans pus ni flo-cons albumineux ;—voilà ce qu'on observe au début, qu'il s'agisse de l'épaule ou du genou.
Destruction des cartilages, atrophie, usure considérable, à marche rapide, des os eux-mêmes ;— telles sont plus tard les lésions prin-cipales de l'arthropathie de l'épaule.
Usure prononcée des cartilages, presque nulle des os, bourrelets osseux multipliés, saillants, irréguliers, mamelonnés (d'où hyper-trophie), corps étrangers articulaires nombreux, épaississement no-table de la synoviale, — telles sont les altérations que nous avons rencontrées dans l'arthropathie du genou.
La séreuse articulaire, aussi bien celle du genou que celle de l'épaule, n'était vascularisée, n'offrait d'hypertrophie de ses fran-ges synoviales. Dans l'un et l'autre cas c ore, il se produit à la longue des altérations secondaires dues aux déplacements des extré-mités osseuses qui se creusent des cavités articulaires accidentelles. (Voy. 1870, obs. I, p. 194 et pl. XXVIII.)
D'après ce qui précède, et à ne considérer que l'anatomie patho-logique, on pourrait donc diviser dès maintenant les arthropathies des ataxiques en deux variétés, l'une dans laquelle Y atrophie serait pour ainsi dire la lésion capitale, l'autre dans laquelle il y aurait plutôt une sorte à'hypertrophie. Nous bornerons là ces commen-taires, simple déduction des faits que nous avons suivis et recueillis nous-même. Aller plus loin, ce serait se perdre dans le champ des hypothèses : nous préférons attendre que de nouvelles autopsies viennent éclairer plus vivement ce côté de l'histoire des arthro-pathies.
Physiologie pathologique. « C'est dans la substance grise, dit M. Charcot, que nous croyons avoir trouvé le point de départ de cette complication singulière de l'ataxie » Dans deux cas d'ataxie locomotrice avec arthropathie, dans lesquels l'examen microsco-pique a été fait avec soin, les cornes antérieures étaient remarqua-blement atrophiées; un certain nombre de cellules nerveuses, celles du groupe externe surtout, avaient disparu sans laisser de traces. L'altération portait d'ailleurs exclusivement sur la corne antérieure du côté correspondant à la lésion articulaire. Elle siégeait à la région cervicale pour l'arthropalhie de l'épaule, au-dessus de la région lombaire pour l'arthropathie du genou. Au-dessus et au-dessous de ces points, la substance grise des cornes antérieures était indemne.
Cette altération de l'une des cornes antérieures de la substance grise n'est pas un résultat de l'inertie fonctionnelle à laquelle les membres avaient pu être condamnés, car, dans les deux cas : 1° les membres où siégeaient les arthropathies avaient conservé des mouvements assez étendus ; 2° la lésion de la substance grise diffé-rait essentiellement de celle qui se produit en conséquence de l'amputation d'un membre ou de la section des nerfs qui s'y rendent1.
La lésion des cornes antérieures si elle vient à s'étendre pourra fort bien occasionner d'autres symptômes de même ordre et surtout Yatrophie des muscles du membre atteint d'arthropathie. En pareil cas, Yataxie locomotrice progressive se compliquera: 1° à." arthropa-thies; 2° à'atrophie musculaire progressive.
1 Charcot, Leçons cliniques faites à la Salpètrière en 1870. (Mouvement médical, 1870, p. 340 et 341.)
Diagnostic. Entre les arthropaties des ataxiques et les manifesta-tions articulaires du rhumatisme aigu, la confusion n'est guère possible, car de trop nombreuses différences séparent ces affec-tions.
Souvent le rhumatisme est précédé de prodromes; toujours, quand il est assez intense pour s'accompagner d'un gonflement assez con-sidérable, il y a un mouvement fébrile plus ou moins accentué. Or dans Yarthropathie, à part quelques craquements, et encore sont-ils inconstants, on ne remarque aucun signe précurseur, et la fièvre, douteuse pour nous, n'aurait été indiquée que d'une façon tout à fait exceptionnelle.
Rarement le rhumatisme, même au début, est localisé à une seule jointure, ce qui est le cas le plus habituel de l'arthropathie. Jamais, dans le rhumatisme, on ne voit ce gonflement qui envahit tout le membre correspondant à l'arthropathie.
Enfin, tandis que, dans le rhumatisme, il y a de la rougeur, des douleurs vives, une augmentation de la température ;—dans l'arthro-pathie, la peau est pâle, légèrement bronzée et luisante; la tempé-rature est normale, et les malades n'accusent aucune souffrance, soit au repos, soit dans les mouvements spontanés.
Des dissemblances caractéristiques séparent aussi, à notre avis, Yarthropathie qui nous occupe, de Y arthrite aiguë. Toutes les deux, il est juste de le reconnaître, peuvent survenir après un coup, une chute, etc., débuter brusquement et s'accompagner d'une tuméfac-tion des parties voisines. L'erreur toutefois est courte. La rougeur, la chaleur, la douleur, la température d'ordinaire très-élevée, qui existent dans l'arthrite, font défaut d'une manière presque absolue dans l'arthropathie. D'ailleurs, la marche de la maladie dissi-pera les doutes qui pourraient rester encore dans l'esprit du mé-decin.
Nulle des formes du rhumatisme chronique, par son mode d'inva-sion, par sa promptitude à se développer, ne se rapproche assez de l'arthropathie des ataxiques pour qu'il soit véritablement utile d'éta-blir entre elles un parallèle.
Dans Yhydarthrose, on n'observe pas un gonflement général du membre correspondant. Si, comme dans l'arthropathie, il n'y a ni rougeur ni fièvre, en revanche les mouvements sont souvent dou-loureux. Le terrain sur lequel les deux affections prennent nais-sance n'est pas non plus le même : d'une part, il s'agit de sujets scrofuleux, de l'autre de malades atteints d'ataxie locomotrice.
Enfin, l'évolution ultérieure des lésions articulaires est bien dif-férente. L'hydarthrose, en général, est le premier signe d'une tu-meur blanche; or les fongosités, les abcès qui apparaissent fré-quemment dans le cours de cette maladie ne s'observent pas dans l'arthropathie.
Si l'on nevoit le malade qu'aune époque déjà ancienne des acci-dents, alors que l'arthropathie est à la période de déformation, les commémoratifs d'une part, ensuite la localisation des lésions à une jointure, à deux tout au plus, l'absence de la diathèse rhumatis-male, feront disparaître toute trace d'incertitude sur la nature de la maladie.
La seule confusion possible, du reste, serait avec les luxations anciennes. Or le début spontané, le gonflement indolore du membre, la marche des accidents dans l'arthropathie n'ont rien qui rappelle l'origine traumatique, la déformation immédiate et douloureuse de la luxation.
On appréciera encore mieux l'intérêt clinique qui s'attache aux arthropathies de ce genre, lorsqu'on saura que, chez l'un des malades dont il a relaté l'observation, M. Bail est intervenu à temps pour empêcher une amputation.
Traitement. Pour faciliter la disparition de l'œdème qui a envahi le membre, on pourra recourir à une compression méthodique. — Tlus tard, lorsque l'œdème aura disparu, si l'hydarthrose est considérable, les ponctions, suivies ou non à'injections iodées, donne-ront peut-être quelques bons effets. Le repos, ici, de même que dans toutes les affections articulaires, du moins au début, est de règle. — Enfin, pour s'opposer aux progrès du mal, l'application des vésicatoires, l'emploi de la cautérisation transcurrente, seraient, croyons-nous, assez avantageux. — Toutefois, il ne faudra pas se faire trop d'illusion sur les résultats que l'on doit attendre du traitement, car on a affaire à une affection toute particulière, dépendant d'une cause persistante, l'affection de la moelle, contre laquelle ont échoué jusqu'ici les efforts de la thérapeutique.
— Voici une dernière observation, aussi probante que les précé-dentes. Elle concerne une malade que l'on peut encore voir à la Salpêtrière.
Observation IV. — Ataxie locomotrice ancienne. — Arthropathie
de Vépaule droite (1866) : début, marche; ponctions: caractères du liquide. —Etat de la jointure en 18681.
P... Virginie, 56 ans, fruitière, est entrée, le 10 avril 1851, à la Salpêtrière. Cette femme a éprouvé, ii y a vingt-trois ans, les pre-mières atteintes de la maladie actuelle. Les douleurs fulgurantes, la constriction à la base du thorax, ont été les premiers symptômes; puis elle a vu paraître l'anesthésie et de l'affaiblissement des membres supérieurs, surtout à droite. Peu de temps après, le bras droit fut pris à son tour, de sorte que l'ataxie semble avoir offert au début une forme hémiplégique.
L'existence d'une ataxie locomotrice progressive avait été depuis longtemps reconnue, lorsque, vers les premiers jours de janvier 1866, elle éprouva une recrudescence des symptômes, et le côté gauche se trouva aussi fortement atteint que le côté droit. C'est à cette époque que la malade a ressenti les premiers accidents arti-culaires. Un matin, sans avoir rien constaté de particulier les jours précédents, elle trouve son épaule grosse comme la tête d'un enfant. Elle a cessé complètement de travailler à partir de ce moment (depuis quelques mois elle filait au rouet).
État de l'articulation, le 11 février 1 866. L'épaule droite présente un volume considérable. Une masse arrondie se dessine sous le muscle deltoïde. La tumeur est plus saillante en avant qu'en arrière. Le bras etl'avant-bras sont le siège à'mi œdème considérable. La peau qui recouvre l'articulation est à l'état normal.
Depuis l'apparition de la tumeur, les mouvements sont gênés, sans être douloureux, et des craquements se font entendre dans l'articu-lation. Au palper, on sent une masse élastique et résistante, qui donne sur quelques points la sensation d'une fluctuation profonde. 11 est très-difficile de reconnaître les parties osseuses de l'articulation. La tête numérale elle-même est à peine perceptible.
15 février. M. LéonLabbé pratique une ponction exploratrice. Le trocart, enfoncé à 5 centimètres de profondeur, ne laisse d'abord rien couler. Après avoir été partiellement retirée, la canule donne issue à un liquide séreux, peu filant, d'un jaune médiocrement foncé, et ne paraissant pas contenir de pus ni de sang. On recueille environ 50 grammes de ce liquide dans une ôprouvette; il se forme à la surface une pellicule fibrineuse. A la suite de cette ponction, qui
1 Observation recueillie par mon ami C. Carville et par moi.
n'a été suivie d'aucune douleur, l'articulation paraît mieux fonc-tionner.
24 février. Une nouvelle ponction est pratiquée : elle donne issue à 110 grammes d'une sérosité renfermant quelques globules sanguins et moins filants que la première fois.
26 février. Troisième ponction qui donne issue à 100 grammes de sérosité.
5 mars. Nouvelle ponction, donnant issue à 100 grammes de sérosité sanguinolente.
25 mars. Deux ponctions demeurent sans résultat. L'épaule est douloureuse, dure et tendue.
10 avril. Amélioration notable. L'épaule a complètement diminué de volume. Le 4 mai, la malade sort de l'infirmerie.
État actuel de l'épaule droite (octobre 1868). Lorsqu'on compare les deux épaules, on est tout d'abord frappé de l'aspect carré de l'épaule droite. L'acromion est aussi saillant que possible; le deltoïde est très-tendu ; le creux sus-claviculaire est en partie effacé, et on y sent une saillie irrégulière, dure, qui se déplace lorsque l'on imprime des mouvements au bras : cette saillie n'est autre que la tète de l'humérus, ainsi qu'on peut le constater en introduisant la main dans l'aisselle. Il existe donc une luxation intra-coracoïdienne. La tête de l'humérus paraît plus petite qu'à l'état normal.
La luxation se réduit très-facilement, mais elle se reproduit dès que la malade exécute un mouvement. Elle se sert assez bien de ce membre, et parvient à s'habiller seule; mais tous les mouve-ments spontanés ou provoqués donnent lieu à des craquements manifestes.
BIBLIOGRAPHIE
Comptes rendus des séances et mémoires de la Société de biologie. —
Année 1869. — Un fort volume in-8° avec 6 planches lithographiées et colo-riées Paris, chez Adr. Delahaye, éditeur.
L'année 1869 n'a pas été, pour la Société de biologie une des moins fécondes, une des moins bien remplies. Anatomie, physio-
logie, pathogénie, pathologie, thérapeutique, ont fait l'objet de communications et parfois de mémoires importants. Des travail-leurs infatigables sont venus apporter là les résultats de leurs re-cherches laborieuses, et parmi eux nous trouvons bon nombre de noms honorablement connus dans la science, tels que MM. Bert, Brown - Séquard, Charcot, Grehant, Onimus, Babuteau, Yul-pian, etc., etc. — Nous ne pouvons analyser tous les mémoires contenus dans ce volume; nous ne pouvons même les mentionner tous; qu'on nous permette donc de nous arrêter seulement aux plus importants.
La physiologie, normale ou pathologique, est surtout représentée par les travaux de MM. Bert, Jolyet, Brown-Séquard, Laborde, Le-ven, Rabuteau, etc. A M. Bert nous devons différentes communica-tions sur Vaction de l'acide phénique su?' la moelle, sur ^resistance des animaux nouveau-nés à l'action de certains poisons ; sur l'in-fluence de certains rayons lumineux sur Vétiolement des animaux ; nous lui devons également des recherches sur la respiration des poissons, sur les mouvements de la sensitive, sur le tic, le tournoie-ment, sur la transfusion du sang, etc. MM. Bert et Jolyet nous ont donné deux mémoires, l'un sur l'action physiologique de l'acide phénique, l'autre relatant des expériences sur l'absorption vesi-cate.
A M. Brown-Séquard nous devons un grand nombre de commu-nications relatives à ïépilepsie, produite, soit par lésion de la moelle épinière, soit par lésion du sciatique, soit par lésion des nerfs des membres inférieurs; sur la zone épileptogène, sur la production de la tuberculose chez les cochons d'Inde, etc. MM. Laborde et Leven ont exposé les résultats de leurs travaux sur les effets de l'esérine, et sur ceux de l'acide carbonique sur différents animaux.
M. Rabuteau a fait diverses communications, principalement sur les iodates et les bromates, de même que sur les variations de l'urée sous l'influence du bromure de potassium ; à ce propos, nous trou-vons une note très-intéressante au sujet de l'emploi des bromures dans l'intoxication saturnine; M. Rabuteau appelle l'attention de ses confrères sur les bromures alcalins, qu'il considère comme cal-mants et éliminateurs, en un mot, comme les meilleurs médica-ments de l'intoxication saturnine aiguë ou chronique, et particu-lièrement dans les accidents cérébraux, tels que l'amaurose et l'épilepsie saturnine. Cet appel a été entendu. M. Bucquoy, quelque temps après, guérissait d'une manière sûre et rapide, à l'aide du
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
SYPHILIDE
bromure de potassium, un saturnin chez qui le traitement ordi-naire avait échoué. M. Sée en a aussi obtenu de bons résultats chez un malade atteint d'arthralgie et de paralysie saturnine.
A M. Yulpian nous devons une étude sur Y action du bromure de potassium a hautes doses, quelques considérations sur la physiologie de la moelle épinière ; sur les troubles de la pupille, après la section du sciatique, chez la grenouille, etc. — Signalons encore une note relative aux fonctions gustatives du nerf lingual, par J.-L. Prévost ; quelques expériences ayant pour sujet la pathogénie du tétanos, par MM. Arloing et Tripier.
Parmi les différentes communications ou mémoires ayant trait à Yanatomie pathologique, l'encéphale et la moelle épinière occupent une large part; c'est ainsi que nous noterons : 1° une communica-tion de M. Bouchereau sur un cas d'hémorrhagie cérébrale coïncidant avec des hémorrhagies rétiniennes avec anévrysmes miliaires de la rétine.—2° Différentes observations de M. Joffroy sur Yatrophie mus-culaire progressive avec paralysie labio-glosso-laryngée, sur la sclérose en plaques, sur une atrophie du cerveau produite par des kystes sy-métriques développés dans les hémisphères cérébraux et rentrant dans ces lésions récemment étudiées avec soin par M. Cotard dans sa thèse inaugurale, sous le titre d'Atrophie partielle du cerveau ; — 3° une observation de M. Voisin sur une méningo-myélite surai-guë avec sclérose des cordons latéraux ; — 4° des communications nombreuses et intéressantes sur la méningite tuberculeuse cérébro-spinale, par MM. Liouville, Magnan, Hayem, etc.
Dans un autre ordre de faits, citons quelques communications de M. Hayem sur les hémorrhagies musculaires dans les fièvres graves, sur la stéatose aiguë des muscles dans la variole, etc., de M. Jolfroy, sur la genèse des abcès du foie par oblitération du canal cholédoque, etc.
La thérapeutique occupe une part relativement restreinte dans les Comptes rendus de la Société de biologie ; cependant nous trouvons plusieurs communications se rapportant surtout à la thérapeutique expérimentale; ainsi l'action physiologique de la conine, par M. Jo-lyet; ainsi les effets de Yesérine, par MM. Laborde et Leven; nous trouvons aussi des remarques sur la transfusion du sang, présentées par M. Brown-Séquard, à propos d'une observation donnée par M. Thaon.
La pathologie proprement dite comprend différents travaux dont quelques-uns présentent un grand intérêt. Un des plus volumineux
est un mémoire de M. Bouchut sur Vophthalmoscopie appliquée au diagnostic des maladies de la moelle épinière, mémoire duquel l'auteur essaye de faire ressortir les faits suivants:
Les maladies de la moelle épinière, telles que la myélite aiguë, la sclérose spinale, l'ataxie locomotrice, déterminent souvent une lésion congestive et plus tard alrophique de la papille du nerf optique. — Les lésons du nerf optique produites par les maladies de la moelle sont le résultat d'une action réflexe ascendante con-gestive et elles se font par l'intermédiaire du nerf grand sympa-thique. — La présence d'une hypérémie du nerf optique, de la diffusion rougeâtre de la papille et d'une atrophie partielle ou totale de cette partie, coïncidant avec l'affaiblissement et l'engour-dissement des membres inférieurs, indique l'existence d'une ma-ladie aiguë ou chronique de la moelle.
Nous devons aussi signaler une observation pour servir à l'his-toire clinique des abcès du cerveau consécutifs aux otorrhées, ainsi qu'une note sur l'endocardite et l'hémiplégie puerpérales par M. Ollivier; un mémoire de M. Lépine sur la température des nou-veau-nés, un travail de M. Roque sur l'inégalité des papilles dans les affections des poumons, des ganglions bronchiques et du péri-carde, etc., etc., etc.
Une plus longue ônumôration deviendrait fastidieuse. Nous nous bornerons donc encore à signaler, dans un autre ordre de faits : 1° la description d'un monstre célosomien, par M. Chainbon, méde-cin-vétérinaire ; 2° une note sur une nouvelle espèce de tœnia, par M. Grenet, suivie de l'examen microscopique de ce tœnia, par M. Davaine. — Nous ne pouvons terminer sans donner un mot d'éloge aux planches qui accompagnent ces mémoires de la Société de biologie ; elles ne laissent rien à désirer sous le rapport de la beauté et de la fidélité de l'exécution.
G. Peltier.
Avis a nos lecteurs. — Chacun des numéros suivants répondra à un mois et aura 32 pages. — Le volume de l'aimée 1871 aura, par conséquent, 520 pages.
Le Gérant : a. de mont.méja.
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX DE PARIS
SYPHILIOGRAPHIE
SYPHILIDE PAPULEUSE PLATE, MODIFIÉE PAR LA GROSSESSE
par a. de montméja.
La polyniorphie est un des caractères essentiels des manifesta-tions cutanées de la syphilis. Cette polymorphie ne comporte pas seulement une série nombreuse de formes d'éruptions nette-ment définies, mais elle admet encore des variétés, des nuances, des altérations dans l'aspect de chacune d'elles. Dans le premier volume de cette publication (année 1869), nous avons représenté Planche XIII, un cas de syphilide pigmentaire, dans lequel la coexis-tence d'une grossesse avait non-seulement provoqué l'apparition de la maladie dans une région où elle ne se manifeste pas d'ordinaire, mais encore avait modifié entièrement la coloration de l'éruption.
Aujourd'hui nous publions une photographie (voy. Planche VII) qui représente une jeune femme du service de M. Guibout, à l'hô-pital Saint-Louis, chez laquelle il est survenu des plaques syphili-tiques d'une coloration peu ordinaire et dans une région insolite. Ces modifications ont été amenées, selon nous, par la coexistence d'une grossesse.
Dès le début, l'éruption se présentait suivant le type ordinaire des syphilides, que notre maître le docteur Hardy a décrites sous la dé-nomination de syphilides populeuses plates, et que M. Bazin appelle plaques muqueuses de la peau, alors qu'elles s'accusent avec un certain aspect dont nous aurons à parler tout à l'heure.
Les antécédents de la malade étaient très-nettement établis, et l'éruption, toute récente lorsque nous l'avons examinée, offrait les caractères suivants : les plaques syphilitiques, localisées sur la par-lie antérieure des cuisses, avaient un diamètre très-varié, comme
5e année. 5
on peut le voir sur la figure ; certaines plaques atteignaient le dia-mètre d'une pièce de dix centimes, tandis que d autres étaient de très-petites papules ; leur coloration rouge sombre avait la physio-nomie qui caractérise ce genre d'éruption. Peu élevées au-dessus des téguments, ces plaques paraissaient avoir une épaisseur égale; les grandes plaques étaient un peu déprimées dans leur partie cen-trale, et ne possédaient pas encore cette légère squame blanche, qui, vers la fin de l'éruption, forme une sorte de cercle sur la par-tie moyenne de la plaque; nous devons dire même que l'éruption a disparu sans que ce symptôme se soit produit. Au bout de neuf à dix jours, nous avons revu la malade; elle n'avait pas encore fait usage du traitement mercuriel , et son éruption avait complètement changé d'aspect; abandonnant la couleur rouge brun, elle avait pris une teinte brunâtre analogue à celle de l'aréole du mamelon, et nous ne saurions donner une idée plus exacte de cette coloration qu'en la comparant à la teinte photographique elle-même. La forme et la surface des plaques n'ont présenté aucune humidité, aucune croûte, comme on en rencontre dans les plaques muqueuses de la peau, de M. Bazin.
L'éruption a pâli graduellement, et la saillie des plaques s'est nivelée avec les téguments qui les environnaient. Une macule a remplacé chaque papule, et la coloration de cette tache n'a rien présenté d'anomal.
La durée totale de cette syphilide a été de trois mois, période un peu plus longue qu'elle ne l'eût été dans les circonstances ordi-naires, et dont la prolongation des accidents doit être attribuée, selon nous, à l'intensité de la coloration anomale des papules qui ont fait l'objet de cette description.
Le traitement mercuriel, mis en vigueur vers le troisième septé-naire de la maladie, a été continué jusqu'à l'affaissement complet des papules. L'accouchement s'est effectué à terme deux mois et demi après la guérison de l'affection syphilitique, et l'enfant n'a porté, en venant au monde, aucun stigmate de syphilisation.
PATHOLOGIE INTERNE
ÉTUDE SUR LES ARTHROPATHIES CONSÉCUTIVES A QUELQUES MALADIES DE LA MOELLE ET DU CERVEAU
par bourneville 1
- SUITE —
11. arthropathies qui s observent dans le cours ue l'atrophie musculaire progressive.
Pour terminer l'histoire des arthropathies qui forment le pre-mier groupe des lésions articulaires, d'origine trophique, auxquelles M. Gharco! a consacré plusieurs de ses L çons cliniques de 1870, il nous faut citer les cas suivants survenus : l'un chez une femme atteinte d'atrophie musculaire progiessive; l'autre chez un homme à la suite d'une lésion traumatique de la mo lie.
Observation V. — Atrophie musculaire progressive. — Arthropa-thie de l'épaule droite. — J'ai vu, dit M. Moritz Rosenthal, une affec-tion semblable à celle décrite chez les ataxiques par M. Chareot,— chez une femme de 50 ans, atteinte d'atrophie musculaire progres-sive qui avait d'abord occupé le bras gauche, puis le droit. Alors que, vers la troisième année de la maladie, l'atrophie s'était éten-due aux membres inférieurs avec perte de la contraddite élec-trique des extenseurs, il survint, sans aucune trace de douleur ni d'inflammation, un gonflement de l'épaule droite qui atteignit presque le volume d une tète d'enfant. Ce gonflement persista pendant prés d'une année. Vers la fin de. la quatrième année, il y eut une paraly-sie des extrémités qui étaient amaigries, pour ainsi dire à l'état squelettique. Incontinence d'urine et des matières fécales. 11 se produisit du décubitus au sacrum et la malade mourut d'une pneu-monie. — Pas d'autopsie2.
—L'arthropathie observée chez la malade précédente ne nous paraît différer par aucun symptôme important de celle des ataxiques. Il est même surprenant que l'on n'ait pas mentionné plus souvent cette complication dans l'atrophie musculaire progressive, car il nous
1 Voy. Revue photographique, 1870, pages 193 cl 22U ; 1871, p. 9. - Moritz Rosenthal, Handbuch der Diagnostic und Therapie der Nervenkrank-heiten, p. 571.
semble y avoir, au point de vue des lésions, un rapport entre les arthropalhies des ataxiques et l'atrophie musculaire progressive. On sait, en effet, que, dans cette dernière affectionnes cornes anté-rieures de la substance grise présentent, entre autre lésions, une atrophie profonde et la disparition même d'un bon nombre des grandes cellules nerveuses1.
iii. arthropathies consécutives a une lésion tralma'f ique de la moelle.
Nous n'en connaissons qu'un exemple dû à M. Viguès. Nous en donnons le résumé2 :
Observation VI. — Lésion traumatique de la moelle. — Arthropa-ihie du genou gauche. — Eschare. — En 1850, pendant une émeute, un homme reçut dans le dos un coup d'épée entre la neuvième et la dixième vertèbres dorsales, à trois centimètres et à droiie de la ligne médiane. Le trajet de la plaie était oblique de droite à gauche et légèrement dirigé de bas en haut. Le premier jour, on observa une paralysie motrice complète des deux membres inférieurs, de la vessie et du rectum. A gauche, la sensibilité du membre abdomi-nal était évidemment exagérée; à droite, au contraire, elle était très-obtuse. Douze jours après l'événement, on put constater une augmentation de volume de la cuisse gauche ; il y avait en même temps, dans Varticulation du genou correspondant, une accumulation de liquide assez considérable pour éloigner la rotule des condyles de plus d'un centimètre. La partie postérieure du membre était surtout infiltrée. Le treizième jour, on remarqua sur la fesse droite une eschare assez profonde pour intéresser une bonne partie du derme. La paraplégie ne fut que temporaire ; le mouvement reparut à droite, assez rapidement, et beaucoup plus tard à gauche. A en ju-ger d'après les symptômes, la blessure avait dû intéresser la tota-lité du cordon postérieur et du cordon latéral de la moelle du côté gauche, et la presque totalité, sinon la totalité de la substance grise du même cô'é.
— D'après les symptômes remarqués dans ce cas, l'arthropalhic se rapprocherait beaucoup plus de celle des ataxiques que des lésions articulaires que l'on rencontre chez les hémiplégiques. Ou ne si-
1 Voy. Charcot. et Joffroy, Deux cas d'atrophie musculaire progressive avec lésions de la substance grise et des faisceaux anléro-latéraux de la moelle epi-nicre. [Arch. de physiologie, 1869, p. 629, etc.)
- Journal deplujsiologic de fJrovvn-Sécjiiard, 1865, tome VI, p. 125.
guale ni rougeur, ni chaleur, etc. ; et, de plus, la lésion de la moelle nous paraît la môme , à savoir ; lésion des cellules de la partie antérieure de la substance grise.
Le second groupe des lésions articulaires susceptibles d'être ratta-chées à des troubles trophiques consécutifs à des maladies : a) de la moelle, b) du cerveau comprend les arthropathies qui se déve-loppent, soit dans les cas de compression de la moelle (tumeur, mal de Pott, etc.), soit après une lésion traumatique du centre nerveux spinal, soit dans le cours de la myélite primitive avec ra-mollissement, soit enfin dans les membres paralysés chez les hémi-plégiques.
Nous ne consacrerons que quelques lignes à chacune des pre-mières variétés, nous proposant d'insister plus longuement sur les arthropathies des hémiplégiques, sur les contractures qui les affec-tent et l'attitude qui en est la conséquence. Nous espérons que le résumé des divers travaux publiés sur ce sujet ne sera pas sans intérêt pour nos lecteurs. En effet, il est possible de tirer de ces études, sous le rapport pratique, des indications qu'il est bon de connaître. Le plus souvent, par exemple, chez les sujets qui nous occupent, on attribue au rhumatisme certaines manifestations arti-culaires qui n'ont rien de commun avec lui, mais sont, au contraire, sous la dépendance plus ou moins directe des lésions de la moelle ou du cerveau. Sans plus de préambule, procédons à l'examen des faits.
iv. arthropathies qui s'observent dans les cas de compression de la moelle.
Les cas de ce genre, dans lesquels des arthropathies se sont manifestées, sont rares et, comme l'esprit des observateurs n'était pas fixé d'une manière sérieuse sur ce point, on ne trouve le plus ordinairement qu'une simple mention. Le fait suivant, entre autres, est|loin d'être complet.
Observation VII. — Tumeur tuberculeuse de la moelle. —Arthro-pathie du genou droit (Gull, Cases of Paraplegia, cas 52 in Guy s Hos-pital Reports, 1258, IIIe série, p. 206 et P. Dubois, loc. cit. p. 52). Elisabeth W. ., à l'âge de huit mois, perdit graduellement l'usage du bras droit ; au bout de 15 mois (avril 1857), le gauche s'affaiblit de la même façon : les membres paralysés pendaient flasques et inertes. La tête étaitfrétraclée entre les épaules, le cou roide. Les
membres inférieurs étaient faibles, mais pouvaient cependant être remués volontairement. Le système musculaire était en général affaibli, surtout au bras. La peau, toujours chaude, transpirait li-brement. Parfois vomissements. Poids rapide, faible.
Dans la première moitié de mai (1857), le genou droit devint le siège d un épanchement dans la membrane synoviale et, à partir de cette époque, les membres inférieurs furent en partie paralysés. On y voyait, en outre, des contractions spasmodiques fréquentes, plus marquées dans le membre droit, qui était le plus faible (épilepsie spinale). A la suite de différents accidents, l'enfant succomba le 12 septembre par épuisement.
A l'autopsie : tumeur tuberculeuse siégeant au niveau de la moi-tié inférieure du renflement cervical ayant causé une absorption complète du tissu propre de la moelle. Nul détail sur l'état de la jointure.
— L'hydrarthrose ne nous semble attribuable, ici, qu'à un trouble de la nutrition consécutif à la lésion de la moelle en quelque sorte détruite en un point, car le rhumatisme est véritablement excep-tionnel à cette époque de la vie.
J. K. Mitchell etGult ont mentionné des cas analogues, le premier chez des individus atteints de carie vertébrale ayant déterminé une compression de la moelle1, le second dans un cas assez complexe2.
V. ARTHROPATHIES QUI s'oBSERVEJNT DANS LE COURS DE LA MYÉLITE PRIMITIVE.
« L'inflammation aiguë ou subaiguë des jointures des membres paralysés peut survenir aussi, dit M. Gharcot, dans la myé.ite pri-mitive avec ramollissement, ainsi que le démontrent entre autres
1 The American Journal of the médical Sciences, 1831, t. VIII, p 55.
- Guys Hosp. Reports, IIIe série, t. IV. 1.S58, obs. XXVII. — Anne E..., 39 ans, entre le 31 mars 1857. Saillie de la troisième vertèbre sacrée suite d'une chute faite il y a onze ans; cicatrice à droile de la crêie sacrée. Depuis deux ans, dou-leurs dans le dos, entre les épaules, sensation de constriction et de froid autour de la poitrine, L'extension des jambes était encore possible, mais la marche im-possible. Le jour suivant les mains, les genoux, les jointures des pieds éiaient gonflées et douloureuses. Chaleur fébrile, selles involontaires. A son entrée, les mains étaient gonflées, roidex et douloureuses, avec rougeur éryth mateuse sur le dos de la droite et sur la deuxième join ure du pouce gauche. Les jambes étaient paralysées au point q 'elles ne pouvaimt être que fail lement déplacées. Le troisième jour, eschare au sacrum — IVndanl dix jours les mains restèrent rouges, douloureusi s, roides et. gonflées. Le 8 avril, les mains étaient encore gon-flées et érythéinateuses. Pouls à 100. 13 avril : mieux, parfois contraction des membres, mais pas de rigidité permanente; mains gonflées, roides, mais moins
lés cas de Gull1 et de Moynier2, où l'on voit les arthropathies se dé-velopper dans le même temps où une eschare se forme rapidement au siège3. » Voici le résumé de l'observation de Moynier.
Observation VIII. —Myélite subaiguë.—Paralysie -progressive. — Arthropathie du genou et de Varticulation tibio-tarsienne du côté droit. — Eschares. — Mort. — Ii s'agit d'un jeune homme de 18 ans qui a présenté tous les symptômes de la myélite subaiguë à la suite du séjour prolongé dans un endroit humide et de grandes fa-tigues. La paralysie du mouvement commence à se prononcer dans les membres inférieurs le 25 janvier ; elle y est complète le 9 février. Le 25 du même mois, la peau de la région sacrée est le siège d'une plaque érythémateuse. Le 5 mars, il s'y est développé une eschare. Le 6 mars, une douleur vive se manifeste au genou droit, qui est tu-méfié, et donne la sensation de fluctuation. Il y a en outre tuméfac-tion douloureuse de l'articulation tibio-tarsienne du même côté. Le 8 mars, le genou avait déjà diminué de volume. Le 9, des eschares se manifestent aux talons. La mort survint le 27. L'autopsie a montré un foyer de ramollissement siégeant à 4 centimètres environ au-des-sus de la queue de cheval.
-—Les lésions trophiques — arthropathies, eschares, — sont ap-
vouges; épaules plus libres. — 22 avril : les mains ont leur aspect normal et ont perdu leur roideur. Jambes plus libres.— A partir de là, amélioration non interrompue ; guérison en septembre.
1 Le deuxième cas de Gull, de même que le précédent, ne se rapproche pas, d'une façon absolue, des arthropathies que nous décrivons. Gull discute l'hypo-thèse d'un rhumatisme et incline vers la négative. Peut-être, cependant, pourrait-on se demander s'il ne s'agit pas là d'un rhumatisme développé, à propos d'un traumatisme, chez un sujet d'ailieurs prédisposé.
Obs. XXVIII. — W. T..., 58 ans; chute le 2-janvier 1855. Au bout de quelques jours, paraplégie partielle, faiblesse des sphincters et, en même temps, rougeur diffuse et gonflement des jointures des jambes et des poignets. Le gonflement n'était pas dû à un épanchement dans les jointures, mais à un œdème des tissus environnants. Jointures très douloureuses. Rougeur et gonflement variables. A ce summum d'intensité d s symptôme^, les jointures avaient l'apparence ordinaire du rhumatisme ou plutôt de la goutte, car l'érythème était plus luisant et l'œ-dème plus distinct que dans le rhumatisme, i es mains étaient également affectées, bien qu'il n'y eût pas de paralysie. Pouls, 12a. IIypéresthés;e au plus léger con-tact; une pression énergique a moins d'inconvénients. — Le pouls lombaà 80; l'affection des jointures varia en degré en mars-juin ; mais à partir du commen-cement d'avril, il y eut une amélioration du pouvoir moteur des membres. En juin, le malade marchait seul. Durant le sommeil, les mains et. les poignets, les jointures des pieds, devenaient erythémateuses et gonflées. En juillet, exeat. (Gull, loc. cit.)
2 Moniteur des sciences méd., 1859.
r Mouvement médical, 1870, juillet-août.
parues chez ce malade avec une promptitude remarquable. L'ab-sence de douleurs dans les autres jointures plaide en faveur de l'o-rigine spinale que nous donnons à ces altérations.
Dans ce second groupe, les ressemblances des arthropathies avec le rhumatisme sont, du reste, assez nombreuses. On observe de la rougeur de la peau, qui est souvent un peu chaude; la jointure est gonflée en raison de l'épanchemcnt qui s'est effectué dans la syno-viale — autant de symptômes qui se voient clans le rhumatisme ; mais il y a aussi quelques différences que l'élude des arthropathies des hémiplégiques rendra évidentes. Dès maintenant nous pouvons dire qu'on les rencontre chez un grand nombre d'hémiplégiques indemnes de tout signe de diathèse rhumatismale, et qu'elles n'af-fectent que les jointures du côté paralysé.
VI. ATTITUDE ET CONTRACTURE DES MEMBRES. - LÉSIONS ARTICULAIRES
QUI s'ORSERVENT CHEZ LES HÉMIPLÉGIQUES.
Les malades que nous allons passer en revue appartiennent à deux catégories distinctes : les unes sont hémiplégiques, en quelque sorte depuis l'enfance, les autres ne le sont devenues qu'à une époque plus ou moins avancée de l'existence.
1° Hémiplégiques par atrophie partielle du cerveau datant de l'en-fance. L'histoire de l'atrophie partielle du cerveau a été tracée avec beaucoup de soin par l'un des anciens internes de la Salpêtrière, M.Cotard. Se basant surles nombreuses observations qu'il rapporte, et recueillies pour la plupart à la Salpêtrière, M. Cotard résume et classe les lésions anatomiques, indique les causes capables de les produire et consacre un dernier chapitre, marqué au coin d'une certaine originalité, à la symptomatologie. Les phénomènes du début, les accès d'épilepsie consécutifs, l'état mental, l'état des membres et du tronc, etc., sont successivement décrits. Il insiste d'une façon spéciale sur la parole, et nous pensons utile de citer le passage suivant :
« 11 est extrêmement remarquable, dit-il, que, quel que soit le côté de la lésion cérébrale, les individus hémiplégiques depuis leur enfance ne présentent jam,ais d'aphasie, c'est-à-dire d'abolition de la faculté du langage avec conservation plus ou moins complète de l'intelligence. Dans nos observations d'atrophie remontant à la première enfance, l'intelligence n'est jamais mieux développée que la faculté du langage ; on n'observe jamais cette impossibilité d'ex-primer les idées, ce contraste singulier entre les facultés intellec-
tuelles et les facultés d'expression qui donnent aux aphasiques une physionomie si originale.
« Dans quelques cas, un mutisme absolu joint à une idiotie com-plète coïncide avec des lésions atrophiques considérables des deux hémisphères. — D'autres fois, une imperfection plus ou moins grande de la parole est en rapport avec une imperfection non moins considérable de l'intelligence; ce sont les idées qui manquent bien plus que les moyens d'expression. — Dans tous les cas où les fa-cultés intellectuelles ont acquis quelque développement, nous voyons que les malades parlaient facilement, même lorsque le lobe frontal gauche ou l'hémisphère gauche tout entier étaient pro-fondément altérés.
« De ces propositions qui résument les faits décrits dans nos ob-servations, nous sommes en droit de conclure tout d'abord que, lorsqu'un hémisphère cérébral a été détruit pendant la première enfance, l'autre hémisphère peut le suppléer dans ses fonctions et qu'il suffit de l'un quelconque des deux hémiphères pour l'exercice sensiblement normal des facultés intellectuelles1. »
Cette citation témoigne de l'intérêt qui s'attache à l'étude de l'atro-phie cérébrale; nous espérons faire voir que la connaissance des dé-formations des membres, des lésions des jointures, etc., n'est pas moins curieuse et digne d'être signalée d'une façon spéciale. Tout d'abord voyons les faits.
Observation IX.— Convulsions à 17 mois. — Hémiplégie à gauche.
— Peur vive suivie d'accidents épileptiques (2 ans). —¦ Menstruation.
— Aggravation des accès (22 ans). — Crises gastriques. — Attitude des membres paralysés.
Lecom.., Adèle Louise, 42 ans, est entrée à la Salpêtrière dans le service spécial des épileptiques, le 29 février 1848. Elle nous donne sur ses antécédents les détails suivants (1866). Elle a été élevée au sein en nourrice. Sa santé aurait été passable jusqu'à 17 mois, épo-que où ont éclaté des convulsions à la suite desquelles on s'est aperçu qu'elle était paralysée du côté gauche. Elle n'a marché qu'à 2 ans et demi2 et encore avec quelque difficulté. A 5 ans, elle est revenue à Paris, lieu de sa naissance. La parole, alors, était difficile, souvent incompréhensible. Peu après, vers l'âge de 4 ans, Lec... a eu des gourmes (croules dans les*cheveux, glandes au cou, ophthalmie qui
1 Étude sur l'atrophie partielle du cerveau, p. 89-90; Paris, 1808.
2 Elle ne marchait ni ne parlait avant les convulsions. {•
a duré 5 ans, engelures aux pieds) et à 7 ans, une fièvre intermit-tente. — Eile est devenue propre à 2 ans.
A 12 ans, le lendemain d'une peur occasionnée par les tentatives obscènes d'un individu ivre, el;e fut prise d'accidents qu'elle carac-térise ainsi : chaleur par tout le corps, malaise général, faiblesse, rougeur de la face, qui devint pourpre et perte de connaissance, mais pas de convulsions. Deux ou trois jours plus tard, les règles apparaissent sans difficulté; depuis ce moment elles ont toujours été régulières.
De 12 à 22 ans les accès épileptiformes que nous venons de décrire sont revenus fréquemment, quelquefois au nombre de 8 à 10 dans un seul jour. Ils ont subi, à cette date — 22 ans — une transformation qui leur a imposé les caractères des accès complets. Ni le petit mal ni le grand mal n'ont modifié l'attitude des membres paralysés : « Depuis que j'ai souvenance, dit-elle, ils ont toujours eu la même position. — Les convulsions, ainsi que nous l'avons constaté, prédominent du côté paralysé.
État actuel (1871). Nous avons vu cette malade en 1866, dans le service de M. Delasuuve; nous la retrouvons aujourd'hui dans le service de M. Charcot, offrant à peu de chose près les mêmes sym-ptômes. En voici la description :
Les deux moitiés de la tète de la face sont inégales1. La tête a 51 centimètres de circonférence au niveau de sa base et en passant par-dessus les conduits auditifs ; la moitié droite mesure un cen-timètre de moins que la gauche. Les oreilles ont les mêmes dimen-sions, l'ouïe est aussi bonne d'un côté que de l'autre.
Les paupières sont ouvertes également et les globes oculaires, au toucher, paraissent avoir le môme volume. Les pupilles sont nor-males, contractiles. La vue, nette à droite, est faible à gauche : de ce côté, la malade dit avoir une espèce de brouillard qui obscurcit les objets. Il n'y a pas d'arc sénile ni de paquets adipeux.
Les plis palpébraux, ceux du front, sont aussi accusés à droite qu'à gauche. Le sillon naso labial droit, seul, est moins accentué que le gauche. La narine droite et moins dilatée que l'autre. La bouche, la langue n'offrent aucune modification. Le goût, l'odorat, la parole ne présentent rien de particulier. — Les mouvements du cou sont libres.
1 Sur la planche VIII, on voit avec un peu d'attention que la joue gauche est plus saillante, plus bombée, que la droite.
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
ARTHROPATHIE CHEZ UNE HÉMIPLÉGIQUE
Membre supérieur gauche. La planche VII: donne une idée très-exacte de l'atlitude du membre supérieur gauche. On voit : 1° que Vépaule, comparativement à la droite, est moins arrondie ; — 2° que le bras est en quelque sorte collé contre la paroi thoracique ; — 5° que Yavant-bras l'orme un angle droit avec le bras ; — 4° que la main, et nous insistons sur ce point, est tout à fait à angle droit sur l'avant-bras ; — 5° que les doigts sont légèrement fléchis. Quant au pouce, il pend en dedans et est accolé à la paume de la main.
Les mouvements de l'épaule sont assez étendus : la malade peut élever le bras horizontalement, le porter dans l'adduction et dans l'abduction. —Au coude, la flexion seule est possible; l'extension ne va pas plus loin que ne l'indique la planche VIII. — Il existe, au poignet, une contracture qui rend à peu près tout mouvement im-possible. — Les articulations du pou'e sont mobiles. La flexion des doigts s'exécute assez bien, mais l'extension est très-incomplète en raison de la contracture très -modérée, d'ailleurs, des muscles fléchis-seurs des doigts. — L'aponévrose palmaire est tendue. — Les émi-nences thénar et hypothénar, les muscles interrosseux ne sont pas atrophiés.
Le membre supérieur gauche, considéré dans son ensemble est, par rapport à l'autre, beaucoup moins développé. Un coup d'œil jeté sur la planche Vlll l'indique déjà, et les mensurations suivantes
le démontrent.
A GAUCHE. A DROITE.
Circonférence au-dessous de l'aisselle...... 19 centim. 26 cent.
— à la partie moyenne....... 18 — 23 —
— du coude............ 21 — 25 —
— de l'avant-bras à la partie moyenne. 16 — 22 —
— du poignet........... 14 — 15,5 —
— du pouce à sa racine....... 6 — 7,5 —
— du pouce à sa partie moyenne.. . 5,2 — 6,5—
— des quatre derniers métacarpiens. 15,5 — 18,5— Longueur de ta clavicule. .......... 14 — 15 —
Lecom... ne se sert de son bras gauche que pour appuyer, pour presser. Elle travaille à la buanderie au pliage du linge; voici com-ment elle procède : elle maintient la partie déjà pliée avec la main gauche pendant que la droite prépare un second pli.
Membre inférieur gauche. 11 est moins long que le droit d'environ trois cnlimèlres. La hanche est libre; le genou, roide, accomplit d'une façon pa.-sable les divers mouvements, Le pied n'est pas sen-siblement déformé. Voici les mensurations comparatives des deux membres inférieurs :
A UAULUt.. A IH'.Ulir
Circonférence de la cuisse (tiers inférieur). 55 cent. 58,5 cent.
— delà jambe (jarretière).. . . '25,5— 28 —
— du mollet.....„..,.. "7 — 51,5 —
— du cou-de-pied. ... „ . 22 — 23 —
— du métatarse........ 20 — 21 —
Longueur du pied............. 21 — 22 —
La marche se fait assez bien, sans trop de fatigues; mais dans les mouvements le pied traîne un peu et se renverse parfois ; la malade s'incline sur le côté gauche; quelquefois aussi la jambe flé-chit tout à coup.
Les différents modes de sensibilité sont intacts; il n'y a pas, à cet égard, la moindre différence entre les deux moitiés du corps. — L'excitabilité réflexe est cependant augmentée au membre supérieur gauche. La malade nous raconte que, parfois, lorsqu'elle s'ingère d'étendre la main gauche, il survient presque aussitôt des spasmes tétaniques courts et répétés dans le membre supérieur correspon-dant (épilepsie spinale).
Outre ces phénomènes convulsifs, la malade éprouve de temps en temps : 1° des élancements dans le coude qui, partant de la nuque et de la région cervicale postérieure, s'irradient dans le bras et le coude; — 2° des douleurs vives dans le poignet et des craquements dans l'épaule et le coude. Ces derniers symptômes seraient influencés par les changements atmosphériques.
La malade semble plus âgée qu'elle ne l'est ; les cheveux blan-chissent et plus à droite qu'à gauche. L'inégalité que nous avons signalée pour les membres, les épaules, n'existent pas pour les seins, qui sont peu développés, mais égaux. D'habitude, la santé est assez bonne. Toutefois nous devons mentionner: 1° des migraines ; 2° des crises gastriques.
1° Ses migraines s'accompagnent: (a) de douleurs occupant surtout la moitié droite de la tête et plus spécialement la région pariétale ;— (b) parfois de vomissements ; — (c) et toujours d'abattement,de lour-deur intellectuelle.
2° Une fois par an, L... est sujette, durant vingt-quatre heures, et cela depuis l'origine de sa paralysie à des accidents bizarres : les membres paralysés se coutraclurent davantage, se retournent, dit-elle, le coude et l'épaule sont le siège de vives douleurs, puis surviennent des nausées bientôt suivies de vomissements bilieux ; à ce cortège de symptômes s'ajoutent enfin de l'incertitude dans les idées, un peu de délire caractérisé surtout par de la loquacité et des
divagations. Elle dort et tous ces accidents disparaissent sans accès épileptique ni crises d'aucune nature. (En 1866, nous avons été té-moin d'une crise de ce genre.)
L'intelligence est, comparativement, assez développée. La malade ne sait pas lire, mais cela tient à ce que ses accès ont empêché qu'on pût la garder à l'école1. La mémoire est bonne. L... raisonne bien. Son caractère est doux, timide ; ses allures n'offrent aucun signe d'excentricité. — Les accès ont suivi la marche suivante :
Année 186G. . . . '14 accès. Année 18G9. . . . 4 accès.
— 1867. . . . 8 — — 1870. . . . 5 —
— 18G8. ... 21 — — 1871. . . . 5 —
D'après ce tableau, les accès paraîtraient diminuer.
— La suite au prochain numero. —
TÉRATOLOGIE
HÉMIMÉLIE DE L'AVANT-BRAS DROIT
Notre ami Carville nous a fait voir au commencement de cette année, dans le service de M. Empis, dont il était alors l'interne, une enfant née le 22 décembre 1870 et atteinte d'une malformation cu-rieuse de l'avant-bras droit. Un interrogatoire attentif de la mère de l'enfant ne nous a fourni que des renseignements insignifiants. Ainsi, en ce qui la concerne, elle est assez forte, peu nerveuse, âgée de 50 ans et d'ordinaire elle jouit d'une bonne santé. Elle est entrée à l'hôpital pour un rhumatisme articulaire aigu (27 novembre 1870). Sa grossesse (c'est la quatrième) ne lui a rien offert de particulier. L'accouchement s'est opéré à huit mois. Des trois premiers enfants, un seul est vivant ; les autres sont morts l'un à 11 mois d'une cho-lérine, l'autre d'une fluxion de poitrine à 4 mois et demi. Aucun d'eux ne présentait de difformité.
Relativement au père, âgé de 28 ans et demi, on nous assuré
1 Cette femme est arrivée à la Salpêtrière à l'âge de 12 ans et, comme elle était réglée, on n'a pu la placer dans le service des enfants épileptiques et idiotes où il y a une école. De là l'ignorance de cette femme. Si les administrateurs de l'Assi-tance publique s'étaient montrés plus soucieux de l'intérêt des malades que de leur intérêt personnel, il y a longtemps que chaque hôpital, et surtout chaque hospice, aurait son école, sa bibliothèque. Avec les traitements des gros em-ployés inutiles on réaliserait sans peine cette réforme.
qu'il se porte bien, ne fait pas d'excès de boisson et n'a jamais d'attaques nerveuses. — Du côté des ascendants, il n'y aurait pas d'antécédents névropathiques sérieux.
i. description de i. avant-rras durant la vie.
L'aspect général indique une enfant d'une force moyenne, en rap-port du reste avec sa naissance un peu prématurée. — Le membre supérieur droit est le siège d'un arrêt de développement qui n'in-téresse que l'avant-bras. En effet, les deux bras ne paraissent différer ni dans leur volume ni dans leur configuration.—L'articu-lation du coude est libre.
Vavant-bras droit est représenté par un moignon long de o centimètres, à peu près cylindrique et sur l'extrémité inférieure du-quel on distingue : 1° un petit tubercule cutané ayant 4 à 5 milli-mètres de hauteur et autant de largeur, dépourvu d ongle et ne ressemblant que très-vaguement à un doigt ; 2° auprès de ce tuber-cule on voit, ainsi quela Planche IX h' représente d'une façon exacte, un repli cutané, curviligne , profond de 2 à 5 millimètres. Quand on efface cette dépression en tirant sur la peau, on ne découvre au-cune trace de cicatrice, mais on aperçoit un autre tubercule encore plus petit que le précédent. — Le palper permet de sentir dans cet avant-bras rudimentaire un corps résistant; mais il est difficile de dire au juste s'il y a un seul os dû à l'union du radius et du cubitus qui seraient aplatis, — ou si ces deux os sont distincts, séparés par un intervalle.
Au moment du bombardement de la Pitié (janvier 1871), on fut obligé de faire évacuer le bâtiment où se trouvait la salle des femmes de M. Empis et, à la fin de mars, nous retrouvâmes et la mère et l'enfant dans le service de M. Molland. Un nouvel examen ne nous fit découvrir aucune parlicularité nouvelle.
A la fin de mai, l'enfant, se nourrissant mal, le lait de sa mère étant pâle et peu abondant et les circonstances ne permettant pas d'avoir du lait de vache, l'enfant, di-ons-nous, s'affaiblit rapidement, devint pâle; bientôt apparut une bronchjte qui semblait s'amender un peu lorsque nous avons quitté le service (12 juin). Celte amé-lioration ne fut pas de longue durée : il survint une pneumonie lobaire qui emporta le petit malade le 50 juin. — Nous allons main-tenant reproduire la note suivante, que nous devons à l'aimable obligeance de M. Troisier. IL
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Planche IX.
HËIWIMÉLIE DE L'AVANT-BRAS DROIT.
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HÉMIMÉLIE DE L'AVANT-BRAS DROIT
S ÷ ñ E li E T T !¦:
II. DISSECTION DU MEMBRE
par Teoisteb, interne des hôpitaux de Paris.
1° Description des os. — A. Bras. L humérus a sa conformation normale. Il a 7 centimètres de longueur (Planche X, À).
B. Avant-bras. Le radius (C) et le cubitus (B) sont représentés par deux os de la même grosseur que ceux du côté opposé, mais ne mesurant, le cubitus que 5 centime res et demi, le rad us que 2. On peut définir leur forme en disant qu'ils offrent celle de leurs con-génères en raccourci. Ainsi leurs extrémités supérieures ont une conformation normale et s'articulent avec l'humérus ; cette articu-lation est également normale. Le corps du cubitus présente trois faces et se. termine par une extrémité inférieure renflée et offrant à sa partie interne une petite apophyse d'où part un ligament qui s'insère à la peau au niveau de la dépression la moins profonde.
Le radius est situé en avant du cubitus, dans la position de prona-tion forcée. Il offre une courbure dont la concavité regarde en de-dans et en arrière, de sorte que son extrémité inférieure est antérieure et relevée vers le cubitus, 3 millimètres au-dessous duquel elle est située. Elle est très-épaisse et représente la forme normale de l'ex-trémité inférieure du radius. Un fort ligament part de son apophyse styloïde et s'insère au niveau de la dépression infundibuhforme de la peau. Le corps du radius présente deux tubérosités. Une pre-mière, située immédiatement au-dessous de la tête (lubérosité bici-pitale) ; une seconde, très-volumineuse, située à la partie moyenne de l'os et qui représente les rugosités qui se voient à l'état normal sur la face externe du radius.
Le radius et le cubitus sont rattachés l'un à l'autre par une mem-brane inlerosseuse, et leurs extrémités inférieures par un fort liga-ment (D) qui représente le ligament triangulaire. — 11 existe une articulation radio-cubitale inférieure.
2° Description des parties molles. — A. Muscles du bras Le biceps s'insère à la tubérosité bicipitale. — Le brachial antérieur se voit sous !e tendo i du biceps et s'insère à l'apophyse corouoïde du cubi-tus. — Le triceps s'insère à l'olécràne.
B. Muscles de l'avant-bras. Les muscles de la région antérieure sont représentés par des masses musculaires qu'on peut diviser en deux groupes : l'un, superficiel, qui s'étend du bord interne de l'humérus et de l'épitrochlée à la tubérosité décrite sur la face ex-terne du radius; cette insertion se fait par un tendon. —L'autre,
profond, qui s'étend de l'épitrochlée, de la partie supérieure des deux os de l'avant-bras et du ligament interosseux à l'extrémité in-férieure du radius et à la peau. Cette masse remplit tout l'espace situé entre le radius et le cubitus.
Région externe. Le long supinateur et les radiaux sont représentés par une masse musculaire qui s'étend du bord externe de l'humérus et de l'épicondyle à la peau du moignon. Le court supinateur s'étend de l'épicondyle à la portion du radius située au-dessus de la tubéro-sité de la face externe (insertions normales).
Les muscles de la région postérieure se confondent en partie avec les muscles delà région externe. L'anconé seul est distinct ; il s'étend de l'épicondyle à la facette triangulaire de la face postérieure du cubitus.
L'artère humérale se divise au pli du coude en cinq ou six petits rameaux qui se distribuent aux muscles et au tissu cellulaire sous-cutané.
Les principaux nerfs de l'avant-bras avaient leurs représentant s qui se perdaient dans la peau du moignon1.
ARRÊT 0E DÉVELOPPEMENT DE L'AVANT-BRAS GAUCHE (HÉMIMÉLIE)
PAR LEROY DES BARRES, INTERNE DES HÔPITAUX DE PARIS
Avant de décrire la malformation dont il s'agit, observée chez un enfant âgé de dix mois, nous allons donner quelques détails sur ses parents.
Le père, âgé de 56 ans, de constitution robuste, a toujours joui d'une bonne santé, jusqu'à il y a deux ans, époque où il contracta la syphilis : chancre, roséole, plaques muqueuses. Cet homme commet aussi quelques excès alcooliques.
La mère, âgée de 21 ans, est lymphatique. Jamais elle n'a eu d'accidents syphilitiques ou nerveux. Elle est bien réglée habituelle-ment. Sa grossesse a été pénible : des vomissements tourmentèrent cette femme, pendant les six premiers mois; ils reparurent dans la dernière quinzaine (vomissements muqueux puis alimentaires). De
1 La pièce a été présentée à la Société anatomique et déposée au musée Dupuytren. Sur la planche X, faite d'après un dessin de M. Rosapelly, E repré-sente une sorte de ligament qui se perd dans la peau du moignon, F.
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H ÉMIMÉ LI E DE L'AVANT- BRAS GAUCHE
plus, elle a éprouvé des douleurs abdominales. — L'accouchement (primiparité) a été facile. Le travail commencé à 8 heures du soir se terminait à minuit (présentation du sommet). Le placenta n'a pas été examiné. Cette femme dit avoir été très-vivement impression-née au troisième mois de sa grossesse par la vue d'un de ses voisins qui est atteint d'une paralysie de la main droite1.
Elle a allaité son enfant jusqu'à sept mois ; l'a sevré alors, parce que le lait faisait défaut et que ses règles étaient reparues depuis quelque temps (janvier). — Dans la famille des parents, on ne trouve aucun exemple de vice de conformation. ¦—¦ L. Georges, âgé de dix mois, avons-nous dit, est bien portant. Sa croissance, se fait bien. Il porte aujourd'hui quatre incisives (deux supérieures, deux infé-rieures). Il est indemne de syphilis et ne présente aucun autre vice de conformation que celui dont nous allons parler.
Le membre supérieur droit a sa configuration normale. Du som-met de l'acromion à l'apophyse styloïde du radius, il a une longueur de vingt et un centimètres et demi. De l'acromion à l'épicondyle humoral on note treize centimètres et demi. L'avant-bras mesure huit centimètres.
A gauche, la longueur du bras est de treize centimètres et demi; mais Y avant-bras est constitué par un moignon qui ne mesure que quatre centimètres et demi. (Voy. planche XI, fig. 1.)
La circonférence du bras, à la partie moyenne, est de douz.e cen-timètres pour les deux côtés. Au pli du coude, la circonférence est de chaque côté de onze centimètres : il n'y a donc pas d'atrophie à gauche.
Le moignon présente les particularités suivantes : long de quatre centimètres et demi, il est conique. La peau a sa coloration natu-relle. — Le pli du coude présente deux plis transversaux, distants l'un de l'autre, dans l'extension, de deux centimètres. Le pli inférieur répond à l'articulation du coude-qui est normalement constituée.—¦ Les mouvements s'y font avec régularité.
Le sommet du moignon offre deux dépressions. Chacune d'elles correspond à l'extrémité de l'un des os de J'avant-bras : on dirait qu'à cet endroit il y a adhérence de la peau avec chaque extrémité osseuse. La dépression interne qui correspond au radius paraît plus excavée ; cette apparence est due à la longueur plus courte de cet os.
1 li s'agissait d'un individu atteint d'hémiplégie, suite d'atropine cérébrale de l'enfance. (Voy. planches VIII et XVI.)
5*
La dépression de la peau au niveau du cubitus est circonscrite à sa partie interne par un petit sillon incomplet à concavité externe. En déprimant fortement la peau, on peut introduire entre ces deux os l'extrémité unguéale de l'auriculaire.
Plus en dedans, on rencontre deux tubercules cutanés, situés au fond d'une petite gouttière; l'externe a le volume d'un grain de millet; l'interne, celui d'un pois (Voy. planche XI, fig. 2).
Quand l'avant-bras (gaucbe) est porté dans la flexion forcée, les dépressions s'effacent à peu près complètement en même temps que les tubercules deviennent plus saillants. S'il est facile alors de sen-tir l'extrémité des os de l'avant-bras, il n'en est plus de même quand le moignon se trouve dms une position intermédiaire à la flexion et à 1 extension; — on dirait en pareil cas qu'il n'existe qu'un seul os dans le moignon; toutefois, si l'on suit la face postérieure du moignon, on parvient à sentir à son extrémité inférieure une espèce de gouttière.
Le moignon jouit de mouvements de flexion et d'extension très-complets; on peut même constater l'existence de légers mouvements de pronation et de supination — Les muscles se contractent éner-giquement et l'enfant oppose une résistance sérieuse aux explora-tions du moignon; — celui-ci, qui est conique pendant la contrac-tion, se ramasse pendant le repos et prend une forme arrondie ; alors disparaissent en partie dans les plis de la peau les particu-larités qui viennent d'être indiquées.
CLINIQUE OBSTÉTRICALE
NOTES ET OBSERVATIONS SUR QUELQUES MALADIES PUERPÉRALES
PAR bourneville 1 iii. exemple de rupture de l'utÉRUS. (Suite.)
Nous avons publié dans le numéro de janvier (page 25) une ob-servation de rupture de l'utérus, survenue chez une multipare à la suite probablement de manœuvres maladroites. Cette femme, au
1 Voy. Revue photographique, 1870, pages 155, 170, 216 el 247; — 1871, pages 25.
moment de son entrée à l'hôpital Saint-Louis (service de M. Hardy), présentait des symptômes indubitables de péritonite. Elle mourut sans accoucher douze jours après le début d* s accidents, neuf jours après son admission dans l'établissement. L'autopsie nous a permis de vérifier le diagnostic porté pendant la vie : rupture de l'utérus et péritonite consécutive. Au moment de la publicaron de cette obser-vation, le défaut d'espace nous a empêché d'insérer les réflexions suivantes qui font ressortir les traits principaux de l'histoire de ce cas :
Réflexions. I. Les causes de la rupture de l'utérus sont nom-breuses. Les unes sont prédisposantes (multiparité, distension ex-cessive et affaiblissement morbide des parois utérines, rétrécisse-ment du bassin, rigidité ou imperforation du col utérin, obliquité de l'utérus ou de la tête de l'enfant); les autres sont déterminantes (violences extérieures, contraction de l'utérus et des muscles abdo-minaux, manœuvres obstétricales). Quelles causes invoquerons-nous pour expliquer la rupture observée chez noire malade?
Tout en reconnaissant que la multiplicité des couches faites par cette femme ava t pu amener un affaiblissement de l'utérus, nous croyons que l'accident a eu pour ori.ine principale les manœuvres obstétrica es. Le passage suivant du Traité de M. Hervieux vient justifier notre opinion : « Assurément, dit-i , lesmanœuwes les plus habiles et les mieux justifiées peuvent, dan- certains cas où les parois de la matrice ont subi une distension et un amincissement extrê-mes, comme il arrive surtout chez le* multipares, donner lieu à des ruptures de l'organe, mais qu'il nous soit permis de dire hautement que ce n'est pasHà l'origine là plus habituelle des faits... L'impé-ritie de l accoucheur pendant l'acte parturitif, des manœuvres cou-pables pendant la gestation, voilà peut-être les causes détermi-nantes les plus communes des ruptures utérines. » (Loc. cit., p.291.)
L'impéritie de l'accoucheur! hélas! elle n'est que trop fréquente et il est certain qu'elle joue un très-grand rôle dans la production des accidents qui succèdent aux couches Pour s'en convaincre, il suffit de se rappeler comment se fait renseignement clinique de cette partie si importante de la pratique médicale. Où les étudiants peu-vent-ils s'instruire? A l'hôpital des cliniques. Mais il s'y fait un nombre relativement peu considérable d'accouchements, insuffisant pour que les sages-femmes et les étudiants puissent acquérir des notions sérieuses. Et, d'un autre côté, il ne faut pas oublier que la
répétition du toucher sur une même femme n'est pas sans incon-vénient.
La Maternité est réservée d'une façon exclusive aux sages-femmes. Le service spécial de l'hôpital Cochin, institué en 1865, a été fermé jusqu'ici, non-seulement aux étudiants en général, mais encore, aux internes et aux externes de l'établissement, en vertu d'un ordre de M. Husson, cet administrateur dont quelques-uns osent encore vanter le zèle et la bonne volonté!
Restent donc les petits services des hôpitaux. Or ceux-ci sont sous la direction de médecins victimes eux-mêmes d'un enseignement défectueux ou qui préfèrent consacrer leur temps aux malades or-dinaires et n'ont, par conséquent, que de faibles dispositions à donner des conseils aux rares élèves désireux d'acquérir quelques notions sur les accouchements. La preuve de cette, assertion est facile à four-nir : tandis qu'il y a chaque année, dans les hôpitaux, un certain nombre de cours cliniques sur la médecine ou sur la chirurgie, on n'en voit pas un seul sur les accouchements.
If. Cette digression, déjà trop longue, nous éloigne de notre sujet et il est temps d'y revenir. Nous avons dit quelles étaient les causes probables de la rupture de l'utérus. Voyons maintenant quelles étaient les autres particularités de la lésion.
La rupture siégeait ici sur la face antérieure et le fond de l'uté-rus ; on sait qu'elle peut occuper d'autres points de l'organe et même s'étendre au vagin. Elle était complète, ce qui est le cas le plus commun; les exemples de rupture incomplète, c'est-à-dire inté-ressant seulement, soit la tunique péritonéale, soit les couches musculaires, sont plus rares.— Les bords de la déchirure étaient déchiquetés, irréguliers, ainsi que cela se voit en général. Contrai-rement à ce que l'on observe souvent, il n'y avait pas de caillots sanguins dans la cavité péritonéale; on y trouva un liquide sanieux, fétide et les autres lésions delà péritonite.— Un point mérite encore d'être relevé; c'est le passage presque complet du fœtus dans l'ab-domen et la présence du placenta dans la fosse iliaque gauche.
III. La rupture s'est effectuée sans déterminer de douleurs angois-santes, ni d'état syncopal, phénomènes fréquents en pareille occur-rence. A la suite de l'accident, les contractions utérines ont-elles cessé ou continué? Nous ne saurions rien préciser à cet égard, puisque nous n'avons aucune notion exacte sur le moment même de la rupture. Ce que nous savons, c'est qu'elles n'ont pas reparu à
partir du 13 octobre, c'est-à-dire la veille de l'admission de la ma-lade à l'hôpital. Du reste, l'arrêt du travail n'est pas la règle. Jolly cite 23 cas dans lesquels les contractions utérines ont persisté. (Des ruptures utérines pendant le travail de Vaccouchement, 1870.)
IV. En prenant pour époque du début de l'accident le jour de la disparition des contractions utérines (13 octobre), nous voyons que notre malheureuse malade a survécu lia 12 jours après la rupture. C'est là une circonstance, pour ainsi dire, exceptionnelle : le plus souvent la mort survient au bout de quelques heures.
iv. de LA TEMPÉRATURE DANS l'ÉCLAMPSIE PUERPÉRALE.
Historique. Si nous en croyons les recherches bibliographiques que nous avons faites, les auteurs n'auraient pas jusqu'ici noté la marche de la température dans l'éclampsie puerpérale. Les observa-tions éparses dans les différents recueils périodiques, les mémoires originaux, les chapitres consacrés à cette maladie dans les Traités d'accouchements, même les plus récents, l'article Éclampsie du Dic-tionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, ne nous ont donné, sur ce point spécial, aucune indication sérieuse.
Dire avec Nsegelé et Grenser que « la température de la tète est élevée, surtout au front, » et que, dans l'intervalle des accès d'é-clampsie, « il ne reste que de la fréquence du pouls et de l'élévation de la température, » — c'est s'en tenir à des assertions bien vagues et qui n'éclairent pas beaucoup la question.
L'insuffisance, sous ce rapport, des descriptions de l'éclampsie puerpérale nous encourage à communiquer à nos lecteurs les trois faits que nous avons recueillis. Bien qu'ils soient moins complets que nous ne l'aurions voulu, s'ils ne peuvent fournir une solution définitive, ils serviront tout au moins à attirer l'attention sur les modifications de la température. Enfin, plus tard, nous aurons l'oc-casion, à propos de l'urémie, de montrer l'importance de la ther-mométrie au point de vue du diagnostic entre ces deux maladies :— Éclampsie puerpérale et urémie. Passons maintenant à l'exposé des faits cliniques.
Observation I. — Grossesse à terme. — Attaques éclamptiques. — Urines albumineuses. — Température. — Mort. — Autopsie : — ra-mollissement (cadavérique ?) des corps striés,—altérations rénales,— apoplexie pulmonaire. —Bah... Marie, 19 ans, teinturière, est en-
trée à l'hôpital Saint-Louis, salle Saint-Thomas, n° 47 (service de M. Blaciiez), le 16 juin 1869. A l'arrivée de la malade, à midi, on note les phénomènes suivants : stupeur profonde, yeux hagards ; œdème des membres inférieurs; grossesse à terme: le col, assez haut, laisse entrer avec peine la première plia'ange de 1 index. On nous assure que, depuis hier soir, elle aurait eu plusieurs attaques con-vulsives. Bientôt en survie:! une durant laquelle le pouls est à 124, la respiration à 64, la température vagmale à 40°. Après une minute de répit, en apparaît une autre ainsi caractérisée : torsion du cou, déviation énergique de la face vers l'épaule «auche ; le bras gauche se soulève, se roidit, les membres inférieurs sont animés de quelques secousses, puis le liras droit se ro dit ; enfin naissent des convulsons cloniquesau commencement desquelles la face, qui est pâle, revient à droite; la respiration est stertoreuse, l'écume s'éch.ippe de la bouche. L'attaque a duré une minute et demie; elle n'a été précédée d'aucun cri, ni accompagnée d'évacuations invo-lontaires. Le thermomètre n'a pas bougé. Traitement : lavement pugatif; potion avec bromure de potassium, 6 grammes; sina-pisme s.
Six heures du soir. — Cinq accès depuis midi. Pouls assez petit, à 148; R. 60; T. V. 40°; décubitus dorsal. Tète inclinée ◀tantôt▶ d'un côté, ◀tantôt▶ de l'autre. Front brûlant, face colorée. Pupilles égales, notablement dilatées. Nulle tiace de paralysie. La malade a bu presque toute sa potion ; la dé.lutition s'opère avec quelque dif-ficulté. — Le toucher vaginal fait constater une dilatai on du col égale aux dimensions d'une pièce d'un franc. Huit ventouses scari-fiées à la nuque (les urines, exlraites par la sonde, contiennent de l'albumine). — Elle meurt, sans avoir accouché, à onze heures du soir.
Autopsie, le\8jhdn.—Péricrâne, rien.— Os friables, minces. — Veines de la dure-mère gorgées et distendues.— Le liquide céphalo-rachidien n'»st pas augmenté. Sur la face convexe de l'hémisphère droit, légère injection de la pie-mère, qui, des deux côtés, lorsqu'on la détache, entraîne en beaucoup de points la couche superficielle des circonvolutions, principalement à droite. De ce côté, la paroi du ventricule latéral est très-ramollie ; le corps strié est séparé de la couche optique. La partie antérieure de ce veniricule est assez ferme. A gauche, le cor| s strié est également séparé de la couche optique. A part les bords qui répondent à ctlte dissection, la couche optique et le corps strié sont assez résistants. On ne note pas de co-
loration anormale. La pie-mère cérébelleuse s'enlève avec peine. — La protubérance et le bulbe sont normaux.—L'hémisphère gauche pèse 15 grammes de plus que le droit.
Congestion intense des deux poumons; dans le lobe inférieur, il y a des ilôts d'apoplexie.—Caillots noirs dans Y oreillette gauche; cail-lots blancs da s Y oreillette droite, se prolongeant dans les veines caves. Le tissu du cœur est moins coloré que d'habitude. — Foie volumineux, peu coloré ; pas de calculs. — L'estomac, le pancréas, la rate, n'offrent aucune lésion. — La veine cave inférieure, les vei-nes iliaques et utéro-ovariennes sont distendues par du sang noir en partie fluide, en partie coagulé. — La substance corticale des reins est remarquablement pâle, jaunâtre, grenue ; les pyramides sont dis-tinctes, rougeâires.
Utérus.—La dilatation du col est plus grande que pendant la vie. Le fœtus paraît à terme. 11 est considérablement œdématié, et sur le ventre on voit plusieurs phlyctènes.
— L'ensemble symplomatique offert par cette femme était tout à fait comparable à ceiui qu'on remarque chez les épileptiques et désigné sous le nom à'état de mal épileptique. Dans le cours de notre travail, nous nous servirons donc, par analogie, des mots état de mal éclamptique pour désigner à la fois et les convulsions et le coma qui leur succède1.
Quand cetle malade est arrivée à l'hôpital, les attaaues éclamp-tiques dataient déjà de 16 à 18 heures; il y avait, en outre, un coma profond et continu. Eh bien, à ce moment la température vaginale était à 40°, et six heures plus tard, elle était encore la même. Un premier point qui ressort de cette observation, c'est que l'état de mal éclamptique a pour effet de produire une élévation de la température.
Les cas suivants, tout en confirmant ce premier résultat, vont nous faire découvrir d'autres particularités.
Observation II. — Grossesse à terme. — Éclampsie. — Tempéra-ture durant et après les accès. — Urines albumineuses. — Accouche-
1 Dans le premier volume de la Revue photographique des hôpitaux (1869, p. 16b), nous avons étudié : 1° les modifications de la température p oduites par l'attaque d'épilepsie ; 2° la température dans l'état de mal épileptique. En com-parant ce premier travail à celui que nous publions aujourd'hui, le lecteur com-prendra mieux les ressemblances qui existent entre l'état de mal épiiej tique et l'état de mal éclamptique. — Voy. aussi Boukneville, Études de thermometrie cli-nique dans Vhémorrhagie cérébrale et dans quelques autres maladies de l'encé-phale. Paris, 1870
ment par le forceps. — Marche de la température. — Pneumonie. — Guérison.— Bichon, Blanche, 17 ans, est entrée le 27 décem-bre 1869, à l'hôpital Saint-Louis, salle Ferdinand, n° 15 (ser-vice de M. Hardy). D'après les renseignements qui nous sont donnés par son beau-père, elle avait depuis deux mois de la bouf-fissure de la face, et ses urines étaient devenues plus abon-dantes, au point que, la nuit, elle était obligée de se relever deux ou trois fois. Hier soir, vers onze heures, après avoir diné comme d'habitude, elle a été prise d'attaques convulsives qui n'ont pas discontinué. On nous l'a amenée ce matin, couchée sur de la paille, dans une voiture ouverte à tous les vents. A peine était-elle mise au lit qu'elle a eu une nouvelle attaque franchement éclampti-que, après laquelle le pouls était à 128, et la température vaginale à 59°,2. En moins d'un quart d'heure, nous assistons à deux autres accès, avec convulsions, cyanose, déviation de la face à droite, torsion du cou, etc. La malade est dans un état comateux. Le col de l'utérus est abaissé, effacé et dilaté (1 centimètre et demi de dia-mètre). Des inhalations de chloroforme, jusqu'à résolution com-plète, puis recommencées une fois encore au bout de quelques minutes, ont fait cesser les crises de 11 heures 10 minutes à midi 50 minutes.
De midi 50 à 1 heure 10, moment où nous revoyons cette jeune fille, elle a eu quatre attaques. Nous assistons alors à une véri-table série. Les convulsions affectent surtout la forme tonique; la cyanose est très-marquée. A la fin de chaque crise, il s'écoule par les narines des flots de liquide blanchâtre, mousseux, assez épais. La langue présente des écorchures. La malade a uriné sous elle. — Le thermomètre, placé dans le vagin depuis trois minutes, était à 40 degrés, quand est survenue une crise durant laquelle la température s'est élevée à 40°,2. Elle est ensuite descendue à 40°, pour remonter , dans une autre attaque, à 40°,2. Après celle-ci, la température était déjà descendue à 40°,1, lorsque de nou-velles convulsions l'ont fait revenir à 40°,2. — Traitement : saignée de 400 à 450 grammes ; ventouses sèches. Durant l'application de ces moyens, le pouls était à 156; le col avait une dilatation à peu près égale aux dimensions d'une pièce de 2 francs. En moins de 40 minutes, nous comptons douze attaques.
Une heure 50 minutes. —Le col de l'utérus étant suffisamment dilaté, on applique le forceps au détroit supérieur : l'accouchement s'opère rapidement. L'enfant, dont on entendait les battements du
cœur à onze heures ce malin, est venu mort. Aussitôt après l'accou-chement, le pouls était à 146, la température vaginale à 39°, 6. Après la délivrance (2 heures 20 minutes) : P. 124; T. V. 59°,5, La ma-» lade a perdu peu de sang.
5 heures. Pas d'accès depuis l'accouchement. P. 136; R, 28; T. V. 39°,9.
28 décembre, 10 heures. P. 120; R. 28; T. V. 59°,8. B... a eu cette nuit deux attaques seulement. Ce matin, elle est assoupie, ne répond pas; les paupières sont fermées; quand on les écarte, elle se plaint; les pupilles sont normales. Les joues sont médiocrement chaudes et colorées; les narines humides. La bouche est entr'ouverte; le bord libre des lèvres, les gencives présentent des croûtes brunes, sèches (sang et mucosités). La langue est gonflée, turgescente, et offre à sa face inférieure des dépôts grisâtres qui recouvrent des morsures que la malade s'est faites durant ses crises convulsives. En raison de l'état de la langue, la déglutition est. difficile. Une selle très-abondante, involontaire (B... a pris un lavement purgatif hier soir). — 12 sangsues derrière les oreilles.
Soir. Pas de nouvelles attaques. Assoupissement. Ventre souple, ni vomissements, ni selles, seins assez gros, mous ; sécrétion aqueuse. Miction involontaire. Par la sonde on retire une urine épaisse qui, traitée par la chaleur seule, et avec l'acide azotique, contient une grande quantité d'albumine, mais pas de traces de sucre. P. 120; R. 26; T. V. 39°,6. Les sangsues ont bien coulé.
29 décembre. P. 118 ; R. 26 ; T. V. 39°, 4. Nuit calme. Lavement avec 60 grammes de miel de mercuriale. — Soir : P. 128 ; R. 28 ; T. V. 40°. Les lèvres, les gencives sont nettoyées; la langue présente toujours des dépôts d'aspect gangreneux. Les seins sont mous ; sécrétion presque nulle.
30 décembre. P. 104; R. 22; T. V. 38°,8. Glandes mammaires molles; sécrétion jaunâtre. Physionomie calme. La malade parle bien. Peau fraîche. Langue moins grosse; les ulcérations se nettoient. Seins souples; sécrétion jaunâtre. — Soir : P. 120 ; R. 24 : T. V. 39°,7.
31 décembre. Les glandes mammaires, sensibles, sont à peine gonflées et fournissent une sécrétion blanche. P. 106; R. 24; T. V. 580,7. Soir : P. 112 ; R. 34 ; T. Y. 59°,6.
1« janvier 1870. P. 112; T. V. 39°,3.
2 janvier. P. 112; T. V. 38°,8. — Soir: P. 108; T. V. 37°,6.
3 janvier. P. 124 ;|R. 36; T. V. 40°,2. Toux fréquente, sans
expectoration. A l'auscultation, souffle tubaire et bronchophonie à gauche en arrière, au niveau du tiers moyen et au dessous de l'ais-selle. Pas de frisson. La langue est humide; les dépôts gangreneux ont disparu, laissant à découvert une ulcération assez longue, à bords déchiquetés ; soif vive; nausées la nuit dernière ; pas de vo-missements; ventre un peu ballonné; constipation depuis deux jours. Les seins sont mous et donnent une sécrétion aqueuse de moins en moins abondante. Les iochies ont suivi leur cours régu-lier. Les urines ne renferment plus d'albumine. — Soir : P. 128 ; T. V. 40°,2.
4 janvier. P. 100 ; T. V. 38°. — Soir : P. 120 ; T. V. 39°,8.
5 janvier. P. 124; T. V. 40°,2. — Soir : P. 108; T. V. 39°,4.
6 janvier. P. 84; T. V. 3"°,2. —Soir ; P. 100;T.V. 37°,8.
7 janvier. P. 80; T. Y. 37",2.—Appétit; langue humide ; les ulcérations se ferment. Aucun accidentnerveux. A l'auscultation, on trouve encore quelques râles sous-crépitants vers le tiers moyen et postérieur du poumon gauche. La pneumonie est en voie de résolu-tion.— La malade est sortie parfaitement guérie à la fin de janvier1.
— De même que dans le cas précédent, la première exploration a été faite ici, à une époque déjà assez distante du début des attaques éclamptiques, — vingt-quatre heures environ. La température vagi-nale à ce moment était à 59°,2. Les attaques continuant à des intervalles rapprochés, nous la voyons monter successivement à 40°, puis 40°,2, chiffre élevé qui vient à l'appui de celui que nous avons consigné chez la première malade (Fig. 1).
Mais ce n'est pas tout. Cette deuxième ob-servation nous permet encore d'apprécier l'in-fluence de l'attaque elle-même sur la tempé-rature. Que voyons-nous, en effet? Dans un instant de répit, la température était à 40°; survient une attaque et la température monte à 40°,2. Durant un second repos, la température descend à 40° et, dans un nouvel accès, elle atteint de nouveau 40°,2. Enfin, alors que pour la troisième fois, la colonne mercu-rielle baissait et avait déjà gagné 40°,1, une trois,ème crise la fait
Fig. 1. — Température aussitôt après l'accou-chement, -t- Tempéra-ture aussitôt après la délivrMice. — Chaque ligne verticale corres-pond à une heure.
1 Les notes ont été prises à partir du 1er janvier par notre collègue M. Saison.
rapidement regagner 40°,2. D'où il nous semble naturel de con-clure que l'accès éclamptique produit une ascension de la tempé-rature.
Si l'accouchement s'opère et si les accidents s'éloignent puis disparaissent, —et c'est le cas de notre seconde malade, —la tem-pérature diminue; elle d'minue encore après la délivrance. Nous n'insi-tons pas sur les oscillations thermométr ques des jours qui ont suivi la partuntion, car elles dépendent non-seulement du trou-ble ocrasionné dans l'organisme par 1 état de mal éclamptique, mais encore de la fièvre de lait, puis d'une pneumonie.
L'état de mal éclamptique doit-il, au contraire, aboutira une issue fatale, la température, loin de baisser, continue de s'élever : c'est au moins ce que nous avons constaté chez notre dernière malade.
Observation III. — Grossesse de huit mois. — Albuminurie. — Attaques éclamptiques. — Marche ascendante de la température (38°,8 à 41°,2).— Saignée; anesthésie; accouchement—Persistance des attaques. — Mort. — Néphrite. — Lem..., Élisa, 26 ans, car-tonnière, est entrée le 2 janvier 1871 à l'hôpital de la Pitié, salle du Rosaire, n° 42 (service de M. Marrotte). Les personnes qui l'ont apportée racontent qu'elle a pâti beaucoup d ms ces derniers temps, étant tout à fait dénuée de ressources et privée de l'appui de son amant parti pour l'armée. Elle serait enceinte pour la première fois (7 à 8 mois, dit-on). Ce matin, vers 10 heures, elle aurait eu une at-taque convulsive avec perte de connaissance, écume et cyanose. De-puis 2 heures de l'après-midi jusqu'à 6 heures, on a compté quatre attaques.
6 heures; soir. La malade est dans le coma et présente une cya-nose assez prononcée. La face et les yeux sont dirigés vers la gau-che. La conjonctive oculaire est injectée. Les pupilles sont contrac-tiles, dilatées, égales. La lèvre inférieure est couverte de salive desséchée. La langue offre plusieurs morsures qui ont déterminé un gonflement assez considérable. Le cou est roide. Les membres sont contractures; les inférieurs dans l'extension, les supérieurs dans la demi-flexion. Les doigts sont fléchis sur la paume de la main. — Œdème.
Au toucher, nous trouvons le col effacé, dilaté de deux centimè-tres à peine. (Saignée de 300 grammes, lavement purgatif.) —Pouls 112. Température vaginale 38°,8. Par le cathétérisme on retire plus
d'un demi-litre d'urine, qui renferme une grande quantité d'albu-mine,
10 heures. Après la saignée, la malade a paru un peu éveillée: nous n'avons obtenu d'elle aucune parole, mais elle a fait quelques efforts pour montrer la langue. De 6 à 10 heures, trois attaques. Même aspect général. Pas de modification notable au toucher. P. 156, petit ; T. V. 39°,2. — La malade est éthérisée jusqu'à résolution complète. A 11 heures, la dilatation du col égale la largeur d'une pièce de 5 francs. Une attaque.
3 janvier. 2 heures. P. 140 ; T. V. 59°,6. Lem... a encore eu des attaques ; elles n'ont pas été comptées. Le travail a bien marché ; la
Kig. 2. — Température 1 heures après le début. 0 Abaissement de température consé-cutif à l'injection de chloral. -+- Température aussitôt après la mort. — Chaque ligne correspond à deux heures.
tête est dans l'excavation. L'accouchement s'opère avec assez de ra-pidité. — Vésicatoires aux mollets ; sinapismes sur les cuisses.
8 heures. P. 144 ; T. Y. 40°. Huit attaques depuis l'accouchement. Coma profond, cyanose, etc. Pupilles très-dilalées ; mouvements convulsifs des paupières. — Constipation : huile de ricin, 15 gr. ; huile de croton, 2 gouttes.
Midi. Deux attaques. P. 140; T. V. 40°,4, — Injection de 2 gr. de chloral (solution au tiers).
4 heures. Une nouvelle injection de chloral a été pratiquée à 2 heures (5 grammes). A ce moment, la température était descendue à 40° ; une selle peu copieuse. Nous notons maintenant : P. 120;
11. 40: T. V. 40°,4. A 6 heures, râle laryngo-trachéal. — La mort arrive à 8 heures du soir : T. V. 41°,2.
Autopsie, le b janvier. Distension assez marquée des veines de la dure-mère. — Injection légère de la pie-mère, qui se détache sans peine. — Cerveau sain. — Le liquide céphalo-rachidien nous a sem-blé un peu plus abondant que de coutume.
Congestion assez intense et générale des poumons, sans aucune trace d'hépalisation ni d'apoplexie. — Coeur, rien. — Foie conges-tionné, friable, graisseux ; pas de calculs. — Rate, hypérémiée. — Vessie, normale. —• Reins : la substance corticale est un peu atro-phiée et considérablement anémiée, tout à fait jaunâtre. Les pyra-mides sont encore assez distinctes. — L'utérus est en partie revenu sur lui-même.
Cette observation nous renseigne: 1° sur la température peu après le début de 1 eclàmpsie ; '2° sur la marche de la température dans le cours de l'état de mal éclamptique ; 5° sur la température à l'instant de la mort.
1° La première exploration, qui donna 58°,8, a été pratiquée huit heures après l'apparition des convulsions, lesquelles1 pendant ce laps de temps ont d'ailleurs été très-rares ;
2° Ici, comme dans les deux autres faitsj l'état de mal éclamp tique a eu pour conséquence une élévation progressive de la tempé-rature et cela malgré une saignée abondante, malgré l'accouche ment :
5° Enfin la température, qui, deux heures avant la mort, était à 40°4, atteignit aussitôt après la terminaison fatale le chiffre consi-dérable de 41°,2. (Fig. 2. )
Des trois cas qui précèdent et dans lesquels les urines, assez abondantes, contenaient une quantité notable d'albumine, nous croyons pouvoir tirer, sous toutes réserves du reste, les conclusions suivantes :
I. Dans Y état de mal éclamptique, la température s'élève depuis le début jusqu'à la fin ;
IL Dans les intervalles des accès et le coma persistant, la lempé-
1 On pourrait nous objecter et avec quelque raison, que cette température n'est pas en réalité celle du début. Nous en convenons et c'est pour ce motif que nous relevons l'objection, afin d'engager les observateurs plus favorisés que nous à combler celte lacune.
rature se maintient à un chiffre élevé et, au moment des convulsions, on enregistre une légère ascension de la colonne mercurielle.
III. Enfin, si les accès disparaissent, et si le coma diminue ou cesse d'une façon définitive, la température s'abaisse progressive-ment; si, au contraire, l'état de mal éclamplique doit se terminer par la mort, la température continue d'augmenter et parvient à un chiffre très-élevé
BIBLIOGRAPHIE
Examen clinique de 396 cas de rétrécissements du bassin, observés à lu Maternité de Paris, de 1860 à 1870, par E Rigaud, ex-interne des hôpitaux de Paris. — Brochure in-8° de 142 pages. Ad. Delahaye, éditeur.
Ce travail, fait avec beaucoup de soin, comprend tous les cas de rétrécissements du bassin, qui ont été observés, à la Maternité, de-puis 1860 jusqu à 1870. — Dans une première partie, n tre regretté collègue2 expose d'une façon succincte tous les faits constatés, en ayant soin de les cl sser d'après le degré du rétrécissement ; c'est ainsi qu'il en fait huit catégories, en se basant sur la dimension du dian être sacro sous-pubien (S. S. P.)
1° Rétrécissements de 0,10 et de 0,11; 2° R. de 0,09 jusqu'à 0,10 exclusivement; 3° R. de 0,08 jusqu'à 0,09 exclusivement; 4° R. de 0,07 jusqu à 0,08; 5° R. de 0,06 jusqu'à 0,07, 6° R. de 0,05 ; 7° R. produits par des tumeurs du bassin; 8°R. dont le degré n'est point indiqué.
La deuxième partie comprend une série de tableaux dans lesquels se trouve le relevé statistique des* résultats obtenus dans chaque catégorie de rétrécissements d'après le mode de terminaison em-ployé.
La troisième partie est consacrée à une discussion clinique de chacune des séries des cas qui ont été relatés ; discussion clinique basée sur les différents éléments qui entrent dans la question.
Enfin, dans une quatrième et dernière partie, M. Rigaud fait un
Ndus avons communiqué ce travail à la Société de biologie. * Notre excellent ami E. Nigaud a péri victime de son dévouement pour les blessés dans la malheureuse campagne de Sedan : dans les premiers jours de septembre* il fut atteint de typhus et ne tarda pas à succomber.
résumé général de tous ses tableaux et en rapproche les résultats obtenus à la clinique d'accouchements, pendant une période de seize ans, tels qu'ils sont exposés dans la thèse de M. Stanesco ; puis il donneles indications que l'on peut retirer des faits qui font la base de son travail; — ce sont ces indications que nous allons briève-ment analyser.
I. Dans les rétrécissements de 0,10, la plus faible mortalité, tant pour les mères pour que les enfants, se trouve, dans la classe des ac-couchements spontanés; - ce qu'il faut faire dans ces cas, c'estdonc de Yexpectation. — Entre le forceps et la version, le forceps doit toujours être préféré; la version pelvienne doit être seulement ré-servée pour les présentations de l'épaule.
II. Dans les rétrécissements de 0,09 à 0,10, les accouchements spontanés ont fourni le plus petit contingent à la mortalté des inères, tandis que, pour les enfants, la plus faible mortalité appar-tient aux accouchements par le forceps. Pour un rétrécissement de 0,09, l'indication oscille donc entre Yexpectation et l'intervention à l'aide du forceps. En tout cas, si le travail se prolonge, on ne doit pas tarder à appliquer le forceps.
III. Dans les rétrécissements de 0,08 à 0,09, les accouchements les plus nombreux sont compris dans la classe des cèphalotripsies. Ils ont donné une mortalité de 25,68 pour 100. — Dans un cas de rétrécissement du bassin de 0,08 de diamètre sacro-sous-pubien, on doit compter fort peu sur l'accouchement spontané. Aussi dès que le col présentera une dilatation suffisante, faudra-t-il appliquer le forceps; et si le forceps ne réussit pas, réduire bientôt le vo-lume de la tête fœtale par la crâniotomie et la céphalotripsie.
IV. Dans les rétrécissements de 0,07 à 0,08, il faut réduire le plus souvent la tête fœtale par la crâniotomie et la céphalotripsie Dans 5 cas seulement sur 42, il fut possible de terminer l'accouche-ment par le forceps.
V. Dans les rétrécissements de 0,06 à 0,07, la céphalotripsie est l'opération qui a donné les meilleurs résultats.
VI. Dans le seul cas de rétrécissement de 0,05, l'opération césa-rienne a été pratiquée; la mère est morte et l'enfant a vécu.
Si nous additionnons les résultats compris dans les trois der-nières catégories, nous arrivons à cette conclusion que nous énon-çons avec réserve :
Dans les cas de rétrécissements de 0,07 (diamètre sacro-sous-pU-bien), et au-dessous, par l'avortement, on peut conserver la vie à
un plus grand nombre dHndividus que par tout autre moyen de tem-porisation,
11 est probable, en effet, que si, dans lès cas où on a été réduit à la erâniotomie ou à l'opération césarienne, on avait pratiqué l'avor-lement, on serait arrivé à des résultats plus satisfaisants.
G. Peltjeh.
Des effets de la coxalgie infantile sur la croissance ultérieure du membre ;
par le docteur E. Rœckel.
Voici les conclusions d'un travail intéressant qui a paru dans les derniers numéros des Archives de physiologie normale et patholo-gique.
1° La coxalgie survenue pendant l'enfance cause presque inévi-tablement un arrêt de développement des os qui ne s'étend, dans les cas légers, qu'au fémur et au tibia ; mais dans les cas graves également à l'os iliaque, au sacrum et à tout le pied.
2° Cet arrêt de développement de squelette est d'autant plus con-sidérable que le membre a été privé plus longtemps de ses fonc-tions ; aussi est-il généralement proportionnel à l'atrophie des mus-cles du mollet.
5° L'arrêt de développement ne porte pas seulement sur la lon-gueur, mais aussi sur l'épaisseur des os, qui sont raréfiés et par conséquent plus fragiles qu'a l'état normal. Les fractures, quand elles se produisent, guérissent du reste aussi facilement que sur un os normal.
4° Les traitements actifs de la coxalgie (appareils inamovibles, résection articulaire) n'augmentent pas ces arrêts de développe-ment ; ils tendent au contraire à les diminuer en abrégeant la du-rée totale de l'affection. Les plus mauvais résultats sont fournis par les coxalgies abandonnées à elles-mêmes, qui se prolongent presque indéfiniment.
5° Les arrêts de développement de l'os iliaque se combinent avec la pression exagérée transmise par le fémur sain pour produire des déformations du bassin. L'atrophie presque constante des muscles fessiers causée par l'ankylose concourt au même résullat. Le rétré-cissement du bassin porte surtout sur le détroit supérieur, mais il n'est généralement pas assez considérable pour causer un obstacle majeur à l'accouchement. (Loc. cit., 1870, p. 566.)
Le Gérant : a. ue jiontmlja.
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
Planche XII.
EXOSTOSES MULTIPLES ET SYMÉTRIQUES
¥ É M U K , TIBIA
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX DE PARIS
ANATOMIE PATHOLOGIQUE
EXOSTOSES MULTIPLES ET SYMÉTRIQUES DES OS LONGS
par cornillon et valtat, internes des hopitaux de paris.
K..., 75 ans, admise à la Salpêtrière depuis plusieurs années, succomba au commencement du mois d'avril 1871 à la suite d'une attaque de ramollissement cérébral, dans le service de M. Charcot, salle Sainte-Rosalie.
Cette femme fut soumise à notre examen dans les derniers temps de sa vie, aussi n'avons-nous sur elle que des renseignements fort incomplets. Néanmoins, nous avons pu nous assurer que depuis fort longtemps elle avait au niveau de certaines articulations des tu-meurs dures attenant aux os contingents. Aucune cause ne pouvait expliquer la présence de ces ostéophytes, cette malade n'ayant ja-mais contracté la syphilis.— Nous ajouterons que ces tumeurs, dont l'apparition remontait à l'enfance, ne subissaient plus de dévelop-pement depuis un grand nombre d'années. Jamais, elles ne lui avaient causé de douleur ; la pression seule sur ces masses résis-tantes provoquait quelque souffrance. Certains mouvements étaient gênés, notamment la flexion des genoux, ce qui n'empêchait pas cette femme de vaquer à ses affaires.
L'autopsie nous montra les lésions suivantes : os du crâne et de la face sains.
Humérus. Ils sont normaux l'un et l'autre à leur extrémité infé-rieure ; — sur leur segment supérieur et au voisinage de la coulisse bicipitale, on remarque la présence d'un ostéophyte pédicule ( t s'avançant en pointe sous les téguments. En outre, sur la face pos-térieure de l'humérus droit, on voit un rebord saillant qui donne à
5° année. 6
cette partie de l'os une direction anormale. — Les grosse et petite tubérosités ont leur volume ordinaire. (Voy. Planche XIII; fig.'l, humérus gauche; fig. 2, humérus normal; fig. 3, humérus droit.)
Radius. Leur extrémité supérieure est saine; à sa partie inférieure le radius gauche présente, à trois centimètres environ de l'articu-lation du poignet, un ostéophyte mamelonné dont le pédicule, assez large, s'insère sur le bord interne de l'os, dont la portion libre et irrégulièrement arrondie fait saillie en dedans sous les muscles fléchisseurs. Cet ostéophyte mesure trois centimètres de longueur, deux de largeur et un d'épaisseur. (Planche XIII, fig. 4.)
Le radius droit ne présente que quelques bourgeons osseux insi-gnifiants au niveau de la coulisse des muscles radiaux.
Cubitus. Sains à leur extrémité supérieure. — Le droit porte à son extrémité inférieure (un centimètre environ de l'articulation) un ostéophyte de trois centimètres de longueur, deux et demi de lar-geur et un et demi d'épaisseur dont le pédicule, assez court, offrant lui-même une petite apophyse lamelleuse, s'insère sur le bord interne de l'os au voisinage du ligament interosseux, tandis que l'extrémité libre est globuleuse et s'avance du côté externe de l'avant-bras. (Planche XIII, fig. 5.) Le cubitus gauche n'offre rien d'extraordinaire dans sa configuration.
Fémurs. Extrémité supérieure. Les grands et petits trochanters ont un développement plus considérable qu'à l'état normal. — Les rebords osseux qui délimitent le col intérieurement sont épais et saillants.
Fémur droit. Extrémité inférieure. A six centimètres du bord inférieur du condyle interne, on voit un ostéophyte, à pédicule assez large, de la forme d'une pyramide triangulaire, ayant cinq centimètres de hauteur, deux de largeur et un et demi d'épaisseur. Un peu plus en arrière et en dedans, sur le prolongement de la di-vision interne de la ligne âpre, existe un petit ostéophyte. —A quatre centimètres et demi du bord inférieur du condyle interne, existent deux autres productions peu volumineuses. (Planche XII, fig. i.)
Fémur gauche. Extrémité inférieure. A cinq centimètres du bord inférieur du condyle interne, ostéophyte ovoïde, plus lisse que ks précédents, ayant un pédicule assez large et épais, mesurant quatre centimètres de hauteur, deux et demi de largeur et d'épais-seur. — A six centimètres au-dessus du bord inférieur du condyle externe, ostéophyte spongieux, légèrement mamelonné, ayant la
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DES HOPITAUX
EXOSTOSES MULTIPLES ET SYMÉTRIQUES
HUMERUS, R ad i V S , C U lii t ij S
forme d'un ovoïde allongé (cinq centimètres de haut, deux centi-mètres dans les autres sens). —Sur la face postérieure, à deux cen-timètres des condyles, saillies larges, peu proéminentes.
Tibia gauche. L'extrémité supérieure présente à deux centimètres et demi au-dessous de la tubérosité interne, trois ostéophytes dont le plus grand a deux centimètres de long. (Voy. Planche XII, fig. 3.)— L'extrémité inférieure est saine.
Péroné gauche. L'extrémité supérieure est pourvue d'un gros ostéophyte, ayant l'aspect d'une masse quadrangulaire, convexe en dehors, concave en dedans, mamelonné sur ses bords, adhé-rent à deux centimètres de l'extrémité supérieure du péroné par un pédicule assez étroit. Il a quatre centimètres de haut et six centimètres de large. En face de lui, légère saillie. (Planche XII, fig. 5.)
L'extrémité inférieure est normale.
Le tibia et le péroné du côté droit, normaux à leur extrémité infé-rieure, sont irréguliers en haut où ils sont soudés ensemble d'une façon intime. A deux ou trois centimètres au-dessous de la tubéro-sité interne du tibia, on voit deux petits ostéophytes d'un à deux centimètres de longueur, séparés par un intervalle de cinq à six millimètres. (Planche XII, fig. 4 ; face postérieure.)
L'extrémité supérieure du péroné porte en avant et en dehors deux petits tubercules.
Au niveau de l'articulation tibio-péronéale supérieure existe une grosse masse osseuse, écartant les deux os l'un de l'autre, aplatie en avant, saillante en arrière. Composée surtout de tissu spongieux, elle mesure trois centimètres et demi de largeur et de hauteur et près de cinq centimètres d'épaisseur l.
Les os du pied et de la main sont exempts de toute altéra-tion.
Nous avons sous les yeux un exemple des plus frappants de cette infirmité connue sous le nom à'Exostoses multiples et symétriques des os longs dont M. Soulier a fait le sujet de sa thèse inaugurale.
M. Broca est le premier en France qui ait attiré l'attention des chirurgiens sur cette affection singulière; il a de plus étudié d'une
1 Les ostéophytes des humérus étaient dirigés de haut en bas; ceux du radius et du cubitus de bas en haut ; ceux du fémur de bas en haut ; ceux du tibia et du péroné de haut èn bas.
manière très-complète les rapports qui existent entre ces exostoses el^ie cartilage d'ossification.
Les exostoses symétriques sont idiopalhiques et indolentes. Elles cessent de croître quand l'ossification est terminée, c'est-à-dire, à partir de vingt-cinq ans. Il est donc probable que cheznolre femme, elles étaient stationnaires depuis cette dernière époque. Ces ostéo-phytes croissent avec lenteur et comme de véritables apophyses. Rarement on en observe sur la diaphyse, le plus souvent on les rencontre aux extrémités des os longs. Voici leur ordre de fréquence: le tiers inférieur du fémur et le tiers supérieur du tibia et du pé-roné, le tiers supérieur de l'humérus et le tiers inférieur de l'avant-bras; puis viennent ensuite l'extrémité supérieure du fémur et l'ex-trémité inférieure du tibia et du péroné. Sur les os de la face ces productions nouvelles sont très-fréquentes ; toutefois chez notre ma-lade il n'y en avait pas trace.
Généralement pédicules, ces ostéopbytes se dirigent en tout sens, ◀tantôt▶ sous forme d'aiguille, ◀tantôt▶ sous forme de masses ar-rondies ou globuleuses. Leur siège habituel dans certaines régions du squelette est facilement explicable. En effet, les os s'allongent principalement par les extrémités de leur diaphyse aux dépens du cartilage d'ossification qui sépare la diaphyse de l'épipbyse et dont la disparition signale la fin de la croissance de l'os en longueur. S'il en était ainsi pour chaque extrémité osseuse, les exostoses sy-métriques siégeraient indistinctement, soit sur le segment supé-rieur, soit sur le segment inférieur des os longs. — Mais il est admis que les os ne se développent pas également par chacune de leurs extrémités.
Bérard prétend que des deux extrémités des os longs, c'est tou-jours celle vers laquelle se dirige le canal nourricier qui se soude la première avec le corps de l'os. — D'autre part M. Ollier avance que les os des membres supérieurs s'allongent surtout par les extrémités opposées au coude ; ceux des membres inférieurs par les extrémités qui regardent le genou. Cette soudure est effectuée à l'âge de vingt-cinq ans, tandis que pour les parties opposées au genou et contin-gentes au coude, elle a lieu deux ou trois ans plus tôt.
L'origine et le développement des exostoses symétriques se trou-vent entièrement expliqués par la phrase de M. Ollier. En effet, ces ostéopbytes n'étant en définitive qu'une surabondance du tissu osseux d'ossification, doivent occuper, lorsqu'ils existent, les points où le travail d'ossification est le plus actif, et en même temps
le plus long. Notre malade a été fidèle à la règle; ses exostoses siégeaient en effet au genou et sur les extrémités osseuses oppo-sées au coude.
OPHTHALMOLOGIE
TRAUMATISME DE L'ŒIL; ESCHARE DE LA CONJONCTIVE; DÉCOLLEMENT DE L'IRIS
par rosapelly, interne des hôpitaux
Observation. — Contusion de l'œil gauche. — Accidents rapides.— Eschare de la conjonctive. — Déformation de la pupille. —Élimina-tion de Veschare. — Décollement de l'iris. — Pupille anormale.
Le nommé Bazin, Charles, âgé de 57 ans, charretier, entre à la Pitié, salle Saint-Louis, n°l, le 20 juillet 1871 (service de M. Broca).
Son œil gauche a été atteint la veille par un violent coup de mè-che de fouet.
A l'examen, la lésion qui frappe au premier abord est une tumeur du volume d'un gros pois, d'un blanc mat siégeant sur la partie de la conjonctive comprise entre la cornée et la caroncule.
Cette tumeur (Planche XIV, fig. 1) irrégulièrement ovalaire, allon-gée transversalement, déprimée en haut et en bas par le rapproche-ment des paupières, présente à sa partie moyenne une crête saillante qui empêche l'occlusion complète de l'œil en s'interposant entre les bords palpébraux. Par sa base, elle adhère intimement au globe de l'œil; par sa circonférence elle semble se continuer avec la con-jonctive dont la rougeur intense cesse brusquement à son niveau et fait ressortir la teinte laiteuse de la tumeur. Enfin, sa surface lisse et humectée par les larmes est dépourvue de vaisseaux et complète-ment insensible. En dehors, elle s'avance sur la cornée dans la lar-geur d'un millimètre environ; à ce niveau l'iris semble repoussé du côté delà pupille qui présente une légère déformation.
Les paupières sont un peu gonflées ; la conjonctive fortement in-jectée dans toute son étendue. La vision est troublée, nuageuse; il existe un peu de photophobie et du larmoiement.
M. Broca reconnaît dans cette lésion de la conjonctive une eschare dont il enlève immédiatement avec des ciseaux courbes la partie la
plus saillante, excision qui ne provoque aucune douleur et pas d'é-coulement de sang.
Application de compresses humectées d'eau fraîche.
Les jours suivants, la déformation de la pupille s'accuse de plus en plus; celle-ci prend la forme d'un œil dont on aurait enlevé un large croissant. Cette déformation est-elle due à une iritis, à une pa-ralysie partielle de l'iris par déchirure des nerfs ou enfin au décol-lement d'une partie de l'iris ? La présence de l'eschare qui empiète encore sur la cornée ne permet pas de préciser plus nettement le diagnostic. Instillations d'atropine qui, en dilatant la pupille,rendent la déformation encore plus sensible.
Le 29 juillet, l'élimination graduelle de l'eschare permet de voir le bord de l'iris détaché dans un quart environ de son étendue et séparé du bord de la sclérotique par une fente ayant l'aspect noir d'une pupille. La vision encore troublée tend à devenir de plus en plus nette.
Bientôt l'œil offre les caractères représentés dans la Planche XIV, fig. 2. L'eschare, irrégulière, n'a plus que quelques millimètres de diamètre et s'avance jusqu'au bord de la cornée. Dans les autres points de son pourtour, elle est limitée par un très-léger sillon et un liséré d'un rouge un peu plus foncé que sur le reste de la con-jonctive qui est injectée dans sa moitié interne.
Le quart environ de la grande circonférence de l'iris est séparé de ses attaches ciliaires. La partie correspondante de l'iris s'est éloi-gnée du bord de la sclérotique pour empiéter sur une portion équi-valente du champ pupillaire. La portion ainsi décollée ne présente pas de tremblement ni de déplacement par rapport au plan de l'iris. Sa face antérieure n'offre pas de coloration anormale.
L'atropine n'a pas agi aussi énergiquement sur elle que sur les parties saines de l'iris, si l'on en juge par sa largeur, qui semble un peu plus considérable. La petite circonférence delà portion décollée lorme une ligne droite qui, en haut et en bas, se continue à angle droit avec le reste du bord pupillaire. Cette ligne à peu près verti-cale est très-rapprochée de la partie moyenne de la pupille.
Le bord décollé, détaché en bas sous un angle très-aigu, décrit en haut une petite courbure pour aller gagner ses adhérences nor-males, de sorte que la pupille anormale présente en haut une cer-taine largeur. Ce bord forme une ligne un peu sinueuse et comme déchiquetée.
La pupille anormale a la forme d'un'croissant dont l'angle supé-
REVUE PH0TOGR 4PHIQUE
DES HOPITAUX
DÉCOLLEMENT ET KYSTES DE L'IRIS
rieur serait écorné. L'examen ophthalmoscopique permet de voir le fond de l'œil à travers cette ouverture et M. Broca s'est assuré que le malade pouvait percevoir par elle l'image des objets exté-rieurs en plaçant au-devant de la vraie pupille un écran de carton ne permettant l'entrée des rayons lumineux que par la pupille patho-logique.
L'iris n'a aucune tendance à se rapprocher de ses connexions na-turelles; la déformation, qui d'ailleurs n'amène par elle-même aucun trouble visuel, paraît devoir persister définitivement.
La vue devient de plus en plus nette. — L*e malade sort dans cet état le 5 août.
KYSTES DE L IRIS
Les kystes de l'iris sont très-rares. M. Guépin fils les a étudiés avec soin dans sa thèse inaugurale, en 1860. Il en a réuni 14 cas recueillis par MM. Mackenzie, Turner, Dalrympki, YVharton Jones, YVhite Cooper, Walton, Ad. Richard, Stœbejr, Combessis, Dixon et Guépin. A ces Inobservations Wecker,dans sonTraitédes maladies des yeux, en ajoute d'autres publiées par Fischer, Arlt, de Grœfe et une qui lui est personnelle.
Nous pouvons, aujourd'hui, y joindre encore deux observations, dont l'une a été recueillie dans le service de M. le docteur Labbé, et dont l'autre a été publiée par M. le professeur Stœber dans la Gazette médicale de Strasbourg (1865, page 46). Nous donnons en même temps la reproduction de dessins représentant ces cas intéressants, et que nous devons à l'obligeance de M. Rosapelly. (Voy. Pcanche XIV, fig. 5 et 4.)
Observation I. — Kyste de Tiris. — Extirpation incomplète.— Reproduction de la tumeur. — Cataracte secondaire. (Résumé d'une observation recueillie par M. Chaume, communiquée par M. Labbé.)
Achille Frig..., 21 ans, domestique, entré le 29 mars 1869, à l'hôpital Saint-Antoine, salle Saint-Christophe, n° 52, service de M. Labbé. — Il y a deux mois environ, ce jeune homme ressentit de la douleur dans l'œil gauche; bientôt une conjonctivite assez intense se déclara et dora à peu près huit jours ; les accidents disparurent; néanmoins il resta toujours un peu de trouble de la vision. — Au bout de quelques jours, cependant, F... vit à la partie externe de la grande circonférence de l'iris un petit point blanc qui bientôt
prit une coloration rosée. Le premier mois, la tache ne fit presque pas de progrès, mais bientôt elle s'agrandit en se dirigeant vers la pupille, et la vision devint de moins en moins bonne. C'est ce qui l'amène à l'hôpital.
A l'examen, on constate la présence d'une petite tumeur gris pâle située dans la chambre antérieure, et faisant ombre sur l'iris ; elle s'avance sur le rebord pupillaire; — il n'existe aucune douleur spontanée, ni provoquée.
Le 1er avril, on pratique l'examen au moyen de l'éclairage latéral. Il est évident qu'il y a une augmentation légère dans le volume de la tumeur. Aujourd'hui, en effet, l'iris est déprimé; il semble que la portion de l'iris qui subit la pression soit paralysée ; elle n'obéit pas à la lumière aussi vite que les autres parties, ce qui, à certains moments, donne un aspect irrégulier à la pupille. On constate aussi la présence de petits vaisseaux qui parcourent la tumeur. — (La fi-gure 3 de la Planche XIV reproduit la configuration de l'œil à cette époque.)
Le 3 avril, M. Labbé pratique , avec le couteau lancéolaire, une petite incision à un demi-millimètre environ du bord de la cornée. Par cette ouverture, une petite pince légèrement courbe est intro-duite dans le but de saisir la tumeur et de l'amener au dehors. Sous la pression de la pince, la tumeur se vide et laisse suinter au dehors son contenu qui a l'apparence du corps vitré. A plusieurs reprises, on essaye de saisir et d'extirper les parois de la tumeur, ce qui se fait avec assez de difficulté ; l'iris qui fait hernie est excisé, et une petite quantité de sang s'épanche dans la chambre antérieure ; elie en est retirée à l'aide de la curette.
Après l'opération, on aperçoit encore une partie de la tumeur ; elle tient la place de la portion d'iris qu'on a enlevée; mais les adhérences qu'elle semble avoir contractées avec les parties pro-fondes, font renoncer à de nouvelles tentatives d'extraction. — Il y a une légère réaction et le lendemain, le malade sort un peu mieux qu'auparavant. Tout se passe régulièrement pendant trois ou quatre jours, mais bientôt la portion de la tumeur qui n'a pas été enlevée augmente de volume ; elle gagne de nouveau le milieu de la pupille ; dans les premiers jours de mai, elle arrive sur le cristallin, et la compression de cette partie de l'œil amène de l'opacité. —Dès lors toute vision est abolie. — Le malade quitte l'hôpital le 8 juin, n'é-prouvant aucune douleur, mais ayant le champ visuel tout à fait obtus du côté gauche.
Observation II. — Kyste de Viris contenant un cil. (Observation communiquée à la Société de médecine de Strasbourg par M. Stœber.)
Le 16 août 1864, se présenta à la clinique ophthalmologique un jeune garçon de onze ans ayant eu, dix mois auparavant, l'œil con-tusionné par un éclat de bois. — Immédiatement après l'accident on ne remarqua rien de particulier; quelques jours après une légère irritation se manifesta à l'œil, mais disparut bientôt. — Au bout de plusieurs mois, on aperçut une petite tache blanche derrière la cor-née. Cette tache augmentant peu à peu, s'étendit au-devant d'une partie de la pupille, et gêna sensiblement la vue.
Etat actuel. — Dans la chambre antérieure existe une tumeur, ayant la forme et les dimensions d'un petit pois, légèrement ova-laire. Le petit corps est implanté sur la partie externe du bord pu-pillaire de l'iris auquel il est visiblement adhérent; on voit même des vaisseaux sanguins passer de l'iris sur la tumeur. Celle-ci s'é-tend jusqu'au milieu de la pupille ; de son extrémité part une ligne brun foncé, qui se dirige vers le côté opposé de la pupille où elle paraît se perdre derrière l'iris. (Voy. Planche XIV, fig. 4.) L'indication était évidente ; il fallait enlever la tumeur afin de l'empêcher d'en-vahir toute la pupille et d'abolir la vue. L'opération fut décidée immédiatement. L'enfant étant chloroformé, une incision fut pra-tiquée au bord de la cornée ; la tumeur fut saisie avec une pince et tirée au dehors avec la partie de l'iris auquel elle adhérait; un coup de ciseaux suffit ensuite pour l'enlever.
La tumeur excisée était constituée par un kyste dont le contenu blanchâtre et grumeleux, examiné au microscope, était formé de cellules remplies de graisse et de cristaux de cholestérine. La ligne brune qui avait traversé la pupille était formée par un cil châtain foncé, implanté par son bulbe au fond du kyste, et dont l'extré-mité libre avait été cachée par l'iris. Ce cil avait une longueur de près d'un centimètre, et était légèrement recourbé.
h'e'tiologie des kystes de l'iris est inconnue : « On peut dire cepen-dant que la plupart des kystes observés se sont développés après une lésion directe de l'iris ou des annexes de l'œil. Dans les cas où la blessure directe n'était pas démontrée, la présence d'une cica-trice sur la cornée permettait de la supposer avec quelque raison.— On a voulu encore attribuer les kystes de l'iris à la présence d'un cysti-cerque emprisonné dans la trame de cette membrane (Stellwag).
Rien d'impossible à cela ; mais aucune observation concluante ne l'a jusqu'ici prouvé.
« Quant au traitement de ces tumeurs, il n'y faut songer que lors-qu'elles sont des causes d'irritation ou qu'elles prennent un accrois-sement rapide. On peut alors se contenter, comme i'ont fait Macken-zie et Dalrymple, de ponctionner le kyste, mais il est bien plus sûr d'exciser la partie de l'iris dans laquelle il siège *. » G. P.
TÉRATOLOGIE
HÉMIMÉLIE DE L'AVANT-BRAS DROIT2
par e. deffaux, interne provisoire des hopitaux
Dans les derniers jours du mois de juillet, Juliette D..., âgée de 26 ans, entrait à l'hôpital de la Pitié (service de M. Broca) pour y être traitée d'une arthrite du genou droit. Cet accident, qui ne nous arrêtera pas, nous a procuré l'occasion d'observer une malforma-lion que présente cette femme, malformation assez rare, intéressant l'avant-bras droit et désignée sous le nom d'hémimélie.
D... nous donne les renseignements suivants sur sa famille. Son père, vigoureux autrefois, est encore bien portant aujourd'hui, mal-gré ses soixante et onze ans ; il ne s'est jamais livré à des excès al-cooliques.
Sa mère, âgée de cinquante-sept ans, fut très-bien réglée jusqu'à cinquante ans et n'a jamais eu d'attaques nerveuses. — Il n'y a pas
1 Wecker, Traité pratique des maladies des yeux, t. I, p. 42.
2 Nous donnons encore aujourd'hui un nouveau spécimen de la malformation décrite sous le nom d'hémimélie, car les séries de ce genre sont assez rares. D'un autre côté chacun de ces trois cas nous a offert des particularités nouvelles.
Dans le premier cas, M. Troisier nous fournit des renseignements importants sur l'anatomie pathologique, sur la terminaison des os du moignon.
Le second cas,— celui de M. Leroy des Barres, — appartenant à un enfant plus âgé que le précédent, confirme les détails déjà acquis et nous montre que dans les premiers temps de la vie, tant que l'enfant ne se sert pas de ses mem-bres, il n'y a pas entre eux de différences sensibles. Nous avons été obligé de faire la photographie d'après un dessin de G. Peltier, parce que plusieurs tenta-tives faites pour photographier l'enfant avaient échouée.
Enfin le cas de noire ami Deffaux vient nous renseigner sur les différences qui existent, à l'âge adulte, entre le membre normal et le membre arrêté dans son développement.
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
HËMIMÉLIE DE L'AVANT-BRAS DROIT
de consanguinité. —Sur dix frères et sœurs,, aucun n'a présenté de vice de conformation. Les sept qui survivent — non compris Ju-liette, — jouissent d'une excellente santé.
Notre malade est née la neuvième, à terme ; son père avait alors quarante-cinq ans, sa mère quarante et un. Pendant qu'elle était en-ceinte d'elle, du deuxième au troisième mois, sa mère aurait res-senti une impression à laquelle il ne faut peut-être attacher qu'une médiocre importance : dans un cauchemar elle s'imaginait qu'un soldat poursuivait un enfant, lui saisissait l'avant-bras droit qu'il tranchait d'un coup de sabre, faisant jaillir le sang de toutes parts. A ce moment, elle bondit sur son lit pour aller au secours delà vic-time. Ce mouvement réveilla son mari qui la fit sortir de ce rêve pénible.
Juliette est grande, forte, intelligente; elle n'a jamais fait de ma-ladies graves et n'offre aucun accident névropathique. Née à Chan-tilly, elle est venue à Paris à l'âge de onze ans. Ses règles ont paru pour la première fois à dix-huit ans. Elle n'a jamais eu d'en-fants.
Arrivons maintenant à la description de la malformation figurée sur la planche XV.
D'une manière générale, ce qui existe du membre droit est plus grêle que la portion correspondante du gauche ; la clavicule droite n'a que 15 centimètres de longueur, tandis que la gauche en a 15. A droite, le deltoïde, les muscles de la région scapulaire étant peu développés, il en résulte que l'épaule de ce côté a une forme aplatie ; la gauche au contraire est très-bombée, normale.
La longueur des deux bras est à peu de chose près la même : ils mesurent environ 51 centimètres de l'acromion à l'épicondyle, mais leur circonférence présente des différences assez notables : tandis que la mensuration donne pour le bras gauche 28 centimètres près de la racine du membre, 26 centimètres et demi à la partie moyenne, 23 centimètres et demi près du coude ; pour le bras droit nous ne trouvons que les dimensions suivantes : à la racine du membre, 24 centimètres; à la partie moyenne, 22; près du coude, 22 et demi seulement.
Le moignon, long de 7 centimètres, a une forme conique dans l'ex-tension. Son sommet est occupé par un mamelon de 2 centi-mètres de diamètre. Ce mamelon est bien limité dans ses deux tiers inférieurs et internes par un sillon curviligne de 2 à 3 milli-
mètres de profondeur ; le tiers externe et supérieur ne présente pas de trace de sillon.
Il existe au centre du mamelon une dépression en forme de fente ; dans l'extension, cette dépression a environ 4 millimètres de pro-fondeur; très-près d'elle et au-dessous se trouve un petit tuber-cule large et aplati (2 millimètres).
En comprimant les bords du mamelon, on fait saillir de la dé-pression centrale, que nous venons de décrire, un tubercule d'une très-curieuse conformation : irrégulièrement cylindrique, de 4 mil-limètres de diamètre, il est en quelque sorte invaginé à sa base à l'instar d'un gland ou d'un clitoris.
Dans la flexion du moignon sur le bras, le sillon qui circonscrit le mamelon se creuse ; le mamelon devient plus saillant et l'en-semble du moignon a une forme hémisphérique1. — Les mouve-ments de flexion et d'extension sont du reste très-éfendus.
Sur le moignon la peau a sa coloration normale ; à peine voit-on un pli transversal au niveau du coude.
A l'aide de l'électricité on constate que la contraclilité est par-faite dans les muscles coraco-huméral et biceps ; ce dernier même paraît envoyer une expansion musculaire au mamelon qui est for-tement rétracté quand le courant électrique passe dans le muscle.
On ne peut que difficilement déterminer l'état du squelette du moignon en raison surtout de son peu de longueur et de l'épaisseur des parties molles; le squelette est sans doute formé par deux os rudimentaires soudés ou réunis par un ligament fibreux très-résis-tant, car on ne peut pas les faire glisser l'un sur l'autre.
Ce membre imparfait est encore d'une grande utilité pour la ma-lade, elle s'en sert pour fixer et maintenir différents objets. Ainsi, en fléchissant le moignon elle est capable de soutenir un panier même assez pesant. Elle s'habille seule, noue elle-même les cor-dons de ses jupons, fait bien le crochet, etc. Lorsqu'elle coud, voici comment elle procède : elle rapproche les bords qu'il faut coudre avec la main gauche, puis les maintient avec son moignon; cela fait, elle prend l'aiguille de la main gauche et la besogne marche vite. Elle est coloriste et passe pour habile dans son métier.
1 Ces détails se voient bien sur la planche XV qui représente le bras placé sur un support; le moignon est fléchi, mais, comme il est court et qu'il n'y a pas de sillon au niveau du pli du coude, le moignon ne se distingue pas du bras.
PATHOLOGIE INTERNE
DE LA TEMPÉRATURE DANS L'URÉMIE; COMPARAISON AVEC LA TEMPÉRATURE DANS L'ÉCLAMPSIE PUERPÉRALE
par BOURNEVILLE
L'étude de la température dans Yéclampsie puerpérale1 nous a fourni divers renseignements qui nous paraissent d'autant plus utiles que souvent on a établi entre elle et les accidents plus ou moins semblables que l'on observe dans les néphrites parenchyma-teuses ou encore dans les cas de suppression de l'urine par un obs-tacle mécanique s'opposant à son libre écoulement : nous voulons parler des accidents urémiques et en particulier de ceux qui revêtent la forme comateuse et convulsive. Le travail qui suit a pour but de montrer qu'il s'agit, dans les deux affections, de phénomènes dif-férents et que la ressemblance entre elles, loin d'être aussi accusée que le pensent quelques auteurs, n'est qu'apparente. L'examen des faits disséminés dans les publications périodiques et de ceux qui nous sont personnels sera suffisant, nous l'espérons, pour édifier nos lecteurs.
I
M. Kien, élève de M. Hirtz, a publié en 1865 une observation dans laquelle on trouve deux indications relatives à la température2 et dont nous allons résumer les traits principaux.
Observation I. — Urémie ; attaques éclamptiques, coma, mort. — Altération urémique du sang; lésions cérébrales. — Héloïse Watre-metz, 56 ans, vit ses règles se supprimer à l'âge de 55 ans, époque où elle eut une albuminurie avec anasarque considérable qui dis-parut pendant quatre mois, revint et disparut de nouveau dans le cours de la même année. Elle entre à l'hôpital civil le 14 novembre pour une iymphite du membre inférieur gauche. A cette date : pouls à 104, régulier, peu développé, mais assez résistant ; tempéra-ture normale; ni œdème, ni épanchement ; pas de vomissements, mais diarrhée abondante ; urines rares (200 gr. en vingt-quatre
1 Revue photographique des hôpitaux, 1871, p. 85.
2 Gaz. méd. de Strasbourg, 1865, p. 12.
heures), jaunes, très-troubles, donnant par la chaleur et l'acide azo-tique un précipité très-considérable.
15 nov. La diarrhée continue ; des vomissements aqueux et verdâtres apparaissent et se répètent, le 16 et le 17, jusqu'à dix fois en un jour. Il n'y a presque plus d'urine.
18 nov. Affaiblissement notable ; sécheresse de la bouche ; refroi-dissement des extrémités. Diarrhée et vomissements incoercibles. Suppression complète des urines. P. 92, régulier, petit. T. 56°,4. — Le soir, incertitude dans les idées, somnolence, hébétude ; suspen-sion des vomissements et de la diarrhée. La nuit se passe dans un état demi-comateux.
19 nov. A 5 heures, attaque éclamptique d'une minute de durée environ et suivie d'un coma profond pendant une demi-heure au bout de laquelle la lucidité revient à moitié. L'attaque se reproduit d'une façon identique à 7 et à 9 heures. Ces attaques consistent en une perte complète de connaissance, accompagnée d'abord de con-vulsions toniques de tout le corps; 20 minutes plus tard, convul-sions cloniques générales avec morsure de la langue, écume sangui-nolente. Une demi-heure après la dernière attaque, le coma complet fait place à un état semi-comateux qui persiste toute la journée. De temps en temps, quelques secousses traversent encore le corps. L'haleine expirée est chargée d'ammoniaque. Le sang d'une saignée contient, pour 100 grammes, 172 milligrammes d'urée au lieu de 16 milligrammes, dans les conditions normales (Hepp).
20 nov. Même état demi-comateux ; stupeur prononcée; dégluti-tion difficile. P.80, très-petit; R. 16 ; T. 36°,8. — La malade meurt dans la matinée du 21 novembre.
Autopsie. — Toute la masse cérébrale est œdématiée et plus con-sistante qu'à l'état sain. — Rein gauche, 145 gr., lobule à la sur-face ; substance corticale atrophiée et réduite à la moitié de son épaisseur. Rein droit, 125 gr., plus malade ; dans quelques endroits la substance corticale et la substance tubulaire ont tout à fait dis-paru et les calices arrivent sous la capsule propre. — Dégénéres-cence graisseuse avancée des canalicules urinifères et de la plupart des glomérules de Malpighi : reins cirrhotiques, 3e degré de l'al-buminurie (Morel).
— Ni M. Kien, ni M. Hirtz qui a fait, à propos de cette observa^ tion,une leçon sur l'urémie (loc. cit., p. 15) n'ont relevé l'abaissement de la température. Il est à regretter aussi que les explorations n'aient pas été pratiquées d'une façon plus régulière.
Dans un mémoire intéressant de M. W. Roberts (de Manchester) intitulé The Pathological of suppression of Urine1 nous lisons le pas-sage suivant témoignant que Fauteur a vu l'importance de la ther-mométrie en pareille circonstance.
« La température du corps, dit M. W. Roberts, ne paraît pas: élevée dans l'empoisonnement urémique. Il y a là une condition qui ressemble à la fièvre et est même décrite comme telle, mais qui en diffère essentiellement, car elle n'est pas accompagnée d'une augmentation delà chaleur du corps. Dans mon second cas; le soir du septième jour de la suppression de l'urine, alors que la langue était sèche et la soif vive, la température était seulement à 37°, c'est-à-dire normale. A cetie époque, il existait des symptômes évi-dents d'intoxication urémique____Dans un cas de maladie deBright
chronique que j'ai vu récemment, ce point me parut même plus frappant, car plus d'une quinzaine avant la mort, l'urine, devenue très-rare (9 à 12 onces en vingt-quatre heures), avait un poids spéci-fiquede 1018 —1020 ; lalangueet la bouche étaient toujours sèches; le sommeil était agité, les pupilles étaient contractées; le malade était indifférent. Eh bien, la température axillaire, notée presque quo-tidiennement durant cette période, oscilla entre 34°,7 et 35°,8. Une inflammation érythémateuse des téguments œdématiés des jambes survint sans accroître la température et, chose plus étrange, une péricardile, qui se manifesta deux jours avant la mort, ne causa pas non plus la moindre élévation de la température : le thermo-mètre enregistrait encore 55°. »
Bientôt M. W. Roberts eut l'occasion de vérifier ses premiers aperçus sur la température dans l'urémie chez un malade dont il a aussi inséré l'histoire dans The Lancet1. Nous la rapportons en l'abré-geant.
Observation II. — Obstruction permanente de Vuretère gauche par un calcul (1864). —Obstruction soudaine de Vuretère droit par un calcul (1868).—Suppression d'urine; mort en dix jours.— Marche de la température. ¦— M. I.., 59 ans, grand, très-vigoureux, pesant 187 kilogrammes, souffrit en juillet 1864 de coliques néphré-tiques à gauche. Deux petites pierres furent évacuées. Durant les quatre années qui suivirent, la santé, en général, fut bonne. Le 29 avril 1868, M. I... urina comme à l'ordinaire en se levant du lit.
1 The Lancel, 1868, vol. I, pages 655 et 682.
3 On the Pathology of suppression of Urine with a case. 1870, vol. I, p. 868.
Mais, aussitôt après le déjeuner, sans cause appréciable, il ressentit une douleur subite dans la région lombaire droite avec un besoin pressant d'accomplir la miction. Il rendit, après des efforts, deux cuillerées à bouche d'urine sanglante. Malgré ces accidents il alla à Manchester, distante de 16 milles de sa résidence. Pendant son séjour à la ville les douleurs lombaires et les envies fréquentes d'u-riner persistèrent. Une demi-pinte d'urine sanguinolente fut encore évacuée et ce fut tout ce jour-là. Estomac irritable.
2e jour : Pas de miction. Douleur lombaire modérée. Vomisse-ments.
5e jour : Le malade est levé; calme, ni douleurs, ni vomissements, mais des nausées. Nul besoin d'uriner. Pas de miction depuis 50 heures. Anorexie ; soif incommode ; la pointe de la langue tend à devenir sèche. Région lombaire droite sensible à la pression ; région lombaire gauche indolore. Ni rétraction des testicules, ni douleurs au pénis. Pouls à 72.
4e jour : Deux onces environ d'urine un peu sanglante ont été rendues, poids spécifique 1010. Trace légère d'albumine. Cellules épithéliales ressemblant à celles du bassinet. Depuis ce moment jusqu'à la terminaison, M. I... ne rendit plus d'urine et, à la mort, la vessie fut trouvée vide. État général en apparence meilleur. Ni nausées, ni vomissements ; soif moins vive ; langue sèche à la pointe. Intelligence d'une netteté parfaite. Pupilles naturelles. P. 72 ; Pi. 24 ; Température axillaire 57°,77. Diagnostic : suppres-sion de la fonction du rein gauche depuis quatre ans, due, selon toute probabilité, à l'oblitération de l'uretère gauche par un calcul; obstruction de l'uretère droit par un calcul depuis le 29 avril, d'où anurie. Pronostic grave.
5e jour : Quelques nausées. Affaiblissement des forces. Légère sensibilité de la région lombaire. Pas d'odeur urineuse. P. 72; R. 24; T. ax. 57°,61.
frjour: P. 72; R. 24 ; T. ax. 37°,61. Le sentiment de faiblesse, dont se plaint le malade, est le symptôme le plus prononcé. M. I... s'est levé, promené. Physionomie calme, mais un peu abattue : céphalalgie légère; répugnance à parler. Peu d'appétit; langue moite, saburrale; ni nausées, ni vomissements; selles, mais seule-ment après l'administration de purgatifs. La nuit a été mauvaise ; somnolence, par instants, durant le jour. La région lombaire droite et le trajet de l'uretère correspondant sont plus sensibles à la pres-sion.
7° jour : P. 76; R. 20; T. ax. 37°. Nuit très-agitée. Somnolence interrompue par des soubresauts. — La pointe de la langue incline vers la sécheresse. M. 1... s'est levé et a pris avec plaisir quelque nourriture. Quatre selles après purgation. Pour la première fois on observe de légers tressaillements des muscles du tronc et des mem-bres. Céphalalgie passagère. Pupilles normales.
8e jour : P. 76 ; R. 22 ; T. ax. 36°,77. Insomnie. Physionomie calme; pas de confusion mentale; tendance à la somnolence. Fai-blesse croissante. Émaciation progressive. Soif plus vive ; appétit médiocre ; constipation. La région lombaire, surtout à droite, et le trajet de l'uretère droit sont plus douloureux à la pression. Proé-minence des glandes sébacées de la face. — La respiration est hale-tante ; l'inspiration s'accomplit avec peine ; l'expiration est courte, soudaine, suivie d'une pause prolongée.
9e jour : P. 76; R. 20; T. ax. 36°,33. Aggravation. Agitation plus grande. Sécheresse de la langue et de la voûte palatine; soif inquiétante ; inappétence absolue ; vomissements, deux selles co-pieuses, provoquées. Aucune douleur aux lombes, etc. Céphalalgie peu intense ; pupilles légèrement contractées. — L'intelligence est nette, quand on excite le malade ; mais, abandonné à lui-même, il tombe dans un état de somnolence, ayant la bouche ouverte et res-pirant à de longs intervalles. M. I... se plaint d'un sentiment d'en-gourdissement dans les pieds, les mains et les mollets. Les spasmes musculaires sont plus fréquents et plus intenses.
10e jour : Dans la soirée d'hier, la faiblesse est allée croissante ; la nuit a été très-agitée. Besoins de défécation, sans effet. La soif, la sécheresse de la bouche, les spasmes musculaires sont allés en augmentant. A six heures du matin, respiration pénible ; suffocation imminente. Vomissements abondants. Impuissance à soulever les jambes, que le malade dit ne plus sentir. Pupilles très-contractées. Spasmes incessants, généralisés, mais n'allant pas jusqu'à produire un déplacement des membres.Respiration de plus en plus embarras-sée. Mort à une heure de l'après-midi, sans coma ni attaques épi-leptiformes.
Autopsie. — Tous les organes de l'abdomen — qui fut seul exa-miné— étaient sains, excepté les reins et les uretères. Rein droit, hypertrophié, 16 onces et demi (466 grammes), sain; surface parsemée de nombreux points noirs, sanguinolents ; coupe pâle, anémiée. Ni le bassinet, ni l'uretère n'étaient dilatés. Ils contenaient environ deux cuillerées à café d'urine sanguinolente. On découvrit un petit
calcul d'acide urique arrêté et serré fortement dans l'uretère juste au-dessus de son entrée dans la vessie. Le calcul avait les dimen-sions et la forme d'un grain de chanvre ; il pesait 1 grain et un tiers (7 centigr.). Plusieurs incisions pratiquées sur les pyramides du rein mirent à nu des dépôts d'acide urique.
Rein gauche, complètement transformé en un sac lobule, aussi large qu'un rein normal et contenant environ 5 onces (121 gr.) d'un liquide blanc, opaque, ayant l'aspect du lait, renfermant des my-riades d'aiguilles d'urate de soude et une grande quantité d'albumine. Les parois du sac, résistantes, ressemblant à du cuir, avaient une épaisseur variant d'une à deux lignes. Nulle trace de substance cor-ticale ou de pyramides. L'uretère gauche était oblitéré à son ori-gine par un calcul d'acide urique, de forme conique, du poids de 52 grains. La surface du calcul était incrustée d'un revêtement d'urate de soude, blanc, inégal. 11 était solidement fixé, à l'instar d'un bou-chon, dans l'infundibulum de l'uretère. Le reste de ce canal était perméable et sans trace d'altération. — La vessie était vide. — Le cadavre n'avait pas d'o-deur urineuse ou ammoniacale.
Nous ferons remarquer avec M. W. Roberts: 1° que le pouls demeura presque stationnaire, ayant plutôt une légère tendance à augmenter de fréquence (72, 76, 80); — 2° que la respi-ration diminua progressivement de fréquence (24-, 20,15); — 3° que la température s'abaissa d'une façon constante, en particulier aux approches de la mort (fig. 5) ce qui confirme la proposition formulée par M. W. Roberts au début de son travail, à savoir : « Si la suppression de l'urine per-siste, la température du corps, à la longue, baisse et faiblit peu à peu jusqu'à la mort. »
Fig. 3. Température axillaire prise une fois par jour.
— La suite au prochain numéro. —
CLINIQUE CHIRURGICALE
DE L'INFLAMMATION PRIMITIVE AIGUË DE LA MOELLE DES OS (MÉDULLITE AIGUË)
PAR CULOT, INTERNE LES HOPITAUX DE paris.
- SUITE -
ANATOMIE ET PHYSIOLOGIE PATHOLOGIQUES.
Les phénomènes inflammatoires commencent par la moelle osseuse contenue sous le périoste, sinon toujours au moins dans l'immense majorité des cas; et ce début s'explique tant par la jeunesse rela-tive de ses éléments, que par sa situation, qui l'expose plus à l'ac-tion des causes déterminantes.
De là ils se propagent dans les canalicules du tissu osseux com-pacte, les cavités du spongieux, la moelle centrale. Cette propaga-tion se fait avec une rapidité très-variable. Dans les cas les plus simples, le travail morbide semble s'arrêter sans pénétrer dans les canaux de Havers, ou n'y pénètre qu'à une très-petite profondeur; et, dans ce cas, après l'évacuation du pus sous-périostique, l'acco-lement se fait très-bien, et la guérison survient sans exfoliation apparente, ni fistules. (IIe Observation du 2e mémoire de Bœckel. — Observation de Fritz. Société anatomique.) D'autres fois, tout l'os semble pris en même temps, et la suppuration se montre à la face externe, interne, et dans l'os lui-même. Chez un enfant mort au troisième jour, Bœckel rencontre, outre les lésions sous-périosti-ques, deux foyers apoplectiques dans la moelle, et la circonférence médullaire était purulente.
Que la suppuration attaque plus ou moins profondément les par-ties, qu'elle se montre plus ou moins tôt : il en résulte presque toujours un abcès, abcès sous-périostique, d'étendue variable, qui pourra, à un moment donné, érailier le périoste limitant ou le détruire, et par cette voie nouvelle s'infiltrer dans le tissu cellu-laire du membre, où il formera des fusées plus ou moins étendues.
En même temps que se forme l'abcès sous-périostique, les parties éloignées du centre de l'abcès, moins fortement impressionnées par la cause morbide, fourniront des produits viables, et de nou-velles couches osseuses se formeront, engainant la diaphyse. Ces nouvelles couches pourront même se produire dans le tissu osseux,
et, s'adjoignant aux anciennes, amoindriront le calibre des canali-cules, èburneront l'os et en produiront la nécrose partielle.
Un autre point, primitivement ou consécutivement malade dans un très-grand nombre de cas, est le lieu de jonction du cartilage épiphysaire avec la diaphyse ou l'épiphyse, et il est (rès-facile de le comprendre. Là, en effet, se trouvent les parties qui, avec la péri-phérie de l'os, sont essentiellement vivantes. Si les couches médul-laires sous-pêriostiques accroissent l'os en épaisseur, les couches dia-épiphysaires l'accroissent en longueur. Il y a donc dans l'une et l'autre partie, qui, du reste, sont continues, des éléments jeunes, actifs, par suite très-capables d'inflammation. Us sont même plus abondants aux limites ostéo-cartilagineuses ou, du moins, plus ac-tifs, car l'os gagne bien plus en longueur qu'en épaisseur, et ce n'est pas sans raison que M. Gosselin, précédé dans cette voie par Klose, y a vu le point de départ d'une forme de la maladie.
En ce point, la suppuration est quelquefois véritablement enkys-tée entre l'extrémité diaphysaire et le cartilage (Petit), la péri-phérie proliférant sans suppurer. Bien plus souvent, cependant, et sans que l'on puisse décider toujours par où a commencé le mal, la suppuration a complètement séparé le cartilage épiphysaire de la diaphyse ou de l'épiphyse, et occupe en même temps la couche sous-périostique, d'où l'existence d'un vaste foyer dans lequel bai-gne l'extrémité diaphysaire isolée par la suppuration. Le cartilage, dans un certain nombre de cas, a complètement disparu, on n'en trouve plus traces ; ou, existant, il est complètement décollé de la diaphyse ou de l'épiphyse ; d'autres fois, et plus souvent, son dé-collement est incomplet, mais le moindre effort amène dans ces cas sa séparation. Toutefois, il peut rester parfaitement indemne, et des violences extérieures ont pu quelquefois fracturer l'os au-dessous de lui. (Henrot.)
Ce ne sont pas, d'ailleurs, les grandes épiphyses seulement qui se peuvent décoller. Roser signale le même fait pour l'extrémité du calcanéum, le grand trochanter, l'ischion. Martin a vu la grosse tubérosité de la tête numérale détachée par la suppuration.
Le tissu osseux est lui-même fort altéré. Les canaux de Havers se sont considérablement agrandis et ont transformé en spongieux une partie du tissu compacte. Dans un cas, Hurel a trouvé chez une petite fille de 3 ans et demi le fémur réduit à une coque osseuse. Les aréoles du compacte s'agrandissent. La moelle s'abcède dans leurs cavités. La moelle centrale, rajeunie sous l'influence de la maladie,
reprend sa coloration primitive rouge, puis suppure dans un cer-tain nombre de cas.
Les médullites des os plats se comportent comme celles des os longs. L'inflammation débute le plus souvent par la couche sous-périostique externe et, par les canalicules de Havers, gagne le périoste interne. C'est de la sorte que l'on peut très-facilement expliquer ce fait, de prime abord singulier et si souvent observé aux crânes et aux fosses iliaques, de décollement des deux couches périostales dans une étendue égale sur chaque face de l'os.
Telles sont les lésions primitives des médullites, lésions qui très-souvent existent concurremment, mais qui, dans les cas où elles prédominent en quelque point, ont mérité les noms divers d'abcès sous-périostique aigu, ostéomyélite, ostéite juxta-éphiphysaire.
Il est d'autres lésions consécutives aux précédentes, et qui leur sont immédiatement liées. Nous avons cité les lésions périostales et les fusées purulentes consécutives. Il nous reste à dire quelques mots de ce qui survient vers les articulations et vers le tissu osseux lui-même.
Les articulations peuvent être lésées de diverses façons. ◀Tantôt▶ l'arthrite survient, comme le veut Klose, par simple voisinage. Plus souvent la médullite sous-périostique s'étend jusqu'au voisi-nage du cartilage articulaire, et là le pus produit perfore, éraille le • revêtement séreux et les fibres qui le peuvent doubler, et forme une fusée articulaire, comme il formait plus haut des fusées inter-musculaires. C'est le mécanisme qu'a surtout rencontré M. Gos-selin. D'autres fois, il y a médullite du tissu spongieux épiphysaire, raréfaction des trabécules, formation d'un clapier purulent intra-osseux. Le cartilage articulaire, troublé dans sa nutrition, s'altère, se détruit, et une perforation vient mettre en communication l'ab-cès intra-épiphysaire et l'articulation. Même mécanisme, invoqué par M. Chassaignac; seulement, pour lui, le cartilage dia-épiphysaire, troublé dans sa nutrition, s'était résorbé par places, et le pus ar-ticulaire pouvait communiquer avec celui de la cavité médullaire de l'os.
Un grand fait à signaler, et que l'on rencontre dans la plupart des observations, est que les phénomènes d'irruption du pus dans la cavité articulaire restent le plus souvent latents. Nulle douleur n'en résulte.
Du côté du tissu osseux, nous aurons surtout des nécroses, né-croses pouvant reconnaître diverses origines. ◀Tantôt▶ les éléments
médullaires modifiés nourrissent mal le tissu osseux, auquel ils fournissent les matériaux habituels, ou devenant pus cessent tout à fait de le nourrir, et le tissu osseux, abandonné meurt. On voit de suite la relation intime qui existe entre l'étendue, l'intensité de la médullite et les dimensions du séquestre qui devra être éliminé plus tard. Si la moelle sous-périostique a seule été malade, on pourra n'avoir qu'une légère exfoliation ; si la moelle centrale a suppuré, toute la diaphyse meurt. Entre les deux se rencontrent tous les degrés.
Toutefois, la nécrose n'est pas toujours et nécessairement une suite de la médullite suppurée. Qu'il y ait, par exemple, simple mé-dullite sous-périostique bien limitée, cette partie arrive à suppura-tion, mais le voisinage peut être frappé d'abord d'ostéite raréfiante, puis condensante, d'où compression des vaisseaux du canal et né-crose.
Dans un autre ordre de lésions anatomo-pathologiques viennent l'ensemble des phénomènes nécessaires à l'expulsion du séquestre formé, phénomènes doubles et un peu contradictoires dans leurs résultats. D'abord, la médullite qui survient, ou continue autour des séquestres, résorbe le tissu osseux qui les maintenait en contact avec le reste de l'os, et provoque son isolement complet; d'autre part, la formation constante aussi de nouvelles couches osseuses dans la moelle sous-périostique, nouvelles couches qui trop gêné-* ralement englobent en partie le séquestre et gênent beaucoup son expulsion.
D'autres conséquences lointaines des phénomènes locaux sur les-quels l'attention a été peu appelée tiennent au développement exa-géré de l'os, par activité trop grande du cartilage dia-épiphysaire ; à la cessation prématurée de l'accroissement par la disparition com-plète du cartilage, ou sa transformation trop prompte en tissu osseux, aux ankyloses, à l'allongement hypertrophique du ligament articulaire et aux subluxations et luxations spontanées qui en sont la conséquence. (Roser.)
Après avoir étudié les lésions primaires, initiales, des médullites, les lésions secondaires nécessaires et d'autres éventuelles, il nous reste à voir quelques troubles qui, bien que fréquents dans les mé-dullites, n'en sont cependant que des complications véritables.
De ces complications, les unes sont essentiellement liées au siège du mal. Telles sont les méningites, que l'on voit survenir dans
nombre de médullites crâniennes; telle est probablement la péricar-dite observée dans le cas de M. Colson, où l'on trouvait la clavicule enveloppée dans une gaine infiltrée de pus se continuant le long de la trachée et des vaisseaux du cou. Telles sont encore les phlébites des gros troncs, que l'on n'a d'ailleurs signalées à ma connaissance que dans fort peu des cas.
Pour comprendre les autres complications, il faut faire intervenir un élément nouveau. Cet élément, nouveau pour les auteurs qui font de la maladie qui nous occupe une entité morbide, est la cause même de cette maladie. La cause rhumatismale agit sur le péricarde comme elle avait agi sur les os, pour M. Giraldès. Pour Poser, sa dyscrasie a les manifestations les plus variées. Et cependant M. Gos-selin, Bceckel, Roser lui-même, qui admettent une cause spéciale pour expliquer le début de la maladie, reconnaissent toutefois que les troubles généraux graves résultent d'une résorption des pro-duits morbides sous-périostiques. Les accidents graves sont une con-séquence de l'état local.
Il est généralement admis, à l'époque actuelle, que dans toute in-flammation locale il se forme des produits de dénutrition absorbés par le sang et portés par lui dans toute l'économie. Ces produits de dénutrition vont impressionner les divers organes et déterminer une fièvre dite inflammatoire, fièvre inflammatoire qui varie beau-coup dans ses caractères et son intensité, suivant la quantité de pro-duits résorbés, leurs qualités et aussi l'impressionnabilité de l'orga-nisme sur lequel ils agissent.
Quels sont ces produits? leur nature? leur mode d'action? Toutes questions irrésolues à l'heure actuelle. Mais quelles que doivent être les explications, il est des faits acquis et qui permettent très-logiquement d'accepter cette opinion, qui explique, du reste, par-faitement les faits cliniques.
Les faits cliniques montrent, en effet, que, dans la grande majo-rité des cas, la maladie qui nous occupe est primitivement locale. Puis surviennent des phénomènes généraux, ◀tantôt▶ indiquant une inflammation franche, d'autres fois devenant rapidement typhoïde, et pouvant alors amener en peu de temps la mort des malades. Que trouve-t-on dans ces cas? Rien, quand la mort a été très-rapide. Si elle a tardé quelques jours, on observe des lésions disséminées un peu partout, et qui se rapprochent complètement de celles des ma-ladies avec infection, septicémie, pyohémie.
Ce sont, du côté du cerveau, des suffusions séreuses, même san-
guiñes, de la congestion, des abcès dans un cas deStone, une infil-tration de pus liquide dans les mailles du tissu cellulaire sous-arach-noïdien, compliquée de purulence dans les veines qui aboutissent au sinus longitudinal, et dans ce sinus lui-môme. (Louvet.)
Les poumons sont engoués, parsemés d'abcès métastatiques et de noyaux apoplectiques qui en sont le premier degré. Les plèvres sont remplies de liquide séro-purulent, ou séro-sanguin, ou de faus-ses membranes. — Le péricarde est également tapissé de néomem-branes, remplies de liquide purulent. La substance cbarnue du cœur est ecchymosée ; on y voit de petits abcès. — Les valvules, dans un cas de Martin, et un autre de M. Giraldès, sont elles-mêmes ulcérées, malades.— La rate est volumineuse, diffluente souvent. Dans un cas de Stone, il y avait du liquide dans le péritoine. — Les abcès du foie sont très-rares. Très-communs, au contraire, sont ceux des reins. — Des arthrites suppurées se voient très-souvent, et par elles s'ex-pliquent la plupart des faits dits de périostites multiples.—On trouve encore des abcès intra-musculaires, des œdèmes et suppurations du tissu cellulaire.
Toutes ces lésions ne coexistent pas, et, sans pouvoir donner les règles de leur production, il faut, je crois, admettre leur dépen-dance commune d'une infection générale. Souvent associées en nombre variable, elles peuvent cependant rester isolées. Le péri-carde a été vu plusieurs fois malade, à l'exclusion des autres par-ties. Je ne crois pas qu'on en puisse inférer la nature rhumatismale de la maladie.
— La fin au prochain numéro. —
PATHOLOGIE INTERNE
ÉTUDE SUR LES ARTHROPATHIES CONSÉCUTIVES A QUELQUES MALADIES DE LA MOELLE ET DU CERVEAU
par bqubnevii.le 1 — suite —
VI. ATTITUDE ET CONTRACTURE DES MEMBRES; LÉSIONS ARTICULAIRES qui S'OBSERVENT CHEZ LES HÉMIPLÉGIQUES.
Nous avons dit, dans le précédent numéro que ce groupe com-prenait deux catégories distinctes : la première, les malades hémi-
1 Voy. Revue photographique, 1870, pages 193 et 229; 187), p. 9, 67.
plégiques en quelque sorte depuis l'enfance; la seconde, les mala-des devenus hémiplégiques à une époque plus ou moins avancée de l'existence. Puis, nous avons relaté l'observation d'une femme appartenant à la première catégorie, en insistant plus particulière-ment sur l'altitude des membres (voy. Planche VIII), l'inégalité de la face et de la tête, sur l'état de la parole, etc. Avant de résumer ce qui a trait aux lésions articulaires et les caractères principaux des membres paralysés, nous allons rapporter une observation non moins intéressante que la première.
Observation X. — Convulsions à sept ans. — Hémiplégie du côté droit. — Peur vive à vingt ans : accès d'épilepsie. — État actuel de la malade ; attitude des membres paralysés1. — Delet... Joséphine, âgée de quarante et un ans, est entrée le 1er décembre 1855 à la Sal-pêtrière (section des épileptiques). Son père nous a fourni en 1866 les renseignements qui suivent. En ce qui le concerne personnelle-ment, il déclare n'avoir jamais eu d'accidents nerveux ou syphilitiques et jouir d'une bonne santé. — 11 en serait de même de la mère de notre malade. —II n'y a pas de consanguinité. —Ils ont eu quatre enfants : l'aînée est morte en bas-âge, étant en nourrice ; la seconde est celle qui fait l'objet de notre observation; la troisième est morte à dix-huit ans, d'une fièvre typhoïde (?); elle était nerveuse ; enfin le quatrième est un garçon vivant et bien portant. — On ne nous signale aucune maladie nerveuse du côté des ascendants (grands-pères et mères paternels et maternels2).
Notre malade, élevée au sein en nourrice aurait été propre3et au rait marché de bonne heure; ni convulsions, ni scrofules. — A sept ans, D... eut une fièvre cérébrale (?) dans le cours de laquelle on lui aurait fait prendre un bain ; ce serait en sortant de ce bain qu'elle aurait été prise de convulsions suivies d'une paralysie du côté droit. Jusqu'à ce moment, D... était très-intelligente; elle savait lire, écrire, etc. ; mais à partir de là, ses facultés ont baissé peu à peu. Elle fut réglée sans difficulté à 13 ans.
1 Nous avons recueilli cette observation en 1866 pendant notre internat dans le service de M. Delasiauve ; nous revoyons aujourd'hui la malade dans le service de M. Charcot.
2 A l'époque de la naissance de notre malade, son père avait 29 ans, sa mère 22. Nous consignons ce détail parce qu'on a fait jouer à l'âge des parents, au moment de la conception, une influence que, du reste, nous croyons assez exacte.
3 On sait que, souvent, dans les antécédents des épileptiques, l'incontinence nocturne d'urine est notée.
Au coup d'État de décembre 1851, les soldats tirant des coups de fusil sur la maison qu'elle habitait, des balles vinrent tomber dans sa chambre ; ces circonstances, l'idée que son jeune frère qui, par peur s'était jeté sur le parquet, avait été tué, lui causèrent une frayeur extrême : le soir même elle fut prise d'accès épileptiques qui se renouvelèrent le lendemain. La seule modification des mem-bres paralysés que l'on ait constatée consisterait en une sorte de torsion plus accusée qu'auparavant.
État actuel. D... jouit d'habitude d'une santé excellente, — en de-hors de ses accès épileptiformes, bien entendu, — et n'a jamais gardé le lit depuis son admission à la Salpêtrière. Les fonctions diges-tives, respiratoires, etc., s'accomplissent d'une façon normale. Les règles, devenues moins abondantes qu'autrefois, sont régulières et suivies pendant quelques jours de pertes blanches.
La tête est droite ; il n'y a pas de roideur du cou. La circonférence de la tête mesure,- en passant au niveau de la racine du nez et des conduits auditifs, 55 centimètres et demi (26 cent. 5 pour la moitié droite, 26 et demi pour la gauche). — La joue droite semble un peu moins proéminente que la gauche. — Les plis du front sont marqués et égaux. — Les plis palpébraux paraissent moins accusés à droite qu'à gauche, mais à un faible degré. — Nous ne constatons aucune différence entre les globes oculaires. —Le sillon naso-labial droit est moins accentué qus le gauche. — Les narines ont les mêmes dimensions. — On n'observe aucune déviation soit de la bouche soit de la langue.
Membre supérieur droit (paralysé). Au repos, le bras s'appuie le long du thorax; l'avant-bras, à peine fléchi, se soutient sur le devant de l'abdomen ; la main est fortement fléchie, à angle droit, sur l'a-vant-bras —• ce qui lui donne l'aspect d'un crochet. (Voy. Planche XVI.) La malade élève le bras jusqu'à la ligne horizontale, porte la main au front ; l'abduction et l'adduction sont gênées. — Les mou-vements du coude sont plus étendus que chez Lecom... (obs. IX) la flexion et l'extension s'exécutent d'une manière presque com plète. — Quant aux mouvements du poignet, ils sont tout à fait abo-lis : c'est là que la déformation atteint son maximum. —Les doigts, surtout le pouce, le médius et l'annulaire sont fléchis dans leur en-semble et on ne les allonge qu'avec difficulté. L'index et plus par-ticulièrement le petit doigt jouissent d'une certaine mobilité. — D... s'habille seule ; elle a cependant besoin d'aide pour se peigner e* nouer les cordons de ses souliers.— Elle travaille à la couture,
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
Planche XVI.
HÉMIPLÉGIE CONSÉCUTIVE A L'ATROPHIE CÉRÉBRALE
A T T I T L' I) Ë D E S M E M II li E S
tenant l'aiguille de la main gauche et soutenant son linge avec l'au-riculaire droit. — Elle est d'ailleurs inhabile et ne s'acquitte de sa besogne qu'avec lenteur.
Dans l'hiver, la peau du membre supérieur droit devient violacée, marbrée. Au toucher, il est en tout temps plus froid que le gauche.—¦ Dans les temps humides, douleurs et craquements dans l'épaule, mais aucune douleur le long du bras ni dans les autres jointures. Toutefois, au moment des grandes gelées, elle souffrirait plus qu'à toute autre époque. — La contracture de la main serait aussi plus prononcée lorsqu'il survient des changements atmosphériques.
Voici les mensurations comparatives des deux membres supé-
rieurs 1 :
DROIT GAUCHE
Longueur du bras......... 46,5 cent. 52 cent.
Circonférence du bras au-dessous de
l'aisselle............. 21,5 — 29 —
Circonférence du bras (partie moyenne). 20,5 — 24 —
— du coude....... 20,5 — 23 —
— de l'avant-bras (partie
moyenne)...... 17 — 24 —
— du poignet...... 15,7 — 18,5 —
La clavicule droite a 14? centimètres de longueur, et la gauche, 15 centimètres et demi. — L'épaule droite est plate sans relief, tan-dis que la gauche est arrondie, développée. —-Les seins sont peu volumineux, et le droit moins que le gauche. — La moitié droite du tronc est moins ample que la gauche.
Membre inférieur droit. — A part le genou qui présente une cer-taine roideur et quelque tendance à la flexion, les jointures sont libres. — La malade marche en boitant, en raison du raccourcisse-ment du membre ; parfois il lui arrive aussi de traîner un peu le pied, mais ce phénomène n'est pas bien accusé, car elle n'use pas la chaussure plus d'un côté que de l'autre.
DROIT GAUCHE
Longueur du membre inférieur.... 79 cent. 82,5 cent.
— du pied......... 23,5 — 24,5 —
Circonférence de la cuisse (partie
moyenne)............ 39 — 41,5 —
Circonférence de la jambe (jarretière) ,26 — 28 —
— de la jambe (mollet). . 27 — 31 —
— du cou de pied .... 22 — 23,3 —
— du métatarse..... 22,5 — 23 —
L'influence du froid sur la peau est moins forte qu'au membre 1 La planche XVI indique bien les différences de la main et des avant-bras.
supérieur. Au palper, le genou et la jambe sont plus frais à droite qu'à gauche.
Les différents modes de sensibilité sont normaux. — L'ouïe est un peu obtuse à droite. — La vue, l'odorat, etc., ne sont pas perver-tis. — La physionomie de la malade (voy. Planche XVI) exprime une certaine hébétude, et annonce une intelligence médiocre. — La mémoire est mauvaise : ainsi D... ne se rappelle même plus qu'on l'a photographiée. — La parole est loin d'être aussi facile que chez la malade de l'observation IX; souvent il y a quelque hésitation, du bredouillement et, par instants, ces phénomènes sont encore plus intenses. Cet embarras de la parole, l'obnubilation intellectuelle que nous avons signalée, ne sont pas dus à la répétition des accès d'épilepsie, car ils paraissent, au contraire, devenir de plus en plus rares. Le tableau suivant en fait foi.
Année 1861.
— 1862.
— 1863.
— 1864.
— 1865.
— 1866.
18 accès. Année 1867. ... 1 accès.
2 — — 1868. . . . 1 —
0 — — 1869. . . . 0 —
0 — — 1870. . . . 0 —
0 — — 1871. . . . 2 — 0 —
Notons que presque toujours les accès reviennent à la même époque, en avril. — Dans un prochain article nous ferons ressortir les particularités les plus intéressantes de nos deux dernières ob-servations.
— La suite au prochain numéro. —
BIBLIOGRAPHIE
Étude snr I'uréthrotomie interne, par le docteur Reverdin. In-8°. Paris, 1870; Cherbuliez, éditeur.
L'uréthrotomie interne a eu le sort de la plupart des opérations entrées dans le domaine de la spécialité. Formellement repoussée par quelques-uns, elle est devenue, au contraire, pour certains spécialistes, l'unique méthode de traitement des rétrécissements de l'urèthre; on a varié à l'infini les procédés opératoires, chacun cherchant à attacher son nom à un urethrotome de son invention ; les brochures, les réclames, les traités, renfermant les affirmations les plus contradictoires, ont pullulé si bien que, sur un sujet de pareille importance,la lumière était loin d'être faite.
Placer enfin la question de l'uréthrotomie [sur le terrain de la
saine et pure clinique, a semblé à M. Reverdin le meilleur moyen de la tirer de cette obscurité. Ses assertions reposent sur cinquante-deux uréthrotomies pratiquées à l'hôpital Necker, dans le service spécial fondé parCiviale, et actuellement dirigé par M. Guyon. En nous initiant aux différents détails de ces opérations, en nous fai-sant suivre pas à pas les opérés dans les diverses phases qui pré-cédèrent leur complète guérison, l'auteur a atteint un double ré-sultat : d'abord, trancher la grave question de l'opportunité de l'uréthrolomie interne, de façon à faire naître une conviction arrêtée chez les plus sceptiques ; ensuite, nous mettre au courant de l'ex-cellent modus faciendi de M. Guyon, et nous livrer ainsi, en quel-que sorte, le secret de ses succès incontestables.
Le travail de M. Reverdin est divisé en trois chapitres : le pre-mier traite du manuel opératoire et des soins consécutifs, le se-cond des accidents et des résultats de l'opération ; dans le troi-sième, auquel M. Reverdin semble avoir donné le plus d'impor-tance, se trouvent discutées les indications et les contre-indications de l'uréthrotomie interne.
Les lignes consacrées au Manuel opératoire sont écrites à un point de vue essentiellement pratique. En les parcourant, le lec-teur est initié à tous les détails, voire même à toutes les finesses de 'uréthrotomie interne. Non-seulement il y trouve les règles à sui-vre, mais encore les écueils à éviter, les divers moyens de tourner les difficultés à mesure qu'elles peuvent se présenter. L'auteur ne craint pas, à ce sujet, de fournir les renseignements les plus mi-nutieux, et il fait bien : dans une opération essentiellement délicate, le moindre détail peut avoir sa valeur, et, quoique insignifiant à la lecture, faire réussir au lit du malade.
Nous ne saurions donner une meilleure idée de la méthode adop-tée par l'auteur, qu'en citant textuellement le passage suivant: il a trait aux difficultés que l'on rencontre parfois dans l'introduction du conducteur métallique. (L'uréthrotome adopté par M. Guyon est celui de Maisonneuve.)
« Ainsi, pour peu qu'après quelques tentatives infructueuses, l'opérateur sente que la patience va lui faire défaut, il n'y a qu'un parti à prendre : retirer le conducteur, le dévisser, laisser la bou-gie à demeure et remettre les tentatives à plus tard. C'est cette sage pratique que nous avons vu mettre quelquefois en usage par notre maître, et que nous suivrons pour notre part dans les mêmes cir-constances. Cependant, s'il y avait urgence et si l'on craignait de ne
pas mieux réussir une seconde fois qu'une première, on pourrait arriver au but par l'un des deux moyens suivants : M. Guyon nous a dit avoir employé plusieurs fois cette année avec succès le pre-mier : il consiste à pousser l'instrument d'une main, à guider de l'autre son extrémité au moyen de l'index introduit dans le rectum, pendant qu'un aide refoule fortement en bas la racine de la verge. Jamais, du reste, il ne faut employer la violence, car on pourrait faire une fausse route, malgré la bougie, si elle se repliait au niveau de son ajutage métallique. Le second moyen consiste à ouvrir la voie au conducteur en faisant une petite scarification avec l'uré-throtome de Gharrière, vissé sur la bougie conductrice; mais il faut peu compter sur la réussite. »
C'est, là un langage clair, précis, d'une utilité pratique incontes-table. Dans l'uréthrotomie, les soins consécutifs ont une impor-tance capitale ; ils complètent, en quelque sorte, l'opération, outre qu'ils peuvent prévenir certains accidents inquiétants, sinon graves. L'introduction de la sonde à demeure (aussitôt l'uréthrotomie ter-minée), conseillée dès 1858, par Civiale, est une pratique généra-lement adoptée de nos jours; cependant Reybard et Gaujot Font rejetée en se fondant sur le raisonnement suivant: « La sonde repré-sente dans l'urèthre divisé, un corps étranger qui irrite la plaie, l'enflamme, la fait suppurer, et par conséquent cette plaie se répa-rera lentement et sera remplacée par une cicatrice épaisse et rétrac-tile. » Cette objection serait fondée si l'on employait une sonde d'un calibre assez fort, pour comprimer et irriter la surface de la plaie ; or, cela n'est point nécessaire. La sonde est destinée à laisser écou-ler l'urine, à empêcher son contact avec la plaie fraîche, et non pas à produire une dilatation : il suffit donc qu'elle remplisse assez le col de la vessie pour que l'urine ne puisse s'échapper entre elle et le canal. Aussi M. Guyon a-t-il adopté une sonde dont l'introduc-tion soit facile: pour une lame marquant 23, il choisit un calibre n° 16 ou n° 18.
Cette sonde une fois introduite doit-elle être aussitôt bouchée avec un fausset? M. Reverdin emploie le fausset dès la première nuit, en prenant la précaution de l'enlever toutes les deux heures au moins.
Cette pratique, à notre humble avis, n'est pas très-prudente : en effet, en examinant la statistique, nous voyons la plupart des opérés avoir eu des frissons ou une fièvre plus ou moins légère dans les premiers temps qui suivirent l'urétrothomie. Ces accidents qui sont toujours inquiétants, s'observent plus rarement lorsque l'on rejette
formellement l'emploi du fausset dans les deux premières nuits.
D'accord avec la plupart des praticiens, M. Reverdin admet la nécessité de la dilatation consécutive à l'uréthrotomie, sauf certains cas exceptionnels où le cathétérisme est dangereux ou impossible. C'est le seul moyen de mettre l'opéré à l'abri des récidives, car il est démontré que, même après les grandes incisions de Reybard, la cicatrice peut se rétracter et reproduire le rétrécissement. Par l'in-troduction des bougies après l'uréthrotomie, le seul but doit être de conserver le bénéfice de l'incision, où, en d'autres termes, de main-tenir la dilatation acquise.
Vouloir, au contraire, étendre la cicatrice par la pression conti-nue d'une bougie de fort calibre, est une pratique déplorable, car on amène ainsi l'inflammation des tissus cicatriciels qui Unissent par s'indurer et s'épaissir, ce qui ne peut que diminuer le calibre de l'urèthre. Ceci étant admis, il suffit de commencer la dilatation au moment « où la cicatrice est complètement organisée et assez Solide pour résister au traumatisme des bougies. » Cette époque est facilement appréciable: elle coïncide avec la cessation de l'uréthrite légère qui accompagne le travail de cicatrisation, et dont la durée est généralement de quinze à vingt jours. 11 est bon alors de com-mencer la dilatation avec une bougie d'un numéro inférieur, qu'on laissera pendant une minute ou deux seulement. Les jours suivants, on passera sans brusquer à des numéros plus forts.
Les accidents qui peuvent compliquer l'uréthrotomie sont parta-gés en deux groupes : « Les uns ne sont point particuliers à cette opération, mais peuvent survenir dans toute opération sanglante : la douleur, l'hémorrhagie, l'inflammation de la plaie, la fièvre ; les autres au contraire sont sous la dépendance de la région dans la-quelle se pratique l'opération : l'infiltration d'urine, les abcès uré-thraux, la néphrite, la cystite ut les accidents fébriles ou phlegma-siques attribués à l'intoxication urineuse. »
Le défaut d'espace nous empêche d'analyser dans tous ses dé-tails cette intéressante partie de l'ouvrage de M. Reverdin; nous nous bornerons à attirer l'attention sur le chapitre qui a trait aux accidents fébriles. Le lecteur y trouvera une division des phénomè-nes fébriles qui suivent l'uréthrotomie, basée principalement sur la thermométrie. Plusieurs tracés graphiques formant une fort belle planche, sont annexés à l'ouvrage. L'on peut rattacher à trois types ces dernières courbes thermométriques :
1er Type. Très-légère élévation de la température (quelques dixiè •
mes de degré au-dessus de la normale) le jour de l'opération suivie d'une seconde ascension tout aussi faible le jour où le malade se lève : apyrexie ou plèvre traumatique légère.
2e Type. Élévation brusque de deux à' trois degrés au-dessus de la température normale avec défervescence rapide. A ces phéno-mènes thermométriques correspond un frisson plus ou moins vio-lent, suivi de chaleur et de sueurs. Accès fébrile sans phlegmasie.
5e Type. Élévation brusque de la température qui se maintient élevée. Dans ces cas, il y a coïncidence d'une phlegmasie (reins, vessie, testicule), entretenant, pendant toute sa durée, un état fébrile précédé ou non de frisson. État fébrile persistant avec phlegmasie.
On ne saurait imaginer une classification plus rigoureuse et frappant l'esprit d'une façon plus nette et plus claire. 11 s'y trouve cependant, à notre avis, une omission légère et facilement répa-rable: les malades soumis aux investigations thermométriques étaient sous l'influence du sulfate de quinine administré à la dose de 0gr,40 centigrammes à Ol',60 centigrammes, avant et après l'opération. M. Reverdin est tenté d'attribuer à l'emploi de ce médi-cament la bénignité des accidents fébriles dans les cas qu'il a ob-servés.
Ce fait aurait pu être affirmé d'une façon plus catégorique, si l'on s'était fondé sur des expériences comparatives: il suffisait pour cela de ne point administrer le sulfate de quinine à quelques opérés. Enfin, après avoir passé en revue les différentes méthodes de traite-ment des rétrécissements de l'urôthre et s'être déclaré partisan de celle de Maisonneuve, l'auteur aborde finalement la question si dé-licate des indications et contre-indications de l'uréthrotomie.
Cette dernière partie est très-complète ; tous les cas y sont lon-guement et habilement discutés; de plus, l'ordre adopté dans cette discussion est si rigoureusement méthodique, chaque détail est si bien à sa place que le chirurgien trouvera rapidement le cas parti-culier qui l'occupe ; aussi ne saurions-nous mieux faire qu'en le renvoyant directement à l'ouvrage lui-même.
En résumé, cette intéressante étude sur l'uréthrotomie constitue un progrès réel dans la pathologie des voies urinaires; elle est re-marquable à la fois par l'esprit méthodique avec lequel elle a été conçue, par la justesse et l'exactitude des observations cliniques qui ont été prises pour base, et enfin par les brillants résultats qu'a fournis lapratique recommandée par l'auteur. E. Dupuy.
Le Gérant : a. de moktméja.
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
CANCER DU SEIN CHEZ L'HOMME
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX DE PARIS
CLINIQUE CHIRURGICALE
OBSERVATION DE CANCER DU SEIN CHEZ L'HOMME
par m. thaon, interne dfs hopitaux de paris
Carr..., Louis, âgé de 50 ans, entre à l'hôpital de la Pitié, dans le service de M. Trélat, le 28 avril 1871.
Cet homme est porteur d'une grosse tumeur du sein droit qui lui est apparue il y a neuf mois. Elle a débuté par une petite croûte au niveau du mamelon et par une tuméfaction de la région ; des élan-cements partant de la région s'irradiaient au loin. Ces élancements ont cessé bientôt pour ne plus reparaître; la tuméfaction a augmenté graduellement.
État actuel. Au niveau du sein droit, tumeur dure, indolente à la pression, mobile en masse sur les couches profondes, du volume d'un sein de femme pubère. Peau adhérente partout, rouge et très-amincie vers l'aréole. Mamelon perdu au milieu de végétations pa-pillaires, recouvertes de croûtes jaunâtres. (Voy. Planche XVII.)
Ganglions mobiles, non douloureux, dans l'aisselle correspon-dante.
Rien à noter dans les autres régions du corps. On diagnostique une tumeur maligne du sein et l'ablation est décidée.
Opération. La périphérie de la tumeur est circonscrite par deux incisions en ellipse, la queue de l'ellipse se prolonge du côté de l'aisselle ; les ganglions et le sein sont ainsi extirpés. On panse à plat avec la charpie trempée dans l'eau de Pagliari.
Examen de la tumeur. La tumeur n'a pas de limites tranchées ; le tissu pathologique s'avance sous forme de traînées dans les cou-ches voisines et envahit partiellement le grand pectoral. La colora-tion est blanc grisâtre. A la coupe, on obtient un suc laiteux, dans
3° ANNÉE. 1
lequel on trouve au microscope une grande quantité de cellules, la plupart très-volumineuses, contenant un ou deux noyaux à nucléoles brillants.
Sur des coupes durcies et traitées par le pinceau, on obtient un tissu alvéolaire ; les parois sont formées par du tissu fibreux. Dans l'intérieur des alvéoles on trouve encore des cellules qui n'ont pas été chassées par le pinceau ; elles ressemblent à celles qui étaient contenues dans le sac.
Tel est le type général du tissu, mais, selon les régions, les al-véoles apparaissent plus petits , d'un aspect squirrheux plus mar-qué ; ailleurs les parois sont plus minces et les cellules plus nom-breuses.
L'examen microscopique, d'accord avec la clinique, permet d'af-firmer l'existence d'un cancer du sein.
Les ganglions avaient l'aspect d'une bouillie blanchâtre; ils renfermaient les mêmes éléments que la tumeur du sein.
L'examen histologique a été fait par mon collègue M. Malassez, dans le laboratoire de M. Ranvier, au Collège de France.
Le malade est sorti à peu près guéri de sa plaie le 1 5 juillet.
NOTES SUR LE CANCER DU SEIN CHEZ L'HOMME
par g. peltier, interne des hôpitaux
La mamelle, rudimentaire chez l'homme, [est très-rarement le siège de maladie; on y a cependant rencontré toutes les formes de tumeurs que l'on trouve chez la femme. — Jusqu'en 1859, le squirrhe paraît être la seule variété de cancer décrite et observée chez l'homme; depuis on a noté un certain nombre de tumeurs encépbaloïdes et fibroplastiques. En 1844, M.Walsh1 croit encore que le cancer de la mamelle chez l'homme est toujours de nature squirrheuse.
« J'avais pour ma part, dit Velpeau *, rencontré neuf à dix exem-ples de ces cancers en 1853, dont un m'a laissé dans l'incertitude sur la question de savoir s'il ne s'agissait pas plutôt d'une tumeur fibroplaslique que d'un squirrhe ; j'en ai observé quatre depuis. Du reste, j'ai pu constater l'existence de tumeurs réellement encépha-
1 Boston, 1844, ouvrage cité dans Tumeurs du sein, par Velpeau, p. 695.
2 Traité des maladies du sein. 1858, p. 695.
loïdes, un certain nombre de fois, dans la mamelle de l'homme ; une première fois, la tumeur, qui n'était point encore ulcérée, offrant le volume des deux poings, existait chez un homme d'une cinquantaine d'années, et commençait à se ramollir sur une de ses principales bosselures. — Un homme de 48 ans, qui vint me consulter en 1850, avait le sein gauche occupé par de larges fongosités cérébroïdes, en même temps que l'aisselle était remplie de tumeurs de même nature et non ulcérées. — J'ai dû extirper du creux de l'aisselle en 1847 une masse cancéreuse ulcérée chez un homme qui avait subi, dix-huit mois auparavant, l'ablation d'un large encéphaloïde de la mamelle. —En 1851, j'ai vu, avec le docteur Vignole, un ecclésias-tique dont la mamelle droite était le siège d'un cancer fongueux ulcéré, anfractueux, large d'un décimètre, qui a été attaqué et guéri parle caustique sulfurique. Vidal en a extirpé un, de son côté, chez un malade démon service à la Charité, et M. Bérard en a rencontré deux le même jour au Bureau central des hôpitaux. Blandin, M. Dé-guise, M. H. Larrey en ont aussi montré des exemples. »
Cette citation suffit, il nous semble, pour prouver que la mamelle de l'homme est sujette, comme la mamelle de la femme, quoique bien moins fréquemment1, aux différentes sortes de cancers.
Depuis la publication du livre de Velpeau, il a été rapporté dans différents recueils, ou communiqué aux sociétés savantes un certain nombre d'observations nouvelles ; nous n'avons pas la prétention de les consigner toutes ici ; nous allons seulement énumérer quelques faits et donner quelques indications bibliographiques.
Dans la France médicale (1861, p. 555) nous trouvons les rensei-gnements suivants empruntés à the Lancet. « M. Lyford a vu un exemple de cancer du sein chez un homme de 25 ans ; M. Walshe un autre chez un homme de 30 ans. Trois autres malades avaient 45, 56 et 67 ans. M. Moore rapporte l'histoire d'un'homme âgé de 42 ans bien portant jusque-là, sans maladie héréditaire, qui avait depuis un an, en dehors du mamelon gauche, une tumeur du volume d'une noix, un peu adhérente, légèrement douloureuse, accompa-gnée de quelques engorgements axillaires. Ses forces avaient di-minué. On enleva la tumeur ainsi que les ganglions. Le tissu mor-
1 T. W. Nunn, dans un travail intitulé : Abstract of notes of fifty cases of Cancer of the Breast,ne cite aucun cas relatif à l'homme [the Lancet, 1803, vol. 1, p. 690, et vol. II, p. 59 et 97). — De même, dans une note de Th. Bryant, ayant pour titre : Diseases of the Breastin the maie, et comprenant douze cas¡ il n'y a pas un seul exemple de cancer. [Ibid, 1868, vol. I, p. 285.)
bide, examiné au microscope, présenta, dit l'auteur, les caractères bien prononcés du cancer squirrheux.
i M. Fergusson a excisé, le 20 juillet, une tumeur grosse comme la moitié d'une orange, développée depuis sept mois cbez un homme de 35 ans, sans vice héréditaire et jouissant d'une bonne santé. Chez lui, une excoriation causée par des frictions médicamen-teuses s'était convertie en une ulcération et un fongus du volume d'une noix offrant tout à fait l'aspect d'un tubercule squirrheux. Il y avait aussi un engorgement de la grosseur d'un œuf, sous le bord antérieur de l'aisselle. Les malades de MM. Moore et Fergusson ont guéri.
« Chez un troisième sujet, âgé de 52 ans, confié aux soins de M. Wormuld, le mal avait débuté un an auparavant par un ulcère du mamelon gauche, avec un engorgement mou dans l'aisselle cor-respondante. On diagnostiqua un squirrhe. La santé était très-bonne. Cet homme se refusa à l'opération. »
Nous trouvons aussi, dans le journal the Lancet (1864, vol. II, p. 267), la relation du cas suivant :
Observation.—Cancer du sein chez un homme de 60 ans.—Extir-pation. — Guérison de la plaie.
Charles H..., âgé de 60 ans. 11 est amaigri; il raconte qu'il a tou-jours été bien portant, et il ne sait pas si quelque membre de sa fa-mille a été atteint de cancer. Il remarqua la tumeur il y a environ quatre mois; depuis lors, elle a été en augmentant graduellement, lentement et sans douleur. Il l'attribue à l'habitude qu'il a de pres-ser fréquemment sa poitrine contre le bord tranchant d'un coffre, tandis qu'il se penche pour en atteindre le contenu. La tumeur oc-cupe le sein droit et enveloppe le mamelon; elle a environ les dimensions d'une noix et paraît légèrement nodulée. Le système lymphatique n'est pas intéressé; l'appétit est conservé; la santé générale est bonne.
M. Childs, après avoir chloroformé le malade, enleva la tumeur le 11 juillet. Il ne se passa rien de particulier et R... quitta l'hôpital le 50 juillet, la plaie étant à peu près guérie. L'examen microsco-pique de la tumeur montra une gangue fibrocelluleuse, avec des cellules granuleuses, nucléées, irrégulières et considérées ordinai-rement comme pathognomoniques du cancer.
Nous traduisons le cas qui suit des Reports of the Dublin Patho-logical Societyl.
1 The Dublin quarterly Journal of Mie médical Sciences, n° LXXXVII, p. 468.
Observation. — Cancer du sein (Squirrhe). — Développement de la tumeur. — Adénites axillaires. — Extirpation. — Guérison des plaies.
Le docteur M'Clintock fait voir un exemple de fumeur mammaire qui lui a été envoyé de Dundalk par le docteur Brunker. Cette tu-meur occupait le centre de la mamelle gauche, immédiatement au-dessous du mamelon. Avant son ablation elle présentait les caractè-res ordinaires du squirrhe; elle avait une dureté extrême, était très-adhérente aux téguments et mobile à un très-faible degré ; deux glandes axillaires étaient hypertrophiées.
Quand la tumeur vint en la possession de M. M'Clintock, elle avait été immergée dans l'alcool pendant quelque temps, de telle sorte qu'on ne pouvait reconnaître plusieurs des caractères propres à se faire une opinion positive sur la nature pathologique de la tumeur. Elle était très-solide, très-dure dans sa texture, très-dense, et of-frait au toucher et à l'œil nu les caractères que l'on attribue d'ha-bitude au squirrhe. Toutefois cette production pouvait être une de ces formes de tumeur voisine du squirrhe, une variété de tumeur fibroplastique. Aussi ne pouvait-il dire avec certitude que c'était une tumeur squirrheuse.
Désireux de savoir si l'examen microscopique jetterait de la lu-mière sur le sujet, M. M'Clintock demanda au docteur John Barker de l'étudier. Celui-ci répondit qu'elle contenait une quantité consi-dérable de matière germinale active, et des traînées (hands) possé-dant un haut degré de réfraction, en somme les lésions qu'on voit dans le squirrhe.
La seule particularité de ce cas qui fût digne d'intérêt, c'est que la tumeur du sein existait chez un homme. Le malade était fort, âgé de 35 ans. Il avait remarqué une augmentation de volume de la mamelle deux années auparavant; mais, dansles derniers mois, la tumeur avait augmenté rapidement. Le docteur Brunker hésitait à recommander l'extirpation des ganglions axillaires. Toutefois, le malade insistait pour qu'on les enlevât, parce qu'il devait partir pour l'Amérique; le docteur Brunker céda à ses instances et les extirpa. La plaie se cicatrisa rapidement.
Les bulletins de la Société anatomique, si riches en faits patho-logiques, renferment aussi quelques cas de cancer de la mamelle chez l'homme ; malheureusement, le plus souvent, ils ne sont que mentionnés, et l'observation fait défaut. — Ainsi, en 1837 (t. XII)
et en 1852 (t. XXVII. p. 28) nous en trouvons deux cas ; en 1860, en 1865 et en 1866, nous trouvons trois nouveaux cas que nous allons rapporter avec la courte mention qui les accompagne.
Le premier est dû à M. Marcovitz : « La tumeur est située sur le grand pectoral, mobile sur son aponévrose, adhérente à la peau dans toute son étendue ; elle est oblongue et mesure dans son grand axe 12 centimètres, dans son petit 7 centimètres 1/2. Elle est bosselée, tant sur sa face cutanée que sur sa face profonde ; ces bosselures sont au nombre de dix ou douze, mais ne sont pas franchement li-mitées entre elles comme les adénoïdes. »
« A la coupe, elle crie sous le scalpel comme un tissu fibreux. La surface de la coupe est d'un gris rosé et huileux ; des tramées rouges indiquent la présence des vaisseaux. Vers son centre, on re -marque trois points, dont un plus considérable, d'une couleur jau-nâtre ressemblant à du pus concret ou à de la matière tuberculeuse en voie de ramollissement. Cette matière s'énuclée avec facilité et n'a aucune espèce d'adhérence celluleuse ou cellulo-vasculaire, ce qui indique que les parties qui la constituent ne vivent plus de la vie commune de la tumeur. Par le raclage, on obtient un suc lac-tescent très-abondant. »
« M. Robin, qui a fait l'examen de la tumeur, a trouvé qu'elle était formée par une trame fibreuse, d'ailleurs peu abondante, qui re-tient dans ses mailles des cylindres d'épithélium devenu pavi-menteux par segmentation de la matière amorphe d'interposition. Ces cylindres ne sont plus entourés de membrane propre glandu-laire. Les épithéliums, outre le changement qu'ils ont éprouvé par le passage à l'état de cellule, et l'hypergénèse dont ils sont le siège, se sont encore énormément hypertrophiés. Toutes les cellules sont nucléolées. Quant aux points jaunes qu'on remarque au centre de la tumeur, ce sont des épithéliums passés à l'état phymatoïde par la présence dans l'intérieur des cellules d'une grande quantité de granules graisseux réfractant fortement la lumière et qui masquent le nucléole et même le noyau1. »
Le deuxième cas, observé en 1865, est accompagné de cette sim-ple note : « M. Bernadet met sous les yeux de la Société une tumeur du sein, de nature probablement cancéreuse et constituée, au moins en apparence, par du tissu encéphaloïde. Cette tumeur a été re-
1 Bulletins de la Société analomique de Paris, t. XXXV, année 1860.— IIe série, t. V, p. 13\.
cueillie sur un homme de 65 ans. Elle date d'un an et est ulcérée depuis six mois. Pendant les deux derniers mois, elle est devenue le siège d'une hémorrhagie assez abondante *. »
Le troisième cas est tout simplement indiqué par celte courte note : « M. Bourdillat présente une tumeur du sein recueillie chez un homme de 68 ans. C'est une tumeur fibroplaslique2. »
Enfin, et pour terminer cette simple notice, nous signalerons en-core un cas de cancer du sein chez l'homme dont nous trouvons l'indication bibliographique, dans la Gazette hebdomadaire (1869, p. 501), et qui est dû au professeur Hargrave. (Médical Press and Circular, 1868, p. 8 3.)
Le cancer du sein se comporte chez l'homme comme chez la femme; on avait écrit, et Velpeau l'a cru pendant un certain temps, que les cancers du sein chez l'homme ne tendent ni à se disséminer, ni à gagner au large, ni à se répéter dans les viscères. — C'est une erreur ; la récidive et la généralisation de ces tumeurs cancéreuses ont été constatées plusieurs fois ; il semble cependant que l'extir-pation ou la destruction par les caustiques offrent quelques chances de plus chez l'homme que chez la femme. — En tous cas, ces tu-meurs doivent être soumises au même traitement, aux mêmes pré-cautions; d'un côté comme de l'autre, elles ne guérissent point spontanément; abandonnées à elles-mêmes, elles tendent fatale-ment à déterminer la mort ; aussi doivent-elles être extirpées aussi-tôt que possible.
NOTES ET OBSERVATIONS SUR QUELQUES MALADIES PUERPÉRALES
PAR BOURNEVILLE4 V. DEUX CAS DE DÉCHIRURE DU PÉRINÉE.
Les circonstances dans lesquelles se produisent les déchirures du périnée sont très-nombreuses. Telles sont une rapidité trop
1 Bulletins de la Société anatomique, t. XXXVIII, année 1865. — IIe série, t. VIII, p. 405.
2 Bulletins de la Société anatomique, t. XLI, année 1866. — IIe série, t. XI, p. 94.
3 Le recueil anglais n'existant pas à la bibliothèque de l'Ecole de médecine, nous n'avons pu traduire ce travail.
* Voy. Revue photographique, 1871, pages 25 et 82.
grande de l'expulsion du fœtus, la résistance du plancher périnéal, l'étroitesse du bassin, les manœuvres obstétricales, etc. Des trois femmes dont nous avons recueilli l'observation, deux ont eu le pé-rinée déchiré dans une application de forceps nécessitée par un ré-trécissement du bassin dû au rachitisme ; chez la troisième, il existait une cicatrice de la fourchette consécutive à un chancre phagédénique, et malgré une surveillance attentive on n'a pu pré-venir une rupture non-seulement de la cicatrice, mais encore d'une petite partie du périnée. Nous nous bornerons à la relation de deux observations : 1° celle d'une des deux femmes rachitiques; 2° celle de la malade qui portait une cicatrice de la vulve.
Observation I. — Rachitisme. — Rétrécissement de 8 centimètres. — Grossesse à terme. — Procidence du cordon. —Application du for-ceps. — Déchirure du périnée. — Accidents consécutifs. — Guérison.
Dev.... Marie, 34 ans, est entrée le 5 avril 1871, à l'hôpital de la Pitié, salle Notre-Dame, n° 10 (service de M. Molland.)
Antécédents. Sa mère a eu vingt et un enfants; elle est la dix-hui-tième; trois seulement ont survécu: ils sont bien conformés. Les autres sont morts dans l'enfance. — Dev..., née à terme, a été élevée au sein jusqu'à un an. Elle a marché à 14 mois; à cette époque, ses membres étaient normaux. A sept ans, elle aurait eu des convulsions et peu après ses membres se sont recourbés. La marche n'était plus possible qu'à l'aide de béquilles.
Passons maintenant à la description de la malade (voy. Planche XY1II et XIX). Sa taille mesure un mètre trente centimètres. La tète et le cou ont 27 centimètres. La physionomie indique une in-telligence médiocre, presque voisine de l'imbécillité ; la Planche XVIII le démontre d'une façon assez péremptoire. — Les membres supérieurs sont relativement très-longs ; lorsqu'ils sont dans l'ex-tension, l'avant-bras forme avec le bras un angle obtus ouvert en dedans. L'humérus droit, tordu sur lui-même, a cependant une di-rection rectiligne. Les os de l'avant-bras sont aplatis et un peu tordus ; leur extrémité inférieure est plus grosse que d'habitude. Les doigts sont longs et larges. — L'humérus gauche est recourbé en S; les os de l'avant-bras sont légèrement aplatis et sinueux. — L'altération rachitique est plus marquée à gauche qu'à droite ; il en résulte que le membre supérieur gauche (60 centimètres) est moins long que le droit (66 centimètres).
Le diamètre transversal de la poitrine, pris à 5 centimètres
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Planche XVIII.
RACHITISME, N I
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RACHITISME, N 2
au-dessous des clavicules , a 25 centimètres seulement ; par-tant la cavité thoracique est assez étroite. Elle n'est pas, du reste, trop déformée, à part l'aplatissement. — La colonne vertébrale ri est pas sensiblement déviée. (Voy. Planche XIX.)
Membres inférieurs. Les fémurs sont considérablement incurvés, à concavité dirigée en dedans, à convexité regardant en dehors (voy. Planche XVIII). Les os des jambes offrent des courbures en sens inverse, c'est-à-dire à concavité externe, à convexité interne, de telle sorte que, à leur partie moyenne, ils sont presque contigus (voy. Planches XVIII et XIX). Les pieds sont assez gros; leur pointe se dirige en dedans. — Les cuisses mesurent 25 centimètres de lon-gueur; les jambes, 25 centimètres et demi; le membre entier, 62 centimètres.
Sur la Planche XIX représentant la face postérieure du corps, on voit : 1° que les fesses, volumineuses, pendantes, cachent à peu près tout à fait les cuisses ; 2° que le bassin a encore une assez grande largeur.
Accouchement. Dev... est à terme. Au toucher, on constate (5 avril) ; 1° un rétrécissement d'environ 8 centimètres; 2° une présenta-tion du sommet. — Dans l'après-midi survient une procidence du cordon, que l'on parvient à réduire.— A neuf heures du soir, voyant que le travail n'avançait pas, l'interne de garde applique le forceps au détroit inférieur. En dépit des précautions nécessaires, le péri-née s'est un peu déchiré. L'enfant était mort. — La délivrance s'est opérée sans peine.
4 avril. P. 96, vibrant ; T. V. 58°,1. La nuit a été bonne. — L'u-térus, dévié à droite, est volumineux ; frictions hypogastriques. La déchirure intéresse la fourchette et deux à trois centimètres du plancher périnéal. Petites plaques ecchymotiques de la moitié infé-rieure de l'anneau vulvaire. — Soir : douleurs vagues au-dessus des aines. Caillots assez résistants. Soif vive; ni frissons, ni vomisse-ments. P. 104; T. V. 59°,5.
5 avril. P. 124; T. V. 40°,9. Le vagin contient quelques caillots que l'on extrait. La malade se plaint de coliques. —Injections d'eau phéniquée; lotions avec du vin aromatique. — Soir : P. 120 ; T. V. 59°,7.
6 avril. P. 112-116; T. V. 41°. La peau est chaude, la langue sèche; ni coliques, ni gârde-robes. — Les sems, volumineux, durs, fournissent une sécrétion jaunâtre. L'utérus, toujours à droite, est
encore assez gros. Lochies normales, sans caillots. —Soir : P. 108; T. V. 41°. — Huile de ricin, 50 grammes.
7 avril. P. 92, compté deux fois; T. V. 40. Langue humide, à peine saburrale ; appétit. —L'examen de la vulve fait voir des ul-cérations couvertes de dépôts grisâtres au niveau de la déchirure de la fourchette et du périnée, et sur la petite lèvre droite (contusion suivie d'ulcération). Les autres parties de la vulve sont rouges et un peu tuméfiées. — Les seins sont très-gonflés, sensibles ; la sécré-tion est blanche. Les lochies sont assez abondantes et colorées. — Langue humide; ventre indolore; constipation. —Soir: P. 104; T. V. 40°,5.
4 avril. P. 92 ; T. V. 59°,6. — Soir : P. 108 ; T. V. 40°. Les seins sont toujours sensibles.
9 avril. P. 80; T. V. 38°,5. Appétit; ventre indolore. La malade vient de prendre de l'huile de ricin. Il s'écoule de la vulve un li-quide muco-purulent, grisâtre, assez fétide. Les seins, surtout le droit, sont encore gonflés. — Les dépôts grisâtres, d'apparence pultacée plutôt que diphthéritique ou gangreneuse, persistent sur les ulcérations vulvaires. — Tampons avec teinture d'arnica; in-jections eau et alcool phéniqués. — Soir : P. 92 ; T. V. 39°,5; il y a eu cinq selles.
10 avril. P. 72 ; T. V. 37°,5. — Soir : P. 84 ; T. V. 39°,5. La ma-lade a eu, vers deux heures de l'après-midi, un léger frisson. — Ac-tuellement la face est colorée, la peau chaude. Les seins sont mous. — Les parties génitales externes sont plus gonflées.
11 avril. P. 76 ; T. V. 38°. — Soir : P. 88 ; T. V. 39°,1.
12 avril. P. 68; T. V. 37°,8. État général excellent. L'écoulement lochial est assez abondant. La déchirure vulvopérinéale a un bon aspect. La vulve n'est plus gonflée. — Soir : P. 84 ; T. V. 58°,5.
13 avril. P. 68; T. V. 38°,5. — Soir : P. 88 ; T. V. 39°,6. La peau est chaude ainsi que les joues, qui sont colorées. La malade a mangé avec appétit, il y une demi-heure. Elle déclare ne pas avoir eu de frisson et se plaint uniquement d'un peu de douleur dans la fosse iliaque gauche lorsqu'elle tousse.
14 avril. P. 84 ; T. V. 39°,5. Soir : P. 96 ; T. V. 39°,7. Rien dans l'état général n'explique l'élévation de la température enregistrée depuis quelques jours. La plaie vulvopérinéale n'a rien de plus que les jours précédents.
15 avril. P. 80; T. V. 39°. — Soir : P. 94; T. V. 59°.
16 avril. P. 68; T. V. 37°,4. — Soir : P. 80; T. V. 58°,6.
17 avril. P. 76; T. V. 58°,5. — Soir : P. 92 ; T. V. 39°,2. Encore une augmentation de la température assez inexplicable. Dev... mange deux portions ; les selles sont régulières. Les plaies sont rosées, se cicatrisent.
18 avril. P. 76 ; T. V. 38°,2. — Soir : P. 88 ; T. V. 38°,3.
19 avril. P. 76 ; T. Y. 38°. — Soir : P. 96; T. V. 38°,6.
20 avril. P. 100; T. V. 41°. Insomnie causée par les cris d'une malade couchée près d'elle. Frissonnement, sans tremblement, vers minuit. La région hypogastrique est un peu douloureuse, sans em-pâtement notable. — Soir : P. 100; T. V. 37°,7.
21 avril. P. 88 ; T. V. 39°,6. Sommeil passable. La malade dit qu'elle s'ennuie et pleure.— Soir : P. 104; T. V. 40°,4. Pas de frisson. Rien autre chose que des douleurs, d'ailleurs légères, dans la partie inférieure du ventre.
22 avril. Nuit excellente. P. 80 ; T. V. 38°. La plaie de la face in-terne de la petite lèvre droite a la largeur d'une pièce d'un franc; elle est superficielle. Celle de la fourchette et du périnée est rosée et se cicatrise. L'écoulement mucopurulent diminue. Les fonctions digestives se font convenablement. — Soir : P. 80; T. V.37°9.
23 avril. P. 64; T. V. 37°. — Soir : P. 72 ; T. V. 37°,1.
24 avril. P. 64; T. V. 37°. — Soir : P. 80 ; T. V. 37°,6. A partir de ce jour, la température est restée normale. Le pouls est tombé le 26, à 56, et les jours suivants est revenu à son chiffre physiolo-gique. Les plaies se sont cicatrisées peu à peu et Dev... est sortie le 3 juin de l'hôpital.
Réflexions I. — Rachitisme. Les déformations affectent principa-lement les membres et plus les inférieurs que les supérieurs. Le bassin, le thorax sont, il est vrai, moins développés, mais ils ont à peu près conservé leur forme. — La tête, par rapport au reste du corps, est longue, volumineuse. — Rappelons aussi la différence de longueur entre les membres supérieurs, la disproportion de ces membres avec le tronc. — Les courbures des membres inférieurs sont tout à fait classiques. — Enfin relevons un dernier détail, au point de vue de l'étiologie : cette femme est née la dix-huitième sur vingt et un enfants, et on sait que, d'après les auteurs, le rachitisme se voit surtout chez les derniers enfants d'une nombreuse famille.
II. Déchirure vulvopérinéale ; vulvite. La déchirure avait une étendue peu considérable. Elle donna lieu à une vulvite caractérisée d'abord par une rougeur diffuse, assez foncée, sur laquelle se dessi-
liaient des plaques ecchymotiques dépendant d'une contusion de la vulve due au séjour prolongé delà tôle de l'enfant dans l'excavation, el par un gonflement des petites et surtout des grandes lèvres. Bien-tôt, la plaie résultant de la déchirure, celles qui succédèrent aux plaques ecchymotiques se recouvrirent « de productions pultacées, jaunâtres ou grisâtres, productions sans consistance, sans organisa-tion aucune, qu'il serait impossible de saisir avec une pince et de soulever à la manière d'une toile ou d'une membrane, productions qui, par conséquent, peuvent être assimilées avec raison à ce que l'on désigne sous le nom de pourriture d'hôpital1. »
Sous l'influence des lotions avec le vin aromatique et avec l'alcool phéniqué, et des injections vaginales avec ce dernier médicament, les plaies se cicatrisèrent assez rapidement et la malade est sortie tout à fait guérie.
Dans ce cas, la température vaginale a présenté des oscillations assez curieuses et souvent assez inexplicables ; la seule cause plau-sible que l'on puisse invoquer, c'est le travail qui s'opérait du côté des plaies qui, cependant, au moment de l'augmentation de la température, n'étaient pas le siège de phénomènes douloureux.
(Yoy. PLANCHE XXIV, flg. 1.)
CHIRURGIE
TUMEUR FIBROPLASTIQUE DE LA RÉGION OCCIPITALE
par a. de îiontméja.
B..., âgé de 55 ans, entra, en février 1867, à l'hôpital Saint-Louis, dans le service de M. Folcher. Cet homme portait, à la région occipitale, une tumeur dure, élastique, mobile et mamelonnée, offrant approximativement le volume des deux poings réunis. Cette tumeur, dit le malade, avait mis trois ans à acquérir ce développe-ment, et, longtemps slationnairc avec un volume comparable à celui d'un œuf de poule, elle avait acquis sa dernière dimension durant les huit mois qui avaient précédé l'entrée du malade à l'hôpital.—
1 E. Hervieux, Traité clinique et pratique des maladies puerpérales, suites de couches, article Vulvitediphthéritique, p. 439.
REVUE PHTOGRAP HIQUE
DES HOPITAUX
TUMEUR FIBRO-PLASTIQUE
A sa partie supérieure, la] tumeur présentait une ulcération de 5 centimètres de diamètre qui fournissait une suppuration iétide. Le malade ne ressentait de douleur que dans le point ulcéré. (Voy. Planche XX.)
Sur les bords de l'ulcération, M. Foucher détacha un fragment de la tumeur.qui fut soumis à l'examen micrographique et reconnu comme appartenant à une tumeur fibroplastique.
Dans les premiers jours de mars, M. Foucher enfonça dans toute la circonférence du large pédicule de la tumeur des flèches caus-tiquesa
Ce ne fut que le 17 mars que la tumeur se sépara de la surface d'implantation, laissant à découvert unefplaie de 10 centimètres de diamètre, au milieu de laquelle une faible étendue de l'occipital était à nu.
La plaie, fort irrégulière d'ailleurs, se couvrait, peu de jours après, de bourgeons charnus dans certains points, tandis que des eschares se détachaient encore sur la circonférence.
Le 12 avril, les bourgeons charnus avaient déjà acquis un volume et un aspect inquiétants; un de ces bourgeons, examiné au micro-scope, fournit les mêmes éléments fusiformes dont on avait constaté la présence lors du premier examen ; les bourgeons furent cauté-risés journellement, et ces cautérisations répétées ne modifièrent pas sensiblement la marche envahissante du mal.
Des flèches au chlorure de zinc furent introduites dans l'épais-seur des tissus morbides, et, le 5 juin, le malade quittait le service de M. Foucher, sur sa demande, la plaie étant en voie de répara-tion.
J'ai revu ce malade un an environ après sa sortie de Saint-Louis, et c'est à ce terme que j'avais hâte d'en venir pour faire connaître ce que cette observation a de plus remarquable. — La tumeur fibro-plastique avait récidivé sur plusieurs points de la vaste cicatrice qui régnait sur l'occipital, et cette repullulation s'était effectuée sous forme d'îlots plus ou moins espacés sur le tissu cicatriciel.
Deux de ces îlots avaient le volume d'une noix, les autres étaient moindres. Le pédicule, très-court et presque aussi large que la tumeur elle-même, semblait adhérent à l'os.
Je pratiquai successivement l'ablation de ces petites tumeurs à l'aide d'un serre-nœud et j'appliquai sur la plaie une forte couche de caustique de Vienne, que j'y maintins pendant vingt minutes.
Les eschares se détachèrent presque toutes au bout du second
septénaire et la réparation se fit assez promptement, bien que les nouvelles plaies fussent toutes circonvenues par du tissu modulaire.
En janvier 1869, un parent de mon malade me rapporta que ce dernier était parfaitement rétabli, mais qu'il avait dû faire procéder à l'ablation d'une nouvelle tumeur que son petit volume avait mise à l'abri des cautérisations.
Voilà un cas dans lequel il a été fait usage de deux caustiques différents pour obtenir la destruction d'éléments néoplastiques qui ont pour caractère principal de tendre à la repullulation sur place. Le succès a couronné la ténacité du traitement et nous attribuons ce résultat à deux causes : la première, c'est que les caustiques agis-sent d'autant plus sûrement que la limite du mal est plus voisine d'une table osseuse qui limite à son tour l'action du caustique ; ici nous nous trouvions dans les meilleures conditions désirables pour employer fructueusement les flèches de chlorure de zinc, dont l'ac-tion est très-difficile à déterminer au point de vue de l'étendue; la seconde de ces causes, c'est que l'emploi de la pâte de Vienne, dont l'action se limite très-exactement, mais dont la puissance trouve des bornes plus étroites, nous a permis de détruire de petites por-tions de tissu morbide sans attaquer le tissu cicatriciel qui les envi-ronnait et qui s'était formé avec tant de difficulté.
PATHOLOGIE EXTERNE
DE L'INFLAMMATION PRIMITIVE AIGUË DE LA MOELLE DES OS (MÉDULLITE AIGUË)
PAR CULOT, INTERNE LES HOPITAUX DE PARIS. — SUITE -
8ïmptomatologie
Cette étude comprend deux ordres de phénomènes, les uns lo-caux, les autres généraux.
Symptômes locaux. — La douleur est le phénomène initial. Elle apparaît ◀tantôt▶ brusquement, plus souvent elle a été précédée pen-dant un temps plus ou moins long par une sensation de compression. Cette douleur est spontanée, continue, s'accroît la nuit, augmente
au moindre contact, au moindre mouvement ; elle gagne en étendue, en intensité, devient excruciante.
En même temps, un peu de tuméfaction survient, tuméfaction assez nette quand l'os atteint est superficiel (malléoles — face antérieure du tibia — calcanéum — radius — épaule) ; plus difficile à constater si l'os est profond (fémur). A cette tuméfaction localisée au siège du mal s'ajoute souvent un œdème plus ou moins diffus, que Roser regarde comme constant.
La coloration se modifie peu, — jamais, suivant Chassaignac; Schutzenberger, Giraldès, Bœckel sont d'accord pour admettre des marbrures, des plaques érythémateuses éparses. — La peau a souvent un aspect terreux, cireux. Si l'os atteint est superficiel, le tégument peut rougir.
Si l'on porte les mains sur les parties malades, on détermine une douleur extrêmement vive ; il y a un peu de chaleur locale, souvent de l'œdème. Profondément on sent, au début, une masse dure, ré-sistante, à large base, semblant se continuer avec l'os. Plus tard, cette masse se ramollit et l'on peut y percevoir une vague fluctuation. Puis le périoste éraillé, détruit, laisse fuser la collection purulente, dont la constatation devient dès lors beaucoup plus facile.
Si l'on ouvre avec le bistouri, il s'écoule une quantité de pus qui, par son abondance, dépasse très-souvent les prévisions du chirur-gien. Ce pus, suivant Chassaignac, serait toujours primitivement fétide et pourrait, dans certains cas, les ostéomyélites, contenir des gouttelettes huileuses. Andrea et. Roser ont étudié les conditions anatomiques de la production de ces gouttelettes huileuses. Ces deux caractères peuvent manquer et leur valeur diagnostique et pro-nostique nous a semblé minime. L'incision faite, le pus écoulé, il faut introduire dans la plaie un stylet et mieux le doigt, et l'on constate alors l'existence du tissu osseux à nu au fond de la plaie.
Souvent tons les phénomènes locaux et généraux tombent après cette incision. Il y a arrêt ou au moins rémission dans les phéno-mènes. Chassaignac a établi que les douleurs et les troubles géné-raux persistant après l'ouverture indiquaient une ostéomyélite. C'est là un fait vrai dans beaucoup de cas, mais sur lequel il ne faudrait pas se fonder absolument pour porter un pronostic grave.
Il arrive en effet qu'une incision faite prématurément, et excellente d'ailleurs, n'arrête pas la médullite, qui continue à gagner la couche sous-périostique. Je citerai à l'appui l'observation du premier mé-moire de Bœckel, où les douleurs reparurent après l'incision et où
cependant le recollement périostal se fit dans toute l'étendue du péroné, sans la moindre nécrose.
Outre ces phénomènes locaux, on peut voir, quand la maladie occupe les extrémités des grands os, des décollements épiphy-saires plus ou moins complels, qui se manifestent par leurs signes anatomiques habituels; l'envahissement des arliculations voisines qui, par quelque mécanisme qu'il se fasse, présente ce fait bien sin-gulier de ne provoquer aucune douleur, — ou bien des fractures diaphysaires assez rares d'ailleurs. Les ganglions lymphatiques res-tent indemnes ; les gros troncs veineux sont quelquefois obli-térés.
Les fonctions du membre sont complètement troublées. Il reste dans une immobilité absolue, légèrement fléchi le plus souvent, et le malade, péniblement impressionné par les manœuvres du méde-cin, ne veutou ne peut éloigner la partie malade et ne se défend que par ses cris.
Les phénomènes généraux peuvent manquer complètement, ou du moins être assez peu marqués pour passer inaperçus. Ce sont toutefois des faits rares et qui ne se rencontrent que dans la mé-dullite aiguë des adultes.
Chez les adolescents et surtout les enfants, ils existent presque constamment et se présentent sous deux aspects principaux : fran-chement inflammatoires ou typhiques. Ces deux formes sont clini-quement loin d'être exclusives. On trouve dans les observations nombre de cas douteux et qui établissent la transition entre les formes inflammatoires et typhiques, et de plus trop souvent l'état typhique vient compliquer une médullite qui avait primitivement des phénomènes inflammatoires. Ces réserves faites, et pour les besoins de la description, nous les étudierons séparément.
1° Forme inflammatoire. La bénignité relative de cette forme, la simplicité des symptômes que l'on rencontrait dans toutes les inflam-mations franches, lui ont valu d'être négligée par la plupart des au-teurs. C'était une maladie rentrant parfaitement dans les cadres de la pathologie. Comme tout y était simple, on la négligea comme forme morbide, l'attention se porta surtout sur ses suites, et, au lieu d'occuper sa place nosologique réelle, elle disparut dans l'é-tude des nécroses aiguës.
J'en vais faire une description sommaire. A la suite d'un coup, d'une chute, d'une violence quelconque, — sans cause apparente
quelquefois, un enfant se plaint tout à coup d'une douleur sur le trajet d'un os. Cette douleur devient très-vive; on ne peut toucher le siège du mal. En même temps ou à peu près survient de la céphalalgie, quelquefois un petit frisson; la face s'anime, le pouls s'élève, l'enfant est courbaturé, se plaint de douleurs dans les membres, les jointures. La soif est vive, l'appétit dis-paraît, il y a de la constipation. Cet état peut augmenter, l'enfant ne peut dormir, quelquefois il a un léger délire, il est agité. En même temps, l'état local se prononce. A la douleur se joint un peu de tuméfaction. L'enfant n'ose mouvoir la partie malade.
Après quelques jours d'augment, 4, 6, 10 et plus, on con-state delà fluctuation. On ouvre, le pus s'écoule. On sent l'os à nu au fond de la plaie. L'amendement est immédiat le plus souvent. Les phénomènes généraux tombent. L'état local, suivant qu'il y a ou non nécrose, que cette nécrose est plus ou moins considérable, parcourt ultérieurement des phases fort diverses rentrant dans l'étude des nécroses en général.
2° Forme typhoïde. La gravité de cette forme, la singularité de ses symptômes, de sa marche, ses lésions multiples, une certaine mode lui ont valu dans ces dernières années l'honneur de nombreux tra-vaux. Ses symptômes ont été très-bien étudiés, et je n'aurai ici qu'à répéter une description qu'on trouvera partout. Le début local consiste en une douleur plus ou moins intense que nous avons étudiée aux phénomènes locaux.
Après un temps variable et quelquefois très-court, le malade est pris de réaction inflammatoire plus ou moins vive. ◀Tantôt▶ cette forme est tout à fait transitoire., les phénomènes prennent de suite une acuité extrême, d'autres fois elle se maintient plus ou moins long-temps pour aboutir cependant au syndrome typhique. La gradation est insensible et de rapidité très-variable. Les phénomènes présen-tent d'ailleurs une mobilité fort remarquable dans certains cas.
La langue reste ◀tantôt▶ rouge, pointue, petite, plus souvent se sèche, s'encroûte de fuliginosités, en même temps que les lèvres, les dents. L'appétit est nul ; le malade se plaint assez souvent d'une vive épigastralgie, et de nausées; il vomit. Le ventre se ballonne et une diarrhée abondante survient presque constamment. On constate souvent de la tuméfaction de la rate.
Le pouls est rapide, dicrote, atteint 120, 150 et plus. La tempéra-ture rectale est très-êlevée, dépasse 40°. La respiration, accélérée,
laisse entendre des râles disséminés. La peau est le plus souvent sèche, terreuse, chaude, acre. Les urines sont rares, très-chargées, quelquefois albumineuses.
Le système nerveux est surtout affecté. — La céphalalgie est souvent très-vive. Il y a dans quelques cas une hyperesthésie géné-ralisée (Louvet). Le malade se plaint beaucoup de douleurs dans les membres et dans tout le corps (Louvet); « il pousse à chaque instant des cris perçants, non-seulement lorsqu'on vient l'examiner, mais encore sans cause apparente...» «Les cris aigus se répètent à chaque instant et le malade paraît à peine en avoir conscience. La moindre pression sur un point quelconque du corps suffit pour les provo-quer, mais le plus souvent le malade les pousse sans motif appré-ciable (Louvet).» Quinquaud note « des douleurs intolérables qui for-cent le malade à pousser des cris. » Gamet signale également ces cris répétés, qu'il attribue à la violence de la céphalalgie, et dans sa première observation il dit cependant : « Le malade, immobile, pousse à chaque instant des cris aigus, perçants, sans cause appré-ciable, mais redoublant quand on approche de lui et qu'on le touche le plus légèrement possible. Il ne peut indiquer le siège net de la souffrance1. »
Bien plus fréquent est le délire, délire très-mobile, du reste, sou-vent calme, quelquefois agité et tel que le malade, rompant avec l'habitude d'immobilité qui lui est particulière, se lève, frappe et se rompt l'os, altéré par la maladie. (Verneuil, Henrot.) La prostra-tion, l'adynamie, le coma succèdent, alternent avec le délire, et fi-nissent par prédominer.
1 Dans un cas de périostite phlegmoneuse diffuse de l'extrémité supérieure de l'humérus gauche, que j'ai pu observer dans le service de M. Giraldès, le malade ne pouvait mouvoir ni bras ni jambes, à cause des vives douleurs que provoquaient ces mouvements. Il y avait hyperesthésie cutanée, le cuir chevelu et le dos ex-ceptés. Le grattement musculaire était très-pénible, sauf aux gouttières verte* braies, au crâne et à la langue. Le malade ne pouvait serrer la main, ce serre-ment devenant douloureux par la moindre contraction musculaire.
Outre ces douleurs provoquées, le malade accusait toujours des douleurs spon-tanées survenant d'une façon irrégulière et par accès, surtout fréquents la nuit, et empêchant le sommeil, ou réveillant douloureusement le malade J'assistai un jour à l'un de ces accès et je vis un véritable tremblement musculaire concomi-tant et peut-être producteur de la douleur. Je regrette de n'avoir pas recherché si celte concomitance était constante. Quoi qu'il en soit, les douleurs spontanées, l'hyperesthésie musculaire semblent établies par ces faits. Leur nouveauté m'a obligé d'insister un peu. — On a peu examiné la moelle et ses méninges, où il faudrait rechercher la cause anatoinique de ces troubles. La motilité est égale-ment troublée. On a vu des soubresauts des tendons, de la carphologie, des con-vulsions.
Il y a une dépression considérable des forces. L'amaigrissement, l'anémie, surviennent rapidement sans être expliqués par la fré-quence des selles, l'inappétence et l'insomnie. Il faut nécessaire-ment, pour les comprendre, admettre un trouble considérable de la nutrition, que la facile production d'eschare vient aussi con-firmer.
Tous ces symptômes s'associent entre eux dans des rapports très-divers et forment une foule de variétés cliniques dont la description n'est guère possible. C'est à la lecture des observations et surtout à l'examen des malades qu'il faut recourir pour avoir quelque idée de la multiplicité d'aspect qu'avec un fond commun, la maladie peut présenter.
{(La fin prochainement.)
PATHOLOGIE INTERNE
DE LA TEMPÉRATURE DANS L'URÉMIE; COMPARAISON AVEC LA TEMPÉRATURE DANS L'ÉCLAMPSIE PUERPÉRALE
PAR BOURNEVILLE 1 — suite —
Pour compléter ce qui a trait à l'historique, nous devons citer encore l'opinion émise par M. Hirtz dans son article sur la Chaleur2, et mentionner un cas observé par M. Hutchinson. Parlant des ma-ladies qui s'accompagnent d'un abaissement de la température du corps, M. Hirtz signale certains états toxiques du sang entravant l'oxydation chez les ivrognes, et surtout Y urémie chronique, dans laquelle il a une fois constaté une descente de 54°,4 5.
Sous ce titre — Suppression de l'urine, jaunisse. — M. Ilutchin-
1 Voy. Revue photographique, page 109.
2 Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, 1869, t. VI, p. 794.
3 Maintes fois M. Charcot a noté un abaissement de la température chez des femmes de son service, atteintes de cancer de l'utérus ayant produit une compres-sion des uretères suivie d'urémie. Toutefois l'exploration thermométrique n'a jamais été pratiquée d'une manière méthodique. Nous même, à l'époque (1868) où nous avions l'honneur d'être son interne, nous avons recueilli des notes de ceg-enre, entre autres chez une malade nommée Gelosse (salle Sainte-Anne, n° 18).Elle avait un cancer de l'utérus et de la vessie qui comprimait les uretères et qui occasionna consécutivement une dilatation de ces conduits et des bassinets. La température rectale prise l'avant-veille et la veille de sa mort était à 36°,8 et 37° alors que le pouls était à 100.— Vanurie sans urémie ne s'accompagne pas d'un abaissement
son a publié dans the American Journal of the Médical Sciences (1870, n°CXiX, p. 154) une observation que nous résumons.
Observation ÎII. — Blennorrhagie. —Rétrécissement de Vurèthre.— Suppression de l'urine. — Jaunisse. — Urémie. —Abcès de la pros-tate. — lls'agitd'un homme de 40 ans qui cutunegonorrhée enl860. Celle-ci guérit vile, mais laissa un rétrécissement de l'urèthre qui, à différentes reprises, nécessita l'emploi delà sonde. Le 25 février 1870, cet homme ne put uriner; le cathétérisme pratiqué deux fois ne fit rien sortir. Douze heures après la dernière exploration, X... rendit 280 grammes d'urine foncée, contenant de l'albumine et dans laquelle le microscope fit découvrir de nombreux globules san-guins rouges. Le lendemain soir, il survint un ictère.
27 février. — Pas de miction depuis la dernière note ; pas de matité à l'hypogastre. Pouls à 82, respiration un peu plus fréquente qu'à l'état sain. La langue et les dents sont couvertes d'un enduit sec et brunâtre ; la soif est vive ; la vésicule biliaire est sensible. Insomnie, etc.
28 février. — Le malade a rendu une petite quantité d'urine al-bumineuse, ne renfermant pas les matières colorantes de la bile.
1er mars. — 75 grammes d'urine. Vomissements incoercibles; hoquet. -— On remarqua plusieurs fois que la température de la surface du corps était basse. Le thermomètre, placé dans l'aisselle, donna 54°, 44 et 56°. — Tous les symptômes qui précèdent, sauf la diminution de la sécrétion de l'urine, qui redevint libre le 4 mars, persistèrent avec la même intensité; il s'y joignit même de la diarrhée. Le malade mourut le 7 mars sans avoir eu ni somno-lence, ni tendance à la stupeur.
Autopsie. Nous ne relevons que les lésions de l'appareil urinaire. Les reins sont hypertrophiés, ont une couleur jaune pâle, et offrent les altérations d'une néphrite chronique. — Rétrécissement de la por-tion membraneuse de l'urèthre. — Abcès dans l'un des lobes de la prostate.
II
Tels sont les faits et les renseignements que nous avons pu ras-» sembler en parcourant les travaux publiés sur ce sujet et les recueils
de ta température. Une malade du service de M. Charcot, qui ne rend guère quune quinzaine de grammes d'urine par semaine, mais a des vomissements co-pieux, ayant une odeur uriileuse, conserve une température normale.
périodiques. Nous allons maintenant exposer les cas que nous avons recueillis et voir s'ils concordent avec ceux des auteurs.
Observation IV. — Accidents dyspne'iques. — État d'hébétude ; coma. — Abaissement considérable de la température centrale. — Mort. — Dégénérescence kystique des reins. (Obs. recueillie avec mon ami Raymond). — Ross, Jacques, 45 ans, tonnelier, est entré le 10 janvier 1871 à l'hôpital de la Pitié, salle Àthanase, n° 54 (ser-vice de M. Marrotte.) Les personnes qui ont amené cet homme ont simplement raconté qu'il était atteint de dysenterie (?) depuis une quinzaine de jours. Le soir, nous le trouvons dans un état d'hébétude qui ne permet pas d'obtenir de lui le moindre rensei-gnement. Il a une dyspnée intense que semblent expliquer les râles bronchiques nombreux que l'on entend des deux côtés de la poitrine en arrière. Pas d'affection cardiaque probable. Les jambes ne sont pas œdématiées.
11 janvier. Le malade est dans le coma le plus profond. La dys-pnée, compliquée de cyanose, est plus prononcée qu'hier soir. A l'auscultation, on constate l'existence de râles sous-crépitants dans toute la hauteur des poumons. Les muscles respirateurs se con-tractent lentement et avec effort. Le pouls est petit, filiforme. Les battements du cœur sont précipités, sans énergie.
Toute la nuit, R... a poussé des cris plaintifs, qui persistent ce matin, mais plus rares et plus étouffés. Les yeux sont immobiles, non déviés. Il n'y a ni contracture ni paralysie. La sensibilité gé-nérale est à peu près tout à fait abolie, si ce n'est au ventre, de chaque côté de la ligne médiane, où la pression est encore assez douloureuse pour déterminer par action réflexe des mouvements de la tête. La percussion des lombes produit le même phénomène. La température rectale prise avec soin, d'abord par Raymond, puis par moi, et vérifiée avec un autre thermomètre, était, à neuf heures du matin, de 50°,1. — Le malade a uriné une fois sous lui, mais en petite quantité, si l'on en juge par le peu d'étendue de l'endroit mouillé.
R... meurt à midi 45 minutes. La température prise cinq mi-nutes plus tard était à 28°,4. A deux heures, elle était encore à 28°,4, le cadavre étant toujours dans le lit.
Autopsie le 12 janvier. — Adhérences pleurales des deux côtés. Congestion très-forte du lobe inférieur du poumon gauche. Conges-tion et œdème du poumon droit. Légère hypertrophie du cœur (405
gr.). Ni lésions valvulaires, ni surcharge graisseuse. — Quelques plaques athéromateuses sur ïaorte.
L'estomac présente, à sa face interne, plusieurs petites taches ecchymotiques. — Sur la muqueuse intestinale on voit de nom-breuses arborisations, en particulier sur la première moitié. — Le gros intestin est normal. —Foie, sain; pas de calculs. — Rate, 100 gr.—Pancréas très-graisseux.
La tunique fibreuse du rein gauche est épaissie, très-adhérenle à la surface du rein, qui est grenue et parsemée d'un grand nombre de petits kystes. 11 y a une atrophie considérable des deux substances, qui sont confondues, pâles, jaunâtres (75 gramm.); le rein droitoiïre les mêmes lésions, à un degré encore plus avancé : il ne pèse que 52 grammes. — La vessie, normale, ne contient pas d'urine.
L'encéphale pèse 1555 gr. À l'ouverture delà dure-mère, il s'é-coule une assez grande quantité de sérosité. —Les artères sont saines.—L'hémisphère gauche pèse 10 grammes de plus que le droit. — Cervelet et isthme, 170 gr.
Selon nous la terminaison fatale ne peut être mise que sur le compte de l'urémie due elle-même à la néphrite. Les deux reins étaient profondément désorganisés et, par conséquent, la dépuration devait rencontrer les plus grandes difficultés.
D'un autre côté, s'il est vrai que les désordres de l'uropoièse dé-pendent plus de l'étendue de la lésion que de son degré, il est in-contestable que, chez notre malade, ils devaient être considérables, car les lésions intéressaient toute l'étendue des glandes rénales. L'absence d'altération importante des autres organes vient aussi plaider en faveur de la réalité de l'urémie, qui a revêtu chez notre malade la forme comateuse et dyspnéique.
Rappelons encore que, pendant son séjour à l'hôpital (dix-huit heures), il n'a uriné qu'une seule fois et en petite quantité, et que, à l'autopsie, la vessie fut trouvée vide. Mais le point le plus im-portant de notre observation, c'est l'abaissement énorme de la température rectale. En présence du chiffre qu'il enregistrait, — 50°, 1, M. Raymond nous appela pour en vérifier l'exactitude par nous-même. Le thermomètre fut enfoncé plus loin et laissé long-temps en place : la colone mercurielle ne bougea pas. Nous obtînmes le même résultat avec un autre thermomètre. Nul doute n'était donc plus permis. — Le fait suivant vint bientôt, du reste, confir-mer le précédent.
Observation V. — Hébétude. — Œdème des jambes. — Attaque apoplectiforme; ses caractères. —Abaissement de plus en plus marqué de la température rectale. — Coma permanent. —Mort. — Néphrite par enclin mateus e. —Analyse de l'urine. — Petit, Jules, 67 ans, jour-nalier, est entré, le 23 février 1871, à l'hôpital de la Pitié, salle Athanase, n° 28 (service de M. Marrotte). — Il est venu seul à la con-sultation et est monté dans la salle à onze heures. 11 raconte à la sœur qu'il a souffert beaucoup de la misère et que, s'il est si sale, si noir, c'est qu'il s'est chauffé avec du goudron ! Il se coucha et ne dit rien jusqu'à l'heure du dîner (4 heures). Alors, voyant qu'on donnait à manger aux malades et que lui, il n'avait rien, il réclama et se mit à pleurer. A six heures, notre ami Peltier, interne du ser-vice, trouva cet homme dans un état d'hébétude ne lui permettant pas cle répondre aux questions qu'on lui adressait. Cependant toute compréhension n'était pas abolie, car lorsqu'on voulut l'ausculter, le malade s'assit avec l'aide de l'infirmier. L'examen des poumons et du cœur fut d'ailleurs négatif. Les membres inférieurs, non para-lysés, sont œdématiés dans une assez grande hauteur.
Deux heures plus tard (8 heures), le malade était pris d'une atta-que apoplectiforme offrant les caractères suivants :
Coma profond, stertor. La face regarde à droite; le menton est un peu élevé. Quand on écarte les paupières, qui sont fermées, on voit les globes oculaires fortement dirigés vers la droite et en bas ; les pupilles sont égales. Les plis du front, effacés à droite, sont assez accusés à gauche; on note la même différence pour les sillons nasolabiaux. Des deux commissures labiales s'écoule une salive mousseuse, blanche, abondante. Le cou est roide.
Les membres supérieurs sont rigides ; le droit l'est moins que le gauche et, au bout de quelques instants, on voit le malade le soule-ver d'une façon automatique. — Les membres inférieurs sont dans l'extension et très-rigides, le droit un peu moins que l'autre, — Rien d'appréciable au point de vue de Insensibilité. —Pas d'évacua-tions involontaires. — Pouls 56; R. 28; T. R. 33°,7 après dix minutes et le thermomètre étant bien placé.
9 heures. Le malade meut la tête en divers sens ; la face est pâle et froide au même degré des deux côtés. Les paupières, entr'ouvertes, laissent voir les globes oculaires agités de mouvements de laté-ralité. Les narines sont dilatées. Le malade fume la pipe; les lèvres sont décolorées, un peu violacées ; il n'y a plus d'écume.
De temps en temps on observe des mouvements de flexion des
avant-bras sur les bras. La contracture varie : ◀tantôt▶ elle est très-accusée, ◀tantôt▶ moins; elle prédomine parfois à gauche, d'autres fois à droite, et cela aussi bien pour les membres supérieurs que pour les inférieurs. Ainsi, à ce moment, le membre inférieur droit est plus rigide que le gauche, surtout au niveau du genou. — Une selle. — Par le cathôtérisme nous avons obtenu environ un verre à Bordeaux d'urine claire. — P. 64; R. 28 ; T. R. 32°,6.
10 heures. Pâleur et refroidissement de la peau sans qu'il y ait de différence entre les deux côtés. — La face est moite, froide ; les yeux sont dirigés en avant et un peu en haut ; les pupilles, non contractiles, sont égales et normales. Les globes oculaires sont insensibles au contact de la pulpe du doigt. Le chatouillement du bord palpébral inférieur produit le même effet des deux côtés, à savoir l'abaissement delà paupière supérieure. La bouche est en-tr'ouverte, plus à gauche qu'à droite, ce qui est l'inverse de ce que nous avions vu au précédent examen.
Membre supérieur droit : soulevé, il retombe inerte ; les doigts, le poignet, le coude, sont flasques; l'épaule offre une certaine roi-deur. — Membre supérieur gauche : flaccidité absolue.
Vers les membres inférieurs, à part une légère roideur du genou droit, toutes les jointures sont flasques. — Selle diarrhéique. P. 56 avec deux irrégularités ; R. diaphragmalique à 24 ; T. R. 52",4.
11 heures. Flaccidité complète des quatre membres. Refroidisse-ment notable du tégument externe. — P. 50 avec six arrêts ; R. 22 ; T.. R. 52°,2.
Minuit. De nouveau, la face est inclinée sur l'épaule droite, posi-tion qu'elle reprend si on la porte vers la gauche. Les yeux, aussi, sont dirigés à droite. Même refroidissement de la peau; pas de sueurs. — Râles trachéaux. — P. 52; R. 20; T. R. 51°,8 à peine.
24 février ; une heure. Le malade vient de mourir. A la main, les membres sont un peu moins froids qu'à minuit. Nulle trace de roi-deur. T. R. 51°,5. Un thermomètre à maxima laissé dans le rectum jusqu'à cinq heures du matin n'a pas bougé.
Autopsie le 25 février à dix heures. — Le cuir chevelu, les os, la dure-mère ne présentent rien de particulier. A l'incision de celte dernière membrane, il s'écoule une assez grande quantité de li-quide céphalorachidien. La pie-mère est pâle; les artères delà base ne sont pas athéromateuses. — L'encéphale pèse 1580 gr. ; les hé-misphères sont égaux. — Les circonvolutions sont saines et de
nombreuses coupes ne font découvrir aucune lésion. — Lecrvelet et V isthme pèsent 170 gr.
Thorax. Il y a un peu d'œdème du lobe supérieur du poumon gauche, une légère congestion du lobe inférieur du même poumon et des lobes supérieur et inférieur du poumon droit. — Le péricarde renferme quelques grammes de sérosité. Les quatre cavités dacœur sont distendues par des caillots noirs et blancs. Le tissu cardiaque est résistant; il n'y a pas d'altération des valvules. Le cœur pèse 500 gr. — Sur la crosse de Y aorte on trouve plusieurs petites pla-ques graisseuses, mais il n'y a rien sur les autres régions de ce vais-seau.
Abdomen : le foie très-congestionné, noirâtre, sans calculs, pèse 1510 gr. — Rate (80 gr.), saine. — Estomac, rien. — Rein gauche (155 gr.), surface lisse; substance corticale jaunâtre, paie; pyra-mides distinctes.— Rein droit (150 gr.) ; l'anémie, la couleur jaunâtre sont encore plus prononcées que sur l'autre rein; les py-ramides elles-mêmes sont pâles au centre, confuses sur leurs bords.— Vessie, saine et vide.
Lésions rénales répondant au troisième degré des néphrites pa-renchymateuses, telles sont, en somme, les seules altérations que l'autopsie fit découvrir chez cet homme. Le cerveau était parfai-tement sain. Or les lésions, portant sur les deux reins et sur l'en-semble de chacun d'eux, étaient capables, on le sait, de produire l'urémie.
Une deuxième preuve de l'existence de l'intoxication urémique nous est fournie par l'analyse de l'urine. Voici les résultats obtenus par notre ami Carville.
Ainsi pour 1000 grammes, cette urine ne contenait que 15sr,68 d'urée. Or la quantité moyenne d'urine rendue en vingt-quatre heures par l'homme sain étant environ de 1250 grammes, nous au-rions donc seulement 16 grammes d'urée pour 1250 grammes d'urine de notre malade. 11 y a loin de ce chiffre — 16 grammes — à celui de 50 à 52 grammes d'urée que renferment les 1250 grammes d'u-rine de l'homme, à l'état physiologique. 11 est même probable que
Eau.................. 969 grammes.
Urée.................. 13,68 —
Matières extractives........... 2,32 —
Matières albuminoïdes.......... 16 —
Matières minérales........... 8 —
1000 grammes.
1250 grammes d'urine de notre malade n'auraient même pas donné 16 grammes d'urée : (a) parce que l'urine ayant été analysée un jour après qu'elle avait été recueillie avait subi un certain degré de con-centration ; (b) parce qu'il s'agissait d'urine de la nuit, laquelle est plus chargée de matières excrémentitiellesque celle du jour.
La réalité de l'urémie étant bien démontrée, jetons un coup d'œil sur la marche de la température.
Quelques minutes après le début de l'attaque apoplectiforme, symptomatiquede l'urémie, nous constatons un abaissement remar-quable de la température rectale : 55°,7. Une heure plus tard, la température ayant encore diminué (52°,6), nous crûmes que le ther-momètre dont nous nous servions était défectueux; mais une nouvelle explo-ration pratiquée avec un autre thermo-mètre donna le même chiffre.
Enfin, durant les cinq heures qui s'écoulèrent depuis le commencement de l'attaque jusqu'à sa terminaison, la température continua de baisser à tel point que, à l'instant de la mort, elle était descendue à 51°,5. (Fig. 4). Nous trouvions donc dans ce cas la confir-mation des résultats thermométriques enregistrés dans les observations pré-cédentes.
Fig-. a. — La ligne pointitlée repré-sente le tracé du pouls (P); la ligne pleine celui de la tempéra-ture. — et II correspondent au pouls et à la température 10 à lo minutes après le début. = température aussitôt après la mort. Chaque ligne verticale ré-pond à une heure.
Des faits que nous venons de citer nous semblent ressortir les enseigne-ments suivants :
I. L'urémie s'accompagne d'un abais-sement considérable de la tempéra-ture ;
IL Cet abaissement s'accuse de plus en plus à mesure que la maladie approche d'une terminaison fatale ; III. Aussitôt après la mort, l'abaissement atteint son maximum.
III
Si l'on met en regard les uns des autres les tracés thermométri-ques obtenus dans Yéclampsie puerpérale et dans l'urémie, on décou-vre entre eux un contraste frappant.
1° On note, au début, une élévation de la température dans Yéclampsie puerpérale et un abaissement de la température dans Y urémie;
2° Dans le cours de l'état de mal éclamptique, la température monte de plus en plus et avec une assez grande rapidité, tandis qu'elle baisse progressivement dans le cours de lurémie;
5° Ces différences s'accentuent encore au moment de la mort : dans l'eclampsie, la température arrive à un chiffre très-élevé (41°); — dans l'urémie, au contraire, elle descend très-bas, bien au-dessous du chiffre normal (28°,1).
Insister plus longuement serait superflu : ce court parallèle indique d'une manière suffisante qu'il s'agit là, ainsi que nous le disions en commençant notre travail, de deux affections à tous égards dissem-blables.
BIBLIOGRAPHIE
Les eaux minérales dans le traitement des affections utérines, par le docteur Félix Roubaud, lauréat de l'Institut et de l'Académie de médecine, médecin directeur des eaux minérales de Pougues. In-18 de 192 pages. 1870. Paris, Adr. Delahaye.
Cet ouvrage, intéressant déjà par l'importance des maladies dont il s'occupe, a de plus tout l'attrait de la nouveauté. En effet, M. Roubaud nous le dit, la plupart des auteurs qui ont écrit sur les maladies utérines passent sous silence la thérapeutique hydrominé-rale de ces affections. Quelques-uns ne paraissent citer les eaux mi-nérales que pour être complets, mais sans y attacher une grande importance.
Quant aux ouvrages spéciaux d'hydrologie, l'auteur en fait une juste et spirituelle critique en montrant les spécialistes qui essayent de transformer en panacées des eaux d'une valeur thérapeutique souvent nulle ou très-médiocre, au moins en ce qui concerne cer-taines classes de maladies. Cette critique faite par un hydrologiste, par le médecin directeur des eaux de Pougues, doit nous être une garantie des assertions émises dans son livre. On ne pourrait pas, sans injustice, comparer l'auteur à l'orfèvre de l'Amour médecin.
M. Roubaud divise son ouvrage en trois sections, dans lesquelles il s'occupe successivement : 1° des affections utérines tributaires
des eaux minérales; 2° de la matière médicale des eaux minérales; 5° de la thérapeutique des affections utérines par les eaux miné-rales. Cette troisième section est, à proprement parler, la partie originale du livre. Nous devons cependant faire remarquer, et cela va de soi, que l'auteur élimine de la thérapeutique par les eaux mi-nérales les maladies aiguës de l'utérus, les affections malignes et enfin ces productions telles que les polypes, les tumeurs fibreuses, les kystes.
Dans la seconde partie, les eaux minérales sont examinées au triple point de vue cle leur composition chimique, de leur tempéra-ture,, de leurs différents modes d'emploi. Voyant dans les eaux autre chose que l'action chimique, il se préoccupe moins, pour les grouper, de leur composition que de leurs effets physiologiques, et il arrive ainsi à diviser les eaux minérales en trois grandes classes :
1° Les eaux diurétiques s'adressant à l'émonctoire rein;
2° Les eaux purgatives s'adressant à l'émonctoire intestin;
3° Les eaux diaphorétiques s'adressant à l'émonctoire peau ;
Nous devons reconnaître, d'ailleurs, que cette division répond à cette autre classification chimique : eaux alcalines, salines, sulfu-reuses.
M. Roubaud fait ressortir ensuite les effets thérapeutiques des eaux minérales, suivant leur température et leur mode d'adminis-tration. Il est certain que l'eau ne produira pas les mômes effets, suivant qu'elle sera froide ou chaude, suivant qu'on l'administrera en boisson, en bain ou en douche.
Mais c'est dans la troisième section, comme nous l'avons dit, que l'auteur entre dans le cœur de son sujet.
Il commence par faire cette remarque importante à savoir que, le plus souvent, l'état diathésique prime la lésion et qu'on ne doit voir dans beaucoup de maladies que la manifestation d'un état général qu'il faut modifier avant tout, si l'on veut faire disparaître l'état morbide local. Cette règle devra donc guider dans le choix d'une eau minérale, et même elle ne souffre pas d'exception, dit le méde-cin inspecteur des eaux de Pougues, « d'autant mieux que, dans la classe des eaux imposées par la diathèse, la préférence pourra se porter sur une source qui, par ses éléments secondaires, par son degré de minéralisation, par sa température et par ses modes d'em-ploi, correspondra aux indications tirées du tempérament et de la nature de l'affection. »
Après avoir indiqué, pour chaque classe de maladies utérines, la
médication hydrominérale qui lui est appropriée, l'auteur traite une question aussi nouvelle qu'intéressante. S'appuyant sur des écrits remarquables, sur des rapports faits à la Société d'hydrologie, s'inspirant de sa propre pratique, M. Roubaud nous montre com-ment des eaux minérales de composition toute différente peuvent être employées dans les maladies de l'utérus. 11 nous en dit le pour-quoi et tend à mettre de l'ordre et de la clarté où il n'y avait que confusion et non-sens. La partie principale de son livre est donc celle où il montre que les eaux sulfureuses s'adressent spécialement aux lésions de la muqueuse utérine, tandis que les eaux alcalines et salines sont indiquées dans les lésions des tissus parenchymateux et cellulaires. Toutefois, les eaux alcalines agissant sur l'ensemble de l'économie conviennent dans les engorgements simples dégagés de toute congestion du système de la veine porte; les eaux salines, au contraire, doivent être employées contre les engorgements liés à la pléthore abdominale. MM. Pétrcquin et Socquet insistent sur ce dernier point dans leur Traité des eaux minérales (p. 288). M. Charles Petit1 leur assigne un rôle qui conduit à l'opinion que nous avons émise plus haut. Enfin, M. de Puysaie, inspecteur des eaux d'Enghien, vante les bons effets de ces eaux dans les catarrhes utérins chroniques, tandis que « dans les engorgements chroniques du col ou du corps de l'utérus, il n'a obtenu des eaux d'Enghien que des résultats très-incertains. »
Nous terminons en engageant vivement nos lecteurs à prendre connaissance de l'ouvrage cle M. Roubaud. La lecture en est facile et on y trouvera des idées pratiques qu'on regrette de ne pas tou-jours rencontrer dans les travaux nombreux qui ont été faits sur les diverses branches de l'hydrologie.
Dr G. boutek.lier.
Dés différentes formés de l'ovarite aiguë, par le docteur ScaglIa. In-8 de 114 pages. Paris, Adr. Delahaye.
Si l'on considère les importantes fonctions physiologiques dévolues àl'ovaire,il est impossible de ne pas être frappé des conséquences que peuvent avoir les altérations pathologiques de cet organe et de l'in-fluence considérable que ces dernières doivent exercer sur l'orga-
1 Bulletin de la Société d'hydrologie, 1854-55.
nisme entier. Cependant, il ne faut remonter guère plus loin qu'une trentaine d'années pour trouver les premières tentatives faites pour sortir les maladies des ovaires du chaos dans lequel elles se trou-vaient. Parmi ces maladies, la plus importante, sans contredit, celle qui, peut-être, dans nombre de cas doit être considérée comme le point de départ des autres, c'est l'inflammation de l'ovaire. L'ova-rite aiguë, regardée par Boivin et Dugès comme l'apanage à peu près exclusif de l'état de grossesse ou de couches, a été étudiée dans ces dernières années par un assez grand nombre d'observa-teurs. M. Scaglia a eu l'heureuse idée de réunir tous les documents relatifs à cette question et d'en faire l'objet de sa thèse inaugurale.
Après être entré dans quelques considérations anatomiques sur l'ovaire et avoir montré que cet organe présente au moment de la période menstruelle une congestion plus ou moins vive, et pendant la grossesse une sorte d'état d'anémie temporaire, l'auteur aborde pleinement son sujet par l'étude des formes anatomiques de l'ova-rite. L'anatomie de l'ovaire montre qu'on peut distinguer dans cet organe trois éléments : une enveloppe peritoneale, un tissu propre et des vésicules disséminées. L'inflammation peut-elle envahir isolé-ment chacun de ces éléments et doit-on considérer individuellement une ovarite vésiculeuse, une ovarite parenchymateuse, et une ovarite peritoneale? L'auteur déclare que l'examen des faits ne confirme point cette distinction. En admettant, en effet, que l'inflammation ait débuté par l'un des tissus de l'ovaire, ainsi que cela paraît dé-montré par plusieurs observations rapportées par M. Scaglia, a priori, il nous semble difficile de concevoir qu'une vésicule de deGraaf, par exemple, étant enflammée, l'inflammation, se limite à cette vésicule et ne s'étende pas au stroma et, à ce sujet, nous di-rons avec M. Gallard, que « l'inflammation isolée de chacun des tissus constitutifs de l'ovaire, si tant est qu'elle se rencontre dans la pratique, est une chose trop exceptionnelle pour pouvoir servir de base à une classification des différentes espèces d'ovarites. » Une seule forme anatomique, la forme peritoneale peut se rencontrer isolée; mais, dans ces cas, l'inflammation ne se borne pas â la sé-reuse qui l'enveloppe ; ordinairement elle envahit le péritoine dans une grande étendue.
Une autre division anatomique, plus pratique que la précédente^ consiste à considérer' avec Boivin et Dugès et ensuite MM. Chéreau et Gallard, quatre degrés à l'inflammation de l'ovaire. Le pre-mier degré est caractérisé par une légère augmentation du volume
de l'organe, dont le tissu est plus rouge et plus résistant. Dans le second, l'ovaire est doublé et même triplé; son tissu est mou, fria-ble, infiltré de sérosité jaunâtre. Dans le troisième degré, on trouve du pus infiltré ou collecté en foyers. Ces trois premiers degrés peu-vent se trouver réunis sur un même organe, ainsi que le démontre la description d'un ovaire enflammé trouvé accidentellement par Scanzoni sur le cadavre d'une femme morte de pneumonie. Quant au quatrième degré, on ne le rencontre jamais en dehors de l'ovarite puerpérale : il est caractérisé par la fonte putrilagineuse de l'ovaire et cet organe se trouve couvert d'une matière grisâtre, visqueuse, diffluente.
Si nous passons au chapitre des causes, nous voyons que l'auteur laisse de côté les ovarites diathésiques, c'est-à-dire celles qui se trouvent liées à la tuberculose, au cancer ou à la syphilis : il les considère plus spécialement et avec juste raison comme des formes chroniques de la maladie, pouvant toutefois se présenter avec des manifestations aiguës passagères. Mais avant d'abandonner cette question, il établit une distinction importante : « De même dit-il, qu'il ne faut pas confondre la laryngite des tuberculeux et la laryn-gite tuberculeuse, de même il faut séparer nettement l'ovarite tu-berculeuse ou cancéreuse, etc., De l'ovarite des tuberculeuses et des cancéreuses. Dans ce dernier cas,l'inflammation aiguë de l'o-vaire s'est manifestée seulement sous l'influence de la diathèse, de la maladie générale qui agit comme cause prédisposante en ne per-mettant pas à l'organisme affaibli et malade de réagir contre les causes occasionnelles des affections inflammatoires. Dans l'autre cas, à cette première cause s'en ajoute plus souvent une autre qui ré-sulte de la présence irritante de corps étrangers dans un tissu. »
Énumérant ensuite les causes de l'ovarite, l'auteur arrive à dis-tinguer au point de vue étiologique sept formes principales, qui sont les suivantes : ourleuse, varioleuse, blennorhagique, rhumatismale, traumatique, menstruelle, puerpérale,
L'étude de la symptomatologie de l'ovarite permet d'envisager celte affection sous trois formes distinctes : suraiguë, aiguë, et subaiguë. La forme subaiguë constitue une affection sur laquelle les auteurs sont loin d'être d'accord. Caractérisée, suivant Tilt, qui la regarde comme de nature inflammatoire, par des troubles menstruels divers, dysménorrhée, ménorrhagie, etc., par des douleurs dans la région ovarienne et la tuméfaction de l'ovaire appréciable au toucher, elle est considérée, d'une part, par Bennett comme le résultat d'une
irritation sympathique dépendant de quelque lésion utérine, et, d'au-tre part, par Churchill, comme de nature purement névralgique.
L'ovarite suraiguë et l'ovarite aiguë se présentent avec des carac-tères nettement tranchés. Les signes qui appartiennent à la pre-mière ne sont que l'exagération de ceux que l'on rencontre dans la forme aiguë. Dans cette dernière, outre la fièvre et les troubles menstruels, on note des symptômes importants qui peuvent se résu-mer par cette phrase de M. Chéreau : « Les ovaires frappés d'in-flammation aiguë deviennent douloureux, ils augmentent de vo-lume et forment tumeur. » —La douleur existe au niveau d'une des fosses iliaques : suivant Sobernheim, elle siège au-dessus du pubis, entre la matrice et les flancs; dans un cas, M. Gallard l'a constatée dans un point qui se trouve à peu près sur le milieu d'une ligne oblique dirigée de l'épine iliaque antérosupérieure à la symphise du pubis. Ordinairement, elle présente des irradiations vers les lombes* les régions inguinales et sacrées. Elle est continue, paro-xystique et augmente à chaque période cataméniale. — La tumeur formée par l'ovaire peut être constatée par la palpation abdominale, qui permet quelquefois de sentir une tuméfaction profonde, résis-tante, douloureuse, au niveau de la fosse iliaque, et, par le loucher vaginal, au moyen duquel on reconnaît l'existence dans le cul-de-sac vaginal postérieur, d'un corps arrondi, bien limité, dur, fuyant sous le doigt, et de la grosseur d'une pomme d'api environ. Le tou-cher rectal, combiné avec le toucher vaginal et la palpation abdo-minale, permet d'arriver à une appréciation plus exacte des lésions existantes.
Tel est, en quelques lignes, le résumé des faits contenus dans la thèse de M. Scaglia. Le sujet était difficile : l'auteur a su grouper un ensemble de documents intéressants que l'on pourra consulter avec fruit.
F. Villard.
Ebratim. A la page 109, ligne 8, il faut ajouter après « Comateuse él convul-sive » ces mots : une analogie que les faits sont loin de rendre vraisemblable.
Le Gérant : a, de montméja.
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX DE PARIS
CLINIQUE CHIRURGICALE
ÉTRANGLEMENT INTERNE
PRODUIT PAR UN d1verticulum DE L'iNTESTIN GRÊLE ENTOURANT i/ORlGINE DU CÔLON ET LA FIN DE L'iNTEsTIN GRÊLE
PAR M. LÉON LABBÉ, CHIRURGIEN DES HOPITAUX DE PARIS
Clément, Alphonse, gazier, 16 ans, est pris subitement au sortir du lit, le 29 juillet, de violentes coliques; rien, dans les jours pré-cédents, ni excès de table, ni excès de travail, ne pouvait avoir occasionné ces accidents. Il est transporté à Saint-Antoine, salle Saint-Christopbe, service de M. le D'Labbé, le 50 juillet, dans l'après-midi, où aussitôt l'interne de garde aurait réduit une hernie à droite de l'ombilic, il y avait des coliques ; le faciès de ce jeune homme était déjà d'une grande pâleur; il avait le pouls petit et faible, et des vomissements bilieux. A la suite de cette réduction, la nuit fut assez bonne, le malade se sentait soulagé.
Le 51, à la visite, on constate, à droite de l'ombilic, un point douloureux et une éminence correspondant au grand droit de l'ab-domen. Cette saillie, dont l'existence n'est pas douteuse, malgré son peu de développement, est molle et fluctuante au toucher; la pres-sion la fait disparaître ; elle ne présente d'ailleurs pas de colora-tion anormale. Dans l'après-midi, les vomissements fécaloïdes re-viennent avec les douleurs dans l'abdomen ; le malade n'a pas eu de selles. On lui fait, ce jour-là, des applications de glace; il prend une purgation, et le soir on lui administre un lavement pur-gatif.
Le 1er août, les symptômes précédents ne font que s'accentuer; mais le météorisme n'existe pas encore. On continue la glace et on prescrit le café à haute dose.
3e année. 8
2 août.—Ballomiemont du ventre, dont la sonorité et le tympa-nisme sont surtout prononcés à l'épigastre; on se décide alors à intervenir chirurgicalement le 2 août. Au niveau du point où avait apparu la tumeur, on fait une première incision parallèle aux fibres musculaires du grand droit de l'abdomen, à droite de l'ombilic, et on arrive au-dessous des fibres musculaires jusqu'à l'aponévrose si-
Fig. o. — A. Colon ascendant; B. Intestin grêle; C. Cœcum.
tuée en arrière du muscle. On fait alors une deuxième incision per-pendiculaire à la première, ce qui permet de mettre l'aponévrose à découvert sur une assez large surface; mais on n'aperçoit aucune masse herniaire. Cependant, grâce aux manœuvres de l'opérateur, le malade se trouve beaucoup mieux; les douleurs ont disparu; on le reporte au lit. Mais, dans le courant de la journée, les accidents reparaissent; le ventre est extrêmement ballonné; aussi, le 3 août, a-t-on fait une ponction abdominale avec la seringue Dieulafoy. On
retire ainsi 250 grammes d'un liquide grisâtre, fétide, qui n'était autre que le liquide accumulé dans l'intestin grêle. Cette opération amène un soulagement qui dure peu ; les vomissements reparais-saient dans l'après-midi; le malade n'avait toujours pas de selles: on lui administre un lavement purgatif. Le lendemain, on continue les applications d'eau glacée, les lavements purgatifs, et on admi-
Fig. 6. — Sur le lambeau renversé au-dessous de l'appendice cœcal on voit la face pos-térieure de l'ombilic et la terminaison du diverticulum.
nistre des douches ascendantes à l'aide de siphons d'eau de Seltz fortement chargés.
Le 5 août, les accidents n'ayant qu'augmenté, on pratique un anus contre nature (procédé de Nélaton). Il s'écoule alors de l'in-testin des matières semblables à celles que la seringue avait aspi-rées. La mort arrive le 6 août.
A l'autopsie, qui fut faite le lendemain, on ne trouve qu'une faible quantité de liquide dans le petit bassin; néanmoins les anses intes-tinales ont déjà contracté quelque adhérence entre elles. Avec cela
un étranglement interne produit par un diverticulum de Vintestin grêle, entourant Y origine du côlon et la fin de l'intestin grêle (fig. 5), passant ensuite par-dessous quelques anses intestinales, et dont l'extrémité, en cul-de-sac, adhérait intimement à la* paroi abdomi-nale à droite de l'ombilic (fig. 0).
Au point de vue clinique, ce fait est intéressant, parce que la pré-sence d'une tuméfaction dans la région abdominale, surla partie latérale droite du muscle grand droit, a dû faire naître l'idée d'une hernie au voisinage de la ligne blanche. La sensation de réduction d'une portion d'intestin perçue par l'interne au moment de l'entrée du malade à l'hôpital, la persistance d'une tuméfaction moindre, mais encore appréciable, après cette première manoeuvre, le sou-lagement complet éprouvé par le malade, après les manœuvres de taxis qui ont succédé à l'opération qui avait eu pour but de mettre à nu l'aponévrose abdominale, confirmaient cette opinion, et cepen-dant à l'autopsie on n'a trouvé aucune trace d'une lésion sembla-ble.— La variété d'étranglement interne que l'autopsie a révélée est tout à fait exceptionnelle, la bride qui le produit entourant à la fois une portion de l'intestin grêle et du gros intestin.
TÉRATOLOGIE
ARRÊTS DE DÉVELOPPEMENT MULTIPLES; HÉMI-PHOCOMÉLIE
PAR F. VIL LARD, INTERNE DES HOPITAUX DE PARIS
Les lecteurs de la Revue photographique ont pu voir dans les nu-méros précédents de ce journal plusieurs exemples curieux de mal-formations congénitales. Mais ces arrêts de développement avaient tous pour siège un des membres supérieurs et appartenaient, au genre de monstruosités connues sous le nom d'hemimélie. L'obser-vation suivante est remarquable à la fois par la multiplicité de lésions variées et par celle du siège de ces lésions.
Observation. — Adolphe X... a aujourd'hui 2 ans et 8 mois. Voici quels sont ses antécédents : son père est âgé de 30 ans ; il est fort et bien constitué ; il mène une vie régulière et laborieuse, et a tou' jours joui d'une bonne santé. Sa mère a 26 ans; elle est très-im-pressionnable et présente tous les caractères d'un tempérament nervoso-lympliatique. A part quelques accidents chloroliques, liés
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
ECTROMËLIE; PHOCOMELIE
à rétablissement de la puberté, elle n'a jamais été malade sérieu-sement et n'a jamais eu d'attaques de nerfs. Elle s'est mariée il y a quatre ans, et est devenue enceinte quelques mois après. Aucun lien de consanguinité ne l'unissait à son mari. Sa grossesse a été assez pénible ; elle a éprouvé des troubles gastralgiques persistants, qui l'ont beaucoup fatiguée. Elle ne se souvient pas d'avoir éprouvé aucune impression désagréable durant sa grossesse, qui s'est ter-minée par un accouchement régulier et à terme. Son enfant pré-sente dans sa conformation les dispositions suivantes, que nous allons décrire et qui se trouvent représentées dans la Planche XXI.
Adolphe est grand pour son âge; sa poitrine est large et bien dé-veloppée ; sa tète est bien conformée ; il présente une petite figure charmante; il a des yeux vifs et intelligents ; il est très-gai et parle parfaitement. C'est du côté des membres que l'on trouve chez lui des anomalies curieuses ; nous allons successivement les passer en revue.
Membre supérieur gauche. — Le bras parait bien conformé; il est cependant moins développé que le droit et en longueur et en cir-conférence : tandis que l'humérus gauche n'a que 12 centimètres de longueur, celui du côté droit en mesure 16; la différence des cir-conférences n'est que de 1 centimètre. Infèrieurement et en dehors, l'humérus gauche se termine par une petite pointe osseuse, légère-ment contournée en forme d'éperon, et longue de 1 centimètre en-viron. En dedans de cet éperon et dans la moitié interne de l'extré-mité inférieure de l'humérus, s'articule l'avant-bras, constitué par un seul os de 8 centimètres 1/2 de longueur, arrondi, de la grosseur du pouce d'un adulte, et s'articulant lui-même avec un petit os long de k centimètres représentant le carpe et le métacarpe. Ce der-nier, enfin, présente à son extrémité une phalange unique, avec un ongle bien conformé. Toutes ces parties s'articulent parfaitement entre elles ; les mouvements sont faciles, et l'enfant se sert très-bien de ce membre imparfait pour tenir un objet. Lorsqu'il veut boire, par exemple, il prend un verre avec sa main droite, l'ap-plique contre sa poitrine et l'y maintient avec ce qui représente son avant-bras gauche; alors, saisissant de nouveau les bords du verre avec sa main droite, il le soulève avec les parties qui consti-tuent sa main gauche, et parvient ainsi à l'amener jusqu'au niveau de sa bouche.
Membre supérieur droit. — Le bras est bien conformé; il en est de même de l'avant-bras ; mais la main présente la disposition ana-
tomique suivante : il n'existe que quatre doigls; le médius n'existe pas; de plus, le pouce et l'indicateur ont subi un arrêt de déve-loppement : ils ne sont formés l'un et l'autre que par une phalange unguéale, et ces deux phalanges sont unies enlre elles par un prolongement de la peau, dont la disposition rappelle la membrane des pal-mipèdes.
Membre inférieur droit. — Tandis que le membre inférieur gauche mesure 57 cen-timètres 1/2 de longueur, celui du côté droit n'en présente que 14 1/2. L'aspect général de ce membre rappelle ceux du phoque. Le fémur paraît ne pas exister ou être réduit à l'état rudimentaire, et la jambe semble s'articuler directement avec le bassin; mais, sur ce point, il est bien difficile d'établir ce qui existe exactement, car la base du membre, au niveau du pli de l'aine, présente une circonférence de 55 centimètres, constituée surtout par des parties molles ne se prêtant pas à une exploration facile. Le membre, à partir de sa base, se rétrécit progressivement, à tel point qu'au-dessus du pied il ne pré-sente plus que 15 centimètres de circon-férence ; le pied est bien conformé ; les mouvements de la jambe sont assez li-mités.
Membre inférieur gauche. — Le membre inférieur gauche paraît avoir une conformation normale ; il a 57 centimètres 1 /2 de lon-gueur, sur lesquels la cuisse en compte 16. L'articulation du pied présente cependant la particularité suivante : cette articulation, au lieu de se faire directement en bas, se fait obliquement en dehors, de sorte qu'au premier abord il semble qu'il existe une luxation du pied en dehors; cette disposition paraît être congénitale.
Une particularité importante à noter et que nous ne devons pas oublier de mentionner, c'est que la sensibilité était intacte dans toutes les parties cpie nous venons de décrire.
En résumé, dans cette observation, il existe un arrêt de dévelop-
Fig. 7. — A, pantoufle dans laquelle est fixé le pied. A ce niveau, il y a une charnière qui relie la partie inférieure de l'appareil — la jambière —à la pantoufle, et par suite les mouvements du pied im-priment des mouvements à la jambe. — B, embouchoir qui saisit tout ce qui existe du membre intérieur droit. C, jambière à rallonges.
pemcnt du bras gauche et de la main droite (hémimélie), et un arrêt de développement, de genre différent, du membre inférieur droit (phocomélie). — Isid. Geoffroy Saint-Hilaire ne connaissait pas d'exemple authentique de phocomélie pelvienne unique ; le fait pré-cédenten constitue un cas remarquable. Debout en a réuni plusieurs observations intéressantes ; dans toutes, comme dans la nôtre, l'arrêt de développement porte avant tout sur le fémur.
La figure 7 représente l'appareil qui a été construit chez M. Ma-thieu pour permettre à l'enfant de se tenir debout et de marcher.
DERMATOLOGIE
PSORIASIS SCARLATINIFORME
par thorens, interne des hopitaux de paris
L..., Eugène, 22 ans, entre, le 18 juillet 1870, à l'hôpital Saint-Louis, service de M. Bazin, pavillon Saint-Mathieu, n° 70. — Cejeune homme jouit d'une bonne santé habituelle ; il n'a fait aucune mala-die antérieure. Il n'est pas sujet aux migraines, n'a jamais eu de douleurs articulaires; de temps à autre, il a quelques maux d'esto-mac. Il n'est pas adonné à la boisson ; il n'avoue aucun antécédent vénérien. Son alimentation est bonne, nous dit-il.
11 était briquetier lorsque, vers Pâques 1870, il fut atteint pour la première fois du mal qui l'amène aujourd'hui à l'hôpital. Il entra à l'hôpital Saint-Louis, dans le service de M. Guibout, et fut exclusi-vemenl traité par les topiques, cataplasmes de fécule, bains ami-donnés, et, au bout d'un mois, il sortait guéri. Il entra alors chez un grainetier; il avait à manœuvrer des bottes de foin comprimées, aux bords rognés, durs et roides, et qu'il était obligé de saisir en enfonçant profondément ses mains au milieu des bottes de foin ser-rées les unes contre les autres.
État actuel. — L'éruption qu'il porte occupe les mains, les pieds et les parties sexuelles. Aux mains, l'éruption est parfaitement sy-métrique. Le dos des mains, principalement au niveau des articu-lations métacarpo-phalangiennes, et le dos des doigts, surtout vers les articulations des phalanges, sont recouverts de plaques grisâ-tres ayant la consistance et l'apparence de la corne, d'aspect v r-
nissé ; ces plaques sont crevassées, parcourues de siLons profonds. Elles s'enlèvent assez facilement, se détachant par grandes squa-mes; au-dessous d'elles, la peau présente une teinte rouge rosé vif, ressemblant fort à la rougeur de la scarlatine. L'épiderme n'est pas parfaitement lisse en ces points; il est hérissé de petites papilles, visibles surtout à la loupe, et qui lui donnent l'apparence d'une langue de chat. La paume de la main offre des callosités, des duril-lons assez marqués; l'épiderme y est recouvert de petites squa-mules se détachant très-facilement par le frottement. (Voy. Planche XXII.)
Le malade n'accuse qu'une faible douleur spontanée. Elle est aug-mentée quand il se livre à son travail.
Aux pieds, l'éruption a les mêmes caractères qu'au dos des mains, un peu moins marqués peut-être. Les plaques grises occupent de chaque côté la face inférieure du talon, et sur la face dorsale, la ré-gion du cou-de-pied.
Du côté des parties sexuelles, la verge, le scrotum, la partie su-périeure et interné des cuisses, sont recouvertes de squames d'un gris plus jaunâtre que celles des mains et des pieds. Elles sont plus petites, ne sont pas réunies, comme ces dernières, en grandes pla-ques ; elles se détachent facilement, laissant à découvert la peau rouge rosé, mais d'une coloration moins foncée qu'aux mains. Ces squames sont plus molles ; elles n'ont pas la consistance cornée de celles des parties découvertes.
M. Bazin diagnostique une affection squameuse de nature ar-thritique, le psoriasis scarlatiniforme, et ordonne le sirop alcalin à l'intérieur; à l'extérieur, les cataplasmes de fécule, les bains alca-lins et amidonnés.
Sous l'influence du traitement, les croûtes ne tardent pas à tom-ber, sans se reformer. Mais la peau garde toujours un aspect rouge ; cette coloration diminue à son tour, mais elle n'a pas encore com-plètement disparu quand, le 15 août, L... quitte l'hôpital pour aller rejoindre le bataillon de garde mobile auquel il appartient.
Réflexions.— Le malade était atteint d'une affection squameuse. — Les plaques épaisses qui recouvraient le dos des mains et les pieds étaient bien des squames, et non des croûtes; l'affection était sèche ; tout au plus si, aux bords des crevasses, se trouvaient quel-ques traces de sérosité desséchée. Aux parties génitales, les squa-mes étaient moins dures qu'aux mains ; elles avaient une certaine
REVUE PH OTOGR AP HIQ UE
DES HOPITAUX
Planche XXII.
PSORIASIS SCARLATINIFORME
mollesse, mais rinfluence de l'humidité naturelle delà région ne s'y fait-elle pas sentir? Sous les plaques, la peau ne présentait nulle trace de vésiculation. Bien plus, nous trouvons qu'une partie non atteinte en apparence par l'affection, la paume des mains, est le siège d'une desquamation épidermique. Nous ne trouvons là au-cune lésion élémentaire qui puisse être rapportée à l'eczéma, à au-cune de ses périodes de vésiculation (il n'y a pas trace de vésicules), d'exsudation (la lésion est sèche, il n'y a pas d'ulcération sous les plaques), de desquamation (les squames sont épaisses et adhéren-tes, et non pas minces, foliacées; la peau sous-jacente n'a pas l'as-pect luisant qu'on observe dans l'eczéma).
D'un autre côté, la rougeur sous-jacente, le siège de la lésion peu-vent faire penser à la pellagre; mais nous n'avons pas ici l'apparence flétrie de la peau, la desquamation par écailles furfuracées, l'amin-cissement de la peau; les crevasses ne siègent que dans les croûtes; il n'y a ni vésicules, ni phlyctènes. Enfin, l'éruption qui occupe les organes génitaux ne s'observe point dans la pellagre.
Squames épaisses et adhérentes, siégeant sur des téguments, offrant une rougeur intense; ces caractères ne s'appliquent qu'à une seule lésion générique : le psoriasis. Mais quelle est la variété de psoriasis? quelle est la nature de l'affection?
Ce psoriasis est nettement limité: il occupe le dos des mains et les pieds, les parties sexuelles ; il est symétrique, il est vrai, mais le malade ne sait dire si l'évolution de la lésion s'est faite simultané-ment et également des deux côtés du corps. Les squames siègent sur une surface fortement colorée ; il y a de la congestion de la peau; enfin, les squames sont constituées, outre les lamelles épidermi-ques, par quelque peu de sérosité desséchée; elles n'ont pas l'aspect blanc, nacré ou argenté, des squames du psoriasis herpétique. Ce sont là des caractères qui indiquent bien que nous avons affaire à une arthritide. Les caractères objectifs de la lésion sont ici suffisants pour reconnaître la maladie, bien que les antécédents ne nous fournissent à ce sujet aucun renseignement.
La desquamation se faisant par larges plaques, la rougeur scarla. tineuse des téguments sous-jacents, et même les fissures profondes qui sillonnent ces plaques, ces caractères nous permettent de re-connaître la variété psoriasis scarlatiniforme.
La description que donne M. Bazin de cette affection coïncide par-faitement avec ce que nous observons chez le malade sujet de cette observation, sauf sur un point, le siège de la lésion. Dans les cas
d'après lesquels est faite sa description, et dont une observation est rapportée (Leçons sur les affect. eut. de nat. arthritique et dartreuse, Obs. XVI, p. 461), la paume des mains et la plante des pieds sont le siège principal de la lésion; notre malade présentait des squames de psoriasis à la plante, au talon, puis sur la face dorsale des pieds et des mains. Cette différence est insuffisante pour faire de ce cas une nouvelle variété.
On peut se demander encore si, dans ce cas, il ne s'agit pas d'une éruption artificielle. Lors de la première apparition du mal, L... était briquetier; il façonnait avec ses mains la terre à brique, mar-chant dans un sol détrempé, travaillant au soleil; après sa guérison, il quitte cette profession pour être employé chez un grainetier, et là est obligé à chaque instant de fourrer les mains dans des bottes de foin comprimées, à bords rognés, où il est très-exposé à s'écorcher, à se couper le dos des mains. Cette influence extérieure seule n'ex-pliquerait pas la présence de lésions analogues aux pieds et aux par-ties sexuelles. Nous ne voulons pas cependant lui dénier toute ac-tion; mais elle n'aurait agi, croyons-nous, au plus que comme cause provocatrice; et aux mains, du moins, ce psoriasis scarlatiniforme pourrait être regardé comme une arthritide provoquée.
Quant au résultat du traitement, nous ne le connaissons pas. Nous avons vu le malade à sa seconde récidive; il est sorti blanchi ; nous l'avons perdu de vue, et l'on sait que, dans les affections cutanées, on ne peut dire un malade guéri que quand il a passé des années à l'abri de toute manifestation morbide du côté des téguments.
CLINIQUE MÉDICALE
ATROPHIE MUSCULAIRE PROGRESSIVE
par g. peltier, interine des hopitaux de paris g I.
Observation. — Atrophie musculaire progressive. — Début remon-tant à douze ans environ. — Déformations de la main, de l'avant-bras, du bras et du thorax, principalement du côté gauche. — Dé-formations nulles aux membres inférieurs.
Bellinghen, Auguste-Joseph, marchand ambulant, âgé de 53 ans,
entre à l'hôpital de la Pitié, salle Saint-Athanase, le 21 août 1871 (service de M. Marrotte, remplacé par M. Lancereadx).
Ce malade ne présente rien de particulier dans ses antécédents de famille; son père, d'une santé robuste, est mort par suite d'un accident; sa mère est morte du choléra. Quant à lui, il a eu, dans son enfance, à l'âge de 7 ans, la danse de Saint-Guy ; il fut traité pendant six semaines à l'hôpital des Enfants malades; il en sortit guéri, et depuis ce moment jusque il y a une douzaine d'années, il a toujours joui d'une bonne santé. Le malade prétend n'avoir jamais fait d'excès, ni alcooliques ni vénériens. Il est peu intelligent ; sa figure est niaise; cependant il répond bien aux questions qu'on lui adresse, et donne sur son état et sur ses antécédents des détails assez précis.
Atteint d'atrophie musculaire progressive, Bellinghen fait remon-ter le début de son affection à une douzaine d'années. Il était alors corroyeur, et il nous dit qu'il était toujours appuyé sur la main gauche et qu'il fatiguait beaucoup. Pendant longtemps, pendant plusieurs années, il n'avait que de la faiblesse, et quelques contrac-tions musculaires involontaires; son bras conservait son volume habituel. Au bout de quelques années, il commença à maigrir con-sidérablement, et c'est alors qu'il s'aperçut que la faiblesse gagnait son bras droit, et qu'il ne pouvait continuer longtemps son travail. Les mêmes contractions qui le tourmentaient dans le bras gauche s'emparèrent du bras droit, qui s'atrophia à son tour, et bientôt l'atrophie gagna les muscles thoraciques et dorsaux. Le malade perdit bientôt ses forces ; il lui fut impossible de continuer son mé-tier, et c'est alors que, il y a deux ans, il se fit marchand ambu-lant. Il exerça d'ailleurs peu sa profession; traité, ou du moins reçu tour à tour dans différents hôpitaux, il y passa la plus grande partie de ces dernières années, et enfin, il y a quelques jours, il fut inscrit pour être placé à l'hospice de Bicêtre.
La Planche XXIII représente l'état actuel du malade ; elle nous montre les déformations, conséquence obligée de l'amaigrissement. Les membres inférieurs, qui commencent à s'affaiblir, n'ont pas en-core subi d'atrophie appréciable.
Les lésions occupent donc surtout les membres supérieurs, ainsi que le tronc; elles sont d'ailleurs beaucoup plus marquées du côté gauche que du côté droit. C'est ce que l'on peut voir d'ailleurs faci-lement sur la photographie, qui cependant laisse peut-être à désirer au point de vue de la netteté ; mais il était difficile qu'il en fût au-
trement. Malgré la volonté du malade, il se produisait des contrac-tions fibrillaires très-fréquentes, se multipliant à ce point que les muscles tout entiers étaient agités de petits mouvements convulsifs. Quoi qu'il en soit, voici l'état actuel du malade, en commençant par le bras gauche, celui où les déformations sont le plus accusées.
Main gauche. —L'abducteur du pouce est atrophié; la saillie naturelle est remplacée par une dépression, et le premier métacar-pien est rapproché du second. Tous les muscles de l'éminence thé-nar sont atrophiés, et le premier métacarpien est presque sur le même plan que le second ; il en est de même de l'éminence hypo-thénar, qui a à peu près complètement disparu. Les interosseux sont considérablement diminués de volume, et des dépressions profondes existent entre les métacarpiens.
Avant-bras gauche. — Les muscles de la partie antérieure et de la partie postérieure sont très-atrophiés ; les fléchisseurs et les ex-tenseurs des doigts sont très-peu apparents; l'avant-bras est comme desséché; le cubitus et le radius forment une saillie évidente, et l'avant-bras, au lieu d'offrir un aspect plus ou moins bombé, pré-sente plutôt des dépressions au niveau de l'espace interosseux.
Bras gauche. — L'atrophie porte aussi sur tous les muscles du bras gauche ; l'humérus n'est plus enveloppé que par une masse peu résistante.
Épaule et thorax du côté gauche. — La déformation commence à être moins évidente; cependant le deltoïde, les pectoraux sont dimi-nués de volume, et les saillies osseuses de l'épaule peuvent se sentir très-facilement. L'atrophie est beaucoup moins marquée sur les autres muscles, grand dentelé, trapèze, sacro-spinal.
Nous allons maintenant décrire rapidement le côté droit; l'affec-tion, plus récente, a produit des déformations beaucoup moins ac-cusées.
Main droite. — Les muscles de l'éminence thénar sont complè-tement atrophiés; le doigt indicateur est fléchi vers la paume de la main, on ne peut le redresser que difficilement; les autres doigts sont aussi fléchis, mais la flexion est moins prononcée. Cette défor-mation tient à l'atrophie des muscles extenseurs. Les interosseux ont également diminué considérablement de volume.
Avant-bras droit. — ba déformation est beaucoup moins pro-noncée que du côté gauche ; les fléchisseurs existent encore, et le malade peut les faire contracter.
Bras gauche. — Le bras a seulement diminué un peu de volume,
Il E VUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
Planche XXIII.
ATROPHIE MUSCULAIRE PROGRESSIVE
mais il a conservé sa forme et ses contours habituels; il est seule-ment un peu plus flasque qu'à l'état normal.
Epaule et thorax du côté droit. — Il existe du côté droit les mê-mes lésions que du côté gauche, mais, comme nous l'avons déjà dit, elles sont beaucoup moins prononcées, ainsi que l'indique d'ail-leurs la Planche XXIII.
Tels sont, eu résumé, les principaux caractères extérieurs que présente l'atrophie chez notre malade. Que va-t-il arriver? L'affec-tion, sans nul doute, va suivre une marche lentement envahissante ; probablement elle tendra à se généraliser, et dans un temps plus ou moins éloigné elle occupera les membres inférieurs, qui, jusqu'à présent, ont à peu près échappé, sinon à la fatigue musculaire, du moins à des déformations apparentes.
I H.
1 Dans la description que nous venons de faire, nous nous sommes appliqué surtout à faire voir les déformations qu'avait engendrées, chez notre malade, l'atrophie musculaire progressive. Mais il est un point que nous avons laissé complètement de côté, et dont nous allons dire quelques mots: nous voulons parler des lésions analo-miques que l'on rencontre dans cette maladie, et surtout de leur corrélation; en un mot, de la pathogénie et de la nature de l'affec-tion.
Trois théories ont été tour à tour mises en avant; la première, celle de Duchenne et d'Aran, qui ne voient dans l'atrophie muscu-laire qu'une maladie des muscles ; la seconde, qui attribue aux lé-sions médullaires et à celles des nerfs rachidiens une influence pri-mordiale, a été défendue par J. Gruveilhier ; la troisième, qui a pour champions Duménii, Sneevoogt, llemak, Bserwinkel, Jaccoud, Trous-seau, place dans le grand sympathique l'origine première des dés-ordres subséquents. — C'est à cette dernière théorie que, en 1866, se rattache M. Jules Simon dans son article Atrophe musculaire progressive du Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques : « Il me semble, écrit-il, qu'en ce moment la première et la seconde théorie doivent céder le pas à la troisième. La multiplicité des lé-sions du système nerveux (moelle et nerfs) éloigne de toute idée d'une affection exclusivement musculaire. Dire comme Virchow que l'état morbide est primitivement fixé dans le muscle et qu'il va gagnant de proche en proche jusqu'à la partie centrale,c'est, je crois,
attribuer à la maladie qui nous occupe un rôle et un siège qu'elle n'a point, que personne ne peut établir. »
o La seconde théorie, celle de Cruveilhier, était vraiment sédui-sante.... mais comment expliquer par une lésion première aussi net-tement limitée une atrophie aussi irrégulière, portant sur tel ou tel muscle dans la même région, sur telle ou telle fibre dans le même muscle?... Gomment, en outre, concilier cette théorie avec les lésions multiples de la moelle et même des nerfs, énumôrées dans des ob-servations irrécusables, parfaitement authentiques ? »
Passant ensuite à la troisième théorie, M. Jules Simon l'adopte complètement : « Nous comprenons, dit-il, que le grand sympathi-que étant altéré primitivement par une cause qui nous échappe, la nutrition soit modifiée dans les muscles, dans le système nerveux comme dans l'état général. Dans les muscles, l'atrophie et l'état graisseux peuvent se disposer aussi irrégulièrement qu'on peut l'i-maginer par cette considération que les nerfs vaso-moteurs occupent tous les recoins du système musculaire. Dans les centres nerveux et les nerfs, la même influence se fera sentir sur les racines antérieu-res, sur les cordons de la moelle, dans son centre, sur les racines postérieures, sur les nerfs des membres, sur les nerfs crâniens, grand hypoglosse, spinal et facial. 11 n'y a rien qui paraisse étrange dans cette diffusion des lésions ; c'est, au contraire, un argument en faveur de l'opinion que nous soutenons. »
C'est ainsi que Fauteur de l'article que nous citons en arrive à cette définition, que nous ne saurions partager complètement. « L'atrophie musculaire progressive est un trouble de la nutrition por-tant sur les muscles et le système nerveux, dont le point de départ est dans le système du grand sympatidque et les nerfs vaso-moteurs qui en dépendent, et se développant sous l'influence de causes multiples et fort obscures. »
Depuis lors, de nouvelles recherches ont été faites qui semblent devoir nous faire revenir de cette conclusion un peu radicale ; nous faisons allusion aux travaux publiés en 1869, d'un côté par M. Hayem, d'un autre par MM. Charcot et Joffroy, dans les Archives de physio-logie. Nous allons en citer quelques traits principaux qui, somme toute, nous ramènent à la pathogénie déjà soupçonnée en 1855 par M. Cruveilhier. Voici les conclusions du travail de M. Hayem :
Un certain nombre d'altérations médullaires ont une influence marquée sur la nutrition des muscles. — Les lésions de la moelle qui sont plus particulièrement en rapport avec l'atrophie des mus-
cles sont celles de la substance grise. — Ce ne sont pas les altéra-tions destructives qui s'accompagnent d'un tel résultat, mais celles au contraire qui se rapprochent le plus d'une irritation chronique et diffuse. — On doit donc considérer certains cas d'atrophie mus-culaire comme des lésions de nutrition, consécutives à une irrita-tion médullaire, transmise jusqu'aux muscles par l'intermédiaire des nerfs. — Lorsque cette affection de la moelle est diffuse, chronique, lentement progressive, elle se traduit par les symptômes habituels de l'atrophie musculaire progressive. — Le siège variable des alté-rations de la moelle épinière explique seul la distribution irrégu-liôre de la lésion des muscles...
De leur côté, MM. Charcot et Joffroy s'expriment ainsi : « L'at-tention cles anatomo-pathologistes a été appelée seulement dans ces derniers temps sur l'altération particulière des cellules de la sub-stance grise. Serait-ce là une lésion constante dans l'atrophie mus-culaire progressive? L'avenir en décidera. Toujours est-il qu'elle se trouve mentionnée dans la grande majorité des autopsies d'amyo-trophie progressive, où l'examen microscopique de la moelle épi-nière a été conduit avec toutes les précautions requises. Ajoutons qu'elle peut avoir existé dans plusieurs des cas où elle n'est pas in-diquée, car nulle part il n'est dit clairement qu'elle ait fait dé-faut. »
« En quoi consiste cette altération? au milieu de quelles circons-tances apparaît-elle? quel est son siège de prédilection? On sait fort peu de choses encore sur ces diverses questions. 11 semble toutefois que les cellules des cornes antérieures soient toujours affectées, tandis que l'intégrité absolue des cellules cles cornes postérieures a été plusieurs fois expressément signalée. L'altération paraît se développer souvent sous l'influence de lésions diverses (sclérose dif-fuse, sclérose en plaques, ramollissement rouge, désagrégation gra-nuleuse), qui, après avoir occupé primitivement les points les plus divers de la substance grise centrale, se propagent ensuite, princi-palement par la voie du réticulun conjonctif, jusqu'à la région des cornes antérieures. Quant à la nature même de l'altération, il sem-ble qu'il s'agisse là, le plus communément, d'un processus d'irrita-tion qui désorganise lentement la cellule et en détermine finalement l'atrophie complète...
Il ne faudrait pas croire que l'atrophie en question des cellules nerveuses des cornes antérieures n'ait été observée jusqu'ici que dans des cas d'atrophie musculaire progressive s'éloignant mani-
festement par quelques traits particuliers du type classique, et de-vant en conséquence former un groupe à part. 11 n'en est rien, on l'a rencontrée dans les formes cliniques les plus diverses ; cette lé-sion est un fait général dans l'histoire de l'atrophie musculaire pro-gressive ; de plus, il y a une relation intime entre la lésion trophique des fibres musculaires et celle des cellules nerveuses ; en effet, plusieurs fois on a pris soin de faire remarquer qu'une concor-dance absolue en rapport avec le mode d'origine et de distribution des nerfs moteurs existait entre le siège des altérations des cellules dans la moelle, et la localisation particulière de l'atrophie des muscles, dans les diverses parties du corps.
De tout ce qui précède nous conclurons avec MM. Charcot et Jof-froy : « Il est difficile de ne pas pressentir que les altérations des cellules des cornes antérieures de la moelle épinière devront jouer uu rôle important dans la pathogénie de l'atrophie musculaire pro-gressive. »
CLINIQUE OBSTÉTRICALE
NOTES ET OBSERVATIONS SUR QUELQUES MALADIES PUERPÉRALES
par bourneville 1 V. deux cas de déchirure du périnée (Suite).
Nous abordons maintenant l'histoire de notre seconde malade, celle qui portait une bride cicatricielle de la commissure inférieure de la vulve. Cette observation, en dehors de la déchirure vulvo-péri-néale, offre encore quelque intérêt par suite de l'apparition d'un érysipèle à poussées successives et nombreuses.
Observation II. — Chancre phagédénique de la fourchette. — Bride cicatricielle résistante, ayant déterminé une atrésie incomplète de la vulve. — Accouchement cl terme : déchirure vulvo-périnéale. — Vulvite consécutive. — Érysipèle de la face, puis des fesses, des cuisses, etc. — Marche de la température. — Gaérison des divers accidents.
N..., Louise-Félicie, âgée de 22 ans, couturière, est entrée à l'hô-pital de la Pitié (service de M. Polaillon), le 8 février 1871.
1 Yoy. Revue photographique, 1871, pages 25, 82 et 155.
Antécédents. — Elle nous raconte qu'elle a été élevée au biberon, qu'elle a été longtemps débile, souffreteuse, sujette à des batte-ments de cœur, sans avoir cependant ni gourmes ni affections gra-ves. Les règles sont apparues à 16 ans; chaque époque était pré-cédée et accompagnée de douleurs abdominales, et l'écoulement sanguin était peu considérable. Depuis lors jusqu'à ce jour, elle a eu des pertes blanches, des palpitations, etc.; en somme, tous les symptômes de la chloro-anémie : « J'avais, dit-elle, les pâles cou-leurs. » A17 ans, N... fut atteinte d'une varioloïde assez grave1, et, deux ans plus tard, d'une « fièvre muqueuse, » qui la confina au lit pendant quatre mois. Elle paraît avoir eu, en même temps, ou dans le cours de la convalescence, des hémoptysies abondantes.
Peu après son arrivée à Paris, il y a un an, N... aurait eu pour la première fois des rapports sexuels et serait bientôt devenue en-ceinte. Vers le cinquième mois de sa grossesse, les parties génitales externes ont été envahies par un gonflement douloureux qui rendait le coït impossible et la marche très-pénible. A ces phénomènes se joignaient de la céphalée, des douleurs à la gorge et de l'insomnie. Au bout de deux mois, N... vint à la consultation de l'hôpital. Alors M. Polaillon constata un chancre de la vulve et la fit entrer dans son service. L'ulcération était assez étendue pour que l'on crût avoir affaire à un chancre phagédénique. Les pilules de proto-iodure de mercure, prescrites après l'admission à l'hôpital, furent suspendues par M. Trélat, qui ordonna le traitement suivant : cautérisations avec le nitrate d'argent, bains simples, pansements avec la charpie imbibée de vin aromatique, et vin de quinquina. Peu à peu la plaie diminua d'étendue. Mais la malade se plaignait toujours de céphalée et de douleurs à la gorge, où, d'ailleurs, on ne découvrait pas de plaques muqueuses. Il n'y aurait eu aucune éruption cutanée depuis l'invasion des accidents jusqu'au 20 avril, jour où N... passe dans le service spécial des femmes en couches. C'est là où nous l'avons observée.
20 avril, matin. — La malade a éprouvé des douleurs depuis hier matin et elle n'a pas dormi durant la nuit dernière. Il s'agit d'une présentation normale du sommet. Le travail se fait lentement. N... offre : 1° à la face interne de la petite lèvre droite une ulcéra-tion irrégulière, grisâtre, profonde de 5 à 4 millimètres, à bords saillants et indurés ; 2° au niveau de la fourchette et de chaque
1 Ses père et mère sont morts à cette époque de cette maladie qui, chez eux, avait revêtu la forme hémorrhagique (petite vérole noire).
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côté, une bride cicatricielle assez épaisse, blanchâtre, très-résis-tante.
Soi?-. — L'accouchement s'est effectué à une heure de l'après-midi. Malgré une surveillance attentive et bien qu'on eût pratiqué une incision sur le côté droit et inférieur delà vulve, non-seulement la bride s'est déchirée, mais encore le périnée dans une étendue de 4 à 5 centimètres. — Pouls à 104; température vaginale, 38°,7.
21 avril. — Rougeur et gonflement des paupières à gauche; rou-geur luisante de l'extrémité du nez, indiquant l'apparition d'un éry-sipèledela face. —P. 116, petit; T. V. 39°,9. La température d'hier soir était donc plus en rapport avec l'invasion de l'érysipôle qu'avec l'état puerpéral. — Soir : La lèvre inférieure est volumineuse, rouge et douloureuse. P. 104; T. V. 40°.
22 avril. — L'érysipèle, plus intense qu'hier aux paupières gau-ches, au nez, à la lèvre inférieure, a gagné les paupières droites. P. 96; T. V. 38°,8. Il est probable que l'élévation de la tempéra-ture notée hier annonçait l'extension de l'érysipèle.
Soir : L'érysipèle occupe les mêmes régions que ce matin. Les oreilles sont un peu douloureuses. P. 112; T. V. 40°,5. —Les seins sont modérément tendus; l'enfant tette; les lochies sont sanguino-lentes et assez abondantes. —Du côté des parties génitales externes, on observe : 1° une plaie grisâtre, de la largeur d'une pièce de deux francs, sur la partie moyenne de la face interne de la petite lèvre droite ; 2° une plaie transversale répondant à l'incision faite au ni-veau de l'extrémité inférieure droite de la vulve; 3° une plaie de 4 à 5 centimètres de longueur intéressant la fourchette et le plancher périnéal.
23 avril.—P. 116; T. V. 40°,6. Les oreilles sont plus doulou-reuses.— Soir : P. 116; T. V. 41°,1. Pas de changement notable soit à la face, soit du côté des plaies.
% avril. — P. 92-96; T. Y. 58°35. L'érysipèle n'a pas augmenté; huile de ricin, 30 gr. —Soir : P. 120 ; T. Y. 41°,2. La malade a eu des selles assez abondantes.
25 avril.—P. 104; T. Y. 40°, 1. Le cuir chevelu est indemne. Nuit mauvaise; insomnie.—'Soir: P. 120; T. V. 41°. L'érysipèle occupe encore un peu les paupières, mais surtout l'oreille gauche.
26 avril. — Sommeil passable. La langue est humide, la soif moins vive; une selle cette nuit. L'érysipèle n'a guère changé.—Soir! P. 116; T. V. 40°,8.
27 avril. — Le pouls, à 100, est plus petit que d'habitude; de
deux pulsations l'une semble vibrante; T. V. 38°,5. N... a eu des sueurs abondantes durant la nuit, et vers quatre à cinq heures du matin, on a été obligé de la changer non-seulement de chemise, mais aussi de draps; actuellement la paume des mains est encore moite. Les pau-pières, à gauche, sont tout à fait libres; adroite, elles sont toujours un peu bouffies. L'oreille gauche est moins gonflée, moins sensible qu'hier; par contre, la droite est devenue plus douloureuse et plus rouge. Les seins sont mous et fournissent une sécrétion blanche, peu abondante. Les lochies, rougeàtres, ont diminué. —Soir : P. 112; T. V. 40",7. Rougeur et gonflement de la partie inférieure de la fesse gauche dans une étendue de 10 centimètres. Pas de modification appréciable des piaies vulvaires. (Lotions et injections avec l'alcool phéniqué; pansement avec de la charpie imbibée du même liquide.)
28 avril. — P. 96; T. V. 58°,5. —Soir: P. 108; T. V. 40°,8. La lèvre supérieure est rouge, luisante, gonflée et douloureuse. Depuis le début de l'érysipèle jusqu'à ce jour, nous voyons chaque éléva-tion de la température coïncider avec de nouvelles poussées érysi-pélateuses.
29 avril. — P. 104; T. V. 59°,6. — Soir: P. 108; T. V. 40°,7. L'érysipèle a envahi de nouveau les paupières et cela des deux côtés. Relevons en passant cette particularité que le pouls n'a pas aug-menté en proportion de la température.
50 avril. —P. 96; T. V. 37°. — Soir : P. 120; T. V. 41°,2. Rien d'apparent n'explique et l'abaissement de la température ce matin, et son élévation considérable ce soir.
1er mai. — P. 88, compté deux fois; T. V. 37°,3 après un temps assez long. —Soir ; P. 96; T. V. 38°.
2 mai.—Y. 84; T. V. 57°,9. — Soir : P. 108; T. Y. 40°. L'érysi-pèle a beaucoup diminué à la face; les paupières peuvent s'entr'-ouvrir. En revanche, l'érysipèle s'est étendu sur la presque totalité de la fesse gauche, où il est limité par des bords festonnés; l'extré-mité inférieure, prise la première, est libre. 11 existe au niveau des régions malades une chaleur mordicante. La fesse droite est inco-lore, mais sensible à la pression. Les plaies de la vulve et du périnée ont un bon aspect.
5 mai — P. 80; T. V. 57°,5. L'érysipèle remonte jusqu'à la crête iliaque gauche. Desquamation de la peau de la pointe de la fesse gauche. —Soir : P. 80 ; T. V. 58°,7. Appétit; langue nette, humide ; une selle quotidienne après lavement. Quelques plaques érysipéla-teuses sur la fesse droite.
4 mai. — P. 80; T. Y. 57°,7. — Soir: P. 83; T. V. 38°,5. Des-quamation de la face interne des fesses.
5 mai. — P. 80; T. V. 57 ',5. Plusieurs plaques érysipélateuses sur la cuisse gauche. Etat général satisfaisant. —Soir : P. 80 ; T. V. 38°,4.
6 mai. — P. 68; T. V. 57°,5; petites plaques érysipôlateuses sur la région, fémorale externe. — Soir : P. 95, compté deux fois; T. V. 38°,9.
7 mai. — P. 92 ; T. V. 37°,9. Nouvelles plaques érysipélateuses à la face interne de la cuisse gauche. —Soir : P. 90 ; T. Y. 38°.
8 mai. — P. 80; T. V. 37°,7. — Soir : P. 87 ; T. Y. 38», 1.
9 mai. — P. 80; T. V. 57°,7. —Soir : P. 76 ; T. V. 58°, 1.
10 mai. — P. 72 ; T. V. 57°,7. Soir: P. 80; T. V. 57°,9. Les plaies de la vulve et du périnée se cicatrisent bien et ont par conséquent diminué d'étendue. Les fonctions digestives s'accomplissent avec régularité. — Vin de quinquina; fer.
11 mai. — P. 76 ; T. V. 58°,5. -- Soir : P. 80; T. V. 57",7.
12 mai. — P. 72; T. V. 57°,5.
16 òàã. — La malade va de mieux en mieux; elle se lève un peu tous les jours. L'ulcération qui répondait à l'incision faite au moment de l'accouchement n'a plus maintenant qu'un centi-mètre et demi de diamètre; elle est rosée. La plaie périnéale est cicatrisée. A l'extrémité inférieure de la petite lèvre droite il reste en-core une ulcération ayant un centimètre de diamètre. Écoulement vaginal persistant. Au toucher, on constate que le col utérin est lé-gèrement porté en arrière. Bains sulfureux; toniques.
50 mai. — L'ulcération consécutive à l'incision est cicatrisée. La vulve est rétrécie.
4 juin. — Toutes les plaies sont guéries. 11 existe, au niveau de la commissure inférieure de la vulve, une bride cicatricielle comme avant la parturition. En outre, la paroi postéro-inférieure du vagin fait une légère saillie vers l'orifice vulvaire. La cicatrisation ne s'est pas effectuée d'une part entre les deux bords cutanés de la déchi-rure, et de l'autre entre les deux bords muqueux, mais seulement entre ces deux derniers : de telle sorte que, au-dessous delà cica-trice de la muqueuse, il y a une sorte de fossé qui sépare les deux bords cicatriciels cutanés. — Exeat le 6 juin.
25 septembre. — Après sa sortie de l'hôpital, N..., voyant ses cheveux tomber en abondance, les a fait couper. Actuellement ils paraissent repousser avec assez de rapidité. Elle a des adénites cer-
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
Planche XXIV.
TRACES THERMOMÉTRIQUES
vieales et inguinales, et des traces d'une éruption papulo-pustuleuse discrète. Les cicatrices vulvaires sont plus souples qu'elles ne l'é" taient lors du dernier examen. Enfin N... a eu des plaques muqueu-ses sur le voile du palais, qui n'offre plus maintenant qu'une rou-geur légère. Elle fait des frictions avec l'onguent napolitain1. En résumé, il n'y a plus aucun doute aujourd'hui sur la nature infec-tieuse de l'accident primitif. —- Les règles ont reparu vers le 5 sep-tembre.
Réflexions. — Elles sont, relatives : 1° à la déchirure du périnée, 2° à l'érysipôle, 5° à la syphilis.
I. Déchirure vulvo-périnéale ; vulvite. — L'examen de la vulve, en y faisant voir une bride cicatricielle résistante, nous avertissait que la tête ne franchirait la vulve qu'après des tentatives réitérées, des efforts prolongés qui détermineraient, selon toute probabilité, la rupture de la bride elle-même. Ces prévisions se sont réalisées : le travail a été lent, et, bien qu'on eût pratiqué une incision sur la partie inférieure et latérale droite de la vulve, la tête n'a pu sortir qu'en brisant la cicatrice. Nous avons observé là les phénomènes qui surviennent quelquefois dans les essais d'extension des brides cicatricielles consécutives aux brûlures : la cicatrice s'est cassée comme du verre2.
La déchirure a formé une première plaie, s'étendant sur le péri-née, qui s'est ulcérée et recouverte de dépôts grisâtres.-—La plaie résultant de l'incision a bientôt offert les mêmes caractères. — Enfin, le séjour prolongé de la tête du fœtus dans l'excavation, les pressions alternatives répétées qu'elle exerçait sur le pourtour de la vulve, ont produit une plaie contuse de la petite lèvre droite; après la chute de l'eschare, celte petite plaie s'est, elle aussi, cou-verte de dépôts grisâtres. La vulvite concomitante ne s'accompagna d'aucun accident extraordinaire. Grâce aux injections, aux lavages et aux pansements avec l'alcool phéniqué, les plaies se cicatrisèrent avec assez de promptitude.
II. Erysipèle. Il a été curieux surtout par l'irrégularité de sa marche, sa récidive à la face, son apparition tardive aux cuisses et aux fesses, c'est-à-dire dans le voisinage de la plaie périnéale, car
1 tes frictions sur la peau avec l'onguent napolitain constituent un excellent moyen de traitement contre la syphilis, et plus particulièrement chez les enfants. Nous ne saurions trop en recommander l'emploi à nos lecteurs.
2 Voy. Giraldès, Leçons cliniques sur les maladies chirurgicales des enfants, p. 492.
nous n'avons rien remarqué sur les plaies et immédiatement autour d'elles, malgré une surveillance assez minutieuse. Aussi l'érysipèle nous semble-t-il ne pas avoir exercé d'influence bien évidente sur la cicatrisation des plaies de la vulve et du périnée. — La figure 2 de la planche XXIV nous indique nettement la marche de la tempe-rature et nous montre que, en général, les élévations brusques de la température précédaient d'un temps plus ou moins court les nouvelles poussées érysipélateuses. — L'une des chutes les plus intéressantes de la température est celle qui a coïncidé avec l'appa-rition de sueurs abondantes.
III. Syphilis. Nous serons bref sur ce qui concerne la syphilis. Nous ferons remarquer seulement : 1° le caractère phagédénique du chancre, la lenteur de sa cicatrisation pendant la grossesse, la rapidité, au contraire, avec laquelle les nouvelles plaies ont guéri; 2° l'apparition tardive des phénomènes secondaires.
PATHOLOGIE EXTERNE
DE L'INFLAMMATION PRIMITIVE AIGUË DE LA MOELLE DES OS (MÉDULLITE AIGUË)
par culot, interne ees hopitaux de paris.
- FI.V -
marche, durée, terminaisons.
La médullite ne suppure pas nécessairement. Si rares que soient les faits de résolution, ils existent : Klose en donne un; Bœckel en signale un second. A côté de ces deux cas, on en voit d'autres où un traitement antiphlogistique énergique a arrêté, retardé la sup-puration. C'est, au reste, une terminaison tout exceptionnelle sur laquelle il ne faut pas compter.
La marche de la maladie est fort variable. Dans les cas simples, le mal débute par une douleur plus ou moins vive, à laquelle vien-nent se joindre, après un temps variable (pouvant aller à huit jours, suivant Bœckel), des phénomènes fébriles plus ou moins in-tenses. Cet état dure quelques jours encore, puis la fluctuation de-vient nette, les phénomènes fébriles tombent; la collection peut
s'ouvrir spontanément, se vider ; il reste pendant quelque temps une plaie fistuleuse, quelques fragments nécrosés sortent avec le pus, puis tout se referme et la maladie est terminée.
Plus souvent on incise dès que la fluctuation apparaît. Dans ce cas, la fièvre peut tomber immédiatement et la plaie se refermer, après évacuation du pus, sans élimination de parcelles osseuses né-crosées. Cette terminaison s'observerait surtout chez les tout jeunes enfants, suivant Billroth. Les faits confirment cette opinion. Mais une condition plus importante que l'âge est peut-être le siège. Tout os superficiel, en effet, permettra une ouverture plus hâtive du foyer; les désordres seront, par suite, moins grands et la guérison plus facile. Dans une autre série de faits, la marche est toute diffé-rente : les accidents généraux priment les locaux, les masquent sou-vent et entraînent d'innombrables erreurs dont nous aurons à parler.
Nous avons déjà vu que ces accidents généraux pouvaient surve-nir à des époques assez diverses et se montrer avec une intensité très-variable. Dans un certain nombre de cas, la marche est surai-guë. Un enfant observé par Bœckel meurt au troisième jour. Dans le cas de Coîson, où la péricardite a peut-être joué un rôle, la ma-ladie dure cinq jours ; cinq jours encore, dans un cas signalé à la Société de chirurgie, en 1865, par Marjolin; six jours dans la pre-mière observation de Store ; huit jours dans celle de Gaclaud.
Plus souvent la maladie est moins brutale, mais aboutit encore, à la mort vers le quinzième, vingtième et souvent trentième jour, sans avoir discontinué. Dans d'autres cas, il y a état typhoïde ; l'abcès est ouvert, il survient de la rémission; mais elle dure peu : les accidents reprennent, des complications surviennent, et le malade succombe.
Dans des cas plus heureux, la rémission se maintient, ou il y a des alternatives de mieux et de pire, puis la guérison s'affirme peu à peu et le malade échappe. Cependant tout danger n'est pas con-juré quand l'abcès est ouvert et que les phénomènes généraux gra-ves ont cédé. Il reste encore un os nécrosé qui doit être éliminé. Je ne puis insister beaucoup sur cette élimination, qui ne rentre plus directement dans mon sujet, mais on comprend quels dangers court encore le malade.
Les fistules taries, les plaies refermées, il peut rester quelque sé-questre invaginé, véritable épine qui pourra à chaque instant dé-terminer des poussées aiguës, parfois mortelles.
Les articulations prises, les épiphyses décollées, les fusées puru-lentes, jouent encore un grand rôle clans la marche et les terminai-
sons de la maladie, tant par la nature môme des lésions que par les amputations toujours graves qu'elles nécessitent. Ou bien le malade guérit avec de véritables infirmités : un cartilage diaphysaire s'est trop tôt soudé, ou, au contraire, a trop produit, et le membre at-teint reste plus court ou devient plus long que son conjoint.
PRONOSTIC ET DIAGNOSTIC.
Le pronostic doit être basé sur une appréciation exacte des phé-nomènes généraux et locaux. Une fièvre inflammatoire, si vive qu'elle soit, n'entraîne pas un pronostic fâcheux. Elle doit faire craindre des lésions étendues, et par suite une nécrose peut-être considéra-ble, mais il n'y a pas danger prochain.
Les phénomènes adynamiques, typhiques, comportent une plus fâcheuse issue. La mort peut survenir en effet par ces seuls troubles généraux. De plus, ils jettent le malade dans un état de faiblesse, de désordres fonctionnels tels que, échappés aux premiers dangers, la lutte sera plus difficile, bien plus inégale quand il devra résister aux effets de la suppuration, de l'élimination des séquestres. Ces phénomènes typhiques semblent du reste se rencontrer plus fré-quemment dans les cas où la médullite gagne profondément.
Un point dont il faut tenir grand compte est la modification que subissent les phénomènes généraux après l'ouverture du foyer in-flammatoire. — Presque constamment une rémission marquée suc-cède à cette ouverture et on peut l'expliquer tant par l'évacuation du pus lui-même que par l'écoulement de sang auquel elle peut donner lieu. Mais cette rémission ◀tantôt▶ persiste, et c'est un fait d'un excellent pronostic; —d'autres fois les phénomènes reparais-sent, et il faut craindre alors. Cette reprise des troubles généraux, en effet, malgré quelques rares exceptions, indique que la maladie a pénétré profondément et entraîne la pensée des dangers sérieux dus autant aux phénomènes généraux qu'à l'état local.
Les observations thermométriques n'ont pas jusqu'ici été prises assez souvent et avec assez de suite pour qu'on puisse en tirer quel-ques conclusions.
Localement, il faut tenir compte des localisations multiples, — du voisinage des articulations, — de la situation plus ou moins profonde de l'os, —¦ des fusées purulentes et du phlegmon diffus.
Nulle maladie, je crois, n'a été l'occasion de si nombreuses erreurs au point de vue du diagnostic que la médullite phlegmoneusc clans
ses formes graves. Les observations se ressemblent tellement sur ce point, qu'on serait tenté d'élever cette erreur à la hauteur d'un caractère delà maladie. Dans un nombre considérable défaits, les enfants atteints de médullites furent primitivement dirigés vers un service de médecine comme atteints ◀tantôt▶ de fièvre typhoïde, ◀tantôt▶ de rhumatisme aigu, et il leur est aussi arrivé de passer de chirur-gie, où ils étaient admis, en médecine. 11 faut que les difficultés soient bien grandes, puisque, mis en garde par l'expérience acquise, on voit l'erreur renouvelée encore à chaque instant et par des observateurs de talent.
Ces erreurs ne sont pas sans gravité. La médullite réclame un traitement énergique, rapide, topique, et tout retard entraîne une aggravation du pronostic. En face de l'utilité si grande d'un diagnostic exact, il faut y tendre par tous les moyens et rechercher, afin de les éviter, les causes d'erreur.
Deux maladies surtout sont signalées par les observateurs : — la fièvre typhoïde, — le rhumatisme aigu. M. Giraldès y ajoute le début des fièvres éruptives.
Pour éviter l'erreur, le grand point est, je crois, en présence de phénomènes un peu irréguliers , de songer à la possibilité d'une médullite.
On est appelé près d'un enfant malade depuis quelques jours. Son faciès est typhique, sa figure stupide, sa langue rouge, pointue, ou sèche, dure, ses dents fuligineuses ; il marmotte des mots inin-telligibles, délire, a de la fièvre, etc. A un examen superficiel, l'er-reur est possible, sinon probable. Mais si l'on remonte aux antécé-dents, on trouve bien souvent une douleur signalée au début, et cette douleur met sur la bonne voie. Un examen complet du malade dénote d'ailleurs quelque point douloureux dans la continuité des membres, et ce point douloureux trouvé suffit encore à fixer l'attention.
11 est des cas où peut-être l'état typhoïde est tel que le malade ne réagisse plus et laisse presser la partie malade sans paraître s'en apercevoir. Je ne connais pas de ces faits, mais ils doivent être bien rares, et tels alors par la gravité de l'état général qui les accom-pagne, que l'erreur est moins préjudiciable. Toujours du reste le mieux est de songer à la possibilité d'une médullite. Je doute qu'elle se cache jamais à celui qui la cherchera.
Dans un autre groupe de faits, on voit un enfant atteint de fièvre intense, immobile dans son lit, se plaignant souvent de douleurs,
poussant des cris aussitôt qu'on cherche à soulever la partie malade. On ne va pas plus loin et l'on admet un rhumatisme aigu.
Quelquefois les difficultés sont plus grandes. Le patient a pu avoir au début des douleurs contusives des membres, des jointures, qu'il vous signale, ou que vous indiquent les parents ; — ou bien les deux membres inférieurs sont malades ; — ou encore il est sur-venu au coude, à l'épaule, etc., un abcès articulaire venant compli-quer la maladie première. Enfin il peut avoir cette sensibilité mus-culaire généralisée que nous avons signalée dans la symptomatolo-gie. Dans tous les cas, l'erreur ne peut être évitée que par une étude soigneuse du début et de la marche de la maladie, par un exa-men approfondi du malade, du siège exact des douleurs, de leurs caractères.
Toujours il résultera de cet examen quelques faits : localisation de la douleur en un point surtout, et depuis le début ; siège de la douleur sur le trajet d'un os, ou indolence de l'articulation présu-mée malade; empâtement, tuméfaction, etc.; quelques faits, dis-je, discordant avec le rhumatisme articulaire, et, du moment où il y aura doute, l'erreur deviendra impossible, car on songera à la mé-dullite, et, je le répète, pour la diagnostiquer, le grand point est d'y songer. Après ces deux grandes causes d'erreurs, nous en trouvons encore quelques-unes, mais d'une importance infiniment moindre. Je citerai la névralgie, le rhumatisme musculaire, la phlébite, Yéry-thème noueux et papuleux, Yangioleucite, Yérysipèle, les phleg-mons superficiels et profonds, qui ne méritent pas d'être sérieuse-ment différenciés.
Le phlegmon diffus présente des difficultés; mais, outre qu'il est rare chez les enfants, et souvent une complication des abcès sous-périostiques, les indications étant absolument les mêmes, je crois inutile de chercher des subtilités de diagnostic. Dans l'un et l'autre cas, on incisera, et, par l'incision, on ira voir s'il y a ou non un os à nu.
Je n'ai pas à établir de diagnostic avec Yostéite ou Y ostéomyélite aiguë, puisque la médullite, telle que je l'entends, comprend ces deux maladies.
Je termine ce chapitre en signalant les médullites sous-périosti-ques syphilitiques qui, dans certains cas, assez rares du reste, pour-ront prendre une marche aiguë et suppurer assez rapidement. On les reconnaîtra aisément à leurs sièges multiples et circonscrits, à leur peu d'acuité relative, à l'existence d'antécédents syphilitiques.
TRAITEMENT.
L'étude du traitement des médullites ne comporte pas de longs développements. Les indications sont, sinon très-faciles à remplir, au moins très-nettes à saisir. Elles forment deux groupes, les unes se rapportant à l'état local, les autres à l'état général.
Localement, il y a deux buts à atteindre : arrêter les progrès de l'inflammation, en évacuer les produits. Pour arrêter les progrès de l'inflammation, les moyens généraux révulsifs ou dérivatifs, purgations, émétiques, n'atteignent pas le but qu'on se propose, fatiguent le malade, activent la résorption, sont donc au moins inutiles.
Les topiques locaux ont plus de raison d'être: pommade mercu-rielle, pommade au nitrate d'argent, cautérisations ponctuées, vési-catoires ; mais tous un grand défaut. Sans être nuisible, leur peu d'activité fait perdre un temps précieux. Leur application n'est légi-time qu'autant que le diagnostic reste incertain.
Les sangsues, excellent antiphlogistique en général, n'arrêtent guère cependant les médullites ; elles en calment les douleurs, peu-vent ralentir le travail morbide, mais restent insuffisantes pour remplir l'indication.
Ce qu'il faut, M. Giraldès l'a dit, et M. Bœckel après lui : c'est une incision large et profonde. L'émission sanguine qu'elle produit calme les douleurs, dégage les tissus, peut arrêter l'inflammation; elle empêche le périoste de se détruire davantage, ouvre aux pro-duits morbides une voie de sortie, permet le lavage du foyer.
Comme moyens secondaires : envelopper la partie incisée et ma-lade d'un large cataplasme et faire de fréquents lavages avec un liquide désinfectant; eau chlorurée, phéniquée; permanganate de potasse, etc.
Si l'état local ne cède pas à ce traitement, que les douleurs repa-raissent, l'indication n'a pas été suffisamment remplie. Le trépan alors doit remplacer le bistouri et pénétrer dans l'os sans retard.
Si, par suite d'un diagnostic incertain ou d'une prudence dange-reuse, le chirurgien a attendu que la collection fût parfaitement formée, l'indication reste la même : ouvrir largement au point le plus déclive; contr'ouvrir s'il est nécessaire. Si des complications sont survenues, fusées purulentes, intermusculaires, articulaires, décollement d'épiphyses, on aura à obvier à ces accidents par des incisions, du drainage, de l'immobilisation.
Etat général. Si la forme est franchement inflammatoire, l'indi-cation est de faire tomber ces phénomènes inflammatoires. L'indi-cation locale remplie suffit généralement à faire tomber les acci-dents généraux. La diète, des boissons délayantes, un grand bain prolongé suffisent en tous cas. La saignée, les évacuants ne peuvent avoir d'utilité bien grande, et il faut toujours craindre la venue d'accidents typhiques, contre lesquels le malade n'est jamais trop fort.
Si les accidents existent, il faut chercher à obtenir deux points : détruire la cause des accidents quelle qu'elle soit. C'est dans ce but que se feront les injections antiputrides. L'alcoolature d'aconit, le sulfate de quinine à l'intérieur, concourent au môme résultat.
En second lieu, il faut donner aux malades la résistance néces-saire pour surmonter ces accidents. Un peu de nourriture, du vin d'Espagne, de Bordeaux, l'extrait mou de quinquina, rempliront cette indication.
BIBLIOGRAPHIE
De la transfusion du sang défibriné. Nouveau procédé pratique, par de
Belina, ancien professeur agrégé à la Faculté de médecine de Heidelberg. Brochure in-8" de 69 pages. Adr. Delahaye, libraire-éditeur.
Depuis le 15 juin 1667, époque où Jean Denis pratiqua pour la première fois la transfusion du sang sur l'homme, grand nombre d'auteurs se sont occupés de cette intéressante question. — En 1825, Blundell et Doubleday sauvèrent par ce moyen la vie à une accou-chée qui était à la dernière période de l'agonie; c'est là le premier succès authentique. Depuis, bien des observations ont été recueillies par Routh, Soden, Martin, Blasius, Goulard, Oré, Landois, Mar-monier; elles sont réunies, au nombre de 175, dans un travail sta-tistique publié par M. de Belina dans les Archives de physiologie (mai 1870).—Tout dernièrement encore, le même auteur a fait pa-raître sur le même sujet un nouveau travail dont nous allons rendre compte à nos lecteurs.
Quatre parties composent cette étude : physiologie, procédé opé-ratoire, observations, indications thérapeutiques. — Des expériences nombreuses pratiquées sur les animaux et des observations clini-
ques qui ont été recueillies, il résulte un ceitain nombre cle faits désormais acquis, qui sont de la plus grande importance, et que nous pouvons réunir sous forme de propositions :
I. — Le sang, recueilli et mis en contact avec l'air à une tempéra-ture moyenne, reste invariable dans ses parties constituantes histolo-giques, et conserve ses propriétés chimiques pendant deux ou trois heures.
II.—Les globules rouges saturés d'oxygène sont le principe revivi-fiant du sang. La fibrine n'est pas une partie essentielle. C'est pour la sécurité de l'opération, en évitant l'introduction de caillots dans la circulation, que l'on doit préférer le sang dé fibrine ci celui qui con-tient encore sa fibrine.
III. —Le sang dé fibrine d'une espèce, transfusé à un individu de la même espèce, peut, par la transfusion, révivifier le système nerveux affaibli par la perte du sang; il remplit toutes les fonctions du sang primitif normal et en subit toutes les lois physiologiques. De la même façon, on peut combattre une altération du sang en pratiquant une déplélion préalable et remplaçant le sang vicié par du sang sain.
IV. — Le sang des animaux peut révivifier, mais seulement d'une façon passagère, les animaux d'une autre espèce; il se décompose promptement, et s'il a été injecté en petite quantité, il peut s'éliminer sans inconvénient ; mais s'il a été injecté en grande quantité, il peut déterminer la mort.
Cette proposition n'est pas admise par tous les auteurs. Oré, de Bordeaux, dans un travail présenté à la Société de chirurgie, le 20 décembre 1865, pense que le sang d'un animal peut être transfusé à un animal d'une espèce ou d'une classe différentes; il ajoute tou-tefois qu'il est nécessaire que le liquide arrive dans les veines du premier tel qu'il circule dans les veines du second ; mais pour réa-liser cette condition, il faut pratiquer la transfusion immédiate, c'est-à-dire à l'aide d'appareils spéciaux et non avec la seringue, car dans ces cas on évite la coagulation du sang, coagulation qui expli-que les phénomènes convulsifs constatés par certains expérimenta-teurs, et qui étaient produits par la présence dans les vaisseaux d'embolies multiples résultant de l'injection d'un sang en partie coa-gulé.
M. Brown-Sôquard pense également qu'on peut faire la transfu-sion à des animaux de différentes espèces. A propos d'un cas de transfusion du sang dont M. Thaon a fait part à la Société de biolo-gie (séance du 20 février 1869), ce professeur a rappelé qu'il avait
démontré que le sang d'un animal de la même espèce n'est pas né-cessaire pour le succès de l'opération. « Il a ranimé non-seulement temporairement, mais d'une manière définitive, des chiens exsan-gues, au moyen d'une injection de sang de batraciens, d'anguille, d'oiseau, etc. Sans doute il vaut mieux ne pas injecter à un animal des globules d'un diamètre supérieure celui de ses propres globu-les ; mais il n'en est pas moins vrai qu'on peut réussir en employant le sang d'animaux d'espèces fort éloignées ; à l'homme, il est inu-tile d'injecter du sang humain : le sang d'un mammifère, tel que le mouton, par exemple, serait tout aussi convenable. » (Comptes ren-dus des séances de la Société de biologie, p. 71.)
Panum, dans Virchow's Archiv, a examiné celte question de très-près, et il n'admet pas l'innocuité dans la transfusion du sang pro-venant d'animaux de différentes espèces; pour un moment, on peut rétablir l'activité des nerfs et des muscles, mais bientôt le sang est évacué en partie par hémorrhagie, ou en partie par la décomposi-tion des globules et des sécrétions urinaires. Quand la quantité de sang transfusé est un peu considérable, elle amène rapidement la mort de l'animal. — Le travail de Panum est très-soigné; ses expé-riences sont concluantes, et nous croyons devoir admettre la pro-position telle qu'elle a été formulée précédemment.
V. — La transfusion, si elle est bien exécutée, nest pas plus dan-gereuse quune saignée.
Or, pour exécuter la transfusion dans de bonnes conditions, l'opé-rateur devra surtout éviter : la présence de corps étrangers venant salir le sang; la formation des caillots ; l'introduction de l'air dans le torrent circulatoire; la précipitation de l'injection, et enfin la phlébite.
M. de Belina croit avoir évité tous ces inconvénients que l'on trouve dans les autres appareils en construisant le suivant, dont nous pouvons donner la reproduction, grâce à l'obligeance de MM. Robert et Collin (Fig. 8). Il consiste en :
1° Un flacon de verre A, de 25 centimètres de hauteur sur 5 cen-timètres et demi de diamètre. Ce flacon se termine à la par lie infé-rieure par un goulot de A millimètres de diamètre. A la partie su-périeure, existe un orifice, B, de 1 centimètre et demi de diamètre. Ce flacon est construit pour recevoir 250 grammes de sang.
2° Une pompe à air comprimé, composée de deux ballons de caoutchouc, C, réunis et se terminant par un tuyau également de caoutchouc.
o° Un trocart, D, composé de deux tuyaux d'argent et d'un stylet.
La description sommaire de l'appareil terminée, voici comment on procède. On commence par défibriner le sang à l'aide de baguettes de verre tordu ; puis on le filtre à travers une toile épaisse, et on
Fig. 8.
l'introduit par l'ouverture B avec un entonnoir de verre dans le fla-con.
Après avoir bandé le bras du malade, comme pour une saignée, on découvre la veine médiane, en pratiquant une incision d'un cen-timètre de long. Lorsque l'on s'est assuré que le sang du flacon est bien en communication avec le trocart, on enfonce celui-ci dans la veine, et l'on retire le stylet. On prend alors le flacon de la main gauche, et on manie avec la droite la pompe de compression. Cha-que pression sur le ballon fait venir environ 20 à 30 grammes de
sang que l'on fait couler dans la veine d'une façon sûre et uni-lorme.
Tel est l'appareil de M. de Belina; il répond à peu près aux exi" gences physiologiques; c'est ce que l'on doit demander, et c'est ce qu'il faut chercher, car la transfusion du sang est avant tout une opé-ration physiologique par excellence, et, pour la bien accomplir, il faut des moyens appropriés.
Déjà avec cet appareil, et en employant du sang défibriné, M. de Belina a obtenu trois succès certains : 1° dans un cas d'éclampsie puerpérale dans l'état asphyxique; 2° dans un cas d'asphyxie d'un enfant nouveau-né; 5° dans un cas d'anémie profonde, suite d'hé-morrhagie utérine. La transfusion du sang peut encore être em-ployée dans d'autres cas, et c'est un moyen qu'il ne faut pas négli-ger. Quel est le médecin qui voudrait se priver de cette dernière ressource, quand même il ne sauverait qu'un malade sur cent? Ainsi donc, dans les cas d'anémie profonde, dans les hémorrhagies abon-dantes par suite de couches ou par causes traumaliques, dans l'asphyxie des nouveau-nés, dans les cas d'empoisonnement par l'oxyde de carbone, la transfusion pourra être un remède efficace.
M. de Belina préconise avec conviction la transfusion du sang; il la croit appelée, et nous sommes de son avis, à rendre de grands services; malheureusement, elle est trop négligée en France, et la plupart des praticiens sont complètement étrangers aux détails de l'opération; de sorte que ceux-là mêmes qui, convaincus de son effi-cacité, voudraient la pratiquer, y renoncent souvent au moment voulu, parce qu'ils manquent des instruments nécessaires, ou, s'ils la font, c'est toujours avec un mauvais appareil improvisé.
« Il serait à désirer, et nous terminerons par ces paroles de Bi-schoff, il serait à désirer que les nouvelles expériences sur les pro-priétés du sang, ainsi que sur la transfusion, servissent d'encoura-gement à ne pas perdre de vue cet important mode de traitement qui, dans des cas donnés, est le seul qui puisse sauver la vie. »
G. Peltieu.
Nota. — La planche XXlI est faite d'après un moule fait par M. Barretta et déposé au musée de l'iiôpital Saint-Louis.
Le Géranta. ce monïméja.
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
CONTRACTURE HYSTÉRIQUE
forme hémiplégique
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX DE PARIS
CLINIQUE MÉDICALE
DE LA CONTRACTURE HYSTÉRIQUE
Extrait d'une leçon faite par M. GHARCOT, à la Salpêtrière (juin 1870).
Messieurs,
....Dans son Traité fondamental sur l'hystérie, M. Briquet, hien qu'il n'accorde pas à l'histoire de la contracture permanente dont un ou plusieurs membres, chez les hystériques, peuvent être atteints, tout le développement qu'à mon sens elle comporte, trace cependant avec une grande sûreté de main les traits les plus saillants de ce symptôme. C'est là, écrit-il, une complication rare. Il ne l'avait, en effet, rencontrée que six fois à l'époque où il a publié son ouvrage. Dans un cas, la contracture occupait un seul membre ; dans deux autres, elle se présentait sous forme hémiplégique, et, dans les trois derniers, elle revêtait la forme paraplégique. Il est parfaitement exact que la contracture hystérique peut offrir tous ces aspects. Vous allez, du reste, vérifier le fait par vous-même, car je suis assez heureux pour pouvoir faire passer sous vos yeux deux malades qui présentent, l'une la forme hémiplégique (voy. Planche XXV), l'autre la forme paraplégique de la contracture hystérique. Nous sommes ainsi mis à même de vous faire toucher du doigt les particularités les plus intéressantes relatives à cette manifestation singulière de l'hystérie.
§ I-
A. Etchev..., aujourd'hui âgée de 42 ans, est atteinte depuis vingt mois d'hémiplégie gauche. Vous voyez le membre supérieur de
S9 année. 9
ce côté dans la demi-flexion ; il est le siège d'une rigidité considé-rable, ainsi qu'en témoignent la difficulté que l'on éprouve à exagé-rer la flexion et l'impossibilité d'obtenir l'extension complète (voy. Planche XXV).
Le membre inférieur gauche est dansjl'extension ; ses diverses parties sont, pour ainsi dire, dans une attitude forcée. Ainsi la cuisse est fortement étendue sur le bassin, la jambe sur la cuisse. Le pied offre la déformation de requin varus le plus prononcé. En outre, les muscles adducteurs de la cuisse sont, eux aussi, fortement contractures. En somme, toutes les jointures sont également rigides, et le membre, dans son ensemble, forme comme une barre in-flexible, car, en le saisissant par le pied, vous pourriez soulever tout d'une pièce la partie inférieure du corps de la malade. J'insiste sur cette attitude du membre inférieur, parce qu'elle est très-rare dans l'hémiplégie liée à l'existence d'une lésion cérébrale en foyer et qu'elle est, au contraire, pour ainsi dire, la règle, dans la con-tracture hystérique. Dans ce dernier cas, la flexion permanente de la cuisse et de la jambe, si j'en juge d'après mes observations, est un fait réellement exceptionnel.
Il s'agit là d'une contracture permanente dans l'acception rigou-reuse du mot; je me suis assuré qu'elle ne se modifie en rien pen-dant le sommeil le plus profond; elle ne subit pas, dans la journée, d'alternatives d'aggravation et de rémission. Seul le sommeil pro-voqué par le chloroforme la fait disparaître instantanément.
Bien que, chez notre malade, la contracture hémiplégique date, je le répète, de près de deux ans, vous voyez que la nutrition des muscles n'a pas souffert sensiblement. J'ajouterai encore que la contractilité électrique est à peu près normale.
Je vous ferai remarquer, en passant, qu'en redressant fortement la pointe du pied, on détermine dans le membre inférieur contrac-ture une trémulation convulsive, qui persiste quelquefois pendant longtemps, alors que le pied, abandonné à lui-même, a repris son attitude primitive. Vous savez que cette même trémulation se ren-contre très-habituellement dans la paralysie avec contracture, liée à une lésion organique spinale, lorsque les cordons latéraux sont sclérosés; mais je l'ai observée également dans nombre de cas où la contracture hystérique s'est terminée par la guérisoii; Vous voyez par là que ce phénomène n'a pas, au point de vue du diagnostic anatomique, l'importance que quelques personnes lui ont accordée bien à tort.
A part la différence que nous avons signalée à propos de l'atti-tude du membre inférieur, toutes les particularités que nous venons de rappeler pourraient, à la rigueur, s'appliquer à un cas d'hémi-plégie organique, résultant d'une lésion profonde de l'encéphale, hémorrhagie ou ramollissement par exemple.
Un nouveau trait de ressemblance est celui-ci : l'hémiplégie chez Etch... a débuté tout à coup, pendant une attaque, La malade, à la suite de cette attaque, est restée sans connaissance durant plu-sieurs jours.
Après avoir indiqué les analogies, il faut faire ressortir les diffé-rences. Elles sont nombreuses, péremptoires et, de fait, le plus souvent, rien n'est plus simple, en s'aidant de ces caractères pres-que toujours présents, que de rapporter la contracture hystérique à sa véritable origine.
1° Remarquez en premier lieu, Messieurs, l'absence de paralysie faciale et de déviation de la langue, tirée hors de la bouche. Vous savez que ces phénomènes existent au contraire toujours à un cer-tain degré dans l'hémiplégie, par lésion en foyer du cerveau1.
2° Notez ensuite l'existence d'une analgésie et même d'une anes-thésie pour ainsi dire absolue, étendue à toute la moitié du corps répondant au côté paralysé, occupant par suite la face, le tronc, etc. Cette altération de la sensibilité intéresse non-seulement la peau, mais encore les muscles et peut-être les os ; elle s'arrête exactement à la ligne médiane.
Cette sorte de généralisation de l'anesthésie à tout un côté du corps, tête, tronc et membres ; cette limitation, en quelque sorte géométrique, des parties anesthésiées par un plan vertical qui divise le corps en deux moitiés égales, appartiennent, pour ainsi dire, en propre à l'hystérie. Quoi qu'il en soit, ce symptôme ne s'observe jamais dans l'hémiplégie de cause cérébrale, et s'il s'agissait de l'hé-miplégie spinale, c'est-à-dire résultant de la lésion d'une moitié unilatérale de la moelle épinière, l'anesthésie, ainsi que l'a montré Brown-Séquard, occuperait le côté du corps opposé à la paralysie motrice.
3° Nous avons à relever encore bien d'autres caractères distinc-
1 Suivant M. liasse (ïïandb. der Pal/iol., etc., 2 Auflag. Erlangen, 1869), on devrait à M. Althaus d'avoir signalé L'absence delà paralysie faciale et de la déviation de la bouche et de la langue, dans l'hémiplégie hystérique. Il n'en est rien; ce caractère se trouve déjà mis en relief dans les Leçons sur le système nerveux, de R. B. Todd.
tifs. La malade est intelligente et rien n'autorise à suspecter sa sin-cérité ; elle peut donc nous renseigner d'une façon véridique sur le mode d'évolution de son affection. Voici, en quelques mots, son histoire.
Il n'y aurait pas eu chez elle, semble-t-il, d'antécédents hystériques. La maladie a débuté à 54 ans, après une violente secousse morale, par une attaque avec perte de connaissance. Cette attaque, selon toute vraisemblance, a pris la forme épileptique de l'hystérie : Etch... pendant l'accès est tombée dans le feu et elle porte sur la figure des traces de la brûlure qu'elle s'est faite dans cette circon-stance (voy. Planche XXV). De nouvelles attaques, ◀tantôt▶ franche-ment hystériques, ◀tantôt▶ prenant quelques-uns des aspects de l'épi-lepsie, sont survenus, à plusieurs reprises, durant les années sui-vantes ; mais c'est à 40 ans que sont apparus les symptômes permanents de l'hystérie que nous avons à étudier aujourd'hui. Nous devons indiquer au milieu de quel concours de circonstances ils se sont développés, car nous trouverons là quelques traits ca-ractéristiques.
a. Les règles, jusque-là régulières, se dérangent; la malade a de temps en temps des vomissements de sang ; son ventre est le siège d'un ballonnement considérable avec douleur vive à la pression de la région ovarienne gauche ; douleur d'un caractère spécial, s'ac-compagnant de sensations particulières qui s'irradiaient vers la ré-gion épigastrique et que la malade reconnaissait comme précédant la plupart de ses attaques. Ces douleurs, comme d'ailleurs le ballon-nement et la rétention d'urine, existent encore aujourd'hui.
b. Presque en même temps Etch... est affectée d'une rétention d'urine persistante qui nécessite habituellement le cathétérisme.
c. Les choses en étaient là lorsque, en octobre 1868, survient une attaque très-intense, accompagnée de convulsions et suivie d'un état apoplectiforme avec respiration stertoreuse ; c'est alors que débuta tout à coup Y hémiplégie...
Eh bien, Messieurs, ce ballonnement considérable du ventre, ces douleurs de la région ovarienne, cette rétention des urines, consti-tuent un ensemble de symptômes dont l'importance, au point de vue du diagnostic est à peu près décisive. Rien de semblable ne s'observe dans les prodromes des hémiplégies de cause cérébrale, et il est au contraire très-habituel de voir ces symptômes précéder l'apparition des phénomènes permanents de l'hystérie : hémiplégie ou paraplégie. C'est un point que M. Briquet n'a pas manqué de faire
R E V U E P H 0 T 0 G R A P HIQ U E
DES HOPITAUX
Planche XXVI.
CONTRACTURE HYSTÉRIQUE
FORME PARA P I, É G l Q U E
ressortir; on le trouve également relevé comme il convient, du moins en ce qui concerne la paraplégie hystérique, par M. Laycock, dans les termes suivants : « La paralysie plus ou moins prononcée des extrémités inférieures, dans l'hystérie, est toujours accompa-gnée — il aurait pu ajouter : « et précédée » — par un degré cor-respondant de perturbation dans les fonctions des organes pelviens ; cette perturbation se traduit par la constipation, la tympanite, la paralysie vésicale, l'accroissement ou la diminution de la sécrétion urinaire, l'irritation ovarienne ou utérine, etc. » (A Treatise on the nervous Diseases ofWomen. London, 1840, p. 288.)
d. Lorsque Etch... est entrée à la Salpêtrière il y a un an (juin 1869),l'hémiplégie datait déjà de sept ou huit mois.Indépendamment de toutes les particularités, si caractéristiques, qui viennent d'être rappelées, l'état des membres paralysés pouvait, lui aussi, être in-voqué en faveur de l'origine hystérique de la paralysie. Ainsi, tandis que le membre supérieur était dans un état de flaccidité complète, absolue, le membre inférieur présentait, au genou, une rigidité très-marquée. Ce serait là une anomalie considérable dans un cas d'hémiplégie consécutive à une lésion cérébrale, car en pareil cas la rigidité tardive se manifeste toujours de préférence dans le mem-bre supérieur.
e. La contracture, qui, aujourd'hui, occupe le membre supérieur, date de quelques mois seulement et elle s'est développée tout à coup sans transition à la suite d'une attaque. Ce n'est pas de la sorte, vous le savez, que procède la contracture tardive dans l'hémiplégie due à l'hémorrhagie ou au ramollissement du cerveau ; constam-ment dans ce dernier cas, la contracture s'établit lentement, d'une manière progressive.
Ainsi, Messieurs, en tenant compte de toutes les circonstances qui viennent d'être énumérées, rien n'est plus facile que de re-connaître chez Etch... la véritable cause du mal. 11 en sera de même encore dans le fait suivant, qui est relatif à un cas de paraplégie hystérique.
B. Alb..., âgée de 21 ans, enfant trouvé, est atteinte depuis deux ans environ d'une contracture permanente des membres inférieurs (voy. Planche XXVI) qui sont, comme vous pouvez le constater, dans l'extension et tout à fait rigides. De même que chez Etch..., la con-tractilité musculaire n'est pas amoindrie. Les membres sont amai-gris, mais d'une façon générale, et cet amaigrissement lient à ce que
]a malade est affectée de vomissements presque incoercibles qui l'empêchent de s'alimenter suffisamment. On note, en outre, une analgésie à peu près complète des membres paralysés.
Voici maintenant des circonstances vraiment décisives qui per-mettent d'établir le diagnostic.
1° Àlb... a des attaques hystériques depuis l'âge de 16 ans ; —• 2° elle est atteinte, depuis quatre ans, d'une rétention d'urine ré-clamant ordinairement le cathétérisme ; — 3° elle présente un ballonnement énorme de l'abdomen; — 4° les régions ovariennes sont douloureuses à la pression, et en insistant un peu dans l'ex-ploration, on ne tarderait pas à provoquer une attaque hystérique ; — 5e la contracture des membres inférieurs est survenue tout d'un coup, sans transition, et c'est là un point que nous avons fait res-sortir déjà dans l'observation précédente. Or de semblables sym-ptômes ne s'observent pas dans la progression de la sclérose des cordons latéraux....
§ II.
Ainsi, Messieurs, rien de plus simple, je le répète, que l'interpré-tation clinique de ces deux cas, en ce qui concerne le diagnostic. Mais voici le point où, dans ces cas même et dans les cas analo-gues, des difficultés sérieuses peuvent surgir.
Qu'adviendra-t-il de ces malades? Depuis 2 ou 3 ans, la paralysie avec contracture a persisté, chez elles, sans amendement. Cette con-tracture pourra-t-elle se résoudre quelque jour, ou, au contraire, doit-elle persister indéfiniment et constituer de la sorte une infir-mité incurable? Voilà des questions que nous devons poser sans nous engager, toutefois, à y répondre d'une façon catégorique.
A. Il est possible que, malgré sa longue durée, cette contrac-ture disparaisse sans laisser de traces; demain peut-être, dans quel-ques jours, dans un an ; on ne peut rien préjuger à cet égard. En tout cas, si la guérison a lieu, elle pourra être soudaine1. Du jour au lendemain, tout peut rentrer dans l'ordre et s'il se trouve qu'à cette époque, la diathèse hystérique soit épuisée, ces malades reprendront la vie commune.
1 « Une femme sera restée confinée au lit pendant plusieurs mois, tout à fait incapable de se servir de ses membres inférieurs ; le médecin aura aban-donné tout espoir de lui être secourable, lorsque, tout à coup, sous l'influence d'une cause morale puissante, on ln verra sortir de son lit « no longer the victim
A ce propos, Messieurs, je ne puis pas ne point m'arrêter un in-stant devant ces guérisons rapides, inespérées souvent, d'un mal qui pendant, si longtemps se sera fait remarquer par sa ténacité et par sa résistance à tous les agents thérapeutiques. Une émotion morale vive, un ensemble d'événements qui frappent fortement l'imagina-tion, la réapparition des règles depuis longtemps supprimées, etc., sont fréquemment l'occasion de ces promptes guérisons.
J'ai vu dans cet hospice trois cas de ce genre que je vous de-mande la permission de résumer brièvement.
1° Dans le premier cas, il s'agissait d'une contracture d'un mem-bre inférieur datant de quatre ans au moins. En raison de l'incon-duite de la malade, je fus obligé de lui adresser une vigoureuse se-monce et de lui déclarer que je la renvoyais. Dès le lendemain, la contracture avait entièrement cessé. Ce fait est d'autant plus impor-tant, que l'hystérie convulsive n'existait plus que dans les souvenirs de cette femme. Depuis deux ou trois ans, la contracture était la seule manifestation de la grande névrose.
2° Le second cas concerne une femme également atteinte d'une contracture limitée à un seul membre. Les crises hystériques pro-prement dites avaient depuis longtemps disparu. Cette femme fut accusée de vol : la contracture, qui avait duré plus de deux ans, se dissipa tout à coup à l'occasion de l'ébranlement moral que pro-duisit cette accusation.
3° Dans le troisième cas, la contracture avait pris la forme hémi-plégique ; elle affectait le côté droit et était surtout prononcée au membre supérieur. La guérison survint presque tout à coup, 18 mois après le début, à la suite d'une vive contrariété. Il n'y avait pas alors d'anesthésie. La malade, tout en avouant avoir éprouvé des troubles nerveux bizarres, niait l'existence passée de véritables attaques hystériques.
Il faut bien connaître, Messieurs, la possibilité de ces guérisons qui, aujourd'hui encore, font crier au miracle, mais dont les char-latans seuls se font gloire. Avant notre siècle, ces faits-là étaient souvent invoqués lorsqu'il s'agissait d'établir devant les plus incré-
of nerves but the vanqnislier, » comme dit Thomas Caiiyle, et se mettre à mar-cher tout aussi bien que si elle n'eût jamais été atteinte de paraplégie. C'est là une des terminaisons de la paraplégie hystérique que le médecin ne doit pas perdre de vue et qui montre bien le danger qu'il y aurait pour lui à décréter l'incurabilité dans les cas de ce genre. » (Th. Laycock, A Trcotise on the nervous Riseascs ofWomen. London, 1840, p. 289.)
dules l'influence du surnaturel en thérapeutique. A ce point de vue, vous lirez avec intérêt un article publié dans la Revue de philosophie positive (1er avril 1869) par le vénérable M. Littré *. Je fais allusion à un écrit intitulé un Fragment de médecine rétrospective et dans lequel on trouve l'histoire de plusieurs cas de paralysie guérie après des pè-lerinages faits à Saint-Denis, au tombeau où les restes du roi Louis IX venaient d'être déposés. Trois de ces cas surtout sont intéressants pour nous à cause de la précision des détails. Ils se rapportent à des femme jeunes encore, frappées subitement de contracture de l'un des mem-bres inférieurs ou des deux membres du même côté du corps, les-quels présentaient en outre une anesthésie considérable. Chez ces femmes, la guérison était survenue tout d'un coup, au milieu de circonstances bien propres à émouvoir l'imagination. Vous voyez, Messieurs, que les choses ont peu changé depuis la fin du treizième siècle.
B. Mais si la guérison de ces malades est possible, vraisemblable même, elle n'est pas nécessaire, et il peut se faire que la contrac-ture persiste à titre d'infirmité incurable. Voilà une assertion qu'il ne me sera pas difficile de justifier. Mais, permettez-moi de vous faire remarquer tout d'abord, que vous ne trouverez dans la plu-part des auteurs, sur ce sujet, que des assertions vagues, incer-taines, vraiment peu satisfaisantes....
a. Je vous présente une femme, âgée maintenant de 55 ans et qui, il y a 18 ans, fut prise à la suite d'une attaque hystérique de la paraplégie avec contracture dont vous pouvez encore aujour-d'hui reconnaître les principaux caractères. La contracture à l'ori-gine s'amendait de temps à autre temporairement. Mais depuis plus de 16 ans, elle n'a jamais subi la moindre modification; il s'agit ici, encore actuellement, d'une véritable rigidité des muscles avec prédominance de l'action des extenseurs et des adducteurs ; même après 16 ans d'immobilité des membres inférieurs, les parties ligamenteuses n'y sont pour rien, du moins aux genoux, ainsi qu'une exploration, faite alors que la malade avait été soumise à l'anesthésie du chloroforme, nous a permis de le vérifier. Seule, la déformation des pieds, qui rappelle celle du varus équin, ne s'est point modifiée pendant le sommeil chloroformique, les muscles des jambes et des cuisses sont notablement atrophiés, la contractilité
1 J.a Philosophie positive, Revue, etc., t. V, 1869, p. 105.
faradique y est amoindrie. Depuis plusieurs années, l'hystérie pa-raît complètement épuisée chez cette femme, et il est devenu fort peu probable qu'aucun événement puisse, chez elle, rien changer désormais à l'état des membres inférieurs.
h. Quelle condition est donc survenue et a entretenu ainsi l'exis-tence de cette paraplégie avec rigidité des membres? Evidemment, dans les cas récents de contracture hystérique, la modification or-ganique, quelle qu'elle soit, quelque siège qu'elle occupe, qui pro-duit la rigidité permanente, est très-légère, très-fugace, puisque les symptômes qui lui correspondent peuvent disparaître tout à coup sans transition. 11 est certain qu'avec les moyens d'investigation dont nous disposons aujourd'hui, la nécroscopie la plus minutieuse ne serait pas en état de retrouver, en pareil cas, les traces de cette altération. Mais en est-il de même dans les cas invétérés? Non, Messieurs ; je crois pouvoir avancer, en me fondant sur la connais-sance d'un fait analogue, que, chez cette femme, il s'est produit, à une certaine époque, une lésion scléreuse des cordons latéraux, lésion que la nécroscopie permettrait actuellement de recon-naître.
Il m'est arrivé en effet d'observer une fois, chez une femme hys-térique, atteinte, depuis une dizaine d'années, de contracture des quatre membres et dont le début avait été subit, une sclérose qui occupait symétriquement, et à peu près dans toute la hauteur de la moelle, les cordons latéraux. A diverses reprises, cette femme avait, vu la contracture céder temporairement, mais, après un dernier accès, celle-ci était devenue définitive1 .
Des faits qui précèdent il est sans doute légitime de tirer quel-ques inductions relatives à la physiologie pathologique de la con-tracture hystérique. D'après les considérations que nous avons émi-ses, les cordons latéraux, ou tout au moins leur partie postérieure — celle qui tient sous sa dépendance la contracture permanente dans les cas de scléroses en plaques ou fasciculées — ces cordons, dis-je, sont désignés comme étant le siège de modifications organiques, d'abord temporaires, et qui donneraient lieu aux contractures hystériques. A la longue, ces modifications quelles qu'elles soient, font place à des altérations matérielles plus profondes : une sclé-rose véritable s'établit. Peut-être n'est-elle pas au-dessus des res-sources de l'art; mais,dans tous les cas, elle ne permet très-certai-
1 Société médicale des hôpitaux. Séance du '25 janvier 1805.
nement plus d'espérer cette brusque disparition des contractures qui constitue un des caractères les plus frappants de la maladie lorsqu'elle n'est pas parvenue encore aux phases les plus avancées de son évolution.
Existe-t-il quelque signe qui permette d'indiquer, à coup sûr, le caractère du cas, de savoir par exemple si la sclérose a défini-tivement ou non élu domicile dans les cordons latéraux? Je ne crois pas, Messieurs, que l'on puisse, dans l'état actuel de la science, signaler un seul symptôme qui présente à cet égard une valeur pro-nostique absolue.
La trémulation convulsive des membres contractures, provoquée ou survenant spontanément (épilepsie spinale tonique), — un cer-tain degré d'émaciation des masses musculaires, — un peu d'amoin-drissement dans l'énergie de la contractilité électrique, ne devraient pas, si j'en juge d'après les observations qui me sont propres, faire désespérer complètement de voir la contracture disparaître sans laisser de traces. Au contraire, l'atrophie limitée plus particulière-ment à certains groupes de muscles, surtout s'il s'y joignait des con-tractions fibrillaires analogues à celles qu'on observe dans l'atro-phie musculaire progressive et un affaiblissement très-notable de la contractilité faradique devraient faire supposer que, non-seule-ment les cordons latéraux sont profondément lésés, mais que, en outre, les cornes antérieures de la substance grise ont été envahies. Je n'ai observé, jusqu'à présent, ces derniers symptômes que dans des cas de contracture hystérique de date très-ancienne et qui ne laissaient plus guère d'espoir de voir les membres affectés repren-dre jamais leurs fonctions normales.
J'ajouterai enfin que l'existence d'une lésion organique spinale plus ou moins profonde serait mise à peu près hors de doute si, sous l'influence du sommeil déterminé par le chloroforme, la rigidité des membres ne s'effaçait que lentement ou persistait même à un degré prononcé.
A mon avis, tant que ces symptômes ne sont pas nettement accu-sés, il ne faut désespérer de rien. Il importe, d'ailleurs, de ne pas oublier que la sclérose latérale, alors même qu'elle est parfaitement établie, n'est pas, tant s'en faut, j'espère vous en donner bientôt la preuve, une affection incurable.
Chez les malades sur lesquelles je viens d'appeler votre attention, la contracture occupait soit la totalité d'un membre, soit même deux membres, ou plus encore. Mais il est des cas où la rigidité
spasmodique reste limitée à quelque partie d'un membre, au pied par exemple et produit une sorte de pied bot hystérique (Talipedal Distorsions de T. Laycock). Tout récemment le Dr B. Roddaert a communiqué à la Société de médecine deGand1 un cas de ce genre fort intéressant. La contracture avait donné lieu à la défor-mation connue sous le nom de pied bot varus. Des faits analogues ont été recueillis et publiés par le Dr Little2, par C. Bell3, par M. F. G. Skey4 et par quelques autres auteurs.
Si je ne me trouvais retenu par certaines convenances, je pourrais, Messieurs, rapportera mon tour dans tous ses détails l'histoire d'un cas qui rappelle celui qu'a publié M. Boddaert. Qu'il me suffise de vous dire qu'une jeune fille, âgée actuellement de 22 ans, très-ner-veuse et appartenant à une famille où les affections nerveuses pré-dominent, fut prise, il y a trois ans, tout à coup, sans cause connue et sans avoir offert jusque-là de symptômes caractérisés d'hystérie, d'une contracture douloureuse des muscles de la jambe gauche. Cette contracture, qui imprime au pied l'attitude du varus équin le plus accentué, avait cédé d'abord, pendant la première année, à plusieurs reprises; mais, depuis près de deux ans, elle pa-raît définitive (juin 1870). Plusieurs des muscles de la jambe ont subi une atrophie profonde ; ils présentent, en outre, des contrac-tions fibrillaires très-accusées et répondent mal aux excitations élec-triques. Je crois, par conséquent, qu'il y a peu de chances de voir la contracture se résoudre, d'autant plus qu'elle ne s'amende que très-imparfaitement durant le sommeil produit par le chloroforme. Je signalerai encore une particularité fort intéressante, au point de vue clinique : chez cette jeune malade, les attaques hystériques se sont manifestées seulement dans le courant des derniers mois...
1 Annales de la Société de médecine de Gand, 1869, p. 95.
2 A Treatise on the Nature and Treatment of club fool and analog. Distor-sions. London, 1859. Case, 25.
3 Tkenervous System of the HumanBody, 5e édit. 1856. Aff. case 177.
4 Hysteria, etc. Six lectures delivered to the sludents of St-Bartholomcw's Ilospital. 1866, 5e édit. London, 1870, p. 102.
PATHOLOGIE EXTERNE
KYSTES DE LA RATE
pau g. peltier, interne des hopitaux de paris
Les kystes de la rate sont surtout des kystes séreux et des kystes hydatiques. Gomme ils ne diffèrent entre eux qu'au point de vue des caractères anatomiques, — comme leur symptomatologie, leur diagnostic et le traitement qu'ils réclament sont les mêmes, — on ne sera pas surpris de nous les voir placer dans un même chapitre et de ne pas en faire une étude séparée.
I. Bibliographie.
Barret. — Kystes hydatiques développés dans le bassin et dans la rate. (Bulletins de la Soc. anal., t. 1II, p. 168, année 1820.)
Pommier. — Kyste hydatique volumineux de la rate méconnu pendant la vie. (Soc. anat., t. XV, p. 170, année 1852.)
Livois. — Recherches sur Véchinocoque chez l'homme et les animaux. (Thèse de Paris, 1843.)
B au vais. — Kystes hydatiques du foie, de la rate et du bassin. (Soc. anat., t. XX, p. 75, année 1845.)
Degaille. — Kyste hydatique de la rate, pris pour un abcès froid. (Soc. anat., t. XXV, p. 112, année 1850.)
Gaillet. — Kystes hydatiques multiples, pris pour un kyste de l'o-vaire. (Bull. Soc. anat., t. XXVII, p. 519, année 1852.)
Broca. — Kyste hydatique de la rate. (Soc. anat., t. XXVII, p. 273, année 1852.)
Voisin. — Kyste hydatique de la rate et du foie, méconnu pendant
la vie. (Soc. anat., t. XXVII, p. 116, année 1852.) Leudet.— Kyste séreux multiloculaire de larate. (Soc. anat., t.XXVII,
p. 120, année 1855.) Rambeau. — Kyste hydatique de la rate. (Bull. Soc. anat., t. XXIX,
p. 541, année 1854.) Vernois. — Hydatide du foie, de la rate et des poumons. (Soc. anat.,
t. XXIX, p. 406, année 1854.) Dubooé. -— Kyste hydatique de la rate, du volume du poing, méconnu
pendant la vie. (Bull. Soc. anat., t. XXXI, p. 155, année 1856.)
Davaine. — Traité des entozoaires et des maladies vermineuses. (Paris, 1860.)
Michon. — Kyste hydatique de la rate (in thèse de Magdelain), 1860. Béraud. — Thèse de Paris, 1868.
Magdelain. — Des kystes séreux et acéphalocystiques de la rate. —
Thèse de Paris, 1868. Finsen. — Les échinocoques en Islande (Arch. de méd., VIe série,
t. XIII, p. 25, année 1869.) Chouppe. — Kyste hydatique de la rate en voie de régression, (Bull.
Soc. anat., p. 50, année 1870.)
II. Anatoèie pathologique. — Commençons par les caractères anatomiques des kystes séreux. — Développés dans l'épaisseur même du parenchyme de la rate, ces kystes peuvent être unilocu-laires ou multiloculaires ; ils sont, par conséquent, formés d'une ou plusieurs cavités limitées par des parois. Ces parois sont tapis-sées d'une membrane blanchâtre, comme fibreuse, revêtue d'épi-thélium pavimenteux ; il en est de même des loges qui divisent la cavité dans les kystes multiloculaires. Quant au contenu, c'est de la sérosité sans boue splénique, ni hydatides ; cette sérosité peut ren-fermer quelques globules sanguins, quelques leucocytes, des cris-taux de cholestérine ; elle précipite par l'acide nitrique et se coa-gule par la chaleur.
Les kystes hydatiques de la rate paraissent être plus fréquents que les kystes séreux ; ils sont rarement primitifs, et alors qu'on les trouve dans la rate, il y en a le plus souvent dans d'autres organes, dans le foie surtout. Ils ne présentent d'ailleurs, dans cet organe, rien de particulier. Ils peuvent être simples ou multiples ; leur volume est très-variable, depuis celui d'une tête d'épingle jusqu'à celui d'une grosse pomme et plus. Ainsi, M. Pommier (Bull. Soc. anat., t. XV, p. 170) a présenté un kyste de la rate qui avait 27 cen-timètres de circonférence, 24 centimètres de diamètre longitudinal et 25 centimètres de diamètre transversal. Celui que M. Chouppe présenta en 1870 avait une circonférence de 37 centimètres, occu-pait tout l'hypochondre gauche, s'avançait jusqu'à l'ombilic et des-cendait dans la fosse iliaque correspondante. Le poids du kyste, avant l'ouverture, était de 2040 grammes; après, il était de 557 grammes. — Les parois sont formées par une membrane lisse, homogène, élastique; les hydatides nagent au milieu d'un liquide qui est généralement d'une limpidité parfaite, mais qui cependant
peut être jaunâtre, orangé, purulent, limoneux ; le principal carac-tère chimique de ce liquide est d'être non coagulable par la chaleur et les acides. 11 laisse déposer par l'évaporation spontanée des cris-taux de chlorure de sodium. (Cl. Bernard et Axenfeld.)
III. Symptomatologie. — Quand ils sont peu volumineux, les kystes de la rate passent généralement inaperçus ; mais il n'en est pas toujours ainsi ; assez souvent ils prennent un accroissement rapide, et ont de la tendance à se porter vers la partie inférieure ou vers la face interne de l'organe. — Rien de plus naturel ; ces tumeurs font saillie du côté où elles éprouvent le moins de résistance, en re-foulant les intestins en bas et à droite. Devenus volumineux, les kystes donnent lieu à certains troubles et présentent certains sym-ptômes qu'il nous faut étudier.
Ces symptômes sont physiologiques et physiques. Dans les pre-miers, nous rangerons la douleur et la gêne occasionnées par la tumeur, ainsi que les troubles produits du côté des voies digestives et respiratoires ; dans les seconds, nous rangerons la tumeur avec ses caractères fournis par l'inspection, par la palpation et la per-cussion.
Du côté des voies digestives, nous devons signaler surtout la gastralgie, quelquefois des vomissements, de la difficulté de la di-gestion, troubles produits par la compression ou les tiraillements exercés par la rate sur l'estomac. Comprimant parfois l'angle des côlons transverse et descendant, les kystes de la rate peuvent être un obstacle au libre cours des matières et produire une obstruction intestinale passagère. Du côté des voies respiratoires, notons seule-ment la gêne de la respiration produite par la tumeur s'opposant à la dilatation de la cage thoracique, et, dans quelques cas même, refoulant le poumon et le cœur.
Par l'inspection, on pourra constater une déformation au niveau de l'hypochondre gauche, ainsi que le soulèvement des fausses côtes gauches; la palpation fera, reconnaître une tumeur abdominale dont l'extrémité inférieure sera vers l'ombilic ou même dans la fosse iliaque gauche, tumeur où quelquefois on pourra percevoir de la fluctuation plus ou moins nettement suivant l'épaisseur des parois. — Par la percussion, on trouvera généralement une augmentation considérable du volume de la rate.
C'est encore par la percussion que l'on pourra sentir le frémisse-ment hydatique ; pour cela, il faut que le kyste soit superficiel, et en-
core ce sera un signe assez délicat, puisque nous ne voyons dans aucun cas que ce signe ait été observé par le clinicien. Ainsi donc, pour nous résumer, disons avec M. Magdelain : « Déformation au niveau de l'hypochondre gauche et des régions contiguës, tumeur plus ou moins fluctuante, matité complète au ni-veau de cette tumeur, matité se confondant avec celle de la rate, déplacement plus ou moins exagéré des organes voisins, troubles digestifs variés, difficulté delà respiration, augmentant quelquefois à la suite de l'ingestion des aliments dans la cavité stomacale, et si nous y ajoutons la douleur obtuse au niveau de l'hypochondre gau-che dont se plaignent quelquefois les malades, nous aurons résumé tous les symptômes des kystes volumineux de la rate. »
\ IV. Marche et ddrée ; pronostic. — Les kystes de la rate ont peu de tendance à s'arrêter dans leur développement ; ils deviennent de plus en plus volumineux, et peut-être pourraient-ils par une dis-tension trop considérable se rompre dans l'abdomen et amener une péritonite mortelle ; nous n'avons cependant pas d'observation à l'ap-pui de cette manière de voir, de cette hypothèse si l'on aime mieux. — Nous ajouterons également qu'on n'a pas noté de guérison spon-tanée de ces kystes de la rate.
Quelquefois ils peuvent rester à peu près stationnaires, d'autres fois ils se terminent par l'inflammation et la suppuration.—Quand ces kystes s'enflamment, soit spontanément, soit à la suite d'une contu-sion, il se développe une douleur vive dans l'hypochondre gauche; une fièvre intense survient ; l'adynamie propre aux suppurations profondes se déclare et emporte généralement le malade.
La durée de cette maladie est tout à fait indéterminée.—Le début est lent, ordinairement inaperçu, la marche progressive, détermi-nant des accidents plus ou moins tardifs, mettant tôt ou tard en dan-ger la vie du malade. — C'est dire assez que nous regardons l'af-fection comme grave.
§ V. ÉtiologIe. — Dire à quelle cause il faut rattacher les kystes séreux de la rate nous est complètement impossible. L'origine des kystes hydatiques est peut-être un peu moins obscure. — Les échi-nocoques, en effet, appartiennent surtout à l'âge moyen de la vie ; on les rencontre rarement dans l'enfance et la vieillesse. Dans les observations que j'ai consultées, le plus jeune des malades avait 14 ans, le plus âgé 50 ans ; l'âge du plus grand nombre variait
de 20 à 35 ans. — Les hydatides ont été observés un peu partout; rares en Amérique, on les rencontre assez souvent en France, mais bien plus souvent en Allemagne et surtout en Islande.
Nous devons dire que la rate est un des organes dans lesquels on rencontre le plus rarement les hydatides ; ainsi, d'après des chiffres précis empruntés à J. Finsen, qui a surtout observé cette maladie en Islande, voici comment se répartissent 255 cas d'affections hyda-tiques :
Les contusions de la rate, accusées autrefois de provoquer le dé-veloppement des échinocoques, peuvent tout au plus aider à fixer dans un point déterminé la production morbide. Il ne faut donc y at-tacher qu'une importance tout à fait secondaire.
§ VI. Diagnostic. —Au début de la maladie, le diagnostic est im-possible. — Plus tard, quand le kyste est volumineux, très-volumi-neux même, le diagnostic est encore difficile.
Que faut-il pour arriver à des résultats un peu certains? D'abord il faut penser que l'on peut avoir affaire à une tumeur de la rate, et ensuite il faut apporter un soin extrême à l'examen des organes ab-dominaux; on les explorera autant que possible un à un, et on fera usage de tous les moyens dont on peut disposer : inspection, pal-pation, percussion, toucher, changement de position des malades, auscultation.
POINT DE DÉPART
Foie...........
Reins..........
Rate...........
Abdomen.........
Poumons.........
Tète...........
Nuque..........
Région sus-épineuse . . .
— sous-claviculaire. .
— axillairc.....
Sein..........
Bras..........•
Cuisse..........
HOMMES
56 1 1
11 2 1 0 0 0
1
0 0
1
FEMMES
120 2 1
45 5 5 1 2 1 1 1 1 0
TOTAL
176
5
2
54 7 4 1 2
1
o
1 1 1
POUR 100
69,4 1,17 0,78
21,17 2,7 1,5 0,59 0,78 0.39 0^78 0,59 0,59 0,59
Ceci posé, voyons brièvement quelles sont les maladies avec les-quelles les kystes de la rate peuvent être le plus facilement con-fondus : nous trouvons l'hypertrophie de la rate, les abcès des parois abdominales, les tumeurs du foie et du rein, et les tumeurs du bassin, surtout chez la femme.
DansVhypertrophie simple, la rate conserve toujours sa forme pri-mitive ; le kyste au contraire déforme l'organe, et on ne sent plus son bord antérieur, qui est tranchant dans le premier cas. Les com-mémoratifs seront utiles et la percussion pourrait aussi donner un symptôme précieux, — la différence dans la matité.
Les abcès des parois abdominales viennent à la suite de contu-sions, de violents efforts ; ils sont symptomatiques d'une carie des côtes. — Les commémoratifs seront donc ici d'une grande uti-lité.
Les kystes du rein ont été plusieurs fois observés ; ce sont certaine-ment les tumeurs qu'il est le plus difficile de différencier des kystes de la rate ; quand on n'aura pas de signes certains d'affection rénale, telles que coliques néphrétiques, expulsion d'hydatides, le mieux sera de se tenir dans une sage réserve.
Il est plus aisé de faire le diagnostic avec les tumeurs du foie; le siège de la matité est tout différent, et généralement entre la tumeur quand elle appartient au foie et la matité donnée par la rate, se trouve interposée la sonorité due à l'estomac ou à une anse intesti-nale.
On peut encore confondre les kystes de la rate avec les kystes de l'ovaire; tel est surtout le cas de la jeune fille opérée en 1867, par M. Péan, et chez laquelle rien avant l'opération ne faisait prévoir que l'on avait affaire à un kyste développé dans le tissu splé-nique.
VII. Traitement. — Lorsqu'on a été assez heureux pour parvenir à poser d'une façon certaine le diagnostic : kyste de la rate, que reste-t-il à faire ?
Disons de suite qu'il ne faut rien attendre du traitement médical; le calomel, le chlorure de sodium, l'iodure de potassium, vantés et préconisés tour à tour sont, complètement impuissants. — Si donc la tumeur kystique vient à causer des accidents sérieux, soit du côté des voies digestives, soit surtout du côté des voies respiratoires, il faut intervenir chirurgicalement.
Le traitement chirurgical a produit un certain nombre de guôri-
9*
sons ; quelquefois aussi il a tué rapidement le malade. Le traitement comprend différentes méthodes :
1° La ponction simple. — On la fait avec des trocarts de diffé-rentes grosseurs : assez souvent inoffensive, elle peut cependant dé-terminer l'inflammation et la suppuration du kyste.—Cette méthode compte quelques succès ; mais souvent la guêrison n'est pas com-plète, et l'on est obligé d'avoir recours à des procédés plus compli-qués.
2° Ponction suivie d'injection de teinture d'iode.— C'est là un bon moyen ; on fait la ponction avec un trocart un peu volumineux et on injecte une solution de teinture d'iode (solution au tiers). On a pour but ainsi de déterminer une inflammation adhésive, en vertu de la-quelle les parois du kyste finissent par s'adosser ; assez souvent la guérison est définitive.
S'il n'en était pas ainsi, le meilleur moyen serait peut-être alors de faire l'ouverture du kyste à l'aide des caustiques ; c'est là ce qui con-stitue le procédé de Récamier.
3° Ouverture du kyste par les caustiques. — Etablir une commu-nication entre le kyste et l'air extérieur par une ouverture aussi large qu'on la veut, ouverture environnée d'adhérences certaines entre le kyste et la paroi abdominale, tel est le but qu'on atteint par l'emploi de ce procédé. On cherche le point du kyste le plus nettement fluc-tuant, on y applique une certaine quantité de caustique de Vienne avec les précautions ordinaires. Deux ou trois jours après, on incise l'eschare avec le bistouri, on l'enlève en partie, et on fait une nou-velle application de caustique et ainsi de suite jusqu'à ce qu'on ait atteint le fascia qui double le péritoine. Lorsque l'eschare est prête à s'éliminer, onpeut, avec le bistouri, pénétrer dans le kyste. On devra toutefois s'assurer que ce dernier temps de l'opération n'a provoqué aucune hômorrhagie, ni à l'intérieur ni à l'extérieur. Le kyste ainsi vidé, ony injecte de la teinture d'iode étendue d'eau et on laisse une mèche dans la plaie.
Le seul reproche qu'on puisse faire à ces applications de causti-que, c'est d'être douloureuses ; mais que devient ce désagrément en présmce des garanties qu'on peut ainsi offrir aux malades?
Tel est le procédé le plus généralement suivi et auquel nous sommes d'avis d lrmnerla préférence.
On ne devra • cours qu'à la dernière extrémité à la spléno-
tomie, qui cer . donné plusieurs succès, un à Zacerelli et Fio-
raventi, et u \ il y a quelques années, fit beaucoup de bruit
dans le monde médical : je veux parler de l'admirable résultat qu'a obtenu M. le docteur Péan. (Voy. Magdelain, Thèses de Paris, 1868.)
PATHOLOGIE INTERNE
NÉVRALGIE SCIATIQUE DROITE, COMPLIQUÉE D'UNE ÉRUPTION FURONCULEUSE RÉPONDANT AU TRAJET DU NERF SCIATIQUE
par bourneville
Dans ces dernières années, différents auteurs et, en particulier, MM. Raerensprung, Charcot, Cotard, Gehrardt, Ilenle, Rouget, Rus-sell, Samuel, etc.1, ont publié des observations d'éruptions cuta-nées (zona, ectnyma, etc.), développées sous l'influence d'une lésion spontanée des nerfs. Jusqu'ici il semble qu'on n'ait pas eu encore l'occasion de voir survenir, dans des conditions semblables, des éruptions furonculeuses ; aussi est-ce là l'un des motifs qui nous ont fait songer à rapporter l'observation suivante :
Observation. — Trois attaques de névralgie sciatique. — Influence de l'humidité. — Caractères de la névralgie. — Eruption de furon-cles ; leur distribution. — Traitement des furoncles. Thom... François, âgé de 55 ans, bijoutier, est entré le 22 juillet 1869 à l'hôpital Saint-Louis (service de M. Hardy). Il raconte qu'il a eu une névralgie sciatique droite en 1864. Elle serait survenue alors qu'il habitait depuis près d'un an un logement humide. Cette in-fluence est d'autant plus admissible qu'il couchait le long du mur, dont le papier se décollait par l'humidité. Traité à la consultation de l'hôpital par les douches de vapeur, il guérit en un mois.
En 1867,1a névralgie sciatique se montra de nouveau, et du môme côté, mais avec moins d'intensité ; elle disparut au bout de quinze jours, sous l'action des douches de vapeur unies aux fumigations aromatiques.
Le 11 juillet dernier, la névralgie est revenue tout d'un coup. Elle a débuté par une sensation d'engourdissement, d'abord cir-conscrite, puis étendue à tout le membre et par une douleur occu-pant le centre de la fesse droite; Le lendemain,la sensation d'engour-
1 Voy. Mouvement médical, 1866, p. 196.
dissement avait diminué ; mais en revanche, les douleurs de nature lancinante avaient augmenté et envahi d'autres parties du membre, de telle sorte qu'il lui était impossible de rester debout. Ces dou-leurs, pour ainsi dire continuelles, présentent des exacerbations à minuit et vers deux heures de l'après-midi. Les paroxysmes per-sistent environ durant une demi-heure. Le décubitus latéral gauche est la position la mieux supportable. Le malade éprouve en outre des engourdissements dans le pied droit : ils durent 15 à 20 minu-tes et se manifestent une ou deux fois dans les 24- heures.
Le palper fait découvrir les points névralgiques suivants : Io au centre de la région fessière ; 2° vers le quart supérieur et postérieur de la cuisse ; 3° et 4° au niveau des condyles du fémur ; 5° en ar-rière de la malléole externe.
Jamais le membre inférieur gauche n'a été atteint; jamais non plus Th... n'a eu de névralgies dans les autres parties du corps. Il n'est pas nerveux, est fort et assez grand.
Jusqu'au 19 juillet, la névralgie sciatique ne différait en rien du type classique. Mais ce jour-là, et dans un temps assez court, le malade a vu se développer une série de furoncles, disposés d'une façon générale sur le trajet du nerf sciatique et de ses principales divisions. Quatre siégeaient à la partie moyeune du bord interne du biceps crural ; un autre vers le milieu de la face postérieure de la cuisse; un à la partie supérieure du creux poplité; trois le long du tiers moyen et du bord externe du tibia ; deux au centre du mollet; deux autres entre les deux groupes précédents; enfin les deux der-niers sont placés de chaque côté du péroné, dans son quart infé-rieur. Nous ne pouvons nous empêcher, dès maintenant, de signa-ler la distribution des furoncles le long du nerf sciatique et, en par-ticulier, de la branche poplitée externe et de ses rameaux qui, à la jambe, est le nerf le plus vivement affecté.
Un autre phénomène, qu'il importe aussi de mentionner, c'est la diminution remarquable des douleurs lancinantes qui coïncida avec l'apparition de l'éruption furonculeuse. Depuis lors les douleurs ont toujours été moins intenses.
L'éruption furonculeuse est parfaitement circonscrite au membre inférieur droit et elle n'a été précédée d'aucun trouble général : Enfin c'est la première fois que le malade a de semblables accidents.
Les traitements employés avant l'admission à l'hôpital ont con-sisté en douches de vapeur, frictions avec l'alcool puis avec l'es-sence de térébenthine.
Dans sa leçon du 24 juillet, M. Hardy a émis, à propos de ce malade les considérations suivantes : « La multiplicité des furoncles, leur siège sur le trajet des nerfs, leur répartition par groupes, rap-pellent ce qu'on observe dans le zona. Jamais je n'avais rencontré cette coïncidence des furoncles avec une névralgie. Aussi ai-je pensé qu'il y avait peut-être entre eux un intermédiaire. Cet intermé-diaire, est-ce la térébenthine? Je n'oserais l'affirmer, car si ce mé-dicament détermine souvent un érythème, je ne l'ai vu, en aucune circonstance, produire des furoncles.
a Quel traitement doit-on ordonner? Les moyens employés sont médicaux et chirurgicaux. On a conseillé de débrider les furoncles ; ce débridement, indispensable quand on a affaire à un anthrax, ne sert à rien lorsqu'il s'agit de furoncles, à moins, cependant, qu'ils ne soient abcédés.
« Les agents médicaux sont externes et internes. Parmi les pre-miers, nous citerons les cataplasmes seuls ou joints à des onctions avec la pommade de concombre ; les cataplasmes de farine d'orge, d'oignon, de lis, de pain d'épices. On a essayé le collodion avec succès dans quelques cas. En résumé, je vous recommande les ca-taplasmes et les onctions, soit avec la pommade de concombre, soit avec Paxonge.
« Quant aux médicaments internes, ils ont pour but de combattre la diathèse. Sous l'influence de l'eau de goudron, que je mets à con-tribution depuis une dizaine d'années, j'ai vu souvent les furoncles disparaître. 11 est bon de prescrire concurremment les alcalins, le bicarbonate de soude, entre autres....
« Les fumigations aromatiques sont utiles, lorsque les douleurs sont un peu calmées. Au début, quand les souffrances sont à leur maximum d'acuité, les fumigations sont inutiles. A cette période, il convient de recourir aux ventouses scarifiées, aux vésicatoires sim-ples, ou morphines, et principalement aux injections de morphine. Il faut laisser de côté les bains de vapeur, qui s'adressent plutôt au rhumatisme.... »
26 juillet. Le traitement suivi jusqu'à présent a consisté en ca-taplasmes de farine de graine de lin et en injections sous-cutanées de morphine. Un furoncle s'étant abcédé, on l'ouvre aujourd'hui.
Depuis la fin de juillet jusqu'au 20 août, les cataplasmes ont été continués si ce n'est durant huit jours, pendant lesquels ils ont été remplacés par Y enveloppement avec le caoutchouc. Le malade a pris des bains d'amidon tous les deux jours.
Jusqu'à la guérison des furoncles (20-25 août), les douleurs ont conservé les caractères qu'elles offraient le 22 juillet, malgré quatre ou cinq injections de morphine. A partir du 25 août, fumigations aromatiques trois fois par semaine.
k septembre. On note une amélioration notable. Les douleurs sont moins fortes, les accès plus éloignés, la marche est devenue pos-sible, môme sans soutien. La pression ne fait plus découvrir que trois points névralgiques : 1° à la fesse; 2° vers l'union du tiers supérieur avec le tiers moyen de la cuisse ; 5° au niveau de la partie centrale du mollet.
Les fumigations ont été faites régulièrement et peu à peu les dou-leurs se sont encore amendées et ont disparu. Le malade est sorti guéri de l'hôpital vers la fin du mois de septembre.
— Nous n'ajouterons rien aux intéressantes indications données par M. Hardy sur le traitement, mais nous insisterons d'une manière plus spéciale sur la coïncidence des furoncles et de la sciatique. Nous pensons que ce cas est tout à fait comparable aux cas de zona qui se manifestent sur le trajet d'un nerf irrité, sur un point de son éten-due, entre autres au zona du cou et des membres supérieurs consé-cutif à une névrite due à la compression des branches du plexus cervical à leur passage au travers des trous de conjugaison, par des productions morbides, ou encore à ce cas d'éruption d'ecthyma que M. Charcot a observée sur le trajet de l'un des nerfs sciatiques chez une femme atteinte d'ataxie locomotrice1.
Diverses particularités plaident en faveur de cette interprétation : 1° les furoncles existaient sur le parcours du nerf atteint de névral-
1 M. Charcot, dans ses Leçons, cite encore le fait suivant: «Un individu, âgé de 25 ans, atteint de phthisie pulmonaire, présenta, dans les derniers temps de sa vie, une éruption de zona qui siégeait sur les parties correspondantes aux neuvième et dixième nerfs intercostaux du côté gauche. On reconnut à l'aupfcosie que les corps des six dernières vertèbres dorsales et des deux premières lom-baires étaient cariés. La dure-mère,.dans les points correspondants aux vertèbres malades, était enveloppée à l'extérieur par une couche épaisse de pus caséeux, laquelle se prolongeait sur les gaines des nerfs et des ganglions spinaux. La dure-mère elle-même était épaissie et dédoublée en deux lamelles, surtout dans la région des"neuvième, dixième et onzième racines dorsales. Bien que les lé-sions de la dure-mère paraissent aussi prononcées à droite qu'à gauclie, cepen-dant les neuvième, dixième et onzième ganglions dorsaux du côté gauche étaient seuls tuméfiés et présentaient seuls des altérations appréciables au microscope. Dans ces trois ganglions, les cellules nerveuses avaient disparu et, au voisinage immédiat des alvéoles où elles se logent, on reconnaissait tous les caractères de la prolifération conjonctive anormale poussée à un haut degré. [Leç. cliniq., etc., p. 20-27, volume sous presse.)
gie ; ils siégeaient principalement au niveau des points doulou-reux.
2° L'essence de térébenthine, d'après M. Hardy, d'abord, ensuite d'après les quelques auteurs que nous avons consultés n'occasionne-rait pas d'éruptions furonculeuses. Ainsi, selon M. Bazin, elle déter-minerait une dermite caractérisée par de petites vésicules \ Il y a loin de là aux furoncles.
5° Enfin, on ne peut invoquer chez notre malade l'interven-tion d'une diathèse spéciale, car, interrogé avec soin et à di-verses reprises, il nous a toujours affirmé ne pas être sujet aux fu-roncles.
Pour les raisons que nous venons d'énumérer, nous croyons donc que, dans ce cas, l'éruption furonculeuse doit être rangée dans la catégorie des troubles trophiques consécutifs aux lésions spontanées des nerfs.
MALADIES DES VOIES [JUINAIRES
D'UN NOUVEAU MODE DE FORMATION DES CALCULS URINAIRES ET DE LEUR EXPULSION SPONTANÉE PAR L'URÈTHRE
PAR LE DOCTEUR KRAUS (DE VIENNE)
La forme de catarrhe compliquée de la diathèse phosphatique, que j'ai le premier décrite, est l'occasion de tant de processus pa-thologiques variés qui ne sont pas encore étudiés, que je dois faire connaître ceux sur lesquels la lumière s'est faite pour moi. J'ai déjà, dans un précédent travail'2, attribué au catarrhe de la vessie la cause pour laquelle la diathèse phosphatique a peu de tendance à former des calculs dans le sens propre du mot ; c'est-à-dire la cause qui fait que l'urine étant chargée d'une quantité de phosphate dou-ble d'ammoniaque et de magnésie, il se forme très-rarement de gros calculs ; que le plus souvent toute la masse inorganique est expulsée par le canal de l'urèthre, par suite de la tonicité suffisante de la vessie, et nous connaissons des malades qui en évacuent de 10 à 12 grains par jour, sans en être particulièrement incommodés.
1 Leçons théoriq. et cliniq. sur les affections cutanées artificielles, etc., p. 108.
2 "Voy. Mouvement médical, octobre 1871.
Le dernier cas remarquable de ce genre que nous ayons vu date des premiers jours d'avril de cette année (1871). Un jeune fonctionnaire, âgé de 24 ans, traité pendant neuf mois par des injections de ni-trate d'argent pour une gonorrhée, avait été atteint d'un catarrhe vesical intense, qui présentait tous les caractères que j'ai assignés à la diathèse phosphatique. Ce catarrhe passe rapidement à l'état chronique. L'urèthre du malade, par suite de nombreuses blennor-rhagies (c'était la neuvième quand je le vis), était moins sensible et le passage des graviers phosphatiques n'était pas si douloureux qu'il l'est d'habitude dans les catarrhes récents. Le malade urina en ma présence, et évacua en finissant environ 4 à 5 grains d'une substance dure, réunie par une très-petite quantité de mucus, don-nant à l'urine une couleur blanc de neige ; cette substance tomba au fond du vase, où elle adhéra comme le mucus nasal ; desséchée, elle figurait tout à fait une large pierre, qui, écrasée entre les doigts, donnait la sensation du sable et présentait tous les caractères des sédiments calculeux.
L'exploration soigneusement faite avec la sonde ne permit de constater l'existence d'aucune pierre, bien que les yeux de la sonde fussent remplis d'un sédiment blanc tout pareil. Dans les vieux ca-tarrhes de cette espèce, j'ai presque toujours vu ces phénomènes que j'ai démontrés et décrits. Il était nouveau pour moi de les ren-contrer dans un catarrhe récent, et je n'ai rien trouvé d'analogue dans les auteurs.
On doit regarder aussi comme une chose nouvelle cette observa-tion que j'ai faite, que les sédiments caséiformes, mêlés de cellules de pus et de mucus, sortent du canal sous la forme d'une sphère du volume d'un pois qu'elles gardent dans l'urine, comme j'ai eu très-souvent l'occasion de l'observer.
Cette forme de sédiments n'est possible que dans la diathèse phos-phatique et le catarrhe consécutif ; elle ne se rencontre jamais pour les autres sédiments, oxaliques ou uriques. Elle est due, selon moi, à une action particulière, sur le mucus et le pus dans la vessie, des sels phosphatiques qui, sous cette forme, n'ont pas le même carac-tère fâcheux que les sédiments uriques. Les graviers phosphatiques ont, dans ce cas, une beaucoup plus grande tendance que les oxa-lates à former avec l'épithélium de la vessie un magma d'une nature moins dangereuse. Les oxalates restent isolés, s'agglomèrent molé-cule à molécule sans l'intermédiaire d'aucune substance organique étrangère ; de là, pour moi, leur plus grande consistance. Les pierres
phosphatiques, au contraire, sont poreuses, ce qu'il faut attribuer à la dissociation de la matière organique englobée par eux au mo-ment de leur formation. Car si les cristaux phosphatiques restent longtemps sans être humectés suffisamment, soit dans la vessie elle-même, soit pendant leur trajet dans le canal, la force expulsive de la vessie ne suffisant pas, comme je l'ai montré, à les chasser avec le jet d'urine, ils arrivent à former un calcul d'une façon parti-culière.
Les graviers phosphatiques s'endurcissent et forment, dans la vessie ou dans l'urèthre, des concrétions variant du volume d'un grain de mil à celui d'un pois, et entraînent ainsi des phénomènes menaçant la vie, parce que, s'arrêtant dans l'urèthre et y adhérant, ils s'opposent à l'expulsion de l'urine, et cette rétention devient souvent assez dangereuse pour inquiéter le médecin. Ces phénomènes ne sont pas rares chez les malades atteints de catharrhe avec dia-thèse phosphatique, et nous connaissons un cas où cette formation d'un calcul se répéta cinq fois en un an sur le même malade, qu'elle mit, ainsi que le médecin, dans la situation la plus pénible.
Les refroidissements sont toujours des circonstances favorables à cette formation de calculs, car il est presque démontré qu'un certain degré de chaleur est nécessaire pour maintenir le gravier phospha-tique en suspension dans l'urine ou dans une solution inoffensive pour l'organisme, ces phosphates se détruisant quand la chaleur né-cessaire n'existe pas.
Cela s'accorde d'ailleurs complètement avec ce fait, maintes fois démontré par moi, que, quand les graviers phosphatiques étant sortis de la vessie depuis quelque temps, l'eau de l'urine s'est éva-porée, ils forment aussitôt de petites concrétions entièrement sem-blables à celles qui prennent naissance dans l'urèthre quand les graviers y séjournent.
La formation de ces petits calculs est ordinairement précédée de certains prodromes, notamment de frissons répétés plusieurs fois dans la même nuit. Souvent ce sont toutes les phases d'un violent accès de fièvre, froid, chaleur, sueur, abattement général, qui dé-notent le début de la formation du calcul.
11 est très-remarquable que, souvent dans la même nuit, en cher-chant à uriner, il arrive tout d'un coup, souvent au beau milieu de la miction, que le canal s'obstrue totalement et que la miction ne peut s'achever, malgré tous les efforts du malade, qui s'effraye et est tourmenté par une envie permanente d'uriner et par duténesme.
Ces phénomènes sont le signe certain que le petit calcul a été poussé avec l'urine dans l'urèthre et l'obture.
Le médecin appelé auprès du malade ne connaît pas ce mode de formation des calculs; on comprend qu'il s'armera aussitôt de la sonde et s'efforcera de dégager le parcours du canal de l'urèthre ; et cependant la sonde, dans ce cas, est toujours le dernier moyen auquel il faille recourir. Pourquoi, nous allons l'expliquer.
Le but principal du médecin doit être d'extraire de l'urèthre ce petit calcul; s'il n'y arrive pas, si, au contraire, il le repousse avec la sonde dans la vessie, il expose le malade à la formation d'une grosse pierre qui ne pourra jamais plus être évacuée spontanément et qui rendra nécessaire une opération. Car si déjà la pierre engagée dans le canal éprouve de la difficulté à sortir spontanément, il n'y aura guère d'espoir qu'elle le puisse, quand des dépôts nouveaux, rapi-dement faits, auront augmenté son volume. L'expérience de 8 cas m'a appris que ces petits calculs finissent toujours par traverser le canal de l'urèthre.
Il faut conseiller au malade de ne pas intervenir activement au moment où il s'aperçoit d'une interruption soudaine et involontaire dans sa miction, c'est-à-dire de ne pas faire d'efforts, parce qu'on augmente ainsi les forces expulsives, ce qui permet à la longue d'ob-tenir l'évacuation spontanée du calcul. Au bout d'une heure de re-pos, le malade va à la garde-robe et par la double pression du rectum et de la vessie, on arrive le plus souvent à expulser la pierre. Il ar-riva dans un cas que le malade, après être allé chercher son mé-decin en voiture, et lui avoir exposé sa situation, fit, dans le ca-binet, un effort pour uriner, et évacua le calcul sans la moindre difficulté, avec un fort jet d'urine. 11 est possible que les secousses de la voiture aient fait changer la position du grand diamètre de la pierre et lui en aient donné une plus favorable. Une autre fois, le succès suivit l'introduction prudente d'une sonde droite jusqu'à l'obstacle ; aussitôt la sonde retirée, le calcul fut expulsé avec l'urine. Dans un troisième cas, l'expulsion se fit dans le bain, sans le secours d'aucun instrument, mais avec défécation si-multanée, tant les deux forces expulsives avaient dû agir énergique-ment.
Je dois faire remarquer qu'il est avantageux de faire boire un peu plus d'eau au malade pendant la rétention, parce que la vessie, étant plus pleine, peut agir plus fortement et qu'on augmente ainsi les chances de succès.
Il va de soi que, dans les cas extrêmes, il ne reste d'autre moyen que de repousser le calcul dans la vessie, ce qui se fait sans grande difficulté par la seule introduction d'une sonde s'il n'y a pas d'oe-dème de l'urèthre ; s'il en existe, la situation devient embarras-sante.
Je m'occupe actuellement de la construction d'un instrument destiné à saisir, quand on le pourra, et à extraire la pierre ; ce sera un cathéter droit renfermant deux branches cachées, à pointe co-nique, que l'on fera sortir du cathéter une fois arrivé sur l'obstacle, pour saisir le calcul. L'instrument n'est pas encore terminé; aussitôt qu'il me paraîtra parfait et que j'aurai obtenu un succès avec lui, je le ferai connaître.
Je puis regarder comme un très-heureux hasard de m'être trouvé deux fois, au courant de mon travail sur la nature des concrétions urinaires, dans le cas de pouvoir examiner l'urine, dans laquelle se trouvaient les concrétions particulières-que j'ai décrites plus haut, immédiatement après le moment où la pierre venait d'être expulsée avec un fort jet d'urine dans un vaisseau de verre. L'urine et la con-crétion méritaient toutes deux d'être soumises aux recherches dans lesquelles, comme l'a prouvé immédiatement la publication des analyses chimiques de l'urine et des sédiments, j'ai trouvé la confir-mation péremptoire de mes observations sur le catarrhe spécial avec diathèse phosphatique, que j'ai décrit le premier, sur l'état de la vessie pendant cette affection et sur la nature du produit catarrhal et du sédiment avant qu'il se concrète.
Dans le premier cas, le calcul pesait 54 milligrammes, était d'un blanc pur et consistait en phosphate avec quelques traces de carbo-nate calcaire; il n'y avait pas d'oxalate ni d'urate.
Le second calcul, pesant un peu plus de 40 milligrammes, était souillé de sang à l'extérieur, parce qu'il avait été chassé d'un urèthre saignant par une pression excessive. Une fois lavé, il était aussi d'un blanc de lait et présentait absolument la même composition chimi-que que le premier.
Dans les deux cas aussi, l'analyse de l'urine donna le même ré-sultat. Immédiatement après son expulsion, l'urine était trouble et d'un jaune vineux ; au bout de quelques minutes, les couches supé-rieures se clarifièrent, les inférieures devenant d'autant plus trou-bles. Dans les deux cas, l'urine sentait la levure. Son poids spécifi-que était de 1020 ; immédiatement après son évacuation, elle était faiblement alcaline dans toutes ses couches; après quelques minutes
de repos, elle était neutre dans les couches supérieures, alcaline dans les inférieures; au bout d'une heure, acide en haut, alcaline au fond. On y trouvait des traces d'albumine, du phosphate en abondance et, en très-petite quantité, du carbonate d'ammoniaque.
Aussitôt après la miction, était tombé au fond du vase un mucus puriforme, que le microscope ne pouvait distinguer du pus ; les graviers phosphatiques nageaient d'abord dans toutes les couches de l'urine et lui donnaient l'aspect de petit-lait ; ils se rassemblè-rent au fond au bout de dix à quinze minutes. Il y avait une grande quantité d'épithélium vésical et de phosphates, mais pas de traces d'épithélium des reins ou des conduits urinaires. Il y avait moins durâtes, mais tout autant d'urophéine, d'uroxanthine, de chlo-rures et de sulfates que dans l'urine normale.
Je laissai l'urine déposer et s'évaporer en partie au soleil ; il se forma bientôt, de petites concrétions pbosphatiques ayant toute la composition des calculs décrits plus haut, donnant la sensation du sable quand on les écrasait entre les doigts, et se réduisant en cris-taux phosphatiques qui brillaient au soleil comme de petits dia-mants. Les sédiments se réunissaient aussi en concrétions quand on refroidissait l'urine rapidement.
Ces intéressants résultats chimiques de l'examen du calcul et de l'urine, dans laquelle le calcul se trouvait pour ainsi dire à l'état naissant, peuvent jeter de la lumière sur cet état que j'ai décrit dans la maladie catarrhale particulière de la vessie que j'attribue à la diathèse phosphatique, et confirment la justesse de mes vues sous le double rapport symptomatique et diagnostique.
Ces résultats démontrent jusqu'à l'évidence qu'il y a un catarrhe de la vessie dans lequel les graviers phosphatiques jouent par leur abondance un rôle principal, et que ces cristaux peuvent aussi prendre naissance immédiatement dans la vessie, les reins restant étrangers au processus morbide, puisqu'on ne trouve, dans les sé-diments organiques, d'épithélium, ni des reins, ni des conduits uri-naires.
Il est démontré, en outre, que ce genre de calculs ne renferme ni oxalates ni urates, et est composé exclusivement de phosphates et de graviers phosphatiques.
L'examen de l'urine permet de constater que la plus petite partie des phosphates seulement s'agglomère en calcul, puisque ces pe-tites pierres sont expulsées de la vessie au milieu d'une vraie bouillie de sédiments de même nature.
Il est bien possible que ces concrétions se forment dans l'urèthre quand la boue de phosphates, poussée dans le canal et. ne pouvant aller plus loin, y demeure plusieurs heures, s'y endurcit faute d'eau et de chaleur suffisante. Il serait autrement presque inexplicable pourquoi, par la même cause, toute la masse ne formerait pas une grosse pierre dans la vessie.
Pour les calculs composés autrement, et notamment pour les calculs oxaliques, il n'arrive pas que l'urine qui les accompagne soit chargée d'oxalates, comme elle l'est de phosphates pour ceux qui nous occupent. Chaque atome d'oxalate existant dans la vessie concourt à la formation du calcul.
11 est prouvé encore que ces calculs sont solitaires, comme on peut très-bien s'en convaincre avec le cathéter ; qu'outre la pierre évacuée, il ne reste plus de concrétions dans la vessie, et qu'il ne s'en forme par conséquent qu'une à la fois.
L'exploration la plus soigneuse, faite par la main la plus exercée, ne peut, après l'expulsion du calcul, démontrer l'existence d'aucune concrétion dans la vessie, ce qui semble appuyer ma proposition de tout à l'heure : que cette espèce de calculs se forme dans le canal de l'urèthre (probablement dans la partie prostatique), comme me le fait présumer une très-intéressante et nouvelle observation que je publierai bientôt.
Les résultats précédents de l'examen de l'urine établissent en outre, d'une manière irréfutable, que, comme je l'ai avancé, cette espèce de calculs peut se former dans l'organisme, quand il n'y a plus assez d'eau et que l'urine n'a plus la température nécessaire pour tenir en suspension ou en solution les graviers phosphatiques et les phosphates.
Le même phénomène s'observe hors du corps dans l'urine des malades atteints de diathèse phosphatique. Aussi j'ai vu souvent survenir après des refroidissements la fièvre caractéristique qui marque le moment où le calcul se forme.
Le mucus purulent, le pus le moins douteux, que l'on trouve en si grande abondance parmi les sédiments dans l'urine des vessies atteintes de cette maladie, et auquel jious assignerons sa valeur dans un prochain travail, se trouvait aussi en quantité considérable dans l'urine dont l'examen vient de nous occuper, et ce nous a été une nouvelle preuve qu'il n'a pas la signification fâcheuse que lui attribuaient les anciens cliniciens, car précisément les malades auxquels appartenaient cette urine et ces calculs, évacuaient depuis
des années du mucus puriforme et se trouvaient, quand la pierre ne leur causait pas de rétention, extraordinairementbien.
REVUE DES JOURNAUX
EXEMPLES DE TROUBLES TROPHIQUES CONSÉCUTIFS AUX SECTIONS INCOMPLÈTES DES NERFS
Observation : Saignée. — Gangrène consécutive à des lésions traumatiques de filets nerveux, par M. Yitrac.
« Il y a deux à trois ans, un homme d'une cinquantaine d'années, marin, d'ailleurs d'assez mauvaise constitution, ayant été traité pour des affections syphilitiques, est frappé d'une congestion céré-brale. Un confrère est appelé et pratique une saignée sur la mé-diane céphalique. Absent le jour suivant, ce dernier est remplacé par un autre confrère qui saigne sur la céphalique. Le lendemain, après quelques tentatives inutiles pour avoir encore du sang de cette seconde saignée, engourdissement et fourmillement de l'avant-bras, vers sa partie externe ; froid; bientôt, taches livides ; enfin gan-grène bien prononcée, malgré tous les moyens simultanément em-ployés pour la prévenir.... Après huit jours d'attente et d'essais in-fructueux, l'amputation est faite et suivie deguôrison. —La dissec-tion de la partie amputée ne révèle aucune trace de lésion artérielle, mais une section incomplète du musculo-cutané externe.
« M. Yitrac a cherché dans les auteurs des faits analogues : ils sont rares. Il cite cependant celui d'Ambroise Paré pratiquant au roi une saignée, suivie d'une paralysie passagère de quelques doigts et du sphacèle de leur pulpe. — M. Dupuy, ayant eu occasion, il y a quelques années, de donner aussi des soins au marin en question pour une large gangrène du scrotum spontanément développée, croit, tout en admettant, dans le cas précédent, la section incom-plète du nerf musculo-cutané comme cause déterminante, à une prédisposition à la gangrène chez cet individu.» (Union médicale de la Gironde, tome II, page 127.)
— Il est regrettable que cette observation ne soit pas plus dé-taillée, que les lésions ne soient pas mieux décrites et que l'état de
la contractilité musculaire n'ait pas été mentionné. Quoi qu'il en soit, les troubles delà sensibilité qui ont été notés, les tâches noires, la gangrène, sont autant de phénomènes que l'on doit considérer comme des troubles trophiques consécutifs à la section incomplète du nerf musculo-cutané. L'existence d'une gangrène antérieure, pouvant faire supposer une prédisposition, ne peut être acceptée que sous bénéfice d'inventaire, car l'amputation a guéri, et si cette influence diathésique avait encore persisté alors, il est probable que la plaie nécessitée par l'opération aurait été elle-même envahie par la gan-grène.
Observation : Blessure à la région carpienne. —Fourmillement dans les trois premiers doigts. — Insensibilité, refroidissement de ces doigts. — Teinte ardoisée et exfoliation de Vépiderme. — Chute de la phalangette de T annulaire. — Cicatrisation. — Retour in-complet de la sensibilité à Vétat normal, par M. Vitrac
« Un jeune homme de 17 à 18 ans, menuisier, se blesse avec un ciseau la région carpienne. Une vive douleur s'ensuit, puis un petit épanchement sanguin. On fait un pansement provisoire, modéré-ment serré. M. Vitrac ne le voit que le soir et fait un pansement nou-veau. Trois jours après, fourmillement des doigts annulaire, médius et indicateur, puis, perte absolue de la sensibilité dans ces trois pha-langes (?), mais néanmoins avec conservation des mouvements. Ces trois doigts deviennent froids. Il y avait probablement lésion maté-rielle de quelques filets du nerf médian. Après cinq ou six jours, l'épiderme prend une teinte ardoisée et se détache. La plaie peu à peu se cicatrise; la sensibilité et la chaleur reviennent, mais incom-plètement dans le doigt annulaire, qui a perdu sa dernière pha-lange. (Ibidem, p. 128.)
— Ici encore les détails font défaut. Toutefois, aucune pré-disposition spéciale n'est invoquée et par conséquent les modifica-tions de la sensibilité, la coloration ardoisée de la peau, l'exfolia-tion épidermique, la perte d'une phalange, nous semblent devoir être rangés dans la catégorie des troubles trophiques consécutifs aux sections incomplètes des nerfs. IL
BIBLIOGRAPHIE
Diagnostic des manifestations secondaires de la syphilis sur la langue,
par le docteur C. Saison, ancien interne des hôpitaux de Paris, etc. In-8 de 58 pages. Ad. Delahaye, éditeur.
Tous les auteurs, qui ont parlé des syphilides, ont décrit la plaque muqueuse de la langue, mais le plus souvent, sous celte dénomination vague, ils ont compris presque toutes les lésions qui peuvent se manifester sur la langue, à cette période de la maladie. Certaines autres formes, en général plus tardives, telles que les syphilides tuberculeuses et ulcéreuses, ont été confondues avec les manifestations de la troisième période, les gommes. » Cette citation indique le but que s'est proposé M. Saison. Il décrit successivement la syphilide érythémateuse, les plaques muqueuses, les syphilides tuberculeuse et ulcéreuse, les lésions tardives intermédiaires; puis, dans un paragraphe suivant, il établit le diagnostic de ces syphili-des entre elles et avec les autres affections syphilitiques de la langue ; enfin il montre comment on peut reconnaître les syphilides des affections non syphilitiques de la langue (aphthes, hydroa, zona, mu-guet, plaques des fumeurs, etc.). M. Saison rapporte neuf observa-tions dans le cours de son travail, qui est surtout clinique, et ter-mine par les conclusions suivantes :
« 1° La période secondaire de la syphilis ne se manifeste pas seu-lement sur la langue par les plaques muqueuses ; — 2° Outre la syphilide tuberculeuse et ulcéreuse, on peut encore y faire rentrer certaines lésions que j'ai appelées lésions tardives intermédiaires ; — 3° Dans la plupart des cas, le diagnostic des syphilides de la langue peut être fait à l'aide des signes objectifs seuls, indépen-damment des antécédents et des affections concomitantes ; — ¥ On pourrait peut-être réunir dans un même cadre, sous le nom de manifestations dartreuses sur la langue, le pityriasis, le lichen et le psoriasis ; — enfin, peut-être ce qu'on a décrit sous le nom de plaques de fumeurs n'est-il autre chose que ces manifestations dar-treuses, entretenues et compliquées par l'usage du tabac. »
Le Gérant : a. de montméja.
Il E V U E P II 0 T 0 G R A PIIIQ U E
DES HOPITAUX
Planche XXVII.
RÉSECTION DE L'ÉPAULE, N« I
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX DE PARIS
CLINIQUE CHIHURGICALE
FRACTURE MULTIPLE DU TIERS SUPÉRIEUR DE L'HUMÉRUS DROIT
balle incrustée DANS LA cavité glenoide de l'ûMOPLATE - résection
de l'épaule — guéri on par le docteur reliquet
Gimel, 25 ans, soldat au 124e régiment de ligne, né à Strengel (Lot), est apporté à l'ambulance de i'Hôtel-de-Ville, le soir de la ba-taille de Cbampigny, le 50 novembre.
A la face antérieure du bras droit, au niveau du Y deltoïdien, est l'orifice d'entrée d'une balle, d'où s'écoule un liquide sanieux.—Je constate la fracture de l'extrémité supérieure de l'humérus, et l'explo-rationde la plaie avec le styletmefait reconnaître que celte extrémité supérieure de l'os est en fragments multiples, mais je ne trouve pas la balle. Le creux de l'aisselle, l'omoplate, le cou, le thorax, ex-plorés, je conclus que la lésion est limitée à l'extrémité supérieure de l'humérus.
L'état de prostration générale dans lequel est Gimel m'empêche de faire de suite la résection. Je cherche à ranimer un peu les forces en donnant du vin, des bouillons, et surtout de petits verres de bon cognac.
1er décembre. Malgré l'écoulement assez abondant d'un liquide sanguinolent par la plaie, la torpeur a beaucoup diminué, et les forces paraissent plus grandes que la veille, quoique le blessé soit très-pâle. Je continue le même régime.
2 décembre. Assisté par madame Gross, et par mes confrères les D,s Onimus et Collineau, le malade chloroformisé, je procède ainsi
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à la résection ; sur la face antérieure de l'épaule et du bras, de façon à passer par l'ouverture d'entrée de la balle, je fais une incision depuis le sommet de l'acromion jusqu'à trois centimètres au-dessous du V deltoïdien. Tous les téguments coupés, je suis dans le vaste foyer d'une fracture multiple. J'enlève une à une les esquilles, les saisissant avec un davier et disséquant leurs faces adhérentes aux tis-sus. Mais, malgré l'étendue de l'incision verticale, la plaie est trop étroite pour bien voir les fragments. Pour les détacher avec plus de sûreté, au niveau de la partie moyenne du deltoïde, j'incise cru-cialement les lèvres de la plaie, faisant une incision plus petite en dedans pour ne pas aller jusqu'à la gaine des vaisseaux.
Les morceaux de la continuité de l'os enlevé, je découvre le bout supérieur de l'humérus et je scie l'os immédiatement au-dessous du biseau de la fracture. Cette section de l'os laisse au-dessous d'elle le sommet du V deltoïdien. Puis j'extrais successivement les morceaux de la tête de l'humérus, qui sont au nombre de cinq, en coupant le plus près possible des surfaces osseuses les insertions des muscles sus et sous-épineux, sous-scapulaire et petit rond.
La cavité glénoïde à découvert, j'y vois la balle, qui est complète-ment incrustée dans l'os, au niveau de la moitié inférieure de la sur-face articulaire. Le bord inférieur de la cavité glénoïde fracturé se détache facilement, et j'enlève la balle, qui est toute déformée. Elle présente une large échancrure à surface lisse, qui n'est autre que l'empreinte du bord externe de l'omoplate contre lequel le pro-jectile s'est arrêté.
J'examine avec soin l'omoplate et ce qui reste de la cavité glé-noïde. Je me borne à retirer quelques fragments d'os, et je renonce à réséquer toute la capsule articulaire. Quelques artérioles liées, je lave la plaie avec de l'alcool pur. Puis je panse avec une queue de cerf-vo-lant imprégnée d'alcool.
L'opéré est couché horizontalement dans son lit, la tête sur un coussin. Son bras mis dans une gouttière est maintenu dans une po-sition déclive ; la main et l'avant-bras sont plus élevés.
Je prescris d'arroser de temps en temps le pansement avec de l'eau alcoolisée et phéniquée, et de faire prendre fréquemment du bouillon, du bon vin et du cognac ; peu à la fois, mais souvent.
Tous ces soins incessants ont été donnés à ce blessé, comme à tous ceux que j'ai eus dans l'ambulance de l'Hôtel-de-Ville, avec le dé-vouement le plus complet par madame Gross.
4 décembre. Je retire les bourdonnets de charpie qui se déta-
client facilement, et je remets de la charpie; on continue toujours à arroser le pansement.
La peau est chaude, sèche, âpre à la main; cependant il n'y a pas un état fébrile, bien franc.
Les membres inférieurs sont très-œdématiés. 11 n'y a pas eu de garde-robe. Mais Gimel prend toujours avec plaisir le bouillon, le vin et le cognac. Je fais donner de suite un lavement huileux. Dans l'après-midi, on fait sur tout le corps une ablution suivie de friction, avec de l'eau vinaigrée : un petit flacon de vinaigre de Bull y pour un litre d'eau.
Il y a des garde-robes abondantes, la sécheresse de la peau dimi-nue; en même temps l'appétit se réveille. On donne toutes les trois ou quatre heures un peu de viande avec du vin de Bordeaux.
Les frictions avec l'eau vinaigrée sont faites tous les deux jours, et dès que les garde-robes tardent trop, on donne un lavement.
6 décembre. Tous les bourdonnets de charpie du premier panse-ment sont retirés. La plaie est nettoyée avec soin, en seringnant de l'eau phéniquée dans son fond. Le pansement est renouvelé avec des bourdonnets de charpie imbibés d'eau phéniquée aux trois millièmes et introduits jusqu'au fond de la plaie. Les jours suivants, la suppu-ration de cette vaste plaie devenant abondante, le pansement est fait matin et soir.
7 décembre. L'œdème des jambes a presque disparu. 11 n'y en a plus qu'aux malléoles. L'état des forces est sensiblement meilleur. L'appétit est très-bon. Les soins quotidiens dont nous venons de parler sont continués les jours suivants sans qu'il se produise rien d'extraordinaire jusqu'au 25 décembre.
Ce jour, la langue est mauvaise, les garde-robes sont difficiles, les matières sont noires et répandent une odeur infecte. La sensi-bilité au froid est exagérée; la peau est chaude et sèche. La plaie est un peu blafarde.
Je fais prendre de suite une bouteille d'eau de Sedlitz ; et, après les selles, on donne, toutes les heures immédiatement avant un bouillon, 10 centigrammes de sulfate de quinine ; jusqu'à six pa-quets. Le lendemain, l'état général est tout à fait remis.
Les pansements à l'eau phéniquée provoquent, de temps en temps, un bourgeonnement exagéré de la plaie, qui devient saignante au moindre contact. Alors, pendant deux ou trois jours, je rem-place l'eau phéniquée par la glycérine, qui modère très-vite la vascu-larisation des bourgeons charnus en les rendant plus fermes.
Peu à peu, les tissus entre l'omoplate et le bout supérieur de l'humérus se froncent, la peau se plisse, et l'excavation de la plaie, qui était largement évasée, se resserrant de plus en plus sans dimi-nuer de profondeur, il devient difficile de bien nettoyer le fond de la plaie. Pour éviter un clapier, je fais au bord postérieur de l'ais-selle, juste au niveau du fond de la plaie, une petite incision, et l'y passe un tube à drainage qui occupe toute la plaie.
A la partie interne du bras, dans la gaine du biceps, il se forme une petite fusée purulente. Je conduis de haut en bas la sonde can-nelée dans ce trajet purulent, j'incise la peau au niveau de l'extré-mité inférieure de cette fusée de pus, et j'y place un tube à drainage. Dans ces deux tubes matin et soir, au moment du pansement, on fait des injections d'eau phéniquée.
o janvier. La virole du trait de scie de l'extrémité de l'humérus tombe. Quelques jours après, la fusée purulente de la gaine du biceps étant réduite à un simple trajet, j'enlève le tube à drai-nage.
10 janvier. Je relire du fond de la plaie un morceau d'os volumi-neux qui se détache de l'omoplate. Il a une forme triangulaire, est épais de plus d'un centimètre. En l'examinant, on reconnaît que c'est l'extrémité supérieure du bord externe, de l'omoplate, cette partie épaisse et dense de ce bord externe qui forme console au-des-sous de la cavité glénoïde et contre laquelle s'était arrêtée la balle. Sur la surface externe de ce fragment est incrustée dans l'os une plaque de plomb, grande comme la moitié d'une pièce de dix sous.
Les tissus se fronçant de plus en plus, il arrive un moment où le bout de l'humérus est très-rapproché de l'omoplate. Alors il de-vient nécessaire de laver tous les jours l'aisselle et d'y mettre de la charpie sèche, pour éviter les démangeaisons et l'irritation dues aux sécrétions retenues dans les replis profonds de la peau. La plaie, dont la cicatrisation des parties superficielles est très-avancée, est de plus en plus en un long trajet, occupé par le tube à drai-nage, qui sort, en dessous, au niveau du bord postérieur de l'ais-selle.
Les mêmes pansements sont continués. Gimel commence à s'as-seoir sur son lit pendant plusieurs heures chaque jour, et il finit par se lever le 20 janvier. Alors son bras est soutenu par ui e écharpe.
21 janvier. Je trouve un petit abcès au niverudu ti rs externe de
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DES HOPITAUX
RÉSECTION DE L'ÉPAULE, ¹ 2
la clavicule, .le l'ouvre directement et, en explorant sa cavité, je ne trouve pas de trajet allant de ce petit foyer à la plaie.
23 janvier. Je retire le tube à drainage. En explorant la plaie, je sous le bord externe de l'omoplate rugueux au stylet. Mais il n'y a pas de fragments mobiles.
15 mars. L'ambulance de l'Ilôtel-de-Ville est évacuée sur celle du Jardin des Plantes, oùGimel est conduit.
Je revois ce blessé le 15 juin; la plaie est réduite à un pertuis que j'explore sans trouver le plus petit corps étranger. Le bras est tou-jours porté en écharpe.
15 octobre. Gimel, passant par Paris, vient me voir. La plaie est complètement cicatrisée. Son bras est dans l'état où il est représenté planche XXVII. Les muscles du bras sont solides et assez volumineux. Les plis, dus au froncement des téguments au niveau de l'aisselle, ont tout à fait disparu. Les tissus se sont appropriés à la nouvelle lon-gueur du bras. Le raccourcissement, si apparent dans la planche XXVII, est réellement de 10 centimètres, d'après la mensuration faite de chaque côté du sommet de l'acromion à l'épitrochlée.
Le contact entre l'extrémité de l'humérus et la partie supérieure du bord externe de l'omoplate est immédiat, et il y a là entre ces deux os une véritable fausse articulation.
La planche XXVIII, montre le bras porté en arrière, le coude sail-lant, et l'avant-bras fléchi à angle droit. Dans cette position on voit tiès-bien l'activité du muscle biceps et celle de la partie postérieure d:i deltoïde qui reste.
Mais, outre le mouvement que montre celte figure, Gimel peut porter la main à la bouche, en inclinant un peu la tête ; il peut porter l'avant-bras en arrière et le lléchir dans cette position pour mettre la main contre la colonne vertébrale. Ainsi il y a rotation en dedans de l'humérus.
Jusqu'à présent il écarte très-peu le bras du tronc, et il ne fait pas du tout le mouvement de rotation en dehors du bras.
L'avant-bras se fléchit très-bien sur le bras, et Gimel a l'usage complet de sa main, sauf lorsqu'il faut la porter en dehors, l'avanl-bi us étant, fléchi sur le bras. Alors il est obligé de la conduire avec l'autre main. Ainsi il écrit, et il a adressé une longue lettre de. bonne reconnaissance à madame Gross, mais il est obligé de conduire sa main droite avec l'autre, pour lui faire suivre le mou-vement d'écartement du tronc qu'exige le tracé de la ligne.
Je crois que les mouvements spontanés de ce membre droit de
Gimel deviendront plus amples et plus sûrs par l'exercice. Mais je crains bien qu'il ne puisse jamais faire le mouvement de rotation en dehors du bras, car les muscles principaux de cette rotation en dehors du bras, le sous-épineux et le petit rond, ne peuvent plus agir, la portion de l'humérus à laquelle ils s'insèrent ayant été en-levée.
Malgré cette perte de mouvements spontanés, en somme limitée, le résultat obtenu, en raison delà longueur de la portion de l'humé-rus enlevée, est des plus heureux, et ce membre conservé rendra certainement de nombreux et importants services.
Dans ce cas, la balle a pénétré dans le canal médullaire de l'hu-mérus. Puis, suivant ce canal en éclatant l'os et sa tête articulaire ar-rondie, elle est entrée dans l'articulation, s'est incrustée dans la cavité glénoïde, où elle s'est arrêtée contre le bord externe de l'o-moplate. La portion de l'os omoplate, contre laquelle s'est arrêtée la balle, évidemment contusionnée, s'est éliminée. Mais j'ai été frappé de l'étendue de cette, portion d'os qui s'est détachée. Il est évident (et j'ai d'autres faits qui seront publiés dans le rapport général sur l'ambulance) que l'action par contusion de la balle sur le tissu os-seux s'étend plus loin que le laisse croire l'examen des parties, fait au moment de l'accident ou peu après.
Dans ce cas, certainement, si j'avais réséqué ce qui restait de la cavité glénoïde, d'un côté j'aurais enlevé le bord supérieur de la cavité articulaire qui est resté après la chute de l'eschare os-seuse, et de l'autre je n'aurais pas enlevé toute la portion contuse de l'os.
Ce même fragment d'os présente une plaque de plomb incrustée dans l'os et épaisse d'un demi-millimètre. Cette quantité de plomb quoique minime est très-suffisante pour entraîner une grande er-reur de diagnostic. En effet, la plaie explorée avec le stylet à bouton de porcelaine brute, ou avec l'appareil électrique si ingénieux de M. Trouvé, ces instruments, en tombant sur cette plaque de plomb, pourraient faire affirmer au chirurgien qu'il y a une balle incrustée dans l'os, quand il n'y a qu'une petite plaque de plomb.
L'œdème considérable des membres inférieurs, survenu trois jours après la blessure, le lendemain de l'opération, et qui a disparu assez rapidement, ne m'a point inquiété chez Gimel, parce que j'avais observé le même phénomène chez d'autres blessés, et j'avais vu ce trouble de la circulation de retour disparaître sous l'influence des toniques et des lotions vinaigrées.
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Planche XX!X.
CANCROiDE DE L'OREILLE DROITE
Enfin, il est un point très-important sur lequel je reviendrai, dans le rapport général sur l'ambulance de EHôtel-de-Ville, c'est sur l'ac-tion heureuse des purgatifs salins et sur celle des lotions vinaigrées, chez les sujets atteints de plaie. Ces deux moyens convenablement mis en usage agissent : le premier en éliminant des sécrétions acres et en rétablissant le fonctionnement normal du tube gastrique; le second, les lotions vinaigrées avec friction, rétablit très-vite le fonctionnement normal de la peau. J'ai été conduit à cette pratique dans les cas de plaie ordinaire, par les résultats si heureux que ces moyens convenablement employés m'ont toujours donnés dans les cas d'intoxication urineuse.
En résumé, agir ainsi, c'est chercher à rétablir les fonctions phy-siologiques altérées de la peau et du tube gastrique. C'est, croyons-nous, à ces moyens, réunis aux soins locaux, minutieux et constants, qui se trouvent décrits dans cette observation que nous devons de n'avoir pas eu d'infection purulente mortelle à l'ambulance de niôtel-de-Ville.
CANCROIDE DE L'OREILLE DROITE; PARALYSIE DU MUSCLE FRONTAL CORRESPONDANT
par E. bassereau, interne des hopitaux de paris
Le sujet de cette observation est un homme âgé de 52 ans atteint d'un cancroïde de la région auriculo-temporale (Planche XXIX).
Cet homme dans les antécédents duquel nous n'avons pu retrou-ver quelque chose de suspect et dont la sœur, ainsi que les enfants, jouissent d'une excellente santé, portait, depuis son enfance, unp petite tumeur mobile à trois centimètres au-dessus de l'oreille droite. Il y a deux ans, un coup de peigne lui fit une petite plaie à ce niveau. Le malade y fit peu d'attention, et elle persista ainsi pendant six mois sans qu'il se produisît de cicatrisation. A partir de cette époque, l'ulcération s'agrandit, poussa des branches et gagna le bord de l'oreille en avant et en arrière du pavillon, dont le tiers supérieur fut détruit. C'est en cet état que le malade entra, au mois d'août 1871, à l'hôpital de la Pitié et fut placé au lit n° 32 de la salle Saint-Louis, dans le service de M. le professeur Broca, sup-pléé alors par le docteur Pollaillon.
Celui-ci détruisit le mal au moyen d'applicat ons de pâte de
Canquoin. Ces applications furent faites à quinze jours de distance l'une de l'autre ; chaque fois le caustique, sous forme de plaque, lut maintenu sur les ulcérations pendant cinq heures. La première cautérisation fut faite sur toute l'étendue de la lésion, les deux au-tres furent partielles et eurent lieu sur des points suspects. La pre-mière cautérisation fut suivie d'une œdème blafard de la joue et plus tard de douleurs frontales et faciales du côté droit.
Ce n'est, au dire du malade, qu'il y a cinq semaines qu'on s'a-perçut de la lésion qui nous occupe. — Les fonctions du malau" sont régulières, il ne souffre que très-peu ; son teint est blafard ; il n'est point amaigri.
Lorsqu'on le regarde en face, on est frappé du défaut de symétrie de sa face : la moitié droite de son front est lisse, unie, sans aucun pli ; le sourcil occupe presque le bord orbitaire ; au-dessous de lui se trouve un bourrelet cutané qui masque la paupière supérieure en partie. Comparé au côté opposé, on voit que, du côté gauche, le front est creusé de plis profonds. Le sourcil gauche est arqué et se trouve plus élevé d'un centimètre que celui d.i côté droit. Faisant ouvrir et fermer les yeux au malade, en le faisant souffler, gonfler ses joues, etc., on constate l'intégrité du système musculaire de la face. (Voy. planche XXX.)
C'est donc un exemple de lésion du tronc des nerfs frontaux, branches du nerf facial issues du plexus sous-parotidien ; la cautérisation sans doute en est la cause. Les muscles auriculaires, s'ils existent, sont aussi paralysés. Ce fait nous montre l'existence de deux muscles frontaux bien distincts pbysioîogiquement. — Le sourciller et le pyramidal n'ont point été atteints. Cette paralysie partielle donne une expression singulière à la face, dont une moitié semble pensive et l'autre — le côté malade — exprime la tranquil-lité, l'absence de soucis, (i a planche XXX donne une idée assez exacte de ce contraste ; on voit le sourcil gauche fortement arqué, relevé, et, au-dessus de lui, des plis cutanés dus à la contraction du frontal gauche, plis qui font complètement défaut à droite.)
La tumeur épithéliale,qui avait semblé détruite,a reparu au niveau du bord de l'oreille ; une ulcération serpigineuse occupe le bord du moignon auriculaire et la peau du crâne avoisinante. Les parties supérieures de la lésion sont détruites et des cicatrices s'y sont formées. (Planche XXIX.)
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
Planche \\X.
PARALYSIE DU MUSCLE FRONTAL DROIT
C A N C R 0 ï D K
PATHOLOGIE INTERNE
DES DÉGÉNÉRESCENCES AMYLOIDE ET PIG!¥I £NTA!RI DE LA RATE
par g. peltier, interne des hopitaux de paris
La dégénérescence dite amyloïde est une dégénérescence spéciale, iée dans son développement à un trouble de nutrition de l'orga-nisme, offrant un mode d'évolution presque toujours le même et une tendance à peu près constante- à la généralisation. Son carac-tère anatomique essentiel est la présence, dans l'intérieur même des éléments anatomiques et des parties constituantes des tissus, d'une matière de nature albuminoïde, prenant une coloration particulière sous l'influence de certaines préparations iodées.
I. Bibliographie.
Rokitansky. —Lehrbuch derpath. Anal. Vienne, 1842 et 1855. Budd. — On diseases ofthe liver. Londres, 1845 et 1857. Yirchow. —Archiv fùrpath. Anat., 1853.
YVilks. — Cases oflardaceous Tumours. etc. (Guy's Hospital Reports, 1856.)
Beckmann. •— Yirchow''s Archiv, 1858. Friedreich und Kekule. — Yirchow's Archiv, 1859. Frerichs. — Traitcdes maladies du foie, 1864, pages 415, 418, 425, 428.
Jaccoud. — Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, 1865.
Cornil. —Dictionnaire encyclopédique, 1866.
Chevillion. — Étude générale sur la dégénérescence dite amyloïde. (Thèse de Paris, 1868.)
Niemeyer. — Éléments de pathologie interne (2e édition française), t. I, p. 755, 1869.
Oyon. — Altération amyloïde de la rate, du gros intestin, de l'in-testin grêle et de Vestomac. (Soc. anat., 1870, p. 124.)
Nous nous bornons à ces indications ; on trouvera un index bi-bliographique complet, soit dans le Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques (Article : Dégénérescence amyloïde), soit dans
le Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales, soit encore dans la Thèse de M. Ghevillion.
II. Historique. L'étude de la dégénérescence amyloïde est de date récente ; entrevue par Portai, Graves et Andral, elle a été dé-crite pour la première fois en 1842 par Rokitansky. En 1845, Budd en fait mention à son tour dans son Traité des maladies du foie, et enfin en 1855, Virchow trouva la caractéristique constante de la dé-générescence amyloïde, c'est-à-dire la réaction iodo-sulfurique. Un peu plus tard, en 1856, Wilks inséra dans les Guys Hospital Re-ports un mémoire plein d'intérêt sur les tumeurs lardacées, et plus récemment Beckmann, Friedreich et Kekule ont fait connaître des observations complètes avec une description microscopique très-détaillée. Ces deux derniers auteurs ont joint à leur travail une ana-lyse élémentaire de la substance amyloïde de la rate, et ils ont montré qu'elle appartient au groupe des matières albuminoïd.es, conclusion à laquelle est également arrivé C. Schmidt. Depuis lors ont paru divers travaux intéressants à différents titres, et où l'on trouve l'exposé complet de la question. Je citerai particulièrement les articles dogmatiques consacrés à la dégénérescence amyloïde, par M. Jaccoud, dans le Dictionnaire de médecine et de chirurgie pratiques, et par M. Cornil, dans le Dictionnaire encyclopédique des sciences médicales ; je signalerai également la Thèse de M. Ghevillion qui résume tous les travaux de ses prédécesseurs et qui fixe l'état de la science sur ce point.
III. Anatomie pathologique. Nous ne pouvons évidemment pas insister sur tous les caractères' généraux de la dégénérescence amyloïde ; ce serait étendre sans raison le sujet qui nous occupe. Nous dirons seulement que la rate est un des organes le plus fré-quemment atteints de l'altération amyloïde; c'est aussi celui où le réactif iodó-sulfurique donne peut-être les résultats les plus nets, ce qu'on pourrait attribuer, soit à l'état relativement plus avancé de la lésion, soit à quelques différences de nature encore très-impar-faitement connues, que présenterait dans la rate la matière dite amyloïde.
La rate amyloïde est lourde, dense, plus cassante qu'à l'état nor-mal ; sa couleur est d'un rouge pâle ; la coupe en est très-homo-gène, lisse, sèche et montre un brillant qui a été comparé à celui du lard ou de la cire (Niemeyer).
Dans la rate, la transformation atteint d'abord les corpuscules de Malpighi; si alors on pratique une coupe de l'organe, on aperçoit des nodosités sphériques, de la grosseur d'un grain de millet ou d'un petit pois, tranchant par leur aspect vitreux, translucide, sur le fond rouge du parenchyme demeuré intact. Ces petits grains res-semblent à des grains de sagou cuit; de là le nom de sagomilz (rate-sagou), donné par Virchowà la rate ainsi modifiée.—Dans d'autres cas, la lésion respectant les corpuscules, envahit les éléments cle la pulpe et les noyaux libres qui s'y trouvent en grand nombre ; les artérioles et les capillaires sont ordinairement atteints ; enfin dans les degrés extrêmes, la dégénérescence attaque les trabécules spléniques, la capsule d'enveloppe et les grosses branches vascu-laires.
La dégénérescence amyloïde ne se rencontre presque jamais isolé-ment dans la rate; on l'observe en même temps dans d'autres organes, surtout dans le foie et les reins, souvent aussi dans les glandes lymphatiques et la muqueuse intestinale ; en outre, on trouve,comme coïncidence habituelle, les restes d'une affection chronique des os, d'une syphilis constitutionnelle, d'une tuberculisation, d'un cancer ; ce que nous allons voir d'ailleurs en traitant de Yétiologie.
IV. Étiologie. —Donnons d'abord quelques notions étiologiques ayant trait à la fréquence de l'altération amyloïde de la rate, envisa-gée suivant l'âge, le sexe, les milieux, etc.
D'après Wagner (relevé de 48 cas), Frerichs (relevé de 68 cas), et Fehr (relevé de 144 cas), la dégénérescence amyloïde peut se mon-trer à tout âge ; mais elle est surtout fréquente de 20 à 30 ans ; l'homme paraît y être plus sujet que la femme (87 hommes, 57 fem-mes , d'après les cas relevés par Fehr). L'altération paraît plus fréquente en Allemagne et en Angleterre; mais nous devons faire remarquer que son étude est restée quelque peu négligée en France, ce qui pourrait peut-être expliquer la différence des ré-sultats.
Quant aux causes proprement dites, elles sont complexes ; mais elles peuvent cependant se résumer en une seule qui les renferme toutes : un trouble général de nutrition de l'organisme. Dans toutes les observations qui sont publiées, les processus morbides détermi-nants sont des plus variés ; mais un lien commun les rattache, c'est leur valeur comme cause de débilitation cle l'organisme. C'est évi-demment ainsi qu'agissent toutes les causes que l'on a citées comme
produisant l'altération amyloïde, nous voulons parler des suppura-lions osseuses, du rachitisme, de la tuberculose, du cancer, de la sy-philis constitutionnelle, de la cachexie paludéenne, cardiaque ou autre.
Nous pensons donc que l'on doit rejeter l'opinion de M lîartb, que nous trouvons ainsi formulée dans les Bulletins de la Société anatomique de 1857 : « Je n'ai vu les altérations cireuses que de-puis trois ou quatre ans; je crois, par conséquent, qu'elles doivent être déterminées par des causes de date récente. Je ne sera;s pas éloigné de penser qu'elles peuvent être attribuées à l'usage pro-longé de l'huile de foie de morue. »
V. Symptomatologie. — Faire une étude symptomatologique com-plète de la dégénérescence amyloïde de la rate nous semble impossi-ble, dans l'état actuel de nos connaissances. Disons-en cependant quelques mots.
Chez les malades atteints de dégénérescence amyloïde, on observe toujours deux ordres de symptômes : les uns tiennent à la maladie antérieure qui a amené la dégénérescence; les autres sont le fait de l'altération elle-même. — Le début se fait habituellement d'une manière silencieuse, au milieu même des symptômes de la cachexie persistante ; elle échappe, à cette période, à l'observation la plus at-tentive, et ce n'est guère que dans les phases les plus avancées, lorsque l'altération est déjà étendue, qu'il est permis d'en soupçon-ner l'existence. 11 faudra alors faire un examen clinique appro-fondi , et quelquefois les signes physiques pourront mettre sur la voie.
La rate, en effet, est ordinairement hypertrophiée; le fait n'est cependant pas constant : ainsi, sur 14 observations où le volume est nettement indiqué, nous avons trouvé 4 cas où on constatait une diminution du volume de l'organe. — La surface de la rate est lisse et unie, sa consistance un peu plus ferme ; mais il est très-difficile de percevoir ces caractères.
Ajoutons d'ailleurs qu'il faudra toujours examiner simultanément le foie, les reins et la rate, et même le canal intestinal. — De la réu-nion des symptômes présentés par ces organes, on pourra quelque-fois arriver au diagnostic.
D'après Niemeyer, la dégénérescence du parenchyme splénique semble plus particulièrement coïncider avec des hydropisies et des hémorrhagies multiples ; mais comment apprécier à leur juste va-
leur ces divers phénomènes, alors que la plupart des cachexies peu-vent kur donner naissance, et que l'état cachectique domine néces-sairement le tableau symptomatique de la dégénérescence ?
VI. Pronostic — Il est constamment grave, surtout en raison des conditions spéciales dans lesquelles se développe la dégénérescence. Cependant dans certains cas liés à la cachexie syphilitique, la lé-sion a pu être enrayée et même guérie.
VII. Traitement. — Le traitement présente toujours deux indica-tions principales : l'état pathologique, qui a servi de cause déter-minante, et la dégénérescence elle-même. Parmi les nombreux moyens thérapeutiques mis en usage contre cette dernière, bien peu nous paraissent offrir quelque valeur.
Les succès connus jusqu'à présent ont été dus à l'iodure de po-tassium uni aux pilules bleues (Gros), et l'altération s'était dé-veloppée chez des individus syphilitiques. Nous nous bornerons en-core à signaler l'usage successif de l'iodure potassique et des eaux d'Aix-la-Chapelle (Frerichs) ; l'administration du chlorhydrate d'am-moniaque, à petites doses (Budd). Signalons enfin l'emploi des eaux alcalines (Vichy, Ems, Carlsbald ) et des eaux sulfureuses (Weilback).
RATE PIGMENTÉE OU MÉLANHÉMIQUE
On donne le nom de rate pigmentée m mélanhémique à un état morbide caractérisé par l'accumulation de matière pigmentaire dans l'organe splénique. — La pigmentation de la rate, d'ailleurs, est toujours accompagnée de la présence dans le sang de matière pigmentaire que l'on trouve souvent aussi dans le foie, le cerveau et les reins. — L'ensemble des phénomènes produits par l'accumu-lation de ce pigment constitue la maladie qu'on a appelée mélan-hémie.
I. Bibliographie.
Lancisi. — De noxiis paludum effluviis, in opéra medica. Stoll. — Ratio medendi.
Baii.lv. — Traité des fièvres intermittentes, 1825. Billard. — Archives générales de médecine, 1825.
Po-pkejn. — Historia epidem. malignœ Jeverœ observ. Bremel, 1827. Annesley. — Besearches in the causes, nature, treatment ofthe more
prévalentDiseasesof India. London, 1828. Stewardson. — The American Journal, p. 42, 1841. Haspel. — Maladies de l'Algérie. Paris, 1850. Meckel.— Zeitschr. fiir Psychiat. 1847, et Deutsche Klinik, 1850. Yirchow. — Archiv fur pathol. Anat. 1849 et 1853. Planer. — Eodem loco, 1854.
Frerichs. — Maladies du foie. — Art. Foie pigmenté, p. 262, an-née 1862.
II. Historique. — « D'après une ancienne tradition, il se formerait parfois dans la rate et dans le sang de la veine porte des matières noires pouvant devenir une source de maladies. La bile noire con-stituait naguère un élément essentiel des théories humoropatholo-giques. Galien la regardait comme un résultat secondaire de la pré-paration de la bile et la faisait s'accumuler dans la rate, d'où elle allait causer l'engorgement des vaisseaux , l'obstruction des intes-tins et des troubles graves de l'innervation. » (Frerichs). — A peine la médecine scientifique avait-elle renversé ces vestiges de la patho-logie hippocratique, qu'il lui fallut y revenir ; en effet, on observa des affections où il se forme dans la rate, aux dépens du sang dé-composé, des substances noires que l'on retrouva dans le foie, dans le cerveau; et dans ces affections on constata l'existence d'accidents semblables à ceux qu'ont décrits les anciens.
Cependant, pour être justes, il faut reconnaître que l'étude des faits relatifs à la pigmentation appartient à l'époque contemporaine. — Lancisi, Stoll, Bailly, Billard, Haspel, Stewardson se bornèrent seulement à décrire la pigmentation de la rate, du cerveau ou du foie; mais Meckel le premier (1857), bientôt suivi par Virchow, en fit l'objet d'études fructueuses. Pour la première fois, il reconnut que la coloration sombre des organes dépendait d'une accumula-tion du pigment dans le sang.
Un peu plus tard, Heschl et Planer continuèrent ces travaux impor-tants et publièrent un grand nombre de faits ayant trait au sujet qui nous occupe. Terminons enfin ce court aperçu historique en signa-lant l'important article consacré par Frerichs à la pigmentation du foie, dans son Traité pratique des maladies du foie et des voies biliaires.
III. Anatomie pathologique. — Nous ne voulons pas faire ici l'his-toire complète delamélanhémie. Nous nous bornerons donc à décrire ce que la pigmentation offre de particulier dans la rate.
Aspect extérieur. — Dans l'état morbide que nous étudions, la rate est généralement d'un brun sombre, de temps en temps d'un noir bleuâtre ; cette couleur est ◀tantôt▶ uniforme, ◀tantôt▶ répandue par taches. En même temps la consistance et le volume de la rate sont modifiés; elle est hypertrophiée, ramollie dans les cas aigus, endurcie quand la maladie suit une marche chronique. En même temps que ces lésions, on en trouve d'analogues dans le foie, les poumons, le cerveau, les reins et les glandes lymphatiques. —Le pigment existe aussi en abondance dans le sang qui le porte dans les divers organes et les tissus.
Caractères physiques du piqment. — La forme qu'affecte d'ha-bitude le pigment, est celle de granules petits, arrondis ou angu-leux, qui ◀tantôt▶ ont des contours bien ;• T'êtes et ◀tantôt▶ sont en-tourés par un liséré brunâtre ou incolore. Rarement ces granules sont isolés ; la plupart du temps plusieurs sont réunis en groupe au moyen d'une substance pâle, soluble dans l'acide acétique et dans les alcalis caustiques. — Outre les granules et les con-glomérats granuleux, on découvre aussi, mais en bien plus petit nombre, de véritables cellules pigmentaires. Dans l'intérieur de ces cellules sont logés les grains noirs en nombre plus ou moins grand.
La couleur du pigment est d'habitude d'un noir foncé; plus rare-ment elle est brune ou ocreuse ; par exception seulement elle parait d'un jaune rouge. Ces teintes représentent les divers stades par les-quels passe l'hématine pour se transformer en matière mélanique; les progrès de cette métamorphose ne sont pas seulement réels par la couleur, ils le sont encore par le mode d'action des réactifs. La résistance que les substances noires opposent aux acides et aux alcalis caustiques est fort variable. Si ces produits sont de formation ré-cente, ils blanchissent et perdent plus ou moins rapidement leur couleur ; s'ils sont anciens, ils résistent bien plus longtemps à l'action chimique. (Frerichs.)
IV. Pathogénie et symptomatologie.—La pathogénie embrasse deux termes : 1° où et comment se forme le pigment? 2° quelles sont les conséquences qu'entraîne ce corps, relativement à l'activité fonction-nelle et à la structure des divers organes?
1° Où et comment se forme le pigment? Il paraît bien prouvé que le pigment se développe dans la raie ; mais cette propriété n'appar-tient-t-elle qu'à l'organe splénique? Frerichs croit que le pigment n'est qu'une transformation de l'hématine et qu'elle peut s'opérer partout, même en dehors du système vasculaire. Nous ne savons jusqu'à quel point est fondée cette manière de voir; quoi qu'il en soit, ce qui est certain, c'est que l'accumulation du pigment n'est nulle part aussi constante que dans la rate ; sa présence dans cet or-gane est une règle sans exception. Après la rate, relativement à la fréquence et à l'intensité de la pigmentation, vient le foie, puis les poumons, le cerveau, les reins. Il n'est pas rare de voir la rate seule pourvue de pigment.
Une fois formé, le pigment passe dans les vaisseaux, et il est porté dans la circulation générale : dans les capillaires, il se trouve ar-rêté; il s'agglomère, et c'est ainsi qu'il peut s'accumuler dans les divers organes. Dans le foie, le pigment apparaît formant des irra-diations semblables à celles du.trajet des vaisseaux; dans les reins, le pigment s'arrête de préférence dans la substance corticale ; dans le cerveau, il se loge surtout dans la substance grise.
2° Quelles sont les conséquences qu entraîne le pigment, relative-ment à l'activité' fonctionnelle et à la structure des divers organes? Le travail de formation pigmentaire dont la rate est le siège exerce sur l'estomac une influence dont le résultat est un ensemble analo-gue à la chlorose; l'anémie et l'hydrémie sont les phénomènes les plus saillants. Par suite de l'arrêt du pigment dans les vaisseaux, arrivent aussi des altérations secondaires que nous allons seulement indiquer.
Dans le foie, une partie de la circulation porte est oblitérée; par suite, on a des effets a teryo dans les racines de la veine porte ; de là des congestions, des hémorrhagies intestinales, de la diarrhée, des vomissements. Par suite de l'oblitération, il peut même y avoir ascite, hydropisie, etc. — Pour les reins, il se produira de l'al-buminurie et quelquefois de l'hématurie ; —Pour le cerveau,\\ y aura affaiblissement intellectuel,coma, délire, quelquefois paralysie,trou-bles, que d'ailleurs on peut rencontrer dans l'anémie ou l'ischémie cérébrales. On voit que les symptômes s'expliquent assez nettement par les lésions.
V. Etiologie. — Les fièvres d'origine palustre, intermittentes, ré-
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DES HOPITAUX
Planche XXXI.
TUMEUR FIBRO-PLASTIOUE
mittentes ou continues sont, jusqu'à présent, les seules causes qu'on soit en droit d'assigner à la pigmentation de la rate.
VI. Pronostic. — Trop souvent la mort est la conséquence des désordres produits par l'accumulation du pigment dans les viscè-res; toutefois, quand la lésion ne gagne pas les centres nerveux, quand elle reste dans le foie et la rate, on peut quelquefois obtenir la guérison, au moins momentanée. Il faut cependant se garder de porter un pronostic trop favorable, car il n'est pas rare de voir tout à coup des récidives promptement mortelles éclater à l'impro-viste.
VII. Traitement. — La pigmentation de la rate ne fournit pas d'indications thérapeutiques spéciales. Son traitement se confond avec celui des fièvres intermittentes vulgaires ou pernicieuses et avec celui de la cachexie palustre.
Il faudra, dès que le diagnostic sera établi, faire prendre au ma-lade d'assez fortes doses de sulfate de" quinine, soit en potion, soit par la méthode hypodermique. — On combinera ce traitement avec des préparations ferrugineuses, le lactate ou le citrate de fer. On pourra aussi recourir aux préparations iodées, surtout à l'iodure de fer, et surtout aux eaux minérales contenant de l'iode ou du brome.
MÉDECINE OPÉRATOIRE
TUMEUR FIBRO-PLASTIQUE DE LA CUISSE
par le docteur a. de montméja
La Planche XXXI représente une tumeur fibro-plastique de la cuisse dont nous avons pris la photographie dans le service de M. Maisonneuve, à l'Hôtel-Dieu.
En dehors du volume considérable qu'elle possédait, cette tumeur n'avait rien de particulier à signaler sous le rapport de sa nature et de son développement. Nous ne voulons même pas donner ici sa description détaillée, qui serait sans intérêt, pour nous borner à quelques réflexions pratiques sur l'extirpation de ce genre de tu-meurs.
Nous connaissons trois autres cas de tumeurs fibro-pJastiques tout à fait analogues à celui que représente notre photographie : L'un d'eux a été observé par nous à l'hôpital de Bicêtre et les deux autres dans la pratique civile. Dans ces différents cas, la tumeur avait acquis un volume considérable et siégeait dans la même région ; il était impossible de reconnaître, par la palpalion, la pré-sence de pédicule, et la surface très-indurée offrait des sillons larges et profonds dans lesquels régnaient des vaisseaux veineux très-dilatés.
Ces sillons et ces vaisseaux s'entre-croisaient fréquemment : tout, en un mot, annonçait une grande vascularité de la surface de ces tumeurs.
Le malade que nous avons observé à Bicêtre ne subit point d'o-pération et succomba à la suite d'une vaste suppuration qui s'éta-blit au sein de la tumeur et se fit jour par plusieurs débouchés ; à l'autopsie, nous trouvâmes sous la tumeur un pédicule très-court renfermant de nombreux vaisseaux.
Dans les deux cas que nous avons observés, en dehors des établis-sements hospitaliers, les tumeurs furent enlevées à l'aide d'une dissection fort pénible et d'une longue durée ; on arriva également sur un pédicule qui fut lié et coupé, mais les malades perdirent une quantité énorme de sang pendant la dissection ; les veines su-perficielles formaient de riches anastomoses avec les veines cuta • nées, et ces dernières avaient acquis un calibre bien supérieur à celui qu'elles possèdent normalement ; de là des hémorrhagies dont on ne put se rendre maître assez rapidement. Une des malades ne tarda pas à mourir et la seconde succomba peu de jours après par infection purulente.
Le malade dont nous avons la photographie fut opéré par M. Mai-sonneuve. Le chirurgien ne manqua pas de faire ressortir l'incon-vénient qu'il y avait à pratiquer la dissection d'une surface de té-guments si considérable et dit que, en pareil cas, il avait eu à se louer de procéder de la manière suivante :
Après avoir fait à la peau, sur la partie moyenne et dans toute la longueur de la tumeur, une incision ovalaire, le chirurgien, sai-sissant d'une main les bords de la plaie, qu'une dissection peu étendue rendait plus accessibles, pratiquait la séparation des té-guments par arrachement, en s'aidant de l'autre main qui dédolait, ainsi qu'on l'eût fait avec un instrument tranchant. Lorsqu'on arrivait au pédicule, on plaçait une ligature et le serre-nœud faisait le reste.
Le malade, que nous avons vu opérer, perdit très-peu de sang ; malgré l'état de cachexie dans lequel il se trouvaitavant l'opération, il tarda quelque temps à succomber à l'épuisement de ses forces.
L'application de la méthode opératoire dont nous venons de parler offre de grands avantages au point de vue de la rapidité, mais elle demande de la vigueur de la part de celui qui l'emploie ; elle possède une physionomie quelque peu brutale ; son manuel opé-ratoire ne comporte pas l'élégance de nos opérations réglées, mais elle place le malade dans les meilleures conditions pour le succès, lorsque son état général et les complications inhérentes aux grands traumatismes n'y mettent pas de sérieux obstacles.
CLINIQUE MÉDICALE
ETUDE SUR LES ARTHROPATHIES CONSÉCUTIVES A QUELQUES MALADIES DE LA MOELLE ET DU CERVEAU
par bourneville1
vi. attitude et contracture des membres ; — lésions articulaires qui s'observent chez les hémiplégiques.
1° Hémiplégiques par atrophie partielle du cerveau (fin). — « L'attitude habituelle de ces malades, écrit M. Bouchard, consiste en une flexion de l'avant-bras avec pronation, flexion de la main et des doigts. Si l'on opère par force l'extension des doigts, on voit qu'arrivés à un certain degré ils se placent spontanément et brus-quement comme par un mouvement de ressort dans une extension forcée, en même temps que la flexion augmente dans l'articulation radio-carpienne, et le membre reste indéfiniment dans cette nou-velle position. Si l'on opère alors la flexion, on éprouve d'abord une certaine résistance, puis brusquement encore, la flexion des doigts se complète spontanément et la main se redresse légèrement ; l'at-titude primitive s'est ainsi reproduite : sur 14 malades du service de M. Delasiauve atteintes datrophie cérébrale, j'ai noté deux fois ce symptôme2. »
1 Voy. Revue Photographique, 1871, page 120.
2 Des Dégénérations secondaires de la moelle épinière, p. 08, 1860.
Plus loin (p. 72), achevant la description des déformations de la main, il ajoute : « Lorsque l'hémiplégie s'est produite avant le complet développement de l'individu, et surtout dans la première enfance, la main qui est le plus souvent en flexion, au lieu d'accuser par des angles saillants les articulations fléchies, présente au con-traire, par sa région dorsale, une surface régulièrement convexe qui se continue sans soubresaut de l'avant-bras jusqu'aux dernières phalanges. Cette forme particulière est sans doute le résultat de l'atrophie du tissu osseux et des éminences articulaires, atrophie à laquelle ne participe pas le tissu cellulaire sous-cutané. Ce carac-tère suffît quelquefois, en l'absence de tout commémoratif, pour distinguer le ramollissement ancien de l'adulte de l'atrophie céré-brale unilatérale consécutive à une lésion, quelle qu'elle soit, qui aurait détruit une portion plus ou moins considérable d'un hémi-sphère pendant l'enfance. »
Le caractère attribué, d'ailleurs avec réserve, par M. Bouchard, aux déformations de la main chez les personnes paralysées depuis leur enfance n'est pas constant. On le voit chez Delett..., représentée dans la planche XVI; mais il manque chez Lee... (planche VIII), pa-ralysée dès l'âge de 17 mois.
Chez cette dernière malade, en effet, la main forme avec l'avant -bras un angle droit. Nous retrouvons encore cette même attitude chez une femme dont la paralysie, survenue à l'âge de 21 ans, date aujourd'hui de près de 20 ans. La lecture de son histoire, l'examen de la planche XXXII, permettront à nos lecteurs de s'assurer par eux-mêmes que les différences, au moins dans ces cas, sont médiocre-ment tranchées.
Observation XI. — Attaques apoplectiques répétées. — Hémiplégie droite complète. — Rétablissement du membre inférieur. — Con-tracture persistante du membre supérieur. — État actuel.
Trib... Louise-Joséphine, âgée actuellement de41 ans, couturière, est entrée à la Salpêtrière en octobre 1856.
Notes communiquées par M. Vulpian. T... a été réglée à 12 ans ; les règles étaient régulières et assez abondantes. Elle a joui d'une bonne santé jusqu'à 21 ans, époque où elle a eu, dans un même jour, deux attaques caractérisées par des étourdissements avec perte de connaissance et chute. A la fin de la semaine, elle a eu une troisième attaque, suivie d'une hémiplégie droite avec résolution des membres. Ces diverses attaques auraient été précédées de cé-phalalgie.
Au dire de la malade, la bouche aurait été fortement déviée à gauche durant deux mois. La paralysie de la jambe aurait com-mencé à diminuer au bout de deux mois. A une certaine époque, gonflement du bras et de la main ; cet accident reviendrait de temps en temps.
État actuel (1862). Paralysie du bras droit avec roideur et flexion très-légère de l'avant-bras sur le bras et des doigts sur la paume de la main. La malade ne peut étendre ni l'avant-bras, ni les doigts. L'extension forcée des doigts ne cause aucune douleur. Parfois T... a des douleurs spontanées dans l'avant-bras ; dans certains mo-ments, elles s'accompagnent d'un mouvement qui exagère la flexion des doigts. — T... ne peut mouvoir ni les orteils, ni le pied qui est dévié. — Les muscles extenseurs, fléchisseurs, etc., paraissent avoir conservé leur contractilité. — Point hyperesthésique au ni-veau de la partie inférieure de la région dorsale de la colonne verté-brale. Douleur au creux hypogastrique. Partout ailleurs la sensibi-lité n'est pas modifiée.
Céphalalgie fréquente. Faiblesse générale très-grande. A l'auscul-tation du cœur, léger bruit de souffle au premier temps ; dédou-blement du second. Pouls à 60, parfois à 40.
5 novembre 1562. La malade entre à l'infirmerie pour des dou-leurs assez vives à la région cardiaque. A l'auscultation, on constate que le second bruit a un timbre assez sec et est dédoublé. Le dé-doublement a son maximum d'intensité à la pointe, mais se retrouve aussi à la base. T... dit éprouver des palpitations depuis l'âge de 21 ans. Le pouls est assez petit. — La malade a toujours, par in-tervalles, des douleurs dans le bras droit. Il n'y a pas de change-ment appréciable des parties paralysées depuis la note précé-dente. — Octobre 1865. Bronchite.
Mai 1866. Bronchite. — La malade traîne la jambe droite en marchant. Elle ne peut se servir de son membre supérieur, qui est lourd, mais elle le soulève. Les doigts sont fléchis dans la paume de la main ; il lui est impossible de les étendre. — La face est un peu tirée vers le côté gauche. Rotation des yeux en tous sens.
Mars 1867 (Note de M. Lépine). 11 y a quelques jours, les deux mains étaient semblables au point de vue de la température. Au-jourd'hui, 24 mars, la main, l'avant-bras, et le bras sont plus froids à droite. La différence est beaucoup moins grande aux bras qu'aux mains. De même pour les membres inférieurs, le pied, la jambe, le genou et la cuisse, mais à un moindre degré, sont plus
froids du côté malade que du côté sai». Ces phénomènes s'accentuent davantage quand la malade est levée depuis quelque temps.
Mars 18681. Elle vient à l'infirmerie pour un embarras gastrique.
Octobre 1871. Cette malade, petite de taille (lm,45) ressemble plus à un enfant par ses allures et son langage qu'à une femme. Son intelligence est faible; sa tête est peu volumineuse (48 centimètres un peu au-dessus de la racine du nez et au niveau des conduits au-ditifs) . Les deux moitiés du crâne, de la face, de la chevelure, etc., ne présentent pas de différence. Il n'y a pas de signes de paralysie fa-ciale.
Membre supérieur droit. La malade élève le bras jusqu'à l'hori-zontale; l'adduction et l'abduction se font d'une manière incom-plète. Pour dépasser ces limites, même légèrement, on doit vaincre une certaine résistance.
T... tient d'habitude Y avant-bras fléchi à angle droit sur le bras ; on parvient aisément à le mettre dans l'extension, mais bientôt il revient à sa position ordinaire, par suite delà contracture des mus-cles fléchisseurs et en particulier du biceps. L'avant-bras, considéré en lui-même, est dans la pronation. Essaye-t-on de le placer dans la supination, après effort, on arrive à une position intermédiaire. Veut-on aller plus loin, on est arrêté par la douleur.
La main est à angle droit sur l'avant bras, les doigts sont fléchis. Voici leur disposition respective : la phalange du pouce est portée en dedans, la phalangette fléchie sur la phalange. — Les autres doigts sont fléchis dans les articulations des phalanges avec les pha-langines. Les phalangettes sont très-peu fléchies; la flexion de celle de l'auriculaire est plus marquée. En un mot, les doigts ont l'aspect d'un crochet, ou mieux d'une griffe. Lorsqu'on veut les allonger, on éprouve une résistance notable et, aussitôt qu'on les abandonne à eux-mêmes, ils reviennent à leur position pathologique à l'instar d'un ressort. Les mesures suivantes indiquent les dimen-sions comparatives des divers segments des membres supérieurs :
DROIT GAUCHE
Circonférence du métacarpe (extrémité
inférieure) ..... 17,5 cent. 18,5 cent.
— du pouce....... 4,7 — 5,5 —
Longueur du pouce......... 4 — 5,2 —
Circonférence du poignet...... 14 — 14 —
— du coude....... 19 — 19,2 —
— du bras (1/3 inf.) . . . 20 — 20 —
1 A partir de cette date, l'observation nous est personnelle.
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HEMIPLEGIE ANCIENNE
ATT I 7 L' i) I
Les différents modes de sensibilité sont intacts. La malade se plaint seulement de douleurs dans les articulations métacarpo-phalangiennes, douleurs qu'elle compare à des élancements et qui reviendraient plusieurs fois par jour. — Elle serre encore un peu avec sa main ; elle porte même des objets assez pesants, lorsqu'ils sont placés dans le crochet formé par les doigts, par exemple un pot de tisane. D'après elle, la faiblesse serait plus grande sous l'in-fluence du froid.
Membre inférieur droit. La hanche et le genou sont libres. Le ge-nou, durant les mouvements, est le siège de quelques craquements. L'articulation tibio-tarsienne est roide ; le pied est porté en de-dans, sa face plantaire relevée (varus léger). La malade est impuis-sante à remuer les orteils, qui sont un peu fléchis, et à porter le pied soit dans l'adduction, soit dans l'abduction. La sensibilité est nor-male, la même des deux côtés. T... marche avec facilité; cependant elle traîne encore la jambe, comme elle le faisait en 1862. Les pieds sont, à peu de chose près, aussi longs l'un que l'autre. Voici les mesures respectives des deux membres inférieurs :
DROIT GAUCHE
Circonférence du métacarpe.....18 cent. 18 cent.
— du cou-de-pied. ... 18,5 — 19 —
— du mollet....... 23,3 — 24 —
Les deux membres supérieurs ont la même longueur. — Les règles commencent à devenir irrégulières, ce qui semble annoncer l'approche de la ménopause. Les diverses fonctions physiologiques s'accomplissent d'une façon normale.
Chez cette femme, dont l'hémiplégie est très-ancienne, l'attitude générale des membres, les déformations de la main, des doigts, se rapprochent à un degré remarquable de l'altitude et des déforma-tions consignées dans les deux précédentes observations relatives à des hémiplégies apparues à 17 mois et à 7 ans.
D'après M. Cotard, « le membre supérieur est rapproché du tronc, l'avant-bras fléchi à peu près à angle droit et en pronation ; la main est fléchie et inclinée vers le bord cubital ; les doigts sont plus ou moins fortement fléchis dans la paume de la main ; généralement le pouce est étendu et les doigts sont de plus en plus fléchis à mesure qu'on se rapproche du bord cubital. C'est l'annulaire et le petit doigt qui sont d'ordinaire le plus parfaitement fléchis ; quelquefois les doigts sont étendus, renversés en arrière, déformés, ou bien le poing est
complètement fermé. La contracture est d'ordinaire beaucoup moins prononcée au membre inférieur; on observe une légère flexion du genou et une extension forcée du pied avec fréquente déviation en dedans représentant exactement un pied-bot varo-équin1. »
Cette description, considérée dans son ensemble, est exacte. Toutefois, nous pensons qu'il faut être moins absolu en ce qui con-cerne l'attitude des doigts. Selon M. Cotard, « c'est l'annulaire et le petit doigt qui sont d'ordinaire le plus fortement fléchis. » Or chez Delet..., paralysée à 7 ans (Obs. X, planche XVI), ce sont, au contraire, ces doigts-là qui sont les plus libres, tandis que chez Trib..., para-lysée à 21 ans, c'est l'annulaire qui est, en effet, le plus fortement fléchi. Chez Lecom..., la contracture, très-prononcée au pouce, moins aux deuxième, troisième et quatrième doigts, est nulle à l'auricu-laire : cependant la paralysie date de l'âge de 17 mois.
Voici encore quelques faits à l'appui de la restriction que nous avons émise. — Bin..., Fr. Héloïse, âgée de 30 ans (1866), malade du service de M. Delasiauve, hémiplégique à gauche depuis la pre-mière enfance, présente à la main les déformations suivantes : le pouce est fléchi et contracture ; les autres doigts sont plutôt dans l'extension. Tout le membre supérieur gauche, par rapport à l'autre, est atrophié.
— Vill..., V. Léonide, 31 ans (1866, service de M. Delasiauve), est devenue hémiplégique dujcôté droit à la suite de convulsions (avant l'âge de 13 mois). La main paralysée est à angle droit sur l'avant-bras et est déviée vers le bord cubital. Les phalanges et phanlan-gines des quatre derniers doigts sont un peu étendues, les pha-langettes légèrement fléchies. Il résulte de cette disposition : 1° que le métacarpe et les deux premières phalanges forment une concavité regardant en avant; 2° que les phalangettes forment une suite de crochets avec les phalangines ; le pouce est fléchi assez fortement dans la paume de la main.
— Maur..., Marie, âgée aujourd'hui de 27 ans (service de M. Charcot), est hémiplégique du côté gauche depuis l'âge de 8 à 9 mois. Lamaindans la pronation est à angle droit sur l'avant-bras. Le pouce est fléchi dans la paume de la main ; les autres doigts pris dans leur ensemble sont plutôt dans la demi-flexion. Toutefois
\Étude sur l'atrophie partielle du cerveau, p. 98. Paris, 1868.
nous devons faire remarquer que les phalanges et phalangines sont un peu étendues, la phalangette fléchie ; il y a là une disposition en quelque sorte spéciale, comme chez Vill... La contracture est très-marquée au pouce, un peu moins à l'index et au médius, légère à l'annulaire, nulle à l'auriculaire. Si la malade étend les doigts, ils passent immédiatement à la position extrême d'extension. Les doigts ne peuvent prendre une position intermédiaire : ou ils sont dans la demi-flexion, ou dans l'extension complète. Tout le membre paralysé est moins développé que l'autre.
— Gra..., M. Pauline, 26 ans; convulsions à l'âge de 8 mois, suivies d'une paralysie du côté gauche. La main, à angle droit sur l'avant-bras, est dans la pronation et portée vers le bord cubital. Pas plus que chez les autres malades, nous ne retrouvons ici la disposition arrondie signalée par M. Bouchard. Les doigts, consi-dérés dans leur ensemble, sont allongés ; la première phalange un peu étendue, formant avec la face dorsale du métacarpe une conca-vité regardant en avant ; les phalangines et surtout les phalan-gettes des quatre derniers doigts ont plutôt une légère tendance vers la flexion. Le pouce aune attitude à peu près normale.
Les observations qui précédent sont suffisantes pour que chacun puisse se rendre compte de l'attitude des membres supérieurs chez les malades que nous avons eu plus particulièrement en vue. A part la disposition générale de la main qui est — dans tous ces cas — à angle droit sur l'avant-bras ; à part aussi, mais peut-être avec moins de fixité, la flexion du pouce sur la face palmaire, les autres particularités sont moins constantes1. Si nous nous en tenions à nos faits, nous aurions deux variétés : Io flexion des doigts; 2° extension des premières phalanges et flexion des phalangettes. — Dans un dernier chapitre nous parlerons des quatre types de déformation que l'on observe chez les malades devenus hémiplégiques à une époque plus ou moins avancée de l'existence, et nous résumerons brièvement les lésions articulaires que l'on observe en pareille occur-rence.
1 Sous l'influence des changements atmosphériques, alors que, pour employer une expression des malades, la paralysie les travaille, l'attitude des membres, les déformations des mains subissent quelques modifications.
REVUE DE LA PRESSE
ANÊVRYSME DE LA VALVULE MiTRALE AVEC THROMBOSES SECONDAIRES
PAR le DOCTEUR THÉODORE SIMON
Wilhelm K..., âgé de 16 ans, ouvrier à Hambourg, entre le 24 mai 1870 dans la quatrième division de médecine de l'hôpital de Hambourg et meurt deux jours après, le 26 à midi.
Renseignements obtenus après la mort. — Il y a cinq semaines, le malade devait être en bonne santé. Il commença alors à se plaindre de sa respiration courte, surtout en montant les escaliers, et de fréquentes palpitations. Cependant il pouvait aller à son travail. Le 18 mai, tout d'un coup, frisson très-violent et prolongé ; on ne sait s'il s'est reproduit. Le malade fut bientôt obligé de garder le lit. Le troisième jour, convulsions violentes et perte de connaissance. Le malade ne prend rien et évacue involontairement ses selles et son urine. Ses parents sont d'ailleurs bien portants ; une sœur de 14 ans seulement est sujette presque chaque mois à des accès con-vulsifs.
État à Ventrée. — Le malade est un homme grand, mais peu ro-buste et très-maigre, qui a évidemment vécu dans des conditions très-défavorables. Peau brûlante, pouls petit, très-fréquent (142) et très-facilement dépressible (mou). Le malade a perdu toute con-naissance, ne répond pas aux excitations, regarde parfois fixement autour de lui, mais, le plus souvent, reste les yeux fermés, murmu-rant des paroles inintelligibles. Il avale les liquides qu'on lui intro-duit dans la bouche (un quart de bouteille de Porto, bouillon au jaune d'œuf, lait). Les deux pupilles sont dilatées et ne réagissent que très-imparfaitement, même sous une vive lumière.
La langue, couverte d'un enduit jaune épais, est sèche, sans trace de morsures ; dépôts fuligineux épais sur les gencives. — Son normal des deux poumons à la percussion ; il n'est point affaibli aux sommets. Partout on entend une respiration faible, très-fré-quente (48 fois à la minute) et très-superficielle. Matité cardiaque plus grande qu'à l'état normal, atteignant le bord sternal droit et, sur la ligne du mamelon, le sixième espace intercostal. La matité
est tout à fait absolue. Les bruits du cœur sont extrêmement faibles et sourds ; pas de bruits anormaux.
L'étendue de la matité du foie et de la rate est normale. Pas d'é-ruptions sur le ventre ; vessie distendue : la sonde en évacue un litre d'urine rouge, dont le poids spécifique est 1022, sans albumine ni sucre. — La température était à cinq heures du soir de 39°,8, à sept heures de 59°,4, à neuf heures de 40°,2.
Le 25 mai, l'état est le même. Nouveau cathétérisme : l'urine, sans albumine, a un poids spécifique élevé (1026) et laisse déposer en se refroidissant beaucoup durâtes. — Le soir, perte de connais-sance complète ; le malade grince des dents, les yeux sont le plus souvent fermés, le pouls difficile à compter, les bruits du cœur extraordinairement sourds. Râles dans les poumons. La température reste élevée toute la journée.
Matin, 9 heures........ 39°, 2
— 11 heures........ 39°, 4
Après-midi, 1 heure...... 39°,8
— 3 heures...... 39°, 8
— 5 heures...... 39°,2
Soir, 7 heures......... 39°,6
— 9 heures......., . 39°,6
Le matin du 26, la scène a changé. Le malade est sans pouls, couvert d'une sueur froide, et ne peut plus même avaler le vin. A dix heures du matin, apparition de pétéchies de la grandeur d'une tête d'épingle à celle d'une pièce de six pfennings sur le cou, la poitrine et le ventre. Pupilles inégales, la droite plus grande, sans réaction à la lumière. A neuf heures, la température était de 56°,4 ; à onze heures, de 55°,6 ; une heure plus tard, le malade était mort.
Le traitement s'était réduit à l'emploi d'excitants énergiques, sur-tout de vin de Porto toutes les heures, puis toutes les demi-heures, avec de la glace sur la tête. — Le pronostic devait être très-mau-vais et faire prévoir une mort très-prochaine. Le diagnostic était très-incertain, les renseignements manquant sur la durée de la ma-ladie et sur son début.
L'absence du gonflement de la rate et de roséole empêchent de songer au typhus, outre que la physionomie générale de la maladie n'avait rien de typhique, à part la haute température, mais se rap-prochait de celle de la méningite, et nous crûmes d'abord à cette dernière.
Le véritable état du cœur ne fut pas reconnu, la faiblesse des
bruits du cœur, attribuée simplement à l'état misérable du malade, l'intensité et l'étendue de la matité cardiaque ne furent pas appré-ciées à leur valeur en face des troubles prédominants du système nerveux. — Nous n'avons observé aucuns bruits particuliers.
Si j'avais eu, pendant la vie du malade, les renseignements rap-portés dans nos premières lignes, dit M. Th. Simon, j'aurais indu-bitablement reconnu la péricardite, et en présence du frisson et des attaques convulsives graves, on eût pu conclure à un processus endocarditique concomitant et à des thromboses émanant de celui-ci, par suite à des foyers de ramollissement dans le cerveau. Mais, si bien établi qu'eût pu et qu'eût dû être le diagnostic, les lésions du cœur étaient si extraordinaires, qu'il était impossible de les soupçonner, comme le montreront les résultats de l'autopsie.
Autopsie. — Corps amaigri ; pétéchies au cou, au dos et au ventre. Le canal vertébral est gorgé de sang; les enveloppes de la moelle sont pâles ; la moelle épinière est complètement normale.
Le crâne est assez vaste, les sutures, sans la moindre soudure, fortement dentelées. Surface du crâne lisse, la table interne partout normale, n'adhérant nulle part à la dure-mère ; épaisseur du crâne de quatre à cinq millimètres. — La surface interne de la dure-mère est lisse, un peu brillante, sans dépôts. Dans la pie-mère, nombreux exsudais sanguins d'un volume tel, qu'à la coupe il en sort des caillots et du sang liquide ; ils sont surtout volumineux au sommet de la convexité des deux lobes pariétaux et à la partie antérieure de l'hémisphère gauche. A la base du cerveau, la pie-mère offre aussi d'abondantes suffusions sanguines, surtout au lobe temporal gauche et sur le trajet du nerf olfactif.
La pie-mère enlevée, le cerveau apparaît généralement injecté, les circonvolutions normales, les sillons de profondeur ordinaire. Mais on voit aussi des foyers de ramollissement sous l'aspect de taches rouges, se distinguant facilement de la substance environ-nante par leur moindre consistance, tout auprès des deux racines de la circonvolution centrale droite, de forme irrégulière, de deux à trois centimètres de long sur un et demi à deux de large, péné-trant de la substance corticale dans la substance blanche. Les prin-cipales altérations siègent sur le lobe temporal gauche, dont la substance grise, moins la première circonvolution limitant la fosse de Sylvius, est presque complètement ramollie.
Les gros vaisseaux cérébraux sont tout à fait normaux, sans athérome ni obstruction. Mais on trouve dans la plupart des artères
allant aux lobes temporaux des embolies, d'un blanc jaunâtre, assez fermes, n'adhérant pas aux parois, et dans l'artère cen-trale un caillot ferme, de couleur foncée; le vaisseau est dilaté, sa partie périphérique étant complètement affaissée. — La base du crâne et la dure-mère qui la recouvrent sont à l'état normal.
A l'ouverture de la cavité thoracique, on trouve de nombreuses pétéchies sur les deux plèvres ; pas de liquide dans la cavité pleu-rale. Le péricarde est distendu par environ 200 grammes d'un li-quide trouble, jaune brun, mêlé de flocons fibrineux. La surface extérieure du cœur, peu augmenté de volume, est couverte en avant et en arrière superficiellement de dépôts fibrineux jaunâtres, pour la plupart en partie organisés, mais se laissant détacher avec le couteau sans déchirure de la surface cardiaque. Le feuillet viscéral du péricarde, libre sous ces dépôts, est injecté par places, couvert d'ecchymoses de la grandeur d'un groschen ou d'un thaler, que la coupe démontre limitées à l'épaisseur du péricarde.
A la face postérieure du ventricule gauche, siègent trois tuber-cules gris, transparents, du volume d'une lentille, tout à fait ana-logues à des tubercules miliaires ; la coupe démontre qu'ils pren-nent naissance dans la couche supérieure du péricarde.
A l'ouverture du ventricule gauche, on remarque immédiatement sur la valve aortique de la valvule mitrale une saillie ronde, com-posée de caillots fibrineux durs, blancs jaunâtres. Après les avoir enlevés en partie, on voit au milieu de la moitié correspondante de la mitrale, et en occupant la plus grande partie, une perte de sub-stance arrondie, haute de 2CU,,5 et large de 3, remplie par les caillots en question, et à bords renversés en dehors. La valvule fait aussi saillie en arrière, et là on trouve, au lieu d'une grande ouverture, deux petites, dont la principale, ovale, de 1 centimètre 3/4 de large sur pas tout à fait 1 centimètre de haut, est située à 1 centi-mètre 1/4 environ à gauche de l'insertion de la valvule sur le ves-tibule du ventricule ; à la même hauteur et à une distance de 2 cen-timètres, est la seconde ouverture, ronde, d'à peine 1/2 centimètre de diamètre, auprès du point de réunion des deux valves de la mi-trale. Cette cavité est bornée en haut par la valvule aortique et un examen ultérieur fait voir une communication directe entre la cavité et la valvule sigmoïde externe. On avait donc affaire à un anévrysme valvulaire, né dans le sac sigmoïde externe et pénétrant dans la mitrale. L'ouverture de communication de la grandeur d'une len-tille se trouve au fond du sinus entowé de caillots fibrineux, déposés
sur l'endocarde un peu rugueux de la valvule. Le nodule de la sig-moïde interne est très-épaissi, comme doublé, et dans le sac correspondant on voit dans l'angle antérieur un dépôt fibrineux jaunâtre. Ce caillot enlevé, on trouve encore une communicaliori directe avec l'anévrysme mitral, mais il n'y a pas de communication entre les deux valvules aortiques. La sigmoïde antérieure offre des points graisseux; son nodule a doublé de volume, et sa face interne présente quelques dépôts fibrineux.
Sur l'endocarde du ventricule gauche, épais de 7 à 8 millimètres, on ne voit rien, mais dans le tissu musculaire, à 5 centimètres en-viron de la pointe, existe un foyer irrégulièrement cunéiforme, à base tournée vers le péricarde, qu'elle atteint presque ; son épais-seur est de 4 millimètres. Dans le ventricule droit, dont les parois n'ont que 3 à 4 millimètres d'épaisseur, l'endocarde présente plu-sieurs ecchymoses, et des taches jaunes transparentes, correspon-dant à des foyers de muscle graisseux. La plus grande ecchymose siège sur la paroi interventriculaire. Le foyer jaune correspondant a la forme d'un coin, est entouré de. petites hémorrhagies et, au sommet du coin, on trouve le vaisseau obturé par un bouchon fibri-neux jaune. En plusieurs endroits des artères coronaires, on trouve de petits amas de fibrine. — La valvule tricuspide présente quelques taches légères ; les sigmoïdes pulmonaires sont, tout à fait souples, leurs nodules ne sont pas épaissis. Les vestibules sont normaux. — Dans l'aorte et ses grosses branches, on trouve des taches irrégu-lièrement rondes, tout à fait isolées, jaunâtres, un peu saillantes.
La plèvre costale présente des extravasations sanguines, plus nombreuses dans la plèvre pulmonaire. Les poumons ne sont nulle part adhérents; ils sont perméables en général, mais parsemés, au voisinage des ecchymoses de foyers cunéiformes, noir foncé, ne dé-passant nulle part 5 à 4 centimètres de haut. Dans quelques-uns, on trouve le vaisseau obturé. Les bronches sont remplies d'un mucus visqueux ; pas de caillots dans les grosses branches de l'artère pul-monaire. — Le larynx et la trachée contiennent un mucus écumeux; aux deux faces de l'épiglotte existent des ecchymoses étendues, rouge clair, et de nombreuses extravasations foncées à l'origine de la trachée.
Le foie paraît tout à fait normal ; la rate peu gonflée, rouge bleuâtre, pâle, molle, sans infarctus. — Les deux reins sont assez gros ; à travers leur capsule brillent de nombreuses taches bleu foncé, de la grandeur d'un groschen, que la coupe montre être la
base d'infarctus cunéiformes où le plus souvent on peut trouver très-facilement le vaisseau afférent et l'embolie qui l'obstrue. En outre, les deux reins présentent un vieil infarctus étendu, se distinguant par sa couleur blanc jaunâtre du parenchyme rénal brun rouge.
Le canal intestinal présente quelques follicules solitaires gonflés, mais pas de gonflement des plaques de Peyer, ni des ganglions mé-sentériques; autour du bout inférieur de l'intestin grêle existent des anneaux de pigment. Dans le mésentère, extravasations sanguines, triangulaires, dont la base atteint la séreuse; je n'ai pu y trouver les vaisseaux mésentériques obstrués. —Vessie normale. (Berlin. Klin. Wochenschrift, n° 37, 1871.) E. Teinturier.
BIBLIOGRAPHIE
Traité de l'érysipèle épidémique, par le docteur J. Daudé.— 1 vol. in-8* de 340 pages. — Ad. Delahaye, éditeur.
Que l'érysipèle se montre à l'état épidémique à certaines épo-ques, c'est-à-dire que, pendant un temps donné et sous l'influence de certaines circonstances, on ait vu et l'on voie encore, tous Ls jours, l'érysipèle frapper à la fois un grand nombre d'individus dans des conditions diverses et sur des parties différentes ; que les maladies offrent, pendant la durée de la constitution médical ilu-minante, une forme identique et, semblent être jetées dans un même moule ; voilà un fait incontestable, aperçu par la généralité des médecins. — M. Desprès cependant a cru devoir nier le carac-tère épidémique de l'érysipèle: « Une seule chose démontrée, dit-il, c'est que l'érysipèle comme les phlegmons, est peut-être plus fréquent au renouvellement des saisons si influent pour toutes les maladies, quelles qu'elles soient, et en particulier pour la pneumo-nie, qui existent surtout en mars et avril. Voilà tout. »
Nous ne saurions admettre une pareille conclusion, si en désac-cord avec les faits observés tous les jours; aussi M. Daudé, dans son Traité de l'érysipèle épidémique, accumule-t-il toutes les preuves militant en faveur de l'épidémicité ; il considère l'érysipèle non comme une affection locale, mais comme une maladie générale, ma-nifestation d'un état général.
Ce sont là les bases solides sur lesquelles s'appuie le travail de M. Daudé, et qui lui permettent de nous donner une bonne des-cription étiologique et symptomatologique. Il nous montre l'ërysi-pèle épidémique suivant une marche forcée et se comportant à la manière des fièvres éruptives, quoiqu'il ne soit pas une fièvre érup-tive vraie; il nous montre le traitement curatif impuissant pour enrayer l'érysipèle épidémique; il nous fait voir que toute thérapeu-tique doit être dirigée contre l'état général des individus, et varie, par conséquent, suivant les épidémies, les conditions individuelles et les complications.
Terminons cette courte analyse en citant quelques-unes des con-clusions de l'auteur :
L'érysipèle épidémique paraît tenir à la septicémie, et doit être classé, par conséquent, au rang des maladies septiques.
On peut supposer, avec quelque raison, que l'air atmosphérique sert de véhicule à certains miasmes qui pénètrent dans l'économie par la muqueuse respiratoire et même par d'autres voies, empoi-sonnent, pour ainsi dire, tout le corps, et produisent, en définitive, l'érysipèle. L'absorption peut aussi se faire en partie par les surfaces traumatiques.
Une fois l'infection produite, la contagion peut s'opérer par les mêmes voies, le virus de l'érysipèle étant halitueux. Mais dans l'éry. sipèle épidémique, la contagion n'est pas plus fatale que dans toute autre épidémie. G. P.
De l'électricité appliquée à l'art des accouchements, par le Dr Tachard. In-8* de 44 pages. Paris, 1871. Ad. Delahaye, éditeur.
Nous signalons à l'attention de nos lecteurs qui s'occupent plus spécialement des accouchements le mémoire de M. Tachard. Il contient les principales indi-cations des travaux publics sur ce point particulier et s'appuie sur vingt-cinq observations. L'auteur termine en disant que a l'électricité est appelée à rendre des services aux accoucheurs : Io pendant l'accouchement, dans la période de dilatation du col, toutes les fois qu'il y a inertie utérine ; 2° pendant la déli-vrance, lorsque le placenta est retenu dans la cavité de la matrice; 3° dans la grossesse extra-utérine, on pourra employer l'électro-puncture comme traitement abortif.
Le Gérant : a. de moktméw.
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
Planche XXXII.
SARCOME GANGLIONNAIRE
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX DE PARIS
CLINIQUE CHIRURGICALE
SARCOME GANGLIONNAIRE PRIMITIF
par j. cornillon, interne des hopitaux de paris
Observation. Tumeurs à l'angle droit de la mâchoire inférieure. — Développement progressif. — Opération. — Cicatrisation com-plète. — Reproduction d'une petite tumeur. Nouvelle opération. — Mort subite par introduction de l'air dans les veines (?), Résultats né-croscopiques.
Pellet... (Louis), 37 ans, ajusteur, est entré le 21 septembre 1871 à l'hôpital de la Pitié, salle Saint-Gabriel n° 59 (service de M. le docteur Trélat). Cet homme est grand, vigoureux, et a joui pen-dant longtemps d'une excellente santé.
Il y a deux ans, Pellet s'aperçut de la présence de deux petites tumeurs de la grosseur d'une noisetfe chacune à l'angle droit de la mâchoire inférieure. — Quoiqu'il ne ressentît aucune souffrance, il consulta néanmoins plusieurs médecins qui lui prescrivirent des pommades et des tisanes. Le développement des tumeurs fut lent jusqu'au 1er janvier 1871 ; mais, à partir de cette époque, elles prirent un accroissement considérable, tout en restant indolentes comme parle passé. Outre qu'elles augmentaient en volume, elles s'accrois-saient en nombre, si bien qu'elles occupèrent bientôt presque toute la partie latérale droite du cou ; la déglutition fut entravée, mais la respiration s'effectua comme par le passé. Ce malade que nous avons interrogé à plusieurs reprises sur le début et la marche de sa tumeur, nous a toujours affirmé qu'il ignorait absolument la cause de son affection et qu'il ne pouvait se rendre compte du développe-
5e année. H
ment rapide de sa tumeur depuis le 1er janvier 1871. A cette époque et durant l'armistice qui eut lieu au mois de février dernier, il ré-sidait à Rouen, où il faisait des éperons pour la cavalerie française. Voyant enfin qu'il n'obtenait aucune amélioration au moyen des pommades qu'on lui avait conseillées, il s'adressa dans le courant du mois de mars à un médecin prussien qui l'engagea à se faire opérer. Effrayé, il se rendit à Paris au mois de juillet, et alla à la consultation de l'hôpital Saint-Louis. Le chirurgien qu'il vit, insista pour qu'il se soumît à une opération chirurgicale ; il s'y refusa, mais quelque temps après, s'apercevant de la présence d'une petite tumeur à la partie antéro-supérieure de la cuisse droite, il se décida à entrer à l'hôpital de la Pitié.
Quelques jours après son admission dans le service, M. Trélat en-leva la petite tumeur de la cuisse droite afin de connaître bistolo-giquement sa composition, et partant celle de la tumeur du cou. Au bout d'une semaine la cicatrisation était effectuée.
Avant de décrire l'opération principale, disons quelques mots sur l'aspect, la consistance de la tumeur cervicale. Elle occupe la par-tie supérieure droite de la région du cou, n'empiète pas sur la face ; elle semble remonter jusque vers la parotide, et se prolonger au-dessous de la mâchoire inférieure. Néanmoins le toucher par la bouche ne fait pas constater de saillie sur les parois de cette ca-vité.—J'ajouterai quela tumeur ne s'avance pas jusqu'à la ligne mé-diane du cou ; en bas elle ne dépasse pas la réunion du tiers supérieur avec les deux tiers inférieurs du muscle sterno-cléido-masloïdien. — En un mot, elle paraît complètement limitée aux ganglions qui avoi-sinent l'angle du maxillaire inférieur.
Cette tumeur est globuleuse ; elle présente à la surface plusieurs bosselures; elle n'est pas très-mobile; elle ne dépasse pas en pro-fondeur le plan superficiel des muscles du cou.
Sa grosseur peut être comparée à celle d'une tête de fœtus à terme; sa coloration rouge doit être attribuée à la présence des cataplasmes qu'on place matin et soir. Sa consistance est inégale; en certains points elle est manifestement fluctuante ; une ponction exploratrice en fait sortir du sang noir collecté au sommet de la tumeur (4 oc-tobre) ; partout ailleurs, elle est dure. — La pression, les mouve-ments imprimés en sens divers, ne déterminent pas la moindre souffrance. — Les douleurs spontanées sont nulles; le malade n'é-prouve qu'un peu de gêne dans la déglutition, et la mastication ; on est obligé de le nourrir avec de la bouillie et du vin. Aussi, n'est-
il pas étonnant qu'il ait maigri depuis quelque temps. — Néan-moins l'état général est excellent, le malade se lève, se promène dans la cour, il a même pu sortir, aller jusqu'à la rue Saint-Martin la veille de son opération. — L'examen des organes respiratoires et abdominaux n'offre rien de spécial.
5 octobre:— Opération. Le malade a été aneslliésié par le chlo-roforme. — Une fois la résolution obtenue, M. Trélat fit une incision, qui commençait à quelques centimètres de la symphyse du menton, gagnait perpendiculairement le bord postérieur du sterno-clôido-mastoïdien.
La peau ayant été divisée avec soin dans toute la région occupée par la tumeur, le chirurgien procède à la dissection des ganglions sarcomateux ; il détruit avec ses doigts les adhérences qui existent avec l'angle de la mâchoire inférieure, arrache les prolongements qui gagnent la base du crâne et la région parotidienne. Enfin il sépare la tumeur des muscles sterno-mastoïdien et hyoïdien.
Cette ablation s'est effectuée sans trop cle difficulté; peu de sang a coulé, quelques ligatures ont été jetées sur des petits vaisseaux ou-verts. Laplaiequiaétépratiquéeest énorme; aufond on aperçoit nette-ment les battements delà carotide interne ; en liaut, on voit l'angle de la mâchoire inférieure qui est dénudé dans une certaine éten-due ; en dehors, le sterno-mastoïdien qui est entièrement ménagé ; en dedans le plan des muscles hyoïdiens qui est intact.
Examende la pièce.—À la coupe elle présente une coloration des plus diverses : la plus grande partie est d'un blanc bleuâtre; dans certains endroits, elle est jaunâtre; ailleurs elle est d'un noir foncé. — Demi-dure dans la plus grande partie de sa masse, elle présente en un point, celui qui correspond à la ponction exploratrice, un magma sanguin qui disparaît sous le doigt et sous un courant d'eau. — En somme, cette tumeur semble manifestement constituée par l'agglomération d'un grand nombre de ganglions lymphatiques.
On panse la plaie avecl'eau de Pagliari, et le.malade est porté dans son lit.
6 octobre. — Pas de fièvre, point d'hémorrhagie.
il octobre. — La plaie se cicatrise rapidement; l'état général est bon.
19 octobre. — Apparition au fond de la solution de continuité d'une couche blanc grisâtre, qu'on cautérise avec une solution de perchlorure de fer.
20 octobre. — On aperçoit sur le sterno-mastoïdien, au voisinage
de la plaie, une petite tumeur ganglionnaire de la grosseur d'une noisette, complètement indolente. 30 octobre. — La nouvelle tumeur augmente considèrablemenl.
15 novembre. — La tumeur a atteint la grosseur d'un gros mar-ron.
16 nov. — L'opération fut exécutée à 11 heures et demie du matin après avoir préalablement endormi le malade par le chloro-forme. L'anesthésie fut complète an bout de quelques minutes; le chirurgien fit alors la section de la peau parallèlement à la direc-tion du muscle sterno-cléido-mastoïdien sur lequel était placée la petite tumeur. L'incision dont la longueur était à peine de 5 centi-mètres venait d'être achevée, lorsqu'une grande quantité de sang noir, sortit à travers les lèvres de la plaie. On reconnut sur-le-champ qu'une veine, et probablement la jugulaire externe, avait été coupée ; on remarqua en outre que la division du vaisseau était incomplète, la paroi postérieure restant, intacte, ce qui donnait au canal la dis-position d'une anche. L'écoulement sanguin gênant le manuel opé-ratoire, M. Trélat demanda à un de ses aides une pince à torsion et un fil pour lier la veine blessée. Au même instant, la respiration s'arrête, le pouls devient insensible, la face du malade pâlit, puis peu à peu les lèvres se cyanosent, le ronflement qu'on entendait auparavant se suspend. Croyant qu'on avait affaire au phénomène décrit par les auteurs sous le nom d'introduction de l'air dans les veines, M. Trélat met immédiatement son doigt à l'endroit d'où sortait le sang; il l'y maintient, pendant qu'on essayait de ranimer la respiration en comprimant fortement le diaphragme. Cette ma-nœuvre sembla ramener quelques mouvements dans la face, le cou et les membres supérieurs. Deux piles de Bunsen furent apprêtées rapidement; les réophores furent appliqués sur les points d'origine et de terminaison des phréniques. Elles fonctionnèrent pendant environ une demi-heure ; quelques mouvements respiratoires furent obtenus; mais le pouls resta insensible, et les battements du.cœur ne purent être ravivés. A une heure de l'après-midi, l'auscultation ne révélant aucune pulsation cardiaque, aucun mouvement respi-ratoire, on s'arrêta.
Autopsie le 17 nov. à deux heures de l'après-midi. — Rigidité ca-davérique considérable.
Le vaisseau blessé pendant l'opération est oblitéré par un caillot noir. Une fois disséqué on reconnaît sans peine que c'est une des branches d'origine de la veine jugulaire externe qui passe directe-
ment au-dessus de la lumeur. Le tronc de la veine jugulaire externe est gorgé de sang noir jusqu'à son embouchure dans la sous-cla-vière. La colonne liquide est segmentée en plusieurs points par de pe-tites bulles d'air, se déplaçant facilement sous la pression du doigt, et ressemblant assez exactement à des molécules de mercure ou d'ar-gent.
Le thorax a été ouvert avec précaution, de crainte de léser le poumon. On fut frappé tout d'abord de la présence d'une veine vo-lumineuse, et décrivant de nombreuses sinuosités à la partie anté-rieure du médiastin. Le sang noir qu'elle contenait était divisé en plusieurs endroits par des bulles d'air, plus grosses que celles que nous avions vues sur la jugulaire externe. Ce vaisseau fut disséqué dans une étendue de 6 à 7 centimètres ; plusieurs ligatures furent apposées ; malgré cela, l'air disparut au bout de quelques heures.
Avant de procéder à l'examen des organes contenus dans la ca-vité thoracique, on lie les gros vaisseaux qui vont aux poumons et au cœur. Une fois celte opération terminée on les sectionne entre deux fils doublés en quatre.
Cœur. — Il est volumineux, et sur sa face antérieure existe une tache laiteuse large comme une pièce de deux francs. La ca-vité droite paraît un peu distendue ; à la percussion elle présente le phénomène du ballottement, comme dans les épanchements trau-matiques de sérosité. Le lendemain matin (c'est-à-dire 48 heures après la mort), M. Trélat ouvrit sous l'eau ce ventricule; il sortit une quantité considérable de sang, mêlé à six ou huit bulles d'air qui venaient éclater à la surface de l'eau. La même opération exécutée sur le ventricule gauche et l'auricule ne donna issue qu'à du sang. Le cœur n'est nullement putréfié. La veine cardiaque antérieure est remplie de sang noir. La postérieure est éga'ement pleine de sang, mais, vers la partie moyenne de son trajet, on remarque très-aisé-ment cinq à six bulles d'air qui, sous la pression du pouce, se réu-nissent en une seule.
Poumons. — Ils sont très-congestionnés ; à leur base, on constate même en certains points quelques petites taches ecchymotiques sous-pleurales ; ils sont crépitants, souples, dans toute leur étendue. On a injecté par l'artère pulmonaire gauche de l'eau : un tube fermé à une de ses extrémités et rempli d'eau était adapté à l'une des veines pulmonaires. Le tout était dans un vase rempli de liquide. Il a été impossible d'obtenir la moindre bulle d'air dans le tube à expé-rience. On a examiné ensuite les veines de l'abdomen : les veines
iliaques, porte et cave inférieure, sont remplies de sang noir épais, mais ne contiennent pas de bulles d'air. Nous regrettons de n'avoir pu examiner la veine jugulaire externe gauche.
Rate. —Elle est considérablement hypertrophiée ; son volume e;t plus que doublé; néanmoins elle a conservé sa forme normale. Sur son bord antérieur, se trouve à quelques centimètres de distance 'une de l'autre deux tumeurs rondes, grosses chacune comme un marron d'Inde. La supérieure est un peu plus volumineuse que l'in-férieure. Elles s'énucléent l'une et l'autre sans la moindre diffi-culté. Sur la face externe de l'organe on remarque deux petites gibbosités dures. Une section opérée dans cettissu conduit à deux petites tumeurs ganglionnaires, chacune d'elles égalant en volume une grosse noisette. Elles adhèrent plus intimement que les précé-dentes au parenchyme splénique, si bien que, quand on veut les arracher, on entraîne des fragments de l'organe. A vrai dire leur mollesse facilite peu leur énucléation. A la coupe, elles offrent une coloration laiteuse, identique aux ganglions lymphatiques en-flammés et ramollis. Les deux tumeurs marginales sont au contraire dures ; leur tissu est d'un blanc bleuâtre. On remarque par points de petites taches jaunâtres.
Mésentère. — A son insertion à la colonne vertébrale, ce repli du péritoine n'offre rien de bien spécial ; mais lorsqu'il arrive au voi-sinage de l'intestin grêle, à quelques centimètres de ce conduit, il est soulevé par deux amas ganglionnaires, beaucoup plus volumi-neux que ceux que nous venons de décrire. Ils sont en outre plus mous. A la coupe, l'un d'entre eux, le plus voisin de l'intestin, est fortement pigmenté, ce qui lui donne un peu l'aspect d'une truffe. L'autre, qui est fluctuant en certains endroits, est ramolli dans la plus grande partie de son étendue. La bouillie épaisse qu'on obtient à la coupe est d'un blanc jaunâtre. Le foie est hypérémié.
Cerveau. — Pas d'œdème arachnoïdien, aucune lésion impor-tante. Moelle, saine. — Cette observation ayant été communiquée par M. Trélat à la Société de chirurgie y sera sans doute l'obje d'une discussion. Nous aurons donc à revenir sur Y introduction de Vair dans les veines, et nous en profiterons pour publier les résultat de l'examen histologique de la tumeur.
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
TUMEURS DES SACS LACRYMAUX
TUMEURS DES SACS LACRYMAUX
par a. de m0ntméja.
Le malade représenté dans la planche XXXIV est un jeune homme de 51 ans,originaire delà Champagne. Venu à Paris en 1869 pour y chercher la guérison de la difformité dont il était atteint, nous eûmes l'occasion de l'examiner dans plusieurs salles de consultations publiques, à la Charité et dans les cliniques libres de Paris. Nous n'avons pas à décrire l'aspect des tumeurs qu'il portait n l'angle interne des deux yeux : la photographie que nous donnons est destinée à remplacer des descriptions moins concises que la sienne. Nous allons surtout nous occuper de la symptomatologie et du diagnostic de la nature de ces tumeurs.
Depuis un an environ, le malade avait remarqué que les larmes coulaient facilement le long de ses joues sans qu'il pût attribuer à aucune cause la production de cet épiphora. Bientôt survint une légère grosseur à droite, puis à gauche, au-dessous de l'angle in-terne des yeux : cette tuméfaction s'accompagnait d'un sentiment de tension, de plénitude, et s'accomplissait sans aucune douleur marquée. Depuis six mois, les tumeurs gardaient le môme volume, mais depuis celte même époque il était survenu un peu d'enchifrô-nement, tel qu'il s'en produit au début d'un coryza ; le timbre même de la voix avait subi, au dire du malade, quelque légère allé-ration. Sur les tumeurs, les téguments n'avaient subi aucune altéra-tion, et, par le toucher, on sentait sous la peau des masses élasti-ques, homogènes, ni pulsátiles, ni fluctuantes. Le malade se refusa à se laisser pratiquer la moindre ponction, et le cathétérisme des conduits lacrymaux ne fournit aucun renseignement, si ce n'est que la sonde de Bowman ne pouvait pénétrer dans le sac lacrymal. Il eût fallu inciser ces conduits lacrymaux ainsi que le tendon du muscle orbiculaire, pour donner à la sonde un accès plus facile, et le malade ne fit à cet égard aucune concession.
Nous sommes d'avis néanmoins, avec les autres médecins lé-moins du fait dont il s'agit, que le diagnostic peut être établi dans ce cas par exclusion, et qu'en tenant compte, d'une part, de l'absence de tout procès inflammatoire, d'autre part de l'aspect, de la sensation au toucher, et de l'enchifrènement, on doit s'éloigner de l'idée d'une tumeur lacrymale ou de toute autre tumeur fami-lière à ces régions, pour pencher vers l'opinion d'un polype
muqueux analogue à ceux qui se développent d'ordinaire dans les fosses nasales.
Il est à regretter que l'intervention chirurgicale n'ait pas été acceptée : dans l'hypothèse d'un polype, il eût suffi d'ouvrir la paroi externe du sac lacrymal, d'enlever le polype par arrache-ment, et de cautériser la muqueuse du sac.
Ultérieurement, tandis que la cicatrisation de la plaie externe se serait accomplie, le chirurgien aurait pu inciser les conduits lacrymaux et pratiquer le cathétérisme des voies lacrymales dans le but de conserver intacts les moyens d'évacuation des larmes par les fosses nasales.
PATHOLOGIE INTERNE
HYPÉRÉMIE DE LA RATE
par g. peltier, interne des hopitaux de paris
Sous le nom d'hypérémie ou de congestion de la rate, on com-prend l'augmentation de volume de la rate produite par l'accumu-lation temporaire du sang dans l'organe, sans altération de tex-ture.
I. Bibliographie.
Audouard. — Des congestions sanguines de la rate (Thèse de Paris). 1818.
Piorry. — Pathologie médicale et mémoires, et particulièrement : sur Vengorgement de la rate (Gazette médicale di Paris, 1853).
Nepple. — Lettres sur l'engorgement de la rate dans les fièvres in-termittentes (Gazette médicale de Paris, 1833).
Pezerat. — Mémoire sur l'état de la rate dans les fièvres périodi-ques.
Nivet. — Recherches sur l'engorgement et l'hypertrophie de la rate
(Archives générales de médecine, 1858). Ferran. — De la circidation et de l'engorgement splénique (Recueil
de médecine, de chirurgie et de pharmacie militaires, 1867).
L'hypérémie a été si longtemps confondue avec l'hypertrophie qu'il est difficile d'en séparer la bibliographie ; pour les deux états
morbides, les ouvrages à consulter sont les mêmes, et on les trou-vera indiqués quand nous traiterons de l'hypertrophie ; qu'il nous suffise de signaler encore ici les travaux de Naumaim, de Heusinger sur les maladies de la rate, ainsi que les différents traités des fièvres intermittentes. On consultera aussi avec fruit les traités de patho-logie interne, particulièrement ceux de Monneret et de Niemeyer.
II. Anatomie pathologique. —Dans la congestion de la rate, les altérations extérieures portent surtout sur le volume, le poids, la consistance et la couleur de l'organe.
La rate est plus lourde et plus volumineuse qu'à l'état normal ; elle est souvent triplée ou quadruplée de volume et de poids; elle mesure souvent, en longueur, 25 à 50 centimètres et atteint le poids de 1 à 2 kilogrammes. — La forme est conservée; les dimensions seules sont devenues plus grandes, et alors l'enveloppe est générale-ment tendue et polie. — La consistance est celle de l'état naturel ; le tissu est quelquefois un peu plus ferme en raison de la quantité plus grande de sang emprisonné dans les espaces vasculaires. —La couleur peut ne pas changer ; cependant elle est d'autant plus fon-cée que l'hypérémie est plus récente et plus développée.
La texture ne subit aucun changement particulier, et le micro-scope ne décèle aucun élément hétérogène à côté des cellules nor-males de la pulpe splénique et des nombreux corpuscules sanguins. La tuméfaction est donc due à la seule augmentation du contenu sanguin.
III. Etiologie et pathogénie. — Dans la rate, comme dans les autres organes, la congestion reconnaît deux formes, la fluxion et la stase.
Les hypérémies dues à la fluxion se rencontrent : 1° dans un cer-tain nombre de maladies fébriles ou infectieuses, dans la fièvre ty-phoïde, dans la fièvre intermittente, dans la lièvre puerpérale, dans la septicémie, dans les fièvres exanthématiques ; 2° dans les anoma-lies menstruelles ; il n'y a alors rien de particulier pour l'organe splénique : il y a une congestion de la rate, absolument comme il peut y avoir une congestion du foie, de l'intestin, etc.; 5° dans les traumatismes ou dans les cas où la rate est le siège de tumeurs ou de formations nouvelles.
Nous ne faisons qu'indiquer ces dernières causes d'engorgement de la rate, mais nous allons nous arrêter quelques instants sur la
congestion produite par les fièvres infectieuses, intermittentes ou autres. D'une manière générale, comment se fait cet afflux exagéré du sang vers la rate pendant ces maladies? « Dépend-il d'un relâ-chement du parenchyme déjà peu résistant par lui-môme ou d'une paralysie des éléments musculaires des parois vasculaires et des trabécules? C'est ce que nous ignorons. » Un fait tout aussi obscur, c'est la manière dont le sang infecté peut altérer la tonicité du pa-renchyme splônique ou la contractilité de ses éléments vasculaires. Quant au gonflement delà rate dans l'accès de fièvre intermittente, on a cherché à l'expliquer encore par le trouble de la circulation qui se fait pendant le stade de froid dans les parties périphériques, et par la concentration dans les organes internes et parmi ceux-ci, principalement dans la rate vu son extrême sensibilité, du sang que l'ischémie de la peau fait refluer vers les parties centrales. Ce qui toutefois prouve que ces conditions n'ont qu'une influence se-condaire, c'est ce fait que le degré de l'hypérémie n'est nullement en rapport avec la violence du frisson, que la rate se gonfle égale-ment pendant le stade de chaleur, et qu'enfin on rencontre la tu-méfaction de cet organe même pendant les infections de malaria exemptes de fièvre » (Niemeyer). —À côté de ces causes d'engorge-ment splénique, nous placerons encore la congestion de la rate pro-duite par la nostalgie. « De toutes les classes delà société, dit Fer-ran, c'est probablement celle des jeunes soldats qui paye le plus fort tribut à cette lésion fonctionnelle. Cela tient, sans doute, à ce qu'un certain nombre subissent, sans s'y accommoder suffisamment, un changement brusque dans leurs habitudes, leurs idées, leur manière d'être, et passent, en outre, de l'air pur des champs, à l'air confiné de la caserne. L'hypérémie splénique peut se montrer dans les conditions d'aération les plus salubres, sous l'influence de la nostalgie. Parmi les malades envoyés en congé de convalescence, aux revues trimestrielles, les relevés statistiques comptent toujours un bon nombre de nostalgiques. Or, chez tous ou presque tous, la nostalgie se lie à un engorgement splénique qui devient, lui-même, cause de dépression vitale et de nostalgie. »
Les hypérémies de la rate produites par la stase sanguine se ren contrent principalement dans les rétrécissements ou les oblitéra tions de la veine porte, dans les maladies du foie, et principale ment la cirrhose. On les rencontre encore, mais bien plus rare-ment, dans les maladies du cœur et des poumons ; il ne semble donc pas, ainsi que l'a fait remarquer Monneret, que la gêne hydrau-
liquc de la circulation puisse produire, à elle seule, la congestion, car elle est très-rare dans ces cas où il y a une sorte de gêne mé-canique, alors qu'elle est très-commune chaque fois que le sang est altéré dans l'économie.
IV. Symptômes et diagnostic. — Parmi les symptômes de la con-gestion de la rate, il faut distinguer ceux qui sont le fait même de l'engorgement de l'organe et ceux qui tiennent plus particulière-ment à la cause qui le produit,
Parmi les premiers, nous'signalerons 1° l'accroissement de vo-lume qui peut se révéler par l'inspection, par la palpation et parla percussion ; 2° la sensation de douleur ou de pesanteur perçue dans le flanc, la fosse iliaque et l'hypochondre gauches; 5° des symptô-mes de voisinage.
11 est rare que \ inspection fournisse des résultats bien importants; elle peut cependant permettre de constater, dans certains cas, une voussure de l'hypochondre gauche et, quelquefois,.de toute la moi-tié gauche de l'abdomen. — Par la palpation, on peut sentir l'organe tuméfié, et même en reconnaître la forme caractéristique ; cepen-dant, comme la rate dépasse rarement le rebord des côtes, ce signe peut manquer. — Par la percussion, on pourra le plus souvent asseoir son jugement. La matité, en effet, permettra de fixer les limites de la rate, et, par suite, de constater l'augmentation de vo-lume.
Les douleurs spontanées existent rarement dans l'hypérémie de la rate ; pour occasionner au malade une souffrance bien manifeste, il faut exercer une pression assez forte sur l'hypochondre gauche. Ce que l'on observe plus souvent, c'est un sentiment de pesanteur qui est surtout marqué dans l'hypochondre gauche et qui s'exagère dans les mouvements brusques et violents. — Quand la rate est vo-lumineuse, elle peut refouler le diaphragme dans la cavité pectorale, presser sur l'estomac, sur le gros intestin, et produire des symp-tômes de voisinage, tels que la gêne de la respiration, la faiblesse du bruit respiratoire, une toux sèche, des nausées, des vomisse-ments, la constipation, le météorisme, etc.
11 est un autre groupe de symptômes que nous n'allons faire qu'é-numérer : ce sont ceux qui tiennent à la cause productrice de l'hypé-rémie et qui peuvent être très-utiles pour le diagnostic. — 11 faut chercher ces symptômes surtout dans des maladies générales avec intoxication du sang, puisque nous avons vu que les maladies lo-
cales, du cœur, des poumons ou du foie produisaient rarement la congestion de la rate. Il faudra donc porter son investigation sur les fièvres, intermittentes ou autres, puisque c'est là une des causes les plus fréquentes de l'hypérémie.
V. Marche, durée et terminaisons. — La marche et la durée de la congestion de la rate varient suivant la cause qui les produit ; dans la fièvre typhoïde, dans le typhus, dans les exanthèmes fébriles, elle se perd généralement en même temps que ces maladies sans laisser à sa suite des modifications de tissu.
Dans les hypérémies par stase sanguine, ou encore dans les hy-pérémies fluxionnaires produites par la fièvre intermittente, il peut en être autrement ; la congestion persiste ou se renouvelle fréquem-ment, la nutrition se modifie et l'hypertrophie en est la conséquence obligée.
Résolution ou hypertrophie ; voilà donc les deux modes de termi-naison ordinaire de l'hypérémie de la rate qui emprunte son pro-nostic surtout aux maladies concomitantes ; toutefois, dans des cas très-rares, la congestion de la rate peut avoir une issue mortelle par une déchirure de son tissu. La mort arrive au milieu d'une hé-morrhagie interne, soit immédiatement après la rupture, soit seule-ment quelques heures ou quelques jours après cet accident.
VI. Traitement. — Manifestation locale d'une maladie générale, l'hypérémie de la rate devient rarement l'objet d'un traitement; elle disparaît le plus souvent d'elle-même, lorsque l'on parvient à guérir l'affection dont elle n'est qu'une détermination morbide par-tielle. Si les préparations de quinquina, les toniques, les ferrugineux, obtiennent de si remarquables succès, c'est précisément à cause de l'existence antérieure des maladies paludéennes toxiques, septi-ques, ou des altérations du sang auxquelles les fébrifuges et les antiseptiques conviennent d'une manière toute spéciale (Monnerel).
INFLAMMATION DE LA RATE
L'inflammation de la rate est une maladie assez rare, puisque son existence a même été mise en doute. Cependant nous pensons qu'elle constitue bien une affection à part, et, qu'à ce titre, on doit la faire entrer dans le cadre nosologique. En effet, un certain nombre
de fois, on a trouvé des abcès ayant leur siège dans le tissu splé-nique, et à côté de ces abcès, nullement produits par l'infection pu-rulente, on constatait des traces évidentes d'inflammation. — Nous admettrons donc la splenite, et nous en décrirons deux formes principales : la splenite aiguë et la splenite chronique.
I
SPLENITE AIGUË
La splenite aiguë est celle qui a été le mieux constatée ; on en trouve quelques observations qui ne laissent aucun doute au point de vue anatomo-palhologique, mais dont les phénomènes, obscurs ou peu marqués, permettent difficilement de caractériser la ma-ladie au point de vue symptomalologique. Nous allons toutefois in-diquer les principales sources bibliographiques où l'on pourra pui-ser quelques renseignements.
I. Bibliographie.
Gronateli.i. — Animadversiones ad varias acutœ et chronicœ spleni-tidis historias in humilibus prœsertim Italiœ locis considerata;. Florence 1821.
Fleisch. —De splenis inflammatione. Berlin, 1805.
Assolant. — Recherches sur la rate. Paris, an X.
He Usingen . — Heber den Bau und die Verrichtung der Miliz. 1817.
Gendrin. — Histoire anatomique des inflammations, t. II, Paris, 1826.
Naumann. — Handbuch der medicinischen Klinik, t. VIII, Berlin, 1855.
Cruveilhier. —Anatomie pathologique, 11e livraison. II ach mann.—Archives generales de médecine, 1832. Rosch. —Ibidem, 1832. Piorry. — Traité de diagnostic, t. II, 1837. Andral. — Précis d'anatomie pathologique, t. II. Gicqueaü. — De la splenite. Thèse de Paris, 1842. Dalmas. — Pathologie de la rate, Dictionnaire en 30 volumes, 1843.
Boissy. — Considérations sur les maladies de la rate (T^èse Paris), 1847.
Brard. — De la rate et de ses principales affections (Thèse inau-gurale), Paris. 1859.
Consulter en outre les traités de Grisolle, Bouillaud, Trumet de Fontarce, Hardy etBéhier.
II. Anatomie pathologique. — Tuméfaction, gonflement, injec-tion avec épanchement sanguin, ramollissement blanc ou suppu-ratif, abcès et quelquefois ramollissement putrilagineux ou gangre-neux, tels sont les caractères anatomiques de la splénite aiguë (Bouillaud). Les altérations dont il s'agit sont ◀tantôt▶ générales, ◀tantôt▶ partielles, selon que la splénite a été elle-même générale ou partielle. — Il n'est pas toujours facile de les bien reconnaître, même sur le cadavre ; la raie, en effet, est avant tout un organe vasculaire, de structure spongieuse, peu résistant, habituellement pénétré par du sang, de sorte que la rougeur, la congestion ne sont pas les meilleurs signes de l'inflammation ; quant au ramollisse-ment, on le trouve dans certaines fièvres pernicieuses, dans le char-bon, etc. Si, cependant, en même temps que les caractères que nous avons énurnérés précédemment, on rencontre des adhérences de la rate avec les organes voisins, si on trouve des traces de péritonite partielle, on sera d'autant plus fondé à admettre l'in-flammation du parenchyme splônique.
Les faits rapportés par les auteurs sont si incomplets qu'il est difficile d'en tirer aucun parti; cependant, nous allons autant que possible essayer de fixer les altérations qui caractérisent la splénite à l'état aiguë.
Au premier degré', le tissu de la rate enflammé est d'une couleur rouge brune très-foncée; il est plus dense qu'à l'état normal, il se déchire plus facilement. Tout le système vasculaire est très-en-gorgé.
Au deuxième degré, le tissu de la rate est grisâtre, friable ; le pa-renchyme est plus serré, il paraît comme infiltré de sang noirâtre coagulé, et déjà on remarque, par places, des taches d'un gris plus pâle qui indiquent le passage au troisième degré de l'inflam-mation.
Au troisième degré, la rate est en partie réduite en une bouillie grise-brunâtre^ au centre de laquelle le pus se réunit en foyer. Quel-quefois le pus ne se collecte pas, et il infiltre tout le parenchyme dont, par la pression, on le fait sortir mêlé à une matière épaisse, de consistance lie de vin. Quand il se réunit en foyer, le pus peut
se faire jour à l'extérieur, ou s'épancher, soit dans le péritoine, soit dans un des organes contenus dans l'abdomen, tels que l'estomac ou l'intestin. Nous y insisterons d'ailleurs davantage dans le chapitre que nous consacrerons aux abcès de la rate.
III. Symptômes. — Les symptômes de la splénite aiguë sont locaux ou généraux.
Parmi les premiers, nous rangeons la douleur et la tuméfaction de l'organe se manifestant soit à la vue, soit au palper, soit surtout à la percussion.
La douleur, quelquefois vive, le plus souvent sourde et profonde, occupe l'hypochondre gauche ; elle peut s'irradier vers l'abdomen , mais ordinairement elle se fait sentir jusque dans l'épaule gauche. Elle augmente dans les mouvements, par la toux, par l'éternu-ment, par la marche; la pression l'exaspère, dans quelques cas, elle la diminue. Cette douleur est continue ou intermittente.
La tuméfaction de la rate, effet inévitable de l'inflammation, peut se manifester à la simple inspection de la région de l'hypochondre gauche; le toucher peut aider à la découvrir, mais la délimitation exacte de l'organe ne peut être fixée que par la percussion.
Les signes généraux sont des plus variables, et nous ne ferons que les indiquer : ce sont des nausées, des vomissements bilieux, muqueux, sanguinolents (Naumann, Ribes, Heusinger) ; c'est en-core la soif vive, la difficulté d'uriner, l'hémorrhagie intestinale (Naumann), la jaunisse et la dyspnée (Gicqueau). Mais ces symptô-mes appartiennent-ils bien à la splénite aiguë? Ne sont-ils pas le résultat de quelque complication ? C'est un point qu'il est encore bien difficile de résoudre avec les matériaux que la science possède actuellement.
IV. Marche et durée. —Dans la marche de la splénite aiguë nous devrons considérer plusieurs cas: la maladie est très-aiguë, grave; — la maladie est moins intense ; — la maladie guérit.
Dans les cas graves, l'invasion est marquée par un ou plusieurs frissons auxquels succèdent de la chaleur et bientôt après des sueurs abondantes.—Il y a un abattement considérable,desnausôes, quelquefois des vomissements; l'hypochondre gauche est tendu, douloureux. — 11 y a de la soif, la fièvre est forte, continue, par accès qui tendent à se rapprocher et qui deviennent irrèguliers. — En même temps l'état général s'aggrave; il survient des hoquets, des
défaillances, le ventre se ballonne ; la diarrhée se déclare, puis vient de l'agitation, du délire, et enfin la mort qui arrive 5, G, 8 ou
10 jours après l'invasion.
Dans les cas moins intenses, les symptômes aigus s'amendent au bout de 7 ou 8 jours ; la fièvre tombe, la douleur disparaît. Cette, époque paraît coïncider avec la réunion du pus en foyer ; alors ce pus peut se vider dans le péritoine, et on voit survenir tous les si-gnes d'une péritonite subaiguë, suivis bientôt dé la mort.
Dans les cas heureux, la splénite aiguë ne se termine pas par la mort ; elle guérit par l'heureuse évacuation du pus, par résorption de ce même pus, ou par simple résolution sans qu'il y ait eu de suppuration en aucune sorte.
IV. Diagnostic. — La splénite est souvent méconnue, et lorsqu'il existe des phénomènes morbides tranchés, on court le risque de les prendre pour des symptômes produits par toute autre affection. La pleurésie, l'inflammation du lobe inférieur du poumon gauche, la néphrite ne peuvent pas être confondues avec la splénite, et quoi-que les auteurs aient cherché à en établir le diagnostic différentiel, nous ne ferons que les indiquer. 11 est plus difficile de distinguer la splénite de la péritonite partielle, ou d'une maladie de l'estomac et du foie; souvent, malgré une appréciation rigoureuse des symp-tômes, on ne peut arrivera aucun diagnostic précis. La percussion est le mode d'exploration qui peut seul nous fournir quelque lu-mière ; le siège et l'étendue de la matité splénique, la douleur et l'absence de tout symptôme que l'on puisse rapporter au trouble fonctionnel des viscères voisins, mettront sur la voie du diagnostic.
11 faut donc s'assurer avant tout que les organes, dont les troubles fonctionnels pourraient simuler les symptômes de l'inflammation splénique, jouissent de toute leur intégrité, et ce n'est qu'après avoir procédé ainsi par voie d'élimination que l'on pourra soupçonner l'existence de la phlegmasie (Compendium de médecine pratique).
V. Étiologie. — Les causes de la splénite sont externes ou in-ternes. Parmi les premières nous rangerons les violences extérieures, les coups et les chutes. Là se bornent les notions étiologiques un peu précises, et ce n'est qu'avec les plus grandes réserves que nous noterons parmi les causes internes la suppression d'un flux habi-tuel , hémorrhoïdal, menstruel ou autres, ainsi que les courses prolongées, que nous trouvons signalées dans la thèse de M. Gic-
queau. — Le séjour dans les contrées marécageuses peut favoriser la production de la phlegmasie splénique, mais il expose beaucoup plus à l'hypérémie et plus tard à l'hypertrophie.
VI. Traitement. — Dans la splenite aiguë, on pourra essayer, avec prudence les ventouses scarifiées, au début, et plus tard des vésica-toires ou môme la cautérisation Iranscurrcnte.
Il est une question thérapeutique qui se pose ensuite et qui a une certaine importance. Doit-on administrer les antipériodiques? Nous les trouvons conseillés par la plupart des auteurs qui, d'ailleurs, avouent que les faits manquent pour en apprécier convenablement l'opportunité.
II
SPLENITE CHRONIQUE
On donne le nom de splenite chronique à l'inflammation chroni-que de la rate. — Il nous sera bien difficile d'en tracer l'histoire, car les éléments nous manquent à peu près complètement ; les au-teurs, en effet, ont confondu sous ce nom les altérations les plus dif-férentes, et surtout l'hypertrophie, le ramollissement ou l'indura-tion chronique de la rate. — Nous essayerons toutefois d'en donner les principaux caractères.
I. Anatomie pathologique. — La présence du pus infiltré dans le parenchyme de la rate, ou réuni en foyers enkystés, ou encore réuni en une collection unique qui a détruit tout le tissu converti en une vaste poche purulente, c'est là une lésion qui atteste, à coup sûr, 'existence d'un travail phlegmasique, pourvu qu'elle ne dépende pas du ramollissement du tubercule, pourvu surtout qu'elle ne soit pas le résultat de l'infection purulente. — On a dit que le pus splé-nique rougeâtre, lie devin, contenait des débris de la substance ra-mollie de la rate, des fragments de fibrine, du sang ; cela est vrai dans un grand nombre de cas, mais dans d'autres, le pus blanc et verdâtre ressemble à tous les autres pus (Monneret).
Les adhérences plus ou moins étroites qui unissent la rate au dia-phragme, à l'estomac ou aux parois abdominales, si elles sont ac-compagnées d'hypertrophie avec induration, annoncent l'existence d'une inflammation chronique.
II. Symptômes. — Les symptômes de la splenite aiguë peuvent
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exister un certain temps, lorsque laphlegmasie chronique n'est pas primitive; le diagnostic est alors un peu moins ohscur. Aux sym-ptômes locaux fournis surtout par la percussion, il faut joindre les troubles fonctionnels dont les viscères abdominaux sont le siège.
Douleur sourde et obtuse, sensation de pesanteur, digestion dif-ficile, borborygmes, malaise, soif vive, céphalalgie, parfois consti-pation : voilà les symptômes les plus habituels.
On a cité encore l'ascite, l'œdème et les ulcères des jambes, les hémorrhagies par diverses voies, etc.; nous ne nous y arrêtons pas parce que nous croyons que ces symptômes sont dus à quelque complication dont'on n'a pas tenu compte ou qui même a échappé.
III. Marche et durée. — La marche est lente et continue ; la durée en est très-variable ; toujours assez longue, elle peut être presque illimitée.
IV. Etiologie. — Les causes de l'inflammation chronique bien caractérisée ne peuvent guère être cherchées que dans les violences extérieures. On a vu à la suite de coups, de chutes sur la région splénique, la rate se tuméfier, devenir douloureuse et présenter après la mort, survenue plus ou moins longtemps après la vio-lence, des traces de suppuration. En pareil cas, l'existence de l'in-flammation n'est pas douteuse. — Quelquefois aussi, on a trouvé du pus dans la rate alors que rien antérieurement ne faisait prévoir l'existence de ces collections ; ces cas sont rares.
, Les fièvres paludéennes peuvent-elles produire l'inflammation chronique? Si nous nous en rapportions aux auteurs, nous répon-drions par l'affirmative; mais, comme nous l'avons dit, tout étant confusion entre la splénite chronique et l'hypertrophie, il est bien difficile de formuler un avis motivé sur l'observation clinique.
V. Traitement. —Révulsion à l'aide des vésicatoires ou des cau-tères ; médication antipériodique dans le cas où l'on soupçonnerait l'intoxication paludéenne : voilà les bases de la thérapeutique. Ajou-tons que les préparations arsenicales pourraient être employées dans le cas où le quinquina n'aurait pas réussi. • . • "î
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
GOÎTRE EXOPHTH ALMIQUE
GOITRE EXOPHTHALMIQUE
PAR LE DOCTEUR A. DE MONTMÉJA
Fa planche XXXV représente un sujet atteint d'une affection rare dont la nature est encore peu connue : la thérapeutique voit échouer tous les moyens les plus rationnels qu'elle dirige contre elle et les auteurs se limitent dans des conjectures plus ou moins ingénieuses à son égard.
Le fait dont nous allons entretenir nos lecteurs nous a paru réunir les divers caractères propres au goitre exophthalmique et c'est surtout dans lebutde donner une iconographie rare que nous livrons ce type à la publicité. Le malade que représente notre planche a été observé par nous à diverses reprises, soit dans les hôpitaux, soit dans les cliniques libres de Paris: nous l'avons pho-tographié en 1869. Cet homme, alors âgé de 59 ans, était atteint non d'une maladie du cou proprement dite, mais d'une accélération dans le rhylhme des mouvements de cet organe.
M. Charcot, qui attribue la production du goitre exophthalmique à une altération des nerfs vaso-moteurs, a également constaté celte accélération des mouvements cardiaques dans la plupart des cas. Chez notre malade on remarquait facilement le volume exagéré des vaisseaux sous-cutanés dans les régions de la face et du cou.
La glande thyroïde présentait un léger accroissement de volume et le lobe gauche était plus accentué que la portion droite de la glande. C'est le contraire qui a généralement lieu dans presque tous les faits connus.
L'exophthalmie n'offrait rien d'inaccoutumé, et les globes ocu-laires projetés en avant donnaient à la physionomie du malade une expression d'étonnement ou de dureté qui ne correspondait en rien à l'humeur généralement douce et gaie de ce dernier. L'exophthalmie est sujette à des variations d'intensité, mais elle affecte, en général, une marche progressive, les cas de guérison spontanée sont rares ; nous n'en connaissons pas dont ce résultat puisse être attribué à une action thérapeutique quelconque.
Le malade qui fait l'objet de cette note fixait à trois années le temps que l'exophthalmos avait mis à se développer; il n'avait jamais ressenti la moindre douleur. Dans les derniers temps ce-pendant, alors que nous l'avons photographié, il se plaignait d'un
affaiblissement de la vue que l'on pouvait attribuer à une légère opacité de ses cornées, que les paupières recouvraient assez incom-plètement, etqui, parsuite, s'étaient enflammées. D'aulrepart, nous avons constaté chez cet homme un commencement d'hypermé-tropie due à la compression du globe suivant son axe antéro-posté-rieur.
HISTOIRE ET CRITIQUE
DU HACHISCH
par f. villard, interne des hopitaux de paris § I.
Le mot hachisch, en Arabe, veut dire Herbe ; appliquée au Can-nabis, cette dénomination signifie l'Herbe par excellence. Cette plante semble avoir été connue dès la plus haute antiquité, et les Scythes, suivant Hérodote, n'en ignoraient pas les propriétés exci-tantes. « Les Scythes, dit cet historien, prennent de la graine de chanvre ; ils entrent sous les pieux qu'enveloppent leurs manteaux et jettent cette graine sur les pierres rougies au feu : elle fume aussitôt et répand une vapeur plus abondante que celle d'aucune étuve hellénique. Les Scythes, excités par cette vapeur, se mettent à hurler : elle leur tient lieu de bains, car jamais ils ne plongent leur corps entier dans l'eau... » (Hérod., liv. VI). D'autre part, Virey (Bull, de pharmacie, 1805), et M. Guyon (Acad. des sciences, 1861), s'appuyant l'un et l'autre sur le témoignage de Diodore de Sicile, ne semblent voir dans le Népenthés d'Homère autre chose que le Hachisch. Nous ne suivrons pas ces auteurs dans la discus-sion à laquelle ils se livrent à ce sujet; nous dirons seulement que relativement au fameux breuvage d'Homère, rien ne prouve abso-lument qu'il ait eu plutôt pour base le Hachisch qu'une solanée vi-reuse, la mandragore ou la jusquiame, par exemple.
Quoi qu'il en soit, ce qui reste positif, c'est que l'usage du Ha-chisch existait dans l'Inde dès l'antiquité la plus reculée. Cet usage fut introduit chez les Persans à la suite de leurs rapports avec les Indiens et passa vers le commencement du huitième siècle chez les musulmans de Syrie et d'Egypte. Mais il faut arriver au milieu du
moyen âge pour entendre parler d'une façon plus certaine des sin-guliers effets produits par le Hachisch et de l'usage que faisaient de celle substance les princes du Liban et notamment l'un d'eux» le Vieux de la Montagne, surnommé le prince des llachischins (d'où vient le mot assassin, d'après Sylvestre de Sacy). Les récits du voyageur Marco Polo nous retracent les moyens employés par ce dernier pour obtenir des esclaves fidèles et dévoués. Des jeunes gens forts et robustes étaient élevés avec grand soin par ses ordres : de bonne heure, on leur inculquait des principes d'obéis-sance aveugle e! de servilisine absolu. Si, par hasard, l'un d'eux paraissait vouloir faiblir dans l'accomplissement de ses devoirs, on lui administrait le breuvage mystérieux et on lui ouvrait les portes d'un paradis préparé pour le recevoir. Au delà du Liban et de l'Anti-Liban, dans cette fertile vallée qu'arrose le Barada et au milieu de laquelle s'élève Damas, s'étendaient de délicieux jar-dins, inaccessibles aux mortels vulgaires et servant de séjour à de jeunes beautés aux formes gracieuses et enchanteresses, et réu-nies dans ces lieux pour servir aux desseins du Prince. C'est dans cet Éden qu'on faisait pénétrer l'adepte peu fervent : sous l'influence du poison, et la réalité aidant, il se trouvait plongé dans une mer de délires ; revenu à lui, lorsqu'il était sorti de ces lieux qu'on lui montrait sans cesse comme une terre promise, récompense de ses services, il était prêt à braver mille fois la mort sur un désir du maître.
A la fin du seizième siècle, Prosper Alpin visita l'Egypte, et nous trouvons dans les écrits de cet auteur diverses mentions du Ha-chisch. ' Je sais, dit-il, que les Égyptiens, pour provoquer des vi-sions, font usage de plusieurs médicaments composés ; mais pour obtenir ce résultat, ils ont recours ordinairement à la plante dési-gnée sous le nom de Cannabis et qu'ils appellent Assis, ce qui veut dire herbe par excellence. » Plus loin, il entre dans des détails assez étendus sur les troubles intePectuels produits par l'usage de cette plante et il ajoute que VAssis n'est autre chose qu'une com-position faite avec des feuilles de cannabis écrasées et de l'eau, ce qui forme une pâte dont on peut prendre par jour plusieurs bols de la grosseur d'une châtaigne. Environ une heure après, ceux qui en font usage deviennent comme ivres... « quasi ebrii facti, suas amentias produunt atque ecstasi diu manentes, suis desideratis vi-sionibus oblectantur. » Prosper Alpin indique encore dans le même chapitre la composition de différents élecluaires très-usités chez
les Égyptiens et servant à produire des rêves et des hallucina-tions; mais le Hachisch s'y trouvait mélangé avec la jusquiame et d'autres substances de même nature. (De Medicina Egyptiorum, 1745.)
Sauvages (Nosologia methodiea, 1768), parle d'un électuaire usité dans l'Inde et auquel il donne le nom de magique, à cause des singuliers effets qu'il détermine. Il raconte que Kœmpfer a pris de cet électuaire avec des amis, et voici comment il décrit les phénomènes qu'ils présentèrent. « Après en avoir avalé, ils furent tous saisis et remplis d'une joie incroyable, qui se manifesta par un air souriant, par des éclats de rire, par des embrassements mu-tuels. A la nuit, ils montèrent à cheval, et alors il leur sembla être portés par Pégase au milieu des airs, et être environnés d'arcs-en-ciel : revenus à eux, ils dévorèrent d'un appétit cle loup tout ce qu'on leur présenta, et le lendemain se trouvèrent très-sains de corps et d'esprit. » Ajoutons que le Hachisch n'entrait pas seul dans la composition de cet électuaire, qui contenait en outre du datura, de l'opium et quelques autres substances.
Linné (Amœnitates academicce, 1762), décrit des compositions très-usitées dans l'Inde et en Perse, connues sous les noms de malasch, de bangh, et ayant pour base le. chanvre, qu'il considère comme narcotique et fantastique.
A mesure que les voyages se multiplient du côté de l'Orient, nous voyons arriver de nouvelles données plus positives sur le Hachisch; c'est ainsi que Murray (Apparatus medicamenium, 1787), parle des effets de cette plante d'après les récits deChardin et d'autres voyageurs etlaprésentecommeaphrodisiaque et excitante ; mais ce ne fut qu'au commencement de ce siècle que ses caractères botaniques purent être étudiés par Lamark, sur des échantillons apportés en France par Sonnerat. Virey, en 1803, et ensuite Michaud, de Sacy et d'autres auteurs firent des recherches historiques sur le Hachisch et parlèrent du rôle important qu'il avait joué dans l'antiquité et au moyen âge.
11 ne faut cependant remonter guère au delà de trente années pour trouver chez nous les premiers travaux médicaux sérieux écrits sur le Hachisch. Déjà depuis quelques temps, des médecins anglais dans l'Inde, 0. Birest, Raleigh et principalement 0. San-ghuessy connaissaient les effets du chanvre indien et en faisaient d'heureuses applications thérapeutiques, lorsqu'en 1840, M. Au-bert Boche publia une fort bonne notice sur le Hachisch et appela
sur lui l'attention du public médical (du Typhus et de la peste en Orient, 1840). En 1844, Léautaud lut à l'Académie des sciences de Paris un travail sur les propriétés physiologiques et thérapeu-tiques du chanvre indien : dans ce travail, il considère l'ivresse produite par l'usage de cette plante comme étant caractérisée par un état d'extase tout particulier ne s'accompagnant d'aucun phé-nomène convulsif et suivi ordinairement d'un peu d'étourdisse-ment qui se dissipe sans laisser après lui aucune fatigue.
L'année suivante, en 1845, parut le livre de M. Moreau (de Tours), (du Hachisch et de l'aliénation mentale), œuvre importante à la fois par la nouveauté du sujet et les considérations de pathologie mentale qu'elle renferme. Après avoir fait l'historique du Hachisch, M. Moreau (de Tours) analyse les symptômes dont il provoque la manifestation et les range dans l'ordre suivant : 1° sentiment de bonheur ; 2° dissociation des idées ; 5° erreurs sur le temps et l'espace ; 4° développement de la sensibilité de l'ouïe ; 5° idées fixes, conceptions délirantes ; 6° lésions des affections ; 7° impul-sions irrésistibles; 8° illusions et hallucinations. En présence de ces phénomènes produits par le Hachisch, phénomènes qui lui rappellent l'image des diverses formes mentales de l'aliénation, M. Moreau (de Tours) croit pouvoir expliquer la production de la folie en édifiant sa théorie de l'excitation, fait primordial, condi-tion initiale de tout délire.
Nous n'essayerons pas de faire ici une analyse critique de toutes les opinions émises par M. Moreau (deTours) sur le sujet qui nous occupe, opinions toujours habilement présentées et défendues avec cette brillante dialectique que l'on remarque dans toutes les publi-cations du savant aliénisfe de la Salpêtrière. Cependant, nous devons dire que nous ne saurions admettre d'une façon absolue sa manière de voir lorsqu'il assimile le délire du haehisché avec le délire du maniaque, dont le langage est toujours incohérent, diffus et contradictoire. Chez l'individu soumis à l'influence du Hachisch, si les idées proviennent d'illusions et d'hallucinations, elles ont ceci de spécial et de vraiment caractéristique qu'elles correspondent toujours exactement aux sensations qui les ont fait naître, qu'elles s'enchaînent et se traduisent par des actes en rapport avec ces sensations. Les idées peuvent être confuses, difficiles à suivre, mais elles ne sont jamais contradictoires et il est toujours possible par une observation scrupuleuse d'en établir la filiation. Chez le ma-niaque, au contraire, celte corrélation intime entre l'idée provoquée
et la sensation perçue est loin d'exister toujours : il y a par consé-quent chez lui incohérence dans les idées aussi bien que dans le langage, et cette particularité suffit à elle seule pour établir une différence capitale entre les deux états anormaux que nous avons mis en présence. Cette opinion, du reste, ne nous appartient pas en propre : elle a été émise en 4 863 par M. Delasiauve, au sein de la Société médicale des hôpitaux, à l'occasion d'un jeune Persan sou-mis à l'action aiguë du Hachisch et observé à Bicêtre. En s'appuyant sur ce dernier fait, M. Delasiauve croit devoir placer le délire pro-duit par le Hachisch, à côté de celui qui résulte de l'intoxication par l'alcool, la belladone, l'opium, etc. ; nous pouvons dire, dès à pré-sent, en nous fondant sur de nombreuses observations personnelles, que notre manière de voir ne diffère nullement de celle de ce ju-dicieux observateur.
Quoi qu'il ensuit, le livre de M. Moreau (de Tours), marqua une ère nouvelle dans l'histoire du Hachisch; il vulgarisa la connais-sance de cette substance, dont les effets n'avaient été jusqu'alors considérés qu'avec incrédulité ou indifférence. Aussi son travail fut suivi d'un grand nombre de publications, soitdans lesjournaux, soit dans les recueils des sociétés savantes et d'un grand nombre de mémoires, parmi lesquels nous devons citer particulièrement ceux de MM. de Courtive (Thèse de pharmacie, 4847), Gastinel (Bull.de pharm., 1849), Personne (Journ. de pharm. et de chim., 1857), et la Thèse de médecine de M. Grimault (1865). Ces diverses publications sont pour la plupart consacrées en grande partie à l'étude botanique et chimique du Hachisch. A cette dernière question se rattachent des particularités intéressantes dont nous allons présenter un résumé succinct en nous appuyant sur les documents renfermés dans les travaux dont nous venons de faire mention.
§ II.
La plante que les Orientaux désignent sous le nom de Hachisch appartient à la famille des Cannabinées (Endliker) ; nous n'en décrirons pas ici les caractères botaniques, qui se trouvent longue-ment exposés dans le mémoire de M. Gastinel. Nous dirons seule-ment que le chanvre qui croît en Orient et celui que l'on cultive en Europe ne sont que deux variétés d'une seule et même plante, ne présentant entre elles aucune différence botanique fondamentale essentielle. Les dissemblances qui existent entre elles, en effet, ne
sont que des modifications accessoires, résultat d'influences clima-tériques différentes. Du reste, cette identité du Cannabis indica et du Cannabis sativa, admise par Kœmpfer d'abord, et ensuite par Forskall, Delille (de Montpellier) et par Figari, a été démontrée par les faits les plus rigoureux et les plus irréfutables, d'une part par les observations d'flusson, professeur de botanique au Caire, et d'autre part par les expériences faites à Edimbourg par Christison. Tandis qu'au Caire, Husson, avec des graines de chanvre récolté en France, a obtenu après trois ou quatre années de culture une plante identique au Cannabis indica, à Edimbourg, Christison a observé que des graines de chanvre indien venant de Bombay ont donné un produit chez lequel le professeur Balfour a reconnu, tant dans la forme extérieure que dans les éléments fondamentaux, des carac-tères botaniques ne différant nullement de ceux qui appartiennent au chanvre d'Europe. Ces expériences, on le voit, sont péremp-toires ; quant aux causes qui provoquent les modifications de la plante en Orient, voici comment s'exprime M. Gastinel à cet égard : « Ce qui a fait considérer le Hachisch comme une espèce à part, dit cet observateur, c'est que la plante n'atteint en Egypte qu'un mètre d'élévation, tandis qu'en Europe, elle atteint souvent une hauteur de deux mètres et demi avec les feuilles espacées sur la tige. Le même phénomène s'observe sur les autres plantes transportées d'Europe en Egypte : sous l'influence d'un climat sec et chaud, sans humi-dité, semées dans un sol desséché, ne recevant plus ni culture, ni arrosement, privées ainsi du principe actif de leur nutrition, elles dégénèrent, deviennent rabougries et finissent par s'atrophier. » On a encore voulu objecter contre l'identité du Cannabis indica et du Cannabis sativa la différence d'action du principe qu'ils renfer-ment. Cette différence existe, en effet; elle est même considérable ; mais on ne la constate pas seulement dans le chanvre : elle existe encore pour la ciguë, pour le datura et les autres solanées, car c'est un fait de physiologie végétale constant que les sucs des plantes sont d'autant plus élaborés et plus actifs que la croissance de ces plantes est plus restreinte sous un climat sec et chaud.
C'est donc à l'influence du climat qu'il faut attribuer les modifi-cations que l'on constate dans le chanvre qui croît en Orient, mo-difications relatives tant à la force du principe actif qu'il renferme qu'à sa forme extérieure. D'après cela, il doit résulter que ce prin-cipe sera d'autant plus actif que la plante aura pris naissance sous un climat plus chaud et plus sec : c'est ce qui a été démontré par
les expériences de M. de Gourtive et par celle de M. Berthault (Thèses de Paris, 1854). Cette considération a une grande importance pra-tique, car s'il arrive que le Hachisch devienne d'un emploi fréquent en thérapeutique, on conçoit qu'il ne sera pas indifférent de le recueillir en Italie ou en Algérie, en Syrie ou en Egypte. Quant au chanvre récollé en France, possède-t-il un principe actif ? Les expé-riences faites sur ce point à Bicêtre, en 1841, par MM. Moreau (de Tours) et Cloës sembleraient négatives; mais nous devons ajouter que ces observateurs n'ont employé leurs préparations qu'à des doses relativement faibles. Il résulte, en effet, des recherches de M. Berthault que l'extrait de notre chanvre indigène, pour pouvoir produire des effets identiques à ceux provoqués par l'extrait de chanvre indien, doit être administré à une dose quatre ou cinq fois plus considérable que ce dernier. Nous avons nous même vérifié l'exactitude de ce fait en nous servant des essences de chanvre pré-parées par M. Personne : tandis que quatre ou cinq gouttes d'essence de Cannabis indica injectées sous la peau d'une grenouille ont suffi pour déterminer chez l'animal une résolution complète durant plusieurs jours, nous avons dû, pour arriver au même résultat chez d'autres grenouilles, employer pour chacune seize gouttes d'es-sence de chanvre récolté en France.
En quoi consiste le principe actif du Cannabis? ce principe a-t-il pu être isolé? Telles sont les questions encore imparfaitement résolues et qui nous amènent à parler des diverses préparations de Hachisch.
En Orient, on emploie le Hachisch sous plusieurs formes: la plus usitée est celle connue sous le nom de Dawamesc. Pour la préparer, on broie et on réduit les feuilles et les fleurs du chanvre en une pâte que l'on fait cuire avec du beurre frais, du miel, du poivre de la muscade et des essences odoriférantes. On obtient ainsi une espèce de confiture, d'une teinte verdâtre , d'une odeur nauséeuse, et susceptible de rancir rapidement. D'autres fois, on prépare avec les sommités du chanvre une infusion qui est très-usitée chez les pauvres : souvent enfin, les feuilles et les fruits de la plante, ré-duits en poudre et mélangés avec du tabac, sont fumés dans des pipes connues sous le nom de narguilé. Ainsi en Orient et en parti-culier en Egypte, où nous avons observé d'une façon spéciale, on mange, on boit et on fume les préparations de chanvre. Cette con-sommationse fait dans des cafés et des boutiques spéciales appelées mascheçhels : ces établissements sont aujourd'hui très-rares en
gypte parce qu'ils ne sont plus autorisés par la loi. On désigne sous le nom de Hachasch l'individu qui a la passion du Hachisch.
En présence des phénomènes dont il provoque la manifestation, il était inévitable que l'on songeât à utiliser le Hachisch dans un but thérapeutique : on a ainsi été conduit à en rechercher le principe actif, nécessairement d'une administration plus facile que pes préparations dont nous venons de parler. Sans décrire les di-vers procédés employés pour arriver à ce résultat, nous dirons que l'extrait qui a été isolé est désigné par M. de Courtive sous le nom de Gannabine, et sous celui de Hachischine par M. Gastinel. C'est une substance résineuse complexe, d'un brun noirâtre ou verdâtre, d'une saveur acre et d'une odeur nauséuse, insoluble dans l'eau et soluble dans l'alcool et l'étirer, et susceptible de perdre ses propriétés actives, lorsqu'on la soumet à une température élevée.
Celte substauce était considérée comme le principe actif du chanvre lorsque, en 1856, M. Personne présenta à la Sociôlé de pharmacie un mémoire sur l'analyse du chanvre indien. 11 résulte du travail de cet habile chimiste qu'il a pu obtenir par distillation une huile essentielle plus légère que l'eau, d'une coloration ambrée et d'une odeur de chanvre caractéristique. Nous en avons respiré : notre muqueuse olfactive a été vivement affectée et nous avons éprouvé une sensation rapide d'éblouissement avec vertige. Cette essence ne contient pas un principe unique : M. Personne a constaté qu'elle était constituée par le mélange de deux carbures d'hydro-gène, l'un liquide, le Cannabène, ayant pour formule C56H20, et l'autre solide, cristallisable dans l'alcool et dont la formule est iiir diquôe par C12H14.
Les effets physiologiques de cette essence sont très-accentués et en présence des phénomènes qu'elle détermine, on doit se de-mander quelle part d'action il faut attribuer à la substance rési-neuse. M. Gubler pense que les vertus du chanvre résident à la fois dans l'essence et dans la résine; mais ne peut-on pas penser que €ette dernière n'agit que par l'huile essentielle qu'elle renferme, puisqu'elle reste inerte lorsqu'elle a été soumise à l'influence d'une haute température et que l'essence s'est évaporée? Cette question reste indécise et de nouvelles recherches sont nécessaires pour en établir la solution.
REVUE DES JOURNAUX
CANCER DU SEIN CHEZ L'HOMME
Nous avons inséré dans le numéro de juillet de la Revue photo-graphique (page 129) une observation de cancer du sein chez l'homme, recueillie par M. Thaon. (Voy. Planche XVII.) A ce propos, voulant donner à la Revue son véritable caractère, nous avons fait suivre cette observation d'un résumé analytique par M. G. Pelticr des cas analogues publiés dans divers recueils. Afin de mettre nos lecteurs au courant de cette question et de faciliter la tâche à ceux qui voudraient rassembler les divers faits de cancer du sein chez l'homme, nous allons résumer celui que nous trouvons dans la Revue médicale de Toulouse (juillet 1871, p. 195).
Observation. — Petite tumeur à côté du mamelon gauche. — Augmentation de volume rapide.— Tumeur encéphaldide occupant la région mammaire gauche. — Ablation au moyen des flèches caus-tiques, par M. fontagnères.
Duplech, 49 ans, cultivateur, est entré le 25 mai 1870 à l'Hôtel-Dieu de Toulouse (service de M. Ripoll). La tumeur, qui occupe la région antérieure gauche de la poitrine, mesure 31 centimètres de circonférence sur 6 centimètres de hauteur. Sa base fait intimement corps avec toute l'épaisseur de la peau et du tissu cellulaire sous-jacent, mais elle ne va pas au delà, car, en prenant la tumeur à pleine main et en cherchant à lui imprimer des mouvements, elle se déplace assez bien avec l'enveloppe cutanée. Elle paraît être très-vasculaire. Dans la moitié supérieure de sa hauteur , elle est recouverte d'un épiderme aminci, transparent, laissant apercevoir une grande quantité de petits vaisseaux qui s'irradient dans toutes les directions et lui donnent un aspect bleuâtre. Le 23 mai, la tu-meur s'est ulcérée en un point ; d'où une hémorrhagie assez abon-dante. Cette tumeur n'a pas la dureté du squirrhe; elle est un peu élastique et n'offre nulle part de fluctuation.
Le malade raconte que, depuis longtemps, il avait remarqué à côté du mamelon une grosseur du volume d'une noisette. Comme elle ne se développait pas, il ne s'en inquiétait point ; mais il y a six mois, sans cause appréciable, elle commença à croître pour atteindre
le volumequ'elle a aujourd'hui. A pari cela, Duplech jouit d'une bonne santé. Diagnostic : tumeur ence'phaloïde.
27 mai. — Opération. On fait successivement à un centimètre au-dessus de la base de la tumeur, au niveau de la séparation des par-lies saines et des parties malades, neuf ponctions avec le bistouri, puis on enfonce dans les plaies des flèches caustiques. Pansement avec de la charpie sèche. Deux heures après l'opération, léger pico-tement ; cinq heures plus tard, sentiment de cuisson au niveau de la tumeur, douleur très-supportable ; mêmes phénomènes au bout de 9 heures : alors on constate que les flèches ramollies par lesliquides de la tumeur sont entourées à leur base d'une auréole d'un gris sale, ayant 2 millimètres de largeur. Le pouls est à 64-68.
28 mai. — La douleur s'est un peu exaspérée durant la nuit ; néanmoins le malade a dormi pendant quatre heures. Le cercle de mortification s'est agrandi autour des flèches. Pouls à 72. — 29 mai. Des îlots noirâtres commencent à se dessiner çàet là. La douleur a été un peu plus intense. —29 mai. Nuit mauvaise à cause des douleurs. Pouls, 80.
30 mai. — Nulle douleur. L'eschare atteint un centimètre d'é-paisseur autour de chaque flèche. —31 mai. Le travail de mortifica-tion est tout à fait terminé. Comme il restait trois points oùlestissus avaient résisté, on enfonce trois nouvelles flèches. L'élimination se fit peu à peu et, le 4 juin, M. Hipoll enleva la tumeur. Sur deux autres points, l'emploi des ciseaux fut nécessaire pour l'extirpation inté-grale et la section de quelques tractus. Il ne s'écoula pas une goutte de sang. La plaie qui en résulte a un bon aspect. Un petit îlot de tissu malade,incomplètement sphacélé,nécessita l'application d'une couche depâtedeCanquoin. A partir du 9 juin,la cicatrisation s'effectua régulièrement. Le 18 juin, la plaie n'avait plus que la largeur d'une pièce de cinq francs. Dup... sort malgré les instances faites pour le retenir à l'hôpital. B.
BIBLIOGRAPHIE
Des paralysies des muscles moteurs de l'œil, par A. von Gbj:fe, traduit de l'allemand par A. Sichel. In-8° de 212 pages. Adr. Delahaye, éditeur.
Dans cette publication, l'illustre ophthalmologiste s'est proposé de donner un exposé des signes des paralysies musculaires de l'œil.
L'ouvrage est divisé en trois parties : dans la première, sont enumeres, discutés et appréciés à leur juste valeur les moyens d'ana-lyse; — dans la seconde, ces moyens sont appliqués au diagnostic de la paralysie de chaque muscle en particulier ; — dans la troi-sième, sont examinés des cas plus complexes, tels que la paralysie de plusieurs muscles à la fois.
Si bien des chapitres de l'ophthalmologie attendent de nouvelles observations, des interprétations plus satisfaisantes, il ne saurait en être de même des paralysies oculaires. — Listing, Donders, Helmholtz, de Graefe, Giraud-Teulon ont énoncé les lois des mou-vements des yeux ; des appareils très-simples permettent de les vé-rifier aux individus les moins expérimentés. 11 est aisé de conclure que la physiologie pathologique des paralysies soit une œuvre achevée.
La connaissance de bien des questions d'ophthalmologie peut être livrée aux spécialistes ; celle des paralysies oculaires est inséparable du bagage de tous les médecins qui veulent saisir le début de la plupart des maladies nerveuses. De là l'intérêt qui s'attache au livre de von Graefe. Essayons, par une énuméralion rapide des sym-ptômes, de donner une idée de la délicatesse et de la précision du diagnostic.
Lorsqu'un muscle oculo-moteur est paralysé, une recherche mé-thodique permet de constater un certain nombre de phénomènes. -— A. Les uns dépendent du défaut de mobilité du muscle para-lysé; — B. Les autres se montrent lorsque l'on fait faire un effort au muscle paralysé; — C. Enfin un phénomène remarquable est l'apparition de la diplopie.
Revenons brièvement sur chacun d'eux :
A. Défaut de mobilité. — On le met en évidence en fermant un des yeux et en déplaçant un objet successivement dans les direc-tions les plus différentes, à partir du point médian du champ vi-suel jusqu'à ses limites physiologiques. Si l'œil est incapable d'at-teindre une des positions extrêmes, c'est qu'un des agents du mou-vement est inactif. Mais ce signe nous dira peu de chose sur les faibles degrés de paralysie, et ne nous révélera rien sur la paralysie de certains muscles qui, comme les obliques, agissent faiblement dans le sens des quatre directions principales. Il faut alors avoir recours à quelque chose de moins incertain.
B. Lorsqu'un muscle paralysé est sollicité à se contracter dans le regard en dehors, par exemple pour le muscle droit externe, il est
obligé d'accomplir un effort considérable. Le sensorium, ne tenant compte que de cet effort, juge l'objet plus en dehors qu'il n'est en réalité ; de là divers inconvénients. Le malade, engagé à saisir rapidement l'objet qu'on lui présente, portera la main trop en de-hors ; s'il est averti par des méprises antérieures, il suppléera à la contraction du muscle paralysé, par une rotation en dehors de la tête. Pour peu qu'il existe une paralysie de plusieurs muscles, ces mou-vements de la tête devront être très-variés ; dès lors, certains actes, tels que la marche, pourront devenir difficiles et donneront lieu à un vertige qui, peu de fois, a dû être rapporté à sa véritable cause.
Ce n'est pas tout : l'effort du droit externe gaucbe est senti par son associé,le droit interne de l'œil sain, exclu de la fixation. Obéis-sant à cette injonction, ce dernier subira la rotation en dedans, se mettra en convergence, c'est là le phénomène de la déviation se-condaire. Cette déviation sera proportionnelle à l'effort, et d'autant plus grande par rapport à la déviation du droit externe, que celui-ci est plus paralysé.
C. Heste la diplopie, qui apparaît brusquement lorsque la paralysie d'un muscle vient rompre la vision binoculaire, empêcher la super-position des images rétiniennes, troubler le jeu stéréoscopique (Giraud-Teulon). ◀Tantôt▶ elle est assez gênante pour forcer les ma-lades à fermer un œil pour s'en débarrasser ; ◀tantôt▶, au contraire, en vertu d'un pouvoir de fusion considérable, elle est complètement latente, et il faut recourir à des artifices qui la rendent manifeste. Le plus employé est la vision d'un objet éclairé, à travers un verre de couleur. L'attention du malade est frappée par la lumière co-lorée, la tendance à la fusion est diminuée par les caractères dispa-rates des deux impressions, la diplopie est éclatante. Le sujet peut facilement nous faire part de ces impressions, il a pour s'exprimer les mots : image colorée et image blanche.
Nous recueillons ainsi des renseignements précieux sur le sens de production de la diplopie, qui est toujours celui du muscle pa-ralysé, sur la direction des images qui sera homonyme ou croisée, sur leur hauteur, sur leur inclinaison.
Il n'est pas jusqu'au simple défaut d'équilibre des muscles anta-gonistes sans paralysie que l'on n'arrive à mettre en évidence par les ressources de l'analyse. Les myopes et les hyperopes sont sou-vent atteints d'un pareil trouble des muscles latéraux ; si, sur de pareils sujets, on place au-devant d'un œil un prisme à réfraction verticale, il se produira deux images situées l'une au-dessus de
l'autre avec un écarternent latéral considérable. Toutes ces res-sources variées se contrôlent, se suppléent ; aucune n'est de trop. Le clinicien rompu à leur usage les appellera tour à tour dans les cas embarrassants.
On ne peut donc s'empêcher d'admirer, dans de Graefe, l'heureux inventeur et l'habile vulgarisateur de tant de précieux moyens d'in-vestigation. On doit aussi des remerciements à M. Siebel ; on oublie bien des phrases un peu longues et des périodes quelque peu ger-maniques, lorsqu'on songe à tout ce que la langue allemande ré-serve de difficultés à un traducteur consciencieux.
Nous ne saurions terminer cette courte analyse sans regretter que de Graefe réserve encore dans son livre un chapitre à la défense de la théorie de Yidentité. Nous la croyions, cependant, depuis long-temps battue en brèche et renversée par notre maître, M. Giraud-Teulon. (Voy. Revue des cours scientifiques, année 1868.)
Vaincu sur le terrain physiologique, von Graefe se réfugie sur le domaine de la pathologie ; abandonné par les lois mathématiques, il recourt à des arguments métaphysiques. Pourquoi ce parti pris de la part de cet homme éminent ? est-ce attachement irréfléchi à d'anciennes idées ? Von Graefe n'en est pas là, lui qui a renversé tout ce qu'il avait appris en ophthalmalogie dans son jeune âge. Non; de Graefe, renouvelant un procédé fréquemment employé par les Allemands, a voulu se donner une satisfaction d'amour-propre national, en couvrant du silence les travaux d'un de nos savants les plus distingués. Thaon.
Des injections hypodermiques de chlorhydrate de narcéine, par P. Pétiuni. In-8 de 42 pages, avec tracés. Adr. Delahaye, éditeur.
Yoici les conclusions de ce mémoire : 1° à dose très-minime, le chlorhydrate de narcéine possède une action manifestement calmante ; — 2° il est bien supé-rieur comme calmant aux sels d'atropine ; — 5° son action antivomitive est égale, sinon supérieure, à celle du chlorhydrate de morphine; — 4° comme hypno-tique, alors même que la morphine et les autres préparations d'opium ont échoué, le chlorhydrate de narcéine, même à dose très-minime, produit des effets soporifiques ; — 5° le chlorhydrate de narcéine agit avec la même efficacité et la même rapidité, en quelque partie du corps qu'on l'injecte; — 0° même à dose minime, le chlorhydrate de narcéine produit une élévation passagère de la tem-pérature et augmente momentanément la fréquence du pouls et de la respira-tien.
Le Gérant : a, ce montméja.
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
l'Èli IO U E UE DÉBITI'
ARTHROPATHIE DE L'ÉPAULE
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX DE PARIS
CLINIQUE MÉDICALE
DE L'ARTHROPATHIE DES ATAXIQUES
Leçon laite à l'Hôlel-Dieu par M. BAix, professeur agrégé de la Faculté de médecine, etc.
Messieurs,
Si la clinique nous mettait toujours en présence de types régu-liers, construits d'après une formule générale et toujours la même, à coup sûr la pratique de la médecine deviendrait à la fois bien plus facile, et bien moins intéressante pour nous. C'est en effet par la variété sans cesse renaissante des faits qu'elle nous révèle, et par la multiplicité inépuisable des combinaisons qu'elle nous donne à déchiffrer, que la clinique devient véritablement attrayante pour l'observateur qui a le goût de son métier.
Je me propose aujourd'hui de vous parler d'une maladie telle-ment connue qu'il serait évidemment superflu de vous en retracer les symptômes. Mais, vous le savez déjà, chaque malade vous pré-sente des phénomènes individuels qui le font sortir du type com-mun, et qu'il importe de mettre en relief. C'est ce que nous allons essayer de faire pour le cas actuel.
Au n° 5 de la salle Sainte-Jeanne est couché un homme dont la taille élevée et le squelette bien développé semblent annoncer une constitution primitivement robuste ; en effet, c'est d'une saine et vigoureuse famille qu'il est né. Son père et sa mère sont morts à un âge très-avancé, et ses frères et sœurs se portent tous à mer-veille. Le malade lui-même, s'il fallait s'en rapporter aux rensei-gnements qu'il nous donne, aurait toujours joui d'une excellente santé, troublée il est vrai par quelques douleurs rhumatismales ; et
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ce serait depuis deux ans seulement que les premiers symptômes de l'ataxie locomotrice se seraient manifestés chez lui.
C'est là, messieurs, une erreur bien commune chez les malades, et qui ne doit pas être partagée par le médecin. Longtemps avant l'apparition des troubles de motilité qui frappent les premiers l'at-tention du sujet, il existe des troubles de la sensibilité qui mar-quent sûrement le début de cette affection. Chez le malade qui nous occupe, les douleurs qu'il prenait pour rhumatismales, dont il souffrait depuis douze ans, n'étaient autre chose que les douleurs fulgurantes de l'ataxie. Subites et passagères, elles atteignaient surtout les deux membres inférieurs, et le membre supérieur droit. Cependant la constriction circulaire, qui signale si souvent les débuts de la maladie, a manqué complètement ici : elle a été rem-placée par une rachialgie extrêmement vive, siégeant à la région cervicale et un peu au-dessous, ayant pour centre l'apophyse de la septième vertèbre cervicale et s'irradiant dans le bras droit. C'est aussi sur ce point que se sont manifestés les premiers troubles de la motilité. Cet homme, qui travaillait aux écritures dans une maison de commerce, commença par s'apercevoir que toutes les plumes dont il faisait usage étaient mauvaises. Bientôt, alarmé par l'irré-gularité toujours croissante des mouvements du bras, il consulta un praticien de la ville, qui le traita par l'électricité pour une crampe des écrivains. Peu de temps après, il éprouva de la rachial-gie dans un second foyer d'innervation, au bas de la colonne lom-baire ; il vit disparaître d'une manière absolue tout désir vénérien, et ressentit bientôt un trouble profond de la marche, surtout dans l'obscurité.
La vue s'est notablement affaiblie depuis deux ans, et l'ophthal-moscope nous en a montré la raison, en faisant constater une atrophie de la papille ; enfin, pour compléter ce tableau, le malade fut pris d'une cystite fort douloureuse, et qui dure encore aujourd'hui ; nous n'hésitons pas à la rattacher à l'ataxie, bien que le malade soit porté à considérer ces derniers accidents comme le résultat d'une ancienne blennorrhagie.
Aujourd'hui, nous sommes en présence d'une ataxie bien com-plète, accompagnée d'une perte absolue du sens de position, et de troubles sensoriaux divers.
Tel était l'état du malade, lorsque les phénomènes spéciaux sur lesquels je veux tout particulièrement appeler votre attention se sont subitement manifestés. Obligé de se servir de la main gauche
pour tous les petits services que ne pouvait plus lui rendre la main droite, il avait constaté depuis quelques jours des craquements dans l'épaule gauche, lorsque, vendredi matin (24 novembre), il s'aperçut pour la première fois qu'il avait la main du même côté notablement enflée. Surpris de ce phénomène insolite, il s'empressa de nous le signaler le lendemain même. Nous avons alors décou-vert totalement le membre, et voici le spectacle qui s'est offert à nos yeux:
Depuis l'épaule jusqu'au poignet, le membre supérieur gauche présente une tuméfaction générale. Il existe dans toute celte éten-due un empâtement mou, qui conserve l'empreinte des doigts, mais seulement lorsqu'on exerce sur les téguments une pression assez fortement accentuée. Cette tuméfaction augmente à mesure qu'on se rapproche de la racine du membre ; faiblement prononcée à la main, elle est plus forte à l'épaule que partout ailleurs. A ce niveau, il existe une saillie globuleuse légèrement fluctuante, et qui proémine fortement en arrière (Voy. Planche XXXVI.)
Au-devant du biceps, se dessine une vaste ecchymose, qui doit exister déjà depuis quelques jours, car elle est jaunâtre et décolorée sur les bords. Une seconde ecchymose, beaucoup moins considé* rable, occupe la partie antérieure de l'avant-bras.
Le biceps est dur, tendu, manifestement contracture. L'épaule est évidemment démise : mais la tête humérale sort de la cavité glénoïde et y rentre avec une merveilleuse facilité, en produisant des craquements très-remarquables, et qui, d'ailleurs, ne causent aucune douleur au malade.
Le pouls est accéléré, circonstance assez commune chez les ataxiques pour ne mériter aucune attention spéciale de votre part ; mais ce qu'il importe bien davantage de noter, c'est que la tempé-rature est fort élevée, et qu'elle atteint près de 40° centigrades. 11 y a donc un certain degré de réaction fébrile, contrairement à la règle, comme nous le verrons plus tard.
Les jours suivants, les phénomènes que nous venons de décrire ont graduellement diminué1 : la tuméfaction du membre s'est effa-cée peu à peu ; l'ecchymose a pâli : la réaction fébrile est tombée : mais quelques vésicules d'herpès, disséminées par groupes, se sont dessinées autour du coude, et sur le trajet des nerfs superficiels de l'avant-bras ; leur présence a coïncidé avec une hyperesthésie cu-
1 La planche XXXVI a été faite alors (27 novembre) ; les mesures molliraient que, en effet, la tuméfaction diminuait.
tanée fort remarquable : en effet, le frôlement d'une barbe de plume ou d'un pinceau fin détermine une douleur exquise, tan-dis que la compression directe ne provoque aucune sensation pénible.
Que s'est-il donc passé chez ce malade? et comment interpréter les accidents qui viennent de se dérouler sous vos yeux?
Messieurs, nous sommes en présence d'une de ces arthropathies qui se développent quelquefois dans le cours de l'ataxie locomotrice, et qui ont été signalées, pour la première fois, par M. Charcot. Mais le cas actuel diffère, à beaucoup d'égards, du type que présentent, en général, ces arthropathies singulières; et pour vous faire saisir les particularités qui le caractérisent, je crois devoir vous exposer la marche que suit le plus habituellement la maladie.
L'ataxie locomotrice, vous le savez certainement, messieurs, offre deux périodes bien distinctes dans son évolution : la première se caractérise par la prédominance des troubles de la sensibilité ; la seconde, par l'apparition des troubles de la motilité. C'est presque toujours vers la fin de la première période et le commencement de la seconde, à l'époque où les douleurs fulgurantes et la constriction circulaire se compliquent d'un certain degré d'incoordination des mouvements; c'est dans cette période intermédiaire que se mani-festent le plus souvent les accidents articulaires. Cette règle peut cependant souffrir de fréquentes exceptions, et c'est précisément ce qui se produit chez notre malade. 11 existe, en effet, des arthropa-thies précoces et des arthropathies tardives. M. Charcot a vu, tout récemment, débuter un cas d'ataxie par une de ces affections arti-culaires ; ce qui, pour le dire en passant, suffit pour faire justice de l'erreur de Volkrnann , qui attribue les lésions de ce genre aux mouvements désordonnés qu'exécute le malade. Cette théorie pure-ment mécanique ne tient compte que d'une seule des causes mul-tiples qui concourent à produire ces accidents singuliers.
Quant aux arthropathies tardives, elles se distinguent parla gra-vité excessive des désordres qu'elles occasionnent. En effet, les cas les plus graves appartiennent aux périodes les plus avancées de la maladie, et notre malade ne fait point exception à cette règle. Nous constatons, en effet, chez lui, une mobilité anormale de l'épaule qu'q faut évidemment attribuer à la destruction plus ou moins complète de la tète humérale ; c'est précisément ce qui s'est passé chez une malade dont l'observation a été publiée depuis longtemps et chez laquelle l'extrémité supérieure de l'humérus était profondément
érodée, de manière à simuler l'extrémité supérieure du cubitus : en un mot, c'est une surface concave et non pas une surface convexe qui se trouve en rapport avec la cavité glénoïde. On comprend aisément qu'une disposition pareille permet au membre de se luxer et de se replacer ensuite dans ses rapports normaux avec la facilité la plus absolue.
L'obligeance de M. Cbarcot me permet de placer cette pièce très-intéressante sous vos yeux (Voy. planche III)l.
Vousremarquerez qu'autour de la tête humérale,détruite en partie, il existe de nombreuses stalactites osseuses qui témoignent d'un travail d'hyperostose qui se produit parallèlement au travail d'atro-phie que je viens de vous signaler.
D'une manière habituelle, l'invasion des accidents n'est accom-pagnée d'aucune réaction fébrile ; cependant dans quelques cas exceptionnels, celte réaction se produit, et notre malade en offre un exemple, puisque, chez lui, la température s'est élevée à 40 degrés.
Le gonflement du membre qui se développe très-rapidement est toujours plus considérable au niveau de la jointure malade, et sou-vent une effusion, soit séreuse, soit sanguinolente, se produit dans sa cavité. Dans le cas actuel, il est probable que du sang s'est épanché dans l'articulation de l'épaule, et je serais tenté d'attri-buer les ecchymoses dont je vous ai parlé à une infiltration san-guine partie de la cavité articulaire et qui aurait fusé dans les gaines des muscles. Quoi qu'il en soit, la synoviale est toujours for-tement vascularisée, comme vous le voyez dans la photographie co-loriée que je mets ici sous vos yeux (voy. planche I).
L'infiltration du membre disparaît rapidement dans la plupart des cas : les épanchements articulaires persistent plus longtemps et laissent derrière eux des altérations permanentes : ce sont des hypertrophies et des atrophies des extrémités osseuses, mais dans lesquelles le travail de destruction l'emporte de beaucoup. Il en résulte des luxations ◀tantôt▶ complètes, ◀tantôt incomplètes et le plus souvent la perte des fonctions du membre; toutefois, dans les cas légers et surtout dans les arthropathies précoces, la guérison peut avoir lieu.
Les accidents que je vous signale, messieurs, ne sont pas au
1 Nos lecteurs pourront se reporter aussi, pour suivre les différentes phases de la maladie, aux planches XXVII, XXVfl], XXXI etXXXIt delà Revue de 1870, qui représentent l'aspect des jointures malades pendant la vie ; et aux planches I et II de cette année qui, outre la planche III, figurent les lésions.
nombre des manifestations les plus communes de l'ataxie. Dans un petit travail que j'ai publié il y a quelques années sur ce sujet, j'en avais rassemblé 18 cas. En y joignant quatre ou cinq faits observés par M. Charcot, et quelques autres publiés à l'étranger, on arrive-rait peut-être à en réunir une trentaine. Si vous songez à la fré-quence excessive del'ataxie locomotrice, ce chiffre devra vous paraître bien peu considérable.
La statistique m'avait fourni, à l'égard des localisations que peu-vent offrir ces accidents, des résultats assez singuliers. Sur 18 cas, l'affection s'est portée 11 fois sur les genoux, 3 fois sur l'épaule droite, et 4 fois sur d'autres jointures ; l'épaule gauche n'avait ja-mais été affectée; le cas actuel est donc unique en son genre. Jus-qu'à présent on avait attribué cette prédominance si marquée du côté du membre supérieur droit à l'usage habituel que nous faisons du bras et de la main droite : chez notre malade, les conditions se trouvent renversées, puisque c'est du bras gauche qu'il fait habi-tuellement usage; il ne faudrait pas, toutefois, attribuer trop d'im-portance à cette cause toute mécanique, car, comme vous le verrez à l'instant, il existe une cause bien plus puissante d'altérations tro-phiques au centre même de l'axe médullaire.
L'anatomie pathologique nous apprend en effet que, dans les cas de cette espèce, il existe une atrophie prononcée de la corne anté-rieure de la moelle épinière du côté correspondant à l'articulation malade. La planche que je mets sous vos yeux, et qui est extraite des Archives de physiologie, vous représente l'état de l'axe gris chez la femme dont je vous ai montré tout à l'heure la tête numérale atrophiée. Comme vous le voyez, la corne antérieure du côté ma-lade a subi une diminution notable dans tous ses diamètres, ainsi qu'une destruction presque complète des grosses cellules nerveuses qui en occupent le bord externe. Cette lésion, que M. Charcot a déjà constatée dans quelques autres cas semblables, est manifes-tement le point de départ des accidents qui nous occupent. On peut la rapprocher des altérations analogues de l'axe gris dans la para-lysie infantile et l'atrophie musculaire progressive. Elle s'en rap-proche d'autant plus, que les muscles du côté affecté éprouvent souvent un commencement de dégénération graisseuse.
Il semblerait donc, d'après ce que je viens de vous dire, que les cornes antérieures situées dans le voisinage des cordons moteurs président, je ne dirai pas à la nutrition du système locomoteur, mais aux troubles trophiques qui peuvent l'atteindre. Les articula-
tions, les muscles, les os eux-mêmes, subissent, à des degrés divers, le contre-coup des altérations situées dans les cornes antérieures de la moelle : mais la peau, organe de sensibilité, échapperait complètement à cette influence. Ce serait à des lésions d'une toute autre nature, occupant surtout les nerfs sensitifs, que se rattache-raient le zona et les autres affections cutanées qui relèvent du système nerveux.
Sous ce rapport, notre malade fait exception à la règle, ou, plutôt, il nous présente un nouveau problème à résoudre. Comme vous le voyez, une éruption vésiculo-pustuleuse s'est développée sur le trajet des nerfs cutanés de l'avant-bras : elle coïncide avec une hyperesthésie cutanée des plus remarquables. Faut-il supposer qu'une lésion des nerfs périphériques s'est produite chez lui, ou devons-nous rattacher ce dernier phénomène aux altérations de l'axe gris qui existent, selon toute probabilité, chez lui? L'avenir nous l'apprendra, sans doute : pour le moment, nous devons nous borner à enregistrer le fait sans y joindre de commentaires.
Il me reste à vous signaler un dernier point, avant de terminer cette leçon. Chez plusieurs des ataxiques frappés d'arthropalhie, on a noté la coïncidence de ces troubles viscéraux qui paraissent se développer à la suite de l'affection médullaire; telles sont les crises gastriques indiquées par M. Cbarcot, et les accidents laryngo-bronchiques décrits par mon ami M. Second-Féréol. Cbez notre malade, non-seulement il existe une cystite dont je vous ai déjà parlé, mais encore on constate, depuis quatre ou cinq jours, une dyspnée que j'appellerais volontiers essentielle ou nerveuse, car elle ne correspond à aucun signe physique d'une altération des organes respiratoires.
Avant de nous séparer, messieurs, je dois vous dire quel est le pronostic qu'il convient de porter chez notre malade. Les altéra-tions profondes dont l'articulation scapulo-humérale vient d'être frappée la rendront à jamais incapable de fonctionner régulière-ment; à chaque instant, il se produira des craquements, et, dans les mouvements plus étendus, des luxations de l'épaule.
Ces infirmités n'empêcheront pas le malade de tirer quelque parti du membre affecté, d'autant plus que les lésions de ce genre ne paraissent pas en général suivre une marche progressive. Enfin, la tuméfaction du membre, et les ecchymoses qui se sont dévelop-pées sur divers points se dissiperont presque sans aucun traite-ment; il suffira d'entourer le membre de coton cardé, de l'enve-
lopper de compresses résolutives, et de le maintenir à une température convenable.
Voici le tableau des mesures comparatives des membres supé-rieurs de ce malade.
gauche. droite.
24 nov. 27 nov.
Circonférence du bras au-dessous de
l'aisselle............ 35*,H 31 %5 25 cent.
Circonf. du bras (partie moyenne). . 51 28 20,5
Circonférence du coude...... 20 27 25
— de l'avant-bras à 4 tra-vers au-dessous du coude. . . . 26e,5 26e,5 21,5
Circonférence du poignet...... 17 17°,5 16,3
Circonférence du métacarpe (Ext. inf.). 19«,3 20%2 « 18,8
N. B. Depuis que cette leçon a été faite, un nouveau phénomène s'est produit : l'articulation du coude gauche vient de devenir le siège de craquements, et tout fait présager qu'elle aura le sort de l'articulation scapulo-humérale.
CLINIQUE CHIRURGICALE
TUMEUR DE LA PAROTIDE, EXTIRPATION, GUÉRISON
par rosapelly, interne des hopitaux de paris
Bar..., âgé de 16 ans, cordier, entre le 25 juillet 1871 à la Pitié dans le service de M. le professeur Broca, pour se faire enlever une tumeur qu'il porte à la partie droite du cou.
Il y a deux ans que le malade s'est aperçu pour la première fois de la présence de cette tumeur, qui avait alors le volume d'une noi-sette. Située, d'après ses indications, immédiatement en arrière de la branche montante de la mâchoire et à un travers de doigt au-dessous du lobule de l'oreille, elle était arrondie, dure, fixe sur les parties profondes, sans adhérence à la peau.
Depuis cette époque, elle s'est développée progressivement sans être jamais le siège d'aucune trace ni d'inflammation ni de douleur.
1 Nous croyons pouvoir attribuer cette augmentation de la tuméfaction de la main à la position déclive.
REVUE PHOTOGRAPHIQUE
DES HOPITAUX
ADENOME DE LA PAROTIDE
avant l'opération
B... signale seulement avant et depuis le début de cette affection des angines auxquelles il a d'ailleurs toujours été sujet : l'amygdale droite présente un léger degré d'hypertrophie ; jamais les ganglions n'auraient été engorgés.
État actuel (juillet 4871).—La tumeur remplit les limites de la ré-gion parotidienne droite ; elle y détermine une saillie irrégulièrement ovoïde, bien circonscrite et très-proéminente,du volume d'un œuf de poule. Son grand diamètre parallèle au bord postérieur du maxil-laire mesure 5 centimètres et s'étend du col à l'angle de la mâchoire ; son diamètre transversal, long de 4 centimètres, recouvre en avant une partie de la branche de la mâchoire, et en arrière le bord du sterno-mastoïdien. La planche XXXY1I en donne une bonne idée.
La tumeur, quoique fortement enclavée entre ces deux organes par sa partie profonde, est légèrement mobile ; on peut la faire mouvoir en masse, soit dans le sens vertical, soit transversalement dans l'étendue d'un centimètre environ. La surface est irrégulière-ment lobulée ; au-dessus et au-dessous de la partie moyenne, qui est à peine bosselée et présente dans tous ses points une consistance ferme et élastique comme celle du cartilage, se trouvent des lobules arrondis, saillants, dont la consistance est plus molle et se rap-proche de celle du lipome.
La peau qui la recouvre est parfaitement saine, elle glisse dans tous les sens et dans les limites normales; enfin il n'existe aucun signe d'altération dans les régions voisines.
B... a une bonne constitution; sa santé est parfaite. Interrogé sur les symptômes fonctionnels, il dit avoir depuis quelque temps une certaine sécheresse de la bouche, fait qu'on doit rapporter à la compression de la parotide ou plutôt du canal de' Sténon à son origine. Il n'a remarqué aucun trouble de la motilité ni des lèvres, ni des joues, ni des paupières; cependant, en comparant attentive-ment les deux côtés de la face, la commissure droite des lèvres semble un peu abaissée et plus rapprochée de la ligne médiane que celle du côté sain. Cette déformation, rendue plus apparente par le rire, l'action de siffler, etc., indique un commencement de com-pression de la branche cervico-faciale; la branche supérieure du fa-cial est intacte.
Diagnostic. — Parmi les tumeurs qu'on peut rencontrer à la région parotidienne, nous devons éliminer de prime abord celles qui siègent en dehors de la parotide. En effet, les caractères du début iournis par le malade : glissement facile de la peau, fixité de la
tumeur sur les parties profondes, s'accordent avec les signes ac-tuels : intégrité de la peau, limitation exacte de la tumeur à la région parotidienne, connexions profondes avec mobilité assez limitée, pour montrer que la tumeur a débuté et qu'elle s'est développée dans la loge parotidienne. Un renseignement fourni par le malade nous indique en outre que c'est dans les couches superficielles de la glande qu'on doit localiser le siège primitif de la tumeur : elle n'avait encore acquis, en effet, qu'un centimètre environ de diamètre que déjà elle constituait une saillie arrondie appréciable au toucher, puisque le malade lui donne le volume d'une noisette lorsqu'il s'en est aperçu pour la première fois.
La tumeur, malgré les lobules qui font saillie à sa surface, n'est pas une tumeur ganglionnaire ; elle n'est pas constituée par des noyaux multiples, agglomérés, roulant plus ou moins sous le doigt; elle forme une masse unique qui s'est développée progressivement en dehors, repoussant au-devant d'elle l'aponévrose parotidienne et l'ayant distendue, amincie, et peut-être perforée dans les points les plus saillants et, en effet, les moins fermes qui constituent les lobules des deux extrémités.
C'est donc entre les deux classes de tumeurs de la parotide que la clinique a séparées sous le nom de tumeurs bénignes ou adénomes et de tumeurs malignes ou cancers, qu'il nous reste à établir le dia-gnostic. Ce diagnostic est ici facile, car l'absence absolue des deux caractères essentiels de la malignité, l'envahissement des tissus voisins et l'infection générale de l'organisme, est assez nettement démontrée par les signes locaux et par l'état général pour faire re-pousser l'idée du cancer.
Le diagnostic d'adénome, porté d'emblée par M. Broca, conduit à un pronostic relativement très-favorable; déplus, ilindique l'utilité d'une opération qui, en débarrassant le malade de sa difformité, en offrant peu. de chances de récidive, doit supprimer et prévenir les accidents qu'amènerait infailliblement le développement progressif de la tumeur.
Extirpation de la tumeur. — Le 51 juillet, l'opération est pra-tiquée après anesthésie par le chloroforme. Par une incision verti-cale de 6 centimètres comprenant- la peau et le tissu cellulaire sous-cutané, on arrive sur l'aponévrose parotidienne, qui est à son tour incisée et disséquée de manière à dénuder la tumeur. La sur-face de celle-ci est blanche, lisse, et si bien limitée des tissus envi-ronnants, qu'on peut l'énucléer presque complètement en la dé-
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DES HOPITAUX
ADÉNOME DE LA PAROTIDE
APRÈS L'OPÉRATION
collant avec les doigts. La face profonde seule présente quelques adhérences, qu'on déchire en imprimant à la tumeur quelques mou-vements de traction combinée avec la torsion. La déchirure des ad-hérences, constituées en grande partie par les vaisseaux de la tumeur, amène un écoulement de sang assez abondant, qu'on arrête facile-ment en maintenant pendant dix minutes environ une éponge dans le fond de la plaie. Pansement simple : linge cératé, charpie sèche. Le soir, on n'observe rien d'anormal. Pouls à 80.
1er août. — Même pansement. A peine s'il y a une légère réaction fébrile.
2 août. — Pendant la nuit, il s'est produit à deux reprises une hémorrhagie peu considérable, qu'on a arrêtée définitivement par un tamponnement à l'amadou et une légère compression. Le panse-ment hémostatique est laissé jusqu'au lendemain. Pansements simples. La réparation se fait rapidement.
Le 9 août, la plaie, comblée, presque à plat, est large de 2 à 5 millimètres seulement. — Exeat.
La cicatrisation a été complète vers le milieu du mois.
A la date du 5 décembre, époque à laquelle a été faite la planche XXXVIII, on constate simplement une cicatrice ayant 2 à 5 millimètres de large, encore un peu rouge. La peau, à son ni-veau, glisse assez facilement. B... se porte bien, ne souffre aucune-ment. Toute trace de paralysie semble aussi avoir disparu.
Examen de la tumeur. — La tumeur se présente sous la forme d'une poire irrégulièrement ovoïde ; son grand diamètre est de 5 centimètres ; son diamètre transversal, ainsi que son épaisseur, mesurée de sa face superficielle à sa face profonde, sont chacun de 4 centimètres.
Sa surface blanche, lisse et d'aspect fibreux, est divisée en 12 ou 15 mamelons par des sillons peu profonds. Aux deux extrémités et surtout en haut, ces mamelons, du volume de la pulpe du doigt, sont hémisphériques et constituent de véritables lobes; sur le reste de la surface, ils sont beaucoup plus larges et peu saillants.
En incisant la tumeur et en cherchant à séparer la membrane d'enveloppe, on obtient très-facilement la décortication. On observe alors que cette membrane est mince, résistante et laisse voir par transparence un certain nombre de ramifications vasculaires, for-mant dans son épaisseur un réseau à larges mailles. Si on la réap-plique alors sur la tumeur, on observe en outre que chacun des
vaisseaux correspond à l'un des sillons qu'on avait remarqués à la surface.
Du côté du tissu propre, les sillons et les lobes ne sont indiqués que par des dépressions et des saillies sans différence d'aspect apparente dans la texture, sans cloisons ni prolongements qui soient l'indice d'une segmentation de la substance même de la tumeur. La disposition lobulée superficielle semble donc être due à la pression des vaisseaux de la tunique fibreuse et au développement plus facile du tissu morbide au niveau des mailles qu'ils circonscrivent.
Outre ces dépressions et ces saillies, la surface de la substance propre est régulièrement tapissée de petits lobubes agglomérés, dont quelques-uns ont été entraînés avec la membrane d'enveloppe pendant la manœuvre de la décortication. Ces petits lobules, assez peu consistants, d'un blanc grisâtre, ont l'aspect des grains d'une glande acineuse ; en les écrasant sur une plaque de verre, on y re-connaît, au moyen du microscope, la présence des culs-de-sac glandulaires.
A la coupe, le tissu de la tumeur est ferme, d'un blanc grisâtre ou jaunâtre, sillonné uniformément par de petits tractus d'appa-rence fibreuse, très-déliés et peu distincts. Il n'y existe ni kystes ni épanchements sanguins. Enfin, il est identique dans tous ses points, excepté quant à la consistance, qui est celle du tissu fibreux dans la majeure partie de la tumeur et qui est plus molle dans les couches superficielles et dans les lobes mamelonnés de la surface.
L'examen histologique, d'après les préparations de M. Coyne, in-terne des hôpitaux, donne les résultats suivants: à un faible gros-sissement, des tubes sinueux, anastomosés ou ramifiés, terminés en certains points par des culs de-sac arrondis, représentent l'élément glandulaire. Ils sont fortement colorés par le carmin, et la distance qui les sépare, remplie par une substance intermédiaire, beaucoup moins colorée, est sensiblement égale à leur diamètre; de sorte que l'élément glandulaire et le stroma entrent en proportions égales dans la composition de la tumeur. La proportion et la nature de ces deux éléments sont les mêmes sur les coupes pratiquées au centre ou dans les couches superficielles de la tumeur.
À un fort grossissement, on voit les tubes et les acini, remplis par de l'épithélium, qui, en quelques points, laisse un intervalle, ménagé au centre de leur calibre. Le stroma est constitué par une substance amorphe, renfermant, régulièrement espacées, des cel-
Iules étoilées, munies d'un noyau fortement coloré par le carmin et anastomosées entre elles par leurs prolongements.
D'après M. Broca (Dict. encycl. ; art Adénome), nous avons mani-festement affaire ici à un adénome vrai, et l'examen histologique nous reporte exactement à la variété qu'il a décrite sous le titre à'adénome avec prédominance du stroma.
D'après la classification, admise par MM. Cornil et Ranvier (Ma-nuel d'histol.), la tumeur devrait, il semble, être rangée parmi les adéno-sarcomes. D'ailleurs, suivant l'opinion des mêmes auteurs, la présence des cellules étoilées, degré avancé d'évolution du tissu conjonctif, exprimerait peu de gravité. — Quelle que soit l'opinion qu'on adopte, le pronostic est donc favorable, la récidive étant très-rare dans l'un et l'autre cas.
PATHOLOGIE INTERNE
RUPTURES DE LA RATE
par g. peltier, interne des hopitaux de paris
L'étude des ruptures de la rate, obscure encore sur plusieurs points, a fait, en 1843 et 1844, l'objet d'un travail très-intéressant publié par M. Vigla dans les Archives générales de médecincLa des-cription de M. Vigla est basée sur un certain nombre d'observations qu'il a recueillies lui-même ou qu'il a trouvées éparses dans les ouvrages ou dans les écrits périodiques ; c'est encore le travail le plus complet que nous ayons sur l'affection qui doit nous occuper; depuis cette époque, quelques observations nouvelles sont venues seulement s'ajouter à celles que nous possédions déjà, et fournir ainsi quelques matériaux de plus qui nous serviront pour l'exposé que nous allons faire des ruptures de la rate.
I. Bibliographie. — Pour l'étude des ruptures de la rate, il faut consulter principalement :
Bailly. — Observations de rupture de la rate dans les fièvres inter-mittentes. (Revue médicale, t. IV, p. 24, 1825.) Pigné. — Bulletins de la Société anatomique, t. XII, p. 325,1837.
Sotis. — Quatre observations de rupture de la rate. (Gazette médi-cale, 1840.)
Gayrel fils. — Rupture de la rate. (Gazette des hôpitaux, p. 582, 1840.)
Raynaud. — Bulletins de la Société anatomique, t. XV, p. 100, 1840.
Verga. — Gazette médicale, 1843.
Vigla. — Recherches sur la rupture spontanée de la rate. (Archives
générales de médecine, t. III et IV, 1844.) Janssens. —Annales de la Société de médecine dAnvers, 1845. Goubaux.— Rupture de la rate chez un cheval. (Société de biologie et
Gazette médicale, 1851.) Sée. —Bulletins de la Société anatomique, t. XXVII p. 323, 1852. Charcot. — Rupture de la rate chez un fœtus. (Sociétéde biologie,
1858.)
Playpair. — Gazette médicale, 1859.
Meunier.— Rapport sur un cas de rupture de la rate. (Bulletins de la
Soc. anal., p. 200, 1865.) Observation de rupture de la rate. (The Lancet, décembre 1864.)
II. ànatomie pathologique. —Lorsque l'on ouvre la cavité abdo-minale d'un malade mort de rupture de la rate, on la trouve géné-ralement, sinon distendue, du moins remplie par une quantité variable de sang plus ou moins fluide. Le plus souvent, c'est l'hypo-chondre gauche qui est occupé par des caillots de sang noir, entourant et masquant quelquefois l'organe splénique. Quelquefois les caillots occupent le petit bassin.
La quantité de sang épanché est plus ou moins considérable, depuis quelques grammes jusqu'à un kilogramme. Dans ces der-niers cas, la masse intestinale est imbibée du liquide : le tissu cellu-laire sous-périlonéal est ordinairement infiltré de sang. On peut trouver des traces de péritonite partielle ou généralisée ; cependant elles manquent souvent, ce qui peut s'expliquer par la rapidité de la mort.
Quand l'on vient à examiner la rate, on trouve généralement un organe ramolli, friable, ayant un volume plus considérable qu'à l'état normal; si l'on examine alors plus attentivement, on trouve une déchirure de dimensions variables, ayant ordinairement de 5 à 5 centimètres, et par laquelle s'échappe le tissu de la rate elle-même. Cette déchirure se trouve le plus souvent à la face interne
ou à la face antérieure ; quelquefois la fente est obstruée par un caillot, qui peut ainsi mettre un terme à Fhémorrhagie.
Quant au parenchyme splénique, il présente une disposition fréquente, et signalée par M. Vigla. 11 semble que le tissu soit constitué par deux couches superposées, l'une superficielle, réduite en bouillie, semblable à un caillot mou et diffluent, l'autre pro-fonde et moins altérée. Dans les cas où le traumatisme a été des plus violents, on observe une véritable contusion avec destruction du tissu splénique.
III. Etiologie et pathogénie. — Les ruptures de la rate peuvent être spontanées ou traumatiques ; ces dernières sont de beaucoup les plus fréquentes ; ce sont celles qui ont été le mieux étudiées.
Les ruptures spontanées, c'est-à-dire celles qui ne reconnaissent pas pour cause un traumatisme violent, sont rares, très-rares, dans nos pays surtout. Pour qu'elles se produisent, il faut que le tissu de la rate soit déjà modifié, ou par des infarctus préexistants, ou par des kystes, ou par une dégénérescence quelconque. Dans les pays marécageux, où un grand nombre de malades présentent un déve-loppement pathologique de la rate, il y a de plus une condition morbide très-fréquente dans les cas de rupture : c'est le ramollis-sement. La moindre cause alors, la contraction même des muscles abdominaux, suffit pour amener l'accident ; c'est ainsi que le docteur Playfair, médecin dans l'Inde, chargé de l'autopsie des morts subites, a rencontré, dans une période de deux ans et demi, plus de vingt cas de rupture de la rate. (Gazette médicale, 1859.)
Les ruptures traumatiques reconnaissent pour causes des con-tusions et des violences extérieures, des chutes d'un lieu plus ou moins élevé. Les coups de pied, de pierre, de timon dans l'hypo-chondre gauche, les chutes sur la poitrine ou sur le ventre, les chutes de cheval, voilà les conditions étiologiques les plus souvent notées dans les diverses observations que nous avons consultées.
Les ruptures de la rate, avons-nous dit, sont assez fréquentes dans les pays marécageux, rares ailleurs ; on les rencontre chez la femme comme chez l'homme; on les a notées à tous les âges, et même chez le fœtus (Charcot).
IV. Symptômes et diagnostic. — Pour la symptomatologie, nous devons admettre deux formes distinctes : la forme suraiguë, dans
laquelle la mort arrive immédiatement, et la forme à marche moins rapide, dans laquelle la vie se prolonge.
Les premiers cas sont, sans contredit, les plus nombreux, mais la description des symptômes en est si incomplète, qu'if est à peu près impossible de ne pas les confondre avec tous les cas d'hémorrhagie interne par rupture d'un organe quelconque. Ce que nous pouvons dire, c'est que, à la suite d'un traumatisme violent, les malades éprouvent une douleur vive dans la région de l'hypochondre gau-che ; cette douleur peut être suivie de syncopes, de convulsions légères ; bientôt la face pâlit, le pouls devient faible, les extrémités se glacent et la mort arrive en quelques heures. Ce sont là les cas les plus fréquents.
Les seconds cas, les moins nombreux, peuvent senir cependant à tracer une symptomatologie à peu près complète. Pour cela, il faut étudier les commémoratifs, les signes locaux et les signes géné-raux. Pour les commémoratifs, il faudra rechercher avec soin si le malade a vécu dans un pays marécageux, s'il a eu des fièvres d'accès ou la fièvre typhoïde, s'il a fait des excès alcooliques. Il ne sera pas moins important de savoir quelle a été la cause trauma-tique, avec quelle intensité et de quelle manière elle a agi. La douleur devra être étudiée minutieusement dans son mode d'appa-rition, dans son acuité plus ou moins grande, dans son siège, dans sa constance.
Cette douleur apparaît brusquement, augmente et se soutient or-dinairement jusqu'à la mort. « Elle est caractérisée par les obser-vateurs, dit M. Vigla, de vive, aiguë, lancinante, cruelle, atroce ; elle est accompagnée, suivant les cas, de chaleur, de brûlure, de plénitude, de pesanteur et de tension dans les mêmes régions; elle peut arracher des cris au malade ou le faire tomber dans des mou-vements convulsifs; elle augmente par une pression légère, le mouvement, le poids des couvertures. »
Le faciès a une expression particulière; le malade se tient assis en penchant son corps en avant; sa respiration est fréquente, courte, douloureuse. La percussion delà rate est impossible à cause de la sensibilité delà région splénique. Le pouls est fréquent, peu déve-loppé, petit même et variable avec l'abondance de l'hémor-rhagie.
X ces symptômes devons-nous ajouter ceux d'une péritonite aiguë ou suraiguë? en d'autres termes, la péritonite est-ellela com-plication nécessaire d'un épanchement .sanguin dans l'abdomen ?
La réponse sur ce point ne peut être catégorique. M. Vigla, à ce sujet, s'exprime ainsi : « Dans aucun des faits, le péritoine ne s'est enflammé. Cela s'explique, quand la mort a été instantanée ; mais dans le cas où la vie s'est prolongée au delà de vingt-quatre heures, il est curieux de constater l'innocuité de la présence du sang à la surface d'une séreuse, sous le rapport de l'inflammation. Ce fait est d'ail-leurs acquis à la science par l'observation des faits assez nombreux d'hémorrhagies intra-rachidiennes. » Nous ne pouvons être aussi absolu ; dans quelques faits au moins, la péritonite était évidente ; l'abdomen était dur, tendu, douloureux à la palpation, et d'ailleurs les résultats de l'autopsie sont venus confirmer le diagnostic porté pendant la vie.
Des considérations que nous venons de développer, il résulte que la rupture de la rate est d'un diagnostic difficile ; l'hypertrophie antérieure de cet organe, l'action d'une violence extérieure sur l'hypochondre gauche, l'existence d'une douleur très-vive s'irradiant jusqu'à la fosse iliaque, la syncope, la pâleur excessive, l'attitude du malade, l'accélération et la difficulté des mouvements respira-toires, la fréquence et la petitesse du pouls, les symptômes de la péritonite, tels sont les principaux traits d'après lesquels on peut établir, avec quelque certitude, l'existence de cette lésion, ou la distinguer, soit d'une péritonite simple, soit d'une pleurésie dia-phragmatique, soit d'une perforation intestinale, soit enfin de la rup-ture d'un anévrysme ou d'un gros vaisseau de l'abdomen. Mais le diagnostic ne peut jamais reposer que sur des probabilités, et nous ne croyons pas qu'on puisse jamais le préciser complètement. Il ne faut pas oublier d'ailleurs que, le plus souvent, la marche des acci-dents est telle que, par leur excessive rapidité,"ils échappent à l'observation (Meunier).
V. Marche et durée. — Nous avons admis, dans la symptomato* logie de la rate, deux formes que nous retrouverons ici. Dans la première, la mort arrive immédiatement ou en l'espace de quelques heures : dans ce cas, elle peut être due à deux causes, ou à l'abon-dance de l'hémorrhagie, ou, comme l'a indiqué le docteur Sotis, à une sorte de sidération nerveuse résultant de l'action du plexus splénique. Dans la deuxième forme, la vie peut se prolonger douze à quinze jours ; on admet alors que l'hémorrhagie a été arrêtée temporairement, grâce à un caillot obturateur ; on peut admettre également que la vie s'est prolongée grâce à l'intégrité des cnve-
loppes de la rate qui résistent d'abord, alors même que le paren-chyme est broyé, mais qui finissent par céder à un nouvel effort hémorrhagique.
VI. Pronostic et traitement. — Nous n'avons que peu de chose à dire du pronostic et du traitement. Une fois la rupture opérée, le médecin doit tendre surtout à éviter la péritonite, à la combattre, si elle survient; il doit surtout essayer de remédier à la syncope, à la défaillance du malade, et c'est alors qu'il devra employer surtout un régime tonique et excitant; il s'efforcera de ramener le calorique aux extrémités, s'il est possible. 11 devra aussi calmer la douleur : de là l'emploi de l'opium à doses élevées. Nous n'insisterons pas da-vantage ; la rupture de la rate, comme le dit M. Vigla, est une maladie qu'il faudrait reconnaître avant de la traiter, et nous avouons que c'est chose fort difficile.
THÉRAPEUTIQUE
DE L'EMPLOI THÉRAPEUTIQUE DU HACHISCH
par f. villard, interne des hopitaux
a Jusqu'ici, le hachisch n'a été que bien peu employé comme médicament, mais, tôt ou tard, cet agent, qui exerce sur le système nerveux une influence si considérable, entrera dans le domaine de la thérapeutique et y occupera probablement une place impor-tante. (Trousseau et Pidoux, Traité de thérap., t. IL)
La première partie de cette phrase de MM. Trousseau et Pidoux, très-vraie lorsqu'il s'agit de notre pays, où le hachisch n'a été l'objet d'aucun travail thérapeutique sérieux, n'est pas applicable à nos voisins d'outre-Manche. Chez eux, en effet, grâce à leurs pos-sessions dans l'Inde, qui leur permettent de se procurer le hachisch facilement, cette substance a pu être étudiée et employée depuis longtemps.
En France, jusqu'à présent, on s'est borné à quelques essais dont les résultats,souvent favorables,auraient cependant dû engager à persévérer dans l'emploi d'un médicament énergique et capable de rendre de réels services en thérapeutique. Le résumé des faits que nous allons présenter justifiera notre opinion sur ce point.
I. PESTE.
M. Aubert-Roche, parlant de ce principe que la peste est le résul-tat d'une lésion du grand sympathique, d'une névrose de ce nerf, a administré le hachisch pour combattre cette terrible affection : tous les médicaments qu'il avait employés auparavant avaient échoué et ses malades étaient morts. Le hachisch fut donné sous forme d'extrait gras (damawesc) à onze individus dont l'état paraissait désespéré : sept guérirent. Ces derniers avaient tous des bubons, des pétéchies, et des symptômes nerveux très-prononcés ; deux d'entre eux avaient en outre de la diarrhée ; chez deux autres la respiration était à peine sensible et le pouls très-rapide. — « C'est un fait incontestable, dit M. Aubert-Roche, que, immédiatement après le sommeil, suite des effets développés du hachisch, ces sept malades sont entrés en convalescence. Je regarde la guérison des cinq premiers comme causée par le haschich seul, et celle des deux autres comme venant donner la preuve de l'efficacité du médica-ment, si on l'administre à temps. » M. Aubert-Roche ajoute qu'il est loin de croire que cette substance puisse réussir toujours ; mais, se fondant sur les faits qu'il a observés, il pense qu'elle est capable d'arrêter la maladie, si on l'administre à temps. (De la peste ou typhus d'Orient, 1840.)
II. choléra.
Les médecins anglais dans l'Inde sont les premiers qui aient songé à employer le hachisch pour combattre le choléra : l'un d'eux, le docteur 0. Sanghuessy, a retiré une réelle efficacité de l'emploi de ce médicament. Sous son influence, il a vu les selles se modifier rapi-dement, la réaction s'établir et les malades entrer en convalescence. Un cholérique fut rendu cataleptique par un demi-grain de résine et resta ainsi plusieurs heures : le lendemain, il était parfaitement bien. L'auteur avoue toutefois que les faits qu'il cite ne sont pas très-concluants, car l'épidémie n'était pas alors très-grave. (Bul. gen. de the'rap., 1847.)
M. Chaniac avait déjà préconisé le chanvre indien contre le cho-léra, lorsque, en 1848, M. Villemain, alors médecin sanitaire de France en Egypte, vint lire devant l'Académie de médecine de Paris un mémoire sur le traitement de celte terrible maladie par le hachisch. Cette substance avait été administrée à dix cholériquesj
pendant la première période de l'épidémie, alors que la plus grande partie des malades succombaient. Les quatre premiers prisa la der-nière extrémité succombèrent ; les six autres ont guéri ; de ceux-ci trois présentaient la maladie à un degré de moyenne intensité. Quant aux trois autres, ils étaient très-gravement atteints, et l'un d'eux se trouvait être M. Villemain lui-même. Les membres étaient froids ainsi que la langue, la cyanose complète, le pouls petit et très-faible. Peu de temps après la prise du médicament, la réaction s'établit. La préparation employée par M. Villemain était une solution alcoolique d'extrait de hachisch préparé par M. Gastinel. Il l'a donné d'abord à la dose de douze à quinze gouttes ; il en a pris lui-même jusqu'à trente gouttes représentant environ 15 centigrammes de principe actif. M. Villemain pense que ce remède agit « en excitant les centres nerveux, quand déjà leur influence est presque arrêtée, et remplit ainsi, dans cette maladie si promptement mortelle, l'in-dication la plus urgente, celle d'empêcher la vie de s'éteindre. » (Mémoires de ÏAcad. de méd., 1848.)
Dans le numéro du 11 janvier, 1849, de VUnion médicale, M, Tar-dieu appelle l'attention des praticiens sur l'emploi avantageux du hachisch dans le choléra et il cite le cas de M. Villemain. a Le hachisch, dit-il, répond à la stupeur du système nerveux et au dé-faut d'activité des fonctions qui en dépendent. »
La même année, 1849,1e hachisch fut employé avec succès par M. Barlh à la Salpêtrière et par M. Legroux à l'hôpital Beaujon. Il s'agissait, dans ce dernier cas, d'une femme atteinte de choléra peu de jours après ses couches, à l'hôpital. Elle présentait des symptômes très-alarmants et ne dut son salut qu'au hachisch. Sous l'influence de ce médicament, elle se réchauffa, se ranima; les vomissements et la diarrhée se calmèrent ; elle entra enfin en pleine convalescence. L'action du hachisch parut consister chez elle dans une sorte d'agi-tation et de somnolence avec rêves pénibles: la malade avait pris environ 20 centigrammes d'extrait en deux jours. (Union médi-cale, 1849).
M. d'Oullremer du Margat a donné également le hachisch avec succès dans un cas de choléra. Les symptômes étaient graves : refroi-dissementdes extrémités, crampes douloureuses : pouls à peine sen-sible ; face altérée et cyanosêe ; langue pâle et froide ; voix éteinte ; anurie complète. Le hachisch fut administré: la réaction ne tarda pas à se produire et le malade guérit. (Union médicale, 1849.)
Dans un article de l'Union médicale de 1849, nous voyons que
d'autres médecins à Paris employèrent le hachisch et que les résul-tats obtenus ne furent pas favorables, mais ne trouvant que cette seule mention, nous ne pouvons donner aucun détail précis sur les faits observés.
Ce médicament paraît cependant avoir été administré avec avan-tage par M. Uylterhoeven, en Belgique (Bouchardat, Manuel de ma-tière méd. et de the'rap., 1864), et par M. Woillez, à l'asile deClermont (Oise), pendant l'épidémie de 1849. Ce dernier médecin rapporte que le hachisch ne lui a été d'aucune utilité pour provoquer la réac-tion, mais qu'il en a observé les bons effets contre les vomissements. « Le hachisch, dit-il, impuissant à produire la réaction, a prompte-ment diminué ou fait cesser les vomissements opiniâtres et trop promptement pour qu'il y ait eu ici simple coïncidence.)) 11 em-ployait une teinture d'extrait à la dose de 60 gouttes pour 60 gram-mes d'eau de menthe, à prendre par cuillerée à bouche toutes les heures. (Annal, médico-psych., t. 111,11e série.)
Durant l'épidémie du choléra de 1865, M. Woillez eut de nouveau recours au hachisch, à l'hôpital Cochin, et dans un travail publié en 1866, notre excellent ami le docteur Bourneville donne incidem-ment quelques-uns des résultats obtenus à l'aide de ce médicament. En analysant les observations relatées dans ce mémoire, nous trou-vons que le hachisch fut administré dans cinq cas: il y eut trois guérisons. Si, d'une part, on tient compte de cette circonstance que le médicament fut donné à des malades atteints très-gravement, cyanose, algidité, crampes, etc.; si d'autre part, on considère que, dans des cas analogues, les autres remèdes employés restaient sans résultats, on ne peut s'empêcher de reconnaître l'action salutaire du hachisch dans les faits auxquels nous venons de faire allusion. Du reste, M. Bourneville ajoute en terminant que ce médicament est celui qu'il a vu réussir le plus souvent. (Mouvement médical, 1866.)
En présence d'exemples aussi peu nombreux, il est difficile de formuler une opinion absolue sur le degré d'efficacité du hachisch dans le traitement du choléra. Seulement les quelques résultats favorables obtenus à l'aide de cette substance invitent à de nou-veaux essais et si, malheureusement, comme on nous le fait pressen-tir, le terrible fléau revient parmi nous, nous pensons qu'il serait indiqué de recourir à un médicament dont l'expérience a déjà dit quelque chose de son action bienfaisante pour combattre une mala-die contre laquelle sont venus échouer jusqu'à ce jour tous les efforts delà thérapeutique.
III. HYDROPHOBIE.
L'administration du hachisch a été conseillée pour combattre les symptômes de la rage ; nous avons trouvé deux cas dans lesquels on a eu recours à ce médicament : tous les deux se sont terminés parla mort. Le premier a été observé par le docteur 0. Shanghuessy, à Calcutta; si le hachisch n'a pu amener la guérison, il a procuré du calme et une rémission complète dans les symptômes. La mort arriva dépouillée des horreurs qui l'accompagnent ordinairement.
Le second cas, relaté par le professeur Polli, de Milan, con-cerne un homme de 58 ans, admis à l'hôpital le 12 mai 1860, et qui avait été mordu par un chien enragé un mois auparavant. Le hachisch fut administré : ce médicament provoqua une sorte de gaieté, une bonne humeur salutaire, et une heureuse confiance dans les secours de la médecine. Il fit cesser le délire, la terreur et la fureur convulsive qui s'emparent d'ordinaire des hydrophobes. Il diminua à tel point l'horible symptomatalogie de la maladie, que le docteur Polli le considère comme étant le meilleur sédatif et le meilleur palliatif de la rage que nous ayons à notre disposition. (Mouvement médical, 1870, p. 69.)
CANCER PRIMITIF DU PÉRITOINE ; INJECTION IODÉE
PAR BOURNEVILLE
Lebail.., Alexis, homme de peine, était âgé de 42 ans à son entrée à l'hôpital Saint-Louis le25 février 1869 (service de M. Proust). A part des croûtes dans les cheveux et des glandes au cou, puis une varioloïde pendant son enfance, sa santé aurait été très-bonne jus-qu'à l'âge de 27 ans, époque où il vint à Paris. Dans les premiers temps de son séjour, il eut de la nostalgie, et, pendant six mois environ, il fut sujet à la diarrhée. Il boit, le matin, un ou deux petits verres d'eau-de-vie, rarement trois, et, dans la journée, un litre et demi à deux litres de vin. Il ne se serait pas enivré depuis deux ans. Durant une partie des années 1867 et 1868, il a été sujet à des pituites. Enfin, vers 50 ans, il a eu, à trois reprises différentes, des étourdissements avec perte de connaissance pendant deux à trois minutes.
L... dit que son ventre a commencé à grossir il y a deux mois,
et cela sans la moindre douleur. Aujourd'hui, 8 mars, on constate que le ventre, à la hauteur de l'ombilic, mesure lm,02 de cir-conférence. Tous les signes de l'ascite sont évidents. Il n'y a ni œdème des pieds, ni altération des bruits du cœur, ni ictère.
15 mars. Le ventre mesure lm,06. Les veines sous-cutanées sont distendues en descendant du sein vers l'ombilic, surtout à droite. On retire, par la ponction abdominale, 8700 grammes d'un liquide clair, légèrement citrin, qui, d'après M. Ménière, est ainsi composé : eau, 465sr,6; albumine, 520 grammes; phosphate de fer,0sr,40; chlorure de sodium, 16 grammes. Le malade sort le 20 mars.
7 avril. L. . revient à l'hôpital. Le ventre mesure lm,05. Une deuxième ponction, faite le 21 avril, permet de retirer 9 litres et demi de liquide.
27 mai. Le ventre est revenu à son volume primitif. P. 72; R. 20; T. R. 57°. Troisième ponction : 9 litres. Aussitôt après: P. 68; R. 24 ; T. R. 57°, 1. L'influence de la ponction sur le pouls et la tem-pérature a été bien légère. Le 28 mai, P. 78 ; R. 21; T. R. 57°,7. — Douches en pluie.
M juin. Langue saburrale; inappétence; aigreurs; selles régu-lières, un peu diarrhéiques. Le foie ne remonte pas tout à fait jus-qu'au mamelon. Ipéca, 2 grammes. — Le 25, nous pratiquons la quatrième ponction (9 litres d'un liquide citrin, légèrement vis-queux). Avant la ponction: P 76; R. 22; T. R. 57°,4; — après: P. 78; R. 18; T. R. 57°4. —Exeat le 26 juin.
16 août. Œdème des membres inférieurs et des bourses. Cin-quième ponction ; 15 litres. Exeat le 18 août.
9 septembre. Le ventre a lm,12 de circonférence. L'œdème des membres inférieurs, des bourses, du pénis, est très-prononcé. Sixième ponction : 15 litres d'un liquide clair, limpide, plus pâle que précédemment. —L... a beaucoup maigri depuis deux mois. Cependant l'appétit est assez bon, il n'y a aucun trouble de la diges-tion, les selles sont régulières et le plus souvent diarrhéiques, non sanglantes. La percussion de la région hépatique donne une matité de 6 à 7 centimètres. Pas d'ictère. La miction est normale; les urines ne contiennent pas d'albumine. Le malade dit avoir des sueurs fréquentes depuis 7 à 8 mois. Le sommeil est bon. Le pouls est petit.
5 octobre. L'œdème des membres inférieurs a presque disparu. L... se plaint de douleurs siégeant à la partie moyenne et externe
de la cuisse gauche. Le ventre mesure lm,12 ; on voit donc que le liquide se reproduit de plus en plus vite. Septième ponction : 14 litres d'un liquide clair (eau, 705 grammes; albumine, 290 grammes; chlorure de sodium, 5 grammes; sulfate de fer, traces, — d'après M. Ménière).
8 octobre. Le malade présente une coloration rouge, érythéma-teuse des pieds et des jambes, qui, à la main, semblent glacés. Iln'y a pas, du reste, de trouble de la sensibilité. Le 15, la coloration était violacée ; le refroidissement persistait. La peau, à ce niveau, est, pour ainsi dire, indurée; l'empreinte du doigt ne s'y produit que si l'on exerce une pression assez forte. — Les veines des jambes ne sont pas dilatées.
16 octobre. Dans les premiers temps, on avait supposé, avec réserve toutefois, que l'ascite était due à une cirrhose. M. Hardy pense qu'il y a un dédoublement du premier bruit du cœur, et, sans affirmer que l'bydropisie lient à une lésion de cet organe, il croit qu'il ne s'agit pas là d'un cas de cirrhose. M. Hardy fait re-marquer en outre que le ventre a une forme en quelque sorte spé-ciale, qu'il pointe comme celui d'une femme enceinte; il n'est pas affaissé, étalé sur les côtés comme dans les ascites symptomatiques. Il inclinerait volontiers à croire à l'existence d'un kyste.
2 novembre. Après avoir retiré une partie seulement du liquide, M. Hardy injecte 200 grammes de la solution suivante :
AIcool............
Teinture d'iode.........
Solution d'iodure de potassium
250 gr. 250 — 150 —
(1 gr. pour 15.)
Aussitôt après l'opération, P. petit, à 80; T. R. 56°,9. L'injection a occasionné une douleur très-vive, que le malade compare à des co-liques; elle aurait duré environ un quart d'heure. Une demi-heure plus tard, le malade a du larmoiement, éprouve du vertige, de la pesanteur de tête; il se plaint d'une soif vive et de sécheresse de la
gorge.
Soir. A midi, à la suite de nausées, L... a vomi des glaires; il a eu chaud et a été assoupi pendant l'après-midi. Le ventre est à peine douloureux ; de temps en temps, quelques coliques. Mic-tion naturelle. P. 60; T. R. 58°,5.
5 novembre. Insomnie. Vomissement alimentaire. Langue blan-châtre, humide; soif assez vive, mais moindre qu'hier ; anorexie; ventre à peine sensible, un peu tendu. Pas de garde-robes. Le ma-
lade a uriné une fois. P. 116; T. R. 38°. Collodion sur le ventre. — Soir : P. 112; T. R. 39°,4.
4 novembre. Sommeil médiocre. Nausées ; langue humide, nette. Le ventre augmente de volume (lm,02) et parfois est le siège de quelques douleurs. Constipation. P. 114; T. R. 57°,9. —Soir: P. 112; T. R. 39°. L... a encore vomi à onze heures.
5 nov. P. 128; T. R. 58°,2. Tous les accidents attribuables à Yinjection iodée ont disparu. —Soir :?. 120 ; T. R. 39°.
Snov.V. 116; T. R. 58°. —Soir: P. 120 ; T. R. 58°,8.
1 nov. Le ventre a lm,06 de tour. Léger embarras gastrique. P. 106 ; T. R. 58°,4. La peau de laface est terreuse ; les yeux sont en-foncés dans les orbites (amaigrissement). —Soir : P. 84 ; T. R. 58°,8. Les urines, examinées à l'aide de l'acide azotique et de i'amidon, contiennent de l'iode.
8 nov. Le ventre, à peu près tout à fait indolore, mesure lm,07. P. 98 ; T. R. 38°. — Soir: P. 116; T. R. 59°,t.
9 nov. Le ventre égale lm,08. P. 96; T. R. 38°,8.— Soir: P. 118; T. R. 59°,3. Les fonctions digestives s'opèrent mieux; deux selles diarrhéiques. L'œdème des pieds et des jambes reste le même.
10 nov. Le malade a bien dormi: c'est la première fois depuis la ponction, lise lève. P. 108 ; T. R. 37°,8. — Soir : P. 110 ; T. R.38°,2. Dans les jours suivants, la température a oscillé entre 57°,6 et 38°,6; le pouls entre 96 et 112.
17 nov. L'œdème a envahi la cuisse, les bourses et la verge. Le ventre égale lra,16. Neuvième ponction : 14 litres. —Soir: P, 100; T. R. 37°,9. Cette température, ainsi que celles qui ont été notées le 27 et le 28 mai, indique bien que l'élévation thermique enregistrée le 2 novembre au soir est due à Yinjection iodée. On ne sent aucune tumeur dans la cavité abdominale. Le foie paraît peu volumineux. Les bruits du cœur semblent normaux. Le ventre mesure 64 centimètres.
23 et 24 nov. Le ventre égale 1 mètre. Voici la composition du li-quide de la dernière ponction : eau, 717 grammes; albumine, 260 grammes ; chlorure de sodium, 15 grammes; sulfate de soude, 8 grammes ; fer, traces (Ménière).
6 cléc. Le ventre mesure 98 centimètres. — Le 21 décembre, on ne trouve plus que 94 centimètres. Au palper, on sent à gauche de l'ombilic, au niveau de l'hypochondre et du flanc gauches, une sorte de plaque qui paraît confondue avec la paroi abdominale. A droite, au contraire, le ventre est souple.
27 déc.ha peau de la face a un aspect moins terreux ; les yeux sont moins excavés. L... se trouve beaucoup mieux portant ; l'appétit, les forces reviennent. Le ventre n'a plus que 90 centimètres de circon-férence.
1870. H janvier. L'aspect général est meilleur. Les fonctions di-gestives s'exécutent bien. Le ventre mesure 88 centimètres. Au pal-per, on sent une espèce de plaque irrégulière, semblant faire partie des parois abdominales, mesurant 13 centimètres environ de hau-teur, commençant au-dessous des fausses côtes gauches, où elle est peu dure et assez étroite, atteignant son maximum de largeur au ni-veau de l'ombilic; puis, à partir de là, se rétrécissant peu à peu. A droite de l'ombilic et en remontant vers le tiers interne du rebord costal droit, on dirait qu'il y a aussi quelque chose d'analogue à ce que nous avons avons décrit à gauche. Matité de la région hypo-gastrique (ascite). Le 15 janvier, exeat pour l'asile de Yincennes. — A la fin de janvier, l'état général était satisfaisant. L... se disait aussi vigoureux qu'avant sa maladie. La peau était fraîche, rosée; le ventre n'avait que 85 centimètres. L'induration en plaque que nous avons signalée persistait. — Nous avons revu cet homme, à diverses reprises, jusqu'au commencement de la guerre. Sa situation n'avait pas sensiblement changé. Le ventre restait assez volumineux ; la plaque semblait descendre de plus en plus et gagner un peu en largeur : elle s'avançait progressivement vers la ligne médiane.
1871. D'après les renseignements qui nous ont été donnés par M. Saison, L... est venu de temps à autre à l'hôpital Saint-Louis. Sa condition ne paraissait pas changer notablement. Toutefois on avait remarqué cpu'il maigrissait un peu, surtout à la face, qui redevenait terreuse. Enfin, il est rentré à l'hôpital le 7 septembre pour une pneumonie qui avait envahi tout le poumon droit et à laquelle il a succombé le 10 septembre.
Autopsie. Hépatisation rouge et grise des trois lobes du poumon droit. Un peu de congestion du poumon gauche. Rien de particulier au cœur. — Le foie présente quelques noyaux cancéreux d'un blanc jaunâtre, durs, superficiels, ayant la grosseur d'une fève ou d'un pois ; pas de calculs. — Les reins, la vessie n'offrent aucune altéra-tion. — Le péritoine qui tapisse la face interne de la paroi antérieure de l'abdomen est épaissi et très-adhérent aux enveloppes aponévro-tiques sous-jacentes, dans une grande étendue, mais surtout au voisi-nage et à gauche de la ligne médiane. Une fois détaché, soit par déchirure, soit par dissection, on constate qu'il forme une sorte de
cuirasse cancéreuse ayant, dans certaines régions (hypochondre et surtout flanc gauches) une épaisseur de 1 à 4 centimètres. Le maxi-mum de la lésion existe des fausses côtes gauches à la partie moyenne de la fosse iliaque correspondante. La rate, dont la cap-sule est altérée, se trouve englobée dans la cuirasse cancéreuse. Son tissu un peu ramolli paraît, d'ailleurs, sain. — Épanchement considérable de sérosité dans la cavité péritonéale. — Leme'sentère, les parties latérales du péritoine, quoique à un moindre degré, sont envahis par le cancer. Il en est de même des ganglions mésentéri-ques, qui sont hypertrophiés. — La muqueuse stomacale est nor-male. Au niveau de la petite courbure de l'estomac, une incision montre que le feuillet péritonéal est altéré, squirrheux et mesure près d'un centimètre d'épaisseur; les ganglions voisins sont hypertro-phiés et cancéreux.— Les intestins sont exempts de toute altération.
— La fin au prochain numéro. —
BIBLIOGRAPHIE
Anatomîe des animaux domestiques, par Frédéric Leyiî, professeur et direc-teur-adjoint de l'Ecole royale vétérinaire du Wurtemberg, à Stuttgart, tra-duit de l'allemand sur la seconde édition, par Zokdei,, vétérinaire à Mulhouse, avec additions et notes, par Saint-Yves Ménard, vétérinaire, externe des hôpi-taux de Paris.
Il y a trois ans environ, les écoles vétérinaires étaient menacées de la disparition des livres d'anatomie, parce que les ouvrages de MM. Rigot et Chauveau étaient arrivés au dernier volume de leur édition respective ; en face de cette éventualité, un éditeur courageux alla chercher de l'autre côté du Rhin un livre qui jouit dans ce pays d'une grande réputation.
Nos compliments donc à M. Asselin ; il n'a reculé devant aucun sacrifice pour que latraduction soit à la hauteur de l'original. Un vé-térinaire, connu par ses travaux du monde savant, M. Zundel (de Mulhouse), a été le traducteur fidèle del'anatomiste Leyh.
Deux qualités frappent à la lecture du livre, devenu classique dans les écoles vétérinaires allemandes.
t°Un précis d'histologie soigneusement fait, et très-propre à mettre les élèves au courant de cette science, née d'hier et dont les progrès ont été si rapides. Il faut le dire et ne pas craindre de le répéter, on néglige trop cette branche de l'anatomie générale dans les écoles, et il en résulte que l'anatomie pathologique est presque tout entière à
faire pour les maladies des animaux. Quelques jeunes chefs de service l'étudient avec soin, et nous espérons que bientôt leurs travaux vien-dront apporter à la médecine générale un appoint important. Le précis d'histologie apprendra aux élèves vétérinaires des notions devenues banales parmi les étudiants en médecine.
2° L'ouvrage du professeur de Stuttgart est remarquable par sa concision et parla netteté du langage anatomique. Peut-être même faut-il ajouter que les descriptions sont un peu brèves, pour des commençants surtout ; c'est là l'erreur des manuels. Les descrip-tions sont précises, exactes, mais pas assez détaillées, et c'est un reproche général à faire à tout l'ouvrage. En second lieu, l'ordre d'exposé, pour les muscles, par exemple, n'est pas celui qui est préférable; nous sommes convaincu que l'étude par régions aurait mieux valu.
Afin de rapprocher autant que possible l'ouvrage allemand des ouvrages français, dans le but de rendre plus claires certaines parties de l'ouvrage, M. Asselin a chargé un jeune homme détalent, ancien élève d'Alfort, aujourd'hui externe distingué des hôpitaux, M. Mé-nard, des annotations. Il s'en est très-bien acquitté, et ses connais-sances d'anatomie humaine lui ont permis de bien indiquer certains points en litige entre les anatomistes vétérinaires français ; ainsi pour le canal crural, la gaine vaginale, etc. On dit souvent : A quoi bon dans une anatomie descriptive des animaux domestiques, faire des points de comparaison? Mais cette manière devoir est tout sim-plement une erreur, et les notes de M. Ménard en sont une preuve. Si l'anatomiste de l'homme a à gagner à l'étude de l'anatomie des ani-maux, par contre l'anatomiste des animaux a beaucoup à apprendre de l'étude de l'anatomie de l'homme ; il y aurait plus de précision, plus d'entente, pour la description de certains muscles, comme ceux de la fesse, du cou, des membres, surtout chez le chien et le bœuf, pour la description de certains os, etc., si les anatomistes vétérinaires étaient plus au courant de l'anatomie de l'homme.
Nous signalerons encore une qualité du livre ; c'est la présence de planches, irréprochables au point de vue de l'exécution, et toutes dessinées sur des préparations très-bien faites ; elles ne peuvent qu'aider les élèves dans leurs études.
Nous nous résumerons ainsi : l'éditeur a donné aux vétérinaires et aux médecins qui veulent s'occuper d'anatomie comparée un ouvrage, bon comme manuel, et pouvant aplanir les difficultés de l'étude de l'organisation des animaux. F. Raymond.
TABLE DES MATIÈRES
Accouchements (Enseignement des), par Bourneville, 83 [voy. Périnée, Rétré-cissement, Utérus, Yelvite).
Adenome de la parotide, par Rosapellv, 298.
Air (Introduction de 1') dans les vei-nes, 260.
Ankykysme de la valvule mitrale avec thromboses secondaires, par Th. Si-mon 'traci, lì. Teinturier), 250.
Anus contre nature de cause traumali-que, par F. Villard, 50.
Appareils plâtrés, par L.-E. Dupuy, 40.
Arrêts de développement multiples, par
F. Villard, 164 [voy. Hémimélie). Artiiropatmes (Étude sur les) consécu-tives à quelques maladies de la moelle et du cerveau, par Bourne-ville, 9 ; — des ataxiques, par le même, 9, 52; — dans l'atrophie musculaire progressive, parle même, 67 ; — suite de lésions traumatiques de la moelle, par le même, 68; — dans les cas de compression de la moelle, 69 ; — dans le cours de la myélite primitive, 70 ; — des hémi-plégiques, 72, 120, 243 ; — leçon par Rail, 289.
Ataxie locomotrice (Observations d'), par Bourneville, 10, 15,59.
Atrophie musculaire progressive, 67. — (Obs. et réflexions suri'), par G.Pel-tier, 170. — Partielle du cerveau (obs.), par Bourneville, 73, 121.
IS
Bau,, 289. Bassereau, 251.
Bibliographie. Traité clinique et prati-que des maladies puerpérales, suites de couches, par E. Hervieux (analyse
G. Peltier), 28. — Comptes rendus des séances et Mémoires de la Société de biologie (anal. G. Peltier), 61. — Examen clinique de 596 cas de rétré-cissement du bassin, par E. Rigaud (anal. G. Peltier), 94. — Étude sur Furéthrotomie interne, par Reverdin (anal. E. Dupuy), 124. — Les eaux minérales dans le traitement des af-fections utérines , par F. Roubaud (anal. G. Bouteillier), 155. — Des différentes formes de l'ovarite aiguë, par Scaglia (anal. F. Villard), 157.— Do la transfusion du sang délibriné, par de Bélina (anal. G. Peltier), 188. — Diagnostic des manifestations se-condaires de la syphilis sur la langue, par C. Saison (anal. Bourneville), 224. — Traité de l'érysipèle épidé-mique, par Daudé (anal. G. Peltier), 255. — De l'électricité appliquée à l'art des acco; chements, par Ta-chard, 256. — Des paralysies des muscles moteurs de l'œil, par von Grsefe (anal. Thaon), 285. — Des in-jections hypodermiques de chlorhy-drate de narcéine, par P. Pétrini, 288. — Anatomie des animaux do-mestiques,par Leyb (anal. Raymond), 515.
Bourneville, 9, 19, 25, 41, 52, 67, 77, 82, 109,120, 155, 147,170, 195, 211, 222, .24, 243 , 284 , 510.
Bouteillier (G.), 155.
Calculs urinaires (D'un nouveau mode de formation des) et de leur expul-sion spontanée par l'urèthre, par Kraus, 215.
Cancer du sein chez l'homme, obs. par Thaon, 129. — Notes sur le —, par G. Peltier, 110. — Obs. par Fonta-gnères, 284. — Primitif du péritoine ; injection iodée, etc., par Bourne-ville, 510.
Cancroïde de l'oreille droite ; paralysie du muscle frontal correspondant, par E. Bassereau, 23).
Carville (C ), 60.
Chancre phagédéniquedelà fourchette, 170.
Charcot (J.), 193.
Cheveux (Accumulation de) dans l'esto-mac, par Gull, 55.
Culobal (De l'emploi du) dans le tétanos traumatique, par G. Peltier, 18. — Injections sous-cutanées de —, par Bourneville, 19.
Choléra (Traitement du ) par le hachisch,
par F. Villard,000. Conjonctive (Eschare de la), 101. Contracture hystérique: leçon de Char-
cot recueillie par Bourneville, 193. Cornillon (J.), 97, 257. Coxalgie infantile (Des effets de la) sur
la croissance ultérieure du membre,
par E. Boeckel, 96. Culot (Ch.), 1, 44, 115,142, 182.
I»
Deffaux, 106.
Diverticülum de f'intestin, 161. Dupuy (L. E.), 36, 124.
E
Eclampsie puerpérale (De la température
dans 1'), par Bourneville, 85. Egagropiles (Des), par Raymond, 33. — ^ par Gull, 55.
Épaule (Résection de 1'), par Reliquet, _ 225.
Epilepsie (Obs. d'), par Bourneville, 73.
Erysipele de la face, etc., par Bourne-ville, 176..
Essence de térébenthine, son action sur la peau,215,215.
Estomac [voy. Cheveux).
Étranglement interne produit par un diverticülum de l'intestin grêle en-tourant l'origine du côlon et. la fin de l'intestin grêle, par L. Labbé, 161.
Exostoses multiples et symétriques des os longs, par J. Cornilton et Yaltat, 97.
F
Fontagnères, 284.
Fracture multiple du tiers supérieur de l'humérus droit, résection de l'épaule, par Reliquet, 225 [voy. Genou).
Furoncles compliquant, une névralgie sciatique, 211. — Traitement des—, par Hardy, 215.
c;
Genou (Plaie du) avec fracture du con-dyle externe, tétanos ; chloral ; tem-pérature, par E. Dupuy, 36.
Goître exophthalmique, par A. de Moiit-méja, 275.
Grossesse (voy. Syphilide).
II
Hachisch (Du), histoire et critique, par F. Villard, 276 ; — dans fe choléra, par le même, 307; — dans la peste, par le même, 310 ; — dans l'hydro-phobie, 510.
Hemimélie de i'avant-bras droit, par Bournevilte etTroisier, 77 ; — de i'a-vant-bras gauche, par Leroy des Bar-res, 80 ; — de l'avant-bras droit, par Deffaux, 106.
Hémiphocomélie, par F. Villard, 164.
Hydrophobie (voy. Hachisch).
Hyperémie de la rate, 264.
I
Inflammation (voy. Os). — De la rate, 264.
Injections sous-cutanées de chloral, 19 ;
— iodées dans le péritoine, 310. Iris (Décollement de V), 101. —Kystes
de f —, par G. Peltier, 105.
K
Kraus, 215.
Kystes de la rate, par G. Peltier, 204. L
Labbé (L.), 161. Leroy des Barres, 80.
M
Médullitë aiguë, par Culot, 1, 44, 115,
142, 182. Mélanémie, 257.
Moelle des os (voy. Os). — Épinière
(voy. Arthropathies). Montméja (A. de), 65, 140, 241, 263,
275.
Myélite aiguë, 70.
N
Nerfs (Troubles trophiques consécutifs aux sections incomplètes des) par Vi-trac (anal, par Bourneville), 222.
Névralgie sciatique droite compliquée d'une éruption furonculeuse répon-dant au trajet du nerf sciatique, par Bourneville, 211.
O
Œil (Traumatisme de 1'), eschare de la conjonctive, décollement de l'iris, par Rosapelly, 101.
Oreille (voy. Cancroïde).
Os (De l'inflammation primitive aiguë de la moelle des), par Culot, 1,44, 115,142, 182. — (Structure et rôle pathologique des parties constituan-tes des), par le même, 1.
P
Paralysie du muscle frontal droit, 231.
Parotide [voy. Adénome).
Peltier (G.), 18,28, 61, 94, 105, 130,
170,188, 204, 235, 255, 264, 301. Périnée (Deuxcas de déchirure du), par
Bourneville, 135, 176. Périostite [voy. Médullite). Péritoine (Cancer du), 310. Péritonite, 25. Peste [voy. Hachisch). Psoriasis scarlatiniforme, par Thorens,
167.
Puerpérales (Maladies) [voy. Bibliogra-phie, Eclampsie, Utérus, Vulvite).
R
Rachitisme, 176.
Ramollissement cérébral ancien, attitude des membres paralysés, 243 {voy. Anévrysme).
Rate (Kystes de la), 204. — Des dégéné-rescences amyloïde et pigmentaire de la — , par G. Peltier, 233 — Hyperé-mie de la—, par le même, 264. — Inflammation de la —, par le même,
- 268. — Des ruptures de la —, par le même, 301.
Raymond (F.), 136,315.
Reliquet, 225.
Résection {voy. Épaule).
Rétrécissement du bassin, 94, 136. — De l'urèthre, 124, 148.
Rosapelly, 101, 296.
Rupture {voy. Rate, Utérus).
Sacs lacrymaux (Tumeurs des), 263. Sarcome ganglionnaire primitif, par J
Cornillon, 257. Sclérose des cordons postérieurs {voy.
Ataxie locomotrice). Splénite aiguë, 269. — Chronique, 273. Syphilide papuleuse plate, modifiée par
la grossesse, par A. de Montméja,
65.
Syphilis, 176.
T
Teinturier (E.),250. Tétanos {voy. Chloral). — Température dans le—, par Bourneville, 19, 41.
— parL. E. Dupuy, 36. Thaon, 129, 285. Thorens, 167.
Température dans le tétanos, 19, 36,41 ;
— dans l'éclampsie puerpérale, 85, 147; —dans l'urémie, 109, 147.— dans l'érysipèle, 176.
Traumatisme {voy. Œil, Tétanos).
Tumeur fibro-plastique de la région oc-cipitale, par A. de Montméja, 140; — de la ci lisse, par le même, 2 il ; — des sacs lacrymaux, par le même, 263; —de la parotide, par Rosapelly, 296.
G
Urémie (De la température dans 1'), par
Bourneville, 109, 147. Utérus (Exemple de rupture de 1'),
par Bourneville, 25, 82.
V
Valtat, 97.
Valvule mitrale (Anévrysme delà), 250. Villard (F.), 50, 157, 164, 276, 306. Vitrac, 222.
Vul-vite puerpérale, 136, 176.
CLASSEMENT DES PHOTOGRAPHIES
Planche I. Arthropathie du gencr»
chez une ataxique (lésions ana-tomiques).......... 11
Planche il Arthropathie du genou chez une alaxique (lésions des os)............. 13
Planche III. Arthropathie de l'é-paule chez une alaxique (lé-sions osseuses)........ 17
Planche IV. Égagropile chez un chat............ 33
Planche V. Tracés thermométri-ques (tétanos)........ 43
Planche VI. Anus contre nature. 51
Planche VII. Syphilidc..... 65
Planche VIII. Arthropathie chez une hémiplégique...... 74
Planche IX. Hémimélie de l'avant-bras droit.......... 78
Planche X. Hémimélie, etc. (sque-lette) ............ 79
Planche XI. Hémimélie de l'avant-bras gauche......... SI
Planche XII. Exosloses multiples et symétriques (fémur, tibia). 97
Planche XIII. Exostoses, etc. (hu-mérus, radius, cubitus). . . 98
Planche XIV. Décollement et kyste de l'iris.......... . 102
Planche XV. Hémimélie de l'avant-bras droit......... . 107
Planche XVI. Hémiplégie consé-cutive à l'atrophie cérébrale (attitude)..........122
Planche XVII. Cancer du sein chez l'homme..........129
Planche XVIII. Rachitisme, n° 1. 136
Planche XIX. Rachitisme, m 2, , 137
Planche XX. Tumeur fibro-plasti-que.............141
Planche XXI. Ectromélie, phoco-mélie............165
Planche XXII. Psoriasis scarlati-niforme........... 108
Planche XXIII. Atrophie muscu-laire progressive.......172
Planche XXIV. Tracés thermomé-triques...........180
Planche XXY. Contracture hysté-rique............193
Planche XXVI. Contracture, etc. 197
Planche XXVII. Résection de l'é-paule, n° 1.........225
Planche XXVIII. Résection, etc., n° 2............229
Planche XXIX. Cancroïdc de l'o-reille droite.........251
Planche XXX. Paralysie du muscle frontal droit.........'¿52
Planche XXXI. Tumeur fibro-plas-tique............2il
Planche XXXII. Hémiplégie an-cienne (altitude).......2iG
Planche XXXIII. Sarcome gan-glionnaire primitif......257
Planche XXXIV. Tumeurs des sacs lacrymaux..........'¿03
Planche XXXV. Goitre exophlhal-mique............275
Planche XXXVI. Arlbropalhie de l'épaule...........289
Planche XXXVII. Adénome de la parotide (avant l'opération). . 297
Planche XXXVIII. Adénome, etc. (après l'opération)......-99
Le Gérant : a. de montmkja.
TAIIIS. — LMP. SIMON RAÇON ET COMP., RUE D'ERFUi.TH, 1.